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Saint Bernard. Oeuvres Complètes (Charpentier Trad.) - 1865. Volume 5.

Oeuvres complètes de Saint Bernard : traduction nouvelle (1865) Author: Bernard, of Clairvaux, Saint, 1090 or 91-1153 Volumes: 7 Publisher: Paris : Vivès Language: English Call number: ALF-8280 Digitizing sponsor: University of Toronto Book contributor: PIMS - University of Toronto Collection: pimslibrary; toronto Notes: Tight margins. Tight binding. Text runs into the gutter at times.
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© Attribution Non-Commercial (BY-NC)
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
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Oeuvres complètes de Saint Bernard : traduction nouvelle (1865) Author: Bernard, of Clairvaux, Saint, 1090 or 91-1153 Volumes: 7 Publisher: Paris : Vivès Language: English Call number: ALF-8280 Digitizing sponsor: University of Toronto Book contributor: PIMS - University of Toronto Collection: pimslibrary; toronto Notes: Tight margins. Tight binding. Text runs into the gutter at times.
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(^airn^-d ^'. S'/t'-- &ttc^

(EUVRES GOMFLETES

DE

SAINT BERNARD
P^RIGUEUX. — IMPRIMERIE BOCCHARIF. ET C».
(EUVRES COMPLETES
DE

SAINT BERNARD
TRADUCTION NOUVELLE

PAR M. L'ABBE P. DION

y
TOME CINQUIEiME 6

PARIS
LIBRAIRIE DE LOUIS VIVES, EDITEUIl
RUE DELAiMBRE, 9

1867
»

II PREFACE DES IJL.NEDItTINS.

Ripatoire, Gillebert, jadis Abbe de Hoilandie, qui fit des sermons sur leCantique des Can-
tiques h la maniere de saint Bernard. » A ces sermons sont ajoules quelques traitesetquel-
ques lettres du meme auteur Jean : Pitsee, en son livre desecrivainsillustres d'Angleterre,
a indiqiie tons ces ecrits avec d'autres commentaires du meme Gillebert sur le Psautier,
sur saint Mathieu, sur les epitres de saint Paul, etc.; il lui attribue en ce lieu, apres Gesner,
un livre de la vie de saint Bernard. Get ouvrage n'est peut-elre que celui de Guillaume de
Th^oderic sur le meme
Voyez d'autres
sujet. details sur Gillebert dans Sixte de Sienne et

dans Manrique a I'annee mclxui, chapitre m.


IV. Dans ces sermons de Gillebert, il se trouve plusieurs passages qui meritent d'etre
lus et remarques pour I'edification qu'on en pent retirer, passages utiles, non-seulement
aux moines, mais encore aux ecclesiastiques. Coutre ceux qui donuent plus a la lecture
qu'a la priere, il y a une remarquable sortie, dans le sermon vn, num. 2. II apprend com-
ment doivent etre les discours des predicateurs au sermon xvi, n. 23. Le sermon suivant
montre que le premier venu ne doit pas briguer la charge de precher. Au sermon xxvi,
n. 2, il blame, avec energie, les predicateurs qui recherchent les applaudissements et la
gloire. II leur donne, au meme endroit, un utile avertissement, afin qu'ils proportionnent

leurs paroles a I'intelligence et a I'utilite des audileurs. Au meme


en- sujet se rapportent
core le sermon xxxi, n. 4, et le sermon xxxvi, n. 5. II fait voir un admirable exemple de
la vie religieuse dans le sermon xxni. Dans le sermon xlv, n. 8 sont tres-bien repriman- ,

des les prelats livres, plus qu'il ne faut, aux soins et aux atfaires temporelles. De plus, le
soin d'ecrire est recommande aux moines dans le sermon XLvn, mais on ajoute neanmoins
que la permission de le faire ne doit pas etre accordee au premier venu. Du reste, le titre
de Iheologien, que les modernes accordent a Gillebert, est justifie par plusieurs passages
de ses discours, tels sont ceux qui concernent le libre arbitre, au sermon xxxix le tres- ;

saint sacrement de I'Eucharistie, au sermon vn, n. 8. Le zele ardent et pur de son ame
eclate dans le sermon xxx, ou il ne craint pasde reprimanderlepape Alexandre III. Enfin,
ses traites et ses lettres ne sont pas de moindre importance I'index place ci-apres en don-:

nera la nomenclature.
V. Quant aux opuscules qui viennent apres, il n'est pas necessaire d'en parler plus au long
en ce lieu, puisqu'en tete de chacun sont mis desavertissements qui peuvent remplacer une
preface plus etendue. II en est un, celui des quatre sermons sur I'antienne « Salve Regina,
que nous avons enleve a saint Bernard. Ces sermons sont attribues a Bernard, archeveque
de Tolede par Claude de la Roue, dans ses notes sur le faux Luitprand, p. 451, ou I'auteur
de la paraphrase de ladite antienne est appele Pierre de Compostelle. Guillaume Durand
I'avait devance dans ce sentiment en son Rational L. iv. C. xxn. Pierre de Compostelle
d6veloppa cette antienne a Salve Regina misericordia, » le mot mater y est omis, comme
il Test dans les sermons sus-indiques. On trouve plusieurs autres details relativement a

cette antienne dans les notes placees a cote de ces sermons.


VI. Une autre et derniere observation a faire, c'est que cette longue priere ou aspiration
adressee a la sainte Vierge,qui est a la colonne 187, est de I'abbe Ekkebert, comme I'atteste
c^ et la Richard de saint Laurent qui ecrivait il y a plus de quatre cents ans. Get auteur,
entirant des citations de cette priere, I'attribue a Ekkebert, comme Theophile Raynaud I'a
deja fait remarquer dans son Abeille Gauloise. C'est cet Ekkebert, abbe de Schonaugie,
dont les sermons contre les Catarrhes se trouvent au tome xn de la Bibliotheque des Peres ,

Edition de Cologne. Voila le pen que je voulais vous dire, lecteur : poursuivez et lisez.
;

GILLEBERT DE HOILANDIE
ABBE DE L'ORDRE DE CITEAUX.

SERMONS SUR LE GANTIQUE DE SALOMON


A PARTIR DE L'EXDROIT OU SAIXT BER>ARD S.UIRETA, PREVENU PAR LA MORT.

SERMON PREMIER. manque ni de Uaison ni de raison. Ces paroles, si


brusquement changees, ont de I'enchainement, car
Durant les nuits, fat cherche dans mon petit lit celui
ellesexpriment lordre qui regne dans les senti-
que j'aime (Cant, in, li).
ments. Voyez quel est le ill continu que Ton re-
1. Diverses sont les affections de ceiix qui aiment, trouve en cette variete. L'epoux fuyant sur les mon-
Les
sentiments parce que diverses sont les circonstances. Aussi les tagnes s"etait derobe aux embrassements de sa
yaries
de ceui qui paroles de I'epouse paraissent parfois interrom- bien-aimee, semblable a un faon errant et rapide,
iioient ne
pues, selou qu'elle jouit, « de son bien-aime suivant et I'epoiise etait retomhee sur elle-meme des cimes
iennent pas
compte de sesdesirs, » ou que, contre son gre, elle est privee de ces montagnes sur lesquelles elle se trouvait
lenchaine-
ment de sa presence. Tantot elle I'invite a revenir sur les merveilleusement illuminee et dehcieusement eclai-
do discoars.
montagnes; tantot, lorsqu'il a pris la fuite, elle ree par la vision de celui qu'elle clierissait ; de ces
le cherche dans son petit lit. Quelle suite de raison- monts lumineux, dis-je, elle etait retombee dans la
neraents trouverez-vous en ce lieu? Quel enchaine- vallee des larmes, sur le lit de la douleur, sur ce lit

ment v decouvrn? 11 n'y a pas la de suite d'evolution et au milieu de la nuil. Pourquoi done chiite-t-elle
naturelle, c'est une interruption sensible. Les vojux ainsi quand son bien-aime se retire de cette sorte?
de Tamour ne sont pas uniformes ; aussi son Ian- C'est quil est le salut et la lumiere de son epouse.
gage L'ame qui en est blessee park et
n'est pas he. Quand il se retire, elle s'affaisse de rechef sur le ht
s'interrompt, parce qu'elle ne reste pas dans le de son inlirmite et elle retombe dans la nuit de
meme etat. Lepoux, lui aussi, est justement com- son ignorance. La voila sur la couche de sa fai-
pare au faon, fuyant I'epouse conime cet animal blesse. Elle y a cependant souvenir de I'epoux, et
agile, et la trompant par ses bonds. Cette variete ne ce n'est plus au matin, mais au milieu de la nuit

consequentiae seriem? Qnm docebitur ordinis ratio?


GILLEBERTI DE HOILAXDIA Non videtur ratio, sod
formia non sunt. Ideo sermo
intcrruptio.
serie
Vota amoris uni-
non tenctur. Affec-
ABBATIS ORDINIS CISTERCIEXSIS. tus in amorc loquitur, et verlxi intcrrunipif : quia nee
ipse sibi semper in uno statu coh*ret. Jure et ipse
SERMONES IN CANTIGUM SALOMONIS sponsus hinnulo comparatur, sic fallens, et sic fugiens
dilectam. Varietas haec nee consequentia, nee ratione
AB EO LOCO, CBI S. BERNARDUS MORTE PR.«VENTIS
caret. Verba tarn subito commutala continuationem ser-
DESUT. vant, dum afTectuum ordini serviunt. Videte jam quae
sit in hac varietate series continualionis. Elapsus erat
dilectae suae super monies, quasi hinnulus vagus et
SERMO I.
voiitans et ipsa ad se rclapsa
: de montibus illis in
In lectulo meo per nodes qu<psivi quern dihgit anima quibus mirabiliter illuminata erat, et illustrata visione
dilecti; de montibus, mquam, illis ad convallem lacry-
mea. (Cant, ui, 4.)
marura, ad lectum doloris relapsa, ad Icctum et ad noc-
1. Yarii sunt amantium alTectus, quia casus varii. Ideo tem de muntibus luminosis. Quidni sic recidat ipsa, ubi
sponsae verba aliquoties interrupta videntur, sicut ipsa sic recedit dileclus suns? ipse cnim sponsae. sus salu&
dileclo suo vel ex voto fruitur, vel praefer votum frau- et illuminatio. Ideo recedcntc ipso, ilia recidit ad lectu-
datur. Nunc ut super monies revertatur invitat lum inlirmitalis, ct ignorantiae noctem. Jam versatur
nunc in lectulo quacrit elapsum. Quam hie assignabis super stratum infipmilafis su.f. Super bunr t.imon slra-

BO
.Ffc
J.ADBt: (JlLLLIiKUT.

qu'elle peiise ;i lui et qu'elle chf;rtlie celui que son fut suspendu en elle le flux de sang, le Uux de la de-
i\me ch^rit. Elle n'est nullement iiaresseuse dans lectation charnelle, de la jouissance et de lapreoc-

ce lit ou elle est rotonibee. VAhi ne Ibl'itre pas, elle cui)ation de la chair; ce qui etait Iluide fut arreb-

ue se delecfe pas dans le lit de la concupiscence, et desseche, et lout cet heureux effet fut produit
mais itlutot elle lutte, ne se souvenanl que de son parce que son doigt atteignit une frange. Que iut-il
bien-ainie blessee non par la faiLlesse mais par
;
done advenu si elle avail eu le bonheur d'embras-
la cliante. (ju'ainsil'entende qui le verra de la sorte. ser la tele du Sauveur? Non-seulement le flux de
Pourlaiit, je n'entends point jiarler ici d'un lit de sang eiit cesse I'i se fill desseche, mais encore eut
douli'ur, a nioins qu'il ne s'agisse de cette douleur coule en elle ce fleuvc impetueux el rapide dont les
que Taniour produit k cause de I'absence de I'epoux : ondes rejouissenl la cite de Dieu. 11 est bon de
elle parait vouluir gouter des delices plutut qu'etre toucher, mais saisir est preferable. Jesus se touche
gueric, ct avoir cherche son ami de preierence au avec peine dans la foulc el en public. Anssi I'epouse
inedecin. Vous pouvez continuer en poursuivant qui desire non-se\ilemenl loucher, mais encore em-
cette interpretation. Des niontagnes, I'epoux s'etait brasser el etreindro le verbe de vie, evitant le pu-
rapidenient transporle au lit, ou, iatiguee et cedant blic, choisit le secret, le secret de son petit lit et de
ii I'exces de sesjouissances, I'epouse sest endorniie, la nuit. C'est chose bonne de chercher ou de tenir Comment
il faut
epuisee entre les einbrassenients de son bien-aiuie. Jesus, mais pour y bien reussir, il taut prendre et
chercher
Transportee, elle a dormi son doux soiuineil ; mais le lieu et le temps oppoiiuns. Et quand il s'agit J^sns.

a sou reveil, cette femme de delices ne I'a plus d'amour, quoi de meilleurquelesfacilitcs qu'offrent
Irouve sous ses mains. Passant done sous silence le lit etla nuit? La delectation de la sagesse ne peul-
ces joies ineffables, elle eclate enfin en ces mots : etre recherchee que lorsque I'esprit est tranquille ;

« Durant les nuits j'ai cbercbe dans mou lit celui le regard trouble n'arrive pas jusqu'a elle. Rien
qu'aime mon ame. » [Cant, ni.) Que ceci sufGse pour de souille ne I'atteinl ni rien d'agite. La sagesse
permettre de continuer facilement. d'ordinaire court d'elle-meme vers I'ame calme et
2. Considerous chaquc parole en particulier. pure et lui fait sentir gratuitement ses influences.
« Dans mon lit pendant les nuits j'ai cherche celui Sonsejour en elfet est dans la paix et sa demeuredans
qu'aime mon ame. » tendre Jesus, il est bou de Sion, c'est-a-dire, dans la contemplation. La paix
Combien il
^'^^^ tliercher, mais il est bien plus doux de vous est mise avant et au-dessus de tout, comme une
est fructueux trouver et de vous tenir. L'un est un pieux travail, preparation a la contemplation. L'ceil trouble par
d6 chcrcht^r .

et.de trouver I'autre une joie parfaite. Vous saisir est chose la colere ou agite par les soucis, comment verra-
Jiaus.
douce, car on ne vous touche pas sans en rctirer t-il cette lumiere inaccessible que les esprits cal-
du fruit. La femme dont parle I'evangile, [Mallh. mes seuls apercoivent, et encore non toutes les
jx, 20.) par une heureuse fraude, porta la main fois qu'ils le voudraient. Quel rapport, direz-vous,
sur la frange du vetemcnt de Jesus, ct aussitot entre la paix et le lit? Un Ires-grand, car ainsi que

turn menioratur dilecti ; et jam non hi matutinis, sed et statim stetit in ilia fluxus sanguinis, flnxus carnalis
in node mcditatur in ipso, quaerens quern diligii anima illecebra^, carnalis delcdationis ct curae; et restrida ct
sua. Non pigre agit in hoc lecto ad quern rclnpsa est. desiccata sunt qua? prius in ilia fluida erant, et totum
Non lascivit, non dclectatur in lecto concupiscentiae : hoc contigit ex contadu (imbri*. Quid si caput ipsum
sed magis rehiclatur mcniorata dilecli solius non ob- : amplexari contigisset? Non modo starct et exsiccaretur
noxia inrnniitati, sed caritaM. Sic intei-pretetnr cui sic sanguinis fluxus, sed emanaret impetus lluminis illius,
vidctur. Ego tamcn non liic accipio ledum doloris, nisi quod laetificut ci\itatcm Dei. Bonus ergo tactus, sed at-
forte doloris illius, quern amor partuiit dc abspntc spon- tredatio melior. lu turba, in publico vLx fangitur Jesus.
so : deliciai'i quam simari, el ami-
videtur vclle magis Ideo sponsa quae non tantum tangere, sed amplexari et
cum non modicum. Juxta hunc sensum sic
quaesisse, attrectare verbuni vilae desiderat, devitans publicum,
continuare potcs. Dc montibus se raptim contnleral ad secrdum elegit, secretum et lectuli et noctis. Bonum
lectulum sponsap, ubi ilia cxercitata, et deficicns uber- opus vcl qucTrere Jesum, vel tenere sed opportunitas, :

tate delcdationis obdormivit, exhausta inter amploxus et loci et temporis huic adhibenda est operi. Et quje
dilecti. Oblcctata obdormivit somnum dulccm, sed ex- major et accommodatior ad usum amoris, quam lectuli
pei^efacla non invenit ilium hipc niulier deliciarum in et noctis opportunitas? Nisi quieta mentequaeri non
po-
manibus Gaudia itaquc ilia gaudia ineffabilia si-
suis. test delectatio sapientiae, nee intranquillus in illam as-
banc tandem vocem erupit In lec-
lentio transiens, in : pectus dirigilur. Nihil inquinatum incurrit in illam, nee
tulo meo per nodes qute.iivi quern diligit anima mea. impacatum quidem. Ilia vcro in animum quietum et pu-
Pro continuatione nunc ista sufficiunt. rum ultro incurrere sold, et gratis innuere. In pace
.

2. Jam
verba singula consideremus. In leciulo meo enim locus ejus, et habitatio ejus in Sion : hoc est in
per nodes qun-sivi quern diligit anima mea. Dulce satis speculatione. Pax pra^ponitur quasi praeparatio quEedam
est te, bone Jcsu, quaerere, dulcius tenere. In uno speculationis. Oculus turbatus vel ira, vel cura, quo-
pius labor, in altero perfecta la^titia. Dulcis utique est modo lucem illam inaccessibi'em intucbifur, qua; nisi
attredatio tui : nam et ipse tactus frudu non caret. serenis non attingitur mentibus, nee illis famen semper
Mulier ilia evangelica felici furto attigit fimbriam Jesu, ad libitum? Quid, inquies, paci ad lectulum? Multum
SERMONS SUR LE CAMIQUE UES CAYriQUES.
dans un lit, ua dort et on se repose dans la paix. le repos, la liberie, le plaisir. C'est dans le lit que
« Dans la paix, c'est-a-dire en lui «je dormiraietme s'enllamment davantage les desirs developpes par
reposerai. (Pi'fl/m.iv, 9.) Pourquoiramesainte ne se le repos et le loisir. Unlieu propre aux jouissances

reposerait-elle pas dans le lieu oil se rencontre son dela charite excite davantage I'epouse a chercber le
bien-aime? Sa place est dans la pais {Psalm, lxxv. bien-aime. Ellele trouve plus a dire la oil elle pouvait
3.) C'est pourquoi mettez-vousd'abord en possession plus largement jouir de lui. « Dans mon lit » dit-
de cette place, dans laquelle, ou bien vous saisirez elle, et « pendant les nuits. » Qui chercbe dans la
revenu, ou vous chercherez echappe, celui qu'aime nuit, me paraitne pas tantvouloir les regards que les
votre ame. Dans le lit, en efiet, et dans le secret repos embrassements. Elle desire plus d'etre etreinte que
de Tame, on pent le poursuivre plus librement, le de voir. Ronne est la vue, meilleurel'union.Carqui
trouvev plus promptement et le tenirplus siiremcnt s'attacbe au Seigneur devient un meme esprit avec
peut-etre aussi et plus longuement, si pourtant on lui. (ii Cor. VI. 17.) II est bon pourtant que les deux
peut s'arreter longtemps en ces delices, qui, le plus nesoient pas separees.Reuniesellesse comblent reci-
souvent, ont coutume d'etre arretees des leur com- proquementd'un surcroitdegraces. Sivousnepensez
mencement. Car I'epouse, comme s'echappant au pas les obtenir ala fois, recherchez ce que I'epouse
milieu des etreintes, et poursuivant des plaisirs qui poursuit, courezapres les embrassements de I'epoux.
s'enfuient, clierche de nouveau son bien-aime avec Lanuitde votre ignorance, disonsmieux, les nuitsde
plus d'anxiete, et le chercbe dans son petit lit. Vous vos ignorances vous enlevent la vision sereine des
etes bien place dans le lit, si par une sorte de repos secrets du Cherchez ces realites suaves, Tacbez
ciel.

votre ame est librement delivree des occupations. de vous ne pouvez les comprendre. La
les sentir, si

La liberie et le loisir, qu'y a-t-il de plus convenable nuit n'est pas I'ennemie des delices, car plus d'une
a I'amour? La liberie produit le plaisir. Dans le fois elle en est illuminee. « La nuit, dit le Psal-

repos I'aftection se developpe et on se livi'e a elle miste, est ma lumiere dans mes delices. » {Psalm.
sans reserve. U en est ainsi, plus I'esprit sera de- cxxxviii.ll.) Dans mes delices, dit-il, etnon dans mes
gage, plus il se portera vers ce qu'il airae. L'usage sciences. Aussi, si vous ne pouvez eclairer la nuit de
montre que lorsque nous rentrons duns le calme, science, efforcez-vous de I'illuminer de delices. Tout
nous sentons plus vivement la blessure de I'amour ce que nous voyons ici-bas dans un miroir et par
divin. Au contraire, les soucis frequents du monde enigme est entierement dans la nuit, et dans cette
rendent cette affection presqu'insensible et etendent nuit, mon Jesus peut etre mieux suavement senti
sur Ykme comme une peau ou enveloppe pesante. par une douce tendresse qu'etre vu dans une
Le souci replie I'ame sur elle-meme, le repos la de- claire vision, C'est pourquoi, si Fame n'est pas ad-
veloppe. Les desirs excites, a quelles limites, pensez- mise a le considerer, elle s'efforce de le toucher,
vous, peuvent-ils atleindre.^ cherchant son bien-aime dans son lit et durant les

3. Voila combien de jouissauces renferme le lit : nuits.

plane secundum huncmodum, quod sicut inlectulo,sicin libertas, illecebra. In enim quietis et vacuitatis
lectulo
pace dormitur et quiescitur. In pace, inquit, in idipsum vota magis accommodatus oblecta-
inardescunt. Locus
dormiam et requiescam. Quidni iibenter requiescat anima mento caritatis sponsam ad quaerendum urgetardentius.
sancta, ubi locus est dilecti? In pace enim locus ejus. Illic enim ;pgrius caret dilectio, ubi poterat uberius
Ideo hunc tibi locum prime acquire, ut in co quem di- frui. //( meo, ct per noctes. Quae pernoc-
lectulo, inquit,
ligit anima tua vcl ad lapsum teneas, vel elapsum re- tes qua^rit, non videtur mihi tarn aspectus quam am-
quiras. In lectulo enim ct secreta quadam mentis quiete plexus sectari. Tenere magis optat quam intucri. Bona
potest investigari liberius, inveniri citius, et tutius te- quidem visio est, sed adha'sio arctior. Nam qui adhae-
neri; forte et diullus, si tamen potest diulius morari in ret Domino, unus est spiritus. Melior tamen utraque.
deliciis illis quae fere solcnt in ipsis intcrcidi principiis. Nam conjunctas vicissim incrementis se cumulant gra-
Nam ct liaec vclut inter ipsos clapsa amplexus, et fu- tiarum. IJtramque si te .ipprehcnsurum non arbitraris,
gientes insectans delicias, dilcctum rursus anxius qua>- soclare tu quod sponsa sccfatur. .\mplexus quapre di-
rit, et hoc in lectulo. Bene collocai'is in lectulo, si otio lecti. Ignorantiac tua" nox, imo nodes ignorantiarum
quodam ab occupalioniljus mens tua liberc feriatur. Li- tuarum, seronani tibi visionem adimit secretoruni coe-
bertate ct olio quid accommodalius ad usuui amoris? leslium. Tu suavia sequerc. Qua-re ut perscntias ilia, si
Et libertas illecebram parit. In otio ct expeditur afTcc- scire non potcs. Nox non praescribit deliciis, nam et
lus, ct nnn paium impcnditnr illi. Sic est. Quanto fuc- ipsis aliquoties illuslratur. Nox inquit, illuminatio mea
rit expedilioi' animus, lanfo quidem impcnsior crit in in deliciis mnis. In deliciis, ait, non in scicntiis. Ifa et

illud quod amat. Usu evenit ut cum fucrinius otio rcd- tu noctem non potcs scienliis, pcrlenta illuminarc de-
si

diti, tunc scntiamus acriorem morsum amoris divini. liciis. Quicqtud hie videmus per speculum el in a?nig-

E contra inscnsibiicm paine rcddit alTectum frequcns cirra mate, totum in noctc est. Et in hac nocfc potest Jesus
mundi, et quasi calliun qucmdam mcnti obducit. Ani- mens magis dulci quodam alTectu suaviter senliri, quam
nium cura iuiplical, quies cxplicat. Expllcita dcsideria sciri ad puriim. Ideo etsi nondum ad contuitum ad-
in qua) putas iucrementa se dilatant? mittitur conta<tum tamen scctatur, dileclum in lectulo,
3. Vides quanta bona contineantur in lectulo? Quies, et per noctcs quarens.
,

f> I, .Xlibt (.lLLi:iU:UT. .

U. Mais tiu<ji done, la imit aide-t-elle a trouver le m'entoure-l-il, comment a-t-il ravi i lui mon atfec-
bien-aiun'? Oui, elle y aide et d"unc maniere assez tion ! dans quelle claire lumiere devant les yeux de
favorable. De in^me que par lit vouseiitendez le loi- mon esprit, brillent avectanl d'importunite ces ob-

sir d'uri saint ropos, de ni('nie par imit comprencz jets, sources de trouble et pleiiis d'impuretel On ne
line espc'ccd'oubli.L'unet rautreoffrentuiie grande pent fuir nulle part, nuUe part se cacber, pas de re-
i'acilite pour vaquer a la sagesse el a la contempla- Irailes assez sures.Partoul s'elevent ainsi dans la
tion. Salomon veut que vous ecriviez sur la sagesse pensee loutes ces idees qui troublent ou souillent
dans le moment de latranquillite. {Eccl. xxxviii. 25) I'esprit, soit qu'on s'y arrete avec attention, soil

saint Paul ne s'elance vers ce qui est devout lui qu'on les effleure Car encore que I'es-
legerement.
qu'apres avoir oublie tout ce qu'il laisse en arriere. prit les repousse par une resolution energique, 11
(P/iil. Ill 13.) Vous etes surpris que la nuit soit est neanmoins souille par le contact seul de ces
bonne et le jourmauvais? « Seigneur, » dit le Pro- pensees qui se precipitaient en lui.))Quitoucbera la
Le jour phete, « je n'ai pas desire le jour de I'homme. w poix, en restera tacbe, » [Eccl. xiii. 1.) Eufin, selon
du Sei^'neur
et le joiir [Jerem. xvn. 16.) Je ne sais comment luttententr'eux que I'apprend la loi, toucher meme legerement cer-
de riioniroc
0 voDt nas
el s'obscurcissent I'un I'autre le jour du Seigneur taines cboses sufiit pour rendre impur. Ces pensees
ensemble. etlejourdc I'bomme, mais quand I'un s'eleve, ne sont pas imputoes quand elles entrent comme
I'aulre disparait. « Je n'ai point dcsii'c le jour do par force, elles no produisent pas de pecbe; elles ne
I'bomme, » c'est-a-dii'e, la favour bumaine, la gloire laissenl pas neanmoins que de porter une certaine
des bommes et je u'ai pas eprouve Tambilion d'etre atteinte a la purete que I'ame desire. Mais que dire
remarque parmi les autres et de m'elever au-dessus loi'sque ce sont desimages corporelles qui s'offrenl
d'eux. C'est avec raison que le propbete detesle ce a en contemplation? Elles ne provoquent
I'esprit
jour qui produit le trouble. Cette nuit est done pre- peut-etre pas I'appetit cbarnel, mais elles empe-
ferable au jour; la nuit eloigne du bruit, le jour cbent le regard spirituel de I'ame. Les uns trou-
y expose. Enfin, nos ])reraicrs parents, {Gen. in, 8) blent, les autres souillent, les autres font obstacle
aussitot que leurs yeux furent ouverts a cette lu- c'est-a-dire, dechivent, allecbent et illusionnent. Ne
miere, elaient couverls de confusion et de bonte. vaudrait-il pas mieux que tons ces maux fusseut
Avec quel plus grand bonbeur ils tinrent d'abord dans I'obscurite, pliitot qu'en lumiere, converts d'uu
les yeux fermes et enveloppes d'une meilleure nuit, epaix nuage d'oubli, plutut que rappeles dans la
ne connaissant point les aftraits brulants du pecbe ! memoii-e?
C'est de la que lira son origine ce jour detestable, 5. Bonne est douc la nuit, elle cache dans un Bonne
qui devoila du pecbe, d6couvrit les appa-
les sentiers prudent oubli toutes les cboses du temps, elle donne est la nuit qu.

rences encbanteresses, et montra ii I'ceil de la con- du loisir pour cbei'cber celui qui est eternel et en vue du mont
cupiscence cette triste maliere, qui I'excite et I'en- multiplie les occasions, elle ensevelit la concupis- ^'^u'^tempT
tlamme. Malheureux que je suis! comment cejour cence, les soucis et les pensees du monde. C'est la

4. Quid si ad inventionem dilecti et nox operatur? se abripuit ! quam claro versantur in lumine ante mentis
Cooperatur plane, et accommodate satis. Sicut in lec- oculos, et qnidem satis importune impacata simul et im-
tulo sanctiE qiiietis accipis otiuni, sic oblivioncm quam- pudica ! Nusquam fere declinandi, nusqiiam delitescendi
dam intellige in nocte. Utrumque sapientiae etcontem- copia ; nulls satis tutae sunt latebrie. Ita ubique erum-
plationis negotio opportunitatcm ministiat. Nee Salomon punt et emergunt
in cogitatum cuncta qua; spiritum vel
vult tc scribere sapientiam, nisi in tempore otii : nee turbent deturpcnt, sive diligenter atfrectata, sivc
vel
Paulus in anteriora extenditur, nisi prius corum qua; tacta leviter. Licet enim animus castigatiore repellat
retro sunt oblitus. Miraris quod bona nox, et dies malus ilia proposito, solo tamen irruentium cogitationum sor-
est? Diem hominis, inquit Propheta, non concupivt. Nes- didatur altractu. Qui tetigerit piceyn, inquinabitvr ah ilia.
cio quo pacto sibi adversantur, ct altcrutro sc obscurant Denique secundum legis scita quarumdam rerum tenuis
dies Domini, et dies liominis. Siquidem dum alter exo- etiam inquinat attactus. Non imputantur cum violenter
litur, alter rcconditur. Dioni, inquit, hominis' non concu- importantur, culpam non inferunt tales cogitatus; ali-
oivi, hoc est, luimanum favoreni, tiominum gloriam; et quam tamen injuriam irrogant afTectatae munditiae. Quid
inter reliquos, immo prae reliquis spectabilis videri. cum se contemplanti animo corporcce offendunt imagi-
Uecte banc diem Proplieta abjurat, quae pertuibationis nes? Forte carnalem appetitum non provocant; sed ta-
ministrat materiam. Melior ergo h;rc nox die siquidem : men spiritualem tardant intuitum. Alia turbant, alia de-
nox a perturbatione abscondit, dies cxponit. Denique turpant, alia tardant, hoc est lacerant alliciunt, illudunt.
primi parentcs nostri statim ut corum oculi in banc aperti
Nonne melius * hujusmodi omnia obscurari quam illus-
sunt lucem, erubescentes confundcbantur. Quanto feli-
trari, caeca oblivionis involvi caligine, quam memoriter esset.
cius clausa prius tenuere himina et meliori cooperta,
recenseri ?
nocte, pcccati pruriginem nescientes Abinde sumpsit !
3. Bona ergo nox, quae prudenti obUvione dissimulat
Iiic malus dies origincm, qui vitiorum
dcnudavit semi- omnia tcmporalia, ad ilium qui aeternus est quaerendum
las, illicientcs species dcmonstravit, oculo concupiscen- tempus expediens, et explicans occasiones quae mundi :

tia." sollicitantcm ingessit materiam. Hcu me quomodo


!
concupiscentiam abscondit, curam, cogitatum. Hoc est
me circumfulgct dies ista, quomodo aft'ectum meum ad enim uiundum habere absconditum. vel mundo abscon-

/
y
SERMOiNS SUK LE CAiNTlQUE DES CANTIQUES.
ce quon peut appeier, voir le monde
enseveli ou bien soupirant nniquement apres celui qu'elle cherit,
etre cach6 au monde. Ainsi, Seigneur, nous pou- I'epouse, ne regarde, ne connait aucun des autres
vons etreplonges dans le secret de voire face: je ne objets qui existent.
dis pas par une pleine connaissance, mais avec une 6. « Pendant les nuits, dit-elle. Elle compte plu-
devotion entiere, avec une rechej'che que rien ne sieurs nuits, elle n'en connait pas de continuelles et
gene, etmeme avec queiqiie bonheur de vous ren- de prolongees. Souvent elles sont interrompues par
contrer. Cette disparition, ce secret, cette retraite la presence de I'epoux. Quand il est present, c'est la
qui nous permettent de fuir ou I'amour ou la pen- lumiere : quand il disparait, c'est la nuit. Voila
see du jour mondain, qui que nous ne cher-
font pourquoi I'epouse a plusieurs nuits car plusieurs :

cbons pas le jour de I'liomme quand il nous fois I'epoux sechappe, et plusieurs fois il se cache.
est enleve, ou qui nous le font dedaigner s'il se Bienheureuse est-elle, elle s'attache a lui tout
presente a nous, mon sentiment, ce que I'e-
c'est, a le jour et le cherche toutes les nuits. Que ce
pouse designe par le nom de nuit. Eutin un peu langage excite votre zele, et forme par I'exemple de
plus haut elle dit « Je me suis assise a Tombre de
: I'epouse : « levez-vous » vous aussi « dans la nuit,
celui que j'avais desire, et sonfruit est doux a mon au commencement de vos veilles et repandez votre
gosier. » [Cant, u, 3.) Ce fruit est une nourriture coeur. )) [Thr. ii, 19.) Afin qu'il se liqueQe, qu'il de-
suave, si d'abord I'ombre a donne sa protection. borde et qu'il coule jusqu'en la presence de votre
Cette ombre est bonne, qui obscurcit la prudence de Dieu. Offrez-lui le debut de vos veilles; que lessou-
la chair et refroidit la concupiscence. Comprenez- cis du dehors ne prennent rien de vous. Cherchez
vous quelle est cette ombre? Ce sera pour vous une chaque nuit votre bien-aime ,
que dis-je, chaque
occasion de saisir ce qu'il faut entendre ici par nuit? Continuez cette recherche tout le long de
nuit, avec cette que par le mot de nuit
difference toutes vos nuits, ne cessez pas, ne vous reposez pas,
plutot que par celui d'ombre, on designe des obscu- jusqu'a ce que votre bien-aime s'eleve comme une
rites plus grandes, plus epaisses et plus favorables splendeur pour vous comme une
et s'enflamme
a la recherche et a la contemplation. Dans I'ombre, lampe ardente. Alors vous pouvez redire ce mot de
voyez un certain oubli des objets visibles; dans la Paul « La nuit est passee, le jour est venu (Rom.
:

nuit voyez lememe oubli, en tant que total et xui, 12.) Celui qui suit : « Rejetons les oeuvres des
complet. Qui me donuera d'entrer ainsi dans le soir? tenebres, » ne peut-etre applique 5, cette nuit. Elle
Qui me donnera que la pensee des biens temporels ignore les ceuvres de tenebres, mais bien plutot elle
decline vers la soiree de cet oubli ? La nuit est bonne eclaire ceux qui perseverent dans le labeur
quand les vaines imaginations ne tourmentent pas penibie , comme une sorte de combat , de
I'esprit, et ne roulent pas en son imagination; chercher le bien-aime. La nuit est bonne quand
quand elles sont cachees a la pensee de celui qui vous etes a I'abri du trouble et de I'attaque
cherche le bien-aime. L'amour amene cette nuit; des imaginations. Et quoicpie vous ne soyez pas en-

di. abscondi poterimus in abscondito faciei


Sic etiam ium quem diligit intenta suspirat.
tuae Domino
non dico plena nolione, sed (amen tola
: 6. Per nodes, inquit. Multae sunt noetes ejus, nee est

devotione, et libera investigatione, et aliquanta inven- una nox illi jugis et continua. Noetes ejus frequenter
tione. Ilanc absconsionem, hoc secretum, has latcbras, interpolantur praesentia sponsi. Cum adest, lux est :

quibus mundani diei declinamus vol amorem, vcl ima- cum abest, Idco multae sunt noetes sponsae
nox est. :

gitionem; quibus humanum diem, aut ablatum non re- quia niulti sunt clapsus sponsi, multa; lafebrae. Beata
petimus, aut oblatum respuimus; noctis nomine appellari plane, quae dilecto adhaeret tola die, et qumrit ilium to-
nunc a sponsa credidcrim. Denique in superioribus di- lls noctibus. Provocent studium tuum qui audis ista, et
cit Sub umbra ejus quem clesidemveram sedi, et fruc-
: instruetus excmplo sponsae, Cousurge et tu in nocte, in
tus ejus dulcis gutturi rneo. Fructus iste suavitcr pascit, principio vigiliarum tuarum, et effunde cor tuum, ut li-
si tamen prius umbra protexerit. Bona umbra, quas car- quefiat el currat, et decurrat usque in conspectum Dei
nis prudenliam obscurat, concupiscentiam refrigerat. tui. Illi liba principia vigiliarum tuarum nihil in te pe- ;

Intelligis qua; situmbra? Indc tibi refulget occasio, quo- rigrina- curae decerpant. Quaere per singulas noetes di-
modo et hie noctem intelligas; nisi quod quaidam oc- lectum tuum. Quid dico per singulas? Tolas noetes tuas
cultiores latebrse et niagis abdit;r, et accommodatte ma- in hoc opus continua. Ne cesses ct iic quiescas, donee
gis ad investigationis et contemplationis usum sub noctis egrediatur ut splendor dilectus luus, el ut lampas ac-
cxpcrimuntur, quam sub umbra; vocabulo. In umbra, re- cendatur tibi. Tune poteris illud Pauli diccrc Nox prcv- :

rum visibilium oblivioneni aliquantam accipe in nocte : cessit, dies autem nppropinquavit. Nam quod sequitur
omnimodam. Quis mihi dabit sic advcsperascere? Quis, Ahjiciamus opera lenebrarum, huic non potest noet
inquam, dabit mihi ut rerum temporaliummemoriaobli- adaptari. Neseit enim hac nox opera tenebrarum, sed
vionis hujus vcrgat in vesperam? Bona quidcm nox, magis luccm ministrat lis qui permanent in agone quo-
quando imaginationes vame aiumum non vexant, nee dam quaerendi dilectum. Bona quidem nox, quando abs-
versantur in eo; quando abscondit;« sunt ab oculis qua;- condcris a conturbationc et ab incursionc imaginalio-
rentis dilectum. Dilectio ipsa banc noctem inducit, quae num. Et quamvis nondum abseonderis in abscondito fa-
reliqua omnia pec respicit, nee nota reputat, dam ad il- ciei dilecti tui, bonuni tamen est ut abscondatur tibi fa-
L AI5HL (.ILI,I-I51.I{I,

tore v.idu- daiis Ic secrel ilo la lace (in bien-ainn*, parce qu'il sent qu il aiuie. tnlin, saus pieter at-

il voiis esl Loll que laspect ct I'eclat des pensees tention aux autres noms d'eclat, I'epouse ne pense
values ct charnelles vous soient derobes. C'esf la qu'a I'epoux, pour lul seul elle eprouve au-dedans
miit qui se fail remarquioz pas.
aliiique vous ne los les feux de Tamour.
pour que vous ne les voyie/ point; neannioins votre 8. Ce qu'il faut remarquer, c'est le norabre de
(lambeau ne s'eteindra pas dans ces tenebres, il fois que I'epouse parle de son bien-alme, a propos

continucra de briller pour que vous cherchiez le de chaque mystere. « Men blen aime est blauc et
bien-aiuii'. rouge; telest mon blen aime. {CanU v, 10 et 16.) »
7. Puissc-je avoir moi aussi beaucoup de sem- Et, en ce lieu « Celui que iiion ame aime. » Cette
:

blables nulls, a la fols si obscures et si brillanles : manlere de parler est cerlaluement plelne de grkce.
Qui de nous se gloriflera et dira que toutes les sien- Ne nous etonnons pas si sa bouche exprime sou-
nes sonl de ce genre? Quel qu'il soit, 11 est heureux vent ce qui bouillonnc dans le cceur. Volhi ])Our-
celui qui les volt toutos prendre ce cours et qui ne quoi elle parle de son coeur. Elle u'aime pas seu-
fait rlen en secret qui doive rester cache. Que cha- lement de bouche, mals en reallte, nou-seulemenl
cun penetre sa conscience. Que me fait a niol de eu effet, mals encore plus en affection. Pourquol
frapper la conscience falbk des autre? ne la
I Je dlt-elle son amo et non son esprit? Pcut-etre par-
frapjie ni ne la dlscute : si elle est falble, que du molns cequ'elle n'etait pas encore uiile au bien-alme
elle ne soli pas soulUee. Que dans I'obscurlte, elle qu'elle cherchalt. « Qui adhere au Seigneur, devlent
ne fasse pas, elle ne pense meme pas ce qu'il est avec lul un seul esprit . (i Cor.vi, 17.) » Nulle part dans
honteux de dire. Jesus u'a pas coutume de s'appro- tout ce cautlque, elle ne pai-le de sou esprit, mals
cher d'une telle couche. Une conscience confuse elle dit « Mon ame s'est liquefiee. [Cant,
: v, 6); «

et brouUlee I'oifeuse et le chasse. Cette confusion et : « Mon ame m'a troublee; » et souvent : « Celui
de la conscience ue I'lnvite pas, mals plutot I'evlte qu'alme mon ame. « Et ces paroles, elle ne lesprofere
et le faitfulr.Ce qui Ic cherche et I'appelle, c'estla guei'e cpie lorsqu'elle chante I'epoux disparu, on se
Comparaison charlte vcnant « d'uu coeur pur et d'une bonne plaint de son absence. Ces denominations designent,
"^ ^ conscience. » (1. Tim. i, 5.) C'est ce que vous lls^ez d'ordinaire, les degres de perfection des ames. L'a-
:
et^^de"
la bonne « J'ai clierche colul que mou coeur aime. » Rlen de potre dit : « I'liomme animal ne compreud pas ce
conscience Pourquoi
plus sur que la bonne conscience. La bonne cons- qui est de I'esprit do Dieu. (i Cor, 11, 1/iV » Cette le mot ime
revient si
cience est bardie, et la cliai'ite brulante. L'une ne ame aimanle, brulante, fervente et cherchant son soavent dans
cralnt pas, I'autre enflamme. L'luie n'est jamais epoux, jamais je ne dlral qu'elle n'est pas spiii- le cantique
de lamour.
confondiie quand il s'agit du blen-alrae, I'autre se luelle. Encore qu'elle n'eut pas attelnt a la plelne
confie en lui. Grande est la force de I'amour. Con- vision par de plus vloleuts desirs, elle adherait a
tent de ?es propres merites, 11 ue s'appuie pas sur celui qu'elle aimait vlvement. Nous pouvons aussi
le suffrage d'autrui. 11 se croit toujours aime saus dlfficulte par esprit entendre I'lntellect suljtll

cies et ponipa inanium et carnaliutn cogitationum. Nox memorat, quae singulariter intus tolerat aestum
est ntnon attcndas, non vidcas; scd tamen in
illani amoris.
hac nocte non extinguetur lucerna tua, ut dilectum 8. Hoc auiem attcndendum quam frequenter dilecli
quaeres. recensel vocabulinii quocunquc ex mysterio. Dilectm
7. Utinam ego mihi possim noctes nuraerare,
tales mens Candidas et rubiciindus; et tcdi<! est dilectus mcwi.
lam latcbrosas, et (am luminosas! Et qiiis nostrum glo- Et in prsesenti Quern diligit nninia mea. Magna ccrte
:

riabiliir omnes se tales nodes habere? Quisquis est, fe- sermonis hujus gratia. Nee minim si frcquenlatur in
lix est, cui omnes nodes in usum talem decurrunt, qui ore, quod in corde fervet. Idco et animam commemo-
in occulto suo nihil agit occnltatlone dignum. Unns- rat. Non enim verbo tantum diligit, scd vo;o nee solo :

quisque suam convcniat conscientiam. Quid cnim mihi actu, sed magis afTctu. Quid vcro sibi vult quod ani-
aliorum perculere conscientiam infirmam ? Non pcrcutio mam, non spiritum dicit? Foric quia diledo qucm ad-
nee discutio quidem ctsi infirma est, fceda saltern non
:
huc qufercbat, nondum adhaerebat. Qui enim adha'rct
sif. Non
agat in occulto, nee cogitet quidem quae turpe Domino unujs e^t spiritum. Et quidem nusquam in tolo
est et dicere. .\d talem stratum Jesus declinare non no- hoc canlico spiritum nominat, sed, anima mea lique-
vit. Offendit ilium, ct fugat confusa conscicntia. Confu- facta est: et anima mea conturbavit me; et hoc ipsum
sio non invitat ilium, scd magis evitat.
conscientia> frequenter Quern diligit anima mea. Id quoque fere-
:

Caritas autem de cord? pitro et conscieitfia bona, ipsa nusquam nisi cum absentem quiPrit, vel abesse qua^ri-
est quae qu;erit. Sic enim habes Qufpsici quern diligit tur. Solent
:
his nominibus gradus qiiidam distingul,
cnimn mea. Nihil bona tufius conscicntia. Bona cons- anim;e perfectioris. et minus perfcctae. .\postolus "di-
oientia audet, et caritas ardct. Ilia non formidaf ista , xit : Aiiimalis homo non percipit ea quie sunt spintus
•nflammat. pro delicto non confunditur, isia confi-
Ilia Dei. Ego animam banc ita amantem aestuantem, fer- et
dit super dileclo. Magna vis amoris. AUeno non
nititur ventem et quaercntem. numquam non spiritualem dixe-
Miffragio, propriis confenta meritis. Semper amari
se rim. Quippe qu;p licet nondum plena visione, voto ta-
pra>sumit, qua' amare so scntit. Denique non respedis
men propensiore illi adhr-prebat. quem vehementer dili-
;iliis maje.-.tali.s nominibus, solum .sponsa dilectum gebat. Possumus autem non iaconvenieuler sicut inspi-
.

SliUMONS SUK Lt CAN TIUL'E DES CAMIQUES. 9

penetrant, semblablement, par ame, I'af-


et
parler) comme un gain. Quel mystere designe ce
et
ieclion tendrc et suave. Le Seigneur, par
la Lou- mot « dans le petit lit? » renferme-t-il secrete-
;

che du prophete, dit dans sa promesse : « Je vous ment quelque louange ouquelque moquerie?Quoi-
que I'un et I'autre sens puisse lui etre donne, je le
donnerai un coeur do chair. [Ez. xi, 19.) » Si le
prends plus volontiers dans sens delouange, et pour
mot de « chair » se prend quelquefois en bien, le

pourquoi pas a ineilleur litre le mot « ame? » Cette ce motif dirigeons d'abord notre discours sousl'influ-

bienheureuse ame, (pour tenirun langage permis), ence de cette pensee. Dans cette parole je comprends
je nc la croirai pas de pierre, mais plutot de
chair, quele lit est tellement etroit qu'il ne pent recevoir que
n'ayant rien de rude ni de dur, mais douce, ten- I'epouse et le bien-aime seul. Pourquoi cette etroi-

dre, noble et sensible a cliacun des traits du tesse ne pas prise en bonne part, quand
serait-elle

verbe divin . Ame qui s'ecrie : Ma chair u'est point la largeur est consideree comme un opprobre? «Tu

d'airain; ame que transperce le glaive spirituel as elargi, « dit le Seigneur par le prophete, « tu as

etqui se rejouit de se sentir blessee par la charite. elargi ta couche, *


et a cote de moi tu as recu un
Avec raison elle dit qu'elle aime son ame, voulant adultere. » [Is. lvu, 8.) Voila comment la largeur

exprimer 1
'affection vive, intime et brulante qu'elle du lit est repi'ochee a I'ame adultere. 11 estdone
eprouve pour son bien-aime, notre Seigneur Jesus- bon, non de dilater, mais de resserrer la couche de
Christ, qui vit et regne dans les siecles des siecles.
la pensee et le lit du cceur. Voila pourquoi I'epouse
« Amen ! »
s'applaudit, avec raison, de ce que son lit est etroit.
(iLacouclie est eli"oite,» dit le prophete, «il faut que Le petit lit
SERMON II.
I'un des deux tombe, un drap court ne pent les en- troit
du copur ne
velopper ensemble. » [Is. xxviii, 20.) C'est-a-dire, rcjoit pas
Dana mon petit lit, durant les nuit.'>,j'ai cheickc ceUii
Tadullfere
ne pent couvrir ensemble I'epoux et I'adultere. Le
qu'aime mo>i ame (Cant, iii, Zi). avec r^poux.
coeur de I'homme est coui't et etroit pour recevoir
1. C'est sur ce theme d'hier que nous vous pre- les delices de la parole de Dieu, alorsmeme t{\i"il

parons la refection spirituelle de ce jour. Nous n'a- s'ouvre tout entier a elles. Ne serait-il pasbeaucoup
vons pas dit tout ce qu'il y a a exposer : il y a des plus court encore s'il etait partage par d'autres
details qui n'ont pas ete touches. Nous entreprenons soucis ? que meme cette etroitesse soil toute pour
de les developper dans ce discours. Pourquoi I'e- votre bien-aime. Ne la diminuez pas davantage, en
pouse dit-elle dans « le petit lit. » [Cant, i,) et non partageant votre lit avec un autre. Elle est bonne,
dans « le lit, « et encore : « dans mon petit lit. »? cette petitesse du lit qui n'admet que le bien-aime,
car ailleurs elle a coutumc de dire « notre petit c'est-a-dire le Christ. 11 est une brievete qui ne pent
lit. « Rpgardez ces details comme une source de recevoir que lui; il en est une autre qui ne pent
pour vous. Si dans ce nouvel entretien j'a-
profit pleinement le recevoir. L'une vient de la charite et
joutedenouveaux apercus, considerez-les (pour ainsi de la discipline ; I'autre dc I'inllrmite et de la na-

ritii subtilcm et attenualum intellecluni, sic in anima Nam alibi lectulum nostrum dicere consuevit. Ilaec rc-
suavem et tenerum affectum accipere. Per Prophetam putate vobis in sortem. Si quid autem nova disputatio-
in promissione Dominiis dicit Daho vobif cor canieum : nis super iii^qua^ jam discussa sunt adjecero, in lucri
Si ergo carnis nomen in bono alicubi accipiUir, cur non rationem (ut sic dicam) referte. Quid putatis mysterii
magis animcel Ego beatam lianc animam (ut licenter lo- signat hoc ipsum quod dicit, in fef<«/o? laudisnealiquod
(jnai') non lapideam sed carneam magis judicaverim, ct occultiE conlinct, an siiggiliationis? Etsi utrumque po-
nihil luibenlem in se rigoris vcl duritiae; sed mollem, test, libentius tamen hie; laudem accipio; et ideo primi-
tenei-am, tracfabilem, ct scnsibilem ad singulos divini tus in hunc scnsum inflcctamus sermonem. Ego plane
verbi aculeos. Deniquc qua; dicat Neque caro mea : in hoc verbo coarctationcm quandam intelligo, ut soli
oenea est : sed quam spiritualis pci'transeat gladius, et secum dilccto sufficiat. Cur cnim non in bono coarctatio
cai'itate se vulneratam gaudcat. Jui'c ergo animam suam accipitur, si strati diJatatio in probrimi vertitur? Dila-
diligere dicit, exprimcre volens inlimam quamdam ct tasti, inquit Dominus per Proplielam, stratum tuum,

vividam ct animalam airoctionem erga dilectum suum juxta me susccpisti adulteruin Vidcs quomodo objur- .

Jesum Christum Dominum, qui vivit elregnat in sacula gando et exprobrando strati dilalatio objicitur anima?
sa^culorum. Amen. adullcra?. Bonum est ergo non dilatarc, sed magis con-
trahere stratum cogitationis, ct cordis lectulum. Ideo
SERMO II.
sponsa jure sibi applaudit de lectulo. Coangustatum est,
/« lectulo meo, per noctes, qucesivi quern diligit anima inquit Propheta, stratum, ita ut alter decidat : et pal-

mea (Cant, iii a).


lium breve utrumque nperire non potest. Utrumque, id
est virum et adulterum. Breve cnim ct angustum est
1. Super hcslcrno capitulo hodici'uum vohis instaura- cor hominis ad concipiendas Dei vei'bi delicias, etiam
mus convivium. Nee cnim ibi cuncia dicta sunt quw cum in ilia totum extcnditur. Quomodo non mullobre-
(licendaoccurrunt quy^dam vero nee tacta quidemsunt.
; vius, si fuei'it ad alia distcnium? Sufficiat dilccto tuo
Ilia hoc sermone discuticnda suscipimus id est cur di- : vel brcvitas ista. Noli illani magis breviare, lectulum
cat in lectulo. el non in Icclo et cur in lectulo meo. : communicando alleri. Bona quidem haec brcvitas Ice-
:

10 L ABHE GlLLtBtin
tiire. Toutes les deux peuvent se concevoir dans le nom de I'espei-ance comprend I'un et 1' autre, et

bt, ou parcequ'il ue recoit personne avec le Lien- le petit lit et la joie :puisque nous nous rejouissons
aime, ou parce qu'il ne le coutient pas pleinement dans I'esperance et dans elle aussi nous nous re-
lui-njoin«?. Grand assuremeut est le plaisir que Ion j'osons. .Mais d'ou vient I'esperance, sinou de la se-

goiite au lit, mais grande pareillement son etroi- curite de la conscience ? Jai deja donne le nom de
tesse : aussi dit-on avec plus de raison : « petit lit a lesprit tranquille et libra. Tranqiiille a cause
lit » que lit. du bien de la conscience, libre de la teutation, libre
Qnel est 2. 11 est rempli de delices ce petit lit dont vous des occupations exterieures, libre des pensees lege-
^'^^ **" '" '"•^ *^^ proverbes : « Time juste est corn- res. Mais en ce corps grossier combien pent s'eten^
UwD^fience*
me uu banquet continuel. » [Prov. xv, 15.) Au-de- dre le repos et de I'esprit? Elle est courte.
la liberie
bors au-debors le trouble, mais au-dedans
la nuit, elle est semble a un lit fort etroit. Elle se-
exigue et
la tranquillite comnie une sorte de lit de repos. vuit enlever beaucoup par le besoin de refaire le
Ce n'est pas le cas de redire cette triste parole : corps, par la preoccupation de pourvoir a ses ne-
« au-debors, immole, et
le glaive au-dedans il y a cessites, pai" I'ardeur de manger, par leseveuements Combien
courts et
tomme Thren. i, 20.; Si le glaive est
la mort. » qui meuacent l'ame et par des motifs cacbes. « No- minces sont
au-debors, au-dedaus se trouve la joie, « nous re- tre gloire, » s'ecrie St. Paul, « c'est le temoignage le repos
et la liberie
jouissant par I'esperance, » dit I'apotre, « etant pa- de notre conscience, (u. Cor. i, 12.) 11 s'etait place de I'ime
dans ce corps.
tients dans la tribidation. » Rom. xn, 12. A la nuit j dans un lit certainenient agreable. « Je ne me re-
se rapporte la tribulation ; au petit lit lespoir et la procbe rien, » dit-il. i. Cor. iv, U-] Plus il dilate et
joie. C'est pour cela que I'epouse I'appelle le « pe- etend I'un, plus il resserre et deprime I'autre :

tit bt, el non le lit ;


par ce diminutif elle montre « mais en cela, » poursuit-il, je « ne suis pas justi-
que notre pleine joie existe en espoir et en partie. fie. Celui qui me juge, c'est le Seigneur. » Vous
Bon est le petit bt avec le repos et la purele de la voyez comment St. Paul s'enbardit et dit : « notre
conscience; « mais le cceur de limpie est comme coeur s'est dilate. » (n. Cor. vi, 11.). Vous voyez
une mer agitee, qui ne peut-etre en tranquillite, comment la consideration du jugement du Seigneur
mais ses flots boue que
regorgent et produisent la restreint et retient la gloii*e et le temoignage de
Ton foule aux pieds. » Is. Lvii, 20.! L'ame du pe- sa conscience.
dieur est done troublee, pleine uimmondices et de 3. Le done bien l'ame tranquille,
petit lit est
boue, et toujours en lutte avec elle-meme. II n'y mais nvdlement superbe reposee, non entlee; :

a pas depais pour I'impie; le regne de Dieu est jus- ayaut de soi de bons sentiments, mais ne presu-
tice et paix. Rom. xiv, 17.' « Dans la paix, » dit maut point de cboses trop elevees, mais craignant
I'eeriture, «en lui meme je doruiii'ai et me repose- plutot coustamment la nuit douteuse du jugement
rai, parce que. Seigneur, vous m'avez elabli dune iucertain. « Dans mon petit lit. dit-elle, dm'ant la
faconsingubere dans I'esperance. [Ps. iv, 9.) Le nuit. » II
J-
a plusieurs nuits, im seul lit. Les tribu-

tuli, quae nescit nisi dilectum suum, id est Christum sum dormiam et requiescam, quoniam tu Domine singu-
suscipere. Est enim brevitas, qua? non nisi ilium susci- iariter in spe constituisti me. Utrumque complectitur
pere novit : et est bre\ita5, qus ilium ple^ suscipere spei nomen, et lectulum et gaudium quia in spe gaude- :

ncquit. Ilia caritatis est et disciplinae : haec vero infirmi- mus, et in spe requiescimus. Sed unde spes nisi de se-
tatis et natui-a'. Utraque brevitas intelligi potest in lec- curitate conscientite? Jure lectulum dixerim mentem se-
tulo, vel qua cum pluies non dilecto suscipit, vel qua curam ct liberam. Securam propter conscientiiP bonum :
nee ilium plene. Magna cerfe voluplas lectuli, sed ma- Liberam autem a tentationes: liberam ab exteriore occu-
gna brevitas : et ideo bene lectulu^ magis quam lectus patione, liberam a levi cogitatione. Quanta tamen esse
dicitur. potest in hoc corporc quics et Ubertas mentis? Bre\is et
2. Delectabilis lectulus est de quo Icgis in proverbiis exigua, et lectulo similis angusto. Multum inde decerpit
Secura mens quasi juge coniiviuM. Foris nox, foris tur- reOciendi necessitas corporis, multum conquirendi quae
batio, sed tranquilUtas intus quasi quietis lectulus qui- necessaria sunt cura, multum consumendi hora, multum
dam. Non est hie illud lamentabile dicere : Foris inter- anima? casus imminens, multum causa latens. Gloria nos-
ficitgladiui, et donii mors simi/ii eit. Imo si foris gla- tra hcec est, inquit Paulus, testimonium conscientite nos-
dius est, intus gaudium. Spe, inqtiit, gaudentes, in tri- tra-. Suavi certe se collocarat in lectulo. Xihil, ait, mihi
bulatione patientes. Ad noctem tribulatio refertur, ad conscius sum, Sed 'quantum ilium dilatat et extendit;
lectulum spes et gaudium. Forte propter hoc non lec- magis istum arctat et contrahit sed in hoc, inquit justi- :

tum, sed lectulum appellat. Parco ' vocabulo quoniam : ficatusnon sum. Qui autem judical me, Dominus est. \i-
totum gaudium nostrum fere in spe est adhue et ex des quomodo Paulus, audet, et dicit. Cor nostrum dila-
parte. Bonus ergo lectulus concientis, quies et munditia. tatum est. Vides quomodo gloriam et testimonium cons-
Cor itjtpii quasi mare fervens, quod quiescere non potest, sed cientice, di^^nae coarctat respectus sententiae.
redundant fluctus in concukutionem et lutum. Est ergo Bene ergo lectulus mens secura, sed minime super-
3.
corimpii turbulontum, et tabidum, et lutosum, etsecum ba quieta non elata: bona de se sentiens, sed alta non
:

semper colluctans. Siquidem non est pax impiis re- : sapiens, magis autem suspectam semper babens incerti
gnum vero Dei justitia eat et pax. In pace, inquit, in idip- noctem judicii. In lectulo, inquit per noctes. Mult« noc-
: :

SKKMOiNS SLR LE CANTIUUE DES GAiNTIQUES. il

lalious des jusles sont nombreuses, {Ps. xxxiii^ 20.) elle ne se trouble pas. Dans le lit commun elleressent
Mais comme s'il ne les sentaient ou ne les rogar- les delices de la presence de I'epoux. Dans celui qui
daient pas, ils dorment et se reposent dans un seal est i elle seule, brulee de I'incendie de I'amour de
petit lit, dans la seule esperance de la vocation qui son bien-aime, elle est consumee, elle va au-dehors
nous a ete donnee La nuit passe et la nuit encore et se en lui,
trouve repandue. Elle s'ecoule toute
Comment mais ils n'abandoanent pas la couclie de leur elle est absoi'bee en revetant une qualite semblable
sont les justes
dans leurs repos Jusqu'a ce que toute I'iniquite s'en aille.Nom- a la sienne. D'abord elle est en elle; ensuite I'e-
tribulations.
breuses sont les nuits, profondes les tenebres, mais poux est en elle, et en troisieme lieu, elle-meme est
parce qu'ils esperent au Seigneur, ils n'en craignent en lui, et, si on pouvait parler ainsi, elle n'est que
pas lesprofondeurs et n'en sont nullement troubles, lui. Au premier moment, elle cherche; au second,
lis neredoutentpaslesnuits, ceux qui reposentdans elle s'attache ; au troisieme elle s'unit a lui. Au
le lit de cette confiance. Car le Seigneur sait ins- premier, elle jouit de sa propre tranquillite; au se-
pirer des chants h. Fame dans la nuit de la tribu- cond, elle merite une certaine conformite avec le

el lation, c'est dans la nuit qu'il comraaude de chanter bien-aime; au troisieme, elle est saisie et absor-
mi
OS
sou cantique. Vous avez vu pourquoi I'epouse parle bee en lui en unite de charite et de grice. Ce troi-
epii
de « nuits n et de plusieurs; d'un « petit lit » et sieme lit est preferable au second, d'autant c|ue
De

orp d'un seul. I'unite a quelque chose de plus intime que la


L\. Comprenez a present pourquoi elle dit dans communaute. Le premier cependant est bon, c'est

« rnon » lit. Elle est dans son lit, et elle y est comme lui qui prepare les proximites des autres.
dans le sien propre, tant quelle est etablie singu- 5. Que si vous voulez detourner votre pensee et .

lierement dans I'esperance. Lorsque Teveneraent ne voir que les charmes du lit ou se repose I'inQr- interpreta
tion
sera pret de s'accomplir selon son- esperance, ou mite charnelle : il n'y a ni erreur, ni labeur a donnee au
petit
merae la realisera ;
quand elle aura saisi en parlie prendre ce sens. A ce point de vue, ce petit lit ap- lit.

L'^pousc le bien-aime, ce titre ne sera plus le sien, mais il partient a I'epouse, il n'est pas partage avec I'e-
aim triple lit.
sera commun a I'epoux et a I'epouse. Le lit est sien, poux, car si nous avons connu le Christ selon la

quand elle s'y repose seule il est a eux quand I'e- : chair,nous ne I'avons pas connu selon la concu-
poux est present. II est a I'epouse quand, apaisee, piscence de la chair. La nature de la chair est com-
tranquille et calmee, elle se repose recueillie en mune a tons; les at traits de la chair, tons ne les par-
elle-meme eux des qu'elle commence
: il est a tagent pas. II n'a pas fui le lit de uotre douleur,
a trouver ses delices dans I'epoux. Le lit est a I'e- mais il ne s'est pas abaisse jusqu'a eprouver
le sen-

poux, quand I'epouse, s'oubliant elle-meme cntie- timent de la delectation que nous sentons. Aussi
rement, et se depouillant d'elle-meme, entre toute en le designant, I'epouse dit « dans mon lit » et :

entiere en son epoux,poiu" ainsi dire, et se revet de non dans « notre lit. » Dans un autre passage, ou
lui. Dans son lit, elle ne se produit pas hors d'elle. voit : « notre lit est fleuri. » Le lit commun a I'e-

tes, sed unus lectulus. Mullas cnim Iribulationes jiisto- tulo communi affluunt illi delicias quadam de praesentia
ruin seel tamen quasi non senticntcs, ncc respicientes
; sponsi. hi illo qui solius est, sponsi amoris exagitata in-
lino dormiunt et requiescunt in iectulo, in ea in qua vo- cendio ebullit, et excrescit elTusa et cflJuens. Tola trans-
cati sumus una spe vocationis nostrae. Transitnoxet nox : funditur in ipsum, et in similcm absorbetur qualitatcui.
sed illi non dcserunt lectulum, donee
tranquillitatis suae lo primo penes se est in secundo penes illam sponsus : :

tola Iranseat iniquitas. Multae noctes, et alia' tencbrae : In lertio penitus est ipsa penes ipsum, et, si dici potest,
sod tamen ab altitudine noctis non timent, iiec turban- non est nisi ipse. la primo qiiaerit in secundo adlia-ret :

tur quia sperant in Domino. Non timent a noctibus,


: in tertio unitur In primo tranquillitatem propriam
illi.

qui in liujus spei Iectulo quiescunt. Nam et ipse novit possidct : in secundo quamdam meretur communitatem
dare carmina in nocte tribulationis et in nocte man- : cum dilecto assumitur et absorbetur in quam-
: in tertio
dat cantlcum ejus. Accepistis quare sponsa dicit nudes; dam Mclior hie lectulus ter-
caritalis et gratia' uiiitatem.
et quare pluies quare lectulus dicatur, et quare unus.
: tius quam secundus, quanto expi'cssior est iinitas quam
4. Nunc accipite quare dicat sponsa, in meo. In Iec- communitas. Bonus tamen primus, per qiicm ad istos
tulo suo, et quasi singulariler suo est, quandiu singula- paratur acccssus.
riter.in spe est. Cum vero ad spem res acccsserit, vel Quod si ad carnalis infirmitafis illecebras lectuli
.').

niagis successerit spei, cum jam ex pai'te tenuerit dilec- sensum dcflectcre velis nee crras, nee laboras sic assi- :

lum non jam suus est iiic lectulus sponsa;, sed magis
: gnando. Solius cnim sponsa; sub hue intellcctu lectulus
communis sponsi et sponsa?. Suus est, cum quasi sola est, nee communicatiir sponso. Nam cfsi iKAinuisChris-
sine delicto quiescit communis est, cum ipse adest.: tum secundum carnem, secundum carnis concupisccn-
Suus est sponsae, cum quietatis et pacatis, et compositis tiam tamen non novimus. Communis quideni carnis na-
moribus intra se collocta quiescit communis est, cum : tura, sed non es( CDnimunis illi carnis illecebra. Non re-
jam incipit oblcctari in sponso. t'orle est et aliqnis pro- lutavit ledum doloris nostri, sed non se rcclinavit usque
prius sponsi, quando sui oblita penitus, et se e.xuta tola ad sensum delectationis nostra;. Idco cum istuoi desi-
transit inipsum, et quasi induitur ipso dilecta ipsius. In gnat, in Icciulo meo dicit; non communiter, in jjoslro.
Iectulo suo iiec effluit extra »c, ncc turbatur in se, iii lec- Alibi siquidcm Iqgitur : Lectulus nosier floridu^. Qui
12 I AUHt (ill.l.tHKHi.

l>oux ft a l'«'i)ouse est llouri, il na rieii de vieux, s. 18.) Cest-a-dire, qu'il ne sarrete pas a cause des
rien de corr<)m[tu. Qu-iml Tepouse j,arle de son dons qu'il a recus du Seigneur, dans la faveur des
propre lit, elle ne prononce plus le root de horames, que par melange de la consideration hu-
le

Qeurs. CVst le sien, niais il nV-st pas agreahle, maine, il ne souille pas, en quelque maniere, les joies
il n'est pas fleiiri, il lui parait couverl d'epine?. de la gloire spiriluelle, mais qu'il rende grace* a
Cette i»osition serait assez dure, s'il n'y avait la que Dieu et cherche en lui seul sa gloire : car c'est la
coiTuption : niainlenant a rinfiimite s"ajoute I'ad- vraiment le chercher. Une telle ime a la tranquil-
versile, doiiblo di'sagrement. lit ct nuit, faihlesse et litepour couche et I'humilite pour nmt. Les soucis
malheur. Mais la force dc lamour est graude, ati- devorants ne volent pas autour d'elle, les attaques
cun de ces maux ne I'arrete, ni la faiblesse innee, des inquietudes ne I'cxasperent pas, mais tout lui
ni le malheur qui survient. L'epouse n'est pas re- est lit el unit, tout est paix, repos et retraite.
tenue par sa couche, point eirravt-e yjar la nnit, 6. Est-ee assez? assez peut-etre pour lame qui
mais dans son lit ct duranl le? nuits elle cherche travailie,non pour celle qui aime. Le « sorameil
L'amoar celui qu'aime son ^me. Cette parole parait s'appli- est doux » pour celui qui travailie. [Eccl. v, 11.) La
ne r^de ni k
I'inBrmit^ de quer surloul aux freres qui habitent les cloitres; preoccupation ne laisse pas dormir celui qui aime,
la nature
ni i
delivres des sollicitudes de la vie, ils sout comme elle empeche son repos et le coutraint de veiller.
I'tdversitd. perdus et caches daus la niultiplicite, ayant dun Le repos rend I'amoiu" plus inquiet. La teutalion
cole le petit lit, de I'aulre robscurite de la nuit ; cesse, I'occupation cesse, I'aflliction cesse, I'amour
L'amonr
Toute vie de I'homme quelqu'elevee qu'elle soit, se ne sait pas s'arreter. Uil doux incendie redouble ne se repose
trouve cachi-e dune certaine maniere, la ou tous alors les forces, une flamme devorante, s'echappant jamais
, ... ,,•. 11 . 1 • dans le calme
les freres noiubreux qui Tentourent s'oleveut a une du cceur,eutieplus librement dans 1 ame lLbre,s em- et le loisir.

pareille hauteui* marchent dans les


de saintete. « lis parant d'elle plus profondement, la devorant avec
tenebres et il uest pas de luniiere pour eux » {Is. plusd'avidite. Car a chaque occasion I'amour ne sait
L, 10.1 Pas deluraiere des louauges humaines, aCu pas s'abstenir d'exercer son activite. Toujours ou il
Repos
que plus libremeut il esperent dans le uom du
c<
se rejouit de la presence de celui qu'il cherit, ou il
de« reiicieni
s^pares Seigneur et s'appuient uniqueuient sur leur Dieu. » le cherche absent. « Dans la nuit de ma tribula-
du siicle.
leur visage est cache. Aussi nous nelesavonspas re- tion," s'ecrie-t-il, j'ai cherche Dieu de mes mains.»
marques, bieu plus, ils ne se considerent pas eux-uie- (P>. LXXM, 3.) Bien differente est la maniere de
mesarinterieur:ilsne se conformeiit pas aux usages chercher que l'epouse propose en ce moment. Ce
du monde, ils ne desirent pas la gloire que donnent n'est pasl'ainiclion qui la pousse, c'est I'amour qui
lesboucheshi]iuaines,et ne veulent quecelle qui vieut I'entrame. Dans le Psaume cite, le sage cherche un
de Dieu, selon ce qui se lit': «Pour nioi je ne cherche secoui-s coutre la tribulation . l'epouse court apres
pas ma gloire. « {Joan, viu, 50. Et : « celui qui se lobjet de son amour et de sa joie. A ce doux effet
glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneui". » (u. Cor. se rapportent et le lit du repos, et le secret de la

communis est, floridus est, vetus'atis nihil habcns, nil nee finis hujus admixtione, spiritnalis gloricP adiilteret in
corruplionis. Quando vcro proprium suum lectulura di- aliquo gaudia, sed illi referat graliam, et quarat in illo

cit, nulla ibi fit mentio floris. Suus illi >idetur. Dura sa- gloriam : hoc est enim ipsum quserere. Habet iste in
tis conditio, si vol sola corrupfio forct : nunc vero ad in- noctem. Non ilium
iranquillitate lectulum, in humilitale
firmitatcm accedit adversitas, diiplicafnm incommodum, mordaces curse circumvolant, inquietudinum non exas-
nox, infirniitas ct advcrsita.*. Sed magna vis
lecfuliis et perant injuria^; sed totum lectulus et nox, totum pax et
amoris, quam neutra compcscit, nee ilia innala, nee isfa quies, et latebra?.
illata. Non enim vcl leclnlo tenetur, vel terrctur noctc, 6. Numquid satis est? Fortassis satis, sed laboranti;
sed in Icctulo sue ct per nortcs quarit quem diligit ani- nam non satis Dulds enim
amanfi. laboranti somnu-i.
ma ejus. Claustralium videhir vox ista maxime fratrum, .\man(is anxictas ilium dormire non sinit, somnolcntiam
qui a solliciludine, of quasi perditi et abscon-
et quicti excutit, vigilias inducit. Amor de quietc ipsa iaquietior
diti sunt in mnltitudinc, habcnies in altcro lecluhim, in reddifur. Qi'iescit tciitatio, quiescit occupatio, quiescit
altero noclisobscurum. Quodanimodo enim abscondi- afllictio, sed quiescere dilectio nescil. Tunc magis vires
tur cujuslibet quamlibet excelsa convcrsatio ubi in . cxercet dulce incendium, et flamma vorax de latibulis
aequalom altitudinem tota se fratrum numerositas attoUil. evadcns ^•acuo liberius evagatur in animo, altins possi-
juxta illam de Salvatore prophetiam Atnbulant in iene- : dens, et avidius depascens, Occasione acceptasuum nes-
Vw, et non est eis lumen, sed hiimana> laudis lumen, ut cit amor non exercere ne^otium. Semper enim quem
Tiberius sperent in nomine Domini, et innitantur super amat, vel praesente eo se oblectat: vel absentem desi-
/ Deum suum. Quorum absconditus est miUus corimi. deraf. In die, inquit, irihulationis mece Deum exquifivi
''
Unde nee reputavimus cos, imo qui seipsos intus non manibus ma's. Longe difTerentior quaerendi ratio nunc a
reputant :q!ii sc mundi ad usus foris non^aptant: qui nee sponsa proponitur. Illam non impellit aftlictio, sed trahit
hominura ab ore gloriam exop'ant, sed illam qune ex afTertio. Ille in psalmo qua?rit adversns tribulationem;
solo Deo est, juxta quod legitur Ego gloriam nienm : ista ad amoris usum et oblectationem. Ad hoc enim re-
non qiuero. Et, Qui gloviatur in Domino glorietur hoc : fert ct quietis lectulum, et noctis latibulum, uf quem
est, non pro donis Domini in hominum favore quiescat: diligit. et inconcusse recolal, et sincere sapiat, et dulci-
,

SEKMONS SLR LE CA-NTIQIE DES (1\.MIULES. 13

uuit ; elle veut trouver sans craiute le bien-aime, Voulez-vous appreudre quel est ce petit lit ? Jetez,
le gouter sans melange et le sentir en toute sua- pour aimer Dieu dans le sein du Seigneur, vos pen-
\ite. Le motif qni fait chercher I'liomme qui aime est sees faibles et sans plumes et il vous nourrira
done beaucoup plus vif que celui qui excite celui jusqua ce que Jesus-Christ soit forme et alfermi
qui a besoin, quoiqu'il soit vrai de dire que I'amour en vous, et que vous arriviez a la plenitude de
ressent toujours une sorte de sainte avarice. Tou- I'homme parfait qui ne pent plus vaciller. C'est
jours il desire plus de retraite; ne comptant pour done bien Ki un petit lit qui m'a ete fait par
lien ce qu'il possede, par uu mouve ment rapide il le Seigneur, justice et paix , redemption et sagesse.

se precipite en avant, et, semblable a une roue vi- Qui done me donnera d'etre place dans un pa-
vante, avec la legerete d'un esprit, il s'eleve de reil lit? qui me donnera ces coussins, qui placera

tons ses efforts vers les regions superieures, tou- ces oreillers sous mou coude el sous ma tete ? Heu-
chant a peine la terre. Enfin, et meme dans saint reux oreiller, sur leipiel I'epouse se repose « Sa :

Paul, il ne croit pas encore avoir atteint son terme. gauche est sous ma tete et sa droite m'etreindra. »
[Phil, m, 12.) Mais elance vers les realites qui sont 'Cant. II, 6.) EUle possede I'une et attend I'autre.
devant lui, ce grand aputre, comme une roue in- Elle a la gauche, elle cherche la droite. La « les

telligente, se precipite dans le sens oil I'emporte un delices sont dans sa droite pour jamais. {Ps. xru.'i
fervent desir. Car, « lorsque rhomme aura ter- De son petit lit elle tend comme a une autre petit lit.
Jesus-Christ
est le lieu mine, c'est alors qu'il commencera » [Eccl. xviii, Doux Jesus, que votre couronne d'epines soit pour
du repos de
6.) Et ici, nou contente d'occuper ce lit, I'epouse moi uu oreiller tres-agreable, c'est im lit delicieux
I'ftme.
cherclie avec plus d'ardeur le bien-aime. Voila son que le bois de voti'e croix. C'est la que je nais, que
lit : celui quelle aime seul. Son lit, quand il je suis nourri, la que je suis cree et recree, et sur
la recoil faible et fatiguee; celui quelle aime, I'autel du souvenir de votre passion, je replace vo-
quand il I'embrasse et I'entlamme. Lit et bien- lontiers mon nid. Ques'ilest parfois donne de gou-
aime, parcequ'elle se repose en lui et qu'elle sou- ter des mysteres plus profonds et plus caches de la

pire et languit apres lui. majeste divine, cette jouissance ne differe pas dit

7. Vous de ce mot « petit lit? » j'o-


etes etonne : petit lit et de la nuit, si on fait attention a la con-
quelque chose de plus vulgaire ou pour
serai ajouic.- templation qui est reservee dans I'avenir et nonau
mieux dire , de plus eleve, au-dessus de toute la point actuel de la perfection humaine. Car ce qu'il
gloire de I'epoux. Plus il est descendu a des bas- y a en nous de plus parfait est imparfait, et (pour
pour moi, plus il m'a donne de meilleures
sesses parler plus juste est a peine i une ebauche. C'est
marques de son amour. 11 est un petit lit pour les pourquoi on nous appelle un « certain commence-
petits, il est le petit nid des petits oiseaux : « car le ment » de la M creature » de Dieu, ayant recu seule-
passereau se trouve une demeure, et la tourterelie ment les « premices » de I'esprit. (Rom. vin, 23.)
un nid pom- mettre ses petits. » [Ps. lxxxiii, h-) 8. Je parais peut-etre temeraire de vouloir ex-

ter sentiat.Ergo multo potior in diligente quam in in- qui fluctuare non possit. Bene ergo lectulus, qui mihi
digcnte quaerendi ratio quamvis jure dici possit, quod
: factus est a Deo justitia et pax, et redemptio, et sapien-
sancta quadam semper eget amor avaritia. Semper enim tia. Quis dabit mihi tali collocari in lectulo. Quis, in-
ad secretiora exjpstuat, et quae tenet non reputans, vo- quam, dabit mihi istos puhillos, et cervicalia hujusce-
lubili se aptat in anteriora rotatu; et vitalis instar rotae modi assui sub cubito et capite meo? FelLx cervical,
spiriiuali lentate ad superiora toto conatu attollitur, de qnod sibi sponsa supponit I.«>i'« ejus sub capite meo, :

terra paululum aliquid attingens. Denique et in


vix et dextera illius nmp/exabifur me. .\Itcrum jampossidet,
Paulo nondum se comprehendisse arbitratur sed ipse : alterum sibi pollicelur. Lsvam tenet, scd dcxtram quae-
ad anterior^ cxtensus, quasi rationalis rola sequitur, quo rit. Dekctationes enim in dextra tua usque in finem.

ilium rapit hpiritus ferventis desiderii. Siquidem et cum Quasi de lectulo tendit ad lectulum. Suavissimum mihi
consommaverit homo, tunc incipiet. In praesenti quoque cervical, bone Jesu, spinea illi capitis tui corona. Dulcis
sponsa dum tenet lectulum, non hoc contcata, ardentius Icctulus illud crucis tuce lignum. In hoc ego nascor et
requirit dilectuni. Ille illi Icctulus ille dilectus. Lec- : nutrior, crcor et recreor, et super passionis tuae altaria
tulus, dum
infirmam et fatigatam suscipit : dilectus, memoriae mihi nidum libenter recolloco. Quod si ma-
dum inflammat et succendit. Lectulus et dilectus jora datur et arcaniora pcrsentire divina' majestatis mys-
quia quiescit in illo, et concupiscit et deficit in ipsum. teria, nihil illud a lectulo et nocte differl, si quis ad fu-

7. Miraris quod dico lectulum ? Audebo et adjiciam vi- turam contcmpletur pleniludinem, non forniulam per-
lius aliquid, imo sublimius super omnem gloriam laudis humanae. Nam et perfectius nostrum imperfec-
fectionis
ejus. Quanto enim pro mc egit viliora, tanto bonitatis tum est, et (ut verius dicam) vix adhuc inchoatum.
suae dedit indicia majora. Ipse parvulis lectulus, ipsepul- Propterea et initium aliquod dicimur creatures Dei, et
lis est nidulus : Et enim passer invenit sibi domum, et tantum primitias accepisse Spiritus.
turtur nidum ubi ponat pullos suos. Vis audire qualis 8. Temerarius fortisan videar, qui conor iuexperta
lectulus? Jacta cogitatus tuos implumes adhuc et infir- exponere et de sponsae lectulo, quaj ilium suavius for-
mos in Domino, el ipse te cnulrict, donee formetur et san ct secretins coilocavil, quam conjectura nostra pos-
lirmetur Christus in te; et occurras in virum perfectum sit attingere. Qua propter de mysteriis ad mores des-
I
I. AbUK GlLLEIil-HT
/I

pas e|.ronv^8 et plus ennuyeux de plus insupportable, i«jur unc


et
priiTK!!- .Iess«nlitiient3qu«'j<! n'ai
sans doute dis- Arne qui cherche et qui aime si vivement? Per-
de discuUir sur cc lit que IV-ponse a
que noscon- sonne en effet n'est prive, sans inquittude, de ce
pose si agrfeiblcment et si secraeraent
Desron.lons des qu'il cherche avec ardeur, et la peine est d'autant
iecturps ne le peuvent comprendre.
pratique, et disons que tliercher le plus grande que le bien qui est perdu etait sur le
mvsleres a
mysleres ;i la pratiqu

durant les nuits, » c'est, Combien cela est-il plus vrai de


point d'etre atteint.
bien-airne « dans le lit et
coeur, et I'agitation de la cette faim, queprovoque la douceur, qu'on a eprou-
apres le mouvement du
du repos et des biens presents, vec au fond du coeur et qui est perdue. 11 est i
chair, dans I'oiibli
croire que, selon I'etendue de la douceur ressentie
avoir quelqu'avant-gout des delices de la douceur
dans cceur et ensuite disparue, celui qui aime,
avenir. (Pour resunier en trois mots), vous avez
le

est plusfortement excite a chercher. La mesure de


dans ce petit endroit I'occasion, I'acte et la cause.
La cause dans celui qui aime ; I'acte dans celui qui I'amour donne la mesure de la peine de celui qui
ne trouve pas. Si quek[u'un a jamais eprouve ce
cherche ; I'opportunite et I'occasion dans le lit et
Ce passage est court; parce que le petit litest sentiment d'affection ou de desir, il peut soupcon-
la nuit.
agreable, I'esprit fatigue y trouve le repos etnieme ner, par sa propre experience, avec 'quelle plainte
de cceur I'epouse a dit « Je ne I'ai pas trouve. »
un brulant incendie ; Tamour n'y rencontrant pas :

d'obslacle, s'y livre avec plus d'ardeur .\ tous ses dt- NuUe part la consolation, nulle part le rafraichisse-

sii-s. Mais arretons-nous peu, et plaiseau cielque un ment, mais partout la tribulation et la douleur,tant
ce soil en ce lieu ou I'epouse, se reposant, trouva le que je n'ai pas trouve celui que j'aime avec ardeur
et que je cherche avec insistance. Vous m'avez ren-
bien-aimc ; atin que nous puissions apprendre par
experience ce que nous nous efforcons d'apprendre due, je ne dis pas comme ennemie (Job vu, 20.)

aux autres, combien il est doux de sejourner mais comme etrangere pour vous, et je me suis de-
dans ce lit et de chercher le bien-aime quicstnoti-e venue a charge a moi-meme. Oui, entieremout k
Seigneur Jesus-Christ. charge, je m'ennuie de la vie; voir la lumiere
du jour m'est penible, puisque la lumiere de mes
SERMON III. yeux n'est pas avec moi Ou trouver
. la consolation

si, vous absent, je porte le trouble au-dedans de


Je I'ai cherche et ne I'ai point trouve (Cant, i, 1).
moi? « Mon coeur s'est trouble, ma force m'a aban-
1- Ce n'est pas I'usage de I'epoux de repondre donnee, et la lumiere de mes yeux et le meme bien
llesidur
il qui aime de
touiours, soit pour Ic temps OU pourl'objet, aux n'est plus avec moi. » [Ps. xxxvu, 11.) Trois biens
chercher , ... -i • i„ v„: „i, „
. ,

ef dc ne pas voeux de lame qui est a sa poursuite. « Je 1


ai chei- sont partis avec vous, la force, la verite, et I'iden-
trouver.
^-^^^^ jj j-^ I'epouse, « et ne I'ai point trouve. » Pa- tite. Comment la force se trouvera-t-elle dans le lit

role agreable : « Je I'ai cherche, » mais parole de la douleur, la lumiere dans la nuit et le meme
triste : « Je ne I'ai point trouve. » Qu'y a-t-il de bien dans la division et la separation ? C'est a moi

cendamus, et dicamus hoc esse dilectum in leciulo, et cnim eo quod ardenter qua^rit, non anxie caret, tanto-
per noctes, quaerere, cum post cordis strepitum et car- que cumulatiore anguslia, si vicina spe jamjamque ap-
nis motum, quietis et praesentium obliti, priniitivas piehensuia fraudatur. Quanto magis ilia, quam expertae
quasdam futurae dulcedinis captamus delicias. Habes er- et pcrditaj internae dulcedinis provocat csuries? Credi-

go (ut breviter colligam) in hoc capitulo occasionem, bile est secundum multitudinem retractata; et revolutje

actum, et causam. In diJigente causa, actus in quarentc in corde dulcedinis, acriori ad quaerendum ictu everbe-
opportunitas vero et occasio in lectulo et nocte innui- rari animum amantis. Deniquc ad dilectionis mensu-

tur. Breve autem capituhim, quoniam bonus lectulus, ram, non invenientis pendatur affectus. Si quis in se
in quo suscipit mens fatigala fomentum, imofcrvens in- unquam talem expertus est vel dilectionis vel desiderii
cendium, in quo amor dum offendiculum non liabct, scnsum proprii wstimare potest conjectura exempli,
,

desidei'ii usum exercet ardentius. Scd jam nos hie pau- quam querulo sponsa corde protulcril 2son inveni ilium. :

lulum quiescamus, et in illo utinam leciulo, in quo Nusquam consolatio, nusquam refrigerium, sed ubique
sponsa dum quicvif, dilectum qua-sivit ut cxperientiaj : tribulationem et dolorem inveni, dum ilium quem ar-
sensu in nobis ipsis ediscerc possimus quod nunc alios denter diligo, et instanter quaero, non inveni. Denique
docere conamur, quam duke sit inhoclectulo quiescere posuisti me, non dico tibi contrariam, sed a te quasi
et Uilectum quserere Jesum Christum Dominum nos- extraneam, et facta sum mihimetipsi gravis. Gravis pla-
trum. ne,quam taedet vitae, taedet luminis hujus, quoniam lu-
SERMO IIL men oculorum meorum et ipsum non est mecum. Ubi
erit foris consolatio, si intus in meipsa te absente tur-
Qucesivi ilium, et non invent (Cant, in, a).
batio? Conturbatum est cor nieu?n, derelinquit me virtus
1. Non solet sponsus semper, vel pro tempore, vel lumen oculorum meorum et ipsum non est me-
niea, et
pro quantitate animae se quaerenlis veto rcspondere. cum. Tria haec tecum abierunt, virtus, Veritas, identitas.
QuoBsivi, inquit, et non invent ilium. Gratum certe ver- Quomodo enim virtus erit in doloris lecto, in nocte lu-
bum, qucesivi : sed, non inveni ilium, grave. Quidni men, et in divisione et separatione idipsum? Ad me
gi-ave et intolerabile sic quaerenti, et sic amanli? Nemo nunc respicit ilia prophetalis exprobratio :Quousque (li>'-
SERMONS SLR LE (IVNTIQUE DES (1\-\TIQLES. 15

que s'adresse ce reproche du prophete : « Jusques le Dieu de mon coeur et mon partage a toujours.
iJUb i quand seras-tu dissipee, fiUe errante? » [Jer. Si je perds cet heritage, je resterai vide et aneantie
^^ XXXI, 22. Cain, depuis qii'il s'Moignade la face du comme une terre dessechee, comme vm vase perdu.
du vagabond. Pour nioi, je
Seigneur, fut errant et Vous qui etes la plenitude, inondez celle qui a soif
ne suis pas ainsi errante et vagabonde ; je vous de vous repandez en ce coeur vide une partie de
et

cherche plutot que je ne fuis, et (pour parler avec votre abondance. Puurquoi lui menager le torrent
plus de liberie) la fuite vous convient mieux. Ne de vos richesses? HelasI qu'il coule rapidement ce
suis-je pas eiTante, moi, qui de mon lit etroit passe toiTent dans nos vallonsl 11 passe vite, mais lesde-
aux extremiles de la ville, couraut a travere les pla- m'a causees m'entrainent dans un desir
lices q\i'il

ces, les carrefours et les sentinelles. « Qui s"attache toujours renaissant. Les delices s'en vont, mais en
au Seigneur, devient un esprit avec lui. Cor. vi, s'en aUant, elles laissent le desir apres elles. Files
17.) Cette imite est douce^ et partant diu'e est la se- s'enfuient, et le desir tourmente. Plus on a goute de
paration. douceui-s, plus le delai qui retarde leur retour est
2. Comment a ete partagee cette identite, com- penible. Est-ce qu'il vous est agreable. Seigneur, de
Piense
ment a ete divisee cette union, et comment suis-je faire sou ffrir par de cruels delais une ame malheu- plainte de
r^pouse snr
revenue a moi n'etant plus que la moitie de moi- reuse, et de vous rire dts peines de celle qui vous I'absence
meme ? Je ne me suis pas retiree de vous tout en- aime et qm vous cherche? Si votre majeste vous de -">n ipoai.

tiere. Par le desir je suis portee vers vous, j'en suis eloigne,que votre misericorde vous incline. Si vous
eloignee par labsence dans ce desir je trouve: ne vous donnezpas a celle qui vous cherit, ayez pi-
quelque consolation, mais le supplice du retard la tiede ceUe qui souffre. Je suis aifligee et humiliee
detniit et I'absorbe entierement. Comment toute avec exces, et nigissant en moi-meme dans les geniis-
consolation ne m'est-elle pas enlevee, quand vous sementsde mon coeur, je ne I'ai point trouve. Oil est
me cachez votre visage ? Enlin, comme parle le pro- maintenant Tabondance de votre tendresse, oil I'e-
phete : « la consolation adisparu des yeux, parce tendue de vos misericordes? Longlemps et trop
que la division s'est mise entre les amis. » {Os. xui, longtemps elles ont ete retenues sur moi. Celle que
J 3.) pour moi, parce que cette union
Elle est cachee vous aimez, desirant la fin de votre absence,
m'avait el octroyee. Vous navez nul besoin de mes
' se repaud en douleur, et vous vous coutenez .'

biens, mes biens sont vos dons, c'est pourquoi la Joseph, emu a la vue de ses freres si mal meritants,
desolation est mon partage quand U m'arrive de ne pouvait se retenir, ses entrailles furent remuees
me separer de vous. Vous etes ma foi'ce, la luniiere et il leur decouvrit avec douceur qui il etait. [Gen.
de mes yeux, Vunile parfaite, mon tout. Entin ma XLv, 3.) La tendresse grande envers ime
est plus
chair et mon coeur defsdllent, afin que desormais, epouse qu'envers un 'frere. Vuus metes plus que
ni I'aflFection charneUe, ni le sentiment de mon Joseph. Vous etes mon frere, vous etes mon epoux.
coeur ne respire en moi, mais que le bien-aime soit Qui vous donnera a moi, vous mon frere. Je m'em-

soheris filia vagal Denique et Cain, ex quo egressus remanebo, quasi terra sitiens, et quasi vas perditum.
est et profugus. Ego quidem non ita vaga et profuga : .\dsume, adsume qui ebrius es sitientem, et vacuo vasi
magis enim quaerens quam fugiens, et (ut licentius lo- tuae plenitudinis portianem infudens. Quidparcistorrenti
quarj tibi fuga plus competit. Annon vaga, quae de lec- illi ubertatis tuae? Heu me, quam raplim transit torrens

tuli angustiis transeo ad ambitum urbis, discurrens pep iste nostris in convallibus.Cito quidem transit, sed tra-
plateas, per vices, per vigiles? Qui adfupret Domino, hunt me
post se in aeternum desiderium impartitae de-
untts est spintu-i. Dulce hoc ipsum, et ideo dura sepa- licts. Deliciae abeunt, sed desiderium relinquunt. Illse
ratio. excurrunt, et istud excruciat. Quanto sunt enim praero-
2. Quomodo dissipata est haec identitas, dissiliit unio, gata dulciora, tanto moleslior de dilatione mora. Itane
et ad me cimidiata redii? Nam tota a te non discessi. Domine suave videbitur tibi miseram mora tali tor-
Desiderio in te feror, sed a praesentia differor habeo : quere animam, et de poenis diligentis et quaerentis teri-
aliquod in desiderio solatium, sed totum illud abscondit dere? Si majestas te abducit, misericordia inclinet. Si
et absorbel de dilatione supplicium. Quo pacto non abs- te non indulges dilectae, miserere vel afTlictae. .\ftlicta
conditur omne solatium, quandiu abscondis faciem tuam sum, et humiliata nimis, et a gemitu cordis mei mecum
a me? Denique sicut ait propheta Comolatio abscondi- : illud rugiens, non invent ilium. Ubi nunc mullitudo vis-
ta est ah oculis, quia facta est inter dilectos divisio. Sed cerum tuorum et miserationum tuarum? Diu et nimis
mihi abscondita, quoniam mihi fuerat haec unio indulta. diu continuerunt se super me. Dilecta tua absentis desi-
Tu enim bonorum meorum non eges. Bona enim mea, derio in dolorem se fundit, et tu te confines? Joseph
dona tua sunt : ideo mihi incumbit desolatio, dum a te male meritos de se miseratus fratres, non polerat se
separari contingit. Tu \irtus mea : Tu lumen oculo- continere; sed commota sunt viscera ejus, et quisesset,
nim meorum Tu mihi ipsum Tu mihi
: : totum. Deni- blande innotuit. Et quidem tenerior esse solet ad gra-
que defecit care mea et cor meum, ut de reliquo in me tiam sponsi pietas, quam fratris. Tu mihi plus quam
nee camalis nee cordis mei, sensus respirel;
affectus, Joseph. Tu enim frater; tu sponsus. Quis dabit mihi
sed sit Deus cordis mei, et pars mea Deus in aeter- te fratrem meum? Ego me totam ad quaerendum im-
num* Si banc partem perdidero, inanis et vacua pendo, et tu me suspendis sponsus et frater? Ergo eris
16 I. ABBE GILLtBtm
ploie tuutf; ii vous cherchcr, et vuus, nnjn i-poux el ni- que viennent mes delices et qu'il se repose
:

mon frt^re, vous me tonez en suspens vous me se- I dans son lit. Vous differez jteut-^tre k dessein votre
rez done inf6rieur en amour, vous qui m'oles supe- arriv^e, mais l'amour, dans son impatience, ne se

rieur en majest/". L'amour et rhumilitL' se repou- console point par ce motif. Je sais que celte joie

derit micux que l'amour et la majeste. Oubliez un m'est resenee a son heure, mais l'amour ne s'alle-

ppu votre majeste, pour vous rappeler votre mise- gue pas, pour se calmer, la brievete dutemps. Vous
ricorde, lout mon desir est en vous, Pourquoi n'est- mais je n'y tiens plus, je me leverai et
dilferez,

il pas devant vosyeux? Vous dissimulez, vous re- parcourrai la cite. Je meprise ma couche, j'aban-
tardez, vous detournez de moi votre visage et je donne le commencement de ma conversation pour
suis troublee. C'est pcjurquoi je me plains, et je m'elever a des regions plus parfaites.

crie : « Jo ne I'ai pas trouve. » U. Car, bien que je soisl'epouse, etparfaite selon

Heureuse condition, quand il m'aura etc donne qu'il est possible a la nature humaine, je crois n'u-
3.

de dire « iion bien-aime est a moi, et moi je suis


:
voir atteint qu'un faible commencement, debut au-
a lui. » Maintenant je suis a lui, mais il ne s'est quel se rapporte cette parole « Je me leverai, je

pas « encore toume vers moi. » Changemeut amer parcouri'ai la cite, je chercherai a travers les rues
Diea
pour I'Anie aimante I C'est pour cela que j'emploie et les places [Cant, m, 2.) bon Jesus, comment se est parton
div
une parole ditlerente : « Je ne I'ai pas trouve. Tout fait-il qu'on ne vous trouve pas quelque part, vous
a son temps, et revientsous le soleil a sou moment. qu'on croit present partout? A la verite, il y a plu-

Quand done viendra-t-il que toutes choses persis- sieurs demeures dans la maison de votre Pere,
tent avee le soleil, et, avant les variations de la lune, mais que vous en quitlez quelques-unes jwur
est-ce

(ju'elles restent ne s'ecoulent plus


dans I'eternite et passer a d'autres, vous qui etes immense et inQni ?

avec le temps? Maintenant tout a son temps et Dans tous vous etes present, les creant et
les etres

peul-etre Tetermte elle-meme a-t-elle son temps. les contenant. Mais aucune creature ne peut espri-

On parle en effet de temps eternels. En eux-memes mer votre infinite, quoiqu'il ne s'en trouve aucune

ces temps sout eternels, mais par rapport a nous il qui ne puisse, en partie, montrer votre puissance.
sont disposes dans une mesure qui leur est propre. Par votre existence vous etes tout entier en tout

Tout a son temps; il y a le temps dembrasser et le mais par votre influence vous n'etes pas egale-
lieu,

temps de s'an'acber aux baisers. Quel temps sera ment en chaque etre. Car encore que vous realise-
plus propre aux t-mbrassements que les beures de riez partout I'acte de tout votre etre, cependant
la nuit? Lequel y sera le plus propre, ou le lit vous u'operez point partout, vous n'agissez meme ja-
comnie lieu, ou la nuit comme temps votre place ! mais selon toute votre puissance. Avec uue facdite
est dans la paix, c'est pourquoi je vous ai prepare egale, vous produisez de petites choses dans les etres
desmoments de repos, et dans mon caur j'ai dis- petits et de grandes dans les grands. Partant, quand
pose la couchedelajiaix. Que mon bien-aime vien- votre vertu opere en tout lieu, selon toute son eten-

in dilectione minor, qui es majestate superior? Magis lectulum. Veniat dilectus meus, veniat delectatio mea,
sibi respondent anior et humilitas, quam amor et ma- ct requiescat in cubili suo. Tu forsan dispensatorie
jestas. Paululum mnjestalis obliviscere, ut misericoitliae differs sed non capit amor impatiens de dispcnsalione
:

recorderis. in tc omne desiderium meum. Ut


quid non solatium. Scio mihi repositum tempore suo : sed de
ante te? Ut quid absconditus est a te gemitus mens, fugacis tarditate temporis amor causatur. Tu differs :

qui tolus est pi-o te? Dissimulas et difTers, et avertis fa- ego quidem diutius non fcro, sed surgam et circuibo
ciem tuam a me, et facta sum conturbata. Propterea civitalem. Contemno lectulum, et initium sermonis
qucror et causer et clamito yon invent i//ttm. : derelinquo, ut ad pcrfectiora ferar.
3. Felix conditio, quando diccre datum fucrit : 4. Nam etsi sponsa sum et perfecta pro regula;
di/ectus metis mihi, et ego Nunc vero ego dilccto
it/i. modulo humanae, initium lantum accepisse me rcputo,
meo, sed nondum ad me conversio ejus. Amara quidem ad quod restat rcspiciens Surgam et circuibo civitatem,
:

amanti comniutatio. Idcirco pro vice voccm conimuto : <}u<era77i per vicos et ptateas. Jesu bone, quid est quod
Xon invent iftuni. Omnia tcmpus habent, ct suis spatiis alicubi non inveniris, qui ubique credcris? Mullae
univcrsa sub sole transcurrunt. Quando crit ut cum quidem mansiones in domo Patris tui sunt sed num- :

scic pormaneant, et mutabilitatcm lunap, ut in


ante quid alias deseris ad alias transiens, qui infinitus ipse
cBternitate stent, ct non transcurrant cum tempore ?
, et immensus es? Ubique creaturarum totus es, creans
Kunc vero onmia tempus habent, et habet forsitan et continens sed infinitatem tuam creatura nulla
:

suum tempus aeternitas ipsa. Dicuntur enim et terapora potest exprimere, quamvis virtutem nulla non possit ex
aeterna. .t^terna ergo in se a?terna sunt, sed nobis parata parte innuere. Ubique totus es per existentiam sed :

sunt tempore suo. Omnia tempus habent tempus : non aequaliter in singulis per efficientiam. Nam etsi ex
amplectendi et tempus ab ample.\u longe fieri. Quod toto te ubique opereris, non tamen totum quod potentiae
ergo erit aptum magis, quam nox amplectendi tempus? tuae est ubique, imo potius nusquam operaris. Indif- ,

Imoiquis erit aptior ad amplectendum, vel lectulo ferent! enim ^irtute efficis in minimis minima, et in
locus, vel node tempus? In pace locus tuus : et ideo magnis majora. Cum ergo virtus tua ubique et tota
quietis temjus; et pacis tibi pararavi in corde meo opcretur, nusquam famen tota cxpenditur quia cum :
. » ;

SERMONS SLR LE CANTIQUE DES CA.NTIQLES. 17

ilue, jamais poiirtant developpe en toute


elle ne se rang des mercenaires. Sentiment de modestie si
sa plenitude, parce que lorsque rous le voulez, vous Ton considere ses merites, mais trop humble et in-
pouvez faiie encore davantage ; elle n'est pas expri- jurieux a I'abondance de la commiseration de son
niee dans son infinite, parce que I'image ne pent ja- pere; marque d'un esprit affame et devore de misere.
mais representer parfaitement la verite. Toutcs les de moi comme
« Je lui dirai, poursuit-il, Pere, faites

creatures peuvent me donner votre counaissance, I'un de vos mercenaires. ne pouvait elever a de » II

mais toutes ne peuvent pas m'enflammer au-de- plus hautes pretentions son esperance cimaigrie et
dans a la devotion. Je vous rencontre partout, mais atfaiblie. « Je me leverai et j'irai a mon pere.n II
partout, je ne sens pas la componction. Partout je ne s'inquiete pas de lerechercher; ce qui I'occupe,
vous trouve preche par I'apparence,, I'ordre et I'u- c'est de le flechii-. L'epouse, certaine des bonnes
sage des creatmres, mais ce n'est pas la le Verbe sa- graces de lepoux, ne demande que sa presence.
gesse, pas le Verbe salut. Ce Verbe sagesse et salut, « Je me leverai, »^dit elle, « je parcourrai la ville et
ee Christ Jesus, il se trouve seulement dans la cite de je chercberai celui que mon coeur aime, » croyant
notre Dieu et sur sa montagne sainte. C'est pour- qu'il suftit de le trouver.
quoi « je me leverai, je parcourrai la cite. Levez- 5. Voyez si on ne pent etablir ici cette distinction:
vous, s'ecrie Saint Paul, levez-vous, vous qui dor- I'indulgence du pere est preparee et offertea tons
mez, sortez des ombres de la mort, et le Christ vous les hommes mais ; les delices quelle fait gouter sont
eclairera. » Eph. v, 1^. Je me leverai, quittant passageres et cachees, et se plaisent a demeurerse-
des oeuvres mortes ou des moeurs mauvaises, cretes. C'est pourquoi lenfant prodigue, dit « Je :
L'indnlgenee
et passant des bonnes aux meilleures , des me leverai et j'irai. » L'epouse : « Je me leverai et de Dieu
est ouverte i
mceurs aus mysteres, des secrets mysterieux, aux je chercherai. » Enfln, le pere se porte a la rencon- tons
realises manifestes, des sentiments sereins aux emo- tre du ills penitent, I'epoux se cache a l'epouse qui ^
^^i^des"
tions suaves. « Je me leverai et parcourrai cette le recherche. La misericorde se repand davantage, delices qu'elle
procure.
cite » dont Le Seigneur est trop grand
il est dit : « la delectation est plus sobre. Ce n'est pas mal-a-
et tropdigne delouanges, dans la cite de notre Dieu, propos que Tun et I'autre disent : « Je me leverai.
sur sa montagne sainte I. PiJ--. svi, 25, et Ps. XLvin; Saint Paul ne vous permet de chercher les choses
Qu'il se leve done, celui qui veut,avec Marie, gravir d'en haut que si vous etes ressnscite. Vous ne pou-
les montagnes. Et le tils prodigue s'ecrie, rentre en vez gouter ces bienssuperieurs, si,auprealable,vous
lui-meme : « Jeme leverai, et jirai a mon pere. ne les avez cherches. [Cor. ui.)Mais qu'est-cequeles
Luc. XV, 16. 11 dit prudemment « Jeme leverai,)) : trouver si ce n'est les sentir, comme par un gout
etant siu* le point d'aller vers le pere qui est aux d experience etde douceur? C'est pour cela que l'e-
cieux. Mais I'esperance qu'il avait concue dans son pouse coiurt partout et scrute tout, pour gouter quel-
coeur etait trop faible, trop mediocre, lorsqu'il se que part ce qu'eUe aime. « Je me leverai, » dit-elle,
proposait de demander a son pere de le mettre au « je parcourrai la ville, je chercherai dans les carre-

volueris, suppetit tibi efGcere majora; nee tota exprimi- dans in hoc animi indicium et inedia confecijli. Dicam,
tur, quia veritatem non possunt ad
iategrum cemulari inquit, ei: Pater, fac me ncut unitm de mercenariis
simolacra. Omnia ergo te mihi monstrant ad cognitio- luis. Non enim poterat jejunam et macram spem ad
nem, sed non omnia me movere possunt uitus ad majora porrigere. Surgam, inquit, et vadam ad patrem
devotionem. Ubique in te impingo^ sed non ubique meum. Isre de qua?rendo nil movetur patre, tantum de
compungor. Ubiqiie te mihi ingerit rerum species et tlectendo sollicitus. Quje sponsa est, certa de gratia
usus et ordo, sed verbum sapientiam, non verbum salutem. postulat pKescntiam tantum. Surgam, inquit, et circuibo
Verbum autemsapicntia et salus, id est Christus Jesus, dviiateni, et quceram quern diligit anima mea, inventio-
tantum in ci«fate Deinostri, in monte sanctocjus. Prop- nem sufQcere rcputans.
terea surgam, etcircuiho cidtatem. S«<rje, in quit Paulus, o. Vide si non in prffsenti heec possit observari
qiri dormii, et exsurge a morluis, et iUuminabit te distinctio, quoniam patris cxposita est et parata cunctis
Chriitus. Surgam ego, non de mortuis operibus, non indulgentia : vero fugaces et reconditae, et
delici;p
de praxis moribus sed de bonis ad meliora, de
:
latibulis gaudentcs. Ideo ille dicit Surgam et vadam. :

de moribus ad mysteria, de mysticis ad manifesta, de Ilia vero Surgam et queeram. Denique et pater occur-
.•

serenis ad suavia. Surgam et circuibo civitatetn illam, de rit pcenitenti, sponsus se subducit diligenti. Slisericordia
qua dicitur Magnm Dominu-i et laudabilis nimis, in
:
sui profusior est, delectatio parcior. Id autem non
civitate Dei nostri in monte sancto ejus. Ergo surgendum incongrue ab utroque posilum intelligitur, quod dicitur,
est ei qui in montana ^-ult cum Maria conscendere. surgam. Non permittit le Paulus qu;p sursum sunt
Et prodigus ille fdius in se reversus furgam, inquit, :
quaerere, nisi prius resurrcxeris. Non potes qua? sursum
et vadam ad patrem meum. Prudentcr ait, nirgam, sunt saperc, nisi prius ilia qiispsieris. Quid enim est ilia
iturus ad eum, qui in co?lis est patrem. Sed nimis bona qujp sursum sunt, invenirc, nisi quodam dulcedinis
exilem et macilentam spem reposuerat in sinu sue, et experiential gustu persentire ilia? Ideo cuncta pcrlus-
mercenariam conditionem patrem rogaturus. Modeste trat et scrutatur, ut quod amat alicubi degustet. Surgam
quidem pro mentis, sed do patcrna? miserationis copia inquit, et circuibo civitatem, quaeram per vicos et plateas
humiliter nimis et injuriose sentiens, vere famelici quern diligit anima mea. Multum sibi fiduciap sanctus
T. V. 9
18 LABBli GILLEBEHT.

fours et les jjlaces tclui ([ue mon coeur aime. » la cite, ui les lieuxque I'epoux a coutume de visi-
ter. Elle fail le tour,mais elle marche al'inteneur,
Le saint amour prond boaucoup de coiiliunce. Coui-
dans les rues et les places de la ville. Car la sa-
l>ien pensez-vous qu'aiuiait celle qui enlreprenait
grandes courses « Je me leverai et je par- gesse se montre joyeusement dans ces chemins et
(le si :

sa voix retentil sur les places. C'est pour cela que


courrai la ville. » Nul hypocrite iie sera admis en
votre presence, Seigneur. Adam se caclia, depuis
I'epouse y proraeue ses pas, parce qu'elle connait
eut perdu I'assurance d'une bonne conscience, I'endroit ou elle pent plus facilement reuconlrer
((u'il

gemit d'etre decouvert, lui qui plutot anrait son bicn-airae. « Je ferai le tour, dit-elle, cherchant
et il

du chercher. [Gen. ui, 8.) Celiii qui feint d'ainier, dans les places et les rues. » Vous le faites souvf-ntce

fuit votre presence : celle qui est epouse, qui est circuit, o ame heureuse, et I'acces vous en estfami-

enrichie du don de la cbarile, poursuit lepoux lier, tous les details de cette cite vous sont connus :

6 bon Je- les detours et les recoins caches, les passages etroils
,,
L amour
meme lorsqu'il
^ s'ecbappe.
'
Oil irez-vous,
'^

suit parioutj sus^ en presence de ce violent desir? Si vous mon- des quartiers et les larges avenues des places. Le

au vous dcscendez aux abimes,


est; ruivous a introduite dans le cellier de ses vins. Ne
bicn-aini6. tez y
ciel, il si

il s'y trouve. Cette chercbeuse curieuse et empres- vous a-t-il pas conduite dans toutes les autres re-
see, vous suit partout, et parcourant successive-
traces encore plus cachees? Tout vous est ouvert;

ment tons les degrcs de vos ceuvres, ce qu'elle sai- vous pouvez passes partout, et I'experieuce vous
de transformer en fait seutir que vous etes tout-a-fait libre pour en-
sit par la foi, elle s'elforce le af-

fection et de repondre par sa devotion a votre admi- treprendre ce parcours. Aussi, ce n'est pas corame

I'able majeste. Elle emploie tous les textes des evan- qui hesite, c'est avec assurance que la bien-aimee

giles a exciter son amour, atin qu'y trouvant la dit : « Je parcourrai la cite. » Et qiielle consolation

verite, y sente aussi la verlu, cette vertu qui


elle
n'eprouve-t-elle pas, mes freres, de voir chemia
ii'est autre que son epoux, Seigneur Jesus-Cbrist,
faisant et de fouler frequemment sous ses pas les

qui vivez et regnez dans les siecles des siecles. endroits oii avaient coutume de se poser les pieds

Amen. de celui qu'elle aime ne sais comment cela se


? Je

fait, mais les lieux oii nous avons eprouve quel-


SERMON IV. ques jouissances les rappellent plus vivement a
noire memoire ; ils les depeignent avec sviite aux
Je me leverai et j)arcourrai la ville; u Iravers les
rues, je chercherai mov yeux de uotre esprit, et alors ce que nous y avous
places et les hien-aime.
goute nous I'esperons encore. Pour moi, je regar-
(Cant. Ill, 2.)
derai ces endroits, non comme corporels, mais
1. Cette marche n'est pas une divagation, c'est bien comme des situations spirituelles propres aux
ime recherche. Car si celle qui par court erre, elle exex'cices de I'ame ; c'est dans eux par consequent
ne secarte pas, elle ne depasse pas les barrieres de que nous entendons placer le circuit dont il s'agit.

amor adsumit. Oiiantum enim putas diligebat, quae perambulare solet. In circuitu ambulat, sed intus ambulat
tantumpraesumebatTSMrgrawijinquit, et circuibn civifatem. per vicos ct plateas civitatis. Sapientia enim in his \-iis
Non conspectum Itium Domineomnishypocrifa.
veiiiet in se ostendit hilariter, et in plateis dat vocem suam. Ideo
.\bscondit so Adam, ex quo bonte conscientiie ausum in istis circuit, quia novit ubi soleat illi uberior occursus
amisit, et invcntum se dokiil, qui raagis quaererc debuc- esse dilecti. Circuibo, inqviW, queer ens per vicos et plateas.
rat. Qui note diligit, fugit conspectum tuum quae vero : Frequens tibi est, o'felix anima, talis circuitus, etaccessus
sponsa est el carilalis dotata muncre, etiam fugifantem familiaris, et nota sunt tibi omnia civitatis tiujus : circui-
insectatur. Quo ibis bone Jesu, a facie vchementis desi- tus et reccssus intimi,angusta vicorum, et lata platearum,
derii? Si ascendcris in caelum, illic est : si descenderis Introduxit te rex in ccllam vinariam. Numquid non et
in infernum, adcst. Ubiquc to scquiturcuriosascrutatrix, in omnes alios sccretiores recessus? Omnia tibi sunt
ct per singulos operum tuorum gradus discurrens, quod apcrta et pervia, et usu quodam ad beatum hunc expe-
fide tenet, conatur transfundcre in afFeclum, et admiran- ditam te sentis circuitum. Ideo non cunctanti, sedconfi-
dae majestati devotione rcspondere. Ad dilectionis dcnti similis dicit Circuibo civitatem. Et quantum
:

incentivum omnia Evangilii documenta deducit ut in : putatis, fratres, quantum


solatii confert in\isere interim
quibus veritatem suscipit, virtutem persentiat tcipsum etcrebro conterere gressu loca in quibus stare solebant
sponsum suum Christe Jesu, qui vivis et regnas per pedes ejus, quern diligit? Nescio quo pacto loca, in
omnia Scccula saeculorum. Amen. quibus aliquid boni experti sumus, expressius idipsum
imprimunt memoriae, et ex ordine ante mentis depingunt
SERMO IV.
oculos, et quod jam experti sumus in ipsis, iterate spera-
Surgo et circuibo civitatem, per vicos et platens quoeram mus. Ego loca ista non corporalia, sod spiritualia credi-
quern diligit anima mea. derim, opportuna ad animae exercitationem spiritualem;
(Cant, in, a.)
propterea in his accipiamus circuitum.
^
Circuitus iste non est pervagationis, sed investiga-
1. 2. Circuitus iste aut recordationis est, aut investigatio-
tionis. At si vagatur quce circuit, non evagatur tamcn, nis. Circuit enim, qui vol nota recolit, vel ex ipsis notis
non excedit terminos civitatis, non loca quae dilectus nondum
colligit, quae sunt nota. Circuit quodammodo
SERMONS SUR LE CANTIQUE DBS CANTIQUES. 19
Quel est 2. Ce circuit est un moiivement ou de souvenir mais se regie par I'autre. La raison veut quelque
circuit de
'Spouse. ou de recherche. U fait le tour, celui qui se rap- chose de plus q\ae croire. Quoi plus ? voir. Autre
pelle ce qu'il connait, ou tire des choses qu'il sait chose est croire, autre chose est voir mais elle ne :

deja cellcs qu'il ne sait pas encore. II fait le tour, s'etforce de voir que les donnees, quece quelle cou-
celui qui rumine les counaissances acquises ou coitpar la foi. Et si elle ne pent encore voir sans me-
scrute avec attention des questions nouvelles. C'est lange, elle essaie, par quelques efforts proportionnes,
faire un que de repasser avec ordre et suite
circuit de conjecturer ce qu'elle a acquis par une foi so-
ce que la foi et la raison nous ont deja appris. C'est lide. La raison s'efforce de s'elever sur la foi; ce-
operer un circuit, que de passer, a I'aide de ce que pendant elle s'appuie sur la foi et est retonue par
nous tenons, a ce qui est plus cache, et d'y penetrer elle. D'abord, elle est devote, ensuite prudente, et
intimement. L'un de ces passages est un mouve- en troisieme lieu sobre; et (pour ainsi parler) la
ment de jouissance, I'autre un acte de raison. L'un raison aide, et voit. Ce circuit est
I'intelligencc
est plus airaable, I'autre plus intellectuel. Et, bien bou; conduit par la raison, I'esprit y marche en
que le premier paraisse mieux convenir a I'epouse, scrutant, mais il ne s'eloigne pas de la foi, il y est
nous ue lui refuserons neanmoins ni l'un ni I'autre. instruit par la foi, et s'y tient attache a la foi. II se
Soit qu'elle repasse ce qu'elle connait, soit qu'elle tronipe entiorement s'il ne rapporte pas tout a
explore ce qu'elle ignore, en tout, elle ne cherche I'examen de la foi, et s'il u'astreint pas la marche
onnexion
que le foyer de I'amour. Bon est le circuit qui se precipitee de la raison a la gravite sage et mure de
ui eiiste fait par la raison mais quand la raison se contient
, la foi. Bonne est cette marche oil la justice de Dieu
entre
itelligence. dans les regies de la foi, n'en depasse pas les limi- se revele de la foi vers la foi. Bonne est cette mar-
la foi
la raison.
tes, allant de la foi a la foi, ou de la foi a I'intelli- che dans laquelle on va de clartes en claiies,
gence. La raison, quoiqu'elle depasse les bornes de comme pousse par I'esprit du Seigneur. Bon est ce
que ce qui est contenu
la foi, n'a pas d'autre objet circuit, par lequel, oubliant ce qui est en arriere,

dans Dans la raison, U n'y a pas plus de cer-


la foi. on s'elance vers ce qui est en avant, pour s'efforcer
titude cpie dans la foi, on y trouve la serenite : de le saisir. Excellente est cette course, dans la-
aucune ne trompe ou n'hesite. Oil il y a hesitation quelle on ne saisit pas toujours des verites nouvel-
ou erreur, il n'y a pas intelligence ; oil il y a hesi- les et cachees, Ton rumine dans une affec-
mais oil

tation, il n'y a pas de foi. Et si la foi parait pou- tion nouvelle et fi'aiche ce qui a eteprecedemment
voir admettre I'erreur, cette foi n'est pas la vraie conuu; dans laquelle on ne penetre pas de suite
foi, la foi catholique : c'est une credulite erronee. ce qui reste a voir, mais on revoit souvent ce qui a

La foi (pour parler ainsi) tient et possede la verite deja ete penetre. Heureux circuit L'epouse ne !

droite , I'intelligence la voit nue et sans voile ; la I'ignore pas. C'est pourquoi elle dit avec conliance :

raison s'efforce de la manifester. La raison , cour- « Je me leverai et ferai le tour de la ville. »

rant entre la foi et I'intelligence, s'eleve a I'une, 3. Quelle ville pourra mieux meriter ce nom que

qui nota rccordatiir, vel pcrscnitatur nova. Circuitus concipit, conspicere conafur. Et si nondum sincere
quidam est, cum ea quae jam fideet intelligentia tenemus, videre potest, quibusdam tamen accommodatis experi-
ordine retractamus. Circuitus quidam est, cum ex his mcntis conjicere tentaf, qu;e jam solida fide concepit.
qua? jam tenemus, ad occuUiora lendimus et pcnetramus Ratio supra fidem conatur, fide tamen nifitur, fide
Ciroiiitus ille oblcctationis est, iste rationis. Ille amicabi- cohibetur. In primo devota est: in sccundo prudcns; in
lior, iste acutior. Et quamvis ille circuitus magis acco- tertio sobria et (ut sic dicam) fides tenet, tuctur ratio,
:

raodatus sponsa; videatur?neutrum lamenillinegabimus. intelligentia intuetur. Bonus iste circuitus, in quo mens
Sive enim nota et comperta revisit, sive investigat nova; rationis ductu pervesligando sed a fide non
procedit,
in omnibus amoris tantum fomitemquGerit. Bonus quidem rcccdit, insfructa a fide, et restricta ad fidem. Erronea
rationis circuitus sed quando ratio ipsa intra fidei
: plane, si non cuncia ad ejus refcrat exanicn, et citum
regulas se continet, et ejus (orminos non excedit, dc rationis incessum ad fideimaluritatem castiget. Bonus
fide ad fidem, vel de fide ad intelligentiam pertingens. circuitus, ubi justitia Dei revelatur ex fide in fidem.
Intelligentia cjuidcm etsi fidem excedit, non tamen aliud Bonus circuitus, ubi quis transformatur a claritatc in
contiietur, quam quod fide continetur. In intelligentia claritatem tanquam a Domini spirilu. Bonus circuitus,
quani in fide non cerlitudo major inest, sed screnitas : ubi quis posteriorum oblitus, ad antcrioi-a cxtcndit semet
neutra vcl errat, vel ha^ret. Ubi vel error vel luTsitafio ipsum, si quo modo comprehcndat. Bonus ccrte circuitus,
est, intelligentianon est ubi ha'sitatio est, fides non est. Et
: non modo cum non semper et occuUiora comprehendun-

si fides amittere posse videtur errorem, non est vera nee tur, sed cum jam apprehensa novo et recenti semper
catholica fides, sed erronea credulitas. Fides (ut sic afTectu revolvunliu- cum non modo quod reslat, pene-
:

dicam) veritatem rectam tenet et possidet; intelligentia tratur; sed quod jam penctratum est, frequenter iteratur.
revelatam et nudam contuetur; ratio conatur revclare. Jucundus circuitus, cf sponsa- non ignotus. Ideo confi-
Ratio inter fidem intelligcntiamquc discurrens, ad illam dentcr dicit Sttrgam, et circuibo civitatem.
:

se erigit, sed ista se regit. Ratio plus aliquid quam 3. Qua? aptiiis esse polcril civifas quam ilia, dc qua
credere vult. Quid aliud? Conspiccre. Aliud est credere, dii'turu est G/iirosifi dirtn sunt tit' le ririlifi
: Pei"! El
aliud est ccrnere non tamen aliud, quam quod fide
: quidem universilas crcaluru; dici potest non inconvc-
20 LABBt GILLEBEHT.
celle dont il est ecrit : u On a raconte de vous des tiou. De Dieu vient non-seulement la puissance ra-
i hoses glorieuses, 6 cit^ do Dieu Ps. i.xxxvi, 3.^ » dicale de produire tout mouvement, mais aussi le
CdBinent la L'eiisemble de la creation pent ^Ire convenable- mouvement de toute faculle ; de sorte que de lui Et lapnia^
sance motiit
meut appele cite de Dieu ; c'est Die'i qui I'a bAtie, decoulent et la force et le mouvement de la force. et la iDotia
ProTidenc*
EUe est certes glorieuse, Le mouvement de mauvaise intention tient de
la eUe-mAmt
pouTerne c't'st Dieu qui I'a disposee.
dependent d
lODt.
et par la beaute et par I'ordre qui eclatent en elle. lui d'etre un mouvement, mais ne tient pas de lui DieU.

Quant aux actions moins justes que produit la li- d'etre un mauvais mouvement. Ce nest pas de Dieu

cence de I'esprit depiMve, elles sont en elles-memes que vient qu'il soit dirige vers une fin moins re-
moins glorieuses il n'est pas en leur pouvoir
: glee, mais c'est lui qui fait que, par une admirable
d'echapper a I'ordre du gouvernement divin, ordre disposition, le desordre rentre dans I'ordre.
qu'elles n'ont point en vue. Ceux-la seuls sont vrai- i. Voyez la vente de Joseph et sa descente en
Comment
ment glorieux qui se conforment a la volonte du Egypte; Pharaou sortant et poursuivant Israel, Dieu se sev
ciel, appliques a conserver la grace de leur pre- I'ai'mee eiigloutie et le peuple elu sauvc ; considerez do pectii
poar V ordr
mier etat, ou a la reparer si elle s'etait alteree en comment tous ces evenements se rapportent aui
eui. lis sont glorieux de deux manieres : par la saints mysteres de I'lncarnation, de la Passion de
condition naturelle, qui leur est commune avec les Jesus-Christ et de notre salut ; une ame dUigente
autres hommes, et par la conformite volontaire au trouvera de semblables exemples en plnsieurs en-
bon plaisir de Dieu qui les dirige et qui les regie, droits. Les peches commis ne pourraient servir a
en quoi ils s'eleTCut au-dessus des autres. L'ensem- de nouveaux mysteres, si la divine Providence ne
ble de la creation est done appele cite de Dieu elle ; faisait sentir par des moyeus caches, son
en ceci,

est gouvornee, en effet, par les lois de sa volonte. operation adorable. Cai' tous ces evenements an-
Cest Dieu qui donne a toutes les creatures la cieus ne sont pas survenu'; tellement par hasard et
beaute de I'etre selon leur propre genre, I'eflicacite sans direction, qu'un sage ordonnateur et qu'un
dans I'usage auquel elles s'emploient et la rela- sage observaleur n'aieut fait qu'adapter seulement
tion avec leusemble, afin que chacune soit belle ensuite de nouveaux mysteres mais bien plutut ils:

en elle-meme, ne soit pas inutile dans le tout et ne ont ete prepares non par Ihomme mais par le Sei-
repugne en rien aux autres. Que les eti-es soient gneur, afin de signifier d'avance les sacremeuts du
regis par le mouvement de la nature ou par la vo- Sauveur. Pourquoi Jesus-Chrisi a-t-il ete mene a
lonte libre arbitre, ou par linstinct de la grace
du sa passion, a telle heure, a tel jour, et a-t-il subi

divine, par tous ces mobiles reunis ou par Tun un de mort ? Qui niera qu'il y ait ici du
tel geiu"e

deux separe, chacun d'eux recoit de i'iniluence mystei-e, ou n'y verra que I'effet du hasard ? Le
divine qui opere invisiblement en son interieur le jour oiil'homme est cree, c'est ce meme jour qu'il
mode et le mouvement. Le mode qui est comme la est repare ; a Iheure oil il subit sa condamnation,
loi de lordre ; le mouvement qui est la loi de I'ac- il a recu le pardon. Le bois introduit la mort, le

nienter ci vitas Dei, ab eo condita, et ab eo disposita. motus \irtutis. Motus vero


infentionis pra\-a?, et ab ipso
Gloriosa plane et pro specie, et pro ordine. Nam pro babet quod motus ab ipso non habet quod pra\"us
est, et
actibus minus justis, quos depravatae mentis producit est. Neque enim ab ipso est, quod in minus ordinatum
libertas, quantum in ipsis est, minus in gloria nee ex : finem dirigilur sed ab ipso est, quod inordinalio ipsa
:

*
ipsis est, quod ordinem divinae dispositionis non effu- mira prorsus ratione in ordinem redigitur.
gioDt, quern non intendunt. Soli autem vere gloriosi i. Vide vendilionem Joseph, descensum in.Egvptum:
sunt, qui divinae dispositioni supponunt studlum, egressum et insectationem Pharaonis, submersionem
sollicitiprimae conditionis int(^ram servTire gratiam.vel exercitus,, et ereptiouem Israel, quomodo incarnationia
resarcire corruptam. Isli gemino quidem niodo gloriosi et passionis Christi, et ereptionis nostra? serviant myste-
efficimitur : naturali cum ceteris conditione et volunta- riis : et multis quidem in locis similia diligens reperiet.
ria prae ceteris coaptatione ad ordinantis et dirigentis Dei Non ergo possent antiqua delicta no\is deservire sacra-
^utum. Dicitur ergo civitas Dei universitas creatiine; mentis, nisi occulta ratione divina intus operante proAi-
quippe legibus adminisfrata dispensationis ipsius. Ipse dentia. Nee enim ilia antiqua casu quodam et indifferen-
universae creaturae ^eciem cvistentiae prspstat inproprio ter ita provenere, quibus nova postmodum a prudenti
genere, in usu efficadam, consequentiam in ordine, at dispensatore et obser\-atore diligenti adaptarentur
et ipsa pulchra sit, et in universitate supen-acua non sit, mysteria : magis autem ilia ad honim sunt significatio-
et cum reliquis inconsequens et repugnans non sit. Sive nem (non homine illud intendente, sed Deo disponente)
enim res naturae agatur motu. sive Ubero arbitrii nutu, praeparata, quam haec illis aptata. Quid denique quod
sive di\ince instinctu gratiae, sive singulis his rationibus, Dominus eo potissimum tempore ad passionem addictus,
sive coiyunctis res agatur : quaellbet a dinna intus invisibili- quod hac bora, hoc die, hoc mortis affectus genere ?
ter operante efficacia, et modum accipit et modum Quis ista aut neget mystica, aut credat fortuita? Quo
accipit et motum. Modum et legem quamdam
quasi die est homo conditus, eo reparatus qua hora senten-:

ordinis et motum actionis. Non modo enim ab eo ciyus- tiam pertulif, indulgentiam meruit. Per lignum mors
libetmotiouis nati\-a facultas, sed cujuslibet facultatis induta, per lignum vita restituta. Et nescio quis ista non
administratur motio, ut simul ab ipso sit et virtus, et divinitus dispensata, sed humanitus admimstrata conten-
SERMONS SLR LE CAMIQUE DES CANTIQUES. 21

Lois rend la vie. Et je ne sais qui dira que toute haut. Et pour tout conclure d'un mot, I'essence des
celte suite u'a pas ete reglee d'avance par le Sei- etres en vertu de laquelle ils existent dans tel ou tel
gneur, mais quelle est arrivee d'une facou ordi- genre, ou I'esistence par laquelle ils sont, ou
naire et humaine. Voyez le temps oil se mange r usage par lequel ils produisent des effets, le tres-

I'agneau pascal, voyez I'hostie sans tache, voyez juste, le tres-puissant et le tres-sage mediateur les
I'heure de la sortie d'Egj^pte, voyez la grace qui meut, les change et les retient par les regies eter-
vous a arrache de Ferreur, de la vauite du siecle nelles et immuables de ses decrets, et regit toute
et de la corruption de votre naissance, et vous croi- la creation comme une cite tres-bien disposee et
rez que tout cela s'est fait sans la providence de tres-bien reglee par I'effet d"une justice qui ne s'e-
Dieu, le juif I'operant sans y faire attention ? Tons carte jamais.
ces details, dis-je, qui harmonisent si bien le bois 5. L'ensemble de la creation est-U done cette cite
connaissance
de la croix, le temps, I'heure, le jour et toutes les que I'epouse se propose de parcourir? Les sages de ,de Dieu par

circonstances qui peuvent etre observees par un ce siecle out parcouru les creatures de ce monde,
sage, vous les attribueriez a la folie des juifs et non et, dans Lhabilete du travail qui brille en elles, ils

a la sagesse divine ? Ce salutaire remede de la Pas- ont admire la sagesse de Dieu qui eu elait I'auteur.
sion coucourrant avec les sacrements antiques pour Je parte de I'ceuvre de la sagesse et non de cet ou-
ne constituer qu'une seule et pareille forme, il faut vrage dont il est dit : a Mais Dieu, notre roi avant
en exclure eutierement et le hasard et les vues de les siecles, a opere le salut au centre de la terre
I'homme pour y placer le bon plaisir de Dieu. Dans {Ps. Lxxiu, 12.) » Par le travail, ils ont connu I'ou-
Isaie, vous trouverez qu'il a ete dit a Ezechias : vrier, mais Us ne I'ont pas glorifie, ou ne lui ont
« Tout ceci donne aux Chaldeeus [Is. xxxix,
a ete pas rendu graces. L"amefidele pai'court et retourne
6.) En disant que tout a ete donne, Isaie deroule
)) tout a la gloire de Dieu, et invite toute creature a
non-seulement une prediction prophetique, mais U le glorifier, s'exciter eUe-meme par la a lui
pour
fait sentir encore une sentence rendue par un juge rendre graces, et la vue de cet ensemble developpe
equitable. Apres ces textes et les autres que Ion en son cojur la flamme de I'amour divin. Salomon
rencontre dans la suite des Ecritures, qui doutera fit ce tour, et il disputa depuis le cedre du Liban
que la puissance et la sagesse du Seigneur n'inspi- jusqu'a I'hysope. II le fit dans I'Ecclesiaste, et,

rent pas, mais reglent de concert, par de justes lois, apres qu'il eut parle du mouvement des elements,
les volontes coupables des creatures raisonnables? il en vint aux actions de I'homme, afin d'aller de
Que s'il en est ainsi, encore moins peut-on revo- la vanite des choses qui passent a la verite qui de-
quer en doute que les mouvements des autres ani- meure toujours. Job fit ce tour; bien plus, il fut con-
maux, conduits par un attrait naturel ou par I'in- duit par le Seigneur ; il visita les fondements de la
fluence des sens ou de I'imagination, n'echappent terre, laligne, les bases, la pierreangulaire, lesastres
pas, au gre de la x-aison, au gouveruement d'en du matin, la joie des enfants de Dieu, les rivages

dit. Habes Agni Paschalis fempus, habes immaculatam essentiam, qua in hoc aut in hoc rerum genere sunt, vel
hostiam habes ereptionis Israelitiae de .^gypto horani,
; exsitentiam qua sunt, vel usum quo aliquid efficiunt,
habes ereptionis tuae gratiam de saeculi errore, de va- justissimus, potentissimus, prudentissimus moderator
nitate, de nativitate corrupta et hoc simpliciter
: aeternis et immulabillbus movet, et mutat, et continet
contigisse credis, Deo non dispensante, sed Jtideo decretorum reguUs, et cunctam crealuram nusquam
operante, quamvis non observante ? Haec, inquam exorbitante regit justitia, quasi ordinatissimam et disposi-
qua? tain apte concurrunt de crucis ligno, de tempore tissimum civifatem.
de hora, de die, etreliquas quaj observari priidenler pos- y. Hapccine ergo civitas est universitascreaturae, quam
siint, circumstantias, .Tudaicae deputas denientiae, non sponsa circuituram se proponit? Circuicrunf sapientes
di\ina' sapientia;? Prorsus in earn salubri rcmcdio, et hujus saeculi rerum naturas, et in artiflcio operantcra
cum an(iquis in uuam formam concurrente sacramentis, advcrterunt sapientiam Dei. Operantcm dico, sed non
et foituitus casus excluditur, el huraanus intuilus, sed opus de quo legitur Dcii-f autem rex noster ante scecu/a
:

non divinus nulus. Et in Isaiae prophetia invenies ad operatus est sahitem in medio /e/r*. CognoverunI in ope-
Ezcehiam dictum Data sunt omnia haec in manus
: re artificcm, sed non glorificaverunt, aut gralias cgcrunt.
Chaldceorum. Ubi data esse dicit, ostendit non tantnni Fidelis anima omnia replicat ct recensct in laudcm Dei,
prophctice praedicta, sod ctiam judiciaria quadam cequi- et omnem creaturam provocat ad g'.orificandum, ut sci-
tale dictata. Ex his et hujusmodi passim per omnem psam exciter in gratiam, et universilalisconluitudivinum
scripturaruni textum, cui dubium residcbit, divinam stimuletur in amorcm. Circuivit Salomon, ct dc cedro
paritcr vh-tutem ct sapientiam justis legibus pravas Libani disputavit usque ad hyssopum. Circuivit in Ec-
rafionalis creatune non inspirare quidem, sed dispensare clcsiastc, et dc clcmentorumposlquam disseruit circuitu,
voluntatcs? Quod si ita est, multo minus ambigi potest ad humanosacliis dispiitationcui deri\avit, ut delranseun-
motus cet;erorum animantium, qua- natural! ducnmlur tc rerum vaiiitateadpornianentom traiisirotveritatern. Cir-
afTectu, et scnsuum vcl imaginationis tantuni aguntur cuivit, Jobimoibictus estniagis a Dominopcrtcrra' funda-
judicio, non arbitrio rationis a divina dispositione minime menlaperniensuram, pe lineamcl bases, ellapidcniangu-
exemptos. Et ut semcl concludam, univcrsarum vol laremelaslra matutina, et flliorum Deijubilum perma- :
!,

22 L'ABBE GILLEBERT,

do la iner, son lit, son vetement et les haillons nua- munique. « Que sa louange eclate dans I'assemblee

geux qui couvreut son enfance, les fers, les gonds, de saints : » parceque I'acte des saints la fait

les portes, le lever du point du jour, le sejour de paraitre de telle sorte qiie c'est I'affection qui cher-
I'aurore, et les natures de ijuelques autres etres. che a la produire et se la propose pour but. Les
Car il etait trop long de les enuraerer toutes, tou- saints, en efTet, recoivent excellemment les dons de
tes auraient excite I'adniiration de cehii qui les aurait la graci.', ils eprouvent la devotion et ils paient leur

examinees avec attention, et I'amour de celui qtii les tribut de leurs remerciments. Dieu trouve un cer-
aurait considerces avec un sentiment de piete. Le tain privilege a etre loue dans I'assemblee des
spectacle de ces creatures est propose iiniforme- saints : hors de I'eglise il est lone par le ministere
ment a tonsceux qui ont I'usage de la raison, et insensible et muet des creatures sans raison, et
elles prechent par leur beaute manifeste la majeste par celui des hommes, qui est vain aussi. Pour les
de celui qui les crea. Cependant, sous un voile si etres prives de sentiments, c'est leur condition : dans
beau, plus beaux sont les sacrements de noire sa- les hommes que lebaptt-me n'a pas regeneres, c'est
int et les dons multiples des graces celestes ({ui s'v une connaissance quelconque, mais dans les uns
trouvent caches. comme dans les antres ce n'est point I'amour. L'a-
6. En dernier lieu, Uavid, a la fin des psaumes, mour pour le Createur manque dans les premiers
apres avoir excite toute creature a louer Dieii, et il n'est pas saint dans les autres. « Que sa Diea es
diTersemt
s'ecrie ; an Seigneur un cautii^e nou-
« Cliantez louange eclate dans I'assemblee des saints, n Le loae dai
examine tout pese autant qu'il lui creatnre
veau, que sa louange eclate dans I'assemblee des saint et le est

saints. » {PmIiu. cxlix.) Cantique rradment « nou- possible, les choses qui ont ete creees, comment elles

veau, « dont la matiere ne vieillit pas, dont la grace se existent naturellement; celles qui ont ete reglees,
fatigue pas, chant toujours nouveau par I'amour, comment elles ne restent pas sans ordre et sans di-
plus nouveau encore par I'usage quis'en fait. Vrai- rection, et celles qui ont ete predestinees comme
meut nouveau, il renouvelle les esprits des hommes elles sont heureusement en sorte que par ce moven
:

et les eleve a la beatitude eternelle. Enfin on lit : il obtient, selon ses forces, la connaissance de I'au-
« iSe vous rappelez pas les choses premieres, ne teur de tout ; il entlanime son zele et sent I'aflfection
I'egardez pas celles qui sont anciennes, moi aussi ravir son coeur.
je fais du nouveau. » {Is. xuii. 18.) Oui, du nou- 7. voUa I'assemblee des
Voila la cite spirituelle, TripU
matitre
veau qui ne se trouve pas dans les lois de la nature saintsque I'epouse entreprend de parcourir. Dieu contemp
qui ont lem' cours depuis les temps antiques. « Que bon, quelle matiere a d'utiles considerations Qui ! tion.

sa louange eclate dans i'assemblee des saints. » pourrait assez estimer combien belles, combien
Qu'elle eclate par privilege de sa propre excellence, nombreuses sont les meditations a faire sur les sa-
non point seulement par mosure d'equite raois par crements, les exemples et les miracles ? Les pre-
le don gratuit de la saiutete qui nous a et<> com- miers se rapportent au salut, les seconds a la prati-

risosUaet \Til\-am, et vestimentum, et caliginosos infan- actus, ut illam attendat affectus. Sancti enim excellenter
ticepannos per f ermines, vectcs, etoslia.perortumdilu-
: gratiarum dona suscipiunt devotioncm persentiunt, ,

culiet aurora? locum, et cerlasquasdam cajterarum rernm gratulationem persolvunt. Ideo quodam laudatur prin-
naturas. Omnes enim numcrare longumeral, quae omnia legio in Ecclesia Sanctorum extra Ecclesiam laudatur :

prudenter intuenti admirationem Conditoris faccrcnt, ct ministcrio inscnsibili et muto i-erum vano hominum. ,

'
pie coDsideranti amorem. Et haec communiter omnibus In rebus inscnsatis conditio; in hominibus non renatis
proposita sunt ralione utentibus, et Conditoris suimajes- aliquanta cognitio, in ncutris tamen dilectio. Nam di-
tatem manifesta pulcliritudinis suae specie commcndanl. lectio Conditoris sui in primis nulla, in sccundis non
Sub tarn pulchro tamcn velamine pulcliriora sunt, quae sancta. Lam p/m-j in Ecclesia Sfinctorum. Sanctus enim
latent sahationis nostrae sacramcnia, ct multiplicia spiri- et quae condita sunt , ut naturalifcr sint -.
ct qua? dispen-
tualium dona gratiarum. sata sunt , ut inconvcnienler et inordinate non sint , et
6. Denique et David in fine psalmorum cum omncm quae praedeslinata sunt , ut bcate sint :universa perscru-
crcaturam in laudcs L>ei concilassct Canfale, inquit, : tatur ct testimat quantum datur : ut per haec auctoris
Domino canticum novum , iaus ejii.9 in Ecc/esin Sancto- juxta vires colligat notionem , migret ad aemulationem
rum. Yere «orr/»? , cujus nescit antiquitateni materia, rapiatur in atTectionem.
fastidium gratia qu* semper est amore rccens, usu
:
7. Ha>c ergo civitas spiritualis est , haec Ecclesia
recentior. Vera enim novum, quod hominum animos ad Sanctorum, quam circuituram sc^e sponsa pra?siimit.
Jeternam innovat beatitudinem. Denique legitur .Ve : Deus bone, quanta hie utilium copia speculationum
uiemineritis priorum, et antiqua ne intueamini; nova Quis enim satis existimare possit, quam pulchra et quam
quoqiie ego facto. Jure nova, quae ab antiqiio currcntis plurima sint ubique spectacula in sacramenlis, cx^iplis,
natur* ncquaquam conclusa sunt legibus. Laus ejiis in miraculis? Prima sahationis, sccunda conversationis,
Eccksia Sanct'M'um. Quodam utique excellentia? pi'i\-ile- atfestationis sunt tertia. Quid vcro cum de mysteriis,
gio, non tantum a^quitatis dispensationc , scd gratuito cum de moribus ad remunerationcs ff'ternas temporalium
sancUtatis dono el muneiv. Lous ejus in Ecdesia Sanc- meritorum admiratura mens ass;ii"git? Quantum ibi pro-
torum : quoniam ita laudcm ejus sanctorum ostendit fusis votis refunditur gaudii? Filii hominum u( quid
,

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 23

que, les troisiemes a la preuve de la verito. Mais xLviii. 13.) Entourez-la par vos meditations, etrci"
que dire, lorsque des mysteres, I'esprit s'elevea ad- gnez-la par votre amoiu". Eatourez-la afin de la
mirer recompenses eternelles des merites acquis
les bien saisir et de la placer dans I'intime de votre
dans temps? Commeilestinondede cettejoieselon
le etre. L'etreinte dit plus que le circuit. L'etreinte

d'immenses desirs? « Enfants des hommes, pour- embrasse le tout, le circuit passe d'un point k un
quoi aimez-vous la vanite et cherchez-vous le men- autre. Le circuit parait I'emporter en ceci : ce que
songe ? [Psalm, iv 13.) » Pourquoi detournez-vous nous etreignons, nous le tenons dans I'ensemble et
Difference
votre Ame vers des jouissances etrangeres, pourquoi sans discernement des details, tandis que dans le
, . . , . entre la
poursuivez-vous avec fatigue des delices caduques ? circuit nous exammons a loisir chaque point tour- synthase etle
*="'<^'"*-
Vous tenez, comme 5,1a main, les mysteres, objetde a-tour. L'uri se contente d'embrasser a la tois le

votre foi, mystei'es facilesa graver dans la memoire, tout, I'autre parcourt successivement les parties qui
profonds a mediter, eternels dans leur duree, plei- le composent.
thortation nement suffisants pour tous. Enfants des hommes, 8. L'esprit qui a faim et qui cherche, si quelques En Dieu seal

ilation" des" mieux que cela, fits du tres-haut, eleves de la reli- biens ne le rassasient pas toujours, en cherche derime.
choses
gion, qui foulez aux pieds, ce pave des lieux ou se d'autres ; il rouledans une sorte de cercle, em-
pratique pourquoi votre go-
la perfection reguliere, porte par le mouvement d'un desir qui court, jus-
Ml
sier altere soupire-t-il apres leseaux bourbcuses et qu'a ce que sa faim soit satisfaite et qu'il arrive
dedaigne-t-il celles qui viennent du ciel? Pourquoi a ce terme de sa marche ou il ne trouve pas de
adraettez-vous dans votre esprit des pensees a la terrae. Aucun des biens crees, vu sa maniere d'etre,
realisation desquelles vous ne mettez pas la main? n'est infini, et c'est pourquoi l'esprit qui fait le tour
Ce que vous ne voudriez pas faire, pourquoi le ru- les parcourt tous, ne trouvant pas de repos la ou il

miner avec soin dans votre pensee? Vous avez sou- trouve une fin. Celui-la seul est le repos et le rassa-
vent experimente que tout ce luxe de honte que siement de I'amour qui est la fin de tout et dont
Ton medite en son ame aboutit promptement au rien n'est la fin. C'est la raison pour laquelle I'e-

remords. C'est une honte que de le dire, c'est un pouse dans sa marche traverse toutes les creatux'es

tourment que de le taire. Changez done la matiere afin d'arriver a lui. « Je me leverai, » dit-elle, « et

de vos meditations, mais gardez-en la ferveur. je parcourrai la cite. » Je passerai par tous les etres,

N'est-il pas bien honteux de diminuer votre zele, alors cherchant celui que j'airae sans le trouver nuUe
que vous lui donnez une direction meilleure ? Je vous part. « Les choses invisibles qui sont en lui, com-
le dis •: de meme que vous avez employe votre es- prises, sont vues par les etres qui ont ete faits.
prit a des pensees aimant t\ voir la corruption, de [Rom. 20) Cependant je ne suis ni pleinement
1. :

meme employez-le presentement aux pieuses con- instruile par le temoignage, ni pleinement embrasee
siderations de la verite qui est si belle. « Entourez par 1g role d'aucune creature, meme excellente et
Sion. » dit le Psalmiste, « et etreignez-la » {Psalm. ressemblant au Createur. Autant cette image est

diligitis vana, et qtimnfis mendacium? lit quid animum hoc tamen circuitus praestare videtur, quod ea quae com-
ad aliena oblcctaraenta convertitis, laboriose quaeritis plectimur, indiflercnter et involute constringimus ubi :

labcntcs dclicias? Quasi ad manum materiam fidei nos- vero circuitus est, singula seriatim discutimus. UIc
trae tenctis mysteria, ad mcmoriam prompta, ad mcdi- contentus est summa, iste discurrit per singula.
landum profusa, ad snbsistcnduin perpclua, adsufficien- 8. Esuriens enim et quaerens animus, dum iUum non
dum plena. I^'ilii, inquam, hominum, imo lilii excclsi, saliant aliqua, semper rapitur ad reliqua et quodam :

alumni religionis, qui rcgularis disciplina} limina teritis, volvitur circuitu , currentis desiderii protractus rotatu,
ut quid arida fauce aquas coenulentas sititis, coelestes donee repleatur in bonis esuries anioris et occupet in ,

fastiditis? Ut quid cogitationes admittifis in animum, ad illo cursus sui statum in quo tcrminum non invcnit.
,

quarum aciioncs non mittitis manum? Quod agerc pe- Nulla enim quae creata sunt, in conditionis sua.' statu
iiitus dclreclatis, ut quid sludiosa mcnie retractatis? iiifinita sunt et ideo mens quae circuit, universa per-
:

Experti IVequcntcr eslis, quod omncm banc inancra transil, nusquam requiem capiens ubi (inem rcporit.
pompam recogitatae turpitudinis citus exciperc solet Solus ille requics est amanti et refectio, qui finis est
exitus poenitudinis. Dcnique pudor est proderc et
et , omnium, et cujus nullus est finis. Proptcrca sponsa, in
pccna reticcre. Meditationis ergo mutate materiam, sed circuitu suo cuncfa pcrlransit ut pcrtingal ad ipsum , :

sci'vate instanliam. Quam fcedum est tunc studia vestra Surcjam, inquit, circnibo civilotem. Circuibo in cunctis
minui, cum mutantur in melius? Hoc autcm dico;sicut cum qucm diligo qua;rcns sed nusquam reperiens. ,

exhibuistis animum ad cogitatus affectuosos fneda^ turpi- Invisibilia ipsiusper ea qua" facta sunt, intelleda conspi-
tudinis, i(a cxhibete nunc ad fo-cundos circuitus pulebraj ciuntur : sed tamen niillius crealurae quamlibet cxccl-
verllatis. Circuuiddte Sion, inquit Pi^;\]\msUi , et (:o»ij)lec- lentis, et ad ipsius acccdenlis imilalionem, plcne vel
tirnini earn.Circumdale medilando complectimini
, instruor indicio, vel incendor onicio. Tantiim enim et
amando. ComplccUmini cam, ut ejus .sil et compreliensio pigrum, et tardiim, et inotticax ad Coiidiloris commcn-
Integra, et collocatio inlima. Phis aliquid innuere vidc- dationem eonim quai conditasunt, rodditur ministerium,
liir complexus quam circuilus. Complexus simul conli- quantum noscihir k verilale dislare simnlacnim. Ergo
uet totum, circuitus de alio in aliud tacit transituni. Li circuibo civitatetn , iinlvcrstt pertingcns, univei-sa per-
:, !,

24 L ABBE GILLEBEKT.
eloignee de la Terite. autant est faible, lent et ineffi- Dieu. Ay. Au milieu » parce qu'ils sont
IV, e.j «

arrives a I'intime de Icur vceu, « autour » parceque


cace ce niinislere de la creature a faii-e counaitreson
ils sont emportes par un desir sans cesse renais-
auteur. « Je parcourrai dojic la cite, » atteignant
tous les elres, les depassant tous, les atteignant en sant. « Au milieu. » parce que leur souhait est

une imaere variee les deja accompli. « autour » parce qu'ils ne peuvent
tant qu'ils presenteut de lui ;

on siibsistent en-deca de la perfec- comprendre, tout I'etre de Dieu. Ils sont admis
depassant. la ils

cherchant parlout a au milieu » par la grace, et « autour, » ils sont


tion. « Je parcourrai la cite, »

degout. Comment comme exclus par la difference de nature, Ils sont


le rafraichissement et sentant le

ne me reposerait-elle pas, la creature qui porte « au milieu, » car ils sont unis par la contempla-

quelque gage de mon bien-aime, qui men offre tion et « parce que la comparaisou les se-
autour »

quelque indice, men rappelle le souvenir et men pare de Dieu. Quel est ce siege, sinon celui dont
fournit la connaissance ? Mais comment ne seuUrai- parle I'apotre, la lumiere inaccessible que le Sei-
je pas lennui, lorsque je pense que je nai de gneur habile. I Tun. vi, 16. Quelque clairvoyants
lui qu'une image qui me trompe, quune ombre qui que soieut ces bienheureux animaux, Dieu les illu-
me retient, que je ne possede pas la verite simple et mine adin qu'ils compreunent autant qu'ils le peu-
nue? « Je parcourrai la cite, » parceque dans tout« vent, et il les depasse, pour qu'ils ne puissent tout

sa beUe enceinte partout je suis recreee, mais nulle le saisir. quelle graude matiere de contemplation
part satisfaite. quelles sontlarges les places qui se developpent dans

- ,
Qnftl est
le circmt de
•*•*'*
9.

qu xme
Ce circuit n«
entree plus pleme
-11- me fatiguera pas,
me
pour pe- soit oiiverte
jusqua ce cette infinite de
etendus les
lumiere ; combien reserres, unis et
carrefours dans cette simpUcite, dams
*•
netrer dans le sanctuaire de Dieu et que je voie cette charite, dans cette eternite! Ces rues sont bel-
clair dans ses dernieres revelations. La s'arretera les et ces sentiers pacifiques. On ne se trompe pas,
notre marche, lorsque nous aurons ete combles des on ne se fatigue pas eu les suivant. Partout ony
biens de votre maison. Seigneur, lorsque j'aurai rencontre re|.»oux et (pour ainsi parler;. il se pre-

compris dans ses dernieres splendeurs celui qui est sente avec un visage joyeux et se fait sentir au
le premier et le dernier, le commencemeut et la fin. cceur de I'epouse, de maniere qu'oc n'a plus besoiu
Oh I quel mouvement alors, aller de lui vers lui, de chercher uotre Seigneur Jesus-Christ, qui
aller et revenir : aller par le desir, revenir par la de- vit et regne aux siecles des siecles. Amen.
lectation, quand toujours sa presence rassasie et
sa jouissance enflamme le desir, quand I'esprit SERMON V.

de celui qiii le voit et le possede tend vers lui par


Dans les carrefours et les places, je chercherai celui que
la volonte et se trouve contente par sa jouissance !
mon crur aime. (Cant.iu, 2.)
II en est ainsi de ces animaux pourvus d yeux et
des paroli
d'ailes, places « au miheu et autour du trone de 1. Le discours dhier s'est prolonge tandis que sacrics.

transiens: perting«Ds, qua


ex parte ipsius imaginem medio, quia eorum jam completum est votum in cir- :

differenter pneferunt pertransiens ubi citra perfectum


: ,
cuitu quia non sufficiunt comprehendere totum. In
,

sobsistuDt. Circuibo dvitatem, ubique capiens refrige- medio suni adniissa per gratiam, et ia cv'cuiiu sunt
rium, et fastidium patiens. Quonam enim modo non me exclusa per differentem nafuram. In medio sunt, qjia
refrigerat quod amoris mei pignus aliqnod portat
, unita per coniemplationem et in cii'cuitu, quia dis-
:

praefert indicium, indicit memoriam, notitiam inducit? juncta per comparationeiu. Qua? est enim sedes ista,
Sed iterum quonam pacto non lolero taedium , dum qua- nisi ea de qua loquitur Apostolus, lux inacce^sibilis
dam me recogito praeludi imagine, et umbra detineri, quam inliabitat Deus? Denique quantanlibet oculata
nudam et simplicem non tenere veritatem? Circuibo sint beata ilia animalia et illuminat ilia ut quantum
:

civilaiem , quoniam in fofo ejus tam pulchro ambitu possunt capiant: et excedit, ne ad totum sufficiant.
,

ubique refoveor, sed nufquamf reficior. quam ampla ibi speculatoria, quam latje plate* in ilia lumi-
9. Nee me fatigabit iste circuifus, donee pateat plenior nis intinitate patent, quam coaretati et conniti et protensi
aditus, ut intpcm in sanctiiarium Dei, et intelligam in in ilia simplicitate, caritate, aetcmitate vici ? Vice ilia? viae
r.onssimis ejus. Habebil ibi cireuitus terminum, cum pulchne, et sermitae pacifica-. Nonest i:i iUis vel errare,
repleti fuerimus in bonis domus tua?, Domine, cum in- vel laborare semitis. Undique occurrit ibi sponsus, et
tellexero novissimis ejus ilium qui primus est et
in l»to (ut sic dicam) vultu se offert et inlluit cordi di-
novissimus , initium et finis. qualis ibi cireuitus erit lectff. ut dc cetero non indigeat quaeri Jesus Christus
pergere ab ipso in ipsum, ire et redire desiderio ire, : qui ^^^^t et regnat in saecula sfeculorum, .\men.
delectatione redire; dum semper ejus, quod experientia
desiderat, pra>sentia safiat : ut mens possidentis et con- SERMO V.
tuentis . et illi sit per appetenfiam intenla, et illo sit
Per vicos et platea<! qtKprnm quern diligit anima men.
sufficienter contenta : Sic enim pennata ilia et oculata
animalia i>» media et in circuitu sedis Dei legnntur. In (Cant III, a.)

medio, quia voJi sui perducuntur adintima in cirruiiu, !. Longum hestemus sermo in
:
exsequendo sponsae
quia ^edi^^vo semper vote femntur in eadem ipsa. In circuitu traxit limilem. Gratiae libi Domioe Jesu Chri-
. ,

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 25


noustracions la route parcourue par I'epouse. Graces ditede celui qui les cueillle? Tel ne fut pas I'arbre
vous soient rendues, 6 Seigneur Jesus, de ce que que maudit notre Seigneur Jesus-Christ, le trouvant
vous avez rendu vos paroles si agreables a mon sans fruit et le condamnant pour sa sterilite a une
gosier et plus douces que le miel.Apeine pour faire aridite eternelle. [Mnrc. xi, 13.)
place a d'autres, tombent-elles de la bouche qui les 2. Voyez comment la foi du Christ a rendu ari- La foi en
Jesus-Christ
a goutees, qu'on les rumine avec lenteur et si elles des les traditions dps Juifs et les doctrines des phi- a annihilc les
sont entrees dans le coeur, par un mouvement plein losophes. Comment il a desseche les fleurs de I'E- traditions des
Jnifs et les
de suavite elles reviennent a la bouche pour etre gypie. Co n'est ni dans leurs systemes ni dans leurs STstemes de»
Philosophes.
savourees de nouveau. Tout eel a pouvait etre dit explications que setrouve le fruit dont il est dit au
brievement et le charme de la
avec rapidite, mais Psaume : « Notre terre donnera son fruit [Psalm.
matiere traitee, est agreable au palais de celui qui Lxxxiv. 13.) Le Christ ne se peut trouver dans leurs
s'en nourrit ; cette matiere produit un vifdesir, quartiers et dans leurs places, deja, 6 Jiiifsl il est
et elle ne cesse pas de I'exciter quand une fois on a de vos liens. Deja ila quitte sa raaison et aban-
sorti
commence d'en faire I'objet de son etude. Le pain que donne son heritage. [Jerem. xu. 7.) Enfin vous etes
la Jiourrice broye pour le donnera manger au petit devenu comme une hutte dans un champ plante de
enfant, apres I'avoir pressee sous sa dent soigneuse, concombres, comme une cite qui est ravagee. II est
elle le retient quelque temps danssa bouche afin de dit neanmoius des places que « la veritetombe dans
I'imbiber dun gout agreable Et nous, distribuant
! la place. » II est dit des philosophes payens, qu'ils
aux autres, siquelques-uns d'entr'eux
toutefois retiennent la verite de Dieu captive dans le men-
en oat besoin, les aliments solides de ce cantique, songe. [Rom. i, 18.) Est-ce que par ce carrefour vous
nous n'avons pu nous priver de la dilectation que ue pouvez pas entendre Israel selon la chair car ce :

nous avions eprouvee nous nous sommes pretes: peuple etait de la race d'Abraham, reuni etresserre
au service des autres, de manierea satisfaire en ceci par un seul rite, et lie par uue seule et meme loi?
notre propre desir. Enfin quand je crois mon dis- Mais les sages des nations sont figures avec raison
cours parvenu au terme convenable, la
fini, et jiar les places; emportes par une licence effrenee,
nouriiture du verbe me revient impaliemment aux ils sont sortis du chemin de la verite, afOrmant de
levres et quand la memoire de I'abou dance, de la la majeste divine des propositions non moins oft'en-
suavite remonte ainsi, la matiere deja traitee, de- santes pour sadignite qu'opposees a la verite. Reto-
mande a etre traitee encore. Quoi done ! est-ce que uus par la pauvrete de leur intelligence sur la sin-
le figxiier, n'est pas frequemment secoue par- gularite de la substance divine, les Juifs ne purent
ce que ses fruits ue sont jamais tons tombes? dilater leur foi jusqu'a connaitre les personnes du
qui s'etonnera si elles est souvent r.muee Fils, et du Saint-Esprit. Les philosophes payens cou-
I'ame qui rendue plus feconde par son propre de- rant les champs, n'etant retenus par aucune I'eve-

pouillement, semble rivaliser avec la main qui la ti- lation divine, adniirent mi grand nombre de natures
raille, etvamcrepar I'abondancede ses fruits, I'avi- et une infinite de personnes en sa divinite, chacun

ste,quod fecisti tarn dulcia laucibiis meis eloquia tua, tus inveniens, pro sterililate, ariditate ojteina condeni-
super mel ori meo. Ideo vix ab ore quae semel gustata nans illam.
sunt discedunt, ut alia succedant cum mora ruminan- : 2. Vide quomodo aridas fecit fides Chrisli Jud;porum
tur, el si deglutita fucrint, suavi quodam ructu denuo traditiones et dogaiata Philosophorum. Quomodo arefe-
rcdeunt ad ruminanduin. Potcrant ha»c omnia brevileret cit flumina .Egypti. Non est in eorum doctrinis et in-
cursim dici sed materitp qua' tractatur gratia, coniedenlis
: terpretationibus fructum invenire, de quo Icgitur in
blanditur palate, et quamdam sui appetenliara facit, non Psalmo Terra nostra dabit fructum suum.
: Non potest
facile cedens, cum semel addiicia fuerit in discussioneni. in corum vicis et plateis Christus invcniri. Jumo.huhei
Nam et quem mandendLim infantulo uutrix comminuil emigravit a vinculis \estris. Jam dimisit domum suam
pancm, jam satis studioso dente subactum aliquoties dercliquit liereditatem suam. Deniquc facti estis quasi
eum in ore detinet, gustus illecta sapore. Et nos Cantici tugurium in cucumerario, quasi civitas qua? vastatur.
hiijus solidos aliis si qui forte indigent,
, comminuentes Sed et de plateis uihilonumis legitur, quia corruit in
cibos, gustafffi suavitatis jacluram facere nequimus sed : platca Veritas. Siquidem de gentium Philosophis dictum
ita alieno inservimus usui, ut et nosiro satisfaciamus in est, quod veritatem Pel detinuei-unl in mendacio. An
parte dcsiderio. Dcniquc cum tcrminatum reor scrmo- non tibi videtur congrueaccipi in vicis, Israel secundum
nem, etcompeteuti tine conclusum, imputienti exhala- carnoni; quoniam do uno crant seminc .Vbralue, el in
tione epula; verb! redeunt ad labia et dum abuu(lantia> : nnum compacli el coarclati ritum, una lege constricli?
suavitatis eructafur mcmoria, ad discussionom revocalur Sapicntcs autcm gentium jure adundtrantur in plateis;
materia. Quid enim? Cur non Ileus frequenter conculi- quouiam eU'reuata libertale et liceutia, extra veritalis
tur, cujus fructus plonc numquam excutitur? Quid mi- evagali sunt tramilem, de majestate divina sentienles el
rum si convcllitur so'pius, qua> propria cxspoliatione asserentes non minus absona dignitali, quam rcluctantia
fd'cundior oltecta, cum vellicantis videtur certarc manu, verilati. Juda'i paupei'tate iidelligenlia- circa diviuii-
el docorpcntis a\iditatcm uberialc convincerc? Non singularilatem constricti subslantiie , us(]ue ad l-'illi ot

talis ilia cui maledixit Domiaus Jesus, nihil in ca fruc- Spiritus Sancli porsonas non potuerunl fidei incremciiUi
26 I/ABBE GILLEBERT.

d'eux ayanl son senlinient parliculier, et tous etant dans la nature divine, la singularite que I'autre y
dans la vanile. maintient et I'aveuglement de tous les deux. Aussi
3. Quelle est Time qui cherche I'^poux dans ces ce n'est pas dans ces quartiers et dans ces places
quartiors ct dans ces places ? C'est une con- que j'indiquerais a I'epouse de chercher le bien-
cubine, s'il en est quelqu'une, ou une adul- aime. Assignons-lui en d'autres car le Christ ,

tere; I'une n'a pas de sejour perpetuel avec I'a epousee dans la foi et la verite.

r^poux, I'autre n'a pas avec lui de coha- U. U y a deux manieres de vivre pour les fideles. Doable
maniere de
bitation sure. Pourquoi chcrche-t-elle en un lieu ou Les uns suivent un cherain spacieux. Les autres se vWre pour
leu fideles,
ne se trouve pas la chaste sagesse, mais une doc- regissent par une discipline tres-etroite. Car bien
one large,
trine etrang^re et impure? C'est ainsi qu'elle est qu'il soit ecrit : elle est etroite la voie qui m^ne a la I'autre
etroite.
decrite au livre des Proverbes, se presentant au vie, il y a ici une distinction a faire, et I'un de ces
Uuclle ieune dissolu qiiand il passe sur la place, au coin de genres de vie s'il est compare a I'au-
est plus large,
doctrine doit "^ ^ ,- , . •
\ 4- -v,
«tre suspecie la
,
rue, Ic soir, au dcchn du
,
jour, dans
,
les tenuDres, tre. Ne voyez-vous pas la largeur du commande-
au Chretien.
et les obscurites de la nuit, disposee k perdre les ment, li oii personne n'est contraint de tendre k la
Ames, errante etparleuse : tcndant ses])ieges tantot perfection, mais oil non-seulement la mauvaise
dehors, tantut dans les places , tantot dans les sante mais encore la volonte faible a licence de s'ar-
recoins, Cette place m'est suspecte, en laquelle une reter a un degre inferieur ? Graces vous soient ren-
femme, aux roles si divers et si changeants, tend au dues, Seigneur Jesus-Christ, de ce que vous nous
jeune homme impudique les pieges de ses caresses. preparez les occasions de salut et proposez les con-
Je ne sais ce que m'offre d'obscur, de detourne et seilsaux ames promptes et genereuses, de maniere a
de farde cette parure de femnie effrontee. EUe laisser aussi im remede facile aux infirmeset un de-
m'est suspecte, ou du moins je la dedaigne cer- gre accessible aux paresseux. Jerusalem, votre cite
taincment toute doctrine qui ne fait pas mention sainte, a non-seulement les quartiers de ceux qui
de Jesus-Christ, qui ne me renouvelle pas par les vivent selon une regie etroite, mais elle a aussi les
sacrements, ne me forme pas par les preceptes, et places de ceux qui aiment une maniere plus basse
ne m'enflamrne point par ses promesses. Les juifs et plus aisee. Ainsi, dans toute profession, dans tout
I'ont dans les pages de leur livre, ils ne I'ont pas ordre, I'ame, I'epouse, cherche les vestiges de celui
dans rinterprelation qu'ils en donnent. Le voile est qu'elleaime chastement, en tant qu'elle rencontre
encore plus sur leur esprit que sur leur loi. II ne de toutes parts et I'exemple pour copier et lamour

peut etre enleve que lorsqu'ils se convertiront au pour briiler. Elle ne dedaigne pas d'emprunter
Seigneur. Elle m'est suspecte soit dans les doctrines meme de ceux qui sont dehors et qui ne sont lies
divines, soit dans les usages de la vie, la licence de par aucune discipline plus severe, des exemplesecla-
I'uu, la restriction de I'autre, et I'obsliuation de tants de vertu : croyant que souvent Taffection
Tun et de I'autre. Le nombre que I'un iutroduit est plus fervente la oil la condition est plus basse.

dilatare. Gentium Philosophi per planum diffusi , cl conversi fuerint a Dominum. Suspecta est mihi tam in
nullo divinae eruditionis obice tardati , deorum indu.KC- divinis sensibus quam in humanis usibus unius licentia,
runt numcrositatem in naturis, infinitatem in personis, Unius in divina
altcrius restrictio, obstinatio utriusque.
sentientes inter se singuli varia, universi vana. nafura numerositas, alterius singularitas, utriusque
Sod qua; jam anima in istis vel vicis platcis inqui-
3. caecitas. Ideo sponsa; non dederim in istis vicis ct pla-
ritsponsum ? Concubina est, si qua est, aut adultera, tcis quasrere dilectum. Alios illi assignemus vicos, alias
quarum altera confubernium cum sponso non habel per- plaleas, qnam sibi Christus desponsavit in fide et ve-
pctuum, altera malefidum. Quid enim ibi quadrat, ubi ritatc.
casta non ocxurrit sapientia, sed percgrinact merctricia? 4. Et quidem gemina quaedam est conversatio fide-
Talis tibi dcpingitur in Provcrbiis, occurrcns
vecordi lium. Alii lalam sectantur viam. .Alii arctissimae se tra-
juveni ubi transit in platca prope angulum, advesperas- dunt disciplinif. Nam etsi scribitur, Arcta via quae du-
centc die, in noctis tcncbris et caligine, mulier ornatu cit ad vitam est tamen quaepiam in hoc genere dis-
:

mcretricio, pra^parata ad capiendas animas, garrula et tinctio, etarclioris respectu alia repufatur latior. An non
vaga: nunc foris, nunc in platcis, nunc juxta angulos in- tibividetur latitudo mandati, ubi nemo compellitur ad
sidians. Suspccia est milii talis platca, in qua mulier tarn pcrfectionem, sed infirmae non raodo valetudini, sed
varia cl vcrsipcllis, blanditiarum suarum insidias vecordi etiam voluntati inferioris gradus permitlitur licentia?
macbinatur juveni. Nescio enim qui obscurumet disfor- Gralias tibi Domine Jesu-Christe, quod nobis salulis
tum et fucatuni mihi significat nox, et angulus, et orna- occasiones paras, ct ita vcgetis et alacribus proponis
lus meretricius. Suspccta est mihi omnia doctrina, aut consilium, ul etiam cegrotis disponas rcmcdium, et pi-
eerie dcspecta, qua- nullam inducit de Christo men- gris dispenses ascensum. Non modo vicos districte vi-
tioncm : quoe ejus me nee sacramcntis rcnovat, nee prae- ventium habet civilas tua sancta Jerusalem, sed etiam
nee promissis inflammat. Nam Juda^i
ceptis informal, plateas humiliora et planiora diligcntium. Sic in omni
quidcm babenl in pagina ilium, sed in interpretatione professione et ordine, qua; sponsa est, ejus quern caste
non habcnt. Adhuc enim velamen est magis in eorum diligit, vestigia quaerit : quatenus habeat undccunque
nicnte quam lege. Nee enim auferri potest, nisi cum et operalionis exemplum, et amoris incendium. Non
SERMONS SLR LE CAiYTIQUE DES CANTIQUES. 27

biime en 5. Que dirons-nous de ceux qui ne cherchent ja- bien-aimes, dit-il, « dilatez vous, vous aussi » (11.

ifcen'^urent
°^^^^ 1*^^ occasions du salut, pretextant que le rela- Cor. VI, 13.) La realite du moment actuelest etroite,
s reiisieui cliemeDt est dans les places et la confusion dans I'esperance est plus large. Recente est la posses-

edajgnent. les carrefoui's ? 11 en est plusieurs qui sondent tou- sion, I'attente s'etend davantage. Rapporlez-donc

tes les professions et tous les ordres ; nuUe part ils ces places a I'esperance dont elles sont une imago.
ne rencontrent rien qui les attire, partout ils trou- L'apotre dit : « vous rejouissant dans I'espoir. »

vent de quoi critiquer reprochant a une regie d'e-


; Et le prophete : « vos places seront encore remplies
tre trop sevei'e, a un autre de ne I'etre pas du des danses de ceux qui s'amusent. » iZach. vni. 5.)
tout. C'est a ces esprits iuquiets qu'il appartient de Voyez-vous comment l'apotre et le prophete ensei-
dire aussi miserablement que veritablement ne : je gnent la meme doctrine au sujet de la place et de
I'ai pas trouve. C'est un sentiment mauvais que I'esperance. lis y voient tous deux I'expression de la
dassxirer : le Christ est ici, mais il est encore plus joie.

la : e'en est un tres-deprave que d'aftirmer ; il n'est 6. 11 une autre dis-


faut encore remarquer, selon Autre
interpreta-
ni ici ni la. L'epouse le cherche partout, ici et la : tinction, que dans les quartiers on sejourne pour tion.

« je chercherai dans les carrefours et les places vaquer aux soins domestiques, que dans les places
celui que nion coeur aime » Par carrefours en- : se trouventles loisirs employes a se rejouir. Sur les
tendez la st'verite, par places, la sage largeur. Ne places sont les danses et les assemblees des joueurs.
prenez ni en mauvaise part dans les
I'line ni I'autre Le repos et le delassement se trouvent done sur les
niinistres de I'eglise. L'eglise adnietTune et I'autre: places. Bonnes sont-elles done I'esprit degage ; s'y
dans I'une et I'autre l'epouse cherche le bien-aime : souleve avec agilite, s'elancantcomme par de legers
non pas dans I'une seule, mais dans I'une et I'autre bonds vers la contemplation. L'epouse cherche done
elle le poursuit. Dans votre coeur, aux carrefours dans les places celui qu'elle aime, quand, degagee
soignez les places. Vous demandez comment ? Si des soucis domestiques, sortant du sejour de son
I'affliction vous oppresse, soit qi.i'elle ait ete volontai- corps, abandonnant autant que possible sa maison
rement cherchee ou qu'elle soit venue par la force terrestre, elle monte vers la contemplation avec au-
des choses, dilatez votre cceur par la joie spirituelle tant de liberie que de joie. Dans les carrefours, le
et deja vous avez uni la place aux carrefours. Ne sejour est plus prolonge ; il est plus court , mais
voyez-vous pas qu'il a I'une et I'autre, celui qui se re- plus agreable dans les places. Dans les quartiers,

jouit d'etre dilate dans la tribulation ? [Psalm, iv. 2.) I'usage tt I'exercice des vertus qui nous sont neces-
L'apotre desirait une certaine dilatation dans I'an- saires tant que nous demeurons dans les corps dans ;

goisse de la tribulation a ceux a qui il dit : « Vous les places, les preludes heureux dela feUcite avenir.

rejouissant dans I'esperance, souffrant dans les cha- Considerez a present I'ordre des paroles. La bien-
grins {Rom. xn. 12.) La dilatation se rapporte a I'es- aimee place d'abord les caiTefours et ensuite les

perance : « Ayant de si grandes promesses, 6 mes places. Vous trouvez dans le Psaume quelque

dcdignatur ab his etiam qui foris sunt, qui nulla arc- tolas in arcto tribulationis quamdam latihidinem opta-
tloris disciplinaj regula const ringuntur, mutuarl vlrtutis bat illis quibus ait : Spe gauilcntes, in tribulntione pa-
insignia reputans ferventiorem ibi frequenter afTec-
: tiemes. Denique ad spem latitudo refertur : Habentes,
lum, ubi inferior fucrit ordinis gradus. inquit, tnnto.s promissiones carissimi, ciilalnmiiii ct i'O.n-.

5. Quid dicemus de his qui nusquam salutis occasio- Augusta est nobis in prsesenti res, spes vero lata. Arcta
nes quaerunt, ubique causantes, et remissionem in pla- possessio, exspectatio quidcm profusior. Ergo ad latitu-
teis, et in vicis indiscretionem? Denique tales niulti dinem spei plateas istas referto. Spe gaudentes. Aposto-
sunt, qui omnes perscrutatur professioncs et ordines, lus dicit. Propheta vero : Adhuc replebiintur p/atnre
scd in els nulla inveniunt qua? illos trahant, scd cuncta tuw choris ludentiimi. Vides quomodo sibi de spe ctpla-
quibus ipsa detrahant, calumniantcs quod districtio in teis sentiunt consona Apostolus ct Propheta? Uterque
aliis sit nimia, in aliis nulla. Islorum dicere est, et qui- cnim gaudium assignat.
dem quam miserc tam vera Non invent ilium. Pravus : 6. Simul etiam hoc advertendum juxfa aliam distinc-
certe sensus, ut dicas, Ecce Christus hie est, imo ecce tioncm, quod etiam in vicis mansio est ad domesticas
illic. Pessimus vero, si dicas, Ncc hie, nee illic. Utro- utilitates in platcis feriatio qujedam ad jucunditalcm.
:

bique quaerit sponsa, ct hie, et illic. Qu<pram per vicos In platcis cnim chorus est ct conventus ludcntium.
et plaleas quern diligit anima men. Per vicos districtio- Ergo vacationis ct latitia? usus in plateis est. Bona? qui-
nem accipe, per plateau dispcnsationcm. Ncutram in dem platcTP, in quibus alacri satis agililalc in levos oon-
ministris Ecclesia; sinistre iuterpreteris. Ulramque templationis saltus animus se spiriluaiis cxagilat. In pla-
Ecclesia rccipit, in utroquc sponsa qua-rit (]hristum. teis ergo quaerit sponsa quom diligit, dum domcsticis
Noli in altcro tanluni; in utroquc Christum qua-re. Vi- evolula curis, dum extra corporis ofTccta mansionem, ct
cis plateas in te ipso conjunge. Qu.'Bris quomodo? Si te domum terrestrem quantum datur dcscrcns, quam libere
coarctat afflictio, aut voiuntarie suscepta, aul violcnter lam hete contemplari studct. In vicis est mansio diutur-
impacia: intus in cordc gaudio dilatarc spiritual!, et nior in plateis quidem brcvis, sed dulcior. In vicis
:

jam vicis plateas copulasli. Nonne tibividetur utnimqno viriulum usus est c( oxcrcitium, qunp nccossaria> nobis
ieaere, qui in tribulatione dilatatum sibi IstaturT Apos- sunt, dum in corporis hnjus habifac«ilo moramur in :
28 I/ABBE GUA.EmRT.

chose de semblabl*! : « qu'ils sont airaes vos taber- dans rime, c'est-a-dirc places et carrefours ? .\e
nacles, Dieu dos verlus, mon ,lrae languit et soupire vous parait-il pas place dans una rue et bien a I'e-
apres les [jarvis du Seigneur. {Psalm, lxxxiii. 1.) troit cehii dont la patience est tourmentee, la chas-

Vous admircz I'ornpressement de I'epouse? Suivez tete attaquee et la charite mise a I'epreuve? Celui qui
I'ordrc qu'cllc obseive olle-m(*ine. Ne vons croyez en nul exercice de vertu ne vit en liberie sans fati-

pas plus prudent on plus prompt qu'elle. Exercez- gue, sans travail et sans produire aucun efTort d'es-
vous d'abord dans les actes de la vertu, afin de vous prit, ne vous parait-il point etre dans une impasse
elever par la suite, au lieu d'ou Ton a a contempler etroite ?Et quoique des ames qui sont en cet etat, cher-
la verite. Pourquoi voidoir faire de I'entree ce qui chent non sans peine, non sans effort, cependant
est la sortie? Avec i'epouse, venez des carrefours elles aussi poursuiveut corame a travers les rues le

dans les places et avec le Psalrniste apres les taber- repos en celui qu'elles aiment. C'est d'elles que
nacles des verlus, arrivez aux vasles ])arvis de la ve- parte le prophete : « Seigneur, dans I'angoisse ils

rite : agir autrement, ce n'est pas changer I'or- vous ont cherche el nous vous avons attendu dans
dre, c'est le pervcrtir.
^ Plus les carrefours sont le sentier de vos jugenients. » (/?. xxvi, 16.) C'est AUemaiiTe
Plus la , .

discipline est etroits, plus abondants au-dedans


sont libres et ce qui arrive souvent aux ignorants et aux novices; ^^
ef'de'"*
''^^ loisirs de I'ame. Que dis-je, les loisirs? Je m'ex- ils ont coutume d'etre eprouves par diverses tenia- consolation
joie delVirnc
est grande. primais mieux en disant la devotion de I'ame. La tious ou par un certain ennui, quand les desirs de
discipline etroite au-dehors dilate rS.me au-dedans. la chair les pressent ou lorsque le charme de la
Par places entendez soit la liberie , soit la joie ; ou vei'tu ne les attire ])as. Et bienheureux qui ne se
niieux que dans I'ordre que nous indiquons, trouve- scandalise pas en ces epreuves, qui ne se blesse pas,
rez-vous des places plus etendues ? Mais ne dites pas qui ne perd point Jesus, mais qui le cherche dans
de suite, ou les carrefours sont plus etroits, oil ces passagers etroits, dans I'angoisse et non corame
I'exercice de la libr-rte est-il plus grand pour I'usage il est dit de certains : « Dans I'angoisse il vous
et I'exercice de la que dans cet ordre et
vertu, ont cherche, dans I'epreuve voire doctrine leur est
cette saintc assemblee? C'est pourquoi, mouis est un sujet de murmure. » [Ibid.) Bien plus, dans
grande la licence pour le raal, plus grande est la toutes ces traverses, le cceur comprend et les
fidele
liberie pour le bien. Plus le frein, est serre, plus exercices de la vertu et la doctrine du Pere il mar- ;

vive est I'iinpulsion imprime. Les carrefours


qu'il che fortement de la lin vers la fin, jusqu'a ce que
plus etroits laissent pour les places des espaces des rues il entre dans les places : et ceiix qui sont
plus considerables ! Qu'est-ce done que chercher Je- plus parfaits et accoutumes aux places, quelquefois
sus dans les carrefours et les places, sinon se rete- Dieu permet qu'ils retonibent dans les defdes etroits.
nir, comme il vient d'etre dit, et se dilater Et quelle est I'ame plus parfaite que celle qui recoit
pour recevoir que cause la lumiere?
la joie le litre d'ei»ouse. La voila pourtaut qui cherche,
7. Voulez-vous que je vous montre I'un et I'autre dans les carrefours, et comme dans des meandres

plateis vero feriata


qiuedam felicitatis futurae praeludia. 7. Vis ut utraque intus in mcnte assignem, plateas et
Et vide nunc verboriim seriem. Prime ponit vices, con- vicos? Nonne
videtur in vice quodam et velut in
tibi
sequenter plaieas. Habes et in psalmo simile Qitnm : arete positus cujus vexatur patientia, castitas arce-
is
dileda tabernacula tua Doniine virtiitwn, concupiscit et lur, coangustatur caritas ? Qui in nnllo virtutis studio
deficit anima mea i7i atria Domini. Miraris spoiisae se- libere ct sine labore versatur, sine labore et anxio co-
dulilafem ? ordinem sequere. Noli te pmdeatiorem vol natu animi, num tibi quasi in vicis locafus videtur?
promptiorom sponsa praesumere. Prime cxcrce tc in Et quamvis non sine labore, non sine conatu qua^-
opere virlnali, ut doinceps ad vei'itatis spcculatorium runt tanien etam qui tales sunt, quietem in illo quern
:

conscendas. Quid iliac ingressum paras qua exitus est? diligit anima sua, quasi per vicos quaerunt. De quibus
Cum spensa per vices ad platens veni, et cum Psalmisfa Prophela Domine in ongustia qiKPsienint te, el, in se-
:

post tabernacula virtutum ad anipla veritatis atria alie- : mifa judicormn tuoinim Doniine su^tinidiniis te. Rudibus
quin ei'dinem si cenvertis, pervcrtis. Quanto niagis ct novitiis istud sa^pius evenit, qui solent vol variis
coangustali sunt vici, (ante uberiora et liberiora sunt in- tcntamentis, vel quodam taedie laborare, quando cos
tus otia mentis. Quid otia dice? devotienem dicerem aut carnis desideria cearcfant, aut virtutum non exhi-
juslius.Arcta exterius disciplina animam intcrius dila- larat oblectatie. Et beatus qui non est scandalisatus in
tai.Sive libertafem, sivc Ifffitiam in plateis iiitelligas, istis, qui non olfenditur. qui nen perdit Jesum, sed ma-
ubi ampliorcs quani in hoc Ordine nostre plateas repe- gis qua'rit, per vices tales, qui in anguslia qusrit, non si-
rics? Sed ncc facile; dixeris, ubi sint arclieres vici, ubi cut de quibusdam dicifur : In angustia quresierunt te ;
major liberlas, et ad usum ad exercilium virtutis,
et in tribulafione inunnuris doctrinn tiio ris. Ime et exer-
quam in hoc Ordine et conventu sancte. Et idee major citia virtutis, et doctrinam Patris intelligit in angustiis
ad bonum libertas, eo quod sit miner licentia in ma- illis, et protendit a fine usque ad finem fortiter, donee
lum. Que major disu'ictio, eo major directio. Arctiorcs dc vicis ad plateas evadat et qui pcrfectiores sunt et :

vici, ampliorcs plateasQuid erg'o est per vicos


cfficiunt. plateis assueti, aliquoties ad angustias vicorum subito
et plateas Jesum quajrerp,uisi hocse modo el restringere sinuntur relabi. Et quis perfectior ilia quae sponsa di-
et extendercad capicndam de ipsius illustrationetetitiam? cilur? Eccc et ipsa per vicos e actes quosdam meatus
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQLES. 29
resserres, le bien-aime. Elle exerce I'humilite, elle en- dans ces conditions. vraimentheureuses cesplaces,
flaiumele desir. Cette difficulte de chei'cher ne laisse dans lesquelles la sagesse croit, s'eleve et domine
pasdans I'oisivete. Que defois me snis-jesenti errant de la sorte, se montrant en evidence sans qu'on ait
comme dans des dedales inextncables et eniprisonne besoin de la chercher comment quelques
! Et voyez
dans les angoisses de Tesprit, quand soudain Chretiens ouvrent a
prudence secuiiere toute
la Difference
j'ai rencontre una issue sur les places voisines et I'etendue de leur coeur combien ils distendent leur
'
:
^°'''® 'j
sagesse du
le Seigneur bon m'a fait entrer dansle large? J'ex- esprit et le dilatent dans une place, afln d'y mottre s'^cie et la

pirais prescjue dans les rues etroites, et le souffle un arbre etranger, une tige infidele et comment ils ; dlffne!
m'est revenu de suite dans les places. La place rap- en prenneut soin en lui prodiguant les labeurs con-
pelle la largeur et la liberie d'un esprit degage de tinuels de la doctrine et des meditations frequentes.
tout lien et de tout travail, Aussi, voyez en eux, joyeux et vigoureux, la sa-
ioindre'la 8. Mais prenez garde de fairs tourner cette liber- gesse du siecle et le sens de ce monde qui donne ses
meditation \^ a^i profit de la chair, d'entasser la boue dans vo- fruits :quand a la sagesse qui vient de Dieu, hum-
onsolation. tre place et les ioaniondices d'une pensee coupable. ble et obscure, elle ne pent se trouver dans leur
Autrement, le Seigneur vousferadisparaitre, comme ame.
la fange des grands cliemins. « Nos pas ont glisse 9. Sortez dans les places et les carrefours de la
dans les places », dit le prophete. [Thren. li, 18). cite Sondez les loisirs, examinezles occupations de
:

Prendre Voulant faii'e entendre, par ces places boueuses, les ceux qui president aux jugements, qui occupent la
arde quelle endroits ou glissent les pieds des bommes. Que vos chaire et sont assis sur les tribunaux contemplez :
e tourne au , . " . ,,
profit places soient couvertes non de boue, mais d or. ce qu'ils font en public, ce qu'ilsfonten partic.dier.
le la chair.
Qu'il n'y ait pas de fange, qu'il n'y ait pas cepen- La pure et vraie sagesse du ciel brille-t-elle chez
dant line sorte de secheresse et d'aridite, qu'il eux la voit-on dans leui's moeurs comme dans
!

J coule un fleuve d'eau vive, une sorte de ruisseau leurs discours? L'y trouvez-vous brillante, exaltee
de meditations spirituelles. Sur ces places, divisez comme le cedre sur le Liban, et comme le cj-pits
le cours de ces eaux dans toute la latitude d'un es- sur la montagne de Sion? Car c'est sur ces hauteurs
prit libre. La sagesse dit : « semblable au platane, qu'elle se glorifle d'etre exaltee. Leurs noms mem. ;

j'ai ete elevee le long des eaux dans les places. » renferment des mysteres : I'ordre qui preside
[Ecc. XXIV, 19.) Non pas seulement dans les places, aux paroles ne laisse pas, lui aussi, que d 'avoir
non pas seulement le long des eaux, mais « le long une utilite reelle. Le « Liban, » precede dans la
des eaux et dans les places)), dit-elle.Combien pensez- louange de la saffesse. « Sion »
« vient ensuite :

vousque contribuentafaireraonterlestiges jojeuses apres avoir obtenu la blancheur d'un coeur pur,
de la sagesse, le repos exempt de soucis et les irriga- vous vous elevez a I'eclat de la contemplation de la
tions frequentes d'une sainte meditation. Elle s'eleve verite.La purete attire la connaissance, uonpasun•.;
bien comiiie le platane, I'ame qui est mise en terra conuaissancequis'ar^ete seulement a lalettre, mais

quaerit dllectum. Non est otiosa difficultas ista quaerendi. sic plantatur. beatas vere plateas, in
quibus sapien-
quaerendi. Per hanc cnim et exercetur ejus humilitas, tia sic supereminet, perspicuam
erescit, sic exaltatur et
et desiderium excitatur. Quoties In inextricabilibus me se ostendens, et non indigens quieri Et vide quomodo !

sensi quasi viciserrantem, angustiis


conclu-
et animi saeculari prudentiae aliqui totam sui cordis latitudinem
sum, cum subito vicinas in plateas evasi, et cduxit me exponant, quantum distendant animum et dilatent in
in latitudinem bonus Dominus? In vicis cxspiravi fere, plateam, ut plantent ibi plantationem inlidelem, lioc est
sed in plateis respiravi statim. Latitude qu;edam ct gpi-mcn alienum quomodo et coutinuis exercitiis et
:

libertas ..ccupatas et expeditae mentis in plateis tibi


( mcditatione frequenti et doclrina iilam ii-rigent. Idco
commcndatur. cernas in iliis la>tam et uberem ct exaltafam saculi sa-
8. Sed considera, no libertatem istam des in occa- picntiam,etfi-uctificantcm Inijus mundi sensum sapien- :

sionem carnis, ne coacerves lutum in platea tua, lutum tiain vero qua? ex Deo est, humilem et obscuram, ct
illicitcB cogitationis. Alioquin sicut lutum plalcavum inveniri non posse penes illos.
delebit te Dominus. Lubricavenmt ait Propheta, in , n. Exi in plateas et vicos civitatis
otia discutc, scrn- :

plateis vestigia nostra : lutosas volens intelligi eas, in tarc negotia eorum
qui judiciis vacant, qui lenent ca-
quibus sit lubricus incessus. Non luto, sed auro ster- thedram, qui sedeni pro tribunalibus contcmplarc quid :

nantup plateae tuae. Non ibi sit lutum, ncc tamcn sic- agant in publico, quid in cubiculo. Nuiuquid apud illos
citas et aridilas quaedam sit tibi; sed fluant flumina ibi piu'a et vera coelestis emiuet sapicntia? Numquid apud
aquae vIv.t, spiritualis quasdam (luenta meditationis. In illos pura emiuet sapientla? Numquid
et vera coelestis
plateis aquas istas di\ide in latitudine libera- mentis. expressa est in moribus, qu;p in sermonc vcrsalur? num-
Sapientla, Quasi platanus, inquit, exa/taia sum juxta quid in prospectu invcnies illani? numquid exaltalam si-
aquas in plateis. Non in plateis solum, nee solum juxta cut ccdrum in Libano, ct sicut cypressum in monte
aquas, sed juxta aquas, et in plateis exaltata sum , in- Sion?nam et in ills monlibus oxaltatjim se gloriatur.
quit. Ut prodeant genimina sapiential, quantum
laela Nomina ipsa mysterium continent nee : otiosus est
putas cooperatur cl otium liberum, et irrigalio crebra etiam ordo vcrborum. Pr.ecedit Libantus- in laude sa-
sanctae meditationis? Jure quasi platanus e.\altatur, quau pientias, Sion subnectitur post cordis mundi caiidorem
;
»

;k>
L'ABBE GILI.EBERT.

douce mais repamlue dans la luoelle des


et inliiue, les feuilles de votre figiiier, elle cherche en vous du
OS. La purete est la compague, la suivante et la- fruit, elle cherche le hien-aime. C'est la le fruit qui
vant-courriere de la veritt-. C'est pourquoi la sages- est doux a sou gosier. Heureux etes-vous si ce fruit
se exige ix)ur composer la louange, la reunion de aboude en vous, si vousrassasiez deceltenourriture
ces deux nioutagues, du Liban de Sion. Ces ci- et l'epouse de votre Seigneur. Sa nourriture est une

mes sacrees ou pourrez-vous les faire voir chez nourriture choisie. Ses dehces sont que son hien-
ceux qui s'appliquent a conduire ou ii terminer aime se trouve avec vous. Elle ue connait ni envie
les proces? La sagesse peut-elle se rencoutrer chez ni jalousie. C'est pourquoi elle cherche chez tous,
ceux en qui il n'v a pas de place pour elle? tile afin de le trouver et de I'attirer chez tous. Elle

aiuie le Liban, elle aime Sion, elle aime les places, cherche Jesus chez ceux dont eUe desire le progres
il lui faut la liberie et les iiauteurs. Quel reuverse- en Jesus. EUe le cherche dans les carrefours et les
menl si la sagesse qui s'occupe des proces, quickcr- places, mais elle ne lepeut trouver chez tous. u Je
cbe le lucre s'eleve, et celle qui est deDieuse cache? I'ai cherche », dit-elle, « et je ne I'ai point trouve.

Celle qui se plait dans les discussions domine, et Paul, avail soif dusalut de tous, U desirait rencou-
celle qui est pudique, pacifiijue, qui saccorde avec trer le Christ dans les entrailles de tous, les desi-

le bien, se retire dedaiguet conime dauslobscurite. rant tous dans les eutraUles de Jesus-Christ. Mais,
L'une est cultivee, 1' autre est negUgee, comme si elle ecoutez ce qu'il dit, entendez comme il deplore le

etait slei'ile et denul profit. La plantation quouue- sort de plusieurs persorme qui soil entie-
. a Je n'ai

gUge ue s'eleve pas bien haut. Rai'ement vous la rement unanime avec moi. Tous cherchent leurs
trouverez exaltee dans les places comme le plata- interets, non ceux de Jesus-Christ. Pliil. ii, 20.)

ne. EUle ne se rencontre pas facilement. Aussi le- Croyez-vous qu'on pent trouver le Christ chez ceux
pouse dit : « J'ai cherche et je ne lai point trouve. » qui ue le cherchent pas pour le trouver? Et vous en
Le venerable nom de Jesus est partout em-
iO. rencontrerez un grand nombre, qui courent apres
Chei qui
se troupe ploye, il figure dans toute question, on le ti'ouve en d'aulres biens en dehors de Jesus-Christ, mais se
JesQs.
tous Ueus. Et pliit auciel, que la vie exprimat ce servant de lui comme dun moyen pour les avoir.

que la pai'ole dit, que Timitation le rendit sensible, On on discute dans les
delibere dans les conseils,
que les mo?ui-s le fissent eclater et reluirel Que ce- jugements, ou controverse dans les ecoles, on chante
lui qui cherche la sagesse, residant en vous, la trou- dans les eghses. Ce sont la des choses rehgieuses;
ve sur le seuil de votre maison, dans vossens, dau5 mais allez au terme oil aboutissent ces eaux, et con-
voti-e modestie et toute la composition de Ihomme siderez quelle est la fin la plus commune de ces

exterieur. Car il y a des poiies par lesquelles pas- Obuvres. Voyez en toutes ces actions on ne fait pas
si

sent les indices de celui qui habite a I'interieur. un certain commerce du Christ. Le nom de Jesus-
C'est par vos fruits que Ion connait si Jesus habite Christ est un moyen de s'enrichir. Rien de plus pre-
en vous. L'epouse s'approche de vous, elle tourne cieux, rien deplus desire. Heureux cependant celui

ad contemplandje veritatis fulgorem ascendis. Mundi- minis exterioris. Nam quasi fores sunt, per quas
Ua meretur notitiam, non banc litleratoriam tantum. sed interioris prodeunt habitatoris indicia. A fructibus cog-
quandam dulcem et intiiiiam,acipsis animcemedulUsinfu- noscitur, si apud te Jesu moratur. Accedit ad te sponsa,
sani. Denique puritas veritatis socia est, et comes est, folia vertit ficulnea? tuae, quaerit in te fructum,quoerit di-

et praevia est. Idcirco montes istos Libanum et Sion in lectum. Hie est enim fructus dulcis gutturi ejus. Felix
laude sua sapientia copulat. Monies istos apud quos il- es cum hoc abundaveris fructu. cum Domini tui spon-
lorum assignaie poteris qui litibus aut exercendis aut sam isto satiaveris cibo. Esca ejus, esca electa, Deliciae
dirimendis vacant? Non potest apud illos invcniii sa- ejus sunt tecum esse dilectum suum. Non invidet, non
pientia, in quibus non invenitur locus sapientia?. Amat zclatur. Dilectum suum omnium vult esse dilectum.
Libanum, amat Sion, amat plateas, libertate graudetet su- Ideo apud omnes quaerit, ut ilium apud omnes aut in-
blimitate. Quanta pcrver-sitas, si sapientia quce liti- veniat, aut invitet. Quaerit, enim apud illos Jesum, quo-
bus vaeat, quae lucra sectatur, supereminet, et di\ina rum quaerit profectum in ipso. Qusrit per \icos et pla-
kiet ? Supereminet litigiosa, et ea qua;- pudica est, quce teas, sed non in omnibus invenire potest. Qiuesivi, inquit,
paciGca.quae bonis consentiens,contemptadelitescit velut et non inveni ilium. Paulus omnium sitiebat salutem, in
in obscuro. Ilia excolitur, ista negligitur, ac si sterilis et visceribus omnium Christum invenire cupiebat, omnes
parum lucrosa. Xeglecta plantatio in altum non crescit. cupiens in visceribus Christi. Sed enim audi quid dicit,
Raro in plateis quasi platanum exaltatam invenies. Non quomodo quosdam deplorat yeminem, inquit, unani-
est ob^ia, non est frequens. Ideo dicit Qutesivi et non
: mem habeo. Omnes quce sua sunt quarunt, non quce Jesu
invent ilium. ChristL Putas quod apud eos inveniri Christus queat,
10. Ubique teritur, ubique vertitur in qutestione, qui ipsum ut inveniant, non qua?runt? Et multos quidem
ubique venerabile est nomen Jesu. Et utinam quod vox sic qujerentes reperies aliud praetcr ipsum, sed tamen
sonat, vita depromat exprimat imitatio, emineat et
: per ipsum. Tractatur in consiliis, disceptatur in judiciis;
eluceat in moribus. Qui penes te sapientiam quaerit in scbolis disputatur. CAntatur in ecclesiis. Religiosa simt
assidentem. inveniat illani in ipsis foribus tuis. haec negotia sed vade ad exitus aquanim, et pensita
:

in ipais sensibus, in modestia et compositione bo- quis generalior istorum finis est operum. Vide si non per
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 31

qui veut alteindre la puissance de ce nom. Que les qui ne prie souvent et avec ferveur? Et si la tie-
autres en fassent I'objet de leuis Iraites, de leurs deur est loin de vous, prenez gai'de que I'ennui du

discussions ct deleurs disputes. Pour nous, qu'il delai ne vous fatigue et ne brise vos desirs. 11 y a
nous suffise qu'il soit aime dans nos cloitres. N;dle faute de chaque cote, si votre ame est lache en
part^ on n'en trouve mieux le moyea, et partant demandant, ou fatiguee en attendant. Vous enten-
nulle part il ne pent y avoir de honle plus grande, dez que les desirs de I'epouse ne sont pas de suite
si Jesus-Christ ne se trouve point parmi nous. II exauces et vous, aux premiers accents de votre
;

n'y a pas de forme de la justice, si I'intention qui priere, vous vous plaignez que les delices de I'ins-
aniuie les oeuvres pieuscs n'est pas pure. Car lajoie piration divine n'abondent pas dans votre kme.
est un certain transport de I'ame, qui se ressent Vous venez de commencer, et votre esprit est deja
d'ordinaire de la presence de ce divin ami et que fatigue de sa marche ? que serait-ce si Ton vous

nous pouvous avecverite, appelersa presence. Cette adressait ce reproche de I'Evangile : « C'est ainsi

affection celeste et surabondante n'est pas chose fa- que vous n'avez pu veiller une heure avec moi? »

cile ni commune. C'est, a ce qu'il me parait, celle (Math. XXVI, 40.) Veillez done et priez, car vous ne

que re])ouse designe, lorsqu'elle dit : u J'ai cherche savez a quelle heure votre bien-aime viendra. C'est

et n'ai point trouve celui que mon C03ur aime, » la priere obstinee qui arrive a la tin. Et, si dans le

Jesus-Christ qui vit et regne aux siecles des siecles. debut elle vous parait seche et dure comme le ro-

Amen. cher, vous verrez couler pourtant I'huile de grace


de ce rocher tres-dur, mais seulement si vous per-
SERMOiN VI.
severez, si un delai plus long ne vous degoute pas,

Avez-vous vu celui qu'aime mon cime? (Cant, hi, 3.) si le retard ne refroidit pas vos voeux. Le delai est
certainement ennuyeux pour qui aime, mais les
^- L'^pouse, dans ses recherches, souffre du delai^ desirs differes s'accroissent d'ordinaire par le
a ferveuret
a Constance gt I'epoux lui oppose une espece d'ombre de diffi- retard meme. Pourquoi vous inculquer ce que
sont
ndcessaires culte, en ne se donnant pas de suite a elle. Mais, vous savez? La repetition frequente vous donnera
dans
la prifere.
embrasee de desirs, elle continue ses investigations rintelligence de cette verite; elle vousl'a deja don-
et redouble ses plaintes : «je ne I'ai pas trouve. » nee et meme plusieurs fois. Souvent je vous ai
Mes freres, si I'ardeur est ainsi ditferee, la paresse ti'ouves habitues a cet exercice. Je ne jjuis me glo-
quand sera-t-elle exaucee ? Si I'amour ne trouve rifier d'avoir produit ces sentiments en vos ames,
pas, la tiedeur, la priere rare, la lachete, quand je me neanmoins de voir que vous les
rejouis
trouveront-elles ? Mais pourquoi parler parmi vous eprouvez. Et pas forme ces dispositions
si je n'ai
de jriere rai-e et de lachete ? II ne faut pas appli- en \ous, puisse-je les fortifier en vos cceurs Moi !

quer de remede a une maladie que vous n'avez pas, aussi je suis gardien, et c'est pourquoi vous me re-
Ces vices sent loin d'ici. Quel est celui d'eutre vous petez souvent cette parole de I'epouse : « Avez-vous

haec omnia quEpdam cxerceantur mercimonia de Christo. admittetur? Si non invenit amor, quando invenict leper,
Qusestuosa res nomen est Christi. Nil pensius, nil opta- quando raritas orandi, quando rcniissio? Quid ergo ntmc
tius. Felix tamen qui nominis hujus virtutem sectatur. contra raritatem orandi et remissioncm inter vos dis-
Apud illos tractetur, disceptetur, disputetur su- pulo? Non est opus medelam adhibcre morbo quo non
per hoc nomine. Nobis satis est, si nostris in claus- laboratis. Peregrina sunt a vobis hiec villa. Quis unim
tris saltern adametur. Nusquam commoditas ma- veslrum, qui non sit et frequens et fervcns in oratione?
jor ideoque major confusio nusquam, si penes nos non
: Et si torpor abest, videte ne vos dilationis ta^dia defa-
invenilur Cliristus. Non invenitur forma justitiae, si pio- tigent, et infringant desideria vesfra. Utrobiquc
rum operuni non est intentio pura. Nam ipsa Istitia est reatus est, si sit anima vesfra, vel in postulatione
mentis quaedam divina alacritas, quae de ipsius praescn- reniissa, vel in exspectalione dodciens. Sponsa' deside-
tia concipi solct, et quam vere possumus praescntiam ria audis dilata ad prirnum orationis hue pulsuni,
: et tu
ipsius intorpretari. Haec inquam, caelcstis et excedens jnspirationis divinaetibi non aflluere querulus
dilicias
affectio, non est res facilis et passim obvia. Hanc prae- causaris? Nunc coGpisti, et tam cito a directionc sua tuns
cipue sponsa, ut puto, designat, dicens Qucesivi, et : infringitur spiritus? Quid si tibi illud de Evangelio im-
non inveni ilium quern diligit anima mea, Christum properctur Sic non potuisfi una hora vigilnre niecum ?
:

Jesum qui vivit et regnat in saecula saeculorum. Vigilatc ergo ct orate, quia ncscilis qua hora dilcctus
Amen. vester adveiiiaL Pertinax oratio pertingit ad (incm. El
SERMO VL si tibi in initiis sicca el volut saxea videatur; oleum ta-
men gratiarum elicies de lioc saxo durissimo, tantum
Nmw queni diligit anima mea vidif is ? {C&nt. iii, b.)
si perseveres, si te longior mora non dissisolvat, si non
1. Sponsa moram in quaercndo patitur, ct quamdam diia(ione tua vota lentescant. Molesta plane amanti di-
illi difficultatis umbrani sponsus obtendit, copiam sui latio ; sed solent protracta desideria amplius crescerc.
non stalim indulgcns. Ilia tamen, calente studio, sedu- Quid vobis nola ingero? Vexatio crebra ipsa vobis hu-
lilatem cor.liiuiat, querclani ingeniinat : Non inveni il- jus rci dabit iutolloctum, imo jam dcdil, idque fre-
ium. Fratres, si sedulitas submovetur, desidia quando quenter. Grebro vos excrcitatos inveni in hiijusiuoUi stu-
32 LABHE GILI.EBERT.

rencontre celui que nion coeur ainie'? » ime bien- gardent comme enuuyem d'etre interpelles par eux.
heureiise qiii eprouve de si saints desirs ! Desirs de Plusieurs ne font entendre une parole de consola-
la bien-aimeo, que s'enquerirdu Christ;
qiii ne sait tion que lorsqu'on les interroge, et pas meme
el qui aussitot quelle la trouve, fait entendre alors. lis font lire la lettre qui est ecrite sur le

les mots « avez-vous vu celui


: qu'aioie mon papier, ils n'y ajoutent rien en fait d'industrie ou de
ame? » diligence. Bien autre est roffice du garde : il doit

2. Enfin, cest I'epouse qui rencontree par les prevenir et ne pas se borner a exposer, il doit pro-

gardes : « les eardiens de la cite mont trouvee, » voquer plutot quattendre les demandes, et comme
dit-elle.Ceus qui s^nt trompeurs et masqu*^ ne du haul d'une coUine, veiller sur ses fils, et voir quel
oraignent rien tant que d'etre rencontres par ces est celui qui est intelligent et craignant Dieu. Je
gardes, et s'ils sont pris, ils ne >ont pas facilement suis voire gardien ; Seigneur, donnez-moi ime lan-
devoiles. Cain fut errant et raeabond sur la terre, gue erudite, pour que je sache soulenir par ma
il redoutait delre trouve. c. Quiconque me rencon- parole celui qui est tombe et le diriger vers le

trera, « dit-il, « me massacrera. » [Gen. iv, 14.) U ne Verbe.


veut pas que le peche soil detruit, il ne veut pas 3. Etque desire autre chose I'epouse, quand elle
eprouver dans I'aveu de sa faute ime conftision sa- dit Avez-vous vu celui que mon coeur aime? »
: «

lutaire, il ne veut pas du chatiment medicinal du Vous le voyez, les eiercices spirituels ne I'ont pas
maitre il ne veut pas elre rencontre, parce
: tant fatiguee qu'excitee. Vous avez compris sa per-
qu'il ne veut pas etre tue. Une affection de- severance a choisir le bien-aime : voyez a present
reglee so jette sans home la oil elle ne craint pas la son humble prudence. Elle ne sait pas mepriser les
mort, mais oil plutot elle attend le secours. L"e- gardiens. EUe ne croit pas sur de passer sans con-
pouse s'oiFre d'eUe-meme ; joyeuse elle va au-de- ceux qu'elle sait participants du
suiter secret
vant des compagnous de I'epoux. Pourquoi ne se- du Seigneur et ministres de sa volonte. « >''a-
rait-elle pas joyeuse? On la trouve, non comme vez-vous pas vu celui que j'aime? » que signifie
fuvant le chatiment, mais cherchant celui qui cette question posee avec un certain louche? Ne
laime. :< Les gardes m'ont tix)uvee ; » ils n'ont pas vous a-t-eUe pas averti par \k de ne pas croire a tout
ete trouves, mais ils ont trouve. Leur diligence est esprit, mais d'eprouver s'ils vienneut de Dieu? De
est bUmee.
vantee en ce lieu. Les gardiens paresseux et infi- plus, a tous ceui qui ont recu ou vole lofQce de
deles n'apportent aucune joie a leur office ; ils ne gardien, il nappartient pas de donner de surs indices
rodent pas, ils ne cherchent pas, afin de trouver de I'epoux. 11 en est plusieurs dont I'oeil est sur
quelqu'un ayant la conscience blessee, quelqu'im toute la terre, et, selon le proverbe qui se lit en un
monti-ant par le signe d"un amour chaste et par le autre endroit, « sur les fins de la terre. « Prov. xvii,
zele quelle deploie dans ses recherches, le feu de 24. 11 n'y a pas de lumiere en eux, et ils ne peu-
la charite. Us ne reunissent pas les sujets, ils re- vent rien indiquer au-dela des Umites de la terre,

diis. Non possum gloriari hos me genuisse affectus in fideles nuUam in hoc commendatur. Kgri custodes et
vobis gaudeo tamen invenisse vos in istis. Et si non
:
male Gdeles nullam in hoc adhibent diligentiam non :

haec in vobis studia forma\i, utinam in illis fovere vos circumeunt, non quaerunt si quern inveniant cauteria-
possim. Et ipse custos sum; ideo iUam mihi sponsae tam habentem conscientiam, signo amoris casti et stu-
Tocem saepe replicalis Num quern diligit anhna mea :
dio quaerendi prodentem dUectionis incendium. Non
vidistis ? beata anima, quam lam sancla desideria cxcr- conveniunt subdilos, et forte molestum ducunt si com-
cent Desideria dilect^e, dilectae, quae, nescit nisi de
!
pellantur ab ipsis^ Nonnisi interrogati proferunt verbum
Christo it^re, qaie talem inventa erumpit in vocem : solatiiq[uidam, nee tunc quidem. Littera quod habet in
yuM quern diligit anitna mea vidistis. ? pagina, lantum projKDnit, nil superadjiciens, vel industriae
2. Denique sponsa est, quae talibus invenitur occupata vel diligentiff. .Alia est plane custodis ratio : pr*venire
scrutiniis : Inveneruiit me, inqui, cu-itodes ciritatis. Qui debet, non tantum reponere c-vcitare magis quam ex-
:

ficti tam refugiuot , quam ab is in-


et fallaces sunt, nil pcctare quaesituros quasi de specula super filios pros-
:

veniri custodibus : et si deprehenduntur, non facile picere, qui sit intelligens et requirens Deum. Custos tuus
convincuntur. Cain factus est vagus et profugus super sum, da mihi Domine linguam eruditam, ul sciam eum
terram, inveniri formidans. Omnis. inquit, qui invetie- qui lapsus est sustenlare verbo, et ad verbum dirigere.
rit me, occidet me. Non vult peccatum occidi. non vult 3. Et quid aliud optat sponsa. cum dicit Sum quern :

pati salutarem in confessione verecundiam, medicinaJem diUgii anima mea vidislist Vides iUam non tam fatiga-
castigationem magistri. Non vult inveniri, quia non vult lam quam excitatam studiis spiritualibus. Intellesisti
mori. Nam ubi non veretur interfici, sed magis, pertinaciam ejus ejus In qucPrendo dilectum vide nunc :

se foveri confidit, impudenter se jactat indiscipli humilem prudentiam. Nescit custodes contemnere. Nee
natus affectus. Sed sponsa ultro se offert, laeta sponsi enim tutum arbitratur inconsultos praetcrire, quos scit
occurit sodalibus. Qnidni laela? Non invenitur quasi fu- dominici et conscios secreti, et nuntios mandati. Sum
giens nitorem, sed qoaerens amatorem. Invenerunt me quern diligit amma mea vidiitisl Quid tamen sibi \-ult
custodes: non sunt inventi, sed invenerunt Diligentia hiec inlcrrogatio sub ambiguo posita? An in hoc admo-
ipsonun in hoc commendatur. Pigri custodes et male nere te voluit ut non credas omni spiritui, sed probes
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQLES. 33
ils ne peuvent pas elever vers le ciel. lis sont assez poux. Parce que I'experience du mal est frequente,
fideles et assoz soigneux, mais pour entasser les facile en est la connaissance. L'usage des biens spiri-
biens d'ici-bas et les conserver, ils ne vont pas au- tuels est rare et le jugement qu'on en porte est faible,
dela. Leur ceil, dit le sage, est sur toute la terre. les traces qu'ils laissent sont peu profondes et il ne
Une embrasse toute la terre c'est
insatiable avidite : peuvent etre juges que par les personnes spiri-
pourquoi, appesantie par les soius terrestres, esclaves tuelles, c'est pourquoi ils ne peuvent etre demontres
de la table de celui qui se meurt a lui-meme, elle que par les spirituels comme sont ceux, par
ne sait pas donner le viatique de la doctrine ce- exemple, dont il est dit : « qu'ils sont beaux sur les
leste, et appreter pour ses sujets quelque chose de montagnes les pieds de ceux qui annoncentia pail,
proportioune a leur position, s'il s'agit des dogmes qui annoncent les biens. » [Is. ui, 7.i
venus d'en-haut. Ceux qui sont dans ce ti'iste etat, U. « N'avez-vous pas vu celui que mon coeur Di,„jg,^gj
si on leur demande d'expliquer les secrets de la aime? » Elle n'est ni une, ni simple, ni uniforme la «?.
vie spirituelle, repondent qu'il suffit de suivre la vision de I'epoux. Abraham tressaillit pour voir son *de*Dieu"*
grand'route de la foi et des moeurs. Us se consolent jour, « il le vit et se rejouit. » [Joan. \iu, 56.) Ja-
ainsi de leur sterilite on mesurent a leur propre tie- cob vit « le Seigneur face a face et son ame fut
deur, I'avidite des autres. Car I'amour lache etlan- sauvee. » {Gen. xxsm, 30.) Moise le vit, non face a
guissant dans une patience coupable, ne desire pas, face,mais par derriere. (Ex. xxviii, 23.) Isaie vit le
mais attend plutot les biens a venir. Celui qui est plus Seigneur assis sur un troue eleve. {Is. vi, l.)Eze-
ardent, emporte par un desir plus fervent, cher- chiel le vit. {Ez. i, 1.) Daniel le vit sous I'apparence
che oi ravir par avance en seci-et et en partie la d'homme, quoiqu'il n'eut pas encore pris la forme
plenitude qui lui est reservee. Parce qu'elle connait humaine. {Dan. vu, 13.) Toutes les visions de ce
plusieurs de ces emet sa de-
gardiens, I'epouse genre avaut I'incarnation se faisaient sous la forme
mande sous une certaine forme ambigue « n'a- : corporelle et non dans la verite de la chair hu-
A qui vez-vous pas vu Celui que mon coeur aime ? » Que ce maine. Les apotres virent I'epoux dans la chair, ils
S^^'^^i^n soit prudent, fidele et vigilant, que, par la le palperent, et ils le toucherent. Les uus comme
fewiMrdes
choses diligence de ses soins, il ecarte du bercail les atta- les autres virent cependant par la foi le Dieu qui
ipirituelles. , •
,i i x i
ques des ennemis. II ne saura cependant pas chan- etait au-dedans. II fut dit a Philippe : u qui me

ter de suite les cantiques de I'amour, ni, messager voit, voit aussi mon pere.)) {Joan, xiv, 9.) Que cette
de I'epoux, indiquer sa pi'esence, ni, soudainement vision se rapporte a la foi, la suite le montre ; a Ne
ravi dans les secrets du cceur, faire gouter quel- croyez-vous pas que je suis dans mon pere, et que
que chose de la douceur intime de ces inefTables mon pere est en moi? autrement croyez-le a cause
mysteres. Ce n'est pas la du tout la meme chose des ceuvres que j'opere. » Quelle consequence
y
que de recevoir les caresses furtives et trompeuses aurait-il, pour prouver qu'on voit le Pere, de dire
j

de I'adultere, ou les legitimes embrassements de I'e- qu'on voit le Fils lui-meme, a moins que dans

siex Deo sit spiritus? Denique non omnium estceitum irruptionem ab ovili. Non tamen statim sciet
amatoria
sponsi praestare indicium, qui cuslodis officium vcl sus- canerc, et sponsi internuncius ejus monstrare prsesen-
ceperunt, vel arripuerunt. MuUi enim sunt quorum est tiam, ct in recessus secretos raptim admissus stillare de
oculus in universa terra, et juxta alterius loci prover- intima aliquid dulcedine. Valde enim est impaiis gra-
bium, in finibus ferrce. Non est lumen corum cum ip- tiae, furtiva et fucata adulteri deprehendere lenocinia,
sis, nee possunt illud ultra terrae porrigere limitem, et legitimes sponsi adventus conciliare. Malorum
quia
levare ad caelum. Satis quidcm fideles sunt ct seduli : frequens est experientia, facilis est notitia. Spiritualium
sed hucusque ut tenena coacervent, et tcrrena servent. vcro sensuum quia rarus usus est, et exile judicium,
Oculus, inquit, corum in universa terra. Inexplebilis tenue satis est indicium de ipsis, nee possunt spiritualia
aviditas in universa terra se extcndit propterca ter- : nisi a spiritualibus dijudicari. Et ideo non possunt nisi
renis incrassata mens curis, et illius menste serviens a spiritualibus demonstrari, quales sunt de quibus legi-
qui perit sibi, coelestis epulaj nescit dispcnsarc tur Quam pulchri super monies pedes annunliantium
:

viaticum, et de supernis ttieoriis aliquid serenum tem- pacem, annunliantium bona.


perare subjectis. Nam et si forte qui tales sunt, de spi- i. Num quern diligil anima mea vidislis T Non est
ritualibus rogentur secretis, planam fidci ct morum res- una nee simplex nee uniformis visio sponsi. Exuilavit
pondent sufficere viam. In hoc sterilitatem solantes Abraham ut videret diem ejus I'/V/i/ et gavisus est. .•

suam, vcl ex tepore proprio aviditatem alienam me- ^'idit Jacob Dominwn facie ad faciem, et salva facta
tientes. Languidus enim ct remissus amor, culpabili est anima ejus. Vidit Moyscs, sed posteriora vidit.
quadam patientia non tarn optat, quam exspectat fiitura Vidit Isaias Dominum sedcnlem super solium excelsum.
bona. Qui vero ferventior est, ardenti fertur desidcrio, Vidit Ezcchiel vidit Daniel in hominis simililudine,
:

repositam pleniludincm furtim et ex parte deflorare ten- cum nondum homincm suscepisscl. Sed omnis ante in-
tans. Quia tales plurimos novit sponsa custodes, quodam carnationem hujusmodi visio in corporali monstrata est
sub ambiguo interrogationcm librat Num quern di- : specie, non in specie, non in corporis humani vcritate.
ligit nnima mea vidistisi Sit prudens, sit fidelis, sit Viderunt .\postoli in ipsa carnis vcritate, ct palpavcrunt
custos sedulus, et disciplinai diligentia hostium coerceat ct altractaverunt. Ufriquc tamen intus fide Deum

T. V.
:

3h L ABBE GILLEBERT.

Ton et I'aulrc cas on ne Tcuilk faire entendre quil virent transGgure sur la montagne : mais uean-
s'agit dela vbion s'operant par la foi. Cest poiu* cela uioins la premiere de ces visions uV-tait pas vraie,
qu'a propos de la foi on ajoute avec suite : « ne la seconde n'etait pas pleine. Retenu agreablement
croTez-vous pas que je suis dans mon pere et que quoique non satisfait de la premiere, Moise disait :

mon p^n* est en moi? Autreraent croyez-le a cause «montrez-vous vous-meme a moi. » Ex. xxsiU; 13.j

de mes oeuvres. » Si le Christ habile par la foi dans Le Seigneur dit de la seconde o : 11 vous est expe-
nos ccEurs, nos caurs sont purifies par la foi_,
si dient que je m'en aiUe; si je ne men vais, le Para-
pourquoi n'est-il pas vu par la foi dans nos coeurs ? clet ne viendra pas. « {Joan, xvi, 7.) Elle est bonne,
Des visions indiquees plus haut, les unes onteulieu cetle vision que le Paraclet amene avec lui ; elle est

en image, les autres en realite, loutes pleines du- spiriiuelle, car elle est produite au-dedans par
tilite ou d'agreoients, uiais lorsquou same I'inte- lesprit. Enfin, « le Seigneur Christ est im esprit

grite de la Iroisieme, c'est-a-dire de celle qui a lieu devant notre visage. » [Thrai. iv.) Cette vision est

par la foi. comprise par la verite revelee spirituellement , ou


5. Car, pour parler de I'apparition du Verbe qui infuse dans lame par la grace avec suavite. Cette
se faisait dans la chair, outre les paroles de vie qui maniere de I'experimenter est semblable a une vue.
sortaient de sa bouche, quel grand eclat de vertu ne o Goutez, » dit recriture, « et vovez que le Sei-
brillait-il pas dans tout son exterieur? Avec quelle gneur est doux. [Pa. xxxm, 9.; Cette vision estcer- Vision
DieD pai
eyidence son regard, sa voix, son visage trahis- tainement fort douce, et quoiquelle ne soit pas price, 09
leiperie
saient sa divinite cachee? Toutes ses demarches res- encore pleine comme le seront les manifestations
piraient une grace divine. Vision agreable, mais dernieres de la palrie, elle s'en approche, non en
pour Ihomme qui le crorait Dieu. Celle qui fut egalite, mais en qualite. Elle n'est pas souraise a
montree aus peres et aux prophetes, avant lin- lesprit humain, elle nest pas proposee a ses ef-
camatiou, faisait sentir quelque chose de divin forts; quoique Dieu I'accorde quelqiiefois gratui-

sous I'image interieure, et, autant que je le pense, tement aux desirs du coeur. Enfin, sa nature n'est
elle produisait dans lesprit et le sens de celui qui pas telle que concue par les forces de lintelhgence,
en etait le temoin \ine delectation inexprimable : elle puisse par sa presence conttnuelle, empecher

elle n'apparaissait qu'auxregards de eeuxquiavaient im intervalle dans la memoire de lesprit. Ellle est
le coeur pur. Car apres sa resurrection, le Christ, subite et elle s'appartient, elle va et vient sous I'in-

ainsi nous le lisons


que u'apparut dans la ,
fluence d'un souftle puissant. Elle est subite, elle

verite de sa chair, qu'aux temoins predisposes de est momentanee, elle amve soudain, et seloigne
Dieu, {Act. X, Zil.j Heureux ces gardiens, si eepen- promptenient : si elle est momentanee, les restes de
dant ils jouissent frequemment et familierement son souvenir subsistent sereins et embrases, ils pro-
d'lme telle vision, de celle surtout qui montre las- duisent ime fete dans 1 ame de celui qui les con-
pect de la chair glorifiee, comme Pierre et Jean le serve. La pensee de cette vision goutee et dis-

Tiderunt.Dictum est PMlippo Qui vidft me, videi et


: gine, quantum mea se habet inaestimabilem de- (ides,
Pairem meum. Quae visio, quia referatur ad fidem. lectationem et menti et sensui
infundebat cernentis :
quod adjunctum est, declarat Son creditis quia ego in
: nee nisi quorum mundus erat animus, apparebat obtuti-
Patre, et Pater in me est ? Alioquin propter opera cre- bus. Nam et post resurrectionem in ipsa camissuae ve-
diie. Quje enim consequentia, ut ad probandum quod ritate nonnisi testibus praeordinatis a Deo apparuisse le-
inducat quia se viderit Patrem viderit, nisi quod in gitur. Felices illi custodes, si quibus lamen appar-et fre-
utroque earn voluit visionem intelligi. quae per fidem quenter et familiariter talis visio, praesertim ilia quae
fit? Propterea et de credulitate consequentcr adjungit est in jam glorificatae aspectu, qualem eum Pe-
carnis
Son creditis quia ego vi Patre, et Pater in me est : trus etJohannes viderunt in monte transfiguratum :

Alioquin propter opera ipsa credit e. Si cnim habitat sed tamen et ilia prior non vera, et ista non plena.
Cbristus per fidem in cordibus nostris, et si ipsa corda Nam ilia Moyses delectabiliter delentus, non tamen
nostra mundantur per fidem, cur non et in cordibus contentus Ostende mifii, inqiiil, teipsMH. De altera
:

nostris videtur per fidem ? Superionim vcro visionum vero ipse Dominus Expedit vobis ut ego iHidam, alio-
:

quarum altera facta est in imagine, altera in came, quin ParocUtus non veniet. Bona ergo yisio, quam Para-
utraque plena est vel jucunditalis vel utilitatis: sed clitus adveniens inducit spiritualis est, quia facta intus
:

cum tertiae, quae est per fidem, servatur integritas. per Spiritum. Denique et spiritus ante faciem nostram
5. Nam ut de Verbi apparitionc, qua? in came erat, Christus Dominus. Visio hcBC vel in revelataspiritualiter
loquar pr»ter vita? verba, quae de ore ejus procede-
: veritale per intelligentiam, vel in suavitate infusa per
debant, quantum putas virtutis insigne in ipso exteriori gratiam. Nam hoc ipsum experiri videre est Gustate,
et
renitebat habitu? quam manifesta qus, quae intus erat. inquit, et videie quoniam suavis est Dominus. Suavissima
dabant indicia oculus, vox, vultus? Denique pestus om- certe ha?c %isio, et quamvis futurum jiLvta modum ple-
nis quomodo divinam spirabat gratiam? Jucunda plane na, vicina tamen, ^icina qualitate, non aequalitate. Visio
visio sed Deum in homine credenti. Et quidem ilia
ilia, haec humane non est supposita ingenio, vel proposita
qu«e prophet is et patribus ante Christi incarnationem studio, etsi aliquando desiderio gratis indulta. Denique
&cta est, divinum quiddam spirabat in apparente ima- non est talis quae intelligentiae concepta viribus, con-
SERMONS sua LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 35

parue subsisie apres coup ceux qui en ont ressenti


: procurent ce sont les douceurs. Chaque chapitre de
la douceur savent la redire, en cet instant sur- la foi simple, par un doux temperament de dis-
tout. Le coeur, encore sous la brulante intluence cussion, produit dans I'esprit des auditeurs les- affec-
de la grace, prononce une parole bonne, et dans tions et les transports les plus agreables. L'epouse
sa meditation enflammee, il fait nntendre des est delicate ; elle desire les choses douces plutot que
expressions aussi excellentes. II trouve beaucoup de les fortes, mais elle pent tout en I'epoux qui la for-
douceur intime dans ces discours qu'il tient, et tilie. Que les autres racontent des fables et medi-
dans les accents qui jaillissent de I'abondance des tent des controverses. Que votre boucbe medite la
graces comme de leur source. sagesse, que votre langue dise des choses pleines
doit fttre 6. Si Tous etes gardien,
que ce sont la les
sacliez de delices, 6 vous qui parlez a I'epouse. Car c'est
iscoui-s
sentiments qu'il faut preparer en vous pour aiusi qu'elle veut qu'on lui parle du bien-aime et
'asteur.
aller au-devant de I'epouse. Pourquoi aller a sa qu'on lui en donne des nouvelles. Les levres des
rencontre, si vous ne venez annoncer rien de doux, pretres doivent garder la science [Mai. ii, 7) : c'est
rien de nouveau ? Si vous ne pouvez pas exprimer pour cela qu'elle veut recueillir de leur bouche la
des choses nouvelles, exprimez-en d'ancienues. Re- loi, la loi qui fait voir et trouver le bien-aime.
petez des choses connues, si vous n'tn avez pas de « N'avez-vous pas vu celui que men coeur aime ? »
recentes. Cependant on n'incul({ue pas ce qui est Elle presume qu'elle se servira de leur propre
exige. L'epuuse ne demande pas quelle personne vision pour voir elle meme : voila pourquoi elle
vous voyez, mais si vous voyez. 11 sut'fit d'anuoncer s'enquiert avec soin de la vision des gardes, espe-
celui qu'elle voit elle-meme. EUe vous apporte un rant que leur conversation la fera rentrer dans des
surcroit de graces si vous apportez des choses nou- secrets plus caches, ou lui fera eprouver des senti-
velles. Entin, ce qui n'est pas inconnu, ce qui a ete ments plus doux. C'est voir celui qu'elle aime, que
plusieurs fois medite, devient doux a I'epouse par de concevoir dans un esprit pur et avec effusion de
une sorte de nouvelle grace qui s'y attache. L'o- tendresse celui qui est la sagesse et la force de Dieu.
reille n'est pas fatiguee quand I'avidite est a son Celui-la le voit bien, qui le concoit de cette double
comble ;
parlez seulement de I'epoux et vous avez maniere, le voyant purement et le goutant pieuse-
fait resonner des choses nouvelles aux oreilles de ment. Je trouve doux ce murmure que j'entends
I'epouse. ne vous appartient pas de toujours re-
11 entre I'epouse et les gardieus ; ce colloque me sem-
pondre de jouir de cet excellent et sureminent mode ble agreable, si cependant c'est un colloque. Car
de vision. Cette vision est sublime et subtile, et sa ici on ne rapporte aucuue reponse des gardiens.
coutume est des'emparer soudain de I'esprit qu'elle Elle est secrete, si toutefois elle existe, cette re-
trouve pur et repose. Elle s'en saisit subitement, ponse qu'elle pense devoir couvrir d'un profond
mais elle ne I'occupe pas longtemps. Ces vues sub- silence. Le secret est pour elle ; son secret est i
tiles ne se presentent pas selon le desir ; ce qu'elles elle. Nous n'osons pas nous Uvrer a des conjectures

tinuo tenore moram in animi memoria protelare queat. auribus sponsae. Non suppetit tibi de illo excellenti et
Subitanea est et sui juris base visio, in spiritu vebe- cxcedenti visionis modo semper respondere. Sublimis
menti vadens et veniens. Subitanea est et momcntanea, ilia et sublilis est, ct subito pra>occuparo solet animum,
repente veniens et repente vadens et si momenlanca
: quern mundum ct cxoccupatura invenerit. Subito praeoc-
est, manent tamen reliquiae cogitationis, tarn succen- cupat, sed non occupat diu. Subtilia ista non adsunt ad
sse, tam serense, et diem festum agunt in animo recor- votum, dulcia deducit in medium. Simplicis fidei ca-
dantis. Manet quidem memoria
degustalae et deglutita pitulasingula quodam dulci disputationis tcmpera-
visionis cujus suavitatcm qui gusfare possunt, enic-
: mento suavissimos gignunt in audientc mentis alTectus
lare norunt, et bora hac maxinie. Eruclat enim bo- et excessus. Delicata est sponsa : dulcia vult magis
num verbum cor recenti adbuc incalescens gratia, et quam fortia, nisi quod omnia potest in co qui earn con-
fervida meditatio similes effundit sermones. Multum fortat sponsus. Narrent alii fabulationes, contioversias
enim intimae dulcedinis sapit in verbis, et gratissimi medilentur. Os tuum meditetur sapientiam, et lingua
sunt sermones, qui de graliarum uberfate prorum- loquatur delicias, qui spons.T loqucris. Nam et ilia tales
punt. vult qui dilccto narrent ct nuncient. Labia sacerdotum
6. Si custos es, scito quoniam talm te oportet praepa- custodire debent scientiam : ideo legem requirit ex ore
rare in occursum spons.-e. Ut quid occurris, si nibil eorum, legem videndi ct inveniendi dilectum. Num
dulce, nihil novum nunciaturus venis? Si nova non quern diligit anima mea vidistisl De visione illorum se
potes, Vetera prefer. Ingere nota, si nova non ba- visuram prajsumit ideo diligcnlcr invcstigat custodum
-.

bes. Non tamen ingeritur quod exigitur. Non qua?- visionem, eorum sperans alloquio vel in secretiora re-
ritqualem videris, sed si videris. Sufficit nunciare qua- duci, vel dulcioribus affici. Id enim est viderc quern
lem ipsa novit. Augmenfum tamen affert gratiarum si diligit, Dei sapientiam ct virtutem proponso aircctu et
nova annuncias. Denique quod non est vel ignotum vel pura concipere mculc. Bene ilium conspicit, qui hoc
insolitum meditationi, sponsee nova quadum gratia dul- utroquc concipit modo, pure ccrncns, cl pic scnticns.
cescere solet. Non fastidit auditus, quando fcrvct avi- Dulce puto susurrium, quod inter sponsam custodcsque
ditas tantum de sponso disputa, et nova prolulisti in
: verlilur : et grata collatio, si tamen coUatio. Nulla enim
36 L'ABBE GILLEBERT.

sur ce que I'epouse a pris soin de taire. Avec le si- si ccpendant les efforts de I'homme peuvent coope-
lence qui couvre ces r6ponses, terniinons i present rer en quelque chose en ce sujet, observez d'abord
notre discours, reservant pour demaiu le passage ce qui est ecrit : « Lavez-vous, soyez purs. » En
oil lepouse dil qu'elle a un peu depasse les- gar- second au temps du loisir, ecrivez sur la sa-
lieu,

diens et trouve celui que son coeur aime. gesse. Celui qui est plus degage des actes qui occu-
pent, la recevraen|lui. En troisieme lieu, soyez vio-

SERMON VU. lents, enlevez de force la joie du royaume de Dieu,


qui vous est trop longtemps differee ; c'est-a-dire

Peu apres les avoir dcpasses, j'ai trouve celui que ayez le cceur pur, prel et genereux. Soyez d'abord
mon cueur aime. (Cant. }ii, U.) digne, ensuite devot, puis emportc, c'est-a-dire
aple, present et pressant. Propre a recevoir la

1. Vous etes des creanciers impitoyables et vous grace, present a I'epoux qui vient, pressant pour le

poursuivez avec trop d'instance votre debiteur. Cette hater dans ses retards. Par la premiere disposition,
conduite est digue d'indulgence, pourvu que voire vous vous preparez ;
par la seconde, vous devenez
demande soit juste. Mais vous exigez que je paie la semblable a I'epouse attendant son bien-aime lors-
dette a laquelle je ne suis pas oblige. En effet, je qu'il revient des noces ;
par la troisieme, vous
devais parler du passage de I'epouse. J'y suis tenu vous hatez et I'epouse n'altend pas, elle court et elle
par le motif de notre promesse, aussi bien que par depasse les gardes eux-memes. J'aurais mieux parle
la suite du sujet, et vous m'adressez avec I'epouse si j
'avals dit elle traverse les rangs des gardes.
:

ces paroles : « N'avez-vous pas vu celui que mou Ce que nous depassons, nous ne le regardons pas,
coeur aime ? » EUe tempere avec plus de modestie nous ne le touchons pas, nous le meprisons mais :

cette demande, semblable a une personne qiii est ce que nous traversons, nous apprenous a le discu-
dans le doute, cherchaut plutot qu'elle ne pi'esse. ter, a I'examiner et a le penetrer. Ce mouvement

EUe sait qu'il n'est pas question de cette vision avec de traverser n'est pas inutile.En effet, c'est apres
tout le monde, ni en tout temps. Depuis que I'epoux avoir depasse un peu que I'epouse trouva le bien-
a cache son visage, quel est celui qui le contemi^le? aime. Voyez, mes freres, de quoi il sert de consul-
Mais vous me pressez ; vous voulez que je vous ter les gardes. Ce procede conduit rime aimante,
trace la regie a suivre pour coutempler le bien- mais errante, a la rencontre de celui qu'elle cherit.
aime, et que je vous donne le moyen de le trouver 11 est utile de consulter ; et souvent ce que ne
et de le voir. Quoi done ? Yous voulez que je reca- fournit pas I'erudilion de ceux qu'on consulte, I'hu-
pitule sous forme de regie les largesses du don de milite de celui qui s'adresse ainsi a un autre I'ob-
Dieu? Cette vision ne vieut pas de I'iudustrie hu- tient. bon que vous soyez soigneux de de-
11 est

maine, la grace la produit elle est le resultat de : mander, sans en faire une pratique constante. Car
la revelation, et non le fruit de la recherche. Que ce n'est pas de propos delibere, mais par occasion.

illorum hie responsio niemorattir. Secreta valde est, nis hujus tradam. Quid ergo? Vultis ut mu-
et visionis
si qua est, quam alto tegendam putat silentio. Secretuni neris largitatem concludam sub regula? Visio
divini
sibi Secretum suiim sibi. Nee audemiis hie aliquid
: haec non est industria;, sed gratia; revelationis est, :

inde conjicere quod sponsa curavit reticcrc. Cum corum non invcstigationis. Si quid tamen ad hsBC potest in-
silentio claudamus nuuc sermonem, prorogantcs in dustria cooperari, illud primum observate quod scri-
crastinum spons® transitum, quo se vigiles paulu- bitur Lavamini, »iundi estate. Secundo, ut scribatis
:

luni pei'transisse dicit, et invenisse quein diligit ani- sapientiam tempore otii. Qui enim minoratur actu, re-
ma sua. cipiet eam. Tcrtio, ut violenti sitis, el gaudium regni,
SERMO VII. quod vobis diutius surripitur, praeripiatis id est ut :

habeatis cor purgatum, paratum, improbum. In prime


Paululum cum pertranssissem eos, invent quern diligif
efficieris dignus, in secundo devotus, in tertio vehe-
anima mea. (Cant. 3, b.)
mens : hoc est, idoneus, obvius, urgens morantem. In
1. Improbi exatores cstis, et nimis instanter repetitis primo prjppararis, in secundo assimilaris sponsae exs-
debitorem vestrum dignum tamen venia est, dum-
; peclanti dilectum quando revertatur a nuptiis in ter- :

modo justa postulelis. Sed vos cxigitis ut solvam ad tio properas, et sponsa non exspeclat, sed properat, et
quod non me obligavi. Tractaturus eram de transitu ipsos pra>terit custodes. Dixissem melius si dixissem,
sponsa?. Ad hoc enim et ordinis et sponsionis nostrae petransif. Quod enim praeterimus, non respicimus, non
rations teneor, et vos adhuc mihi ingerilis illud cum attingimus , sed contemnimus : quod vero pertransi-
sponsa Num qitem diligit anima mea vidistis'l Sed ilia
: mus , intclligimus illud discutere, et quasi disquirere
modt^stius interrogafionem tcmperat ambigenii similis, et Nee inutilis haec pertransitio. Paulu-
penetrare.
quaerens magis quam urgens. Novit enim nee omnibus, lum enim cum pertransisset, invenit dilectum. Videtis
nee omni tempore de hac visione adesse sermonem. fratres, quid proficiat consultatio custodum? Devotam,
Ex quo enim abscondit vultum suum, quis est qui con- sed vagam animam ad inventionem dilecti perducit.
templetur eum? Vos autem urgetis me, ut legem vobis UtiJis quidem consultatio custodum ? Utilis qui-
ponam contemplandi dilectum, et disciplinam inventio- dem consulatio : et frequenter quod non confer!
:

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 37

que Vepouse consulte les gardes, et encore en pas- ame, quand elle dit : Lorsque je les eus d6pas-
«

sant. L'amour du bien-aime I'entrainait plus loin, ses? » Elle etait entrainee par I'impetuosite d'un
raw
et elle ne croyait pas avoir le temps de s'enlretenir amour ardent, et pour cela, elle dit en effet qu'elle
adlilg

avec eux a loisir. Elle courait dans lasoifdeson a depasse, comme devancant en effet, par son avi-
coeur, ayant respire peut-otre le souffle du voisi- dite et son desir, tout ce qu'on pouvait dire.
nage de I'epoux et c'est pourquoi
: elle faisait moms « Quand je les eus depasses, je trouvai celui que
attention h ceux qui benissaient de bouclie, cou- mon coeur aime. » Elle les depassa, ou bien en de-
rant a celui qui benit en esprit et qui estpar-des- veloppant la doctrine, ou bien en considerant la
sus toxit, Dieu beni dans les siecles. nature. Elle depassa, et ce qu'ils purent dire, et ce
2. Remarquez ceci, 6 vousqui priez en courant, qui se put montrer en eux. Quels que soient ces
tile avis
cernantle et passez beaucoup de temps a lire : qui etes pleins gardes, que vous les appeliez cherubins ou
soit

la lefture de ferveur pour la lecture et que I'oraison trouve serapliins, ils ne peuvent ni dire par leurs paroles,
** ^^ enarourdis. La lecture doit servir a I'oraison, prepa- ni exprimer par leurs efforts tout ce qui louche au
oraison. ° .

rer I'afTection, ne pas enlever nos heures, ne point Christ. « Toutes choses sont difficiles, I'homme ne
interrompre nos loisirs. Quand vous lisez, on vous pent les expliquer dans ses discours [Eccl. i, 8) »

instruit du Christ ; mais en priant, vous entretenez Si pour les etres crees, la difficulte est si grande,
avec lui un coUoque farailier. Et qu'y a-t-il de plus Icur propre auteur, qui le montrera ou dignement
agreable avec lui, que de parler de lui ? Si ceux ou pleinement ? Aussi I'epouse s'ecrie : « Quand je
qui s'adonnent avec trop d'ardeur a la lecture, les eus depasses. »
parce qu'ils prient rareraent, eprouvent la privation 3. Plaise au que nous soyons de ces audi-
ciel

des visites des consolations spirituelles, que dirons- teurs de la parole de Dieu, que nous ne succom-
nons de ceux que dissipent des conversations dere- bions pas ci cause de la lenteur de notre esprit ou
glees, ou que partagent des questions difficiles? de la tiedeur de nos desirs, sous le poids de la doc-
Le propre des moines n'est pas de parler, mais de trine qui nous est precbee ;
que toutes ces verites
se taire; non de poser des questions, mais de va- ne nous depassent point, qu'elles n'excedent ni no-
quer au repos. Ou, s'll faut admetlre deTagitation, ; mais qu'au contraire,
tre avidite, ni notre capacite
ce doit etre Tempressement de l'amour, et non nous allions plutot au-dela de I'efTort de celui qui
celui de la dispute. Car le saint amour a son in- nous enseigne que de celui qui nous avertit, quoi-
quietude, mais I'inquietude dont parle le prophete : que ne saisissant pas encore des realites plus rele-
« Je ne me tairai pasme reposerai pas,
et je ne vees, les conjecturant neanmoins et les desirant
jusqu'a ce que le juste paraisse comme leclat d'un avec certitude. En une certaine maniere, il depasse
beau juur, jusqu'a ce que le Sauveur brille comme I'enseignement qu'on lui propose, celui qui aspii-e
une lampe enflammee [Is. i.xn, 1.) » Est-ce que a des verites plus bautes, bien qu'il n'y ai-rive
I'epouse n'annonce pas un pareil sentiment de son pas sur le champ, L'epouse les a saisies : c'est

eornm qui consuluntur eruditio, consulentis mcretiir Non tacebo, et non quiescam, donee egrediatur ut splen-
humilitas. Bonum est ut sis ad qiiaprendurn sedulus, dor Justus et salvator ut lampas nccendatur. Annon si-
non tamen assirluus. Nam ct sponsa nontam ex sludio, milem animi sui passionem intimat isia cum dicit :
quam occasionc cusfodes intcrrogat, et id in transitu. Cum pertransissem illosi Ferebalur impetu fervenlis
Trahebat enim illam ulterius amor dilecti, nee vacuum amoris, ideoque pertransisse se perhibet, quasi a^iditate
esse sinebat ex otio conferre cum illis. Currebat in et dcsiderio supergrediens quidquid dici poterat. Cum
cordis sili, hausto forsitan de sponsi vicinia spirifu et : pertransissem illos, invent quern diligit anima mea. Per-
ideo minus inlcndcbat in his, qui bcncdicebant ore, transivit illos vcl eventilando docliinam, vel asslimando
tendcns ad ilium qui benedicit in spirifu, qui est super naturam. Pertransivit et quod potuit ab illis dici, et
omnia benediclus in saecula Deus. quod potuit illis conspici.
in Quilibct enim sint cus-
2. Advertite istud vos qui in transitu oratis, et cum todes Cherubim intcrpreteris, licet Seraphim;
isti, licet
mora legitis qui ad Icgendum fcrvetis, in orando te-
: non possunt totum quod dc Christo est, nee eloqucndo
petis. Debet lectio oralioni servire, prirpararc alTectum; dcpromcre, ncc aemulando exprimere. Cunctce res dif-
non boras praeripere, nee succiderc moras. Cum legis, ficiles, nee valet homo
eas explicare sermone. Si tanta
erudiris de Christo orans vero, familiarc cum ipso se-
: difdcultas est in rebus condilis, rerum ,'auctorcm quis
ris colloquium. Et quanto suavioris est gralUv. cum illo, indicabit, vel digne, vel plene? Ideo dicit Cum per- :

quam de illo loqui? Si quaedam spirilualium detrimenla transissem illos.


sustinent visitalionum propter orandi rarKatcm qui lec- 3. Utinam nos laics simus auditores verbi Dei, qui
tioni vehemcidius vacant quid dicemus de his, quos
; non succumbamus his qua; dicuntur, vel tardantc ingc-
aut indisciplinala! coUocutiones dissolvunt, vel anxia3 nio, vel tepcnte voto; ne nos
ilia pertranseani, ne nos-
quaestiones scindunt? t)enique monachorum est non col- tram cxcedanl tarn avidilatcm quam capacitaleni; sed
loquium, scd silentium non qu;p.sliones, sed quictem
: mngis dorenlis quam commonentis pertranseamus co-
scctari. At si admilfcnda est inquietudo, dilectionis esse nalum, majora etsi nondum capieutcs, conjicientes la-
debet, non contentionis. label enim amor sanctus in-
I mcn, aut cerlc concupiscentes. Quadam enim rafione
quictudincm suam, sed qualem legis apud Prophetam : pcrtransit quod sibi proponitur, qui ampliora scctalur,
38 L'ABBfi GILLEBERT.

pourquoi, joyeuse, elle chante : « Quand je les eus rente. Seigneur, il n'est personne qui soit sembla-
depasses, je trcnivai celui que mon coeur aime. » ble a vous. La connaissance admet done peut-etre
Pourquoi ne depasserait-elle pas ceux dont la cette proximite qu'exclut la position sureminente
science est figuree par le nombre, et la nature de Dieu.
Dieu affcctee par lemode? Mais celui qu'elle cherche est k. Mais qui oserait, avec les forces d'ua esprit
immense ne
peul grand et immense, et il ne s'apprecic point par cree, detinir cet abime de la sagesse divine, qu'au-
£tre saisi.
voie de comparaison avec iin autre. II ne peut etre cun nombre ne peut indiquer ? « Dieu, dit I'apotre,
done estime par des renseignements empruntes au liabite une lumiere inaccessible. (/ Tim. vi, 15.)

dehors ou justement mesure par un exemple legal. Cette lumiere est inaccesible pour nous mais nous ;

Tous les autres etres peuvent etre depasses ; scul, ne sommes pas inaccessibles pour elle. C'est pour-
11 lui est impossible de I'etre. Enfin, il s'ecrie : quoi il est ecrit : « J'ai fait eclater tout proche ma
« Passez a moi, vous tous qui me desirez, et rassa- justice, et mon salut ne sera pas eloigne.)> [h. xlvi,
siez-vous des fruits que je produits. » Passez-a 13.) Elle a eclate tout proche, car elle s-est incar-
moi, dit-il, etnoa depassez-moi. Comment, en effet, nee ; elle a etc placee encore plus pres, car elle
depasser ce qui est immense? « Une mesure bonne s'est revelee ;
plus pres encore, car elle s'est don-
et entassee, et pressee et debordante sera mise dans nee. Eu prenant notre chair, le Christ Jesus est de- L'bnmiK
votre sein. {Luc. vi, 38.) L'immensite vous est don- venu pi'es de nous la justice du Pere ; mais par un duCbl
I'empor
|
nee en mesure, mais en soi-meme elle est sans me- double privilege, il a depasse tout le genre humain, les auj
bornmeii
sure. On ne dit pas une mesure pleine, mais « de- au point de vue de la condition de sa nature hu- un doife
bordante. » Si done cette mesure ne peut-etre con- maine par la justice et par I'integrite ; parce que, privil I.

tenue, l'immensite elle-meme, comment le sera-t- lui excepte, personne n'est exempt de tache, affran-
elle? Comment pouvoir depasser ce qui ne peut- chi de la corruption. Enrichi de ce double don, U
etre pleinement saisi ? L'epouse ne veut pas le de- s'est eleve au-dessus tous ses freres. Par consequent,
passer, mais elle dit : « Je I'ai tenu, je ne le lAche- que votre foi depasse tous les autres hommes, afin de
rai pas. Quand je les ai eu un peu depasses, j'ai contempleren Jesus seul I'equitede la justice et I'in-
trouve celui que mon coeur aime. » Peut-etre tegrite d'une nature semblable a la votre. Cependant,
etaient-elles proches de I'epoux, ces sentinelles que il ne depasse qu'un peu parce que de meme
les : ,

r^pouse avait a peine depassees lorsqu'elle ren- qu'il nous depasse par la justice et la saintete, ainsi
contra le bien-aime. Si nous entendons ce texte de il s'est rapproche de nous par la condition de sa
la nature divine, quel est celui des esprits crees qui nature nuUement differente de celle qui nous est
approchera de cette immensite et de cette majeste? propre. En voulant I'apprecier, les Juifs ne surent
Car encore que ces esprits ont une certaine res- pas depasser Moise, ni alter au-dela d'Abraham et
semblance avec elle, nous savons toutefois que des autres Patriaixhes ou Prophetes : ils le regar-
cette ressemblance est tres-inferieure et tres-diffe- daient comma I'un d'eux et ne soupcounaient point

quamvis non consequatur statim. Sponsa vero consecuta tudo inesse intelligitur, longe tamen inferior et dissi-
est propter quod electa * decantat. Ctim pertransis-
: milis dignoscitur. Non est enim, Domine, quis similis
al. Iseta. sem illos, inveni quern diligit anima mea. Quidni per- tui. Proximitatem forte ergo hanc, quam excludit con-
transeat illos, quorum et scientise est numerus, et na- ditio, cognitio admittit.
turae modus? lUe vero qui quaeritur, magnus et im- 4. Sed quis audeat abyssum illam divinae sapientiee,
mensus, et non eestimabitur alius ad ilium. Non ergo cujus non est numerus, ingenio creati spiritus percep-
potest alieno documento, aut exomplo ex .Tquo per- tibilem diffinire? Lucem, inquit Apostolus, habitat inac-
pendi. Reliqui omnes pertransibiles sunt : solus ipse cessibilem. Lux ista nobis inaccessibilis est, sed nos non
pertransiri non Denique dicit Transite ad me
potest. : sumus inaccessibiles illi. Propter quod dicit Prope :

omnes qui concuptscitis me, et a generationibus mei^ fecit justitiam meam, et salus mea non elongabitur.
adimplemini. Transite, inquit, ad me, non pertransite. Prope facta est, quia incarnata : proximior, quia reve-
Quonam enim modo pertransiri potest, quod immensum latata magis aulem proxime facta, quia donata. Prope
:

est? Mensura bona, et coagitata, et conferta, et supersf- facta est justitia Dei Patris Christus Jesus carnis nostrae
fluens dabitur, inquit, in sinum vestrum. Vobis immen- susceptione, sed gemino hominum genus omne excessit
sitas dispensatur in mensura nam in se immensa est.
: privilcgio, quantum spectat ad humanse naturae statum,
Non ait, replens, sed, supereffluens. Si ergo mensura apquitate et integritate : quia prteter ilium nemo mundus
capi non potest, immensitas ipsa quando capietur? Quo a sorde, nemo immunis a corruptionc. Dotatus est ergo
pacto pertransiri poterit, quod ncc capi "plene potest? duplici hoc munere, praecessitquc participes suos. Ita-
Denique nee sponsa pertransire vult, sed dicit Tenui, : que et rcliquos omnes
tua pertranseat, ut in illo
fides
nee dimittam ilium. Pauhdum cum pevtransis^em illos, solo perpendas ;pquitatem justitia", et intcgritatem con-
inveni quern diligit anima mea.. Porte propinqui erant similis natura-. Sed tamen paululum pertransi quo- :

sponso vigiles hi, quos cum paululum pertrnnsisset, in- niam sicut nos longe excedit justitia et corruptione, sic
venit dilcctum.Quod si juxta divinam ejus accipimus prope factus est naturae indifTerentis conditione. Nes-
dicinaturam.quiscreatorum spirituum ad immensitatem cierunt Judaei in illius existimatione pertransire Moy-
et majestatem illam proxime accedit? Nam etsi simili- sen, pertransire Abraham, pertransire reliquos vel Pa-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 39
qu'en sa personne residait une grace bien plus passer le Patriarche, le Pontife et le Prophete ; leur
excellente. Ilsdisaient : Abraham et les Prophetes
« esprit etait aussi sterUe que leurs ceuvres ; bien
sont morts, ettu dis r Celui qui mange ma chair ne plus, ils etaient blesses eux-memes dans la personne
mourra pas pour toujours?Qui te crois-tu? » [Joan, de ce blesse. Jesus-Christ seul, le vrai Samaritain,
ne voulurent pas depasser Jean; lis di-
VIII, 52). 11 a la vue de cet infortune, fut touche de misericorde,
saient « Jean lui-meme est le Chri5t.»(/oa«, 1). Ce
: car il est tout misericorde ; il versa de I'huile dans
prophete cependant ne souffrit pas qu'ils en restas- les plaies, U se donna aux coeurs, purifiant par la
sent a lui, et il repoussa une opinion concue avec foi I'ame de tous ses freres. C'est pourquoi la foi
tant de faussete : « Je ne suis pas le Christ, dit-il, de I'Eglise les depasse tous, ces personnages, pour
au milieu de vous se trouve celui que vous ne cou- arriver a Celui qui, seul, ne pouvait pas la dedai-
naissez pas. » gner en passant, comme les autres, et qui la placa
5. La synagogue ne sut pas le depassei', mais sur sa monture, devenu lui aussi, en son amour,
elle le jugea a la mesure des autres. et elle lui im- semblable a une bete de charge. Elle depasse un
puta a blaspheme, etant homme, de se faire Dieu. pen, afin de trouver celui qu'elle croit exempt de
La foi de I'Eglise est allee plus avam et elle a la corruption, tout en le prechant comme parta-
trouve Jesus oint « de I'huile, de la joie par-dessus sfeant la meme condition des horumes ses freres.
tous ses compagnons. (Ps. lsiv, 8.) » Et avec quelle EUe le regarde comme prince de la grace, et en
abondance etait-il peuetre de cette onction, puisque meme temps eUe le proclame participant de la na-
c'est de cette plenitude qu'il a puise pour verser ture.
dans les blessures de tous les hommes un baume 6. Que si, considerant les anges par rapport a
L'lmc
Jl^gorie du
salutaire ! Car nous sommes ce pauvre blesse qui I'ame tres-sainte que Jesus a prise en s'incaruant, du Christ
plus
iSamaritain descendit a Jericho, qui tomba entre les mains des nous disous que le Christ domine mieux sous ce eicelleate
erEvangile
voleurs, fut depouiUe, frappe et laisse a moitie mort. rapport les esprits augeliques, cette assertion ne i°* i«s»pri»*

(Z«c.x,30.) Plusieurs passerent, et nul ne se trouvait sera pas contraire a la foi, mais tout-a-fait con-
qui donnat Le grand patriarche Abraham
le salut. venable a la dignite de sa personne. Car, s'Ua ete
il n 'etait que justifie dans
passa,mais il ne j ustifiait pas; place un peu au-dessous des Anges, a cause de la
la foi au Sauveur a venir. Moise passa, il ne don- partie charnelle dont il s'est revetu, U leur est ce-
nait pas la grace, il donna la loi, et encore une loi pendant egal selon la substance spirituelle, et sup«3-

qui ne conduisait personne a la perfection. Car ce rieur selon la prerogative de sa puissance. EpousCj
n'est point de la loi que vient la justice. Aaron depassez aussi ces sublimes intelligences. Elles sont
passa. Le pi'etre passa, et par les memes victimes votre garde, elles sont votre defense, elles disent
qu'il ne cessait d'immoler, il ne pouvait nettoyer la dans le Prophete ; « Nous avons soigne Babylone
conscience des oeuvres mortes, afin de la rendre en et eUe n'est pas guerie. » [Jer. li, 9.) Depassez-les,
etat de servir le Dieu vivant. [Hebr. ix, lA-) On vit dis-je, et contemplez dans votre bien-aime les qua-

triarchas Prophetas qui ilium sicut unum de re-


vel : dem bostiisquas indeainenter offerebat, non poterat mun-
liquis nee aliquid habere gratiae prfficellen-
aestimabani, dare conseientiam ab operibus mortuis ad serviendum
tis. Denique dicebant Abraham el Propheffe mortui: Deo \iventi. Pertransiit Patriarcha, Pontifex, et Prophe-
sunt, et tu dicis : Qui manducat meant carnem, non ta arido tam animo quam opere, imo saucio et illiin hoc

morietur in ceternum'i Quern teipsum facis'i Noluerunt saucii erant Solus ille Samaritanus verus viso illo mi-

Jobannem pertransire, sed dicebant, quia Johannes ipse scricordia motus est, et infudit oleum vulneribus, seip-
est Christus. Non passus est tamen eos in se remanere sum cordibus, mundans per fidem corda omnium.
Jobannes, sed opinionem infideliter praesumptam a se Ideo Ecclesiae fides omnes pertransit, pertingens ad il-
avertit Non sum ego, inquit, Christus : medium autem
: ium qui solus illam pertransire non poterat, imponens in
vestrum stat, quern vos nescitis. jumentum suum, et factus est ipse jumentum. Et pau-
5. Nescit Synagoga pertransire, sed ad caelerorum lulum pertransit ut inveniat ilium, quern sic credit e.\sor-
mensui-ara aestimavit ilium et quasi blaspbeniiam op- : tem corruptionis ut consortcm praedicet condiUonis. Sic
ponebat ei, quia cum bomoesset, se faceret Deum. Sed ilium habet principem gratiae, ut confitcatur participem
Ecclesiae pertransivit fides, et invenit ilium unctum naturje.
Et quam uberi unctus
oleo Icetitice prie consortihus suis. 6. Quod si et ccelestes illos angelicos Spiritus con-
crat oleo, de cujus plenitudine omnium nostrum infudit tuitu sanctissimae quam sortitus est anima?, ipsum su-
\'ulneribus! Nos enim sumus saucius ille qui descendit percminere dicamus; non erit a tide alienum, sed om-
in Jerico, qui incidit in latrones, qui expoliatus est, et nino congruum dignitati ejus persona". Et enim si mi-
\'ulncratus est, et semivivus relictus. Pcrtransierunt noratus est paulo minus ab Angelis propter partem, qua
pluiimi, et nullus crat qui salvarct. Perti-ansit magnus indutus est, carnalem par tamen est illis secundum
:

ille Patriarcha Abraham non enim crat ille justificans,


: substantiam spiritualem, ct superior secundum pra?ro-
sedtantum juslificatus in fide futuri. Petransiit Moyses : gativam virtualem. Et hos ergo sponsa pcrtransi. Nam
non enim eral gratis dator, sed legislator, et ejus legis el illi custodcs tui, et curatorcs lui sunt qui dicunt in
quae nemincm ducit ad pcrfectum. Nee enim ex lege Prophcta Cnraiimus Babijlonem, el non est sanata.
:

ustilia. Pcrtransiit Aaron. Pertransiit sacerdos, el eis- Hos, inquam, pcrtratosi, et in dilccto tuo privikgii sia-
;

&0 L'ABBE GILLEBERT.


lit^s qui constituent son privilege particulier. Ce comrae frappe d'etonnement, vous vous etes arrele
sent des esprits adrninistrateurs, niais non ))roduc- a chacun et voila que de rechef une nouvelle ma-
teurs du salut. Jesus est I'ange du grand consuil tiere de ravissement vous est proposee. Vous avez

c'est lui qui a operc Ic salut au milieu de la terre. ete assez habitue a toucher a ces idees, provoquc

C'est pourquoi Dieu I'a exalte et lui a donne un encore a un sentiment qui va jusqu'a la stupefac-
nom qui est au-dessus de tout noni. C'est une tion, comme si on vous adressuit cette parole du
agreable contemplation que de considerer dans la Prophete : « oubliez les choses premieres, j'en
famille celeste la simplicite de I'essence, la lumiere opere de nouvelles » [Is. xlui, 19.)
de I'esprit et la suavite d'un amour reciproque. 8. Qu'y a-t-il de plus nouveau que de voir, dans Beau pass*

C'est un doux spectacle que de voir la perpetuite le mystere du corps du Seigneur, changer la malie- trwisubsu
de I'existence, la purete de I'intelligence, la profon- re et rester I'apparence? La forme premiere susbsis- .Ip*'"^ "?^

deur de la science, ou meme I'humilite dans I'obeis- te, mais il s'y trouve une nouvelle grace, parce

sance, la tranquillite dans I'application, la puis- qu'il a une nouvelle substance. Nouvelle non en
sance dans le resultat. Depassez-les tous et conside- soi, mais sous une forme de ce genre, C'est ua
rez combien est grand celui qui vient pour sauver prodige entierement nouveau que la substance de
les nations. A son entree dans I'univers, les louan- la chair du Seigneur, prise sous ime appareuce
ges des anges raccouipagnent et, a son retour etrangere, donne a lame la vertu de la saintete, et
triomphal, leurs catitiques d'admiratiou le suivent que dans le mystere de I'autel, la chair iramaculee
aussi : « Quel est celui qui vient d'Edom, ses vete- purifie une substance spirituelle. C'est un prodige
ments sont teints, il sort de Bosra ? U est beau dans nouveau et qui ne se retrouve pas dans les autres
son habit dans I'habit do sa chair,
[Is. lxiii, 1), » sacrements, que non-seulement une nouvelle grace
filoges 7. Qui, beau dans I'habit de sa chair, de
11 est de saintete est accordee, mais encore que la subs-
"l* 'ov*^?"^" ^ a ete concue
cette chair qui '
sans aucun raelduare, ° ' tance naturelle est changee. Car, par la benediction
du Christ.
est nee d une Vierge, a ete preservee non-seule- du sacrement, lepain offer t sub it cette ineffable mu-
ment de toute corruption, mais meme du foyer de tation, etpar la consecration mysterieuse, et I'union
toute corruption, u'a pas ete atteinie dans le sepul- du verbe vivant, cette grAce viviQante devient la
chre, est ressuscitee le troisieme jour, a ete enle- chair du Christ. Car « la chair ne sert de rien, mais
vee au ciel le quarantieme et (chose aimable et ad- c'est I'esprit qui vivitie » [Joan, vi, 6i.) conferant,
mirable au-dessus de toute expression), chaque dans ce sacrement auguste, a la chair trois fois
jour est mise devant les fideles comme viande de sainte, I'efficacite spirituelle de vivifier ceux qui
salut. Qui, a chacune de ces verites, ne s'etonnerait participent a un si grand mystere. II est done beau
avec amour ne s'ecrierait « quel est ce person-
et : dans son habit, c'est-a-dire, dans sa chair ; mais il
nage si ravissant dans son habit? » vous avez par- est encore plus beau dans I'esprit auquel il s'est
couru tou3 les degres de I'admiration, et meme imi, superieur k la chair parce qu'il est plus rap-

singularis dotes contemplare. lUi administratorii spiri- est iste tarn formosus in sua stola^ Cucurristi per haec
tus, non operarii salutis : ipse vero magni consilii An- omnia admirationis genera, imo stupidus per singula
gelas, qui operatus est salutem in medio terrcP. Propter substitisti, et ecce denuo nova tibi admirationis mate-
quod et Dcus donavit illi nomen
exaltavit ilium, et ria inde cxurgit. Satis in illis exercitatus fueris : hie
quod est super omne nomen. Jucunda
contemplatio, in iterum ad stupendum excitaris, quasi illud tibi dicatur
ccElesti familia contueri essentiae simplicitalem, sereni- Prophetee Ne memineris priorum, nova ego facio.
:

tatem mentis, et mutui suavitatem amoris. Jucunda 8. Quid magis novum, quam quod in mysterio Do-
contemplatio contueri perpetuitatem existentiae, purita- minici Corporis mutatur materies, et species servatur?
tem intelligentiae, scientiae profunditalem turn etiam : Pristina manet forma, sed nova gratia, quia novasubs-
humilitatem in obedientia, tranquilitatem in diligentia, substantia. Nova qtiidem non in se, sed in hujnsmodi
facultateminefricacia. Omnes tamen perlransi, et intuere specie. Novum plane quod carnis Dominicoe substantia,
quantus sit iste qui ingreditur ad salvandas gentcs. in aliena specie sumpta. sanctificationis virlutem animae
Quern ingredientem in orbem
laudes ferr;p Angelicae confert, et spiritualem emundat subslantiam in mys-
inducunt, et triumphaliter regredientem, cum admira- terio altaris imaculata caro. Novum quidem, et supra
tionis Cantico reducunt Quis est iste qui venit de
: reliquorum usum sacramentorum, quod non modo sanc-
Edom, tinctis vestibus de Bosral iste formosus in stola, tificationis nova gratia datur, sed substantia naturalis
utique carnis suae. mutatur. Nam per sacramenti benedictionem accipit
7. Jure quidem formosus in stola sua, quae sine com- oblatus panis banc ineffabilem mutationem, et ex mys-
mLxtione concepta est, et de Virgins nata est, et ab tica consecratione et Yerbi viventis copulatione baec vi-
omni non modo corruptione, sed etiam corruptionis fo- vificatrix gralia in carnem Christi redundat. Caro enim
mite immunis conservata est, et in sepulcro dissoluta 7ion prodest qmcquam, sed spirit us est qui vivificat, sa-
non est, et die tertia resuscitafa, quadragesima in cce- crosancta* carni conferens in solemni sacramento spiri-
lum assumpta, omni die (quod super omnia mirandum tualem efficaciam ad vivificandos tanti participes mys-
et amandum) in salulis cibum credentibus proposita. terii. Formosus ergo in stola, hoc est, in came sua, sed
Quis non ad singula ista miretur amanter et dicat: Quis multo formosior in assumpto spiritu, qui utique came
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. hi
proche du Verbe. Et c'est dans cet esprit qu'il faut en vous. Aussi les esprits angeliques, ne pouvant
comprendre qu'il a ete oint au-dessus de ses cocu- les comprendre, ne cessent de les admirer et comme

pagnons, c'est-i-dire, non seulement au-dessus des s'ils ne les connaissaient pas, frappes de saisi^se-
enfants des homraes, mais encore au-dessus des ment, ilss'exclamenten ces paroles delouanges deja
Plenitude pliabnges angeliques. Pourquoi n'est-il pas oint citees : « tpiel est celui-ci tellement gracieux dans
ie la grace
pj^jg g^g les anges de I'huile de la grace, Celui qui, ses vetements, qui marche dans toute I'etendue de
le Christ, non par voie de participation comnie les autres, de sa puissance? » [Psalm. Lxm, 1.) Considerant
mais par une union personnelle a ete lie a cette dans son bien-aime cette prerogative de vertus,
I
(.live tres-grasse, de laquelle decoule toute onction? I'epouse dit avec raison, qu'elle « a depasse » les

I
Est-ce que la verite et le Verbe de Dieu ne vous gardes et qu'elle les a denasses « un peu, » parce
'

paraissent pas comme une olive, c'est son onction qu'elle admire la grace siuguliere qui est en lui, de
qui nous instruit de toutes choses, ses discours sont maniere cependant a lui donnercomme aux autres
plus adoucis que I'huile, et son nom est un on- la nature humaine, k reconnaitre que cette clme
guent repandu. C'est a cette olive qu'il a ete uni heureuse du Christ est du meme genre que les
par le lien personnel de sa condition et rendu par- autres, bien que d'une vertu diCferente et superieu-
ticipant de toute I'abondance qui en jaillit, nul- me preparais a vous expliquer un autre passa-
re. Je
lement seniblable (pour employer ce terme) k ge,mais ce que le sujet m'indique avec propos, on
rdivier sauvage de notre corruption. mieux,m'imposele discours arrive asont(Tme,refuse
9, Ce qu'il a recu de lumiere, de douceur, de dele traiter. En attendant, I'estons au degre oil nous
suavite, de vertu de toute sorte, ses oeuvres I'indi- sommes parvenus, afln que, lorsque nous en aurons
quent clairement, avec cette difTerenee que ce qu'il le loisir, de ce degre nous nous elevions a des
eprouvait dans I'esprit, I'emjjortait de beaucoup mysteres plus eleves de I'epoux de I'Eglise, Jesus-
sur ce qu'U exprimait dans ses actions. Enfln, a Christ, qui vit et regne dans les siecles des siecles.
lous les traits qui montrent sa vertu, vous pouvez Amen.
dire : « Votre nom est une buile repandue, sans
SERMON VII.
parlerdece quise cache au-dedans. » [Cant, i, 2.) II
n'est pas convenable que n'importe quelle merveille Les ayant un peu depasses, j'ai rencontri celui que
au-dehors egale les vertus de son ame. Je ne puis. mon cceur aime. (Cant, iii, U-)
Seigneur, comprendre toutes vos oeuvres qui ecla-
tent en ma presence. Elles se sont multipliees et je i. Vous avez depasse, 6 sainte epouse du
ne les puis compter et cette grace qui se cache
: Seigneur, vos gardiens, les compagnons et les

dans I'interieur comment I'experimenter? L'ceil amis de I'epoux, qui jouissent de la meme nature
n'a pas vu, 6 ame bienheureuse du Christ, si ce que lui et qui participent de sa grace. Vous les avez

n'est vous, les merveilles divinement entassees en depasses et etes parvenue au bien-aime. Pourquoi

praestantior, quia Verbo vicinior. Et in hoc spiritu unc- tus deficientes in comprehension e non desinunt
tum sum consorlibus suis id est, non
intellige prae : ab admiratione : et quasi nescicntes, sed stupen-
mode prae fillis hominum, sed etiani pra; Angeloruni ag- tes in laudem supra positam erumpunt Qui^- est iste :

minibus. Quidni unclus sit pra; illis oleo gratiae, qui non sic formosus in stola sua, gradiens in multitudine for-
sicut alii participatione, sed personali unione uberrimae titudinis su(e 1 Ilanc considerans praerogativam virtutum

illi consertus est olivae, ex qua unctio omnis emanat? in jure sponsa custodes se jjertransisse diicit,
dilccto,
Annon tibi velut oliva vidctur Veritas et Vcrbum Dei, et paululum pcrtransisse quia sic in co singularem mi-
:

cujus unctio docet nos de omnibus, cujus molliti sunt ratur gratiam, ut tamen communem constituat naturam,
scrmones super oleum, cujus unguentum elTusum nomen beatamque illam Chrisli animam esse cum rcliquis ejus-
est? Huic olivae personali unione consertus conditionis, dem quidem generis, sed differcntis excellcnfisque vir-
non corrLiptionis nostrae oleaster, (ut sic dicam) et pin- tutis.Parabam adhuc alium vobis cxplicare transitum :

guedinis illius faclus particcps. sed quod materia oportune suggerit, vel magis exigit,
9. Quid luminis, quid dulcedinis, quid suavitatis, sermo refugit jam urgens ad exitum. Nos interim ad
quid omniniodae virtutis acceperit, operum ejus indicia quod venimus, in eo pcrniancamus, qualenus ex hoc
loquunlur nisi quod longe excellebat quod sensit in
: gradu, cum otium dabitur, ad alliora Iranscamus mys-
spiritu, quam quod expressit in aclu. Denique ad omnia teria sponsi Ecclcsiae Jesu Christi : qui vivit et regnal
virtutis indicia Oleum eff'usum nomen
dicere potes : in sascula saeculorum. Amen.
tuum, absque eo quod intrinsecm latel. Nee enim con-
sentancum est, ut quamlibet mirificum foris auimae opus SERMO VIII.
illius virtutes exaequct. Non possum Domine, quae in Paululum cum pertransissem eos invent quern diligit
prospeclu sunt, omnia opera tua comprehendere. Con- anima mea. (Cant, iii, b.)
fortata enim sunt, et ncquco a'sfimare ilia ct cam qua; :

intrinsccus latet quonam modo experiar gratiam? Oculus {. Pertraiisisti, 6 sponsa Domini, custodes luos, con-
non vidit, beatisslma anima Chrisli, prieter tc, munera sortcs el participcs suos : consoHcs naturae, partlcipes
quae divinitus coUata sunt in tc. Ideo angclici spiri- gratiic. Pcrtrunsisti illos,ct pervcnisti addilectum. Quidni
j

42 L'ABBE GILLEBERT.
ne pas les depasser, eux f[ui s'evanouiraient com- et I'esprit. (n Thess. v, 23). Faute de ces elements,
me la fumce, s'iJs ii'etaient appiiycs sur le Lien- il n'a pas pris I'homme qu'il veuait de reformer. Et
alme? Vous avez rencontre celui que vous aimfz et enfin la parlie raisonnable de Vkme humaine a eu
I'avez trouve oiut de I'huile de I'esprit plus que besoin du remede apporte par le mediateur parce
fous ses conipagnons Vous avez examine les privi- qu'elle est obscurcie par le nuage de I'jgnorance et
leges singuliers qu'il a recus dans uae nature sem- embrasee par les ardeurs de la concupiscence :

ble a toutes les autres. Vous avez vu que son knip, I'un I'autre nature, la divine et I'humaine, I'Eglise
sainte poss6dait certains dons d'une mauiere parti- les reconnait entieres dans le Christ, elle cache ainsi
culiere i elle, et avait les autres d'une maniere emi- en elles le levain de la sagesse celeste com- ,

nente. C'est pourcela que vousavez depasse les autres me la ferame de I'Evangile I'enveloppa dans trois
parce que vous avez prefere I'epoux, et les avez i)eu mesures de farine. {Luc xui, 21.
(lepasses parce que votre pensee tout en le placant 2. Maisquoi done? Le Christ avait-il besoin d'uu
au-dessus des autres, ne I'a pas separe de I'uniou esprit raisonnable, lui qui est le Verbe du Pere, et
avec ceux de sa race. Mais vous arreterez-vous a la sagesse et la verite? quelque chose pouvait-elle
ce point? De ce degre il faut se presser d'atteindre lui echaper, a lui qui « illumine tout homme ve-
a des spheres plus elevees qui se dressent devant nant en ce monde? » {Joan, i, 9.) Pour quelle jg^Ss-^h?!*
vous, il faut arriver a la fin Car la sagesse va de . raison done la lumiere creante et illuminante avait- a r""" aus«i
une line
la fin a la fin. {Sap. viii, 1.) L'heretique sous pre- elle besoin d'une lumiere creee et illuminee? Pour raisonnable
texts de donner a votre epoux un degre superieur, aucune assurement, il n'en a pas besoin, c'est
luienleve celui-ci. Dansle Christ, il n'unitau verbe moi qui me trouve dans cette necessite. II faut en
que la chair, ou s'il n'ose I'eiilever (a
il nie I'ame, prendre la raison dans ma cecite et non dans la
cause du temoigne expres du Christ qui assure : lumiere, non dans le Verbe qui preud, mais dans
Herdsie « Personne ne me ravit mon ame, c'est moi qui la Tesprit qui est pris. C'est moi qui avals besoin que
des Ariens
p^gg ^^ gyj jj^ j-gprends ensuite » {Joan, x, 18) ; il lui cette partie de ma nature fut unie au Verbe et que
d'Apollinaire donne une ame sensitive et lui ote I'esprit qui rai- les merites, produits par I'intelligence ainsi clari-
le Jeune. ,, . , .. . ., ,
Sonne. 11 a corrige en partieson erreur, mais il n a fiee en Dieu, refluassent par la foi sur tons les hom-
pu s'eloigner davantage des tenebres de I'heresie mes. Tous, nous approchant du Christ par la foi,
egyptienne. II n'a pufournir la route de trois jours. nous sommes a lui au moyen de ce qu'il a de
La foi de I'Eglise ne place pas dans le Christ I'hu- consubslantiel en nous. Et c'est pourquoi, il fallaut
maniteseule, nil'humanite diminueede moitie.Elle que le tout fut pris, afln que la grace rejaillit sur
met en lui I'une et I'autre natui'e. Et parce que la le tout, car la corruption avait tout infecte. Dans

nature divine est simple est sans distinction, elle une seule personne, les deux natures demeurent
etablit dans la nature humaine , selon la triple done parfaites melangees. La divine est
ScUis etre
distinction que fait I'apotre, le corps complet, I'ame immuable et inconvertible, ellene peut etrechangee

illos pertranseas, qui el ipsi perfransirent quasi fumus, et spiritum. Alioquin non hominem, quern reformaturus
nisi iu dilecfo suo starent? Invenisti dilectum, et inve- in se t'uerat, suscepit.Denique et rationalis animae pars
nisti ilium unctum oleo spiritus prae consortibus suis. humanae indiguit mediatoris remedio, quia ignorantiaj
Perpcndisti in virtutum privilegia qua-dam in con-
illo fuscata nubilo, et concupiscencitfi succensa igniculo :

simili natura. sanctam ejus animam quasdam


Invenisti utramque naturam, id est, humanam et divinam, inte-
habere dona singulariter, quaedam excellenter. Ideo gram fatetur in Ghristo Ecciesia ejus, et sicut evangelica
pertransisti illos, quia ilium praetulisti, et paululum per- mulier in satis tribus humanae farinae, di\1nae sapientiae
transisse te dicis, quia consideratio tua in hac praelatione fermcntum recondit.
nondum generis ejusdem communione. Sed
recessit a 2. Sed quid? Indigebat rationali spiritu Christus, Ver-
nuniquid hie subsistes ? In ulteriora et alliora ex hoc bum ipse Patris et sapientia et Veritas? Nee quod lateret
gradu urgenda est profectio, pertingendum in finem. ipsum aliquid esse poterat, sed ipse illuminai omnem
Sapienlia enim attingit a fine in finera. Denique et hsre- hominem venientem in hunc mundum. Qua ergo conse-
ticus, nt superiorem dilecto tuo gradum conferat, hunc quentia creato et illuminato indigeret lumen creans et
tollit.Tanlfim carnem Verbo copulat Ghristo, animam illuminans ? Nulla plane. Ille non indiget, sed mea est
negat aut si banc non audet (propter evidens ipsius
: haec indigentia. Ratio haec est meaecsecitalis, non clarita-
Christi testimouium dicentis Nemo tollit a me animam
: tis illius non assumentis Verbi, sed assumpti spiritus.
:

meam, sed ego pono earn, et iterum sumo earn) animam Ego indigebam, ut et haec naturae meae pars Verbo uni-
sensificantem donat, sed ratiocinantem tollit spiritimi. retur, et sic clarificatae in Deo portionis merita in
Correxit in parte errorem, sed non potnit longiis universos per fidem retluerent. Omnes nos mediante
ab /Egyptiis reoederetenebris. Nonpotuit tridui itercon- consubstantiali nosiro reformamur in Ghristo, accedentes
ficere. Ecclesia? fides humanitatem nee solam constituit per fidem ad ipsum. Et ideo totum oportebat adsumi, ut
in Chrisfo, nee dimidiam. Utramque naturam eolloeat in gratia refunderetur in totum, quia corruptio fermenta-
Ghristo. Et quia divina simplex est et distinctione ca- verat totum. Manent ergo in una persona naturae geminae,
rens in homine triplicem illam, quam ponit Apostolus, sicut Integra", sic et impermixtae. Divina enim inconver-
distinctionem fatetur, id est, integrum corpus, et animam, tibilis et incomniutabilis est : nee potest converti in
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. A3
en une autre et elle ne souffre pas qu'une autre soit se connait d'autant plus intimement, sincerement
transformee en elle. Elle ne peut d'elle-meme de- et simplement soi-meme et tout par soi-meme que
faillir pour en former une autre. Tout changement son unite essentielle est basee sur un privilege bien
serait pour elle un defaut et une autre ne peut pas meilleur encore que I'lmion hypostatique.
davantage progresser pour entrer en elle. Nous k. Nous repetonspour discerner les puis-
cela,

l)ouvons, non la changer, mais y participerj par la sances du meme deux natures
Jesus-Christ selon les
souffrance et non par Texistence. du Christ, c'est-a-dire, du Verbe ne spii'ituellement
3. Chacune de ces natures possede done aussi bien du Pere et de I'esprit cree dans le temps surtout a :

sonintegrite que son esclusivite. Consequemment cause de ceux qui de I'unite de personne inferent
aussi les comprehensions, les atfections, les contem- I'egalite ou ce qui est encore plus fort, I'unite de
plations et les beatitudes qui leur correspondent ne puissance et de science. Cependant en disant que
Si la science
sont pasconfondues,
'^ '
mais violentes, distinctes, diffe- lame a par grace tout ce que le verbe a par nature,
de 1 ime du
Christ etcelle rentes, et peuvent se compter sans nombre de ils paraissent etablir, par la difference de ces ter-
ne sont^ personne. Car qui assurerait que I'ame tres-heureu- mes, c'est-a-dii'e de nature et de grice, quelque
qnune seule se du Christ n'a aucun sentiment de douceur et de distance et quelques degres (pour employer ce
science, joie, ou bien qui lui accorderait ce gout intime de langage.) Combien lui enlevent-ils, ceux qui ne lui
suavite, de saveur et de bonheur dont jouit la tres- accordent pas de I'avoir ou de la connaitre par
sainte Trinite? 11 est plus excellent d'etre ce bien nature Car quoique I'ame de Jesus uuie au verbe
?

vital que d'etre le bien participe, I'experience de C9 soit excellemraent illuminee, et le soit par la grice,
bien est plus vive et plus intime dans I'essence de dira-t-on qu'elle a par grace d'etre naturellement,
ce qui le constitue que dans Tusage que Ton en par essence et purement lumiere et principe de
fait.Assurement etre est comme jouir, cependanl lumiere? ou de quelle maniere la connaissance de
I'usage ne domie pas I'essence. Comment done la nature sera plus noble que celle de la grace, si

I'essence n'est-elle pas plus que la jouissance seule eUe n'est pas plus expi'esse? On cite ce qu'on lit, et
puisqu 'elle est plus proche? Ensuite quoique cette ce qu'on lit avec beaucoup de verite, « toute sagesse
ame voie tout dans le Verbe et le Verbe lui-meme vient du Seigneur Dieu, et a ete toujours avec lui
dans le Verbe, parce qu'elle n'a pas ete admise a et elle est avant le temps. [Ed. u.) Si toute sagesse
partager son essence, elle ne doit pas etre admise a est de Dieu, si elle est avec lui et avant le temps,
partager a egale mesure la connaissance car cela ; comment plusieurs sagesses se trouveraient-elles
meme d'etre essentiellement Dieu, d'etre la sagesse, avec celle qui est de Dieu, eternelle a Dieu, et est
la souveraine bonte, la puissance supreme unique avec lui avant temps? Les sagesses ne sont pas
le

et eternelle, ce qu'il y a de delectation et de joie, a multiples, eUes ne sont ui variees ni diverses, il n'y
qui accorderons-nous de le cotinaitre, si ce n'est a en a qu'une qui est invariable et unique.
qui il a ete donne de I'etre ? Done le Verbe du Pere 5. Cette question ne se borne plus a I'ame seule

aliam, nee in se sitait aliam converti. Non valet in aliam tationis et gaudii, cui dabimus nosse, nisi qui datum est
ex se deficere. Defectus siquidem illi foret omnis muta- esse ? Verbum
ergo Palris tauto magis intime et sincere
tio nee magis in illam alia proficere potest. Non
: et simpliciter seipsum novit, et universa per seipsum,
commutare, sed communicare illam possumus, utendo * quanto meliore nitilur privilegio essentialis unitas, quAm
•pro frnendo. certe, non existendo. unio personalis.
3. Manet itaque naturis sua cuique tam integritas
istis 4. Haec ad hoc replicamus, ad discernendas scilicet
qu4m proprietas. Consequenter
etiam competentes his unius Jesu Chrisii \irtutes, pro gcminain Christo nature,
comprehensiones, ct affectus, et contemplationes, et id est, Verbi essenlialiter ex Patre nati, et spiritus ax
beatitudines impermixtae sunt, et distinctae, et differen- tempore crcati maximc propter illos qui de unitale per-
:

tes, et nnmerabilcs sine numero personae. Nam quis sonas a-qualitatem, vel magis unitatem inducunl et virlu-
assereret beatissimam Christi aniniam aut niliil sentire tis, et scientise. Qui tamen cum omnia dicant animam
penitiis dulcedinis et g-audii,aut iterum gustum intimum habere per gratiam, qus habet Verbum per naturam :

illi permittere suavitatis et saporis, et beatitudinis illius ipsi videntur quasdam distanlias et gradus (ut sic dicam)
qua beatissima perfruitur Trinitas? Majoris siquidem est inducere per disUnctionem nominum istorum, id est na-
cxcellentia; esse illud vltalc bonum quam participalc, turam et gratiam. Quantum illi deucgaut, qui hoc ipsum
longeque expressior domeslica magis
est expeiienlia et non dant per naturam habere vel nossc ? Nam etsi anima
in essentia quam in usu ipsius. Esse utique idipsum uli Jesu Verbo unita, exccllenter et per gratiam ilhiminata
est, non tameu usus essentiani confert. Quomodo ergo sit numquid ct illud habere dicetur ex gratia, ut natu-
;

essentia perfruitionc sola non potior, quia proximior ? raliter el essenlialiter ct simpliciter lumen sil, et illumi-
Deinde licet anima ha?c in Verbo omnia ^^def, et ipsum nans sit ? Aut quonam modo erit naturae qunm graliup
Verbum in Verbo vidct tamen quia admissa non est in
; notilia prjpslanlior, si non expressior? Atilliidadducunt
societalem essentiap, nee admitti potest in a-qualitatcm quod Icgitur, ct vcrissime legitur, quia oi/inix sopieittia
notitia'. Nam hoc ipsum essentialitcr Deimi esse, et sa- a Domino Di'o est, et cum iUo fuit semper, et est ante
pientiam esse, et sumniam bonitatem esse, el virtutem reviim. Si omnis sapientia 4 Deo et cum illo est, et ante
summam, et solam, el sempiternam, quid habeat delec- pevum quomodo ergo multap sapiential sunt cum ilia.
:
M L'ABBE GITXEBERT.

R'il n'r a du Seigneur mais elle s'etend i tous ceux


JAsus, I'ime de Jesus et la science du Verbe est une
rl '.iinmcntil
qui sont participants de quelque sagesse on peut pa- : seule'et meme science; bien plus, que tousles esprits
I ^ aqa'une
sagessc de reillemenl demander, si tous ont une sagesse avec raisonnables n'ont entr'eux et avec le Verbe deDieu
tous
lee bommes. le Verbe de Dieu , bien plus, si tous n'en ont pas qu'une seule et meme sagesse parce qu'il est le

d'autre que le Verbe de Dieu lui-meme? Que s'il Verbe de Dieu ? Desormais done cette disctission ne
en est ainsi, y aura qu'une sagesse in-
il n' roulera plus sur I'ame seule de Jesus, et nousn'au-
divisible pour tous. Et pourquoi dit-on sagesse, si rons aucuneissuepoursoutenirladiversite des scien-
ce n'est parce qu'il n'y en a qu'une ? Si on en par- ces que nous avons afQrmee plus haut entre le Verbe
le en eniployant le nombre, ce n'est pas qu'elle et I'ame de Jesus. Et comment trouver cette issue,
soit divisible en elle-meme, mais a cause du nom- puisqu'on demontre qu'il y a une seule lumiere qui
bre de ceux qui la possedent? Car on dit que la foi eclaire tous les hommes? ou peut-etre parce que
est une a cause de I'objet unique que Ton croit, I'illumination s'efTectue de diverses manieres, les

quoique cependant chacun ait la sienne. Pourquoi manieres dont la lumiere est recue sont difTeren-
done une seule chose n'est-elle pas exprimee avec tes et se diversiflent a raison de la lumiere qui les
nombre, loi'sque plusieurs sont exprimees au sin- produit : ainsi dans les times raisonnables et divine-
gulier? Enfln on parle de plusieurs sciences et de ment illuminees, et la lumiere par laquelle elles

plusieurs volontes de la meme personne dans le sont eclairees et rillurhination qui est produite par
meme temps, a cause de la multiplicite des ohjets cette lumiere seront differentes entr'elles? Car
qu'elle sait ou qu'elle veut en meme temps. Regar- lillumination se produit a la verite dans le temps
dant par consequent les verites qui sont sues etnon ct en celui qui est eclaire quant a la lumiere elle-
:

la force de I'esprit par laquelle chacun possede meme, on ne la produit pas, elle est, et elle est da
tout ce qu'il sait, nous disons qu'uno personne a toute eternite. La chose ainsi expliquee, qui niera
plusieurs sciences et nous appelons une la science qu'il setrouve jdusieurs sciences dans un seul esprit,
qui se rapporte a plusieurs objets. Alors done qu'il quand il comprend qu'il y a plusieurs actes d'intel-
est dit : « toute sagesse vient du Seigneur Dieu, » ligence, bien qu'il n'existe qu'une seule puissance
cette n'empeche en rien d'etablir I'unite
parole de I'esprit qui comprend et qui voit, et qu'une seule
de la sagesse parce que ce mot « toute « ne se lamiere I'eclairant poiu' qu'il puisse voir et com-
rapporte pas a la sagesse meme, mais bien aux prendre? II faut done distinguer avec soin ces deux
choses qui sont sues par elle. Parce que plusieurs choses, la lumiere et I'illumination qui se produit
objets sont illumines pour etre vus ou parce que par la lumiere dans I'esprit de celui cpii comprend.

plusieurs personnes sont eclairees afin de voir, Comprendre, e'.i'e illumine et savoir c'est tout un.
11 n'y a pas pour cela plusieurs lumieres Qui done ne voit (quoiqu'on ne puisse le discerner
qui illumiuent I'objet et qui eclairent les specta- qu'avcc beaucoup de subtilite a cause d'une
teurs. Quoi done ? Dirons-nous que la science de certaine ressemblance,) qui ne voit, dis-je, qu'il

quae a Deo est, et illi costerna est, quia cum illo ante quae illuminantur ut videri possint, aut multi ut videre
aevum est ? Non multa? nee variae et diversae sapientiae, possint, ideo multiplex lumen
quo et visa illuminat,
est,
sed una sola et Invariabilis est. ct videntibus lucet. Quid ergo ? Dicemus unam et
5. Quaestio haec non jam circa nnam Domini Jesu so- eamdem esse scientiam animae Jesu cum Verbo, imo
1am restringitur animam, sed se dilatat ad omnes quae omnium rationalium spirituum, et inter se, et cum Dei
alicujus sunt participcs sapientiae : ut similiter quaeri Verbo unam esse sapientiam, quia Dei Verbum? Jam
possit, an omnes unam habeant cum Verbo Dei sapien- ergo de sola anima Jesu non erit haec disceptatio et :

tiam, imo an omnes aliam non liabeant quam ipsum nullus jam erit nobis exitus ad tuendam superivis posi-
Dei Vcrbum sapientiam. Quod si ita est, una jam et tam diversitatem scientiae inter Verbum et animam Jesu.
indivisa erit omnium sjtpicntia. Et qua ralione dicitur Et quomodo patebit exitus, cum hoc modo omnium una
omnis, si nonnisi una est ? Quid si ideo numeiose dici- convincatur sapientia, quia unum lumen quod illuminat
tur, non quia in se numerabilis sit, sed propter nume- omne« ? An forte quia diverso modo illuminatio fit,
rositatem habenlium earn ? Nam ct una dicitur fides, etiam diversae inter se illuminationes sunt, et ab coper
propter unam rem crcditam, cum tamen cuique sit sua. quod fiunt lumine difTerunt ita etiam in animis ratio-
:

Quare ergo una res non dicatur numerose, cum multa^ nalibus, et divinitus illuminatis, et lumen quo illumi-
singularitcr dicantur Denique et multae scientiae, et
? nantur, et ipsa illuminatio quae per lumen fit, ab invicem
multae voluntates ejusdem pei-sonae dicuntur, et eodem discernentur ? Nam illuminatio quidem fit in illuminato,
tempore, propter mullitudinem rcrum quas vel scif vel et c\ tempore fit lumen autem ipsum non fit, sed est,
:

vult etiam simui. Ad res ergo scitas respicientes, non ad et ex aeterno est. Hoc modo in una mente quis neget
ipsius mentis vim, qua quisquc scit omne quod scit et ; multas scientas esse, in qua intelligit multas com-
unius multas, etmultorum dicimus unam scientiam. prehensiones esse, quamvis una sit mentis vis quae
Cfim itaque dicitur, Omnis sapientia a Domino Deo est, comprehendit et videt et unum lumen illuminans, ut
:

ad astruendam unitatem sapientiae quia hoc


nitiil officit : comprehendere et videre queat ? Haec ergo distinguenda
non ad ipsara, sed ad ilia quae sciuntur per ipsam, re- sunt diligenter, lumen, et illuminatio quae per lumen fit
fertur quod dicitur, omnis. Neque enini quia multa sunt, in animo intclligentis. Nam hoc ipsum intelligere, et
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 45
existe une difference entre la lumiere qui produit ardent, elle a bientot traverse I'espace vide qui la
rillumination, et rilluminatiou produite par la separe de Dieu ? Qui, je pense ainsi, car aimer,
le
lumiere dans celui qui est eclaire? L'uuest produit, c'est tenir; c'est aussi devenir semblable et s'unir.
I'autro produit; I'un est eclairi>, I'autre eclaii'e. La Pourquoi cela ne serait-il pas, puisque Dieu est
sagesse provenant de lagrace ne pent etre essentiel- cbarite ?
lement la meme que celle qui vient de la nature, 7. Mais j'apporte une autre
raison. Apres la
ici

celle qui est dans le temps ne peut etre celle qui contemplation de nature raisonnable, a I'amequi
la En quoi
consists
est de toute eternite. s'eleve plus baut se presente de suite la nature di- I'image de
Dieu dans la
6. Si dans voti'e bien-aime vous avez fait toutes vine, il n'y a pas d'autre nature, d'un degre plus creature
Comment
la divinity est ces distinctions 6 epouse, si des vertus qui sont en elevee, qui s'interpose avaut raisonnable.
, elle. Entre I'image et
proche
ae nous. lui selon la condition de la nature humaine, vous la verite on ne peut assigner de place moyenne,
vous etes elevee aux du Verbe, vous pou-
ricliesses plus elevee que I'une, plus basse que I'autre. Car
vez alors direavec raison et excellemment « quaud : ce qui n'est pas la verite, comment peut-il s'appro-
je les ai eu depasses un peu, j'ai trouve celui que cber davantage d'elle, que d'en etre la representa-
mon coeur aime. » Mais comment expliquer ce qui tion et le caractere ? En quoi done, dans I'esprit rai-
est dit ensuite, ce mot « un peu? » La majeste di- sonnable trouve-t-on cette image qui se rapporte
vine I'emporte inlininient sur toute creature, et I'e- a la nature divine? D'abord, en ce qu'd est capable
pouse comma si elle lui etait familiere et voisine, de verite et de justice. Secoudement quand il I't-coit
dit : « Quand je les eu depasses un peu, je trouvai ces biens et devient vrai et juste par grace, comme
celui qu'aime mon ame. » Un abime immense a Dieu Test par nature. Trois cboses ici me parais-
ete scelle entre noire nature et la nature de Dieu. sent distinctes : etre capable de recevoir le bieu
Quel abime dites-vous? celui de notre neant. souverain, le posseder, et etre ce bien lui-meme.
« Toutes les nations, » dit le prophete, « existent C'est I'image qui se trouve dans la premiere, la res-
devant Dieu comme si elles n'etaient pas, elles sont semblance dans la seconde et la verite dans la troi-
reputees a ses yeux comme rien et comme un sieme. La premiere est commune a toutes les subs-
neant. [Is. xi, 17.) C'est avec raison que notre na- tances intellectuelles, la seconde u'appartient
ture est reputee un neant, puisqu'on dit, qxien la qu'aux elus, et la troisieme est le bien propre dc
prenant, la plenitude de Dieu s'est aneantie. Quelle Par le premier de ces degres, nous
I'esprit incree.
convenance done et quel rapprocbement indiquer nous approchons, par le second nous sommes tres-
entre le vide et le plein, entre le neant et I'im- Nous nous ap-
pres, le troisieme est Dieu lui-meme.
mense? Pour quel motif I'epouse dit-elle done : procbons par I'aptitude, nous sommes tres-pres par
« Les ayant tres-peu depasses, je trouvai celui que un rapprocbement barinonique. Nous sommes pres
j'aime ? » Est-ce que la cbarite a peut-etre des ailes par les dons premiers de la nature; tres-pres par
et est-ce qu'emportee par le vol rapide d'un desir les privileges de la vertu. Pres comme capables de

illuminari, et scire est. Quis itaquenon videat (quamvis poterit convenientia et vicinitas inanis cum
assignari
nisi sublilissimenon discernatur propter nonnullam si- cum immcnso ? Qua ergo ratione dicit
solido, nihili :

militudinem) Qiii.s, inquam, non videat diflerre inter se Puululum cum pertramissem illos, inveni quern diligit
lumen per quod illuminatio fit, et illuminationem quae unima mea ? An I'orte pennigera est caritas, et praepeti
per lumen lit in quovis illuminate ? Alterum enim crea- quo loqui-
volatu ardenlis desiderii interjacens hoc, de
tum esl, alterum creans ; alterum illuminatum, alterum mur, praetervolat vacuum ? Utique sic adsentior. Nam
illuminans. Nee potest, essentialiter esse eadem sapien- amare, jam tcnere est; etiam adsimilari et uniri est.
tia quae tit per gratiam, cum ilia quae per naluram Quidni, cum IJeus caritas sit ?

existit : 111:^ quae tit in tempore, cum ilia quae nala est 7. Sed aliam hie ego paro rationcm. Post rationalis
ab aelernitate. contemplationem creaturae sursum ascendcnti primo se
6. Si haec distinxisti in dilecto, o sponsa, et ab his statim gradu divina ofTert et occurrit natura, nulliusque
quae juxta statum hunianae substantiae in illosunt virtu- alterius praestantioris naturae interpouiturdistinctio. Non
tes, ad Verbi pertransisti divitias , tunc jure et enim imagiriem et verilateiu medium assignari
inter
excellenter diccre potes : Paululkm cum perfratisissem potest, superius uno, inl'erius altero. Quod enim Veritas
i/los, inveni quern diligit aninia mea. Scd quomodo non est, quomodo proximius acccdit ad cam, quam ul
aptabimus illud quod ponitui*, scilicet, jmululum? ipsius simulacrum et caracter sit ? In quo ergo altendi-
Inaeslimabilitcr praerogat omnicreaturae divina majestas, tur in ratioiiali spiritu ca, quje ad divinam est naturam,
ct quasi vicina et familiaris sit, dicit : Ciirn pertransis- imagino Primo quidem loco, quia esl veritalis et jus-
?

sem illos jinululiim, inveni quern diligit anima mea. titiae Secundo si capiat illas, et (iat verus et
capax.
Denique magnum
(irmatum est inter nostram et
cliaos Justus per gratiam, quod Deus est per naturam. Tria
ipsius naturam. Quale quaeris chaos 7 utique inanitatis hie mihi dislincta sunt, id est, capacem esse boni
nostrac. Ornnet genten, ait Propheta, quasi non sint, sic summi, ipsum habere, et esse ipsum. Iiiingo attendilur
sunt coram eo, et quasi nihil et inane r-eputata su/it ei. in primo, similitudo in secundo, Veritas in lertio. Pri-
Jure inanis reputatur nostra substantia, in cujus as- mum commune est omnium iiitcUectualium spiriluuni,
sumptione exinanisse se dicitur ilia pleuitudo. Quae ergo secundum clectorum lanlum, tcrtiuiu soiius iiicreati
!

U6 L'ABBE GILLEBERT.

Comment, en elfet, rimmorta- merae, plus vite elle trouve. « Je I'ai trouve, » dit-
receroir, tres-pres.
pas de pr^s k rimmuta- elie, « je I'ai trouve » Cest : Ini qui le premier m'a
lite ne toiicherait-elle

bilite, I'incorporeite i la simplicile, rexemption cherche et m'a rencontre comme une brebis errante

de lieu a I'lmmensile, la raison a la verite, la et une drachme perdue, et sa misericorde m'a pre-
vertu a la bonte? Et pour parler avec plus d'ener- venue. Qui, le premier il m'a trouvee quand j'etais

gie, qu'y a-t-il de plus voisin et de plus semblable perdue, il m'a pre venue, car je ne meritais rien.

que la sagesse et la sagesse, la justice et la justice, II m'a trouvee quand j'errais, et m'a prevenue

que Ti'ime illuminee a celui qui I'lUumine, que le quand je desesperais; il m'a trouvee quand je

Que trouver de differais mon retour et m'a prevenue quand j'avais


cceur justifie a Dieu qui le justiGe?
plus semblable que ce qui est cause, compare a sa perdu la coiiliance il m'a trouvee m'indiquant
:

cause, forme rapproclie de sa forme ?


que ce qui est qui m'a prevenue me rappellant dans son
j'etais, il

Car dans ce qui est forme on ne considere presque bercail. II m'a trouvee errante dans les erreurs et

rien autre chose que la forme. Et enfm, ce qui est m'a prevenue pauvre des tresors de sa gr^ce il :

doux parait par-dessus tout semblable a la douceur m'a trouvee non pour que je le choisisse, mais pour
et ce qui est himineux a la lumiere, C'est puurquoi me choisir lui-meme, il m'a prevenue pour m'ai-
il n'y a pas d'injustice k trouver proche de Dieu ce mer le premier. Ainsi aimee, ainsi choisie, cherchee
qui existe en ayant tant de ressemblance avec lui, et acquise, trouvee et prevenue, comment ne pas
et a lui trouver tres-proche, ce qui n'en est separe I'aimer, comment ne pas le chercher de tous les
par rien. Car, bien que I'infmite de I'immensite di- efforts de mes forces' et d'un amour plus grand que
vine excede incomparablemeut notre nature mon pouvoir? Je le chercherai, jusqu'a ce que par-
finie, on trouve neanmoins en celle-ci quel- venue au comble de mon desir, je profere ce cri de
que ressemblance d'ane image a la realite. joie : « J'ai trouve celui que j'aime I » Cette rencon-
8. EUe s'ecrie done avec raison « Quand je les :
tre je I'entends ici non du commencement de la

eu un peu distances, je irouvai celui que j aime. » grace et de la verite dans I'ame, mais de leur accrois-
heureiix, 6 joyeux terme d'une si longue course semeut. Car marchant toujours, et progressant de
Bienheureux degres par lesquels on arrive a un pa- vertu en vertu, de verite en verite, I'ame en tous
reil but! Elle a cherche dans son lit, elle a fait le lieux formee par de nouveaux mysteres, inondee de
tour dans la cite, elle a interroge les gardiens. En nouvelles joies, a chaque pas, a chaque progres,
premier lieu, elle cherche par elle-meme, et pres peut dire : « J'ai trouve celui que mon cceur aime, »

En second lieu, hors d'elle, mais par elle-


d'elle. le Verbe du Pere , le Christ Jesus, qui est par-
meme. En troisieme lieu, elle ne cherche ni par dessus tout, Dieu beni aux siecles des siecles.

elle ni pres d'elle. Et c'est k ce point que cherchant Amen.


avec plus d'humilite elle rencontre avec plus de
succes; plus elle est eloignee de se confier en elle-

primo prope accedlmus, in secundo proxi-


spiritns. In loco quasrit per se et penes se. se, sed Secundo extra
me, tertium ipse est. Prope accedimus, peraptitudinem, per se. Tcrtio vero nee per se, nee penes se. Et hoc
proxime per coaptationem. Prope per naturae primaeva, loco quanto humilius quaerit, tanto qtiidem efficaciiis;
proxime per \irtutis priAilegia. Prope, quia capaces ;
quantoque a sui confidentia longius reccssit, tanto re-
proxime, quia capientes. Quonani enim modo non de pent citius. Invent, inquit inveni ilium qui me prior
vicino accedit immortalitas ad immutabilifatem, incoppo- quasi ovem errantem, et quasi drachmam perditam
ralitas ad simplicitatem, illocalitas ad immensitatem ;
quaesivit et invenit, et misericordia ejus praevenit me.
ratio ad veritatem, virtus ad bonitatem ? Et ut cxpres- ISIe, inquam, prior invenit perditam, praevenit nihil me-
sius loquar quid esse \icinius et similius potest quani
;
ritam. Invenit errantem, praevenit desperantem invenit :

sapientia sapientise, justitia justitiae qiiam illuminata : difTerentem, praevenit diffidentem invenit qualis essem :

illuminanti, justificanti justificata? quid similius alii, mihi indicans, praevenit ad sua me revocans vagam :

quam causativum cansae, formatum formae? Nam in invenit inerroribus, vacuam gratiae praevenit muneribus :

formato fere nihil aliud attenditur quam forma. Deni- invenit ut non ego ipsum, sed ipse me eligeret; praeve-
que et quod dulce est, super omnia simile videtur dul- nit ut prior diligeret. Sic ergo electa et dilecta, quaesita
codini ;quod lucidum est, luci. Itaque proximum
et acquisita, inventa et prsventa, quomodo non secundum
non quod illi tanta semulatione conipo-
injuste videtur, vires conatu, et supra -vires afTectu ilium et diligam et
nitur ;proximum, quia nihil interponitur. Nam etsi quaeram ? Quaeram, donee voti compos vocem laetitiae
flnitum nostrum Incomparabiliter excedit divinae immen- proferam Inveni quern diligit anima mea. Ego inven-
:

sitatis infinitas imaginis tamen ad veritatem nonnulla


; tionem hie ad veritatis et gratiae non refero initium,sed
dignoscitur esse affinitas. augmentun. Pergens enim et proficiens anima de virtute
8. Jure ergo dicit Paululiim : cum pertransissem illos, in virtutem, de veritate in veritatem, dum ubique novis
invent ywew anima r.tra.
diligit qu4m felix, qu^m informatur mysteriis, et infunditur gaudiis, per singu-
laetus ppoventus tam longi circuitus Beati gradus illi, ! los profecfum gradus dicere protest Inveni quern dili- :

per qnos in lalcm cvadifnr, terminum. Quaesivit in lec- git anima mea, Verbum Patris Christum Jesum, qui est
tulo, circuivit civitatem, interrogavit custodes. Primo super omnia Dens benedictus in saecula saeculorum. Amen.
» : ::

SERMON'S SIR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. tCJ

la permission de s'en approcher. [Exod. xix, et


SERMON IX.
xxxiv.) Jacob le vit
pareillement, mais en songe
Je I'm saisi, je ne le Idcherai pas jusqu'a ce que je et de loin appuye sur rechelle mvsterieuse.
I'introduise dam la demeure de ma mere. (Cant. [Gen. xxvm. 12.) Car bien qu'il saisit I'Ange,
Ill, ll.)
il ne le retint pas par une
; cjans la lutte
,
sorte de violence,
arracha la grice d'lme
il lui
1. « Je I'ai saisi, je nelaisserai pas aller. J'ai voulu benediction, et il le perdit ensuite de vue. Aussi
ne
rapporter uniquement le sens de ce passage a la fe- peut-il dire « Je ne le laisserai pas aller. » Marie
;

licite future, alors que I'epoui se revelera a sa bien- Madeleine le trouva, maisil lui futdefendu, jene dis
aimee, dans la plenitude de I'eclat de sa presence, pas de le tenir, mais meme de le toucher, parce
de que rien n'en vienue interrompre la
telle sorte qu'elle chercha la vie pres d'uu tombeau. [Joan.
perpetuelle vision. Carle mot qui precede «Quand : XX, recut dans ses bras apres I'avoir si
IZi.) 11 le

je les eu depasses, » pent tres-bien s'accorder avec longtemps attendu, et si inopinement rencontre, ce
ce texte « Lorsqu'il aura annulle toute puissance et
: saint vieillard Simeon; et joyeux, il chanta son can-
principaute, que Dieu soit toutes choses en
afin tique de reconnaissance, mais il n'osa pas dire :

tons. » (I Cor. xv, iU.) Car avant ce temps qui peut « Je ne le laisserai pas aller. » II termine en disant
dire surement « Je ne le laisserai pas aller.'
; « Maintenant, Seigneur, vous laisserez votre servi-
Mais ce sens est contrarie et detruit, et nous sommes teur s'en aller en paix, selon votre parole. » [Luc.
contraints d'appliquer cet oracle a la vie presente 11, 29.) certainementrenvoyeenpaixcelui qui
II est
par les paroles qui suivent : « Jusqu'a ce que je la est degage
et separe de la chair, au point que de-
fasse entrer en la maison de ma mere. » Mettons- sormais le corps ne convoite plus contre I'esprit, et
nous a considerer avec attention cnaque detail. ne regimbe point contre lui. Ce saint vieillard en
Voyez d'abord combien sont pleines de joie ces ex- embrassant le divin nouveau-ne, depose la A-ieUlesse
pressions : « Je I'ai trouve, je I'ai saisi, je ne le la- de I'homme ancieu, et il demaude, on bien il tres-
cherai point. » On
que le grand patriarchs Abra-
lit saille, de passer, des souffrances d'un corps corrup-
ham vit le Seigneur. {Gen.xvm, 1.) Onne lit point tible et de la lutte contre la chair, a un etat plus
qu'il le truiiva. Dieu se montra a lui de lui-meme tranquille : mais I'epouse a la confiance assuree
a I'entree de sa tente vers le midi. Sorti de sa de- que I'epoux ne sera point separe d'elle. Et n'est-il
meure, ce saint personnage se porta a sa rencontre, pas encore plus agreable de ne pas quitter ce qu'on
et sous un chene, il lui rendit empresse, les devoirs aime, que d'eviter ce qu'on abhorre?
de 1 hospitalite : mais il ne merita pas de I'introduire 2. Tons ces bienheureux personnages, bien qu'ils
dans sa tente, encore moins daus son lit. Moise vit aient vu dans la chair ou dans I'apparence de la chair, bonhenr de
aussi le Seignem' qui lui apparaissait en Oreb, mais marquent les certains degres de vision ou de com-
n.-,°te?J6sus-
il ne merita pas de le saisir, lui qui n'eut pas meme prehension qui se produisent dans les ames humai- ^'"'" ^P^^
I'avoir
trouT^.

qui nee permissus est propius accedere. Vidit Jacob


SERMO IX. Dominum, sed vidit in somnis, et de longe vidit scaiae
Tenui ilium nee dimitiam, donee introducam ilium in innkum. Nam
etsi apprehendit .\ngelum, non tamen

domum Matris Meos. (Cant, iii, b.)


retinuit sed quadam luctae violentia benedictionis
:

cxtorsit gratiam, amisit praesentiam, et idcirco dicere


1. Tentii ilium nee dimittam. Ego hujus capituli sen- non potuit Non dimittan ilium. Invenit ilium Maria
:

sum ad tantum felicitatem referre, quando


futurain volui Magdalene, sed prohibita est non dico tenere, sed cfiam
sponsus dileclae manifestam praesentiae sueb cxhibebit tangere, quia penes monumentum vitam quaesivif. Sus-
plenitiidinc 1 ut nihil sit quod interrumpat perpetuita-
;
cepit diu exspectatum, et insperato inventum senex
tem. Nam el quodpraemittitur, Cum perfran-fi-ssem illos, ille Simeon in ulnas suas, et gratulalionis laetus erupit

non incongrue ad id refertur : Cum evaeuaverit omnem in^canticum, sed vocis hujus usum sibi non praesumpsit
principatum et sit Deus omnia in omni-
protesfatem, nt Non dimittam ilium. Denique sic #it Nune dimittis :

bus. .\nte enim tempus, quis ex sententia diccre


illud servum tuum Domine secundum verbum fuum in pace.
potest Non dimittan ilium ? Sed hunc arctat et evertit
: Utique in pace dimiftitur solus et sequestatus a carne,
intellectum, et ad praBsens facit referri illud quod sequihir ut non amplius concupiscat adversus spiritum, et illi re-
Donee introducam ilium in domum matris mece. Sed pugnet. Ille ad novi amplexum pueri senescentis ,

jam vigilanter singula consideremus. Prime considera deposuit hominis vetustatem, et in tranquilliorcm statum
quam sint laetitiae plena haec verba. Inveni, inquit, tenui, a corporis corrtiptibilis poena, et carnis pugna dimittti
nee dimittmn. Magnus ille Palriarcha Abraham legitur Sponsa vero dilectum ase
se, vel postulat, vel exultat :

videssc Doiuinum, non invenisse. >pparuit enim ei non dimittendum praesumit. Et quanto prjBcellentis est
ultro stanti in ostio tabemaculi ad meridiem. Denique gratisB non dimittere quod ames, quam eradere quod
egressus de labernaculo obvius, scduhis sub ilice exhi- hori'eas.
buit officium in tabemaculum vero introdUv.ere non
: 2. Omnes hi et.ii in carne, vel carnis specie viderint;
meruit, nednm in cubiculum. Vidit et Moyses, appa- quosdam vel visionis, vel apprehensionis gradus distin-
rentem sibi in Oreb Dominum, sed tenere non meruit, guunt humanis in mentibus. Quod uulli uorum indul-
us L'ABBE GILLEBERT.

nes. Ce qui n"a ete accorde k aucun d'eux, I'^pouse C'est ce qu'indiqiie le reste du passage : « Us ont I
se rattrLl)ue ; ello emploie ces jtaroles que nous ete converts de leur iniquite et de leur impiety,
Hssayons d'expliquer. « Je I'ai trouve, je I'ai sai- tellement qu'ils ne peuvent s'en delivrer ou s'en L'hahitode
des Ticc5 M
si, je ne le quitlerai pas; je I'ai trouve, « [lar mon debarrasser facileraent. Et pour dire quelque chose quitte
difBcilemo)
desir ; « jo I'ai teuu, » par les efforts de ma uio- de plus, ils sont enveloppes et serres par la raau-
moire; je ne « le quitterai pas, » carje continuerai vaise habitude de leurs vices comme d'une sorte de !

sans reliche de penser a lui : « Je I'ai saisi. » Et peau, au point que cesser et perdre cette coutume
vous, quand vous aurez trouve le Christ, la sagesse, ne serait pas tant se depouiller que d'etre ecorche.
la justice, la saintete, la redemption, (car Jesus- C'est pour le donner a entendre, que peut-etre laloi
Christ a ete tout cela pour nous,) quand vous au- ordonait que la peau de la victime fiit enlevee.
rez rencontre tous ces biens, gardez-les en toute [Lev. 1, 6.)
affection, retenez-les en toute application. Ce que 3. Car dans I'endroit ou il est ordonne que le

votre intelligence a decouvert, gardez-le avee soin, pretre soit revetu dun etroit vetement de lin, Dieu
retenez (pour ainsi dire) ces vertus qui veulent s'e- veut que voussoyez ceintplus etroitement del'habit
chapper, ces apparences qui fuient, etreignez-les par de cette verite qui est sortie de la terre, afin que,
un effort plus presse, jusqu'a ce que par un heurcux d'elles-memes, les vertus de chastete, de purete et
retour, elles s'altachent a vous d'elles-memes, vous d'innocence s'attachent et se collent a vous : la loi

embrassent spontanement, vous tienuent sans fati- veut que tous les vetemeuts du pretre soient atta-
gue de votre part et ne vous laissent pas aller loin ches et lies a sa personue par des chaines, des cein-
ou absenter long-temps. (Jue si parfuis vous des- tures ou des bandelettes, afin que lorsquo vous re-
cendez aux occupations qu'impose la necessite hu- vetirez notre Seigneur Jesus-Christ, alors vous reve-
maine, qu'elles vous suivent dans ces details, qu'el- tiez aussi les entrailles de la misericorde, la bonte,
les vous rappellent et vous enlevent vers elles-me- la charite et les autres vertus que vous trouvez enu-
mes, afin que si elles ne peuvent avoir toujours vo- merees dans I'apotre. {Col. lu, 12.) Alors vous vous
tre application, elles aient du moins votre affection revetirez dans la memoire de la foi du Christ et vous
toujours consacree a elles. Car 11 me parait y avoir mettrez au fond de vos entrailles I'amour de la con-
une certaine difference entre ces deux sentiments, templation de la verite, et que tous ces sentiments
ou si vous tenez le Christ force et sagesse de Dieu, s'adaptent, s'ajustent et se lient a vous ; que rien ne
ou si vous etes tenu par lui. « Aimez la sagesse, » puisse s'eloigner ou Hotter et etre agite comme une
dit I'ecritui'e, « et elle vous embrassera. » [Prov. feuille par le vent de la tentatiou ou de la dissipa-
IV, 6.) II est ecrit de plusieurs que Torgueil « les a tion. Qui est convert de ce vetement de vertu au
possedes. » {Psalm, xxir. 6.) Qu'est-ce a dire les a point qu'il semble etre devenu pour lui une seconde
possedes, sinon les a enlaces, les a lies, et les a seiTes nature, je prononce de lui qu'il ne lient pas, mais
par le lieu indissoluble d'une coutume inveteree? plutot c'est lui qui est tenu. « Vous avez tenu ma

turn legimus, ista usurpat, cujus tentamus eventilare sunt consuetudine vitiorum, ut illam dediscere et de-
sermones. hn-eni, fenui, nee dimittam. Inieni per aspi- suescere, non tam expoliari sit, quam e.xcoriari. In cujus
rationem tenui memoriae retractione; non dimittam
, rei indicium, forte institutio legis continet hostiae pel-
continualione jiigi. Tenui ilium. Et tu cum inveneris 1cm attrahi.
Christum, cum inveneris sa^/ientiam, cum inveneris jus- 3. Nam e regione quod stricta sacerdos indui jubetur
titiam, sanclitatem, redemptionem (liffic omnia enini no- linea; veritatis te vult illlus quae de terra orta est, ha-
bis factus est Christus'> cum ista inveneris, tene affectu, bitu arctius astringi, ut per se fastimonite et puritatis et
tene studio. Quod intelligen'ia inveneris, diligentia tene, innocentiae tibi virtus inhaereat, et agglutinetur tibi :sed
et retine (ut sic dicam) re iifcntes \irlutes, et lubricas et omnia sacerdotis indumenta, vel catenulis, vel balteis,
species arctiori tibi astringe amplexu, donee vice versa vol vittis astricta ct colligata sibi vult esse lex : ut cum
ultro tibi inliareant, et amplexentur te gratis, ct sine indueris Dominum nostrum Jesum-Christum,cum te in-
studii tui labore te tencant, nee sinant vel longius abs- dueris viscera misericordice, benignitatem, caritatem, et
ccdere, vel diutius abesse. Etsi quando declines ad of- reliquas quas apud .\postolum legis virtutes; cum Chris-
ficia humanae necessitatis, ibi te insectentur et revocent, ti te tide memoriter vestieris, et contemplandae veritatis
et arripiant ad se, ut si non possint assidue studium, invisccravtris affectum: omnia tibi coaptentur et cohce-
semper habeant obligatum affectum. Nam nonnullamihi reant, et constricta sint, nihilque circa te vagari et flue-
videtur distinctio, an tu teneas Christum Dei virtutem tare possit, et tcntationis vel dissolutionis vento follicare.
et sapienliam, an tenearis ab ipso. Ama, inquit, sopien- Qui se tali virtu tis vestierit habitu, ut ei in naturam
tiam, et amplexabitur te. Denlque et de quibusdam dici- versa videatur, non ego hunc tam tenere quam teneri
tur, quod tenuit eos superbic. Quid est tenuit, nisi irre- dixcrim. Tenuisti, inquit, manum dexteram meam, et in
tivit, et implicavit, et inolita" consuetudinis * indissoluti voluntate tua deduxisti me. Tenui.<!ti ne pergerem in de-
obUgavit vinculo? Hoc enim est quod sequitur Operti : fectum, deduxisti in multiplicem profectum. In volun-
sunt iniquitate et impietate sua, ut non facile evolvere tate tua deduxisti me, id est, in voluntate qua? a te est,
et explicare ab ilia se possint. Et ut amplius dicam, ct quae secundum te est. In voluntate quje magis trahens
quasi cute quadam , si aliqui prava operti et involuti quam tracta est. Nam et bonam voluntatem cum multo
SERMONS SLR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. U9
main droite , dit le Psaume, « et vous m'avez ble. » [Ps. xsix, 7.) Ne vous semble-t-U pas, que le
conduit par voire volonte. » [I'salm. lxxu, 2i.) psalmiste et I'epouse ont eprouve les memes senti-
« Vous m'avez tenu, » pour que je ne decline pas ments? Celte parole « Je ne serai jamais ebranle, »
:

vers les defauts; « vous m'avez conduit » vers un a-t-elle une autre sens que celui-ci « Je ne le lais- :

progres multiple. « C'est dans votre volonte, que serai pas fuir? » 11 v a ici une presomption mani-
vous m'avez dirige, » c'est-a-dire, dans la volonte feste, car le cbatiment est tout pres. « Vous Jivez
qui est de vous et qui est selon vous. Dans detourne votre face de moi, et j'ai ete bouleverse. »
la volonte qui tire plutot qu'elle n'est trainee. Corame done, en cette chair, la chute est facile,
Car parfois nous nous efforcons avoc beaucoup de la tentation frequente, I'accident prompt, le travail
travail, d'attirer la bonne volonte
nous la pour- et assure, comment ne pas trouver de la presomption
suivous, fuyant devant nous, bien plutot que uousne et une devotion trop empressee dans ces expressions
marchons sons sa conduite. Voici ce qu'on lit : de I'epouse « Je ne le laisserai point partir? » Qui,
:

« J'ai desire de vouloir. » Une telle volonte est bon- en effet, pourra ici-bas rester, dans le meme etat,
ne, mais elle ne plait pas encore. EUe est juste, elle surlout quand il est question, d'une contemplation
n'est point encore agreable. « Vous m'avez conduit fort subtile, que pent toucher a peine, uu regard
dans votre volonte. Dans celle qui consiste dans
» tres-leger de I'esprit? Pent etre ces paroles indi-
le goi!it lui-meme qii ne se base
delectable d>i bien : quent-elles, non la securite, mais I'inquietude. II

pas tant (pour employer ce terme), sur im mo- ne peut y avoir de certitude, jusqu'a ce que I'epouse
tif de paresse que sur la jouissdnce du bien lui- aura fait entrer le bien-aime dans le heu qu'habite
meme. sa mere et dans le sejour de celle qui I'a enfante. 11
!x. ne I'abandonnerai point, jus-
« Je I'ai saisi, je n'y aura pas alors de sollicitude pour le retenir,
qu'ii ceque je I'introduise dans la demeui'e de ma parce qu'on aura I'assm'ance de rester dans cet
mere et dans le lit de celle qui ma donne le jour. » etat de felicite : sans travail de notre part, sans ef-
Le sens eut ete beaucoup plus facile, si I'epouse s'e- fort de discipline, nous arriverons spontanement;
tait expriraee de la sorte : Je i;e le quittiT'ai point, bien plus, du dedans couleront comme d'une source
lorsqueje I'aurai fait entrer en la maison de ma . inepuisable des fleuves d'eau vive et de delectation
mere, de ma mere qui est la-haut, la Jerusalem ce- toujours renaissante. ne sera pas necessaire alors
II

leste qui mere de tons les hommes. Car,


est la de creuser profondement; il n'y aura pas a subir
avant ce moment, tout est incortain ici-bas, tout la fatigue ou de curer les puits combles par les
flolte entre I'esperance et la crainte, tout depend Philistins, ou de les defendre pour qu'ils ne soient
d'un point vacillant. Et quelle sera la certitude pas combles. Ce travail est presci'it ici-bas, parce
que Ton aura la grAce, quand la nature est varia- que, dans la patrie, il se trouve banni. Done, quand
jit dans ble? Le psalmiste s'ecrie aussi « J'ai dit, dans : elle dit « Je ne le laisserai point partir, » elle
:

fie est
!

ertaia
mon abondance, je ne serai jamais ebranle. Vous semble promettre, de s'appliquer a faire diligence,
ariable. avez detourne votre visage de moi, et j'ai ete trou- a etre toujours inquiete, jusqu'a ce q[u'elle puisse

labore non numquam attrahere nitimur, et magis pro- ceternum, quam quod hie ponitur; Son dimittam illuml
sequimup quasi fugientem, quam seqiiimur ducentem. Sed quidem manifcsta praesumptio, quia vicina ultio
ibi
Sic enim Icgitur Concupivi desiderare. Bona talis vo-
: Avertisti, inquit, faciem tuam a me, et faetus sum con-
luntas sod nondum placens. Justa, sed nondum ju-
, turbatus. Cum sit ergo in hac carne facilis casus, et
cunda. In voluntate tua dcduxistc nic. In ilia quae blan- frequens impulsus, cilus lapsus ct certus labor; quomo-
do constat boni ipsius gustu nee lantum (ut sic dicam) : do non ndebuntur praesumptionis et nimis promptulae
pigra nititur ratione, quam pia boni ipsius oblecta- dcvotionis esse haec sponsae verba Son dimittam ilium? :

tione. Quis enim hie in eodem statu permanere poterit, pra;-


4. dimittam ilium, donee introducam ilium
Teniti nee sertim illo subtilissimae contemplationis, qui vix altingi
in domiim matrix mece, et in eubieidum genitricis mete, potest tenuissimo mentis icfu? Forte ergo verba ha;c
Multo planior vidcretur sensus si ita dixisset Non di- : non securitatcm, sed sollicitudinem sonant. Ncc enim
mittam ilium cum inlroduxcro in domum matris mc;p, sccuritas esse potest, donee introduxcrit dilcclum in
illius scilicet quae sursum est Jerusalem coelestis quae domum matris suae, et in cubiculum genitricis suae,
est mater omnium nostrum. Nam ante illud tempus Non erit tunc rctincndi soUieitudo, quia cril ccrtifudo
omnia hie incerta sunt, el inter spem et mctum fluc- manendi in illo felicitatis statu : absque studii nostri
tuant, et pendulo nituntur gradu. Et quae erit certitude usu cuslodia ultro nobis affluent, imo in-
ct disciplinae
de gratia, dum mutabilis est natura.' Dcnique et ille trinsecus uc quodam incxhauslo animacventre (lumina
ait Ego dixi in abundantia mea, non movebor in
: fluent aquae vivae et indefessae delectatlonis. Nulla tunc
ceternum. Averfisti faciem tuam a me, et factus sum erit necessitas in allum fodcre, nullus labor vol purgare
conturhatus. Annon tibi siinilia dixisse vidcntur Psal- puleos, quos Philista'i roplcvcrint, vel propugnarc ne
mista ct Sponsa? Quid enim aliud est, Non movebor in reploant. Hie illc labor exiguitur, nam indc cxcluditur.
aternum. Avertisti faciem tuam a me, et faetus sum Quod ergo dicit Son dimittam ilium? Sludiuni polli-
:

conturbatus. Annon tibi similia dixisse videntur Psal- ccri vidctur ct diligcnliain, ul semper sollicila sit,

mista et Sponsa? Quid enim aliud est, Non movebor in quoadusquc plcue possit esse secura : ne sibi clabatur

T. y.
50 LABDE GILLEBERT.
^tre plcinoraent rassuree que son bien-aime ne la tion de Jesus-Christ? L'apotre dit : « Qui nous se-
quittora pas dans la suite, le Seigneur Jesus qui vit parera de la charite de Jesus-Christ? » {Rom. viii,

et regne dans les siecles des siecles. Amen. 35.) II ne pouvait pas parler ainsi dela contempla-
tion, car plusieurs fois la charite le contraignait
SERMON X. de se sevrer de la contemplation du Christ, o soit

que nous soyons ravis en Dieu dans notre esprit, soit


Je ne le Idcherni pas jusqtt'a ce que je I'introduise
maison de )na mere. (Cant,
que noussoTonsprivesde cette extase, c'esta cause de j^fj*"
dans la iii, 4.)
vous. Car la charite du Christ, nous presse. » n (

lapr
1. Dans le dernier discours, nous avons appli- Cor. v, 13. F-a charite done, en vcrtu de certains
j

immntabiiite que a I't'pouse les e.xemples qui rappellent la fai- nienagements, s'arrache a la contemplation, bienque
blesse, appUquons-lui, aujoui'dhui, ceuxqui, dans la contemplation lui soit d'un usage propre et fa-
"""wriTer^"'
en cetie vie. I't'criture, senteiit la force. On lit d'Anne, lorsqu'elle milier. Tout ce qu'opere cette veiiu remplitdonc le
priait, avec attention et avec une affection multi- rule et a lenergie dune priere et dun renierciment
pliee, « que son visage ne subit plus d'autres chan- une partie de ces senti-
incessants. Et clle produit
gements. » (I Reg. j, 18.) Le visage est Tiuterpre- ments avec d'autant plus dabondance et d'excel-
te de I'ame, il se montre au-dehors d'apres I'atfec- lence, quelle s'exerce pariiculierement a la produire.
tion que le cceur eprouve au-dedans. Partant, son « Cachez votre aumone dans le seiu du pauvre, et
immutabilite demontre la Constance, qui est dans elle priera pour vous aupres du Seigneur. » [Eccli.
le fond de I'ame. Son visage ne changea pas, parce xxis, 15.) Par le mot aumone, setrouvent designes,
qoe rien ne diminua le desir quelle eiit une fois tous les soius misericordieusement donnes aux indi-
concu. Que veut dire autre chose cette parole « Je : gents ; il y a plus que le vetement, qui couvre le
ue le lacherai point, » sinon, je ne donnerai pas corps, plus que la nourriture qui I'eutretient, il y a
d'autres expressions a mon visage, et je ne detour- aussi la doctrine, I'exhortation, la correction, la
nerai pas ailleiirs I'attention de mon esprit? L'apo- consolation, et tout secours tournant an bien de
tre eshorte a quelque chose de pareil ; « Priez la me. Ce sont la les a?uvres de charite; elles ont
sans relAche, » (I Thess. i, 17.) Et encore : a Reu- la force de la priere, quand elles sont faites en vue
dant toujours graces; » et aussi : « Rejouissez-vous de Dieu seul : mais elles ne lui sont pas speciale-
dans le Seigneur toujours. {Ejjh. iv, Zi.) Voici les ment propre?. Qii'y a-t-il d'aussi special, que de
choses que I'aputre veut voir continuer dans I'ame s'appliquer a son seul bien-aime et de s'adonner li-
sans interruptions : la priere, faction de grace et la bremeut ii I'amour? Seretirer de cet ex ces de jouis-
joie dans le Seigneur. Mais qui pourra arriver a ce sance, se sevrer de cette sainte ivresse, s'arreter
resultat,par I'habitude de son esprit et I'affection dans ces extases de lame, a cause des necessites de
inalterable de son ame, sinon, celui a qui il a ete ses freres, qu'est-ce done, sinon changer son esprit
permis de dire : Qui nous distrau'a de la contempla- et lui douner des apparences diverses ? Marthe etait

de reliqiio dilectus suus Dominus Jesus, qui vivit et sum est Quis nos separabit a contemplatione Christi,
:

regnat in saecula saeculorum. .\inen. Apostolus dicit Quid nos separabit a caritate Chri^til
:

A contemplatione dicere non poterat. Nam aliquando


SERMO X. a contemplatione segregari Christi ilium compellcbat
Aon dimittam caritas, Sive inquit, mente excedimus Deo, site sobrii
ilium, donee introclucam ilium in domum
matris me(V. (Cant, sumus vobis. Caritas enim Christi urgei nos. Carilas
iii, b.)
ergo quadam dispensatione contemplalioni se subducit,
1. Qiire infirmilatis exempla sunt aptavimus sponsae cujus tamcn proprius est et familiaris in ipsa usus. Om-
praptorito sermone : tiodierno quae sunt virtutisaptemus nia quae agit caritas, quamdam habent indefcssae oratio-
de scriptuns sacris. De Anna Icgitur, cum inlente pro- nis et gratulationis vicem, et efficaciam. Sed tunc ista
fusoqiie exoraret affectu, quod nan sunt vulius ejusam- profusius et excellentius cvsequitur, cum singulariter in
pliui in diversa »iufati. Yultus animi intcrpres est, ct istis cxercetur. Aljsconde eleemosgnam in sinu pauperis
ab intimo affectu habitum trahit. Ideo ab ejus constan- et ipsa orabit pro te ad Dominum. ElcemosNTiae voca-
tia, interioris qua? in anima est, pei-severantiaeducitur bulo non incongrue censentur universa, quae indigenli-
argumentum. Non sunt vultus ejus in diversa mutati, bus misericorditer impenduntur, non modo iste corpo-
quia nihil imminufum est desidcrii semel concepti. Et reus cibus et indumentum, sed etiam doctrina, exhorta-
quid aliud sonat quod dicit Son dimittam ilium, nisi : tio, correctio, consolatio, et universa, qu;e solius ad ani-
non mutabo in diversa ^•uItum, intuitum mentis et mae commoda specfare videntur. Opera sunt ha^c carita-
alio non divertam ab ipso Sed Apostolus simile
: et tis, et orationis vim obtinet, cum solius Dei fiunt in-
quid hortatur : Sine intennissione orate. Et item Gra- : tuitu : sed non propria ipsius.
sunt haec specialia et
iias agentes semper; illud quoque, Gaudete in Domino
Quid enim tam propriura quam dilecto soli intendere,
semper. Continua et non interrupta haec -vult esse .Apos- et libere in amoris se exercere negotio? Ab hoc spiritua-
tolus orationem. gratiarum aclionem, et gaudium in
:
lis jucunditatis excessu et ebrietate sobrium fieri, et
Domino. Sed quis ista ipso mentis habitu, et affectu propter fraternas necessitates ab alienatione mentis tem-
animi indefesso explere sufiiciat, nisi cui dicere permis- perare, quid nisi \-ultum in diversa mutareest? Denique

II
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 51

empressee et Iroublee au sujet de plusieurs soins. cessaire, » qui n'est pas enleve, a Marie et dont le
Cette inquietude, relative a beaucoup d'objets, re- psalmiste se rejouit : « Pour moi, » dit-il, «il m'est
prescnte les nioditicalions du visage subissant des bon de m'attacher a Dieu. » [Ps. lxxii, 28.) C'est
changeuients divers. « Marie a choisi la nieilleure ce transport d'esprit qui avait ravi Paul jusqu'au
part, elle ne lui sera point otee. [Luc. x, Zi2.) troisieme ciel. C'est cette ivresse qui avait rendu le

2. La meilleurepart de la contemplation et de la visage d'Anne semblable h celui d'uue personne,


dilection, c'est I'usage et la pratique. Car bicn que prise de vin. (I Reg. i, 13.) C'est de ce mout qu'e-
ce fut a des ceuvres de charile que Marthe s'appli- taient remplis les apotres, lorsque Tesprit vehement
quait, la charite neanmoins y servait la nccessite, s'etait empare d'eux eprouverent pour la
et qu'ils

la charite n'y servait pas la charite. A soulagcr les premiere fois de ce vin nouveau, que Je-
la vertu
miscres des autres y a bonne oeuvre, niais le mo-
il sus leur avait promis. [Act. ii, 15.) Sous I'influence
tif en est trisle. Bonne est la miseiicorde, niais de cette liqueur genereuse, Noe souffrit I'extase
triste lamisere. Bonne est la medecine, inais mau- d'un sommeil spirituel ; il n'eut pas soin de son
vaise la langueur que traite le remede. Bonne est corps ; tout transporte en esprit, il meprisait ce qui

I'afTection qui fait compatir aux soufTi'ances, mais etait en has, entierement absorbe qu'il etait par
aftligeante est la doubnir qui donne au procliain les biens superieurs, qui se montraient a lui. [Gen.

Toccasion d'y sympathiser. Dans les besoins de ses IX, 22.) Heureux, si a I'exemple d'Anne, il n'avait

freres, la charite considere a qui elle porte compas- jamais digere les efTets puissants de ce breuvage!
sion, la cause qui I'excite a la misericorde et la Car cette pieuse femme, ayant chatie exterieure-
plaie qu'elle s'eftbrce de soulagcr. Mais, lorsqu'elle ment son corps, eprouva une ivresse sainte dont
contemple les vertus du bien-aime , tout lui plait, ellene guerit jamais dans la suite. C'est ce que
chaque detail la ravit, tout I'attire : rien ne lui veut dire cette circonstance, que desormais son vi-
inspire de la repulsion, tout I'invite a s'attachcr a sage ne subit pas d'autres changements. L'epouse
lui doucement. C'est I'acte propre de I'amour, parait se promettre une pareille continuation de
c'est son role d'etre tout a aimer. 11 en est assurement la presence enfin obtenue, de son bien-aime, quand
ainsi, quand une meme et indivisible jouissance elle dit : « Je ne le laisserai point partir. » Quelle
englobe et enveloppe tout, I'office, la fin etla cause. parole remarquable, spirituelle et digne d'une
L'office c'est I'amour ; la cause, la vision ; la tin, epouse, elle prononcait, si elle rapportait a la foi, a
I'un et I'autre ; il ne peut exister, de flu plus lieu- la justice, a I'humilite, a la continence, k la bien-
reuse, que la vision et I'amour meme de Dieu. Tons faisance etaux autres vertus, qui sont le Christ, ce
les desirs des saints se rapportent a cette tin. Cette qu'elle dit : « Je ne le lacherai point. » Car il ne
fin est a elle-meme sa propre fin : se sufflsant a faiitpas croire qu'elle fut privee de ces vertus lors-
elle meme, ne pourrait attendre quelque bien
elle qu'elle cherche le bien-aime. Ce sont \k des vertus
meilleur. C'est lace qui est appele « I'unique ne- communes, elles sont si avantageuses i ceux qui

et Martha solllcita erat, et turbata circa plurima. Ilia Hoc est Iliad unnm quod necessiarhtm dicitur, quod a
circa multa tiirbatio, videfur quipdani vultiis ia divcrsa Maria noa tollilur, ia quo Psalaiista gratulatur ^fl7li, :

mutatio. Maria optimam partem el''gU, qua; non aitfe- inquit, adhmrere Deohonum est. Ilic est ille mentis ex-
rentur ah ea, cessus, qui usque ad tcrtium coelum Paulam rapuerat.
2. Optima pars contemplationia
et dilcctionis estusus. UiPC ebrietas tomulcnto similem Anna- vultum exprcs-
Nam sunt opera caritalis, qu;pc.\hlbebut Mar-
eisi ilia scrat. Hoc musto madebant Apostoli, cum illos velic-
tha ibi tamcn servlt caritas neccssllali, noacaritassibi.
: mens replcvcral Spiritus, et illius, quod novum pollici-
In sublevandis alienis ncccssitatibus bonnm opus, scd tus est Jesus, viai virtutcm primo scnserc. Hoc vino
molcsta causa. Bona cnim miscricordla, sod molcsta mi- infusus Noc, spiritualis passus est soporis oxccssum, ct
scria. Bona caratio, sed circa queni vcrsaturnon bonus carnis caram postliabuit, totus facias iaspiritu, coalem-
languor. Bonus in hujusmodi compassionis aftcctus scd ; ncns, qucm aiitcriora tcncbanl ex intcgro. Felix si ins-
non bona compassionis occasionem ministrans allcrias tar Ana;c hujus viai aumquaai digcssisset virluteai. Ilia
passio. Fratcrnis ia ncccssitatibus caritas iatuclur cui cnim corporc mentis est passa tnmalen-
foris castigato
condolcat, quo movcatar ad miseralionom, quid amo- tiam, ct sanctam quam
postca non evacaarct ebrletatem.
vere nitatur. At cum dilecti contemplantur virlutcs, to- Nam hoc sibi vult quod non ultcrius vultus ejus sunt in
tum placet, totum dcleclat, totum allicit nihil ibi vidct : diversa matati. Talem sibi apprchcasaj jugitatcm prae-
quod horreat, sed cui dulciter adha'real. Ilic proprius soatiai spoasa polliceri videtar cum dicit No>i fliwit- :

amoris usus est, hoc ejus of'ticiam ut totus sitia amaa- : tam ilium. Quid cnim pra^claram, quid spirituale, quid
do. Sic est plane, cum una ct individua jacundilas om- sponsa dignam dicerctur, si ad fidcm, si ad jastitiaai,
nia convolvit et complcotiliir; officium, lincm, ct cau- si ad humilitalem, ad coalineatiaai, ad l)one(iceatii>n),ol

sam. Officium amor est, causa visio, finis utrunique : ad rclicians, qaa' Chrishis o^sc dicilur, virlulos id rcfer-
neque ullus esse potest bealior finis, quam ipsa visio et ret, quod ait, i<nii dimitlam ilium? Nam nee his vacua
dilectio Dei. Omnia ad hunc finem Suactoruai votasus- credcnda est cliam cum dileclum qu;nsivif. D.'niqac et
pirant. Finis istc ipse sibi finis est, seipso contentus ia comaiuncs hajusaiodi virlutcs, cl ita habcntihus com-
melius aliquid cxspcctalionem porrigerc non valcns. mody, ul caruisso ncfas crcdalur.
52 L'ABBE GlLLtBERT.

en sont ornes, qu'il n'est pas permis de croire ejicore dehors en vous, qu'il est introduit au
: c'est

qu'elle en fut privee. lieu oil deja est entre eu personue. Pourquoi
il

3. 11 y a done quelque chose de rcniarquable et pas ? 11 nait en vous, il est forme en vous et il ne

de singulier dans celte rencontre, parlaqiiellc I'e- serait pas introduiten vous? « Mes petits enfants,
pouse s'applaudit d'avoir trouve son bien-aime et que j'enfante de uouveau, jusqu'a ce que le Christ
promot de nc pas le laisser s'echapper. Ce sont la, soit forme en vous. {Gal. iv, 19.) Le Christ est done

pout-eire, quelquos premices dc la gloire ct de la enfante en nous, il y est perfectionne, noii pas une
contemplation future. C'est pourquoi elle ajoutc ; fois, mais souvent par des enfantements repetes.

« Jusqu'ii ce que je le fasse entrer dans la maison Nous ne pouvons pas, en un seul coup, nous adap-
Les verti
de ma n&ere et dans le lieu du sejour de celle qui ter toutes les verlus du Christ; il ne nous esl meme duChrlstk
den former une seule pleinement. a acqn^
m'a mise au monde, » dans cette Jerusalem du ciel, pas possible
peu ii. pe
qui est la mere de tous, cite merveilleuse, dout le C'est pourquoi il faul insister lougtemps, parce que
salut occupe les remparts, dont la louange fait re- cet enfantement du Christ ne s'opere que peu-a-peu
sonner les portos et dont les frontieres sont entou- en nous. Comment s'opere-t-il done dans ses mem-
rees de la paix. Dans ce sejour de la lumiere et de bres? 11 nait dans son epouse, pourquoi n'est-il pas
la joie,ne peuveut etre introduites les verlus la- introduit? Car cet enfantement, ou cette introduc-
borieuses de cette vie que si elles y entrent a rai-
: tion du Christ, ne pent point se rapporter a sa per-
son du merite, elles en sont exclues par la jouis- sonne, il est relatif a ses vertus, et a la joie; aussi
sance. Ayant goute dans son bien-aime quelque cette introduction aussi bien que cet enfantement
affectiou celeste et quelque douceur qui n'est pas s'operent frequemmeut. Car il est dit que nous
de ce monde, sans jactance, mais avec joie, cette sommes assis avec le Christ daus les regions celes-

ame sainte, s'ecrie : Je ne le laisserai point alter, tes. {Ejj/i. II, 6. ) Mais, de meme qu'il y a une
jusqu'a ce que je maison de
I'introduise dans la vraie et elernelle reunion dans le ciel, de me-
ma mere. Mais n'est-il pas deja moute vers sou
)) me il existe une introduction qui y mene. Abra-
pere ? iN'est-il pas enire dans le ciel, precurseur ham voyagea dans la tei're promise avant de la
pour nous ? Et comment I'introduisez-vous, la oil il posseder. {Gen. xn et xvii, 1.) Ileureiix, enliere-
est arrive le premier? Yous avez bieu plutot besoin ment heureux, celui a qui il est donne de traver-
qu'il vous conduise, celui-la a qui Ton dit : « Me- ser ces regions bienheureuses et de visiter d'un pied
nez-moi dans la route de vos commandements. {Ps. rapide tout I'espace qu'il doit recevoir en heritage.
cxv]ii, 35.) Je vais, dit-il, vous prepai'er une de- S'il ne lui est pas permis de se fixer, il lui est doii-

meure, et quand je I'aurai preparee, je viens de ue cependant de gravir la montagne du Seigneur


rechef et je vous prends avec moi. {Joan, xiv, 3.) et, quoiqii'a la course et au milieu des ombres, de

Comment done, le ferez-vous entrer dans le sejour parcourir tons ces biens et dese rejouir, a un spec-
ou il est deja parvenu? 11 esl monte en personne, a tacle si beau.
la verile, mais en taut qu'il est en vous, il se trouve U. Quelle est la veritable et pleine introduction?

3. Eximium ergo et singulare quippiam haec indicat troducitur? Filioli, quos iterum par turio, donee forme-
inventio, per quam dilcctum et comprehensum applau- tur Christns in vobis. In nobis ergo Christus et parturi-
dit, et non dimittendum preesumit. Forte primitia' ali- tur, et perficltur, ncc scmel sed saepius, ct iterata cre-
qute sunt futura? contemplationis et gloriae, propter quod bro parturitione. Neque possumus omnes Christi siraul
adjungit Donee introducam ilium in domum niatris
: virtutes adaptare nobis, equidem ne unam quamlibet ad
mecp, rt in cubicidum genitricis mew, in illam ca?lestem plenum. Idciico semper insislcndum est, quia nomiisi
Jerusalem qute mater est omnium nostrum, cujus mu- scnsim fit in nobis spiiltualis parturitio Christi. Qui ergo
res salus occupat, et portas laudatio, cujus in pacempo- in membris suis? in sponsa sua nascitur, cur non intro-
siti sunt fines. In ilium locum luciset laetitiie, laboriosae ducitur? Non enim vel parturitio ha?c, vel introductio
vitff! liujus introduci non possunt virtutes quae si in- : ad Christi potest referri personam, sed ad virtutes et
grediuntur per meritum, tamen cxcluduntur per usum. gratiara. Ideo frequens est sicut parturitio, sic introduc-
Coelestem ergo aiiquam adectioncm et supermundanum tio. Nam et consedere dicimur in coeleslibuscum Chris-
saporcm in dilecto expcrta, non jactando,sedgratulando to. Sed una est vera ct aeterna sessio in coelis, sic
sicut
dicit Non dimiitam ilium, donee introducam in domum
: et introductio. Perambulavit Abraham terrain promls-
matris me(B. Sed numquid non jam ascendit ad Patrem.'' sionis antequam possideret. Felix omnino cui datur bea-
Numquid non prsecursor introivit pro nobis.' Et quo- tas illas perambulare regiones, et visentis instar volucri
modo tu introduces quo ipse prior ascendit? Tu magis calcare vestigio locum omnem, quern accepturus est in
indiges ut ipse te ducat, qui dicitur Dedue me in via : possessionem. Cui licet stare non permittitur, ascendere
mandatorum tuorum. Vado, inquit, parare vobis locum, tamen datur in montem Domini et quamvis per um- :

et cum paravcro, iterum venio et assumo vos ad meip- bram adhuc cursim, tamen perlustrare cuncta, et se tali
sum. Quomodo ergo introduces ilium quo jam ipse as- visu refovere.
cendit? Ascendit quidem per se, sed adhuc in te foris 4. Quae autcm vera est et plena introductio, hie innui
exsistit in te introducitur, quo per se prior ascendit.
: videtur cum dicitur Donee introdueam ilium in dotnum
:

Quidni? In te nascitur, in te formatur, et in te non in- matris mece. Fehx omnino quae adeo jlUgar DftuitVer-
;

SERMONS SLR LE CANTIQUE DES (1\.NTIQLES 53


Voici dcs paroles qui semblent I'indiquer : « Jus-
qu'a ce que je I'introduise dans maison de ma
la
SERMON XI.

mere. » Bienheureux celui qui a pu lier, le Verbe Je I'ai temt, je ne le laisserai point jusqu'a ce que je
de Dieu, se I'attacher fortement, le tenir etroite- Vintroduise dam la maison de ma mere et dansTap-
ment a ses cotes, dans cet exil, ju?qu'a ce qu'il lui partement de celle qui m'a donne la vie. (Cant, ni, 4.)
soit donne de s'unir a lui dans le bien de son re-
pos I a Je ne le lacherai point, jusqu'a ce que je le une espece deUcate d'amour, et
i. I/affection, est L'amonr ne
sapporte
fasse entrer, dans la maison de ma mere et dans le lamoindre occasion blesse la joie spirituelle. L'a- lea
distractioas
lit de celle qui m'a enfante. »aura lieu, Ce (pii mour ne supporte pas les occupations exterieures qu'avec
impatience.
quand cette creafure fortunee portera pleinement, il a assez de s'occuper de ses propres affaires : il

dans son corps et dans son ame, I'image de I'hom- se rejouit du repos, il est favorise par le calme,
me celeste. Par « maison, » entendez le corps, et voulant avoir son temps libre, pour vaquer a ses
par « lit, » I'ame, ou bien si cette explication, vous jouissances intimes. N'est-ce pas ce que I'epouse
parait preferable, par a maison, » entendez la pos- parait vous inculquer, quand elle entraine son
session assuree et par « lit » une possession secrete; epoux dans le secret de son appartement ? Elle sail
par « maison, » le sejour eternel et par I'habita- que dehors elle ne pent posseder son bien-aime,
tion intime, dans I'une la « maison » de I'eternite, en surete, ni meme entierement. Oh qu'il est dur,
1

comme parle I'Ecclesiaste, et dans I'autre, le « lit » a celui qui aime, de partager son ame entre Jesus
de la charite. [Ecd. xn, 5.) Dans I'appartement, oil et le monde ! (Ju'il est cruel, dis-je, d'introduire
la porte fermee, vous ne priiez plus le Pere, mais dans ce cpii devrait n'appartenir qu'a I'amour, les

du reste, vous I'adoriez en esprit et


oil, verite; dans soucis du dehors, et de troubler le secret celeste,
lamaison non du pere, comme il dit, mais de la par les agitations seculieres ! « Je me suissouvenu
mere, et dans I'appartement, de celle qui lui a don- de Dieu, » dit le psalmiste, « et j'ai ete inonde de
nee le jour. E!le connait sa mesure et c'est pour- delices, et j'ai ete agite, et mon esprit est tombe en
quoi elle porte son esperance, vers cette eternite, defaillance. iPs. Lxxvr, Zi. Si la delectation causee par
vers cette verite, vers cette charite, auxquelles est la pensee de Dieu exerce comme une affaire ; si

deja parvenue I'eglise des premiers-nes dans les elle epuise I'esprit du prophete, comment pourra-
cieux. Car en tant qu'on considere ce qui appar- t-il, avec cette pensee, embrasser plusiem"s occupa-
tient a Dieu, lui seul a I'immortalite, il habite une tions etrangeres? C'est done avec raison que I'e-
lumiere inaccessible (1, Tim. vi, 16. i Et au-dessus pouse gagne avec son bien-aime, son appartement,
de la science, s'eleve et domine, la plenitude de la afin de consacrer librement tous ses soins , a celui
charite de Jesus-Christ. f/7/>/!. ui, 19.1 Puisse-t-il qu'elle aime, de jouir de lui a son gre, et de I'em-
nous en remplir, en toute abondance, en lui-raeme brasser sans reserve, le coeur tranquille. Elle parait
qui est beui et regne aux siecles des siecles. Amen. conduite par I'esprit de charite, elle parle sous

bum Dei, et arctius adglutinare sibi, et in exilio colla-


terare,quousque copulari in cubiculo detur. N'o« dimit- SERMO XI.
tam ilium, donee introducam in domitin matris mew, et Teniti, nee dimittam ilium, donee introducam ilium in
in cubiculum genitricia mea>. Quod tunc liet, quando
domum matris meae , et in cubiculum genitricis mece.
corpore et mente plane portabit imaginem coelestis, ut (Cant, ni b.)
domus intelligentiam ad corpus, cubiculi vero ad men-
1. Delicata est species amoris affectio, et lenui occa-
tem reducas. .\ut si magis placet, in domo possessionem
accipe securam, in cubiculo secretam; in domo sempi- sione la-ditur laetitia spiritualis. Amor occupationum
ternam, in cubiculo internam; in domo (ut dicit Eccle- externarum impaticns est; suis satis habeas insenire
ncgotiis : otio gaudet, quielc fovetur, ad internam de-
siastes) a'ternitatis, ct in cubiculo caritalis. In cubiculo,
ubi clause ostio non jam ores patrem, se de cetero ado- lectationem libei-a habere tempora volens. .Vn non hoc
res in spiritu et veritate ; in domum non dicit patris,
ipsum tibi \idetur sponsa innucre, dilectum suum ad
sed matris et in cubiculum gcnitricis.
cubiculi secretum trahens? Novit ilia dilectum suum
; N'ovit ilia
mensuram suam, etideo spcm suam cxtendit ad illam non posse foiis secure possideri, nee infcgre quidem.
jEternitatem, veritatem, caritatcni quam assecuta est Et quam durum est amanti animum dimidiare cum
,

Ecclesia primitivorum in ccelis. Nam quantum ad ea Christo et mundo I Quam durum est inquam, in dilec-

qua; Dei sunt spectat, solus habet immortalitatcm; et tionis jura peregrinas admitlerc curas et cceleste secre-

ipse lucem tum saecularibus infcstare ilemor fui, inquit,


turbisl
habitat inaccessibilem, et supereminct
scientia" pleniludo caritatis (>tiristi, qui Dei, et delectattis sum, sum, et deficit
et exercitatus
nos impleat iu
spiritus meus. Si dclectatio memoria; Dei negoUo se
omncm plenitudinem in scipso, qui est bcnedictus Deus,
et rcgnat in omnia ssecula saeculorum. .Amen. excrcct, et cxhaurit spiritum Prophet* quomodo plura :

poterit ct pcregrina cum isto coniplccti ncgotia? Jure


ergo sponsa cum dilecto cubiculum petit, ut libcro
illi intendat studio, ct ex animi sui arbitrio perfrua-

tur, ct quicto pcctore peoitus amplcictur. .\pparet Ulam


6/1 L'ABBE GILLEBERT.
I'influence dc I'esprit d'epouse, \'^m(i qui cherche cet heureux sejour, au-dela duquel nos desirs Lai

ainsi lo moyeii favorable de satisfairo son amour. ne doivent pas nous entraincr, ni en decii duquel
cootemf
tioo
!
2. Et comment, nous, si nous goutons quelquc ils ne doivent pas nous retenir. Qui me donnera remporil
sur r actio
chos(! de Jt'sus-Clirist, de sa sagesse, de sa suavite, qu'il suit le lieude mon repos, au siecle du siecle?

dos (lelices produitos, par sa contemplaliou, nou Heureux, qui pent s'ecrier « C'est en cet endrpit :

conlcals dc cette grice, sans considi-rer, notre etroi- que j'habiterai, car je I'ai choisi » {Ps. cxxxi, iU.)
te capacite, nous elforcons-nous de nous ecliapper Marie « a choisi la meilleure part, qui ne lui sera
tout, de suite, de quitter en lit qui nous ennuie, en point ravie. {Luc. x, 62.) Les sciences seront dctrui-
sorlant du repos, et d'un pareil repos ? « Dans la les, les propheties seront effacees, les langues se
paix, en ce meme bien, » dit le sage, « je dormirai tairont, seule, la contemplation ne cessera pas dans
et me reposerai. [Ps. iv, 9.) Marie aux pieds du la visa venir. (I Cor.xui, 8.) Choisissez-vous, durant
Seigneur tenait ce bien lui-meme Marthe s'agi-
: la vie presente, cette portion, qui ne vous sera ja-
tait pour beaucoup d'affaires. Le trouble est dans mais ealevee ; que votre ame dise Le Seigneur est :

la multiplicito. Or, une seule chose est neccssaire mon parlage, c'est pour cela que je contemplerai.
etagreable. {Luc x, /42.) Qu'il est bon et qu'il est Le prophetc dit « C'est pour cela que je I'attendrai.
:

doux, pour ceux qui aiment d'habiter ensemble. C'est bien dit. U attend en effet la plenitude dubien,
[Ps. Lxvii, 7.) 11 n'y a pas d'autres moyens d'habi- celui qui en tieiit dvja une partie. Qui jouit surla
ter ensemble que I'amour, qui fait cohabiter les terre du bonheur de la contemplation, pent atten-
cimes dune meme facon dans une maison. Qu'est- dx'e davantage encore dans ce meme genre, mais il

ce a dire d'une meme facon, sinon que ces ames ne doit pas attendre un don qui soit d'une autre
sont reudues conformes, par le lien de I'amour ? espece.
L'amour attire vers Dieu de I'homme et s'u-
I'tlme 3. Ces biens sont des biens reserves pour plu-
nitalui. « Quand il se montrera, » dit i'apotre, sieurs annees, bien plus, pour toutes les annees.
« nous lui serons semblables. » {\l Joan, ui, 2.) C'est pourquoi, heurcuses ames qui jouissez de ce
Pourquoi pas semblables? La beaute inexprimable bien, mangez, asseyez-vous a des banquets ce sort :

de la majeste divine, manifestee aux esprits purs, ne sera point ote, il vous sera rendu et sera recons-
eclate d'elle-meme, elle ravit I'affection de I'ame titue avoc bien plus d'abondance. Voila votre re-
qui la considere et en quelque mauiere la rend
, pos, au siecle du siecle, c'est la que j'habiterai, car
semblable a elle-meme, quand elle ne lui permet j'ai choisi ce sejour : fixez-y votre demeure, aGn de
pas de penser a autre chose. L'odeur nous attire, vous trouver avec celui qui est assis sur lesCheru-
la vision nous transforme. L'usage de la contem- bius, sur la plenitude de la science et qui habite
plation est done excellent, il donne aux esprits des une lumiere inaccessible. Que votre lieu soit con-
allures semblables et il met dans un accord parfait sequemment dans la lumiere de la contemplation.
I'ame humaine el la majeste souveraine. C'est la, C'est la I'appartement propre et familier de I'Eglise,

spiritu carltatis daci, ct ex sponsae affectu locutam, haecsit requies mea in saeculum sseculi.' Felix qui ex
opportunitatcm oxcrcendi quae sic quseri tamoris. corde potest dicere Hie habitabo : quoniam elegi earn.
2. Et quomodo nos si quid vel tenuiter attingimus Maria opfimam partem elegit, quce non aitferetur ab ea.
de Ciiristo, dc sapicntia, de suavitale, de contemplatio- Sciential destruentur, evacuabuntur proplietise linguae ,

nis gustu, non coutenti gratia, nee mensuram contcm- cessabunt sola contemplalio non excidet in futupo.
:

planles nostram, statim erumpere conamur, et cubiculo Ideo banc tibi partem elige in praesenfi, quae non aufe-
fastidito festinamus egredi a requie, et ab ilia requie.' ratur umquam, ut dicat anima tiia Pars mea Dominus, :

In pace, inqiiit, in idipsum, dormiam et requiescam. propterea contemplabor cum. Propheta dicit Propterea :

Maria ad Domini pedes sedens idipsum tenebat tur- : exspectabo eum. Rccte quidem. Exspcctat enim boni
babatur Martha circa plurima. In multis turbatio; porro plenitudinem, cujus portionem jam tenet. Qui contem-
unum est necessarium, inio et jucundum. Deniquequam plationis bono hie fruitur, amplius quid exspectare po-
bonum et quam jucundum habitare amantes in unum. test in hoc genere, sed aliud quid non debet.
Alioquin non est habitatio in unum, nisi in araore, qui 3. Bona haec, bona sunt reposita in annos multos,
inhabitarc facit unius moris in dome. Quid est unius imo in annos cunctos. Ideo felix anima quae bono hoc
moris, nisi foedere conformes amoris? Amor humanum frueris epulare, comede; quia pars haec non repete-
:

animum Deo conciliat, et erimus


unit. Si'mdes, inquit, ei tur a te, sed refundetur et reformabitur uberius. Haec
cum opparuerit, Quidni similes.' commendat scipsam requies tua in sajculum saeculi, hie habitabo quoniam
mundis revclata mcntibus majestatis divinae inaestima- clcgi cam : hie inhabita, ut cum illo inhabites, qui sedet
bilis pulchritudo, ct intuentis in se affectum rapit, et super Cherubim, super scientiae plenitudinem, qui lucem
quadam rationc sibi facit similem, dum aliud cogitare habitat inacccssibilcm. Et ideo in speculationis luce sit
non Odore trahimur, transformamur autem vi-
sinit. locus tuus. Ilic matris tuae Ecclesiae proprius et domes-
sionc. Bonus ergo contemplationis usus, qui unius mo- ticus locus, haec ejus domus caeteraqua; exercent tem-
:

ris efficit et conformat humanam mcntcm, et summam poralis necessitatis ofticia, istum ad fincm respiciunt,
majcslatem. Bona hie mansio, ultra quam nee vota nos Actionis ofiicia transeunt permanent contemplationis.
:

Irahunt, nee citra tcnere nos debent, Quis det mihi ut Bonum est hie tibi esse, hie tibi tabernaculum fac.
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 55
voire mere, la sa maison : lout ce qui a pour objel accorde et reffet que produit la grice, et c'est ainsi

les necessites temporcUes se rapporle a cette fin. qu'il rend temoignage ii noire esprit. L'Esprit le dit,
Les CKUvres de la vie active passent, I'acte de la vie car c'esl lui qui le fait. II le dit, car il le donne. « En
contemplative subsiste lonjours. 11 vous est bon sorte,que desormais deja l'espril le dit, ils se reposent
d'y elre et fixez-y votre tente. Non pas une tente de leurs Iravaux. De leurs Iravaux,)) dil-il, el non de
pour vous, une pour voire bien-ainie, mais une
et leurs oeuvres. « Car leurs oeuvres les suivenl. )) Les
seule pour lui et pour vous. Introduisez dans ce ceuvres suivenl Tespril, comme la chaleur le feu,
lieu voire bien-aime, enlrez dans votre repos pour I'ombre le corps, la lumiere le soleil, Teffet sa cause.

vous delasser de vo3 Iravaux, comme Dieu se de- Qui observe sabbat en esprit n'a pas besoin de
le

lasse des siens. Le septierae jour, il sereposa du la- vaquer aux oeuvres, ses oeuvres le suivent. « Leurs
beur de la creation; le seplieme jour, il se reposa oeuvres. » Quelles sonl leurs oeuvres? quelles sont
lie est
aussi du labeur de la redemption, dans I'un apres les ceuvres de ceux qui se reposent, les oeuvres
iparce
sabbat. avoir donne I'existence au monde, dans I'autre, de ceux qui sont parvenus au sabbat du ciel?elles
quand il se coucha dans son sepulcre. Dans le pre- sonl en fetes, elles sonl en repos elles valent ces
:

mier, quand il fonda I'univers; dans le second, saints loisirs. Hatez-vous d'entreren ce calme, de
apres qu'il erit reforme riiumanite. Si vous avez parvenir en ce sabbat. Mais considerez que la jouis-
cherclie, si vous avez trouve, si vous avez tenu vo- sance de ce sabbat n'est laissee qu'i ceux qui sont
Irebien-aime, enlacez celui que vous tenez, altacboz ensevelis avec le Christ, elle n'est accordee qu'apres
vous a lui, imprimez-vous sur lui, afiu que son ima- le sixieme jour, ce sixieme jour, qui voil ou cruci-
ge soil refaile que vous deveniez sem-
en vous, et fier I'homme ancien, ou parfaire I'homme nouveau.
blable a cette divine empreinle. Vous serez sa copie Car c'est a cause de I'un qu'il est dit de ceux qui sont
fidele, si vous vous allacbez a lui Or « celui qui . morls dans le Christ, qu'ils se reposent de leurs Ira-
adhere au Seigneur devient un meme esprit avec vaux, et a cause de I'autre, que I'homme ayant ete
lui. » (I Cor. 17.) Peul-elre que d'abord, sou impres- cree le sixieme jour, Dieu se reposa le seplieme de
sion sur vous se fera difficilement, comrae s'il s'a- toutes ses ceuvres. [Gen. n, 2.) Etvous aussi, procu-
gissait d'unematiere diu'e : si la marque est penible rez-vous le sabbat, rachetez le temps, trouvez-vous
a graver, I'adhesion sera douce. Le sixieme jour de des oeuvres fibres de toute occupation exterieure.
votre reforme, sera laborieux, mais le doux sabbat 5. Mais prenez garde que les cnnemis ne tour- II faut fuir
du repos viendraensuite. roisivelS
nent vos sabbats en derision ; veiUez h ce que vos
dans le repos.
Zi. Ensevelissez-vous done avec le Christ par ce repos ne tournent point a leur profit, et que vous
sabbat pour mourir, car : « Bienheureux, ceux qui ne travailliez pour eux, vous qui deviez travailler
meureut dans le Seigneur ; desormais, dit Tesprit, pour Dieu, « Reposez-vous dit le Psalmiste, et
,

ils se reposeront de leurs Iravaux. » [Ap. xiv, 13.) voyez que je suis Dieu. [Ps. xlv, 11.) » Le repos est
L'espril le dit, c'esl la marque du repos, qui a ete bon, mais ecrivez la sagesse au temps de voire re-

Non tibi unum, et dilecio tuo umim, sod libi ct ipsi sequuntur illos. Opera sequuntur sipirifuni, sicut calor
unum. In lioc ciibiculum dilectum tuum ind'oduc, in- ignem, umbra corpus, lux solcm, eCfectus causam. Qui
gredere in requiem tuam, iit requicscas alaboi-ibiis tuis, sabbatizat in spiritu, non habct opus sectari opera :
sicut et a suis Deus. Seplima rcquievit ab opere insti- opera enim sequuntur ilium. Opera illorum. Quae sunt
tutionis; seplima rcquievit a laborc restitutiouis in ilia : opera illorum? Quae sunt opera quicsccntium, opera
postquam mundum condidit; in ista quando se in mo- mortuorum in Christo, consepultorum cum Christo,
numento recondidif. In ilia postquam fundavit mundana, opera sabl)alizanlium? Fcsliva sunt, feriata sunt otium :

in ista postquam reformavit liumana. Si quEosisti, si in- valent opera ista. Festina ingredi in banc requiem, in
venisti, si tcnuisli dilectum luum, tcnc quem tcncs;tcnc, hunc sabbalismum. Scd vide quod non relinquitur sab-
inhaere, imprimerc te illi, ut ejus in te velut e.xpressa re- batismus nisi conscpnltis cum Christo, non relinquitur
formctur imago, huic fias conformis sigillo. Eris aulcm nisi post sextam diem, post scxiam illam, in qua aut
si adha3scris Qui cnim adJin-ret Deo, unus est spiritus.
: vetus homo crucifigitur, aut novuspcrficilur. Nam prop-
Forle sicut dura; malcriie diflicultoi' in to primo lit ejus ter ilium dicitur, ut qui mortui sunt in Christo, re-
impicssio elsi laboriosa imprcssio, scd dulcis adliKsio.
: quiescant a laboribus suis; et propter istum, quod novo
Laboriosa est reformationis tuas scxta, scd dulcia sabbata condito homlne die scxta, seplima rcquievit ab operibus
quiotis scquuntur. suis Deus. Et tu quoque sabbatum libi compara, rc-
4. cum Chrisfo per bunc sabbatis-
Conscpclii-o ergo dimc tempus, et liberas ad cxteriori occupalionc boras
mum mortem. Beati enim mortui qui in domino
in vindica tibi.
moriunlur : amodo jam dicit spiritus, ut requiescant 5. Scd vide nc hostes dcridcant sabbata tua, no illis

a laborious suis. Spiritus boo dicit, collataj utiquc quie- serviant otia tua, ne illis Deo dcbuc-
vaces, qui vacare
tiscxbibitiono ct cllectu gratiao, quomodo cl ipse testi- ras. Vacate, inquil, et videte quoniam ego sum Deus.
monium rcddit spirilui nostro. Spiritus hoc dicit, quia Bonum olium, sed sapientiam scribe in tempore
est
spiritus hoc cl'licit. Ipse dicit, quia ipso donat. Amodo otii tui. Scribe iliam super latitudinem cordis tui. La-
jam dicit spiritus , ut requiescans luboribus suis, A la- tum enim cor, quod cune non arctant. Imprimc in intimo
boribus, inquit, nen ab operibus, Opei^a enim illorum cordis tui littcras quae non deleantur, ct cxara in tabu-
56 L'ABBE GILLEBERT.

pos. {Eccl. xxxviii, 25.) Ecrivez-la sur I'elendue de quez a vous-raeme et pensez ii plaire a Dieu. Le
votrc coeur. II osl large, le coeur que les soucis ne troisieme est tres-bou, si, vous oubliant, vous vous
resserreiit pas; imprimez dans I'intiuie de votre appliquez ii Diou soul el pensez a ce qui est de lui,

coeur des lettres qui ne s'efTacent jamais, et gravez comment ce grand etre vous plaira lui-meme. Que
dans les tableltes de votre anie les caracteres de la votre sabbat ne soil pas un jour de paresse ; operez
sagesso, que vous puissioz dire « La lumiere
aliii : les anivres de Dieu. L'oeuvre de Dieu, c'est que vous

de voire visage a ele imprimee sur nous. Seigneur, croyez en lui. Par la foi, vous voyez. Nous voyons

vous avez mis la joie dans mon coeur {Ps. iv, 7). » k present comme dans un miroir : c'est pourquoi
Rojouissez-vous, passez un jour de fete avec votre attachez-vous a voir. C'est chose delicate que la
bien-aime, et failes un fcslin, comme il est ecrit, a vision, et surlout la vision de Dieu. 11 n'y a pas de
I'entrec d'une pareillc gloiro. « Le sabbat, comrae nccessite pour vous, du reste, de combatlre pour
parle Isaie, est delicat, et saint et glorieux. Delicat, la foi, mais seulement de vous enivrer de delices
dit-il, et saint [Is. lviii, 13). Tout oisif est livre aux en elle. Maintenaut olle est arracbee aux contradic-
desirs [Prov. xxi, 25), » mais tous les desirs ne sont tions de la populace qui la persecute, et de I'here-
pas saints ; de ce genre sont les envies qu'eprou- tique qui la perverlit. Placez-la en tele de vos pen-
vent ceux qui veidcnt s'enricliir, et qui par la tom- sees, afin d'avoir des pensees fideles et anciennes.
bent dans l)eaucoup de fantaisies inutiles et dange- Amen. * Dam
reuses. (/ Tim.w, 9.) Voyez comment I'Apotre I'ange SERMON XII. •
manuscrit
Clairvaux
parmi les vices la multitude des desirs. Que serait- Je I'ai saisi, je ne le Idcheraipasjusqu'a que ceje I'inlro- sermon /.
ce si imjmrs ? Car plusieurs qui ne
ces desirs etaient duise dans la chamhre de ma mere. (Cant, ui, h.) suite avei preceden
peuvent pas agir roulent en secret, dans leur esprit, 1. lis ne savent pas avoir des pensees anciennes,
des peusees qu'il est honteux meme de dire, sc ceux qui cberclieut les nouveautes des paroles, qui Ce qu'il fi

faire
consolant en un remede si leger. Pour distinguer forgeut des dogmes recenls, qui u'evitent pas les dans le re{ I

tout ceci, non content de dire le a sabbat delicat, » desirs de jeunesse, qui n'ont rien qui soit plein de
Description
du le Prophete ajoute « et saint et glorieux au Sei-
saint repos.
:
gravite, d'autorite et du poids de Page ; il n'y a pas
gneur,)) afin que votre gloire netombe pas en con- dLamen la oil se trouve, ou bien la dispute, ou bien
fusion. Si vous avez du loisir, vous avez le sabbat; la deception des idees ; Ki ou regne Tinfidelite, la
si vous voyez et contemplez les joies du Seigneur, oil la foi est tlotlante. Entrez dans les ports assures
deja votre sabbat est delicat et saint , il est le « sab- de la foi, introduisez le bien-aime dans
Triple repos
I'apparte-
bat glorieux du Seigneur le sabbat du sabbat,
» :
ment de votre mere, afin que tous vos sentiments,
c'est-a-dire le repos du repos. Le premier repos est que vos manieres de voir relativement au Christ
bon, si vous ne vous appliquez pas aux cboses du soient renfermes dans les regies de I'Eglise et
monde. Le second est meilleur, si vous vous appli- chaties par sa censure operez ces ceuvres-la dans ;

lis spiritualibus signa sapientiae, ut dicere possis : S?'- Dei est ut credas in cum. Fide vides, Yidemus enim
gnatum est super hnnen vultus tut Domine, dedisti
>ios nunc per speculum : ideo vaca ut videas. Delicatum
Icetitiam in cordemeo. Lsetare et diem festum age cum plane opus est \l3i0 et visio Dei. Non est tibi nccessi-
dilecto, et cpulare, sicut scriptum est, in introitu glo- tas de reliquo dimicare pro fide, sed tantum deliciari
riae hujusmodi. Sulbatum, juxta quod dicit Isaias, deli- in ea. Erepta est jam de conlradictionibus persequentis
catum est, ct sanctum, et gloriosum. De/icatum, in- populi, et pervertentis haeretici. Constituc eam in caput
quit, et sanciu})i. In desiderits est omnis otiosm, sod cogitationum tuarum, ut cogites cogitaliones fideles an-
non sunt omnia sancta eorum qui vo-
desideria, qualia tiquas. Amen.
lunt divites incidunt in desideria muKa
fieri, et per lioc
SERMO XII.
inutilia et nociva. Yides quomodo Apostolus multitudi-
Tenui, nee dimittam ilium, donee infroducam ilium in
nem desideriorum in vitio ponit. Quid si et immunda
domwn nmtris meoe. (Cant, m, b.)
fuerint? nam et mulli quia agere non possunt, in oc-
culto cogitant quas turpe est et dicere, tenui se in hoc 1. Nesciunt cogitaliones antiquas habere ,
qui no\-ita-
solantes remedio. .'\d horum distinctionem non conten- tes verborum cxquirunt, qui nova excudunt dogmata,
tus dicere sabbatuin delicatum, adjecit, et sanctum, et qui juvenilia desideria non declinant, qui nihil habent
Domini gloriosum, ut non sit in confusione gloria tua. gravitatis, nihil auctoritatis, nihil antiquitatis plenum :

Si vacas, sabbatum habes si vacas ct vides, et con-


: non est ibi amen, ubi est aut disceptatio, aut deceptio
templaris delectationes Domini; jam sabbatum tuum cogitationum; ubi aut infidelitas est, aut fluctuat fides
delicatum est et sanctum, et sabbatum Domini glorio- ipsa. Ingrederc in tutos recessus fidei introduc dilec-
sum : sabbatum ex sabbato, id est vacatio de vacatione. tum in cubiculum matris tuse, ut quidquid de Christo
Prima vacafio est bona, si mundo non vacas. Secunda sapis, quidquid sentis, intra Ecclesiae constringas regu-
quidem est melior, si tibi ipsi et vaces, et cogites quo- las, ad ejus castiges censuram hujusmodi opera ope- :

modo placcas Deo. Tertia est et optima, si etiam tui rare in sabbato tuo. Alioquin si vacas, et talibus non
oblitus, soli Deo vaces, et cogites quae Domini sunt vacas sludiis, facile in vacuo animo cogitaliones vans
quomodo tibi placeat ipse. Non sit desidiosum sabba- et venenata crumpent consilia. Denique sicut habes
tum tuum, operare in sabbalo tuo opera Dei. Opus enim agrum hominis pigri urticre et spinw obsident, ct Evan-
;

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 57

voire sabbat. Autrement, si vous avez du repos et dans les puissances du Seigneur, car la paix est
ne vous appliquez pas a des objets semblables, des dans sa force. Souvenez-vous de la justice, (jue hii

pensees vaines et des desirs empoisonnes envabi- seul possede, pour qu'en vous se rencontrent la

ront votre esprit oisif. Ensuite, comme vous savez justice et la paix. Souvenez-vous de la justice, que
que « les orties et les epines reraplissent le champ lui seul possede, que possedez-vous que voCis
car,

du paresseux [Prov. xxiv, 31), ainsi I'Evangile vous ne I'ayez recu? (/ Cor. \m, 7.) De la justice que lui
dit que « deux etaut dans un lit, I'un sera enleve seul possede. Bonne justice que vous defendez dans
et I'autre laisse » [Malth. xxiv). EUe est comparable une sorle de combat contre les vices qui vous cha-
a un lit, la vie tranquille et calme de ceux qui vi- touillent. Plus heureuse quand, ne combattant pas
vent dans le giron de I'Eglise, Texistence de ceux pour elle, vous trouvez en son sein vos delectations
qui ne sout pas attaches au fardeau d'un emploi quand vous ne lutlez plus, vous jouissez; quand
ecclesiastique, ni occupes du soin de pourvoir aux vous n'etes pas aux prises avec les vices, vous
besoins des autres et de les gouverner, et qui, sous etes en douce relation avec la vertu. Vous la posse-

la conduite d'un superieur, jouissent en liberte de dez, vous n'attaquez pas les vices, lorsque, oubliant
leurs loisirs. Tous cependant ne jouissent pas ce qui est en bas, vous pensez, non a ce qui est

comme il convient de ces loisirs qui leur sont dus ;


de I'homme, mais a ce qui est de Dieu, et vous
mais dans le temps libre qui leur est donne, ils souvenez de la justice que lui seul possede, lorsque
trouvent occasion de se livrer a la paresse. la justice et la paix s'embrasseront en vous, car le

Le lit est bon si on en fait un usage legitime,


2. regne de Dieu , « c'est la justice, la paix et la joie

et si on profite du repos qu'il menage a I'exterieur [Rom. XIV, 17). Si royaume, pourquoi pas et mai-
pour vaquer au plaisir de la contemplation inte- son et appartement ? « Car sa demeure a etc placee
rieure. Ceux qui agissent ainsi seront transportes dans la paix et son habitation dans Sion. » (Ps.
du lit actuel de I'Eglise a ce lit celeste oil se repose Lxxv, 3.) Entrez dans le sejour de la paix, de la
le Christ, pour s'y trouver avec lui. La ou sera le paix exterieure, mais plus encore de la paix inte-
corpSj la s'assembleront les aigles [Malth. xxiv, 28). rieure, dans la maison de la contemplation ; car
Et vous, soyGz comme un aigle, ayez des yeux bril- Sion veut dire contemplation. « Dans la paiXj dit

lants, habituez-vous a la conteiiiplation spirituelle, le Psalmiste, en ce meme bien, je dormirai et me


demeurez dans les rochers, habitez les roches sau- reposerai « [Ps. iv, 9.) « En ce meme bien » se

vages ; bien plus, entrez dans les ouvertures de rapporte a la contemplation. C'est la la part qui ne
cette pierre singuliere qui est le Christ. Retirez- sera jamais enlevee. Enfin I'epouse s'endormit avec
vous, selon la parole d'Isa'ie [h. xxvi, 20), dans vos le bien-aime dans le lit de sa mere, et dans les em-
appartements, fermez les portes, et cachez-vous brassements de son epoux elle eprouva I'extase

pour un moment, jusqu'a ce que la colere ait passe. d'une ame livree au sommeil. C'est pourquoi on lit

Ou plutot soyez cache, afin que la charite demeure a la suite : « Je vous adjure, » etle reste.
pour jamais. Cachez-vous dans I'asile de la paix, 3. Et vous aussi, si vous avez saisi I'epoux, tenez-

gelia ibi dicunt, quia duo eimnt in lecto ; unus adsu- quia quid babes quod non accepisti? Justitiae ejus so-
ynetur, alter relinquetur. Quabi lectus quidam est otiosa lius.Bona justitia, quam adversus titillantia vitia tibi
vita et qiiiela in Ecclesiae gremio degentium, eorum pugna quadam defendis. Pelicior, ubi non dimicas pro
qui nullo sunt ecclesiastici muneris oncre occupati, nee justitia, sod magis deleclaris in ea : ubi non conflicta-
providentiae ct dispensalionis sollicitudine distenti, sed tioni studes, sed delectationi; non scris cum vitiis jur-
libcro uluntur otio sub alieno regimine. Non tamen hoc gium, sed commercium cum virtute contrahis. Istapos-
otio omnes
rite etjure debito fruuntur, sed libertatem sides, non impugnas ilia ubi posteriorum oblilus, non
:

quam obtinent temporis, dant in occasionem lorporis. cogitas quae hominis, sed quaj Domini, et mcmoraris
2. Bonus enim lectus, si quis eo legitime utatur, et justitiae ejus solius, cum justitia ct pax in to osculatae
opportunitatera cxterioris quielis in voluptatem con- se fuerint Regnum enim Dei jmiitia, et pax et gau-
:

vertat visionis internae. Hi sunt qui assumentur ab hoc dium. Si regnum, quare non ct domus et cubiculum?
Ecclesiae cubiculo ad illud ccclesle, ut ubi Christus est, In pace enim factus eat locus ejus, et liabitatio ejus in
et ibi sint cum ipso. Deniquc ubi fuerit corpus, illic Sion. Ingredere in cubiculum pacis hujus quidcm cx-
congrcgabuntur et aquilae. Esto tu quasi aquila, et acu- terioris, sed magis illius intcriuris, in liabitalionem spe-
tis utere luminibus spirituali assuesce contemplationi,
: culationis quia Sion spcculatio interpretatur. In pace,
:

commane in petris, et inpraeiuptis commorarc silicibus, inquit, in idipsuni dormiam et requicscam. Idipsum ad
imo in singularis illius petra^, qua? Christus est, ca- speculalioncm refer, quia ha'c est pars optima qua; non
vernas ingredere. Intra, juxla Isaiaj verbum, in cubicula aufcrelur. Deniquc ct sponsa obdormivit cum dilecto in
tua, Claude ostia tua, et absconderc modicum ad mo- cubiculo matris sua;, et quemdam passa est soporala;
mentum, donee pertranscal indignalio. Magis vcro abs- mentis exccssum in amplcxu sponsi. Idco scquilur;
conderc, in ffitcrnum ut dclcctatio maneat. Intra in cu- Adjuro vos, et ca'tera.
birulum pacis, in polentias Domini quia pax in vir-
: 3. Et ergo si sponsum apprchendisti, teno, noc
lu
tutc ejus. Memorare justitia; ejus soHus, ut in to sibi dimilt;isdonee introducas in domum el in cubiculum
obvient pax etjustitia. Memorare justitia; ejus solius, matris tua;. Quid ego nunc tibi pcrsuudco, ad quod te
:

LABBE GILLEBERT.
le done, ne le laissez pas partir jusqu'a c€ que vous sera suave. ^Vinsi dormil Jean incline sur la poi-
•de
Ucarttipli- rintroduisiez
dans la demeure de votre mere. trine de Jesus, oil sent caches tons les tresors de la
PoTirquoi vous recommander a present ce a quoi sagesse et de la science de Dieu. La est le lieu du
I'esperience de la douceur que vous avez coutoe veritaMe rei>o5, la serenite de I'intelligeuce, le
vous attire el vous invite beaucoup plus fortement ? sanctuaire de la piete, le Ut de la delectation. Dor-
Si quelqu'un, en
effet, a pu, dans son esprit libre, mez en cet endroit, pour voir ce que vit cet Apotre,
a la derobee et comnie en eclair, eprouver les joies « le Verbe dans le principe » {Joan i), le Verbe chez
heureuses de cette meditation elevee, je ne sais le Pere, et le Verbe Dieu, et pour comprendre dans
s'il est une autre occupation a laquelle il se porte le Christ la coeternite d'existence avec le Pere, la
avec plus d'entraiuement, que de se donner entie- diversite personneUe et I'unite consubstantielle,
rement et sans reserve k cette suave application. que trouvez-vous de plus semblable au sommeil ?
Les premieres douceurs de la ravissante contem- La ne peuvent peuetrer les regards de I'homme, la
plation attiraient lepouse et i'appelaient au lieu du ne peui sintrodutre la raison. L'homme ne verra
repos oil elle se flatte qu'elle introduira le bieu- pas ces mysteres sans mourir. II vous est done bon
aime. « Je ne le lAcherai point jusqu'a ce que je le de vous endormir, d'etre enseveli dans I'oubU des
fasse entrer. » Ne vous «emble-t-il pas qu'elle vous sentiments et des affections humaines, afin de pou-
dit ce qui ^t exprime par ces paroles du Psaume : voir dormir un lei somraeU. La est le lit des apo-
« Si je donne le sommeil a mes yeux, si je laisse tres qui nous ont ecgendres dans le Christ. Paul
gouter le repos a mes paupieres, jusqu'a ce que je est comme une mere lorsqu'il s' eerie « Mes petits :

trouve ime place pour le Seigneur Ps. cxxsi, » !i , enfants, que j'eufante de nouveau jusqu'a ce que
je quitte tout pour ne pas le quitter. Je regarde Jesus-Christ soit forme en vous {Gal. iv, 19.' »
toutes clioses comme une perte, afin de gaguer Voila la mere; voulez-vous le lit? « Notre vie est
Jesus-Christ, et d'obtenir la joie sureminente que " dans le ciel [PhiL iii, 20j. Voulez-vous le sommeil?
cause sa pre;ence. « Si deus dorment ensemble, Us « Par I'esprit, dit-U, nous sommes ravis en Dieu.

se rechautieix)nt muiuellemerii ; un seul, comment [I C-or. v, 13;. »


se rechauffera-t-il ? Ecd. iv, 11.^ » Cest I'Eccle- !x. Passez en ce lieu avec voire bien-aime, res- Qnelle es
siaste qui parle ainsi. II est bon d'etre rechaulfe et tez-y, meditez ces mysteres, vivez en eux OU si
lacoot^mp
tion
d'etre enflamrae dansembrassements du Verbe
les vous pouvez y aiteiadre, soyez plus retenu
lie ; si de cenx q
ne sont
(car la pai-ole du Seigneui- est grandement bni- vous ne pouvez reposer sur la jwitrine de Jesus, la
B^os pas parfai
et somiDeil lante , et d'etre bouillonuant de desirs spirituels : oil se trouve la source dune sagesse inepuisable, I

deU
eoatempU- cest pourquoi je ne livrerai pas mes yeux au som- reposez-vous entre ses epaules, oii vous contemple-
tion.
meil, et mes paupieres ne connaitront point de rez les exemples et les mysteres de sa patience.
repos, jusqu'a ce que je I'introduise dans le lit de Entre ses epaules, « car sa principaute a ete eta-
ma mere. Alors je me reposerai, et mon sommeil blie sur ses epaules Js. ix, 6. » Et il a ete dit de

ipsa experienlia perceptae dulcedinis multo magis invi- tionis cubiculum. Hie dormi, ut videas quod ipse >"idit,
Si quis enim feriato animo furtim et quasi
tat et allicit? Yerbum in principio, Verbum apud Deum, et Verbum
ia raptu praelibare potuit liberae meditationis festiva Deum, et iatelligas in Chris to cam Pat re exsistendi
gaudia, nescio si quid UDqaam lib^itias agat, quaoi ut coaetemitatem, personalem diversitatem, et unitatem
huic totum et ex integro se studio tradat et expediaL consubstantiaJem. Quid tibi >idelur siniilius somno?
Deniqae trahebant spoosam prima poichrs contempla- Hue se non possunt humani jactare intuitus, irrumpere
tjonis bkndimeota, et ad qoietis provocabant cubicu- ratio. Deniqae non \idebit haec homo, et vivef. Bonum
lum, quo dilectnm introducturam se Ista gratulatur. est ei^o le obdormire, et humanorum sensuum et affcc-
Aon dumttani iUtun donee iKtroducam. Annon tibi vi- tuum obli\ione hujusmodi somnia somniare
sopiri, ut
detur quasi dicere his verbis illud de psalmo Si de- : possis. Hoc Apostolorum cubiculum est, qui nos ge-
dero sonutum ocuUs meis, et palpebris meis dormiia- nuerunt in Christo. Quasi mater e*t Paulus, com dicit
tkmem donee mveiuam ioctun Dotmno? Omnia dimit- Fiiioli mei quos iterum parturio, donee formetur Chris-
io, ne dimittam illom. Omnia detrimeDtum facio, ut tus in voLis. Matrem habes vis habere cubiculum? :

Christum lucriSciam, propter supereminentem laetitiam yosira, Inquit , conversatio in caelis est, \is somnum.'
praesentiae ^us. Sj dormierint duo, fovebiudur muiuo : Mente, inquit, excedimus Deo.
imus quomodo calefiet ? Ecclesiastes hoc dicit Bonum 4. Hue er^o transi cum dilecto, hie mane, haec medi-
est foveri et inflammari in amplesu verbi; (ignitum tare, in his esto aut si istic pertingere non potes, tem-
:

enim eloquium Domini veh^oenter) et spiritualibus aes- peratius age si non potes recumbere in pectore Jesu,
:

taare desideriis ideo non dabo somnum ecu lis meis,


: ubi indefessae puteus sapienti* requiesce inter scapu-
;

et palpebris meis dormitatiouem, donee introducam las, ubi patientias ejus exempla mysteria contempleris
et
ilium in cubiculum matri meae. Tunc quiescam, et sua- Inter humeros ejus : quia prina'pafus foetus est super
Tis erit sonuus meus. Quasi dormi^it Johannes recum- humerum ejus. Et de Benjamin dictum est, quod aman-
bens in pectore Jesu, ubi recondiU sunt omnes the- iiifimus Domini infer humeros requiescef. Requieril
sauri sapientja? et scientia Dei. Ibi verae quietis locus, quidem etobdormivit Jesus in cruce, ut et tu cum ip-
intelljgenliffi serenum, sanctuariuia pietatis, delecta- se in Passionis ejus fide et memoria dormia'= :

,11
»

SERMONS SLR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 59

Benjamin, « que le tres-grand ami du Seigneur core : « Je I'ai saisi et ne le lacherai point. » Faut-
reposera entre ses epaules {Dent, xxxiu, 12). il tant de soin et de zele pour retenir votre bieu-
Jesus se reposa et s'endormit sur la croix, aQn que aime apres I'avoir saisi ? S'il est epoux, il repond

vous aussi vous dormiez dans la foi et le souvenir d'une facon pareille a celle qui I'aime : Comment
de sa Passion ; ou plutot entre ces places, allez et ne s'attache-t-U pas a vous de lui-meme et ne
venez, entre la poitrine et les epaules, entre les vous etreint-il pas de son propre mouvement ? En-
mystores de la foi et la manifestation de la verite. fin, le zele impatient de ceux qui aiment a ce
Dans I'un de ces cotes, etablissez votre demeure, et caractere; repousse, il revient avec importunito,
dans I'autre, votre lit. Le grand ami du Seigneur, et une vive ardeur ne connait pas la pudeur. Or,
Benjamin, demeurera tout le jour comma dans un maintenant vous dites : « Je ne le lacherai pas, »
lit, et il se reposera entre ses epaules. Vous aperce- comme s'il s'efforcait de fuir s'il n'etait pas retenu
vez comment il place le lieu de son repos entre avec effort. S'il aime, comment voudra-t-il partir,
les epaules ? Que sera-ce done dans la poitrine ? La ou se laissera-t-il arracher ? Ou bien, est-ce un
et la il
y place pour une belle contemplation, entre soupcon d'amour qni vous inquiete et une crainte
les epaules et sur la poitrine. Mais il y a plus de inutde de perdre, dans votre grand desir de le II n'y a pas
le

grace dans la poitrine ; elle est le foyer de I'a- garder ? n'y a pas cependant de crainte vaine, k craindre
II
que Dieu
mour, le siege des pensees, elle donue la facdite la oil 1 issue de I'affaire est incertaine. La frayeur Doas qnitte,
maisqnenoas
pour etreindre, et fournit la faculte de considerer n'estpas inutile au milieu des dangers. Ce qu'il a le qmtuons.
le visage. Le lit nuptial est done bien dans la poi- plus a redouter, c'est noire legerete naturelle. Car
trine de Jesus ; bien plus, cette poitrine est un ti'e- I'epoux est Dieu, et il ne change pas. Votre lege-
sor. La sont et les delices de I'epoux et les riclies- rete innee vous met bicu pres de la chute, et si
ses du Verbe, parce qu'en lui sont caches tous les vous n'etes solidement attachee, vous serez facile-
tresors de la sagesse et de la science de Dieu. Pe- ment emportee par I'instabilite d'un esprit sans
netrez dans ces tresors, cachez-vous loin du tu- consistance.
multe des hommes, dans le secret de sa face, et 2. Mais appliquous ces paroles a I'Eglise primi-
Exposition
que person ne ne vous excite ou vous reveille que tive. Elles paraissent lui convenir, tpiand, animee alligorique.

vous ne le vouliez. C'est ce qu'exprime I'adjura- d'une conGance prophetique, elle defendait, con-
tion que prououce i la suite de ce passage I'epoux, tre les attaques des persecutions, les droits de la
le Christ Jesus, qui vit et regne au siecle des sie- foi etde la charite. Voyez conibien de malheureux
cles. Ameu. se sont efforces ou de detruire ou de souiller cette
SERMON XIIL union spirituelle de Jesus-Christ et de I'Eglise.

Je I'ai tenu,je ne le laisserai point parlir, etc. Considerez les debuts de cette societe sainte, quand
(Cant ui,li.) elle etait allaitee, et que, nouvelle fiancee, elle se
1. L'explication de ce passage nous occupe en- hatait pour recevoii" les premiers embrassemeuts de

vel potius inter istas sortes discurre inter pectus ultro cohaeret tibi, et adstringitur gratis? Denique hoc
et humeros, inter fidei mysteria, et manifestatio- habet impatiens zelus amantium, ut etiam expulsus im-
nem veritatis. In altcro fac (ibi donium, in altero cu- portune se ingerat, et pudorem dediscat Eemulatio dura.
biculum. Amantissinius Domini Benjamin quasi in tlia- Nunc aulem dicis : .Yo/i dimittam ilium, quasi decli-
lamo morabitur tota die, et inter humeros requiescet. nare volenteni si non instanlius retineatur. Quomodo si
Vides quomodo inter humeros thalamum collocat ?Quid amat, aut declinarc volet, aut avelli se sinet? An forte
ergo erit in pectore? Utrobique plane contemplationis suspicionibus amatoriis moveris, et supcrvacuo quodam
pulcrae locus, et inter humeros, et inter ubera. Sed ube- melu amittendi, pro multo affectu retinendi? Non est
rior gratia in pectore, ubi amoris locus, cogitafionum tamen supervacuus timor, ubi exitus in ancipiti pendet.
sedes, amplexus occasio, et cernendi copia miUus. Bene Non est supervacuus inter pcricula metus. Sed domes-
ergo in pectore Jesu thalamus, inio et thesaurus. Ibi tica tibi niagis mctuenda est levitas. Nam Deus ille,
enim et delicise Sponsi et divitias Verbi qiua in illo : et non mutatur. Innata tibi levitas vicina est lapsui, et
absconditi sunt omnes thesauri sapientiije et scientise Dei. inslabili quodam vaga? mentis motu facillime abriperis,
In hos ingredere thesauros, abscondc te in abscondito, si non firme adhaeseris.

faciei ejus a conturbatione hominum, et nemo te exsus- 2. Sed nos jam ad primitivam verba hicc refcramus
citet neque evigilare faciat, donee ipse veils. Denique el Ecclesiam. Ejus enim esse \identur, fidci et caritatis
hoc habet ea quae subsequilur adjuratio sponsi Christi jura advcrsus persccutionmn injurias prophetica quadam
Jesu, qui vivit et rcgnat in saecula saeculorum. Amen. praesumptione sibi dcfcndenlis. Vide etenim quam multi
SERMO XIIL conati simt spirituale hoc Cliristi et Ecclesia;, vel divel-
lere, vel adulterareconnubium. Contemplare adhuc ini-
Tenui nee dimittam ilium, etc. (Cant, in, b.)
tia lactentis EccIesiiP,quando vclut nova nupLi in pri-
1. Adhuc capituli hujus nos discussio tenet Tenui, : nios Christi propcrabat amplexus. Quid furoris, quid
nee dimittam illurH. Itane adhibonda est diligcntia et fiaudis illis, Jesu bone, sustinuit dicbus Oporlebat qiii- !

studium, ut dilcctus tuus apprchcnsus relineatur? Si dem huMCses esse, oporlebat ct perscculioncs esse, ut
sponsus est, amanti respondet ex aequo : quomodo non tanto adhBcrerct dilccto lenacius, quanto ab ejus vol
I
60 I/ABBE GILLEBERT.

Jesus. bon mnitre, f{ue de fureurs, rpie do frau- prouve la verite, ne les presentant pas ou ne les

des elle cut a subir en ces jours ! II


y fallait qu'il divisant point comrae ilconvient. Elle diviserait sa-
eut dcs heresies, il fallait que des persecutions ecla- gement, si elle distinguait I'observation de la lettre

tassent afin qu'elle s'attachat avec d'autaut plus de de son interpretationsi elle assignait un temps a ;

force i son bien-aime, fpa'elle se voyail arrachee un temps a sa nouveaute. II y a un


son antiquile et
avec plus de violence a sa foi et h la confession de temps pour coudre et un temps pour dechirer.
sa gloire. « Qui, s'ecrie I'un des apotrcs, an nom Tout a la fois, I'un a ete ordonne et I'autre predit.

de toute I'Eglise, qui nous separera de la charite Mais la figure se trouvait dans I'un, et I'autre etait
du Christ? (/?ow. vm, 35.) » On ne vit pas en eux sous la ligure. Et I'Eglise divise et dechire ce qui
se corrompre la verite de la foi ; on n'y vit point avail ete cousu, et si parfois elle connait la lettre
captive la liberte du temoignage. « A cause de selon la chair, la synagogue ne connait plus celui
Sion, dit le sage, je no me tairai pas, et a cause de qu'elle tenait enveloppc sous les symboles, et elle

Jerusalem, jc ne me reposerai jamais {Is. lxii, 1.) » I'abandonne quand il est decouvert.

Battus dans la synagogue, les disciples recoivent 3. L'Eglise dit ; « Je le tiens et ne le licherai
I'ordre de garder le silence. Mais, a cause de Sion, pas. » La synagogue le reprouve, et merae adresse
lis ne se taisent nuUement ; et pour I'amour de des roproches ; mais I'Eglise ne craint pas, en en- L'Eglise
cette Jerusalem charnelle , ils ne reposeut point. teiidant la voix qui Wame et qui murmure, en se ne qnitte pai
le Christ
Synagogue vraiment charnelle, qui eteignit en trouvant en face de I'ennemi et du persecuteur. Le b. caase ds
tourmentib
elle res[)rit vivifiant et s'efforca de I'eteindre dans serviteur mechant dit dans son coeur : « Mon mai-
I'Eglise. Elle ne voulut pas connaitre le Christ, et tre tarde a venir. [Matt, xxiv, Zi8.) » Et alors il

a cause de ce crime, elle fut livree au sens rc- frappe les serviteurs du Seigneur, parcc qu'ils cuu-
prouve. Elle rejeta la pierre eprouvee, la pierre iiaissent et annoncent I'arrivee du Juste; mais eux,
choisie prit le parti de meconnut a cause de Sion, ne se taisent pas, et a cause de Je-
ATeuglement
Qj„.-jt .
; elle
^jj^ ^j,-^ ^^ ^^^^
la loi et
jg ^^ science, n'y entra pas,
le

rusalem, ne se donnent point de repos. Les en-


ils

r^robation et ne permit pas aux autres d'y entrer. Pourquoi nemis peuvent frapper leur corps ; ils ne peuvent
nous fermes-tu la porte, qnand le Christ nous I'a separer leur ame de I'union avec le Christ. Les
ouverte ? Sur son epaule est la clef de la maison de fouets inculquent plus fortemcnt dans leur coeur
David, qui ouvre et personne ne ferme, qui ferme I'aniour de Jesus. Flagelles, menes en prison , trai-
et personne n'ouvre. [Is. xxu, 22.) Elle ouvritpour nes devant les tribunaux, ils se rejoiiisseut dans
les Gentils et ferma pour les Juifs. L'aveuglement toutes ces epreuves, parce qu'ils ont ete trouves di-
est, en effet, sur Israel en partie, aQn que la pleni- gnes de souffrir de la honte pour son nom sacre.
tude des nations entrat. La Judee est aveugle, et « Je I'ai saisi, je ne le lacherai pas. » L'Eglise I'a

sous le voile de la lettre, elle ne salt pas trouver tenu, parce qii'elle n'a pas craint. Elle n'aurait pas
une issue. La synagogue preche le voile, elle re- craint, quand meme la terre serait ebranlee, et

fide, vel confessione vehementius se abrumpi videbat. enim et Ula praecepta sunt, et ista praedicta sunt. Sed
Quis nos, inquit unus pro universa Ecclesia, separabif in illis Ecclesia jam ista dlvidit
figura, ista sub figuris.
a cariiate Chiisti? Denique non est in illis vel fidei et scindit quae fuerant consuta et si novit llfteram :

corrupta Veritas, vel confessionis obturata libertas. aliquando secundum carnem, sed jam non no^it Syna-
Propter Sion, inquit, non tacebo et propter Jerusalem , goga quem involutum quasi tcnuit, revelatum dl-
non quiescam. Csesis in SjTiagoga Discipiilis dcnuncia- mittit.
tum est ut tacerent. Sed 1111 propter Sion non tacent, 3. Ecclesia dlcit Tenui nee dimittam. SjTiagoga re-
:

et propter Jerusalem illam carnalem non quiescnnt. probat, imo et exprobrat sed Ecclesia non veretur a :

Vere carnalis Sjnagoga, quae vivlficantem in^se extinxit voce exprobantis et obloquentis, a facie Inlmici et per-
spiritum, et Ecclesiae extorquere conatur. Non probavlt scquentls. Denique scrvus llle nequam dlcit in corde
Christum habere in notitla: ideo tradita est In reprobum suo Moram facit Dominits meus venire. Et ideo per-
:

sensum. Rcprobavit enim lapidem probatum, lapidcm cutit pueros Domini, quia jam ejus noverunt et nim-
elf'ctum tenult legem, sed Christum ncschit
: tullt : ciant adventum sed 1111 propter Sion non tacent, et
:

clavem sclentiae, nee ipsa introivit, nee alios intrare propter Jerusalem non qulescunt. Corpus possunt per-
permisit. Quid nobis claudis, quibus Christus aperuit? cutere, non possunt ab animo Christum excutere. Fla-
Super humerum ejus clavls domus David, quae apcrit gellis (irmius llgata est in corde corum afFectlo Christ!.
et nemo claudit, claudit et nemo aperit. Aperuit gen- In Sjmagogis flagellati sunt, in custodias traditi, ad ca-
tibus,etclausit Judaeis. Caecitasenimin Israel contingit ex thedras tracll sed gaudent in his omnibus, quia digni
:

parte, ut gentium plenitudo intraret. Caeca est Juda}a, habiti sunt pro nomine Jesu contumelias pati. Tentii,
et In litterac velamine ostium invenire nesclt. Synagoga nee dimittam ilium. Tenult, quia non timuit. Non ti-
praedicat velamen, reprobat veritatem, non rccte vel muit dum turbarelur omnls terra, et majores mundi
offercns, vel divldens.Recte enim dlvideret, si littera; hujus pofestates transferrentur adversus illam in cor
observationem ab ejus interpretatione distingueret si : amarltudlnis. Adglutinata est sponso funiculo qui rumpi
aliud tempus illlus antiquitati, aliud hujus novitali da- non poterat, funiculo caritatis qui nesclt excldl, quia
ret. Tempus enim suendl, et tempus sclndendi. Simul ilia mimquam excidit : fiduclabter egit, quia caritatead-
SERMONS SLR LE CANTIQLE DES CANTIQUES. 61

quand meme les puissances superieures de ce cere de la foi catholique, ont garde le silence, A
monde seraient plongees centre elle dans un abime present, notre foi, Jesus-Christ, a ete arrache aux
d"amertume. Elle est liee a son epoux par un lien contradictions du peuple. 11 a ete place a la tete
qui ne pouvait etre rompu, par le lien de la clia- des nations , il n'est plus un signe de contradiction.
I'ite, qui ne peut etre brise, car la cliarite ne man- Apres les combats que tant de martyrs ont souflert
que jamais; elle agit avec ccnfiance parce qu'elle pour la foi du Christ, apres que I'Eglise a brise les
s'est liee par Tamour. Qui s'attache au Seigneur violences de tant de tyrans, pulverise les objections
devient uu esprit avec lui (/" Cor. vi, 17) ; mais la de tant d'heretiques maintenant que, dans la croix,
;

oil est I'esprit du Seigneur, la est la liberte. Ainsi, iln'y a plus de scandale, mais de la joie que nous ,

elle agit eu liberte et elle maintient invariable la sorames devenus pour ce monde, non un spectacle
confession de son esperance. Et pourtant alors la d'opprobre, mais un triomphe de la grAce ; apres
foi etait cbose vaine, et sa confession acte digne de tant de perils surmontes, ne vous semble-t-il pas
confusion. Que dis-je de confusion ? La foi exposait que du Christ a introduit son bien-aime
I'Eglise
aux derniers perils. Les fideles ne pouvaient pas comme du lieu du travail et du combat dans le
cependant craindre ceux qui font pei'ir le corps. lit du repos et de la paix?

L'Esprit de vie, le seigneur Jesus-Christ etait devant 5. Vous voyez done que, dans les debuts de
La sicarit^
leui's yeux. C'est pourquoi ils souffrirent plus faci- FEglise naissante la diligence fut necessaire pour dans la
tranquillity
lemcnt d'etre arraches de leur propre chair que que le bien-aime, si longteuips desire et enfln si est chose
pirilleuse.
d'etre separes de sa charite. Pour tenir I'epoux, heureusement trouve, ne fut pas arrache a son
elle u'a rien retenu de son corps. Aussi, elle dit : epouse. Qu'arrivera-t-il maintenant par la suite,
« Je Tai teuu et ne le laisserai point partir. » Elle quand cet epoux est en surete, et qu'il est entre
tint bon au milieu de tant d'heretiques qui porver- par la foi dans le lit nuptial? Faudra-t-il se li-

tissaient et d'ennemis qui persecutaient, et lors- vrer a la paresse et dire adieu a la precaution?
que notre foi etaient encore au berceau. Sera-t-ilen danger dans la paix, cclui qui n'a pas
Zi. « Jusqu'a ce que je I'introduise dans la mai- connu le peril dans la tempete ? Ne court-il pas
[e^rE^lise^ SOU de ma mere. » Maintenant notre foi est arrivee de peril celui qui meurt ? « Sans les oeuvres, la
lepuis les
au lieu de surete. On ne Tattaque pas ouverte- foi est morte [Jacob, u, 17). » L'apotre recommande
jrsecutions.
ment. Ceux qui la persecutaient lui ont fait soumis- la foi, la foi qui opere par la charite {Gal. v, 6).

sion, et ceux qui la perverlissaient se sont mis a. La ou se trouve Taction de Tamour ou Tamour de
diriger les autres a sa lumiere. Elle a ete intro- Taction, la est la vie de la foi. Mais si la verite
duite des champs dans la maison, de la mer dans se irouve dans la croyance, la liberte dans le te-

le port. La fureur des princes qui la persecutaient moignage, et s'il n'y a pas la vie par la dilection, La foi est
s'est changee en bienveillance, et les objections \m tel lien n'est pas triple et il se rompt facile- morte sans la
, charity et
subfiles des beretiques, resolues par la verite sin- ment. C'est une liberte imaginaire, celle qui ne aans le Christ

haesit. Qui enlni adhaeret Deo, unus est spiritus uLi ; quam persecutorum violentias, et haereticorum
tot fregit
autem Domini, ibi libertas. Idoo libera egit, et
spiritus refcllitversuMas postquam non est amplius in cruce
;

spei suae confessioncm tenuit indecliuabilem. Et tunc Chrisli scandalum, sed gaudium, et facti sumus niundo
quidem fatuitatis res fides videbatur, et confusione di- huic non theatrum contumcliaj, sed triumphus gratia;;
gna confessio. Quid confusionem nominu? Extrcmi res post tot enavigata pericula, non ne tibi vidctur, quasi de
erat periculi. Non tamen timere poterant cos qui occi- campo quodam pugns cl laboris, in pacis et quietis in-
dunt corpus. Spiritus enim vitse ante facieni iilorum, troduxisse cubiculum dileclum suum Ecclesia Christi?
Christus Dominus. Ideo et a came avelli se facilius Vides ergo in initiis Ecclesia3 nascenlis ncccssariam
a.
passl sunt, q'lem ab ejus caritale. Nihil sibi de se reti- diligentiam, ne dilectus tandiu desideralus, ct tandem
nuit, ut ilium teneret. Ideo dicit Term/, nee dimit- : apprehensus posset extorqueri. Quid ergo nunc de cae-
tam ilium. Plane inter tot pervertentcs et persequentes tero fiet, quando in lutum introductus est, et quasi in
tenuit strcnuc, ct dum adhuc tcnera crat nostrae fidci thalamum per fidem ? Dabitur de reliquo desidiai locus,
Betas. et diligcntiai valedicemus? Pcriclitabitur in Iranquillo,
4. Donee introducam ilium in domum matris mete. qui in tempestate non potuit? Annon periclilatur qui
Jam introducta est fides nostra in tutum. Non est qui palam moritur? Sine operihwi, niortua est fides. Commendat
inipugnct illam sed qui fuerant pcrsequenles, factisunt
;
Apostolus fidem, sed illam qua) per dilcctionem opcra-
obscquentes et qui pervertentcs, facli sunt dirigcntes.
: tur. Ubi <lilcctionis opus est, vcl dileclio opcris, ibi vita
Jam introducta est de campo in domum, de pclago in est fidei. Quid si est in credulitate
Veritas, in confes-
portum. Jam in favorcm versus est persequcntium furor sione libertas, ct non ibi per dilcctionem vita ? Funicu-
principum, et vcrsutaj bscreticorum cavillationes, catho- lus istc triplex non est, et facile rumpifur. Denique
lics fidoi sincera veritate redargutai siluerunt. Jam imaginaria libertas est, qua; de radicc non oritur carita-
crepfa est fides nostra, croptus est Christus dc contra- tis : ncc tani nilifur conl'essio talis liberlate sua, quam
dictionibus populi. Jam cbnslitutus est in caput gentium, aliena liccntia Precaria est, non propr'a
utitur. ex ;

nee positus est nunc in signum cui contradicatur. Post principum favorc pendcl, non procedit dc calore lldei.
tot dcsudata marfyrum pro fide Christicertamina ;
post- Fides fervorc caritalia animatur ad vitam. Pigra, piano
;

62 L'ABBE GILLEBERT.
sort pas de la racine de la charitc, et un temoi- paroles, si pourtant, avec le meme apotre, vousj^u-
gnage de re genre ne se base pas lant sur sa pro- vez dire : « la charite de Dieu a ele repandue dans
a concession
^^^^^liberie que sur la licence d'autrui. EUe est nos caurs, par I'esprit saint qui nous a ele donne.»
anssivaine. precaire, non propre elle depend de la faveur; {Bam. v, 5.) Mais cette vie est laborieuse dans les

des princes, elle nc precede pas dc la chaleur de uns, libre dans les aulres et elle se passe pour
la foi. C'est par la chaleur de la charite que la foi d'aulres, dans des delices spirituelles. Que si encore
recoil le mouvemenl de la vie. Elle est paresseuse, vous avez courbe la tele sous le joiig de la chair,

surlout la ou le danger menace, si par I'heureuse et si votre coeur ouvre une entree facile, et un acces
influence de ramour elle ne prend pas la liberie familier aux princes des tenebres, si vous avez
de confesser tout liaut ses sentiments. Autrement, prostilue votre ame a d'impudiques amants, quel
la confession expire sur les levres d'un mort, sera eu vous I'accord de Jesus-Christ avec Belial ?
comnie s'il n'existait pas. Sans la charite, la foi quelle sociele de la lumiere avec les tenebres? Mais,
est done vaine el la confession inutile. L'apotre dit si j)our I'amour de Jesus, vous avez declare la

que le Christ habite par la foi dans nos coeurs guerre aux vices et a I'esprit qui souffle les vices,

(Eph. Ill, 17). Est-ce par celte foi morte ? Si la vous tenez a la verite, votre bien-aime, mais vous
verite est au-dedans et la vie au-dehors, le Christ n'etes pas encore enpleine surele. Vous etes agile,
est divise, car il est verite et vie. Vous n'avez pas vous ne jouissez pas de la tranquillile du lit nup-
encore introduit votre bieu-aime, quand il est a tial. La foi est dans le port, mais il vous reste a

moitie dehors. Que dire done s'il n'est pas le bien- ou du moins a
Lriser, fuir I'entrainement d'une
aime ? Comment est-il aime, si la charite n'est pas mauvaise coulume, et le flot des tentations qui sor-
unie oi la foi ? Ressuscite des morts, le Christ ne tent du dedans ou viennent du dehors. Tenez cons-
meurt plus [Rom. vi, li) mais c'est pour lui qu'il ; tamment le bien-aime dans les dangers, de peur
ne meurt plus prenez garde qu'il ne meure pour
;
qu'il ne vous echappe, jusqu'a ce que vousl'introdui-
vous, ou plutot que vous ne mouriez pour lui siez dans la maison de votre mere et dans I'apparte-
autrement, quelle pourra etre I'affection d'un ment de celle qui vous a donne le jour. Tenez-le La
defunt ou la charite que Ion entretient avec un avec effort, de crainte que peu atten-
si vous etiez persecutio
actuelle es
mort? A quel litre sera-t-il appele, votre bien- tionne et moins altentif U ne vous echappat. Vous dans lea

aime, s'il u'y a pas en vous de dilection ? Si le le tenez par la foi, vous le tenez par votre profes-
je^iTgUs.
Christ habite en votre ccEur par la foi, et s'il est sion, tenez-le par vos moeurs, tenez-le par votre
dehors, au point de vue de la chai'ite, je crains, conduite, ne le lachez pas. Du reste, le combat, a
bien plus, il est certain qu'il est partage ou mort present, ne roule pas sur la verite de la foi, mais le
en vous. « Je vis, dit saint Paul, ce n'est plus moi, fort de la lutte s'est porte contre les bonnes moeurs

c'est Jesus qui vit en moi. [Gal. ii, 20.) » et la vie honnete. Dans ces jours-ci passent des

6. Vous pouvez, vous aussi, employer les memes temps pleins de perils, et il s'y trouve deshommes

ubi disci'imen impendet, si non confessionis sibi vindi- brarum In cordis lui recessus facilis el familiaris adilus
cet libertatem beneficio dilectionis. Alioquin a morluo, patet, etimmundis amaloribus animamtuam proslituisti;
quasi qui non sit, peril confessio. Est ergo sine caritate quae erit tibi conventio Christo ad Belial ? quae societas
el fides mortua, etApostohis dicit
confessio vana. luci ad tenebras? Si vero vitiis el incenlori viliorum
Christum habilare per fidem in cordibus nostris. Num- indixisli pro Chrisli caritate consticlum jam quidem ;

quid per mortuam ? Si intus est Veritas, et foris vita, dilectum tenes, scd nondum libi res est in lulo. Turba-
divisus est Christus : ipse enim est Veritas et vila. ris adhuc, et Ihalami tranquillilate non frueris. Fides in
Nondum ex intcgro introduxisti dilectuni tuum, ubi di- portu est, sed pravae consuetudinis impetus, et tcnla-
midius est foris. Quid si ncc dilectum ? Quomodoenim tionum vel cmergentium, vel frequentium cumulus adhuc
dilectus, si fidei non fuerit sociata caritas? Christus re- tibi frangendus, aut eerie fugiendus est. Tenc constan-
surgens ex mortuis, jam non morilur sod sibi non : Icr inter discrimina ne fc efTugiat, donee inlroducas
moritur vide ne tibi, aut magis tu ne illi moriaris,
: dilectum in domum molris tuae, el in cubiculum geni-
alioquin quae poterit esse niortui, vel cum morluo Iricis tuae. Tene cum labore, ne minus cauto et parum
dilectio ? Quanam
ergo ralione dilectus esse dicetur, curioso citius elabatur. Fide tenes, professione tenes :
ubi dilectio non est ? Si habitat Christus in corde tuo tene moribus, tene conversatione, nee dimittas. Non est
per fidem, scd foris est per dilectionem, vereor, imo de caetero nunc pro fidei verilate conflictus, sed spiri-
verum est, quia vel dimidius in le est, vel mortuus. tualis hujus cerlaminis aestus adversus mores bonos el
Vivo, inquit Paulus, Jam non ego, vivit vero in me vilam honestam lotus incanduit. Instant his diebus no-
Christm. vissimis tempera periculosa quando sunt homines
,

6. Poles el lu libi vocis hujus usum assumere, si seipsos amanles, cupidi, elati, inventores, imo el in-
tamen cum eodem dicere poles Caritas Dei diffusa est ; centores maloruni. In exortu fidei Christianae persecutio
i« cordibus nostris per Spiritum sanctum qui datus est nominis hujus grandis erupit hodie pestilentia morum
:

nobis. Sed est in abis haec vita laboriosa, in aliis iibera, foeda satis el lenla nimis exiialat. Corrumpunt enim
el in spiritualibus quibusdam dcliciis agens. Quod si mores bonos exempla mala. Trahe nos, bone Jesu, in
adhuc in carnis jura lotus Iransisti, et principibus lene- odore ungueutorum lucrum, ne pestilens aura devicino
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQLES. 63
s'aimant eux-meraes, cupides, orgueilleux, clier- bon Jesus! quand verrons nous, si jamais on le
cheurs, et ce qui est pire, provocateurs de peches. voit, et la foi integre et pareilleracnt les mceurs pu-
Au debut de la foi cliretienue line grande persecu- resl Quand arrivera-t-il que, de meme qu'il y a
tion se dechaina contra ce nom ; ce qui eclate au- paLv avec la verite, aussi il n'y ait plus de lutte pour
jourd'hui, c'est la corruption assez prononcee et la vertu? Quand vous enibrasserons-nous eutiere-
trop lente a guerir. Les exemples mauvais galent ment et a notre gre dans le lit de la contemplation
les bonnes mceurs. Tirez-uous, 6 bon Jesus, a I'o- et du repos? II en est peu dans I'Eglise qui soient
deur de vos parfums, de crainte qu'un souftle mau- arrives a mais cependant ils disent en
cet etat,
vais s'exhalant, du voisinage, ne corrompe en nous partie : ne le quitterai pas, jusqua
« Je I'ai tenu, je
le sel de la sagesse. « Que votre discours, » dit St. ce que je I'introduise dans la demeure de ma mere,
Paul, « soit toujours assaisonne de sel dans la et dans le lit de celle qui m'a mis au monde. » La

grace. » {Col. iv, 6.) Est-ce le discours seul, et face de I'Eglise n'offre pas tout entiere cet aspect,
n'est-ce pas plutut la vue, I'ouie, la demarche et elle I'offre neanmoins dans sa plus grande partie,
tout I'exterieur qui doit etre imbibe de sel ? « Plai- en sorte qu'elle peut dire « Je I'ai saisi, je ne le:

sez a tons en tout, comme moi, » dit le meme apo- lacherai pas, jusqu'a ce que je I'introduise dans la
tre. {Cor. x, 83), que si les premiers de I'Eglise maison de ma mere et dans le lit de celle qui m'a
sont affadis ; les peuples, comment seront-ils as- donne le jour. » La foi est plus repandue, les auvres
perges de sel ? de la charite sont restreintes. N'est-il pas vrai que
7. Et nous, mes
qui faisons profession de
freres, cette se fait remarquer dans I'univer-
distinction
la vie religieuse, nous devons etre le sel de la terre. de ceux qui croient, n'est-elle pas aussi en cha-
salite
Si le sel s'affadit en nous, par quel moyen lui ren- cun de nous? Quel est celui qui sent, a uu egal de-
drons-nous sa vertu? Le pretre est devenu comme gre, en sou &me I'integrite d'une foie vraie et ine-
le peuple, afm que le peuple devienne, avec plus braulable et celle des sentiments pieux et serieux ?
de licence , comme le pretre. Les moines se confer- 11 est vrairaent grand, si la grandeur est pour
ment avec soin au monde et ceiix qui sont dans le quelqu'un, celui qui de meme qu'il ne titube pas
monde defendent leur erreur avec assez d'habilete dans la foi, n'est pareilleraent point trouble par les
et trop de verite par notre exemple. Pasteur passions de I'esprit. C'est d'un Chretien de ce genre
et poviples, seculiers et religieux se forment que je prononce qu'il est pleinement entre dans les
et aux vices par leurs exemples re-
s'excitent secrets du lit nuptial. La tranquillite du cojur est
ciproques. Ce sont des greniers pleins, re- un excellent lir. La sogesse travaille avec les autres,
pandant de cote et d'autre I'esprit pestilenticl ma;s I'esprit du Seigneur se repose avec celui qui
dune vie honteuse ou tiede. Helaslavec quelle est humble et paciflque, et son sejour est dans la
bouche avide du caur, nous attirons ce mauvais paix. Mais qu'ici s'arrete notre discours, ou que
esprit et nous respirons cet air corrompu Cette ! plutot nos sentiments se reposent dans le secret de
pourriture s'l:;troduit de tous cotes par les fenetres. cette couche, afin que I'entretien qui suivra ex-

erumpens, salein sapienliae in nobis infatuet. Senna conteraplationis ct quietis cubiculo complectemur ? Pauci
vester, Pauliis inquit,semper in gratia sale condiius sit. sunt in Ecclesia qui in hunc statum pervenerunf, sed
Kumqnid solus sermo, et non potius sisus, auditus, in- tamen pro parte profitcntur Tenui nee dimittam tllum,
:

cessiis, omnis denique exterior gestus sale condii-i debet? donee introducam ilium, in domum matris mete, et in
Placete, inquit, omnibus per omnia, sicut et ego. Quod cubiculum genetricis mea. Non est tola talis Ecclesi£e
'
at. salient, si infatuati sunt Ecclesia; principes, plebcs in quo fades, sed tamen mnlta talis, ut dicerc possit. Tenui nee
salionlur? dimittam ilium, donee introdueam in domum matri',-
7. Et nos, frafrcs, qui rcligionis professorcs sumus, me(P, et in cubiculum genitricis mere. Fides profusioi- est,
sal esse terra; dcbemus. Si ergo et in nobis sal cvanuc- conl'/acta sunt negotia caiitatis. Nuniquid in universiLile
rit, in quo salietur? Factus est saccrdos sicut populus, credentium banc advcrtcre est dislinctionem, et non
ut licenlius populus sicut sacerdos liat. Mundo so mo- etiam in singulis nobis? Quis enim crit cui sicut ver.-e cl
nachi studiose conformant et qui in mundo suni, : indubitatae fidei, sic ctiain affectum piorum integritas
errorem suum nostrorum satis versutc et nimis vera constet? Magnus plane est, si quis est, qui sicut num-
tuentur exemplo. Mutuis ad vitia scse, aut informant, quam titubat in fide, ila passionibus animi nullis turbc-
aut fovent cxemplis, pastores et populi, sajcularcs et tur. Plane talcni ego dixerimcubiculisecrtla ingressum.
religiosi. Promptuaria plena sunt hujusmodi, ciuctantia Bonum cubiculum cordis tranquillitas. Cum aliis labora-
ex hoc in illud, aul turpis, aut tepidaj convcrsationis cum humili ct Iranquillo quiescit Spiri-
sapientia; sed
spii'ituui peslillcntem. Heu quam avido cordis ore pra- tus IJomini, et in pace locus ejus. Sed hie quiescat in-
vum hunc alliahimus spirilum, et corrumpentem hauri- terim sermo noster, inagis vero sensus nosier in hoc
mus auram ! Pestilentia ha;c passim influit per fenestras utinam rcquiescal secrelo cubiculi ut quod cxperientia :

nostras. Jcsu bone, qnando tamen aliqiiando erit, si docueiit, expressius refiindat scrmone sequenti pr.ijs- ,

crit, sicut fides Integra, sic et incorrupli mores? Quando tantc Domino nostro Jesu-Christo, qui cum Patre et
contingct ut sicut cum veritate pax, sic non sit pugna Spiritu-sancto vivil et regnat Ueus per omnia saicula
pro virtute? Quando integrum te, et ex arbitrio in saeculorum, Amen.
6/1 L'ABBE GILLEBERT.
prime avec plus d'abondance ce que rexperience , en couper plusieurs en lui a diverses reprises. Les
nous aura appris, avec I'aide de notre Seigneur Je- bonnes toisons sont les sens mystiques, les affec-
sus-Christ, qui avec le Pere et le Saint-Esprit, vil et tions sacn'-es. Et c'est la ce qui abonde en Jesus :

regno Uieu dans tons les siecles. Amen. on ne peut le depouiller et le laisser nu. a Je me
rejouii'ai, » dit le Psalmiste, « sur vos paroles,
SERMON XIV.
comme celui qui trouve de riches depouilles. » (Ps.

Je vous en supplie, /illes de Jerusalem, par les che- csvm, 162]. Revetez- vous de ces depouilles, en-
ireuils et les cerfs des campagnes, ii'eveillez pas et tourez-vous de ces toisons, afm que, comme 11 est

ite faites pas reveiller ma bien-aimee jusqu'a ce ecrit, elles rechauffent vos cotes : sa parole est en

quelle le veuille. (Cant, iii, 5.) effelenflammee. [lb. iliQ.) Reposez-vous en elle,et,
comme le prononce Salomon, votre sommeil sera
1. On voit clairement quelle est endormie, celle suave. [Prov. ni, 24.) EnDu I'epoux lui-meme pro-
en faveur de qui on adresse une si instante priere. tege le sommeil de son epouse, il le favorise, il ne
Pourquoi ne dormirait-elle pas apres etre entree, en veut pas qu'elle soit reveillee. « Je vous adjure, »
compagnie deson bien-aime, dans le lit de samt-re, dit-il, « par les chevreuils et les cerfs des campa-
dans la retraite pleine de delices? Elle dort quand gnes. )) Adjuration tqut-a-fait nouvelle, qui n'offre
I'approche du bien-aime, la jette dans un trans- pas moins de mystere dans son fond, que de singu-
poii d'esprit. « Je vous en conjure, » dit-il, « n'e- larile dans I'apparence.
veillezpas ma bien-aimee. « Bienheureuse est-elle de 2. Cbercbant quel symbolisme de ces ani-
est le pa, les

pouvoir tenir \m epoux et de n'etre pas forcee de


tel maux, je trouve representee en eux, une certaiue •^^jg^^^J^^'jf'j*

le laisser partir. Tcnez ce que tous avez, tenez et rapidite de I'ame libre, I'agilite de I'esprit qui se faut entendr

touchezlongtemps, et avecsoin le Yerbe de vie de- : transporte par bonds et d'une course rapide sur i I'esprit
prompt
roulez le livre de vie, le tome qu'ouvrit Jesus, bien- les cimes elevees. Ne vous paraissent-ils pas sembla- el agile.
plus, qui est Jesus lui-meme. Roulez-vous autour bles a des chevreuils et a des cerfs, ces hommes qui,
de lui, enveloppez-vous du suaire dont il fut enve- bien qu'enchaines au corps, se sont neanmoins
loppe lui-meme, car il est revetu de la lumiere com- eleves au-dessus de ces embarras emportes par la :

me d'un vetement. Revetez voire bien-aime, notre promptitude spiritueUe, ils ne sentent presque pas le
Seigneur Jesus-Cbrist. Taillez-vous avec soin un poids de la chair et grace a la predominance de
memorial dans la pierre, un monument nouveau, 1 ils ne sont point retenus par la pesanteur
"esprit,

dans lequel pei'sonne n'aura ete encore depose. Le d'une masse de matiere? lis sont ceux qui mar-
Clirist est la pierre. Eu Jesus on peut sans cessetrou- chant au souffle de I'esprit, ils n'eprouvent plus
ver des choses nouvelles. On peut penctrer toujours les desirs de la chair, ou s'ils les eprouvent, ils les

dans des regions nouvelles. En lui il se trouve sentent languissants, comme palpitant et rendant
bien desretraites, d'inuombrablestresorsde sagesse. leur dernier souffle. « Vous n'etes plus dans la
II n'est pas content dune seule toisou, on peut chair, » dit I'apotre aux ames de celte sorte,

affectus. Talibus abundat Jesus : nudari et exspoliari


SERMO XIV. non potest. Lcetabor, incinii, super eloquia tiia, sicut qui
invenif spo/ia multa. His te vesti vesti spoliis, involve
Adjuro vos fi/ice Jeritsalem , per capreas cervosque cam-
velleribus, ut calefiant, sicut scriptum est, latera tua :
porum, ne suscitetis neque eiigilare faciatis dilectam,
Eloquium enim ejus ignitum. In liis quicsce, ut suavis
donee ipsa veltt. (Cant, iii, b.)
sitsomnus tuus, sicut Salomon ait. Dcnique et sponsus
Patet illam obdormisse, pro qua talis est facta adju- istum dilectae suae somnum tuetur et fovct, illam exsus-
ratio. Quidni dormiat cum dilecto ingrcssa niatris cu- citari vetans. Adjuro vos, inquit, per capreas, cervosque
biculum, deliciarum recessts ? Dormit cum patitur men- camporum. Nova plane adjuratio, nee plus babens ad-
tis cxccssum de accessu dilecti. Adjuro, inqiiit, vos ne mirationis in specie, quam in virtute mysterii.
suicitetis dilectam. Beata plane, quje dilectum hunc et 2. Quaerens quid in se sacramenti involutum conti-
tenere permiltitur, et dimittere non compellitur. Tene neant haec animalia quamdam liberae mentis alacrita-
;

quod tenes, tene et attrecta morose et diligenter ver- tem, et agilitalem spivitus, cursum se et saltuatira (ut
bum vitae : revolve volumen vitae, volumen quod revol-' sic dicam) ad superiora ferentis, intelligo adumbrari in
vit Jesus, imo quod est Jesus. Involve te illi, involve ijlis. .Vn non et tibi velut capreie et cervi quidam vl-
te ilia qua involutus est ipse sindone quia amictus est;
dentur, qui licet in corpore commorantes, corporis
lumine sicut vestimento. Induere dilectum turn Uomi- tameu evaserunt incommoda, et spirituali levitate
num nostrum Jesum-Christum. Excide tibi memoriale pondera carnis paene non sentiunt, et terrenae molls
diligenter in petramonumentum no^"um, in quo nondum materiam nesciunt mentis beneficio? Hi sunt qui spi-
quisquam positus fuerat. Christus enim petra. Semper rituambulamtes, ultra non sentiunt desideria carnis :
nova reperiri possunt in Chrislo. Ad nova potest penc- aut sentiunt, languida certe et quasi palpitantia, ad
si

Irari. Multi sunt in illo recessus, thesauri sapientiae in- extremum ducentia halitum. Vos, inquit Apostolus his
numerabiles. Non est uno conlentus vellere saepius : qui hujusmodi sunt, 7ion estis in came, sed in spiritu.
tonderi potest. Bona vellera sunt sensus mystici, sacrati Denique etsi cognovimus Christum secundum carnem,
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 65
« mais vous etes dans I'esprit. [Rom. viii, 9.) Et marques ne s'appliquent pas confusement etindiffe-
encore : « Si nous avons connu le Chi'ist selon la remment aux uns et aux autres. Dans les cerfs, voyez
chair, nous ne le connaissons plus ainsi. » (11. la longue vie, et la longue vue dans les chevreuils;
Cor. V, 16.) Ce bien-aime est deja devenu tout spi- on dit que un certain art naturel de se
les cerfs ont
rituel, deja il s'est Iran sporte dans les solitudes ce- preserver de la vieillesse, et de rappeler des portesde
lestes, dejuil est arrive sur les hauteurs. Aussi I'E- la mort, par une sorte de resurrection, Icur existence
glise dit : « Mon bien-aime est semblable au che- quand elle touchc a sa
Le Christ, particuliere-
fin.
vreuilet au faon des cerfs sur monts Bethel. »
les ment, n'est pas tant appele cerf
que faon, lui qui
(Cant, n, 9.) II vous invite a gravir ces montagnes, jouit d'une eternelle jeunesse, sans aucun melange de
celui qui ecrit : « Si vous etes ressuscites avec le vieillesse qu'd ait besoin de renouveler. 11 est par-

Christ,)) etc. [Col. ui, 1.) saint Paul, desire que vous ticulierement chevreuil par le privilege de sa vue
deveniez un chevreuil spirituel, hiiqui vous appelle incomparable. « Personne ne connait le Pere si ce
sxu' ces ciines elevees, lui qui vent voir sur vous n'est le Fils,et celui a qui le Fils aura voulu le faire
I'iniage du faon incomparable. « De meme, » dit- connaitre. )) nu et a decou-
(Liic. x, 22.) Tout est a
il, « que nous avons porte I'image de I'homme vertdevant ses yeux. eux aussi, des chevreuils
lis sont,
terrestre, de meme portons I'image de celui qui est spirituels ceux qui ont les yeux de leur ame eclai-
dans les cieux. v (I. Coi-. xv, 49.) Cerf rapide fut res de la connaissance de Dieu ceux qui devenus :

aussi saint Paul, ce glorieux apotre qui a dit : « Notre S])irituels examinent et scrutent toutes choses. qui

vie est dans les cieux. )> (Phil, ni, 20.) Cerf admira- contemplent a visage decouvertlagloire du Seigneur.
ble est celui que I'esprit de Dieu anime et conduit ;
lis sont semblables a des cerfs en ce que, allant de
car I'esprit de Dieu est subtil et mobile. Cerfs mys- clarte en clarte, comme pousses par I'esprit du Sei-
terieux, sont ceuxque la voix du Seigneur prepare, gneur, ils sont transformes en la meme image ; en
a qui il revele I'obscurite de ces mysteres, ombres ce que, depouillant le vieil homme, ils revetent le nou-
epaisses dans lesquelles se cache ce faon a jamais veau, celui qui a ete cree dans la justice et la sain- Renouvelle-
beni. Veritable chevi'euil, le co'Xiv de celui qui, a tete de la verite ; en ce qu'ils savent renouveler, par
spSel
tout ce qu'on lui propose ou commande, pent dire, \me sainte ferveur leur devotion languissante et vieil-
dans le genereux et prompt devoumentde son ame : lie,etsontfidelesaserefairesouvent, ne connaissant
« Mon coeur est pret, 6 Dieu, mon coeur est pret. )) pas les ennuis de la perseverance. « Ceux qui se
(Ps. Lvi, 8.) Qui oubliantce qui est en arriere, s'e- confient au Seigneur, )) dit Isaie, « changeront
lance vers ce qui est de'.ant lui. leur puissance. )> (Is. xl, 31
; )
non qu'ils perdent
3. Vous avez entendu les reflexions communes celle qu'ils ont deja, mais parce qu'ils en aequierent
qui s'appliquent egalement a ces animaux : ecou- une nouvelle. Us changeront leur vaillance en lui
tez les observations propres a chacun, afin que nous faisant subir frequemment des augmentations nou-
etablissious une distinction entr'eux, et que nos re- velles. « lis changeront leur vigueur, » dit-il; « ils

sed jam non novimm. Jam totus spiritualis factus est, ct vergentem in defectum ab ^Ham rediviva novitafe
jam sc ad solitndines Ccelestcs contulit, jam consccndit interitu revocare. Christus singnlaritcr
non tam cervus
ad superiora. Ideo dicit Ecclcsia Similis est diledus : quam hinnulus dicitur qui nititur a^lerna novitate, nee
:

mens caprece hinnuloque cervorum super montes Bethel. babet aliquid vetustatis admixtum, quod subindc reno-
Ad hos te montes invitat qui dicit Si consurrexistis : vationc indigeal. Ulc singularitcr caprea vidcnti privi-
cum Christo, etc. Quasi caprcym tc spiritualoni fieri vnlt legio.Dcniquc nemo novit Patrem nisi Filius, et cui ipse
Paulus, qui ad illos le c;rlestes montes ppovocat, qui vo/uerit reve/are. Omnia du\cmn[\da. ct apcria sunt oculi
singularis illus liinuuli te vestitimag-inem. Siciif, inquif, ejus. Ergo ct hi quoquc quasi caprea? qua?dam spiritna-
portavimua imagineni terreni , portemus et ir)iaginein les inlclliguntur, qui rcvclalos habent mentis oculos in
ejus qui de cfelo est. Bonus cervus ct ipse Paulus, qui agnitione Dei qui spiritualcs elTccti dijudicant omnia
:

ait Nostra conversatio in ccelii est. Bonus plane cervus,


: et perscrutantur qui revehita facie gloriam Domini
:

quern spiritus Domini vcgctat et agit. enim


Spirifus conteniplantur. Cervi vcro sunt in eo quod in oamdem
Domini suljtilis et mobilis. Boni corvi,quos vox Domini imaginem Iranslormantur a daritate in claritatom tan-
praeparat, quibus revelat condcnsa
mysteriorum, con- quam a Domini spiritu qui vctcrem deponentes homi-
;

densa in quibus benedictus illc latitat hinnulus. Itona nem, novum induunt cum, qui creatus est in juslitia, et
certe caprea, qua? ad omnia, quae vol sibiproposita sunt, sanctitate veritatis : qui senescentcm devotioncm, et
vel imposila, impigra ct indcfessa dcvolione spiritus quodam langucniom la?di<), in novmn dcnuo fervorcra
dicere potest Paratum cor meum Deus, paratum cor
: reducunt, et persevcranli.T faslidia ncsciunt reparationc
meum. Qu;8 ea quae retro sunt obliviscens, ad anteriora frcqucnii. Qui, inquit Isaias, coit/idunf in Domino, muta-
extenditur. bunt fortitudinem : non quidcni ut vefercm pordant
3. Audisti communia audi singularia, ul aliquid dis-
: scd ul novani adjicianl. Mulal)unt forliludinem inslau-
tinctionis inter hivc assignomus anin'alia, ncc confusact ralis frequenter incremonlis. Mntti/junt, iu(|nif fortitu- ,

IndifTercns sit de utrisque disputalio. In ccirvis anliqui- dinem : rnrrriil et non l(diiu(d>unt; nmltulatmnt ct non ,

tatem attende vivcndi, ct videndi aucumcn in caprcis. deficient. Mutalio liaec profectimi videlnr innovalio jugis
Cervi quadem arte naturali a scnio se tuoripcrhibentu', sine dcfeclu, shic faligalione. Dona qiiidcm fortiludo

T. v.
.

66 l/ARBE GILLEURin

rouiiuiil (^t III' -^e I'utigutiioiil pasj ils iiiarchfiroul at pnrtoiit nous rencuiMroas uu ub:-lucle, uou-; toiu-

ne drlaiJleroat jamais. » Ce changcmcnl paralt bons dans les endroils unis, ct nos pas glissent snr
im rejiouvellement peipetuei , et sans dfefant ei conmie parle Jeremie. (Thren.
les places regulieres,

sans fatigue, des progres de V-kr.e. EUe est bon- IV, 18.) Nous nous plaignons que tous les passages

ne la force qui, en courant avec labeur, ne sait sont fermes pour nous, ear le cheruiii des pares-
pourtaut point declinor vers le defaut ; meil- seux est comme une liaii- lifMissi'-e d'epines. [Prov.
Icure est cellc qui ne sent pas Ics ennuis du travail, XV, 19.) Nous nous rejouissons quand il se jtresente
mais franchit les obstacles des difficultes qui se ime occasion de querelle, nous sommes portes au
dressent contr'elle, marchanl a pas degages, comme sou[)con, lellement quo 'comme il est ecrit) le bruit
en rase campagne, selon ce qui est ecrit « Le cou- : d'une feuille qui vole daus I'air parait nous efFrayer
reur rapide deroule et degage ses voies. » [Jc- et que nous nous eflorcons de la voix et du geste

rem. n, 23.) d'attirer en nous les inquietudes de I'esprit. De la

U. C'est pour cela que I'epoux invoque presen- vient que trop souvent nous troublous le repos des
tement les cerfs des campagncs, parce que, pour ces liommes spirituols, que nous interrompons leurs
aniraaux, toute les asperites et toutes les hauteurs lolsirs, que nous arretons le sommeil de I'ame ap-

sont faciles, abaissees et ouvertes a leurs pas rapides, pliquee aux choses superieures et que nous I'arra-
aussibien que les espaces des plaines.Lavoix du Sei- chons de I'embrassement si agreable de I'e-

gneur est la voix d'une inspiration intime, pene- poux.


trant doucement dans les oreilles de lame. C'est 5. Ces importunites, que la perversite cherche ou Le
cetle voix qui prepare ces cerfs, qui eclaire les obs- que la faiblesse produit, I'epoux les eloigne de sa saint n
des past
curites des bois. Car s'il y a des forets remplies de bien-aimee, en invitant a ime allegresse spirituelle tourr
au bien
scandales semblables a des ronces aigues, pour ces les filles de Jerusalem. Voila pourquoi il les adjure,
ceux qui
&mes, ces forets ne sont pas infranchissables; le par les chevreuils et les cerfs, atin qu'elles soient sont sot

Seigneur rend leurs pieds agiles comme ceux des excitees a rivaliser avec les homraes spirituels et a
cerfs; elles ne peuvent etre retardees par I'obstacle s'abstenir de toute demarche importune aupres de
d'aucune injure; elles se complaisent au contraire I'epouse. « Je vous en conjure, n'excitcz pas ma
dans les tribulations, elles ont les outrages pour bien-aimee jusqu'a ce qu'elle le veuille elle-meme. »

agreables et neleur pretent pas beaucoup d'attention, II vous est utile qu'elle s'eveille : mais attendez
tant est grande la force du desir qui les porte vers qu'elle veuille elle-merae. Attendez son bon plaisir,

les choses d'cn haut, et vers les biens qui sollicitent car c'est elle qui est chargee de veiller sur vous.
leur attention! temps malheureux que les notres ! l-^lle voudra, quand le Saint-Esprit I'instruira. LJnie
comment presque tous nous ecartons-nous de cette a son bien-aime, elle est devenue un meme esprit
regie au point de faire le contraire, prenant pour avec lui. C'est pourquoi elle pent dire : « I'esprit

injure, meme ce qui est plein de piete? Presque du Seigneur est sur moi, parce qu'il a repaudu sur

quiE currens licet cum labore, ad defectum tamen de- rum quasi scpes spinarum. Ad querelarum occasiones
clinare non novU. Melior plane, quce ncc laboris scntil gratulamur, ad suspicioncs parati, ut (qucmadmodum
moleslias ; sed opposilarum diflicultatum transilit scaii- scriptum est) tcrrere nos videatur sonitus volantis folii,
dala, et velut in campestii planitie cxplicilis gressibus ct animi moleslias, manibus et verbis accersire nitamur.
utcns, juxta quod scribitiir Cursor levis expUcat vias
: Inde est quod spiritualiiim virorum nimis crebro in-
nuas. quietamus quielem, interrumpimus otia, et mentis ad
4. Hoc est quod in prajsenti ccrvos camporuni dicit, superiora intents perturbamus suporem, et a gratissimo
quod illis quajlibet aspcra et ardua qurelibet, plana sint sponsi avellimus amplex.
et pervia, et inoffensis exposita cursibus quasi planioi'is K. Hujusccmodi ergo moleslias, quas vcl perversitas
aequora campi. Vox Domini, vox intima; insplrationis quaerit, vel infirmitas parit, a dilectasuasponsusavcrtit,
mentis auribus suavitcr illapsa. Ilia est ulique qua; ccr- filias Jerusalem ad spiritualcm quamdam alacritatem in-

vos hujusccmodi pra>parat, qua revelat condensa. Nam vilans. Hoc cnim sibi vult quod per capreas et cervos
si qua condensa sunt, ct crcbris scandalorum quasi adjurat ut spiritualium ad aemidationem provocentur
spinarum aculeis obsita; illis condensa non sunt, quo- virorum, et ab infeslationc importuna dileclae quiescant.
rum Dominus pei-ficit pedes quasi cervorum : qui nullo Adjuro vos ne exsuscitctis dilectain donee ipsa velit.
injuriarum obice tardari possunt, magis autcm compla- Utile vobis est, ut dilccta evigilct sed exspectate do-
:

cent sibi in tribulationibus, ct acceptas habere norunt nee ipsa velit. Ejus cxspetetur arbitrium, ad cujus cura
injurias, aut nee respicere penitus, ex vehemcntia desi- vestri spectat officium. Tunc volet, cum Spiritus illam
dcrii ad superiora properanlis, et intendenlis in anteriora. velle docuerit. Unctio Spiritus docebit illam. Adhaerens
misera haec tempera nostra quomodo ab hac regula ! cnim dilecto, unus cum illo effecta est spiritus. Ideo
in contrarium omnes paene rcsilimus, etiam quae pietatis dicere potest Spiritus Domini super me, eo quod
:

plena sunt specie, ad injurias interpretamur ? Ubique unxerit me, evangelizare misit me. Ergo evangelizabit
fere obicem patimur, et impingimus in planis, et lubrica vobis, cum acceperit tempus a Spiritu. Interim bibulahau-
facta sunt in plateis vistigia nostra, sicut dicit Jeremias. riat quod refundat uberius. Contemplationis gratia com-
Omnia nobis obstrusa querimur, siquidem iter pigro- passionem non evacuat, sed informat et mentis excessus ;

i
SERMONS SUR LE CANTIQIE DES CAN'TIQl ES. (1/

laoi soQ oactioii et m'a envoy*' pr^cher I't-vangile. les depouilles a ses domestiques, et la uouiriUuv ;i
Is. LXT, i.j EUe vous rannoucera cruanu le Saint-Es- ses servantes. Comment n'aui'a-t-elle pas piti.^ des
prit lui en aura marqiiA le temps. En altendaut; enfants de son seui, .^elle qui ne neglige pas raeme
libei-tp
(le? enfaut«
.quelle boive dans son soiumeil, ce qu'elle vous ses servantes; cependant
bonnes se conside-
les lilies de Tt'wu.

rendra avcc plus d'abondance. La grace de la con- rent comme des servantes, elles ne conuaissent pas la
templation ne detriiit pas la compassion, clle la liberie naturelle tout en se pensant delivrees
par I'es-
forme, et le ravissement d'esprit rend sympathique prit de verite. Elles sont vraiment libres celles cpie la
a ceux qui sont faibles. C'est quand Adam dormit, verite atfranchit, et c'est pourquoi elles ignorcnt toute
que la cote de I'homme s'amoUit pour former le autre liberie, les ames qui se rejouissent d'avoir
sexe qui est le plus faible; c'est du cote de I'bomme ete delivrees par la grAce de I'adoption. Plus I'adop-
que la femme fut croee pour la societe conjugalej tion est gratuite, plus I'abjection ou elle trouve
bien plus, Adam lui-mome est change en la femme, I'adopte la rend devouee.Les memes ames sont done
sa compagne, et, par une certaiue transform.ation, servantes et filles, car la ou il y a davantage de
il passe en epouse. C'est pourquoi, en s'eveillant, bonte dans l'adoi)tion, il est juste de voir eclat er
il prononce tout d'abord une parole de charite, se plus de devoument dans la soumission.
recounaissaut dans son egale : « Voici I'os de nies 6. «Ne la reveillez-pas jusqu'a ce qu'elle le veuil-
OS, )) dit-il, « et la chair de ma chair. » {Gen. i, 23.) le.>) Elle sait quand il faudra diviser la proie k ses do-
Est-ce que saint Paul vous parait abaisser la di- mestiques et les vivres a ses servantes. II n'y a
gnite de I'homme devant le sexe infime, quand il pas a crauidre d'elle ce qui se lit dans I'ecriture :

declare qu'il s'est fait faible avec les faibles? Eve « la fille de mon peuple est comme Fautruche dans
devient comme un Adam quand la fer-
spirituel, le desert. » {Thren. iv, 3.) L'autruche a des sortes
mete puissante de I'apotre compatit aux ames qui d'ailes, mais ellene vole pas. Elle ne sait pas s'e-
ne faat pas
II
lui sont soumises et quand la sublimite de sa force lever en haut dans le ravissement de son esprit : interrompre
facileroent
et de sa science, par une sage sobriete, se proportion- c'est pourquoi elle ne visite pas ses petits, mais la contempla-
ne a la mesure de ceux qui sont infirmes. Et si son elle abandonne ses oeufs a terre. Elle ne pense pas tion
des Prelats.
esprit est transporte par rapport a Dieu, il sait etre que passant les foulera, qu'une bete lesbrisera
le

sobre en ce qui regarde les autres. Le ravissement en courant. Elle ne sait pas moutcr juscpi'au som-
d'esprit est un bon sommeil, quand ilne produit pas meil de la contemplation, voila pourquoi elle ne se
I'orgueil et enseigne I'huniilite. « Je vous en conjure, revet pas du sentiment de la compassion. Car le
ne reveillez pas ma bien-aimee, jusqu'a ce qu'elle le sommeil cpie la mort prend dans I'extase de I'esprit
veuUle quoique pendant ce temps-la, elle soit
: » tourne a I'avantage des filles, et si le sommeil spiri-
ravie en Dieu en esprit, elle retombera dans I'etat tuel se prolonge, c'est tout comme s'il s'agissait
ordinaire. Si a present elle dort, elle se reveillera, d'un abrege. C'est pourquoi il dit : « Je vous adjure,
et vous rendi'a, apres les avoir prepares, les vins ne reveillez pas ma bien-aimee, jusqu'a ce qu'elle
qu'elle a trouves. Elle sait comment il faut diviser le veuille. » Bonne adjiiration , dans laquelle on

temperantem redditinfirmis. Dcniquccum dormit Adam, enim liberae sunt, quas liberat Veritas et ideo aliam li- :

virilis costa in infirmiorem mollcscit sexum et propter ; bertatem ignorant, quae per adoptionem liberatas se
socialem copulam de latere viri formata est miilier : gaudcnt. Denique quanto magis est gratuita adoptio,
imo in sociam mulierem Adam ipse convertitur, ct tanto est abjectio devotior. Ea>dem ergo et ancillaesunt,
conformatlone quadam transiit in conjiigcm. Idco dum et filiae quia ubi major est in adcptione dignitas, ibi
:

evigilat, caritatis vocem primam emittit, in compari sua juslitior in subjcclione devotio.
seipsum agnoscens Hoc nunc os, inqiiit, de ossibus
: 6. Ne stiscitetis earn donee ipsa velit. Ipsa novit quan-
meis, et caro de came men. Annon tibi Paulus videiur do dividat praedsm domestieis, et cibaria ancillis. Non est
virilem dignitatem in humiliorcm scxum dillecterc cum de ista nic'iucndum quod legiiur Filia populi me: :

dici se factum infirmis infirmum ? Quasi spiritualis.\dam cruile/is, quasi struthio in deserto . Struthio pcnnaa
Eva efficitur, dum subjectis compatitur apostolica fir- spccicm habet, caret tamen effcctu volandi. Nescit per
mitas et sublimitas viitutis et scientiae sobrietate qua-
: mentis exccssum volarc; propterea spccicm non visitat
dam capacitati tcmperatur infirmorum. Et si mente suam, scd dcrelinquit in terra ova sua. Obliviscitur quod
excedit Deo, sobrius tamcn fit aliis Mentis cxccssus pes conculcet ea, bcstia conterat. Non novit in contem-
bonus est sopor non superbiam inducens, scd sobric-
: plationis soporcni assurgcre struthio, idco se compas-
latem docens. Adjuro vos ne exsuicitetui dilectam donee sionis afTectu non induit. \d commodum enim spccLit
ipsa velit : et si mente Interim excedit Deo, iterum ta- fdiarum mentis exccssu dormitio matris, et tofum de
in
men sobria fiet. Si modo dormit, cvigilabit rursum, et compcndio est quod spiritualis ejus soninus protrahitur.
vina quae reperit, cum tcmperamento quodam vobis rc- Idco dicit Adjuro vos ne cxsuscitetis dilectam, donee
:

fundet. Ipsa novil quando dividat prajdam domestieis, ipsa velit. Bona adjuratio, per quam ot matri parcitur,
et cibaria ancillis. Quomodo non miscrcbitur fdiarum et profcctus quaeritur fijiarum. Quanto enim Iiberiu3
uteri sui, quae nee ancillas praeterit ? Bonae tamen liliae vacat clvidct, tanto ubcriusadolcsccnlulas revisit. Quanto
ancillas se reputant, et naturalem nesciunt libertaleni, subliuiius suspcnditur; tanto dcsccndilhuuiilius, condcs-
dum veritatis spirilu lil)eralas se cs.se rcrcnscnf. Vere ccnriit ulilius. Quid vullis Icmpora dispcusare, quoj
68 i/ABBii gii.lkbi:rt.

veille aiix interets de la mere, et on cherche le pro- dire a celui en qui le fils di- Dlou n'est pas encore
fit des filles. Plus cllc se repose et coniciuple libre- ressuscitf''. « Voyez, » dit-il, « no racontez apersonne
ment, avec line plus grande abondance de bons cette vision, jusqu'a ce que le fils de I'homrae res-
efl'els elle revoit ses enfanls. Plus haut clle est ele- suscite d'enlre les morts. » {Mallh. xvii, 9.) Cette
vee ,
plus bas elle descend ,
plus utilement elle vision ne peut-eire dite a celui en qui le Christ
s'abaisse. Pourquoi vouloir regler les temps que n'est pas encore ressuscite. II fut aussi dit une pa-
I'epoux a places en la volonte de la bien-aimee? « ne role semblable a Marie Ne me toucbr'z pas car
: « ,

I'eveillez pas, » dit-il, «jusqu'u ce qu'ellele veuille.)) je ne suis pas encore monte vers mon p«''re. » [Joan.
Elle voudra quand la vision de son bien-aime dis- XX, 17.) II n'est pas permis de la dire a celui qui n'a
paraitra de sa vue. Cette presence est incertaine et paseteraviau paradis, dans le lieu des delices, dans
elle disparaitsoudain. « Je suis a. mon bien-aime, » ce sejour dont Pierre a dit : « II fait bon etre ici. »

dit-elle, « et son retour est vers moi. » {Cant, vn, 10.) [Maltli. XVII, Zi.) II est bien lieurcusement reveille
Pourquoi essayez-vous d'interrompreavant le temps celui qui, avec Paul, est enleve en ce paradis, qui
uu si saint commerce ? C'est une beureuse cause- monte, avec Pierre, sur la montagne, qui pent veiller
rie, mais le temps en est court, que sa brievete memeune beure avec le Cbrist, celui que I'homme
lui suffise, pourquoi voulez-vous I'abreger? 11 ne ne touche pas, pour que ce soit le Christ lui-memc
faut rien retrancber a un moment si petit. Qu'elle qui I'excite et le fa3s.e reveiller. II toucha Pierre,
jouisse librement, en attendant, d'une beure fugi- aussi Pierre s'eveilla-t-il et vit-il I'eclat de sa ma-
tive. Vous voulez reveiller et attirer vers vous celle jeste. Et la bien-aimee, elle aussi, voyez dans quel
que le Cbrist reveille et fait veiller en lui ? Bien etat elle s'arrache de I'etreinte de son epoux.
qu'elle dorme, son cceur veille dans le Cbrist. « Quelle est celle-ci cpii monte comme une ligne
Pierre et ceux qui etaient avec lui sur la montagne de fumee? [Cant, in, 6.)
furent accables par le soijimeil, et ils virent, h leur 7. Mais rappelons ici notre discours qui prendrait
reveil, la majeste de Jesus. Saintement elaient-ils son essor, et reservons ce passage pour le commen-
accables par le sommeil, puisque le sens bumain cement d'un autre entretien, ou mieux pour celui
etait reprime en eux. Ce qui se trouvait en eux et qui dit de lui-mcme « Je suis le principe, moi qui
:

venait d'eux etait accable et reprime, aiin qu'a- vous parle. » [Joan, viii, 25.) Plaise au ciel que ce
veugles et comme bouches a a qui du monde,
est divin Maitre soit et le commencement de noire dis-
excites par I'esprit divm, ils neveillassentque pour cours, etlapai'ole de notre cceur, et que les expres-
connaitre ce qui est seulement de Dieu. « En s'eveil- sions que nous proferons le concernant, le premier,
lant, » dit I'evangeliste, ils u virent la majeste. » il les prononce en nous. Parlez, Seigneur, parlez-
[Luc. IX, 32.) 11 veille done bien, celui qui voit ces moi et parlez pour moi, Reprimandez pour moi
gi^andeurs, qui voit la gloire du fils unique du Pere les filles, non de Jerusalem, mais de Babylone; di-
et qui entend les paroles secretes qu il n'est pas fille des Chaldeens de s'asseoir et de se taire.
tes a la
permis a I'bomme de dire. II n'est pas permis de les Dieu bon, combien il se trouve aujourd'bui de lil-

sponsus posuit in voluntalc dilectae? Ke exsusciletis, rexit. Dcnique simile dictum est Mariae : Soli me tan-
inquit, illarn, donee ipsa velit. Tunc volet cum ab ocu- gere, nondum enim nscendi ad Patrem. Non licet ei dici,
lis ejus evolaverit visio dilecti. Lubrica est ejus prae- qui non est raplus in paradisum, in locum dclicia-
sentia, et elabitur subito. Ego inquit, dileeto, et ad me rum, in locum de quo Petrus dixit Bonum est nos hie :

conversio ejus. Quid tarn sanctum tentatis commercium esse. Bene exsuscitatur, qui in hunc cum Paulo rapitur
ante tempus Beata collatio, sod brevis liora.
divellere ? paradisum qui asccndit cum Pctro in montcm, qui vel
;

Sufficiat illi brevitas sua


quid illam decurlarc vullis?
: una cum Christo potest hora vigilare, quern non homo
Nihil tarn exiguo imminuendum est momento. Fruatur tangit, ut exsuscitet et evigilare faciat Christus. Et Pe-
interim libera hora fugaci. Exsuscitarc cam vullis et , trum ipse tetigit, ideo evigilavit et vidit majestatem
avellere ad vos quam Christus cxsuscilat, et in sc cvi- ejus. Dcnique et haec ipsa dilecta vide quails exsurgat
gilare facit? Dcnique etsi dormit ipsa, sed cor ejus vi- de sponsi amplexu. Quoe est ista, inquit, quae ascendit
^ilat in Christo. Petrus et qui cum ipso erant in monte quasi virgula fumi?
gravati sunt sumno, et evigilantes viderunt majeslatcm 7. Scd nos jam hie ascendentem revocemus sermo-
Jesu. Bene gravati somno, in quibus humanus reprime- nem, et capitulum hoc alteri servemus principio, imo
batur sensus. Gravabatur et reprimebatur in ipsis quod illi qui de seipso dicit Ego principium, qui et loquor
:

crat ex ipsis, ut ad ea quae mundi sunt caeci et hcbe- vobis. Qui utinam nobis sit et scrmonis principium, et
tes, tantum ad cognosccnda quae Dei sunt, spiritu evi- cordis vcrbum ut quae locuturi sumus de ipso, prior
:

gilarent excitati divino. Evigilantes, inquit, viderunt ma- ipse, loquatur in nobis. Loquere Domine, loquere pro
jestatem.Bene ergo vigilal, qui talia vidct, qui videt me. Increpa pro me filias, non Jerusalem, sed Baby-
gloriam Unigenti a Patre; qui audit arcana verba, quae lonis die ut scdeat et taceat filia Chaldaeorum. Deus
:

non licet homini loqui. Non licet ei dici in quo bone, quanta? sunt hodic filiae Babylonis, qua> nesciunt
filius Dei nondum resurrexit. Videte, inquit, nemini vi- canlica Sion, propter quas organa nostra suspendimus !

sionem dixeritu<i, donee filius hominis a moriuis resurgat. Quanti sunt filii Edom, qui nos cxinaniunt et exhau-
Non potest ei dici visio, in quo nondum Gliriolus resur- liunl la'lilia siiiiiluali Conipcscis filias Jerusalem ab
I
,

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 69


k'sde Babylono, qui nc connaisseiit pas les canti- se reposait avec delices. 11 est Absalon par I'imita-
ques de Sion, et a cause desquelles nous suspcn- tion, celui qui s'arroge la place du maitre et lui
On blime dons nos inslrumenls de musique Qu'ils sont ! porte tort par sa vie, preche la paix et devore
qui
ceux qui
troublent
iiomLreux les enfants d'Edoni, qui nous epuisent a belles dents. La medisance est une mauvaise
leurs supe- nous font perdre la uioie spirituelle. Vous ompe-
et
j. l j.
morsure, elle est cette nourriture malsaine dont il
neurs par
leurs chez les fiUes de Jerusalem de derangcr la bien- est dit : « Le mal est doux a sa bouche et il le cache
Diurmures,
etc.
aimee. Daignez^ Seigneur, me meltre a I'abri des sous sa langue. » [Job. xx, 12.) 11 le cache jusqu'a
coups des fiUes de Habylone. U y a line grande ce qu'au moment donne, le venin il vomisse tout
difference enti'e les importunitcs de ceux quiaiment qu'il a ramasse. Combien de malices I'ami commet-
et cellcs des meclianls qui cberchent a nuire ; ces il dans le lieu saint ? Ensuite, ce qu'il ne voit pas
dernieres sont plus insupportables. Mais jo ne sais il le soupconno. « lis out pose, » dit-il, « leurs si-
par quelle misere de notre temps, ceux qui aiment gnes comme des signes, et ils n'ont pas connu. »
sont devenus ennemis. Combien demalignites exer- [Ps. Lxxui, h.) lis placent ce qu'ils ne trouvent pas;
ce I'ami dans le lieu saint? J'aurais du dire I'en- ils placent ce qu'ensuite ils exposent mal. «Leurs
nemi, et j'ai dit, ce qui est plus triste, les amis signes, » dit le Psaume. Car ils se posent comrae
eux-memes sont devenus ennemis. Amis selon la des signes, lorsqu'ils mesurent les autres a la regie
profession,ennemis si on regarde I'affection. Amis de k'ur pei'versite. « Signes, » dit-il; comme s'il

en apparence, detruisant la vertu do I'amitie. Ab- disait, des signes non la


exterieurs seuleraent, et
salon est ami paree qu'il est fils, mais que de ma- verite signes, non de certitude, mais dedoute. «Et
:

lignites commises par cet impie conti-e un saint, ils n'ont pas connu. » Ils ont en effet pour fonde-

par ce fils contre son pere, par Absalon contre ment qui les appuie, non la certitude, mais la
David? Absalon signifie la paix du pore. C'est un conjecture. « L'ennemi exerce sa malignite contre
tres-beau nom, mais il reniait, par la realite, la le saint. » Contre quel saint? contre le saint des
vertu de ce titre. 11 aspira au royaiunCj il souilla saints ; contre le saint qui prononce ces paroles :

par un inceste la coucbe royale. lleureux ccpen- « Qui vous meprise, me meprise. » [Luc. x, l(i.)

dant David qui, au milieu de tant de fils_. ne compta 11 est temeraire, dit I'apotre, de juger le serviteur

qu'un persecuteur. Quel d'entre lesmaitresme mon- d'autrui. [Rom. xiv, k-) Vous, qui etes-vous done
trez-vous aujonrd'hui qui n'ait eu a eviter les poiir juger votre maitre? Qui juge le pouvoir, juge
pieges que d'un seul Absalon ? Est-ce qu'il ne se ce que Dieu a etabli.

voit pas des Absalons qui, selon qu'il est ecrit, 8. Seigneur se plaint etdit les homraes
Enfin le :

« preclient la paix et mordent a belles dents? » m'ont enleve mon jugement. Enfants des hommes,
[Mich. \n, 5.) Us dosirent i)i'endre la place dupcre, pourquoi aimez-vous la vanite, pourquoi cherchez-
souillent sa couche quaud ils
ils corrompent leurs vous le mensonge? Qui, vous aimez la vanite de la
compagnons par leurs murmures : ils bouleversent prclature, et, pour cela, vous cherchez dans vos su-
les cceurs des innocents dans lesquel I'esprit du pere perieursle mensonge d'un soupconmauvais.Car les

infestatione dilectae. Ulinam inihi Domino afiliabuspar- et abscondit illud sub lingua sua. Abscondit done evo-
cas Babylonis. Dispar cnim est, et satis molesUor vcxa- mat in tempore virus collcctum. Quanta malignatur
tio malignantium, qiiam amanfium. Sod tamen nes- amicus in sancto ? Deniquc qnai non vidct suspicatur.
cio qua nostri tcinporis hujus iiiiscria ipsi amantcs facti Posuerunt, inquit, signa sua signa, et non cognoverunt.
sunt malignantcs. Quanta malignatur hodie amicus in Poimnt quae non invcniunt ponunt qu;p pravc postea :

sancto? dixisse dcbiii ininiicus, scd dixi quod magis do- exponunt. Signa, inquit, sua. Scipsos cnim in signum
Ict ipsi amici facti sunt inimici. Amici professione :
: ponunt, cum ex suff- pravitalis rcgula alios metiuntur.
inimici affcctionc. Specie amici scd amicitia! virtutcm : Signa, inquit quasi dicat, tantum signa, et non vcri-
:

diffitcntcs. Amicus Absalon, quia filius; scd quanta tatcm signa non cerlitudinis, scd suspicionis. Et non
:

maliguatus est sccleratus in sancto, filius in patrc, .\l)sa- cognoverunt. Non cnim cognitione, scd conjcctura ni-
lon in David? .\bsalon pax palris dicitur. Uonum plane timtur. Malignatur inimicut in sancto. In quo sancto?
nomen scd ipse nominis hujus virtutcm abncgabat.
: In sancto sanctorum; in sancto qui dicit : Qui vos spcr-
.•\frcclavit rcgnum, tamen Da-
incce-tavit cubilc. Felix nit, me spernit. Tcmcrarium est, ut dicit Apostolus,
vid, cul inter tot filios, non
unus persecutor cru- nisi alicnum servum indicarc. Tu ergo qui es qui Domi-
pit. Qiicm mihi dabis hudie inter magistros, cui non num tuum judiccs? Qui cnim potestalcm dijudicat, or-
nisi unus .\bsalon insidietur? .\nnon quasi .Vbsaloncs dinalioncm Dei dijudicat.
sunt quidam, qui, sicut scriplum est, pacem pi-iedicnnt 8. Deniquc conqucrilur ct dicit Tulcrnnt a mc ho- :

et mordent dentihus? .\lTcclant locum palris, fccdant mines judicium mcum'.Filii hominum, ut quid diligitis ,
j^ Uoetr.
cubilc, dum piavis susnrriis socios corrnmpuiit etsub- : vanitalem, el qua*rilis mendacium? Vanitatem u iquc I />/>. /,ft. con-
idco qiifcrilis in Pr;rlalis vcstris tnr judtc.
vertunt corda innocenlium, in quibus palris sj)ii'itiis diligilis pr.-elationis, ct
remcr.
suavitor quicscebat. Imilatione .Vbsalon est, qui ma- mendacium prav.e suspicionis. Vani cnim lilii hominum,
gistrl ct locum sibi arrogat,ct vilif dcrogal; paccm prac- mcndaces in statcris, mendaccs in judiciis. Et utinam
dicatctmordendcntibus. Mains est morsusderogatio,malus pro niinimo mihi sit ab humano die judicari, dura
cjbus dc quo dicitur Duke est cnim in ore ejus malum,
: a;lcrni dici cxspccio judicium. Cum, inquit, accepero
»

70 L'ABBK fULLLlJKUT.
vains, ih sunt trompeurs pouse, Jrsus-Chrisl, qui r.-gue avcc Ic Perc el le
lils des honime.s soui
balajiccs, luentcurs daiis leurs jugemciits. Saint-Ksprit dans tous les siecles. Amen.
dans leurs
Et plaise aucielqu'il uc m'importe nullement d'cHre Si:ilMO.N W.
juge par les homines, moi (jui attends Ics jugo-
Quelle eil ceUe-ci qui s'eleve u Iravers le deserl comme
ments du jour etcrnel. « Lorsquc j'aurai pris le
line colonne de famie d'aromates? (Cant, ni, 6.)
temps, » dit le Seigneur, « je jugerai les justices. »

{Psalm. Lxxiv, Le juste juge lui-meme, declare


3.) 1. « Quelle est cellc-ci qui s'eleve a travers Ic
attendre le temps pour jugcr les justices, ct vous, desert comme une colonne de funiee d'aromates?»
avant le temps, vous osez entreprendre de faire le Voyez, niesirercs, comme vous I'avez sous les yeux,

jugement? Le pore a donnc au fils tout jugement, combien la tranquillile de I'esprit est efficace, pour
et vous, vous vo\is emparez du jugement que vous obtenir I'augmentation de la gr^ce quels fruits, ,

n'avez pas recu, et cela contrc un perc? Prenez la bieu-aimee du Christ retire du repos interieur.

garde que ce ne soit contre ce pore de qui toute Voyez, dis-je, dans quel etat elle quittc les embras-
liaternite, au ciel et surlaterre, tire sonnom. Celte scmonls de son epoux. .\e me demaudez pas en
generation, race de vipere, mange samrrc ct d'uue quelle situation elle s'avance, demandez-le plutot
dent empoisonnee infectc la vie de son docteur. Ce aux compagnons de I'epoux. Mais, pour eux aussi,

no sont pas la les lilies de Jerusalem, les filles de la ne sort-elle i)as d'unc facon nouvelle et iusolite, du
pais, mais les enfants de Babjlone. Quand les rc- sein de son bieu-aime ? Oui, elle en sort d'une ma-
jmmerez-vous et dix'ez-vous Filles de Babylone, : niere tout-a-fait nouvelle? Cette nouveautc excite
ne pleurez-pas sur moi, mais plutot sur vous. Car I'admiration. « Quelle est celle-ci qui monte?
Par I'oraisoi
les reprocliesde ceux qui tiennent votre place re- Remarquez progres. Dans les passages precedents, rhomme e»
le

tombent sur vous. Leurs murmures ne s'clevent elle s'adresse aux gardes et leur demaude s'ils ont renouvi.'lc.
pas contre nous, mais contre le Seigneur. Defendez- vule bicn-aime. lei, elle se presente aux memes
vous done du murmure qui ne vous sert de rieu et gardes sous une apparence admirable et toute nou-
quinuit auxautres. Vous, Seigneur, fermez plutot velle. Comment ne sortirait-elle pas toute renou-
les bouches qui profereut des paroles iniques, et ne velee des bras de son epoux ? C'est lui qui dit, par-
fermez pas les levres de ceux qui chautent vos lant de lui-meme : « Voici que je rends tout«s
louanges. Pourquoitant insister sm' ces plaiutes? Je clioses nouvelles. iAp. xxi. 5.) Meme celles qui sont
ne me suis pas propose de pleurer ce qui est a vous, nouvelles, il les renouvelle aiissi. 11 est un creuset :

mais de chanter ce qui est des autres ; qu'il suffise approchez-en I'or, s'il est pur, il le rend plus pur
d'avoir deplore en peu de mots ce qui nous louche. encore, et le metal luisant tire de la fournaise un
Des plaintcs je reviens aux cantiques, celui-lii nous eclat plus vif. Le Christ n'est-il pas une fournaise?
fournissant I'esprit, la bouche et le repos, qui em- (( Voire parole, » dit le Psalmistc, » est grandement
peche les inquiets de troubler le sommeil de I'e- brulante. » [Psalm, cwni. 1^0.) Eprouvee dans ce

iempus, ego justitias judicabo. Ipse Justus Judex tempus


expectare se dicit, ut justitias judicct et tu tibi ante :
SERMO X\'.

tempus assumis judicium? Pater omne judicium dcdit


Qiue est ista quo' a^ccndii per deserttan qiwsi lirgulo
Filio ct tu tibi quod non accepisli judicium assumis,
:

et hoc in patrcm? Vide ne forte in cum Patrem, a quo finni ex avomafibus? (Cant iii, c.)

omnis paternitas in nominatur. Vi-


ccelis et in terris
1. Qua est ista qua- (iKOidit per desertum quasi vir-
perea generatio matrcm suam comedit, et dente vene-
nato doctoris vitani corrodit. Non sunt ista: filiae Je- gula fumi ex aromatibus? Vidctc fratres, sicut et videlis
rusalem, pacis filiffi, sed Babylonis. Quando increpa- quam sit cfticax ad incrcracnta gratiarnm tranquillilas
bis illas, ct dices Filiie Babylonis nolitc Here super
:
mentis quulcs mctat Iructus de interna quietc Chrisli
:

dilccta. Mdcte, quam in qualis procedat de sponsi am-


me, sed super vos ipsas flete? Siquidem improperia eorum
qui vices tuas gcrunt, in tc redundant ncc est murmur :
plexu. Qualis ergo progrcdilur a me nc qua'sicritis :

eorum contra nos, sed contra Dominum. Parcite ergosa sponsi potius super hoc sodak^s consulite. Quid si ct
ipsis quasi nova ct insolita de sccrcto dilecli sinu pro-
murmurationc, quae non prodcst vobis, et aliis nocet.
Tu Domine, tu potius obstrue os loqucntium iniqua, cedit ? No\a plane. Nam
ipsa novitas admiralioncm in-

et nc claudas ora tc canenfium. Sed quid jam nunc ducit. Qua qua; asceiidit? Attendc profectuni.
est ista

querelis his ulterius immoror? Non id nunc gcro pro- In supcrioribus custodes intcrpcllat, ct de visione rogat
dilecli. Ilic ipsis custodibus admiranda prorumpit, ct
positi, ut nostra dellcam, sed ut alicna cantem. Sufficiat
paucis nostra dcplorasse. Jam a lamentis rcvcrtor ad nova sub specie. Quidni nova procedat de complexu
cantica, illo nobis animum pra?stante et os et otium, dilecti? ipse est enim qui de se dicit Ecce ego omnia :

qui cohibet inquietos a sponsae somno, Christus Jesus, nova facio. Eliam quaj nova sunt, ipse renovat. Puta
una cum Patre ct Spiritu-sancto regnans per omnia caminus est aurum admovc; .si purum est, purgatius
:

reddit, et rutilans mctallum recentem de fornace ful-


ssecula. Amen.
gorem educit. An non caminus Christus? Ignitum, in-
quit Psalmista, ehquium tuum vehementer. Hoc camino
SFIOIONS SIR LV. nAXTIQIE DES CAMIQLES. 71
crousct, la croatitiv u'eu ppiit soi'tir que noiivelle et Icvecs? Cette odeur, c'est lodeur de la mort atlirant
chaugi'C dans le Christ Pendant
eii un autre I'trc. a la mort. Ce que vou- croyez abondance, c'est le
qu'il priaitj le visage du Seigneur devint tout au- vide. « La terre, c'est la soif et Tiraage de la mort,
tre. [Luc. IX, 19.) Pour vous aussi, priez que son exte- comme parle le prophete Jeremie [Jerem. ii. 6.)
rieur vous soit tout difTereut. Car i-estant le meme en La « terre » c'est la « soif. » Elle excite en effet
lui, il renouvelli; tout. Le visaue corporel du Sei- plus qu'elle ne rassasie les cupidites mondaines. Ce
gneur parut different lorsqu'il pria ; il voulut par que vous croyez plenitude est chose infructueuse ;
ce prodige, vous faire voir TetTet de la vcrtu de la et s'y trouve quel que
s'il fruit, ce fruit est caduc
priere de votre amc, c'est elle qui vous change dans et par ses alterations incessantes, il porte I'iraage
I'interieur, c'est la meditation qui renouvelle et de la mort. La vous voyez I'image de la mort,
oii
fait passer a I'etat d'un homme nouveau. a Pour comment pouvez-vous croire sentir I'odeur de la
nous, » dit I'apolre, « a visage decouvert, contem- vie ? C'est la richesse du Christ qui exhale I'odeur
plant la gloire du Seigneur, nous sommes trans- de la vie. C'est lui champ veritablement
qui est le
formes en la meme image. (II. Cor. m.) C'est- plein, le champ champ que Dieu le Pere
fertile, le
a-dire en celle que nous voyons. (II. Cor. a beni. L'epouse ne connait point d'autre champ
HI, 18.) que celui-ci, toute autre region lui est desert et
2. Peut-elre I'epouse sort du secret de la con- terre d'amertume.
templation revetuc de I'image de I'cpoux qu'elle 3. « Quelle est celle-ci qui s'eleve a travers le Le ccenr
considerait. Elle est tout-a-fait renouvelee. L'eton- sterile en
desert ? » Votre cceur sera assurement un bon de-
vices est un
nement de ses corapagnons qui eclate autour d'elle sert tant qu'il n'aura pas senti la charrue de I'en- bon desert.
indiijuc assez ce changeraent : « Quelle est celle-ci nemi : tant que ses pluies ne I'auront pas arrose,
qui monte? » Comme si on disait^ elle n'est pas et que ses rosees ne I'auront point rafraichi, tant
comrae hier et les jours precedents. Elle nefait plus quel'ivraie, qu'il seraesur le bon grain, n'y croitra
le tour dans la ville, elle ne rode pas dans les rues pas et meme n'y renaitra pas comme dans im sol
et les places, devant les gardes. Elle n'erre pas, fecond. Que votre coeur soit sterile, qu'il ne
elle monte en ligne droite. D'on vient en elle nn germe pas de telles plaintes, qu'il ne recoive pas
cliangement si recent ? « Quelle est celle-ci qui de telles semences. « Mon ame, » dit le Psalmiste,
jLe niondc
I est an monte et qui monte a travers le desert? » Elle re- « est devant vous comme une terre sans eau. »
-Tt aridc
'
sterile.
garde vraiment comme un desert aride et sterile, [Psalm. cxLU. un bon desert qu'une Ame
6.) C'est
tout le siecle present qu'elle franchit. Et comment de ce srenre: c'est encore un excellent desert
I'odeur de ce desert est-elle devenue pour nous qu'une chair pure, intacte, qu'une chair non sil-
I'odeur d'lm champ plein, comme si le Seigneur lonnee par les desirs immondes, qu'une chair
I'avait beni ? Combien cette odeur attire d'ames, et ignorant les attointes de la volupte. Car celui qui
combien en retient-elle cpai ne peuvent pas etre en- seme dans la chair recueillera la corruption.

tk'cocta non potest nisi nova, ct vclut altera prodire ad se deserti odor, et tenet ne possint avelll.
hujus
crcaturainChristo. Dcniquc ct ipsius dum oraret species Odor istemortis ad mortem. Inanitas est
est odor
facta est altera sed tibi aliena cum oias ejus fit species.
: quam putatis nbcrtatcm. Dcnique terra sitis est, et
Nani insc manens unus, innovut omnia. Altera facta est ergo mortis, sicut dicit .Tercmias Propheta. Terra, in-
coi'poralis Domini species cum oraret, ctvohiit per hoc in quit, sitis. Cupiditates enim mundanas magis irritat,
mcnte lua orationis commendarc virtutem, quod ilia sit quam satiat. Infructuosa est ista quam putas plenitudu :
qujc 1c in intimis altcrum facial, et novum commutet in ct si quid est fructus, id fluxum est, ct mutabilltate sua
hominom, ct mcdita'io innovct. A'ov, inquit .\postoIus, mortis pra»fcrt imagincm. Oiiomodo ubl mortis vides
rnro.lntn forie gloiiam Domini tppculnntex, in eamdem imaginem, odorem \Mx sentire te reputas? Odorem vi-
itnnrjino iran>!p)rmnrnHr, hoc est in eamdem quam in- tae Christi spiral ubertas. Ipse cnim est agcr vcre ple-
tucmur, transformamur. nus, agcr fertilis ager cui bcnedixit Deus Pater. .Mium
,

2. Forte ct sponsa de .'<pccula(ionis arcano cam, quam pneter istum agnim sponsa ncscit sed deserlum repu- ,

inlucbatur, .<ponsi imagincm vcsfita prodit. Nova plane. tat, et terram salsuginis.

Nam sodallum circa ipsam admiratio novifatem pro- 3. QiifP est isto qtt(e ascendit per desert um ? Bonum
tcstatur Qixf
: est isfn ijikp ns-cenr/it? ac si dicat, non crit certe descrtum, si non fucrit cor tuum insulcatuin
est cum ilia slcut heri ct nudiustcrtius. Non jam am- inimici vomere si non fucrit ejus irriguum stillicidiis,
:

plius circuit civitatcm : non discurrit per vicos, per impinguatum rorc; si non quae supcrscminal zizania in
phdcas, platcas, per vigilcs. Non errabunda va^tur, te b-cta luxuricnt , imo rcna.scantur quidem quasi f;e-
sed iliucic dirccto aspcndit. Qu;p est in liac ipsa ha?c tarn cundo in solo. Sterile sil cor gcrmcn tuum, ne tale vcl

subita novilas? Qiirr est i<tn q>i/r nsctidit, et aieendit per profcraf, vel semen siiscipial. .\niinn. inquit, mea sicut
(Ic^ertitm? Dcscrtnm verc etaridnm ot sterile rcpulals<T- terra sine aqua tibi. Bonwm dcsertum talis anima, t)onum
culum omnc hoc per quod asccndif. Et quanam raflonc eliam deserlum caro intcpra, carointacta, caroimmundis
rcputat sofculum omnc Iiop per quod ascondit. Et quanam non cxarala concupiscentiis, caro camalis voluplatis ncs-
rationc nobis factus dcsci-ti liujus odor, slcut odor apri cicnsscmina. Quienim seminal in carne, de came mclet
pleni, ct quasi ei bencdixerit Dominus? Quantos trahit corruplioncm. lionum deniqnc deserlum alvusvirginalis.
72 I/ARBK fill.LKRFRT.
[Gal. VI . 8) Cost un dr'-licioux desert enlln que le corps iricoiTupliblo n'a pas occasionno ."i I'Ame la

mimodu^ein
^'''" *1 ""t! viorgc. Tcl ('tail celiii do la bienheureuse fatigue d'aucune charge, parce qu'une maison ter-
(le la incomparable Vierge, que jamais ne ternit nul
et restre u'a pas alourdi le sentiment roulant en
bionlicurcusc •

mtredeDieu. mouvenient inipur, que jamais n'altera unc afTec- soi plusieurs pensees ou meme les ayant toutes.
tiou moins droite. Sa chair fut coinme une terre No sont-ils pas comme des vents sacres, tons les
deserte, et sans passage et sans eaux, c'est la que saints qui, echappant aux pieges de la terre, dans
le Christ apparut. Elle n'est pas entierement im leur rapidite spirituelle, placent leur sejour dans
desert, la chair qui enfanta le Christ : elle est arro- le ciol? 11 est plus particulierement comparable au
see, mais par les influences dos vertus. Aussi on vent, celui qui marche sur I'aile desautres vents et
I'appelle comme le puits des eaux vives qui des- s'elevc au-dessus des vertus de tons les esprits.
cendent du Liban avec impetuosite, car I'eclat de la L'ecriture lui donne done a juste tilre le nom de
virginale puretc fait rejaillir les griices spirituel- vent et de vent brulant, parce qu'a son souffle, le
les. Son sein est unjardin forme par la sevoriie froid du peche est dissipe en nous et notre cap-
de la saintete virginale, parce que I'ardeur des de- tivite se change comme un torrent qui coule rapide
sirs charnels n'a pas viole la haie qui protegeait sous les coups de I'auster. Les disciples se sentirent
son integrite. C'est pourqixoi, arrosee de telles eaux atteints de cette chaleur lorsqu'ils s'ocrierent :

elle produit son fruit en son temps. Voulez-vous « N'est-ce pas que notre coeur etait bn'ilant en nous
savoir quel fruit cette terre deserte a produit? lorsqu'il nous parlait? [Luc. xxiv. 32./ Et je ne sais
Osee vous I'apprend quand il dit : « Le Seigneur si ce vent souffle nulle part avec plus de plaisir que
amenera du desert un vent brulant qui dessechera dans le desert et les solitudes d'une integrite chaste
les veiues de la mort. » [Os. xui. 15.) Qui a et sans tache. C'est en ces lieux qu'il promene son
desseche les veiries de la mort, sinon Jesus-Christ, haleine, qu'il remplit de la ferveur de la charile
que nous a ouvert le desert d'un sein Ires-pur? Et Tame unie a un corps pur, qu'il la resout en vapours
il est vraiment im vent delicieux, car le Seigneur legeres, apres I'avoir liquefiee par des desirs spi-
Jesus est un souffle devant notre face. On I'a aussi dans
rituels, et la fait s'elever les hauteurs, sembla-
Le Christ appele le second Adam etabli pour repandre I'es- ble a une colonne de fumee.
ettcompare prit de vie.
(I Cor. xv, Ixb.) Sous I'influence de cet h. « Quelle est celle-ci, » dit le texte, « qui inonte
au Trent. .
^ '

esprit, lesnuages apostoliques volent dans I'air, ce a travel's le desert semblable a une colonne de fu-
qui jette Isaie dans I'admiration. Est-il etonnant mee? » La chair epuisee par la chastetc et desse-
qu'on nomme vent, celui que i'ecriture appelle cbee par la vertu est un bon desert, eUe n'exhale
nuee ? Le Seigneur, dit-elle, « montera sur une aucune vapour d'impure dilatation, elle n'eteint pas,
nuee legere. » [Is. xix. 1.) Et par logere, n'enten- mais plutot nourrit la flarame qu'allume le souffle
dez pas ici errante et instable ;
par cette legerete du Seigneur. Ce feu, s'il rencontre une ame aroma-
compreuez la disposition spirituelle, parce qu'un tisee, il la briile, il la transforme et lui donne

Talis erat beafae illiiis et specialis virpinalis uterus, presserit terrena commoratio sensum multa, imo cunc-
quem nullius impudici motus afTectionis immundse te- ta cogitantem. An non quasi venti sancti sunt omnes,
meravit leesio. Caro ipsius sicut lerra deserta, et invia, qui spirituali levitate a terrenis elapsi, conversationem
etinaquosa,in qua Cliristus apparuit. Non tamen deserta sibi in ca^lo collocant? Sed ipse speciali ratione vcntus,
penitus, qua? Christum parturivit irriguaest, sed lluen- : qui reliquorum ambulat super pennas ventorum, et spi-
tis virtutum. Ideo quasi puteus dicitur aquarum viven- rituum omnium -virtutes exccdit. Jure ergo ventum eum
tium, quas fluunt impetu de Libano, quod virginalis vocat, et ventum urentem, quod ejus flattu pcccati sint
munditia; candor spirituales refundat gratias. Hortus in nobis frigora resolufa, et cjiptivitas nostra conscrva
conclusus venter ejus castimoniffi virginalis disciplina, tnnquam torrens in austro. Hujus se aestu exustos Dis-
60 quod iutegritalis sepem carnalis desidcrii non dissipa- cipuli senscrunt, cum dicerent : Nonne cor /lostrum ar-
verit ardor propterca in talibus irriguus aquis fructum
: dens erat in nobis duni loqueretur ? Et ncscio si uspiam
dedit in tempore suo. Vis audire qualcm lia-c terra de- libentius spirat, quam in castas et illaesae inlcgritatis
serta fructum dedit? Osee te docct, qui dicit Adducet : deserto et invio. II;pc loca libentcr perflat, ctcasli corpo-
Dominus ventum de deserto urentem, et desiccabit ris animam caritatis fcrvore decoquit, et spiritualibus
lenas mortis. Quis
mortis desiccavit venas,
alius liquefactam desideriis tenues resolvit in vapores, el ve-
nisi Christus nobis Jesus,
intemerati quem
ven- luti fumi virgulam exsurgere facit.
tris dcsertum refudit? Et bene vcntus quia Spiritus 4. Qua; est,
: inquit, ista qure ascendit p,v desertum
ante facicm nostram Christus Dominus. Denique dictus quasi virgula fumi? Et bonum desertum caro castitatis
est secundus Adam in spiritum vivificantem. IIujus fla- cxhausta et desiccafa virtufe, qu^ nullam delectationis
tu nubes volant, quas Isaias miratur. Quid
apostolicae immundaR nebulam exhalef, nee ignem extinguat, sed
mirum ventus dicitur, quem etnubem legis? Ascendit,
si
quem Domini tlatus succendit. Ignis liic aroma-
nutriat,
inquit, Dominus super nuhem levem. Nee hie levem ticam si invenerit animam, succendit, et alteram coni-
qua-
si vagam et instabilem accipias sed levitatis intelligen- mutat
: speciem et quasi virgulam fumi exhalat in su-
in
tiam ad spiritualem aptitudinem trahe, quod corpus in- peiiora. Quasi rirr/n/a, inquit, quod per cogitationum
corruptibile nullam animee gravitatem attulerit, nee de- discjplinam ab exteriori sit ad interiora constricta, et ab
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 73

line autre apparcnce ; il la fait s'elever vers les re- entendre ce defaut, que le Psalmiste vous rccom-
gions superieures, semblable a une colonne de fu- mande : « Mes yeux ont en considerant vo-
defailli
mce. « Comme une colonne, » dit le texte, pavce tre parole, Seigneur, Mon &me a defailli en con-
que par la discipline qui regie ses pensees, die est templant votre salut. » [Psalm, cxviii, 81, 32.)
resserrce du dehors au-dedans et dirigce de bas en 5. Plaise au ciel, Seigneui", que mes yeux
haut : comme une colonne, parce qu'elle serecueille soient allanguis et defaillent de cette defaillance.
elle-meme en se repliant sur elle et se dirige au- Que mon ame tombe dans cet epuisement, qu'elle
a ferveur dessus d'cUe-meme. Mais que veut dire, qu'on la manque, qu'elle se liquefie et qu'echautTee par vo-
)assag&re
. compar^e
compare a une colonne de fumce? Peut-etre veut- tre parole, si grandement enflammee, elle passe li-
ine colonne on donner par-la a entendre, que la grace d'un brement de toute intelligence grossiere, au souffle
le fum^e.
etat si suave n'est ni constante ni solide, et que I'as- plus leger d'un elat spirituel. Plaise a Dieu que ce
cension de I'ame se dissipe facilement comme la i'u- qu'ily a en moi d'mtelligence epaisse, de desir
mee? Elle est suave et tout-a-fait spirituelle, la va- emousse, defaille et devienne une gi'ace plus sub-
pcur de fumee en laquelle se resolvent en se melant
la tile, et que subissant ainsi une heureuse depression
les aromates brules ensemble. Pour cette colonne de sa lourdeur, elle s'allonge par une operation spi-
tendre et delicate, je crains les tourbillons, je crains rituelle et devienne en une colonne de fumee. Que
que les coups des vents ne la decbirent, que la lem- la force de mon Ame defaille, et se transforme en
pete des soucis ne la promene de cote et d'autre, tme telle fumee, et qu'elle ne disparaisse pas
que le souffle de la tentation ne la dissipe et qu'elle comme la fumee, qu'elle ne dise pas « Mes jour- :

ne cede a tout vent. Des exemples nous prechent la nees ont disparu comme la fumee. » [Psalm, ci, 4.)

crainte. Nous en voyons et nous en pleurons qui Autre chose est de defaillir entierement comme la
ont cede aussi inopinement qu'ils s'etaient promp- fumee, de sorte qu'on n'existe plus; autre chose
tcment eleves. 11 en est qui sont subtils dans leurs est de defaillir de nianiere que, par I'esprit, vous
meditations, appliques a I'oraison, riches en gra- deveniez subtilise et spiritualise comme la fumee.
ces, penetres dune devotion douce, portes auxlar- II avail saintement defailli, le Psalmiste, lorsqu'il
mes, et soudain, I'occasion d'une impatience legere avait dit : Mon ame soupii'e et defaille apres les par-
arrete et fait cesser le cours de ces delices. Est-ce vis du Seigneur. [Psalm. Lxxxiii. 1.) Est-ce qu'il ne
done une gloire qui s'evanouit aussi facilement
la defaille point en une certaine manicre, celui que
que la fumee? Elle est semblable a une colonne de le Christ cnflamme ? Le Seigneur lui-meme est un

fumee, une telle ascension qui tombe par sa propre feu, selon qu'il est ecrit, wetun feu qui consume. »
mobilite ou cede aun derangement qui survient. Je [Heb. XII. 29.) Qui s'approche de moi, dit-il, s'ap-
n'ose cependant pas, quand il s'agit de la personne proche du feu. Qui me donnera de pouvoir lier ce

de I'epouse, entendre par fumee le defaut. Ou si feu dans mon sein? Qu'il enflamme mon cueur,
vous resistez h cette interpretation, je vous donne a consume mes reins et me reduise au ueaut ? C'est

infcriori ad superiora directa quasi virgula, quod sese


: mci et dcficiant. Utinam hoc defectu deficiat anima mea,
ft ad scipsam colligat, et supra sc porrigaf. Sed quid deficiat, ct cloqnio tuo calcfacta, eloquio
liqucflal, ct
sibi vult, quod illam fumi virgulae comparat ? An forte vchemcntcr ignito, ab omni crassa intellectu in tonuio-
per hoc innuere voluit, quod non sit perpetua ac solida rem spirifualis habitudinis auram laxetur. Ulinam si
mcniis asccnsus, sed
spirifualis htijus suavitatis gratia, et quid fucrit in mc corpulcntaj * intelligcntiaj et hcbclis , • al torpn-

facile sicul funius liqiicscat? Suavis est plane ct omnino desidcrii, in subtilioris gratia; usum deficiat, ct attcnua- lenlx.

spirifualis vapor fumi, in quern se aromala concremata tionc quadam, et acuniiuc spiriluali a cr.issitudinc sua
relaxant. Sed ego virgulae isti tenera; ct dclicata; turbines vcrlalur in virgulam fumi. In talcm utinam deficiat fu-
metuo, ne illam ventorum flabra diverberenl, ne circun- mum anima) meae virtus et non deficiat sicut fumus,
:

fcratprocclla ciu-arum, ne tentationisaura illam dissolvat, ne dicat Defecerunt sicut fumus dies mci. .\liud est om-
:

ct ccdat omni vcnto. E.xcmpla nobis mctum suadcnt. nino ita dcficcrc sicut fumus, ut omnino non sis aliud :

Multos cnim vidcmus ct dolemus tarn insperato cessissc, ita dcficcrc sicut fumus aUcnuatus aninio, ct spirilualis
quam subito crupissc. Mcditationes subtiles sunt, ora- Bene dcfcccrat Psalmista, cum diceret Concujiis-
sis. :

lionis impensi studio, pingues gratia, dcvotionc quadam nnima mea in atria Domini. Qnoniam enina
cil et deficit
dnlci ubercs, effusi in lacrymas, cum subito Icvis impa- modo non deficit, qucm Chrisfus infiammat? Ignis ipso
ticnli;e occasio qua'libct spiritnalcs has constrital dc- est, sicut scribilur, ct ignis cunsiuncns. Qui, iiupiit, ap-
lirias ct Annon ergo
oxhauril. quasi
facile fumns lam proximaf ad me, approximat ad igncni. 0>'is mihi da-
cvancsccns gloria? Jure quasi virgula fumi talis asccnsio, bit, uthunc possim igncm ligare in sinu nieo? ul inllam-
qua; vol propria mutabilitatc deficit, vol accidenti mo- nict cor mcum, renes comnuitct, cl ad nihilum nic re-
Icstiffi ccdit. Ego tamcn non audco super Sponsa; per- digat? Jure quasi virgula fumi asccudil, qua) de calore
sona fumnm pro dcfoctu inlcipretari. At si tu contcn- proccssil cubiculi, de Vcrbi igniti complexn. Suaves tua
liose resistis, cum
do defectum aci-ipero, qucm tibi
tibi flamma Ciirislc vaporcs evonu're sold, et odoris aro-
Psalmita commendat
Dcfcccrunt ocu/i vici in ehquium
: mafici fumum prodiicit. (>(/«>•( rinjula, inquil, fumi c.c

luiim, Dcfecit in snlutnre tuum nnima meo. aromaliljus. Et fumimi lego, qui de Lcviatum ore pro-
5. Utinam hoc, Dominc, defcctu altcnucnlur oculi cedit. Et item funium dc puleo abyssi prodcuntcni sed ;
74 LARnt r.UJ.EBKHT.

avec raison quelle niuiite conime une colonne <le une odeur suave, mais liquelies par ce feu, leurs
fuiuee, celle qui sort des ardcurs du lit et dcs cni- parfunis sont bien autrement agreables.
brassements du veibe oullaunue. Votre flamme, 6 6. Sentaiit la suavite des parfums qu'exhale I'e-
dela myrrh
Christ, exhale d'ordiuaire de suaves vapeurs et elle pouse, les compagnons de Tepoux s'etonnent ct (le I'enceB
produit la fumee d'uuc odeur parfumee. « Conime s'ecrient « Quelle est celle-ci qui monte ii Iravers
:
cl de
la poadri' i

ime colonne de fumee d'aromates. » Je trouve la le desert comme une colonne de fumee d'aroraates, parfnmeoi
II eiiste fumee qui sort de la l)Ouche de Leviathan. Je vois de myrrhe, d'encens et de toutes les essences
sorte« encore la fumee qui monte du puits de rabime : des parfumeurs ? » La mrrrlie tous represente
de fumee.
mais je ny vois pas la colonne, je u'y trouve point la vertu de continence I'encens ;le gout de ,

les arouiates. II u'y a rien de droit, rien de doux, la prierc; la poudre du parfumeur, i'abondance des
mai? uue souveraine horreur, sans aucun ordre. 11 autres vertus, Ihumilite dun coeur contrit. C'est
existe uue fumee de I'erreur, c'est celle que vomit une bonne myrrhe, celle qui reprime la petulance
le puits de I'abime. C'est d'elle que les impies ont de la chair, qui ne permet pas a ses m juvements
dit « une fumee a ete so'ifQee dans nos narines et
: de se revolter ets'efforce de rendre la chair non
la parole est une pour ebranler notre
etincelle chamelle. .Mais lamyrrhe de notre continence pa-
coeur. « {Sag. li, 2.: bon Jesus, que dans mesna- rait grossiere, moins chAtiee et troj) rapprochee do
rines soit soufflee cette fumee, produite par votre la chair, si elle n'es\ pas liqueliee par le feu celeste,
feu, et que de votre foyer parte le discoiu's d'etin- c'est-a-dire par la ferveur de Taniour divin. C'est
celle pour ebranler et, mieux encore, pom* changer une bonne myrrhe de ctintineuce, celle (jui retieut
mon coeur. Votre feu est un feu consumant, s'D qnand il se precipite vers le mal
I'appetit ; mais
trouve les vices, il les briile et fait jaUlir la fumee elle est plus suave et vient d'une meilleure grace,
de la confession. Mais eette fumee ne vient pas des celle qui liqueliee par la charite ne connalt pas
ai'omates. « U touche les montagnes, >> dit le Psal- d'afl'ection grossiere et charnelle. Qu'est-ce que
miste, « et elles fument. » {Psalm, cju. 32.) C'est I'encens? N'est-ce pas un corps qui exhale peu d'o-
un bon feu celui qui reduit les tumeurs des esprits deur quand il est dur, et a son etat ordinaire:
et fait disparaitre a sou contact, les elevations ter- mais qui, soumis au feu, loi'squ'il commence a se fon-
restres par la fiunee de la penitence qu'il produit. dre , expire tout eutier et s'eleve en lourbillons
11y une fumee repandant une autre odeur et
a de fumee odoriferante. Pareillement, la priere
produisant ime autre grace, c'est celle que font sen- ne vous parait-cUe pas lourde et paresseuse, et
lir, en aromates des vertus. Ce feu,
se consuruaut, les comme epaisse par la lenteur de son langage inte-
celui que Seigneur porta sur la terre voulant
le rieur et ardent, devenu trainant, si elle n'est echauf-
le voii* grandement s'enflammer, brule les vices, fee par la vertu? Dans I'encens, je vois la matiere de
uon seulement, mais il change les vertus elles-me- la priere, et dans la fumee, j'en trouve la grcice. « Que
mes en affections d'uue grace meilleure encore. ma priere se diiige en voU'e presence comme I'en-
Les aromates, dans leur etat naturel, exhalent cens, dit le Psalmiste. {Psalm. cs-L. 2.^ La priere qui

non virgulam, non aroraata lego. IS'ihil ibi directum,


ibi in myrrba contincntia? virlutem : in tburc orationis stu-
nihil duke, scd horror summiis, et ordo nullus. Fumus dium in pulvere pigmcntario
: virtutum copias inter
erroris est, qui de puteo procedit abyssi. De hoc fumo cordis humilitalem. Et bona myrrba , qua>
contriti
inipii dLxisse leguntur Fumits aff/atu< esf naribm no-i-
; carnalcm petulaniiam reprimit, et fluxos niofus lasciviPL*
tris, et sermo sciutiflo' ad contmovcnclum cor nosiru/yi. non carncm non esse carnalcm compcllerc niti-
sinit. cl
Meis iitinam, Jesu bone, naribus fumus afflctur, qucm tur. Scd continentiaenostrje myrrba corpulenta videtur,
tuus ignis agit ct de camino tuo sermo scintilla? ad
: et minus castigata, et quasi vicina carni, nisi fucrit hoc
commovendum, imo elconimutandum ad cor mcum. Igais igne ccelcsti, hoc amoris divini fervore liqucfacta. Bona
tuus ignis consumens est vilia si invcnit consuuiit, et con-
: quidcm conlinenticP myrrba, quae per^cntcm ad illicila
fessionis fumum euiittit. Scd non est istc fumus est ex aro- cohibel appctitum scd allerius est suavitatis et gratiae.
:

matibus. Qui fangit, inquit, tnonfes, et fttmigant. Bonus quando ardore liquesccns crassum omncm et
carilatis
ignis qui tumores cxtcnuat animorum, ct a'tractu suo carnalcm nescit afTectum. Quid vcro thus? Xonne ipsum
elationes teirenas per emissos pa?nilcntia? fumos eranes- est odoris exigui, dum intcgritas iUi ct corpulentia sua
ccrc facit. Sed alterius odoris et gratia? fumus est, quem manct? Cum
vero flammis subactum cfflucrc ccppcrit.in
ai'omata virtutum crcmata refundunt. Ignis istc, ignis odoriferos fotum fumos expirat. Simili ratione nonnc tibi
qucm Dominus misit in tcrrara, ct voluit vchcmentcr ac- videtur crassa ct pigra oralio, et corporca,quadam lardi-
ccndi, non tantumconsumit, scd virtutcs ipsas in
vilia tatc segnis igniti ct intimi eloquii, si non fuerit virlutc
sua\"ioris gratia? afTcclum commutat. .\romata cum In- succcnsa? Ulique in tburc ego accipio oradonis niatc-
tegra sunt, olcnt suavitcr: scd hoc igne liqucfacta alium riam, et in fumo gratiam. Dirigatur, inpuif, oratio men
longe spii-ant odorcm. incensu?n in coiispectu tuo. Nescit itinerc directo ad
6. Hujus odoris fragranliam scnticntcs in sponsa Dcum succensa non fucrit. Oratio qua^
ire oratio quae
sponsi sodales mii-antur et dicunt Qua est ista, qua : frigido fucrit de coi-dc expressa, subito rclabilur ncc :

ascendit per desertum quasi virgula fumi ex aromatibus potest esse pcrpclua, quse non est prompta. Vim patitur, et
tnyrrhceet thuris, et universi pukcris pigmentarii? H^cs non est sui juris. Sec ncc sui juris est plane succcnsa oratio.
SKRMONS SUR LE CANTIQUE DES CA>;T10rES.
ii'aiUM pas iHo cntlunimoe no suit pas nionter en tre les cieux ; bien plus, sans la grace de I'liumi-
droile lignc vers le Seigneur. Celle qui part d'un lite, quelque subtile qu'elle soit, elle est sans force,
occur fi'oid retonibe bien vite; die ne pcul etrc et la myrrbe d'une chastete orgueilleiise repand
contiuuclle, car elle u'est pas prompte. EUe soutire une triste odeur, et elle ne relient pas bien le mou-
Terence violence , elle n'est pas maitrese d'elle-meme. vement des pensecs cliarnelles, celle qui permel
(tre la
Te froide Une priere euliereuient emljrassee n'est pas non a I'esprit de se delecter dans la fumee de rorgueil.
a pri^re
.•vente.
jtlus un pouvoir de ce genre. La premiere est re- C'est en etant brises que beaucoup d'ouguents sont
jiriniee centre son effort, celle-ci est cnlevee au- reduits en poussiere. C'est une bonne contrition,
dessus. Celle-la, s'epuise et relonibe, celle-ci va car Dieu ne meprise pas un cceur coiitrit el huuii-
au-dessus de scs forces. E'une est violemment diri- lie. [Psalm, l, 19.) C'est une Ires-bonne contrition,
gee^ I'autre est porlee volontairement. I/une est a celle qui ne laisse rien sans I'avoir juge, qui ne
peine montrce^ I'autre n'est pas retenue. L'une est laisse rien passer d'exalte, sans I'avoir humilie,
laborieuse, I'autre libre. L'une triste, I'autre jo- meme dans les vertus : elle juge les justices me-
veuse. L'une bonne, I'autre excellente et parfaite. me, et les convainc non-seulement relativcment
II est aussi une oraison tenant le milieu entre la au peclio, mais encore relativemeut a la justice et
priere froide et la fervente, qui depasse la i)re- an jugement. Ce qui est repris n'est-il pas conime
miere n'approche pas de I'autre. Et (pour ainsi
et pulverise? La justice qui est jugee elle aussi, n'est-
parler) la premiere est contrainte, la secoiide droi- elle pas bumiliee? « Vous m'avez bumiliedans vo-
ileprieie.
te, la troisieme ravie. La premiere (pour emplo- ire verite, » dil le Psalmiste. (Psubn. cxvii. 75.) 11

j'er cette expression) a soif, la secojide est sobre, n'appartient pas a tons de parler de la sorte. Les
la troisieme est I'assasiee. C'est celle-ci qui est ravie infirmes sont humilies dans leur vanite, ceux qui
en esprit en Dieu c'est pourquoi « elle mojite
: sont plus avances le sont dans la verite de Dieu.
semblable a une colonne de I'umee d'aromales, de La vanite ne pent juger la vei'ite, mais la verite
njyrrhe, d'enccns et de toutes les essences des par- juge la vanite, et la verite prononce sur la verite.
fumeurs. » L'esprit juge tout ce qui, au jugement bumain,pa-
a rcrtu 7. Le texte exprirae tres-bien la verlu d'humi- raissait entier et solide, l'esprit de verite, en surve-
imilileest
is-bien lite par la poudre du parfumeur, parce que cette nant, I'annibile et le brise. C'est par cct esprit
riinie par vertu ne pas avoir une grande estime puissant onguents des vertus sont reduits
salt des (p.ie les
oudre du
rfunicur. grands merites, elle ne salt pas avoir de sentiments en poussiere et que la justice est jugee. « II me
eleves : mais dans une basse estime, elle atlenue les brisera dans im tourbilion, » dit Job (ix. 17.) Dans
meritcs des autres vertus et reduit leur solidite le tourbilion de sou esprit, d'un esprit puissant,

a une sorte de poussiere. C'est avee raison qu'apres dans le tourbilion d'un esprit qui emporle le mien.
avoir recommande on a parle ensuite de
la priere, Dans « ce tourbilion il me brisera, poursuit le saint
I'bumilitc sous la figure de cette poudre du par- Arabe, et il multipliera mes blessures. Avant que
fumeur. Car la priere de celui qui s'bumilie pene- soufllat cet esprit violent, ma justice paraissait en-

lllacontra conatum reprimitur ista supra conatum abripi- : contincntise myrrha, qua; anininm in supcrbia; fumum
tiu'. Iliaconatur, et I'ccidit ista pra?(erconatiini asccndil.
; lascivire Contrilione multa ])igmcnla I'cdi-
permillil.
Ilia violenler dirigitur isla volunluiie iVi'tur. Ilia vix
; guntur in pulvcrem. Et bona conhiliu, quoniam cor
oxhibetur ncc cohibctui'. Ilia laborisa; ista libera.
; ista conlrilum et bundliatum Deus non dcspicit. Bona plane
Ilia (risfis ista Isela. Ilk bona; scd isia optima. Dcni-
;
conlrilio, quie nibil relinquil indiscussuni, inliil lumi-
([uc est oratio temperate media inter frigidam el dum, non bunulialum, nee in virtutibus ipsis
nibil :

ler\i(lam illam excedens, scd non accedens ad istan).


:
non modo de peccalo,
juslitias ipsas dijudical, et arguil
l']t (ut sic dicam) prima cqacta est secunda directa : : sed de juslilia, et de judicio. An non quasi comunnuiliir
Icrlia abrepta. Prima (ut sic dicam) siliens, secunda quod redarguilur? An non quasi luimilialurjusticiaquo;
sobrin, (crlia cbria est. Ista enim esf, qua; menle excc- (lijudicalur? In vcritate, im[mi, tuu /iiuiii/nisli iiir. Non
dit Deo idco asceiulit quasi virrjnla fami ex aromati-
: omnium est hoc diccrc. Infirmiorcs in vanilate sua bu-
bus myvrhfM ft fhuris et universi, inquil, puh'eris mllianlur, perfecliores in veritale Dei. Non poles! va-
jtigrnentarii. lutas veritatcui dijudicaro, sed verilas vanitalem, ct
7. Mire in pulvere pignicniario humilitalis cxprcssit vcrilas veritalem. Spiritus enim dijudical omnia. Quod
virtutcm, quod ea dc magnis meritis nil magnum scntire humano solidun) et integrum vidcbalur judicio, cum
novcrit, non allum sapcre scd hnmili a'stimalione : voueril spiritus verilatis, cvacuat et comminuil illud. In

rcliciuarum allcnuet merita virlutum, et enrum solidlta- spiritu enim vebemculi conlerindur vii'lulum pigmenia
lem quasi ad (juamdam pulveris exiguilalem dedecat. Et in pulvcrem, cl juslilia judicalur. In liir/jinc,'nun\H Job,
bene post oralionis commendationcm sub figura pulveris couleret me. In lui'binc spirilus sui, spiritus veliemcniis,
pigmenlai'ii de humilitate subjunxit. Oralio enim in turbine spirilmn mcum abripienlis. In hoc liiiLinr
luiiniliautis se, nubes pcuelrat imo sine bumiJilatis : roriterof me, d nntltipliailiil, \iu\\i\\ ruliwra mea. In- ,

gratia oratio quantumlibet acuta, liebes lamen est, cl tegra milii vidcbalur, anle<iuam vcnircl spiritus vehe-
Iristeui refunilit odorem elake myrrlia caslitalis, neque meiis, juslilia mca : sed ipse dijudical, ipse contcril,

fluxos carnalium bene rcstringit motus cogitatioiuim ipse vuinerat, ct niultipliciter confringil bonoruni pra--
76 L'ABBE GH.I.EBEKT.
liere, mais il juge, il brise, il blcssc, il broie en perils de la part des Gentils, perils sur la mer, pi'-rils

plusicurs maniiTes la presomption que causent les dans les villes, p(;r'i\s dans la solitude, perils de
mci'ites, et enseigne que la vertu liumaine est lan- la part des faux-freres. (// Cor. xi, 26.) » Quoi
guissanle et blessee. plus? Sa sollicitude quotidiennc de toutes les
«

8. Que je voudrais qu'il m'arrivAt d'etre ainsi Eglises. Qui est infirme, dit-il, sans que je le sois ?
brise, d'etre reduit comme en la poussiere de lou- Qui est scandalise, sans que je sois bn'de? » Ne
tes les bonnes afTections, de toutes les pieuses me- vous serable-t-il pas qu'en parcourant ces travaux
ditations. Plaise au del, 6 bon Jesus, que le tour- et quekpies autres, a ramasse une sorte
I'ap'ttre

billon de votre esprit entasse dans mon iime cette de poussiere de bonnes oeuvres? Voulez-vous en-
precieuse poussiere des places de la Jerusalem ce- tendre encore des especes plus elevees de ses ver-
leste,afm que je m'y recliauire, que je m'y associe, tus ? Elevez-vous avec lui aux visions et aux re-
que je m'y endorme, mais, bien entendu, dans la velations de Dieu, au ravissement dans le paradis,
poussiere du veritable parfumeur. Bienheureux a I'elevation au troisieme ciel,acelte bienbeureuse
celui qui deraeure dans cette poussiere, et a qui ignorance qui lui fait ne savoir point si cette extase
arrivent spirituellement de toutes parts de suaves a eu V.eu dans le corps ou bors du corps ; ce n'est
pensees, semblables a une douce poussiere. a Re- plus de la poussiere, e'est de la fumee. Mais, de
Lesaieni
veillez-vous et louez Dieu, dit le Propliete, vous qui crainte qu'a la fumee de cette contemplation spi- de I'buiD
liabitcz dans la poussiere. [Is. xxvi, 19.) » Et riluelle ne se mele la fumee de la jactance, ecou- font 1
souffra
I'epouse, reveillee de son Leureux sommeil, s'eleve tez ce qui suit « Pour que la grandeur de ces
:
et la

comme une colonne de fumee composee des aro- revelations ne m'eleve pas, I'aiguillon de la chair contradii

mates de toutes les essences du parfumeur. De se fait sentir a moi. » Paul est aiguillonne pour
« toutes » les essences, dit ce passage. Et la verite qu'il ne s'eleve point; et comment, vous qui enteu-
elle-niemc vous apprend a reduire toutes les bon- dez ceci, refusez-vous d'etre ainsi pique ? Comment,
nes ceuvres a une sorte de poussiere et comme a dans I'abondance des biens, cessez-vous de vous
un etat de sterilile. « Quand vous aurez fait toutes broyer, ou ne permettez-vous point qu'on vous
choses, dites : nous sommes des serviteurs inuti- brise? L'aiguillon est ennuyeux, mais la souf-
les; nous avoiis fait ce que nous de\ ions. [Luc. xvij, france qu'il cause est, pour Thumilite, une occa-
10). » Heureux celui qui ramasse une poussiere si sion de progres. L'aiguillon de la chair est en-
riche, qui, accomplissant tout ce qui lui est or- nuyeux, celui de la charite ne Test pas. La souf-
donne, croit n'avoir rien fait ;
qui broie par I'humi- france est amere, la contradiction est rude : I'une
lite bonnes o^uvres qu'il entasse chaque
toutes les et I'autre humilient les vertus.
jour. Saint Paul, ecrivant aux Coriutbiens, enu- 9 . Mais toutes choses sortent avec plus de dou- L'amc
niere les aromates nombreux de ses actions « J'ai : ceui' et d'efticacite du foyer de I'amour embrase. el^Tc t .

ete dans les routes souvent, perils sur les fleuves, Cette flamme, non-seulement aLaisse les vertus,
perils de la part des voleurs, perils de tout genre. mais encore elle les change, elle leur doune une

sumptionem meriforum, sauciam etlan^idamhumanam in solHudine, periculis in falsis fratribus. Quiddeinceps?


docet esse virtutcm. Quotidiana ejus sollicitudo omnium Ecclesiarum. Quis,
8. l^tinam niihi hoc mode conleri obveniat, icdigi in inquit, infirmatur et ego non infirmor ? Quis scandali-
pulvcrem omnium bonorum affcctuum, piaium medita- zatur et ego non uror ? An non velut quemdam bono-
tionum. Utinam, Jesu bone, turbo spiritus tui talem rum operum pulvcrem tibi collegissc videtur Apostolus
animas mea? pulvcrem afQct de plafcis coelestis Jerusa- haec et hujusmodi plura percurrcns? Vis adhuc subli-
lem, ut in hoc pulverc calcfiam, in pulvere sedcam, in miores aliquas virtutum ejus species audire? Veal
pulvere dormiam, scd pulvere pigmentario. Beatus qui cum illo ad visiones et revclationes Dei, ad raptum in
in hoc pulvere moratur: cui suaves, et spiritualiler pul- paradisum, in tertium coelum, ad bcatam illam igno-
vereae cogitationes undique allabuntur. Expergiscimiui, rantiam nescicntis, utrum in corpore an extra corpus
inquit, et laudate qui Jtabitatis in pulvere. Dcnique et extasis ilia facta fuerit, non jam pulns, sed fumus. Scd
sponsa de felici expergcfacta somno, quasi virgula fumi ne tamen fumo huic spiritualis contemplationis se
exsurgit ex aromatibus univcrsi pulveris pigmentarii. jactantia; fumus immisceat, audi quid sequitur. .Ve
Vniversi, inquit. Et Veritas ipsa bonorum univei-sitatem magnitudo revelationum extollat me, datus est mihi
operum ad quemdam te docet pulvcrem el velut sterili- stimulus carnis /nece. Paulus stimulatur ne extollatur :

tatem deducere. Cum omnia feceritis, inquit, dicite, et quomodo qui haec audis, refugis stimulari?Ouomodo
se7-viinutiles sumus : qvce debtiimus facere, fecimiis. te ipsum inter ubcrtatem donorum aut contcrcre dcsinis,
Felix qui tantum et talem sibi colligit pulvcrem, ut quae aut conteri non sinis? Molcstus stimulus, sed tamen
jubentur facial omnia, et rcputet quasi nulla qui uni- : vexatio, praestat humilitatem profectui. Molcstus stimu-
versa bona quae colligit, per humililatem ilia content. lus carnis, scd non caritatis. Et passio amara, et dis-
Paulus ad Corinthios operum suorum aromata multa cussio severa utraque virtutes bumiliat.
:

enumerat /«?Y;>ie/v'6«.y, inquit, scepe, periculis fluminum,


:
9. Sed omnia dulcius et efficacius prodeunt decamino
periculis latronum, periculis ex genere, periculis ex quodam succensi amoris. Flamma hjec non modo vir-
gentibus, periculis in mari, periculis in cidtate, periculis tutes humiliatj sed etiam immutat, ct in novam
;

SERMOiNS SCR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 77


autre apparence, et de spirituelles qu'elles sont, Notre-Seigneur Jesus-Christ, qui vit et regne dans
elle les rend plus spirituelles encore. La myrrlie les sieclesdes siecles. Amen.
de la continence, I'encens de la priere, et, dans
les essences du parfumeur, Thurable conscience SERMON XVI.
qu'on a de toutes les vertus, tous ces bieus ren-
Soixante des plus forts dans Israel entmrent le lit
dent le visage plus serein et donnent I'apparence
de Salomon. (Cant, ui, 7.)
plus agreable, quand ils sortent de cet endroit. 11

est bon d'aToir la contrition, mais il est mieux 1. Oh! comme elle monte, d^gagee, I'epouse
d'etre briile d'amour. La poudre du parfumeurest elle s'eleve presque sans ressentir le poids de son
suave, la fumee est plus excellente. Je ne sais quoi corps, et entierement delivree de la corruption de
de plus doux et de plus spirituel est designe par la la chair ! Quel sera le poids de la chair la ou le
fumee plulot que par la poussiere. C'est pourquoi corps est compare a la fumee ? Quelle est la corrup-
lepouse, briilante dans les embrassements de son tion, lorsque ce n'est pas la chair dissolue, mais des
bien-aime, par une sorte de bienfait de la parole aromates brules qui I'exhalent
? Elle monte, bien
enflammee, passe, en se liquetiant, de la poudre degagee, digne de partager la couche de Salomon.
du parfumeur, a la legerete de la fumee, de la pou- Je lis qu' Esther fut ointe et parfumee, afln d'adou-
dre des vertus humiliees, a la fumee de la gloire. cir les etreintes du roi par la suavite de ces essen-
Quel croyez-vous que sera le but, quand I'ascension ces. [Esih. ii). Ici, I'epouse n'emploie pas ces par-
est si subtile et si delicate ? Oil arrivera celle qui fums pour plaire a son epoux, mais elle s'est
s'eleve en cet etat ? Quel est le lieu de delices avec liquefiee, pour ainsi dire, par I'odeur meme du
lequel elle dispose de semblables degres? C'est parfum. Tous ne comprennent point cette parole,
peut-etre le petit lit du bien-aime. Car c'est vers lui tous ne peuvent jouir de ces delices. Si tous en
que I'epouse doit surtout soupirer. II en est entiere- jouissaient, tous en seraient
prives c'est la une ;

ment ainsi. Aussi, il est dit a la suite : « Voici que belle variete, c'est une pieuse charite, parce que
soixante des plus vaillants d' Israel entourent le lit autre est celui qui jouit, autre est celui qui protege.
de Salomon. [Cant, m, 7.) » C'est un ordre tres- Les loisirs des uns sont assures et consacres a la
beau que du lit elle vienne au lit; de son lit de sa joie,parce qu'ils sont entoures de la garde d'autres
mere, aulit de son Salomon. Ce n'est point une va- personnes. C'est pourquoi « soixante des plus forts
riete moins convenable qui mele la force aux deli- d'Israel entourent lelit de Salomon. » Notre Salo-

ces de cette couclie, et qui porte Salomon a entou- mon ne veut pas que les delices que Ton goiite
rer son lit d'une garde sipuissante. Mais retenons dans sa couche soient troublces, que de si doux
ce discours qui se precipite ; nous consacrei'ons un sentiments soient affaiblis il ne veut pas qu'on
;

autre sermon a un autre passage, avec I'aide de essaie meme de les deranger il aime les choses en
:

conveitit spec!' in et de spirilualibus spiritualiores facit.


SERMO XVI.
Continentiae myrrha, orationis thus, et in pulvere pig-
mentario, omnium humilis conscientia virtutum, omnia Lectulum Salomonis seiaginta ambiunt ex forlissimis
magis serenum producunt vultimi et 'gratam speciem, Israel. (Cant in, c.)

cum de hac prodennt officina. Bona cnmi contritio, sed 1. quam quam pane sine
delicafa sponsa ascendif,
conci'cmatio melior. Suavis pulvis pigmcntarius, sed quam
mole corporis, pcnifus sine corruptioiie carnis
et !

fumus cxccllit. Nescio cnim quid magis suave et spiri- Quaenam erit corpulcntia, ubi fumo confertur? Quae
tuale magis in fumo quam in pulvere significatur. Ideo
corruptela, cum ilium non caro (luxa, sed aromata crc-
quodam igniti verbi beneficio inter sponsi flagrans am- mata cxhalcnt? Delicate ascendif, et digna lectulo Sa-
plexus, de pulvere pigmentario in fumi lenuitatem lomonis. Esther et lolam, et unclam lego, ul regios un-
liquescit de liMmiliatarum pulvere virtutum in fumum
:
guenfi suavitate mulceret amplcxus. Ila'c vero jam
Qualis est pufns perventio, cum tam dclicalussit
gloriae.
unguentis non utitur in sponsi gratiam, sed liquefacla
ascensus? 0"0 tcndit quaj talis ascendit? Quantus deli-
effecta est odorc ipso unguenti. Sed non omnes vcrbum
ciarum est locus, in quern ascensioncs istas disponit?
hoc capinnf, non omnes his possunt deliciispeiTnii. Si
Leclulus forte dilecti est. Nam ad ilium proecipue omnes frucrentur, onmes fraudarcntur el in hoc est et ;

sponsa debet adspirare. Ita plane est. Ideo sequitur :


pulchra variclas, et pia carilas, quia aliusest qui fruitur,
En leciuhtm Snlonioiivi sexnginta umhhint ex forlissimis alius qui tuetur. In hoc aliorum et tuta, et Kneta sunt
Israel. Et pulcher ordo, ut de lectulo ad lecluliim ve-
otia, quod aliorum sunt munita custodia. Ideo Icrlulum
niat de lectulo sue, de cubiculo matris suae, ad sui
:
Salomonis sexaginta amhiunt ex fortix.tiniif Israel. Non
lectulum Salomonis. Nee minus congrua variefas quod vult Salomon noster lecluli sui lui'hari delicias, dulces
diliciis istis inimiscct fortia, et lectulum sunm Salomon
allenuari afTectus, ne attenl;iri qiiideni pacata diligilqui
:

tam munita cuslodia vallat. Sed verbi proruenlis jam re-


pacificus dicitur. Quis noster Salomon, nisi Jesus Chris-
ducamus habenas, novo capitulo novum dedicatiu'i lus'! Ipse est pax nostra, ipse qui fecit utraque unuin.
sermonem, pra^stnnte Domino nostro Jcsu-Chrislo, qui Ipse pacificavit sanguine suo non modo quae in terris,
vivil et regnat in saecula saeculorum, Amen. sed (\uip in ccnlis sunt. Disciplina pads >iostr(p suprr
eum. Di.sciplinam debita; nobis pceno^ sustinuil, ul nobis
78 LABBfi CnXEBERT.

paix celui qui est nomme i>acifiquc. Quel est notre qui suf'fit, iion-seuleirxCxii poui ettacer les p«icL'-

Salomon, sinon Jesus-Christ? « C'est lui qui est passes, maia qui s'etond encore a tous les sieclc-.
I,e Clirial
notre paix, il a reuni en im les choses separees. Elle repaiid scs flots copieux jusqu'ace que lahairie
•;6t notre
Ijacificateur.
{Ej)h. II, iU.) » Par son sang, il a paciQe non-seu- soit en levee, jusqu'i ce que cesse le travail de noa

lement ce qui est sur la terre, mais encore ce qui variations, le travail de notre mortalite, le travail

est au ciel. « La regie de notre paix est sur lui. [Is. de nos defaillances, qui se succedent alternative- Abond
xni, 5). » II a supporte la correction de la peine
mcnt. Paix vraiment debordante, qui n'est pas procuW
^°'°^
qui nous etait due, afin de nous obtenir la paix de accordee selon la mesure du merite. Car elle ne
par le C

la justice. 11 vous avez ete gracie; vous


a ete puni, trouve pas de merite : elle le produit. Comment
avez aussi ete puni, mais votre chatiment n'a pu n'est-elle pas abondante, la paix qui a remis
vous procurer la paix. Lne victime immonde etait augmente la premiere grice doimee a
I'otfense et a

hoi's d'etat de purifier ceux qui etaient impurs, non- I'homme? Dans le Paradis, Thomme avait la paix
seulement mais encore elle ne se pou-
les auli'es, par laquelle il ne pouvait pas etrc entraine malgre
vait sanctifier elle-meme. Un chatiment s'appesan- lui; mais il ne portait pas en lui la veiiu de pou-
tissait done sur nous ; mais cette discipline n'cnfan- voir revenir quand il le voudrait, apres etre sorti,

tait point la paix. Une sentence de mort et de 11 avait recu la grace de pouvoir ne pas sortir ; il
souffrance etait portee contre nous, mais notre in- n'avait pas celle He pouvoir rentrer quand il vou-
Sans lui,
justice n'etait pas effacee. Vous etiez 116 par le drait. La paix est beaucoup plus etendue dans la
la souffrance decret du juge, mais votre culpabilite subsistait : grace du Christ ; elle s'offre d'elle-merae apres des
des hommes
est inutile. la peine se faisait sentir et la paix ne venait pas. exces renouveles; elle ne repousse pas, mais bien
joug malbeureux et lourd qui pese sur les fils plutot elle rappelle les penitents. Paix tout-a-fait
d'Adam ! tu brises, et tu ne proteges pas; tu punis abondante, que nuUe faute ne pent epuiser ;
qui est
et tu n'expies point ; tu detruis et tu ne reconcilies plus prompte a pardonner qu'a punir. Commen-
jamais ; tu consumes la substance de la chair sans cant a la remission des pecbes, elle etend la richesse
atteindre la faute. Qu'y a-t-il entre toi et la paix? de ses bienfaits jusqu'a rendre I'homme participant
Quand donneras-tu la paix a celui qui est dans les de la nature divine. Qui s'attache au Seigneur de-
liens du peche ? Quand produiras-tu la grice, toi vient un meme esprit avec lui. (/ Cor. \i, 17.)

qui n'enleves pas la tache ? Car la justice et la Vous voyez jusqu'ou s'etendeut les copieux
2.

paix se sont embrassees. La discipline de notre resultats de ce pardon, c'est au point qu'on pout

paix est sur celui qui nous a produit des fails paci- lappeler non plus la paix, maisl'unite avec Dieu.
La I I
fiques de justice. Lui seul, il a ele appele noire bienheureux voisinage qui a vu disparaitre le rendm[idutn
veritable Salomon, parce « qu'en ces jours, la jus- mur mitoyen des inimities Heureux voisinage a la Ch !

tice s'est levee pour nous avec I'abondance de la verite, mais voisinage qui n'est pas encore a I'abri enc
la s6
paix [Ps. Lxxi, 7). » Paix veritablemeut abondante des attaques. Notre ennemi tente encore d'euvahir c^omj e.

justitiae pacom refunderet. Ipseponitus,tu repropitiatus : pax, quae et remisit ofFensani, et priorem cumulavit gra-
et tu punitus, scd poena tua paccm tibi parturire non tiam? Erat homini primo in paradiso pax, ut non posset
potuit. Hostia immunda contaminatos mundare non po- invitus abduci sed non erat virtus, per quam postea
:

terat, non modo sed ne seipsam quidem. Disciplina


alios, posset, cum reduci. Erat gratia, ut posset non
vellet,

ergo super nos, sed non crat ilia nobis ad paccm disci- exire scd non erat ut posset, cum vellet, redire. Modo
;

plina. Erat in nos mortalilatis et afflictionis illata scn- pax ubcrior in gratia Christi, quae post iteratos excessus
tentia scd non erat injustilia revocala. Tu quidem
; ultro ofTertur, et poenitentes non repudiat, sed revocaf.
judiciaria sentcntia ligatus, sed tuus non erat solutus Bene pax abundans, quae nulla potest exhauriri injuria,
reatus et pcena erat, et pax non crat.
: misera et gra- paratior ad veniamquam ad vindictam. Pax haec h, rc-
vis disciplina super filios Adam conteriset nonprotegis;
! missione peccaforum incipiens, usque ad divinae partici-
punis et non purgas consumis, et non concilias; con-
; pium abundavit naturae. Qui enim adhaeret Deo, unus
sumis, sed carnis substantiam, non culpam. Quid tibi et spiritus est.
paci? Quando pacem conferes cui est cum peccato com- 2. Vides quanta repropitialionis abundantia, ut non
mercium? Quando conferes gratiam, quae non aufers jam pax cum Deo, sed magis unitas cum eo dici possit.
culpam? Justitia enim et pax osculatae sunt. Disciplina beatum confinium ubi sublatus est inimicitiarum
!

pacis nostra super eum, qui nobis attulit fructus pacatos paries medius. Beatum quidem confinium, sed nondum
justitiae. Dictus est ille solus Salomon noster verus pa- tutum. Adhuc hostis noster hos tentat pervadere termi-
cificus, quod in diebus ejus orta nobis sit justitia, et nos, fines convellere. Est nobis in Christo pax cum Deo
abundantia pacis. Abundans vere pax, quae non modo Patre, sed nondum pax ab hoste communi. Abundabit
prasterita suffecerit repropitiare delicta, sed omne etiam autem pax haec, donee destruatur novissimus inimicus,
abundet in sajculum. Abundat enim donee auferaturluna, mors. Interim etsi non est pax ab ipso, protectio tamen
donee auferatur labor mutabilitatis nostras, labor morta- est contra ipsum. Erit ipse pax nostra, cum Assyrius
litatis nostrae, alternantium labor defectuum. Vere abun- venerit in terram nostram, etcalcaveritin finibusnostris.
dans pax, quce non est data ad mensuram meriti. Non enim Proximos sibi potest Assyrius fines infestare spirituales,
meritum invenit, sed confulit. Quomodo non abundans ulteriores non potest : calcare potest, sed stare non po-
;
! ;

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQURS. 7fi

cL's eoniins, d'airacher ces abris qui leur servent de gouvernee avoe peine ! Dans I'une et I'autre, If

limites. Nous avons, en Jesus-Christ, la pais avec Dieu Christ est la limitc raitoyeune, ici reparant, ici

lePiire, mais nous ne Tavons pas cootre les assauts reuuissant, la commancant, ici achevant. Car la
dereniiemi commuu. Cette paix aboudera quand le sagesse atteint de cette fin ii cette fin avec force,
dernier ennemij quand la mort sera dctruite. Jusqu'a disposant tout en elle avec suavite. [Sag. vm, 1.)
ce moment, si nous n'avons pas la paix qui nous Cette fin est la couche de I'epoux. C'est pourquoi
met a I'abri de ses attaques, nous avons une ilest dit de la femme forte : « Son prix I'emporte
protection contre lui. Jesus sera notrc paix quand sur ce qui vient des pays les plus eloignes. (Prov.
I'Assyrien viendra dans notre terre et en foulera xxxi, 10.) « Son prix, » c'est pour ce prix qu'il se
aux pieds les frontieres. Get ennemi jieut attaquer depense, qu'il s'estime, ct c'est lui qui reraplit son
les barrieres spirituelles qui I'avoisinent, il nepeut desir avide. Qu'est-il autre chose, sinon le lit et
rien sur celles qui sont plus eloignees : il peut courir I'embrassement de I'epoux? La fin derniere est
a travers nos terres, il ne peut s'y fixer. Le Christ celle au-delii de laquelle ni I'avidite ne peut
sera notre paix, lorsque I'Assyrien aura foule aux s'etendre, nila faciilte parvenir. La fin est la oil
pieds notre domaine. Nous avons un double voisi- vous defaillez, oil vous etes comme epuise, oil vous
nage; voisinage avec Dieu^ et voisinage avec le commencez a ctre un autre, tout dans le Christ, et
monde ; voisinage avec I'esprit et voisinage avec la le Christ tout seul en vous. paix veritable, 6 paix
chair. Et s'il Vous n'etespas
a ete dit a plusieurs : « complete, alors que les scandales seront arraches du
dans la chair, mais dans \m, 9) I'esprit. « [Rom. royaume de Dieu, que la frayeur sera banuie de
ceux-la meme sont proches de la chair, ou parce nos demeures, qu'il n'y aura pas fin et fin, qu'il
qu'ils en out la substance ou parce qu'ils en eprou- n'y en aura qu'une seule, celle que nous venous
venlles soucis. L'ennemi se servant de notre chair, d'exposer. La fin seule qui unira et conformera ii

conune d'uu retranchement, en sort pour infester Dieu : la fin qui jouit desdelices de la couche etuon
de pres les regions contigues de I'esprit, et en use celle qui emploie le glaive,
comme d'une citadelle rapprochee pour dresser des 3. Maintenant, pour que les jouissances de ce lit
Ceui qui
embuches. Maisle Christ sera alors notre paix, quand ne soient pas troublees, il faut une garde puissante. sontspirituela
ont besoin
I'Assyrien r.ura foule aux pieds nos coufins. Voila C'est pourquoi « soixante des plus vadlants d'Israel
d'une garde
notre Salomon, notre pacifique, qui nous obtient la entourent le lit de Salomon. » Et dans I'Evangile puissante.

paix au-dessus de la paix : la paix avec sou Pero, vous lisez : « quand le fort aime garde sa maison,
la paix contre l'ennemi, et qui etablira autour de tout ce qu'il possede est en paix. » {Luc. xi, 21.)
nous la paix comme une frontiere assur6e. {Psalm. Au lieu que nous expliquons, il est parle d'une
cxLvii, IZi.) voisinage et voisinage, que vous etes garde plus puissante, parce que le lit a plus de
differents! Combien I'un est fecond en joies et charme que le foyer, et on tient plus i uue epouse
I'autreen scandales frontiere et frontiere
! qu'i une possession ordinaire. Je lis qu'a la portedu
combien I'une est habitee avec joie, et I'autre Paradis, un ange fait la garde tenant a la main un

ost in (inibus nostris. Ev'A enim Chrlslus pax, cum cal- ditas.Quid id aliud est, nisisponsiamplcxusetlectulus?
cavcril in finibus nostris Assyrius. HabcmiisconRniiimet Ullimus finis est, ultra qucm se non potest aviditas ex-
confinium. Gonfinium cum Deo, et confiniiim cum mun- tcndere, nee facultas comprchendere sufficit. Finis est,
do confinium cum spiritu, et confinium cum came. Et
: ubi ipse a te deficis, ubi cxhauriris, ubi alius esse incipis,
si quibusdam dictum est, Vos non estis in came, sed in totus in Christo, et solus in te Christus. vera pax, et
spiritu; confineslamcn sunt carni vel propter substan- plena pax, quando de regno Dei tollentur scandala
tia naturam, vel propter carnis curam. Hostis ergo carnc quando non erit timor in finibus nostris, quando non
nostra quasi castroutens,regionesspiritusdcvicinoinfestat, erit finis et finis, sed unus tantum finis, et supradiclus
ct de confciiriino presidio insidias machinalur. Sed erit finis. Finis Deo foederans, et conformans tantum : finis
istc, id est Christus, pax, cum
Assyrius calcavcrit fines lectuli gaudiis fruens, non gladiis agens.
nostros. Ille Salomon nostcr, pacificus nostcr qui pra3s- : Nunc vero ut quieta sint quantulacumque sunt lec-
3.
tat nobis pacem super pacem paccm cum Patrc, ;
tuli gaudia, neccssaria quidem est oustodia fortis. Ideo
paccm ab hoste ipse ponct fines
; nostros pa- lectuluDi Scdomonis sexaginta mnbiunt ex foriissimis
cem. confinium et confinium, quantum discrepalis ab Israel. Et in Evangelio habcs Cum fortis anmtu.^ suc- :

inviccm quantis tu abundas gaudiis, ct quantis tu es


! todd atrium suum, in pace suntea qua; possidet. Ubcrior
vicinum ct obnoxium scandalis ! finis ct finis ! tu quam hie commemoratur custodia, quia ubcrior est gratia lec-
laetc tencris, ct tu quam laboriosc rcgcris ! Ufrobiquc tuli quam atrii ; ct sponsaj sollicitudo major quam pos-
Christus limes est medius isthinc scparans, illinc foede-
: scssionis. Et ad portam paradisi angelicam custodiam
rans isth';!C inchoans, illinc consummans. Sapicntia
: cum gladio flammeo positam lego. An non quidam pa-
enim attingit ab hoc fine fortiter usque ad finem ilium, radisus loctulus Salomonis? Lectulus, inquit, i/ov/cr
disponens in illo fine cuncta suavitcr. Finis ille Icctulus floridus. Denique ipse fios campi, ipsclignunt vita3. Bene
est. Ideo de muliere forti dicitur Procul et de ultimis : paradisus dcliciarum lectulus talis. VidesquonuHloamplic
finibus pretium ejus. Pretium ejus est, propter quod ipse diliciae arcta cinguntur custodia? Lectulum enim Salo-
se impendit, quod ipsese 8estlmat,quo ejus explcturavi- monis ambinnt sexaginta fortes ex fortissiniis Israel. Non
80 LABBE GIU.EBERT.
glaive de feu. [Gen. m, 2i!i.j Est-oe que le lit de Pounjuoi vous charger de garder, vous qui ne
Salomon n'est pas uiie sortc de Paradis? « Notre lit secoucz jamais la torpeur? Pourquoi desirer le lit,
est tout tleuri. » [Cant.i, 15.) Jesus est la tleurde la vous qui n'avez pas le glaive ? Ou si vous avez le
campagne, I'arbre de vie. L'n lit de ce genre est un glaive de la parole, vous I'avez dans le fourreau el

Paradis de delices. Voyez comment des jouissances non sur la langue? Vous ne le tenez pas a la Louche
si grandes sont entourees d'une garde etroite? comme a la main, ce glaive mobile de la parole du
Soixante vaillants, parmiles plus guerriersd'Israel, Seigneur. EUle est rapide cette parole, c'est un esprit
entourent la couche de Salomon. Je ne melivre pas de flamme ; mais je ne sais comment, contre sa
en ce moment a de grandes considerations sur ce nature, il languit dans voire main il est affaibli
: et

nombre ; il pai'ait designer ceux qui se recomman- emousse, ce glaive plus aigu et plus incisif qu'une
dent, et par la justice de leurs oeuvres, et par la epee a deux trancliants. Cette parole n'est pas
conuaissance quils out de la loi. lis sont des vail- prompte dans votre bouche, elle ne court pas
lants d'Israel, ceux qui sont foi"ts par la foi, qui se rapide ; elle ue se modiQe pas dans voire main
tiennent dans la comporlont virilement;
foi et se selon la variete des cats, et cependant elle est abon-
qui peuveut tout, mais en celui qui les fnrtiQe, damment propre a tons les emplois qui reclament le
c'est-a-dire, le Christ. 11 est bien mal fort celui qui combat spirituel. Pourquoi vous charger d'une ofiice
s'eleve conire la science de Dieu, qui se montre quand vous n'en remplissez pas la charge? « Tons
coutr'eHe inflexible etrigide: sa force est la force tiennent des glaives et sont tres-habiles a faire la
des pierres et sou c<£ui' est d'ah'ain, au point que guerre. » [Canl. m, 8.; Vousportez sans raisonl'epee,
le malheur ue lui donne pas dintelligeuce, tels vous q\u ne savez pas assez faire la guerre ou si :

sont ceuxdont saint Paul dit : « Est-ce que nous vous etes habile en cet art, vous vous apphquez
rivalisons avec le Seigneur?» I Cor. x. 2'2.; Sommes- plus aux affaires du siecle qu'aux interets de
Quelle force
nous plus forts que lui? II n"est pas des vadlants Jesus-Christ vous vous servez plus du droit civil
:
est bonne,
quelle est d'Israel, celui qui, blesse,ne souCfre pas; qui frappe, que du droit ecclesiastique vous etes plus rompu :

mauraise.
ne sent rien, demem'ant insensible atous les coups aux luttes seculieres qu'aux combats spirituels. Le
du glaive a deux trancliants d'une langue aiguisee. chef de I'Eglise, saint Pierre, veut qu' on ecclesiastique
et sefaisant gloiro de regimber coutre I'aiguillon de soit pret a readre raison de la foi et de I'esperance
la sagesse. Telle ue fut pas Marie dontle glaive perca qui sont en nous. (I. Pelr. m, 15.) Et a quel litre

I'ame comme uue cire molle. Plaise a Dieu que la vous glorifiez-vous d'etre paresseux et ignorant pour
parole puissante s'empare facdement demoi;queson le faire, si vous etes en etat de repondre prompte-
efficacite opere en moi, que ce glaive penetre dans ment sur le droit public? Leslettressacreessonnent
I'intime de mon etre, et que mon coeur devienne une beaucoup mieux que les lettres profanes, dans la
arme pour combattre les iniquites spirituelles. bouche d'un clerc et d'un moine. Pourquoi voulez-
Centre h. Pourquoi mettez-vous la main aux fortes vous parler a Jerusalem la langue de I'Egypte ? Ce
les prelats
ignorants
entreprises, vous qui n'etes pas des tres-vaiUants? n'est pas ainsi que I'entend Isaie : « 11 y aura, »
et secnliers.

miiltum nunc de numeri hujus dispute ratione illos : non babes in lingua? Non lenes manibus linguae, verbi
tamen \idetur signare, qui praerogant et justitia operis, Dei vcrsalilcm gladium. Volubilis est sermo, spiritus
et notitia legis. De fortibus Israel sunt, qui fide fortes flammeus est sed nescio quomodo contra naturam suam
:

sunt, qui slant in fide, et viriliter agunl ;


omnia
qui pigrescil in manu lua : reslringitur et habelalur, qui
possunl, sed in co qui eos conforlat Christus. Male aculior est el omni gladio ancipiti. Non
penetrabilior
fortis est, qui adversus scienliam Dei se extollit : qui est velox verbum in ore tuo; non currit velociter; non
adver-sus illam inflexibilis ct rigidus est : cui fortitude est versatile in manu tua pro varietale negotii, quod
lapidum forlitudo ejus, et cor ejus jeneum; ut ncevcxa- tamen ad omnes spiritualis certaminis usus abundat
tio del inlellectum auditui ejus quales denique sunt : Quid tibi usurpas officium, cujus usum non habes? Om-
quibus Paulus An amulnmur Dominum ? Numquid
ait : nes tenentes gladios, et ad hella doctissbni. Sine causa
fortiores illo sumus ? Non est de fortibus Israel, qui cum gladium porlas tu, qui bellandi sufficienter non habes
vulneratur non dolet cum verberatur non sentit, stupi-
;
peritiam aut si ductus es bclligcrare, magis te excr-
:

dus manens ad omnes stimulos ancipilis gladii verbi ces ad negotia sa?culi, quam ad negotia Christi fo- :

penetrabilis, et gloriatur si contra sapienliae stimulos cal- rensi jure plus uteris quam ecclesiastico, plus sasculari
citret. Non talis Maria, cujus animam ac si mollem quam certamine calles. Paratum vult virum
spirifuali
materiam gladius pertransivit. Me utinam facile obtineat ecclesiasticum Princeps Ecclesiae, paratum cum vult
verbum validum ; in me operelur ejus cfficacia, et ani- ad reddendara rationem de ea qua? est in nobis fide et
mam meam hie penetret gladius, ut et ipsa quasi in spe. Et quonam pacto piger et imperilus ad ista glo-
gladium convertatur contra spiriluales pugnalura ne- riaris, si prompte respondeas de jure publico? Deccn-

quitias. lius multo in ore clerici, in ore monachi sacra quam


i. Quid minis manum ad fortia, qui ex fortissimis saecularis littera sonat. Quid in Jerusalem \is loqui lin-
non es? Custodiam ut quid suseipis, qui desidiam non gua .Eg)"ptia? Non sic Isaias Erunt, inquit, quinque :

excutis? Qa'iiI Icctulum ambis, qui 'ladium non babes? civitafes in terra Sgypfi loquentes lingua Chanaun :

a/, pagina. aul si gladium babes verbi, habes ilium in vagina scilicet quia penitus Hebraea nou poterant, ea locjue-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 81
dit-il, « cinq villes dans la terre d'Eg}T)te parlant doctrine et a refuter les contradicteurs. Qu'il ne
le laugage de la terre de Clianaam : (Is. xix, 18.) soitpas caclie sous votre cote, n'assenissez pas a la
c'est-a-dire, comme elles ne pouvaicnt parler le prudence de la chair, le zele de la predication
langage desheLreux^ elles devaient parler celui qui sainte. « Que chacun ait son glaive sur son cole. »
sen rapprochaii ;
parce qu'elles ne pouvaient em- A I'un est donne le discours de la science, a I'autre
ployer la langue saint e, elles devaient se servir de celle celui de la sagesse, cbaque docteur recoit, de I'esprit,
qui lui est semblable. Pourquoi voulez-vous parler sa grace particuliere. (I Cor. xn, 3. ) Chacun a son
a moitie le langage d'Azot, vous qui devez vous glaive a son cote ; w afin que la ou I'occasion de la
exprinier comme les Juifs?C'est-ce que vous trouvez tentation se trouvera, la parole soit employee par
dans Esdras « parlez la langue non des hommes,
: precaution avec plus d'abondance et ses avertisse-
mais des Anges. » (II. Esd. xni, 2/i.) Vous ctes ments multiplies. « Chacun porte le glaive a son
I'ange de Dieu, vous qui remplissez le devoir d'an- cote, pour se reprendre d'abord lui-meme,pour se
))

noncer la parole sacree. « Car les levres du pretre garder et se juger. Saint Paul vous apprend a avoir
conserveront la science, on demandera la loi ii sa ce glaive a votre cote : « Vous considerant vous-
bouclie, parce qu'il est I'ange du Seigneur des meme, » dit-il, « pour n'etre pas tente. » [Gal. vii, 1.)

armees. » [Mai. n, 17.) Chacun a le glaive a ses cotes, a cause des craintes

i discours 5. Parlez cntierement selon I'evangile, vous qui de la nuit, a cause des chutes subites et des evene-
ceni qui
ionoDcent
etcsun homme evangelique. Que votre discours ments qui surprennent.L'apotre insinue cette crainte

I
parole dc sente la loi, les prophetes, les apotres ; aiguisez votre nocturne en disant : « Si I'homme a ete surpris par
I'U doiveat
etre langue a leurs paroles^ em})i'untez-leur les armes quelque peche. » [Gal. \z, 1.) On appelle nocturne
ngeliques.
t
puissantes selon Dieu, pour delruire les citadelles ce qui est imprevu, ce qui arrive subitement, et
enncmies, pour i*eduire a la soumission toute intel- aussi ce qui offre des embuches. C'est pourquoi il

ligence s'elevant centre la science du Seigneur. (II ajoute : « Que nous ne soyons pas circonvenus par
Cor. X, 5.) Que votre main brandissc le glaive de Satan. Car nous n'ignorons par ses embiicbes. »
I'esprit, qu'il vous serve a cbaque occasion qui se (II Cor. II, 11.) Enun autre endroit, le raeme saint
presentera, que les paroles sacrees ne vous fassent Paul tremblait a cause de la crainte nocturne. « Je
pas defaut quand une circonstance subite et momen- tremble, )) dit-il^ que comme « le serpent seduisit
tanee, exigeraque vous les fassiez entendre. Que le Eve, ainsi vos sensne soieut corrompusde lasimpli-
verhe puissant et efficace soit sur vos levres et non cite, qui est dans le Christ. « (II Cor. x), 3) Bonne
dans les livres : « ce sont les levres » en effet et non simplicite, par laquelle uni au Christ, vous devenez
les livres, « qui garderont la science. » Emportez un seul esprit avec lui . La simplicite se trouve oii

avec vous ce sac d'argent. Que le glaive de la parole est I'unite; la simplicite existe si vous ne vivez plus,
soit a votre cote etnon dans des poches, qu'il soit tres mais si c'est Jesus-Christ qui vit en vous ; si la
pres de vous. Prenez-le sur votre cote afin que vous sagesse de Dieu vous devore, si la joie spirituelle
soyez fort et prompt a exhorter dans la sainte vous absorbe et va se cacher jusque dans I'intime

rentur quae est vicina HebrapEe : quia lingua sancta non supponas. Uniuscujusque ensis super femur suum. Alii
poterant, vol ca loqucrentur qua; sanctae aflinis est. datur sermo scicntiae, alii sermo sapientiae, el unicui-
Quid vis media ex parte loqui Azotice, qui Judaice que doctori sua datur a Spiritu gratia. Uniuscujusque
debes? Sic enim habes in Esdra Loquere lingim non : ensis super femur suum ut seipsum primo corripiat, :

homuuan, sed Anyelonim. Angolas cnim Dei es, qui seipsum custodial, seipsum dijudicet. Docct le Paulus
sacri profiteris vcrbi niinislcrium. Labia enim sacerclo- quasi super femur tiumi ensem babere Considera, in- :

tis cusiodient scicntiam, et legem requirent ex ore ejus, quit, tcipsum, ne et tu tenteris. Ensis cujusque super
quia angelus Domini exercituum est. femur suum, propter timores noclurnos, propter lapsus
0. Evangelice ex toto loquere, qui vir evangclicus subitos, prffioccupatos casus. Quasi limorem noclurnum
es. Seruio ergo tuus legem redolcat, Prophctas, Apos- .\postolus innuil dicens : Si pra^occupatus fuerit ho-
tolos; coram verbis linguani tunm cxacue, mulua ex 7no in aliquo enim quod
delicto. Noclurnum csl
eis arma pofcniia Deo, ad dcbcllandas munitioncs, ad improvisum esl, quod subitum noclurnum eliam quod :

redigcndum omncm infellectum extollcntem sc advcrsus insidiosum est. Idco dicit Vt non circumveniamur a :

sientiam Dei. \'crs;itilis sit in manu lua gladius spirilus, sannta. Non enim ignoramus insidias eju-^. Idem Pau-
ut ad omnc quod til)i emcrglf negolium famulclur; ncclc lus timcbal a timorc nocturno. Timeo, Inquil, ne
alibi
destituat scrmonis sacri facullas, cum temporalis cl su- sicut serpens seduxit Eram : ita corrumpantur sen-vus
bita depoRcil occasio. In labiis libi sit, non in foliis ver- vestri a simplicitate, qure est in Christo. Bona simpli-
bum validum et efficax : Labia enitn, non folia, sacer- cilas, ubi Christo adhaercns unus esl cum illo spirilus.
dotis custodiunt scientiam. Saccubmi pecuniae lolle te- Siniplicitas est ubi unitas csl simplicifas est, si jam
:

cum. Gladitis verbi tibi sit a latere, non in latobris : non ipse vivis, scd vivil in tc Chrislus si le dcvorct :

proximus tibi Accingerc eo super fcumr fuimi, ul


sit. sapienlia Doi, si tc spiritiialis absorbeat la'lltia, et in-

potens sis et promptus, cl cxbortari in doctrina .sana, limis rccondalur visccribus. El ubi esl lanla simplicilas
et ccntradicenles rcdaigucre. Non libi sit cnsis sub nisi in Icclulo?
femora, et verbi sacri studium carnis prudenliae non C. Uniuscujusque ensis super femur suutn. Super fc-

T. V.
82 L'ABBli GILLEBERT.

de vos entrailles. Et ou est une si grande simplicite de la dispute et de la lutte, mais le repos de 1 em-
sinon dans le petit lit? brassement. Que les autres entourent le lit; pour
6. « Le glaive de chacun est a son cote. » Sur sa vous, jouissez des caresses desirces.
cuisse, non pour die, mais a cause des dangers 7. iJ'oii vit;nt cependanl que le texle ne nous
de la nuit; peut-etreparce que la lulte n'est pas dit rien de I'appareil dulit? pourquoi exprime-t-il,
contre la chair et le sang que represente la cuisse, en si peu de mots, les delices quony goule? Peut-
mais contre les gouverneursdu inonde, des lenebres etre ce sujet est ineifable et il n'est pas permis a
pi'c'seutes. Aussi c'est a cause des craintes de la I'homme de les dire. Celui qui I'experimente, le

nuit, contre les iniquites spirituelles. [Epk. \i, 12.) coniprend, et encore peu quand il I'experimente, la
Conibien la guerre que vous avez ii soutenir est plus memoire elle-raOme ne \)eut rappeler en toute leur
lieureuse, vous qui etes dans le meme lit que verite les delices eprouvees. L'ecriture a dit ce qu'il

Salomon ? Elle n'est pas dirigee contre les iniquites lui a cte possible. Elle a parle du lit, et du lit de
cliarnelleSj ni meme contre celles de I'esprit, elle se Salomon. (HI. Ren. x, 18 et Canl. m, 9.) C'est assez

fait en la joie de I'esprit, avec Salomon qui est dire, pour celui qui a goute. Je lis dans I'eci-iture

appele par excellence le pacitique. C'est pourquoi « le lit » de Salomon et sa « litiere, » I'uu et I'autre

lalutte est pacifique avec lui. Salomon portele nom construits avec un appareil recherche, comme il

de pacifique et represente la sagesse. « Aimez la convient pour les rendre aussi agreables que possi-
sagesse et elle vous erabrassera. » [Prob. iv, 8.) bleaux usages du roi. Par petit lit entendrons-nous
L'embrassement a quelque ressemblance avec la quelque chose de neglige? A Dieu ne plaise mjis ;

lutte. Embrassez-la pour qu'elle vous embrasse. il sufiisait, a I'ecrivain, de dire petit lit, puisqu'il
« Elle vous glorifiera quandvousl'aurez embrassee,)) parlait a I'epouse. Elle n'aime rien dans son ht
comme ce prince le dit dans les proverbes. Embras- sinon qu'il est son lit et que c'est en lui qu'elle a le

sez le verbe, soyez avec lui comme dans im lit, et moyen d'embrasser son Salomon. Dans toute la
non comme dans un combat. Dans le lit, 11 n'y a suite des ecritures, les lits oil'rcnt un grand et mul-
Differei
pas de place pour les glaives, c'est le lieu des tiple mais lis n'ont pas de comparaison
mystei'e, litsdoDtp
embrassements intimes. Ne soyez pas fort, de crainte avec le lit de Salomon. II est un lit que Job se I'Ecrih

qu'il ne vous arrive d'etre dehors. Au-dedans usez prepare dans les teuebres [Job xvu, 13) un lit que ;

du verbe non comme d'un glaive, mais soyez avec David arrose de ses larmes [Psalm, vr, 7), un lit
lui comme avec un epoux, afin que vous ti'ouviez en dans lequel est couche le malade languissant [Marc.

lui vosdelices.Delectez-vous de laverite elle-meme, v), dans lequel le mort ressuscite. Tel fut celui
ne luttez pas contre les erreurs et les vices ; laissez d'Elisee, (IV, Reg. iv, 2Zi.) tel celui d'Elie, (HI Reg.
a d'autres cette charge et ce soin. Qu'avez-vous a XVII, 19.) Les deux prophetes rendireut a la vie le

vous pour qui


taire de la lutte, I'alfection doit etre fils de leiir hotesse couche mort dans son lit. L'un
tout? Celle qui estepouse, cherche non Toccupation s'etendit, I'autre se courba sur le mort. Le meme

mnr, non propter femur, sed propter timores nocturnes : Quid tamen est quod de ipso lectuli nobis apparatu
7.

forte quia non est illis colluctatio adversus carnem ct nil quod ejus vel in modico dcpromit delicias?
dicit?
sanguinem, quisignatur in femorc: sed adversus nnindi Forte verbum hoc verbum ineifabile est, et quod non
rectores, tenebrarum harum. Idco propter timores noc- licet homini loqui. Qui experitur, intelligit et tan- :

turnos, contra spirituales nequitias. Quanto feliciorem tisper dum experitur, ne memoria quidem praeterilas
.sortita cs luctani, quae Salomonis contineris in lectulo? integre recenset potuit Scriptura ex-
delicias. Quod
non contra carnales nequitias, ne contra spirituales prcssit. Lectulum lectulum Salomonis. Satis
dixit, et

quidem, sed cum spirituali Iffititia, cum Salomone, qui dictum est, sed sapienli. Et thronum lego Salomonis,
pacifici nomine praerogat. Ideo pacifica colluctatio cum ct ferculvm sed utrumque ambitioso extructum appa-
:

ipso. Et pacifici nomen et sapientiae personam Salo-


,
ratu, et sicut regias decet delicias. Numquid ergo lec-
mon gerit. Ama, inquit, snpienlinm, ct amplexabiiur fe. tulum intelligemus neglcctum? Absit sed sufficicbat :

Amplexus, colluctationis quamdam speciempraefert. Am- scribenti, ut lectulum diceret, qui sponsae loquebalur.
plexare, ut amplexetur te. Glorificaberis ab ea, cum il- Ilia enim nihil in lectulo diligit nisi quod Icctulus est,
lam fueris amplexatus, sicut dicit in Proverbiis. Am- et quod in eo copia sit suum amplectcndi Salomonem.
plectere verbum utere eo sicut in lectulo non sicut Magnum et multiplex mysterium reperies in lectulis
in bello. In lectulo locus est non ensibus, sed amplexi- per omnem Scripturarum textum, sed non est compa-
bus strictis. Noli fortis esse, ne tibi foris esse con- ratio ad lectulum Salomonis. Est lectulus, quern sibi
tingat. Intus utere verbo, non quasi gladio, sed quasi Job sternit in tenebris; et est lectulus, quem David
sponso, ut verbo ipse oblecteris. Oblecteris veritate ipsa, rigat in lacrymis est lectulus, in quo languens decum-
:

non contra errores oblucteris et vitia; aliis hoc munus bit et est lectulus, in quo defimctus resurgit. Talis
;

et officium relinque. Quid tibi cum conflictu, cui to- Elisaei, talis lectulus Eliae. Uterque defunctum hospilae
tum de alTectu debet? Quae sponsa est, non
constare mulieris tilium in lectulo suscitavit. Ille expandit se su-
disputantis et confligenlis sectatur negotium, sed otium per morluum, iste incurvavit. Unus in utroque Chris-
amplexantis. Alii lectulum ambiant, tu cupitis amplexi- tus. Ille exinanivit se, ut formam servi susciperet, et
bus fruere. seternitatis suae longitudinem intra temporalis brevitatem
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 83
Ckrist se montrait en eux. C'est lui qui s'est ane- dans laquelle vous etes soutenu, d'line maniere ou
pgf^j
anti pour prendre la forme de I'esclave, et qui a d'autre, vient a mourir, ressuscitez-le. II est mort, reiigiem,
resserro, dans les etroites limites de la nature
!•• .,!,,, ,
celui qui succombe, sous le poids de 1 ennui, ou dii
,
les
quels sont
les morts et
leniporelle, Totendue de son eternite. 11 s'etcndit desespoir comnieat
lleeoric ; en qui il n'y a pas de devotion vive, pas
il faut les
j'Elie quand il repaudit eu nous son Esprit saint avee d'esprit fervent : celui qui, bien que ne violant soigner.
d'tlisee
suscitrnt aboudauce. Le seiu de sa mere pouvait presser ce pas les preceptes de la loi, et se renfermant dans la
mort.
1
i^ jIs il gtait incapable de le vivifier. La lettre
jjjoi-t^ limite de la regie, n'a qu'une affection froide etlan-
tue, I'esprit donne la vie. Mais le veritable Elie le guissante, ne trouvant aucune suavite dans les
porta dans le Cenacle etl'eleva jusqu'a I'intelligence ceuvres saintes. La face triste de tout I'ordre lui
spii'ituelle. Le sein de la lettre etait froid^ sa arrache I'ame. II faut le rechauffer dans le sein ten-
connaissance ne pouvait repaudre \nie chaleur dre et doux dc sa mere, pour que, tombant dans le
vitale. Ce lit d'Elie etait tres-bon, il donna u un desespoir, il ne soit pas precipite dans une tristesse
mort la chaleur de la vie. «Le juste vit de la foi. plus grande. II n'est pas expedient pour lui, qu'on
[Heb. X, 38.) Aussi il est mesure trois fois, afin de le rencontre hors du sein materuel,depeur que le ve-
donner la connaissance de la Trinite et de diviser la ritable Elie ne le poi'te pas dans son lit. Ceux que
dose de la foi. La loi plaint le sens de la lettre qui le Christ ressuscite, il leur donne la vie, sur les
eteint le sens charnel : mais Jesus-Christ prit ce sens pleurs des femmes. C'est ce qui eut lieu pour le
et le rendit spirituel. II a donne a la lettre un esprit fils de la veuve [Luc. ni, 15.), pour lefrere des sain-
vital et nouveau que reconnait vrainient pour sien tes hotesses [Joan xi, 33.), pour la fille, a cause de
Elie lui-meme, qui retablit et renouvelle toules la priere de ses parents desoles. [Luc. v]u,41.)0tez,
choses : et saint Paul se declare mort a la loi pour 6 bon Jesus, notre mort, du sein de sa mere. Cette
vivre en Jesus-Christ. II est bon que, vous aussi, observance reguliere, mais exterieure, n'a conduit
vous mourriez nou-seulement a la vieille loi, mais personne a la perfection. Introduisez-le dans le ht,
aussi au vieil homme, [Gal. n, 19.) afin q\i'il vous plus mollet de I'esperance, qui le rapprochera de
vivifie dans son lit, celui qui a porte nos fautes Dieu. Qu'il experimente ce qu'il espere, combien le
dans son corps^ pour que, mourant aux peches, Seigneur est bon, pour ceux qui I'attendent, pour
nous vivionsdans la justice. Ce que vous semez ne Tame qui le cherche. [Thren. in, 25.) Une heure, de
recoit la vie qu'apres etre mort. (I. Cor. \\, 36.) cette experience, console de plusieurs annees de
.\ous sommes touscompiis eu Jesus ressusciie^ aussi travail. Alors on
mere, qui I'avait
le rend a cette
cette resurrection est-elle commune. Mais il est auparavant perdu, tant qu'elle ue possedait pas
dans le lit de Salomon une grace particuliere et son affection, et pleurait sa devotion perdue. II

reservee, prerogative de I'epouse seule. nous revient nouveau, apres que vous I'avez revetu
8. Et maintenant, o bon Jesus, si quelque fils de de vous meme. Vous vous etendez sur lui, afin de
mere veuve (je veux dire, de cette saiute maison). couvru", ce qui est vil en lui, et de vetir ce qui est

naturae contraxit. Ipse cxpandit se, cum Spiritum sanc- bone, si quis filius ejus moritur, tu resuscita. Mortuus
tum abunde in nobis infudit. Sinus i'.le matris defunc- est qui vel taedii, vel desperationis mole obruitur, in
luni premere poterat, non vivificarc. Littera enim oc- quo nihil est ^^vidae qui
devotionis, fervidi spirilus :

cidit, spii'itus autem vivificat. Scd vcrus Elias ilium in etsi legis praecepta non deseiat, et intra Rcgulae gre-
coenaculum tulit, ad spiritualem provexit intcllectum. mium se concludat, frigido tamen et moribundo languet
Frigidus crat litterae sinus, nee poterat ejus inlelligen- affectu, in opere sancto suave nil sentiens. Totius ilium
lia vitalcm spirare calorem. Bonus Elia' lectulus, qui Ordinis cxanimat facies. Molli et femineo matris
tristis

defunclo vita; calorem infudit. Justus ex fide vivit. Ideo est sinu fovendus, ut non cxasperatus abundantiore
Iribus metilur vicibus, ut. Trinitatis cogitationem con- tristitia asorbeatur. Non cxpedit ei extra matcrni si-
Icrat, et dividat mensuram lidei. Plangil lex lilteraj sen- nus ambitum rcpcriri, ne forte non tollat ilium verus
sum extinctuni, sensum carnalem scd Christus hunc : Elias in cubiculum suum. Quos rcsuscitat Christus, mu-
sensum tulit, .'spirilualcm restiluit. Novum et vitalcm lierum ubique fletibus donat. Sic vidua; (ilium, sic sanc-
intelleclum reddidit litterae, quem suum vere .agnoscat tarum fratrem mnlierum, sic parentum precibus sus-
ipse Elias, qui rcsfituit omnia, et nova facit : et Paulus citavit pucllam. Tolle bone Jesu, et hunc mortuum
,

legi se mortuum dicit, ut vivat in Christo. Bonum est, nostrum dc matris gremio. Regularis h;ec ct exterior
ut et tu moriaris non modo veteri legi, scd et vetcri nbservantia neminem ad pcrfectum adducit. Introduc
homini, suo te vivificet in Iccto, qui pcccata nostra
ut ilium ad mcliorcm Icctum mclioris spei, per quam ap-
tulit in corpore suo, ut peccatis mortui, justitiae viva- proximct Deo. Expcrialur quod cxpeclat,qiioniam oonus
mus. Tu cnim quod seminas, non vivificatur, nisi prius Dominus expcclantibussc, anima) qu.-Brcnti ilium. Unius
moriatur. In hoc resuscitate intelligimuromnes; et ideo hora' cxpericntia, multorum tcmporum laborcs cxilaral.
communis resurrectio haec. Sed privata quaedam in Tunc rcdditur matri quem ilia prius amiscrat, dum non
lectulo Salomonis gratia, et solius sponsae prarogalivae tcneret ejus affectum, sed mortuam devutiunem deflercl.
servata. Novus redit ad nos, postquam tu ilium leipso vestisti.

8. Etiam nunc si quis matris nostrae (conventus tiu- Ideo te super ipsum cxpandis, ut quod est in eo ftpdum,
'us sancti) viduae apud quam utcumque sustentaris, Jesu opcrias; quod nundimi, vestias. Bonus hujus lecluli usus,
8& L'ABBE GILLEBERT.

nu. Qu'il est bon, le sijour dans ce lit, en peu de impression melangee ;de froide crainte : alin que,

temps, il redonne una activile i)k'ine de vie j)our tout enlirre, vous entriez dans les transports d'un

des jours qui viennent ensuite. II y a une grace amour enllamme, vous qui etes destince au seul

plus grande encore dansle lit de Salomon, c'est la, office dc I'amoiir et qui devez montcr sur le centre

que I'epouse, abandonnant sa mere selon la chair, de la charite, entrer dans la couche du bien-aime,
s'attache pour toujours a sonbien-aime, et dcviont, le lit du veritable Salomon, qui est Jcsus-Christ, vi-

avec lui, un seul et raeme esprit. vant et regnant, dans tons les siecles des siecles.
9. C'est done un lit agreablc, il n'y a pas de lan- Amen.
Elogc dii lit
de Salomon. gucur, si lalangueurderaraour:
ce n'est pcut-ctrc, SERMON XVII.
il ne connait pas riniirmite, mais il est plein de
Le roi Salomon se fit une tUirre c/es ccdres du Liban,
jouissances. Lit delicieux, il n'est pas arrose de
(Cant, ni, 9.)
larmes, il n'est pas etendu dans les tcnebres, il n'a
rien de triste, de sombre, tout y est lumiero, Vous avez entendu, Vierges sacrees, epouses
1.

touty est joie : iln'a pas besoin d'etre couvert de du Christ, vous avez entendu parler dans le dis-
ces tapis d'Egypte, que la femme here ti que etale cours d'hier, du lit de votre Salomon, vous desirez,
sur sa couche, an (livre des Proverbes. [Prov. vii, dans I'entrelien de ce jour, ouir parler du mystere
16.) de Salomon n'emprunte aucun orne-
Le lit de sa litiere.Vous-voulez tournertoutes les interpre-

ment etranger, rien de peint, rien de mondain, tations de ce cautique, au sens de I'amour, et les

tout y est sainte volupte et solide verite. 11 y a un appliquer aux delices qu'il vous procure. Pensez-
grand et multiple mystere, dans les couches des vous que ce cantique a ete pour vous seules? ecrit

saints, mais celle de Salomon I'emporte sur toutes Aucun discours, n'a de gout pour vous, s'll n'etin-
les autres, le petit lit de I'epouse lui-meme ne celle pas de sentiments d'amour, et n'exhale pas la

peut compare. Dans son petit lit, I'epouse


lui etre suave odeur de la charite. Vous avez done, en cet
cherche son bien-aime, elle ne letrouvepas, elle se endroit, un sujet qui rappelle les tendresses de I'a-

leve, elle rode jusqu'i ce quelle arrive a lui. Hatez- mour. La parole de Dieu, nous amene a vous
vous,viergesacree,pressez-vous d'entrer encerepos. parler de la litiere de Salomon. Le bien-aime ne
Ne craignez pas ces glaives degaines tout autour. souffre pas qu'il vous reste la moindre matiere

Ces epees, ce sont les glaives de la parole, places d'excuse. Les joies qui sont permises dans le lit sont
sur le cote, a cause des alertes nocturnes, ou bien, fort agreables : mais peut-etre quelqu'une d'entre
lisretiennent la fougue de la chair, ou bien ils ban- vous, pourrait se plaindre de la difficulte d'y par-
nissent la crainte du coeur timide, Ceci est pour venir. C'est pourquoi, le passage, qui vous parle de
les autres pour vous, ils vous blessent plus sua-
; la litiere sacree, qui vous portera a ce lit, la mon-
vement, afin que transpercee d'amour, vous igno- tre orne avec une belle variete. Meme durant la

riez les terreurs de la nuit, et n'eprouviez aucune route, I'epoux vous procure des delices. Cettehtiere

qui hrevi ora in tempore sequentia vitalem alacritatem tota Iranseas in affectum amoris, quae in solum
igniti
transfundit. Major in Salomonis lectulo gratia, in quo amoris es usum dicata et in locum ascensura
caritatis
sponsa matrem carnalem derelinquens, perpetuo jure stratum dilecti, lectulum Salomonis veri Jesu-Chris-
dilecto adliaeret, et unus cum illo efficitur spiritus. ti, qui vivit et regnat per omnia saecula saeculorum.
9. Bonus ergo quo nulhis languor est,
lectulus, in Amen.
nisi forte languor amoris qui non vcrsatur in infirmi-
;

Bonus lectulus, qui non ri-


SERMO XYII.
tate, sed in jucunditafe.
gatur lacrymis, qui non in tenebris stcrnitur, qui nihil Ferculum sibi fecit Rex Salomon de Lights Libani.
habet in se triste, nihil tenebrosum, sed totum lux et Cant. Ill, d.
laetitia est qui non indiget sterni tapetibus de ^gypto,
;

quibus proverbiis mulier hasretica lectulum sternit.


in 1. Audistis, sacra; virgincs, sponsae Christi, audistis

Nihil enim in se habet lectulus Salomonis alieni orna- hesfcrno sermone de lectulo vestri Salomonis iilterius :

tus; nihil picti, nihil mundani; sed totum sancta vo- hodierno pergislis qua-rere de ferculi sacramento,
luptas solida Veritas. Magnum et varium Sacramcn-
et Omnes vuKis hujus Cantici sermones ad amoris usum
tum in sanctorum lectulis, sed supergressus est univer- dedectere, et ad vestras interpretari delicias. Vobis so-
ses lectulus Salomonis, nee sponsae lectulus huic valet ils haec putatis esse conscripta carmina? Nullus sapit

comparari. In lectulo suo quern quaerit dilectum non vobis scrmo, qui non amatoriis vernet affectibus, et dul-
invenit ideo surgit et circuit donee ad istum pertingat.
;
cem caritatis odorem aspiret. Ilabetis ergo et hie ali-
Festina filia sacrata virgo, festina istam ingredi requiem. quid quod amatorium sonat blandimentum de ferculo :

Noli striclos in circuitu enses vereri. Enses isti, enses vobis alludit sermo divinus. Nullam vobis residere pa-
verbi super propter timores nocturnos, vel
femur, et titur dilectus cxcusandi
materiam. Grata quidem sunt
carnis configunt lasciviam vel timidi cordis abscidunt, promissa gaudia
lectulised poterat aliqua in vobis ad-
:

ignaviam. Hoc quidem in aliis te vero suavius vulne- : huc suspicio de perveniendi difficultate submurmurare,
rant, ut caritate transfixa nocturnum ignores timorem, Ideo vobis sermo sacri vehiculi, quo estis ad lectulum
nee quicquam habeas frigidi timoris admixtum sed : portandae, pulchra varietate describit ornatum. Etiam in
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 85
est agreable par sa matiere, mais plus agreable a personnes : soufTrez que, pour leurutilite.quelques
cause de celui qui I'a construite. C'est Salomon lui- passages, en petit nombre, leursoient applicpies. Le
merae, rpii est I'auteur et rouvrier de cette litiere. Christ est debiteur aux sages et aux insenses. II
« Le roi Salomon^ se fit uue litiere des cedres du n'est pas diminue pour vous, s'il abonde selon son
LibaUj il fit des colonnes d'argent, un canape dore. » sens pour d'autres. Soyez contentes du petit lit :

Entendez, ma fille, avec quel appareil glorieux vous permettez a celles qui sont au-dessous de vous, I'u-
etes portce au lit. Votre epoux, ne vous hisse pas sage de la litiere. L'usage de Tun est plus restreint;
sans dossier, qui vous appuie, et il veut qu'il soit I'emploi de I'autre plus populaire. Dans I'un, le
d'or, peut-etre de cet or^ dont vous lisez : « sa tete, Christ est renferme, il entre dans I'autre. II se
est un or Le canape, est em-
parfait. {Ca>it. y, 11.) donne avec plus d'abondance et plus d'intimite, il

ploye a beaucoup d'usages, mais I'emploi que Ton n'oublie pourtant pas les autres, qui ne peuvent
fait du lit, est plus releve. L'esperance fatiguee encoi'e atteindre a votre mesure. Vous pouvez, vous
trouve un soutien agreable dans le canape, le lit aussi, participer au mystere de cette litiere et en
lui offre de grandes jouissances. Dans le jiremier, remplir le role, si vous portez vers nous I'epoux
le desir de I'epouse est entretenu; dans le second, que vous tenez en vous, si vous apportez la paix, si
elle jouit de ses voeux. Quel est done I'appareil qui vous annoncez les biens, si vous prechez au-debors,
vous attend, puisque vous etes conduite, eutouree les joies que vous voyez au-dedans. N'etaient-ils pas

de si grands ornements ? pourquoi maintenant fe- la litiere du Christ, ceux dont I'eglise chante :

rai-je tout ressortir, les bois de cedre, les bois du « portant la paix, eclairant la patrie ? » Mais que
Liban, les colonnes d'argent. Rien qu"ii en entendre persomie n'ose se charger de I'office de la predica-
parler, ces details frappent nos yeux, et leur beaute tion,ou prendre quelque honneur, s'il n'est pas ap-
exterieure, ramenee a une figure spirituelle, s'ef- pele de Dieu. Pourquoi vous placez-vous, sur le
force d'indiquer une beaute intellectuelle, et desi- chandelier, vous qui ne vous eclairez pas vous me-
gne le vebicule de Tame sainte. (jue ce soit la, des me? Que celui-lavous eleve, qui vous a fait flam-
choses sensibles, le contexte du passage ne permet beau, montez par celui qui vous a allume. Person-
pas dele croire. Quel est I'or materiel, qui serait ne ne se fait soi-meme litiere, c'est Salomon'qui s'en
etendu de charile? Tout cela est spirituel, car I'a- fait une du bois du Liban. II est encore une Utiere,
mour est spirituel, c'est lui que caresse et qu'attire celui qui porte le Christ, non-seulement dans sa
cet appareil si rechercbe de la litiere. bouclie, mais aussi dans son corps. « Glorifiez et
Ne pas
2. Je pourrais, en parlant de cette litiere, faire portez le Christ dans votre chair, » dit S. Paul. prendre de
venir ce sens et autres semblables. Que ce pen suf- (I Cor. VI, 20.) Le Christ veut, que vous le portiez, soi-m^me
I'office de
fise,pour rassasier ou provoquer votre avidite. mais avec gloire, non avec ennui, non avec mur- predicatear.

Quoi done? voulez-vous que ce cantique ne serve mure, non avec colere et indecision ; il veut etre
que pour vous ? Laissez nourrir aussi les jeunes porte, non pas traine. A celui qui le traine, le Christ

itinere sponsus vobis procurat ipse delicias. Fcrculum vestram vel satiandam, vel provocandam aviditatem.
hoc quidem gratuni est materia, sod auctore est gratius. Quid? Vobis solis vultis haec cantica servire? Siniteado-
Ipse cnini Salomon ferculi hujus est auctop et artife.x. lescentuls pascanttir sinite ad suam commoditatem,
:

Ferculum enim sihi fecit rex Salomon de lignis Lihani, ut vel pauca inflectant capitula. Sapientibus et insipien-
columnas fecit argcnteas reclinatoriurn uuveum. Audi tibus debitor est Christus. Nil vobis imminuitur, si aliis
filia, quam
glorioso apparatu portaris ad lectum. Non pro suo sensu abundet. Estote contcntae lectulo infe- :

sinil to sponsus sine reclinatorio, el illo aureo, fortasso rioribus vel ferculi permittite usum inscrvire. Illius gra-
ex illo auro de quo legis Caput ejus aurum optimum.
: tia parcior, hujus popularior. In illo includitur, in isto
Multus recllnatorii usus est, sed inferior quam lectuli. ingreditur Christus. Vobis se uberius et quadam spe-
In reclinatorio habet spes fossa jiicundum sustentamen- cialitate indulget : sed tamen alias non obliviscitur, quae
tum, obleclamentum in lectulo. I lie sponste votum fo- vestram nondum valent ad mensuram pertingcre. Po-
velur, ibi votis fruilur. Quantus tc putas cxpcciat appa- tcstis et vos ferculi participarc sacramcnto, et vice per-
ratus quae tali deduceris ornalu? Quid ego nunc ser- fungi, si sponsum quem inclusum tenetis, ad nos quasi
mone frcquenti cuncfa cxaggerem, ligna ccdrina, ligna reportetis , si defcratis pacem, annuncietis bona, si
Lii)ani, columnas ai-gcnteas? ipso audilu sc nobis ista gaudia foris prajdicctis quae intus vidclis. Quidni fer-
commcndant, cl corporalis pulchritudo in figuram ad- culum de quibus in Ecclcsia canitur Portantes
crant, :

ducta spirtualem, quemdam et inlelligil)ilcm conalur pacem et illuminantes patriami Sed nemo vol praedica-
indicarc dccorem, et sanctae animajdesignare vehiculuin. tionis officiurn adsunial, nemo sibi sumat honorem nisi
Ha'cenim corporalia intelligi, lecfioniscircumKtanlia non vocatus a Deo. Quid Icipsum super candelabrum po-
sinit. Quid enim aurum materialc caritate constcrnc- nis, qui tcipsum non acccndis? Illc to ponat in sublimi,
rctur ? Sed omnia spiriliialia sunt, quia spiritualis qui luccrnam tc fecit. Per ilium ascende, qui te accen-
est amor, cui (am ambitiosus fcrcuIi l)landitur appa- dit. Deniquc nemo seipsum ferculum facit, sed ipse Sa-
ratus. lomon fecit sibi ferculum dc Lignis Libani. Est el fc-
2. Possem haec et similia dc ferculo hoc ad nostrum reculum, si quis non solum in ore, sed in corpore suo
derivare sensum. Sufficiat islabieviler dispulassc, ad Christum porlet. Glorificate et portole Christum in cor-
,

86 L'ABBE GILLEBERT.
est onereux, la chastete est lourde, I'liumiliation vous etes un ct'*dre eleve du Liban, ne vous
pesante, lobf-issance accablante, la pauvrele rebu- exaltez pas trop, mais tremblez, de crainte qu'ii

tante : vous le portez tres-maJ, tous qui vivez de cause de votre orgueil, .vous ne soyez arrache du
la sorte. La foi vous parait un grand fardeau et la lieu, ou vous avez ete plante par vocation. Car ce
piete une grande charge. Vous ne pouvez pas n'est pas vous qui vous f'-tes elu, c'est lui qui vous
dire « mon bien-ainie est pour moi un bouquet
:
a chosipour le travail du ministt-re c'est lui qui :

de myrrhe. [Cant, i, 12. Quoi done? Totre foi vous


j
donne I'office du ministere, et qui en confere la
parait comme du foin, sous le poids duquel vous grice, c'est-a-dire, qui distribue la faculte et la

criez, vous gemissez, vous murmiu'ez ainsi^ abso- dignite. Connaissez qui vous a plante , que la
lument comme la charrette, ?e plaint sous Iherbe racine de I'orgueil ne germe pas en vous, do crainte
dessechee qui la remplit. Le Christ n'est pas ce que la main du tentateur ne vous arrache. Qu'elle
foin, une lleur, il est un fruit, il est I'arbre
il est ne germe pas, aGu que la hAche de I'ennemi ne
de vie, qui donne ce fruit en son temps et vous, : vous tranche point; le tranchant de son rasoir n'a
vous ne voulez pas attendre? Heureux, ceux qui jamais touche la tete des saints. II tressaillede joie,
sont nourris en leur temps. La patience est neces- s'il s'empare de la litiere de Dieu et s'il coupe pour
saire, pour vous faire obtenir I'effet des promesses. son usage , les cedres du Liban. II se gloriQe dans
[Heb. X, 36.1 Portez done, avec patience les charges, Ezechiel et il dit :

Je me suis assis dans la chaire

siu'tout les charges de la piete. Car la piete, comme de Dieu, » [Ez. xxvm, 2. Prenez done garde, otant
il est ecrit, a deja une partie de la promesse. chaire de justice de devenir, par orgueil, chaire de
(I Tim. IV, 8.) pestilence, et ministre de scandale, craignez, que

Les prelats 3. Portez donc,rimage de celui qui est auxcieux, par votre entreprise, I'exeraple ou le discours mau-
doivent fnir et portez-la glorieusement, son fardeau est leger. le cancer, pour la perte dun
la snperbe. „ '^
, , , •
i i
Soyez, non un obstacle honteux, mais un char glo- grand nombre. Soyez la litiere de Dieu, portez en
rieux, semblable a celui que se fit le roi Salomon, vous son image, et que par vous, il repande lodeur
11 expose admirablement, la diversite des vertus, de sa counaissance. Paul etait uu instrument de ce
de maniere a exclure tout d'abord, la vanite de la genre, lui dont le Seigneur, rend ce temoignage :

superbe. « Qu'avez vous, en effet, que vous n'ayez « celui-ci est un vase delection, pour porter mon
recu?Et si vous avez tout recu, pourquoi vous nom. » [Act. ix, 15.) Celui qui le choisit en fit une
glorifi*ir, comme si vousn'aviezrien recu? » (I Cor. litiere.

IV, 7.) Si vous etes une litiere, ce n'est pas vous U. « Le roi Salomon se fit une litiere des bois du
qui vous etes fait, c'est lui qui vous a fait. Car le Liban. » Ces bois sont de cedre ; leur nature, le
« Roi se une litiere des bois du Liban. » Et les
lit nom du ou ils croissent offrent je ne sais quoi
lieu
bois eux-memes, qui les a fails? N'est-ce pas Dieu? de grand. Liban signifie blancheur ; ces bois ne
C'est lui qui a plante les cedres du Liban, que si sont accessibles a aucune corruption, et de meme

pore vesfro, dicit Paulus. Portari \uH a vobis Chris- ferculum es, non tu te, sed ipse te fecit. Ferculum enim *t-
tum, sed gloriose, non cum taedio, non cum murmure bi fecit rex Salomon de /ignis Libani. Et ligna ipsaquis fe-
non cum indignalione et fluctuante proposito: denique cit? nonne ipse? ipse plantavit cedros Libani. Quod si
portari, non trahi. Trahenti enim onerosus est Christus, tu ccdrus cs alta Libani, noli tamen altum sapere, sed

onerosa caslitas, onerosa humiliatio, oLcdientia gravis lime, ne forte indc evcllaris propter clationem, ubi
pauperies sordet deformiter porlas qui sic conversaris.
: plantatus es per electionem. Non enim ut te, sed ipse
Fascis quidam grandis tibi %idetur fides, et piefas pon- elegit te in opus minislerii ipse ministerii officiura, :

derosa. Non potcs dicere Fao'cu/us myrrhce dilecius


: ipse ministrandi confcrt graliam, id est, facultatem ct
mem mihi. Quid? Fcenum tibi videtur fides tua, sub dignitatem. Agnosce a quo plantatus es, et non tibi ve-
cujus onere sic strides, sic gemis, sic murmuras, quo- nial radix superbiae, ut non movcat te manus tcntatoris.
modo plaustrum stridct onustum foeno ; non est fcenum Non ascendat, ut succidal te securis inimici, cujus ne
Christus, sed flos est sed frucfus est, sed lignum vit;p, li- novacula quidem super caput Sanctorum ascendit. Fer-
^'Diim quod dat fructnm in tempore sue et tu non vis : culum Dei ilJe sibi pra»ripcre gestit, et in usus suos de
expectare ? Beati qui vescuntur tempore suo. Denique Libano ligna succidere. Denique apud Ezechielem glo-
patientia necessaria est, ut reportctis promissiones. Por- riatur el dicit /;* cathedra Dei sedi. Vide ergo ne per
:

tate ergo patienteronera, imoonera pictatis. Pietas enim elationem de cathedra juslitiae efficiaris cathedra pesti-
el ipsa partem jam habet rcpromissionis, sicut scriptum Icntiae et ferculum scandali, et per te vel cxempla, vel
est. scrmo malum Dei, ut ejus in te imaginem porles, et
Ergo portate imaginem ejus qui de coelis est, et
3. odorem notitise suae per te imaginem portes, et odorem
gloriose portate. Onns enim ejus leve. Estote non ig- notiticP sua? per tc nianifestet. Tale Paulus ferculum
nominiosum offendiculum, sed gloriosum vehicuhim, erat, de quo Dominus ipse prOlitetur : la*' elationis est
quale fecit sibi Rex Salomon. Miro autem modo ita mifii iste, ut portet nomen meum. Ipse qui elegit, ipse
virtutum distinguit varietafem, ut primo loco elationis ferculum fecit.
vanilatem excludat. Qnid enim habes ? quod non accepisti, 4. Ferculum isibi fecit rex Salomon de fignis Libani.
ti autem accepisti, quid gloriaris quasi non acceperis? Si Ligna haec ligna ccdrina sunt, et natura sui et nomine
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 87

que nulle pourritnre n'attaqiie leur substance, de continuel. Car soit que la servitude du mariage
raeme ils exlialent une orlcur tres-agreable. Paul cessc, soit que la desolation des veuves prenne
clait bien un Liban, lui qui servait Dieu, ainsi qu'il terme, la liberte et la grace de la virginite ne pas-
s'exprime lui-meme, dans une conscience pure, seront jamais, parce que ceiix qui ne se marient
rrnptihi-
(|[ Tim. \, 3.) Qu'y a-l-il de plus Wane qu'une pas et qui ue sont pas maries, sont dejii comme les
^ anges dans
H)nne conscience pure Qu'y a-t-il de plus incorruptible
? le ciel. Dans les Ecri-
[Matt, xxii, 30.)
science
quaxicune creature n'a pu separer de la
g^:, (.g|„j tures, la vii'ginitecomparee au Liban « J'ai
est :

at Paul, cbarite de Dieu ? Ces vertus momentanees, qui ne repandu ma vapeur comme le Liban non coupe, et
subsistent qu'uu instant, me semblent etre,uon des mon odeur est semblable au bairnie non mele.
bois, mais des berbes qui se lletrissent bien vite. [Ecd. XXIV, 21.) Le Liban est vraiment un sein im-
Mais dans saint Paul y avait rincorruptibilitc
il macule, un sein non souille, intact et integre. II est
d'une charite inepuisable. C'est pourquoi il combat- intact, celui dont I'integrite pers6vere, dont les
tit uu bon combat, il consomma sa course, atten- voiles pudeur n'ont pas ete dechires. Liban,
de
dant dureste la couronne de justice, la recompense il cause de la purete non coupe, a cause de son
;

de ses gerbes dont il sentait comme de pres I'odeur integrite. EUe est vraiment non coupee, celle qui

embaumee. (II Tim. iv, 7.) Et lui-meme, il repan- n'est point divisee. Voulez-vous entendre parler de
dit la bonne odeur, I'odeur de la vie pour la vie, celle qui est coupee ? « La femme mariee pense a ce
I'odeur de la connaissance du Seigneur. Une bonne qui est du monde, comment elle plaii'a a son marl,
renommee est une bonne odeur la bonne cons- ; et ainsi elle est divisee (1 Cor, vii, 3Z|) ; divisee entre
cience est pareillement une bonne odeur. L'une Dieu et son mari, et peut-etre non pas egalement
sent bon pour les autres, I'autre parfume celui qui divisee,mais plus porte vers son epoux. « Mais la
la porte. (II. Cor. ii, 1Z|). C'est la la gloire des saints, femme non mariee et la vierge ne pense qu'a ce
]e temoignage de leur conscience. Les fruits de la qui est au Seigneur, comment eUe plaira ci Dieu.
beatitude a venir ont deja commence a se faire sen- Comme le Liban non coupe, j'ai evapore ce qui est
lir dans la saintete de la vie. Et c'est avec raison en moi. » C'est la mere du Seigneur qui senible ^^^^
qu'a rincorruptibilitc se joint la bonne odeur, car surtout proferer ces paroles. C'est elle qui est le ^ Marie,

dans un sens oppose la corruption exhale la puan- vrai Liban, le Liban non coupe. C'est elle qui a
teur. Celui qui seme dans la chair recueillera de la evapore pour vous, 6 vierges sacrees, son ha-
chair, la corruption et la puanteur, comme de la bitation, I'habitation celeste, I'habitation ange-
saintete, la bonne odeur. lique, quand vous a donne les exemples de sa
elle

virgin ile 5. Nous avons fail avec raison mention de la vie pure, et vous a inspire I'amour de la virginite
^ree au purete, en disantque la candeur virginale estexpri- perpetuelle, et elle a assez exprime la grace qui
mee par les cedres du Liban. Car la continence habitait en elle, puisqu'elle dit qu'elle I'evapore.
virginale repand une bonne odeur, et son usage est Quoi de plus semblable a la vapeur qu'ime habita-

loci nescio quid magnum commendant. Libanus cando- et bonum virginalis continentia vaporat odorem, et ejus
rcm sonat, cujus ligna nulli obnoxia sunt corruptioni : est perpetuus usus. Sive enim conjugii servitus evacua-
et sicut substantiae suae non admittunt putrcdinem, ita bitur, sive desolatio viduarum cessabit, virginalis vero
suavissinium spirant odorem. Bene Libanus Pauhis, qui non cxcidet umquam quia
integritatis libertas et gratia :

scrvicbat Deo, ut ipse dicit, in conscientia pura. Quid qui non nubunt, ncc nubuntur; jam sunt quasi Angeli
cnim pura candidius conscientia? Quid imputribilius in caelo. Denique et Libano in scripturis legitur com-
illo, quern nulla crcatura separare potuit acarifafe Dei? parata virginitas. Ego, inquit, quasi Libanm non inci-
Momentuneae virtulcs, ct quae ad horam subsislunt, mihi stts' evnporavi, ct sicut halsamum non mixtum odor
non videntur tarn ligna quani olera, qu;e cito decidunt. mcus. Merito Libanus venter immaculatus, venter im-
At in Paulo qua^dam erat indefessjR caritatis imputribi- pollutus, venter intactus, venter non incisus. Non inci-
litas. Idco bonuni ccrtamen ccrtavit, cursum consunima- sus est, cujus manet integritas, cujus non sunt rcsignata
vit, de cetero exspcctans coronani justitiae, coronam de claustra pudoris. Propter munditiam Libanus propter :

nianipulis, cujus jam quasi dc vicino attraxit odorem. integritatcm non incisus. Merito non incisa, quae non
Deni([uc el ipse bonuni exlialavit odorem, odorem vit;B est divisa. Vis audirc incisam? Mulier nuptu cogitat
ad vitani, odorem nolitiae Dei. Bonus odor fama bona : que; muncli sunt, quomodo placeat viro, et divisa est,
bonus etiam odor conscientia bona. Ilia aliis bene olct, utiquc in Dcum virum divisa
ct et forte non aequali-
:

ista sibi. Haec enim gloria Sanctorum, testimonium ter divisa, sed virum propcnsior. Mulier autem in-
in
conscicntifc. Futurae enim beatitudinis fructus jam nobis nuptn et virgo non cogitat nisi qua; Domini sunt, quo-
in bonitate ca'perunt olerc. Et bene imputri-
vit.T, modo placpid Deo. Qua'-i Libanus- non incisus evaporavi
bilitati bonus odor adjungitur nam c contrario pu- : hahitationem mcam. Malris Domini specialilerhaec verba
tredo I'cEtoreui emittit. Qiu enim
seminal in carne, videntur. Ilia verc Libanus, et Libanus non incisus. Ilia
dc carne raetct corrnptioncm, de corruptionc tristem vobis cvaporavit, sacra; virgines, habilalionom suam, ha-
odorem, sicut de inlogritate suaveni. bilationem ccelcsleni; habilalionem angclicam, quimdo
5. Et bene de integritale iiiducta est mentio, quod virginalis convei-sationis cxcmpta in vos transfudit, et
virginalis candor exprcssus vidcatur Libani lignis. Nam perpetui pudoris inspiravit amorom; et satis exprossit
;

sa L'ABBfi GILLEBERT.

tion virginalo ? Ce genre de vie n'a ricn de charnel, beaucoup de points, » dit I'apfjtre. {Jac. lu. 2.)

rien de mondain ; tout en lui est ctMeste. Tout est Une clmte soudaine, mais j)romptement relevee,
au-dessus du monde, tout est S])irituel, et partant doit etre regardro comme uuc odeur qui ne laisse
serablable a la vapeur; mais a quelle vapeur? «Et pas de traces de son passage : il n'en est pas ainsi
nion odeur, dit-elle, est conime le baume non de ces actes par lesquels on se montrc attache au
mele. » Comme un baume non melo, comme un vice. C'est un mt'dange dangereux et fort mauvais,

baume non corrompu, comme un baume non al- quand le vice prend meusongOrenient Tapparence
tere. II y a im melange qui imite le baume et de la vertu, quand Satan se transforme en ange de
trompe il y a un melange qiu, bien qu'il n'ait pas
; liiraiere (n Cor. xiv, lA.j, et fait respirer le venin
de dissemblance avcc le baume, contrarie la bonne comme du baume. Satan est un compositeur de
odeur. 11 y a done (pour ainsi parler) un baume parfum, ne lui achetez pas d'huile ; il ne combine
vrai et pur, un baume vrai mais non pur, un pas, il corrompt les onguents. De plus, comme il
baume ni vrai ni pur. Le premier se trouve chez est ecrit, il « fait bouillir la mer comme une chau- ''?•?", °?

les parfaits ; le dernier chez ceux qui sont trompes diere » [Job. xli) et il la place comme lorsque les de parfo

celui du milieu cliez ceux qui, bien que nuUement onguents bouillent dans un vase. La mort est au
victimes de a trompei'ie, sont pourtant destitues de
J fond de ce vase, Jeremie la vit bouillante et tournee
quelque grice de la vertu. C'est avec raison, con- vers I'aquilon (Jer. 1, 13. Quel est ce compositeur
sequemment, que celle-la senile qui etait pleine de d'onguent qui fait sortir de ce vase de moi-t, comme
grace dit que son parfum est comme un baume des vapeurs de vie ? Quel est cet ouvrier qui fait

sans melange. bruler sa chaudiere comme si elle etait tournee


y.
^
^. 6. Que si vous sentez la virginite,rassiduite dans vers le midi et qui pourtant fait jaillir le mal de
corrompent la priere, I'abstinence et les jeunes, vous repandez I'aquilon sur la terre? C'est un tils de prophete ou
le baume de , , , , i n t i
la -virginity, une bonne odeur, votre senteur est celledu baume. certainement un prophete, celui qui saisit la mort
Mais si vous etes encore sujet a la maladie de I'im- dans cevase, et ses vapeurs souftlant de I'aquilou.
patience, au verbiage inutile, a la legerete dans Ce sont des vapeurs de soufre, que vomit la chau-
les resolutions, k I'ardeur d'executer vos propres diere embi'asee de votre cliair et en les respirant :

volontes, a la tristesse, a I'enuui ; si quelqu'un vous croyez sentir le baume ? Si de vous meme
de ces maux se trouve en vous, votre odeur est le baume pur
vous n'etes pas en ctat de discenier
melee et vous ne repandez point la senteur du du baume mele, adressez-vous aux Prophetes, aux
baume pur. Cette petite goutte de melange etran- fds des Prophetes, aux Apotres qui vous feront dis-
ger, gfclte lout le reste du parfum. On a bien du cerner les differences des compositions, qui vous
bonheur lorsqu'on detruit sur le champ les acci- feront connaitre en quel vase se trouve la mort.
dents tristes qui se font sentir soudain, comme une Tel est saint Paul qui a ose dire : « iNous n'igno-
sorte d'exhalaison, « Car nous manquons tons en rons pas les ruses de Satan. » (1 Cor. u, 11.) Si votre

habitationis suae gratiam, quam evaporare se dicit. Quid mixtionis peregrinte, fotam balsami massam consti'istat.
enim habitatione virginea vapori similius? Niliil ha- Bene quidem cum illo agitur, qui si quid trisfe fortuito
bet haec conversatio carncum, nihil imindanum, scd to- et vclut subito redolet, statim abolet. Nam in mullis
tum ccEleste. Supermundanum totum, spirituale totum : offendimus omnes, dicit Apostolus. Ex subito quidem
et ideo simile vapori, sed quaU vnpori? Et ionquam lapsu, sed statim correcto, nullus est odor jestimandus;
balsarnum, inquit, non mixtum odor mens. Tanqiiam magis vero ex eo in quo quis est sedulus vitio. Pericu-
balsamum non mixtum, fanquam balsarnum non cor- losa et pessima mixlura est, quando vitium quodlibet
ruptum, tanquam balsamum non adulteratum. Est mix- virtutis mentitur speciem: ct angelus satanae in ange-
tura, quae balsamum simulat et mentitur et est mixtu- : lum lucis se transfigurat, et quasi balsamum facit vene-
ra, quae etsi non habet balsami simililudinem, bonum num spirarc. Ungucntarius est satanas, nolitc ab illo
tamcn contristat odorem. Est ergo (ut sic dicam) balsa- oleum cmere. Non enim tam confector est quam cor-
mum verum et solum; et est balsamum ctsi verum, non rupter ungucnti. Deniquc sicut scriptum est, fervescere
solum et est balsamum, nee verum nee solum. Primum
: fac/'t quasi oUani mare, et ponit sicut cum unguenta
in perfectis est hoc ultimum in deceptis medium in
: : ebulliunt. Mors in hac olla. 011am banc succensam vi-
illis, qui etsi nulla illuduntur fallacia, aliqua tamen vir- dit Jercmias, et faciem ejus a facie aquilonis. Qualis
tutis gratia dcstituuntur. Mcrilo itaque ilia qute sola unguciitorum artifcx,([uide mortis ollavittp vapores cxire
gratia plena erat, quasi balsamum non mixtum odorem simulat? Qualis artifex, qui olla" succensas faciem quasi
suum dicit. ab austro fervere facit, per quam potius ab aquilone
6. Quod
si tu virg'initatcm oles, si orationum instan- mala cxardcscunt in terra? .\ut filius Prophcfas est, aut
tiam, jcjuniorum abstinentiam; bene oles, et balsa-
si certe Prophcia, qui mortem in olla deprehendit, et va-
mum oles. Si vero impatienti;e adhuc morbo laboras, si pores ejus ab aquilone \cnire. Sulphurci sunt vapo-
vaniloquium, si levitas consiliorum, si ardor cxplendae res, quos olla carnis tuae succensa cvomit ct tu in his :

propriae voluntatis, si trislitia, si taedium, si horum ali- balsami tibi videris odorem sentire? Si per te nescis
quod unum in Ic nominatur; mixtus est jam odor tuus, balsamum merum a mixto disccrnere; veni ad Prophe-
et non purum balsauium spiras. Modica enim stilla ad- tas, veni ad filios Prophetarum .\postolos, qui te mL\-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES (1\NTIQUES. 89

main ne pas pour avoir du baume pur, les


sufit du sujet, cet entretien s'est prolonge bien davan-
saint? vousapprennent a en faire le melange. Nico- tage que je uc le pensais. Je vous recommande,
deme [Joan. xix. 39;, apporta uu melange de myr- Seigneur, le present Liban, ce LLban si precieux, ce
rlie et d' aloes, du poids d'environ cent livres, et les cha?ur de vierges, cette asseuiblee de saintes fem-
Marie acheterent des aromates. {Marc. xvi. 1.) Mais mes. Gardez-le pour qu'il ne soit pas coupe, pas
la mere du Seigneur, Marie, n'achete pas taut les blesse, quit conserve son integrite, I'eclat de sa pu-
onguents, qu'elle en exhale les parfums ; elle, qui a rete, car le mot Liban signifie candeur, que la pu-
enfante le Christ tout imbibe de I'huile de la joie. rete de I'esprit j subsiste toujours, afin que ces

« L'odeur que je repands, » dit-elle, « est comme vierges soient piu'es de corps et d'esprit. Protegez
un baume non mele. [Ecd. xxxiv. 21.) ce Liban, dont vous avez consacre les bois pour
7. Si vous ne connaissez pas la loi des melanges, etre la matiere de votre litiere. Que cette menace
adressez-vous aux docteurs a ceux
de I'Eglise, du prophete reste toujours eloignee de lui : « Ouvre

qui sont comme les fondement Je


colonnes et le tes portes, Liban, le feu consumera tes cedres. «
la verite, les colonnes d'argent dans la litiere du Que les portes soient fermees pour tons les au-
Seigneur, et les ministres de la parole sacree : tres, ouvertes pour vous seul. Soyez sa clef et son
apprenez d'eux, comment U. faut vous occuper de cachet, fermez-le, marquez-le et qu'il ne connaisse
ce qui concerne le Seigneur et comment vous de- d'autre clef ou d'autre signe que vous, Christ Je-
vez etre empresse de plaire au Christ. Vous aurez en sus, qui etes Dieu beni dans les siecles des siecles.

vous des colonnes d'argent, lorsque vous serez Amen.


muni de la deux testaments. Voila
science des SERMON XVIII.

pourquoi, en ce lieu, apres les cedres du Liban, Lc roi Salomon se fit une lilieie des bois du Liban.
le livre sacre a place les colonnes d'argent, afm (Cant, ui, 9.)

que vous portiez le my store de lafoi daus une cons- l.Le bois du Liban vous represente I'uicorrup-
cience sans tache. Le mystere de cette foi, que vous tion de la chair; et la blancheur de la chastete. La
prescrit le livre sacre, est ime parole d'argent ; elle chastete est bonne ; mais « tout ce qui u'est pas de
vousdit do vous soumetlre aux preceptes de I'evan- la foi, est peche. » (Rom. xiv, 23.) « La foi, » com-
gile et des apotres, elle vous appi*end a les mediter, me dit I'Ecriture, « iiurifiant leurs cosurs. » [Act.

a les conserver, a les rouler dans votre coeur, a ne XV. 9.) Car la chastete ne s'estime pas seulcment
pas souCTrii" que le blanc et pur metal de la parole du par la continence de la chair, c'est bien plutot par
Seigneur s'oblitere et se gate dans I'oisivete ou soit la purete du cffiur qu'il faut I'apprecier. « Deja, »

altere par la rouille de I'oubli. dit Jesus, vous


« etes purs a cause de la parole que
Nous ne pouvons pas, dans le present discours,
8. je viensdevous adresserw {Joan. xv. 3). La parole de
donner place aces colonnes d'argent. U a etc i-em- la foi c£ui pui-ifie est une chose bonne, et voila pour-

pU par les bois du Liban. Retenu par la suavite quoi le texte sacre, decrivant I'appareil de cette li-

turarum differentias doceant, qua in olla mors sit. Talis 8. Sed non possumus nunc in sermonem hodicrnum
Paulus, qui dicere ausus est Non ignoramus astutias
: has insererc columnas. Hunc enim traclalum Libani
ejus. Si non sufficit manus tua, ut purum habeas balsa- prsoccupaverunt ligna, et in eonmi odore longius quam
mum, sancti te doceant quomodo misceas. Attulit Ni- pulabuin nosier sermo excurrit, suavitate illectus mate-
codemus mixturam myrrha? et aloes quasi libras cen- ria;. Tibi Dominc hunc commcndo Libanum,
Libanum
tum, et Mariae emerunt unguenta. Sed Maria Domini egrcgium, hunc chorum virgineum, sacrarum ccrtuin
mater unguenta non tarn comparat, quam spiral : t'eminarum. Tu cuslodi ul non succidalur, ut non inci-
dattir, sed sua illi servelur inlegritas, scrvelur
quae uncluni olco ipsum parturivit Chris- oastitalis
loetitia?

tum. Tanquam balsamum, inquit, non mixtum odor candor, quia Libanus candorem sonal scrvelur purilas :

mem. mentis, ut sanctae sint el corpore et spirilu. Cuslodi Li-


7. Si mixturae rationem ignoras, vcni ad l^octorcs Ec- banimi hunc, cujus ligna in ferculi lui dedicasli malc-
clesiae, ad cos ((ui columnae quaedam sunt ct [irmamcu- riam. Procul ab illo sit prophelica comminalio : Aperi
lum comeiM ct/ros /«'/v. Porlae
verilatis, ct columniT' argentea? in Domini ferculo, Lihanp portns tuns, iynis-

el sacri dispensalorcs cloquii ab his disec quomodo


: isla; claudanlur aliis, soli aperianlur libi. Tu illi davis
cogilcs quae Domini sunt, el quomodo sollicila sis pro sis et claustrum, lu signa el rcsigua, ul nee signa-
Christo ul sibi placcas. Tunc et lu cohimnas habcbis in culum nee clavem prater Ic recipiat , Christc Jc-

le argenteas, si utriusque testamcnli fueris suffulta su, qui Deus cs bcncdiclus in sa-cula sa?culornm.
scicntia. Idco cl hie post Libani ligna, columnas sub- .\men.
lexit argenteas scrmo divinus, ut habeas myslerium fidei SERMO XVIIL
in conscicnlia pura. Mystcrium fidei, quam sacrum libi
Ferculum sibi feat Rex Salomon de Ugnis Libani.
pr;escribit eloquiuni, eloquium argenleum est ul evan- :
Cant, in, d.
gelicis cl aposlolicis subnixa praeceplis, ilia medileris,
ilia conserves et coaferas in corde tuo ; nee patiaris Lignis Lihani ineorruptio carnis, el mnnditia" vobis
I.

incrti si(u coharcre el oblilerari, ct oblivionis aerugine csl candor cxpressus. Hona quidem esl caslilas sed :

qtiod non est ex fide, peccatum est. Fide, siout scriptura.


denigrari divini vcrbi argenlum.
:

90 L'ABBE GILLEBERT.

apres les bois du Liban, place les colonnes sacre, toujours par le chant de la Psalmodie inte-

d'arj^ent et excite la peiisee di' la viergc pure a rieur" (\>i vos caurs.
mediler, la parole sainte, la parole chaste, la pa- 2. One vos langues soient d'argent. Elles sont

role qui se compari! a I'argenl eprouve. Ce sent de d'argent, si, echo de la page sacree, elles sonnent
bonnes colonnes qui sont dressees dans le caur des le Christ ;
qu'il n'entre pas ilans votre bouche une
viergos, celles qui s'appuicnt sur la connaissance masse di- plonib. C'est une bouche de plomb, celle
lidele et le souvenir frequent de la sainte Ecriture. qui ne prononce rien de subtil, rien de spiriluel,
La Vous etes un saint Liban si votre coeur est pur, pur rien d'eleve, celle dont toutes les paroles sont lour-
mfiditation
de la Sainte- de pensee lionteusc, et de penst'-e iniidele. C'est une des, sans espr't, basses et peul-etre coupables. Car
Ecriturt! est
grande souillure de Tesprit^que la corruption de la I'iiiiquite est assise sur le talent de plomb. [Zack.
recoinman-
dec. foi que si la forme solide de la foi est saine en
;
v. 7.) L'homme de I'Evangile partant pour une re-
vous, vous avez deja une colonne. Ne vous en con- gion eloignee, ne donna pas a ses serviteurs des ta-
tentez cepondant pas, joigncz-y I'autre : meditez la lents de ce genre. [Maith. xxv. 15.) Ne traiiquez
loi du Seigneur nuit et jour. Regardez comnie in- pas de telle monnaie, qu'il ne s'en trouve point
iidelite et fornication, de laisser votre esprit, cesser, dans vos tresors. Remarquez ce mot de saint Paul
memc peu de temps, de contempler les dogmes de la K qu'aucune parole mauvaise ne sorte jamais de votre

foi. Voici deux bonnes colonnes la connaissance et : bouche, mais seul5ment celle qui est bonne pour
le souvenir de la loi du Seigneur, la droite adhe- edilier dans la foi. » [Eph. iv. Pour I'editica- " f=\^*
29.)
''

sion a J a foi et sa pensee, souvent repetee. Vous tion, dit-il, et non pour le renversement de la foi. conversati
Taines
etes une colonne, si vous etes ferme dans la foi; La bouche de fer, est celle qui deti-uit la foi, qui ou ioutil'

une colonne d'argent vous etes instruite par la


si renverse la conduite sainte, qui est un instrument
pratiquj de la parole de Dieu. « La paroU' de Dieu de guerre et une source de proces, qui toujours
est droite, » dit le Psalmisle, « et toutes ses oeu- rt'pand le murmure et I'amertume. On trouve de-
vres sont dans la foi. » [Psalm, xxxu, U.) La foi et la crite dans le prophete Daniel, une bete de ce genre;
parole de la foi sont de solides colonnes, que cette elle a des dents et des ongles de fer, elle mange et

parole soit proche dans votre CQ?ur : car elle est broie tout. [Dan. vu. 7.) Qu'entre les brebis, qu'en-
proche dans votre bouche : qu'elle en soit proche et tre les amies du Seigneur, il ne se trouve pas de
qu'elle en soittoujours proche. Que de I'abondance monstre pareil, que nulle, en ce troupeau virginal,
du coeiu' sorte I'accent de la bouche. « Sept foisle ne soit violente et emportee que dans ce paradis ;

jour, » dit le prophete, « j'ai chante vos louan- ne retentisso aucun sifQement du serpent. Des pa-
ges. » {Ps. cxviii, 16Zi.) Pour vous, vierges saintes, roles pleines de violence ne conviennent pas a la
dites non seulement sept fois, maistoujours : sept fois bouche d'une vierge. Quoi ! vous imprimeriez un
le jour a cause des heures solennelles de I'office baiser sur le visage de I'epoux avec des levres

purificans corda eorum. Non enim sola carnis continen- dem dixitibi. Vos sacrae virgines dicite semper :

tia castilas censctur : cordis multo magis est aestimanda Septies quidem dicite laudem propter lioras sollem-
puritate. Jam vn.i, mundi esi/'s propter
iiiqiiit Jesus, nes : semper autem cantantes et psallentes in cordibus
scnnoiiem quan locutus sum
vo/m. Bonus lidei seimo vcstris.
qui mundat et idee in hoc ferculi cultu post ligna Li-
: 2. Argenteae sint linguae vestrae. Argenteae sunt, si
bani columnas producit argcnteas, ct virginalis mentein de sacra Christum pagina sonant. Non miltatur massa
munditiaj ad sacri provocat meditalioncm cloquii, clo- phunlaea in os vestrum. Phmibcum os est, quod nil
([uii casti, eloquii quod argento examinato confertur. subtile loquitur, nil acutum, nil de supernis, sed totum
IBona; sunt in pectoie virginuni erectiB cohunna', si sa- remissum est, totum hebes, totum de imis, Ibrtasse et
crae fuerunt Scripturae suffult* ct cognitione fideh, et de iniquis. Nam iniquitas sedet in talento plumbi.
rccogilationc frpquenli. Bonus Libanus es, si mundum Homo ille evangelirus peregre proficiscens, non talia
cor tiabes, mundum a cogitalionc fueda, ct a cogita- servis suis talenta disfribuit. Nolite de talibus negotiari
Hont- infidcli. Magna t'nnlilas spirifus, fidoi coii-uptela. talentis, in thcsauris vestris hujusmodi non invcniantur.
Quod si sana fucrit in le lirma torma (idei, jam unam Paulo diccnii inlendite Omnis sermo ma/u.f ex ore
:

habcs columnam. NoU famcn esse hac contenta, ad- veslro non procedat, sed qui bonus est ad cedificationem
jungc et altei-am moditarc in lege Domini dicacnoctc.
: fidei. Ad a^dificationem, inquit, non ad cversioncm fidei.
Inlidelitatem et fornicationcm puta, si mens tua vcl Ferreum os est quod fidcm evertit, quod sanctam su-
modicum a fidt'i rccogitatione declinet. Bouie cohnnnae bi'uit conversationcm, quod instiumentum est belli,
sunt, divinte nolitia et memoria legis : recta crcdulitas scminarium litis, quod murmur et amaritudinem sonat.
et rccordatio fidei. Columna es, si fueris in fide tirma ; Bestia talis in Daniele describitur, denies et ungues
argcntea, si divini fueris usu instructa sermonis. Rec- ferreos habens, commandens et comminuens omnia.
tum est, inquit, verbum Domini, et omnia opera ejus Nulla inter oviculas, immo inter arnicas Domini bestia
i» fide. Bonffi column.e fides, et \erl)um fidei. Yerbum talis rcperiatur. In hoc grege virgineo nulla virulenta,
lioc prope sit in corde tuo nam in ore prope est : : nulla violenta sit nullus in hoc paradiso serpentis si-
:

prope sit, et perpetuo ibi sit. Ex abundantia cordis oris bilus sonet. Virgineum os virulenta verba non decent.
sermo erumpat. Sepfies in die, inquit Propheta, Imi- Quid? Pravis poUuta verbis osculuni in sponsi labia
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 91

souilleespar des paroles mauvaises ? II est la can- interieur, soit en celui des autres. Que la parole
deur de la lumiere eternelle et rien de souillo ne le de la fui soit tout pres dans votre bouche et dans
louche. Souvenez-vous que votre bouche est consa- votre coeur. [Rom. xiv, 8.) V^oulez-vous entendre
cree par les baisers et les oracles celestes. Regar- parler d'une colonne d'argent ? « La loi de Uieu
dez comme un sacrdege, ne redit point des
si elle est dans son coeur, n dit le psalmiste, [Ps. xxxvi,
paroles douces, divines, tirees des pages sacrees. ol.) voUii I'argent; « ses pas ne seront nullement
« Faites retentir la trompette au jour de la nou- ebranles. » [Ibid.) Voici la colonne. Qui , vrai-
velle lune, » dit le psalmiste, « au jour iusigne de ment une colonne, elle ne pent etre renversee.
votre solennite. « {Ps. lxxx. CUaque jour doit h.) « C'est par la parole du Seigneur que les cieiix ont
ctre pour vous, un jour solennel, une nouvelle lu- eti' aiTermis, » [Ps. xxxvii. 6.) Que par cette parole

ne, un sabbat. Que votre bouche soit done une soit affermi le coeur de la vierge, aiin qu'il soit le

trompette mobile, une trompette d'ar^ent, qui Son- ciel, le siege de Dieu et qu'il puisse devenir une li-

ne nou les luttes, mais la joie, mais I'allegresse des tiere d'or. Dans I'argent, voyez la raison et la

solennites, mais les cantiques spirituels, science de la foi : dans I'or, I'eclat de Tintelligen-
3. Je ne sais comment des colonnes d'argent, ce et de la verite. Ce canape d'or est place sur des
nous en sommes venus a parler des trompettes, a colonne de ce genre. Car « si vous ne croyez, vous

moins que la meilleure colonne dans la maison du ne comprendrez pas. [Is. vu.) La science da la foi
Seigneur, soit I'homme qui porte une bouche fournit un degro a la nettete de I'intelligence. C'est

comparable a cette trompette. U est une bonne co- sur ce foudement que se base la grace de la con-
lonne celui, en qui I'ume fatiguee, trouve un sou- templaliou, quand vous meditez fidelement sur la
tieu. U J a dans Isaie « Le Seigneur ma donue
:
parole de Dieu, quand par la patience et la conso-
une langue erudite, pour que je sache soutenir par lationque procurent ces ecritures, vous vous elc-
la parole, cehii qui est tombe. » [Is. l. Zi.) Elle est vez aux hauteurs de I'esperance d'en haut, vous

lout-a-fait erudite la langue du Christ Jesus, il an- vous montrez comme une colonne. Vous vous ele •

nonce la paix, il preche le bien. La langue qui vez encore comme un canape d'or, lorsque a la de-
apaise, c'est I'arbre de vie, la colonne et le fonde- robec, la verite commence a briller nue a vos
dement de la verife. [Prov. xv. h.) Vous, vierge sa- yeux, sans I'enveloppe du langage.
cree, portez en ceci I'image de votre epoux, ayez, a Ix. Mais considerez avec phis d'attention I'ordre el
son exemple, une langue savante, une langue qui lespoce de passage qui menedes bois du Liban aux
adoucit ; qui ne soit point livree a I'erreur, pas va- colon les d'argent el, a la litiere d'or. Dans le Liban
gabonde, nullement portee aux propos oisifs, se montre la purcte du cceur; dans I'argent, la con-
mais qui parte le jugement, pi'ofere des paroles de naissance de la loi de Dieu, dans I'or ou dans le mi-
consolation, et soit comme une colonne etunfonde- nislere de la parole, les mysteres sacres. Par le

ment pour I'edilice de la I'oi, soit en son propre premier, vous puriiiez I'oeil de I'esprit ; dans le se-

porriges? Candor ipse lucis geternae, ct nil inquinahim quit, Dei rjus in corde ipsius eccc argcntum. jF/ nou .•

attingit ilium. Memenlo os tuum ccjDlestibus osculis et supplnntnljuntnr gressus ejus : ecce columna. Jure co-
oraculis consecratum. Sacrilegium puta, si quid non lumna, qu;e subverii non potest. Vcrho Domini finnnii
dulce, non divinum, uon de sancta pagina sonet. Buc- sunt, inquit Psalmisla. Hoc verbo contirmetur cor virgi-
cinate, inquif, in neomenia iuba, in imigni die sollem- nis; ut coeliini sit, ut sedes Dei, ct reclinaforium possit
nitatis vestra;. Oniiiis dies sollemnis debet esse
vobis ;
aurcum fieri. In argonio, fidei rationem ct scientiam ac-
semper neomenia, semper Ideo os vcstrum
sabbatum. cipitc : in auro, inlolligcnti;» et veritatis fulgorcm. Re-
quasi tuba sit ductilis, tuba argcnlca tuba qu;B non U- : aurcum super hujusmodi colunmas im-
clinjitorium hoc
Ics, sed laetitiam sonct, sed sollemnitatem, sed canlica ponitur. Nid cnim credideritis, non inlelligeiis. Fidei
spiritualia. cruditio ad intclligcntiw purilatem gradum praeslal.
3. Nescio quomodo de columnis argcntcis ad tubas Fundamento huic conlemplationis innilitur gratia. Duni
nostra deflexit oratlo nisi quod optima columna est in
: in scrmono Dei mcditaris fidcliler, ct per palientiam et

dorao Domini, qui tale os porlat. Bona columna est in consolationem Scriplune ad spcm Ic supernam crigis,
quo fessi sustentanlur. Ilabcs in Isaia Dominus dedit : coliinmam tc cxhibes. Hcclinatorium aurcum tunc ex-
tiiihi lingufini eruditam, ut sciamcum qui lapsus est sus- suigis, cum nuda tibi sine scrmonis involucro raptini
fentnre verho. Erudita piano lingua Christi Jcsu, an- incipit coruscare verifas.
nunciantis pncem, pr;edicantis bonnni. Lingua placa- i. Sed jam ordinem intucre, el provectuni
perlcctlus
bilis lignum vita?, columna ct firmamcntum veritatis. Et quemdam de colunmas argcntoas, ct
Libani lignis ad
tu virgo in hoc sponsi imagincm porta, ut habeas lin- aurcum reclinalorium. In Libano cordis miniditia in ;

guam eruditam, linguam placabilcm non erroncam, ; argcnto divina* legis nolilia in auro sivo scrmonis mi-
:

non viigam, non labilem ad oliosa, sed quaj loqnatur nisliM'io myslcria sacra manifesto rosplondcni. In primn
judicium; qua? vcrbum solalii proferat, qu;c columna mentis oculiim purgas in sccundo prospicis
: pcrspicis :

quaedam sit ct firmamcnlum ad ;pdi(icationem lidci, vel aulem in lertio. Vcl si mavis ita dici, numilaris, mcdita-
luae, vel alicnue. Prope sit vcrbum lidci in ore tuo, et in ris, spccularis. Confessio, iiujuil, et pidchriiudo in con-i-
cordc tuo. Vis columnam audirc argcnteam? Lex, in- pedu ejus. In Libano pulchritudo, in argento confcssio,
92 L'ABBE GILLEBERT.

cond, vous regardcz vous apprenez dans le troi-


; dez. Corrigez-vous des habitudes de la loi charnel-

sieme. Ou si vous proK-rez ces expressions vous : le, exercez-vous dans la loi de la foi, regardez et
etes purifie, vous meditez, vous contenii)lez. « L'e- conteniplez la loi de la liberie parfaite, la loi spi-

clat et la beaule brillent sur sa face, » dit le Psal- ntuelle. Car lii , « oil est I'esprit du Seigneur,
niiste (Ps. xcv, 6.) La beaute se troiive dans le Li- la est la liberte. » fll Cor. in, 17. j Cette loi que

ban, leclat ou la confession dans I'argent, I'or n'enfenne point le voile de la lettre, en laquelle
rappelle la beaute de la presence divine. Quelle est ne trouvent place ni I'erreur, ni I'ignorance, ni

grande la gnVce de cette splondeur et de cette robscurite. La oil I'erreur se rencontre, elle seduit.
beaute, qui est adniise en presence d'une si haute L'ignorance, oil qu'elle se trouve, ne conduit point.
majcste. Voulez-vous entendre cette distinction L'obscurite, encore qu'elle conduise, ne fait point par-
dans iin autre endroit du psaume ? « Dieu, venir. Qui errerait en ce lieu ? c'est la litiere, c'est
creez en moi, un coeur pur, renouvelez dans mes le repos, terme des desirs. Qui y serait li-
c'est le

entrailles un esprit droit. Ne me rejetez pas loin de vre il l'ignorance ? c'est I'or qui brille a la lumiere
votre face. » {Ps. i., 12.) Vous voyez comment I'a- qui rinoixle. Quelle obscurite s'y pourrait rencon-
bime appelle rabime, comment les divers passa- trer ? Le terme de ses voeux, la verite eclatante, ne
ges de I'Ecriture s'accordent entr'eux. La premiere supportent pas les difficultes des enigmes. La, rien
pensee qui se trouve exprimee en ce lieu, se rap- de faux, rien de cathe, rien de tigure ; c'est I'or,

poiie a la blancbeur du Liban. Bienheureux ceux et il jette ses Ueu du repos et il


rayons : c'est le

qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu. [Malth. v. rechauffe c'est un doux foyer, mais c'est une
:

8.) La secoude, aux colonnes d'argeut, car « la pa- heure qui s'enfuit rapidement. Cet eclat est com-
role de Dieu, est droite. « (Ps. xxxii, Z|.) Latroisieme pare a I'eclair. 11 brille un instant, un clin-d'oeil, Les
irradiati(
au canape d'or, lieu sacre oil la face du Seigneur le temps du dernier son de la trompette. Cette der- ^^.^^_
se montre sans voile dans sa realite; et en Tor brille niere trompette sonne, quand Dieu se montre, non sont furti

la majeste royale, c'est-a-dire, que le prophete dans les pages du livre, mais par sa propre pre-
royal demande un esprit pur, instruit de la loi et, sence. Quand I'ame devient docile aux enseigne-
Degres (pour aiusi parler), fortement retenu. 11 est purifie ments du Seigneur ;
quand apres les discours des

°"p°rolws"" *-'^"s le Libau. iustx'uit dans


Forgent, z-etenu dans Aputres et des prophetes, en dernier lieu le fils de
pour arriver I'or. Tout regard d'une iime purifiee, est vraiment Dieu, le Verbe du Fere, daigne parler en personne.
delaconiem- retenu et lie dans la contemplation : il soutient un Cette trompette ne sait pas rendre des sons incer-
plation.
instant les eclats de la lumiere interieui'e. Parcou- tains, ellene retentit que pour les solennites, que
rez encore ces degTes, vous, qui aspirez au faite de pour mois nouveaux et les commencements
les

la contemplation. Qu'en vous il n'y ait rien de d'une lumiere recemment revenue.
souille, rien d'intidele, atin que laverite puisse bril- 5. Faites retentir pour nous, 6 bon Jesus, cette

ler pour vous, dans toute sa realite. D'abord, cor- trom[)ette, au temps du nouveau mois, au jour
rigez-vous ; ensuite, exercez-vous ; entin, regar- insigne de notre solennite. C'est vraiment un jour 1

in auro divinae conspectus praesentife tibi commcndatur. enim Domini, ibi libertas. In lege quae litterae
spiritum?
Quain magna est conlessionis ct pulchritudinis luijus velamine caret, in qua nee crrori, nee ignorantiae, ncc
gratia, quae in conspectu tantae majestatis adimitUtur ! iPnigniati locus est. Error ubi est, seducit. Ignorantia
Vis Psalmo banc distinctionem audire? Cor, in-
alibi in ubi est, non ducit. .Enigma ubi est, etsi ducit, non ta-
quit, inundum crea in me Dem, et spiritum rectum in men pcrducit. Quis ibi errct? Reclinatorinm enim est,
nova in visceribus meis. Ne [irojieins me a facie tua. et quies, et votoruni (inis. Quis ignorct? Aurumcnim est,
Vides quomodo abyssus abyssum invocat quomodo di- ; et rutilat ad lucera. Quod ibi cPnigma? Yotorum finis,
versa scripturae capitula sibi concinunt. Primum ad Li- ct serena Veritas aenigmarum figuras non recipit. Ibi ni-
bani canderem refer. Beati cnini mundo corde, quo- hil falsum, nihil occultatum, nihil figuratum aurum :

niam ipsi Deum vidcbunt. Secundum ad argcnti coluni- est, et fulget rcclinatoriuni cst,ctfovet: dulcis fomcs,
;

nas. Rectum est enim veriuni Domini. Tcrlium ad au- scd bora fugax. Et fulgor iste fulguri comparatur. In
reum rcclinatoriuni, ubi Domini facics sine vclamenlo momcnto fit, in ictu oculi, in novissima tuba. Novissima

sincere videlur et in auro


: rulilat majcstas regia, hoc tuba quando non jam in pagina, sed in ipsa pra;-
est,
est, purgatum, instructum, et (utsic dicam) pi';psfrictum sentia innotcscit quando quis cfficicitur docibilis
;

spiritum sibi postulat dari. In Lil)ano purgatur, in ar- Dei? quando post Apostolorum et Prophetanim sermo-
gento instruitur, in auro praestringitur. Praestringitur ncs novissime in seipso Dei (ilius Patris Verbum loqui-
cnim vere contemplando quaelibct purgatae mentis
in tur. Tuba ha^e ncscit incertum sonum dare, non sonat
acies et coruscationes intimae lucis ad modicum susti-
: nisi ad sollemnitatem, nisi in neomenia, et novae lucis
net. Hos profoctuum gradus relcge, tu quae speculationis exordio.
adspiras ad gratiam. Nibil in te fffdum, nihil infidelc re- 5. Buccina nobis tu, bone Jesu, in neomenia tuba, in
sideat, ut nuda tibi possit fulgurare Veritas. Prime insigni die sollemnitatis nostra*. Verc insignis dies, ubi
cmundare, secundo exercitare, tertio intuerc. Emundarc divina majestas se manifcstat nihil insignius, sed
:

a lege carnali, exercitare in lege fidei, inluere ct pers- nil succintius. Diem hora est. Hora vere in-
dixi :

pice in lege perfectae libertatis, in lege spiritual!. Ubi signis, et vere sollemuis, Eructa tu nobis, Jesu
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 98

insigne, celai ou la majeste divine se manifeste : les sages et les pnidents, ils sont manifestes aux
rien n'est plus magnifique, comme aussi rien n'ost petits, a ceux qui gravissent le degre de I'humilite,
jjIus rapide
;
j'ai une lieure
parle d'un jour, c'est le degre empourpi'e, ot s'attachent aux vestiges de
qu'il faut dire. Heure vraiment remarquable ot la passion de Jesus-Christ. Oui degre vraiment
vraiment solennelle. Donnez-nous, 6 bon Jesus, empoiu'pre, qii'a rougi le sang du Christ, et que la
quelques heures de ce jour eternel. Vous qui etcs foi, en sa passion, ateint de celte vive couleur.
le jour eternel, vous I'ailes ce jour au cceur en qui 6. Mais, ce qu'il faut considerer avec attention,
vous versez la parole de votre lumiere. Faites bril- c'est la maniere, c'est la convenance parfaite dont
ler pour nous de tels eclats. 11 devient comme s'accordentlescolonnesd'argent, et le degre depour-
im eclair, celui sur qui vous rayonnez^ vous rendez pre. Dans les colonnes vous avez une sagesse lidele;
semblable a vous, I'ame que vous illuminez. dans le degre, vous eprouvez des sentiments d'hu-
« Nous lui serons semblables, » dit I'apotre, « lors- milite. La meditation se trouve dans les unes, I'i-

qu'il aura paru. » {Joan, in, 1.) Les montagnes que mitation dans I'autre. Car le royaumede Dieu n'est
vous frappez de ces rayons, ne fument pas, elles pas seulement dans les paroles, il consiste dans la
lancent des eclairs. lis sont d'or, ceux pour qui luit vertu. (I Cor. iv. 20.) Que direz-vous a cela, vous
voire or. Votre tete, or parfait, ne trouve point de qui regardez la servitude comme humiliante ? Elle

canape dore, mais elle rend litiere d'or, le lieu oil n'est pas vile, puisque la pourpreToyale I'anoblit.

elle se repose. Ce n'est plus le cas d'employer cette La pourpre un ornement des rois. Si
est, en effet, L'humilile
vertu rovale.
parole de I'Evangile : « le fils de Thomme n'a pas ces degres vous causent du dedain, ou de I'hor-
oil reposer sa tete. » [Luc. is, 58.) Voyez-vous, reur, considerez qu'ils sont empourpres. Acceptee
Seignem* Jesus, combien vous avez de reposoirs en pour amour du Christ, I'humilite presente une
celieu ? Jamais la tete de votre majeste, ne s'incline dignite royale. Pour vous, epouse de Jesus, foulez de
avec plus de plaisir que sur le sein d'or de la vir- votre pied blanc ces degres rougis. C'est un noble
ginite. Considei'ez ces coeurs virginaux, ces sentier, que celui que votre epoux a suivi le premier.
coeurs qui sont libres de toute affection, a Qu'ils sont beaux en effet, ces degres de pourpre
,
II faut suivre
les degres
cause de vous : c'est la que vous vous delas- que le Christ, de ses pieds sacres, a foule, de ses pieds
de pourpre
sez frequoinment, la que vous vous couchez, c{ue qu'aucune poussiere n'a souilles, de ses pieds de qu'a suivis
le Christ
vous dormez au raidi, dans une sorte de splendeur neige, et qu'il a marques des traces de son sang ? souflrant.

de lumiere doree. Les renards n'y out pas de ta- Parcourez avee ardeur ces lieux consacres par ses
nieres, les oiseaux du ciel n'y batissent pas leurs traces, otez de vos pieds la chaussure de chair.
nids. Ce reposoir est trop solide, pour que les re- L'ascension que vous vous proposez de faire est
nards ruses, puissent y penetrer. II ne reste aucun chose sainte avancez sur ces degres d'un pied
;

refuge a la subtilite heretique, la ou brille la ve- nu et degage. Cette pourpre, ce n'est pas le sang du
rite dans la purete de son eclat. II est trop ele- coquillage qui I'a teinte, c'est le sang de Jesus-Christ.
ve pour que le renard habile, ou I'oiseau superbe y Posez-y avec plaisir votre pied, aOn qu'il se colore

puisse trouvef acces. Ces secrets sont caches pour de ce sang adorable. Que le pied de I'orgueil ne

bone, aeterni illius dial horas aliquas. Diem ilium parvulis,qui huniilem sectantur ascensum, ascensum
staliQi efficies, cui tuae lucis verbum enictas, qui purpureum, et passionis Christi vesligiis insistunt. \ere
dies OS aeternus. Fulgura nobis coruscationcs ta- purpureus ascensus, quem Chrisli signavit cruor, ct pas-
les. Fulgur efCicitur, cui tui fulguras. Similem tibi rcd- sionis ejus coloravit (ides.
dis si queni Simiks, inquit, ci erimus cum ap-
iri'adias C. Sell illud attcudcndum, quomodo imo quam con-
j)aruerit. Monies quos taji radio langis, non fumigant, gruo modo sibi concinunt coluuuia- argenieH', et ascen-
sed fulgur;i..l. Aurei fiunt, tuum quibus aurum refulget. sus purpureus. In illis sapis fideliter in isto senlis hn- :

Caput tuum aurum optimum reclinatorium aurcuui militer. In illis mcditatlo in isfo imitatio. Non onim
:

non invenit, sed reddit ubi se reclinat. Jam non est il- in sermonc tanlum est regnum Dei, sed in virtule.
lud de Evangelio dicere : Filius hominis non huU'A iiLi Quid lu istic dices, qui huuiilialioneui serviliilem putas'?
caput reclinct. Videsne, Domine Jesu, quot hie habes Servilis est, quam regalis nobililat purpura. Orna-
non
reclinatoria? Numquam se majestatis tua; caput liben- mentum etenim purpura regiuni. Hos si lu vel de-
csl

tius reclinat, quam in virginitalis aureo sinu. Respice dignaris, vel liorres gradus, respice quod purpurci sunt,
virginea pectora, haec pcctora vacanlia Ubi : in his iVe- lluuiililas suscepla pro Christo, regiam pra'fert dignita-
quentes reclinas, et recumbis, ct cubas in nieridie, el au- lem. Tu vcro sponsa Chrisli caiulido preuu' podc gradus
reo clarilalis quodam screno. Non hie vulpes foveas ha- purpureos. Nobilis est semila quam diieclus tuus prior
benl, nee nidilicanl volucres caeli. Sobdius est reclina- incessil. Quam pulchri sunt etenim gradus purpurci, quos

lorium hoc, quam ul hie subdola valeat vulpes infodere. pede sacro Christus prior signavit pedihus illis, quibus
Nullus dolositali rcluiquitur h;eretica; locus, ubi screna nullus pulvis adha'sil, pedibus uiveis, quos cruoris sui
signavit vcsligio? lla-o lu nrdeuler vestigia relegt> au-
fulgurat Veritas. Sublimius est quam ut hue aut subdola
:

vulpis, aut superba volucris accederc queal. Abscondila fer calceamcnlum carncum de pedibus luis. yanctiis

sunt haec a sapicnlibus ct prudeutibus, ct reveluta sunt cniui ascensus est, quem tibi dispouis. Nudo et expedito
9Z| LABBIi GILLEBERT.
vienne pas snr vous, si vous gravissez cct huuihle celui qui vous a ainii; Ic premier et le plus airae. Les
senlier qui est marque- du saug de votre epoux. temps nexigeul plus, que vous repandiez votrc
Teignez-y non-seulement voire pied, mais encore sang. Donnez votre ume, vepandez voire caur
votre main et votre tete, atin d'oporer cctte ascf-n- comme de I'eau ; car quand bien meme vous livre-

sion de I'dme toute royale, tout ompourpree, tout riez voire corps pour le faire bruler, si vous n'a-
anoblie par la i)assion de Jesus-Clirisl. Car si vous vicz la chariti', <lf quoi vous servirait ci'tte mort ?
compatissez, vous regnez avec lui. iNc vous croycz (I Cor. xiii, 3.) En dernier lieu, comme conclusion
pas chere a son coeur par la noblesse qui est derniere de toutes les graces, se place la charite; on
Les religienx selon le siecle. Vous sercz plus vile si vous la ro- I'app.'lle ces tapis ornementes et etendus au milieu
ne doix'nt
sc gloritjer gardez, si vous faites valoir voti'e origine au- de I'amour, a cause des lilies de Jerusalem,
qu'en la croix du
pres de votre epoux, si dans ce faste siecle, vous
vous preferez aux aulres, ou jjcnsez avoir quelque SERMON XIX.

privilege. En opposition avec rbumilitr de la re- Aw centre de la charite il a etendu des tapis a cause
solution que vous avez prise, voire longuc suite
des filles de Jerusalem. (Cant, iii, 10.)
d'aieux selon la chair, vous fait dechoir de la
gloire du Christ, si vous avez I'orgueil de vous re- 1. Voulez-vous entendre dire quelque chose de
jouir de tout autre chose. Quo celtc pourprt soule nouveau ? Pour moi", je n'ai rien de. nouveau a
soil voire faste, votre elevation, votre gloire, et ue vous dire, sinon que I'amour vous renouvelle. Je
vous gloriliez qu'en la croix de Jesus-Christ votre vous adresse ce commandemeut nouveau rien ne :

seigneur. Ce degre de pourpre vous conduira uu re- vous est plus conim, rien ne vous est plus nouveau.
posoir d'or, parce que c'est aux humbles qu'est due En cello all'aire vous n'cres ni ignorantes ni inexpe-
la grclce du I'epos de la contemplation, grace ca- rimentoes. C'est la votre propre oftico. C'est a cause
chee aux sages aux prudents el qui sera revelee
et de vous, q\i'on dit que les litieres de Salomon sont
aux petits. Cette pourpre est un gage considerable etendues au milieu de la charite. « II les a eten- Eloge de i

charite.
d 'amour, que votre epou.. vous a doune. Oui, sup- dues au fort de sa charite pour les lilies de Jeru-
porter la mort, est une graude marque de teuJres- salem. » Cette parole vous a attribue I'usage de I'a-

se. « Personne n'a un plus grand amour, que de mour par une sorle de privilege. Filles de Jerusa-
donuer sa vie pour ses amis. » [Joan, xv, 13.) C'est lem, desirez des dons plus excellents, et avant tou-
cette preuve que vous a donnee, c'est cette prtuve tes cboses, soupirez apres la charite. Que I'amour
que vous demande a son tour Jesus-Christ, votre domino sur toute grace : dans la description de
passion, Que
voire humiliation. memoire vous la cette chaise a repos, la charite est employee comme
rappelle ce que
Seigneur a souffert pour vous,
le ornement et derniere decoration. On y discerne plu-
avec quelle passion il vous a aimee, vous, pour sieurs graces, mais toutes ces graces sont surmon-
qui il s'est si prodigieusement abaisse. Aimez done tees par la charite qui en est le comble. La charite

insiste vestigio gradibus istis. Purpuram hanc non con- pro qua se tantum humiliavit. Ama ergo tu ilium qui
chylii, sed Chrisli sanguis inlinxit. Ilic tu pcdcm lihcn- prius et plus dilcxit. Non
exigunl haec tempora ut san-
ter pone, ut pes tuusinlingaliirin sanguine Christi. Non guinem elTuudas. Elbinde animam luam; elTunde sicut
venial libi pes superbise, si humilem secteris asccnsum, aquam cor tuum. Nam elsi tradideris corpus tuum ita
qui sponsi tui cruore sacro signafur. Iluic tu non modo ut ardoat. carilatem non habeas, quid tibi proderit? Dc-
pedem, sed ctiam m;muni et caput inlingo, ut lota pu"- nique et ultimo loco quasi finalis omnium clausula gra-
purea, tola rcgalis, ct passione Chrisli tola nobiiitataas- tiarum ponitio' caritas, et Dtedia velut ornamcnto quo-
cendas. Nam si compateris, conregnas. Noli te sa-ci.li dam caritote constrafa dicuntur propter tilias Jerusalem.
nobililale carani reputarc. Vilior eris si respcxeris adil-
lani, si natales tuos Sponso imputes, si le pro Sivculi SERMO XIX.
faslu praeferas aliis, aut nliquid habere privilegii pules.
Contra huniilitatcm propositi de prosapia earnis evacua- Media can'tate consiraiii propter filias Jerusalem.

ris a gloria Christi, si alia re nobilitari prapsumas. Ihrc Cant, iir, d.


tibi purpura sulTicial ad fastum, sufficiat ad ascensum,
1. Novum novum quid
aliquid vultis audire? sed ego
sufficiat ad gloriam, ut non glorieris nisi in cruce Do-
non habeo, nisi vos innnovet amor. Mandatum hoc
ut
mini tui Jesu-Christi. Ascensus te purpurcus reclinato- novum do vobis nihil vobis notius, el nihil est no^'ius.
;

rium perducel ad aureum quoniam huniilibus ct quie-


:
Non esuis in isto rudes et incxercitataB negotio. Vestrum
tis conttmplationis debetur gratia, a sapientibus aulem
hoc proprium officium est. In amoris onim praecipue
et prudenlibus absconditur, revelanda parvulis. Purpura
munus estis dedicatai. Denique et propter vos fercula
base magnum quoddam est pignus amoris, quern tibi di-
Salomonis media carilale constrata dicuntur. Media, in-
lectus exhibuit. Vere magnum pignus amoris mortis
quit, caritate constravit propter filias Jerusalem. Quo-
passio. Mujorem ac dilecfionem nemo habet, ut animam dam quasi privilegio hie sermo %'obis delegavit usum
suam pouat qui.f pro amtdssuis. Tale praestitit, tale pi- amoris. /Emulamini Iilia? Jerusalem charismata meliora,
gnus repostulal passio' tua, humiliatio tua. Quid pro te niagis autem ut ametis. Amor omni super eminet gratis
pertulit, memoria tibi reducat, et quantum adamavit, et in hujusmodi descriptione ferculi, caritas reliquarum
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 95

est le faite, elle est lo fondement. a Euracines et Vers quoi vous pousse-t-elle ? vers elle-meme.
londes sur la charite, » dit Taputre (Z^/j/t. iii. 27). Les autres out d'autres ofQces a remplir, le voti-e,

Elle est au liaut, elle est an fond, elle estau cen- c'est d'aimer. L'amour est uu jU'ovocateur infati-
tre ; elle commence, elle acheve : elle a des com- gable, il exerce sur les ames qui I'eprouveut, une
mnuications avec les autres graces : voila pourquoi douce tyrannic. L'amour s'excite lui-meme a des
on au milieu comme line espece d'orne-
la place progres toujours plus considerables.
ment commun et le couronnement de tout I'ouvra- 2. Filles de Jerusalem, enviez des graces meilleu-
ge. I>a couleur de la pourpre, I'eclat del'orseraient res, desirez surtout d'aimer. Que cette soif vous
trop ternes, si la charite ne leur donnait de I'e- presse toujours davautage. Que ce commandement
clat. Couibien grande est done sa grace, puisqu'elle vous soit toujours nouveau. Et il est toujours nou-
embellit nieme I'or de la contemplation ? Elle qui veau, a moins que dous Jesus
ralfection de votre
tient le milieu, elle est comme la moelle des autres n'ait dans votre coeur. Plaise au ciel qu'il Comment le
vieilli

graces. II n'estaucune vertu qui soit aussi intime, soit toujours nouveau en vous, et que le cours du
^i-a"ou'r elt
aucune qui penetre profondement les
et inonde si temps, ne diminue en rien sa grace en votre toujours
„ . , ,. , . • nouveau.
ames, qui remplisse si parfaiteraeut jusqu'aux plus coeur. (Jul, votre Jesus est toujours nouveau en
secretes cavites du coeur. La moelle des ames, en est vous, sans cesse recent, iln'est jamais un Dieu etran-
comme imbibee, et elle inftue sur elles par des pas- ger, vraiment recent, apres lequel vous soupu'ez
sages caches. «Au milieu de la charite. » Elle est sans reiache, d'un amour inquiet. Vous n'avczqu'un
bien miluyeuue, cette vertu quisetrouve aussi dans desir, qu'il vous plaise a cliaque instant davantage.
I'intime del'ame. La plenitude de la foi, c'est la Combien plait-il, celui qui ne pent plair? assez?
charite. Aussi la loi est aneantie, si elle est pri- Vous ne pouvez jamais lui plaire davantage que
vee de la charite. La charite est une sorte de veine lorsqu'il vous plait lui-meme. II veut votre ame, il
vitale de la loi et des autres vertus. Les autres se ne cherche pas autre chose. Elle seule lui suflit, si

concentrent comme sur un point : celle-ci est com- elle lui est toute donuee. C'est assez vu ce que vous ii faut aimer
mune a tons les degres. Que yous soyez ravi t-n pouvez, pen, vu ce qu'il merite. Si vous vous slnT
c'est
m^sure.
esprit, que vous soyez a I'etat ordinaire : toujouvs comparez a vous meme, vous mesuraut voiu-meme
et partout, la pratique de cette vertu est necessaire k vous meme, cela suffit; mais si vous tirez de vo-
et delicieuse. Les devou's qu'imposent les autres tre fond, il lie vous restera rien plus. Mai^ si vous
graces ne sont pas toujours les memes, ils sont va- vous mesurez a lui, si vous vous placez en face de
ries et soumis a des mouvements alteruatifs les : lui comme dans une balance, poiivez-vous tenir un
droits de la charite subsistent toujours les memes, seul instant en sa presence ? Si l'amour se retient
toujours in variables. Que nous soyons transpor- et se restreint en deca de vos forces, il est injusrtej
tes en esprit, que nous restions a I'etat ordinaire, que s'il etend autanl qu'il vous est possible, il est
la charite de Jesus-Christ nous presse toujours. exigu. Quoi done? faudra-t-il vous efforcer inu-

quasi ornamentum et clausula supeiponitur gratiarum. seipsam. .Vliorum alia suntofficia, vestrum specials mu-

CuQiulantur omnes. Caritas plures in hoc ferculo enu- nus amor. Improbus sui provocator est amor, et dul-
est
raerantur gratis , seel caritate cumulus est , caritas cem agit in patientes tyrannidem. .\nior seipsum inpro-
fundamentuni. In caritate, inquit, radicuti et f'Kndati. vectus semper urgcl uberiorcs.
Ilia in primis ilia in ultiniis
, ilia in intiniis ilia , : 2. /Emulamini filia; Jerusalem chaiismata meliora,
inchoat, ilia consunimat, ilia communicat charisniatibus magis autem ut amelis. .Emulatio vos h;ec semper am-
ceteris ideo in medio collocatur quasi ornamenlum quod-
: plius urgeat. Mandatum hoc vobis semper sit novum. Et
dam commune, et totius clausula ferculi. Et color purpu- novum est, nisi in vcstrodulcis Jesus veleraverit all'eclu.

rcus, et auri tulgorobscuriqrcsset, sinoncaritale vestirc- Utinam semper ncc mora lem-
in vobis ille recens sil,
tur. Quanta LjUsestgratia, quaj ipsum contemplationis au- poris aliquid imminuat graliie. Clique recens in vobis
rum cxomat? Ipsa est ct reliquarum quasi medulla gratia- vester Jesus est. Ipse semper recens, sed non Dous alio-
rum. Nulla tarn est intima virtus, nulla sic aninios pcnetrat nus.Vere recens, in qucm semper anxio inhiatisamore.
et perfundil,et arcanos cordis implet rccessus. Ipsisanimi Dcnique id solum Iiabclis in votis, ut vobis semper ani-
medullisamorimbibitur, et secretis influit venis. Media, plius placeat. Quantum placet, qui satis placere non po-
inquit,cfl/"iYa^e. Bene media, quae sic intima est. Plenitude test? Nulla magis vos ratione placere potcstis, quam si

legisest cariias. Ideo lex vacuatur, si fueritdeslituta ca- vobis placeat ipse, .\nimum vult, aliud non quipr'. So-
ritate. Vitalisquffidam vena legis est, et reliquarum ca- lus sulTicit, si est pro viri-
lamen totusimpeudilur. Satis
ritas virtutum. Celeraj quasi in partem se contrahunt : bus tuis, sed pro ejus meritis. Si tc libi con-
parum est
ilia onini couununis est gradui. Sive mente e.vcedas, I'eras, et tua ineliaris ex rcgula, suflicil sed s, de Ic- :

sive sobrius lias ubique caritatis et necessarius et ju-


: nil tibi rclinquihir. Si autem ex ipsius te rcgula melias
cundus est usus. Reliquarum officia variantur gratia- ris, el vclul in libra coUoccs, quid lu monienti odversus

rum, et vicibus alternanlur caritatis continuantur jura : ilium lenebis? Si infra vires tuas amor sc cohibcf el
quodam jugi tcnore. Sive mente excedamus, Deo sive ; contrahit iniquus est cl si juxta vires luas, exiguus.
:

sobrii sumus, urget nos caritas Chrisli. Yos verc, sicut Quid ei'go? supra vires casso te exicndcs conatu? Quid-
arbitror, urget caritas Ghristi. In quid vos urget? in ni? amor non capit dc impossibilitale rcmcdium. Nulla
:

96 L'ABBE GILLERERT.
tilenient do fairc au-dela de cc qui est en votre beaule. » {Sap. vii, 10.) Comment ne serait-il pas
l»ouvoir? Pouivpioi pas? I/amour ne se gui'-rit pas beau, celui qui est la candeur de la lumiere eter-
par I'inipuissauce. Jamais il ne trouve assez de nelle? « Jonathas, raon frere, que vous etes aima-
travail,la du nioins ou il ne tiedit pas. Ct-mnient ble, que tous etesbeau » (Il Reg. \, 26.) Je \ou-
!

sera-t-il avare de son bion, celui (pii est lidele a lais dire Jesus, mais cntraine par I'babitude, j'ai
garder celui d'autrui? Comment sera-t-illarge dans profere le nom de Jonatbas : c'est neanmoius une
ses emplois, celui qui est resserre en lui-meme? erreur agreable qui exprime la grAce el la beaute.
Amour sans II que I'amour depense avec plus de plai-
n'est rien L'erreur est dans le mot, mais au fond, le sens
borne.
sir que lui-mcnic, il no peut rien donner de plus. propre de ce mot a ete conserve. Jonatbas est le
Quelle plus grande abondance, en eifet, que celle don de la colombe, il signilie celui qui est rempli
dans laquelle rien nest excepte ? L'araour bouil- de la grice spirituelle, I'enfant qui nous a ete
lonne, il ne se contient pas lui-meme, il deborde, donne : que je dise Jonatbas, que je dise Jesus,
il cherche rimmensite parcequ'il ue sait pas donner c'est Jesus que j'entends. Que vous etes ai-
de borne a ses sentiments. C'est uue huile qui ne mable, Jonatbas mon frere, que vous etes ravis-
sait s'arreter que lorsque le vase lui manque, et sant ! Crovez-vous qu'il y a presomption a lui don-
Comparaison meme alors il ne sait etre retenu. 11 est sen.blable ner le titre de frere ? Ce mot ne sent pas la teme-
au vin nouveau, dans la ferveur de ses premiers rite, il montre la cb^rite. II y aurait audace a s'en
jours et dans le teu de I'age ; il monte, il deborde, servir, s'il ne m'en avait donne lui-meme I'autori-
ne pouvant etre coutenu, toujours il s'enflamme et sation. C'est lui-meme qui a pris I'exterieur et nous
fermente par de nouvelles ardeurs. L'amonr ne a montre, en acte, I'affection de cette parente fra-
pretexte pas riuGrmite, mais plutut 11 I'accuse. ternelle, et selon la doctrine de I'apotre : il n'e-
Rien ne lui suffit, rien nest au-dessous de lui. II ne prouve pas de confusion a nous appeler freres. [Heb.
peut se rassasier de lui-meme, et pourtant, sans lui, II, 11.) S'il n'en a pas de bonte, pourquoi vous, ne

rien ne peut le nourrir lui-meme sa douce


: il est a diriez-vous pas avec confiance : Jonatbas mon
et sufQsante nourriture. L'amonr ne rent rien da- frere? Ou si vous voulez employer un terme encore
vantage qu'aimer. Quedonneral'bomme en ecliange plus intime; Jesus, mon frere, vous etes aimable
de I'amour? Que dounera-t-il? ou que recevra-t-il? On et beau a I'exces plus aimable que I'amour des :

ne donne rien, on n'eprouve rien de plus doux que femmes. Saintes femmes, vos desirs s'enflamment
l'araour. I/amour desire, il use, iljouit,ilsouffre avec pour Jesus-Cbrist avec une vive ardeur et une
douceur. Ob oui, I'amour est doux, il n'y a qiie lui de
1
sainte inquietude mais U est bien plus aimable :

doux, il est tout douceur ; mais il n'est pas d'amour encore que vous ne I'aimez.
compare a Tamour de Jesus-Cbrist. Car la beaute de 3. Desii'ezdonc des graces meiUeures, excitez-vous
ce divin maitre est au-d^.^sus de toute beaute. « J'ai surtout a aimer. Le sage enumere les bois du Li-
aime la sagesse, » dit lEcriture, « plus que toute ban, les colormes d'argent, le reposoir d'or, le

satis magna sunt amori ofTicia, ubi lamen ipse non inte- Quomodo non decorus, qui candor est lucis aetemee ?

puit amor. Quomodo erit in sue parous, qui in alieno fi- Fratermi Jonaiha, quam omabilis es et decorus I'alde !

delis e.xistit? Quomodo erit in officiis propensus, in se- Yolebam Jesum dicere, sed de consuetudine Jonathae
ipso parous? Amor seipso nihil inipcndit libentius, nihil produxi vocabulum et tamen 'gratus error, qui gratiam
:

uberius potest. Quae major uberlas quam ubi nihil de- cxpressit. Error in nomine, sed in re nominis hujus est
ccrpitur? Amor cxcestuat, scipsum non capit, superfluit servata proprietas. Jonathas columbae est donum, ilium
sibi, immensitatem aemulatur, duni mctani ncscit afTec- puerum qui
significans, qui spiritualis gratice est plenus,
tui ponero. Oleum est quod stare nesoif, nisi cum ^•as- datus est nobis Jesum dicani, Je-
: sive Jonalham, sive
culum desit, nisi quod nee tunc noAitcompesoi. Musliprae- sum intelligo. Quam amabilis es, frater mi Jonatha, et
fcit amor insignc, quod nafivitatis sua* fervore quodam decorus valde Pra?sumptionem putatis quod frati-em
!

et vehit aetatis lascivia excrescit ct superfluit, capi ncs- cum dico ? Verba haec non meam temeritatem, s'ed ejus
ciens, et noso semper exfervescit et fermcntatur afTectu. caritatem sonant. Praesumptio fucrit, si non ipse hunc
Amor infirmitatem non causafur, scd magis accusal. mihi indulserit ausum. Dcnique et ipse cognationis hu-
Amori nihil satis est, nihil minus seipso. Amor seipso jus et assumpsit habifum, et exhibuit afTectum et juxta ;

non potest, et tamennisi seipso pasci non potest


satiari Apostolum: non confunditur nos fratres vocare. Si non
et tamen nisi seipso pasci non potest ipse sibi : confunditur, cur non et tu ipse confidenterdicas Fra- :

duloe satis est pabulum. Amor nil magis vult quara ter mi Jonatha. Aut si domestico magis vis uti vocabu-
amare. Quam dabit homo commutationem pro lo, Frater mi Jesu amabilis es ct decorus 'S'alde: ama-
amore ? Quam dabit, vel quam accipiet? Nihil gratius bilis es super amorem mulierum. Anxio et vehenienli
amore impenditur, nil dulcius sentitur. Amor et dulci- afTectu vestra, sanctae mulieres, in Christum inardescunt
ter optat, et dulciter utitur, dulciter deliciatur, et dul- vota sed ipse multo magis est
: amabilis, quam amatur
citcr dolet. Vere dulcis amor, et solus dulcis amor, et a vobis.
omnis dulcis amor, sed non est amor ad amorem Christi. /Emulamini ergo charismata meliora, magis autem
3.
Superjomnem enim pulchritudinem pulchritudo ejus. Su- ut ametis. Enumerat ligna Libani, columnas ar^enteas,
per omneni pukhritudinem , inquit, dUexi sapientiam. reclinatorium aureum, ascensum pupureum, ad ultimum
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 97

degre de pourpre, comblanl tout cela en dernier lence, puisqu'ils desirent qu'elle existe, ou sont con-
lieu par la charite. Pourquoi n'en serait-O pas ainsi? traries si elle ne peut exister. Pour la charite, elle
« Je vous montre, » dit saint Paul^ « una voie en- ne chemine pas avec I'envie qui est contristee, elle
core plus excellente.)) {I Cor. xii, 30). Cei-tes, les co- ne cherche pas son bien propre et comment pour-
lonnes d'argent sont bonnes, la grace de la parole ra-t-elle prendre ce qui appartient a autrui ?
sainte estgi'ande assurement. « Mais quandmemeje U. Pourquoi, devore d'envie, voulez-vouscorrom- Detestation
de la jalousie
parlerais les langues des anges el dos liommes, si je pre le bien des autres? Ajoutez-vous a vos posses-
spirituelle.
n'ai point la charite, je suis comme une cymbale sions ce que vous arracherez a vos freres? II en sera
retentissante, » ([ Cor. xni, 1.) donnantlesou creux peut-etre mais si vous enlevez de I'argent.
ainsi,

de la voix, depourvu du sentiment de la charite. Je ne crains pasque ce peche do la rapine se com-


La gloire du reposoir d'or est considerable, il vous mctte dans les cloitres ; il est une autre sorte de
exprime les secrets intimes des niysteres. Maisquoil vol moins grossiere, le vol qui se commet par la
« Quandje connaitrais tons les navsteres, quand j'au- jalousie. Quoi doiic? Vous ne croyez pas voler, si,
rais toute la science, sans avoir la charite, je ne sans toucher a I'argent, vous enlevez la reputation ?
suis I'ien. » Vous gravirez les degres empourpres Vous ne desirez pas les biens, et vous dechirez
vous vous rcjouii'ez de porter les marques de la pas- la renommee. Quel profit vous procure la depres- II y a detrac"
sion de Jesus-Christ? « Mais si je livrais mon corps sion des autres? Si vous rongez le bien d'au- tion, mfme
lorsqu'on
aux flammes, sans avoir la charite, rien ne me trui, quel accroissement en ressentez-vous? C est caclie la vertu
du prochaia.
profiterait, » dit I'aputre. « La charite ne s'enfle pas, peut-€tre I'eclat de la verite, de la vertu de vos fre-
elle n'est pas ambitieuse, elle ne cherche pas ses res qui brise dans votrebouche les dents que vous
interets : » elle se rejouit dans le milieu et elle avez preparees pourladechirer. Vous osez la ronger
met ses biens a la portee de tons. II a place au milieu mais vous ne pouvez la louer. Des lors vous ne
de la charite. « Elle ne s'entle pas, » dit-il, « elle volez plus, par vos paroles, le bien du prochain,
n'est pas ambitieuse. » Le bien de la charite n'est mais est-ce a dire pour cela que vous ne le ravis-
pas prive : ou si elle a, elle aime; ou si elle n'a pas, sez pas? N'y a-t-il pas vol, quand vousprivez une
elle desire. EUene veut pas I'emporter sur les autres, vertu eclatante dutemoignage qui lui est du, quand
le bien meme ,elle ne veut pas le posseder plus que les ne corrompant pomt par mensonge la gloire d'au-
autres. Plusieurs connaissent la medioci'ite de leurs trui, vous la supprimez, pour ainsi dire, par le si-
merites. Aussi n'ayant aucune grande idee d'eux- lence ? Voulez-vous apprendre que la rapine existe
memes, ils ne sont pas enfles, mais peut-etre, ils ont meme dans I'estime seule?
« II n'a pas estime com-
de I'ambition. Ils n'ont pas de quoi s'exalter, mais mettre une rapine d'etre I'egal de Dieu. » [Phil.
ils desirent, avec exaltation, de posseder. Ilsaiment n, 6.) Dans I'^me jalouse ne peut entrer une jus-
leur propre excellence, puisqu'ils desirent avec exal- te estime des biens d'autrui. L'envie ne veut pas
tation de posseder. lis aiment leur propre excel- comprendre qu'un autre agisse comme il fautj et

carilate cumiilans omnia. Quidni ? Adhuc, inquit Pau- contabescente iter non habet, non quaerit quod suum
lus, excellentiorem vobis viam demonstro. Bonae sunt est : et quomodo poterit quod est, alienum decer-
etenim coluninse argenleae, et sacra magna quidem est pere?
eloquii gratia. Sed si Unguis hominum loquar et Ange- 4. Quid tu invidia alienum vis corrumpere bonum ?
loriim, caritatem autem non habeani, factus sum utcym- Numquid tibi adjicies quod ab alieno decerpis ? ita for-
balum tinniens, vocis inanem dans sonitum sine sensu sitan; sed si corporalis aliquid pecunia; subtrahas. Non
caritalis. Reclinatorii aiirci ingens est gloria, per quod ergo in claustralibus hujus vitium vereor
rapacitatis :

tibi mysteriorum arcana signantur. Sed quid? Sj nove- est subtilius quoddam rapacitatis invidia; genus. Quid
rim mysteria omnia et omnern scientiam, caritatem au- enim? Rapacilatcm non putas, si pecuniae parcis, famam
tem non habuero, nihil sum. Per gradus ascendis purpu- decerpis? Non concupiscis possessionem, et lacerasopi-
reos, et passionis Christi te gaudes habere insignia ? Sed nioncm. Quid tibi emolumenti aliena diminutioconfert?
si tradidero corpus meum ita ut ardeam, caritatem au- .\liena si corrodis bona, quid tibi inde accrescil? Evi-
tem non habuero, nihil mihi prodest, inquit .\postolus. denti forsitan veritate aliena^ virtutis contcruntur in ore
Caritas non inflatur, non est amhitiosa, non quterit qure tuo denies, quos ad derogandum paravcras. Non audes
sua sunt : medio gaudet, et quasi in communi sua bona corrodere, non tumcn poles collaudarc. Jam alienum
prostituit. Media enim caritate constravit. Non inflatur, bonum vcrbo non caipis; numquid ideo non rapisT
inquit, non est ambitiosa. Non enim caritatis bonum Quomodo non rapacitas, ubi cvidens bonum debito de-
singulare : aut si habet, amat ; aut si non habet, optat. fraudas testimonio, et veram allerius gloriam etsi men-
Non vult aliis praecellere, sed nee ipsuni magis habere dacio'non corrumpis, silentio lamcn suprimis ? Vis au-
bonum. Multi meritorum saorum infirma cognoscuuf. dirc in sola etiam a'stimatione rapacilalem esse? A'o/i
Ideoque de se magnum nil senlientes, non inflanturisti, rnpinam, inquit Apostolus, arbitratus est esse se ipqua-
sed forte ambiunt. Unde inflentur, non habcnt sed : lem Deo. In invidam animam non potest inlrarca>stinia-
inflate satis optant ut habeant. Privatani et hi amanl ex- tio bona de bonis alieiiis. Non vult onim intclligorcquod
cellenliam, dum aut concupiscunt ut sit, aut contabcs- alius bene agat etsi palarn non audel, pones se lauien
:

cunl quod esse non possit. Caritas vcro cum invidia vcl dissimulat, vcl allenual alterius mcrila. Ut qiiid is-

T. V.

I
L ABBE GlLl.EBERT.

ai elle n'ose pas le faire ouvertement, en secret, vide de I'huile de la grace; et Jesus-Christ mWia-
elle dissimule ou atteaue les nierites du prochaiii. teurn'en penrtre pasjnoins les cuiurs de vos freres,
D'ou viont ce mal, sinon de ce qu'en pensaut il veul que ce qui est a lui soil i;ommun a tous.
toujours i sa propre excellence, la jalousie laisse « C'est a ce signe que tout le monde connaitra si

dans I'ombre celle de ses freres? « Mais la charite vous eles mes disciples, si vous avez de FaHeclion
ne pense pas le mal, elle ne se rejouit pas de I'ini- les uns pour les autres. » [Joan, xiii, 35.)

quile. » (i Cor. xui, 5), et pour tenir ce langage, 5. Vous voyez comment la charite est I'insigne
Mm it I

de linegalile, « niais elle conjouit avec la verite. » special des disciples de Jesus-Christ et la marque craia

Elle ne pense pas a son bieu propre ; elle so rejouit particuliere qui fait reconnaiti'e sa doctrine. C'est

dans une soiie de milieu commun ne cherchant : pour cela, qu'en ce livre, on la met a la derniere

pas ce qui est a elle, mais ce qui est a Jesus-Christ. place comme I'ornement de toutes les autres gra :es.
C'est la gloire de ce divin maitre qu'elle aime ou « II a dispose, <lit-il, au milieu de la charite. »
qu'elle desii^e en toutes choses. (II Tim. ii, 10.) Jesus- qu'elle est douce la couche de la charite La charite !

Christ est commun a tons, caril estmediateur. A lui envers le prochain n'eprouve pas de jalousie, et la
n'appartient pas ce qui nest pas miloyen, ce qui se charite envers Jesus-Cbrist ne connait pas de
resserre et fait partie. Pourquoi, parvotre jalousie, crainte. Rien en elle ue sent la fraveur du chati-
Toulez-vous mettre Jesus-Chi'ist dans un coin seu- ment. La crainte a la peine en perspective : voila
lement? Vous desii-ez que la grace du Saint Esprit pourquoi en la charite il ne se trouve pas de
soil avare en exigeant que ses bienfaits se bornent crainte, mais la charite parfaite met la crainte de-

a vous? Laissez lesprit du Seigneur croitre et de- hors. (I Joan. Car enfin que redoutera la
IV, 18.)

border, et se repandre sur toute chair et rempUr charite ? ses anciennes fautes ? .Mais la charite cou-
toute la terre. N'essayez d'emprisonuer dans les vre la multitude des peches (I Pelr., iv 8.) L'infir-
etroites limites de votre coeur, c^^tte bonte qui aime mite de sa propre conscience lui fera trembler de
tpas les hommes. Dieu est riche envers tous, et tomber? mais lamour est fort comme la mort
vous essavez de diminuer I'abondance de ses graces^ [Cant, viii, 6.) 11 bannit lune et I'autre peur, mais
et de reduire son immeusite a un point impercep- la charite parfaite ne balancera point de supporter
tible ? Jesus dedaigue les etroitesses avares d'un pour Jesus-Christ, les peines du temps. Et cpiand Force
coeur jaloux. [Rom. x, 12.) Sa bonte ne peut-etre meme ces peines dureraient sans fin, la charite parfaita]

retenue par roti-e jalousie. Elle coule : son huile parfaite ne sen fatiguerait point, et ne s'evanouirait
se repand non-seulement en vous, mais aussi en jamais. lui est impossible de ne pas se delecter
II

tous les vases qui sont alentoui'. Faites que ces toujours de la connaissance qu'elle a obtenue, une
biens Toisins soient a vous par une heureuse re- fois, d'une douceur si inlinie. Elle n'aime pas dans

ciprocite. lis seront votres si vous vous rejouissez la crainte de perir mais elle aime mieux subu"
:

dji bien de tous ; si vous ne le faites, votre ame se une mort eternelle, que d'etre privee de la jouis-

tud, nisi quod dum privatam semper excellentiam


livor 0. Videsquomodo caritas speciale quoddam est insi-
cogitat alienam obscurat ? Caritas autem tion cogiiat gne discipulatus Christi, et doctrinae ejus singulare in-
malum, 7ion gaudet super iniquitate, et ut dicam, super dicium ? Ideo hie in ultimo loco quasi ornatus quidam
inaequalitatfi cotigaudet autem veritati. Privatum non co- aliarum mducitur gratiarum.A/«/w, inquit, caritate cons-
gitat medio quodam et communi laetatur quae sua sunt
; : ii'avit. quam molle est stratum caritatis. Proximi ca-
non quaerit, sed quae Christi Jesu. Ejus in omnibus glo- ritas livore, caritas Christi timore caret. Nihil habet poe-
riam, vel amat, vel optat. Communis est Christus, me- nale caritas. Timor poenam habet ideo non est in cari- :

diator enim est. Et ideo ejus non sunt quje media non tate timor, sed perfecta caritas foras mittit timorem.
sunt, sed in partem se restringunt. Quid tu livore Chris- Quid enim timebit caritas? Vetcres otTensas?sed caritas
tum vis in partem contrahcre? Avaram vis esse gratiam operit multitudinem peccatorum. Infirmitas propriae cons-
Spiritus, cujus circa te solum optas beneficia rcstringi ? cientiae timebit ne decidat? sed fortis est ut mors dilec-
Sine utexcrescat et exuberet, et efTundat se super om- tio. Utrumque metum caritas foras mittit. Sed nee
nem carnem Spiritus Domini, et repleat orbem terra- perfecta caritas temporales pro Christo timebit
rum. Noli communem omnibus beneficientiam intra cor- molestias. Sed ne quidem aeternae , de- si fuerint
dis tui angustias incarcerare. Dives enim in omnes
est : fatlgari et evanescere poterit consummata dilectio. Non
et tu minuere tentas afiluentiam gratia?, et immensitatem potest semel hausta cognilione tant» non delectari dul-
redigere ad minutias? ^muli cordis a\"aras dedignatur cedinis. Non ideo amat caritas ne pereat; sed ma\"ult fo-
Christus angustias. Nescit aemulatione tua ejus bonitas ris pcenaliter in aeternum perire, quam usu amoris aeter-

detineri. Proflua est non tibi soli, sed vicinis etiam se


; ni privari. Si enim dederit homo omnem substantiam
vasis ejus oleum infundii. Fac ut ilia mutuo tua sint. pro caritate, quasi nihil despiciet eam. Vere hoc molle
Erunt autem, si communi fueris bono Icetatus, alioquin stratum, in quo etiam inter injurias tarn suaviter quam
et animae tuae oleum evacuas, et illis nihilominus tamen sancte quiescitur. Da mihi Jesu bone, ut super stratum
infunditur mediator Christus ; et ideo quae sua sunt me- hoc memor sim tui, et mediter in te in matutinis. Dul-
dia \'ult esse. In hoc, inquit, cogiioscent omnes, quia mei cis plane memoria, quam amor inducit grata meditatio :

estis disciptiU, si dikctionem habueritis ad invicem. quam suggerit caritas. Nihil enim est quod nonjamdul-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 99

sance de ramour eternel. Quand riiomrae donne- des siecles. II esten effet une crainte que la charity
rait toute sa fortune pour la ckarite, meprisera
il la met dehors, et une crainte qu'introduisent la verit6
comme rien. [Cant, via 7.) C'est vraiment mie et la charite : la premiere est precautionnee ; la
coucheagreable,en laquelle, au milieu desattaques, seconde est chaste, mais elle ne dure pas aux siecles
on repose aussi delicieusement que saintement. des siecles ; la troisieme est chaste et durable.
Donnez-moi, 6 bou Jesus, de me souvenir de vous La premiere redoute le chatiment, la seconde
sur cette couche, et d'y mediter des le matin sur la faute, la en son entier
troisieme n'est
vous. Bien doux souvenir qui attire I'amour ; agrea- qu'une sorte de reverence sans gene comme sans
ble meditation qu'inspire la charite ! II n'est rien frayeur. La premiere a peur de la faute, mais ci
que Ton puisse considerer de Jesus-Christ sans dou- cause des peines qu'elle attire : la seconde la redoute
ceur et sans agrement. L'amour du prochain araene parce qu'elle est faute. C'est pour une sorte d'injure
avec lui la compassion etun sentiment moins suave, en grace a cause de la crainte
la justice, si elle vient
qui fait partager les gemissemenls de ceux qui qu'inspire le chatiment du mal. Elle a assez de
pleurent. En Jesus-Christ, on trouverez-vous ma- merite par elle-meme pour exciter le zele des
J6sas- tiere a compassion ? Encore qu'il ait ete crucifie hommes et provoquer leur amour. C'est done cette
st tout
ite et
dans Fintirmite de la chair, il vit a present par la crainte qu'exclut la charite parfaite. Comment est-elle Charit*
I'amour vei'tu deDieu.Il vousoffre.de toutes parts, matiere, parfaite cette charite, qui a besoin de I'aiguillon de qi"^a*^esoin
non a compatir, mais a vous rejouir avec lui. II la crainte pour embrasser et cultiver la justice ? "^ I'aigniibn
de la craiate.
est tout desirable, tout en lui, excite une sainte La dilection complete possede entierement TAme,
concupiscence, et il est comme tout enveloppe de elle veut qu'on attribue, a elle seule, tous les de-
charite. Que verrez-vous en effet en lui, qui ne voirs de la justice. La crainte est froide, sespas sont
nous montre pas sa charite et ne reclame pas la lourds, il lui suffit d'echapper aw chitiment. L'a-
notre? Pour nous, il est tout charme d'amour, tout mour ne connait pas le degoiit,il est fervent, il va

provocation a charite. II n'a laisse place en lui a toujours en avant : plus resserree, la crainte ne
aucune affection mesquine. II veut etre entierement subit que par necessiie I'accomplissement de la jus-
atme, lui qui le merite si bien. vierge, ne regar- tice. L'amour parfait doit a la justice seule tout ce

dez pas les tourments, vous a qui sont preparees en qu'il fait, il ne laisse, en ses actes, aucun droit i la
votre epoux.tant de jouissances.La crainte n'a rien crainte. Pourquoi en serait-il autrement? Est-ce
k faire, ]k ou brillent tant de marques d'amour. La que la justice ne procure pas assez de merite en
charite dedaigne la socie(e de la crainte : elle ne elle-meme pour toute bonne ceuvre ? Jesus-Christ
sait pas etre forcee, elle ne sait pas etre moderee. est devenu notre justice. Quoi done ? Jesus-Christ

lelle 6. La charite parfaite chasse done la crainte n'aurait pas assez de qualites pour plaire? II a done
ite est
e par la (1. Joan. IV, 18.) comme inutile et superfine, elle besoin, pour y reussir, d'uu secours etranger. Si ce
jnt6. n'exclut point cette crainte qui est chaste aux siecles n'est pas en vue de ne plaire qu'iluique nous lui

oiler et grate de Christo cogitetur. Amor proximi com- met ofTensam, sed propter pcenam : secundus offensam
passionem habel, et quemdam minus suavem gustum, sed propter ipsam. Et quidem injuria quaedam justitiae
dum gementibus novit condolere. Christo in quo condo- est, si metu pcenarum in gratiam veniat. Satis ipsa per

leas? etsi crucifixus est ex infirmitate, sed vivit ex vir- se merili obtinet, ut hominum in se studia provocet, et
tute Dei. Non condolendi, sed congaudendi in se vobis concilict alTectus. Hunc ergo timorem caritas perfecta
undiquc materiam praistat. Totus desideral)ilis et concu- excludit. Quomodo enim perfecta caritas, quae tiuioris
piscentia totus, et quasi cai'ifate constratus. Quid enim stimulo indiget ad cultum justitiae? Perfecta dilectio
quod non ejus nobis est et caritatem
videbis in Ciiristo, mentem in solidum possidet, omnia soli sibi justitiae mu-
exhibeat, et nostram cxigat? Totus nobis est caritalis il- nera deputari volens. Frigidus timer est, et pigre ince-
Iccebra, irritamentum amoris. Nullum in se meticuloso dit, satis 'habens lantum impune eradere. Amor fasti-

relinquit locum afrectui. Totus amari vult, qui totus dium ncscit, fervidus est, ct in anteriora extcntus : me-
meretur amaii. Noli, virgo, ad tormenta rcspicere, cui tus contractier, necessitate tantum justiticE subit offlcia.
lanta proposita sunt oblectamenta in sponso. Otiosus de- .^mor perfectus soli quod agit debet justitiae , nihil in ea
bet esse timop, ubi tot insignia relucent amoris. Dedigna- juris relinqucns timori. Quidni? Annon satis in se obti-

tur carilas timoris commercium ; cogi ncsciens quae ne- net mcriti ad omne bonum opus justitia? Ctiristus enim
quit compcsci. nobis faclus est justitia. Quid ergo? Christus non satis
6. Ideo caritas perfecla foras mittit timorem, vclut in se habet dotis ad placendum? Alicno ergo ct ipse ut
iuutilem et supervacuum sed non timorom ilium, qui
;
placeat, indiget adjumento 7 Si non ejus oblcntu .solius
castus permanet in saeculum saculi. Est enim timer, obtemperatur ipsi, quomodo crit ejus perfecta dilectio?
qucm foras mitlit carilas ct est limor, qucm mittit Ve-
:
Uiligam bone Josu, diligam tc virtus mea, qucm non
tc,

ritas : et est timer, qucm intromittit et carilas ct Veritas. possum possum tamen satis diligcre.
gratis diligrrc, nor
Primus cautus secundus castus, sed non pcrmanens in
; Dirigantur in tc ox intcgro studia mea, nee alicno dc-

SEECuUim sa;culi tcrtius el castus et permanens. Primus


;
deducantur el distrnliantnr afTcctu. At qiiam oxigua sunt
veretur pccnam, secundus ofTensam teHins lotus libera ;
eliam cum iutcgra sunt in tc studia nostra? quomodo
qusedam et secura reverentia est. Et piimus quideni ti- ergo diuiinuaro, quod cum integrum est, tarn exile est?
100 L'ABBE GILLEBEHT.

sommes obeissants, comment son amour sera-t-il Cette derniere crainte sort du verger de la cha- Ooei

parfait vous aimerai, 6 bon Jesus, je


en nous? Je rile. Je n'ose pas dire quelle est la charite, je
vous aimcrai, vous qui ctes ma force, vous que je
'
n'ose pourtant pas le niev. Que s'efTorco-t-il d'etre •*•" 1 1 iMt

ne puis aimer gratuitement, et que je ne puis ce- sinon I'amour, le sentiment qui ne connait pas
pendant jamais assez cherir. Que vers vous se diri- la crainte? Comment n'est-il pas I'amour, le

gent enlierement tous mes desirs, qu'aucune autre sentiment qui a presque cesse d'etre la crainte?
ne vienne Its detournor ou les distraire.
affection Comment concevoir une crainle ne craignant
Mais qu'ils sont peu de cbose meme alors qu'ils pas? Je decorerais du nom d'amour cette crainte
vous sont entierement consacres Comment pour- ! si assuree , cependant il s'y Irouve Dieu qui
rais-je dirainuer,ce qui en sa plenitude, est nous aime, et dans une si haute majeste il ne
encore si faible et si petit ! Que tout cntier, 6 mon pent y avoir de place pour la crainte. Mais en nous,
Dieu, je sois transporte en vous. Tirez-moi vers comment cette crainte sera-t-elle separce de la cha-
vous, que je n'aie besoin de I'impulsion d'aucune rite ? Eten cet endroit, qu'est-ce que craindre, sinon
crainte, mais que la parfaite charite en bannisse ne Seigneur de majeste?
se point enfler contre le

I'impression. Qu'est cette crainte sinon une soumissionrendue par


Quoi done? Les supplices eternels ne sonl-ils
7. son propi'e desir, une obeissance spontanee, un
pas a craindre ? Assuremeut, ils sont a redouter et respect volontairement rendu ? Comment est-il une
i eviter. Personne ne prit jamais sa chair en haine crainte le sentiment qui ne craint pas d'offenser? 11
[Eph. y, 29.) mais, plus fort que la crainte,ramour
: ne pent le faire. Mais encore ime fois, comment n'est-
de Jesus-Clmstn'apas besoin, pour aimer la justice, il pas une crainte, ce sentiment qui n'ose pas otfen-
de I'aiguillon de la frayeur. Get amour ne redoute ser ? IIne parait done pas etre une crainte, parce
rien tant que I'offense, et I'ofFense pour I'ofTense et qu'il ne redoute ni peril ni peche et il est crainte,
non I'offense a cause du chatiment qu'elle attire. Et car il ne presume jamais de rien avec audace et
cela, tant que les choses bumaines lluctuent dans temerile. Qu'est cette crainte, sinon un bumble
I'incertitude, et que I'bomme n'est pas assui'e de respect rendu comme un devoir necessaire, mais
meriter toujours, par sa conduite, la Ljuange. Mais sans que cette obligation impose aucune contrainte.
lorsque, apres cette vie, 11 aura ete introduit dans La necessite d'obeir resulte de la condition de crea-
le seinde la verite, une pareille peur cessera, fai- ture, mais la necessite n'est pas connue de la liber-
sant place a une troisieme crainte, qui elle-meme te de I'amour. Qu'est cette crainte, sinon I'absence
succedera aux autres, et ne fera place a aucune de la temerite et de la negligence plutot que relTet
autre, car elle subsiste aux siecles des siecles. La de la contrainte? vous voyez combien cette crainte
premiere redoute de subir le chatiment de safaute; est voisine de la charite? Elle se confond presque
la seconde craint de tomber, sa faiblesse ; la troi- m avec elle, si toutefois elle n'est pas elle. Elle ditfere
sieme n'a rien quipuisse I'effi'ayer. Que oraindraient a raison de sa cause, elle est la meme par I'affection.
en effet la felicite complete et la charite parfaite ? Vous cherchez pour quelle cause? vula condition de

Totus in te, Deus bone, ex desiderio ferar. Trahe me tu mine impartirem amoris, ni.si quod Deus ipse ibi quidem
in te ipsum, ut nullo indigeam timoris impulsu, sed per- amat nos, non tamen timori in tanla majestate permilti-
fecta caritas usum ejus excludat. lur locus. Sed in nobis quomodo a caritate timor ille
7. Quid igitur? non sunt metuenda aeterna supplicia? separabitur? Et quid aliud est ibi timcre, nisi non tu-
T^Ietuenda plane sunt, et cavenda. Nemo enim unquam mcre advereus Dominum majestatis ? Quid est timor ille
carnem suam odio habuit sed vehcmentior Christi
:
nisi votiva subjectio, obedienlia non coacta, ultro im-

dilectio motu timoris non cget in aifectuni justitiae. pensa reverentia ? Quomodo timor qui ofTendere non
Amor iste nihil tam veretur quantum ofTensam sed :
timet? non enim valet. Sed iterura quomodo non timor,
propter ofFensam, non propter pcenam. At istud qnidem, qui offendere non audct? Et timor ergo non vidctur,
quandiu incerto humanae res fluctuant, et non est tuta quia nihil vol peccati vcl periculi metuit et timor est, :

laus hominis in vita ipsius. At cum ad veritatem post quia nihil audacter vel temerepra>sumit. Quid est timor
vitam fuerit introductus, hujusmodi de reliquo metus ille, nisi reverentia humilis ex debiti quasi necessitate

cessabit, timori tertio faciens locum, qui prioribus qui- impensa, sed necessitatis nihil passa ? Est enim obse-
dem succedat, sed nulli cedat : permanct enim in
qucndi necessitas jure conditionis, sed necessitatem igno-
sa?culum .saeculi. Primus ergo timor metuit ne termeri- Quid est timor ille, nisi temeritatis
rat libertas dilectionis.
et negligentias magis privatio, quam necessitatis coactio ?
tatis oftensam luat Secundus ne infirmitate ofTendnt
: :

Tertius quod metuat non habet. Quid enim metuat com- Vides quantum timor iste approximat ad caritatem?
pleta felicitas ; et consummata caritas? Timor hie de pjene ilia est, sed plene non est. Causa distat, par est
plantario oritur caritatis. Non audeo dicere quod caritas aifectu. Quaeris qua causa ? inferiorls conditionis respectu
est, nee tamen audeo negare. Quid enim nisi amor esse obsequendi ad omnem nutum tantae majestati. Incumbit
conatur, qui jam nescit affectum timoris ? quomodo non tibi justa necessitas, sed ad causam istam caritas non
amor, qui jam paene timor esse desiit ? quanamenim ra- respecfat : divinse majestatis adniiratione rapitur,
tione timor nil metuens? Timorem ilium tamtutum no- non contuitu infimae conditionis. Ergo rationem quam
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 101

creature qui impliqiie I'oboissauce an moiudre signe qu'il soit certain que les richesses des dons celestes
nenteUe d'uue majeste si elevee. Cette obeissance est pour sont immenses, il est vrai que la charite les depasse
charite. vous une juste uecessite, luais la charite ne consi- toutes, non seulement elle les depasse, mais elle les
ders pas ce motif ; ce qui la ravit, c'estl'adinii'ation comprend. Elle est douce, elle est riche. Et comme
que lui inspire la majeste divine, elle ne regarde le chante le Psaume,
au milieu des heritages
« )>

pas sa condition inflnie. Par consequent, cette raison des vertus. iPsalm. lxvii. Hi.) dans la charite et
que la crainte cousidere, la charite I'ignore, elevee dans la communication desbiens spirituels, placee
qu'elle est a des vues superieures. comrae au milieu, elle conamunique avec toutes cho-
8. C'est par leurs causes done que different la ses et, corame meilleure, elle met le comble a toutes

crainte et la charite, et c'est par I'obeissance et le les vertus. lilies de Jerusalem, soupirez done apres

sentiment libre, qui les animent,qu'elles seressem- des graces plus excellentes. Ayez surtout la charite,
blent. La premiere crainte redoute done d'etre pu- et ayez-Ia avec plus d'abondance,
consumez-vous
nie ; la seconde d'etre privee ; la troisieme n'a peur dans lesflammes de I'amour. Car Jesus notre bien-
ni de I'un nide I'autre. La charite parfaite detruit aime est tout aimable, lui qui vit et regne dans les
la premiere ; elle tolere la seconde pour un temps, siecles des siecles. Amen.
elle s'identitie avec la troisieme. Saisissez celle-ci,

6 filles de Jerusalem. Craignez la premiere, celle


SERMON XX.

que met dehors « 11 a etendu, » dit le


la charite :
Sortez et voyez le roi Salomon portant le diadcme
tex-te, au milieu de la charite. » En disant au
'<
dont I'a couronne sa mere. (Cant, iii, 11.)
milieu, il donne a entendi'e le tout. Que la charite
dispose le mUieu de votre cceur, que la charite le Vous avez entendu que les filles de Sionontete
1.

revete. Ce vetement est aussi la robe nuptiale, si on invitees ; mais vous n'avez pas encore entendu indi-

Tesige d'un simple convive, a combien plus forte quer le lieu d'oii elles recoivent I'ordre de sortir.

raison de I'epouse? La charite veut occuper d'avance, C'est la ce quene dit pas letexte.De quel lieu done?
et posseder toutes les profoudeurs de votre ame. Ne Est-ce de Siou ? mais c'est dans Sion qu'apparaitra
les ouvrez done pas a une affection basse et etran- le Dieu des Dieux. [Psalm, lxjsxui, 8.) Ce n'est done
gere. Sa couche est douce et delicate, elle ne souf- pas a sortir de Sion que les appelle celui qui les
fre pas d'etre contristee meme pour un moment convie a voir le Seigneur. Mais ce n'est peut-etre
par une crainte desagreable. « A cause des lilies de pas a voir Dieu, mais a considerer Salomon portant
Jerusalem,)) dit-il. C'est avec raison : il y a en effet le diademe dont sa mere I'a couronne.' C'est pour-
une grande pais pour ceux qui aiment votre loi. quoi rien ne s'oppose a ce quela fille de Sion, recoi-
{Psalm, cxviii, 165.) Si quelqu'im se glorifie de ve I'orLlre mais est-ce que cet
de sortir de Sion;
la grace qui lui a ete accordee, a combien plus forte homme n'est pas ne dans Sion? Par consequent, si
raison pouvez-vous vous rejouir, vous? Car bien ces jeunes personnes sont engagees a sortir de Sion,

timor respicit , caritas nescit cansis praeventa potio- omnibus communicat, et quasi melior omnes cumulat
ribus. virtutes. ^Emulamini ergo fdiai Jerusalem charismata
Causis ergo distant timor et amor, obsequio et af-
8. mcliora. Magis autem ut caritatem habeatis, ct abun-
fectu libero cognali. Primus ergo timor metuit puniri : dantius habeatis, tot£e in affectum amoris transite. Totus
Secundus privari Tertius neutrum. Primum ilhim per-
: cniui amabiiis est dilectus noster Jcsus-Christus, qui
fccta caritas exteiminat Secundum ad tempus tolerat : : vivit et regnat ia s£Ecula srecnlorum, iVmen.
Tertium sibi indivise collaterat. Hunc vos fdise Jerusa-
lem timorem captate. Primum caveleillura, quem caritas
SERMO XX.
foras mittit :Media, inquit, caritate comtravit. Ubi me- Egredwiini, et videte regem Salomonem in diademate
dia dicit, totum dat intelligi. Et vestri cordis medium quo coronavit eum mater sua. (Cant, iii, b.)
ctorna-
caritas consternal, caritas vestiat. Vestis hcEcest
mentum Qua? si a nuptiali exigitur conviva,
nuptiale. 1. Audistis quo invitatae sunt fdia; Sion sed undo :

quanto magis a nupta? Sola praeoccupare et possidcre jubentur egredi,nondum audistis. Id enim est quod non
vull omncs mentis veslrae recessus. NoUteillosdegencri exprimit littera. Undo ergo? numquid de Sion? Sed
et alieno communicarc affectui. Molle quidem et dclica- videbitur Dcus deorum in Sion. Non ergo de Sion cas
tumest stratum caritatis, molcsto ne ad modicum quidem vocat, quas ad vidcndum Ucuin vocat. At forte non ad
vult metu contribtari. Propter filius, inquit, Jerusalem. visioncm Dei, sod ad vidcndum Salomonem in diade-
Jure quidem pax enim muita diligentibus legem tuam.
: mate, quo coronavit eum mater sua ? Idcoque nil obstat,
Si quis de indulla gloriatur gratia, quanto magisct vos? si (ilia Sion egredi jubcat de Sion. Sed numquid non
nam spiritualium donorum magnas esse di-
etsi constat homo ille natus est in Sion ? Ergo si de Sion evocantur,
vitias,sed caritas supcrgressa est univcrsas. Non modo non tamen vocantur nisi ad Sion dc Sion superiori ad
:

supergressa, sed eliam complexa. Et dulcis et dives est infcriorem Sion. Nee enim dignuni aut consentaneum
Denique sicut habet psalmus, Inter medios vir-
caritas. videtur, ut fdiaj Sion cgrediantur dc ea, prwsertim ad
tutum cleros, ct in spiritualium communionc gratiarum vidcndum ipsum, cujus habitatio in Sion, et qui natus
super stratum dormitur caritatis. Caritas quasi media est inea. Mcmini disertum ct crudilumqucmdam virum,
«

im LABBE GILLEBERT.
elles ne soirt cepcndant appclees qu'a Sion : de la se pres<."nte. Le zele pour la contemplation est bon,

Sion supericure, a la Sion inferieure. II ue paraitni mais la science est necessaire. Vous etes enllamme,
dignc, ni convenablc que les lilies de Sion quittent vous etes comme ceint pour marcher vers ce lieu de
I'enceinte de cette ville, surlout pour voir celui dont repos, tout-a-fait propre a la contemplation. J'ap-

le sejour est fixe en Sion, et qui y a pris naissance. prouve le zele, mais atlendez que je regie voire
{Psalm. Lxxxvi, 5.) Je me souviens d'avoir entendu marche et que je vous place un degre. C'est un
dire a un homme disert et erudit, expliquant ce point de vue, et un point de vue vraiment eleve qui
passage : eUes paraissent mal plaeees, ces lilies qui s'eleve au-dessus des brouillards, par dessus toutes
recoivent ordre de sortir. II Taffirmaalors avec assez les exhalaison de la terre. Sans experience, pourquoi
d'a-propos, I'appliquant arhabiletedesesauditeurs. vouloir y atteindre d'un bond? Rampez sur vos
Pour moij celles a qui sadresse une telle exhorta- mains, 'comme il est ecrit,) pour vous habituer a
tion me paraissent trop bien plaeees. Ou les cher- demeurer dans le palais du roi Salomon. {Prov.
chez-vous? Sur le canape d'or, dont nous arons XXX, 28.' Rampez jusqu'a ce qu'on vous ravisse.Ce
parle hier. C'cst un abondant
lieu delicieirx, et plus ne sont pas des bonds, ce sont des « ascensions, » dit le
en joieque nele peut comprendrel'amourde I'hom- Psadmiste, « que le juste a disposees dans son coeur.
me. L'exces dela jouissances'appauvrit elle-nieme, [Psalm. Lxxxm, 6. » L'n jour il y auraime ascension
une Tolupte exuberante epuise Tesprit. Cette joie par bond, ou plutot cette ascension sera convertie en
est soumise a des alternatives, ce qui est trop fort assomption. Mais que sont ces ascensions, sinou des
ne peut-etre de longue duree. Ce sont la pourtant purgations del'ame? Voila pourquoi on dit « dans
de bonnesvariations, quin'eloignent pas del'epoux. la vallee des larmes, » parce que les pe«hesque Ion
II n'est pas donne a celui qui habite la chair, de pleure sont pardonnes. Heureux qui a lave assez le

posseder en heritage le reposoir d'or. C'est pour- lit de son coeur, qui a suffisamment pleure, dont
quoi les filles de Sion recoivent I'ordre de sortrr, la tristesse a ete porlee a son comble, a qui linspi-
mais c'est comme s'il disait : n'allez pas trop loin. ration divine a souflle au coeur ses consolations,
2. «Sortez, » dit-il, et « voyez le Salomon
roi qui est appele de la vallee de larmes et dont I'oeil

avec le diademe dont sa mere I'a couronne. » U ne n'est pas trouble par la crainte du juge et qui peut
veut pas qu'elles s'eloiguent du Christ, qu'elles voir avec tranquillite le roi Salomon au jour de la
soientravies en esprit, ou qu'elles n'eprouvent point joie de son coeur.
de semblcibles transports. La simplicite de la foi est 3. «Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon.
une excellente sobriete, le regard de ceux qui la Us paraissent dignes de cette joyeuse vision, ceux
considerent peut la supporter etpeut en etrefoilifie. qui se sont enchaines par les lois de la penitence,
Heureux qui, en descendant, s'appuie sur ce degre, dans les regies etroites de la discipline et dont
et qui, lorsqu'ilmonte, commence. A ceux qui s'ele- I'ame a refuse toute consolation. Voulez-vous savoir
vent, c'est la le premier degre de contemplation qui combien bonne est cette retenue? c'est un « jar-

cum super hoe disputaret loco, dixisse Male locatae vi- : probo, sed exspecta ut componam tibi gressum, et
dentur quae jubentur egredi. Satis commode pro tempore gradum ponam. Specula specula vere sublimis,
est, ct
dixit, ad audientium quod proposuerat utilitatem deHec- specula omnis terrenae exhalationis supergressa nebulas.
tens. Mihi tamen nLmis bene locatjE videntur, ad quas Inassuetus quid illuc saltum paras? Manibus (sicut
praesentis verbi hortatus intenditur. Ubi quaeris ? In re- scriptimi est) nitere, ut adsuescas morari in aede regis
clinatorio aureo, de quo praecessit sermo hesternus. Salomonis. Interim rape, donee rapiaris. Non enim sal-
Delectabilis ille locus est, et uberior ad lastitiam, quam tus, sed ascensioites. inquit Psalmus, disposutt in corde
humana queat afTectio capere. Delectationis nimietas sua. Erit autem quando ascensio in saltum, magis vero
seipsam exhaurit, et ebibit animum voluptas exundans. in assumptionem convertetur. Quae sunt autem istae as-
Vicibus alternatur hoc gaudium, nee potest esse conti- censiones, nisi quaedam mentis purgationes? Ideo in
nuum, quud est nimium. Bonae tamen nces, ubi non \"alle lacrymarum, quoniam delicta qus plorantur pur-
disceditur a sponso. Non datur in came commoranti gantur. Felix qui satis la\it lectulum cordis, qui suffi-
hereditate possidere reclinatorinm aureum. Ideo juben- cienter ploravit cujus completa est tristitia, cujus ad
:

tur egredi filiae Sion, sed quomodo si dicat, ne longius cor consolationes inspiratio loquitur di^ina, et de
abeatis, convalle plorationis evocat, cujus a furore Judicis
2. Egredimini, inquit, regem Salomonem in
rt videte non turbatur oculus, ut videre valeat regem Salomonem
diadenvite quo coronavit eum mater sua. ?son vult eas a tranquillo aspeclu in die laptitiae cordis ejus.
Christo discedere, sive mente eicedant,sivesobrisfiant. 3. Egredimini filite Sion, et videte regem Salomonem.
Bona sobrietas simplicitas fidei, quam intuentium possit Illi enim habentur digni hac laeta \isione, qui se qua-
aspectus ferre, et qua possit foveri. Felix qui hoc gradu dam popnitentiae lege concluserint, et disciplinae coarcta-
cum descendit, excipitur : et cum ascendit, incipit. .\s- verint custodia, quorum rcauit anima consolari. Vis
cendentibus enim hie speculationis locus primus occur- nosse quam bona sit conclusio? Hortu.<t conc/unis, fons
rit. Bona enim speculationis aemulatio sed scientia : signatm. Surge, propera arnica mea, et veni. Vides jam
necessaria est. Reclinatorium ad illud aureum succende- quomodo illam imitat, et amicam vocat, quae seipsam
its ct succingeris, locum vere speculatorium. Studium concludere Bovit? Quod si conclnsae estis,noIite egredi,
; »

SERMONS SUR LE CAOTIQUE DES CANTIQUES. 103

din ferme, c'est une fontaine scellee. (Cant, iv 12.) vision, 6 bon Jesus, est vraimeut efficace et vio-
Levez-vous, hatez-vous, ma bien aimee et venez. lente, elle ravit les sentiments de ceux qui vous
[Ibid. II, 13. » 1
Vous voyez comment deja le Seigneur voient. Est-ceque Moise n'eprouva pas une douce
invite et appelle son amie. Tame qui a su s'empri- violence dans desir d'en etre participant, quant il
le

sonner ainsi. Que si vous etes ainsi fermees, ne voulut passer et apercevoir ce grand spectacle ?
sortez point jusqu'a ce que Jesus-Clirist vous y voulez-vous apprendre combien elle est efficace ?
invite. Dina sortit, elle ne fut pas appelee et elle « Quand j'aurai ete exalte de terre, j'attireraitout
sortit, non pour voir le roi Salomon, mais les fem- a moi, (Joan, xm, 32.) » Mais qu'arrivera^t-il, quand
mes de Vous savez ce qu'elle rencon-
cette contree. vous serez humilie jusqu'a terre? ne vous attirerez-
tra. (Gen. xxsiv. 1). Quant a vous, ne sortez pas, vous pas les esprits de tons les hommes ? Pour moi,
a moins que I'epous ou ses compaguons ne vous y 6 bon Jesus, je n'attends pas la gloire de votre
engagent. Lazare sortit quand le Seigneur le rendit resurrection, je ne reserve pas mon admiration pour
a la vie. (Joan, xi, 43.) Noe sortit de Tarche qui le la puissancede votre ascension au ciel ; mais
sauva au milieu des flots, mais il sortit quand aussitot que dans votre annonciation ou dans votre
le Seigneur lui eiit ouvert un passage. (Gen. viii, 16.) naissance, les voix des anges frappent nos oreilles,
Abraham pour visiter la terre pro-
quitla son pays aussit6t ce bruit me saisit d'etonnement, et cette
mise; mais il n'en partit que sur I'ordre du ciel lumiere qui luit dans les tenebres me ravit et me
(Gen. xu, 1.) Etvous sortez, filles de Sion, invitees que transporte. Une vision pure, qui ne provoque pas
vous etes a la grace d'liue vision plus heureuse. des sentiments correspondants, est mise a c6te de
11 est captif et tristement captif celui qui ne desire I'ignorance et de I'aveuglement. Voulez-vous voii*
pas ou ne merite pas ce grand bonheur. Etre ferme, une vision fructueuse ? « Les lies ont vu et elles ont
c'est etre esclave, sortir, c'est etre libre. « Quand tremble, les extremites de la terre ont ete saisies de
vous serez converti au Seigneur, le voile sera ote, frayeur, et sesont rapprochees, ditlsaie. (Isa. xii, 5.)

(II Cor. Ill, 16.) » le voile de I'ignorance et de la Vous apercevez les fruits de vertu que produit la £fl-gt, j, j,
bassesse, car le Seigneur est esprit. Oii est I'esprit vision de Dieu : la crainte, la stupeur, I'amour. ''>''<"> "o
T M T 1 1 . 11 .
contecnpla-
du Seigneur, la est la liberte. Plus i'esprit se fait « Les lies ont vu, dit le prophete, elles ont cramt, tion de Diei.

sentir, plus la liberte est grande. Celui qui est fer- elles ont ete saisies, elles se sont approchees. » Elles
me, et entom'e de liens, a peu de liberte pour res- vous ont « vu )), 6 Dieu, par I'intelligence ; elles
pirer. vous out par le respect; elles ont ete
« craint)),

U. Sortez done, filles de Sion, afin de pouvoir dire « saisies d'etonnement « pour la nouveaute de la

avec saint Paul Pour nous, a face decouverte,


: « manifestation et « se sont approchees y>, par la
contemplant la gloire de Dieu, nous sommes trans- conformite de volonte. La vision comprend, la
formes en la meme image. (lb. 18.) « La vision de crainte retient, la stupeur saisit, le rapprochement
Dieu doit etre toujours recue avec atTection. Votre enleve et unit. Ceux-la se rapprochent en effet, qui

donee Christus vos invitet. Egressa est Dina, non educta, sui passus est \iolentiam Moyses, ut transiret et videret
et egressa est non ut regem Salomonem sed ut mulieres visionem illam magnam? Vis accipere quam sit effica-x?
videret regionis illius. Quid invenerit, vos nostis. Yes Cum exaltatus fuero a (era, omnia traham ad meipsum.
egredi nolite, nisi quando vos aiit sponsus. aut sponsi Quid vero cum humiliatus fuerit ad terram, nonne om-
invitant sodales. Egressus est Lazarus cum ilium Domi- nium ad te trahis animos? Ego, bone Jesu, rcsurrectio-
nus evocaret ad vilam. Egressus est Noe de ea quae nistuae non exspecto gloriam, nee admirationem meam
ipsum inter hujus mundi fluctus illaesum area conclusit ascendentis in ccelum reservo potentiae; sed statim in
sed egressus est cum ei reclusit ostia Dominus. Egres- initio annunciationis, vel nativitatis tuae voces angelicae
sus est .\braham de terra sua, ut repromissionis terram aures meas percellunt, et rumor novus stupcfacit me, et
videret sed vocntus egreditur. Et vos cgredimini fili.'B
; ad so rapit insueta lux exorta in tencbris. Nuda visio,
Sion, invitat:p ad fclicioris graliam visionis. Conclusus et qu® se in affectus condignos non transfert, ignoran-
est, et conclusus miscre, qui bcatam ad banc visionem tiae et caeeitati connumeratur. Vultis visionem fructuo-

egredi nee nititur, ncc meretur. Scrvilis conclusio, sam accipere? Viderunt insuhv, et timuenint,etextrema
egressio libera. Deniquc cum fueris, inquit, conversus terra obstupuerunt , et accesserunf, ait Esaias. Videtis
ad Dominum, auferetnr vdnmen, vclamcn ignorantiae et quos virtutum fructus Dei visio pariat limorem, :

ignobilitatis Dominus enim spiritus est. Ubi spiritus


: stuporem, amorem. Viderunt, inquit, et timuerunt,
Domini, ibi libcrtas. Ubi major abundantia spiritus, ibi ohstupuerunt, et accesserunt. Viderunt le ad intelligcn-
libertas uberior. Qui concluditur et involvitur, tenuem liam, timuerunt adrcxerenliaim, obstupuerunt &d novitatem
habct respirandi libertalcm. accesserunt per conformitalcm. Visio comprchendlt,
4. Egredimini ergo (ilia' Sion, ut cum Paulo dicere timer comprimit, suspendil stupor, rapit et unit acccssio.
possitis Nos autem revelata fade ghriam Dei spcculan-
: Illi enim accedunt qui .-pmulationcacccnduntur. Vidcnlis

tes, in enmdeni imaginem trans for mamur. Visio Dei, animum timor humiliat, stupor quasi infalual, amor
quodam est cum afTcctii semper accipicnda. Et vcrc cf- conglutinat. Cassa visio est, nee contcmplationis digna
ficax est et violenta visio tua bone Jesu, qum intucntium vocabulo, quae talibus non est vestila afTectibus. .\n ilium
in se rapit aiTcctus. Nonne dulcem quamdam desiderii videre diffmies, qui de mysterii cognitione ncc timet,
;

10^ L'ABBE GILLEBERT.


sont enflammes de zele. La crainte abaisse I'esprit le Sauveur et il en dit : « qiiand j'aurai ete eleve
de celui qui voit, la stupeur le frappe presque de de terre, je tirerai tout a moi. » EUe est puissante

caducite, I'amour Tunit intimement. C'est une vi- pour altirer cette humilite. Comment nen serait-il

sion vaine qui ne merite pas d'etre nommee con- pas de la sorte ? Qui, a la simple y»ensee d'un tel
templation, celle qui n'est pas accompagnee de ces evenement, n'est pas rempli de saisissement et de
sentiments. Dire^-vous qu'il voit, celui qui ne craint saints transports? quelle est I'affection que ce
pas, qui n'est pas saisi, qxii ne brule pas ? L'ame dos^me n'epuise pas, ne trouble pas et ne rende
devient retenue par la crainte, le saisissement I'ab- pas insuffisante ? C'est la un lien qui prete a la con-
sorbe, I'unit , et le rapprochement I'associe. La templation, il est fecond en graces. La simplicity
grace de la contemplation comprend ces vertus, de la y a moins d'intelligeuce, mais I'admiration
foi

mais surtout elle est composee de saisissement et et I'amour y trouvent plus d' aliments. C'est un lien
d'amour. Par le saisissement et I'admiration, elle qui est facilement accessible, mais ilenfante les plus
est ravie hors delle-meme, et elle se rapproclie par doiix transports de 1 ame. Ne le dedaignez point. II
Tamour. 11 ne faut pas tant estimer la grace de la n'est pas difflcile a mediter, il produit la gloire avec
contemplation par la matiere qui en est lobjet, que abondance. A Dieu ne plaise, s'ecrie saint Paul,
«

par la maniere dont elle se produit. U faut conside- que je me glorifie en autre chose qu't-n la croix de v

rer a la fois et le genre des verites que Ton con- Jesus-Christ. {Gal.-xi, lU) Et que voulez vous en- J

tendre de plus ? La crois elle-meme est la couronne


'

temple et le degre des affections. M<iis il vaut bien


mieui etre touche da vantage dans un genre infe- de la gloire, le diademe du regne. C'est dans la ;'

rieuT et moiiidre, que letre moins dans un genre croix que le Sauveur triompha, depouillant les
plus eleve. Cette vision est cacliee aux sages et aux principautes et les puissances, et mit dehors le

prudents et revelee a\ix petits. (Mattft. xi, 25.) Aussi prince du monde, glorieuse vision de son triom-
leppophete dit : « Les extremites de la terre ont ete phe.
frappees d'etonnement et se sont approchees. » 6. « Sortez, fiUes de Sion, et voyez le roi Salo-
5. Ce que les bumbles peuvent saisir, c'est ce qui mon avec le diademe dont sa mere I'a couronne. »

d'ordinaire frappe davautage et excite radniiration Voyez la chair qu'il a prise au genre humain et ren-
et I'amour. « Qiiand j'aurai ete eleve de terre, j'at- due triomphante sur le bois. Et bienheureuse chair,
QadbsHjets tirerai tout a moi. {Joan, xii, 32.) « Tout ce qui est que le Christ s'estunie non comme une prison, mais
^tiw'swt ^° vous, 6 bon Jesus, a ime vertu dattirer et solli- comme uue comx)nne qui fut sou ornemeut, et non La cbair
:

ftt» pit^ies cite a aimer les coeurs crui v pretent attention mais : son poids. .\ous tous, nous sommes caches dans le J^scj^; Ci
les a&ctions nous ne pouvons pas tous attemdre a tout. Aux corps comme dans des cachots, lies et enchaines h nnw
da c(Hir. grands les choses grandes, aux himibles les bum- par la loi du peche. « Homme malheureux que je i/'i,°[re°
on pon
bles. Quelle plus grande bumilite que d'etre eleve ^ me delivrera du corps
suis cmi I
^ de cett« mort ? La ponr no
sur une croix ? Cest de cette humiliation que parte grAce deDieupai- Jerus-Christ. {Rom. vm,24.). Car

nee stnpef, nee ardet? Timore sobrius fit animus, stupoi-e cUis ad contcmplandum locus, sed fcecundus ad gratiam.
absorptus, accessu consertus et consociatus. Hujusmodi Simplicitas fidei h-.ijus minus babet intelligenlice, satis
virtutibus contemplationis gratia constat, sed slupore magnum et admirationis et amoris incitamentum habeas.
magis et amore. Nam stupore et admiratione mens AcessibUis locus, sed excessus dulcissimos pariens. No-
excedit, amore Nee aestimanda est virtus
accedit. lite hunc contemplationis locum dedignari. Non est dif-
contemplationis tarn es materia quam ex modo. ficilisad recogitandum, et est dives ad gloriam. Mihi,
Utraque atlendenda sunt et genera rernm con- inquit Paulus, alsit gloriari nisi in cruce Domini nostri
templandarum, et gradus affectuum. Sed satius inferiori Jesu-Cfiriiti. Et quid ^-ultis audire ? Crux ipsa corona est
in genere amplius afSc-, quam in superiope minus. Visio gloriae, diadema regni. Denique in cruce triumpha\it,
haec absondita est a sapientibus et prudentibus, et reve- exspolians principatus et poteslates, et mun^i Principem
lala est parMilis. Ideo dicit : Extrema terra o^tupueruni, ejecit foras, gloriosa visio triumphi ipsius.
ei ctecesseruuL 6. Egredimvd Sion, et videte regem Salomonem
filice

5. Qaod humiles capere sufTiciunt, id magis solet af- til diademate, quo coronavit eum mater sua. Videte
ficere, et quamdam sui admirationem et amorem impor- carnem. quam humano sumpsit ex genere triumphantem
tare. Cum exaUatus, inquit, fu^ro a terra, omnia in ligno, Et felix caro, quam sibi Christus non quasi car-
trahcan ad meipsunu Omnia quae in te sunt, bone Jesn, cerem, sed quasi c<)ronam assumpsit quae oma- : Mt
qoamdam habent alliciendi efficaciam, et cogitantes mento, non oneri. Nos omnes in came quasi in domibus
soUicitant in affectum : sed ad omnia non possumus carcerum abscondili sumus, compediti et servientes lege
omnes attingere. Sublimiasolis sublimibus sunt, humilia peccati. In/ilij- ego homo, qui^ me liberahit de corpore
omnibus. Quae najor humilitas, quam exaltari in cruce ? mortis hujus ? Gratia, inquit, Dei per Jesum-Christum.
Etiam de hac ait Cum cvaUaius fuero a terra, omnia
: Deus enim mittens Fih'um suwn m similitudinem carnis
traham ad meiptinTi. EfBcai ad trahendum humilitas peccati, de peccaio damnnvit peccatum in carne. Veritas
ista. Quidni"? Qnis non ad simplicem cogitatum hujus carnis in Christo, peccati pondus non sentiens, nobis om-
rei stupore et ecslasi repleatur? Cujusnon afTectum fides nibus de peccato victriccm palmam advexit. Bene quasi
haec exbaoriat et infataet, et reddat insu£QcieDtem ? Fa- diadema accipitur corpus immaculatum, corpus triumphi

J
SERMONS SUR LE CANTIQUET DES CANIQUES. 105
Dit'U envoyanl son flls dans la ressemblance dc la ment le Seigneur a beni la couronne de I'annee de
chair depeclie, par cette chair de peche, a condamne sa bonte, {Ps. lxiv 12.) comment les campagnes
le peche dans la chair. {Rom. viii, 3.) La realite de out ete couvertes de richesses. Voyez la couronne,
la chair dans le Christy n'oprouvant pasle poidsdii voyez aussi I'abondance. La couronne de la vic-
peche, nous a apporte a tous, la palme du triomphe toire, I'abondance des vertus. D'oii vient cette
sur ce peche. C'est avec raison qu'on preud pour un richesse, sinon du grain de froment qui, tqmbant
diademe ce corps immacule, ce cor()S de triomphe: sur la terre, y est mort ? La victoire qui triomphe
corps d'honneur et de gloire, corps dont le sang du monde, c'est notre foi. {Can v, /i.)La multitude
detruit la cedule de condamnation meritee par le des fideles, c'estlacouronneetrornementdu Christ.
peche, signe notre droit a la justice et au salut, et « Vous serez, dit le prophete, une couronne de
a prepai'e les facilites de I'union nuptiale de I'ame gloire dans la main du Seigneur, et un diademe
avec Dieu. Ce fut le vei'itable jour de I'alliance, royal dans la main de voire Dieu. {Isa. lxii, 3.) »
celui oii Jesus-Christ, repudiant les rites antiques, Prenez-vous cette parole comme dite pour vous ?
institua les sacrements nouveaux. de I'Eglise, celui, Est-ce que le nom de Dieu n 'est pas blaspheme par
oil en signe d'union perpetuelle et d'union coiijii- vous ? Sortez filles de Sion et voyez combien Dieu

gale, ce divin Sauveur produisit, de son cote, un est glorieux dans ses saints, peut-etre que cette vi-
melange de sang et d'eau. C'est en ce jour qu'il sion vous excitera a la jalousie, et vous fera passer de
donna ala Synagogue le libcUe de divorce, et, (jii'a- votre solitude dans I'enceinte populeusede I'Eglise.
bandonnant sa premiere epouse devenue odieuse, Uiiand meme vous auriez ete une terre deserte,
il vola vers la seconde qu'il a tant aimee. De I'an- « desormais vous ne serez plusappeleeabandonnee,
cienne il vint k la nouvelle, qu'il se presenta, et votre region ue portera plus le nom de desolee.
glorieuse, sans taches et sans rides ni auti'es defauts {lb. h.)
de ce genre. {Ejj/i. v. 27.) Ce qui est jeime se counait 7. Mais cessons d'adresser la paro'e a ceu.x qui
a 1
'absence des rides. Le Christ effaca les rides de sont hors de I'Eglise. Prenons plulot plaisir a con-
eten fit jaillir ce qu'elle cachait de princi-
la lettre templer comment la beaute du desert se couvre
pes nouveaux. Pourquoi voulez-vous, filles de Sion d'abondantes moissons, comment dans I'Eglise le

et Synagogue, contracter les rides que le Sei-


de la Christ est ceint d'une couronne. « Quel est notre
gneur a effacees? La nouveaute etant arrivee, espoir, quelle et notre couronne de gloire ? n'est-ce
pourquoi se glorifier en ce qui est vieilli? Sortez, pas vous devant le Seigneur? ([ Thes. ii, 19.) » Si
filles de Sion, des cavernes de la du sens has
lettre, saint Paul proiionce ces paroles, est-ce que le Christ
et etroit, sortez et voyez le roi Salomon avec le ne doit pas a bien meilleur litre, les prol'erer ? « Je
diademe dont sa mere I'a couronne. INotre cou- vis«, dit le Seigneur, « tu seras revetu de tous ceux-
^ronne, c'est cette incarnation que vous considerez ci comme d'un vetement {ha. xlix, 18.) » Vous avez

comme un opprobre". Et voyez deja com- remarque comment I'apotre afflrme que dans I'E-

corpus honoris corpus cujus cruore pcccati de-


et gloriae, tudo corona est et ornamentum Christo. En's, inquit,
letur chirographum, et salutis signatur cons-
justitiae corona gloria in inanu Domini, et diadema regni inmanu
criptio, uuptialia sunt instrumenta confecia. Dcnique hie Dei ltd. Numquid hoc dictum vobis usurpatis? an non
dies desponsalionis, quando veteres repudians ritus, nova per vos nomeuDei blasphematur? Egredimini filiae Sion,
Ecclesia? sacramcnta iustituit quando in perpctui matri-
: ct videte quam gloriosus sit Deus in Sanctis suis. Si forte
monii sjgnumct copulienuptialis, dclatere ejus sanguinis visio ha'c ad a>mula'ionem vos adducat, ct de soliludme
et aquae mixtura profluxit. Ilodie synagogcE dedit libel- vestra ad Ecclcsiae frequenliam transirc facial. Etsi deserla
lum repudii, et a priore odiosa ad posteriorem dilectam fiiisti, scd non vocaberis, inquit, ultra dcrelicta : ct terra

transivit. A veteri transivit ad novam, quam sibi ipse iua non vocabitur amiilius desolata.
exhibuit gloriosam non habentcm maculam aut rugam, 7. Scd jam desistamus ad eos qui foi'is scrmoncm
sunt
aul aliquid hujusmodi. Novitalis signum est quod ruga proferrc. Ipsi potius viderc dclectcmur, quomodo jam
caret. Explicuit Christus lltterte rugas, et quod incrat pinguescunl speciosa deserti, quomodo credentium co-
novitatis elicuit. Quid vultis vos Sion et sjTiagogai filiae rona Christus in Ecdesia cingilur. Qure est spex nostra,
rugas contrahei'C, quas Christus explicuit? Novis super- et corona glorite ? nonne vos ante Dominum ? Si Paulus
vonientibus, quid vclci'ibus adhuc gloriamini? Egredi- hoc dicit, quomodo non magis Christus? Vivo ego, dicil
mini filial Sion de cavernis litlera?,de angusta ct ignobili Uominus, quia /lis omnibus velut ornamento vcstieris.
intclligcntia. Egredimini et videte regeni Salomonemin Advertisti quomodo credentium agmina ornamentum
diadeniate quo coronavit cum mater sua. Coiona nobis esse Chrisli in Ecclcsia difliuiat. Qiuirc non el corona
est Incarnalio, quam vos putatis contumcliam. El videte sunt? Scd corona habct quamdam insignem ct illustrem
jam quomodo benedixit coronai annl bcnignitatis suiP, prce ceteris ornamcniis dignitatem quia cetera cum sint
:

quomodo campi ejus rcplcti sunt ubertate. Videte coro- corporis, isla est capitis. El tcniporis ratio ad ejus com-
nam, videte ct copiam. Coronam victorite, virtutum co- mcndalionem aliquid alferf. Sollemnibus lantum usua
pium. Undc ha;c, nisi quia granum Trumenti cadens in ejus est accommodalus feriis. Jam ereclam video alacri-
terrain morluum fuit? Deniquc h;i'c est victoria, qme falcm vestram jam ad vos hujus vcrbi inlerprclalioncm
:

vincit mundum, fides nostra. El ipsa credentium mulli- dcflectitis. Jamvcslrum in coronac pra?rogativa inlclligilis
^

106 L'ABBE GILLEBERT.

glise la foule des croyants est rornement du Christ. la charite, au calme du repos, a I'ecole de I'humi-
Belle tropo- Pourquoi ces croyants ne sont-ils pas aussi une lite,au desir de I'obeissance et a la concorde de
logie de la
couronne oa couronne? C'est que la couronne a une dignite rc- I'unite. Ce n'est pas un bon bien celui parlequelon
da diadc-me marquable et illustre par-dessus tous les autres est uni mutuellement et ligue pour dechirer les au-
appliquee .

« Tuons le
.

tuireligieux. insignes ceux-ci parent le corps, la couronne


: tres, disant a la maniere des Juifs :

decore la tete. Le temps oii on I'emploie contribue juste, parce qu'il nous est inutile et contraire a nos
a lui donner aussi plus de gloire. EUe nesert qu'aux oeuvres. {Sap. ii, 12.) » Pour vous, desirez toujours
jours solennels. Deja je vois que votre activite est dans le bien, le bien de la paLx.
excitee : deja vous vou? faites I'appUcation de cette 8. Ensuite la forme de la couronne symbolise en

parole. Deja dans la prerogative de ce diademe vous quelque maniere I'unite. Ce n'est pas seulement sa
reconnaissez votre propre excellence, ames d'elite, matiere qu'il faut considerer, sa forme fournit, elle
altachees a la profession d'une vie plus pure, for- aussi, de belles lecons. U y a une espece de couronne
mees par sa pratique, vous y appliquant sans qui se replie en rond et s'eleve a une certaine hau-
relache, et en goutant les Us sont
saints loisirs. teur. Voulez-vous voir ime adhesion commune et
designes a juste titre par I'expression de diademe, un seul sens? Les croyants n'avaient qu'un coeur
«

ceux que le combat n'occupe plus tantque letriom- et qu'ime ame. [Act. iv, 32.) » Qu'elle etait|latiu de

phe ne les rejouit : qui nont plus a hitter contre la cette unite ? L'espoi^ qui repose sur les biens ce-

chair et le sang, qui n'ont pas a observer la tete du lestes. Voila done I'adhesion dans I'lmite, leleva-
serpent, mais qui ornent celle du Christ. V'ous etes tion dans I'esperance. Et I'apotre dit : « Prenez le

la couronne du Christ et sa joie, c'est pourquoi casque du salut. {Eph. vi, 17.) C'est avec a propos
perseverez dans le Seigneur comme vous avez com- qu'il fait mention du casque qui en effet presente
mence, bien plus, saisissez ainsi le Seigneur. Votre quelque ressemblance avec la couronne. L'une et

place est sublime, n'y apportez rien de vil. Consi- I'autre sont pour la tete, I'un la protege, I'autre

derez quelle est votre vocation, voyez a quel service I'orne. Aussi rien n'empeche de voir I'esperance
vous etes consacres. JS'entrelacez pas dans le dia- figuree dans I'un et I'autre : a cav nous sommes
deme du Seigneur, du foin, du hois, de la paille, sauvespar I'esperance. {Rom. viii, 2U-) » Que ces ex-
rien qui merite ou redoute le feu. Que les ronces plications sur la forme de la couronne sufQsent.

enlacees soient bnilees par le feu. Ne rivalisez pas Quant a sa matiere, que cherchez vous ? Vous savez
avec les mechants, n'imitez pas ceux qui placerent qu'une place elevee repousse toute matiere obscure
sur la tele de notre roi une couronne d'epines. Un et fragile. II lui fautde I'or etdespierres precieuses.
Le Christ
redoute plus diademe de ce genre produit non Thouueur, mais Vous avez mis sur sa tete une couronne de pierres
les aiguilloDs
Thorreur. Le Christ a plus horreur de I'aprete des precieuses. {Ps. xx, h-] Vous voyez dans I'Apocalj-pse
des moeurs
et les coups moeurs, des coups de langue, que des piqures et descouronnes d'or, matiere toujours precieuse, soil
de langue
que les des epines de la part surtout de ceux qui sont
: qu'il y ait de Tor seul, soit qu'il s'y trouve un me-
piqdres des
appeles a la simplicite du silence, a la vocation de lange d'or et de pierreries. Mais je ue sais qu'elle
epines.

pri%'ilegium, qui purioris estis vitae et professione ads- trarnis operibus nostris. Vos autem aemulamini pacis
tricti, et exercitio instructi, et indefessi studio, et otio bonum bono semper.
in
festivi. Jure diadematis censentur nomine, quos jam non 8. Denique species coronas quoddam unitatis prae-
tam pugna sollicitat, quam triumphus laetificat quibus : fert indicium. Non sola coronas est sstimanda materies,
non est colluctatio adversus carnem et sanguinem, qui sed et forma ejus pulchrae intelligentiae rationes ad-
serpentis jam caput non observant, sed Christi exornant, ministrat. Ea enim est coronas species, quas et in or-
Vos estis corona Christi et gaudium et ideo sicut cce- : bem cohasret, et in altum se erigit. Vis habere cohieren-
pistis, sic state carassimi, sic state in Domino, imo sic tiam quamdam communem et idipsum? Credentium,
capite Dominum. Sublimis locus est, nihil illuc vilioris inquit, erat cor unum, et anima kim. Quis hiyus uni-
Videle vocationem vestram, videtequeni
affcrte malerise. tatis finis? Propter spem utique, quas reposita est in coe-
esds in usum
assumpti. Nihil foeni, nihil ligni, nihil sti- Icstibus. Jam
ergo habes coharentiam in unitate erec- :

pularum in Domini velitis diademate texere. Nihil deni- tionem in spe. Et Apostolus Gafeam, inquit, saltttis
:

que quod ignem mereaturvel vereatur. Spinas complexae assuinife. Et bene de galea introducta est mentio, eo
igne comburantur. Noli aem.ulari in malignantibus,neque quod habeat quamdam cum corona ^^ciniam. Nam utraque
zelaveris eos qui spineam capiti Regis nostri imposuere capitis est, sed altera, munimentum, altera ornamentum.
coronam. Tale diadema non honorem, sed horrorem ad- Ideo nil impedil spem ad utramque referri Spe enim :

ducit. Horret Christus magis asperilatem morum, linguae sah'i facti smnwi. Ista nunc de forma perstricta suffi-
stimulos, quam aculeos spinarum in his praesertim qui
: ciant. De materia quid quasritis? Ipsi enim scitis quod
in silentii vocatisunt simplicitatem, incaritatis negotium, fragilem et obscuram materiam dedignatur locus su-
in otii quiefem, in humilitatis scholam, in subjectionis blimis. Aurum vult et lapidcs pretiosos. Posuisti enim
votum, et \inculum unitatis. Sed non est bonum vincu- in capite ejus coronam de lapide pretioso. Aureas in
lum, quando sibi mutuo confcederantur, et in aliorum Apocal\-psi coronas legis. Pretiosa materies, sive so-
obtrectationem dexteras conserunt, Judeeonim more di- lum aurum, sive qua?dam auri gemmarumque
sit
. centes :ToUainus justum, quia inutilis est nobis, et con- mixtura. Sed nescio quid majoris gratiae sigaificare
,

SERMONS SUR LE CANTIQL'E DES CANTIQUES. 407


plus grande grace se trouve indiquee, lorsque, ue vous rejouiriez-vous pas, lorsqu'ilse rejouitlui-
sans faire mention d'or^ on dit : « Vous avez place meme ? « L'epouxse rejouira a cause de son epouse,

sur sa tete une couronne de pierres precieuses. » et votre Dieu se rejouira a cause de vous. » Mais

Et je vous montre une matiere encore plus excel- combien grande sera cette joie? « Au jour de son
lente. «Un grand signe s'est montre dans le ciel, alliance, et au jour de la joie de son cceur. « II

une femme revetue du soleil, ayant sur sa tete une n'indique pas uu mince sentiment d'allegresse
couronne de douze etoiles. {Ap. xii, 1.) On vous quaud il affirme que c'est la joie de son coeur. Je
designe ici par le nombre et I'eclat, le choeur des dis la joie ? ce sont des delices qu'il faut dire. «Mes
apotres. « Car ceux qui enseignent la sagesse a plu- delices sont d'etre avec les enfants des hommes.
sieurs, brillent comrae des etoiles dans les splen- {Prov. VIII, 31.) » Que ces joies vous coutent cher, 6
dours eternelles. {Dan. xii, 3.) » C'est la la couronne bon Jesus. Vous ne les avez pas eues gratuitement,
de freres, qui se tint autour de Jesus, comme il est vous les avez obtenues au prix de la passion de
ecrit. Et dans 1' Apocalypse, on voit beaucoup de dia- votre chair. Voila pourquoi I'ecriture dit qu'elle
dem es sur la tete de I'epoux, selon la diversite des sont la joie seulement de votre coeur. Vous faites
graces et des degres ; mais celui-la surtout dont il insulte a I'epoux, si pendant qu'il se rejouit, vous

est-ce qae fut couronne au jour de son alliance, au jour oii n'applaudissez pas du fond du coeur, si vous ne le
^^°^ personne de ses disciples, il fit des noces
^^ felicitez pas, si vous ne partagez pas ses transports.
n"crHst
^I'Eglise? avec son Eglise. {Ap. xix. 7 .) II I'epousa dans la foi, C'est signe de degoiit ou de mepris que de ne pas
il I'epousa en mettant au coeur des disciples I'arrhe, se rejouir avec celui qui se rejouit, et cela au jour
le gage et les premices du saint Esprit. La partici- de ses noces. Quelle beaute vous attirera, si ce n'est
pation a cedivin Esprit s'appelle union matrimoniale, pas celle de celui qui est ravissant par-dessus les
parceque s'attachant au Seigneur, il u'ya plus deux enfants des hommes ? Rejouissez-vous dans le Sei-
esprits, mais un seul. (I Cor. vi, 17.) C'est lui enlln gneur, que votre ame en votre epoux, en
tressaille
qui est cet homme abandounant pere et mere pour votre Dieu : s'il n'etait qu'un
n'etait pas Dieu,
s'il
jip-g
s'dttaclier a son epouse et devenir avec elle une homme, quel charme d'amour aurait-il encore, ^" ChrisJ.

seule chair heureux commerce vous etes deve-


! ! comble de tant de dons de la grace ? Car si vous
nue avec I'epouse une meme chair, et vous, avec commencez a I'examiner, a partk de sa conception,
I'epoux, im seul esprit. {Eph. v, 32.) il vous paraitra comme diapre, selon la condition
9. Ame fidele,comment fallait-il vous rejouir humaine, de vortus aussi siugulieresqu'excellentes :

d'lme telle union ? Comment se livrer a I'allegresse homme innocent sans tache, sepai'e des pecheurs :

et celebrer une telle fete ? Revetez-vous, revetez- pournepasdire qu'il a ete fait plus elevequelescieux,
vous de vos ornements de gloire, Cite sainte, pouvantcorapatir a nos iufirmites, tente en toutema-
epouse de I'agneau rejouissez-vous : et tressaillez nierepour ressembler a ses freres, le pecheexcepte.
de joicj Sion unie au Christ. {Isa. lu, 1.) Comment La grace est repaudue sur ses levres, la misericorde

videtur, quod auci


mentione sublata, de lapide, in- Quomodo tu non gaudebis, cum gaudeat ipse? Gaude-
quit, pretioso
posuisti in capite ejus coronam. Et bit sponsus, inquit,super sponsam, et gaudebit super
adhuc excellenliorem vobis demonstro materiain. Ap- te Deus tuus. Sed quanto gaudio? In die inquit, des- ,

paruit signum magnum in ccelo, mulier amicta sole, et ponsationis ejus, et in die Icetitice cordis ejus. Non le-
in capite ejus corona stellarum duodecim. Apostolorum vem dedit intelligi Istitiae motum, quem esse cordis
tibi et numero
et specie chorus monstratur. Qui enim expressit. Lsetitiam dice ? delici* sunt. Delicia. inquit,
ad sapientiani erudiunt multos, quasi stellae splendent )ne(e esse cum filiis hominum. Quam caro tibi, Jcsu
ad perpjetuas aternitates. Haec corona fratrum stetit in bone, constant illae ketitia'. Non gratis eas possides,
circuilu Jesu, sicut scriptum est. Et in Apocalypsi dia- quas carnis passione comparasti. Ideo cordis lantum
demata multa in capite sponsi, secundum divci-sitatem banc dicit lietitiam. Injuria est sponsi, si ipse la'tatur,
gratiarum et graduum sed illud praecipuum quo co-
: et tu non ex coide appiaudis, non congratulaiis, non
ronatus est in die
desponsationis sua' in die quo- ; congaudes. Vel faslidii, vel dcspcctionis instar est, cum
sibi in discipulis desponsavit Ecclesiam. Desponsavit gaudente non gaudere, ct hoc in desponsationis die.
earn in fide, desponsavit earn dando in cordibus eorum Affectum tuum cujus alliciat species, si non ejus qui
arrham et pignus, et primitias Spiritus. Et desponsatio speciosus est forma prte filiis hominum? Gaudcnsgaude
dicilur parlicipatio Spiritus, quando adhaercns Deo jam in Uomino, et exultet anima tua in sponso tuo, in Deo
non duo, sed unus spiritus est. Deniqne et ipse est homo tuo : qui si Deus non esset, et homo purus csset, quan-
qui rcliquit patreni et matrem, et adha>sit uxori sua;, tas tamen haberet in se amoris illecebras homo talis,
et facti sunt duo carne una.
in beatum comniercium ! tot gratiarum abundans muneribus? Nam si a radice
facta es cum sponsa in came una, et ipsa cum sponso conceptionis ejus recenscre ca>peris, totus tibi stellaluu
in uno spiritu. vidcbitur justa conditioneni humanam tani aingula- ,

9. Quomodo oportucrat de tali te gaudcrc conjugio ritate, quam excclleiitia virtutum homo innocens, \m-
:

fidelis anima? quomodo laitari, et diem fcstum agere? pollulus, segregatus a pccaitoribus ut interim sileam
:

Indueic, inducre vestimcntis gioriae lua*, civitas sancta, quod excelsior coelis faclus est, intirmitalibus noslris po-
sponsa agni gaudc et la^tarc Sion adjuncla Ghristo.
: fens compati, tenlatus per omnia pro simililudine ubs-
108 LABBE GILLEBERT.
dan? ses entrailles, la force dans ses mains : incom- gresse, de se rejouir d'une joie qui depasse leslimi-
parable par la saiutele do sa vie , seuiblable aiix tes du coeur et des sentiments de Ihomme. II ne
autres dans ses discours, pleiu de prudence dans faut pas inlroduire ici des transports etrangers,
ses reponses, de vie dans ses paroles. Quoi? parce mais a ce jour suffit sa joie. Vous etes doux, Sei-

qu"il fut coucu par la foi et naquit d'une vierge, il gneur, et votre esprit, esprit de suavite, a ete

n'a pas ete cori'ompu dans la mort, et il a ete eleve envoye sur nous. Vous vous attachez les ames des
dans la gloire. hommes par la I'amour avec une sorte d'af-
foi et

10. Jetaismaintenantlenombredescrorants etles fection d'epoux, vous vous rejouissez de leur


meritesdespeuples, qn'ilaunisparla foi et lacharite conversion. Qu'il est dur le cceur qui se prive de la
en quilenvoya. Oui, !e Cbrist est vraiment
I'esprit matiere de cette joie, qui en affaiblit les occasions
un grand mystere de piete, un puissant motif d'a- et en diminue les motifs. Que je serais ingrat et
mour, il s'est manifesle et a souffert dans la chair, irrespectueux, si je n'aimais pas un tel epoux, si

a ete justifie dans I'esprit. s'est moutre aux Anges, eloigne de la corrupiion, si emu a mon endroit
a ete precbe aux nations, a ete cru dans le monde, d'une tendre compassion, dirige en cela non par
si

et a ete exalte en la gloire. (I Tim. m, 16.) Qui me la necessite, mais par sapure bonte. Je vous aime-

donnera de parcourir et de reparcourir encore ces rai, o doux Seigneur, si non pour moi, du moins

degres, ces hauteurs successives de vertus et d'ceu- pour vous pour satisfaire vos desii's, pour vous
;

vres, et de dii'e « Seigneur qui est semblable a


: procurer des motifs de consolations, des sujets de
vous? {Ps. XXXIV, 10.) Qui me donnera que ces joie, au jour de votre alliance et au jour de la joie de
paroles soient ecrites dans mon co?ur, quelles votre coeur.
soient gravees avec le burin et comme dans le ro- SERMON XX!.
cher, atin que rieu ne les efface ? Votre doigt, 6
Seigneur, est im excellent burin, ce doigt qui ecri- Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon, ek.
vait sur le sol des paroles cachees, des paroles dont
les calomniateurs ue pouvaient supporter la vertu. 1. Jose vous iuviter avec confiance a la joie de
[Joan. VIII, 8. Inclinez-vous. 6 mon Dieu, et ini- ce spectacle, filles de la celeste Sion, enfants de la
primez dans mon coeur les tables de la loi. Mon Jerusalem qui est aux cieux. Vous, veritables et
coeur est de mais au contact de votro
pierre, foiies lilies de Sion, qui considerez toujours la face
doigt, la oubUe sa durete, elle flecliit et
pierre de votre pere. Vous, assemblee de plusieurs milliers
cede la ou vous la toucbez.Mais nous avons deja dit danges, je vousvous convoque. « Sortez
api>elle et
beaucoup sur la necessite ou etait I'epouse de se et voyez, sortez de ce seiu intime de la vision se-
rejuuu', et de ti-essaillir d'allegresse au jour de ses crete, du secret de la lumiere inaccessible. Notre
noces, et au jour de la joie de sou bien-aime. En ce terre vous presente im spectacle nouveau le Sei- :

jour, il y a un grand motif de se livrer a lalle- gneur a fait eclater sur la teiT« un prodige inconnu

que peccato. Diffusa est gratia in labiis, misericordia et in die laetitiae cordis sui dilecti. Magna in hac
in Aisceribus, manibus; conversalione singu-
virtus in die Icetitiae ratio, et quae cordis et afTectus humani
laris, sermone communis, prudentia in responsis, vita fines excedat. Nee est hue peregrina inducenda lae-
in verbis. Quid? quod conceptus est ex fide, natus titia, sed dici isti sufiicit hetitia sua. Dulcis es Do-
ex Virgine, non consumplus in mortc, et assumptus in mine, et ad nos spiritus tuus, spiritus
directus est
gloria. suavis. Humanas animas per tidem et amorem
tibi
10. Reticeo nunc crcdentium numerum, et merita quodam sponsi associas affectu, et de conversione la-
popuiorum, quos misso Spiritn sibi in fide et caritate taris. Durum cor quod sibi laetitiae bujus materiam sub-
socia^it. vere magnum pictatis sacramentum Christus, ducif, occasiones attenuat, imminuit rationes. mc im-
irrilamentum amoris, qui manifestalus et infestatus est pudcntcm et ingratnni, si non ego talem diligam, tam
in carne, justificatus est in spiritu, apparuit Angelis, absolutum a corruptione, et tanta circa me adstrictum
pr^dicatus est gentibus, creditus est mundo, assump- compassione, necessitati non obnoxium, et pietate ob-
tjs est Quis del milii istas discurrerc et re-
in gloria. nixium. Diligam te dulcis Domine, etsi non pro mc,
currere frequenter per lineas, et per singulos \irtutum pro te tamen: ut tuo satisfaciam desiderio, dcliciarum
et operum gradus dicere Doinine quis simihs tui? Quis
: tibi causas subministrem, argumenta laetitiae, in die des-
mihi det ut scribantur sermoiies isti in corde meo ut, ponsationis, et in die laetitiae cordis tui.
exarentur stilo, et quasi in silice scribantur, ut non de-
leantur? Bonus stilus digitus tuus, Domine, digitus quo
SERMO XXI.
scribebas in terra verba arcana, verlw, quorum vii-tutem
calumiuantes ferre non poterant. Inclina teipsum Deus Egredimini, et videte Regent Salomonem, etc.
meus, et incide in corde meo legis tu<e tabulas. La- Cant. Ill, d.
pideum est cor meum,
sed durus lapis nature oblivis-
citur ad impressionem facile cedens, ubi tu
digifi tui : 1. Et vos audeo confidenter ad Aisionis hujus invitare
incidis. Sed jam multa diximus pro eo quod oportebat la'titiam, filiae coelcstis Sion, Jerusalem quae in co-lis
sponsam la?tari et gaudere in die desponsationis suae, est. Vos vera? et plena? filiae Sion quae semper intue-
SERMONS SUR LE CAMIQUE DES CAMIQUES. 109

jusqu'a ce jour. Je vous appelle des choses de bauteurs des cieux. {Luc. ii. 13.) » Un annonce ce

reternite, a coUes du temps. C'est uue invitation que les autres counaissaient aussi bien que lui et
c'tonnante mais je ne sais comment les clio?es
: cepeudant ils entendent comme recent et nouveau,
oternelles,eu elles-memes toujours nouvelles et un evenement qui ne pouvait leur etreincounu.
admirables, paraissent plus nouvelles et plus admi- bienbeureuse nouveaute, que I'ange entend redire
rables encore en ce prodige nouveau qui a eclate avec joie (et pour ainsi dire), qu'il est heureux
sur la terre. bieubeureuse nouveaute temporelle, d'entendre publier par un autre , comme s'il

a]»parue sur la terre, qui a renouvele davantage, apprenait pour la premiere Msque ce la verite lui
aux yeux des anges, I'antique et eternelle nou- avail auTioace des le commencement. bumble et
veaute. « Le Seigneur fera sur la terre une mer- infatigable cbarite envers Dieu et k-s autres 1

veille nouvelle, la temme coutieudra rbomme. 2. II y a ici un


que nous devons observer
detail La [larole
de Dieu
{Jerem. xxxi, 22.) » Quel homme ? « Yoici cet et aussi mettre en pratique. Quel est-il? C'est qu'a lioit rtre
ecoutee
homme », dit le propbete, « Orient est sou nom. I'exemple des anges, nous ecoutions avec bumilite religieuse-
{Zach. \i, 12.) » L'Orient, la splendeur de la lu- et attention les paroles des autres , meme lorsqu'il ment lu^nie
par ceux
miere eternelle, est renferme dans le sein d'une s'agit de clioses que nous savons deja. Ce n'est pas qui la
coniiaissent
femme, dans un sein virginal, et il s'y revet de Id une parole etrangere, c'est la parole de D.eu, a dcji.
cbair. C'est la cet evenement nouveau, qui par son moins que nous ne nous I'egardions comme etran-
etrangete empecberait la foi, si des signes inouis gers a Dieu. Et quand elle serait la parole d'un
n'avaient auparavant prepare les esprits a I'admet- etranger, la matiere divine qu'elle expose lui
tre. Parmi tant de temoignages eclatants des pro- donne une grande autorite. La prendre eudegout,
pbeties et des miracles, I'esprit de plusieurs a ete ce serait marque de curiosite oud'orgueil. Les esprits AilmiralioD
dos anges
tellement frappe d'effroi, que refusaut de croii'e a angeliques a qui desleprincipe fut revelele luystere relatlTement
au invstcre
ce prodige nouveau, ils refusent aussi d'ajouter de I'incarnation, ne laisseut pas que de ladmirer
de
creance aux signes les plus evidents qui I'appuient. quand il leur est montre dans son accomplissement I'incarnation

Mais pourquoi vous inviter a sortir, vous qui de- recent, et dans la connaissance ancienne qu'ils avaient
vancez etinstniisez meme les apotres? Partoutvous de lui, et se rejouissent non-seulement de le voir de
etes altacbes a ceux qui admirent et qui annoncent nouveau, mais encore de I'entendre precber une fois
ce fait nouveau. Un ange annonce a Mai'ie quelle encore. Le Clirist est sorli a la fin des temps, c'est
concevra le verbe. (Luc. i. 26.) Cet ange annonce pourquoi ils sortent eux aussi. II sort des jours de
sa naissance aux pasteurs, il parait I'aunoncer aux I'eternite. {Mich. v. 2.) Mais, dans le temps, il sort

aulres anges aussi bien qu'aux bergers. II du sein de la femme qui I'a enveloppe. C'est

parle et les autres applaudissent . « Voici pourquoi les filles de la Sion celeste sortent pour
qu'avec I'ange une multitude de I'armee celeste adorer dans son accomplissement le mystere
cbanta , louant et disant : gloire a Dieu dans les qu'elles ont admire sans relAcbe dans son attente.

mini faciem Vos, inquam, multorum milliiim


Patris. ciat Mariae : natum pastoribus Angelus nunciat; imo
Angelorum voco. Egredimini
frequentia, vos invito et et ipsis Angclis, non tantum pastoribus Angelus nun-
et videte, egredimini de recondito illo sinu inlinia^ vi- ciasse videtur. Unus prtedicat, alii applaudunf. Facta
sionis, de secrete lucis inaccessibilis. Novum vobis est, inquit, cum Angela multitudo ctslesli.i exercitus lau-
terra nostra praestat spcctaciilum ; Novum cnim fecit dnnttum, et dicentium, Gloria in ollimmis Deo. Unus
Dominus super terram. Ab a?ternis ad terrena vos pro- annunciat, quod alii aequo noveranl ct tamcn quasi :

voco. Mira haec invitatio sed nescio quo pacto aetcrna


:
novum et recens audiunt, quod illis ignotum esse non
ilia, qua? in seipsis semper et nova et miranda sunt, in poterat. beata baec novitas, qua? angelico gaudium
eo quod racli;:n est in lerra novum, nova magis et mi- praestat aiiditui, et (ut sic dicam) deleclal illos ab alio
rabiliora refulgent. beata h»c in terris novifas tem- audire, ct quasi discere quod cos ab initio ipsa Veritas
poralis •
quffi antiquam illam et a;ternamnovitatemange- edocuit. bumilis et indefcssa devotio, et ad Dcum, et
licisinaspectibusampliusinnovavit. A'oi'Mw/flCiWDowwiM ad invicem.
super terram : femina circumdabit virum, Quem virum? 2. Est hie aliquid, quod nos iitinam obscrvemus,
Ecce, inquit, vir, Oriens nomen Hit. Oriens splendor lu- imo ct scrvemus. Quid illud? Ut angelico excmplo
cis aeterna? femineo, sed virgineo circumdatur utcro, et humileni et attcntum praebcamus auditimi alieno scr-
came vestitur. Hoc est illud novum, quod ipsa sui no- moni, etiam in illis qua? non ignoramus. Non tamen
vitate nimia credulitalcm obstrueret, si non esset inau- alienus est, qui de Deo est, nisi nos a Ueo alcnos rc-
ditis prius signis fides elicita. Dcnique inter tot et pro- putaverimus. Et si alienus est, aucloritalem illi tribuit
phetiarum prodigiorum manifesta lestimonia, ad no-
et divina materia. Nota fastidirc, aut curiosilatis est, aut

vitatem adeo quorumdam sensus obstupuit, ut


islam contumaciam signum. .Vngelici spiritiis.quibus a princi-
dum novilati fidem abrogant, signis cvidcntissimis non pio innotuit sacramcntum incarnationis, non abstinent
accomodent credulitatem. Sed quid vos ad cgrcdiendum ab admiratione in novitatis hujus exbibilionc; el an-
invito, qui ipsos etiam ubique praevcnitis et instruitis tiqua cognitio non mode visionc nova, sod novo gaudct
.\postolos? Ubique seduli cstis ad admiralorcs et an- et la-tatur auditu. In temporum line egrossus est Cliris-

nunciatores novitatis istius. Angclus concipiendum nun- tus, ideo cgrediunlur ct ipsi. Et epr-'sais ejus a diebus
.

m L'ABBE GILLEBERT.
Vn ange se montre h ra-nnonciation (Lj//-. i, 26), un se composent del^ments cpii ne se combattent pas
ange a la naissance (36. ii 9), un ange au bapteme, mais s'harmonisent parfaitement. La simplicite di-
{Luc. in, li), un ange apparait a Jesus en prieres, vine est admirable en elle-meme, mais (pour ainsi
(Luc. xxif, 43,) sert de temoin a sa resurrection dire) cetle composition est bien plus admirable par
(Luc. XXIV, U), et I'accompagne dans son ascension ce qu'elle est plus nouvelle. Je ne puis assez con-
(Act. I, 10.) De quels sentiments enflammes, pensez- templer I'artitice et xm ange lui-meme
de ce melange
Tous que brulent des ambassadeurs si exacts et des ne le une raison plus grande
pourrait. Et ceux-la ont
admirateurs si infaligables? Us parcourent tousles de I'admirer, qui connaissent mieux la pure sim-
degres de ce mystere, ils immolent une hostie de plicite de la nature divine. Elle est incomparablement
louange, une hostie de psalmodie ; ils chantent et pure, et c'est ce qui rend ce melange encore plus
un cantique a la gloire du Seigneur. Tous ces
disent admirable. Quelle est done cette mixtion, puisque
hommages sont rendus exterieurement, sansparler chaque nature conserve son integrile ? Aucune ne CombiM
elle est
de ce qui se trouve cache a Tinterieur. Et si le Sei- passe dans I'autre, et des deux il n'en resulte pas admirakl
gneur a fait eclater un piY>dige nouveau sur la une troisieme et nouvelle. Ce qu'il y a de nouveau et saaic
a coDtemp
terre, Todeur de ce prodige a parfume les cieux. c'est qu'elles sont unies en une seule personue.
La femnie entourera rhomme comme la couronne La double contemplation que Ton en fait est comme
entoure la tete. Car le Christ est la tete de I'Eglise. un cellier de vin. Les anges ont ete introduits dans
(Ep/t. \, 23. II est grandement brillant dauscette ce lieu ou coule le nectar de la majeste eternelle,
splendeur de la gloire et dans la figure de la subs- ou plutot ils y furent places des le commencement
tance de son Pere qu'il reproduit : mais il a jete sur de leur creation. Deja, a la fin des temps, ce cellier
ces lumieres eblouissantes la couleur plus sombre laisse couler sur notre terre un vin nouveau. gre-
et plus ternie de notre nature ;
plus il est obscurci. niers pleins, debordant et laissant couler de cote et
plus il non-seulement a ceux qui, sous ce
plait : d'autre leurs trop grandes richesses! Sortez, filles

voile, ne pouvaient supporter ses lueurs, mais de Sion, du cellier du vin pur vers ce vin que la sa-
encore a ceux pour qui ses vives lueurs eclat ent gesse a melange dans une coupe nouvelle. calice

dans toute leur force. enivrant, qu'il est brillant et ainsi eni^Tant par I'e-

L'iDC&niation
3. Je pretends done, que lapitie parlaquelle il a clat dont il etinceUe I La liqueur eternelle dans ce
a ete ponr Toulu s'incarner, a apporte une certaine beaute a vase est bue avec plus de charite, quoique melangee
le Christ
nne'source la dignite de samajeste. Est-ce qu'ellen'est pas plus avec la clarte c'est pourquoi lamour ne doit pas
:

de^Mnt*.*' attrarante la sublimite, quand elle s'humilie, I'im- etre melange d'autres sentiments. Qui se retiendrait
mensite, quand elle s"aneantit, la divinite, quand d'aimer quand I'immense majeste s'est mesuree i
elle s'incame? Quoi de plus beau que cette variete? notre faiblesse ? calice qui enivrez non-seulement
Je dis Tariete? C'est la contrariete qui s'r montre, les hommes, mais encore les anges, et par ce me-
contrastes d'autant plus l>eaux a contempler qu'ils lange nouveau les detournez en eux de la contem-

setemitatis. Sed in temporum fine de utero ejus egres- incamata? Ista varietate quid pulchrius? Varietatem di-
sus est qusp circumdedit eum feminae. Ideo egrediuntur co? contrarietas ^Idetur, eoad contemplandum pulchrior,
ccelestisfiliae Sion, admiratur® in completione quod quod haec sese contraria non impugnant, sed congruunt
semper admiratae sunt in exspectatione. Angclns in an- sibi. Mirabilis in se di\ina simplicitas, sed (ut sic di-
nunciatione, Angelus in nantate, .\ngelus in baptismate : cam) multo h^c compositio mirabilior, quia novior.
Angehis apparuit oranti, testis est resurgenti, adstat as- Non possum mixturae hujus artem satis mirari, et puto
cendenti. Quam vehementes putas amatores sunt tarn nee .\ngeli. Et quidem illis mirandi ratio major, qui-
seduli annunciatores, et indefessi admiratores? Per om- bus divinae naturae mera simplicitas sincerius innotescit,
nes hujus sacramenli gradus circumcunt et immolant Ilia comparabiliter mera est, et ideo mLxturam banc mi-
hostiam admirationis, hostiam vocifcrationis ; cantant, rabiliorem reddit. Quaenam hfec mixtura, cum sua cui-
et psalmum dicunt Domino. Et omnis haec veneratio que naturae constet integritas? Nam nee alterutra in al-
extrjnsecus exhibifa est, absque ca quae intrinsecus la- teram transit, nee ex utrisque quasi tertia et nova quse-
tet. Et si novum
Dominus super terram, coelos
fecit dam consistit. Novum tamen est quod in una persona
tamen novitatis hujus odor replevit. Feminacircumda- conveniunt. Contemplatio utraque quaedam est velut
bit \-irum, quomodo circumdat corona caput. Caput cella vinaria. In illam introducti sunt Angelici spiritus
enim Ecclesia Christus. Gloriosus plane in illo splen- cellam nectaream majestatis aetemae, imo a conditio-
dore gloriSB, et patemae figura substantias : sed superad- nis suae initio positi. Jam nunc in temporum fine haec
dito nostrae quodam velut fuco naturae, et colore inducto, nostra in terris cella mustum no\Tim eructat. promp-
dum sublucet, plus placet ; nee illis tantum qui secus luaria plena promptuaria exundantia et eructantia hoc in
ferre non poterant, sed in his etiam quibus pure se splen- illud ! Egredimini filife Sion de cella vini meri ad hoc
dor ille refund! t. mustum, quodmiscuit sapientia in craterc novo. calLx
Haec autem dico, quod dignatio hsec ipsa, qua vo-
3. inebriansquam prjeclarus es, et ideo claritate inebrians I

luit incarnari, quemdam \idetur attuli^e decorem dig- Liquor aeternus novo huic infusus calici majore cum cari-
nitati majestatis. Quomodo enim non plus placebit hu- tate hauritur, quamns cum claritate temperata idcirco :

miliata sublimitas, eiinanita immensitas, et di\-inita3 etiam amor esse debet intemperatus. Quis enim se ab
.

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 111


plation d e la divinite pure! Sortez, filles de Sion, ble-t-il, de volontaire parfait Dans la grice, il
passez de cette abondauce du vin pur et venez a ce nest rien qui ne vieune d'une resolution, rien qui
calice mele. Sortez et goutez combieu le Seigneur est ne plaise. Est-ce done que le bien volontairement
doux, dans Tune de ces deux choses. On contemple cboisi ne sera pas plus efficace que le mal qu'on
en I'une la nature simple de la suavite divine ; dans est contraint en quelque maniere de subir? Et vrai-
I'autre se trouvent proposes et I'usage et les indices ment la grace est efficace et industrieuse. Je ne sais
de cette suavite. Dans lapremiereonlaconsidere en lequel plus admirer, I'babilete avec laquelle elle
elle-meme, dans I'autre, en son effet dans ce der-
: s'adapte au coeur ou les resultats de salut qu'eUe
nier genre, I'une et I'autre est admirable, et je ne obtient. Dans tout bienfait, deux choses sontagrea-
sais de quoi m'extasier le plus, de I'uniou des na- bles, et la volonte et le resultat.
Ajoutez-y le mode
tures en une personne, ou de la cause qui les unit, lui-meme Rien de plus affectueux que
et la facon.
Pourqnoi trouverons-nous etrange qu'il y ait trois cette volonte. Quelle plus grande dilection, que de
> causes et personnes dans I'unite de I'essence divine "? Soyez donner sa vie pour ceux qu'on cherit ? Jesus la
:-'4h circoDS-
tances. surpris de trouver en une seule personne plusieiu's donne aussi pour ses ennemis. Les ennerais, cousi-
natures entierement conservees. En un tel sujet, deres en eux-memes, etaient aussi amis, par ce
tout n'est-il pas suave, tout ne saisit-il pas d'a- qu'ils etaient cherisavant la creation du monde.
mour? Quoi de plus abondant que les resultats de cette
U. Eufin ce qui met lecomble a I'admiration, c'est grande ceuvre ? La large effusion du Saint-Esprit
la cause qui provoque ce mystere? Cette cause em- repandue sur toute chair le manifeste suffisamment
porte avec elle I'enchainement dans le motif, I'effi- Ce sont ces flots du sang de Jesus-Christ coulant Snrtont
cacite dans le salut etlabeaute de latendressecom- partout, qui nous ont valu cette large communi- la boDt^,
la prudeace
patissante. Voulez-vous entendre exposer I'enchai- cation de I'esprit de Dieu. Apres avoir lave les hom- et I'efficacitfe

nement dans le motif? « De meme que tons meu- mes dans son sang, le Seigneur ne les inonderait- ?emarque°'.
rent en Adam, ainsi tous sont vivifies dans Jesus- il pas de son esprit ? Aussi il les purifia au preala-
Cbrist. » (1. Cor. xv, 22.) Et le meme apotre dit ble, afin de les remplir avec plus d'abondance par
encore : « De meme que par la desobeissance d'un la suite de ce meme Quant a I'enchaine-
Esprit.
seul plusieiu's sont constitues pecheurs, ainsi et par ment logique, quoi de plus consequent? Je suis
I'obeissance d'un seul beaucoup sont rendus justes. embarrasse en considerant un sujet semblable, et
{Rom. Qu'y a-t-il de plus logiquement eu-
V. 19.) de trois pensees je ne sais sur laquelle fixer mon
chaine ? C'est la une grande consequence, mais de attention, la boute ou la sagesse ou les resultats et
la part de la justice on trouve une efQcacite plus ce mystere ? Ces trois points de vue se disputent
grande encore. « Car le peche a abonde, la grace a notre reflexion et quand notre esprit se porte k
surabonde. {Rom. v, 20.) Oil il y a faute, 11 y a eu I'une, I'autre I'attire. lis me sourient tous; ils me
seduction et erreur, et partant il n'y a pas eu, sem- comblent de douceur en me causant les affections

amando temperet, quando nostrae se capacitati conteni- rabundavit et Ubi delictum, ibi seductio et
gratia.
peravitimmensa majestas? calls non hominum tan- fallacia ideo non omni ex parte volunta-
intercessit ; et
tum, sed et Angelorum mentes inebrians, et in se a rium videtur. In gratia vero nihil non ex proposHo,
conteinplatione merje nova con-
divinitatis niixtura hac nihil non libitum. Quomodo ergo non cfficaciora sunt
vertens Egredlmini
! Sion de copia ilia vini meri
filiae voluntaria bona, quam velut aliqua ex parte coacta
ad hunc calicem temperatum. Egrediniini et gustate mala? Et vere eflicax gratia et artidciosa. IScscio quid
quam suavis est Dominus. Ibi suavitatis divinae simplex magis mirer, artilicium coaptationis, an efficaciam sal-
natura prospicitur; hie suavitatis ejus usus et indicia pro- vationis. Uutrumque in beneficio gratani est, et volun-
ponuntur. Ibi in se videtur; hie in effectu sue hoc : tas, et Adde ct tcrtlum modum ipsum et ra-
eventus.
ultimo in genere utrunique mirabile est ct neseio : tionem. Nihil volunlalc hac alTcctuosius. Qua' dilcctio
quid magismirer, in una persona naturarum eompositio- major, quam ut ponatquis animan suam pro amicis suis?
nem, an compositionis causam. Quid jam in unitate At hoc fecit pro inimicis. Et inimici crant in scipsis ct
divinae essentiae tres esse miramur personas? Plu- amici, quia ante mundi constitutionem dilccti. Quid
res jam ex integro in una persona naturas mirare. opcris hujus cventu uberius? Larga effusio Spiritus su-
Quid non hie ad contemplandum suave, quidque non per omnem carnem, satis manifcstat. Effusio sanguinis
affieiat. Christi spiritualcm nobis cfTusionem impetravit. Quos
4. Denique ad admirationis cumulum causa accedit. lavit sanguine suo, quomodo non pcrfundcrct Spiritu
Causa nee consequcntia rationis, nee salvationis efficacia sancto suo? Ideo prius mundavit, ut cs.scnt super quos
caret, nee gratia compassionis. Vis audire eonscquen- altius poslea Spiritus inundarct. Ad ordinem (|uid con-
tiam? Sicut in Adam omnes moriuntur, ita et in Christo sequenlius? Coarctor in hujus materia; consideralione,
omnes vivificabuntur. Et idem ; Sicut per unius inobe- et quid potissimuni ad conlcmplanduni e tribus eligam
dieniiam peccatores constituti sunt mulct, ita et per ignoro pietatem, an prudenliaui, an proventum. Ccr-
:

unius obedientiam justi constituuntur multi. Quid con- lant hsec inter sc in conlcmplationc nostra el cum in :

sequenlius ? Magna consequcntia, sed ex parte juslitia; alteram partem intenditur, in alteram trahitur. Blan-
efficacia major. Denique, etsi abundavit delictum, supe- diuntur bfFC mihi, ct afroctionc diversa permulcont.
112 L'ABBE GILLEBERT.
diverses qu'ils produisent en moi. Je bnile, je suis faute? Non-seulement au-dessus mesure du de la
saisi, je me rejouis. Je me rejouis a cause de I'u- pech*'*, mais encore au-dessus de la mesure de la

tilite, je suis saisi en admirant la prudence, je grace. La grace abonde au-dessus de la mesure
brule en voyant I'amour plein de Loute qui s'y de I'iniquite et coutr'elle elle abonde au-dessus de
;

depense pour moi. la mesure de la grice mais non contre elle. Car lii
f*. Pourquoi separer ces trois choses?elles se con- oil I'une abonde, il est necessaire que Taulre sura-

fondent etfrequemment melees Tune et I'au-


sont bonde et qu'il soit donne avec plus d'abondance a
tre en chaque partie. Car, etle mode, et le profit, et celui qui a deja abondamment. C'est lii la mesure
la boute, oil si vous aimez mieux parler ainsi, la bonne et pressee, et tassee et debordante. La super-
prudence, le resultat et la piete; pris separement fluite se montre lorsqu'on n'a pas le necessaire

ou ensemble, ces trois elements attirent prompte- seulement, mais que de plus, les choses d'agrement
ment et retiennent longtemps n:on esprit, ils lui se trouvent sans mesure. Dans les dons de I'esprit,
inspirent admiration et tressaillement. La foi de il est des graces qui sont utiles, d'autres qui ins-
I'eglise notre mere a tresse son diademe de ces ver- truisent, d'autres qui delectent, guerissent, ornent
tus variees. Elles y marquent le nombre, le poids et rejouissent. Comment ne debordent pas des biens
et la mesure. Le nombre se retrouve dansl'ordre et qui se developpent de la sorte? Que ceci suffise
la suite, le mode dans la concorde. Le poids repre- pour expliquer le nombre. la mesure el le poids
sente I'affection plus forte de la bonte. Et certes le du diademe que la mere de Salomon composa pour
poids de la grace est puissant, il a attire sur la terre son fils. Elle lui donne une sorte de couronne de
une majeste infmie. Cette immensite depassant sans gloire, quand tile distribue avec ordre ce qu'il nous
proportion toute creature, s'est reservee dans une a pris et ce qu'il nous a presente. Vous voyez dc
mesure qui put atteindre jusqu'a notre niveau. quelles qualites de graces est composee cette cou-
EUe ne s'etend point comme si elle ne condescen- ronne. Mais quel rapport y a-t-il entre les graces
dait pas jusqu'k nous, mais elle fait goutter sur et le diademe ? « II mettra sur ta tete, » disent

nous avec mesure les dons du Saint-Esprit. Jetrouve les Proverbes, « des augmentations de graces. »
selon ma maniere devoir, la mesure dans I'effet de {Prov. IV, 9.) Le pere donne, la mere couronne.
ces dons. C'est avec mesure que Dieu nous donne Elle couronne par ce qu'elle croit, elle entoure,
son esprit. En une mesure contre une mesure : elle couronne. bon Jesus, I'eglise s'arme de vou.-,
dans la mesure de la grace contre la mesure de I'i- elle se revet de vous, elle entoure ses pieds et sa
niquite. Car comme le peche a abonde, la grace a tete de vous. Jesus entoure les pieds quand I'ame

pareillement abonde. [Rom. v, 20.) N'y a-t-il pas progresse, il quand elle arrive a la
ceint la tete,
lu mesure contre mesure? Assure ment et meme perfection. Admirable changement quand, apres
Admirable au-dela? Car la grace a surabonde. Mais a-t-elle avoir secoue la poussiere, s'il s'en etait attache
abondance de
la grilce.
seulement sm'aboude au-dessus de la mesure de la a ses pieds , le Christ « devient des choses »

Inardesco, stupeo, gaudeo pro utilitale, ad prudentiam sura contra mensuram ? Certe et supra. Superabundavit
stupeo, inardesco propter impensum mihi pietatis amo- enim Numquid lantum super mensuram de-
et gratia.
rem. licti? Non utique tantum super mensuram delicti, sed
Quid ista dispertior? Confiinduntur haec inter se,
5. etiam super mensuram gratise. Et contra et supra men-
et inuno quoque genere permiscenlur frequenter. Nam suram injustitiae abundat gratia, et supra mensuram
et modus, et commoditas, et affectio sive malis sic di-; gratiae, sed non contra abundat gratia. Ubi enim una
cere, prudentia, proventus ei pietas haec inquam tria : abundat, necesse est et altera superabundel, et detur
sive simul, sive sigillalim considerala, animum ad se abundantius abundanter habenti. Mensura haec men-
nieum et trahunt cilius, et tenent diutius, et quamdam sura bona et conferta, et coagitata, et super fluens. Super-
in admirationem exultationem convertunt. Matris Ec-
et fluitas videtur, quando non tantum necessaria supetunt,
clesiae fides laliiim varietatevirtulum ejus diadcma con- etiam exuberant voluptuaria. In donis Spiritus quaedam
texuit. Hunc ibi numerum, tioc pondus, banc mensu- sed expediunt, quaedam docent, quaedam delectant, sanant,
ram assignant. In ordinis ratione et consequentia Hu- exornant exhilarant. Quomodo non superfluunt quae
merus deprehenditur, et concordiae modus. In pondere sic excrescunl? Sed haec jam sufficiunt de numero,
pietatis affectus velienientior. Et vere vehemens pondus et mensura, et de pondere diadematis, quod Salomoni
gratiae, de coelis ad terram majcstatem immensam de- Regi mater ejus composuit. Quoddam enim illi quasi
ducens. Immensitas liaec omnem incomparabiliter exce- sertum gloriae confert dum coaptat quod nobis as-
:

dens creaturam, ad mensuram se contraxit, mensuram sumpsit, et quod nobis exhibuit. Videtis quibushocdia-
pertingendi usque ad nos. Non enim quasi non condes- dema dotibus gratiarum conslet. Sed quid de gratiis ad
cendens ad nos superexterdit seipsam, sed in mensura diadema? Dabit, inquit in Proverbiis, capiti tito aug-
nobis distillat dona Spiritus. Mensuram interpretor in menfa gratiarum. Pater dat, et mater coronal. Ipsa coro-
effectu munerum. -Ad mensuram enim dat nobis Deus nal, quia ipsa credit, ipsa circumdat, ipsa coronal Ma-
Spiritum. In mensura contra mensuram in mensura : ter. Ecclesia seipsa te, Jesu bone, exornat, seipsa te
gratise, contra mensuram injustitiae. Nam sicut abun- vestit seipsa te calceat et coronat. In perfeclione cal-
:

davit delictum, abundavit et gratia. An non hie men- ceamenlum est , in perfectione corona. Mira mutatio
! i
;

SERMONS SUR LE CA.NTIQUE DES CANTIQUES. 113


api'es avoir entoure les pieds en vient a decorer Qui n'y sente la fete? Sortez d'ici, filles de
la tete Sion et voyez, afin d'entrer vous aussi en I'amour
Pour 6. « An jour des noces et de la joie. » [Cant, ur, de ce cceur, d'obtenir la gr^ce de I'epouse, et d'a-
noces,
onronne- 2.)
Remarquoz Tordre. On pari e d'unseul jour pour voir la beaute que donne le diademe. Ne vous glo-
ent et les noces et pour le couroniicmont. Si vous le savez, riliez pas d'un nom inutile. Soyez ce que signifie
r la joie
n'y a bienhcureux etes-vous si vous lo pratiquez. Vous le litreque vous portez, des filles de la contempla-
an jour.
changez la suite, si vous voulez etre epouse avant tion. Que
la pratique reponde au nom. C'est le jour

d'etre couronne, vous voulez etre uni au Christ


si des fiancailles, et un jour de fete, il est anobli
pour partager ces joies et son repos avant de triom- par ce qu'on y accueille le Seigneur, et par lui on
plier avec lui. C'est la une anticipation heui'euse, arrive au jour plus heureux qui est celui des noces.
mais depourvue de regie, de vouloir le lit nuptial En celui-ci on ne donne pas de libelle de renvoi, le
avant le triouiplie, de desircr la joie avant le tra- divorce n'y apparaitpas : I'epouxnefait pas de ton-
vail. II n'y a qu'un jour marque pour chacune de gues sorties, il n'en fait pas meme de tres-courtes,
ces trois clioses : pour le couronnement, pour les il demeuretoujours en sa maison, Jesus-Christ qui
noces pour la joie du conir. Et quel est le cceur
et vit et regne avec le Pere et le saint-Esprit dans
de notre Salomon? « Vous etcs^ » dit I'apolre, « le tous les siecles des siecles. Amen.
corps du Christ, et les merabres de ses membres. »
ini est (I. Cor. wi, Tl .) Grandement heureux le membre SERMON XXII,
' cttur
!

appartenant a ce chef, mais cclui qui est son coeur


'
Christ. Que vous etes belle, ma hien-aimie, que vous eles belle
est parnii les principaux. Et voyez, s'il n'est pas
Vos yeux sent ceux de la colom.be, sans compter ce
coeur, celui qui est comme rechauiTe dans les en-
qui se cache au-dedans. (Cant, iv, 1.)
trailles des secrets de Dieu, dans la chaleur vitale
de ses affections, au centre de ses pensees. C'est du L'epoux ne craint pas cjue la bien-aimee ne
1.

coeur en effet que sortent les pensees et non les ac- s'enfle de ses louanges, ne perde rhuraihte, cpaand

tions. [Matlh. XV, 19.) 11 est done vraiment coeur il exalte avec tant d'eloges sa beaute. Souvent le
celui qui est place au milieu des pensees spirituel- grand desir de plaire renferme la crainte de de-
les, dans I'abondance des graces, comme dans les plaire etune devotion plus expansive diminue et
:

entrailles de la verite, dans le sein de la sagesse. enleve la securite de la conscience. Qu'y a-t-il done
Salomon nous en est donne comme un 1ype. Et la d'etonnant a ce que l'epoux applaudisse k sa beaute
meme eglise ou la meme ame est couronne, coeur et adoucisse par de tendres paroles le sentiment
et epouse. Couronne a la tete, epouse a cote, que la crainte avail apporte en son coeur? Comment,
cceur dans les entrailles. Couronne au som- n'importe quelle ame, ne craindrait pas sa diffor-
met, epouse tout proche, cceur dans I'inte- mite quand elle est unie en mariage a notre Salo-
rieur. Qu'y a-t-il la qui ne soit tres-bien place? mon ? Elle avail entendu dire qu'avec son diademe.

ubi excusso piilvere, si quis adhaeserat, de calceamen- festive? Egredimini hinc nostrae fdiae Sion, et videte, ut
to corona eflicitur. el vos transeatis in aflectum cordis hujus, in sponsae
C. hi die clesponsationis Icetitiw. Vide ordinem. Unus gratiam, in diadematis spcciem. Noble nomine casso
dicitur dcsponsationis ct coi'onationis dies.
Si istud scis, gloriari. Eslote quod esse dicimini, spcculalionis filiae,

beatiis OS Convertis ordinem, si vis prius


si scquaris. Usus ipse attcslelur nomini. Feslus enim est desponsa-
desponsari qnam coronari si prius vis ad jucunditatem :
tionis isle dies, et Dei susceptiono dignus, et ab hoc ad

ct quiefem dcvinciii Christo, quam cum Christo vin- festiviorem, qui nupliarum est dies, perlingitur in quo :

cere. Anticipatio qiiidem beata, sed non ordinafa, si ante non dalur libellus repudii, non intercedit divortium :

triumphiim thalamum tibi optas collocari si ante labo- : non abit vir via longissima, ne brevissima quidem sed
reni prssuniis la;titiam. Unus est his tribus consliiutus esl semper in domo sua sponsus Christus Jesus, qui vi-
dies : dcsponsationi, et Istitiae cordis. Et
diademati, vit et rcgnat cum Deo Patre et Spiritu sancto per om-
quod est cor Salomonis nostri? Vos, inqiiit, eslis corpus nia saecula saeculorum. Amen.
Christi, et niemhrn de membro. Felix plane quodcunque
incmbrum sed qui cor est ejus, dc prtE-
capitis hiijiis; SERMO XXII.
cipuis est. Et vide, est, qui quodani in ven-
si non cor
tre secrelorum Dei fovetur, in vitali affectionum calore, Quam pulchra es arnica men, quam pulchra! oculi tui,

in medio meditalionum. De corde cnim cogitafiones, columbarum ; absque eo quod intriiisecus latcs.
non operationes exeunt. Jure ergo cor est, qui in medio Cant. IV, a.
spiritualium locatus est cogilalionum, in pinguetudinc
gratiarum, in quodam ventre veritatis, in ulero sapien- i. Non verctur no suis intumescat laudibus, ct hu-
tial, cujus in lypo Salomon ponitnr. Equidcm una ea- militalis jacturam facial, cujus ipse sibi pulchriludincni
demquc vel Ecclesia, vel anima, et corona est, et cor, cum expressioiic lania sponsus commcndal. Frequenter
el sponsa.Corona in capile, sponsa dc latere, cor in e\ muHo placendi dcsiderio subest nietus dispbccndi
venire. Corona in summo, sponsa in proximo, cor in et proponsior devolio conscienlia* securilalem immi-
inlimo. Quid hie non oplime collocatum? Quid non nuit el furatur. Quid ergo mirum si sponsus applaudit

T. V. 8
;

114 L'ABBE GILLERERT.

au jour de ses fiancailles et de sh joie, dans cet ex.- geuses. Voila ce qu"il y avail a dire sur la nuance
ces de gloire, il etait plus joyeux que de coutume : qui se trouve enlre ces deux expressions sembla-
elle pouvait avec raison redouter un refus, si clle bles. Ce y aurait a exposer sur la beaute de
(ju'il

considerait son abjection et sa difformite. II fallut


I'epouse, a ete develnppe a son lieu avec soin et
done que, rassuree, elle reprit courage et que la joie
etendue. Un bomme, je ne sais lequel, Temportail
rappelee dans son ame teignit son visage d"une
Bernard, ffomO.
de sa scif^nce ou de son eloquence, S.
vive couleur. Car I'hDarite de lame ajoute beau-
la explique dans ses home lies de telle sorte, qu'il
coup il I'exterieur de la vie et aux oeuvres que Ion
ne convient pas que je le louche du doigt.
produit. C'est pour cela que I'epoux s'adresse en
ces termes a sa bien-aimee « que vous etes belle :
2. Ce qu'il ne faut pas negliger de considerer,
qu'apres un eloge gen-^ral de la beaute de sa
ma bien-aimeel » [C'tnt. i, Hi.) De pareilles ex- c'est

pressions se trouveut dans les passages precedents bien-aimee, I'epoux descendant au detail, s' attache
ou on lit : « Void que vous etes belle, ma bien dabord aux veux. C'est avec raison; car -si I'ceil est
aimee, vous etes belle. » C'est a peu pres la meme simple, tout le corps sera lumineux. C'est pour cela
phrase ; « Voici Ohl que
que vous eies belle... qu'il lescompare aux yeux des colombes, afin que
vous etes belle. Dans I'un
et I'autre cq droit on
)) selon la doctrine de I'evangilo, il moutre que celle
vante sa beaute, et cet eloge repete indique une qu'il aime est simple conune la colombe. Car I'aeil

affirmation energique. Mais autant que je suis ca- simple de I'mtention illumine tout le corps de
pable de le remarquer, une distinction se trouve ici lojuvre, et fait luire devant Dieu, les actions qui
indiquee. Car la oix I'epoux dit : « Voici que vous par elles-memes pouvaient luire aux yeux des hom-
etes belle, » il parte seulement de la beaute, mais mes. {Matth. vi, 6.) Car loi-sque la bonne oeuvre
en cet endroit il indique I'eclat extraordinaire de frappe au-dehors le regard, I'arae ne voit pas ia
la beaute. «Que vous etes belle, 6 ma bien-aimee, bonte qui se trouve au-dedaus, I'oeil est conune
que vous etes belle La haut c'etait la simple affir-
I aveugle par un corps brillant. Les actions sont as-
II fant
mation d'une beaute soudainement apercue, ici, sez souvent bonnes en elles-memes et avantageu- grand
def
c'est I'admiration que provoque I'eclat excessif de ses aux autres ; mais leur bonte ne revient pas a i^^j^
cette beaute. La il dit qu'elle est belle, ici, il se re- leur auteur, par ce qu'en les faisant il n'a pas eu ,
^^^^^
jouit de la voir si grandement beUe. Ici, il s'ex- I'oeil simple. Aussi olles sont tenebieuses, se trouvant d mw
prime avec un plus grand sentiment et un gout privees de la luniiere d'une intention pure. L'oeil
plus pronouce de ravissement , sa maniere de s'e- simple est done bien bon.il n'anul coin d'obscurite,
noucer indique I'emotion dune ame toute saisie : il illumine tout I'ensemble de la conduite. Trois sup-
ccQue vous etes belle, mon amie, que vous etes positions sont a faire ou bien I'ceil est tout tene-
:

belle ! » II fallait a mesure que le cantique avancait breux, ou il est tout brillant, ou il a quelque me-
que Ton adressat a I'epouse des paroles plus louan- lange de tenebres. U est tout tenebreux, lorsqu'il a

illide pulchritudine, affectumque blanda allocutione enim majore pronnnciatur cum pondere afTectuque mi-
demulcet, quern metus invcxerat? Quanam enim ratione rantis, et piolationis modus molum oblectalae mentis
deformitatem non vereatur suam hominis anima qucPli- declarat : quam pulchra es arnica mea quam pukhra I Ei
bet, quae nostriSalomonis in matrimonium adscisci- quidem in processu Cantici perfectiora ad sponsam dici
tur? Audivit ilium in diademate suo, in die desponsa- oportuit. Haec a nobis de simUium distinctione verbo-
tionis et laetitiae cordis, in ilia abysso glorife solifo fes- rum. Nam quae super pulchritudine sponss" interpre-
tiviorem poteratque jure vereri repulsam, si deformi-
:
tanda fueraut, copiose et accurate suis explicata sunt
tatis et abjectionis suae respectaret ad causam. Oportuit locis. Et quae vir (ulrum eruditior, an eloquentior nes-
itaque ut securior reddita resumeret animum, et infusa cio) suis disputavit in homilis* , nee minimo (ut • Ber <i

alacritas mentis faciem Aivido quodam colore perfun- sie dieam) digito deeuit a nobis ad discuficndum horn.
deret. Nam operum pulchro vultui pluri-
totius vitae et attingi. C
mum mentis hilaritas. Propterea in hunc mo-
adjicit Hoe vero non negligentcr attendendum, quod post
2.
dum amicam sponsus alloquitur Quam pukhra es : generalem commendationem pulchritudinis partieulatim
arnica tnea ! Similia fere dicta sunt supra in prsceden- amieam depicturus, loco primo ab oculis orditur. Pru-
tibus, ubi sic legitur Ecce tu pukhra es arnica mea, :
denter quidem quoniam si simplex oculus fuerit, to-
:

ecce tu pukhra. Idem poene videtur Eccetu pukhra es, : lum corpus lucidum erit. Et ideo columbarum compa-
et quam pukhra es. Utrobique pulchritudo praedicatur rat oculis, ut juxta Evangelii doetrinam, suam amicum
commendatio conCrmationem declarat.
ipsius, et iterata simplicem doceat sicut columbam. Denique universum
Sed quantum possum, aliquanta hie in-
ipse advertere corpus operationis simplex illustrat oculus intentionis,
nuitur distinctio. Nam ubi dicit, Ecce tu pukhra agit et facit ut coram Deo luceant opera, quae per se coram
tantum de pulchritudine : hie vero de nimietafc pul- hominibus poterant lucerc. Nam quando foris bonum
chritudinis. Quam pukhi-aes arnica mea, quam puJchral lucet opus, sed operis bonitalem non intendit animus ;

Ibi simplex attestatio quasi subito deprehensae pulchri- quasi corpore claro oculus CcPcatur. Opera quidem ipsa
tudinis ; hie autem admirallo nimietalis. Ibi aflestatur aliquoties ingenere suo bona sunt, et aliis commoda
quam pulchra ; hie oblectatur quod tarn pukhra. Hie sed operum bonitas in actorem non refunditur, qui sim-
SERMONS SUR LE CANTTQUE DES CANTIQUES. 115
en vue une action mtiuvaise ;i cause du mal tout ; 1 'epoux, vous qui ne savez pas avoir des yeux de co-
hunineux quand son regard se porte vers un acte loml)c Qnelque bonnes que soient vos actions, si
!

bon, uniqu(MneiJt par aninur dubi(ui. Mais lorsque votre esprit n'estpaspur, c'est en vain que vous vous
dans une action louable, I'intention se dirige non- applaudissez de votre beaute. Comment etes-vous
seulement vers I'acte bon, mais encore vers quel- son amie, si vous n'etes pas belle ? Comment n'e-
que autre fm on bien lorsque dans une
;
action qui tes-vous pas une ennemie, vous qui exercez votre
n'est pas bonne on aime, par erreur, le bien c|u'on malignitc dans les clioses saintes? Q|est \k le cas
croyait d'y trouver, I'u^il est en partic envahi par de ceux qui portent la malice de leurs sentiments,
I'obscurite, il n'a plus sa pure simplicite. Mais soit dans leur propre bien, soit dans celui des autres.

qu'arrive-t-il, lorsque voulant un acte lion, Tinlen- Vous nuisez a votre projire bien, quand vous ne le
tion ne se porte pas sur ce bien, mais entierement considerez pas vous attaquez celui des autres
:

surun autre? Cet ceil sera-t-il tenebreux en tout lorsque vous en concevez de mauvais soupcons.
on en partie seulement? Je suis plus porte a le Mauvaise intention, et mauvaise interpretation, Sc garder
regarder comrae entierement livre aux tenelwes. voiladeux cboses pleines de malignite toutes les ;
dans ses
prop res
Car encore que la lumiere se montre dans I'oeuvre, deux pleines de fiel, toutes les deux fausses, n'ayant actions, de
la mauvaise
il n'en parait aucune dans I'intention. Comment rien de commum
avec la simplicite des colombes, iiitoiition,

est bonne uiie intention qui ne desire pas le bien : Les yeux des colombes, sont ceux qui ne veulent et dans cellos
des autres,
ou comment est-elle simple, lorsqu'elle se cache pasetretrompes, quinesaventpas tromper. Ignortz- de la
inau\aise
elle-meme sous le voile du bien? Dans les yeux de vous que votre epoux est verite? Comment vousdi- interpreta-
I'epouse on vante a lafois et la simplicite ct la spi- ra-t-il, « ma colombe, mon amie ,» quand vous tion.

est ritualite : aussi on les appelle des j-eux de colom- n'avez pas la simplicite? La simplicite est amie de
•emier
tment
be. C'est avec raison que I'epoux loue d'abord, dans la verite : aussi ses conversations s'adressent aux
pouse. sa bien-airaee, la lumiere de ses regards, afui de simples. applaudit a la simplicite de I'epouse par
11

montrer qu'cUe lui rossemble, car il est h lumiere ces paroles « Vos yeux sont ceux des colombes. »
:

du monde. (^Aortn. viu, 12.) et cnlui, il n'y a aucunes EUe est bonne cette simplicite clairvoyante, qui
tenebres. (1 Jonii. i, 5.) Dans I'oeuvre des six jours, cxclut la simulation, de manierea ne pas s'obscurcir
il se dit que la lumiere fut creee la premiere, dans la verite. C'est chose rare
aujourd'hui sur la La simplicitd
[Gen. 1.) et en decrivant la beaute de I'epouse, on terre : son sejour est quelque part, on la
ct si est rare.

met avec raison, au premier plan, la lumiere de ses trouve assez cachee, retiree dans les trous des ro-
regards. chers, dans les cavernes des murs, et le long du
3. « Vos yeux sont ceux des colombes. » Pourquoi cours des eaux. Mais comment I'opil des colombes
avez-vous la presomption de vous croire I'amie de s'obscurcit-il? ou comment se bouche-t-il ? Quel est

plicem oculum in ipsis non habet. Ideo tencbrosa sunt, mis, tu qua? nescis oculos habere columbas? Opera
quod intentionis sincci-aj luinlne carent. Bonus itaqiie quanlumcumquc fuerint bona, si impurus est animus, de
simplex oculiis, non habens ullam partem tcnebrarum, pulchiitudine frustra libi applaudis. Quomodo arnica es,
conversationis corpus totum serenans. Aut totus enim quffi pulchra non es ? Sod quomodo non es inimica, quas

tenebi'osus est oculus, aut totus lacidus, aut habens ali- malignaris in sancto? Malignatur in sancto, qui niali-
quam partem lencljrarum admixlam. Totus tcncbrosiis gnatur in bono sivc in siio, sive in alieno. In fuo mali-
est, cum opcri malo propter lualiim intendit : totus lu- gnaris bono, cum bonum ipsum non conspicaris : in
cidus, cum opei'i bono non nisi propter bommi intendit. allieno, ciun de bono male suspicaris. Et prava inlentio,
Cum vero in opere bono non tantiun in ipsuni bonum, ct perversa interpretatio utraquc malignatio est utra-
; :

sod etiam in alium aliquem fino.m intciilio dirigitiu- vol ; quc fellca, ulraqiic falsa, habens cum coltimbarimi nihil
cum in opcfc non bono quod ini'sso Cfodobalur bonum, natiu'a commime. Oculi columbarum siml, qui nee (alii
errando diligilur aliqua ex pai'te oculus caligat, et non
: volunt nee f'allere norunt. Nescis quod sponstis luiis
;

est mera siinplicitatc purus. Quid cum opus bonum pra;- Veritas est?Quomodo dicet tibi, Colamba mea, arnica
tenditur, ot non ipsum bonum, sed aliud totum intcn- men, qua; simplicilale non gaudcs? Arnica est vcritali
ditur? Oculusnc iste iene1)rosus dicetnr, ox loto, an ex simplicilas : idco cum simplicibus sormocinatio ejus.
parte caligans? IMihl quidom magis tonebrosus ex loto l)oui(iue simplicilati amica> applaudit dicens Oculi tiii :

videtur. Nam etsi lux dcputctur in opcre, nulla tamcn coluinhiinun. IJona enim est ociilta simplicilas, ila si-

agnoscilur in intcnliono. Quomodo aulcni inlentio bona, midationcm cxcludens, ut non caliget in verilale. Hara
qii;fi bonum non optat aut quomodo simplex, quae sub
: lure hodic in terris avis : et si qua est ejus usquani Tro-
l)oni vclamine seipsam occultat? In ociilis vei'o sponsa; (]uenlia, occulta satis, el latens in foraniinibiis jiclra-,

ulraque conunendatui', et simplicilas, ct spiritualilas : in caverna maceriiP, el destipcr rivos aquaruni. Quomodo
idco columbarum dicunltn-. Et bene in aniica sua prime autem obsciiratus esl aut occnllatus est oculus columbi-
lucem commcndat, ut sibi dcmonsli'ct similom, qui nus? Quis est qui s.rculi callidilales non scctelin', qui
et ipse dicitur lux mundi, ct in quo tenebra; non illis sc uli non gaudeal, qui non anict habere, aut snl-
sunt uILt. In sex dicnim condilione lux onuiium W.m uominai'i in sc non vclil? Quis esl qui non v(M'e-
prima creata dicitur, et in descial)Oiida pulciii'iludinc cmulclui' oculos c()liniil)iiu)s, glorielur se habere niil\l-
sponsse, lucis in primis iiiduotudeconlci' est mentio. nos? Si {;iu'isli amicam dici le velis, quid tibi cum
3. Oculi tid CDliuiiharum. Quid le amicam esse pra'sii- priidcntia carnis, ([ua' iuiuiica est Doo' An islas inimi-
:.

116 L'ABBE GILLEBERT.


celui qui ne se conforme pas aux ruses du sieele, qui C'est elle qui est decrite par les yeux des colombes,
r.e he [dait pas a les emjilovcr, qui n"ainie point a te et la -
'ite, par ce que

aTuir ces iiaLilctes ou qui ne veuille qu'ou les vante _ .-_._.-Esprit, ... . ,.:«isente sous la
en lui I Qud est celui qui ne redoule pas d'axoir forme d'une oolombe. L'ne telle simplicite n'est pas
des Teui de colombe, et ne se glorilie d'avoir oeux creuse elle renferme beaucoup de graces au- de-
:

dumilan? Si tous roulez Hre appdee amie du dans.


Christ, qu'avez-Tous a voir ave« cetteprudence de « Vos yeux sont cetii des colombes, sans par-
h.
la chair qui est ennemie de Dieu? Est-ce que tous ler de ce qui se cache au-dedans. » C'est la je ne
clierchez a faire cesser ces inimities, en reunissaut sais quoi de grand et de vraiment grand, qui n'a
en Tous les deus prudences de la chair et de I'es- pas du ou n'a pas pu etr .me,
pTit? [Ram. vni, 6., L'n peu de levain gate toute la ou bien tiguri", comme les _ ... _. .... j.itl- .- .

] ile. (I Cor, V, 6. Qu'arriTera-t-il done, la ou il y que ^gne exterieur, mais qu'on livre aux soupcons
La i-rnfleTir:; :• a beaucoup de levain et pea de pate? Quelle sociele ou aux conjecliires des amss qui eprouvent peot-
ds la chair "

51 cel-e ]..iit-ii esisU'T entre la loi de la cu; '" i la loi eire dt-s sen vils. u Sa::s ce qui r

&e lesjirit
dj In. choTile? Cciie-la Be doit pas et) - . ceile- au-dedans, on ne trouve pas au-_ -. -
soat
iDCnmpcli- cj, par ce quelle ne psut etre soumise. {Horn, txu, k^ autres graces et les dons du Saiat-Esprit. Et
bles.
7.) Car ou biea la prudence de la chair repugne a comment toute la gloire de ia fiUe du roi est au de-
1
' '
ennemie ; ou bien elle
Dieu et elle est dans? Les yeux des colombes sunt pareiliement a
I'---. __.erenienl etelle est uulle ; ou bien elle re- iinterieur, la oil la simplicite de la foi puriiie les
siste, ou cede compleiement. Elle peut-etre detruite coeursetrend ed aires les yeux du coeur, laou
de maniere a ne plus exister, elle ne peut-etre ra- Ton dil qu'est cache non-seulement I'oeil, mais
j:]enee au point de s'accorder avec elle. Vous desi- I'homme de coeur tout entier. Maiis quoique toute
TtiZ done lirrer Totre bouche et votre coeur aux gloire vienne du dedans, il existe uue gloire plus
exercices de cetle prudence qui ne pent etre asso- interieure qu'une autre : et comme dans Ihomme
ciee ou soumise a la de Dieu? La prudence de
loi que dans I'interieur, il y a des tresors
exterieur, ainsi
I'esprit est rie et paix. Elle est pleine de xie, elle a plus intimes que les autres, entierement caches, con-
pour elle la pratique de la vie preseute et de la vie nus neanmoins du bien-aime seul peut-etre meme :

future. Mais la prudence de la chair s'exerce seule- quelques-uns d entre eux sont ignores de lepoiise
ment durant du temps, eUe n'aura aucune
la vie eUe-meme qtii n'a pas ainsi une parfaite connaissance
place dans ceUe qui suivra. Dans les enfers. la cu- du nombre des dous qu"elle a recus du ciel. (}u ioi-
pidite ne trouvera ni a s'esercer ni a servir, elle n'y porte que la hauteur en soit cachee, si I'huuiilite
rencontrera que son chatiment. La prudence de est sauvegardee. Votre secret est a vous, 6 bon Je-
I'esprit est paix, la cupidite est lutte. Et vraiment sus, votre secret est a vous, et seul vous trouvez vos
paix, car pour elle c'e»t etre detruite que de ne pas delicesdans Tinterieur cdche de votre epouse. Pour-
se livrer a la paix. C'est cette prudence que le Christ quoi ne nous communiquez-vous pas meme dans
rappeUe comme contribuanta labeaute del'epouse. ime faible mesure, ce je ne sais qpioi qui est cache,

citias evacnare conaris, ul ntrasqpe camis et spiritas cua talis simplicitas : multom enim subest latentis
prudentias condas in te ipsa? Modicum fermentum to- gratiae..

tam massam cormmpit. Quid erg-o fiet. ubi mnltum est 4. Ocidi tm columbarum, absque eo quod intrinsecus
f : - Tuodica"? - -
"
- -
- ''.'.- • qaid illud est, ef vere magnum,
lir - - - .
-': Non ol- — , - ^ . - _k-i non debuit, vel diei non po-
quia neguit esse subjeela. Pradeutia enim carnis legi tuit; nee aliqoo, ut gratjae ceterae, simili figurari, sed in
Dei aut repngnat, et inimTfca est : aut omniuo pent, et suspicione et conjectura sola relinquitur iis qui simiba
nulla est : aut resistit, ant ex toto desistit. Potest pe- forte patiimtnr. Ah^ou^ eo. inquil, quod intrimentx hiiei
rimi ut penilus non sit : non potest premi ut ei c-ontera- qu7- gratiae et dona ^
perata siL I'uum ersro et os et cor hujasmodi exerci- Et ^
-
;
- regis ab intus ? .

tatum optas habere pmdentia, quae leg-i Dei non potest et intrinsecus ipa ocnli columbarum, ubi simplicitas
vel associari, vel subjicL Prudentia spiritus lita est et fideicorda purificat, et illuminatos reddit oculos cordis
pax. Vitalis est enim pmdentia spiritus, usum habens ubi non modo oculus, sed totus absconditus homo cordis
vitiE quae nunc est et futurae. Prudentia vero camis in dicitur. Sed licet ab intus omnis sit gloria, est tamen
praesenti tantum eseroetur viLa, nullum in ea gme sequi- gloria gloriae respectu interior : et sicut in ipso homine
*ur, babitura loctun. Cig>iditat3s enim apud iufwos nee exteriori,ac etin illo interiori alia aliismagis sunt intima
opus, nee nsus est, sed excraciatio. Ista pax est, ilia li- et latentia penitus, soli tantum nota dilecto ' "- : -.

tigium. Et bene pax, cui hoc est evacnari, quod pad et abqua etiam ipsi sunt sponsa? ignota, nee Ci.
non vacare. Talem pmdentiam ad sponsae pul- divinitus ad plenum habet notitiam munerum. Quid
cbriludinem Cbristus commemoraL Talis in ocubs co- enim si occultatur sublimitas, dum servatnr, hamilitas'?
Inmbarum depingitur, quae simplicitatem et ^i- Secretum tuum tibi, Jesn bone, secretum tuam tibi, et
ataaikaiesa red^eat, eo good in colnmbaB figiira in abscondilis sponsae solus deliciaris. Cur non vel ad
nddligi soleaL Kon sokt esse va- modicum illud nescio quid latens nobis commonicas, et oc-
:

SERMONS SLR LE CANTIQUE DES COTTIQUES. 117


pourqnoi ne pas ebaucher celle beaute secrete qiii et si vous voulez I'entendre encore, j'avoue queje
fait vos delicesiVous nous provoqiiez davantago I'ignore. Je pourrais vous recommander cette
achercber, quand vous nous parlez de quelque pieuse simplicite, et vous exhorter a la desirer
cbose qui se cache au-dedans et vous excitez da- : vivement, puisqu'elle renferme, et peut-etre com-
vantage notre curiosite en passant sous silence uu munique un secret si inexplicable et si doux.
si grand mystere. Phis vous vous taisez, phas vous En m'efforcant de le derouler, peut-etro arriverai-
nous attirez. Quelle est grande I'etendue de cette je pu- experience on conjecture a quelque chose
douceur, que vous croyez devoir cacher puisque d'intime et de cache. Mais sera-ce celle dont I'e-
vous ne Tindiquez pas. (juoique ce soit, cest line poux parte d'une maniere si enveloppee dans I'e-
chose cachee au-dedans ; mais de ces profondeurs loge de sa bien-aimee. Quelque profondement que
cachees, il s'exhale nne odeur tres-suave Je ne sais je creuse, il restera encore quelque chose de ca-
pourtant comment il qu'en conjecturant que
se fait che. Toujours ce secret demeure enseveli dans de
ce bien cache est admirablement doux, deja je le profondes tenebres, il ne torabe ni sous notre pa-
sens entierement agreable : TalTection saisit pres- role ni sous notre pensee. Je venererai le silence
que deja ce que I'intelligence n'atteint pas. Ce se- qui enveloppe un
profoud mystere. Car quoi qu'il
si
cret est cache dans le cQ?ur de I'epouse, et consigne ne soit pas donne de savoir precisemeut en quoi il
dans ses tresors ; il n'est permis qu'a I'epoux d'y consiste puisqu'on ne I'explique pas ; il nous en est
penetrer et de parcourir les mysteres de cette gloire assez manifeste pour que nous croyions qu'il est
secrete. siugulierement doux et particulierement agreable
5. Je dis aussi qu'il n'est pas facile de deter- a I'epoux. On ne peut scruter ce qu'U est, mais on
miner par les indices exterieurs la vertu de quel- pent estimer combien il est grand, par la meme,
qu'un. Souvent sous de tres-minces apparences se qu'il n'a pas ete permis d'exprimer une chose si
cachent des biens extraordinaires. C"est pounpaoi cachee.
nous devons loner les vertus qui se produisent 6. Cependant poirr paraitre avoir dit quelque
au-dehors en ajoutant pour chacune « Sans : chose et ne m'etre pas entierement tu (car c'est la
compter ce qui se cache au-dedans. » Remarquez le but de vos instances, entendez ce qu'a mon avis
pareUlement qu'on vante dans I'epouse cette sim- on peut assurer en ce point mon explication sera- :

phcite de colombe dont nous traitons en ce mo- t-elleappropriee au present passage, vous en serez
ment. Voyez combien cette qualite est agreable, juges. Les vertus elles-memes, par leur propre na-
combien en elle-memeelle est douce etattrayante. ture, sont placees, dans I'interieur de I'^me, mais
edela Cependant elle a encore des tresors caches dans I'exercice de la plupart d'entre clles, se produit au
{^ son interieur etelle reufernie, pour user de cette dehors : quelques-unes d'elles excrcent leur puis-
nlw- expression, la moelle dun doux secret. Vous sance au-dedans. L'une fuit les delices de la chair,

cherchez quel est ce mystere! Je vous I'aideja dit. I'autre embrasse le sejour retu'e oil se cachent les

cultam, qua delectaris, figures pulchritudinem"? Plus nos simplicitatem ad ejus vos aemulationem hortari, quae
, et
ad quaerendum alliris, dum illud latere intrinsecus dicis tarn inexplicabile ct dulce mysterium continet, fortasse
nnstram amplius irritas, tantum silentio
et ciiriositatem et confert. Id autem ipsum si fuero conatus evolvere,
mysterium premens. Plus nos dum taccs, trahis. Quam forsitan ad aliquid occultum et latcns pertingam vel ex-
magna multitude dulccdinis hujus. quam abscondendam perientia, vel conjectura. Sed numquid illud erit cujus
dum non explicas. Quidquid illud est, latet in-
judicas, lam involute meminit sponsus in laude dilcctae? Quam-
trinsecus : sed de latcbris istis suavissimus odor ads- libet potuero occultum eruere, aliquid adhuc latebit in-
piraf. Nescio enim quo pacto dum illud admirabilitei' trinsecus. .\ltis illtid latet in fcnebris : nee nostro sub-
dulce esse conjicio, admirabiliter duke jam sentio : jacet vel stylo, vel Venerabor ipsum silentium
studio.
jam illud pensat affectus, ad quod non penetrat intelli- tanti mysterii. Nam quamvis non est datum definite
gentia. Conditum est hoc penes sponsam, ci signatum nosse quid sit, eo quod silctur; satis relictum est cre-
iu thesauris ipsius ; soli fas est dilecto istos ingredi, et dere quod aliquid singulariter dulce et sponso gratum
goriae latentis arcana rcvolvcre. Non potest
sit. investigari quale sit, sed potest a-stimari
5. Hoc autem dico quod non facile est virtutem cu- quam magiumi vel co ipso quod vcrbum tam arca-
sit,

jusquam ex indiciis diftinire. Frequenter cnim exiguis num non licuif.


dici
exstantibus signis, eximia sunt qua? latent intus secrcta. G. Ut tamcn aliquid dixisse videar, et non ex toto si-
Ideoque manifestas debcmus sic \irtutcs laudare, ut hac luisse, (ad hoc cnim inslatis) acripite quod mihi vide-
in singulis adjectione utamur absque eo quod intrin-
: tur in hac parte vere dici posse utnmi accommodate :

secus Ititet. Deniqucipsamhanc, de qua nobis est scrmo, ad prJBsens capitulum, vos vidcrilis. \irtulc9 ips;e sua-
commendatam in sponsam columbinaminspicifesimplici- ptc natura inlus in animo localiu sunt, sed usus qua-
tatera, quam gratifica, quam est in seipsa suavis ct pla- nmidam in exterioribus viget qua?dam vcro suam in :

cens majores tamen in se reconditos habet thosauros.


: inlerioribus excrcent potentiam. El ilia quidcni carnalcs
et dulci est (ut sic dicam) niedullata serrcto. Qua^ritis decliiiat illecoliras. isia vero spiritualium deliciarum
quid sit illud? Dixi jam, ct si adhuc vultis audirc, igno- latebras amplcxalur. Ilia vel soHicilantcs occasionos rc-
rare me fatcor. Po3sem piam banc vobis commendare fugit, vel insolentes affcctiones conipcscit; et quamvis
> ,

118 L'ABBE GILLEBERT.


deUces spirituellcs. G;lle-ci fait les occasions qui la des paroles, de derouler avec des mains moins
sollicilent ou arretentles mouvementsimportuns qui saintes, les enigmes delicates du saint des
s'elevent , et se lirre par ce temps, a \m travail en- saints et de toucher la manne cachi-e que renfer-
nureux quoique necessaire : celle-la trouve son me I'urne d'or, et que I'arclie sacred abrite dans ses
bonheur, dans des matieres <jui ne I'emportent pas flancs. Gt ncm mume de manne , iudiquc quelque
plus par Tagrement que par la bienseance. Celle-ci, chose de cache, dont on i»eut Lien plut6t dire.
d'un regard simple et d'un ceil de colombe, par- quest-ce que ceci? que declarer en que effet ce

courant les objets exlerieurs, les bait ou bien Its c'est. Et aqu'elle autre srmbokqu'a la manne com-
dedaigne; cette autre, avec une attention plus in- parerai-je cette grclce cachee? La manne est ime
quiete, passeen revue les beautes superieures, et nourriture doi:ce et celeste mais vous voyez com- :

s'enflamme a mesure quelle les considere davan- bien secretement voilee dans I'urne, dans
elle est
tage. Nous pouvons de la sorte, etablir ime certaine larcbe, dans le saint des saints, pour eloigner de!le
4es vcrtas distinction entre ces vertus, et appeler les unes ex- le regard curieiix et moins digne, le regard de cet

^tfrrwTrr% terieures, les autres interieures, les autres intimes. ceil qui n'est pas celui de la colombe, regard que
***• Les unes en effet se retirent des choses charnelles, ue dirige pas une pieuse credulite et une intention
les autres s'attacbent aux spirituelles, les autres pure. Nous vous en prions, mes freres, embrassez
goutent deja certaiDes premicesdelapatrie.Lespre- la sainte simplicrlt\ le repos de I'esprit, les medita-
mieres s'eloignent des cbarmes du monde qu'elles tions chastes, les prieres faites sans entraves, parce
meprisent celles du milieu se conforment encore a ce
: que dans ces vases et (jpour ainsi parleri dans I'ar-

qu'elles desirent spirituellement.-lesdemieresou plu- che de la meditation sainte ainsi que dans I'urne
tot celles qui sont dans I'intime delame, jouissent avec interieure de I'oraison, est placee pour nous la di-
avidite, des delices que Ykme a desirees. Dieu bon, vine refection et la portion de gloire, dont il est

que de lumiereset de delices dans ces replis! quel ecrit : « je serai rassasie quand votre gloire aura
exces de bonheur dans ces lieux retires du coeur I pani. » (Ps. ivi, li. Que sa plenitude nous confere
que de teUes solitude.s me cachent moi-meme et la vie eternelle par Jesus-Christ, a qui est Ihon-
que je puisse dire, ce verset du psaume « Cette : neur et la gloire dans tous les siecles des siecles.

nuit me iournit ma lumiere pour me delices » I Amen.


[Ps. cxxxvm, il. SERMON XXIII.
Avec qnel 7. Voici que j'ai louche quelque chose de ce qui
reipect Vos chereux sont comme des troupeaux de chores qui
doj'^r'^xre se eachait dans ce dernier degre, et c'est peut-etre
sont montees de la moiUagne de Galaad : vos deiUs
triuies
les mTsleres
(.g]^ meme ou quelque
-i i chose de semldable que
t.
Te-
comme des triiupeaiu: de brebis tondues etc.
caches poui a designe. Du reste je veux coder respectueu- ,

a I'homme. Cant, rv, 1.)


sement a ces mysteres il n'est point permis, en ef-
:

fet, de decouvrir dans un discours hardi, les secrets 1. Ce sont-la, comme vous lesavezbien. cequ'on

interim ne-eessario, molesto tamen exercitio laborat : Et ipsnm mannae nomen aliquid ostendit arcanum, et
ista tali delectatur materia, quae non jucunditate magis, de quo magis possit quaeri, quid est hoc, quam dici
quam honestate prajcellat. Ilia simplici intuitu et oculo quid sit hoc. Et cui melius quam mannae latens illud
columbino exteriores dum percumt species, vel odit comparaverim ? Dulcis quidcm et coelestis est manna
vel despicit : prospectu coelestes perlus-
ista curiosiore cibus; sed ndetis quam secrete reconditus in uma, in
trat species, perspectis amplius inardescit. Possumus ta- area, in Sanctissanctorum, ut curiosus el minus ido-
lem quamdam distinction em formare, ut dicamus alias neus ab hujusmodi aspectus arceatur, oculus ille qui
exteriores esse, alias interiores, alias intimas. Aliae enim columbinus esse non novif quern non dirigit el pia cre-
,

se a camalibus relrahunt, aliae spiritualibus intendunt dubtas. et intentio pura. Rogamus autcm vos, fratn.*,
aliae quasdam jam tenent primitias. Primae se a mundi amplectimini sanctam simplicitatcm, quietcra mentis,
illecebra, quam contemnunt, c^mpescunt -. mediae se ad meditaliones puras, liberas orationes : quoniam in tali-
id quod concupiscuDf, adhuc componunf :
spiritnaliter bus x-asis, et (ut ita dicam >
in area sanctae meditalionis
ultimap, imo intimae optatis aride jam utuntur. Deus et interiori orationis \irna, divina nobis est locata refec-
bone, quantum lucis et deliciarum in illis est tJo, et portio de qua legitur Satinbor cum ap-
jrlorisp, ;

latebris qnantns escessus in recessibus illis Uti-


! ; fianierit gloria tun. Cujus plenitudo xitam nobis .-eter-
nam tales me concludant latebrae, ut illud de nam confcrat per Jcsum-Christum, cui est honor et
psalmo (Kcere possim : Sox hwc iUuminatio mea in (fe- srloria per omnia saecula saeculorum. Amen.
hci)s meis.
7. Ecce nunc aliquid latens attigi in hoc ultimo gra- SERMO XXIII.
du, et forte vel hoc est, vel aliquid simile qnod sponsus
signariL Volo de cetero deferre mysteriis : nee enim CfipiUi ftii sunt ffrcges coprai-wn qv^ ascendermi de
fas est audaci sennone orationum arcana nudarc, el mi- monte Gaiaad^ Denlex tui sicut greges ton^rum, etc.
nus Sanctis manibus lingua? con\olu1.as delicate sanrli Cant- 4, a.
sanctorum revolvere species, et reconditum manna con-
trectare, quod aurea et uma continet, et area recludit. 1. Ecclesiae (ut bene nostis) hac blandimcnla dicuntur,
»

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 119


appelle les caresses de I'eglise, et dans le dernier il en est d'autres qui ne sont pas charges de I'offlce
discours nous avons parle de ses yeux spirituels. d'ceil et qui 1lusuroent
usurpent par
nar nresomntinn
presomption. F.t on tr,
Et nT^ en
Mais parce qu'ils sont ainsi, est-ce a dire qu'ils sont trouve frequemment un grand nombre. Qui nous
rares? Voyez tout son corps comme il est plein montrerez-vous maintenant, parmi les disciples, qiii
d'yeux devant et derriere. Ses yeux sont les Pro- a part lui, place comme sur un tribunal, ne repri-
phetes , ses yeux sont les Apulres , peisonnages mande pas, ne corrige pas, ne chitie pas les actes
divins qui predisent I'avenir ou qui annoncent ce des superieurs? Des gens de cette sorte ne sont pas
nauvais n^
g^ |igu_ ges yeux sont les intcrpretes des lesyeux des membres, mais bien comme les yeux
q^jj ^j^j;^

.ont Prophetes et des Apotres et ceux qui instruisent les des yeux. C'est absolument. comme si dans le corps
'"*° *'
peuples : par leur ministere, nous voyons et discer- de la colombe, les ailes et les plumes voulaient di-
nons ou les avantages spirituels de Tame ou ce qui nger les yeux. Je ne veux pas trop insister sur ce
cause sa ruine. Mais je ne sais, si tous ceux qui ont point, de crainte de vous troubler, mes freres.
la charge d'etre I'oeil, en remplissent la fonction. Soyez contents de votre mesure. Dans le corps de Les prilats
Chefs aveugles non seulement des aveugles, raais, la colombe, rien ne manque d'emploi, rien n'est *°"* d^s'gn^s

ce qui est plus indigne, de ceux meme qui voient, sans lionneur et les membres qui sont caches re-
: et lessujeu
par les
ne ]>araissent-ils pasoccuper laplace de I'oeil, en avoir roivent un honneur plus grand. Les cheveux de cbeveai.
rapparence, sans en avoir la vertu? Pliit a Dieuque I'epouso, ont aussi leur consideration. Si par les
cela suflit, qu'ils ne pussent prevoir ce qiiiest bien, yeux il faut entendre les prelats, qui faut-il enten-
qu'ils fussent aveugles en ce qui regards I'utilite dre par les cheveux, sinou les disciples? Excellents
commune en meme temps qu'ils ne seraient nulle- disciples, ceux qui, semblables a des cheveux, se
ment clairvoyants pour ce qui touche a leurs inte- montrent maniables et dociles aux mouvements du
rets particuliers. Mais a present, ils sont aveugles maitre comme au souffle du vent qui greles et at- :

et ruses; stupides en ce qui regarde les avantages tenues par les disciplines spirituelles, sont presque
de I'eglise, raais tres habiles pour ce qui se rapporte sans corps, sans chair, insensibles a toute injure, au
aux leurs. Mais connuent est-il I'ceil de la colombe, point qu'ils ne sentent pas le coup de I'instru-
cet ceil qui ne sert point a la colombe, qui ne voit ment qui les tranche : ils ne souffrent de veritables
pas pour la colombe et ne considere pas I'avenir ennuis, que s'il leur arrive d'etre arraches de la tete
pour la colombe : qui ne la conduit pas, mais qui il laqixelle ils etaient attaches. Le reste du corps
plutot detourne I'Eglise du chemin, et autant qu'il etant mort, ils ne retiennent
qu'un sentiment
est en lui, la fait errer par de mauvais exemples? vital, tant demeurent unis a la tete ou ils
qu'ils
C'est de ces malheureux, que I'Apotre parle : «tous prirent naissance. Voisins du cerveau, ou I'on place
cherchent leurs interets, non ceux de Jesus-Christ. le siege de la sagesse, ils semblent s'efforcer de pe-
[Phil, u, 21.) Ils^occupentla place, ils ne remplissent netrer a ses plus intimes secrets : il semble qu'ils
pas I'office, ils lepervertissent rcommeaucontraire, sont comme arraches et deracines et appeles par

et de spiritualibus ejus oculis prajcedenti dispulahim est Praelatorum opera penes se velut quodam locatus in tri-
sermonc. Sed quia laics sunt, numquid rari sunt? iVide bunali non carpat, non corrlgat, non castiget? Isti non
totuni corpus ejus quomodo plenum sit oculis ante ct re- jam sunt oculi membrorum, scd quidam oculi oculoruni;
tro. Oculi ejus Prophetaj, ocuii ejus Apostoli, qui vel quomodo si penna* ct plumae in corpore columbae ipsa
I'utura prapdicunl, vel jam facta pr.Tdicant. Oculi ejus velint oculorum dirigerc lumina. Nolo locum hunc ni-
sunt iitroi'umquc intcrpretes ct ductorcs populorum : mis urgere, ne vos, fratres, exagitare videat. Estote ves-
quorum anim;e vel commoda, vel scan-
officio spiritualia tra contcnti mcnsura. Nihil omnino in corpore columba*
dala, ct ccrnimus, el discernimus. Scd nescio, si omncs officio vacat, nihil caret honorc et ca qua*, abscondita :

qui oculi habent officium, feneant ct usum. Duces ca'ci, sunt, abundantiorem habent honorcm. Denique ct capil-
UPC lantum ca-corum, sed, quod i^di,^uius est, ct viden- lis sponsa; suns est honos. Si cuim in oculis Pnclati in ;

tium, nonnc ^idcnlur oculi lialjcrc* el locum ct spccicm, capillis qui sunt iulclligendi nisi Discipuli ? Et boni ,

scd virtulc carerc? Utinaui vel id sufficeret, et virtute discipuli, qui se capillorum more tractabiles ct llcxibiles
providcndi bona carcrent, cssentque ad conmiuncs uti- exhibent ad omnem nutum magistri, sicut ad motum
lilatcs ca'ci, dum non ad pi'ivatas arguti commoditatcs. vcnti : qui graciles ct spiritualibus cxicnuati disciplinis,
Nunc autcin ot cajci sunt, etcallidi; hcbclosad EcclcsiiP pocnc sine corpore sunt, ct pcnitus sine carne, ad omnem
liicr;i, ad prcpiia acuti. Sed quouiodo oculus est colum- insensibiles injuriam, ul ncc tondenlis instrumcnii scn-
b;p, qui columba^ non inservit, columbaj non vidct, co- tiant l;psioncm : in lioc tantum passionis sustinentca
lumb;e non providct qui columbam non ducit, scd ma-
: niolcstias, si a capile sui inha'scrunt, contingal cvclli.
gis abducil l'>clesiam, et quantmn in ipso est, pravis
Rcliquo enim emortuo corpore, vitalem ibi t.ontum son-
pra'cipitat cxcmplis? De lalibus Apostolus loquitur
sum rctcntanl; ubi capiti, de quo oriuntur, junguntur.
:

Omnes qiire sua simt qawntnt, non qua.' Jesu-Christi. Ta-


Qui ipsi vicini cercbro, ubi sapientia- dicilur recossus,
lcs occupant locum, et pcrverlunt usum : cum c diverso
sint alii, f[ui oculi non habent officium ex promotionc, quasi ad intima ipsiusarcana nitunlur intrarc :quibus hoc
scd usurpaut ex pra'sumplione. \\.\ quidem frequcns h<ec oradicari ct quasi indc cvclli videlur, ad oxteriores qua-
turba. Oucm dabis nunc ex numcro discipulorum, qui libet occasionc curas vocari. Nam qui indc sine sensu
;

120 L'ABBE gillebert.


quelque occasion aux soins esterieurs. S'ils en tom- toujours des examples plus eleves, des oeuvres de
bent sans souffrance, comment paraitront-ils y etre Jesus-Christ pour en faire I'objet de leur imitation.
nes, on y avoir prisracine? Plaisc a Dieu que tous raes actes attcstent la foi que
2. Ensuite, (jue les cheveux de I'epouse ne tom- j'ai en Jesus-Christ et que par leui-s progres conti-

bent pas, mais selevent, la suite I'explique : « vos nued, ils constituent pour moi comme une mon-
cheyeux sont comme un troupeau de chevres qui tagne de merites Que j'ai encore ramasse peu de
!

montent de Galaad. » Comme un troupean de che- pierres de ce temoignage Je crains beaucoup d'en La cn\
!

avoir reuni un grand nombre en un sens tout op- de


ploi
vres, parce que, places et trouvant leur aliment sur
ne concor
les hauteurs et tendaut sans cesser vers les cimes a pose. Qiioi done? Est-ce qu'ils ne vous paraissent point art
tear (oi
I'exemple des chevres, ils n'eprouvent pas neanmoins pas avoir entasse des temoignages non pour la foi,

de sentiments superbes, etconservent toujourscons- mais contre la foi, ceux qui vivent comme s'ils s'ins-

cience de rinfirmite de leur chair. Car I'orgueil piraient d'une foi dilTerente de la foi chretienne ?
descend, I'humilite monte. Aussi on les compare Nous voyons beaucoup de malheureux de ce genre,
aux chevres, parce que toujours ils montent vers dont on pent dire avec raison ces hommes ne vi- :

les hauteurs, et toujours aussi ils regardent leur vent pas comme s'ils se croyaient rachetes par le
faiblesse. Et c'est avec liaison, qu'ils montent de sang de Jesus-Christ, comme s'ils esperaieut une
Galaad : ce n'est cependant que sur la montagne de autre vie, craignaient un jugement a venir et re-
Galaad, mot qui veut dire ; monceau de temoignage. connaissaient enfin des preceptes evangeliques ve-
Et quel est ce mont, si ce n'est Jesus-Christ, sur la nus du ciel. Que je voudrais que des temoignages
tete duquel sont entasses tous les temoignages des de ce genre, soient en petit nombre, chez moi, je
Prophetes, a qui les Prophetes, a qui Jean, a qui prefererai, meme en trouvit aucun de
qu'il n'y ,

Dieu le pere, a qui ses propres miracles rendent te- peur que ce petit mauvais levain ne galAt toute la
moignage? Cette montagne est la tete de I'Eglise. masse de mes ceuvres pieuses.
Ne vous detachez pas de cette montagne, si vous en 3. Et, mes freres (pour meglorifier du bien com-
etes un cheveu. Pourquoi nous meuacerdenousse- mun puisque je n'en ai pas de propre a moi), si

parer etde nous detacher dela masse des autres che- vous considerez la suite, de touie votre vie et la

veux? Est-ce que votre chute rendra I'Eglise chauve? pratique de I'observance reguliere, Tensemble des
Elleest al'abride cet accident. C'est ala synagogue bous temoignages que vous entassez, ne sera pas
qu'a ete adressee cette menace »La calvitie rempla- : mince. Car a partir des vigiles de la unit, que vous De>rr-
de
cera le cheveu frise. » Les cheveux de I'Eglise sont celebrez, comme les preuiices du jour, avec une i

obfu. vai,
frises, ils se repliant toujours vers la tete, retournes affection si vigilante, et dans lesipielles, des le com- pratiqo'f
a Citeatl
vers elle par un mouvement ami, ils cherchent a mencement des veilles^ vous repandez votre coeur, du temps I
penetrer dans I'interieur. C'est pourquoi ils ne comme Teau devant le Seigneur, si, dis-je, a' partir Gillel>ei'l

tombent pas, mais ils s'elevent de Galaad, entassant de ce debut, vous voulez suivre par ordre, tous les

doloris effluunt, quomodo ibi aut nati, aut radicati cre- laad, operum Christi majora sibi semper ad imitandum
dentur? exempla cumulantes. UtinamfidciquamhabeoinChristo,
2. Denique quod non decidant capilli sponsae, sed as- omnia opera mea attestentur, et jugi profectu congesta
surgant, audi quod seqaitur Capilli tut sicut grex ca-
: acer\'um mihi ascensionis cousiituant. Quam paucos ego
prarum, quce ascendunt de monte Galaad. Quasi grex mihi testimonii hujus contuli lapides! Vereor equidem,
caprarum, eo quod in sublimibus pasti et positi, et ten- ne et in contrarium multos congesserim. Quid enim?
dentes semper ad alia ut caprae, altum tamen nil sapiunt Nonne tibi videntur non pro fide, sed magis contra fi-
sed carnalis conscii sunt infirmitatis. Elatio namque ipsa dem testimonia congessisse, qui sic "iivunt, ut alferius
descendit, ascendit humilitas. Ideo quasi caprae, quod videantur fidei, quam Christiana; ? Denique talcs quam
semper et alta petant, et ad infirma sua respectent. Et multos videmus, de qr.ibus jure dici possit isti non sic :

bene de monte Galaad ascendunt sed tamen nonnlsi in : conversantur, ut qui Christi redemptos se sanguine cre-
monte Galaad, qui testimonii acervus intcrpretatur. Et dant, qui aliam spercnt vitam, qui futurum vereantur ju-
quis ille nisi Christus, super quern 'omnia Prophetarum dicium, qui tandem e\angclica praecepta divinitus data
coacervata sunt testimonia, cui Prophetae cui Joannes, fateantur. Tali a utinam penes me testimonia pauca re-
cui Pater, cui opera ipsa testimonium reddunt ? Hlc mons periantur mallem nulla, nc modicum fermentum acer-
:

Ecclesiae caput est. Noli dc hoc monte delluere, si capil- \"um lidelium operum totum denigret.
lus es. Quid nobis separatlonem minaris, et velut avul- 3. Et fratres mei (,ut modicum de communi glorier,
sum iri a reliquorum grege capillorum? Numquid casus qui de private non possum) si totius vit;e vestrae respexe-
tuus Ecclesiae calvationem inducet.'Nescit iUa decalvari. ritis ordinc:n, et regularis observantiae cursum ; non erit
Nam et capilli ejus omnes numerati simt. Ad Synago- exiguus quem boni testimonii coaedificatis, acervus.
,

gam interminatio facta est in Propheta


ilia Erit pro : Nam si a Nocturnis vigiliis, quas impigro vclut primitias
criipanti crine calvitium. Crispi sunt Ecclesiae crincs, ad quasdam praelibatis afTectu, et cffunditis a principio vigi-
suum semper recurrentes caput, circa iUud ambitu ami- liarum sicut aquam cor vestrum ante conspectum Dei
00 revoluti, in ipsa capitis secreta conantes intrare. Ideo si, inquani, a capite singulos per gradus conversationis
capilli ejus non decidunt, sed ascendunt de monte Ga- divinae seriatim velitis incedere quid ibi reperieturquod
:
SERMONS SLR LE CAXTIQUE DES CANTIQUES 121
aiitres exercices de votre sainte journt?e, que trou- gneur, on purge parunaveutimide, mais'public,
et
verez-vous, qxii no sente la discipline, qiii ne re- meme Ce n'est pas pour les reli-
les fautes legeres.
pondeanotrefoi,qui n'ecrase lecoi-ps, D'elevelame^ gieux une faute legere de perdre legerement de
ounela dirige apres qu'elle a ete elevee? Durant memoire la pensee du Christ. SilVnnemi habile leur
la Psalmodie combien graude est la discipline dii a suggere quelque manqn.ement, estimateurs iujus-
corps, conihien plus grande est la reteuue de plu- tes en ce point, ils se I'lmputent a eux memes et
sieurs dans Tesprit, a qui ils ne permettent point de regardent, comme leur propre faute, le peche que
secarter meme
pour peu que ce soit, ou a cpii ils la fraude d'un autre a vainement essaye de leur
n'accordent de s'eloigner que fort peu, du sens des faire coaimettre. Que dire de ce travail quotidien
paroles de I'office? Car ou ils le tiennent attache des mains, qui fatigue sufHsimment le corps et le
aux formules memes, qui sont chantees, ou il n'a nourrit iegeremeat ? Les religieux ne profitent pas
licence de s'occuper que de pensees qui s'en rappro- seuls du produit qui provient de leurs mains; ce
chent; en aucun cas, il ne pent peuser a celles qui v qu'Us n'en prennent pas est donne aux indigents, a
sont etrangeres.Que siun ecart a lieu (car la pen- eux la privation , pourvu que I'abondauce soit
see de riiomme est mobile), avec quel soin cette poiu" les autres. Quelques relaches les soulagent
on conipense
faute est cliatiee, et avec quelle usure de leurs fatigues, mais dans leur corps brise, I'a-
ce retard ? Les intervalles nocturnes, eux-memes, mour briile toujours, alors les larmes secretes cou-
qui s'ecoulent entre les heures communes, ne sont lent avec abondance, lesgemissements s'echappent,
pas consacres a I'oisivete Dieu bon cette portion
. I les soupirs eclatent ceux qui sont aupres, s'ils
;

de la nuit, comme elle est sp.ns obscurite, comme etaient froids par eux-memes, pourraient se rechauf-
elle est Uluminee dans ses delices! Les prieres qui fer aux ardeurs de leurs voisins. Que dire encore de
s'y font, ont Ueu en particulier, niais elles ne de- ce sentiment qui les empeche de penser, non pas au
mandeut rien de particulier. La voix est plus basse, lendemain, mais meme au jour present, etleur fait
mais I'esprit plus applique, les prieres faites en si- Jeter tous leurs soucis dans le coeur de celui qui les
lence ont plus de feu. Souvent une priere briilante gouverne, cherchant, non la recompense, mais uni-
arrache la voix : emportee par une atiectiou pure quement royaume de Dieu. Quoi encore? Ce que
le
et pleine, elle na pas besoLu, eUe ne se sort pas j 'avals presque omis, chaque jourau chapitre, Us se
de paroles. Lamour, retentissant seul aux oreilles presentent a I'esamen de I'abbe, comme s'ils etaient
du Seigneur, dedaigne le fracas des accents du devant le tribunal de Jesus-Christ . La, chacun s'ac-
corps qui, d'ordinaire, sont egalement des encoura- ouse le premier , se hataut de devancer celui qui
gements a ceux qui commencent, et des entraves a •tiu-ait a I'accuser. Et ce silence perpetuel, et lagra-
ceux qui prient avec perfection. Quoi de plus? Aux vitede laconduite? Est-ceque ce silence n'embellit
memes heures du matin, on recommence de nou- pas tonte la vie et la revet comme de la spleudeur
veau les prieres, on multiplie les louanges du Sei- cune ravissante saintete? Le sommeil lui-meme

disciplinam noa soaet, quod non concinat fidei nostrce, qnid fuerit improbitate suggestum, sibi imputant iniqui
quod non vel corpus atterat, velmentem erigat, vel diri- in hac parte aestiiuatores, dum proprium arbitrantur ca-
gat erectam? Inter psallendum quanta est disciplina in sum, quod alienae sunt fraudis casso conatu tanluui pro-
corpore, et quam major quorumdam in mente, dum ne vocate Quid quotidiauus manuum labor, quo corpus et
ad modicum, vel certe tantum ad modicum a sensu ver- satis atleritur, et tenuiter pascitur? Labores manuum
bonim illam sinunt abire"? Nam ibi, id est in ipsis quae suarum non soli manducant; sed dc insufficieuti partiun-
cantantur verbis, aut ligatam tenent, aut ad cogRata re- tur egenis, ut ct illis sit tribulatio, dummodo aliis abun-
laxant, ad peregrina nequaquam. Quod si confingat, (fu- det. Intcrvailis quibusdam levant labores, sed fesso cor-
gax est enim mens humanai quanta statim castigant cen- pore fervct affectus. lUic tacila' lacrimaeubcrtim volvun-
sura, et mora? hujus usuras a se reposcunt ? Sed nee tup, prodcuut gemitus, crumpunt suspiria : ut qui juxta
ipsa comraunium horarum intervalla noclurna vacant. sedent, si forte ex se frigidi sint, vicinis possiut scintillis
Deus bone, bora ilia noctis, quam sine nocte est, quam acccndi. Quid denique quod non de crastino cogitant,
nox ilia illuminatio in deliciis Orationes illje privatim
! nee de hodicrno quidem? omnem ciiram ppojicienles in
fiunt, sed ppivata non petunt. Subuiissior quidem vox, ipsum qui eis praeost non privmiuru, sed solum quav
:

sed mens intensior, et preces tacitse mulfum habentacu- rcntos regnum Dei. Quid? quod pa*nc praeterieram, in
minis. Denique frequenter vocem eripit oratio vebemcns Capi'ulo singulis dicbus cxaminandi .\bbitis adstant ju-
et verbis nee eget, nee utitup, qua? puro ct pleno fertiir liicio quasi ad Cbrisli pnesentati tribunal. Ibi quisque
afToc'.u. .\mor in auribus Domini solus obstrcpens, cor- in pilmisaccusator est sui, o'-cusanti se locum aliis prae-
poialium strcpitus dedignafur vcrborum, qux sicut in- ripere festinans. Quid ipsum continuum silentium, el
choanti cxcitamenla sunt, sic impedimenta solent esse quadam compositionis gravitas? nonne tolam conversa-
perfecte oranli. Quid dcinde? ipsis horis matutinis quasi tionein venuslat, et quadam auctitalis pulcbra vestil fa-
dc rccenli orationes instaurant, frequentant confessioncs cie? Ipsesomnus quuque &a.Ltitatis testimonium reddit,
el vcrccunda, sed manifcsta revelafione etiam cxiguos nee in accrvo testiinonioruiu est Linlorum sine ronfcs-
purgant excessus. Non famcn exiguum reputont, si a sione. Nam rfliqui;e cogltationum confitentur Christo,
Christo vel tenui memoria titubant. Hostis callidi, si ubi somno corpus obruitur. Quomodo enim dormientia
; ; ,

122 L'ABBE GILLEBERT.


rend temoignage a cette sainlete, et il nest pas sans moyen de progresser. vous, qm avez le malheur
temoignace dans un si grand monceau de bonnes d'etre dans cette position, que votre chute vous
oeurres. Car les resles des pensees louent encore le sufQse. Fourquoi essayer de detruire cet amas de
Christ, quand le corps est enseveli dans le sommeil. bonnes ceuvres que les autres s'efforcent de gravir
Comoient, en effet, le religieux dormant, jxturra-t-il avec enti-ain, et pourquoi voulez-vous changer les
ne pas roulerdevant ses yeux, les images peintes et observances regidieres dont vous blimez le nom-
les idees gravees de toute sa journee? bre N'empechez point ceux qui font
et I'austerite?

k. Ne voyez-TO":s pas qu'on eleve aussi une bien; si vous le pouvez, raontez, vous aussi. Enten-
grande montagne de temoignages, avec cette diffe- dez de quelle grande hauteur les saints se sont ele-
rence, que ses oeurres se font, nou en bloc et sans ves. « Ay ant eprouve des derisions et des coups, des
ordre, mais bien soumises a une suite reglee et re- chaines et des prisons, Us ont ete lapides, scies, ten-
venant chacune periodiquement a des e]X>ques dis- tes, ils sont morts, atteints par le glaive. Us ont er-
tinctes? Ces temoignages ne sont-ils pas entiere- re enveloppes de fourrinres, de peaux de chevres,
ment dignes d'etre recus, parce quime telle sain- pauvres, a dans Taflliction, courant dans
I'etroit,

lete couTient, 6 Seigneur, au lieu de TOtre sejour ? les soliiudes, sur les montagnes, dans les grottes et

I'laise a Dieu que les racines de mon coeur, satta- dans les cavernes de la terre, tons eproines en ren-
chcnt et se luultiplient sur un tel monceau? La dant temoignage a- la foi. » Hebr. xi, 33.) Vous
haute montagne formee par une sainte vie ne salt voyez a quelle epreuve a ete soumise leur foi, a quel-
pas etre sterile. EUe est ce lieu fertile et eleve dont les difficultt-s elle a resiste. Vous demande-t-on, at-
le Prophete rappelle le souvenir : « Elle est devemie tfud-oii de vous de telles luttes? Et le temoignage
une vigne pour son bien-aime, en force et en abon- que vous rendez, bien qu'il soit dun eclat inferieiu",
dauce. {Is. v, 1.) La grande marque de la fertilite n'en est que plus recevable. parce que ce nest pas
Le relipeni
dun sol, cest la quantite des fruits qu'il produit la necessite qui vous la impose, mais bien votre
ei\ coTidaiDDe
parleit-mple comme au coutraire, la richesse du lieu fait ressor- volonte qui a accepte de le rendre.Que votre volonte
des autref.
tir la maigreur etla sterilite de larbi-e. N'est-ce pas soit done volonte, quelle use du droit de sa liberie

un arbre mauvsds, celui qui, dans un bon terrain, premiere, qu'elle se montre degagee de tout bien,
ne porle pas des fruits bons, ni meme les fleurs afin de perseverer et non pour reculer qu'elle re- !

d'une bonne esperance pour laveiur? Peut-etre, connaisse lobbgation qu 'impose cette resolution,
que les condamuaient ce fi-
vignes des alontoui's sans la regardor comme un jong, qu'elle soit sans
guier sterile, que le Seigneur ordouna de couper. entrave dans le bien, et libre toujoui-s pour le bien;

[Ltic. im, 6.) 11 est souverainement inique, se trou- en celui qu'elle a deja opere et pour celui vers le-
vaut dans une profession sainte, de ne rien faire de quel elle doit tendre, ne se croyant nullement au-
saint, d'etre confondu par I'exemple de ses freres, torisee a jeter un regard en arriere.
alors qu'on cherche des pretextes, et de disposer des 5. Exoutez saint Paul vous dire a quelle haute
chutes dans son coeur, la ou les autres tronvent masse de bons temoignages ils'eleva. « C'esl I'esprit

poterunt non versari ante oculos totius diuma? conversa- lares observantias immulare. quarum et numerum, et ri-
*
lionis imagines depictse, el in animo vig-ilare. gorem Noli prohiberc cos qui bene faciunt
causaris ?
f. Tigilatap.
4. Nonne tibi magnus
videtur testimonii acennis
hie si poles, et ipse ascende. Audi de quanlo ct quali acervo

crigi, nisi quod non acerratim


ct sine ordine fiunt isia, Sancti ascenderunt, Sancti ludibria et verbera experfi,
sed serie certa. et suis singula sunt distincta tcmpori- insuppr H
vincuJfi et carcerex. hpidati sunt, secti sunt,
bus? NoDne hfpc testimonia credibilia facta sunt nimis, tc ' ''sunt. Circuierttnt
CO quod domum tuam talis dccct sanclitudo Domine? in : . ^ \ J
^<, nugustiati, affli-
Utinam cordis mei radices super isfum denscntur acer- ti, in solitudtnibus erranies, in montibus et in speltujcif,
vum. Nescit sterilis esse tantns bonae conversationis cu- qui omnes testimonio fidei probati
et in cat-^rni? terra",
mulus. Locus est altius ct uber. qualem Prophcta com- sunt. Vides quanto sit eonim fides probata scrutinio,
memorat Vinen facUt eM dUecto in cornu, in locouberi.
: quibus testimoniis esaminala ? Quid a vobis tale vcl ev-
Et magnum plane ferlilis scli testimonium, fructuum petitur, vel exspectatur? Et vestra ha?c inferiori genere
proventus uberior : sicut e contrario loci ubertas, arbo- testimonia credibilia satis, eo quidem credibiliora, quod
ris qualitalem redarguit de infructuositate sua. .\n non non ea necessitas iraposuit, sed supposuit se voluntas.
arbor mala, quae ten-am bonam occupans, fructus con- Volmitas ergo voluntas sit, et primae libcrtatisjure nila-
dignos non paril.sednec ullos bonae spei parturit flores? tur, liberam se ad persistendum exhibeat. nou aeslimet
Forsitan et ficulneam illam sterilem, quam Dominus ad recedendum. Agnoscat necessitatis debitum, sed non
jnssit sBccidi, fertiles de vicino vineae condemnabant, sentiat jugum. In bono libera sit, et ad bonum nihilo-
Periniquum est, in sancta conversatione plantatum, nihil ninus libera: in illo quod jam tenet, et ad illud quo
sanctum moliri, et excusationes pnttcndeniem cognatis I^ndcrc debet sed ad ea quae retro snnt, nullam sibi
:

esemplis con^inci, et inde descensiones disponere in liccntiam permissam existimans.


corde suo, unde alii ascendunt, Sufficiat tibi qui talis es, 5. De quanto acervo testimonii Paulus ascenderit
descensus tuns. Quid bonorum acemim operum, quem tandem audite. Ipse, Inquit, qindem Spiritus testimo-
alii alacritate conscendunt, detrahere molliris, et regu- nium reddit Spiritui nosiro, quod sumus fihi Dei. Quan-
SERMONS SUR LE CAiNTIQUE DES CANTIQUES 123
de Dieu, » qui rend temoiguage a notre
dit-il, « on dit qu'ils s'elevent, parce que les tourments
esprit que nous somniesles tils deDieu. [Rom. viu, horribles ne les bri^erent pas, mais bien plutot les
16.) Quel monceau dans ce seul temoiguage mais ! fortiherent pour reudre temoignage avee grande
n'y a-t-il pas eu aussi un temoignage au-dehors? vigueur. Quel courage ont-Us ceux qui ne suppor-
Dieu, dit le raeme apotiv, « doanant son attestation tent pas une reprimande, meme legere, de
par des signes et des prodiges et des miracles divers, la part de leurs superieurs a une parole un peu
:

et des distributious du saint Esprit. » {Heb. ii, h.) severe, toute la force de la bonne resolution qu'ils
Place sur un tel amas de vertus et de prodiges qui avaient prise, s'evanouit. Les temoignages de ces
assuraient son ministere. « Je ne crois pas avoir ames, mainteuues par tant de secours, peuvent a
atteint le but, » disait-U. « Je fais une chose, ou- peine se soutenir ; ceux des martyrs, eprouves par
bliaiit ce en arriere, je m'etends a ce qui est
qui est tant de tourments, eclatereiit avec plus de force et
en avant. [Phil, m, 13.) Et nous,ayant une si grande d'abondance. Plus lessupplices etaient nombreux,
quantite de temoignages places sousnos jeux, depo- plus cestemoignagessemidtipliaient. Quoique livres
sous tout poids, peche qui nous entoure, par la
et le a la morttoutle long du jour^ regardes comme des
patience courons au combat qui nous est propose, brebis destinees a la boucherie, ces hommes trioiu-
jetant les regards sur I'auteur etleconsommateur de pherent partout, moutagne du martyre ils
et de la

notre foi, Jesus-Christ qui, pouvant choisir la joie, s'eleverent comme du mont Galaad. Ces saints ne
lu'efera la croix, meprisaut la confusion qui en etait combattircnt point pour conserver la vie du corps,
la suite, ft qui mainteuant trone ii la droite de Dieu. ils lutterent pour garder la foi qui fait vivrelcjuste.

A Constance {Heb. xu, 1.) Repassez en votre esprit la pensec de lis sont toujours vainqueurs, ceux dont la cause
inrincible
des saints
celui qui a soutTert de la part des pecheurs une si reste sauve. Comment ne furent-ils pas victorieux,
condamno viulente contradiction contre sa personne sacree, eux qui ou arriverent a reternite glorieuse en per-
otrelachete.
afin que vous ne lachiez jamais pied dans la fatigue sistant dans la confession de leurs sentiments, ou
de vos ames. Vous u'avez pas encore resiste jus- gaguerent par la persuasion leurs persecutem-s a la
qu'au sang. Par une juste prerogative, le temoigua- verite ? Enfin, bien qu'on les regardat comme des
ge de ceux qui ont verse leur sang pour la foi de brebis destinees au couteau, de leurs dents iiinocen-
Jesus-Christ s'appelle martp'e, c'est-ii-dire temoi- tes ils n'arracherent pas moins leurs eimemis, des
gnage. Considerezle premier martyr, saint Etienne, racines de rinfidelite, pour les cacher dans les en-
de quel amas de pierres il s'eleva vers le Christ, trailles vivaces de I'Eglise.
ames justes le suivent. « Comme untrou-
toutes les 6. N'est-ce pas la ce que signitie la suite de ce
peau de chevres qui s'elevent du mont Galaad. » passage ? « Vos dents sont comme un troupeau de
Ces glorieux athletes portaient le tresor de la foi brebis tondues. Vous remarquez quclles sont ces
»

dans des vases d'argile, mais c'etait en cela qu'e- brebis qu'on peut tondre, mais dont on ne pent
clatait la sublimite de la puissance de Dieu. Aussi briser les dents. Ou peut les tuer, on ne peut les

lus lino in lioc testimonio acervus ! Sed foris numqnid runt ad reddendum testimonium virtute magna. Quid
non perhibuit testimonium? Deo, inquit, attestnntesignis hie eis animi est, qui nee unam, et cam levem, ot ami-
et [irodigm et variis virtutibus , et Spiritus sancti dii- cam iucrcpalionem sustinent
Pra'positoruin sed ad :

Et tanien tanto constitiilus in accrvo vir-


tribulionifiu-^: unum auslerius totus liqucscil boni propositi,
vcrbum
tuluni et atfestanlium gratiarum Xonduni, inquit, nie
: quern sibi (irmavcrant, rigor? Istorum lot siiU'ulla adini-
orbitror coinpreliendisse. Unum quidem quce retro sunt nicubs tcstimonia vix stare possunt; illorum lot rcpre.-sa
oblitm, ad nnteriora extendor. Et nos crga» tantam tia- tormentis ubcrius eruperunt. An noa quanlus numcrus
bentes imposilam nubcm testiinonionim dcponentcs , suppliciorum, lantus ct acervus testimoniorum ? Elsi
omnc pondus nos peccatiira, per paticii-
et circurasluns morte alTecti tola die, et cestimarisicul oves occisionis,
tiam curramns ad proposilum ccrtamen, aspicientes in in omnibus tamensuperaverunt, et velul superascende-
auctorem fTdci ct consummatorem Jesiim, qui proposilo runt dc Galaad, de accrvo martyrii. Non enim de con-
sibi gaudio sustinuit crucem, coiifusionc contempta, at- servanda corporali vila ccrlamen inierunl Sancli, se«l de
que in dexlcra Dei scdet. Recogilatc ciiim cum qui ta- Vila tide!, c\ qua Justus visit. Ideoquc in omnibus siipe-

lem sustinuit a pcccatoribus adversus semclipsuni con- rant, quibus salva causa consislit. Quomodo eiiim non
Iradicfionem, ut ne fatigcmini animis vestris deticicntes. supcrant, cumaut persislcndo in confcsjiione redilni
Nondum enim usque ad sanguincm restitistis. Illorura sunt ;rlcrnitati, aut pcrsuadcndo pcrsecutores inl'orma-
cniin tcslimonia pru'rogaliva quadam dicuntur teslimo- verunt vcritati? Denique elsi a-slimali suul sicutovesoc-
nia, id est martyiia, qui pro tide Cliristi sangiiinem fu- cisionis, quibusdam tameu innoeuis denlibus ab indde-
dci'unt. Videte priinum ipsum martyrcm Sleplianiim dc lilatis radice liostes pra'ciderunt suos, til inter Ecelesia-

quanto lapidnm accrvo ascendciit ad Ctirisfum, quern et vilalia rccondercnt viscera.


omnes sequuntur animap Justae. Quasi grex, inquit, w- (i. .\n non hoc sibi vull quod subnectilur? Dentis-,
prnriini quir nscuderuiit de monte Galaad. (ieslabaiit iiiquit, tid i]nn<i fjrrx detunsarum. Adverlis qualcs oves
tiiesaui'iini lideiin vasis ticlilibus, sed subliinilas erat vir- ista- sini, i\\\\v possuiil (|uidein delunderi sod denies ea- ;

tulis Uei. Idco quasi asecndentes dicuntur, quod eos rum non possuni conleri. Oceidi possuni, el llocli iie-
immania tornienta non lam iulrcgcrunl, quam firmavc- queunl. Imo ipsi perseculores infix'gcrunl suos, el in-
:

I2i L ABBE GILLEBERT.

flechir. martyrs ont brise leurs per-


Bien plus, les reprimande, convainquent leurs sujets, les jugent,

secuteurs, apres les avoir ramollis par Ics formules les manifestent amenent doucement a une
et les

de I'mvincible doctrine : ik les ont coiiinie broyes meilleure conduite? Que si vous etes fort dur, si
daus leur hK)uche et transformes en I'unite du VOU5 ne pouvez etre amolli, pourquoi essayer de
corps des fideles. U fut dit a Pierre « tue et man- : rendre morjure pour morsure? Ne le faites tous Oa
ge. » [Act. I, 13.) Les dents de Moise ne furent pas pas, vous qui blAmez en secret, ou contredites ou-

ebranlees (Deut. xtti y, 7.) ; leurs dents sont des vertement ? Pourquoi preparer dent <.'ontre dent,
armes et des fleche?. Ce sont les armes spirituelles line dent mauvaise contre une dent bienveillante ?
pour servir entre les mains de Dieu a renverser les Vous pouvez mordre, vous ne pouvez devorer. Les
puissances ennemies. Ne sont-ils pas comme des dents superieurs sont des dents : ils sont durs et solides ;

de I'Eglise, ceux dont I'Apotre dit « Qu'un iufidele : ilsne craigaent pas ceux qui les blessent, se sou-
ou un :asense eatre, il est juge par tous, il est cou- venant que, comme le Prophete, ils habitent avec
vaincu par tous, les secrets de son c<£ur sont mani- les scorpions el les incredules Ez. ii. 6. , et qu'ils

festes, et ainsi tombant sur la face, il prononce sont envoyes, comme des brebb, parmi les loups,

que vrrdment Dieu est en vous. » (1 Cor. xiv, 24.) pour transformer par leur tolerance raisonnable et
Ne craignez pas, mes freres, la morsure de ces par leurs exhortations, les loups eui-memes en
dents ne sont pas des dents de cbien, mais des
: ce brebis. 21<iih. x, 16:, On les appeile, avec raison,
dents de brebis. On les attribue, en effet, a un trou- deuts de brebis « toudues, » parce qu'il ne faut pas
Les dents peau de brebis. Ce qu'on estime dans les chiens, ce fuir les morsures de ceux qm donnent a leurs infe-
des prelate
n'est pas qu'ils mordent, c'est qu'ils aboient, rieurs les exemples des bonnes ceuvres, semblables
sont
salutaires tiChiens muets, dit Isaie, ne pouvant pas aboyer; a des toisons aboiidantes,
pour oordre
Us Tices. chiens tres-impurs, ne pouvant pas etre rassasies. » 7. L'eniploi des dents ne eonsiste pas cependant

[Is. Lvi, 10). Cest comme si le Prophete reprochait uniquement a reprendre et a corriger les erreurs
k quelques personnes, d'un cote, de ne point rem- des auires. Ils en font un usage bien plus eleve,
plir loifice de chiens, dun autre cote, de se mon- ceux qui sont aptes a broyer le pain solide de la Decw
broyari le
trer semblable a ces animaux : de ne pouvoir nomTiti:T« celeste, a juger et a discemer les sens pais ~ l:de

aboyer de ne pas cesser de dechirer. Tels sout


et secrets d'une doctrine plus relevee ames fortes qui :
de lime.

ceux quisemangent etsedevorent reciproquement, n'onl plus besoin de lait, mais de nourriture solide,

et se detruisent les uns les autres. Fasse le ciel qui peuvent briser et amollir cet aliment, et le dis-
qu'il Icur suffise de se mordre et de se manger tribuer avec temperament, soit au moyen de la

ainsi, qu'ils ne tentent pas de briser les dents des dispute, soit par voie d'exposition, a ceux de le\irs
brebis. Est-ce que les dotteurs et les recteurs de freres iucapables de le recevoir dans sa solidite. et
I'Eglise ne vo\is paraissent pas coraparables a des ne pouvant prendre encore que du l.\it. Ceux qui
dents, eux qui, par les mesiires d'une bienveillante ont le sens exerce au discernement du bien et du

vincibilis doctrinae sermonibus emoUHos qaasi denlibus mordes, qui vel in occulto detrahis, velpalam cootia-
mansos, in fidellum Irajecerunt unitatem. Petro dictum dicis?Quid denlem contra dentem paras, dentem im-
est Macia et manduca. Et Moysi denies non sunt mo-
: probum contra dentem pium? Mordere potes, sed con-
ti Dectes enim eorum arma et sagitlae. .\rma spiritua-
: sumere non poles. Dentes enim sunt et durisunt et finni;
:

lia pote: t'a Dec ad debellandas munitiones. .\n non qui- et detrahentes nonmetuunt , memores se cum Propheta
dam Et^Iesiae denies, de guibus dicit .\postolus -.Intret inter scorpiones et incredulos commorari et sicut oves :

infidelii out idiota, dijudkatvr ab omnibus^ ooHvincttur misses inter lupos, ut ipsos lupos in oves rationabili tole-
ab omnib :s, occulta cordis ejus manifesta fiuat, et sic commutent. Et bene detonsarum
rantia et exhortalione
cadens in faciem ptonxuiciai quia cere in ro6i> sit Deus. quod iUorum non sint morsus fugiendi, qui
dicuntur,
Nolite fratres, istonim veteri morsus dentium : non bonorum exempla, sicut vellera qusedam, subjectis mi-
Eunt cani, sed ovini. Delonsarom enim gregi confcrun- nislrant.
tur. In canibus non dilaceratio, sed latratus conuneada- 7. Non tamen
usus dentium in alienis tantum reinor-
tnr. C4UKS muti, dicit Isaias, non valentes latrare : ca- dendis convincendis erroribus apstimatnr. Est et po-
et
nes vnpudetttisiimi, nesdemies saturitatem. Ac si qui- tior quidam eorum usus, si qpii idonei sunt solidum c<e-
bnsdam exprobret, qiiod in altero se canum officio leslis edulii mandere panem, et sublimioris doctrins
exuant, iii altero se canes exhibeanl : latrare non valen- secretos dijudicare et discemere intellectus, quibus non
'
non desinentes lacerare. Tales sunt qui invicem
tes, et jam s est, sed solido cilx), ipsumque quodam-

mordent et comeJunt, et consumuntur ab invicem. L'ti- moc .-eetinfirmarepossunt, et qnodamtempera-


nam hucusque suinciat ut in\icem mordeant et come- mento vel dispensationis vel disputationis illis sobrinm
dant, nee tentent ipsos detonsarum lacerare dentes. Ipsi reddere, qui ad solidum per se insufficientes erant, sed
doctores Ecclesiae et pra-positi nonne tibi ndenlur den- tantummodo lactis participes. Quodam enim solidioris
tes quid?m, qui redargutionis benevolaf velut morsibus inslrumenti sd mandendum utuntur ministerio, qui
subjectos convincunt, dijudicant, manifeslant, et ad me- exerx'iiatos habeni sensiis ad discretionem boni et mali
liorem emolliunl statum? Quod si tu praedurus es, et imo eliam boni et boni, non tantum judicantes inter
cmolUri con poles, quid remordere paras ? An non re- noctem et diem, sed omnem judicantes diem. Et jure
,

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 125


mal, se servent pour manger cVun instrument plus ces ames sortent sans toison et du lavoir, c'est-Ji-
solide ils discutent le bien et le bien, prononcant
: dire qu'elles n'ont rien de leur ancienne charge,
non-seulement entre le jour et la nuit, mais meme rien de leur ancienne souillure. Vous remarquez
jugeaut tout jour. Le texte porte aussi, avec I'aison, qu'il ne vous sufGt pas d'etre tondu, d't-tre de-
qu'eUes sortent « du bain; » par cette parole, il charge, d'etre lave et d'etre devenu nouveau, si
loue ceux qui s'appliquent a se purifier le coeur, vous ne montez de suite apres, si vous ne mar-
parce que la connaissmce de Dieu est promise a chez sous I'inspiration de I'esprit, vous qui etes
Cclui ceux qui ont le coiur pur. Vous voyez combien doi- renouvele par I'Esprit ? « Si nous vivons par I'es-

les TutnTs*^
^^^^ ^'^'"^ riches en vertus et irreprehensibles, ceux prit, dit I'ApiMre, marchons par 1 esprit. » [Gal.
doit etre qui sont charges de blamer et de reprimander les V, 25) . Si done vous vous disposez i monter, mon-
'
fantes des autres ; combien il faut que riches ct tez toujours, ayant pour point de depart le lavoir,
purs de cceur soient ceux qui remplissent la fonc- toujours renouvele, toujours pur. Chaque imit,
tion de distribuer lanourriture de la divine parole; arrosez voire de vos
larmes. Si le peehe ne
lit

en quelle obligation ils sont d'etudier les sens ca- vous enveloppe pas comme la nuit il vole sur ,

ches de la doctrine profonde, de sonder les secrets vous comme un nuage ; lavez-le neanmoins cha-
iutimes de la sagesse et de ruminer en leur esprit que nuit, detruisez par vos larmes meme les ves-
ce qu'ily a de plus moelleux. tiges des moindres fautes. C'est dans la vallee des j, ,., , .

Vos dents sont comme un troupeau de brebis


8. « larmes que se trouve la place du lavoir. Pourquoi puriGer id

tondues. » Pourquoi done comme un troupeau ? conserver les souillures et les traces des peches que q"e^de les
Assurement parce que les dents de I'Eglise iie s'at- vous avez amassees, et les reserver pour etre puri- ''^server

taquent pas entre elles, ne se dechirent point elles ; fiees dans le lavoir du siecle a venir ? Que "-avez- le I'urgatoiM
s'accordent et s'harmonisent dans I'unite et la sim- vous si ce ne sera pas plutot une fournaise qu'une
plicite d'uu meme sentiment, a Comme un trou- fontaine ? Ce que vous pouviez facilement expier
peau de brebis tcudues qui sont sorties du lavoir. » et enlever ici-bas, sera purge dans I'autre inonde,
Car, deposant le vieil homme, dechargees d'un non dans la misericorde, mais dans I'esprit de juge-
fardeau inutile, purifiees, ces ames montent joyeu- meiit et de feu. Et bienheureux celui qui sort de ce
ses vers ics hauteurs. Car les vieilles toisons monde comme d'un lavoir, et non comme d'un bour-
deviennent a charge lorsque les uouvelles se bitr, ii'ayant rien a nettoyer en lui, mais se trouvant
mettent a pousser ; quand I'hiver a passe, la pluie entierement pur. 11 sera bien digne de presserde ses
a cesse et s'est retiree. C'est pourquoi si vous dents blanchies, c'est-a-dire des sens de son ime, le
croyez encore necessaire de vous router dans la pain des anges non plus le pain de la douleur,
vieiUe et inutile toison des choses legeres et su- mais plutut ce pain qui rejouit le cceur de Thorn me :

pei'tlues, les froids de I'hiver d'une ame gelee ne ce pain que designa le Prophete quand il dit : « Je
sont pas passes pour vous. C'est a juste titre que serai rassasie quand votre gloire se montrera a

de Lavacro ascendere dicit, ut mundando cordi studio- spiritu etambulemm. Tu igitur si ascendere disponis,
sos probet, eo quod mundis corde sit divina repromissa asccnde semper de lavacro, semper novus el mundus,
cognitio. Vidcs qiiomodo lautos, et irreprehensibiles esse Lava per singulas noctes ledum tuum lacrymis. .\ut si
opoitet COS, qui alioi'um excessus debent remordere et te peocalum non quasi nox involvit, sed sicut nubes
corripere : quomodo lautos et mundo
corde, qui divini pra'tervolat tu tamenlavare per singulas nodes, etiani
;

sermonis dispcnsarc debent alimoniam, et arcanos se- levium vestigia dclictorum lacrymis dele. Hie cnim in
crclioris verbis discuterc sensus, sapientia? iutima limari conviille lacrymarum locus est lavacri. Quid est quod
et ruminare viscera. sordes congest;is, et peccali purgamenta futuri reservas
8 Denies Id quasi grex detonsarum. Quarecrgo quasi lavacro sa;culi ? Quid scis si non erit illic connatorium
grex Utiquc quod seso non impugncnt, ct adversentur
! magis, quam lavacrum ? Nam qua; hie facile poterant
sibi, sed in siinplicitiite ct unitalc sensus sui concinunt ablui, ibi non tarn in miscricordiae, quam in spiritu ju-
ct concordant EcclosicC dentes, Quasi grex detonsarum dicii et ardorispurganlur. Et felix qui de saculo, non
qua; ascenderimt de Lavacro. Vctcrem enim dcponenlcs quasi de cu;no, sed quasi de lavacro ascendit, non habeas
homincm, et onere supervacuolevati ac loti, alacrius ad neccsse ut aliquid in se lavel, sed est mundus lotus. Istc
supcriora conscendunt. Siquidem ipsi pill veteres oneri plane dignus habebitur dcalbalis dcntibus, id est animae
jam esse incipiunt, cum primo nova vellcra germinant, sensibus,panem .Vngidorum manducarc non jam pa- :

cum hiems transiit, cum imbcr abiit et reccssit. Ideoque ncm panem qui la>(i(icat cor hominis
doloris, sed il- :

si veteri et supervacuo levium et inanium rerum vellere ium utique panem quem signilicavit propheta dicens :

te involvi a<\\mc necessarium duels, nondum tibi hiema- Satiador cum apparuerit gloria tua.S'ic enim ilia gloria
lia congelala; mentis frigora transierunt. Bene ergo dc- dum non apparet, pascit; reficit dum rcvclatup. llujus
tonsi ct de lavacro ascendant, quasi nihil vetcris vcl siquidem g'ori;e revclalio plena, quid est, nisi snpienlia
sarcina^ vol sordis habentcs. Attcndis quod non tibi suf- vera? Qua; nos ad seipsaui edondum invilans, non ali;i3
ficitdetonderi, non sufficit exoncrari, non sufficit loluni a nobis mandilur, nisi cuni illam medilanuir \i-lut vila-
et novum fieri, nisi slatim ascendas, et spiritu incedas, les pura; mentis delicias, el indencieiilem refcctioneui.

qui renovaris in Spiritu? Si spiritu, inquit, vivimus Hie ergo purg^atoa ct cxercitalos animi scusus liabcamus,
,

126 L'ABBE GILLEBERT.

moi I » [Ps. XVI, IZi.) C'est ainsi que cl-IIo gloin? seulement la beaute, c'est aussi rulilib* qui plait
iiourritquand clle ne parait pas, et contente par- dans les denls. Quoidonc? Comment saint Jean,
faitement quand elle est revelee. Qu'est-ce que la dans I'Apocalypse, mangerait-il le volume qu'un
ph'inti iv\ rlation de cett<! gloire, sinou la veritable ange lui presente ferme, s'il n'avait pas de dents ,

sagesse? Elle nous invite a la mangor fllf-ni("'ine, propresii broyer une nourriture de ce genre ? (.1/;.

et elle est mangee lorsque nous la niedilons comiue x, 10.) Un livre enlier paraissait une nourriture
delices pleines de vie d'un esprit jmr, et coninie dure, c'est pourquoi il fallait des dents qui le

Meditation refection toujours suffisante de Tame pii-use. Ayons broyassi^-nt et le rendissent niou, afin qu'il pt'it, plus
^"'^'^ '' ^^^ egard ks sens de lame purities et exer- facib-ment etre recu corarae une aliment. C'est L'intciligw
gloi^e^c'^Ieste
ces, non plus pour discei'ner le bien d'avec le bonne dent que rintelligence exercee, que I'inlelli- paria'je*i
mal, mais uniquement pour savourer nn bien si gcnce spirituelle ; elle juge tout, elle discute tout,
Appliquons-nous souvent ici-bas a ce
considc'rable. elle rumine et examine tout, meme les pi'ofondeurs

que nous ferons la-haut sans relacbe. Remplissons de Dieu elle mange meme la moelle du volume
:

souvent, par avance, I'emploi qui nous y occupera scelle et les entrailles intiraes de la sagesse. « Le
sans nous lasser jamais. Que notre grande alFaire sot, » ainsi qu'il est ecrit, plie ses mains et mange
sur la terre soit celle-la meme qui sera notre uni- ses entrailles. » [Eccl. iv, 5.) C'est un mets sanglanf
que dans le ciel. Car la contemplation de la sa- un mets charnel ; irperit, et meme, ce qui est plus
gesse, c'est I'eterneUe refection. ne revient Rien fort, il fait perir. Qu'il est plus doux et plus utile
avec plus de douceur sous les dents spirituelles de de se nourrir des entrailles de la sagesse et des
I'ame, que ce Pain vivant qui dit a son pere « La : secrets de la parole sainte I Celte nourriture, les
vie etei'nelle, c'est de vous connaitre, vous le vrai dents sanglantes ne la peiivent atteindre ; elle n'est

Dieu, ut celui que vous avez envoye, Jesus-Christ, » touchee que par celles qui sont pures et blanches,
{Joan XVII, 3.) qui vit et regne Dieu dans tons Ics parce qu'elle est la lueur de la lumiere eternelle ;

siecles des siecles. Amen. et il est dit que les dents de I'epoux sont plus blan-
ches que le lait. C'est pourquoi il vante celles de
SERMON XXIV. I'epouse qui sont semblables aux siennes : « vos
dents sont comme un troupeau de cbevres, qui
Toules ont double acjneau ; il n'y en a point de steri-
sortent du lavoir. » II faut qu'il ait les sens de son
les parmi elles. Vos li-vres sont comme une bande-
ame, non-seulement propres, mais encore libres,
lette d'ecarlate. (Cant, iv, 2.)
celui qui les prepare a recevoir les commimica-
1. Dans le discours precedent, vous avez entendu tions intimes de la parole divine.

vanter les dents de I'epouse. C etait avec raison : 2. « Toutes ont double fruit, il n'en est pas de Y.\\e est

rien n'egale la beaute des dents quand elles sont steriles dans leur nombre. » C'est sterilite si vous sterile si e

blanches et placees en rangs egaux Ce u'est pas vous contentez d'un seul fruit. Si vous avez pu affection.

non jam ad discretionem boni et mail, sed tanlum ad rent durum, ut le\1us deglutiri posset. Et bonus plane
perceptionem tanti boni. Actitcmus hie crcbro quod ibi dens inlelligentia csereitata, intelligentia spiiitualis, qu;e
continue agemus prseoccuperaus frequenter, in quo in-
:
omnia dijudicat, omnia discutit, omnia ruminat et scru-
desinenter occupandi erimus. Summum nobis hie nego- tatur, etiam profunda Dei quae etiam ipsam involuti
:

tlum sit, quod .solum ibi erit. Contcmplatio nanique sa- libri mcdullam mandit, et intima sapientiae comedif vis-

pienfiae, apterna lefeclio est. Nihil oninino spiiifn;dibus cera. Stultus, sicut scriptum est, complicat inanm stuiv,
anini!!' deiitibus dulcius ruminalur, quam illc panis vi- et comedit viscera sua. Cibus istc cruentus, cibus carna-

vus, qui patri ait : H(ec est vita interna, ut coijnoscant lis est, cibus qui peril, imo qui pcrimit. Quam dul-
te verum Deum, et rjuem misisti Jesum Christum, qai vi- cius et utilius viscera sapientiap comeduntur, et sacri
vit et rcgnat Dens per omnia saecula saeculorum, Amen. vcrbi arcana? Non potest crucntis attingi dentibus, sed
lotis et candidis, quia candor est ipsa lucis a-tcrnae, et
SERMO XXIV. ipsius sponsi denies lacte candidiores dicuntur. Prop-
terea tales in sponsa commendat, qui suis sint similes :

Omnes gemellis fcetibus, et sterilis non est in eis. Sicut Dentes tui sicut grex detonsarum, qu<e ascenderunt de
vitta coccinea labia tua. Cant. 4. a. lavacro. Non modo lotos, sed et liberos oportet mentis
sensus habere, si quis illos ad divini verbi scrutinium
1 . .\udistis prapcedenti commendalos sermone sponsa^ parat.
denies. Jure quidcm -.quod non exiguasit pulctiritudinis 2. Omnes gemellis f(£tibus,et sterilis non est in eis.
ratio in dentibus candidi sint, si a»qualiter
posita, si Sterilitas reputatur, si vel uno fueris foetu contentus.
conserti. Noc tantum aptitude, sed et utilitas in denti- Si potuisti ad sacratum aliquem in scripturis intellectum
bus placet. Quid enim ? Joannes in Apocalj-psi involu- pertingere, unum jam peperisti foetum. Bonus profec-
tum, quod sibi ab Angelo porrectum est, quomodo co- tus et ingens, sed insufficiens sacrato sensui, si afFectus
mederet volumen sine idoneis ad talemcibum dentibus? non respondeat. Sterilis est intelligentia, quam non co-
Durus videbatur cibus libci integer et ideo dentibus : ffiva et germana comitatur devotio. Ubique ibi in scrip- I

opus erat, qui ilium comminuerent integrum, et emolll- turis spargitur quasi semen quoddam, unde gemellum
;.

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTFQUES. 127


atteiudre a un sens sacre dans la saiute Ecriture, tendre emettre une pensee autre que celle-ci La :

vous avez dejii produit un fi'uit. C'est un bon et un parole enllammee a perdu en moi son efficacite,
grand mais ce resultat n'est pas ii la hauteur
pjolit, elle ne me brule pas, elle ne m'enflamme pas, elle
de ce sens obtenu, si laffection u'v correspond pas. nexerce pas en moi sa vertu fecondante? Cet
I/intelligenee est sterile, si elle nest accompagnee bomme impute sa sterilite a la parole de Dieu qui,
d'uue devotion sceur et de mome ago. Partout vous la autant qu'il est en elle, croit et fructiQe. Quel sujet Pourquoi
trouverez ropandue dans les saintes Ecritures, coin- de vous glorifier, mo a frere qui parlez de la sorte, la semence
de la parole
me une sorte de semence, d'ou peut-etre concu ce quel sujet de vous glorifier de ce que la parole di- ne fructifie
pas en
jumeau. Tout y est non-seulement subtil, mais vine ne vous edilie pas. Peut-etre que les vieu.x plusieurs.^
suave. La loidu Seigneur est lumineuse, (Pi. xvni, 9.) elements, qui etaient en vous, n'ont pas encore ete
el sa parole est pleine de feu. La parole de Dieu est arracbes et renverses, et c'est pourquoi les plantes
sterile en vous, en tant qu'elle n'y produit point nouvelles ne peuvent pas etre placees par-dessus ;

I'un ou I'autre de ces effets. Si voyant par I'in- ilest impossible qu'elles
y germeiit et y arriveut a
telligence, voire cceur est saisi d'un froid gla- leur parfait developpement. Heureux celui
en qui
cialj est-ce qu'alors la veiiu briilante de la parole I'bumeur do lamour du moude a ete dessecbee et
de Dieu n'est pas sterde et sans efl'et en vous ? Car a perdu sa force en lui, I'energie de la parole
:

encore que la fonction du feu soit d'eclairer, nean- de feu produit facilement ses etfets. Cette parole
moins sa priucipale force consiste a bruler : « La luit et brule. Qu'elle conserve-
en vous cette double
parole qiii sortira de ma
bouche », dit le Seigneur, puissance, concevez de semence un double cette
« ne reviendra pas a moi vide, mais elle fera avec fruit. On regarde comrae sterile le sein qui ne le

succes ce pourquoi je Taurai envoyee. {Is. i,v, li.) donne pas, Dans le Cbrist Jesus, ce n'est ni la cir-
Pourquoi est-elle envoyee? Vous en avez Texplica- concision qui vaut quelque cbose, ni lacbair, mais
tion dans I'EvangUe « Je suis venu mettre le feu
: bien la foi operant par la cbarite. [Gal. v, 6.) « La
sur la terre, et quel est mon desir, sinon de le voir cbarite, voilaun tres-bon fruit » elle est comptee ;

sentlammer ? [Luc. xii, U-) » La parole de Dieu est parmi les fruits du saint Esprit. La double charit*^
une semencp, et c'est par elle (comme on le lit au est commeces deux jumeaux dont ils'agit ence lieu.

livre de Job,, « que la luraiere et la cbaleur sont « Vous aimerez le Seigneur voire Dieu de tout votre
repandiies sur la terre. (Job. xxxvui, Mais je 2Zi.) » coeur, et de toute votre ame et de tout votre esprit.
no sais pourquoi la lumiere s'est repandue et pour- Voila le plus grand et le premier commandement. Le
quoi les bommes ont plus aime la lumiere que la second lui est semblable : vous aimerez votre pro-
cbaleur, a moins qu'Us se ri'jouissent plus de la lu- cbain comme vous-meme. [Math, xxii, 38.) » Celui-la
miere, eux qui n'embrassent pas I'etre meme qui luit est le premier, celui-ci est le second : I'un et I'autre
Est-ce qu'un feu qui ne bri'Ue point, ne vous semble sont tres-grands, parce quel'unest semblable a I'au-
pas avoir perdu ou oublie sa nature ? Quand vous tre. Ces deux fruits jumeaux sont bons etils suffisent,
entendez um
personne se glorifier presque et dire : en eux cousiste la loi et les propbetes. « Et la fin
Ce passage de I'ecriture ne m'ediiie pas, est-ce en- du precepte, c'est la cbarite. (1. Tim. i, 5.), » vertu

hunc possis foetum concipere. Non tantiim siibtilia, scd talem? Sterllitatem suam impulal vcrbo, quod, quantum
suavia ibi sunt omnia. Et praeceplum Doniini lucidum in se est, crescit ct fruclilicat. Quam gloriosa, frater,
eloquium. Sterile est in te verbum Dei,
est, et ignituni jactantia, quod non to scrmo divinus ledificat, qui ista
ex qua parte horuni alterulruni non operatur. Si per loqucrls? Forsilan evei-sa ct evuls;i noudum sunt, Ve-
intelligentiani vidos, sod gclido adhuc riges alTeclu tera ideo nova supera;dilicari non valent, non geruiinare,
nonne slcrilis et inefficax reputatur in te verbi Uei vir- non gigni. Felix in quo amoris mundani desiccatus est
tus iguea? D.nique etsi ad igneai special ut illumiiiet, humor, et vigor deficit : in eo facile igniti verbi vis ope-
multo ampljus uf succendat. Verbum, inquit Dominus, ratur. Verbum Dei ct lucct et Neutra in te vir- ardet.
quo// erjredietur de ore meo, non revertetur ad me va- tute privctur, scd geminum deisto seminc concipe fa*-
cuum, sed faciei et prosperabitur in his ad quce miti tum. Sterilis reputatur uterus qui islis fci'libus non gra-
illud. .\d qua;? Ilabes in Evangelic: Ignem veni mittere vidatur. In Cluisto Jesu neque circumcisio aliquid va-
in lerram, el quid vo/o niii ut succendat ur ? Semen est let, ncque pra'pulium, sed fides qua" per diiectioncm
verbum Dei, et in eo (sicut apud Job legis) el lux, el operatur. Bonus plane foetus dilcctio : quia carilas in
astus spurgilur super lerram. Sed nescio quo paclo fructibiis Spiritusconnumcratur. Deuiquc vclut gemelli
lux amplius germinavit, et dilexcrunt homines magis foetus gemina caritas. Diliyes domiuum Deuin tunm ex
lucem, quam fervorem nisi quod ipsi magis sibi de
: lolo corde tuo, el ex tola anima lua, et ex tola menie
luce placeanl. qui idipsum quod lucet non amplectun- lua. Hoc est yjiaximuni et primum mnndnlum. Secundum
tur. An nun tibi videtur perdidisse aut dcdidicisse na- simile est huic : Diliyes proximum luum sicut leipsum.
turam ignis non succcndens? Cum audls aliquem quasi llhid primum, istud scciuidum : utrumque ma-ximum ,

gloriantem ct dicentcm Non me illc Scriptura' sacra'


: quia islud simile illi. IJoni ct suflicientos isli fu'tus ge-
sermo t-edificat, quid aliud videtur tibi diccre, quam, melli, quia in his tota Icx pcndct el prophclie. Denique
Perdidit in me cfficaciam verbum igniluni non mc : ft finis prtpcepti caritas, qua' ctiam alibi vinculum per-
succendit, non inflammat, non cxcrcet in mc vim gcni- fections dicilur.
.

128 LABBE GILLEBERT.


qui dans un autre eudroit est appelee « le lien de et (^enflanune. U est blesse par un enfiunme
ceil,

la perffclion [Col. lu, !Z|.)» et


il

meme lie par une levrt-


''"'
3. C'est avec a-proj»os que la suite de ce texte est comparee a une baL -... .„....- .^ .;<_•

parle d'une bandelette d'ecarlate, a laquelle on est blessure, elle est Tie, elle est poarpre. Vous
compare les lerres de lepouse, afin d'en loner la Torez combien elle est aigue, oombien tenace, eom-
beaute. « Vos levres sont comme unebandelette d'e- bien embrasee. Ouand v(. avez ces levres, .

carlate. » Les levres lient et hrillent lorsqu'elles liez voire bien-aime a la l, ... .. . de Totre ooenr,
parlent du fruit de charite produit par un tel sein. comme par un ben soUde, agelutinez-le, onbrasez-
Concue dans le coeur, cette eminenle vertu, comme le de vos etreinles brulantes. Quelle doaoenr poor
un feu consumant, tt-int d'une couleur d'ecariate Tous s'il vous adresse, en vous les appliquant, ees

les levres qui I'exprimeiit, La ch.ileiir, tombeed'en paroles du Psaume : Votre parole est grandefnent
baut dans le coeur, donne aux levres ime teinle embrasee, et voire epoux la cbent. Embrassez-OMH
vive. Pourquoi parle-t-on ici d'ecarlatC; sinon que d'lm baiser de votre bouche, parce que tos levits
celte couleur peini la flamme , parce que I'ecar- sont belles comme une bandelette de jiourpre. Le
lat« a la leinte du feu ? Ces levres n'ontiilus besoin desir d'un baiser fail Telogc des levres. n desire
d'etre puriiiees par les cbarbons de I'autel, ni que imprimees sur les Totres, afin
ses levres soient
d'etre brulees par le feu du debors. Elles sont deja qu'il nv ait plus pour vous qu'une seule bouche et

embrasees par les flammes dii dedans, et elles re- une seule levre, ei f»our qu'apre? cette vive impres-
pandent, dans les entrsLiUesdes autres, le feu qu'elle? sion, il puisse dire : voila maintenant la bouche de
ont concu d'en baut. Elles propat^ent la science dr ma bo^iche, et la levre de ma levre. La grace re-
salut, la loide feu que le Seigneur est venu appor- pandue sur ses levres se repand aussi sur les votres,
ter a la terre. Levres vraiment empourprees, qui et eUe? s'empourprent de son ecarlale. Excellenie im-
repandent ce feu non-seulement sur la terre. maii pression qui laisse gravee une grande grace sur si

encore dans le ciel, et meme qui cmbrasent le les levres de I'epouse. Souvenez-vous cependant que
Seigneur du lui-meme. Aussi I'epoux vaiite ces
ciel je n'entends point parler en ce moment des le-
levres, parce qu'eUes sont rouges pour lui, parce vres de chair, mais des levres spirituelles, mais des
qu'il les trouve hrulantes, parce qu'il les sent en- levres interieures, de celles dont I'Apotre dit dans
flammees, leprovoquenl davantage a une
et quelles ce passage « cbaatant et psaknodiant dans tos
:

Les l^vres charite reciproque. Cbose etonnante : Dieu est un ccEurs, a la gloire du Seigneur. [Eph. v, 19. Si vous
ronges on
enflammee?, feu, et pourtant il s'enflanime aux etinceUes qui ete*: epouse. vos levres doivent etre bees, et etre en-
jiropres
partent de notre coeur. Pourquoi pas ? Le verbe de flammees par unique emploi, celui de supplier
cet
aui dJTins
coUoqnes Dieu est un glaive et neanmoins ilestblesse. « Vous le bien-aime, de vous entreteniravec lui, de chanter

avez blesse mon coeur, 6 ma soeur, vous I'avez blesse ses louanges et de dire avec le prophete : « Mes le-
par un de tos yeux. [Cani. 4.) De meme, il est un feu vres tressaiHeront de joie, lorsque j'aurai chante

3. Et congrue de cocciDeo vinculo seqnitur, de quo in tur : ideo comparatar. Sed caritas vulnns est, ca-
vitt^e
laude labiorum sponsae assumpla est similitudo. Sicut ritas ntta coccus est. Mdc> quam acuta, quam
est, carilas
vitfa coccinea labin tun. Ea enim labia lig-ant et ruH- tenax, quam ig-nea est caritas? Talibas in orando utere
lant, quae de tali ventris fructu loguuntur. Concopta in labiis, lenaci velut "iitta vinculo memoriap cordi lao di-
corde caritas, quasi ignis flammig-erans, coccineo colore lectum adstringe, agg^lutina, sBOcende illmn sueceaso
labia inficil, per enimpiL Calor de cxcelso missus
qiiap aiTectTJ. Quam dulce, si dicat et alludat tibi .- Ignitum
in corde, g^ermanum labiis praRstat colorem. Quid enim eloquium fuum vehementer, et spoosus tuns dDigit ii-

aliud sibi vult quod cocfin''a dicunlur, nisi quod in hoc lud. Osculai-e me osculo oris lui, quia jMilchrasunl laba
flammea demonstrantur, eo quod coccus igneombet co- tua sicut vitla coocinea. Osculandi saqnidem desideriam
lore? Labia baec non jam altaris carbonibus purg-ari in- labiorum innuit commendatio. Labia sua tuis desaderat
digent, et cxteriori igne aduri. Ipsa enim de iDterioii imprimi, ut fiat os unum et labium nntim, et post im-
flamma jam flammea sunt, et conceptum tisceribus pressionem dicat tibi Hoc nunc cs ex ore meo, e4 la-
•-

ignem de escelso aliis seminant. Salutar-em nlique dis- bium de labio meo. DiSiisa gratia in labiis ejus in taa
seminant scientiam, leg'em igneam, qnara Dominus venit se refundit, et de cocco suo toa sunt effecta coccane>-
in terram mittere. Bene coccinea labia, qusbunc ignem Bona impressio, qnstantam exprimit gratixni in tebiis
non solum in terram, sed el in ccelum, mittunt. Denique sponsae. Memineris iamen noo me none lain aignificne
et ipsnm Dominum cceli succendunt. Ideo coccinea carnalia, sed spiritualiat, sed interkna, sed flb de qai-
commendat quod illi coccinea sunt, quod illi ca-
labia, bus Apostolus loquitnr CmdoMtet H pmUemlet m etr-
:

lentia videntur,quod ilia flammea sentit, et in mutuam dibiis t^estris Domino. Si spoosa es, io hoe nmm defeeat
amplius succendunt caritatem. Mira res ignis ipse est, : esse constrida, debeni @se sacooisa hfaia tu, ot diiecto
et nostris tamen inai-descil scintillis. Quidni ? Ei gladius tuo supplicent. ut confabulentur cam iDo, at iUi i

est verbum Dei, et tamcu Milneratur. Vvinerasti cor et dicas cum Prophet a ExuHn^bmrnt iabm msb
:

meum soror mea sponsa, vulnerasii cor meutn in uno tavero ttbi. In tarn sancta confalffalioBe nil at in htiis
oeulorum luorum. Ila et ipnis est, et tamen inflamma- tuis fluidum, et quasi vitta sont : ni! fi g idum, el haibeE 'l

tar, Vulneratur oculo, labio inflammatur, etiam et liga- ilia coccinea. Quis mihi det, Jesn iK>ne, talk habere la-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CAXTIQUES 129

Toh'e gloire. {Ps. lx5, 23.) » Daus des entretiens si et se contiennent dans une mesure qui ne fatigue
sacrcs, qu'il n'y ail rien de relacho, et alors vosle- pas, sont sobres et colorees de I'agreab'
vrc3 sonl uue bandelelle : ffu'il ne s'v trouve rieu de la modestie; si la croix de Jesus-Christ y est Et aux
discours
de froid, et alofs elles sout ecarlutes de charile. Qui rappelee souvent et avec plaisir. bienheui'eu- ordinaires.
me donnera, o bon Jesus, d'avoir des levres de ce ses sont ces levres, vraiment dignes de recevoir les
genre pour m'eiitreteuir avec vous, levres si promp- biisers du Christ et de s'entretenir avec lui, levres
tes, si decouvertes, si enfiammees, et
etobrasees; sipures et si enfiammees Pures par la foi et en- !

tressaillantes, qui ne cbantent cjiie vous et pour fiammees par I'amour Cette chaleur vient du !

vous '
Qu'il en soit ainsi do raes levres, que dans la dedans et du sommet, elle n'a rien qui soit d'en
prolongation d'uue meditation dogagee et pleine de has.
chaleur, elles ressemblent a uue bandelette de 5. Carune chaleur qui monte du fond des
il est La lan^e
pourpre. abimes. Saint Jacques dit « La langue, petit mem- :
miuvaise
enflamme les
iiistraire Zi. Le Christ vante ces levres dans son epous.', bre, enflamme la roue de notre naissance, eullam- vices.
bommes.
uon pas seulement en vue de la }»riere, mais encore inee elle-meme par I'enfer. (Jac. m, 5.) » Qu'elles
par rapport a rinstruclion, atin qu'elle puisse bonnes fiammes pent communiquer une langue qui
exhorter les autres dans la saine doctrine. Car les est consumee de si mauvais feux ? La corruption
levres qui s'attachent a causer avec Dieu, repandent mobile de notre naissance viciee, roule trop d'elle-
une science salutaire, si elles emploient leur douce meme vers le mal, et se precipite trop rapidement
et fervente priere, a exciter les coeurs de ceux qui par sa propre pente, vers les abimes. Et qu'est-il
ecoutent : elles sont de pourpre, parce qu'elles em- necessaire d'enflammer cette roue qu'on ne pent fixer
brassent les autres. Que si elles exhortentet instrui- et qui se tourue d'elle-meme au mal? On I'a soigueu-
sent tout a la fois, en apprenant ce qui se rapporte a st^ment remarque : le coeur de I'homme est porte vers

la saine doctrine.et s'accordent avec les regies de la le mal des son enfance. Pousse des le priucipe de sa
doctrine, elles sont deja comme une bandelette et vie, il ne salt changer de direction, et vous, a I'aide

repandent une science, qu'on pout appeler non- de cette petite langue, vous venez lui donner une
seulement salutaire, mais encore inalterable. Qu'v impulsion nouvelle et TenUamraer davantage ? La
a-t-il en effet de si lie, de si enchaine, de si retenu langue mauvaise chercheles occasions d'indignation
par des liens puissants, que la methode de la foi ? et de colere ; elle feint d'avoir rem des injures qui
C'elait la lecon c{ue saint Paul donnait a son disci- n'ont pas eu lieu, elle exagere celles qui out ete
ple : « attachez-vous a la predication et a la doc- faites et qu'elle aurait du cacher ; elle prend en
trine. (1. Tim., IV 13.) Et meme dans les entretiens mauvaise part meme les ser\-ices qu'on lui
ordinaires, ou ne sont pas exposes les mvsteres de rend, et elle emploie, pour emouvoir sou cceur,
etiucelles des paroles envenimees. Pour -
la foi, vos levres sont encore comparees a des les

bandelettes de pourpre, si vos paroles serenferment quoi , a I'aide d'une langue mauvaise, allumer

bia in conferendis tecum sermonibus, tam prompta; tam osculo, et alloquio vere digna ; labia tam sincera, et
exerta, tam succensa succensa et exultantia, ut tantiim
: tam succensa. In fide sincera, et in amore succensa.
tibi cantcnt, et de te cantent? Talia sint utiiiam labia Succensio ista de intimis et de summis est, nil habcns
mea, quae subtili quodam ductu et succenso affectu indi- de infimis.
ruptcB mcdilationis, funiculi coccinci specimen ex- 5. Nam est succensio quaedam de inferis erumpens.
primant. Jacobus ait Lingua, modicum membrum, inflammat
:

1. Hujusmodi labium in sponsa Christus commendat, rotam naticitatis nostra, inflummata et ipsa a gehenna.
non tanlum in oiatione, sed ctiara in exhortatione, ut Quomodo potest bene inflammare lingua tam pcssime
potens sit exhortari in doctrina sana. Qua; enim se labia inflammata ? Vitiats nativitatis mobilis corruplela per se
in ejus alloquio adstringunt, jure quidcm salutarcm dif- nimis rotatur ad malum, et volubilitate propria fertur in
fundunt ct disseminant scientiam, si dulci ct fervida praeccps. Et quid nccessc est inilammare rotam banc,
utantur oratione, ut audientium corda cxcltent coccinea : qua; firmari non potest, sed per se fertur in malum?
sunt, quia intlammantia. Si vero simul exhortentur ct Denique diligenter appositum est Cor liominis in ma- :

doceant, et ea doceant quae sanam deceant doctrinam, lum ab adolcsccntia sua. A prima nativitate impulsa
quae rcgulis concinant fidei jam quasi vitla sunt, et non ncscit cursum inflectere et tu illam lingua parva im-
:
;

pcllis amplius et inflammas? Lingua


prava iracundiae et
solum salutarem, sed etiam insolubilem disseminant
scientiam. Quid enim tam sibi cohaeiens, tam tenax, tam indignationis occasiones rcquirit injurias vel fals;is si- ;

insolubili contcxtum modo, quam Pau-


ratio fidci ? Talia mulat, vel veras cxaggerat, quas debuciat dissimulare :
lus discipulum informabat diccns Attends exhortationi
: ad ofTcnsam oflicia ctiam iiitcrprclatur, ct vcnenati scr-
el doctrince. Sed in sermone et conMnuni, ubi fidci non monis scintillas adhibet ad commovendum cor suum.
tractantur niysteria, ctiam sic vittae coccinea; labia tua Quid lingua nequam cordi luo talcm adhibcs llammam ?
conferuntur, si fuerit scrmo tuus subtili mcnsura dls- Sufiiciat llamnia sua, sufficiat illi concupiscentiic ar-
illi

trictus, et discretus, et parens,


et grato verccundi;e ru- dor carnalis, et levilatis calor innata^, quibus cor tuuni
llanc tibi llammam nati-
bore coloratus si Crucis Christi eo frequenter, quo li-
: ac si volubilis rota impcllittir.
benter mcntioncm usurpel. beata base labia, Christi ct vitas prima ingenuit, sed renascendi gratia rcstringil.

T. V. 9
:

I
130 L'ABBE GIIXERERT.
I
dans votre coeur un feu semblable ? Qu'il ait assez qui est la parole eternelle, et qui vit et qui regne,
de sa propre flamme, qua sa concupiscence suffise avec le Pere et le saint Esprit, Dieu dans tous les

son ardeur charnelle, avec la clialeur de salegerete siecles des siecles. Amen.
innee qui pousse votre coeur comme une roue ra-
pide. Votre premiere naissance a place en vous ce SERMON XXV.
feu, mais la grace de la renaissance I'a restreint.
Ne meltez pas feu sur ne fournissez pas des
feu, \os joues sont semblables a un fragment de gre^
aliments a la concupiscence. Ce feu, que tous to- nade, etc. (Cant, iv, 3.,i

missez, tous le ttrez de i'enfer. y II en soi-t, et il

entraine. « La langue enflammee


», dit I'Apotre, « est 1. Oh I qu'elles sont agreables ies joues de I'e-
par I'enfer. » Celte langue mauvaise est empourpree, pouse, elles peuvent i'tre mangees et ont toute la
maiselle n'estpasime bandelette. EUe ne lie pas, grace d'un fruit agreable. Et dans le fait, on voit
elle dissipe. Elle embrase mal, parce quelle divise les joues de certaines personues si pleines de
ce qui est uni, et jette, comme des etincelles d'incen- beaute, que I'erterieur de leur visage pent delas-
die, les paroles de desunion ; cette flamme sort de ser I'esprit de ceux qui les considerent, et bs
Tenter. Car la flamme qui vient den haut, est nourrir de la grace esterieure quelles annoncent.
pudique, pacifique, approuve ce qui est bien, et
elle La beaute de la face est I'interprete de I'esprit, et

rond les hommes bons. Car une parole douce midti- le visage publie les sentiments du coeur. Vous
plie les amis et calme les ennemis. Une flamme voyez done avec combien de suite apres la blan-
en devore une autre, la superieure, celle d'en bas, cheur des dents et la pourpre des levres, I'epoux
la celeste, celle de I'enfer, lorsqu'une parole sage et se met a parler de la beaute des joues. Les joues
suave triomphe de la malice, et quand un mot ten- sont assez proches des levres et, meme quand
dre en adoucit la durete. C'est pourquoi le sage dit celles-ci se taisent, eUes revelent par une sorte de
« Vos levres sont comme une bandelette de poui-pre, langage visible les secrets de I'ame. Elles ontl'u-
et vos paroles sont douces, » II ne saurait convenir sage meme de la voix, et ou bien elles suppleent
k I'epouse que des paroles suaves, des paroles a I'office de la bouche, ou bien elles contribuent de li
et dooae
d'amour, qui, semblables a des liens delicats, enlacent a Tomer. Quekjue doux et fervent que soit le
I

la zTtel
I'epoux et I'attirent par I'lnfluence de la chariie : discours, mi visage audacieux en fait perdre toute aai pan [

¥oila les paroles qui u'appartiennent qu'a elle. la grace et detruit par sa legerete, toute la gra-
Hem-euse Tame qui sait ainsi tisser le reseau des vite de la parole. il resulte des joues que
Aussi
doux accents, pour prendre Jesus lier, par les ; leur gravite modeste augmente la grace des levres
affections de son ^me, le verbe du Pere, enfermer empourprees*. En les comparant a un fruit, Tepoux
le Christ dans ses entretiens, le retenLr et le charmer parait facilement donner a comprendre le\ir ma-
par "fees expressions d'amour, afin que sa voLs soit turite. Dans les truits, en effet, la matxirite est tou-
agreable a celui qui a les paroles de la vie eternelle. jours agreable. Dans leschapitresprecedents.U a de-

Noli ignem igni adhibere, et concupiscentiae addere


malitiam. Ignem hunc quem evomis, hauris degehenna. SERMO XXV.
Inde incipit, et illo rapit. Lingua, inquit, inflammata a
gehenna. Lingua haec mala coccinea est, sed \itta non Sicut fragmentum mali punici, sic gence tute, etc.
est. Non enim ligat, Male succendit, quia
sed dissipat, Cant. 4. b.
succidit unita, qui dissidii verba scintillat et flamma :

talisde inferis est. Nam flamma quce de sursum est, 1. Quam suaves sunt putas sponsa? genae, quae mandi
pudica est, pacifica bonis consentiens, et bonos fa-
est, possunt, quae salubris fruetus obtinent gratiam. Et re
ciens. Verbum enim dulce et multiplicat amicos, et mi- vera etiam corporales genas alicujus ita grata videos ve-
tigat inimicos. Quasi flammam flamma consumit, infe- nustate refertas, ut ipsa exterior facies intucntium ani-
riorem superior, infernalem ccelestis dum sapiens et : mos de intcriorl quam innuit, cibare
reficcre possit, et
suave verbum vincit malignum, et dulce durum emol- gratia. Venustas vultus mentem interpretatur, et internos
Et ideo dicit Sicut vitta coccinea labia iua, et elo~
lit. : affectus facies loquitur. Vides quam consequenter post
quium tuum duke. Non enim decent Sponsam nisi verba candidos dentes et coccinea labia, genarum inducitur
dulcia, verba amoris, verba quae delicati funiculi vice mentio. Genae satis germanae sunt labiis, et ipsis tacen-
funguntur, verba quae Sponsum irretiant et trahant %in- tibus quodam ^isibili verbo mentis arcana demonstrant.
culis caritalis. Felix anima, qua? hujusmodi novit dul- Genae ipsae vocis usum habent et oris aut supplent of-
;

cium verborum nectere retia, quibus Jesum illaqueet, ficium, aut ampUus
exornant. Quantum\is fuerit dulcis
Rlliget Verbum Patris animi alfectibus, velut affatibus et fervidus sermo, omnem ejus gratiam procax \iiltu3
Christum includat, amatorio detineat sermone et delec- exasperat, et levitate suaeloquii gra\itatem imminuit.
tet, ut ejus eloquium dulce sit ei, qui habet verba vitae
Ideo de geois sequitur, quod earum modesta maturitas,
aeternae, et est Verbum aeternum, quod cum Patre et coccinei labii accumulet gratiam. Denique quamdam
Spiritu-sancto vivit et regnat Deus per omnia saecula earum maturitatem tacite videtur innuere, quas fructui
saeculorum. Amen. comparavit. In fructibus enim semper grata maturitas.
:

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 131


critlesjoues de I'epouse coirnne seuiLlables acelles j'eprouve une sensation pareille. Combien plus
dune toui'terelle, parce que dans son visage on ne fort est ce sentiment, quand on voit dans la realite
voit rien de lascif, rieu de leger, rieu do jjetu- ce spectacle? La vue est en effet plus expressive
laiit, et parce que la clialeur des desirs les fi-appe que la pensee. EUes sont tout-a-fait belles les
d'une douce gravite. Les affections inquietes ne joues ou reluit tant de beaute, qu'embellit une
perniettent pas au visage de s'epanouir dans une agreable bumilite qui ne presentent rien de fier,
:

folle joie etpeusees d'amour eloignent des


les I'ieu de rude et que la pratique de la discipline
joues toute expression legere. La tourterelle est a ramenees, en les reglant selon les lois d'une mo-
en effet un oiseau inquiet, qui gemitsansrelache. deste bumilite.
Cast ainsi que doit etre une vierge selon la vo- 2. « Vos joues sont comme un fragment de
lonte de saint Paul, elle doit etre preoccnpee de grenade. » Ne vous semble-t-il pas qu'il eut les
savoir « comment plaire a Dieu (1. C(>?\vn,3)». joues br'isees, celui qui presenta son visage aux
disant souvent : « Mon ame a soupire apres le bourreaux qui le frappaient et qui le decbiraient,
Dieu, fontaine vivante; quand viendrai-je, quand sans se detourner de ceux qui le souillaient de
apparaitrai-je devanl lafacedu Seigneur?)) (Po-. XLi,5.) leurs cracbats ? Ces coups furent utiles, lis com-
IS'est-ce pas la le lan;^age d'une ame qui gemit? mence rent a faire eclater la vertu qui etait dans
Votre plainte est douce, c'est I'amour qui I'a pro- I'interieur de I'bomme-Dieu et jaillir la grace re-
duite. Comment ne seraient pas graves et serieuses tenue sous I'ecorce de sa cbair adorable. Son emi-
ces joues qu'anime une affection gemissante ? Ces uente dignite parut comme detruite lorsqu'il s'a-
gemissements contienuent uon-seulemeut la grace neantit jusqu'a subix- les insultes de la passion :

qui fait s'attrister, mais celle aussi qui nourrit mais ces coups, qui le brisaient, repandireut, pour
I'ame. « Vous nous nourrirez », dit le Psalmiste, nous avec abondance, la grace du salut. Et vous
(idupain des larmes. » [Ps. i.xxix, 6.) L'epoux, eu aussi, si vous accomplissez dans votre cbair ce cpii
cet endroit, compare les joues de I'epouse a luie mamjue aux souftrances de Jesus-Cbrist {CoL i, 2Zi),
grenade, pai'ce que I'affeclion inquiete et tendre, si vous portez dans votre corps les stigmates de ce
par une cei'taine maturite qui lui est naturelle, divin Sauveur, [Gal. w, 17.) le Cbrist vous dit pa-
entoure le visage, et nourrit, pour ainsi dire, ceux reillemeut, a vos joues sont pareilles a des frag-
qui le considerent. Reluisant sur la face, la grace ments de grenade. » Si elles sont brisees et comme
de I'esprit refait, pour ainsi parler, ceux qui la crucifiees, domptees et ne
formees par la discipline,
voient, cpiand elle les frappe d'une douce emotion, vous semblent-elles pas semblables aux fragments
et transmet aux autres sa propre impression. Je ne d'un bon fruit ? Et dans la suite, on dit a l'epoux :

puis me defendre d'une impression suave, lorsque « vos joues sont comme un petit jardin plein de
je me depeins a moi-meme un visage de ce genre : plantesaromatiques, (Cant, v, 13.) parce qu'elles sont
et en pensant a ces joues ou se traliit I'amour, travaillees et preparees et garnies de plantes odo-

Et in praecedentibus genas ejus descripsit ut turtiiris, eo nil in se altum habentes, nil rigidum, sed quae sunt ad
quod nihil lascivum, nihil leve, nihil petulans in ejus modest.-p humilitatis compositionem quodam disciplinae
appareat vultu, sed desiderioruni a?stus genas dulci gra- exercitio infractae.
vitate dejicial. Affoctus anxii vultum lascivire non si- 2. Sicut frag men, inquit, mali punici, sic gence tua.
nunt, et amatorite meditationes omncm a genis levita- An non tibi quasi fractas habuisse genas videtur ille, qui
tem ablegant. Turtur siquidem avis sollicita est, avis eas dedit percutientibus, dedit vellentibus, ct non aver-
gemebunda. Talem vult Paulus virgincm esse, ut solli- til a conspuentibus? Bona quidem heec fractio, per quam
quomodo placeat Deo, qua; dicere soleat Sitivit
cita sit : interior coepit virtus cminerc, et quae intra carnis corli-
anima mea ad Deuni fonteni vivum, quando veniam et cem concludebatur, crumpere gratia. Quasi confracta vi-
apparebo ante faciem Domini"! An non tibi videtur vox detur tanta dignitas, ad passionis inaniens seipsam inju-
haec esse gemcntis? Gemitus tuus dulcis, quem genuit rias sed per h;ec fragmcnta salutis se nobis ubcrtas
:

amor. Quomodo non graves cl matura? gen*, quas gc- cffudit. Et tu si adimpleas ea quw desunt passionum
mebundus informal affectus? Gemitus isli non tantum Christi in came lua, si portes stigmata Christi Jesu in
gemitus, sed rcfectionis gratiam tenent. Cibabiii, inquit, corpora tuo jam tibi dicit Christus, quia sicut frag-
:

nos pa>ie lacnjniarum. Et in praesenii malo ptinico men muli punici, sic gence twv. Si confracta; sunt, ct
sponsi genas a.ssimilat, co quod sollicitus et amatorius quasi crucifixaD gcn;p tua?, si quadam cdomitic et cxultae
afTeclus cognata quadani maturitate, et vullum vcstiat, et (lisciplina, nonnc tibi videntur veliit fragmina cujusdam
cibet intuentes. Reiucens enim in facie mentis gratia, boni fructus? Et in consequcntibus ad sponsum dicitur:
videntes quasi rcficit, dum dulciter afticit, ct suam in Quia gence ejus' sicut areola; aromatum, eo quod exa-
alios transfundit passionem. Non possum
non dulciter ralui sint et culta? ct compositie aromatibus confovendis.
nioveri, dum talem penes rac vultum depingo ct ama- : Sic ct hie sponsic genas sicut fragmcu mali punici esse
torise gena; in mc similcm gignunt alTectum dum roco- dicit. El bona confractio, per quam non mors ingredi-
gitantur. Quanfo magis dum videntur? Nam expressior lur, sed spiritualis fructus specimen clucet. Bona; ergo
\1sio quam cogitatus. Pulchrs omnino genre, in quibus gen.'p, quiEper humilitutem ila confracta? sunt, ut fruc-
tanta vcnustae emiuct, quas grata touuaeadat huniilitas lu3 inlcrni noa pcrdant, sed magis prodaat gruliam. De-
, ,

11

132 LABBE GILLEBERT.


De meme en ce lieu,
riferantes qu'il faut cultiver. Bonnes joues, qui n'ont rien de simule, qui enve-
I'epoux que les joues
(lit de sa bien-aimee sont loppent plus de biens qu'elles n'en font paraitre,
comme un fragment de grenade. Ce travail qui les qui ne feignent rien, qui ne montrent pas tout, et
brise est bou, ii n"occasioune pas la mort, il fait qui, en apparence, presentent moins qu'elles ne
paraitre un echanlillou des fiiiits spirituels de possedent en realite.
I'interieur. EUes sont done digues deloges, ces 3. Ce que nous disons la pent etre appliqn^ aui
joues qui, par Ihumilite, sont creusees, de sorte que joues interieures de I'arae, tjni se trouvent sur la
les fruits du dedans ue perdent pas, mais plutot lace de la conscience, la oil Uieu voit et ou ne pe-
produisenl la grace. Enfin, les grenades, par leur nelre pas le regard de Thomme. La conscience de
ecorce de couleur rouge, indiquent lateinle agrea- chacun a corame son propre visage. Les joues qu'il
Elofe ble que presente un visage modeste. I.a pudeur est a, sont rouges par la couleur pudique de I'humilite.
e apu eur.
j^ jj^i ornement d'une epouse du Clirist. Seni-
p^Qj quand , a part lui , le chretien n'exalte pas ses
blable a une aurore, elle colore leprincipe detoutes ceuvres ,
quand il n'eleve pas ses merites
les actions, elle embellit, deson eclat virginal, toutes ne les crovant nullement remarquables mais ,

les autres vertus. La pudeur ne vante pas avec fra- rougissant de les voir si medioores . Qui se
cas ses biens, elle en parle avec beaucoup de rete- glorifiera d'avoir le coeur pur? Prov. u. 7."' S'll

nue, contente de les aroir faiblement indiques, a recu cette grace, pourra-t-il se glorifier comme
quand la necessite I'exige. bon Jesus I quelle s'il ne I'avait pas recue ? Et cependant, qui comprend
grande retenue brille partout dans tous vos dis- les dons qui lui ont ete accordes? Car si on
cours Combien vous futes sobre dans vos propres
1 n'apprecie pas les peches, combien moins encore
louanges, quand vous auriez pu les faire retentir lesdons ? Les dons viennent d'en hant, ils descen-
avec justice, sans blesser I'humilite et sans attaquer dent du Pere des lumieres. Ce qui est de Dieu^
la verite I Et lorsqu'il parlait de ses propres biens, personne ne le connait que I'Elsprit de Dieiu C'est
ce divin Sauveur taisait sou nom. 11 pouvait parler poiurqiioi si Dieu le revele a quelqu'un par son
avec plus de details, mais, a rexemple del'epouse, Esprit, ce n'est pas tant lui qui le connait, que T Es-
il se boma a avoir I'exterieur d'une modeste pu- prit de Dieu en lui. a Nous avons recu u, dit saint

deiu". Je ne preche pas en cet iustant cette pudeur, Paul, « lEsprit qui est de Dieu, afin que nous
qui a coutume de couvrir le visage de rongeur, j'ai sachions ce que Dieu nous a donne. i.Cor. ii, 12.)
en \"ue celle qui embellit tout le dehors de la con- Dit-U : tout ce que Dieu nous a donne Ou s'il a
?

duite. Car, a I'exemple du corps, la conduite a des pu tout savoir, a-t-il pu entierement le connaitre ?
sortes de joues, sux lesquelles rien n'est plus beau 11 ne put pas parfaitement connaitre, je le pense
que cette couleur, si I'apparence de toutes les ac- ainsi du moins un seul don, et quoique sous le
,

tions respire rhumilite, si Ton cache plus dans le fouet, il ne put comprendre le don qui lui etait
coeur qu'on ne monlre sur le visage. Enfin, I'epous fait. 11 V a utilite a ce que la conscience soit en par-

dit : « Comme des fragments de grenade, ainsi tie cachee a elle-meme, et le trop grand amour de B« ee:

sont Tos joues, sans parler de ce qui est cache. » la perfection ignore ses propres progres. Ce ne sont

nique et ipsa mala punica gratam modesti \Tiltu3 vere- totum effundunt : quae minus praetendont in specie, quam
cundiam, corticis rubei colore designant. Optimum teneut in virtute.
plane in Christi sponsa decrementum verecundia. Ve- , 3. Possunt haec ad interiores animae genas refem

recundia, quasi aurora quaedam, omnium actuum colo- quae in conscientis facie sunt, ubi non homo, sed Deus
rat principia, et reliquas venustat pu-
\irgineo ^irtutes \idet. Habet cujusque conscientia quamdam propriam
dore. Verecundia bona sua noa
petulanter jactat, sed faciem. Ejus genae verecundo humilitatis rubeni colore,
parce eloquitur, contenta tenuiter innuisse, et cum ur- si penes se opera non jactet, non magnificet merita, noa

get necessitas. Jesu bone, quanta ubique verecundia in ilia e\imia putet, sed tam eiigua pudeat. Quis eoim glo-

sermonibus tuts quam propriis parcus in laudibus,


I riabitur castum se habere cor? Si accepit, quomodo glo-
quas poteras sufficienter eloqui, tarn sine humilitatis riabitur quasi non acceperit? Et tamen ipsa quae ac-
jactura, quam sine damno veritatis Et cum propria ! cepit dona, quis iatelligit ? Nam si delicta non intelligit,
exprimeret, tamen nomen suppressit. Poterat plenius quanto minus dona? Dona desursum sunt, descendant
exemplum modesti pudoris
eloqui, sed ipse ad sponsae a Patre luminum. Quae vero Dei sunt, nemo novit, nisi
colorem assumpsit. Non banc modo praedico verecun- spiritus Dei. Ideo si cui Deus per spiritum suum reve-
diam, quae corporali rubore solet ora suffundere, sed lat, non tam ipse noArit, quam spiritus Dei in illo. .Ya>-

earn quae totius conversationis venustat faciem. Nam si- inqujt Paulas, accepimus spiritum, qui ex Deo est, ut
cut corporis, ita et conversationis genae sunt quaedam, sciamus qute a Deo donata sunt nobis. Numquid omnia?
in quibus nihil est eo colore gratius, si operum omnium aut si omnia scire potuit, numquid ;at arbitror) ei in-
habitus humilitatem redoleat, si plus occultet in corde, tegro : et si in flagello, non potuit intelligere donum.
quam ostentet in facie. Denique et hie dicit Sicut : utiliter ipsa sibi conscientia absconditur in parte, et ipse
fragmen mali punici, sic genae tucs, absque occultis tuis, proficiendi amornimius incrementa sui profectos igno-
Bonae genae, quae sicut nihil habent simulatum, ita mul- rat. Denique non ipsa virtutum velut pomoram inte-
tam habent occultatum ; quae sicut nihil Ungunt, sic nee gritas, sed tantom iragmina ta genis sponsae eminere
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQITS. 133

pas les fruits enliers des vertus, mais seulement en clarte. (II Cor. m, 18.) Tandis que vous etes
des fragments qui sont en saLUie sur les joues de transformee, vous ne me possedez pas encore com-
I'epouse, parce que ce qui est sur les joues est en pletement. Etre transforme, c'est progresser, c'est
evidence. Et si quelqu'un connait en lui la grace ne pas etre partait. Vos yeux ne voient pas, mais
reelle de quelque vertu, en connait-il la force, la les miens voient votre etat de perfection deja vous :

Constance, la perseverance ? « Ma bouche n'est etes pour moi ce que vous serez un jour. Deja
pas fei'mee pour vous, vous savez ce que vous avez vous etes decrite dans le li^Te de vie, et je vous ai
opere en secret. (Pi. cxxxviu, 15.) Si ce spectacle gravee dans mes mains. Votre visage est devant
est cache pour moi, il ne Test pas pour vous. Votre moi toujours, U brille a mes regards, bien qu'il
Esprit, en eflet, scriite tout, meme ce qui est cache soit obscurci maintenant en vous. Deja j'ai trouve
en moi. Plaise au ciel, 6 bon Jesus, que j'aie beau- en vous la drachme de mon image, mais elle est
coup de bieus ainsi caches dans mon ame et places encore couverte d'une sorte de rouille et son em-
dans YDS tresors. Us seraient mal places dans ma preinte est voilee. Deja la foi rougit sur vos joues
connaissance, c'est pourquoi je les confie avec plus et y repand ime couleur de vie, mais encore I'ob-
desiirete a votre science. Mais ce n'est pas moi qui jet reel de la foi est dans Tobscurite. C'est pour-
vous la confie, c'est plutot vous, qui ne m'en faites quoi vos joues sont comme des fragments de grenade,
point part. C'est avec plus de surete que vous con- sans parler de ce qui est cache. L'apparence de la foi
servez en vous la connaissance de ce que vous avez est assez agreable, mais vous me paraissez plus
opere dans le secret. Une perfection si grande n'a belle en raison de ce qu'il y a de cache en vous. La
pas licence de se montrer a I'epouse, et de paraitre vertu de patience, qui se montre a I'exterieur et Ce qn'il y a
sur son visage. comme sur vos joues me plait beaucoup ; mais je ^j^ "'^''^ epoo9«
h. Ainsi sont, dit-il, « vos joues sans parler de ce vous estime encore davantage a raison de votre
qui est cache. y a des choses cachees qu'il faut
» II gloire a veuir. Et en effet, mes freres, non-seule-
produire au-dehors et placer en relief au temps ment mais meme la patience de la
les souffrances,

opportun. En attendant cette heure propice, elles vie presente ne sont pas en rapport avec la gloire
sont cachees dans leur semence, jusqu'ace qu'a leur qui sera revelee en vous. [Rom. vni, 18.) Deja
epoque, elles prennent leur plein developpement. pourtant ont ete jetees en nous certaines semences
Maintenant vous etes lepouso, mais encore on n'a de cette gloire, qui, par un travaU obscur, s'ache-
pas vu ce que vous serez un jour. Qui, croyez- minent vers la maturite et preparent la substance
vous, me quand je me serai mani-
sera semblable d'un fruit parfait. Cette substance est en ce mo-
feste ? Vous avez en partie cette ressemblance, parce ment cachee en nous par une sorte de grace se-
que vous me connaissez en partie. Deja vous con- minale. « Ma substance est dans les profondeurs
temjilez ma gloire a visage decouvert, mais cepen- de la terre, » dit le Psalmiste. {Ps. cxxsviii, 15.)
dant vous etes encore transformee allant de clarte Vous Toyez le lieu ou il assure qu'elle est cachee ?

dicuntur quia quod in gents est, in evidenti est. Et si


: Jam in libro descripta es vitae, et in manibus depinxi te.
novit quis veram in se virtutis alicujus gratiam, num- Facies tua coram me semper, coram me fulget, quae in
quid vehemenfiam, numquid constantiam, numquid per- te nunc est obfuscata. Jam drachmam imaginis meae in
severantiam ? Xon est, inquit, occuttdtiun os mettm a fe, te inveni, sed adhuc quadam squalet rubigine, et oc-
qitod fecisti in occulta. Et si mihi occultum est, non ta- cultatur species ejus. Jam (ides tuis rubet in genis, et
men tibi. Spiritusenim tuus omnia scrutatur, etiam oc- vitae colorem infundit; sed adhuc fidei res est in occulto,
culta mea. Utinam talia in me occulta multahabeam Ideo sicut frogmen mali punici, sic gence tu<e, absque
cognita tibi, Jesu bone, et reposita in thesauris tuis. Pe- occultis tuis. Grata satis Qdci facies, sed de occullis tuis
riculosa repositio istorum in mea scientia, ideo tuae ma- mihi commendabilior appares. Patientiae virtus in
gis tuto ilia committo. Sed non ego tarn ilia commito evidenti, et quasi in genis tuis satis jam placet; sed
tibi, quam tu non commitis mihi. Penes te adhuc tutius ego de posteriore te magis aestimo gloria. Et re-
fovcs quod fecisti in occulto. Nee sponsae perfectio tanta vera, fratres, non sunt condignae non dico pas- ,

sinitur ipsi patere et prodire in genas. siones, sed et ipsa paticntia hujus temporis, ad futuram
4. Sic, inquit, jre/ifip /w^f, absque occuUis tuis. Sunt gloriam quje revelabitur in nobis. Cujus jam qua;dam in
quaedam occulta tempore congruo producenda in lucem, nobis jacta sunt semina, quae occulta operalione seipsa
et in facie collocanda. Interim latent in seminc, tempore ad maturitalem pcrducunt, et ad perfecli fruclus subs-
suo plenani acceptura spcciem. Nunc igitur sponsa tantiam. Substantia haec per quamdam scminalem gra-
cs, scd nondum apparet quid oris. Quis putas similis tiam in nobis. Subsiantin mea, inquif,
nunc occultatur
mci cum apparucro ? Et nunc similitudinem tencs in in Vidcs
inferioribus terrce. ubi occullatam earn dicit?
parte, quia ex parte cognoscis. Revclata facie jam glo- in inferioribus terra. Feliciter cum eo agitur quod non
riam meam spccularis, sed tamen adlmc transformarls in infiniis. Ego quajdam terrae superiora accipio, quae-
a claritate in claritatem. Dum transformaris, nondum dam inferiora, quaedam infima. Superiora sunt ipsa cor-
integrc tcnes. Transformari proficcre est, non esse pcr- poris humani natura : Infcriora ipsius naturae corrup-
fcctum. Perfectum autem tuum nondum tui , sed jam tela : Infima quaedam iniquitas et culpa de corruptela
oculi mei vident : penes me jam cs quails futura es. procedens, et ipsam magis corrumpens. Ideo non dicU
134 L'ABBE GILLEBERT.

« Dan? les profondeur? de la terre. » II est heu- somme de douceur que tous arez renfennee en
reits pour lui que ce ne soit pas dans les lieui les secret,non pour ceux qui vous craignent, mais poor
plus infimes. Je distingue les regions superieures ceux qui vous aiment. C'est pourquoi la jouiss-ance
de la terre, les inferieures et les infimes. Les supe- de I'epouse n'est peut-t'tre pas furtive. Voila les
rieures comprennent la nature du corps humain ;
biens enfuuis en elle, biens dont le bien-aime dit :
sont la corruption de cette meme Ainsi sont vos joues, sans parier de ce qui est

w
les iiiferieures «

nature , et les infimes sont I'lniquite et les fautes cache en vous. » Ce n'est pas pour elle seulanent
resultant de cette corruption et I'augmentant en- que cette parole a ete dite ; elle a ete prononcee a
core. Aussi le sage ne dit-il pas t:pie sa substance cause de ceui <jui sont ar/ ' I'epouse, et en- :^. r^
se trouve dans les regions in times , parce que la core plus pour cexii qui ; ^ . . ^nes et qui oppo-
grice spirituelle (qui est la substance souveraine sent resistance pour ceui qui se retirent par
:

pour le Prophete) n'a aucun rapport arec I'iniquite, tiniidite de pour eeux qui I'atta-
la vie sainte et

mais qu'elle est « dans les regions inferieures de la quent par envie. Parmi eux, les uns regariient la
terre. » Ma substance, parce que la grace de
dit-il, vie cachee, la vie des saints comme vide et sans
I'Esprit est medicinalement cachee dans I'infirmite gloire. Les autres, sUs ne la tiennent pas pour
de la chair, comme un levain, guerissant et fer- vide, en regardent tout le cours avec une grande
mentant jusqia'ii ce que la vie absorbe la morta- horreur, car lis n'osent point penser que sa fin soit

lite. Car ce nest pas la pite qui doit corrompre le sans honneur. Les uns la croient vaine, les autres
levain, mais plutot c'est le levain qui doit la chan- la tiennent pour pleine d'amertume. Ceux-la ne
ger et lui dormer son propre gout. la venerent pas, ceus-ci craignent de I'approcher.
5. Ailleiars le meme Prophete dit : « Ma sob- C'est pourcpioi le bien-aime a eu soin de fatre une
stance est en vous. » Ps. xxivui, 8. Sa substance legere allusion aux biens caches dans lepouse,
par consequent est dans les profondeurs de la terre comme pouj* atteindre indirectement les uns et
et en Dieu. Elle est cachee dans des lieux eloignes, attirer les autres, les avertissant, a mots couverts,
dans les hauteurs des cieus, dans les profondeurs des delices intimes qii'elle epr»jnve. » Ainsi sont
de la terre, dans I'eternite et dans lintirmite. La vos joues, dit-il, sans parier de ce qu'U y a de ca-
par la Providence, icipar I'operation de la grace. che en vous. » Comme s'il dbait : Si les autres
Et assiurement c'est une grace precieuse, celle qui connaissaient, 6 epouse, de quels biens vos entrail-
produit les progres dans les vertiis, de maniere a les sont remplies, avec quel transport ils reeirde-
nous douner, en retour, un certain goiit de la per- raient, tout le reste qu'ds possedent, comme une
fection, a decouvrir ce qui, des Torigine du monde, perte, afin d'en faire I'acquisition I Avec quelle joie
a ete cache ; cache au monde et cache en Dieu, ils perdraient leurs biens, et supporteraient des
centre adorable oil notre vie est ensevelie avec le maux pour avoir part a cette douceur cachee I

Christ. Et eUe est vraiment grande. Seigneur, cette Mais a present, cette douceur est voilee a lears

substantiam suam in infimis, quod nnilnm habeat spi- et propter resistentes : propter illos qui se timide retra-
ritualis gratia, (qua? summa Prophetae substantia) cum h -
er illos qui invide
iniquitate commercium sed in inferioribus terrce. Subs-
; c ^ - im, ritam sancto-
tantia mea, eo quod medicinaliter gratia Spirilus in in- rum, vacuam putant et sinehonore. Aiiiquidem etsi non
firmitate carnis sit occultata, et quasi feriucntum abs- vaeaam, tamen totum ejus excarsam com soouao
condita sanans et operans, donee absorbeatur mor- horrore, nam cxitum sine honore so^ticari noa ao-
talitas a vita. Nam non debet massa fermentum cor- dent. Alii vanam, aiii amaram rcltgkman potaoL IDi
rumpere, sed magis a fermento in similem converti sa- non vencrantur, et isti vereatur accedere. Ideo de oe-
porem. cultis sponsae curavit tenuiter innuere, quasi ex oMiqBO
o. Sed et alibi idem dicit : Substantia mea opvd te illos tangens, et istos traheos, dum sic latenter de in-
est. Ergo in inferioribus terrae ejus substantia est, et timis ejus admonuit deliciis : S*?, inquit, gen^e tua, abs-
apud Dominum. Distantibus est in locis abscondita, in que occultii tui.i. Ac si dicat : Si cognovissent ei alii
supefioribus coeli, et in inferioribos terrae in setemi- : quibus absconditis adimpletus est venter tavts, o spOBe»y
tate, et in infirniitate. Ibi per proidentiam, hie per quam facile omnia detrimentom &cerent at ilia locra-
inoperanlem gratiam. Et bona gratia, qus sic virtutum rentur quam libenter et bonaperderent, et loala per-
!

profectus operatur, ut quemdam perfectionis saporem ferrent, ut absconditse dulcedinis participes eflicerentnr I

nobis vicissim aspiret, et eructet abscondita ab origine Nunc autcm abscondita est ab oculis eorum. quae anc-
mundi, abscondita mundo, et abscondita in Deo, ubi tis animabus in oceulto per vices alludit. Grata tamen
vita nostra abscondita est cum Chrislo. Et vere magna vicissitudo, quae multorum molestias mitigat temporom:
multitude dulcedinis tuce Domine, qnam abscondisti, nee exiles delicia?, qua? in futura tempora abondanL
sed limentibus te, non amantibus. Ideo nee sponsae Quid egestatem in ilia veremini ? Delicia? in oeoiltis
forte ha?c furtiva dulcedo. Ilia ipsa occulta sunt spon- abundantes delicias. Abundantia enimin tntribos
ejus, et
s«, de quibus dicit Itn genf^ tw.e, ahsque occnltii tui>'.
: tuis, o sponsa. Denique -ticut turn'.* Darid coihtm fmrm :
Ideo non propter illam tantum haec voi facta est, sed etsi latent delicis, sed virtHs eminel. Qnomodo non
propter cLrcumstantes, magis vero propter longe stantes. eminecs, turri coUataTSed dtSeramas hone in eras-
;

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 135

yeux, et elle ne se montre aux saiiites 4mes que precieuse dans I'epouse, qu'elle est plus rare dans
par moments et retours alternatifs. Heiireuses al- son sexe. EUe est bien rare : « Qui, en effet, trou-
ternatives qui adoucissent les plus longs ennuis vera une femme forte? » (Prov. xsu, 10.) Et si on
delices considerables dont I'abondance se fera sen- pent en trouver, vous, 6 bon J^sus, vous n'en ren-
tir dans I'avenir. Pourquoi craindre la pauvrete en contrez pas qui soit telle, mais plutot vous la pre-
les goutant ? Les delices, et des delices abondantes. venez afin de la rendre forte. Cette tour ne se bitit
se trouvent dans ce qui est cache en elle. Car, 6 pas eUe-meme, celui-li I'eleve, sans lequel travail-
epouse, I'abondance regne dans vos tours. Enfin, lentvainement ceux qui redifient. Et reraarquez
ttvotre cou est comme la tour de David. {Cant, iv, combien il veut qu'on la croie forte, puisqu'il la
li.) • si les joies sont cachees, la force se montre. compare a la tour de David, a Votre cou, dit-U, est
Comment ne dominerait pas ce qui est compare a comme la tour de David. » Ne croyez pas qu'U y
une tour ? Mais reservons ce sujet pour le discours ait dans ce cou de la durete et de I'inflexibilite. Ce
de demain nous y parlerons de cette tour, que
; ne serait pas la un sujet de louange, ce serait un
donna a David son auteur et son protecteur, Jesus- defaut qui appellerait la malediction. « Maudite
Christ, qui vit et regne dans tons les siecles des soit leur fureur, dit I'Ecriture, parce qu'elle est
siecles. Amen. entetee, et leur obstination, parce qu'elle est dure.
Votre tete est comme un nerf de fer. » {Is. xlviu,
SERMON XXVI. U.) Ces paroles ont ete proferees, non comme eloge,
mais comme condamnation. L'opiniatrete obstinee
Votre cou est comme la tour de David, hade avec des prend les dehors menteurs de la liberte ; c'est ce
contre-forts. Milk boucliers y sont suspendus, etc. que je trouve dans ces paroles « Votre cou est :

(Cant. IV, li.) semblable a la tour de David. » Tete tout-a-fait


libre, ignorant completement la servitude, elevee
1. C'est maintenant de la force que va parler le et fortifiee absolument comme la tour de David. Je
bien-aime en s'adressant a I'epouse et en s'entre- ne pense pas que jamais ce cou soit tlechi sous le
teuant d'eUe ; il a deja parle des choses delicates poids de quelque servitude abjecte. Unjoug pesant Un joa^
tre3-Ioard
dans les passages precedents, oil il dit « Votre cou : est sur les tils d'Adam depuis le jour de leur nais- p^se 3ur
est comme une parure de diamants. » Vous trou- sance {Eccl. xl, 1.) mais I'epouse ne parait plus
j !«», entaata

vez quelque chose de pared dans le Psaume : « Le etre une des filles d'Adam. Elle a echange sa vieille
Seigneur a revetu la beaute, il s'est entoure de naissance dans la nouveaute de sa regeneration;
force. » [Ps. xcii, 1.) Ce sont la de bons vetements : elle ne connait plus I'Adam charnel, depuis qu'eUe
le premier orne, le second arme. On a place en est venue a Jesus-Christ depuis qu'elle s'est atta-
:

premier lieu celui qui parait mieux appartenir a chee a lui, elle est devenue un seul esprit avec lui.
I'epouse. Maintenant on tourne les yeux vers ce qui Aussi, elle est Ubre, parce que la oil est I'esprit du
sent la force. La vertu de force est d'autant plus Seigneur, la est la liberte, la liberte par laquelle

tinum sermonem , dlcturi de hac turre quod ipse vide quam fortem velit intelligi, quam turn David
David dederit auctop ejus et Jesus Christus,
tutor assimilat. Sictit turri9, inquit, David collum tuum. Noli
qui vivit et regnat per omnia saecula saeculorum. in hoc colic inflexibilitatemduritiam accipere. Haec
et
Amen. enim noa possunt ad laudem sed mailedictionis
detlecti,
sententiam provocant. Maledictus, inquit, furor eorum,
SERMO XXVI. quia pertinax : et obstinatio, quia dura. .V'^rt.-a,?, inquit,
ferreus cervix tua. Ad condemnationem iatopta sunt
Sicut iurris David colhim tuum, qum (edificata est cum ista, non ad commendatioaem prolata. Rigida pervi-
propugnaculis, Mille clijpei pendent ex ea, etc. cacias solet libertatem mentiri, quam in his verbis
Cant. IV, b. accipio : Sicut turris David collum tuum. Libera plane
cervix, et servilis conditioois ignara, tarn erecta, tarn
1. Jamad sponsam et de sponsa loquitur, nam
fortia munita ut turns David. Non puto quod aliquo abjectae
delicata in supcrioribus, ubi sic ait Collum tuum sicut : servitutis jugo collum istud atteratur. Grave jagum su-
rnonilia. Et simile quid tiabes in psalmo Dominui de~ : per fdios Adam a die nativitatis eorum sed liaec jam non :

corem induit, induit f'ortitudinem. Bona ha-c indumen- videtur de Pdiabus Adam. Jam veterem nativitem regene-
ta, quorum unura ornat, alteram armat. Primum ilhid rationisnovitatemutavit, caraalemnescions.Vdam.ex quo
posuit quod magts proprium sponsae videtur. Nunc se transivit ad Christum ex quosecundo adhaesit,unu3sp^-
:

ad ejus qiiadam fortitudinem convertit. Virtus fortilu- ^itus efTecta cum iilo. Ideo libera ,
quoniam ubi spiri-
dinis taato in sponsa pretiosior, quanto rarior. Rara tus Domini, ibi libcrtas ; libertas qua nos Chris-
plane Mulierem enim fortem quis inveniet ? Et si po-
: tus liberavit : libertas data, non innata. Nam a nativi-
test, tu tamen Jesu bone, non lam invenis quae talis tate eorum grave jugum super filios Adam. Vere grave,
sit, quam praevenis ut sit. Non se ipsa haec turris aedi- quod mulierem iliam evangelicam annis detrem et octo
ficat, sed ipse sine quoin vanum laborant aedificantes. Et incurvaverat, ne sineret sursam respicere multum dis- :
136 L'ABBE GILLEBERT.

]h Christ nous a afTranchis : liberie octroyee, non mais pour multiplier les liens de voire cou et }]

innee. Car, depuis leur naissance, les enfants aggraver vos chaines. C<»ntentez-vous de ce joug
d'Adani portent, sur leurs opaules, un joug tres- pesant qui vous ecrase. Ce joug, si vous ne le sa- Qnele*
lourd. Oui, Ires-lourd ; depuis dix-huit aus, il pe- vcz pas, c'est une sorte de uecessite de pecher, el
^°°^ ^
sait sur cette femme de I'Evangile et ne lui per- une impuissance pour se relever apres la chute.
mettait pas de regarder en haut, bieu differente de C'est la diffjculte pour faire le bien et I'avidile

celle-ci qui eleva sa tete vers le ciel^ semblable a pour le mal. C'est I'iniquite qui vous astreint a
une tour. subir le chaliment, et I'infirmite qui vous entraine
Joug tres-lourd, que le genre humain tout
2. au vice. Ces maux
viennent de votre naissance;
entier, represente par cette femme courbee, n'avait il< sont originels en vous, et vous ajoutez volon-

jamais pu secouer. 11 ne pouvait le deposer, et il tairement a ces charges ? Quand, presse par la

entassait iniquite sur iniquile, infirmite sur inlir- curiosite de vos cinq sens, vous vous portez vers f
mite, et I'une et I'autre sur I'autre ; il etait fecond, les apparences exterieures, vous excitez la flamme \

mais de la plus triste fecondite. Voulez-vous en- interieure de la concuiascence, flamme que rienne

tendre celui qui placait joug sur joug? Ecoutez peut eteindre que le sang de Jesus-Christ. Quaud LefoveH
cor.cnpi
comment s'excuse I'un de ceux qui avaient ete in- elle est seule, la concupiscence bride ; mais si elle rence
c <?t I:
vites au souper dont parle le texte evangeliquc : trouve au dehors une matiere, elle devicnl furieuse.
curioBil
Double desagrement corruption de la nature, et des SOI

...
« J'ai achete cinq jougs de boeufs. [Luc. x. 19.) :

Sottise i\me insensee, a la tele au cou si brise si faible, ! curiosite qui va cherclier au-dehors de quoi ali-
des hommes .

quiserendent \ ous portez le joug que vous a mipose une nais- meuter le feu de la concupiscence. Double malheiur,
sance corrompue, et vous en achetez jjlusieurs au- son jiropre entrainement et les allaques de I'en-
'plus°loSrd!^ i
tres ? Vous n'avez pas besoin d'obteuir, a prix d'ar- nemi. Double infortune, la flamme de la concu-
gent, ce qui vient gratuitement par la naissance. piscence et le souffle de celui qui I'excite.

Vous en achetez d'autres, et ne pouvez tirer votre 3. « J'ai achete, dit-il, cinq jougs de boeufs. »
tete de celui qui vous presse ? « J'ai achete^ dites- De bcEufs, c'est bien dit ; car le travail de la curio-
vous, cinq jougs de boeufs, « et le seul qui est si site altere les esprits abrutis. Si vous desirez im
pesant et sicommun, vous ne poiivez point le se- joug, vous n'avez pas besoin den acheter. Prenez
couei*. Vous n'avez pas le moyen de vous racheter. sur vous lejougde Jesus-Christ, joug gratuit,joug
Vous ne savez pas combien est lourd ce joug qui agrcable, qui ne pese pas. « Mon joug, dit-il lui- Comnie
il faat
vous tient ? 11 ne pent etre enleve que par le sang meme, est suave et mon farJeau, leger. {Malih. xi,
prendre
de Jesus-Christ. Vous avez des richesses pour en 29.)Ce n'est pasun ious: de boeuf, car il est raison- jongsnw

acheter plusieurs, vous n'en avez pas pour vous uable ; c est un joug qui ne cause pas de fatigue :

delivrer de celui-ci. miserables richesses que les il apporte le repos. Et voyez pourquoi il appelle ce
Toti'es ! Vous etes assez riche, non pour adoucir. joug leger. Le premier est lourd, celui qui pese sur

similem ab ista, quae cenicem in turris modum sustulit ficultas est adet a^iditas ad malum. Jugum
bonum,
in ccElum. hoc qua reus teneris ad supplicium, ct
et iniquitas est
2. Grave plane jugum, quod totum humanum genus infirmitas qua pronus in vitium Iraheris. Originalia tibi
in hac muliere excutere non poterat. Non
incllnata sunt isla, et de propaginis vitio et tu adhuc voluntaria :

poterat deponere et non desinebat apponere et iniqui- accumulas oncra? Curiosilale quinque scnsuum dum
tatem super iniquitatem, et infirmitatem super infir- exteriores intcndis in species, interioiem concupiscen-
mitatem, etutramque super alteram fa?cunda satis, sed : tiae flammam provocas, qii» nisi sanguine Christi ex-
infelici nimis fructificatione. Vis audire apponcntem ju- tingui non potest. Concupiscentia cum sola est, satis
gum? Audi quasi se excusalione unus de invitatis ab inardcscit exterior vero materia si accedit, insanit.
:

evangelica subduxerat coena. Juga bourn emi quinque. Gcminum incommodum, naturae corruptio, ct curiositas
tam invalida cervice, et attrito cello
stolida anima, !
qutedam exterius ejus irritamcnta cxplorans. Duplicatum
unum illud portas, quod tibi corrupta imposuit nativitas, incommodum, proprius impetus, ct hostilis impulsus.
et plura comparas ? Non indiges emere quod gratis in- Duplicatum incommodum, flamma concupisccntiae, et
nascitur. Alia adjicis emere, et ab boc quo prcmeiis, flatus incentoris.
collum eximere non potes. Juga, 'mqms,boum emi quin- Juga bourn, inquit, etni quinque. Bene ntique
3.
qup et unum hoc tam grave, tam generale gratis ex-
: bourn,quod brulas mentes curiositatis atterat labor.
cutere non potes. Nee tibi tamen pretium suppelit unde Jugum si optas, non habes nccesse comparare. ToUc
te redinias. Nescis quam gravi jugo teneris? nisi san- super te jugum Christi, jugum gratuitum, jugum gratuni,
guine Christi auferri non valet. Abundas ut plu- non grave. Jugum enim, inquit, meum suave est et onus
ra emas, non abundas ut ab isto te redimas. meum leve. Jugum hoc non est jugum boum, quia ju-
miserae divitiae tuae satis es locuples non ut mi-
! gum rationale est; jugum non quod laborem infligat, sed
tiges, sed ut mulfiplices vincula colli tui, et com- requiem comparct. Et vide quomodo jugum hoc leve
pedes aggraves. Sufficiat tibi ilhid jugum grave quo dicat. Nam illud superius grave, quod est super filios
premeris. Jugum hoc, si nescis, qusdamest delinquendi Adam a die nativitalis usque ad diem mortis eorum.
necessitas, et impossibilitas resurgendi. Jugum hoc dif- Cujus putas mortis? utique ejus, de qua habes Mortui :
SERMONS SUR LE CANTIQLE DES CANTIQUES. 137
les fils d'Adam depuis le jour de leur naissance en aura cnfin raison. Ce qui se pourrit secorrompt
jiisqu'a cclui de leur mort. Mais de quelle niort ? certaiuement. Comment n'est-il pas libre, celni dont
Assurement de celle dont vous lisez ce temoignage : le joug est vompu d'un coup, ou se consume peu a
« Vous etes mort, et voire vie est cachee avec le peu ? Un joug et un lien pourris sont prives, I'un
Christ en Dieu. [Col. in, 3.) Bonne mort, qui de- et I'autre, de leur usage. lis ne peuvent lourderaent
truit la vieille naissance et apporte la nouvello. peser ni puissamment serrer. Ileureux, entiere-
Henreuse mort, qui absorbe la servitude et enfante meiit heureux celui dont les liens se sont corrompus
la liberte. Ceux qui sont issus de cette nativite sont et ne peuvent plus servir; heureux celui dont
libres. Excellent resultatEn depouillant le vieil! riuiile a faitcorrompre et consumer les chaines ?
Adam, nous deposons en raenie temps un joug pe- h. Mais vous direz vous parliez du cou de I'epouse,
:

sant. Ce terme, mis a notre vie cliarnelle, rompt le pourquoi parler si longtemps du joug? Quel rap-
joiig de notre captivite ne pent plus nous acca-
: il port entre le joug et le cou?Pluta Dieu qu'il n'y
bler, mais il se pourrit en presence de I'lauile, en eut aucun. Maintenant il y a une grande plaie.
depuis que nous recevons un autre nom, depuis Pourquoi le joug est-il fait, sinonpour le cou? non
tois
que sur nous a ete invoque le nom du second pourlecoude I'epouse, car deju les liens de son cou
Adam, nom semblablea une huile repandue. Vou- ont ete briscs, et elle ne salt pas etre retenue par
ffl
lez-vous apprendre comment ce double joug se le joug de la servitude. « Votre cou est comme la
S!
rompt et se pourrit ? « C'est le Seigneur qui est tour lie David. » Cette parole montre son excessive
propice a toutes vos iniquites et qui guerit toutes degagee de toute pression, non
liberte, sa liberte
vos iufirmiles. {Ps. en, 3.) L'iuiquile est remise point nue, mais melangee d'un element de force.
cntierement et d'un coup. Le joug est rompu, I'in- La tour est non seulement un monument eleve,
rruption firmite est aussi guerie, et le joug se pourrit. Ce mais aussi un monument fori ifie centre I'ennemi.
e guerit qi^" se pourrit se deteriore lentement, ne tombe La liberte est rendue, mais la securite ne vous est
le suite,
p^g q^ ^,j^ instant. La resolution prise par la vo- pas encore ])romise. Le lien de la captivite estrom-
lonte pent etre coupee et comme rompue : mais pu. L'ennemi cherche a rentrer d'un autre cote :

une passion inveteree ne cede pas tout de suite il ; il a perdu son droit, il n'a pas renonce a I'espoir
faut plutut Toublier peu a pen. Et quand la grace de le reprendre, ni surtout a I'audace de le poin*-

enleve I'impossibilite ou Ton se trouvait de suivre. Vous etes devenu libre, a vous desormais la

faire son salut, alors le joug de la captivite est charge de defendrc votre liberte. N'exposez pas a
Ill

comme rom])u. Etlorsque la difficulte, qui subsiste un joug humiliant, ce cou que I'epoux a honore de
encore pour faire le bien est guerie peu a peu, ce ses baisers. Quand
prodigue revint, son pere se
le

joug parait se pourrir. Use pourrira, dit le textc, jeta a son cou. [Luc. xv, 20.) Doux fardeau, joug
pour donner a entendre qu'il ne sera pas consume suave, qu'il ne merita pas de sentir et de soutenir
tout d'un coup, mais que la pourriture, a la longue. jusqu'a ce que,d'abord rentre enlui-meme,il quitla

estis, et vita vestra abscondita est cum Christo in Deo. jugum, vel semel dirumpitur vel sensim corrumpitur?
Bona haec mors, qua? veterem sepclit nativitatem, no- Et jugum, et vinculum corruptum, utrumque usu suo
vam inducit. Mors bona, qu;e servitutem absorbct, ge- privatum videtur. Nam nee graviter preniit, nee tena-
neral liljertatein. Nam hujus nativifatis liberi sunt filii. citer stringif. Felix plane, cujus compulrucrunl vincula,
Bonus hie exitiis, ul velerem oxucnfcs Adam, simul ut nulli sint usui : eujus eompufruerunt et corrupta?
grave jugum abjiciamus. Hie vitee carnalis cxilus eap- sunt catenaj a facie ulei.
Uvitatis nostrse jugum dirumpit ultra gravare non po- : Sed dices De collo sponsa; scrmonem instilueras
4. : :

test, sed compulrcscit a faeie olei, ex quo coepimus no- quid nunc circa jugum immoraris ? Quid de jugo ad
mine alio voeari, et super nos nomcn
invoeatum est collum? Utinam niiiil. Nunc aulem contrilio magna.
sccundi Adam , cujus cfTusum nomcn
lit oleum .Tugum eiiim ad quid, nisi ad collum? Sed non ad col-
ejus. Vis audire utrumque jugirni hoc grave el dirumpi, limi spous.e, quia jam soluta vincula colli ejus, jam ncs-
et putrcscere ? Qui propitiatur omnibus iniquitatibuv, cit servitutisjugo contineri. Sicut turris, \m\\n\., David,
tuis, qui sanat omnes infinnitates tuns. Iniquitas tola sic collum taum. Exuberanlissima per hoc monslratnr
et semel dimitfilur. IJiiMiplum est jugum, infirmilas lihertas, et depressione ah omni libera, non tamennuda,
adhuc sanalui', jugum computrescit. Dcuique quod com- sed quie liaboal aliquid ibrliludinis admixlum. In furro
puti'escit, lente deficit, non dcsinit semel. Propositum non sola ereclio, sed munimeuli f'ortiludo altendilura
voluntatis praecidi quidem potest, et quasi dirumpi sed : facie inimici. Rcstituta est quidem lihertas, sed secu-
invcterata passio non tam deciditui' quam dedicitur. ritas libi nondum
pcrmiltifur. Captivilatis conlrilus est
Et quando opcrandae salulis impossibililas aufcrtur per laqueus. lloslis aliunde qua-rif inecfere jus pcrdidif, :

gratiam, tunc quasi dii'umpilur captivilalis jugum. Sed non deposuit recuperaiidi spem, non pervicaciam infes-
quae residet adhuc boni paulalim sana-
dil'dcullas, dum landi. Lihcr eireclus es, liherlalis luenda- de celero
lur, ejus videtur jugum computresccre. Computrescet, tibi incumbit ncgotium. Collum amplexibu.s sponsi de-
iiKjuil, nt quamvis non semel lolum, lamen quandoqiie ditum noli ne in niodico quidem degeneri exponerejugo.
pulredirie ccjniicicndum donet inteliigi. Quod con)pu- Denique leverlenli (ilio paler ohvius procidil super col-
treseil, utiquc corrumpitur. Quomodo non liber, cujus lum ejus. Pia sarcina, et jugum dulcc : quod lamen
, »

138 L'ABBE GILLEBERT.


sa condition de mercenaire, et revint ainsi versl'au- Voyez le privilege de I'epouse. L'apotre saint Pierre

teur de ses jours. Voire tete est elevee : soyez fort nousexhorte a nousbitir « en maisons spirituelles :»
comme de David, pour que vous puissiez
la tour (I Petr. II, 5.) I'epouse s'eleve , non-sculement en
dire: pour vous que je conserverai ma for-
(cc'est forme de maison, mais encore en forme de tour.
ce. » (Psalm. Lviii, 10 Le vrai David, le vrai Salo-
)
Saint Paul desire que nous soyons edifies comme
mon, c'est le Christ, qui est la force de la sagesse ((une habitation de Dieu. » Eph. II, 22. Mais j

de Dieu. Vous etes sa tour, si vous n'avez, de vous- I'epouse, non contente d'etre une tour, ajaute encore
meme, des sentiments has et faibles : niais si la des contreforts a sa construction, afin que sonsejour
sublimite dela vertu de Dieu s'y fait sentir, elle ne y soit eleve et plus assure. C'est peut-etre de I'une
vient pas de vous. une tour, mais il n'cst
II est de ces tours qu'il est dit « que la pais soit dans
point la tour de David, ou plutot il est une tour votre force et quel'abondance regnedansvos tours.
contre David, cehii qui, entle par le sens de la chair, [Psalm, cxxi, 7.) II comient toui-a-fai^t que I'aboii-

se met en opposition avec la science de Dieu. Voila dauce ne fasse pas defaut dans la tour. C'est une II DC I

necessite, que d'avoir a soutenir le de


le cou superbe : mais la sagesse foule aux pieds le rude et dou' le rif
d'etre tot

cou des orgueilleux et elle exalte la tete des hum- siege au dehors, et a supporter la famine au-dedans. au-deki
si U b
bles. C'est I'humilite qui fournit les fonds necessai- De quoi sert d'avoir toutes ses avenues fermees et se fait •

edifler la tour evangelique. {Lite. xiv. 28.; cruel ennemi de la faim ao-dedi
res pour fortiCees, si au-dedans, le
11 ne faut pas craindre que manquent a
les facilites contriste tons les coeurs? Le degoVit, est une mau-
I'epouse, elle pent puiser abondamment dans les vaise faim, Les portes sont fermees, les ouvertures
tresorsde I'epoux. «.\pprenez demoi, wdit-il, «que du dehors sont defendues, si la mort n'entre point
je suis doux et humble de coeur. » [Mallh. xi, 29.) par les fenetres de nos sens, si I'experience de nos
Vous ne comprenez pas encore comment I'liumilitt' organes revoltes ne laisse introduire du dehors
donne les moyens d'elever la tour ? « Qui s'hunii- aucuue matiere qui puisse enflammer le mal. Si
lie, » dit le Sauveur, a sera exalte. [Luc. xvni, i!x.) vous rejetez I'avarice de la calomnie, si vous bou-
Et c'est avec raison que dans le passage precedent, on a chez les oreilles pour n'entendre point le sang, si

fait allusion, a mots converts, a I'humilite, quand on vous fermez les yeux pour ne pas voir le mal, des
a parle de ce qu'il y a de cache dans I'epouse, par- lors vous etes ferme, vous habitez sur les hauteurs,
ce que la belle apparence de I'humilite consiste et voire elevation presente la force des rochers. Est-
excellemmentacacherles louangesdesesmerites. Si ce assez ? De quoi sert une elevation fortitiee avec
dans Tun de ces endi'oits il a ete question dhumilite, tant de solidite, si la famine, si le cniel degout ra-
ilest juste que, dans celui-ci, on parle d'elevation. vagent linterieur? A quoi bon la durete des rochers,

Une tour fondee sur I'humilite ne pent longtemps et les cimes inaccessibles, s'il n'y a pas de pain et
etre cachee. si les eaux ne sont pas fideles? La protection est

5. « Votre cou est comme la tour de David. » bonne, mais la ou ne manque point la refection.

sustinere nee sentiret meruit, donee primo in se rever- sponsae. Apostolus Petrus hortatur nos coaedificari in
susservilem conditionem dirupit, sic regressusad patrem. domos spirituales : hcec tantum in domnm,
vero non
Erecta est cerviv tua esto forlis sicut turris David, iit
: sed etiam in turrim aedificatur. Paulus in habitaculum
dicere possis Fortitudinem meamad te custodiam. Ipse
: De/coaedificari nos optat sed sponsa hoc non contcnta,
:

enim David, ipse Salomon, Christus scilicet Dei virtus cliam propugnacula adjungit, ut sublimis et seeurior sit
et Dei sapientia. Ejus turris es, si non infime, non in- habitatio. Forte et haec una de illis turribus est, de
firme sentias circa ipsum. Sed si sublimitas virtutis Dei, quibus dicitur Fiat pax in virtute tua, et abundantia in
:

non ex teipso. Quasi turris est, non turris David, sed turribus tuis. Omnino convenit, ut in turre non desit
magis adversus David, qui inflatus sensu carnis suae ex- ubcrtas. Dura, quia duplicata necessitas, ubi foris obsidio
tollit se adversus scientiam Dei. SuLIime hoc collum : fames infrinsecus. Quid proficit clausos et munitos esse
sed superborum ct sublimium colla sapientia calcat aditus omnes, si intus saevus hostis fames cuneta cons-
humiliuQi exultat. Humilitas ipsa sumptus ne'-essarios tristat? Mala fames, fastidium. Clausae sunt janus el
subministrat ad aedificationem evangelicae turris. Nee exteriores muniti aditus, si per sensuura tuorum fenes-
verendum est, ne sponsae sumptus desint, quos abun- tras mors non ingreditur, nee experientla indisciplinafo-
dant er de sponsi potest area mu'uari. Discite, inquit, rum sensuum de exterior! materia mali incentiva admit-
fl ine, quia mitis sum et humili^ coide. Nondum intel- tit. Si projicis avaritiam ex ealumnia, si obturas aurem
qua ratione sumptus humilitas pra-stet in aedifica-
ligis ne audias sanguinem, si claudis oculosne\ideas maium;
tionem turris? Qui se, inquit, humihat exaltabitur. Et jam elausus es, jam habitas in excelsis, et munimenla
bene de humilitate de pra'cedenti lalenter est sugges- saxorum sublimitas tua. Numquid satis est"? Quid prodest
tum capitulo, ubi sponsae occulta commemorat, eo quod tam muni la sublimitas, si quae infus sunt, fames et
humilitalis pulchra sit species, meritorum laudes occul- faslidii vastat erudelis egestas? Quid prodest dura
tare. Si ibi de humililate, consequcnter de sublimitate saxorum et in accessa sublimitas, si non ibi panis est. si
istic annectit. Non potest abscondi diu turris in humi- non aquae fideles sunt ? Bona quidem protectio, si tamen
litate fundata. non desit refectio. Bona sunt munimenta saxorum, si
5. Sicut turris David collum tuum. Vide privilegium tamen talia sint de quorum possit duritia et mel, et
SERMONS SUR LE CANTIQUE DBS CANTIQUES. 139
La defense que doiment les rochers est utile, pour- I'epoux dit : « Si c'est un mur, b&tissons sur lui
vu que de Icur nidesse on puisse iirer et le miel et des contreforts d'avgent. » Les contreforls d'ordi-
I'liuile. Car la rudesse des observances regulieres, et naire sont de la meme matiere que la tour ct font
la pierre de ladiscipline, donnent souvent delarges masse avec elle. Et remarc^uez comment la charite La charity
comparee
ruisseaux d'Luile, et la rigueur de I'ordre, sembla- porte, avec elle, des contreforts qui ont avec elle •i UD
ble a celle de la pierre, fait sentir a I'ame la dou- unememe substance et im meme corps. Voyez conlrefort.

ceur de la devotion. Enfin vous lisez : « que la paix comme elle a luie soUicitude innee, une prudence,
se fasseen votre force, et que I'abondance regne une precaution vigilante pour eviter ou detruire
dans Tos tours, » 6 Jerusalem, mais « Tabondance les machines et les attaques de I'ennemi. Les con-
pour ceux qui vous clierissent. » Celui quine vous treforts ont uncote ferme etun cote ouvert. Parcelui-
aime point, encore qu'il soit dedans, est en proie ci on decouvre les attaques, par celui-la on resiste

a la faim. Comment le besoin se ferait-il sentir aux assauts. L'un surveille, I'autre protege. La
dans cette tour spirituelle, dans la tour de David, charite est batie avec des contreforts de ce genre,
dans le cou de I'epouse, en lecjuel par x\n mouve- parce qu'elle porte innee une prudence aussi vi-
ment incessant s'attire et se refoule I'esprit vital, goureuse cjix'habile. Elle est a elle-meme une
par le moyen duffuel, retentit la parole sacree, et jmissante defense. La charite est forte comme une
s'ecbappe le souffle de la voix? Comment la faimse tom\ Elle salt les occasions d'epreuves, elle salt fuir
ferait-elle sentir dans le cou qui livre passage a quandil le faut, et si elle ne pent fuir, elle saitsui)-

I'abondance de la suavite, et a la parole excellente porter avec courage les attaques; et quoiqu'elle
qui s'ecliappe de la liberie du cobur? Le cou sem- paraisse avoir tant de force, elle ne refuse pourtant
ble etre un trait-d 'union, et comme la glu (pii pas les secours etrangers. Fortifiee par ses contre-
unit le coeur a la bouche, le corps a la lete.etcba- forts, elleprend aussi les boucliers. Lebon bouclier,
cun d'eux a I'autre. Le cou est un lien etun canal. c'est Tordre dans la conduite et la regie cpi'ont

Quel sera ce Lien, sinon la charite qui unit lecorps enseignee les hommes. Bien que celle-ci ne soit
a la tete, et I'Eglise au Christ? Quel est le chemin pas necessaire a la charite , eUe n'est pas conside-
de I'esprit, sinon la charite? Elle est la voie plus ree neanmoins comme superfine, ni comme one-
excellente, bien mieux, elle est cet esprit qui va et reuse. La charite est spirituelle : eUe n'a pas besoin
qui vient et retourne a son origine ; rentrant au de loi, elle ne la dedaignc pourtant pas, mais elle

point d'ou il est sorti. C'est de cette vertu que de- s'en sert selon I'ordre, la regardant comme une
pendent la loi et les prophetes. pi'otection, et non comme une oppression. C'est
6. C'est pourquoi y sont sus-
« mille boucliers encore un bon bouclier que la meditation de la
pendus. » Toute parole du Seigneur est, en elTet, un parole sacree. Car tout discours du Seigneur est un
bouclier de fer, et les contreforts eux-m ernes se bouclier de feu. [Prov. xxx, 5.)

rapportent a cette parole. Dans la suite du texte 7. La charite n'est pas contente des meditations

oleum elici. Et quidem ipsa observantiarum duritia, et Propugnacula de ipsa solcnt esse turris materia, et quasi
pclra disciplinae, frequenter largos effundit rivos old, et de eodem cum ipsa corpore. Et vide quomodo caritas
mentis faiicibus dulcedinem dcvotionis ministrat Ordinis consubslantialia ct sibi concorporalia propugnacula
qnidam iapidcus rigor. Denique sic habes Fiat pax in : gestat. Vide quomodo innata sit caritali sollicitudo
viHute fua, et abundantia in turribus tuis, o Jerusalem, quaedam, prudentia quaedam, et pervigil cautio ad
sed abundantia diligentibus te. Alioquin, qui non amat, declinandas vel depellendas infestaliones et macliinas
cisi intus sit, esurit tamen. Quomodo autem egestas erit hostilcs. Habent propugnacula aliquid clausuni, habent
in liac spiriluali turre, in turre David, in cello sponsee, et npcrtum aiiqiiid. Per istud insidias explorat per :

in quo jugi commercio spiritus' vitalis trahitur et refun- illud assultus dcclinal. Illic providons islic se protc- :

dilur in quo verbi sacri commeatus assiduus est, et


; gens. Talibus est caritas cum propugnaculis a'dificata
vocalis spiritus discurrit? Quomodo fames in colic, per quia talis est ei tarn fortis, tarn priidens sollicitudo
quod abundantia suavitatis eructatur et verbum bonum innata. Ipsa magnum est sibi (irmamentum quoddam.
de cordis libertate? Collum quoddam vidcfur commcr- Denique fortis est ut turris dilectio. Ipsa novit lenla-
cium, et quoddam glutinum, et cordis cum ore, ct mcnti occasioucs ct cum opus est fugerc, et ubi fugien-
corporis cum capile, utriusque ad alterum. In collo di non subest copia, forliler ferre et cum ipsa tantum :

vinculum est et via. Quod aliud erit vinculum nisi firmament! habere videatur, alicna tamen adjumen'a
caritas, per quam capiti corpus cohajret, Christo Ecclesia? non refugil. Propugnaculis munila assumif ct dypeos.
Qua? alia via spiritus nisi caritas ? Ilaec enim excellcntior Bonus clypeus conversationis ordo, et lex ab hominibus
via, imo haec est spiritus vadens et redicns, et ad suam tradita. Hasc elsl non est carilati nccessaria, non tamen
recurrens origincm undc nascitur, illo rcverfens. Ab
;
reputatur supervacua, nee onerosa quidem. Spiritualia
hac lex pcndet ct propheta>. est caritas nee indiget lege, nee tamen legem dedigna-
:

6. Ideo mille chjpei pendent ex ea. Omnis enim sermo tur, sed legitime ulilur, ea protecta, non opprossa.
Domini igniltis clypeus est, et propugnacula ipsa ad Bonus etiam rlypeus sacri medilallo verbi. Omnis enim
sermoncm referuntur. In sequcntibus dicit S/ miirus- : sermo Domini ignilus clypeus est.
est, cedi/icemus super eum propitgnacula argentea. 7. Non est conlcnia caritas spiritualibus, quas ipsa
;

l/iO L'ABBE GILLEBERT.


spirituelle? qu'elle produit : et bien qu'elle soit la comme un mediateur et un arbitre eutre les
loi meme du Seigneur, elle rellechit sur les formu- hommes et Dieu, comme un cou place entre Ic corps
lesde la loi, elle en prend pour son usage les te- et la tete, comme une tour de defense en presence

moignages, elle s'en couvre et s'en protege comma de cnnemi. Regardez cet homme-Dieu qui avait
1

dun multiple bouclier. Et eucore qu'elle ait au-de- la science propre en si grande abondance, vovez

dauf le grand temoignage de lesprit, elle tire, de comment il prit les boucUers de I'Ecriture et eut
la lettre sacree, des protections Bonne
as5urees. recours h son aiitorite afin de repousser, par I'arme i

protection que I'experieuce de lacharite suggereou de la Terite, les embuches de I'interpretemalin.


que donne la science du texle sacre. Saint Paul, 8. Vous aussi, si vous etes un mediateur et un
dans Tune deses epitres, vousdepeintlescontreforls arbitre enti-c les hommes et Dieu, les reunissant i
de la charite. « La charite, » dit-il, « est patiente, comme le cou unit le corps et la tete, que mille
elle est benigne. » (U Cor. xm, 4.) Parcomez tout boucliers pendent chez vous, les boucliers <Uvers
ce chapitre relalif a cett« admirable vertu ; est-ce de la parole sacree. Que I'autorite sainte soit tou-

qu'il ne vous semble pas apei"cevoir autant de joursa votre disposition, employez-la en toute ren-
contreforts qu'il enumerc de graces distinctes ? « Elle contre, non-seulemeftt suftisamment pour vous,
n'est pas jalouse, elle n'agit pas a la legere, elle ne mais encore, et avec abondance, pour les autres.
s'enfle pas, elle n'est pas ambitieuse, elle ne cher- Soyez pret a rendte raison, a qui vous la deman-
che pais ses intcrets, elle ne se rejouit pas de I'iui- dera, de la foi et de I'esperance qui sont en vous.
quite, elle se rejouit de laverite, » et le reste, jus- (i Petr. Ill, 15.; II semble vous demander raison
I

qu'a ce mot « elle ne meurt pas. » Voyez-vous de de votre foi, celui qui s'efforce d'inculquer des ve-
combien de contreforts cette tour est fortifiee? Est- rites qui lui sont contraires et qui lattaque ouver-
ce que tout cela ne vous semble pas faire corps avec tement. A. votre cou est done suspendu un bou-
elle, et s'elever comme de son propre fondement ? clier solide, si vous etes muni du bouclier de la
C'est dans
lEcntnre
saiate qn'il
Et ce])endant,
*
„ '
,,-,
ces sentiments que la charite produit
a-
comnie uaturellement, la doctrme les dirige, la
i
foi, le bouclier de la verite,
volonte et le bouclier de la parole divine. Vous trou-
le bouclier de la bonne
Qnitn
boncBe
dans
I'exercice les developpe et le vez tous ces boucliers daus les Ecritures. Mais si
dibondie^T^^ discipline les regie, ;
lesEcrili
bien, qui a sonorigine dansla charite, I'ordre etabU vous etes eleve en I'air comme une
par la charite,
en maison par ceus qui ont de 1 'experience,
cette tour, dominant comme cou au dessus du reste
le

Tentretient pour qu'il ne defaille pas, ou Texcite du corps par la grace de la contemplation, appro-
pour qu'il augmente; YoUa pourquoi.non contcnte chez-vous de la tete du Seigneur, cachez-vous dans
de I'mspiration qui vient du dedans, la charite le secret de sa face, dans le cabinet de I'epoux,
met de toutes parts sous les veui de la memoire, dans le lit nuptial de la verite est-ce qu'il ne vous :

comme des boucliers, les prescriptions de lEcritu- semble pas etre alors protege par un agreable bou-
re sainte. Considerez lepoux lui-meme, qui est clier? Et je ne sais sU existe de boucher plus fort

g^gnit, meditationibus : et cum ipsa Domini lex sit, in nes et Deum, quasi collum medium inter corpus ct
ipsis lamen legis sermonibus meditatur : inde sibi caput, turris fortitudinis a facie inimici. Ipsum, inquam,
leslimonia * qui
assumit, indc se tuctur, et muliiplici inspice, propriis abimdabat, qiiomodo assumpsit
prote|!i1 clj-pco. Et cum magniim habeal inliis testimo- scriplura? ch-peos, et velut ad auctoritatem se contuUt,
nium Spiritus, ab ipsis tamen litteris sacris patrocinia scuto vcritatis fraudulentas interprelis maligni propul-
sibi decerpit. Et bona protoctio, quam vol caritalis sans Insidias.
experienfia sugg-erit, vcl scrmonis sacri pcritia tradif, 8. Tu quoque mediator quidam et sequester
si fucris
Pauhis in epistola sua quaedam caritatis tibi propugna- inter homines et Deum,
collum corpus et caput
et velut
cula depingiL C<iritns, inquit, patienx est, benigna est. conjungens; mille ch'pei in te pendeant, omnimodi
Percurre totum ilium de caritate locum: nonne tibi ch'poi divini sermonis. Sacra tibi praesto sit auctoritas,
tot propuguacula Aidentnr exsurgere, quol gratias et ad omne patrocinetur negotium, non tantum ut tibi
distinctas cnumerat Son ainulatur, non agii perperam,
: sufficiat, sed ut rehquis abundct. Esto paratus ad red-
non inflatur, non est ambiiiosa, non quccrit qvue sua dendam rationem omni posceati de ea quae in te est
sunt, non gaudet super iniquitate, congaudet autem fide et spe. Quasi poscere vidctur fldei tuae rationem,
v^rjiati, etc. usque non excidit. Vides quot propugnacu- qui fldei contraria persuadere conatur, et ipsam infrin-
lis tumta consistat? numquid non ista concorporalia gerc. Bonum ergo a collo tuo scutum pendet, si fueris
caritati videntur et vc-lut dc fundamento ejus exurgere ? scuto fldei munitus, scuto vcritatis, scuto bonae volunta-
Et tamen istos affectus, cues caritas quasi naturaliter tis, sacri scuto sermonis. Omnes hos in scripluris ch^peos

gignit, doclrina dirigit, disciplina regit, crigit exercitatio legis. Sed et si fueris in sublime per caritatem erectus
et bonum originale, quantum ad caritatcm, ordo hie ab velut turris; si per contemplationis gratiam, quasi
expertis prsscriptus, vel fovet, ne deGciat promo-
: vel collum, reUquum corpus excedens accedas ad caput ;

vet ut crescat : ideo caritas interna inspiratione non Domini, ct abscondaris in abscondito faciei Domini, in
contenta, sermonis sacri undique sibi, velut ch'pcos, secrclario sponsi, in Ihalamo vcritatis nonne tibi vide- :

memoriter appendit. Ipsum inspice Spon-


institutiones ris dclicalo protectus clj-peo? Et nescio si quod scutum
sum, qui mediator et sequester quidam est inter homi- ad protegendum efficacius sit, quam talis amplexus dilec-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES C\>JTIQUES 141
pour defendre surement, qu'un tel enibrassemeut siens. [Eph. vi, 13.) « Toute rarmure des forts, »
de I'epoux. II est tout de feu, et aussi il eteiut tous c'est-a-dire, de ceux qui aiment. Car « I'amour est
Ics traits enflammes du mcchant, et son feu con- fort comme la mort. » [Cant, vui, 6.)
Quoi done?
sume le feu. Si le bouclier de la foi eteint ces U n'y a la que les
armes des vaillinis, il n'y a pas
dards enflammes, combieu plus sera mieux protege de mamelles pour les enfants? Si elle s'eleve sera-
par le solide bouclier de la verite, celui qui est blable a une tour, la charite ne condescend pas?
cache dans sa chaleur? Cette chalcur est la fer- Soit que nous soyons ravis en esprit c'est pour ,
^til^j^J'*
vente meditation de la verite, elle eteint les sug- Dieu; soit que nous n'eprouvions pas de trans- et condescend

gestions de I'ennemi briilant d'un mauvais feu, ports de ce geme, c'est pour vous. La charite du
avant qu'elles parviennent a I'esprit. Au sein des Christ nous presse. (u. Cor. v, 6:.
erabrassements de I'epoux, au sein des offices de la 9. Vous I'avez entendue dans son transport, vou-
charite, I'epouse n'a pas le temps de recevoir les lez-vous voir I'epouse tranquille et coudesceu-
coups du dehors. C'est avec raison qu'un tel bou- dante? « Vos mamelles » dit I'epoux, « sont comme
suspendu au cou de I'epouse, parce que
clier est deux petits jumeaux de la chevre. » Cette epouse
I'amour seul eprouve le charrae d'un enibrasse- est une bonne tour, elle se ferme de tous cutes par

meut si ardent, seul il counait des transports si la discipUnede sa conduite, elle y suspend, en grand
vifs en faisant adherer I'ame aDieu, U fail d'elle,
: nombre des , boucliers tires de la doctrine des Ecri-
pour un moment, un meme esprit avec liii. Heu- tures et elle s'eleve a de grandes hauteurs par les
reux le gosier dans lecpiel reside la parole bru- ravissements de la contemplation. Sa continence
lante du Seigneur, le cou d'ou pend gratuitement est forte, sa doctrine fidele, son extase celeste :

par ses baisers, comme un bouclier, le Verbe du cependant son elevation a appris a condesceu-
pere, la verite et la vertu. Est-ce qu'il ne vous dre, I'abondance de sa doctrine sail se reduire
semble pas suavement protege, celui qui est ainsi a des proportions restreintes, el sa vigueur se fon-
couronne, celui qui est ainsi entoure de boucliers dre en la douceur dun lait raisonnaLle, et I'armure
en avant et en arriere? Fidele etancon, oil soiit des vaillants se changer en mamelles [wur les en-
suspendus des vases de tant d'especes I Elles fants. Partout la charite du Christ la presse, rele-
se rattachiut a juste titre au cou de la charite, vant vers le ciel, la tirant par son amour vers la
parce que cette vertu est une onction qui nous ins- terre, mais ne I'y retenant pas longtemps, carbieu-
truit de tout et nous suggere tout, parce qu'en elle tot, de la elle revienl avec transport a ses delices
les graces nous sont conferees, parce que toutes se ordinaires. C'est pourquoi U est dit « vos mamel-
:

rapportent a elle, et qu'elles sont estimees et prisees les sont comme les jumeaux de la chevre, » parce
a sa mesure. « MUie boucliers y sont suspendus, que toujours elle considere les montagnes de ses
toute I'armure des forts. » .\rmure dont saint Paul paturages, parce que sa nourriture, dont elle cou-
fait la description complete en son epitre auxEphe- vail les douceurs, la fait se touraer el latrausporte

ti. Igneus ideo omnia tela nequissimi ignea


est, et infantium ubera? Si excedit quasi turris quaedam,
extinguit, ct ignis ignem consumit. Si fidei scutum ilia caritas non condescenditSive mente cxcedimus, Deo
? :

extinguit, quomodo non magis veritatis bono protcgitur sive sobrii sumus, vobis. Caritas Ctiristi urget nos.
ch^pco, qui absconditur in calore ejus? Est enim verita- 9. Audistis excedentem vuitis sobriam ct condes-
:

tis fervida meditatio, suggestiones inimici male ignitas cendentem accipere sponsam? I'bera inquit, tua sicul
ante extinguit, quam ad mentem pertingant. Inter spon- duo hinnuli cnprew rjeynelli. Bona turris sponsa, quae sc
si aniploxus et caritatis negotia, non vocat sponsae pere- per conversationis disciplinam undique claudit, ct pep
grina tela susciperc. Bene talis chpeus a collo sponsae scripturarum dorfrinam sibi chpeos copiose appendit,
dependet, co quod tamsuccensi amplexus gratiamexpe- et per contemplationis excessum in sublime assurgit.
ritur sola diioctio, sola tales novit excessus et mentem : Ipsius etiam continenlia fortis, et doctrina fidelis, et
faciens adhaerere Deo, unum ad horam cumillospiritum excessus coelestis tamen et ejus sublimitas condescen-
:

efficit. Beatum plane collum, in quo sermo Domini deredidicit, et doctrina> copia ad sobrietatem dediici, ct
igneus moratur; a quo velut scutum gratis dependet rigor liquesccre in quamdam rationabilis lactis dulccdi-
amplexibus Patris Verbum, Veritas et virtus. .\n non nem, ct arma fortium in infirmorum ubera converli.
tibi delicate protectus videtur, qui talibus coronatur et Ubique illam urget caritas Ctiristi, sursum ad ilium
circumdatur undique scutis ante et retro? Fidelis paxil- rapicns deorsum propter ilium Irahens, sed non tenens
lus, in quo tot diversa vasorum genera pendent. Bene diutius, dum adsuas susubinde dciicias in excessum re-
ha?c a collo caritatis pendent, quod ipsa sit unctio quae currit. IdeodicitI'heratua sinit hinnuli cnprefpgemelli,
:

nos docct de omnibus, et omnia suggerit quod in ipsa : quod semper circumspicit montcs pascuap su.ne, quod ad
omnes gratiie conferuntur, etreferuntur ad ipsam, et ex pascuae locum illam convcrtat etrapiat nota refcclio, quod
ipsius pensantur et penduntur mensura. Mille clypei ad sponsi lilia levi saltu subilo relabalur, untie debcale
pendent ex ea, omnif ormalura forlinm. Armatura plane, refecla cu'Iestium succis iierl>arum, dislenfa ubera ad
quam Paulus ad Ephesios numerat. Owww armatura parvulos ileruto reportet. Sed qujp de uboribus istis
fortium, id est amantium. Fortu est enim ut mors disccnda sunt, non possunt aures fatigatae forsitan et
dilecto. Quid ergo? Tantum ibi sunt arma fortium, non hora fugicns portarc modo, et potum lactis ab uberi-
;

IAS L'ABRE GILLEBERT.


Ters ces linix fortimes, parte que d'an bond leger aroir qaand il disak : * Nous aroBS ele j

elle lb de sod epoux, oa sua-


s'eiance Ters le? conune one noanice qai allaite ses enfants^
Tement rassasiee da soe de ces hetbes cekstest, ft Tktst. n, 7.^ Est-<e qa'il ne toos sembk pas
die rerient rers s«s petHs, ks mamriks gonflees. comparahk a on faon, oefaii qai s'est rendn sem-
Mais ce qaH t a a diie de ces mamelks, tos oseil- blafak a on toot petit enfant? fiwnnient le-
ks fatignees peut-elre, et llieure qui s'cnfiiil, ne chanffut-il ses aiEanb eomme one noarrioe, sll
pennettent pas de le dercji^tper preseaailMnent. n'aTait pas de mamdks? Les denx en£uits qoe VE-
Quand le Seigneur aura accovde a vtoe priercs on glise a, smt conune Is deux faons de la dterie.
repos plus grand, nn temps phis libre, aikHs je ne Fan, delacirconcbaoB, rantre,dela9entilile. Vonpez
Toos refosexai pas le muustere de ma parde, ce- oooune saint I^ul donne ses mamelks a I'an et a
hii-la nous dconant de chanter ses l<Maange&, qni Fantre. * Tai ete avec ks joife eonune on juif
noos domne de sentir som afiectikm, le Christ J<esa3 aTcc ceox qai etaient saie la loi, ronwe a
qai,aTee le Pne et le aint Esprit, rit et le^ne dans j'avais ele sans la loi, je me sob Eutfoot a
tons les aecks des ae^ks. Amen. toos poor ks gagner toos. i Car. ix, St. Est-
ee qoll n'arait pas dispose ses mamriks poor
SERMON" XTVII- ses&oas^ seEabanttoatatoatsU se fit toot a toos
nonparn^ei^ trampeiie, mab par one afiectionSi
cnmpaiissante ti. par rbahitade de se pn^Msttion-

dt Ic dhnre, fmifmsaait fmnmi ks lis, Jmsfiii te ner auxames. Use confiinnait aax onset anx ao-
fue Itjomr, etc. ((Cant, it, 5.| tres : ici arec les uns se pcirant des choses per-
miseSy la eoDdescendant anx choses liciles, eritant
1. Tons &aes> qoe ks mamdtes de
TOifez, nxFs toojoois de srandaJbeT, qoand il k poorait, sans
repoose ont ansa learieJoge.ll est 90Ufe9Dt£ait men- TH^sr lafoL U se fit tootatouSk ne dHrnisaitf pas
tion de mamdtes soit dans d ant res endroifs, soit ehez ks jai& leor rite tolere dans k commence-
sartoot dans ce Ixvre des cantiqaes. L'epoax. ks ment, ne poiBsant pas ks gemfls a cudn aaMJ ceite
jgHesft an vin, {Cmmt. i, 1.) il ks ounqpaxe a one loi morlifiee dans son principe. Dsefittoota tons,
« gra|^ de vigne. « (iS>. to. 7}, H ks asannk a sdon la caparite de ceox qoi reeootaient, piechant i
• one tour. {H. rm, iO);. Et ee qai noos occs^ ks pceeeptes moranx, taibant, poor on temps, Ik
en ce moment, ttTosdeaxmamdks,* dit-il. sont expiitalioiK mj^tiqaes. Dans cettedoohle maiieie.
conune ks denx pdfits jameanx de la chene, qai il presoite eomme drax mameiles
temperant poor
paissent dans ks lis. * Tons roxez eomlHen sont ks «aifanis cdks qoi sont pkines d'ane doctrinft
nmltqplies ces eioges des mamciks^. Si T^oose est pins ^ane. Lacompa'saon a des mamdks an-de-
mere,il ne couTiesit pas que la pmtrine d'nnemiare dansi, mab la eondeseendanee ks numtze an-de-

ne pwlie point de mamejks. Saint Paid sairait en Imhs. L'one jneaa-i vmi!. raotre porte lemede. Qae

Edksiae sSer de
OKantOKis Tol^ enm Daadams dederil, nosferi ok Vide OHplaL Fadm
oHEDdmrn nan dem^abo, ifso, in qos pnectmia ^xstante aoK, ioquiil.-. 1 -. , .
fmi am
capiaan, qui pntstat affiedbncn, C3briisto Jesa, qui kge ermmt, fmmti ame iege fmcSms
Deo Palre el l^puatn-sancto vivit et legnot per smm, ml onaer Imer^mdmm An nan oben fcHmnlic isfis
jqpfmla saBCffllonini. Abdoi. cmapSaTeiai, oBnmia bdbiis OmilOMIS? OounbBS ^wmmg
fectiiis 6t nan aDunbHitis ^^n, scd

SERMO XXVII. ^ bafailm coaptailis. Deniffnent


nmnc se auniHis a ficStis cobibens,
Dmt fiH mnrf dma kaatmli emprme descendant nlmnnnq[me
w £&», dbaat m^iinel diet, etc {CaaL i b.) nM fidanon obaslebat igynria. Omnibns
est, nee Jadze rifam m
ImiiK fidlnni tadlaKs, nee ad
i. \ldriiB qmonMido nee nbnra sfKintsz: hmde
fiialbres, eonun itntadBanem geniiles conqidQeiis. OnuiiiaBsagDnia
pfft^canfiiBir. £1 nssdem ubensm nsmpBtio feeqacsBs tisni lEidhBB est, pro antfientiBai ra|aritalle et
imaliis lod^ tmn in isSis psedfoe rtotiri?>. Ta» abeaa HMWfalla, et ffiieseas nqslica. In bae doylici
^tseSesif ieira confert, adsimibll tmnri. Et qood mane in vebdt dno obeia poni^fi, doctnnaej
p!3Esenli est, doo, iofnai, fient Am dma skat AwsnS parcnfe UmpeoBS. Intenoa oomp^sio nben
ea^rem gtwieBi, fmi fmtaaimr m
BSu. \lddfe qnam habef^sed oaofbBoiaas obeia exbibeL Hh :

iqibbII^Sbe isi]icni[]m fi^^n wnj^f^^fa ti*^, Si wiati^ esS, naiet^ sed Eta medelnr. Qnid enim mifai prod^ s
nMn pedtoisobeinbos caiere nan deccL Ubeira noTcsiaf ftiiffl!i|Mllfmi i^ ct ufimdafii et CRDKi '.

I^ofaB habere cma d&c»et : Pbdi smamt pmrtmS m peraie le mmmode nests? Qoid niibi prodeat a
»alHi> veitinan, fmamedo si mmbii fmemt fiSm smut. patifirtis afectn caiEaoa in te mean banders, a i

An noQ liMvld^iu' bdms qniaa Mmnmlma^ qmi betas est qnam ddies men affios? Utrnpue '*»'w=»»ia
«l, et
qoiKi pxrrmliiis? Unde SbTdnl SMos qmaa nmfcrir^ a comfasaia, et qocdun ||'*im' et *liTii' Affivimq^ txmtfoar
nan babrfaali ubeia? Qoaa dmo blmnafi cagaeae dno ffiM
SERMONS SLR LE C.ANTIQLE DES CANTIQUES. 143
m'inipoiie que vous me montriez de la compassion, vous etes propose. Jamais vous ne montrerez mieux l^tUe arit

si vous ne savez pas vous propoi'tionuer a mon iu- votre eloquence, que si vous presentez avec som une predicatenr*.
lirmite el vous mettre a la porlee de mon eufance, matiere vulgaire, que si vous relevez, par lagre-
pour ainsi dire? Que m'importe, que par votre meut du disconrs, Ies verites qui semblaient rouler
commiseration vous fassiez de ma cause votre a terre, et rendez plus interessantes des idees qui
propre cause, si vous ue me donuez pas le soin que otaiont pen en honneur. ne faut j)as taut vous
11

vous devez? 11 faut I'uue et I'autre, 11 faut la com- attacher a ce qu'il convient que vous disiez comme
passion et un certain melange de doctrine et homme de lettres, qua ce que doivent apprendre
de discipline. La compassion produit la tendres- ceux que vous instruisez. Que gagnent-ils, si vous
se, et le melange incline a allaiter utilement ies marchez dans Ies regions grandes el merveilleuses,
petits. Dans aucun de ces genres, Ies saints doc- je ne dis pas au-dessus de vous, mais au-dessus
teurs ne font defaut i leurs auditeurs ; ils se ren- d'eux? Ne vous elevez pas
si haut dans votre sa-

dent semblables a eux et par la tendresse et par la gesse, condescendez vers Ies humbles et Ies petits.
condescendance. En proferant des paroles sublimes, mais dans un
2. Plaise au ciel que ceux qui doivent prendre moment qui ne convient pas, que paraissez-vous
la parole au milieu de leurs freres fassent attention desirer, sinon que Ies hommes se taisent pour
^ ^^^*^ doctrine, lis s'appliquent plus a dire des vous seul, et qxi"on dise de vous ce qui fut dit du
f 4me Ies
jicateurs choses elevees que d'en proferer qui soient utiles a Sauveur : « Jamais homme na parte comme colui-

[plandis- leurs auditeurs, ils provoquent I'adniiratiou des ci?)) [Joaii. Ml, h6.jmonte en chaire
Vous etes
'
Kloire^
faibles, ils n'operent point leur salut. lis rougissent pour edilier Ies autres, non pour vous enfler ; pour
d'enseigner des choses humbles et vulgaires, de eru-ichir Ies esprits, non pour vous epuiser, a moins
crainte de paraitre n'en point connaitre dautres. que ce ne soit de la maniere dont le Sauveur s'a-
lis out honte d'avoir des mamelles, de Ies decou- neantit, prenant la forme dimesclave, [Phil, u, 7.)

vi'ir et d'allaiter Ies petits. Qu'est-ce que cela ? Oc- pour nous nourrir en vue du salut du lait de sa
cupez-vous une chaire au milieu de I'eglise, pour chair. Bon imitateur de son raaitre, saint Paul ne
faireparade de science ou pour houri'u' de lait la cache pas ses mamelles, il se vante d'en avou-.
tendre enf nee de ceux qui vous sont soumis ? « Comme a des petits, » dit-il, « je vous ai donne
Vous agencez des pensees subtUes : ceux qui vous duiait a boiredans le Christ, et non de la nourriture
entendent admirent votre talent, ils louent votre solide. )) (I Cor. lu, 2.; Et encore : «j'estime nerien
eloquence. Cest bien, sils sentent en eux la grace, savoir parmi vous que Jesus-Christ, et Jesus-Christ
si, a vos paroles, leur coeur est touche, leur esprit crucifle. I Cor. u, 2.} II connait a qui il faut pre-
eclaire. Sans cela, qu'importe que vous apportiez parer la table, et a qui il doit presenter Ies ma-
des considerations etrangeres, que vos auditeurs ne melles. Aussi ses mamelles sont comme des faons
saisissent pas? Le grand merite de I'ek quence c'est parce que Ies paroles, qui expriment sa doctrine,
de bien ponrsuivre le sujet que vousavez entrepris sont adoucies, afin que Ies petits dans le Christ
de developper, de tout employer pour le bien faire puissent Ies prendre.
ressortir, et de tout fau'e servir au but que vous 3. Vous venez d'en tendre quels sont ces faons et

lactandum pamilos utiliter incurvat. Neutro in tjcnere Ics sententias commendabiliores efficias. Nee tam debos
sancti doctores auditoribus desunt, facti sicut illi, et attcndcre qu» to dicere dcceal hominem lilteratura,
pietatis affcetu et conformationis usu. quam quae debeant audire quos instruis. Quid enim inde
2. Utinain attendant qui facturi sunt in conven-
istiid consequuntur, si ambulas in magnis el in mirabilibus,
tii fpatriim sermoncm. Student magis alta quam apl.i non dico super le, scd super cos qui assidenl? Noli
dicere, facieiites apud infirmas intelligcntias miraculum allum altc sapere, sed condesccnde humilibus. Sublimia
siii, non ipsuium salutem operantes. Erubescunt humilia loqucns, sed non in tempore, quid aliud afTeclarcvideris,
et plana docere, no sola ha'c scisse videantur. Erubes- nisi ul libi soli laccant homines, et dicatur de le quod
cunt ubera habere, nudare manimam, lacfare parvulos. dictum est de Salvatorc, quia nunqunin sic ioculus est
Quid Ideonc consedistis in medio catliedram
istud est ? homo? Ascendisli cathedram, ul alios spdifices, non ut
tenens, ut scientiam jactes, an ut tencram subditorum teipsum inlles ut impleas, non exiuanias tcipsum,- nisi
:

lactes infantiam ? Subtilia lexis artem qui audiunt


: forte eo modo quo se Salvalor exinanivit, formani sorvi
mirantur eloqenliam laudant. Bene quidem, tamen si
; accipiens, ul nos carnis suae lacle nnlriret in salutem.
graliam senliunt, si le disputanle audienlium nioveatur Bonus imitator M;igislri Paulus ubera non occullal, sed
alTectus, inlellecfusinsfrualur. Alioquin quid ad prfescns habere se jactat. Tamqiutm parvuiis, inquit, in Chrislo
negotiuni percgiina quEedam adducere, qua? auscultanlos lac vohif pottim, dedi non escain. El item ^ihH me :

non capiant .Magna eloquentiae laus est, causaui quam


.'
arbitror scire inter vos, nisi Jesum-Chrisiuin, et hiinc
susceperis apte exseqiii, ad ejus commodum cuncla cntxifirum. Ipse novit cui mcnsam paret, et quibus
referre, suscepto inservire negotio. Nusquam evidcntius ubera porrigal. Idee ubera ejus sicul hinnuli, quia
cloquenlia^ tua; signum dabis, quam si bumilcm male- doctriniT sutC verba cmollita sunt, qualia parvuli in
riam exequaris ornate et sermonis temperamento attol-
; Christo capere possunl.
las, quae per se jacere videbanlur, et velnt contcmptibi- 3. .\udisti jam qui sunt isti hinnuli, et quarc duo. VLs
: »

IZiA L'ABBE GILLERERT.


pourqiioi il t on a deux. Voulez-vous savoirpour- derniere. Cette raison existe non-seulement entro
quoi ils sont jumeaux? Parce que, dans la foi, il les Juifs et les Gentils, mais elle s'etend a tous, il

n'y a pas de dislinctioii enire le Juif et le Grer. faut que personne, en tpielque grice ou degre qu'il
[Act. X, 3li-) 11 n'y a pas pour vous de privileges de soit, n'eprouve de la jalousie d'avoir des compa-

nierites ; la grace de la regeneralioii ne distingue gnons ou des esaux. Qui parlerait de ses merites,
personne et absout tout le uionde. Car tous ont be- la ou la grace est un pur present? Le passe ne peut

soin de la gloire de Dieu, justities gratuitenient par former un prejuge, la oil tout est devenu uouveau.
sa grace. La foi anoblit egalement I'un et I'autre Ces faons indiquent la nouveaute dans la regenera-
peuple, mais le Juif le considere difTeremnient. tion, comme ces jumeaux designent I'egalile dans
Dans la clemence, qui est commune pour tous, re- il la naissance. On les appeUe avec raison tils de la
clame des droits particuliers pour lui. Qu'y a-t-il chevre , c'est-a-dire, fils de I'Eglise, parce que,
d'etonnant ii ce qu'il veuilie eire le premier, quand comme la chevre, ils y voient clair. Les yeux de I'E-
il a voulu etre le seul? II ne pent eire tils unique, glise sont percants, elle contcmple non ce qui
il veut eti'e premier-ne. V'oyez quelles difQcultes se voit, mais ce qui ne so voit pas.

on fit a saint Pierre dans les actes des Apotres, U. « Vos mamelles sont comme deux faons ju-
parce qu'il etait aUe chez des incirconciset les avail meaux de la chevre, qui paissent parmi les lis. >»

admis a la connaissance des mysteros de la foi. Si pourtant Us sentent la grace des lis : si les lis

Les Juifs Voyez combien dans son epitre aux Romains, ont pour eux I'odeur des lis, et n'exhalentpas mie

dei'^Gentils
(^"'«- 5:. 12.) saint Paul fait defforls pour com- odeur desagreable. Lodeur du lis est douce et
nerdirent battre les juifs, qui, dans la grace de la foi, recla- agreable : mais le lis lui-meme pour les uns a I'o-
m.iient pour eux des privileges et etablissaient des deur des lis, pour les autres lodeur de I'absinthe. Le
degres parmi ceux que la meme creance avait reu- lis des vaUees, le lis incomparable, c'est le Christ :

nis. lis affectaient de se dire seuis les plus haut ses imitateursetaient aussi des Ecoutez ce que dit lis.

places dans la grace, Us ne voulaient pas avoir pour I'lm de ces Nous sommes la bonne odeur de
lis : «

egaux ceux qu'ils ne pouvaients'empecher d'avoir Jesus-Christ pour les uns, odeur de mort produi-
:

pour compagnons. Or Dieu a fait la gentilite et sant la mort, pour les autres, odeur de vie pour la ,,

Israel ayant uu meme corps, une meme participa- vie. » (ii Cor. n, 15.) Vous voyez comment ce Us '"^

tion aiix testaments, et n'a etabli de difference en incomparable, en qui se faisait sentir la plenitude
aucun point, puritiant les cceurs de tous par la foi. de tous les biens, paraissait neanmoins repandre
Aussi on les appelle jumeaux, parce que la foi ne pour plusieurs une odeur de mort. Ce sont ceux qui
les distingue en rien apres les avoir egalement re- appellent doux Tamer, et lumiere les tenebres.

generes, autrement ceux qui ne savenl pas etre ju- Mais celui-la pait vraiment parmi les lis, qui re-
meaux, deviennent nuls; et dans le banquet, sepla- pand I'odeur des Us. Les Us sont les exemples de Les lis

cant a la premiere place, Us n'ont pas meme la chastete qm embaument non-seiUement lorsquUs 'Jg ^
nosse quare gemelli? Quia in fide non est distinctio parficipium, aut parilitatem invideat. Quls enim merita
Judaei et Graeci. Vacant tibi privilegia meritorum, et priptcndat, ubi in munere sola est gratia.' Xon debent
regcneratio niillos quae cunctos acqualiter
distinguit, Vetera pra-judicare, ubi nova facta sunt omnia. Et in
absolvit. Omnes enim
egent gloria Dei, justificati gratis hinnulis regenerationis nontas intimatur, sicut in ge-
per gratiam ipsius. Fides utrosquc populos seque nobili- mcUis, in regenatione parilitas. Qui bene caprea? dicuntur,
tat, sed Judaeus alitor rcputat. In comniuni dementia id est Ecclesiae filii, propterea quod sicut capreae acute
jura sibi privafa deposcit. Quid miruni si vult esse cernant. Acuta sunt enim Ecclesiae lumina, contemplan-
piimus, quando voluit esse solus? Unigenitus esse non tis non quae videntur, sed quae non videntur.
potest, afTcctat vel primogenitus. Vide quanta objecta Ubera tua sicut duo hinnuh caprece gerneUi, qui
4.
sint Petro in Actibus Apostolorura, quod ad homines pascuntur in Mis, si tamen liliorum sentiant gratiam :

propputium liabentes introiisset, quod illos suscepisset si ipsis lilia redoleant ut lilia, et non insuavem
odorem
ad fidei niysteria. Vide quantum in epistola ad Romanos rcfundant. Bonus et gratus est odor lilii sed tamen :

Paulusdesudet adversum Judeos, quod in gratia sibi ipsum lilium aliis redolet lilium, aliis absinthium.
fidei privilegia vindicarent quaedam, et qnos una fides Lilium convallium, libum singulare Christus lilia erant :

conjunxit, distinguerunt gradibus. Ibi afTectabant esse ipsi imitatores ejus. Audi quid liliorum unum loquitur
:

in gratia soli hie summi, nolcntes habere compares, quos Christi bonus odor sumu-i aliis odor mortis in mortem
:

non poterant non habere participes. Gentes autcm fecit aliis vita ad vitam. Vides quomodo singulare lilium
Deus cum Israel concorporales et comparticipes testa- illud, in quo bonorum omnium plenitudo olebat, tristem
mentonim, et in nuUo discrevit, fide mundans corda tamen videbatur quibusdam odorem spirare. Isti sunt
earuni. Ideo dicuntur gemelli, quia fides nullis gradibus qui ponunt dulce in amarum, et lucem in tenebras. Sed
separat, quos aeque regenerat. Alioquin qui nesciunt esse ille vere inter lilia pascitur, qui liliorum odore potitur.
gemelli, effecti sunt nulli et in convivio locum occu-
: Lilia sunt exempla
castitatis, quae non solum moderna
pantes primum, jam nee habent novissimum. Quae ratio et praesentia, sed et praeterita et longe posita optima
non inter illos tantum vertitur, sed se diktat ad omnes, redolent. Lilia sunt etiam sacri sermones, in qulbus
ut nemo alii in gratia, quocumque in gi'adu fuerit, aut aeternae vitae olfacimus gaudia, et odorum attrahimus
!

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQLES. 145


sont proches et recenis, mais encore passes et eloi- notre amour ou notre souvenir ? C'est une grande
stont gnes. Les lis sont encore les bons tliscom's, en eux injm'e pour ces une autre odeur se mele a
lis, si
ICO re
vous goiitez les joies de la vie elcrucUe et voiis leur parfum, qui gate leur suavite; si un souffle de
bonnes
roles. respirez I'esseuce des senteurs sunves. Omes freres. I'ame la corrompt pour Todorat la detourne vers ,

que vous etes entoures de ces lis et en grand nombre le siecle et la fait coiirir apres la puanteur de la
Encore fpie tons soieut les fils de lEglise^ vous eies boue. C'est un outrage, si les vices out pour vous
ces enfants plus que les aulres : vousrespirez pres- ime odeur plus agreable que les lis des vertus. II

qu'a chaque instant les chastes paroles tantot des est vraiment bien degoute celui qui ne trouve pas
Prophetes, tantut des Aputres^ tautot des Evange- ses delices dans le lait et au milieu dos lis. Tout
listes : semblal)les a des lis, votre vie et vos dis- n'est pas lait des petits enfants. Est-ce que toute
couTs repandent une odour suave que vous leur doctrine , toute affection pieuse introduite douce-
avez empruniee. Qut;lle senteur agreable pouvent nient dans I'esprit ne vous semble pas semblable Qn'est-eequo
exhaler les lis qui puisse egaler leur ambroisie ? adulait? Tout ce qui est suce avec douceur et de lepouse.
Quel parfum vous fait respirer Marie, vous font sen- facilite est du lait.
tir saint Jean, saint Pierre, les autres bommes 5. C'est de ce lait que sont pleines les mamelles

evangeliques et surtout Jesus lui-meme I II a eu de I'epouse; et c'est pourquoi on les compare a


lui-meme et il exbale un pariuni incomparable, et deux faons, parce qu'en eux est toujoui-s nouvelle,
c'est lui seul qui embaume dans tons les autres, etconune toujours renouvelee, et sans cesse renais-
car c'est lui qui leur donne toute leur suavite. Ses sante, la consolation du verbe et I'abondance beu-
paroles sont pour le monde, un parfum nouveau, reuse de la doctrine sacree. Ces mamelles n'ont
quand eUes revelent le myslere de la Trinite, la rien de vieux, voila pourquoi eUes sont preferables
grace de la Redemption, I'aboudance des vertus, au vin, et semblables au moiit. « Vos mamelles, »

la gloire de la resurrection, et I'etat qui nous est dit le texte, « sont des grappes de raisin, » elles

reserve dans la vie eternelle. « Vous avez les paro- n'ont pas la force du vin, elles font sentir seu-
les de la vie eternelle, )i dit saint-Pierre [Joan, vi, lement la douceur du moiit nouveau. De ces ma-
idenr 69.) et encore : « A qui irons-nous? » Et nous melles, unes nourrissent, les autres enivrent.
les
hale le aussi,
disons penetres de cette agreable odeur : en Elles sont bien comme les faons aucune vieillesse :
•ist est
mement vous, 6 bon Jesus, on respire la diviuite du Pere ne leur a fait sentir ses atteintes. C'est un grand
eable.
qui reside en vous. En vous, repand ses parfums oruement pour la poitrine de I'epouse d'avoir des
la grace du Saint-Esprit qui vous a oint; en mameUes entieres; des mamelles qui ne soient pas
vous se trouve la virginite de votre mere, en vous trauiantes, qui n'aient pasete briseesdans lEgypte
I'integrite de votre propre cbair, en vousle remede de CO siecle. Aussi elle s'ecrie : mes mamelles sont
a notre langueur. Tous ces bieus qui sont pour une tour. Elles sont inexpugnables, gonflees par
nous, se font sentir en vous j et a quel autre irait I'abondance du lait qui les fait se distendre en

spiritum. Quam mulfis, fratres, estis hujusmodi vallati ria est, si tibi sua\ius fragrant vitia, quam virtutum lilia.
liliis. Etsi onincs Ecclcsiasvos copicsius quorum filii, :
Fastidiosus est vere, qui lacte ct in pasci non de- liliis

naribus singulis fere momcntis nunc Proplielarum,nunc lectatur. Non est enim omne lac par\"ulorum. Xonnc
Aposlolorum, nunc Evangelistarum spirant casta cloquia, tibi quasi lac vidctur omnis doctrina, omnis alTcctus
tamquani lilia, ct verba et vita eorura grato frjgiant pius auimo illapsus dulciter? Quidquid facile el dulciter
odorc. Quae enim lilia suavius redolcant, qua^ polcrunt sugitur, lac videtur.
illoium aequare fragrantiam? Qualem libi rerundit odo- 5. Tab lacte abundabant ubera sponsae : et ideo dicun-
rem Maria, qualem Joannes, qualem Petius, qualem tur sicut hinnuli, quod sit in illis rccens, et quasi sem-
alii evangelici viri, qualem deni(|uc ipse Jesus.' qui per nova renascens consolatio verbi, ct doctrina? aia-
ct

singulariter ct in se rcdolet, et in reliquis omnibus solus cris copia. Ubcra haec vetustatis nil habent, idcomcliora

ipse scntitur, quicquid suave fragrat in ipsis. Ejus verba sunt vino sed similia jtisto. Ihern inquit, tun botri,
,

novum niundo spargunt odorem, cum mys'ci-ia rcvclant non habcntia scilicet austeritatem \'ini, sed musti novam
Trinifatis, cum Rcderaptionis graliam, cnm copiain diilccdincm. Ubera alia pascunt; ista incbriant. Bene
Airtutum, cum gloriam Resurrcctionis, cum a?tcrn;e ergo ubera sicut hinnuli quia nulla velustatc infracta.
:

vitae stalum exponunt. Verba vitce cuternce hales, Magnum sponsa' pectoris ornamcntuni, si ubcra inlcgra
Pelrus ait Et ad quern ibimus ? Et nos idem dicamus
:
habeat: non laxas, non fraclas mammas in hujus .Ep)-pto
dulci ejus odorc perfiisi. In le Jesu bone, Patris Deltas sa'culi. Ideo dixit; L'hera mea turrCi. Incxpugnabilia

olet, qui est in to. In tc gratia Spiritiis, qui unxit le : ubcra haec, et lactis ubertate lumentia, qua' in turris
in te Matris virginifas, in te propria? carnis integrilas, cxcrcverunt modum. Bona ergo ubcra tani distenta,
in te nostri medela languoris. Omnia ha-c nobis olcnt in ubeni pielatis, ubera gcniina, co quod pietas consolalio-
te etad quern aliimi vcl amorc, vcl memoria ibimus.'
: ncni habeat \\ta\ qua- nunc est, et fiiliira-. Gaudete, in-
Injuria est plane talium liliorum, si aliquis percgrinus quit, (/audio mngnn, ut polemini a lade, et sntiemini ab
odor se illis immisceat, qui suavitatem illorumcontristct, uberihw! consolntionis ejus, Et cum arulsi fueritisa Incte

animique afllatus naribus ipsum corrumpat, ct convertat epulemini ab iatroitu (jbtrur ejus. Videtis quo lactis usus
\ ad saeculum, et post coeni ftftorem currere facial. Inju- adducal ? T/ rpidroii/ii, inquil, ab iuiroitu f/fon'ir. An

T. V. 10
u» L'ABBE GILLEBERT.
tanat de tour. Elks sobA dakieiises es mamdiles lui-meme Titpanni les ii5s loi qui est le lis des
si gooflees, mamdifffi de piele, nttmfflfs jumdles, Tailzies d la lonuere du jour.Par oonseqoent est il

parce qjoe lai fnete pmsedela coDsolation pour U a^reable, en viTant dans sa saciete, de ratlendre
TK ptcsente et poor Iji Tie fiitaire. (I TEm. it, &| fau-m^me. d'atlendre an milieu des Us, que la
•Bt^jout^eE-voos, » dht le texte smtc. « rejouissez- lomiere do jour eommence a poindre. Le temje
ivos » tdTaiie graade joife, abrannes <da lait et ras- llndique, oe tanps dont-il est dit: « je serairassasie
saafe des mamellK de sk douoeurs. El qoand qnand rotre ^oire se sera montnee. • [Pi. xn, k-)
THUS secez seTres de ee bil, entrez dans le banqoet Le jour vrai ei etemd se montpera lorsque les
de sa^wre. I*. Lxn, 19. )ToasTOTez oik oonduit To- enigmes, au milieu desqueUes nous Tivon5, perdront
sage dalait? « Dans le banqoet de la gMre do leors ondwes. U est ici-bas ptnsieui-s omlire> : om- n«i
Seignear. * Est-ee qoe ees ntamdks de I'epoose oe bre de trompene, ombre de rafraichissement,
Toos paraksent pas psvsoilier ee banqfoet de I'en- ombre de T^iigme. Dans la premiere, le serpent cette •!

Iree dela s^oire : comme des Cmds, dies se lem- dort; dans la seoonde, Tepoose repose ; dans la
pG^ait dans Ik lis, ja3qo''a oe qoe le jour o«n- tnoisieme, I'epoux se cache. D est dit de la premie-
mteax a poindre at qoe les ombres dedinait? Arec re :« il dort dans r<:*mbre. * {Job. n, 16.) De la
qoeOe doaoear dies sont saceiK apsres qo'ciles se seoonde : « je iim ?uis assis a Tombre de celni que
sont aina ganiies, mamelles que le dd distend j'arais desire. » [CanL n, 3. De la troisieme « la :

poorae qn'dles se gmflent dans le cbamp ds lb sagesae est cadiee dans le mT5l.ere. » I Cor. u, 7.)
oSeslK! L'odearmeme dK lisnoocnL Learsen- Tootes oes Mnbres s'enfnlroDt qnand le jour se

teor offite toot aragceniEnt d'on afimenL Car To- montreia, Fombre de la firaude, Fombre de la foi,
deor <st one sorle de finiiL « SemMaMe a one vi- Fomlwe do mvslere. n n'y aura alors aucuse ombre
gne j'ai diHne oonune on firoit la soaTibe de mmi paroe qoe la reiite apparailra drois toute sa realite.
odeor,* estr-il dit dans I'Hcritnite. iiEocL xnv.) En oe temps senmt tombees ces ombres qui main-
Tcrpez eonunmt la sagesse range formi les firaits, ionant sont si eleTees. Vouiez-vous saToir eomLien
rodeor qo'dle prodniL Cette nuuniluve i^ i^piri- elles dontbaitfes? Son ombre a ©ourert les mon-
<<

tndle, die n'a laen de malmd^ la dent ne la too- tagnK. » [Ps. liiii, 11. Saint Paoletait une gran-
che pas, I'effiKt de la bonche ne la hroje pas, i'es- de nMMiJagne : il se declare pourtant oourert de
pnt Fabsixbe et tout de soite die agit sor les ns»r- odtte omlxe, qoand il avoue qull ne roit qo'^
mdls et les enfle. D'oa vient qo'on les dit (ombao- image dqo'aicxugme. n dait assurement one
mees de Fodeor des |Mrftnit«8 Ik pliK eaocdlenls, a- monlagne gigantesqne, d oep«dant fl e^ fadle-
nfon pane que Ik exbalabons poiseKsurl^Klisda meot odeve ao tzwaenie dd. (U Cor. in, 1.)
voianage se font res^rer en dies, jfKqo'a oe Heuieuv tran^Mt, d bten pins heuraix que celui
qoe le jour paraiay. et les ombPK dkz^Msent? quisorFdwdedeFa^dtze, jdle dans la mer lamon-
6. n iffit doDX d'atteDdne an milieo des lisle lever tagnedont il est quesii<m dans lEran^e. 11 fut ravi,
de ranriHre; et pexil-etrie ee joor est-il Toisin de ok paree qoe la sagesse de Dieo cbangea ses sentiments.
fis, peotH^be ao milieo dK lis re^[Mie-t-on on Aussi, il lot rariao traisieme dd, dans le eiel de
aauffledt one xapeat qm. viiemientde tnij etFepoox Fintdiigenoe pore, an lieu d'oo scmt bannies les

HQm. TidenlDir njgesa ^ofosi (^nnjisiaiis JmimwUm j


apeerment fiorte tua.
^-_ ^^ Cl^^
demcB, annbiv xodinabiinhir. noies bk- umbrse.
qse ae faseonlbDr, aben Ae oodo pteoa, ^nioiElesliilNas mnbra &fiadae, Hmbia ieS[^«s, nmbia £giarae. Id pnaa
KiBcilaiiD Elfis!! I|isa ffij&onna ft^irantia pasdL Odor sespens dormit. In seconda sftoosa qiuesclt, in teilia
eonon oM giaiiiam loaeL Odor enim qnailara ptHKOs deiiiesciL De prinadidtar : Jm umirv dormsL
De seoecnda : /« tmbm ejau, fman deai^raoerwm. sedL
edaris. \lde fDomodo sapeoftiaodoKBi sanai id ftocti- De testia : Quia Stfiemtaa im iHjffieno ^bBoamditmr. Om-
hustqmSaL l^iritaifis iste dbsB est, oil habe^ ooqw- DB istc ledinabamtar smbrsp cam a^irav^oit dies, bid-
leaiic, needeate taetas, nee laboie mamsBs, sed haas- iHtt ^arafis, nmlHa fidd, umbra mysteriL Tudc erit um-
miQmb mUfaiens, et aberai As- bra nmlb, qaia vn3e mda. Tunc ers bimtBr,
dnde eleum fimgnmUm dJmmlMr wayariiw tpoi modo annt esafiatc Vr.]!:? ::^DS5e r ? fl5p»e-

DH fsod in ^pw de vkanB haebB Efiis ^pi- nidf aeoafes wmkra que. y. - $ : opeitam

ntisieiaAet, donee vpiet dtes, et iacfinenfBr iiniSHae? taaaea bar nmbra se d3d1, "«»_,-_ _ ^j, .^.o et aenig-
Cl Dolke fudeaa niler lifia es^edtaie anranom sor- imate videDs. Magnus mons. et tamen facile raptns in
geoten : et fiiite Ticnas est dis isfis fiSs, et inter GKa tiestlnm otdoni. Felix ' -

tgrna fiefneater ann qoaedam et TSfot banrifeajr; et ipse nioDs Hie erangdicns L - ^ - ..

liyaws in fij&is foaatmr, qad i^e et GBnm i^ oaniaH- mittitmr. Bajptes est, quia sapientia Dei immntaTit sen-
fiam, etlnniendiBL Dnloe est eigo eoofasoendB ouiii sum Iffios. Ideo raptns in s:--^ — : .-Eliim, in c-oelum in-
l^sa pHesfhatan %enB, pn^ffailam infter lEa, donee fid tdll^enlse pjtrae, nnde tini: ugmata procul ahle-
.

liDnd dedKol, de qao ffidtar : giia sanL Infeaores sn: . t, &l redinatae quodam-
,, '

SERMONS SLR LE CANTIQUE DES CANTIQUES W


ombres et lesenigmes. Les oinbres sont plus basses celle de se refaii'e, puisqu'on senourrit. Le lieu est
et comme rainpautes par rapport a celui qui est un lieu de deliees, puisqu'on s'y trouve au milieu
ravi au ciel. II fut ravi auciel, enleve dans le Pa- des rapporte avec raison a ses petits sesma-
lis. II

radis. Le ciel est un lieu de serenite ; c'est le paradis meUes gonflees, celui qui est ainsi nourri, qui vit
des voluptes. L'aputre est bien ravi dans I'un et dans les meditations de la foi avec tant de liberie,

I'autre de ces endroits, parce que la contemplation avec tant d'abondance, avec taut de deliees. Croyez-
n'est qu'a demi pleine lorsquVlle est privee de I'une vous que Salomon, dans tout I'eclat de sa gloire,
ou de I'autre de ces deux choses. EiiDn la bien- portat des habits comparables a ceux de I'epouse
aimee qui vit parmi les lis jusqu'ii ce que le jour qui vit Eutouree de ces plantes ad-
parmi les lis ?

luise, semble placee dans le paradis des volup- mirables, comment ne serait-elle pas glorieusement
tes et dans la region des deliees, Avant que le vetue ? Car bien que I'ombre obscurcisse la beaute,

jour se monti'e, la nuit regno, mais cette iiuit elle laisse cependaut saisir I'odeur, eUe laisse res-
semble avoir je ne sais quoi du jour : « la nuit est pirer le parfum qu'exhalent les habits, et dans eux
ma lumiere pour eclairer mes deliees, dit le psal- on sent comme la reputation de la sagesse, jusqu'a
miste. [Ps. cxxxvni, 11.) Les deliees tiennent en ce que le jour apparaisse et les ombres declinent,
partie la place de la lumiere. C'est iin lieu de con- c'est-a-dire jusqu'a ce que se leve le jour qui est
templation magnifique, celui ou la consideration de eternel. Aloi-s cjue les jours et les nuits se rempla-
la foirepand des affections celestes et suaves, et cent alternativement, les ombres ne paraissent pas
exhale la grace de la lumiere qui ne finit jamais. entierement abaissees, tant qu'elles ont une place.
N'est-ce pas en rappelant ces deliees, que le saint Ou done sont-elles inclinees et disparues ? Dans le
homme Job, parlant de la sagesse, dit quou « ne la sein du Pere de la lumiere, en cpi il n'est point
trouve pas dans la terro de ceux qui vivent dans les d'ombi'e de changement. [Jac. i, 17.) Toute vicis-
suavites? [Job. xxvui. 13.) II se trouve dans ces situde ressemble a I'ombi'e, et quand une chose
delieesune certaine portion de la sagesse. M'a-t-on succede a une autre, elle la cache et la couvre
pas une portion de la sagesse, lorsque laverite,'non d'ombre en une certaine maniere. Voila done ce
comprise par la raison, mais crue par la foi, fait qu'on veut dire par ces mots « Jusqpi'a ce que le :

sentir son goiit agreable?Cesjouissancesspirituelles jour paraisse et que les ombres disparaissent »
rce
elices instnusent sutfisamment par I'experience qu'on 'en c'est-a-dire, jusqu'a ce qu'apparaisse le jom-, et le
montrent combien ilfaut desirerce cpii
fait, et elles midi plein et eternel, qui detruit toutes les om-
reste a gouter d'elles, combien il faut rejeter ce bres. « lis ])aisseni, » dit nutre passage, « ils pais-
qui soppose a leur regne dansle cceur. sent parmi les lis jusqu'a ce que le jour commence
7. Trois choses sont a observer ici : le temps, a poiudre, et que les ombres prennent la fuite » ;

Taction et le lieu. Le temps, c'est-ii-dire la nuit, c'est-a-dire, ils sont nourris et delectes de I'odeur
[

temps du repos et du delassement. L'actiou, c'est de la sagesse, jusqu'a ce que brille la lueur meme

modo ejus respectu, qiii in coekim rapitur. Rapfus in pascitur fidci, liberrime, uberrime, volnptuose. Pnfas
coelum est, raptiis et in paradisum. Serenilatis locus est quod Salomon in omni gloria sua vestitus est sicul
ccelum, paradisus voluplatum. Pulcrc in utrunique rapi- Sponsa, qua? inter lilia pascitur? Quomodo non gloriose
tur, CO quod scmiplena sit contemplatio, qua- alterufro vestita, vallata liliis? Nam
umbra obscuraf speciem,
ctsi
caret. Deniquc in quodani paradiso deliciaruni ct volup- scntit lamen odorem, vestimenlorum fragantiam
scntit :

fatum locata vidctur, qua^ pascitur inter lilia, donee as- et in his sapientise quasi lamara odoratur, donee aspiret
pi ret dies. Antequam no\ est. Sed no.x ista
aspiret dies, dies, et inclinentur umbrae id est, donee aspiret dies,
:

ncscio quid \idetur liabere diei Nox, inquit, illuminatio


: et scmpiternus dies. Quamdiu dies et nox vices
mea in delicivi meis. Illuminationis etenim viccm tcnent alternant, non videntur umbr* rcclinata* ex toto, dum
ex parte deliciae. Pulchcrrimus conteniplationis locus statum habent. Ubi ergo reclitiata' sunt? .\pud Patrem
est, ubi simplex considcratio tidei ccelestcs ct sua veo- utique luminis, apud quem non est vicissiludinis obum-
lentes aspergit alTectus, et aelerni luminis graliam spiral. bratio. Omnis vicissitudo obumbrationis instar habcl, ct
Non sunt ista> deliciaR quas beatus Job commcnioransde dum allii aliud succedit, quodammodo abscondit ct
sapientia dicit, quia Son invenifur in term sitaviter li- obumbrat quod pra'cedit. Hoc ergo est quod dicit
vendum. Quwdam sapientia) portio est in istis deliciis. donee O'ipiret diex, et inclinentur umljrtv, id est, donee
Quomodo non sapientiae portio est, ubi ipsa Veritas aspiret dies, et plenus scmpiternus mcridics, qui umbras
nondum inlellecla, sed jam crcdita dulciter sapit? Ipsae omncs annihilet. Qui pascuntur , inquit , in liliis

spirituales dclicia> cxperientia sui satis cdoccnt,cl quan- donee aspiret dies, et inclinentur hoc est, qui
unibrfp;
tum expetendum sit quod de ipsis restat, ct quantum sapientiieobleclantur et pascuntur odore, donee ipse lu-
respuendum quidquid illis obstat. cis a-terna' candor illucescal. Utriiinquc commendatur
Tria hie obscrvanda occurrunt
7. tcmpus, opus, ct : in liliis, candor, et odor. Et odor quidcm quid aliud nisi
locus. Tempus, id est nox, tcmpus quietis et vacationis gratia lidei, et candor nisi gloria speciei? In nocte odor
est. Opus refectionis est, quia pascuntur. Locus delec- senlifur, sed candor non ccrnitur, donee aspiret dies :

tationis est, coquod inter lilia. Jure distentaad parvulos quia candor ipse est dies, non liabens tiliam partem um-
reportat ubera, qui sic pascitur, qui in medilationibus brarum. Ille cum aspiravcrit dies, Jam non crunt ubcra
US L'ABBE GILLEBERT.
de la lumiere etemelle. L'une et I'autre se font ad- montre. II \\i dans I'ombre, mais au milieu des Us.
mirer dans le lis, et la blanchcur et lodeur. Et I'o- Bien malheureux, celui qui, place au mUieu des
deur, qu'est-ce autre chose sinon la grice de la foi, lis, au milieu des lis d'une sainte congregation, oil

et la blancheur, sinon la gloire de la boaule ? Dans de toutes parts mille vertus divines exhalent leurs
la nuit, on sent I'odeur, mais on ne volt pas la parfums, ne sait rien sentir de suave, ri^n qui
blancheur jusqua ce que le jour se montre, car la vienne du Us. II est bon, il a part au privilege d»'

blancheur est le jour lui-meme, n'ayant aucun I'epouse, celui au ccbut duquel naissent des lis, qui
melange de tenebres. Quand ce joui" aura brille, Tit parmi les Us, est nouni au miUeu d'eux et a
les mamelles ue seront plus necessaires. Tons alors faim des lis. Bienheureux ceux qui out faim et soif

seront dociles aus influences de ce jour. En atten- des lis de la jusUce, d( s lis de la chastete, des Us
dant, lepouse a des mamelles comparables a deux de toutes les graces. La faim meme des vertus nour-
faons qm paissent au milieu des lis, jusqu'a ce que rit, et I'aTidite qu'on eprouve pour eUes est pleine

paraisse le jour procedant du jour le Christ de delices. L'odeur nourrit, mais eUe ne rassasie
Jesus. pas. « Je serai rassasie, lorsque votre gloire se mon-
SERMO.N XXVill.
trera. » {Ps. xvi, 16.} La gloire des Tertus est en-
core cachee, pour parler ainsi. Tout ce que tous
J'irai a la montagne de la myrrhe et a la colline de en avez, consistc dans l'odeur. La forme se cache,
I'encens. (Cant, it, 6.) nous entendons la renommee. Dans la renommee,
dans la fumee, dans l'odeur il se trouve une legere
Yos mamelles », dit I'epoux, « sont comme
1. « nourriture ; eUe est douce, mais legere. Et nous,
deux faons jumeavix nes de lachevre. » Vousvoyez nous sommes deja rassasies, deja riches, deja cou-
conibien grande est la grace de I'epouse elle est : tents de l'odeur seule des vertus. Je ne sai; pas si

toute petite, toute jeune, et elle a des mamelles. Le nous recevons meme l'odeur, nous que n'excite pas
bien-aime n'indique-t-il pas ime bien jeune per- I'ardeiu- d'arriTer a la perfection. L'odeur des lis

somie, lor-^qu'il la compare a des faons ? Elle est est suave, mais il t a ime grace midtiple dans leur
tout a la fois et mere et tout enfant, elle nourrit beaute. Le parfum cpi'ds exhalent est agreable,
les autres et a besoin qu'on la nourrisse. Et, bien mais c'est une maigre jouissance, si tout se home
que I'on fut semblable a saint Paul, tant qu"on a I'odem'. Us a paissent », dit le texte, «parmi les
reste dans la chair, on n'a pas depouille ce qui est lis », au mUieu des Us, non pas dans
c'est-a-dire,

de I'enfance. Et si cet apotreest plein de biens pour les Us eux-memes, seutant leur Toisinage, nejouis-

I'utilite des autres, ilne croit pas etre arrive a la sant pas de leiu' substance. L'odeur exprime un

perfection. 11 voit en image, U voit en enigme : exercice leger des Tertus, elle ne figure pas la re-

aussi comme un petit enfant, comme un faon, il fection abondante, substantieUe et solide. 11 n'est

est nourri dans 1' ombre, jusqu'a ce que le jour se pas refait en toutes manieres celui qui est repu :

necessaria. Omnes enim erant docibiles ipsius diei. Ir- Bonus plane et sponsap privUegio gaudens, cui ipsa in-

terim ergo sponsae ubera sunt sicut duo hinnuli qui trinsecus virtutum nascuntur lilia, qui inter lilia pascitur
pascuntur in liliis, donee aspiret dies de die, Ctiristus inter lilia reticitur, Ulia esurit. Beat! enim qui esuriunt
Jesus. et sitiunt Ulia jnstitia?, lilia castitatis, omnium lilia

gratiarum. Si esurire beatum, multo magis inter lilia

SERMO XXVIII. pasei. Et ipsa virtutum esuries pascit, et delectat avidi-


tas. Odor clbat, sed nondum
Satiabor cum appa-
satiat.
ruerit gloria fua. Denique ipsarum virtutum (ut sic di-
Vadam ad montem tnyrrhce, et ad collem thiiris. cam) gloria latet adhue. Totum quod inde hauris in
Cant. 4, b. odore est. Oceultatur forma, sed famam audimus. Te-
nuis quidem in fama, in fumo, in odore cibus dulcis, ;

sed tenuis. Et nos jam saturati sumus, jam divitesfacti;


Ubera, inquit, tua sicut hinnuli caprete, gemelli.
1. solo virtutum odore content!. Nescio tamen si vel odo-
Videtis quanta gratia sponsa? parvula est et quasi ju-
: rem haurimus, quos perfectionis non trahit anditas.
vencula, et ubera habet. Quid enim nisi juvenculam Suavis quidem liliorum odor, sed cumulata in specie
notat dum hinnulis comparat? Ergo et mater est, et par- gratia. Suavis quidem liliorum odor, sed suavitas tenuis,

vula est, alios pascens, et pasci indigens. Et si quis sit si odor tantum. Denique qui paicimtur, inquit, in iiiiis,

Paulo similis, nondum tamen evacuavit quae sunt parvu- id est, inter lilia, non in ipsis liliis, sentientes viciniam,
li, id came cummorans. Etsi aliis abundat, nondum ta- non fruentes substantia. Exiguus virtutum usus erpri-
men seaibitraturcomprehendisse. In speculo \-idet aenig- : mitur in odore, non copiosa, non solida et quasi corpu-
mate videt ideo sicut parvulus, sicut tiinnulus in umbra
:
lenta refectio. Non enim omnimodis reficitur qui pasci-
pascitur, donee aspiret dies. In umbra sed inter liliapascitur. tur ideo non dicit qui reficiuntur sed ^mj" pascuntur
: ;

Infelix plane qui quidem inter liliapositus, interliliasanc- in liliis donee aspiret dies. Deliciosa tamen esspectatio

tae congregationis, ubi variae undique virtutes redolent, lucis inter lilia. Et vide quahbus sponsa pascatur in li-
liis. In Uliis non cadacis, in liliis non marcescentibus, in
nihil tamen suave, nihil liliorum simile novit odorari.
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 149
aussi on ne dit pas qui sont refails ; mais :« qui ailleurs, si par la il n'entendait le lieu ovi il sait que
paissent au milieu dcs lis jusqu'a ce que le jour se se trouve sa bien-aimee. De meme que celle-cil'attend
moutre. » U est delicieux cependaut d'attendre avec grande impatience, de meme lui se hoite vers elle
parini les lis le I'etour de la lumicre. Et considerez avec le plus grand
empressement. « J'irai pour Admirable
au milieu de quels lis I'epousc se nourrit, au milieu moi, » dit-il. Quoi done ? 11 n'y va pas pour I'epouse? de r^poux
de lis qui ne sont pas ephemeres, qui ne se fletris- Ou bien est-ce qu'ily va pour lui, quand il s'y rend celeste,

sent pas, qui sont imbibes d'une sorte de myrrhe pour elle? « J'irai done », dit-il, « pour moi. »
d'immortalite. Car la myrrhe represente I'immor- J'irai pour moi, je n'y viendrai pas pour elle seule.
talite, Ce n'est pas elle soule qui se rejouira de mon arri-
Istete 2. Aussi, c'est avec raison qu'apres les lis, on vee, mais neanmcins elle me communiqucra de la
serve
la
parle de la myrrhe, afm de louer dans les lis de I'e- joie. 11 m'est doux, il m'est agreable d'aller vers
ation. pouse la vertu qui les preserve a jamais de la cor- elle. Deja j'irai pour moi. 11 m'est profitable d'aller
ruption. « J'irai n, dit-il, « a la montagne de la ainsi, cela me cause beaucoup de plaisir, aussi j'y
myi'rhe », qu'est-ce a dire, 6 bon Jesus, que votre vais pour moi. De cette montagne de la myrrhe, il
epouse, votre bien-aimee, attend dans un lieu, et s'exhale pour moi un agreable parfum, je viendrai
que vous allez dans un autre ? Elle se nourrit, elle attire par cette odeur. J'irai pour moi, car mes de-
espere au milieu des lis, et vous allez sur la monta- lices sont de demeurer avec I'epouse. Est-ce ainsi,
gne de la myi'rhe ? Pourquoi n'allez-vous pas plutut 6 bon que sa conversation vous plait, vous
Jesus,
parmi les lis, la oil I'epouse se trouve jusqu'a ce allez a elle pour vous, et quand vous etes repousse,
que le jour se leve ? Est-ce peut-etre que ces Us ne comme un amant imporlun, vous ne disparaissez
sont pas eloignes de la montagne de la myrrhe, et pas, mais vous restez a la porte ? Vous vous y tenez
qu'ils ci'oissent sur ses cimes ? 11 en est ainsi nulle : et vous frappez, et quoique vous ayez subi la honte
part les lis ne viennent raieux que sur la montagne d'etre renvoye, vous y restez
vous y donnez des et
de la myrrhe, nulle part ils ne se conservent mieux coups, desirant une seule chose, qu'on vous ouvre.
a Tabri des atteintes. Sur ce mont, il n'cst pas de epouse, aspergez votre appartement de myrrhe et
place pour la corruption, pas d'acces aux atteintes d'aloes. Le Christ court a I'odeur de vos parfums.
eloignees de la corruption. Sur ce mont, ou sont Arrosez votre couche de cet aloes, que saint Paul
mortiflees toutes les affections de la chair, croissent rappelle dans ces paroles : « Vous etes morts et
purcraent et fleurissent constamment les lis de la votre vie est cachee avec Jesus-Christ. » {Col. ui, 3.)
Par ronscquent, vous
virginite, les lis des griices. Aspergez, arrosez, imbibez votre couche de cette
remarquez que I'epouse est placee avec assez de myrrhe, ou plutot, soyez vous- meme une monta-
charmes parmi les lis, et sur la montagne de la gne de myrrhe. Car la grice est plus abondante li
myrrhe. Le discours actuel vous a suffisamment 0X1 la myrrhe nait que la oii elle est repandue. Sur

exprime I'un de ces points de vue, vous pouvez cette montagne de myrrhe placez votre couche, non-
vous-momc vous expliquer Tautre par voie d'inter- seulement pour vous, mais encore pour votre cpoux,
pretation. Comment Tepoux assurerait-il qu'il ira dans un champ abondant de myrrhe, ou cette espece

liliis denlquo quadam incorruptibilitate myrrhatis. Nam properat. Vadam, inquit, mihi. Quid ergo?Sponsae non
myrrha incorruptionem demonsfrat. vadit? an idco sibi ipsi vadit quod ad illam vadit? r«-
2. Jure post lilia de myrrha subtcxitur, ut sponsee datn ergo, inquit, mild. Mihi vadam, non soli illi va-
quadam incorruptionis pcrpetuitate commendet.
lilia dam. Non ilia sola de meo capit advcntu la;titiam, sed
Vadam, inquit, niihi ad rnontemrnurrlue. Quid est bone et mihi nihilominus alaeritatcm rcfundit. Mihi dulce,
Jcsu, quod sponsa tua, dilecta tua, alibi cxspcctat, lu mihi jucundum est quod ad illam vado. Jam vadam
aliovadis? Ilia pascitur ct oxpcctat in liliis, et tu vadis mihi. Mihi sic ire profieit, mc delcctabilitcr afdcit, idco
ad nioiiicm myrrhaj ? Quaronon'magis ad lilia vadis, ubi vadam mihi. Jam mihi de monte myrrhaj sua\is aspirat
sponsa moratur donee aspirct dies? An forte lilia hcEC fragrantia, ideo vadam odore illcctus. Vadam mihi, quia
non sunt aliona, nee longe posila a monte myrrhae, sod delieia^ mew cum Sponsa morari. Itane Jesu bone, de
magis oriuntur in illo? Ila quidem est nusquam \ai- : sponsa) colloquio oblectamenia libi capias, ideo (ibi va-
Uiis nascuntur lilia, quam in montc myrrhjB nusquam dis, ncc velut fastidiosus amator dcclinas cum exchuic-
magis illaesa servantur. In monte myrrhai ncc corrup- ris, scd slas ad ostium ? Stas ct pulsiis, ct quamdam rc-
tioni, nee corruplibilitati locus ullus relinquilur. Ibi in pulsa> passus injuriam, stas tantum ut
tamen et pulsas,
niontc niyrrh;c, ubi carnis univcrsi mortilieantur affec- aperiatur. Aspergc Sponsa, asperge cubile luum myrrha
tus, ubi lilia castimoni;p, lilia gratiarum cl. pure nas- et aloe. Chrislus in odorc currit unguentorum fuorum.
euntur, ct perpctuo florcnt. Ergo et in liliis, et in monte Apcrgc cnbilc tiumi myrrha, quam Paulus commemo-
myrrha? Sponsam satis delicate locafam advcrlis. Nam rat ; Moriui, inquit, estis, ct vita vp.sirn afixconxd est
altcrum tibi scrmo prffisens exprossit, allerum lu ipse cum Christo. Tali myrrha aspergc, irriga, perfundc cu-
poles per interprelalionem cxpriiiierc. Quonam cnim bile Ituim, vel polius eslo mons myri'ha'. Uherior enini
niudo alio iluruui se dicerel, quatn ubi dileetam esse co- gratia, ubi myrrha naseilur, quam ulti respergiliir. In
gnovit? Sicut cnim ilia avide cxspcctat, sic illc ardcnlcr hoc montc colloca cubile tibi, imo dileclo, in quadam
,

150 L'ABBE GILLEBERT.


de plante aromatique croisse spontanement plutot a lui par I'odeur de son parfum? Excellent parfum,
qufllo u'y soil portoe. qui remplit non-seulement la maison du lepreui,
3. Eu plusieurs endroits de I'Ecriture, la myrrhe [Join. XII, 3. mais aussile palais du ciel, la chambre
est employee poui- En veuant
signitier des niysteres. nuptiale de lepoux. Parfum tr«is-agreable a I'epoui
adorer le Christ, les Mages apporteut de la myn*he. qui est le Christ et qui le charme au miheu meme
[Mattii. u, 11.) Nicodeme vient portantun melange des delices de sa divinite. Au miheu de toutes ces
de nijTrhe d' environ cent livres. >.Joan. xix, 39.) jouissances, son bonheur est ncanmoins d'etre sur
C'est la une grande quantite, mais qu'est-ce en la montagne de la myrrhe. Aussi il s'ecrie ; « J'irai
coraparaison d'une montagne ? Poiiant, dit letexte, pour moi a la montagne de la m^Trhe. »
portaut avec soi, et non produisant de lui-meme : k. bienheureuse est la montagne vers laquelle
portant, ue suppoi'tant pas. L'une et I'autre sont vous venez, u bon Jesus, sur les hauteurs de laquelle
bonnes, et celle qui est offerte, et celle qui croit vous vous promenez, oil vous fixez votre sejoiu"

d'elle-meme ;
La premiere
celle-ci est preferable. jnsqu'a la fin, que vous habitez seul jusqu'a ses
est portee au Christ, le Christ vientlui-meme vers dernieres limites. Venez, Jesus, et commencez de
la seconde. Car il va pour luia la montagne de la posseder cetle montagne ? Que personue ne vous
myiThe. II est veritablement une montagne de pose de question, que nul ne vous dise Est-ce que : r
mviThe, celui qui porte la mort de Jesus-Christ en vous habiterez sur cette montagne vous seul? Mon-
lui, mais non en partie seulement qui la porte : tagne feconde, montagne grasse, montagne abon-
non comme jetee a gouttes sur lui, mais pleine dante, montagne riche en parfums. Ces parfimissont
mais abondante, mais continuelle, mais bien expri- inepuisables. Car il en existe une tres-grande quan-
mee non pour un instant et comme vieillissante,
: tite sur le mont de la myrrhe. lis ne cesseront de
maiscomme toujom'srenaissante. II est bienlemont couler de cette cime : voila i>ourquoi celui qui va a

de lamviThe, celui qui fait germerenlui, plutut quil la montagne de myrrhe ne manquerapas de par-
la

ny porte, la mortilication de Jesus-Christ, ainsi fum. Celui qui marche vers les collines du Liban ne
qu'une sorte d'incoiTuptibilite, image de la resurrec- sera point prive de ces seuteurs. Car lenceus ne
tion future. Peut-U vous pai'aiti'e une montagne de mamquera pas sur le Liban. On ^Ut que le mot Liban
myn'he, celui qm ne moutre de I'incorruptibLlite s'exphque par encens. Venez, u bon Jesus, a ces
future rien de magnifique, rien deminent, rien de colUnes, et que les pai-fums coulent de votre face
positif ? Bienheureuse montagne qui est revetue de sacree. quels tourbdlons de fumee d'encens s e-
toutes parts de cesrejetons de myrrhe, etqui n'en est leveut de ces collines quand elles ont ete embrasees
pas seulement tachetee, qui ne presente rien de nu, de votre feu Ce feu trouve un erand aliment sur a
I

ces hauteurs, et un foyer dencens tres-considera-


'
rien de sterile, qui a tous ces flancs gai'uis de cette
lieureuse plante qu'ellepi'oduitavec abondance. N'est- ble. Ces parfums ne se consument pas vite. La fumee s'

dant
il pas heureux, le chretien qui attire Jesus-Christ qii'ils produisent ne s'evanouit pas facilement. Une

myrrhae copia, ubi haec species aromatica magis oritur latium, thalamum sponsi. Bonus odor plane Sponso
quam advehitur. Christo, inter ipsas Deitas gratus dclicias. Denique su-
3. In multis scripturae locis usus mxTrhae ad mysteria super tantas delicias, delici;p tamen ejus esse in i:
sumitur. Cum mjTrha Magi ad Christum veniunt. Venit myrrhae. Ideo dicit : Vadam, inquit, mihi ad m
et Nicodemus ferens mixturam myrrhae, quasi libras myrrhce.
centum. Magna hie copia sed quid ad collationem men-
: 4. bcatum montem ad quem radis, Jesu bone, ad
tis? FerenSj inquit, id est secum ferens, non ex se pro- quern quem pcrambulas, quem inhabitas, et
venis,
ferens portans, non patiens. Bona utraque, et quae of-
: inhabitas in Cnem quem solus inhabitas, et hoc usque
:

fcvturj et quae oritur, sed ista potior. Dcnique ilia ad ad terminiim loci. Veni Jesu. incipe hunc montem pos-
Christum advehitur, ad banc ipse vadit. Vadif enimsibi sidere. Nullus tibi quaestionem moveat, nullus dicaf :

ad montem myrihae. Bene mons myrrha^, qui mortem Numquid habitabis in hoc monte lu solus ? Mons uber.
Christi circumfert in seipso, non in parte: nee ^asi mons pinguis, mons abundans, mons afliuens unguentis.
respersam, sed uberem, et conlinuam, et eminentem : Haec unguenta exinaniri non possunt. Magna enim un-
nee ad horam et quasi veterascentem, sed magis renas- guenli moles in monte myrrhae. Non deficient unguenta
centem. Bene mons myrrhae, qui Christi in se mortifi- de hoc monte ideo qui vadit ad montem ni>Trhap, un-
:

cationem et incorruptibilitatem quamdam, et resurrcc- guentis non indigebit, ne odoramentis quidem, qui va-
tionis futiirae imaginem non tam gestat quam germinat. dit ad colles Libani. Non enim deOcient thura de Li-

Numquid tibi monsmjTrh^ vidcri potest, in quo futu- bano. Nam et Libanum dicimt thus intelligi. Vcni Jesu
rae incorruptibilitatis magnificum, nil emlnens, nil
nil bone ad hos colles, ut fluant thura a facie tua. quan-
nisi ad horam apparet ? Beatus plane mons, qui hujus tus incensi fumus ascendit de collibus istis cum tuo,
myrrh* gcrmine undique vestitur, non rcspergitur per imo cum te fuerint igne succensi. Magnam habet in
partes, nil in se nudum, nil habens sterile, sed totum collibus thuris ignis tuus materiam pabuli, et magnum
hac felici roecundum specie. Quomodo non beatus. qui incensi foraitem. Non cito consumuntur haec thura. In-
Christum ad sc trahit in sui odorcaromatis? Bonus odor censi hujus fumus non facile cvane«:it. Tanta thuris
non lanlum Lcprosi domum replcns, sed etiam coeU pa- moles, tanta copia coUis thuris non potest pugillo con-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES, 151

quantite grande ne peut-etre contenue daus la


si a monta en presence du Seigneur des mains de
main ni renfermee dans I'encensoir un vase ne la : I'Ange. {Ap. v, U-) Quelle main suffirait a tenir
contient pas, ellc n'a pas de mesure, parce qii'elle une colline entiere? Quelle main, dis-je, 6 bon
ne cesso pas de coaler. II est done a juste titre une Jesus, sinon la votre, vous qxii soupesez les monta-
colline d'eucens, celui qui prie sans relache et, ce gnes, renfermez la terre entre vos doigts, vous qui
qui est mieux, sans fatigue. Celui qui dans ses prie- soulevez, pour trouver leurpesanteur, les montsles
res n'a rien de tiede, rien de faible, mais dont les plus eleves et qui placez les collines dans ime ba-
soupirSj semblables a cette sombre fumee, qui s'e- lance ? En votre droite, Seigneur, sont toutes les li-

paississant sur les grandes fournaises, roule des mites de ces collines, et, si on pent parler de la
tourbillons brulants de desirs abondants et de voeux sorte, elles sont dans votre sein. Aussi la priere des
embrases. Venez, o bon Jesus, aux collines de I'en- saints se retourne vers votre sein, elle penetre en
cens montagnes que vous touchez produisent
: les votre presence y y revient ils sont
: elle reste, elle :

une grande fumee de prieres. mes freres, nos en vous, et vous en eux, C'est pourquoi vous dites :

prieres ont-elles quelque chose de semblable Que I « J'irai pour moi aux collines de I'encens. » Venez

noti'e encens a bientotcesse debriiler ! A peine est- done. Seigneur, venez, netardez pas, ne depassez
11 embrase qu'il s'eteiut. Pourquoi cela ?Assurement point ces collines. Msds, que sera-ce si ces collines
parce que nous en avons fait en nous-meme une bon dissent vers vous? Les montagnes de la myrrhe
trop petite provision, sont mobiles, ainsi que les collines de I'encens, des

esprits ^- Pour moi, je considere comme des collines qiie vous vous presentez. Comment ne seraient-elles
aiques et d'encens, les esprits anu:eliques et ceux d'entre les pas mobiles, puisque'elles se liquelient, coulent,
esimikni liommes qui s'efforcent de les imiter : semblables a fument et s'echappent de vos mains semblables a
int avec
dear,
I'encens , leurs prieres s'elevent sans cesse en une fumee d'encens en presence du Seigneur ? AUez
presence de Dieu : en produisant les vapeurs si done pour vous aux collines de I'encens oil sont :

agreables de la devotion, ils rassemblent les nuages les encens en grand nombre, ou se trouvenl tousles
des affections celestes. Heureux le pretre qui offre encens : car sur la colline de I'encens, rien n'est
I'encens en si grande quantite et qu'entoure la va- sans cet encens. On vous les a donnes, venez done
peur d'une nuee si delicieusement suave. Dans I'a- pour les brider en votre presence.
pocalypse, vous trouvez cc les coupes pleines de 6. « J'irai pour moi a la montagne de la mjrrrlie
parfums qui sont les prieres des saints. » {Ap. \, 8.) et a la colline de I'encens, « Venez du Liban, venez.
Et qu'elle relation entre les collines de I'encens et Nous avons deja vu le motif qui le fait partir,
les coupes ? Quelle est la coupe qxu contienne la n'est-ce pas afin d'appeler, d'entrer et de dire :

colline de I'encens ? Precieuse coupe celle qui est venez ? Voila combien il est bon, combien agreable
remplie de parfums, mais voici plus qu'une coupe. d'habiter sur ces collines, vers lesquelles se dirige le
« La fumee des parfums, » continue I'Apocalypse, verbe de Dieu, cpi'il revolt : du haut desquelles 11

cliuli, non comprehendi thuribulo vasculo non capi- : manu Angeli. Sed quse manus integro colli sufficiat?
tur, mensurani nescit, quia ncscit intcrmitti. Bene ergo Quae, inquani, manus, nisi tua, Jesu bone, manus, qui
coUis thuris, qui sine intermissione oral, et, quod sa- monies ponderas, et terram palmo concludis, qui libras
tius est, sine remissione. Qui in orationc nihil habct re- monies in pondere, coUes in statera? In manu tua Do-
missum, nil exile, sed velut cujusdam fornacis magnae mine omnes fines istorum collium, et si fas est dicere,
fumus pinguescit, sic pinguescentium votorum et desi- in sinu tuo. Denique in sinu tuo Sanctorum oratio con-
derii exuberantis agit volumina. Veni ergo, Jcsu bone, vertitur, in conspeclu tuo intrat : ibi conversatur, ibi
ad colics thuris copiosum orationis inccnsum fumigant
: convertitur : illi Propterea vadam
in te et tu in illis.

monies, quos (angis. Quid simile, fratres, habent ora- mihi, inquit, ad colles thuris. Yeni ergo Domino, veni
tion cs nostrfe ? quam cito thura nostra inanescunt Et ! ct noli lardare, veni ct no transilias colics istos. Quids!
quodammodo vix succenduntur, et statim cxtinguuntur. et ad to transiliunt colics thuris? Mobiles sunt monies
Ut quid istud ? utique quoniam cxiguam nobis incensi myrrhap, ct colles thuris, ubi ipse advencris. Quomodo
congcssimus matcriam. non mobiles, qui liquescunt, qui lluunt, qui fumigant,
5. Ego spiritus angelicos, et si qui inter homines illo- qui asccndunt sicut fumus aromatuni in conspeclu Do-
rum temuli sunt, quosdam velut colics thuris interprc- mini de manu tua? Vadc ergo tibi ad colics thuris :
tor, quorum oratio quasi inccnsum dirigitur semper in ubi incensa mulla sunt, ubi inccnsa cuncta sunt nam :

conspectii Dei qui devotionis suavissimos vapores gi-


: in colic thuris nil sine inccnso. Inccnsa h;pc data tibi
gnunt, ccelesfinm glomcrant nubes alTectuum. Bcalus sunt, ideo veni ut adoleas ca in conspeclu tuo.
utique sacerdos, qui thura tanta offert, quern lam suavis 6. Vadam mihi ad montcm mi/rrhrr, et ad co/lem
nebula; vapor opcrit et involuit. In Apocalypsi Icgis thuris. Veni de Libano, veni. Jam cxclusum est curva-
phialas p/enas odoramentornm, quce sunt orationes sanc- dat ut quid enim nisi ut vocel, ut inlret, ut dicat,
:

torum. Et quae conventio collibus thuris ad phialas? Veni? Ecce quam bonum, ct quam jucuudum habilarc
coUcm thuris.' Bona phiala plena
quae cnim phiahi capiat ad quos Vcrbum Dei vadil, quos revl-
in collibus istis,
odoramculorum. Sed ccce plusquam phiula hie. Ascen- sil do quihus Sponsam vocal, cl vocal ad roronam,
:

dit, inquit, fumus aromutuni in conspcctu Domini de Veni, inquit, dc Libano, veni coronabcris. Libauus can-
152 L'ABBE GILLEBERT.
appelle I'epouse, et I'appelle a la couronne. « Venez de I'encens. Elle recueille et resserre d'abord dans
du Liban tous serez cou-
», secrie-t-U, « renez, le coeur ralfection de celui qui prie ; ensuite elb' la
ronnee. » :^Cant. iv, 8., Liban veul direblancheur. dilate et la dirige vers le Seigneur. Quoi de p. us

N"est-il pas blanc de la neige qui tombe da ciel ? semblable a la myrrbe que I'etat ou I'Ame pass© a
Ainsi qu'il est ccrit, o la neige du Liban ne se fon- une union si intime avec Dieu ? Quoi de plus com- La mTTTki
Jra point. » Jerem. xxm, i., Cost cette neige qui parable a I'encens qu'une diffusion si abondante
s^r.t la
descend du ciel, qui imbibe la terre, T'enivre et lui d'une sorte de sentiment divin Avec raison, on
? syiDb-jlei
U prB*
fait germer les plantes. Heureus monts surlacime appelle belle et sans tAche, celle que I'ardeur de la parfa
des»piels cette neige tombe, et beureuses les collines priere a embrasee, celle qu'a coloree et rendue
'" '
qu'elle couvre. « en sera ainsi », dit le Seigneur,
11 blancbe I'e lat de la lumiere etemelle. o Vous
« de la paroJe qui sort de ma boucbe, elle ne revien- toute belle, o ma bien-aimee, et il n'y a pas de ta 1.

dra pas ride vers moi. » [Is. is, 11.) Vous parait- en vous. » [CaiU. iv, 7.) Vous etes tonte belle, parce
elle revenir vide, cette parole qui va frapper les que vous etes loute belle a cette heure surtout, a
montagnes de la m^Trbe et les collines de I'encens. I'beure de la priere, a ITieure de I'encens. Voiis !
qui tombe sur ces bauteurs, et couvre lours vallees ? etes belle, ma bien-aimee, vous etes toute belle :

Elle ne sait pas revenir vide. Aussi elle appelle et parce que vous etes toute mon amie, et ne brulez
crie viens du Liban, viens. Pensez-vous que ce
: que du seul feu de mon amour. Vous etes toute
soit sans mystere, qu'apres les montagnes de la vous n'avez pas sur vous rina-
belle, et sans t^iche^

mvrrhe et les collines de I'encens, on parle du Li- pression facbeuse d'une couleur ctrangere. « Venez
ban ? Ou lame se rend -elle pure et blancbe, sinon du Liban, venez du Liban, venez du Liban. Venez
La pri&re dans la priere ? D'abord la myrrbe mortifie, ensuite du Liban », parce que vous etes sans tache « venez :

rend ame
1

blanche Tencens purifie. La priere, en effet, ne pourra ?'e- du Liban », parce quo vous etes toute belle « venez :

et pnre. du Liban «, parce que vous etes pleinement puriliiH.-.


lever pure, si aupai'avaut on n'a detruit les mauvai-
vaises odeurs et les exbalaisons de la cbair. Par Venez duLibaa,entierementbrillante de splendeursj
I'emploi de la myrrbe, I'ame est contractee, elle est venez du Libm, sans auci'nefaute : venez du Liban,
ramenee a uue certaine, bien mieux, a une entiere eclatante de grace : « venez, vous serez couronnee. »

imite : par Tencens, elle se dirige, se dilate, se Heureux celui qui, du Liban d'mie pure affection,

repand et remplit les regions celestes. Arrives a ce de la colline de I'encens, de Tabondance de la pnere
point, elle se mele et se confond avec le souffle libre interieure, est invite a venir recevoir la couronne !

de la verite ; et apres avoir ete d'abord resserree en Heureux, dis-je. Tame qui, a I'heure de I'encens,
eUe-meme, ici elle se rarefie, elle est affaiblie et at- monte vers le Pere, cfui est appelee sans iuJenalle
tenuee, elle est suspendue dans les bauteurs et fixe du Liban a la coiu-onne, cette couronne de gloire
ses regards siu" leurs cimes plus elevees qui la tien- que lui donnera, au moment de son passage, le juste
nent comme suspendue. juge et le tendre epoux, Jesus-Cbrist, qui est avec
7. La priere remplit lerole de la myrrbe et celui Dieu le Pere dajis tous les siecles des siedes. Amen.

dorem sonat. Quidni Candidas de nive ccelesti? Son cxplet. Orantis affectum in primis colligit, et stringat in
enim deficiet. sicnt scribitur, nix de Libnno. Nix ilia seipsum deinceps diffimdit et transfundil in Deum.
:

quae descendit de ccelo, quae infundit terrain et inebriat, Quid myrrhae similius, ubi tanta in divinam unionem
et gerniinare facit. Beati monte^, super quos nix ista ca- transfusio? Quid incenso similius, ubi tanta dlvini cu-
dit, et coUes quos opcrit. Sic, inquit Dominus, erit ver- jusdam sensus diffusio? Jure lota pulchra vocatur et sine
bum quod egreditur de ore meo, non revertefur ad me macula, quam orationis ardor incanduil, quam colora\it
vacuum. Videtume tibi vacuum reverti verbum, quod ci candidam red ior lucis ceiemae. T"r ?

\-adit ad monies mjTrhae, et colles thuris, quod cadit su- es arnica mea, ti non est in ie. Tola p -,

per hos monies, et coUes operit ? Nescit \-acuum rever- quia tola pulchra es hac hora maxime, hora orationis,
ti. Ideo vocat et dicit? Veni de Libano, vcni. An mys- hora incensi. Tota pulchra es arnica mea,toia pulcra es :
terio ^acare putas, quod post monies myrrhae et coUes quia tota arnica es, et solo amoris candcns affeclu. Tota
thuris commemoral Libanum? Q'.iae res animum sic pulchra es, el sine macula, pei^^rini nil habens c cloris
i-eddit mundum
candidum, quomodo orationis usus?
et admixtom. Veni de Libano, veni de Libanri, t-eni de Li-
Primo quidem m\Trha mortifical, deinde Itius purifical. bano, veni de Libano, quia sine macula es : veni de Li-
Nee enim pura poterit emanare oratio, si non omnis bano, quia lota es pulchra veni de Libano, quia plene
:

praAnis primo fuerit odor repressus, et exhalatio carnis. lota. Veni de Libano. ex toto illustrata veni dc Lilw- :

In myrrhae ungruento mens stringitur, ut ad quamdam no, carens culpa veni de Libano et candens gratia
: :

imo omnimodam imitatem se coarctel per thus in- : veni coronaberk. Felix omnino qui de Libano candentis
censum dirigitur el dilatatur et se diffundit, et ccelesles affeclus, de colic thuris, de orationis intentse copia vo-
rcplel re^iones ex odore inccnsi. Illic se liberae verita- catur ad coronam, Felix, inquam, anima, qujs hora in-
tisaune immiscet, et confimdit et qujp primo ad se : censi ascendit ad Palrem, qua? sine intcnallo de Libano
anima ipsa contracla est, ibi rarescit et attenuatur et ad coronam vocahir, coronam gloriae. quam rcddet ill! in
deficit, suspcnsa et suspicions in excelso. hora Iransilus Justus Judex ctdulcisSponsus Jesus-Chris-
7. Oratio utriiisque, et myrrhae, et thuris, mioislcrium tus cnm Deo Patre per omnia saecula saeculorum. Amen.
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 153
il dit c[u'elle est toute belle. Dans les autres lieux,
I

SERMON XXIX. oil il montre qu'elle est belle, oil il est ravi qu'elle
soit si belle, il n'afQrme pas qu'elle soit entierement
Voiis etes toute belle, ma bien-aimee. (Cant, iv^ 7.) belle comme il I'assure en ce lieu. « Vous etestoute
belle, 6 ma Comment u'est-elle pas
bien-aimee. »
1. « Vous etes toute belle^ ma bien-aimee, et il toute entierement unie a la beaute, comment toute
n'y a pas de tache en vons : venez du Liban, mon la beaute n'est-elle pas unie a elle ? Comment n'est-
epouse, venez da Liban ; venez^ vons serez couron- elle pas entierement belle, celle en qui descend tout
nee. » Qni me dounera de faire (pour employer ce Teclat de la lumiere eternelle? Elle est toute belle,
terme), cette route de trois jours ? Qui, dis-je, me etplus que belle, celle en qui se precipite, avec toute
donnera de parcourir ce chemin sans me fatiguer ? son abondance, la plenitude de la beaute du Seigneur.
Ces routes sont belles, ces sentiers sout paciliques, Cette beaute est certainement exaltee au-dessus des
aller du Liban au Liban, et du Liban au royaume. astres, elle eclate cependant dans I'epouse. « Sa
te appel, Car I'epouse, appelee a la couronne, parait etre in- beaute, » dans les nuages du ciel. »
est-il dit, « est
arque
brulaat
vitee a pailager le troue. Ce terme de la voie est Taut que I'epouse nuee du ciel, nuee briUante et
est
iesir.
agreable, le passage est neanmoins agreable aussi. lege re, nuee qui sapproche du soleil, pour ainsi
Pourquoi ne serait-il pas doux, puisqu'il ne s'ecarte dire, et le I'ecoit en elle aussi longteraps, la seule
pas du Liban ? Ce n'est pas la une route large, une splendeur de cet astre reluit en sa personne, et la
route profane, I'impur ne peut y passer. Ce n'est splendeur de sa beaute y subsiste.
pas ici I'afTaire de celui qui court, de celui qui vent, 2. L'epouse est veritablement une nuee, quand au temps de
mais de Dieu qui fait misericorde. Pourcjuoi, dis-je, I'affection spirituelle la rend degagee et quand la
gt'"de*^i'a
qui fait misericorde ? 11 aurait niieux valu dire, qui lumierederiutelligeucel'eclaire rlorsque suspendue contempla-

('prouve un tres-vif desir. Est-ce quece triple appel dans les hauteurs par I'oraison et la contemplation, rime est

une *°°'® ''*'^®"


qu'il adresse n'indique pas briilante envie ? La semblable ii un nuage leger et brillant : toute
preuve qu'il desire vivement, c'est qu'U appelle belle, parce qu'elle est toute aimee; sans tache parce
trois fois. Rappelez en votre esprit les commen- qu'elle est coloree des feux de la charite : a ce mo-
cements de ce cantique : nulle part vous ne ment, I'epoux montre sa bien-aimee glorieuse, sans
trouverez la beaute de I'epouse si souvent rappelee defauts, sans rides, la purifiant, non pas tant par
ou sifortemeut louee. Trois fois le bien-aime I'ap- son sang que dans sa lumiere. Comment ne serait-
polle, trois fois il dit qu'elle est belle. Dans les pas- elle pas entierement belle, cette ame en qui appa-

sages precedents, vous lisez : « voici que vous etes rait une image si parfaite de la beaute divine? Quelle
belle, mon amie, voici que vous etes belle. Et encore personne me trouverez-vous que vous osiez appe-
ailleurs oh que vous etes belle, 6 ma bien-aimee,
: ! ler entierement belle, si vous ne la prenez a cet ins-
oil ! que vous etes beUe Et en ce troisieme endroit. I tant oil I'amour, dans son ardeur, la penelre beau-

ecce tu pulchra. Et iterum alibi quam pulchra es


SERMO XXIX.
quam
:

Hoc autom tertio in loco


arnica mea, pulchra es I

totam pulcram difinit. lUis in locis vcl dcmonstrat


Tota pulchra es arnica men. (Cant. 4. c.)
quod pulchra est, vel miratur quod tam pulchra est: non
tamen dilinite determinat quod ipsa sit ex intcgro pul-
1 . Tota pulchra es arnica mea, et macula non est in te : chra, sicut in prssenti. Tota pulchra es arnica mea. Quo-
veni de Lihano spon^-a mea, veni de Lihano; veni, coro- niodo non tota pulchra pulchritudini coUaterata ex toto !

nuberi'i. Quis mihi dabit istud trium (iit dicam)


sic Quomodo non tota pulchra, in quam lucis aetern® can-
dieruin iter conficere? Quis, inqiiam, dabit mihi banc dor immensus cmanat? Bene tota pulchra, ct super pul-
viam indefesso incessii percurrere? Vis isfie, via; pul- chra, in quamuberiillapsu sesc transfudit omnispulchri-
clii-ee, et semitae pacifieae sunt, venire de Libano ad Li- tudo Domini. Exaltata quidem est super sidcra, species
banum, do Libano ad regnum. Nam Sponsaad coronam tamen pulchritudinis ejus in Sponsa. Species, inquit,
vocata, invitata videtur ad regnandi consortium. Dulcis ejus in nubibu-t celi. Quandiu Sponsa nubcs co'li est
est hie viae terminus, sod nihilominus dulcis est transi- nubcs lucida et Icvis, et quasi ad Solem accedens,
tus. Quidni dulcis, qui nescit a Libano dcl!ccfcre? Non ct ipsum suscipiens, tamdiu in ea solus Solis
ha!c est via lata, non ha'c est via laica, nee potest per splendor rclucet, ct pulchritudinis ejus species nianeL
cam transire pollutus. Non est currcntis, nee volentis, 2. Plane tunc nubcs est Sponsa, qnando spirilualis
scd miserentis Dei. Miserentis cur dico? dixissem me- obtinot alToctionis levitatem, ct lucem intelliL'cnti;p.
lius desiderantis. .\nnon aestuantis dcsidcrii vota dcsi- Quamdiu spirilualis anima per orationis et contempla-
gnat vocatio Irina ? Vehcmcntis afTedus argiimentum lionis usum in supornis suspenditur, sicut lucida nubcs
est quod terlio vocal. Percurre animo pra'cedentia ct Icvis; tota interim pulchra est, quia tota arnica est,
Cantici hujus nusquam rcperics, vel tam crcbro voca-
: et macula carcns, quia in fervicK-r carilatis versa est co-
tani, vol tam espresso commcndalam pulchritudincm lorom bora ista gloriosani sibi Sponsun exhibct, non
:

Sponsae. Tor vocal, ct tolam pulchram dicit. Dcniquc in habcnte maculani vcl rugam, mundans illani non lam
pnecedcnlibus sic habcs : Ecce lu pulchra es arnica mea in sanguine, quam in luminc suo. Quomodo non lota
154 L'ABBE GILLEBERT.

coup plus qu'il ne la revet de la beaute de son bien- sage de la parole. Parce qu'il « contient tout, il a
airae? Aux auhes moments, on la regarde comme la science de la voix. {Sap. l-i i, Ceci a ete ecrit de

sans tache, lorsque ses fautes ne lui sont pas im- resprit, et vous connaissez bien la grande affinite
putees?A I'heure ou on la proclame sans tiche, (si ce n'est pas ridentite^ qui regne entre la charite

ce n'est point indulgence, mais cet etat est I'effet et le Saint-Esprit. Cette vertu renferme tout, parce

de son amour, de son desir, de sa devotion. Ou y que « la plenitude de la loi c'est la charite. » [Rom.
aura-t-il place pour I'indulgence, la oil tout bouil- XII, 10.) L'esprit exprimeprononce les mysteres et

lonne uniqueraent desdesirsde la charite? L'amour des expressions rem plies d'amour. II rend temoi-
n'a pas besoin dinJulgence oil il se trouve seul, : gnage a notre esprit, il pent aussi faire entendre
tout est plein de grice. Voyez maintenant comment des paroles agreables. Les sons qu'il fait retentir
I'ofiFense est exclue, la grace et la grace seule re- sont pleins de tendresse et de desirs , ses vceux sont

commandee. « Vous etes toute belle, 6 ma bien- a I'instar d'une voix. L'experience heureuse que Ton
aimee, » dit I'epoux, « et 11 n'y a pas de t^che en fait de la grace, c'est la le principe qui invite, qui
vous, » Des paroles si flatteuses, ne sentent pas I'in- parle, qui crie : venez du Liban. L'epoux appelle

dulgence, elles sont I'expression de la dilection trois fois, peut-etre parce qu'un lien triple, est dif-
de l'amour, de Tadmiration. Ravi de cette beaute, ficile a rompre. L'amour est un hen puissant. II Grande f(

I'epoux desire sa presence. « Venez du Liban ve- :


attire tendrement pour lui, parler, c'est attirer.
; H^^
nez, vous serez couronnee. » Cette invitation re- Rien n'enlace plus iortement, rien n'entraine avec
petee exprime TafFection et le vif desir qu'il plus d'energie que ce lien de lamoiir. Entendez
^prouve. comment la loi divine montre le triple nceud qui
3. Que d'autres scrutent les mysteres de ce triple forme ce lien. « Vous aimerez le Seigneur votre
appel et en assignentles degres rpourmoi, c'est assez Dieu de tout votre cceur, de toute votre ame et de
d'admirer I'affection que la majeste divine eprouve tout votre esprit. » [Matth. xxu, 37. Comme si Ton
pour I'ame de Ihomme. Cette tache me suffit, mais disait : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu par la
j'y succombe. Pliit a Dieu que je n'eusse rien au- resolution de votre cce'ir, par I'atfection vilale de
tre chose a faire que d'admii'er dans la stupeur de votre ame, et par le choix complet et raisonnable
mon esprit ravi, la grace qui nous est ainsi faite de votre esprit : de teUe sorte qu'il y ait en vous le

dans cet amour, en accompagnaut toutefois cette propos de l'amour, que ce propos soit tout vers

admiration de mes voeux et d'une charite fort sin- Dieu, et qu'il soit forme avec juste connaissance.

cere. L'afFection en effet, merite Tatfection, et I'a- La pieuse intention du cceur tourne vers Dieu est
bime au bruit de ces cataractes
-appelle I'abime bonne mais qu'est-elle si elle est paresseuse,
:

retentissantes. Ce sont la, 6 bon Jesus, de bonnes morte, si elle n'a rien de vivamt, rien d'anime?
cataractes, elles repandent I'atFection et font couler EUe est bonne, I'intention pure qu'excite et vivifie

Tamour a flots. L'amour n'est pas muet, il a I'u- pour ainsi dire une douce et forte affection. Lame-

pulchra, in qua tamespressa di^•iIl^e pulchritudinis species et abyssus abyssum similem provocat in voce proflucn-
apparel ? Quam mihi dabis animam, quam audeas extoto tium cataractarum. BoucC siquidem cataractae sunt, quae
pulchram difOnire, nisi in hac hora tantum, quando per tuum, bone Jesu, distiUant affectum, infunduntamorem.
amoris sestum plus ioibuitur, quam induitur specie Amor mutus non est, usum habet vocis. Quod enim
Sponsi ? Aliis quidem horis sine macula deputatur, dum continet omnia, scientiam hahet vocis. De Spiritu scrip-
culpa non imputatur. Hoc autem memento quod sine tum est hoc, et bene nostis, quanta sit affmitas (si non
macula dicitur, non est indulgentiae, sed dilcctionis, potius identitas) caritatis ad Spiritum. Ilia continet om-
sed desiderii, sed devotionis. Quis enim dabitur veniae nia, quia plenitudo legis est caritas. Spiritus loquitur
locus, ubi vota caritatis tantum exaestuant.' Amor indul- mysteria, et amatoria plane loquitur. Ipse spiritus red-
gcntia non eget totum enim gratiosum est, ubi solus
: dit testimonium spiritui nostro, utique et blandimontum
est. Denique \ide nunc quomodo et otTensa excluditur, loqui potest. Sonus ejus sensus amoris est et desiderii,
et gratia commendatur etsola gratia. Totamqa\\,pukhra vota instar babens vocis. Expcrimentum gratiae ipsum
es arnica mea, et macula non est in te. Blandimenta est utique quod loquitur, quod invitat, quod dicit :
hujusmodi non \-identur indulgentis, sed dillgentis, Veni de Libano. Ter vocat, fortasse idcirco quod funi-
sed amantis, sed admirantis. Oblectatus pulchritudine, culus triplex difficile lumpitur. Tenax enim funiculus,
optat praesentiam.Veni de Libano, vent de Libano : amor. Amor affectuose est idipsum alloqui,
trahit, cui
veni, coronaheris. In\itatio crebra prodit affectum, vota quod est allicere. Nihil amoris tenacius \inculo, nil tra-
manifestat. hentius. Audi quomodo lex di^^na triplicem hujus os-
3. Alii trinae vocationis scrutentur sacramenta, et gra- tendit nexum funiculi. Diliges Dominum Deum tuum
dus adsignent : mihi quidem sufficit dinnae majestatis ex foto corde tuo, ex iota onima tua, et ex omni mente
humanam adversus animam afTectum mirari. Istud suf- tno. Ac si dicat : Diliges Dominum Deum tuum cordis
ficit, sed ipsi succumbo. Utinam mihi nihil incumbat proposito, animae affectu vitali, integro et rationabili
negotii, nisi suspense semper stupore mirari impensam quodam mentis arbitrio ut amoris in te et propositum
:

gratiam, ita tamen utadmirationi huic vota jungantur, et sit, etipsum propensum sit, et perspicax sit. Bona si-
germana sit caritatis. Affectus enim affectum meretur, quidem cordis in Deum intentio pia sed quid si pigra :
:

SERMONS SUR LE CA.NTIQUE DES CANTIQUES, 155


ditation, quand elle est bien reglee, forme ; et quand des lions. Ces noms, ces animaux rappellent, je ne
elle est frequente , elle ratnine cette affection qui sais quoi de dur, de sauvage et de ruse. On dit
est cotniue Tame de la bonne resolution. Quoi de que I'epouse est couronnee a cause d'eux parce que,
plus fecoud^ que ce triple lien, pour faii-e meriler par leur defaite ils ont fourni matiere a son triom-
la couronne qui nous est destinee, quoi de plus pbe. II est couronne pour avoir souilert la tribula-
capable de nous faire gouter I'experience du bien? tion, celui qui, doux et pacifique, sort des graudes
Cette triple dilection qui lie I'ame, ne vous sem- souffrances semblables a un agneau : celui qui
ble-t-elle pas vous inviter et crier a trois reprises : vient en toute cliarite, blanc, sans decliirure, que
venez ? ne depare aucune tache d'impatience ou de mur-
U. Enfln, elle adresse comme une invitation, mure, Ce sont la ceux qui viennent du Liban et
quand elle donne la hardiesse qui vient du merite sont couronues de la tete d'amana et de Sanir, des
et legout qui resulte de I'experience. « Venez du cavernes, des lions, et des montagnes des leopards.
Liban, venez, vous serez couronnee » Dans I'Apoca- 1 C'est par ces animaux qu'ou est couronne, parce La couronne
lypse vous lisez ce passage relatif a ceux qui vien- que par eux on subit les epreuves des souffrances. se gagne
dans la
ueut du Liban. : « Ceux-ci que je vois vetus d'ha- Est-ce que ces ames ainsi exercees ne cueillent pas triholation.

bits blancs, qui sont-ils, et d'ou sont-ils venus? les raisins sur les epines, les Agues sur les ronces?
Ce sont ceux qui sont venus d'une grande tribula- « Ce qui, a present, » dit I'apotre, « se fait sen-
tion, ils ont lave leurs robes et lesont rendues blan- tir de notre tribulation est momentane, aussi bien
ches dans lesangdel'agneau. Ils lesont blanchies, » que leger ; et au-dessus de toute mesure dans les
dit ce texte, « dans le sang de I'agneau. » {Ap. hauteurs des cieux, se prepare en nous un poids
VII, 13) Par I'energie de leur foi et par la saintete de eternel de gloire. (II Cor. iv, 17) Les souffrances
leur vie, ils suivent dans leurs souffrances cet de cette vie cooperent done, ne lui
bien qu'elles
agneau qui n'ouvrit pas la bouche quand onle me- soient nuUement comparables, a confection de
la
nait u la bpucherie etqui gardale silence lorsqu'on cette couronne de la gloire a venir, qui nous est
le tondait. un, 7.) lis ne sont ni tristes ni agi-
[Is. reservee. On
une mesure de recompenses tout-a-
a
tes, jusqu'a ce que leur jugement se tex'mine par fait comble, lorsque Tame, au milieu des merites
la victoire, et leur combat par la couronne. « Nul d'une entiere purete, est encoi'e brisee par des souf-
ne sera couronne, s'il n'a auparavant le'gitimement frances variees. On se tresse une couronne tres-
combattu. (II Tim. ii, 5.) Et parce que la couronne belle, quand on onchaine ensemble la saintete de la
s'obtient dans la lutte, c'est pour cela, sans doute, vie et I'humble support des tribulations, .\ssure-
qu'en invitant sa bien-aimee a la couronne, I'epoux ment le poids des peines est fort considerable :

lui iudique ce qui la lui fera obtenir. Voici ses paroles voila sans doute pourcjuoi on I'exprime par le mot
Vous serez couronnee de la tete d'Amana et de Sa- de montagne. C'est une masse enorme, mais la foi

nir, des montagues des leopards et des cavernes est au-dessus et rien ne pent I'ecraser. Elle foule

sit, si cmortua, si nihil habens in se vitale, nil aninia- enim Coronaberis de capite .imana et Sanir, de man-
:

tum Bona ergo intentio pura, quani vividam reddit


? tibuspardorum, de cubilibus leonnm. Nescio enim quid
et velut animatam fervida ct dulcis affectio. AfTectum asperum, quid ferum, tpiid fraudulentum in bis vel no-
bunc, qui est quasi quaedam anima boni propositi, in- minibus, vel naluris dalur intelligi. Ideoque dc his coro-
format raeditatio, si discreta est; et refovct, si crebra nari dicitur, dum
ha-c triumphata corona* ministrant
est. Funiculo sic tripliciter nexo, ad meritum rcpositse materiam. quideni per tribulationis tolerantiam co-
llle
coronae quid uberius, ad experimentum quid expres- ronatur, qui milis, qui mansuetus, qui vclut agnus de
sius? An non tibi vidctur invitare, et quasi tripliciter tribuhitione magna venit qui in caritatc venit, candi-
:

dicere, Vcni, hsec trina dilectio ? datus, non coiisumptus, qucm nulla impalientia' et mur-
4. Denique quasi invitat, dum confert et audaciam muris macula denigral. Hi sunt qui de Libano veniunt
pro merito, et aviditatem pro experimcnto. Veni, inquit, et coronantur dc capite Amana et Sanir, dc cubilibus
dc Libano, veni coronaberii. In Apocalypsi quasi de Li- leoniim, dc monlibus pardorum. Per haec enim coro-
bano venicntes sic Icgis Hi qui amicti sunt stolis albis,
: nantur, qui per ha'c tentamentorum genera probantur.
qui sunt, et uncle vcnerunt ? Hi sunt qui venerunt de Numquid non colligunt isti dc spinis uvas, de tribuILs
magna tribuMione, et laverunt stolas suas, el Candidas ficus? Quod in pripscnti est, inquit .\poslolus, /hohuvj-
eas fccerunt in sanguine Agni. Stolrj.9, inquit, suas Can- taneum et leve tribulationis nostr/v, supra modum in
didas feccrunt in sanguine Agni. Utique et crcdendi sublimitale ceternum pondus operatur in nobis.
glorify
fide, et convcrsandl forma, qui in tribulatione sua se- Passiones ergo hujus temporis coopcrantur quidcm, ctsi
quuntut hunc .\gnum, non aperlentcm os suum, cum non comparantur, ad fuluram gloria' coronam, qua' re-
ad occisioncm duccrclur, ct coram tondcnte sc obmu- scrvatur nobis. Cumiilala plane maleries pnrmiorum,
tesccnteni. Qui non
sunt tristes neque turbulent!, do- quando purilalis mcrita passionibus variis
infer totiiis
nee* ejiciant ad vlctoriam judicium, ct certamcn ad co- attcritur. Pulchcrrimus coronaj nexus, quando puritiis
ronam. .V'>« enim coronabitur, nisi qui legitime cnrtnvn- vltiP, ct himiilis prcssuraruui tulci'aiitia sibi coha-rcnl.
rif. Et quia de cerlamiiK' corona, ideo forsifan dilec- Magtumi quidcm est prcssuntrnm pondus ideo ri)r>ilaii :

tani sic iuvilut ud coronam, ut cxpr^maj, cau^pi. Ait montium est cxpressum nominibus. Injjcns mole^, scd
U6 LABBE GILLEBERT.
aux pieds les cimes de ces haateurs el elle frappe parable au meme animal, ITiomme qui neressemblc
la li^ mane dans la maisMi de lirapk. Par conse- pas a lui-meme, rbomme inconstant et dirers qui
quent c'estavec raisonqiK, tHettiomphanl^, elk est ekanffe sc>UTent de jfrojels. Car pour employer ce
ooartHinee a cause de la tele, paxoe qa'dle brise le langas-e le leopard parait rouloir et ne vouloir pas.
faadpR des tesntaliMis etresiste a la videnee des Appliquez ces paroles a la conversion des gentils,
Ksaats. En toute duose, ee qoiest jxeaaer ou pcin- et Tous c<:>mprendrez de suite comment, par I'unite
cqnl est eomme la tele. Rntwndra done id par iMe, de Tesperance et de la foi, ceui qui se sont conver-
soit le^indpe, soit I'oiseiiiiile de oe qui est fifirure tisau Seigneur ont pris une seule et meme cou-
par oes monlta^Bes. II est ooanmne de la tete d'A- leur : tous rerrez qu'ils ont depouille non-seule-
vaamj da soaundt d'BeniioD tk de Saoir, celui qui men! ^ "^
r - -is encore la ferocite, et qu'ils
s elere an-d^sos de Tamas des injares el de la ne r- - - les antres des lions. On ne
maise des tnbalalians qpi se dress^il contre les trouTe plus, dis-je, dans les couches impures,
Hiamble sdenee da CluisL Mais cetie nuMitagQe mais dans les retraites et les jardins embaumes par
perait aroir d'antant omhiis de poids, qiie loot les plantes odoriferantes ; ils reposent non dans les
oe qai la gonfle est plos hifitif et plus momat- ^tes des a-nimanT sauTaees, non dans les lits in-
tane. fects, mais dans les lieux fleuiis. Car elle est flenrie
5. E^ofia Inen qa'ii s'agisse d'use montage. la couche qui reunit I'ejiuux et I'epouse. L'epouse
Tons Msez ©e passage : « la montage lombaDle ne semble pas sortir du Liian, et quitter la Judee
s'fltt fa, et le rocber est trai^orte de sa place, » arec plaisir pour aUer vers les nations. Elle s'en ra
|y©k sw, 19.) Et ToyeE offlmmieMt ©es montagnes a regret, eUe qui appelle tant de fois, ne veut point
ont eoole, cwnmfint dks <Mit ele transport ees. quitter le Liban, et se rendre au mont Amana, aux
i!]l^<(wd;i^ trau^orte^ paive qu'eles ont ele cimes de Sanir d'Hermon. Mais son passaee con-
et
transSoomees. L'Apdtre nMmire otMooie fraBspor- xertit en xeritable Liban. ces hauteurs sterilesj ces
tte et eenune otHsqms par la Tielmre, les fideles cimes barbares.
a qui il advise ok pa3^dles : « Tous axez aiitre- 6. Mais conaderez a present les noms de ces mon-
f«ns eie toot oda, « dit-iL * mais tous arez ete tagnes. Atnana sienifie un peuple Tain ou resser-
laTies, saoelifies ei justifies. « (I Cor. n, il. De rant. Sanir, herisse ; Hermon, anatheme Ouoi de.

cette afafaitkMi, de oeHe puiificalioaqui s'opere par plus Tain que ce peuple, dont les docteurs eu\-
la pani3e de la M, le leopard a perda ses bi^ar- memes s'eTanouirent dans leurs pensees. et se di-
rnres, SI est deviaia enliepeniait sasts tlkcbe, tout sant sages, deTitrrent fous.' quoi de plus etroit
d'une seade eonlenr, c'est4i-dire il n'a qu'iiae foi que ceui qui, par d-esesj>oir se liTrerent a I'impudi-
Lljer&^De «* qa'ane many^ne de se eouduire, Llieretique est dle? II est Men plus etroit, le ccsur qui borne tous
kianUbhte;
semMaMe aa Mt^pord; il est tadiete de \a Tariete ses Toeux aux limiles de la joie du temps, et ne sail
de txs eira^yances envmees c et il est encore com- point dilater ni porter son esperance aux Mens

Sides sE^esfettor oraeaeziB <jf^iraL Cafnta moiatSxiin rietate respersus : sed et nihilo minns pardo similis est
iftornm csDiociiikai, et penaiiit ^isiiim caput de domo homo dissiTni1i> abi, homo xarius et inc-onstans, et su-
iiiq^ Jme es^ ca^t Ipsnin tnniOjpltaas coroioaitnT binde mutans eonsilia. Quasi enim (ut ita dicam) volt et
de (apote, ^pm. BffgiillaltMmTTm iiiitanin contei'it, et tril»iLla- non "i"nlt conrersionera gentium,
pardns. Traie ista ad
HaCTiaim lelheaiaemltis mora eedSt. In omxd re qaasl caput et mo5 intelliges quomodo per unitatem fidei et spei,
e^ quoi tcI praniTiiiB erf, vel -ma-riTnTnn Si ergo caput
,
unum induisse colorem Tidentur qui couTersi sunt ad
iijc acdpe, fimsa renun qus ids montibiis fignrantiir, Domiaum : nee modo varietatem, sed et feritatem,
Tiel pmoc^am vdL ctiiiiiiiiiiillmm donet iatelligL De capite e - ; -
'
-
bilibus leonum. Non in
Amama. OQraaaata2r, de Tsrtkje He:rmoD et Sanir, qui in- c - - _
_
lijs, sed in cubilibus et
cmummlinm qnaemadam exsnperat, eit tiibulatio-
jgiminoKi!i in hortis aromatum, el commorari in lectalis non feri-
Euio motems eslcfflemleiii se adTersus imnilein sc;en- nis, in lectalis non Floridus enim
fopdis, sed floridis.
tiam QiTWtii. Sed UM^es ista tanto Tidetar miniis pon- leetulns sponsi el sponsae. Non Tidetar sponsa de Libano
ideiis baSaene, ipiaxito totm eA mtBBmea^ameiam qaod libens egredi, et de Jud»a transire ad gentes. .Vbsccdit
toiBreiL enim inrita, qus. toties voeatui non rull deserere Li-
5. JDcEifDe eita mcais est, tamen sciiptnm legis : goia banum, ut transeat ad montem Amana, ad rerticem
immm 'OadcMS defi^^ ti «aiaan ireMsfertur de loco suo. Sanir et Hermon. Sed transita suo monies hos
O Tide qnoaraoAo deSbaxira'smf, tgatiamo&o traoslati sunt
'"
steriies, mcmtes baibaros eonxerlit ipsa in Labanum.
mffimles isBi. sunt, quia trans
: nL Quasi'. 6. Sed jam montium istorum nomina intuere. Amana
liBE^l^DS e; ^ ,ios indical iUos ^ --, quibns. popuius van us id lelligitur rel coangustans. Sanir hispi-
lenpEStsiX : Et htsBC aBfuaado qmiSem, ingait, pdstis, sed dns, Hermon anatbeaa. Quid vanins iUo populo, quo-
tUxM'e^M, sed iieMdtijkmli leeia, sed jvstifieati eslis . h&c rum ipsa doclopes eTanuerrml in cogitationibu, suis ; e*
ahhifiiiaiae et eranndalione quae lit per T-er^irm {i^i. Pai*- dioenles se sapientes esse, stulti facti sunt ? Quid angns-
dns de^osmilf raaneftales snas, totes ;: -
"ffec- tiu? iUis, qui desperantes semetipsos tradidcrant immun-
tas, ftotus iEmins (Natoiris, \& est nni n ~ - . Ve- ditiap"? .\nguslam enim cor, quod finem votorum intra
Jm/L pnd^ qpidaai Tideter Iuhdc : ? Ta- temporalis jnounditatis metas contrahit, nesdens spem
SERMONS SLR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 157
eternels. Qu'y a-t-il de plus rude et de moiiis bieii ceptable, si vous voulez faire subir
au texte cette
regie, que ces homines dont I'Apotre dit qu"ils sont : application. Vous trouverez dans I'Eglise et le Li-
sans affection, sans fidclite, vivant dans la malice et ban et Amana et Sanir et Hermon. Vous y ren-
Tim. m, 3.) Ne faut-il pas les com-
la jalousie. (II. contrerez et les montagnes des leopards et les ca-
parer au mont Sanir ? Car on regarde comme sem- vernes des lions.
blables a Hernion ceus qui sont devenus etrangers 7. Plaiseau ciel que dans notre Liban, que dans
au sens du Christ, qui n'ont plus I'espoir de la pro- cette assemblee de moiiies, que la profession et lu
messe, ne sont pas coucitoyens des saints, ne font vie embellit et fait briller d'un pur eclat ; que, dis-
nullement partie de la maison de Dieu, et se trou- je,dans ce Liban, on nc puisse voir ni la tele d'A-
vent ahsolument sans Dieu en ce monde. Et vous, mana, ni lescimes des Sanir et d'Hermon. Quand, On repri-
6 nations, vous avez ete tout cela, mais vous avez dans la reunion et I'assemblee des saints, vuus aper- mande dans
les religieux
ete lavees, sanctifiees et justifiees au nom de notre cevez un religieux qui s'exalte lui-meme, anime la vanity

Seigneur Jesus-Christ aussi I'epouse est couronnee et la paresse


:
de sentiments qui sont selon la chair, plein de jac-
spirituelle.
a cause de vous, parce que votre changement est tance, enfle et trouble au-dedans et au-dehors, in-
le sujet de sa gloire. Excellente transformation quiet dans la vanite de son oisivete (car I'oisivete
quand le Sanir devient le Liban. Et le Liban, le produit la paresse spirituelle), quand vous rencon-
vieux Liban, Liban des Juifs parait maintenant
le trezun religieux de ce genre, qu'avez-vous devant
change en Sanir et en Hermon c'est pourquoi, : les j-eux, sinon la tete d'Amana unie au Liban?
viens du Liban, et viens, et considerez combien a la Rien de plus vain que I'oisivete, rien de plus iu-
place de ce Liban petit et etroit, il s'eleve pour vous quiet que la paresse spirituelle, rien de plus agite
d'autres LLbans. Levez les veux autour de vous et que I'enflure de I'orgueil. Car, Amana veut dire
voyez, toutes les montagnes de ce monde doivent peuple vain ou trouble voil.i pourquoi d'Amana,:

devenir pour vous d'autres Libans. II est grande- on va a Sanir, vers le peuple rude et poilu. La oil
meut triste pour votre coeur, d'etre teraoin de la est la paresse, la se trouve I'enflure : ou regne le
perte et de la desolation de votre nation
mais cette : trouble, vous ne trouverez rien de flexible, rien de
desolation trouve une large compensation dans le bien dispose, rien de regie, tout y est blessant :

gain de plus'.eurs peuples qui viennent dedommager qui a le malheur d'etre en cet etat, est sans fidelite,
du malheur d'un seul qui s'en va. Xe tardez done sans affection, homme d'un sens ennemi, reprouve
point, mais, venez de ce Liban qui a deja cesse et, ce qui est encore plus triste, anathematise, selon
d'etre le Liban : venez pour etre couronnee a cause la signification du mot Hermon. Cet infortune n'esl
de la foi et de la vie sainte des gentils convei'tis. ni domestiquede Dieu, ni citoyen, il n'est pas meme
Vous plait-il de voir toutes ces montagnes dont bote et etranger qu'on heberge, parceque nuUe
nous parlous, non dans la Judee et dans la genti- grace n'est pour lui, aucune devotion ne descend
lite, mais enl'Eglise seulement? Ce sens sera ac- en soname. L'epoux n'entre pas chez lui, soit pour

ad aetema dilatare. Quid magis hispidum et magis in- Invenies hie et Libanum, et Amana, et Sanir, et
compositum illis, de quibus Apostolus dicit : Sine affec- Hermon. Invenies hie et monies pardorum, et leonura
tione, sine fcedere, in invidia agentes ?
malitia
et in cubiba.
Nonnc isli rcputandi sunt ? Nam Ilermon
velut Sanir 7. Utinam in hoc Libano nostro, in hoc sacro mona-
accipiuntur qui sunt alienati a sensu Christi, pronii.ssio- chorum convcntu, queni et professio, et conversati(j ve-
nis spem non habentes, non cives sanctorum, non do- nustat et candidal in hoc, inquam, Libano, utinam non
:

mcstici Dei, sed omnino sine Deo in hoc mundo. Et detur cerncre caput Amana, non vertieem Sanir et Her-
ha'c quidem, gontes fuistis, sed abluti estis, sed sancli- mon. Cum videris in coetu et congrcgatione Sanctorum
ficati estis, pcd justificati estis in nomine Domini nostri quemquam efTerentem seipsum, inllatum sensu carnali,
Jesu : idco ue vobis sponsa coronatur, qua' de vestra jactantia vanuin, intus ct foris tumidum et lurbidum,
immulatione gloriatur. Bona mutatio, ubi Sanir convcr- otiosilatis anxium vanilate (otium enim accdiam parit)
titur in Libanum. Et Libanus quidem, ille prior Libanus cum talem videris, quid aliud quam caput Am;ma cum
Judaicus conversus jam in Sanir videtur et Ilermon : Libano cernis? Nil otio vanius, nil anxius acedia, nil tu-
idco veui de Libano, et veni, et vide pro Libano illo more turbatius. Nam ct Amana populum vanum vcl
exiguo et brevi quanti tibi exsurgant Libani. Leva in turbidum sonat ideo dc Amana venitur ad Sanir, ad
:

circuitu oculos, et vide, omncs mundi istius monies tibi hispidum ct pilosum. Ubi enim acedia, ibi tumor ubi :

sunt in Libanum convcrtendi. Molestum plane gentis lurbalio, ibi nil lenc, nihil composilum, nihil ordina-
tucB delrimenta et desolationcm videre sed molcstiam : tum, sed tolum horridum et qui talis est, sine foederc
:

banc tam bicrosa commutatiocompensat, utuniusdamna est, sine affectione, inimici sensus ct alienati, imoana-
redimat pru.entus ubcrior. Noli ergo moram ncctere, thematizati, quod Hermon significat. Non hie domosli-
sed veni de Libano, qui jam desinit esse Libanus veni, : cus Dei, non civis, nc ad vena quidem ct hospes prop- :

ut de gentium fide et conversatione coroneris. Vis om- ter quod nulla ad euni gratia, devolio nulla dcclinat,
nes hos monfcs non in Judaa ct gentibus, sed in Ec- Non divcrtitad illimi sponsus, ut vcl in transitu visilcl.
clesia tanlum intelUgcre? Non erit dissonus inlellectus et sicut hospes ad commorandum. Commorantur autcin
si inlerpretulionem in banc partem veils dcflcclcre. in CO pardi, daemoues quidem varii et versipcllcs, et
,
:

458 I/ABBli filLLEBERT.

le visiteren passant, soit pour loger en sa maison dans les peines des soucis, dans les occasions df
comme un hute. Chez lui resident les leopards, les chute qu'elle entraine 'i sa suite : n'attendant pas
demons i la peau changeante et bigarroe, les lions d'etre appeles, meme une
mais de nous meme. fois,

font leur sejour en son eceur. lis ne rodent pas au- Nous prenons I'bonneur, ou devancant la vocation

tour pour traverser ce lieu en courant, ils le posse- ou la provoquant par artiQce. L'n emploi si redouta-
dent en surete, y placent leurs repaires. Mais il
ils ble ne veut ni presomptionimprevoyante, ni crainte

ne faut pourtant pas desespei'er de ceux qui sont en obstinee.


cette triste position. Plusieurs eux sont
d'entre 8. II faut desirer d'aller oil le Christ ordonne , oil

predestines en cfTet a contribuer a Tornementa- I'epoux appelle, et oil sont promis des fruits abon-
tion de I'epoux. Aussi il dit « Venez vous se-
: dants, comme la chose a lieu en cet endroit : « Ve-
rez couronnee de la tete d'Amana et de la cime nez, » dit-il, « vous serez couronnee de la tete d'A-
dc Sanir. Venez du Liban, » dit-il, « venez. » Voyez mana, des hauteurs de Sanir et d'Hermon, des
si elle ne sort pas avec peine du Liban, celle qui cavernes des lions et des montagnes des leopards. »
se laisse appeler tant de fois. Cependant le retard Quand durete des moeurs est changee dans les
la

qu'elle apporte a en partir ne vient pas de la de- sujets, lorsque des couches impures, ils sont Irans-

sobeissance; c'est un acte de precaution. Qui en efiet portes dans les lits honnetes et fleuris, dans les

descend avec plaisir de la contemplation et des pu- jai'dins des aromates, dans les retraites oil il n'y a

res I'egions du repps interieur? Qui n'eprouvera plus les rugissements, mais les larmes et oil regne
pas de la peine de s'eloigner, meme pour un ins- la componction du coeuret non la lutte despensees;
tant, d'un lieu plein de delices? Peut-etre les avan- quand disparait le voile d'une varietc tichetee pour
tages qu'on espere realiser dans les disciples sou- quand les mceurs
faire place a la simplicite pure, et

rient, mais le travail est fatiguant. Sans doute, le se trouvent ameliorees par son ministere, alors on

profit est a desirer, mais la chute est a craindre. comprend que I'eglise est couronnee avec conve-
Pourquoi je tienspour suspects ces gains qui offrcnt un profit nance. Elle iTcoit avec raison cette recompense a
redouteria incertain, exposent grandement le salut personnel, cause de ces pecheurs quidevieunentson oruement,
^t einpeclient certainement de gouter les delices inte- eux dont precedemment elle abhorrait les moeurs
"ef neYa''
point d6sirer. rjeures. Est-il etonnant que la bien-aimee raette du alors ils sontreunis en un seul coeur, par I'ordre de

retard a veuir, puisqu'il lui est desagreable de s'eloi- la charite, eux qu'auparavant divisaient des haines

gner du Liban et qu'elle a a craindre, en prenant vraiment bestiales. Cette consistance de I'unite est
son essor vers les montagnes barbares qu'habitent tout-a-fait agreable a I'epoux ; voila sans doute
lesanimaux ? Et peut-etre ce delai de I'epouse pourquoi dans la suite il se dit blesse « par un de
blame et condamne notre precipitation ; trop ses yeux ou par un de ses cheveux », c'est-a-dire,

prompts, pas assez prevoyants, ne pesant pas suf- un des yeux, un des cheveux de I'epouse. II faut
fisamment les forces de notre ame, nous nous ba- renvoyer a un autre temps 1' explication de ce pas-
tons de nous jeter dans les travaux de la prelature. sage. II me suffira d 'avoir donne en terminant cet

leones cubant ibi. Non circumeunt ut transvolent, scd Non debet esse tanti muneris improvida praesumptio,
secui'i possident, et cubilia coUocant. Scd quid tales sed nee pertinax metus.
sunt, desperandi non sunt. Etenim multi istiusmodl in Denique praesumendum est ubi Cliristus jubef,
8.
sponsi prffidestinantur ornatum. Ideo dicit : Veni coro- ubi sponsus vocat, et proventus ubcres pollicetur, sicut
naheris de capite Amana, et de vert ice Sanir. Veni, in- in hoc loco ; Veni, inquit, coronaheris dc capite Amana,
quit, dc Libano, veni. Vide si non morose egreditur de de iwrtice Sanir et Herman, dc cubilibus leonum, de
Libano, quae totics vocalur. Mora tamen hffic non est montibus pardorum. Cum in subjcctis mutatur morum
contumacise, sed cautelse. Quis enira a contemplationis barbaries, cum de cubilibus et impudicitiis ad tlorida
candore, a quietis internse et puritatis sereno libens dis- et honcsta transferuntur cubilia, et in hortosaromatum ;
cedit? Cui non erit molestuni, vel ad momentum de ad cubilia, in quibus non est fremitus, sed fletus; ad
lof^o deliciarum secedere? Forsilan sperata in discipulis cubilia, in quibus compunctio est cordis, non pugna
lucra blandiuntur, sed molestus labor. Optanda quidera cogitationum cum aufertur maculosae varietatis vela-
lucra, sed metuendus est lapsus. Suspecta milii sunt lu- men, et nuda succedit simplicitas, moribus ministerio
cra, quorum incertus est proventus, vicinum propriae suo melius commutatis; coronari sponsa satis apte
in
periculum salutis, certum internas suavltatis damnum. accipitur. Bene quidem de talibus coronatur, cum jam
Quid mirum si moretur venire, cum et molestum sit de vertuntur in ornatum, quorum antea mores horrebat :

Libano discedere, et metuendum si ad montes illos bar- cum ordine quodam caritatis sibi cohaerent in unum
bares et bestiales accedere ? Et forsitan sponsae mora, qui ferinis prius afTectibus dissidebant. Grata plane
festinationem nostram suggillat et arguit, qui nimis sponso est haec unitatis cohaerentia ideo forsitan sequi- :

prompti et parum providi, vires nostras minus pensan- tur, et vulneratum se dicit in uno oculorum, in uno
tes, feslinamus ingredi in labores praelationis, in soUici- crine colli ejus, scilicet sponsae. Capituli hujus ratio in
tudinum molestias, et materiam lapsus nee exspectan- ; aliud differenda est tempus. Hoc autem in sine admo-
tes vel semel vocari, ultro nobis ipsi honorem sumi- nuisse sufficiet, si quem alieni cura profectus ad gra-
mus, vocationem vel praevenientes, vel arte procurantes. dum altiorem sollicitat, non dissuadeo, nee suadeo
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 159
avertissement : que si le desir de soigner le pro- tendre que vos sentiments touchent et portent a
chain poiisse quelqu'im a monier a un grade supe- payer notre affection de retour. En cela il y a pour
vieur, je ne Ten dissuade pas, je nel'v
engage pas ab- lui et necessite et retour : la necessite se trouve in-
solument. L'unique chose a laquelle je vous exhorie, diquee par le nom de saur et d'epouse, et le retour
qui que vous soyez, c'est d'imiter I'hesitation et la par la blessure qui ouvre le coeur. Le titre de soeur
candeur de I'epouse: elle ne se contente pas d'etre I'eclame I'aiTection, celui d'epouse I'exige davan-
appelee une fois, elle n'est pas tout-a-fait digne, tage, I'une le veut a cause de la parente, I'autre
si elle ne vient du Liban d une conscience blanche a titre d'amour conjugal. Dans I'une parce que le
et purifiee. Ce n'est en effet que du Liban que Jesus pere et la soeur descendeut d'une meme tige; dans
ajjpelle sa bien-aimoe, a la couronne, Jesus qui I'autre parce que I'epoux et I'epouse ne torment
est Dieu beni dans les siecles des siecles. Amen. jilus qu'une chair. La bien-aimee est soeur parce

qu'elle est devenue participante de la nature


divine elle est epouse parce qu'elle a ete prise et
SERMON XXX. :

elevee a ne faire qu'une personne avec Dieu. En


Vous avez blesse mon cceur, ma sceur, mon epouse, designant la nature ou la grace, ces termes indi-
vous avez blesse mon caur par I'un de vos yeux, quent I'obligation d'aimer qu'ils entrainent avec
etc. (Cant, iv, 9.) eux. Combien est tenue a aimer, I'arae qui se con-
nait unie a Jesus-Clirist par tant de liens etroits?

tedeDieu 1. coeur dur, et tristement dur, celui en qui quelque que soit sou amour, elle n'aime pas,
fort
pour
de telles paroles ne feraient pas de blessure. II est elle que rendre I'aftection qu'on lui a dejii
ne fait
e pieuse.
tout-a-fait depourvu de sentiment, le coeur qui ne montree. C'est « lui » en effet u qui nous a ainios
saisit pas la force de ces paroles •
qui n'est pas les premiers. » (i Joan, iv, 16.) Quelque vif qu'il
saisi d'admiration a la vue d'uii egard, si ex- se fasse sentir, notre amour ne lui est pas donne,
traordinaire, que dis-je, egard.' c'est plus encore. il rendu il lui est du, il n'est pas gratuit,
lui est :

Et combien grand serait ce procede quand il ne serait et pent jamais egaler celui qu'il ad'abord mon-
il lie

qu'egard? C'est une chose veritablement considera- tre pour nous. Et comment pent ilmeriter, comment
ble et digi:e de toute admiration, qu'une majeste si peut-il lier par obligation celui qui ne pent meme
haute daigne doiiner a la faiblesse humaine le nom entierement acquitter ce qu'il doit ? II vous est im-
d'epouse et de soeur. Ici ce n'est pas tant egard possible, 6 epouse, de bien rendre la pareille ii ce-
que devoument. Youlez-vous entendre la preuve lui quivous a tant aimee. Get amant divin ne cesse
de cette affection prevenante et devouee? « epouse pourtant point de multiplier son amour pour
masffiur, « s'ecrie I'epoux, « vous avez blesse, vous vous. Ce
vous a donne en affection, n'est
qu'il
avez blesse mon caur. » La blessure du cceur in- pas encore entierement paye, qu'il se cousidore
dique la violence de 1' amour. coeur vraiment comme tenu a vous aimer encore davantage. Tout

plane. Unum autem hortor, quisquis is cs, aemulare cor meum soror mea sponsa, vulnerasti cor meum. Cor-
et cunctationem, et candorem sponsaj, quae non est dis vulnus veheinentiam designat amoris. vera dulce
conlenta semel vocari, nee digna pcuitus, nisi de quo- cor, quod nostris movetur affectibus ad rependendam
dam purae el dcalbatae conscientiiT Libano. Non cnim vicissitudinem dilectionls. Et neccssitudo ha;c, et vi-
nisi de Libano dilectam vocat ad coi'onam Christus cissitude nccessitudo in sororis et sponsa; nomine,
:

Jesus sponsus ejus, qui est Deus beuedictus in saecula vicissiludo designatur in vulncro. Magna neccssitudo
saeculorum. Amen. sororis, sponsae major ilia cognationis, ista dilec-
:

tionis. Ibi quia de inio sunt


signilicatur, hie quia :

unum. Soror
quia divina? censors natura>
est, Spon.sa
SERMO XXX.
:

vero, quia in singularitatem assumpta persona\ Exprcssa


plane nccessitudinis h;ec voeabula sunt, qu;p vel na-
Vulnerasti cor meum soror mea sponsa, vulnerasti turam, vel gratiam sonant. Quantum ainare oportcf,
cor meum in una ocular um tuorum, etc. quae tantis Chrislo sc novit?
affinitatibus focderatam
Cant. IV, c. Quantumcumque amaf, non amat, sed rcdamat. Ipae
enim prior dilexit nos. Amor ad ilium noster, quantum-
1. cor durum, et male durum, in quo verba ista cumque propensus fucrit, non imponditur, sed repcn-
vulnera non generant. Stupidum plane est cor, quod ditur debitus est, non graluitus lequari ci (pi jam
: ;

, verborum islorum virtutem non pcrsentit, quod non impcnsus amori non potest. Et quonam modo me-
est
stupet ad dignationem tantam. Quid dignationcm dico? reri potest, quomodo obligare potest qui ne plcno qui-
ctiam plus st. Et quantum esset, si vel dignalio esset ?
< dcm solvere sufficil ? Non potcs, Sponsa, amatori luo
Magna cnim res, el omni admiralione digna, si vel vicissitudinem plenam ropendere. Ipse tanien non de-
dignatur tanta majestas bumanam infirmitatem sororis sinit super impenderc. Quod iuipendit tibi, nondtini
et sponsae impartiri vocabulo. Nunc autem non tam plenc solutum est, et tamcn obligatum .se pulal. Quid-
dii^natio est quam devotio. Vultis autem devoli ct pro- quid illi repcndis amoris, non accipit quasi dcbilimi,
pensi affeclus argumentum audire ? Vulnerasti, inquit, sed quasi graluitum , Quasi provocaluui ad dilcc-
:

160 L'ABBE GILLEBERT.


ce qne ronshii temoignez de tendresse, il ne le I'accompagne : aussi decrochez-Iui les traits d'un
recoit pas comme du, il le prend coaune gratuite- regard pur : considerez-le comme un signe plaee
ment donne. 11 se sent comme proroqne encore pour reoevoir de semblables fleehes. D les recuit
phis a TOU5 aimer et il le montre en disant qne avcc plaisir, puisqu'il en lance de pareiDes. 11 re-
son coenr est blesse. garda Pierre, atteignit son cteur et le perca des
5. Quel est ce miracle, mes freres? Xetenez-Tons traits de la penitence. Les larmes indiquent la

pas pour henrense I'ame qui perce et trarerse par blessure du c-ceur. 11 blesse aussi par un resard de- .••*^
ses pieuses affections d'amour, le ooeur meme de ment, le c<pur, chaque fob qu'il le pousse a quelque Ae&nM
Notre Seigneur Jesus-Christ ? U est aigu, il est effi- sentiment de vertu. Plaise an del que oe divin
caee, il est rraiment riolent. ce sentiment qui emeut epoux multiplie en moi les blessures, qu'fl me
. , et excite votre affection, 6 bon Jesus. Grande et couvTC de la plaste des pieds au sommet de la «
La ^ante
y^t Din pmssante est de la charite, elle atteint
la force tele, tenement qu'il ne reste aucune partie qui n"ait
^^"^'^ jusqu'a I'amonr qui est en Dieu et, semblable a une ete atteinte. Mauraise sante que celk qui ignore les
fleche, elle traverse son ccenr. Qu't a-t-il d'eton- blessures des tendres r^ards du Christ. Le regard
nant a ce que le royaume des cieux souflBne violen- provoque le regard : aussi essay ez de le blesser par
!
ce? Matfh, n, 121. Le Seigneur lui-meme sonffire un coup-d'o?fl, que vos jeux soient toujours diriiies
]a blessure d'un amour violent. Mais considerez les vers le Seigneur, qu'il soit pris par ces regards
traits qui I'atteignent. « Vous avez blesse mon d'amour, soit lie par t<b cheveux.
qti'fl

coeur, » par Tun de vos yeux, par Tun de


dit-fl, « 3. L epoux ne se dit pas blesse par les veux ou Pw

Tos cheveoi. » Ne cessez pas, 6 epouse, de blesser par les cheveux, comme s'il j en avait plusieurs, *
votre bien-aime par des coups semblables. Emplo- mais par un seul. « soeur mon epouse, » dit-fl,
yez a cela. vos pieus regards conmie des fleehes « vous avez blesse mon cceur par un de vos yeux
^\ aigues. Ne sorez pas trop molle dans ce combat, ne et par un de vos cheveux. » Si vous avez plusieurs
Tous contentez pasde blesser uneseule foiscdnique yeux, fermez tous les autres, ne faites usage que de
Tons aimez, faites lui eprouver blessure sur blessu- celui-d, de celui qui a coutume de
fixer votre bien-
re. Heureux etes-voos si vos fleclies s'attacbent a aime qui seul pent avoir ce bonheur. Ceux qui
el

lui, si vos amours militent dans le Christ, si Totre veulentviser droit, bouchent un ceil et dirigeni
odl est fixe eu lui et ne s'en detache jamais. Bonne I'autre, et meme ils eompriment celui dont ils ?e
blessure, d'ou sort une puissance. Une femme tou- servent pour considerer, afin de pouvoir mieux
cha la £range de sarobe, et le Christ eprouva qu'un apercevoir ce qu'fls regardent. Votre oefl est unique
prodige sortait de hii. {Luc. vni. M-} Combien s'fl est pur : fl unique sH ne s'etend pas sur
est
plus sent-41 la grace s"«§chapper de lui, quand au lieu plusieurs objets est unique si, simplifie, il est
: fl

d'etre legerement touche, son cceur est blesse? comprime et dirige vers un but, s"il n'est pas tendu
Cette blessure n'est pas recue sans qu'nn sentiment hagard ou errant sur mille points de rue. Votre

tkman se peisentit, dnm cor saom vulneiafom &- atom ad tales sagitlas. Tale Civonbiliter exc^t, qnia
tdhir. talesjadL Respexit Petmm, et cor ^ns pacossit, et
2. Qnid est hoe miiaciili, firafres? Nrame beatam compnnJTit ad poeniteniiam. Volneiati cordis laciyiiue
banc repntalis animsm, qos ^psom cor Domini nostii dant sigaa. Deniqoe clonenti respecfn cor illad vnlne-
JesQ-Ghrisli piis affectilHis tnnsfigit et penrtiat? Acn- ral quod ad aliqoem viitatis movet affednm. Talia in
tns tA. efBcax, t/t vere vjoloitns affectns ille est, qui me ntinam mnlliplicet vnlnera a phnla pedis nsqne ad
tanin, Jesn booe, meretiur et movet affectnin. Magna veiticem, nt ikhi sit in me sanitas. Mala enim sanitas,
tA violaila est, vis caritatis, qisnm affet^mn Dei attia- nM vnlnera vacant qne Christi iMns in^it aayectns.
geiK rt penetrans, et veDnt sagitta jecor ^ostiansfigais. Aspeetos aspectnm provocat : ideo tno illnm tenia
Quid minim, si tegnum codonim vim patibur? Ipse vnlnerafe prospectn. Ocali tni semper ad Dominiun,
DominiK vidoiti amoris vnlnns snstiiiet. Sed vide qoi- nt amoris tni nntibos ca^atnr, iDaqneetnr criniciilts.
bns jaeolis TDlneretnr. Vmbtenati, inqnit, cor maim 3. N(Mi lamen didt in ocnlls, el in crinicnlis quad in
im umo oadomm tmomm, et in mno criHe oaUi tmu Ne pfambns, sed qnasi in nno. TtUmerasti, inqnit, ooraKmi
parcas, qioasa, talibns 8p(Mi£am tclis appetere. A:^»ec- soror mea spomsOj rmbieratti cor mman in too oemfo-
tibQS piis qnasi ^icolis ntere. Noii in hoc negotio re- noN tworam et m
wto crime coOi imL Si ploies babes
Tnjssjiijf agieie, wA
contoita esse dOectom vnlnetare ocnlos, omnes alios nt hoc mm otaris, qno
daode :

semel, sed emcide ipsmn mlnere super vnlnns. Felix sido dilecliim intneri soks, et qno solo rales. Qui di-
es si sagjttae tns infixae smit illi, et amraes tni mili- redins intneri volant, aheram ocolnm ciandmit, a!te-
toit in Chiisto, sa ocolns tons defixns indefesse sit in riom intendmit, et enm qisom qno cenmnt stringiml,
illo. Bonom vafams, de qno virtus egreditor. Tetigit nt stricto ^cadns eoDtan^ntnr aeamine. Ocnlns tons
mnMer fimbnam, et virtntem de se senat Ghnstos nnns est, si pnms est : nnns est,d ad plan non est
exire.Qnanto magjs com cor (gos nan leviter tam- imns est, si qnodammodo smplificatns et strictns et
gitor, volnerator, gntiam de se emanare soitit ?
sed directns in mmm est, nan fissos, noo diflfosns, nm
Vnlnns istnd non est sine senso : ideo pari a^edns spafsos in mnha. Ocolns tnos nnns est, a intendis et
in iUiuu spicola vibia : repola illom qoasi signinn po- intnms semper in mimn, et in iHnrn nnnm. Deniqne
,

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES IGl

ceil est dans Tunite, si vous regarJez un point et y U. En ce cou entendez la sainte Eeritnre, par la-
tenez la vne attacliee n'apercevant que lui. S'il est quelle nous arrivent les paroles qui nous annoncent
Toeil de I'amour, il est un. « J'ai Jemande une chose la volonte divine. « Le cheveu du cou est dans la II fant relier
\e> pensees
au Seigneur, » dit le psalmiste, « je la cberoherai meditation assidue de la loi de Dieu. Si on dit « du par la
toujoiu-s, c"est d'liabiter dans la niaisoudu Seigneur cou, » c'est que votrepeusee,vo5 impressions, votre meditation de
la saiatc
tout le long de mes jours et dc contempler la intelligence ne doivent pas alterer la parole sacree, Eeritnre.

volupte du Seigneur. » [Ps. xxvi, ti.) Voila la^il mais dependre de ses prescriptions et en tirer leur
qui est un, ne demandez, ne regardez qu'une seule raciue.Que si vos cheveus sont divises, si, comme
cliose. « Et daus un cheveu de votre cou. » 11 ne epars, ne presentent aucune trace de soin, bien
ils

faut pas que les cheveux flottent, qu'ils se repan- qu'ils soient attaches au cou, ils ne plaisent pas a
dent de tons cotes sans regie et que, repaudus et I'epoux, ils ne blessent pas son coeur, ils n'excitent
r qnel flottauts, ils empechent les yeux de vou-. 11 ne con- pas son affection et ne meritent point sa grace. Le
eieu.
vient pas que Tail soit elroit et le cheveu Lirge. bien-aime vent deux choses : qu'ils soient unis et
L'oeil est empeche quand les cheveux se placent de- attaches au cou, el qu'ils reunissent en eux I'ordi'e
vanl lui. Si I'ffiil designe I'intention, le cheveu qu'in- aussi bien que I'autorite. Quel progres faites-vous,
diipe-t-il sinou la pcusee? Voulez-vous posseder si vos meditations roulent siu- la loi de Dieu et si

I'unet I'autre, le cheveu etla lumiere, linteulionet en elles-memes elles se trouvent sans loi, quand
la meditation? Celui qui a place sa volonte dans la eUes sont sans ordre et divaguent en tons sens.
loi du Seigneur et en fait I'objet de sa meditation « Dans un cheveu de votre cou, » dit Tepoux. Par Et parlunitd
dtirintention
le jouret la nuit, celui-la a un seul ceU par cette ce cou, on entend I'autorite de la parole sacree,
volonte unifurme, et un seul cheveu par cette me- qui donne aux reflexions leur forme. L'ordre est
ditation constante. S'il u'en est pas ainsi, si vous daus I'unite. L'ordre parfait existe la oil les pensees
ne possedez point cette intention uniforme et sim- sont reunies en un point, ramenees a un centre, et
ple dirigee vers Dieu, si vos pensees errent de tou- a un centre unique qui n'est jamais enleve. Ou
tes parts sans regie : les mouveraems e.rangei's et bien il dit « en un cheveu de votre cou » pour ex-
indisciplines de I'esprit troublont I'ceil attentif, de- primer que le visage de I'epouse est ILbre et decou-
tournent de Tapplication exclusive a la contempla-
vert. Les cheveux en efTet servent de voile. II veut
tion et dissipent le cceur. Que la pensee reponde a
done par la que la face de I'epouse soit degagee et
rintention simple, que I'une soit pure comme I'au-
decouverte pour contempler la gloire du Seigneur,
tre est uniforme . Le cheveu est bien, quaud il n'est
pas hors de son lieu, quand remisa sa il est soigne,
pour diriger vers le ciel sans obstacle I'oeil de la
place avec autres, et attache au cou, a ce cou contemplation : voila poiu'quoi il lone les cheveux
dont il est dit « Votre cou est comme un tour, mille
: re unis avec soin et ramenes de la ligui'e sm' le

boucUers y sont suspeudus. [Cant, iv, i.) cou.

si amoris oculus est, unus est. Unam, inquit, peiii a 4. Collum hoc sacram Scripturam intollige, per quam
Domino, lianc requirain, ut inhabitem in Domo Domi- ad nos divinae nuntia voluntatis verba profluunl. Bene
ni in longitudinem dierum, ui vidcam voluptatem Do- ergo crinii colli, cogitatus assiduus in lege Dei. Ideo
mini. Ocuk'-s iste uqus est, unum petens, et uiuim colli dicitur, quia omnis cogitatus tuus, omnia sensa
prospicicns. Et in uno crine colli tui. Non oportet ut tua ct Intcllectus tuus sacro non debcut pra-judicare
crines fluitent, ut sine lege cvagentur, et spai-bi ct cr- sermoni, sed ex ejus pra;scripto pcnderc, ct prodirc ab
rantes oculorum effundantur luniinibiis. Non decet ipso. Quod
divisi et quasi laceri sunt crines lui, et
si
ut strictus sit oculus, et crinis laxus. Oculus enim of- nihil composilionis habentes; collo licet inhae-
in se
fenditup, cum crinis clFunditur. Si inteiisio in oculo reant, non tamen placent sponso, ncc ejus cor vulne-
intelligitur, quid in crine nisi cogitatus designatur? rant, non movent affectum, nee gratiam mcrentur.
Vis unum habere utrumque, et crinem et lumen, ct Utrumque exigit, ut ct conniti sint, et collo inh.Treant,
intentionem ct meditationem? Cujus est in lege Do- et oblineant in se tam ordinem, quam auctorilatcm.
mini voluntas ejus, et in ea meditatiir die ac note iste : Quid enim proficis, si meditationcs luae in lege Dei
etiam in voluntate uniform! unum possidet oculum, sint, ct ipsae in seipsis sine lege sini ? Sine lege sunt,
et crinem unum in meditatione. Alioquin si uniformis qua.^ sine ordine sunt, et passim ferunlur. In uno, in-
et simplex intentio in Deum tibi non fuerit, si cogila- quit, crine colli tui. In collo s;»cri sermonis auctoritas
tiones tuae sine disciplina fluitent intentum rctundunt : intelligitur, quje informet. Ordo aulem
cogitationes
oculum, et simplicem iutentionis diverberant aciem, in unitate. Bonus enim ordo, ubi colligunlur in idip-
et cor dissipant pcregrinae et indisciplioata' mentis sum, et feruntur in unum, et in unum illud quod non
volutationes. Intentioni pura? cogitatus respondeat aufcrlur Vcl ideo dicit in uno n-iup colli lui, ut liberam
unus sit, sicut et ilia uniformis est. Bonus enim crinis et revelatam significet sponsae fuiiem. Crines enim pro
qui fusus non est, non incultus, sed coUectus in unum, velamine habcntur. \'ult ergo in sponsa exertam et reve-
et collo inha;rcns, collo utique illi de quo dicitur : latam faciem ad spcculandam gloriam Dei, ad intenden-
Collum tuum sicut iitrris, de qua mille clyyei depen- dum sineofTensione oculum conlemplalionis ideo coui- :

dent. mendat crines conipositos, et reductosa vullu ail collum.


T. V. 11
162 L'ABBE GH-LEBERT.
Eiposifion 5. Pourquoi n'entendre ce passage que il'une recherche ? II y a ici plutot sujet de pleurer que
egonque.
g^^j^ .«jjj^^. (,j^ parti oulier ? Etendous-le a I'Eglise dapplaudir.
entiere. Ce qui est general est plus agreable. Rien 6. En ces jours nous voyons ces cheveux de
de plus delicieux pourlepoux que la communaule, I'epouse arraches et tristemcnt epars et les peuplos,
mieux eucore, que lunite de ceux qui eruient, recus dans le seiu de I'Eglise, se coniljattre. Vous On difk
etat 1 t
que le ciment qui forme I'edifice de son Eglise. II a avt'Z sous les yeux cet alUigeaut spectacle, 6 Lon
loue « dau5 sou epou*e beaucoup de Liens » dont il Jesus, etcette division ne vous emeut-elle pas, cette "|"^' ' -"^j?

s'est montre mais nulle pari il n'a montre le


ravi : blessurecmelle infligee a voire bien-aimee, ne vous eiie
divii
sentiment de sa joieplus vivement qu'en ce lieu, ou fait-elle jwint soulfrir ? Si I'unite vous plait et vous
I'unite se trouve rappelee sous Timage d'uu seul rejouit, la division doit vous toucher aussi et vous faire
ceil et sousle symbole dun seul cheveu. Comment gemir. L'unite, I'eclat de I'uniformite, vous remue

sa joie ne serait-elle pas au conible, la ou est agreablement que la division de ceux qm elaient
:

observe le commandements?
plus grand de tons les imis ne vous laisse pas indifferent. Vos cheveux sont
« Je Yous donne uu commandement nouveau, dit- divises, ils sont separes les uns des autres, bien

il, (c c'est que vous vous aimiez cumme je vous ai plus, ils uns contre les autres. De
combatteut les

aimes moi-meme. » {Joan, xui, 34.) Les yeux de cote etd'autre, ils se van tent d'etre attaches au ecu,
I'Eglise sont les docteurs ;
qui les touche, attaque et, revendiquant pl»ur eux seuls ce bonheur particu-

la pupille du Seigneur. Les cheveux, ce


de I'teil lier, ils cherchent a rejeter les autres loin deui.
sont les peuples qui croient. L'epoux est heureux de « Le Seigneur connait ceux qui sont a lui, et que

trouver I'unite dans les uns et dans les autres. s'eloigne de liniquite quiconque porte le nom du
ft Tons connaitront a ce signe que vous etes mes Seigneur. » (II Tim., n, 19.) Munie de ce double
disciples, si vous avez del'affection les uns pour les signe, comme parte saint Paul, I'epouse demeure
autres. » [Ibid. 36.^ Laccord de deux ou de trois fait immobile au rmlieu des troupes impies de ceux qui
que leurs prieres sont bien recues de Dieu. Combien la tirent et la dechirent de toutes parts. Les rois de
plus puissante sera I'harmonie de toute lEglisedans la terre et les princes se sont entendus, ils ont
le Christ? ^^JJatth. xvni, 19.'' Que nobtient pas I'unite complote contre le Christ notre Seigneur et contre
qui penetre le coeur meme du Seigneur ? « Vous sonepouse. {Ps. ii, 2. Mais I'epouse connait l'epoux,
avez blesse mon coeur, 6 epouse, ma sceur, « dit-O, elle le suit et ne s'attache pas a un etranger.
« vous avez blesse mon coeur par Yxm de vos yeux, EUe ne s'ignore pas elle-meme, elle ne meconnait
et I'un de vos clieveux. Dans toute la parure d'une point de qui elle est I'epouse : aussi eUe ne veut pas
fenime, qu'y a-t-il qui frappe et attire plus raffec- soiiir ni aUer a la suite destroupeaux des compa-
tion que les cheveux disposes avee soin ? Mais povu- gnons de son bien-aime. S'Us ont ete ses compa-
quoi nous eflforcer de comblerde louangesles cheveux gnons, ils ne le sont plus. Us soni sortis d'entre
de I'epouse reunis et disposes avec un soin plein de nous, mais ils n'etaient pas des notres. Comment

5. Quid hoc in una singularlter intelligimus anima? His diebus cernimus di\"ulsos misere et laceros
6.
Derivemus hunc sensum ad Ecclesiae statum. Gratius sponsffi crines. ef inter sepugnare Eccle^ise plebes pro
est enim quod commune est. Denique nihil sponso gra- Ecclesia. Cernis hoc et ta, Jesu bone, et nihil tc mo-
tius communi'ate, imo unitate credentium, et compa- vet ista divulsio, non te sponsae tuse vulnus lam grave
ge Ecclesiae. !Multa bona in sponsae cumulavit praeco- vulnerat ? Si unitas ad gratulationcm cor tuum \-ulnerat,
niimi, quibus se delectatum ostendit sed numquam : dissidium ad compassionem ^"ulnerare te debet. Movet
sic expressit congaudentis affectum sicut hie, ubi et te unitatis et uniformitatis dispositio moveat te eorum :

luminis crinis commemorata est unitas. Owomodo non quie unita fuerunt, dissipatio. Divisi sunt crines tui et
maximum erit ejus gaudium. ubi maximum conserratur dispai-ati ab invicem, imo et contra invicem. Utrique
mandatum ? Mandatum, inquit, novum do vobis, tit di- a sponsae collo pendere se jactant, et de proprietafe glo-
Ugatis iinicem sicut dilexi vos. Oculi Ecclesiae, doctorcs riantcs alios a sc iiyeWcve icnXBsA.yovitDomimi-^ qui sunt
sunt, quos qui tangit, tangit pupillam oculi Domini. omnii qui nominat nomen
ejus, et discedat ab iniquitate .

Crines vero, plebes credentium. In utrisque est sponso Domini. Geminum


hoc babes signaculum, ut Paulus
grata unitas. In hoc, inquit, cognoscent omnes quia mei loquitur, immobilis manet sponsa ipsins infer impias
estis discipuli, si dilectionem /labueritis ad invicem. manus undique convellentium iJlam et lacerantium. Re-
Consensus duorum vel trium preces impetrabiles facit : ges terra? et principes convenerunt in unum adversus
quanto magis totius Christo consensus?
Ecclesiae in Christum Dominum. et adversus sponsam ejus, Sed
Quomodo non impetrat unitas, quae ipsum cor Domini sponsa Sponsum nont, ut nonsequatur alienum, sed ip-
penetrat ? Vulnerasti, inquit, cor meum soror mea sponsa, sum. Non ignorat seipsam, non ignorat cujus sponsa
vulnerasti cor meum in uno oculorum tuorum, et in uno sit idoo non viilt egredi, nee abire post greges soda-
:

crine colli tui. Quid enim in toto muliebri ornatu plus lium. Et si sodales fuerunt, jam quidem non sunt.
afGcit amantis affectum, quam crines compo-
allicit et Exierunt ex nobis, sed non sunt, ex nobis, qui amici
Sed quid conamur laudibus cumulare crines sponsae
siti ? non sunt? Amicus enim spon^ai stat et audit, et gaudio
ambitioso comptos et collectos ornatu ? Magis subest gaudet propter vocem ejus. Isti vero non audiunt,
plangendi copia quam applaudendi. nee gaudent ad voc«m sponsi, sed magis ad vocem Im-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 163

seraient-ils conipagnons, ceux qui no sout pas les a lui : dans la seconde, il se fait connaitrc i nous.
amis? « Car rami do Tcpoux so tient debout, ct il I/une est la causo, I'autre est rotfot de cotte cause.
ecouto^clil serojoiiitgraudemoiit b. causo do sa vuix.» L'lino est une marque immuable, I'autre n'est que
(Jo««. u, 29.) Pour eux, lis n'ocoutcnl pas Ic son cbose proliablc, L'une est le signe, I'autre I'impres-
dc colto voix, ils no so rojouissent pas dorentendrc, sion qia rosulte de ce signe. La est la racine, ici le
lavoix de rcmporour romain Icur plait davantage. fruit; et c'est h ces fruits que vous reconnailrez

Parlons avec plus do vcrite, disojis qu'ils ne so ceux qui prononcent le nom du Seigneur. Dieu sait,
I'ejouissent pas, mais bien qu'ils trouiblonl a son dans son bon plaisir, ceux qui sout i lui et il les
rugissement. Mais le Seigneur connait couxquisont place on ce monde pour qu'ils rapportont ce fruit
a ne prend pas pour sicns ceux qui suivout
lui, il en graude abondance. Voila pourquoi on dit « Que :

I'empereur. Aussi ils ne peuvent elre eflVayos par s'oloigne de I'iniquite quicouque prononce le nom
los rugissemonts du lion, retouus qu'ils sont et du Seigneur » qui pretend appaiienir a Dieu, ne
:

fortifies par I'impression de la grace que leur fait doit pas s'oloigner de ruuite. Et nul n'en pent sor- La predesti-
nation on
sentir la connaissance immuable que le Soignaur tir do ceux qu'a formes ou conlirmes la connais-
connaissance
ad'eux. sance divine. Un seul clieveu, ne tombera pas de divine est
infaillible.
La connaissance que Dion a de quelqu'un, est
7. la tote de I'Eglise. Tous ses cheveux ont ote comp-
une marque tres-bonue. Je veux parlor dc la con- tos, tous ont recu la marque de la connaissance
naissance qui est solon lo bon plaisir d'apres le- do colui qui predestine. Cette connaissance est hors
quel les saints sont appoles. Celte connaissance est des atteintes du repentir. Aussi son fondement est
une marque indestructible, parco quo rien ne la solide, elle porte lo cachet de Dieu, elle a le secours
trompe. Non-seulemont rieu no lui fait defatit, du bon vouloir divin et le concours positif de notre
mais elle enfauto les olus, elle predestine, elle libre arbitre. II n'est au pouvoir de porsonne de
marque ceux qu'elle clioisit pour siens. 11 existe faire tomber de la tete de I'Eglise les cheveux qui
able
ue la
: un double signe : la volonte de Dieu et Teftbrt de sont reunis par une marque si sacree. En votre
ate de
riiomnie la Providence divine
: et ractivito liumaine. puissance. Seigneur, se trouvont tous les cheveux
in et
{ffort Car c'est de cetle activite que I'apotre
diligonlo de I'epouso, et nul ne les arrachora de votre main.
lomme.
ajoute : « et que s'eloignc de I'uiiquite quicouque Gardez, 6 bon Jesus, ceux que vous avez, et recueil-
prononce le nom du Seigneur. » (II Tim. ui, 19.) lez ceux que vous avez connus et si quolqu'iui :

Voyez les deux parties qui constituent ootte mar- se reconnait pour votre, s'il dit jo suis au Seigneur, :

que : I'une qui vient tout cntiorc do la grace di- s'il prononce le nom de Diou, qu'il s'oloigne de I'i-

vine. I'autre qui est de la grace et de la liberte. niquito, qu'il rentfo dans I'unite de I'Eglise, i
L'une est de la volonte de Dieu, I'autre rosulte de I'unitc de la tete et du corps, c'est-a-dire,

son secours. Cette seconde par lie dirige le libre unchcveudu cou el un cheveu unique.
qu'il soit
arbitre affaibli de notre volonte, car la premiere en 8. Rion no blosse autant le coeiu- do lopoux, combien
dispose par la predestination. Dans la pi'emiere, rien ne provoque son affection et ne ponotre aussi ^'^P^^^X"
agrc
Dieu connait, en les voyaut d'avance, ceux qui sont vivemeut son ame; comme I'unite de lepouse, I'unite de
I'Eglise.

peratorisRomani. Nisi (quod vciius faicmur) nou tam a fructibus istis cognoscelis cos, qui nominant nomcn
gaudcnt, quam Liment ad rugitum ejus. Sed novit Do- Domini. Nam ipse iubcneplacito suo novit qui sunt ejus,
mlnus qui sunt ejus, non qui sunt Impcmtoris. Ideo ct ponit cos ut f'ruclum hunc plurimum alTcrant. Ideo
movcri non possuut ad Ireniituni Leonis, quia iaunobili dicit Discedat ah iniquitute omnis qui nominat nomen
:

divina; notitia> coutinentur signaculo. Domini : qui ejus esse sc dicit, non disccdat ab imi-
7. Bonum onim siguacuhun notilia Dei. Nolitia tate. Nee disccre potest quisquani illorum
quos divina
qu£E secundum propositum est, secundum quod vocati formavit ct firmavit nofitia. Dcniquc ot eapilus de ca-
sunt sancli. Fiimum est signaculuni hoc nolitia* ejus, pile Ecclesia; non pcribif. Capilli enim ejus omnes nu-
ejus, quia niliil ci deporil. Non taatuni non depci'lt oi merali sunt, signaculo pra'doslinantis
omnes signati
nitiil : salvandos parif, ipsa pra'dcslinat, ipsa
sed ipsa noliliic. Sine pa-nilcniia est ista nolitia ideo firnuim :

divini
signal quos suns esse vclit. Geminum signaculuni, di- slat fundamenlum, Domini habens signaculuni,
vinum propositum, ct humanum sludium divina pro- : propositi adjutorium, et arbifrii noslri cunalum. Islo

vidcntia, et huniana diligonlla. Nam dc diligcnlia sub- qui ligantur rrincs signaculo, non potcrit cos quis-
dit Apostolus Et discednt ah wiquitato omnis qui no-
: quani laperc dc capilo sponsic. In nianu tua, Domino,
minat nornen Do»iini. Vide duas hujiis signaculi pailcs : omnes crines spousa", et non rapid cos qnisquam de
imam divine tantum graliaa, alteram ct gratia- ct li- manu tua. Tcue, Jesii bone, quos (ones, ct recollige
bertalis. Illam propositi, hanc adjutorii. Socunda ha)c quos nosli : et tuum sc novit, qui dicit, Domini
qui
pars libcrtatis nostra; infirmum arbilrium dirigit, nam c;,'o sum ;
qui nominal nomen Domini, discedal ab ini-
prima pra>doslinando disponit. In prima qui sunt ejus quilate, acccdal ad unilalcm Ecclcsia' ad
nnilalom ca-
est, crinis colli, el ciinis nniis.
Dominus prajvidcndo novit in secunda nobis innotcs- : pitis cl' corporis, id sil

cit. Ilia causa, hffic est illius cirectus. Illud signaculuni 8. Nihil sic spousi cor vulncral, nihil pcrmovet af-
immobile est; hoc probabile. Illud signaculuni est, fcclum, ct animuni pcnelral, quomodo unilas sponsa?,
ca ipsa inter diripientinm servata, et quasi
solidala
istud signaculi siguum. Ilia radix est, hie fructus; ct el
:

164 L'ABBE GILLEBERT.


comme bonheur de la Toir consenree, et meme
le en deux. » JIl R-:. ni. *26 .A-insi vous prenez I'ar-
consolidee, au milieu des efforts de cetix qui odI gent quand tous ne p_u'. ez av...ir l^s kmes. Elnlevez
pris a coeur de la declurer. I<es ereques conscien- ce que vous prenez : gardez pour vous les presents,
cieux abandonnent leors propres sieges et ils fuient laissez a I'Elglise les kmes. Car
ne cherche rien
ellc

de ville en vUle, les persecutions de leuis ennenus. que les 4mes. Que les bicns du corps se repaudent
Les dexcs et les moines deroues a Dieu, rassasies diez vous de peur qu'ils ne disperseut avec vous les
de tribulations et d'opprobres, supportent arec joie biens de I'Ame. Qui ne ramasse pas avec I'E^ise,
la perie de leurs biens, sachant qu'Us ont une dissipe. Le Seigneur prononce celie parole remar-

fortune meilleure et durable dans Tunite de la cha- quable : « qui ne ramasse pas avec moi, disperse.
rite ecde^astique ei fratemelle. Qnand lliomme {Matth, xu, 30., L'action de ramasser indique I'u-
donnerait tous ses biens pour avoir la cbarite, il se nite comme celle de disperser anuonce la separa-
trouTerait encore restimerconunerien. CaiU. yinJ .j
'
tion. L'Esiise sait dire, avec I'epoux : € Qui n'est
Qudques-uns, U est rrai, rachetent par des pre- pas avec moi, est contre moi. • U ne laisse pas de
sents la liberie de la communion ecdesiastique. milieu : ou vous ramassez avec elle, ou certaine-
C'est nn bon rachat. mais une rente bonteuse. ment vous di^>ersez : ou vous etes avec elle ou cen-
FNourquoi rendez-TOUs ce que rous condamnez? tre elle. Vous arez coutume de
dire ^a ce que Ton
SiTous tenez pour schismatiques cenx qui sont se- rapporte" : ne voulez pas dissiper ave-: moi,
Si vous
pares de vous, tous ne deviez pas, allecbe par Tar- du moins ne ramassez pas avec eus. Si vous netes
gent, leur laisser la libeile de leurs erreurs. Si pas de mon cote, Ju moins ne sovez pas contre moi.
TOUS crorez que leur parti forme un schisme. pour- n snffit que vous ne soyez ni de notre parti, ni de
quoi vendez-Tous par des presents la Uberte que cdni de nos adTersaires.
TOUS consentez a lui reconnaitre ? Que si Tunite de 9. Mais notre J:-su5 ne pense pasdela sorte, il dit
nUSMle ITglise se trouTe reritablement parmi nous, pour- « Etes-vous des notres, ou appartenez-Tous a nos
quoi essairez-Tous de la dechirer? Si tous occnpez ennemis? [Jou v, lO.y II ne laisse pas de milieu.
GB^OS KS
la ehaire de Pierre par droit de succe^on, poorquoi Quoi done, 6 bon Jesus, n"y a-t-il j>as de nesine en
ne soutenez-Tous pas la sentence de cet apotre cen- Galaad? Jer. viu, 22., Pourquoi done. Seigneur,
qaes parce
n'Q recefvait tre ceus que vous regardez comme schismatiques? le mal qui desole voire epouse nest-il pas gueri,
lefaigoit. « Que Totre argent se perde avec tous, » dit-il. pourquoi sa blessure, sa plaie et sa meurtrissure
Pour tous, tous dites presentement :
(Art. Tin, 20.: gonQent-elles sans etre liees, sans etre soignees ou
que Totre argent Tienne a moi quaut a rotre : adondes par Thiule? [h. i, 6.^ Vous avez assez fait
ame, qu'elle tombe dans la perdition. E^t-ce que la boire a votre bien-aimee le tui de ramerhime?
perdition n'est pas dans la separation d'avec I'unite Quand ranimerez-Tous par la douceur de Totre
la
du corps ? « Qu'il ne soit, ni pour moi, ni pour huile sainte? Car Jamais I'huOe des pecbeurs ne
TOUS, » disaii eette femme.. • niai< qu'il soit coupe la touchera. Ceui qui se trourent dans le camp op-

eraatns. Episnqti reUgiosi propiias desenmt sedes, de te bona ^aigant, ne bona animx di^eigant tecam.
civilate in civitatem fbgiant a fuje perseqaenti& Deo Qui enim non collet camEcdesia,di£^rgiL Signanter
deToti et derid, et monachi, tnbolalionibns et coo- satis ait : Qui mon eoUigS tneetim disperffit. CoDectio
tumeliis affecti, rapinam btnonnn soonun cam gandio namqae imii^Ug lationem coating sicot dispersio in-
sastinent, cognoscentes se meHoraa Iiabere et manen- nait oun ^>odso dicere novit
separationan. Eccleaa :

tem snb^anliam in imitate fratemse et ecdesiasticx ca- Qni mom at meeum, combv me esL Nilifl mediam re-
ritatis. Si enim omnon smbslanliam soam dedonthrano linqnit aat colligis com iDa, ant eerie diqter^
: ant :

pro caritate, quad nihil de^idet eam. Qoidam eqai- cam ilia es, aat omtra illam. Ta actem dicere (ut
dexa liberlaiem ecdesias&cs conmumionis moneribos aiont) soles Si ncn vis dispergere mecam
: sal- :

redimmiL Bona redemptio, sed Toiditio tnrpis. Quid tem non coUi^as cam iDis. Si non es mecam, saltern
vraidis qnod qise omdemiias? Si schisntaticos repatas noa ds contra me. SofBcit si nee ncster sis, nee ad-
qui a fe sepaiari sunt, ncm ddraeias ptetio indndos er- versarioram.
roris sni iDis permidsse licenliam. Si sdusina repatas, 9. Sed non ita noster Jesos, qui ait : Softer et, am
car Ubertalon gas monenbns Teadilas ? Si antem ec- adrerMzrKincM? mediam nH rdinqaois. Xamqoid Jesa
desiasticae onitatis apad oos ventas est, qoid illam di- bone, non est resina in Galaad ? Qoaie ei^ non est
TeDere toitas? S Petn sedem succe^onis jure teoes, sanata, Domine, oontriUo ^oosx tns, volnos et livor
cor oral Petri soileotias vindicas in eos, qaos sdusma- et plaga tameos non est drcamligata, nee corata medi-
tioos aibitiaris? Peaana, inqoit, tma tecum sit in perdi- camlne, neqoe fota deo? Potasti, Domine, satis dilec-
tioMeau None veio dids : Pecania toa salva mihi sit, tam toam vino compancticHus? qoando oleo forebis,
anima vero eat in peiditiooem. Qaomodo enim n<m deo sancto tuo? Oleam aatem peocatoris oon impin-
perditk) est, abi ab onilale corporis s^aiatio est ? Xec goabit cam. Xam et qui ex adTerso sunt, ol«un habere
mihi, inqnit, nee tibi sd, sed dvcidatmr. Ita et to pe- se jactanL Qoid enim nisioloun Tendiiant, dam blan-
canias tollis, cam animas non potes. ToDe qnod tol- ditaotar, dam poDicoitar hooores, dam manna propo-
lis : monera tolle libi, animas Ecdeds rdinqae. Nam nnnt? Oleum istnd naa sanat, sed magis sdndiL Ideo
et ipsa nisi «niinos non qoaerit Coiponlia anton aynd sicnt Tinom eonini, ita et olonn eonnn. .£qua lance
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 165

pose, prctendent avoir cfu'ils ne


de I'liuile. Est-ce
rondent pas de I'huile lorsqu'ils fonl des caresses, SERMON XXXI.
lorsquils promettent des lionneurs, loi-squ'ils font
esperer des presents ? Cette sorte d'huile ne guerit Que vos mamelles sont belles, 6 ma sceur, 6 mon epouse!
pas, elle aiigmente la division. II en est de leur plus belles que le tin, etc. (Cant, iv, 10.)

liiiile comme de leur \ia. II faut faire le meme cas


de leurs paroles et de leiirs coups. Mon ame a re- 1. II nous faut maintenant toucher aux mamelles
fuse de gouter leurs consolations. Comme cet ani- de I'epouse, deja en plusieurs endroits nous les
mal dont parle le prophete Thren. iv, 3.}, ils ont avons pressees avec soin, je ne sais si nous en avons
decouvert leurs mamelles : ils allaitent leurs pelits, fait sortLr tout ce qu'elles renferment. Peut-etre que
mais non les eufants de I'Eglise. L'Eglise en effet a serrees encore, elles nous donneront une nouvelle
ses mamelles. Aussi dansl'eloge que Ton faitd'eUe, liqueur. Qui ne se jetterait avec avidite et bonne
on ajoute : « que vos mamelles sont belles, 6 epouse esperance sur ces mamelles que Tepoux a louees
ma soeur I » Rappelez, Seigneur Jesus, vos enfants avec tant de soin ? C'est la le sein, dont saint
qui segarent, qu'ils reviennent gouter la douceur Pierre nous engage a desirer le lait comme des en-
de ce lait; tirez de la bouche de ceux qui le suce- fants nouveaux-nes. (I Petr. u, 2.) Et la recomman-
ront votre louange parfaite, quand vous aurez de- dation faite en ce passage ne vous semble-t- elle pas
truit I'cnnemi ct Victor. Hatez-vous done et faites avoir la force d'une invitation ? « Que vos mamelles
cpie la justice remporle la victoire, aQn que I'unite sont belles, 6 ma sceur, 6 mon epouse, dit-il. » Une

I'eunissp ceux qui invoquent votre nom car e'est : louange si graade n'est pas proferee simplement et
dans cette unite que vous placez la benediction et sans force, la maniere meme dont on I'enonce in-
la vie pour les siecles des siecles. Amen. dique I'admiration contentement de celui qui
et le

s'en fait I'organe. Quelle est cependant la suite qui


existe en tout ceci ? Pourquoi, apres avoir parle de
Note POCR le lectehr. Le personnage qui est atta- I'oeil et du cheveu, de suite descendre aux mamelles?
rjue an numcro 8 de ce sermon neparaitetrequ Alexan-
ou pourquoi I'unite se montre-t-elle ici d'un cote et
dre III. L'empereur Frederic lui avail oppose I'antipape
la pluralite del'autre? Pour moi, je trouve indique
Victor. C'est la destruction de cet antipape que auteur
dans le passage precedent, comme un ravissement
I'

desire en finksant son discours on limit auparni-ant


:
en Dieu de Tesprit et des pensees de Topous ; je
en ce lieu le vengeur (ultorem) non Victor (Victorem; ;
et
vois en celui-ci, I'ctat de calme et de repos ordinaire
c'est la la version exacte d'apres le manuscrit de
tel qu"il le faut pour se mettre a la portee des en-
Clairveaux.
fants. Dans le premier, une seule chose est neces-
saire, dans le second, on apercoit la sollicitude et
rinstruction a distribuer a plusieurs. Dans celui-la.

pensanda sunt verba et verbera eorum. Renuit con- SERMON XXXI.


solari anima mea ab uberibus consolationis eorum. Ipsi
enim sicut lamia nudaverunt mammas lactant inde
Ecclesia enim mam-
:

Quam pulchrfe sunt mamma tiup, soror mea sponsa !


catulos sues, non Ecclesiae filios.
Pukhriora sunt ubera tua vino, etc.
mas suas habet. Idcirco in laudibus cjusstatim sequitur:
Cant. IV, c.
Quam pukhrre sunt mamnife tuee, soror mea sponsa.
Revoca, Domine Jesii, filios tuos, qui aberrant, ad lac-
tis hujus dulcedinem; ut ex ore lactentium perficias 1. sunt a nobis perstringcnda nunc ubera
Leniter
laudcm, cum destruxeris inimicum et Victorem. Ideo sponsa", supcrius non uno in loco studiosius
quae
festina et cjice ad ^ictoriam judicium, ut habitent in pressa sunt et ncscio an ex toto expressa. Fortasse et
;

unum qui invocant nomen tuum qnoniam in hac uni- : mode tacfa novum aliquid nobis eflundant. Quis non
tate mandas benedict ionem et vitam per omnia sfficula avide et cum spe bona ad ubera currat, quae sic sponsus
saeculorum, Amen. laudare curavit? Haec ubera sunt, quorum nos Pe-
trus quasi modo genitos infantes lac concupiscere hor-
tatur. Et commendatio praesens nonnc vim quamdam
invitationis vidctur obtinere? Quam pukhra sunt, in-
NOTA LECTOR. Non alius hie num. 8. pungi videtur, quam, mammce tuoe, soror mea sponsa. Non est sim-
qiunn Alexander III. cui objedus fuit a Frederico plicitcr et sine expressione laus tanta profusa, sed ipse
Imperafore Antipnpn Victor. Hunc aucfor destruc- pronuntiationis modus admirationcmprofcrcnlisdemons-
turn cupit in fine sfrmonii : uhi ultorem nnien legehn- trat.Quae tamen est hujus ordinis ratio.' Cur post ocu-
lur, non Victorem, gute genuina lectio e^l ex codice lum ct crincm slalim ad mammas scrmonem dencctil ?
VnUis-clar<e. aut cur in illis unilas commcndalur, in his commcmo-
ralur pluralitas Mihi quidcm incapitulo supcriori men-
!

tis quidcm ct cogitationum cxcessus ad Dcum vidclur


innui sobrielas vero et lenipcranlia ad paryulos in isto.
;
,

i/Anni-: gii.i.khrrt.

Toxoid's (Vun nniotir briMiinl rruironiro <mi \\n point, reux celui qiii ponrsuit en son oosnr des ('•tudes

rcsscnV' el pi'iuMranl jusquc dans lo, conir tin hion- semblables, les iiitorrompanl de saints relAches
aiiiii"' pour If hlosscr : (l.iiis roUii-ci, la doctrine durant ou bien (pour ainsi parler), il pe-
lescjuels,

<(Mnpt''r(''(>, I'l'xposilion «irnpU^ ]in'>soiito aux onfanis nMre dans le du sancluaire de la sagesse, ou
ccrur
line, sortc ilt> tail ;\ boiro. Vous voyoz qu'il no ?o bien il en rapporte les mamelles remplies de la
irouvc pis (1(! milieu dans cA (Aa<^i\ do I'oi^onso : voluple y a rosscntie. Kile est veritablement
(pi'il

niais avcc sainl Paul, on olle osl ravio en Dieu, on epDuse, IWme qui sail de la sorle iuterverlir les
Men die s'abaissc jusqu'i nous. « Car «, s't^crie cot rtMes. Aussi, en faisant son eloge, le bien-aimc,
apiMre, « la cliariW «le Josus-Chrisl nous pressc. « apres les transports de la contemplation, parle de
(u. Cor. \,A quoi nous
III.) ponssc-l-<Mlc? Est-ec suite des mamelles de la consolation et de la doc-
an ravissemenl? Non ]ioint i^ I'cxtase, niais .\ la riue : vos mamelles sont belles » L'oiil de
« 0"'" I

condcscc>ndanoe. I.a premiere do ccs deuxcboses est I'c^pouse est pur, et ses mamelles sont belles, L'osil

atliuro de seconde de devojiement 1;\, c'esl


desir, la : est pour I'epoux, les mamelles, ix>ur les fils de !'«>-

le comble de I'esprit ravi, iri, c'esl I'tMat de Tesprit poux. ('!onsequemmer.t,on dit qu'elle n'aqu'unocil,
quisemet a laporlee des a\ilres. \.h on s'impregnede et (pi'elle portc plusieurs nianielles, parce que leur

la bonne odenr, ici on la repand. \A d'abord on se force doit varier scion les qualites diverses de ceux
remplit de gnWe, ici ensuite on le verse dans I'Anie qui les sucent.Voyez comment saint Paul se fit Juif
desanlres lii on s'enivre, ici on enivre los aulres.
: avec les Juifs, comme etant sans la loi avcc ceux
q\ielle bonne alternative, pourvuqu'ellc sc passe qui elaient sans la loi, et iufirme avec les infirmes.
dans CCS conditions. (i. Cor. IX, 20.) Comme s'il donuait autaut de ma-
Il«rn«liv<» 2. (Vest, par la <lisposilion de voire Providence, (^ melles ii ses disciples, lorsqu'il se plie ;\ lanl de
I rnnlrm- Seigneur, que pei^si'-vi^re cette vicissitude de roles, genres de vie divers? Que faisait-il par toutes ses
p)nlion
M'l> DiOH cette alternative de consolation et de contemplation. varietes, sinon faire couler douoemeni, et en guise
I- 1 ill-

iiiKol.'ilion
N'est-il pas beiu'eux celui dont toutes les beures de de lait, sa doctrine dans les esprits encore tondres?
'll\IM'> 1l'
la vie se passent, ou h laire sentir an Christ les 11 semble qu'il a en aulaiit de mamelles qu'il a cu
inu'li.'iiii.

blessures «le sa chariti>, ou a pr('s<.!n1er, ii ccxix qui de manieres do so proportionner avec adresse ;\ la

lui sont. soumis, les nianielles de la pitM^j* Pour capacite de ceux qui (""taieul faibles. « J'ai ete au
uioi, si parfois ( j'l suppi»ser <][uece bonhcur niar- milieu de vous », dit-il, « comme un petit enfant
rivc), cni\ re des consolations que Ton I'prouvc dans au milieu d'aulres petits enfanis, comme une nour-
voire uiaison, Seigneur, .)o parais en I'cvenir ])or- rice qui rechauffe ses enfanis. (i. Thcss. ii, 7.)

lant les mamelles p-initlees, le souci des atTaires va- 3. Kt si vous le voulez, je vous indiquerai les Les doc
ct les pr
rices el faliganles survenanl les dessecbe bien vile, deux mamelles dont est pourvue Taffection mater- I

doirent ; I

alors que, jk'u auparavanl, olios r("'paiidaienl avec uelle, ou ]ilutiM, c'est saint Paul q\ii les d6signe, den I
maneBl
abondancc le lail de la science ct de la grAce. Heu- lorsqu'il dit : « la piete est utile k lout, ellc a la

Ihi iinnm necessnriiim est, hie solliciliiflo, etscrmodoc- nliqna talia in sc continnat stndia, uf \el in ipsum (ac
trina' i>atlic)iitiis in plnra, inlcnipcmnlia ferxidi anio-
\hi si ila dicam) sapiential cor ct seerctannm pcnelrel : aut
ns cl collecta in nnnni, ct constrirta, el penetrans, ip- libera infle rcfcrat vohiplatis illius iihertalc rcferta.
snm dilccti pectus sanciaf liir Icmperata doctrina, et : Sponsa plane quae novit hnjusmodi variarc vic«s.
est.,

scrnio sobriiis larteeo qnodam poln parvnlos salial, Vi- Idco in laude ipsius post conteniplationis cxccssuik, de I

des qiioinodo luliil niediiim rclinqiiiliir in laiide sponsa'>: consolalionis et doctrina"- iibciibns scrrao stalim con- I

sod cum Panto ant nicnic excedit ]")co, anl condcsccndit texilnr : Quam jmlchrfp sunt
iufe mamma'
Purns ocn- ! 4
nobis. Cariiax nnim, inqnit, urgci nox. Ad quid iirget lus, cl pnlchra^ mammat>,
sponso, ct hte filiis sponsi,
111c
nos^ Nnniqnid ad excessum? Non iitiqne ad exccssnm, 111c idco imiis diciinr, hjEphires quia varia debet esse :

scd ad condesrcnsiim. Res ilia csl voli, hfvc obseqnii : uheriim temperntiira, pro sn^rcntinm qnalilate di versa.
illic intcmpcranlis afTerlns snnimns, liic conlcnipcriinlis. \'u\q qnoniodo Panhis .Inda-is faclus est .Indasus, el lis
Bonns odor piano hanrirc ihi, el hiccxhanriri. Prinio qui sine lege crant, quasi el ipse sine lege essel, infir-
ibi infiindi, posloa hie efTnndoro incbriari ibi, ct hie : mns infirmis. Nonnc vchit tot applicat discipiilis libera,
inchriare. l^ona vifissitndo talis, si tanien modo qui sc in lot Iransformat genera? Qiii*^ aliiid molit.us est
talis. temperalnra tam mulliplici, nisi ut Icniler ct larlismore
2. Ordinationo fna, Pomine, hav vieissitiido pcrse- leneris aiuliJorum ejus doctrina inflneret animis ? Tot
\eral, xicissiludo oonlcmplalionisol consolalionis. An non vidclur abiindare mainmis, qiiot modis arte ingeniosa
bcatns, ciii omnia vitai niomonlfl in hoc decnrrnnt, lit capacilali se infirmorum coaptahal, Fortt/s sum, inquit,
\cl Christo vnlncra cariiatis infipral, vol piel.alis libera hi mcrh'ci vcifri innqticm pan'uhis in mj'dio jtarrnhmm
porripal snhdilis? l\i?o si qnando (m t^amon aliquando) quomnrln xi nnfrix fovenl fiJiox,
incbrialus ah nberl;ilc donnis tujc , Domine dislcntA X Et si vullis, duas vobis mammas mafeman pietAlis
xibera indo rcportarc videor: tot, tarn variis cl lam mo- assignaho, irao idem ipse Paiilus assignat cum dicil :

Icstis cvsicrantiir nojjoliis incnrponl.ibns, iifraox arenl.ia quia pirfnx ad omnin uiilix est. cnnxolaiinnmi hahenx vila
roddanliif, qua' prins cniditionis el gratinrnm iihcftira qua- vnnrrxi. rt f'liinrn: His nherihiis geminis erga suh-
a etc rorali.int. Felix quidom qui sancla intcr^polaLionc dilos ahnndarc debet . qui doctoris cl patris in Ecclcsia
f SEBMO.VS SLR LE CAMIQUE DES CA.MIQLTS. ii7
eooaolation de la rie pn»«Dt« «t (k la tk a r^ttir, • leun len*^ gird/int La v:if<v\(jit, et ^ert & eox qa'on
(i, rim. IT, 8.; VoiUi les deux mzstv^lla, que dMt d/M-iemAoAa la ovrxnai—'iac^ de la kii da Seigoeiv,
aroir [K/ur s^. «n]fl?, c^rlui rrrii r^irnplit dans VE^'ae (jVo/. u, 7,j Us rer^oit pfaitAt eax-m^iiies, des
]e t^A^ «lfe til i^:^ rut *ti Ac ^.tK : il «t neces-iaire qu'il f» Ti r'p^ rfiu lenr snut er>nfies, les biew terrestres, en

- en vnt de gaocbe, pour wmxrit


droits et -,biens ^pirito^qalb lenrefwannunqnest.
0IUJ11 «J«

de lait eeux qui sont fjtuivA k iet turn «t les ras9»- Oux qui reaooeeni a tootes lenrs possessioDs, qai
fier des muwtWtn <\e ^ consolatiMi. Begardez I'line disent adiea aux l»eiis de la terre^ se donoent eorps
de CCS mameiUrs toutmh i^stvA. a drotie, et Vzatre et foftnoe a on mcoastere, et paasoit entierement
comme «iant a gauchf:. O-iU: de gaoche est pour sons la juridictionde TaUiie, ne seres^raut da reste
repaodre les secoun Urcopr/reb, ceile de droite pour aoenn sMiei d'enx-m&mes, ees hMnmes-la dotrent
prodigner les coosolations celestes. Que cehii qui a {Wiser dans les denx mameOes le latt de la eauscdar-
Oinapaaskni, le faase aree joie. ''Bom, xu, S,/ Que tifOo. r^' ' '^rrn sont mis a lenr tHe, soot temis de

edai qui fait raomAne, doone fm smplictte. I> les :^ «i les deux, lenr poitrine ne peut ^ire
Pasteur qui, selon le cooseil da prince d«:s a(i6lres, comme mulilee ou amputee, eOe ne se peat eonteo-
TeiUe snr le trr/upeaa rfrtnis a aa garde, noa par fer de la diflormite que preseiue a Tceil nne seole
contrainte, mais ^jntaoement, montre la ma- mamelle. Ceux qai n'en oat aueune, cMcqpentpour
Hi'-. lie gauche, et dans la priof»beliedlsaIe,il est {vo- leurruine, ane|Jace sideTesedansrE^ise,etqaaat
ii—eflt mis a f^lL<« tpi'eUe sera allaitee « par la mamelle
1 aax aaaixes, ils attirent air eox toutes sortes de pe-
des rois, » {Is. lx, I6.j Par « la mamelle,* dit le rib, ^ mMns que la langue de edoi qui rioit saeer
tct aa x iexle, et non par les mameiles, parce que e'est le leurs mamcfleg ne s'attadbe a 3Mi palais, yauqae le
deTMr des rots fie faroriser TEglise principalonent scan de la mere est a see. Ds soot Lmo kni de me-
en ce qui regarde les bieos temfforeli : voila son riter la lonange qui est adreseee en ee liea a I'e-

e6te gaucbe, celui oil se trrjuvent les riebesses et la poose : « qofc tos mameOes sont heBei, 6 ma sceur,
gloire. En c« qui co:ic»fm^ la mamelle droite, satnt 6 mcoi eponse ! • R«anarqaez ausn ^ne fontes les
Paul nou< en m^truit en ces termes : « cona<4ez les mamdles ne sont pas belles. La knuange n'a aoeum
pusillanimes «, dit-U, « coosolez c^lui qixi se tronre eharme dans la booche da pecheur. (£f«e/t. xt, 9,\
en ee triste etat, de crainte qull ne soit plonge dans c Mod fils », dit VEcriiuie, « krs m^me que les
esse encore plus grande, » (u. Cor. ii, 7,) pecheurs rous allaiteraient, ne toos atiaebez pwat
4... ... '.re : «Vous qui ^ies hommes ^irituels, ins- a enx. (/V&c. i, 9,) Yojez eommeni le sage exige
let
truisez c«iui qui est ilans eette position, en esprit de qae les mamdles depla»earsne soient pas eonside-
tb/ucenr, » Ga/. ti, 1.; Et, ^pourtenir ce langage;, rees comme belles, mais tenoes aa coutraire poor
il en est qui paroffice n'oot que la mamelle gaucfae, sasfeetes. Ansa il rous reeommande edks de fe-
comme les rois et les princes, ainsi qae nous TaroD; poose , poor que rous saelnez qneiks soot eei-
dit pins haut. Et il cai est qui, par le derMr de leor les aoxquelles to«s pourez aDer rous noornr ea
charge, sont tenns de presenter surtont la mamelle sjirete.

droite, teb sont les lerites du Seigneur et les docteors. 6. " Qae T09 mamdles sont belles ! EDes sont

loeam oeeopai; bisinimiri mamnusa dextru et a m- renda est ab Hi emm magb aaolMfitbpldAasear-
eis^
niatro, at qni ei eoaammi not poteotor a bete, et la- Dalia metmit,qmbos ^iritoafia seminaoL Qtu tod pc*-
tientar ab oberibos eoanlatiomtjoa. Haram attoam re- teaROfubus eonetis reoaneiant, qoi rdms tCT^oralliHif
pota aioMtniD, alteram dextram. Sinktmn io iemfonSbas lale^eoat, ae aoaqoe omnia raooaaterio tndeotea, ei
mlmdiis, dextenm in spiritoaH eonsolatkme. Qoi mtse- ex tolo in jns Abbatit transeimt, nollam soi mbi anam
retur in idbrilate, qui triboit, in simplkitate. Qoi jnxta reliqaentes de caetero: tales otiqoe gemiDO ecwwoblionis
AptMtoionnn Prineipem gregi commiMO proridet noa Iactandiaintobere.IdeoqaeoentrDboccateTe ddwnt tpd
cxraete, sed fpootanee, mammam bie stmstiam exbibet : talibos preaan t, ne mnlihnn et reiat detnmeatiun vide-
et EceleaiaEr profnillitiir in propbetia Isaiae, qood reffum aotor pectus g«tare, ooa detiwmiter inamina conteotiaB.
tnandUa betabitnr. MamiBa, ioqait, et noo aemillis, Qai rero ntroqae destiiimitnr, loeora fanoe in Eiilcaij
60 quod regnm est iemporalibos pnedpoe boots Yj-.- et ailM daomcHe teoent, et qoantom ad alios periealoae,
t^aasasi tbrere : tuee enim siaiatia qas est, in qua sunt ne forte lingna lactentia adbaereat pal^o, dam aicntia
iwViMt. et gloria. De dexfn qiiidem maniina aae nos sont oboa matris. Peregrina eat pbne baee bns ab Olis
Panlos infonBDat : Omittlarnmi, inqirif, pwtUlanirtKg, in praeaenti beta ad ^onaam : Qmam pmkhrm nmimamr
ti '?r ''^'-'rti frttm qui /• H eurt, ne ahtatdiadifjre mm ivatf gfjr«r
mea ^mmuo. Simnlqoe adrerte, quod i

trir 'j^atvr. Wee. tpirUtiaiei eftu, nu- omnes poldnx sont mamnue. Noo eat enira jfcd
«' te
ladaBerM p«&-
trudc iMJtumt//di m
fpirtUt IttaUMt. Et (ot ila dicam) fans in ore peeeatoria. FQiy inqoit,
soot qui nniitfaiD laoium mxmmaim ex <A&ao babent, mbtreifWetKfpoeaeaa eit. Vide qoomodo qnoiiiaidim
sicut ii, quo* supra dixlmoa, rc^es tA ftiadpes. Etsont obera noo mddo dod Tntt ^edoaa baberi, aed valt aa»-
qaibos ex offiai soi jure io^endet dexferam marime peda. Iddreo aria commendat, at bene noria ad qme te
pradiere mamiflam. Meat taeetdotes Domini et dodores, ddbeas toto eonfene.
qBonm labia cwtodJimt sdentiam, et lex Domini reqoi- 4. QmmjpiMfr^suidmammBtlwtl MfiieiMLVmiidier*
:;

168 L'ABBE GILLEBERT.


meilleures que le vin. » n r a deux choses que le ne soient point proferees sans regie, qu'elles n'en-
bien-aiine vanle dans ces mamelles : la beaute et la vahissent pas la poitrine et rinterieur de I'e^rit
force. Lune convient a qui aime, Tautre, a qui est plutut qu'elles ne Toment ;
qii'en elles il n'y ait ja-
allaite. Qu'iniporie en effet, a celui qui les suce mais plus de matit're que de grace ; plus de chair
qu'elles soient belles,pourvu que ce soit des mamelles que de lait. Que son discours soit pur et prudent

pleines d'un lait salutaire ? C'est done pour lui qu'U selon les circonslances. Que la piete s'y ajonte, et t «»«
vanle la beaute de I'epouse, c'est pour les siens qu'il produise le nombre et la beaute. Qi'il n'ait pas plus ,:\

exalte la qualite du lait. Et si tous ne donnez pas de bouche que de poitrine, qu'il n'eprouve pas la
a ce passage im sens meilleur que le mien, rappor- perte de lait. Les mamelles doivent saillir de la poi-
tez cette beaute a la saintete de la conduite ; appli- trine, et T rester attachees. La poitrine ne doit pas
quez a la doctrine et a de cet
la science, le reste otre convertie en mamelles. Que la bouche parle de
^oge des mamelles. On suce avec plus de douceur, i'abondance du coeur, qu'elle en esprime ime par-
quand la Tie embellit la force du discours. Et si vous tie, qu'ellene la repande pas entierement. 11 faut
Toulez ouir quelque chose de spiritud et d'expansif retenir les mamelles pour qu'elles ne se dilatent pas
au sujet des beautes de ce sein, je vous rappelle les trop. On en voit qui courent trop apres les paroles
soins que les temnies mettent a relever avec art et de consolation, et tombent dans de vains propos :
application labeautedeleur corps. Qu'affectent-elles en voulact egayer leurs aoditeurs ennuyes d'un
plus dans I'omement de leur poitrine que de faire long silence, et comme attristes par le degoitt des
dominerleurs mamelles. d"en developper le volume, choses de I'ame, entraines par la folatrerie de leur
et de faire qu"elles gamissent toute la poitrine ? langue joyeuse des choses utiles, ils en viennent anx
Aussi quand elles tombent et se laissent alter, par plaisanleries, et avant de semer un peu de firoment,
des bandelettes qui entourent leur sein, eUes savent ou apres I'avoir seme, ils repandent la zizanie a
les retenir, remediant par Tartifice au defaut de la profusion. Ils disent des choses qui plaisent, et ils

nature. Car les mameU^ sont belles quand eUes « font dans le rire le pain • Ecfl. x, 19. de la
dominent un peu et sont legerement gonflees : ni doctrine, ainsi qu'il est ecrit mais apres ce rire,
:

trop elevees ni trop abaissees, au niveau du reste de pas de pain, pas de parole salutaire. 11 ne faut point
la chair qui lesentoure : retenues etnon deprimees, alterer la parole de Dieu, ni la corrompre par un
legerement reievees et non abandonnees a la pe- melange etranger. Que ses mamelles lui suflisent,
Comment santeur de leur propre masse. Que celui, qui a pour les mamelles des deux testaments. Qu elles s'atta-
a rant imiter
^jiaj^ jg fajiQ entendre les paroles spirituelle chent a voire poitrine par I'eflfet de votre memoire,
le aMD que
ks feflunes et salutaires , trouve dans cet exemple un qu'elles vous fouraissent les discours de cons^tlition

l^^^l^nae. encouragement qui Tescite a imiter le soin et et de lait spirituel. qu'eUes vous donnent ce que les
rindostrie des fenimes. Que son discours soit chatie, autres boiront. Que vos paroles tirent leurs racines
que ses parolesnesoient pas trop abondantes, qu'elles de votre poitrine, qu'elles ne sentent pas I'affecta-

tma vmo. Duo sunt qus ponit in lande ubemm istonun quam omrat; non habeant plus materis qoam gratis;
pulchritndiaeni et virtutem. .\ltenim conveoit amaati non plus carois quam lactis. Punis, et prudeos sit sermo
allenun lacteati. Quid eaim lactoitk refert, d polclira pro tempore, Accedal liuic pietas, el palchritudinis du-
sunt nbera, dammodo sini obeia. et redundantia lacte meros teneaL Noo habcat plus oris, qoam pectoris, nee
aalubri? Pulchritndinem ergo prose conimemorat; et lactis Ouxum paliatur. Es. pectore del>eat ul>era prodire,
laclis giatiam pro suis. Et si uod ipse melius sapis, pol- et in luerere illi, coovt^rtit in ilk. Ex abon-
non ipsum
duilndmem ad coDveisatioDis venustalem reter: ad doc- danlia cordis 06loqualur, loquatur ex ilia, noa totom
trinam et eruditioQem. quod resia in coauneadatione effundal. Restringenda sunt nbera, ne nimis exobereni.
mammam m- Dulcios sugilur, tibi vita venustat aermoiiis Mdeas aliquos dum verba ecoisolatoria plus aequo sec-
virtatem . Et si spiritnale aliqnld vis, et espressum de tsntnr, in vana devolvi : et dum auditorcs Icngo per-
pulchritodine earum audire, admnfieram te stadia miito, tssos siloitio, et qua:^ quadam sobtrisles acedia exhi-
quae coiporei decoris et coitus et operam geroot, ct larare volant, petulantis lascivia lingnae post utilia pro-
assecuts sunt artem. Quid etaia magis affeclaot in or- flaunt ad scornlia , el modico fhunento multum nza-
natum pectoris, quam ne mamms superexcrescant niorum ant praeseminant, ant superseminant. Loqaun-
et deformiler fluitoit, et pectoris ipsius occnpoit spa- tnr placentia, €i doctxinx pemem im
risn faeimt, sicuC
tia ?Ideo excrescent^ et fluilantes fasdis pectoralibos scriplum est : sed risum, sine pane, dne
paolo post
stringont, naturae vitio arte medentes. Pulchra sunt enim pane verbi :»lutaris. Non est adultetandum verlram
Dl>era, qus paulolam supereminent, et tmnent modlce : Dei, nee admixUone comimpeadum pere^na. Suis
nee elata oimis, nee tameo sequata cami reliqus; sit coot^itom alieribus, uberibus utriasque Teslamenti.
quad repressa, sed n(n depressa ; leoiter restricia, noa Haec tibi memoriier in pectore hsreant, hsec tibi con-
fluitantia Ucenter. Hoc quidem exempio qui verba iKMia, solatorinm et quasi lacteam sermooem miotstroit, ista
veri>a spiritnalia * debet proferre. mulieram imiletur et saggerant quod alii sugant. De pectore too erumpant
a/,
^^*^ studia, et industriain. Castigate utatur sennoae, vert>o- radicilus, ut non dnt affectata qus dicis, sed de pnro
latoda.
rum non fluitait ubera, non sine l^e ferantur ; non et prsecordialiprolataaffectu,juxta iliud Si ris me /Inv^
-.

pectns et qooddam secrelarium mentis magis occupenl. pl'jmitdiuH est primo ASt ipsL Compassionis et congra-
;

SERMONS SLR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 169

lion, qii'elles jnillissent sans melange de I'intime Xe desesperez pas, approchez les mamelles, faites
affection cUi coeur, selon cette parole du poete : « Si couler le lait et demain il aura la suavite du lait.

vous voulez cpae je pleure, pleiirez d'abord vous- Qui sait si une petite goutte ne changera pas toule
meme le premier. » Que le sentiment de compas- lamasse ? Car le Seigneur fournira la parole a ceux
sion et de conjouissance naisse d'abord danslelond qui evangelisent avec une grande force. [Ps. lxvh,
de votre ame, ct qu'il s'echappe ensnite, pourren- 12.; Sterile et sans force, est la severite de la loi ;

seignement de vos auditeurs, paries paroles de I'E- elle commande sans grace, elle punit sans pardon,
criture comme par des mamelles. Qu'il s'echappe elle est depourvue de ces deux mamelles. Elle les
en toute pudeur, ainsi qu'il convient dans une contient en figure, elle ne les montrepas en reahte.
chose serieuse; que la fougue en soit bannie, que le Souvenez-vous que vous etes le ministre, non de
calme v regne. Ce qui contribue a la beaute des la loi, mais de I'Evangile, ministre de ce Jesus qui

maraelles, c'est qu'elles se gontlent, et dominent rejeta le vinaigre dans sa passion, et dans la cene,
moderement cependant, afin de retenir assez d"au- I'aigreur du vin vieux. .Xovatien n'a pas les ma- Novatien ct
melles du pai'don. Pelage n'a point cellesdela grace. Pelade,
torite et de n'avoir jamais de durete. eQDemis de
dit qu'elles sont « meilleures que le Celui-ci exalte les avantages de la nature vieillie et la grice
vit^ de 5. Aussi, on
de Uieu.
sileest
vin. » Car c'est la le terme qui vient a la suite dans corrompue, il pretend qu'elle suffit pour obtenir la
ieure
everite I'eloge que Ton en fait « vos mamelles sont prefe-
: justice : celui-la enleve la honte de la nature divine,
loi
rouve rables au vin. » Les mamelles de la grace, les ma- quand il rejette la penitence. Celui-ci poiu* ainsi
ficace.
melles de la consolation sont meilleures que le vin parler), rappelle ceux ({ui prient, celui-la n'admet
de I'austerite et de la durete, parce qu'elles ont plus pas les penitents. L'un apporte la vieillesse de la
d'efficacite, et sont mieux disposees pour transfor- nature, I'autre, I'austerite de sa rigidite. La doctrine
mer les tristesses et les aigreurs, pour fortiher les de Pelage n'a pas la nouveaute de la grace pleine de
faiblesses et les delicatesses. Elles remuent avec plus lait, celle de Xovatien n'en a pas la douceur. « Vous
de facilite, elles raniment avec plus de suavite. Car avez prepare, 6 Dieu, » s' eerie le Psalmiste, a dans
une parole douce calme les ennemis, et multiplie les votre douceur des biens pour le pauvre. [Ibid.)

amis. [Eccl. y\ , 5.) La parole de I'Evangile est Pelage est riche, il n'a pas besoin de cette douceur
douce, celle de la loi est dure, Considerez comment elle nait en lui, nul ne la lui prepare. Pelage dit :

cette parole suave convertit les coeurs sauvages des je n'ai besoin de rien ; Xovatien : Je ne pardonne
gentils et changea, en ruisseau de lait, ces flots amers pas. L'un est tres-riche, I'autre, fort dur. Preparez,
et sales. « lis sucerout comme du lait », dit I'Ecri- Seigneur, preparez dans votre douceur les biens
ture, I'immensite de la mer. « [Deut. xxxiii, 19. ; Get pour voire pauvre. Pour vous, preparez, reparez, et

oracle a ete prononce au sujet des apotres de la cela toujours en votre suavite. Elle est tres-graude,

uouvelle loi, sous le t}i)e de Zabulon et d'Issachar. cette suavite que Ton suce, 6 Seigneur, aux mamel-
Aujourd'iiui quelqu'un passe-t-il amer et trouble ? les de votre bonte. Toutes les fois qu'apres de gra-

tulationis affcctus intus nascatur tibi, sed per Scripturae sine venia punit, utroque ubere caret. In praefiguratione
sacraj verba ac si ubera qusedam ad educationcm audien- hspc continet, sed in actu non exhibct. Memento non
titum profluat. Pudicc quideai,ui in reseria, etpetiilan- Legis, sed Evangclii ministrura tcesse, minislrum Jcsu,
tia absit, et sercnitas adsit. Ad pulchritudincm cnini qui in passionc acetum, et in coena \ini vetcris repro-
inamniarum acccdit, si sepaululum attollunt, et tumeant, bavit acorem.' Novatianus non habet mammam vcnia'',
modice tamen, ut habeant auctorilatis quantum sat est, nee Pelagius gratije. Ille naturae invetcratse et corruplae
austeritatis nihil. bona praedicat, ct ad juslifiam suflicere dicit : hie di-

Ideo et vino meliora dicuntur ubera. Sic cnim in


a. vinae natura> bonitatem tollit, dam pcenitenliam ncgat.
laude corum statim sequitur Meliora sunt ubera tun
: Illc (ut sic dicam> revocat petentcs, hie non suscipit
vino. Ubera gratia?, ubera consolationis, austeritatis et pceniientcs. Vctustatem ille propinat, hie austcrilatem.
duritiae vino meliora sunt, quia cfficaciora, et accomo- Non habet ejus doctrina gratia^ lacteam novilatem ncc
data magis ad commufandum tristes et exasperates af- hujus dulcedincm. Parasti, inquit Psalmisia, in dulce-
fectus, et ad confovcndum imbecillcs et tcneros. Fa- ditie tun pauperi Detis. Pelagius dives est, non egct
cilius movent, et fovent suavius. Verbum enim dulcc, hac dulcedine innascitur ei, non paratur. Pelagius di-
;

ct niitigat inimicis, et amicos multiplicat. Dulcc Evan- cit, Xon indigeo : ct Novatianus, Non induli^eo. Alter
gclii verbum, durum Lcgis. Et vide quomodo verbum pr;edivcs est, alter pra-durus. Para Doniine, para in dul-
dulce effcra gentium corda convertit, et quasi marines cedine tua pauperi tuo, Deus. Tu para, tu repara, et
ct salsos lluctis in lactis saporem. Inundationem, in- nonnisi in dulcedine tua. Magna multitudo dulcedinis,
quit, maris quasi lac sugent. De .\postolis hoc dictum qua' de uberibus tuis, Domine, sugilur. Quolies post
est sub tj-po Zabulon ct Isachar. Ilodie quis amarus graves exccssus ad quan-
isla acessi, prcssi instantius; et

ct turbidus fluit? Nc dcspcres, adhibe ubera, instilla tum copiam, tu Itomine nosti. Ubi ahiui-
lactis cxprcssi

lac, forte et ipse eras lacteus fluet. Quis scit si non mo- davit delictum, abundavil ct gratia. Sunicietvit mihi ut
dicastilla tolain mnssam convcrtat? Dnbit enim Domi- diviti.p computarpniur, si vcl mercrci vcniam ct pcrc :

nns verbum cvangclizantibus virtulc uiulta. Sterilis ct abimdavit el gratia. Mammarum prcssi unam, et utra-
infirma est scveritas lcgis ; ct sine gratia pnecipit et quc inlluxil ubertim. Ideo sponsa tua gratia' lacte po-
170 L ABBE GILLEBERT.
ves exces, je m'en suis approehe, je les ai presstees pouse ne pent manqner de pMler dans une poitrine
avec effort, et la qnantite de
que Jen ai tii«e,
lait hnmaine des mamelles i^einesd^ tendresse. U est
Tous le SA\eZj Seigneur. Oa a abonde le peche, a poor eUe une moota^^- ir^-'^se, une montagne fe-
abonde la grace. ^Aam. t, 20. II me suffisait que
i conde, une monlagL. , une montagne riche.
.

Ton me compile pour richesses, de okeriter unique- Comment ne reoeTrait-elle pas qudque chose d'une
ment le pardon : et voici que la gr4ce a abonde. J'ai si grande qnantile de laU, qui se oomplait a
elle
jMre^e une mameOe et toutes les deux ont coule a habiter snr ce mont sacre ? Et si enooi« nous ne
flots. Au^ Totre epouse, abreuTee du lait de Totre pouTons toujours reader sur odte hauteur, rere-
grace, et rassasiee aux mamelles de Totre consola- nons-j freqoenuDent, eniTrons-nous de la douceur
tion, a appris. elle aosi, a presenter son seinplulot de ces mamelles. Ainsi parie I'Eaitore, « que ses
que le Tin. Car ses mamelles sont meilleures que le mamdles tous emrrent en tout temi^ et Iroarex
Tin. Le Tin en Tieillissant prend du feu : les ma- sans rel4che tos deUces dans s<m amour. • {Proc.
mdles drament uu lait toujoors noureau et toajours T, 19. Vojez a qud sois nous otniduit I'explieation
;

parfattement doux. La crainte est bannie, et la cba- de ces mameDes : a riTresse, et an raTisemeni de
rite ne passe jamais, ^i. Cor. xui, 8.:, C'est la s«m l'amour.
commandement nouTean, sa douceur toujours re- 7. Qu'est-il neeeKaire d'insister daTantage pour
naissante. L'amour ne pait exister et n'etre pas expliqufr ce que signifient oes mamdles? cher-
donx. chons plotdt a nous eniTrer de ]eais delioes. EUes
6. « Vos mamelles sont done plus douces que le sont plus ptedeases que le Tin, paroe que la mise-
Tin. w Le Tin nest pas mauTais, meilleures sont les ricorde est prefieraUe a plnaeurs Ties. [Ps. lxu. J^;.

mamelles. Bien que meillenres, dies ne lepugnent Mienx Taut le sentimoit de Tamour que i'api^-
eepemdant pas a admettre le melange d'un pen de ealion de la chair; le lait de la noureante de I'es-
Tin. Car peu apres.danslasaite,repouxdira : « J'ai prit passe aTant le Tin de la componction.Les exer-
bn du Tin aTec mon laiL » 11 est pourtant prefera- cices durs apparaissenl dans Tun et s't iont res-
ble de boire le lait seul et sans Tin. Car le Tin sent sentir quand il s'agit de repousser et de d^ruire
la terreur. et les mamelles ex{«ment la tendre jouis- le Tieil homme : dans Tautie, menant une Tie nou-
sance de la eompasami et de la grace. Bien que le TeDe, nous saTonrons comme du lait les douoeais
jus de la Tigne puisse etre pris, et soit meme pris des complaisances diTerses, ce qui nous re{«e3^ite,
d'ordinaire pour cliose bonne, iei cependant, non la fuite, mais un refuge. Le Tin est bon assn-
compare aux mamelles, il signifie qnelqne chose rvment, plus douoK sont les mamelles: bonne est
de fort et de dur. Les mameUesscmt m^nenr^que la oomponclkuL, mdUaoie est I'onction. L'odeur de
i
le Tin, car la eompasaim douce et firalemeUe; est T(K parfums est an dessus de toctes les sentrars les
meiUeure que I'emotion dare et rude d'un esprit plus deUciaises. Je Tob que TOtre attentim se re-
qui s'indigne. Saint Paul signale, c^nnme n'ayant TeLUe pour m'econter. L'exhalaison despaifoms
pas de mameDes, oeux qu'il appelle « sans affar- de I'eponse a excite Totre Tif desir. Yotie aridite
tion. » {Bom. i, 31 .J Aitachee a son bien-aime, Te- insatiable Teut que j'en parie enccae et que j'ajoute

tala, et satialaab obetibos coieofalionis, didkit et qisa ana ade eo^ nO qptH^a capiet, coi bencpiacitnm
ubera ongis pneboe qnam Ttanm. Mdftia enim sonl est in hoc moote faabitaie? Et in hoc made sine inter-
libera qos vino. Yianm vdtietate acesat : aben totam missioae liabiiaie nondnm p<»snin«3, recmnmns bt-
noTiim, dales tiotiim eifiiuitdonl. Deraiqiie et iimor tibtas qaenter : ecoidamos, indHiemur ubetibas. Sic eaim
mitlitnr, et caritas munqnam excidil. Hoc est muHfalnm Saiptaia babet : Ctiiera ejus iaeiriemt ie ommi tampore,
DOToin qns, semper lecens daleedo. Noo pole^ amiw et im amone ejm: deiedare jmgUa: Mdete ad qaemsea-
esse, et dnkis ood esse. sam abernm imieipretalionfm d^ieeiai : ad ebrietatem
6. JfeJMTs ergo *miil mierm Am sum. 'Vmnm nan 01a- et obleelalionem amoris.
iom, sed nfaeia. nidion. Mdk»a qnideai siml, mistoiam T. Quid oeceae et diatios in qaaaenda xu/tR:.— :^-
tamen noa lefqgiant TinL Nam in seqaentibas aliqunto tione morari? raagis too qaaeramns ^as inebnuL
post dicel : BAi timun emm iaele Meo. M^ra$ tamen Mdi«a enim sont abeia Tino, quia meiior est nuseri-
^ bibat lac i^hun, el ^ne tioo : qida in Tino terror cordn saper Titas : meiior est amoris affectiD qoam af-
est, in ubetibas conipayionfcs et graiiae lene blaodimen- flictio camis, et hdeos potus y^ritiolis noTilatis, 00m-
tnm. Nam Tinmn licdl in bono Taleat el soteal acci^ : ponctiaiiis vino. Dh oiim ostoidantar ctgastantardon,
hie tamen ex etdaliane nbettim aUqaid doram forte ^ dam vetus homo repeDitor et d^troitar : hie in dotI-
sigoifieare ndetnr. M^lon sunt alien cgas tIoo : quia tale TiHa^ dinni faToiislaclea eqamos Wandimenia , nee
meiior est doleis et batema compaasio, qnam indignan- fogae sed refagii i^nifiealioaem. Bonom qaidem Tioom,
tis animi dams et immitis affeGta& Quasi non iiabentes sed ubexa dokioia : bona eompandio, sed raelior one-
abera Paulas oolat, quos sime 9^teHomt ToeaL Kon po- tioL Odor enim angnenl«Hiim tnonnn super omnia aro-
test io bomano peefore aberibos careie fetalis spoosa mata. Jun stadia Testia ad aadieodara ledinf^grata
^poieo sua adhsreos. Ipsi enini moos ober, moiK in- Ti^ileo. Aviditalem vestiom eseilaTit odor ongnetttoiam
moaa epagnbins^ mo— piognis. QaooMMlo de !>poBse. Iadi9creia qoadun esorie ilia Toltii hodie
»

SERMO.NS SLR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 171

ces details a ceux qui ont amene les mamelles : Ions faire. Quoi done? Est-ce qu'en cette enceinte
donnez-nous dii reposjusqu'ii demain matin. Que il n'y a pas beaucoup d'Elisee, beaucoup de proplie-
les mamelles vous suffisent pour aujourd'hui, de- tes ou assurement beaucoup de Qls de prophetes ?
main nous en viendrons aux parfums, celui-la se- Et tons veident que je parte et si les merites etaient
:

coudant nos voeux, qui a vante les mamelles et les bien iaferieurs, le nombre lui-meme pourrait tenir
parfums de I'epouse apres les lui avoir dounes, Je- la place dun grand personnage. Je ferai done gou-

sus-Christ, qui Tit et regne dans les siecles des siecles. ter quelquechose de ce qui reste de ces parfums.
Amen. Car vous vous souvenez qu'au commencement de
SERMON XXXII. ce Uvre ils ont ete repandus suffisamment et meme
avec abondance, et peut-etre que le fond de la
Vo:i mamelles sont meiUeures que Ic vin, et vos sen-
coupe qui les recut n'est pas encore tout-a-fait
teurssont au-dessus des plus siiaves parfums.
(Cant, li.)
epuise. Est-ce que maintenant je la tarirai? Ne
I'attendez-pas ;
je ne I'espere point. II est en I'e-
1. J'ai peu d'huile, pen de parfum, mes freres, pouse une source abondante de senteurs. II ne faut
et vous me preseutez aujourd'hui des vases si pas vous eerier epuisez, enlevez tout en elle jus-
:

grands et si videsl Ne prenez pas en mauvaise part qu'au fondement. qiieje voudrais qu'il m'arrivit
cette parole, quand je dis que vos vaisseaux sont de me perdre dans ces fonds, que ce ne soit pas
vides. Je ne veux point declarer qu'il n'y ait abso- mon pied seulement qui trempe dans I'huile , ain^i
lument rien, maisje veux plutot inditpier leur ca- qu'il est ecrit d'Aser. [Gen. xxxui, Ik.) Mes freres,
pacite, je veux faire coraprendre que vos espriis sinous ne meritons pas d'etre plonges dans un ton-
sont desireux et eapables de recevoir. Qui pourrait neau d'huile, dans I'Ocean des parfums com me
les satisfaire Vous faites attention aux parfums de
! si nous ne sommes pas di-
I'evangeliste saint Jean,
I'epouse, vous regardez combien abondantes sont gnes de I'lionneur d'une ouction si abondante,
les senteurs suaves qu'elle repand comrae s'il ne : desespererons-uous d'y tremper unpeuoudumoins
fallait pas considerer aussi le canal par le moyen d'en sentir I'odeur. Car I'odeur seide est ici louee.
duquel elles doivent parvenir jusqua vous. Assu- « Et I'odeur de vos parfums, » dit le texte, a est

reraent la matiere est grande, tenez neanmoins au-dessus de toutesles senteurs les plus agreables.
compte des faibles forces du ministre. Que voire Les mamelles vous font protiter, les parfums vous
volonte s'accomplisse je ne pretexterai point ma
: empechent de defaillir. « Vos mamelles sont siipe-
penurie, pour cp.ie vous ne m'accusiez pas de man- rieures au vin, et I'odeur de vos parfums surpasse
cjuer a ma promesse. Le peu d'huile que j'ai, je les meilleures senteurs. » Et pour rattacher le dis-
le verserai dans de grands vases, et plaise au ciel cours de ce jour a celui d'hier, disons que les ma-
que ce soil sur I'ordre de quelque Elisee, dont la melles sont pour les faibles et les parfums pour les
vertu multiplie le bon effet de I'effort que nous al- forts.

ribus superadd! ; date inducias nsque mane. Hodie suf- modicum quod habco olei vaSis ingcntibus, atque ulinam
ficinnt ubera , crastino accedemus ad iingucnta, eo aliquis Elisipus jubeat, cujus virtus nostro proventum
votis nostris praest;inte effectum, uberum
qui ct un- num conatui tribuat. Quid ergo? Nonne hie multi assi-
gueutoiuni sponsa? suae et commendator est, ct dator, dent Elisa^i, multi Prophelas, aut certe filii Propheta-
Jcsus-Christus, qui vivit et regaat in saecula sseculorum. rum ? et hi omnesjubcnt et si merita inferius essent,
:

.\men. numcrus ipse magni unius alicujus polcrat vicem sup-


plere. Inslillabo ergo aliquid de rcliquiis unguentorum,
SERMO XXXII. Nam ipsa in capite libri copiosc elsntlicienlcr cfTusa me-
ministis, et forte fa?x illorum nondum est cximmita.
Numquid et ego modo sum exhausturus jllam? Ne spe-
Meliora sunt ubera tua vino, et odor unguentorum tuo-
rctis id me ncc enim prcsumo. Fcrlilis apud Spon-
a :

rum super omnia aromata.


sam unguentorum apotheca. Non est quod dicalis
est :

Cant. 4,0. Exhaurite, exinanite usque ad fundamcnium in ea. Uli-


nam contingat mihi in hac fa>ce inligi, nee solum pcdeiu
i: Exiguum est mihl olei et unguenti, frafres, ct vos intingi in oleo, sicul scriptuni est de Asor. Fralres, si

hodie vasa afferlis tanta, lam vacua ? Nee ducatis ad non meremur dolium, in unguentorum copiam,
in olei
injuriam, quod vacua vasa vcstra dico. Ego non inania cum F^vangelista Johannc immcrgi, si non meremur lam
per hoc, sed magls capacia volo intelligi, eo quod et uberem unctionem, nunniuid despcrabimus vcl inlinc-
avida, ct idonca sint vobis ad capiendum ingenia. Quis tioncm, numquid saltern odorcm? Nam et odor hie lan-
isla implcre sufficiat? Aftenditis ad ungucnla sponsa", tum commendatus est. El ndor, inquil, ungumtorinn
quanta sit illi aromaluni copia quasi non et instrunicn-
: tuorum super oninin aroinntn. Ubeni prosimt ul crescas,
ti habcnda sit ratio, per quod ad vos manarc dcbent. unguenla no delicias. Mi'luirn sunt ub-rn tuii riiio, rl
Copiosa qiiidcm matciia scd nihiloniinusallcuditcquid
: Ofl'jr itiiyurnlorum tuorum sujter omnia nrnmntn. VA ul
minister queat. Fiat quod vultis non causabor inopiam,
: luxliernum capitulum cum heslcrno copiUcmus, dicamus
nc vos mc non observat«e sponsionis iucusctis. Inslillabo ubera louororum esse, luiguonlu rorliiuu.
172 L'ABBE GILLEBERT.
Comparaison 2. Comparons entre elles ces trois choses : le vin, pas, qu'ils ne se dessechent pas et qu'ils ne cessent

mTnt'Kiie Ics mamelles, les parfums. Le vin, cest la defail- jamais de se faire sentir, Le nom du bien-aime
entre le vin,
1 8 miniell"3
l^iricc dii vicil homme ;
la mamelle,la reconstitution est une huile epuisee. Mais prenez garde qu'il s'a-
et les dii nouveau; parfum, une espece (le delectation
le neaiitisse jusqu'en votre co.*ur, qu'il ne disparaisse
parfums.
Le sens charnel s'enivre de vin, et cette liqueur pas de vous. bon de coramencer avec Tepouse
II est
I'cnsevelit dans un profond sommeil qui ressemble par les parfums
mais a la condition expresse de
:

a la mort I'homme nouveau trouve sa nourriture


: trouvor votre Qn en eux. Autrement saint Paul vous
dans la mamelle; adulte, les parfums sont ses de- dit « Avant commence par I'esprit, vous linissez
:

lices. Dans la premiere de ces trois choses, le vieil mainteuant par la chair. » [Gal. ui, Ix.) Cest une
homme est detruit; dans la seconde, I'homme nou- bonne onction que celle qui se fait dans I'esprit.
veau est refait ; dans la troisiome, dej;i proche de Recevez-la done de telle sorte, que la chair soit
la perfection, il est inonde d'une joie ineflable. modifiee en vous a cause de cette huile. Que cette
N'est-ce pas un ordre bien etabli qne celuiqui con- huile ne soit changee, ou d'uninuee a cause de la
duit de la satiete a la delectation, qui fait gouter chair, que ce liquide, bien plus, que ce parfum ne
apres les premices du lait les dolices des parfums? se separe point devotre tete, qu'il ydebordeetcoule
Et dos le debut de ce cantique, ces deux li ns, les jusqu'a vos pieds ; car en Jesus-Christ la tete el les
parfums et les mamelles, ont ete reunis et rappeles pieds ne que penetres de ce
sont pas tant oints
dans les louanges de I'epouse. lis ne renfermentpas parfum. Qu'elle imbibe I'interieur de votre etre,
line grace mediocre puisque I'epoux, non content qu'elle soit identifiee avec vos affections elles-me-
d'en avoir fait une fois mention, en parte si souvent mes, ipietout principe charnel soit change en vous
en vantant sa bien-aimee. Ne trouvez-vous pas qii'il par la force de sa vertu. Un temps viendra oii la
se delecte a faire cet eloge qu'il redit si soutent et chair sera, elle aussi, transformee par la meme
avec tant de complaisance? Dans le passage qui fait cause. Jesus fut oint et inonde del'huile de la joie
repeter si frequemment les louanges de I'epouse, plus que ses compagnons {Pi. xliv. 8). .\u5si seul,

il est quelque chose dont vous pouvcz tirer parti il put dire avant I'epoque de la resurrection « ma :

pour vous croyez cpie cette repetition est une in-


: chair a ete changee a cause de I'huile. » [Ps. cviu,
vitation pour vous. Courez, vous aussi, attire par 2Zi.) Cest avec raison qu'elle devanca I'heure de
I'odeur de ces parfums, bien plus, ayez soin plu- la transformation commune, cette chair exempte
tot que ces memes parfums se fasseut sentir en de toute influence charuelle. moment desirable,
vous, afni que vous soyez pareillement digne d'ou'ir 6 doux parfum, qui verra et fera passer a I'etat in-
cette parole « I'odeur de vos parfums est au-des-
: corruptible le corps detruit dans le tombeau. Car
sus de toutes les senteurs. » Ces eloges, vous ne les avant d'arriver a cet etat, pourquoi ne descend-U pas
entendez pas seulement une fois, la bouche de vo- dans la corruption ?
tre bien-aime vous les redit a plusieurs reprises. 3. Vous avez vu le jour passe, mes freres, vous
Que les parfums soient en vous toujours recents avez yeux baignes de larmes, cette
considere, les
et comme toujours nouveaux : qu'ils ne s'epuisent chair malheureuse, changee et descendant de la

2.Conferamus inter se ista tria, vina, ubera, unguen- tur. Oleum exinanitum nomen dilecti. Sed \ide ut exi-
ta. In vino veteris hominis dcfectio, in ubcrc novi re- nanialur usque inte, non exinaniatur a te. Bonum est si
fectio, in unguenlis quasdum doloctatio. Vino camalis cum sponsa inchoes ab unguentis sed non bonum nisi :

sensiis inobriatur, et consopitur, et obruitur : iibcre no- consunimeris in unguentis. Alioquin tibi dicit Paulus :

vus nutritur, unguentis adultus deliciatur. In prime ho- Cum spirifu coeperis, nunc came consummaris. Bene
mo vetus conficitur : in sccundo novus reficitiir; in ter- imgeiis, si spiritu ungcris. Idco sic ungere, ut caro in
lia jam appropinquans adpci-fectioncm inelTabili LTtitia te immutctur propter oleum. Oleum non immuteturaut
afficiiur. An non ordo bonus, ul de refectione ad delec- niiauatur propter carnem. Oleum, imo et unguenlum
tationem acccdas, post lactis primitias ad unguentorum non de capitc luo disccdat, sed exhuberet et descendat
dclicias? Et a principio cantici hujns utraqnc ista, un- usque ad pedes quia utraque in Christo Jesu non tam
;

gnenta et commemorata et copulata sunt in


ubera, et uncta quam perfusa sunt unguento. Intret oleum inte-
pra'coniis spons;p. Nee exigiia liorum grada, qua) totics riora tua, ipsis imbibatur affectibus, ut carnalitas omnis
rcplicat in laudem dilectiP, non contentus comniemo- in te mutetur propter oleum. Erit enim quando et caro
rasse semel. Nonnc delectatum putas laudibus istis, quas immutabitur propter oleum. Unctus est et pcrfusus oleo
tanto affectu, tarn frequenter rccensct? Est et quod ad ltPtitia> prae consortibus suis. Ideo solus ante resurrectio-

te trahas de tanta sedulitatc iteratfe laudationis : invita- nis teuipns dicere potuit Caro mea immufafa est prop-
:

tionem tuam puta banc iterationeni. Currc et tu in odore ter oleum. Jure anticipavit communis horam immutatio-
unguentorum istorum; imo cura magis ut ha?c in tcun- nis caro immunis a carnalitate. hora optabilis, o dulce
guenta redoleant, ut et tu audire dignns sis, quia odor unguentum, quando ct per quod caro dissoluta ascendct
unguentorum tuorum super omnia (tromata. Nee tantum in corruptionem. Nam ante ilium statum quidni descen-
semel hoc audias, sed iterate has tibi laudationcs os di- dat in corruptionem?
Iccti loquatur. Rccenlia in te sint et quasi nova semper '^. Vidistis hesterno die, fratres, aspexistis lacrymabi-
unguenta non arescant,non exsiccentur, non exinanian-
: libus oculis carnem miseram commulatam, carnem des-
SERMONS SLR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 173
corruption a une corruption plus grande. Elle sv Tristechangement, mais excellent motif qui a porte
plongeait arec assez de lenteur ne pouvait etre et Dieu a vouloir que la pourriture ou le privilege
entierement gatee. La corruption elle-meme pa- de reduire en poussiere la gloire de la chair. Que
raissait vouloir posseder, comnie a titre d'heritage, la mort fasse seutir ses rigueurs, que la corruption
le corps sur lequel eUe avait deja regne; et pour sevisse contre la chair de Ihomme, et promene en
qu"il ne cessat pas de s'alterer , elle ue perniet- elle ses ravages, quelle la detruise autant qu'il sera

tait pas que la pourriture le consumat entierement. en elle, qu'elle la reduise d'abord a letat de pour-
Elle retenait ses forces, comme si elle ne voulait riture et qu'elle en fasse ensuite un tas de cendres;
pas devorer promptement cette pature, afin d"a- c'est la ce qui lui est permis, elle ne pent pas al-
Toir a la ronger plus longtemps. En efFet, la ter plus loin que de reduire en poussiere I'orgueil
chair une fois reduite en poussiere, queUe pi-ise de la chair. Elle ne pent pas en ramener au
aura ensuite sui' elle, le ver corrupteur de la tombe ? neaut la substance, elle ue pent pas la consumer
« Toute chair est comme rherbe, et toute sa gloire entierement, en etre maitresse pour toujours.
ni
est comme la fleur des champs, I'herbe s'est des- Elle ne se relevera pas jusqu'a ce que le ciel soit

sechee, et la fleur est tonibee fletrie. » [Is. xl, 6.) renverse, mais qiiaud le firmament s'ecroulera,
Par ces paroles, le prophete a exprime la promp- alors elle se redressera. [Job. xiv, 12.) A ce mo-
titude avec laquelle la vie se perd, la faciUte avec ment, le Seignem- repandra de son esprit sur toute
laqueUe la chair, animee des couleurs de la sante, chair corps des saints sera chan-
[Joel, xc, 28) ; le

et embelUe de sa pourpre, est coupee sur la terre des ge a cause de Ihuile, parce que lesprit de Dieu
yivants; tranchee dans sa racine, eUe se desseche I'aiu'a oint. Tous, nous ressusciterons, mais nous
promptement, mais eUe ne se consume pas avec ne serons pas tous changes. (I Cor. xv, 51.)
chair une egale rapidite. La comparaison tiree de I'herbe k. qiie grande est la vertu de ce parfum, a L'espoir de la
isante resurrection
moutre la soudainete du changement qui arrive son contact, le joug dune pourriture si aucieune
Tite son est nil
et se brusquement, nexprime pas Ihorreur de la
elle se consumera, et la chair, devoree par tant de ODgaent
timpt. mystique.
corruption qui gagne et devore pen a peu le cada- supplices, reviendra aux joiu^ de son adolescence,
vre. Ses os, que la chair revetait jadis, soat, les uus de cette adolescence qui ue fera place a aucun au-
denudes, le> autres encore ne sont pas tant converts tre age Onguent extremement eflicace, qui gue-
1

que souilles et entoures de pourriture. Dans cette rira ime plaie si inveteree et changera la pourri-
chair malheureuse, la corruption exercait ses longs ture entassee diu"ant plusieurs annees en une sante
ravages et marchant vigoureusement dime extre- inalterable. C'est I'eghse seule qui possede cet on-
mite a I'autre, detruisait tristement tout ce quelle guent : aussi ses enfants sont appeles Chretiens, du
I'encontrait. Je pouvais dire, elle disposait tous les nom du Christ son epoux, qui signifie oint. Et ce
elements de sa chair, parce qu'en les dissipant, eUe parfum, nous lavons deja recu dans le bapteme.
remplissait le bon plaisir de la volonte du Seignem*. De meme que dans cette premiere ceremonie, il pro-

cendentem de corraptibilitate in corruptionem. Et qui- sasviat et grassetur ipsa corruptio in camera humanam :

dem satis lente et cum mora descendentem, neeposse depopuletur cam quantum potest, deducat earn primo in
penitus corrumpi. Videbatur voile corpus quod occupa- saniem, deinde in cinerem. Nam hucusque potest, et non
verat liereditario possidcre ipsa corpuptio et ne desine- : amplius, quam in pulverem deducero, scilicet carnis
ret putrescere, non sinebat perputruisse. Cohibel)at vi- gloriam. Non ad nihilum consumcre valet carnis subs-
res, quasi noUel substantiam celeriter consumcre, uf tantiam, nee penitus consumcre, nee perpctuo possidere
diutius inficere posset. Nam cum fuerit caro redacta in Donee atteratur ccelum, non consurget, sed tamen tunc
pulverem, quid habet ultra corruptela quod facial.' Om- consurget. Tunc enim Dominus de Spiritu suo
ctfundet
Hi'v caro foenum, et omnis gloria ejus quasi flos fceni. super omnem carnem, tunc caro Sanctorum crit inimu-
Exsiccalum e4 foenum, et cecidit flos. His verbis Pro- tata propter oleum; eo quod Spiritus Domini unxerit
pheta velocUnfem dcfectionis expressit, qua facile caro earn. Omnes enim resurgemus, sed non omncs immu-
floridact \itali pubescens calore, et roseo colore pulchra, tabimur.
sod de terra succisa viventium, exsiccatur quidem su- 4. quanta virtus unguenti illius, a ctijus facie cor-
bito, sed non computrcscit tam cito. Ergof»;aicollaUone ruptionis tam vetusta? jugum computrcscct, et caro quae
celeritatem subitse commutationis ostendit, non lenlce et consumpta fuit a suppliciis, revertelur ad dies adoles-
putridae corruptionis expressit horrorem. Videres in illo ccntiae suie, adolcscentia> qtia> non discedat alia <etate
cadavere ossa quae tecta fuerant, qua?dam dcnudata, succedente. Effieax omnino unguentum, per quod tam
quaedam quidem adhuc non tam recta quam polluta et inveterata sanabitur contrilio, et tam annosa sanies in
involuta putrcdine. Grassabatur in came misera longa sanitatem incorruptibilem convcrtetur. Eccli'siaeproprium
corruptio, et uttingens a fine usque ad fincm fortiter, est hoc unguentum ideo Christian! dicunlur Hlii ejus
:

misei-abilifer dissipabatomnia. Poteram et ego dicere, a Sponso suo Chrislo, id est uncto. Et jam acccpimus
disponcbat omnia carnis ejus, eo quod dissipatio ilia nu- hoc unguentum in baptismate. Sod sicut ibi opcratum
tui di\inae dispositionis servielwt. Misera commutatio, est ad sanctificationem, ita et in line temporum operabi-
sed pulchra ratio, qua Deo placuit ut carnis gloria non- tur ad gloriosam illam immutationem, quando caro im-
nisi per putredinem deducaturinpulverem. Saeviatmors, mutata erit propter oleum. Quis soil si non interim mor-
17i L ABBE CnXEBERT.
dmsait aotrp sanctificjlinn ; de mteie 4 lafia des gneur. Tons possideres tos Imes. * {ime. xxi, 19.)
tonpe, fl operera eette glorieiEse transformalioo qui La palienee qu'est-elle sinon ane sorte d'emanatann
changna par la xvtta de llniile. Qui sait
la chair de 1 unpassflbiliie a renir ? Dans rantre Tieon neCait
si la maJadie n'a pas itmi permission d'exeroer aucan mal aox aulres : en oelle-ci, par le bienEiil
ses raTages en aliendant cette epoqoe, afin que la de la patienoe, le mal qui noos est{aii,nesei«9sait
Tidenoe da mal sore k faire edater la force da point; on dirait que oette vertu repand sar les
remede? C«st done avec beancmip de raison qa'oa plaies an (mgueaft qni les adoociL Ongaect effieaoe
vante Todear de ee parfiun, parte que nous en soi- et atile. Au miliea des impoitaniles de la chair, il

tms la grace qa<Nqae enaHredel<mn. Poaradoocir preserce I'e^it de touieMessaie, il le relientpoar


tootes ks diesirfalioiis qai peaTent atteindre TAnie, qa'il ne tombe pas, poor qa'fl ne s'epoise et ne se I
qodaalre antidote aossi efficaee en^loyez-Toas qoe fatigue poinL Jke pc€che Totilile de eet ongaent.
Tespcir de la icbuinsction a venir et de la Iwailiea- Toas en dwrehez peatreize ks ddioes. Je ne negli-
reiKetransfiHmalion qai raonapagnnafLjtdociiine geiai point de satisfaire oe dear, et je yobs iadiqae
des goilils ne eonnait pas ce d<^nie, la tradition one onction eneoie ^as exceUente. « Ekgaidei
des joife n'tsa penetre pas la natace, oeax-ia ne eoDune one grande joie, mes fireres, » dit I'Ap jtre,
croiaat pas, ceax-ci txmeiA oMMns; knr sentiment « loisque Tous faunbez ea direrses efHeuTes. J«r.

sar la ^oire ^intadle qai areon^agnera la re- I, 3^. Cdoi qai sail se rejoair dans radversile ne
sanredion, sor la simiUfeade arec les causes qa'elle TOQS parait-il pas penetie d'on meilkor parfum
psoduoa et noas est oK^ange de beancoop d'er- que odai qui n'a appris qa'a ne s'y pas contrisier?
reors. Les inGdSes ne ic^rent pas Fodeor de ce Ce qui excfait la dookor est moins que ce qniap-
parfiom : ks jaiJ^ ne le seDloit pas paremait et pocle la joe. L'epoose de Jesie-diEist a leea asdtv
aunplemeat, ik ea vecoirent, je nesais qodleexha- non-seakment de supporter ses i 'mwiais mats en- .,

lai£<m ^brangioe et aUexee. Dans Feg^ise seale, se core de les aimear. « Aimez tos ninrmiai, > est-il
saToore ptDpronent et sans meiangie sa pare sen- diL {Lue. n, 37.) Us sont done bons, sesongnents;
• r:
fear. Ansa Todear de ees paurfums depas« too«; daiBla trtdesse, ik inspiient la joie etdflanent t'a- :'r

e-: _
T'

Ik anbres. moor des ennemis. Gar la diaiite est ^as que tous ._ T Tit

& Toiid deas boiis ongnaifs : ViiDpassiliilile et les saoofioeset que toas ks hdoeaustes. Aussi I'o-
la pafieaioe. Par la pNmiexe, la chair ite^usdteene deor de tos parfiuns fempiwfe sur tons ks azoma-
poarra plus dSie Messee : par la seetmde. Fame tiK. Le paifiim de la ^iene est one odeur snare,

please se nnjntient calme an miliea des atfaqoes dt an enootspreckax :maiseeoiitezeeqaerETangik


d^ injares. Par Tune, neassommes maities a titve piefiete. « ^
tous offitez, m dit-il. & Totre present a
dlioitage par on dixMt eafane et inebcanlable de la I'aatel, et si la, vmis tous aauxeaa. que T<^re firere

term, de notre chair : par Tairtre, noos possedoos a qadqoe dM»e oaoEtre Tons>, laissei voire pteseat
meme nolte Ame. « En ¥otre paiiaice, » dit le Sei- devant I'aiitiel tA dkz a^aisvant times recxxidlier

desKiire, nt ex imdailia waiki virtus de- eliam qine Ofata sont, dob senthmlBr. Effieax et
danfnr leniedii? Bene ago nngneoli hiqus odor oom- omniwM ongaeBtam, qood et inter carois \esaiSaBesam-
meDdatar, eo qood giatam qos ae a de looge adhoe mom ab nqoria toehir, cnoUDet ne fa&scat, ne defi-
et
odiHamnir.Qood afiod dabis anIidotDm tam e^EBcax ad ciat, oelabaKt. E)go ungveBii hojos pne£eo,
irtilitatem
aafigaodnm omnesn DMntB qime potest aeaAese desaikt- to forte lol^latesB qoaerB. Ne in hoe ^udem deeo, et
tiooem, qaamodo Ifidfesima ^w^ esS Ksonediai!^ figtu- adhac lohis QooeOeBliorem anetiaBeni demoDstio. Omme
ne, et idicis U&sxs commndaliomis? Nan kabet doohina fmMiaam,mfaat, ezntmrnte frmtret, emm iemtaUames m
Gaataiiun nsaamt&imm aedulitafem, et Jodaeonim emrma ad^eniu. Aa mm
til^ videlar exeeOealiari bb-
baditio DOB tenet qnafitattem. DDB hod oedmnt, islfi mi- gneolo peFfa;^5^, got novit in adversis ^odeae, qnam
nms sed poram pora de qpiiriilhtalli resaurectkimis
plesie!, qui dididt in i|.sis moa eootiistari? MioBs enin^qood
gjfauia, et gmgi'^iita igiiii]l5ihiMiiiiii» aaaliiiiiiiL Gemiilis mi- doloir exrjodilnr,qaam qpo taetitia saadetur. Deaiqae
gmenjli higiiis odostem moo tralimBt : Jmdsi qiuidmi Don et iniBums boo nodo ioloaie, sed et araaie jabetar
ipsmra et pmprium, aed nradio qpneni afimm et adnlten- spodttsa ChnstL DtSgOe inqoit, umioot
ii pettrnt. Bona
naira pro eo. Apod adam EnxteaiaaD angnemiiilliaBodor o^ ^BB ongaeDla, qmz in tnslibBS IctlBara redolent,
eft ioliger, et prapoBS eadstiL Ideo odor ungoentpwun et hoslibas dJleeBBBem pnestaoL IKleelio eaim major
@t ounniliBn saciffims et haJocanajlanulihws Ideo odor
ei palimitia. Perils pweerilil ownihnBawaiaws. Bo-
faE^ noD potent : per istaun bmbs
I boBon iimwwiH : sedaotfi
pnnooaiiones et injuiaB Sfaesa wwrauBt Per picfenL Sf offert^ inqait, waif
ilbm qoielD et iDDanoBsso jore eamis :
mde atmrCy el ah' r aoardafag fiteris qmia frdter
icafifate poBsadeBms : per kioc vero ipsam amnnam. /« imm kabtt aSftad mdversmm if, A"—Yfi ah' mmnmf Immm
inqoit, t^im pasaJbUu et zmiefrua renimcSmi fretritna. Advertis
est, nia TtiBt<
ipaA afiad ondfiifianis arooafi pie-
wtilftaiis odor? lUiB rndb nnlb ipfriiiMfcH : hie i«ro lot onlianB. Qnid C3t reoanoaialio, nisi ilriiHi aaamo-
liD.' Etde iiMiBrtiiie etcan-
»

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CAMIQUES 175


avec votre frere. » [MatOi. v, 23.) Vous voyez sufti- ainsi dire d'onction aux deux autres personnes qu'il
samment que le Seigneui' place I'onguent de la re- reunit dans une grande tendresse d'amour. Ta-
si

c •iiciliatiou au-dessus de raroniate de la priere. chous de reproduire cette onction, courons attires
Ouest-ce que la recoiiciliatiou, sinoii la pais re la- parses suaves exhalaisons. La charite frateruelle ri-
bile entre des esprits tUvises? C'est de cetle conci- valise avec cette unite essentielle et divine, elle est
liation et de cette cliarite frateruelle que le Psal- comme une image etune sorte d'ombre de parfum,
miste vous dit : « Voilii combieu il est bon, combieu de cette douceur et de cet amour reciproquo. Car
il est agreable que les freres liabitent ensemble. » « voici qu'il estbon et doux que les freres habitent
[Ps. cxxxu, 1.) C'est la la roie que saint Paul ap- enun. Comme parfum sur la tete qui couIe,etc.i>
le
pelle plus escellente, et qui est preferable a toutes Et plaise au ciel que de notre chef, qui est dans les
les autres graces, comme si Ton disait, a tous les hauteurs, il desceude sur nous une emanation de
parfiuns. C'est cette ouctiou qui descend de la tete cette liqueur embaumee, pour quo, nous aussi, nous
sur la barbe et jusqu'au bord du vetement. {Ps. meritions d'eutendre cette parole : « I'odeur de
cxxxii, 2.) Car le Christ notre chef nous a aimes le vos parfums est au-dessus de tous les aromates. »

Ijremier afin que nous I'aimions a noti'e tour. Parcourez en esprit les autres vertus, considerez Les autrei
Aussi I'epouse dit qu'elle court I'usage et les actes de chacune \ertus sans
larite f). a I'odeur : rien en elles n'est
la charite
jnble
aime repandue par cette onction, c'est-a-dire, pressee suave comme la charite qui sort d'un coeur pur. sont vaines
eu, d'un vif dosir d'avoii' la charite. Elle ne dit pas : Quelle odeur repandront les jeimes, les aumones, agrem.nu.
aime
chain. I'odeur du parfum, mais des parfumsj parce que '
SI charite
'a cliante
ia ne se lait
fait sentir en eux ?
T La charit(5
cette vertu est double. Par I'une, nous aimons Dieu elle-meme et la soufi'i'ance, si la charite ne leur sert
qui nous a aimes le premier par I'autre, nous : de condiment, de quel parfum suave vous rejoui-
nous cherissons les uns les autres comme il nous a ront-elles? « Quand je livrerai mon corps pour le

aimes lui-meme. II nous donne et I'exemple et la faire bruler, n dit saint Paul (i Cor. xui, 3.), et
gnke de ce double amour. II nous en moutre la quand, semblable a I'encens, je me liquelierais sur
voie et nous en communique la vertu. Aussi il est le feu, « si je n'ai pas la charite, rien ne m'est utile.

ecrit : « nous courons a I'odeur de ses parfums. » Ce qui n'est pas oll'ert avec la grace ne pent etre
[Cant. I, 3., Est-ce que I'union et la tendresse, I'a- recu agreablement. La charite est une racine, c'est
mour du Pere et du Fils, leur mutuel embrasse- d'elle que, semblables a des tiges, s'elevent les au-
mentproduit par leur commun esprit, ne nous pe- tres vertus : aussi elles doivent participer de sa ri-
netre pas d'uue odeur suave, et ne nous enflam- chesse. De quoi sert le rameau dans un bon Oli-
me pas a vouloir imiter cette union, et adevenir un vier, si on neretrouve en lui la graisse et la vertu
entre nous, comme ces personnes divines ne sout de la racine? Pareillement les vertus et leurs ceu-
qu'un entre elles? Heiu-eux qui marche et qui court vres sont inutiles, si on ne sent en elles un principe
a I'odeur de cette charite, de cette suavite, de cette de charite et de dilection.
dilection, de cette on ction. L' Esprit saint serf pour 7. Et Marie, dont le uom a reteuti naguere dans

talc fraterna dicit tibi Psalmus ; Ecce qunm bonum et qucedam velut umbra ungucnti illius et dulcedinis, et
quani jHCundum halitiire fratres in tinum. Ilaec est ex- amoris mutui. Ecce enim quam bonum et quam jiicitn-
cellentior via jiixta Paiihim, et aliis major charismatibus dum hahitnre fratres in unuKi. Sicut unguentum in ca-
quasi cnnctis aromatibus. Unguentum lioc descendit pite quod descendit, etc. Atquc utinam dc capite nostro,
de capite in barbam et cram vestimenti. Christus cnim quod sursum est, quajdam ungucnti istius id nos umbra
caput nostrum prius dilexit nos, ut nos diligamus cum. dcscendat, ut ct ipsi audire mcreamur, quoniam odor
6. Ideo et Sponsa se currere dicit in odore unclionis, unguentorum tuoriim super omnia aromata. Porcurre
Id est in seni'latione dileclionis. Non dicit unsjucnti, sod animo virfutes reliquas, usum ct opera singularum rc-
unguentorum eo quod gemina sit dilectio. Una qua
: cense nihil in illis tarn suavifcr redolct quantum pura
:

diligimns ipsum, quoniara ipse prior dilexit nos alia : de cordc carilas. Queni odorcm tibi spirent jejunia,
qua diligimns invicem, sicut et ipse dilexit nos. Utrius- qucm odorem clccmosina;, si non in illis caritas olcf?
que dilectionis habemus ab ipso ct cxemplum et donum. Caslilas ipsa el tolcranlia passionum, si non fuerint ca-
Ipse enim dilectionis et viani monslrat, et ministrat vir- ritatc condita: quid libi suavis odoris rcfundenl ? Sitra-
tutem. Ideo scriptum est In odore unguentorum ejit-^
: didcro, inquit Paulus, corpus meum ita ut ardeam, ct
curremus. Ipsa conncxio et suavitas, et amor Patris, et quasi aroma incensum licjucscam tofiis in ignc, caritn-
Filii, et mutua complcxio per Spiritumamborum, nonne tem autem non habeam, nihil mihi prnde^^t, Non potest
grato nos odore perfundit, et ad similem nos i^^•itat gratis suscipi,quod non cum gratia oiTertur. Girihis ra-
aBmulalioncm, ut ct nos unum simus, sicut ct ipsiunum dix est, quasi rami virlutcs cetera- dc ilia pullulant; et
sunt? Felix qiiidcm qui scquitur ct currit in odore ca- ideo pinguedinis illius participcs esse debent. Quid pro-
rilatis illius, suavitatis iliius, dilectionis illius,unctionis dcst ramus in bona oliva, si non in co scntifur radicis
illius. Ipse cnim Spiritus utrosque quasi pcrnngif, quos pingucdo ct gratia? Ita quidcm nee virlutcs, nee opera
tanta amoris dulccdine conjungit. Imitemur unctioncm virtulum, si non in els caritatis ct dilectionis virtus rc-
istam, cu'rramus in ejus odore. DivintT illius et esscntia- doleat.
lis unitatis leinula est, et quasi imago fraterna caritas, el 7. Maria ciyus etiam modo tibi nomcn de ENTingelio
,

176 L'ABBE GILLERERT.


Eminentc la lecture de Tevanpile, quelle autre sentiment que resurrection. 11 change aussi ces aromates en on-
charile de
Marie pour I'amour repandait en elle ses pariuras ? « Beaucoup guents, et ces desirs, en jouissances.
J^8U«-Chri9t.
de pi'clies lui out ele remis, » dit le Sauveur, « par- 8. Celui qui prie et desire me parait offrir des Saang
lam
la
ce qu'ellc a beaucoup ainie. » {Luc. vii, Zi7.) Ex- arouiates au Seigneur. II est penetre de parfum s, pu
put
cellente odeur de cette essence ! sa vertu a entiere- lorsqu'il jouitde celui qu'il aime, et s'euivre de sa
meut dissipe les miasmes de I'ancienne corruption presence. Certes il est bon de prier et de dcsirer le
et rompli toule la rnaison de I'eylise d'une senteur Seigneur ; raais I'aimer, et le posseder et jouir de
agreable. Pendant que le roi etait assis a table, elle lui, est chose bien preferable. Et {pour employer
brisa un vase d'albatre rempli d'uii nard precieux. cette comparaison) quand vous etes dans le besoin,

et en repandil la liqueur sur sa tete. Et ce nard a il bon de mendier, mais qu'il est preferable de
est

donne, 11 donue encore, et il donnera son odeur manger! Si vous pjuvez cherir le Seigneur absent,
jusqu'a la fin du monde. Sur I'autel de son cceur combien cet amour vous est-il plus facile, quand il
elle a brule, en I'honneur du Christ son Seigneur, est present, quand il se donne avouset enflamme vo-

un aromate de prix, sou cceur s'est consume sem- tre coeur par unedelicieuse experience desesbontes?
blable a I'encens, et la Oamme de la cliarite I'a en- L'ame recoit un parfum plus abondant et plus spiri-
tierement liquelie. Notre Seigneur etant onseveli, tuel, (juand elle est unie plus etroitement a celui qui a
voyez avec quel soin, avec quel zele elle visite sou- ete oint d'esprit ej de force. Elle plait surtout a son
vent son sepulcre. Elle va, elle revient, elle voit les bien-aime, elle exhale des parfums phis aimables, I
anges, elle excite les aptjtres, et quand lis se reti- quand elle est toute transformee en lui, qu'en s'atta-

reiit, elle demeure. Mon coeur est enflamme, dit- chant a lui, elle exhale I'odeur de cette union odeur :

elle, je desire voir mon Dieu ;


je le cherche et Jie le qui passe del'epous en I'epouse. Cette cohabitation
trouve point. L'inquietudede cette ame qui cherche, dans I'unite repand une senteur extremement agrea-
nevous parait-elle pas respirer I'amour le plus ex- ble, c'e-.t le parfum sur la tete qui descend, etc. Aussi
quis? Quand on chante ces paroles en memoire (( I'odeur de ses parfums s'eleve au-dessus de tons
d'elle, est-ce qu'ellesn'entlamment pas aussi ceux les aromates. » Et bien que I'epouse ait d'autres
qui les redisent? Et Jesus lui-meme, si vivement de- senteurs, nulle n'est comparable a celle qui pene-
sire, respire la suavite de ce parfum et il semble tre en elle, au moment surtout oil elle s'attache a
courir, attire par un si ardent amour. Pourquoi ne son bien-aime, alors qu'elle demeure sur sou sein,
courrait-il point avec plaisir vers de semblables et se repose dans I'intime de son cceur ; quand le

aromates ? Comme des le point du jour, il va vers que le nard de I'e-


roi est assis a table, c'est alors
pouse se fait seutir, odeur bonne par-dessus toutes
i
Marie, et se levant le matin du pi'emier jour de la

semaine, il apparait d'abord a celle qui I'aime si les odeurs de I'epoux, ou plutot odeur qui est I'epoux

eperdument, et il repand sur elle I'huile de la j oie, lui-meme, c'est lui en effet qui est le parfum de
de preference a ces compagnes, {Marc xvi, 9) en son epouse, lui qui est son arome : car c'est lui qui
lui manifestant,dansreclatsa gloire, la verite de sa se plait dcms sa bien-aimee, et qui s'y fait sentir.

sonuit, quid in ea aliud quam dilectio redolcbat?Z)/»n'.wa Jam aromata illius in unguenta convertit, et desideria
sunt ei, inquit, peccaia multa, quotiiam dilextt 7»ultum. ejus in delectationem commutat,
Bonus liiijus unguenti odor, cujus gratia veteris coriiip- 8. Aroma mihi videtur offerre, qui oral et optaf.
telsefcetorem delevit omnino, et totam Ecclesia? doimim Tunc autem unguento perfunditur, cum ejus quern amat,
suavitate grata perfudit. Dum esset Rex in accubilu sue, potilur copia, cum praesentia delectatur. Bonum quidem
nardi pistici alabastrum confregit, et effudit super caput orare et dcsiderare Uominum sed amare, et habere, et
:

recumbentis. Et nardus ilia dedit, et adhuc dat, et in frui melius. Et (ut ita dicam) cum non babes, bonum
finem saeculi dablt odoreni suuni. Bonuni in ara pectoris est mendicare, sed melius manducare. Si potes absen-
sui Cbristo Domino incendit aroma, ac si unguentum tem amare, quanto magis cum adest, cum copiam sui in-
exinanilum cor ejus, et liquefactum llamma caritatis. dulget, cum experientia dulcis alimenta minstrat amoi-i?
Sepulto Domino, vide quam officiosa, quam sedula mo- Tunc enim et spiritualius et profusius ungitur anima,
numentum frequentat. It et redit, vidct Angelos, Apos- cum illi qui unctus est spiritu et virtute, arctius jungi-
tolos invitat, alicuntibus illis non abiit ilia. Ardens est, tur. Tunc praecipue dilecto placet, tunc suavius redolet,
inquit, cor desidero videre Deum meum quaro
meum; : cum tota fuerit in ipsum transfusa, cum adhaerens illi,
et non invenio cum. Nonne tibi anxietas ista qnaerentis, unionis fragrat unguento, unguento illo quod de sponso
eximiffi dilectionis videtur odorem spirare? Haec verba redundat in sponsam. Jucunde omnino et suaviter re-
dum in ejus memoria cantantur, nonne qui cantant et dolet cohabitatio ista in unum, sicut unguentum in ca-
ipsi quoque inflammantur? Dcnique etipse Jesus qui de- pite quod descendit, etc. Ideo odor unguentorum ejus
sideratur, unguenti illius fragrantiam odoratur et quasi ; super omnia aromata. Etsi unguenta ipsi etiam sponsae
currit ad illam in odore \ehementis amoris. Quidni ad quale illud, quod descendit in
alia sinti nulla talia sunt,
cognata libenter recurrat unguenta? Quasi in matutino ipsam, bora hac maxime qua dilecto cohaeret, quando
festinat ad illam, et surgens mane prima sabbati, primo inter ejus ubera moratur, quando cubat in secretario
apparef Maria?, et ungit earn oleo laetitiae prae consorti- cordis denique quando rex est in accubitu suo, tunc
:

bus suis, dum se jam resurrexisse manifestat in gloria. nardus sponsae spargit odorem suum, odorem bonum
l L

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 177

Plaise a Dieu quo cc parfum n'abandonne jamais encore plus propre a nous enpenetrer et k nous en
notre tete et que la vapcur de ses senteurs s'eleve faire repandre I'odeur. Vous me demandez un dis-
de nos cceurs d;irant les siecles des siecles. Amen. cours, et moi je vous demande la senteur de ces aro-
mates.Pourquoi, avec les saintes femmes, visitez-vous
SERMON XXXIII. letombeau de Notre Seigneur Jesus-Cbrist, si vous
n'y apportez aucun pai'fum spirituel ? La chair du
L'odciir dc vos parfums est au-dessus dc tons les nro- Seigneur a ete aujourd'hui glorieusement transfor-
mates. (Cant. Ix-) mee k cause de I'buile. N'est-ilpas digne egalement
que nos cceurs soient changes, et qu'ils deviennent
cours 1. Ce jour, illustre par ranniversairede la resur- une buile spirituelle, huile de transport et de joie?
inonc6
cic'ia section de notre Seigneur, me contraint de parler J'entreprenais de parl(;r des parfums, et voici que
3ction Quel rapport
encore des parfums dans le discours que je com- notre parole s'est arretee ti I'huile.

ur. nience. Aujourd'hui les saintes femmos viennent, existe-t-il entre ces choses? Une grande relation les
portant des parfums, Nicodeme vient aussi portant unit, et, si le parfum ne sont pas entiere-
et I'huile

nn melange de myrrhe et d'aloes du poids de cent ment une meme chose, ils ont, en un sens, quelque
livres environ : Marie Madeleine a pris les devant rapprochement et quelque ressemblance. L'huile en
pour venir oiiidrcle corps de Jesus, selon ce qui se effet adoucit, bien qu'elle n'ait pas de parfum : elle

pratiquait pour les sepultures. Vous voyez que de n'a pas de senteur agreable, mais elle vous oint
choses mysterieuses se trouvenl dans ces onguents, avec profit. En ce passage, ce n'est pas tant ronc-
Oui, de grands mysteres; et qui est propre a les ex- tion que I'odeur, qui est vantee dans les parfums de
pliquer? qui assignera la difference qui ctablit la I'epouse. « Et I'odeur de vos parfums, » s'ecrie I'fi-

distinction entre ces onguents, qui exposera digne- poux, « surpasse tous les aromates. »
ment la vertu renfermee en cliacun ! Pour traiter cc 2 . Toute ame ne possede pas en abondance ces
sujet, I'experience est necessaire, il ne faut point onguents odoriferants, beaucoup peuvent dire ce
de conjectures. II n'est pas facile a cliacun de dis- que, dans le livre des rois, (iv. Reg. iv, 2.) unefemme
sertcr siir ces parfums, cela est reserve que ii celui repondait au prophete : « il n'y a dans ma mai-
I'onction aura instruit. Aujourdliui le Seigneur a son qu'un peu d'huile pour m'oindre. » Cette per-
recu, plus que tons ses autres compagnons, I'liuile sonne n'a pas en sa possession, des onguents compo-
de la joie, il ne I'a cependaut pas recue sans ses ses d'essences odoriferantes , mais seulement uu
compagnons. Comment aurait-il pour compagnon peu d'huile ordinaire pour I'onction. Marie Ma-
celui qui ne le felicite pas, qui ne se rejouit pas deleine, cette qui appartient non a la loi,
femme
avec lui, qui ne ressuscite pas avec lui a une joie mais a I'Evangile, apporte un parfum de nard pr6-
toute nouvelle? C'est une occasion opportune de cieux, non pas a petite dose, mais du poids d'une
vous entretenir de ces parfums mais ce jour est
: livre entiere. [Marc, xiv, 3.) Et Simon lui-meme

super omnia aromata, odorcm sponsi, magis vero odo- Quomodo cnim censors est, qui non congratulatur, non
rcm sponsum. Ipse est cnim dilcctiE sutB iin^^ucntum, congaudet, qui resurgcnti non consurgit in novam l.-cfi-
ipse est odor nam ipse in dilccLi sua complacet sibi,
: tiam? Opportuna quidcm occasio dc ungucntis vobiscum
rcdolcrc.
ipse redolet.Atquo utinam imgucntnm hoc dc capile disserere, sed multo magis opportuna ungucntis
nostro non disccdat, ct odods ejus fumus ascendat de Vos exigitis a mc scrmonem, et ego a vobis unguento-
cordibus nostris in sajcula syeculorum. Amen. rum odorcm deposco. Qua ralione cum Sanctis mulicri-
bus Domini Jcsu frcqucntatis monumentum, si nulluni
spiritualc dcfertis ad illud ungucntum? Caro
Domini
SERMO XXXIII.
Nonnecon-
hodic gloriose est immutata propter oleum.
Odor unguentorum iuorum super omnia aromata. dignum videtuv, ut corda nostra immutentur et convcr-
cxultationis ct 1;R-
Cant. 4, c. tantur in oleum spirilualc, in oleum
de ungucntis scrmonem, ct coco dis-
tiliaj? Instituerum
1. Dies Dominicai Resurrectlonis annua cclcbn-
ista putalio nostra ba-sit in oleo. El quid olco
cum ungucn-
tate sollcmnls, dc ungucntis rcpelilo Iractatu mc com- tis? Multum quidcm, et si non per omncm modum idem
parte aliqua ct assimilatur cis.
pellit instaurare scrmonem. Vcniunt liodie mulieres cum est, acccdil tamcn ex
non
aromatibus, venit ct Nicodcmusferonsmixluram mirrhye Oleum cnim, quamvis non fragnit, mitigal tamcn :

Hie autom non lam


ct aloes quasi libras centum : Maria Magdalene ipsa bene olct, scd bene ungcris ex co.
commcndul in ungucntis spon-
prsvenit ungerc corpus Jesu in scpulturam, videlis unclioncm quam odorcm
quanta mysteria celebrantur in ungucntis. Magna myslc- sa'. Et odor, inquit,
unguentorum tuorum super omnia
ria, ct quis ad ista idoncus? Quis digne unguentorum aromata. i- , , , t
abundat ungucntis, sl-
assignabit distinclioncm, ppoprielatcm exponcl ? IJispu- 2 Non omnis anima odoriferis
libro loquitur ad Prophc-
non conjicicntis. Non est cnim
tatio haec cxpericnlis est, cul'cl mulicr ilia in Rcgum
domo mea nisi paululum idn quo un-
facilecuiquam dc ungucntis tractarc, nisi qucm ipsa do- lam Non : ext in
odoriferis spccio-
cuerit unctio. Hodic unctus est Dominus oleo lailitiaj oar Non habcl haic mulier ungucnta
aJ unclioncm simplex el cxi-
prse consortibus suis; non tamcn sine consortibus suis. bu8 composita, sed oleum
T. V.
12
178 L'ABBE GILLEBERT.
est repris Seigneur pour n'avoir pas oint sa
par le rifle dans le Seigneur : et ilrepand une senteur
ete d'huile, quand Madeleine I'a arrosee de ses agreable, celui par qui le Seigneur est glorifiii de-
parfums. {Luc. \ii, lik.) Vous voyez comment les vant les hommes. Et celui qui exhale cette senteur,
parfums, et les pari'umssuaves^sontpreferesal'hui- en respire lui aussi le parfum, s'il ne se glorifie
le ? Car outre qu'ils ont pour effet d'oindre le corps, pas d'etre loue, mais s'il tressaille de voir le Sei-
lis so I'ecommandent aussi par I'odeur bienfaisante gneur honore par lui.

et spiritueDe, qui s'exhale d'eux. L'onction est plus 3. « L'odeur de vos parfums est au-dessus de Di(Kw
enln
restreinte, I'odeur se repand sur plusiexirs ; lors tous les aromates. » Vous voulez que je vous indi- les ODKi
meme qu'un seul est oint, il n'est pas seul a sentir. que la dilference qui existe entre les onguents et
et le
aromal
Cette vertu est commune, si elle se fait eprouver ci les aromates? Le texte meme du cantique parait
tous. L'onction est done pour vous, I'odeur est pour les distinguer, quand ne repoussant pas aroma- les

L'onction les autres et poxir vous. 11 est bieu oint et il repand tes, il leur prefere les parfums. Autant done qu'il
d^signe la
bonne
une bonne senteur, celui qui aime le bien devant m'est possible de rencontrer de distinction entre
conscience, et Dieu, et le procure devant les hommes. « Rejouis- des choses si semblables et si rapprochees, il sem-
la bonne sez-vous dans le Seigneur, » dit saint Paul, « re- ble que dans les onguents, on pent voir les dons
renommee. jouigsez toujours, je VOUS le dis de rechet', rejouis- des graces conferees dans le Saint-Esprit : dans les
sez-vous, que votre modestie
conuue de tous lessoit aromates, les devoirs eux-memes, devotement rap-
hommes. » [Philipp. iv, U.) Rapportez la joie aux portes a Dieu. Dans les oeuvres et dans les offlces, se
parfums, et la modestie connue au parfum. Enten- trouve la grace naturelle de I'honnetete, dans les
dez comment saint Paul lui-meme, designe I'odeur onguents, grace du Saint-Esprit qui charme.
c'est la

par cette connaissance. « Dieu manifeste par nous, Vous que le Seigneur Jesus fut oint dans I'es-
lisez

dit-il, « I'odeur de sa connaissance en tous lieux ,


prit et dans la vertu pareillement il a ete conve-
:

(a Cor. u, III.) Voici done un bien bon onguent, nable que son epouse lui fut semblable, et qu'eUe
voici done une bien bonne odeur I'allegressse spi- : recut l'onction de I'esprit et de la vertu. Les aro-
rituelle eprouvee en Dieu, etla modeste manifes- mates des vertus sont bons, et lis paraissent exhaler
tation de la vertu au dehors, la joie et la renom- d'eux-memes une odeur agreable mais leur par- :

mee. II est bien oint, celui a qui le Seigneur plait fum est encore plus suave quand elles recoivent
dans la joie de I'interieur de sa conscience, qui se l'onction de I'esprit qui en multiphe la douceur.
rejouit en lui ; il repand une bonne odeur, celui qui Les oeuvres et les vertus peuvent nous etre commu-
avec saint Paul plait a tous en toutes choses et ne nes avec ceux qui sont dehors : il n'en peut etre
Lea aete
leur plait que dans le Seigneur les parfums de la : ainsi des onguents. De plus, bien qu'elles soient yertns ».

I'onctiai
joie interieiu-e et de la grace se font sentir en celui belles par elles-memes ;
procedant du saint-Esprit,
r Esprit,
dont I'exterieur est modeste, la conduite reglee et elles ont un charme plus grand. Commentceux qui depoun
de ^oAl
la parole savante. II est bien oint celui qui se glo- voient les salutes oeuvres glorifient-ils Dieu, si ce de CUE

guum. Maria iMagdalene, non Legis, sed evangelica mu- alacritatis et gratiae fragrant unguenta. Bene ungitur,
lier, unguentum defert nardi spicati preciosi, nee exi- qui gloriatur in bene olet, per quem
Domino : et
guum, sed libram integram. Et ipse Simon redarguitur Dominus glorificatur coram hominibus. Et ipsi qui
a Domino, quod nee oleo quidem caput ejus perunxerit, redolet, odor suus suaviter fragrat, si non gloriatur seip-
cum ilia caput ejus perfuderit unguento. Vides quomodo sum commendari, sed per se Dominum.
unguenta oleo praeferuntur, et odorifera unguenta ? Nam 3. Odor unguentoritm tuorum super omnia aromata.
praeter hoc quod unctionis habcnt effectum, quodam odo- Vultis ut inter unguenta et aromata differentiam vobis
ris spiritualis beneficio praerogant. Unctio quidem par- assignem.'' Ipse ergo sermo Cantici distiiiguere videtur,
cior est, sed fragrantia se diffundit in plures. Etiam qui non reprobans aromata, sed unguenta praeponens. Quan-
solus ungitur, non solus odorat. Virtus ista communis tum ergo in consimilibus et conjunctis rebus invenire
est, si in omnes se spargit. Ergo unctio tibi, odor et distantiae possum, unguenta videri possunt dona gratia-
aliis et tibi. Bene ungitur et bene redolet, qui diligit rum quae in Spiritu-sancto conferuntur aromata vero :

bona coram Deo, et providet bona coram homiaibus. ipsa officia, quae devote rcferuntur. In operibus et in
Gaudete, inquit Paulus, in Domino semper, et iterum officiis bonestatis qusdam naturalis species grata est, in
dico, gaudete : modestia vesira nota sit omnibus homiai- unguentis gratia Spiritus. Dominum Jesum legis unctum
bus. Gaudium ad unguenta, modestias notitiam ad odo- spiritu et \irtute : ita et sponsam ejus in hoc decuit as-
rem referto. Audi quomodo ipse Paulus odorem ad no- similari, ut et ipsa spiritu et virtute ungatur. Bona qui-
titiam trahit. Et odorem, inquit, notitice suce per nos dem sunt aromata viriutum, et per se redolere viden-
innnifestat in omni loco. Bonum ergo unguentum, et tur : sed cumulatiore gratia fragrant, cum de unctione
bonus odor spiritualis in Domino exultatio, et modesta Spiritus suavitatis asperguntur odore. Opera ipsa et \ir-
exhibitio : laetitia et notitia. Bene ungitur, cui Dominus tutes cum his qui foris sunt communia nobis esse pos-
in conscientia? interioris gaudio placet, qui delectatur sunt, unguenta non possunt. Denique etsi perse pulchra
in ipso : et bene olet qui cum Paulo omnibus per om- sunt, plus placent cum procedunt de spiritu. Quomodo
nia placet, et non placet nisi in Domino in cujus mo- : videntes opera bona glorificant Deum, nisi quia intelli-
desto habitu, discreto opere, sermone docto, interioris gunt quod ipsum opus bonum et a Deo venit, et ad ip-
!

SERMONS SLR LE CA^XTIQUE DES CA.NTIQUES. 179


n'est parce qii'ils comprennent que la bonne action sus ! {Luc.
39) et void qu'a present se repand
Yii,
vient de lui et retourne a lui? S'il est en moi des dans tout le monde la bonne odeur dela penitence,
actes louables, its me sont encore plus agreables de la dilection et de la grace quelle emporta en sor-
aloi's qu'on les attribue a la grace de Jesus-Cbrist, tant.La grace de Jesus-Cbrist n'est pas cruelle Combien
:

que son onction repandue en moi est exaltee, que dans le banquet durant lequel cette femme lava,
fadieetport6
son esprit s'y fait sentir, bien davantage que lors- essuya et parfuma les pieds du Seigneur, la pe- ^I'indulgence
qu'on y loue la puissance de ma liberte, ou le re- cberesse fut lavee, puriQee, ointe et preferee au
. de sultat de mon babilete. Et sans I'onction de I'es- Pbarisien d'apres le temoignage du Seigneur lui-
e.
prit, la nature n'a plus sa liberte, sa vertu, sa verite meme. La clemence de Jesus-Cbrist n'est pas avare,
et I'acte, son merite.Car sans la grace du saint Es- elle n'est pas lente
donre toujours plus et elle
: elle
i9,
i. prit et la foi de Jesis-Cbrist, I'effort de la vo- rend sur I'heure ce qu'on fait pour elle. Qu'y a-t-il
lonte reste sans fruit, la vertu qui parait, n'est d'etonnant si I'indulgence va au-devant du pecbeur
qu'apparente, et Facte n'obtient pas la recompense penitent, quand la patience I'attire ii la penitence?
de la vie eternelle. Aussi « I'odeur de vos parfums Cette femme surprise en adultere, et laissee au mi-
est au-dessus de tons les aromates. » Parce que ces lieu de la place^ voyez comment elle rendit sensible
aromates, quels qu'ils soient, ne repandent le la clemence de Jesus, elle qui auparavant exbalait
parfum de leur pure suavite, que lorsqu'on trouve la mauvaise odeur de I'impurete. [Joan viu, ii).
en eux tout a la fois et I'odeur de la grace spiri- Parcourez I'Evangde, a toutes les pages vous trou-
tuelle et I'abondance des onguents. verez que Jesus est prompt a pardonner et large
a U. Voulez-vous que je vous indique un onguent, dans I'indulgence qu'il accorde. Bien que le pecbeur
e
dont I'odeur suave I'emporte sur tons les aromates soit mort depuis quatre jours et qu'il exbale la
la
de des dons distribues dans le sein de I'Eglise? Quelle puanteur d'une faute publiee partout ; quand Jesus
odeur y est plus suave que le parfum de la miseri- Tappelle et le sortir du sepulcre d'une mau-
fait
corde et du pardon? Combien ont couru attires par vaise habitude, quand Jesus le delie et verse dans
sa suavity et se sont attaches par ce moyen, au son time la grace du pardon, a I'instant disparait, k
corps du Christ, s'identifiant avec lui? Cette senteur la presence de cet onguent, toute la puanteur et la
embauroe, puisqu'enun moment ollecbasselapuan- pourriture ancienne. Car qui reprochera ce que
teur engendree par la corruption antique, et par le n'impute plus le Seigneur? qui rappellera des
pecbe inocule des les premiers jours du genre hu- ecarts qu'il remet lui-meme? Ce ifu'il a detruit lui-
main. Cette pecberesse de la cite, nommee Marie, meme ne peut plus repandre de mauvaise odeur.
dans quel etat de fidelite se trouvait-elle quand elle « Seigneur, » disait Marthe, « il y a quatre jours
se jeta aux pieds de Jesus, dans la maison de Simon, qu'il est mort et deja il sent mauvais. » {Joan, xi,
le lepreux Quelle repugnance elle causa a Simon,
I 19). Marthe, vous vous trompez, Jesus ne fuit pas
qui ne put supporter I'borreur de sa presence les exhalaisons fetides, bien plutot, c'est lui qui a
dans quelle situation, dis-je, elle s'approcba de Je- coutume de chasser les puanteui's. 11 a donne

sum vadit ? Si qua sane in me bona sunt, gratiora mihi tida, inquam, accessit ad Jesum ! et ecce jam in toto
quidem sunt, cum deputantur gratia." Chrisli, cum ejus mundo et poenitentiae, et dilectionis, et gratiae, quam re-
in me unctio commendalur, cum Spiritus redolet, ma- porla\it, spargitur odor. Non est sera gratia Christi in
gis quam cum naturalis arbifrii praedicatur facuKas, aut ipso convlvio, quo mulier haec Domini pedes rigavit,
fruclus industriae. Denique sine unctione Spiritus, et na- tci-sit et pcrunxit ; et Iota, el extcrsa, ct peruncta est, et
tuia libertale destiluitur , et virtus veritale, et opus ipsius Domini testimonio Pharisaeo praefcrlur. Non est
merito. Nam sine gratia Spiritus et fide Ctiristi, et vo- enim parca dementia Christi, nee pigra quidem plus :

luntatis conatus effcctu caret, et virtus qu.T videlur rependit, et sub hora rcpcndit. Quid mirum si pceni-
fucata est, ct opus ajtcrna; mercedis non assequitur fruc- tenli occurrit indulgentia, ubi ad pa'nitentiam paticnlia
tum. Ideo odor unguentorum tuorum super omnia aro- ad lucit? Mulier deprehensa in adulterio et rclicta
ilia

mata. Etcnim qualiacumquc aromala fuerint, non in medio, vide quomodo clemcntiam Jesu rcdolcbat,
merae suavitatis spargunt odorem, nisi cum in eis quae moDchiae culpa prius fcetebat. Revolve Evangclium,
spiritualis gratia redolent et redundant unguenta. ubiqiie Jesum invenics ct citum, et copiosum ad vc-
4. Vullis ut aliquod vobis unguenlum proponam, cu- niam. Denique elsi quatriduanus mortuus est, ct publi-
jus odor super omnia ecclesiasticorum donorum excellat cati criminis fama jam fcctet ubi Jesus evocat ct cdu-
:

aromata? Quis odor in Ecclesia sua\ius fragiat odore cit de tumulo prav;B consueludinis, ubi Jesus solvit, et
misericordiae et remissionis? Quanti cucurrerunt in remissionis infundit unguentum; stalim a facie ejus fu-
odore ungucnli istius, ct per hoc Ctiristo concorporali git omnis Toetor antiquae putrcdinis. Quis enim retrac-
et agglutinati sunt? Bene redolet quod vetcris corrup- tabit quod non impulat Dominus? Quis tencbit errata
telae ct pcccati ab antiquo inoliti sub momenlo delet qucTR ipse rcniitlit ? Non potest male olerc quod ipscabo-
fcetorem. Mulier ilia quae erat in civilate, Maria nomine, let. Dnmiiie, inquit .Martha, qualriduanwiest, ct jam fiB-
quam fcetida crat quando accessil ad pedes Jesu in domo tet. Erras, Martha, Jesus non lam fugit fojlitla, quam
Simonis leprosi Quantum ipsi fcclebatSimoni, quipraj-
! solet ipsum foetorem fngarc. Excmplum dedil Ec-
sentiaj ejus non suslinuit horrorem portare ? quam fce- clesia; suae, ut qucmadmoduni ipse fecit nobis,
:

1^80 I/AIJBE CILLElJI'llT.

Texemple h son Eglise, pour que nous fassious en- V0U5 n'auriez condamne dcs innoceuls. Ce n'cst pas
vers les autres ce qu'il a daigne faire pour nous : ainsi que vous agisscz, Seigneur, telle n'est pas vu-
voila lesonguenls qu'il lui alaisses. tre conduite, vous ne coudamnez pas les innocents,

L'esp6rance 5. Conibien en est-il qui, dans leur desespoir, se VOUS ne proscrivez pas nieme les coupablos, mais
en la
misiricordc
seraient livres a toulc sorlc d'impurete etd'avaricc, vous les corrigez. « Celui qui est juste me corri-
de Dieu qui se seraient precipites dans le goulfre de lous les gera dans sa misericorde, » dit le Psalmiste, « I'hui-
rele\e
ceux qui vices, s'ils n'avaient pas ete retenus par I'odeur de le des pecheurs ne touch era jamais ma tete. {Ps.
d6sesp{!rcnt.
ce medicament ? Je serais dans la tribulation, dit cxL, 5.) Le sage distingue en ce lieu entre I'huile et
un passage, sije ne connaissais pas les misericordes I'huile : entre I'huile de I'adulation et I'huile de la
du Seigneur les misericordes qui sont dans le chef,
: compassion. L'une adoucit et blesse : I'autre adoucit

et les misericordes qui sont dans son corps, c'est-a- et guerit. Est-ce qu'a votre jugement, au-dessus
dire, dans son eglise. Car I'Eglise a recu du Sei- de tons les parfums, ne domine pas celui qni fait
gneur ce qu'elle a livre a ses enfants : elle a recu, dispai'ailre avec tant de facilite toutes les I'autes?
dis-je, la misericorde en present; elle I'arecueaussi Rentre en lui-meme, le jeune prodigue en respira
en charge, elle a ete etablie ministre avec office de avec abondance, dans la region eloignee, les emana-
distrihuer les misericordes. bon de commu- II est tions qui s'echappaieut du coeur de son pere, et au
niqiier la misericorde, mieux d'etre touche il est milieu des pourceaux qu'il gardait, la clemence de
de misericorde. Cette compassion que votre place I'auteur de ses jours commenca a se faire sentir a

vous oblige d' avoir, eprouvez-la, et tirez-la du fond lui. [Luc. XV, 17.) Aussi fut-il attire et se mit-il a
du coeur. Exprimez en vous I'affection du Christ, courir vers son pere. Voyez la grace facile et riche
puisque vous en avez pris ct la place et la charge. du Seigneur Jesus : il faut se rejouir et prendre
Les pasteurs Vous en mi-
etes le ministre de celui qui est riche un repas avec ce fils repentant. 11 loge dans la mai-
doivent met un publicain au rang de
sericorde. Qu'on ne vous trouve jamais dur pour son de Zachee, il ses
imiler la
mis6ricorde les autres. Uonnez a ceux qui sont serviteurs comme disciples [Luc. xix, 9) et apres avoir ressuscite La-
de
J6su3-Christ. vous, la mesure de cet onguent au temps voulu. Si zare, il assiste a un banquet avec lui. [Joan, xu, 2).
vous etes infideles dans ce qui est a autrui, qui 11 ne sait faire des reproclies quand il a pardoime :

vous donnera cequi doit vous reveuir? Que votre il n'use point de demi-clemence : il recoit dans la
sentiment soit celui de la misericorde, car il est faveur de sa familiarite ceux a qui il accorde re-
I'efFet du pardon qu'accorde le Seigneur. Celui qui mission de leurs fautes.
a une conscience blessee, porte une plaie cachee 6. L'onguent de la misericorde est done excel-
dans sa poitrine : il se confiera avec assurance a lent, il remet les peches; il previent, il accompa-
vous, s'il sent en vous Todeur de ce parfum. Si vous gne, il multiplie les merites, il a un parfum qui
saviez ce qui est ecrit : « c'est la misericorde que surpasse la douceur de tous les aromates, pai'ce que
je veux et non le sacrifice » [Matth. xii, 7.) jamais I'Eglise entiere des Saints, est plus basee sur la mi-

ta et nos invicem faciamus : haec illi reliquit un- das COS. Emendabit, inquit, me Justus in misericordia,
gucnta. oleum auiem peccaforis non impinguei caput meum. Dis-
Quanti desperantes semetipsos tradidissent immun-
5. tinguithic Psalmista inter oleum ct oleum inter oleum :

ditiaeomni et avaritia? omniumqne vitiorum praecipites


; adulationis, et oleum miserationis. Illud demulcet et
se dedissent in gurgitem, si non medicaminis hujus re- sauciat ; istud demulcet et sanat. An non tibi super om-
raherentur odore ? Tribularer, inquit, si nescirem mi- nia aromata bene redolet unguentum, per quod universa
sericordias Domini
misericordias in capite, et miseri-
: delicta tarn facile delentur? Filius ille junior m se rever-
cordias in corpore ejus quod est Ecclcsia. Nam et ipsa sus, unguenti hujus uberem copiam odoratus est in Pa-
accepit a Domino, quod et filiis tradit ipsa, inquam, : tre de regione longinqua, et inter greges porcorum pa-
accepit misericordiam in munere man-
; ipsa etiam in tris ei coepit fragrare dementia. Ideo attractus est, et
date, ut sit ministra miserationum. Bonum quidem mi- currere ccepit ad patrem in odore unguentorum ejus.
sericordiam ministrare, sed melius misereri. Misericor- Vide facilem, vide profluam Domini Jesu gratiam : cum
diam, quam debes ex loco, ex animo solve. Exprimc in poenitente gaudcre eum oportet et epulari. Manet in
lllio
te Christi affectum, cujus officium et vicem suscepisti. domo Zacchaei, publicanum in discipu latum adsciscit:
Minister es ejus qui dives est in misericordia. Noli in et cum Lazaro post tumulum instaurat convivium. Qui-
aiieno praedurus inveniri. Eroga conservis tuis unguenti bus propitiatur, improperare nescit dimidiata uti non :

hujus mensuram in tempore. Si in aiieno infideles estis, novit dementia familiaritatis in gratiam suscipit quibus
:

quod vestrum est quis dabit vobis ? Affectus tuus sit mi- indulget.
sericordiae : nam Domini est effectus veniae. Quid lee- 6. Bonum ergo misericordiae unguentum, quod pec-
sam conscientiam tectum * vulnus sub pectore
gestat, cata remittit, praevenit merita, comitatur, accumulat, su-
a caecum,
.
^^^^ ^^ j^jj^j commiltet, si penes te unguenti hujus odo- per omnia fragrat aromata, eo quod omnis Ecclesia
rem praesenserit. Si sciretis quid est? Misericordiam Sanctorum plus misericordia quam meritis nititur. De-
volo et non sacrificium, numquam condemnassetis inno- nique remissionis unguentum ultimum Sacramentum.
centes. Non sic tu Domine, non sic, non modo non in- Unguentum hoc et pcccatoribus, et juslis, ct commune,
nocentes, sed ne nocentes quidem condemnas, sed emen- Ct commodum est. Nam sunt alia quaedam specialla

i
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQL'ES. 181
sericorde que sur les merites. Get onguent du par- en general appliquons nos paroles a quelque
:

don est le dernier sacrement. II s'etend et il sert a personne consideree en parficulier dans cette grande
tous, aux pecheurs et aux justes. Car il en est d'au- societe, a celle qui, par son amour exceptionnel, et sa
tres qni sont reserves aux saints et destines seule- famiUarite intime avec le Seigneur merite le nom
•s ment a leur utilite particuliere. 11 est des on- d'epouse; creature privilegiee, en qui se sentent avec
ats.
guents qui guerissent, il en est q^ii raniment : il en lesparfums que reclame la necessite de la position,
est qui sanctilient ; il en est qui rejouissent et ceux qui conferent la dignite, et produisent les de-
delectent. Les premiers font disjjaraitre la maladie, licesde I'ame. Je ne croirai pas que cette ame heu-
les seconds donnent de Tardeur a ceux qui sont reuse soit touchee sur un point, ou meme sur plu-

deja gueris : ceux de la troisieme classe sanctiGent sieurs seulementpar I'huUe sacree, je la regarderai
les hommes et les mettent en etat d'accomplii- le comme inondee. et comme imbibee de cette Uqueur
miuistere qui leur sera confie : tel est I'onguent sainte,pour faire savourer ainside vivesjouissances
qui sacreles rois et les pretres ceux de la quatrieme, : a son epoux. Ce bien-aime a des reservoirs d'aro-
ne se rapportent pas aii travail, mais au repos, non mates qui debordent les uns dans les autres, ainsi

a la charge de gouverner, mais a I'amour, mais qu'il convient a des richesses royales. II est a croire
il la gloire, mais aux delices, mais aux transports cfue dans la personne de la reine se font sentir des
de lepoux et de Tepouse. II est bon de roster sous parfums plus exquis. Onne vous dit cependant rien
I'influencede ces parfums; mais puisque dans un de la vertu de ces parfums, on se borne a vanter
autre endroit on a assez longuement traite de la dis- la suavite de leur odeur. Content d'avoir parle des
i*'di tinction qui existe entr'eux, * raontrons, en peu de delices qu'ils procurent, I'epoux ne dit pas I'effet
jues. paroles, les diverses mameres de s en servir dans les que produit leur onction, et parmi les delices, il si-
5es onctions. Parmi les hommes, les uns sont touches, gnale celles qui enflamment davautage I'amour spi-
re. les autres sont asperges, les autres oints, les autres rituel. L'onction se sent par le toucher, quand elle Diffcrcncc
entre
penetres. Relisez le Pentateuque, parcourez I'Evan- est faite sur la chair. L'odeur echappant au tou- ronclion et
gile, et appliquez a la morale, les modes divers cher, ne se laisse sentir que par I'esprit. La liqueur l'odeur.

que vous trouverez usites dans les onctions qui du parfum s'ecoule peu-a-peu versla terra : l'odeur,
ont ete faites exterieurement sur les corps. Je au contraire, gagne avec facilite les regions supe-
ne m'occupe done plus en ce moment de la va- rieures, elle monte au cerveau et recree en occu-
leur des parfums, j'expose la maniere de les em- pant le lieu qui est le siege des sens. L'odeur des
ployer en faisani des onctions. Les ims les recoi- parfums, done plus subtile et plus noble que
est

vent une fois, d'autres frequemment, d'autres tou- leur liqueur. Dans I'eloge de I'epouse, il a conse-
jours. L'abondance est excellente si la grace I'ac- quemment fallu rappeler de preference ce qu'il y
compagne. Cette double qualite se trouve dans les avait en elle de plus delicat, de plus approprie aux
parfums de I'epouse, on y ti'ouve et l'abondance et jouissances spirituelles et de moins rapproche de la
la suavite, leur odeur surpasse la senteur de toutes matiere. ames ont besoia des parfums
D'autres
les poiidres aromatiques. et de I'huile, pour adoucir ou changer les mouve-

7. Nous avonsdonne cetelogea I'Eglisc envisages ments de la chair. Mais la bien-aimee vivant, non

Sanctoram, et solis ipsis accommodata. Sunt enim un- mus ad specialem aliquam in Ecclesia personam de-
:

guenta quae sanant sunt unguenta, qu?e fovent


: sunt : clinemus sermoncm, quae singular! quodam amoris et
unguenta quae sanctificant sunt quae delectant. Et prima
: familiaritatis bencficio sponsae debeat nomine ccnseri,
quidem tegritudinem depellunt, secunda jam sanis con- in qua non modo necessitatis, sed dignitatis et volup-
ferunt alacrilatem tertia sanctificant in opus ministcrii,
;
tatis ubertim unguenta aspirant. Non hanc crcdiderim
sicut regium, el sacerdotale ungucntum quartanonjam : ego sacro unguinc vel tactam in parte, vel respersam
in opus sunt, sed in otium, non in administralionem, sod per partes, sed perfusam et perunctam abundantius in
in amorem, sed in gloriam, scd in delicias, sed in usum sponsi delicias. Copiosac penes hunc sponsum aromatum
sponsi et sponsap. Bonum est commorarl in ungucniis, cellae cructantes ex hac in illam, sicut regales oportet
sed qiioniam disputatum est super unguen-
alibi satis habere divilias. Scd credibilc est excellentioribus regi-
torum distinctlonc, ungendi modes nunc breviter distin- nam ungucniis rcdolcre. Nihiltamennobis de virlulcun-
guamus. Alii tangunfur, alii asperguntur, alii inungun- gucntorum exprimilur, praetcrquam quod solus odor
tur, alii perfimduntur. Rclcge Pentateuchum, Evange- commcndatur in ipsis. Non cloquitur quid efficiat unc-
lium revolve ct diversitates istas ungendi, quas cor-
: tio, delicias solas mcmorassc contcntus, ct eas delicias
poraliter et e\terius fuctas advcrtis, ad mores deflectc. quae spiritualem niagis caritatem acccndunt. Unclio sol
Non ego nunc de natura nnguenlorum, sed de mcnsura lactu sentitur, cum fucrit carni supcrfusa. Odor vero
ago ungendi. Et alii quidem semcl, aliis sspius, alii laclum difTugicns, lantum spirilu scntiri so patitur. Et
semper unguenta frequcnlant. Bona quidem copia, si ungucnli quidem liquor scnsim in inferiora liquatur :

adsit ct gratia. Nculra decssc vidctur in ungucntisspon- odor vero cum omni facilitate superiora petit, cercbro
sae, nee suavilas, ncc ubcrlas, quorum cdor omnia aro- illabilur, sensuum sedem dum occupat, recrcat. Mullo
mala superaf. ergo subtilior el sublimior, mullo inagis ungucnlorum
7. Ad Ecclcsiam gencraliter hanc laudem dcrivavl- est odor quam liquor. Et ia blaiidimcnlo Sponsic ma-
182 L'ABBE GILLEBERT.
plus dans la chair, mais bien selon Tesprit, ainsi c'est le desir que produit agr^ablement I'eipe-
qu'il convient a une epouse du Seigneur, est rem- rieuce des jouissances qu'on a resscnties : aussi
plie de dt-lices spirituelles. « L'odeur de vos par- « l'odeur de vos parfums est preferable a tons les

funis depasse en suarite toutes les poudres aromali- aromates. » Ce desir que produit I'ivresse des delec-
ques. » Bien qu'il ne soil fait mention que de l'o- tations celestes, la soif de jouir qui emane avec
deur, ce n'est peut-etre pas l'odeur qui agit seule, abondance de Tonction du Saint-Esprit semblable a
I'onction opere aussi. « Ceux qui appaurtiennent au une odeur tres suave, depasse tout parfum de la
Christ, » dit TApotre, « ont crucifie leur chair avec priere, et toute violence du desir de lame. Ex-
leurs vices et leurs concupiscences. » [Gal. \, 2i.) cellent desir, qui a la force de la priere, et ne con-
Ou est I'onction, le crucifiement ne semble point nait pas lennui de I'affliction. C'est I'epouse k qui
necessaire. Le crucifienient mortifie, I'onction trans- Ton rapporte le privilege de cet onguent et de cette
forme. L'un est accompagne d'un seijtiraent de odeur. (Ju'y a-t-il d'etonnant, que celle qui a recu
douleur, I'autre adoucit. L'onction est suave, et ce- une onction plus speciale, exhale des odeurs plus
pendant efficace, sans lesion aucune, par I'huile de exquises ? Est-il surprenant de voir celle qui goute
Tallegresse et de la joie, elle preserve la chair des des douceurs plus tendres, desirer avec plus d'avi-
atteintes de la corruption, elle enleve la souillure et dite? 11 est juste que celle quis'attacbe davantage
ne fait soufflir aucune blessure. Des onguents pre- a Dieu, prie avec plus d'instance. Unie a I'epoux,
cedent, des onguents accompagneat la passion du elle est devonue avec lui un seul esprit. C'est pour-
Seigneur Jesus : cela vous apprend, si vous eprou- quoi ou ne sent rien autre chose en elle que I'es-
vez des souffrances dans voire corps, a les adoucir prit, cet esprit qui la penetree et qui prie pour elle

en faisant couler avec abondance ces parfums au- avec des affections inexprimables. Aussi l'odeur de
dessiis. Jesus-Christ recut deux onctions, afin de ne ces parfums est au-dessus de tons les aromates. Et
pas sentir I'opproLrede la croix, et afin de recevoir, dans I'Apocalypse, vous lisez le passage ou il est
en sa personne, I'etat nouveau de la resurrection, parle des « coupes remplies de parfums qui sont
faisant eclater par ce myslere la grace que procure les prieres des saints. » (Ap. v, 8.) Les aromates,

ronetion spirituelle. 11 est done excellent cet onguent comme I'Exode nous I'apprend, servent a un dou-
dont (j>ouremployer ces termes) la liqueur trans- ble usage, ils sont employes pour les onctions.
forme Tame.
la chair ct l'odeur delecte Us sont bn'iles sur le feu. \Exod. xxv et xxx.)

Ce que 8. Et pour resumer brievement ce que nous avons 9. Ne vous semble-t-il pas que pareillement, en
diaguent dit, I'onction, c'est le transport de I'esprit, l'odeur, cet endroit, I'lm et I'autre se trouvent reuuis dans
loDction et
I'odear. e'est la priere. L'onction, c'est la joie spirituelle ;
les eloges que Ton fait de I'epouse? Ses parfums
l'odeur, c'est la connaifsance de c^ qui se passe dans sont des onctions et ils repandent de tres suaves
I'esprit, produite au dehors par la renommee : odeurs : leur senteur I'emporte sur toutes les pou-
l'onction, c'est la delectation interieure ; lodeur. dres aromatiques. L'onguent ainsi qu'il a ete dit)

gis delicata et magis ac-commoda spiritualibus oblecta- mentis exultatio, odor oratio. Unctio spiritualis laeti-
mentis, el faeculentiae minus habentia oportuil conime- tia, odor quaedam eoruui qua; animo geslantur, exterior

morari. .\lias ung'uentis et oleo indig^ent, ut motus car- per famam notitia unctio interna delectatio, odor quod-
:

nis aut mitigcDf, aut immutenL Haec autem jam non in dam de gaiidiorum expericntia desiderium suavilerpro-
came, sed in spiritu, ut Domini sponsam decet, spiri- fluens. Ideo odor ungumiorum tuorum super omnia aro-
toalibus abmidat deliciis. Odor ungruentorum tuorum maia. Omne enim orationis incensum et desiderii vche-
super omnia aromaia. Et5i solus odor commemoratur, mentiam excedit desiderium illud, quod de ccelestium
forte non solus operatur operatur et unctio. Qui sunt
: klandimento gaudiorum gignitur, et concupiscentia,
Christi, ail Apostolus carnem suam crucifixeruni cum
: qu<e de Spiritus uncdone quasi suavissimus quidam odor
vitiiset con cupi^ceniiis.'C hi unctio est, non vidctiir cruci- uberlim exhalatur. Bonum hoc desiderium, quod vim
fixio necessaria. Ilia mo.Hificat, et hsec immutat. Et habet orationis, et non habet afflictionis molestiam.
quidem crucifixio doloris sensum habet, unctio lenita- Sponsa est, cui prinlegium hoc unguenti et odoris de-
tem- Suavis unctio est, efficax tamen, quae sine laesione ferlur. Quid mirum si praecellenlius redolet, quae spe-
oleo exultationis et Icetitiae a corruptione camem illa?- cialius ungitur"? quid mirum a^idius optat, quae gus-
si
sam oonservat, corraptionem aufert, et cruciatum non tat sua\ius? .Equum enim est, utamplius orct, quae arc-
importat. Domini Jesu passionem ungnenta praevcniunt, tius haeret. .\dhaerens Sponso, unus cum illo effecta est
unguenta subsequuntur ul discas et tu carnis tuae (si
: spiritus. Idcirco nonnisi Spiritus redolet in ea, qui unxit
qnis est) cruciatum unguenlorum exuberantium perfu- cam, et orat pro ea affectibus inenarrabilibus. Propterea
sione lenire. Bis unctus est, ut et crucis non sentiret odor unguentorum ejus super omnia aromata. Et in
injuriam ; novitatem consequere-
et resurrectionis suje Apocalv-psi legis phinlas plenai odoramentorum, quae
tur, et ut quasi per boo sacramentum spiritualis unctio- sunt orationes sanctorum. Aromaia, sicul Exodus docct,
nis gratiam commendaret. Bonum ergo unguentum, cu- gcminos in usus dislribuuntur, id est chrismatis, el thy-
jus (ut sic dicam) liquor camem immutat, et odor spiri- miamatis.
tam recreat. 9. Xonne tibividcntur etiam nunc in laudibus Sponsae
8. El ut summatim haec recapitulemus, unctio est haec utraque conjungi? Unguenta ejus, et unguenta
I

SERMONS SUR LE CAiNTIQUE DES CANTIQUES. 183


c'est la perception des dons : I'odeur, c'est Taction milieu de ces ceuvres cpii sentent I'infirmite et la
de graces parce qu'on les a recus, c'est le desir des faiblesse, tu es rempli d'un orgueil excessif Tu ne .

biens eternels^ c'est nne espece de sentiment d'hu- pries pas, tu fais outrage au Publicain qui se tient
railite ressenti au milieu des graces les plus ele- tout pres de toi. Tu rends temoignage de toi, ton
vees. Car la priere de celui qui s'abaisse penetre temoignage a une valeur mediocre. Dans ta priere,
les nues. {Eccl. xxxv^ 21.) Voyez-vous comment il est deux choses qui sentent mauvais, bien loin
s'eleve I'encens de la priere qui est humble ? Le d'avoir une odeur agreable, c'est ta superbe et ta
Pharisien monta au temple pour y prier : raais I'o- neghgence. Ta superbe, qui eclate dans les repro-
deur de sa priere ne sut pas s'elever. [Luc. xwu, 2.) ches que tu adresses au Publicain ta negligence, :

II repasse en son esprit les duns qu'il a recus du qui apparait en ce que tu ne demandes rien du tout.
ciel, et il en fait la revue comme si c'etaient des Comment, remplie de vapeurs et du neant de I'or-
parfums. « Je ne suis pas, » dit-il, « comme le gueil, cette priere ne serait-elle pas languissante ?
reste deshommes, voleur, injuste, adultere. » Vous Tu ne pries pas, 6 Pharisien, tu ne fais que t'exal-
eutendez comment il se glorifie d'avoir ete oint de ter toi-meme. Tu rends temoignage de toi-meme,
la grace plus que les autres. Sa gloire consiste dans ton temoignage n'est pas vrau. II est peu considerable
la confusion de ses freres. Ce n'est pas un grand en ce qui regarde tes ceuvres, faux en ce qui con-
eloge, il le tient neanmoins pour grand. 11 y cerne le sentiment qui t'eleve au-dessus des autres.
trouve un parfum qui est au-dessus, non pas des Car voici le temoignage de la verite « Je vous le :

aromates , mais au-dessus de I'odeur de soufre dis en verite, le Publicain descendit en sa maison
qu'exhalent les autres. Vous avez oui a qui il se justifie par lui. Car « ce n'est pas celui qui se flatte

prefere ; ecoutez maintenaut ce cpie presentent de lui-meme qui est approuve, mais bien celui que le
grace les parfums qui font son orgueil. « Je jeune Seigneur daigne louer.)) (II Cor. x, 18.) Aussi, bien-
deux fois par semaine ; je donne la dime de tout heureuse est Tame a qui la verite elle-meme adresse
ce que je possede; et si j'ai porte tort a quelqu'un un eloge si eclatant : « I'odeur de vos parfums
mere je lui rends quatre fois davantage. » Ces bonnes surpasse tous les aromates. » Un grand temoignage
larisien
lalait ceuvres sentent les principes de la loi Judaique, ils fut rendu au PubUcain, mais celle a qui s'adressent
it Dieu ne sont pas selon la doctrine de I'Evangile. II ne de telles louanges en recoit un qui est bien plus
lauvaise
enr. jeime pas toujours, ne renonce pas a tous les
il grand. Le Pubhcain a descendit justifie par le Pha-
biens qu'iJ possede, de maniere a ne pouvoir pas risien. » c'est-a-dire, par cet homme superbe et
donner les premices ou les dimes. II rend quatre injuste, « dans sa demeure » mais I'odeur des:

fois plus qu'il n'a pris, il ne souffre pas qu'on lui parfums de I'epouse depasse toutes les senteurs des
enleve son bien, a celui qui lui enravit une portion, poudres aromaticpies. Grand eloge, mais I'epouse
il n'abandonne point le reste, il ne dit pas qu'il ne recoit pas de temoignage de I'homme, elle n'en
tient les injures pour non recues. Pharisien ! au attend que de celui qui scrute les cceurs, qui, par

sunt, et odorifera valde : Odor enim eorum super om- Pharisee non rogas, sed prope astanti Publicano inju-
nia aromata. Uuguentum (ut dictum est) donorum per- rias irrogas.Tu de teipso perhibes testimonium, cxi-
ceptio :odor de perceptione actio gratiarum, desiderium guum est testimonium tuum. Duo quadam in oratione
8Bternorum, et quidam inter sublimia bona sensus hu- tua non tam redolent quam foetent, tumor et tepor. Tu-
railis. Oratio enim humiliantis se, ipsas nubes penetrat. mor est in CO quod Publicano improperas Tepor qui- :

Vides quomodo ascendit odoramentum liumilisorationis? dcm, quia omnino nihil rogas. Quomodo enim non tepe-
Asccndit Pharisaeus ille in templum ut oraret ; sed ora- bit oratio, elationis vento et inanitate satiata? Pharisaec
tionis ejus odor nescivit asccndere. Dona gratiarum sibi non oras, sed effers teipsum. Tu dc teipso perhibes tes-
divinitus collata secum reputat, et quasi unguenta re- timonium, et testimonium tuum non est verura. De ope-
censet. Non sum, inquit, sicut ccpJeri hominum, raptor cs, ratione tua e.viguum est, dc praelationc non vcrum. .\udi
injusti, adulteri. Audis prie quibus unctum se gloriatur? enim testimonium Veritatis Amen, amen, inquit, dice
:

gloria ejus in confusione aliorum. Non magna gloria, vobis, descendit hie jnstificatus ab illo in domnm siiam.
magna tamen ipsi videtur. Ipsi redolet, non tamcn super Non enim qui seipsum commendat, ille probatut est,
aromafa, sed super sulpliura cetcrorum. Audisli qui- sed quern Deus commendat. Ideo felbi anima ad quam
bus praeferantur audi nunc quid in se gratiac praefcrant
: ab ipsa vcritatc tam cxccllcns commcndatio profcrtur :

unguenla, in quibus Pharis;eus gloriatur. Jejuno bis in Odor unrjueutorum iuorum super omnia aromata. Ma-
sabbato, decimas do omnium qnce possideo, et si quern gnum cxhibilum est Publicano testimonium, huic au-
defraudavi, reddo quadruplum. Bona \\JiC legis elc- tem cui laudes ist* canuntnr, multo majus. Descendit
perfec menta redolent, non evangelicam doctrinam*. Non jc- ille justificatus a Pkariswo, hoc est ab hominc elalo, ab
l>nein.
junat per omne tcmpus, non rcnunciat omnibus qua; homine injusto, in domum suam hujus autcm unguen- :

possidet, ut non habeat undepossit vel primilias, vol de- torum odor omnia cxccdit aromata. Ingcns praeconium,
cimas dare. Dofraudata rcddit in quadruplum, non sc sed ipsa non ab hominc tosliiuonlum accipit, sod ab illo
patllur defraudari, non quod reliquum est cxponit par- qui corda scrulatur, qui per lidem et dilectioneui in
tem aiifercuti, non acccptas sc habere dicit injurias. cordc ipsius et inhabilat et opcralur. Non se commen-
iafima, Pharisaic inter intirma* opera supra modum tumcs. dat, non improbat alios. Favus enim distillan-s labia
18/1 L'AIJbi: GII.LK13EUT.

la foi et la chaiito, reside et opere dans rinteriour un eloge =emljlable fait de Tepoux. « I/esprit du
de sou ime. Elle ne se vaiite pas, elle ne blame pas Seigneur est sur moi, » dit le Sauveur, « parce

les autres. « Ses levres distillout le miel. » C'est le qu'il m'a ointm'a envoye precher I'Evaugilc
: il

passage qui vient a la suite, mais nous ne pouvons aux pauvres, [Luc. iv, 18.) II a done fallu que I'e-
le dc'velopper aujourd'hui. Le discours de demaia pouse fut assimilee a son cpoux en ce ministere, il
salisfaira votre avidite, et fera retcntir h vos oreilles a fallu qu'elle recut, elle aussi, ronction pour ac-

la joie et I'allegresse dans le Seigneur Jesus. Qu'il complir I'ffiuvre de la predication de I'Evangile.
daigne nous Taccorder, lui qui vit et regne dans tous Car 1
'esprit se repand et pour donner la charge et
on'
les siecles des siecles. Amen. pour la faire rcmplir. L'une et I'aulre viennent de Saint- i.^
lui, la place dans le ministere et la grace de la bien

SERMON XXXIV. remplir. Sans la grice, la charge est inutile, et sans


la charge, I'usage de la grice serait presomplueux.
Vos levres, d mon cpouse, sonl un rmjon qui distille « Comment prechera-t-on si onu'est point envoye. »
le miel, etc. (Cant, iv, 11.) Ou comment sera-t-on envoye si on ne recoit pas
I'onction? ainsi qu'il est ecrit. [Rom. x, 15.) « I/es-

1 . « Vos levi'es, 6 mon epouse, sont un rayon qui pritdu Seigneur m'a oint; il m'a L-nvoyi!' pour pre-
distille le miel, le miel et le lait sont sous votre lan- cher aux pauvres. » 1 /esprit sauit eleve a I'oflice,

gue; I'odeur de vos vetements est comme une il ouvre


bouche-et aide a en remplir les devoirs.
la

odeur d'encens. Ce sont des paroles extrememeut


» Voila pourquoi en faisant I'eloge de lepouse, le
douces qui viennent d'etre maintenant adressees ci bien-aime pai'le d'abord des parfums, et ensuite de
I'epouse. Mais vous demandez comment dies s'ac- la douceur de ses levres, parce que, bien qu'elle pro-
cordent avec celles qui precedent. Qu'il me sufflse fere des paroles bien suavcs, ce n'est pas elle qui
de vous avoir fait remarquer une fois, que les elo- parle, mais bien I'esprit de son epoux qui s'exprime
ges ne sont pas astreiuts a la loi de I'enchainement en elle. Entendez ce que Jesus, I'epoux, promet a la
qui regit les discours ordinaires. lis ne se captivent primitive eglise, c'cst-a-diix*, aux apotres qui recu-
pas a suivre un ordre exact, ils promenent leurs rent les premices de I'esprit vous donnerai : « Je

elans en toute liberie. Dans les passages qui ren- une parole et une sagesse, auxquelles tous vos en-
ferment des louanges, on n'est pas en droit d'exiger nemis ne pourrout pas resister. [Luc. xxi, 15.)
de la suite et il ne faut pas les rejeler si on ne
: Grande est la vertu de la parole de Dieu, elle peut
peut y en assigner. Apres avoir vante les parfums, vaincre ceuxquis'opposent a elle, et attirer ceux qui
de suite on se met a louer la beaute des levres de ne lui font pas obstacle. V'oila ce qu'il y avait a dire

I'epouse. Que savez-vous, si ce n'est en la vertu de de son eloge : ce qui est a exposer maintenant, se
ces parfums que tant de grAce s'est repandue sur rapporte plus h. la douceur qu'a la controverse.
ses levres? Parcourez I'evangilc, et vous y trouverez (( Vos levres sont comme un rayon de miel. » 11 lui

ejus. Capitulum hoc ordine sequitur, scd hodie tractari unxerit me evangelizare pauperibus misii me. Oportuit
:

non potest. Crastina disputalio auditui vcstro et aviditati ergo et sponsam in hoc assimilari sponso, ut et ipsa in
dabit gaudium et Istitiam in Domino Jcsu. Quod ipse opus Evangelii unctione Spiritus ungcrctur. Spiritus
praestare dignetur qui vivit et regnat per omnia ssecula enim ct ad ofticium ungit, et ad efficaciam. Utrumque
saeculorum. Amen. ab illo est, ct ministerii gradus, et gratia ministrandi.
Sine gratia gradus inutllis, et sine gradu praesumptuosus
est usus gratia>. Quomodo pradicabunt nisi mittantur,
SERMO XXXIV. aut quomodo mittcntur nisi unguantur? sicut scriplum
est. Spiritus Domini unxit me evangelizare pauperibus :

Favus distillans labia tua sponsa, etc.


misit me. Spiritus ordinat in ot'ficium, Spiritus ct os
Cant. 4, c.
aperit, et format in usum. Idcirco in laudibus sponsa;,
prius agit de unguentis, deinde dc dulcedine labiorum
Favus distillans labia tua sponsa, mel et lac sub lingua
1. ejus, quia etsi dulcis loquitur, non ipsa est qu.e loqui-
odor vestimentorum tuorum sicut odor thuris. Ve-
tua, tur, sed Spiritus sponsi qui loquitur in ea. Deniqueaudi
hementer dulcia sunt qufe nunc dicta sunt ad sponsam. quid ipso sponsus Jesus primitivae pollicetur sponsae, id
Sed quaerilis quomodo
superioribus ista conveniant. Sc- est, Apostolis, qui primitias Spiritus acceperunt Ego, :

mel vos commonnisse sufficiat, a necessitate continua- inquit, dabo vobis os et sapienfiam, cui non poterunt re-
tionis liberam esse legem commendalionis. Non tenet sistere omnes adversarii vesiri. Magna quidem virtus

seriem, sed utitur vaga licentia. Ubi laudum ratio ver- sermonis divini, et advcrsantcs revincerc potest, et non
titur, non potest ordo quidem exigi sed ncc debet rcs- : advcrsantes allicerc. Et hoc ipsum de praeconiis ejus :

pui, si assignari queat. Post unguentorum laudcs statim quod nunc in disputationc vcrtilur, ad blandimcntum
labiorum gratia prol'ertur in medium. Quid cniui scis, si phis spcctat, quam ad redargufionis effectum. Favui dis-
non de unguenti virtute Ikec in labiis diffusa est gratia? illlii.ns labia tua. l"\uiiiliarc quidem est illi, et quasi in-
Evangelium revolve, ct aliquid tale de sponso ipso dici natum dulcia loqui. Si quando autem increpat dure, pc-
invenies. Spiritus, inquit, Domini super me, eo quod rcgiinum illud ab ea, ct dc longe adscitum, et non insi-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CAMIQLES. 185
est familier, c'est chose iDnee chez I'epouse de pro- a ma bouche que le miel. )) {Ps. cxviii, 103.) Elles Les paroles
ferer des paroles douces. Quand il liii amve de sont bien douces les levres de I'epouse. Les paroles sembTau'es
faire de durs reproches, c'est un procede qui lui du Seigneur en decoulent. douceur est la Cette i un rayon
de miel,
est etranger et emprunte h des pays oloignes, ce douceur meme des paroles divines. Car elle ne parte distiUent
la douceur.
n'est pas la tendance de sa nature^ elle n'y est pas pas de son propre fond, mais elle fait entendre
portee d'elle-meme, c'est la contrainte seule qui comme les accents de Dieu voila pourquoi la grace
:

I'y pousse. Les paroles douces sortent de son propre est repandue sur ses levres. Apprenez, en partie

fouds : les propos severes ne viennent pas de I'a- maintenant, quel miel distille le rayon de la parole
prete de sa bouche, mechancete de ceux qui les
la divine, et comment elle est mesuree a chacun, selon
entendent les a seule provoques. C'est done une la capacite que Dieu lui a donnee. Elle remet, elle

qualite propre et familiere de I'epouse que le bien- promet et elle donne d'avance. Elle remet les Qaatra effeu
aime exalte par ces paroles « Vos levres sont un : peches , elle permet ce qui sent I'inQrmite , ''Ic'^itu^^'^
rayon de miel. elle promet les biens qui sont eternels, et elle fait

Qoi les 2. Mais parce que vous avez entendu cjuelque peu gouter, par anticipation, quelques-unes des delices
res
•poDse
parler de I'enchainement qui relie cet eloge aux qui accompagneront leur possession. Elle parle
mt paroles qui precedent^ vous voulez que jo vous de- la des parfaits, non la sagesse
sagesse au milieu
)arec3
rajon veloppe le sens qu'il contient. II renferme ces trois de ce monde, mais la sagesse de Dieu cachee dans
miel.
sujets de louanges, la douceiu-, la plenitude, la so- les mysteres, et parmi ceux qui ont le sens moins

briele. La douceur se fait remarquer dans le genre, spirituel, elle pense ne rien savoir autre chose que

la plenitude dans I'abondance et la sobriete dans Jesus-Christ et Jesus-Christ crucifie. Elle exhorte a
TeiTusion. Que dis-je reffusiou? C'est plutot une la perfection, elle ne contraint personne a y tendre,
distillation. « Vos levres sont un rayon qui distille mais plutot elle console les pusillanimes, elle ac-
le miel.)) Qu'est-il necessaire de s'arreter a develop- cueille les faibles et si elle corrige ceux qui ne sont
per cliacun de ces details. Vous savez en effet, que pas en repos, ses reprimandes elles-memes respi-
lerayon de miel ns donne que de la douceur, et rent la tendresse maternelle. Elle eprouve de la
qull ne coule,que lorsqu'ilest arrive a sa plenitude. compassion pour celui qui peche, elle est pleiue

II deborde de son trop plein, mais il ne Tepauche d'indulgeuce pour celui qui revieni, elle ne cal-
pas entierement. Aussi « vos levres )) sontun rayon cule pas ses pardons, et ne leur de assigne point
qui ne repand point, mais qui « distille » seule- lerme qui ne puisse pas etre depasse, elle qui a
ment le miel. On trouve done sur les levres de I'e- recu ordve de pardonner septante fois sept fois par
pouse uniquement la douceur, entierement la dou- jour, a celui qui viendrait autaut de fois lui dire

ceur douceur avec mesure. Elle la possede


et la ses fautes.
pleinement, elle ne la repand point entierement, seu- 3. Voyez combien grande est la doucem* qui
lement dans la mesure qu'exige la capacite de ceux regne sur les levres de I'epouse, toutes les fois que
qui I'ecoutent. Voulez-vous aussi entendre I'epouse vous tombez dant le mal, autant de fois, si vous
parler de ses levres? « Que vos paroles, 6 Seigneur, vous convertissez, elle distille sur vous le bien, et
sont douces a mon gosier, elles sont plus agreables le nombre des pardons n'epuise jamais sa bonte.

turn, nee sed magls coacta. Cum dulcia


sic est affecta, quia enim Domini distillant ab eis. Eloquiorum Domini
loquitur, de propriis loquitur cum vero dura, non ha-
: est ista dulcedo. Xon enim de suo loquitur, sed quasi
bct hoc oris ejus qualitas, sed pravitas audientium. Ergo scrmones Domini; idcirco diffusa est gratia in bibiis
de proprio et de familiari laudat Sponsam, cum dicit. ejus. Accipite jam ex parte qualia mella sacri favus dis-
Favus clistillans labia tua. tillat cloquii, et unicuique sicut Dcus divisit vasi, cui

2. Sed quia de continuatione aliquanta jam audistis, instilletur, mensuram. Remittit, permitlit, promittit,
vultis ut etde continentia commendationishujus edisso- praemittit. Delicla remittit, infirma permittit, a'terna
ram ? Tria quaedam laus ista complcctitur, dulcedinem, promittit, et ipsorum primitias quasdam prajmiltil. Sa-
plenitudinem, parcitatem. Dulcedo consideratur in ge- pientiam loquitur inter perfoctos,sapicntiam quidem non
nere, plenitude in copia, parcitas in efTusione. Quid ef- hujus mundi, sed Dei sapientiam in mysterio abscoudi-
fusionem dico ? Dislillatio magis est quam effusio. Favus tam, ct inter miims spiritualiter sapientes nil arhilratur
enim distillans labia tua. Quid necesse est in assignandig se scire nisi Christum Jesum,ct hunccrucifixum. Cohor-
singulis immorari ? Ipsi enim scitis, quia favus non nisi tatur ad pcrfectioncm, non cogit; sed magis consolalup
dulcedinem effundit, nee nisi de pleno effundit. Et de pusillanimes, suscipit infirmos, et si in(iuietos corripit,

plcniludine quidcm ipsa, non totam ipsam. Ideo favus correptio ipsa maternam. Peccanti
dulcedinem sapit
non cfTundens, sed distillans labia tua. Est ergo in labiis compatilup, converse indulget, nee iudulgentiarum nu-
sponste et dulcedo sola, ct dulcedo plena, et dulcedo merum et quasi terminum quem non transgrediulurprse-
sobria. Plcne quidem possidetur, sed non plcae efTun- figit, cui pra'cipitur septiiagies septies in die delicla to-
ditur, sed prout auditorum capacitas cxigit. Vultis etiam ties confitenti donare.
ipsius sponsa; de labiis suis habere testimoniimi ? Quam 3. Vide quam magna multilu<lo dulccdinis in labiis

dulcia. inquit, faucHius meis eloquia tua, super mel et sponsae, qu.ne quoties ipse percftluis in m;ilum, lolios si

favum ori meo. Uulcla quidcm sunt labia sponsa). Elo- convertaris, ipsa tibi dislillat in bonuni, ct pra-beudif
186 L'ABBE GILLEBERT.
Arimitation des anges tie Dieu, die n'insulte pas. un rayon qui distille le miel parce que le feu qui
le pccheur, mais bien plutot die trcssaille de joie consume I'esprit ainsi embrase est extrernement
qiiand die le voit fairc penitence. [Luc. xv, 10.) doux transjiorl qui passe vite a cause de ceWe ex-
;

11 est bon par consequent de preler I'oreille aux tase enivrante, qui ravit Ykma a elle-naeme, et a
discours qui tombent de sa bouche. I^e Seigneur cause de I'interruption qui ne manque pas de sur-
ecoute favorablement scs prieres, et ainsi elle exe- venir bientot.
cute et attire votre affection, aiin de vous manifes- k. « Vos levres sont un rayon qui distille le

ter celle qui I'anime de son c6te. Dites, epouse, cc mid. » Je regarde comme entierement purifiees,
que vous dites, car votre bien-aime vous entend ces levres sur lesqudles Jesus lui-meme croit sa-
avec avidite ou bien parler de liii ou bien conver- vourer une douceur de miel. Les levres d'Isaie tou-
ser avec lui. Mais quand I'epouse s'adresse a son cbees par les pinces et le charbon de I'autel, perdent
epoux lui-meme, alors elle fait entendre les accents leur souillure. Le Seigneur, » dit un
{Is. vi, 6.) «

de la plus douce levre die emploie un langage


, autre prophete, « a etendu sa main, et il a louche
qu'on n'entend pas d'ailleurs. Alors les levres de ma bouche. » [Jercm. 1, 9.) L'epouse ne desire pas
son ccEur distillent le niiel d'une delectation vrai- ce charbon, le contact de ce doigt; ce qu'elle veut,
ment divine, ou plutot elles ne le distillent pas, c'est de toucher la bouche du bien-aime : « qu'il

dies le font jaillir, parce qu'ii ce moment beureux, me bouche »


baise, » dit-elle, « d'un baiser de sa :

son ame tout entiere se convertit en affections sua- [Cant. I, 1.) Les "levres appellent imperieusement
ves. Inexprimable reciprocite qui du cceur de I'e- les levres. Les douceurs ne jailliraient pas ainsi
pouse, fait couler des ruisseaux de miel dans I'ame des levres de I'epouse, si les levres de I'epoux ne
du bien-airae, et les fait refluer ensuite du cceur de s'etaient pas imprimees sur dies. De quoise rejouit-
I'epoux dans I'interieur de celle qu'il cherit. Car il sinon de I'enivrement de ce baiser qu'il a ravi
ces ruisseaux de miel reviennent aux lieux d'ou ils sur les levres de son epouse quand il dit : « vos le-

sortent pour refluer encore. Delicieux rayons de vres sont un rayon qui distille le miel. » S'il parle
miel places sur les levres de I'epoux et de I'e- ainsi, c'est a cause dece baiser de la verite. «Vos le-
pouse, allant de I'un a I'autre et repandant, de tou- vres, )) dit-il, « sont un rayon de miel qui goutte
tes parts, la douce rosee d'un tendre amour. I/e- le miel, et le lait est dans votre langue. » Ce
poux fait tomber d'en-baut la grace I'epouse fait : terme indique particulierement la gr&ce de I'elo-

jaillir d'en-bas Taction de grace. Jesus lui-meme cution. Les levres s'emploient aussi pour embras- Feii

produit dans I'ame qu'il aime, les gouttes de cette ser : la langue ne serf qu'a parler. Ce n'est pas la ^g'j^y
rosee de miel. Ce sont des gouttes de rosee extre- douceur seule qui se trouve dans le son que pro-
mement que ces sentiments de I'amour
delicieuses duit la langue, mais sous cette langue sont reunis
divin; liquefiee parleur ardeur, I'ame s'exliale en « le miel et le lait. » II est une feinte douceur que
gouttes de miel, a la vue de celui qu'elle aime en , la langue fait sonner, mais qu'elle ne ressent nul-
presence de son Dieu. Aussi ses levres sont comme lement. Cette douceur est bien peude chose, quand

veniae vicibus non exhauritur. Denique instar Angelorum ejus, eo quod vehementer dulcis est sic affectae mentis
Dei non insultat, seel exultal super pcccatorc poeniten- succensio, sed veloxpropter ilium dulcem
succisio,
tiam agente. Bonum ergo est labiis ejus auditum pra^- in excessum mentis raptum, et propter citam interrup-
bere. Nam et Dominus precibus ejus aurenn accommo- tioneni.
dat, sicque tuum provocat et invifat afrectum, ut prodat 4. Favus di-stillans labia tua. Purgata omnino liaec ego
et suum. Loquore sponsa quod loqueris, quia audit cum crcdidcrim labia, de quibus ipse Jesus dulcedinem mel-
desiderio dilectus tuus sive disputantom de se, sive col- leam haurire se rcputat. Isaiae labia forcipe et carbone
loquenfem sibi. Scd cum ipsi sponso sponsa loquitur, de altari tacta purgantur, Misit, inquit alius, manum
tunc loquitur in loquela duloioris labii, et lingua altera. suam Dominus, et tetigit os meum. Quae Sponsa est,
Tunc cordis labia vere mella delectationis stillant divi- non carbonem, non digilum optat, sed oris contactura.
ne, imo non tam dislillant quam iluunt, quoniam hora Osculetur me, inquit, osculo oris sui labia labiis dcben- :

ilia in melleas aflectiones anima tola convertitur. Bcala tur. Nee enim de sponsae labiis exprimerenlur dulcedi-
vicissitudo, quando de corde sponsae quiedam fluenta nes, si non labiis imprimerentur dilecti. Quid autem nisi
mellis emanant. in dilectum, ab ipso redundant in
et osculi suavitate, quod de labiis sponsae rapit, se delecta-
sponsam. Ad locum enim unde exeunt heec mellis flu- tum gaudet cum dicit Favus distillans labia tual Prop-
:

mina, revertuntur ut iterum fluant. Boni favi in labiis ter utrumque, et propter osculum caritatis, et propter
sponsi et sponsae eructantes ex hoc in illud, et invicem oraculum veritatis. Favus, inquit, distillans labia tua,
rorentes amoris dulcedinem. llle dcsuper irrorat gra- mel et lac sub lingua tua. Istud jam propria ad eloquii
tiam ; ilia de deorsum actionem gratiarum. Ipse Jesus gratiam respicit. Nam labiorum usus etiani ad osculum
in anima dilccta roris hujus mellei slilliis gcnuit. Dulccs est linguEe vero ad eloquium tanlnm. Non tantum diil-
:

omnino stilla; roris, aflectiones ilhe divini amoris, quan- ccdo ill lingua sonat, sed melet lac sub lingua tua. Si-
do sponsa liquefacta tola distillat a facie ejus, quem di- mulala dulcedo est, quae tantum sonat in lingua, et non
ligit, a facie Dei sui. Ideo quasi favus distillans labia senlitur sub ipsa. Exigua est, quae tota est in labiis ct in
SERMONS SUR LE CANTIQUE DBS CAiNTlQUES. 187
elle se trouve toute sur les levres et snr la langue, comme une mamelle qui distUle le miel et fait
grande partie n'etant pas sous la langue
sa plus I couler le lait. Toute clameur, toute amertume et
La douceur de I'epouse n'est pas seulement sur tout blaspheme est ecarte de ses levres, ainsi que
sa langue, elle n'y est pas toute, mais, comme I'as- le porte la recommandation de I'Apdtre. [Eph. iv,
sure celui qui le connait si bien : « le miel et le 31.) Sous cette langue U n'y a pas, comme le mar-
lait sont sous votre langue. » Aussi elle prononce que un psaume, de fatigue et de douleur {Ps. x, :

des paroles bonues : paroles aussi bien de miel que 7.) « C'est le miel et le lail, » dit l'epoux, « qui s'y
de lait J a cause de la majeste de Dieu et en vertu trouvent. Les levres de la prostituee sont un rayon
du mystere de I'incarnation. La langue et les le- de miel, et sa gorge est plus brillante que I'buile. »
vres sont comme uu canal d'argent par lequel, de [Prov. V, 3.) Cependant le miel et le lait ne sont
la fontaine du coeur, s'ecbappent des ruisseaux de point sous sa langue ; ils ne se trouvent point dans
lait et de miel. Ce sout deux choses douces, cha-
la son interieur, ils n'occupent point le terme de sa
cune est douce a sa maniere. Le lait est poiu' les carriere, « mais sa fin est amei'e comme I'absinthe,
petils enfants, comme s'exprime saint Paul, (i Cor. et incisive comme un glaive a deux tranchants. »
ui, 1.) Et le meme apotre fait entendre parmi les Au livre des proverbes le meme ecrivain dit de la
parfaits une sagesse douce et divine et presque sem- femme forte : « la force et la beaute formeut son
blable aumiel. (i. Cor. n, 6.) vetement, et elle rira a son dernier jour. » {Prov.
5. Les uns n'ont que du miel sous leur langue, XXXI, 25.) Ce rire spirituel et vraiment heureux, sa
et n'y ont pas de lait; les autres n'y ont que du bouche le commence deja, et il est comme la dou-
lait et point de miel. L'un et I'autre se trouvent ceur qui se cache sous sa langue. Mainteuant ca-
egalement reunis sous la langue de I'epouse. Le ches, ce miel et ce lait monteront en s'echaulTaut,
miel ne coule pas, il tombe plutot goutte a goutte. et eclaterontau dernier jour en pleine joie. Cette
L'epoux en effet ne prodigue pas a chaque pas, et allegresse alors ne sera en aucune maniere com-
sans reserve, les manifestations sublimes et profon- primee par le silence sous la langue; long-temps
des des secrets celestes et les mysteres de la divi- retenue, elle eclatera et remplira toute sa bouche ;
nite, il ne donne pas le lait a boire sans discerner la bouche, veux-je dire , de cette femme qui a
lesigoifient les personnes. « Le miel, « dit-il, « et le lait sont pour vetement la force et la grace. Voyez comment
e miel et qui
lait qui se
sous votre langue. » Son discours en effet ou n'est il ue faut point qu'on trouve depouillee, celle
ouTent sous pas depnurvu de douceur interieure, ou il n'egale attend qu'on lui rende les joies qu'on lui a pro-
la langue
V.1 el'epouse. pas cette meme douceur. II est toujours aise de mises.
prouoncer des paroles douces a celui qui a le miel 6. Qui salt si ce ne sont point la les vetemeuts
et le lait sous sa langue. Heureuse langue, qui re- dout il est parle ensuite dans ce meme passage du
pand ses paroles comme rayon des gouttes de
le cantique : « I'odeur de vos habits est comme la fu-
miel, et que le lait, destine aux enfants, distend mee de I'eucens? j'ai couvert, » dit le Psalmiste,

lingua, et non pars ejus major sub lingua. Non est dul- mum sub lingua ejus labor et dolor : sed 7nel et lac,

cedo tantum in ejus lingua, nee tota est lingua, sed sicut Inquit, sub lingua tua. Favus diftillans labia meretricis,
ipse qui novit testatur mel ct lac sub lingua tua. Idco
: et nitidius oleo guttur ejus. Non tamcn mel et lac sub
eructat verbum bonum : verbum tarn melleum quam lingua ejus non in intimis ejus, non in ultimis ejus,
:

lacleum, propter Deitalis majcstatem, et propter Incar- sed novissima ejus amara sicut absinthium, et acuta ul
nationis mystcrium. Lingua et labia ac si quidam ar- gladius biceps. Dc mulicrc vero forti hoc idem in Pro-
genteus canalis sunt, per quem de cordis fonte rivuli verbiis inquit Fortiiudo et decor indunfntum ejus, el
:

lactis et mellis erumpunt. Utrumque dulce, sed distinc- ridebit in die novissimo. Spiritualem ilium et vere bca-
ta dulcedo. Lac parvulorum est, ut 'Paulus loquitur. Et tum risum jam nunc parturit os ejus, el quasi dulcedo
idem inter perfectos dulcem et divinam et quasi melleam ejus sub lingua latitat. Ebullient autem quie nunc sub-
sapientiam docet, sunt mel et lac, in plenam hetitiam in die novissimo.
5. Aliimel tantum habent sub lingua, et non lac : Tune nulla ex parte quasi sub lingua premctur silcnlio,
alii tantum lac, et non mel. Mel autem et lac utraque sed prcssum diu prorumpet gaudium, et implcbitur
pariter sub lingua sunt sponsae. Nee mel Quit, sed ma- inquam, mulicris, cujus forlitudo ct
OS ejus risu. Os,
gis disfillat. Nee cnim passim et intemperanter profun- decor indumentum ejus. Vide quomodo non oportct nu-
dit sublimes illos et recondilos sensus secrctorum coj- dam inveniri , qu;p promissa sibi exspectat gaudia
Icstium et Deitatis arcana, nee lactis pofum sine delectu reddi.
propinat. Mel, inquit, et lac sub lingua tiui. Non cnim 6. Quis scit si non hcPC ipsa sunt indumenta, de qui-
sermo est vel interna dulcedine vacuus, vol interna; dul- bus in hoc eodcm Cantici loco subscquitur Quia odor :

cedini coa;quatus. In promptu est illi dulcia loqui, sub vestimentorum suorum sicut odor t/iuris ? Operui, inquit

cujus lingua mel et lac. Beala lingua, qua; vclut favus Psalmista, in jojunio anitnam meant, item, llumiliabo in
dislillat, el vclut libera qua'dam parvulorum lacte dis- jujunio animam mram, et oratio men in sinu tnco ron-
tendidir: qua; mel distillat, ct lac lluil. Omnis clamor ct vertelur. Bona vcstis jt-junium, in cujus sinu quudam sc-

amaritudo ct blasphemia longc ab islis proscribitur la- crcto oratio eommoralur. Veslis est qua- sinum habet :
biis, sicut Apostoli suadct hortatus. Nee est juxta psal- Oratio meain sinu meo convertetur. Habes hie utrum-
.

188 L'ARBE GlTJ.Eni- I{T.

« mon ame dans le jeunc. » {P$. lxviii, 11.) Et de Dieu. Les bons V(^lemcnts done sent les bonnes
encore : « j'humilierai mon Ame dans le jeune, et oeuvres elles ornent et elles intercedent. Qu'elles
:

ma priore sera repliee en mon sein. » {Ps. xxxiv, ornent, c'est chose manifeste : mais I'omement qui
13.) Le jeuneun bon velement, en son sein, la
est revet tous les hommes ue sent pas I'encens, il n'a
priere liabite comme dans un lieu secret. C'estlaun pas le caractere de la priere. Tel est celui dont les
habit qui a un sein « ma priere rcviendra en mon
: actions et la patience, rendues publiques, respirent
sein. » Vous avez ici, si vous y prenez garde, deux I'ostentation et la vaine jactance, et nulleraent la
choses, dans le jeune, le veteraent de la force, et priere instante, le desir de plaire au Seigneur, et la
dans la priere, I'odeur de I'encens. « Ma priere, » grande enne d'obtenir sa grice. Comment I'odeur
dit-il, « retournera en mon sein. » Pourquoi, dil-il, de vos vetements se disposera-t-elle comme le par-
« en mon sein? » Peut-etre a-t-il par lii donne a fum de I'encens ? L'homme qui fait toutes ses ac-
entendre le defaut de la priere tiede et mal faite, tions pour plaire a Dieu, a qui il s'est rendu agreable,
qui se dissipe des le premier instant; voila sans et pour meriter ses bonnes graces, est I'heureux
doute pourquoi il dit qu'elle revient a son sein, mortel dont les habits exhalent les senteurs de
c'est-ii-dire qu'elle se termine au point d'oii elle I'encens. L'encens ne doit s'offrir, et ne s'ofTre en
sort? Mais comment se replie-t-elle, et revient-elle ,
effet qu'a Dieu : voila pourquoi I'odeur de ces vete-
si elle perit? La priere qui retourne en son sein, ments est semblablie a celle de I'encens : parce que
parait done plutot etre celle qui obtient pi'ompte- ce qu'il fait, soit en public , soit en secret, il I'opere
ment Tellet de sa demande et jouit, sinon entiere- tout aflu d'obtenir les complaisances divines. L'huile
ment du moins, de la recompense
encore, en parlie dans les vases, I'odeur dans les habits, pourvu que
promise aux desirs humbles et fervents. La priere ce soit I'odeur de I'encens, signifient le meme mystere
aimante et enflammee a une grande douceur et : Que demande-t-il au Seigneur sinon les joies spi-
tandis qu'elle s'eleve scmblable a I'eucens en pre- rituelles et ses eternelles delices, celui qui a en
sence du Seigneur, elle respire elle-meme le senti- horreur, et repousse toute autre delectaton ? « Mon
ment suave de son propre parfum. N'est-ce pas un ame a eu soif de vous, » s'ecrie le Psalmiste, « par i
|

bon vetement, que la vapeur de ce nuage qui couvre combien de cris ma chair vous appelle? » [Ps.
et ontoure I'ame deceluiquil'oli'reau Seigneur! Uest i.xn, 1.) Vous voyez par ces paroles, comment le ^es bonm
tres-bon assurement. Pour nous, poursuivoiis ainsi vetement de la chair remplit I'ofiice de la priere, ^\\^
que nous I'avons entrepris, d'expliquer les vetements puisqu'on dit qu'il a soif de Dieu. Est-ce que la J'of'ce d
la prifere
en les comparant aux oeuvres exterieures. chair, affligee par des penitences volontaircs, ne
Les bonnes 7. Les bonnes o&uvres en effet couvrent la diffor- s'efforce pas de ilechir le Seigneur, et de I'amener
"il-omparlef
™^^^ premiere de I'homme, et empccheut qu'on ne a etre propice et favorable? Les supplices, qu'il sup-
aux I'impute a peche ; elles lui donnent de plus un porte pour Dieu, sont comme autant de supplications
charme et une beaute, qui lui font obtenir la grace adressees a cet etre adorable. L'aumone faite au

que, si indumentum fortitndinia,


advertas, et in jejunio cationis instantiam,non sollicitudinem placendi Domino
et in orationc odorem thuris. Oratio, inqiiit, mea in non impetrandae vota gratiae. Quomodo enim aptabitur
sinu meo convortelur. Cur vero ait insinu? An forte de- odor vestimentorum tuorum sicut odor thuris? Quivcro
defectum oralionis tepidie et infractae dedit IntelligJ, in omnia agit ut ei placeat cui se probavit Deo, ut ejus
ipso primo evanescentis processu ;ideoquedicitur insinu mcreatur favorem, utiquc odor vestimentorum ejussicut
sue converti, ibidem scilicet occidens ubi oxhauritur? odor thuris. Et quidem thura nisi Deo soli ncc ofTerti
Sed quomodo convertitur et reddit, quae peril? Magis solcnt, nee debent idco odor vestimentorum ejus sicut
:

quidem in sinu converti vidctur, quae celerem precis re- odor thuris; cum quidquid sivc palam, sivc clam agit,
porlat effectum, et si nondum plene, ex paitc tamen ad impctralionem placationis refcrt divinae. Idem vide-
humilis et devotae petitionis fructu potitur. Habct enim tur, esse oleum in vasis, et in vcstimentis odorem, sed
dulcedinem multam vcliemens, ct devota oratio et : odorem thuris. Quid aliud, quam gaudia ilia spiritualia
duni dirigitur in conspectu Domini quasi incensum, ct aeternam dclectationem Deum cxorat, qui omncm
suavcm ipsa odorls sui sensum Iiaurit. An non bonum aliam abjurat et horret? Sitivit, inquit psalmus, in le ani-
indumentum, cum vapor liujus modi nebula?, ipsam of- f7ia mea, quam multipliciter tihi caro mea ? Vides in his
fcrcntis operit et vestit animam? Bonum plane. Sed nos, verbis, quomodo et ipsum carnis vcstimcntum quasi ora-
sicut coopimus, vcstimentorum interpretationem secun- tionis habet vicem, dum Deo sitire dicitur. Caro vohm-
dum exteriores actus cxsequamur. tariis aflicta disciplinis, nonne Deum ad propitiationcm
7. Opera enim bona et prioremdeformitatem operiunt, fleclere nitilnr? Ipsa ejus propter Deum supplicia, quae-
ne ad noxam imputetur et decorem qucmdam et ve- : dam ad eum supplicationes sunt. Eleemosina pauperi
nustatem conferunt, ut ad gratiam reputetur. Bona ergo misericorditer impensa exorat : carnis propriae delectatio
veslimcnta, bona sunt opera qua? simul ornant, et : discrete repressa, cur non et ipsa orationis habet efTec-
oranl. Et quod orncnt, manifestum qnidcm est; sed non tum ? Voluptatis reprcssio, qusdam est votorum exprcs-
omnium ornatus redolet thura, non orationis specimen sio, et dcsiderii aliam suspirantis. Ora-
dclectationem
tenet. Deniquc cujus opera ct patcnlia, el publica, os- tionis fcrvidae elTectus in sinu cordis verlitur et conver-
tentationem et inanem jactantiam redolent, non suppli- titur. Thura in exterioris abstinentite vestlmento suaviter

I
SERMONS SUR LE CAMIQUE DES CAXTIQUES. 189
pauvrepar un sentiment de misericorde, prie : pour- s'y trouve renverse. C'est par les ceuvres en elt'et
quoi les delectations de la chair, reprimee selon la qu'il faut commencer, et non par la parole. Les ac-
regie, n'auraient-elles pas, elles aussi, I'efiicacite de tions et les paroles du centurion Corneille furent en
Le chatiment de la volupte est conime
la priere ? effet recues et exaucees en premier lieu. [Act.
une expression de desirs, et de desirs qui appellent x, U.) La foi purifia ensuite les coeurs et eniin sur :

une jouissance autre et meilleure. L'etTet de la lui et sur les siens descendit le saintEsprit et lis
priere fervente se produit daub le coeur et s'y re- parlaient diverses langues. Les apotres, eux aussi,
Trois choses
produit. L'encens fait sentir ses parfums dans le apres I'ascension du Seigneur, pex'severadent tous """^ rcndent
vetement de I'abstinence exterieure. Excellente pa- 111dans
ensemble 1
la priere
• >

:
1

les
, ,
jours de la promesse an Seigneur
aprfables

rure qui fait que I'ame n'est pas tant revetue de etant accomplis, la bouche,
ils furent remplis de I'Esprit saint,
I'esijrit,
chair, que du jeune et de la privation des jouissan- et se dispersant, ils prechereut en tous lieux, D'a- I'cEuvre.

ces grossieres. La continence virginalc est un bord ils repandirent leur Hme dans la priere, en-
excellent habit : elle exhale une odeur suave suite I'Espritenflamma leurs coeurs et ainsi ils ,

comparable a celle de l'encens, soitpour celui qu'elle communiquerent aux autres la grace qu'ils avaient
aime, pour elle-menie qui le cherit. Quoique
soit recue en eux. Par I'attente et le desir, ils se tour-
amour, en Toffrant, elle
ce soit qu'elle offre avec nerent en premier lieu vers le Seigneur ensuite le :

ne pout s'empecher d'eprouver une vive delectation. Seigneur s'inclina vers eux, et enfin convertis eux-
Car toutes les douceurs que Ton vante en elle, elle memes, ils reforment et contirment leur freres. Que
les ressent et les goute. Elles viennent de son coeur vous consideriez dansles apotres, soit la saint etede la
et elles j sejournent. Un rayon de miel est sur ses vie, soit I'influence de Dieu, soit le rainistere de la pre-
levres, le miel est sous sa
langue et ses habits re- dication, tout cela leur sert de vetements, tout cela
pandent I'odeur de l'encens. Toutes ces choses que lescouvre et les orne. Qu'est-il reste en eux de nu
Ton sent avec tant de plaisir, et dont on jouit avec on des taches anciennes, eux qui brillent do I'eclat
tant de ravissement, sont aussi pres que possible joyeux de la doctrine et de la saintete ? C'est pour-
d'elle. « Les paroles de ma bouche », disait David, quoi la beaute est grande en eux, mais I'abondance

« vous plairont, et la meditation de mon coeur est de leurs ceuvres n'est pas moins considerable. Est-
constamm at devant vous, » (P^-. xvui, 5.) En ce ce que ces vetements
ne repandent pas une odeur? Lg, apatres
passage vous trouverez I'un et I'autre de ces biens : Quel N'est-il pas comparable aeticshommes
est leur parfum?
1 •
i> ' « , 1 ..,
1 ,. apostoliques
etpour que rien ne manque au comble de la grace, celui qu exhale 1 encens ? Lorsqu lis distribuaient, a ne cherchent
sous le terme d'habits, on designe un troisieme bien, ceux qui etaient serviteurs comme eux, I'argcnt de
gloire mais
la qualite des ceuvres. Des levres, tombent les pa- leur maitre, ils n'ont 'pas soullert que
^
la moindre bjen celle
de Dien.
roles : sous la langue, coulent les meditations don- partie en restat secretement sur eux, ils n'en out
ees comme le miel : Fornement des veteuients re- rien detourne frauduleusement ils secouent do :

pand ime odeur d'encens. leurs mains, meme la retribution de la louange et


8. Que poasez-vous qui manque a la gloire de rapportcnt tout a la gloire de Dieu. Semblables au
celleen qui la bouche, I'ame et Taction plaisent ciel, ils sont revetus d'une eclatante lumiere, mais
egalement? Ce nombre compreudtout, mais Tordre le firmament chante, non sa gloire, mais la gloire de

fragrant. Et bonum omnino veslimenlum, quandoanima cnim inchoandum est, non ab eloquio. Cornclil Ccntu-
no[\ tam carne vcstitur, quam carnalium jcjunio quodam rionis primo opera et orationes exaudi(a> sunt (ide :

et tcmperuntia voluptatum. Bonum omnino vestimentum corda mundata sunt dcinde super ipsum cl super suos
:

continentia virghialis suavem redolet et velut thuris


; Spiritus cccidit, ct crant loqucnlos Unguis. Ipsi Apostoli
odorcm, vol illi quem diligit, vel sibi quae diligit. QuiJ- post Asccnsionem Domini unaninics pei'sistcrunt in ora-
quid cum ciilectiono ofTertur, non potest t\jus delecta- lionc complctis promissionis diebus rcplcti sunt Spi-
:

tione non peifrui ipsa quae offert. Omnis enim haecdul- ritu postea prolecti pra-dicaverunl ubiquc. Primo in
:

ccdo qua2 praedicatur in ca, sentitur et ad ipsa. Ab ipsa oratione profusi sunt, deindc Spiritu infusisunt, ct sic :

manat, et in ipsa manet. In labiis favus, sub lingua mel, quam susccpcrant aliis graliam ipsi profundunl. Primo
et in vestimenlis ejus redolcntia thuris. Proxima sunt cxpeclatione ct desidcrio convcrsi sunt ad Deum sc- :

ipsi univcrsa haec, quorum tam gratus est sensus, et cundo ad ipsos facta est Dei conversio terlio ipsi con- :

perfruilio dulcis. Erunt, inquit David, ut complaceant vcrsi confirmant fralres suos. Scd sive
conformant et
eloquia oris met, et meditatio cordis met in conspedu tuo sanctitatcm visitationem divinam, sive verbl
vitoe, sive
semper. Habetis hie utraque haic et ne quid dcsil ad : ministcrium in Apostolis altendas; omnia hmc vcsiimen-
cumulum g-ratia^ sub vesLimentorum vocabulo operuni torum vicem tenent, his omnibus oporii el ornati sunt.
qualitas tciiio loco profertur in medium. In labiis slil- Quid in iilis rclictum est aut nudum, ant vclustate pris-
iant eloquia sub lingua mcdilationes mellea; lluunt
: : tina sordens, qui lam fcslivo et vcrbi ct virtutis cullu
vcsiimentorum ornatus thuris spiral odorem. resplendent? Eximius iliiquc cnlliis in illia, scd nee co-
8. Quid illi censes docsse ad gloriam, in qua haec tria pia minor. Quidnam bar, vcstimonia redolent? qualis
complacent, os, animus, opus? Hoc numero omniacom- estodor eorum? Numquid non sicut thuris? Cum Do-
prchensa sunt, sed ordine conversa sunt. Ab operibua mini pccuniam consorvis crogaiit, non indc penes so
190 L'ABBE GILLEBERT.
Dieu. Saint Paul vous a ourdi par ses paroles des
habits indissolubles et legers, et selon votre capacite, SERMON XXXV.
il vous dispose unvetemenl forme, pour ainsi parler,
d'intelligence et de lumiere; les sentences de la sa- Vow? iles un jnrdin ferm^, 6 mon epouse, ma sreur,

gesschumaine n'y entrent cependant pas, compose etc. (Cant, iv, 12.)

uniquemont qu'il est, de la doctrine inspiree par


I'esprit de Dieu. (i. Cor. ii, U.] Aussi les vetements « Vous etes un jardin ferme, 6 epouse ma soeur ,
qui I'habillent, ou qu'il a disposes pour vous, n'exha- un jardin ferme, une fontaine scellee. » D'abord,
La recherche lent que les parfums de I'encens. L'affectation et la d'apres ces paroles, comprenez I'amour du bien-
paroies^et d^e recherchp trop grande dans les paroles, semble in- aime qui exprime ses louanges en des termes pa-
la subtihte gloire;7 et ceux qui,
(Jiauer
^ Tattachement vaine o
ii la i reils. II parait ravi celui qui n'est pas content
est nn indice •

de vanite. sans viser a la beaute du discours, poursuivent dans d'avoir loue une fois. Ce serait chose considerable
les matieres subtiles, les considerations trompeuses s'U prononcait simplement, et xme fois, I'eloge de
et hardies, en s'aventurant trop pour obtenir une celle a qui U s'adresse. Mais en cet endroit, il fait
vaine faveur, avancent quelquefois des blasphemes. resonner a ses oreilles, les paroles les plus agrea-
Ces vetements-la n'ont nuUement I'odeur de I'en- blement flatteuses, et il les lui repete. Pourquoi ne
cens. On n'excepte rien dans les ornements de I'e- se plairait-il pas a se j^jouir sans cesse des quahtes
pouse, puisqu'on dit generalement : « L'odeur de extraordinaires de celle qu'il a admise ii I'honneur
vos habits est semblable a celle de I'encens. » heu- de son alliance Pour recevoir les
matrimoniale ?
reux serais-je si I'un ou I'autre de mes habits droits qu'apporte une telle imion, on ne pouvait
une odeur pure d'encens queue corromprait
exhalait choisir qu'une personne digne de les avoir, et une
aucun melange etranger Car, que tous les habits,
!
fois choisie, cette personne ne pouvait etre medio-
sans exception, repandent ce parfum. personne, a crement aimee. N'est-il pas juste que cette epouse
mon jugement, n'ost arrive a ce point, s'U n'a pas s'attache a plaire a sou bien-ainie, en ce qui I'a
encore merite d'etre place au rang des epouses rendue ravissante a ses yeux II loue, U prepare, il
.'

par Jesus-Christ notre Seigneur, I'epoux des se plante un paradis de volupte, cet epoux qui
Spouses. orne ainsi son epouse, il la compare au paradis de
delices. « Voici », dit Isaac, « que I'odeur de mon
flls est comme I'odeur d'un champ rempli que le

Seigneur a beni. » [Gen. xxvu, 27.) L'epouse n'est


pas assimilee a \m champ, mais bien a un jardin
dans lequel on admire les fleurs spirituelles, et oii
I'on cultive les plantes aromatiques. C'est dans ce
jardin, o bon Jesus, que vous descendez avec plai-

quicquam vel furtim residere passi sunt, nihil indefrau-


dulenter sibi decerpentes : etiam a laudis munere ma-
num excutiunt, omnia referendo ad gloriam Dei. Quasi
SERMO XXXV. I
cceli decoro vestiti sunt lumine, sed cceli cnarrant, non
suam, sed gloriam Dei. Ipse tibi Paulus subtilia et in-
Hortiis conclusus es, soror mea sponsa etc. Cant. 4. d.

dissolubilia qusedam vestimenta verbis suis contexit, et


pro capacitate tua, luminis et intelligentia? coaptat amic- i. Hortus conclu-ius es, soror mea sponsa : horfus
tum, non tamen in persuasibilibus humanae sapientis conclu-ius, fons signatus. Prime ex verbis suis lauda/o-
verbis, sed in doctrina Spiritus. Idco vestimenta quibus ris huj us affectum pensate. Oblectatus videtur, qui non
vel ipse tegitur, vel quae tibi contexit, nonnisi thuris ha- est contentus laudasse semel. Et quantum esset, si vel
bent odorem. Nam afTeclata verborum lascivia et cultus, simpliciter et sine repetitione ejus quam alloquitur, elo-
inanis et levis glorias redolere videtur affectum. Et qui queretur praeconia ? Nunc autem
et exquisitis ad illam
non leporem eloquii, sed lubricas et fallaces disputatio- utitur blandimentis, et congratulando ipsa congeminat.
nes subtilioris sectan*ur materiae, dum se nimis propter Quidni quam in matrimonii delegit gratiam, non ejus
inanem favorem extenuant, aliquoties intexunt blasphe- dotibus eximiis aggaudebit ? Non poterat in tam dulcis
mias.Non ergo odor vestimentorum ejusmodisicutodor necessitudinis jura nisi digna eligi, nee jam electa te-
thuris. Nullum in vestimentis sponsae excipere videtur, pide diligi. Numquid non aequum est, ut et ipsa in ta-
dum indefinite pronunciat : Odor vestimentorum tuorum libus ei placere studeat, qui sic ipsam probant? Ipse
sicutodor thuris. Q m felicem, si vel mium, vel alte- probat, ipse talem parat, ipse plautat sibi paradisum vo-
ram in me vestimentum, integrum reddat thuris odo- luptatis, ipse qui talem eam comparat para-
parat, ipse
rem, nee aliqua admixtione peregrina corruptum. Nam dise deliciarum. Ecce, inquit Isaac, odor fi/ii mei, sicut
ad banc mensuram, ut omnia ejus indumenta velut odor agri pleni, cui benedixit Dominus. Hapc autem non
thura redoleant, neminem accessisse puto, qui necdum agro confertur, sed horto ; ubi spiritualis ^idetu^ plan-
in sponsarum sortem meruit ascisci a Domino Jesn tatio riorum, et aromatum cultus uberior. In hunc hor-
sponsarum sponso. tum, Jesu bone, libenter descendis ad areolas aroma-
:

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 191


sirpour respirer les parfums, pour prendre votre sant de s'y introduire perQdement. Ce jardin rem-
repos, pour le soigner et le garder. « Vous etes un pli d'arbres etait agreable : j'en trouve un prefera-
jardin ferine, 6 ma soeur, mon epouse, » dit-il, ble queje vols place dans son ame. II n'eutservide
tion
din
« A"ous etes un jardin ferme. » Par ce jardin, mes rien que le serpent fut entre dans le premier, s'il
freres, entendez les delices qui se ressentent dans n'avait point penetre en celui-ci. II fut admis et de
I'interieur de I'ame : par sa cloture, entendez le suite Adam sentit son venin. Qui secoue la haie, le
soin avec lequel on la garde. Qui trouverez-voixs de serpent le mordra.
{Eccle. x, 8.) La haie est une
semblable a un jai'din, si ce n'est celui dont I'ame bonne garde, separe la terre cultivee de celle
elle
est embaumee d'affections spirituelles comme un qui ne Test point, et elle la protege. Placez-la,cette
Adam
jardin rempli de plantes odoriferantes ? Quel doux haie, autour de votre jardin, de crainte que si on mauvais
gardien de
sanctuaire ! quelle agreable retraite dans le coeur I'enleve, que
on detruit ce nmr, vous ue soyez
si
son jardiD.
de I'epouse, dans un coeur assez emaille de fleurs, livre a des ennemis qui vous dechirent et vous
pour qu'on le compare a un parterre. II n'y a aucune foulent aux pieds. Le jardin d'.\dam n'etait pas
racine d'amerlume qui germe dans ses rejetons et ferme a I'esprit infernal combien ensuite son :

qui gate les racines de cettericheterre.Touteplante entree fut severenient interdite a notre premier
que mon
pere celeste n'aura pas mise en terre, en pere cbasse et exile ! II ne lui est pas facile de
sera entierement arracliee. C'est le Seigneur lui- revenir an lieu d'oii il est tombe avec ime facility
meme qui aetabli ce jardin de delices, dans la pen- si inconsideree. II mange son pain a la sueur de
see de le travailler et de le garder seul. 11 s'y occupe son front, celui qui cueillait a discretion dans le
de deux manieres, il emonde. II plante,
plante et il Paradis, les fruits de I'arbre de vie. Main tenant le
afm qu'il s'v trouve des herbes bonnes il emonde, : pain est son aliment, alors il se nourrissait des
afin qu'il donne des fruits avec plus d'abondance. fruits de vie. Dans le Paradis, le Seigneur produisit
11 plante, afin qu'il y ait de bonnes semences plei- tout arbre agreable a la vue et delicieux pour la
nes, emonde, pour que ces semences ne soient
il nourriture. Chasse de ce lieu, Adam travaille sur la
pas affaiblies. De quoi sert-il de mettre en terre des terre ; ce n'est pas le Seigneur, c'est la terre qui
semences choisies, si le travail de purgation ne lui olFre, apresson travail, des epines et des ronces.
vient les conduire ensuite a leur plein developpe- Le Paradis donne gratuitement ses fruits la terre :

ment ? Le soin diligent de la discipline ne produira les refuse presque au travail de I'homme. Change-
rien, si la vigilance ne I'accompagne pas. II a et raent malheureux mais vous. Seigneur, vous
:

discipline et vigilance, celui qui est compare a un punissez, etavec justice, tons ceux qui, en se separant
jardin, et k un jardin ferme. de vous, commettent une sorte de pecbe de fornica-
a
est
du 2. « Vous etes un jardin ferme, 6 mon epouse, tion. {Ps. T.xu, 27.) II est chatie avec raison, celui
sans ma soeur. » Adam garda mal le jardin dans lequel qui, par cette sorte de faute, perd des biens si pre-
tare.
11 avait ete place, il n'empecha pas le serpent glis- cieux; il ne merite plus d'entendre ces tendres

turn : lit cubes in eo, ut colas et custodias ilium. Hor- meliorem in ejus animo plantatum intelligo. Nihil ob-
tus, inquit, conclusus, soror mea sponsa, hortus conclu- fuisset in ilium corporalcm irrupisse, si non irrcpsisset
sus. Per hortum internas, fratres, intelligite delicias per ;
in istum. Admissus est coluber, et statim ejus persensit
conclusionem, disciplinam custodiae. Quern dabitis iiorto venena. Qui enim dissipat sepem, mordebit cum colu-
similem, nisi cujus anima spiritualibus sic affectibus ber. Bona custodia sepes, qute culta ab incultis separat,
redolct, sicut aromaticis floribus iiortus? Quam jucun- et servat iltesa. Circumda ergo hanc horto tuo sepcni,
dum penctral, quam suavis recessus in pcctore sponsae, ne si fucrit ablata sepes, destructa maccria, in dircplio-
in pcctore tam florigero, ut liorto comparetur ? Nulla in nem et conculcationcm lias. Non erat lile reclusus hosti
eo radix amaritudinis sursumgerminaus, per quam horti ejecto et cxuli indc quam graviter est interclusus? Cum
hiijus impedi^ntur delicis. Omnis plantalio quam nou difficultate regredilur unde incaula facilitate prolapsus
plantavit Pater mens cffilesfis, non invenietur in eo. est. In sudore vuUus pane vescitur suo, qui in paradiso
Denique ipse plantavit hunc hortum voluptatis, ut solus de vita' ligno ad libitum poma carpcbal. Hie vescitur
operetur et custodiat ilium. Gemino quidcm operatur pane suo, ibi vIUb fructibus. In paradiso produvil Do-
modo, plantans et purgans. Plantat, ut sit omnc ei se- minus onine lignum pulchrum visu, et ad vescendum
men verum : fructum plus afTerat. Et
purgat vero, ut suave. Laborat in terra cjectus Adam et non Dominus, ;

planlatur ut semen verum


et purgatur ut semiplc-
sit, sed ipsa terra spinas et tribulos germinal operant!. Pa-
num non sit. Quid proderit plantatio facta ad veritatem, radisus gratis dat fructus suos terra laboranti nee sues. :

si purgatio dcsit ad ubertatem? Nihil conferet cul- Commutatio miscra, sed tu Doniinc perdis, cl juste,
tura dihgens disciplina;, si custodia desit. Neutro omnes qui fornicantur abs te. Jure perditur, qui lam ca-
destituitur qui assimilatur horlo, et horto con- ras ncccssitudincs pcrdil fornicando nee ultra merctur :

cluso. ha'C blandinienla aiidirc, ut vocctur soror, ut sponsa,


2. Hortus conclusus, soror mea sponsa. Male hor- ut horlus, et horlus conclu\n.s-, qui neminem nisi diiec-
tum, in quo positus crat, custodivit Adam contra lubri- tum admittaf. Porta paradisi lui semper clausa sil, soli
cum fraudulcnti serpentis ingressum. Jucundus quidem principi palcat. Non dejicialur in sccuri, et ascia janua
ille corporalium paradisus lignorum sed ego mullo ; ejus. Unus sit ibi aditus, ct hie coramissus Cherubim.
192 L ABHE GILLEBERT.
expressions, d'etre appele « soeur, epouse, jardin et toutefois en goute). II ne sail pas etrc un jardin,
il

jardiii ferme, » s'il n'excluttous les autres, le bien- celui qui ne sait pas etre ferme.
aime excepte. Oue la porte de voire Paradis soil 3. « Jardin ferme, fontaine scellee, ce que vous
toMjours close, qu'elle ne s'ouvre que poiir le produisez forme un paradis de grenadiers avec les
prince. Que labache el la scie ne I'enlevent pas. fruits des arbres fertiles. « L'epoux rapporte k tro's Troiil
reo
Qu'elle n'ait qu'un passage, et que ce passage soit chefs les eloges de ce jardin, il est ferme, il est
Atm qnel garde parun cberubin. Que rien ne la francbisse arrose, il est parfume. Le premier de ces details Mi
soin DOBS
derODs
sans avoir ete eprouve par le glaive de feu, rien de donnela securile ; le second, amene la fertilite; le
garder Dotre reprouve parla parole de Dieu, rien que n'approuve troisieme se rapporte aux plantes qu'il produit et
s^toel. lacbarite, rien qui ne tende a la perfection et a la aux cb amies de ce lieu. Ne vous parait-U pas
plenitude de la loi. La plenitude de la science est agreablece jardin si abrite, si fertUe et si utile?
dans le cherubin, et la plenitude de la loi est la Non-seulement est utile, mais les parfums qu'il
cbarite : cette vertu englobe tons les commande- exhale, font qu'il est rempli de deUces. Qui de nous
ments. Que ce soit la la garde de flamme qui vous oserait prendre pour lui de pareilles louanges? qui
enviromie, que son ardeur consume sur le cbamp croirait que des expressions si douces sont dites
toute indignite qui voudrait en forcer I'entree. Cette pour lui ? Plaise au ciel que, si nous aimons h etre
barriere ne convient-elle pas a I'araour, qui retient fertilises de ces eaux, et a produire des aromate>^.
toujours les affections de I'epouse, les concentre sur nous ne refusions pas non plus d'etre fermes et
un seul point, dans I'interieur de son ame, en ce scelles. Ces plaintes odoriferantes ne croissent que
lieu ou ses delices sont d'etre avec le Fils de Dieu? dans le jardin ferme qu'arrosent les ondes de la

Excellent rempart que la cbarite : mais elle a son fontaine scellee. Que votre fontciine soit done scellee,
avant-mur. La dilection est comme la muraille, la qu'uue effusion prodigue n'epuise pas ses eaux :

severite de la regularite lui sert d'avant-mui-. Elle qu'elle soit close pour suffire a fertiUser votre ame.
reuferme les saintes pensees etles doux sentiments; Divisez vos eaux sur vos places : possedez-les vous
elle repousse et ecarte les occasions de peclier. seul, que les etrangers n'entrent pas en participation
L'une fournit le repos qui permet de se livrer faci- avec vous. Sur les places, ai-je mais sur vos dit,

lement aux joies de la dilection ; Tautre en jouit. places, et que les aromates des vertus croissent pour
L'lme est une barriere agrcable, I'autre une separa- vous, comme si vous etiez le long des eaux sur des
tion necessaire. L'une vous ferme au milieu des places. Comment ne sera-t-il pas une fontaine scel-
delices celestes, I'auti'e repousse les jouissances lee, celm que le Pere a marque de son signe, et qui
terrestres. S'U enti'^ dans vos des'u's d'offrir votre sort de cette source de vie? « Celui, » dit-il, « qui
caur a Jesus-Cbrist comme uu jardin plein de boira de cette eau que je lui donnerai, il y aura en
suaves jouissances, ne voyez pas avec peine cet lui une source d'eau qui jaillira a la vie eternelle. »
avant-mur qui vous retient. Qui murmure de cette {Joan.iv, 13.) Par cette fontaine qu'on appelle scellee,
ceinture desire perdre les delices qu'il goute (si entendez une doctrine marquee, spirituelle, particu-

Nihil admittal ur non examinatum prins gladio flammeo, 3. Hortus conclusus, fons signatus. Emissiones tuce
nihil quod verbum Dei reprobet, quod nonapprobet ca- paradisus malorum punicorum, cum pomorum fruciihus.
ritas, quod non ad perfectioncm et pleniludinem leg-is In tribus hujus horti laudes absolvit, conclusus, et irri-
accedat. Plenitude ergo scientia? Cherubim, et pleni- guus, et aromaticus. Primum securitatem confert se- :

tudo legis caritas in qua omnia concludunlur mandata.


: cundum fertibtatem ; tertium et ad germina quje produ-
Ha?c sit tibi custodia flammea, ut quicquid irrumpere cif, respicit, et ad gratiam. Xonne nobis grains hortus

indignum momenlo et non


tentaferit, sub lentc consu- iste Aidetur, tam integer, tam uber, tarn utilis? Nee
mat. Numquid non commode dUectioni est assignata tanlum utUis est, sed aromalicis ctiam abundans deliciis.
conclusio, quae sponsae semper constringit affectus, et Quis nostrum has ad se laudes audeat attrahere? Quis
concludit in idipsum, ad inleriora semper convertens, hcBC sibi dici blandimenta pra?sumat ? .\tque utinam si-
ubi debcise ejus sint esse cum Filio Dei"? Bonus dilcctio cut irrigationem et germinationem opfamns aromatum,
mnrus : sed hahet hie munis antemuraJe. Dilectio quasi sic concludi signarique non detreclemus. Non enim im-

mums est, antemurale regularis districtio. Ilia cogita- missiones iUas aromatum producit, nisi hortus conclu-
tiones sanctas, et affectus dulces includit ; haec occa- sus, et fontis signati fluentis imguus. Signetur ergo
siones delinquendi repelbt et excludit. Ha?c opportuni- fons tuns, ut non effusione prodiga totus exsiccetur ?
tatem vacationis ad amoris praestat ofQcia Ula perfrui- ; signetur, ut ad irrigandum tibi sufficiat. In plateis tuis
tur. lUe mutus grahis est, hie necessarius. Ille te coe- aquas tuas divide habeto eas solus, ut non sint alieni
:

lestes inter delicias claudit ;mundanas.


iste proscribit participes tui. In plateis, inquam, sed in tuis aquas di-
Si tibi voti^-um est, cor tuum velut hortum debciarum Aide, ut virtutum aromata tibi ace rescant; ac sijuxta
pra-stare Christo, non aegre feras hoc antemuraU si con- aquam in plateis. Quomodo non erit fons signatus, qui
cludaris. Debcias pei-dere vult quas habet (si tamen de fonte illo vit^e profluit, quern signavit Deus Pater?
habet) qui de munitione submurmurat. Hortus nescit Qui, inquit, biberit de aqua hoc, quam ego do : fiet in eo
esse, qui nescit, esse conclusus. fons aquae salientis in vitain ceternam. In fonte hoc
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. i93

Here et separee des pensees du siecle


; ou bien une ne ressent point I'influence de la joie spirituelle. Et
doctrine,ou ceiHaiaement une devotion frappee au ce qu'elle produit est semblable a une racine qui
coin d'une douceur eminente, speciale a cfuelques germe dans une terre dessechee, i une racine, non i
clmes, coulant a tlots coutiuuels ct abondants. des fleurs, non a des fruits. A une racine c'est-i- :

•Uon C'est elle qui prodiiit tousles fruitsjoyeuxdesvertus. dire a une plante qui ne recoit que peu de sue, ou
et C'est elle qui fait multiplier avec joie, les bouues meme aucune influence de sa base.
jes oeuvres, comme si elle penetrait I'iuteritur des os Aussi on parle d'une fontaine pour vous faire
k.
^- pour les feconder. Cette devotion vive et particulie- croire que ces tiges joyeuses s'elevent dans un
re envers Dieu, rejouit la face de I'ame ; semblable jardin fralchement arrose. II est des jardins arroses
k une fontaine scellee et privee, dostinee a cet par des eaux que I'art a amenees ; elles viennent du
unique emploi, elle arrose le coeur de I'epouse et dehors, elles n'y ont pas coule de tout temps, elles
fait germer en elle ces plantes, qui sont les delices n'ont pas jailli de son sein. Mais le bon jardin c'est
de I'opoux. Qu'ello suit done bien fermee, qu'il ne celui au sein duquel naissent les eaux. C'est la fon- ce qn'est la
fontaini:
lui arrive point deprouver ce qui est ecrit « votre : taine scollee et propre, « fontaine » porte le
scellde.
fontaine est troublee par le pied du passant, c'est texte, « fontaine scellee, » c'est-a-dire coulant tou-
un cours d'eau souille. » [Prov. xsv, 26.) Votre bien- jours du fond du jardin et inaccessible a la corrup-
aime ne sait pas boire h une; fontaine salie. La « tion. « Fontaine « car elle coule toujoiu's : scellee
lumiere de votre visage, o Seigneiu', a ete marquee parce que jamais elle ne disperse ses ondes mal a-
sur nous, » s'erie le Psalmiste, « vous avez place la propos. Peut-etre aussi I'appelle-t-on fontaine scel-
joie dans mon coeur. » [Ps. iv, 7.) Appliquez cette lee, parce que si les autres ont leurs fontaines,
joie a I'irrigation du jardin. « 11 se rejouira en celle-ci est reservee paiiiculierement pour la soeur
germant, a la fraicbeiu' des gouttes d'eau de cetle et I'epouse, et destinee uniqucment a I'honneur de
fontaine. [Ps. lxiy, 11.) Nevous souvenez-vous pas ce service. La source de la sagesse est tres-excellen-
de cet endroit de la Genese ou il est dit qu'une te, mais elle coule pour nous comme si elle etait

source montait et arrosait toute la face de la terre? scellee : elle ofi"re de la douceur, mais on ne la
(Gen. II, 6.) La terre encore produisit ses fruits, elle connait pas dans toute sa limpidite. Elle est fermee,
ne conuut pas alors les ronces et les epines. Qui et fermee sous des figures. Dans I'Apocalypse, on
donnera de cette eau a mon petit jardin, qui fera montre un livre place dans les mains de celui qui
boire a mes fleurs les ondes de cette fontaine scel- est assis sur le trone, et scellee de sept sceaux. {Ap.
lee ? qui realisera cet heurcux effet, que toute la face v, 1.) Fontaine ou livre ont la meme signification;
de cette terre soit arrosee des ruisseaux de la lu- I'un et I'autre marquent I'intelligence : mais le livre

miere et de la joie, qu'il n'y ait pas un coin qui soit et la source sont scelles et enveloppes de figures et
sterile ou attriste parl'absence de la devotion. Elle d'enigmes. lis sont scelles, ils apparaissent sous cer-
est voisine de la sterilite, Factivite, qui est triste et taines marques exterieures et se cachenl sous leur

quem signatum vocat, slgnatam quamdam, et spiritna- radix ascendit dc terra sitienti. Quasi radix, non
lem, et propriam, et a sseculari sejuncta doctrinam intel- quasi florcs, non quasi fructus. Quasi radix hoc est :

ligc ; ant doctrinam, aut certc devolionem privilcgio aut parum, aut nihil plus liabens in radicc.
dulcedinis signatam, et quasi singularcm, copiosc lliicn- 4. Ideo fontis inducta est mentio, ut gcrmina Icetacrc-
lom ct jugilcr. Il;rc est qiuE omnia virtiitnm la^fa rcddit das erumpcre in horto irriguo. Et est cquidom hortus,
genimiiia. II;nc est fortium opcrum cxhilaralio, ac si cujus aqua^ fortuitffi sunt, ct quasi deforis adscita*, non
quaedam iriigatio ossium. Gaudium cnim cordis cxliila- perennes, non propria^ Bonus autem hortus, cujus fons
rat faciem hisc singiilaris devolio in Dcum,
ct insignis in ipso nascitur. Fons signatus et proprius, Fons, inquit,
quasi fons signatus ct propriiis, segregalusque in hoc ei fons signatus : id est jugitcr intus erumpens, ct non
ministei'ium, ut cor sponsa^, ac si liortum quemdam, valciis corrumpi. quia ubcrtim tluit
Font, siynatu^, :

irriget in sponsi dclicias. Signetur ergo, utnon fiatjiixla quia ncquaquam percftluit. Aut idco dicitur fons signa-
quod scriptum est Fons (iius turfjatu.9 pede, et vena
: tus, quia ctsi aliis alii fontcs sunt, sorori ct sponsa; spe-
corrupta. Alioquin nescit tuus diiectus de pure * fontc cialis fons est ct proprius, ct quadam pra^rogaliva signa-
potare. Signatiwi est. inquit, super nos lumen vultus tus. Bonus omnino fons sapicntiiP, sed adhuc sub signa-
iui Domine, dedisli Icetitiam in corde meo. La'titiam ad culo nobis cmanat : dulcitcr sapit, sed nondum dilucidc
irrigationcm dellccte. Dcnique in stil/icidiis fontls horlws scilur. Signatus est, ct clausus sub (iguris. In Apoca-
Imtabitur gcrminans. Nonne rccolis de Gcnesi, quod lypsi liber ostenditur in manu sedentis super Ihronuni,
fons ascendebat, ct irrigabat totam faciem terrie ? Adhuc signaculis scplem signatus. Utriusquc ratio, et fontis,
terra dedit fructus sues, nondum novit spinas et Iribu- et libri, ad sapientia; special inlclloctum ;
sed uterquc
los. Qiiis dabit hortulo meo banc aquam, ct arcolis meis si"natus est figuris, ot a-nigmatibus involutua. Signalus
hunc fontem signatum? Quis dabit ut tota bortuli mei es°t, quibusdam cnim nobis intimalur indiciis, ct occul-
facies irrigua sit lajfitia; ct lucis rivulis, ut iiiliil in co tati'ir in ipsis : ct sicul in Apocalypsi libri signali legis
aut sterile sit,aut quadam indcvotione triste? Vicina apcrtioncs, ita ct hie signati ft)nli3 cmissioncs. Emis-
sterilitati videtur opcralio tristis, ct spiritualis gaudii siones, inquit, tu(e paradisus malorum punicorum ctwi
carens irrigalionc Uenique et si quid naacitur, quasi pomorum fructibus, Fons isle signatus quldom est, scJ

T. V. 13
;

194 r/ABn£ GILLKBERT.


enveloppo : et m6mo
quo dans rApocalypse vous
do Aussi les emissions glorieuses que repand au loin
trouvcz qu'on a ouvcrt ce livre fcrme, de merae en d'elle la fille du roi, viennent dc riiilcricur. « Ce qui La<

ce passage vous apprenez que la fontaine fermee s't'-cbappe de rayons autour de vous, c'est le Pa-
laisse echapper ses eaux. « Vos eaux qui coulent, » radis, » 11 faut que danscet interieur, soiententasses
ditrcpoux, ttproduisent un paradis d'oraiigers avec des tresors de delices, puistp^ie le Paradis entier en
des fruits d'arbrcs fertiles. » Celte source est scellee, sort. Vous avez ici et un paradis ferme, el un para-
mais elle n'est pas dessechee, puiscpe les ondes en dis produit.- L'un, dans les affections de la purete ;

jaillissent avec tant de gr^ce. La fontaine de la I'autre, dans les actes de lapiete. L'un est au-dedans,
sagesse est fcrmee, mais on la connait aux eaux I'autre en jaillit et le demontre. La conscience et la
qu'elle repand. « II yaura, » dit le propliete, « une conduite de I'epouse sont choses agreables. Car elle
fontaine ouverte dans la niaison de David pour propose toutes cboses avec utilite et les dispose avec
laver le pecheur et celle qui est souillee. [Zach. xui, suavite. Aussi vous remarquez conime une sorte de
1.) Celle-ci est ouverte, I'autre est fermee : cel!e-ci Paradis, dans son exterieuretdans sa conduite appa-
lave, celle-la conic : celle-ci purifie, celle-la fertilise; rente I'honnetete se montre et plait en chacune de
:

celle-ci enleve les peches, celle-la cause des delices ses actions, la suite eclate en I'encbainement qui les
celle-la est pour I'usage de plusieurs, celle-ci est relie, etla suavite, dansleurs dispositions reciproques.
reservee a I'epouse. Dans le Psaume qui est Elle agit toujours'modestement et avec tranquillite,
pour I'octave, voyez d'abord comment elle puri- la serenite de sa pudeur virginale n'est jamais alt6-
fle le lit, et ensuite comment elle I'arrose. . Ce n'est ree. En commencant Tenumeralion des qualites de
pas assez en effet d'etre delivre de la souillure, si ce Paradis, I'epoux place la pudeur, se servant, pour
I'allegresse ne vient pas a la suite, la designer, de la couleur qui ressemble a celle de
5. « Ce que vous produisez^ est comme un jardin la grenade « Ce qui parait en vous est \in Paradis
plante de grenadiers. « II en est ainsi, o bon Jesus, compose des arbres qui produisent la grenade.
11 en est ainsi. Ces eaux qui se distribuent, c'est 6. Par ces grenades on pent entendre la patience
vous qui les repandez par le ministere des bons des martyrs qui out ete empourpres de leur j)ropre
anges Ce jardin ne pourrait produire de pareilles
! sang. La pudeur a pour bonne compagne la pa-
vous n'aviez pas inilue dans son sein les
delices, si tience : dans I'eloge qui a ete fait de la sagesse, ces
cliarmes qui accompagnent les eaux vives. « Sei- deux clioses sont reunies : « La sagesse qui vient
gneur, la lumiere de voti'e visage s'est iniprimee d'en haut est d'abord pudique; ensuite elle est pa-
sur nous, vous avez verse la joie dans mon coeur. » cilique. » [Jac. m, 17.) La pudeur retient I'homme
[Ps. IV, 7.)Nous avons subi la marque de ce qui a dans la modestie et dans le respect qu'il se doit : la
ete imprime d'en haut sur nous. Celui qui recoit du patience supporte avec egalite I'immodestie des au-
ciel I'image produite par la lumiere divine, recoit tres. L'une temperelesmouvementsvenus du dedans,
aussi en son coeur I'abondance de la joie spirituelle. I'autre resiste aux attaques venues du dehors. L'une

exsiccatus non est, cujus tam gratiosae sunt emissiones. lis est, et conversatio sponsae. Omnia
conscientia, et
Signatus est fens sapientiae, sed ab emissionibus ejus enim et proponitet disponit suaviter,
utiliter, Ideo
cognoscetis earn, E/'ii, inquit, fons patens "Idomns David quasi paradisum quemdam cernas in ejus habitu et eperc
in ablutionem peccatori-! el meHsiruatw. Ille patet, hie cxteriori, dum honestas placet in singulis, et series in
signalur ; ille abluit, Lie aliuit : ille lavat, hie rigat : collatis, et suavitas in dispositis. Modeste et cum tran-
ille purgat delicta, hie producit delicias : ille communis quillitate omnia agit, ut virginalis in ea verecundise non
multorum, liic specialis est sponsae. Ibi remissiones violctur serenitas. Deniqiie dotes enumera- et paradisi
Cunt, hie emissiones. Inpsalmoprooctavavide quomodo turus incipil a verccundia, in ejus designationem propter
prime lectum lavat, deinde rigat. Non enim est satis a colorem slmilem punica mala proponens. Emissiones tu^
fcBditate lavari, nisi et fceeunditas sectetur. paradisus malorum punicorum.
Emissiones tuw paradisus malorum punicorum.
5. Potest et in malis punicis Martyrum intelligi pa-
6.
Ita Josu bone, ita est. Emissiones ist<e, immissionessunt ticntia, eo quod proprio sint sanguine rubricati. Et bona
tuse, immissiones per Angeles bones. Non posset talcs pudicitiae comes patientia, quae in laude sapientiae sibi
cmittere delicias, nisi tu intrinsccus delectationes aquae connectuntur, sicut scribitur Sapientia quw desursum :

vivae immisses. Siynatum est super nos lumen vultus iui est, prima quidem pudica est, deinde paciflca. Pudicitia
Domine, dedisti Iwtitiam in corde meo. Signatum est su- modeste se et pre dignitate temperat patientia alienam :

per nos, quod desuper nobis impressum est. Cui divini immodesliam aequanimiter portat. Ilia propries motus
luminis imago desuper imprimitur, intus in corde laeti- informal, hsc alicnos impetus infringit. Ilia decor est,
tiae spiritualis ubertas exprimitur. Ideo gloriosa; emis- hajc fortitude. Ideo dicitur Fortitudo et decor indumen-
:

siones fdiee regis ahmlns sunt. Emissiones tuce paradisus, tum ejus. Primo, inquit, pudica est, deinde pacifica : et
Non sunt exiguae deliciarum intrinsecus copiae, de qui- pest aliquanla subjungit : Plena operilus bonis. Bonum
bus integer paradisus emiUitur. Utrumque habes, el pa- est enim persecutionem pali, sed propter justiliae fruc-
radisum cenclusum, et paradisum emissum. Ille est in lus. Idee emissiones ejus malorum punicorum sunt, sed
puritatis affectibus, hie in actibus pietatis. Ille intus est, cum pemorum fruclibus. Bona quidem pudicitia sed si :

hie de illo procedit, et probat ilium. Utraque delectabi- otiosa non est, non affectata, non ficta, sed fructum
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 195
est beaut^^ I'autre est force. Aussi il est dit : « la point h la briser ; elles supportent avec patience
force et la beaute forment son vetement. « [Prov. qu'elle les retienne dans tine sorte de lit, comme si
XXXI, 25.) « Elle est d'abord piiditpie », porte le elles voulaientexprimer, en une certaine facon, cette
texte sacre, « ensuite pacifique «, et apres phisiours parole « voici combien il est bon, combien agrea-
:

^loges on ajoute «pleine de bonnes oeuvres.»


: II est ble, pour des freres, d'babiter ensenibk-. » (P*.
bon de sonfliir persecution, mais afin de recueillir cxxxn, 1.) N'est-ce pas dans notre ordre, mes freres,
les recompenses dues a la justice. Ce que I'epouse que brille, comme dans I'ecorce de la grenade, la
fait paraitre au-dehors est comme les grenades, passion de Jesus-Cbrist par les efforts (^uc nous fai-
mais unies aux fniits des arbres fertiles. La pudeur sons pourl'imiter? lis sont semblables aux graines
est bonne, mais quand elle n'est pas oisive, pas de ce fruit, les religieux qui regardent comme fort
affectee, pas feinte, et quand elle donne ses fruits naturel, d'etre retenus par le lien de la discipline
dans la patience. L'une dispose avcc suavito, I'autre reguliere, pensant qu'elle les protege bien plutot
protege avec force. L'une est modeste, I'autre lon- quelle ne les gene. Bannissez I'attacbe a la propriete,
gauime. Aussi, k ces deux vertus on rattache ici, bannissez I'amour du pouvoir particulier, et vous
comme perfection et terme des ceuvres, les produits imitez la graine de la grenade. Qu'iuvites par notre
des arbres a fruits. exemple, les autres apprenneut combien
il est bon,

7. 11 nous faudrait en venir a })arler des arbres combien il est agreable d'babiter dans I'enceiute
aromatiques, a leurs especes plus recberchees, aux d'une commimaute et d'etre proteges pour ainsi
Amissions qu'exbale le cvpres avec le nard : mais dire par son ecorce. Que la cbarite unisse, que I'e-
les grenades nous attirent encore parleur odeur, et corce abrite. Autant vous voyez de couveuts bien
retiennent nos paroles qui se detournaient vers cet regies, autant croyez-vousvoir de grenades, qui sont
atitre sujet. C'est a nous que s'adresse cette compa- venues de la fontaine du bapteme. Ainsi i^uc umxa
raison de la grenade, nous qui formons des assem- lelisons aux actes, « la multitude des fldeles n'avait

blees regulieres, qui sommes reunis dans un meme qu'un cceur et qu'une ame. » {Act. iv, 32.) De ces
ordrecomme les graines de ce fruit sous leurs graines sont sorties les grenades des congrega-
commune ecorce. Plaise a Dieu que nous soyons tions considerables qui vivent dans la regie et
comme elles, que I'uuion des coeurs fasse regner 1 "unite. Ce n'etait pas encore la discipline d'uu
parmi nous I'unanimite, sous la forme exterieure ordi'e qui conservait dans lunion ces premiers clu-e-

imprimee par le meme ordre. Ces graines adberent tiens, c'etait le sentiment de I'amour. lis tenaient
s

les unes aux autres sous une apparence que rien ne non seulement pour utile et bon, mais encore pour
;nscs
it divise le nombre les distingue plus que le debors.
:
agreable d'babiter ensemble : comme le parfum
trees
Apprenons, nous aussi, a nous discerner des autres qui descend sm' la barbe d'Aaron, siu" le bord
oades.
par le nombre et non par I'esprit. Elles ne luttent de son vetement, de la tete qui est le Christ-Jesus,
pas entre elles , elles ne mm-murent point con- qui vit et regne dans tous les siecles des siecles.
tre recorce qui les reuferme, elles ne cbercbent Amen.

afferens in patientia. Ilia disponit suaviter, ista protegit ducunt sub disciplinas rcgularis corio confineri nee tam ;

modesta haec longanimis. Ideoque


fortiter. Ilia : his diia- premi sc ccnsent, quam protcgi. Absil amor proprieta-
bus nunc annectuntur, quasi consumniatio ct finis opc- tis, absit amor privatae polcstatis, et hujus to mali gra-
rum fructus poniorum. num exhibes. Discant aliinostro invitati excmplo quam
7. Transeunduni jam erat ad arborura aromaticarum bonum sit, ct quam jucundum habitare in quodamarclo
dispiitationem, ad dellcaliorcs species, ad cmissiones communionis, ct sub munimine corticis. Carilas unial,

cj-pri cum nardo nisi mala punica odorc suo nos adhuc
:
et cortex rauniat. Quot videlis ordinata collegia, tot in-
traherent, et fcslinantcm ad alia rclincrent sermoneni. lelligite vclul quaedam mala punica, qua; de fonte flu-
Nos malorum punicorum parabola respicit, qui regulares xere baptismafis. Dcnique crcdentium, nt Icgimus, crat
celcbramus convcntus, qui sub uno contincmur Ordine, cor urvnn, et animn una. Ex illis quasi granis tanlaruni
quasi grana sub cortice. .\tque utinam ha-c grana imitc- congrcgalionum ordinate ct unanimitcr vivcntium mala
mur, similiter in conhaercntia cordis unanimcs, sicut in punica prodierunt. Ulos primos crcdentium convcntus
conclusione quadam Ordinis. Paenc indiscrcta facie hujus non adstringcbat adhuc institutio Ordinis, sed inslinclus
sibi mali grana cohaercnt numeri singularitale magis
:
amoris. Non modo ducebant utile, non modo bonum,
distant quam specie. Discamus et nos ab inviccm nu- sod etiam jucundum habitare in unum: sicut ungucntum
mero differre, non animo. Non rixantur invicem, non quod desccndit in bai'bam, barbam Aaron, in oram vcs-
timenti, ab ipso capite Ciiristo Jcsu qui vivit ot rc-
contra corticem murmurant, non tenfant ilium perum-
:

ejus quasi alvo concludi, nt gnat per omnia ssecula sa?culorum. Amen.
pere, patienter so sinunt
quodammodo dicere illud \ideantur : Ecce quam Lonum
et quam jucundum, habitare fratres in unum. An non,
fratres, inhoc Ordine nostro, ac si in cortice punico,
passionis Christi per imitationem color rutilat? Dcnique
velut quaedam hujus mali grana sunt, qui sibi nativum
196 L'ABBE GILLEBERT.
dans les saintes ecritures, que ce nonabre indique
SERMOiN XXXVI.
les biens parfaits descendant du ciel. U est des divi-

sions de graces, des divisions de minisleres, des


Ce que vous produisez est wi Paradis d'arbres a divisions d'operotions mais c'est le nienie esprit
:

grenades, etc. (Cant, iv, i3.) qui cbacun comme il vent. (i. Cor.
les distribuc a

xu, U-) II les dispose en chacun, mais il les reuiiit


1. « Ce que Tous rcpandez est comme un Paradis et les entasse tous dans son epouse. lis ne lui sont

d'arbres a grenades avec les productions des arbres pas donnes par fractions, comme s'ils etaient en elle
h. fruits, les cypres avec le nard, le nard et le safran, comme i morceaux. Aux aulres, I'esprit fractionne
la canne aromalique et la cannelle avec tous les et divise, pour I'epouse, il ne morcelle rien, il donne
bois du Liban_, la mjTrhe et I'aloes avec tous les tout, a moins que vous n'entendiez par distribution
excellents parfums. » Commencons par le cjiiros, I'attention qu'il a de lui donner par prerogative et pre-

puisque nous avons fini par lui. On enumere, en ce ference, un plusbaut degre daus un genre de grace,
lieu, sept arbres aromatiques, qui sont produits par ou de lui accorJer un don plus special dans un
les eaux de la fontaine scelK-e. El les termes qui les autre. 11 pouvait enumerer d'autres plantes aroma-
designent semblent tires d'un livre ferrae. en est
II tiques : mais il suftit qu'il en ait indique sept pour
de la sorte, ils sont scelles et fermcs. A quoi bon, o representer, ainsi que nous I'avons dit, le caractere
divin Jesus, nous faites-vous I'elogede voire epouse, spirituel ou univei'sel de ces graces.
sivous n'expliquez pas vous-meme la vertu que 2. Exjiliquons maintenant le nom et la nature de SigM
des
renferment les expressions qui la contiennent ? cos arbi'es : il nous est doux de nous reposor a leur mjsl
Vous tenez la clef de ce jardiu ferme : c'est vous ombre, et leur fniit sera agreable a noire boucbe.
qui I'avez scelle, hrisoa le caclict, ouvrez, enlevez Par ombre, j'entends le symbolisme, par fruit, la
ces sept sceaux. Personne ne sait ce qui est dans realite. Comment le £jout de ces fruits ne serait-il
I'inlerieur de votre epouse, ces tresors caches qui pas doux, quand les feuilles memes de leurs noms
sont k vous, et qui remplissent le secret deson iime. sont agreables ? Et vous savez quelle tendresse et
Personne ne les conuait que vous et celui h qui quelle joie vous eprouvez en les enteudant resonuer
vous voulez lesreveler. Plaise au ciel que nous avons a vos oreilles. 11 pouvait suffire, pour reveiller votre
le bonheur d'etre de ceux qui peuvent contempler affection, de les redire ; cette x'epelilion simple est
i face decouverte la gloire de I'epouse qui est dans assez pour le coeur ; mais I'inlelligence demande
son interieur. y a une grande gloire
II cachee, et quelque cbose de plus. II faut la salisfaire quand
Que dans ce nombre et dans les noms. Et ce nombre de elle veut se nourrir de la verile des sentiments. On
signifie dans
les Ecritures sept, autant qu'avec I'aide de Dieu, nous pouvonsle enlend redire avec plaisir ces douces expressions.
le nombre
sept.
comprendre, indique ou le caractere spirituel des « Les cypres ave? le nard, le nard et le safran, la
graces, ou leur universalite. 11 se rencontre souvent canne aromalique et la cannelle, la myrrbe el I'a-

tum, aut spiritualitatem, aut universalitatem indicat gra-


SERMO XXXVI. tiarum. Id enim frequens et usitatum est in saciis Lit-
teris, ut septcnarius nnmerus interpretetur dona ilia,
Emissiones luce paradisus malorum punicoruni, etc.
quae perfecta sunt, et quae desursum sunt. Dvisioncs
Cant. 4. d.
gratiarum sunt, et dinsiones ministrationum sunt, et di-
visiones operatiouum sunt idem aulem Spiritus divi-
:

Emissiones tuce paradisiis malorum pimicorum cum


1 . dens singulis prout vult. Alias aliis dividit, sed in sponsa
pomorum fructibus, ajpri cum nardo, nardus et crocus, quasi colligit et confert universas. Non particulatim di-
fistula el cinnamonum cum universis lignis Libani, myr- viduntur illi, quasi divisae sint in ilia. Aliis ct dividit,
rha et aloe cum omnibtis primly untpientis. A cj-pro et donat; illi non tam di%idil, quam totum donat nisi :

incipiendum est; nam ibi terminavimns. Septem hie in hoc eum dividere illi intelbgas, quod selectim et prae-
ennmerantur arbores aromatica', quae dicuntur emilti de rogative confert illi, vel in eodem genere gratiarum
fbntc signato. Et quidem verba ha^c videntur verba libri amplius, vel specialiter in alio. Posset alias arbores aro-
signati. Ita est, signata sunt et obserala. Quid nobis, maticas enumerasse; sed sufficit septem, propter earn,
Jcsu bone, sponsae tuae laudes proponis, si non quid vir- quam diximus, vel spiritualitatis ; vel universalitalis si-
*o/.verita1is. tutis* inlus continent, ipse depromis? Tu tenes clavem gnificantiam.
hujus horti conclusi; tu signasti, tu resigna, tu solve; 2. Nunc arborum istarum nomina, et naturas in dis-
tu, inquara, solve septem ista signacula. Nemo no^it quae cussiones adducamus :et sub umbra istarum immorari
sunt ilia intima sponsae, ilia abscondifa tua, quibus jucundum videtur, et fructus earum dulcis erit guturi
adimpletns est venter ejus. Nemo novit ilia nisi tu, et nostro. Umbram, figuram ipsam intelligo fructum ve- :

cui volueris ipse revelare. Ulinam et nos simus, qui ritatem earum. Quomodo non dulcis sensuum fructus,
facie revelata gloriam sponsae, quae ab intus est, specu- quando ipsa verborum grata sunt folia? Et scilis quan-
lari possimus. Magna gloria ejus in mysterio tarn nu- tam auditui vestro dat alfectionem et laelitiam tam dul-
meri, quam nominum istorum. Et quidem hie, quantum cium frcquentia vocabulorum. Poterant ad permoven-
donante Domino quimus inspicere, septenarii sacramen- dum affectum ista suflicere sufficit quidem affectui sim-
:
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 197
lo^s. » li n'est pas possible qiie le sens qu'elles coa- et I'buile sont mises sur le feu et forment, par leur
lienneut no soit encore plus suave. Grandes sont les melange, un parfum. 11 existe une composition ad- Lc travail c.t
delices ({ui renformcnt corporellomcnt les arbres mirable, resultant du travail et de la joie, d'autaut i'araoar''o"
indiques eu ce lieu, plus prrandes celles qui se trou- plus admirable que dans le travail, ce n'est plus le par la joic.
vent spirituellemant en eux. Ce cpji sort de vous et travail, mais la joie seule qui se fait sentir. Le tra-
en rayonue, dit I'epoux, « c'est \m ParaJis plantc vail de la joie, mis dans I'buile, se transforme en
d'arbres a grenades. » II y a aussi les cypres avecle buile et en preud la nature. L'action (si jepuispar-
uard. C'est une excelleute marche apres les tra- ler de la sorte), arrive a oubUer qu'elle est action,
vaux de la patience, apres la rongeur de la pudeur, quand elle est toute imbibee de la liqueur grasse et
que d'envenirauxparfums, et auxparfums des rois. abondante de I'amour. Mais I'allegresse interieiu-e
Car de la seaience des cypres, on est dans I'usage tire accroisseraent de Taction, et ainsi la semence
de composer un parfum pour servir aux princes. Et agit sur I'buile, et I'buile sur la semence, quand
parce que dans les grenades nous avonsvu la concorde I'epouse travaille avec joie et qu'elle tressaille en-
parfaite dans la vie reguliere, dans ces paroles et core davantage apres avoir bien travaille.
dans ces parfums royaux, il est juste et logique, de 3. Voila le parfum royal. Jesus en recoit I'onction
conslderer une subiimite excellente et tres-relevee. avec plaisir : « Dieu aime celui qui donne avec
« Qui s'liuniilie », dit le Seigneur, « sera exalte. » allegresse. » (ii. Cor. ix, 7.) Etbien que Dieu le pere
{Lice, xivetxviii.) Dans la patience et dans I'accord I'ait oint d'esprit et de force, bien qu'il ait recu
avec les autres, que trouverez-vous, sinon riiumilite ? cette onction de la joie avec plus d'abondance que
l/bumdite ne se raidit pas contre ceux qui lui font ses semblables, il veut cependant que ses compa-
6prouver des injures, elle ne s'eleve pas au-dessus gnons I'oignent aussi, et il desire recevoir le par-
des egaux. Dans les grenades done, rhumilite, dans fum de notre devotion. Qui me donnera ime quan-
les cypres, I'elovation : iei, la fatigue ; la, les jouis- tite d'buile suflisante pour penetrer tons les fruits
sances. La semence du cypres, dit-on, se cuit dans de mes oeuvres, et pour ramollir mon coeur tout
I'buile, et produit uu parfum. Les autres sement entier ? L'evangeliste saint Jean, type de la vie con-
dans les larmes, mais I'epouse dans I'buile. Nos templative sous la figure de I'epouse, est precipit6
seniences sont nos oeuvres, si elles sont accompagnees dans un tonneau plein d'buile bouillante. *
Qui me S. J6r6nic,
de joie, c'est comme si elles etaient cuites dans fournira une pareille qiiautite d'buile et d'buile de Script.
Ecclcs.
I'huile. Ce n'est pas assez qu'elles en soient couver- que je m'y plonge tout entier, et en
bouillante, afin
les au-debors,il faut de plus qu'elles soient sorte completement penetre ? Qui me donnera assez
confites et consumees dans I'buile , et qu'elles d'buile et de semence de cj'pres pour en fairc une
soient devenucs buile, elles aussi. Ce qui est composition d'agreable encens ? Cet buile bouillante
cuit dans I'buile bouillante est imbibe de ,
ne recoit pas toute semence, elle n'admet pas toute
la nature meme de celiquide.La semence du cypres sorte de fruits. Tout acte de contemplation ne pent

plicitas ista : nam intcllectui sufficerc nequif. Mos ge- Quod in oleo calente decoquitur, olei ipsius imbultur
rendus est ipsi, qui pasci vult sensuum veritatc. Dulciter nalura. Coquuntur et conficiuntur semen cypri ct oleum
auclitur Ii.-ec dulcium inculcatio verborum. Cypi'i cum in unam unguenti qualitatem. Mira quidem confectio la-
nardo, nardui et crocus, fistula et cinnamomum, myrrha boris ct l*titia3, eo mirabilior, quod in laborc non la-
et aloe. Absit autem ut non muUo dulcius intelligantur. bor, sed laetitia sola sentitur. Opus enim e.icultatioiU3
Magnae sunt corporales in arboribus tiic cnumeratis de- in oleo decoctum, in ejus transit naturam. Opus ipsura
liciap, sed quanto majores spirituales sunt quae figuran- (ut sic dicam) obliviscitur opus se esse, dum amoris pin-
tur inistis"? Emmtones, inquit, tiiw paradisus malorum guedine totum inficitur. Sed et ipsa Interior exul-
punicorum sunt sunt etiam c\-pri
: cum nardo. Bonus tatio de opere capit augmcntum sic enim ct oleo ;

cnim ordo, post labores patientiaj, post verecundiam pu- semen confert, et quando cum cxulta-,
oleum semini,
doris ad unguenta proficisci, et unguenta regalia. Nam tione operatur Sponsa, et de ipso opere magis cxultat.
et de cypri scmi.ae regale confici solet ungucntum. Et 3. Ungucntum hoc regium est. Jesus ipse libcnter ex
quia in malls punicis regularem inlerpretali sumus una- hoc inungitur Hilarem enim datorem diliyit Dcus. Et si
:

nimitatcm conscquenler his verbis et ungucnlis regiis


; uavit eum Pater Dcus spiritu et virtute, etsi unctus est
cxcellcntcm quamdam sublimitatcm intclligc. Qui se, oleo lajtitiffi prae consortibus suis vult tamen a consor-
;

inquit, Inimiliat, exaltabitur. In paticntia et in unanimi- tibus suis ungi, ct devotionis nostnc optat ungucntum.
tatc, quid nisi humilitatis? Humilitas nee contra inju- Quis dabit mihi tantam olei copiam, in qua omncs opc-
riantes tnmct, nee supra consortes se tendit. In malis rum mcorum fructus dccoqui posslut, el cor mcuai to-
crfro punicis humilitas, in CN^pro sublimitas : in illis la- tum confrigi? Evangelista Joannes sub typo vitaj con-
semen dccoqui oleo
bor, in his dcliciae. Cypri (ut aiunt) tcmplativie sub sponsic figura, in plenum olco fcrvcnlls
solet, ut ungucntum cxprimatur ex co. .\lii scminant in doliuni dcsccndit. Quis dabit mihi t;iulaui abundoa-
lacryrais, sed Sponsa in olco. Semina nostra, opera nos- li;im olei, ct olei ferventis, ut totus immergnr et coii-
tra sunt. IIa>c si habent hilarilatcm, quasi in oleo deco- ficiar? Quis daiiit mihi tantam abundanliam olei cl 8C-
quuntur. Non satis est olco intingi, nisi sint cocta et minis cj^prini, ut unguentari.c confcclioni sufliciat ? Noa
confecta in olco, et quasi in ipsum oleum conversa. omnc semen ha'c olei dccoctio recipit, non omncm vult
198 L'ABBE GILLEBERT.

etre mele avec la joie. Les oeuvres de la sollicitude de contemplation a besoin de la tranquillite de
exterieure et I'usage de la contemplation ne peuvent I'ame.
aller ensemble et t-tre compris dans le meme genre I\. « Les cypres, » dit-il, « avec le nard, le nard et

d'activite. Quels sont done les fruits que recoit ce par- le Bonne reunion. Le- salran, fleur de
safran. »
fum prepare ? Ceux que I'apotre enumSre. « Les couleur d'or, se rapporte au vif eclat dont brUle la
fruits de I'esprit sont la joie, la paix, la patience, la sagesse. Partant, dans le cypres, on voit la recher-
longanimitej la foi, la douceur, la modestic, la con- che de la sagesse, dans le nard, le repos de Tame
tinence, la chastete. (Gal. v, 22.) lis vont bicn avec qui s'y livre, et dans en
le safran, la vision qu'elle

riiulle de la contemplation et forment avec elle une obtient. que le nard est place au
C'est avec raison
meme nature. Mais cette semence convient surtout mdieu ; il est nccessaire aux deux extremes, c'est-
a cette preparation, dont il est dit ; « la semence, a-dire, a la poursuite eta la vision de la sagesse.
c'est la parole de Dieu. » [Luc. vni, 11.) Enfin, la Sans le repos de I'esprit, on ne peut rechercher la
semence du CA'pres a une certaine ressemblance verite, uila voir quand on I'a trouvee. Trouvezdonc
avec la manne qui figurait la parole de Dieu. La dans le c\-p res, I'etude, dansle nard, le repos, dans le
manne en eflet et cette semence sont blanches, ct se safran, le resultat de I'etude et du repos. Du reste,
peut comparer a la graine de coriaudre. « La loi 6 epouse, ne dites pas, je suis brune, ne dites pas
du Seigneur est sans tache. » [Ps. xvni, 8.) Elle ne que vous avez perdu votre couleur. Car deja, au
veut pas etre eprouvee par leau de la sagesse se- temoignage de votre epoiix, vous respleudissez d'une
culiere, ni etre demontree par ses onctions, mais couleiu" de feu, vous qui produisez le safran. II

par riiuile de de pouvoii' rendre lesens


I'esprit, alin brille d'une couleur de flamme, celui que la vanite
spirituel et exprimer I'onction du saint Esprit. Sa n'assombrit pas, dont lajjaleur cadavereuse de la
meditation et la joie, que fait eprouver sa contem- defaillance et de I'ennui ne couvre pas les traits,
plation s'associent tres-facilement, lorsqu'on luj mais qu'embelht en legayant, la couleur brillantc
joint I'etude du verbe rhmle de la grace, qui se
et de la sagesse avec I'eclat resplendissaint de la cha-
trouve dans la contemplation ; et quand cette etude rite.
est penetreepar la grace de ce melange, on tire, nous vouUons appliquer ces considerations
5. Si
avec tres-grande aisance, I'inteUigence spirituelle et a la personne du Christ, elles lui conviendraient
I'onction qui instruit sur toute chose. Et remarquez parfaitement. Qui fut plus imbibe que lui de I'huile
que Ton ne dit pas seulement mais'u lesles « cypres, de la grace ? C'est lui que Ton decouvre dans la
cypres avec nard. » Le Seigneui- reconnait qu'il a
ie manne, lui, qui a la beaute de la semeuce du cypres,
ete oint d'avance de nard en vue de la sepul- lui, qui sous le poids de la croix de la passion, fit

ture. [Uatlh. XXVI, 12.)Que trouverez-vous dans couler les sacrements du salut et les parfvmis de la
le nard, sinon le symbole du repos de I'esprit ? grace : il soufEre dans le cypres, U est enseveli dans
Aussi onlejointau cypres, parce que tout acte le nard et il sort du sein de la terre avec le safran.

fructum. Denique non omne opus contemplationis im- quietem intelligis? Ideo cum cj-pro jungitur, eo quod
misceri laetitiae potest. Opera exterioris sollicitudinis, omnis contemplationis usus quiete mentis indigeat.
et usus contemplationis confici simul non possunt, nee 4. Cypri, inquit, cum nardo, nardus et crocus. Bona
in unam coagulari qualitatem, Quos ergo fructus base connexio. Crocus enim flos quasi aurei colons, ad sa-
confectio recipit? lilos plane quos Apostolus enumerat : pientiae rutilum refertur colorem. Ergo in cj-pro intel-
Fructus autem Spin'tus gaudium, pax, patieniia longa- ligitur vestigatio, in nardo vacatio, in croco visio sa-
nimitas, fides, mamuetudo, modestia, continentia, cas- pientia?. Jure nardus ponitur in medio utrique neces- ;

titas. Hi fructus cum oleo contemplationis conveniunt, saria, id est vestigalioni et ^isioni. Nam nee investigari
et quasi in unam coeunt naturam. Sed et illud semen sine vacatione mentis verifas potest, nee \"ideri cum
huic confectioni maxime convenit, de quo legitur : Se- inventa fuerit. Accipe ergo in cj'pro studium, in nardo
men est verbum Dei. semen c\"pri, cum man-
Denique et otium, in croco utriusque fructum. Noli de coetero,
na similitudinem quamdam quo verbum Dei
habet, in sponsa, noli diccrc quia fusca sum: noli amplius le
Cguratum accipimus. Utrumque cnim et manna et cj-pri decoloratam vocarc. Jam enim sponsi ipsius testimonio
semen album est, et simile semini coriandri. Lex Do- croceo colore resplendes, qu* crocum emittis. Bene
mini immaculata est. Hcec non wAi aqua saecularis dis- crocco nitet colore, quem non infuscat fatuitas, quern
cuM sapientiae, non ejus assertionibus firmari, sed oleo non taedii ct difficicntis animi, ilioribundus pallor infl-
Spiritus, ut spiritualis sensus, ut unctio Spiritus ex- cit : sed sapientiae fulgidus, et rutilus carifatis color
primatur ex ea. Hujus meditatio et contemplationis lae- exhilarat.
titia facillimae commiscentur, cum sibiconjungiturverbi 5. Si velimus ha^c ad Christi pci'sonam reflectere,
studium, ct gratis oleum in contemplatione et dum : congrua plane interpretatio sequitur. Quis magis oleo
illud per istam decoquitur, facillimc ex hac confectione decoctus est gralicS? Ipse in manna intelligitur, ipse
spiritualis exprimitur intelligentia, et unctio quae docct seminis cj-pri spcciem tenet, ipse passionis crucepressus
dc omnibus. Et vide quia non ait simplicitcr, cypri, sed sacramenta salutis ct ungucnta gratiae profudit ipse in :

cypri cum nardo. Nardo se Dominus fatetur praeunctum cj-pi'o nardo scpelitur,
patitur, ct in et dc corde terrae
in sepulturam. Quid ergo in nardo, nisi mentis resurgit in croco. Quasi noATis flos et rutilus, quando
.

SERMONS SL'R LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 199


Comme uue fleur nouvelle et brillante, sa chair re- predicateur enseigne des choses qui sont spirituel-
Ueurit dans la resurrection. Et peut-etre dans la les ; une odeur visible, parce qu'il enseigne
c'est
canue aromatique, il s'eleve vers le ciel. Get arbro d'une maniere tres-claire et fort sensible. Celui qui,
en efFet parvient a des hauteurs considerables ; et des verites elevees, s'abaisse aux farces et aux vaines
son epouse compatit a ses soufltances dans le cy- fables, ne condescend pas, il tombe. Sa parole est
pres, elle est ensevelie avec lui dans le nurd, et elle assurement brisee, mais elle ne repand point un
partage sa resurrection dans le safran. Qu'y a-t-il k parfum agreable. Comme cette canne aromatique,
conclure, sinon qu'elle monte avec lui dans la canne croissant dans les eaux, ainsi au milieu des larmes
aromatique ? En efFet, si elle est ressuscitee avec son qui arrosent vos prieres, vous vous elevez vers le
Spoux, elle doit chercher ce qui est en haut, et ciel. Beau mouvement d'ascension, maisveillez ace

gouter les choses du ciel, la oil son 6poux est assis que voire descente imite la vegetation de la can-
a la droite de Dieu. [Colos. in, 1. ) a La canne aro- nelle. Lorsqu'une cause raisonnable vous rappelle
matique et la canelle. » La canne aromatique s"6- de ces elevations et de ces extases, soyez comme
lance dans les airs, la cannelle s'eleve tres-peu de cette pi ante. Que vos paroles, que voire conversa-
terre.Dans la premiere de cesplantes, elle contemple tion deviennent semblables a celle des gens ordi-
de haut, mais dans la seconde, elle n'a pas des sen- naires, qu'elles repandent la grace. Et si parfois
timents trop Aleves. L'une monte, I'autre descend. vous etes empeche de suivre votre volonte, et d'ex6-
La canne aromatique parait quand I'epouse est ravie ciiter la resolution que vous aviez pi'ise, cfue voire

en Dieu la cannelle se montre, quand elle se met i


: volonte obeisse ct soit brisee pour se plier aux or-
notre niveau par sacondescendance.Bien qu'elle s'a- dres du superieur; qu'on n'entende aucune plainte,
baisse, tout ce qu'elle produitest toujours spiiituel. aucim murmure. Soyez comme la cannelle exha- :

La cannelle en efFet, lorsqu'elle est hrisee, repand lez le parfum de la grace, ne repondez pas en fai-

une odeur tres-sensible. Quand est-elle brisee, si sant sonner des paroles injurieuses. Apres avoir ete
ce n'est lorsqu'elle est ouverte, lorsqu'elle est ex- brisee, cette plante repand une odeur sensible,
posee? Aussi Jesus, ayant pris du pain, le rompitet c'est-a-dire que la vertu d'humilite progresse et est
celui
le distribua. [Marc, xvi, 22.) Le docteur, qui se meth 4prouvee dans I'infirmite de I'affliction qui la broye
jtrnitse
:e tL la la poi'tee de ceux qui sont au-dessousde lui, se brise pour ainsi dire. On parte en cet endroit d'odeur et
; de ses
.tears
pour ainsi dire, lorsqu'il commence oi s'expliquer, d'odeur visible. D'odeur, parce que la tranqriillite est
lorsqu'il fait jaillir du secret de ses entrailles, ce gardee dans le coeiu* : d'odeur visible, parce que
que le ciel y avait cache, lorsqu'il excite le souvenir cette tranqiiillite reluit sur le visage.
de I'abondance de sa suavito. Yoila pourquoi on dit 6. A ces plantes I'epoux ajoute tons les arbres du
que la cannelle brisee repand une odeur qui est Liban. Et remarquez qu'il ne place que des hois du
visible. Pourquoi est-ce une odeur, et pourquoi cette Liban, et qu'il n'en omet aucun de ceux qui crois-
odeur est-elle visible ? C'est une odeur parce que ce sent sur cette montagne. « Avec tous les bois du

per resurrectionem ejus care refloruit. Et forlassc in prolabitur, non condesccndit, sed cadit. Fractc quidem
fistula ?ascendit ad coelum. Haec cnim arbor in altum loquitur, sed spiramentum suave non cmittit. Quasi fis-
excrescit;et sponsa ejus quasi compatitur in cj'pro, tula qua? crescit in aquis, ila inter orationum lacrymas
conscpclitur in nardo, et in croco conresurgit. Quid exsurgis in altum. Pulchra ascensio sed vide ut des-:

ei'go conscqucns est, nisi at coascendat in fistula? Si census cinnamomo sit similis. Cum to ab ascensu iJlo
enim conresurrexit sponso, quae sursum sunt qua?i'ere ct excessu aliqua ralionabilis causa revocat ct rcstringit,
debet, quae sursum sunt sapere, ubi sponsus ejus est estovelut cinnamomum. CoUoquia lua, conversatio
in dexlera Dei sedens. Fistula et cinnnniomitm. Fis- communis gratiam spirent. Etsi de voluntatc tua ct pro-
tula exsurgit in altum , cinnamomum parum quidem posito aliquolics retleclcris, ad senioris arbitrium rc-
cxcedit a terra. In fistula altum ccrnit, sad in cinna- flexa et quasi fractasit voluntas non murmur rcsoncf,
:

momo altum non sapit. Ilia ascendit, illud condcsccn- non quaerimonia. Esto cinnamomum cmitte spiramen- :

dit. Fistula est quando sponsa cxcedit Deo cinnamo- : tum gratia^, non rcsponsum injuria. Ideo confractum
mum quando contcuipcrans est nobis. Etsi sc contem- visibile spiramentum cmittit, co quod virtus bimiilitatis
perat, totum tamen est spiritualc quod profcrt. Cinna- in infirmitatc vexationis, et vclut fractionis, prolicil et
momum cnim cum frangitur, visibile spiramentum cmil- probatur. Et spiramentum, et visibile dicitur. Spiramen-
tlt. Quando frangitur nisi cum aperitur, cum exponitur? tum, quia tranquillitas servatur in corde visibile, quia :

Sic cnim Jesus cum accepit pancm, frcgit et dedit. relucet in facie.
Tunc ergo doctor contemperans seipsum quasi frangit, G. His anuectit ct omnia ligna Libani. Et vide quod
cum se ca'pcrit aperire cum evisccrare ilia quae intus
: nulla nisi Libani ligna ponit, noc aliqua qua; sunt Li-
dc supernis latent sccreta cum memoriam abundantiae
: bani pra'termittit. Cum omnibm, inquil, lignis Libani.
suavilatis eructat. Hoc est quod cinnamomum fraclum Ligna Libani et impulribililatem habeni, quia ccdrina
visil)ile dicilur spiiamcnluni emiltere. Quare spiramen- sunt; el puritatem, eo quod sunt l^ibaui. Sola Eccicsiai
tum, ct qiuire visibile? Spiruinenliim, quia spiiilualia ligna siuil, qua' liabeiil mysti-rium lidei io conscicnlia
sunt qua; dicit : visibile, quia manifeste docel. Qui pura, ct quamdam quasi iuiputribililalom contincnliai :

cnim do sublimibus ad ludicra ct vana.s fabulationcs sola ejus ligna et puritatem clpcrpetuilalcm habcnt. Uo-
200 L'ADDEGILLEnERT.
Liban », dit-il. Les arbres du Liban sont incorrup- A combien plus forte raison, cc qui est contre la
tibles parcc qu'ils sont dcs ccdres ; ils soiit purs, foi? lis ne sont pas cedres du Liban, ceuxque n'ar-
parce qu'ils sont du Liban. II n'y a que les bois de rosent point les ondcs pure? de la foi. 11 est des ver-

I'Eglise <iui portent le mystere de la foi dans unc tus steriles que ne feconde pas la foi : et la foi

conscience pure, et qui ont commerincorruptibilite elle-meme dans les vertus est morte. Aucune tiche
de la continence. Scs bois sculs ont la purete et la de corruption ne souille sa blancheur. Deux choses
duree perpctucUe. Excellent arbre qu'un bon ec- se trouvcnt dans los arbres plantes au sein de
clesiastique ; on trouve en lui, en lui se rencontrent I'Eglise, ils sont droits dans la foi, et ils sont forts

la vigueur de la discipline ct I'eclat de la foi. La dans les oeuvres. Voila le cedre qui est plante dans
force et la beaute forment son vetement. [Prov. notre Liban. La, et pas ailleurs, se trouve la purete
XXXI, 25.) Ces jours-ci on a v\i germer des plantes de la foi et la prevoyance continuelle et comme in-
que le pere celeste n'avalt pas mises en terre, dcs corruptible de la vertu.
arbres qui ne sont pas enracines sur notre Liban. 7. C'est \h que croissent «la myrrheet I'aloes avee
Ils pretendent avoir la force dans le travail, etre tous les precienx parfums. » Ces plantes sont cou-
insensiblcs aux injures, et supporter la misere. lis nues comme ayant la vertu de preserver de la cor-
paraissent etre des cedi'es; mais ils ne sont pas du ruption, m«me les corps qui seraient exposes a se
Liban, parce que leur esprit et leur conscience ne gater. Pourquoi, en efiet, apres les bois du Liban
On attaquc sont pas purs. Car pour les infideles rien n'estpur. parler de ces parfiims, s'il n'y avaJt aucune diffe-
1"'^^
""'^paru's'
(ri7. I, 15.) La force se montre et eclate dans leur rence entre les uns et les autres? Car bien qu'ils
cette 6poque. conduite, elle s'evanouit dans la confession de leur paraissent semblables, une distinction reelle les

foi.Ce qui brille d'un cote, exhale, d'un autre, I'o- separe. Les uns, c'est-a-dire les bois du Liban, por-
deur de la corruption. Dans leurs actes, on voitpa- tent en leur sein I'incorruptibilite : les autres, c'est-

raitre la piete ; mais si on les interroge, leur inflde- a-dire la myrrhe et I'aloes, la communiquent aux 1
lite sefaitsentir.Leur force, est la force de lapierre, substances qui ne la possedent point. Les premiers
et leur chair est de bronze. lis ne degenerent pas de sont incorruptibles, les seconds rendent incorrupti-
leur pere, dont il est dit au livre de Job « son coeur : bles. C'est done un bois precieux, vraiment plants
est endurci comme la pierre, il est resserre comme dans le Paradis dn Seigneur, sur sa montagne illustre, Les qni
I'enclume de celui qui forge.)) [Job. xu, 15.) Ils sont sur le Liban pour ne point s'echapper
: il se retient vertn
cardinal
tristement forts ; leur vigueur etant employee non eh paroles ou en actions dereglees, et par la myrrhe
pour servir la foi, mais pour la detruire. Le Tout- de ces pai'oles, il empeche aussi les autres de tomber
puissant n'a pas raraolli leur coeur, il ne I'a point dans les memes oxces son corps est comme le :

purifie, point rendu brillant par la foi, aussi il ne cedre et ses levres distillent la mjTrhe. « La myr-
sont en aucune facon les arbres du Liban. « Tout rhe », dis-je, « et I'aloes avec tous les principaux
ce qui n'est pas de la foi est pech6. » {Rom. xiv, 23) onguents. » Nous pouvons comprendre dans notre

num plane lignum vir ccclcsiasticus : in quo concurrunt fidei, et operis forlitudo. Talis ccdrus nostro plantatur
et obviant sibi fortitudo disciplinae, ct decor fidei. Por- in Libano. Hie est, et alibi non est puritas fidei, et
titudo et decor indumentum ejus. Eruperunt his diebus perpetua et quasi incorrupta perseverantia virtutis.
ligna quaedam, qurc non plantavit Pater coelestis, ligna 7. Hie enim cmittitur myrrha et aloe cum omnibus
quae non sunt planta in Libano nostro. Fortitudinem primis ungueniis. Ila? species ea ctiam quae per se cor-
pr<Etcndunt operis, injuriarum insensibilitatcm, parci- ruptibilia sunt, a corruptione illsesa servare noscuntur.
monise tolcrantiam. Ccdrina videntur sed Libani non : Quid enim htec post ligna Libani ungucnta produce-
sunt, quia imniunda est corura mens et conscientia. ret, si nihil in eis csset distantiae? Nam etsi videntur
Infidclibus enim nihil est mundum. Fortitudo quidem similia, distinctioncm tamen recipiunt. Ilia enim, id
qua; ostcntatur el virescit in conversatione, in confes- est Libani ligna, incoirnptibililatem in se habent ista, :

sionc putrescit. Quod ibi quasi fulgct, hie foelet. In id est, myrrha et aloe, non haljentibus cxhibent. Ilia im-
oporc quidem videfur pielas, interogatione infidelitas putet. putribilia sunt, ista impulribilitatem conferunt. Bonum
Fortitudo lapidis fortitudo corum, ct caro a^nea est. Scili- ergo lignum, et vere plantatum in Domini,
paradise
cet non degencrant apatre suo, de quo in Job scribitur : in monte illo egregio, in monte Libano : ipsum
quod ct
Jnduratum est cor ejus quasi lapis, stringitur fanquam se continet no per illicita defluat, et sermonis sui myr-
malleatoris incus. Male fortes sunt, non pro fide, sed rha a tali fluxu alios rcddit immuncs cujus corpiis :

contra fidem. Non enim emollivit Omnipotens cor co- quasi ccdrinum est, et labiis myrrha, dislillat. Myrrha,
rum, non emollivit, non emundavit, nee fide candidum inquam, et aloe cum otnnihus primis ungueniis. Pos-
fecit ideo non sunt Libani ligna. Omne quod non est
: sumus quidem ct h;ec ad quatuor cardinales virtutes in-
ex fide peccatum est quomodo non multo magis quod
: terprctando deflectcre, si intelligamus in cedro fortitu-
est contra fidcm ? Non sunt ligna Libani, quae fidei non dinem, in Libano fidcm, quai ipsam prudcntiam infor-
irrigat puritas. Steriles sunt virtutcs, quae non fcECun- mat in »i///t/4« temperantiam, contincntiam ct justi-
;

dantur per fidem : sed et ipsa fides sine virtutibus mor- tiam; in aloe puritatem. Nam hujus arboris gummi di-
tua est. Candorcm ejus nulla incontinentiae fccdat pu- citur stomachum purgare. Per myrrham ergo exteriora
tredo. In eeclesiastici.'j lignis utraque obviant sibi, forma constricta sunt, per aloe interiora in hypocrisi ficta non
»

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 201

interpretation les quatre vertus cardinales, si dans commencement de ce passage, I'epouse a ete appelee
« le cedre » nous trouvons la force, « dans le Liban, a fontaine » et maintenant, k la fin, son epoux
la foi forme la prudence , dans a la mjTrhe », la lui donne encore le meme titre. Elle commence
temperance, la continence et la justice ; la purete par I'abondance et se multiplie dans sa vieillesse :

dans « I'aloc's. » La gomme qui decoule de cet ar- la fin repond au debut. Elle produit bien des ri-
bre passe pour purger I'estomac. La myrrhe retient chesses, elle n'en est pas epuisee. Le temps ne la
et compose I'exterieur, I'aloes empeche I'interieur desseche pas, la production ne la fait point languir,
de se couvrir d'un manteau d'hypocrisio. Quatre Au principe de ce chapitre elle est appelee « fon-
vertus se trouvent done figui'ees dans ces arbres. La taine scellee ; on
entendre que cette source
» ici fait

Constance d'abord, poiu' que vous ne croyiez pas n'est pasaffaiblie. La,on detaUlait les arbres qu'elle
pour un temps seulement, yous retirant au temps poursuit, ici, on exprime que cette germination
de la tentation. La prudence ensuite, afln que votre se produisit toujours dans la vigueur de sa fecon-
obeissance soumette aussi votre raison. La myrrhe dite. Bien des ruisseaux de grace coulent de cette
viendra apres pour mortifier la chair, quand vous fontaine, etneanmoins la soiu'ce est toujours abon-
aurez le zele selon la science. L'aloes se trouve i la dante. Elle ne se repand point de celui en qui il
quatrieme place, quand le coeur s'offre et se con- prend son point de depart aussi au commence- :

sume. On rencontre en meme temps la mortification ment et a la fin, on I'appelle fontaine. Mais consi-
de la chair dans la myrrhe, et dans l'aloes la puri- derez en quel lieu coulent ses eaux oil coulent- :

fication des impressions causees dans la conscience elles done, si ce n'est dans les jardins? Elle est la
par les oeuvres mortes, afin de mettre I'ame en etat fontaine des epand delicatement ses
jardins, elle

d'accomplir la volonte du Dieu vivant ; de telle sorte eaux, elle ne sort pas des jardins,
elle ne lesinonde

que nous ne servions pas sous le regard, comme ne pas, elle les arrose : tout son emploi est, non d'en-
cherchant qu'a plaire aux hommes, mais plutot lever ce qui s'y trouvait de moins propre, mais de
voulant contenter le Seigneur. N'est-elle pas vrai- produire la fecondite. C'est un bon effet de la fon-
ment heureuse, I'epouse a cpii on adresse des paroles taine que de laver, mais il est preferable qu'elle

sicharmantes? On a beaucoup donne, a celle qui fertilise. L'unpurifieles souillures, I'autre, dans son
produit a son bien-aime tant de choses agreables. coeur, apporte et augmente les dons de la grAce,

Car Jesus-Christ se glorifie en tons ces presents, et sorte d'alluvion deposee dans I'ame. L'un rend ces
ily applaudit quand son epouse les lui offre lui qui : plantes propres, I'autre les rend joyeuses. L'un est
vit et regne dans tons les siecles des siecles. Amen. pour la purification du pecheur et de celle qui est
souillee ; I'autre est scelle, parce qu'il est reserve
SERMON XXXVIIL pour les delices de I'epoux. « Vous etes toute belle,

La fontaine des jar dins, le puits des eaux vives, etc.


6 ma bien-aimee, et il n'y a point de taclie en
vous. » Aussi elle ne recoit que les titresde fontaine
[Cant. IV, 15.)
des jardins, de fontaines des delices.
1. « La fontaine des jardins, le puits des eaux. vi- 2. Autant multiple et variee est la forme des de-
ves, qui content du Liban avec impiituosite. » Au lices celestes, autant est grand le nombre des jar-

sunt. Habes jam in his heec quatuor exprcssa. Piimo partit vocabulo dilcctus suns. Ab ubertate inchoat ct in ,

constantiam, ne ad tcmpus credas, et in tempore ten- senecta uberi mulliplicatur origini finis respondet.
:

tationis rccedas. Dcinde prudcntiam, ut sit rationabile Multaj sunt emissiones eju?, sed ipsa emissionibus non
obscquium tuum. Sic myriha mortificandse carnis se- exhauritur. Non arescit mora, non cxsiccatur omana-
quclur, cum liabueris zelum secundum scicntiam. Quarto tione. In initio hnjus capituli dicitur /"o/w signatu.t; hie
loco aloe, cum ipsum cor ofTcrtur et adoletur ut simul : innuitur non exsiccatus. Ibi quales sint emissiones ejus,
sit et in myrrha mortificatio carnis, et in aloe emunda- hie quam sint indefcssee docetur. Copiosi ex hoc fontc
tio serviendum iJco
conscicntiae ab operihus mortuis, ad rivuli gratiarum cmanant, et semper tamen fons manct.

vivcnii ne simus servientcs ad occulum, non quasi lio-


:
Ab eoquo inchoat non sc cohibet ideo hie ct ibi
in :

minibus placeutes, scd magis Deo. Nonne boala vcrc fons Sed et jam vide, quo in loco ejus aqu.x
dicilur.

sponsa, cui tot blandimcnta dicuntur? Multum imuiis- fluunt ubi, nisi in hortis ? Fons enim est hortorum,
:

sum est ei, quoe tot cmittit muncra grata dilecto. Nam ct delicate fluit, qui non ab hortis cgrcditur, qui non

omnibus ipse gloriatur, ct sponsie sujb applaudit


in his lavat, sed rigat cujus in hoc omnis usus est, non ut
:

muncrlbus Jesus-Christus qui vivit ct regnat per om-


:
aufcrat faHiilatem, sed ut foecundilatem afforat. Bonus
nia srecula sajculorum, Amen. quidem fontis usus mundarc, scd melior f(pcundarc.
Illc abluit iuquinamcnta isle quasi alluvione quadam,
:

SERMO XXXVIL gratiarum comportat augmcnta. Illc gcrmina lota rcddit;


Pons hortorum, puteus aquarum viventium, etc.
hie Ia;ta. Illo patens est in ablationcm peccaloris ct
Cant. IV, d, mcnslruata; hie signatns est in dcliriis sponsa^. Toia
:

1. Pons hortorum, puteus aqunrum viventium, qua; pulchrn et (imica men, el mnculn non o7 in to. Ideonon-
fluunt impetu de Libano. In capituli principio islius nisi fons hortorum dicilur, fons ddirianmi.
fons dicta est sponsa et nunc in fine fontis earn
; iin- 2. Uenique quam varius et multiplex est ccclestium
!

LABBE GILLEBERT.
Dans lun, rouges eaux de sa doctrine. Heurexxse epouse qui n'a qua
dins. les roses font briller leurs

oouleurs; dans I'auiie, les li* etalent leurs blanches arroser des jardins
\
conges, et par&ement la terre de leurs
les violettes 3. Dans cette nombreuse communaute, est-ce Du
cr rrtn
fleiirs purpurines. U y a autant de jaidins qu'il est qu'il n'v a pas autant de jardins qu'il y a d'ames?
de coUedioii de Tertus rasseniblees en un lieu la : L'unanimite quiyregne en fait im seul jardin, par la
ou il ne se trouve'qu'une seule fleur, qui preten- diversile des graces qui y sent repandues, se produi-
dradt Toir un jaidin? De meme une seule espece senlplusieurs jardins. Plaise auciel que dans ces jar-
de porete^ comme one seule sorte de justice ne dins, ne germe aucune racine d'amertume, aucun
il

peut composer un parterre. Salomon^ qui fut appele bois inutUe, qui fasse honte au rerger de Tepouse,
delicat et tendre, se traca de^ jardins^ aligna des aucune plante rulgaire, parce que ces sortes de plan-
Tergersetles remplitd'arbres de toute esjjec-^. II tes se dessechent et jiassent rite. Ps. xxx\i, 2., « Que
ne dit pas je i'ai greffe d'un arbre, mais « d'ar- celui qui est faible, » dit saint Paul, « mange des
bres : » et encore, non d'arijre d'lm seul genre, herbes potageres. u Rom. xiv, 2.) Vous n'avez pas
mats « de toute e^eoe. » Je me suis ball des reser- besoin de cette nourriture comme si vous etiez in-
voirs d'eau, afin d'arroser la foret des arbres qui firmes. Cey a de faible en vous est plus fort
qu'il

gennaient. » (Eod. u, 5.) U a une source de de- que ce y dans les seculiers. Leur faiblesse
a
qu'il

lices, celoi qui, aude posseder des arbres rares


lieu s'en tient a ce qui est permis ; la votre, tend a ce
que leur petit ntMnbie permet de compter facUement, qui est parfait. 'Leur infinnite consiste a se senir
est maitre d'nne foret entiere, remplie d'arbres qui de ce qui leur est accorde, la vutre, a atteindre la
T<^i^nt avee Car danslejardin de la sagesse,
force. perleciion et a s'y arreter. Qu'appeUe-t-on faible
il n'est lien de sterile, rien qui ne germe pas. Aussi parmi vous, sinon de n'etre pas parfait.' chez vous
r^pouse a plasieurs jardins elle possede en tres-
, qu'est-ce qu'etre infixme, si ce n'est de ne pas etre
grande quantite, toutes sortes de plantes de rertus, et au point le plus eleve.' Et qu'entend-on par fort, si

dans les paroles qui suivent, lejtoux lui adresse ses ce n'est leffort produit pour yarriver? Aussi ce qui Dil

fetidtaiions : « Vous qui residez dans les jardins, est faible chez nous que ce qui est fort
est plus fort
l€s amis toos eooutent. Faites-moi entendre Totre chez les seculiers, et, pour employer ce langage, peifc
i-.:pa
Tois. » n a parfaitement raison. II ne peut-etre que rinfirmite du moine est superieure a ce que fait de
fort agreable d'ouir celle qui sejoume dans les bien le Chretien dans le monde. Les ceuvres, qui
jardins, et quipaile de rinterieur du jardin. Savoix chez nous p assent pour mediocres, de quel grand
ne se fait pas entendre a rexterieur, ni hors dujar- eclat brillerai':^nt-elles, si des seculiers les operaient?
din : « aussi celui qui reste avec elle dans le jardin, La nourriture pour les parfaits cepen-
solide est :

est son ami. EUe n'est pas dans les j ardins, disons dant ceux, qui parmi nous ne sont point parvenus
mieux, die est elle-meme un jardin. Elle est un h la perfection, dedaignent de manger les plantes
jardin, eDe est nne source arrosant les vere-ers des potageres. Ce qui est permis aux seculiers faibles.

ddkaium modus, lantas Tidetor et Dumerus horionim. fluentis irrigans. Felix sponsa, quse non habet nisi
In alio nibent rosae, in alio eandent lllia, coloremgne hortos irrig3je,
Oates Tiobe prnpajream reddonL Tot horti sunt, qiiot 3. An non in hoc frequenti conventn toi horti, quol
Turtntam pbntatiiones amid coQectae : nbi tantom flos animj ? Propter nnanimitatem hortus nnus propter ;

nnos est, qnis Ibi hortum esse difSnlal ? Sic nee ona differentes gralias, horti plures. Udnam in his hortis
castiiaiis planlatio, sed nee una jostitis horti poiest in- nulla amaritndinis snrsum germinet, nnllnm sit
radix
iegritatran explere. Salomoa qui delicalus et t^iellus Ugnum inutile, nullum quod hortum sponsae dedeceat,
dktos est, ipse sabi Seat baitos et poioajia, ei con- nullus sit hie hortus olemni. quia olera herbarum cito
sent ea eaneti geneiis arboribas. Non ari>ore ocoisevi, decident- Qui enim, inquit, tnfirmu-f est, olus manducet.
inqiiit, sed arbor&tu : oec onius generis, sed cundi Vos autem olerihns non indigetis quasi infimu. Quod
gaurit. Exstnadf inqoit, a^ti paemas aqtutmm, wt ir- eoim infinnum est in vobis, fortius est s^cularibus. II-
rignrem sikmm Ugmormm. ffermmaiUmm. IAv& qoid^n lonam infinnitas quiescit in Ileitis ; ad perfecta vestra
in ddidus, qui noa lara Ugna, et qus pne pancitaie laborat- Hloram infirmitas est u Li concessis: vestra qui-
nimmari dt serilH possoit, sed integTamposedit dlvam, dem cilra perfectum suhsistere. Quid est in vobis esse
alvam SgDomm germinaatiiun. In hoito qiiippe sa- inlirmum, nisi non ese perfectum ? Quid est in vobis
pientiae nibilsterile, ofl non genninans. Sic et ^>oiisa esse infirmum, nisi summum non apprehenderc et :

pbnes babel faoiios, et concti geoeiis virtutum copiose quid forte, nisi ut apprehendatis, contendere ? Et
nigultis est eoosita. Et in seqpientibQs sponsae spoosos quid forte, nisi nt apprehendere? Ideo infirmum nos-
applandit dicens : Qaue habitat im kortis, amnd amteml- toim fortius est s^c-ularibus, et (ut sic dicam) melior
tami le. Foe me aiuUre rooem imam. Jure oauuno. Quid est infirmitas mohachi, quam saecularis benefaciens.
eoim nisi doke auscaUare illi, quae in hortis moratnr, Opera quae penes nos putantur infirma, quanti crede-
et de htHtis loquitur? Noa andttnr foiis vox <ans, nee rentur, si ah ipsis fieri vidcrcntur? Perfectorum solidus
exba. hoiiiun : ideo amicus est qui in bortis oommo- cibus est : quotquot tamen in nobis imperfecti sunt,
ratar com ea. ]Nec lam'in bortis est qoam bortus ipse. esum olenim decHgnantur. Quae sa>cularibus licent in-
Ipsa hortos, eL ipse fons, hq}os bortos doctrmx sax firmis, nostris nee exhibentur. nee ipsi exigunt. Apud
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 203

n'est pas offert aux notres, et ils ne I'exigent pas. rence qui existe entre les fontaines et les puits.
Notre profession est parfaite, mais nous enremplis- Le puits est creuse dans la terre, la fontaine coule
sons les obligations d'une facon languissante. Ce spontanement. Les eaux sont cachees dans le puits;
sont des plantations tres-bien faites^ mais dont les dans la source, elles sont exposees et se presentent
rejetons sont faibles. Pour qu'ils croissent, il faut comme d'elles-memes. Une grande difference les
les arroser, mais les arrosei" d'eaux spirituelles. separe, et Tun ne peut se trouver dans I'autre. La
Saint Paid connaissait parfaitement quelles eaux fontaine ne peut reclamer pour elle les quaUtes pro-
convenaient a chaque jardin. Aux maries, il accords pres qui sp6cifient le puits, le puits pareillement, ne
I'lisage de I'uniou conjugate (i Cor. \n, 3.), il con- peut exiger ce qui distingue la fontaine : chacun
sole les pusillanimes, il accueille les inflrmes (r, a ses caracteres d'apres sa nature. Les choses ter-
Thess. IV, IZi)^ il donne du lait a ceux qui sont en- restres et corporelles sont etroites, les richesses spi-
core dans la chair, il parte la sagesse aux spirituels rituelles sont abondantes. Si nous appliquons les
qui jugent de tout, non la sagesse de ce siecle, mais idees que nous venous d'exposer aux biens spiri-
celle qui vient de Dieu, sagesse cacliee dans les tuels, nous y trouverons tout a la fois et fontaine
mysteres. (i Cor. u, 6.) Et si quelque autre exalte et puits, ils admettent egalement les qualitos cons-
la beaute de la maison du Seigneur, le lieu oil ha- tituant ces deux sources d'eaux si distinctes. Com-
bile sa gloire, les delices de son lit nuptial, la joie muniquons-les leur done, si vous le voulez, et trou-

que I'epoux trouve en son epouse, et I'allegresse vons en eux, et ce qui se troxive de propre a la fon-
dont I'epouse de son cote tressaille dans le Sei- taine, et ce qu'il y a de special dans les puits.

gneur, cet heureux chretien ne doit pas repandre Apercevons dans la fontaine la quantite suffisante
ceseauxsur un jardin rempli de plantes potageres. de la doctrine; dans les puits, voyons-en les se-

Car I'homme animal ne comprend pas ce qui est de crets : dans la premiere, I'abondance, dans la se-
I'esprit de Dieu. Et celui qui propose a I'inteUigence conde, les profonds mysteres. II excelle a instruirc

ou h I'imitation les choses spirituelles, ne vous pa- les autres, celui qui tire du tresor cache de sa sa-
rait-il pas couler comme ime pure fontaine au mi- gesse, d'un puits profond, les choses nou-
comme
lieu des jardins remplis de plantes aromatiques? velles et les choses anciennes. II est semblable h un

Etvraiment pure fontaine, ce predicateur, eu egard puits, car nul, excepte I'esprit de Dieu, ne connait

la perfection deceux qui I'ecoutent dans les jardins, ce qui est de Dieu. « L'esprit en effet scrute tout,
n'a cpi'i trailer de la purete de la vie spirituelle et meme les profondeurs de Dieu. (i Cor. u, 10) et a :

qu'ci faire boire h. ses auditeurs, comme s'ilsetaient I'instar d'une fontaine, au mUieu dc
il fait couler,

ceux qui I'eutendent, les flots de sa doctrine, il rend


deja en paradis, les ordres qui decoulent de ce lieu
fortune. frais et fertiles, les j ar dins des vertus. Vous rencontrez

Krence U. Selon cette maniere de voir, par jardin en- done dans le puits, la profondeur, dans la fontaine,
itre la
tendez les auditeurs, par fontaine, ceux qui instrui- la profusion : I'abondance dans la fontaine et dans
taioe et
paits. sent les autres. S'ils sont une fontaine, comment le puits, la profondeur des sens caches. Ce puits est
un grande profond, mais il n'a pas besoin d'instrument pour
sont-ils puits ? Yous connaissez la diffe-

noti fontes ct
nos perfecta professio, quamvis explclio. Perfcctae plan- Nostis enim quantum inter se distent hi
putei. Puteus In illo aqu;u
infoditur, fons gratis fluit.
tationes, sed incremcnta infirma. IrrigandaJ sunt ut
reconditae sunt, in isto quasi proposita, et seipsas offe-
crescanf, sed spiritualibus aquis. Paulus bene novit
rentes ultro. Magna est in istis differentia, nee possunl
quibus aquis queralibet hortum irriget. Conjug.itis co-
pulas maritalis usum dispensal, consolatur pusillan?inea^ ulra(iue in altcrutris inveniri. Non potest vcl fons putei,

vel puteus fontis propria ct


domcstica vindicare sibi
suscipit infirmos, carnalibus potum lac prrebet, sapiOT-
iiterque naturae suae continctur limitibus.
Corporalia ct
tiam loquitur spiritualibus qui dijudicant omnia, eapicn-
tiam autem non liujus sasculi, sed quae ex Deo est, 64- angusta sunt, spiritualcs abundant divitiae. Ad
•^na
'ia si refcramus ista, in codem crit
> invenire fon-
picntiam absconditam in mysterio. Et si quls alius lo- .

-^um, ct altcrutra ab inviccm propria commu-


spirittu.
quitur dccoreni domus Domini, locum habitationis glo- tem el pow ,nicemus ergo ha-c, si vultis, itivicem
riae ejus, tlialami delicias, gaudium quo gaudct sponsus nicari. Comjt^ j^^ assignemus utraquc. .\ccipiamu9
super sponsam, ct quo vicissim ipsa gaudens guudet in propria, ct in fOu doctrinae, in puteo secrefina : in
Domino plane hie non hortum olerum irrigare talibus in fonte sufficicntism v ^Ua mystcria. Et quidcm bo-
:

debet aquis. Animalis cnim homo non percipit oa quae illo abundantiam, in hio ^ 'am alto putco, ila dc ab-
sunt spiritus Dei. Et omnino quisquis spiritualia vol nus doctor, qui quasi de qnou, -ofcrt nova el velcra.
agenda pra>cipit, vol inlelligcnda
proponif, nonne tibi dito sapicnliffi Ihcsauro copiosc p». novil nisi Spiritus
videtur uromaticis in hortis quasi funs purus manare? Puteus est, quia qua; Dei sunt, nemo .''nm profunda
Et bene purus, cui non est ncccssc propter auditorum Dei. Spirit us- enim omnia scrutnlur, ei^. m. cl vir-
perfectioncm, qui in hortis auscultant, nisi de spiritua- Dt'i : cl quasi fons quidam prciducit in racdiui.._ -
oc-
lis vita; puritatc disputare, ct quasi paradisi incolis dc lutum horlos irriguos rc-ddit. Ilabctis ergo in potfio
paradisi propinarc flucntis, cultationcm, in fonte copiani : profusionem in fonfc, c»
4. Ju.xta hunc sensum, hortum aJditorcs intcllige, sensuum profunditalcm iu putoo. Putcus alius est, sed'
t'ontcm doctorcs. Sod si fons sunt, quomodo putcus? non iudigct hauritorio funs est, ct gratis lluit. Qui
: si-''
2«& L'ABBEGILLEBERT.
qu'on y puise : il est aussi fontaine et il coule gra- bouche pour attirer I'esprit, et pour laisser penetrer
luitement. Si quelqu'un a soif, qu'il vienne et qu'il dans vos entrailles les Ileuves d'eau vive. C'est pour
boive des eaux de I'l'pouse, des eaus de Beth?abee, ce travail que sont pn^parees, des le jour de votre
aQn qii'un nouveaii Salomon naisse d'elle. Beth- naissance, vos ouvertures, aiusi qu'il est ecril du
sabee signifie septieme puits : c'est-a-dire, le puits prince de Tyr. f^:(?c/t. ixviu, 13.) Lacapacitedel'in-
du repos, le puits de la sagesse. Car dans la liste telligence naturelle, dont au jour de votre creation,
des dons spirituels, si on la suit, en allantdebas en vous avez ete honoree de preference a tons les au-
liaut, la sagesse occupe le septieme rang. tres animaux, remplit I'office d'un immence reser-
Sag esse 5. De meme que nous trouvons dans les ecritu- voir et sert pour comprendre et contenir les eaux
acquise ct
in/use. res qu'ily a uu puits de sagesse, de meme nous li- de la vision et de la vie. II est question dans I'E-
sons qu'il v a une fontaine de sagesse. (Eccl. I, 5.) crituredu puits de celui qui vit, et de celui qui voit.
Et peut-etre ces deux mots expriment le double [Gen. XVI, IZi. Que si apres lepeche semblecom-
il

mode sous lequel apparait le meme don. L'uri qui ble par les vices, par les passions innees ou par les
resulte du travail de I'homme, 1' autre, qui se fait obstacles qui sont venus s'y entasser , que la
sans ses efforts, et qui est inspire du ciel. Les eaux foi I'ouvre, que I'esperance le creuse profondemont
de la fontaine jadlissent spontanement : dans les et sans relache, et que I'amour I'elargisse, qu'il ne
piiits, la masse de la terre est ouverte et sa solidite soit pointpermis a I'oisivete et au desoeuvrement
se troure perforee, jusqu'a ce qu'on arrive aui de s'yreunir dans une position honteuse. Les joies
eaux vives. II faut que ces deux chose? soient unies, veritables veulent des esprits degages de I'angoisse
que I'industrie accompagne la grSce, et que la grace des soucis, et la vision de Dieu reclame imperieuse-
soit avec I'industrie deux elements
: H faut que ces ment le repos. Ne vous semble-t-U pas un puits
se pretent un mutuel secours. C'est en vain que profond, celui en qui sont caches tous les tresors
travaUle, celui qui creuse le puits, si la font line de de la science et de la sagesse de Dieu? Nierez-vous
la grace ne jaillit pas d'elle-meme. Mais c'est inu- que -Marie fut aussi comme un reservoir d'eau tres-
tilemeut que vousvous ouvrez un puits, et preparez pure; elle qui conservait tout ce que disait Jesus-
un receptacle poxir les eaux, si votre puits est ne- Christ et le repassait en son coeur? [Luc. ii, 51).
glige et iral place, les eaux vives qui descendent Soyez vous aussi un puits selon votre capacite, im
du Liban, avec impetuosite, n'y eutreront pas. Ces puits profond et large.
ondes qui viennent du Liban ne peuvent etre re- 6. Isaac apres avoir abandonn^ le puits de la
cueilJies que dans un lieu Ires-propre : et ces flots calomnie et le puits des inimities (Gen. xxxii, 22.),
qui coulent avec rapidite veulent rencoutrer un s'enouvrit deux autres : le puits dela largeuret ce-
Quelles sont reservoir capace. Vous rendrez le vase de votre lui de la satiete. A cote de I'un il cessade hitter avec
les
dispositions
puits large et profond, si vous chassez les soucis les vices; pres de I'autre, il commenca a goiiter de-
poar la terrestres ; si vous preparez, dans votre esprit, une licieusement le fruit de la vertu. II ne voulut pas
sagesse.
place poiu" la joie spirituelle; si vous ouvrez la avoir de puits commun avec les PhUistins; ce mot

tit, de aquis sponsae, de aquis Bersabee,


veniat, et bibal opus praeparata sunt foramina tua in die natintatis tua?,
nt no^^3 ex ea Salomon
Dascatur. Et Bersabee puteus sicut scriptum est de principe Tm. Capacitas intelli-
Septimus interpretatiir id est puteus quietis, puteus sa-
: gentice naturalis, qua in die creationis tuae prae ceteris
pientise. Nam spirilualium cataiogo mune-
sapientia in animantibus privilegiatus es, ingentis receptaculi \icem
rum ascendenti supsum septima occurrit. tenet ad comprehendendas continendasque aquas visionis
5. Sicut et puteus sapientiae, ita et fons sapientiae le- et vitae. Legimus enim viventis et videntis puteum. Qui
gitur. Et forte in his duobus geminus ejus modus ex- si post peccatum Ailiis, vel innatis, vel superaddistis,
primitur. Unus qui fit per investigafionem, alter qui fit ofcstrusus \idetur, aper-iat ilium Gdes, spes in altum ins-
per inspirationem. Fontis aqua? ulfro prorumpunt in puteo : tantcr diffodiat, dilatet amor. Otium et exoccupatio co-
vera terrfe perrumpitur moles, et soliditas peaetrafur : haerere situ turpi non sinat. Siquidem feriatas meutesab
ut ad aquam ^ivam perfinga-s. Utraque alteri necessaria anxiis curis volunt habere festiva gaudia, et vacationem
est, et industria gratiae, et gratia industriap, et ^icariam sibi vindicat visio Dei. Annon
quidam puteus altustibi
opem sibi communicant. In \"anum enim laborat, qui videtur Ule, in quo omnes thesauri sa-
reconditi sunt
puteum fodit, si non ipse fons vitae gratis aflluat. Sed et pientiae et scientiae Dei? An Mariam quasi puteum aquae
tibi gratis foderis puteum, et receptaculum aquarum purissimae inficiaberis, quae conservabat omnia verba de
praeparareris, si fuerit neglectus puteus tuus et situ Christo, conferens in corde suo ? Esto et tu talis puteus
squalens, non descendent non fluent in ilium aquae ^^vaB, pro modulo tuo, puteus altus et amplus.
impetu de Libano. Aquae qua? descendunt de Libano, 6. Isaac post calumniae puteum, post puteum inimici-
nesciunt coUigi nisi in puteum candidum et aquae : tiarum, post hos, inquam, duos puteos relictos, duos
quae cum impetu flunnt, volunt puteum habere capacem. puteos efTodit? puteum latitudinis, et puteum satietatis.
AJtum et capacem efBcies cordis tui puteum, si curas In illo coepit non rixari cum ntiis, in isto coepit fructu
terrenas egeras si locum efDcias in animo (no laetitiae
; deliciari virtutis. Noluit cum Philistaeis puteum habere
spirituali; si os tuum aperias ut attrahas spiritum, et communem, qui interpretantur potionccadentes. Puteos
fluant in ventrem tnum flumina aquae %-ivae. Ad hoc inimicitiarum, et calumniae reliquit Philistaeis. Corruunt
SERMONS SUR LE CA.NT1QUE DES C^iNTIQUES. 205
signifie ceux qiii tombent sous la potion. U leur se precipitent avec impetuosity,mais ils ne nennent
abandonna le piiits des inimities et de la calomnie. pas du Liban. Ces eaux ne sont pas des eaux fidc-
ereti- lis s'affaissent entierement ceux qui boivent les eaux les, ne sont pas des eauxvives. La discorde ne peut
enscnt
lits de du puits de I'erreur et du schisme. Ceux qui en sont pas etre constamment d'accord avec elle-meme,
omnie ceux qui
les auleurs, creusent ces puits, et les ecou- la paix ne peut pas regner toujours eutre ceux qui
de
ration. tent eu boivent les eaux. Alius en creusa, Donat en enfantent le scbisme et la division. Le scbisme ne
grandement la foi, le se-
creusa. Le premier altera se tient pas toujours fidelite, et ne peut rester uui
cond decliira a morceau I'union de la concorde en un corps, lui, qui a pour resultat de dbsoudre
fraternelle. L'un dans son sentiment beretique, le cinientde la charite. Si quelqu'un vous engage
iMablit des degres dans I'egalite de la Trinito; I'au- a venir a ces puits,si cela vous est possible, detrui-

par sa presomption divisa en lambeaux I'unite


ti'e, sez ces Iravaux des Pbilislins, dessecbcz ces ondes
de Datban et Abiron creuserent contre
I'Eglise. pestilentielles : laissez aux Pbilistins leurs puits, les
Molse et Aaron le puits de la calomnie, [Numer, puits des inimities.
XVI.) et ils tomberent dans la fosse qu ils avaient 7. Recbercbez les puits des delices celestes, les
ouverte, la terre les engloutit vivants, ils furent puits deseaux lideles et des eaux vives qui coulent
renverses en buvant I'eau qu'ils avaient chercliee, du Liban avec force. Soyez la lleur du jardin et
rcalisant par ce fait la signification du mot de Pbi- du jardin ferme, pour que nulle main ne vous en-
listin. Le puits excellent, c'est celui dont les eaux leve; et vous verrez comment le Seigneur ouvrira
font relevcr la tete et ne renversent pas lorsqu'on pour vous les fontaines et les torrents. Eixez-vous
Les d^lice»
les a hues. II cretase, comme une fosse, I'esprit qui dans le jardin et peut-etre vous serez transformee da .--ieclc

en sont
peuetre dans la solidite des ecritures avec un sens puits, et de vos entrailles couleront des fleuves
trompenseset
terrostre; et violemmeut le jardin de TE-
il divise d'eau vive. Que sont les eaux vives sinon des eaux fugitives.

glise, I'bomme qui met au jour tme doctrine in- qui ne manquent jamais? Et ce sont d'excellentes
connue ou des mysteres obscurs. Mais il en est qui eaux, en les buvant on rafraicbit a coup sur I'ar-
par leurs recbercbes curieuses et leurs macbinations deur de la soif. Les delices du siecle preseutent ge-
trompeus'^?, font des blessures a la cbarile frater- neralemeut une sorte de fausse fraicbeur et ils etan-
nelle, et ouvrent des entrees a la discorde ; ils se cbent pour un moment
concupiscence mondai-
la
fixent et se cacbent dans I'obscuritedes conspirations, ne : mais eUes se dessecbent des qu'elles fleurissent,
sans Touloir en sortir, et vont s'eflbrcant de plus elles ne se font pas sentir longtemps, elles passent
en plus dans le scbisme dont ils elargissent les abi- comme un torrent rapide, et on ne trouve pas dans

,«hbma-
°^^^" ^^^ S^^^ '^^ ^^ caractere sont les puits des Pbi- le Ut de ce torrent des eaux pures et vives. Isaac
ea en listins, n'ayez rien de commun avec eux. Leurs fouilla dans le lit d'lm torrent dilferent et il trouva
(sent
!>si. flots coulent d'abord en silence, peu a peu ilsjail- les eaux vives. [Gen. xxvi, 19.) Car il est un torrent
lisseut d'un esprit terrestre et brutal, et ensuite ils dont les ondes paraissent agreables, mais elles no

plane, qui bibunt de erroris et schismatis puteo. Tales sibi constare discordia, non potest inter parientes schis-
putcos fodiunl auctores, bibunt auditores. Sic infodit ma pcrpetua pax servari, Ipsura schisma infidum est
Arius, sic Donatus. .\Uer fidci caluraniam induxit, alter sibi, nequit sibi cohterere diutius, quod caritatis pcrtcn-
fraternitatiscopulam in partes diduxit. llle Trinifatis tat dissolverc glutinuni. Si quis te ad hos putcos invi-
npqualitatem haerctica deftinitione distinxit gradibus; iste tavci-it, dirumpe, si potes puteos Philistinorimi, cl aquas
Ecclesiae unitateni sua praesumptionc distraxit partibus. pestilentes exsicca : rebnquc PhilistaMs puteos suos, pu-
Dathan Abiron puteos calumniae foderunt adversus
et teos inimicitiarum.
Moysen et Aaron, et inciderunt in foveam ipsi quam fe- Sectare puteos caplestium dcliciarum, putcos aqua-
7.

ccrunf, qn. s polionc quam ipsi


terra ^ivos absorbuit : rum (idclium, ct aquarum vivcntium, qua; lluunt impctu
foderunt, pra^cipitati sunt, nomcn Philistaeorum inler- de Libano. Esto flos horti, et horli conclusi, ut non di-
prelantcs cventu. Bonus autem putcus, de cujus aquis ripiaris : ct videbis quomodo tibi dirumpet Dominus
qui biberit, exallabit caput, non potione cadet. Quasi fontcs cl torrenfes. Conversare in horto si forte et ipse
foveam fodit, qui terreni sensus acumine Scriplune so- convertaris in puteum, ct de ventre tuo fluniina fluant
liditatcm pcneti-at, et violenter scindit hortulum Eccle- aqua; viva;. Quaenam sunt aquae viva;, nisi aqua; non
slsp, quoddam incognitum dogma producens, et obscura deficicntes? Et quidem bona; aquae, haustusquarura a's-
mysteria. Scd ct qui subtili scrutinio et dolosa niachina- tum desidcrii sine dcfectu rcfrigerat. Sa;culi oblecta-
tione fratcrnae caritatis * solida perforat, ct discordiag menta univcrsaliter falsam praefcrunl refrigerii spccieoi,
vcnam aperit; qui se conspirationem claudlt et signal in et s;pcularem concupisccntiam sedant ad horam scd :

puteo, nor. acquiesccns egredi, sed magis ac magis in- quasi sub ipso ortu statim arcscunt, nee Huunt vena pc-
grediens in interiora schismatis, et ejus effodiens abys- rcnni quasi torrens raptini Iranseunt, ct non est invc-
:

sum Philistaeorum est hie puteus, nihil tibi sit com-


:
nire in hoc torrcnte aquas vivas. Alio quodam Isaac fo-
mune cum illo. Scnsim primo et secrete crescunt, el de dit in torrcnte, et aquas vivas invenit. Est enim lorrcna,
tcrrcns et bruta> mentis crumpunt visccribus, donee qui suavis vidctur, scd salutaris non est, nee scmpiter-
postea cum impctu fluant, scd non lluunt de Libano. nus quidem, sicut sa;cularis ille, qucm pra-dixcmua,
Non hae aequae fidelcs sunt, non aquce vivse, Non potest lluxus voluptatis, Et est torrens s^ularis quidcii^ ^cd
:
206 L'ABBfi GiLLEBERT.

sont pas saines, dies ne coulent pas toujours, tel ce fleuve intarissable en apparaissant agreablement
est ce cours de la volupti dont nous venons de en ce lieu ne s'y montre qu'avec rapidite et
parler. II est un torrent aux eaux salutaires , mais comme k la derobee. lisne brillent, ils ne coulent
qui ne coule pas toujours : si vous creusez dans que dans les jardins, et dans les jardins remplis
son lit, vous y rencontrerez des eaux vives. « Nous de plantes aromatiques. profondeur des ricliessci

avons , » dit I'aputre saint Pierre , « le texte de la sagesse et de la science de Dieu, que vous
proplietique qui est plus solide ; vous faites bien ressemblez i un piiits ! L'on ne peut jamais vous
de le considerer; il est comme une lampe allumee epuiser, vous repandez les eaux vives , les eaux
dans un lieu plein de tenebres, jusqu'a ce que le grasses et salutaires.
jour luise, et du matin paraisse dansnos
que I'etoUe 8. Qui donnera ces eaux a mon jardin, et qui
cceurs. » (u Petr., n, 19.) Ce flambeau ne s'etein- mettra en mon coeur ce puits de delices ? Seigneur,
dra pasdurant la nuit; tant que les ombres regnent, purifiez-moi de mes fautes cachees, et epargnez vo-
sa lumiere est necessaii'e. Mais quand se levera le tre serviteur a cause des peches d'autrui. [Ps. xviii,

jour de Feternite, la lumiere de la doctrine des 13.) Faites de moi un Liban; « aspergez-moi, et je

prophetes cessera, eaux des ecritures seront


et les serai blanchi, lavez-moi, et je deviendrad plus ecla-
Malntenant dessecliees comme un toTTent passe. Soit que les tant que la neige. » {Ps. l, 9.) « Puriflez moi dun
proplieties recoivent leur accomplissement, soit que pecbe trop grand, 'et vos paroles, tombees de votre
connaissance
des mystfires le don des langues s'arrete ou que la science soit bouche, seront mes delices, et la meditation de mon
finaVment detruite. (i Cor. xui, 3.) En comparaison de la re- ccEur sera constamment en votre presence. IPs.
claire et
manifeste.
velation future du Paradis, le texte de I'ecriture xvui, 15.) Reudez-moi pareil au Liban, afin que
coule obscur (pour ainsi parler) a la maniere d'un sans relacbe je vous verse ces eaux. « Et elles pro-
torrent, nous instruisant par ses reflets et ses enig- duiront des delices. » Qu'est-ce h dire, produiront
mas. les eaux de cette vision qu'il contemple
Mais des delices, si ce n'est que I'une et I'autre me plai-
face k face, sont pures et eternelles. EUes ne vous ront, et qu'elles plairont a I'un et a I'autre. Qu'est-
manqueront pas, vous ne leur ferez jamais defaut. ce a dire a I'un et a I'autre, sinon h vous et a moi?
Quand le torrent de cette vie mortelle aura passe, Qu'est-ce a dire I'une et I'autre, sinon les paroles de
les mysteres voiles s'ecouleront avec elle, et alors la louange et la meditation du coeur? VoUa les eaux
6claterajoyeusement la verite sereine, pourl'amour vivantes parce qu'elles plaisent toujours, parce que
de laquelle vous avez ereuse ici-bas dans le lit d'un toujours eUes coulent; eUes ne descendent que du
torrent. Sur la terre, ce sont des reflets, la- Liban, et en descendent non avec lenteiir mais a
]iaut, la vue directe. Cette vision sacree a coutume flots precipites. Les impressions violentes de I'amour Imptei
comme un torrent rapide, leur cours est agrea-
deVw
de penetrer en quelque maniere dans la terre etran- sont
gere : et se montrant joyeuse a ceux qui voyagent ble, ne rencontre pas de difficultes. Leur rapidite
il

dans le sejour de I'exil, eUe les invite a gagner la est grande, I'amour atteint efficacement jusqu'a

patrie. Mais le rayon de ce foyer eternel, le flot de I'afi'ection et il I'epuise suavement. Sa force est

non sempiternus si tamen efToderis in eo, aquas vivas


: non emergit nisi in hortis, et in hortis aromaticis. I
reperies. Habemus, mquit PelruSyfirmiorempropheticum altitude di\-itiarum sapientiae et scientiaeDei, quam simi-
sermonem, cui benefacitis attendentes , ianquam lucernce lis es puteo." Non poles exhauriri, aquas vivas efTundis,
lucenii in caliginoso loco, donee illuceseat dies, et htcifer et aquas salubres et uberes.
oriatur in cordibus vestris. Non extinguetur in noctc ista 8. Quis dabit hortulo meo has aquas, et cordi meo
lucerna interim enim usus ejus necessarius est. Sod
: hunc puteum deliciarum? Ab occuUis meis nninda me
cum dies seternus eluxerit, propheticae lucerna cessabit Domine, et ab alienis parce servo tuo. Fac me Libanum ;
doctrinae, et litterarii sermonis exsiccabitur torrens. Sive asperge me et mundabor, lava me et super nivem dcal-
cnim propetiae evacuabuntur, sive linguae cessabunt, sive babor. Emunda me a dilecfo maxima, et erunt td com-
scientia dcstruetur futurae manifesfationis respectu tur-
; placeant eloquia oris tnei, et meditatio cordis meiincons-
bidus (ut sic dicani) in modum torrentis iluit sacree pectu tuo semper. Fac me Libanum ut has tibi semper
sermo Scripturae, instruens nos per speculum et in aeni- aquas effandam. Erunt, inquit, ut complaceant. Quid est
mate. Illius autem, quae est facie ad faciem, visionis, complaceanf, nisi ut utraque placeant, et utrique pla-
verae, purae sunt et perennes aquae. Non deerunt illae ceant? Cui utrique, nisi mihi et tibi? Quae utraque,
tibi, non tu illis. Cum mortalitatis hujus transient tor- nisi eloquia laudis, et meditatio cordis? Aquae istae vi-
rens, transibunt cum mortalitate mysteria nubila, et sine ventes sunt, quia semper complacent, semper fluunt :
velamine serena Veritas, propter quam hie torrentem ef- sed non fluunt nisi de Libano, nee lente quidem, sed
foderas, hilariter crumpet. Istic locus est speculo, illic cum impetu. Magnus impetus \-iolenti sensus amoris :
directae speculalioni. Solet tamen aliquo modo haec spe- dulces tamen, non difficiles aditus habet. Magnus im-
culatio locum alienum pervadere : et in loco peregrina- petus ejus, quia usque ad affectum pertingit efficaciter,
tionis se viantibus hilariter ostendens, invitat ad pa- et exhaurit suaviter. Magnus impetus ejus, cujus Aehe-
triam. Vere quidem festivus, sed furtivus adhuc istius mentiae resistere nil potest Cum impetu, inquit, de Li-
:

aeterni et luminis radius, et fluminis rivus, Non emicat, bano, Expressit causam redundantiee, nomine Libani.

t\
SERMONS SLTl LE CANTIQUE DES C ANTIQUES. 207
puissante, rien no resiste i son imp6^aosite Avec : « puissant courant, qu'aucun obstacle ne peut ra-
fracas descend du Liban, »
il dit Tepous. Par ce lentir.
nom de Liban, il a exprinie la cause de son abon- 9. Enfin ces eaux coulent avec force pour celui
dance. La purete est la source de la joie surabou- que ni la persecution, ni la faini, ni le peril, ni la
dante, elle ropand les eaux de la sagesse qui sont nudite, ni le glaive ne peuvent sepnrer de
la cha-
tres-salutaires. Ces oudes jaillisseut d'line source ritede Dieu. Que d'obstacles les scandales ont op-
pure et ont pour effet de rendre encore plus pur. poses aux peuples croyants, que de difQcultes
Reunissez en un lieu, et entassez comme en un mon- les persecutions ont soulevees conlr'eux, et ncan-
ceau, toutesces deUces considerez etvoyez lepuits,
:
moins les flots coulent toujours du Liban. Car ces
le Liban , I'impetuosite des Hots, les eaux vives : eaux signifient les peuples. {Ap. xvii, 15.) Grands
vous trouverez sous toutes ces expressions (si vous sont les obstacles, plus grande est la force du cou-
J pretez attention) que
eaux sont pures, cachees
ces rant. Si vous faites effort pour I'arreter, il se gon-
ct rapides et inepuisables. Le « puits » signifle la fle davantage et il rompt toute digue. Refoule, il
Les fideles
profondeur, le « Liban, » la purete. « L'impe- hausse le niveau de ses flots, et, puisant des forces autrefois
invincibles
tuosite » entraine toutes les autres affections, les dans I'obstacle qui s'oppose a sa course, il se repand dans la

Ifoi
eaux vives ne peuvent pas etre taries. Lafoi est ega- avec plus d'abondance. Pour I'amour, les obstacles violence des
persecutions.
ipar^c
lement un bon Liban, c'est par elle que les coeurs eux-memes tournent a bien, et la vertu persecutee
ban.
sont purifies. C'est de ce Liban que coulent les s'accroit dans tourments. Est-ce que si je me tais.
les
eaux vives,d'une intelligence pure parce que si : ces idees peuvent toucher la conscience de ceux
vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. dont la charite coule en des lieux et a des jours in-
{Is. VII, 9.) C'est li un acte parfaitd'intelligence, sa certains : cceurs inconstants qui aiment pour un
contemplation durera aux siecles des siecles. VoUa temps, et se retirent au moment de la tribulation,
celui qui est vraiment vivant. Car c'est la vie eter- que dis-je, de la tribulation? Sans rencontrer de
Les religieui
nelle que de connaitre un seul vrai Dieu, et celui grands obstacles, devant la difQculte legere d'une tifedes et
mous sont
qu'il a envoye qui est Jesus-Christ. [Joan, xvu, 3.) tenlation mediocre et douteuse ; ils sont facilement reprimand6s.
r Christ Et notre Seigneur Jesus-Clu'ist est le Liban, il verse arretes, et,changeant de resolution, ils se precipi-
est
ement
a flots precipites dans le sein de son epouse, les de- tent, par une pente irrevocable, du cote du siecle.
par£. lectations vives et delicieuses. II est le Liban, Si vous criez avec le prophete « arretez-vous, ar-
:

il est le ruisseau : car il est la lueur de la lumiere retez-vous » : mil ne revient sur ses pas. Aucune per-
dternelle et son emanation tres-pure. L'aftection de secution ne les ramene, aucune importunite tendre
I'epouse est un puits tres-agreable en elle, sem- ,• du maitre, aucundes revers qui se rencontrent fre-
blables aux eaux du Liban, les rayons de la lumiere quemment presque constamment dans lours voies
et
6ternelle se repandent et se rassemblent pour inon- malheiueuses. Ils courent, ils se precipitent et ils
der les fleurs et les jardins de I'epoux. Un excellent tombent, buvant en chemin k ce torrent de volupte
Liban, c'est done le fidele en qui ne se trouve qui n'exaltera pas, mais qui bien plutot, brisera
aucune taclie, et de I'ame de qui s'echappe un leur tete sur la terre. Heureux ceux qui marchent

Munditia locus redundantis laelitiae, et aquas sapien-


est banus, in qucm nihil inquinatum Incurrit ct magnus :

tial salutaris cffundit de candido prorumpunt, et can-


: impetus, qui nullo conipesci obicc potest.
didius reddunt. Congere in unum, et quasi in acervum 9. Denique illi aquaj cum impetu lluunt, qucm ncc
accumula delicias istas. Vide ct considera puteum, Li- pcrseculio ncc fames, ncc pcricuhmi, ncc nudilas, ncc
banuni, impetum, aquas vivas. Depreliendes in his (si gladius separare potest a caritatc Dei. Tot credcntilius
animo adverl.'.^} aquas istas ct serenas esse, et secretas, populis objecti sunt obiccs scandalorum, tot opposilai
et vehementcs, ct non dedcicntes. Puteus secretum dc- moles tormenlorum, et tamcn semper lluunt aqua' dc
signat, serenitatcm Libanus. In impetii omnis alius Libano. Aqua^ cnim populi sunt. Magni obiccs, sod ma-
cxliaui'itur affectus, aquae vivaenesciunt exhauriri. Bonus jor impetus. Si concris compcscerc, phis increscil, ct
cliam Libanus fides, eo quod fide corda mundentur. Ab perrumpil obstantia. Rcpulsus exsnrgit in cumuliim, ot
hoc Libano serena; intelligentiae aqua; viv;E lluunt quia : impedinicnlo lucra conquircns, se dilTundit uberius. Puro
nisi credideritis, non intelligetis. Intellectus autem'bonns amori etiam ipsi obiccs cooperanlur in bonum, el in-
cujus contemplalio nianct in sseculum sseculi. Hie est crcmenta capil vexata virtus injuriis. Nonnc mo silenlc
vere vivens. Nam vita aeterna haec est ut cognoscamus ista possunt pcrcutcre conscicntias corum, quorum amor
unum verum Ucum, et quern ipse misit Jesum Chris- incertis et locis ct horis lluit qui quidom ad lempus
:

tum. Et ipse Christus noster est Libanus, deicctationes diligunt, et in tempore tribulalionis recodunl?Quid dico
vivas fundens cum impetu in sinum dilectae. Ipse Liba- tribulationis ? Etiam cxiguaj et dubia* tcniationis num-
nus, et ipse rivus si quidem : ipse est candor lucis quam molem, scd obicem passi, facile compcscunlur, ct
ffitcrn.T?, ct emanatio sinccrissima. Delectabilis plane pu- rcfcxo proposilo impotu irrevocabili ad saicuiaria ruiint,
teus afTectus est sponsa;, in qucm ajterni candoris radii, Si inclamaveris juxla Propliotam Slntr, sink'
: non est :

acsiquidam dc Libano coUiguntur ct cffundun-


rivuli ct qui rcvertatur. Nulla illos porsiiaaio revocal, non porsc-
tur, ut florcs ct hortos irrigcnt sponsi. Bonus ergo Li- cutio pia magislri, Qon infclicitaa. quco frequenter ct
208 L'ABBE GILLEBERT.
sans tache dans leiirs voies, dans la loi de I'amour, dit Isaie, a viendra de rAquilon, » {Is. xiv, 31.)
qui courent pouss6s par I'esprit, partout ou cet es- Pour nous, ce n'est pa.s tant la fumee qui nous me-
prit les guide, n'allant jamais en arriere, aucun nace que la flarame des chaudieres sont enflam-
:

obstacle ne les separant de la charite de Dieu, qui mees en face de I'Aquilon. De I'Aquilon nous vient
est en Jesus-Christ, notre Seigneur qui vit et regne le froid, de I'Aquilon nous vienl la flamme. U en est
dans tous les siecles des siecles. Amen. ainsi. Seigneur. Dans la pesanteur de votre bras
irrite, vous repandez sur moi des amertumes, vous

SERMOiN XXXVIII. arretez le cours de vos misericordes : aussi mon


esprit est agite, et le feu s'enflammera dans ma me-
Eleve-loi, Aquilon, viens, vent du midi, et souffle ditation. Ce feu d'une inquiete soUicitude fait lour-
dans mon jardin. (Cant, iv, 16.) dement sentir ses atteintes i sa chaleur, les par-
;

fums ne content pas, il desseche plutut les graces


1. Les affections douces et saintes sont les aro- que vous laissez couler dans Tame alors sur- :

mates de I'epouse. Car elle-meme est un jardin. tout que I'adversite semble approcher davantage.
Le souffle de I'Auster les fait s'cxhaler pour rejouir 2. Ma douleur. Seigneur, est devant vous et mon
I'epoux, niais I'Aquilon arrete leurs emanations. Ce gemissement ne vous est point cache. Vous con-
vent quand U souffle, les aromates se
est froid et, naissez la raison de mon inc£uietude, j'aurais du
gelent. Jusques aquand, Seigneur, I'Aquilon de I'ad- plutot dire, de mon chagrin, car toute mon in-
versite ravagera-t-il nos terres? Jusques k quand se quietude changee en chagrin. Ou il n'y a pas
s'est
fera-t-il sentir dans nos jardins? Jusques a quand, moyen de prendre conseil, oil ne parait pas meme
6 bon Jesus, sou souffle glace empechera-t-il nos I'ombre d'un espoir heureux, c'est la que regne le
parfums d'embaumer I'air ? Epargnez-en, Seigneur, chagrin, plutot que I'inquietude. .Mes gemissements
6pargnez-en les rigueurs a votre epouse.
II y a bien sont grands, mon coeur est attriste. Les petits en-
longtemps que ce vent cruel gele, contracte et do- fants demandent du pain, et il ne se trouve personne
ll deplore les mine de tous cutes autour de nous. Les malheurs qui le leur rompe. [Lament, iv, h.) Pas un homme
de'son 'temps,
s'entassent de toutes parts. Commandez-lui, Sei- pour distribucr je ne dis pas le pain de la parole,
gneur, de s'elever et de se retirer pour nous lais- mais meme ce pain qui tous les jours alimente le
ser le temps de respirer. La pauvrete de I'infortune corps. L'amene pent cependants'engraisser dupain
est sterile, et elle ue produit de toutes parts que de celeste de la doctrine, quand la privation du pain
nouvelles tristesses. Ce qui est faible est facilement quotidien du corps lui fait sentir une sorte de mai-
blesse et I'abime du malheur en appelle un autre greur de chagrin. Au bruit de ces gemissements,
h la voix de \os cataractes. En secret vous appelez j'ai oublie de manger
le pain celeste. L'adversite
I'adversite contre nous ; c'est comme si vous disiez qui frappe au dehors est un dur Aquilon, bien plus
h TAquilon : leve-toi, souffle et regne? a La fumee. dure, est la tristesse de I'esprit. L'une vous frappe.

fere semper est in viis eorum. Fluunt ct ruunt et cor- undique premit adversitas. Die ei Domine, ut surgat, ut
ruunt, ut bibant in via de torrenle voluptalis, quae non cedat, ut sinat locum esse respirandi. Infortunii pauper-
exaltabit, sed conquassabit in terra capita eorum, Beati tas sterilis est, et graves undique parturit casus. Res in-
quidem immaculati in via, qui ambulant in lege caritatis, firmae facile laeduntur, et abyssus aliam in-
infelicitatis
qui ambulant in impetu ubicumquc fucrit impetus spi- vocat in voce cataracfarum tuarum. Occulte adversum
ritus, et non revertuntur, nee aliquo separantur obsla- nos vocas adversa et quomodo si dicas Aquiloni, in-
:

culo a caritate Dei, qu;E est in Christo Jesu Domino surgc, premc, possidc? Funms, inquit Isaias, ab Aqui-
nostro, qui vivit ct regnat per omnia saicula sa-culorum. lone vcniet. Nobis autem non tarn fumus quam flamma
Amen. jam imminet, ollajsuccensh a facie Aquilonis. Ab Aqui-
lone frigus, et ab Aquilone flamma. Ita est Domine. In
SERMO XXXVIIL duritia manus tuae adversaris mihi, misericordiae tuae vc-
nas rcstringis; ideo exaestuat animus mens, et in medi-
Surge aquilo, et veni auster : perfla hortum meum.
tationc mea exardescct ignis. Gra\is iste anxiae sollicitu-
Cant. 4, d.
dinis ignis est, et calore ejus aromata non fluunt, sed
magis si qua sinis fluere, siccantur fluenta praesertlni :

1. Affectiones dulces et sanctae, sunt sponsae aromata. ubi magis magisque adversilatum aperire se \idetur
Nam ipsa est hortus. Austro flante ista fluunt in deli- occasio.
cias sponsi, sed Aquilonis ha^c iterum inclementia sistit. 2. Domine dolor meus in conspectu tuo est, et gemi-
Frigidus est enim ventus Aquilo, et ad flatum ejus aro- tus meus a te non est absconditus. Sollicitudinis mea;
mata congelantur. Quandiu Domine adversitatis Aquilo ratio nota est
tibi, sed mcerorismagis dicere debueram:
regioncs nostras premet? quandiu incumbet hortulis Bollicitudoenim in mcerorem jam coepit tota transire.
nostris? quandiu, Jesu bone, constringet aromata nos- Ubi concilii non fulget occasio. ubi bonae spei se vel
tra rigor Aquilonis? Parce Domine, parce ab Aquilone, umbra non otTert, ibi non sollicitudinis, sed moeroris
sponsaj tua?. Diu est quod urget, quod premit, quod sunt partes. Multi gemitus mei, et cor meum mcerens.
i!:}QjjJ^f^t.^ifituab|c (^Uru ft, ve.l^empna. Cumulata nos Parvuli petunt panem, et non est qui frangat eis, Deest
SERMONS SUR LE CAXTIQUE DES CANTIQUES 209
raes fi'eres : toutes les deux m'atteignent. Je par- ces douleurs ameres, I'esprit ne sait pas recevoir
tage avec vous la peine qui nous est commune, et lesdouces influences de souffles plus doux. Reveil-
j'en eprouve a I'mterieiu' une plus vivement que lez-vous, Seigneur, que TAquiloa ne prevale pas,
vous, parce que je la ressens pour vous. D'un cote, depuis trop de temps il s'est leve, trop longtemps
les revers de I'adversite, del'autre, lescalomnies de il a rt'gne : dites-lui de se retirer et de faire place
I'opinion publique. Les uns murinurent, les autres au vent du midi. Deja la cliauiliere a ete enflammee
insultent, et quand ari'ive ce que I'industrie liu- a la face de I'Aquilon. [Jerem. i, 13.) Envoyez, Sei-
maine ne pent empecher ni prevoir, on en fait un gneur, la tiede haleine du midi qui fera sentir, au
sujet de blame et de reproche. Quelques-uns irri- mUieu de cette fournaise, la fraicheur de la rosee.
tent, d'autres se moquent, faisant servir la mau- Je n'ose pas demander que ce vent du midi souffle
vaise fortune a alimeuter leur sottise. Les bons toujours, il suffit qu'il tempere la rigueur de I'A-
succes qui les favorisent, lis se les imputent et les quilon, en prenant quelquefois sa place dans les
regardent, non conime des faveurs du ciel, mais airs. Vous etendez (aiusi que nous le lisons au livre
comnie le resuUat de leur prevoyance et de leur de Job) I'Aquilon sur le vide, non sur le jardin. II
merite. « Les voleurs, » dit Job, « voient leurs ten- n'est pas vide le jardin de I'epouse, il est rempli de
tes regorger de richesses, et ils provoquent Dieu tant de sortes de plantes aromatiques. Et comment
avec aiidace, bieu que ce soit lui qui leur ait tout pourront s'exlialer les aromates joyeux de medi- la
mis entre mains. » [Joh. xu, 6.) U en est qui voient tation, la oil le gout de I'ame n'est pas exempt des
et qui provoquent, qui enlevent ce qui appartient atteintes du chagrin, la oil I'adversite contriste, et
au Seigneur en se I'attribuant a eux-memes, et qui I'Aquilon resserre ? Soyez jaloux. Seigneur, montrez
croient que le don de la grace divine est le fruit de du pour votre epouse, dites a I'Aquilon de s'en
zele
leur propre habilete. Pourquoi nous reprocher les de partagor le temps de son regne avec le
aller, et
bienfaits que leciel a deverses sur vous? Est-ce parce vent du midi. 11 en sera de la sorte, lorsque vos
que le regard de la clemence divine est bon pour consolations rejouiront mon ame selon I'etendue
vous, que votre ceil est mecliant pour nous ? Pour- des douleurs que mon coeur aura ressenties. Vous
quoi les faveurs d'en haut vous portent-elles a de- voyez, mes comment I'Aquilon fait une place
freres,
nigrer les autres, au lieu de vous engager a leur egale au souffle du midi, etpeut-etre que la ou I'A-
communiquer de vos biens? quilon a grandement souffle, I'Auster soufflera plus
3. Vous voyez. Seigneur, combien des regions de grandement encore. Car I'Auster se fera heureuse-
I'Aquilon, nous viennent des vents desagreables ; de ment sentir, et il dedommagera des desagremeuts de tentation
toutes parts nous arrivent des peines, des murmu- causes par
r I'Aquilon. Que ce vent du nord s'eleve
i.
--^ *^',*^f.
consolation.
res et des reproches. Pris et resserre au milieu de done, qu'il sevisse tant qu'il voudra, qu'il se livre i

enim qui frangatur, non dico de verbi pane, sed de hoc bra. Inter hujusmodi dolores distractus et constrictus ani-
quotidiano corporis alimento. Non polest tamen coelestis mus, Austri lenia nescit flabra recipere. Exsurge Domi-
illius panis pinguedine repleri anima mea dum qiioti- : ne, non praevaleat Aquilo, satis est, quod jam diu in-
diani hujus panis inopia maciem qnamdam nioeroris in- surrexit, quod incubuit die ut surgat, ut discedat, ut
:

diicit. A voce gemitus istius oblitus sum comedcre pa- cedat .\ustro. Succcnsa jam pridem est olla a facie .Xqui-
nem ilium ccelestem. Durus Aquilo, exterior adversitas, lonis, sed tu domine Austrum cmitte, qui facial medium
sed multo durior mentis anxietas. Altera, fratres, vos fornacis hujus quasi ventum roris flantem. Non audeo
urget me premit utraquc. Ego communi altritione la-
: continuos .\ustri flatus rogare sufficit si vel interpola-
:

boro domestica quadam praj vobis, quia pro


in vobis, et tione ejus Aquilonis malignitas tcmpcretur. Extendis
voois. Hinc infoitunii casus, hinc forcnses insurgunt ca- (sicut in Job Icgimus) Aquilonem super vacuum, non
lumniae. Alii submurniurant, et alii insultant et quod : super hortum. Non est vacuus hortulus sponsae, in quo
non est humanaj industriae providere ne contingat, im- superius annumeratae plantanlur tot aromalicae species.
properant cum acciderit. Quidam irritant, quidam irri- Et quomodo quibunt meditationis aromata la?la profluc-
dent, adversam fortunam ad fatuitatem trabentes. Suc- re,' ubi a moerore libera non sunt studia, ubi conlristat
cessus bonos quibus exuberant, sibi imputant, ct quasi adversitas, .\quilo stringit? Esto, Domine, zelotcs, ;cmu-
aut providentia', aut meriti credunt, non muneris esse lare sponstm, die .\quiloni ut surgat, et cum Ausiro di-
divini. Abundant, inquit Job, labernacula prcedonum, midiet tempora sua. Sic quidem (iet secundum mullitu-
et audacter provocant Deian, cum ipse omnia dederit in dincm dolorum mcorum in corde meo, si c^nsolationes
manus ipsorum. Quidam et praedoncs et provocatorcs tuae hetificent animam mcam. Videtis, fratres, qualitcp
sunt, qui quod Dei est, ipsi tollunt, dum sibi tribuunt; Aquilo ad mcnsuram sui .\ustrumparluriat et forte ubi :

et divinae donum gratia) ad propriae intlectunt eirectum abundavit Aquilo, superabundabitct.\uster. Auslorenim
industriae. Quid impensa desuper vobis bcneficia impro- et prospere llat)it, et quas intuiit Aquilo compensabit in-
peratis nobis? An quia clementiae divinae circa vos ocu- jurias. Ergo surgat Aquilo, sipviat, quantumlibet frcmat,
lus bonus est, ideo vestcr erga nos nequam est? Cur vos dunimodo occasionem, el quasi vim * pra-stot llalibus • al. niate-

graves portulissc Aquilonis riaiu.


divina beneficia paratioresreddunt ad dcrogandum,quam Austri. Nonnc tibiv idcntur
ad erogandum? flatus, quos in cpistola ad Ilcbra30s Paulus alloquitur?
3. Vides Domine quel ex partibus Aquilonis nos llabra Mdijnum, inquit, ccrtatncn .itustinuistis passionuui : et in
molestant, undique perflant incommoda, murmura, pro- altera quidem opprot/riis ct tribulattonibus spectaculuin

T. V. u
, :

210 LABBE GILLEBERT.


toutes ses fiireurs, pourvu qu"il cede cnfm la place U. Mais est-ce a dire pourcela que le cruel Aqui-
au vent du midi, et lui douue meme sa force, N'a- lon cessa de sevir? N'est-il pas vrai que la tpui-
vaient-ils pas subi de cruelles atteintes de I'Aquilon pete de la persecution ct les allaques de I'heresie
ces Qdeles a qui saiut Paul s'adresse en son epitre s'elevL'rent encore plus violentes? N'est-ce pas que
aux Hebreux Vous avez soutenu de violentes at-
: « I'Aquilon de I't-preuve lutta, avcc uue sortc de ja-
tacjues, » dit-il, « d'un cote, vous etes devenus un lousie, contre I'Auster de la grace? 11 s'efforce de
spectacle qui vous a attire les opprobres et les ou- faire regner dans le jardin la severite d'un esprit
trages; d'un autre, vous avez ete mis en societe de rude, voulant empecber les aromates de couler ;

ceux cjui out souffert de la sorte, car vous avez mais ils n'en couleut qu'avec plus d'abondance.
compati aux maux de ceux de vos freres quietaient Tantot agitee, tautot apaisee par ces mouvemeuts
encbaines. [Heb. x, 31.) Mais I'Austerne reclamera- alternatifs, d'adversite et de prosperite, lEglise,
t-il pas quekpie pai't dans tout ce triompbe de I'A- epouse de Jesus-Christ, n'a pas cesse ou ne cesse
quilon? Assurement. Ecoutez la suite de ce passa- pas de produire les parfums des vertus. Dans la
ge : Yous avez supporte avec joie que I'on vous
« persecution, sa force a brille, dans lapaix, lenom-
enlevat vos biens, sacbant que vous aviez une for- bre de ses enfants s'est multiplie. Dans I'une, les

tune meilleure et durable. « Et quand les apotres vaillants sont eprouves, dans I'autre, les iuQrmes
<ise retiraient joyeux de la presence du conseil, sont fortifies. Pouvquoi rappeler en ce moment la
parce qu'ils avaient ete juges digues de recevoir primitive Eglise, quand aujourd'bui encore, le jar-
affront pour le nom de Jesus. » [Act. v, hi.-) Ne din de I'epoux recoit des attaques frequentes de
vous semble-t-il pas qu'alors le vent du midi fit I'Aquilon, moins violentes cependant. Sur ses frou-
sentir son souffle agreable contre les rigueui's du tieres, I'Auster et I'AquUon se remplacent tour-a-
Dans nord. Considerez les tristes jours de la sepultui-e du tour. En ce temps, I'Eglisearecu unrude coupveuii
les apotres,
Seigneur. N'est-ce pas que, comme sous llnlluence du cote du nord. Car c'est de la que le schisme
de I'Aquilon, les coenrs des apotres s'etaient retrecis tire son origine : il en vient et il y reste, I'Aquilon
par I'infidelite et la timidite? A la resurrection de seul y gele tout. Dites-lui, Seigneur, de se lever et
ce divin maitre, I'Auster commenca de promener sa de fuir. Appelez le souffle du midi et dites-lui
douce baleine dans le jardin. Et durant tons ces « viens, parcours mon jardin, et que ses parfums
quarante jours, durant lesquels cette resurrection se repaudent. » Je ne parte pas de I'Auster de la fe-
se demontra par tant de preuves, la foi de la verite, licite et de la securite terrestre, car ti'op souvent,
et la liberie de la conflance se developperent peu-a cet Auster retient et desseche les aromates : mais
peu. Au jour meme de la Pentecote, quand le Saint- appelez I'Auster de votre grace, et s'il le faut, faites
Esprit arriva comme un souffle violent sur le cena- entrer dans ce jardin sterile I'Aquilon, non de I'obs-
cle ou les apotres se tenaient en repos, le froid de tination, mais de I'epreuve, afin que la souffirance

lem' esprit glace fut rechauffe, comme lorsque un ouvre I'inlelligence et amene I'obeissance. Cbatiez Les pf

torrent coule au souffle du midi, et de suite se votre jardin par les rigueurs de I'Aquilon : par ce tioot
saint
repandirent les aromates de la predication et des fleau, excitez sa torpeur, afin qu'il recherche avec
vertus. plus d'avidite les douceurs du vent du midi. Au-

facti, in altera socii taliter conversantium e/fecii. Xam et 4. Sed numquid idcirco aliquo durus quie\it? Nonne
vinctis, inquit, compassi estis. Sed inter tama Aquilonis multo vehementius persecutorum insurrexit procella, et
flabra nullas sibi vices vindicavit Auster"? Imo plane. impetus haneticse tempestatis Numquid non cPmula-.''

Denique audi quod sequitur Et rapinain, inquit, bono-


: tione quadam tentationis Aquilo, Austro se opposuit
rum vestrorum cum gaudio smcepistis, cognoscentes vos gratia? ? Quasi solus hortum perflare conatur quodara
Jiabere meliorem et manentem substantiam. Quid cum rigore duri spiritus, aromata restringere volens ne flu-
Apostoli irent gaudentcs a conspeciu concHii, quomam ant sed fanto latins fluunt. Adversitatis et prosperitatis
:

digni habiti sunt pro nomine Jesu confume/iam pati : alternis motibus nunc provacata, nunc pacata sponsa
nonne tibi videtur contra Aquilonis graves impetus leni- Christi Ecclesia ejus, aromata virtutum proferre non
ter ipsi Auster spirasse? Considcra tristia ilia sabbata destitit vel non desinit. In pcrsccutione virtus enituit, in
Sepulturae dominicae. Nonne velut ad .\quilonis flatum, pace auctus est numerus. In ilia fortes probantur in ista :

Apostolorum corda infidelitate et timiditate quadam di- foventur infirmi. Quid ergo primitivam Ecelesiam nunc
riguerunt? Resurgente Domino ccEpit Auster lenis hor- memoro, cum adhuc, etsi non tam vehementes, frequen-
tum ejus perflare. Totis his denique quadraginta diebus tes tamen Aquilonis impetus sustinet hortus sponsi?
in multis argumentis dominicae Resurrectionis et veri- Alternant circa ilium vices Auster et Aquilo. Gravis
tatis fides, et libertatis liducia sensim incrementa sump- impetus hoc tempore Ecelesiam impulit, et quidem ab
serunt. Ipso die Pentecostes, quando faclus est spiritus Aquilone. Nam inde est origo schismatis inde oritur, :

vehemens in coenaculo ubi erant Apostoli sedentes,soluta et ibi moratur solus iUic Aquilo premit. Die ei, Domine,
;

est omnis congelatae mentis frigidas, sicut torrens in ut surgat, ut'discedat. Voca et die Austro Veni, perfla :

Austro et deinceps verbi virtutumqueprofluxeruntaro-


: hortum meum, et fluant aromata illius. Non dico Aus-
mata. trum felicitatis et securitatis terrense, nam hie Auster
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 211
tour de notre jardin, ces deux souffles ciinemis se consolation prendra sa place, quand meme ici-bas,
partagent le temps aussi bien que les places. De il n'interromprait point le cours de ses violen-
ineme que I'Auster souffle cii tcl moment et I'Aqui- ces.Car la oil a abonde I'affliction, la grice a
lon en tel autre, de meme I'Auster regue en ce lieu, abonde.
et I'Aquilon seviten cet autre. Au-dehors I'Aquilon, 5. Mais pourquoi vous parler, mes freres, de la Aquilon qui
et au-dedans I'Auster : I'un cruel, I'autre agreable. tribulation que Ton sent au-dehors? II est un autre attaque
lC3 ruligieux.
Que I'Aquilon freniisse, et qu'il tempete au-dehors : Aquilon, qui d'ordinaire vous eprouver ses ri- fait

seulement, qu'il ue ravage pas le dedans du jardin, gueurs. Le Seigneur vous epargne les coups de
qu'il n'y eutre pas, qu'il n'etouffe pas la joie celui-la, et vous en menage d'autres qui remplacent

interieure qui est dans le Christ Jesus. Quand les attaqucs frequentes des troubles et de I'angoisse
done , Seigneur, cet esprit glacial s'arretera- qui sevissent dansle siecle. Aucun grave
venu souci,
t-il entierement; quand viendra le temps ou du dehors, ne vous parce qu'eu droit, aucun
altere,
Ton ne redoutera plus ses rigueurs? Votre ne vous atteint, neanmoins vous n'etes pas exempts
cite est batie, votre jardin est plante du cote de peines. Si du dehors, aucune torture ne vous
de ce vent du nord. Ce vent, dans les ecritures, est frappe, I'ennemi vous saisit au-dedans. Par une ex-
appele vent de la droitc. Aussi Jo'j exhale a son su- cellente disposition, les religieux ne sont pas decou-
jet cette plainte : « a la droite de I'Orient, » dit-il, verts aux influences du dehors ils n'echappent :

« mes malheurs se sont fait sentir soudain. [Job. point pour cela a I'Aquilon, quand ils ne se plai-
XXX, 12.) C'est avec raisoa qu'il appela vent de la sent pas dans I'interieur de leur monastere. Les Leur d6goflt
et leur
« droite, » ce vent qui ne cessa de lui jeter sur la joies, auparavant pleines de transports, sont prises
tristesse.
tete des choses sinistres : il apporta aussi a cet en dcgoiit, et la tristesse altere la face de I'ame qui
honune juste une augmentation de gloire, puisque precedemment montrait joyeuse. Heureux qui n'e-
se
sa vertu eprouvee brilla davantage et s'accrut dans prouve pas ce changement. Mais quel est celui qui
les assauts qu'elle cut a soutenir. Ce vent frappe a ce bonheur? Quel est celui que le chagrin n'abat
de bien pres votre jardin : car il se trouve a cote de point par moment, quel est celui, que par intervalles,
I'Aquilon. Faites, Seigneur, qu'il soiti notre droite, la tristesse ne ronge pas? D'abord notre barque

tempcrez-le par la tiede haleine de I'Auster. Car suivait le cours paisible d'une navigation prospere,
I'Aquilon, meme quand le vent du midi souffle, bientot nous rencontrons les recifs et les ecueils, et
tourne en bien pour nous et a I'avantage de votre au lieu du souffle favorable qui nous conduisait,

saint amour. Qu'il ne nous effrayc pas, qu'il ait voici qu'un tourbiUon ennemi se met a nous vexer.
recu I'ordre ou la permission de s'elever contre Meme la ou il n'y a pas de raison, le trouble se fait

nous. Encoi'e un peu de temps, et le souffle de la sentir. Aucun sujet ne parait, et la colere eclate.

frequenter aromata stringlt et exsiccat sed Aiistrum : etiam Aquilo in bonum tua>, dilectionis, etiam Austro
voca gratiae tuffi. Etsiilanecesseest,eLAquiloneniinillum afllante. Sive jussus, sive pcrmissus surgere Aquilo tri-
bulationis, non nos Icrrcat. Modicum enim
ct consola-
sterilem hortum mitte, non obstinationis, sed vexalioiiis
Aquilonem, lit ipsa vexatio dot intellcctum uudUui ad tioms Auster succcdct, etsi non interim inlorcidat. Ubi
obediendum. Aquilonis figorc (lagella horlum tuum enim abundavit afflictio, abundavit ct gratia.
hoc quasi verbere excita lorporcm ejus, ut avidius ad 5. Sed quid vobis, fratrcs, de extcriori dispulo tribu-
AusLri sc lenia spiramina conferat. Tarn partibus quam latione ? Alius solel vos Aquilo pcrurgere. Ab hoc vobis
temporibus Auster et Aquilo circa horlum nostrum vices Dcus Aquilone parcil, alios interponens, qui sfficularis
cxcipiant.
alternant. Sicut enim nunc flat Auster, nunc Aquilo ita :
tumultus et tribulationis impulsus frecpicntcs
Exterior vos cura gravis nulla perstringit, quia de jure
hie Auster, ct illic Aquilo. Aliquotics autcm ct simul
flant : sed alter foris, ct alter inlus. Poris .\quilo, et nulla contingit -.ncc tamen immunes esse vos sinit.
intus Auster Ouos non
exterior cura valet, interior aflicit liedio. Bene
: ille furens, ct istc fovcns. Frcnial Aquilo,
cxterioribus non
et tumultuetur foristantummodo hortum intus non cum illis agilur in hac parle, quod
clfugiunt, dam
:

sed nibilominus Aquilonem non


perflet, intro non pcnetrct, intimam quae est in Christo, patent :

non placent. Fcstiva prius gaudia


non constringat cordis lictitiam. Quando Doniine ex sibi in interioribus
mentis facieni tristitia
integro golidus ille spiritus quiescct quando erit, ut vcrtuntur in fastidium, et hilarcm
;
cui non est ha?c commutalio. Sed
jam non timeatur a facie frigoris ejus? L^undata est civi- commutal. Felix,
quis tamen est? quis enim
est, quem non al.quoties e
tas tua, hortus plantatus in lateribus Aquilonis. Hie Dcn.quc ubi
trist.t.a?
ventus in sccipturi.s dexter vocatur. Ideo Job talcm super Llium conficiat, ct cxulccret
ibi paulo postvadosamcur-
CO dcponit quorclani Ad dexteram, inquit, Orieutis prospero ferebamur navigio,
:
adversus crum-
calnmitates rnecu iltico sarrexerunt. Jure ventum ilium r mus sccunda fcrcntibus aura turbo
el
inslat lurbatio. Causa
; LI in ubi non
dextrum exsial ratio,
vocavit, qui nihil ei quivit sinistruni inferre :
Irascilur homo iraj quam
quin etlam gioriaj viro justo comportavit augmentum, non cminct, ct ira imminet. molum nes-
quando virtus ct probata cnituit, et provocala cxcrcvit. Sionabililcr patilur, et cujus deleslatur
Spiritus hie durus ubi vnll sp.ra :
ct
De vicino in liorluni tuum impingit situs est enim in : c I cxorlnm.
An mag.s quo
forte quo vadat
lateribus Aquilonis. Kftice ilium nobis, IJomine, dextrum; nes is n..ic venial, ct sed
tempera ilium (latibus Austri, Cooperatur enim nobis evadat? NamBead malum talis atTccUo vad.t,
ex
212 t'ABBE GILIEBERT.
L'liomrae s'irrite de la colere qu'il supporte sans pas disparaitrc. Ce tourbillon agiteles salutes resolu-
niolif, c't il lie salt d'oii provient le coup dont il ab- tions, il ne les renverse jms. 11 contractela joie, il ne
liorre Ics rigueurs. Ce souffle cruel se promene oil laisse pas la Constance. E'cspril sent I'eimui, il
^*
bon lui semble, et vous ne savez ni d'oii il vient, n'en est pas terrasse. II est triste, mais il lutte
ni peut-etre oil il va. Connaissez-vous mieux par contre sa tristesse. I. a vt-rlu aiusi eprouvee, n'en '"'*

liasard de quel cole il s'echappe? Car de son pro- est pas moins forte, elle est moins heureuse. Qu'a- nui

pre mouvement, uue telle impression ne tend pas t-elle de commun avec le vice contre lequel elle
vers le mal, souvent elle a le bien pour but. Elle lutte, a qui elle a declare la guerre? Ce degoiit
n'arrive point oil elle tend, Dieu, bien des fois, tire est comme s'il n'etait pas le sien, puisqu'elle ne
avanlage de la tentation. Le Seigneur, quand il lui contracte pas d'alliance avec lui. Elle le supporte
plait, amene I'Aquilon, quand il veut il lui dit : vas-t- avec peine, elle n'a aucune faiblesse lui. Ce pour
en. Et si son importunite vous fatigue, sachez que, n'est pas Fume qui le produit, mais bien plulot
comme un maiti'e d'ecole, elle vous rappelle des I'Aquilon a cote duquel elle demeure. Aussi elle le
souvenirs, etvous donne des avis. Elle vous rappelle deteste, parce qu'elle sent les attaques qu'il dirige
de faire attention a son voisinage ; elle vous averlit contre sa vertu. Celui qui a du sentiment, salt

d'eviter ses rigueurs. II n'est pas en votre pouvoir, avec quel ennui il souCfre de I'ennui que lui ins-
tanl que vous vous trouvez du cote de I'Aquilon, pire la bonne conduite, combien il est degoiite de
d'eviter sa proximite ; vous pouvez cependant echap- ce degout, avec quelle amertume il lulte contre
per a ses rigueurs. Tant que nous demeurons sur cette amertume que la continuite des exer-
violente
la terre, il est toujours pres de nous. II n'est pas cices reguliers produit malgre lui dans son coeur.
tpujours violent : apres avoirfait le tour par le nord, Par ses desirs I'ame se tourne vers le midi, et voici
souvent nous revenons vers le midi. Meme quand que I'Aquilon se precipite en elle avec importunite,
vous ne sentez pas ses coups, ayez toujours son voi- malgre sa repugnance et sa resistance. U lui est
sinage en suspicion. dur d'avoir a supporter ses froides atteintes et elle
6. Quand ecliapperez-vous a ses tourbillons, si le ne pent fuir a son gre. Elle est livree et a I'ennui
douxAuster, ne vient pas, et si vous ne tendez pas de la discipline, et au deplaisir que lui cause cet
vos ailes vers lui, que leurs plumes
de telle sorte enuui. Ces deux sentiments sout desagreables, ne
pous^ant vous fassent voter vers le ciel ? Si cepen- pas trouver de douceur a ce que Ton a choisi, et

dant I'Aquilon s'efTorce d'intervenir et de retenir sentir ce que Ton deteste. C'est un double ennui et

sous son souffle glace, les plumes nouvellement de defendre la discipline, et de repousser le de-
sorties, il empeclie alors les ailes de voter etles aro-
mates de couler. 11 ne les en-
les retient, dis-je,
il 7. Comment, 6 bon Jesus, tolerez-vous si longlemps Jes

leve pas. Car un grand ennui et une grande amer- une peine qui fait souffrir si extremement vo- ^
tume de coeur eprouventles vertus, mais ne les font tre epouse bien-aimee? Elle souffre bien malgre ^

frequenter evadit ad bonum. Non pertingit quo pergit, vitio, cum quo rixatur, cui bellum indicit. Quasi suum
sed facit Deus ctiam de lentatione proventum. Quajido non est fastidium, cum quo fcedus non contrahit.
vultipse inducit Aquilonem, quando vult dicit, Aqui'lo, Molestum patitur, non propitiatur illi. Denique non
surge. Et si interim de ejus molestia quereris, scito te ipse animus hoc operatur, sed magis Aquilo, in cujus
tali magisterio et commcmorari, et commoneri. Com- lateribus habitat. Ideo delcstalur illud, eo quod advei-sus
memoraris, ut Aquilonis viciniani attendas commoncris, ;
virtutem ejus molimina sentit. Qui scntit, ipse scit quan-
ut rigorem ejus cfFugias. Non subest tibi, dum in lateri- tocum taedio illud bona; conversationis taedium tolerat,
bus aquilonis situs es, ejus viciniam fugerc sed tamen : quomodo faslidit, fastidium illud, quanta cum amaritu-
violentiam evadere poles. Dum hie sumus, scraper dine obluctatur amaritudini illi, amaritudini Aiolcntiae,

vjcinus est. Non est semper violentus sed postquam : quae de jugitale exercitui disciplinaris in\ito se ingerit.

gyravimus per Aquilonam, s;epc reflectimus per meri- Ad Austrum animus ex vote se vergit ct ccce Aquilo :

diem. Etiam cum impulsum non sentis, habe suspectam adversanti, et invito se importune immcrgit. Durum est
viciniam ejus. sustincre a facie frigoris hujus, et fugcre non subest ad
6. Quando tamen ejus turbines evades, nisi leois votum. Laborat animus et disciplinae taedio, et hujus
Auster vocatus adveniat et sic expandas ad Austrum alas
: taedil odio. JMolesta est utraque affectio, et non dulces-

tuas, ut in ccelestem plumescas volatum ? Si tamen se cere quod elegeris, et sentire qnod oderis. Molestum
intermiscere nititur Aquilo, et nascentes in novitate utrumque, et propugnare disciplinam, et propulsare
pennas gelido restringere spiritu pennas a volatu, et ;
desidiam.
aromata inquam, non tollit,
restringit a fluxu. Stringit, 7. Quomodo, Jesu bone, tantam tandiu toleras vexa-

Vehemens anim taedium et amaritudo cordis virtutes tionem dilectae sponsae tuae ? Desidiam invita patitur, et
ipsas exercet, non evertit. Hie turbo propositum sanctum quasi voluntariam in se sic puniendo persequitur. ^ger-
impellit quidem, non tollit. Stringit hetitiam, non tollit rime tolerat quod non ad votum in te, qui bonum ejus
constantiam. Taedio afficitur animus, sed non conficitiir. es, solum deliciari valet. Sibi imputat quod suffert invita.

Tristalur, sed obluctatur tristitia? suae. Non est minus Stimulator ab Aquilone venit illi, sed stimulus iste ad
fortis sic atfecta virtus, sed minus felix. Quid illi cum preces sponsam instigat. Hoc stimulo castigata, ad sup-
!

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 5^13

elle cet etat de degoiit, et elle le poursuit en elle en I'ennui. Car ces deux choses sont nuisibles et prc-
se pimissant comme s'il etait volontaire. Elle siibit, sentent, pour ainsi dire, I'aspect de I'Aquilon : elles
avec line peine excessive, ce qui ne pent pas, selon cnchainent empechent la joie pure d'ar-
I'esprit, et
ses desirs, lui faire Irouver ses delices en vous seiil river jusqu'a lui. Qu'est-ce que la crainte? N'est-ce
qui etes tout son bien. Le froid de I'Aquilon la pi- pas ce sentiment qui resserre les sentiments par une
que, mais cet Aquilon I'excite a prier. Dechiree par sorte de froid glacial? Epargnez votre epouse,
ce coup, elle a recours aux supplications, elle qui qu'elle ne subisse pas I'influence de ce qui lui est
auparavant s'ctait preparee a recevoir les embras- etranger. Qu'y a-t-il de plus etranger pour elle, qui La crainte est
semenfs. Epargnez a votre cpouse, 6 bon Jesus, la est toute en la charite, que la crainte qui n'est pas bow" pfopos,

rigueur des jours mauvais. Si vous ne lui poiiez dans la charite ? La crainte est servile, Tepouse est
secours, I'Aquilon sefixera en maitre dans son tkme. appelee a laliberte. Vous avezvu,mes freres, dansle
Qui en efFet se lovera contre ce vent terrible, si ce discours d'hier, I'homme marcher timidement pour
n'est vous, 6 Dieu, qui venez du midi? Le bon par- recevoir les premiers elements de I'education; avec
fum, c'est la resolution sainte, c'est la conscience quefle resolution chancelante et tardive il s'est lais-

pure; mais ne coule point pour qui ne jouit pas


il se initier aux premiers rudiments de la discipline
des delices que procure ce bien. Venez, 6 bon Je- Et vous savez avec quelle profusion, tant qu'il etait
sus, venez; que votre souffle parcoure votre jar- dansle siecle, les aumones coulaient de sa main!
din, que ces aromates coulent comme un torrent quelle etait la cause de ce changement, sinon que
dans du vent du midi. Elle est le jardin,
la force dans cette region, I'Aquilon de la crainte avait souf-
soyez I'Auster. Quand vousl'arroserez, son ame sera fle dans son ame. L'Auster I'a touche d'un cote,

comme un jardin fertile quand votre souffle se ;


mais il n'a pas souffle pleinement en lui; aussi 11
fera sentir, ses parfums ne cesseront pas de faire repandit promptement ses largesses. Mais cette li-

respirer leurs exhalaisons suaves, 6 vous qui queur tres-precieuse et aromatique dn renoncement
vivez et regnez dans les siecles des siecles. Amen. a pu a peine sortir de son ame en tres-petite qUan-
tite et apres beaucoup d'efforts. II etait pleinement
SERMON XXXIX. semblable a ce jeime homme de I'EvangUe, qui, se
glorifiant devant le Seigneur d'avoir observe les

Leve-toi, Aquilon et accours, Auster, souffle sur man prescriptions de la loi, s'en alia triste quand on lui

jardin , et que ses parfums se fassent sentir. proposa les conseils plus etroits de la perfection
Cant. IV, 16. evangelique. [Matlh. xix, 22.) La diff'erence qu'il f
;*^^ a entre eux, c'est que I'un se retira attriste, et que
1. Accomplissez, o bon Jesus, ce que vous ordon- celui-ci, dont nous parlons, quoique triste, est nean-
,! nez, faites venir I'Auster du ciel, et qu'flentre dans raoins venu. Voyez I'Aquilon de la crainte souffl^nt
votre jardin, dans Tame de voli'e epouse. Par ce sous la loi mosa'ique, aussi sous son regue 11 coma"
souffle agreable, chassez de son coeur la tristesse et bien peu de gouttes de ces parfums precieux et ex-

plicationcs se confert, quae se prius in amplexus parave- Aquilonis : utrumque mentem ligat, et prfepcdit a pur»
rat. Mitiga sponsa? tuee, Jesu bone, a dicbus his malis. pi'ofluvio quodam la;titia;. Quid timor? nonnc et ipso
Nisi enim adjuvcs earn, habilabit in Aquiloneanima ejus. rigorc gelido constringit affectus? Ab alicnis parcff
Quis enim consurget adversus Aqiiilonem, nisi tu Deus, Dominc spons;E tuae. Quid magis alienum ab ca, quam
qui venis ab austro? Bonum aroma, propositum sanctum timor qui non est in carilatc, cum ipsa tola sit in carita-
et conscienlia pura sed non fluit illi, qui boni istius
:
tj? Illcservilis est, libertatcm vocala. Vidistis,.
ilia in
dcliciis non fruitur. Vcni, .Jesu bone, vcni pcrfla lioi'tum fratrcs, hesferno sermonc virum meticulosc incedere,
;

tuum, ut, lluanl aromafa ejus sicut torrcns inAuslro. Ipsa ut insfilufionis prima subirct elemenfa quam moranle, ;

est hortus, csto tu auster. To irrigante erit aniuia ejus et quam nutante proposifo disLipIin<E rudimenlis se
sicut boi'tus irriguus, et fe flanlc non deficient ejus passus est insigniri Et bene nosfis, dum adhuc sa;cula-
1

aromafa, qui vivis et rcgnas in saicula saiculoi'um. ris crat, quam largos clcemosinarum rivulos manus cjua

Amen. fundcljant. Quid erat caus;e, nisi quod mentem ejus in


hac parte timoris perlrlnxerat Aquilo? Auster scilicet
SERMO XXXIX. illam ex parte afllavit, sed non perflavit idco clopmoai- ;

narum prompte profudit aromata. Sod abrenuntialionis


protiosissimus illc aromaticusqnc liquor post mulloB'
Surge Aquilo, et veni Auster, perfla Iiorium nicum, et
conatus vix fandom ab ejus animo tcnuiter oxprimt
fluanl aromata illius. Cant. 4. d
pofuit. Plane sinulis crat cvangelico juvcni, qui apud*
Dominum de legis observalione gloriatus, evanfielicaa
1. Exple, Jesu bone, quod jnbes, trunsfcr Austrum de pcrfecfionis coarctalionc proposita, trislis abccssit ; nisi
coelo, el iniluc ilium in hoilum fuum, in animamsponsa) quod iHe Iristis abcessit, hie qnamvis trislis, acccssif.
tua-. Ilocflalu loui solve fa;dium, solve Iristifiam abcjus lamcn. Vidi^lo limoris A(|nil()nem (lanlem suh logo ideo :

afrectu. Nam ulrumquc in vitio est, ct pra'fcrt spcciem de priccipuis clectisquc aroniatibus rara llu.\crunt in ca.
218 L'ABBE GILLEBERT.
d'lme bonne tige et sont parvenues a leur point
*
•Ce SERMON XI.. En conviant sonepous a manger des fruits
parfait.
tmt praaoaei
fe Hmr de de son jardin, I'epouse saitqu'ils roimissent tous ces
hrete de Qy/e num. bien-<ume tienne dam ion jardin pour y deux Que mon bien-aime vienne dans
qualites. a
saint Laurent
ainsi qne nuingtr du fruit de ses arbres. Venez dans mon son jardin, jkjut y manger du fruit de ses arbres. »
Ilndiqfne
letexte.
jardin, 6 sceur inon epouse. Tai recaUe la mynhe, Remarquez avec quelle modestie et quel peu d'em-
etc. {Ckmt. v, 1.) pbase se fait cette invitation apres de si grands elo-
ges. EUe n'a pas la presomption d'inviter son epoux;
1. mes freres, que exprimant
les paroles ces eUe n'a pas soif de delices, jusqu'a ce qu'eUe a connu
defirs sont loin de ce qu'il y a a dire de ma con- quelle etaitdecrite avec beaucoup desoin.Quoidonc?
duite. Le Seigneur conn ait mon avidite, mais je Pensez vous que Jesus accorde le desirable avene-
n'ose point. Comment en serait-il autrement? Je ment de sa presence, a ceux que ne recommandent
n"ai point de jardin pareil a celui que Jesus-Clirist point les qualites qu'il a indiquees plus haut, et qui
a depeint dans nos discours precedents je n'ai : ne sont pas dignes de louanges ? Regardez comme
point ces fruits dont il se nourrit avec tant de plai- ime mar.pie de presomption temeraire d'inviter le
sir ; je n'ai pas de plautes aromatiques ; pas de fon- St-igneur avant d'etre apte a I'exercice de la con-
taine fertilisaute ; pas de puits profond d'eaux vi- templation. Vou? le sollicitez a venir goiiter des
ves : mais, au coutraire, la face de ce jardin est at- delices avec vous et peut-etre vous etes encore con-
tristee par la x\\^ des ronces et des epines qui le vert des ordures du peche? Votre jardin est sterile

couvreut. Je nose pas, o bon Jesus, vous appeler et b»'?risse vous y appelez le Sei-
de ronces, et

dans un tel jardin, si ce n'est pour que d'aborJ gneur? luvitez-le, non pour y jouir, mais pour y
vous arrachiez, vous detruisiez, vous enleviez afin detruire I'oeuvre de vos mains. Invitez-le a le pur-
de planter ensuite en sorte quau temps op}x»rtuu
: ger d'abord et ensuite a y planter des arbres. 11 y
vous mangiez du fruit de I'arbre pi ante par votre a travail de part et d'autre, mais plus tard il vien-

droite. Heureuse lame qui est digne de vous invi- dra avec plaisir cueillir les fruits murs.
ter a vous nourrir de ses fruits deja murs, deja ar- "2. « Que mon bien-aime vienne, » dit-eUe. Non- Lei
aiDoa
rives a leur point, et plut au ciel qu'on n'eut a seulement elle caresse et vante son epoux present :
1 ami t

blamer dans nos fruits que leur aprete plut a : mais, meme quand il est absent, ses voeux s'enflam- li
des (

Dieu que leur seul defaut ffit de n'etre pas murs, meut pour lui. Lamour faux et simule oublie Ta- quand
pourvu qu'ils ne se trouvassent pas mauvais. Sou- mi absent et lui fait des caresses s'il est present.
le^
vent des fruits, dont Tespece est bonne, ne sont II nen est pas de meme de I'epouse a Ten droit a moor
COBtl
pas bons parce que le temps de leur maturite n'est de celui qu'elle cberit : absent, elle le desire, pre-
pas encore arrive il n'y a que cela qui deplaise
; sent, elle se rejouit de le voir. « Que mon bien-
en eus. Heureui le jardin dont tous les fruits sont aime, » dit-elle, a vienue a son jardin. » Pourquoi

cent. Felix hortus cujns, omnes fruclns ct natura boni


SERMO XL. sunt, et tempore congrui. Neutrum deesse novit pomis
suis sponsa, ad quorum comestionem dilectum provo-
cat. Ventat diiectus tneus in hortum sunm, ut comedat
dUxcbus metu in hortum suiun, ut comedat fruc-
Veitiat
tmm pomorum stioncm. Veni in hortum meum frwium pomomnt suomm. \lde quam morose et mo-
deste, et post multa prapconia facta sit haec in\itatio.
soror mea sponsa, Messui myrrham meam etc. ;

Cant. 5. a.
Xon enim pr-cBsumit haee dilectum invitare non sitit :

dclicias, donee delicate satis se novit descriptam. Quid


enim? Putatisnc Jesum delectabilem ilium adventum
1. Qnam longe, fibres, a conversalione mea sunt pr^sentiff snap illis indulgere, qui pnedictis non sunt
veHta votonim istorum. Avidilateni Dominus novit, sed praediti dotibus, nee laudibus digni? Tcmerarife prs-
ansa destitaor. Quidni? Non est hortus miW, qualem sumptionis pnta, si prius quam apius sis ad contempla-
siipra Christus depinxit non sunt poma, quibus avide
:
tionis usum, Jesum in^itas. Tu ilium ad deliciandum
vescitiir; non fractus aromatici; non fens irrigans, non tecum soUicitas, qui forte sordes adhuc delictis? Hortus
allns puleus aquarum viventium ma^s autem in hor-
:
tuns sentibus horret et sterilescit, et illuc Jesum invi-
tum meum ascendit
horror ^inanun et veprium. Non tas? Invito ilium, non ut jam delectetur, sed ut
audeo te, bone Jesu, in talem hortom vocare, nisi forte deleat quod plantavit dextera tua. In^^ta ilium ut
nt evellas, et disperdas, et dissipes primo, et plantes pos- purget primo, postea plantet. In utroque labor est,
tea ; et sic tempore congmo de plantatione comedes dex- sed cum delectatione decerpere veniet fractus ma-
teree taae. Felix aoima quae te invilare digna est ad fruc- turos.
his jam matoros, ad fruclns paratos, el acerbitatis nihil 2. Veniaf, inquit, diledtts mews. Non tantum blandi-
baboites. Atqae atinam acerbitas sola nostris accnsetur tur et applaudit pnesenti, sed etiam in absentem inar-
in fruclibus; utinam immaturi sint, dommodo mali descuni vota ipsius. Falsus amor, et simulatorius absen-
non sinf. Frequ«jler poma qua? genere bona sunt, tem- tem obliviscitur, present! banditur. Non sic sponsa, non
pore nondom grata sunt, sed immaturitate sola displi- sic, sd absentem desiderat, preesente laetalur. VenJai, in-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 219
invite-t-il I'Auster a venir k moi ? Qu'il vien- gilance. Figuier bien fecond et remarquable entre
ne lui^ et il me suffit. C'est lui qui est mon tons les autres par sa belle apparence. Souvent Je-
souftle du midij lui qui est mon parfum. Lui mon sus alia vers lui, disant peut-etre ces paroles ; « Je
Auster, lui mon amour. Dieu vient du midi et I'Aus- me suis assis a I'ombre de celui que j'avais desire,
ter vient avec lui. 11 est plein de grace et de verite. et son fruit est doux. a mon gosier. ))

11 vraiment bien mon souffle du midi, lui qui


est 3. Plut a Dieu qu'il eut conserve les fruits qu'il
eclaire avec tant de purete et qui entre dans I'ame avait portes. Plut au ciel que la main ennemie du
avec tant de suavite. Mon Auster est mon Jesus, c'est voleur ne eut pas fait sentir ses ravages? Jus-
lui
lui quiregne sur mon jardin, c'est lui qui en mange ques-1^ a doune des fruits exquis, de ceux qui
il

les fruits. « Que mon bien-aime vienne dans son ne peuvent renaltre. D'aulres sont venus a leur
jardin et qu'il mange du fruit de ses arbres. » place, au lieu de la continence vir-
c'est-a-dire,
Le temps de la taille est deja passe : Les fleurs ginale, une rude penitence. Quoi de plus doux que
ont produit les fruits qu'elles avaient annonces j ce fruit primitif, que celui qui lui a succcde ct
I'hiver a disparu; le printemps s'est enfui, et I'au- dont vous vous nourrissez, vous et votre bien-aime?
tomne qui apporte la maturite, chasse I'ete par- Malheur a vous, miserable, quand viendra ce bien-
venu a son terme. Que maintenant mon bien-« aime; quelle sera voire pensee, votre visage, votre
aime vienne a son jardm, et qu'il mange du fruit contenance.^ De quel cote vous tournei'ez-vous dans on d^plorcla
de ses arbres. » Voici la plenitude du temps qu'il votre honte, vous quiavez i)erdu les fruits de la *pu-
« vienne » done, « mon bien-aime a son jardin.))
:

•a
deiu'? Oil irez-vous? Quand
P^F'". '1*'^

il arrivera, quand il
,
la virgmite.

Les fruits sont murs avant le temps : qu'il mange agitera vos feuilles, et ne trouvera i)as les fruits or-
done les productions de ses arbres. II desire les pre- dinaires, il rougira de votre confusioji. Happelez-
mieres figues que doime le figuier. Lorsque le vous formule de votre voeu de virginite, souve-
la

temps des figues n'etait pas encore venu, il s'ap- nez-vous des termes de votre acte de consecration.
procha d'un figuier qui etait au bord du cliemin, il Faites attention que sous ces feuilles, ne se trouve
d6tourna les feuilles ne trouva au-
de cet arbre et plusle fruit special, le fruit de I'integrite, le fruit de
cun fruit. [Marc, xi, 13.) Avant le temps on en la virginite. De tels fruits ont ete consacres, mais
mange et avant la saison de ses fruits, le matin bientot ils ont ete enleves. La consecration et la cor-

il vint au figuier ayant faim. J'ai connu un fi- ruption ne vont pas bien ensemble. On pardonne d'or-
guier qui portait des fruits precoces de la premie- dinairela perte de la virginite, mais on ne la redou-
re enfance, fruits des premices, fruits de grace ne pas. On a dil de vous des cboses glorieuses, 6 cite

virginale. Cet arbre n'etait point plante au bord de Dieu, mais il s'est passe en vous blendes ignomi-
de la route; mais dans un jardin, et dans un nies.Du reste, dans ma double confusion, dans ma
jardin bien ferme, dans un jardin qu'entourait le double honte, reconnaissez la part qui vous revicnt
mur de la discipline et la haie d'une etroite vi- de mes plainles. Qui donnera une source a ma tete,

quit, dilectus mens in hortum suum. .\d me quid Aus- plane licus, et pulchcrima inter alias specie. Frequenter
trum invitat? Ipse veniat, et sufficit mihi. Ipse Auster deoliuavit ad cam Domiuus Jesus, illud forte diccns :

est meus, ipso aroma est meum. Ipse Auster meus, ipso Sutj umbra ejus quern desideraveram sedi, ct fructus
amor meus. Deus ab .\ustro vcnit, et Austor venit cum ejus dulcis yutturi meo.
60. Denique ipse picnus est gratia; et veritatis. l^onc 3. Sod utinam fructus quos protulit scrvasset. Uti-
Auster meus, qui scrcnus illustrat, et suavis illabitur. nam improba fui'tis nianus non dcpr.edata essct cam.
Auster meus est Christus meus, ipse hortum pcrflat, Nunc autcm optimos fructus tulit, et cos qui rcnasci
ipse comedit poma. Veniat dilectus meus in hortum non possunt. Alii succreverunt in locum corum, id osl,
suum, ut comedat frucfum pomorum sunrum. Pula- pro virginali coulincnlia, auiara pa'uitcntia. Quid dul-
tionis tcmpus jam transiit floros pepcrcrunt fructus ; cius illo native fruclu, quam hoc subsccutivo, et tc ct
quos parturiorunt, liycms abiit; rcccssit ver, a^statcm dilcctum cibabas? Va3 misera; tibi; quando venict dilec-
jam inclinatam maturior autumnus impellit. Veniat jam tus tuus, quie tibi mens,quaRfacies, quis vultus erit? quo
dilectus meus in hortum suum, id comedat fructum po- tc vertes pr;B pudore, quiP pudicitiffi fructus perdidisti?
morum suorum. Eccc jam vcnit plenitudo tcmporis : quo te vertes? cum accedel, cum vcrlet folia lna,et so-
ideo veniat dilectus meus in hortum suum. Poma pre- litos fructus non invcnict, pudebit ilium pra- coiil'usiono

matura sunt ideo comedat fructum pomorum suorum.


: tua. Recolc verba voti virginalis, consccrationis tuib
Ficulneae prima poma desiderat. (Jum nondum lenipus verba roccnse. Sub his foliis attcnde, quia jam non est
csset ficorum, acccssit ad ficum sccus viam, vcrtit folia, proprius fructus, fructus iutc{,n'ilalis, fructus virj^iuiialis.
et nihil fructus invenit. Ante tcmpus comedendi, et Talcs consecrati sunt, scd jam ablati sunt. Non bene
ante tcmpus fructuum, acccssit ad cam mane esuricns. conveniunt consccratio, ct corruptio. La-sa virt;inilalis
Novi ego ficulncam matutinos a prima pucritia fructus coudonari sold, scd rcilonari non valet. Cllorioaa dicta
fercniem, fructus prliiiitiarum, fructus gratia^, virf,nna- sunt do Ic civilas Dei, scd iguominiosa facta sunt in to.
lis. Nee crat ha-c flcus plaul^ila sccus viam sod in ; Cum ooiil'usiono duplici ct ruboro do colon) in plauclu
horlo, ct in horlo concluso, in horto, qucm circumdat agnosci! partem luain. Quis dabil capili moo a(iuaiu, ol
disciplinai materia, et arcta custodia; scpes. Foecunda oculis mcis fontom lacrymaruni, et plorabo lapsani non
220 L'ABBE GILLEBERT.
qui placera dans mes yens une fontaine de larmes, Ton conservait intacts les fruits de la
serait-on, si
et je pleurerai la chute non d'lme personne vile purete primitive. U est bon de commencer sa vie
dans la foule mais presque d'uiie des premieres dans la maturite et d'y perseverer jusqu'a la
d'entre les vierges? Qui, dis-je, me donnera une fin.
foiitainede larmes? Car celle qui est tombee s'e- tx. Aussi lepouse previent le bien-aime au temps
chappe toute en torrents de larmes, et ses pleurs de la maturite et dit : « que mon bien-aime vienne
coulent en baignant son visage. Les soupirs pro- dans mon jardin, qu'il mange le fruit de ses arbres.
fonds et les gemissements inquiets revelont ce que aVenez dans votre jardin, umon epouse, ma soeur.w
cache la confusion toujours voisine de la faute. Le Seigneur Jesus aime eicessiveraent au pre- :

J'ai vu sur un visage malheureui une face decom- mier mot qui Tinvite, il aocourt avec plaisir dans
posee et des joues qui semblaient brisces. Les le jardin del'epouse. C'est comnie s'il volait d'avance
sanglots entrecoupaient les paroles on n'avait pas : et s'il prevenait au temps de la maturite, disant :

voulu se retenir au bord de I'abime et on ne pou- « venez, » qxi'on prenne ce verba a I'imperatif et
yait s'empecher de verser des larmes. Achevez ce ce exprime cadrera parfaitemeirt, « venez. »
qu'il
que V0U5 faites, produisez de dignes fruits de pe- II nest pas lent, il n'est pas avare pour reconnaitre

nitence. Que la douleur vous renouvelle, soyez con- ce qu'on a fait pour lui, mai? de suite il rend son
sumee de chagrin, dites avec le ne prophete : « invitation a I'epouse « venez dans mon jardin, :

cherchez pas a me
consoler, je pleurerai amere- o soeur o mon epouse; j'ai moissonne ma myrrhe
ment. » ^Is. xxn, 4-; Je pleurerai avec vous. Peut- avec mes aromates. » Dur est le cojur que n'emt;u-
etre que votre bien-aime pleurera avec vous. lui qui vent pas des invitations et des reinvitations si donees.
versa des larmes sur Lazare. \Joan. xi, 35., Peut- Qu'y a-t-il de plus agreable que cette reciprocite,
etre pleure-t-il davantage. Plus on cherit, plus on. quoi de plus strrprenant que cet echange? ad-
soulfre. Ses compassions sont grandes : « c'est pour mirables relations Le bien-aime de Dieu le Pere,
'.

cela, » dit le prophete, que nous n'avous pas ete


v, la gloire du ciel, les delices des anges, permet
consumes » [Lam. lu, 22.) Ni vous non plus, vous
: qu'on I'iuvite a venir dans nos jardins, et il n'oo-
ne serez pas consumee, parce qu'd est votre con- blie pas de nous engager ensuite a entrer dans
seiller et votre consolation, convertissant votre ame. les siens. Ce qui est notre jardin est appele avec
Comment pour dire ce qui pent com- a peine se plus de verite le sien propre. L'epouse en effet ne
prendre , comment lextorieur malheuieux que pre- dit que mon bien-aime vienne dans
point : «
sente votre tristesse ne le toucherait-il pas, d'une mon jardin , » mais bien « dans son jardin. :
•»

auti'e maniere cependant; lorsqu'en retracant la C'est juste, dans « son jardin, » parce que c'est
suite de vos chagrins, je suis moi-meme saisi au lui qui I'a donne, il lui est dii, et il lui a ete con-
fond du coeur d'une grande douleur ? Si vous faites sacre. « Que le bien-aime vienne. Venez, 6 ma s«Bur,
de dignes fruits de penitence, votre bien-aime re- 6 mon epouse^ » Grande douceiu* et distinction
tournera dans sou jardin, car volontiers il accepte juste. L'lme desire, et rauti;e conunande. L'epouse
les produits de cette vertu. Plus heureux cependant dit : « qu'il vienne; » l'epouse dit : « viens, je sui^

vilem de plebe, sed quasi primara in ^irginali gi'cg^e? poenitentitP poma Beatius tamen, si
libenter comedit.
Quis, inquam, dabit mihi fontein lacrymarum"? Nam primaevjp puritatis quis ser\"et. Bo-
fructus intactos
ipsa qucB lapsa est, lacrymis tola pereftluit, per ora irri- num est in maluritate prsevenirc, et perseverare in ea.
gua lacniQaruin rivi defluuat. .\lta suspiria et anxii ge- 4. Ideo sponsa pRPvenit in maturitate, et dicit Ve- :

mitus produnt, quod configua semper culpae confusio niat dilectus mem
hortum ^uum, ut eomedat frucfxtm
in
supprimit. Vidi in misera facie dejectum vullum, frac- pomorum suorum. Veni in hortum meum, soror mea
tal genas. Singultus sermones intercidebat a lapsu con- : sponsa. Veliemens amator est Dominus Jesus ad unam :

tinere noluit, a lacrymis continere non valet. Age quod imitationis vocem advolat libens in hortalnm sponsa?.
agis, fructus dignos poenitentise. Innovet te dolor, moe- Quasi proevolat el praevenit in maturitate Veni, in- :

rore consumere, cum Propheta die Xoiite ineuinbere:

ut consolemini ine, amare flebo. Flebo et ego tecum.


quicns. Accipiatur hoc verbnm impcrativi sensus, et
apte cotiaercbit quod dicit, Veni. Non est pigcr, non
i
Forte dilectus tuus et ipse collacrjmabitur tibi, qui La- parcus retributor, sed incontinenti sponsara rcinvitat :

zarum flevit. Forte plus ille tlet. Plus dolet qui plus di- Veni in hortum meum, soror mea sponsa. ilesfui myr-
ligit. Miserationes ejus mult^e sunt ideo, inquit Pro-
: rham meam cum aromatibus meis. Durus est atTeclus,
plieta, non siMtiis constimpfi. Denique nee tu consume- qucm non permovent in^italiones et reinvitationes istae
ris, quia consiliarius est tibi et consolator, converlens tam dulces. Quid bac ncissihidine gratius, quid mira-
animam tuam, Quomodo (ut dicam quod intelligi ^ix bilius esthoc commercio ? admirabile commercium ?
potest) non permovebit ipsa, dissimiliter tamen, ejus Dilectus Dei Patris, gloria coeli, Angelorum dcliciae, ad
afTectum, luctus tui miserabilis facies; dum ipse qui re- se pennittit, et ad suos rcin-
hortulos nostros invitari
tracto moeroris tui seriem, dolore cordis tangor intrin- vitare non Et qui noster est hortus, ve-
praetcrmittit.
secus ? Si feeeris dignos pcenitenti* fructus, rever- rius dicilur ipsius. Xon enim ait Venint dile':tus :

tetur iterum dilectus tuus in tiorhiin suum. Nam' meuf in horivm meHin, sed in hortum suum. Jure qui-
,

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 251


a la porte, » dit-il, « et je frappe. » Si quelqu'un pouse. Dans I'un, on voit plus de travail, la con-
m'ouvre, je rentrerai et je souperai avec lui^ et lui, templation se trouve seule dans I'autre. Bien que
avec moi. » [Ap. in, 20.) II n'est pas necessaire, 6 I'epouse se rejouisse dans celui qui est a eHe, bien
bon que vous eprouviez du retard a la porte
Jes\is, qu'elle y travaille et qu'eUe en mange
les fruits k
de votre epouse car elle vous appelle elle-ineme
: la sueur de son front, quand elle aura penetf§ dans
de tous ses voeux. Rendez-lui la pareilie, rendez- le jardin de I'epoux, il ne lui restcra plus que dos

luison invitation. Yous vous efes assis a sa taWe, delices a savourer. Elle garde le sien, elle regarde
voyez combien de mets on vous a apportcs , sacliez celui-ci. Elle ue passe en ce dernier qu'en travet-
qu'il vous faut en preparer autant. Autant, dis-je, santle sien; celaveut dire, qu'elle neparvient ilacon-
et assez pour elle. Void ce que je dis
c'est elle : templation, que park travail; ousi nous admettons
se depense tout entiere, donnez-vous tout entier. de la contemplation dans ce jardin de I'epouse, cctte
Comment le tout se trouvera-t-il ici, si de son contemplation a tous les caracteres de la vie active.
cote elle sedonne entierement, et si du votre, vous Aussi de ces details multiplies, un ordre facile con-
vonsdonnezamoitieseulemeut?Unepartie de vous, duit a cettemyrrhe. Ce n'est en effet que par I'abon-
est plus que toute sa plenitude. Tout ce qui la cons- dauce des vertus, que Ton entre dans le jardin du
titue est un fragment de votre grace ; c'est pour- bien-aime. « Vous penetrerez dans le sepulcre, »
quoi son jardin est votre, et le votre est sien. dit Job, « avec I'abondance. » [Jub, v, 26.) H ^•aut
5. K Venez dans mon jardin. » Pour moi, mes mieux dire en ce lieu, vous penetrerez dans le jar-
freres, en ce jardin de I'epoux, je vols avec plaisir din. Le sepulcre exprime le repos et la retraite loin
ce paradis abondaut, fleuri et gloritusement garni des soucis dans le jardin, ou voit le regard (jui se
:

desvertus que Jesus-Christ, selon sa double na- jjromene, etle banquetquirejouit.Dans letombeau,

ture, posseda de toute eternite ou recut dans le nous nous reposons; dans le jardin, nous jouissons.
temps. Partant, a ce point de vue, considerez dans De meme done que nous ne penetrons pas dans le
le jardin de f epouse, I'etat de Tame ou la situation tombeau sans I'abondance, amsi qu'il a H^ ecrit
de I'Eglise, et les qualites de vertus et d affections beaucoup moins entrons-nous, sans elle, dan^ le jar-
dont son bien-aime I'enrichit. Dans I'un de ces sen- din. Aussi, de son jardin, I'epoux invite I'epouse fi

timents, on contemple lesbiensdu corps ; dansl'au- venir dans ce meme jardin « venez dans mon jai*-
:

tre, les biens de celui qui estlatete. Dans I'un aussi din, 6 ma soeur, 6 mon epouse. » Entrez, entrez,
bien que dans I'autre, nous trouvons belle matiere 6 epouse, dans la contemplation des vertus de votre
a meditation. Mais qu'est le premier envisage par bien-aime, plongez-vous dans ses delices, souvenez-
rapport au second? Autant la gloire du Christ I'em- vous de la justice que lui seul possede. La, ceDieu,
porte sur les vertus de I'ame ou sur les qualites de qui est votre Seigneur, vous instruira dans le tres-
I'Eglise, autant I'enlree dans son jardin est prefe- saillement de la joie, et sa main droite vous con-
rable, a celle qui introduit dans le verger de I'e- duira merveUleusement. II vous nouiTira des fruits

dem, in suum, quoniam ab ipso datum,et ipsi debitum, tam? Quanto gloria Christi, vel animap, vel Ecclesiae
et certe deditnm. Veniat dilectus. Veni soror mea spon'sa. prceccllit virtutes, tanto dolectabilior in hunc hortum in-
Magna dulcedo, et apta distinctio. ilia desiderat, et ills gressus. Ad ilium operatio plus special, ad islum con-
imperat. HaBc dicit, Veniat hie dicit, Veni. Ego, in-
: lemplalio sola. Sponsa ctsi la-tatur de illo, laboral cum
quit, sto ad ostium, et pulso. Si quis apparuerit mihi, illo, et sudore vcscitur pomis suis
in in istum cum :

introibo et camabo cnm illo, et ipse mecum. Xon habes inlroducta fucrit nihil reliquum est nisi delicin? tantum.
necesse, 6 bone Jesu, morari ad ostium sponsce ipsa : Suum tuctur, el islum inluetur. Nee intromitlitur in is-
enim to votis ultro interpellat. Reddc vicem, reinvita tum nisi do illo, hoc est de actione ad usum spccula-
illam. Sedisti ad mensam ejus, vide quanta sint apposita tionis. Aut si conlemplationem in ilium sponsae hortum
tibi, sciens quia et tanta oporlet te praeparare. Tanta, admittimus, similis est actioni. Ulique de illis niultis
inquam, et sufficit ci. Hoc autem dice totam sc im- :
ordinc commodo venitur ad banc myrrham. N'on enim
pendit, tu le totum repende. Quomodo totum erit, nisi in abundanlia virtulumingrcdieturin hortum dilecti.
si ilia so totam dat, tu te dimidiiis? Exiguura tuum, Ingredieris, inqsiilJob, in ahundnniia s-ciiitkntm. Melius
plus est toto illius. Totum ejus, porlio est quajdam tamen hie sonat in hortum. In sepulcro innuiturquicsc
gratiae tuae : idco el suus tuus est, et tuus suus est qua^dam a curis occullatio in horto cxprlmittr intuitus
:

borlus. et cpulatio. In sepulcro feriamur in horto fruimup.


:

Veni in hortum meuni. Ego, fratres, in horto sponsi


5. Sieut ergo in sopulcrnm non nisi in abundanlia ingredi-
copiosum ilium, et dclicatum, et gloriose consitum pa- mnr, sicul scriptum est, mulfo minus in hortum. Ideo
radisum virtiituin Christi libenter accipio, quas seoun- sponsam de horto in hortum invitat Vmi in horluttt :

dum gemin;.iu naturam vel ab lEtcrno habuil, vol acco- tmum, soror men sjwnm. Ingi-cdere, inffrHefe sponwi'
pit in tempore. Ergo secundum hunc modum hortum in conlcmplnlioncm \irlHtum dilecti tui, ingrodere in
sponsae statum animae vel Ecclcsia3 interpi-etare, et vir- dcleclalionc« ejus, nipmorare juftliliip i-jiis solius. IM
lutum afTectuumquc doles, quibus ditalur a sponso. In Dour, Dpus tuus docebit Ic in jucundilate, ct dediiri't tp
islo considerantur bona corporis, in illo capitis. Pulchra mirabiliter dextera sua. Cibubit to pomis vitae ct inlel-

utrobique coateoiplationk cibatio. Scd quid ilia ad. is^ lootus.^ 'Myrrham- et aroOHita mdS8fi> tibi'.
222 L'ABBE GILLEBERT.
de vie et d'intelligence. II a recolte pour vous la rhe reprime les mouvements de la concupiscence
myrrhe et les planles aroniatiques. chamelle quand ils s'elevent en nous la mj-rrhe :

Significations 6. « J'ai recueilli, » dit-il, « ma myrrhe avecmes qui ^tait en Marie ne connut pas de semblables
mystiques
de la aromates. » Apres sa mort, en eiret, il recueilUt mouvements celle qui se trouvait en Jesus ne
:

myrrhe en rimmorlalite et rincorruplihilite. Grace ii cette trouva ni cause ni principe qui le put emouvoir
Jesus-Christ.
plaute, les cadavres des morts demeurenl sans alte- de cette sorte. Nous avonstous recu de la plenitude
ration. « Ma myrrhe, » dit-il. C"est hien dit, « la qui t'taiten lui, myrrhe pour myrrhe. La myrrhe
sieune, » car le i>rt^mier, il la recut et, seiU, il la de notre chastete vient de lui par voie de don et d'i-
comm unique. Le Chiist forme les premices, et en- mitation : aussi, lorsquil recueiUe en nous cette
suite viennent ceux qui appartienuent au Christ. myrrhe, cestsa propre myrrhe qu'il reprend. Fasse
La resurrection des morts se fera par celui, qui leciel qu'd trouve a recoltcr en moi une abondante
etant soili le premier d'eutre les morts, ne meurt moisson de myrrhe. a La myrrhe avec les plantes
plus. Cette myrrhe est bonne, et bien meilleure que aromatiques » c'est-a-dire I'abstinence du mal
:

la myrrhe ordiuaii'e dent I'effet est d'empecher la avec les sentiments qui font aimer le bien la re- :

chair morte de se corrompre ; celle-la I'empeche, pression de la chair et la devotion du cceur ; ou bien
rendue a la vie, d'etre jamais atteinte. Sa myrrhe la retenue dans I'usage des choses permises et 1 a
etait cette eminente et siuguliere chastete virginale, patience dans les iqjures. Les aromates des vertus
qui ne sentit, en aucim temps, le moindre commen- s'associent fort bien avec cette double myrrhe. C'est
cement de mouvement de la chaii', et qui u'eut pas pour nous une grace si, en faisant le bien, nous
de foyer de concupiscence : divinmaitre, en qui ja- sommes attaques; si, nous chatiant nous-memes a
mais ni tendances n'eureut a etre I'eprimees, ni pa- Texterieur, nous sommes par la meme consoles au-
reil foyer a etre enleve, car il avait ete prevenu par dedans. Le Seigneur recueillit dans le champ du Deal
LiomI,
les onctions de la myrrhe, et de sa propre myrrhe. martyr saint Laurent, dont nous celebrons en ce martjt.
DifKrence de
la chastete
Dans les autres, cette pi ante est efficace en ce sens, jour la fete, la myiThe et une grande quantity de
dans Jesns, et la continence obtientcet effet, qu'elle les preserve plantes aromatiques la myrrhe et les aromates de
:

dans Marie
et dans de la corruption : mais celle-ci maintint la chair sa genereuse confession. Mais sur le feu, il confessa
les antres
hommes. du Seigneur a I'abri de la corruptibilite. Lamyi'rhe le Christ, Uvra son corps aux bourreaux pour
il

des autres suit la corruption de I'aiguillon de la qu'ils le fissent bruler il distribua aux pauvi-es les
:

chair, celle de Jesus previeut tout aiguiUon. Dans tresors de I'eglise. Sa chair fut devoree par les
les autres, elle exclut; en Jesus, eUe ferme I'entree. flammes pour I'amour du Christ: mais son cceur
En Jesus, il n'y a ni coxTuption ni cause de corrup- brulait de feux encore plus ardents en Jesus-
tion : dans sa mere, bien eu la cause, il qu'il y ait Christ aussi du grd, ce saint martyr est appele au
:

ny a pas eu cependant de corruption dans les au- ; jardin. Et quand il gisait sur I'iristrument de son

tres, il se trouve et cause et corruption. Notre myr- suppUce, il n'etait pas eloigne du jardin de I'epoux.

6. Messui, inquit, myrrham meam cum aromatibiis dine ejus omnes et myrrham de myrrha.
accepimus,
meis. Immortalitatem enim et incorruptibilitatem mes- Myrrha nostrae munere et imitatione ipsius
castitatis,

mortem. Myrrhs siquidem beneficio corpora


suit post est ideo cum in nobis myrrham metit
:
suam metit. ,

mortuorum perdurant illaesa. Mi/rrham, inquit, meam. Utinam in me multam myrrha inveniat, quam mctat.
Benesiiam, quara et primus accepit, et solus impartit. Myrrham cum aromatilus id est abstinentiam mali cum:

Primilias enim Christus, delude qui sunt Christi. Per affectibus boni districtionem carnis, et devotionem cor-
;

ilium resurectio mortuorum, qui primus resurgens jam dis; sive temperantiam a Ileitis, sive tolerantiam in in-
non moritur. Bona talis myrrha, et mclior quam haec juriis accipiamus. In myrrha bene utriusquc virtutum
usitata, quae carnem mortuam non sinit putrescere ; aromata sociantur. Haec est enim gratia si benefacientcs
nam ista redivivam non sinit deficere. Erat et myrrha flagellamur; si ipsi nosmetipsos foris aflligentes, eo ipso
ejus prapcellans et singularis ilia castitas virginalis, quae suaviter intus afficimur. Multam de martyris Laurentii,
nullum titillationis motum surgcntem sensit, nee fomi- cujus festa nunc agimus, agro myrrham demessuit, aro-
tem habuit in quo nee motus est talis repressus, nee
: mata multa: confessionis myrrham, confessionis aromata
fomes remissus praeventus est enim in unctionibus
: Ad ignem enim applicatus Christum confessus est, cor-
myrrhae, et myrrhae suae. Aliorum eatenus est efficax pus suum tradidit, ita ut arderet facultates dispersit :

myrrha, et continentia pertingit, ut servet a corruptione : pauperibus. Caro ejus cremata est propter Christum,
haec a corruptibilitate carnem dominicam custodit intac- sed cor magis in Christo ideo de craticula vocatur ad
:

tam. Aliorum myrrha corruptionem carnalis incentivi hortum. Et dum in craticula erat, ab horto non aberat.
subsequitur haec incentivum praevenit omne. Illorum
: Nunc tanlum in horto, non lamen totus in eo. Caro ejus
excludit, et hujus praecludit. In Jesu nee causa, nee cor- adhuc in corruptione tenetur, nondum refloruit reflo- :

ruptio : in ejus Matre etsi causa, non tamen corruptio : rebit autem cum fuerit corpus humilitatis nostrae con-
omnibus et causa, et
in aliis corruptio. Myrrha nostra forme corpori claritatis Jesu. Tunc metet immortalitatis
motus exsurgentes carnalis concupiscentiae reprimit : myrrham, quam ipse praemessuit, et aromata multimodal
myrrha Maris tales motus nescivit myrrha Jesu taliter : gloriae. Tunc vere invitabit et dicet Veni in hortum :

moveadi nee causam, nee originem habuit. De pleaitu- meutn, soror mea sponsa. Tunc gloriabitur plene cum
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 223
Maintenant il n'est qne dans ce jardin, mais il n'y aromates, c'est comme s'il nous exbortait a contem-
est pas tout entier. Sa chaii" est encore retenue dans pler la gloire de la resurrection,
qui sera produite
la corruption, elle n'a pas encore refleuri : elle re- en nous par sou entremise, on qui a deja commen-
Ueurira lorsque le corps de notre vie Iiumble et obs- c6 d'eclater en sa pei'sonne. Pour nous, n'est-cepas

cure, sera rendu conforme au corps glorifie du Sei- une marcbe agreable et pleiue de delices que de
irneur Jesus. Alors il recueillera la mvrrhe de Tim- penetrer dans le jardin du Christ, d'entrer dans les
mortalite, que le Sauveurarecoltee le premier, avec plantations que le Seigneur a faites, et de considerer
les aromates d'one gloire qui revetira des formes les unes apres
les autres, toutes ses vertus? Je dis

diverses. Alors Jesus invitera vraiment et dira : considerer, car je n'ose pas parler de progres. Qui
« Yenez dans mon jardin, 6 sceur o mon epouso. » se flatterait en elfet de progresser jiisqu'au point
Alors 11 se glorifiera d'avoir recolte cette myrrlie d'atteiudre a la verite et a la plenitude de ces ver-
avec ses plantes aromatiques. Alors il jouira de I'ef- tus? Passage bien agreable et bien avantageux.
fet do sa passion, et du resultat deses prieres, qui NuUepart I'orgueil de I'esprit huraain n'est plus re-
sont signifiees par les aromates. Car, offrant ces prie- prime par rhumiliation; en aucun lieu la faim plus
res avec un grand cri et des larmes, 11 fut exauce a satisfaite par la contemplation, ni le degout mieux

cause du respect qu'il inspii-ait, devenu, pour tous chasse par un vif desir. La comparaison humilie,
ceux qui lui obeissent, cause du salut eternel. [Htb. I'imitation exerce, la consideration charme et ravit.

V, 7.) « Je veux, » dit-il, « que laoii je suis, mon La premiere presse ; la seconde provoque ; la troi-
ministre s'j trouve aussi. » [Joan, xii et xvu, 2!i.) sieme nourrit. L'immensite ecrase ; la bouto encou-
Oil done, si ce n'est dans son jardin? Cela auralleu rage, la verite sert d'aliment.
quand se fera la resurrection generate; cependant 8. Ensuite pen a pres le bien-aime lui-meme,
cela se realise aussi en la vie actuelle par la contem- I'epoux lui-meme invite ses amis et ses inlimes a
plation. boii'e, a manger, a se rassasier, et pour leur faire
7. Car nous entrons pour ainsi dire dans le jar- eprouver une envie plus grande, il leur propose le
din du Seigneur, lorscpie avec sentiment, desir et repas qu'il a goiite et s'en rejouit. « J'ai mange un
sympathie, nous considerons dans quel etat nous rayon avec mon miel. » L'un et I'autre vous appar-
serous plac l 3 un jour a cause de lui, et, ce qu'en res- tiennent, obon Jesus,et le miel que vous donnez, et
suscitant, il est devenu pour nous, afin qu'a son le miel que vous etes. Mais en cet endroit, le miel
exemple, nous lui soyons aussi rendus enfin sem- que vous etes vous-meme, se presente plus vite a
blables. Que dis-je, en ressuscitant ? Merae avant sa notre intelligence. Pourquoi ne dites-vous pas voire
resurrection, toute sa conduite presentait la grace rayon, comme
vous dites votre miel ? Pourquoi user
d'un jardin magnifique ; mais ce qu'il avait mis en d'une distinction semblable? Le rayon est aussi bien
terre auparavant, il le recueiUit dans la suite. La votre que le miel : bien que vous parliez expresse-
res'iirrection est le temps de la maturite et de la ment de celui-ci, sans parler de celui-la. Les deux
moisson, chacun alors recueillera les fruits de ses natures vous appartieunent : mais I'humanite n'est
travaux. Si done le Seigneur nous appelle dans son pas votre naturellement, elle a ete plutot prise, et
jardin, s'il ajoute qu'il a ramasse la mvrrhe et ses par votre bonte, elle vous est deveuue naturelle.

aromatibus suis sc myrrham messuisse. Tunc enim et vcl quae jam in ipso praecessit pro nobis. Nonne jucun-
passionis suse et precum, qu;e in aromatibus signantiir, dus vcre delectabilis progrcssus iutroirc in hortum
ct

potictur effectu. Cum clamore siquidem valido ct lacry- Christi, introire in plantationes Domini quodam pros-
mis preces offerens, exauditus est pro sua reverentia, pectu de virtute in virtutcm ejus? Prospectu, inquam;
factiis omnibus oblemperantibus sibi causa saliitis ceter- non audeo provcctum dicere. Nam ad virtulum ipsiiis
nw. Voio, iiuiuit, ut uhi ego sum, illic sit et minister veritatem et plenitudinem quis sibi provcctum poUice-
mem. Ubi, nisi in horto suo ? Erit hoc in generalis re- tur? Jucundus digrcssus plane, et commodus (luidem.
surrectionis complctionc nihilominus tamen et modo
: Nusqnam magis humano:" mentis fastns reprimitur liu-
fit per contemplalionem. niiliatione, nee fames contemplationc satialur, nee f;is-
7. Quasi enim in hortum ejus ingredimur, cum af- tidium excitatur aemulatione. Comparalio humiliat, imi-
fectuose condigneque et desideranter speculamur qua- tatio exerect, consideratio deleclat. Prima prcmit sc- :

Ics futuri sumus per ipsum, et qualis jam resurgens fac- cunda provocat tcrtia pascit. Premit immcnsitas, pro-
:

tus est ipse pro nobis, et in exemplum nobis. Quid vocat honcstas, pascit Veritas.
dico resurgens? ct ante rcsurrcctionem omnis convei's.i- 8. Dcniquc pauIo post ipse dilcctus, ipse sponsus
tio ejus, horti pulcherrimi graliam pr.-efert sed quod ; amicos carissimos sibi invitaf, ut commcdanl el bi-
et
ante poslea mcssuit. In resurrectione et ma-
plantavit, banl, el incbricntur quoquc major illis innascalur avi-
turitatis, messionis est tempus, quando unusquisquc
ct ditas, de suo prius blanditur et propuuit convivio.
laborum suorum fructus percipiet. Quod ergo nos in Comedi favum cum melle meo. Tuuni, Jcsu bone,ulrum-
hortum suum vocat, quod myrrham et aromafa sua se que est, illud mel quod das, ct illud quod es. Sed
et

messuisse subnectit; ad contemplandam resurrcctionis hoc mel illud quod es ipse, nostras intelllgcntiai
in loco

gloriam horlatur, quae futura est per ipsum in nobis, sc promptius olTcrt. Cur non dicis fuvum tuum, sicut
»

224 L'ABBE GILLEBERT.

« J'ai mange un ray oil avcc moii miel. » Avaut 9. Courez, 6 epouse, hatez-vous de vous asseoir
que Vierge sacree leconout, il
la etait coninie le miel h un si doux banquet, oil I'on verse i boire le vin
seul, et la divinite, avant I'mcarnation, elaitsans ce de I'epoux, oil se trouve, avec le lait, un rayon qui
La divinity ravon. Apres, le miel ilaus le rayon, tut Dieu dans n'est pas vide ou sec, mais pleiu de miel. « Vous
^g°t%'om'^me"^
I'liomme ;
presentemeiit, le rayon dans le miel, avez rencontre du miel, mangez-en ce qui vous suf-
le miel dans cygt Ihomme revetu de la divinite. « Car si nous fit. » [Prov. XXV. 16.) Car vous ne pouvez tout le re-
^^^°^'
avons connu le Christ selou la chair, a present nous cevoir en vuus. Jesus ne le prend point en partie
ne le connaissons plus de la sorte. (II Cor. v, 16), dit mais il le mange en entier, car il suffit a tout I'ab-
I'Apotre. De meme que Dieu etait cache dans la sorber. II vous est dit « Ne scrutez pas la majeste,
:

chair, de meme maiutenant, a son tour, la chaii- pour n'etrepas opprime par la gloire. [Is. xxv.) Pour
est cachee en Dieu; et cette chaii- est devenue si lui, il scrute tout, meme les profondeurs de Dieu.
glorieuse, qu'aujourd'hui, elle est spirituelle,n'ayant Personne ne connait le pere, si ce n'est le Fils, et

aucun vestige d'iutiriuite elle est cependant ca-:


celui a qui le Fils avoulule reveler. [Matth. xi, 27.)

chee en quelque sorie, quand nous cousiderons Je- C'est lui qui mange tout, c'est lui qui donne a qui
sus-Christ, et quand nous ladorons principalemeut il lui plait, et autant qu'il lui plait : c'est comme s'il
en taut qu'il est Dieu. En une certaine mauiere, le vous promettait que vous aurez part a ces aliments,
rayon de la chair est cache dans le miel de la Di- quand il se glorifie d'en etre rassasie. Si on vous
vinite, quand le respect, du a la majeste qui se de- donne du fiel pour votre nourriture, et du vinaigre
couvrait entierement, a ravi notre admiration et no- pour etancher votre soif, souvenez-vous que Jesus
tre foi. Deja done, apres la gloirede sa resurrection, a soufTert ce supplice. II goula ces araertumes sur
]e Christ a mange le rayon avec son miel, et sans la la croix, il ue les but pas : [Matth. xxvu, 3Z|.) mar-
marque honteuse de I'inflrmite de la chair, en la quant ainsi que les peines cruelles passent bien vite.
substance du corps qu'il a pris, il goiite la delecta- II but le vin avec son lait. II n'est plus trouble au Le
des d(
tion vraiment divine qui n'est propre qu'a lui en sepulcre pour Lazare, il n'est plus triste jusqu'a la et
fatigi
vertii de son adorable origine. « J'ai mange le rayon mort, au moment de I'agonie, ne voit plus qu'on
il
Je?n»-

avec mou miel, j'ai bu mon vin avec mon lait. » lui offre le fiel et le vinaigre. Les choses vieilles ne se chai
la do
Vous prononcez du lait qu'il estvotre, aussibienque sont plus, de nouvelles leur ont succede. Ce trouble, da
dt
vousle dites du vin. Les droits des deux natm-es cette tristesse, cet ennui, qu'il avait pris pour un et

sont vos droits , vous possedez tout ce qui leur est instant comme un sage administrateur, ont ete chan-
propre, vous n'avez pas leurs defauts et de meme : ges en la douceur nouvelle du lait. Vin dehcieux
que le Seigneur but le vin nouveau, de meme il quand on I'a bu, on oublie les anciennes angoisses
but du lait nouveau. « Avec mon lait, » dit-U, c'est- qui ne reviennent plus affliger le coeur; dans la chair
a-dke, avec le lait de votre vie nouvelle, et non ressuscitee , on le boit avec des affections nouvelles,
avec celui qui soutient notre faiblesse. pures et suaves comme le lait : plus d'iujures, plus

mel tuum? Cur hac distinctione nunc uteris? Et favus propria, non alterius vitia et sicut bibit ^•inum novum,
:

tuus est, sicut et mel tuum quamvis manifeste istud : ita et novum. Cum lacte, inquit, 7neo, id est cum
lac
exprimas, cum illud sileas. Tua est utraque natura : lacte novitatis tuae, non infirmitatis nostrae.
sed divina tua, ct quasi naturaliter tua; humana non est 9. Curre, sponsa, propera ad tam dulce connvium,
quasi naturaliter tua, sed magis assumpta, et dignatione ubi vinum est sponsi, ubi lac, ubi favus non inanis,
tibi effecta est naluralis. Comedi fuium cum melle meo. non vacuus, sed melle plenus. Mel invenisti, comede
.\nte conccptum Yirginis quasi mel solum erat,
sacras quod sufficit ; nam tu ad totum non sufficis. Ipse autem
et sine favo nondum incarnata Divinitas. Postea mel in Jesus non comedit ad mensuram sed totum comedit,
favOjDeus in homine nunc autem favus in melle, homo
: qui sufficit ad totum, Tibi dicitur, Ne sis scrutator ma-
Deitate vestitus. Etsi cognovimus Christum secundum jestatis, ut non opprimaris a gloria ipse scrutatur om- :

carnem, sed jam non cognovimus, ait Apostolus. Sicut nia etiam profunda Dei. Nemo novit Palrem nisi Filius,
erat Deus reconditus in came, sic nunc vice versa ipsa et cui voluerit Filius revelare. Ipse totum comedit, ipse
caro est occultata in Deo ; ct sic glorificata est caro ilia, cui vult, ct quantum quasi participium
^•ult impartit :

ut jam spirifualis sit, et infirmitatis nil habens tamen


: est tibi pollicetur refectum gloriando. Si da-
hujus cibi, se
occulta quodammodo, dum magis eum, in eo quod ipse tum fuerit in escam tuam fel, et acetoin siti fueris po-
estDeus, attendimus et adoramus. Quodammodo carnis tatus, memento quia talia passus est Jesus. Gustavit ilia
favus Deitatis in melle reconditur, dum admirationem in cruce, non bibit velocem amaritudinis transitum
:

nostram et fidem ad se traxit ex integro manifestatae signans. Bibit autem vinum cum lacte suo. Non turbatur
reverentia majestatis. Jam ergo post resurrectionis glo- amplius ad monumentum pro Lazaro, non tristatur us-
riam Christus comedit favum cum melle suo, et sine que ad mortem, non sub ipsa morte aceto et felle po-
carnalis infirmitatis injuria in assumptae carnis substan- tatur. Vetera transierunt, nova successerunt. Turbatio
tia delectalione di\ina et sibi soli nativa perfruitur. Co' ilia, tristitia, taedium, dispensatorie ad horam suscepta
medi favum cum melle meo : bibi vinum meum cum de homine veteri, in lactis dulcedinem novant demi-
lacfe meo.Jam dicis tuum esse utrumque tam lac quam grarunt. Bonum vinum, quo hausto obli\ioni traduntur
sliitlm. Tua siiin enini utriusque jura naturje, utriusque priores angustiae, et non ascendant super cor, sed no-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 225

de chagrins qui soient recus ou supportes dans Ta- quand tons les mysteres etant accomplis, TEglise
me ou dans le corps comme autrefois : le vinaigre sera appelee au royaume celeste, quand le Seigneur
mele defiel, que ce maitre gouta du bout des levres enverra les anges pour moissonner, parce qu' alors
sans le boire, s'est change, et a pris le gout du vin les temps
regions seront blanches pciur la recolte. Heureux
et desirable
et du miel. Et vous, arae fidele, qui avez la dignite heureux de la primitive Eglise? qu'il etait alors 6tat de
la primitive
d'epouse, vous aussi esperez qu'un jour ces jouis- fertile sou champ, avec quelle abondance il donnait
Eglise.
sances vous seront communiquees. Aussi I'epouse ses fruits ! Quelle fertilite de myrrhe se faisait re-
du cantique annonce qu'elle les a cprouvees, afm marquer dans les martyrs, que d'abeilles construi-
de vous enseigner a les esperer pareillement : car le saient les rayons de la doctrine mystique et inte-
bien-aime veut prendre son repas et boire avec vous. rieure! Meme au jour du commencement de la foi,

« Je ne boirai pas de ce jus de la vigne, » dit-il, quand les apotres jetaient encore la semence de la
« jusqu'a ce que je le boive nouveau dans mon parole, vous croiriez que le temps de la recolte est
royaume. » [Mattli. xxvi, 29.) C'est ce royaume deja venu, et les champs blanchis vous paraissent
qu'il veut indiquer lorsqu'il vous appelle au jardiu, reclamer la faux du travailleur. Pourquoi tardez-
aujardindes delices, auparadisdevolupte,aus fruits vous, obon Jesus? Pourquoi ne pas inviter voire
murs^ aux fruits qu'il a deja recueillis et dont il veut epouse a entrer dans votre jardin?Ne pouvez vous pas
vous faire part. Alors vous boirez le vin avec le lait deja dire : « J'ai recueUli mam jrrhe avec mes plan-
et, oubliant les angoisses passees, vous ressentirez la tes aromatiques, j'ai mange un rayon avec mon
douceur de la resurrection nouvelle, par la grace miel, j'ai bu mon vin avec mon lait. » Ou sont
de notre Seigneur, qui vit et regne dans les siecles maintenant les martyrs, qui sont signifies par la
dessiecles. Amen. myrrhe, les docteurs representes par le rayon, les

hommes dont I'esprit est embrase de ferveur, dont le

SERMON XLI. vin est I'image, les coeurs simples pour le mal, de-
signes par la douceur dulait? Le champ de votre

J'ai moissonnc ma myrrhe avec mes plantes aromati- Eglise ne nousparait-il pasdepouilled'une sigrande
ques, etc., (Cant, v, 1.) gloire ? nombre, vous n'avez
Vous avez multiplie le

point multiplie la joie. {Is. ix, 3.) Nous avons beau-


1. « J'ai moissonne ma myrrhe avec mes plantes coup de fruits de croyants, mais peu de parfums.
aromatiques, j'ai mange uu rayon avec mon miel, La richesse de I'automne s'est trouvee par avance
j'aibu mon vin avec mon lait. Venez dans mon dans ces premiers jours del'Eglise naissante rl'hor-
iardin, 6 soeur mon epouse. » Pensez, mes freres, reur de I'hiver se fait presentement sentir. Les ans
que cette invitation se rapporte a la fin du monde. de fertilite ont passe d'abord, c'est a present letour

vis, et purls, et lacteis in carne jam resnscilata potatur Putate, fratres, vocationem banc ad saeculi finem referri,
alTectibus : quando nulla jam de reliquo injuria, mo- quando complelis omnibus sacramentis Ecclesia?, ipsa
lestia nulla, aut in anima, aut in carne, sicut prius, vel invitatur ad regnum quando millet Dominus mcssores
;

assumitur, vel sustinetur sed acetum cum felle mix-


;
Angelos, eo quod rcgiones albae tunc erunt ad messem.
turn quod degustavit, praelibans non libens, in vini et felicia tempera primitivae Ecclcsite Quam uber tunc !

lacteis transivit saporem. Ilanc et tu, fidclis anima, quae erat ager illius, quam copiososproducebat fructus! quan-
sponsae dignitatc perfungeris : banc, inquam, el tu libi ta in Martyribus erat foecunditas myrrham, quo! apes
commutationem futuram confide. Ideo haec in se com- perfeclioris et myslicap doctrina' favos operantos! Pu-
pleta praedicat, ut tibi tu similia discas sperarc; tecum tares inter ipsa initia fidei, cum vcrbi semina miltcren-
enim convivari tecum bibere. Non bibam, inquit,
vult, tur, messionis jam esse tempos, et quasi maluras ad
de hoc genimine vitis, donnc bibam illud novum in regno fi'.lcemregioncs alberc. Quid moraris, Jesu bone? cur
ineo. Hoc tibi regnum significat, cum ad hortum te vo- sponsam non invitas in hortum? Nonne jam dicere po-
cat, ad hortum deliciarum, ad paradisum voluptalis, ad les quia messui myrrham meam cum aromaiibus meis,
;

fructus matures, ad fructus jam pcrccptos a se, et a te comedi favum cum melle meo, bibi vinum meum cum
lacte meo? Ubi nunc martyrcs in niyrrha, ubi doctores
percipicndos. Tunc bibes vinum cum lacte, ut oblivis-
caris prioris angustiae, et novae resurrecfionis degustes in favo, ubi fervcnics spiritu, qui signantur in vino, et

ducedinem, pra-stante Domino nostro, qui vivit et regnat simplices in malo, quos lacfis dulcedo figural? .\nnon
ager Ecclesiie tua^ jam tanta gloria nudaltis vidolur?
in saecula saeculorum, Amen.
Multiplicasti gentem, sed non magniflcasli la-litiamT
mulfi credentium fructus, sed aromala pauca. Pra'cessit
SERMO XLL autumnalis uberlas primis illis nasccniis Ecclesiai die-
bus nunc hyemalis horror perurgel. Pra-cesserunt
:

Messui myrrham meam cum aromaiibus mm, etc.


uberlalis anni, nunc slcrililatis incumbunl. Post spicas
Cant. V, a.
florcntcs el la-Uis, slcrilcs el uredinc conferl.T exsur-
gunt. Cur non dicis jam, bone Jesu Veni in hortum :

meum, soror mea spousal O""'! cxspectas cur moras


1. Messui myrrham meam cum aromatibus mei><, co- ;

medi favum cum melle meo, bibi vinum meurn cum neclis? \u ul post banc hyomem auliimus rcdeat? L.t-
tabuntur adhuc coram te, bicul laituntur in mcsse. Tunc
Mcte meo. Veni in hortum meum, soror mea sponsa.
T. V.
15
22& L'ABBE GILLEBERT.
des annces de sterilite. Apres les epis joyeux et fleu- adoucit les interpretations sublimes el les ravisse-
ris, apparaissent ceux qui sont sleriles et que la meiits (le la contemplation, par la simplicile de la
rouille a ronges.Pourquoi ne dites-vous pas, en cet foi et des moeurs. 11 aime la ferveur du zele, a la
instant, 6 bon Jesus Vcnez dans mon jardin, 6
: condition pourtant, qu'il s'y trouvera des aliments
sceur, 6 mon epouse? Qu'attcndez-vousj pourquoi de lait pour soiguer les petits enfants. Qiiaud tout
prolonger encore ? Serait-ce qu'apres cet hiver I'au- cela sera fait, quand seront passes les jours des mar-
tomne reviendra? On se rejouira encore devant tyrs; quand les docteurs, semblables a des rayons
vous, conime au temps de la moisson. Alors, vous de miel, portant en cux la sagesse cachee dans ses
benirez lacouronne de I'annee de votre bienfaisance, mysleres, auront accompli leur mission; et quand,
et les champs regorgeront de tous leurs tresors. presses par les attaques des heretiques, ils auront
{Ps. Lxiv, 12.) L'aspectdece quisemble maintenant fait couler les flots delicieux de leur science ;
quand
notre desert s'embellira etlarigueur dela persecu-
, les enfants, qui sontnourris de lait, ou les forts eni-

tion derniere donnera a nos moissons lateinteblan- vres du vin de la grace, qui oublient ce qui est en
che qui annonce la maturite. lis seront multiplies arriere, auront accompli leurnombre et fourni leurs
dans une vieillesse qui ne faiblira pas, qui ne sera annees ; quand tout cela sera consomme ( car un
ni sterile ni abattue, mais dans une vieillesse vigou- apex ou un iota netombera point que tout ne soit
reuse et feconde, et ils seront patients pour annon- accompli, [Matlh.., v, 13.) alors toule I'Eglise des
ccr ce qui sera donne a dire. [Ps. xci, 15.) Patients des saints tressaillera en entendant cette douce in-
par le mar tyre, parlants par les accents de leur vitation : « Venez dans mon jardin, o soeur mon
bouche. Dans ceux qui souffriront, vous recueillerez epouse. » J'ai moissonne ma myrrhe avecmesplan-
la myrrhe, dans ceux qui rendront temoignage, tes aromatiques; j'ai mange un rayon avec mon
vous mangerez le rayon de miel. Vous abreuverez miel, j'ai bu mon vin avec mon lait. » J'ai recolte,

alors vos elus du vin de la componction mele avec j'ai mange, j'ai bu ces paroles se rapportent au
:

le lait de la consolation. Si le Seigneur n'avait pas passe, elles signilient I'achevcmcnt parfait, c'est
abrege ces jours , nulle chair ne pouiTait etre comme si le bien-aime disait : tout est consomme.
sauvee. « Venez dans mon jardin, 6 mon epouse ma
Le Seigneur moissonne, meme de nos jours,
2. soeur ,
j'ai recueilli ma myrrhe avec mes
la myrrhe^ non pas avec autant d'abondance qu'au- plantes aromatiques. » Dans ce jardin, oule voisi-
trefois, mais neanmoins il recueille en quantite la nage d'aucune ortie n'attriste la grace des lis, ou
myrrhe des afflictions volontaires. 11 mange le rayon nulle epjnen'altere I'eclat des roses, ou nul arbre
avec le miel , il nous fait decouvrir avec delices, les ne se rencontre, dont I'approche soit interdite. « Ve-
sens spirituels qui sont exprimes avec une si nez dans mon jardin, 6 ma sceur, 6 mon epouse.
grande suavite, sous les figures qui les renferment. J'ai recolte ma myrrhe avec mes plantes aromati-
II hoit le via avec le lait, parce qu'il tempere et ques. » Entendez bien qu'il ne recueille que ce qui

benediccs coronae anni benignitatis tuae, et campi tui dies compleverintvel parvuli qui lacte foventur, vel
ubertate replebuntur. Pinguescent speciosa hujus nostri ferventes qui inebriati vino gratiic obliviscuntur
spiritu
quod nunc videtur deserti; et persecutionis fervor no- quae retro sunt cum consummata haec omnia fuerint
;

vissima?, maturitatis canara albcdinem messibus nostris (non enim transibit unus apex aut unum iota de lege
inducet. Multiplicabuntur in senecta non deficiente, non donee omnia fiant) tunc exsultabit omnis Ecclesia sanc-
confecta, non sterili, sod in senecta uberi et bene pa- : torum a tam dulci auditu Yeni in hortum meum, sot'or
:

tientes erunt ut annuncient. Patientes propter marty- mea sponsa. Messui myrrham riieam cum aronmtibus
rium, annunciantos propter verbum. In patientibus meis, comedi favum cam melle meo, bibi vinuin meum
myrrham metes, in annuntiantibus comedos favum. Tunc cum lacte meo. Messui, comedi, bibi praeteriti sunt :

electos tuos compunctionis vino potabis, consolationis temporis hsc verba, et consummationem completam si-
lacte immixto. Nisi enim abreviasset Dominus dies illos, gniticant, ac si dicat Consummatum est. Veniin hortum
:

salva esse non posset omnis caro. meum, soror mea sponsa. Messui myrrham meam cum
2. Metit etiam nunc Dominus, etsi non quantam tunc aromatibus meis. In hortum ilium, ubi prope erumpens
myrrham, tamen multam myrrham afflictionis sponta- nulla urtica liliorum gratiam contristet, ubi vernantem ro-
neae. Favum comedit cum mclle, ct expressa spiritua- sam asperitas spinarum non violet, ubi arbor nulla est,
liuni dulcedine sensuum, continentibus flguris nos facit cujus sit interdictus accessus. Veni in hortum meum,
oblectari. Vinum cum lacte bibit, quia sublimes sensus soror mea sponsa. Messui myrrham meam cum aroma-
et excedentes contemplationes fidei et morum simplici- tibus meis. Audite quia non metit nisi quod suum est,
tate temperat et indulcat. Zeli fervorem diligit, si ta- nisi quod ipse praeseminavit. Vere servus ille mains et
men adsunt lactea quadam fomenta parvulorum. Cum et piger, qui pigritiae suae causam In Dominum inter-
fuerint expensa haec omnia, cum pertransierint tempora pretatione maligna transfudit Scio quia homo austerus
:

martyrum cum doctores quasi quidam favi sapienliam


: es, tollens quod non posuisti, et metens ubi non semi-
contienentes in mysterio absconditam, ministerium com- nasti. Bene piger, in quo Dominus non invenit quod
pleverint suum, et dispulationibus haereticorum pressi, meteret et vere malus, qui diligentiam metentis Do-
:

melleam doctrinam profuderint ; cum numeros suos et mini in duritiam perverso sensu cunvertit, infructuose
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES C^^sTIQUES 227
est sien, qiie ce qu'il avait seme. II fiit un serviteur n oncer sur vous? qui se glorifiera de n'avoir pas
mccliant et nonchalant, cplui qui, par une interpre- d'i\Taie dans son champ? Heureux I'homme qui en
tation maligne, rejeta sur mon maitre la cause de sa a peu, et en cpii ce pen, sans etre cultive
ou soigne,
paresse. « Je sais que vous etes un homnie dur, pre- se cache furtivement dans le grand noinbre des
nant ce que vous n'avez pas place et recoltant oil plantes aromatiques, pour fuir sa vigilance attentive
vous n'avez pas seme. » [Matlh. xxv, Ik.) Bien pa- a arracher a I'instant meme, tout ce qui se montre
resseux est celui en qui le Seigneur ne Irouve rien a ses yeux de cette herbe maudite. Malheur i
a recueillir ; et vraiment mediant celui qui, dans moi. Seigneur, a cause de mes imperi'ections, si vous
son esprit pervers, tient pour durete la diligence de etes un homine
dur, faisant payer avec severite, re-
son Seigneur qui moissonne, garde, sans le faire clamant ce que vous n'avez pas donne, et recoltant
fructifier, le bien qu'il avait recu, etconcoit des sen- ce que vous n'avez pas seme. Malheur amui, si vous
si bon maitre. Le
timents iiijurieux a Tegard d'un recueillez ce que vous avez seme, sans faire grAce
Seigneur Jesus ne recueille que ce qu'il a seme, et sans pitie, car tout ce que vous avez jete dans la
que ce qui est a lui. Les mauvaises plantes que terre de mon ame n'y a pas germe. Daignez accep-
I'homme ennemi a semees sur son
froment, il ne ter un bouquet de ma myiThe pour le placer sur
les recueille pas, enverra ses anges qui lescoupe-
il votre coeur. (Jue le parfum de mes aromates, va-
ront, et en feront des gerbes pour les bruler,quand peur bien frele et peu durable, s'eleve jusqu'a vous.
ils arracheront tons les scandales de son royaume, Quand pourrai-je vous offrir un rayon de miel en-
[Matlh. XIII, 28.) D'abord done, ilpuriiie sonroyau- tier? Quand, une meditation assidue de votre loi?
me des scandales, son champ de I'ivraie, et son jar- Quand, une intelligence pure et pleine des mysteres
din, de toute tige inutile, afin de n'avoir a moisson- religieux? Quand, cette sagesse douce comme le
ner et a recueillir que ce qui est a lui. miel, quesaintPaul fait entendre parmi lesparfaits?
3. Si Jesus venait soudain, si la voix de I'ange (I Cor. Car de
II, 6.) meme que cette liqueur suave
criait, si la trompette derniere faisait retentir ses est contenue dans les cellules qui composent le
jugement commencait, si le
eclats terribles, si le rayon, de meme la sagesse du ciel est renfermee
feu s'enflaramait en presence du juge souverain, dans les symboles tres-purs des figures, et, par une
si le ciel etait appele d'en haut et la terre agitee en intluence reciproque, la verite ainsi voilee rehausse
vue du grand acte qui doit discerner le peuple des les symboles, et les symboles, a leur tour, donuent
elus; [Ps. XL!X, h.) si tousces evenementseclataient une gr^ce plus sensible a la exprimee dans
verite
a I'instant ;
quel sentiment auriez-vous de vos me- leurs types. Quand me sera-t-il donne de vousprepa-
rites? a votrejugement de quel cote devriez-vous rer dans la coupe de mon coeur, ce melange de via
etre place? Au milieu des saints du Seigneur quise- et de que vous aimez?Il est rare de rencontrer
lait

ront reunis k sa droite, ou parmi ceux qui seront ce temperament, de voir celui, qui est ravi en Dieu,
lies en un seul faisceau pour etre jetes dans le lac ? savoir etre simple, et abaisser la hauteur de sa scien-
Parmi les mauvaises herbes, ou entre les plantes ce a I'humilite des faibles : celui qui boit les flots

ciromatiques? Peut-etre que volonte hesite a pro- purs de lintelligeuce, doit devenir petit enfant.

quod acceperat servans, ct injuriose de bono Domino homo ab horto suo. Vae mihi Domine ab impcrfectione
scaliens. Non melit Dominus Jesus nisi quod semina- mea, si homo dnrus es, si exactor austerus, si tollens
vit, non metit nisi suum. Quod inimicus homo super quod non posuisti, et metens quod non seminasti. Vae
seminal tritico sue, non metit illud, scd mittet Angelos mihi totum metis quod seminasti, sine rcmissione et
si

qui colligant zizania, et faciant fasciscr.dos ad combu- pietatis respectu nam non totum, quod in me semi-
:

rendum, qui colligant do regno ejus omnia scandala. nasti, cxcrevit. Utinam myrrh* mea; acceptum digne-
Ergo prius regnum suum purgat a scandalis, agrum ris habere fasciculum, ut in medio uberum tuorum
suum a zizaniis, et hortum suum ab inutili germine, ui commorctur. Utinam aromatum meorum vapor exi-
nonnisi suum metat et colligat. guus ad modicum parens ad te ascendat. Nam quando
Si modo veniat Jesus, sonet vox Angeli, terribiliter
3. tibi ofTeram integrum favuni mellis? quando tibi of-
intonnet novissima tuba, producatur judicium, ignis feram meditationem assiduam in lege tua? quando pu-
in conspeclu ejus exardcscat, advocetur caelum dc sur- ram el plenam intelligentiam spiritualium sacramcnlo-
sum, ot terra discernere populum suum, si jam haec rum ? quando sapientiam mclleam, quam Paulus loqui-
omnia subito vos preoccupent de meritis vestris quam ; tur inter prcfectos?Nam sicut cellulis favus mellis lla ,

teneretis sententiam ? Ubi vestro cssetis collocandi purissimis figurarumsacramcntis ccElestis sjipientia conti-
judicio? Inter sanctos ejus qui congregabuntur illic, an netur, ut mutua collatione et sacramenta Veritas tigu-
inter eos qui congregabuntur in congregationc unius rata commendet, el non parum gratia) tratiat ipsa Ve-
fasciB in lacum? Inter zizania, an inter aromata? .\n ritas talibus quasi cellis expressa. Quando tibi in quo-
forte efiam vestrum de vobis arbitrium hiTsitnt? Quis dam cordis mci cratcre, vini c-t lactis illam potoro tem-
gloriabitur in agro suo se nihil habere zizaniorum? Fe- peralurani miscere? Haia est mixtura luiv, ut qui nu-ute
lix in quo parum quid est, et idipsum non cxcultum, cxcedil Deo, sobrius esse discal, ut alia sciens cou-
non fotum, sed furtivum et latilans in quadam aro- scntiat iiumilibus parvulus fiat, qui puriori inebrialur
;

matum ubertate, et quod statim cum advertit, avelit intelleclu.


,

22S L'ABBli GILLEBERT.

ll. Quel grand, quel riche rayon de miel a etc, avecdelaiet lenteur, ilsupportaitavec egalite. Jeme Pa
d'.U
COS jours-ci, porte sur la table du banquet celeste, souviens que plusieurs fois un de ceux qui I'ecou-
* ASlrede
vcux dire I'abbe de Rieuval,* dont on nous a appris
je taientayanl interrompu avec inconvenanceun deses
abbii
de Rieuonl en le Ircpas pendant que nous expliquions ce passage. discours, le pieux abbe s'arreta jusqu'ii ce que I'in-
Angletcrre, ame quand ce
II me semble qu'en le perdanl, notre jardin a ete terrupteur eut bien decharge son : et
qui mourut
a /a 50C an nee depouille de toute sa vegetation et que notre terre Hot impetueux de paroles ficheuses eut cesse de
do son tlfie,
sous Ic r-ri/nc a donne a Dieu, qui le cultivait, un grand faisceau coulcr, avec la meme tranqiiillite qu'il avail mise
du rot de ses idees, parlaut
de myrrhe. U ne reste dans nos ruches aucun a I'ecouter, il reprit le cours
Henri II,
an du rayon qui lui soit comparable. On voyait a la fois avec opportunite et se taisant avec convenance.
Seigneur
116G. dans lui et le rayon de miel et le bouquet de Prompt a ecouter, tardif pour repondre, il n'etait
Voyez aromatiques. Qui plus que Com-
Notes du
le.i
myrrhe avee les plantes pas lent a se mettre en colere. [Jac. i, 19.)
Liv. I des lui brillait par la purele de la vie ou la sagesse de ment eut-il ele lent a se courroucer celui qui (pour
lettres de
S, Bernard. la doctrine ? Qui plus que lui soulTrit davantage dans ainsi dire) ne ressenlit jamais les atleintes de ces
la chair, et eut plus de promptitude dans I'esprit? sorles de vivacites?
Semblables a la cire, ses paroles repandaient une 5. C'est bien vrai, il etait un rayon : car com-
science suave comme le miel. T.anguissant dans sa pose et rempli de toutes parts de cellules sans cor-
chair affaiblie, I'amour des biens celestes rendait ruption, en toute action, en toute parole, en tout
son ame encore plus languissante au-dedans. Con- geste, on croyait qu'il repandait le miel de la dou-
sumes par un amour continuel, son corps entourc ceur intefceure. Heureux celui en qui Jesus trouve
dc myiThe, son esprit parfume d'aromates, faisaient un rayon de miel pour manger, un rayon gras, qui
monter au del le parfum perpetuel d'un sacrifice ne soit nullement desseche. Considerez la natui'e
agreable au Seigneur. Dans une chair aride et des- de ce rayon sa tete a quelque forme de casque a
:

sechee, son ame etait comme engraissee du meilleur cause du vase dans lequel il est bati. Ensuite pendant
embonpoint aussitoujours sa bouche louerale Sei-
: de la cime en has, il semble descendre des hauteurs.
gneur dans le tressaillement de ses levres, toujours Selon saint Paul, I'esperance du salut eternel est un
ses levres seront un rayon distillant le miel. Car, excellent casque. (I. Thes.\,8.) C'est de I'espoir des
entierement change en langues, parson visage mo- biens superieurs en effet, que doivent partir, et le
deste, par I'exterieur tranquille de toute sa per- principe de tons les actes et I'intention qui dirige ''es|

etc
sonne, il exprimait au-dehors les sentiments pai- la vie entiere. A cet espoir, doit se rattacher I'exis-
sibles de son coeur. Sa vue etait penetrante, ses pa- tence, il doit en etre le but, et la proteger contre
roles n'avaient rien de precipite. II demandait avec tons les obstacles. Si vous voyez un homme rempli,
modestie, il remettrait avec plus de modestie encore, en vue des biens celestes qu'il attend dans toutes
supportant les importuns, il n'importunait per- les circonstances de la vie, meme les plus facheu-
sonnel il comprenait parfaitement, il repliquait ses, de cette joie de I'esprit dont la douceur surpasse

4. quam ingens, quam uber ad coe-


Quantus favus, importune, verba suspendisse, donee alter totum effudis-
leste his diebus est translatus convivium, domnum Rie- setspiritum suum etcum importuni sermonis impetuosus
:

vallensem dico Abbalem*, cujus nobis dum locum is- defluxissetgurges, eadem qua sustinuerat tranquiUitate,
tiim tractamus, nunciatus est transitus. Videtur milii in suspensum verbum resumpsit, opporlune loquens, et op-
illo, dum sublatus est, hortus noster esse nudatus, et portune silens. Velo.x ad audicndum, ad loquendum tardus,
grandem agricolas Deo rcsignasse fasciculum myrrhae. sod non tardus ad iram. Quomodo ad iram dicendus
Nullus talis in alvearibus nostris relictus est favus. est tardus, ad quam magis inventus est (ut sic dicam)
Utrumque in illo cernere erat, et mollis favum, et nullus?
myrrha; fasciculum cum aromatibus bonis. Quis illo vel 5. Bene favus quia sinceris undique compositus et
:

vita purior, vcl doctrina prudentior? Quis magis illo consitus cellis, in omni actu, sermone et gestu internae
vel segrotus in carne, vel alacer in Spiritu ? Sermo ejus, putabatur dnlccdinis mella sudare. Felix in quo Jesus
quasi cereus, melleam effundebat scientiam. Carne lan- integrum favum, quem comedat, invenit, crassum, non
guidus, magis tamen intus in spiritu ccElestium amore exsiccatum. Vide naturam favi quasi galeato capita ;

languebat. Myrrhata carne, mente aroraatica, crematione est, propter formam vasculi cui innascitur. Deinde de
continua, indefessi amoris odoriferum incensum offe- superioribus pendet, et de superioribus prodit. Bona,
rebat. Corpore desiccato et arido, anima ejus sicut secundum Paulum, galea spes salutis aeternee. A spe
adipe et pinguedine replebatur ideo labiis exultationis
: siquidem supernoruni, omnium actuum caput et totius
laudabit Dominum semper os ejus, favus distillans la- intentio vitae inchoare debet, et illi cohaerere, ad banc
bia ipsius. Nam totus conversus in labia, modesto vultu, tendere, et hac se contra omnia tentamenta tueri. Si
et totius corporis habitu Iranquillo, serenos animi pro- videris hominem propter spem supernorum in omni
debat affectus. Scnsu perspicuus erat serraone non actu, etiam adverso casu, repleri gaudio spiritus, qui
praeceps. Modeste rogabat, reddebat modestius, moles- super mcl dulcis est quid hunc nisi favum credideris
:

tos sustinens, molestus nulli acute intelligens, morose re-


; melle redundantem? Quid cum ho-
in cunctis cellulis
ferens, squanimiter ferens. Memini frequenter ilium, cum minem cernis capacem sensu, conversatione composi-
ooeptum de assidentibus aliquis sinterrupisset sermonem tuni, actum et vitse aequabili comoiensiu-atione cobS'
SERMONS SUR LE CANTI'jUE DES CANTIQUES. 229

celle du miel, a quoi le comparerez-vous, sinon a un roles qui rejouissent et enivrent saintement. 11 en
rayon dont toutes les cellules regorgeut de miel? est ainsi. Son lait avait la force du vin. Ses simples Sesceuvresse
Mais r|uand vous considerez un homme muni de instructions, les discours qu'il adressait aux faibles,
^Ji°^"/"a
moyens, regie dans sa conduite, toujours cgal par comme du lait, saisissaient, a son insu.les esnrits de BibUotheque
,., / desSS. Peres
emvraient etXIleur ffaisaientX eprouver et dans la
• • • -
,
la juste distribution de ses actes et de sa vie, rempli ses auditeurs, les
de tous co'es de ces cellules, vides cependant, et une sorte de ravissement. Celui qui en etait abreuve ^j''''%%l"^
degarnies de cette douce liqueur de I'esperanee qui pouvait dire avec raison j'ai bu du vin avec dulait. de cueaux,
:

tome 3.
preud fond dans que vous rappelle cette vue,
le ciel ;
II savait melanger ces deux elements, et faire boire

sinon I'aridite d'un rayon desseche? Le malheur I'autre aussi, quand il ne presentait quel'und'etix. II

serait double, s'il etait en meme temps dissipe par matieres propres a facilement edifler les
traitait les

riiiconduite et comme tari par le manque de devo- ames, mais on sentait dans ses paroles, la force de la
tion. Autre chose cependant est qu'il garde les ap- grace qui enivrait. II avait une intelligence facile et
pareiices pour presenter un masque menteur de une affection puissante.
vertu, et autre chose, qu'il exprime au-dehors 7. Regrettons d'avoir perdu une homme dune
I'honnetete, dans I'espoir louabled'obtenir.la grace, telle grandeur; rejouissons-nous neanmoins d'avoir
afin que manquent jjas pour recevoir
les vases ne envoyc dans le celeste jardin, un tel faisceau de
les dons de douceur spirituelle, et que les cel-
la myrrhe cueillidans nos petits parterres. II yest un
lules soient disposees pour recueillir le miel qui ornement, lui qui ici-bas avait ete notre soutien. Et
decoule d'en-haut. si nos ruches paraissent vides, et notre jardin de-
6. Mais le rayon de miel dont nous parlous etait pouille, il a laisse cependant beaucoup de tiges
entier, il debordait do la liqueur qui le garnissait. dont Dieu, par sa puissance, pent former d'autres
Rempli de cellules, de toutes parts il repandait la faisceaux, en leur donnant I'accroissement des ver-
douceur; ouvrier assidu, Aelrede composait sans tus. C'est ce qu'O opere dans toute I'Eglise, jusqu'i

relache, les rayons de la sainte predication. Excel- ce que, par des successions continues, la diffusion
aieot lents rayons, encore dans leur integrite, ils adou- de tous les degres de sa grace etant achevee, il dise
)urs,
le (its cissent tous les jours la poitrine de plusieurs. 11 ne a son epouse parfaite et completement reparee :

trine
de.
cherchait pas une subtilite qui ennuie plus qu'elle « Venez dansmon jardin, 6 ma soeur, omon epouse:
n'instruit. Tout adonne a la science morale, il I'ex- J'ai recueilli ma myrrhe avec mes aromates j'ai :

pinmait dans les formules tres-soignees de ses dis- mange un rayon avec mon miel j'ai bu mon vin :

cours. II etait verse dans les idees mystiques qu'il avec du lait. Mangez, mes amis et buvez, et rassa-
exposait au milieu des parfaits. Pour le salut et la siez-vous, 6 mes bien-aimes. » Bien que nous at-
consolation des enfants, il repandait avec grande tendions I'accomplissement parfait de cette parole,
abondance une doctrine semblable a du lait ; il y de I'Eglise dans la joie du Sei-
lors de I'introduction

mela souvent, d'une manierecachee.le vin des pa- gneur apres la resurrection nous croyons nean- :

rentem sibi, talibus undique vasculis consertum, vacuis cessum furtim arripere consuevit. Unde qui pofabatur,
tamen, et spei quse est rcposita in ccelis, mclleo exhaiis- jure dicere poterat qtna bibi vinum cum lactc. Imo in
:

tis liquore : numquid aliud tibi quam favi arentis sic- lacte noverat ista temperare miscere, et in alteroutrum-
citatem dcphigit? Duplicatuni qiiidem incommodum, que largiri. Facili ad aedificandum utebatur materia, scd
si simul fuerit et dissipatus dissoliitione, et devotione vehementiam inebriantis gratiae sentires in verbis. Faci-
quadam Aliud tamen est si servat spcclem,
desiccatiis. lis iiierat ei intellectus, sed affectio vehemens.
ut mcntiatur virtutcm aliud si integritatis formam,
: 7. Dolendum quidcm, quod no- tauli viri subtracta est

ct infiindendae favorem spe bona grafiaj refert, ut dono bis copia sed nihilominus gloriandum, quod talem do
:

spiritnalis dulccdinis receptacnla apta non desint, etido- hortulis nostris fasciculum myrrhs ad coelestem ilium
ncae ccllulin mclli siipcrno. hortum pnemisimus. Illicornamentum est, qui nobis hie
6. Nosier quo loquimnr, integer
aiitcni hie favus, de fuerat adjumentum. Kt si vacuata videntur alvearia nos-
erat, et inlerno liquore Plenus eral ccUula-
exuberans. tra, et hortus nudatus; multos tamen reliquit manipulos

nim, hac illucquc dislillabat dulccdinem, sermonis di- de quibus potens est Deus pervirtutumincrenienla crca-
vini assidnus operator favos componebat. Boni favi, qui- re fosciculos. Quod et in tota operatur Kcclesia, douce
bus adhuc integi'is mulloi'um quotidio indulcantur fau- per successioncs continuas, omnium graduum dispeusa-
ces. Moleslam non sectabatur subtililatem, quai plus tione complcta, sponsaj sua; jam perfecla> et consum-
contentionis quam iustructionis ministrat materiam,
,
mata; dical Veni in hortum meum, soror mea spoma
:
:

moralem operosus scientiam,


(]irca cultissimis illam ver- messui myrrhnm meam, cum aromatibus meis : comcdi
borum collis committebat. Prndens erat cloquii mystici, favtim cum melle mm
: hihi vinum meum cum lacte men.

quod inter perfectos dispensaljat. Lactea in salulem et Comedite amici ct hibitc, et inchrinmini cnrixximi. Quod
consolalionem parvuloruni exuberahat doctrina, cui ta- quidcm etsi in gcueraii ilia Kcclesia' introduclione in
men la'tificanUs ct incbrianlis sermonis vinum s;ppc la- Domini gaudiimi, qua) post rcssurreelionom liel, perfoc-
tenter immiscuit. Ita est. Lac ipsius viniobtincbat virtu- lissimc spcratur quolidie tamen angelieos cives ad noc-
:

tcm. Simplex ejus institutio, et sernio laclcus animum grabilationis convivium invitari crcdimus, cum snurla
auditoris in quemdam inebrianleni alicnalaj mentis ex- quirlibcl aninia (sivc qualcm supra nicminimus, sivc in-

I
230 L'ABBE GILLEBERT.
moins que tous les jours, les citoyens angeliques mais a des points de vue differents. La, parce qu'ils

(lu ciel sont invites i partager la joie d'en haut, font, ici, parce qu'ils savent. La, a cause de leur mi-
lorsqu'une ame sainte (telle que celle dont nous ve- nistere, ici, a cause du mystere. La, ils mangent,
nons de faire mention, soil une autre d'unc perfec- ici, ils boivent. En ces deux endroits il sont a amis, » Qoeh >

tion et d'un merite infcrieurs), est transportee dans cependant ils ne sont pas encore « bien-aimes. » qo,.!.
*"
le bonheur du Paradis, dans les jardins toujoiirs Pom- les bien-aimes, I'ivresse arrive pendant qu'ils
verdoyants, dans I'euceinte du tabernacle admira- donne, indique une
boivent. Le titre qui leur est
ble, jusque dans la maison du Seigneur. abondance qui deborde interieurement et signifie
8. Nourrissez votre esprit de ces pensees, mes la plenitude de la charite. 11 est tres-cher, celui qui
freres, repassez-les souvent dans votre memoire, est plein de charite. II est bien-aime, celui qui est
et repandez vos ames en vous-memes. Ce souvenir penetre et comme imbibe de celte vertu, dont les os
est plein de feu : il fera liqueQer votre ime, il la et la moelle des os et tout I'interieur, sont arroses
fera se repandre en delectations et en desirs, lorsque de cette hqueur divine. Ce n'est pas parce qu'U
vous entrerez dans I'enceinte de ce tabernacle ad- est tres-cher qu'il est enivre, mais parce qu'il est

mirable. La joie du banquet retentira dans les enivre, il est bien-aime. Et etre enivre, qu'est-ce au-
chants de I'allegresse et de la louange. La voix de tre chose, sinou etre rempli dela volupte d'une cha-
rami qui est assis au festin, la voix du Seigneur rite tres parfaite? Aussi nous voulons employer
qui invite a le partager, forment une musique dou- cette distinction, les « tres-chers » sont ceux qui ai-
ble et agreable. Voici les paroles de I'invitation : ment tres parfaitement, et ceux qui sont « enivres »
(( Mangez, mes amis et buvez, et enivrez-vous sain- sont ceux qui sont tres parfaitement dclectes.

tement, 6 mes bien-aimes. Mes amis, » dit-il, « et « Mangez, mes amis, et buvez et enivrez-vous, 6
mes bien-aimes. » Ce sont des paroles de tendresse : mes bien-aimes. » Les « amis » sont ceux qui
Ces tendresses ne sentent pas I'adulation : elles sont agissent ou qui ecoutent ; les a bien-aimes ceux qui
pleines de devouement et d'affection. Et prononcees s'attachent. Les « amis » agissent pour le Seigneur,
par le Seigneur, elles ont la vertu d'enivrer sainte- et ecoutent les paroles qu'il prononce; les « bien-
ment les ames : elles ont pour effet d'adoucir les aimes » s'enivrent de lui. Les « amis » sont ceux a
sentiments de ceux a qui elles sout adressees. II qui il fait connaitre ce qu'il a entendu de son pere :

existe pourtant entre elles une difference, et le mot les « biens-aimes « sont ceux en qui il a repandu
(( 6 mes bien-aimes a quelque chose de plus aima- une pleine connaissance de ce memepere. La, beau-
ble que celui de « mes amis. Vous etes mes amis, coup de choses sont enseignees ; ici, ime seule est
dit le Seigneur aux apotres, « si vous accomplissez aimee. Dans les « biens-aimes, » il n'y a pas de diffe-
ce que ne vous appellerai plus mes
je vous dis. Je rence d'ceuvres ou de doctrine, en eux sc trouve la
serviteurs, mais bien mes amis, parce que je vous diffusion seule et souveraine del'araour. Les « amisn
ai fait connaitre tout ce que j'ai entendu de mon sont ceux qui se conforment a la divine volonte :

pere. » {Joan, xv, IZi.y Remarquez la difference qui les « bien-aimes, » ceux qui s'enivrent et sont pene-
se trouve en celieu. La etla ilssont appeles « amis» tres de la volupte de I'amour sacre.

ferioris perfectionis et gratiae) in paradisi amccnitatem Ibi propter ministrationem, hie propter mysterium, Ibi
transfertur, in hortos semper virentes, in locum laber- comedunt, et hie bibunt. Utrimque amici, nondum ta-
naculi admirabilis usque ad domum Dei. men carissimi. Carissimis in potationem cedit ebrictas.
8. HifiG recolitc, fratres, haec recordamini, et effundite Ipsa nominis forma superabundantiam quamdam latenter
in vobis animas vestras. Ignita est ha;c recordatio 11- : insinuat, et significat plenitudinem caritatis. Garissimus
quescere faciet animam tuam, et in deleclationes et de- est, qui earitate plenissimus est. Garissimus est, qui ca-
sideria elTundi, cum transibis in locum tabcrnaculi ad- I'itate infusus et inibutus est, cnjus medulla" et ossa et
mirabilis. In voce enim exultationisetconfessionis sonus omnia interiora caritatis liquore rigantur. Nee quia ca-
epulantis. Dulcis ibi uterquc sonus, et amici epulantis, rissimus est inebriatur, etsi inde carissimus est quia ine-
et Domini invitantis. Invitantis est enim vox : Comedite briatur. Denique quid aliud est inebriari, nisi caritatis
amici et incbriumini carissimi. Amici, inquit,
bibite, et perfectissimae delectatione repleri? .\ut forte sic dislin-
et carissimi. Blanditiarum hsc sunt nomina; sed hsec guere volumus, ut sint carissimi plenissime diligentes,
blanditiae adulationem non sapiunt; officii ct dilcctionis inebriati perfectissime delectati. Comedite amici et bibite
sunt plenaj. Et haec ipsa a Domino blandimenta prolata, et inebriamini carissimi. Amici sunt qui vel agunt vel
Inebriandi non carent cffcctu efficacia sunt ad cmulcen-
: audiunt carinmi qui adheerent. Amici agunt pro eo, et
;

dos eorum quibus fiunt atfectus. Habent tamen inter se audiunt ab eo; carissimi, incbriantur eo. Amici sunt,
distinctionem, ct aliquid amplius gratia?, praefert carissi- quibus nota fecit qua; audivit a patre carissimi, quibus :

mi, quam atnici vocabulum. Vos, inquit Apostolis Do- plenam ipsius Patris infudit notitiani. Ibi mulfa docen-
minus, amici met estis, si feceritis quae prcecipio vobis. tur, hie diligitur unum. In carissimis non est operumvcl
Jam non, inquit, dicam vos servos, sed amicos, quia om- doctriiiae distcnsio, sed diffusio sola, et sumnia amoris.
nia qufucumque nudivi a Patre meo nota feci vobis. Vi- Amici sunt qui contemperantur divinae voluntati ca- :

dclc ct hie quamdam distantiam. Illic dicimtur amici cl imbuuntur amoris divini vo-
rissimi qui incbriantur et
hie, sed diUcrcnter. Ibi quia faciunt hie quia sciunt, ; luptate.

I
SERMOiNS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 231
«Mangez, mes
9. On ne dit plus, les pau-
amis. » reveilles : le saint repos les gagne et peu apres ils
vres mangeront et ils seront rassasies. {Ps. xxi, 27.) se retrouvent dans I'etat de veille. Aussi, on lit a la
Mais, mangez, mes amis, et enivrez-vous. Comment suite ; je dors et mon coeur veille. Ces veilles cepen-

sont pauvres, ceux qui s'enivrent de I'abondance dant ne paraissent pas succeder au sommeil, mais
desbiens de la maisondu Seigneur Commentlapau- ! bieu plutot le continuer. Que notre Seigneur nous
vrete se rencontre-t-elle laousontles tresors? « Man- accorde, a moi de comprendre, et a vous d'ccouter
gez,mes amis et buvez et enivrez-vous. » Vous mes avec vigilance ce qu'il y a a dire sur ce sujet ; lui
amis et mes bien-aimes amis a cause de la delecta- : qui vit et regne, Dieu dans tous les siecles des siecles.
tion de societe; bien-aimes a cause de raffection de Amen.
I'alliance. « Enivrez-vous, mes bien-aimes. » Jevous
ai introduits dans le cellier de mes vins pour or-
SERMON XLII.

donnerenvous la charite.Lacbarite n'est ordonnee


que lorsque votre ame est enivree de I'abondance de Je dors et mon cceur veille. Void la voix de I'epoux
cette vertu. Elle n'est ordonnee, que lorsqu'elle aura qui frappe ; ouvrez-moi, ma sceur, etc. ,
pane que
ete placee au-dessus de tous les autres sentiments ma tete, etc., (Cant, v, 5.)

de votre coeur. Voila le bon ordre, la predominance


de I'amour sur toutes cboses : c'est cet amour sou- 1. « Je dors et mon cceur veille. )) Apres le pas-
verain qui constitue les bien-aimes. Les bien-ai- sage developpe dans le discours d'bier, en veiiu de
mes sont ceux en quine se retrouve rien qui soit
il quelle relation, ou par quelle consequence, les pa-
vide de charite, ou occupepar quelque autre affaire. roles que nous venons de redire se trouvent-elles
L'ordre est parfait, lorsque du degre des chers on venir ? Dans I'un, on adressait une invitation gene-
passe a celui des bien-aimes. L'harmonie supreme rale, ici la reponse est comme particuliere. La
regne, quand on ne pent rien aj outer au comble de plusieurs sont invites, ici un seul repond. La, il est
la charite, « Mangez, mes amis, et buvez et enivrez- dit : « enivrez-vous, 6 mes bien-aimes : )) ici, la
vous, 6 mes bien-aimes.)) La,tous sont amis, la, tous bien-aimee, qui est I'epouse, replique qu'elle dort.
bien-aimes. Tous boivent a la coupe, et tous sont « Je dors. )) Est-ce etonnant qu'a une invitation
rassasies. 11 n'en va pas de la sorte dans cette vallee commune, il soit fait une reponse particuliere ? II

de larmes, va pas de la sorte il y a plu-


il n'en :
y a plusieurs bien-aimes, mais tous n'ont qu'un
sieurs amis, et peu de bien-aimes plusiours boi- : coeur et qu'une ame. « Ma colombe est unique, ))

(esse vent, mais peu sout enivres et ceux qui sont eni- : dit I'epoux. {Cant, vi, 8.) L'amour unit et enivre.
uelle
vi'es retombent ensuite dans I'etat de temperance Voyez avec combien de justesse ceux que le flot de
en en
vie. et de jeune, a un moment ils sont ravis en esprit, la charite a portes si avant dans le sein de I'Eglise,
et ils retournent ensuite a leur etat de sobriete et n'adressent tous qu'une seule reponse. Oui, la force
de calme ordinaire. Us sommeillent et puis ils sont de l'amour est grande, il enivre, il trausporle.

Comedite amid. Jam non dicitur, Edent pauperes


9. tamen vigiliap, non videntur dormitioni succederc, sed
et saiurahuntur sed Comedite arnici, et inebriamini.
; ipsam comitari. Praestet nobis Dominus Jesus quae super
Ouomodo pauperes, qui inebriantur ab uberlate domus haec sunt dicenda vigilanter intelligerc, et vobis audire.
Domini? Quomodo paupertas ubi ubertas? Comedite Qui vivit et regnat Deus per omnia seecula saeculorum,
amici et hibite, et inebriamini carissimi. Amici vos et Amen.
carissimi mihi amici propter dilectionem socialem, ca-
:

rissimi propter sponsalem. Inebriamini carissimi. Intro- SERMO XLH.


duxi vos in cellam vinariam, ut ordinarem in vobis ca-
rilatem. Nee est caritas ordinata, nisi cum mens veslra meum Vox met pul-
Ego dormio, et cor vigilat. dilecli
fuerit vehementia cari talis inebriafa. Non est ordinata, saidis. Aperi mihi soror mea, etc. quia caput
, ,
nisicum omnibus aliis fuerit afTcctibus superordinata.
meum, etc. (Cant. 5, a.) •
Bonus ordo, supereminentia amoris supereminens amor :

carissimos cflicit. Carissimi sunt, in quibus niliil est vcl


capitate vacuum, vol Ordo plenus
alii negotio vacans. I. Ego dormio, et cor meum vigilat. Post hestcmum

est, cum de carls in carissimorum gradum transitur. capitulum qua rationis consequent ia talis rcsponsionis
Ordo plenus est, cum caritalis cumulo nihil adjici potest. sermo infertur? Tunc erat gcncralis invitatio, hac est
Comedite amici et bibite, et inebriamini carissimi. Omnes responsio quasi singularis. Ibi plures invitantur, hie
ibi amici, et omnes carissimi. Omnes pofantur.et omnes unus respondct. Ibi dicitur, Inebriamini enrissimi hie :

inebriantur. Non sic autem in hac convalle lacrymarum, quaB carissima est, quia sponsa est, dormiro so i-cforf.
non sic : scd mulli amici, pauci carissimi : mulli potan- Ego dormio. Quid mirum si ad communcm invitalioncm
tur, non inebriantur omnes ilerum : ct qui inebriantur, rcsponsum rcdditur sin^ulare Mulli carissimi, scd om- I

tcmpcrantcs fiunf. Adhoram mcnte excedunt, ct ad so- nium est cor unum, cl anima una. T/zn est, inquil, ro-
brietalcm solilam dciuio rcdeunt. Soporantur et cxcitan- lumba men. Amor unit, et amor iuehriat. Vidos quani

tur; somnolenli fiunt, ct post paululum iterum vigilant. juste fit omnium imica responsio, quos in Erdcsia rari-
Ideo sequitur Ego dormio, el cor meum vigilat, Ha3
: tatis vchemens liquor infundil? Vcrc vehemens tirlus
232 L'ABBE GILLEBERT.
Voulez-vous entendre comment il ravit hors d'elle que la patience de celui qui voile son courroux, pre-
Tclmc qu'il enivre. « Je dors, » dit I'epouse. C'est pare le rejet et I'abandon du pecheur qui ne fait point
comnie si die disait a son bien-aime : vous m'ap- penitence. La longaminite du Seigneur, qui prend
pelez a m'enivrer, et c'est a quoi je me livre tout patience et suspend ses coups, a une grande force
entiere. « Je dors et mon coeur veille. » Je dors, et sur lesespritsrespectueux, et lameme patience, q'li
je mo repose en m'eloignant des affaires etrangeres. cause de I'inquietude aux iinies honnetes, donne de
Aussi mou catur veille avcc plus de liberte pour la securite a celles qui sont insensibles.
boire le vin et tomber dans la sainte ivresse qu'il 2. « Je dors, » dit-elle, « et mon cceur veille. »
procure. Ordre admirable. De I'ivresse sortlesom- Je dors, ce n'est point que je sois gourmandee, je
meil et le sommeil produit la veille. L'epoux dit : suis assoupie par ce vin que vous otfrez a vos bien-
« enivrez-vous, » et I'epouse : « je dors. » Excellent aimes. L'exces de votre ivresse me ravit au monde
sommeil que le ravissement d'esprit et I'eloigne- et me livre a vous : elle m'assoupit et me reveille;
ment des affections de la chair, et (pour ainsi par- elle me fait oublier les choses du siecle el ne me
L'amonr ler), des sens du corpsL'amour spirituel n'est ja-
! permet pas de vous perdre de vue. « Je dors, » dor-
*^e"ue*'
™^is plus fort ou plus vigilant que lorsque toute mez avec moi, selon que vous prononcez vous-
el trouTe sa
vigueur
affection aniraale est assoupie.
^
Le sommeil et meme dans le livre de Salomon « Si deux dorment :

quand I'ivresse presentent tous les deux I'apparence de ensemble, ils se rechaufferont muluellcraent)) [Eccle.

^m'al'^es^'"" ralienation. II y a cela de commun entre eux, que IV, 11.) Aussi, il arrivera que par suite de la pre-
assoupi. p^m et I'autre ravissent I'ame, et ne lui permettent sence du bien-aime, mon coeur veillera encore da-
pas de rester en elle-meme. L'un et I'autre lui de- vantage a cause de la violence de l'amour. Mon
robent (pour employer ce terme), son etat premier, cceur veille, lorsque votre amour est phis fort en
et lui font eprouverdes impressions toutesnouvelles. lui. « Je dors et mon coeur veille. » Je dors a cause
« Je dors et mon coeur veille. » Les autres dbrment du repos de mon ami, je veille a cause de mon
leur sommeil, et leur delectation s'arrete dans leur ravissement. Da;:s doux sommeil de mon repos,
le

propre volonle et leur propre jouissance. Je dors I'inquietude qui me fait veiller, fait aussi que je
loin de telles sensations, et mon coeur veiUe pour songe a vous avec plus de force. Doux sommeil,
vous. Les autres. Seigneur, dorment loin de vos songe delicieux d'ignorer tout le reste, de ne savoir
reprimandes, moi, loin des exces de la chair. Ces que vous seul, de se consacrer a vous et de vous
reprimandes sont dures, quand, dissimulant votre voir,comme il est donne de vous voir ici-bas, par
abandonnez I'homme a sa paresse, c'est
colere^ vous songe (pour user de ce terme), par ombre et par Le
comme un violent reproche annoncant que Ton va se enigme. L'abondance de ce repos et de cette vision *' '.*.?|
separer. II dort loin de ces reprimandes, celui qui ci constitue un saint exces. Cette vision a quelque c'e»»*
dormir
cause du silence que garde le ciel, se Uvre a une se- chose de semblable au sommeil, parce qu'elle ne monde et
cui'ite pleine de somnolence, et ne prend pas garde vient pas du choix de I'homme ou deson Industrie, ^ei^<»«
Jesas-Chi

amoris, inebrians et abalienans. Vultis audire quomodo nolentae securitati se tradens, dissimulantis patientiam
carifas abalienet animum, quem inebriat? Ego, inquit, non attendit parturire impcsnitentis repulsam. Patientis
dormio. Acsi dicat dilecto Tu me ad ebrietatem vocas
: longanimitas, et interim non perculientis, in verccundis
et ego tota bulc muneri vaco. Ego dormio, et cor meum mentibus vim babet et eadem Domini tolerantia,
:

Ab dormio
quiesco negotiis quae mentes bonestas facit sollicitas,
vigilai. aliis et ideo cor
mevim liberius vigilat ad secfandam banc ebrietatem, et
:

securas.
duras ipsa reddit
4
vinum potandum. Ordo mirabilis. De ebrietate dormitio, 2. Ego, inquil, dormio, et cor meum Dormio
vigilat.
et de dormitione vigiliae. lUe dicit, Inebriamini, et ilia non increpata, sed incrapulata a vino, ad quod vocas ca-
dicit, Ego dormio. Bonus sopor mentis excessus, etalie- rissiuios tibi. Crapula ebrietatis tua? mundo me tollit,
natio ab afTectibus carnis, et (si id etiam dicitur) a sen- et tibi tradit : soporat, et e.vcitat : saecularium oblivisci
sibus corporis. Tunc magis viget et invigilat amor spi- me facit, et tui non sinit. Ego dormio : dormi mecum,
ritualis, 'cum consopilur penitns omnis passio et affectus juxta illud quod ipse in Salomone diffinis :S< dormie-
animalis. Et dormitio, et inebriatio utraque alienationis rint duo simul, fovehuntur mutuo. Sic fiet ut ex dilecti
vicem praefert. Et quidam in boc ipso ad invicem tenent praesentia ob vehcmentiam amoris cor meum %igilet am-
commune, quod mentem tam haec quam ilia sibi abripit, plius. Cor meum vigilat, cum tuns amor ineo amplius
et penes se manere non sinit. Utraque statum pristinum viget. Ego dormio, et cor meum vigilat. Dormio propter
dicam) furatur, et novos informal af-
ipsi animffi (ut sic amici requiem, propter raptum invigilo. In somno dulci
fectus. Ego dormio, et cor meum \igilaf. Dormiunt alii quielis meae, sollicitudo vigilantis tc vigilantius somniat.
somnum suum, et delectatio eorum in propria voluntate Dulcis somnus, et dulce soainium, nescirc alia, solum te
et voluptate quiescit. A talibus ego dormio, et vigilat scire vacare tibi, et te videre, sicut hie datur persom-
:

cor meum tibi. Ab increpatione tua Domine dormiunt nium (ut sic dicam) et umbram et aenigma. Bona cra-
alii, ego ab incrapulatione. Dura heec increpatio satis, pula, copia vacationis et visionis istius. Visio isia babet
quando dissimulando suae hominem permittis desidiae, aliquid somnio simile, co quod non humano arbitrio et
sicut est magna increpatio desertionis signum. Ab hac industria fiat, non ex investigatione nostra, sed ex visi-
increpatione dormit, qui ex dissimulatione divina som- tatione orientis ex alto. Paulus quasi dormit, cum mundo
»

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 233


non de nos efforts, mais de la visite- de celui qui saint Paul dit : « Veillez et soyez fermes dans la foi.
s'eleve des hauteurs des cieux. Saint Paul semble [Cor. XVI, 6.) Les veilles qui fatiguent les docteurs
dormir quand il mort au monde il semble veil-
est , de I'Eglise ne sont point depourvues de soUicitude,
ler, quand il pour le Christ. Que mon ame, 6
vit pas plus que celles de ces pasteurs de I'evangile
mes freres, dorrae de ce bienheureux sommeil et qui rodent et font la garde de la nuit sur leurs
que njes veilles soient semblables a celles de ces troupeaux. Ces veilles sont agitees par quelque
salutes ames Qu'elles se prolongent toujours, que
! preoccupation facheuse qu'occasionne la crainte de
rien ne les interrompe Maintenant, au contraire ! I'approche du danger. Les veilles de I'epouse qui
je veille, mon coRur dort : I'esprit est assoupi, la dort, ne connaissent pas cette precaution contre le
chair est eveillee ; et si la chair dort, I'esprit ne mal, elles sont remplies de I'abondance du bien.
veille pas de suite pour cela. Le repos est accorde a L'amour violent cause a I'ame, qui se repose, la
Tesprit, il n'est pas cepeudant absorbe et ravi par veilled'un violent desir que rien ne rassasie. Le
cette glorieuse ivresse. II dort aux sollicitations du desir de la presence de celui qu'on briile de voir,
dehors, il n'est pas neanmoins eveilie par ces ca- ou la joie de cette presence obtenue, forment des
resses qui le ravissent, et bieu qu'il les goute sou- sortes de veilles. Par bonne veille, entendons une
vent, leur presence nouvelle, qui se fait sentir en devotion ardente que rien n'a assoupie, soit qu'elle
revenant frequemment, eveilie I'arae qu'elles eni- jouisse de la presence du bien-aime, soit qu'elle
vrent. soupire apres la fin de sou absence. L'ime ne veille
3. On a raison d'appeler vigilants ceux qui ne sor- pas, elle n'est pas reveillee, quand son esprit est in-
tent jamais de ce vin qui enivre, ceux qui sont tou- quiet, oucomrae engourdi par rapport aux gouts ou
jours dans I'exces que leur fait sentir I'abondance aux desirs du siecle. Aussi I'epouse dit « Je dors :

de la delectation eternelle. Tels sont les hommes et mon coeur veille. « Et au livre de Job, on lit, que
dont vous lisez I'histoire au livre de Daniel : [Dan. dans une vision nocturne, quand le sommeil tonibe
IV.) (Is veilleut comme il convient, ceux en qui il ne sur les paupieres des hommes, et retient les mortels
se trouve rien qui reclame le sommeil, meiis en dans leur lit, alors Dieu ouvre les oreilles, il parle
qui tout veille pour Dieu. lis veillent bien, ceux et il frappe. Aussi voici la suite :

dont les veilles ne sont pas interrompues. Nul sen- La voix du bieu-aime qui frappe: ouvrez-
U. «
timent animal ne se fait sentir en eux, qu'il faille moi. Elle a raison de veiller, ne sachant point a
))

assoupir pour rendre plus libres les vigiles du quelle heure vient son bien-aime. Le veilles de I'e-
coeur. U que remplit I'ennui des
est certaines veilles pouse semblent seprolonger toujours, et la voix de
inquietudes I'apotre saint Pierre en parte en ces
; celui qu'elle aime retentir sans-cesse. « Mon coeur
terraes «Soyez sobresetveillez,parce que le demon,
: veille, » dit-elle, et aussitot elle ajoute : « la voix
votre ennemi, semblable a un lion rugissant, rode du bien-aime qui frappe : ouvrez-moi. » Mon ccEur
cherchant a devorer quelqu'un. » (I. Pelr. v, 8.) Et veille et mon bien-aime ne dort pas. Sa voix frappe

moritur quasi vigilat, cum vivit Christo. Dormiat uti-


: gilias noctis super gregem suum. Vigiliae istae quadam
nam,fratres, anima mea dormitatione ista, et fiant vigi- torquentur molestia ob imminentis mali caulelam. Vi-
liaemeae talium similes. Utinam juges sint, non inter- gilite sponsae dormientis non continent mali cautioncm,

poicntup. Nunc autem versa vice ego vigilo, cor meum sed copiam boni. Exoccupatae cnim menti vehemens
dormit dormit spiritus, caro vigilat et si caro dormit,
; : amor aviditatis inexpletae vigilias indicit. Vigili;e qiiaj-

non famen statim piritus vigilat. Indulgetur animo re- dam sunt vel desidcrium optalae praescntis, vol dclccta-
quies, nondum tamen ab ilia gloriosa ebrietate sorbettir tio indeptae. Vigiliae bona?, vigens el non somnolenta
et Dormit tentamentis, nondum tamen excita-
rapitur. devotio, sive in copia dilccti praescntis, sivc in concupis-
tur illis inebriantibus blandimentis et quamvis frequen- ; centia absentis. Ha;c ncc vigilat, nee viget, nisi inquieta,
ter gustentur, rediviva tamen novitate animam, quam ct quantum ad sasculi vol studia vel desidcria consopila

inebriant, excitant. mcnte. Idco dicit Ego dorinio, et cor meum vigilat.
:

Jure vigiles dicti sunt, qui numquam vinum illud


3. Et in Job legitur, quod in visione nocturna, cum sopor
inebrians digerunt qui semper madent a?terniE delccta-
: irruit super homines, ct dormiunt in Iccto tunc ape- :

tionis ubertate. Tales in Danielis libro vigiles legis. rit Dcus aurcs, tunc loquitur, tunc pulsat. Idco hie sc-

Bene vigiles, in quibus nihil est quod soporalione indigeat, quitur :

sed totum invigilat Deo. Bene vigiles, quorum Vox dilecti puUantis : Aperi mihi. Jure vigilat ncs-
4.

non infcrpolantur vigiliae. NuUus in eis animalis afTcctus cicns qua bora vcnit dilcctus ejus. Quasi continu.T sunt
sentitur quern deccat consopiri, ut expcditiores sint cor- vos dilccli. Cor, inquit, meum vigilut.
vigilia? spons;i', ct

dis vigiliee. Sunt qua>dam vigiliffi soUicitudinum replctae Et statim adjecit; Vot dilecti puLiantis Aperi mihi. Cor :

molestia, de quibus Petrus : Sobrii estate et vigi/ate, meum vigilat, ct dilcctus mens non dormit. Vox ejus
quia adversarius vester diabolus Innqunm leo rugiens pulsat, et dicit Aperi mihi. Cor meum vigilat, ct ipse
:

circuit quarens quern devoret. Et Paulus inquit, Vigi- statim advolat, el auditur vox ejus Vox, inquit, dilecti.
:

Inttj et state in fide. Sed illae vigilia; nihilominus solli- Ha'c mihi vox nola est, ha;c mihi grata ad alias obsur- :

citudinc non carcnt, quibus Ecclcsia; ve.vantur doctores, desco voces, ad banc cxpergcfacta sum, sLitini cum in-
sicut cvangclici illi paslorcs vigilantes et cuslodientcs vi- sonuil in auribus meis, cxultavi prae gaudio. Multa vo-
034 L'ABBfi GILLEBERT.

et dit : « ouvrez-moi. » Mon cceur veille et il ac- I'inpassibilite des corps ressuscites, I'eternite de la
court aussitot, et on entend le bruit dc ses paroles : vie a venir et Ja manifestation de la majeste divine
« la Toix du bien-aime, » dit-elle. Cette voix m'est qui montrera k nous. « Dieu est conuu dans la
s'y
connue, elle m'est agreable : je suis sourde anx Judee, son nom est grand dans Israel. » [Ps. lxxv,
autres accents, a ce\ix-ci je suis eveillee ; aussitot 1.) Est-il si grand? si clairement exprime? si in-
qu'ils ont I'etenti a mes oreilles, j'ai tressailli d'al- timement imprime dans les coeurs? sigeneralement
logresse. Plusieurs voix ont coutume de retenlir et repandu? « Son nom est grand en Israel. » Maiss'il
de faire sonner de fausses caresses, elles ne sont etait grand, ce n'etait point a cause de 1 evidence
point comme du bien-aime. L'cpouse, mes
celle de la doctrine, ni a cause de la devotion ferventeou
frei'es^ a une grande prudence, elle possede le don du nombre de ceux qui en faisaient I'objet de leur
du discernement des esprits, elle, qui saitjustement foi. « Jadis Dieu parlait a nos peres, dans les Pro-
distinguer les ruses des demons et les veritables phetes, dernierement ces jours-ci, nous a parle il

caresses de celui qu'elle clierit. « La voix du bien- dans son Ills. » [Hehr. i, 2.) c'est une voLx Aussi
aime^ » dit-elle, qui a une voix comme celle de forte, une voix pleine de puissance, la voix du bien-
Jesus? Sont-ce lesphilosophes? Sont-ce les hereti- aime mais elle n'a pu prendre dans les oreilles des
:

tiques? Est-ce la loi? Sont-ce les Prophetes? Sa Juifs. La gentilite I'a entendue, elle la reconnue,
parole est puissante, « il a rendu insensee la sagesse elle n'a pas nieret a dit : « c'est la voix du bien-
de cemonde. » (I. Cor. i, 20.) La loi et les Prophetes aime qui frappe : » Je connais que Tun et I'autre
n'ont amene personne a la perfection; la parole viennentde lui, et la voix qui retentit, etle coup qui
tombee des levres de Jesus, renferme le sommaire frappe, et la parole et la vertu. Mon bien-aime me
de toute plenitude, elle contient les preceptes qui dans I'un que dans I'autre ; il me
plait aussi bien
consomment la saintete, elle emeut les sentiments plait et par le coup qu'il donne, et (pour
par sa voix
Combien du coeur. « La voix de celui qui frappe, » dit I'e- user de pareilles expressions) par son Cantique et
J^sus- Christ pouse. Elle frappe, en effet, et elle penetre, sembla- par son Psaume.U frappe bien, et joue parfaitement
est efficace
jjjg ^ un glaive a
'-'
deux tranchants : elle entre dou- de I'instrument harmonieux, celui qui accorde dans
pour
enseigner cement, elle persuade tendrement, effet qu'aucune une musique agreable et la parole et Faction. Re-
et pour
persuader. autre doctrine n'a pu obtenir. La forme n'en est gardez Jesus comme cet instrument sonore : ap-
pas elevee, mais les mysteres qu'elle exprime sont prochez-vous, touchez, remuez, et faites retentir
profonds. L'humilite de la conscience, la regie dans mcEurs, oeuvres, paroles, vie. En lui, toules les
les mceurs, la docilite dans I'obeissance, la purete de cordes sont tendues et retentissantes, touchees,
la chair, le mepris du monde, la soif ardente des elles font entendre une douce melodie. Jesus se
biens eternels, la connaissance de la diviuite, quel frappe lui-meme. « Personne, » dit-il, « ne prend
systeme, quelle ecole jamais les enseigna, ou les ma vie, c'est moi qui la depose, et derechef je la
inculqua avec tant de conviction dans les ames? reprends, j'ai la puissance de la quitter et la puis-
Ses enseignements nous ont appris a esperer et a sance de la reprendre. » [Joan, x, 18.) Examinezce
attendre avec soupirs la grace de la resurrection. que signifie cette action de poser et de prendre, avec

ces obstrepere solent, et falsas insusurrarcblanditias.sed Israel magnum nomen ejus. Numquid tantum? Num-
non sicutvox dilecti. Magna,
pnidentia sponsa',
fratres, quid tam expressum Numquid lam impressum .' Num-
.'

ct discretione spiritus pollens, qiite sic distinguere novit quid tam sparsum ? In Israel magnum nomen eju-^ :
inter versutias d;pmonum, et blanditias veras dilecfi. sed non eatenus magnum vel evident! doctrina, vel vehe-
Vox, inqiiit, dilecti pulmntis. Qiise talis vox qiialis Jesu.' menti devotione, vel numerosa populositate credentium.
Numquid Philosophorum ? Numquid haereticorum Num .'
Olim loquens Deus patribus in Propheiis, novissime die-
legis? Num Prophctarum ? Valida vox ejus est, StuUam bus istis locutus est nobis in Filio. Ideo vox valida, vox
fecit hvjus niundi sapienfiam. Lex et Prophetae nemi- virtutis, vox dilecli sed Judaeorum eonvalescere nequi-
:

nem ad perfectum adduxerunt vox Jesii consiimmatio- : vit in auribus. Audivit gentilitas, et confessa est, et non
nis siimmam compiectitur, vox ejus consummationispra!- negavit dicens Vox dilecti pulsantii. Utrumque agnosco
:

cepta continet, vox ejus movet affectus. Vox, inquit, esse dilecli, vocemetpulsum, verbum et virtutem. Utro-
pulsantis. Pulsat enim et penetrat efficax instar ancipi- que mihi grains dilectus meus, utroqne me demulcet et
tis gladii leniter illabitur, et blande pei*suadet, quod
: movet, voce el pulsu, et (ul sic dicam) cantico elpsalmo.
nulla potuit alia doctrina obtinere. Non alius sermo, sed Bene pulsal el quasi tjTnpanizat, qui verbiet operiscon-
alfa mysteria. Humilitatem conscientiae, morum conteni- cordem movet symphoniam. Thympanum puta Jesum :

perantiam, obtemperantiam obedientise, carnis mundi- accede, tange, discute, pulsa mores, opera, verba, vilam.
tiam, contemptum muudi, concupiscentiam aeternorum, Omnes in eo chordae extenlae et sonorae sunt, lactae me-
divinifatis notitiam, qufp unquam dispulatio, qua disfri- lodiam dulcem resultant. Jesus ipse pulsat seipsum.
tio tanta aut sermone tradidit, aut inspirando persuasit ? Nemo, inquit, tollit animam meant, sed ego pono cam,
Resurgendi gratiam , impassibilitatem resurgentium , et iterum sumo earn. Potestatem habeo ponendi earn, et
setcrnitatem vitae, majestatis revelafionem hac docente potestutem habeo iterum sumendi cam. Vide quid tibi
spepare didicimus, et suspirare. Notus in Judcea Deus, in sonet ista positio, sumptio, et utriusque potestas; quid
,

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 235

ce double pouvoir ; ce que veut dire le motif que Sachant la lettre, ignorant le sens spirituel, ils se
le Seigneur a de frapper ainsi. N'est-ilpas vraiqu'il sont attaches aux figures. 11 se glorifient de ne con-
frappe graudement noire cceur, pour
et qu'il excite naitre qu'un seul Dieu, et d'observer leur loi qui
que, devenus semblables a descithares harmonieu- est toute remplie de symboles, niant le mystere de
ses, nous nous efforcions de vibrer d'accord avec la Trinite, et la verite du role que remplit leur loi a
lui? regard desrealites avenir, ils tirent sujet d'orgueil
5. « Voix du bien-aime qui frappe. » Elle a raison de signes morts et superftus. lis s'acharnent k me
de dire voix du « bien-aime , » comme si de la di- poursuivre, ils persecutent mes disciples qui sont
lection seule procedait la grclce de celui qui parle et comme Tornement de ma tete et sa gloire : voila
qui frappe. « Ouvrez-moi parce que ma tete est pourquoi je fuis, ouvrez-moi.
-pleine de rosee et les boucles de mes cheveux sont 6. Certains heretiques s'efTorcent de detruire la Les hdr^tl-

humides des gouttes d'eau de la nuit. » [.a charite divinite du Christ, dogme
sacre auquelilsne veulent les Ecritures

se refroidit dans la Judee, selon les Ecritures, on point atteindre par la foi, et nepeuvent arriver par
se dirige vers les gentils. On lui a envoye la parole la raison. Par les arguties disparates de leurs atta-
du jugeant indigne de
salut, elle I'a repoussee, se ques, que Ton peut comparer k ces gouttes de rosee
la vie eternelle. [Ad. xm, Zi6.) J'ai ete mis dehors dispersees surles herbes, ils nient, ils corrompent,
par elle, ouvrez-moi, « parce que ma tete est pleine ils etouffent les temoignages harmonieux et pro-
de rosee, et les boucles de mes cheveux sont hu- fond s des Ecritures, bases sur I'autorite divine
mides des eaux de la nuit. » La tete du Christ, c'est comme s'lls etaient des boucles de cheveux sur la

Dieu. Les Juifs se glorifient d'avoir Dieu pourp^re, tete. Eux aussi se vantent de connaitre Dieu, et de
lis se flattent de posseder sa connaissance, ils re- penetrer les sens spirituels, places, pour ainsi dire,
prouvent et blasphement le Fils, ouvrez-moi. «Ma avec orgueil sur la tete meme de Dieu et sur ses
tete est pleine de rosee. » 11 ne desire pas de telles cheveux, on les compare a la rosee et aux gouttes
creatures, il n'en a pas envie, bien plulot, il a
les de la nuit, pour vous faire comprendre qu'ils sont
en degout. Aussi il en est pleiii. II est plein de morceles, geles, gUssants et sans consistance. Mais
rosee, parce qu'ils sont legers de sentiment, n'ayant si vous voyez quelqu'un professer la saine foi,

point le poids de la raison, n'ayant aucune gravite comme la tete de tout, ne communiquer aux sa-
dans les assertions qu'ils emettent, legers par la crements qu'en apparence, et abonder en explica-
raison, lourds par leur obstination, steriles et obs- tions subtiies, cette foi est gelee a cause de la
tines comme la rosee et ses gouttes. « Et les boucles mauvaise conscience qui I'accompagne, obscure k
de mes cheveux sont humides des gouttes d'eau cause de I'hypocrisie, et lluide, pour ainsi dire, a
tombees dans les nuits, w qui sont froides et tene- cause de son regne bien court. Car la joie de I'hypo-
breuses. Car il est une rosee qui n'est pas de la crite est comme un point. [Job. xx, 5.) Un homme
nuit. Votre rosee, dit Isaie, est a Dieu la rosee de de ce genre, Jesus estime qu'il est dehors ; il le fuit
la lumiSre. [Is. xxvi, 19.) « Et les boucles de mes comme un persecuteur et comme quelqu'un qui lui
cheveux sont humides des gouttes de la nuit. » pese.Lesesprits de cette especene marchent pas, ils

ipsa sic pulsandi causa. Nonne et ipsa maxime ad cor 7ioctium. Figuris adhaeserunt, scientes littcraturam, nes-
nostrum pulsat et excitat, ut nos velut cithara quajdam cientes sensum spirilualem. De unius scicntia Dei, dc
efTccti, sic sonanti consonare nitamur? (igurali legis observatione Judaei gloriantur, mysterium
Voxdiledi pulsnntis. Bene diledi inqnii, quasi ex
5. inficiantcs Trinitatis, et praefigurationis vcritatcm, dc
dilcctione sola et gratia loquentis et pulsantis. Aperi suportJuis et euiortuis Molesti sunt
signis so jactanl.
mihi : quia caput meum plenum est rore, etcincinnimei mihi, discipulos meos premunt, qui sunt velut quod-
noclium. Hefrigescit in Juda;a caritas, jam trans-
(juttis dam capitis mei ornameatum et decus idco fugio, aperi :

migralio fit juxta scriptiiram ad gcntcs. Illi missum mihi.


est verbum salutis, scd repulit illud, indignam se judi- 6. Quidam haerctici Christi divinitatem, ad quam ncc
cans ailernic vit;e. Exclusus sum ab ea, tu aperi mihi : fide volunt, ncc ralione possunt attingcro, conautur ex-
quia caput meum plenum est rore, et cincinni mei guttis tingucrc. Subtilia et consona litterarum tcstimonia, et
noctium. Caput Cliristi Deus. De Deo Patre gloriantur quic divina niltuntur auctoritale, quasi qnosdnm cin-

Judaei, ejus se jactant habere notitiam, Filium reprobant cinnos non cohaerentibus disputationum suarutn
capitis,
et biasphemant, tu aperi mihi. Caput meuyn plenum est argutiis, et velut quibusdam roris instar niinutiis, in-
rore. Non talcs desideral, non sitit, sed magis iaslidit : (iciiinf, corrumpuiil, opprimunt. lliquoquc nolitiam Dei

idco plenum est. Plenum est rore, eo quod sensu levcs praesumentcs et spirilnalium subtilitatcm sensuum, quasi
sini, ralionis carentcs pondcrc, non habenfes aliquod in in ipso Dei capite et capillis supcrbe locatis, rori con-
asserlionc moinenlum ralionc levcs, obstinalione gra-
: fcrunlur, et guttis noclium ut intcUigas eos minutos,
:

ves, quasi ros et gulla? inefficaces et pcrtinaces. lit cin- golidos, fluidos, et non cohajrcntes sibi. Scd ol si qnem
cinni mei guttis noctium, qua) gelidce sunt el (cnebros<n. vidoris saiuini, quasi caput ipsnm, lenorc (Idem, sacra-
Nam est quidam ros qui noctis non est. Ros tuus, ait mentis superficic tcnus communicare, siiblili vigcro
Isaias, Deo ros lucis. £"< cincinni mei sunt plcni guilis sonsu; gclida tamcn ost propter nialam conscientkim, el
; :

236 L'ABBE GILLEBERT.


volent au-dessus d'eux dans les choses grandioses la discipline qui regit saconduite. « Sopur » par la
et rnerveillouses, errants dans Iciir elevation or- chair, « epouse » par les sacrements, « simple » par
gueilleuse au milieu de I'air inconstant. Adonnes I'esprit, « immaculee » par la saintete. « Mienne »
a une sorte de trafic ambitieux, ils courent dans a tous ces points de vue. « Ouvrez-moi. » Accom-
Icstenebres, cherchant a tirer profit de la religion, plissez ce-que vous faites, ouvrez-moi. Pour vous, Jesoi
d'intil
fcignant de posseder une doctrine spirituelle, se je suis a I'interieur, mais ouvrez-moi en ceux dans lespi
dan I
flatlant de connaitre la parole dela sagessedeDieu, lesquels je me trouve encore dehors. Ouvrez le\ir
Eg
fluidcs corame la rosee et les mysteres qu'elle ren- la porte, invitez-les, introduisez-lesdans renccinte
ferme, mysteres obscurs que rt\me ne peutvoir avcc du tabernacle admirable. Frappez, que s'ouvre pour
certitude et qui sont semblables a la nuit; se van- vous une entree grande et tres- visible, comme s'ex-
tant d'etre places au sommet et a la source de la prime saint Paul, qu'une porte s'elargisse pour con-
saintete et d'etre attaches h la tete meme de Jesus- duire vos paroles de persuasion juscpi'au fond de leur
Christ, ils ont plutot I'envie d'y paraitre eleves que ccpur. (I. Cor. xvi, 9.) Penetrez chez euxafm de les
d'en penetrer I'interieur. conduire ensuite chez vous. eux afinSortez vers
7. Jesus les supportant avec peine et les fuyant, qu'ils rentrent chez vous, eux qui au-dehors ont
dit : « ouvrez-moi, ma soeur. » Vous qui etes au- leurs sentiments geles en leurs ames. Rachetcz la
dedans, qui n'errez pas a I'exlerieur, qui ne vous fatigue de votre sortie par la conversion des autres.
elevez pas dans les hauteurs, qui preferezvoustenir Que dites-vous ? « Je me suis depouillee de ma tu-
dans Yotre retraite plutot que de dominer hors de nique, comment m'en revetirai-je ? Que dites-vous?
yotre maison, ouvrez-moi. Ouvrez-moi, ouvrez- J'ai lave mes pieds, comment les souillerai-je de

moi : » Que cherchez-vous, si ce n'est moi ? Vous nouveau?)) [Is. 59.) Vous vous etes depouille de
Divers 6loges etes toute mienne toute : a moi et a plusieurs votre tunique, de la tunique des soucis de la chair,
pouse.
"* ^
{j|j,^g_ ^ plusieurs titres? Entendez a combien : tunique certainement pesante et peut-etre souUlee.
« ma sceur, ma tres-proche, ma colombe, mon im- Vous avez depose votre tunique, revetez-vous de la
maculee. Ma soeur, )> parce qu'elle est unie par les mienne. Le zele de ma maison vous devore eh :

liens de la meme chair que Tepoux a prise. « Ma bien, selon Isaie, prenez le manteau du zele. [Is.

tres-proche, » parce que lanouvelle Eve a ete creee ux, 17.) Pressez, reprimandez, prechez, suppliez a
du cote du nouvel Adam, tandis qu'il dormait sur temps et a contre temps. (IL Tim. iv, 2.) Marcher
ne sont plus deux, mais qu'ils
la croix,de sorte qu'ils dans ce chemin, ce n'est pas souiller ses pieds. Si
ne forment qu'une seule et meme chair. Le titre quelque poussiere s'y attache, secouez-la de vos
precedent rappelle la parente naturelle, celui-ci chaussures. Le prophete Isaie ne recommande pas
I'union personnelle. La, elle est soeur, ici, elle est d'avoir les pieds taches, mais de les avoir beaux
epouse. « Ma colombe, » par la grace de I'esprit lorsqu'il dit qu'ils sont beaux sur les montagnes
:

« mon immaculee, » par la remission des fautes et les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui an-

propter hypocrisim obscura, et propter velocem tran- Columha mea, per spiritus gratiam immaculata meat :

situm fluida. Gaudium enim hypocritae instar puncli. per remissionem et disciplinam. In carne soror, in sa-
Hiinc talcm Jesus foris esse judical opprimentem, et ; cramcntis sponsa, in spiritu simplex immaculata in
quasi gravem sibi refugit. Hujusmodi non tam am- sanctitate. In his omnibus wea. Aperi mihi. Age quod
bulant, quam volitant in magnis et mirabilibus super se, agis aperi mihi. Tibi intus sum sed aperi mihi in illis,
superba clatione pendulo vagi in acre. Ambitiosa qui- in (juibus adhuc foris commoror. Aperi illis, invita, in-
dem ncgofiatione perambulant in tenebris. Do reli- troduc in locum tabcrnaculi admirabilis. Pulsa, ut ape-
gione lucrum venantes, spiritualem se simulantes ha- riatur tibi ostium magnum et evidens, sicutPaulus dicit,
bere doctrinam, fluidum instar roris eloquium, incerta ut pateat introitus persuasionibus tuis ad afTectus co-
et occulta, et quasi nocturna nosse mysteria sapientia; rum. Pcnctra ad illos, ut ad to post haec introducas.
Dei, sanctilatis tenerc caput et culmen; et in ipso Exi ad illos, ut intrent ad te qui foris congelato friges-
Christi hserere vertice, eminendi magis, quam intrandi cunt affcctu. Exitus tui damna aliorum introductione
studium gerunt. redime. Quid dicis ? Exui me tunica mea, quomodo
7. Istos moleste ferens et fugitans Jesus, dicit Aperi : induar ilia ? Quid dicis ? Lavi pedes meos, quomodo
mihi soror mea. Quae intus es, quae non vagaris foris, inquinnbo illos? Exuisti te tunica tua, tunica carnalis
quae non in sublimibus volitas, quae non vis tam emi- cura3, tunica cerfe molesta, et forte polluta. Tunica tua
nere foris, quam intus te tenere, aperi mihi. Aperi te exuisti mea induere. Zelus domus mea? comedit te
:

mihi, aperi mihi quae qiiaeris nisi me ? Tota es mea


: : ideo juxta Isaiam induere pallio zcli. Insta, argue, prae-
Tola mea, et multiplici jure mea. Qua multiplici? dica, obsecra, opportune, importune. Non est pedes pol-
Audi quam multiplici Soror mea, proxima mea, co- : lucre, hac incedcre via. Si quis adhaesit pulvis, excu-
lumba mea, imm,aculata mea. Soror mea, quia in as- fias ilium de pedibus tuis. Non pollutos, sed pulchros
sumpta carne cognata. Proxima mea, quia de latere, commendat Isaias pedes cum dicit Quam pulchri super :

cum dormiret, dc sceundo Adam Eva nova est creata : monies pedes annioiciantium pacem, annunciatium bona.
at non jam sint duo, sed una caro. Ibi est cognatio na- Ne cuncteris operum meorum exempla te moveant.
;

turalis, hie conjunctio personalis. Ibi soror, hie sponsa. Tangat manus, si pigritatis ad verbum Zelotes ego sum ;
:

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 287


noncent les biens ! (75. lii, 7.) N'hesitez pas, que vaine de vous lever avant d'etre appele, vous qui
I'exeinple de ce que j'aifait vous excite. Que la main mangez le pain de la sainte delectation etquibuvez
agisse, s'il vous fait peine de parler. Jesuisjaloux , le viu dout il a ete dit plus haut : « mangez, mes
ayez aussi du
pour moi. Quittez le doux repos,
zele amis, etbuvez et enivrez-vous, 6 mes bien-aimes. »
et melez-Tous un peu de mes affaires. Quiconque Que ce soit chose vaine et meme redoutable de
niilite pour Dieu, doit, quand il en recoit I'ordre, se quitter votre place avant d'etre appele, quand vous
<4
trouver dans ses interets. Lorsque j'etais riche, je dormez votre doux somraeil, sans attendre que I'e-
suis devenu pauvre pour tous, egal a Dieu, je me poux vous dise « ouvrez-moi. » Que la voix de
:

suis aneanti prenant la forme d'un serviteur. Je I'ambition, de I'avarice, del'inquietude, del'orgueil
suis mort pour tous, afin que ceux qui vivent, ne n'excite pas votre esprit et ne le trompe point par
vivent plus pour eux, mais pour moi. de fausses douceurs. Que de tels accents soient in-
8. Considerant ce devouement dans sou epoux et connus de vos oreilles, que ce ne soient pas eux
excitee au zele par de si puissants exemples, I'e- qui vous engagent a faire le bien ne vous levez :

pouse s'exprime en ces termes « Mon bien-aime a : qu'a la voix de votre bien-aime qui vit et
,
fait passer sa main par la porte et a son toucher, regne, etc.
mes entrailles se sont emues. » Par la porte etroite
il a fait passer jusqu'a moi, lesexemple de sa pau- SERMON XLIII.

vrete, de ses souftVances, de sa mort et de ses ceu-


vres. Tout cela me toucbe, tout cela m'agite. Car Ouvrez-moi, ma sceur, etc. Ma tete est pleine de rosee.
I'emotion de Tame est I'ebranlement des entrailles. J'ai pose ma tunique, comment la reprendrni-je?
Eutendez que produit ce mouvement. Voici ce
I'effet etc. II a fait passer sa main par la porte. etc. (Cant.
qu'on lit a la suite « je me suis levee pour ouvrir
:
V, 2 et suiv.)

Imeles a mon bien-aime. » Ecoutez et compreuez ceci, vous


ai qni qui courrez si precipitamment et si hardimeut aux 1 . Dans le discours precedent, nous avons explique
honneurs de I'Eglise. Carl'epouse, a qui sont adres- ce passage de cette maniere, nous avons considere
lenrs*'
sees toutes les teudres paroles de ce Cantique, s'ap- Jesus-Christ comme implorant les consolations de
proche lenteraent et avec hesitation, meme apres son epouse, coutre les attaques de ceux qui s'effor-
qu'on eu appelee sceur, tres-proche, colombe,
I'a ceut de souiller la sincerite de notre foi, en y in-
immaculec. Considerez si toutes ces graces sont troduisant I'element corrompu des sentiments
reunies en vous si vous les y trouvez, craignez de
: humains et perfides, et de la couvrir de la rosee
les perdre, si elles n'y sont pas, craignez davantage nocturne des objections subfiles, rosee que le prince
de ne pas les recevoir. Examinez apres combien des tenebres, le prince de I'air, fait tomber douce-
d'invitations et d'eloges, elle dit : « Je me suis levee ment et en secret. Car, dans un autre endroit de
pour ouvrir a mon bien-aime. » Tenez pour chose I'Ecriture, I'epoux se plaint que les eaux ont inonde

tu quoque pro me zelare. Otia dulcia sepone, paululum manducas, et bibis vinum, de quo supra dicitur : Co~
meis implicare negotiis. Omnis militans Deo istis cum medite amid niei, et bibite, et inebriamini carissimi.
jubeliir, se implicet oportet negotiis. Cum dives essem, Vanum, imo verendum sit tibi, nisi cum invitatas sis,
pro omnibus pauper factus sum, yEqualis Deo, exina- surgere, cum dermis somnum dulcem, donee tibi dicat
} linislri. nivi meipsum ministrandi * formam accipiens. Pro om-
, dilectus : Aperi mihi. Non ambitionis , non avari-
nibus mortuus sum, ut qui vivunt, jam sibi non vivant, tiae, non inquietudinis, non elationis vox moveat
sed mihi. animum, non demulceat blandimcnto fallaci. Istae tibi
8. Attentis talibus in dilecto sponsa, et his motaexem- ignotae sint voces, non tibi ista? opus bonum suadeant,

plis ad aemulandum, sic ait Dilectus meus misit tna-


: sed tantum ad dilecti tui vocem assurge, qui vivit et
nuni stiam p-v- foramen, et ad tadum ejus intremuit regnat, etc.
venter meus. Per actum paupertatis, persecutionis, et
mortis foramen, opcrum suorum ad me intromisit exem- SERMO XLIII.
pla. Haec me tangunt, haec me movent. Nam tremor
ventris, motus est mentis. Audi denique motionis effec-
Aperi mihi, soror mea, etc. Caput nieum plenum est
tum. Sequitur enjm Surrexi ut uperirem dikcto. .\u-
:
rore.Exui me tunica, quomodo induar ilia? etc.
dite et intelligite qui priepropere satis et proterve ni-
Manum suam misit per foramen, etc.
mis ad Ecclesiae properatis honores. Sponsa enim, ad Cant. V, b.
quam hujus blandimenta cantantur, morose et
Cantici
cunctanter accedit, etiam postquam se sororem, pro-
ximam, coUimbam, immaculatam audivit vocari. Con- 1. Supcriorc sermone hunc locum ita discussimus, ut

templare si La;c in te sint ne pcrdas


: et si sint, verere diceremus Jesum sponsae sua; implorasse solatia ad-
si non sunt, magis verere ne non accipias. Attende post versus molcslias corum, qui fidei nostne sinccritalem
quel et invitationes, et commendationes sic dicit Sur- : humana; et pcrfida^ doclrina^ corruptcla tenlant inficerc,

rexi ut aperirern dilecto meo. Et tibi vanum sit surgere et subtilium pcrsuasionum immadidare rore noctiirno :

antequam voceris, qui delectalionis illiua sanctae panem quern princeps tcnebrarum, princeps aeris hujua, laten<,
23» L'ABBE GILLEBERT.

sa tete. Hier done nous avons fait voir notre Sei- vrez-moi la porte de la justice, et etant entre grAce
gneur Jesus-Christfuyantlesaltaques raujourdTiui, a elle,je me mettrai h table avec vous,jemangerai,
nous le montrerons portant la joie dans son ame. boirai, je m'enivrerai et ensuitc je vous enivrerai
Ilier, il aparu implorant lacousolalion;aujourd'hui, je des gouttes que repand ma tete. Je ne m'approche
il arrive Tapportanten lui-meme. Hier, convert point sec et sterile, je fais toniber de toutes parts les
d'injures, aujourd'hui il est plein de grices. L'une gouttes suaves de la grice. Ouvrez-moi, je suis
de ces interpretations concerne pen d'imes, I'autre au-dedans avec vous ; mais ouvrez-moi alin que
en regarde un plus grand nombre. Tons ne sont j'entre davantage. Ouvrez-moi? J'arrive comme
pas aptes a I'oeuvre de la predication et n'en recoi- pour la premiere fois et penetre d'un sentiment
vent pas la charge. Tons ne sont pas capables de d'affection toute nouvelle. Que ma pai'ole coule
repousser qui alterent la foi, ou ne
les fausses idees pour vous comme la rosee, lorsque je ferai suinter
sont point charges de cet emploi. Tous ne peuvent en votre ame les secrets de ma divinite. Ma tete est
pas etre meres et epouses. Tous peuvent etre soeurs chargee de rosee, et la contemplation de la nature
et epouses. Tous ne peuvent point supporter la dou- divine en ma personne, produit des sentiments
leur de I'enfantement; tous doivent recevoir les Pourquoi s'arreter seulement
eclaires et feconds. l'6|m
inviUl
caresses des graces. Selon I'explication que nous aux mysteres de I'humanite? Pourquoi silongtemps contl
avons suivie hier, larosee nocturne etait uue liqueur ne Tester qu'aux pieds ? Levez-vous, allez a la tete, tioil
snll
mauvaise ; en celle que nous adoptons aujourd'hui, ouvrez-lui le passage. Ou\Tez-moi pour que je I'in-

ce Uquide est agreable. Hier Jesus parlait en exha- troduise, « parce qu'elle est pleine de rosee. » L'hu-

lant ses plaintes, ses accents, aujourd'hui, expriment manite ramasse la grace, la divinite la donne :

des teudresses. Hier, il fuyait ceux qui lui etaient I'humanite implore, la divinite accorde : I'humani-
desagreables, aujourd'hui, il se hate seulement de te a repandu le sang, la divinite inspire I'amour.
rejoindre son epouse. Ma tete est pleine. Elle est rosee, elle aussi. Elle

2. « Ouvrez-moi, ma soeur, 6 ma tres-proche. » penetre dans Tame et arrive jusqu'a ses parties les
Remarquez en ce lieu, avec quelle discipline la garde plus intimes. J'en ai deja envahi un certain es-
se fait, la porte n'est pas ouverte a tout venant, qui pace : ouvrez-moi que j'arrive au centre, afin
afin

entrera a son gre, en ce lieu ou Jesus ne penetre que la connaissance douce de ma divinite s'y fasse
sentir, et remplisse tout ce qui est dans votre inte-
pas sans avoir ete questionne, sans que sa voix ait
ete entendue et connue ? heureux serais-je, si on rieur. Ouvrez-moi, afin que la rosee penetrante de
pouvait dire de mon ame : cette porte est ferraee, ma divinite imbibe la terre de votre coeur et I'eni-

et par elle aucun sentiment deregle ne passe k la


vre. Et il en est ainsi, mes
sujet a freres. Plus un
derobee ou par hasard. Elle ne livre passage qu'au de gloire, plus la meditation que Ton en fait a de

prince seul. Je place une garde a ma bouche pour charme. Ce qui est plus excellent, reclame plus de
qu'elle ne s'ouvre que lorsqu'il se presentera. Ou- respect et produit plus de grice. Plus une chose

ter et leniter instillat. Nam et alio ScripturEe loco que- assistit ad illud. Aperi mihi portam justitise et ingressus
ritur, quod aquae inundaverint super caput suum. Heri in eam convivabor tecum, comedam in ea, et bibam
ergo inductus est a nobis Dominus Jesus molestias fu- et inebriabor, denique et ego inebriabo te guttis meis.
giens hodie inducetur gaudia ferens. Heri inductus
:
Non accedo sterilis, sed madens suaviter illabente rore
est solatia implorans hodie secum solatia portans. Heri
:
gratiarum. Aperi mihi. Intus jam tibi sum nunc; sed
planus injuriis, hodie gratiis. Ilia interpretalio raras res- aperi mihi, ut amplius intrem. Aperi mihi. Jam quasi

picit, ista refertur ad plures. Non omnes ad


praedica- novus accedo, et recenti rorans affectu. Ut ros tibi fluet
tionis opus vel idoneae sunt, vel delegatse. Non cnim eloquium meum, cum Deitatis meae tibi instillabo ar-
omnes corruptelas fidei repellerc vel sufficiunt, vel Imic cana. Caput meum rore abundat, et contemplatio divinae

muneri praeliciuntur, Non possunt omnes esse matres in me naturae subtiles et foecundos parturit sensus. Quid
et sponsae omnes possunt sorores et sponsae. Non
;
circa humanitatis mysteria solum moraris? Quid tandiu
omnes possunt partus sustinere injuriam omnes debent
: solos ad pedes resides? Surge, ascende ad caput, illi
amplexus gratiam. Fuerat secundum hesternam inter- aperi. Aperi mihi in hoc, quia caput meum plenum est
pretationem roris illius nocturni liquor molestus ;
hodier- rore. Humanitas gratiam comparat, Divinitas confert :

nus iste sit gratus. Ibi loquitur Jesus querelas deponens, humanitas impetrat, Divinitas impertit humanitas fu- :

infestos, dit cruorem, divinitas infundit amorem. Caput meum


hie loquitur blanditias suggerens. Ibi fugit
hie solum ad sponsam festinat.
plenum est. Ipsum est res ipse. Illabitur animae, et

2. Aperi mihi, soror mea, proxima mea.


Disciplinam ejus medullas irrigat. Usque ad aliquid ingressus sum :

hie attende cuatodiae, ubi janua passim non patet. Quis aperi mihi, pertingam ad intima, ut Divinitatis meae
ut

illuc intrabit ad arbitrium, ubi Jesus sine


interpellatione dulcis notitia influat, et iaficiat totum quod est in interri-

non intrat; nee nisi cum fuerit audita et nova vox ejus? rioribus tuis. Aperi mihi, ut Divinitatis meae subtilis ros

me felicem, si de mea dici anima queat Porta haec: cordis tui terram infundat, et inebriet eam. Et revera sic
clausa est, et per cam nee furtim, nee fortuito indis- est fratres. Ubi in materia major est gloria, ibi in me-

ciplinatus affectus immittitur. Soli principi patet, si ditatione major est gratia. Quod plus habet excellentiie,

ponam ori meo custodiam ; ut soli pincipi pateat, cum plus sibi exigit reverentiae, plus refundit et gratiae. Quod
:

SERMONS SUS LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 239


I'emporte par son merite, phis on a de jouissance dres. «Ma tete est pleine de rosee, et les bouclesde
a la saisir. Ce qui plait davantage k tous, c'est ce mes cheveux des gouttes de la nuit. » Sa tete est
qui sert a tous. Une matiere speciale reclame un remphe, ceux qui s'y tiemient atta-
et elle euivre
genre particulier dattention. Celle-ci ne tombe pas ches. Dieu est agreable en lui-meme, et agreableen
sous le droit humain, en efiet, elle n'est pas dans ses saints qui germent de lui, en vertu de sa grace,
les habitudes ordinaires de la vie humaLne. Sa et qui,par la disposition de sa Providence, subsistent
jouissance est accordee a Tame tranquille et vigi- en iui comme des boucles de cheveux distincles. Ce
lante, non au gre des desirs, mais quand lepoux sont deux belles contemplations, que de considei'er
veut et dit : « ouvrez-moi. » Qu'est-ce dire : « ou- ou son essence, ou les graces qui precedent de lui.
vrez-moi, » sinon attirer I'afl'ection par une pai'ole Car il est des divisions de grace, (I. Cor. xii,
U.) qui
agreable, sinon provoquer le desir, atin que, frap- sont comparables a la diversite qui separe les unes
pee de I'eclat d'une si grande lumiere, la bien- des autres, les boucles des cheveux de la tete. Car
aimee se dispose, en se purifiant, a la recevoiravec les choses in^-isibies, qui sont en lui, paraissent
plus de plenitude? Ainsi la lumiere semble dire a montrer une certaine variete et ditference, selon la
I'u^il, ouvrez-moi : et apres etre entree a un faible mesure de la faible capacite de notre esprit. Car, Les grJces et
degre, elle provoque une sorte d'avidite pour etre presentees sous des signes distincts, et exprimees lesoperations
de Dieu
introduite en plus grande abondance. par des paroles qui ont des sens ditferents, les rea- diverses selon
la variete de
3. <i Ouvrez-moi, ma soeur. » Qu'est-ce a dire, 6 lites, qui en lui forment nous paraissent
I'unite, ses attribnts.
bon que vous demandiez avec priere que Ion
Jesus, nonibreuses et detacht§es. Quelques-unes se rappor-
VOUS ouvre ? C'est vous qui avez la clef de David, tent a sa grandeur seule : voyez-la une boucle de
vous ouvrez, et personne ne ferme. En vous mon- cheveux. D'autres a sa puissance sevde : vovez
trant, vous ouvrez. Appai-aissez et personne ne vous encore la ime seule boucle. Faites-endememepour
ferme la porte. Celui a qui la gloke de votre ma- ce qui a trait a la sagesse, a la bonte, a la predes-
jeste commence a se montrer, meme dans la pro- tination, a la Providence, a la grice, a I'indulgence,
portion la plus minime, transporte, tourne de suite au conseil, et generalement aux pensees de Dieu :

son time vers vous, Quand elle brille, elle ne tout ce qui est compris dans une signification et s'y
permet pas qu'on lui ferme. Vous, vous ouvrez le rehe, regardez-le comme une seule boucle de cht>-
coeur que vous penetrez vous le tenez ouvert : veux et ce qui se rapporte a une autre, tenez-le
:

quand vous ne vous retirez pas. Et peut-etre lun pour une boucle ditFerente. « Les choses invisibles
est aussi necessaire que I'autre, et ce sont deux qm sont en lui, » dit I'Apotre, « comprises par ce
operations inseparables, U. faut que lepoux et que qui a ete fait, sont apercues, et aussi son eternelle
I'epouse ouvrent chacun de leur cote. L'epoux divinite.{Rom. i, 20.) D'lm cote, plusiem's choses La simplicity
ouvre quand il se montre ; I'epouse ouvre cpiand sont mentionnees, de I'autre, \in seul acte d'inteUi- dc la divinity
revolt plu-
elle s'orne et se dispose a des jouissances si ten- gence les englobe dans ime meme pensee. Voyez sieors noins.

quodam na^a^aB suae merito praerogat, perceptio ejus est, et eo madent qui adhaercnt illi. Delectabilis est Deus
oblectalionis plus Plus omnibus placet, quod
erogat. in se, et delectabilis in Sanctis qui de ipso suis,
oninibus pra>stat. Singulari materiae peculiaris debetur per grafiam oriuntur, et ordinatione sua quasi qui-
cernendi modus. Non est humani juris non est enim : dam distincti cincinni perseverant in eo. Pulcra utraque
moris humani. Quietae et pervigili donatur menti non contemplatio, vel essentiae ejus, vcl gratiarum quae
tamen ad votum, sed cum ipse vult et dicit Aperi : procedunt de eo. Di\isiones enim gratiarum sunt, ac si
mihi. Quid est dicere, Aperi tmhi, nisi quodam blan- quaedam distinctio cincinnorum. Invisibilia enim ipaius
dimento affectum illicere, movere concupiscentiam, ut quamdam praeferre distinctionem videntur, ad nostrae
mens ex parte tacta tantce lucis corusco, ad pleniorem tamen capacitatis mensuram. Nam distinclis signis ct
perceptionem se prwstet purgalam .' Sic lux quasi oculo sermonibus aliud et aliud significare conantibus, quae
dicit, Aperi mihi : qua? ex modica pcrceptione ad in sunt unum, quasi plura et varia innotescunl
ipso
m^QS participium sui quamdam aviditatem prae- Quaedam ad solam ejus magnitudinem rcspiciuut
nobis.
generat. unum hoc cincinnum puta. Quasdam ad solam po-
3. Aperi mihi, foror mea. Quid est, Jeai bone, qnod tentiam sic et hoc quasi unum intellige. Similiter qu;B
:

rogas aperiri? Tu ipse habes clavem David aperis, : ad sapientiam, quaj ad bonitalem, qua; ad pr;edcsti-
ct nemo claudiL Apparilio tua, apertio est. Apparc, et nationem, ad providentiam, ad gratiam, ad indulgcn-
nemo tibi claudit. Qui ex minima parte majestatis tuae tiam, consilium, cogitationcs Dei generaliter, qua- una
ceperit gloria scintillarc, animum ad se subito convertit signillcafionis complectitur ratio, et quasi ad uiiam per-
et rapit. Non sinit sibi claudi, dum ipsa coniscaL Cor tinent, prounocincinno interprctarc quie ad ali;im,pro :

quod penetms, aperis tibi apeitnm tenes, dum te : alio erode. Invifibiiia ipsius, ait Apostolus, per iv qua
non subtrahis. Et forte utraque necessaria est, ct cog- facta sunt inteltecta corvfpiciunhcr, sempiierna quoque ejwt
nalai sunt sibi apertio sponsi et apertio sponsae. Apertio divinita^. Ilia plurali protiilit, banc singular! iiilclleclu.
sponsi apparitio ejus est : apertio sponsa', apparatus ejus Hanc ergo velut caput accipc : ilia vclulciiiciiuios. Nam
ct coaptatio ad tam dulces usus. Caput meum planum divinitaa in se una et simplex est; secundum alfoctum
est ifore, ei cineiwu tnei guUis ttoclium. Caput plcauxn aut«m in subjecUd, et eltigicin particularilcr impiusaam
2&0 L'ABBE GILLEBERT.
d'un cote comme la tete, et de I'autre, comme les soit que par cette tete vous entendiez la claire con
boucles des cheveux. Car en soi, la divinite est una naissance de la divinite contemplee face a face, et
et simple ; inais consideree selon les affections des par boucles de cheveux, cclle qui s'obtient par la
etres qui lui sontsoumis, et les impressions qu'elle vision en enigme et par refiet, dans I'une et dans
produit en enx, elle subit Li loi et le nombre de la I'autre, vous trouverez
le raffraichissement cause

niultiplicitedes sens divers qni I'affectent. Aussi les par une abondante rosee. C'est pour cela peut-elre
noms essentiels peuvent etre affirmes les uns des que la rosee est simplement assignee a la t^te, et
autres, il n'en va point de la soi'te de ceux qui de- qu'aux boucles de cheveux sunt attribuees les
signent une qualification. L'essence de Dieu est sa gouttes avec mention de la nuit, parce que la vision,
science^ avec la verite de la reciprocite et I'identite par enigme et reOet, a quelque chose du caractere
de la substance : cependant quand il est vrai que de la nuit, moins eclatante et moins briilanle.
Dieu conn ait quelque chose, il n'est pourtant pas ame sainte, aimez avec ferveur votre epoux, que
vrai qu'il est cela meme. De meme en Dieu, la votre tete et vos cheveux s'humectent de la rosee
puissance et la volonte sont essentiellement une de la devotion. Je parle de la tete qui est I'intention,

seule et meme chose : ce qui tire sa denomination et des boucles de cheveux qui sont les pensees.
de ces attributs ne s'enchaine pas rautuellement. Que ces pensees, a la facon des cheveux mouilles
Car ces qualifications, comprenant quelque effet soient serrees, etendues et grasses pour ainsi dire,
produit sur les creatures, contractent d'elles, sous puriflees par la pratique de la continence, etendues
ce rapport, le caractere de la multiplicite et ne par la perseverance, engraissees par I'allegresse de
peuvent pas etre toujours absolument liees entre I'esprit. Qu'ellesne soient pas touchees meme en
elles. Merveilleuse identite et merveilleuse variete : \in point de cette rosee tenebreuse et froide de ma-

I'une et I'autre inexprimables, I'une et I'autre di- hce et de peche, que le prince de I'air repand en
gnes d'admiration, contenant les motifs les plus secret et lentement. Defiez-vous de ses attaques II <l

profonds et les plus efficaces pour produire le res- trompeuses : il pretend, avec mensonge, repandre la gardil
pect et la devotion. rosee celeste de votre epoux. Fermez-lui la porte : *''*'™'^|

Quels sont ^- Approchez, epouse, de cette tete de I'epoux, et vous dit, ouvrez-moi, ma soeur repondez-
s'il :

ceui qui (jes boucles de ses cheveux. Pressez cette chevelure lui que vous n'avez avec lui aucune relation. L'ame
forment la , .
, . , .

ute et les humide, vous en exprimerez avec abondance une qui a des liaisons avec lui, n'est pas immaculee.

de'l'^^poui
liqueur tres-suave. Les cheveux sont converts des Triste parente qu'accompagne la contagion. Le
humides gouttes de la nuit, gouttes cachees qui rafi"raichis- Christ appelle ensuite immaculee celle qu'il a d'a-
de rosfee. ° , , it- j •
,
sent par leur douceur bien connue. Viendra un
,
bord decoree du nom de soeur. Epiez le moment oii
temps oil ces memes gouttes, exprimees plus fre- vous pourrez dire « voici la voix du bien-aime
:

quement, formeront un fleuve au cours rapide. cjui frappe. » L'ennemi au premier abord agit ti-

Cours excellent qui apaise le desir de I'amour niidement, craignant d'etre surpris, comme quel-
brvilant. Soit que vous interpretiez ainsi qu'il a ete qu'unqui tente etessaie, ne donne pas de
il palpe, il

dit, la tete et les boucles des cheveux qui I'ornent, coups : votre bien-aime, voulant etre reconnu,

•subjectis, variae significationis recipit numcrum. Idco dam notitiam quae est facie ad faciem, cincinnos autem
essentialia nomina mutuo de se dici possunt, non sic illam quae per speculum fit et in velamento anigmatis,
autem denominata. Essentia Dei scienlia ejus est, cum in utroque refrigerii uberem rorem reperies. Ideo forte
conversionis veritate, et substantiae identitate : non capiti ros simpliciter assignatur, guttae vero cum ad-
tamen, cum verum est Deum nosse aliquid et sequenter jectione noctis cincinnis attribuuntur, quod haec visio quae
verum erit ilium id esse. Sic et potentia cum voluntate per speculum fit et aenigma, nocturnae quidam habet

in Deo unum idemque essentialiter est denominata : qualitalis,minus fulgens, et minus fervcns. .Emulare
vero ab is non se mutuo consequunntur. Denomi- sancta anima sponsum, caput et capilli devotionis rore
nationes enim islge cum aliquem circa creaturas elTec- madescant. Caput intentionis, cincinni cogitationis*.
tum continent, cognatam ab illis multitudinem trahunt, Ad modum madentium capillorum strictae sint, ex-
et se nequeunt comitari. Mira identitas, et mira di- tentae sint, pingues sint, continentije extenuat« disci-
versitas : utraque inexplicabilis, utraque admirationis est plina, continuationis perseverantia protentae ; exullatione
plena, devotionis ei reverentiae occultissimas et efficacis- spiritus pingues, ne ad modicum tenebroso etgelido
simas causas continens. malitias et nequitiae rore inficiantur, quem princeps
4. Accede sponsa ad hoc caput dilecti, ad cincinnos aeris hujus leniter et lat enter aspergit. Cave fallaces
ejus : stringe rorantes crines ; multum inde dulcissimi infectiones ejus ; sponsi tui ilium ccelestem se mentitur
liquoris elides. Pleni sunt guttis noctis, guttis occultis, habere rorem. Claude illi et si dicat, aperi mihi so-
:

guttis non ignota dulcedine refrigerantibus. Erit quando ror mea nullam tibi cum eo cognafionom esse respon-
:

guttae tales expressae frequentius integri fluminis effi- de. Quae illi cognata est, immaculafa non est. Prava
cient impetum. Bonus quidem qui desiderium ses-
: cognatio, quam contagio sequitur. Christus quam so-
tuantis amoris refrigerat. Sive supradictis modis caput rorem immaculatam subjungit. Ausculta quando
dicit,

cincinnosque intelligas, sive in capite illam dietatis nu- dicere possis Vox dilecti pulsantis, Hostis primo ag-
;
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 241
frappe avec force. « Ouvrez-moi, parce que ma tout retard. donne des coups, il sonde les ou-
11

tete, )) dit-il, « est pleine de rosoe et les boucles de vertures, m'aimant avec plus d'ardeur, il me
et,
mes clieveux sont humides des gouttes de la nuit. » previent, bien que je me hate.
C'est comme s'il disait : ouvrez-nioi, car j'arrive 6. « 11 a fait passer la main par le trou de la
charge de la rosee de la grace. Ouvrez-moi, prepa- porte et a son contact mes entrailles se sont
rez-vous a profiler d'une presence qui annoncetant emues. » Qu'est-ce a dire en ce lieu que I'epouse
de biens. qui avait ferme I'ouverture de son appartement,
we de 5. Alors I'epouse replique : « je me suisdepouil- n'a pas bouche ce passage pour que personne ait
ontiviter leede ma tunique, comment la reprendre? J'ai lave pu penetrer jusqu'a sans qu'elle s'en apercut?
elle
limci de
jjjgg pig,jg
i '
comment les salirai-ie ? >*
Vous me dites : Si attentionnee pour tout le reste, comment a-t-elle
1 elatuie.
ouvrez-moi ! voici que j'ai ouvert, je suis prete ;
neglige de surveiller ce point ? Peut-etre n'a-t-elle
mais je repugne a nouveau troublee par les
etre de pas connu qu'il y avait en elle une ouverture de ce
soins domestiques. Jene vcux pas me revetir encore genre ? Qui peut en effet connaitre toutes les ouver-
de la tunique dont je ra'etais depouillee. Comment tures, toutes les avenues, toutes les aptitudes qui
la reprendrais-je ? Comment? D'aucune facon, Je sont en lui, ce n'est celui qui, comme nous
si le
n'adhere pas a cette pensee, je ne puis entendre lisons dans Ezechiel, a prepare des passages dans la
sans peine cette parole ; reprendre. Vetue d'habits pierre precieuse? {Ezech. xxvur, 13.) II prepare
plus iins, j'ai connu combien
depose la laine. J'ai des ouvertures ou il lui plait, parce que la ou il

fatiguant est I'oftice de Marthe, combien est pesant vent, il met la main par la fente, par le passage
I'babil de la vie active, comment, en vaquant a un dispose, par la vertu d'une inspiration occulte.
ministere si agite, il faut souiller les pieds de ses « Par I'ouverture, » dit-elle, c'est-k-dire par une
affections et la marche de ses oeuvres. Je ne puis entree apte, cachee et etroite. C'est une entree assez
degenerer, et Marie, devenir Marthe . J'ai choisi la retrecieou Jesus passe la main seulement, par
meilleure part, celle de tenir mon coeur ouvert et rapport a celui a qui il demande de lui livrer pas-
pret pour le moment de I'arrivee de I'epoux. 11 ne sage par la porte. Les entrailles de I'epouse ne
parait point avoir eprouve les fatigues de la vie de seraient pas emues, elle ne se leverait pas, elle
Marthe, celuiqui, en ayant abandonne les fonctions, n'ouvrirait pas au bien-aime, si I'epoux n'avait le
se hate de les reprendre. Separee detouteschosesdu premier fait passer en secret la main de son inspi-
monde et sans voile qui m'empeche, libre et comme ration. C'est d'abord le motif cache, la raison secrete
i^ g^jee
sur le point de contempler, a visage decouvert. la de la vocation premiere, ce n'est pas encore un pr^venante

face de mon pour lui ou-


bien-aime, je me leverai passage largement ouvert. II s agrandit ce passage
vrir. Cette voie est belle le pied souille ne peut y : quand Fame joint sa cooperation i I'acte de
passer, il n'y a rien qui tache. EUe est courte car : I'epoux qui I'a prevenue, lorsqu'elle fail des efforts,
le bien-aime est a la porte, criant et frappant de s'eleve et ouvre. D'abord on ne reconnait que la

gressu timide agit. Tentanlis modo deprehendi timens, nee pollui in ea. Brevis via nam dilectus stat ad os-
:

palpat, non pulsat Uilecius tuns innotesccre volens,


: tium vociferans et pulsans, quasi mora; impatiens. Pul-
pulsat audenter. Aperi rnihi, quia caput meum, inquit, sat ad ostium, explorat aditus, et ardentius diligens pro-
plenum est rore, et cincinni niei guitis nodium. Ac si perautem praevenit me.
dicat : Aperi
quia rore gratia; refertus illabor.
mihi, 6. Manum suam misit per foramen, et ad factum ejus
Aperi mitii, aptam te praepara tanlaj praesentia;. venter meus intremuit.Quid sibi vult hoc loco quod
5. Tunc Exui me tunica, quomodo induar ilia ?
ilia : sponsa, quae ostium cubilis * sui, non hoc
clauserat *al. cubiculi.
Lavi pedes meos, quomodo itiquinaOo eos? Ta dicis, quoque obturavit foramen, ne ad illam quid ingrcdere-
Aperi milii : ccce aperui, parata sum ; sed domesticis tur incaute? In ceteris cautius agcns, cur hie locum ne-
turbari denuo Nolo quam scmel exui,
curis rcfugio. gligenliap reliquit? A u forte hoc in se minus ipsa novit
reindui tunica. Qomodo induar ea? Quomodo NuUo ! foramen? Quis cnim in se omnia potest nosse foramina,
modo. Non acquicsco, non possum non aegre reindui- omnes aditus, omnes aptitudines, nisi illc qui, sicut in
tionis verbum audirc. Laneam exui vestita subtilibus. Ezechielelcgitur, in lapidc prctioso foramina pr^paravil?
Novi quam laboriosa; sint partes Martliaj, quam one- Ipso foramina ubi vult parat, quia ubi vuil, ipse manum
rosa operta sit tunica : quomodo circa i'rcquens discur- mitlit per foramen, per aplum aditnm, iuspirationis oc-
rendo ministcrium, inquinatos oportet illam afTcctum culta', virtutcm. Per foramen, inquit, id est per aptum,
pedes habere, et operum gressus. Non possum de Maria per abditum, per arctum ingrcssum. Arctus enim ingres-
in Martliam degcnerare. Optimam partem elegi, apcr- sus satis, ubi manum tantum immittit Jesus, ejus res-
tum et paratum cflicere cor meum ad adveulum di- pectii, per quem oslii aperliouem sibi fieri pctil. Nou
lecti. Non vidctur in partibus Marthas passus molestias, movetur ille venter sponsic, non surgeret, non apcrirct
qui semel absolutus ad illas iterum reverti lestiuat. dilccto, nisi ipse prioi- iuspirationis su;c manum ini-
Nuda ab omui materia mundi, et sine impedimento misissct occultam. Occulta ratio vocationis primap, lu-
velaminis, libera et quasi revclata facie gloriam con- tcns causa, et nondiim laliis ingressus. Dilalatur auloiTi
templalura dilccti, surgam ut apcriam ei. Via liaic via cum prajopcranti sponso auima cooperatur, conalur,
pulchra est non potest per earn pes pollutus incedcre,
:
assurgit ct apcrit. I'rima solius Dei manus agnoscitur,

T. V. 16
I
;

21i2
L'ABBE GILLEBERT.

main de Dieu on voit la main de Dieu


seul, ensuite la troisieme, qu'elle ouvre. La premiere de ces
et celle de I'homrae agissant de concert. Et, bien choses se passe en elle, mais ne vient pas d'elle ;
que cette action appartienne plus a Dieu, a cause du les deux suivautes se passent en son iiiterieur de
Triple don de sa grace, on I'impute cependant a I'homme mani»'!re a venir aussi d'elle. Dans la premiere, elle
mani^re de estprevenue, dans la deuxienie, dans
coDtempler. seul a raison du merite qui en resulte. C'est une elle s'elTorce, la

connaissance de Dieu ctroite, et percue comme par troisierae, elle saisit. Lursqu'elle fremit, ce n'est pas

une fente, que celle qui s'obtient par la contempla- elle qui agit, elle soutFre : quand elle se leve et

tion de ses ceuvres touclier sa main, ce


; c'est lii ouvre, elle produit quelque chose qui vient de sa
n'est pas voir son visage. Reniarquez une triple propre Industrie. Elle fremit, lorsqu'elle sent dou-
maniei-e de contempler dans ces trois choses dans : cement le mouvement cache de I'inspiration sainte

la tete, dans la boucle des cheveux et dans la main. elle se leve, lorsqu'elle y acquiesce et se laisse
La vue de la nature dans la tete, celle de la figure conduire : elle ouvre lorsqu'elle consacre tout son
dans la boucle des cheveux, celle des ceuvres dans esprit a ce travail, et se rend capable d'y bien re'js-

la main. C'est de ce dernier mode que parlait le sir. Cependant, plus elle s"y adonue, plus vite elle

Psalmiste lorsqu'il disait « vous m'avez rejoui :


deperit par la trop grande violence de I'afFection
Seigneur, dans ce que vous avez fait, et je tressail- qui la consume. « Je me suis souvenue de Dieu, »

lerai dans les ceuvres de vos mains. » [Ps. xci, 5.) dit-elle, « j'ai ete inondee de dt'lices, je me suis

Nous pouvons aussi designer les trois choses par ces livree a Taction et mou ame a defailli. IPs. lxxvi, 3.)

troismots essence, signes, ceuvres. Les signes, en


:
Rapportez et appliquez la memoire dout il estques-
vertu de quelque ressemblauce dans leur genre, tion en ce passage aux entraiUes, la delectation a
donnent une certaine connaissance de cette divine I'impression recue, et Taction au mouvement par le-
nature et ses ouvrages la demontrent. Les signes, quel Tepouse s'est levee. Car ce qu'elle dit de plus :

pour parler ainsi, I'expriment, et les ceuvres M mon ame a defailli, » se rapporte a ce qui suit en
I'etablissent. Ce dernier genre de contemplation ce lieu : « j'ai tire le verrou de la porte pour ouvrir
est celui des personnes simples; le second est au bien-aime, et il a disparu. » II disparait lorsque
celui des savants ; le premier, celui des ames tres- vous defaillez, ne pouvant pas le soutenir. Quand
pures. Cependant, ainsi que nous I'avons deja dit, vous etes emue d'un sentiment plus fort, alors il

le passage de la main par la fente de la porte, accourt avec plus de rapidite. Plus avidement vous
signifie cette introduction occulte et secrete de cherchez les embrassements de votre-bien aime et
I'inspiration celeste, que produit le tact de la vertu plus vous vous elforcez de Tabsorber et de Tenglou-
divine. tirdans voire coeurouvert (pour ainsi parler], plus
7. II y a aussi en ce lieu, trois choses a remar- vite disparait sa presence inconstante.
quer dans I'epouse. Quelles trois choses? La premiere, 8. Mais revenons a la suite du texte. « Je me
c'est qu'elle est remuee j la seconde, qu'elle se leve; suis levee pouromTir a mon bien-aime. Mes mains

secunda Dei simul et hominis. Et cum magis Dei sit hibet. Tremit, cum motum occultum inspirationis sancta
propter munus, soli tamen homini deputatur ad meri- dulciter sentit assurgit, cum consenlit et sequitur quo
:

tum. Arcta est etiam et quasi per foramen concepta ilia ducit : aperit, cum huic totam se operi mens indul-
cognitio Dei, ea quae per operum ejus contemplationem ge!, et reddit capacem. Verumtamen quanto magis be
percipitur, et quasi tactus manus, non visio vultus ejus. huic usui aperit, tanto ex nimia afTectione et vehementia
Adverte trinum contemplandi modum, in capite, in cin- citius deperit. Memor fui, inquit, Dei, et deledatus sum,
cinnis, in manu. In capite naturam, in cincinnis figuram, et exercitatus sutn, defecit spiritus meits. Memoriam
in manu facturam. De hoc ultimo sic ait Delectasti me : ventri, tremori delectationem, exercitationem surre-
Domine in factum tua, et in operibiis nianum tuavum tioni confer, et apla. Nam quod dicit, defecit spiritus
exultaho. Possumus etiam sic ilia vocare, essentiara, ?«e«.j, ad illud spectat, quod hoc sequitur in loco Pes- :

signa, opera divinae illius naturae notitiam signa per sulum ostii mei aperui dilecto, et ipse declinavit. Tunc
quamdam in sue genere simililudinem depromunt, et declinat, cum tu deficis ferre non valens. Cum tu afQ-
opera astruunt. Ultimus hie conlemplationis modus sim- ceris vehementius, tunc ipse citius avolat. Quanto affec-
plicium est secundus eruditorum primus purissimorum.
; : tuosius captas dilecti amplexus,
aperto corde et quasi
Verumtamen, sicut jam diximus, immissio manus per- totum absorbere et deglutire conaris, tanto velocius de-
foramen, immissionem illlam latentem et occultam clinat labilis prtesentia dilecti tui.
significat inspirationis, quam divinae virtutis tactus ope- 8. Sed jam redeamus ad seriem litterae. Surrexi ut
ratur. aperirem dilecto. Manus mere distillaverunt myrrham :
Hie etiam est advertere tria quaedam in sponsa.
7. digiti mei pleni myrrha probatissima. Quid est quod de

Quae tria? Primo quod tremit, secundo quod surgit, ter- apertione locutura praemittit de manibus? An forte sug-
tio quod aperit. Primum fit quidem in ipsa, sed non gerere voluit, quibus te manibus oporteataperire dilecto
ab ipsa duo sequentia sic fiunt in ipsa, quod etiam ab
:
tuo, quibus operum meritis contemplandae veritati adi-
ipsa. In primo praeoccupatur, in secundo conatur, in tum praeparare ? Bonas quidem myrrhatae manus, qua
tertio captal. Cum tremit, nil ipsa agit, sed magis pati- carnis mortificationem operantur, quae fluxum ejuscom-
tnr : cum surgit et aperit, propria aliquid induslriae ad- pescunt, stringunt lasciviam, ut latius influat oblectatio
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 243
ont distille la myrrhe : mes doigts sont pleins d'une myrrhe qui est rejetee. Quand vous verrez les doigts
mvrrhe tres eprouvee. » Pourquoi, sur le point de de certains hommes, semblables a des eufants,
dire qu'elle a ouvert sa porle, commenct -t-elle a produire ca et la des signes prohibes, leur main
parlor de mains ? Peut-etre a-t-elle voulii vous agile prodiguer les marques de sentiments lascifs et
indiqner avec quelles mains il faut ouvrir a voire pervers , vous ne contesterez pas,
je le pense, que
bien-aime^ par quelles bonnes oeuvres il faut vous main repandent I'amertume d'une
ces doigts et cette
preparer iine ouverture pour contempler la verite. conduite dereglee, et une sorte de myrrhe reprou-
Cesontdes mains bien parfumees de rayrrbe, celles vee. N'est-ilpas comme la myrrhe, ce laisser-aller qui
qui operent la mortiiication de la cliaii', qui arre- contraste avec les habitudes reglees des frercs, etse
tent ses mouvements, et retienuent ses ecarls pour prepare, pour I'avenir, la tristesse de la confusion
la soumettre plus largement aux douces influences et de la penitence ? Une myrrhe tres eprouvee,

rcice< du Verbe. Ne regardez-vous pas couime desgouttes c'est celle qui se rend recommandable par les

Tance
de myrrbe les exercices devotre observance regulie- nombreux exercices reguliers auxquels elles'assuje-
iire re qui, en se succedant rapidement, engraissent tit, et qui lui servont comme de preuve. Les obser-
iest
rrhe I'esprit et repriment la chair? Les veilles, lesjeiines, vances regulieres de Vennenii sont
et les attaques
atte.
une nourrituro frugale et mal appretee, une etoffe choses dignes deslime, lorsque lavertu de patience,
rudeet un pain noir, les coups de discipline volon- se conservant sans atteinte, nest pas alteree
et ne
tairement recus, les heures saintes chantees dans la degenere pas sous I'iniluence d'une trop grande
nuit, I'oraison faite en silence, ces deux sortes de amertume. Rappelez en votre souvenir, les temps
II en est de
prieres faites avecune aspiralion puissante ducoeur, ou TEglise, encore jeime, frappa aux oreilles des ™*™e de*

I'une d'autant plus forte que le souffle produit par paiens, afm que, dans leur coeur, une ouverture se ^^'^souffre
le corps est moins retenu; tous ces exercices, que ue fit pour laisser enti-er le Christ son bien aime : quel ^'^s'^^^-

font-ils pas tomber dans nous, en se prodiiisant de nombre incalculable de combats ne Uvra-t-elle pas,
la sorle? C'est avec raison qu'on les compare a la quels atroces martyres ne soulTrit-elle pas, qu'elle
myrrhe, parce qu'ils font sentir a la chair I'aniertu- suite prolongee de tourments ne supporta-t-elle
me de la discipline, et ils repandent dans I'ame pas ? Vraiment ses doigts fui-ent pleins d'une myr-
ronction de la devotion. Et pour vous faire enten- rhe tres-eprouvee, parce que son courage eclata
dre qu'il s'y trouve et discretion et souraission dans ses travaux, par toutes sortes de souffrances
raisonnable : « mes doigts, » est-il dit « sont pleins qui en furent 1
'irrecusable temoiguage.
d'une myrrhe tres eprouvee. » Les mains sont les Avec des mains de ce genre, efforcez-vous, mes
9.

oeuvres, les doigts sont la discretion. La myrrhe freres, d'ouvrii- au Verbe, de preparer une entree
c'est aussi bien Taction de la chair qiie I'allegresse a la douceur de la contemplation qui vieudra eni-
pleine de parfum qui se fait sentir au coeiu'. Cette vrer vosames. Par les meritesdevos bonnes oeuvres,
myrrhe est eprouvee : car 11 est une sorte de vous ouvrirez davantage au Christ le passage pour

verbi. Annon velut quasdam mjTrhae stillas censes opera est reperta laudabilis. Et regularis exercilatio et hostilis
haec re^ularis conversationis, quae vicissim sibi succe- vexatio, utraque probabilis est, cum palientiae virtus ser-
dentia mentcm ungunt, caniem
siringunt? Vigilia>,
et vata integritate sua, amaritudine nimia non corrumpitur
jcjunia, castigalus el parous victus, asper pannus et pa- ac degenerat. Recole tcmpora, qiiibus juvencula adhuc
nis atcr, plaga; virgarum voluntarie suscepl;e, in matuti- Ecclesia ad aures pulsavit Gentilium, ut dilecto suo
nis psalmodicE vociferatio, et silens oratio, utraque in Christo ad corda ipsorum ostium apcrirctur, pateret adi-
spiritu cordis vehementi, sed hsec tanto vehementior, tus quam innumeros desudavit agones, quanta confccit
:

quanto corporalis spiritus minus est continens quidni ;


martyria, quam continuis est vexatasuppliciis? Vere di-
distillant nobis, dum vicissim succedunt sibi? Jure giti ejus pleni myrrha probatissima, eo quod omnimo-
conferuntur myrrhae, quia carni amaritudinem vexationis darum passlonum argumentls honestata est virtus ejus
inferunt, et devotionis velflt ungucnto mitigant animum. in laborlbus suls.
Et ut discretionem adesse intelligas, et obsequium ra- 9. Cum hujusmodl manibus sataglte, fratrcs, aperlre
tionale Digiti, inquit, mei pleni rnyrrfta probatUsiina.
: Verbo, speculationls dulcedini aditum prcppararc. 13o-
Manus opera sunt, discrotio digiti. Myrrha lam actio norum actuum meritis, mentis vcstrae recessus Christo
carnis, quam unguentariaexhilaratio cordis. Ilaec myrrha uberius reserabltis. Videfc si laboris ct fatigafionis ves-
probata est nam est quaedam myrrha qaae reproba est.
: tra' myrrha multis est experlmentis reperta laudabilis,

Cum vidcris quorumdam puerilium hominum digitos sicut aurum quod per ignem probatur. Digiti mi'i, in-
prohibita passim signa distillare, agilem manum un- quit, pli'ni myrrha probatissima. Uiscretlonis significa-
dique petulantis, vel pervcrsi afTeclus indicia spargere; tur sublililas, ct unctionis uberlas. Et digitos enini di-
ut arbitror, indisciplinalas conversationis amaritudinem, cit, et plenos. Distillant, ct pli'iii sunt. \'iclsslludincm
quasi reprobam myri'ham, istos fundere non negabis. habent, non evacualioncm. liileipolantur jcjunia rofec-
Annon myrrha lascivia talis, quaj el fratrum disci-
quasi tione, labores rcquic, vigllia' sonuio. Vicissiuido refec-
plinatos mores conlristat, ct sibi in postm-um confusionis tionem afTerl, non defectum. Digiti, inquit, tmn jdeni
et poenitentiaj est paritura majstiliam ? Probatissima vero sunt myrrlia probatissima. Contemplatlonls optius deli-
myrrha esi, qua in mullis argumentis c.\ercitii I'cgularis cias, spoasi ampIexiJius ex otio perfrui, ilium solum cor-
^lili
L'ABBE GILLEBERT.
de I'ouverture de la porte. Car le discours d'hier
penetrer dans votre coeur. Voyez si la mvrrhe de
voire travail et de votre souffrance s'est rendue re- nous a amenes, dans les dernieres considerations,
comraandable par des preuves norabreuses, comme a nous entretenir de Toperation qui est comme un

Tor qui est Mes doigts sont


eprouve par le feu. « acheminement a cette ouverture voila une fort :

pleius d'une myrrlie tres-eprouvee. » Ces mots ex- bonne operation qui porte toujours avec elle I'es-

priment et la subtilite de la discretion, et I'abon- poir et I'apparence de I'immortalite et de Tincor-

dance de I'onction. Car I'epoux parle de doigts etde ruptibilite, et qui ne seme point dans la chair de
doigts qui sout pleins. « Us distillent, et ils sont crainte d'en recueillir la corruption. Plut au ciel

pleins. Us ont des aUernatives, ils ne s'epuisent ja- que je puisse dire en verite que j'ai toujours de la

mais. Les jeunes sont interrorapus par les repas, mvrrhe dans mes mains. « Siquelqu'un » dit Jesus,
les travaux par le repos, les veilles par le sommeil. « fait la volonte de mon pere, il connaitra ma doc-

« Mes doigts, » dit-U, « sont rempUs d'une mj-rrhe trine. » iJoan.yii.M.) Voila comment la pratique de
tres-eprouvee. » Vous desirez eprouver les delices la piete ouvre entree a la verite. .Actes certes tres-

de la contemplation, vous voulez jouir a 1 aise des bons, que la temperance et la discretion moderent,
embrassements de I'epoux, le renfermer lui seul et que la devotion remplit de son onction suave.
dans le secret de votre coeiu-, ne venez pas lui ou- C'est avec raison que ce sont des mains parfumees
vrir avec des mains vides et dessechees. L'action qui ouvrent au Christ, dont le uom se tire de I'onc-
precede la contemplaUon. Plus par la mvrrhe de la tion qui lembaume. Et peut-etre ne sait-il entrer

continence et de I'aftliction vous mortifierez les pas- que par ime porte ainsi imbibee des parfums. C'est
sions animales, plus vous ouvrirez a votre bien- pourquoi on fit dans le temple de petits passages en
U est ditensuite «j'ai tire hois d'olivier, pour menager une entree dansle saint
aime une entree facile. :

le verrou de ma porte pour laisser entrer men des saints. Car la substance de cet arbre donne la

bien-aime. » Presse par la necessite de terminer ce liqueur qui serf aux onctions. On les appela de pe-
pouvons expliquer le commence- tits passages, on appela etroite I'entree laissee par
discours, nous ne
ment de ce passage. Remettons-le a une autre expo- ces oliviers mais pour ce qui est de I'abondance
:

tion, demandant et attendant la grace de celui qui de la grace, vous v entrerez sans difficulte : la se

tient en mains la clef de David, sans laquelle per- trouveut I'intelligence penetrante et les mysteres

sonne n'ouvre, Jesus-Clirist, qui vit et regne dans secrets. Vous entrerez sans difficulte si vous voulez
tons les siecles des siecles. Amen. y employer I'huile de la devotion et de la charite.
Et je pense que c'est untemoignage convenable, qui
a ete rendu du temple, en ces termes «le temple de :
SERMON XLIV.
Dieu est saint, c'est vous qui etesce temple. » (I Cor.
J'ai tire le verrou de ma porte pour introduire le Ill, 17.) .\yez done en votre temple, des entrees par
bien-aimi : mais il avait disparu et il etait parti. lesquelles le Pontile supreme entre seul dans le se-
Man dme s'est liquefiee des qu'ila parle. (Cant, v, 6.) cret recule de votre eceur. Fermez la porte, rame-
nez verrou dans sa gache, excepte lorsc[ue vo-
le

1. Aujourd'hui, mes freres, nous allons parler tre bien-aime frappera et voudra entrer. Sil ny a

dis tui continere secreto ? noli ad aperiendiim vacuis, sumus. Nam hestemus sermo de operatione, quae velut
noli aridis occurrere manibus. Actio contemplationeni quaedam ad apertionem est via, ultimum tractatus nostri
praecurrit. Quanto magis myrrha continentiae et afllic- digessit articulum. Bona plane operatic, quas immorta-
tionis mortilicaveris affectus animales, fanto uberiorem litatis et incorruptionis spem et speciem semper prae-
aditum dilecto paraveris. Denique sequitur Pessulum : fert, qucP non seminal in came, ne corruptionem inde
ostii rnei ap'^rui dilecto. Non possumus in angustia ter- metat. Utinam in veritate ego dicere possini, quia
minandi sermoni hujus ostium aperire capituli. In alium myrrha in manibus meis semper. 5« quis, inquit Jesus,
differamus tractatum, gratiam ab eo espetentes et exs- fecerit voluntatem Patris mei, cognoscetdedoctrinamea.
pectantes, qui habet clavem David, sine qua nemo appe- Ecce qualiter pietatis actus aditum reserat veritatis.
rit, Jesus-Christus qui vivit et regnat per omnia saecula
: Boni certe actus, qui et quadam contemperantia et mo-
sceculorum. .\men. deratione discreti sunt, et unctionis devotione repleti.
Jure manibus unguentariis aperitur Christo, qui de unc-
tione nomen accepit. Et forsitan nisi per unctum ostium
SERMO XLIV. ingredi nescit. Ideo in templo de lignis olivarum ostiola
facta sunt, per quae in sancta sanctorum aditus pateret,
Pessulum ostii mei aperui dilecto; at ille declina- Hujusmodi enim et ligni materia unguentarii est mi-
verat atque transierat. Anima mea liquefacta est ut nistra liquoris. Ostiola dicta sunt, et olivarum arctus in-
locutus est. Cant. 5. b. troitus sed in pinguedine gratiae sine difficultate illa-
:

beris, ubi subtilis est intelligentia, et secrelum myste-


rium. Non laboriosus patebit ingressus, si devotionis et
1. Hodie vobis, fratres, de apertione ostii disserturi caritatis oleo quasi ostio volueris uti. Et puto quod oon-
»

SERMONS SIR LE CANTIQLE DES CANTIQUES. 2Zi5

pas de poiie, Tenli-ee en sera livree t\ tout passant. dans I'evangile, dit : « Je suis la porte ? » [Joan'
Si la porte est feiniee sans que le verrou lassuje- X, 7. Admirable raison. 11 est la porte et il frappe
tisse, n'ayaut pas i.le force qui la retieune, elle ce- ii la porte, U vent entrer, celui par qui sera sauve
deru facilement a la premiere impnl^ijn. Ayez la quiconque entrera en lui. et en hii se trouveront
porte de la circonspection etla force dela Constance. des paturages abondauts. ime grande va- II existe
Regardez avec precaution, resislez avec Constance. riete de portes. On en trouve une dans les merveil-
Que I'ignorance etl'oubli ne vous surprennent pas; les de la nature, une autre dans les sacrements de

que la mecliancete ne s'introduise pas. Et si vous I'Eglise, une autre dans les intluences de la grace.
preferez celte distinction, par la porte, entendez une Par la premiere de ces ouvertures, conduite par la
premeditation attentive, et par la force qui la retient raison naturelle, lasagesse.qui atout cree, se revele
fermee, la priere. Soutenue par une si forte bar- a nous par ses a?uvres, et nous parvenons u obtenir
riere, votre porte ne sera pas exposee aux atlaques une certaine portion de verite vous y rencontrerez
:

deTennemi. « Le Seigneur a fortitie, » chante le Psal- la connaissance de la divinite, mais non point la
miste, « les gonds de vos portes. » [Ps. cxLvn, 2.) distinction des personnes qui s'y trouve. Dans cette Portes

N'est-il pas vrai qu'il vous semble entendre par ces ouverture, on ne distingue point les personnes, et ^^^^^e/""'
gonds et ces portes, la porte et la force qui la re- on n'accorde pas la grAce. Aussi ne faut-il pas s'y ^ Dieu.

tient? L'une et I'autre sont necessaires, mens contre tenir toujonrs, ou y frapper avec trop d'insistance.
lescoups de I'ennemi. Des que vous entendez le Par la seconde, etant inities aux sacrements du sa-
coup et la voix du bien-aime, des que vous sentez int, nous entrons dans I'unite de I'Eglise, dans la

sa main subtile tendue par la feute de la porte, ti- communion des saints. Dans cette seconde porte, il

rez le verroux, ouvrez, que toutes les difficultes ce- est des fideles qui se trouvent dedans, de maniere
dent. S'il est possible, enlevez en entier le mur qui a etre presque dehors, jusqu'ace qu'ils s'approchent
se dresse entre vous et le bien-aime, aiin qu'il se de la troisieme, que nous expliquons par I'arrivee
donne a vous sans obstacle. Que la presence de I'e- familiere vers les sentiments de I'amour, vers I'a-
poux change votre inquietude, au sujet des attaques bondance de la jouissance et de la contemplation
des demons, en securite quittez le souci de repous-
;
du bien-aime. Ce passage si secret, si iniime, n'est
ser Tennemi, remplacez-le par lapleine jouissance
et pas ouvert a tons ; il ne donne acces qu'a I'epouse.
du bien-aime. 11 avait appris a ouvrir celui qui dit : Dans Ezechiel vous trouvez plusieurs sortes de por-
« Mon coeur est pret, 6 Seigneur, moncoiur est pret. long d'exphquer en ce moment.
tes qu'il serait trop

(Ps. evil, 1.) [Ezech. XL et xli.' Cependant, je regarde comme


2. Comment Jesus a-t-il besoin de poi-te, lui qui, pen important de savoir si c'est vous qui allez vers

veniens est de templo testimonium prolatum templum : Ego sum ostiuml Miranda ratio. Ostium est, et pulsat

enim Dei sanctum est, quod estis vos. Habe ergo in tem- ad ostium. Intrare vult per quem quisquis introierit sal-
plo tuo ostia, per quae summus Pontifex solus ingredia- vabitur, et pascua inveniet. Magna est ostiorum dislan-
tur in intimum cordis tui recessum. Claude ostium, obde tia. Est enim ostium quoddam in argumentis naturae,
pessulum, nisi quando dilectus tuus pulsat ingredi vo- est ostium in sacramentis Ecclesiae, est ostium in expe-
lens. Si ostium non est, passim patcbit ingressus omni rimentis gratiae. In primo illo ostio naturalis rationis
transcunti. Si ostium clausum est, sod pessuio non ob- ductu innotescit nobis per opera operans sapientia, et ad
seratum facili cedet et patebit impulsui, clausuram non
,
aliquid veritatis intromittimur divinitatis coUigimus :

habens (irmiorem. Habe utrumque ostium circumstan- notitiam, non tamen personalem in Deitate distantiam. In
tiae, et pessulum constantiae. Prospicc circumstanter, re- hoc ostio non distinguitur persona, nee confertur gratia.
Oblivio et ignorantia non surripiat, im-
siste constanter. Ideo non debet esse assiduus, non nimius ad hoc os-
probitas si ita mavis distinguere, soUi-
non irrumpat. Et tium pulsator. Per secundum in eo quod salutaribus
citam pra'meditationem reputa ostium, orationem quasi iniliamur sacramentis, ad Ecclesiae unitatcm intramus
pessulum. Tali firmatum repagulo, liostili non patebit ad comnumionem Sanctorum. In hoc secundo ostio, sic
impulsui ostium luum. Confortavit, inquit Psalmista, quidam intus sunt, ut tamen quasi foris sint, donee ad
seras portarutn tuarum. Noniic in scris et portis velut tertium accedant quod familiarcm interpretamur ac-
:

ostium ct pessulum tibi videris audire? Utrumque ne- ccssum per caritatis alTectum, in copiam quamdam el
cessarium est, scd contra insidias inimici. Ubi voccm et contemplationem dilecti. Ostium hoc tarn sccretum, tam
pulsum audis dilccti, ubi manus ejus subtilcm, et per intimum non omnibus patct, scd soli sponsaeprajbet ac-
foramen senlis attactum nufer pessulum, ostium aperi,
:
ccssum. In Ezechiele multas ostiorum distanlias Icgis,
cuncla cedant obstacula si fieri potest, medium parie-
:
quas modo longum esset prosequi. Verumtamen parum
tcm totum aufer, ut libeic se til)i dilectus tuus int'undat. quid interesse reputo, fu ad ilium ingrediaris, an ad te
Sollicitudo advcrsus Iciitamenta da'monum in securita- ipse nisi quod tunc videris ingredi ad ipsum, cum tu
:

tcm vcrtatur de pnesentia sponsi cautelam hostem re- :


quasi pru'venis et prior rogas ipse vero ad te, cum :

pellcndi in pcrfrucndi dilccti copiam vcrtc. Ostium apc- ipse te praevcnit, pulsat alTectum, improvisus illabitur,
ruisse se novit, qui dixit Paralum cor meum Dewf,:
ct nil tale meditantem inspcratae dulcedinis movet at-

paratum cor meum. tactu.

2. Quomodo ostio cget Jesus, qui in E\'angelio ait :


246 L'ABBE GILLEBERT.

I'epoux, ou bien si c'estl'epoux qui vient vers vous : arrive h la dcrobee, et s'en revient de ra^.me. Car
vous paraissez aller vers lui, lorsque vous primez la joie de la contemplatioi) est coninic un point,

comme Ics devants, et le priez lo premier il vient: Kile s'en va vile et sVMeve cxcell.'mment au-dessus
vers vous, lorsqu"il IVappe Ic premier, arrivant a de loute capaciti"; nous ne pou-
humaiue. Oiiell • va,

I'improviste, et lorsqu'au moment ou vous ne pen- vons la suivre d'un pas egal tant que nous sommes
sieza rien de semblable, il vous emeut en vousfai- dans cette chair. « J'ai dit, » s'ecrie Salomon, « je
santeprouverune douceur incsperee. devieudrai sage et la sagesse s'cst retiree davan-
:

tage de moi, etelle etait plus eloignee que dans le


3. Quand il frappc en cette maniere a votre
principe. » [Eccle. vii, 24.) Sa presence enseigne,
porte, ne tardez pas, levez-vous, bAtez-vous, de
mieux que son absence, combien sa majesle est
craintc qu'il ne disparaisse. Car vous lisez en ce
eminente. Phis die est veheraente, plus rapide \
passage : « j'ai tire le verrou pour ouvrir a mou "'
est son passage « il avait disparu, » dit-elle, « et
:

bien-aime; mais il avait disparu et etait parli. «


il etait parti. » bon Jesus, etait-ce pour quitter s
Pourquoi vous retirez-vous, u bou Josus ? Pourquoi "'.
sitot votre epouse, que vous etes venu a elle? « 11
disparai?sez-vous? Pourquoi privcr votre epouse
avait disparu, » dit-elle et il avait pa^se. (Ju'est-ce u
Lcs d^sirs jg qq q^^
^ f^it I'obiet de ses desirs? Vous excitez dire, « avait passe? » 11 m'avait passee, il avait
il
frustr^s
s'accroissent. son ardeur et vous lui enlevez le plaisir de la satis- depasse mes forces, il m'a depassee. lliu'a passee
faire. Peut-etre vous agissez de la sorte pour exci- parce que je ne pouvais ni le porler ni subsister. La
ter davantage son avidite et pour enflammer da- parole de Dieu est un glaive. Jesus est un glaive,
vantage ses desirs. II en est ainsi, il en est tout-a- il transperce I'ame sans retard et sans difficulte :

fait ainsi. Ces tromperies de I'amour embrasent ilne subsiste plus, lorsque Tame liquefiee ne pent
davantage le feuducoiur aimant, et, en le trompant, supporter sa violence. II est tout de flamme. Aussi
le portent au comble de sa ferveur. Combien etaient comme la cire se fond devant le feu, ainsi I'^nie
courtes les apparitions du Seigneur apres sa resur- s'embrase en sa presence. « Mou iime s'est U-
rection, combien subites, combien vite interrom- quefiee, » dit-elle, « des que le bien-aime a
pues ! A peine reconnu de quelques-uns, de suite parte. » Vovez comment a cette parole brii-

11 disparait. II ne veut pas que d'autresle touchent. lante, il a fondu pour ainsi dire Time de son
Pour d'autres, il se presente les portes ferraees, epouse.
n'ayant pas besoin de passer par les ouvertures or- U- verrou de la porte pour ouvrir
« J'ai tire le

dinaires. La porte qui s'ouvre le plus pour lui, c'est a mon bien-aime, mais deja il avait disparu et avait
celle qui se ferme a toutes les autres affaires. Quand passe. » en fut ainsi dans la manifestation du
II

on croit le tenir, il prive de sa presence agreable : il Seigneur ressuscite, qui fut faite aux deux disciples

3. Quandohoc modo ad ostium tuum, nolimo-


piilsat sam, ut tam cito declinares ab ea? Ipse, inquit, dedina-
rari : ne forte declinet. Nam et in hoc
surge, feslina, verat atque transierat. Quid est, transierat ? Transierat
loco sic babes Pessulum ostii mei aperui diledo ; at ille
: me, transierat vires meas, pertransiit me. Ideo quasi
declinnverat atque transierat. Cur abis Jesu bone? cur ferre et subsislere non valentem transiit me. Gladius est
declinas ? cur dcfraudas dilcctam a desiderio suo ? Tu verbum Jesus, animam sine mora et
Dei, gladius est
desiderhim inducis, tu delectationem subducis. An fortft non subsistens, dum ejus vehe-
difficultate pcrtransit :

hoc mode in majorem aviditatcm et ardeutius deside- hementiam liquefacta mens sustinere non valet. Flam-
rium concupiscentiam protrahis, dum copiam subtrahis? meus hie gladius est. Ideo sicut cera fluit a facie ignis,
Ita est. Plane ita est. Ists amoris fallacia; ipsum amo- sic anim;i succensa a facie ejus. Anima, inquit, mea li-
rem magis inflammant, ad ejus cumulum proficiunt dum quefada est, ut dilectus locutm est. Vidctis qualiter ad
sic dccipiunt. Illee douiinicce rcsurrcetionis apparitiunes ignitum eloquium liquefocit animam.
quam breves erant, quam subitae, quam succisfe. Qui- 4. Pessulum ostii mei aperui diledo meo, at ipse de-
busdam vix jam agnitus est, et statim elapsus est. Non dinaverat atque transierat. Ita in manifestatione domi-
se patitur ab aliquibus tangi. Aliis clausis illabitur ja- nicae resurrectionis, qiiye facta est duobus illis euntibus
nuis, oslii aperlione non indigcns. Hind enim ostium in Emmaus, ut aperti sunt oculi corum ad cognoscen-
maxime illi apcritur, quod aliis omnibus negotiis clau- dum Jesum, sub ipsa apertionis hora evanuit ab oculis
ditur. Cum putatur
teneri, quasi furatur praesentiam eorum, et quasi pertransiit cor illorum, ut ipsi faten-
gratam : furtim accedens, et furtim recedens. Gaudium tur. Ardcns erat in ipsis in collociitione, sed in appari-
enim contemplationis instar est puncli. Vclociter rccedit tione liquefactum est in ilia visionc vchementi, solidita-
et cxcellentcr transcendit omnem humanaj capacitatis tem et constantiam non obtinens. Quid enim est Jesum
virtutem. Quo ipsa vadit, non possumus a-quis earn in evanuisse, nisi illos in gloria apparitionis subsistcre
hac carne passibus sequi. Bixi, inquit Salomon, sapiens non valuisse? Declinat flumen pacis, sed
in dilectam ut
efficiar : el ipsa longius recessit a me, multo magis quam ut glorice torrens pcrtransit, sicut torrens igneus liques-
* Vide an antea eraf. Perceptio ejus melius quam privatio* docct, cere facicns animam, qnam inundat, quam reficit, quam
Iff/cndum, quam sit tratiscendcns ejus majestas. Eo ipso quo vehe- transit. Quam dulcis hora, quando anima huie ignco
privatio ejus,
melius quam
mcntior est, velocius transit Ipse, inquit, dedinaverat : lorrenti liquefacta miscetur :quam subtilis est In illo
perceptio. atque transierat. Idcone, Jesu bone, declinasti ad spon- momento, quam extenuata, quam mobilis Nihil tunc
!
SERMONS SIR I.E CANTIUrE DES C.ANTIQLES 2i7

<Iiu allaifiit a Emmaus ; des que leui's voux fiirent Veritablement liquide, qui recoit son eclat de la
ouverts pour rccounaitre Jesus, aussilol il s'evanouit purete du bien-aime, et qui se bate, prompt, presse
de leui' presence et il traversa leur cceur comme ils et loin de lui, a la poursuite de I'epoux deja parti.
I'avouent eiix-raeiues. 11 etait ardent dans lenr poi- « Il a passe, dit I'epouse, « et il est alle loin de
irine tant qu'ils causaient avec lo divin maitre, raais moi, il m'a depassee toutentiere. Passage rapide,
))

ijuand Jesus se montra, leur aiue fut liquellee dans mais plein de violence dans sa rapidite, qui a
celte vision brulanle, sans pouvoir obtenir qu'elle laisse apres lui mon ame liquefiee, plus largemeut
fut constante et solide. Que veut dire que Jesus s'e- repandue, s'efforcaut d'arriver jusqu'au lieu du
vanouit, sinon qu'ils ne purent soutenir la gloire passage du bien-aime, et u'osant rien en sa pre-
de son apparition? 11 enlre dans le coeur de sa sence. A cette voix pleine d'allegresse, j'ai ete li-
bien-aimee comme un fleuve de paix, mais il passe quefiee aussitot qu'il a parle. « Mon ame a ete li-

vite comme un torrent de feu, faisant liquefier d'a- quefiee, » dit-elle. Que signifie « s'est liquefiee ? »
mour I'ame qu'il inonde, qu'il refait, qu'il depasse. C'est-a-dire, elle a cru, elle a com'u, elle s'est cla-
Que douce est cette heure, oil Tame fondue est me- rifiee. Croissant au-dessus d'elle-meme, couramt
lee a ce torrent de feu ; qu'elle est subtile en ce mo- vers lui, tirant de lui sa clarte. Croissant par la
ment, combien spiritualisee et mobile! Elle n'apas vertu, courant par ses desirs, brillant des eclats
de tiedeyr, pas de durete, pas de rudesse elle n'est : de la verite ; c"est-a-dire encore, large, mobile et
que biTjlante et liquefiee. Ce sont la deux cboses luisante.
qui ont beaucoup de liaison, le liquide et le cbaud. 5. de cet etat de liquefaction qu'il
C'est pent 'etre
En elle consiste la pratique de la contemplation. lui vient mains distillent la myrrbe, son
que ses
Ce qui prend plus vite la chaleur la
est liquide : kvae s'est bquefiee. Pourquoi passer sous silence
chaleur recue reciproquement rend plus liquide en- la troisieme parole que notre cantique porte en ce
core le corps qu'elle a trouve a I'etat iluide. Ce que lieu? La voici rattacliee a toutl'ordre qui yregne:
j'appelle cbaud et liquide, c'est, pour employer « Mes entrailles se sont emues, mes mains dis-
d'autres termes, ce qui est euflamme et sincere ou tillent, mon ame s'est liquefiee. » Meme en le lisanf
pur. Le cbaud consiste enceque lame aime; le sin- rapidement, on peut remarquer en ce passage un
cere et le liquide, en ce qu'elle reproduit en elle- encbainement d'idees bieu etabli il n'est pas fa- :

meme une certame ressemblance avec le bien-aime. cile cependant, dindiquer la raison de la gradation
-denr et
faction Le cbaud se fait sentir parce qu'elle brule : le li- qui s'y trouve indiquee. Dans toutes les parties, im
ime
quide consiste en ce qu'elle recoil la forme de certain mode est indique, plus grand dans la se-
i

I'i-
lans la
Btempla- mage de celui qu'elle cberit. Ce qui est liquide n'a conde que dans la premiere, et plus grand dans la
tion.
rien d'impur, rien de lent, laisse voir facUemeut et troisieme que dans la seconde. C'est plus de distiller
suit de meme. Mais le corps liquide n'a pas tant de que d'etre agite, comme se liquefier est mieux que
qualites quand la chaleur ne s'y fait pas sentir. distUler. Tous ces effets, I'epouse les doit a la pre-

teporis fiabet, nifiil duritise reliquum, nifiil rigoris : est,currens, clarescens. Crescens super se, currens
tantummodo calens et liquens. Cognata sunt sibi invi- ad ipsum, ex ipso clarescens. Virtute crescens, cur-
cem liquidum et calidum. In his duobus contempla- rens votis, veritate clarescens hoc est lata, labilis, ;

tionis usus consistit. Quod liquidum est, calorem promp- lucens.


tius concipit et conceptus calor vice versa quod liqui-
: 5. Ex hac forte liquefactione praestitum illi est quod
dum reperit, liquidius reddil. Quod dice calidum et li- manus suae mjTrham distillant, mens liquefacta est. Cur
quidum, hoc est, ac si aliis dicatur nominibus, succen- tertium praeterimus, quod canticum illud apponit? Ha-
sum et sincerum. Calidum est, eo quod amat sincerum ; bet cnim sic connexum ex ordine ? Venter tremit, dis-
ct liquidum, quia quamdam amati in se speciem rcprw- tillant manus, anima liquefacta est. Potest istic etiara
sentat. Calidum, quia ardet liquidum, quia videt. Ca- : leviter banc lectionem transcurrens, ordinatum quod-
lidum, quia inflammatur liquidum quia dileeti imagine
: dam augmentum advertcre non tamcn facile est et pla-
:

informatur. Quod liquidum est, nil habet impurum, nil num gradalae distinctionis rationem assignare. In omni-
pigrum, facile cemens, et facile scquens. Sed tanta gra- bus quidam modus signatur, sod major insecundo quam
tia liquid] non est cum calor non est. Bene liquidum, in primo et major in tcrtio quam in sccundo. Plus est
:

quod ct ex puritate dileeti claritatcm percipit, et quasi enim distillarc quam trcmere? sicut liqucscerequamdis-
percitum et promptum extra se effusum post dilcctum tillare. Totum pra?stat pr;pscntia sponsi sponsa" suae,
festinat, qui jam pertransierat. //3A"e,inquit,yrtw ;>e/-/r«?i- quod ejus venter tremit, distillant manus, anima lique-
siit a me, quilotam pcrtransiit mc. Velox transitus ; facta est. Totum est ex tactu manus ejus ct vocis au-
sed violcntia? non parum habens in tactu, liqucfactam ditu, totum est ex taxtu et (ut sic dicam) ex pcrtransitu
post se reliquit animam nicam, cfTusam uberins, et co- ejus. Quia tangit, tremit distillat, quia perstringit et
:

nantcm transirc usque ad dilccli transltum, nihil praj- pertransit illam in spiritu vehcmenti, cujus vocomaudis,
sumens in ejus pransentia. In voce cxultationis liquefacta sed nescis undc veniat, aiit quo vadat. Idco liquefacta
sum statim ut locutus est ipse. Anima niea liquefacta est anima ejus, ut locutus est ipse. Vox subllliormanu
est, inquit. Quid est, liquefacta esti id est crescens facta est, vehemcntius movct, ct vclocius transit. Scrmo Jesu
268 L'ABBE GILLEBERT.
sence de son cpoux, c'est a cause de Ini que sesen- chose qui soit en dehors de la suite du texte, et

trailles sont ('-mues, que ses mains dislilk'nt et que pour en tirer un surcroit de considerations, afin
son ame est liquefit'-e. lis sont jjroduits par le lon- d'exhorter ceux qui m'entendeiit, ne pensez-vous
elier de sa main et le son de sa voix, tons par son pas, dis-je, que cette parole blame la durete dc
toucher et (pour ainsi dire) par son passage. Parce certaines persoimes dont les entrailles, gelees par
qu'elle le touche, elle est agitee : elle distille parce une trop grande aucune rosee
rigidite, ne disfillent

qu'il la saisit et la depasse en un souffle violent, de misericorde, ne sont emues d'aucun sentiment
lui dont vous entendez la voix, ne sachant d'oii 11 de tendrcsse a I'egard des penitents; imes dures
vient ni ou il va. Aussi I'anie de I'epouse s'est li- qui ne se senlent pastouchces par la main mise-
queliee des que le bien-aimc a parle. La voix est ricordieuse de .Jesus, qui ne sont pas entlammees
plus subtile que la main, elle e Sieut avec plus de par ses discours, et ne I'entendent jjas quand il
force et passe avec plus de rapidite. La parole de frappe dehors par la main du penitent? Je crains
Jesus contieut plus de doctrine subtile et sublime que le Seigneur ne les quitte et ne passe outre, je
cfue n'en peuvent produirc plusieurs exeniples de tremble qu'ils ne le trouvent pas, lorsqu'ilsle cher-
bonnes oeuvres. Ce discours, qu'il adressa a ses dis- cheront, et qu'il ne les exauce point quand Us crie-
ciples sur la majeste de la divinite,est au-dessus de ront vers lui. Pourquoi vos entrailles s'endurcis-
tout modele, la promesse et la gloire a venir qui sent-elles envers vos enfants, comme s'ils n'etaient on r^

sera manifestee en nous, surpasse toute experience. pas v6tres?Vous pourriez peut-etre les r^g^^rder
^^
^^"^^
^
Si vous ouvrez la porte de votre esprit pourlacom- d'un ceil severe, et passer a cote en les laissant avec enver i

penit (.
prendre et la saisir, aussitot ce beau sujet dis- orgueil derriere vous, s'ils n'appartenaient qu'a
parait et s'enfuit aussi passez vous en I'etal
: vous, et n'etaient point les tils de votre Seigneur.
d'amour d'un coeur liquefie. Dites a cette voix du Que vous seriez durs, s'il fallait donner du votre,
bien-aimc « Votre science est devenue admirable
: vous qui distribuez les biens du Seigneur avec tant
au-dessus de raoi elle s'est montree avec force,
: de reserve et d'avarice, meme a ses propres enfants !

et je ne puis m'approcher de sa hauteur. » [Ps. « II a distribue, » dit le Psalmiste, « U a donne aux


cxxxviii, 6.) Et mon ame s'est liquefiee, defaillant pauvres. » [Ps. cxi, 9.) Mais peut-etre vous ne savez
dans cette consideration et ne pouvant, a cause de pas qu'ils sont pauvres? Que serait-ce si Dieu vous
extreme douceur qu'elle goute, con-
rirresistible et disait : vos yeux n'ont pas vu ma misere ? En votse
tinuerainsi dese fixer encet etat d 'admiration. C'est livre ne sont inscrits que les parfaits, vous n'avez
h cause de ces sentiments, ou d'autres de ce genre, jamais eu souci rie ceux qu'il fallait travailler
qu'elle s'ecrie ; « mon ame s'est liquetiee des que a rendre parfaits. Mauvais medecin qui ne sert pas
le bien-aime a parle. aux malades, et qui peut-etre blesse ceux qui se
6. Ne pensez-vous pas, pour vous dire quelque portent bien. Si vous ne voulez pas chercher labre_

subtilioris et sublimioris doctrinae plus continet, quam cera tua ad filios, quasi non sint tui? Poteras forsitan
operum prodere queant exempla. Omne transit
aliqiia tuos inclementi oculo respicere, et resupino faslu prae-
exemplum de majestate Deitatis sermo, quern inter dis- tamen tui tantum esscnt, et non Domini tui.
terire, si
cipulos fudit omnem experienliam pollicitatio gloriae
: Quam durus fores, si dc tuo lai-giri deberes, qui Domini
futur», quae revelabitur in nobis. Huic intelligentiae et substantiam tam avaro et imminuto etiam filiis afTectu
perceptionis si aperis ostium ut comprehendas; statim dispartiris ? Dispersif, inquit, cledit pauperibus. Sed tu
declinat et pertransit idco et tu transi in affectum li-
:
forsifan paupercs nescis. Quid si dicat libi Deus : Im-
quefacti cordis. Ad banc vocem dilecti die : Mirabilis perfectum meum non viderunt ocilU tui ? In 11-
facta est scientia iua ex me, confortaia est, et non po- bro tuo nonnisi perfect! sunt de perficien- scripti,
tero ad earn. Et anima mea liquefacta est deficiens a dis nulla te cura tencre consuevit. Malus medicus,
comprehensione, ct non sufficiens ex vetiemenfi et vio- qui non est opus a^grotis, sed bene habentes fortasse
lenta dulcedine persistere morari in admiratione. Prop- cxulcerans. Si non vis errantem qua-rere, saltem oc-
ter haec et hujusmodi, inquit : Anima 7tiea liquefacta curre revertenti. Aperi januam miscricordi*, et si non
est ut dilecfm locutm est. poenitentem propter Christum suscipe tu Christum
6. Quid putatis, ut aliquid praeter seriem et quasi ex in pcenitente. Liqucscat anima tua misericordiae
abundant! ad cohortationem praesumam; quid, inquam, rore, et ad claniantis et pulsantis Jesu succendatur elo-
putatis, quod non tiic sernio quorumdam suggillat duri- quium. Vox poenilentis, vox pauperis, vox est Jesu. Ideo
tiam, quorum viscera gelido austeritatis nimiae riges- cum audis banc vocem, dementi affectu liquescat anima
cunt alfcctu, quorum viscera nullum misericordiae dis- tua, ut et tu cum sponsa dicere queas Anima mea li- .•

tillantliquorem, nee exiguo trcmunt et moventur atrectu quefacta est ut dilectus locutus est. Ausculta ct rccole
erga pcEnitcntes misericordis manus factum non scn-
; quid locutus Mariae Magdalenae, quid mulieri in adul-
tiunt, piissimi Jesu non igniunturalloquio, pulsantcm in terio dcprehensae, quid Samaritanae, Canane;e, Zacchaeo,
pcenitente Jesum foris non audiunt? Yereor ne declinet Pctro, Centurioni. Ad lot pielatisscrmones et clementiae
ab eis et pertranseat, ne non inveniant cum quaesierint, cujus non mollescat alTectus, viscera liqucscant? Ad tam
et cum clamaverint non exaudiat eos. Cur durantur vis- vehementes flatus austrinos, etiam de durissimo pectore
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 269

bis qui s'egare, allez au moins au-devant de celle ne pas emprisonner dans un silence infructueux
qui revient. Ouvrez la porte de la misericorde, et ce qui m'est suggere, je vous dirai en peu de mots
si vous n'accueillez point le penitent a cause de ce que j'ai encore compris de cette liquefaction.
Jesus-Christ, recevez Jesus-Christ dans le penitent. Ne voyez-vous pas le corps qui subit ce changement
Que votre ame se fonde etrepande la rosee de la de fusion, comment, d'abord ebranle dans sa ru-
misericorde et qu'elle s'enflamme a la voix de desse dans son immobilite, il tacbe de s'aban-
et
Jesus qui crie et qui frappe. La voix de ce peni- donner lui-mcme et de sortir de ses limites ; il sort
tent, la voix de ce pauvre, c'est la voix de Jesus. et coule de sa masse et de son volume premier il ;

Aussi, quand vous entendez ses accents, que votre s'evanouit ensuite, il suit la direction iraprimee par
ante soit attendrie,et se laisse aller a des sentiments celui qui le fait couler, et le conduit dans des pla-
de clemence, afin qu'avec I'epouse, vous puissiez ces inferieures, ou bien
y entre de sa propre im-
il

dire : « mon ame s'est liquefiee des que I'epoux a pulsion, devancant souvent les efforts de celui qui
parle. » Ecoutez et meditez ce qu'il repondit a Marie le mene. Les corps liquefies ont une grande facili-
Madeleine, a la femme surprise en adultere, a la Sa- te,et ime propension docile pourse plieraumouve-
maritaine, a la Chananeenne, a Zachee, a Pierre, au ment qui leur est imprime. Vous comprenez deja,
Centurion. A tant de paroles remplies de sa bonte je le pense, par ces corps liquefies, luie grande ap-
et de sa clemence, quel cceur ne s'attendrirait, quel- titude a I'obeissance, et les sentiments d'une
les entrailles ne seraient emues? A des souffles si ame aisee a conduire. Cette humilite, ce n'est
chauds venus du midi, pourrait se fondre la glace pas la crainte qui I'inspire, c'est la chaleur de
que meme des siecles auraient entassee dans la I'amour qui la forme dans le cceur. La crainte
poitrine la plus dure. Dieu, je me sens penetre brise violemment I'esprit, I'amour I'adoucit, et, le
par une huile onctueuse, et mon ^me se fondra rendant fort tendre, il le faconne a sa fantaisie.
dans une tendresse semblable, toutes les fois que je L'humilite, provenant de la charite, ne souffre point
considererai les oeuvres, les paroles et les comman- d'ennui; de son propre poids, elle tend aladerniere
dements de votre misericorde. C'est la votre parole place, se reposant quand elle est parvemxe au degre
pleine de feu, et votre serviteur I'aime. {Ps. cxvni, le plus bas. Vous voyez deja dans cette liquefaction,
ihO.) li I'aime parce qu'il en a besoin : aussi mon clairement exposee en abrege, la nature de cette
^me la cherit, et dans sa joie, elle se fond des que humilite et de cette obeissance genereuse. Voulez-
vous parlez. vous des temoignages? « Le Seigneur m'a ouvert
iMaction
rime 7. Tout saint doit eprouver cette liquefaction. I'oreille, » (/«. 5.) pour
l, que je I'ecoute comme
war
iti(^ner
Car celle dont nous venons de parler est propre- mon maitre. Vous avez entendu parler le Seigneui',
rpiliW et nient le sentiment des parfaits, ils ne I'eprouvent entendez I'amour tendre du disciple. « Je ne con-
pas toujours, mais dans le temps opportiin. Etpour tredis pas, je ne suis pas alle en arriere.» Vous avez

quantumlibet annosa poterat glacies solvi. Sentio me af- litas de caritate proflnens, nil molestiae patitur, ultro ad
fluentis olei liquore perfundi, et similiaffectu liquescere, imum tcndit, quiescens, cum apprehenderit inferiora.
quotics miscricordiaB tuaj opera, verba, prajccpta rccen- Ilabctis jam in liqucfactione, humilitatis illius genernsv-H,
seo. Ignitiim eloquium tiiiim hoc vehemcnfor, et liabotis et obedientia;cxpressam sub brcvitatc natnram.
servus tuns diligit illud. Diligit, quia indiget : ideo Vultis et testimonia? /Jowi?'«;« nperuit mihi aun-m, ut
amat anima mea, et prae gaudio liquescit ubi tu lo- audiam cum quasi magistrum. Audistis loquentem Do-
queris. minum audite liquefactum afTcctum discipuli. Ego,
:

Istam liquefactionem opoi'tet ut sential omnissanc-


7. inquit, non contradico, retrorsum non abii. Audisitis
tus. Nam ilia supcrins disputata liquefactio nonnisi per- quomodo sequitur audite jam ad quam inlinia. Corpus
:

fcctorum est, et eorum nori semper, sed in tempore meum dedi percutientihus, et genas tncfus- ve/lentihux :

opportuno. Et ne infructuoso subducam silcntio quod faciern meam 7ion nverti ab increpnntibus et conspuen-
mihi suggeritiir, breviter vobis absolvam quod adhuc do tibus in me. Annon iste quasi ad aspcra ct abjecla des-
hac liqucfactione intollecfu concepi. Non ceruilis quod ccndit, non rigide resistcns, sed liquofactus, eflcctusque
liquefit, qualiter dc quodam rigore ct immobilitate mo- trartabilis ad auditum calentis eloquii? Krgo qui hujus-
seipsumcgrediotdcsercre nititur, detumore
vei'i incipit, modi humilitatis ct obediential liquescit atreclu, non
et mole pristina dcfluit et dcscendit, et cvanescit, scip- frigida tumentique mole inimobilis et rigcscens, prosuo
sum ducentcm ct ad humiliora loca facile sequitur vol ; jure, hujus sibi verbi usum gloriose pnesumit Anima :

cadem per seipsum sectatur, proBcurrcns frequcnior dii- men liquefadd eat, ut di/cctus /ortdus est. O niira vis

ccnlis conatum. Magna in liqucfactis ad sequcndum verbi, ct ignita Inflammat cor, comniulat
vehemontcr !

mobilitns, ct prompla voluntas. Intelligitis jam (ut ar- rcncs, in nihilum in conspectu sno rospectti Dei sui
bitror) in liqucfactis ad obcdicndum aptitudinom gran- animam rcdigit ; a seipso liquescere ct deliccre facit, ut
dcm, humilis animie afTcctum tractabilem. Ilanc liumili- jam anima non secum, sod sicut scquenlia conti-
sit

lalem non mctus infligit, sod calor auioris informat. nent hujus versicnii Ego semper tecum. Ideo non in
:

Melus montom violcntor infringit, amor cmollit, ct se, non sccum, sed cum Deo sno est, semper obscqucns,
tcneram ac liquidam reddens cfdngit ad libitum. Humi- et quantum datur, scquens, sed non assequons semper
!

250 L'ABBE GILI.ERERT.


oui comment il obeit : voyez a quel degre de has-
sesse il descend. « J'ai livre mon corps h ccux qui SERMON XLV.
le frappaii-nt et mes joues a ceux qui les meurtris-
saiont : je n'ai pas dotourne mon visage de ceux Je I'ai cherche, el ne lai point Vouve : je I'ai appele

qui m'insultaient, deceux qui crachaient snr moi.w ct il m'a pas repondu. Les gardes de la cite
ne
(Ibid.) Esl-ce que cc divin Sauvevir ne s'abaissa pas m'ont rencontree, ils m'ont frappe el m'onl blessee; ,

a souffrir des insultcs blcssantes el grossieres? II ils onl enleve mon mankau.
ne resista pas avec force, muis il se liqueGa et dc- (Cant. V, 6 et 7.)

viut impressionnable a I'inlluence de la parole bru-


lante de Dieu. Celui done qui se laisse aller a de i. Qiland votre bien-aime vous aura echappe,
Foree
eionnante de
p.-u-giig sentiments d'humilite et d'obeissance, n'of-
il ne vous reviendra point au gre de vos desirs :

Dien. frant pas a la grace une masse froide et glacee re- cette epreuve donne de lintelligence a I'amour et

sistant a ses efforts, a quelque droit de s'appliquer redouble ses sentiments. Tanlot I'epoux visite,

avec gloire cette parole : « mon ame s'est liquefiee tanlot il s'evanouit, et, en s'evanouissant, il fait souf-

des que mon bien-aime a parle. « etonnante frir celle qu'il aime. Cette variete de tristesses et Poari
I'alter I

puissance de la parole grandement pleiue de feu de joies ravit le coeur, elle excite ses desirs et le d.
'^''***'
Elle enflame le coeur, elle ebranle les reins, elle re- prepare a de nouvelles jouissances. Des que la voii

duit lame a rien en presence de son Dieu : elle la de votre bien-aime se fadt entendre, votre ame se

fait se liquetier et defaillir, de sorte qu'elle n'est liqueQe. LiqueQee, elle defaille, ne pouvant sup-
plus avec elle meme, mais que, comme le contieu- porter cette visite ; et votre bien-aime disparait.

nent ces paroles qui suivent, elle dit : « Je suis tou- Votre defaillance est sa fuite. .V sa presence

jours avec vous. » Aussielle n'est pas en elle-meme, et au son de sa voix, vous vous liquefiez, vous
elle n'est plus avec elle-meme^ mais avec son defaillez, vous expirez : son absence vous permet
Dieu ; toujours elle obeit et, autant qu'il est de respirer. .absent, il repare vos forces qu'epuise sa
en elle, elle poursuit son bien-aime, sans I'at- presence. Ces intervalles menages temperent ainsila

teindre, en toute occasion, au gre de ses desirs, vivacite des delectations que vous ne pourriez sup-
ou de cette maniere excellente qui est propre a I'e- porter si elles duraient toujours. Que parle-je de
pouse se trouvant vis-a-vis de son epoiix. Car voici leur continuation ? N'est-ce pas meme leur com-
ce qui vient a la suite « j'ai cherche et je I'ai pas
:
mencement qui vous epuise? Car aussitot que le

trouve : je I'ai appele et il ne m'a pas repondu. » bien-aime parle, votre ame se liquetie. Et plus bas
Mais ce passage veut etre developpe dans un I'epoux dit n vos yeux m'ont
: fait envoler. » Com-
dicours a part, une autre fois, et demande plus de ment ont ils fait envoler le bien-aime, si ce n'est

loisirs. Que que nous avons dit sufQse pour la


ce qu'une affection ti'op vive les a fait defaillir en re-
faiblesse de nos forces, mais uon pour la grandeur gardant le bien-aime ? Vous ue connaissez pas de
du sujet, c'est-a-dire de cette liquefaction de Ta- borne : aussi votre epoux vous regie, et vous dis-
me de I'epouse aux accents de Jesus-Christ, son tribue, selou les temps, la mesure de ses manifesta-
bien-aime, qui vit et regne dans tous les siecles des tions. Voila jioiirquoi vous le cherchez et vous ue j-ot
de I'a
siecles. Amen. letrouvez pas; vous I'appelez et il ne repond pas.

pro voto, nee illo excellenti modo, qui sponsae cum ad libitum : vexatio haec dat intellectum amori, et aug-
sponso competit. Nam ct hie sequilur Qttcesivi, ei non : menta affectuum. Nunc nunc evanescente visi-visitat,
inveni ilium : vocavi, et non respondit mihi. Sed capitu- tatione vexat amicam. Varietas haec amantis cor et
lum hoc alterius lemporis eget Iractactu, ex otio discufi dcsiderium rapit, et reparat adusum. Ut dilectus locutus
volens. Sufficient ista non pro magnificentia sui, sed est, liquescit anima tua. .\nima tua liquefacta deficit,
pro nostris disputata viribus, qualiicr anima sponsa- li- fcrre non valcns et dilectus tuus declinat. Defcctiotua,
:

quescit ad loquelam dilecti sui Jesu-Christi, qui vivit ct fuga ipsius est. Praesenle et loquente dilccto liquescis,
regnat per saecula saeculorum. .\men. deficis, exspiras abscnte eo respirare permitteris. Absens
:

vires reparat, quas praesens exhaurit. Delectalionum


vehementiam intervalla fcmperanf, cujuscontinuationem
SERMON XLV. ferre non potes. Quid conlinuationem dico ? nonne ipsa
te inchoatio reddit exhaustam? Statim enim ut loquitur
dilectus, liquescit anima tua. Denique et in sequentibus
Quasivi et non inveni ilium : vocavi et non respondit dicit Oculi tui avolareme fecerunt. Quomodo dilectum
;

mihi. Invenerunt me custodes civitatis, percusserunf et avolare fecerunt, nisi dum nimio affectu in eum defece-
vulneraverunt me, tulerunt pallium meum, etc., c. runt.'' Modum nescis : ideo dilectus tuus moderatur, et
(Cant. 6, b.) prapsentiae suae mensuram tibi distribuit in tempore.
Ideo quwris, et non invenis vocas, ; et non respondet.
.\ttendite, fratres, vehementiam et vim amoris. Nee
I. Cum tibi fuerit dilectua tuus elapsus, non tibiredit abesse dilectum sustinet, necsufiicit praesenti. Ibi vota
: :

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 251


Considerez, mes freres, la force et la violeuce de 23.) Cachez quelque temps voire face, afin que le
lamour. II ne soutient pas I'absence de celui qu'on triste etat de mon aine m'apparaisse d'une maniere
aime et il ne pent suffive a supporter la joie de sa profitable, soit dans mes meditations, soit dans la
presence. U'un cote, les voeux ardent s soupi- lecture des salutes Ecritures. C'est alors que me
rent apres lui, d'un autre, ils defaillent et s'e- rencontrent les gardiens de la cite, les saints doc-
puisent. heureux amour ! par des changements teurs, lorsque dans leurs ecrits je lis la peinture
qui se succedent sans relache, ou il se liquefie en de mes moeurs. lis me trouvent lorsqu'ils retra- La lectarc
sonbien-aiine;,ou,lecherchant, des
il soupire apres lui. centmes habitudes et mes vices ; ils me frappeiit, saints P^rei
« Je I'ai cherche et ne I'ai point trouve, » dit I'e- quand ils les discutent; ils me blessent, quand ils
est
recommao-
pouse, « je I'ai appele et il ne m'a pas repondu. » lesreprimandent. Les samts ecrivains, comme des dee.
.Ailleurs il est ecrit : « les mechants me cherche- gardiens de Jerusalem, la cite sainte, qui est I'E-
ront, et il ne me trouveront pas ils crieront, et je : glise, recherchent les divers sentiments qui animent
ne les ecouterai pas. « {Prov. i, 28.) Qu'est-ce done les esprits, ils decrivent les passions particulieres,
que cette conduite que Ton tient egalement a I'e- les bonnes moeurs et la maladie dont chacun est
gard des boas et a I'ogard des mechants. Pourquoi, atteint pas une seule pensee de I'esprit qui ait
:

6 bon Jesus, vous derober pareillement aux uns et echappe k leur attention. Toutes les fois queje
aux autres ? Ce n'est pas par indifference, mais en parcours leurs ecrits, je me regarde comme trouve
vertu de motifs bieu divers. Des mechants il est dit et saisi. Leurs exhortations sont des traits qui me
« ils chercheront et ne me trouveront pas. L'e- percent, elles me blessent, quand elles me font voir
pouse ne pense point qu'elle ne le rencontrera pas; atteint de mal ce que je croyais sain et entier.
cedontelle se plaint, c'est qu'elle ne I'a pas trouve. Leurs ecrits enlevent le voile de la dissimulation,
« Je I'ai cherche et ne I'ai point rencontre : je I'ai le nuage de I'ignorance ou de I'oubli, le manteau
appele et ilne m'a pas repondu. » de la fausse gloire. Ils depouillent les ames de
2. que de fois ai-je cherche
le Seigneur Jesus cette dis.«imulation et de cette superbe dont elles se
dans mes meditations, que de fois I'ai-je invoque couvrent comme d'une sorte de pardessus. En met-
dans mes prieres mais ni ma meditation n'est de-
: tant anu le fond de ma conscience, ils m'arrachent
venue douce, ni maexaucee?Je ne
jtriere n'a ele un dehors de gloire faussement affectee. II m'est
I'ai point rencontre, je n'ai point vu ce qui lui ap- tres-utile d'etre ainsi rencontre par ces gardes,
partient, mais ce qu'il m'a repondu depasse toute bien que je nepuisse, au gre de mes desirs, trouver
douceur. Et plaise au ciel qui, dans mes lectures celui que j'aime. iN'apercevant pas en moi de quel
ou mes oraisons, ilme reponde frequemment. Qnil me rejouir, de quoi me reposer, I'amour m'excite,
en soit ainsi, 6 bon Jesus, repondez-moi combien par ces feux, a desirer le bien-aime.
j'ai commis de peches et d'iniquites ; decouvrez- 3. « Filles de Jerusalem, annoncez a mon bien-
moi mes crimes et mes manquements. {Job. xui. aime que je languis d'amour. » De moi-meme, je

anhela laborant, hie exhausta deliquium patiuntur. nio. Tunc me inveniunt, cum meos mores et vltla de-
fcHx amor qui continua quadani vicissitudine aut li-
! pingunt ;
percutiunt, cum discutlunt; vulnerant, cum
quescit in ipso, aut quaerens anhelat ad ipsum. Qucesivi incrcpant. Sacri scrlptores, acsl quidam custodcs clvi-
invenit/lum,ir)qmt, vocaui, elnon respondit mihi.
et 71011 Jerusalem, quae est Ecclesia, varlos animo-
tatis sanctffi
Alibi scriptum est lioc, lioc modo Qucerent me mali, et : rum Investigant afTectus, et inveniunt singulomm
non invenient vocabunt, et non exhaudiam. Quidnam
: passiones, bonos mores, ct morbum quo qalsquc laborat
est hoc quod hoc ipsum tarn commune est bonis et ma- nullius vel cogitatlo non invenltur ab illis. Quoties ilia
ils? Cur indifTerenter utrisque te, Jesu bone subdicis? lego, quasi invcntum me et deprchensum puto. Ilia mc
Verum qu idem non indifTerenter, sod multum difTercnter. exhortalionum jaculls feriunl, ilia vulnerant, dum qnod
De malls dicltur Qucerent, et non invenient. Sponsa
: integrum arbitr.ibar, saucium esse convincunt. Ilia si-
vero non se inventuram dlffidlt, scd non luvenisse mulationis tollunt velamen, ignorantue vel oblivionis in-
causatur. Qucesivi, et non invent ilium vocavi et non : volucnim, falsa? pallium gloria?. Ulaac si palHo quodam,
respondit mihi. sic dlsslmulationis spoliant opcrlmento, ct clationis
2. quoties quaeslvi Dominum Jesum medltando, in- ornamcnto. Ilia me quodam pra'sumpla; fallaciter gloria?
vocavl orando sed nee meditatio effecta est dulcis, ncc
: pallio spoliant, dum conscicntia! dcnudant inlirma. Uti-
pinguis oratio Idco non Invenl ilium, nee respondit
! liter ergo a custodibus in hunc modum invenior, quam-
mihi. Ncc luveni ilium ipsum, ncc sua, sed supra modum vis dilcctum ad votuni invenire non queam. Deniquo
dulcla sunt qua; respondit mihi. At utlnam mihi fre- jam minus in me in quo gloricr, minus in quo
quenter respondeat cum vel lego,veloro. Ita Jesu bone, quiescam inveniens, amoris in dilcctum facibus inar-
responde mihi quantas habeo iniquitales ct peccata, sce- dcsco.
lera mea ct delictJi mea ostende mihi. .\bsc()ndc paulls- Jerusalem, nuntinte dileclo, quia amore Inn-
3. Filire
per facicm tuam, ut mea mihi fccditas sidubrllcr inno- Per mc non andeo acccdcre, noii banc famlliari-
r/ueo.
tescat vel in mcditatione mea, vcl In Icctlonc sacrarum fem mihi pra'sumo, non sui copiam mihi adhuc Jesus
scripturarum. Tunc enimme Inveniunt cyslodesclvitatis, indulgel : idco tilia? Jerusalem ad vos acccdo, vos am-
doctores sancti,cum meos in corum scriptis mores inve- bio, vobis causam commcndo, committo negotium, nun-
:

252 L'ABBE GILLEBEHT.


n'ose pas approcher, je ne puis prendre la liberie lez-vous dans votre chagrin, lant que I'epine vous
d'une telle familiarite. Jesus ne se donne pas en- dechire : avouez votre peche, permeltez qu'on vous
core a moi : voilii pour juoi je viens vers vous, 6 arrachece manteau tromjieur qui recouvre vos in-
lilies de Jerusalenj, je vous sollicile, je vous confie justices ne faites pas effort pour vous parer en-
:

iiion iuteret, je remels entre vos mains I'alfaire core de cet habit d'hvpucrisic. Jesus ne viendra a
qui m'occupe, annoncez-le a celui que j'airae. II vous que lorsque ce voile de tromperie el de dis-
semble ne rien savoir, lant quil se cache. Que simulation que vous avaient lissu une cerlaine
les gardes depouillent, que les fiUes annoncent, que honte et la crainte de deplaire, vous aura ete en-
les docleurs eshortent, que les lilies supplient. « Til- leve. La confusion a convert la face de votre cons-
les de Jerusalem, annoucez a mon bien-aiuie que cience : otez ce voile, remplacez-le par le merile
je languis d'amour. » Annoncez-lui, repelez-lui : et le courage de I'aveu. Car le Seigneur revet la
qu'un souvenir frequemment rappele tlechisse son confession, non la sienne evidemment, mais la
coeur. Deja je suis depouillee deja moi-meme , votre. 11 se regarde comme orne de ce manteau,
j'ai 6te mes habits, je suis propre a revetir celui il vous le prend donnez-le lui, qu'il le receive :

quej'aime. Moname privee de ses vetements et inoc- comrae un gage d'amour et un signe de reconci-
cupee briile d'amour, « annoncez a mon bien-aime liation. Vous commencerez de languir d'amour,
que je languis d'amour. » Mes freres, si les blames quand d'abord les sentiments de la penitence au-
II fant
recevoir en
il'un docteur paraissent vous toucher plus specia- ront rendu votre ame languissante. Alors les fiUes
bonne part lement, atteiiidre expressement votre conduite, met- de Jerusalem vous recommanderont au bien-aime.
la

reprimande
^^'^ ^ ^^^ ^^^ blessures de votre ame, enlever le Alors les esprits celestes et les ames spuituelles, se
des p&steurs. manteau d'une conscience aveuglee ou cachee : ti- rejouissant, publieront que vous languissez d'a-
rez-en occasion d'exciter en vous I'amour, et non mour.
d'y nourrir la haine. Pourquoi s'offenser personnel- II. Nous avons applique, dans de longs commen-

lemeut de ce qui est dit generalement pour tous. taires, ce passage a I'etat de penitence ; tout son en-
Peut-etre ce qui est preche vous regarde en par- semble semble indiquer des sentiments plus eleves
ticulier,mais votre nomn'est point prononce. Par encore et en rapport avec la grace que reclame la
suite d'une reprimande generale, I'essentez la sainte dignite d'epouse. aJel'ai cherche, » dit-elle, «et je
langueurde Tamour, et non la passion dumurmure. ne I'ai point trouve :je I'aiappele et il ne m'a point
Et sivous n'eprouvez pas encore ce doux. sentiment, repondu les sentinelles de la cite m'ont rencon-
:

il vous est bon, en attendant qu'il se fasse sentir, tree. Elle cherche en meditant, elle appelle en
)i

d'etre livre a la honte de vos fautes, d'eprouver priant; quand elle ecoute, elle est rencontree par
les tristesse de la penitence, et les epouvantes du les docteurs, elle est frappee, elle est blessee, elle
jugement qui ebranlent jusqu'a votre chair. Rou- est depouillee. Et pour que rien ne manque dans cet

tiate dilecto. Quasi ignorat, dum dissimiilat. Custodes tus prsetexuit. Operuit confusio faciem conscientiae tua»
spolient, nuntient, doctores exhortentur, exorent fi-
filiae aufer velamen confusionis, confessionis induere. Namet
liae. Fi/ire Jerusalem, nuntiate dilecto, quiaamore langueo. Dorainus confessionem induit, confessionem non suam,
Nunliate, ingerile: frequens suggestio dilectum intlectet. sed tuam. Hoc se ornatum pallio reputat, hoc a te mu-
Jam exuta sum, jam spoliata sum meipsa, jam idonea tuatur hoc illi pallium trade, quod atfectuose toUit
:

dilecto vestri. Spoliata et exocciipata mci^s languetamore, quasi pignus amoris, et reconciliationis signum. Tunc
yuntiaie dilecto, quia ainore langueo. Fratres, si vos incipies amore languere, cum prius pcenilentiae fueris
increpatorius doctoris sermo tangere specialiter vidctur, affectibus languida. Tunc te incipient filiae Jerusalem
vestros expresse ferire mores, mentis vestrae nudai-evul- commendare dilecto : tunc coelestes spiritus et animae
iiera, vel occultatae, vel excaecatsc conscientiae toUere spirituaics congratulantes languorem nuntiabunt amo-
pallium ad incentivum amoris, non ad odii illud in-
: ris.

vertite fomitem. Cur privatam trahis ad injuriam, quod 4. Sed nos ex abundanti superpcenilentiae statu versa-
in commune profertur ad omnes ? Forsitan ad te quod mus hunc locum, cujus tola facies perfectiora quaedam
dicitur respicit, te tamen nominatim non exprimit. videtur spirare, et ejus consona gratiae, quae sponsae me-
Amoris languorem generalis tibi ministret correctio, non retur conditione censeri. Quoesivi, inquit, et non invent
murmuris passionem. Et si nondum dulcis illius amoris ilium : vocavi, et non respondit mihi : invenerunt me
desiderio langues, bonum est si interim langues pudore custodes civitatis. Meditando qusrit, vocat orando au- :

delecti langues poenitentia, si timore judieii confi-


; si diendo doctores invenitur. percutitur, vulneratur, exui-
guntur carnes tufs. Convertere in aerumna tua, dum tur. Et ne quid desit ad cumulum, filiarum Jerusalem,
configitur spina delictum confitere, et operimenti pal-
: fidelium scilicet animarum commendatione adjuvatur.
lium quo injustitias dissimulanter abscondis, sine ut tibi Quatuor hie quaedam adverte, vel in ilia, vel circa illam;
tollat noli pertinacius, noli striclius hypocrisis te pallio
: invcsligationes, vola, praecepta, et preces. Investigationes
operire, involvere tegumento. Non convertetur ad te meditationis , desiderii vota, prcecepta doctorum, et I'

Jesus, nisi simulationis et fallaciae a te fuerit ablatum sanctorum * orationes, Annon doctorumpraeceptaet exhor- a/, socioru
velamen, quod tibi confusio quaedam et displicendi me- tationes frequenter commode sentiuntur ab bis, quos et
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 253
ensemble, elle est aidee par les recomraandations eclats de foudre : ils frappent les sommets, evitent
des filles de Jerusalem, c'est-k-dire, des saintes les has fonds ils recourbent
; et frappent les cimes
ames. Remarquez ici quatre choses, soit en elle, seulement.
La lecture soit autour d'elle la recherche, les voeux, pre-
: les 5. Aussi I'epouse dit : « les gardiens de la ville
des
laints Ptires ceptes et les prieres. Les « investigations » de la m'ont rencontree, m'ont frappee, ils m'ont bles-
ils
recomman-
dee
meditation, les « voeux » formes par les desirs, les see, et ont enleve mon manteau. » lis ont enleve
ce
de nouveau. « preceptes « donnes par les docteurs et les « prie- manteau dont fut revetu Adam en expiation de sa
res » des saints. Les prescriptions des docteurs et chute, apres qu'il eut ete depouille de la splendeur
leurs exhortations ne frequemment sont-elles pas de sa premiere innocence ; ils ont fait disparaitre

recues avec profit, par ceux quepouvaient faliguer ces imaginations, qui, le revetant d'une sorte
d'ha-
une recherche inquiete ou une priere faite avec bit, genaient
au-dedans sa liberte ; ils ont enleve
application? Des voeux tardifs ue sont-ils pas sti- le voile des figures et en ont apporte la realite. Ma-
mules souvent par I'aiguillon de la parole ? Et en- nifestee, nue et simple, cette verite produit la
fer-
tin a des foyers si ardents, les sentiments deja fer- veur de I'amour. « Aussi, filles de Jerusalem, an-
vents s'enflamment encore davantage. « Les gar- noncez a mon bien-airae, que je languis d'a-
diens de la ville m'ont rencontree « Les chefs, bons mour. » La visite qu'on a apercue, tant qu'elle ne
et prudents, se servent d'une facon de parler qui plait pas, ne ravit pas et n'enflamme pas le coeur :

va et vient presque a la maniere des chasseurs, ils avec quelle sincerite que Ton croie jouir de son in-
diversifient leurs paroles selon les positions dif- telligence, on a un voile sur les yeux c'est comme :

ferentes des esprits auxquels ils s'adressent, ils si on etait chassieux, comme sion avait une sorte
cherchent a toucher, a stimuler, a ebranler, afln de bandeau qui couvrit la tete. Aussitot que ce
que parmi leurs auditeurs,
il s'en trouve qui puis- voile est arrache, la verite eclate, elle brille, elle
sent dire : « les gardes de la ville m'ont rencontree, excite I'amour, etcelui, qui eueprouve les heureux
ils m'ont frappe et ils m'ont blesse. » Plus une ame effets pourra alors inviter les autres a le feliciter,
est parfaite, plus facilement elle est blessee ; un en leur disant « Annoncez a mon bien-aime que
:

coeur tendre sent plus vite le piquant des expres- je languis d 'amour. » Voyez la Judee, tant que la
sions. Heiii'cux I'esprit qui recoit les traits si su- verite etait sous i'enveloppe de la loi, tant qu'elle
blimes de I'exhortation, que ces fleches trouvent portait le voile de sa cecite, la crainte la penetrait, Quei est le
accessibles a leurs blessures sans retomber, re- dans son coeur glace, ne pouvait rien sentir et
elle ""1^1®^" ,''"1

pousses par la durete ou le manque d'intelli- n'offrait aucun passage aux traits de la charite. 6 la

gence ! II ne faut pas lancer ca et la ces javelots, ni Mais lorsque, convertie au Seigneur, elle a depose syDagogue.
en toute assemblee, mais la seulement ou Ton pense son bandeau, quand ce manteau lui a ete enleve,
se trouver des esprits disposes que ne depasse pas alors elle a commence a faire entendre les paroles
une doctrine si elevee. Us sont semblables a des de cette confession glorieuse : « filles de Jerusalem,

anxia et sincera oratio poterat lassare ?


investigatio, ginationum operimenta,quibusimpediebatur intrinsecus,
Nonne pigra vota, verborum saepius stiniulis excitantur? pallium figuratum velamen tulerunt, verifatem intule-
Deniquc quoe fcrvida sunt, his fomitibns efficiuntur fer- runl. Revelata, nudata, simplex Veritas gignit fervorem
ventiora. Invenerunt me cmtodes civUatis. Boni et pm- amoris. Ideo filice Jerusalem nuntiate dilecto quia amore ,

dentes magistri vago quodam et quasi venatico genere langueo. Quandiu non placet, non rapil affeclum, non
dicendi utuntur, et varies ad mentium status vcrtunt succendit perspecta Veritas quantum libet sincere se
:

sermonem, si forte inveniant quern tangant, quem sti- frui quis putet aspectu intelligentia', velamen patitur,
mulent, quem permoveant, si quisaudientium gloiielur, operimentum lippiludinis, obductionis pallium. Cum
et dicat I/ireneruni me custodes civitatis , percusse-
: autem ablntum hoc velamen tunc rutilat Veritas,
fuei'it,

runt me, et vulneraverunt me. Quo quis perfcctior est, tunc scintillat, et succendit amorem, tunc
alios ad con-
vulneratur facilius, et tener affectus verborum citius gratulandum, qui hoc patitur, potcrit invitare, dicens :

sentit aculeos. felicem animum, adquem tam sublima Nuntiate dilecto, quia amore kvujuco. Videte Juda-am,
exhortationis jacula veniiint, quem inveniunt suisaplum quandiu sub legis opcrimento latebat Veritas, quandiu
vulncribus: quando non abeunt retrorsura,auditoruni vel tolerabat velamen
cfficitalis ipsa metu torpebat, alFectu:

duritia, vel stolidate repulsa ! Non sunt passim hujus- rigido nil poterat dulcc sentire, nee vuluerari jaculo ca-
modi jacula fundenda, nee in omni multiludine, scd ritatis. Cum autem conversa ad Dominum velamen de-

tantum ubi idoncaj mentes crcduntur inveniri, quastam posuit, cum ablatum hoc illi pallium erat, tunc coppit
excellens doctrina non efTugiat. Quasi fulgura sunt ha^c : gloriosa; hujus confessionis verbum usiirparo Filim :

summa feriiMit, submissa cflugiunt summa inveniunt, ; Jenisalem, nuntiate dilecto, quia amore lanyueo. Tunc
summa feriunt. gloriata de nova; ct insolita; dulcedinis gustu, lilias Je-
5. dicit ; Invenerunt me custodes civitatis, per-
Ideo rusalem ad gratias agendum invilat, et suo gentis con-
cusserunt mc, vulneraverunt me, tuleruntpnlliurn meum. sortes exemplo sollicitat. Audi deniqiie quid tali
Tulerunt pallium, quo involutus crat poenaliter Adam, sollicitatione provocata". respondeant : Qualis est dilectus
prioris simplicitatis splendore nudatus : tulerunt ima- tuus? et qucBremus eum tecum. Videsquomodoparticipes
254 LABht GILLEBERT.
annoDcez a moabien-aime que je laoguis d'a- donne a ce vetement de dessus le titre d'onereux,
mour. » Pleine de gloire, en goutant une douceur il est d'autant plu5 pesant qu'il est moins utile.

nouvelle et iiacomiue jusqu'alors, elie invite lesfilles Car les soins sont moins lonrds qoand rabondance
de Jerusalem a rendre grace au Seigneur, et elle des revenus les adoucit. Malh^ir k moi parce que
excite, par son exemple, les ames de sa nation. qui gardent la ville, ont cm trouver
les sentinelles,

Aussi entendez ce qu'elles repondent a son invita- en moi quelqoe chose qui a semble me rendre di-
tion : « Quel bien-aime? et nous le cher-
est votre gue de subir ce Ds m'ont frappe, ils m'ont
fiardeaa.
cherons avec tous. » Voyez comment, dans leurs blesse, ils m'ont enleve mon manteao, et apres
desirs, elles veulent avoir part a cette foi et a cette m'avoir crible de coups, ils sont partis me laissant
doctrine. Apprenez-nous quel est votre bien-aime a moitie mcart. Ds ont enleve mon manteau. le
et nous le chercherons avec vous. Failes-nous par- manteau de la lumiere, lliabit de la joi<', le vete-
ticiper a tant de graces, afin que, languissantes d'a- ment d'un amour brulanL Que de fois je m'etais
mour, nous commendons a eprouver un vif desir enveloppe tout entier dans ce manteau, je m'etais
-d'aller a sa recherche. Qu'il suffise davoir indique rechauffe dans cette pourpre ? A present, dans mon
en peu de mots, cette interpretation mystique. esprit tout le longdu jour j'embrasse lemneee
et je
6. Reveoons a present au point qui nous 9 foumi que saint Paul considere comme da fdmier. Vmla
I'occasion de faire cette digression, quandnous les manteaux doux et brillants qu'on m'a enleres,

paiiions de rutilite qu'il r a a ce que le manteau pour m'en imposer de pesants. Quand les otera-t-on
soit enleve. Notre point de depart a ete cette pa- de dessus mes epaules? Quand les deposerai-je, si
role : « lis ont pris mon manteau. » Arretons-nous pourtant il m'est jamais permis de ks quitter?
un peu en ce heu, expliquons ce que signifie ce Heureux jour, oil, degage et depooille de cet em-
manteau. Car ce n'est pas le simple manteau dont barras, je vous inviterai avec plus de liberte. 6
! prflatare meme les saintes ames en effet
sont revetues. n est de Jerusalem, a vous rejooir avec m(M. oii
filles

un manteau qui est double, peut-etre triple et qua- vous (qui n'avez pas ^iroave la tristesse que je de-
druple. Combien d'especes de manteaux vous plore en ce moment), nendrez grace en seutant re-
avons-nous montrees? ?i'esl-ce pas ansa un man- nouveler en vous la langnenr de la charite. Mal-
teau bien lourd et bien pesant, que la charge des heur«ux celui, qui, depooille de ce manteau. est
ames et le souci de pourvoir a leurs besoins? Je vous ecrase de chagrin et d'ennui sans langnir d'amour.
eiposerai avec plus de sentiment les propres fati- L'ame qui est epouse. aina dechargee de la charge
gues qu'il me cause. Je sais ce que c"est que d'etre ou de la pratique de ce devoir si rempli de saQi-
sous son poids, moi qui ai recu en parlage ime citude, n'eprouve pas la langueur du degout mais
terre aride et un figuier sterile. Voila deja bien des bien I'ardeur de I'amour. Ansa, elle engage les
annees que je viens, bien plus que je reste la, y autres a se rejouir avec elle et a rendre grace au
cherchant du £mit sans en irouver. Que de fois bien-aime.
cet arbre a trompe notre e^toir, trahi nos efforts, 7. L'tglise primitive, cherchant Jesus-Christ dans
et firustre notre attente? Cest avec raison que je la Judee, ay ant ete repoussee, ne trouvant aucune

£dei hujas et doctriiis oeii geraot in votis. Doceqoafis Nam ooera soDieitodinis leviora sont, goae provenfoam
est ^lectos tnos, et qiunemns earn teeom. Fac nos leiat obeft^. Vs mitii, qood invenerant me costodes
tantae coDsortes gnlis, at qmerraidi stndio amoris ioci- dvitatis, quod ahqoid la me tali dignom ouere se inve-
jHamns affectn langaere. SafGdatiiiterprefailoQeinv^ca nisse patavenmt. Pocosseront me, Tulnetvierant me,
biec perstnnxisse brevifer. tolerant palKnm meom, et pbgis imposite abwnmt se-
6. Jam ad id (cdeamas, cajas ex oceasione in bene mifivo me telieto. Toloimt palWnm meom, faiKnm
sumns Jocnm delqid, dam expo-
ablati pallii aiilitafan simpUcilatis, palliam lads, anuctom Iztitie, ardentis
saimKS. Nam inde est sompta occaiao quod ait : Tmie- vestimentnm affectos. Qooties stddnmhnjosmodipalliis
rwd paffimm mnrm. HsKamns adhoc inolohmi hoc in tofos involvi, foreri In croceis? None antem tola ffie
loco, explicemns hoc palliam. Noo est enim amplex menle amplector et verso, qox Panhis ariutzabir at
paTKam, quo etiam sanctx mentes invtdvontar. Elst enim stercora. Hsc dalcia, baec ^riosa mihi pallia tDleront,
dipkns, id est, dopkx palliam, fortasse et triplex, et ooerosa indoemnt. Qoando hse tidlentaranie?Qaiiido
qoadraples. Qaot \6bk pallioram genera pn^iosaimns? projiciam iuec, si tamen projieere Iket f Felix dies,qoo
AmMm adhoc grave et ooerosmn satis est paUimn ani- hoc exotos et expedltos pallio, libenore vos ad congn-
Burom CDia, i^ adoiiiiistiandc necesdtatis stdDcitodo ? talandom mihl invitabo affecio filiz Jerasakm, cam
Prqpria incommoda expressias loqaar. Novi qaid sit Tos (qox nihil estis experts hojosmodi qaale none de-
hoc pallio proni, qnam arentem a>Kitas som terram, et pk>ro) pro renovalo in virius amoris bi^ooregnlias le-
fiwilnmm sterilem. Jam mnlfi efapsi sont anni, qnod feretis. Mker qnidon est qoi hojosmodi palGo^polialns,
Tenio, imo adsto, qnsrens firoetom in ea, et doo in- mffirore' et moletia tabesdt, nan bngnet amore. Qos
YEoio. Qooties spes nostras etosat, et fefdlit operam, spmsa est, sic spoliata vel officio scdfidtadinis, vd oso,
ei^ectafiaDem nostnm fiustravit ? Jate ooerdsam hoc non bsti^ hnguet, sed amoris stodio. Ideo Ipsa alias
falfinm dko, ^ eo magb ooerosam, quo nunDb olile. adcoogandeadnm sOh etgid&e agendnm dSeiteeaonL
. m ,
;

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. ^5


place parmi ce peuple ennemi, n'y rencontrant honneurs et des dignites qui I'entravent, en sorte
point son Jesus, passa du cote des gentils : elle qu'il ne pent marcherlibrementdansleparti.de
cherclia parmi eus, elle appela, et dans plusieurs Dieu. La sollicitude assombrit dans I'ame toute
d'enlre eux, elle n'obtint et ne recut point d'aiitre honneurs la met-
joie, I'iraagination I'obscurcit, les
I'eponse qii'une reponse de mort. Car comment les tent Dans la premiere de ces choses,
a I'epreuve.
princes de ce monde, comme les gardieus de la sout les tenebres ; dans la seconde, les charmes
ville,ne blessei'ent-ils pas, ne depouillerent-ils itas, dans la troisieme, le travail. Dans la premiere, une
ne dechirerent-ils pas nos saints martyrs des le de- sorte de brouillard; dans la seconde, la cupidite;
but, leur enlevant non seulement leurs biens, roais dans la troisieme, le souci. « Ceux qui gardent les
encore leur arracbant leur propre cbair ? Au fond murailles ont eiUeve mon manteau. » Excellents
d'un tel abime, au centre d'un tel deluge de tour- gardieus, ils ont bien connu a qui il fallait enle-
ments, flamme de I'amour ne s'eteignit pas en
la ver les eaipechements qu'enfantent les soucis
eux, mais au contraire ils en ressentirent un re- I'ame qu'd fallait decharger et rendre plus iibre,

doublement qui les fit languir davantage. Car si pour trouver ses deUces avec I'epous en jouissant
vous leur appliquez le passage que nous expliquons, de lui et en le cherchant. Car souvent ce bien-

ces accents, qu'Ds expriment, n'indiqueut pas la aime s'echappe, et on ne pent courir apres lui
plainte, mais plutot la gloire : u ceux qui gardent qu'avec une ame bien degagee. lis out distingue
les murailles m'ont frappe, ils m'ont blesse, ils ont ces gardes vigdants, ceux a qui il faut epargner
enleve mon manteau. » Pareillement, nous ne de- les fardeaux, les angoisses et les chagrins de la
let pre-
Ine se vons supporter avec peine que les gardiens des vie active, afin de leur permettre de courir avec
eDt pas
murailles nous depouillent de ce manteau de sol- plus de rapidite a la rencontre du Verbe, afin de
« pei
eine
es
nilles de licitude inquiete ou d'administration porilleuse ou jouir de ses embrassements, ils savent a qiu, par
mauvaise qui nous serre avec tant de gene. Elie leui's exhortations, il faut enlever le fardeau
jeta son manteau quand il etait enleve au ciel : pesant. a Je me suis depouillee de ma tuni-
(iv Reg. II, 13.) Joseph s'enfuit quand on le te- que, » dit I'epouse.

nait : [Gen. xxxix, 12.) I'epouse le porta quand 8. C'est ce qu'eUe avait dit dans les passages
on renlevait. Ravi pour contempler la face du Sei-
gneur, Elie jette le vode du reilet et de I'image
qui precedent ; maintenant eUe dit « Us ont en- aJ^nn'ls
leve mon manteau. « L'epoux se decouvre a la sim- am soins et
:
^
Sentant la tentation, Joseph de grandes fuit comme plicite pure et sans melange. II se montre a ceux temporeiies
'*'°' bUiae«.
chai'ges, ornements du monde.
les Dechargee de qui s'adoiment d'un coeur Iibre aux soins de son
tout soin, I'epouse goute avec plus de liberie les amour. « Ils ont enleve mon manteau, » c'est

faveurs de Tepoux. L 'intelligence est retenue comme comme s'Us disaient pourquoi surchau-gee de soins
:

sous un voile qui I'empeche de contempler la pure cherchez-vous le bien-aime ? qui vous a plongee
verite. L 'amour est enveloppe du vetemenl des dans ces ennuis I Si vous n'abandonnez pas entie-

7. cum qnsereret Christum in Ju-


Ecclesia primitira tione quasi velamine lenelur inlellectus, ne sinceram
daea, repulsam passa, non invento ei loco in eis, non contemplelur verilatem. Honorum et dignitalum affectus,
invento ibi Jesu, transivit ad Gentes qussivit in eis, : obvolvitur pallio, ne libere pergat in ea quae Dei sunt.
vocavit, et in multis non invenit, nonaccepit responsum, Sollicitudo omnem in anima laetitiam obnubilal, imagi-
nisi mortis responsum. Denique a principibus hujus natio obscurat, honor tenlat. In prime tenebra', in se-
mundi, quasi cuslodibus cintaUs, quomodo vulnerati, cundo illecebriE, in tcrtio labor. In primo caligo, in
spoliati bonis, laniati corpore, carnis suae exuti pallio in secundo cupiditas, in tertiocura. Tulerunt palli'tn meum
initiisMartyres nostri? Inter tanta et tot flumina et custodes murorum. Boni custodes bene norunl cui :

gurgltes tormentorum non est in eisextincta caritas,sed curarum impedimenta tollant, quam exonerent anima
magis augmc- .to quodam languebant amoris. Jucundum el ad dcliciandum cum dileclo suo reddant expcdilam
plane videtur, ex prajsenti occasione verbi, Martyrum ad delectandum, et ad quoercndum. Nam frequenter ela-
inter tot vexationum
mortis genera caritatcm inde-
et bitur, nee qua?ri potest nisi cxpedito affcctu. Norunt
fessam recolere quomodo
passiones corporis passione in-
: ergo boni custodes, cui parcant ab oneribus et actionum
trinseca tcmperabant amoris. Nam si ad illos hunc angustiis molestiisque, ut cxpeditius in occursum am-
locum referas, non est querelce, sed gloriae vox ista, qua plexumque properent verbi, cui pallium persuasionibus
dicunt : Percitsserunt me, vulneraverunt me, tulerunt aufei-ant suis. Erui me, inquit, tunica mea.
•pallium meiim custodes murorum. Eo modo nos oportet 8. Hoc quidem in anterioribus, nunc autem dicil :

non si quando nos spoliant, vel molestaj sol-


cPgre ferre, Tulerunt pallium meum. Nudae et pura; sc simplicitalis
licifudinis, vel non bonae aut periculosae actionis, quo innotescit, et libero alTcctu inamoris nepotiis. Tulerunt
stricteinvohiauir pallio, custodes murorum. Jecit Elias pallium meu)n, quodammodo Quid compcdita
dicentcs :

pallium dum raperetur fugit Jioseph dum teneretur


: : curis quaeris dilcctum.' Quid istis te convohis molesUis?
sponsa tulit dumtolleretur. Speculi el imaginis velamen Si non penitus deponis ofTicium, cur non soUiciludines
projecit Elias raptus ad faciem. Mundi ornamenla velut ad horam saltern seponis? Non detractamus sludiis, sed
magna oncra fugit Joseph sentiens fomitem. SoUlciludiue insfanliie volumus detrahas. Noli nimietatem quaestus,
cxuta, dilecti liberius capiat spoosa favorem. Imagma- necessitatis verbo praetexere. Quid bonum in le sinis in-

!
,

256 L'ABBE GILLEBERT.

rement votre office, pourquoi n'en pas quitter, au Cest par ces exhortations, ou autres semblables
moinspour unmonient, les sollicitudes? Nous n'at- que les gardiens des murailles ont enleve mon
taquons pas le devoument, niais nous vou'.ons que manteau. Ce sont ces sentinelles dont parle le Pro-
vous vous arrachiez a trop dapplication. Ne de- phete Isaie Sur tes murs, Jerusalem, j'ai place
: n.

guisez pas sous le nom de necessite la grandeur des gardes, ils ne se tairont ni le jour ni la nuit. /*.
du gain que vous desirez. Pourquoi laissez-vous Lxir, 6.) Pour nous, taisons-nous en ce moment :

etouffer en vous, sous les preoccupations terrestres, suspendons ce discours payons a Dieu le tribut ,

un esprit qui etait bon? Pourquoi rivalisez-vous de nos prieres de nos louanges, gardant le si-
et

avec ceux qui, places dans les hooneurs, sout sem- lence de la bouche, mais chantant toujours d'es-
blables aux animaux, soupirent apres les biens de prit la gloire et les grandeurs du Seigneur Je-
la les rongent, les ruminent avec soin, les
terre, sus, le roi et I'epoux celeste dans les siecles, des
devorent dans leur grande atfectiou ; et qui, places siecles. Amen.
dans des posies eleves, se roulent dans la terre ?
Ne les imitez point dans leur ardeur
ne cherchez , SERMON XLVI.
pas a commettre la meme
Nest-ce pas
iniq\iite.

une injustice et uu grand renversement que de Je vous en conjure, 6 fiUes de Jerusalem, si vous ren-
s'appliquer beaucoup aux choses de la terre, et de contrez celui qde j'aime, annoncez-lui que je lan-

negliser celles du ciel ? Quavons-nous encore a guis d'amour, etc. (Cant, t, 8.;

dire quand ils ne s'appliquent pas toujours a leurs


affaires Quand nous envoyons, sous pretexte qu'U
"? i. Cest un ordre convenable. Apres les exhorta-
faut pouxvoir aux necessites, se dispenser du tra- tions des docteurs, I'epjuse semble demander a ses
vail des mains, de la meditation et de I'etude ; va- compagnes les secours de leurs prieres : elle ne les

quer au uegoce plus quau repos, s'adonner a la prie pas seulement, elle les suppUe, eUe les conjure.
bouifonnerie des paroles plus qu'a la transcription « Je vous adjure, ofilles de Jerusalem, si voustrou-
de I'Ecriture Sainte, se livrer a loisivete plus quau vez mon bien-aime, dites-lui que je laiiguis da-
travail ? Oisifs, curieux et bavards, ils parcoui-ent mour. » L'adjuration indique I'ardeur de la priere.
les cellules des freres et les lieux oulon travaille. Les desirs violeuts ne se contentent pas du credit de
N'imitez pas les religieux qui travaillent ou se re- leurs merites. Pour ce motif Us implorent le con-
posent de la sorte. Les loisirs qui vous sont offerts cours de la priere des autres. Lhumilite parfaite a
ou que vous vous procurez, consacrez-les entiere- toujours une haute idee des merites des autres. • Je
ment a I'exercice de lamour, a de lala meditation vous en supplie, 6 lilies de Jerusalem, » dit-elle,

sagesse, au soin de courir apres Tepoux, ou, si vous tt si vous rencontrez celui que je cheris.n Cette con-
I'avez trouve, a la joie de vous livrer a sescaresses. dition, ainsi exprimee, ne contient pas un doute.

genium terrenis obrui?Quidillos semularis, qui in hono-


ribus positi, jumentis comparantur, terrenis inhiant, SERMO XLVL
terrena mandunt, studio rumiaant, vorant affectu, po-
nuntur in sublimi, sed volutantur in limo ? Noll aemulari
Adjure vos fiiiae Jerusalem, si inveneritis dilectum, ut
annuncietis ei, quia amore langueo, etc.
in istis vehementijbus nee zelaveris banc facienles ini-
;

quitatem. Annon iniquitas et inaequalitas multa, ad tran- Cant. 5, c.


intensum impendere animum, ad
sitoria aeterna remis-
sum? Quid quod non semper intendunt negotiis? Quid i. Ordo conveniens. Post exhortationem doctorum,
quod quidani sub obtentu pro-videntia necessitatis, et ab orationum a sodalibus sufTragia ndetur rogare nee sim- ;

opere manuum, a meditatione ac studio scrutandae ve-


et pliciter rogare. sed cum obsecrationis obtestatlone : -

ritatis excusant se plus dant negotiationi quam quieti;


;
Adjwo vos filicE Jerusalem, si invenen'tis dilectum, ut
plus scurriiitati verborum, quam scripturae sacrae colla- annuncietis ei quiaamore langueo. Adjuratio vehemen-
tioni plus otio quam operi? Fratrum ofTicinas circu-
;
ticunprecandi manifestat, Ajixia vota suis nesciunt esse
meunt et cellas, otiose, curiose, verbose. Noli aemulari contenta meritis ideoalienae precis mendicant sufTragia.
:

in sic negotiantibus, nee in sic otiantibus. Otia.veloblata Perfecta humUitas de meritis semper ailienis praesumit.
vel purata, in usum amoris, in sapientiae meditationem, Adjuro vos, inquit, filice Jeru-mlem, si uneneritis dilec-
in dilecti vel quasrendi studium, vel inventi complexum tum. Conditio ista non dubitantis est, sed temperamen-
tola converte. His et hujusmodi hortamentis tulemnt tum rogantis : acsi dicaf, si invenen'tis, hoc est cum in-
pallium meum custodes murorum. Custodes isti sunt de veneritis : conditionaliter suspendo, non ambigens de in
quibus ait Isaias -.Super muros Jerusalem custodes cons- venUone vestra, sed magis consulens verecnndiae. Nam
titui, iota die et tola nocte non tacebunt. Sed nosjamhic sub conditione ancipiti haec vobis dici temperantins au-
taceamus ; taceamus a sermone hoc, orationum et lau- ditis, quam si dicatur praecise, cum inveneritis. Non ve-

dum debita soUentes, ore aliquando tacituri, animo retur ne suspensi\-am rogalionem ad injuriam trahant :

semper reddentes sollemnia laudum Domino Jesu norit verecundiam filiarum Jerusalem, novit hnmilem
Regi et sponso coelesti per infinita saecula s«culorum, spiritum, et quod tenerum pudoremplus laederet praecisa
Amen. difOnitio. quam suspensa conditio. Si, inquit, inveneritit
;

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES C.OsTIQUES. 257

c'estune attention de celle qui prie en disant « si : I'heure s'en glorifier, il n'est pas expedient qu'il le
Tous rencontrez,)) cela veut dire, quand yous aurez fasse, dans la crainte que ce vainorgueilnelui fasse
trouve si j'indique une condition qui parait sus-
: perdre ce qui produit sa gloire. en estquelques- 11

pensive, ce n'est pas que je doute du succes de vo- uns cependaut qui, dans I'esterieur de leur conduite,
tre recherche, c'est pour user d'une retenue phis et dans les accents de leur bouche, ne pen vent ca-

grande. Vous ecoutez avec plus de calme une for- cher la langueur du saint amour quits portent en
mule qui sent I'incertitude, vous ne soulTririez pas eux. Les levres de celui qui aime ne pen vent par Les indices
que Ton dit avec precision quand vous aurez trou- : moments s'empecher de trahir les sentiments crue
^
^^ I'amour
pen\eDt a
ve le bien-aime. L'epouse ne craint pas que ces son cceur eprouve. Car pour la consolation des au- peine etre

saintesames prennent en ruauvaise part, une priere tres, lesprit de charite, qui remplit son interieur ''^P'""^®"

qui parait retenue par une condition incertaiue elle : fait jaillir au-dehors une parole secrete, et repand
connait la modestie des filles de Jerusalem, ellecon- I'odeur de la grace qui parfume le coeur. En ce lieu,
nait leur humilite, elle salt qu'une indication precise ce n'est pas l'epouse qui parle, c'est I'esprit qui
les blesserait plus qu'une maniere de parler condi- parle en elle. Les soupirs qui se font entendre dans
tioneUe et incertaiue. « Si vousle trouvez, » dit-eUe. les colloques sacres, les sanglots qui partent du
Je dis ; « Si vous le trouvez : » je ne dis pas : quand fond des entrailles, les gemissements frequents
vous I'aurez trouve. Jeformule la premiere de ces tous ces signes ne sont-ils pas comme des exhalai-
pensees, en voulant exprimerla seconde.Celteespece sons de I'esprit et de la grace qui sont au-dedans?
de doute ne vieut pas de mon cceur, je parle de la C'est ainsi que se manifeste au-dehors la langueur
sorte par egard pour les sentiments de basse estime causee par I'amour. Cette maladie n'est pas cachee,
que vous avez de vous-meme. « Si vous le trouvez,» quand le gemissement est entendu. Elle se revele,
quand vous le trouverez, souvenez-
c'est-a-dire, quand elle produit ces srmptomes. Que dire de ces
vous de moi, lorsque ce bonheur vous ai'rivera a : signes quand ils se font apercevoir ? iS'ont-ils pas
ce moment heureu5,souvenez-vous de dire etd'an- la force de provoquer I'admiration, et d'amener ceux
noncer mou amour au bien-aime. II ne faut pas in- qui les voient a exprimer les sentiments de congra-
sisterdavantage pour expliquer cct endroit : je tulation ? Quand meme la bouche se tairait, la sain-
vous appelle, mes freres, a vos habitudes. tete d'une vie pieuse eclate en prieres. Elle com-
2. Souvenez-vous avec C[uel!e humilite vous sol- mande I'estime quand par des mar-
elle se revele

uns des autres, avec instances et avec sup-


licitez les ques exterieures. Car lorsque jesaisis en quelqu'un
plications, lesoulagement de vos prieres non que : cet amour celeste, est-ce que je ne me regarde pas
vous osiez prononcer que vous etes languissants d'a- comme supplie de rendre a Dieu de vives actions de
mour il est une autre langueur dont vous vous
: graces pour lui? Quoi I je ne vanterais pas avec de
plaignez ; ce n'est pas de celle que cause Famour tendres prieres, cette langueurd'une ame que mani-
que vous tirez gloire. Et si quelqu"un pouvait sur feste uuprofondgemissement?Je suisbien dui', sije

Dico, si inveneritis; non dico, cum inveneritis. lUud se prodit languor amoris ! Non est occultatus languor,
dico, sed istud infelligo. De nieo affcctu dubitafio ista quando gemitus non est absconditus. Ipse se prodit lan-
non prodit, sed afl'ectui vestroet huniillimae existimationi guor, cum ha-c producit indicia. Quid ergo perccpta
de vobis ipsi morem gero. S« inveneritis, hoc est, cum signa ? Nonne quamdam admiiationis vim hahent, ut eos
inveneritis, mementole mei, ut suggeiatis, ut annuncie- qui hffc deprehendunt, ad congratulationis permovcant
tis dileclo. Non oportet in liujiis loci disputatioae mo- affectum? Eliamsi sermo sileat, conversationis pia^sanc-
rari ad mores vestros, fratres, vos mitto.
: titas rogat. Commendari mjU, dum se quibusdam prodit
2. Recolite qualiter ab invicem, quam liumili affectu, indiciis.Quid enim ? Cum in aliquo coelcstem hunc de-
quanta votorum instantia, et cum adjuratione, orationum prehendcro amorcm, non me quasi adjuratumputem, ut
mendicatis solatia non quod omnes auderetis petere
.• propensas pro eo gratias agam? Num conimendabo pre-
nunciari de vobis quod sitis amore languenles alium : cibus piis conceplum languorem, qucm gemitus altus
soletis invicem languorem deplorare,nongloriaride isto. prodit ? Durus ego si non tarn sanctam ct divinam in
Et si potest quis ad horam gloriari, non expeditquidem, fratribus passionem qua possum' orationis instantia fo-
ne forte immissione inanis gloria? gloria vestra nihil sit. veam, supplicatione commendem, repliccm el annunciem
Sunt tamen nonnulli, qui et conversationis indicio, et dilecto, si copia dctur. Quid tu, qui fratrum mavis vitia
I oris officio, divini in se languorem amoris occultare non numerare quam virtutes, damna quam dona, condem-
possunt. Concepta vota non potest non aliquando amantis nare quam commcndare? Si tc ad commondationem ad-
OS parturire. Nam ad aliorum consolationem verbumla- juralum non sentias, non esjam Jerusalem filia, sedTdia
tcnter elicit spiritus interiora replens, infusae gratiae co- Babylonis. Filia Habylonis miscra, quis rotribuct libi
piam eructat. Dcnique ct in hoc loco sponsa non loqui- rctributionem istam ? Rctribuelur cniui tibi. Dcdiscc Ba-
tur, sed Spiritus est qui loquitur in ilia. In coUationi- bylonis filia esse, barbaros depone mores. Uesinc in san-
bus Sanctis suspiria, singultus de imis prodeuntes pra;- tis numerare niagis detrimenta, quam lucra. Sufliciattibi
cordiis, crebri gemitus, nonne sunt quaedam eructatio- vel numerandi malitia. Noli s;Utein foris nuuciaro, noli
nes spiritus et concepts gratis? Talibus indicUs noone prujdicai-e sodalibus tuis. Nam sodalcs sponsi aulcm non

T. V. 17
258 L'ABBE GILLEBERT.
ne favorise pas, avectoute I'instance possible de mcs opprime, malheur qui lui enleve ses biens, I'in-
le

vceux, cette sainte et divine maladie dansmes freres; solence des ennemis qui rallaquent. Exposer, dis-je
si jene la recommande pas au Seigneur par mes ces maux a un homme puissant, n'est-ce pas le He-
supplications, si je ne I'annonce et ne la raconte chir par une sage priere, et ['engager a
y porter re-
point au bien-aimc, a supposer que j'en trouve le mcde?Que de fois Psaumes vous rencon-
dans les
moyen. Quoi aimeriez-vous mieux voir votre frere
! ti'erez cette maniere de prit^r? Dans I'Evangile, Ma-
compter des vices que des vertus, sentir des pertes rie dit a Jesus : « lis n'ont pas de vin. {Joan, ii, 3.)
plut6tque recevoir des dons; vous prefereriez le Elle ne prie pas son Seigneur, elle ne commande
condamner plutot que le louer? Si vous ne vous pas a son Fils; elle se coritente de lui signaler le
sentez point conjure de le I'ecommander a Dicu, manqiae de vin. C'est ainsi qu'il faut agir envers
vous n'etes plus une fille de Jerusalem, vous etes ceux qui sont bienfaisants et portes a la liberalite.
un enfant de Babylone. Fille malheureuse de Baby- La grace ne doit pas etre demandee avec violence,
lone, qui vous rendra ce que merite un pareil senti- il nefaut que lui montrer I'occasion de se faire sen-
II faut ment? Car on vous le rendra. Desapprenez a etre tir. Yaiitez l'epouse ii I'epoux, faites-iui I'enumera-
compter ou
publier les fille de Babylone, quittez ces habitudes barbares. tion de ses qualites. N'est-ce pas enilammer ses de-
tertus de ses
frires plutot Cessez de compter dans les saints les pertes plutot sirs, n'est-ce pas lui en faire sentir les aiguillons?
que que dons de la grace. Contentez-vous de la ma-
les «Annoncez a mon bien-aime.)) Lui annoncer, c'est
leurs vices.
lice qui vous les fait supputer. Ne les annoncez pas le provoquer a rendre la pareille, I'exciter a rauimer

au-dehors, ne les publiez pas devant vos compa- une ame qui languit d'amour. 11 a prepare dans son
gnons. Car les compagnons de I'epoux ne vouspre- coeur les consolations qu'il se propose de distribuer,
tent pas I'oreille, si vous dites du mal de I'epouse. mais il attend d'etre contraint par nos
priercs. Ce
L'epoux, lui aussi, entend avec peine les propos qui qu'il fait, il nous frappons a la porte de
le fera, si

attaquent son epouse. A quel que per sonne que vous son coeur, avec plus de promptitude et peut-etre
vous adressiez, c'est a I'epoux que vous parlez : car avec une aboudance plus genereuse. Ce delai me
I'oreille de la jalousie entend tout. {Sap. i, 10.) 11 cause du tourment, peut-etre me prepare-t-il le
est temeraire de condamner I'epcusj devant son comble de la consolation. SoUicitee par des prieres
bien-aime ; il prefere qu'on lui en dise du bien, et multipliees, sa bonte repandraavec plus de largesse
11 accueille avec beaucoup plus de faveur les elo- les consolations que j'attends. « Annoncez a mon ce q
ce
ges qu'on lui en fait. bien-aime que je languis d'amour. » Annoncez-lui,
lang-
3. L'epouse le salt : aussi elle dit : « Je vous en vous a qui est ouvert aupres de lui un acces fami-
conjure, filles de Jerusalem, si vous rencontrez le lier. Parlez-lui, vous qui avez eprouve combien
bien-aime, annoncez-lui que je languis d'amour. languit le coeur qui aime, combien, a I'instar de la
Annoncez-lui, » dit-elle, ann oncer c'est obtenir mort, la charite est forte, combien la jalousie est

I'effet de la priere. Rappelez-vous comment se fait durable i I'imitation de I'enfer. suppUe « Je vous
la priere dans les habitudes de la vie humaine. d'annouceramonbien-aimequejelanguisd'amour.))
Eiposer b. un N'est-ce pas vrai que rappeler a un riche plein de Racontez-lui, et annoncez-lui, il ecoutera votre
ami le besoin
on I'on se
misericorde, la misere de quelqu'un, c'est le prier ? voix et comblera mes voeux, « Annoncez-lui que je
tronve, c'est C'est adresser une sollicitation bien efficace que languis d'amour. » Cc n'est pas I'amour qui languit.
le prier avec
EUCC&S. d'exposer modestement la faiblesse de celui qui est c'est celui qui aime. Ou se fait sentir I'amour, Ik se

accomodant deroges sponsse. Ipse sponsus segre audit


si tem propensis ita agendum est. Non est enim gratia vio-
injurias dilectae.Cuicumque dicis, illi dicis Auris enim : lenlcr e.xprimenda, sed proponenda occasio. Coinmenda
zeli audit omnia. Temerarium est dilectam condemnare sponsam sponso, dotes ejus enumera. Nonne hoc est
dilecto bona sibi mavult nunciari de sponsa, et com-
: ejus intlammare concupiscentiam, stimulos adhibere?
nfiendationi promptius autem praebet. Nunciate dilecto. Hoc nunciare, ipsum provocare est ad
3. Novit hoc sponsa ideodicit Adjuro vos filia Je-
: : rependcndam vicem, ad refocillandum amore languen-
rusalem, si inveneritis diledum. ut annuncietis ei, quia tem. Ipse consolationes disponit in corde suo, sed nostris
amore langueo. Ut annuncietis, inquit. Annunciatio pre- expectat precibus compelli. Quod facil, faciei citius no-
cationis tenet effectum. Humanum recogitate morem in bis pulsantibus, fortasse et uberius. Dilatio haec cruoia-
rogando. Nonne apud miseratorem alicujus commemo- tum mihi parit, sedconsolationisparturit cumulum. Mul-
rare miseriam, ipsum rogare est? Eflicax precatio est tiplicatisprecibus exspectata solatia uberius refundet.
modesta suggestio, oppressi infirma exponere, fortunae Nunciate dilecto, quia amore langueo. Vos nunciate, qui-
infelicilatem,insolentiani hostium. Haec,inquam, exponere bus patet ad dilectum familiaris accessus. Vos nunciate,
in aure potentis, quid aliud est quam ipsum verecunda quae estis experlae, quanta sit amatori virtus languoris,
quadam prece ad auxiliandum inflectere? Quot in locis quam sit fortis ut mors dilectio, quam sit ut infernus
apud Psalmistam iiunc precis moduminvenies? In Evan- aemulatio dura. Adjuro vos ut annuncietis dilecto, quia
gelio inquit Maria ad Jesum Vinum non habent. Non : amore langueo. Narrate vocem
et annunciate, et exaudiet
precatur Dominum, nee imperat fdio, defectum vini tan- vestram, ut refoveat vota mea. Annunciate quia amore
tum Dunciasse contenta. Cum beneficis et ad liberalita- langueo. Non languet amor, sed languet amane. Ubi vi-
;

SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 259

fait sentir la langueur, si que Ton aiine est


I'objet plus de force cette langueur, delecte, feprouve, de-
absent. Quelle est cette langueur, sinon una aflec- faillant en la meditation de son Dieu. puissante
tion qui accable celui qui aime, a cause dc I'eloi- et tres-puissante force de la charite! Si elle n'estpas
gnement de celui qu'il cherit? temperee, elle ne pent etre soutenue. Energie vrai-
imour, k. L'amour violent blessc a la fois le corps et ment puissante, quand elle a saisi Time, elle I'em-
ad il est
olent, I'ame de celui qu'il atteint. II abat les fougues du peche d'etre maitresse d'elle-meme. Une fois en-
)dait la
corps : il retient la joie de I'ame. 11 reprime les tlamme dans le coeur, ce feu court avec force d'une
-near du
corps raouvements de la chair : il tempere la gaite de extremite a I'autre : il opere ce pourquoi il vient,
e rime.
I'esprit par une certaiue tristesse produitt; par le de- il prospere; il croit, et ne s'arrete que lorsqu'il a
sir bien-aime absent. La chair languit,
de revoir le rendu Tame defaillante. Car, de meme que la lan- L'amour
s'enflamraa
quand son appetit est plus faible et moins aiguise, gueiir qu'eprouve le corps n'est pas toujours d'egale
davantage
I'esprit languit, lorsqu'il est accable par I'exces de intensite, mais fait ressentir parfois des impressions dans la
prifere.
I'ardeur de ses desirs. Dans la langueur de la chair, plus vives, ainsi le sentiment de l'amour, encore
il ne faut pas voir autre chose que ces revoltes que par un desir incessant il tende vers le bien-
etouffees ou presque otouflFees la langueur de I'es- : aime, concoit des ardeurs plus vives, surtout au
prit est son mouvement trop precipite. La chair moment de la priere. Celui qui eprouve cette affec-
n'est-elle pas meme que
ti-es-affaiblie par cela tion, languit, parce qu'un soufUe enflamme passe
Tame, amour, tourne ses affec-
se separant de son en lui, et ilnesubsisteplus. Quand cette heure s'est
tions d'un autre cote? La revolte du corps ne se fait ecoulee, il peut dire : « Fillesde Jerusalem, annou-
plus sentir, quand il supporte a peine les ardeurs cez a mon
bien-aime queje languis d'un amour
de I'esprit devenues trop brulantes. Quelquefois qui a liquefie mon ame. Avant ce moment sacre,
meme, il ne pent plus soutenir le poids de I'ame, c'est lalangueur qui se fait sentir, et quand il ex-
quand un amour trop enflamme opuise les puissan- pire, la langueur se change en liquefaction. Voili

ces du coeur embrase de ces feux. Quelle est I'ame pourquoi, lorsque vous priez, ne laissez pas votre
humaine assez forte pour en supporter la violence, esprit s'agiter a tout souffle, se tourner vers des
quand cet amour celeste fait eprouver ses secousses pensees etrangeres ; afin que lorsqu'il recevra cette
puissantes a I'epoux, a un degre presque intolera- bienheureuse impression, il se replie vers elle pour
ble? Liquefiee dans cette epreuve, I'ame se fait en etre plus penetre, plus sillonne en toutes ma-
elle-meme, ne pouvant contenir I'exces de l'amour nieres et plus consume. Car elle ne s'arretera pas
qui la devore. Et ainsi, leur aliment consume et parcouru et comme imbibe tout I'e.'^prit
qu'ftUe n'ait
sur le point de disparaitre, les incendies de ce feu de I'homme. Ainsi Daniel, I'hommedes desirs, lan-
commencent a se calmer. Et notre Dieu est un feu guit apres sa vision celeste, tellement qu'il ne resta
qui consume. {Deut. iv, 2/|.) II comprend parfaite- pas de forces en lui. {Dan. x, 8.) Cette emotion vio-
ment la force de ces paroles, celui qui eprouve avec lente calmee, I'epouse revient a un etalde langueur

get amor, ibi viget languor, si absit quod amatur. Quis non temperatur, non toleratur. Jure potens, quae ani-
est bio languor, nisi affeclio quaedam de absente dilecto, mum quem possedcrit, sui ipsius efficit impotcm. Cum
amantem conficiens? semel fuerit accensa in mcnte, attingit a fine usque ad
4. Amor vchcmens patientis simul afficit et carnem,et finem fortitcr facit ad quod
: venit, cl prosperatur, et
mentem. Illius cxtinguit lasciviam : hujus et laetiliam crescit, nee deficit donee deticicntom reddidcrit aiiimam.
prffistringit. Cainis extinguit motus : mentis hilaritr>tom Sicut enim hie corporalis languor non est semper acqua-
prajstringit quodam tristi airectu, et desiderio absenlis lis vehcmenli;e, sed est aliquoties ejus intensior passio
dilectf. Languet caro, dum ejus languidior et remissloi' sic etamoris atTectio, etsi jugi desiderio se lendit in di-
motus cfficitur languel animus, dum a!stuantis voti
: lectum, aliquando quidem intcnsioribus votis cxajstuat,
nimietale conficitur. Cavnis languor est motus ejus, vol hora orationis maxime. Tunc quidem languet amans,
nullus, vel perexiguus anima; languor est motus ejus
: quia spiritus vchcmens pertransit in illo, et non subsis-
nimius. Nonne eo ipso caro conticitur, quo mens abs- ts. In exitu bora; illius diecre potest Filicv Jerusalem, :

tracta ab ejus amore, in alia quffidam avcrtitur? Carnis nunciate dilecto quia amore liqtiesco. Ante banc horam
motus non sentitur, dum animus
vchcmentior factus vix languor est, sed in exitu ejus in liquefactionem verfitur
sustinetur. Aliquoties quidem nee
sustineri potest, quo- languor. Ideo cum lu oras, non sinasaninium fluctuare,
do nimius exaestnans amor patientis animi vires exliau- non dcelinarc ad alia ut cum fclici fiieril liac passione
:

rit. Qnai est enim humanaj mentis fortitude ut sustineat tactus, ad illam se slringal, donee plenius inticiatur, et
cum eam ille coelcstis amor sponsi impatienter exagitat.^ percurratur, et consumalur. Non enim desinct quous-
Liqucfactus in hac exercitatione so fugit animus, amoris quc totum porcurrat et ebibal bominis spirilum. Sic vir
violcntiam ferrc non valens. Sic enim in consumpta ma- desidcriorum elaiiguit Daniel ex visionc ccelesti, ul nihil
teria et jam dcflcicnte, languidiora redduntur ignis in- vir.um remancrct in ipso. (",uni perlransierit ilia vchc-
cendia. Et Deus nosier ignis consumcnsest. Scntit om- mens passio, ad tolcrahiliorem queuidam et humanuui
nino vim scrmonis hujus qui vchemcntiori languet af- magis langiiorem sponsa redil, qui ci conliuuus est, quia
feclu, m meditationc Dei sui dclcctatus, et (^xcrcitalus, tain concilalus non est. ITie plane eisi iion deficit, l;ibea-
et deficiens. potens et praepotcns passio caritatis si ! cit famen abscntis amore dilecli. Bonus bic languor,
260 L'ABBE GILLEBERT.

plus supportable et plus selon la nature del'liomme, mediaire de vos amis, la vertu qu'elle tire de vous.
langueur continuelle parce qu'elle est moins exces- Le centurion le comprit, quaiid il dit : u Seigneur,
ne defaille pas entiereraent, elle se des-
sive. Si clle dites seult-ment un mot et monserviteur sera gueri.
seche en aimant lepoux absent. Bonne langueur, Toutc formule d'enseignement sera vide neanmoins,
sous rinfluence de laquelle ratiection charnelle se si vous ne parlez pas au-dedans. Proferez une syl-

meut a peine. Autre cbose est qu'un mouvement labe et ma


langueur sera guerie; peut-etre qu'au
impetueux de la chair, s'elevant avec violence, soil son de votre voix une langueur se fera sentir en
reprime par une force superieure survenue a I'ins- mon cceur, pour que moi aussi j'ose' dire « Filles :

tant; autre chose que, languissant et comme expi- de Jerusalem, annoncez a mon bien-aime que je
rant, il fasse sentir les faibles atteintes d'luie tenta- languis d' amour. Voila deux bonnes langueurs,
tion pour ainsi dii'e mourante. soit celle qui est violente et comme surexcitee,

Langneurs 5. eunuyeu-
Je connais encore d'autres langueurs soil celle qui est temperee et continue : avec cette
diverses.
ses et cependaut toutes utiles la langueur de la : difference que celle-ci n'est pas durable en ce qu'elle

crainte, la langueur de I'ennui, la langueur de la retombe souvent sur elle-meme, s'elevant par I'ar-
tristesse. Pourquoi ne serais-je pas consume de deur d'un desir violent qui ne se retient pas. Elle Q^^Yin .

crainte et de chagrin au souvenir dune vie passee ne change pas jusqu'ii ce qu'elle defaille de nou- laogneo

dans le mal ; de crainte, a cause de la facilite que veau. Si ayant aime un moment, vous eessez en- lanw
Ton trouve de se prendre aux pieges qui rempUssent suite, ce n'est pas de I'amour : si vous aimez et si

le cours de I'existence; d'ennui, en passant des jours I'absence du bien-aime ne vous fait pas secher de
qui s'evanouissent comrue Tombre. Car « tout regret en le sachant eloigne, ce n'est pas de la lan-
homme une grande vanite. {Ps. xxxviii,
vivant est gueur. Done, pour que I'amour soit langueur, il

6.) Seigneur, fasse le ciel que quelques lilies de lui faut ces deux choses, et la continuation et la

Jerusalem vous annoncent mes langueurs, s'il s'en souffrauce. « Annoncez-lui, » dit I'epouse, « que je
trouve en moi qui soient dignes de vous etre rap- languis d'amour. » Ceux qui eprouvent des infir-
portees. Car y en existe plusieurs qui ont besoin
il mites veulent que leurs langueurs soient annoncees
d'etre gueries, heureux serais-je, si quelque cen- au medecin : ceux qui seutent les coups de I'a-

turion celeste vous disait « Maitre, mon servi- : mour desirent que Ton en fasse part a celui qu'ils
teur est couche dans ma maison saisi de paralysie, aiment : les premiers pour en etre gueris, les se-

et il soufTre beaucoup. Oh Seigneur, si aussitot conds pour les augmenter et les renouveler. Desirez,
vous repondiez : « Je viendrai et je le guerirai! mes freres, cette langueur meilleure que provoque
{Matlh. VIII, 6.) Prononcez une seule parole et je se- le desir du bien-aime, langueur que refait et con-
rai delivre de tout mal. Vous etes present par vo- sole sa presence lorsqu'il se fait voir de nouveau,
tre parole, vous qui etes le Verbe. II y a une grande lui, le Seigneur Jesus, epoux de I'Eglise et de I'^ime
vertu pour guerir dans cette parole, qui n'est autre sainte, qui vit et regne dans tous les siecles des sie-

que vous. Seigneur, et qui fait sentir, par I'inter- cles. Amen.

per quem camalis affectus se languide movet. Aliud est ego dicere audeam Filice Jerusalem, nunciate diledo
:

si impetus carnis fortiter surgens, fortiore superveniente quia amore langueo. Bonus uterque languor, sive vehe-
reprimitur aliud si languens et quasi expirans mori-
: mens et concitatus, sive tiic continuus et temperatus :
bundo pulsu molliter tentat. nisi quod in eo iste continuus non est, quod frequenter
5. Sentio adhuc alios quosdam Janguores molestos, revertitur ad ipsum, propter incontinentiam ardentis de-
omnes utiles tamen
languorem timoris, languorem taedii
: siderii excrescens, et non se compescens. Non converti-
languorem Quidni consumat limore et mcerore
tristitiae. tur donee deficiat iterum. Si ad horam diligis, et post
prae conscientia nequiter transactae vitae fimore pro fa- ; horam desistis, non est amor si diligis, et ex amore
:

cilitate lapsus vitae inter laqueos agendae, vitae taedio, in absentis dilecti non est languor. Ut ergo
non tabescis,
imagine per transeuntis vita? ? Univema enim vamtus om- amor languor sit, habeat utrumque, et continuationem,
nis homo vivens. Utinam tibi Domine aliquae liliae Jeru- et confectionem. Nunciate, inquit, dilecto quia amore
salem nunlient languores meos, si qui sunt in me, qui langueo. Qui in infirmitatibus sunt, languores nunfiari
commendari tibi digni sint. Nam multi sunt in me in- volunt medico quae dilectionis sunt, amico
;
illi qui- :

digentes curari. me felicem, si aliquis Centurio cce- dem ut curentur, isti autem ut recreentur. jEmulamini,
lestis dical tibi : Domme,puer meus jacet paralyticus in fratres, meliorem huuc languorem, quem sicut absentan-
domo, male torquetur. Utinam Domine statim res-
et tis se dilecti desiderium creat, sic se praesentatis delec-
pondeas Ego veniam, et curabo eum. Die Domine ver-
: tatio recreat Domini Jesu, sponsi Ecclesiae
animae et
bo, ct sanabor. Verbo enim ades, quia Verbum es. Ma- sanctae, qui vivit et regnat per omnia saecula saeculorum.
gna curutionis virtus in Verbo, et quod tu es Domine, Amen.
et quod a te per tuos est. Sensit hoc Centurio qui dixit:
Domine die tatdmn verbo, et sanabitur puer meus. Sed
vacuus est tamen omnis sermo docentis si tu Domine :

intus non loquaris. Die verbo, et sanabitur languor meus,


forte et generabitur in me languor te loquente, ut et
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 261

mees de pareils sentiments. Les conversations pieu-


SERMON XLYII. une grande utOite. C'est le Verbe qui y regne,
se sont
le Verbe qui produit la langueur de la charile et
Quel est voire bien-aime issu d'un bien-aime. etc. qui guerit celle de I'infirmite. Le Centurion connut
(Cant. V, 9.) cette puissance du salut contenue en cette parole,
aussi il dit : « Prononcez un mot seulement.
1. « Quel est votre bien-aime ne du bien-aime, {Matth. vin, 8.)
6 la plus belle des femmes ? Quel est votre bien- 2. IIest bon que les paroles soient prononcees ; Utilit6
aime, puisqiie vous nous avez adjurees de la sorte ? » il est bon neanmoins aussi qu'elles soient ecrites. de I'ecriture
sainte.
Ces interrogations si fortement accentuees parais- La parole s'envole et rien ne pent la rappeler si
sent venir d'un grand sentiment d'aflfection Je pense .
I'ecriture ne la fixe pas. L'Ecriture la rend visible
que la conversation avec I'epouse a produit ou et durable : quand vous le voudi-ez, vous deman-
augmente, dans les filles de Jerusalem, une langueur derez a la page, le depot qui lui a ete confie. Le
semblable a la sienne. Dans le passage suivant, elles livre est un bon
depositaire, il rend en entier tout
disent : « Ou est alle votre bien-aime? Nous le ce qu'on lui a donne lorsque cela vous plaira, vous :

cherclierons avec vous. » Comme si elles disaient :


le prendrez, vous lirez ou vous voudrez, vous vous
Nous le chercherons avec vous, et pour nous, vou- y arreterez tout le temps qu'il vous plaira. L'ecri-
lant jouir de lui avec vous. Elles ne disent pas : ture repare la memoire et retablit les souvenirs en
nous le chercherons pour vous, mais « nous le representant la parole. Vous lui confiez en toute as-
chercherons avec vous, » desirant, elles aussi, avoir surance les remedes de la parole elle les conserve :

part a la joie de cette bienheureuse rencontre. Ici, sans alteration. Si la parole a la force de guerir
brille une grande humilite, soit dans I'epouse, soit lorsqu'elle est prononcee, pourquoi ne I'aurait-elle
dans les filles de Jerusalem. L'epouse prie qu'on la point lorsqu'on la lit? Si un bon effet est produit
recommande a I'epoux : les filles de Jerusa- quand vous la prononcez, pourquoi un resultat
lem demaudent d'etre instruites relativement pareil ne serait-d pas obtenu, quand vous la Usez?
a I'epoux : et ces demonstrations ne consistent Que ma langueur ne soit pas guerie de cette ma-
pas en une simple formule ; I'epouse emploie niere. Voici ce que c'est queparler; celui qui entend
I'instance la plus vive, et les filles de Jerusa- le premier, ressent le bienfait dela parole; mais la
lem redoublent leurdemande. Ce n'est pas une mar- voix, quiretentit pour lui, n' arrive pasalaposterite,
que de priere faible et tiede que ces adjurations elle n'atteint pas ceux qui sont eloignes a I'ins- :

et que ces repetitions employees par ces saintes tant ou elle sonne, elle expire sa premiere vertu
;

ames. « Quel est votre bien-aime issu d'un bien- est epuisee aussitot qu'elle a ete saisie par I'oreille,
aime, » disent-elles, « 6 la plus belle des femmes? un silence eternel survient qui I'etouffe a jamais. Elle
Quel est votre bien-aime parmi les bien-aimes, ne tombe plus sur une bonne terre pour y produire
puisque vous nous avez adjui'ees de cette maniere? du fruit. Le premier malade a qui s'appliquera ce
C'est avec fruit qu'on a adjvire des personnes ani- remede en sentira du soulagement; nul autre en-

rum? Qualis est dilectus tuus ex dilecto, quoniam sic


SERMO XLVII. adjurasti nos? Utiliter adjuratae sunt, quae sic animatae
sunt. Non est exigua sanctas collationis utilitas, Verbum
Qualis est dileclus, iuus ex dilecto, etc.
est, et quo caritatis languor generatur, et quo infirmita-
Cant. 5, c.
tis curatur. No\'it Centurio vim medendi efflcacem in

verbo, ideo dicit Die tantum verba.:

1.Qualis est diledus turn ex dilecto, o pulcherrima Bonum


2. dicantur verba, sed nihilominus
est si

mulierum? qualis est dilectui tuus, quoniam sic adju- bonum est si scribantur verba. Volat cnim irrevocabile
rasti nos? Magno profusae videntur afifectii interrogalio- verbum, nisi scripto ligctur. Scriptura verbum et sta-
nes tam vehementes. Arbitror in filiabus Jerusalem
istae bile facit, et visibile mandatum paginae reposcetur;

ex confabulationc sponsfe languentis siniilem languorcm cum voles. Bonus depositarius est liber, integrc quod
aut creafum ut sit, aut cxcitalum ut auctior sit. Et in acceperit rcsignans cum voles sumes, ubi voles leges,
:

sequentibus dicunt Quo abiit dilectm iuus? et qucere-


: quandiu voles moraberis. Scriptura memoriae repara-
mus eum tecum. Quasi dicant Quaeremus tecum, sed : trix est, quia verbi rcpresentatrix est. Tuto vcrbi mc-
et nobis quaeremus, illo tecum frui volentcs. Dcnlquc non dicamenta illic condis servantur enim illaesa. Si ver-
:

dicunt. QuaBremustibi,sed,7?<(p;'e»j(w /ccmw, participium bum medendi vim habet cum dicitur, cur non habct
invcntionis beatae oplantes et sibi. Magna utrimquc hu- cum legitur? Si bona curalio cum dicis, cur non bona
militas, et in sponsa, et in filiabus Jerusalem. Ilia so cum legis? Non curetur hoc raodo languor mens. Hoc
rogat commendari sponso istae : se instrui rogant de est dicere, qui prime audit, verbi utilitatem capiat, ad
sponso, nee simplicilcr sed ilia : cum adjuratione, ha posferos et longc positos non pertingat ubi prime :

cum ingeminatione. Non est cnim Icviter roganfis, vcl sonal, ibi sufTocetur cxhauriafur omnis ejus commo-
;

quod illaadjurat, vcl quod istae ingcminant. Qualis est, dilas auditu primo, aiterno prcmatur silentio. Non itc-
inquiunt, dileclus tuns ex dilecto, o pulcherrima mulie- rum cadat in terram bonam ut fructum facial. Hoc
262 L'ABBE GILLEBERT.
suite n'en ('prouvera la vertu. Dans rancienne pis- 3. Et pour en revenir a notre premiere pensee :

cine, I'eaii agitee, un seul infirrae etait gueri; ces filles de Jerusalem sont grandement eicitees
{Joan. V, h.) En ce seul homme etait signifiee la par la conversation et les supplications de I'epouse.
charite et non I'unite absohie. Apres le premier Gomnient ne seraient-elles pas engagees a s'infor-
qui fut gueri on ne dit point de cette fontaine : mer de la beaute du bien-aime, quand elles voient
detruisez-la^ detruisez-la jusqu'aux fondements : cette ame languissante et presque mourante d'a-

qu'ilne reste pas vestige de ces eaux salutaires. mour? La langueur d'amour qu'elles apercoiventen
Le bon mouvement de I'eau. c'est I'examen et la eUe enflamme leur curiosite, et les porte a lui adres-
discussion de la page sacree. Ce feuillet est bien ser des demandes. Voyant en eCfet le violent amour
remue, quand^ par une sage etude, on s'efTorce d'en auquel elle est livree, elles se persuadent que la
tirer un sens spirituel : ilestpieusementagite, lors- cause qui provoque un sentimen t si fort se trouve
que I'auditeur tire du profit de son interpretation. dans I'epoux. Elles senquierent avec affection, elles
De meme qu'elle est un remede, la parole est aussi veulent savoir quelle est sa beaute, elles ne peu-
Chacnn ne une nourriture. Et comment dites-vous, perisse la vent s'empecher de croire qu'il ue soit admirable-

ourtan?\%n
^^ourriture que vous gagnez; qu'elle ne subsiste pas? ment beau ; et des attraits de la bien-aimee, ils ti-
servir Cependant ne faut pas indistinctement donner a
il rent un argument en faveurdela beaute de I'epous.
facilement. ,
, , . . . . , . ,

tous la permission de s en servir le mouvement de : « Quel est voire b1en-aime ne d'un bien-aime, 6 la
I'eau neguerissait quelorsque I'ange descendu d'en- plus belle des femmes. » L'Eglise est la plus belle Coimb
haut I'avait remuee. Get ange, c'est celui dont les des femmes, elle fait la beaute de cliaque ame. Elle irfs-b,

levres conservent la science, et de la bouche duquel est la plus belle, en elle se trouve tout charme et *''«°. "i?

il est necessaire de recueillir la connaisscince de ce aucune laideur ne s'y montre. Gar, du c6te par le- roemb
''^^'""
qui est prescrit. Done (et faut le reconnaitre) quels les amesappaiiienuent al'Eglise, elles ne sont
il il
y
a unegrande utilite a ecrire une doctrine salutaire: pas difformes. .S'il parait y^ avoir en elle quelque
mais seulement lorsqu'on a recu la permission de tacbe, si quelques-..ns de ses membres semblent la
tracer deslivresde ce genre, et encore plus, quandl'o- salir pour un temjjs , on ne lui impute point un
beissance a commande ce travail. Aussi il n'y a pas defaut qui ne dure pas. Apres avoir ete nettoyee de
abl^mer la prudence de nos anciens, qui en general cette souillure, a-t-elle plus de beaute
peiit-etre
ont prescrit le silence : I'abondance des precautions que la tache recue ue lui avail occasionne de lai-
ne nuit pas , de peur qu'accordee utilement a deur. C'est done a juste litre qu'on la dit tres-belle,
quelques-uns, la permission d 'ecrire ne fut pour ellequi possede toute splendeur et n'a point de lai-
les autres I'occasion d'une presomption temeraire, deur. De plus, en son seiu, se trouvent im grand
et de peur aussi qu'en s'occupant d'un travail nombre d'ames fidelcs et spiritueUes, qui ne cou-
non prescrit, on ne negligeat celui qui etait imjjose. tractent pas de souillures, a cause de la saintete de

medicamentum qui primus acceperit, convalescat aeger, 3. Et ut revertamur ad propositum ; multum excitatffi
^•i^tutem ejus post ilium persentiat nullus. In piscina et animatae sunt ex collocutione et adjuratione sponsse
ilia post aquae mofum sanabatur unus, sed in uno illo Jerusalem. Quomodo non animentur ad rogandum
filiae
signata est caritas, non singularitas. Post primum cn- de pulchritudine ipsius, pro cujus amore sponsam ian-
ratum non est dictum de piscina ilia Exinanite, exi- : guentem , et fere exanimatam
vident ? Deprehensus
nanite usque ad fundamentum in ea aqusB salutaris ; in sponsa languor amoris, in banc
illas quaerendi curio-
nee vestigium maneat. Bonus aquae motus, disputatio sitatem protraxit. Videntcs enim in sponsa amorem esse
et exagitatio sacrae paginae. Bene enim movetur, cum vehementem, causas ct irritamenla fanli affectus arbi-
prudenti ventilatione ad spiritualcm promoveturintellec- frantur in sponso. Affeduosc quacrunt qualis sit in
tum bene enim movetur, cum ejus discussione audi-
: sponsopulchritudo, de quo non possunt non praesumere
tor promovetur. Sicut medicamentum, sic et cibus quin admirabiliterpulcher sif,et sponsjE pulchrifudinem
est verbum. Et qiiomodo dicitis, cibus quem vos ope- in argumentum assumunt pulchcrrimi sponsi. Qualis est
ramini pereat, non permancat? Sed tamen non est pas- diledus tuus ex dilecto, o pulckern'ma muUerum ? Pul-
sim omnibus haec permitlenda licentia nee aquae motus : cherrima mulierum Ecclesia est, qu<e singularum ani-
sanabat, nisi cum Angclus desccndcns tempore suo marum pulchritudo est, pulchcrrima est, in qua om-
movisset eam. Ille utique Angelus, cujus labia cuslo- nis pulchritudo est ct deformitas non inest. Denique
diunt scientiam, ex cujus ore est exquirenda legis scien- et qua ex parte de Ecclesia sunt, deformes non sunt.
tia. Ergo (quod quidem fatendum est) magna texendi Si quibus videtur incsse deformitas, etsi aliquibns de
verbi salutaris utilitas sed cum alicui hoc opus per-
; membris ejus ad horam rcspcrgitur deformis macula,
mittitur, vel magis cum exiglfur ab eo. Ideo non vi- non tamen imputatur dum non immoratur. Fortasse
detur nostrorum redarguenda cautela majorum (quae plus accepit pulchritudinis post maculam detersa, quam
superabundans non nocet) quae generaliter imponit si- deformitatis conlraxit subito respersa. Bene itaque
lentium ne aliquibns ufiliter indulta licentia, aliisprae-
: pukherrinia, et omncm pukhritudinem habens, ct om-
sumptionis temerariae scandalum fiat simul ne quis ; nem pulcriludinem habens, et omni foeditate carens.
dum in onerc sibi non imposito occupatur, otietur ab Sed et raulfae fidelcs el spirituales animae in eo pul-
imposito. cherrimae sunt, quod aut per sanctam conversationem
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 283

leur vie, ou qui les ont expiees par une sincere pe- deux natures conjointes qu'il est different de son
nitence. Elle est tres belle en nne rertaine mar.iere, Pere et de sa Mere, et de toute autre personne qui
n'excellant pas au-dessus des autres, mais n'exce- n'est pas lui. En chacune d'elles et non dans toutes
dant pas. U u'j a pas, pour ainsi parlor, d'exces, la lesdeux reunies, consiste sa nature essentielle 5e-
ou Ton rentre promptemeut au centre. Elle est cundum quid ou en partie simplement et par lui- :

done fort belle, revetut d'eclat et de joie, portant meme, il est Dieu comrae son Pere simplement et ;

lalumiere comme un vetemeut. El!e est douc fort par lui-meme, U est homme comme sa Mere possede
ravissante, elle qui est ou la lumiere, ou revetue de la nature bumaine. II n'est pas Dieu en partie eise-
la lumiere, se trouvant, par la saintete de sa con- aindum quid ; il n'est pas bomme en partie et secun-
duite, veritablement lumiere. dum quid ; aussi il est dit entierement Dieu et en-
U. « Quel est votre bien-aime ne d'un bien-aime, tierement homme : il n'est pas tout ce qui est de
6 la plus belle des femmes, quel est votre bien-ai- lui, mais ce qu'il est lui tout entier : il n'est pas
me ? » Cette double interrogation est pleine d'affec- comme s'U etait Dieu en toute partie,
en et homme
tion, et remplie de mystere. Que si on avail dit ; toute partie, mais parce qu'il n'est pas Dieu pour
quel est votre bien-aime ne d'une bien-aimee, de une partie, et homme pour une autre. Quand done
meme Quel est votre bien-aime issu
qu'on dit ; « on le dit tout Dieu et tout homme, cette expression
d'un bien-aime » pcrsonne ne douterait quel'une
: exclut les parties, plutot qu'elle ne les indique tou-
de ces demandes ne diit se rapporter a la genera- tes ; elle marque la simplicito essentielle qui est en
tion qui vient du Peri\. et I'autre ^ la generation chaque nature non que chaque essence soit sim-
:

qui est de la Mere. Dans cliacune de ces Uciissances ple, mais parce qu'il est simplement chacune d'eiles.

I'epoux est admirable et digne de tout amour ; reu- C'est pourquoi U a ete dit qu'il avait exterieurement

niesenlui, ellesaugmenteuttoutesles deux de beau- paru comme un homme. (P/«7. u, 7.) Parce que bien
coup, son etonnante grandeur. U a I'une ou I'autre que I'humanite ne soit pas connaturelle a la divi-
de ses deux natures communes ou avec son Pere nite, neanmoins, comme elle a ete prise en la per-

ou avec sa Mere. Cette union lui est propre. Ses sonne de Jesus, elle la revet et la couvre comme un
proprietes personnelles se considerent dans ses habit. La nature humainen'a pas de caractere com-
deux natures, parce que compose de sa personne se mun avec la nature divine, cependant les qualites
expose leur reunion et de leur conjonction. II est forme en propres a la nature bumaine se trouvent naturelle-
ivec
dition effet de deux natures, et neanmoins il setrouvedans ment dans la personne de Jesus. Aussi il est dans la
igance elles : forme de leur reunion
il est et il est en cha- nature de I'homme, que naturellementil est homme,
dfeux
res qui cuDe. En nou en chacune separee,
elles reunies, et vrai homme el vraimeut homme; vrai homme, a cause
at eo
est I'integrite de ses attributs personnels, par la- de la realite de lame et de la chair bumaine ; vrai-
-Christ.
quelle il est a la fois distant de son Pere et de sa ment homme, car il est vraiment constitue par la chair
Mere. Ce n'est pas dans I'une ou I'autre, c'est en ces et r4me bumaine, forme d'elements reels, vraiment

maculam non admittunt : aut per sollicitam et sinceram Matre. Non enim in alterutro, sed in copulatis distal
confessionem subinde diluunt. Pulcherrima est quo- ab utroque, et a quolibet qui non est ipse. In singulis,
dammodo, non omnes alias excellens, sed non excedens. et non in copulalis, consistit naturalis ejus essentialitas
Quasi excessus non est, ubi citus regressus est. Pul- secundum quid et simpliciter et per se Deus est, sicut
:

cherrima ergo est, decorem et confessionem induens, et Pater; et simpliciter, el per se homo, sicut el Mater,
amicta lumine sicut vesfimonto. Pulcherrima est, quae Non est ex parte et secundum quid Deus, nee est ex
vel ipsum lumen est, vel amicta lumine, per conversa- parte et secundum quid homo ideo lotus dictus est :

tionem exsistendo lumen ipsum. Deus, et totus dictus est non totum quod ipsiushomo :

4. Quali-i est diledus tuus ex dilecto, o pulcherrima est, sed quod ipse totus nee quasi in omni parte sit :

mulicrurn, qualis est diledus tuus? Non vacat multo Deus, et in omini parte homo sed quia non est pro ;

affeclu haec ingeminatio, nee mysterio vacat. Quod si parte Deus, et pro parte homo. Quod ergo dicitur lotus
ita dixisset, Qualis est dilectus tuus ex dilecto sicut : Deus, et totus homo magis partes excludit quam col-
;

dicit, Qualis est diledus tuus ex diledo nemo ambi- : ligit, essentialcm simplicitatem in utraque natura inda-

gerct quin alterum referendum esset ad earn genera- cens non quod utraque essentia simplex sit, sed quod
:

tionem, quae ex Patre, alterum ad eam, quae est ex ipse simpliciter est utraque. Propter quod el habitu in-
Matre. In utraque enim mirabilis est et concupiscibilis ventus dictus est ut homo quia cum non sit connatura- :

nimis, sed ex conjunctione mirabilior multo. Naturarum humanitas, per susceptionem tamen in per-
lis divinitali

duarum alterutram, aut cum Palre babct, aut cum sona Jesu quasi habitu quodam est vcsticns el coope-
Matre communem, Conjunctio isla propria est ipsi. riens cam. Non cstdivina; naturae humana natura conna-
Personalis ejus proprielas communiter consideratur in turalis, sed tantum pcreonae ipsius Jesu, qua; humanse
istis, quia integraliter conlicitur ex istis. Constat enim naturae propria sunt, naluraliter insunl. Sic est in na-
ex duabus naturis ; sed nihilominus constat in duabus tura hominis, quod naturaliter est homo, vcrus homo,
illis ex conjunctis constat, ct in singulis constat. Ex el vere homo verus homo propter vcrilafcra anima)
:
;

conjunctis, et non in singulis, constat proprictatis et human;e carnis vere homo, quia vere conslans ex
:

ejus integrilas, peT quam mul distal a Patre ot a anima bumana et came; o.x vcris conslans, et vere
26i L'ABBE GILLEBERT.
compose d'eux, n'arant pas seulement de vraies par- suite corrigee, comme trop relevee par ces autres
ties de rhumanit«^, on les ayant vraiment, mais esis- paroles : « quel est votre bien-aime, 6 la plus belle
tant vrainipnt par elles. Avant les qualites naturol- des femmes? » La verite de ce dogme que vous posse-
les, et les ayant naturellement, de meme que par dez sur la generation du bien-aime issu du bien-
nature, Jesus est Dieu, de meme, par nature et non aime, vous rend tres-eclataute de beaute parmitous
pas seulement par I'exterieure apparence, il est ceux qui enseiguent dans les ecoles. Cette foi vous
homme. De meme done qu'on que Jesus existedit vous embellit, par elle, vous soutenez
purifie, elle
dans la verite de la nature divine, de meme on croit que votre bien-aime est egal au bien aime de qui il

que dans la verite de la nature humaine, il posseJe sort. 11 est tel qu'est celui de qui il est issu. Admi- Adm
ee»Ii
et possede naturellement les deux natures. i-able egalite, admiiable quality. Cette egalite c'est
admiil
I

5. Aussi les filles de Jerusalem demandent dis- I'identite, la quahte y avait


c'est la substance. S'il identikl

tinctement quel il est selon ses deux natures, quand deux natures, ohacune souveraine, I'une dans le al
elles veulent etre eclairees sur sa nature. « Quel est Pere, I'autre dans le Fils, il y aurait egalite, il n'y
Totre bien-aime issu du bien-adme ? Quel est votre aurait point identite mais la nature divine n'ad-;

bien-aime? » Par la naissance divine, il est bien-ai- met pas d autre nature qui lui soit egale. Dans le
me engendi'e de bien-aime, par la naissance bu- Pere et le Fils, est une qualite, une par le nombre,
maine, il est devenu bien-aime issu delabien-aimee. une qualite substantielle, bien plus une qualite sub-
Avec cette difference que ce n'est pas tant lui qui est stance. Ainsi, que le fils soit tel qu'estle pere, est cela

cheri de sa mere, mais plutot que c'est lui qui I'a meme que le pere est en existant. Tel est le pere,
rendue bien-aimee. II possede tout ce qu'a le bien- tel est le fils : la meme realite est I'un el I'autre,
aime engendre par le bien-aime, mais U ne tient consubstantielle a chacun, et chacun a la meme
pas tout de la bien-aimee ; bien plutot il a tout ce substance avec lautre. Substance qui ne donne
qu'elle a, le tenant de lui-meme. Aussi, apres avoir pas seulement de subsister, mais qui est elle-meme
d'abord demaude : « Quel est votre bien-aime ne subsistante, vivante, puissante, intelligente.
d'un bien-aime, « les filles de Jerusalem n'ajoutent 6. C'est ainsi que vous prechez le bien-aime ne
pas, « quel est votre bien-aime ne dune bien-aimee. du bien-aime, que vous le definissez. Si
c'est ainsi

Elles disent simplement : « quel est votre biea- cela pent se faire, donnez-nous la raison de cette
aime? que leurs voeux desiraient
» Elles corrigent ce verite, et' c'est assez pour nous. Moutrez-nous le
de connaitre au-dessus de leur capacite, elles rame- Pere, et U nous suflit. Comment saurons-nous quel
nent leurs questions a un point de vue plus modeste. est le bien-aime sorti du bien-aime, si vous nenous
et plus en rapport avec la faiblesse humaine. Nous apprenez pas quel est ce bien-aime, d'ou il tire son
pouvons donuer I'un et I'autre sens a ce passage, on origine? Mais ou bien cette connaissance n'appar-
y voit la demande posee deuxfois a cause des deux tient pas a la vie presente, ou bieu elle depasse no-
natm-es en Jesus-Christ, ou y voit la premiere de ire capacite actueUe : mais il nous suffit de croire

constans, non tantum veras habens,


vere habens par- et sit revocata, ac si dicant Qualis est dilectus tuus ex di-
tes humanitatis, sed vere etiam existens ex ipsis. Xa- lecto, o pulcherima mulierum ? Hujus te fidei Veritas,
turales habens, et naturaliter habens, sicut naturaliter quam tenes de generatione dilecti de dilecto, inter om-
Deus, sic et naturaliter, et non tantum habitu homo. nes omnium sectarum pulcherrimam
professores
te
Jure ergo sicut in veritate divinae dicitur extare na- facit. Ista mundat, ista %cnustat, qua dilectum
fides te
turte Jesus sed in verilate humana^ naturae creditur,
, tuum dilecto, ex quo est, aeqnalem defendis. Talis est
utrasque natures habens et naturaliter. qualis ipse a quo est. Mira aequalitas, et mira qualitas.
0. Ideo filie Jerusalem distincte quaerunt, quails sit .Equalitas ilia identilatem valet , qualitas substantiali-
secundum utramquc generationem, de ipsius optantes tatem. Si essent duae naturae, utraquc summa, una in
natura doceri. Qua/is es diiecfus fitus ex dilecto ? qualis Patrc, in filio alia cs^et quidem aequalitas non esset
:

est dilectus tuns ? In nativitale divina est dileclus ex identitas sed aequalem sibi aliam divina natura non
:

dilecto, in nati%itate humana factus est dilectus ex di- admittit. Una numcro in utroque est qualitas,
subs- et
lecta : nisi quod non tam ex Matre,
est ipse dilectus tantialis qualitas, imo substantia quiiliias. Ideo
Filium
quam ipsa est affecta dilecta per ipsum. Totum habet qualis est Paler, talcm esse, est idipsum quod Paler
quod habet dilectus ex dilecto, sed non totum a dilecta: est esse. Qualis Pater est, talis et filiiis et ipsa qua- :

magis autcm totum habet, quod habet ipsa, ab ipso. uterquc, consubstantialis est illi, et eadem est
litas est
Ideo cum primum rogant filiae Jerusalem. Qttalis est cum illo substantia. Substantia non tantum subsistere
dilectus tuus ex delicto? non similiter adjungunt, Qua- conferens, sed et ipsa subsistens, \ivens, potens, in-
ils est dilectus tuus ex dilecta? sed simpliciter. Quails telligens.
est dilectus tuus? quod ibi supra capacilatis suae vires 6. Talem praedicas dilectum tuum ex dilecto, talem
vota porrigunt, corrigunt incontinenti ad humaniorem diffinis. Si fieri potest, hujus lidei nobis ralionem edis-
quaestionem, et magis modestam se convertentes. Pos- Qsfcnde nobis Patrem
sere, et sufTicit nobis. et sufficit
sumus autem utroque sensu hoc intelligere, ut aut in- nobis. Quomodo sciemus qualis est dilectus tuus, ex
terrogatio propter gcminam in Jesu naturam accipiatnr dilecto, si non edoces, qualis est dilectus, ex quo est ?
congeminata, aut ilia prior quasi incapabilis hac sequenti Sed non est hoc, aut hujus temporis, aut hujus capa-
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES 265
que le fils est tel que le Pere. Bien que nous ne quoi ne vous sentez-vousadjurees par I'Eglise quand
puissions comprendre quelle est cette qualite, appre- elle apporte contre vous les temoignages de vos
nez-nous quel il est selon I'liumanite, par laquelle ecritures auxquelles vous avez foi, quand elle reu-
il estbien-aime ne de labien-aimee. Parlez, etdites nit sous vos yeux, les grcicesdes esprits qui defendent
quel est votre bien-aime. II nous est agreable d'en- la foi etles actes des martyrs qui ont verse leur sang
tendre derechef ce qui nous a ete de lui. Repetez- pour la defense de cette meme foi? Pourquoi ne vous
nous ce ou ce que nous pouvons
qu'il faut croire sentez-vous point conjurees par I'Eglise, par les cere-
saisir d'un si doux sujet. L'un comme I'autre nous monies si expressives qu'elle accomplit ; par les for-
rejouit grandement ; ce que nous ne pouvons mules plus penetrantes qu'elle emploie; par les re-
comprendre ne laisse pas que de nous ravir. Nous compenses plus elevces qu'elle espere par les vceux ;

sommes saisis d'admiration et d'amour parlamerae plus etroits par lesquels elle s'est etablie. La disci- On recom-
que nous vous voyons ainsi prise, amsi saisie, ainsi mande les
pline qui est plus etroite, la doctrine qui eclaire da- conferences
enflammee. que! est-il? 6 qu'il est aimable votre vantage, le rite qui est ])lus prompt a frapper, une sur les
chases
bien-aime lui dont I'amour grandit toujours en
! vcrtu plus eminente, pouvaient vous exciter au zele, divines.

vous, qui vous devient toujours le bien-aime issu provoquer votre affection, et obtenir le meme effet
du bien-aime, et mieux encore, toujours le plus que I'adjuration, pour enQammer vos desirs. Mais
cheri de celui qui est excessivement aime : c'estson un temps viendra (car il n'est pas encore arrive) ou,
amour qui vous rend belle, le goiit que vous avez couverties au Seigneur, on enlevera de vos yeux, le
eprouve de vous rend avide de sa presence, et
lui, voile de I'ignorauce et de la dissimulation. Alors,
cette avidite vous rend inquiete. Ces termes, dont devenues comme sensibles sous I'intluence de I'es-
vous vous etes servie pour nous conjurer, indiquent prit du Seigneur que vous aurez recu, vous eprou-
des desirs inquiets et brulants : « quel est votre verez la vertu de ces supplications : excitees alors
bien-aime ne d'un bien-aime, puisque vous nous par une sainte curiosite, vous repeterez avec avidite
avez supplies de la sorte? » Qu'il est beau, lui qui ces questions, vous direz « Quel est votre bien- :

ne soufFre en vous rien de souille; aussi il vous a aime, ne d'uu bien-aime, 6 la plus belles des fem-
rendu femmes. Qu'aimable et plein
la plus belle des mes ? Quel est votre bien-aime, puisque vous nous
de grace, est celui dont vous ne pouvez etre un ins- avez adjurees de la sorte? » Le temps du retour des
tant separee, et pour I'amour duquel vous nous ad- Juifs, mes freres, n'est pas encore venu, le notre
jurez de la sorte est toujours pret. Aussi, laissantde cote les discours

7. Je vous le demande, 6 fiUes de Jerusalem, fiUes qui sontentla frivolite ou la fraude, celebrons dans
de cette Jerusalem terrestre, pourquoi n'adressez- nos reunions cette reciproeite d'etounements, d'in-
vous pas a I'Eglise ces demandes reiterees? Pour- terrogations.
quoi negligez-vous d'apprendre cette double nais- 8. Plaise au ciel que vous soyez du nombre de
sance du Christ que vous refusez de croire? Pour- ces filles, que vous desiriez connaitre ces dogmes sa-

citatis nostrae : sed sufficit credere, quia talis est qualis vos nonsentitis adjuratas ab Ecclesia, prolatis contra vos
est Pater, Quamvis non sufficimus comprehendere quas scripturffi vestrae cum fide testimoniis, coUatis in fide
ilia qiialitas est, doce qualis secundum humanitatem spirituum gratiis, perlatis, pro fide passionum mar-
est, secundum quam dilectus est ex dilecta. Doce et tyriis.' Cur non vos quasi adjuratas sentitis ab Ec-
die qualis est dilectus tuus. Delectat nos de ipso jam clesia aptioHbus, quas frequentat, ceremoniis; acutio-
audita reaudire. Replica nobis quae de dilecto tuo, vel ribus, quas tractat, sententiis altioribus, quae cxpectat,;

crcdi debent, vel capi valent. Utraquc audita nos ve- praemiis; arctioribus, quibus se se instituit, votis? Dis-
hementer delectant et qu;E incapabilia nobis sunt, nos
: ciplina restrictior, doctrina instructior, expeditior ritus,
tamen capiunt ilia eo ipso admirationis et amoris aestu
: cminentior virtus tibi poterant zclum generare, provo-
caplaesumus, quae te sic captani, sic areptam, sic aes- care attectum, et ad movendam jemulalionem adjura-
tuantem videmus. qualis est, o quam amabilis est tionis habere vim. Sed venict lempus (nondum est
dilectus tuus ! ciijus in tc semper amor caplt augmenta, enim) cum conversis vobis ad Dominum, auferetur ig-
qui tibi sit semper de dilecto dilectus imo de dilcc- noranlia; ct dissimulationis velamcn. Tunc quasi scnsi-
tissimo semper dilcctior cujus te facit amorpulchram,
: bilcs cITcctae, accepto Domini spiritu, adjurationum is-
experientia avidam, aviditas anxiam. Anxii est enim larum scntietis virlutcm tunc in sanctam cxpcrgcfactai
:

et afFectus votivi quod sic adjuras nos Qualis est di- : curiositatem, avide has interrogationcs frcquenlabitis,
lectus tuus ex dilacto, quoniarn sic ndjurasti nos ? dicscndo Qualis
: est dilectus tuus ex dilecto pulcherrima
Quam pulcher est, qui in te fcedum nihil esse sustinet, tmdierum? qualis est dilectus tuus. quoniarn sic ad-
ideoque tc pulcherrimam cfTecit mulierum. Quam ama- juraiti nos? Judacorum, fratros mei, nondum lempus
bilis et gratiosus, sine quo nee ad horam esse sustincs, advenit, nostrum autcm semper paratum est. Ideo omiii-
propter quern sic adjuras nos. sis frivolis ct fraudulcniis scrmonibus, hujusmodi ad-
7. Rogo, vos (iliaj Jerusalem, filia? hujus (crrostris mirationum, vel interrogationum coramcrcia cclcbrcmus
Jerusalem, cur non has ad Ecclcsiani interrogationcs in convent ibus noslris.
ingominatls? Cur banc utramquc nativitalcm in Christo, 8. Utinam vos tales sitis filia', qua- talia dogmata de-
quem detractatis credere, dissimulatis addisccrc? Cur sidcrctis audirc ; utinam ct ego talis sim sponsa, a qua
:

266 L'ABBE GILLEBERT.


que je sois une cpouse, i qui
cres; fasse le ciel et leur beaute, Quoi que signifient ces termes, ils

vouspuissiezdemander des connaissances si clevees. designent une grande beaute : « Aussi ils ne sont
Om6re bienheureuse^ celle qui merite qu'on luidise pas connus dans les places publiques. » Ces couleurs
6 ]a plus belle des fcnimes! Oui.bieuheureuse, sielie sont celles des Nazareens, et sont aussi celles dc I'e-

conserve sans atteiute, une bcaute si graude. « Les pouse et de I'epoux. Car 1 epouse en parle en ce
Nazaroens, » dit le propheto, « sont plus eclatants lieu, et elle dit : « raon bien-aime est blanc et
que la neige, plus blancs que le lait, plus rouges rouge. » Tel est notre Nazareen : la nuance, a quoi
que rivoire vieilli, plus beaux que le saphir. Leur est comparee la couleur des Nazareens, la couleur
visage a ete noirci plus que le charbon, » {Tliren. de I'epouse lui est aussi comparee. Elle est en elfet
\\, 7,) Grande louange assurement, mais malheu- une Nazareenne, se devouant au Seigneur Jesus,
reux changement La purete de la neige, la blan-
! vrai Nazareen, a qui eUe s'est consacree et quelle
cheur du lait, la rongeur de I'ivoirc vieilli, la lini- a epouse : quand nous rencontrons une 5 me de ce
pidite et la beaute du saphir, sont couvertes de uoir. genre, louons sa beaute, ayons recours a son habi-
« Leur visage a ete noirci plus que le charbon, on ne lete : « quel est votre bien-aime, issu dun bien-
les a pas reconnus sur les places. » lis ne sont pas aime, 6 la plus belle des femnies? Quel est votre
deja distingues sur les places, comme des Nazareens. bien-aime, puisque vous nous avcz ainsi adjurees?
Je garderai le silence sur les autres. Regardez les Mais qu'elle fas'se entendre deja elle-meme les
hommes que notre ordre a produits, combien leur louanges du Seigneur Jesus qui vit et regne dans
nom admirable par toute la terre
etait Au debut, ! tons les siecles des siecles. Amen.
quand a peine on les voyait dans les places publi-
ques, aussitot y etaient reconnus par
ils un certain SERMON XL VIII.
On se plaint signe de saintete qui les accompagnait. Les reli-

gifiux maintenant ne par aucune


se distinguent Mon bien-aime est blanc et rouge, ete.
''"VeiTche
de sa saintete marque de la professionaucune diffe- religieuse, (Cant. V, 10.)
P''6°" •
rence ne les separe de ceux du dehors, ou bien
celle qui existe entre eux est extremement faible. 1. « Monbien-aimeestblancet rouge, choisi entre
Aussi ils ne sont pas discernes comme Nazareens. mille. » L'epouse remet a un temps, mais a un temps
La frequentation des places publiques fait perdre rapproche, le soin de chercher son bien-aime, inter-
leur couleur de Nazareens, et leur donne une appa- rompant sa poursuite afin d'instruire ses filles. Elle
rence d'etrangers. La couleur excellente a ete chan- suspend ses jouissances pour vaquer aux choses
ges : les pierres du sanctuaire ont ete dispersees i necessaires; ce n'est point sans charite cependant,
I'entree de toutes les places publiques. {lb. 1.) Aussi qu'elle repasse en sa memoire les louanges de son
on ne les a pas reconnus. On ne retrouve pas en epoux. Elles sont douces a sa bouche, ces tendres
eux leur blancheur native, leur eclat, leur rongeur louanges. Pieuse mere et tendre epouse, elle ins-

valeatis parate talia petere beata vere mater quae


! raeorum colores sunt, hi sponsae etiam et sponsi sunt.
sibi dici audire meretur pnlcherrima mulierum
: ! Nam et sponsa hoc in loco loquitur et dicit Dilectus :

Beata plane, si pulchritudinem tantam integram servet. mens candidus et rubicundus. Talis est Nazaraeus nos-
Candidiores, inquit, Nazarcei ejus nive nffidores lade, : ter, cui assimilatur Nazaraeorum color assimilatur et
rubicundiores ebore antiquo, sapphiro pulchriores. De- sponsae color. Ilia enim Nazaraea est,Domino se Jesu
nigrata est super carbones fades eorum. Magna certe Nazaraeo devovens et desponsans : quam cum talem in-
collaudatio, sed misera commiitafio. Candor nivis, lac- venerimus, collauderaus pulchritudinem ejus, consulamus
tis nitor, rubor eboris, puritas et piilchriludo sapphiri, peritiam. Qualis est dilectus tuus ex diledo o pulcher-
carbonis obducuntur nigredine. Denigrata est super rima mulierum ? qualis est dilectus tuus, quoniam sic
carbones fades eorum, et non sunt cogniti in plateis. adjurasti nos ? Sed jam ipsa dilccti sui laudes retexat
Non sunt utiqne pro Nazaraeis cogniti jam in plateis. Domini Jcsu, qui vivit et regna per omnia sascula sae-
Silebo de aliis. Ordinis nostri ccrnite viros, quam ad- culorum.
mirabile erat nomen eorum in universa terra. In ini-
tiis, quando vix erant visi in plateis, statim cogniti pro SERMON XLVIII.
sanctitatis signo erant in eis. Nunc autem nullo reli-
gionis discrimine, nullo privilegio conversationis, aut
Dilectus meus candidus et rubicundus, etc
nullo, aut praetenui distinct! et signati sunt a ceteris.
Cant. V, c.
Ideo non sunt cogniti quasi Nazaraei in plateis. Fre-
quentia in platearum decolorat Nazaraeos, ct peregrinam
speciem inducit. Mutatus est coler uptimus : dispersi 1. meus candidus et rubicundus, electus ex
Dilectus
sunt lapides sanctuarii in capita omnium platearum : milhbus. Studium quaerendi dilectum intermittit ad
Ideo non sunt agniti in plateis. Non agnoscitur in eis tempus, sed ad tempus modicum, ut filias instruat. De-
nativus candor, non nitor, non rubor, non pulchritudo. leclabilia necessariis interrumpit; nee tamen sine dilec-
Quidquid enim ista signiticent, pulcritudinem magnam tione est quod sponsi memoriter recenset praeconia.
depingunt Idea non sunt cogniti in plateis. Hi Naza-
; Dulces enim faucibus sponsae laudes sunt spoasi. Pia
SERMONS SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES. 267

truit ses fiUes et vante celui qu'elle aime. Vraiment qu'une seule, mais pour se rencontrer en lui seul.
prudente, elle tient prepares et entasses a profusion, epoux pleid de grace et extremement aimable,
les eloges qu'elle fera de son epoux. Elle les con- en qui la generation divine fait eclater la blan-
nait en detail, elle les a repasses en son esprit, et cheur, et la nature humaine, la pourpre La, c'est !

Lis sont a sa disposition quand elle voudra les pro- Jesus qui est la lueur de la lumiere eternelle [Sap.
ferer.Profondement graves en son souvenir, chacun VII, 26.) : c'est lui du sang ordi-
qui est ne, non
d'eux entraine son amour. La couleur, la tete, les naire, non de la volonte de la chair, non de la vo-
cheveux, les yeux, les joues, les levres, la main, lonte de I'homme, mais bien du sang de la vierge
les entrailles, les cuisses, les pieds, le gosier, tout Marie, et en lui il n'est rien de cette rongeur dont
est symboliquement decrit dans leslouanges qu'elle parle le propbete Isa'ie : « si vos peches sont
fait de son bien-aime. Et comme pour conclure, comme le vermilion, ils deviendroutblancs comme
en resumant tout dans un mot « il est tout de- : la laine. [Is. i, 18. La blancheur de la laine etla
)i j

sirable, » dit-elle, et pour qu'en ses merites, elle rongeur du vermiilon ne vont pas ensemble, et ne
trouve des aliments a son amour : « tel est, s'e- sont point compatibles. II est une autre rongeur
crie-t-elle, « mon bien-aime, c'est lui qui est mon qui se trouve avec la blancheur dans le vetement
ami. » En tout ceci, voyez la doctrine de I'epouse, de Jesus. « Pourquoi, demande Isaie, « votre ve-
voyez sa devotion et sa diligence, soit pourchercher tement est-il rouge?)) (/.f. lxiii, 2.) Le vetement
I'epoux, soit pour instruire les fiUes de Jerusalem, du Seigneur Jesus, a raison de son origine virgi-
soit pour rappeler les louanges de celui qu'elle nale, brillant par I'innocence et la purete de la

cherit. Elle supplie avec instance, elle repond avec saintete, a cause de la passion qu'il a volontaire-

surete, elle symbolise avec art, elle distingue avec ment subie, s'empourpre avec plus de convenance
precision, elle parcourt succintement, elle touche dans les sentiments aifectueux de ceux qui croient
sommairement, et j 'ignore si elleexprime suffisam- en lui. Quelle est cette couleur rouge qui ne man-
ment. Ce que je sais, c'est qu'elle conclut avec af- que pas du desir d'etre blanchie ?« lis out lave
fection : « tel est mon bien-aime, c'est lui qui est leurs veteraents, )> dit I'Apolre, « et les ont blan-
mon ami. » Grande est I'etendue de ses louan- chis dans le sang de I'agneau. (.4;;. vu, 14.)
ges, tres grand I'amour de celle qui les pro- 3. rongeur a trouve la blancheur dans
Cette
nonce. mon Jesus, elle ne I'a pas produite en nous, elle :

2. Passons maintenant en revue cbacun des de- la cause, elle ne la rencontre point. Recouverte de

tails qui compose I'eloge de I'epoux. « Mon bien- la teinte du sang de notre origine et de notre pro-
aime est blanc et ronge, il est choisit entre mille. » pre iniquite, elle change sa rongeur en blancheur,
Christ C'est la un singulier melange de couleurs, cpii, par purifiant les cceurs par la foi. C'est par la foi en

ge.* I'operation divine, dans la seulepersonne de Jesus- efFet que nous avons ete blanchis dans le sang de

Cbrist se sont reunies, non point pour n'en former Jesus-Christ. II rougit bien ce sang repandu pour

mater sponsa prudens Alias informat, commcndat di-


et tiosus sponsus et amabilis valde, in quo generatio di-

Icctum. Jure prudens, tarn parata et tarn profusa ha- vina candet, rubet humana. Ipse est enim candor
et
bens qua eloquatur de sponso. Diligenter illi singula lucis aeternae ipse etsi non ex sanguinibus, ncque ex
voluntate carnis, neque ex voluntate viri; de sanguine
I

ipsius et notata sunt, et recogitata sunt, qua; tarn in


promptu sunt. Trahimt singula afTectum ejus, quae roc- tamen Matris natus est, et nihil in eo ruboris illius de
nioriae lam tenaciter haerent. Color, caput, com;p, oculi, quo ait Isaias Si fuerint peccata vestra rubra sicut
:

genae, labia, manus, venter, crura, pes, guttur, omnia vermiculus, velut lana alba erunt. Non sibi conveniunl,
haec figuratae describuntur in laude sponsl. Et quasi in non se patiuntur lanae albedo, et rubor vermiculi.
clausula et brevi capitulo totum concludens Totus, : Alius est quidam rubor, qui invenitur simul cum can-
inquit, desiderabilis. Utque in his amoris sui parata ali- dore in vcstimento Jcsu. Quare, inquit Isaias, rubrum
menta edoceat Talis est, ait, dilectus mens, et ipse est
: est vestimeuiwn tuum ? Vestimentum Domini Jcsu na-
amicus meus. Videle in IjIs omnibus doctinam sponsae, tura virgineae generalionis, candens munditia et inno-
videte devotionem, videte diligentiam, vol quaerendo centia sanctitatis, multo decentius colore passionis vo-
dilcctum, vol instruendo filias, vel recolendo laudes luntariae in credentium rubet affectibus, Qualis rubor,
ipsius obnixe adjural, parate respondet, figiirat ornate, qui dealbandi non caret affectu ? Laverunt, inquit, stolas
distincte parlitur, succinfe pertransit, summatim strin- suas, et Candidas fecerunt in sanguine agni.
git, et nescio an sufficienterexprimit. Scio quidem quod 5. Rubor hie in Jesu meo candorem invcnif, non
afTectuose concludit ; Talis est dilectus meus et ipse est fecit : in nobis facit, non invenif. Rubor hie cruenlaB
amicus meus. Laudum istarum magnus ambitus, etmag- nativitatis et propria? iniquitalis superinductus colore,
nus plane amor laudantis. ruborcm candorem convertil, fide cordaumn-
ejus in
2. Jam singulos l^udis hujus articulos rcvolvamus. dans. Justificati enim sumus per fidem in sanguine
Dilectus meus candidus et rubicundus, electus ex mil- Jesu. Bene tibi rubet pro te cruor cfTusus, si in animo
libus. Singularis mixtura est colorum, qui in sola per- tuo vicissitudinis accendit adectum. Bene tibi rubet, si
sona Domini Jesu operatione divina convcnerunt in tibi rulilcl in cfTusa sanguine pro tc nimia carilas Dei.
unum, iiec sic ut sint unus, sed at sint in uno. gra- Sic enim dilexil sponsam suam Jesus, ut lavaret cam
•268 L'ABBE GILLEBERT.
no\i5,s'il enflamme dans votre 4me des senti- il est blanc potir vou5 : mai« sH n'enflamme
ments reciproques de I'amour 11 s'empourpre . pas votre Ame, s'il ne I'excite pas a I'amour, tous
bien pour vous, si tous royez eclater a tos yeui, ne le pas rouge. U a bien en lui les deux
s^'ntez
dans ce sang qui coule, reicessive charite de Totre couleurs mais il ne tous les fait Toir que lorsque
:

Dieu. Car c'est ainsi que Je^us a aime son epouse, TOUS en ressentez les eSets en tous. Si tous etes
jusqu'au point de la laver dans son sang. La cha- epouie, desirez en receToir le melange de Totre
rite a la couleur du feu, c'est elle qui rend pour bien-aime, de maniere a dcTenir blanche et rouge,
moi le SeigneTir Jesus tout empourpre. En lui la c'est-a-dire, pure et embrasee. Car de meme quil
Terite luit, et la charite jette ses Tiyes couleurs. a le pouToir de purifier, il possede pareillement la
Hon bien-aime, w dit I'epouse, « est blanc et puissance d'enflammer. Qui s'approche de lui se
rouge. Po'U^quoi ne serait-il pas blanc? Dieu est rapproche du feu.
lumiere, etenlui il ne se trouve point de tenebres.
Fin des sermons de tabbe Gillebebt, str le ewUifue
Pourquoi ne serait-O pas rouge? Car Dieu est un
des eantiques. Preoemu bti aussi par la mart, il
feu, et il est venu allumer des Qammes sur la terre.
n'en put aehever rexposidon.
S'il Tous communique la lumiere de Tintelligence,

in saDguine sao. Flaminea est caritas, haec mihi Do- com eorom in te sentis effectom. Si spoosa est
est, nisi
minnm Jesiim rabicandiun &cit In eo mihi et Terilas smalare mixtnram gonini ctdoris hajos a spooso tno,
candet, et mbet carilas. Dilectu, inqnit, mens cmdidus at similiter Candida et rablcanda ss, id est sincoa et
el mUciuidus. Qnidni Candidas? Deos enim lax est, et saccensa. Nam ii»e acnt sooiandi , ita et sooeendi Tim
in eo teaebrse non sont olke. Qnidni robicandos? Dens habet. Qui approximat iHi, approximat ^L
0iim ignis est, et ipse igaem venit mitiere in terranu
Si tibi ministrat intelligentis lacem, Candidas est tibi : Pims Sermonam Guxebebti AUtatit m Cantka ,

sed si non animnm accendit ad amorem, non eom sen- qwu marie samSier puzvtmtme abtobere mom po-
tis rabicnndam. In seipso ntnunqae est ; sed tibi non tmiL
TMITES ASGETIQUES
ET

QUELQUES LETTRES DU MEME ABBE GILLEBERT.

TRAITE I. sujet de nos discours, celui que nous avons pour


principe de uotre amour. Si c'est lui qui retentit
A UN CERTAIN R*", RELIGIEUX.
'rire dans notre bouche, calme dansqu'il repande le
uquel
teson Ecrit a un ami sur la contemplation des notre coeur qu'il produise au-dedans ce qu'il
:

TI.
chases celestes. exprimera au-dehors. Vous lisez dans I'Ecriture :

« Si quelqu'im parle, que ce soit comme les paro-


1. Pensez-Toiis que je vous ai ecrit une disser- les de Dieu. » (i. Petr, i\, 11.) Paroles fournies
tation assez etendue, et que j'ai suffisamment de- par lui et rapportes a lui. Car c'est de lui qu'en
taille en celle-ci, ce que j 'avals abrege dans les vient la grace, en lui qu'en est le sujet, en
autres? J'ai ete peut-etre ti'op long en ce travail, lui, la matiere infiniment abondante. Qui I'expli-
et ma prolixite vous a sans doute ete a charge, quera? Qui, sans parler de son essence, dira ses
vous qui auparavant etiez m(§content de ma brie- bienfaits et ses jugements ? Aucun discours ici

vete. Vous vous etes plaint, mon cher R..., que n'est trop long, nul n'est suffisamment etendu,
je ne vo;is adressais pas de coui'tes lettres, mais « Exaltez le Seigneur, » s'ecrie I'Ecriture, « autcint
des brusquement interronipus, des qu'ils
billets, que vous le pouvez : il est toujours au-dessus. »
commencaient d'etre graves sur le papier ajoutant ; {Eccl. XLiii, 33.) Ricbe matiere, chere occupation.

qu'il vous serait tres-agreable qu'un ecrit plus Quoi de plus agreable, que de trailer un sujet qui seul
*oj"» developpe, vint compenser la rarete de nos conver- presente sur la terre, Timage des realites qui font

jieui. sations amicales. Quandje pretextais vos occupa- jouir les anges et qixi seront I'objet de nos con-
tions, quand je disais qu'il fallait vous eviter versations dans la vie future. « 11 est bon, » dit le

I'enniu d'une lecture prolongee, vous me disiez Psalmiste, « de chanter le Seigneur et de glorifier

de ne m'in quieter nullement de tout le reste. Pour votre nom, 6 Tres-Haut. Parceque vous m'avez
moi, je vous I'avoue, rien ne m'est plus agreable rejoui dans le travail que vos mains ont produit, et
qiie ces relations que j'entretiens avec vous; rien ie tressaillerai a la vue de vos oeuvres. » {Ps.
ne m'est plus doux :pourvu que nous ayons pour xa, 1.) Si votre magnificence cause de tel senti-

fore, si amici rarilatem colloquii pagina compensai'Ct

EJUSDEM GILLLEBERTI prolmor. Me autem occupatioues causante luas, fasli-


dioque parcendum esse lectoris, tu de reliquo jubebas
TRACTATUS esse securum. Itaque ut pro me fatear, nihil mihi jucun-
dius hoc commercio, nihil suavius dummodo ipsuni :

ASCETIGI, ET QU.EDAM EPISTOL.E. sermonis habeamus materiam, quern amoris causam.


Si ipse sonet in ore, serenet in corde; intus parturiat,
quod depromat foras. Uenique et legis si guis loquitur :

TRACTATUS I. quasi sermones Dei, quasi Deo datos, et quasi ad ipsum


relates. .\b ipso enim est gratia, penes ipsuni causa, in
AD QUEMDAM R***, RELIGIOSUM. ipso materia copiosa plane. Quis illam explicet? Quis,

De contemplatione rerum calestium ad amicum scriptus. ut interim de essentia sileam, ejus loquatur bcneficia,
ejus et judicia? Nullus hie sermo nimius nullus satis :

Satisne protractum tibi ndeor sermonem texuisse,


i. multus. Exultate, inquit Scriptura, Dominum quantum
et quod in superioribus decurtatum fuerat, supplesse in potestis; major est enim. Dives sane materia, duke ne-
isto? Nimius fortaise et in hac parte fuerim, et oneri golium. Quid enim dulcius? Quid hac occupatione gra-
tibi nunc sit nostra prolixitas, qui prius de brevitate tius, quae sola fruitionis angelica' et futur.-e conversatio-
cansabaris. Breves enim a me tibi non epistolas,
dari nis superinduit et vcslit imaginem? Bonum est, inquit

sed clausulas verborum questus es, mi R. et dum adhuc Psalmus, confiteri Domino, et psallere nomini tuo, Al-

ordireatur, succisas : illud adjicieos perjucuudum tibi tissime. Quia delectasti mt in factura tua, el in operi-
270 I/ABBE GILLEBERT.
menls de joie et procure de si grandes jouissances, Quoi done ? 6 Prophete beni, vos jambes n'ont-elles
voire essence, quelles Amotions fera-t-*lle gouter? pas flechi dans une position si prolongee? n'ont-
Si vous vous plaisez tant dans vos oeuvres, en vous- elles pas ete atTaibiies par le jeune? De telles

meme. que serez vous pour nous? contemplations nesont pas le jeiine.bien plutot, elles
Le» hommes 2. Heureux ceux qui peuvent le gouter, avoir le sont un repas delicieux. Qui habite les hauteurs,

tronTeDt^^ai
l^isir et senlir conibien le Seigneur est doux Malheu- I on lui fournit du pain et ses eaui sont fideles, ne
ennnuyeai reux que je suis, de voir le temps s'ecouler, sans iarissant jamais.

conUnneUe- m'apporter la liberte de me consacrer a cette douce 3. Qui me donnera des ailes comme celles de la

^^^^*^ '•
de m'approcher d'une si douce contemplation, colombe, afin que je puisse m'envoler vers un Ueu
chw^ dM-
nes. I'esprit distrait pardessoucisquilerongentetle parta- sifecond etsi assure, ousetrouve lerassasiementet
gent : de ce qu'ilne m'est paspemiisde meglorifier, le repos? U m'est rarement donne d'y penetrer, si

avec le Prophete, de la continuite d'une si grande meme ce bonheur ne m'est pas entierement refuse.
jouissance : « pendant tout le long du jour je me J'y entre rarement, et a peine y suis-je.qu'il faut en
tiens sur la montagne du Seigneur, et toutes les sortir, et cette vision s'en va comme un ombre qui
nuits je suis sur raes gardes. » {[^. xxi, 8.) Le decline, jusqu'a ce que, comme lasauterelle,je5ois
temps ne coulait pas en vain pour ce saint person- de nouveau provoque a y bondir. C'est un bond
cage et lui-meme ne volait pas et ne s'ecoulait
; exceDent que cejui dont vous lisez dans le Psaume :

point avec les heures, lui qui consacrait ses jours a « Seigneur, faites-moi connaitre ma finet le nombre
veiller sur son ame, ou qui les depensait a contem- de mes jours. » [Ps. xxxvm,Ce Psaume porte le
5.; ii fan

pler la gloire du Seigneur. La premiere de ces titre : pour Idithim, c'est-a-dire, pour « celui qui ^j,

occupations est salutaire, la seconde est plus douce. franchit. » H s'elait avance par dela toutes les choses tempi

Remarquez que I'une est comparee a la nuit,


aussi qui passent, emigramt en esprit, vers celles qui sont CODS I

et I'autre au jour. Que dit en effet I'Apotre? « Pour reelles et durables.La est le nombre sans nombre. eteni
nous, a visage decouvert, contemplant la gloire du la fin sans terme la fin qui acheve le temps de la
:

Seigneur, transformesenla meme image, nous aUons misere, et qui ne termine pas la felicite. « Car le
de clartes en claries. » (II. Cor. in, 18,) C'est chose Christ est la fin de la loi, pour procurer la justice a
toiit-k-fait excellente, de se conserver pur des atteintes quiconque croira. » \Ro}n. x, 4.) U est aussi la fin
de ce siecle, et de ne pas se conformer a ses usages : de la foi, pour procurer la joie a quiconque le verra.

mais ilestbien plus excellent encore d'etre renouvele C'est lui en effet qui >^st« la sagesse atteignant d'une

par la vertu du siecle futur, et d'y etre transforme, extremite a I'autre fortement et disposant toutes
marchant de clartes en clartes. Se tenir sur ce choses avec suavite.w {Sap.vin, 1.) D'une extremite
sommet eleve, c'est se placer siu" la montagne du a I'autre ; atteignant de la foi a I'esperance comme
Seigneur et s'y tenir durant le jour. « M'v tenant voie : disposant tout vers ce terme, comme vie. Car,

debout, » dit le Prophete, « tout le long du jour. » dit-il, « je suis la voie, la verite, et la vie. » {Joan.

biis manuum fuarum exultabo. Si sic delectat, sic Propheta, a jugitale? non sunt infirmata a jejunio? Et
liEiificat magnificentia tua, Domine, essentia quid faciei? quidem non jejunium, sed suans est magis epulatio hu-
Si complaces in operibus tuis, in te ipso qualis no- jusmodi speculatio. Denique qni habitat in excelso, pa-
bis eris? nis ei datus est, aquae ejus fideles sunt.
2. Felices qai id praelibare possunt; vacare et videre 3. Quis dabit mihi pennas sicut columbae, ut volare

quam suans est Dominus Hcu ! me quod non in hoc ip- possim in tam fidam et foecnndamstationem.ubi requies
sum libera labuntur tempora : quod dislraclo mordaci- est, et refectio ? Rarus mihi illo accessus, si tamen ul-
bus curis animo, corrosus quodammodo et dimidiatus, lus. Rarus, sed forte et interruptus statim, et sicut um-
ad tampium accedo spectaculum quod de ejusjugilate : bra cum declinat, ablatus donee iterum locustarum
:

cum Prophefa gloriari non licet Super speculam Do- : more subitum excutiar in sallum. Bonus quidem saltus,
mini ego sum stcuis jugiier per diem : et super ciisto- de quo legis in Psalmo Sotum fac mihi Dotnine finem
:

diam meam ego sum stans iotis noctibus. Non illi in meum, et numerum dierum meorum quis est. Denique
vacuum diffluebant tempora, imo non ipse \-agabatur et pro Idithmi, id est, pro transiliente, hie Psalmus
el volilabat cum tempore,
qui tempera religata lenebat inscribitur? Transilierat cuncta quaetranseunt, ad ea quae
in sui custodia, vel inDomini specula ilia expendens. sunt et manent, mente transmigrans. Numerus ille sine
Salubris quidem ilia, sed ista suavior. Denique adverte numero, finis sine fine; finis miseiiam exterminans, fe-
illam nocti comparatam, islam diei. Quid enim ait Apos- licitatem non terminans. Finis enim legis Ckristusad
tolus? yos aufetn revelafa facie glorinm Domini specu- fustitiam omni credenti; Finis idem ipse fidei ad laeti-
lanies, in eamdem imagmem transfornvamur a claritate tiam omni cementi. Siquidem ipse Sapieniia attingens
in claritafem. Optimum plane immaculatum secuslodire, a fine usque ad finem fortiter, et disponens omnia sua-
nee conformari huic saeculo sed longe praesfantius fu-
: viter. A fine ad finem a fide ad spem, attingens quad
;

ture reformarj, et transformari a claritate in claritatem. \'ia : disponens, quasi vita. Ego sutn, inquit, via, et Ve-
Huic speculalioni inslare, super speculam Domini stare Via deducens, Veritas docens, vita dulces-
ritas, et vita.
esi, el slare per diem. Sia7is, inquil, jugiier per diem. cens. HcBC enim est vita cetema, ut cognoscant te verum
Quid ergo.' Non suot infirmata genua tua, benedicle Deum. CogiiitiO haec pleita dulcedinis. Adimplebis me
. »;

TRAITES ASCEttQUES ET LETTRES. 2^1

XIV, 6.) Le cherain qui conduit, la verite qui ins- la gloire et I'image de Dieu. Mais quand cela aura-
truit, la vie qui adoucit, « Voila » en effet « la vie t-il lieu,quand s'accomplira ce qui est ecrit Nous :

eternelle, c'estde vous connaitre, vous qui etes le savons que lorsqu'il apparaitra, nous lui serons
vrai Dieu. » [Joan, xvii, 3.) Cette connaissance est semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est.
pleine de suavite. Vous me remplirez de joie en me (I Juan, ui, 2.) C'est en attendant cette vision que
montrant votre visage, les jouissances abondent toute creature gemit, soupire et souffre comme les
dans votre droite jusqu'a la fin. » [Ps. xv, 11.) douleurs de I'enfantement. en elle que con-
C'est
Nous serons disposes avec suavite vers cette fin, siste vraiment la sagesse, qui nous faconne douce-

quand Jesus sera lout dans tous, quand les derniers ment, de maniere a nous faire ressembler a Dieu.
vestiges du vieil homme etant efTaces, la morialite Tourmentes maintenant par beaucoup d'epreuves,
sera absorbee par la vie, I'iufirmite par la force, les alors nous trouverons des jouissances dans tout ce

tenebres par la verite et la concupiscence char- que nous verrons. [Sap. m, 5.) A present nous som-
nelle, par I'abondance de la vigueur de I'esprit. mes dans les successions des temps et non dans les
rant k. Ces deux principes se combattent dans la vie degres de la perfection : nous n'allons pas de vertu
tire ici
pour presente; il faut hitter avec vaillance pour nous re- en vertu, ni de clarte en clarte en une: mais alors,

•f
* 'a poser heureusement, pour que le combat se change fois et en meme temps, nous nous trouverons dans
en paix, comme il est ecrit, « dans la paix, en le toute vertu et dans toute verite. N'est-ce pas ce que
meme bien, je dormirai et me reposerai. » [Ps. iv, 9.) dit Isaie Avant qu'elle souffrit, elle « a enfante
:

I
paix vraie et complete, d'autant plus veritable avant de souffrir, elle a mis au monde un enfant
I
qu'elle est moins variable : d'autant plus pleine male. [Is. lxvi, 7.) Quelle est cette femme qui a
I
qu'elle est plus durable ! En le meme bien, ce mot enfante avec tant de precipitation et sans ressentir
exclut la diversite, la paixchasse pareillementl'ad- aucune souffrance ? Assurement, c'est cette sagesse
I

I
ne travailleront pas en vain, ils n'en-
versite. lis dont nous parions, qui prononce ces paroles « je :

gendreront pas dans le trouble. (75. lxv, 23.) suis la mere de labelle dilection, et de la connaissance.
Comme si le Prophete disait lis ne travailleront : [Eccli. XXIV. 24.) Elle nous enfantera pleinement de
pas sans fruit; il ne travailleront point pour le cette maniere, quand, sans obstacle, nous contem-
fruit. 11 n'ost pas ici-bas de fruit sans travail ; sou- plerons la verite dans I'eternite et nous serons unis
vent il y a du travail sansfi'uit. « Quand vous aurez par la charite. « Mes peiits enfants que j'enfante
laboure la terre, ne donnera pas ses produits. »
elle de nouveau, jusqu'a ce que Jesus-Christ soit forme
[Gen. IV, 12.) En ce moment, nous gemissons et en vous, « s'ecrie saint Paul. L'apotre enfante done
nous soulTrons comme les douleurs de I'enfantement ; a present, alors ce sera le Seigneur qui enfantei'a.
en ce temps, nous nous rejouirons du fruit que vous « Moi qui fais enfanter les autres. je n'enfanterai
aurez porte. « La femme, quand elle a mis au pas? Et moi, qui donne aux autres la puissance
monde son enfant, ne se souvient pas des souffran- d'engendrer, je serai sterile? » dit le Seigneur.
ces qu'elle a eprouvees. » [Joan, xvi, 21) Car elle a [Is. Lxi, 9.)Bien plus, nous serons instruits par
donne le jour a im enfant male, en qui se trouve le Seigneur, lui devenant semblables.

Icelitia cum vultu tuo : deledationes in dextera tua rit quod eum sicud est.
similes cierimus, quia videbimus
usque ad finem. In hoc fine disponemur suaviter, Ad hanc visionem omnis creatura ingemiscif, suspirat,
quando ipse fiierit omnia in omnibus; deletisque et parturit usque adhuc. Ipsa et vere sapientia, divinam
omnibus veteris hominis reliquiis, absorpla erit a nos suaviler disponens ad imaginem. In multis nunc
vita mortalitas, a virtute infirmitas, a verilate ca;- vcxati, tunc in cunctis bene disponemur non per vices ;

citas; et carnalis concupiscentia ab abundantia spi- temporum, non per gradus profcctuum non de virtute ;

ritali in virlutcm, nee de claritate in claritatem scd siniul ;

4. Quae quoniam sibi dum hie vivitur adversantur, et semel in omni virtute, et omni veritate. An non hoc
pugnandum est fortiter, ut et piigna pausemus feliciler, ipsum Isaias dicit?Antequam parturiret, peperit; ante-
vertatur in pacem, sicut scriptum est? In pace in Idip- quam parturiret, peperitmasculum? O'la; est ista, qu^
sum dormiam et requiescam. vera pax et plena pax, tanta cum festinatione, sine omni fatigatione peperit?
tanto magis vera, quanto minus varia tanto plcnior, : Utique de qua loquimur, Sapienlia, qua' dicit
ipsa, :

quanto purennior Idipsum diversitatem excludit, pax


! Ego pukhrce dilectionis et agnitionis. In hac par-
inater
adversitatem. Non laborabunt frustra, nee genernbunt in turitione nos ad plenum pariet, quando sine difficullalc
conturbatione. Quasi dicat Non laborabunt sine fructu; : in aetcrnilale, vcritalem conlemplabimur; carilali con-

nee laborabunt ad fructura. Nullus hie sine labore fruc- temperabimur. Filioli mci quos ilrrum purlurio, donee
tus, sine fruclu labor frequens. Cum operatus fueris ter- formetur Christus in vobis, ait Paulus. Ergo nunc par-
ram, non dabit fruclus suos. Modo parturimus etgcmi- turit Apostolus, tunc ipse Dominus pariet. Si
mus, tunc de partu gavisuri. Non meminil pressures mu- ergo qui ceteros parei'e facio, ipse non pariam;
lier cum puerum peperit peperit enim masculum, : qui getierndonem prrpsfo ca-teris, stcrilis ero dicit ;

in quo imago est et gloria Dei. Seu quando fiet istud, Dominus? Imo erimus omncs docibilcs Dei, con-
quando adimplebitur quo legitur? Scimus cum apparue- formes ei.
272 L'ABBE GILLEBERT.
5. Enfin, par cette conformite n6e de la vision ment la parole des prophetes : vous faites bien d'y
de Uieu, nous somraes renouveles dans le sexe vi- preter attention comme a une lumiere brillantejus-
ril, car I'liomme est I'image el la gloire de Dieu. qu'a ce que le jour eclatantse leve. (II. Petr.i. 19.)
(I. Cor. XI, 3.) Au^si rhomnrie ne doit pas voiler On cache la lampe lorsque I'astre du matin se mon-
son visage, montrant par la dans son corps ce qui tre. La parole des Prophetes disparaitra, la parole
plus tard se realisera dans son ime quand notre : des Apotres disparaitra aussi. « Car, » dit saint-
esprit k decouvert contemplant la gloire du Sei- Paul, « nous connaissons en partie, quand ce qui
gneur, nous serons transformes dans la meme est parfait montrera, ce qui n'est qu'en partie,
se
image, sans moyen d'avancer, sans crainte de re- sera remplace. (I Cor. xiii, 10.) Aussi saint Phi-
culer. C'est la ce qui est ecrit avec un si grand sen- lippe disait : « Montrez-nous votre Pere et il nous
timent d'etonnement « qui a jamais entendu par- : sulfit. Vous, dit-il, et le Pere. Pas un autre que
ler d'une chose pareille ? Qui a vu prodige pared ? vous; pas d'autre reaUte que lui, « et c'est la tout
Si une nation est nee d'un coup, et si la terre a en- ce que nous voulons. »
fante un jour ; parce que Sion a mis au monde des 6. Car les biens invisibles « qui sont » en vous, Aspinu
fils. » (/s. Lxvi, 9.) Celle qui est vraiment Sion, « comprises par des
creatures nous sont bieni^
le reflet
celle qui est appelee « contemplation, » enfante en connus, avec votre vertu et votre divinite eternelle.))
un jour, et en ce seul jour, qui, brillant dans les [Rom. I. 20.) Mais autre chose est de vous voir,
parvis de la maison du Seigneur, est meilleur que sans aucun milieu : autre chose de devoir cette vi-
mille passes ailleurs. C'est de ce jour que le Pro- sion a un autre Pourquoi
principe bienfaisant.
phete parle ailleurs : « et il y aura un jour qui est m'allumez-vous un flambeau? pour que je Est-ce
a nous, dans le Seigneur ; ce n'est pas le jour et voie le soleil? La lampe est utile, mais pour I'oeil
la nuit. Au temps du
lumiere se montrera.
soir, la qui est faible les inamelles sont bonnes, mais pour
;

Parce que votre ne declinera plus, la lune ne


soleil ceux qui sont petits enfants dans le Christ le mi- :

diminuera pas, mais le Seigneur sera pour vous la roir est bon, meilleur est le baiser. Aussi, embras-
lumiere eternelle. {Is. lx, 19.) C'est lale jour qui sez-moi, vous, d'un baiser de votre bouche de vo- :

estconnu du Seigneur, car ce jour, c'est le Sei- tre bouche, et non de vos ceuvres. La bouche est
gneur. Personne n'a connu le Pere que le Fils, et dedans, les ceuvres sont dehors « Quimedonnera,
:

celui a qui le Fils a voulu le faire connaitre. vous mon frere, sucant mes mamelles, que je vous
{Matth. xr. 2.) Samanifestation fera de nous des trouve dehors et que je vous embrasse? [Cant.
jours nous lui serons semblables quand il se
: VIII, 1.) Apropos de celui qu'elle desire baiser, apres
montrera. « Les jours seront formes, » dit le Psal- I'avoir ti'ouve dehors, I'epouse dit qu'il suce les
miste {Ps. cxxxvin. 16,) « et personne ne sera dans mamelles, faisant ainsi quelque allusion a Tanean-
eux, de ceux dont il est dit Vous etes la lumiere : tissement opere dans le mystere de I'lncarnation.
du monde. [Matth. v. IZi.) « Vous avez en ce mo- La sagesse, cette ouvriere souveraine, se montre

5.Denique in hac conformitate de ejus visione nata, cuabitur apostolicus et sermo et sensus. Ex parte, in-
in prolem renovamur masculinam siquidem vir imago : quit, cognoscimus. Evacuabitur autem quod ex parte est
est et gloria Dei. Unde non debet vir velare faciem cum venerit quod perfectum est. Propterea ait Philip-
suam, id corporis praetendens habitu, quod tunc erit in pus; Domine ostende nobis Patrem, et sufficit nobis. Tu,
spiritu quando mentis revelata facie glorlam Domini
: inquit, et Patrem. Non alius quam tu ; non aliud quara
speculantes, in eamdem transformabimur iniaginem, abs- ipsum ; et sufficit nobis.
que proficiendi articulo, et deficiendipericulo. Hoccnim 6. Invisibilia quidem tua per ea quce facta sunt, in-
est quod admirando dlcitur Quis audivit unguam tale?
: tellecta conspiciuntur,sempiterna quoque virtus et divi-
aut quis vidit hide simile ? Si nata est gens semel, et si nitas : sed aliud est videre te, nullo mediante; aliud
parturivit terra una die quoniam peperif Sion filios.
;
alieno beneficio. Quid enim mihi lucernam accendis?
Yere enim Sion, quae specula dlcitur, in die parit, et in ut solem conspiciam? Bona lucerna, sed infirmo oculo;
die una ilia, qu;B in atriis Domini melior est super mi- bona sunt ubera, sed parvulis in Ghristo ; bonum est
lia. De qua et Proplieta alias. Et erit dies una quce nos- speculum, sed melius est osculum. Ideo osculare me tu
tra est Domino non dies et nox. Et in tempore vesperce
: osculo oris tui oris, inquam, tui, non operis tui. Intus
;

lux erit. Quoniam quidem non occidet ultra sol tuus, OS, foris est opus. Quis mihi det, inquit, te frafrem
neque luna minuetur : sed erit tibi Dominus in lucem meum sugentem ubera mea, ut inveniam te foris, et
sempiternam. Haec est Dies quae nota est Domino haec : deosculer te? Quem inventum foris deosculari exoptat,
est enim dies, Dominus. Nemo novit Patrem nisi Filius, vocat et sugentem ubera, de incarnationis exinanitione
et cui voluerit revelare. Ipsius revelatio etiam nos dies aliquid significans. Alio autem modo, eisi inunione per-
efficiet similes ei erimus cum apparuerit. Dies, inquit,
: sonae, per operis tamen indicia Sapientia artifex foris
formabuntur, et nemo in eis, eorum utique quibus dici- relucet foris delectatur, etsi
; suaviter non suflicienter.
tur Vos estis lux mundi. Habetis nunc prophet icumser-
: Fac quod sufficiat, ostende te ipsum, ego te foris stu-
monem, cui bene facitis attendentes quasi lucernce, donee diose requiro, tarde invenio, cum difficultate retineo, et
illucescat dies. Jam quidem lucerna reconditur, cum Lu- quodammodo fugitantem et elabentem votive deosculor.
cifer oritur. Evacuahitur enim sermo proplieticus, eva- Bona haec oscula, sed sicut in imagine, sicutin umbra:
TRAlTfiS ASCETIQUES ET LETTRES. 273
d'une autre maniere, au-dehors sans doute, dans sera banni de cet heureux sejour. Les mamelles
runiondelapei'sonnelle, uiais encore aussiparTeclat sont preferables au vin, mais non point a celui-ci
de ses oeuvi'es : elle rejouit aii-dehors, avec sua- qui est delicieux par-dessus toutes les mamelles.
vitCjmais non point a nn degre sufQsant. Dounez- I.es mamelles n'enivrent pas ; mais lui, il produit Dfeir de la

nous ce qui suffit, montrez-vous vous-meme je : change I'etat de I'esprit, en lui faisant
I'ivresse et henreuse
vous clierche a rexterieur avec soin, je voustrouve eprouver des sentiments uouveaux et iniisites. La i^resse.

bien tard, je vous retiens avec difticulte, et quand bouche qui suce les mamelles, les tarit : ce vin qui
je vous baise au gre de mes desirs, vous disparaissez veux pas que la
euivre, coule sans relache. Je ue
et Yous fuyez. Ce sont des baisers dclicieuK, mais fraicheur du lait vienne temperer sa chaleur je :

ils sont rapides comrae une ombre legere, comme le veux pur; je le veux coulant toujours. C'est ce
une figure qui passe : ilssont fort doux^ il refont c£ue nous lisons dans I'Ecriture : ils seront enivres
pour un temps, mais ils ne suffiseut pas donnez- : de la richesse de votre maison, parce qu'en vous
nous ce qui suffit Embrassez-moi^vous^ d'un baiscr est la fontaine de la vie, et en votre lumiere nous
de votre bouche, d'un baiser du Verbe et non de la verrons la lumiere. [Ps. xxxv. 9.) Voila une ivi'esse
chair : de la verite et non de I'image; d'un baiser bien extraordinaire, qui ne vient d'aucune licpieur,
volontairement donue et non arrache par violence; mais que cause la lumiere ;
qu'occasionne la vei'ite
du baiser de votre manifestation et de ma res- sincere et non la boisson fermentee. Aussi faites
semblance avec vous, qui m'unisse, m'unisse a jaillir votre lumiere et votre verite; donnez la ple-
vous dans un seul et meme esprit : « car qui s'at- nitude et non le gage qui retarde votre presence,
tache au Seigneur devient im seul et meme esprit qui tempere la grace et qui voile la verite que ce ;

avec lui. (I. Cor, \i, 17.) Get embrassement invin- qui nous est promis dans les ombres nous soit ac-

cible, forme d'amour et d'union, porte avec rai- corde dans le grand eclat du jour. Les biens dont
son nom de « baiser. » Aussi, je vous laisse le
le parte le Prophete, sont dans I'ombre « I'oeil n'a :

soin de me donner ce baiser, je vous en donne I'au- pas vu. Seigneur, sans vous, ce que vous preparez
torisation, la tout vient de vous, rien de mon tra- a ceux qui vous attendent. » [Is. lxiv. U-) Et au li-
vail; de votre indulgence, rien de ma diligence; de vFe des « Nombres » les personnes qui ne posse-
votre manifestation, et rien de mon investigation. dent pas d'heritage, mais qui attendent celuide leur
7. Voila pourquoi je dis, montrez-vous a moi, pere, sont appelees filles de Salphaad. [Numer.
par vous-meme, tel que vous etes, et cela me suffit. XXVII. 6.) c'est-a-dire a ombres : » Salphaad ne
« Je serai rassasie quand votre gloire m'aura ap- pouvait en effet, une « ombre » n'etait pas capable
paru. [Ps. svi, 1^.) Quand vous m'aurez fait boire
)) d'engendrer des hommes
en qui se voie I'image et
a satiete ce vin nouveau que vous buvez et que la gloire du Seigneur. Cette transformation n'aura
vous faites boire dans voti'e royaume. Je le veux pas lieu tant que nous servirons Dieu dans la foi :

pur, non mele; pur et sans lait, parce que le lait mais quand nous le verrons, alors nous lui serons
est pour les petitsenfanls. Ce qui est de Tenfance semblables. C'est pourquoi, nous qui, dans le corps,

bona haec oseula, ad tempus reficiiint, sed non suffi-


et rem temperari purum exspecto ct peren-
factis frigore :

ciunt fac quod : siifflciat. Deoseularc me tu osculo niter manans. Sic etcuim legimus
Inebriahuntur ab :

oris tui, osculo Veibi, non carnis; veritatis, non imagi- ubertate domus hue, quonimn apud te est fons vitce, et

nis osculo volunlai'ic indulto, non violenterextorto; os-


; in lumine tuo videbimus lumen.
Inusitata ha3C plane

culo manifestationjs tuaj, et conformationis mea', ut tibi cbrietas, quae fumine fit, non fiquorc; sinceriiate, non
compositus, tibi copulatus, in iino sim spiritu Qui : siccra. f deo cmitte fuccm tuam, et vcritatcm
tuam ple- ;

cnim adhoeret Domino, unus est Spiriius. Individuus nitudiiiem, non pignus quod praesentiam tuam tardet,
iste amoris ct unionis complcxus, jure osculi ccnsetur gratiam temperet, lumen ofmmbrct quod in umbra :

in fumine. In umbra est, quod


nomine. Et ideo tibi osculandi delcgoofficium, auctori- promittitur, pra-stetur
tatem attribuo, ubi totum est opcris tui, non laboris Propheta loquitur Oculus non vidit
:
Deus absque te,

mei indulgentiee tuae, non diligentiae nieae


; manifesta- qucBprwpaiwti exspectantibus te. Sed etiam qua» in Nu-
;
patcr-
tationis tuae, non meae invcsligationis. meris hereditatem non possidcnf, sed postulant
sunt Salphaad id est umhrte ncc
7. Propterea dico, manifesia mihi teipsum, per tc ip- nam filia; dictaj
;
: :

Salphaad, non poterat umbra viros gene-


sum, sicuti es, et sufficit mihi. Satiabor, cum apparue- cnim poterat
rit gloria tua cum me infuderis vino illo, vino novo,
: rare, in quibus imago est, et gloria
Domini. Quod qui-
qnod ipse potas, ipse propinas in regno tuo. Merum il- dem non crit, quandiu crcdimus : sed cum videbuuus,
lud volo, non mixtum tunc crimus similes ei. Propter hoc qui
sumus in cor-
purum, el sine facte, quia lac
parvulonim est. Evacuabuntur qua? suntixirvufi. Meliora
;

pore peregrinautes a Domino, postulamus


cum filiabus
eniui poslulemus, sicut oporlet nesci-
sunt quidem ubera vino, sed non islo; magis autem op- Salphaad '(quid
mus) postulamus hereditatem paternam
Dominus enmi
timum istud super ubera. Deniquc non haec incbriant, ;

pars Iwreditatis m'W. Poslulumus cum Apostolo


Os- :
sed illud et mentis statum innovos quosdam inusilalos-
;

quc transfundit sensus. Ubera dum suguntur, siccanlur tende nobis Patrem, el sufficit nobis. Non insislo ulto-
;

in lioc mihi desideriurum li-


illud quod inebriat, exuberat jugiter. Nolo ejus fervo- rius citra non subsisto :

T. V.
18
:

37& L'ABBE GILLEBERT.


Tt^ageons loin da Seigneur, nous demandons arec en mouTement par le soleU ^temel luisant en tous
les filles de Salphaad (et meme nous ne savons de- lieui.Par une raison nourelle, ces jours n'auront Co«ij

mander comme il faut', nous redamons llieritage pas de terme, mais il r en aora plusieors une :

patemel : « c'est le Seigneur qui est la portion de etemite continoelle et inalterable se leTcra sur nos ,^1
mon heritage. Arec I'Apdtre,
nous adn^sons cette tetes,mais il n'r aura pas pour nous de simphcite
supplique : JfontrezHious rotre Pere et il nous sof- absolue, semblable a I'unite qui est dans la nature
fit. Je ne sollidte rien au-dela de ces biens; tant dirine. Les autres biens, quoiqu'ilssoienttous eter-
que je ne les ai pas, je ne puis subsister; en eux neb, ne sont pas neanmois simples, pour eux, ctre
je place la limite de mes desirs, et le terroe de mes ceci ou cela, n'est pas etre puiement ; nietre ceci ou
T«£ui. Quelle est cette fin? Celle dont parte I'Apo- cela, quoique ce soit qu'ib sont. Car, dans la crea-
tre : « la fin, c'est la Tie etemelle. [Rom. n. 22.) tion SfHrituelle, ces biens qui sont infinU en eox-
Quelle ^ cette vie etemelle? Celle dont le Girist memes, le sont par rapport a leur duree qui ne
dit : • c'est la vie etemelle, de tous connaitre, finira pas, mais ils sont determines d'une certaine
Tous, le vrai Dieu et eelui que tous aTci euTOTe, maniere les uns par rapport aux autres et se trou-
Jesus-Christ. {Joan. rru. 3.) Tent droHisaits a cause d'une certaine diffierenoe
8. II setait deja transporte en esprit, a la conclu- qui separe les natures et leur? affections. Aoss, le
sion de toutes choses, ce personnage qui s'ecrie Seigneur dit : dans la maison de mon Pere, U est
dans le Psaume : c Seigneur, £adtes moi connaitre pjusieurs demeores. » [Joan, sir, 2.^ Demeures :

ma fin. ; Ps. x .v w ux. 5.' La fin du bien et la fin du de lumiene, parce que Dieu habite ime lumiere inac-
malrdu mal parce qu'U est consume, dubienpaice cessible. (H. Tun. Ti, 16. Done ce « nombre de
qu'il est consomme. Aussi e'est la la Txaie fin, la jours » dont il etait question plus haul, signifie la
fin pure, pieine et perpetuelle : puiedu mal, pleine meme chose qu'iei « la multitude des demeures, »
de bien, sobsistant toujours arec ce double carac- non que chactm ait la sienne, mais parce que le
tere elle cause de pures emotions, 'elle soffit plei-
: meme pent en aToir plusieurs, en rertu de cette
nement, et prx>iuit sans relache ce doable et heu- parole : « et toi, recois pouToir sur dix Tilles.

reui effet. Car cest la la pensee qu'ajoute le Ps^ (Luc. iix, 17.) « Car I'etoile diflere en darte del'e-
miste : c et le nombie de mes jours, quel il est toile. » (I Cor. xr, 41.) Et selon le nombre des Ter-
[lb.) Les jours en eSet luisent Teritablement pour tus qui aura ete enToye d'aTanoe au ciel, le nombre

loi, et ne se soccedent pas leur nombie n'est ni : des claries se multiplieia, comme le porie la pro-
diminue ni change. Aussi est-il dit : « qoelil esL messe du Prophete : « Le Seigneur remplira Totre ame
Comment le jour qui meclairedefaillerait-il, si mon de splendeurs. Js. hwa. Li.] Grandonent heureuse
soleilne se couchait pas? c Yotre soleil, » dit le Tame qui sera remplie,non d'une seale mais de plu-
Prophete, « ne disparaitra jamais, et rotre lone ne sieurs splendeurs, de ces saints eclats dont il est ecrit
subira point de diminotion. * {Is. lx, SO.) (Test « leprincipe est arec tous au jour deTotre puissance
moi qui stiis la lane, il est le soleil : et cette lone dans les ^lendeurs, des saints. (Ps. ax, 3.) O que
ne s'afiEaiblira jamais, parce qa'elle n'est pas mise brillants sont ces joois et les rarons de cette darte.

mitem pmio, Totomm coUoco finem. Qok tandem iDe Tins confwmis simpBeilas. Cdam eniBi ammaa.
nnifati
finis? Apostohis : Fmem eero vHarn teler-
qaan dual ficet sQo^tenB
sont, simplida tamen neqaaqnam snot,
nam. Quae est ista vita aetema? qnam didt Christns : qnibos ncm hoc ^
esse, qood hoc vd istnd esse : nee
Btee est vSa tetana; ut eogmosautt te tatM Daat, et hoc vd istod ^se, qood qoidlihet qood sont, esse. Nan
qtum nuskti Jemnt-Ckristmau in creotnn ^iritoali qos sont in s^isis infinifa; f^i--.

8. Ad hone finem qo^i ad coDdosiiHiem noiTeisoram propter interminabilcm peisevoantiam, et ad se isTi-


TOto tzansierat, qui loqDitar in Psahno : Nohm fac con qoodammodo detenninafai, d definita pn^ter cer-
ndhi Damme /Eiwm mam, finem boni, ei finem mali : fam qnamdam natoiarom affeetJODomqae disiantiain.
QUos quia conaanmihir, hojos qpaa. coosmnmator. Ideo Deniqne, »
domo, ioqoit, Pabis mui, mtamsiomes mmtUe
Tere finem, finem pnram, ploiimi, papetnnm : a malo mnl : mansioDes plane lominom, qooDiam ^se Dms
ponun, in bono plenom, in ntroqae peipefnmn : pore looem haMtat inaecessihilem ; ot qood hie didtor mi-
alldt, plene soffidt, in neitroqae defidL Hoc oiim est maia dienoK, ilfic ioteOigatDr mmttSmdo mtamsioiuim,
good addit : Et mmmermm diaioH meomm, qidsetL Vere n<m qood singalis sont singnls, sed efiam aficoi molls
odm dies ilB sunt dmol, et noo soccedent ei : noo mi- joxta inod : Et te esto paiettatem kabems swpra decern
nnitiir, nan motator iDonun ifienon nnmems. Pnyterea dc&aiet, nam et steBa a steOa dSffert ektribde. In w
didtor, qui est Qoonam mode dies mens deficit, si sol qoo enim pneeessait virtotom nomons, molfqdieabifnr
meos non oedditT Norn oeddet inqoit, sol tmtu, et bum d nometns daritafom, sicat se habd pramissiopn^be-
tua non numutmr. Ego fama, el Ole sol : ei. ideo ilia ntm tica : latpUut Doaumms splaubinbiu amimam tmam. Fdix
minoetor, qoia a perenni, et obiqae pnesenti scde noo plane anima, qos non odo tantnm, sed mdtis fiierit re-
moTetor. Dienun e^o iDonun nova qoidem latiane mm pl^a spkndoribas, iDis otiqae de qoibos (Gdtnr : reevM
ait tenninos, et erit nomeros : erit ibi nobis jogis dt prmdpimm in die virMisttMe, insplendorSms samdon
inrtdlRaia sanpiteniitas, sed non erit omnimoda, et di- Serenkami ^lendores iaii <fies, et Tiiintis cJariJatK
«

TRAITES ASCfiTIQl'ES ET LETTRES, 275

c rayon 9. Qui me donuera, qne mon esprit soit illuming apparitions qui se firent apres la bienheureuse re-
jour
r

^ieruiie.
du triple rayon de cette splendeur, qiie ce nombre surrection, d'aucune, sij'ai bon souvenir, je nel'ai Temps des
tres-heureux acheve, remplisse contienne *PP^^^"'°*
et les lu qu'elle ait eu lieu ii rheiu-e de midi : elles se
jours de ma vie? Qui me donnera, dis-je, que mes faisaientou avant le commencement du Jjour, ou
'
J^s"s-Christ
aprjs la
jours atteignent a cette ligne de I'eternite, qu'ils vers son declin; pour vous faire comprendre qu'ici resurrection,

brillent dans la splendeur de la verite et qu'ils soient has toute lumiere dela verite est obscurciepar quel-
enflammes de I'esprit de cliarite? Et aussi ces I'e- que ombre d'ignorance. En meme temps, il y a ime
tours successifs du soir et du matin ne produiront remarque a faire, c'est que le Seigneur se tit voir
pas, comme au jour de la creation, plusieurs jours, en plein jour, aux saintes femmes qui le cher-
mais ils feront un jour continu, qui sera un midi chaient avec soin; et le soir du premier jour qui

incessant et parfait. Dans les jours primitifs pour suit lesabbat,aux disciples renfermes dans la mai-
parler de la sorte, entre le matin et le soir, fut chas- son. Oh! Seigneur, daignez nous appaiaitre ou a
see la nuit malheureuse ; en celui-ci le midi occu- ce point du jour ou a ce crepuscule. Tun ou I'au-
pera les extremites qui seront invariables, comme tre sera pour nous un midi parfait. Mais c'est dans
il est ecrit : « au temps du soir brillera la lumiere: la patrie que nous nous reposerons a cette heure.

parce qu'il n'y aura pas de changements de temps En attendant ce bonheur, taut que nous sommes
ou d'ombre de vicissitude. Mais quand cela aura-t- en chemin, nous vous prions, Seignem*, de nous
il lieu? Quand, obon Jesus, vous manifesterez-vous ranimer, en faisant tomber sirr nous un reflet de
a nous comme vous etes? En vous, nous verrons cette lumiere du soir. Pour nous, nous terminerons
le Pere, et ce sera tout pour nous. temps lents a ce discours avec le jour, sans vous mettre dehors :

venir, et coeurstroplourds pour jouir! lents ii voir, bien loin de la; achevant par vous, commencant
bien que prompts a croire. par vous, des le matin nous vous rendrons graces,
10. Approchez-vous de nous, Seigneur, afin que faisant eclater nos sentiments, en redisant ces paro-
nous puissions dire Le voici sautant sur les cretes
: les du cantique « Je me suis assis a i'ombre de
: ce-
des montagnes, francliissaut les collines. {Cant. lui que j'avais desire. {Cant, u, 3.)
II, 8.) Approchez, prevenez notre lenteur. Appro-
chez-vous, comme vous vous joignites, ainsi qu'il TRAITE II.

vient d'etre lu, aux. deux disciples qui allaient k


Emmaxis : leur reprochant leur lenteur a croire, 1 . Notre bien-aime s'est detourn6 un peu au milieu
expliquant les ecritures qui parlaient de vous; ou- des ten^bres de la nuit ; oil done le chercherons-
vrant au-dedans et apparaissantau-debors, mais dis- nous ? De quelle personne De celle qui a
sagit-il ?
paraissant trop ^-ite, peut-etre, parce cpie vous ne dit : « je suis la fleur de la campagne. » [Cant, ii,
vous montrates pas en plein midi, mais vers le soir nous marchons a sa rencontre, allous daus la
1.) Si
et au declin du jour. [Luc. xxiv, 25.) De toutes les campagne; bien plus, pen6trons dans le jardin, car

9. Quis dabit mihi, ut trini splendoris hujus radio rens ; forsitan quia non pleno meridie te manifestasti, sed
meus illustretur, ut dies meos beatissimus hie
spiritus sub ipsa vespera jam
Denique in omni
et inclinata die.
Humerus expleat, compleat, et contineat ? Quis, inquam, ilia beataeResurrectionisapparitione, nusquam meridiem
dabit mihi, ut seternitatis ad lineam sc porrigant, in ve- Icgisse me mcmini; sed vel fere nondum inchoatam
ritatis splendore fulgeant, et ferveant in spiritu carita- diem, vel jam inclinatani ut omnem hie veritatis lu-
:

tis? Sicenim, non utin mundi prima conditione, mutuus ccm quodam ignoranti;e temperatam obscure inlelligas.
vespertini et matutini temporis recursus plures dister- Simul grata hoe advertendo distinctio,quod qu£pren-
in
minabit dies, sed continuus erit dies, et totus meridies. tibus se studiose muHeribus dilueulo ad monumentum
Ibi, ut ita dicam, inter mane et vcspcram nox infdix apparuit scro autem die ilia una sabbatorum, rcclusis
;

explosa est in isto utrosque tcrminos iudeclinabiles


: discipulis in domo. Ulinam ergo et nobis, Domine, in
occupabit meridies, juxta quod legitur In tempore ves- : hoc vel dilueulo, vel erepusculo appareas, optimus plane
perce erit lux, quoniam non erit vel temporis transmu- super utrumque meridies. Sed in illo cubabimus in pa-
tatio, vel vicissitudinis obumbratio. Sed quando tria. Interim dum in via sumus, oramiis Uominc, ut vcs-
erit istud? quando te ipsum nobis in illo meri- pertinae lueis nos refoeilles unibraeulo. Sed nos
diano, sicut es, manifestabis bone Jesu? In te enira vi- jam cum die sermoncm claudimus magis autem in le :

debimus Patrem, et sufficiet nobis. pigra tempera, et terminantes, et a le inchoantes, in matuliuo libi graliaa
tarda pectora tarda ad cernendiim
! nam ad creden- ; referemus, in illud Canlici erumpenlcs Sub umbra :

dum prompta. ejus quern desideraveram sedi.


10. Appropria, Domine, tii nobis, ut nos dicere pos-
simus Ecce hie venit satiens in montit/us, transiliens
TRACT AT US
;

II.
colles. Appropinqua, ct praeveni tarditalem nostram. De-
nique et modo ledum est, qiiomodo duobus illis cunc-
ibus in Emmaus appropinquasti fidci tarditatem in ; 1. Declinavit paululum Dileetus nosier inter noclis
illis increpans, et teipsum dc scripturis intcrprctans lencbras ubi ergo qu;eremus ilium? Quern ilium?
:

intus aperiens, et foris apparens, sed nimis cito dispa- ilium ulique qui ait, Eyo flos campi. Si ergo ilium quse-
:

376 L'ABBE GILLEBERT.

« il est descendu en son parterre pour respirer les pent un seul individu, la comraimaute I'obtient, la
parfums. » [Cant. ti, 1.) Quand Marie le chercha charite le recoit. Cherchons donc tons ensemble, et
dans le jardin, elle le troura. (Joan, rx, 16.) Elle nous chercherons avec profit. Les femmes qui vin-
ftait k sa poursuite en pleurant, nous v sommes eu rent avec des parfums sont celles qui trouverent.
chantant ses louanges. Douce occupation, plus Excellents parfums dont il est dit voici corabien il :

douce recompense. Quelle est cette recompense? est bon et combien agreable pour des fireres d'ha-
Celle dont au Psaume il « le sacrifice de
est dit : biter ensemble C'est comme un parfum qui est sur
!

louange m'honorera ; et la est la route par laquelle la tete. » {Ps. cxxxi, 1.)

je lui feral voir le salut de Dieu. » {Ps. xli, 23.) 2. Peut-etre ne se laissa-t-il pas tant trouver,
Comment U Jesus doit donc se montrer a ceui qui I'esalteiit qu'n ne se presenta de lui-meme. « Elles saisirent

dans leurs cantiques. Cliercbons-le en faisant reten- ses pieds, » dit le texte sacre, elles ne le couvrirent
jSns-^Chr^tf
mais clierclions-le dans le jardin
tir ses eloges, : pourtant pas de parfums. Elles I'ont rencontre
dans le jardin il fut lirr^, dans le jardin il soutTrit, vivant, celui qu'elles avaient clierche parmi les

dans le jardin il fit son apparition. L'Ame sainte qui morts. EHes venaient pour oindre Jesus-Christ et
I'apercut, dit : Vous qui habitez dans les jardins, pour une seconde fois , et c'est lui qui
I'oindre
vos amis vous ecoutent, faites-moi entendre votre venait vers elles tout parfume de I'odeur vitale des
Toix. TO >^Cant. vni, 13.) Les amis etaieut Pierre et aromates immortels. 11 voulutetre couvert de par-
Jean. Les amis, etaient les Disciples, qui avaient fums avant sa passion, et ensuite au moment d'etre
entendu ces mots : u vous etes mes amis. » {Joan, xv, mis daiisle sepulcre; mais ressuscite, il n'en eut plus
ill.) Dites-moi ce qu'il faut que je leur annonce ; ils besoia. Car des cet instant, il etait rempli non-
sont dans les champs et moi, dans le jai-din. Eui, seulement d 'immortality, mais de I'onction d'xm
comme des hommes, mettent la main au.^ clioses pouvoir roval et suremineut, comme il I'atteste lui-
fortes, moi, je m' attache a celles qui sont douces. meme : « toute puissamce m'a ete donnee au ciel et

Heureuse la femme qui merita de voxis entendre, sur la terre. » Matth. iinu, 18.) Et : « Dieu lui a
plus heureuse celle qui vous vit : car votre voLx est donne un nom qui est au-dessus de tout nom. v
agreable et votre visage eclatant de heaute ; tres- [Philipp. Ti, 9.1 VoUa pourquoi il est dit : « votre
heureuse eut-elle ete si elle avait touche celui vers nom est une hmle repandue. » {Cant, i, 2.

lequel ses mains setendirent, si elle I'avait saisi et Enfiu il invite a venir jouir de ses propres parfums:
retenu ! Maintenant on lui dit : « ne me touchez « Venez dan? mon jardin, o ma soeur, mon epouse
pas. y> [Joan. ix. 17.) La faveiu' dont une seule j'ai recolte ma m}Trhe avec mes aromates. [Cant. »>

personne ne jouit pas fut accordee a plusieurs, elle V, 1.) Ce que j'ai seme, dit-il, de T6tre, je I'ai

fut lepartage de ces saint es femmes a qui le Sauveur moi du mien, et encore plus po'.ir
recolte poiir
dit : tt je vous salue. Et elles s'approcherent et vous; pour moi en reaUte, pour vous en esperance.
saisirent ses pieds. » [Matth. sxvin, 9) Ca que ne C'est pourquoi je vous invite : « venez dans mon

remQs, egrediamur in agrnm imo ingrediamnr in hor- ; tur : Ecce quam bonum et quam j'ucundum habitarefra-
tum. Siquidem ille deacendii in hortum suum, ad areo- tres in unum
Sicut unguentum in capife.
!
lam aromaiis. Denique et in horto Maria dum qua?sivit, 2. Forte nee tam se inveneri permisit, quam ultro in-
invenit Qujesivit ipsa lamentando: nos guseramus lau- gessit. Pedes eju-i, inquit, tenuerunt, non tamen unguen-
dando. Dulce quidem negotium, sed dulcius piaemium. to perfuderunt. Viventem enim repererant, quem quae-
Quale praemium? quod legitur in Psalmo Sacrificium : sierant cum mortuis. Veniebant, ut inungerent Chris-
laudis honorificabii me; ef iUic iter quo osiendam iiJi tum, ut perungerent unctum et ipse ad Ulas venicbat, :

saluiare Dei. Ergo laudantibus manifestandus est Jesus. totus spirans \italem immortalium odorem aromatum.
Quaeranius cum laude. sed in horto quaeramus in horto Ante passionem perungi se voluit, et postea sepeliendus
;

est tradjtus. in horto est passus, et apparuit in horto. permisit sed resuscitatus non indiguiL Abundabat enim ;

Quae vidit, ideo et ait Qui habitas in hortis, amid jam non modo immorlalitatis,sed ct regiae supereminen-
:

Qu.scultaiii,fac me audire vocem iuam. Amici, Petrus et tisque potestatis unguento; sicut et ipse testatur Data :

Johannes. .-Vmici discipuli, qui audierunt Vos amici est mihi omnis pofestasin cceIo etin terra, Et, dedit illi
:

mei estis. Fac me audire, quid illis annunciem, illi in Deus nomen quod est super omne nomen. Propterea di-
agro, ego in horto. lUi quasi \iri manum mittunt ad citur Oleutn effusum nomen tuutn. Denique ad sua in- :

foi-tia ego ad suaAia. Felii mulier, quae audire te me- \ital unguenta Veni in horfum meum, soror mea spon-
; :

ruit, felicior quae vidit vox enim tua sua'v'is et decora sa; messui myrrham meam cum aromatibus meis. Quod
;

facies: sed feUcissima, si ad quam manum tetenderaf, inquit, seminavi de tuo, sed de meo messui mihi, imo
tetigisset, tenuisset, et retinuisset. Nunc autem dicitur, et tibi ; mihi re, tibi in spe. Propterea invito Veni in ;

Noli me tangere. Quod una non potuit, plures potue- hortum meum, soror mea sponsa. Grata vocabula, et
runt, illae quibus divit At-ete. Ef accesferuni, ef fenue-
: plena dulcedinis. quae vel natune, vel gratiae copulam
rwd pedes ejus. Quod non potest singularilas, obtinet sonant. Ck)nsors factus naturae, gratis vicem rependo.
communitas, obtinet caritas. Quaeramus eraro unanimiter, Ideo sororem te voco, sed in carne: sponsam, sed in
et quaeremus utiliter. Denique, qu£e cum ungnento ve- Spiritu, per quem infusa est caritas. Veni ergo, soror
nemnt, ilte tarenerunt. Bonum onguentum de quo legi- mea sponsa. Veni tanto subarrhata pignore, secura de
TiLUTES ASCETIQUES ET LETTRES. 277

jardin, 6 ma soeur, 6 mon epouse. » Paroles agr6a- qui volent comme des nuees? » [Is. lx, 8.) Mainte-
bles et pleiues de douceur^ et qiii indiquent runion nant, I'esprit est prompt, mais la chair est plus
formee par la nature^ ou celle que produit la grice. lente la faiblesse des forces n'egale pas la puis-
:

Devenu participant de la meme nature, je donne la sance des desirs. Aussi « tirez-moi apres vous, nous
grAce en retour. Aussi je vous appelle ma soeur, courrous a votre odeur. » U est bon de couru",
mais selou la chair; mon opouse, mais selon mais il est preferable d'atteindre. Attendez celle qui
I'Esprit : selon la chair, en laquelle j'aipris I'huma- retarde, tirez celle q\u ne demande qu'a vovis sui-
nite en toute son integriie; selon I'Esprit, par vre. Je courrai avec plus de ferveur, si vous cou-
lequel a ete rt^pandue la charite. Venez done, 6 ma rez avec moi
courons ensemble, vous dans vos
:

soeur, 6 mon Spouse. Venez, assuree par un gage si parfums, et moi, dans I'odeur suave qu'ils exhalent.
grand qui vous a ete donne, certaine d'obtenir la Heureuse I'ame qui apres le travail, se rejouit deji
plenitude qui reste k venir. « J'ai recolte ma myr- dans les delices de ces parfums ; en cpii se rcpand
rhe avec mes aromates. La myrrhe » est pour la I'onction de votre connaissance et de votre amour,
sceur, les aromates sont pour I'epouse ; la myrrhe ou, pour parler plus juste, que le torrent de la vo-
de I'incorruption, les aromates de la v^rite. Vous lupte et I'immensite de votre douceur ont saisie et
connaitrez la verite, mais lorsque mon onction absorbee en leurs joies infinies. 11 est saintement
vous aura instruite. Vous venez avec des parfums, cache celui qui s'y trouve perdu, il est enseveli
mais moi j'en que vous ne connaissez
ai d'autres avec le Christ, bien plus, dans le Chi'ist ; et comme
pas, onguents nouveaux et bieu plus encore, on- il est ecrit, « son sepulcre est glorieux, » [Is. xi, 12),

guents anciens; car nouveau et ancien, j'ai tout grandement glorieux sa « place a ete faite dans la
;

reuni pour moi. En efl'et, les commencements de la paix, et sa demeure en Sion. » [Ps. lxxv, 3) Ceux
resurrection, qui aura lieu h la fin du monde, qui se trouvent en cette place vous contemplent a
se sont deja mis h. germer en moi; et la gloire, qui decouvert. Pour nous, comment vous voyons-nous,
jaillit de la clarte ancienne et eternelle, y brille sinon par reflet, dans le miroir des creatures et les
coustamment eblouissante. Car lePere m'a clarifie figures des Ecritures ? >fous, dans les enigmes et les
la clarte que j'ai eue, avant que le monde fut ombres : eux, dans la verite et dans la realite. Us Difference
qui eiiste
cree. se reposent et ils voient, ils sont debout et ils ecou-
entre la con-
3. Cesparfums sont vraiment exquis, 6 Seigneur, tent, ils tressaillent de joie a cause de la voix do I'e- templation
de I'iuie sur
et leur odeur delicieuse est deja arrivee a voire pouse et a cause de la vue de son visage. Car sa la terre et
celle des
epouse aussi elle dit « voici que Fodeur de mon
; : voix est suave et son visage rempli debeaute; aussi
bienheureui
bien-aime est comme I'odeur d'un champ qui est un unc allegresse incessante, s'e-
desir continuel, dans le ciel

plein. [Gen. xxvui, 27.) Et la oil vous la precedez, tendent comme un parfum sur tous ceux qui sont
elle vous suit, car elle s'ecrie ; « tirez-moi apres admis a voir et a entendre I'epoux car votre nom :

vous, nous courrons a I'odeur de vos parfums. » est une huile repandue en eux. Oui, une huile, car
[Cant. I, 3.) heureux moment, quand ces saintes votre nom et votre connaissance sont unc joieet une
ames entendront dire d'elles : « quels sont ceux-ci lumiere une joie versee, uue joie penetrant I'in-
:

plenltudine. Messui myrrham meam cum aromatibus simecum cucurreris curramus simul, tu in unguentis,
;

meis. Myrrham sorori, sponsge aromata : myrrham carni, ego in odore. Felix anima, quae post laborem jam in un-
aromata spiritui myi'rham incorruptionis, aromata ve-
: guentis laetatur; in quam cognitionis et dileclionis tuffi
ritatis.Cognoscetis verilatem sed cum vos mca docue- ; se effundit unctio magis autera assumpsit, et absorbuit
:

rit unctio. Vos cum unguentis venitis, sed ego alia ha- in so voluptatis torrens, ct multitudo dnlccdinis. Beate
beo, quae vos ncscilis, unguenta nova, imo et vetera : sane absconditur, qui ibi reconditur, consepultus cum
omnia enim nova et vetera coacervavi mihi. Futuraeete- Christo, imo in Christo, ct est, sicut \c'^\h\T,sepulchrum
nini in mundi line resurrcctionis in mc jam puUularunt ejus (jloriosum; gloriosum plane, cujus fuctm est in
initia ct antiquae illius aeternae claiitatis perseveiat glo-
: pace locus, et halitatio in Sion. Ibi qui sunt, te contcm-
ria, yiquidum clarificavit me Pater claritate quamhabui, plantur in specula. Nam nos quid nisi in spcculo, in
priusquam mundus fieret. speculo creaturarum, ct scripturarum ainigmatc? Nos in
3. Vcrc Domine, optima hacc unguenta sunt, et ad figuris, et obscuritatibus : in veritato ct sincerilate illi.

sponsam tuam jam illoruni pcrvcnit t'ragrantia. Unde ct Vacant gaudio gaudent
et vident, stant ct auscultant, ct
dicit Ecce odor diked mni, sicut odor agri pleni, De-
: propter voccm propter lacieni sponsi. Vox
sponsi, ct
nique quo tu praecedis, ilia subsequitur. Sic etenim di- enim ejus suavis et decora facies : ideoque jugc deside-
cit Trahe me post te, in odore unguentorum tuorum
: rium, indcfessa alacritas, in tarn suavem audilum ct
curremws. beata lempora, cum de se illud dici au- contuitum supercxtcndit parlicipes unguenii oleum :

dient Qui stud isti, qui ut nubes volant? Nunc spiri-


: enim elTiisum in illis nomcn tuum. Oleum jure; nomen
tus est pi'omptus-, sed caro est pigrior : vire? infirnia; enim tuum et notilia, lux est ct lajtitia : In'tilia profusa,
votum non aequant. Propterca trahe we pott te, in odore la>lilia dilTusa in corde j non adhuc crcdcnlium, sod jam
tuo currenim. Bonus est cursiis, sed traclus cfficacior. conlucntium. Non est ibi cor ct cor, sod cor unum
Exspccta morantem, trahe volentem. Gurram dcvolius, omnium. quam bouum cl quam jucuiidum hubiUu'c,
!:;

278 L'ABBE GILLEBERT.


time du coeur, non de ceux qui croient encore, qui est derriere k ce qui est en face, de la foi a la
inais de ceux qui contemplent deja. Lci, il n'y a pas vue, de I'odeur i I'onction, car nous marchons par
cceur et cceur, il n'y a qu'un seul coeur. qu'il est la foi et nous courons attires par le parfum. Heu-
bon et qu'il est agreable d'Jiabiter en I'unite et dans reux ceux qui ont bien couru et qui ont deja attaint
I'unitc'de ce cceur ! Lk, le commande et il
Seigneur le terme, ils n'ont plus a marcher encore, ils se
repand ses emanations : il commande ouvertement, tiennent debout dans la verite, ne vaccilleut pas, ils

et il fait couler ses delices avec abondauce : il epan- inondes qu'ils sont en toutes manieres, des parfums
che copieusement la benediction et la vie jusque de I'immortalite, et penetres de la myrrhe qui les
dans les siecles. met a I'abri de tout changement.La, ils vouslouent.
Malheur a moi.parce que je n'expose point
Zi. Seigneur, d'autant plus largement qu'ils le font
pleinement ce que je comprends d'une maniere avec plus de liberie. « Vous coiinaitrez la verite, »

quelconque. Malheiu' h moi, parce que I'expression est-il dit, « et la verite vous delivrera. » {Joan, viu,

et surtout une si douce experience me font defaut 32.) A I'eclat de cette verite, la vanite disparaitra :

Car les paroles ne repondent pas aux sentiments et « Car la creature est asservie malgre elle a la va-
les sentiments a la foi la foi ne suffit pas, si elle
:
nite : {Rom. vni, 19.) et le joug pesanl de sa cor-
ne refait pas entierement Fame. « Us seront ras- ruption, se pourrit au contact de I'huile {Is. x,27),

sasies, » dit I'Ecriture, « quand votre gloire appa- sous rinftueiice du parfum. Car on versera en votre
raitra. » (Ps. xvi, 1Z|.) Quand done la beaute se fera sein uiie mesure bonne, entassee et debordante;
voir, la faim s'en ira, la faim qui manque, non la {Luc. VI, 38), Seigneur, c'est vous qui la donnerez,
faim qui est satisfaite, la faim de la privation, non vous vous donnerez vous-meme a nous car le :

la faim rassasiee. Excellente refection que celle qui Seigneur est mon partage. Mais pourquoi vous Commi
cliasse le degout et aiguise le desirbonne
: avidite donuez-vous en partage, vous qui etes grand et rtcom)

que produit la satiete. « Ceux qui me mangent, » immense? Est-ce que vous versez Ihuile seulement , . ,?*

auront encore faim. » {Eccle. xxiv,


dit I'Ecriture, « selou la capacite du vase ? Pourquoi done dites- dona&
"**'
29.) Qu'est-ce que prendre son repos. sinon con- vous que mesure deborde ? Est-ce que vous
cette

templer? « Que les justes se nourrissent en presence repandez plus que nous ne recevous ? Car, quand
de Dieu. [Ps. lxvii, U-) C'est-a dire, en contem- meme nous nous distendrions de toutes nos forces
plant le Seigneur. Qu'est-ce qu'avoir faim, sinon pour vous recevoir, nous ne pouvonsvous contenir.
chercher toujours ? « Cherchez le Seigneur et soyez Dieu pent faire plus que nous ne demandons et que
fortifies : recherchez sa face sans relache. {Ps. civ, nous ne comprenons combien plus ce qui le cons-
:

U.)Recherchez constamment sa face, vous qui voyez tilue et ce qui n'a pas ete fait, surpasse-t-il la force
a visage decouvert nous qui sommes dans le corps,
: de notre desir et depasse la limite de notre intelli-

qu'apercevons-nous, sinon ce qui est par derriere? gence ? « Voici, )> dit-il, « que j'eutre eneux, comme
« Tirez-nous apres vous. » Faites-nous passer de ce un fleuve de paix, comme uu torrent de gloii'e qui

inquam, in unum et ibi in unum. Ibi enim Dominus


;
tisque dalibuti myrrha. Ibi te laudant tanto uberius,
mandat, et emanat mandat aperte, cmanat abiinde
: et : quanto liberius. Cognoscetis, inquit, \eritaiem, et Veritas
ubertim eflundit benedictionem, et vitam usque in sae- liberavit vos. Ergo ad coruscum vcritatis disparebit va-
culum. nitas Vanitati enim creatura servit non volens
: at gra- :

4. Vae mihi quod non elYundo plena quod utcumque ve corruptionis jugum computrescit a facie olai, ab af-
capio. Vae ab aridilate sermonis, magis vero a sensuum. fluentia unguenti. Mensura enim bona, et conferla, et
Nee enim satisfacit vel sermo affectui, vel afTectus fidei superfluens dabitur in sinum vestrum. Tu Dominedabis,
sed ncc fides sufficit, quae non plena reficit. Satia/jiniur, et teipsum nobis dakis pars enim mea Dominus. Sad
:

inquit, cwn apparuent gloria tua. Cum ergo venerit quid est quod in mensura te donas, qui ipse magnus et
species, abibit esuries, esurias egena, non esuries plena immensus es? Num pro vasculi capacitate infundis et
esui'ies jejuna, non esurias refacta. Bona quidam refec- olaum ? Quid ergo est quod superfluentem dicis? an
tio quae fastidium cvacuat, exacuit desiderium bona : quia plus efTundis quam capimus ? neque enim si omni
aviditas, quam satiefas parit. Quiedunt me, inquit, «<^//((«c nisLi ad capiendum te nos extcndimus, totum compre-

esurient. Quid est epulari, nisi contemplari ? Epulentur handimus. Potens est Daus facere supra id quod peti-
jit.sti in conspectu Dei, id est, conspiciendo Deum. Quid mus at intalligimus quanto magis id quod ipsa est et
:

est autem esurire, nisi sampcr qua?rera? Qucerite Donii- factum non est, nostrae exsupcrat modum appctantia;, et
num el confirniamini : qucerite faciern ejus semper. intelligcntiae limitem ? ^cc^", inquit, declino in eos, ut
Quaerite semper faciem, qui videtis facia ad faciem nos ; /lumen pads, et ut torrens inundans gloria. Numquid
qui sumus in corpora, quid nisi postariora conspicimus? ergo absorbere potcrit homo fluraen, cujus impetus lae-
Trahe nos post te. Tralie nos de posteriori ad faciem, da tificat civitatam Dai, et exhaurire Jordancm, ut totus in

fide ad speciam, de odore ad unctionem. Namperiidaui OS ejus influat? Vere Domina non angustiamur in le :
ambulamus, et in odorc currimus. Felices qui sic cu- tu enim das affluenter; nac paucis das, nee pauca das.
currerunt, ut jam comprebcnderint, ncc habent ultra nee parco et ramordente animo; praeveniens merita, at
quo currant, sed in veritate stant, et non vacillant, om- excedens vota non angustiamur in le, angustiamur au-
:

nimodis pcrfusi unguentis immortalitatis, immutabilita- tem in visceribus nostris. Tantas habentes promissiones
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 279

inonde. » (/5. lxvi, 12.) Est-ce qiie rhomme pourra nous accorder cette nuit, il est juste, Seigneiir, que
absorber ce fleuve, dont les flots rejouissent la cite des le matin nous nous presentions a vous que :

de Dieu, et epuiserleJourdaiiij en le faisant couler nous nous presentions ou que nous vous suivions?
dans ?a bouche Vraiment^ Seigneur, nous uesom-
? Heureux celui qui vous rencontrera des le commen-
mes point a I'etroit en vous car vous jetez a pro- :
cement du jour, assis au seuil de votre maison, qui
fusion, T0U5 ne distribuez pas a peu de personnes, pourra se tenir en votre presence et s'y tenir jus-

Tous ne distribuez pas peu, tous repandez sans qu'au soir, dans la crainte que, prenant de suite
lesinerie et sans remords, prevenant les merites et votre vol, il ne soit contraint de vous chercher en
depassant nous nesommes
les desirs: pas a I'etroit. promenant ses regards inquiets au milieu des souf-
Arantrecu de si magnitiquespromesses, 6 mes amis, fles leger s des airs. Car vous vous cachez dans les

dilatons-nous, elargissons nos coeurs pour desirer tenebres. (Ps.xvii, 12.) Vous etes lumiere et obscu-
rite et vous habitez une lumiere inaccessible. (I. Comment
et pour obtenir. :

5. Pour vous, Seigneur, vous qui etendez le fir- Tim. VI, 16.) Vous etes tenebres pour nous,puisque tou» Tirfois
luoiiere
mament comme la peau d'une tente, faites-nous vous nous etes inaccessible mais si la vue ne vous :
et tenebres.
sentir une communication douce et calme de votre atteint pas, vous n'etes pas inabordable pour la

richesse (carj'ai couru dans la voie de vos com- vois : parce que la priere penetre ou n'arrive pas la
mandements [Ps. cxvm, 32!, quand vous avez raison. « Le cri, » ditlePsalmiste, « que j'ai pousse

dilate men coeur), etendez I'enveloppe de mon cceur en sa presence a penetre dans ses oreilles. {Ps. xvii,
devenue vieille et toute contractee dans la position 7.) Done, que notre cri paiTienne devant vous, afin

inactive qn'elle avait occupee : faites disparaitre ses que vous sortiez et veniez en notre presence, et que
rides, enlevez ses sinuosites, applanissez ses gonlle- vous vous ladssiez voir, vous qui ne permettez pas
meuts afin que je vous desire sausmesure, que sans
; qu'on vous tienne. « Revenez, revenez, pour que
mesure je vous saisisse, et que cette sainte aviditeme nous vous voyons ; pour que nous vous voyons, »
rende encore plus capable de vous recevoir. Et ainsi, [Cant. VI, 12), jusqu'a ce que nous vous saisissions.
ressentaut par I'experience un leger avant-gout, la (( Revenez, soyez, 6 mon bieu-aime, semblable a la
oil la foi m'invite volera mon affection ; ma vive cbevre ou au faon de la bicbe, courant sur les

allegresse n'attendra pas I'impulsion de la raison : montagnes des aromates. Soyez semblable, » dit
en sorte qu'au milieu des tentations, la Constance I'epouse, « a la cbevre, » laissez-vous voir, etprenez
durable de mon saint propos sera moins eprouvee, votre vol : soyez present et eloignez-vous : present
toujours soutenuequ'elle sera par I'attente d'undesir au regard, absent pour le toucber. .Aussi il est dit a
ardent et d'une pieuse esperance. Mais arretons-nous la sainte femme : « Ne me touchez pas » [Joan, xx,
etrespironsendonnant du relache a notre esprit fa- 17) ; et ne me palpez pas d'une main fidele, comme
tigue, pour que, recree parun petit intervalle de re- pour faire une pieuse experience. Voici, Seigneur,
pos, il se releve ensuite avec plus de ferveur. que je retiens ma main et que je dirige mon ceil-
« Des le matin je me presenterad a vouset je ver-
TRAITE III. Dien se cache
rai. » [Ps. v, 5.) Malbeur a moi si j'entendais ces pour
fitre mienx
1. Refaits par le repos que vous avez daigne paroles a Detournez vos yeux de moi, parce qu'ils
:
cberch^.

carissimi, dilatemup et nos, dilatemurad optandum, ut mine, in matutino adstare tibl adstare an sequi ? FelLx :

dilatemur ad obtinendum. qui te assidentem foribus suis matutinis invencrit, ut as-


3. Tu Domine,tu potius placido et leni allapsu uber- tare possit, et astare in vesperum ne subito elapsum :

tatis tuae {viam enim mnndatorum tiiorum cucurri, cum volatu, 1-ago ^•ulta tenues inter auras quaereret. Tu enim
dilatasti cor meum) qui ccelum sicut pellem extendis,ve- tenebras ponis latibulum tuum. Lux es, et latibulum :
tustam factam cordis mei pellem, et inerti contractam lucem siquidem habitas inaccessibilem. Propterca nobis
situ lenitcr extende rugas ejus explica, extrahe sinus,
: tenebrae, quibus est inaccessibilis sed si inaccessibilis :

dilata receptacula ut sine mensura te concupiscam, et


:
visui, quia quo non approximat ra-
non tamen et voci :

sine mensura capiam, capaciorem me facial haec sancta tio, pertransit oratio. Clamor, inquit, mens in conspectu
cupiditas. Sic enim experiential tenui prffilibato gustu, ejus introvit in aures ejwi. Ergo et clamor noster intret
quo fides persuadet, praevolabit affcctus et rationis im- :
in conspectu tuo, ut et ipse egrediaris in conspectu nos-
pulsum fervida non exspectabit alacrilas ita inter ten- :
tro ; et indulgeas vcl videri, qui te non sinis teneri. Re-
tationem dura ac diuturna minus laborabit sancti cons- vertere, revertere ut intueamur te : ut intueamur, donee
lantia propositi, propcnsi desiderii et pia' spci exspecta- teneamus. Revertere, similis esto, dilecte mi, cnprete aut
tione protracta . Sed expectemus hie et rcspircmus pati- hinnnlo cervorum, super mantes aromatum. Simifit esto.
lulum fesso parcentcs spiritui, ut brevi fotus inlervallo inquit, capre<e Videaris, et avoles adsis, et elongcs :
: :

fcrvidiop exsurgat. adsis aspectui, absentans te tactui. Dcniqiie et mulicrl


dicilur So/i me tangere; et quasi quadam cxpcricntiaB
:

TRACT.\TUS III. fida altrectare manu. Ecce Domine manum abslineo,


oculum intcndo. Mnne astnbo tihi et ridebo. V.np mitii si
I. Noclurna quiete a te refectos dignum est nos, Do- et illud audiam Averts oculos tuos a me, quoniam ipsi
:
;
:

L'ABBE GILLEBERT.
m'ont fait envoler. [Cant, vi, 4.) Peut-etre qu'en fleuves de Babylone, pleurent : ils tressaillent de joie
fuyant le regard vous enflammerez le desir, afin quand le moment est venu de les quitter. Celui qm
d'etre cherche avec plus de sollicitude etant aime , monte dans la rallee des larmes, monte de la
davantage. Votre disparition nous excite davantage raUee des larmes et quoiqu'il vienne : du
k Totre poursuite. pays des larmes, il n'en vient pas avec larmes.
2. Qui rendra mes pieds semblables a ceux Car il est bien plus agreable d'etre sur la montagne
des cerfs.pourme meltre enetat de suivre, prompt des rejouissances que d'etre dans la vallee de la
et joyeux, ce faon cheri ? Pour me faire oublier ces douleur. Que si des larmes coulent, cela resulte de
soucis qui m'assaUlent dans la maison, et me ren- la lenteur de I'asceDsion et de ce que le terme n'est
dre heureusement sauvage dans la solitude celeste ? pas encore atteint. Car qmconque dispose les ascen-
11 est bon de se decharger de soi-meme de ce far- sions dans son co?ur, ne les a pas deja faites quand :

deau tres-lourd, et de se transformer peu a peu en le legislaleur aura donne sa benediction, alors « on

obtenant la rapidite des chevres. Voila pourquoi le marchera de vertus en vertus, jusqu'a ce que le
Prophete s'ecrie : « Seigneur, je ne me suis pas Dieu des Dieux se fasse voir dans Sion {Ps. i^xxxm,
fatigue en tous suivant. » [Jerem. xtu, 16.) Cela 6 ) ; r^ime s'avancera et se h^tera dans la joie de
est vrai, 6 Prophete beni, cela est vrai, mais c'est son coeur vers le terme, comme le voyageur qui
peu encore : il ne suffit pas de netre pas fatigue, arrive au son dtes instruments de musique sur la
il faut Tous rejouir. Aussi. ce que tous n'expliquez montagne du Seigneur, montagne dont le Propht-te
pas tout-^a-fait, un autre le developpe : « qu'ils a dit : « Sur cetle hauteur, le Seigneur donnera le
chantent dans les chemins du Seigneur, » secrie-t-U, banquet des mets gras, le banquet de la vendange,
« que grande est la gloire du Seigneiir. [Ps. cxwTn, des viandes excellentes et pleines de moelle, le ban-
5.) Et encore : « tos rolontes etaient le sujet de quet de lavendange purifiee. » {Is. xxv, 6. La joie
mes chants, dans le lieu de men pelerinage. » du fidele qui se dirige vers cet heureux sejour est
{Ps. cxnu, 54.) Tout se passe au-dedans, car c'est encore t< mperee, elle n'est pas purifiee, elle est
au fond du ooeur que Ton chante, parce que c'est melee de larmes : « car le calice est dans la main n
la aussi que Ton court, « n a dispose des ascen- da Seigneur, plein de liqueur melangee. » 'Ps.

sions dans son coBur, dans la vallee des larmes. » LXTTT, 9. JU est mele y om: ceux qui marchent, pur
CammeDt U (Ps. Lxxxin, 6.} Quel est cependant le motif qu'a pour ceux qui arrivent, la lie reste pour les pares-
joe tit les
I'ame de monier en pleurant, et de faire son pele-
lannes saat
seux. La sagesse melange le viu dans sa coupe, la-
Sfesdans rinage en chantant, puisqu'il n'est pas possible de haut, elle darifierasa Tendange.La, les bienheureux
f e lamenter dans la pattie, ni de se rejouir sur la esprits n'ont qu'une afi"aire. Us nont qu'a gouterles

terre etrangere ? « G)mment chanterons-nous sur loisirs d'une annee jubUaire, qu'a se rejouir dans

un rivage etranger, le cantique du Seigneur. » ^Ps. le Seigneur et qu'a le louer car en « la cite salute, :

cxssw, h.) Mais peut-etre, et assurement en est il se trouvera la joie, et y retentiront Taction de gra-
ainsi, ceux qui sont assis et demeurent au bord des ces et le chant de la louange. {Is. li, 3.)

me acolare fecerunt. An forte dum fiigis aspectum, exultant Et qui ascendit in valle lacrymarum, ascendit
accendes desideriom, at anxias qneeraris, dam amplnis et de vatie lacn-marum : et licet de lacntnis. non tamen
amaiis. D^iique foga toa nos a\idias ad cursom soUi- cum lacrj-mis. Suavius enim est in monte gaudiorum
citaL esse, quam in vallc doloris. Quod si cum lacnTnis, ma-
2. Qais ponet pedes meos qoad cervorum, nt posdm gis quia pigre ascenditur, et nondum prope acceditur.
expeditas et alacer bone hinnulam seqni? domesticas Non enim quia ascensiones in corde suo di&ponit, statim
discere cnras, et coelesti in solitadine sUvescere ? Bonom et perficit sed cum benedictionem dederit ]ef islator,
:

est exonerari se ipso, onere gravissimo, et capreanim tunc ibuiiide cirtuie in rirtutem, ut videatnr Deu-i deo-
saisim in levitatem deficere- Propterea Propheta, Son rum in Sion : per^ns el properans in laetitia cordis ad
ktboraci, inquit, te Domine seqaens. Verum est quod di- bravium, sicut qui intrat cum tibia in montem Domini,
ets, benedicte Propheta, venua est, sed adhuc pamm montem de quo Propheta Ei faciei Donunuf in monte :

non laborare non sufficit, nisi et laeteris. Ideo quod tu hoc eonvivium pinguium, conrivium v>nd''nu(B, pinguium
minus eloqueris, alius peresplicat : Content, inquit, in niedullatorum, vindemi<B defcpcatte. Temperala est adhuc
cm Domini, quomam magna est gloria Domini. Ilemque: el non defaecata ascendenlis la'litia, et mixta cum lacry-
CcmtabHes tnihi erantjustifkationes tua in loco peregri- mis : CaUx enim in manu Domini rini meri plenum
nationis me<B Totum intusagitur, iu coide enim canitur mixto. Mixtum est pertingentibus , merum pertin-
nam et ibi curritur. Ascensiones in corde suo disposuit gentibus, remanente apud pigros feece. Miscuit hie
in voile btcrymarum. Quae est tamen ista ratio ascen- sapientia in cratere vinum, nhi no^"am defaecaiit vin-
dentis cam lamento, et peregrinantis cum cantico, cam demiam. Unum ibi est beatorum negotium spiri-
ant lamenfari non possit in palm, ant laetari in terra tuum, una anni jubUei feriatio laetari cum Domino, :

alieoa? Quomodo cantabimus caxticum Domini in terra etlaudare ipsam Gaudium etenim ineenieturinea, gra-
:

aUena ? Sed forte, imo certe qui super flumioa Babylo- tiartuH actio, et vox laudis.
ms sedent et morantur, plorant et qui esrediuntur.
:
TRAITfiS ASCETIQUES ET LETTRES. 281

3. Rejouissez-vous, Jerusalem, eclatez en chants citeme, que les eaux de votre puits s'61event et de- Felicitation

d'allegresse et benissez le Seigneur, louez la ma- bordent : que les ondes de vos delices affluent et se
ia°^f^if| ^%
jeste de Dieu et rendez-graces a iin bienfaiteur si distribuent sur la surface de votre cceur. Que les bienheureux.

Diagnifique. En payant toujours cette dette, vous etrangers n'aient point part avec vous : que tout le

la devez toujours : vous la soldez promptemet et la monde ne soit pas admis dans I'interieur de votre
piete Yous I'impose sans cesse. L'acte qui I'exige, maison. C'est nous qui sommes les concitoyens des
est lui-meme une jouissance. La contemplation si saints et les habitants du palais du Seigneur ci- :

desiree de la verite bienheurense se recommande toyens inscrits bien que non encore recus citoyens :

Dfair par elle-meme, et lapaix, que les sens en eprouveut, remplis d'allegresse, voyageurs errants et disperses.

prou^ent repand I'allegresse dans I'ame avec cette lumiere : Car nos iniquites nous ont emporte comme le vent.
Dienhcu- ^^la lumiere s'est levee pour le juste, et la joie pour [Is. Lxiv, 6.) Pour vous, vous vous etes assis dans
jrDieu. ceux qui sont droits de coeur. » (Ps. xcvi, 11.) Jus- le beau sejour de la paix, dans les tabernacles de
tes, rejouissez-vous « dans le Seigneur. » (Ps.xxxi, la confiance et dans le reposdel'opulence. [Is. xxxir,
11.) Que rendront-ils pour line tellejoie? « Et clian- 18.) Malheur aux habitants de la terre, de cette
tez an souvenir de sa saintete. » La joie jaillit done terre ou la paix est rare, ou la securite ne seti'ouve
de la lumiere, la louange vient de la joie. Ce dernier nulle part, ou le travail ne cesse jamais et enfante
sentiment debordant, eclate en saintes louanges, et la pauvrete. La vie de I'honime en effet «estun
cc

inondees d'une verite brillante, les entraillesne peu- combat [Job. vii, 1), tant que la chair convoite cen-
vent s'empecher d'en produire etd'en faire sentir au- tre I'esprit, taut que notre ennemi, semblable a un
dehors, les bienheureux exces, et de faire resonner lion rugissant, cherche quelqiie victime a devorer
le cantique de la joie, tant est grande la douceur [Petr. V, 8.) : tant que nous mangeons notre
qui les enivre. Car la suavite excite le desir, I'abon- pain a la sueur de notre front, et que la terre de
notre cceur repond a notre travail en produisaut Consolation
bondance en satisfait les ardeurs, et I'eternite assure '
. . . de notre
a jamais la duree de I'abondauce. Notre Seigneur des ronces et des epmes. C'est pourquoi, agites et p^ierinage et

atteste par ses paroles, ces trois biens : la douceur, dissipes, I'ame attristee, nous avons plus sujet de ^noYre'eiil.*
I'abondance et la duree : « qui boira I'eau que je gemir sur nous que de nous rejouu' avec assurance
lui donne, il s'etablira en lui une fontaine d'eau dans le Seigneur pourtant une douce esperance
:

jaillissant a la vie eternelle. » [Joan, iv, ill.) tirant de ce qui a precede un argument en faveur
U. bienheureux esprits et ames des justes ! 6 de ce qui viendra a la fin, des tribulations qui nous
Eglise des premiers-nes, qui etes inscrits dans les pressent, fait jaillir I'huile de la consolation qui re-
hauteurs des cieux ! vous etes vraiment premiers- jouit notre visage et qui engraisse notre tete ; aussi
nes, vous qui goutez d'avance les premices de la avec I'Apotre nous nous glorifions dans nos maux,
benediction future. « Mangez, me s amis, et buvez, nous nous complaisons dans nos humiUations, « sa-
et enivrez-vous, 6 mes bien-aimes. » Buvez a votre chau t que la tribulation produit la patience, la patience

3. Laetare Jerusalem, erumpe et lauda lauda majes- : vobiscum alien! sed nee omnes admittantur domesfici.
:

tatem, munifico refer gratiam. Hoc a te votura semper Nos enim cives sanctorum, et domestici Dei ;cives cons-
exsolvitur, et semper exigitur : prompte exsolvi- cripti, sed nondum suscepti cives exultantes. cives pe-
;

tur, et pie exigitur. Exactio ipsa delectatio est. Com- regrinantes, cives vagi et palantes. Siquidcm iniquitates
mendat seipsam beatae vcritatis votiva perceptio, et se- nostne quasi ventus abstulerunt nos. Vos antem sedetis
renitas afflata sensibus, simul cum lucelaetitiaminfundit: in pulchritudine pacis, ct in tabernaculis fiducia?, et in
Lux orta estjmto, et redis corde Iwtitia. Lcetamini justi rcquie opulcntiae. Vae habitatoribus terrae, ubi rara pax?
in Domino. Quam pro laetitia vicem rependetit? Et con- securitas nulla, jugis labor, et is egestatem parfuriens.
fitemini, inquit, memoricj; sandificafioms ejus. Ergo IfTe- Nam et militia est vita hominis super terram, quandiu
titia de luce, laus de excrescens erumpit
laetitia : laetitia caro concupiscit adversus spiritum et advcrsarius nos- ;

in laudem et nesciunt pcrfusa viscera luminosae vcrita-


: tcr circuit quasi leo, qusrens qucm devoret et in su- ;

tis felicem non eructare crapulam, et temperarc a can- dore vultus nostri vescimur pane nostro, ct terra cordis
tico, toiTCnte inebriata dulcedinis. Siquidcm et suavitas nostri spinas et tribulos germinal operanti. Proplerea
provocat appetentiam et ubertas ministrat sufficientlam
;
(lissipati, ct dilacerali, ct corde tabescentes abundantlus

et instantiam percnnat aeternitas. Deniquc sic ipsa attes- habemus in manibus soUicite de nobis adhuc gemere,
tatur suavitas, ubertas aeternitas Qui hiherit nquam
, : quam secure gaudere in Domino nisi quod spcs bona, :

quam ego do, fiet in eo fotis aquas salientis in vitam primitiarum argumento prospectans in finom, de tribu-
aternam. lationum torcularibns consolationis cxprimit oleum, quo
4. beati spirilus et anima; justorum Ecclesia ! facie exhilarila et impingiiato capitc, cum Apostolo in
primitivonim, qui conscripti cstis in cceleslibus! vos Iribulationibus gloriannir, in contumeliis complacemus
verc primitivi qui praelibatis bencdiclionis futuraeprimi- nobis Scientes quia tribulatio patientiam operatur, pa-
:

tias. Comedite amici, et bibite, et inebrinmini carissimi. tientia jivobatinnem prohatin vero spem! quid vcro spos,
Bibite de cistcrna vcstra et flucnta putei vcstri cxcres-
: nisi supervcnlura* in nos glori;e primiliva qua'dam jam
cant ct cxuberent aftluant ct discurrant in plateis cor-
: pr;elibare vidctur gaudia ? Spe, mqrnl, salri f'ndi sumius-,
dis vestri aquae deliciarum veatrarum. Non participcnt et, spe gaudeutes Novit enim pia tides pigra prwvolaro
:

282 L'ABBE GILLEBERT.


enfante I'epreuve, et I'epreuve, I'esperance [Rom. ! raisse et que les ombres declincnt ? Dans ce raid^
y, 5.) Et I'esperancene parait-elle pas savourerd'a- que nous attendons, on ne craint pas I'ombre, on ne
vance quelques joies, avant-gout de la gloire qui desire pas la rosee. Ici il tombe des gouttes du sceau
nous sera plus tard accordee? « C'est par I'cspoir, » de Jacob : la-haut sa semence sera sur les grandcs
dit I'Apotre, « que nous avons ete sauves, » et : eaux. Heureux temps, quand toute la face de la
« nous rejouissant dans I'espoir. » [Ih. viu, 2/i ct xii, terre sera arrosee et fertilisee par les eaut
12.) Ce pieux sentiment de I'iime salt s'envoler par du ciel, et quand I'avidite sterile n'en devorera
anticipation, vers les temps qui tardent a arriver, et pas la plus petite partie : en ces jours, ma chair et
ilsavoure, comme deja present, ce qu'une confiance mon ca;ur, inondes de toutcs parts de lagrace^ tres-
assuree lui montre comme chose assuree mais : sailleront vers le Dieu vivant. Heureuse fontaine,
cela soit dit de I'esperance qui nait de la purete quijaillira alors et purifiera notre caur, source
d'une conscience soigneusement examinee, et non preferable a la premiere, parce qu'elle ne pourra
de la presomption. jamais etre tarie ! « lis seront enivres delarichesse
n excite au 5. Lavez-vous, soyez purs : purifiez-vous, exa- de votre maison, et vous les abreuverez au torrent
d^sir de la
felicite
minez-vous par le feu, afin que, brules par la dou- de vos delices : parce qu'en vous est la fontaine de
superieure ble epreuve de la penitence et de la patience, la la vie, et en votre lumiere nous verrons la lu-
et eternelle.
faveur du ciel fasse descendre sur vous, comme ime miere. [Ps. xxxvj g.) Excellente fontaine, d'ou
rosee rafraichissante, la grace de sa douceur, et coulent de si heureux ruisseaux : la volupte, I'a-
vous arrache ces cris de reconnaissance et de gloire bondance, la vie et la verite.
« selon la multitude desdouleurs quej'airessenties 6. Faites-en venir les eaux jusqu'ici : ^tendez vo-
dans mon coeur, vos consolations ont rejoui mon tre misericorde sur ceux qui vous connaissent, bien
ame. » [Ps. xcni, 19.) Lavez-vous et rejouissez- qu'ils ne vous connaissent pas entierement pro- :

vous : lavez-vous plus souvent, afm que vous vous longez votre misericorde, faites couler votre grace,
rejouissiez avec plus de ferveur. Faites plus sou- versez votre esprit sur nous; qu'il renouvelle dans
vent ce que vous ne pouvez faire eternellement. nos entrailles, notre propre esprit, qu'il nous change
Infortunees montagnes de Gelboe, frappees d'une etnous rende semblables a lui, qu'il nous reforme et
secheresse sans fln, sur vos cimes ne descend ja- nous coniirme. Car « les justices du Seigneur sont
mais la rosee qui tombe avant le jour ; aussi droites, elles rejouissent les coeurs : la loi du Sei-
vous n'etes pas les champs des premices, et on n'attend gneur est lumineuse, elle eclaire les yeux » [Ps.
pas de vous le fruit de I'arriere-saison. Plaise au ciel. xvui, 9), comme
nous convient d'etre illumines,
il

Seigneur, que ma tete soit couverte de cette rosee et et consoles ici-bas. Autrement « nous nous rejoui-
que boucles de mes cheveux soient humectees
les rons)) grandement « devant vous, comme ceux qui
de ces gouttes de la nuit N'est-il pas vrai que nous
! tressaillent d'allegresse au temps de la moisson,
sommes dans la nuit, jusqu'a ce que le jour pa- comme les vainqueurs, quand ils se partagent les

lempora, et tanquam de praesenti affici, quod incon- caro mea, et cor meum exultabunt in Deum vlvum.
cussa sibi depingit fiducia : sed easpesquam examinatse Bonus plane tons, qui tunc ascendet et mundabit cor
conscientiae puritas,non praesumptio parturit. nostrum, primoque illo melior, quia non poterit exsic-
5. Lavamini, mundi estote lavamini, et igne exa-
: cari. Inebriabimhir ab ubertate domus fuce,ettorrente vo-
minamini, ut poenitentiae et patientiaB exercitio quasi ge- luptatis tuce potabis nos quoniam apud te est fans vitoe,
:

niino conflatorio ad purum excoctos supernus vos res- et in lumine tuo videbimus lumen. Bonus eerte tons, ex
pectus, et roris insfar voluptatis suae aspergine refri- quo tales emanant rivuli, voluptas, ubertas, vita et
geret, gratanter el glorianter mox in illam vocem erup- Veritas.
turos : Secundum multitudinem dolorum meorum in 6, Irrora inde hue praetende misericordiam scienti-
:

cwde meo, consolationes tun; hetificnverunt animam bus te, etsi nondum totum te praetende misericor- :

meam. Lavamini et laetamini lavamini frequenlius, ut


: diam, infunde gratiam, effunde Spiritum tuum super
ferventius lastemini. Usurpate saepius, quod sempiterne nos, qui innovet Spiritum nostrum in visceribus nostris,
nondum potestis. Infelices monies Gelboe, siccitate Spiritum principalem qui reformet et conformet nos
aeterna damnali, non estis perfusi hac pluvia voluntaria, sibi, conformet et confirmet laetificet, et illuminet. :

'

deest roris nee descendit in vos stilla * antclucani propter hoc : JustiticB enim Domini rectce, tcetificantes corda; preecep-
non estis agri primitiarum, sed nee serotinus fructus tum Domini lucidum illuminans oculos, sicut est nos-
expectalur a vobis. Utinam Domine caput meum plenum trum hie illuminari et laetificari. Alioquin plane Iwta-
sit isto
rore, et cincinni mei guttis noctium. Quid enim bimur coram te, sicut qui Icetantur in messe, sicut exul-
nisi innocte versamur, donee aspiret dies, et reclinen- tant victores capta prceda, quando dividunt spolia. Laeta-
tur umbrae? In meridiano quod expectamus, nee umbra bimur ibi quasi possidentes, hie quasi proponentes, et prae-
formidatur, ncc stilla optatur. Fluit hie stilla de fitula mentes prosequentes donee consequamur. Ibi ergo de
et
Jacob sed erit ibi semen ejus in aquas multas. Felicia
:
possessione, hie de promissione illic de plenitudine :
,

tempora, quando universa facies terrae irrigua erit, et istic de portione. Quod enim inde hue aspergitur, stilla est,
superne irrigua, nee sterilis quicquam possidebit ari- non fluvius scintilla non caminus. Heu quam cito et scin-
:

ditas : superius et inferius, utrimque irrigua, quando tilla haec evanescit, ct stilla arescit Memento nostriDomi- !
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 283

depouilles eulevees aux ennemis. » [Is. vs., 3.) Nous le calme ceux qui etaient dans le desespoir, et place
serons heureux au ciel dans la possession; ici, nous leurs pensees dans le ciel ;
quand elle adoucit ceux
nous rejouissons comme en ayant les biens places qui etaient courrouces, et les rend conformes a ceux
sous les jeux, comme les desirant, et comme les qui sont doux. Agreable est cette visite : mais elle

poursuivant jusqu'a ce qu'il nous soit donne de les est semblable k la nuee du point du jour, et i la ro- EUe est
compares a
loie de alteindre. La. c'est la possession ; ici, c'est la pro- see, ne depassant pas matinee qui I'a fait uaitre.
la la rosee
rit que da matio.
resscnt messe ; li-haut, la plenitude, ici-bas, une faible [Ose. VI, U.) C'est avec raison que I'on compare
jite vie
portion. Ce qui nous en ai'rive sur la terre une
est i la rosee du matin la contemplation et
qu'une
,ncer!e goutte et non le fleuve une etincelle : et non le I'extase que I'on eprouve dans la chair, quel-
qu'une
.'Utte.
foyer. Helas! combien vite disparait cette goutte, et que grandes qu'elles soient ; elles ont je ne
avec quelle rapidite s'eteint cette etincelle ! « Sou- sais qxioi, ou plutut elles ont beaucoup de la
venez-vous de nous. Seigneur, dans votre bonne fraicheur de la nuit, a cause de leur affection
volonte a I'egard de votre peuple, visitez-nous dans moius fervente ; et quelque chose aussi des tene-
votre salut, que nous vous goutions dans votre bres de la nuit, i cause de I'obscurcissement de
bonte, que nous vous chantions dans la joie de nos lintelligence. Mais si elles se font sentir le matin,
ames, que vous soyez loue avec les saintes ames qui pourquoi sont-elles passageres ? passageres en s'e-
torment votre heritage. » [Ps. cv, Zi.) Visitez-nous loignant de nous, ou bien passageres en passant et
afin que nous voyions, afin que nous nous rejouis- penetrant en nous ? « La parole de Dieu est vive et
sions, afin que nous chantions voslouanges; visitez- efficace, elle est plus incisive qu'une epee a deux
nous dans le salut et la lumiere, dans la joie et le tranchants ; » elle ne marque pas seulement la peau
cantiqiie. Voilades gouttes excellentes , bien qu'elles au dehors, mais elle arrive jusqu'a I'interieur, jus-
soient rares et qu'elles disparaisseut vite comme la qu'a la moelle des os qu'elle imbibe : ses accents
roses. Cieux, laissez tomber votre rosee, montagnes sont plus doux que I'huile, et Us ont des aiguillons.
eternelles , faites pleuvoir sur nous la douceur : Est-ce pour cela, que si le coeur de Thomme etait
I'anie qui germe, se rejouira sous cette pluie de- etendu comme le ciel, il serait plie comme unlivre,
siree. et qu'il se liquefiera comme la fumee ? Que chacun
7. Soyez pour nous. Seigneur, comme la rosee, I'explique dans son avis, comme il I'eprouve dans

afin que nous germions comme le lis. Une fois I'experieuce qu'il en fait : le parfait, parce que
partie, votre" parole ne salt pas revenir vide, mais cette parolepenetre en lui et y repand son onction :

elle reussii'a a produire ce pourquoi vous I'envoyez. celui qui progresse, parce qu'elle le depasse et vole
Sous la fraicheur des flots qu'eUe repand, « le sapin au-dela delui. EUe nous depasse, afin de nous at-
monte ci la place de la pi ante sauvage, et le mjTte tirer apres elle, et de nous faire courir vers elle,

croit a la place de I'ortie. » {Is. lv, 13.) Elle ob- comme si elle nous disait en fuyant : « Venez vers
tient ces quand elle redresse et eleve
heureux efFets moi, vous qui me desirez.)) (£'cc/.xxiv,36.)Peut-etre,
ceux qui sont i terre quand elle adoucit et mo- ;
Seigneur, nous eloignons-nous plus frequemment
dere les ardeurs de la chair ; quand elle remet dans loin de vous, que vous de nous : puisque vous al-

ne in beneplaciio populi tiii, visiia nos in salutari tuo, Sed si ideo matutinus, qnare ergo pertransiens? per*
ad videndum ir bonitate, et Icetandum in Icctitia, id lau- transiens a nobis, an pertransiens at penetrans in nos?
deris cum hereditate tua. Visita ad nos ndendum, laetan- Vivu-'i est sermo Dei et efficax, et penetraoilinr omni
dum,laudandum visita nos in salute et lumine, inltPtitia
: gladio, ut non tantum foris signet, sed pcrmeet ad in-
et laude. Bona sunt haec stillicidia, quamvis rara, et teriora, medullam
ad transaat, fiat irrigatio ossium :

quasi roi'antia. Rorate cceli desuper, sterni montes dis- sermones enim ejus molliti super oleum, et ipsi sunt
tillatenobis dulcedinem in stillicidiis vestris laetabitur
: jacula, .\n idao, quia si expansuni fucrit sicut ccelum
germinaas. cor hominis, complicabitur sicut liber, et sicut fumus
7. Esto tu nobis Domine, sicut ros, ut et nos ger- liquescat? Intarpratatur quisqua in santentia, sicut ex-
minemus sicut liliuni. Nescit verbum tuum semel amis- paritur in consciantia perfectus, quod ilium infnndit
:

sum vacuum reverti, sad prosperabitur in his ad quae atpcnctrat proficiens, quod ilium perlransit at prae-
:

mittitur. Deuique ad irrigationem ejus pro mliunca tervolaf. Pertransit a nobis ut nos attraliat post sc, et
ascendet abies, et pro urtica crescet mi/rtus. Dum dc- transire faciat ad se, quasi ipsa fuga dicens Transile :

jectos erigit at sublimat, dum carnis inccntiva lenit at ad me, qui concupiicitis me. t^ortassis nos frequcntius
mitigat, dum dcsperatos locat at convcrsari facit in coe- transimus a te Domine, quam lu a nobis siquidcm :

Icstibus, dum exasperates mollit et contampcrat mifi- et acccndis luccrnam, ct ovcrris domum, ct scnitaris
bus. Jucunda ha;c visitatio sad quasi nubcs matutina, ; nos, juxta Propliatam, sicubi invcnias intus sordas l.T-
et quasi ros mane pertransiens. Jure rori mututino titanios, vanis ct vagis, mollibus ot nioleslis curis, et
confertur quantalibct iu came contemplatio ct mantis cogitationibus immerses, nen medo cum Deo et mundo
cxcessus habat cnim noscio quid, imo niiiltum quid
: aninnim dimidiantcs, sed in alteram propensiorcs ct
de noctis frigore, proptac minus fervidum afTeclum : prompliorcs parlcni etsi nen pro cupiditato, lumen
;

et de noctis caligine, propter subobscurum intcllectum. pro consuctudinc. Nam et qua? ulililer admiltunlur
»! :

28/i L'ABBE GILLEBERT.


L'homme est lumez votre lampe, vous balayez la maison, et vou5
plus port6
vers les nous cbercliez avec soin, seloa voire Propliete, afin TR.\ITE IV.
choses de la
terre que
de nous decouvrir quelque part, caches sous les ba-
vers celles lajnires, plonges dans les soucis et les pensers valns, 1. Vous avez ce que vous avez demande mais :

da ciel.
vous I'avez avec une sorte d'interet. Cet interet, je le
inquiets et mous, non seulement partageant notre
coeur avec Dieu et le monde, mais plus portes, plus regarde comme I'une de mes bonnes fortunes, et le
entraines vers le c6te du monde, sinon par la cupi- compte parmi mes gains. Je ne puis m'empecher de
dite, au moins par I'habitude. Car les soins que Ton considerer comme un grand avantage pour moi

se donne pour un but utile, s'introduisent avec vio- toutes les occasions que je trouve de m'entretenir

lence dans Tame, en sorte que lorsque ce n'est plus avec vous. Vous me reprochez peut-etre d'employer Siledi
qui «
la necessite qui passe, c'est la superfluite qui re- ce mot entretien ; notre coutume etant de ne parler

tient.Nous paraissons, a mon avis, « fuir la fontaine presque jamais que de choses serieuses, j'ai fait secrtt

qui coule en silence et suivre les fleuves de Bciby- injure a leur dignite en me servant de ce terme. diTi
peat-
lone. » {Is. viii, U.) Mais, Seigneur, deja nous avons Ne vous semble-l-U pas que nous tenons une con- appett
vena
quelque peu cause avec vous et de vous nous avons :
versation, lorsque nous parlous de ce que nous ne

ete agreablement restaiu'es comme ces petits ani- voyons pas, et que nous rendons temoignage de ce
maux qui mangeaient les miettes tombees de votre que nous ne comprenons pas. « L'oeil, » dit le Pro-
table. Si en courant, vous communi-
en passant et phete, « n'a pas vu. Seigneur, excepte vous, les
quez aux ames de telles impressions, que ferez-vous, biens que vous preparez a ceux qui vous attendent. »

demeurajit et vous montrant pour toujours ? Helas [Is. Lxiv, 4) : a ceux qui vous esperent et qui vous
que nous sommes indignes du bonheur d'avoir xm attendent, mais quine vous voientpas encore. Car,
tel sejour ! « Restez avec nous. Seigneur, parce « qui est-ce qui espere ce qu'il voit ? » [Rom. viir,

que le soir se fait, et le jour est deja baisse. 2i.) Si ce que nous voyons apparait en reQet et en
Le Christ [Luc. XXIX, 29.) 11 decline quand votre presence enigme, combien plus ce dont nous parlous? La
feint d'aller
plus loin afin commence a disparaitre. Contraignez-le par I'ins- parole, quelque habile qu'elle soit, ne peut pas ex-
qn'on le prie
tauce de vos prieres,mes freres. Les deux disciples, pliquer cladrement ies sens caches sous la lettre. Et Toute
avec plus est iffll

d'instance de qui allaient a Emmaiis, lui firent violence quand il meme, pour vous decouvrir mon sentiment par rap- saatl
rester. eipliqv{
feignait d'aller plus loin. Pourquoi fait-il semblant, port a la verite qui se montrera dans I'avenir, tout ^choses r

chose que la verite ignore? de poursuivre sa


11 feignit me parait comme une figure, comme ime para- ne

route et de rester comme par force, mais non de bole destinee a la faire connaitre. Que les creatures

demeurer toujours, car il disparut au milieu du soient d'lme beaute agreable a considerer; qu'elles

repas. Mais cet air de vouloir aller plus loin, fournit soient dans I'unite; qu'eUes soient d'lm
reunies
I'occasion de rester. 11 parait s'en aller, quand il usage commode et qu'elles aient une vertu gran-
affaiblit la joie spirituelle de I'ame : mais il reste dement efficace, je I'avoue : mais que sont-eUes eu
cache dans Tame, continuant sa justice et augmen- egcird a cette unite immense, simple, eternelle de

tant I'humilite. I'essence divine, en comparaison de cette beaute de

curae, \iolenter se ingerunt sicque cum non urget ne-


:

cessitas, tamen occupat supervacuitas. Denique videmur TR.\CTATU3 IV.


mihi sylvam refugere, quae fluit cum silentio , Babylonis
flumina sectari. Sed nos jam aliquanta sermocinati su- 1. Habes quod rogasti, sed habes iUud quodam cu-
mus tecum Domine, et de te et suaviter refecti sumus, :
mulafum fcenore. Ego tamen fcenus hoc meis assigno
quasi catelli de missis quae cadebant de mensa tua. Si commodis: et inter lucra depute. Omnino non possum
sic aflicis transiens et transmeans, quid facis manens bonis non depufare successibus, quoties confabulandi
et commorans? Heu me! quod indigni sumus tam dulci tecum alicunde occasio erumpit. Redarguis fortasse,
commoratione. Mane nol/uicum Domine, quoniam ad- quod fabulationis usus sim verbo et quoniam nisi de
:

vesperascif, et inclinata est jam dies. Vera inclinatur, re seria nil fere loqui solemus, majestati sensum tali
cum te declinas. Compellite eum, Fratres, precum injuriam vocabulo fecerim. An non tibi confabulatio
vestrarum instantia. Vim duo illi euntes in
ei intulerunt videtur, cum et quod non ^^demus loquimur, et quod
Emmaus, cum Quid ergo fm-
se fingeret longius ire. non audimus, testamur? Ocuhi-s, iquit Prophcta, non
git, quod non facit Veritas? Ire se finxit, manere com- vidit Deus, prceter te, qii^ prcpparasti eipectantihm te
pulsus: sed non permanere, nam inter ccenandum eva- sperantibus et exspectantibus, sed nondum speclanti-
nuit. Sed ilia abeundi fictio manendi est occasio. Quasi bus. Quod enim videt quis, quid sperat? Quod si id
abire se fingit spiritualemattenuans leetitiam sed oc- : quod -sidemus, per speculum est, et in aenigmate :

cultus manet, justitiam continuans, humilitatem accu- quando magis id quod loquimur? non enim potest ser-
mulans. mo, quantum\is disertus, scnsuum perexplicare se-
creta. Et quidem mihi, meo pro sensu ut loquar, futurs
respectu veritatis quaedam videtur quasi fabula, omnis
ad illam intimandam figurata parabola. Specie grata
TRAITfiS ASCETIQUES ET LETTRES. 285
la sagesse, de cet ocean d'amour, et de cette vigueur guissent. Aussi, dans le passage suivant, on lit: «Sou-
de puissance qui se trouvent en Dieu ? « C'est lui tenez-moi de fleurs, entourez-raoi de fruits, car je
qui est celui qui est. » [Exod. \u, 10.) Et « on ne languis d'amour. » [Cant, Heureux celui en
n, 5.)
peut calculer sa sagesse » [Ps. cxlvi, 20) la ple- : qui le saint amour est une langueur et non une pas-
nitude de sa charite et de sa science est au-dessus sion. Car il s'en trouve qui sont blesses tout-a-coup par
de tout. Qui redira comme il faut, les puissances du la charite, afin d'etre ensuite gueris : ilssont comme Languenr et
T 1- , . . ,. passion.
meme instant vit
.

Seigneur ? Ce que le discours emploie d'efforts pour Jonas sous un herre, que le vei'du-
nous en donner une idee quelconque, est incalcu- et se dessecher. La passion est done un sentiment
lablement eloigne d'elles, et n'a avec elles au- de desir surexcite, la langueur est une emotion con-
cune ressemblance. « L'or de TEthiopic ne leur sera tinue. cceur mal fait, 6 coeur iiisense, celui qui ne
point compare, les teintures les plus pures ne letu' salt pas etre atteint de cette blessure I « J'ai ete
seront nullement semblables. [Job. xxviii, 19.) C'est blessee par la charite, )) dit I'Evaugile. Cette cha-
cependant par Tor, les teintures, les fleurs et les rite ne se contente pas de blesser, elle fait mourir ;

fruits, et par toute creature gracieuse qu'est repre- car « elle est forte comme la mort. )) [Cant, vni, 6.)
sentee a nos yeux la beaute qui est au-dessus de tout Aussi I'apotre dit : « Vous etes mort, et votre vie est
charme : comme dans sa nature intime elle nous cachee avec Jesus-Christ en Dieu. » [Col. in, 3.)
est entierement cachee, en prenant au dehors les Quand la vie se cache et quand le desir s'enflamme, Les ombres
nuances des couleurs, elle devient quelque peu sen- la verite est comme reuversee h terre et la vertu rafrafchu-
sible et luit comme au sein de I'ombre. L'ombre est languit : I'ardeur violente que produit ce desir, est ^^°' I'ardeur

bonne, pour un moment. Aussi il est


elle rafraicbit rafraichie par les ombres des figures, et soutenue 6prouve de
voir la v^rit6.
dit « Je me suis assis a l'ombre de celui que j'a-
: par les fleurs de la premiere saison. Ces symboles
vais desire, et son fruit est doux a ma boucbe. » sont de belles figures : elles refont le sentiment
[Cant. II, 3.) epuise, elles le raniment par les carresses destinees
Qu'avecplusde charmes, qu'avec plus de ten-
2. aux petits enfants, afiu qu'en eprouvant ces delec-
dresse, I'ame sainte, au gre de ses desirs, se reposait tations sensibles et accoutumees, nous commencions
nou a l'ombre, mais sur l'ombre en votre sein, 6 I'experience des joies fortes et inusitees. « Vos places,
bon Jesus. Maintenant c'est sous l'ombre qu'oUe se (J Jerusalem, seront etendues d'or pur. » {Job. xui,
delasse, c'est sous l'ombre qu'elle se refait. Mais 21.) Je disposerai vos pierres en couches x'angees et

quelle est cette refection que suit la defail- je vous fonderai sur les saphirs : je rendrai votre

lance Car nous connaissons en partie, ce qui n'est


? comme \m lieu de delices, et
desert vos solitudes
qu'en partie disparaitra quand yiendra la pleni- comme le jardiu du Seigneur, et j'y realiserai les

tude.)) [Cor. xin, 10.) Les consolations que Ton les autres jirodiges nombreux que le Prophete et
goute en 1' attendant, sont accordees pour soutenir les Apotres ont rappeles, en parlant du type de la
ceux qui tombent, et pour ranimer ceux qui lan- celeste Jerusalem. Quand on nous decrit ses portes

sint, compacta, usu commoda, virtute efficacia


unitate cognoscimus evacuabitur quod ex parte est, cum ve-
:

universa sad quid ad illam divinae


quae crcala sunt : nerit quod perfcclum est. Sunt base interim fulcimenfa
essenti;p inimensam el simplicem et aeternam unitatem, labentium, ct fomenta languentium. Denique subsequi-
sapientiae pulchritudinem, pondus amoris et vires po- tur : Fulcife me flonbu'i, stipate me mrdis, quia amore
tentiae ?Denique et ipse est qui est, et sapientice ejus langueo. Felix, in quo sanctus amor languor est, non
numerus non est : et plenitude caritatis ejus scientiae passio. Sunt cnim qui caritatc subito vulnerantur, ut
supereminens est. Et quis loquetur potentias Domini? subindc sanentur quasi Jonae bedcra, qu* sub eadem
:

omnia quae ad ilia nobis utcumque innuenda in sermonis hora qua viruit, aruit. Ergo est passio desiderii affec-
assumpta sunt usum, inaestimabiliter sunt naturae ra- tus concilatus languor continuus. : male sanuin, imo
tionc dissimilia, et comparatione nulla. Non compara- vere insanum cor, quod esse nescit hoc vulnere sau-
bitur ei aurum de JEthyopia, nee componenfur tincturce cium Vulnerata, inquit, caritate ego sum. Non modo
!
'

mundissimce. Et tamen auro et tincturis, flore et fructu, vulnerat, scd ctiam necat Forfis est enim ut amors di-

et omni quae creata est pulchritudine, quod super omne lectio. Denique Apostolus : Mortui estis, et vita vestrn
pulchrum est nobis coloratur et pingitur ut quia pe- : atjscondita est cum Christo in Deo. Dum vita i-econdi-
nitus intimum est, juxta quod est omnino nos lateat : tur, et votum accenditur; Veritas jacet, el \irtus lan-
et per superinductos figurarum colores aliquatenus in- guet : anxii aestus desiderii figurarum refrigeratur um-
timatum sub umbra interluceat. Bona quidem umbra, bris, et primacvis fulcilur flcribus. Pulchra) satis hae
et ad horam refrigerans. Propterea dicitur Sub umbra : figurae sunt : et laborantem recreant alToctum, puerili-
ejus quern desideraveram sedi, et fructus ejus dulcis busquc refocillant blandiinenlis, ut solilis ct scnsibi-
gutturi meo. libus oblectamentis inusitatorum capiamus expcrimenla
2. quam dclectabilins, quam affectuosius non sub gaudiorum. Pl(deiv tuce Jerusalem sternentur auro
umbra, scd super umbram in te ipso, bone Jcsu, se- mundo. Slernam per ordincm lapidcs luos, ct fundabo
derel, ct Iioc desiderii sui fine pofita quiesccret? Nunc te in sapliiris ponam desortum tuum quasi delicias,
:

autem sub umbra quicscit, et sub umbra se reficil. Scd ct solitudincs tiias quasi horlum Domini, el cietcni
qualis reieclio, quam sequitur defectio? Ex parte enini quamplurima a Prophetis et Apostolis in typo coelcstis
»

286 L'ABBE GILLERERT.


et ses places, ses murs et ses raetaux, ses pierres et sarament vos sentiments : elles sont en petit nom-
scs bois, ses fontaines et ses fleuves, comme nous bre, mais elles sont remplies de sens semble ; il me
sommes emus et ravis ! Avec quelle joie nous ecou- que vous les examinez rigoureusement avant de les
tons ces details, bien qu'ils soient enloures d'om- prouoncer, car il n'en est aucune qui ne porte le

bres ! Car I'Ecriture en laisse incomparablement et cachet de la reflexion. « Vos levres sont comme
incomprehensiblement plus h soupconner, qu'elle un rayon qui distille le miel. {Cant, iv, 11.) Vos
n'en exprime avec justesse et exactitude. Jonas se discours sont proferes avec taut de lenteur et de
rejouissait graudement a I'ombre du licrre, mais ce maturite, et, pour ainsi parler, avec tant de poids,

Los coUoques lierre se dessecha et la figure disparut. Aussi lors- que vous paraissez les faire couler goutte a goutte,
au sujet des qu'on s'entretient de discours figures, ie donnerais plutot que les repandre k flots. lis ne sont pas
clioses ' o J J

divines ne volontiers h ces conferences le nom un peu libre de lourds, ils sont subtils et semblables a la vapeur :

SOIlt
mme"'^ bavardages, non k cause de I'eternelle verite qui s'y
nomm aussi ils sont comme distdles, secrets et suaves, ils
sortes de trouve esquissee au-dedans, mais h cause de la va- jaillissentdu fond du coeur voili pourquoi on les :
bavardages.
nite qui du dehors y projette ses ombres. Car a un compare au rayon de miel, c'est ce que signifie la
jour donne, disparaitra ce qui est en partie. Vous suite de ce passage « Le miel et le kit sont sous
:

trouvez aussi que les deux disciples qui allaient k votre langue. » {lb.) « Sous la langue, » est-il
Emmaiis, « conversaient et cherchaient ensemble ; dit, etnon dans la langue. Car ce qu'elle cache est
{Luc. XIV, 15.) peut-etre qu'ils chancelaient et n'e- plus grand que ce qu'eUe fait voir. Que serait-ce si
taient pas solides dans la foi, parce qu'ils cher- on parlaitde ce qui est aussi au-dessus de la langue?
chaient et ne tenaient pas encore. Voila pourquoi « Le miel et le lait sont sous votre langue. » lis ne

on dit qu'ils cherchaient, qu'ils causaient, qu'ils se trouvent pas seulement dans vos discours, et ils

marchaient et echangeaient leurs propos : cependant n'y sont pas dans leur entier : mais de meme qu'il
tandis qu'ils parlaient de la sorte, Jesus s'appro- n'y a rien de faux dans votre bouche, de meme ce
chait etcheminait avec eux. que cache votre coeur est tres-considerable. Sur
3. Ce que vous vous rappelez avec bonheur, votre langue sont les verites que vous exposez ou-
c'est de penser combien de fois notre cceur s'en- vertement : sous votre langue, celles que vous insi-
flammait en nous pour Jesus, lorsque nous parlions nuez d'une maniere voilee : au-dessus, se trouvent
de lui en chemin. Ce que nous avons dit de lui, les reahtes que la parole, quelqu'eloqueute qu'on
lui le premier, il I'avait dit en nous. Oh ! qu'il m'ar- la suppose, ne peut redire et qui ont le silence pour
rive encoi'e plus souvent de tout chercher, de tout unique expression.
rapporter, de tout redire en Jesus ; de lui, dis-je, h. Je me souviens, si je ne m'abuse, que parfois,
et avec vous, de ne point parler, mais bien plutot au debut de vos entretiens, vous precipitiez vos pa-
de vous ecouter et de recueillir vos paroles. Elles roles ; attentif et etonne a la vue d'une lumiere ou
sont breves et concises, mais elles expriment suffi- au sentiment d'une joie qui eclatait soudain en

dicta Jerusalem. Cum ejus portae et plateae, muri et te loquentem.Pressus est sermo tuus, ut tamen quae
metalla, lapides et ligna, fontes et flumina describuntur, sentis, exprimas pauca verba sed plena
sufficienter :

quantum afficiunt et oblectant ! quam audiunlur,


la;te sensuum videris mihi singula in judicium vocare, adeo
;

quamvis parum dilucide dicantur ! Incomprehensibiliter tibi nullum inconsultum elabitur. Denique favm distil-

enim incomparabiliter amplius relinquitur in


aliud et lans labia iua. Ita enim quadam cam mora et delibe-
suspicione, quam ponitur in assimilatione. Laetatus est ratione, et quasi de libra, qua? loqueris prodeunt, ut
Jonas vehemcnter sub umbra haederae, sed hedcra ilia distillare magis quam profluere credaris. Extenuata sunt,
aruit, et figura Propterea cum de figuratis te-
abivit. et subtilia sunt, et evaporata sunt : propterea distillan-
xuntur collationes sermonibus, quasi confabulationes tia sunt, et subtila sunt, et suavia sunt, et de intimis
quasdam licenter dixerim, non propter adumbralam in- erumpenlia sunt et ideo quasi favus sunt. Hoc si-
:

terius aeternam verilatem, sed propter obumbrantem bi vult quod sequitur Mel et lac sub lingua iua.
:

exterius vanitatem evacuabitur enim quod ex parte


: Sub lingua, inquit, et non in lingua. Majus enim est
est. Denique habes in Evangelio, de duobusilliseuntibus quod sub ipsa latet, quam quod in ipsa lucet. Quid si
in Emmaus, quod fabularentur et secum qucererent : etiam supra linguam? Sub lingua tua mel et lac. Non
fortasse quia quaerebant, et nondum tenebant; nutabant, enim tantum in sermone est, nee totum in sermone est:
et fide non stabant. Ideo quaerentes et conferentes, sed sicut nihil habes in ore simulatum, ita multum est
ambulantes et confabulantes dicti sunt sed tamen ita : quod est in corde occultatum. In lingua sunt quae ma-
confabulantibus ipse Jesus appropinquabat, et ibat cum nifeste loqueris : sub lingua sunt, quae latenter
illis, suggeris supra linguam sunt, in quorum edisser-
:

3. Unum suaviter recolis, quam frequenter et cor nos- tione elinguis est quamlibet eloquens, et sermo silen-
trum ardens eratde Jesu, cum loqueremur
in nobis tium.
de illo in via. Quae enim de illo locuti summus, ipse 4. Memini, nisi fallor, aliquotics in ipso orationis
prior in nobis locutus est. Utinam saepius istud mihi processu pressisse te sermonem, attentum et attonitum
contingat, de illo totum quaerere, conferre et colloqui ;
ad erumpentem in corde lucem vel laetitiam, vocem
de illo, inquam, et tecum nee tarn loqui, quam audire
: rupisse, ut verteretur in suspirium, quod formabatur in
: ;

TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 287

votre coeur, vous interrompiez votre discours et ce couter : et cependant elle ne peut suffire a enten-
qui devait etre accent de lavoix, devenait soupir du dre.
cceur. Car biea que la langue suffise pour faire 5. Mes yeux ont done defailli, attentifs k consi-
comprendre^'neanmoins le saisissement, Tamour et derer vos discours, mon ame en se s'est liqueiiee
retonnement qui jaillissent d'en-haut dans le fond meprisant elle-meme, en contemplaut votre parole,
du coeur, tournent, ravissent et retiennent en lui- et en s'efforcant de s'elever jusqu'a elle, en I'admi-

raeme, I'esprit qui se repandait en paroles : avec rant, en I'aimant et en I'examinant en tons sens :

Moise « ils I'entoiirent d'un nuage spirituel.)> [Exod. impuissante ou a voir aulant qu'elle desire, ou a re-
XXIV, 1Z|.) lis lui donnent les nuages pour vetement, tenir autant qu'elle a compris. Comment done I'es-
de sorte qu'il est frappe d'une grande stupeur pour prit de celui qui parle, n'est-il pas interrompu quand
ce qui se passe en lui, et d'un mutisme qui I'em- lesentiment interieur de I'ame qui medite, se trouve
peclie de s'exprimer au-dehors. Le miel est done absorbe ? De meme, en effet, qu'un corps solide et
sous votre langue, et la douceur sous votre voix.non pesant ouvre difflcilement passage au feu, tandis
comme comme chose inferieure, mais comme chose qu'une matiere legere, subtile et dessechee, est
interieure : cette suavite est meme bien plutot sous bien vite enflammee et consumee : de meme les me-
votre &rae. Quand, ne pouvant dorainer encore les ditations d'une ame
degagee recoivent
spirituelle et

delices qu'elle eprouve, elle est hors d'etat ou d'ex- vite, mais ne supportent pas longtemps la douce

pliquer pleinement les joies qui debordent en elle, violence de I'amour qui s'entlamme en elle. « Votre
ou d'en supporter neanmoins la jouissance, elle esprit, )) dit le Prophete, « vous devorera comme le
se livre entierement a elles, sans les posseder en feu. » (75. xxxni, 11.) Pour moi, je regarde la me-
leur plenitude. «Mes yeux ont defailli, » ditle Psal- ditation comme la matiere et I'amour comme la
miste, « en se fixant sur votre parole. » [Ps. cxvui, flamme. «Etdans ma meditation, le feu s'entlara-
82.) Non pas seulement en se dirigeant vers votre mera ; » [Ps. xxxvui, k.) Que s'il devient un incen- Lamfiditation
parole, mais meme pour votre parole ; pour votre die plus violent, ce feu attire et consume en lui- ,
*^' ^P/"""!
. la matiere au
parole afin de la desirer, vers votre parole, pour la meme toute I'attention de I'ame : ce qui etait re- feu, i'amour

recevoir ;
pour votre parole, en tant qu'elle est de flexion passe a I'etat d'affectionet une raison ne :
flamnTe.
feu, vers volro parole, parce qu'elle est grandement peut etre maitresse d'elle-meme, quand elle a >\
embrasee. « C'est pourquoi mon ame s'est liquefiee eclairer ce qui est cache, a decider de ce qui est
des que le bien-aime a parle. Je I'ai cherche. » Mon obscur ; quand absorbee par la force de I'amoui-,
iime s'est liquefiee, ne pouvant supporter ce qu'elle elle doit repasser et considerer de nouveau ce
entend, devenue plus avide depuis qu'elle a oui re- qu'elle connait pieusement. « Je me suis tu loin des
sonner des accents si doux, ne cessant jamais d'en biens, et ma douleur s'est renouvelee, mon coeur
faire I'objet de ses desirs. Aussi I'epouse ajoute s'est echauffe dans ma poitrine. » [Ibid.) Je me suis
« je I'ai cherch6. » L'oreille ne se rassasie pas d'e- tu, dit le Prophete, j'ai souffert, la chaleur m'a en-

linidien-
verbum. Nam etsi lingua sufficiat ad evidentiam *, in- Ergo et defecerunt ocull mei in eloquium tuum,
.5.

;ini. trinsecustamen stupor, et amor, et admiratio radiantis et anima mea liquefacta est seipsam contemnendo, et
desuper luminis, prodeuntem per verba animum con- in ipsum contendendo et contuendo, admirando et
vertit ad se, rapit in se, et continet intra se spiritua- : amando, et ambiendo circa ipsum nee valens, vel :

lique cum Mose circumvolvit nebula, et nubem ponit quantum cupit, intendere vel quantum cepit, fonere.
;

amictum ejus, et tenebras latibulum, ut fiat ad inte- Quodo ergo non intercidilur loquenlis spiritus, ubi me-
riora stupidus, ad exteriora mutus. Mel ergo sub lingua ditantis interior absorbelur sensus? Sicut enim solida
tua, et dulcedo sub voce tua, non quasi inferior, sed et corpulentior
materia ignis in se virlutem difticilius
quasi imo
interior : et sub niente tua, dum ilia con- admittit; sublilis vero et desiccata et tenuis voraci
ceptae necdum compos dulcedinis, pullulantia introrsus flamma citius et accenditur, et consumitur i(a medi- ;

gaudia non potest vel ad plenum explicare, vel experta tationes spirituales et extenuatae succensi amoris dul-
tolerare totum se illis cedens, sed non ex toto ilia pos-
: ccni violcntiam citius suscipiunt, et diutius non ferunt.
sidens. Defecerunt, inquit Psalmista, oculi met in elo- Spiritus vester, ait Proplieta, sicut ignis vornbit vos.
quium tuum : non modoadeloquium, sed etiam in elo- Ego quidem meditationem reputaverim quasi materiam,
quium, in eloquium tuum
illud concupiscendo ad clo- , amorem quasi flammam. Et in meditatione mea exar-
quium concipiendo in eloquium tuum, ex qna
illud ; descet ignis : qui si vehcmentiori cxicstuet incendio,
parte est ignitum; ad eloquium tuum, quia vehementer omncm animi intcntionem convcrtit et consumit in se
est ignitum ignitum enim eloquium tuum vehemen-
: ut totum affeclio fiat quod medifatio fuerat nee potest :

ter. Propterea anima mea liquefncta est, ut dilectus lo- sui compos esse ratio, cujus est eruere occulta, ambigua
cutus est. Quiiisivi ilium. Anima mea liqucfacta est, non dijudicare recensere et recolere quod pie novit, vi
:

suiTicicns quod audit, capcre; et dulci ox auditu avidior absorpta amoris. Silui a bonis, et dolor mctts renovatus
effecla, non desinens in illud concupiscerc. Ideo adjun- est, concdluit cor ineum intra me. Silui, inquit, dolui,
git : Qucesivi ilium. Non satiatur auris auditu ; nee ta- concalui. Goncalui de aliquanta interioris boni per-
men suflicit auris ad auditum. ceptione dolui pro imperfectionc, et ideo silui. Go-
:

mina hac divisus , et discerptua, ct obsorptus pas-


? »

288 L'ABBE GILLEBERT.


flamme. Je me suis ecbauffe eu voyant en moi quel- parce que I'usage en est sans fruit, ou bien parce
que bien j'ai souffert a cause de raes imperfections,
: que tout passe vite, ou bien encore si on le compare
voila pourquoi j'ai garde le silence. Divise, distrait a I'avenir ?
et abiorbe par ce double sentiment, je me suis tu 7. Que si ce qui est necessaire est vanite, que
loin des biens. Mais loin de quels biens ? Peut-etre sera ce qui est superflu ? Si la verite qui se fait voir
loin de ceux dont il dit : « Je crois voir les biens du presentement combien plus la vanite elle-
est vanite,

Seigneur dans la terre desvivauts. » [Pg. xxxvi, 13." meme? ((Tout homme vivant est une grande vanite.
6. J'ai eu done raison de garder le silence et de Non seulement une vanite, mais adversite, car il se <(

ne point parler des biens qui ne se font pas voir en- trouble en vain. » En vain il se rejouit, en vain il
core. Mais si I'kme garde le silence relativeraent aux se trouble : toujours vanite, soit a cause d'un motif
biens qui doivent etre demandes, elle ne le garde qui n'eu vaut pas la peine, soit parce (ju'il ne
pas relalivenieut a ceux qui doivent etre reclames avec subsiste pas toujours. Et maintenant, dans ces maux
instance et supplication. Aussi, on lit a la suite : et au milieu de ces vanites, « quel est mon espoir ?
« Seigneur, faites-moi connaitre ma fin et le nom- >''est-ce point le Seigneur? {Ps. xxxnn, 8.) Et ma

bre de raes jours, afin que je sacbe ceux qui me substance est en vous. Cette substance est comme
restent. « (/s. xxxvni, 5.^ Que lui manque-t-il dune ? un neant en votre presence ; mais ma substance )>

Mais, qu'a-t-il done ? Ecoutez le reste : « Ma subs- est ime substance en vous. « Faites-moi connaitre

tance est comme un neant devant vous. Cepeiidant ma fin, pour que je sache ce qui me manque en-
tout homme vivant est une graude vanite. » [Ibid.) core. La vanite himiaine m'est suffisamment con-
))

Qu y a-t-il done la oil tout est neant ou vanite ? nue par mes propres defauts qu'elle acbeve de se :

Quoi done ? La foi elle-meme et les vertus sont faire connaitre parfaitement par le sentiment lui-

Comment vaines ? Est-ce que cette vie interieure de 1


'homme meme dubon. Quand notre desir, Seigneur, serait-
la foi elle-
tr^me et les
a ete appelee vanite, elle qui a recu le nom de t-il rassasicj de biens , des biens de votre raaison?
vertns sont mort ? wVous etes morts et votre vie est cacbee avec Quand, dis-je, serons-nous inondes de votre verite,
appelees Tal-
lies. le Christ.)) {Col. lu, 11.) Que si elle est vanite, au point (ju'il ne restera en nous aucun gout ou
parce qu'elle est du nombre de ces choses qui ne aucune odeur de vanite, ainsi qu'il est ecrit de
sont qu'en paiiie, « car (Cor. xm, 10) tout ce qui Moab Son gout resta en lui, et son odeur ne fut
: ((

existe en partie sera aueanti )) (le juste vit de pas chang«je. » [Jere/n. xlviii, 11.) La, nous nenous
la foi, et la fin qu'il desirait n'est pas en eflfet tairons point loin de ces biens, nous serous, non
dans la foi), la foi disparaitra. Est-ce la justice qui comme des greniers vides, mais comme des reser-
vient de la foi? Comment done la charite, qui seule voii'5 pleins, qui debordent et regorgent de cote et
est vraiment ne passe jamais? Dii'ons-
la justice, d'autre.
nous que tout ce qui esiste en ce moment est vain, 8. Je vous ai manifeste quel(jues-uns de mes sen_
si ou la compare a ce bien a venir, ou si on ne la timents touchant notre vanite. Plaise au ciel que je
lui subordonne pas ? Tout est done vanite, ou bien merite de recevoir quelques gouttes echappees de

sione, silui a bonis.Sed a quibus bonis ? forte de quibus 7. Quod si ^-anitas est necessitas, quid est superflni-
dicit Credo videre bona Domini in terra viventium.
: tas? Si vanitas est, quae ia pra?senti est Veritas, (juanta
6. Jure ergo silui et ab eis quae nondum videntur. est ipsa vanitas? Universa vanitas, omnis homo vivens.
Sed si silet a prccandis, non tamen silet a rieprccandis. Nee tantum vanitas, sed adversitas : frustra enim con-
Ideo sequilur: Noiuni fac milii Dornine finem meum, turbatur. Frustra laetatur, et frustra conturbatur in :

et numerum dierurn meorutn quis est, ut sciam quid de- utroque vanitas, vel propter inutilem causam, vel prop-
sit mihi. Quid ergo deest? verum quid adest? Audi ter non diutumam subsistentiam. Et nunc his maJis et
quid adjungitur Substantia tiiea tanquam nihilum ante
: ^anis quee est expectatio mea? nonne Dominus? Et subs-
te. Verumtamen universa vanitas omnis homo vivens. tantia mea apud te est. Substantia mea tanquam nihi-
Quid igitur adest, cum totum, aut nihilum est, aut certe lum ante te: sed substantia mea substantia est apud te.
vanum? Quid ergo? fides ipsa et virtutes vanae sunt Xoium fac tnihiDomine finem meum, ut sciam quid
An haec vita hominis interior dicta est vanitas, quae et desit niihi. Xota mihi satis est humana ^-anitas ex pro-
mors dicta est? Mortui enim estis, et vita vesfra abscon- prio defectu ; sed ixmotescat plane ex ipso boni gustu.
dita est cum Christo. Quod si ista vanitas est, quoniam Quando Domine replebitur in bonis desiderium nos-
ex parte est, {eracuabitur enim quod ex parte est : Jus- trum, in bonis domus tuae? Quando, inquam, replebi-
tus si(juidem ex fide sivit; finis enim quem optabat, mur veritate tua, ut nullus in nobis in vanitatis vel gus-
non est Xumquid justitia quae ex
in fide) (ides abibit. tus, vel odor resideat? sicut de Moab legitur; quod
fide est? quomodo ergo caritas numquam excidit, (juae gustus ejus remansit in eo, et sapor ejus non est muta-
sola vere justitia est? Quid
dixerimus universa qujesi tus. Ibi non silebimus a bonis, sed erimus quasi promp-
in praesenli ad illud futurum bonum
sunt, ^-ana esse, tuaria, non vana, sed plena, redundantia et eructantiaex
non revelata, vel illi comparata ? Universa ergo va- hoc in illud.
nitas, aut inutili usu, autveloci transcursu, aut futuri 8. Eructa\i tibi (jufedam de inanitate nostra. Utinam
contuitu. et aliquid distillari mihi merear de plenitudine vestra,
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 289

votre plenitude, de la rosee du ciel et de cet abime nent, je ne dis pas a un plaisir, mais k une neces-
qui est cache au-dessous, sans qu'encore il deborde site passagere ! Heureux celui qui avee le patriarche
pleinement, de cet abime dela gloire futui'C qui sera Jacob abandonue ces puits, [Gen. xxvi, 22.) qui
revelee en nous. Elle est mainienant en nous, ce- laisse cette occasion de disputer, cette source d'i-
pendant elle ne s'est pas encore manifestee avee nimities, pour fouiller dans le torrent et y trouver
eclat, elle y est occulte, cachee comme dans sa se- la veine des eaux vives, pourvu qu'il ne I'arrete

mence, i-enfermee comme dans les veines de la foi, point par les obstacles que nous venons d'indiquer !

et contenue par les portes, soit des atfections char- Je crois que ces considerations vous sont familieres,
nelles, soit des impressions corporelles. La mer est que vous penetrez souvent et avee facilite, dans les
renfermee dans des limites semblables : quand elle voies interieures ne restez pas a I'entree, regar-
:

est resserree, elle s'ecliappe, sortant comme du sein dant par la fenetre et ecoutant a la porte. Deja je
qui I'a produite. C'est une mer excellente, celle fermerai ma bouche, atiu que selon le proverbe,
dont il est dit : « La terre sera remplie de la science tandis que je resjure, lechalumeau vous soit prete.
du Seigneur, ce sera comme les eaux d'une mer
qui deborde, » {h. xi, 9.) L'ocean est une cx'eature TRAITE V.
bonne. Lalimite lui est a charge. Le premier Adam
arreta, par Tobstacle de sa dcsobeissance,les Hots de On cntreprend d'expliquer ce passage de I'Apdtre ;
cette mer, et il retint dans I'injustice, la verite de Dieu Tout don parfait et tout bien excellent, etc. Mais
qui sortait et se repandait.Le premier homme nous la meilleure partie de cette Icttre ou de ce traile
separa en tiraiit surnous la porte de I'injustice : le semhle manquer.
second a ecarte cet obstacle, et il est devenu notre
porte et notre passage ; si quelqu'un entre par lui 1. Vous reclamez avee instance, ce que j'avais

il sera sauve et trouvera des paturagL'S. (Joan, x, 9.) promis sans precaution, ne faisant pas assez atten-
L'iniquite est detruite, mais luie porte pesante sub- tion a la difflculte de la matiere. Ajoutons-y la
siste encore, je veux dire la malice de ce jour ter- double difliculte qui survient, soit du cote du temps,
et
!S
restre. L'habitude d'avoir des pensees de A'aine ima- soit de la comparaison que je fais de moi-meme.
au
des gination, le souci qu'entraiue la necessite de pour- Du temps, que se disputent d'autres travaux ; de la
.empo-
IS.
voir a sa subsistance, ferment un passage bien nua- comparaison, car, examinant ceux qui ont deja traite
geux : occuper son esprit de ces miseres, c'est vrai- cette matiere, je reconnais sagcment que j'ai agi
ment fouiller la terre, c'est creuser une citerne mal avee trop peu de reflexion : j'aborde neanmoins la
enduite, un puits qui ne pent contenir I'eau : et question dont je vousai promis la solution. Votre
cependant, comme on se dispute, comme on se que- rolemaintenant sera de m'obtenir d'abord ce que
relle, comme on vous attaque par la calomnie pour vous exigez de juoi, aQn que je vous rende avee
ces puits des Philistins, pour ces eaux qui subvien- abondance ce que le merite de vos prieres m'aura

de rore coeli, et de abysso snbjacentc, sccl nondum sed necessitatis ! Felix* qui cum Patriarcha Jacob hu- Isaac.
plene erumpente de abysso ilia fuluree gloriaa, quee re-
; jusmodi relinquit puteos, qui relinquit occasiones liti-
velabitur in nobis. Est ergo nunc in nobis, nondum ta- gandi, et inimicitiarum materiain, ut fodiat in torrentc,
men revelata, sed magis occuUa, et scminalitcr recon- et inveniat \enaui aquas viventis si tamen supradictis
;

dita et quibusdam fidei inclusa vcnis,


; et conclusa os- illam nun concludal ostiis. ll;rc tibi ego magis pervia
tiis, lam carnalium afTectionum, quam corporaliu,n crcdiderim, familiariorem ct f'requenliorcm ad interiora
pliantasiarum. Talibusconclusnm est ostiis mare :quando accessum ne tantum foris stes, introspiciens per fe-
:

premitur, erumpebat, quasi de vulva procedens. Bonum nestram, ct auscultans per ostium. Jam ergo po-
mare, dc quo legimus Replebitur terra acienlia Domiui
: nam ostium or! meo ut, ut juxta proverbium, tibi fis-
;

sicut aquoi maris operientis. Bonum marc, sed grave tula accomodetur, dum ego respiro.
ostium. Denique ipse primus Adam quodani inobedien-
tiae obice hoc mare compuescuit, et per se prodeuntem
TRACT.\TUS V.
et erumpentem veritatem Dei in injustitia detinuit. Pri-
mus homo injustitiaj nos ostio semovit sccundiis illud :

removil, factus ipse nobis ostium, ct per ilium si quis


Quo locum illam Apoat. explicandum sumit; Omne
inlroierit salvabitur, et pascua invcniet. Deleta est injus-
datum optimum et omne doniim perfeclum, etc.
titia, sed adhuc grave restat ostium, diei hujus malitia.
sed potior Epistolce aut Tructatu'i pars deesse vi-
detur.
Nebulosum satis ostium consuetudo imaginariaj cogita-
tionis, ct sollicitudo necessariaa sustentationis; hujus-
modi animum intendere, vere in terram fodere est, ct 1. Inslanter exigis, quod incautius ipse promiserain,
fodere cisternam dissipatam, ct puteum qui aquas con- parum materi.-c diincultatem contemplans. .Vcccdit Imc
tincrc non possit et tamen quomodo rixantur, quomodo
; gemina; gravitalis forma, quia miiuisliahilasit ratio li-m-
litigant, quas nobis calumnias struunt pro talibus I^hi- poris, etmensura comparalionis. Tempus (juidom, si ali;c
lisliei puteis pro aquis transitoriae, non dlco voluplatis,
;
proiipucrunt causie, comparalionem cum oliis dc liac

T. V. 19
290 LABBE GILLEBRRT.
procure. « Tout bien excellent et tout don parfait venez vous mettre a ma suite. » [Matlh. xix, 21.)

vient du ciel, descendant du Pcre des lumieres! » Et I'Apotre : « chacim a recu de Dieu son propre
(5. Jac. (, 17.) Quoi done ? Ce qui n'est pas par- don : I'un en cettemaniere, I'autre en celle-li. »
fait, ce qui n'est pas excellent, n'a-t-il pas la menie (I Cor. VII, 7.) Et encore : « Comme a des petits en-
origine ? D'ou sort-il done, ne vient pas de la ? s'il fants dans le Christ, je vous ai donne du lait a
Qu'avez-vous que vous ne I'ayez recu ? Ce ne sont boire et non de la nourriture solide nous par-
:

pas seulement les biens complets qui sont de Dieu, Ions de la sagesse parmi les parfaits. (i. Cor. \n, 2).
comme si ceux qui sont moindres derivaient d'ail- Pourcjuoi done dit-on, en usant de que
distinction,
leurs mais, ainsi que I'enseigne I'Aputre « Tout
; : tout don parfait vient d'en -haut, alors que tout don
sort de Dieu. [Rom. w, 36.) Rien n'est ex<:lu dans n'est pas parfait, et quand il n'est pas un don parfait

cos paroles, car tous les biens etant de Dieu, tous quinedescende du ciel? Oubieii, si tout bien est ex-
sont parfaits et eminents. Que
en est ainsi, par s'il cellent, si tout don est parfait parce qu'il arrive d'en-
ces paroles hicn excellent et don par fail, on ne fait haut, pourquoi ne pas parler d'un seul et meme
pas de distinction entreun bien moindre et un bien bien, de don et dc donne, plutot que dire tout don?
plus grand, on exprime seulement et siniplement Car tout ce qui est chez le Pere des lumieres, sim-
ce qui est bien. Et comment tout bien est-il excel- ple et uniforme, ne pent etre considere comme mul-
lent et parfait, puisqu'il vient d'en haut? Qu'est-ce tiple. Que si dans le Pere des lumieres,
y a le il

que venir d'en haut ? « Descendant, » dit I'Apotre, tres-bon et le parfait, en descendant en nous du
« du Pere des lumieres. » Comment pourrait-on con- Pere des lumieres, sont-ils moins bons et moins par-
cevoir que dans le Pere des lumieres il se trouvat faits? Ce sentiment soumettrait I'immutabilite di-
quelque chose d'imparfait ? Est-ce peut-etre que vine a la condition des choses, variables : s'affaiblir

« tout bien excellent et tout don parfait » viennent c'est changer. Comment done ce qui est en lui
de lui, quoiqu'ils ne fussent pas en lui? Car com- peut-il descendre de lui? Mais, aussi ce qui n'est
ment ce qui serait en lui, pourrait-il descendre de pas en lui, de quelle maniere peut-U descendre de
son sein Ce mot descendre ne
et s'eloigner de lui ? lui ? ou, s'il descend de lui, comment n'est-il point

signifie pas en effet un changement de lieu, il indi- chose parfaite ? Et puisque I'autorite de I'Ecriture
que plutot un affaiblissemeut de force. nous enseigne qu'il est des choses plus pajfaites
2. Le Seigneur lui-meme parait aussi avoir dis- et d'autres qui le sont moins, que signiGe qu'on
tingue entre le parfait et le moins parfait. « Fai- nous disc seulement que tout bien excellent et tout
tes ceci, » dit-il, « et vous vivrez. » [Luc. x, 28.) don parfait nous arrive du ciel, quand il faut pen-
« Que si vous voulez etre parfait, allez, vendez ser que tout bien en tire son origine ? Ensuite
tout ce que vous avez, donnez-le aux pauvres et qu'expriment ces paroles : a donne » et « don.

materia habentibus prudens diffitpor, quam minus


sic Si autem vis perfectus esse, vade, vende omnia quce ha-
considerate praesumpsisse videbar tamen quaestionem : bes, et da pauperibu^, et veni sequere me. Et .\postolus:
aggrediar, cujus solutione obligatus tencor. Tiiae autcm Unusquisque proprium donum habet ex Deo, alius qui-
nunc partes erunt, ut quod a me petis, ipse mitii prior dem sic, alius vero sic. Item Tanquam parvulis in ;

impetres, ut orationis tuae merito desuper nobis infun- Christo, lac potum dedi vobi9, non escam : sapientiam
datur, quod tibi uberius refundamus. Onine datum op- aidem loquimur inter perfectos. Qua ratione ergo dis-
tinmm, et omne donum
pei-fcctum desursum est descen- tincte omne donum perfectum desursum esse dicit; cum
dem huninum. Quid ergo quae perfecta non
a Patre nee omne perfectum sit nee nullum desursum non sit ?
sunt, quae optima non sunt, inde non sunt? Unde ergo aut si omne datum optimum est, et omne donum per-
sunt, si inde non sunt? Quid babes quod non accepistl? fectum quia desursum est; quomodo non magis unum
Neque tantum optima ab illo sunt, et minus bona etidem, datum el donum, quam omne discendum est?
aliunde : sed sicut dicit Apostolus, Omnia ex Deo. An Omne enim quod apud Patrem luminum est, simplex
forte nulla in his verbis exclusa cum omnia
sunt, quia et uniforme, non multiplex censendum est. Quid si apud
inde sunt, omnia perfecta et optima sunt? Quod si est, Patrem luminum et optimum et perfectum est, sed des-
non per haec verba, optimum et perfectum inter magis cendens in nos a Patre luminum, minus bonum, et mi-
et minus bona, facta distinctio ; sed boni expressio. Et nus perfectum est ? sed hoc jam erit illam immutabilita-
quomodo omne bonum optimum et perfectum est, cum tem mutabilium conditioni subjicere minorari enim :

omne desursum? Quid desursum? Descendens, inquit, quodammodo mutari est. Qua ratione ergo quod in se
a jjatre luminum. Qua ratione apud Patrem luminum est, ab ipso descendere potest? sed iterum quod in ipso
imperfectum aliquid intelligi potest ? An forte omne da- non est, quo pacto dicetur descendere ab ipso? aut si
tum optimum et omne donum perfectum inde descendit, descendit ab ipso, quomodo non perfectum est? Et quo-
sed non ibi fuit? Nam quomodo ab eo descen- niam etiam Scripture auctoritas habet alia perfectiora
dere discedere posset, quod in eo, id est, in Patre
et esse, alia minus perfecta quid sibivultquod tantum op-
;

luminum esset? descensio enim non localem raigra- timum et perfectum donum desursum descendere dici-
tionem, sed magis virtualem minorationem innuere tur, cum magis omne dicendum videtur ? Delude, quid
videtur. sibi vult quod positum est, datum et donum, optimum et
2. Denique et ipse Dominus distinguere videtur inter perfectum ? Aliqua per nomina haec innuitur distinctio. An
perfectum et minus perfectum : Hoc, inquit, fac et vives. solum dicta sunt ad expressionem et commendationem.
;

TRAIT ES ASCETIQUES ET LETTRES.


291
tres-bon et parfait? Ces c3xpressions indiquent vous
,,
regardez avec des yeux trop complaisauts
line cerlauie dislinction. On hum, les eraploie-t-on Trois choses me frappcnt dans la conrte lettre que
pour mieux reudre ot pour miens faire sentir la vous m'avez 6crile d'abord, je voudrais deborder
:

pensee? envers moi; ensuite, etre retenu autour de moi


3. Voila les diflicultes que soulevent on mou es- enfin^ etre detourne de moi, sansdiminueren
vous.
prit, les paroles de ce passage
mais reprenons en : C'est I'affection, la fidelite et le zele : I'afrection
toute la suite, demandant a Dieu qii'il daigne lui- qui soubaite, lafoi qui est favorable, et le zele
pieui
meme nous expliquer ce qui s'y trouve d'obscur, d'apprendre
,, parole de Dieu.
la ^_ Je recois
v.... „.. .v,.w.o I'allection,
et nous accorder de parler dignement de ses dons, je chatie la foi, Vonllamme le dTsirT'
AppliquTz r^-
« Tout don parfait, » etc. En premier lieu voici la niour, dirainuez la faveur, dirigez le zele vers un
distinction qui
pent se trouver entre le « don >. et autre objet. Vous trouverez beaucoup moins
en
ce qui est « donae. « Ce qui est « donne, « vous moi que vous ne croyez. Peut-etre qu'en parlant,
ne
I'avez pas de vous-meme le u don » est ce qui
; n'est je deviendrai un barbare pour
vous, moi, que mon
pas produit par merite. Vous recevez ce qui est
le silence avait fait prendrepour Philosophe.
« donne; » le « don, » devienl une source de me- 2. C'est pourquoi, je loue en vous, avec raison, le
rites pour qui I'a recu. Vous vous servez de ce qui gout de la science, mais j'ecarte de moi la fonction
est « donne ; « vous avez le « don » pour le faire de professeur. «Je ne suis pas raedecin, et dans ma
fructifier. maison il n'y apasde pain. {Is. in, 7.) Je n'ai pas
Le reste manque dans le manuscrit. de quoi guerir celui qui est inflrme, ni de quoi
soutenir celui qui defaille : mais vous n'etes ni ma-
TRAITE VI. lade, nipauvre ; vous n'avez pas besoin du secours
de notre art ou de I'abondance de notre pain. Vous
Adressc a un ami au sujet dcs mystcres de la Redemp-
ne demandez ni I'un ni I'autre ; vous voulez gouter
tion des hommcs.
je ne emanations subtiles etsuaves, de-
sais quelles
la'il
1. Vous m'avez ccrit avec beaucoup de brievete, douccs d'une sagesse plus relevee. Est-ce
licates et
le en
nt les mais, j'en suis persuade, avec beaucoup d'affection. que je vous parais I'une de ces montagnes qui dis-
:es de
m. Je me suis rejoui des sentiments pleins de bonte tillent la douceur, et I'une de ces hauteurs chargees
que vous ressentez a mon
quand aux louan- egard : de tresors de lumieres ? Pliit au ciel que je fusse
ges que vous me donnez, j'en suis peu flalte. 11 est meme une coUine, parce qiie «les collines feront cou-
d'un liomine franc de rougir aux eloges qu'il ne Car si le mot « couler » indique I'abon-
ler le lait. »
merite pas. Je vous I'avouerai, votre amitie vous a dance, le nom de « lait » diminue la grandeur de
fait tromper a mon sujet; la foi est plus lente a ce sens le lait, en etTet, est pour les petits enfants.
:

croire, quand une tendre affection ne I'excite pas. La distillation au contraire, parait exprimer quel-
De la vient que vous avez cru si facilemeut ce que que chose de bieu petit, mais une douceur qui

3. mihi difficuUates capituli hujus verba partu-


Istas ditum favore complecleris. Ucnique tria quaedam in pa-
riunt; sed jam ad
cyus rcdearaus seriem, orantesUeum, ginulas vestru3 mihi vultu reluccnt primum quod velim
;

ut quod in ca obsti'uctuni est, ipso rescrare diguetur, et e.vuberare erga me ; secundum temperari circa mc ter- ;

donet nobis quod de donis ejus digno prulocjuamur. tiuni averti a me, sed in te non minui. Ihec sunt airec-
Oinne datum optimum, etc. Piiuio loco inlei' datum et tus, fides, et studium : votivusafTectus, favorabilis fides,
donum talis mihi videtur quaedam haberi posse distinc- pium discendi Dei studium. Atrcctum suscipio,
vcrbi
tio. Datum est quod uon
a teipso donum, quia
liabes ; castigo lidem, instigo studium. Amorcm intcnde, favori
noil est a mei'ito. Datum,
dumaccij)is; donum, dimi dclrahe studium tuum ad alterum dirigc. Omnino
,

cxinde promereris. Datum dum illud habcs ad usum


;
;
in me minus invcnies, quam pcrsuasum tenes. Fortasse
donum, dum possides ad rructum. loquendo tibi barbarus liam, qui fueram silendo Phi-
Cetera desunt in codice Ms. losophus.
2. Proptcrca doclrina; studium jure in te prrodico,
sed docendi munus a me Iraduco. Non sum inedicus, et
TR.\GT.A.TUS VL in domo mea nonest panis. Non est undo vol <egrolantcm
sanem, vel egcntcm suslentem sed tu ncc a'ger es, nee
:

De mysteriis Redemptionis tntmance ad Amicum scriptus.


egens, ut nostra indigeas aut arte sanari, aut pane sa-
tiari. Dcnique nculrmn liorum poslulas; sed ncscio
1. Scripsisti miiii satis parcum sermonem, sed pro- quas secrctioris saiiicntiie slillas, sulitiics etsuaves, deli-
penso, ut reor, afVectu. Et quidcm laelalus sum de ca catas et dulces. Numquid ego dc iiiis lihi videoi' monli-
quam mihi impendis gratia, sed dc laude, quid me prye- bus qui distillanl dulcx'dineni, et quasi unum de coagu-
dicas, parum gratuhitus. Ingenui est hominis, ad iaudes latis mesuspicaris montibus? ulinam vel coiiis fueriin :

crubescerc, quas suas non novil. Ut vorum fatear, arnica Colles enim fluent lac. Nam clsi fluxus innuit copiam,
quadam creduhtate tuum in me obcrravil, judicium pi- ; laclis lamen nomen imminuil graliam lac enim parvu- :

grior est ad crcdendum (ides, quam pia non informal loi'um est. K conti'a disliliiilio \idt'liii' (luiihiaui sonare
utiectio. lade cat, quod I'aciie credidisli, quod tunto crc- exiguuia, sed iadelcraaaalu duicedo aos aulril ud iui'-
292 L'ABBE 6fLLEBERT.
coiile infinimentsans s'arreter, nous nourrit et nous pour en faire rejaillir ensuite qnelque chose sur
fait avancer immensement. Une chose qui se tire TOUS. Ce sont des goutt€r3 de ce genre que tous me
indefinimeiit n'eiprime-t-elle pas, pourainsi dire, demandez, tous les Toulez en petite quantite, mais
rinflnite? Moinscelte douceur peut elre determinee en excellente qnalite, et tous arez bien raison.
quant a ses proprietes, plus elle I'emporte sur toute Vous saTez en effet, qu'S toutes les pagesde TEcri-
suavite connue. « Les montagnes, » dit leProphete, turtr, les choses subtiles sont preferees a celles qui
« feront gouter la douceur, et les collines feront coulent aTec abondance, les gouttes aux courant^,
Le lait est doux.mais
(icouler le lait. w [Joel. lu, 18.) les menues aux fortes. Aussi, la loi ordonne de

il n'est point la douceur. Quant a la douceur, elle repandre le sang des animanx qui sont immoles
est douce, elle est douceur, c'est d'elle que recoivent dans les sacrifices, et de faire goutter celui des oi-

leur sareur delicate toutes les choses qui sent dou- seaux [Exod. xx:x, et Ler. t.) : I'autel, qui est de-
ces, soit dans un genre different, soit a un degre hors, et sa base en sont arroses; mais ce qni est
superieur :doux en participant a la dou-
ce qui est au-dedans, I'autel et le Toile ou en sont legerement

ceur, cesse de letre, on le compare a cette source


si touches ou asperges sept fois. [LerU. it et xtui
de sua%ite. Voila poorquoi on lappelle simplement Nous hsons aussi que la manne etait menue, Exod.
douceur, sans specifier telle ou telle espece en par- xTi, Lft,} et que I'encens est reduit en poudre pour :

ticulier, afin que I'energique simplicite du mot fasse TOUS apprendre ' a rapporter ce que tous trouTez
entendre I'immensite de la realite. Cette realite, le dans les Ecritures, de grele et de tenu, a des sens
P*ropliete I'avait apercue comme profonde et in- spirituels et a des interpretatations mystiques.
finie, il Toulait la faire connaitre, et il ne put I'ex- !i. Ce sont ces details qui provoquent en tous
pliquer : « I'oeil, 6 Dieu, n'a pas vu sans Tons, ce une soif plus ardente Soif eiceUente : mais plaise
.

que vous avez prepare a ceux qui tous attendent. » au ciel, comme nous le lisons, que celui qui est
[Is. LXIV, !i.) iTre prenne celui qui a soif, [Deut. xxts, 19. cet
3. Get abime sans mesure de la majeste dixine irre, dont U est dit qu'il est « plein de grace et de
depasse les etroites limites du coeur et de la Louche Terite : » [Joan, i, 14.) cet iTre, de la plenitude du-
de I'homme : a peine, comme par de legeres fentes, quel nous aTons tous recu : lui qui est tout a la

nous en arrive-t-il quelques suintements. Comment fois ivre et enivrant. qui est en meme temps et

renfermer dans des pau'oles ce que le sentiment celui qui Terse a boire, et la coupe oii Ton boit, le
n'atteint pais ? Car si on lit qu'en quelqpies points Tase et le breuTage, le Tin pur et mele : car la
I'esprit senile tout, meme les profondeurs de Dieu, sagesse a melange le Tin dans son calice. Prov.
il n'est point dit qu'il les penetre. Nous n'avons ni IX, 2.) coupe enlTrante, que tous etes brillante !

le temps ni les forces, pour entrer daus cet inte- tout-a-fait brUlante, radieuse de Terite, eniTrante
rieur; pour nous lancer dans cette immensite; pour de bonheur. C'est en elle que sont caches tons les
plongei" la tete dans cet abime de splendeurs ca- tresors de la sagesse et de la science de Ken. {Col.
chees, et mouiller nos cheveux de ces gouttes de la 3. Delicieux melange en lequel la grace s'unit
II.

lumiere et non de la nuit, {car, dit le Prophete a la Terite, la science a la sagesse, les choses hu-
[Is. xxTi, 19.) cette rosee est une rosee de lumiere ,
maines aux realites diTines. Ce qui appartient a la

mensam. Qnod enim indefinite depromitnr, qoid nisi vel otii, vel ingenii pertingere ad illnd intimom : et pe-
infinitum exprimitur? omni quae determinala est
tan to netrare immensum, et in illam secret* lucis abyssam
dolcedine snpereminens, quanto omnis ppopriefalis de- caput immergere, et madentibas cincinnis guttis, dod
tenninalione carens. Siillabunt, inqoit, mantes duleedi- noctis, sed luminis (ros enim luminis, ut ait Propbela,
riem, et coUes flueni lac. Lac dulce est, sed dulcedo ros ille) dulce tibi aliquid inde aspergere. Deniqne tales
non est. Dulcedo vero et dulcius est, et dulcedo est, et a me deposcis, quantitate qnidem
stilJas exiguas, sed
ex ea dulcia sunt universa quae dulcia sunt, sive genere qualitate eximias: pmdenter satis. Nosti enim ubiqne
differenter, sive gradu prsecellenter : quae enim ejus par- fere scripturarom praeponi proilnis subtilia, profiias res-
tieipatione dukia sunt, comparatione tamen non sunt. persa, coipulentis conmiinuta. Denique hostianim lex
Propterea dulcedo non haec vel iDa, sed simpliciter po- sangoinem jubet animalium fnndere, avium distillare et :

nitur : ut ex modo vocabuli pendatur immensitas rei. hoc ipso altare quod foris est, et basis ejusperfundilur:
Valde infinitum quiddam et intimum intellexit Pfo- qnod verckintns est altare et velum, vel leviter attingi-
pheta, intiroare volens, esplicare non valens Ocu- : tur, vel septies respergitnr. Manna qnoque minutum le-
lus nou vidii Deus absque te, qu<B prmpararti erpectan- gitar, et thus in pulverem redigitnr ul quae in scrip- :

tibus te. tuiis exilia quae extennata inveneris, spiritnalibns attri-


3. Refugit immensum iliud dlTinae majestatis pelagns bnas et mj"stici5 sensibus.
humani cordis et oris angustias, et tenues quasi per ri- 4. Haec ergo sunt, in quae te sitis pemrget artJentior.
mulas vix inde ad nos aliquid distillat. Qnomodo enim Bona haec sitis : sed utinam, ut legitnr, ebnus sitientem
sermone concluditur, quod sensu non pertingitur ? Nam assumat, ille ebrius qui plenu? dioitnr gratia et veritate.
etsi in quibusdam omnia etiam profunda Dei I^tur spi- Ille ebrius, de cnjus plenitndine nos omnes accepimns :

ritos scrutans, non tamen et penetrans. 'Son est nostri ille ebrius simul et inebrians, qni propioator est et po-
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 293

licite de divinite, est tout-a-fait piii', rieu n'y est compose et lui esten nous. « Mes petits enfants, que j'en-
nature
jg parties, rien n'y est soumis comme une matiere, fante de nouveau, juscpi'a ce que Jesus-Chris L soit
iTine.
rien ne subit comme une forme, rien n'y est al- forme en vous. » [Gal. iv 19.) II est forme en nous
tere pnr la diversite soit simultanement soit par pour la vie, il est forme pour la verite. « Je vis, »
succession : mais toutes ces choses, qui en nous et dit I'Apotre, a ce n'est plus moi, c'est Jesus-Christ
par nous recoivent de noms et des sens distincts, qui en moi. » [Gal. n, 20.) Consequemment, ce
vit

concourent ici, et torment une simplicite essen- saint personnage ne pouvait-il pas du'e je suis sage, :

tielle, sans variation, un melange que rien ne pent mais ce n'est pas moi, c'est Jesus-Christ qui est sage
diviser. Voila purs et simples mais
les attributs : en moi? Tout est en moi en moi, la redemption, en :

considerez-les meles aux qualites humaines, en I'u- moi, la saintete, en moi, la sagesse. Rien n'a de sa-
icles de nite ile personne, par le mystere de I'incarnation, gesse en moi, Seigneur, si ce n'est vous, mais vous
jrnation.
gj^ notre Seigneur Jesus-Christ : de meme qu'il y n'avez de sagesse en moi, que si je voiis goute et
a I'unite de la personne, de meme il existe la Tri- si je goute en vous les biens d'en-haut. Car la gloire
nite de I'essence au-dehors le corps, au-dedans
; est dans la confusion de ceux qui ont du gout pour
I'esprit, Dieu au fond. En lui I'eternite a commen- les choses terrestres. « Le Prophete « dit avec
ce, I'immensite s'accroit, la puissance a defailli, raison : que celui « qui se glorifie, qu'il se

I'opulence s'appauvrit, la sagesse ne sait pas, et glorifie de vous savoir et de vous connaitre. »
la parole se tait :ne criera pas, « dit le Pro-
« il [Jer. IX, 24.) Comment done il est sagesse de Dieu
phete, « et sa voix ne se fera pas entendre au-de- et sagesse de Dieu : sagesse en vous, et sagesse en
hors. » {Is. XLU, 2.) nous : operant au-dehors et inspirant au dedans ;

5. Qu'est-ce que nous lisons, u bon Jesus : « la apparaissant dans I'oeuvre et ouvrant dans le coeur :

sagesse crie dehors et sa voix retentit sur les pla- qu'est-ce done que ceci, dis-je, que la sagesse crie
ces? {Prov. I, 20.) N'etes-vous pas la sagesse, sortie au-dehors, et que vous ne criez pas? Votre voix ne
de la bouche du Tres-Haut? Comment done se fait- se fait pas entendre a I'exterieui', et la sagesse fait
11 qu'elle crie dehors et que vous ne criez-pas? retentir la sienne sur les places publiques. C'est
votre voix ne s'entend pas a I'exterieur, et celle de peut-etre, que criant la scienceaux ignorants,
la sagesse retentit sur les places! iS'etes-vous pas vous n'etes pas encore entendu de maniere a
cette sagesse dont parle I'Aputre : « le Christ nous produire dans les esprits, la pleine connaisance.

a ete fait, par le Seigneur, Sagesse? » (I Cor. i, 30.) Vous criez au-dehors, lorsque par des indices, vous
Fait pour nous a la verite, mais ne Sagesse en lui- nous marquez ce que vous etes et aussi vous ne :

meme fait pour nous, mais nous plutot faits Sa-


: criez pas, quand vous cachez ce que vous etes reel-

gesse en lui ; car en le Christ Jesus, nous avons ete lement en vous. Vous cx'iez au-dehors, en faisant
crees, et dans les bonnes oeuvres, et aussi dans les sentu' vos bienfaits ; et vous ne criez pas, en cachant
pieux sentiments. Bien plus, nous sommes en lui. votre essence. Heureuse I'oreille qui pent saisir les

culum, vasculum et vinum, vinum merum et mixtum : clamas? non auditur foris vox tua, ilia in plateis dat
miscuit enim sapientia in cratere vinum. crater ine- suam? Numquid non Sapientia es, de qua loquitur
tu
brians quam praeclarus es ! praiclarus plane, vcritate ra- Apostolus Christus factus est nobis a Deo Sapientia ?
:

dians, voluptate inebrians. Deniqiie in eo reconditi sunt nobis quidem factus, nam in se 'natus nobis factus, :

omnes thesauri sapientise et scientiae Dei. Bona mixtura, magis autem nos facli in ipso creati enim sumus in :

ubi commiscetur veritati gratia, sapientia? scientia, divi- Christo Jesu sicut in operibus bonis, ita in sensibus piis.
nis liumana. Qufe Deitatis sunt, mcra penitus sunt, ubi Imo et nos in ipso, et ipse in nobis. Filioli mei, quos
nihil est vel partibus compactum, vel materiaiiter sub iterum parturio, donee formeiur Christus in vobis. For-
jectum, vel formaliter afTeclum et ideo ncc simul, ncc ;
matur in nobis ad vitam, formatur ad veritatem. Vivo,
successione diversum sed omnia, qme in nobis, et per
: inquit, jam non ego, vivit vero in me Christus. Quo-
nos, nomine et notione distant, in unam indifferentcm modo non consequenter et dicere poterat Sapio jam :

et essentialem simplicitatem concurrunt, et indiscrete sed non ego, sapit vero in me Christus? Omnia in mo :
permiscentur. Hajc ergo mora sunt et simplicia sed : in me redemptlo, in me sanctitas, in me sapientia. Non
humanis in unilatcmpersonae per Incarnationis commixia sapit in me Domine, nisi tu, sed non sapis in me nisi
mysterium, in Christo Jesu intucre qucmadmodum : te, si tamcn in te quce sursum sunt, sapiam. Gloria enim

personfp est unitas, et essentiae Trinitas foris corpus, : in confusione corum, qui terrenasapiunt. Merito uitPro-
intus spiritus, in intimis Ucus. In ipso et aeternitas in- pheta Qui gloriutur in hoc glorietur, scire et uosse te.
:

coepit, et immensilas crescit, ct potentia defuit, Cum ergo ipse sit sapientia a Deo, et sapientia Deus;
et opulentia inancscit, ct sapientia nescit, et sermo sapientia in te, et sapientia in nobis; sapientia scila, et
silescit; Non daniahit, inquit, et non audietur foris vox sapientia sciens; sapientia foris, sapientia intus; foris
ejus. operans et intus aspirans, in opere apparcns, etin corde
5. Quid est, bone Jesu, quid est quod Icginius Sa- : aperiens quid, inquam, est quod sapientia foris clami-
:

pienlin foris clumitat, ft in plnleis rial vocem suami tat, ct tu non clamas? non auditur foris vox tua, ct ilia
Numquid non tu es Sapientia, quap ex ore .\ltissimi in platea dat suam? .\n forte clamas perperis* eviden- id fit in-
docti*.
prodivit ? quomodo ergo ilia foris clamitat, et tu non tiam ; sod nondum audiris ad plcnaui uotiliam ? Foris
,

0(1
9Zi L'ABBE GILLEBERT,
voines du passage de ce legcr inxirmure. Ce sont transforme les blessures en mamelles. Pour qui les CobIi
des veincs, parce qu'elles communiquent la vie, conteniple, ce sont des mamelles ;
pour qui agit, oiiletl
qu'elles sont cachees et fermees; et parce qu'il s'en c'est du vin : suaves a qui les medite, elles sont le-
de« mji
echappi' pour nous, quelquc chose de plus voisin geronient ameres pour qui les imite. Nous savou- dc
du murmure ou nieuie du silence, que du cri. rons dans ces mamelle.s, un avant-goutdesjoies fu-
6. Grandemeat admirable est I'essence de cette tures dans ces grappes de raisin, par une sorte
;

majeste, elle est cacliee et trop subtile pour queno- d'ivresse, nous calmons les raouvements de la chair:
tre cceur lourd et epais puisse la saisir : pour la dans les mamelles, nous sommes transplantes en
comprcndre, tout cwur cree est trop grossier.Yoila Jesus-Christ pour mener une vie nouvelle ; dans les
pourquoi, elle s'entoure d'enigmes et s'en revet grappes de raisin, nous sommes ensevelis pour
Dieu s'est
comme d'une couverture sensible ; elle se tempere mourir avec lui. F.es mysteres sacres sont des ma- '(
incarne afin
de pouvoir par un certain melange d'onibres et d'ceuvres ; melles pour nous, (juand par la vertu et les merites
ftre plus fa-
cilement enfin, dans le mystere de I'lncarnalion, elle prend de la passion du Seigueui', n >U5 espei'ons les biens
aisi par uu exterieur visible pour etre plus facilement sai- eternels de la grace ils sont des grappes quand,
:
nous.
sie, recevoir des hommages plus frequents, etre re- voulant imiter les soufirances du Fi!s de Dieu, nous
tenue plus longtemps, et etre traitee avec plus de eloignons notre esprit des sensations de la chair.
devotion. Car tout ce qui louche a Jesus-Christ, se Par les mamelles,- nous sommes reformes en partie
trouve subtil, si on le discute, et utile, si on le selon la perfection totale que nous esperons dans ;

pratique. Agreable a la bouche, feconde dans la les grappes, nous sortons peu a peu de I'etat actuel
pratique, douce a la meditation, cette doctrine est pour etre transformes, pour etre rendus conformes
quolque peu dure, a raisou de I'imitation qu'elle a I'image selon laquelle nous avious ete crees :

reclame. Ce cote parait aftligeaut au-dehors, niais « Lorsque le Christ se montrera, nous lui serons
elle est arrosee et aspergee par la grcice qui la rend semblables. (I. S. Joan, in, 2.)
tendrement rude, suavemeut amere, aride et onc- 7. Maintenant, nous ne connaissons certainement
tueuse ; et comme brulee sur le gril de la croix, qu'en partie. Jufqu'a ce que le Seigneur nous revele
elle est inondee de I'huile de la sainte esperance, entierement ce qu'il nous a cache pour notre profit,
comme il est ecrit : « Nous rejouissant dans I'espe- repassons avec piete dans notre esprit, soil les biens
rance, patients dans la tribulation. » (Ro77i. xu, 12.) qu'ilnous a obtenus, soit les maiix qu'il a supportes,
De meme on trouve dans les Cantiques : « J'ai bu contemjdant non-seulement ses joies, mais encore
mon vin avec mon
en ce passage, les ma- lait : » ses souffranees. Yiendra un temps oil les delices
melles de lepouse sont comparees aux grappes de tiendront toute la place, et alors la mort sera absor-
Jesus-Christ la vigue. Grappe delicieuse
compar(^ i fouloe par le pressoir ! bee dans sa victoire. C'est lace que veut dire la suite:
une grappe de la croix, elle a adouci en nourriture de lait le « Je monterai sur le palmier et j'en saisirai les
da raisin.
vin amer et mele de myrrhe de la passion, elle a fruits. » [Cant, vii, 8.) On atteint veritablement la

clamitas,dum quod cs, nobis per indicia loqueris et : id)i et sponsae ubcra assimilata snnt botris. Bonus illc
item non clamas dum quod in te es, in veritate lates. l)ofrus, qui in crucis est forculari pressus, ut passionis
Foris clamas, beneficia ostentans et item non clamas ; sua?vinum niyrrhatum et amarura in lactis nobis ali-
esscntiam occultans. Felix aiiris, qua; susurrii illius ve- mcnta dulcesccrct, et vulnera in ubera transirent. Con-
nas pcrciperc potest. Vena; sunt, quiP vitales sunt, et tcmplanti simt ubera, et conversant! vina meditanti ;

occulta^ sunt, et claus<e sunt : et quod inde nobis tenui- suavia, imitandi subamara. In uberibus pra;libando qua?
ter cvaporat, susurrio, imo silenfio est quam clamori futura sunt sapimus, in botris quadam ebrietate carnis
vicinius. motus sopimus; in ad vitam, in
uberibus complantati
6. Mira veliomenter est Majestatis illius essentia, et botris consepulti cum
Christo in mortem. Ubera nobis
intima quam ut crasso possit corde compre-
et sublilior, sunt, dum dominicn^ passionis merito et munere graliae
hendi ad illam capiendam crassum ccrte est cor omne
: scmpiforna bona spcramus bolri nobis sunt, dum ejus-
;

quod creatum est. Proptcrea multiplici spissatur et pin- dem aimulandae passionis zelo a carnis sensibus animum
guescit aenigmate, umbrarumque quadam et operum separamus. In uberibus in id quod futuri sumus ex parte
mixtura temperatur; et Incarnationis demum iaduitur reformamur in botris ab co quod sumus, paulatim
;

habilu, u( possit a nol)is facilius capi, frequentius recoli, transformamur, donee ad quam creati sumus iniaginem
tenei'i diutius, retractari devotius. Universa cnim quaj plene conformemur Cum enim apparuerit, similes ei
:

sunt dc Jcsu, inveniuntur, si discutiantur, subtilia si : eriinus.


observentur, utilia. Jucunda in ore, foecunda in opere, 7. Vere enim nunc cognoscimus ex parte. Donee ergo
meditatione dulcia ctsi qua^dam sint imiiatione aliqua-
: plene revciet; quod nostra^ salubrilcr notitiae sustulit;
tenus dura. Etonim ha'c ipsa exterior afllictio, ilia inte- pic retractemus, vel bona qua? contulit, vei mala quaj
riori cordis roratur et aspergitur gratia, ut sit mollitcr pertulit, contemplanles non modo dclectationes Domi-
aspera, suavitcr amara, pinguis et arida et in crati- : ni, scd ct tribulationcs. Erit autem quando (otum occu-
cula Crucis vclut assa, sod bona? spei oleo respersa, si- pabit delcctatio, et absorbebilur mors in victoria. Hoc
cut sciibitur Sf
//audoites, in fribulatione paticntes.
.-
est, quod sequifur A^ccndntn in /jaimai)}, et apprehen-
:

Item in Canticis : Bibi vinum meum cum lade meo : dam frucfus eju^. Vere in palmam ascenditur, quando
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 295

palme^ lorsque la mort, le dernier ennemi, est de- reux , une vaine curiosite ne I'etend ni loin de
truite. La palme va bien pour former les couron- lui, ni au-dessous de lui : des soucis inevitables ne
iies des vainqueurs. « Voire taille est serablable a I'attirent pas sur ce qui I'entoure, et les jouissances
celle du palmier, » C'est par la foi que nous nous privees ne le conceatrent pas en lui. Occupee et ab-
tenons debout,par la foi que nous triomplions : « Car sorbee par la pensee des choses divines, son ame
la victoire qui subjugue le monde, c'est notre foi. » jouit d'une tranquillite parfaite, eclairee qu'elle est
(1. Joan. V, h.) Excellente victoire cello qui vainc le par une douce serenite et enivree de delices : secu-
monde, meilleure celle qui terrasse la mort : par rite sans danger, serenite sans nuage, suavite suivie
nous vainquons
le foi le monde, par la foi nous d'un contentemeut ineffable.
I vainc vainquons la mort. « Vousavez,)) dit I'Apotre, 9. Mais ces jouissances sont le partage de ceux
« votre fruit pour la sanctitication, pour fin la vie qui, deja sevres du lait, prennent leur repas solide
eternelle. » [Rom. vi, 22.) «Car la vie eternelle avant d'entrer dans la gloire : elles sont etablies
consiste a connaitre le vrai Dieu. « {S. Joan, xvii, au-dessus de nous, nous ne pouvons pas les saisir.

3.) La connaissance est done le terme, la foi est le C'est pourquoi, eloignes de ces saints banquets, re-
commencement : nous sommes debout par la foi et venons aux mamelles, des banquets de la contem-
nous nous aclieminons vers le but par la foi, nous ; plation, aux mamelles de la consolation, aux ma-
sommes to uj ours stables et fermes, les caresses de melles et aux grappes de raisin : de la simplicite
ce monde ne nous ftechissent pas, ses menaces ne pure et simple de cette nourriture celeste, a cebreu-
nous ebranlent point : nous marclions vers lebut, vage mele que la sagesse nous a prepare dans cette
depouilles du poids de la corruption, n'ayant pas coupe, en laquelle liabite toute la plenitude de la di-
besoin des secours du monde, ne souffrant pas de vinite. C'est d'elle qu'il est ecrit : « Votre ombilic
ses attaques. est une coupe tournee, n'ayant jamais besoin de
8. Ne passons pas sous silence, la distinction qui vases. » [Cant, vii, 2.) Que I'ombilic de votre ame

se trouve en ce lieu, d'abord on compare au pal- soit done aussi comme une coupe tournee, affaiblie

mier et ensuite on est pris pour palme ce passage : et polie par la force et I'habilete du fer, rendue le-

n'exprime pas de similitude, il indique I'union. gere et capace: afin que vous puissiez recevoir la
« L'homme qui s'attache au Seigneur devient un liqueur d'en baut et vous en rassasier, meritant
seul esprit avec lui : (I. Cor. vi, 17.) il est tout es- qu'on vous applique cette parole : « Votre ombilic
prit ; inonde et penetre d'une joie et d'une lu- est une coupe tournee, n'ayant jamais besoin de
miere spirituelles, il se perd tout entier ne sai- et vases. A la femme prostituee, on dit « Au jour
)) :

sit que son Dieu seul ; il ne se perd point par ces de votre naissance, votre ombilic n'a pas etecoupe.»
afflictions medicinales qui font «qu'eu quittant son {Ezech. XVI, h.) Combieu aujoux-d'hui, au jour de
Ame pour le Seigneur, on la retrouve de suite. » leur nativite, et au debut de leur conversion, coupent
[Matth. X, 39.) Mais par un procede bien plus beu- leur ombilic, et donnent ensuite toute liberte au

novissimus inimicus destruetur, mors. Palma coronis mens illie occupata ct absorpta theoriis, perfectissima ct
est apla viclricibiis. Stafurn tua asmnilata est palmw. securitate tranquillatur, ct serenitatc irradiatur, et sua-
Fide stamus, et fide triumphamus Hcec enim est vic- : vitate inebriatur : securilas sine periculo, serenitas sine
mundum, fides nostra. Bona victoria
toria qu(e vincit nubilo, suavitas cum inefTabili jubilo.
quae vincit mundum, melior quae mortem fide vinci- : 9. Sed haec illorum sunt, qui jam avulsi a lacte, epu-
mus mundum, fide vincimus mortem. Habetis, inquit eonlortata sunt ista supra nos,
lantur ab introitu gloriae :

Apostolus, fructum oestrum in sanctificntionem, finem non possumus ad ea. Propterca ab liis exclusi epulis, ad
vero vitam oeternam hcec est enim vita ceterna, ut co-
: ubera redeamus, ab epulis contemplationis ad uberacon
gnoscamus verum Deum. Ergo finis est cognitio, fides solationis, ad ubera, et ad botros; ab ilia mcra et cpu-
inclioalio; in fide stamus, et in fine asccndimus : in fide latoria sim[)licitate, ad hoc poculum tcmpcratum, quod
stamus crecti semper liujus
ct nee rigidi, mundi miscuit nobis Sapicntia in eralcrc illo, in quo habitat
flexi blanditiis, nee
fracli minis in ascendimus, : fine omnis plenitudo Divinitatis. De quo et dicilur : I'mliili-

gravi corruptibilitate exuti, mundi ncc egentes officio, cus tuus crater tornatilis , nunquam indigens poculis.
nee laborantcs supplicio. Sit ergo ct animae tua3 umbilicus sicut crater tornatilis,
8. Nee pra>tercunda quod primo dicituras-
distinctio, quodam castigationis et diseiplinae fcrro altenuatus, ct
similari palm;e, in posteriori assumi in palmani; in quo tersus, ct sublilis efi'ecfus, et eapax, ut copiosc infundi
simijitudo non imuiilur, scd exprimitur unio. Dcniquc possis ct incbriari, meritoque illud tibi con venial lin- :

qui adftceret Domino, unus est spiritus;el lotus cstspiri- bilicus tuus crater tornatilis, nunquam indigens poculis.
tus, spirituali perf'usus ct infusus luce ct laetitia, totum Dcniquc cl mulieri fornicanli dicitur Non est prrecisus :

se pordens, et ilium solum apprcheudens ; nequaquam umbilicus tuus in die nalivilalis tuo'. Qiuim multi iiodie
nicdicinali aflliclionc se perdens, utibi, qui perd ideril in nativitatis sua? die cl primo coiiversionis tempore um-
aniinam propter me inveniet cam : scd feliciori
suai/i bilieiim pr.Tcidunt, poslerioribusadducentespra'putium !

quadam ratione, nee vana curiositate cxtentus extra so, spiritu incipienfes, scd carnc consummali I Sit ergo um-
ct subtus se nee sollieiludine nccessaria dislcnlus circa
: bilicus tuus non modo pr.rcisus, sed ot circiimcisus, pcr-
»e, nee obleclalione privala contentus in sc. Divinis petuaquo ajqualitalc lornatus ut erasa omni corruptc- ;
: ,

S96 L'ABBE GILLEBERT,

teste de lour chair commencant parl'esprit ils ter-


!
de travail, il ne faut pas repandre les paroles en
minent par la Insure ! Que votre onibiUc soit non- lair. Cest de ce travers que se moque le Prophete
en se le reprochant « Dites-nous des choses qui
seolemect coupe, mais taiJle autour et toujours cir-
afin que, toute nous plaisent, voyez des erreurs pour nous, ne dites
ooncis, dans une egalite parfaile :

que toute viirueur du pas ce qui est juste et droit. » Js. xxi, lO.j Excel-
corruption relranchee ainsi
lente cause qui, par elle-meme et de son propre
corps, la souroe des eaux vires cotile sans relache
coupe spirituelle, et que desormais vous ne fond, remplit le role de lorateur. et sans les secours
de cette
Teniez plus puLscr ici. del'art. attire et flechit les ames des auditeurs. Cette
persuasion sera inutile et elle ne tend qua rendre
mechants les cupides.qiia enleverle faible obstacle
TR.UTE MI. A I'abbe Roger.;
de pudeur qui seul semble s'opposer a rambition,
Dam premverf, Tauleur et qui renferme les mouvements violents du coeur,
Ce tnate a deux parlies. la

attaque fes omMtieux et les prtsiomptueux. Dans comme les eaux de la mer dans une outre. Elle ou-
vrira non la fenetre, mais la porte, et fera tomber
Ttatibre, U lone Roger des gualiies qui If rendeni
pn^rt a la prelature et texkorte a la perseverance. sur une foumaise deja embrasee, toute la violence
de ses soufflets. La tige de Fanibition est assez vi-
PREMIERE P.\RTIE. goureuse, et rhonime v donne ses fruits comme
dans une terre joveuse, ou plutot il v developpe la
1. Vous demandez, mon cher Roger, de vous force luxuriante de toutes ses puissances.
persuader de conserrer la fonction que vous avez, 2. YoOa d'amertume qui, en sele-
la racine

et d"adoucir, jiar nies reflexions, la crainte que vant, donne de I'emltarras ; par elle beaucoup sont
Tous inspire un pouToir environne de perils. C est soiiilles et on ne peut lextirper et pourquoi de-
:

Touloir que je jetle de Thuile sur le feu, et qua mandez-Tous qu'on larrose? Cette plante vivace
roocaaon d'un seul, j'enflamme, par le souffle de pullule sous la main de ceux qui I'arrachent,
mes paroles, la cupidite de plusieurs, deja si ardents et vous voiilez que par des exhortations, on la cul-
d'eUe-meme. Hais, pourquoi parler de souffle? tive avec soin? Car si ce germe m audit est mort en
« Dne legere haleine, » ainsi qu'il est eeiit, « fera vous, de toutes parts il croit autour de vous, et vous
bruler des charbons seniblables. » (</o&. xu, 12. etant adressee avec ulilite, mon exhortation, tom-
Qui que vous produisiez en cette matiere, il sera bant sous veux des autres, eausera leur mine.
les
un orateur assez eloquent et il persuadera facile- « Cette plante se rencontre partwut, elle se propage

L'i
ment : la ou les coeuis de presque tous les hommes comme la bruyere dans le desert. » iJerem. xvu et
a pas soul attaches irrevocablement, tous, nous inculquons xu. Et je ne sais si nulle part, elle se developpe da-
reicite. parfaiiement tout ce qui se rapj>orte a ce sujet vantage que dans les terres oil la soif se fait sentir,

qaand on arriTe a un oLjet qui plait, il ne taut pas et oil croupissent les eaux ameres. Voyez ceux dont

la,imo 0(»palimtia, spiritaalis poculi jugiiate redondet se exprobando sabsannat : Loquitnini nobii placentia, ri-
qna^ aqaamm viventiaiiipDteus, et de ceetero non veaias deie nobis erroreit, noliie ea qu/e recta sunt loqui. Bona
hoc Iramire. caosa, quae per se partes oratoris cisequitur, et sine ar-
tis opera auditoram animos allicit el emolliL Superva-

TRACTATUS Yil, AD ROGERUM ABB.\TEM. cua erit hapc persnasio, et nihil aliud assectatur, nisi ut
de cupidis improbos facial, et tenuem toUat pudorisobi-
Dwesmmt partes hmjui bradatus. Priore rtdaryHit an^i- cem, qui solus ambitioni obstare videtur, et ifstuantes
iktsog,et pryenumptuosufs. A Hem R^genan eommemchi motus quasi maris aquas in cordis utre concludit. Hoc
a daUi^tttad predaimram idoneis : ethoriatur ut per- erit non fenestram, sed ostium aperire, et snccensae for-

se^erei* naci follium admovere spiramina. Lascivns satis frutex


ambitionis, et tanquam in laeta non tarn fructificat, quam
PARS PRI\L\. luxuriat homo.
2. Hffc est radix amaritudinis, quae sursum §rerminans
Persuader! tibi pc^inlas, mi Rog«re, toioidam esse
1. impedit, et per illam inquinantur mnlti, et extirpari non
qood teaes, et pericmloGS potestatis meium nosbis alle- potest ct quid illam irrigari postulas? Inter manusvel-
:

galifflubiis attenoari. Oleum certe me jubes adjicere ca- lentium pullulal rediviva planlatio, et tu illam quadam
mino, et tui nmus oocaskuie moltomm cnpiditates per dil^eatia exhortationum excoli i-ogas"? Nam si in te
se suocens^ ilatu nostri in flam maw setmoois. Sed quid prava radis hac emoritur; sed circunquaque juxta. et
fiatu dioa? Temuit, sicnt scribltur, haUbu prmmas hiijus- esoritur cumqneverbumcohorlationis adte missumuti-
:

modi ardere faideL Qaemcunqae hac in cauisa dederis, liter fuerit.inaliis forsitan damnose cadet. Plantatio hapc
satis diserfns oiator patabitnr, et persiadebit facile : ad ubique est, sicut myricce in deserto. Et nescjo sicubi
qnod irrevocabililer fene omnium oppodta sont coida, laetius frutescit, quam in terra sitis et salsueinis. Vide
omnes apposite quodlibei persuademus cum autem ad : mibi istosquorum exsiccatum est cerium quorum pallent :

id qaod decet, vemtum fuerit, ibi laboraudum est, et in era jejuniis, quorum operosam callus obducit nranum,
vanmn verha fondenda. Deoique et hoc ipsum Pnqtheia qui elongant et manent in solitndine, qui adoperiunfur
TRAITES A SCETIQUES ET LETTRES. 297

la peau est dessechee, dont le jeune a fait palir le ce qui appartient au Fils unique ? C'est lui qui est
visage, dont le travail a rendu les mains dures et le Fils ; lui qui est I'unique ; lui, I'image du Dieu
pleines de callosites, qui s'eloignent et revent dans invisible ; lui, la splendeur de sa gloire et la figure
la solitude, qui sont converts de sacs, et dont la ver- de sa substance, et vous dites : « je serai semblable
mine rongeait le corps; voyez, dis-je, si dans la au Tres-Haut ? » Vous lui serez semblable, vous ne
- les terre de leur solitude et de leurs miseres, I'ambition Fetes done point encore. Quant au Fils unique, il lui
rts.
ne multiplie pas avec abondance ces tiges nom- est toujours et entierement semblable, il n'a pasrecu
breuses et vigoureuses. Et meme, au milieu des ar- cethonneurpar radoption,il le tientde sanaissance;
bres de vie du paradis etde ses plantations joyeuses, ces droits de la puissance paternelle, il les a obtenus,
au sejour ou I'liomme n'avait pas le voile des habits non par grace, mais par nature. Le ferme, I'im-
ns le
poiu' caclier ses pechesdans ce sol si fertile, cette
;
muable et I'eternel testament de I'essence divine,
adis. tige maudiie parut. Dieu avait pourtant cree tous c'est I'unite indivisible ; et vous avez I'audace de
les etres fort bons. vouloir gravir cette montagne du testament ? « Je
3. Mais pourquoi parler du paradis? La solitude m'eleverai au-dessus des astres et au-dessus des
nftmc du ciel, les elevations angeliques d'oii elaient ban- hauteurs des nuages. » C'etait bien assez d'avoir
le ciel
nies eminemment la faiblesse et la condition hu- pousse la temerite jusqu'au point d'oser n'etre pas
maine, produisirent aussi cette plante dans sa mal- content des biens qu'on avait recus en communaute
heureuse fertilite. La pveuve en est dans la chute avec les autres. La, vous pouvez placer
la borne de

de ces esprits qui s'efForcaient de s'elever en sens voti'e terme auquel


orgueilleuse pretention et le

contraire. Ecoutez ce que dit leur prince « Je pla- : vous aspirez. « Je serai semblable au Tres-Haut. »
cerai mon trone sur les astres du ciel, je mouterai Vous depassez la hauteur des nuees et vous vous
par-dessus la hauteur des nuages, je serai sem- comparez au Tres-Haut? Vous depassez ceux qui
blable au Tres-Haut.» {Is. xiv, 13.) Ces sentiments, ont ete crees avec vous, et vous vous egalez au Crea-
il ne les exprimait pas de bouche, il les disait par teur? Voila des desirs desordonnes, vous avez usui'pe
ses desirs ; non parmi les astres , dit-il , non une elevation qui ne vous est pas due c'est pour cela :

parmi les nuages, mais « sur les astres et au-dessus que vous avez ete renverse de votre place et du lieu oii
de la hauteur des nuages. » Cree done au milieu vous etiez assis, et « votre orgueil a ete plonge jus-
des (itoiles du matin et I'un des Fils de Dieu, nou que dans I'enfer. w Le Seigneur vous avait plante
content de partager le sort des autres, il voulut comme une vigne choisie, comme une tige franche;
posseder seul le sanctuaire de Dieu, et s'asseoir sur mais vous, au jour meme qui vous vit planter, vous
« la raontagne du testament, » car I'heritage pa- etes devenu soudain une vigne sauvage, et avant la
ternel est transfere par le testament. « Je tronerai moisson, vous avez laisse tombertoutes vos flein-s.
sur le mont du testament. » Oil vise una temerite Vous avez tleuri, mais vos fleurs ont ete steriles,
coupable ? Pourquoi vouloir usurper a votre proiit elles n'ont pas etc reservees pour donner leur fruit

sacco, et squalet sordibus cutis eorum vide, inquam, si


: nondum ergo es ipse vero Unigenifus semper est, et
:

non in terra squaloris et solitudinis ipsorum nbertim am- ex aequo similis est, et in hoc non adoptatus, sed natus
bitionis radices increscunt.Denique intra vitales para- est, et palernaB potestatis jura non accepit per gratiam,

disiarbores et laeta germina, ubi non iiabebatliomo ves- sed babet per naturam. Firmiim et immobile, et aetcr-
tium sinus, quibus peccata reconderet in optimo solo : num testamentum divinae cssentias, indifferens unitas :

pravus surculus erupit. Creavit enim Deusuniversabona et tu tibi montem testamenti praesumis? Super astra as-
valde. cendam, et super altitudinem nubium. Satis sit uscjue
Sed quid ego de paradiso retexo? Ccelestis ilia so-
3. hue ausus extendisse temcrarios, non esse aliorum com-
litudo, et angelici monies humana conditione et conver- munit^ile contentum. Hie poteris superbice posuisse nie-
tione supcreminenter descrti, germinis praedicti ox par- tam et asccnsionis fixisscgradum. Similis ero Aliissimo.
:

te male feraces extiterunt. Testatur illorum casus, pr;e- .\ltitudinem nubium superas, et .\ltissimo tc comparas ?
posterum qui parabant ascensum. Audi quid princeps : concrealis pracfers, et creatori te confers? Inordinati
Sitper astro cceli collocabo solium meum,ascendam super gradus indebilum gradam usurpasti proplerea dc-
isti, :

altitudinem nuhium, similis ero Aliissimo. Diccbat luBc jectus es de gradu tuo, et de sfationc tua ct detracta :

non voce, sed volo non inter astra, inqtiil, et inter nu-
: est ad inferos superbia tua. Plantavit te Dominus quasi
bes, sed super astra et super altitudinem nuhium. Ipse vineam electam, omnc semen verum ; sed lu in die
ergo inter astra matiitina creatus et unus de filiis Dei, plantationis tua; slatim elTectus es labnisca, ct anlemci?-
cyelcrorum sorte non contentus, sokis liiHredilate possi- scm tolus effloriiisti. Efdoruisti plane, cvacuati sunt (lo-
dere voluit sanctuarium Dei, et in monte testamenti, in res tui, et non sunt rescrvati ad messom, non sunt ad
hcrcditatis dignitatc scdcrc testamento enim paterni
: maturilatem porducti, sed sicut subjungilur, immaliira
juris confertur liercditas. Sedebo in monte testamenti. pcrfectio germinavit proptorea prfpcisi sunt ramusculi
:

Quo se proripit improba tomcritas? Quid libi usurp;is, tui, ramusculi steriles, et infrucluosi divinic sentential

quod est Unici.' Ipse Filius, ipse urdcus, ipse imago pr.Tcisi falcibus. El tu ipse, juxia prophctai cjusdem in-
est Dei invisibilis, ipse splendor glorite, el (igura subs- suUationem, quasi slirps inutilis, de quiet is ct glorias tuap
tantiae, et lu dicis, similis ero Allissimol Si similis eris. loco projeclus es, efTectaqnc est habitatio tua in medio
298 L'ABBE GILLEBERT.
a la recoltfi ne sont point arrives a la matu-
; elles exalter ses merites? « Je ne suis pas, » disait le

rite ; mais comme il est dit ensuite au meme en- pharisien, « comme le reste des hoainies. » Luc.
droit : « Une plante parfaite a germe sans etre xviii, 12.; Le Christ nous a donne d'autres lecons ;

mure : aussi tos rameaux ont ete coupes, rameaus « (Juand Tous aurez lout accompli, dites nous :

steriles et infructueiix qu'a retranches la faux de la somraes des serviteiirs inutiles. » II m'a appris, nun
justice di\ine. Et vous-meme, selon liusulte que a exalter le merite des vertus et des oeuvres, mais a
Tous lance le Prophete, [h. ixxiv.) comme une le diminuer : il Va enseigne ef il I'a pratique,
souche inutile, tous avez ete jete du lieu de votre comme il est ecrit : « Jesus commenca a faire et k
repos et de votre gloire, et desormais votre sejour instruire. » 'Act. i, 1.; Car, etant « en la forme de
a ete 1axe au centre de la ruse et au milieu de la Dieu, il saneantit lui-meme. » [Phil. n. 7., Et ilde-
douleur. Celte tige de I'orgueil pouvaitparai're dans vint comme le reste des hommes, il abaissa sa gran-
le paradis, mais elle n'y pouvait rester, car toute deur, et TOUS exaltez la votre ? Qu'entend-on par la
phmte que le Pere celeste u'a pas mise en terre, sera vigne de Sabama, sinon les sentiments d'une ame
arrachee. Mattk. iv, 13.; Vous avez voulu vous orgueilleuse , le sentiment qui seleve contre la
filer dans un lieu qui ne vous etait pas du, aussi, science de Dieu, ce sentiment dont I'Apolre dit :

comme im germe batard, vous n'avez pas pousse » Avez en tous les sentiments qui se trouvent dans
de profondes racines. Et personne ne prend pour le Christ Jesus, e\c. « Et encore : « N'avant pas des
lui riionneur, il faut qu il soit appele par le Sei- sentiments eleves, mais marchant d'accord aTcc les
gneur vous avez usurpe ce qui ne vous convenait
: humbles.)) Rom. xir, 16. Exoulez ime pensee su-
nullement, aussi vous avez perdu ce qui vous perbe, qui s'exalte et s'evanouit comme la fumee :

avait ete donne. « Je visiterai, « dit le Seigneur, ale fruit du coeur


k. Helas I aucune region, aucun lieu n'est a I'abri orgueilleux du roi de Babylone et I'arrogance de
des invasions de cette plante. Cette racine de cupidite ses yeux. Car il a dit : j'ai agi dans la force de mon

fait pulluler ses rejetous partout, partout elle les fait bras, et j'ai compris dans ma sagesse. >» [Is. x, 12.)
produire leurs fruits, elle couvre la face de la terre, Et ailleurs : « N"est-ce pas la cette Babylone que j'ai
et comme si elle se souvenait du premier sejour qui batie? » Dnn. iv, 27.)

la vit paraitre, elle s'attaclie de preference a ceux 5. Vous avez entendu I'expression de ce senti-

qui portent I'image du Pere celeste. Quand done. ment orgueilleux qui s'exalte : vous avez compris
Seigneur, arracherez-vous cet arbuste infidele, cc quelle est cette vigne de Sabama. Plut a Dieu qu'elle
germe elranger ? Quand s'accomplira ce qu'a dit le flit abandonnee et que personne ne la cultivat?

Prophete a La vigne de Sabama est devenue de-


: Ecoutez a present lApotre, ecoutez le maitre et le

serte, les maitres des nations ont coupe ses fleaux.» docteur des Gentils Car les rois des nations ont
: «

[Is. xvi, 8. ; Sabama signifie « soulevant une hau- coupe ses tiges. » Entendez comment il menace Sa-
teur. » Qu'est-ce que soulever une hauteur, sinon bama de chatiment : « N'ayez pas de superbe, mais

doli, et in medio doloris. Poterat superbiae surculus in nem suam, et tu attolis tuam ? Quid ei^ in vinea Sa-
paradiso pullulare. sed non poterat perdurare omnis : ba ma 'mieUigiluv, nisi ebrii sensus animi, sensusseattollens
enim plantatio, quam noD planta%it Pater c^elestis, era- adversus sensum Dei, sensum de quo dicit Apostolus :

dicabitur. Plantare te voluisti in loco non debilo, ideo Hoc sentite in iH>t>is, quod est in Christo Jesu, etc. Et
quasi spuria plantatio non dedisti radicem aitam. Deni- item : .Von a/ta saptenies, sed humi/ibus consentient es.
que et nemo sibi sumit honorem, sed qui vocatur a Audi sensum alta sapient em, et se extollentem, et quasi

Deo tu autem assumpsisti indebitum, idcirco consum-


:
fumum evanescentem in cogitatione sua Visitabo, dicit :

sisti datum. Dominus, super fructum magnifici cordis regis Assur, et


4. Heu me quomodo nnllus tutus est ab hoc virtrulto super altitudinem oculorum ejus. Dixit enim : In forti-
locus, nulla immunis resrio radix ista radix cupiditatis I
tudine m/tnu-s mece. feci, et in sapientia mea intellexi. Et
nbique fere crescit, et fructificat, occupans terrae faciem alibi : Sonne hcec est Babylon ilia magna, quam ego

et quasi memor ubi primo orta fuerit, in his peculiarius feci ?


qui portant imaginem coelestis. Quando Domine eradi- 5. Audisti sensum, magraificum sensum se extollentem;
cabis plantationem banc infidelem, germem alienum ? intellexisti quid sit vinea Sabama, vinea quae utinam de-
Quando adimplebitur quod dictum est per Prophetam : serta sit, et non sit qui excolat earn. Audi nunc Aposto-
Deserta facta est rmea Sabama. Domint gentwm exci- lum : audi Dominum,
et doctorem gentium Domini :

deruni jflageUa ejus ? Sabama attoUens altitudinem dici- enim gentium exciderunt fiagella ejus. Audi, quomodo
tur. Quid altitudinem attollcre, nisi merita magnifi-
est ipse excidat flagella SabamEe Xoh' altum sapere, sed :

care? yon xum.


inquit Pharisaens, skut cfBterihominum. time. Prcpcipe divitibus non superbe sapere. Flagella, in-
.\liter Christus non docnit Cum, mqaM, omnia feeeritii : quit, prceciderunt, radicem nequiverunt exciderunt :

dicite quia servi inutiles sumus. Docuit me altitudinem quod eminebat, non potuerunt quod latebat. Radix ipsa
%irtutum et operum non attoUere, sed attenuare : docuit cupiditas, flagellum honor et sublimitas concupiscentia :

et fecit, sicut scriptum est Ccppif Jesus facere et docere : quasi radix, curae quasi flagella. .\dverle quam signanter
Cum enim in forma Dei esset, semetipsum exinanivit. el loquitur. Nos in sublimitatibus delicias arbitramur :
factus est sicut cseteri hominum. Ille inclinavit altitudi- Propheta flagella vocat. Flagellant vere et excoriant ani-
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 299
craignez. Ordonnez aux riches de n' avoir point de fi. Quelle difference on trouve dans ceux qvii es- Oa attaqae
les prelatt
sentiments orgueilleux. » (I. Tim. vii, 17.) lis ont timent les choses, quand il s'agit d'acheter, non les pmdents
fait disparaitre ce qui se montrait^ ils n'ont pu at- oeuvres mais les marchaudises, et d'en faire le com- pour les
affaires tein-
teindre ce qui etait cache. La racine, c'est la cupi- merce ! Avec quelle habilete. Us tirent de I'ouver- porelles et
ignoraots, en
dite, la tige, c'est I'honneur, c'est I'elevation ; la ture de leur sac double poids ! lis semblent nes et ce qui re-

inenr concupiscence est comme la racine, les soucis sent eleves non pour etre moines, mais pour etre traQ- garde les
tpirituelle*.
omme
comme les pampres. Remarquez I'energie de ce Ian- quants : c'est ce gout qui domine en eux, celui
gage, nous, nous pensons que les delices se trou- qu'ils ressentent pour le Christ est assez ienu, assez
vent dans les places elevees, le Prophete les appelle mediocre et assez sec. C'est pourquoi le Prophete
des fleaux. Ils flagellent veritablement, ils ecorchent s'ecrie : « A
du Seigneur a-t-il ete re-
qui le bras
I'ame et blessent le cceur tendre, et applique a ai- vele ? Et il montera comme un maigre rejeton de-
mer Jesus-Christ. Bien malheureux celui que les vant lui, et comme une tige qui sort d'une terredes-
choses du dehors ont endurci, au point qu'il ne les sechee. » [h. un, 1.) En eux, rien de robuste, rien
regarde pas comme des fleaux, mais comme des d'eleve, tout est faible et bas, et a part la racine de
joies. « Ils m'ont flagell6, et je ne I'ai pas senti. La foi simple, ils ont a peine quelque teinte de la sa-
vigne de Sabama devenue deserte. [Is. xvr, 8.)
est gesse divine el plus haute; saint Paul dit : « Fructi-
Vraiment abandonnee de nos peres qui surent cul- tiant et croissantdans la science de Dieu. » [Col.
cultiver, non leurs terres, mais la piete, qui s'atta- I, Eux, au contraire, non contents deleur pro-
10.)
cherent, non a la fortune, mais a la religion. Au- pre ignorance, ils meprisent les connaissances des
tres temps autres mceurs A present, tous entre-
! ! autres, et, appreciateurs jaloux, ils appellent im-
tiennent en eux les sentiments du monde, ils se glo- becilite, I'etude de la sagesse ; ils fletrissent du
rihent d'en avoir I'esprit et la sagesse, cette sagesse nom de folie ou d'orgueil, la prudente subtilite
qui est folie devant Dieu, qui ne sait pas et meme qu'on apporte en ce travail, gagnant le pain qui
ne pent pas etre soumise a la loi de Dieu. La cupi- perit etnon celui qui reste pour la vie eternelle :

dite en effet ne pent ob^h' a la charite, elle ne sait et si parfois ils rentrent des champs dans la maison,
pas porter les fardeaux des autres mais bien plu- : ils sont indigues en entendant les chceurs et leurs
tot, elle met les siens sur les epaules desautres. Qu©- symphonies, ils murmurent a la vue de la joie de
teurs insatiables. distributeurs tres-avares, c'est en leur plus jeuue frere. C'est un excellent jeune
eux que Saul naitveritablement de Cis. Cis signiBe homnie, celui dont I'Apotre parle en ces termes :

dur. Saiil setraduitpar demande, c'est-a-dire, I'avidite ((Revetez le nouvel homme qui a ete cree selon
vient del'avarice, et la durete de I'etroitesse. L'aqui- Dieu. » [Eph. iv, 2Zi.) Oui, bon jeune homme dont
lon est un vent rude, c'est lui qui a eaux ;
gele les I'Apotre dit encore « Une nouvelle creature en Je- :

I'autan est doux; quand il souffle, les aromatesde la sus-Christ, les choses vieilles ont passe, tout est de-
misericorde et de la charite se mettent a couler. Cis venu nouveau. » (II. Cor. \, 17.) Imprudent fut
estun pere dur ; doux est celui qui a donne naissance I'aine, il connut la fatigue, ne connut pas la joie.
il

a Jesus-Christ « afin que vous soyez, » dit le Sau-


: 11 est vraiment vieux, il persiste a vivre dans ce qui
veur, « les enfants de votre Pere, qui fait lever son est passe, il prend souci de ce qui est du vieil

soleil sur les bons et les mechants. » [Matth. v, 45.) homme, il s'occupe de la chah non en , se livrant

mum, et exulcerant tenerum et intentum in Christo af- 6. Quam rerum astimatores in coemendis
dissimiies
fectum. Infelix plane, qui in extcrioribus adeo induruit: et in transigendis non operibus, sed mercibus quam !

ut non sentiat haec esse flagella, scd gaudia. Flagellave- argute de oris sui sacculo duplicia proferentcs pondera !

runt me, et non sensi. Deverta facta est vinea Sabamu. nati et edocti videntur, non apud monacliatum, sed apud
Vere deserta a patribus nostris, qui nescierunt posses- mercatnm : in liocsensu abundant, satis tenuitcr et cxi-
sioncs, sed pictatem excolere non rebus intendere, sed ; liter et sicce de Christo sapientes. Propter quod Pro-
religioni. Tcmpora
o mores Mode fere omnes
! !
pheta Brachium Domini cui revelatam est ? et nsccndit
:

mundi in se sensum cxcolunt, mundi Inijus spiritum ha- quasi virgultum coram eo, et quasi radix de terra sitienti.
bere se gaudent, sapientiani hujus mundi, quae stullitia Nihil validum, nihil sublime, scd infirnuim et humilc,
est apud Deum, quaj legi Dei ncscil, imo nequit esse et prajter simplicis radicem fidei, subliuiioris el divina;
subjccta . Non enim potest cupiditas servirc caritati, vix aliquid atlingentos sapieutiae. Paulus dicit Fruclifi- :

non novit ab'orum onera porlare magis autem sua aliis :


cante-- et crescentes in scientin Dei isti c contra, propria :

impingcre. .\cceri'imi corrogatores, parcissimi crogato- non conlenti inscitia, contemuunt aliorum srienliam,
res, ut verc in eis de Cis Saul natus videatur. Cis nam- et invidi aestimatorcs, sapicntiae sludia stoliditatom inter
que Durus, Saul aulcm pelitio, id "est, de avaritia avi- pretantur, sobriaui subtililatom insaniae vel jaclanti;e de-
ditas, de parcitate iniprobitas. Durus ventus Aquilo, ab nigraut nota, operaufcs ipsi cibuui qui peril, non qui
CO congelatae sunt aqua; sua vis Austei' ad cujus flatinn mi-
: permanet in vitam a'lernam acsi ([uando de agro rcver- ;

sericordia; et caritalis fluunt aromata. Durus pater Cis, sua- lanlur domum, indignantur ad symphouiam et chorimi,
vis illc, de quo Jcsus-Cluistus Ut sitis, inquil, : filii Pafris et junioris fratris ad gaudia grunniuut. Bonus junior illc,
ve.itri, qui oriri facit solein suunt super bonos et malos. de quo dicit Apostolus : Induite noium hominem quite-
300 LABBE GILLEBERT.
a ses delices, mais ens'abandonnant a s^ preoccu- que leur cupidite particuliere fait
pations ; dans le desir qui le deTore de Touloir ac- tes places coofondons, ou plutjt arertisGODS aosst
:

querir beaucoup de possessions, sinoa d'en user ceux qui se glorifient d'etre contraints de ks accep-
sans temperance. « Ces hommes, • mais « qui, « dit ter sous preterte de charite fratemelle. Par un sen-
lApotre, « veulent devenir non luxurieui, mais ri- timent de charite fratemelle, par un sentiment
ches, tomhent dans des desirs nombreus, inutileset louable, ils trouTent lourde I'occupation qu'impo-
nuisibles. » I. Tim.
Le desir inutile et nui-
\i, 9.) sent ces charges, le repos leur serait agreable :

sible se trouve; lorsque amene par le besoin, il est mais une pensee raine, bien plus, one pensee inso-
augmente par trop de soucis. L'ardeur de posseder lente et orgueilleuse, leur fait craindre d'abandonner
nent fl y a est une mauvaise soif. Voila la terre alteree d"ou la
abas dass
la prelature, de peur qu'il ne se rencontre personne
Ics finesses, racine de la foi et de la piete, germe des tiges basses a qui on puisse la confier : ceux qui I'eprouvent
mais encore
le desir de et greles, qui s'elevent a peine au-dessus du sol. U sont sag<« a leurs propres yeus et pmdents devant
trop avoir ne pent manquer d'en
est niLbible.
etre ainsi, la ou les desirs du eux-memes : non contents de cette place remj^
monde croissent dans toute leur force et multiplient de vanite, comme Elie, ils se regardent comme res-
librement leurs vaics rejetons. Heureui qui les re- tes seuls. (III. Us se considerent
Beg., 3ai, li.
tranche de son ^me. heureux celui en qui es4 de^ comme un Molse, mais au-dessos de ce saint per-
serte et abandonnee la rigne de Sabama, cette vi- sonnage. Car il disait : « Seigneur, pourvoyez a en-
gne qui dresse sa hauteur, la hauteur de sa con- Toyer un autre Prophete. » 'Erod. iv, 13 ; eui di-
duite, est un degre eminent vers la prelature. Saba- sent : il n'est pas d'autre horn me que vous puissiez
ma, en effet, signifie quelquefois conduite : carceux envover. « Un homme, » dit Isaie, « prendra son
qui semblent etre parvenus en i[uelque sorte au de- pere, le domestique de son pere : tu as un Tete-
but de la conversion, sont plutot ces grandes tiges ment. sois notre prince. » Que repond-il? « Je ne
qu"agite le vent de lambilion. Delle-meme, cette suis pas medecin, et dans ma maison il n'y a ni
plante se developpe suffisamment : elle pousse la ou pain ni vetement. Ne faites pas de moi un prince. »
elle u'est pas semee, et elie croit qumd eUe est cou- (/«. ui, 7.) Comme s'il disait, il ne suffit pas que I
pee : ainsi, elle u'a pas besoin d'etre mise en terre, j'aie un Tetement, s'il n'est pas assez grand pour
mais bieu d'etre enleveej il faut, non la cnltiver, que j'en fasse part anx autres. Pom oecuper les
mais rextirper. chaises superieures, ce n'est pas assez d'avoir le
Contre cenx
7. .\ssez sxrr ce sujet, car il n'est pas utile defaire vetement de la discipline, le vetement de la con-
qui ne fuient pour les autres I'exhortation que vous deman- me duite et de I'observance exterieure, de regler
pastes postes
uteres parce dez. Mais puisque nous avons deja dit quelque I'homme exterieur, qui en toute action me sert
fiidk se
ooieBt senls
chose contre I'ambilioD, fl convient de ne point comme d'un habit, cela ne me suffit pas, eela suf-
eapables de garder im sUenee absolu sm* la matiere de la pre- fit encore moins pour les autres. Ce qui est loue
lesoecaper.
somption. Nous avons deja attaque en partie ceiix en moi est bien peu de chose, on est en droit d'ed-

etmdian Dettm eretdus Bchids jonior, de qno item


est. 7. Sed jam ista soffidant pro eo, quod nm eipeifiai
ait : Si" qua nova creahtm, Vetera transienmt
in Christo printer alios exhortatiooem quam exigis, bcere. Sed
et facta sunt amma noea. Impradens ille soiior, qni la- qnooiam jam aUqoanta in amtdtioDem diximns, cod-
borem novit, laetitiam noo dotIL Jure senior, qui in re- groum erit si de praesmnptione non penitus sfleamns.
tustate perdurat, el qajB veteris sont hoaunis coiat, qui Confotavimus illos ex parte, privata qui capidifate ad
camis agit curam, e^ non in delkiis, tamea in deside- alia fenmtnr : coDfimdamns, imo ^ oommooeamns et
riis in desideiiis copiose possidoidi, etsi non intempe-
: nios, qui fiatenue necessitatis obtentu se teoeri glorian-
canter utraidi. Qui voiunt, inqoit, noo delicati^iprf dic^et tnr. Qoibos landabiiiter qnidem oecupatio gravis est, et
fifri, rnddunt m
desideria mutta, imutdia et mtaea. Inu- grata qnies ; sed tamoi inani, imo insolenti et tomido
tile et nocivnm desideriom, nbi e(a necessilas est in timore moTentor si magisteriis gradnm dimittaDt, ne
caofa. nimietas est ia cara. Mala sitis ardor habendi. non sit coi jure committant : qui sapientes sont in ora-
Haec ergo est terra sitiens. de qua pietatis et fidei radix lis suis, et coram semetipsis pradentes : qni boc vanita-
infirme et bnmiliter ascendit, vix se pauhilom ab imis tis non contenti gradu, cum Ellia sob relieti sibi viden-
sobrigeas. Denique non potest ista non languere, nbi tnr, Qnemdam se Mosen repntant, sed sapra Mosen. Die
mondi desideria luxnriant, et van<e dilatanturpropagines. namqne dicit : Domuw prorkk
alimm qmem mdtas; isti,
Felix qui has a se exciderit, in quo deserta et neglecta dicont, aBns Domine, qnem miUas. Apprehem-
non est
est vinea Sabama, rinea scilicet qns altitndinem saam det, ioquit Isaias, vir fndrem swam^ dowtestiemm Pmlru
attoUit, altitudinem conversatioDis ad gradnm praelafio- sui : Vestimentum tAi est., prmequ esto moster. Quid
I
nis. Satxnaa enim etiam aliqua conversio dicltur. Nam ille? Son smm aterfamf, et m domo mtea mom est pamis
qui conrersionis aliqnatenus videntnr attigkse initia, hi meqme vestamemtumt. SoKte eomstitmere me primeqtem.
iDqnam, magis. quasi summa (lagella, amlutioDls agitan- Acsi dicat, non sufl«>it ut vestimentum mihi ^t, nia
tur Tento. Per se satis haec pbntatio hixariat; per se abundet, ut et aliis impertiam. Xcm est satis ut prino-
oritur, obi non seminatur, et soi^t dnm soccidltur: patnm ot>tineam, haboe vestiraeotnm disc^ins, vesti-
propteiea non indigetpiantari, eed ampntari; Bon«xcoli mentora exterioris conversation^ etobsematis, eompo-
aed exeidi. «itum habere hcHOHiem exterioran, q«o tanqiiam vesti-
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 301

ger davanfage. C'est peu que je sois sain, si je ne mes attache a reprimer a la fois les presompteux e

puis pas guerir les autres. Aussi il dit : « Ne les ambitieux : dans celui-ci, nous voulons exciter
m'etablissez pas priuce, je ne suis pas medecin, ceux qui craignent plus qu'il n'est juste. Quelle

dans ma maison il n'y a ni pain ni vetement. » Je diiference,grand Dieu, entre les uns et les autres!
ne suis pas medecin, dit ce personnage, et celui-ci Quel deluge de calomuies venues du siecle a fait
dit je suis seul medecin. De quelque cote qu'il
:
tomber la plume de mes doigts, et a egalement
porte ses regards, il ne voit que maladresse, impu- ecarte du que je traitais, et ma main et mon
sujet

rele, ruse ou paresse, seul^ il se trouve serviteur ii- espi-it ! tombe


Je suis veritablement en la pleine

dele et prudent voila pourquoi il dit en sa pen-


:
mer et la tempete m'a englouti. Quand est-ce, 6
see n'etablissez pas d'autre chef que moi, de
:
bon Jesus, que vous m'arracherez au tumulte de
crainte qu'un enfant ne soit votre prince, ou que ces flots et siuon a la tempete, du moins a la
;

des etfemines ne vous gouverneut. Ces hommes-la pusillanimite de I'ame ? L'orage gronde et grandit

n'ont point besoin de la persuasion que vous cher- de toutes parts, et moi je suis faible d'esprit, mon
chez aupres de moi. Bien qu'ils ne se rejouissent coeur n'est pas large ;
je ne puis, par le souffle de

pas de la place elevee qu'ils occupent, ils se conso- mes meditations, apaiser le choc des nuages et

lent cependant par les resultats de leurs travaux :


calmer la rage des vents. Je ne puis, dans le vase

ledesir de la paix et du repos, leur font fuir le tra- de mon aux disputes
coeur, allier la joie spirituelle

vail, mais d'un autre cote, ils tressaillent de joie a bruyantes. « Ma couche est etroite, » ainsi que

la vue des fruits abondants de leurs oeuvres. J'ar- s'exprime le Prophete, « il fautque I'un des deux

rete ici le cours de mes paroles, parce que vous tombe, et une couverture etroite ne pent en abriter
etesdejii appele ailleui's, et meme peut-etre, comme deux. » {Is. xxvni, 20.) Le saint Patriarche Jacob

c'est I'usage, vous etes soUicite par plusieurs occu- goiitait tour a tour les embrassements de ses epou-

pations.
ses, et ne pouvant les tenir a la fois toutes les deux
embrassees, il passait difficilemeut de la couche de
SECONDE PARTIE. I'une en la couche del'autre. Heureux a son juge-
ment, s'il avait pu appartenir entierement a la seule
// y loue Rojr comme possMant les qualites propres d. Rachel. Assailli par de si frequents assauts, notre
la Prdature, el lui ordonne de ne pas la deposer : esprit aurait pu en etre rechauffe, et devenir plus
cependant il lui en expose d'abord les difficultes et dur par I'experience meme contre I'adversite. Et
les charges. souvent il s'endurcit par les epreuves nombreuses
qui s'elevent contre lui. que de fois, je me crois
1. Dans le discours qui precede, nous nous som- assez fort pour resister aux tourbillons du monde

meuto utor in omni actu et gestu. Nam nee mihi satis, sos simul et ambitiosos reprimere in hoc autem plus :

multo minus :.'iiis satis. Exiguum est quod in me com- meticulosos animare. Bone Deus, quid intervalli inter
mendatur, majora expetenda sunt. Parum est, ut ipse hunc et ilium obvenit quantus saeculariuni irruens tur-
!

sanus sim, nisi et alios sanare possim. Propterea dicit, bo calumniarum calamum excussit a digitis, paritcrquc
Nolife constttuere me principem, non sum niedicus, et in manum et animum
longe abripuit a materia Veni vere !

domo mea non est pants, neque vestimentum. Non sum in altitudinem maris, et tempestas demersit me. Quando
ego medicus et iste dicit, Solus ego medicus. Denique
: bone Jcsu, salvum me facies a tempestate ctsi non- :

qLiocunque circumspicit, aut imperitia', aut impuritas, dum a tempestate, saltcm a spiritus pusillanimitate ?
aut dolus, aut desidia occurrit, ut solus sit qui prudens Crescit et increbrescit undique tempestas, et ego pusillo
sit, et fi delis serv'us; et ideo in cogitatione sua dicat. sura spiritu, et angusto animo nee possum turbinum:

Nolite alium constituere principem, ne forte detur puer impetus, et ventorum rabiem meditationum aura tran-
princeps, et cTeminati dominentur. Hujusmodi non in- quillitate. Non possum in cordis mei cratere forensibus

digent persuusione quam postulas. Quamvis enim supe- litigiis spiritualem misccre laetitiam. Coangustutum est
riori gradu non delectanlur, laborum se lamcnlucris so- stratum, sicut ait Propheta, ut alter decidat, et pallium
lantur, quietis et pacis affectu labori resultant, sed alia breve ufrumque operire non potest. Sanctus Jacob vlci-
ex parte ad uberes opcrum fructus exultant. Gurrentcm bus uxorum mutabat amplcxus: ct qui simul utramcpic
hie ego sermoncm contraho, quia tu jam ad alia traheris tenerc non poterat, al) unius thalamis in altcrius jura
imo forsitan, ut fieri solet, per plura distraherit, difficile transibat felix suo plane judicio, si solius Ra-
;

chelis tolus in possessionem cederet. Polcrat occalluissc


animus noster frequenti tritus injuria, el usu ipso coulra
ALTERA P.\RS TRACTATUS. adversa durior rcddi. Et quidem frequenter ei callus ob-
ducitur et ingruentibus duratur adversis. quoties lir-
Qua Rogeruhi commendat, uti instructum dotihus ad
mum me reputo ad mundi perfercndos turbines! nee
Prcelaturam idoneis, et perseverave jubet;prius tamen est jam quod delitescere vclini; et sicut scribitur, abs-
difficultates ei onera prwlationis exponit. conderc mc a vcnto, et a tempestate celarc. Alsiquaudo
inter molles Racbellis mens Icntcscit amplcxus sulitam :

1. Sermone praeterito studium gessimus prsesumptuo- statim remittor in toncrltudiucm, ct ad sulTeroutiaiu tj-i-
!

302 I/ABBE GILLEBERT.

qiii fondent sur moi ! Ce n'est pas que je veuille absorbe avec trop de precipitation. Helas ! comme
disparallre, et, comme il est ecrit, nie derober an tout est soumis au changement et a la vicissitude

veiil ct me mottre k Tabri de I'orage. (Is. xxxii, 2) Dans la guerre pour nous, et dans la
est la paix

Mais si quclquefois mon ame s'allauguit dans les paix la guerre. Dans la paix se trouve une amertu-
doux embrassements de Rachel, je rentre de suite nie insupportable; mais pour nous qui sommes
dans ma tendresse ordinaire, et je deviens dui' et obliges de vaquer aux affaires du monde, nous que
fort pour resister aux tribulations. Je ne trouve I'Egyptienne ticnt enveloppes dans le manteau de
rien de mieux que de fuir, par le chaugemfut de pourvoir
la Prelature, et astreint a la necessite

d'une hximble place, les injures qui sefontsentir,et au bien des autres, qui sommes encore dans la vie
que d'entrer, h la face d'un tel danger, dans les animate, comme ceux i qui s'adresse I'apotre ;

cavernes des rocliers. « que lout ilme soit soumisse aux puissances plus

Ennuis de la 2. Malheur i celles qui sont enceintes et qui pluselevees. [Rom. xui, 1.) Quant a celui qui est
pr61ature. Tres-heu reuses
nourrissent, surtout en ces jours ! spirituel, il juge tout et il n'est juge par personne. »

qui a
les mamelles qui n'onl pas allaite; car celui (I Cor. n, 15.) i
besoin de se nourrir de lait est petit enfant, il 3. Mais i quoi bon tout ceci? Est-ce pour vous
porte une ame trop faible pour supporter la detres- abandonner entre les mains de I'Egyptienne,
faire
sontceux pour qui
se et la perte de ses biens. Tels lemanteau de la charge que vous avez recue?
il faut poursuivre des proces, demander des con- Pourque vous le quittiez, dis-je, et que vous le fuyez
seils, sender les gouverneurs, repousser los ravis- comme Joseph, parcequ'elle vous expose ci des
seurs, confondre les plaideurs, recompenser les perils,ou que vous le deposiez avec David, comme
juges, rendre conformes au siecle ceux qui, avec trop lourd? Car pour danser avec plus de facilite, il
saint Paul, vivaieiitdans les cieux. Des temps furent, se depouilla du vetementquilecouvraitpar-dessus,
ou nous sucions ou la mamelle
le lait des nations, (II Reg. vu, 20.) Le corps a assez de sa lourdeur,
des rois nous allaitait, et voici qu'on nous reclame et sa propre pesanteur lui est suffisamment a charge.
avec instance ce que peut-etre nous avions suce Est-ce que je veux vous faire quitter I'habit de votre
avec un peu d'iutemperance. Mais quand on dignite? Mais c'est le contraire que je me propose.
presse avec trop de violence des mamelks arides, J'ai entrepris en effet de vous persuader de ne pas
avec le lait des sujets temporels on fait couler le laisser la charge pastorale ; vous I'avez recue selou
sang, non point le sang du corps, mais celui de toutes les regies et vous I'administrez comme il

I'ame ; ce sang vital et interieurqui est renferme convient. L'ayant acceptee avec peu d'envie, vous
dans les veines de I'esprit, ce sang dont le Prophete etes toujours dispose a I'abandonner, soit par la
dit : « mon ame, benis le Seigneur et que tout ce crainte du danger, soit par la soif du repos. Pour un
qui est en moi, exalte son nom qui est saint. » [Ps. homme qui eprouvait de tels sentiments, il etait k
en, 1.) C'est ce sang, dis-je, qu'on boit et qu'on craindre que, son esprit flottant dans une sorte

bulationum rudis redder et insolens. Denique nihil me- mus mundi ad negotia, quos ^gyptia ilia praelationis
lius arbitror, quam
humilis mutatione loci irruentes de- involutos pallio tenet, et providendi ccEteris adstrictos ;

clinare injurias, et intrare cavernas petrarum a facie for- qui animales adhuc sumus, qualibus loquitur Apostolus:
midinis hujus. Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit. Qui
2. Vae prtegnantibus et nutrientibus, in his dlebus autem spiritualis est, ipse dijudicat omnia, et a nemine
praesertim. Beata plane ubera quae non lactavorunt, qui dijudicatur.
enim lactis indiget alimenLo, parvulus est ct a pert'e- : 3. Sed quorsum ista? An ut ^Egyptiae in manu sus-
rendam inopiam rapinam bonorum imbecillem ani-
et cepti muneris pallium relinquas ? Relinquas, inquam, et
mum gerit. Tales sunt pro qiiibus exercenda suntjur- refugias cum Joseph quasi periculosum vel cum David ;

gia, sectanda concilia, palpandi rectores, repellcndi rap- deponas quasi onerosum. IJenique ut frequenter expe-
tores, refellendi litigantes, redimendi judicantes, confor- ditus sese daret in saltum, exutus et nudatus est quo re-
mandi saeculo qui cum Paulo conversabantur in coelo. gebatur pallio. Sufficit enim corpori pigritia sua, et il-
Fuere tempora quando sugere solebamus lac gentium lud propria satis ponderositas gravat. Numquid suscepti
et mamilla Regum lactari et ecce jam repetunt instan-
; muneris te quoque velamine nudare volo ? At id contra
ter, quod nos forsitan paulo intemperanlius suximus. propositum. Susceptumest enim persuadere tibi,neonu3
Sed dum arida vehementius ubera premunt, cum tem- abjicias pastorale, quod et rite subjisti, et ratione com-
poralium lacte subditorum eliciunt sanguinem, non hunc moda administras, nam cum id parum ex voto suscepe-
sanguincm carnis, sed ilium animae sanguinem ilium ; ris, libens semper amoliris, vel periculi metu, vel quie-
vitalem et interiorem, qui spiritualibus animi venis in- tis Verendum autem erat sic affeclo, ne dum
obtentu.
cluditur, ilium de quo Propheta, Benedic anima mea quodam mens in pendulo fluctuat, in administrandis ali-
Domino, et intra me sunt, nomini sancto
omnia quce quid obrepat mcuriae. Sed quomodo tibi persuadere co-
ejus : sanguinem nimia absorbent et
ilium, inquam, nabor, quod jam mihi fere dissuasi ? Sed longe dissimi-
ebibunt inquietatione. Heu quomodo rerum omnium vi- Denique imperitus ego artifex in difflcili habeo
lis ratio.
cissitudo est?In bello pax nobis, in pace bellum. In sudare materia tibi ad votum concurrunt omnia, et ex
;

pace amaritudo amarissima sed nobis qui obligati s,u-


; sententia respondent.
;

TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 303

d'indecision, il ne se glissat qiielque negligence etaient un obstacle au progres de I'ime : nous


dans son administration. Mais comment m'etlbrce- disons qu'ils sont le soulagement de celle qui est
rai-je de vous inculqpier ce dontje me suis arrache plus infirme et de celle qiii ne pent pas dire encore:
presque la conviction a moi-meme? II existeentre « mon ame a refuse d'etre consolee, je me suis sou-
nous une difference tres-considerable. Ouvriermal- venu de Dieu, et j'ai ete rejoui. » {Ps. lxxxvi, 3.)
liabile, j'aia me fatiguer beaucoup en travaillant «Je puis tout en celui qui me fortifie.))(PAi7. iv, 13.)
une matiere difficile ;
pour tous, tout va au gre de Les auciens Peres ont cherche des lieux borribles et Comparaison
vos desirs et repond a votre Tolonte. arides. afiu d'avoir de quoi pratiquer I'abstinence, etablie enue
li. pouvez cacher ce que I'evidence
Vous ne
.«',,..
et atin d
11-
eviter de distraure
., ame par les preoccupa-
1
les anciens
et les
DonTeaoz
publie. L'exterieur, si vous I'examinez, est riche et tions d'ici-bas. lis se Uvrerent avec plus d'entrain religieux.
assure aucun besoin ne vous y gene, pas une
: au travail corporel pour gagner la liberie du caur,
attaque qui vous inquiete. Votre monastere est place pour eviter la legerete, quipromene I'ame sur toutes
en un lieu retire et touifii, arrose et fertilise par sortes d'objets, et aussi pour fuir la fatigue de
le coui*s des eaux ; au printemps, la vallee, remplie faire des recherches. lis donnaient aussi plus au
darbres, qm lentoure, retentit du chant agreable travail des mains qu'a la culture des cbamps; ils

des oiseaux, charmes tels qu Us rappelleraient un soulageaient par le gain du repos,


besoinsde les
mort a la vie, qu'Us feraient disparaitre les degouts la matiere faible ou plutot nuUe en eui ; peu les
de I'esprit le plus difficile, et amoUiraient la durete conteutait, soit pour affliger le corps, soit pour soula-
du Leur agrement represente
cceur le plus indevot. ger I'ame. Le cceur est en effet tristement distrait et
bert
le site les jouissances futures que nous reserve la felicite du distendu par bien des angoisses quand il a a pour-
stjre ciel, ou nous reproduit quelques vestiges du bonbeur voir pour long-temps a beaucoup de besoins. lis

*e«'- que goiitait dans le Paradis terrestre, la nature hu- obeirent a leur epoque; obeissons a la notre. Notre
maine dans son integrite. Mais en ceci, me direz- age, en decliuant, a etabli d'autres moeurs. A pre-
vous, il n'est aucun merite, aucune vertu. Je ne le sent, grace a la Providence, U est des choses abon-
puis nier, car toutes ces choses sont des moyens : dantes pour ceux quirestent, etU en est de curieuses
si elles ne servent pas a acquerir des merites, eUes pour ceux qui arrivent. Je n'appelle point arrivants
ne contribuent pas peu a fau"e goiiter le repos. Ce ceux qui sont seculiers ; m'appartient-il de juger
sentiment nu nous eloigne pas des auciens qui ont de ceux qui sout dehors? Bien que chez eux non
legue la tradition de la vie religieuse, avec I'autorite plus ne soit point observee la reserve ordinaire, ils

d'un passe recule et d'une purete plus grande ; ce supportent avec peine ou Us
le manque la croient
sentiment, dis-je, ne nous separe pas deux, et ce qu'existe I'abondance de tout. Mais pourquoi rap-
qu'Us ont cru empechement a la perfection, nous peller ceux qui font un Dieu de leur ventre ? Ceux-
ne le prechons pas conime instrument de saintete. la meme qui jjrofessent et qui prechent I'abstinence,
lis ont prononce que les lieux fertiles et agreables les principaux de I'ordre, comme Us font les

4. Dissimulare non potes, quod rerum endentia cla- abstinentiae materiam, el distendendi per soUicitudines
mat. Exteriora si respicias, et ampla, et tuta sunt : animi non habercnt causam. Corporali indulgentius sese
nulla tc in Ulis coarctat inopia: sed ne injuria quidem labori impenderunt, ut et cordis libertatem possiderent,
inquietat. Locus secrelus et consitus, et irriguus, et fer- et vagam evitarent discurrendi levitatem, simul et con-

tilis, et nemorosa vallis vemo in tempore avium dulci quirendi improbitatem. Denique plus manuum artiCcio,
cantu resultat, ut possit emortuum recreare spiritum, de- quam agrorum cultu vitam transigcbant tenuis angus- ;

licati animi detergere fastidia, indevotje mentis emollire tias substantiae (ut non dicam nullius) lucro quietis Ic-
duritiam. Denique haec vobis aut futurae jucunditatis vantes quippe paucis contenti vel aftligcndi corporis
:

auspicia depingunt aut primae illiusqualescunque exhi-


; vel recreanda> mentis gratia. Anxie siquidem et misere
bent reliquia-. quas inter paradisi amoena humanre con- cor distenditur et distrahitur, cui multa providendi, et
ditionissortitaestintegritas. Sed nullum, inquies, in hu- in longinquum incumbit necessitas. Servienmt illi tem-
jusmodi meritum virtutis collocari. Negare non pos- pori suo, nos nostro serviamus. Haec nostra a?sfai? in
sum, quippe cum media sint haec : sed sicut ad compa- deterius vergens, alios attulit mores. Providentia nunc
randum meritum nulla, sic ad quietem conferendam non sunt permanentibus copiosa, adventantibus curiosa. Nee
parum sunt commoda. Nee nos ita ab antiquis, qui no- hos dico adventantes, qui saeculares sunt quid enim :

bis conversationls experimenta tradiderunt, quorum auc- mihi de his qui foris sunt, judicarc? Quamvis nee apud
toritas antiquior, et puritas amplior non, inquam, ita : illossolita tcncatur districlio, aegre ibi fercntes inopiam,
ab illis dissentimus, ut quae ipsi ad perfectionem impe- ubi rerum omnium copias arbitrantur. Sed quid illos
dimenta crediderint, nos virtutis instrumenta praedice- commemorem, quorum Dens venter est. Ipsi abstinen-

mus. Illi fort '.oris animi impedimenta loca fertilia et tiaeprofessores et pra'dicatorcs, ipsi primates Ordinis
amoena diffinivere nos dicamus fomentum esse infir-
: quam fastidiosi sunt alienis in domibus, quam exquisitas.
mioris, et ejus qui necdum dicere possit Renuit conso- : et claboratas artiticiose requirunt epulas, quomodo con-
lari anima mea,\memor fui Dei et delectatus sum. Omnia trahunt frontem, corrugant nares, averlunt oculos, si
possum in eo qui me confortat Christo. Quaesiverunt an- quid minus lepide, minus festive apponatur?
tiqui Patrea loca horrida, arida ; ut exercendae hal)erent
30A L'ABB£ gillebert.
degoutes dans les maisons etrangeres, comme ils fldelesuccombe? Faudra-t-il quitter la place, et,
Tont a la recherche des repas soigD^s et prepares contre I'avis de saint Paul, abandonner I'assemblee.
avec art, comme ils rident le front, gonllent les {Heh. X, 25.) Loin de la, il faut la garder, il faut
narines et detour nent les yeux si on apporte un ladefendre avec d'autant plus de courage que les
plat moins delicat et moins festival. temps sont plus dangereux. Vous avez passe par
Le« officiers Mais puisque la malice de ce temps en est ve-
5. tons ces genres de mort : et vous qui avez couni a
appliques
et fideles
nue a cet exces votre main fournit a tout; vous
: travers tant de difficultes, vous cesseriez de mar-
font un grand pouvez suftire a I'apparat et pourvoir a I'usage or- cher, quand vous vous trouvez dans un terrain ea
une grande au besoin du pauvre et a la vanite du ri-
dinaire, plaine? Ou bien, apres avoir supporte la privation,
''^^^^"^_ che. Quoi encore ? Quels ofticiers avez-vous? qu'ils vous ne saurez pas etre dans I'abondance avant :

lau. sont vaUlants, habUes, appliques, et, ce qui passe eprouve la faim avec saint Paul, vous ne sauriez
avant tout, iideles I A peine est-il necessaire que pas etre rassasie avec lui? Phil, iv, 12.) Bien plus,
Ion vous rapporte resume de 1 administration des
le dans la bonne et la mauvaise fortune, vous avez fait
biens exterieurs. Presque jamais vous ue sortez du preuve d'un esprit bien forme, continuant sans reli-
tabernacle du Seigneur ; on vous voit tres-rarement che, el comme par un fil non interrompu, la suite
\^bien que les votres
y pai-aissent quelquefois; dans de I'adininistration que vous avez commencee. Pour
les assemblees, dans les reunions, a I'eutree des pla- moi, laissant dans I'ombre ces choses plus elevees,
ces publiques, oil sont a present dispei-sees les pier- j'ai voulu prendre une route plus basse et vous
res du sanctuaire. 11 y a la une grande preuve que rajipeler ce qui pent eloigner de vous les causes
le trouble ne vous est point agreable et qu'il n'y d'inquietude nous avons su que dans la plus
:

a pas pom' vous necessite pressaute de sortir. Votre grande pauvrete, vous etiez toujours Iranquille,
main, votre ceil, votre pied ne vous scandalisent pas; travaillcmt plus par votre foi el vos mains que
s'ilen etait autrement, bien qu'avec douleur, ilfau- par une mendicite honteuse ou un vU trafic.
drait plutot couper et separer le membrede latete, 6. Mais puisque nous avons beaucoup parle de la Deni t
DeCOK
que la tetedu corps. Vous n'avez done sous ce rap- facilite de I'administration, il est juste de ne pas an wi
port, aucun sujet d'abandonner votre office. Peut- omettre de parler de I'habilete qu'elle reclame. I'halule
lagri
etre je pai'aitrai vous faire souifru" et vous apporter Dirai-je I'habilete ou la grace ? Disons-mieux,
des consolations trop douces, indignes d'uue ame I'habilete et la grace. Entre les mains dun ouvrier
instruite et eprouvee. Quoi done si la pauvrete se maladi'oit, la meilleure matierene sera propre a rien;
fait sentir, si surviennent tout-a-coup les injures, et Ihabiiete elle-meme sera nuisible ou inefficace,
les calomnies, la gene dans les ressources de la si elle est privee de la direction de la grace. <c Si le
maison paterneUe ou comjnune, la perte meme du Seigneur ne batit une maison, c'est en vain que
peu qui en avait ete conserve, le danger de la part travadlent ceux qui la construisent. » [Ps. cxxvi, 1.)

des faux freres, faudra-t-il que I'homme fort et Vous cacherez peut-etre les qualiles que vous avez

Sed quoniam hujus temporis malitia ita compara-


o. haec omnia transcurristi testamentorum genera : quivero
tum ad utrumque sufficit manus tua, ut possit si-
est ; in arduis cucurristi, numquid in planiseffundenturgres-
mul ostentui sefsire, et usui pauperum necessitati, et : sus tui ? aut qui egere didicisti, abundare ncscies? cum
divitum vanitati. Quid deinceps ? quales habes officiales Paulo esuriens, sed cum Paulo saturari* ? Imoutroque in •«qpL
socios, quam strenuos, quam industries, quani soUici- genere bene instituti animi documenta praebuisti sus- ;

tos, quani, quod primum est, fideles ? Vix administrandae ceptum conversationis iter continuo, nusquam interrupti
exterioris substantiae ad te summam deferri necesse est. tenoris filo deducens. Ego vero his fortioribus omissis,
Nusquam fere de tabernaculo Domini egrederis; incon- mediocri incedere via, et ea commemorare*, inquictu- •««9»-
ciliis, in conventiculis, in capitibus platearum, ubi mode dinis a te quae causas amoverent cum altissima in pau-
:

depersi sunt lapides sanctuarii (etsi tui aliquoties) tu ra- pertate quietum te semper audierimus, plus fide etmanu
rissime \ideris. Magnum hoc argumentum, tibi non
in nitenlem, quam vel pudenda mendicatione, vel turpi nun-
gratam inqnietudinem, et remotam procedendi necessi- dinatione.
tatem. Te non manus, non oculus, non pes tuus scan- 6. Sed quoniam multa de facilitate administrationis

dalizat alioquin quamvis cum dolore abscindendum et


: diximus, consequens est, ut administrandi peritiam non
separandum erat potius membrum a capite, quam caput transeamus. Peritiam dicam, angratiam.' imo et peri,
a corpope. NuUam ei^o in his habes deserendi materiam tiam, et gratiam. Inepta erit quamhbet apta materia im-
officii. Forte injuriosus videar, et nimis molles afferre periti inter manus artificis ipsa vero peritia uut perni-
:

consolationes, erudito exercitatoque indignas animo. ciosa erit, aut inefQcax, si gratia dirigente destituatur.
Quid enim si paupertas iucumbat, si injuriae, si calum- i\isi enim Dominus cedificaverif domum, in vanum la-
niae, si rei inopia familiaris, imo communis, si hujus borant qui cedificant eanu Collatas tibi dotes forsitan dis-
etiam inopiae direptio, si a latere periculum in falsis simulabis sed quod humihtas dissimulat, utihtas cla-
:

erumpat fratribus succumbendum erit viro forti et


; mat. Quid nunc ego commemorem prwdia, quid pe-
fideh? cedendum loco, et contra Pauli monitum dese- cunias, quid vasa, quid vestes, quid cedes, quid homines
renda collectio ? Imo quidem tenenda et tuenda tanto quid omnia et orta,et aucta in manu tua, quae vel re-
amplius, quanto periculosior insliterit dies Deuiquefer . um exteriorum sunt, vel rehgionis; ex quo te Dominus
c
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 305
recues : mais le resultat revele tres-haut ce que dans la seconde, nonrris ; dans la troisieme, forti-
rhiimilite dissimnle. Ne pourrais-je pas rappeler fies ; dans la quatrieme, purifies. Penitents, dans
en ce moment, les biens, I'argent, les vases, les ha- I'une , innocents dans I'autre , aimants dans la sui-
bits, les batiments, les hommes, tout ce que vos vante, contemplatifs dans la deruiere. D'abord mor-
mains ont fait naitre ou augmenter, en ce qui re- tifies, ensuite vivifies , puis, enflammes, et enfin,
garde la religion ou les biens exterieurs, depuis illumines. Et tout cela, parce que vous etes fonde
que le Seigneur vous a lie pour travailler a sa place, sur le saphir. C'est vous qui reraplissez le role de
et pour briser derriere lui la glebe des vallees ? fondement par I'exemple et le soin avec lequel vous
Quelle moisson a surgi de saintes ames Comme ! pourvoyez a tout vous vous montrez saphir par
:

vos vallons regorgent de froment, de ce froment votre parole et votre sagesse. Votre voix est agrea-
dont il est dit : « qii'y a-t-il de bon en lui ou de ble, votre visage aimable a regarder ; voix de votre
beau, sinon le froment des elus, et le vin qui fait parole et face de votre exemple ; voix de la predica-
germerlesvierges? » [Zach. ix, 17.) Vousne pouvez tion et face de la contemplation aussi les jeunes
:

administrer, sans la grace, des biens qui par vous ames vous ont Irop aime. Que si vous vous retirez,
ont produit des fruits si considerables de gloire, II a quel autre pourront-elles dire montrez-nous votre :

s'est vu des choses tout-a-fait glorieuses au lieu de visage, et que votre voix sonne a nos oreUles ? De
votre sejour, c'est votre main qui les a realisees. quel autre pourront-elles imiter les exemples et
Parce qu'U avait ete abandonne et expose au mepris retenir les sentences ? Qui
semblable a vous, est
et que mil ne declinait vers lui voici comment il , pour appeler, etavertiretexposer I'esprit del'ordre?
est place pour I'admiration des siecles, apres que la Qui pourra placer un autre fondemet tel que celui
tempete et la pauvrete ont disparu sans retour. qui a ete pose, 6 abbe Roger ? Vos fils sont comme
Comment les pierres de vos murailles ont-elles ete dis- des plantations nouvellesj vosfilles sontornees ; elles
posees avec ordre, et comment avez-vous ete fonde sont parees comme un temple ; vos greniers sont pleins,
sur les pierres precieuses? Si votre base repose vos brebis sont fecondes, donnant des fruits abon-
sur les saphirs, oil est votre faite ? Vous etes bati Comment u'appellerions-nous pas heureux,
dants.
sur les diaraants. Le fondement indique I'humilite, comment ne proclamerions-nouspas saint, I'homme
ce saphir signifie la purete I'humilite de la cons-
; a qui sont tons ces biens? Est-ce que le Sei-
cience, la purete de la science : I'humilite de la gneur n'est pas son Dieu, lui quipossede tant de ri-
conduite, la purete de la contemplation. Vous etes chesses.
fonde, dis-je, sur les saphirs : aussi il est ecrit : 7. Voila done les marques qui montrent claire- Ce que doit

« vos Nazareens sont plus eclatants que la neige, ment que le Seigneur vous a place dans yotre ^^''^^P''^^*'*
Ide
plus blancs que le lait, plus rouges que I'ivoire ministere, et ne vous en a point rejete. C'est ce qui
vieUlie, plus beaux que lessaphifs.)) [Lament, iv, 7.) persuade que vous devez garder le poste que vous
Dans la premiere de ces qualites. Us sont contrits, occupez avec tant d'utilite. Quand tant de bonnes

ligavit ad arandum loco sue, ad confringendas glebas hoc totum, quoniam fundata es in sapphyris. Tu ipse
vallium post se? quanta piarum surrexit seges anima- fundament! vice fungeris per exemplum et providentiam ;

rum? quomodo valles tuae abundant frumento, frumenlo sapphyrum te exhibes per verbum et sapientiam. Deni-
de quo dicitur Quid bonum ejus, aid quid pulchrum,
: que vox tua suavis, et decora fades vox verbi, et facies ;

nisi frumenium electorum, et vinum germinans virginesi exempli; vox preBdicationis, et facies conversationis :
Non potcs administrare sine gratia, quod per te sic e\- propterea adolescentulae diligunt te nimis. Quod si tu
crevit in gloria. Gloriosa plane facta sunt in civitatc tua, discesseris, cui alteri dicere poterunt, ostende nobis fa-
sed per manum tuam. Pro eo enim quod fuit derelicta ciem tuam, sonet vox tua in auribus nostris? Cujus al-
et contemptui habita, et non erat qui transiret ad illani; terius poterunt et inniti exemplis, et intendere senten-
ecce quomodo posita est in superbium saeculorum, pau- tiis? quis similis tui, ut vocet ct annunlict, et Ordinem
pertate tempestate convulsa, absque ulla consolatione. exponat? Fundamcntum aliud tale quis poterit ponere,
Quomodo nunc strati sunt per ordinem lapides tui, et quale positum est. Abbas Rogere? Filii tui sicut no-
fundata es in sapphyris? Si in sappliyris fundata, ubi vcILt plantationes; filia; tu;e composiliP circumornatae :

consummata? fundata es in sappliyris. Fundamcntum ut similitude) tenipli : promptuaria plena; oves foG-
humilitatem sonat, sapphyrus puritalcm : bumilitatem tosae, abundantes in egressibus suis. Quomodo non
cons' ientia-, et puritatom scicntiije; humilitatem convcr- beatum, quomodo non sanctum dicemus hominem cui
sationis, puritatem contcmplationis. Fundata es, inquam, haic sunt? quomodo non Dominus Deus ejus, cujus ta-
in sapphyris; propterea dicitur Nazarati tui candidiores: les divitiae ejus?
nioe, nitidiore<! lacte, rubicundiores ebore antiguo, sap- 7. Iliec ergo sunt, qu.e manifesta dant indicia, quod
phyris pukhriores in primo contrili, in sccundo nulriti,
; Dominus in miiiislcrioluo elegit te, el non abjocit le.
in tertio roborati; in quarto purgati. In primo pcEniten- IIa!C tibi persuadoiil, ut lencas, quod lam utililer tenos.
tes, in secundo innocentes; in lertio amantes; in quarto Tantorum ubi te Solaris conscicnlia opcrum, quid est in
contemplantes. In primo mortificati; in secundo vivifi- quo nostra tibi videbitur neccssaria pcrsuasio? Domes-
cati ; in tertio inflammali ; in quarto illuuunati. Et hoc ticai tibi pcrsuadent virtutcs, ut lencas, ne alius accipiat

T. V. 20
;

L'ABBfi GILLEBERT.

eeuvres rejouissent votre conscience, pourquoi done forts, le doramage que les brebis ont souffert, de le
avez-vous besoin que nous vous persuadious ? Vos conipensur par ses larmes, par ses jeunes, sa com-
vertus domesticjues vous prochent de garder votre passion, sa priere et ses exhortations ;
qui dans ses
charge pour qu'un autre ne la prenne pas ; votre revenus neregarde jamais I'idolede I'avarice :ayant
savoir faire vous le crieaussi fort que la maladresse ses biens a ses cotes, mais non dans son coeur, dans
des autres : heureux succes et mauvais successeur. ses collres, et noii dans le lieu saint : qui s'adonne D;

Je connais voire esprit, vos gouts, vos habitudes, ce a la picte et non a I'amour esclave de I'argent,
I'aboi n
que la nature vous a donne, ce que le travail vous comuie il est dit : « tout obeita I'or. [Ecck.j., 19.)
Dans le a acquis; je sais avec quelle facilite vous vous eloi- Et encore : a I'avariceest I'esclavage qui assujetitaux
gouverne-
ment. gneriez de cet emploi, s'il se trouvait une personne idoles. » [Col. \n, 5.) Qui ne connaisse pas I'avarice
a qui vous puissiez le coiifier dignement. Le senti- danssa conduite exlerieure, et les idoles des formes
ment et la raisou se combatteut en vous : le corporelles dans la contemplation des realites eter-
sentiment de Ihumilite, et la raison du bien public. nelles, et qui, dansl'une aussibien que dans I'autre,
Vous trouveriez agreable de vous consacrer a Dieu conserve sou intention et son regard purs et sages.
et a vous mais il vous est peniblo de laisser vcitre
: Vous euverrez plusieurs aux atiectionstendrespour
place vide. Oui, bien vide : qui I'occupera eueflel? Dieu, au visage radieux, pur et beau comiue celui
Qui nous donnera un autre Jacob, qui passe le de Rachel, soit Sans leur conduite soit dans leur
Dans Taction Jourdain, n'avanf qiie sou baton, et qui revieut main- connaissance, mais leur resolution est faible et fe-
^^'^^ii^ 3'^"^^ plusieurs troupeaux? (6fe7i. xxxu, 10.) minine ils ont besoin d'etre conduits par la vo-
;
confenfla
tion. Qui, dis-je, uous preparera uu tel personnage, qui lonte dun autre Jacob. Rachel, quaud elle ne I
sache passer avec moderation de Lia a Rachel, se consulta pas Jacob siirla conduite qu'U fallait lenii-,

consolant de la laideur de Tune par sa fecondite, et euleva en cachette les idoles de Laban sou pere.
de la storLlite de I'autre, i>ar I'eclat de sa beaute ? Elle enleva, dis-je, les idoles de Laban, elle enleva
On ne troxive pas de religieux qui vous ressemble, certains simulacres de I'honnetete mondaiue, de
qui soil attache a la contemplation de sorte que sou la faveur du siecle, de I'apparence exterieure exi-
travail u'en souflre pour le repos de la
jamais ;
qui, gee dans la societe. Laban signilie action de
sagesse, ne neglige pas les soins dugouvernement; blanchir.
qui souspretestedutUite, ne tombe pas daus loisi- 8. Ne vous semblent-ils pas avoir enleve en route Ij
vete ; qui n"exalte pas Lia au point de condamner quelques idoles de Laban, et les simulacres de la lesdi I

ou de mepriser Rachel, pour qui Lia n'est pas ste- vanite du monde? ceux cpii ajoutent a la religion, je
^"^^' °^ Rachel laide. Qui nuit et jour soit brule par ne sais quelsagrements superthis, qui temperent
Dans le soin
du troupean. la chaleur et le froid, craiguaut toujours daus son les regies de Tautique observance par des disposi-
inquietude que le troupeau ne soit en souf&'ance tions nouvelles ; ils mouillent leur viu d'eau, en
encore plus inquiet de reparer, par ses propres ef- changeant la vigne, oil les peres ont travaille avec

locum persuadet tibi tam domestica industria, quam


;
tatu, non tamen habet in cultu : si habet in sarcinis,
<
aliena ignavia prosper successus, et pravus successor.
;
non habet tamen qui pietati, non pecuniae
in sacris :

Novi animum tuum, novi studia, novi mores, vel natura- serviat, sicut legitur Pecuniae obediunt otnnia. Denique
:

bter coUatos, vel industria comparatos no\"i quam fa- ; et avoi-itia idolorum est servitus. Qui et avaritiam nesciat
cile hoc onere careres, si inveniretur cui digne confer- exteriori in occupatione, et corporahum quasi idola for-
res. Contendunt affectus hu-
inter se afifectus
et ratio : marum aeternarum in contemplatione sed utrimque sit ;

militatis et utilitatis Gratum duceres tibi vacare,


ratio. ejus, et pura prudens, tam intentio quam infuitio. Vide-
et Deo sed grave item locum tuum deserere vacuum.
: bis multos tenero ad Deum affectu, generosovultu,pura
Vacuum plane quis enim supplebit ilium? Quis dabit
: et pulchra sicut Rachel facie, sive conversationis, sive
nobis alterum Jacob, qui in baculo suo transivit Jorda- cogitationis sed infirmo et femineo adhuc consiUo, al-
;

nem, et nunc pluribus cum turmis regreditur? Quis, terius Jacob regi arbitrio egentes. Denique Rachel dum
inquam, talem nobis parabit, qui sciat inter Liam et Ra- ad Jacob agenda non retulit, clam patris sui Laban idola
chelem moderate discurrere, unius fceditatem fertilitate tuUt. Tulit, inquam, idola Laban, tulit qusedam
compensans, sterilitatem alterius decorae forms praj- simulacra mundanae honestatis, mundani favoris, mun-
texens gratia. Non est tui similis, qui ita sit contempla- danae dealbationis. Laban enim dealbatio dicitur.
tione suspensus, ne fiat operatione remissus, qui propter 8. Annon tibi videntur qua?dam Laban idola in itinere
otia sapientiae, providentiae ncgotia non deserat, qui sub tulisse, et saecularis simulacra vanitatis, qui superfluos
obtentu utilitatis in jura non transeat otiositatis: qui non nescio quos superinducunt? qui an-
lepores religioni
ita Liam commendet, ut Rachelem condemnet. aut certe tiquae observantiig novelhs dispensationibus
regulas
contemnat cui nee Lia sit infoecunda, nee Racliel foeda.
; temperant et vinum suum aqua miscent, quia laborio-
:

Qui die et nocte aestu aduratur et gelu, sollicitus ne sam Patrum vineam in molles oleum hortos tiansferunt,
gregis damimm suslineat sollicitior si quid damni con-
; et monachorum duritiam in mundi dehcias? sicut enim
tigerit, de suo ut reddat; reddat lacrsTnis, reddat jeju- scribitur, quoi'um Deus venter est similiter dici potest, :

niis, compassione, oratione, exhorlatione. Qui in reditu quorum Deus vanitas est et sic per singulas saecularis
:

suo avai'itias nesciat idola qui etsi ilia habet in comi-


: dealbationis et delectationis species. Quantum vereor,
TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES. 307
tant de vigueur, en un jardin delicat ou croissent C'est apres cette ville de Sichima qu'a ete mis le
des plantes potageres, et la vie dui"e des moines en terebinthe, il a ete plante dans la passion et la foi
la vie delicate des mondains. Car, de meme qu'il est de Jesus-Christ. Heureux celui qui, par la vertu de
dit : « leur ventre est leur Dieu,)) [Phil, m, 19.) de cet arbre, triomphe de toutes les puissances et de
meme on peut dire la vanite est leur Dieu ;
: et toutes les principautes, et qui enfouit sous ses raci-
ainsi de suite pour chacun des objets qui font les nes, toutes les idoles de la vanite : « leur simulacra
delices et la joie des personnes seculieres. Combien est chose vaine et semblable au vent. » Aussi la
je Grains qu'en revenant de la Mesopotamiede Syrie, pompe du monde est comparee avec raison aux
nous ne portions plusieurs de ces idoles avec nous^ simulacres. Un tel succes n'est pas accorde a I'oime
non en secret, mais publiquement, non a I'insu de infirme, delicate et elfeminee ; c'est le lutteur qui
Jacob, mais de son plein consentement. Ces idoles I'obtient, c'est celui qui supplante. Rachel ne I'obtient
de son pere, qu'elle enleva avec tant d'envie, Rachel pas, mais bien Jacob : encore qu'il y ait eu plusieurs
les enveloppa avec precaution, couvrant, excusant Rachel , d n'y a pas beaucoup de Jacob : U se
du pretexte de sa faiblesse, ce qu'elle tenait avec un trouve rarement celui qui sait supplanter Esaii,
sentiment si que La-
feminin et si mou. Mais ce tromper Laban, enfouir ses Dieux : enfouir, dis-je,
ban adora, ce que Rachel cacha, Jacob ne le connut et ensevehr le vieil homme, la vanite du monde, la
pas : I'objet des hommages de Laban, des affections conformite avec ses usages, afiu de ne les plus sui-

de Rachel inspirait de I'horreur a ce saint Patriar- vre, mais de se nouveaute d'un


reformer dans la
che que Laban honora en public, ce que Rachel
; ce sentiment pieux, etabli dans la simihtude de la
cacha en secret en s'exposant, Jacob I'enseveUt ci mort de Jesus-Christ, pour imiter aussi ce divia
jamais. 11 ensevelit, dis-je, il enfouit sous la terre Sauveur dans la ressemblance de sa resurrection.
les Dieux etrangers aux pieds d'un terebinthe, Nous condamuons, nous detruisons et nous enter-
sous I'arbre de la foi ; il fit disparaitre le souvenir de rons les idules de Laban, quand nous cachons I'i-
la vaine ambition et de I'orgueil du siecle. [Gen. mage de I'homme antique et terrcstre que nous
XXXV.) avons portee, et quand nous etalous, comme le
9. II est dit dans la promesse qui Tame
est faite a terebinthe, la figure de I'homme nouvel et ce-
fidele apres la tentation : « EUe se repandra comme leste.

le terebinthe et comme le chene qui etend ses ra- 10. Je distingue avec soin tout ceci, dans la
meaux sur le terebinthe, qui est apres la ville des que I'homme
crainte que la femme ne
n'obeisse et
Sichimites. [Is. vi, 13.) Sichima sigqifie «epaules.)) commande ; de peur que le fort ne soit dans I'oisi-

Excellentes epaules que celles dont il est ecrit : vete, et le faible, a la tete des affaires ; afin que
« I'exterieur de son dos a I'eclat pale de I'or. » [Ps. Jacob ne se retire pas, et que Rachel ne vienne
Lxvu, 14.) Forte est I'epaule de Jesus-Christ : « sa point prendre sa place. Bien que ces nouveaux re-
puissance a ete placee sur ses epaules. » [Is. ix, 6.) jetons qui out conunence de paraitre ces jours-ci.

ne nos revertentes de Mesopotamia Syria; plurima hu- simulacrum eorum. Et ideo mundi pompa simulacris
jusmodi nobiscum idola portemus, non jam clanculo, jure confertur. Non est hoc infirmae animae, et foemineai,
ct supplantatoris.
sed in propatulo nequc Jacob nesciente, sed plane con-
; ct fragilis; sed luctatoris cujusdam
sentiente. Qiia^dam Rachel palris idola, qua cupide sus- Denique non est Rachelis, sed Jacob nam etsi plures ;

lulit, caute operuit, quod femineo et mollitenebat afTec- Rachclcs, sed non multi Jacob. Rarus qui soial Esaii
infodere
tu, infirmitatis obumbrans et excusans obtentu. Sed supplantare, Laban iallere, deos ejus infodere:
quod Laban adoravit, et Rachel occultavit, Jacob igno- inquam, et sepelire veterem hominem, mundi imagi-
ravit quod apud Laban erat in honore, apud Rachel
;
nem, saculi hujus conformitatcm, ut non amplius con-
in amore, cognitum apud Jacob in horrore. Pi-opterea formctur huic saeculo, sed rcformetur in novitate sen-
sus pii, contemplatus factus similitudini
mortis Christi,
quod ille in propatulo coluit, ilia in pcriculo ad tempus
occultavit, iste in perpetuum sepelivit. Scpelivit, in- ut simul rcsurrectionis fiat. Hoc est enim
damnare et
defodere idola Laban, si veteris ct tcrreui
quam, et sufTodit decs alios subter terebinthum sub : delere ct
absconsionem,
arbore fidei, ambitionis vanae et saeculuris apparatus quam porUivimus hominis imago fiat in
sicut tcrcbinthus.
memoriam. ct novi ct coelcstis in ostensionem,
tarn sollicite dislinguo , ne
forte vir
9. Deniquo
animae post tcntationem in promis-
fideli 10. Ilffic idcirco
sione dicitur En't in ostentione skui terebinthm, et si-
: subjiciatur, et mulier ne forlis oliclur, et
pij.'(ieiatur ;

cut quercus qucn expandit ramos suos subter terebin- fragilis ncgotietur nc Jacob deccdat, ct Rachel suece-
;

his prodirc
thum, qurr; est pott urbem Sichimoruin. Sichima humeri dal. Quauivis novclli isli, qui Icmporibus
compositi el nllidi el dealbati, et
qua'dam
dicitur. Honi humeri illi, de quibus Icgitur Postcriora ccEperui.t,
dorsi ejus in pallore auri. Bonus humerus Christi Jesu:
:

progenies Laban, qui detdbatus dicitur, noc Rachelis m


ilia vanitatis munda-
Factus est enim principatus super humerum eju.i. Post hoc adajquant modestiam quod :

infirmilalis oblexil et cxcusavil velaminc :


banc Sichimam posita est lerebinthus; plantata est in ne formam
ct snperauitatis ncguluim colore
passionc Christi et fide. Felix qui in hac arbore trium- isli vcro sa>cularitatis
cxpurganlcsvclus
phal omnes principatus et potestates, ct sub ejus ladice dcpingunt ct palliant humanilatis, non
vanitatis universa infodit simulacra Ventusenim et inane : fermentum, sed magis oslcnlanlcs pcrcgrinis ciborum
L'ABBE GILLEBERT.

j, ^ composes, lu'Olants, et Hanrhis. Sffirte de raee de feoimes Tioanentet rinstmisenL » Je poonaisTous


cenaiB, Laban qa'<n appelle « btaiirhij « nlmilent point, deoine toules Ips Tcrtas do Patriarche et troarer
dTtaLMtte, CD cette aflEiiie. la modestie de Bachd; elle exeasa un eloge pliK grand en prenant one oomparaisoa
sons le psteteidte, et oounil, soos le xmlede llnfir- dans le nom de Jacob : mais je m'en abstiens, de
mile hnmaiiie, iddes de la Tanite mondaine :
les penr qa'en disant k grande voix du bien de mam.
eux, lis cfriorent la ptaliqiie de la supcsflnile etde ami, je ne paratsse en dire du mal. IViur toos, si
la Tanite secnliote da iMMn dliaiiiamte; n'expur- Toos ne m'c<e pas entierement iaeoana, bien que
geant pas le Tknx lerain, Os le {Mvsentent joyeax parfoos la pensee de oes biens se presenle en Totre
et {dans de ^oiie anx ^raigets, soos I'ai^aral esprit, Toos ne tous les attriboez jamais en propre.
sKHgne ffjta rtyas piMnpaax et abondant. D sorait (Test assez poller de la focflil^ da gouTer-
]<HBgde parooonrlesespeeesiMMnbrensesde Tanite, nemaat, derabondanee des grtees qui I'accompa-
et de divscr on catalogue des sealSmaAs sopobes. gnent, et de la rarde de oeux qui pourraient vous
Ce sont oes personnagis que roos Tovez reritaUes ran{daoer. La cbai^ qui toos a ele oonfiee, reus
Thrasms " dans kncs actes, cabanetiers dansl« ve- poovez TOOS en acquilter avec aisance et fadlite, et
wMBfttrta-
pa^Giiatons* dans ksUeox deTacanne : ee simt eeos je ne sais si un {dus jeune pourrait le faire d'uce
qm Teaknt etre des Catons dans ks assanUeK, des fecon plus exoeUente. Je ne rois rien qui m^te
CkenHisdans iKj^aidwnes^ dK Vif^jiles dacslapoe- obstacle a la reafisation de oetie dedsion. si ce n'est
sie : enfin, ^tyins, ibannicomediens,
«iai>^lip<f«ffl(ivit»irff que vous promettez dans une position phis humble
iknesont pasmoines. Wk ji^iainrtMit aprofinsiondes .
une plus grande alKMidance de merites ; pourvous,
paxvAffi joyeoses, piqoanles de sd, pandas Uhen pent-etre, mabnon pour les antres ; poor tous se-
difEefvotesde txJks dtnt I'Apotze dit : « que too- rait ce surcroit, et non poor TElglise de Jesos-
joDTS Totre dbeoms soit a^aiscnne de sel dans la OixKt, et par cmseqnent il ne serait pas n<« phis
grace. * (Ctsl rr, 6.| Mats phiifit poiitre de oe sd poor TOOS, en qui seal, Jesots-Cbristne pentgagOH
dont le Sdgnenr dit : « que si le sel s'ai&tdit dt ee qu'il perdia en ptusiears aiitres. Mab si tous le
perd foote sa fovoe, » par qun sakiart-aa? {Mmtth. troareKban, reserrons ce sujet poor une autre
T, 13.) fns : mainloiant, en efiet, nous aTOoseBserdi notre
11. Cest acanse dltaanmesde ee genre, qu'a mon clieie et il feat que dos pandes foment ^aee aux
Toosdarez etze maintpmi a votxe piaoe et non
avis, Psanmes.
diange ; et a canse d'antnes, sH en esiste (oomme
(ta Fasore) en qoi sont i^tes des vestiges de la SERMON
radessepmuilii'e : de cxaintequ'enit^esiantle sd qui
est boo, noosnepi^eniiHK eebu qui est gale, etqoe S«r k xmmee de Im pmnk it Diau
odtte parole dnPn^ihelenes'ap^iqDeanoiis :cses
moisBons savnt detmites dans la secherese, des 1. Je dinmetai on anlre sens anx paroles de r.V-

iteslm confertinniibiB, et copioMi ooHTirkHvan »»™fa<^»«'^ tpeas ; et iMseiD,a modemonnB qwwpmwcoimodius?


ayfarallin Langmn eritsi nndla vanitalis pereonore ve- Mho jam qoid obslet Tideo , nisi facte iaferine in
fim genera, et jaetanfianim caialagiiin fexere. Hi sunt gradn nberiorem meritoram filH gntiam polfioens: 1^
qoMK Tideas in gesto l%raaan^ in ouuvivlis eajnyoDK, qDndem, sed non al^ : fibi, sed non Eodeaae Chnsti, et
in omitSB GHnatHinm^ : bi snmt qui saflU Tideri TOtamt ideo nee libi ; in quo solo Cbintas cnnyereare noD po-
in capilmlfei Crfones, in canss Gcmnes, in melm Ma- ll^ qood in pimtbiB perdeL Sed hoe a videtn*, alien
nm@ ; numi, non mo-
deniqiae in ooDoemfiaDilMBs snot tenqpori icsovemns immcenira caiam noetnm sepdi-
naciiL Ccyose jocoas TedNinnn afibas ftaanl, noo ilfis Timns, et '*jm M* nosins pi^im»i nHdandBs esL
de qndbos AfoMbas ; Ssraio mrfer wm^erm jfrmtm
sajk amUrns xA. MagB iDo de ipm Doaunns : Qmd a
ml wmfdtamtmm fmertt ef tMmmmaH, nt fmo mUelKr ? SERMa
11. Piraptar tales videns miM *fliMB4T«r re^ic^^i.-
ei^
doB, et non ooounniandas; et si qid alii, ^nd c
De temme Verii Dn.
t!7^n? '7t ainnt) ivslidtatB lesedeieTieiigia : Er
n at^iciannB, iofidhBtnm :

: . Ut aboiar toIms apod tcs Aposloli, qas. modo aa-


. : ^ fsinipbellitam : b uaHmk L'"''^-^lbBr matimtiu ou^paeafaw, rmm sSu ^pa tm-
'
: Bfisnerceuenfev et dotxmta i
:ilie bse Axoit ei^obtando : ega dico eon-
-j^ae a^ingere liitate^ et \
: mendo ariifitaftem 'vesfiaiio,
.iTTTiem in wnrnmn' Jacob a^z >' onideni weAi Dei awDlim
Jeo grandi ^oee bcDefieo. pamm ad id idoneo reveicnter ao-
-rj;en ma penibB fe ncc .':.
acat acripUim at, cam ipd
7'f^HDlas,tibi nan impoti'L- ^?K«9fem »««""'*»« Pirapterea
Hodl fariHiaipi, el
j2(»vm laribie. ^- 'jstineiis^ a me
^ -;--;:-^ ^..--: ,;v5. et wimnndp en-. a Tobia
,

TRAITES ASCETIQUES ET LETTRES 309


p6tre que vous venez d'entendre « vous entendez moi, ou plutot vers le Seigneur lui-meme. Elle ne
avec plaisirun insense, vous qui etes sages. » (K. Cor. reviendra pas ainsi, pourvu qu'elle ne tombe pas le
XI, 19.) Saint Paul les prononcait, pour faire des long du chemin, sur la pierre, ou au milieu des
reproches : je les emploie pour faire des eloges. Je epines. Oui, dis-je, deflez-vous bien de ces obsta-
loue votre avidite, je lone votre huniilite, car vous cles qui sont les routes, les roches et les ronces.
desirez ardemment entendre la parole de Dieu, et Le premier tire sa source de I'habilete de I'ennemi,
vous daignez la recueillir avec respect, de ma bou- lesecond, de la duplicite de notre coeur, le troisieme,
che si j)eu propre a I'annoncer. Et, comme il est du grand norabre des soucis. Dansle premier, nous D'on rient
ecrit, « remplisd'une saiute abondance, vous accueil- nous surveUlons sans prudence, dans le second,
"^^e m!"nl^
lez neanmoins celuiquiest altere.)) (Z)e«f.xxxix, 19.) nous nous cultivons avec paresse; dansle troisieme, frucUfia pu.
Voila pourquoi j'ai dit : « vous supportez volontiers nous nous occupons avec trop de soin de ce qui re-
un insense, vous qui etes sages : « ou plutot, vous garde les autres. Dans le premier, nous resistons
ne me supportez point, mais vous m'arracbez un mollement; dansle second, nous ne poursuivons
discours. Vous m'avez donne I'ordre de le faire, pas ce que nous avons entrepris; dans le troisieme,
vous m'en avez indique la matiere, comme si je nous nous attachons avec ardeur aux choses super-
pouvais trouver en tout terrain des veines d'eau flues. Dans le premier, notre pensee est moUe ; dans
vive, et jeter la semence sur tous les ruisseaux, et le second, elle est mobile; dans le troisieme, elle
comme si les paroles naissaient a mon gre sur mes est nuisible : ou plutot, dans ce troisieme obstacle,
levres. Plaise au ciel qu'il me soit fait selon votre notre pensee est tout a la fois et moUe et mobile et
confiance, que tous mes membres
cbangent en se nuisible ; molle dans
mobile dans les
les voluptes,
langue, et que je puisse dire avec le Prophete : ricbesses qui passent; nuisible dans les desirs in-
« tous mes os diront Seigneur, qui est semblable a
: quiets et cupides. Car inquiets et fatigants sont les
vous? » [Ps. XXXIV, 10.) soucis et les desirs des biens qui s'ecoulent ; en
2. Pour moi, je ferai tout ee qui me sera possi- effet, comme leur gain est difficile, leur flot est

ble dans la circonstance actuelle, et je ne tiendrai rapide et vain, leur resultat est nul, pourne pas dire
point mes levres fermees. Prenez garde seulement, desbonnete.
que la parole du Seigneiir ne revienne pas vide vers

materiam, quasi in omni possim solo ^^ventis aquae ve- mo imprudenter nos custodimus in secundo segnifer ;

nas reperire, et setninare super omnes aquas, et sub excolimus in tertio nimis diligenter aliena curamus. In
;

hora verba mihi ad votum exuberant. Utinam turn mihi primo molliter resistimus in secundo ab incaepto de-
;

fiat juxta fidem vestram, et membra mea omnia in lin- sistimus in tertio rebus supervacuis sollicite insisti-
;

guam laxentur, et cum Propheta dicere possim Omnia : mus. In primo cogitatio nostra mollis in secundo mo- ;

ossa mea dicent, Domine, quii simi/i^ fui? bilis in tertio molesta
; imo in hoc tertio simul et
:

2. Ego vero quantum possum pro tempore enitar, et mollia, et mobilis, et molesta mollis in vohiptatibus
:

labia mea non prohibebo. Tantum id cavete, ne verbum mobilis in transiloriis divitiis et facultatibus molesta in ;

Domini ad me, imo ad ipsum revertatur vacuum. Ne- anxiis et sollicitis cupiditatibus. Anxiae enim sunt et
que enim revertetur, dummodo non cadat in spinis. Ab molestae rerum transeunlium curae, et cupiditates :
his, inquam, observate vobis, a viis, a petris, a spinis. quippe cum earum et difficilis sit qusstus, et citus tran-
Primi impedimenti causa inimici calliditas, secundi cor- situs, et inanis, ut non inhonestus dicam, fructus.
dis nostri duplicitas, tertii curarum multiplicitas. In pri-

f »
LETTRES DU MEME GILLEBERT.

LETTRE PREMIERE. quand U ne se trouTe personne qui etaye sa mai-


son croulanle? Je tous ai parle de la sorte, poiir
AU FBtRE Richard. que la rarete fasse brUler en tous cette Tertu, et
pour que le nombre de ceux qtii la negligent rehaus-
Richard offense, comme il le sembk, par ioi£ repri- se ceus qui la cultiveut.

mande ou par je ne sais guelLe parole rude, recoit, En parcourant Totre lettre, je me suis rappele
2.

cpres avoir ete apaise de nouveau, les louatiges de cette parole du philosophe « Apres une mauTaise
:

Gillebert. recolte, U faut semer. » Vous me paraissez soupirer


arec tant d'ardeur apres le doux commerce de I'a-
1. Vous mettez en pratique, mon cher Richard, mitie, qu'en totjs sauTant du naufrage, tous re-
le prorerbe ancien et nouTeau : « 11 faul tout met- commencez de suite Totre naTigation. Peut-etre
tre en deliberation avec son ami ; cependant ilfaut que le resultat d'une beure recompensera les desa-
d'abord deliberer 5ut lui. « Ne tous confiez pas a grements causes par une longue attente. Et, pour
Totre ami, » dit leProphete, « etn'ayez pas confiance me sernr de la philosophie, qui tous est familiere,
en celui qui tous conduit. Pour ceUe qui dort dans en TOUS je fais I'experience de cette parole de I'Apo-
Totre sein, tenez votre bouche fermee. » [Mic/i. rn) tre : « la cbarite couatc la multitude des peches. »

Les amities feintes font qu'on soupconne celles qui {I. Petr. IT, 8.; Vous chatiez aTec tant de retenue
II ne faot sont vraies, et la rarete de cette vertu fait douter de la faute d'un ami, que tous paraissez demander par-
fwaiement k ^a sincerite. Heureux celui qui ne peche d'aucun don etnon faire des reproches. Vous m'attaquez
cote, qui se montre prudent quand il s'agit de con- aTec une mecbaucete si tendre, que je me sens douce-
tracter aniitie, et qui n'est pas trop inquiet a s'en ment reconvert de ce sel qui doit toujours se trou-
pourvoir. 11 est inutile de confier une semence au Ter dans les sacrifices du Seigneur. Vous avez Tole
Choii des sable , il est encore beaucoup plus malheureux de Ters moi, comme un serapbin tout embraise et re-
amis. pandant des flammes, et, aTec le cbarbon brulant,
ne pas semer du tout, en considerant les Tents et les
nuaares. Nous possedons a\ec inquietude les cboses que TOUS aTez pris a Tautel, tous purifiez le man-
les plus TUes, et nous ne faisons rien quand nous quement de mes leTres. Plus ma faute me parait
aTons les biens les plus precieux 'je Teux parler de graTe, plus la reprimande m'estagreable.Vraiment
ramitie}. Qui est-ee qui relcTe son ami qui tonibe, je tous trouTe autre que je ne pensais. Votis m'a-

nino, ad Tentos et rnibes respectantem. Villissimis in


EPISTOL^ rebus solliciti possessores sumus in pretiosissimo pos-:

sessionis genere (amicitias dico)omninoinutiles. Lapsan-


tem amicum quis fere est qui relevet, cum domum
EJUSDEM GILLEBERTI. ruentem neme non sufFulciat ? Haec idcirco dixerim, ut
\Trtutem banc in te conamendet ipsius raritas, et mnlti-
EPISTOLA I. tudini collata neglig-entium clarior emineat,
2. Perspecta Epistolee tuae facie philosophicum mox
AD FR. RIGEARDUM. illud recensui Et post malam segetem serendum est.
:

Tanta aviditate ad amicitianim mihi Tideris aestnare


Rkhardum correpfione, uf apparef, i^el nescio quo aspe- commercia, ut uii paulo ante naufragium pertuleris,
riore verba offensum ; sed jam dermo placatum com- navigatione iterata restaures. Pruden'er plane unius for-
sitan horae feliciter proventus longi temporis recompen-
sabit inconunoda. Et ut de domestica aliquid Philoso-
1. Tarn vero qnam Teteri uteris, mi Richarde, pro- phia ingeram, Apostolicum illud in te experior : Carifas
veriuo : Omnia cum amico deliberanda esse rfe ipso ; operit muliitudinem peccaiorum. Tanta verecundia amici
tamen priiis. Soli, inqnif Propheta amico credere, et in
, castigas erratum, ut cr-edaris veniam prjetendere, non
dmoe me hobneris fiduciam,. Ah ea qucedormit insinu tuo intendere querelam. Denique sic me amica mordacitate
CHgtodi ckmstra tuL SimulitaB amicitiae veras in
oris corrodis, illo ut me sale leniter perfricari sentiam, quem
suspidonem adducunt, ei Tirtutis hujus raritas facil, Bt Domini sacrificiis abesse non licet. Volasti ad me unus
de Tcritale dubiletur. Felix qui neutram impingit in par- de Seraphim succensus ac flammigerans totus et urenti :

tem : sic in coDtrahendis amicitiis prudenlem se exhi- carbunculo quem de altari lulisti, labii nostri lapsum ex-
bens, ne sit in providendo nimius. Inutile siqnidem are- purgas. Qaanto mihi graTior culpa, tanto gratior correp-
nae mandoLre semina : miserius multo non seminare om- tio. Vere alium te experior quam arbitrabar. Nunc tan-
LETTRES. 311

vez fait gouter votre prudence, car c'est dans la pa- 3, A quoi tendent ces paroles, mon ivhve, sinon
tience qiie le sage se reconnait. J'admire et je ve- k vanter votre douceur et a condamner ma con-
nere votre tolerance. Vous cachez les injures, vous duite injuste? Mais comme il serait long d'entrer
rappelez k la grace celui qui vous a attaque , vous dans tons les details, je vous adresse un mot qui re-
calmez celui qui etait excite, vous recompensez ce- sume et conclut tout. J'ai parle sans sagesse, et
lui qui ne meritait rien, ou plutot qui avait mal comme une des femmes insensees. Jereconnais ma
merite. Vos presents me sont agreables, agreables faute : pardonnez-la. Vous ne refuserez pas a mes
k cause de celui qui les fait, agreables a cause de prieres, un oubli que vous m'otfrez de vous-meme.
leur usage. lis vous representent ci moi et m'ins- Je pourrais alleguer des excuses, attenuer I'exccs de
truisent. Les cadeaux du sage ne peuvent etre mon offense, faire retombersur un autre le poids de
muets. Que voulez-vous me dire par le baton, sinon ce peche, et detourner le fer, dontj'ai eteblesse sur
que je sois droit et ferme? que je n'aie point la la tete de celui qui I'a lance : je m'en abstiens, et je
fragilite et la flexibilite du roseau, selon cette pa- prefere recourir aux prieres et aux instances. Je ne
role du Propbete : « le roseau d'Egypte, est un ba- veux pas, en couvrant ce qui est dechire, dechirer
ton brise, il perce la main de celui qui s'y appuie. ce qui a ete convert en quelque sorte, et pour pro-
{Is. xxxvi. 6. IV Reg. xvni, 21.) Vous m'aveztrou- teger ma poitrine, blesser le cote d'un autre. Voici
ve semblable a ce roseau, et vos mains auraient pu seulement ce que je dirai votre maison n'cst pas
;

ou vous m'avez
etre blessees a I'endroit ti'ouve si cas- bien unie ses ecailles ne sont pas fermement sou-
:

santetsirude; mais vosmainssontplus solides, etel- dees I'une k I'autre, et I'esprit de discussion trouve
les repoussent les epines qui les attaquent. Mains be- trop facilement passage parmi elles. {Job. xvi, 8.)
nies, qui ne savent pas briser le chalumeau brise, Du reste, que que je sois reste long-
j'aie differe,

mais qvii plutot le consolident, et n'eteignent pas le temps sansvouloir, que j'execute tard, que j'aie dit
lin qui fume encore ? « lis seront confondus, ceux que vous meseriez a charge, je reponds strictement.
qui travaillent le lin, » s'ecrie le Propbete, « ceux Nous disons beaucoup de choses en parlant, plutot
qui peignent et tressent des tissus subtils ? » {Is. en sondant les pensees des autres qu'en affirmant
XIX, 9.) C'est pourquoi j'ai ete confondu, moi qui, les notres. Car je vous parlerai en toute sincerity et

sous la laine de votre simplicite, ai voulu tisser le dans tout le sentiment de mon coeur j'ai desire et :

lin de ma en pimition de cette du-


dissimulation : je desire votre amitie , mais j'ai differe, pour reali-
plicite vous m'avez peut-etre envoye un double ca- ser avec plus de facilite notre union, pensant que
lice. « Le poids et le poids, la mesure etla mesure, la conformite d'habitudes et de gouts mc ferait
c'est chose abominable. » {Prov. xx, 23.)', « Malheur trouver en vous plus de consolation que de charge.
a qui fait boire son ami, donnant son fiel, et I'eni- Fassele ciel que je vous retrouve pour toujours, plu-

vrantpour apercevoir sa nudite au lieu de gloire, : totque pour un temps, afm que nous restions en-
il sera rempli d'ignominie. » {Habac. ii, 15.) semble etsans retour. Adieu.

dem aliquem mihi gustum prudentiae tuae dedisti si- : 3. Quorsum ista, frater, nisi ut lenitatem tuam com-
qiiidem in patientia sapiens dij^noscitur. Patientiam tuam mendem, condemncm autem iniquitatem mcam ? Sed
admirer et veneror. Dissimulas injurias, provacantem quoniam longum est per singula currere capitula, vcr-
reformas ad gratiam complanas exaspcrantcm, et im-
; bum abbrcviatum et consummans facio. Insipicnter
tibi
meritum muncras imo male meritum. Munera tua
, locutus sum, et quasi una de stultis mulicribus. Agnosco
munera milii grata sunt, grata auctore, grata et iisu. delictum ignoscetu.Rogatus non nogabis veniam; quam
:

Ilia et mitii praesentant, et me informant. Nesciunt gratis offers. Possem excusafiones praelendere, attenuaro
muta esse munera sapicntis. Quid cairn milii in ba- immanitatem pondus alii impingcre et
rcatus, peccati ;

culo innuis, nisi ut rectus sim etrigidus? Ne sim in ferientis caput quo vulneratus sum, fcrrum vibrare scd :

arundinesR flexiljililatis et fragilitatis, juxta illud Pro- parco ad prcccm magis supplicalionesqnc convcrsns.
,

phets Bacculus confractus arundineus Mgnptus,


: in Nolo enim, dum scissa rcsarcio, utcimquc sarta rcscin-
quo qui imiititur perforabuntur manus ejus. Talem tu dere ctutlatusmeum protcgam,al(erius vulncrarc. Hoc
:

me invonisti, el con fraction is noslrae liastulis manus tamen non siloordomus vosira non bene compacia est ;

tuae crucntari poterant ; nisi quod illsB solidiores sunt, ct squamis sc premcnlibns, una uni non firmilor colia'pot :

oppositos retundunt aculeos. BenediclaA manus, qua? etnimis facile nonpacis, sed dissensionis spirilus incedit
nesciunt calamum quassatum contererc , magis autem per eas. Dc c.i'tero quod diem prolraxorim, quod din no-
rte conso considerant :nequclinum funiigansexlingucrc. Coh/"m«-
'

luerim, quod lardc facio, quodoncrito mihi fulurumdixe-


lidanl. dimtur qui operaniur Ununi, pcdrntes el te.renfes suhfi- rim, striclim r(>spou(h'o. Multa inter loqucndum profcri-
lid, ait Propliela. Propterea confusioneui indutus sum ,
mus, aiicnum magis aniinum jjra'lcnlandn, cjuam pra^ci-
qui lau;fi simplicilatis tuae, simulationis mca3 linum sub- pitando nostrum. Nam ot nude locum lixpiar, ct ex cordis
tcxui : cujus duplicitalissuggiilationcm geminummilii
in mci sentcniia socictatom tuam optavi el opio scd distuli,
: :

forsitan calicem transmiseris. J'luidus ct pondus, ineri- ut comuiodius fieret, solatio to magis, ([uam oncri mihi
ttura et rncnsura, ulrumqw ahominnhilc. Vo; qui pntum futurum i)raisum(nis, propter moruiu forsitan studiorum-
dat amico sua, mittens fcl suum ct inchriuns, ut aspi- quc simililudincm. Utinam a^tcrnum to magis, quam ad
ciat nuditatem ejus : replebitur ignoniinia pro gloria. Icmpusrecipiam, ad manendum, non ad romcautlum.
I
1

312 L'ABBE GILLEBERT.


vous cette parole des cantiques « tirez-nous apres ;

LETTRE SECONDE, vous, nous courons i I'odeur de vos parfums. »


2. doublement heureux, si votre con-
Heureux, et
A UN CERTAIN ADAM. version devient pour les autres une occasion de sa-

lut si vous attirez a. la vie et a la verite, ceux qui,


:

11 1'exhorle a se souvenir de la resolution qu'il a prise en marchent apres vous; je voulais dire,
cet instant,
et a embrasser I'd tat religieux. si vous les tirez de la vanite, mais j'ai craint decon-

trister un coeur tendre et nouvellement forme en


1. Combien je vous desire dans les entrailles de Jesus-Christ. Ce n'est pas que j'attaque I'etude des
Jesus-Christ, 6 mon cher Adam ! Pliit a Dieu que arts, le souvenir facile des belles lettres ; et I'intelli-

vous le connussiez, mes paroles ne peuvent assez gence qui en fait saisir les beautes, ces belles leltres
vous le dire. Depuis longtempsj 'avals forme ce de- etces beaux arts formentla plenitude dela science.
sir, mais ime sorte de desespoir en temperait I'e- La connaissance des arts liberaux est bonne, mais En*
nergie. Mainienant grandement accru, il a
il s'est a la condition que Ton s'en servira bien; c'est-a-
"^JJ,,!
pris une vivacite extraordinaire, et m'a faitviolem- dire comme d'un degre et d'un reflet, oil Ton ne liberaojl

ment souhaiter votre conversion, bonheur, dont s arrete pas, ou on ne se tixe pas, mais au moyeu
1 ,6
vos paroles m'avaient donne un bien leger espoir : desquels on i-emonte aux secrets plus eleves, plus
je craignais (soit dit sans vous blesser) que ces ex- saints et plus caches de la sagesse, on penetre dans
pressions ne vous eussent echappe dans im moment sa retraite suave et profonde, dans la lumiere inac-
de ferveur. Mais comment que vous les ayez profe- cessible que Dieu habile. Voila ce que j'appelle
rees, qu'elles aient ete lancees dans un mouvement I'art des arts, et la loi, et la forme, et la regie, et la
subit de ferveur, ou qu'elles soient le resultat d'une raison et le type universel, uniforme et invariable ;

sage deliberation, je ne puis que bien augurer de dememe que nous ne pouvons le depasser, de me-
vous, averti par les que
exemples encourageants me nous ne pouvons nous arreter en deca. En
j'airemarques autour de vous. Plaise au ciel que comparaison de cette science, toute sagesse, quelle
nos exemples vous ebranlent etvous instruisent, et qu'elle soit, si grande qu'on la suppose, est non-
que, prenant les ailes de la colombe, vous me de- seulement vaine, si elle ne I'egale pas, mais encore
vanciez, par une course abregee et rapide, dansle se- injuste et coupable, si elle ne se dirige point vers
jour du repos, vous, qui vous serez mis tard a I'ceuvre. elle ; si elle attii'e et sollicite notre etude, de telle
Devenaut bienlot I'exemple des autres, quelle large sorte, qu'elle la retienne et I'amuse en elle-meme,
carriere vous ouvrirez aleur sainte jalousie, et,pour que, meurlri par cette limite, I'esprit s'arrete, subis-

parler des notres, quelle grande facilite de salut sant le refus de pouvoir entrer dans de plus inti-

vous leur procurerez par votre conversion II me ! mes secrets ; repu qu'il est de vanite et de mets re-
semble que j'entends deja que Ton chantera pour presentes en peinture, pour qu'il n'ait jamais faim et

EPISTOLA II. seram, ingens ostium ad virtufis viam. Denique audire


mihi videor de Ganticis illud tibi decantatum iri Trahe :

nos post te, in adore unguentorum tuorum curremns.


AD QUEMDAM ADAMUM.
2. Felix plane, et bis felix, si conversionem tuam sa-
lutis occasionem aliis elTeceris si ad vitam veritatemque
:

Horiatur Adamum, ut aliquando memor propositi, reli-


traxeris, qui post te currunt modo volebam dicere in
;
giosum statum amplectatur.
vanitale, sed veritus sum, ne forte tenerum et nascen-
tem adhuc in Christo affectum conlristem. Non quod
1. Quantum te cupiam in visceribus Christi Jesu, mi ego artium eruditioni derogo, et liberalium doctrinarum
Adam, utinam ipse nosses, sermo ex-
quod noster tibi promplcB memorice, ct pcrspicua3 intclligentiie, in quibus
plicare non sufficit. Jampridem id optaveram, sed tem- scientitB consistil inlegritas. Bona cnim artium notitia,
perabat votum desperatio quaedam. Nunc autem solito sed si quis eis legitime utatur, id est, tanquam gradu
uberius excrevit, et increbuit desiderium, exarsitque in quodam et vestigio, non quo stetur et inhagreatur, sed
concupiscentiam conversionis tuae, concepta jam spe, quo utendum sit ad superiora quaedam et sanctiora, et
sed satis tenui, de verbis tuis (quod pace tua dixerim)
: magis intima arcana sapientiae in rcconditos et suaves
;

ne verba ilia levi tibi quodam exciderint mentis impulsu lucem inaccessibilem, quam inha-
recessus, et in ipsam
momcntaneo. Sed dixeris ea ut libel, et fuerint vel ni- bitat Deus. Quam artium omnium artem dixerim, et le-
mis pi'omptulo subitaneoque elapsa alTectu, vel provida gem, et formam, et normam, et rationem, et exemplar
deliberalione prolata omnino nisi bene de te spcrare
: universale, uniforme, in'.iriabile ultra quam sicut :

non possum, domestico commonitusexemplo. Atque uti- ncc progredi possumus, sic nee citra subsistere
nam ipsum te nostra couimoveant, imo commoneant debemus cujus respectu omnis alia quaecunq'ie et
:

exempla et arreptis pennis columb® in locum quielis


: quantacunque fuerit sapientia, non modo vana est, si is-
felici me compendio praevoles, qui tardiiis cceperis. tam non aequat, sed etiani iniqua, si ad banc se non di-
Quam lalam el palentem ad semulandum feneslram de- rigat si ita sludium nostrum sollicitct et alliciat ad se,
:

Uei'is, mox alils futurus exemplo et ut de nosLris inter- ; ut delcctationem nostram delineat et deludat in se, hocque
;

LETTRES. 313
ne goilte jamais combien le Seigneur est doux. estimmense, tout infini, non par une succession n I'exhorte i.

Qu'y a-t-il d'agreable, si ce n'esl pas le Seigneur? d'instants, non par I'etendue grossiere des lieux, p*"?' ^^ '*
Cette connaissance des choses naturelles, etroite et mais par une puissance essentielle et innee. Cette s^guHere a la
'"*°"^^ '""''*
obscure, a laquelle on n'arrive que par de longs essence est entiere partout, mais entiere en elle-
circuits et des cbemins tres-apres, fait vos delices, meme, parce qu'en nul autre etre sa vertu, sa verite,
elle a gagne votre arae et subjugue votre amour, sa volonte n'est etendue ou expriraee. On y pent
bien la Quel effet produirait done la Sagesse creatrice, qui a trouver des denominations graduees et distinctes
^t donne I'existence a toutes ces rccilites, et qui les par rapport a nous, mais en realite elle est chose
mguste eclaire Sa connaissance ne
pour
^ les faire connaitre ? unique et hors de toute possibilite de division. Tout
•agesse
irelle. provoquera-t-elle pas avec plus d ardeur votre de- y est delicieux a etudier. C'est ce qui est ecrit
sir,ne repandra-t-elle pas avec plus de suavite sa « I'oeil ne se rassasie pas de voir, I'oreille ne se lasse
douceur dans vos sens apaises, et n'excitera-t-elle pas d'entendre. » [Eccl. i, 8.) Je vous entendrai avec
point en vous, par des sentiments inusites, une soif plaisir nous developper ces sujets ; et quand vous
insatiable? « Car ceux qui me mangent, « dit-elle, vous serez plonge dans les abimes de cet Ocean in-
((auront encore soif parce que mon esprit est plus
: fini pour en explorer les profondeurs, jesereii beu-

doux que le miel. » {Eccl. xxiv, 29.) reux de vous voir repandre la douce rosee de cette
3. Vous avez, mon ami, en votre ame, de vastes sagesse vitale sur ceux de vos freres qui ne peuvent
places pour contenir ce miel je veux dire votre : point par eux-memes apprendre davantage. Quand
esprit penetrant et exerce, la science que vous avez vous vous serez donae a la contemplation desbien-
acquise, de plusieurs connaissances subfiles. Pour faitsde Dieu, je vous ecouterai expliquer avec plus
moi, je les considere comme des cellules capables de de details, developper avec plus d'abondance, ce que
recevou" des rayons, mais cellules encore vides. Ve- vous pensez du pardon, de la grace, dela gloire de
nez done, faites provision, que vos vases se rem- ce que Dieu nous a donne ou rendu ou ajoute par
plissent, qu'ils debordent, qu'ils regorgent, qu'ils surcroit, de tout ce qu'il a souffert pour nous, ou
reviennent sur nous, nous vous appliquerons avec nous a obtenu ; nous proposer les souffrances qiii
applaudissement cette parole du Cantique ; « vos ont ete supportees au temps passe par Jesus-Christ,
levres sont un rayon qui distille le miel. [Cant, iv, et les gloires qui nous seront communiquees dans
11.) quand vous entendrai-je parler dans la mai- I'aveuir, I'attente de ces recompenses, les elements
sou du Seigneur, nous exposer les sens divins et de la loi, les regies des moeurs et les degres qui as-
sacres de la doctrine Quand nous ferez-vous sentir,
! surent le renouvellement et amenent les progres de
comme une pluie qui tombe Unement, vos conside- I'ame. Voila un sujet abondant, voila une occupa-
rations sur la majeste, reternite, I'immensite et la tion desirable.II n'en est point ou puisse s'exercer
simplicite de Tessence divine : ou rien n'est petit, avec plus de succes et plus de fruit, I'esprit le plus
car tout est simple ; ou rien n'est multiple, car tout ardent et le plus orne.

fine contritus conquiescat animus, rerepulsam passus ne majestate essentiae; de aeternitate, inimensitate, simpli-
pergat ad secretiora pastus inanitate et quasi pictis epulis, citate ubi nihil exiguum est, quia simplex est
: nee :

ut esuriat et nunquam quam suavis est Donoi-


degustet multiplex, quia immensum est sed totum infinitum :

nus.* Quid enim nisi suavis Dominus ? Delectat te vehe- est non temporali succcssione, nee mole et distensione
;
'
quid
mave menter, animum amoremque abripuit attraxitque ad se locali, sed vi essenlialique potentia. Quae quidem tota
ninas. tuum exigua htec et ambigua natnrarum rationumque ubique sed in se tota
est, quoniam in nullo tota ejus
:

notitia, ad quam vix longo circuitu el sinuosis anfracti- virtus, Veritas voluntas vel expenditur, vel exprimitur.
bus pervenitur. Quid ergo ipsa, a qua omnia haeo et Ubi possunt disputandi grndus quidam esse, et distinc-
instituuntur ut sint, et illustrnntur uf nota sint, creatrix tae secundum nos signilicationes noniinum, res autem
Sapientia? Nonne multo
ambitiosius ejus se libi com- unica et in separabilis. Plena sunt omnia admiratione,
mendabit perceptlo suavitatemque suam blandius sere-
;
et digna veneratione, et investigatione dclcctabilia. De-
natis infundet sensibus, inusitatis affectibus inexplebilem nique ut scriptum est Non satiatur ocuhis visu nee an-
:

in se provocatura concupiscentiam ? Siquidem qui ris impletur auditu. De hujusmodi te libentcr prophc-
edunt me, inquit, adhuc esurient spiritus enim metis : tantem audiam et cum te in immensum pelagi hujus
;

super mel ducis. profundum immerseris curiosus scrutator, aspergentem


3. Ampla quaedam babes, amice, ad hocipsum mcl rc- his qui ad uberiora habiles non sunt, suavcni vitalis ro-
ceptacula ;acre dice et exercitatum ingcnium, multa- rem sapientiae. Cum vero divina te converleris ad bcne-
rum subtiliumque rerum scienliam. Sed ego haeo quusi ficia, tunc profusius explicantem, et expedicntem copio-
capaces favorum cellas repntaverim, et adhuc vacuas. sins quae senscris de venia, gratia, gloria, di^ his qua?
.\ccede ergo, ut infundaris, ut repleantnr receptacula vol dedit, vol reddidit, vel addidit, el univcrsis qua> pro
tua exbubercnl et rednndent ct refundatur innos, jure
: nobis ])erlulit et contulit nobis Dominus proponenlom ;

tibi applausuros in illud Cantici Ftivus distiUans labia


: nobis praicedentes in Christo passioi\es, ct futuras glo-
tua. si quando in domo Domini disputantem te au- rias, paticnliam tribulationum, clemenlia fidei, el nio-
diam, sccretos sacratosque exponenlem sensus, atlin- rum ins(ituta,elsingulospcrcurrentcm renovationiscl pro-
gentem et distillantcm tenuitcr nobis aliquid do divinae fecluum gi-adus. Copiosa hacc plane materia et concu-
;;

ali L'ABBEGILLEBERT.
U. Je Tous ai tenu ce lansrace, afin que vous ne ne vous en propose pas la gloire et je n'assigne point

Tous excusiez point sur I'etude vaine des lettres un long terme a votre crainte, ou a votre attente.

afin que, prive de la lumiere, toos ne poursuiviez Je prends le motif de ma persuasion dansle gage de la

point I'ombre ; afin que, detourne par les arguments vie actuelle, non dans les recompenses a venir ; dans
d'Aristote, vous ne redoutiez pas notre silence et les premices et non dans la plenitude. U nest pas

notre sitnplicite. Car c'est ce silence et cette sim- en mon pouvoir de developper davantage ce sujet,
plicite qui nous foumissent surtout Toccasion de dans mes paroles et il n'est pas digne que la ma-
nous transformer, allant de clarte en clarte, en I'i- jeste dune si haute matiere se rappetisse dans no-

maee meme du Seigneur, que nous contemplons tre bouche. Seulemeut, faites en leiperience, et vous

comme a visage decouvort sous I'influence de I'es-


saurez combien les voies du Seigneur excitent la
joie de nos cantiques, meme dans le lieu de notre
prit meme de Dieu. II Cor. ni, 18. Consacre a un
tel usage, notre silence vous parait-il silence et iner- pelerinage, et comment les moissons de la fin du siecle

tie ? C'est en hii qu'on apprend et qu'on pratique


sont preparees dans I'allegresse de la semence. Ne
le grand art daller en ligne droite vers Dieu. de se differez pas dune annee : ne resistez pas a la grace

transformer et se changer en le nouvel homme, en qui se presente d 'ell e -meme. Malheur a moi si vous
lenouvel Adam, d'arriver jusqu'au sens du Christ, repoussez de vous le don que j'ai trouve en vous.

en qui sont caches tous les tresors de la sagesse et AUez, dun pied alerte et joyeux, oil vous appel-
de la science? Col. u, 3.) C'est la que se trouvent lent V05 premiers attraits. Vous ave^ voulu que
toujours, et qu'on a presque sous la main, les vei- j'envoyasse vers vous, et au ciel que Ton
plaise

nes brillantes de ce metal sacre, si pourtant on aime


vous rencontre ovi je vous ai quitte, je veux dire,
mieux creuser profondement dans ce a la porte, sur le semi et sur le point de sortir
sol, que d'al-
ler mendier au-dehors.
de la vie secuhere. Si je vous senible necessaire en

5. Je ne rappelle point en ce moment les bien-


quelque chose, je me donnerai tout a vous, ce sera
faitsque le ciel vous a accordes, les graces dn Sei- payer une dette. J'attends votre presence plutot

gneur et votre ingratitude: ime si mauvaise recom- quune lettre. Adieu.

pense donnee en retour de presents si magnifiques. LETTRE TROISIEME.


Je parle, en les adoucissant autant que possible, des
AC FRERE GCILLACSIE.
charmes dangereus du siecle vers lesquels nous en-
traine un attrait puissant, de sorte que nous tour- 11 le detourne du voyage perilleux qu'il voulait [aire a
la cour, et il lui recommande de marcfier dans wie
nons le dos au Seigneur, au lieu de lui presenter, di-
autre voie, celle du f/rogres spirituel.
rectement notre visage : je n'expose pas les ennuis
qui nous servent de remedes dans la vie presente A son clier frere GaiUaame, G. Ahbe. saint dans le Sei^eur.

je ne considere pas les peines de la vie futiire, je 1. L'arrivee de notre tres-cher frere R..., nous a

piscibile negotium : nee est ubi se fcecondius et fructuo- et propono gloriam, nee in longinquum metnm vel exs-
siBS exercere potest quamlibet vel ardens vel ernditum pectationem tuam mitto. Tantum de instanti persuadeo
ingenium. pingere *, non de futuro praemio de primitiis, non de :

4. Haec idcirco dLxerim, ne iiianiinn te studio eicuses pienitudine. Non est faenltatis me^e rem verbis pro-
litterarum nmbram secteris, privandus lumine ne
: : sequi ; nee dignum est tant« majestatem materiae an-
Aristotelicis distortus argutiis, silentium nostrum et gustiis oris nostri coarctari. Tantum esperiri velis,
simplicitatem caaseris. In his enim vel mixime admi- et scies, quoniam cantabiles justificationes Domini,
nistrator occasio, ut revelata facie gloriam Domini spe- etiam in loco peregrinationis hujus ; et futurae in fine
culantes, in eamdem imaginem transformcmur a clari- saeculi messes, primitrvis seminantur in gaudiis. Noli
tate in claniatem , tanquam a Domini spiritu. Otiosumne dulcia * differre in annum : noli, qucE se tibi ultro in-
tibi nostrum videtur et iners silentium in , quo istud gerit obsistere gratiae. Vae mihi si illam excluseris a te
greritur negotii ? In quo et traditur et esercetur ars quae- quam inveni penes te. Sequere alacri et impigro pede,
dam vclnt directam ad lineam progrediendi in Deum, quo te prima ejus vocant blandimenta, Jussisti ut mit-
transformandi et transmulandi se in novum bominem, terem ad te, atque utinam ibi inveniaris, ubi dereliqui
in no^Tim Adam et pertingendi usque ad sensum
; te, in ipsis dico januis, et fere in limine, jamjamque
Christi, in quo absconditi sunt omnes thesauri sapien- exiturum de conversatione saeculari. Si tibi in aliquo
tia? Dei? Perennes omnino hie et fere in promptu sunt neeessarius videbor, totum me impendam, quia totum
radiantes omnino metalli venfe, si tamen in altum quis debeo. Praesentiam magis, quam epistolam exspecto.
fodere maluerit, quam foris mendic-are. Vale.
5. Non ego tibi nunc collata in te divina recenseo EPISTOL-\ III.

beneficia, gratias Domini, et ingratitudinem tuam: imo AD FRATREM GUILLELMUM.


malam mercedem optimo relatam muneri. Non pemi-
Dehortatur eum a pehculcsa profectione in curiam, ct
ciosa sjpculi oblectamenta, in quae ardenti proroitur
aliam quamdain spiritualem profectionem commendat.
studio, ita nt Domino terga vertamus, et non faciem,
quantum possum verbis extenuo nee medieinales in Dilecto Fratri GniUelmo Fr. G. Salntem in Doraioo.
:

praesenti espono molestias ; non futoras intendo poenas, 1. Desideratissimus F>ater noster R, abunde suo nos
;

LETTRES. 315
gran dement rejoui : la nouvelle de votre bonne parlent tant qu'ils voudront, que de leur malice ils

sante a accru encore notre joie : cet excellent frere tirentmon avarice, et que dans leur moUesse, ils
nous a porte vos salutations et demande en retour, trouvent ma durete. Pour moi, j'ai fait de mon visage Ce que doit
fetre le
le secours de nos prieres. Plaise au ciel que nos une pierre fort dure, et apres avoir brise leur man- aaperienr
forces suffisent plus abondamment encore que teau, j'espere que je ne serai point confondu. Que religienx
enveri le»
d'ordinaire a s'acquitter de ce devoir^ et que je je sois moins affable, que je sois plus tenace, je me sieas.

le remplisse d'autant plus pleinemeut que vous avez laisserai volontiers adresser ce reproche, pourvu
resolu de nous epargner pour le reste. Car je vous que les chiens, ou plutot que ces petits cbiens ten-
ai entendu assez souvent et a plusieurs reprises, me dres et delicats, ne mangent pas le pain des enfants,
recommander de prier plus specialement pour vous, pourvu que les bardes des pauvres de Jesus-Christ
et pour le reste, de me tenir en repos. Cela est tres- n'ahmenteut pas la parure superfl\ie des autres, et
bien,mon frere, c'est la disposition qui convient a que je ne tire pas un vain nom et une fausse popu-
ae doit un homme de vertu. Quoi done ? Est-il une autre larite du ventre garni d'un frere.
ider un
II. demande que personne puisse formuler avec plus 2. M'oubliant pour revenir a vous, c'est moi qui
de plaisir ou qu'un moine puisse adresser avec plus ai quelque chose a vous demander vous avez sol- :

de liberie? Rougissez en voyant le pen de retenue de licite mes prieres, je m'attache plutot a vous adres-

certains religieux qui devraient tout attendre,surtout ser des exhortations, car un grand zele m'anime
du Pere abbe du monastere, et qui, en
le necessaire, pour vous. Je craius que vos sentiments ne s'eloi-
mendiantde toutes parts des suffrages, se procurent gnent de la siraplicite qui est en Jesus-Christ : je
des peaux fines et rechercbees, des babits fastueux, crains que les prieres ne soient inutiles pour vous,
des manteaux etrangers et d'autres mondanites dans quand de vous-meme vous courez a voire chute,
les odeurs, les couleurs et les saveurs, choses qui et que vous ne reclamiez en vain d'etre delivre, si
excitent la volupte et servent d'instruments a la va- de votre propre mouvement, vous vous precipitez
nite. Ceux qui auraient du se priver de ce qui est vers le piege. Vous etes sur le point de partir pour
accorde a Tusage ordinaire, vous les verriez s'adon- la cour, ainsi queje I'entends dire; vous etes au
ner sans rougir au luxe et au faste. Ce defaut est moment de vous rendre dansl'endroit oil vous soup-
loin de vos habitudes, cette parole, que vous avez si connez que vous rencontrerez des obstacles. Vous Les relations
",, .. . , avec la cour
, ,
souvent redite, en est une preuve et vous purifie de allez renouveler vos anciennes relations avec le sont la ruina

I'apparence de cette lepre qui repand trop loin ses chef, reveiller vos desirs ensevelis et eteints, et, se-
HODS ltT}!i'„
,!i^^ rcllgitJU"
ravages. Done, je suis dur et inhumain, quoi qu'en Ion ce qui est dit de I'autruche, en trouvant I'occa- ses.

tout le reste je sois cbarmant , comme ils le disent sion, deployer vos ailes que vous avez tenues
eux-memes, sur ce sujet, mon visage est plus noir longtemps serrees et pliees. [Job, xxxix. 13.) Mais
quele cbarbon,parcequejenesaisaccorderque ceque la cigogne et I'hirondelle connaissent le jour de leur

j'ai coutume de demander dans mes prieres. Qu'ils migration, quand souffle un vent plus tiede.

exhilaravit adventu : et nunciata incolumitate vestra, non novi, nisi quae consuevi rogare. Obloquantur quan-
gaudio uberiore perfudit ; salutationis obsequia depor- tum voluerint; improbitatom suam avaritiam nostram
lans, repostulans suffragiaorationum. Utinam copiosius faciant, de mollilie sua cudant mihi duritiam. Ego
et
solito ad munus istud manus nostra sufliciat, et tanto quidem posui faciem meam ut pctram durissimam; et
plenius absolvam, quanto parcere nobis in reliquis de- confracto illorum malleo, spero, quoniam non confun-
crevisti. Audivi etenim te satis crebro repetitisque ver- dar. Puerim minus communis, fuerim tenacior; liben-
bis plenis significantem frequentius ingessisse, oratio- ter hoc me naevo decolorari sinam dummodo panem :

nes ut tibi sollicitius impenderem ; de caetero fore me filiorum canes, imo catelli isti delicati et tenclli non
securiim. Praeclare, frater, omnino, et ut virtutis viriim comedant, ncc sordes paupcnim Christ!, supcrvacua*
decet. Quid enim? aliudne est quod vcl quisquam li- aliorum munditias faciant ;nequc de rugiente fralris ven-
bentius rogare debeat, vel monachus licentius possit? tre vanum mihi nomen et falsos conquiram favorcs.
Erubesce ad quorumdam impudentiam, qui cum omnia 2. Sed me interim oniisso ad to nt revertar, commo-
sperare debeant, necessaria quidem, a Patre monastcrii; neamque aliquid a nobis esse petendum ;
orationes tu
emendicatis undecunque suffragiis, subfiles quasdam ego ex abundant! ad exhortationem mo verto;
postulasti,
et exquisitas exinde pelliculas comparant; portentuosas a^mulor enim te Dei acmulationc. Timeo autem ne oor-
vestes et peregrina palliola, ca?teraque quae enumerare rumpantur sensus tui a siniplicitate qus est in Christo :

longum est, in odonbus, coloribus, saporibus, volup- ne incassum pro te preces cITundanttir, qui ultro pro-
tatis irritamenla, instrumenta vanitulis. Deniquc quos rumpis ad casum IVustraqiie liberavi le rogos, ad la-
;

temperare oportuerat ab liis qua; concessa sunt usui queum consulto fesfinnns. Proforturus cs, ut audio, ad
ostcntui impudenter inserviie videas. Qiiera nwvum curiam, eoque profecturus, ubi impeditum iri tc sus-
longe abesse moribus tuis, vox ilia tua lotics rcplicata picaris. Velcres vadis cum Puci- rcnovare nccossitiidi-

declarat,et detcrgit a te lepra; Iiujus coloicm nimis nes, sepulta, imo sopila suscilnro desideria, juxtaillani
lale respersum. Durus ego et inhumanus, et cum in de striithione parabolani, conipressns d!u et complicatan
reliquis formosus sim; ut ipsi aiuut, denigrata est in in altum alas eveclurus, cum tempus acce]>er'-. Sed ot
hac parte super carbones facies nostra, quod erogare ciconia et hii-undo viaitatioiiis sutu dicin cognoscunt,
316 L'ABBE GILLEBERT.
ijerem. viii, 7.) Je vous parle ouvertement, et voiis epouse, est un jardin fermd, une fontaine scellee.
dis en face ce que peut-etre d'autres disent tout bas. {Cant. IV, 12.) Scellee du sceau de la lumiere et
Vous partez pour la cour, et je ne sais si on vous de la joie du coeur, du sceau de I'Esprit aux sept
y a appele. Qu'y ferez-vous? Traiterez-vous avec le don-, empreinte que nul autre ne pent briser que
chef, du soin de voire ame? Chercherez-vous dans celui qui, par un privilege special, entreparlaporte
ses paroleSj le calme au bouillonneraent de votre orientale fermee aux etrangers, selon ce mot du
coeur? II en sera peut-etre ainsi, mais cette frai- Prophete « les etrangers ne passeront plus desor-
:

cheur sera ce froid dont il est dit : « la charite de mais par Jerusalem. » [Ezech. xuv, 2.) Renfermeen
plusieurs se refroidira. » [Matlh. xxiv, 12.) Ecoutez ce paradis de volupte, bien plus, devenu comme un
ces reprochesdu Prophete « que vous ferai-je, 6 : champ fertile, semblable a la fontaine des jardins
Epliraim? que vous ferai-je, 6 Juda? votre justice dont eaus ne tarissent jamais, vous serez sourd
les

est comme le nuage du matin, et comme la rosee a la voix des etrangers. Si I'ambilion du siecle vous
qui disparait le matin. » [Ose, vi, 3.) Oui, justice fatigue, si I'occasion de rencontrer des dignites
d'un matin, ou mieux, justice d'un moment ceux : vous sollicite, vous repondrez de suite par ces paro-
qu'elle decore, k peine ont-ils commence par I'es- les de I'epouse : j'ai pose ma tunique, comment la
prit qn'ils achevent par la chair. Dans les Canti- reprendrai-je? J'ai lave mes pieds, comment les

ques, I'epoux se plaint d'avoirsouffevtbiendesames salirai-je de nouVeau? [Cant. v. 3.)

de ce genre. « Ma tete est pleine de rosee etlesbou- Vous voyez assurement, mon frere, pourquoi
U.
cles de mes cheveux sont chargees des gouttes de la j'emploie des paroles a demi formulees et sembla-
nuit.)) Car, etantmonteespar I'eminence de leur genre bles a des ombres, qui enveloppent ma pensee plu-
de vie, comme surlatete duSeigneur, elless'arretent ne I'expriment, sachant que je m'adresse
tot qu'elles
aux cheveux, et, rendues insensibles par une appli- a un sage
vous voyez, dis-je, ce qu'est toutce que
:

cation trop gi'ande aux choses exterieures et etran- je veux vous dire ; je desire vous detourner de ce
geres a I'esprit vital de leur vocation, elles ne savent voyage plein de dangers, et, par mes avertissements,
pas gouter les choses de Dieu. Ne trouvant pas enel- comme par une sorte de faux, trancher les occa-
les de quoi reposer sa tete,le bien-aime,s'il trouvequel- sions glissantes menent a une chute fa-
qui
qu'un qui soit au-dedans, le prie delui ouvrir entree. cile : selon le precepte du prophete, je cherche a
3. Fasse le ciel que vous aussi vous demeuriez vous aplanir le chemin raboteux, tirant les pierres
dans cet interieur, que lorsque Jesus frappe, vous de la route. [Is. J'ai bcaucoup de sollici-
Lxn. 10.)
lui donniez de suite I'hospitalite dans votre coeur, tude pour vous, beaucoup de contiance en vous.
j'ai

vous ecriant, dans un juste sentiment de gloire : Aulrement, je prefererais voir se ralentir pour un
« Mon secret est a moi mon secret est k moi ! ! » temps nos anciennes relations, que de passer sous
[h. XXIV. 16.) Et par un heureux retour, vous en- silence ce que je crois interesser votre salut :

tendrez cette parole de louange : « Ma soeur, mon j'aimerais mieux perdre votre amitie que de voir

cum anra coeperit flare tepidior. Manifeste ad te loquor, cordis laetitia, signaculo septiformis Spiritus, quod sol-
qiKE alii in occulto forsitan loquuntur de te. Ad curiam vere nemo nisi solus ipse poterit, qui portam orienta-
vadis, et ignoro an vocatus. Quid illic tamen acturus ? lem singulariter ingreditur alienis clausam, juxta illud
Animas tuae curam cum Duce communicaturus; aeslus Prophetae Alieni non transibunt per Jerusalem am-
:

cordis tui alloquio? Ista fortassis,


ejus refrigeraturus plius. Tali inclusus paradiso voluptatis, imo ipse sicut
sed 60 frigore de quo scriptum est Refrigescet charitas : ager irriguus, et sicut fons hortorum, cujus non de-
multorum. Audi denique hujusmodi exprobrantem Pro- ficiunt aqua? alienorum obsurdesces ad vocem. Si sasculi
phetam Quid faciam tibi Ephraim? Quid faciam tibi
: te vexaverit ambitio, si dignitatum occasio vocaverit, et
Juda'i Justitia vestra quasi nubes maiulina, et quasi ros honorum aliqua sponsae con-
invitaveritblandapestis, spes
mane pertransiens. Matutina plane, magis autem mo- tinuo respondebis verbis Exui me tunica mea, quomodo :

mentanea cum enim vix spiritu coeperint, mox came


: induam earn? Lavi pedes meos, quomodo illos inquinabo?
consummantur. Tales multos tolerasse se queritur spon- 4. Vides certe, quid est quod dimidiatis ver-
frater,
sus in canticis Caput meuni plenum est I'ore, et cin-
: bis et umbrarum rem magis comprimens
similibus,
cinni met guttis noctium. Nam cum propter vitae subli- quam premens, sciens esse mihi cum sapiente sermo-
mitatem quasi Domini in caput ascenderint, haerent in nem vides , inquam, quid est totum quod tibi sugge-
:

crinibus; et majore in extcrioribus et a vital! spiritu rere volo; ut periculosa ab hac profectione te revocem,
alienis occupatione insensibiles redditi, quae Dei sunt, et falce quadam commonitionis nostrae celeris lapsus
sapere nesciunt. Denique non babens in talibus, ubi ca- occasion es prajcidam ad Prophetae praeceptum, pla-
:

put reclinet, si quem intus repererit, aperiri sibi rogat. num tibi faciens iter ofTensionis, lapides eligens de \ia.
3. Utinam et tu intrinsecus commoreris, ct pulsantem Multa mihi est sollicitudo pro te, multa fiducia apud te.
statim ad ostium Jesum cum cordis susceperis hospi- Alioquin malini inveteratas tecum necessitudines atte-
Secretum meum mild, secretum
tio, glorieris, et dicas : nuari ad tempus, quam silentio supprimere, quae ad sa-
meum mihi. Vicissimque gratam illam laudis vocem lutem tuam spectare crediderim perdere familiarita- :

accipies Hortus conclusus, soror men sponsa, hortus


-.
tem, quam teneram et crescentem adhuc in te humi-
conclusus, fans signatus : signaculo quidem luminis et litatem periclitari. Currebas bene cave ne fascinatio :
,

LETTRES. 317
exposer la vertu d'humilite qui est bien tendre et parle plus que d'une. 11 se sentait change, le persou-
nouvelle en votrc coeur. Vous marchiez bien, pre- nage qui s"ecrie dans le Psaume : « Mon ame, benis
nez garde que la fascination de la bagatelle n'obs- le Seigneur et n'oubhe jamais les biens qu'il fa
curcisse vos biens, {Sap. iv, 12.) et que votre cons- fails. C'est lui qui pardonne toutes tes iniquites, lui
cience, si elle reste sans atteinte, ne se trouve expo- qui guerit toutes tes infirmites. II retire ton ame
see au moins par la reputation. Vous marchiez de la mort, et te couronne dans sa misericorde
bien, ai-je dit; oil aliez vous a present avec tant de et ses bontes. {Ps. en, 1.) U parle en cet endroit le
bate ? Vous marchiez bien : mais de quoi cela vous langage de Chanaam lorsqu'il rappelle tant de
servira-t-il, vous n'arrivez pas jusqu'au bout?De-
si changements survenus en lui passage de I'iniquite :

vant etre bientot parvenu au terme, vous voulezde- au pardon, de I'infirmite a la guerison, de la mort
penser beaucoup de temps pour meriter cereproche a la vie qui ne finit point , et a chaque degre, son
de saint Paul : Vous avez supporte tant de fatigues coeur reconnaissant, rend graces a I'auteur de tout
sans cause, si pourtant c'est sans cause.)) {Gal. m.h.) bien : et, marque certaine de ses saints progres,
5. Plut h Dieu que vous fussiez pres de moi en dans un langage qui sent la transformation, il dit
ce moment, et qu'aux vifs eclats de ma voix, vous avec le Psalmiste : « c'est maintenant que j'ai com-

saisissant comme par la main, je pusse vous con- mence; ce renouvellement est I'oeuvre du Tres-
duire avec Abraham dans la terre de Chanaam, Haut. » {Ps. Lxxvi, 2.) Recoltons la doctrine des Ap6-
c'est-a-dire, du « mouvement. )) Car « ceux qui tres dela semence jetee en terre par les Prophetes :

ont confiance au Seigneur, changeront leur vail- ce qu'Isaie enseigne a mots couverts, saint Paul le
lance. » {Is. xl, 13.) Excellente mutation qu'indique declare expressement : « Vous avez ete jadis tene-
le meme Prophete : « Cinq villes seront dans la bres; )) s'ecrie-t-il, « a present, vous etes lumiere
terre d'Egypte, parlant la terre de Chanaam, I'une dans le Vous avez entendu le
Seigneur. » {Eph. v, 8.)

d'elles s'appellera la ville du soleil. {Is. xix, 18.) changement; ce meme saint nous donne un avis
Transformation heureuse, des tenebres de I'Egypte relativement a la perseverance « marchez comme :

passer dans la region de la lumiere, et, apres avoir des enfants de lumiere. » {Ibid.) Qui chemine en plein
6te attache ci la maison du Pharaon, entrer dans la jour ne trebuche pas. Que votre lumiere grandisse
cite du sol oil! Oui, mouvement tres-bon, parce jusqu'au jour parfait; et quand vous serez au
que les obscurites se transforment en lumieres et bout, paraissez commencer. Entendez comme saint
lapluralite en unite. La, oil sont plusieurs elements, Paul lui-meme courait et passait en grandissant,
le trouble se fait sentir, et une seule chose est ne- non-seulement des tenebres k la lumiere, mais de
cessaire. Operation agreable, par laquelle les yeux la clarte a une clarte plus vive. « Pour nous, »
chassieux de Lia deviennent le regard vif et pur dit-il, « i visage decouvert, contemplant la gloire
de Rachel, et la sollicitude de Marthe la tranquillite du Seigneur, nous sommes transformes en la meme
de Marie. De la resulte, que les villes qui etaient de image, allant de clarte en clarte. » {II. Cor. in. 18.)
I'Egypte, c'ost-a-dire des tenebres, sont appelees 6. Quand vous verrez prosperer dans le
les villes du soleil, et qu'au lieu de cinq on ne monde, quelques-uus de ceux qui ont renonce au

nugacitatis obscuret bona tua, et illibata manente cons- mutatum se noverat qui loquitur in Psalmo Benedic :

cientia, discrimen ne vel fama ducatur. Currebas,


in anima niea Domino, et noli oblivisci omnes retributiones
inquam bene ubi nunc impigre properas ? Currebas
: ejus. Qui propitiatur omnibus iniquitatibus tuis, qui
bene sed quid si non consummaveris? Consuniman-
: sanat omnes infirmitates tuas. Qui redimit de interitu
dus in brevi, consumere vis tempora inulla, ut jam tibi vitam tuam, qui coronal te in misericordia et misera-
exprobretur a Paulo Tanta passus es sine causa, si ta-
:
tionihits.Loquitur hie lingua Chanaan, qui tot in so
men sine causa. recolit conimutationes de iniquitate propitiationem
:

5. Utinani praesens essem mode, et injecta quadam de infirmitate curationem, aeternitatem de interitu et ;

iinpigra vivae vocis possem cum


manu deducere te per singulos gradus gratias exhibet auctori piorumquo ;

Abraham in terram Chanaan, id est, motus. Qui enim indiciis profectuum, quasi quadam commuf^itionis lingua,
confiduni in Domino, muta/nmt fortitudine?n. Bona mu- illud cum Psalmista eloquitur Nunc ca-pi, ha;c mutatio
;

tatio, quam loquitur idem Proplieta; Erunt quinque ci- dextcrce Excelsi. Et ut de prophetico seminc apostolicas
vitates in terra /Egypli, loquentes lingua Chanaan : fruges melamus; quod Isaias claudil, Pauliis declarat :
civitas solis vocabitur una. Bona plane, de /Egypti te- Fuistk, inquit, aliquando tenebrte, nunc auiem lu.v in
nebris educit in lucem cl post Phiiraonis domum in ; Domino. Comuuilalionem audivimus, de consummalione
Solis justitiae civitatcm dedicari. Bonus, inquam, molus, nos aduionet Ut filii, inquit, lucis ambulate. Qui ambu-
:

ubi transfunduntur et in lumen obscura, et in unum lat in die, non ofTendit. Crescat lux tua usque ad cunsum-

plura. Deniqiie et in pluribus perturbaiio est, et unum malum diem; etcum consummaveris, inclioasse videaris.
necessarium. Bonus motus, ubi convcrtitur ot lippitudo Audi quomodo ipse Paulas currebat ct crosccbat, Nos,
Liae, et sollidtudo Marthae in Rachelis clarilatem, et inquit revelatu facie gloriam Domini speculantes, in eadem
Maria) tranquillitatem. Hoc enim est quod quai /Egypti, imagiuem transformamur a claritate in claritotcm.
id est tenebrarum, civitates fuerunt, Solis dicuntur : t). Cum aliquos qui sajculo renunciarunl, in s<'bcu1o
et pro quinarii numero, unius tantum fit mentio. Gom- prospcrari vidcris, gressus tui nou ellundantur : aed
. ;

318 L'ABBfi GILLEBERT.

siecle, n'en soyez pas ^branl6 : mais, les voyant sens, ce mot veut dire « puits de la satiete, » d'apres
trebucher comme des aveugles en plein midi, cette invitation du Seigneur :« venez a moi, vous

soyez tout fier etdites : Seigneur, je n'ai pas connu tous qui etes fatigues et je vous referai; {Matth.
la fatigue en vous suivant. Car ceux qui esperent XI, 28.) Apres avoir senti I'affliction, elle marche
dans le Seigneur renouvelleront leur vigueur; lis avec empressement vers la refection, sentant sasoif
voleront sans se fatiguer ; ils marcheront et ne de- accrue parce qu'elle a bu d'une liqueur trop agrea-
failleront jamais. (7s. xl, 31.) Ce serait besogne ble ; elle fait I'experience de cet eloge veritable de
troplongue, si j'enti'eprenais de vous conduire par la sagesse : « qui se nourrit de moi, aura encore
les mutations de chaque vertu, comme par des sta- faim. » [Eccli. xxiv, 29.) J'ai resolu de garder des i
tions, a travers la terre de Chanaam. Et d'abord, 11 present le silence, car peut-^tre 1' ennui s'est em-
faut que I'imitateur du pieux patriarche vienue a pare de vous h cause de mon verbiage.Adieu
« Sichem, » au lieu oil sur ses epaules abaissees cherchez-moi, s'U vous plait, le commentaire de
et humiliees (car Sicbem veut dire epaules), il re- saint Jerome sur Isaie, afin qu'il soit prepare lors-
cevra le fardeau tres-leger de Jesus-Cbrist. Car «il que je vous enverrai un commissionnaire.
est bon pour I'bomme d'avoir porte des son en-
LETTRE QUATRIEME.
fance le joug du Seigneur. » [Lam. iii, 27.) II
A UN AMI.
« offrira son visage a qui voudra le frapper, il sera
rassasie d'opprobres. » [Ih. 30.) Et remarquez que En peu de mots, il lui dit qu'il ne peut acquiescer a sa
cette parole « rassasie « ne veut pas dire une cer- demande
tain e patience faible qui goute, du bout des levres Ne vous en offensez pas; I'exces de vos paroles
seulement, I'amertume, pour la repousser aussitot fortifie mon obstination : bien plus, I'importunite
qu'elle en sent rapproche, mais plutot une infati- de ceux qui vous prennent pour intercesseur aflFai-
gable avidite de ressentir I'adversite. De Sicbem, blit un peu en moi, I'autorite de vos merites. Je
apres une beureuse soxiffrance et une utile epreuve, suis ne m'aient point mis sur le
surpris qu'ils
apres avoir passe « Geraris, » de la muraille ren- dosle Seigneur abbe des Fonts*, pour m'ecraser une
versee des vieUles inimities, des trous de la pierre fois encore sous le poids de cette pesante nuee de pa- • Norn
et des fentes des rocbers, que I'ame, prenant son trons. Pour vous fixer par unseul mot, j'ai voulu abbi
cisterci
lib re essort k la voix de son epoux, s'echappe vers vous refuser par mon silence, plutot qu'en paroles, aa dio

eauxde Bersabee. De Sicbem, dYor


les « » [Gen. xxvi, 1.) « ce que vous m'avez demande. Je le fais avec rete- Anglel
dis-je, c'est-a-dire de I'humiliation et dela priere, nue, comme j'ai coutume de traiterles autres choses
qu'elle vienne « a Bersabee ; au puits des « sept que j'ai pris le parti de ne pas faire : je differe ma
agneaux, » ou plutot a la source de toutes les graces reponse plutot que je ne la formule, jusqu'au mo-
[Gen. XXI, 30.) Car Dieu accorde sa grace aux hum- ment procbain ou nous pourrons conferer ensem-
bles. (S. Jac. IV, 6.) Et parce que dans un autre ble. Adieu.

illis impingentibus quasi ceecis iu meridie, ipse glo- onerati estis, et ego vos reficiam post afflictionem ad ;

rieris, et dicas : Non laboravi te Domine subsequens. resurrectionem properat, suavissimique Uquoris haustu
Qui enim sperant in Domino, innovabunt fortitudinem ;
majorem provocatus in esuriem, verum illud in se Sa-
volabunt, et non laborabunt ambulabunt, et non de- ; pientiae praeconium experialur Qui edunt me, adhuc :

ficient. Longum erit, si per singulas virtiitum innova- esurie>it.Tacere jam decrevi, quoniam te pridem for-
tiones, quasi per quasdam
mansiones lerrae Chanaan sitan taedere caepit ad garrulitatem nostram. Vale et :

ducere Et quidem prima loco pio Patriarchal


te velim. Hieronymum super Isaiam mihi, si placet, perquirito;
imitatori veniendum est in Sichem, ubi humilialis sup- ut cum misero, paratum eum habeas.
pressisque humeris (Sichem enim humeri dicuntur)
levissimum Christi onus suscipiat. Siquidem bomim est EPISTOLA IV.
homini cum porfaven't jugum Domini ab adolescentia
AD QUEMD.\M AMICUM.
sua. Dabit percutienti se maxillnm, saturabitur oppro-
boriis. Simulque observa in saturitatis verbo non levem Brevi epistola postulatis se annuere non posse significat.
quadam tolerantiam, et summis praelibantem labris, pro-
jicientemque qufe amara pra^senscrit sed
inexplebi- ; Pace vestra loquor, nimietas vestra obstinatum me
lem edacitatem adversa tolerandi. Indeque post felicem reddit imo illorum qui intercessorem te parant, ma-
:

afflictionem et medieinalem molestiam pertransitis Ge- jor importunilas meritorum in me tuorum aliquatenus
raris, et dissipata veteium maceria inimicitiarum, de pondus attenuat. Miror, quod non etiam dominum de
foraminibus petrae et cavet-narum scissuris, liberis ad Fontibus * adduxere super nos, ut gravium nube inter-
sponsi invitationem elapsus volalibus, ad Bersabee ^n&nidL cessorum iterato me obruerent. Ut brevi tamen tibi
evadat. De Sichem, inquam, id est, de humilitatione et responso satisfaciam rem banc quam postulatis, silentio
;

oratione ad Bersabee veniat ad puteum septetn agnarum, ; magis quam sermone negare volui. Verecunde quidem
magis quidem omnium gratiarum. Humilibus namque more meo, ut caetera, quae nequaquem facere decrevi :

dat Deus gratiam. Et quoniam alia ratione puteus satie- difTero tamen magis quam definio responsum, donee in
talis dicitur, juxta invitantis vocem, Venite ad me qui brevi simul conferamus. Vale.
;

AVERTISSEMENT SUR LA LETTRE QUI SUIT.

1. « On a dejk commence amettreen doute quel mier qui a edite cette preface en son entier, d'apres
etait I'auteur de la lettre qui mais il est cer-
suit, les anciennes copies, et I'a restituee a son auteur,
tain qu'il faut I'attribuer a Guillaume ou Willelme, est Bertrand Tissier, homme pieux et recomman-
abbe du monaslere de Saint-Theoderic pres de dable, au tome k de la bibliotheque de Citeaux.
Reims. Car, outre les manuscrits qu'il cite comme attri-

2. Ce doute se trouve exprime dans un vieux


« buant cette lettre a Guillaume, ceux de Seygnelay,
manuscrit dun liomme tres-savant et tres-lettre, de Charlieu, de Long-Pont et de Fourcarmont,

de Leonor Foy, chanoine de Beauvais, ecr it il y a en- nous en avons trouve d'autres qui rendent le raeme
viron quatre cents ans; cette lettre y portecette note : temoignage, celui de Flo ou Flavy, qui est mainte-
ici commence la lettre aux chartreux ; bien qu'elle nant dans la bibliotheque royale ; celui de Thou, a
presente le nom de I'abbe Guillaume, plusieurs present dans la bibliotheque Colbert, et celui de
I'attribuent a saint-Bernard. Et, en efFet, elle a ete Ratisbonne de saint Emmerien : dans tous, cette
louee comme venant de ce saint docteur, par Jean lettre porte ce litre : « a ses Seigneurs et frei'es H...,

Gerson, chancelier de I'universite de Paris, dans prieur etc.,"W,.., souhaite un sabbat delicieux. » Oil
son sermon sur la cene du Seigneur ; a la menie Ton voit que le nom deWillaume n'y est exprime que
epoque, par Jean de Raguse, dans Heni'i Canisius, par des initiates, ainsi que celui d'Haimon, qui alors
au tome 3, Antiq. lect. p. 2/i0 ; et par d'autres etait prieur de lachartreuse du Mont-Dieu. Cette char-
apres beaucoup de manuscrits a])puient
eux : treuse est dans le diocese de Reims, dependante de
ce sentiment. Dans le Bernardin cependant, la maison de Molesraes ; elle fut fondee I'an 1136
c'est-a-dire dans le livre des fleurs tii-ees de par Odon, abbe de Saint-Remy, sous Geoffroi, qui en
saint Bernard on n'a rien tire de cette let- fut le premier prieur. Haimon celui dont il est ici ,

tre. question, le remplaca en ll/i4 apres Haimon, vient :

» 3. L'orlgine de ce doute vient d'une faute des en troisieme lieu Gervais, dont parle sans le desi-
copistes, qui ont abrege ou meme entierement gner, saint Bernard, dans sa lettre 290. Le qua-
omis le nom du veritable auteur ecrit en tele de trieme prieur fut Simon, comme nous I'avonsjadis
cette lettre; et, cequi est encore plus considerable, appris du venerable pere Francois Ganeron. Du
une grande partie de la preface dans laquelle I'e- reste,que cette lettre ait ete ecrite dans les pre-
crivain donne le catalogue de ses ouvrages qui miers temps qui suivirent la fondation de la
sont, sans conteste, de I'abbe Guillaume. Le pre- chartreuse, on le conclut de ce qu'au numero 3,

ADMONITIO IN SEQUENTEM EPISTOLAM. magnam partem, in qua Auctor texit catalogum suo-
rum operum, quae omnia "Willelmi abbatis esse explo-
ratum est. Hanc vero Praefationem primus ad vetustos
1. De auctore sequenlis Epistolae jam dudum caepitdu- codices integram edidit, suoque auclori restituit religio-
bitari : ut cam Guillelino seuWillehnomonasLeriisancti &US ac pius vir Bertrandus Tissier in tomo iv. bibiio-
Theodcrici prope Remos abbatitribuendam esse constat. thcca; Cisterciensis. Praeter codices ab ao laudatos, qui
2. Dubilationem exprimit vetus codex viri doctissimi hanc epistolam Willelmo tribuunt, nempe Signiacen-
et humanissimi Leonorii Foy Canoiiici Bellovacensis, sem, Garolicensem, Longi-pontis et Pulcardi-montis
ante annos circiter quadringenlos scriptus, in quo ista alios insuper invenimus idem attestantes, scilicet Fla-
Epistola banc praefeptinscriptioncm Incipit Epistola ad
: viacensem, mode regiae BibliotheccE Thuaneum, nunc ;

Cartusiemes , quce licet intituletur nomine altbatis Guil- Colbcrtinae, et Ratisponenseni sancti Emmerammi :

lelmi,tamen Bernardo a pluriius adscribilur. Et qiii- in quibus omnibus epistola hoec ita inscripla est : Do-
dcin banc ipsam epislolam sub nomine Bornardi lau- 7nittis et fratrihus II. Sabbaluin dc/icatum,
Priori etc. W.
darunt Jobanncs Gerson Gancellarius Parisiensis in Ubi vidcs Willelmi nomen piimis lanluni elementis
scrmone de Cccna Domini codumquc tempore Joban-
; expi'cssum, nti et llaimonis Prioris, qui lime Cartusiaj
ncs de Regusio apud He.nricum Canisium in tomo 3. Monlis-Dei pranerat. Est autem Carlusia Munlis-l)oi in
antiq. led.
pag. 240. aliique psssim post eos cui sen- : dia'.cesi Remensi, sub prsieclura Mosomensi, ab
tentiae codices scripti non pauci sufTiagabantur. Nihil Odone S. Remigii .\bbate fundala anno mc. .\x.\vi.
tamen ex bac epistola exccrptum est in Bernardino sen Gaufrido Priore primo, cui Ilaimo isle anno mc. xuv.
in libro floium ex Bernardo. successit : Haimoni vero terlio loco Gervasius, cujua
3. Dnbitandi dc auctore occasio potissimum nata est suppresso nomine Bernardi epistola cc.
nienlio est in
ex amanucnsium vitio, qui genuini Auctoris, id est xc. successorem sortilus quarto loco ttimonem, ut ex
"Willelmi, nomen initio epistola; pra;(lxuni decurlaruat, vcnerabili Patre Francisco Ganerone oliui accepimus.
vel etiam penitus expunxerunt ; imo et prajfationis Caelerum hanc Epiblolam ab ipsis condil<e MonliS'Dei
320 L'ABBE GILLEBERT.
il est parte des debuts recents des premiers reli- catalogue qu'en fait un vieui manuscrit de saint
gieux qui Ihabiterent. Theoderic pres de Reims, chez Marlot au tome 2.

» U. Guillaume a-t-il ecrit cette lettreetant abbe, de la Metropole de Reims, page 287,ences termes :

ou bien lorsqu'apres avoir ete abbe, U etait moine « le reverend perc Guillaume, abbe de Saint-Theo-
de Seignelay, nous n'avons rien de positif a cet deric, composa plusieurs opuscules de piete qu'il
egard. Ce qui favorise ce dernier sentiment, c'est adressa aux peres du Mont-de-Dieu, c'esl-a-dire,
qu'il etait deja dim age avance lorsqu'U s'adressa de la vie solitaire, le miroir et lenigme de la foi, de
aux chartreux. Ajoutons que ce meme ecrit est la contemplation de Dieu, de la dignite de I'a-

loue depuis pres de 400 ans, sous ce titre : Guil- movu", etc. »
laume de Claineaux sur la vie solitaire, par un cer- 7. « Enlin, dans un court abrege de sa vie, que
tain chanoine regulier de saint Sauveur pres de nous possedons dans im vieux parchemin du mo-
Bologne, dans le livre i. des sermons chap. 23, nastere de RadonviUiers, cette meme lettre lui est
aux ermites. II est question de cet auteur dans attribuee avec d'autres ecrits. Nous en citerons les
notre voyage ditalie, page 197. paroles sans peine ; « or, Q laissa d'importants
» 5. AinsL se trouve refute* la conjecture, non monuments de son esprit et de ses etudes; j'en
invraisemblable d"aiUeurs, du docte traducteur de citerai seulement ceux que j'ai lus et goutes en les
cette lettre, qui a cru qu'on pouvait lattribuer a lisant. II entreprit d'ecrire la vie de saint Bernard,
Pierre de Celle-Car, outre que le nom mis en tete de sans pouvoir I'achever :en termina tm livre,
il

eel ecrit, outreque I'enumeration des ouvrages de qui est le premier, et d'une etendue assez conside-
Guillaume faite dans la preface, et que la difference rable. Contre Pierre Abeilard, qui avait glissedans
du stjle, demontrent le contraire dans la meme , ses livres des sentiments pen d'accord avec les
preface, laulem' sappelle « vleiUard, » et assure qu'il dogmes de la foi, U ecrivit un ouvrage dont le style
est Bsur le point delinir sa carriere. » C'est bien la le est poli, la doctrine catholique, le raisonnement
fait de I'abbe Gmllaume; mais de telles expressions nerveux et serre. deux opuscules; a
II fit aussi
ne conviennent nulleraent a Pierre de Cedes, qui I'un il donna le nom d'Enigme de la Foi; a
etait a lage viril et avait a peine 30 ans, a I'epoque I'autre celui de Miroir de la Foi
, U y moutre :

oil vivait le prieur Haimon, a qui cette lettre fut clairement et en peu de mots ce qu'il faut croire.*
adressee, comme U serait facile de le prouver, si 11 composa ime explication morale du Cantique des

la chose etait necessaire. Cantiques : il parte de ce travail dans la vie de


6. « 11 ne reste done aucim doute,il faut restituer saint Bernard. « II est un autre traite de la nature

cette lettre a Tabbe Gmllaume, comme a son verita- et de la dignite de I'amour, d'apres son sujet, nous
ble auteur. Et meme on la trouve citee au pre- pourrons I'appeler Antinason. U y montre au vrai
mier rang des ouvrages de Guillaume, dans le philosophe par quels degres et de quelle maniere

Cartusiffi initiis scriptam fuisse intelligitur ei eo, quod da sit. Et quidem in veteri codice sancti Theoderic
novitatis nomine notantur primi ejus incolae ex prope Remos prima habetur in recensione Willelm,
num. 3. operum, apud Marlotum in tomo 2, Metrop. Remensi
Hanc epistolam Guillelmus an abbas scripserit, an
4. pag. 2S7, in haec verba Reverendus Pater Guillelmus
:

ex abbate factus monachus Signiascensis, non ita explo- abbas sancti Theoderici composuit multa devota opuscu-
ratum. Posteriori sententiae illud fevet, quod jam turn la, quK misit fratribus de Monte-Dei, scilicet De Soli-

affectae esset aetatis, cum


istam epistolam scripsiU Acce- iariQ vita, Specuium et Snigma fidei, de coniemplando
dit quod eadem sub nomine Guiltebni Clareeval-
epistola Deo, de dignitate amoris, etc.
lis de vita soliiaria laudata est ante annos fere quadrin- 7. Denique in brevi ejus vitce compendia, quam ex ve-
gentos a quodam Canonico regulari sancti Salvatoris teri membrana Radoliensis monaiterii habemus eadem
apud Boaoniam, nempe Id libro 1. Sermonum cap. xxni, epistola cum aliis eidem auctori vindicatur. Membrana
ad Eremitas. Quo de auctore in itinere nostro italico verba hue referre non pigebit Porro ingenii sni ac stu-
pag. 197. dii monumenta non contemnenda reliquit, ex quibus ea
3. Ex his refellitur conjecture, alias baud improbabi- solum notabo, quae \isu et lectione probavi. Vitam sanc-
lis, docti ejusdem earn Petro
epistolae translatoris, qui ti Bemardi scribere aggressns, opus consummare non
Cellensi tribui posse exisdmavit. Nam
prieterquam quod poluit librum tamen unum, et ipsum primum, et noa
:

^\'illeImi nomen epistols pnefixum, et enumeratio \\'i- modica? quantitatis, absolvit. Contra magistrum Petrum
lelmi operum in Prfpfatione, stilique diversitas contra- Abaelardum, qui quaedam fidei non consona suis operi-
rium evincunt certe auctor ipse in eadem Praefatione
; bus inseruerat, librum unum edidit eloquio venustum,
senem se et deficientern dicit. Quod quidem Willelmo fide catholicum, ratione nervosum. Fecit quoque duos
abt)ati convenit, non Petro Cellensi, qui ^irilem aetatem libeUos, quorum unum Enigma fidei, alteram SpecuJum
agebat Haimone Priore, cui epistola inscripta est, ^ix- fidei nomina>it in quibus breviter et aperte quid sit
:

que turn aonos triginta attigerat, ut probare esset in credendum ostendit. Super Cantica canticorum moralem
promptu, si res ita exigeret. expositionem composuit : cijus operis meminit in vita
6. Nullum ergo dubium relinquitur, quin haec epis- sancti Bemardi. Est alius ejusdem liber de Satura et
tola Willelmo abbatl tanquam ^nuino auctori restituen- dignitate amoris , quern secundum ipsius materiam .\n-

I
,

A\TRTISSEMENT. 321

il peut et doit progresser dans la charite du Sei- fait d'autres opuscules ; mais, hormis ceux que je
gneur. envoya aussi lui ouvrage « aux Freres
» II viens d'indiquer, je n'ai pu en trouver d'autres.
qui habit ent le Mont-Dieu » bien (ju'il s'y adresse
: 8. « Ainsi s'exprime ce vieux parchemin
au :

specialement a ces religieux, ce livre est neanmoins commencement il estditque Guillaume, ne aLiege^
utile a tous ceux qui desirent avancer dans la Re- dune illustre famOle, eut pourfrere Simon : parti
ligion. II redigea un petit resume sur la physique avec lui pour Reims, il prit I'habit religieux dans
c'est-a-dire sur la nature de lame et du corps, parce I'abbaye de saint Nicaise, oii regnait alors la bonne
que le resultat principal de I'etude, c'est de se con- odeur de I'ediQcation. Par la suite du temps, Simon
naitre, selon cette parole descendue du ciel : «con- devint abbe de saint Nicolas de Bosco. Ayant gou-
nais-toi toi-meme ; » II y veut douner aus lecteurs verne lougtemps et saintement ses freres dans cette
peu instruits une connaissance quelconque et com- maison, plein de jours, et d'une vertu consommee,
mencee d'eux-memes. II existe aussi un opuscule il mourut d'lme sainte fin. Quand au seigneur

« de la contemplation de Dieu » dans lequel, pour : Guillaume, il fut choisi pour etre abbe de saint
I'edification de ceux qui le liront, il parle assure- Theoderic, lieu qm s'eleve au-dessus de la ville de
ment de sa propre contemplation en ces termes : Reims; c'est-a-dire I'an 1120. Apres 16 ans, il devint
Et parfois, Seigneur, quand je soupire apres vous, moine de Seignelay, de I'ordre de Citeaux, comme
les yeux fermes, vous mettez dans la bouche de il est dit dans les grandes notes sur la lettre 85", de
mon coeur, des biens dont il ne m'est pas permis de saint Bernard.
conuaitre la nature. Je sens en eflet une douceur si 9. « De tout cela, ilresulte que non-seulement la
fortitiante, que si eUe etait accrue en moi, je ne lettre aux freres du Mont-de-Dieu, mais encore les
chercherais pas autre chose. 11 composa un travail traites « de la Contemplation de Dieu,et de la nature
considerable, dont le litre est : Oraisons Meditalives. et de la dignite de I'amour, » qui ont ete attribues
II n'y traite pas d'un sujet unique, mais il parcoui-t a saint Bernard, sont du me me Guillaume : aussi

du temps, s'adres-
diverses matieres, et la plupart il nous a paru bon de les lui restituer et de les
sant a Dieu, examine a ditierents points de vue sa
il mettre dans cette edition, a la suite de la lettre sus-
propre conscience. C'est dans ce travail qu'on voit dite. Les autres opuscules de Guillaume indiques
surtout, non I'amour, mais I'ardeur dont cethomme plus haul, se trouvent au tome iv de la bibUotheque
etait embrase pour Dieu. Et certainement, de Citeaux.
j'en suis con.aincu, quiconque le lira avec piete et « II maintenant a donner cette lettre am
reste
sobriete, quelque religieux et instruit qu'il soitdeja, freres du Mont-de-Dieu ceux qui excellent dans
:

il progi'essera neanmoins encore dans la crainte du la pratique de la vie monastique la regardent comme
Seigneur, connaitra davantage et s'estimera
il se une exemplaire de cette viedans cequ"ellea deplus
moins. Je ne doute point que ce personnage n'aie plus pari'ait. Jean Gerson, cependant, dans un ser-

tinasonem possumus appellare. In eo enim varum ins- bito quin alia cuderit opuscula : sed praeter haec hacte-
truit philosophum, quibus gradibus et modis possit et nus nulla potui reperire.
debeat in Dei dilectione prolicere. Libellum etiam unum 8. Hactenus vetus membrana, in cujus principio
Guil-
direxit Fratribus cartusice habUantibus in Monte-Dei : lelmus apud Leodium clarogenerenaius, fratrem habuisse
qui licet eis loquatur specialiter, cunctis tamen estcom- perliibelur Simonem : cum quo Remos profectus, in
modus abbatia sancti Nicasii, in qua odor bonee opinionis tunc
in Religiune perfici cupientibus. De Pliysica, id
est natura corporis et animae, brevem compilationem erat, mcrw Processu temporis
religioni^ habit urn sum:=it.
formavit ut quia seipsum cognoscere fructus est dis-
: Simon factus est abbas Sancti Nicolaide Bosco, ubi cum
et
cendi praecipuus jii.xta illud, quod de ccelo descendit, fratribus diu et religiose prcefutsset, planus dierum
fvcoT* ffsauTor : simplices lectores ad aliquam vel in- virtuteconsummaiui beato fine quievit. At vera dominus
ctioativam sui cognitionem instrueret. Est et lihellus ip- Willelmits in abbatem sancti Theoderici , qui locus urbi
sius, cui titulus est de contemplando Deo in quo sine :
Rernensi imminet, assumptus est, nempe anno MCXX,
dubio propter eedificationeoi legentium de sua loquitur post annos sexdecim factus monachus Signiacensis Or-
dinis Cisterciensis, ut in Notis fusioribus ad Bernardi
contemplatione tiis verbis. Et nonnunquam Domine,
quasi clausis oculis ad te hianti, mittis milii in os cor- epistolam LXXXV.
dis, quod non licet miiii scire quid sit. Saporem quippe 9. omnibus apparet, non solum epistolam ad
Ex liis

Fratres de Monte-Dei, sed etiam tractatus de contem-


Bentio dulcem adeo confortantem, ut si perficeretur in
me, niliil ultra quaererem. Composuit et tractatum non plando Deo, ac de natura et dignitate amoris, qui Ber-
nardo suppositi fuerunt, esse ipsiusmet Guillelmi
cui :
parvum, cujus est epigramma, Meditativce orationes, in
pradict.-E epistolas tiac in
quo non una utitur materia, seddi versa disseritcapitula; proinde eos restituere, atque
editione subjicere visum est. Alia ejusdem
Guillelmi
et in plerisque Deum alloquens, propriam, multiformem
opuscula, superius indicata, exstant in tomo IV. Biblio-
discutit conscientiam. In tioc opere apparet praecipue
viri istius in amor, sed ardor. Et revera, ut
Deum non thecae Cisterciensis.
reor, quisquis hoc pie et sobrie leget, quantumlibet re- Nunc exhibenda est Epistola ad Fratres dc Monte-
vit;E monasticae
ligiosus et sciolus, in timore tamen Domini, in sui ma- Dei, quae veluti quoddam absolutis-imaB
Non du- exemplar censetur ab iis, qui in eodem ^•it« genere ex-
jori cognitione et minori aestimatione proiiciet.
21
I. V.
-

322 LARRfi GUILLAUME.


mon sur la cene du Seigneur, avertit son lecteur s'adressant an freres du Monl-de-Dieu, livre second,

de lire avec precaution sur ce sujet, c'est-i-dire, ici nuuKTo 62. I*ar oil voijs voyez, qu'aulrefois cettc
sur I'union des araes parfaites avec Dieu, « Bernard lettre a ete divisee en deux livres. n

ccllunt.famet si Johannes Gerson in sermone de Coena ad Fralres de Monfe-T)ei libro xecundo, hie num. 62.
Domini leclorem monct, ut de hac materia, ncmpe de Ubi vidcs, banc epistolam in duoslibrosaliquando ftiisse
UDione perfectorum cum Deo, caute legaiur Bernardus distinctam.

%=JiS&J'^Xi^«5<-->—
GUILLAUME
ABBE DE SAINT-THEODERIC, PRES REIMS,
ET ENSUITE

MOINE DE SEIGNELAY.
LKTTRE OU LIVRE AUX FRERES DU MONT-DIEU.

PREFACE.
Aui tres chers Frercs et Seigneurs, A..., prieur et aux aulres Religieux, W..., desire un Sabbat bienheoreui.

H 1. C'est chose presque imprudente, c'est chose qui cule et qu'ils le lisent ;
peut-etre y trouveront-ds
depasse toute conveyance que ma bouche s'ouvre quelque consolation qui charmera leur solitude,
pour vous parlor, 6 iiies tres-chers freres dans le quelque motif qui les poussera a bion etre fideles a
Christ je ne puis garder le silence, Dieu le sait.
: leur sainte resolution. J'offre ce qui est en mon
Pardounez-moi, car mon coeur s'est dilate. Dilatez- pouvoir, la bonne volonte ; de mon cote, je la re-
vous pareillenient vous aussi, dansvos entrailles, et clame de vous avec les fruits qu'elle produit. David
saisissez-nous : parce que je suis tout a vous en plut au Seigneur en dansant, non a cause de sa
celui dans le coeur de qui nous vous aimons et de- danse, mais a raison de son amour. (II. Reg. \i,
sirous reciproquement. Aussi, depuis que je vous 24.) Pareillement, la fomme qui oignit les pieds du
ai quittes jusqu'a cet instant, j'ai voulu dedier mon Seigneur fut louee par Jesus-Christ, non pour cette
travail de chaque jour, quelque chetif qu'il soit, onction, mais en vue de la charite qui la faisait
non k vous qui n'en avez nul besoin, mais au frere faire ; et parce qu'elle accomplit ce qui etait en son
Etienne et ses compagnons, les freres plus jeunes pouvoir, elle fut justifiee. [Luc. vu, kl.)
que lui, ainsiqu'aux novices qui vous arrivent, dont 2. J'ai aussi pensea vous dedierun autre opuscule
Dieu soul est le maitre : qu'ils prennent cet opus- que j'ai entrepris pour consoler I'ame de quelques-

ribns inviccm cupimus vos. Ideo ex quo rcccssi a vobis


GUILLELMI usque nunc, qualeincnnquelaborem nieum quo(idianuin
stalui dcdicai'o, non vobis, qui non indii,'elis, sed fratri
ABB.VTIS
Stephano et sociis ejus fratribus junioribus, ct noviliis

S. THEODERIGI PROPE REMOS. venicnlibus ad vos, quorum doctor Deus solus est ut :

habcant et legant, si foric ibi aliquid invcneriut utile


POSTEA MONACni SIGNIACENCIS,
sibi ad solatiu u solitudinis sua;, el saucti propositi inci-

EPISTOLA SEU LIBER yj FR\TIIES DE MOXTE-DEI tamcnlum. OU'ero quod possum, bouam voluntatem ip- ;

samquc a vobis rcpeto cum fructlbus suis. David saltan-


do placuit T)co, non propter saltum, sed propter atTcc-
tum. Similiter et mulier qua; unxit pedes Domini, lau-
PR^FATIO. data est a Christo, non quia unxit, sud quia amavil ct :

quia quod liabuit boo fecit, in eo justificala est.


2. Deinde vobis eliam arbitratus simi dedicandum
Carrisslmis fratribus et dominis, H..., Pjiori et ceteris
aliud quoddam opusculum, quod inconsolationem suam,
W..., sabbatum delicatum.
et in adjulorium lidei, faecrc mc compulit fralnmi quo-
rumdam plus anxia quam poriculosa neccssilas; quorum
1. Paene impudcnfcr, et pliisquam dcccbal, os mcnm trislitia plurimum milii s(jlet facorc gaudiiim, nisi (piod
paid ad vos, carissimi fratres in Chrislo non possum : eos contristatos vidcro non possum. Pr.e magniludinc
tacerc, Dous scit. Ignoscitc quia cor meuiii diiatalum
: quippe non sobim lidei, sed etiam amoris, cxosiim adeo
est. Dilatamini ct vos, obsecro, in visccribus vcstris, et habeut quidquid videturcssc conti-a tidem, ut si vel ad
capite nos quia totus vester sum in co, in cujus viscc-
;
modicum, sou ex spirilu blaspliomla;, sou ex ipso scusu
;

326 L'ABBE GLILLALME.


uns de nos fr^res, et pour venir en aide k leur foi, prends phis part aux travauxcommun?, non comme
bien qu'assurement il y est phis de crainte que de emerite, mais comme paresseux et inutile^, qu'a
danger dans I'etat de besoin oil ils se trouvaient. instruire les autres. La doctrine, en effet, n'est pas
Leiir tristesse a coutume de me causer beaucoup de belle dans la bouche du pecheur, et elle ne convient
joie, mais je ne les puis voir livres a ses atteintes. qua celui qui coutirme par sa vie ce qu'il a plants
Consciences Car I'exces de leur foi^ et surtout I'ardeur de leur par ses paroles. Le premier apprend au disciple
dilicates
dM religi«ux
amour, leur fait detester a un tel point tout ce qui ignorant ou il doit aller, le second, lui montre avec
offense la Terite, que, si meme legerement, I'esprit •quelle precautionmarcher. Car c'est cet or-
il doit
de blaspheme ou les impressions de la chair attei- dre qu'indiquent les paroles du Seigneur « et vous :

gneut leur ame ou I'emeuvent, au premier bruit, a savezoiije vais etvousconnaissezlechemin.» [Joan.
la moindre approche, ils croient que la purete de XIV, /j.) D'ou le Prophete : alesrichesses du salut
leur ame est blessee et ils se pleurent eux-memes sont la sagesse et la science. » Et dans les Psaumes
comme reprouves. Quand ils passent des tenebres dabord : « le jour adresse la parole au jour, et en-
du aus exercices d'une vie plus pure, ils
siecle suite la nuit apprend la science a la nuit. » [Ps.
eprouvent un coup semblable a celui que ressen- xvm, 3.)
tent lespersonnes quiabandonnent bnisquement, et h. II existe plusieurs autres opuscules de moi. Ce L'm
quittent d e longues tenebres pour une subite lumiere. sont deux traites, le premier de « la Contemplation ]g ^
De meme qu'en les frappant soudain, la lumiere qui de Dieu ; » I'autre « de la Nature et de la diguite de de ses

doit tout leur faire voir, blesse leurs yeux trop fai- I'amour; » un petit ecrit sur « le sacrement de
bles ; de meme, ces ames novices, a la premiere lautel » : des a meditations » qui jusqu'a ce jour
clarte de la foi, sont aveuglees, et ne peuvent sou- n'ont pas ete sans bon resultat pour former les ames
tenir les rayons inaccoutumes d'une huniere nou- des novices a la priei'e : et un commentaire sur le

velle, tant que I'amour lui-meme de cette clarte ne Cautique des Cantiques, jusqu'aces paroles : « quand
les a pas habituees a en supporter I'eclat. je les eus \m peu depasses, j'ai trouve celui qiie
• Lea autres 3. * Get opuscule se divise en deux petits livres mon coeur aime. » Car mon livre, « contre I'ierre
iditions ne n'ai pas
eontiennent
j'ai resolu de douner au premier, parce qu'il est Abeilard » m'a empeche de lachever : (je

pot ce qui se facile et aise, le titre de « Miroir de la foi ; » pour pense, en effet, qu'il me fiit libre de me livrer au-
trouve
depuis cette I'autre, parce qu'il semble contenir les raisons et dedans a des loisirs si doux, quand au-dehors, un
note jusqu'd formules de lafoi selon sentiment glaive degaiue portait le ravage dans les regions de
les les paroles et le
fin de la
Preface. des docteurs catholiques, et se trouve un peu plus notre foi; ; ce que j'ai ecrit contre lui, je I'ai puise
obscur, je lui ai reserve le nom « d'Enigme de la aux sources des saint Peres, comme je I'ai pratique
Hi
foi » : je me suis plus attache, en m'occupant de ce aussi dans les commentaires sur I'epitre aux Ro-
k I'ete
travail, a fuii- I'oisivete, qui est si ennemie de I'ame mains et en d'autres ouvrages dont je parleraiplus saints

(car la vieillesse et la souffrance font que je ne bas, dans lesquels on ne trouve rien ou presque rien

carnis fuerint super hoc attentati vel pulsati , quasi ex discipulos dicit : Et quo ego vado scitis, et viam scitis.

solo auditu, vel attactu lasam omnino in semetipsis tes- t«rfe ct propheta; Divilice, inquit, salutis sapientia et
timent conscientiae puritatem, ct miserabiliter defleant, scientia. Nam
etiam in psalmo primum dies diet eructat
semetipsos, quasi reprobos circa fidem. Quibus et con- vet-bum, postea vero nox nodi indicat scientiam.
tingit a saeculi tenebris ad purioiia ^"itae exercitia venien- 4. Sunt praeterea et alia Opuscula nostra. Tractatus
tibus, quod contingere solet repente prodeuntibus ad lu- duo; primus de Contemplando Deo; alter de Natura
cem a diutinis tenebris; ut sicut in illis lu.x ipsa, qua et dignilate amoris Libellus de Sacramento al- :

caeteia videnda sunt, primo irruens, infirmis oculis fit taris : Meditationes Novitiis ad orandum formandis
molesta sic et isti ad primum fidei lumen caecutiant,
: spiritibus non usquequaque inutiles et super Can- :

nee insolitos novae lucis radios possinl sustinere, donee iica Canticorum usque ad ilium locum Paululum ,

ipso lucis amore assuescant. cum pertransissem eos, invent quem diligit anima mea.
3. Dividitur autem illud Opusculum in duos libellos : iSam contra Petrum Abaelardum, qui prsedictum opus
quorum primum, quia planus et facilis, Speculum fidei; ne perficerem etTecit (neque enim integrum mihi fore
:

alterum vero, quia rationes et formam fidei secundum arbitrabar tam delicato intus vacare otio, ipso foris fines
dicta et sensum Catholicorum Patrum summatim conti- fidei nostrae nudato, ut dicitur, gladio tamcrudeliter de-
nere videtur, et est aliquantulum obscurior, cenigma populante ) contra ipsum, inquam,
: quod scripsi, quia
fidei vocare statui plus in hujusmodi studio fug-iens otio-
: de fontibus sanctorum Patrum hausi quod dLxi, quemad-
sitatem inimicam animse, (quippe quern senium et aegri- modum in epistolam ad Romanos et caeteris de quibus I
tudo a communi labore, jam non quidem ut emeritum, infra dicturus sum, in quibus aut nihil omnino, aut non
sed ut pigrum et inutilcm relaxat) quam Cccterorum eru- multum de meo dLxi melius est, si ita placuerit, ut;

ditioni insistens, quae revera non est speciosa in ore pec- suppresso nomine nostro inter anonyma relinquantur,
catoris: et illos tantummodo decet, qui quod dicendo quam, ut praedixi, quae non peperi, congregare videar.
plantant, vivendo confirmant. In primo quo accedere Excerpsi enim ex libris S. .\mbrosii quidquid in eis dis-
debeat in secundo, qua etiam cautela incedere, rudis
; seruit super Cantica canticorum, opus grande et incly-
docetur auditor. Nam hoc quoque ordine Dominus ad tum. Similiter et ex beati Gregorii, sed diffusius quam
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU 325
dc moi ; il vaut done mieux^ si ce parti ne deplait peles k la paix, et
il faut chercher ce qui est bien,

pas, en oter mon nom, parmi les ano-


et les laisser non-seulement devant lui, mais encore devant les
nymes, plutot que de paraitre, ainsi que je I'ai dit, bommes {Rom. xir, 17), afin que, s'il est possible, de
imilit^. rassetublercequejen'ai pasproduit. Car j'ai tire des du moins, nous ayons la paix avec tous.
notre cote
ecrits de saint Anibroise tout ce qu'il a dit sur le Car surtout ce que I'Apotre nous recom-
c'est la
Cantique des Cantiques, ouvrage grand et remar- mande, de veiller soigneusemeut, a ne pas donner
quable. J'ai agi de meme envers saint Gregoire, lui de scandale a nos freres. [Ibid, xiv, 13.) Si quel-
em])ruutant plus abondamment que Bede ne I'avait qu'un les lit dansunbutd'edification.iln'ytrouvera
fait. Car le meme Bede, comme vous le savez, ain- rien qui doive I'offenser et le revolter contre un
dique cet emprunt a la fin de ses autresouvrages. « Les presomptueux. Et sansparler d'edification, celui qui
sentences sur la foi, » que j'ai tirees des oeuvres de aura le coeur ami supportera mon peu de sagesse,
saint Augustin, sont fortes et solides; si vous voulez s'il s'en rencontre en ceci ; il n'interpretera pas ma
les transcrire, elles vont mieux avec I'opuscule deji simplicite dans un mauvais sens surtout a cause
;

indique, a qui j'ai donue le titre « d'Enigme de la du motif que j'ai expose plus baut, parce que ne me
Foi. » II exisle un autre o]»uscide ile « la nature de trouvant nullement au courant des travaux du
I'ame, » ecrit sous le uom de Jean a TheopliiJe : dehors, et deja brise non-seulement par I'Age, mais
dans lequel, pom- traiter (ainsi que cela me parais- encore par les intirmites, si je n'avais pas recouru
sait convenable) de I'homme tout entier, j'ai place a la protection que m'a accordee cette etude, je
d'abord quelques reflexions sur le corps, extraites n'aurais pu eviter la tyrannie de I'oisivete, qui, aui
des livres de ceux qui en soignent les maladies; termes de I'Ecriture, « apprend beaucoup de mal. »
j'ai tire pareUlement ce que j'enseigne sur les ames [Eccli. XXXIII, 29.)
des ecrits de ceux qui veillent a leur salut. Lisez
tous ces ouvrages, et s'il ne vous plait pas de lire CHAPITRE I.

les premiers, parcourez du moias, si cela vous


Felicitations de ce que ces religieux renouvellent la
parait bon, les derniers : et s'ils tombent entre les
ferveur qui existait dans les anciens ordres reli-
mains de ceux qui, ne faisant rien, critiquent tout
gieux.
ce que font les autres, moi aussi, comme Isaac
deveuu vieux et caduc [Gen, xxvu, 1.), caduc, non 1, Les freres du Mont de Dieu portent dans les
k cause de la faiblesse de mes jambes, mais a cause t(''nebres de I'Occident
et dans les froidsdenos Gau-
de mon peu desens, je ne pourrai eviter leurs traits. les, la lumiere de I'Orient, et I'antique ferveur dont
Je prefere, si on les trouve inutiles, que d'apres briilait I'Egypte pour les praticjues religieuses je
;

le jugement ou meme le conseil de mes amis, on les veux dire le modele de la vie solitaire, et le type
jette au fou, que de les voir dechires par les mor- d'une vie celeste. Mon ame, allez a leur rencontre
sures de ceux qui les attaqueraient. Dieu nous a ap- dans la joie du saint Esprit, le coeur riant dans la

Beda fecerit. Nam


idem Beda, ut nostis.ultimum incae- quam si quis fratemo animo legerit, etsi nullamconsola-
banc ipsam exceplionem constituit. Sen-
teris libris siiis, tionem ex eis vel sedificationem accipiat, nihil tamen in
tentias de fide, quas de beat! maxime Augustini libris eis unde scandali2ari vel stomachari, velut contra prae-
extraxi, si vultis transcribere, fortes nimirum et graves siimptorem, debcat, reperturus est. Et ut de aedifica-
sunt, cum supradicto Opuscule, quod (enigma fidei inti- tione taceam; qui amicus est, sustinebit et in hoc, si
tulari placuit, magis congruunt. Est ctiam aliud opuscu- qua est, insipienliam meam nee sinistro oculo inter-
;

lum nostrum de S'atura anim(e, scriptum sub nomine pretabitur simplicitatem mcam ; tum maxime propter
Johannis ad Theophilum cui ut de toto homine (quasi
:
causam quam superius dixi, quia scilicet forensiumpror-
enim congruere\idebatur)aliquidperstringerem,praemisi sus ignarus operum, et non solum aetate, scd insupcr in-
etiam de natura corporis, hoc est eorum qui corporibus firmitate jam fractus, nisi sub hujus studii patrocinio,
medentur; illud autcm de corumqui cutandis animabus otiositatis, quae teste Scriptura, multa mala docuit, nul-
inngilant, libris decerpens. Itaque legite omnia, et si latenus effugere dominium valuissem.
noaprimi, tamcn, si ita videtur, vel ultimi ne si in :

eorum manus devenerint, qui nihil ipsi facientes aliorum


omnia rodunt ego quoque, ut pone senex et deficiens,
;
CAPUT 1.

sicut de Isaac legitur; deficiens, inquam, non grcssused


sensu, illaesus non possim effugere. Deniquc melius ar- Congratulatio de innovatione fervoris antiquce reli-
gionis.
bitror, si inulilia rcperianlur, ut ea amicorum non tam
judicio, quam consilio ultor ignis absumat, quam ut in
ea livor irruens detractorum offendat. In pace enim vo- 1. Fralribus de monte Dei, Orientalc lumen, et anti-
cavit nos Deus, et providcnda sunt bona non solum co- quum ilium in religione .I'gypfium, fervorem tencbris
ram ipso, sod etiam coram honiinibus: ut, si fieri potest occiduis et Gallicanis frigoribus infcrcntibus, vita* sci-
quod ex nobis est, cum omnibus pacem habcamus. Hoc exemplar, ct ca?lestis formam conversatio-
licet solitaria?

enim summopcrc monet idem .\postolus judicandum ,


nis, occurre ct coucurrc in gaiulio sancli Spiritus imiuia
ne ponamus oflendiculum fratri vel scandalum. Qu&n- mea, el riau cordis in fervore pietati», et in omni obte-
;

326 L'ABBE GUILLALME.


fei'veur de la piete et dans tout le devoument d'une craignez done point, faible troupeau, mds soyez
volonte genereuse. Comment en serait-il autre- rempiis de confiance, parce qu'il a plu au Per^
ment? 11 faut se rcjouir, comme -lans un banquet, de vous donner un rovaume. [Luc. xir, "2. >

parce que la portion principale de la religion et de 2. Considerez, mes livres, considerez votre vo-
la piete clu'etienne, qui paraissait toucher del de le cation, (i. Cor. 1, 26.) Oil est le sage entre vous?
plus pres, etait morte, et voici qu'elle revient a la oil est celui qui salt ecrire? oil est celui qui re-
vie ; elle s'etait perdue, et voici qu'elle a ete retrou- cherche le siecle? Car, bien qu'il
y en ait parmi
Tee. Nousl'avions entendu dire, nousne le crovions vous plusieurs qui soient instruits, c'est pourtaut
pas ; nous lisions dans les livres et nous admirions par le moyen des simples qu'a rassemble les sages,
la gloiredont etait eclatante la vie des anciens so- celui qui jadis, par des pecbeurs, soumit les rois et
litaires, sous I'influence de la grace de Dieu qui les plulosophes. Laissez done, laissez le sage de ce
I'illustrait avee profusion, quand soudain, nous I'a- siecle, ceux qui sont rempiis de son esprit, qui
Tons retrouvee dansleschampsdelaforet,surle Mont cherchent choses elevees et qui lecbent la terre,
les

de Dieu, sur la moutagne ricbe et heureuse : c'est descendre dans I'enfer avec leur sagesse.
laissez-les
la que le desert brUle de toute la beaute de ses ri- Pour vous, pendant que Ton creuse une fosse pour
chesses, et que les collines sont entourees de joie. lepecheur, rendez-vous insenses pour Dieu comme
C'est Ik que par tous se montre, et qu'en tous se vous avez entrepris de 1 elre ; par la folie du Sei-
fait voir, cette vie cachee jusqu'a ce jour, et qui ap- gneur qui est meilleure que toute la sagesse des
parait en quelques persormes simples : celui qui la hommes, et a la suite du Christ, apprenez ainsi le
fait brUler en vous, c'est celui-la meme qui, pai* le moyen de monttr au ciel. Car deja votre simph-
ministere de quelques apotres grossiers, subjugua cite excite le zele de plusieurs; votre pauvrete
le monde, au gi'and etonnement du monde lui- tres-grande et tres-suflisante confond deja la cu-
meme. Encore que le Seigneur ait realise bien des pidite d'un grand nombre; votre vie, retiree dans
prodiges grands et divius, celui pourtaut qui brilla le silence, inspire a certains I'liorreiir de tout ce
au-dessus de tous les autres, et qui les Ulusti'a, qui fait, du bruit, S'il est done quel-
ou parait faii*e

c'est que, comme nous venous de le dire, par le mi- que consolation dans le Christ, s'il est queique sou-
rdstei'e de quelques personnes grossit-res et sim- lagement de charite, queique societe dans le meme
ples, le Seigneur soumit a son joug tout le monde, esprit,queique sentiment de misericorde, remplis-
et tout I'orgueil de la sagesse du siecle : ce que, de sez non-seulemeut ma joie, mais encore celle de
grand des nos jours aussi, il a commence d'operer en vous. tous ceux qui craignent le nom du Seigneur que :

miracles de II en 6 Pere, en parce que par la variete de ce vetement


est ainsi, il est ainsi, brillant de Tor de
JesBs- Christ.
cela vous a paiu bon. [Matth. zsx et Luc. xx. Tout cette sagesse qui siege, comme une reine, a la
cela, vous I'avez cache airs: sages et aux prudents droite del'epoux, que par votre que par vo-
zele,
de ce siecle, et vous I'avez revele aux petits. >e tre ferveur, ces saints debuts deviennent recom-

quio devotse voluntatis. Quidni"? etenim epulari et gau- Videle, Fratres mei, videte vocationem vestram,
2.

dere in Domino oportet, quia Christianae devotionis ac Ubi sapiens inter vos? ubi scriba? ubi conquisitor hu-
religionis speciosissima portio, quae caelos propinquius jus saeculi? Nam elsi sunt aliqui sapientes inter vos,
tangere videbatur, mortua eral, et revisit: perierat de per simplices tamen sapientes aggregavit, qui reges olim
mundo, et inventa est. Auditu auris audieramus, nee et philosophos mundi hujus per piscatores sibi subjecit.
credebamus legebamus in libris, et mirabamur de an-
: Sinite ergo, sinite sapientes hujus scEculi, de spiritu hu-
tiqua \itae solitarice gloria, et magna in ea gratia Dei jus mundl tumentes, alta sapientes, et terram ligentes,
cum subito invenimus earn in campis silvae, in monte sapienter dcscendere in infernum. Vos autem, dum fo-
Dei, In monte jam pinguescunt speciosa
pingui : ubi ditur peccatori fovea, sicut coepistis, stulti facti propter
deserti, et coUes accinguntur. Ibi enim
exulta'ione Deum, per stultura Dei, quod sapientius est omnibus
etiam per vos oifert se omnibus, et in vobis se demons- hominibus, Chrislo ducc humilem apprehendite disci-
trat, et ignota hacienus innotescit in paucis simplicibus, plinam ascendeudi in coelum. Vestra namque simplicitas
ipso eam vobis ingerente, qui in paucis simplicibus to- jam multos provocat ad asmulalionem : vestra sufllcien-
tum oUm sibi mundum subjecit, ipso mundo mirante. tissima et altissima paupertas jam multorum confundit
Licet enim magna et di\ina plane fuerint miracula, quae cupiditatcm vestrum secretum jam earum rerum quae
:

Dominus gessit in terris hoc tamen unum super omnia


; tumultum faciunt, vol ficere udentur, pluribus incutit
aba eniiuit, et cetera cuncta illustravit, quod, sicut dic- horrorem. Si qua ergo consolatio in Christo, si quod
tum paucis simpUcibus totum mundum etomnem
est, in solatium carilalis, si qua societas spiritus, si qua ^•isc€^a
sapienlicB ejus altitudinem sibi subjugavit quod et'am : nusericordiae, implete gaudium Donnieum tantummodo,
nunc ccepit operari in vobis. Ila Pater, ita quoniam : sed omnium cliligenlium nomen Domiai : ut in varietate
sic beneplac'tum est ante te. .\bscondisti enim hsc asa- vestitus deaunti de auro sapientii; Dei regir.^e aaoisttn-
pientibus et prudentibus hujus raundi, et revelasti ea tisa dexfris sponsi, vestro studio, vestra instaitia, ad
parvulis. Nolite ergo timere pusillus grex, ait Dominus, Dei gloriam, et uagnara corouam vestram, ot gandium
sed omnino confidite, quia complacuil Deo Patri dare omnium bonorum, hoc sanctje novitalis instauretur or-
vobis regnum. nameatum.
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 327

mandables aux veux de tons, pour la gloire de avait ete exauce, il lui aurait fallu ensuite faire trois
Dieu, pour voire grande recompense, et pour la autres tentes, une pour lui, une pour Jacques, une
joie des bons. pour Jean.
.
gem 3. Je parle de nouveaute, a cause des langues U- Apres la passion du Seigneur, le souvenir re-
iquent euvenimees des mechants. (Que Dieu vous mette a ^
cent de son sang fraichement repandu, echauffant
loses .

jUea. I'abn de leurs atteiates en vous cachant dans le encore le cceur des fideles, les deserts se remplirent
secret de sa face) Les bommes pervers, ne pouvant d'ames qiu choisissaient cette vie soUtaire, qui
obscurcir I'eclat manifeste de la verite, tirent leurs pratiffuaientla pauvrete de I'esprit et qui emplo-
arguties du seul mot de nouveaute ; ce sonteux qui yaient leur ricbe repos en se livrant, avec un zele
sont vieux, et, dans leur esprit vieilli. Us ne savent mutuel, aux exercices contempla-
spirituels, et a la
point mediter les cboses uouvelles ; oatres anciennes, tion des grandeurs du Seigneur. Parmi eux nous
Ds ne peuvent recevoir le vin nouveau qui lesferait troiivons les Paul, les Macaire, les Antoine, les
crever. Mais votre nouveaute n'est point une vanite Arsene et d'autres persounages consulaires, dans
nouvelle. Ce genre de vie, c'est I'antique profession cette sainte repubUque de vie consacree a Dieu, noms
vie relisieuse, la piete parfaitement fondee en Jesus- brillants dans la cite de Dieu, nobles triomphateurs
16QSG *r

as one Christ, I'beritage de I'Eglise de Dieu venue des jours qui avaient remporte la victoire sur le siecle, sur le

^g anciens, montree des I'epoque des Patriarcbes, eta- prince de ce monde, sur leur corps, et s'etaient il-

bli^et innee en saint Jean Baptiste, [Mattk. m, 1.) lustres dans le soin de leur ame et dans le service
pratiquee tres-fidelement par le Seigneur lui-meme, de leurdivinmaitre. Qu'ils se taisent done ces bom-
desii'ee en sa presence parses disciples eux-memes. mes qui dans les tenebres jugeat de la lumiere,
Quaud ceux qui etaieut avec lui sur la montagne qui dans I'exces de leur mauvaise volonte, vous
s en sainte eureut vu la gloire de sa transfiguration, accusent de nouveaute ils meritent bien plut6t, :

es an-
rs.
soudain, Pierre ravi en cela et ne sacbant ce qu'il eux, le reprocbe deviedlerie et de vanite. A I'exem- Comment
disait, parce qu'a I'aspect de la majeste de Dieu, il pie du Seigneur, vous aurez toujours des hommes comporter
parut comprendre le bien conunun de tous dans qui vous loueront, et des hommes qui vous blAme- envers cem
„ , , .
qui nous
son bien parliculier; mais tres-prcsent k lui meme ront. Detournez-vous de ceux qm ,
vous adressent louent et qui
°°°^ bliment
et parfaitement eclaire sur ce qu'il disait en cet des eloges, ils out en eux la disposition qui leur
autre sens, qu'ayant goute la suavite du Seigneur, fait aimer le bien en vous : ne faites pas attention
iljugea tres-bon de la savourer toujours, il sou- a ceux qui vous blament, et priez pour eux. Et ou-
haita de mener cette vie dans le voisinage de Dieu bliant ce qui est enarriere, laissant lesscacdalesqui
et pres des habitants du ciel qu'il avait Aiis avec sont places a droite et a gauche, le long de votre
Jesus, et s'ecria : u 11 fait bon etre ici. Si vous le route, elancez-vous a ce qui est en avant. Si vous
voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une voulez, sur chaque point, repondre a ceux qui vous
pour Moise et une pour Elie. » (Alatth. xvu, 4.) S'il louent, argumenter avec ceux qui vous blament,

3. Novitatem vero
dico propter linguas nequam (a modum alia tria, sibi unum, Jacobo unum, et Johanni
quarum contradictione abscondat vos Deus in abscon- unum.
dito faciei suae) hominum impiorum ; qui cum manifes- 4. Post passionem vero Domini, calente adhuc in cor-
tum lumen veritatis obnubilare noa queunt, de solo no- dibus fidelium effusi ejus sanguinis recenti memorla,
vitatis nomine cavillantur, veteres ipsi, et in veteri solilariam banc vitam elcgentibus, paupertatem spiritus
mente nescientes nova raed.tari, utres veteres non ca- sectantibus, et in spiritualibus exercitiis et in contem-
pientcs vinnm no\Tim, quod si eis infundcretur, rumpe- platione Dei pingue otium altero in alterum zelantibus,
rentur. Sed h«c novitas non est novella vanitas. Res deserta repleta sunt. Ex quibus legimus Paulos, Maca-
enim est anliquae relig^ionis, perfecte fundatae in Christo rios, Antonios, Arsenios, et alios quamplures in sanctae
pietatis, antiqua hereditas Ecclesiae Dei, a tempore hujus conversationis republica consularos viros, egregia
Prophetarum praemonstrata, jamque novae gratiae sole Domina in civitate Dei, nobiles et triumphales titulos
e\orto, in Johannc Baplista instaunitaet innata; ab ipso tiabentia de victoria hujus sieculi, et principis hujus
Domino familiarissime celebrata, ab ejus Discipulis ipso mundi, et corporis sui, de cultu animi, ct Domini Dei
praesenle concupita ciyus transfigurationis gloriam cum
: sui. Sileant ergo qui in tenebris de luce judicantes, vos
vidissent qui cum eo in monte sancto erant, continuo argimnt novitatis ex abundantia mahe voluntatis ipsi :

Petrus, in eo quidem abreptus sibi, et nesciens quid di- potius argucndi vctustatis ct vanitatis. Sed et laudatores
ceret, quia visa Dei majestatc, commune bonum intra et dotractores semper cstis habituri, sicut et Dominus.
privatum suum visus est conclusissc; in eo autem prae- Laudatores praeterite; ct bonum quod in vobis amant,
sentissimus sibi, et scienlissimus quid diccret, quia sua- hoc in cis amate dctractores dissimulalc, ot pro eis
:

vilate ejus gustata, optimum sibi judicavit in hoc sem- orate. Et obliti quae retro sunt, prjHtcrmissis si-andalis,
per esse, vitam hanj in contubernio Dei et civium super- qua» juxta iter vobis a do\lris et a sinislris pusita sum,
norum, quo?: cum eo viderat, concupivit diccns Do- : in anteriora vos extendilo. Si enim «d singula voluerif's,
mine bonum est no9 hic esse. Si ihs, faciamus mc tria vel laudatoribus respondore, vol cum detractoribus liti-
tabcrnacuia, tibi unum. Motjsi unum, et Eliae u.tum. In gare, lempus pordilis, cujus in proposito sancto
quo si auditus fuisaet faclurus, procuiuubio, erat post non levjs est jactura. A terrifi enim ad ccelos R>sti-
;

828 L'ABBE GUILLAUME.


vous perdez le temps, et ce n'est pas une perte gues, il accorde la grAce de le bieu vouloir, et
mince dans une vie sainte. Qui s'attarde en allant les ztide pour accomplir de nouveau progres tous ^.
de au ciel, encore que rien nc
la terre le retienne, les jours. Quand rhomme aura fait ce qui aura ete
6prouve un grand dommage. en son pouvoir, laissant calomnier le calomniatenr,
il rendra misericordieusement justice a son pau-
CHAPITRE II.
vre et le defendra parcequ'il aura agi selon ses
forces.

Combien difficile et sublime est leur genre 6. Cependant, mes freres, que toute idee d'e- n ]g, ,,
de vie, levation reste eloignee de I'appreciation que vous 8*rien»et
faites de vous memes, de votre petitesse, de votre larrogn

5. Ne negligez done rien, ne vous attardez pas, bumilite et de votre bouche : avoir des sentiments
car 11 vous reste beaucoup de chemin cifaire. Votre de ce genre, c'est nne mort ; le vertige pent saisir

genre de vie est en effet tres-eleve. II depasso les facilement celui qui se regarde d'en haut, et il court
cieux, il egale la vie des anges dont il imite la pu- risque de la vie. Afjpelez d'un autre nom votre pro-
rete. Vous avez voue non-seulement toute saintete, fession, designez votre ordre par une qualification
mais la perfection de toute saintete, mais la con- particuliere. Estimez-vous, et appelez-vous plutot
sommation de toute fin. Ce n'est pas votre atfaire de betes feroces.nndomptees et vagabondes (qu'on

de languir autour des preceptes donnes k tous n'aurait pu reduire par les moeurs ordinaires des
les fideles, et d'observer seulement ce queDieu hommes), admirant et regardant comme bien au-
prescrit; il faut realiser ce qu'il veut, eprouvant dessus de vous, la vertu et la gloire decestres-puis-
« quelle est cette bonne volonte de bon plaisir et sants ambidextres (seuiblables a Ahod ce tres-vail-
de perfection. » [Rom. xii, 2.) A d'autres de servir lant juge d'lsrael, (Jud. ni, 15.) qui se servait
Dieu, a vous de vous attacher a lui. A d'autres, de de chaque main comme de ladroite), qui aiment
croire en Dieu, de le connaitre, de I'aimer, de le avec transport a se livrer au-dedans a la contem-
venerer a vous, de le goiiter, de le comprendre, de
; plation de la verite; mais qui, pour accomplir ve-
le connaitre et de jouir de lui. Voilci qui est grand, ritablement toute charite, lorsque la necessite ou
voilci qui est difficile. Mais le Seigneur est tout puis- le devoir les appelle, se pretent promptement i
sant et bon, il vous fait de tendres promesses, il ce qui est de Prenez
I'interieur sans s'y donner.

accomplit fldelement sa parole, et ne cesse d'accor- garde aussi,ser\iteurde Dieu, prenez garde deparai-
der son secours a ceux qui, animes de son grand trecondamner ceux que vous ne voulez pas imiter.
amour, professent une grande perfection ; a ceux Jeveux que vous fassiez, dans votre infirmite, ce
qui se conliant a lui, et qui secourus de sa grace, que faisait dans la plenitude de la sante, celui qui
entreprennent les choses qui sui'passent les forces de disait : « Jesus-Christ est venu sauver les pecheiirs
la nature, il donne une volonte et un desir analo- dont je suis le premier. » (i Tim. 15.) Saint Paul,

nantem qui moratur, etsi non detinet, plurimum lamen tatis gratiam praerogavit subrogabit etiam virtutem ad
;

nocet. proventum. Cui cum fideliter fecerit homo quod po-


tuerit, calumniante calumniatore, ipse misericorditer
pauperi suo judicium faciet et causam, quia quod habuit
CAPUT II.
hoc fecit.
6. Absit tamen, Fratres, a conscientiae vesfrae aesti-
Quam ardua et sublimis sit eorum professio.
matione, a parvitate et humilitate vestra, ab ore vestro
omnis altitudo quia altum sapere mors est et facile
: ;

Nolite ergo negligere, nolite tardare grandis enim


5. : est in alto se contuentem obsfupescere, et de \ita peri-
vobis restat via. Altissima enim est professio vcstra. clitari. Nomen aliud vestrac professioni imponite, alium

Coelos transit, par Angelis est, angelicae similis piiritati. titulum Ordini vestro inscribite. Feras vos potius indo-
Non enim solum vovistis omnem sanctitafem, sedomnis rnitas, et incaveatas bestias (quae aliter communi homi-
sanctitatis perfectionem, et omnis consummationis num more domari non potGrant)e.\istimate et appellate;
finem. Non est vestnim circa communia praecepta lan- longe supra vos virtutem eorum suspicientes, et admi-
guere, neqiie hoc solum attendere quid prsecipiat Deus rantes gloriam, qui ambidextri fortissimi (sicut Ahod
sed quid velit, probantes, quce sit voluntas Dei bona, ille judex fortissimus Israel, qui utraque manu utebatur

et beneplacens, et perfecta. Aliorum est enim Deo scr- pro dextera) et quandiu licet, devotissime inlus vacare
virc, vestrum adhserere. Aliorum est Deum credere amant caritati contcmpland;e veritatis et cum necessi- :

scire, amare, revereri : vestrum est sapere, intelligere, promptissime se foras mu-
tas vocat, vel officium trahit,
cognoscere, frui. Magnum est hoc, arduum est hoc. tant, non dant, pro veritate adimplendae caritatis. Cave
Sed omnipotens et bonus est Deus, qui in vobis estpius etiam serve Dei, cave ne quoscunque imitari non vis,
promissor, fidelis redditor, et indcfessus adjutor ;
qui damnare videaris. Volo hoc facias in aegritudine tua,
magno ejus amore magna profitcntibus, et in fide et spe quod cum sanissimus esset faciebat qui dicebat : Venit
gratiffi ejus majora viribus suis aggredienfibus, ct volun- Jesus-Clirislus peccatores salros facere, quorum primus
tttem et dcsiderium suggerit in idipgum, et qui volun- ego. Neque enim hoc dicebat Paului m«iitiendi prseci-
;

LETTRE AUX FRfiRES DU MONT-DIEU 320

]en de
ne prononcait point ces paroles par une precipita- ce que vous aurez regie, tout ce que votre maniere
:ience tion mensongere; elles resultaient de I'appreciation de faire aura etabli comme coutume, vos succes-
t I'hu-
Iit6. qu'il faisait de lui. Celui en effet qui se connait, en seurs le recueilleront et le maintiendront ; il ne sera
s'examinant parfaitement, ne trouve pas de peches permis d'y rien changer. II en sera de ces regies
comparables k celui qu'il a commis, il ne rencontre chez vous, comme cbez nous des lois imrauables
pas de fautes semblables aux sicnnes. Je ne veux de la souveraine et eternelle verite ; il est expedient
done point que vous pensiez que la lumiere com- que tous les apprennent et les scrutent, perscnne
mune du jour ne luit que dans votre cellule, qu'il neanmoins n'a licence pour les juger. Rendons
n'y a de tranquillite qu'en vous, que la grace de grAce a Dieu, parce qu'il ne sera ni indigne de vous,
Dieu n'opere que dans votre conscience. Le Sei- ni inutile pour vos successeurs, de pratiquer vos re-
gneur n'est-il le Dieu que des solitaires? II est le gies avec force et d'imiter avec fidelite en vous ce
Dieu de tous. II a pitie de tons et il ne bait aucune que vous pratiquez vous meraes. Et s'il faut aussi
des creatures qu'il a produites. Je prefere vous faire la part a d'autres idees sages, Dieu vous le
voir penser que la lumiere sereine est partout manifestera. Car, sans blesser en rien la saintete Sainteti da
excepte en vous, et avoir des sentiments tres-bas de la chartreuse, sans porter atteinte au respect '* chartrens*

de vous plutot que des autres. plein d'estirae qui lui est du, dans les froids rudes
et continuels des Alpes, bien des choses sont neces-

CHAPITRE III. caires aux religieux qui y pratiquent la pauvrete


volontaire en se born ant a ce qui suffit, qui ne le

// faut pratiquer la vertu avec ferveur, pour I'exem- sont pas au meme degre dans les regions que nous
ple de ceux qui viendront apres nous. habitons.
8. Vous comprenez ce que je dis le Seigneur :

7. Operez done plutot avec crainte et tremble- vous en donnera I'intelligence. Je me rejouis en
ment votre salut, qui est aussi celui des autres. vous, et bien qu'absent de corps mais present d'es-
Considerez, non ce qu'ils sont, mais ce qu'il est
en prit et considerant votre ordre, la ferveur de son
votre pouvoir de lesrendre par votre influence esprit, I'abondance de la paix qui y regne, la grace
considerez non-seulement ceux qui existent pre- de la simplicite, la fidelite aux regies, la suavite
sentement, mais ceux qui vivront apres vous, et que meme du saint Esprit qui se fait sentir dans la
vous aurez pour imitateurs dans votre sainte car- charite qui lie les religieux, le modele parfait de

riere. Car, de vous, de votre exemple, de votre au- piete qui reluit dans la vie que vous menez k ce ,

torite, depend dans ce pays toute la prosterite de souvenir du Mont-Diexi, je tressaille d'allegresse et Mont-Di«B,
votre ordre sacre. Vos successeurs, en vous respec- j'adore avec amour ces premices du saint Esprit et
tant comme ils le doivent et en vous imitant, vous le gage de la grace accordee a cet ordre religieux
appelleront leurs peres et leurs fondateurs. Tout qui grandit en lui, promettant de si heureux fruits.

pitatione, sed aestimandi affectione. Qui enim perfecte bita imitationis reverentia appellabimini a successoribus
examinando semetipsum intelligit, sue peccato nnllius vestris. Quiquid a vobis statutum,quiclquid vobis tenen-
peccatum par esse existimat, quod non sicut suum in- tibus et servantibus in consuetudinem fueril admissum,
telligat. Nolo ergo, ut nusquam ai-bitreris lucere solem absque omni retractatione a posteris vestris tenendum
communem diet nisi in cella tua; nusquam esse serenum erit et servandum, nee fas erit aliquid immutari. Sic
nisi penes te, nusquam
operari gratiam Dei nisi in cons- enim de vobis erit apud eos, sicut de incomuuitabilibus
cienlia tua. An
Solitariorum Deus tantum? Imo et legibus summae et aeternae veritatis est apud nos, quasi
omnium. Miseretur enim omnium Deus, el nihil scrutari omnibus expedit et scire, non autem licet alicui
odit eorum quae fecit. Malo tc cogitare ubique esse dijudicarc. Deo autem gratias, quia nee indignum vobis
serenum nisi penes te, et pejus de te, quam de aliquo erit, nee inutile posteris, si fortiter et vos tenueritis,
existimare. et ipsi in vobis fideliter imitentur quod interim tenctis.
Et si quid adhuc aliter sapere oportucrit, et hoc Deus
vobis revelabit. Salva enim per omnia Cartusiae debita
CAPUT III.
sanctitate, et cum omni laude pncdieanda reverentia
multa in Alpinis illis horridis et conlinuis frigori-
Virtus ferventer colenda in posterorum exemplum.
bus necessaria sunt, quae frugalcm sufficiontiam,
et voluntariam paupertatem sectanlibus, in his dumtaxat
7. Cum flmore potius ct tremorc vestram ipsoruni regionibus non adoo necessaria vidcntur.
salutem operamini. Nee quales sint alii, sed qualcs ex 8. Inlelligitis quae dico : dabil enim vobis Dominus
vobis (iant, quantum in vobis est, cogitate, non sohim- inlcllectuin. Gaudoo enim in vobis, et licet absens cor-
modo qui mode sunt, sed el qui post futuri sunt, quos pore, sed pra'scns spiritu, et videns Ordinem vcstrum,
in proposito saiicto cstis liabilnri imitalores. Ex vobis sed fervorem spiritus, sed abimdanliam pacis, sed gra-
enim, ex vestro exemplo, ctvcstra auctoritate in regiono tiam simplicifalis, in proposito rigorcm, in dileclione
hac pendcre habct tola posterilas hujus veslri Ordinis mutua ipsam sancli Spii'ilus suavilalem, cl plenam om-
«ancti. Vos in eo patres, vos in eo institutorei cum de- nino in conversations vestra formam pietatii, in recor-
330 LABBE GUILLAUME.
Car, ce noni lueme de Mojt-Dieu
est d'uu bon au- c'est un actetoujours renouvele d' attention a sa pen-
gure il oiarque, com me le Propbete le dit de la
; see, un effort perix'tuel du coeur vers son amour de :

moiitagne du Seigneur, que sur ses bauteurs ba- sorte qu'aucun jour, qu'aucune heure m^me ne
bite la race de ceux qui cbevclient Dieu, de ceux trouve le serviteur de Dieu, ou a travailler a accom-
qui chercbeut la face du Dieu de Jacob, de ceux plir sa regie, ou livre au soin de sa perfection, ou a
qui ont les mains innocentes et le coeur pur, et qui gouter de la cbarite. Voili
les suavites et les delices
n'ont pas recu leur ime eu vain. {Ps. xxxui, k-) la piete a laquelle TAputrc excite son discii>le bien-
Car, voila bien voire profession, cbercber ce Dieu de aime, en ces termes « Exercez-vous a la piete,
:

Jacob, uon a la facon ordinaire des autres bommes, car lexercice du corps, sert de peu. La piete est
mais cbercber la face de Dieu, cette face qu*^ vit utile a tout bien, elle a les promesses de la vie pre-
Jacob, lorsqu'il dit •
« J'ai vu le Seigneur face a sente et celles de la vie future. (I. Tim. iv, 8.) En
face, et mon Ame a ete sauvee. {Gen. xxxn, 30.) tout et par-dessus tout, votre babit annonce non-
Recbercber la face de Dieu, c'est cbercber a lecon- seulement I'apparence, mais encore la realitede cette
naitre a visage decouvert, comme le vit Jacob et piete, et votre profession en exige la pratique. Car,
comrae le dit aussi I'Apotre : « alors je conuaitrai comme le dit I'Apdtre : a il en est qui ont I'exterieur

comme je suis connu : a present, nous voyons dans de la piete, mais qui en repudient la verile et la
un miroir et par relletj mais aiors, nous le verrons vertu, » II. Tim^ m. 5.y Celui de vous qui ne la
face a face, comme il est : » i Cor. xiii, 12. ; c'est pas dans sa conscience, ne la montre pas dans la
cette vision apres laquelle nous devous courir sans vie, ne la pratique pas dans sa cellule : il n'est pas
relacbe siu- la terre par I'innocence des mains et solitaire, d est seul : sa cellule pour lui n'est pas
la purete du caur, comme Teuseii' e « la piete, » une cellule, mais un cacbot et une prison. II est Seal cl
qui, aux termes de Job, est « le cidte de Dieu. » tail
bien seul, celui avec qui Dieu n'est pas ; il est vrai-
dite
Qui a re^n {Job. 28 selon les lxx'. Celui qui n'a pas cette piete, ment captif celui qui n'est pas libre en Dieu. Sob- entrj
son dme en IK I
Tain.
« a recu son ame en vain, » c'est-a-dire, il vit tude et reclusion sont en effet des termes qui iudi-
iuutileuient, ou il ne vit pas eutierement, eu ne vi- quent la misere : mais la cellule ne doit jamais etre
vant point de cette vie pour laqueUe son ame lui une prison de force, mais bien le domicile de la
avait ete donnee. paix, la porte fermee j non point tenebres, mais re-

CHAPITRE IV. traite et secret.


10. Celui qui a Dieu avec lui u'est jamais moins Ava
Quelle est la vraie piete, qxielle est la solitude ou la
seul que loi*squ"il n'est avec personue. .llors il goute
cloture qui convient aux Religieui.
en liberty sa joie, alors il est bien seul et s'appar-
9. Cette piete. c'est la memoire continuelle de Dieu, tient pour joiiir de Dieu en lui et de lui en Dieu.

datione Montis-^Dei totus exulto, et primitias Sanctis Spi- intentionis actio ad iotelligentiam ejus, indefessa affectio
ritus, etpignus gratiae in spe crescentis in eo religionis in amorem ejus : ut nulla umquam inveoiat servumDei,
devotus adopo. Nam et ipsum Montis-Dei nomen bonae non dicam dies, sed bora, nisi vel in exercitii labore et
spei piwferl omen, scilicet quod sicut Psalmista dicit de ppoficiendi studio, vel in experientiae dulcedineet fruendi
monte Dei, habita'ura sit in eo gencFatio qTiaerectium gaudio. HcBC est pietas, de qua Apostolumdilectum sibi
Dominum, quserentium faciem Dei Jacob: innocens Discipulum admonet dicer.s : Exerce temetipsum ad
manibus, et muodo corde qui non accepit in ^"ano ani-
;
pietatcm. Sam corporalis exercdatio ad modicutn utilis
mam suam. Ipsa est enim professio vesira, qiiaerere est. Pietas vera ad omne opus bonum est utdis, habeas

Deum Jacob, non communi hominum more, sed quae- promissioRem vitee quce nunc est et futurag. Pietatis
rcpe faciem Dei. quam vidit Jacob qui dixit Vidi Do- : enim non solummodo formam, sed et veritatem in om-
mirnu7i facie ad far.iem, et sa/ia facta ett aninw m?a. nibus et ppsB omnibus babitus vester repromittit, propo-
Faciem enim Dei, hoc est cognilionem ejus qujerere, situm vestrum requirit. Nam sicut Apostolus dicit : Sutd
faciead faciem, quam vidit Jacob, de qua etiam dixit aliqui formam quidem pietatis habentes, virtutem autem
Apostolus Tunc cognoscatn sicut et cognitus sum
:
\
ejus abiieganies. Hanc quicunque vestrum non habet in
et nunc videmus per specdam in cenigmitnt?, tunc lu- ccnscienlia, non exbibet in vita, non exercet incella;
tem facie ad faciem, videhimas eum sicuti est banc in : non solitarius, sed solus dicendus est nee cella ei cella, :

hac vita semper qu^rere pep innoc^ntiam manuum et sed reclusio et career est. Vere enim solus est, cum
muoditiam cordis ipsa docet pietas quae sicut dicit Job, -.
quo Deus noa est vere reclusus est, qui in Deo liber
:

cuitus Dei est. 0«am qi;i non habet, in i\ino accepit ani- non esL Solitudo enim, et reclusio sunt nomina mise-
mam suam, hoc est frustra \ivit, vel oronino non vivit, riae :Cella aulem nequaquam debet esse reclusio neces-
dum non \i\it ea vita, propter quam ut in ea viveret sitatis, sed domicilium pacis, ostium clausum : non lale-

accepit animam suam. bne, sed secre;um.


iO. Cum quo enim Deus est, nunquam minus solus
CAPUT IV. est, quam cum Tunc enim libere fruitur gau-
solus est

QuiB dio suo, tunc ipse suns est sibi, ad fruendum Deo in jc,
sit vera pieias, quce solitudo, q^'ceve reclusio ceUce
Refigiosis coinpefetis.
et se in 1 teo. Tunc in luce veri^tis, in sereno mundi
cordis ultro palet sib' nura cr.nscientia '; ! 'ere pe in se
9. Pieta* enim Ise est jugis Dei memoria, continua fundit affecta de Deo memoria : et vei iiluminarar in-
LETTRE AUX FFHRES DU AIONT-DIEU. 331

Alors, dans lalumiere de la veiite,. dans la tran- habitants des cellules descendent souvent dans ces
rjiiillile dun coeur pur, la conscience sans tAche tris'.es abimes. De meme que dans leurs contem-
s'ouvre d'elle-mome, et ie souvenir penetre do Diuu plations assidues ils aimeut a revoir les joies du Pa-
se repand librenient, Tintelligence est illuminee et radis, atin de les desirer toujours davantage ; de
I'aniour jouit de son objet,ou bien la faiblesse hu- meme ils considerent les souffrances des damn^s
maine pleure librement ses miseres. C'est pour- pour en avoir borreur et les eviter. Et c'est ce que
quoi selon la forme de votre regie, habitant dans dans leurs prieres ils soubaitent a leurs eimemis,
les cieux plutot que dans les cellules, ayant ecarte de « de descendre vivants dans les enfers, » [Px.
de vous tout le monde, vous vous etes entierement Liv, 16.) A
mort nul ou presqu'ancun religieui
la ,

aage on renfermes avec Dieu. Le sejour de la cellule et le ne tombe de sa cellule dans le gouffre eternel,
i^ule 36-jour du ciel sontrapprocbes. Car, de meme ipi'en- parce que presqu'aucun n'y persevere jusqu'a la
a del. tre ceUule et ciel il existe un rapport quant au fin, s'il n'est predestine au ciel.

noni, il existe aussi une relation au point de vue 11. Le ills de la grace, le fruit de son sein, la
de la piete. C'est du mot celer que la cellule et le cellule le recbautl'e, le nourrit, I'embrasse, le con-
ciel tii'eut leur nom : ce qui est cacbe dans le ciel duit a la perfection et le rend digue d'entrer en
lest aussi dans la cellule : ce qui se passe tlans le conversation avec Dieu : elle ecarte et rejette de
ciel se passe dans la cellule. Qu'est-ce done qui s'y suite I'etranger et celui qu'on iui a faussemeut
passe ? S'occuper de Dieu, jouir de Dieu. Car co donne. Doii vient que le Seigneur dit a Moise :

qui se fait selon la regie, pieusement et tidelement « ote les soubers de tes pieds : car le lieu que tu
dans les cellules, j'ose le dire, les saints anges de foules est une terre sainte. » [Ex. ni, 5.) Un lieu saint,
Dieu regardent les cellules comme le ciel, et ils une terre consacree u'a jamais soulfert longtemps
I eprouvent en ces deux endroits des jouissances I'ame du pecbe, remplie d'aflections mortes, de ce-
I
egales. Car, lorsqiie la cellule voit conslauiment pra- lui dont le coeur est eteiut. La cellule est le sol

tiquer les cboses celestes, le ciel devient sembla- sacre et I'endroit venerable ou Dieu et le serviteur

ble a la rapprocbe par I'image du


Ci;llule et s'en causeut ensemble comme lami avec son ami. L'ame
meme mystere, par laflection de la piete et par le lidele s'y unit souvent au Verbe de Dieu, I'epouse
le gout d'lme occupation pareille ; a I'esprit qui s'y donne a I'epoux, les choses celestes s'y rappro-
prie, ou a I'ame qui sort de son corps, le cliemin cbent des terrestres et les diviues des bumaines.
de la cellule au ciel n'est ni difficile, ni long. Ue la La cellule du serviteur de Dieu est comme un tem-
cellule on monte souvent au ciel, presqp.ie jamais ple saint du Seigneur. Des cboses divines se passent
'
on ne descend de la cellule £i I'enfer , si ce n'est en effet dans le temple et dans la cellule : mais
pour suivre le conseil du Psalmiste « Qu'ils des- : plus frequemment dans la cellule. Dans le temple,
« de la cendent vivants dans les enters. » pour n'y point sout distribues visiblemeut et en figure, a certains
^' tomber en mourant. C'est de cette maniere que les moments, les sacrements de la piete chi'etienue :

tellectus, et bono sui fruitur affectus ; vel libere seipsum giant. Et hocquod imprecantur inimicis suis oran-
est
deflcthumanaefragilitatisdefectus. Propter hoc secundum descendant in infernum vivente.i. Moriens
tes, scilicet ut

formam propositi vestri habitantes in coelis potius quam autem vix aut nunquam aliquis a ceila in infernum des-
in celbs, excluso a vobis toto saeculo, lotos vos inclu- cendit quia vLx unquam aliquis, nisi coelo prsedesti-
:

sisiis cum Deo. CcUae siquidem et ca'Ii tiabitatio co- nalus, in ea usque ad mortem persistit.
gnatje sunt quia sicut caelum ct celJa ad invicem vi-
: 11. Filium enim gratiae, fructum ventris sui cella fo-
dentur aliquam habere cogrnationcm nominis, sic el pie- vet, nutrit, amplectitur, et ad plenitudiiicm iicrreftionis
lalis. A celando enim ccelum, et cella nomen habere perducit, et colloquio iJei diguum cflicit alienum vero :

ndentur : ct quod celatur in coelis, hoc et in celbs : vol suppositum abdicat a se citius et ppojicit. Unde ail

quod geriturin coelis, hoc ct in cellis. Quidnam est hoc? Dominus ad Moysen Solve calceamcntn pedum tuo-:

Vacarc Deo, frui Deo. Quod cum secundum ordincm ruin : Lociu enim in quo stas, terra sancta e.sl. .Morlici-
pie ct fidelitcr celcbratur in cellis, audco diccrc, sancti nium eaini niortuaium alTcclionum, vel Iminiuem mor-
Angeli Dei cellas habent pro coelis, et aeque dclectantur tuum a corde, locus sanclus vel terra saucta nequaquam
in cellis ac in caelis. Nam cum in cella jugiter ccelestia diu padtur. CcUa terra sancta, et locus sanctus ost, in
attilantur, caelum cellaj et sjicramenti slmilitiidinc, et qua Dominus ct scrvus ejus iraepe colloquuntur, sicut
pietatis alFectu, et similis operis afToctu proximum cffi- vir ad aniictim suum. In qua cribro fidolis aniiua Verbo
citur : nee Jam spiritu oranti, vel etiam a corporc Dei conjungilur, sponsa sponso suciatur, lorn'nis CiV-
Cicunti, a cella in caelum longa vel didicilis via inveni- lestia, huniiuiis divina uniuntnr. Siquidom sicul tem-
tur. A
cella enim in ooslum saepe asccnditur, vix -ut^m plum sanctum De^ si cella est servi Dei. El in teniplo

u: !: ma -clla in infernum desoenditur u'-^i oicut dicit enim, et i- clIiu divina tractanlnr • fcd crebrhis in
; Deicndaitt in infernum
>.. :ii?la : viventes, videlicet >,e;ia. in templo visibiliicr et fiu'nri.'ive aliquando Chi-iH-
no dc^k;endant morieutes. Hoc en i.Q mod o saepe ccUaiura lianaj pict.iUs sacrarvjnUi di-'
veritalc, '.,-
incolae in infernum descend' at. Sicalcnim assidue con- sicu! iu cmlis, ips.i '

teni| iuido revisere amant gaudia coelcsUa, utr."denlius i,. >i purilatis uuyeslate, vel sei'^rniUUis socurilale, res

ea appetcnl sic et dolores infcrni, ut horreanl et refu-


:
ip^ jmu^ ju sacrumepto.JOQ ffatok nustro aaakhio cele-
;

332 L'ABBE GUILLAUME.


daus la cellule, comme dans le ciel, dans la m^me cez, commencez bien vous avez dejk attaint : si

verite, dans le meme ordre, bien que non pas en- quelque degre, mesurez-vous vous-meme a vous-
core dans la majeste du meme eclat, ni daus la meme, et dites avec I'Apotre » Ce n'est pas que :

meme eternelle securite, la chose meme qui fait j'aiedeja saisi le but ou que je sois pariait : j'avanc*}
I'objet de tons les sacrements de notre foi est cons- pour ticher de saisir Uy
celui en qui j'ai ete saisi.

La cfiiicie ne tamment celebree. Aussi, comme nous venonsde le a une chose, oubUant ce qui est en arriere, et m'e-
insqui la fin dire, la cellule rejette vite loin de son sein, comme un lancant sur ce qui est en avant, je cours vers la re-
reprouve,
""eprouTe,
mais elle le
avorton, I'etranger cpii n'est pas son fils ; elle le compense qui m'est destinee dans la vocation d'en-
rejette Tite. vomit comme une nourriture inutile et nuisible : haut, en Jesus-Christ Notre-Seigneur. » [Phil. u\,

la pharmacie de la piete ne soufire pas longtemps 12.) II ajoute ensuite : « Nous done, tant que nous En.
COD
dans son sein un malheureux de ce genre le pied ; sojons de parfaits, ayons ces sentiments. » Par la,
perfet
de I'orgueil arrive, la main du pecheur I'ebranle I'Apotre vous declare ouvertement que la perfection
et Temporte chasse, il ne pent rester trantjuille,
; de I'homme juste en cette \\e, consiste a oiiblier ce
U fuit miserable, nu et tremblant, comme Cain, qui est en arriereet as'elancer completement vers ce
loin de la face de Dieu ; expose aux vices et
il est qui en avant, et le terme de cette perfection se
est
aux demons le ; premier qui le trouvera lui don- trouvera au lieu oil Ton saisira completement le
nera la mort de I'ame : ou bien, si parfois il but montre par Ja vocation divine.
s'obstme a rester dans sa cellule, non par la Cons-
tance de la vertu, mais par un entetement deplora- CHAPITRE V.
ble, la cellule lui est encore comme ixn cancer ou
comme un tombeau dans lequel U est eaterre vi- Triple etat de la vie religieuse, animale, raisonnable,
vant. « Le sage devient plus sage en voyant flagel- spirituelle , en d'autres tennes etat de ceux qui
,

ler le mechant. » [Prov. xix, 25.) « Et il lavera ses commencent, de ceux qui progressent et des parfaits.
mains dans le sang du pecheur. » [Ps. lvji, 11.)
Done, comme le dit le Prophete : « Si tu te con- 12. De cette sorte, de meme que I'etoile differe de
vertis, Israel, convertis-toi a moi. » [Jerem. iv, 1.) clarte de I'etoile, de meme la cellule est diflferente
C'est-a-dire, arrive au faite d'une conversion com- de de ceux qui commencent,
la cellule, selon la vie
I' faut plete. Car il n'est accorde a personne de rester de ceus qui progressent et de ceux qui sont par-
toujours
BTancer.
longtemps dans le meme etat. Le serviteur de Dieu faits. L'etat de ceux qui commencent pent etre ap-

est toujours dans cette alternative, ou il faut tou- pele animal, celui de ceux qui progressent, raisot^-

jours qu'U avance, ou bien qu'il recule ou il s'ef- : nable ; celui des parfaits, spirituel. 11 faut etre indul-
force d'aller en avaut, ou il est entraine en arriere. gent quelquefois en certains points, envers ceux qui
On exige de vous tons la perfection, mais on n'exige sont encore dans l'etat smimal, la meme oil Ton
pas de tons la meme perfection. Si vous commen- n'excuse point ceux qui sont comme raisomia-

bratur. Ideo, sicut dictum


allenum, qui non est est, viscens, et ad ea quce sunt priora extendens meipsum,
lilius, citius a se projicit evomit tan-
quasi aborti\-uni, ad destinaium persequor, ab bravium supernce vocationis
quam inutilem ac noxium cibum nee diu talem pati ; in Chi-isfo Jesu. Deinde addit Quotquot ergo perfecti :

potest in visceribus suis otticina pietatis, venitque pes sumus, hoc sapiamus. In quo manifeste Apostolo docente
superbiap, et asportat eum manus peccatoris, et movet dcclaratur, quia perfecta eorum quae retro sunt oblino,
eum : expulsus non potest stare, sed fiigit miser, nu-
et et perfecta in anteriora extensio, ipsa est hominis justi
dus et tremebundus, sicut Cain a facie Domini expo- : in hac s'ita perfectio : et perfectio hujus perfectionis ibi
situs vitiis et daemonibus, ut qui prior invenerit eum, erit, ubi erit bra\"ii supemae vocationis perfecta appre-
morte animse eum occidat vel si aliquandiu duraverit
: hensio.
in ea, non virtutis constantia, sed pertinaci miseria, sic
ei cella est, quasi career, aut sicut Aiventi sepultura.
Pestilenie vero flagellatio sapiens sapienfiorertt,et lava-
CAPUT V.
hit Justus manus suas in sanguine peccatoris. Sicut ergo
dicit Propheta : Si converteris Israel, ad me converters Triplex status vitoe religiosce, Animalis, Rationalis,
tioc est, perfectge conversionis cuimenapprehende. NuUi Spiritualis; alias Incipientium, Profia'entium, et Per-
enim in eodem statu diu esse conceditur. Servo Dei aut fectorum.
semper proticiendum, aut deficiendum est aut sursum :

nititur, aut in inferiora urgetur. Ab omnibus autem vo- 12. Hoc autem modo sicnt stella a stella distat in cla-
bis perfectio exigitur, licet non uniformis. Sed siincipis ritate, sic cella a cella in conversatione, scilicet Inci-
incipe perfecte si jam in : profectu es, et hoc ipsum pientium, Prollcientium, et Perfectorum. Incipientium
jam perfecte age si autem perfectionis aliquid attigisti,
: status potest dici animalis, Proficientium rationalis,
teipsum in temetipso metire, et die cum Apostolo : Perfectorum spiritualis. Ignoscendum est in aliquibus
Non quod jam apprehenderim, aut perfectus sim : se- aliquando qui adliuc sunt animales, in quibus ig-
eis
quor autem, si forte comprehendam, in quo et compre- nosci non debet eis qui jam habentur quasi rationales.
hensus sum, Unum autem, qua quidem retro sunt obli- Rursumque rationalibus in quibusdam ignoscitur, in
:

LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 333


bles. De m^me on montre une certaine cle- Dieu. De meme que chacun de ces etats renferme
Chacan de
mence envers ceux qui ne sont que raison- un certain degre de perfection, de meme, chacun ces etats4
dans don
uables en des matieres ou Ton n'en a point k dans son genre, a une certaine mesure dans la per- genre,
regard des spirituels, dont tons les actes doiveut fection qui lui est propre. Dans la vie animale, le commeDce-
ment,
etre parfaits, de nature a servir de modele, et di- commencement du bien, c'est la parfaite obeissance progrJs
;
et perfection.
gnes de louange plutot que de blame. C'est de ces leprogres, c'est de dompter son corps et de le re-
trois geures d'hommes que se compose tout I'etat duire en servitude ; la perfection, c'est de changer
religieux ; ils se distinguent non-seulement par des en jouissance la coutume de faire le bien. Dans I'e-
designations particulieres, mais encore par le ca- tat raisonnable, le commencement c'est de com-
ractere propre d'application qui les specitie. Tous prendre ce qui est propose selon la doctrine de la
les enfants de Dieu doivent, dans le jour qui leur est Foi ; le progres, de pratiquer ces verites comme
donne, examiner avec attention ce qui leur manque : ellessont proposees la perfection s'obtient quand
;

le point d'oii ils sont partis, celui oil ils sont arri- le jugement de la raison se transforme en affection
ves, et a quel degre d'avancement les trouve, a cha- de I'ame. La perfection de I'homme raisonnable est
que jour ou a chaque heure, leur propre conside- le commencement de I'homme spirituel son :

ration. II en est qui sont animaux, qui d'eux-memes progres consiste a contempler a visage decouvert
ne sont ni conduits par la raison, ni entraines par la gloire de Dieu , la perfection en est d'etre
raffection : cepeudant, ebranles par I'autorite ou transforme en la meme ressemblance, allant de
excites par I'exemple, ds approuvent le bieu ou ils clarteen clarte, comme pousse par I'Esprit du Sei-
le trouvent, et, semblables a des aveugles, tires par gneur.
la main, ils suivent, c'est-a-dire, ils marcbent a 13. Done, pour commencer par le premier point On dderit
la suite. II en est de raisonnables, par le jugement du premier sujet, par I'etat animal : I'animaUte est ''''''' """""J

de la raison et le discernement de la science natu- un genre de vie obeissant a\ix sens du corps ; ce qui
relle, ils ont la connaissance du bien et en ont le a lieu quand I'ame, comme atfectee, hors d'elle

desir; mais ils n'en ont point-encore I'amour. II en est meme, par les delectations que lui font ressentir les

de parfaits que I'Esprit conduit, et qui sont plus plei- corps qu'elle aime, nourrit ou entretienl sa sensua-
nement ill amines par les lumieres qu'U repand. liteen jouissant d'eux. Cette vie se retrouve encore
Et parce qu'ils out le gout du bien dont la ection lorsque I'ame, rentrant en elle-meme, et ne pouvant
It eat le les meut, on les appelle sages. Et parce que le Saint- dans I'interieur de sa nature incorporelle porter
litael.
Esprit, dont la cbarite les conduit, les revet et les ces corps, y apporte leur image. Habituee a ces
entoure, comme autrefois il revetit Gedeon, on leur corps, elle pense que rien n'est comparable a I'ob-
donne le nom de spirituels. Le premier etat s'exerce jet qu'elle a laisse au-dehors ou a celui qu'elle a re-

autour de ce qui est du corps ; le second, sur ce sume en son interieur de la vient que taut que le :

qui entoure Tame ; le troisieme n'a de repos qu'en temps lui est accorde, il lui est agreable de vivre

quibus non ignoscitur spiritualibus, quorum perfecta certam proficiendi rationem sic in genere suo certam ;

omnia esse debent, et imitatione et laude potius, quam habent perfectionis suae mensuram. Initium boni in cou-
reprehensione digua. Et cum e.v his tribus hominum vereatione Animali, perfecta obedientia est profectus, :

generibus constet omnis status religionis, quae sicut subjicere corpus suum, et in servitutem redigere per- :

propriis nominibus distinguuntur, sic etiam dignoscun- fectio, usu boni consuetudinem verlisse in delectatio-
tur ex suoium proprietate studiorum debent onines : nem. Initium vero Rationalis est ititeliigere, qute in
filii Dei in die qui esl, semper diligenterprospicerequid doctrina fidei apponuntur ei profectus talia pra?para- :

desit sibi unde venerint, quousque pervenerint, et in


: re, qualia apponuntur porfectio, cum in afTectum
:

quo proficicndi statu singulis diebus, vel horis sua se mentis transit judicium rationis. Perfcctio vero hominis
aestimatio lieprehendat. Sunt etenim animales, qui per rationalis, initium est hominis Spiritualis profectus :

se nee ratione aguntur, nee trahunlur affectu et tamen : ejus, revelata facie specnlari gloriam Dei pcrfectio vero,
vel auctoritate permoti, ve) doctrina commonili, vel transformari in eamdem imaginem a claritatc in clarita-
example provocati, approbant bonum ubi inveniunt, et tem, sicut a Domini spiritu.
quasi caeci, sed ad manum tracti sequuntur, lioc est 13. Ut ergo primum prosequamur dc primo, scilicet
imitantur. Sunt rationales, qui per rationis judicium et de .\nimali Animalitas est vitae modus scnsibus cor-
:

naturalis scientiae discretionem, habent et cognitionem poris serviens scilicet cum anima, quasi extra se per
:

boni , et sed nondum liabent affectum. Sunt


appetitum : sensus corporis circa dilectorum delectationcs corporum
perfecti, qui spiritu aguntur, quia sancto spiritu ple- affecla, corum fruilionc pascit, vel nutrit sensualita-
nius illuminantur. Et quoniam sapit eis bonum cujus tcm suam sen : cum intra se rcgrediens, et corpora
trahuntur al'.cctu, sapientes vocantur. Quia vero induit quibus forti glulino amoris ct coiisuetudinis adhasit,
eos Spiritus sanctus cujus affectu trahunlur, sicut in- inlocum incorporese naturre secum ferre non pranalens,
duit dim Gedeonem indumcnto, spi- : Spiritus sancti eorum illuc secum Irahil imagines, ct amicabiliicr ibi
rituales appellantur. Primus
corpus se ha- status circa cum eis convei-satur,quibus assuefacta cum nil pulat es-
bet secundus circa animam se exercet tertius non nisi
: : se, nisi vel quale foris rciiquit, vol quale iiitus cunlraxit
in Deo requiem habet. Quorum siaguU sicut habent inde quandiu hcct, jucundum habet secundum delec-
334 F/Alil?E GUn.f.M'ME.

seloti les d61ectalions dela chair. Quand ellc estdc- quelque commencement de la creature de Dieu,
touriiee de ces realites grossieres, ellc ne peul penser c'est-i-dire une volonte simple et bonne, sorte de
qu'iil'aide d'iinagiuations corporellos. Lorsqu'elle s'e- matiere premiere et grossiere, qui servira a former

16ve aux choses ou divines, elle ne peut


spiritucllcs dans I'avenir I'homme de bien, presente a son au-
en avoir d'autres impressions que celles qu'elle re- teur, au commencement meme de la conversion,
Folie. coit des corps ou des choses corporelles. S'eloignant cette mfime matiere pour recevoir sa forme. Car
de Dieu, la folie s'empare d'elle, lorsqu'elle est trop doja, avec cette bonne volonte, la creature ayant un
concentree en elle-meme et tellement abrutie commencement de la sagesse, c'est-a-dire la crainte
qu'elle ne veut pas ou ne peut pas etre gouvernee. du Seigneur, en conclut que par elle-rneme elle ne
Prudence de I^orsque I'orgueil la fait sortir grandement hors peut sc donner cette forme, et que, pour un insense,
la chair.
d'yUe^ elle devient prudence de la chair, et se croit il n'est rien de plus utile que d'ohcir i un sage.
sagesse quand elle est folie, au dire de I'Apotre : C'est pourquoi, se soumettant a I'homme a cause de
« se pretendant sages, ils sont devenus insenses. » Dieu, elle lui confie sa bonne volonte pour la dres-
{Rom. I, 22.) Or, tournee vers Dieu, elle devient ser selon Dieu dans le sentiment et dans I'esprit de
sainte simplicite, c'est-a-dire volonte toujours egale Thumilite ; des ce moment, la crainte du Seigneur
par rapport au menie objet ; ainsi qu'on le vit dans semet a operer en elle toute la plenitude des ver-
Job appele « homme simple, droit et craignant tus,quand, par l,a justice elie obeit a plus grand
Qu'est la Dieu. » [Job. i, 1.) Car la simplicite est proprement que lui, par la prudence, elle ne se fie point en elle-
bonne simpli- ^mg volonte parfaitement dirig^e vers le Seigneur, meme, par la temperance, elle refuse de juger, par
ne lui demandant qu'une seule chose et I'obtenant, la force, elle s'adonne tout entiere h I'obeissance
n'ambitionnant point d'etre multiplieee surplusieurs pour accomplir et non pour critiquer ce qu'on
objets dans le siecle. Ou bien, la simplicite est en- exige d'elle. Voila I'epouse a quile Seigneur donne
core la veritable humilite dans la conduite, c'est-a- cet ordre vous vous tournerez vers votre
; « Et

dire cette vertu qui aime mieux sentir la conscience epoux. {Gen. iii, 16.) Cet epoux, c'est ou sa pro- l^ ver
))

de la vertu que d'en avoir la renommee sentiment : pre raison et son propre esprit, ou I'esprit et la rai- °,"T|?* .

par lequel I'homme simple ne refuse pas de parai- son d'un autre. C'est a cet epoux qu'obeit justement aveofl

tre sot dans le monde pour etre suge devant Dieu. rhomme simple et droit en lui-meme plus droi- :

Ou bien encore, la simplicite est la volonte seule tement et plus justement en autruiqu'en soi-meme.
tournee vers Dieu, sans ^tre encore formee par la Done d'apres I'ordre de Dieu, et d'apres I'instinct
raison pour devenir I'amour ; c'est-k-dire, la vo- de la nature, I'epouse doit avoir une conversion le-
lonte formee, mais pas encore illuminee pour etre gitime, c'est-a-dire une obeissance parfaite pour son
6clairee, pour etre charite, c'est-a-dire jouissance epoux, le sens animal pour I'esprit qui Tanime ou
de I'amour. pour quelque homme spirituel qui le regira. L'o-
111. La simplicite done possedant en elle-meme beissance parfaite dans le commencant est celle qui

tationes vivere. Cam aiitem ab cis avertitur,


corporis creaturaB Dei, hoc est, voluntatem simplicem et bonam,
nescit corporca
nisi imaginando cogilarc Cum . quasi fufuri boni hominis informem materiam, in pri-
vero ad cogitanda spiritualia vol divina so crigit, non mordio conversionis suae offert auctori suo cam forman-
aliud dc cis quam de corporibus, vcl de corporalibiis dara. Jam cnim cum bona voluntate habens initium sa-
potest sestimarc. Hac aversa a Deo, fit stultitia, cum pientijE, id est timorem Domini, ex ipso colligit, nee
niminm intra semctipsam luei'it rcmissa, ct tam bi'iita, per sc cam formari posse, nee quidquam fam e.xpedirc
lit rogi vel nolit, \cl non possil. Cum vero ipsa sibl slulto, quam servire sapieuli. Itaque homini se propter
per supcrbiam extra se nimium I'lun-il abrcpta , fit piii- Deum subjiciens, ipsam ei bonam voluntatem committit
dentia carnis, ct ipsa sibl sapiciitia esse videtur, cum in Deo forniandam in scnsu et spiritu humili, jam ti-
slaltifia sit, Apostolo
dicente Disccntes se esse sn- : more Dei incipiente operari in eo omnem virtutem ple-
pientes, stulti factl sunt. Porro ad Denm conversa, fit iiiludinem, dum i)cv justitfam defert majori, per pru-
sancla simplicitas, hoc est eadem semper circa 'dem dentiam non credit se tibi, per feinperantinm refugit
voluntas sicut fuit in Job, qui dictus est vir simplex
: discernere, per fortitudinem totum se obedieutiae sub-
et rectus, ac timens Demn. Propric cnim simplicitas est jicit, non discernendae, sed adimplendae. Haec enim
perfecte ad Deum conversa voluntas, unam petens a uxor est, cui a Domino praecipitur Et ad virum tuum :

Domino, banc requirens, non ambicns multiplicari in erit conversio tua. Vir ejus, ratio vel spjrltus est suus,
sseculo. Vel est simplicitas, in conversatione vera hu- vel alfcrius. Huic enim viro recle obedit vir simplex
militas, scilicet virtutis mngis conscientiam amplectcns et rectus in semetipso rectius autem saepe ac lutius
:

quam famam, cum non relugit vir simplex videri slultus in altero, quam Ex praecepto ergo Dei,
in semetipso.
in sseculo, ut sit sapiens in Deo. Vel simplicitas est ( t ipso
ordine natura; habere debet uxor ad virum,
sola ad Deum conversa voluntas, sed nondum ratione animalifas ad spiritnm suum vel spiritualem aliquera vi-
formata ut amor sit, id est formata voluntas, non- rum, con versioncm legitimam, hoc est obedientiam perfcc-
dum illuminata ut sit charitas, hoc est amoris jucun- tam. Perfecta vero obedientia est maxime in incipiente
ditas. indiscreta, hoc est non discernere quid vcl quare prae-
14. Simplicitas erg© initium aliquod in seipsa habens cipiatur ; sed ad hoc tantutn niti, ut fideliter et humi-

I
LETTRE AUX F^ERES DU MONT-DIEU 335
ne discixte pas ce qii'on lui present, ou qui n'exa- raison se trouvent cobjointes, dans Tame humaine, Poarqaoi la
miue jamais on luicomruande, mais qui
pourcjvioi leCreeteurbon a laisse I'intelligence et Tcsprit, et raijon est
donnee
s'efforce seulemeiit d'accomplir avec fidelite et hu- dans I'esprit, I'art; par Dieu a
I'liomme h rhomme.
la, fetabli
milite ce que le superieur exige d'elle. L'arbre de la au-dessus de toutes ses oeuvres, et a place sous ses
science du bien et du mal dans le Paradis, e'est le pieds toutes les cho3e> terrestres : dans I'animal su-
jugement de I'esprit qui decide en la vie religieuse perbe, ce don est un temoignage de sa dignite na-
dans la personne du Pere spirituel ; c'est lui qui turelle et une du Seigneur qu'il a
trace de I'image
juge tout et n'est juge par personne. A lui de pro- ])erdue ; dans celui qui est humble et simple, il est
noncer, aux autres d 'obeir. Adam gouta pour sa un recoiirs pour retrouver sa dignite et maintenir
perte du fruit defendu, instruitpar celui qui lui ins- sa ressemblance avec I'auteur de son etre. [Rom. i,

pira en ces termes une si mauvaise resolution ; 19.) En cela, le Createur est estime par ses dons
« Pourquoi le Seigneur vous a-t-il commaude de ne cpii se montrent dans ses creatures. Eu cela, se ma-
pas manger du fruit de cet arbre? » {Gen. in, 1.) nifeste la justice de Dieu : parce que ceux cpii ope-
Voila le jugement, pourquoi existe ce precepte. Et rent le bien meritent de vivre, et ceux qui font
I'esprit infernal ajoute : « II savait en effet que le le mal, sont dignes de mort. La creature qui nous
jour ou vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et sert spontanement est soumise a la natui-e et
vous serez comme des dieux.v Voici pourquoi cet lui est coordonnee pour se plier a la necessite qui
ordre a ete donne, pour les empecher de devenir \'ient du peche, a la volonte et a la jouissance de

eux aussi des dieux. Le premier homme jugea, il I'homme. Aussi, tout le monde voit facilemcnt com- DiTersitS det
mangea, il devint desobeissant et fut chasse du Pa- ment bons et mechants out tire et tirent tons les art>.

radis. De meme, qu'un bomme a I'etat animal ju- jours de cette source les aliments necessaires a la
geant de tout, qu'un novice qui veut etre prudent, vie, les moyens qui servent au bien et au mal, tou-

qu'un commencant qui croit etre sage, puissent tes choses tres-belles en leur genre. De ce meme
Tester longtemps dans une cellule et perseverer principe, dans les lettres, dans lestravauxmanuels,
dans un ordre religieux, c'est chose impossible. Que dans les constructions, les hommes, par leurs in-
le moine devienne insense pour etre sage que tout : ventions iuuombrables, ont fait sortir tant de mo-
son jugement consiste h ne jugerderieu. Quetoute des d'etudes, tant d'especes de professions, les sub-
sa sagesse consiste a s'attacher a nepas en avoir du tilites, les sciences recherchees, les arts, I'eloquence,
tout en cettematiere. les dignites, la variete des emplois, les innombra-
CHAPITRE VI, bles rechercbes qui se pratiquent dans le siecle,
Dieii a donn^ a I'homme une intelligence capable d'ap- dont usent pareillement, soit pour leur necessite,
prendre les arts et les sciences ; les wis en usent bien soit pour leur utilite, et ceux qu'ou appelle sages
et les autres mal. de ce siecle, et ceux qui sont simples et enfanls de
Leors divers
15. En cette creature en qui I'animalite et la Dieu. Mais les premiers en abusent pour satisfaiie usages.

iter fiat, quod a majore praecipitur. Lignum enim scieil- conterminant, in natura animae humana? relictus est a
tia?boni et mall in Paradise, censura discretionis est in creatore bono intcUectus et ingcnium, et in ingenio
couversatione religionis penes patrcm spiritualcm, qui ars, in quo conslituit Deus homlnem super opera ma-
dijudicat omnia, ipse vero a nemine judicatur. Ipsius nuum suarum, ct omnia sajcularia ista subjecti sub pe-
est discern<!rc, aliorum est obcdire. Adam gustavit in dibus ejus ; testimonium naturalis
animali suporbo, in
malum suum de ligno vetito, cdoctus ab eo qui sug- dignitatis, et Dei amissa;; siuiplici vuro
similitudinis
gcrendo ait Quare pracepit vobis Deus ut i/u lirjno
: cl humili, in auxilium recuperanda' dignilalis, cl coa-
11011 commederetis ? Ecce discrollo, cur pra?ceplum scrvanda; similitudinis. In hoc quod iiotum est Dei,
sit. Et addil Scicbat enim quia qua die conimedei-ilis,
: manitestum est in illis. In hoc ii'slimalur de creatura
aperientur ocitli vestri, et eritis sicut DU, Ecce creator. In hoc cognoscitur justitia Dei ct quia qui :

ut quid praeceptum sit, scilicet quod dcos fieri non si- bene aguul, digni sunt vita qui vero allter, diyiii
:

nat. Discrcvit, comedit, ct inobedicns factus est, et dc sunt morte. In hoc croatura qua} spontc homini servit,
Paradiso o'ectus Sic el animalcm disci-etum, novi-
est. ad natui-am suhjicitur et aptalur, ut sorviat ad cam quae
tium prudentcm, incipicntem sapicntem, in cella diu ex peccato est necessilalom, et ad volunlatem et volup-
posse consistere, in congregitione durare, impossiblle tatem. Hinc etiam quot el quanta vita- huic necessi-
est. Slultus fiat, ut sit sapiens et hfrc omnis sit ejus
: ria, et bonis ct malis ulilia, el in genera suo pulchop-
discretio, ut in hoc nulla sit ci discretio. Haac omnis rima, et a boni'' et a malis hominibus facta sunt ct fiant,
sapietia ejus sit, ut in hac parte nulla ei sit. omnibus manifcsluni est. Ilinc enim in littcris, vol
opificiis, vel a^dificiis, per innumerabiliter multipliccs
CAPUT VI. hominum ad invcnliones, lot proccsserunt modi studio-
Deus homini intellectum variamm ariium et rum, tot genera professlonum, subtilitafes, e„\quisitaj
scientia-
scientia), artcs, cloquentia', dignilatum, officiorumquo
rum capacem dedil, quo tamen alii male, alii bene
varictalcs, el innumerabilcs coiKjuisiliones hiyus s;i'culi,
utuntur.
quil)iis homines illi eliam qui (lituntur sjipientes hujus

15. In eo vero in quo se sibi animalitas ralioque mundi, cum eis qui sunt simpliccs ct fllii Dei, pariter
,

II

336 L'ABBE GUILLAUME.

leur curiosity, leur volupt6 et leur superbe , les au- sultent de ce qu'il a fait ou entendu: aussi ses reins

tres les ernploient i litre de necessile, trouvant ail- seront remplis des illusions de ses delectations, et

leurs la delectation qu'ils desirent. Les premiers, quand il faudra contempler les choses divines et
serviteurs de leurs sezis et esclaves de leurs corps, spirituelles, la lumiere de ses yeui ne sera plus
se voient entoures des fruits de la chair qui sont avec lui : celui qui combat centre les passions,
«la fornication, Timpurete, I'orgueil, la luxure, les souffre des ennuis, parce qu'il ne parvient point a
inimities, les contentions, les jalousies, les coleres, surraonter entierement les impressions qu'il en
les rixes, les dissensions, I'envie, les repas copieux, eprouve. Celui qui aspire a la liberte ne peut eloi-
I'ivresse et autres exces de ce genre : quiconque gner de lui les imaginations de ses impressions, et

s'en rendra coupable, n'obtiendra pas le royaume les pensees nuisibles, penibles ou oisives qui s'ele-

de Dieii. » Les autres recueilleront les fruits de vent de toutes parts. De la, au temps de la psalmo- nistr;
des ill
I'Esprit qui sont « la charite, la joie, la paix, la pa- modie ou de Toraison et des autres exercices spiri
fai

tience, la benignite, la longanimite, la bonte, la tuels, dans le cceur du serviteur de Dieu, malgre

mansuetude, la foi, la modestie, la continence, la ses refus et ses luttes, les imaginations et les fan-

chastete et la piete qui possede les promesses de la tomes des vaines pensees, qui, semblables a des oi-
vie presente et de la vie future. [Gal. v, 19 et seaux immondes poses ou voltigeants, viennent en-
seq.) lever le sacrifice de devotion des mains de celui qui
16. Tant que ces homraes agissent, on voit au- letient,oule somllent souvent jusqu'a arracher des
dehors des actions pareilles, mais Dieu discerne les larmes a celui qui I'offre. Dans cette ame infortu-

Different* volontes et les intentions. Mais quand on rentre nee eclate une triste et inegale division, 1' esprit et
retours sur consequences
soi.
dans son interieur, cbacun trouve les la raison d'un cote reclamant la volonte et I'inten-
de ce qu'il a voulu, que lui presente comme nourri- tion du coeur avec la prompte obeissance du corps ;

ture sa propre conscience. Cbacun pourtant n'y re- la grossierete animale s'emparant, d'un autre, avec
vient pas egalement : personne n'aime a revenir en violence, de I'intelligence et de la volonte, et sou-

soi apres son action, quand il n'en est point parti vent par la I'esprit reste sans produire de fruits.

avec bonne intention. Qui y retourne sans avoir De la vient que dans les ames faibles, et en qui les ^.^

vaincu sa concupiscence, il trouve, venant de cette concupiscences de la chair et du siecle ne sont pas la curicj

meme concupiscence, ou d'agreables delectations, encore parfaitement mortifiees, le vice de la curio- la sol j

ou de cuisants remords, et aussi il multiplie ses re- site commence a faire de forts grands ravages. De
tlexions. Quant a celui qiii a deja triompbe de sa la resulte que Ton cherche ces consolations dere-
concupiscence, sans que neanmoins un desir plus glees et ennemies d'une regie de sohtude et de si-
grand, ou une jouissance plus vive du veritable lence, ces diversions furtives ou la volonte se trouve
bien se soit emparee de son esprit, il souffre, avec a Tecart dans la voie royale d'une vie commune, le
une volupte desagreable, les imaginations qui re- degout de ce qup. Ton fait tous les jours, le senti-

utuntur ad necessitatem et utilitatem. Sad illi abutuntur jam concupiscentiam vicit, quamdiu tamen veri boni

eib ad curiositatem et voluptatem, et superbiam lii :


major concupiscentia, vel major delectatio mentem ejus
autem utuntur eis propter neccessitatem, alibi liabentes non obtinuerit, cum exosa quailam voluptate, gestorum,
suam suavitatem. Ideo illos servos sensuum suoruni visorum vel auditorum patitur imaginationes unde :

et corporum suorum sequuntur fructus carnis sute, qui in utroque lumbi implentur illusionibus delectationum,
sunt fornicatio immundttia, superbia, luxuria, inimici- etad cogitanda divina vel spiritualia lumen suorum ocu-
tice, contentiones, cemulationes, irce, rixce, dissensiones lorum, et ipsum non est secum qui cum pugnat con- :

invidicE, commessationes, ebrietates, et his similia : qua tra concupiscentias ,


patitur molestias : quia vincere
quicunque agunt, regnum Dei non consequeniur. Hos adhuc non praevalet ad perfectum affectiones. Qui vero
autem fructus Spirilus, qui sunt chanins, gaudium, jam ad libertatem aspirat, excutere a se non potest
fax, patientia, benignitas, longanimitas, bonitas man- affectionum imaginationes, el noxias vel occupatorias
suetudo, fides, modestia, continentia, castitas; et pie- vel otiosas ,
quae exinde passim oriuntur, cogitationes.
tas, promissionem habens vitce quae nunc est, et fu- Hinc in tempore psalmodiae vel caeterorum- orationis,
turcE. que exercitiorum spiritualium, corde servi Dei, in
16. Hi utrique quandiu simul sunt in actu, homines etiam nolentis et reluctantis, imaginationes volvuntur,
vident similes actiones, Deus autem voluntates discernit et phantasmata cogitationum versantur a quibus, velut :

et intentiones. Cum vero unusquisque redit in sua, ab avibus immundis insidentibus vel circumvolantibus,
unumquemque ex fructibus intenlionis suae pascit cons- sacrificium devotionis vel omnino rapitur de manu te-
cientia sua. Nee tamen ab utroque aeque ad conscien- nentis, vel saepe polluitur usque ad lacrymas offerentis.
tiam, reditur : quia nemo ad earn redire amat post ac- Fitque miserabilis et iniqua miserce anims; divisio, spi-
tionem : qui recta ad agendum ab ea non
intentione ritu et ratione voluntatem cordis et intentionem, et cor-
proficiscitur. Qui tamen redit ad conscientiam, si non- poris sibi promptum obsequium defendente ani- :

dum vicit concupiscentiara suam, invenit ibi de ipsa mali vero improbitate sibi affectum praeripiente et
concupiscentia sua vel suaves delectationes, vel graves intellectum, mente sapius sine fructu remanente. Hinc
eorrosione»; et inde multiplicat cogitationes. Qui vero in animis infirmioribus, et in quibus concupiscentia
LETTRE AIJX FRERES DU MONT-DIEU. 337

ment qui fait voir de bon ceil toutes les nouveautes. docile. Car on a recu gratuitement le genie, I'art
Ces sortes de remedes semblent calmer pour un mo- riutelligence et les autres dons de ce genre; il n'en est
ment, en le soulageant, ce prurit et cet ennui de pas ainsi de la vertu. La vertu veut etre apprise avec
I'Ame, mais ils la rechauffent et I'enflamment en bumilite,cbercbeeavectravail, possedeeavec amour.
augmentant par la suite ses tristes ardeurs et ses Car, comrae elle est digne de toutes ces richesses, Elles
different de
deplorables demangeaison?. De la cette regrettable eUe ne peut etre apprise, cherchee ou possed^e 1* verln.
inconstance par laquelle tons les jours on s'adonne d'une autre mauiere.
k des occupations nouvelles, a de nouvelles prati-
ques et a de nouveaux travaux; qui porte a faire CHAPITRE VII.
des lectures variees, non pour edifier I'ame, mais
pour tromper monotonie pesaute d'un jour trop
la Ce que doit apprendre le religieux novice ou
lent ci s'ecouler on sorte que le solitaire, apres
; I'ermite grassier.
avoir coudarane tout ce qui est ancien, tout ce qui
se pratique d'ordinaire, n'eprouve plus, quand le 18. En premier lieu done, I'habitant du desert
nouveau est epuise, que la haine de sa cellule, et encore grossier doit apprendre, selon la regie tra-
le besoin d'en sortir prorapteinent. cee par I'Apotre, a faire de « son corps ime bostie

lent il 17. C'est pourqnoi, I'liomrae simple et nouveau vivante, sainte, plaisant a Dieu et lui soumettant sa
'ornier
)vices.
dans la vie religieuse et solitaire, qui n'a pas de raison. » {Rotn. xu, 1.) Pour dompter la recbercbe
raison pour le conduire, de sentiment pour I'entrai- precipitee et curieuse qu'eprouve a I'egard des cbo-
ner et de discernement pour le moderer, mais qui ses spirituelles et divines, dans la ferveur de son
se sert euvers lui-meme de la force que I'ouvi'ier commencement, I'bomme animal qui ne saisit pas
emploie envers I'objet qu'il elabore, doit etre fa- encore les choses de Dieu, le meme Apotre ajoute :

conne par mains d'autrui dans la loi des com-


les « Je le dis par la grace de Dieu qui m'a ete donnee,

mandemenls de Dieu, et forme en toute patience a a tons ceux qui sont parmi vous, de n'etre pas plus
la roue mobile et docile de I'obeissance, au feu de sages qu'il ne faut, mais de I'etre avec sobriete. »
I'epreuve, soumis aux ordres et au grc de celui qui [Ibid. 3.) Parce que la reforme de I'homme animal i_ ^g ^o^i^g
doit d'abord
le dirige. (Juoiqu'il ait dn genie, de I'art et de I'in- route en tout, ou du moins en tres-grande partie
Ues de
apprendre la
'
indif- telligence a un degre superieur, il n'importe, ces sur son corps et sur sen agencement extcrieur, il faut ;mortification

Dte. " corps,


dons peuvent servir d'instrumenis aussi bien au lui apprendre en premier lieu a fortifier raisonna-
vice qu'a la vertu. Qu'il ne refuse pas d'apprendre blement son corps et ses membres qui sont sur la
a utiliser i)our le bien, ce qui pent etre consacre au terre ; a tenir un juste equilibre de raison et de dis-
mal, car c'est la le ])ropre de la vertu. Que le ge- cernement entre la cbair et I'esprit qui luttent saus-
que I'art forme
nie assouplisse le corps, la nature, cesse sans relacbe, sans avoir de partialite pour I'un
que rintelligence ne rende pas I'ame superbe, mais ou I'autre. II faut lui enseigner b. traiter son corps

carnis et saeculi necdnm perfecte mortificatse sunt, \'i- instrumenta sunt haec tarn vitiorum quam virtutum.
tia passim curiositatis ebulliunt. liinc solitudinis et si- Non ergo refugiat duccri, uti eo in l)ono, quo et in ma-
lenlii quaeruntur inordinatae, et proposito inimicae con- lo uti potest, quod proprium virtutis opus Ingenium
est.
solationes, in ^ia regi.i communinm
instituliomim fur- corpus adaptet, ars naturam informct, non
et intcllectus
tiva pi'opria; voluntatis diverticula, solitoruni fastidium, datum facial aniuumi, sed docibilem. Ingenium quip-
praesumplio no\italuni, qua; quidcm ipiji'i aninii pru- pe, ars intcllectus, et alia luijusuiodi gratuito iiabcntur,
ritum et twdium, quasi confricando, videntur ad lioram abler vii'tus. Virtus enim vult doceri cum liumilitatc,
lenire : sed accondunt, ct ut postca ne-
calefaciunt et quaeri cum labore, baberi cum amore. Nam cum omni-
quius ferveat, et Hinc quo-
auiplius pruriat, cfliciunt. bus his digna sit, ncc abler, vel doceri, vel qujerit, vel

tidie fiunt novaj occupafiones, nova; actionum et labo- baberi potest.


rum adinventiones, lectiones divcrsae, non ad aedifican-
dum animum, sed ad fallendum tardantis diei tjedium : C.\PUT VII.
ut cum damnaverit solilarius omnia vetera, omnia so-
lita, et defecerint nova non restct nisi odium cella?,
;
pn'mum
Religiosus novitius, sen ruch\- Eremita qu(B
et fuga mafura.
docendus.
17. Propter quod pia simplicitas, et in professione
religionis et solitudinis novus Iiomo, qui non habet vel
rationera ducentem, vel affectum trahenlem, vel dis- 18. Primum itaquc docendus est rudis incola ercmi,
cretioncm modcrantem, sed vi quadam utitur In seme- secundum apostolicam Pauli institiilionem, ut cxliibcat
tipsum tanquam a figulo figmentum lege quadam ; corpus SKum hoHinm rin-nlcm, sniuiam, Deo placen-
mandatorum Dei quasi manibus alienis faciendus est, teni, mtionuhilc ob--c(jiiium muhi/i. Qui ctiam compes-
et formandus in omni patientia, et in rota volubilis obe- cens in novitio fervore aninialis hominis, qui nontliun
dientiae, et in igne probationis sua>, plasmatoris et for- percipit ea qua; Dei sunt, circa spiritualiaac- divina pra3-
matoris sui voluntali et arbitrio subclcndus. Nam clsi properam ct curiosam inquisitionom, subjunxit dicens :

callet ingenio, si viget arte, si praecminet intellectu, Dico enim per gratiaoi Dei qiue data est mihi, omnibus

T. V. 22
338 L'ABBE GU11J,AI:ME.
comme un malade qu'on lui a recommand6, a qui longtemps en sa sociele ; de sorte que s'il eu arrive
il faut refuser, malgre ses vifs desirs, les clioses aulrement, nous ne soyons pas presses de le quit-
inutiles, et faire prendi'e de force celles qui lui ter. Sur ce point y aurait hien des scrui)ules a Comb
il

sont salutaires. A se servir de lui, non comme s'il eprouver, o)i bien des dangers a courir; mais la re- religi
lui mais comme etant de celui qui
appartenait, gie de I'obeissance, qui s" applique aussi a la cellule, Tobfe
nous a acbetc a grand prix, afin que nous le glori- en donnant xme fois la forme parfaite de I'obser-
fiions dans notre chair. (I. Cor. vi, 20.) II faut on- vance commune en ce qui regardc le vivre, le \(t-
core I'inslruire a eviter ce que le Seigneur repro- tement, le travail et le repos, le .silence et la soli-
clie par son Prophete, au peuple pecheur « Vous : tude, et tout ce qui se rapporte au soin exterieur
Comment il m'avez rejete derriere votre dos. )) (III. /?((/. xiv, 9) de rbomme ou a ses necessites , rend le frere
Aussi, il beaucoup prendre garde de laisser, en
faut obeissant, patient et traiiquille, et precautionne
'^le'corps?'^
vue des besoins ou des avantages tempoi^els de la vie pour le reste, en Tout y est si
le mettaiit a I'abri.
presente, son esprit s'ecarter du droit chemin ou bien precise, le superflu si sagement retranche,
s'abaisser en quoi que ce soit de sa dignile, et des- tout le necessaire si juslement renferme dans les
cendre a aimer ou a honorer le corps auquel il est bornes du suffisatit et d'uue retenue universelle,
uni. C'est pourquoi il faut traiter ce corps avec du- qu'il y a de quoi laisser desirer aux forts, sans eloi-
rete, pour ne se revolte point et ne fasse pas
qu'il gner les faibles,_ que la quantite accordee ne pent
I'insolent de maniere cependant a ce qu'il soit en
: blesser en rien la conscience de ceux qui en usent
etat de servir, car il a ele donne a I'homme pour avec actions de graces, et que la partie retrancliee
etre le serviteur de I'ame. 11 ne faut pas I'avoir ne doit pas tenter le serviteur de Dieu bien regie,
comme si nous devions vivre pour lui, mais comme etbieu eleve. En ces prescriptions, comme le dit

un instrument sans lequel nous ne pouvions pas Salomon : « Qui marche simplement marcbe avec
vivre. Car I'alliance que nous avons avec le corps, coniiance » : {Prov. x, 9.) «qui a I'esprit dur tombera
nous ne sonimes pas libre de la rompre quandnous dans le mal.n [lb. xxvui, lil.) Car encore quel'ordre
voudrons il nous faut attendre avec patience la
: necessaire de la maison soit distribue de telle sorte
fin legitime de ce combat, et en observer fidelement qu'il n'y a lieu a aucune plainte, et que tout su-
les clauses. perflu soit retranche, si cependant , soit en pu-

19. Nous devons consequemment vivre ou nous blic, soit en particulier, y a quelque chose a ajou-
il

tenir avec lui comme si nous n'avions pas a rester ter ou a oter, tout est remis au jugement du Prieur,

qui sunt inter vos, non plus sapere quam oportet sapere, dum sicque ut si aliter evenerit, non urgeamur ad
:

sed sapere ad soLrietatem. Quia onim omnis vol praeci- e.\euudum. In quo multum et scrupulose aborandum,et
pue animalis hominis inslitutio circa corpus esl et cxte- periculose saepe fuerat errandum, nisi lex obedientise et
rioris hominis compositionem, docendus est rationabi- cellae plenam communis inslilutionis formam semel tra-
liler mortificare corpus suum, et membra sua, quae sunt dcns, ingrcdicnti de victu et vestitu, de labore et quiete
super terram, et inter cavnem ac spirilum, quoe invicem do silentio et soliludine, et omnibus quae ad exterioris
jugiter adversum so concupiscunt, jusium i-ationis ac hominis cultum, vel nocessitatem spectanf, fratreni obe-
discrelionis habere judicium, nee aliciijus corum in dicntem, et palientem, ct quictum, in reliquum caulum
judicio accipere personam. Docendus est sic habere redderet et securum. In quibus sic semel circumcisa
corpus suum, sicul aegrotum commendalum, cui etiam sunt omnia, et prtecisa superllua, sic intra congruae suf-
mullum volenti inutilia simt neyanda, utilia vcro etiam ficienti* terminos et gcneralis continenti<£ limites cir-
uolenli iuyerenda. Sic de co agere, sicut de non suo, cumscripta sunt omnia necessaria; ut sit quod fortes cu-
scd ejus a quo prctio magno empti sumus, ut glorifioc- piant, ct infirmi non rcfugiant nee ulterius quantitas :

mus eum in corpore nostro. Rursumque docendus est conccssorum laedere possit in aliquo utentium cum gra-
cavere, quod peccatori populo Dominus per Prophctam tiarum aclione conscientiam, nee quae sunt amputata,
improperat Projecistis me, inquiens post tergurn ves-
:
,
tenlare debeant aliquatenus in servo Dei corporis bene
tmrn. Mullumque esse cavendum, ne pro nccessariis morigerali, et recte edueati sufficientiam. In quibus, si-
hujus vitffi vel commodis, a propositi rectitudine, vel cut Salomon dicit : Qui ambulat simpliciier, ambulat
dignitate naturae, in amorem vel honorem corporis sui confidenter qui vera mentis est dur cB,corruet in malum.
:

sinat in aliquo degenerare spiritum suum. Ideoque du- Licet enim necessitas sic sit ordinala, ut nee querclae sit
rius tractandum est corpus, ne rebellet, ne insolescat : locus ullus, et omnis sit superfluitas amputata si quid :

sic tamcn, ut servire sufficiat quia ad serviendum : tamen vel publice, vel privatim addendum est, vel mi-
spiritui est. Nee sic habendum est tanquam prop-
datum nuendum, hoe in Prioris est arbitrio, absque omniscru-
ter vivamus sed tanquam sine quo vivere non
illud ; pulo obedienti;nn subditorum, vel perieulo.
possumus. Fcedus enim quod habenius cum corpore, 20. Instituendus est ergo novus Eremita ad commu-
non quandocunque volumus, possumus abrumpere; nis institutionis normam concupiscentias carnis suae prae-
sed legiUmam ejus resolutionem palienter nos exs- teritorum peccatorum poenitentia continua domare, etad
pectare oportet, et interim quae legitimi foederis sunt contemnenda caetera, ad sui ipsius contemptum venire.
observare. Praemuniendus est assidue contra tentationes, acrius in
19. Sic ergo nobis est cum eo convivendum, velcon- solitarium novitium desaevientes cum servum Dei gra- ;

veniendum, quasi non diu nobis sit cum eo commoran- tis Deo servientem non cessent sollicitare vitia mercede
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 339

sans scrupule et sans danger pour ceux qui lui tions et de toutes pensees mauvaises et inutiles. Ce
obeissent. qui occasionne le plus de mal a I'ame, est I'oisivele
20. U faut done liabituer le nouvel ermite a dorap- inerte. Que 'e serviteur de Dieu ne soit jamais oi-
ter, en suivant la regie commune, les concupiscen- sif, meme lorsqu'il prend quelque relciche de ses
ces de sa chair, en faisaut une penitence continuelle exercices religieux. Ne donnons point un nom si S'appliqner
a JJieu n est
pour ses peclies passes, et a se mepriser lui-meme louche, si vain et si mou a une chose si certaint^, si pas chose
Dieu n'est pas oiseuse.
pour mepriser tout le reste. 11 faut aussi lepremu- sainte et si auguste. S'appliquer a
pre nir avec soin centre les tentations qui ont coutume oisivete, e'est I'affaire des affaires. Celui qui, dans sa
centre
itatioiis de fatiguer davantage le novice solitaire, car elles cellule, ne s'y livre pas avec ferveur et avec tidelite,

ne cessent de solliciter le serviteur de Dieu qui sert quoiqu'il fasse, s'il n'agit pas pour la grande affaire

le Seigneur^ et d'exciter ses sentiments vicieux en de servir Dieu, il est oisif en ce qu'il fait, II est ri-

lui otfrant des delectations qui les salisfassent, le dicule de se livTer a I'oisivete, sous pretexte d'evi-
diable y ajoutant ses suggestions, la chair, ses de- ter I'oisivete. Ceuh-la est oiseux qui n'a pas d'utilite
images qui entiamment la con-
sirs, et le siecle, ses ou quelque intention d'utUite. 11 ne faut pomt en
cupiscence. C'esl aiusi que nous eprouve le Sei- agir ainsi, pour que le jour du repos s'ecoule avec
gneur notre Dieu, pour savoir si nous I'aimons, oui quelque charme pour nous, ou du moins sans grand
ou non non qu'il ne le sache pas, mais afin que
: ennui ; mais pour que le repos laisse toujours dans
la teutation nous soit une occasion de le mieux re- notre conscience quelque chose qui tourne au profit
ations marquer en nous-memes. Les tentations sont faci- del'dme, pour que, chaque jour, quelque bien s'a-
us
eases. lement vaincues, et on marche a leur rencontre masse dans le tresor du coeur. Et le bon habitant
avec succes, quand elles sont suspectes, ou lorsque de la cellule ne doit pas croire qu'il a vecu, le jour
des le premier abord, on les reconnait pour mau- ou il n'a pratique aucune des choses pour
les-

vaises. Quant a celles qui s'inlroduisent sous I'ap- qu elles on vit dans la cellule.
parence du bien, on les discerne avec plus de difii- 22. Vous demandez ce que vous avez a faire, et a Ejprfice du
1 -ieax
culte, et on les introduit dans I'ame avec plus de quoi vous avez a vous occuper? D'abord, outre le (i
I - sa

sacrifice quotidien de vos prieres ou I'etude des li- ce.lule.


danger. Car, de meme qu'on garde ti'es-difiicilement
une mesure dans ce que I'ou croit bou, de meme vres, il ne faut pas refuser une partie de la journee

tout desir du bien n'est pas toujours siir et sans a I'examen de conscience de chaque jour, a la cor-
danger. rection et a Tamelioration de vos moeurs. Ensuite,
il livrer au travail des mains, ce qui est
faut se
prescrit,non taut pour delasser I'esprit durant une
CHAPITRE VIII.
heure, que pour couserver et augmenter son gorit

Le religieux, surtout le solitaire, doit eviter avec tout


pour les occupations spirituelles ;
pour que I'ame
le soi7i possible I'oisivete, el quelles occupations lui
se repose un moment, et non pour qu'elle se dis-
sipe : de sorte que, lorsqu'elle verra qu'il faut re- DiscritioQ
conviennent.
venir a elle-meme, degage sans opposition
elle se
le travail.
ODtre
ivet6. 21. L'oisivet6 est la source de toutes les tenta- de la volonte attachee a son occupation, sans in-

oblatae delectationis, diabolo suggerenlc, carne concu- mentis malitia est otium iners. Nunquam otiosus est
piscente, sajculo concupiscenda ingerenle. Tentat enini servus Dei, quamvis a Deo feriatus sit. Xomcn quippc
nos Dominus Ueus noster, utrum diligamuseumannon: tam suspcetum et vanum et molle, rei tam ccrtae, tarn sanc-
non ut ipse quasi nesciens agnoscat, sod ut plenius hoc t£e, tam severae imponendum non est. Otiosum non est
in ipsa nobis tcntatione innotescat. Sert illae lenlaliones vacare Deo, imo negotium negotiorum omnium hoc est.

facile vincuntur, ct facile a ratione cis occurrilur, qu;e Quod quicunque non agit fideliter et fervcnter,
in cella
vel suspectae sunt, vel prima facie mala? esse innotes- quodcunque quod propter hoc non agit, scilicet ut
agit,

cunt : quae vero sub specie boni se ingerunt, et diflici- Deo serviatur, in eo quod agit, otiatur. Ubi pro vitando
lius discernuntur, et admittuntur. Sicut
pcriculosius otio otiosii sectari ridiculum est. Otiosum autem est,
enim difficillime tenetur modus co quod bonuni
in quod nullam habct utilitatcm, vel utilitatis intontionem.
esse credltur ; ita non semper tutus est omnis boni ap- Non autem hoc tantunmodo agendum est, ut cum ali-
petitus. qua delccfationc, vel sine grandi nausea otii dies tran-
sigatur scd, ut etiam de peracla dieta ad profeclum
:

mentis semper aliquid in conscientia residcat, aliquid


a\PUT VIII.
quotiilie in thesaurum cordis congcratur. Nee ca die
bonus cellita sc vixisse debet exislimare, in qua nil eo-
Oiium quantopere omni religiose prcesertim solitario fn-
rum se egisse rccolit, propter quaj in cella vivitur.
giendum, et quae illi occupationes conveniant.
22. Qua^ris quid agas, vel in (juo teoccupes? Priuuuu
extra quotidianum oratiouum sacriliciuui, vel lectionia
21. Omnium autem tentationum et cogitationum ma- sludium ,
quotidiana; conscientia? discussioni, cmcnda-
larum et inutilium sentina, otium est. Summa etenim tioni, morum compositioni pars sua dicinegandanoucst.
3i0 L'ABRE GLILLAIMR.
fluence du plaisir qu'elle a goute en s'y livrant, el point tant ce qu'il fait, que le but qu'il se propose
sans que la memoire lui en i-appelle I'iinage par la en agissant, le terme oil aboutit toute chose : plus
suite. c( Car I'liorame n'est pas pour la femme, mais il se repose snr ce but, plus ses mains travailleut
la fomme pour riiomme. » [l. Cor. xi, 9) Les exer- avec fcrveur ct fidelile, et il souniet tout son corps
ne sont point pour los exercices cor-
cices sjiiriiuels a I'empire de cette grande persuasion. Car tous les

porels, mais ceux du corps sont pour ceux de I'cime. sens qui se rapportent a la maiiLfeslation de la

C'est pourquoi I'liomiue, apres sa creation, recut, bonne volonte se reunissent en ce point ; il ne leur
pour en tirer secours, un etre semblable a lui, est point permis de se souslrairo au poids du
forme do sa propre substance; de meme lorsqueles travail, et et soumis
enobeissant a Tesprit humilie
exercices corporels sont necessaires pour aider aiix apprennent a luidevenir conformes en
lui aussi, ils

exercices spiriluels, tous cependant, ne seuiblent pas partageant ses labeurs, et en aspirant les consola-
convenir egalemeut a ce but, mais ccuxsurtout qui tions qui lui seront dunnees plus tard. Car, troublee Refop
Il nail
ont avec eux plus d'aflinite et de ressemblance : par le peche et sortie de son elat de rectitude, la

ainsi il sert beaucoup, pour I'ediQcatiou spirituelle, nature, si elle se convertit et retourne a Dieu, recou-
de mediter ce qui est ecrit, ou d'ecrire ce qui est vre promjitement scion la mesure do la crainte et
lu. Quant aux exercices et se aux operations qui de I'amour qu'elle eprouvo pour lui, tout ce qu'elle
font en plein air, de meme qu'ilsdislraient lessens, avait perdu en le^quittant, et quand I'esprit com-
de meme ils font perdre I'esprit interieur, a moins mence a etre reforme a I'image de son createur,
que, dans les rudes travaux de la campague, le bri- bientot, sousl'inlluence de sa volonte, la chair elle-
sement du corps n'aille jusqu'a humilior et briser meme se transforme ct devient semblable a I'ame.
aussi le coeur. Par la grandeur de la lassitude qu'ils Car tout ce qui plait a I'auie lui plait pareillement,
causent, ils expriment sonvent le sentiment d'une meme contre ses propres sentiments. Bien plus,
devotion plus ardcnte. Effet qui se produit bieia des eprouvant pour Dieu une soif multipliee a cause
fois et manifestement dans les jeunes, les veilles et des nombreux defauts que le peche a laisses en elle
J
toiit ce qui afilige le corps. pour saptmition, parfois elle s'cfforce de marcher
23. Cependant I'espi'it serieux et prudent se en avant de I'esprit qui la guide. Car nous ne per- Deleeta
Disposition
pour prepare a toule sorte de travail, il ne s'y dissipe dons pas les jouissances, nous les changeons de- serr
deDi
le travail.
point, au contraire il en tire moyeu de se recueillir quand nous les transportons du corps a Fame, des
davantage ; ayant toujours devaut les yeux, nun sens a la conscience. Du pain de son, de I'eau pure,

Deinde operandum est aliquid manibus quod injungitur, verius inaititur, in tantum etiam ferventius et Cdelius
non tam quod animum delectando ad horam detineat, manibus operatur, totius sibi corporis sui subjiciens ser-
quam quod spiritualibus studiis delectationeni conservet vitutem. Coguntur enim in unum sensus ad disciplinam
et nutriat in quo remittatur ad horam animus, non re-
: bonas voluntatis, nee lascivire eis vacat a pondere labo-
solvatur unde se facile mox, ut sibi ad se ipsiim re-
: ris, et subacti et humiliati in obsequium spiritus, docen-
denndiim esse visum expediat sine controversia
fucrit, tur conformari ci, et in laboris parlicipatione, et in con-
inliibentis voluntatis, absque contagio conhactcE delecta- solationis exspectatione. Exordinata enim natura per
tionis, vel memoi-iaj imaginantis. Xon enim vir propter pcccatum, et a conditionis suae rectitudine exorbitans, si
mulierem, sed mulier propter virum. Non spiritualia ad Deum fuerit con versa, recuperat cito pro modo ti-
excrcitia sunt propter corporalia sed corporalia prop- , moris et amoris quem habet ad Deum, quaecunque per-
ter spiritualia. Proptcrca sicut viro creato collaliim est, didit aversa et ubi ca>perit spiritus reformari ad ima-
:

vel couiparalum ei adjutorium simile sibi ex ipsa homi- ginem conditoris sui, mox etiam retlorescens caro ex
nis substantia sic cum in adjutorium spiritualis sludii
: voluntate sua incipit conformari reformato spiritui. Xam
necessaria sint, non tamen in hoc semper aeque conve- et contra sensum suum incipit earn delectare quidquid
nirevidentur omnia corporalia exercilia, sed qua; cum delectat spiritum suum. Insuper et pro multiplici de-
spiritualibus propiorcm videntur habere simililudinem fectu suo ex poena peccati multipliciter sitiens ad Deum,
et affinitatem sicut ad a^dificationem spiritualem mcdi-
: nosnunquam etiam contenditpraeccdererectorem suum.
tari quod scribatur, vel scribere quod legatur. Subdiva- Deleetationcs enim non perdimus, sed Imutamus a cor-
lia enim exercitia et opera, sicut sensus distrahunt, sic pore ad animum, a sensibus ad conscientiam. Panis fur-
sa;pe etiam spiritum exhauriant, nisi cum graviore rura- fureus, et simplex aqua, et olera, et legumina simplicia,
lium labore operum sit major contritio corporis usque nequaquam res delectabiles sunt : sed in amore Christi,
ad contritionem et humilialionem cordis. Fatigationis et desiderio internae delectationis, ventri bene morige-
enim suaj pressura exprimunt sa;pe vchementioris affec- rato gratanter ex his satisfacere posse, valde delectabile est.
tum devulionis. Quod etiam in labore jejuniorum, vigi- Quot millia pauperum ex his, vel ex aliquo horum delec-
liarum, et omnium in quibus aftlictio corporis est, crc- tabiliter satisfaciunt naturae ? Facillimum quippe et delec-
bro fieri manifcslum est. tabile esset adjunctoamoris Deicondimeuto secundum na-
23. Serius tamen animus ad omnem se et prudens turam vivere, si qua sanata,
insania nostra nospermitteret :

comparat luborcm, nee in eo dissolvitur, sed per eum statim naturalibus naturaarridet.Eodem modo et de labore.
magis in seipsum colligitur qui semper prae oculis ha-
: Rusticus duros habet nervos, fortes ]acertos:exercitatio hoc
bens, non tam quod agit, quam quo agendo intendit, facit.Sine eum torpere; mollescit. Voluntas facit usum, usus
omnis consummationis attendit Dnem : quo in quantum exercitium,exercitium vires in omni labore subministrat.
,

LETTHE AUX FRfiRES DU MONT-DIEU. SZil

et des legumes Ires-ordinairos, ne sorit pas chose necessite centre necessite, coutume contra coutume
trfes-suave, raais il est Ircs-agreable, pour I'amour et affection centre affection, jusqu'a ce qu'il meritt;
de Jesus-Christ, ct dansledesir de goiiUa- Icsdeliccs davautiged'eprouver delectation coutro delectation :

inlerieures, d'eu coiitcuter uu corps docile ot bleu que, selon le conseil de I'Apotre, il trouve an nioins
u est
ble.
regie. Quo de milliers de pauvres, qui satisfont la auiant de jdaisir a se des jouissances de la
priver
nature en ne lui donnaiit qu'une pariie de ces chair et du monde, en trouvait auparavant A
qu'il
aliments! II serait tres-fdcile et fort doux de vivre les goiiter qu'il soit aussi content de faire servir
:

selon la nature, en melaiit a ce regime pen peuiblo, les membres de son corps a la justice pour se

lecondiment de I'amour de Dieu, si notre folie sanctifier, qu'il I'etait de les faire servir i I'impure-
nous le permettait cette folie gueri(!, de suite la
: te et i I'iniquite pour se souiller de peches. Voici Perfection de
nature sourit tout co qui est on Ihomme
;i nature. II est la perfection du novice qui connnence, on de aDimal.
de meme du travail. I/liabitant de la campague a rhoinme qui seti'ouve dans I'etat animal : ayant
les nerfsvigoureux, les bras puissants : I'exercice detruit ce qu'il y a en lui d'animal ou d'humain,
en est la cause. Qu'il reste dansl'inaction, il s'amol- s'il ne regarde pas en arriere, s'il s'elance fidele-
lit. En tout travail la volonte amene Facte, I'acle, ment vers ce qui s'etend devaut lui, il parviendra
I'exercice, et I'exercice doveloppe les forces. vite aux realites divines et commencera a saisir
2Zi. Mais revenons a notre premiere pensee. Qu'en comme il est saisi, a connaitre comine il est connu.
toutes manieres, et le travail et le repos s'harmoni- Ce travail n'est pas I'ceuvre du moment de la
sent de telle sorte que jamais nous ne soyons conversion, ni celle d'lni seul jour; il y faut beau-
oisifs, que toujours notre occupation soit de
et coup de temps, beaucoup de peine, beaucoup de
rcaliser parfaitement en nous ce que dit I'Apotrc, sueur, avec la grAce de Dieu qui fait niisericorde
s'adressant a ceux qui commencent et qui sont a et avec le zele do I'homme qui vient et qui court.
I'etat animal « Je tiens, a cause de I'infirmite de
:

votre chair, ce langagebien humain. De meme que CHAPITRE IX.


vous avez fait servir les membres de votre corps a
I'impurete et a I'iniquile pour commettre le pcche, La stabilitc dans la cellule est recommandee, et on
de meme a present, faites-les servir a la justice indique quels en sont les (jardiens.
pour votre propre sanctifi cation » [Itnm. vj, 19.)
Qu'il entende ces accents, Thomme animal, jusqu'a 25 . La source de tous les biens, c'est la cellule et
Confre
present esclave de son corps qu'il a commence de le sejourconstant qu'on y fait. Qui y entre bien rincoDstance
soumettre al'esprit, qu'il se mcUe resolument a avec sa pauvrete, est riche ;-et cpiiconquo a bonne
comprendre ce qui appartient a Dieu et a briser, volonte, porte avec lui tout ce qui est requis pour
par la force de la foi, le joug de 1 1 servitude et les bien vivre : bien qu'il nesoit pas toujours expedient
habitudes dominatrices de sa chair. Qu'il se fasse de se fier k cette bonne volonte, raais plutot il faut

24. Sed redeamus ad propositum. Hoc omnibus modis rit retro, sed fideliter antcriora se cxtcndcrit, cifo pcr-
agat, et labor, et otiiim nostruin, ut minquam simus venict ad illud divinum, ut incipiat apprehcndere sicut
otiosi : ct nogofium nobtriim, ut pcrfcctc
hoc semper sit apprehensus est, et cognosccre sicui cognitus est. Hoc
consummetur quod dicit Apostolus animalibus
in nobis, autem opus non in uno fit momenlo convcrsionis, non
et incipieutibus Hurnanum, inquit, dico propter infir-
: est unius sed multi tcmporis, multi laborls, multi
dial,
mitatem carnis vestrtB. Sicut enim exhibuistis jyinmhra sudoris, secundum gratiam Dei miserentis, ct studium
vestra servire immunditice, et iniquitati ad iniquitatem : hominis volcntis ct currcntis.
ita nunc exhibete membra vestra servire jufstitUe in san-
tificationem. Audiat hoc hactcnus amicum corporis sui
C.\PUT IX.
mancipium animalis homo, qui jam incipit corpus suum
subderc spiritui, ct adaptare scmctipsum ad ea quoc Dei
Stabilitas in cella commendatur , et custodes propo-
sunt pevcipicnda, et ad cxuendam fide scrvitufis ncccs-
nuntur.
sitatcm, ct carnis suie dominantem consuctudinem seac-
cingat. Ncccssitatem sibl faciat contra ncccssitatcm, et
consuctudinem contra consuctudinem, et afTectum sibi 2b. Omnium vero bononim hornm officina est cella,
forinet contra afTectum donee plenins mcrcatur acci-
: ct stabilis pcrscvcranlia in ca. In qua quicunquc cum
pcre dclectalioncm contra dclcclationcm. Ut delcclatio- sua paupcrtate bene convenil, dives est ct qiaciinqiic :

nibus carnis ac sa'culi secundnin consiliiun Apostoli bonam volunlatcm liabucrit, sccum habcl quidqiiid ad
saltern tantum euin deloclet carerc, quantum cum delcc- bene vivcndum ci opus est qiiamvis bona' vohmlali
:

tabat primum cas habere tantum dclcclct eumdomcm-


: non semper credi expcdit, sed frcnanda est, sed rcgen-
bris sui corporis servire justilifn in sanctificalionem, da est, ct inaxime in inciiiienle. Regal sancf.T obedion-
quautuni prius delcctabal cum servire iuimimdilia! et (ia3 rcgula bonam voliinlalcm ilia vcro corpus, et do- :

iniqiiilali ad iniquitatcnn. Ila^c csl pcrfccitio animalis ho- ceat illud posse consislcrc in loco, ccllam pali, scciun-
minis in suo statu, vel novitii incipicniis qui cum con- : qnc morari : quod in prolicieute bona- composilionis
summavcrit hoc animale vel humanum, si non rcspe.ve- initium est, et ccrtum bona; .spci argumcnliun. Inipossi-
:

342 L'ABBfi GUILLAUME.

la retenir , la regir, surtout en ceux qui commen- soulager, c'est I'obeissance, I'obeissance veritable.
change
\
cent. Que la regie de la sainte obeissance conduise Mais sacliez que les remedes nuisent, si on en change d(f« rei
I'eitai
la bonne volonte que celle-ci, a son tour, mene le
: frequemment, lis troublent la nature et epuisent le
corps et lui apprenue a, pouvoir rester au meme malade. Celui qui se dirige vers un but, s'il prend
endroit, a supporter sa cellule et a rester avec soi une route unique et ceilaine, parviendra au terme,
pour un novice qui progresse, un commen-
c'est la, et trouvera la tin de son voyage et de sa fatigue.

cement de bonne formation et un indice assure de Que s'il s'engage dans plusieurs chemins, il erre, il

bonne volonte. Car il est impossible a I'liomme de ne trouve pas la fin de sa fatigue, car I'erreur n'a

j^g
fixer fidelement son esprit sur un point, si dabord pas de terme. Xechangez done point de remede, n'en I . En pn I

lira
cliang ment il n'a pas rendu son corps stable en un lieu. Celui prenez pas un pour remplacer un autre, mais jus- d'obeuil

fit nuisibie. qui cherche a fuir I'inquietude de son esprit, en al- qu'a ce que votre guerison soit completement
lant de place en place, est semblable h celui qui fuit assuree, employez toujours la medecine salutaire
I'ombre de son corps. II se fuit et il se porte par- de I'obeissance ne : point, comme un
la rejelez

tout : il change de lieu, mais il ne change pas ingrat, quand vous serez gueri seulement, par la :

d'ame. 11 se trouve le meme en tons lieux : seule- suite, il vous sera pei'mis d'en user d'une autre

ment la mobilite elle-meme le detcriore, comme on maniere. Si done vous desirez obtenir la sante,
blesse un malade quand on le secoue en le trans- veillez a nerien faire, pour chose petite que cesoit,
portant. Que le novice sache qu'il est malade, et sans consulter le raedecin ; si vous attendez ses
qu'il s'occupe de ce qui cause son indisposition. Si soins, il ne faut jamais rougir de lui decouvrir
le repos n'est pas interrompu, les remedes qu'il em- votre bJessure. Rougissez, mais revelez-lui tout, ne
ploiera constamment obtieudrontbientot leur effet, cachez rien. Car, il en est qui en se confessant, racon-
2.1
et I'ame, delivree de ses distractions, de ses asser- tent, comme une fable, I'histoire deleurs pechesjils simpli

vissements et de ses tentations, s'appartiendra enumereut sans confusion aucune, les maladies de deconw
entierement en Dieu. Infectee sans etre souillee, la leurame, presque sans penitence et sans expression plaiet
I'la
nature a besoin de soins, et de grands soius. Qu'elle de douleiir. 11 trouve des larmes et il gemit bien
s'attache done sans en sortir a sa pharmacie, (car vite, celui qui eprouve le sentiment de la douleur.
c'est par ce nom que les medecins ont couturae Que si a la mauvaise sante, s'ajoute une insensibilite
d'appeler I'endroit oil se trouvent les remedes desti- deplorable, le malade, en ne gemissant point, est

nes a soigner les santes compromises) et qu'elle s'en d'autant plus eloigne de la sante, qu'il en parait
serve sans relache jusqu'au retour eprouve de la plus rapproche. Que si le medecin trop doux vent
sante. guerir tons vos maux par des onguents etdes appli-
26. Votre guerison, 6 malade languissant, c'est cations trop benignes, vous, prenez votre atlaire en
votre cellule ; le remede qui a commence de vous main, avide d'un remede plus fort et plus prompt.

bile enim hominem fideliter figere in uno animum


est usque ad terminum perfectee sanitalis, medicinalis obe-
suiim, qui non prius alicui loco perseverantcr affixcrit dientifP remedio utcre nee abjicias earn, ut ingratus,
:

corpus suum. Nam qui ajgritudincni animi migrando de cum factus fiieris sanus; sed tamcn in reliquum alio
loco ad locum effugere nititur, sic est sicut qui fugit modo ea uti permitteris. Si ergo ad sanilatem festinas,
umbram corporis sui. Seipsum fugit, seipsum circum- vide ut nil, vel modicum de lemetipso agere praesumas
fert locum mutat, non animum. Eumdem ubique se
: medico inconsullo; a quo si operam medicantis exspec-
invenit nisi quod detcriorcm facit ipsa mobilitas sicut
: : tas, necesse est ut vuluus tuum semper ei detegere non

laedere solet aegrum, qui circumferendo concutit eum. crubescas. Erubcsce, sed tamen revela totum, nee abs-
^grum enim se sciat, et vacet circa causarias partes condas. Sunt enim qui confilendo quasi fabulam enar-
segritudinis sua3. Si non interrumpitur quics, remedia rant suorum historiam peccatorum, aegritudines animae
continuata cito prolicient, et sanatus animus ab aliena- suaj sine confusione dinumerant, et peene sine poeniten-
tionibus, vel captivitatibus et tentationibus suis, lotus in tia, et sine affectu doloris. Cito enim lacrymas invenit,
Deo suus efficietur. Cura eget, et non modica, non in- et resolvitur in gemitum, qui habet sensum doloris. Si
qninata, sed infecta natura. Incunibat ergo immobiliter vero malae aegritudini desperabiliorstnpor accesserit, hie
valetudinario suo (sic enim solent appellare medici va-
;
in eo quod non dole!, quanto sanilati videtur esse pro-
letudinumcurandarnmofficinam)et remedii suscepli pro- pinquior, tanto ab ea lit remoiior. Quod si nicdicus
sequaiur usum usque ad sanitatis experimcntum. quasi clementior fueril, ut quasi unguenlis et emplastris
26. Valetudinarium tuum, o segrote, o languide, cclla lenioribus omnia voluerit curare lu age pro temetipso :

tua est remedium in quo curaricccpisti, obedientia est,


: et remedii fortioris et celerioris avidus, sanitatis ferrum
obedientia vera. Sed scito quod remedia crebro mutata require, cauterium exposcc. Medicus tibi semper praesto
nocent,naturam disturbant, etsegrum disterminant. Nam paratus est.
et qui aliquo pergit, si unam certam tenuerit viam, cito 27. Ne enim horrori sit tibi tua solitudo, et ut tutius
pervenict quo tendil, et itineris, et laboris faciei finem. in cella habites. Ires tibi deputati sunt custodes, scilicet
Si vero multas aggreditur vias, errat, nee laboris ali- Deus, Conscienlia, et spiritualis Pater. Deo debes pie-
quando finem facil quia error flnpm non habel. Non
: tatem, cui te totum impendas Conscicntia; tuas hono- :

ergo remedium mules, nee aliud pro alio accipias, sed rem, coram qua peccarc erubescas Patri spirituali eob :
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 3Zi3

demaiulez le fer qui vous guerira, et sollicitez le sollicitude : (I Tim, v, 22.) coiisiderez-vous toujours
cautere qui vous purgera. Le mcdecin est tou- et detournez les yeux de tout le reste. L'oeil du Veiller
jours procho de vous, il est toujours pret. corps est un admirable nislruraent •
de incnie qu'il sur soi.

lis
Pour que votre solitude ne vous cause pas do
27. pent contemplcr les autres etres, de meme il pent
IS ae riiorreur, pour que vous habitiez votre cellule avee se coutempler lui-nieme. Cetlc facilite est aussi ac-
ale.
plus de securite, on y a place trois gardiens Dieu, : cordee a I'ffiil interieur, si, a I'exemple de l'oeil du
votre conscience et votre Pere spirituel. A Dieu, corps, negligeant de se voir, il considere ce qui est
vous devez la pietc pour vous depenser entierement autour de lui, meme quand il le veut, il ne peut se
pour Uii ; a votre conscience, le respect qui vous repliersur lui-meme. Occupez-vous de vous, vous
fait rougir de pecher devant elle; auPere spirituel, etes pour vous une matiere suffisante d'attention.
I'oLeissance de la charite, ayant recours h. lui dans Eloignez de vos regards exterieurs ce que vous avez
tons vos besoins. En
pour vous etre agreable,outre, perdu I'habitude de voir, ecartez de vos regards
je vous en trouverai un quatrieme et tant que ; intcrieui's ce que vous avez cessc d'aimer rien en :

vous etes petit enfant, jusqu'a ce que vous appre- eft'etne se rallume aussi facilement que I'amour,
niez mieux a penser a la presence de Dieu, je vous surtout dans les amesjeunes ettendres.
procurerai un pedagogue. Choisissez-vousunliom-
me selon mon idee, doiit la vie vous soit un CHAPITRE X.
niodele si vivant, qui vous inspire un respect si

profond, que son souvenir, toutes les fois qu'il se Offices et exercices du reb'gieux dans sa cellule.
presentera a votre memoire, vous porte a la vene-
ration (it vous excite k vous regler et a bien dispo- 28. Osez aussi quelqucfois desirer et gouter des Cellule
ser toutes choses en vous : un homme que vous graces meilleures, et soyez vous a vous-meme un '°'*'''enre et
r T- Tf ,• . .
extcneure.
regardiez commepresenl, et qui, par raffection dela motit d ediiication. Autre est votre cellule exterieure,
cliarite mutuelle qu'il vous inspirera, corrigera autre votre cellule interieure. L'exterieure, c'est
tons vos defauts sans que votre solitude souffre la inaison qu'babite votre Ame avee votre corps :

aucun doinmage dans le secret qui la const itue. Que I'interieure, c'est votre conscience qui doit habiter

ce personnage vous soit present quand vous le avee votre ame, Dieu qui est plus interieur que
voudrez ; que nicme pari'ois, il se prcsente ii vous tout ce qu'il y a d'intime en vous. La cloture
llSeni- quand vous ne le voudrez pas. La pensee de sa exterieure est la marque de la circonspection qui
Ib 11.
voir sainte severite vous rappellera scs reprimandes; le regne au-dedaus :de mi'-me quelacluture exterieure
)urs
t les
souvenir de sa picte et de sa boiitc vous redira ses empeche lessens du corps de se I'epandreau-debors,
lelque consolations ; en retlechissant a la saintete de sa vie, ainsi celle qui est au-dedans retient toujours dans
;re.
vous vous sentirez porte a I'imiter. Ainsi, selon le I'arae les sens interieurs. Aimez done votre cellule
precepte de I'Apotre, veillez sur vous-meme avee exterieure, aimez votre cellule interieure, et donnez

dientiam charitatis, ad quern de omnibus recurras. Insu- ab interioribus quod amare quia nil tarn facile rccru-
;

per ut gratum mo habeas, addam fibi et qiiartum et : dcscit quam amor, et maximc in tenerioribus et recen-
quandiu parvulus es, et donee plenius addiscas divinam tioribus animis.
cogitare prsesentiam, praedagogum tibi pcocurabo. Elige
tibi tu ipse hominem consilio meo, cujus vitas exemplar
sic cordi tuo insederit, revercntia inhaeserit : ut quoties
CAPUT X.
ejus rocordatus fueris, ad reverentiam cogitati assurgas,
Officia et exercitia cellitce.
et temetipsum ordines et componas : qui cogilatus ac si
praesens sit, in afTcctum mutua3 cliaritatis emendct in te
omnia emendanda, et taracn nullum patiatur damnum 28. Aude etiam nonnunqnam sapcre, el aemulari cha-
secrcli sui soliludo tua. Hie pra'scns iibi adsit qnando- rismata mcliora, el tu ipse tibi eslo parabola anlilicatio-
cunque volueris occurrat s;cpo et cum nolueris. In-
: nis. Alia ccUa lua exterior, alia interior. Exterior est
crepationes ejus dcscribel tibi cogitala sancla ejus scve- domus, in qua habitat anima tua cum corpore tuo : in-
ritas; consolationes, pietas et bcnignitas, cxemplum,sanc- terior est conscientia tua, quaui inliabitarc debet om-
tae vitae sincei'itas. Nam onmcs cogitaliones tuas cum ab nium inleriorum tuorum interior t)cus, cum spiritutuo.
CO videi'i cogilabis : ac si vidcal, ac si argual, emundarc Oslium clausura! extcrioris, signum circumspec-
est oslii
secundum pi-icceptuiu Apostoli sollicitc teme-
cogeris. Sic tionis interioris : ut sicut sensus corporis per cxterio-
tipsum custodi ut temetipsum semper iuspicias, semper
: rcm clausuram foris vagari non perinitlitur; sic interior
ab omnibus oculos averlc. Egrcgium inslrumenlum cor- sensus ad suum semper inleriiis coliibeatur. Dilige ergo
poris est oculns ; si sieutcmlera, sic (itiam vidcre posset interibreni cellam luam, dilige cxlerioreni : et unicuiciuc
semcfipsum. Quod cum inleriori ociilo conccssum sit, si suum imponde cullum. Tcgat le exteiioi', jion abscun-
ad extcrioris exiMnplum seipsum ncgligens, vacat circa (lat : non ut pecces occultiiis, sod ut tutiiis vivas. Non
aliena; eliumcum vult, nonsuriicil redire ad seipsum. Tibi euim o rudis incola, quid celhe debeus, si non co-
scis,
vaca niulta tu ipse tibi solliciludinis materia es. Ex-
: gitas quomodo in ca, non soluunnodo a vitiis tuis cura-
clude etiam ab oculis cxtcrioribusqaoddcsuevisli vidcre, ris, sed etiam non habeas rixari cuui ulicnis. Ncscis
:

344 L'ABBfi GUILLAUME.

h chacune le soin qu'elle reclame. Que celle du omission ou quelque imperfection, trouvez toujours
dehors vons abrite sans vous cacher iion pour : raoyen de la punir ou de
la compenser dans son

pecher plus secretcmeut, mais pour vivre avec plus mode, dans son ou dans son temps. En ceci,
lieu OfBee

de surete. Car vous ne savez point, 6 grossier ha- hors de ces heures dont le Prophetedit a septfois :

bitant, ce que vous devez non-seulement h. votre le jour j'ai chante vos louanges » IPs. cxvm, 164.),

cellule, si vous ne consideroz comment, en y resi- il faut s'appliquer surtout au sacrifice du matin et

dant, vous etes gueri de vos vices, mais de plus du soir, et a celui du milieu de la nuit. Ce n'est pas
comment vous n'avez pas a lutter contra ceux des en vain que le Prophete s'ecrie : « le matin je me
autres. Vous ne savez pas I'honneur que vous devez presenterai devant vous et je verrai » {Px. v, 5),
rendre a votre conscience, si vous n'y ^prouvez pas parce qu'alors nous sommes comme i jeiin des
la gnke du
Saint-Esprit et la douceur de la suavite soucis exterieurs, et encore : « que ma priere se
qu'ilY repand. Rendez-donc a cette double cellule dirige comme I'encens en votre presence : I'eleva-
I'hommage qui lui est du, et exigez j pour vous la tion de mes mains, c'estle sacrificedu soir» (Ps. cxi,,

premiere place. Apprencz a vous y gouverner selon 2), parce qu'alors nous sommes delivres, par une
les lois communes de I'institut, a regler votre vie, a sorte de digestion spirituclle, de tons les empeche-
disposer vos moeurs, b. vous juger, a vous accuser ments qu'ils causent. Poursuivant la suite de I'ordre
devant vous, a vous condamner souvent, et a ne pas qui regie cette louange, dans nos
veilles nocturnes

manquer de vous punir. Que la justice siege sur le (quand nous nous nous levons au milieu de la nuit
tribunal : que la conscience comparaisse comme pour celebi'er le nom du Seigneur,, le meme Pro-
coupable et s'accusant elle-meme. Personne ne phete s'ecrie : « au jour de ma tribulation, j'ai
vous aime davantage, personnene vous jugera avec cherche le Seigneur en tendaut mes mains vers lui,

plus de fidelite. et je n'ai ])oint ete dccu dans mon attente. » [Ps.
Examen. 29. Le matin, rendez-vous compte de la nuit qui Lxxvi, 3.) C'est a ces moments surtout que nous
vient de s'ecouler, et prenez vos precautions pour devons nous placer devant Dieu comsne lace a face,
bien passer le jour qui arrive. Le soir, examinez le examiner toute chose a la lumiere qui jaillitdeson
jour termine et jetcz un regard de prevoyance sur visage, trouver eu nous un sujet de douleur et de
la nuit qui survient. En vous tenant ainsi serre par chagrin, invoquer le nom du Seigneur en purifiant
ces exameus, vous ne pourrez jamais faire d'ecart notre esprit jusqu'a ce qu'il s'entlarame : conce-
facheux. A
chaque heure, selon la regie de la com- vant de saints desirs au souvenir de I'abondance de
muuaute, placez quelque exercice, a celle qui vent sa douceur, jusqu'a ce qu'il nous la fasse eprouver
les spirituels, les spirituels ; les corporels, au mo- lui-meme dans notre coeur. C'est alors surtout qu'il
ment qui veut les corporels : et de la sorte, I'esprit faut faire ce qu'a dit I'Apotre : « J 'aime mieus
donnera a Dieu tout ce qu'il lui doit, et le corps en qu'on dise une parole seulement dans le sens que
prit
fera autant par rapport a I'esprit ; s'il y a quelque j'indique, que dix mille sans les compreudre. » (I.

enlm quern conscientiae fuse debeas honorem, quicun- exterioribus adhuc sumus jejuni, et, Dirigatur orafio
que in ea non experiris gratiam sancti spiritus, et inter- mea, sicut incensum in compectu tuo : elevatio manuum
nae suavitatis dulcedinem. Da ergo
hono- utrique cellffi mearum sacrificium vespertinum quia tunchujusmodi al)

rem suum, et til tibi in ca vindica primatura tuum. Dis- impedimcntis jam quodaramodo invcnimur digesti. Qui
cein ea secundum communis instituti leges tu tibi prs- et in nocturnis vigilis nostris (in quibus media node
esse, et vitam ordinare, et mores componere, et temet- surgimus ad confitendum nomini Domini) confessionis
ipsum judicare, teipsum apud leipsum accusare, saepe ejusdem ordinem contexens In die, inquit, tribuiafionis
:

etiam condemnare, nee impunitum dimittere. Sedeat mecB Deum exquisici manibus meis nocte contra eum :

judicans justitia stet rea et seipsam accusans conscien-


: et non sum deceptus. Istis enim horis potissimum co-
tia. Nemo te pins diligit, nemo te fidelius judicabit. ram Deo debemus nosmetipsos conslituere quasi facie
29. Mane praeterita noctis fac a tomelipso exactionem ad faciem, lumine vuKus ejus perspicere, tribula-
et in
cautionem. Vespere, diei
et venturae diet tu tibi indicito tionem ct dolorem nobis de nobisipsis invenire, et no-
rationem exige, et supervenicntis noctis fac
prfpteritae men Dei invocarc, scopcndo spirituni nostrum, donee
indictionem. Sic districto nequaquam tibi aliquando las- incalescat ambiendo ad memoriam abundantiae suavi-
:

civire vacabit. Singulis horis secundum communis insti- tatis sua?, in cordibus nostris dulcescat. Sed
donee ipse
tuti canonem sua distribue exercitia : cui spiritualia, tunc maxime nobis agendum est, quod dixit Apostolus
spiritualia : cui in quibus sic
corporalia, corporalia : Malo in ecclena quinque loqui verba sensu meo, quam
exsolvat omne debitum Deo, corpus spiritui, ut
spiritus decern millia verborum sine intellectu. Et illud Psallam :

si quid fuerit intermissum, si quid imperfectum suo ; spiritu, psallam et mente. Orabo spiritu, orabo etmente.
modo, suo loco, suo tempore non abeat impunitum, vol "Tunc enim menti et spiritui aggregandi sunt fructus
irrecompensatum. In quibus, extra illas boras, de qui- sui, ut exinde vel in abundantia benedictionis Dei in
bus dicit Propheta, Septies in die laudem dixi tibi : quietcm noctis relaxemur vel surgentibiis nobis ad
:

matulinum ac vespertinum sacrificium, ac medis> noctis laudes Dei, omnis exinde tenor opcris nostri in ipsius
est maxime observandum. Non enim frustraait Prophe- laudibus formetur ac vivificctur. Idcircoin praeveniendis
ta : Mane adstabo tibi, et videbo : sed quia tunc a cutis nocturnis vigiliis non expedit multitudine psalmorum
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 345
Cor. XIV, 19.) Et encore : « je chanterai d'esprit, je a tous ceux qui croient en lui : « Faites ceci en
chanterai de coeur. [lb. xiv, 15.) C'est alors qu'il souvenir de moi. » [Luc. xxii, 19) Si on n'est pas
faut ramasser pour I'espritetpour le coeur, les fruits obeissant a cette prescription, il dmuent manifeste
qu'ils ont produits, afm qu'ensuite ou bicu nous aux yeux detous, combien il est inipie pour I'liorame
entrions dansle repos de la nuit qui repare dans d'oublier un amour si excessif de Dieu : c'est un
Tabondance de la benediction de Dieu ou bien, , crime, en effet, de perdrele souvenir d'un ami absent,
qu'en nous levant pour chanter les louanges du rappele par un gage qui a etc laisse. Car il est Faire
Seigneur, tout le mouvement de notre activite soit permis au pen dliommes a qui a ete contle ce
Mi^utmn'cv^i

forme dans son principe et vivifie dans son deve- saint mystere, d'en celebrer sacramentellement la communion
loppoment, par la ferveur de ces saintes louanges. memoire ^P'"'"^ ®
sainte et venerable, dans des lieux, dans
C'est pourquoi, pour preveuir les vigiles dela unit, des temps et dans des manieres fixees quant a la :

il n'est pas expedient d'ecraser I'intelligence du chose du sacrement, eta I'esprit du mystere, a toute
poids d'un grand nombre de Psaumes, et d'epuiser heure, en tout lieu de I'empire du Seigneur, tous
on d'eteindre I'esprit.Mais quand I'ame est calme, peuvent facilement les realiser, les toucher et s'en
il lui faut faire eprouver des sentiments de piete, et nourrir, comme il a ete explique, c'est-a-dire avec
la dinger vers Dieu par sa voie naturelle, jusqu'a le sentiment de la piete necessaire, pour leur pro-
ce que, son amour se dilatant, elle se mette a courir ])re salut; c'est a ces fideles qu'il a ete dit : « vous
jusqu'au bout de I'oeuvre du Seigneur, ayant ainsi etes une race choisie, un sacerdoce royal, une
le mode qui regie sa ferveur et la suite qui la fait nation sainte, un peuple d'acquisition ,
pour an-
perseverer, a moins qu'une grande negligence ne noncer les prodiges operes par celui qui vous a
vienne en interrompre le mouvement, ou qu'une appeles des tenebres a I'admirable lumiere de sa
misere volontairementcommise ne I'etouffe entiere- connaissance. » Pour ce qui est du
(I. Petr. u, 9.)

ment. sacrement, de meme que le juste le recoit pour la


liter 30. Quiconque a le sentiment du Christ saitaussi vie, de meme le pecheur le mange pour sa con-
e jour combien il est expedient pour la piete chretienne, damnation quant a la chose du sacrement, per-
:
la
ID da combien il convient et il est utile a un serviteur de sunne n'y parlicipe que celui qui est digne et
iiear.
Dieu, a un serviteur de la Redemption de Jesus- prepare. Le sacrement sans la chose du sacrement,
Christ, au moins a quelque heure du jour, d'hoL;o- est la mort de celui qui le prend la chose du sa- :

rer avec plus d'attention les bienfails de la passion crement, meme hors du sacrement, est la vie

etde la Redemption du Seigneur, pour en jouir eternelle pour qui la recoit. Si done vous le voulez,
suavement dans sa conscience et les graver tidele- si vous le voulez vraiment, a toutes les heures du
ment dans sa memoire c'est la manger spirituel-
: jour et de la nuit, vous avez ce grand don de Dieu
lement le corps du Christ et boire son sang en a votre disposition dansvotre cellule. Toutes les fois
memoire de lui ce qu'il acommande par ces paroles
: qu'en vous rappelant, celui qui a tant souffert pour

obruere intellectum, et exhaurire spiritum, vel extin- dominationis Dei. modo quo traditum est, hoc est de-
giiere. Sed quandiu sobrius invenitur, pietati afficien- bitae pietalis affectu, agere, contrectare, ct sumere sibi

dus est, et suo ilinere dirigendiis ad Deuni donee di- : la salulem omnibus quibus dicitur
in promptu est, :

latato corde currere incipiat usque ad finem operis Dei, Vos autem genm sacerdotium, gens
electum, regale
postmodum fervoris sui modum, sive tenorem habilu- sancfa, populus ncquisitionis ut virfutes annuucielis
:

nisi magna intercidatur ncgligcntia, vel omittatur ejus, qui de tenehris vos vocavit in admirabile lumen
rus :

voluntaria mlseria. soum. Nam et Sacramentum sicut accipit ad vitam di-


30. Scit etiam quicunque sensum Christi hnbel, gftus, sic ad mortem suam et judicium indignus rem :

quantum pietati Chrislianje expediaf, quantum Dei ser- vero Sacramenti nemo pcrcipit nisi dignus ct idoneus.
Sacramentum enim sine re Sacramenti sumc'iti moi-s
vum, et servum redemptionis Cliristi deccat et utile ei
sit, una redemptio-
salfem aliqua diei hora, passionis et est .• sacramenti, etiam, priefer sacramentum
res vero
nis ipsius altentius recolere beneficia, ad fruendum sua- sumenli, vita sterna est. Si autem vis, et vcrc vis, om-
recondcndum fidclitcr in memo-
viter in conscientia, et nibus horis, tam diei quam noctis, hoc tibi in cclla
ria : quod est manducarc corpus Cliristi,
spiritualiter tua pra'sto est. Quolies in commemorationem ejus qui
pro passus est, hoc facto ejus pie ac lidelitcr fueris
et bibere ejus sanguinem in memoi-iam ejus, qui omni- te
corpus ejus manducns, ct sanguinem bihis.
bus in se credentibus prisccpit dicens ; Hoc fucite in aifcctus;
meam commemorationem. In quo etiam propter pecca- Quandiu in eo manes per amorem, ct ipse in le per
sanctilalis et juslitia; opcrationcm in ejus corporc cl
tum inobcdientiae, quam impium sit houiincm tanta; :

Dei pietalis immemorem esse, palam omnibus est cum :


membris ejus compularis.
Deinile eliam certis horis, cerhe lerlioni vacan-
amici hominis abeuntis sub quolibct signo commenda- 31.
dum enim et varia Icclio, el ([uasi casu re-
tam mcmoriam nefas sit oblivisci. Siquidem sanclae hu- est. Fortiiila

jus ac rcverenda; commcmorationis mystcrium, suo pcrta, non JEdifical, sed reddit animum inslabilem; et

niodo, suo tempore, suo loco cclebrarc licet paucis lio- levilcr admissa levins recedit a memoria. Sed cerlis in-
minibus, quibus hoc credilum est myslcrium rem vcro : gcniis immoraudum est, ct assucfaciendus csl animus.
sacramenti vel mysterii in omni tempore, cl omni loco Quo enim spirilu scripturae facUe sunt, co spiritu Icgi
3Zi6 L'ABBE GUILLALME.
vous, vous eproiiverez k ce souvenir des sentiments I'interrompent sans la susprendre et qui, chose
de tendre vous mangerez son corps et vous
piete, preferable, rendent I'esprit plus pur et le mettent
boirez son sang. Taut que par la ch?rite vous de- ainsi en etat d'en mieux comprendre la suite. La
nacurez en lui, et que lui reside en vous par I'ope- lecture sert et facilite I'intention. Si en lisant,
ration de la justice et dc la saintete , vous etes I'ame cbercbe veritablement Dieu, toutce qu'elle lit

comple au nombre de ses meuil)res. lui tourne a bien, le sens de celui qui parcourt le
line lecture 31. 11 faut aussi vaquer a la lecture ii certaines livre est captivi';, et il sou i et lout ce qu'il y trouve
file et
marquee. heures marquees. Car une lecture variee, faite au et comprend a due a Jesus-Cbrist. Que
I'obeissance
hasard etcommerencontree par accident, en un lieu si celui qui entreprend cette lecture eprouve un
puis en un autre, n'edifie pas, niais rend I'esprit sentiment diflerent, ce sentiment entraine tout
inconstai)t; et, faite avec rapidileet sans application, apros lui : il n'est rien de si saint et de si pieuxdans
Comment il
elle s'echappe vite de la memoire. II faut s'attacber les Ecritures que par vaine gloire, par gloses de-
faut la fairec
a certains esprits et accouturaer son cime a leur tournees ou par fausse intelligence, oune fasse servir
genre. Les saintes Ecritures veulenl etre lues dans a la malice ou a la vanite. La premiere disposition
I'esprit qui les a dictees. Jamais vous u'entrerez pour lire les Ecritures doit etre la crainte du Sei-
dans le sens de saintPaul, si, par la bonne intention gneur; c'est sur elle que doit se baser I'intention
qui vous le fera par I'application d'une me-
lire, et qui la prend en niain, c'est elle qui doit la diriger,
ditation assidue, vous ne vous penetrez point de elle aussi qui donnera le sens et I'intelligence de ce
son esprit. Comprendrez-vous David, si I'experience livre sacre.

elle-meme ne vous a pas fait eprouver les impres-


sions que redisent ses Psaumes ? II en est ainsi des CHAPITRE XI.
autres livres sacres. Et pour toute I'Ecriture, enlre
letude et la lecture, il y a la meme ditlerence qui L'auteur donne la regie des exercices corporek, celk
separe I'amitie de I'bospitalite, une affection de con- de la nourriture et du sommeil.
naissance, d'un salut ecbange parbasard. Deplus, il

faut confler a la memoire un passage dulivre qu'on 2. II ne faut jamais ou entierement ou s' eloigner
Coed mo
lit cbaque jour, pour qu'elle le digere avec plus de beaucoup des exercices spirituels pour se livrer <a faut aeB
anx exer
ruuiine plus souvent lUi passage qui
facilite et le : ceux du corps il faut que I'ame s'habitue a pou-
: corpon
convienne aux resolutions qu'on aura prises, qui voir les reprendre facilement, et il est necessaire,
serve a diriger I'intention et qui fixe I'esprit etl'em- qu'en se pretant aux seconds, elle resteau fond tou-
A la lecture pecbe de se livrer a des pensees etrangeres. Dans jours altachee aux premiers. Car, comme il a ete
la pritre. ^^ cours de la lecture, il est necessaire de puiser de dit plus baut, ce n'est pas I'bomme qui a ete cree
pieuses affections, et d'en former des oraisons jacu- pour la femme, c'est la femme cjui a ete faite pour
latoires qui interrompent cette occupation, qui I'bomme. (I. Cor. xi, 9.) Les cboses spirituelles ne

desiderant : ipso etiam intelligendae sunt. Nunquam in- gcndis initium debet esse timop Domini, ut in eo
{^redieris in sensum Pauli, donee usu bonaj intentionis primo solidelur intentio legentis, et ex eo ordinetur, et
in lecfione ejus, et studio assidua? meditationis, spiriium exsurgat totius lectionis intellectus et sensus.
ejus imbiberis. Numquam donee ipsa
intelligcs David,
experientia ipsos psalmorum afTectus indueris. Sieque
de reliquis. Et in omni scriplura tantum distal studium
C.\PUT XI.

a lectione, quantum amicitiaab hospitio, socialis affectio a


Corporalium exercitiorum, item cibi somnique modum
fortuita salutatione.Sed et de quotidiana lectione aliqirid
tradit.
quolidie in ventrem memoriae demittendum est quod
fidelius digeralur, et sursum revocatum crebrius rumi-
netur; quod proposito conveniat, quod intentioni profi- 32. A vero exercidis in corporalia nun-
spii'itualibus
ciat, quod dctineat animum, ut alicna cogitare non 11- quam longe, vcl in reeedatur sed facile ad ea
totum :

beat. Hauriondus est saepe de lectionis serie afTectus, et posse redire animus assuescat, et cum illis se mutual,
formando oratio, quae Icctionem interrumpat, et non lam istis semper inhaereat. Sicut enim supra dictum est, non
impediat inferrumpendo, quam puriorcm conlinuo ani- vir propter mulierem, sed mulicr propter virum nee :

mum ad intelligcntlam lectionis rcstituat. Intentioni ser- spiritualia propter sed carnalia propter spiri-
carnalia,
vit lectio. Si vere in lectione Deum quaerit qui legit, tualia. Corporalia vero exercitia nunc dicimus, quae ma-
omnia quae cooperantur ei in bonum, et caplivat
legit nuali opere corporaliter exercentur. Nam sunt et alia
sensus legentis, et in servitulem redigit omncm lectionis corporis exercitia, in quibus nccesse est corpus labo-
intellectum in obsequium Christi. Si in aliud declinat rare, sicut sunt vigiliif jejunia, et alia ,
hujusmodi : quae
sensus legentis, omnia trahit post scmctipsum nihil- : spiritualia non impediunt, sed juvant, si cum ratione
que tarn sanctum, lam pium invenit in scripturis, discrelionis fiant. Quse si ex indiscretionis vitio sic agan-
quod sen per vanam gloriam, sen per distortum sen- tur, ut vet deficiente spiritu, vel languente corpore spi-
sum, seu per pravum intellectum non applicel, vcl ma- ritualia impcdiantur : qui sic est, corpori suo tulit boni
itiae, scl vauitati. In omnibus enim scripturis le- opcris effcctum, spiritui affectum, pro.\imo exemplum.
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 347

sont pas pour les corporelles, mais ce qui est du membres qui sont les moins honnetes en nous, nous
corps se rapporte a ce qui est de I'esprit. Nous ap- devons les entourar de plus d'honneur. Ceux qui
peloDs ici exercices corporals les travaux qui se sont honnetes n'ont besoin da rian.Non-seulement
font a la maiu. Car il est d'autres exercices du corps cela, mais encore nous devons rendre toute notre
qui necessitent I'aide de son action^ comme sont les vie, que cachee aux regards des hommes,
bien
veilles, les jeunes et autres oeuvres de ce genre : sainte et convenable aux yeux de Dieu, et faire de
accomplies avec discretion, ces ceuvres n'empechent notre maniera de vivre, bien que ranfermeo entre
point les exercices spirituals, elles leur viennent en les murs de notre habitation, un spectacle digne de
nqoe aide. Que si on s'y livre sans retenue au point que. I'altention des angas, et agraabla ii leur yeux. « Que
Titer. P^i' 1^ defaillance de I'esprit ou par la langueur du tout ce qui vous concerne, » dit I'Apotre, « soit

corps, les oeuvres spirituellessetrouventempechees, honnetemcnt regie parmi vous. » (I. Cor. xiv, ZiO.)
celui qui a agi de la sorte, a prive son corps de la La bienseance et la convenance sont agreables au
pratique d'une bonne action, son esprit, de I'affec- Seigneur, et les Anges les aiment. C'est pourquoi
tion du bien, son prochain, du bon exemple, Dieu, I'Apotre ordonne que les fammes soient voilees a
de I'honneur qui lui en serait revenu il est sacri- : cause des Anges. (I. Cor. xi, 10.) Et comme, soit le
lege et coupable devant Dieu a tons ces points de jour soit la nuit, ces saints esprits sont avec vous
Yue. Non que, selon le sentiment de I'Apotre, cette dans vos cellules, vous gardant, sa rejouissant de
sorte d'exces ne paraisse pas chose humaine, et qu'il Yoti'e application a la vertu, et vous secondant en
ne convienne pas et ne soit point juste que la tete ce travail, il laur est trcs-agreabla de voir que,
ne souffre pas dans le service de Dieu, elle qui a meme loin des regards das hommes, tout, dansvotre
ressenti tant de douleurs quand elle etait livree a conduite, sa passe selon la convenance.
la vanite du siecle, que le ventre ne soutlVe pas la 33. Soit done que vous mangiaz, soit que vous Retenue
faim jusqu'a pousser des rugissements, lui qui s'est buviez, soit qua vous fassiez, n'importe qu'elle au-
''repas!*
repu jusqu'au vomissement mais en tout ceci, il : Ire action, accomplissez tout dans le Seigneur,
faut garder une mesure. II faut parfois affliger le pieusement, saintament et religieusaraent. Si vous
corps, il ne faut pas le dotruire. « Car I'exercice du pranez vos repas, que votre sobriete orne votre ta-
corps n'est utile qu'en pen de chose, et la piete est ble deja d'ella-meme assez sobre.Quand vous man-
utile a tout. » (I. Tim. iv, 8.) C'est pourquoi, a, un gaz, na vous livraz pas tout entier a cette action,
certain degve restraint, c'est-a-dire sans vouloir sa- mais que votre ame ne neglige pas sa nourriture
tisfaire ses concupiscences, il faut avoir quel que tandis qua voire corps prend ses aliments, at que
o«tete soin de la chair. II faut la traiter avec retenue, lui meditant, ou que rappelant qualque chose de la
liOUt.
faii'e sentir une discipline spirituelle, afin que ni douceur du Seigneur, ou de la doctrine des Ecritu-
dans le mode, ni dans la qualite, rien ne paraisse res, elle se nourrissa et se penetra de ces sues nutri-
qui ne convienne point a un sarviteur de Dieu. Les tifs. Que le besoin natural du corps soit satisfait.

Deo honorem : sacrilegus est, et horum omnium in ter .\ngelos : proculdnbio tarn die quam nocte
qui cum
Dcum reus. Non quod secundum Apostoli scnsum non vobiscum sint in vcstris, vos custodienlcs, el
cellis
videatur liumanum etiam hoc, et non deceal, et justum vcstris studiis congaudcntcs, et coopcrantes placet cis, :

non sit caput aliquando dolere in servitio Dei, quod ut etiam nullo homine videnle, omnia vcslra honeste
olim saepe usque ad dolorem laboravit in vanitate sa'- fiant.

culi esurire ventrem usque ad rugilum, qui sa^pe re-


: 33. Sivc ergo manducctis, sive blbatis, sive aliquid
pletus est usque ad vomitum :sed modus in omnibus aliud facialis : omnia in Domino agite, pic, sancte, et
iiabendus est. Aftligcndum est corpus aliquando, sed non religiose. Si manducas, mensam tuam, per se satis so-
contcrendum. Nam corporalis exercitatio nd modicum briam, sobrietas lua perornet. Et cum manducas, ne-
qiiidem valet, et pietas ad omnia uti/is est. Propter quod quaquam tolus mauduces,tuo suam refcc-
sed corpore
el ad modicum, iioc est non in concupiscentiis, sed ta- tioncui procurantc, mens suam non ncgligat sed de :

men cura carnis agenda est. Agenda vcro est sobrie, mcmoria suavilatis Domini, vel Scripturarum aii(iuid,
cum quadam disciplina, ut neque in modo
spirituali quod cam pascat, meditando, vel saltern meuiorundo
ejus, neque in qualitatc, neque in quantilalc apparent sccum ruminct et digerat. Sed et ipsa necessilas, non
aliquid, quod non dcceat servum Dei. Eis cnim qua) sfKcuIariler, non curnalilcr exploatur sed sicul decel :

inlionesta sunt nostra, abundantiorcm lionorcm circuui- monachum, sicul convenil servo Dei. Nam cliani quoad
dare debcmus. Honesta, vero nostra nullius egcnt. Non sanilalem corporis, cibiis quanto honoslius et ordiualius
solum autcm hoc, sed et omnem vitam nostram, quam- sumitur et ingeritur tanio facilius ct salubrius digeri-
;

vis hominibus occulfam, exhiberc debcmus Deo sanc- lur. Obscrvandus est ergo sumendi modus el tempus,
tam et honcstam, ct omnem conversationcm nostram cibi quantilas ct qualilas : fiigienda superllua el adulto-
Sanctis .^ngelis conspicabilem agcrc ct delcctabilem, rina condimenla. Obscrvandus est, iuquani, suuicndi
quamvis inter domesticos parictes inclusam. Omnia ves- modus, non cffnndat qui comcdil super oiuncmcibuni
ut
fra, inquit Apostolus, honeste fiunt in vohis. Grata Deo animam suam tonpu.i, ne anic horam (jualitas, uli
: :

res est honcslas, ct sanctorum Angclcrum arnica. Prop- quibus utilur communitas fratcrnilatis, c.xccpla causa
tor quod ctiam jubet Apostolus vclari mulicres prop- munifestje necessitatis. De condimen lis vcro sufliclat, ob-
-

3Zi8 L'ABBE GUILLAUME.


non k la fagon des seciiliers ct selon les appetits de sommeille avec le corps. Pour ce qui
est de notre

la chair ; mais ainsi qii'il convient a un nioine et k progres vers la perfection nous sommes
a laqiielle

nil serviteur do Dieuj car, meme pour la sariti- phy- obliges de tendre, il n'y a pas, dans notre vie, de
sique, plus on prcud ses aliments avcc I'egle et con- temps si completement perdu que celui qui est
venance, plus la digestion est facile et salutaire. II donne au sommeil. Avant done d'enlrer dans sou
faut done veiller et sur le mode et sur le temps, eiigourdissement, emporlez toujours dans voire es-
snr la quaiitite et sur la qualite de la nourriture. prit ou dans votre memoire quelque sainte pensee
II faut fuir les assaisonnements ctrangers etsuper- en laquelle vous vous endormiez Iranquillement,
llus. 11 faut, ai-je dit, prendre garde i la « mauierc » qu'il vous soit agreable de retrouver en songe,
et ne pas repandre son kme sur toule nourriture ;
qui vous reprenant k votre reveil, vous retablisse
au « temps, « ne point devancer I'iieure a la ; dans I'etat ou vous vous trouviez la veille. Ainsi,
« qualite, » ne se servir, a moins d'une necessite pour vous, la nuit sera illuminee comme lejour, et
manifests, que des plats qui sont prepares pour toute les ten^bres brilleront d'un grand eclat, qui eclai-
la communaute. Quant a I'appret, que nos aliments, rera les delices que vous goiiterez. {Ps. cxxxvm. 12)
etje conjure de veiller sur ce point, que nos ali- Vous vous cndormirez paisiblement, vous repose-
ments soient mangeables et non afFriandissants ou rez en paix, vous vous reveillerez sansdifticulte, et a
delicats ; h la conciipiscente suffitsa malice ; comme votre lever, vous vous trouverez agile et dispos, pret
elle ne peut arriver, ou ne parvient qu'avec peine k reprendre les occupations que vous n'aviez aban-
a satisfaire au besoin de la nature, si quelqiie de- donuees qu'en partie. Une nourriture et des sensa-
lectation ne vient I'y engager et I'y conduire si ;
tions rcglees appellent un sommeil regie. Le som-
elle commence a etre excitee en recevant des dou- meil charnel et de brute, sommeil du Lethe
le

ceurs de la part de ceux qui ont entrepris de faire comme Ton dit, doit etre chose abominable pour le
la guerre ci ses entrainements, on sera deux contre serviteur de Dieu. Celui que vous ne devez pas de-
un, et la continence court un danger manifeste. tester, si vous le prenez au temps ct dans la mesure
Dan3 le
3li. Ensuite, ce qui a ete dit de la nourriture, il necessaire, c'est ce repos dont vous pourrez facile-
sommeil. faut le dire du sommeil. Veillez autant que cela est ment, apres le delassement convenable, faire sortir
dans votre pouvoir, 6 serviteur de Dieu, k ne pas les sens de voire corps et de votre ime, les appe-

dormir tout entier; que votre repos ne soit pas lant et les envoyant, comme le pratique un perede
Tensevelissement d'un corps etoulfe, mais le delas- famille a I'egard de ses serviteurs, aux travaux
sement devos membres fatigues la reparation et ; necessaii'es a I'esprit ; ainsi le religieux prudent et
L'esprit
non I'extinction de votre ame. Le sommeil est une devoue a Dieu doit se couduire en sa cellule et en comme'
?4re «

chose, suspecte, et semblable, en tres grande partie, sa concience, comme un sage pere de famille se afflUii

a rivresse. Excepte les vices qui ne trouvent pas de comporte en samaison. Qu'il n'ait pas, pour em-
contradiction dans I'homme endormi, la raison ployer les expressions de Salomon, qu'il n'ait pas

sccro, nt comestibiles fiant cibi nostri, non eliam tus disccssisti. Sobrium enim cibum, sobriumque sen-
concupiscibiles vel dclectabiles. Sufficit enim concu- sum, sequitur sobrius somnus. Carnalis vero somnus, et
piscentiie malitia sua : quse cum vix aut niillo modo brutus, et, sicut dicitur, leteus, abominandus est servo
pertransire possil ad finem explendae necessitatis, nisi per Dei. De quo vero post congruam quietem facile est sen
viam quantaecunqiie delectalionis; si ccEperit accipcre sus corporis et mentis evocare, et quasi servos domus
irritamenta ab eis qui perpetuuin susccpere belliiin ad- paliis familias ad opera necessaria spiritui suscitare ct
vcrsiis ejus oblectamenta, fiunt duo contra ununi; el sic emittere hujusmodi somnus tempore suo, modo suo
:

periclitatur contiiienlia. aspernandus non est. Sic prudens et Deo deditus ani-
34. Deinde sicut de cibo dictum est, sic et desomno. mus habere se debet in cella sua et in conscientia sua,
Cave quantum potes, serve Dei, ne
in totus aliquando sicul prudens paterfamilias in domo sua. Non Iiabeat,
dormias, ne sit somnns tuus non requics lassi, sed sepul- sicut Salomon dicit, in domo sua mulierein litigiosam
tura corporis sufTocati : non reparaLio, sed cxslinctio spi- carnem suam, sed ad sobrietatem morigeratam et assuc-
ritus tui. Suspecta res est somnus, et ox magna parte factam ad obedientiam, et ad laborem paratam, ubique
cbrietati similis. Exceptis enim viiiis, quibus in dor- institutam el esurire, et saturari, et abundare, et penu-
miente, cum corporedormitante ratione non est qui con- riam pati. Habeat sensus exteriores non duces, sed ser-
tradicat; quantum ad debitum continui profectus, niliil vientes intcriores sobrios et efficaccs. Habeat omnem
:

temporis tarn deperit de vita nostra, quam quod somno omnino domum, vel familiam cogitationum suarum, sic
deputatur. Iturus ergo ad somnum semper aliquid defer ordinafam et disciplinatam, ut dicat huic, Vade, et va-
tecum in memoria vel cogitatione, in quo placide ob- dat et alii, Veni, et venial
: et servo suo corpoH, Fac
:

dormias, quod nonunquam etiam somniare juvet ; quod hoc, ct absque contradictione faciat. Qui sic semetip-
etiam evigilantcm te excipiens, in statum lieslerna; in- sum ordinat, et regit in conscientia sua, optimesibi crc-
tentionis restituat. Sic tibi nox sicut dies illuminabitur, dendus et committendus est in cella sua. Sed hoc est
et nox illuminatio tua erit in deliciis tuis. Placide ob- perfecLorum, vel perfici jam incipicntium quod idco :

dormies, in pace quiesces, facile evigilabis et surgens ; proposuimusincipicntibuset novitiis, ut sciant quid desit
facilis et agilis eris ad redeundum in id, unde non to- sibi, et quo extendere habeant intentionem studii sui.
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 3Zi9

dans son domicile « une femme acarialre » [Prov. d'apres les resultats qu'ils amenent, et trois especes
XXI. 9.)j sa chair, maisqu'il la regie par lasobriete, d'hommes, combattaut chacune dans la profession
qu'il I'assouplisse a I'obeissance, qu'il la dispose h. religieuse, selon les proprietes particulieres de ces
supporter le travail, toujours prete a etre dans le divers etats. Bien que la dignite de la cellule et le
besoin et dans la satiete, dans I'abondance et dans secret de la sainte solitude et la distinction de vie
la privation. Que ses sens exterieurs ne soient pas solitaire, ne paraissent convenir qu'aux parfaits, a
ses conducteurs, mais que ceux du
ses serviteurs ;
ceux, ainsi que parle I'Apotre, « a qui est destinee
dedans soient sobres, et lui produisent de bons la nourriture solide, la coutume a exerce les sens
fruits que toute sa maison, que toute la famillc
;
pour leur faire discerner le bien et le mal. » {Heb.
de ses pensees soit si bien reglee, si bien discipli- En quoi celui qui est raisonnable et qui se
v, l/i.)

nee, qu'il diss k Tune : allez, et qu'elle aille ; et i rapproche du sage peut y etre tolere en quelque
une autre : venez, et qu'elle vienne ; et au corps maniere ; mais celui qui est a I'etat animal, qui ne
qui est son serviteur : fais ceci, et qu'il le fasse percoit point les choses de Dieu, jiaraitrait devoir
sans regimber. Le religieux qui s'arrange ainsi el etre entierement exclu. Mais I'apotre saint Pierre
s'etablit de la sorte dans sa conscience, pent tres se presente a nous, proferant ces paroles : « S'ils

bien etre place dans une cellule, et conQe sans va- ont recu le Saint- Esprit comme vous Tavez recu :

nite a son hcureuse solitude. Mais c'est la I'etat des qui etais-je, moi, pour empeclier Dieu?» [Act.
parfaits ou de ceux qui commencent a atteindre la xf, 17.) Car bonne volonle.
le Saint-Esprit, c'est la
perfection nous I'avons propose aux novices et k
;
II ne faut pas eloigner dans un grand scrupule, de
ce\ix qui debutent, afin qu'ils apprennent ce qui quelque profession si elevee qu'on la suppose,
leur manque, et qu'ils voient jusqu'oii ils doivent I'homme qui par sa bonne volonto, annonce la pre-
porter le zele pour leur avancement. sence de I'Esprit Saint qui habile en lui, et qui le

fait marcher. Car le sejour des cellules doit etre ou- Qaels sont
CHAPITRE XII. vert a deux sortes de personnes c'est-a-dire, ou :
ceui qu'il
faut laisser
bien aux simples qui se montrent humbles et gran- entrer en
religion.
Quels sont ceux qui sont propres a habilcr les cellules ;
deuient soucieux d'acquerir par leur experience et
0)1 hldme les edifices somptueux. par leur bonne volonte, la prudence religieuse; ou bien
auxprudents, donton salt certainement qu'ils souhai-
35. Or, il que lorsque nous parlous
faut savoir tent d'acquerir la sainte et religieuse simplicite. Quant
de I'esprit charnel et animal, ou de la science rai- oi la folie orgueilleuse ou I'orgueil insense, que pour
sonnable ou de la sagesse spirituelle, nous decri- jamais ils soient eloignes des pavilions des justes.
vons un seul et meme homme, en qui tons ces di- Car tout orgueil est folie, bien que toute folie ne
vers elements peuvent se trouver a differentes epo- soit pas orgueilleuse. En effet, la folie sans orgueil
ques, selon les differents progres qu'il a realises, et se trouve quelquefois etre simplicite : si elle ne salt

Spiritus enim sanctus bona voluntas est. Nee enim sine


a\PUT XII. grandi scrupulo mentis a quacumque professionis altitu-
dine arcendus est, cui testis inhabitantis et tratientis
Spiritus-Sancti boua voluntas est. Siquidem ex duobus
Quinam idonei habitatores Cellce : sumptuosa (edificiu
bominum generibus cellarum habitalio supplenda est :

iniprobantur.
scilicet vel de simplicibus, qui et sensu el voluntate ad
assequendam religiosam prudenliam ferventes apparue-
35. Sciendum vera est, quia cum de carnali, vel de rint et huniiles vel de prudentibus, quos religiosae et
:

animali sensu, vel de rationali scientia, vel de spirituali sanctEB simplicitatis constiterit esse smulatores. Stulta
sapientia dis-orimus unum hominom describimus in
: vero superbia, vel superba stultitia, a tabcrnaculo justo-
quo secundum diversos profectus et profectuum proven- rum semper procul sit. Est autcm omnis superbia stulta :

tus, et intentionis afTectus, haec omnia diversis tempori- quamvis non omnis stultilia sit superba. Stultitia enim sine
bus possibile est invenirl : et tria hominum genera, sin- superbia, nonnunquum simplicitas invenitur qua; si :

gula secundum statuum borum proprietates in profes- ignorat, forsan est docibilis : et si ncquit doccri, forsau
sione religionis in cellis militantia, quamvis cellae di- est tractabilis. Et est propria civitas refugii siniplicilati,
gnilas, et sanctae solitudinis secretum,et pro- solitariae cohabitatio religionis : nisi sit talis qua; nolit humi-
fcssionis titulus, non convenire videtur
nisi perfectis : liari, vel timi bruta, ut non possit regi vol tractari. Bona
quorum, sicat Apostolus dicit, est solidus cibus et qui : tamcn voluntas, etsi muUum sit bruta, non tamcn est
pro consuetudine exercitafos habent sensus ad discretio- dcserenda, .sed salulari consilio ad laboriosam et actuo-

nem boui et uudi. In quo etsi rationalis, qui proximus sam vilam transmittenda. Superba autem, qiiantuinvis
est s;ipie[iti, utcimquo videretur esse tolerandus sed : prudcns sibi videalur, dimitlenda sibi est, el abigenda.
certe animalis qui non percipit ea quae Dei suut.penilus Si enim admittitur superbus, prima die qua ingreditur
putarelur arcendus. Sed occurrit Pelrus .\postoius, di habitare, incipil leges dare nimium? vero slultus dis-
:

cens de quibusdam Si Spiritum sanctum ipsi accepe-


:
ccre non potest, quas iuvenit. SoUiciteergo elprudenter
runt, sicut et nos : ego quis eram qui prohiberem Deum ? perpendendum est, quis admittatur ad habitandum sc-
350 L'ARRl-: GUILLAUME.
\
rieii, elle peut parfois 6tre enseignee ; et s'il ne lui 36. De venue
\k est la construction faite avec I'ar- OnetJ
est point possible dc recevoir des lecons, peut-etre gent etranger, de ces cellules somplueuses et pre-
est-elle inaniable. La pro[>re ville dc refuge pour la tentieuses, a un degre que la pudeur toU;re a peine;
siinplicite, c'est la profession religieuse : a moins rejctaiit la simplicite et la vie de la campagne creee
qu'elle soit si superbe, qu'elle ne veuille pas s'liu- par le Tres-Haut, ainsi que parle Salomon {Eccl.
milier, ou si ne puisse eti'e regie
grossiere, qu'elle VII, 10.), nous nous creons comme des types rele-
ou maiiiee. Cependant, fut-elle considerablcment ves d'babitations religieuses. Et ainsi la compatis-
grossiere, la bonue voloute n'est pas a rejeter ou a sance que nous avons eue pour ceux qui etaient
abandonner, ])ar de sages conseils, il faut rapj)li- animaux, nous a rendus sur ce point presque
II faut quer a uue vie laborieuse et active. Quant a I'or- grossiers comme eux. Eloign ant de nous et de nos
enti fere men t
gueilleux, quelque prudent qu'il se croie, 11 faut cellules, cet exterieur de pauvrete que nos peres
eiclure les
orgueilleui. I'exclure et le chasser. Si on Tadmet, desle premier nous avaient K-gue en un heritage, cette apparence
jour de son arrivee, il se met a donner des lois. de sainle siraplicite qui est la veritable beaute de la

Car il est hors d'etat d'apprendre celles qu'il a trou- maison de Dieu, par la main d'artistes habiles,
vees existantes. 11 est necessaire d'exaniiner avec nous nous batissons des cellules non eremitiques
soin et prudence qui on adrnet a habiter avec soi. mais aromatiques, du prix de cent pieces d'or cba-
Car, qui habite avec soi, n'a en sa societe que ce- cune, rassasiant la concupiscence de nos yeuxdu tra-
lui qui est comme lui. Le mecbant n'est jamais en vail paye par les aumones des pauvres. Enlevez, Sei-
surete avec lui-meme, paroe qu'il babite avec un gneur, des cellules de nos pauvres, cet opprobre de
mecbant, et personue ne lui est plus dangereux que cent pieces d'or Pourquoi le prix de ces cellules n'est-
.

lui. Les insenses, ceux qui ont perdu la raison, et il pas de cent deniers ? Pourquoi n'en coutent-elles
qui pour n'impoiie quel motif, ne sout pas en pas meme un seul ? Pourquoi les fils de la grkce ne
pleine possession de leur esprit, ont des gardiens; se batissent-Us point eux-memes gratuitement leurs
on ne les laisse pas seuls dans la craiute qu'ils ne demeures ? Que fut-U repondu a Moise, lorsqu'il
fassent un mauvais usage de la solitude. Qu'ou ad- aclievait de construire le tabernacle ? « Regarde, »
mette done a habiter les cellules, les bommes ani- dit le Seigneur, « et fais tout selon le modele qui
maux, pauvres mais afin qu'ils devien-
d'esprit, t'a ete montre sur la montagne. » [Exod. xxv, IxO.)

nent raisonnables et spirituels, et nullement pour 11 ne convient pas que des bommes du siecle edi-

que ceux qui sonl deja parvenus a cet etat avance fient le tabernacle de Dieu avec les humains. Que
retournent en arriere et devienneut animaux. ceux-la se construisent des retraites pour eux, qui
Qu'on les accueille avec toute la bienveillance que ont vu sur les regions elevees de I'ame, le type de la
peut inspirer la cbarite; qu'on les souffre avec toute veritable beaute de la maison du Seigneur. Que
la patienceque peut suggerer la bonte. Mais que ceux ceux a qui le soin de I'interieur fait mepriser et ne-
qui les supportent ne les imitent point qu'ils ne : gliger tout ce qui est au-dehors, elevent pour leur
cbercbent point a les faire avancer, de maniere k usage des edifices selon la forme de la pauvrete,
6tre entraines de leur cute, a decboir de la ferveur d'apres le modele de la sainte simplicite et siu? les
de leur profession religieuse. ligiies traceespar la reteuue de leurs peres. Jamais

cum. Qui enim habitat secum, non nisi seipsum, qualis quibus tantum compassum est animalibus, ut paene ora-
ipse est, liabet secuni. iNIalus autem homo nunquam nes in hoc etTecti simus animales. Dimissam enim nobis
tuto secum liabitat, quia cum malo homine habitat et ; a Patribus noslris jure hereditario formam paupertatis,
nemo molestior ei est, quam ipse sibi. Isaminsani etni- speciem, verum decorem domus
et sanctse simplicitatis
mium dementes, et qui non satis quacunque de causa Dei, alienantcs a nobis et a cellis nostris, per manus ar-
mentis suae bene compotes sunt, custodirisolent, nee sibi tificum exquisitorum cellas, non tam eremiticas, quam
relinqui vel commilti, nee solitudine sua male utantur. aroniaticas ffidificamus nobis, singulas in titulo centum
Admittantur ergo animalcs homines, pauperes spiritu ad solidorum, concupisccntiasoculorum nostrorum de elee-
cohabitationem cellarum sed ut fiant ipsi rationales ac
: mosinis pauperum. Amputa, Domine, opprobrium cen-
spiriluales, non ut propter eos ipsi qui jam hoc esse me- tum solidorum a cellis pauperum tuorum. Cur non po-
ruerunt, convertantur retro, et efficianturanimales. Sus- tius centum denariorum? Cur non potius nullorum?Gur
cipianlur in omni henevolentia carilatis; portentur in non potius gratis filii gratiae ipsi sibi aedificant? Quid
omni patientia benig-nitatis. Sed qui eis compatiuntur, responsum est Moysi, cum consummaret tabernaculum?
non eis conformentur nee sic quaerant eorum profec-
: Vide, inquit, omnia facito secundum exemplar quod os-
tum, ut propter eos cogantur incurrere propositi in reli- tensum est tibi in monte. Non a saeculi hominibus decet
gione rigoris defectum. fieri tabernaculum Dei cum hominibus. Ipsi quibus in
36. Inde enim jam subintravit de aere alieno sump- altitudine mentis ostenditur exemplar veri decoris do-
tuosa, et, quantum pudor vix sinit, ambitiosa cellarum mus Dei, ipsi aedificent sibi. Ipsi quibus sollicitudo in-
aedilicatio : et abjecta sancta simplicitate et rusticitate, teriorum suorum contemptum et negligentiam indicit
sicut Salomon dicit, ab Altissimo creata, quasi religio- omnium exteriorum, ipsi aedificent sibi formam pauper-
sas quasdam nobis creamus habitationum honestates. In tatis, et sanctae simplicitatis speciem, et paternae frugali-
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 351

aucun art des ouvriers industrieux n'embellira ces autres I'araour de la pauvrete. Pour une ame atten- Habitant d«
la maiion.
demeiires comme la negligence avec laquelle elles tive a son interieur, il vaut mieux un exterieur ne-
auront ete construites. glige et sans aucun soin que I'^me
: on voit par la

37. Je vous en supplie done, dans le pelerlnage de habite plus souvent d'autres lieux on voit que de ,

ce siecle, dans ce combat que nous livrons chaque saintes intentions I'attirent plus puissamment ail-
jour sur la terre, batissons-nous, non des maisons leurs et ainsi la bonne conscience s'attache utile-
;

pour sejourner, mais des tenles pour les abandon- meuf a ce qui est du dedans, quand elle apprend a
uer bien vite dans peu d'instants on nous appel-
: n'avoir aucune estime pour tons les objets du de-
lera d'ici, nous emigrerons vers notre patrie, vers hors. Je vous en supplie done, que ces cellules trop
notre cite et vers la demeure de notre eternite. delicates demeurent comme elles sont, mais que
Nous sommes dans un camp, le lieu oil nous com- leur nombre ne s"accroisse point qu'elles soient :

battons est une terra etranger'e, le champ oil nous comme des lieux de sante pour les freres faibles,
travaillons n'est pas a nous tout ce qui est natu-
: qui vivent encore dans I'animalite, jusqu'a ce ([u'ils
rel est facile. N'est-il pas aise au solitaire, ne suf- se fortifient je veux dire jusqu'a ce qu'ils com-
:

iit-il pas a la nature, n'est-il pas utile a la cons- mencent a desirer, non rinflrmerie des malades,
cience, de se construire ime cellule de branches d'ar- mais ceus qui combattent dans les
les tentes de
bres, de I'enduire de bone, de la couvrir de toutes camps du Seigneur. Qu'elles restent pour montrer
parts et d'v trouver une habitation tres-deceute ? a ceux qui vieudront apres vous, que vous les
Que faut-il desirer de plus ? Croyez-le, mes freres, avez possedees et meprisees.
et que le ciel vous en epargne I'experience ces :

belles maisons qui orneraient les places publiques CHAPITRE XIII.


des grandes villes, afTaiblissent bien vite les bonnes
resolutions et enervent I'esprit le plus viril. Car, en- L'auteur les exhorte a I'exemple des premiers moines,
core que I'usage leur enleve, par I'habitude, une des ermites, bien plus, a I'exemple de Jesus-Christ,
grande partie de leur charme, encore que plusieurs des Apdtres et des premiers fideles, n la modes tie, a
s'en servent comme n'en usant pas, neantnoins, la fuite de I'oisivete et a V amour de la pauvrete.
ces sortes d'aflection se detruisent et se vainquent
plus par le mepris que par la pratique. Nos senti- 38. Vous qui etes spirituels comme les Hebreux,
ments interieurs trouvent un grand secours dans c'est-a-dire, comme
voyageurs qui passent,
des
les objets exterieurs, quand ils sont places et dispo- n'arant pas ici-bas de demeure permanente, mais
ses selon les pensees de notre esprit, et quand ils cherchant celle qui vous sera donuee un jour ; ba-
repondent par leur maniere d'etre, au genre de vie tissez-vous, comme vous I'avez commence, des ca-
que nous avons embrasse. Une habitation pauvre banes pour y fixer votre sejour. C'est dans des hut-
retieut dans les uns la concupiscence, inspire aux tesque nos peres out reside, habitant la terre pro-

talis lineamenta. Nulla enim sic aptabit artificum indus- animum magis decent inculta omnia et neglecta exte-
tria, sicut eorum ncgligentia. riora quibus animus ipse saepius alibi convcrsari di-
:

37. Ergo obsecro in peregrinatione hiijus saeculi, in gnoscitur; seque alibi jmagis occupatam intentio sancta
militia hac super terram, £edi(icemus nobis, non domes denunciat et cfficaciter bonae conscientiae conciliat in-
;

ad habitandum, sed tabernacula ad deserendum ut- : teriora, cui omnia extei'iora vihiisse renuntiat. Obsecro
pote cito indc vocandi, et emigraturi in patriam et civi- ergo, ut maneant cella? ista? delicationes sicut factaesunt,
tatem nostram, et in domum aeternitatis nostrae. In sed non crescat numcrus earum sintque in valetudina- :

castris quippe sumus, in alieno militamus, in alieno la- ria, fratribus animalibus ct infirmioribus, donee couva-
boramus facile est quidquid naturale est. Nunquid
: lescant hoc est incipiant desiderare, non valetudinaria
:

non facile c. i solitario, et sufficiens naturae, et utile iufirmorum, sed tabernacula militantium in castris Dei.
conscientiae, ipsi sibi celiam de virgis contexere, deluto Maneant in exemplum postcris vestris, quia tales habuis-
plasmare, undecunque operire, et decentissime inhabi- tis, et sprevistis.
tare? et quid amplius est requirendum? Credite fratres,
et utinam experiri vobis non contingat quia pulchritu- :
C.VPUT XIII.
dines islae et forenses honestates cito utile proposilum
enervant, et masculinum animum effeminant. Nam etsi
Exemplo priscontm monachorum, Eremilarum, imo
ipso saepe usu sopiuntur earum delectatioiies etsi
Christ i Apodolorion et priinoruin Fidel tuin, hortatur
sint aliqui qui utantur hujusmodi quasi non utentes ;
ad modestiam, otii fugam, ct paupertatis amorem.
tamen contemplu melius, quam usu extirpantur, et vin-
cuntur hujusmodi affectiones. Conferunt etiam non mo-
dicum interioribus nostris exteriora nostra, ad similitu- 38. Vos autcm qui spirifualcs cstis, sicut Hcbraei, id
dinem mentis aptata et composita, et bono propositosuo est transeuntcs, non habenlcs hie civitatcm manenlcm,
modo respondentia. Paiiperior enim cultus in aliis fre- sed fuluram inquirenles ; a>di(icate vobis, sicut ca?pislis,
nat concupiscenliam : in aliis circa amorem paupertatis casulas in quibus babiletis. In casulis enim habitaverunl
afBcit conscientiam. Sed et intentum interioribus suis patres nostri, habitantes in terra rcpromissionis quasi in
35Q I/ABRfi GUIF>LAUMK.

raise comme iin pays etranger, attendant avec leurs qu'en ceci nous ayions pour nous consoler quelque
coh^ritiers la cite aux fondements solides, dont peu, celui qui etant riche, rendu pauvre pour
s'est
I'auteur de la promesse et le constructeur est Dieii nous, (II. Cor. vni, 9.) et qui en nous dounant le

lui-meme : ne jouissant point des promesses^ mais precepte de la pauvrete volontaire, a daigne nous
les regardant et les saluant de loin , et se recon- en montrer le modele en sa propre personne. Pour
naissant corame etrangers et pelerins en ce monde, apprendre aux pauvres evangeliques ce que Ton
avouant par ces expressions, qu'ils raarchaient a la doit faire poureux, il avouluqueles fideles lui four-
recherche d'une patrie meilleure, c'est-a-dire de celle nissentsanourriture.Quelquefois ilarecu des inlide-
qui est dans les cieux, C'est pourquoi, nos p^res de les les aliments necessaires pour soutenir son exis-
I'Egypte et de la Tliebaide, si ardemment zeles dans tence, mais il les a acceptes dans le but de les con-
la pratique de cette sainte existence, vivant dans vertir et de les rendre fideles. Nous trouvons dans
les deserts, dans le bcsoin, dans raffliction, hommes les Actes des Ap6tres et dans les epitres de saint
divins dont I'univers n'etait pas digne, se construi- Paul, la preuve eclatante de la solUcitude avec la-
saient eux-menies des cellules qui les mettaient uni- quelle les Apotres, dans la primitive Eglise, faisaient
quement al'abri des vents; c'est la que, jouissant contribuer les fideles a nourrir ces saints pauvres
des delices de la pauvrete raonastique, ils enrichis- qui avaient siipporte pour Jesus-Christ la perte de
saientun grand nombre de leurs freres, etanteux-nie- tons leurs biens, ou qui, suivant les conseils de la
mesdansle besoin. Je ne sais quel plus juste nomleur perfection, [Luc. xvui, 22.) avaient abandonne et
donner, hommes celestes ou anges de la terre, re- vendu leurs possessions et les avaient mises en com-
sidant ici-bas, mais ayaut leur conversation dans mun pour servir a tous leurs freres. Bien qu'il soit

les cieux. lis travaillaient de leurs mains et accorde, selon la prescription et lereglement du
nourrissaient les pauvres de leur travail : se trou- Seigneur, a ceux qui annoncent I'Evangile, de vivre
vant eux-memes dans le besoin, du sein de I'im- de I'Evangile; d'apres I'autorite des Apotres, cela
mensite des deserts, ils aliraentaieat les prisonniers n'est pas non plus defendu a ceux qui ont regie
et les pauvres des villes, se procurant leurs ali- selon I'esprit de I'EvangUe, comme le faisaient ces
ments du fruit du travail de leurs mains, qui faisait saints indigents qui se trouvaient en ces jours a
la grande occupation de leur vie, ils soutenaient Jerusalem on leur donnait ce beau titre parce
:

leurs freres en quelque necessite qu'ils se trou- qu'ils s'etaient engages a pratiquer la saintete et i
vassent. mener une vie commune, et s'etaient par conse-
3S(t-il per- 39. Que dirons-nous a ces exemples, nous qui quent depouilles de tout. [Act. \i, Ixh, — lb. iv, 32,
mis de vivre
du travail
n'avons pas I'esprit animal, mais qui sommes des — I. Cor. VI, —II. Cor. viii.) Quand I'Apotre de-
des autres. animaux terrestres, attaches i la terre et aux sen- clare avec autorite et severite que celui qui ne veut
sations de notre chair, marchant selon son instinct pas travailler ue doit pas manger; (II. Thessal. ili, 3.)

et vivant aux depens des mains etrangeres? Quoi- il ajoutede suite, pour indiquer quels sont ceux dont

aliena cum coheredibus repromissionis exspectantes


; nobis factus est et qui voluntariae paupertatis, dedit
;

civitatem habentem fundamenta, cujus artifex et condi- praeceptum, ipse ejusdem paupertatis in semetipso nobis
tor est Deus non acceptis repromissioiiibiis, sod a
: formam dignatus est demonstrare. Ut enim sciant evan-
longe eas aspicientes et salutantes, et confitentes, quia gelic! pauperes quid eis faciendum sit, ipse etiam a fide-
hospites sunt et peregrin! super terram. Qui enim haec libus pasci voluit : nonnunquam et ab infidelibus, sed
dicunt, significant se patriam inquirero melioreni, hoc ut fideles faceret, vitae necessaria accipere non recusa-
est ccelestem. Idcirco Patres nostri in -Egjpto et Tlie- vit. Sed etiam in primitiva Ecclesia pauperes illos sanc-

baida, sanctae hiijus vitas ardentissimi a?mulatores, in tos, qui pro Christo rapinam bonorum suorum perpessi
solitudinibus degentes, angustiati, afllicti, quibus digiius fuerant, vel secundum perfectionis consilium omnia re-
non erat mundus ipsi sibi cellas apdificabant, in quibus
: liquerant et vendiderant, ac fratribus lidelibus communia
tecti tantummodo et circumsepti a turbine et a pluvia efTecerant; quanta sollicitudine, quanta pietate sancti
tutabantur, in quibus eremiticae frugalilatis deliciis af- Apostob alendos a fidelibus procurabant, etliberActuum
fluentes, locupletabant multosipsi egentes. Quosquo no- Apostolorum, et Paulus in cpistolis suis manifeste de-
mine dignius appellem nescio, homines ccelestes, an an- monstrat. Quod etsi conceditur Uberius hoc ipsum Do-
gelos terrestres, degentes in terris, sed conversationem mino praecipiente et ordinante, Evangelium annuntian-
habentes in coelis. Laborabant manibussuis, et de labore tibus de Evangelic vivere ex Apostolorum tamen auc-
:

suo pauperes pascebant; esurientes ipsi, de vastitale toritate non negatur, etiam evangelice viventibus, sicut
eremi urbinm carceres alebant et infirmos, etinquibus- Sanctis illis pauperibus qui tunc erant in Jerusalem :

bbet neccssitatibus positos sustentabant, viventes de la- qui etiam sancti pauperes ob hoc vocantur, quia in pro-
bore suo, et habitanles in labore manuum suarum. fessione sanctitatis et communis vitae nomen dederant,
39. Quid ad haec dicemus nos, non animales, sedani- et semetipsos in hoc ipsum sponte pauperes efTecerant.
malia terrena adhaerentes terrae, et sensibus carnis
; Quod enim Apostolus severissima auctoritate quibusdam
nostrae, in sensu carnis nostras ambulantes, et ex alienis denuntiat, ut qui non vult operari, non manducet con- ;

manibus pendenles? Quamvis consoletur nos in hoc ip- tinue ostendens de quibus diceret, subjunxit dicens :

8um aliquatenus ille, qui cum" dives esset, pauper pro Audivimus enim quosdam ambulantes inter vos inquiete.
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 353

il veut parler : « Nous avoiis appris que parmi vous, nez. Seigneur, pardonnez; nous excusons, nous
il en est qui vivent sans repos, ne faisant rien, mais tergiversons, mais nul ne se pent derober a I'e-
A ceux qui ont le malheur
se livrant k la curiosite. clat de votre verite elle illumine ceux qui sont
:

d'etre dans cet nous leur declarons et nous les


etat, tournes vers elle, et elle frappe aussi ceux qui lui
en supplions dans le Seigneur Jesus, de manger tournent le dos. Notre bouche n'est point cachee
leur pain en travaillant en silence^ » e'est-a-dire, pour vous, vous voyez ce que vous avez fait dans
en le gagnant par leur travail. Et neanmoins, I'interieur de I'homme. C'est nous qui faisons ce
dans la crainte d'avoir rejete et d'avoir expose au qui nous est ainsi cache en nous ; parce qu'il est i
besoin ces malheureux, bien qu'inquiets, oisifs, peine quelqu'un qui, dans ce qui est de votre ser-
oucurieux, qui portaient le nom du Seigneur qu'on vice, veuille eprouver ce qu'U est capable de reali-
avaitinvoque sur leur tete, il se hate d'aj outer : ser et qxi'il est en etat d'accomplir avec une tres-
« Pour vous, ines freres, ne cessez jamais de faire grande facilite, quand la crainte le pousse, ou bien
du bien dans Notre-Seigiieur Jesus-Christ.)) Comme lorsque la cupidite I'entraine avivre selon la chair,

s'il disait : bien qu'ils perseverent dans leur malice ou selon nous trompons les hom-
le siecle. Mais si

ou dans leur negligence; pour vous, ne cessez pas mes qui n'y prennent pas garde, ne permettez
dans votre charite de leur faire du bien. point que nous nous trompions nous-memes, comme
UO. Lors done que I'Apotre a declare plus haut si nous voulions vous tromper. Nous ne travaillons

avec une rigueur si grande, que ceux qui ne veu- point, ou parce que nous ne pouvons pas, ou parce
lent pas travailler ne doivent pas manger et lors- : qu'ilnous semble que nous ne pouvons pas c'est :

qu'ensuite il s'est montre plus indulgent envers I'habitude du repos et de la delicatesse qui nous
ceux qui veulent travailler, mais qui malgre cette met hors d'etat de nous livrer a ce genre de la-
disposition ne font rien, nous pourrions dire, en sui- beur.
vant le sens de ses paroles (qui ne s'ecarte pas beau- Zil. Que nous vous adorions done toujours, que

coup de la veritable interpretation), que sa severite nous nous jetions a vos pieds, que nous pleurions
s'adresse a ceux qui ne veulent point travailler quand devant vous, qui nous avez formes, et qui, en puni-
ils le pourraient, et que son indulgence regarde tion de nos peches publics , nous avez formes par
ceux qui le voudraient, mais ne le peuvent point. un jugement secret, peut-etre pour que nous ne
Mais parce que, meme k ces derniers, I'Apotre an- le puissions pas quand nous le voulons, parce que

nonce en les conjurant dans le Seigneur Jesus, nous ne le voulons pas beaucoup, ou parce que
qu'ils doivent mauger leur pain en silence, ils nous ne Tavons pas voulu lorsque nous le pou-
semblent manger un pain qui n'est pas a eiix, a vions. Mangeons notre pain, au moins selon le

moins qu'ils ne le fassent leur propre bien en tra- chatiment intlige a Adam, si nous ne le pou-
que celaleur est possible, selon le
vaillant, autant vons manger a la sueur de notre visage, dans

temoignage de Dieu et de leur conscience. Pardon- la douleur de notre cceur j dans les larmes

nihil opemntes, sed curiose agentes. His autem qui hu- est qui se abscondat a lumine veritatis tuae quod sicul :

justnodi sunt, denuntiamus et obsecramus in Domino illuminat converses, sic etiam fcrit aversos. Non est
Jesu-Christo, ut cum silentio opcrantes payiem suum enim occullatum os nostrum a te, quod fecisti in occul-
manducent. Suum, hoc est suo labore partum ct acqui- to hominum. Nos autem nobismetipsis faciuuis id occul-
situm. Et tamen ne illos, quamvis iuquietos, nihil opc- tum; quia vix est aliquis in eis quae ad to sunt, qui cx-
rantes, et curiose agentes, nomen tamen Domini invo- periri velit quid possit, et quod promptissime potest
catum super se habentes, quasi exposuisse vidcrctur et quandoqiie secundum carnem vol SKCulum, sive timor
abjecisse, slalim inlulit dicens Vos aulcm, fralres, no-
:
iuipulerit, sive cupidilas Iraxcrit. Sed et si fallimus ho-
lite deficere bcnefacientes in Christo Jesu Domino nostra, mines inscios, non nos permitlas, ut quasi volentes f;il-

Ac si diceret ct si illi perseverant in malitia, sive ncgli- lere tc, fallaraus nosmctipsos. Nos non laboramus,
quia
gentia sua vos tamen in sustentandis eis nolite deficere
; vel non possumus, vel non posse nobis videmur vel :

a beneficentia vestra. consuetudinc otii ct deliciariim nostrarum nos non posse


40. Cum ergo severissime superius denuntiaverit, non efficimus.
manducandum nolentibus operari postmodum vero vo- ; 41. Adoremus ergo semper, et procidamus, ct plore-
lentibus operari, scd nihil opcrantibus, aliquanto se mus coram qui fccisli nos, et qui in hoc ipsum pcc-
tc,
formasti nos,
exhibuerit clemontiorem possemus dicerc secundum
:
cato nostro manifesto, judicio tuo occulto
textum vei'borum ejus (nee omnino abcrraret a vero) non ut forsitan quia non multum hoc volumus, non possi-
volentibus quamvis valentibus, intentatam esse illam se- mus, quia non voliiimus cum potuimus, cum volu-
vel
veritatem volentibus autem, sed non valentibus, indul-
:
mus non possumus. Vescamur sallem secuudiun poniaui
gentiam istam. Sed etiam cum islis dennntief, ct obsc- Ada' pane nostro, si non possumus in sudorc vullus nos-
cret in Domino Jesu-Cliristo, ut cum silcnlio panem tri, in dolore cordis nosiri ; in lacrymis doloris, si non
suum manducent videntur panem non suum maiiduoa-
: possumus in sudorc lal)oris. Magnam banc jaclu ram pro-
couscicnlian
re, nisi cum suum efliciaul opcrando, quantum operari fcssionis nostra' supploat pii'tas, ao dcvolio
possunt tcstimonio Dei, et conscicntia; suae. Ignosce, Sint nobis lacrym;r nostra- panes die a nocto,
humilis.
Domine, ignosce : excusamus, tcrgivcrsamur, scd non nuandiu dicitur anin);c nostrae. Ubi est Dens luus? hoc
T. V. 23
: ,

S5& L'ABBfi GUILLAUME.

de la douleur, sinon dans la sueiir de la fa- CHAPITRE IV.


Que la piete
tigue. et la devotion d'une conscience
humble supplee h. cette lacune qm se fait sentir Comment rhomme animal qui commence, ou le no-
dans noire profession. Que nos larmes soient notre vice relifjieux, doit apprendre a s'approcher de Dieu
aliment et le jour et la nuit, taut que Ton dit a no- par I'amour et Voraison.
tre ame oil est voire Dieu ? e'est-a-dire, tant que
:

nous voyageons loin du Seigneur notre Dieu, loiji ^2. II faut ensuite apprendre b. rhomme animal
de la lumiere de son visage. Une seule chose etait qui debute et a I'apprenti de Jesus-Christ, a s'ap-
necessaire ; mais nous qui ne nous fisons point a procher de Dieu, pour que Dieu s'approche de lui.
cette unique occupation, et qui ne nous livrons pas C'est I'avis que donne I'Apotre : « Approchez-vous
ci plusieurs travaux, a quelle place nous mettra-t-on? de Dieu et il s'approchera de vous. » [Jac. iv, 8 )

Plaise au ciel que ce soit a celle dont I'Apotre parle II faut non-seulement faire I'homme et le former,
« Celui qui ne mais qui a foi en celui
travaille pas, mais il faut de plus lui donner la vie. Car Dieu fa-
qui justifle I'impie, sa foi lui est imputee a justice conna d'abord Adam , ensuite il dirigea sur sa face
selon le bon plaisir de la grace de Dieu. » [Rom. iv. le souffle de vie, et I'homme devint une creature
U.) Plaise a Dieu que ce soit a cote de cette peche- vivante. La formation de I'homme, c'est son educa- p^,
resse a qui il fut beaucoup pardonne parce qu'elle tion morale; sji vie, c'est I'amour de Dieu. La foi le *°"

aima beaucoup. {Luc, \ii, hi); que devant Dieu concoit, I'esperance I'enfante, la charite le
forme et
notre ame heureuse merite d'etre justifiee au juge- Car I'amour de Dieu, ou I'amour Dieu
le vivifie.

ment qui sera fait de ceux qui cherissent le nom du Saint-Esprit penetrant I'amour de I'homme, se
Seigneur, et que le titre de son pardon ne soit pas I'assimile. Et dans Ihomme, Dieu s'aimant lui-
la justice des ceuvres accomplies et la confiance des meme , lie ensemble son esprit et son amour
merites acquis, mais seulement I'abondance de son et en une seule chose qu'il unit a lui.
fait

amour. Car lorsqu'on vous aime, 6 Dieu ;


pour le Car, de meme
que le corps n'a de soiu-ce de vie que
coeur qui vous cherit, votre amour est deja une dans son ame, de meme le sentiment de I'homme
grande recompense, et ensuite viendra la vie eter- qui s'appelle I'amour, ne vit, c'est-a-dire, n'aime
neUe. Ainsi, je vous en conjure, mesfreres, ne nous Dieu que par le Saint-Esprit. Done cet amour de
excusons pas, accusons-nous et reconnaissons nos Dieu que la grace produit dans I'homme, la lecture
I'autes. Et nous, qui devant les hommes avons porte I'allaite, la meditation le nourrit, I'oraison le forti-

un titre glorieux et une sorte de marque de perfec- fie et I'eclaire. A I'homme animal, a celui qui est
tion personnelle, reconnaissant devant le Seigneur nouvelle creature dans le Christ, pour sujets d'exer-
la pauvrete de notre conscience, ne nous eloignons cices interieurs, il vaut mieux, il est plus svir de
pas sans retour de la verite, et la verite nous deli- faire lire et mediter les mysteres exterieurs de la
vrera. vie de notre Redempteur : on y trouve un modele

est, quandiu peregrinatur a Domino Deo nostro, et a


CAPUT XIV.
lumine vultus sui. Unum quidem erat necessarium sed :

qui nee in uno figimur, nee in multis exercemur, in quo


Quomodo animalis incipiens, seu tiro religiosus, docen-
ordine computabimur? Utinam cum illo de quo Apos-
dus sit appropinquare Deo per amorem et ora-
tolus dicit Ei qui non operatur, credenii autem in eum
:
tionem.
qui justificat impium, repuiabitur fides ejus ad justiiiam
secundum propositum gratia; Dei, Utinam cum pecca-
trice, cui multum dimissum est, quia multum dilexit :
42. Deinde docendus est animalis incipiens, et Christi
et beata anima hoc judicio apud Deum meruerit justifi- tirunculus Deo appropinquare, ut et Deus appropinquet
cari, judicio diligentium nomen Domini; ut omissaom- ei. Sic enim admonet Propheta Appropinquate Deo, et :

ni justitia operum, et fiducia meritorum, in hoc solo ipse appropinquabit vobis. Non solum enim faclendus
justificetur, quoniam dilexit multum. Nam in diligendo est homo et formandus, sed et vivificandus. Primo enim
te Deus, retributio magna est diligent! conscientiae ipsa formavit Deus hominem deinde inspiravit in faciem
:

dilectio tua, deinde vero vita aeterna. Sic


obse- fratres, ejus spiraculum vitae, et faclus est homo in animam \i-
cro vos, non excusemus nos, sed accusemus nos, et con- ventem. Formatio hominis, institutio est moralis vita :

fiteamur. Et qui magni nominis umhram, et personale ejus, amor Dei. Hunc fides concipit, spes parturit, chari-
quoddam figmentum perfecfionis apud homines indui- tas format et vivificat. Amor enim Dei, vel amor Deus

mus, apud Deum conscientiaj nostras cognoscentes pau- Spiritus Sanctus, amori hominis se infundens, afficit eum
pertatem, non usquequaque recedeamus a veritate, et sibi. Et amans semetipsum de homine Deus, secum
Veritas liberabit nos. unum spiritum ejus, et amorem ejus. Sicut
efficit, et

enim non habet corpus unde vivat, nisi de spiritu suo :

sic aftectus hominis, qui amor dicitur, non \ivit, hoc est
non amat Deum, nisi de Spiritu Sancto. Amorem ergo
Dei, in homine ex gratia genitum, lactat lectio, mcdi-
tatio pascif, oratio confortat et illuminat. Animali vero
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 355
d'humilite, un foyer ardent de charite, un aliment I'avons deja dit, o'est la representation de la Nati-
a la piete : il faut aussi lui proposer, dans I'Ecriture vite, de la Passion et de la Resurrection du Sei-
sainte et les ecrits des saints Peres, les questions gneur ; ainsi, lame faible qui ne sait que penser
morales et plus aisees. Pareillement, on lui fera con- aux corps et aux choses sensibles, aura quelque
naitre ies actes et les souffrances des saints, pour cbose qui lattacbera et a laquelle elle fixera son es-
qu'il ne se fatigue pas en parcourant les pages fa- prit selon lamesure de sa 'piete. Le Seigneur a la
ciles de I'histoire, et qu'il r trouve toujours quel- forme de mediateur en lui, comme ou le lit au li-
que trait qui I'excite a I'amour de Dieu et au me- vre de Job, « I'bomme contemplant sa propre ap-

doit pris de soi. Les autres histoires font plaisir lors- parence, ne pecbe pas : » [Job. v, 1h.) cela veut
la dire qu'en
qu'on les lit, maisellesn'edifient pas, bien plutot el- dirigeant son intention sur
le Sauveur,
qne
Dt les gatent I'esprit; et, au temps de la priere et de la en considerant en Dieu sa forme bumaine, I'homme
ices.
meditation spirituelle,elles font sortir de la memoirs ne sort pas de la verite, et en ne separaut pas Dieu
des souvenirs inutiles ou nuisibles. La lecture ap- de I'bomme, il apprend a saisir un jour le Seigneur
pelle et attire d'ordinaire des pensees qui lui sont dans riiomme. Les pauvres d'esprit, les enfants de
analogues. La lecture de livres difticiles a compren- Dieu plus simples, trouvent d'ordinaire d'abord
dre fatigue aussi, elle ne refait pas xm esprit trop d'autant plus de douceur aux meditations de ce
tendre : elle brise I'attention et hebete le sens ou genre, qu'elles sont plus a la portee de la nature
I'esprit. bumaine. Ensuite, la foi se transformant en cba-
Z|3. 11 faut apprendre aussi au novice a elever son rite, embrassant au milieu de leur coeur, d'lm ten-
I est
lison. coeur en haut dans son oraison, a prier d'une ma- dre baiser le Christ Jesus, toute I'humanite prise
niere spirituelle, et en pensant a Dieu, a ecarter le pour I'amour de I'bomme, tout Dieu a cause de
plus possible les corps ou les images grossieres. II Dieu qui I'a prise, ils comraencent a ne le plus con-
faut I'avertir de s'appliquer avec unepui'ete de coeur naitre selon la chair, quoiqu'ils ne puissent pas
aussigrande que possible, a s'attacher a cet etre sou- encore le mediter eutierement comme Dieu, Et en
verain a qui il offre le sacrifice de ses voeux: a I'bonorant saintement dans leurs coeurs, ils ai-
bien s'examiner lui-meme qui les lui olfre, com-
a ment a lui otTrir les voeux que leurs levres out pro-
prendre ce qu'il presente : car autant il voit et com- duits, les supplications, les prieres, les demandes,
prend celui a qui il fait cette oifraude, autant il les actions de grace selon les temps et les motifs.
eprouve en lui d'intelligence et d'amour; et autant kk. 11 est d'autres prieres courtes et
simples que
Vari^t6 des
il ressent d'amour, autant il prend de gout a sa priere formule dans un cas accidentel la volonte, ou que pri^rei.

si elle est digne de Dieu, et il s'y complait. Pour lui dicte une necessite survenue. II en est d'autres

I'oraison et la meditation d'un homrae de ce genre, plus longues et plus reflechies, comme celle des
le sujet le plus sur et le meilleur, ainsi que nous hommes qui, en poursuivant la verite, demandent,

et novo in Christo homini ad exercitanda ejus interiora dignum Deo est quod offert et in eo sibi bene est.:

melius et tutius proponuntur legenda et meditanda Re- Hujusmodi homini oranti vel meditandi, melius ar tu-
demptoris nostri exteriora et ostenditur in eis exem-
: tius, sicut jam dictum est, proponitur imago dominicae
plum liumilitatis, provocatio charitatis, et atTectus pieta- Nativitatis, Passionis et Restirrcctionis : ut infirmus ani-
tis et de Scripturis Sanctis et sanctorum tractalibus
;
mus, qui non novit cogitare corpora ct corporalia,
nisi
Patrum moralia quaeque et planiora. Proponcnda sunt habeat aliquid cui se afficiat, cui juxta modum suum
ei gesta et passiones Sanctorum ubi nee laborandum : pietatis intuitu inhareat. Est quippe in forma Mediaforis
ei sit in planitie liistoriali, et semper aliquid occurrat in quo, sicut legitur in Job, visitant homo speciem
quod novitii animum excitet ad amorem Dei ct con- suam, non peccet hoc est, cum intentionis su;p intui-
:

temptum Porro alia^ historiae delectant quidem cum


sui. tum in eum dirigat, humanamspeciem cogi- in Deo
leguntur, sed non aedificant, quin potius mentem infi- tando, a vero non usqucquaque recedat dum per fl- ; et
ciunt et in tempore oralionis vel spiritualis meditatio-
: dem ab homine Deum non dividit, Deum aliquando in
nis, inutilia quaeque vel noxia faciunt scaturire de mc- bomine apprehendere addiscat. In quo pauperibus spi-
moria. Lectionis quippe modum similis moditatio sequi ritu, et siuiplicioribus filiis Dei, tanlo primum solet esse
solet. Difficilium etiam lectio scripturarum fatigat, non affectus dulcior, quanto humanae
propinquior. natunt^
reficit teneriorem animum : fiangit intentionem, bebetat Postmodum vero fide migrantc in affectum, amplcxan-
sensum vel ingenium. tes in medio cordis sui dulci amoris amplexu Cliristum
43. Docendus est etiam in orationc sua sursum cor Jesum, totum hominem propter hominem assumptum,
levare, spiritualiter orare, a corporibus vel corporum totum Deum propter assumentem Deum, iniipiunt eum
imaginibus, cum Deum cogitat, quantum potest rccede- non jam secundum carnem cognoscerc, quamvis eum
re. Admonendus est quanta potest puritate cordis inten- nee dum secundum Deum plene possint cogit;irc. Et
dere in euni, cui sacrificium orationis suae offert scip- : sanctificando eum in cordibus suis offerrc ei amant vola
sum attendere qui offert, intelligere quod offert quan- : sua quae distinxcrunt labia sua obsecrationcs, orationes,
:

tum enim videt, vel intelligit tantum eieum cui ofTert, postulationes gratiarum actiones, pro tempore, pro
,

in affeclu est, et ei amor ipse est intellectus quantum- : »ausa congruentcs.


que ipse ei in affectu est, tantum sapit ei boo ipsum si 44. Sunt cnim orationes aliae breves ac simplices, si-
L'ABBE GLILLALME.
cherchent et firappent jusqu'a ce qu'Us recoivent, sans relache une kme de bonne volonte vers le Sei-
jusqu'i ce qii'ils tronrent et qii'on leur oiivre : il gneur : bien que parfois I'acte exterieur ou meme
en est enfin de joyeuses et de fecondes qui jaillis- le sentiment interieur defaille ou semble engourdi.
sent de I'ame qui jouit et qui tressaille dans le C'est d'elle que I'Apotie dit : « Vouloir est en moi,
transport de la grace qui Tillumine. Ce sont ces niais je ne trouve point de quoi j»arachever lebien.»
menies prieres que I'Apotre enuniere en un autre {Rom. m,18.) Comme s'il disait : vouloir est toujours
ordre, obsecrations, prieres, demandes, actions de la, mais quelquefois ce vouloir est etendu k terre,
Demande. grace. Car celle que nous arons mise en premier c'est-a-dire inefficace : parce que je cberche a ache-
lieu sous le uom de demande, a pour objet d'ob- ver la bonne oeuvre, et je n'en trouve pas le moyen.
tenir les biens temporels et les autres necessites de C'est la cbarite qui ne defaille jamais. C'est cette
cette vie;enquoi Dieu.tout en approuvant la bonne priere ou cette formule de reconnaissance, dont
Tolonte de celui qui sollicite, fait neanmoins ce I'Apotre dit : « Priant sans relicbe, toujours ren-
qu'il juge preferable, et lui donne rolontiers ce dant grices. » I. T/uss, v, 17 et 18.' Car elle est
qu'il demande comme il convient. Ce sont la les comme une bonte perpetueUe dune ame et d'un
Toeux dont parle le Psalmiste : « Parce que ma esprit bien organises, eUe est dans les enfants de
priereest encore en ce qui leur plait. » [Ps. cxl, 5.1 Dieu, ime certaine image de la tendresse de Dieu
C'est la aussi la priere des impies, car tous les leur pere, priant pour tous, rendant graces en tou-
hommes, et surtout les enfants de ce siecle, desirent tes cboses, se repliant sans-cesse vers le Seigneur
la tranquUlite de la paix, la sante du corps, la sa- d'aiitant de manieres dans ses prieres ou actions de
lubrite de I'air et tout ce qui concerne I'usage de grace, qu'elle a trouve de matieres diverses a des
la vie presente et ses besoins, et les plaisii^s de ceux pieuses affections dans ses besoins ou dans ses con-
qui en abusent. Celui qui demande avec fidelite ces solations, comme dans les joies et les tristesses de
memes biens, alors qu'il les demande a titre de ne- son procbain, que la sympalbie lui fait egalement
cessite, soumet toujours sa volonte a celle de Dieu. eprouver comme siennes. Elle persevere toujours
h'obsecration est, dans les exercices spii'iiuels, ime a produire des actions de graces, parce que celni qui
Obsecration.
instance pressante adi'essee au Seigneur : avant le I'eprouve reste toujours dans la joie du Saint-Es-
secours de la grace, I'ame y apporte la science, y prit.

L'oraifon.
ajoute la douleur. L'oraison, c'est I'affcction de Z|5. II faut done prier dans les « po5tulations» avec
rbomme s attacbant a Dieu, c'est une conversation piete et ndelite, sans s'y attacber avec entetement,
pieuse et familiere avec lui, c'est enfin le repos de parce que nous ne savons pas, mais notre pere ce-
de I'ame eclairee d'en-baut, poiu' jouir tant que leste sait, ce qu'il y a de necessaire pour nous dans c«
cela lui est permis. L'action de grdces consiste dans les biens temporels. faut insister sur les « obse- ill
II
'Action de cond
grice. I'intelligence et dans la connaissance de la grace de crations, mais en toute patience et bumilite, parce chat
c«s
Dieu, elle est le mouvement dinteution qui poiie qu'elles ne produiseut leur fruit que dans la pa- dei

cut eas format volnntas, seu necessitas orantis pro causa '
statio illuminate mentis ad fruendum, quandiu licet'
incidcnti : aliap prolixiores et rationabiles, sicut in inqui- Porro grafioi'um actio est in intellectu, et cognitione
sitioue veritatis petentes, quaerentes, puJsantes, donee gratiae Dei bonae voluntatis indeficiens ad Deum et in-
accipiant, inveniant, et aperiatui- eis : aliae alacres spiri- defessa, intentio etiamsi aliquando, vel non sit, vel
:

tuales et fecundae, in afTectu fruentis, et gaudio graliae torpeatj sive actio exterior, sive interior affectio. Haec
illuniinantis.Et ips«e sunt quas Apostolus alio ordine enim est de qua dicit Apostolus VeUe adjacet mihi, :

dinumerat. obsecrationes, oraiiones, postulationes, gra- perficere autem bonum non inienio. Ac si dicat semper :

tiarum actiones. Nam Postulaiio quam primam posui- quidem velle adest, sed aliquando jacet, hoc est ineffi-
mus, est circa obtinenda temporalia, et necessaria ali- cax est quia perficere opus bonum qufcro, sed non in-
:

qua vita? hujus, in qua Deus postulantis quidem appro- venio. Haec est charitas quae numquam deficit. Ipsa est
bans bonam volunlatem, facit tamen ipse quod melius enim sine intermissione oratio, seu gratiarum actio, de
judicat, et dat libenter ei, quod bene postulat. Ipsa qua Apostolus ait Semper sine intermissione orantes,
:

est dequa Psalmista ait Quoniam adhuc et oraiio mea


: semper gratias agentes. Est enim jugis quaedam bonitas
in beneplacitis eorum. H»c est etiam hominum impio- mentis et bene composili animi, et ad Patrem Deum in
rum, quia omnium communiter est, sed maxime filiorum filiis Dei bonitatis ejus quaedam similitudo, orans pro
EcPculi hujus, desideiare tranquillitatem pacis, sanitatem omnibus semper, et gratias agens in omnibus, tot modis
corporis, temperiem aeris, et alia quae ad ntae hujus in oratione, vel gratiarum actione in Deum se jugiter
usum spectant, et necessitatem, et abutenfium volupta- refundens, quot in suis necessitatibus vel consolationi-
tem. Pro quibus qui fideliter postulant, quamAis non ea bus, in proximi etiam vel compassionibus, vel congratu-
postulant nisi ad necessitatem tamen in hoc ipso vo-
: lationibus causaJes in hoc materias invenit pius affectus.
luntati Dei suam semper subjiciunt, Obsecratio vero est Haec autem jugiter in gratiarum actionibus est quia :

in exercitiis spiritualibus anxia ad Deum instantia : in qui sic est, semper in gaudio sancti Spiritus est.
quibus ante gratiam succurrentem, qui apponit scienliam, 45. In postulaiionibus ergo pie ac fideliter orandum
apponit et dolorem. Oraiio vero est homiuis Deo adhae- est, sed non est in illis pertinaciter inhae rendu quia m :

rentis affectio, et familiaris quaedam et pia allocutio, et nos nescimus, sed Pater coelestis scit quid in tempora-
;

LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 357


tience. La grkce parfois n'arrive pas avec rapidit«^, ci raison de la visite de la grAce, ils s'evanouissent
et, en certains cas, le ciel devient d'airain et la terre vue leur conscience; se croyant quel-
et i)erdent ile
de bronze, pour celui qui prie. Et comme avec cettc que chose alors qu'ils ne sont rien, ils ne s'amelio-
durete du coeur h\unain qui lui rcste, I'liomme ne rent pas en recevant les dons de Dieu, ils s'en endur-
merite pas d'etre exauce au gre de ses vceux, I'im- cissent et deviennent comme ceux dont parle le
patience de ses desirs lui fait regarder comme re- Prophete ; « Les eunemis du Seigneur lui ont
fuse ce qui n'est que differe. Et lorsque, semblable menti, et leur temps sera dans les siecles. Et il les
a la Chanancenne [Matth. \n, 22.), il gemit en se a nourris de la graisse du froment, et il les a ras-
voyant passe et meprise, il ci'oit que ces peches sasies du miel qui sort du rocher. » [Ps. lxxx. 16 et
passes lui sont imputes ou reproches comme souil- 17.) Car bien des fois les serviteurs sont nourris
lant encore sa chair. D'autres fois, il recoit sans fa- par Dieu le pere, de la substance la plus precieuse
tigue I'objet de ses demandes; il trouve aussitot de la grace, pour qu'ils desirent d'etre parmi lesen-
qu'il cherche, a peine a-t-il frappe qu'on lui ou- fants ; et, en abusant de ce don sacre, ils devien-
vre ; et I'instance de I'obsecration merite de trouver nent les ennemis du Seigneur. En revenant a leurs
par moments les consolations et les douceurs de concupiscences, par les prieres elles-memes pour
Toraison. abuser des saintes Ecritures en faveur de leurs pe-

JfOl
Zi6. Qiielquefois meme le gout de I'oraison pure ches et de leurs mauvais desirs, ils repctent cette
laans et sa delicieuse suavite ne se rencontrent pas par in- parole de I'epouse de Manue « Si le Seigneur :

III est
lU vestigation, mais la grace previent le novice qui ne avait voulu nous faire perir, il n'aurait point acceple
aux
1

lis.
demande point, qui ne cherche ni ne frappe, et uu sacrifice de nos mains. » [Jad. xu[, 23.)
elle le saisit comme a son iuscu : c'est comme un kl « Qu'ils sont aimes vos tabernacles, 6 Sei-
.
* C'est en eet
ills d'esclave qui est recu a la table des enfanls, gneur des vertus, le passereau y trouve un gite, endroit que
commence en
quand une 4me encore grossiere et debutante, est et la tourterelle un nid pour abriter ses petits. »
plusieurs
admise a savourer ce sentiment de la priere, qui de [Ps. Lxxxiu, 1.) I^e passereau dis-je, est un ani- manusrrits l«
liure II.
coutume est donne aux saints en recompense de mal vicieux, inconstant, leger, importun, ba-
leurs merites. Lorsque la chose se passe ainsi, cette vard et porte aux passions lascives : la tourterelle

faveur est accordee, ou pour qu'il ne soit pas per- est I'amie de la tristesse, elle fait des solitudes
mis a celui qui est negligent de savoir ce qu'il ne- epaisses son sejour favori, elle est I'image de la

glige pour sa condamnation, ou pour que la pro- simplicite, elle est un modele de charite. Le pas-
vocation deramour^qui s'oft're de lui-meme, I'excite sereau y trouve une retraite pleine de repos et de
k aimer. En quoi, 6 douleur plusieurs se trom- ! securite la tourterelle, un nid pour placer ses pe-
:

pent; parce qu'on leur donne le pain des enfanfs, tits. Que siguilient ces animaux, sinon le sang des
ils se croient deji du nombre des fits, et defaillant jeunes gensnaturellementchaud, I'esprit bouillant,
au lieu meme qui devait etre leur point de depart. leur age glissant, la curiosite inquiete, la maturity

libus istis neccsse nobis sit. Obsecrationihus vero insis- pascuntur pane flliorum, jam so esse filios arbitrantur
tendiim est, sed hi omni humilihUe ot patienlia : quia ct dedcicnles undo proficcre debebant, ex visitante gra-

non afTenint fructum nisi in patientia. Nonnunquam tia evanescunt a conscientia sua arbitrantcs se aliquid

enim cum celcrius non subvenit, (it obsecranli


gratia esse, cum nihil sint, et de bonis Dei non emendantur,
ccelum aeneum, et terra sua ferrea. Et cum relicta sibi sed indiirantur; ct fiunt, de quibus Psalmista dicit Ini-
cordis Inimani durilia, ad votum exaudiri non meretur, mici Domini mentili sunt ei, et crit tempm eorum in
anxietas desiderantis negari sibi seslimat, quidquid dif- sa'cula. Et cibavit illos ex adipe frumenii, et de peira

fertur. Cumque sicut Chanansea ilia praeteriri se ac des- melle saturavit eos. Pascantur enim a Patre Deo, all-
pici ingemiscit, quasi imraunditiam carnis, praeterita quando de pretiosiorc gratia) substantia servi, ut af-
sibi poccata sua imputari, vol improperari imaginatur. I'cctcnt esse filii ipsi vero gratia Dei abutcntcs cf-
:

Nonnunquam vero sine laborc petens accipit, quaerens ficiuntnr inimici. IJt enim abutantur otiam Scripluris
invenit, et pulsanfi aperitur et consolaliones ac sua-
:
Sanctis in pcccatis, vel in concupiscentiis suis, redcimlcs
viiates oraLionis invonirc tandem aliqiiando meretur la- ad eas per orationes, dicunt sibi illud uxoris Manute :

bor obsecrationis. Si Dominus voluisset non occidcre, non SKscepisset saeri-


46. Nonnunquam etiam puras orationis affectus, et ficium de manibus nostris.
bona ilia non invenitur, sed quasi in-
orationis suavitas M. Quam dilecta tabernacula tua Domine virtutum,
venit eum non pctcntcm, non quaerenlem, non pnlsan- in quibus, passer invenit sibi domum, et turtur nidum
tem, et quasi ncscienlem gratia pnevonit ct tanquam : ubi reponut pullos suos. Passer, inquam, naturaliler
genus servornm I'ocipitur in mensa (iliorum, cum rudis annual vitiosiuu, mobile, love, importunum, garrulum,
adhuc ct incipiens animu.s in cum orandi assumitur af- ac pronum in liiiidinem. Et lurtur Indus arnica, opacn)
fectum, qui pro pnemio sancfilatis rcddi soict mcritis solitudinis fauiiliaris iucola, forma simplioilalis, exom-
perfeclorum. Quod cum fil, agilur ut vcl in judicium plum castitalis. UIc sibi hivenil in eis donmm qtiie-

suum non liccal scire negligcnti quid ncgligal, vcl ut tis ct sccurilalis ; ilia nidum s'rbi, ubi reponat pul-
provocatio cliaritatis ainorom in oo ultro se oll'cionlis ac- los suos.Oua3 sunt liii'c; nisi juvenum naluraliler cali-

ceudat. In quo pro dolor, plurimi falluatur, quia cum du3 sanguis, et forvidus animus, aitaa labilia , curio-
, -
:

358 L'ABBE GUILLAUME.


de I'Age pens^e serieusCjl'^e chaste, sobre,
^"i^il, la lui arrache par I'homme raisonnable par
la force, et

ennuyee des choses du dehors, et se cachant elle- la puissance de I'habitude. La oil l'un obtient obeis-
meme autant qu'il lui est possible, au-dedans sance de necessite, le spirituel trouve aussi obeis-
AZpOCSbOD d'elle-meme. L'un d'eui, dans les tabernacles du sance de charite. La ou il y a pour les autres vertus
tr<^ologiqiie
4a passoeaii Dieu des vertiis, dans la rie reglee des cellules, pleines de fatigues, lui les a toutes tournees en ha-
et de la
trouve le repos loin de tous les vices, raffermisse- bitudes. Voila les passereaus du Seigneur qui
towteteOe.
ment de sa stabilite et un sejoiir plain de tranquil- prennent leur vol vers ce qui est de la perfection,

hte : I'autre, dans le secret de sa cellule, rencontre non par une elevation orgueUleuse, mab par amour
une retraite plus cachee dans sa conscience, ou elle de la piete ; entraines ainsi dans les hauteurs en la
depose et nourrit les fruits de ses saintes affections pauvrete de leur esprit, ils ne sont pas repousses
et les impressions de ses contemplations spiritueUes. du ciel comme superbes, mais bien accueillis comme
Le passereau, solitaire sous son toit, c'est-a-dire, devots : parfois ils meritent de goiiter ce qui fait les

eleve sur les cimes de la contemplation, se plait a delices des spirituels, et toujoursils desirent imiter
fouler aux pieds la maison oil se mene une Tie char- la vie active de ceiix dont ils souhaitent partager la
nelle. La to'.irterelle trouve sa fecondite dans les re- contemplation pleine de delices. Et aussi, marchant
gions abaissees, et elle aime les fruits que donne dans un meme esprit bien que non dun meme pas,
Les parfiaits I'humilite. Les parfaits et tous ceux qui sont spiri- pro2rressent egafement, les spirituels dansun genre
s'appliqnent
aox dioses tuels, designes sous le nom de tourterelles, quand de vie humble, et les novices dans un genre de vie
ils arrivent par la vertu dobeissance et de soumis- eleve. Et par la se trouvent dans les cellules
sion a la plenitude et au developpemeut de leur bien ordonnees de saints commerces, de venerables i

vertu, s'abaissent et s'adonnent a ce qui fait Tobjet relations, des occupations oisives, des repos qui
de Tapplication des commencants : et en descen- travaillent, la charite reglee, le silence par lequel
dant de la sorte plus has qu'ens, ils s'elevent au- on se parle mutuellement, I'eloignement en lequel
dessus d'enx en s'humiliant, ils font des progres
: et on jouit mieux les uns des autres et oil Ton trouve

plus considerables, ne croyant pas, qu'a cause des dans ses freres un motif plus puissant d'avancer
fruits de la solitude, qui sont les ravissements fre- dans la piete ; et, sans se voir reciproquement, on
quents et sublimes de la contemplation, il faille ne- apercoit dans autrui ce qu'il faut imiter, et en soi,
gliger la pratique consciencieuse de la sujetion vo- on ne saisit que ce qu'il faut pleurer. Pour moi,
lontaire, lesexercices de la vie commune, etla dou- ainsi que s'exprime Jeremie, « homme voyaut ma
cetir des relations fratemelles. pauvrete » [Thren. ui, 1. quand j'examine les ri- ,

48. C'est pourquoi I'homme qui


qni se sert spirituellement de son corps, merite de
voir sa chair lui rendre comme
est spirituel, et

naturellement et
chesses des autres, je rougis en
soupire, car j'aimeraismieux apercevoir en moi ce
que je rencontre dans autrui. Car de deux maux,
moi-meme et je

i
deile-meme la sou mission que I'homme animal le plus supportable est de ne pas voir ce que Ion

stas inqnieta, et serius


virilis animus,
matnritas, vim coactam, rationalis per consuetudinem subactam,
castas, eiteriorum quantum potest,
sobrius, pertaesus accipere meretur quasi naturaliter affectam. Ubi illi est
et intra semetipf^um recondeos semetipsum ? Quorum obedientia necessitatis, isfe earn habet charitatis. Ubi il-
alteram in iabemacolb Domini virtutum, in disciplina le virtutes laboris plenas, iste habet eas versas in mores.
cellarum invenit sibi ab omnibus vitiis quietem, firma- Illi vero passeres Dei sursum nitentes ad ea quje sunt
mentum stabilitatis, et mansionem securitatis alterum : perfectorum; non elationis pnesumptione, sed pietatis
vepo in secreto cellae secpetjorem recessum conscientiae amore, in paupertate spiritas sui sublimati, non repel
ubi reponat et nutriat sanclarum affectionum suarum luntur ut elati, sed suscipiuntur u! devoti et aliquando :

fructus , et spiritualis sensus contemplationis. Passer hoc merentur experiri, quo spirituales frui et semper :

solitarins in tecto, hoc est in alitudine contemplationis, affectant imitari eoruni "vitam activam, ad quorum am-
calcare amat haLitationem carnalis conversationis. Tar- biunt consolationem contemplativam. Sicque uno spiritu,
tar in inferioribus foecundatur, et gaudet in fruclibus licet non uno gressu gradientes, apque proficiunt et
homHitatis. Perfecti enim quique el spirituales, qui tur- spirituales in humili. et incipientes in sublimi. Et hjEC
turis nomine desisrnantur, cum ad fJrmamentum et ro- sunt cellarum bene ordinatarum sancta commercia stu- ,

bar virtatis suee per virtutem obedientije et subjectio- dia venerenda, otia negotiosa, quies operosa, charitas ordi-
nis perveniunt, premunt se semper ac dejiciunt in id nata,mutuo in silentio sibi colloquia, ef in absentia ab
qnod incipientimn est et onde infra : se descendant, iD^icem se ad invicem magis frui, proficere de inncem
inde ascendant supra se : et humiliando se magis pro- et cum se non vident ad in\icem, in alio videre quod
ficiunt, propter fructus solitudinis, qui sunt frequentes imitandum est, in se ipsis non nisi quod fleudum est.
et sublimes excessus contemplationis, non arbitrantes Ego vero, sicut dicit Jcremias, vir videns patipertaieni
^se negligendam conscienliam voluntariae subjec- meam, cum alienas divitias compufo, in memetipso eru-
tionis, usum socialis vit«, et dulcedinem fratemae cha- besco, et quia quod tracto in alieno, mall em
suspiro,
ri talis, experiri in proprio. De duobus quippe malis tolerabi-
48. Ideo vir ^Iritualis et corpore sno spiritualiter lius est quod amas non videre, quam \idere, et non
Btens, servitutem ejus, quam habet ammalis homo per habere: quamvis non sic de bonis Domini. Bona enim
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 359
aime, que de le voir et de ne le point avoir; bien et I'amour, ne constituent souvent qu'une m^me rea-
qu'il n'en soit pas ainsi quand il est question des lite, ainsi que les deux biens qu'elles produisent,
biens du Seigneur. Car voir ces ricliesses, c'est les la science et la sagesse. Reunisen uii, formantl'ob-
aimer; et les aimer, c'est les posseder. Aussi, effor- jet d'une meme operation et dune meme vertu,
cons-nous, autant que nous le pouvons, de les voir, I'intelligence ne les peut saisir, la joie du coeur
de les saisir en les voyant, de les aimer en les sai- ne les peut gouter I'une sans I'autre. Bien done
sissant, et de les posseder en les airaaut. Seigneur, qu'il faille distinguer Tunc de I'autre, cependant,
h ce sujet, tout raon desir est devant vous, et mon selon que I'occasion se Tune s'offre a
presente.
gemissement n'est pas cache k vos yeux. nos pensees et a nos discours en compagnie de I'au-
tre, ou meme dans I'autre qui s'en trouve penetree.
CHAPITRE XV. Par consequent, comme 11 a ete dit plus haut, (n"
\U, et 19) de meme que, dans le mouvement du pro-
Du second etat de la vie religieuse, qui est gres religieux,I'etat animal s'exerce sur le corps et

le raisonnable. sur la composition de I'exterieur qu'il veut plier


aux regies de la vertu, pareillement, I'etat raison-
Zj9. Passant de I'etat animal a I'etat raisonnable, nable doit exercer son action sur I'esprit, le creer
pour en venir dans notre dissertation de I'etat rai- s'il n'existe pas, le cultiver et le regler s'il existe :

sonnable a I'etat spirituel, et plaise au ciel que cette il faut considerer d'abord ce
qu'est cet esprit que
progression se realise de la sorte en nous par uu la raisonrend intelligent; ce qu'est cette raison qui,
progres veritable nous devons savoir avant tout
; en rendant raisonnable I'animal mortel, le perfec-
que la sagesse, comme nous le voyons dansle livre tionne et en fait un homme. Mais en premier lieu,
qui porte ce titre, « se presente a ceux qui la desi- il faut s'occuper de I'ame.
rent, se porte a leur rencontre et se presente a eux 50. L'ame est une substance incorporelle, capable
Ce qu'es
dans les chemins avec un visage joyeux, » [Sap. yi, de raison et disposee de maniere a donner la vie rame.
17.) et comme si elle suivait une ligne de progres; au corps. C'est elle qui fait des hommes animaux,

de meme dans les meditations et les considerations les hommes qui goutent ce qui est de la chair, et
qu'elle inspire, « elle atteint tons lieux a cause de qui sont assujetis aux sens du corps. Quand elle
sa purete. » Car Dieu aide de son visage celui qui commmence a jouir de la raison et surtout a lui
le contemple; il le meut, il I'excite ; et I'apparence commander, aussit6t elle rejette le non ferclnin
Diff6renc9
du souverain bien attire le coeur qui le contemple. d'ame, et on I'appelle « I'esprit » qui a I'-asage de entre rime
®' le^prit.
Et quand I'esprit, dans sa marche, s'eleve en haut la raison, qui est apte a regir le corps, ou bien I'es-

vers les regions de I'amour, ses sentiments et ses prit qui se possede lui-meme. Tant qu'elle est
desirs sont inondes comme d'une pluie de charite. ame, cette substance est vite effeminee et se laisse
Ces deux choses, qui forment deux etats, la raisou alter h ce qui est charnel : mais I'esprit ne medite

Domini videre, amare est amare vero, habere est. : quae sunt Ratio et Amor, et quae ex eis efficiuntur, sci-
Ideo nitamur, in quantum possumus ut videamus, vi- licet Scientia et Sapientia. Nee jam possunt altrinsccus
dendo intelligamus, et intelligcndo amcmus, ut amando tractari vel cogitari quag jam unnm et unius operationis
habeamus. Domine, super hoc ante tc omne desidc- ac virtutia sunt, et in sensu intelligentis, et in gaudio
rium meum, et gemitus mens a to non est abscon- fruentis. Quamvis ergo distinguendussit alter ab altero,
ditus. tamen cum sic se res obtulerit, et cogitandus et trac-
tandus erit alter cum altero, et in altero. Quia ergo,
sicut jam supradictum est quemadniodum in pro-
CAPUT XV.
fectu religionis, status Animalis vigilat circa corpus et
hominem exteriorem componendnm, et aptandum studio
De secundo statu vitce religioscB, id est ra-
virtutis sic rationalis circa animum agerc debet, vel
:
tionali,
faciendum si non est, vcl excolendum et ordinandum si
est primo vidcndum est quis vel quid sit Animus ipse,
:

49. De
animali vcro statu transcuntes ad rationalem, qucm ratio rationalem facit ;
quid ipsa Rdlio, quae ani-
ut de rationali transcamus ad spiritualem tractando, ct mal mortale faciendo rationale, hominem perficit. Sed
utinam proficiendo prime scire debemus quia Sapien-
: primo disccndum est de anima.
tia, sicul in libro nominis c\jus legitur, praoccupat eos 50. Anima est res incorporea, rationis capax, vivlfl-
qui se concupiscunt , et occurrit cis, et ostendit se in cando corpori accomodata. II;ec animales constituit ho-
viis suis hilariter, sicut in proficiendo, sic et in mcdi- mines, quae carnis sunt sapicntes, sensibus corporis in-
tando et tractando, atlingens ubique propter sui mun- haercntcs. Qua) ubi perfcctae rationis incipil esse, non
ditiam. Adjuvat enim Dens vultn suo se intnentem, tantum capax, scd ct princeps, conlinno abdicat a ac
movet ac promovcl, ct allrahit species summi boni nonicn generis fcniinini, ct efficifui" Animut particepa
so conleinplanlem. Cuinque ralio proficiendo in amorem rationis, rcgcndo corpori accomodatus, vel scipsnni
sursum ascendit, amanti et desidei'anli gratia condes- habcns spirilus. Quandiu enim Animu est, cilo in id
cendit. Unum saepe fiunt, qua) illos duos status efficiunt, quod carnaie est, clTeminatur : Animus vero vcl spiri-
: et igv €53 Tixal ci j^MJIadL Car, p!bu)ee dams
€ft bcm espriL Espitxt, dis-je, en toA qnH ammt
ium «1 pfrifirtM«TW> la aatane aaiBale 4 lafaer.e
il esl nai, cb Im ^^Wiaimtf ceft appoint 4%Be imscn

l^ire. Bon, «b iiM <qn^il aime ^a soa kiea par ll^nt

smane <0Br3»ane&^ -.
uiDef seiaaBeiBs pax legael H est boa, et saas leqnel il epcBl-etre bon,

feTfioe i& sflB (flaagiiit-. lufj-^tr .- ' "t. -eOe fst 5&- id memfc etre espriL D " -;
-'"^- _-^^.-, - —
maonp. iffldlin% <iiB ftco^ i^ i^- .,
.^ loi 5t rini- CD aimant le Sfagneor I -

MiB^ <^IQ iresiSe dsins teg iKSBfavs. t<, - ii** iTa podzil toirte son ame, de toutes ses forces, n
liB-BKBB£ es. soi, ^ {jienssant s. :.

^
it-^iisie^ He j^esaoi >ie 3a inaraon (fBaad il s'ag'rt, Ill "If rlirnlll Imi inriii V ^

&3«)e^radHiet^<^'&oex!Q£T,%aem<fa.'''£J!le ailpertita. Dbbii «l « AaervaM ses -

s&^bcEte Horsip.'^ lljaui TisB!lGa!r agir (I'l Car ea ^ la tout ITwfWifiw, Ecek. xo, IS., Pcfor la « raisoiL, > Out
rihSfliitniiHiiil 'de scm fiec^ -^ -bb. iemcA^nKge is eDe est aaxsi deiinie par ceox qai dt:
b i^BflliaBaimdrk' i^'elEle.a f^jptee, «iiB ilma a idoaste aaaa Aeeriie pa* cgmx qm detaiveal ..re
le Bkve jw^wBhw^ ^bhs isb Hf^ Ibni a • '^rawni*^ capiiaS. Suukc par iBfiBell Ttspal sa^i. la vente pa: et

avaoit M earvensuaD ei la delirrazice d£ sa T^otHte, son par le <seirpe^ em Inea, c'est la


effle m psi^ te paptoe cti entier a la mnLp d^socnzie -
eDe-meme de la TmtCj, obi la xerite, qui est con-
xsasBBa *5£ sas offinr. Lots xolase <qm^ absse de sa templee, on la xk- TmBammaUta «w robeissaaoe de
ifkomr cihiaarle issd It b pELaoe <ioL ioen, rinlelli^eDoe, qui se cwiwriae a la Tmie qa'cSe
! (£S$ )«M°affiW°nmrj jl tc^ nibs i^i^gan^ ifflDe %C>Ui£ coxtsidere. Le a TatsansfiiBeaal » est la redaocbe de
la Tenite, c^est-a-dire le liiiwiiiit'wifiiil de oe meme
mukimt' (fiS; ©snaiflaw c®. iaal i^iii'fflir"?^ Tr ^ i ' -' vAt regard a trarers le- ; - -out a xoix. Le
rai- Ob'«*c
CDBBBiaee. La ^bUhhI^ ^^t iMBrree q;-:— - -; --^ : : soimemeiil cherahe, __;__; : _ jxe. Le regard jeie
•fcairatiiP'^t (fl guand la cJiarite ffit •rejpaanliie dans dos SHT "nne chose, guani oa laToit, constitue la sdenoe,
WSBBEB jstr fe Sainl-Espral pn laoos «St dflame. » qnand on ne peut la tcmt, s^aj^peUe i^orance. Cette
'(Bawa. T, 5-) Et alor? -eHe a TraimeEt la raasoiBg xaison est done et rinstrttmentpar lequel on opere,
c'lfist-'a-ffiipe tfsette liatefcade Se Ifignit '^ni s'acecsrde et la chose que Ton opere. Elle aime a etre esereee
en ^sfs& jicnml aiffic la Terr);*'- La vfitJam'te etaul afean- 4aig0Q3s a Tegard ee qui est utile et homiete; I'oc-
irihJif par la grace igui fiSSTTft, r^e^ml icamzofizioe a ctmatiaD ltd tst xme occasion de progres, la paresse
cBxe ggiBimiift pas' la laasom libre; alacs il ^4 sexi, £1 la fait St fletrir en efle-meme.
5L Poor ITioimne qui joxdt de la raisoB, fl n'est
((a .1 Ainai pncrlf is maimsniit fin ttnnt-Kifni: oanf lef Entr» de
lit - < JDHigi'Ll iaul chnisir el Bcir, » En dsain qut Vhammt a de la BBtiii^, ntak de celle &s la frace.. pnisqne ^las kn go iLra
psrfis Is liiisrlf flc I jntsllif'siiiit. nu pazQfi, mm dt ia libsrle gee la vxkloDit opere Evec liberte par la chariift.

%ss^ HOC TTHTi c" f -es; e: fr:



iiene am mans, et perficienf a-niTnal snnin snp-
goantum jam
liberff rataonis. Bonus acl.em, in
aTnirif iaanm sninn, quo itoniis fit, et ane quo nee L;)-
: . .- .Zx^m lanf carp'"^" ' ":- TiTK, nee aaimn? ease potniL Fit airtem bonas aniiri^s
imaeanem conSitcim, «t r; 3 et ratianaBs. diEe'eiis Domimnn Demn simiD in tcrto

pec- nima sua, et in tota menle sua,


- snis, el nan nisi in ipso seipsum,
«^ IE nffiTTffam. tameii timinDD anusit arliitiiiim,
?^fic- et proxiiinmi snnm sacnt seipsum. Tjt antem bonus
a (rat jnffitmnp TaQomE in jnffltamflo et ffiaceroenda, BiLir:'= " •
r: timens, et masdata qns obserrans : hoc
ipHW^Bam Sktu'lulsni snsm aro^enl in Trilendo {<t est : .is bcoDD. Jiafjir, xero sir diffinitnr a diffi-

sgemAsu }ii>Bin an jxaKiiani peccaS , et tt-r '


a describentibQS : Aspecins
^nnHiua' iffi^rwllrilfe TialirraiBs, pDsJtirm est xl r . ^ _ - non per coipns, Tenun in-
_ - r_.
n^naiKmiiim gefi cagjSximi. i^ofl 'ti&am ariip canT^Ersianem tnetnr : ant jgjsa ven contemplatao, ant ipsnm Ternaa
(A fiheaa&anem wrihrntefis, smngnsm percleT'e potest ex ." •
- •• r templatnr, ant vita rationaBs, tbI ratigoale cib-
IP wmis Tdhnrtatis. 1t< rDP ptiiEiE rrtHi m quo canfonnatur vpritata oc
hiH' ~i-TO esl ratioins ingnir est.
^^t, rmriBiiiT '
ggj ; , : j" nnmi z\i ; , . ; . _ . . i _. _ . lH ^ns . jier ea qns aspiciei:__ ;___ BataoranafiB
S&, 41 m aste nreatricB «>eiiitaliis. l^sratnr Tero vdhnj- giiffnoi, ratio inveniL Aspeotns hie in rem aBgnam caa-
tas, ([puiudtt eSfidJazr irttiarrtiif
" ' ^ -
;:'"= cum earn "ndet. scientia est: cum nan raiet, ig-
rtia est hnmini?.. Hff-c erg-ci ratio est, et instrinneB-
».' our TK!* per gnod opus gnod operatnr. Hjbc
et
— : es;
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vc ;. . ..i.'.'smeiis Tfinti.^. . . .. .- . .„ .. . i-,.__;i9r ex-erceri u:: . ._ .-^ good ntile est ei LoQestnm,
fer l^BsaxIkBm |;Ta'6ain, spaiaiDs asji incg)il libera ra- esercitio proficiens, deadia vero in semedpsa mar-
'"
IfioBEg 9imir suns -est, iicic SHt i<f!iTOD Sier; ', cescens.
fil, XnHnm rero d^i]in£ et BtdliBS es£icitium est
LETTRE AUX FRfiRES DU MONT-DIEU, 361

quelles pcint d'exercice plus digne et plus utile, que celui quoi, bien qu'il gouverne sur la terre le corps qui
realise en ce qii'il y a de meilleur en lui, et lui est confie, neanmoins, par meilleure partie
dj^e^Uvrer Q"^ *^ la
sprit, en ce qui I't'leve au-dessus de tous les autres ani- de lui-meme, c'est-a-dire par la memoire, I'in-

maux et des autres parties qui constituent son elre, telligence et I'amour, il se plait a se replier vei-s la
c'est-a direen son clme ou en son esprit ; et I'es- source d'oii il connait qu'il a recu tout ce qu'il
prit ou Tame, qui a la charge de conduire tout le est, et tout ce qu'il a, vers le lieu oil il lui est per-
reste dans rhomme, ne pent avoir rien de plus no- mis d'esperer qu'il habiterapour toujoursetobtien-
ble a rechercher, rien de plus agreable a rencon- dra, par la vision divine, la pleine ressemblance
trer, rien de plus utile ci posseder, que ce qui avec Dieu, s'il ne neglige point de conformer sa
domine I'ame elle-meme, c'est-a-due Dieu seul. Le vie a une esperance si sainte. II regarde done I'en-
Seigneur n'est pas loiude chacun de nous, car c'est droit d'oiiil tire tout ce qu'il est, et il reste avec les
en lui que nous vivons, nous nous mouvons et nous hommes, plus pour les faire vivre de la vie de
sommes. (Act. xxvn, 27.) Nous ne sommes pas en Dieu, et les porter a chercher et saisir les choses
Dieu comme dans cet air que nous respirons mais ; divines, que pour
animer de cette vie mortelle
les

en lui nous vivons par la foi, nous nous mouvons et humaine car, de merae que le corps, a qui il
;

et nous sommes excites par I'esperance, et fixes par donne I'existence, par sa position naturelle, s'eleve
I'amour. De lui et par lui a ete frappe I'esprit rai- vers le ciel, sa nature, sa place et sa dignite I'ele-
sonnable, afiu que le mouvement de son retour levant au-dessus de tous les lieux et de tous les

s'opere vers lui et qu'il soit lui-meme son bien. Cet corps, de meme, spirituel par sa substance, il aime
homme droit et bon, qui vient de lui, a ete fait a a voler vers les realites qui dominent dans les

son image et a sa ressemblance ; tant qu'il vit sur regions spirituelles, c'est-a-dire, vers Dieu et

la terre il doit, le plus possible, s'eirorcer de s'ap- vers les choses divines, non \)a.T un sentiment
procher par sa ressemblance, de celui dont rien ne d'orgueil, mais en aimant avec piete, sobriete
peut leloigner si ce n'est la difformite ; il faut et justice, et vivant avec saintete plus haut ;

comme Dieu est


qu'il soit saint saint, afin d'etre est le point auquel I'ame vise, plus il faut lui fau'e
bienheureux plus tard comme graud ce etre est subir des exercices considerables, qui la penetrent
heureux lui-meme. Ce qu'il y a uniquement de sans I'ecraser et qui I'affecteut tout en la perfec-
grand et de bon, c'est que I'esprit graud et bon re- tionnaut.
coit, admire et aime ce qui est au-dessus de lui, et 52. Bien que cette application trouve un secours Qn'elle doit

qu'image devouee, il s'attache a celui dont il porte dans les lettres et les emploie, elle nest neanmoins, "|^tionPaP|j'

la ressemblance, car il est la copie de Dieu. Et pas une etude litteraire , un etfort d'arguties et de exercices
*^"^'
parcequ'il est la copie de Dieu, il comprend qu'il disputes, un verbiage, mais chose spirituelle, paci-
lui est possible et que c'est un devoir de s'attacher fique, humble et s'accordant parfaitement avec
a celui dont il porte I'empreinte en lui. C'est pour- tout ce qui est humble. Encore qu'elle s'exer-

homini earn habenti, quam in eo quod melius habet, et sum, meliore tamen parte sui, scilicet memoria, intel-
in quo caeteris animalibus, et ca;teris partibus siiis praee- ligentia, ct amorc ibi semper conversari amat, undo
miiiet, qua; est ipsa mens vcl animus. Menti vero vel quidquid est, quidquid habet, se novit accepisse, et ubl
animo, cui caetera pars liominis regenda subdita est, noc in perpeluum se mansiirum, et cum plena Dei visione
dignius est aliquid ad quaerendum, nee dulcius ad in- plenam Dei similitudinem adcpturum, quantum in hoc
veniendum, ncc utilius ad hebendum, quam quod so- homini sperandum est, sperare ci licet, si bona; spei
lum ipsam mentem supereminet, qui est solus Deus, vitam suam non negligat conformare. lUuc ergo spectat
Nee longe est ab unoquoque nostrum, quia in ipso vi- unde pendet, plus cum hominibus commorans, ut vi-
viraus, movcmur, et sumus. Et non sicut in aere isto, vificet COS vita Dei ad qua-reuda et capienda divina,

sic in Domino Deo nostro sed in ipso vivimus per ; quam ut animet vita ista raortali et humana. Sicut enim
fidem movcmur et promovemur per spem, figimur per corpus quod animat, natural! statu suo crigitur in cce-
amorem. Ab ipso enim et per ipsum condilus est ra- lum, quod natura et loco, ct dignitatc, ct loca omnia
tionalis animus, ut ad ipsum sit conversio ejus, ut sit et corpora supereminet sic spiritualis ipse natura, ad
:

ipse bonum ejus. Hie autem ex illo bono bonus, ad ea qua? in spiritualibus priEcmincnt, hoc est ad Deum,
imaginem et similitudineua ejus conditus est ut qnan- : et divina erigere semper amat semetipsum, non superbe
amando, sobric, et juste et pie
diu hie vivitur, quam propius potest, acccdat ad eum sapicndo, sed pie ,

vivendo qui quanlo altius est quo nitilur, tanto for-


similitudinc, a quo sola reccditur dissimilitudine ut : :

sit is sanctus, sicut ille sanctus est : in futuro futurus tioribus exerciliorum sludiis oxercendus est, ctquajeum
beatus, sicut ille beatus est. Deniquc hoc solum mag- non pert'undant, sed intingant, sicque afliciant ut pcr-
num et bonum est, cum magnus et bonus animus sus- iiciant.

cipit, miratur et alTectat quod supra eum est, et adhae- Sludia vcro haec etsi littcris aliquando ajuventur
5:2.

rcre festinat similitudini su;c devota imago. Ipse enim et utanlur, non tamen litteraloria sunt, non caviJlan-
tia, non dinpulantia, non garrula, sed
spirilualia, paci-
imago Dei est. Et per hoc quod imago Uoi est, intel-
(ica, et buniilia, humilibus conscniia. Qua- etsi foris
ligibile ei fit, ct se posse, et debere inhterere ci cujus
exerceulur, intua potius tgrnitur in spiritua mentis, ubi
imago est. Idco etsi in tenis regit corpus sjbi commis-
, *

362 L'ABBE GUrLLAL'ME.

ce au-dehors, elle se realise cependant, plutot res, el la bonne conscience en xine pens^ parfaite n;;i«
dans rinterieur de I'espril, en ce lieu ou Thomme de cffiur et de corps. Voila ce qui forme Tesprit. '^'•^

se renouvelle de jour en jour, revetant I'Adam parce qu'il s'y trouve de quoi le former ; mais les si «

nouveau qui a ete cree selon Dieu, dans la saintete vanites, les amusements, les baTardages, les discus- '•'i.-jjj^

et la justice de la Terite. Que resprit se trouve la, sions, les curiosites, les desirs ambitieux, dissipent

oil est la bonne intelligence pour tous ceui qui la et corrompent Tesprit qui estdeja saint ou parfait.
mettent en pratique, lorsque selon la regie donnee Cette application scrute, non les fleurs mais la ra-
par I'Apotre, u Cor. it, i.', « en toutes choses, nous cine des Tertus; elle ne cherche pas a les faire bril-
nous montron; comme des ministres de Dieu, en ler, elle Teut leur donner I'etre ; son ambition est,
beaucoup de patience^ dans les tribulations, dans non que les hommes les connaissent, mais que
les uecessites, dans les angoisses, dans les traTaux Tame les possede.
dans les veilles. dans la prison de la cellule, dans 53. Ce zele craint I'appetit que les Tices font sen-
les jeunes, dans la chastete, dans la science, dans la tir au-dedans, plus que les attaques qui Tiennent du
longaminite, dans la suarite, dans I'Elsprit-Saint, dehors, leur contact dangere'ix, plus que leurs ef-
dans une charite eiempte de dans la parole
feinte, forts malicieux. De meme que parfois, par un tra- p^.
de la Terite et la Tertu de Dieu, par les armes de la Tail considerable et par une application soute- *« l"**

justice a droite et a gauche, par la gloire et I'igno- nue, les Tertus sont amenees a former des pensees et T
minie, par rinfamie et la bonne renommee, comme des sentiments p:eux ; de meme les plus legers de-
des seducteurs hommes qui disent rrai.
et des fauts, profitant de la facilite que leur lai~se ime
comme incocnus et connus, comme mourants et faiblesse trop grande, se glissent en nous comme le
Toici que nous tItous comme chaties et non mor-
: levain dans la pate, et derienneut comme principe
tifies, comme tristes et non rejouissants, toujours naturd. Mais aucun Tice n'est naturel, et toute
comme etantdans le besoin et enrichissant plusieurs, Tertu est natirrelle a Itorame. La coutiune cepen-
conmie n'ayant rien et possedant toute chose, dans dant. Tenant d'une Tolonte corrompue, ou resultant
le traTail et le chagrin, dans la faim et la soif, dans d'une negligence inTeteree, rend d'ordinaire plu-
le froid et la nudite. » (n Cor. u. 27) C'est dans sieurs Tices comme naturels dans une conscience
ces actions et autres pareUles «jue consistent les dont on n'a pas eu soin. Car, ainsi que les philoso-
saints efforts, les exercices apostoliques , Tame phes le disent, ITiabitude est une seconde nature.
s'y examine, s't trouTe, sy corrige, etse purifie de Tout esprit mauTais pent neanmoins, avant de
toute aouifittre de la chair et de Tesprit, achcTant s'endurdr, sentir sa malice s'amollir : et meme,
le traTail de sa sanctification dans la crainte de quand il s'est endurci, il ne faut pas encore en de-
Dieu. Ces efforts demandant le silence, ils desirent sesperer. C'est la malediction lancee centre .\dam,
pour le traTaU du corps le repos du cioeur, la pau- que, dans la terre de notre labeur, et dans le champ
Ttete et la paix de Fesprit dans les peines exterieu- de notre corps ou de notre coeur, les plantes nui-

lenoTatar homo de die in diem, indoeos nonmi homi- mum : gnia nnde &c»nt, babenL Vana Tero ilia, na-
nem qai secondom Deam creatns est in sanctitate et gigerub, verbosa, contoitiosa, cnriosa, ambitiosa, etiam
jnstitia veritatis. Ibi enim fit animas, ibi fit intellectos sanctom aoimam Tel jam perfedom distant etcomun-
bonus onmibas facientibns earn, com secnndnm regulam ponL Hsc stadia scmtantor Tiftotmn, noo tam (lores
ab Apostfdo datam, in oimnbus exhSbemms not siciit Dd quam nulices, noo nt hiceant, sed at sint : dod at sdan-
mutUtrot «
nm/fo patientia, in b-i&ulatiomibus, in ne- tar, sed at habeantor.
eessitatibus, at anffttstns, in hboribus, in vigiliis, in 33. Mtioram Tero plas in sonetipss metnnt appeti-
carcere cells, m
jej units, in castrate, in scientia, in Am- fnm, qoam ab aliis imp^am; plascontagiam, qoam
m
gmni itale, in maeitate, in ^nitu Saneto, in thariate malitiam. Sicat eoim aliqoando magno labore, eA. stu-
non fkta, in verba veritatis, et virtmte Dei, per arma dio perseTcrante, Tirtutes tnhontnr in affectum et men-
justititB a dextris el a sinistris, per gloriam et iffnobi- tem bonam : ac \itia leTissima reaiiasoris lioeotis <^
titatem, per infamiam et bonam famam, td sedmdores portunitate transeant in ccuB^ersioDem, quaa natu- ^
et veraeea, stent iffnoti et eogniti : quasi morientes, et ralia efficiantur. Sed nuUum Titinm uatorale est, Tirtas
ecee vioimms : nt eastigati et non mortifieati, quasi tris- Tero omois homini natnialis esL Cooso^ndo tamen Tel
tes,semper autem gaudentes : sieut egentes, mmitos au- Ttduntal^ oomjptx, Tel inolits ne^igentis, plorima
tem tocupkiantes ianquam : nihil habentes, et ouaiia ssepe Titia quasi naturalia in ne^eda ooasdentia efBcere
possidentes : eenanna, in fame et siti, in
ai labore et solet CoDsoetudo qnippe, sicnt I^ii]<s(9bi dicere solent,
frigore et nuditate. Hxc et bqjiismodi sont stadia saocta, est secunda oatura. Onmis tamen malus animus prios-
exeicitia a^toetolica, in qnibos discatit se animns, et in- qoam indurescat, oxdliri potest malitia ^us : sed nee
Tenit, et emendai, mondans se ab omni inquinamento postqnam iadaraerit, desperandas esL Hsc eoim male-
camis, ac spiritns, perficiens saoclificationem in timore dictio est Ads, ut in terra laboris nostri, et in agro
Dei. Stadia hsc ^entiom amant, qoielem desiderant cordis Tel corporis nostri, nosia vel inutilia gratuito
cordis in labore coiporis, paopertotem spiritus, et pa- passim ubique proTeniant : utilia Tero Tel necesaiia, et
cem in exterioribos pressoris, et bonam cmsdeotiam salubiia cum labore. MrtiB tamen quooiam naturae res
in omni pnritate cordis et corporis. Haec facinnt ani- est, cum Tenit Ib animam aliqaando, dod Teoit sine
,

LETTRE AUX FRfiRES DU MONT-DIEQ. 363


ite
DiS
sihles ou inutiles croissent de toutes parts ; et que cel- sorte, tons les genres de vices tirent chacun leur
it, ejflB vices
'

ijjj
lissent les qui sont utiles, ou necessaires ou salutaires, ne origine de quelque mauvaise affection de la volonte
ertus ne viennent qu'avec du travail et de la peine. La vertu, ou de quelque habitude vicieuse ; et plus cette ha-
eonent
chose reeUe de la nature, en venant dans Tesprit, bitude est inveteree depuis long-temps dans I'ame,
iprfes un
a travail n'y vient pas sans fatigue, mais elle arrive a sa plus elle s'y attache avectenacite, et plus elle exige de
place, s'y assied avec confiance et s'harmonise par- remedes violents et de soins attentionnes. La con-
faitement avec cette nature, et nulle recompense ne tagion deces vices poursuit le solitaire jusqu'au plus
lui est plus agreableque d'avoir en Dieu conscience intime de sa retraite. Et de meme que la vertu
de soi. Pourcomme on estinie qu'il n'est
le vice, bien formee, et fidelement etablie dans Vkme, n'a-
qu'une privation de la vertu, son enormite nean- bandonne dans aucun tumulte celui qui la possede
moins, etles ravages qu'il cause se font parfois tene- comme un heureux tresor, de meme, I'habitude
ment sentir qu'il ecrase et renverse ; sa laideur est mauvaise ne laisse en liberte dans aucune soUtade
si excessive qu'il souille et corrompt ; la force del'habi- celui qu'elle tient en esckvage. Si on ne la combat
tude qu'il fait contracter est si grande que la na- point avecun zele obstine et des efforts bien diriges,
ture ne pent la surmonter qu'avec beaucoup de on pent I'adoucir, on pent a peine la vaincre et ;
.1
peine. C'est en vain que Ton fait dessecher le lit ou de quelque maniere que s'arrange I'^me, et en
coule le vice, si la source d'ou il sort n'est pas quelque retraite qu'elle se fixe, ce tyran ne lui per-
de maui fermee. La volonte relachee, par exemple, pro- niet jamais de trouver le secret oule silence. Celui
duit une
duit la legerete de 1' esprit, de la viennent I'instabi- qui a ete livre davantage a la violence de I'habi-
{int£ reU-
ehie. lite de I'esprit, I'inconstance de la couduite, la tude et de sa propre volonte, trouve plus mechante
vaine joie poussee jusqu'aux exces de la chair, la et plus rebelle en Ini, non-seulement la malice spi-
vaine tristesse allant parfois jusqu'a rendre le corps rituelle, mais encore cette force de necessite qn'on
malade, et bien d'autres miseres provenant do ce pent appeler multiple et puissante, semblable a un
defaut de la legerete, et se glissant dans la negli- corps vigoureux qu'il faut chasser par I'energie du
gence ou la transgression des resolutions religieu- poignet,

orgueil.
ses que Ton a prises. Pareillement, rendue orgued- 5^. Mais revenons a I'eloge de la vertu. Qu'est-ce Qn'ejt la
que Terta.
leuse par I'habitude, la volonte gonfle I'ame de suf- la vertu ? La fille de la raison, et encore plus la
fisance, quand le coeur est livre a une grande pau- fille de la grace ; car elle seule est une force qui
vrete. C'est cette source qui repand la vaine gloire vient de la nature, mais c'est par la gr^ce qu'elle
la confiance en ses propres forces, la negligence est vertu. Elle est force par le jugement de la rai-

dans le service de Dieu, la jactance, la desobeis- son qui approuve, elle est vertu par le desir de la
sance, le mepris, la presomption et les autres volonte illuminee duCiel. Car la vertu est I'assenti-
maux de I'ame qui decoulent d'ordinaire de la ment volontairement donne au bien. Elle est une
plaie et de la pratique de I'orgueil ; et en cette certaiue egalite de la vie se conformant en tout h

labore, sed venit in locum suum, et sedet fideliter, et usque in ultimam solitudinem solitarium persequuntur,
bene cum ea naturae convenit, cum nullum praemium Et sicut bene concreta virtus, et fideliter animo insidens,
potius sit ei, quam in Deo consclentia sui vitium vero possessorem suum in nulla deserit multitudinc sic vi- :

cum nihil aliud esse credatur, quam privatio virtutis : tium consuetudiiiis possessum suum liberum esse non
tamen vastitas ejus et enormitas tanta nonnunquam patitur in qualibet solitudine. Nam nisi pertinaci studio
quasi sentitur, ut obruat et oprimat fceditas tanta, ut : et prudenti opera expugnata fuerit consuetude, leniri
inquinet et inficiat adhopsio tam pertinax consuetudi-
: potest, vinci vix potest : et quomodocunque se com-
nis, ut vix a se cam natura excutiat. Omnis enim vitii ponat animus, etin quamvis solitudine habitet, secretum
frustra siccatur rivus, si fons non
Vcrbi fuerit obturatus. vel silentium cordis esse non patitur. Cui quo majorem
gratia, remissa voluntas facit mentis levitatem,
qua ex contigcrit inesse usum consuetudinis et voluntatis, eo
prodeunt instabilitas mentis, inconstantia morum, vana nequior et rebellior in eo invenitur, non tam malitia
laetilia saepe usque ad lasciviam carnis, vana tristitia non- spiritualls, quam quasi manibus cxpellcnda multi-
nunquam usque ad aegritudinem corporis, et multa alia plex quaedam coUectio et dura corpulentia necessi-
in negligentia transgressione propositi ex levitatis
vel tatis.

vilio venientia. Sic etiam superba ex usu voluntas in 54. Sed rcdeamus ad laudem virtutis. 0"id est vir-
magna saepe cordis inopia tumentem enicit animum. tus? Filiu rationis, sed magis gratiae. Vis enim quaedam
Unde procedunt vana gloria, fiducia sui, negligentia est ex natura. Ut autcm virtus sit, habet ex gratia. Vis
Dei, jactantia, contemptus, praesiimptio,
inobedicniia, est ex judicio approbantis rationis virtus autcm ex ap- :

et caeterffi animi pcstes, quae prollucre solent ox tumore pctitu illuminatiB voluntatis. Virtus enim est volunla-
et usu superbiae. Et in hunc modum omnia genera vi- rius in bonum a.ssensus. Virtus est a?qualitas quiFdam
tiorum ex aliquo malae volnntalis affectu, vel malae con- vitre, per omnia congruens ralioni. Virtus est ad judi-
suctudinis usu, suam singula ducunt matrieem origi- cium rationis usus libera; voluntatis. Virtus quiedam est
ncm quae quanto diulius mcnti insolilaest, tanto for-
:
tiumililas. Virtus qu.Kdani est patientia. Virtus qua>dam
tius haerct, et fortioribus rcmcdiis eget, et curain re- est obedientia. Virtutes, sunt prudonlia, Icmperautia,
quirit diligentiorem. Hujusmodi enim pcstes vitiorum fortitude, justitia, et alias quam plurcs : in quibus siii-
S64 L'ABBE GUILLAU.ME.
la raison. Elle est I'usage de la volonte libre selon que la volonte et la verite. Ce sent ces
lejugement de la raison. L'liumilite est une vertu. deux elements, qui, ainsi que le Seigneur le
La patience est une vertu. La temperance, la force, declare, s'lls se reunissent MnUh. xviii. 19.)
en im,
la justice et autres qualites de ce genre sent des tout ce que qu'on demandera, on I'obtiendra de
vertus en chacune, ainsi que nous Tavons dit, la
; Dieu le Pere. Si ces deux principes s'accordent en
vertu n'est pas autre chose que la volonte obeissant une pso-faite unite, ils contiennent en leur en-
librement au jugement de la raison, car la bonne semble toute la plenitude de la vertu, sans qu'aucun
volonte est dans lame, lorigine de tous les biens vice intervienne ; ils peuvent tout, meme dans
Atcc qnel et la mere de toutes les verius. Ainsi, au contraire, I'homme qui est languissant ; ils ont et possedent
soin et
eonuneDt fl la mauvaise volonte est le principe de tous les tout en celui qui n'a rien ; ils donnent, ils preteut,
fant acqnerir
la bonne
mans et de tous les vices; aussi celui qui garde son ils conferent, ils servent dans celui qui se repose
TolonU. ame doit veiller tres aftentivement sur sa volonte, en son interienr. La gloire et les richesses sontdans
compreudre sagemeut et discerner prudemment ce la conscience de ce saint personnage, fruits de sa
qu'elle veut ou ce quelle doit vouloir, absolument bonne volonte. Pour le dehors, ce n'est pas d'un
comme I'amour de Dieu ; et ce qu'elle doit vou- cote seulement, comme le fait lebouclier employe
loir, a cause de cet amoiu*, comme la charite en- dans monde, mais de toutes parts, que I'entoure
le

vers le prochain. Et pour etre en sui'ete quand il la verite du Seigneur, La bonne volonte le rend
n'use pas de discernement, il doit toujours conser- toujours content et joyeux au dedans, a I'exterieur,
ver en lui, selon les regies del dbeissance, une dilec- la verite le rend serieux et grave, tranquille et ras-
tion prudente et reservee. Car, dans lamour de sure. Aussi, s'elevant au-dessus des infirmites hu-
Dieu, il n'y a pas dautre raison, pas dautre distinc- maiues, cet homme est dans un repos continuel,
tion que celle-ci, de meme que le Seigneur en nous comme on I'assure de cet air qui est au-dessus du
cberissant, nous a aimes jusqu'a latin, de meme, globe de la lune.
s'il est possible, aimons-le intiniment, comme Ihom- 56. La volonte est un appetit naturel, autre est> La Tote
^ 'elerant*
me beureux, qui dans ses commandements, desire elle lorsqu elle tend vers Dieu et se dirige vers son
les chMt
toujours davantage. {Piabn. cxi. 1.) interieur , autre lorsqu'eUe se porte vers le corps,
est
Pauia qn'U 55. Mais encore devouement du cceur qui
que le vers les choses exterieures et materielles ; lorsqu'eUe etc
one
y ait
certaine
aime ne doive avoir ni fin ni terme, neanmoius s eleve vers les regions snperieures, comme le feu
mesnre dan* Taction qu'il opere doit avoir ses limites, ses re- verssa sphere, c'est-a-dire, lorsqu'eUe sallie a la ve-
TamoDr de
Diea. gies et sa maniere.De crainte qu"ime volonte trop rite et monte toujours plus haut, eUe est « amour. »

ardente ne fasse desecai'ts, il faut que toujours la Quand elle est excitee et comme aUaitee par la
verite se trouve a ses cotes ]:»our la moderer au grace, eUe estw dilection » Si elle saisit, si eUe tient, si

moyen de lobeissance. Pom* Ihomme, en effet, qui elle jouit.eUe est « charite, » luiiite est esprit, eUe
progresse vers Dieu, rien ne convieni davantage est Dieu . Car Dieu est charite. [Joan, n, 16.)

gullsnon est aliud virtus, quam (sicut dictum est) ad fecte consenserint, onmem in se continent virtutum ple-
Indicium ratioais usus liberae voluntatis. Bona enim vo- nitudinem sine ; omnia possunt inho-
vitio intercurrente
jnntas in animo est oiigo omnium bonorum, et omnium mine eliam languente, omnia habent et possident in ho-
mater virtutum. Sic e converso mala volimtas est origo mine nihil hat>ente dant, mutuant, conferunt, prosunt
:

omnium malorum et vitiorum. Ideo custos anlmae suae in homine secum quiescente, Gloria et divitia? in cons-
aide solllcitus esse del)et circa custodiam voluntatis cientia sancli viriillius, ex fructibus bonae voluntatis
suae, ut prudenler intelligat, et discemat
quid in totum ejus. Foris vero non ex uno latere, sicut scutum hujus
velit, vel volendum sLbi sit, sicut e«t amor Dei quid : mimdi, sed undique eum circumdat scutum veritafis
propter illud, sicut est amor proximi. Ut enim in illo Dei. Hilarem enim eum et jucundum intus semper
tuta sit omnis indiscretio, in hoc semper secundum obe- efiicit bona voluntas in exteriori vero actione serium
:

dientiffiregulas cauta et prudens debet esse dilectio. et gravem, tutum ac securum reddit Veritas. Ideoque
In dilectione quippe Dei non alia ratio, non alia dis- supergressus humana homo ille, semper in sereno est :

cretio est, nisi ut sicut ille cum dilexisset nos, in finem sicut de aere iUo homines ferunt, qui super globum
dileiit nos : sic, si fieri potest, in infinitum diligamus Ijinae est,
eum nos, sicut beatus vir qui in mandatis ejus cupit 56. Voluntas, naturalis qnidam animi appetitus est,
nimis. alius in Deum, et circa interiora sua : alius circa cor-
55. Sed cum nullum finem, vel terminum habere de- pus, et circa exteriora et corporalia. Haec cum snrsum
beat derotio amantis tamen terminos suos, fines et re-
: tendit, sicut ignis ad locum suum; hoc est, cum socia-
gulas habere debet actio operantis. Ubi ne aliquando lur veritati, el movetur ad altiora, amor est. Cum vero
oberret nimia voluntas, necesse est quod semper adsit promovetur, et lactatur a gratia, dilectio est. Cum ap-
mediante obedientia custodiens Veritas. Nihil enim in prehendit, cum tenet, cum fruitur, charitas est, unitas
bonum hominis in Deum proficientis, tam slbi conve- Dens esL Deus enim charitas est. In his au-
spiritus est.
nit, qnam voluntas et Veritas. Hjbc duo sunt, quae, sicut tem cum consummaverit homo, tunc incipit quia nulla :

dicit Dominus, si consenserint in unum, quodcunque horum in hoc ^ita plena perfectio est. Cum vero decli-
petierint, fiet eis a Deo Patre. Si duo hjec in unumper- nat in ea quae camis sunt, concupiscentia camis est.
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 365
En ces matieres, qnand riiomme acheve, c'est alors C'est pourquoi, comme on
dans le corps le Toit
qu'il commence ;
\Eccl. xviii. 6.) car jamais elles (car le corps est plus facilement apercu par les au-
jt ne trourent sur la terre leur pleine perfection. Mais tres qu'il ne s'apercoit lui-meme), en ces questions,
ItoIontS en declinaut vers ce qui est de la chair, la volonte I'osil des autres nous voit mieux que le n6tre,
1 decline et un
lest la est concupiscence de la chair ; se portant vers ce qui de nosfreres, qui n'a pas lamemeferveur de volonte,
licapis-
1 Slice.
est curiosite du siecle, elle est concupiscenci) des juge souvent avec plus de rectitude nos actions,
yeux ; allant vers I'ambition de la gloire ou des parce que bien des fois, ou la negligence, ou I'a-
honneurs, elle est orgueil de Tant qu'elle
la vie. mour-propre nous font errer en ce qui nous tou-
sert la creature dans ses besoins ou dans ses utili- che de si pres. La bonne gardienne de la volonte,
L ob^issance
tes, elle est nature ou appetit de la nature. En s'e- c'est I'obeissance, qu'elle soit de precepte, de con- gardienne
de la ToloDtd
tendant a ce qui est superflu ou nuisible, elle est seil,de sujetion ou de seule charite. Selon I'Apotre
defaut de la nature ou son propre defaut. A cet saint Pierre, les Ills de I'obeissance puriheut sua-
egard, de la tendance de chaque sentiment ou de veraent et davaiitage leurs cceurs par I'obeissance
I'objet vers lequel il se dirige, vous pouvez tirer de et la charite qu'ils exercent a I'egard
de leurs
vous-meme ce raisonnemeut. Quand en ce qui re- egaux ou meme envers leurs inferieurs, que par
garde le corps, dans les choses necessaires, la vo- celles qu'ils rendent a leurs superieurs par la ne-
lonte s'arrete au premier desir, c'est un appetit na- cessite de leur position dependante. (I. S. Petr.
tural de Tame; quand, dans son aspiration, elles'e- II, 22.) Dans I'une, c'est la seule charite qui com-
tend toujours en avant, alors se revele uue disposi- mande, qui conseille et obeit dans I'aulre, c'est ;

tion qui n'est pas tant une volonte quun vice de la I'autorite du pouvoir qui menace du chatiment,
volonte, I'avarice, la cupidite ou autre chose de ce ou la sujetion craintive qui le redoute. Dans
genre. En pareille matiere, la volonte est bientot la premiere , celui qui obeit merite souvent
satisfaite, mais ses vices ne sent jamais une plus grande gloire ; dans I'autre, une plus
contents. grande correction est toujours reservee a qui de-
Jmeat il
57. Cette volonte, il faut la loner, lorsqne dans sobeira.Dans I'hommedonc qui a le coeur en haut,
laut
raveraer
les choses spirituelles et (jui appartiennent au ser- il est evident pour tons combien la volonte a be-
vice de Dieu, elle veut ce qu'elle pent ; si elle veut soin de sa garde pour gouverner, pour disposer et
plus qu'elle ne pent , il faut la regir ; si elle ne moderer son exterieur, et encore plus pour son in-
veut pas ce qu'elle pent, il faut la stimuler et I'ex- terieur. Souvent,quand I'ame peuse a Dieu, ou k
citer. Souvent, en effet, si elle n'est retenue, elle elle-meme, la volonte est maitresse et souvei-ciine en
s'elance avec impetuosite et route avec precipi- toutes les reflexions ; et comme principe, elle en-
tation. Blendes fois, si elle n'est pas excitee, elledort, traine tout le reste des considerations que I'esprit
elles'attarde, elle oubliele but vers lequel elle se diri- produit.
geait, et devie facilement en rencoutrant a cote 58. Car trois choses concourent h former lapen-
Trois choses
quelque delectation qui se presente et la soUicite. see, la volonte, la memoire et I'intelligence La VO- concourent &
la peDs^e.

Cum in curiositatem saeculi, concnpiscentia oculorum alio videtur, quam seipsum videat) in hujusmodi nos
est. Cum vero in arabitionem gloriae vel honoris, super- sa'pe melius videt alienus oculus, quam noster : et alius
bia vitae est, Quandiu tamen hujusmodi utilitati seu nc- qui non est pariter in fcrvore ejusdem voluntatis, rectior
cessitati naturae servit, natura est, vel appctitus ejus. saepe judex est actionis ; quia sa^pe vel ncgligenlia, vel
Cum vero in supertlua se cxponit vel noxia, vitium na- privato araore nostri erramus in nobis. Bona ci-go cus-
turae est, vel sui ipsius. Quorum primo appetitu vel ac- tos voluntatis est obedientia, sive imperii ilia sit, sive
cessu, de temetipso hoc capere licet argumentum.
tibi consilii; sive subjectionis, sive solius charitatis. Purius
Cum in eis qioe ad corpus spcclant, in rebus necessa- enim ac dulcius secundum apostolum Petrum, ad pa-
riis voluntas primo appetitui iinem facit, naturalis animi res, seuetiam ad minores suos, (ilii obedientiaj castid-
appetitus est. Cum vero in appetendo semper ad ulte- cant corda sua in obedientia charitatis, quam ad majores
riora progreditur, ipsum se prodit, quia jam non subigant per obedientiam necessitatis. In ilia enim sola
tam voluntas quam
vilium voluntatis est, avaritia, vel praecipit, vel consulit,ct obedit charitas hie autcm :

vel cupiditas, hujusmodi. Voluntati enim


vel aliquid pcenam timet, vel minaturimperlosaauctoritas etmeticu-
in hujusmodi cito satis est, vitiis vero ejus nunquam losa necessilas. Et in ilia obedicnti sa'pe debetur m^or
satis est. gloria in ista vero inobedienti major semper inlcntalur
:

57. Haec in spiritualibus, et in eis, quae ad Deum poena.Ergoinhominesursum cor habente propter exteriora
sunt, cum vult quod potest, laudanda est cum ndt : sua regenda, modcranda, componcnda, palam omnibua
quod non poll st, et plusquam potest, regenda est cum : est quam necessiiria sit voluntati custodia sua, amplius
non vult quod potest, excitanda est et provocanda. Saepe autcm propter enim s;epe seipsum
inleriora sua. Aiiimo
enim si non I'renatur, impetum facit, et agitur in prae- vel Deum cogilanti, ipsa voluntas in omni cogitatione
ceps. Saepe si non cxcitatur, dormit, et tardal, et obli- princeps est et necessario principmm voluntatis sequi-
;

viscitur quo tcndebat, et facile dcclinat quasi a latere in tur oninis tenor cogitalionis.
obligationes * oblatae dclectationis. Idcoque sicut in cor- 58. Tria enim sunt qua; cogitalionem faciunl, volun-
pore etiam solct fieri, (melius enim corpus hominis ab tas, memoria, ct intcllcctus. S'oluntaa cojfil memuriam
366 L'ABBE GUILLAUME.

lonte force la m^moire, k porter la matiere ou le concoit se separe de plein gre du Seigneur : I'au-
sujet, elle contraint aussi I'intelligence a former la tre, comme toujours illuminee et toujours attachee
matiere qui est portee, appliquant I'intelligence a a la vertu, opere la piete, qui unit i Dieu, I'ctme,
la memou-e, pour qu'elle en receive sa forme; a qui en forme les pensees,
I'intelligence, elle procure la penetration de I'es- 59, Quant aux pensees qui sont mises en second
prit qui reflechit, pour que la pensee resulte de lieu, pensees sans intelligence, ce sont les pensees
cette application. Parce que la volonte rassembleen oiseuses et vaines, que I'intention de celui qui les a
un point tous ce§ elements, et les reunit facilement n'applique a aucune espece d'intelligence, pensees
comma au moindre signe ; le mot qui signifie pen- qui ne donnent pas de suite la mort, mais qui cor-
see (la cogitation) parait tirer son origine du verbe rompent entement, et peu-i-peu qui occupent le
1

Pens4e8 iovcev (cogere). C'est de la, que sortent toutes les temps, empechent de vaquer aux choses necessai-
(iiv6rs6s sbIod
le mode de retlexions, les unes bonnes, saintes et dignes de res et souillent I'esprit ce ne sont pas tant des pen-
:

I'intelligence.
pjg^ _.
jgg ^^i^^g mauvaises, perverses, separant de sees que des simulacres de pensees eufantees par
Dieu : les autres oiseuses et vaines, auxquelles le des souvenirs imaginaires ou exacts, ou bien par des
Seigneur s'arraclie et se derobe. De la vient qu'il souvenir? jaillissant spontanement et en grand
est dit, que les « pensees perverses separent de nombre de la memoire. En les eprouvant, la vo-
Dieu, et que le saint Esprit se derobe, aux pensees lonte parait etre plus passive qu'active, car il ne
qui sont sans intelligence. {Sap. i, 3 et 5.) Sur s'y trouve aucune intention de celui qui les sent en

quoi, il faut remarquer qu'on ne peut nuUement lui quand un tel souvenir sort de son propre mou-
:

penser sans le concours de toute I'intelligence, et vement, comme a bouillons, dela memoire, il s'offre
que la pensee est entierement nulle sans I'emploi a I'esprit, qui n'y prend pas garde, pour recevoir
de tout I'intellect. Mais autre est I'intelligence que de lui la forme, et tout ce qui se passe alors sem-
produit la force naturelle de la raison, autre celle ble se derouler plutot dans une ame endor-
qui vient de la vertu, de I'esprit raisonnable. L'in- mie, que dans un esprit qui s'applique a rellechir,
telligence est cette force qui, appliquee n'imporie a Et alors, bien que celui qui eprouve ces pensees ne
quoi, soit au bien, soit au mal, exerce sa vigueur desire pas repousser le Saint Esprit, il arrive nean-
naturelle : mais il en est une, qui est laissee a ses raoins, par le defaut de sa negligence, que I'esprit
propres forces, une qui est illuminee par la grace. de discipline se soustrait de lui-meme aux pensees
La premiere ne se refuse pas aux choses du siecle, qui ne connaissent pas de regie. Bien que ces idees
soit serieuses, soit plaisantes I'autre ne se prete
:
se produisent par une force cachee de la raison,

qu'aux sujets dignes d'elle, et qui lui ressemblent. elles ne viennent neanmoins pas de la raison, I'in-

L'une opere souvent, comme abandonnee a elle- telligence ne leur est pas appliquee d'une maniere
meme, et affaiblie par le vice de la raison, et parle reflechie, puisque celui qui les a ne leur donne
vice de la corruption de la volonte, ourdissant des point assentiment, Mais lorsqu'onreflechitbien et se-
pensees coupables, par lesquelles I'esprit qui les rieusement k des pensees serieuses, par son libra

ut proferat materiam, cogit etiam intellectum ad for- illuminatus, et virtuti affectus, operatur pietatem, quae
manduni quod profertur, adhibens intellectum memoriae cogitantem conjungit Deo.
ut Inde formetur intellectui vero aciem cogitantis, ut
: 59. Quae vero secundo loco ponuntur cogitationes sine
inde cogitetur. Quae quia in unum cogit voluntas, et fa- intellectu, ipsa sunt vanae illae et otiosae, neutro intel-
cili quodam nutu copulat, a cogendo cogitatio nomen ac- lectui per cogitantis intentionem se applicantes, non re-
cepisse videtur. Hinc liuntcogitationesomnes, aliaebonae pentc perimentes, sed sensim et paulatim corrumpentes,
et sanctae, et dignae Deo ali;fi malae et perversse, quae
; occupantes tempus, necessaria impedientes, et animum
separant a Deo aliae otiosae et vanae, a quibus aufert se
: inficientcs non tarn cogitationes, quam ex veris vel ima-
:

Deus. nine enim dicitur quod perversa; cogitationes se- ginariis recordationibus simulacra quaedam cogitationum,
parant a Deo, et quia Spitntus-Sanctus aufert se a cogi- seu ipsae recordationes ultro, et multipliciter de memo-
tationibus quce sunt sine intelledu. In quibus verbis rio scaturientes. In quibus passio quaedam voluntatis
advertendum est, quia sine omni intellectu nullatenus potius videtur esse quam actio, cum nulla sit in eis co-
cogitari potest, et nulla omnino cogitatio sine omni in- gitantis intentio : cum quod sponte ebullit de memoria,
tellectu est. Sed alius est intellectus ex vi nataralis ra- formandum se oflert intellectui non curanti, et quidquid
ex virtute mentis rationalis. Intellectus qui-
tionis, alius agitur, videtur potius agi in somnio dormientis, quam in
dem idem ipse est, qui quocunque seu in bonum, seu acie cogitantis. Ubi tametsi a se repellere Spiritum-Sanc-
in malum applicitus fuerit, naturaliter viget sed alius : tum non est in voto cogitantis, sit tamen ex culpa ne-
invenitur sibi relictus, alius a gratia illuminatus. Ille sae- gligentis, ut spiritus disciplinae raerito auferat se a co-
culi rebus et seriis et nugatoriis se non negat hie au- : gitationibus indisciplinatis. Quae quamvis fiant per vim
tem non nisi dignis se rebus, et similibus sibi seipsum quamdam occultam rationis non tamen fiunt ex ratione,
accomodat. Ille saepe operatur sicut sibi relictus, et vitio ut attrahatur in eas intellectus, cum nullus sit in eis in-
nfectus ex vitio rationis et vitio corruptae voluntatis
,
telligentis assensu^. de rebus seriis bene
Ubi vero serio
texens pcrversas cogitationes, quibus semetipsum qui cogitatur, voluntas libero arbitrio de memorLa evocat
oogitat, sponte separat a Deo : hie autem semper sicut quodcunque opus habet, et intellectum formantem me-
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 367
arbitre, la volonte evoque de la memoire tous les seulement, au souvenir de I'abondance de la suavite
souvenirs dont elle a besoin, elle applique a ces sou- de Dieu, tressaille, nage dans la joie et eprouve des
venirs I'intelligence qui leur donne la forme, et sentiments digues de la bonte de Dieu, I'^me de ce-
ainsi formulees, I'intelligence les soumet a I'activite lui qui a cberche le Seigneur dans la simplicite de
penetrante de celui qui reflechit, et en cette sorte son coeur. Mais cette maniere de penser k Dieu, ne
s'accomplit le phenoinene de la pensee. depend pas de la volonte de celui qui reflechit; elle
vient de celui qui veut bien I'accorder, c'est-

CHAPITUE XVI. a-dire de I'Esprit Saint qui souffle oil U veut,


quand il veut, comme il veut, et sur qui il

On explique le troisieme ctat de la vie religieiise, c'est- veut mais il est au pouvoir de I'homme continuel-
:

a-dire, I'etat spiriluel. lement de preparer son coeur, en degageant sa vo-


lonte des affections etrangeres, sa raison ou son in-

e et
60. Mais lorsque la pensee s'occupe des choses telligence des sollicitudes, sa memoire des pensees
!de la qui sont de Dieu, ou
qui conduisent a lui, et lorsque oiseuses et preoccupees, et parfois meme des occu-
i dans
hoses la volonte, progressant^ parvient a etre amour, aus- pations legitimes et necessaires qu'au jour , afin
• nes.
sitot, par ce chemin de la cliarite, le Saint Esprit, voulu du Seigneur, a I'heure de son bon plaisir,
I'esprit de vie, se repand et vivifie tout, soit dans la lorsqu'il entendra le bruit de son souffle, tous les
priere, soit dans la meditation, soit dans les con- elements qui concourent a former la pensee se reu-
siderations pi'olongees de celui qui I'eflecbil sur son nissent librement en uu instant, et cooperent k son
infirmite. Et de suite le souvenir devient « sagesse » bien, et fassent comme une espece de symbole ou
quand il goute avec suavite les biens du Seigneur, de resume pour la grande joie de celui qui consi-
et quand il soumet a son intelligence ce qn'il a dere : la volonte, en donnant un attachement pur a
examine a ce sujet pour que I'amour donne son la joie du Seigneur; la memoire, une memoire fi-

empreinte a ces considerations. Get acte d'intelli- dele, la douceur de I'intelligence de I'experience
gence de I'ame qui medite devient aussi la « con- acquise.
templation » du coeur qui aime, et donnant, pour 61. Ainsi done, la volonte negligee produit les La Tolonti
ainsi dire, a I'objet de sa pensee et deson amour la pensees oiseuses et indignes de Dieu : la volonte ^?°"'''=^ <*6»

forme que laisse I'experience ressenlie de la suavite corrompue, les perverses qui separent du Seigneur ; '^es-

spirituelle et divine, il affecte de ces impressions celle qui est droite, les pensees necessaires pour
I'esprit de celui qui medite, et alors se produit la user de la vie ; celle qui est pieuse, les idees effica-
« joie » de I'ame qui savoure. C'est en ce moment, ces pour recueillir les fruits du Saint Esprit, et pour
qu'a la maniere humaine, on pense bien de Dieu ;
jouir de Dieu. Or, les fruits de I'Esprit Saint sont,
si cependant il faut appeler pensee I'acte dans le- comme I'enseigne I'apotre, « la charite, la paix, la
quel rien n'agit, rien n'est produit, mais en lequel joie, la patience, la longanimite, la bonte, la beni-

moriae adhibet, formatumque quidquid illud est intel- tur de eo in bonitate, ab eo, qui in simplicitate cordis
lectus adhibet aciei cogitantis, et sic peragitur negotium quaesivit ilium. Sed modus hie cogitandi de Deo non
cogitationls. est in arbitrio cogitantis, sed in gratia donantis : sci-
licet cum Spiritus-Sanctus, qui ubi vult spiral, quando
vult, et quomodo vult, el quibus vult, in hoc adspirat.
CAPUT XVI. Sed hominis est jugiter praeparare cor, voluntatem ex
pediendo ad affectionibus alienis, rationem vel intellec-
Tertium statum vitae religiosa, id est spiritualem
tum a solliciludinibus, memoriam ab oliosis el negolio-
explicat.
sis, nonnunquam et a necessariis occupationibus ; ut in
die bona Domini, hora bcneplaciti ejus, cum au-
et in
60. Gumvero de his quae de Deo
sunt vol ad Deum dicrit voccm spiritus spirantis, ea qua; cogitationem fa-
cogitatur, ct voluntas eo proficit ut
continuo amor fiat; ciunt, continuo libere concurrant sibi, et cooperentur in
per viam amoris infundit se Spiritus-Sanctus, spiritus bonum, ct quasi symbolum faciant in gaudium cogitan-
vitae; et omnia vivificat, adjuvans seu in oratione, scu tis : exhibendo in gaudium Domini puram
voluntas
in meditafione, seu in tractatu infirmitatem cogilanfis. affectioncm, memoria materiam iidelcm, intellectus ex-
Et continuo memoria efficitur sapientia, cum suaviter ei pericntiaj suavitatcm.
sapiunt bona Dei, et quod ex els cogitatum est forman- 61. Sic ergo voluntas neglecta facit cogitationes otio-
dum in afTectu, adhibet intelleclui. Intellectus vero co- sas, et dignas Deo corrupla pei'versas, quic scparant a
:

gilantis, effirihir contemplatio amantis, ct formans ilhid Deo ; recta nccessarias ad usum vita; hujus : pia, oflica-
in quasdam spirilualis, vel divinne suavitatis e.xperienlias, ces ad fruclum Spiritus, et ad fruenduin Deo. Knictus
afficit ex eis acieni cogilantis,
vero efficitur gaudium
ilia autern Spiritus sunt, sicul.\p()stolus dii'it; charitas, pax,
fruentis. Et tunc de Deo bene secundum hu-
cogitatur gaudium, patientia. longanimitaft , bonitas, benignitas
manum modum si tamen cogitatio diccnda est, ubi nil
; mansuetudo, fides', nwdestia, contiiientia, caMUas. VA in
cogit nee cogltur, sed tauttmimodo in memoriam abun- ouuii gcnere cogitalionis, omnia qiKTCimque cogilanll
dantiae suavitatis Dei exultalur, jubilatur, ct vere senti- occurrunt, conformanlur inlenlioni voluntatis, agentc in
368

gnit^, la mansuetude, la foi, la niodestie, la


L'ABBfi

conti-
GUILLAUME.
En effel, la grande volonte enTers Dieu, c'est I'a-
Ceqa*!
I
nence, la chastete. » [Gal. v, 22. :
Et en toute sorte mour : I'adhesion ou runion avec lui, c'est la cha-
loQte (

de pen see, lout ce qui s'oQre a celui qui reflechit, rite, c'est la jouissaace. Pour I'homme qui a le Dies
se conforme a I'intention de la volonte, Dieu en cceur en haut, I'unite d'esprit avec Dieu est la per-
aieel
agissant ainsi dans sa justice et sa misericorde, afin fection de la volonte progressant vers le Seigneur,
que celui qui est juste, soil jusUQe encore plus, et lorsque non-seulement il veut ce que Dieu veut,
que celui qui est dans la corruptiou se souille en- lorsque non-seulement il est affecte de ce senti-
Chacnn doit core davantage. Voila pourquoi Ihomme qui veut ment, mais encore qu'il est si parfait dans I'lm-
eianuner aimer Dieu, ou qui I'aime deia, doit touiours exa- pression d'amour qu'il eprouve, qu'il ne peut vou-
tion ce qu il muier son esprit, sonder sa conscience, pour savoir loir que ce que Dieu veut. Or, vouloir ce que Dieu
^^ ce qu'il veut entierement, et les motifs qui le por- veut, c'est deja etre semblable a Dieu : ne pouvoir
tent a Touloii" : tout ce que I'esprit desire ou hait vouloir que ce que Dieu veut, c'est deja etre ce qu'est
dim de I'autretout ce que la chair convoite
cote, et Dieu, pour qui c'est meme chose, de vouloir et d'e-
en sens contraire. Car les pensees qui arrivent du tre. Aussi, il est dit avec raison, qu'alors nous le
dehors, et qui tombent ensuite, et les volontes qui verroiis entierement ce qu'il est lorsque nous lui
voltigent au-dessus de I'esprit, faisant que tantot serons semblables, (i Joan, in, 2) c'est-a-dire, que
il veut, que tantotne veut pas, il ne faut pas les
il nous serons ce qu'il,est. A qui a ete donne la puis-
ranger parmi les volontes, mais bien les mettre au sance de devenir enfants de Dieu a ete accorde le
rang des pensees oiseuses. Car, bien qu'on les pouvoir, non d'etre Dieu, mais d'etre cependaint ce
eprouve parfois, jusqifa en resseutir de la delecta- qu'est Dieu, d'etre saints, pour etre im jour entie-
tion dans lame, neanmoins I'esprit maitre de lui rement heureux; or, Dieu est cela. lis n'empruntent
les rejette et les expulse. Quant a ce qu'il veut en- ici-bas leur saintete, ils ne tireront la-haut leur
tierement, il doit examiner ce qu'est I'objet vers bonheur a venir que de Dieu, qui est leiu" saintete

lequel il tend de cette sorte, ensuite jusqu'a quel et leur beatitude.


degre et de quelle maniei'e il veut. Si ce qu'il desire 62. La perfection de Ihomme consiste a ressem- La perfedM i

et la6a 4e
pleiuement est Dieu, il faut qu'il recherche jus- bler a Dieu. >'e pas vouloir etre parfait, c'est
I'bomiM
I

qu'a quel point, il soupire apres cet etre admira- pecher. Yoila pourquoi, en vue de cette perfection, c'estde
ressembler <

ble et saint, si c'est jusqu'a se mepriser lui-meme, il faut toujours nourrir la volonte et preparer I'a- a Diea.
jusqu'a dedaigner tout ce qui est, ou ce qui peut mour ; retenir la volonte pour
ne se dissipe qu'elle
etre ; et cela non seulement d'apres le jugemeut de pas sur des objets etrangers, garder avec soin
sa raison, mais encore d'apres le sentiment qu'e- I'amour afin que rien ne le souille. C'est pour cela
prouve son ame: de sorte que sa volonte soit plus seulement que nous avons ete crees et que nous
que volonte, quelle soit amour, dilection, chariteet vivons, afin de devenir semblables a Dieu, puisque
unite d'esprit. Car c'est aiusi qu'il faut aimer Dieu. nous avons ete formes a son image. II est uue

eis misericordia et judicio Del, ut Justus justificetur ad- Deus %"ult, sed sic est non tantum affectus, sed in affectu
huc, et qui in sordiLus est sordescat adhuc. Ideo homini perfectus, ut non possit velle nisi quod Deus vult. Velle
Deum amare volenti, vel jam amanti, suus semper con- autem quod Deus vult, hoc est jam similem Deo esse;
sulendus est animus, examinanda conscientia, quid sit non posse velle nisi quod Deus \'ult, hoc est jam esse
quod in totum vult, et propter quod vuU quidquid : quod Deus est, cui velle et esse, idipsum est. Unde bene
aliud vult spiritus vel odit, quidquid contra illud caro dicitur, quod tunc plene videbimus eum sicuti est, cum
concupiscit. Incidentes enim quasi extrinsecus et dece- similes ei erinius, hoc est, erimus quod ipse est. Quibus
dentes cogilationes, et praetervolitantes voluntates, qni- enim potestas data est filios Dei fieri, data est potestas,
busmodo Milt, modo non miM, nequaquam inter volun- non quidem, ut sint Deus, sed sint tamen quod Deus
tates,sed pane inter otiosas depulandae sunt cogitatio- est, sint sancti, futuri plene beati, quod Deus est. Nee
nes. Nam etsi aliquando fiunt usque ad delectafionem aliunde hie sancti, nee ibi futuri beati, quam ex Deo,
animi, cite tamen inde se excutit animus compos sui. qui eorum et sanctitas et beatitudo est.
Quod autem totum vult, primo considerandum est ei
in 62. Et haec hominis est perfectio, similitudo Dei. Per-
quid illud quod sic velit
sit deinde quantum velit, et
: feetum autem nolle esse, delinquere est. Et ideo huic
quomodo velit. Si quod in totum \-ult, Deus est discu-
tiendum est ei quantum velit, et utrum usque in con-
: perfectioni nutrienda est semper voluntas, amor prsepa-
randus, voluntas cohibenda, ne in aliena dissipetur amor ;
M
temptum sui ipsius, omniiunque quae sunt vel esse pos- ser\"andus, ne inquinetur. Propter hoc enim solum creati
Bunt et hoc non tantum ex judicio rationis, sed etiam
: sumus et vivimns, ut Deo similes simus, cum ad Dei
ex afflectu mentis ut jam voluntas plusquam voluntas
: imaginem creati simus. Est autem Dei simi/ifudo quce-
sit, ut amor sit, ut dilectio sit, ut sit cliaritas, sit unitas dam quam nemo vivens nisi cum \\\a exuit, quam omni
spiritus. Sic enim diligendus est Deus. Magna enim vo- homini in testimonium amissae melioris et dignioris si-
luntas ad Deum, amor est ; dilectio, adhaesio sive con- militudinis creator omnium hominum reliquit quam :

jnnctio, charitas, fruitio. Unitas vero spiritus cum Deo habet et volens et nolens et qui earn cogitare potest, et
homini sursum cor habenti, proficientis in Deum volun- qui tam hebes est ut eam cogitare non possit scilicet :

tatis est perfectio, cum jam non solummodo vult quod quod sicut ubique Deus est, et ubique totus est in crea-
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 369
certaine ressemblance arec Dieu que nul liomrae ment par I'identite qui fait vouloir la meme chose,
vivant dp depose qu'avec la vie que le createur de mais encore par une unite plus energique qui em-
tons les humains a imprimee en tout liomme, en peche de pouvoir voidoir autre cbose, comme nous
temoignage d'une conformite nieilleure et plus I'avons expose deja. On la nomme unite de I'Esprit,
digne qui a ete perdue, ressemblance que tout non pas seulement parce que le Saint-Esprit la
etre capable de penser possede. qi''il le veuUle ou produit ou en de I'hommc, mais
affecte I'esprit
non, et qui se trouve meme en celui qui est stupide parce qu'elle est elle-meme le Saint-Esprit Dieu
au point de ne pouvoir v retlecbir c'est-a-dire, : cbarite ; car, par celui qui estl'amour duPere etdu
comme en tons lieux le Seigneur se rencontre pre- Fils, et I'unite et la suavite, etle bien, et le baiser,
sent dans sa creature, de la meme sorte Tame et I'etreinte, et tout ce qui est peut-etre commun a
vivante se trouve dans le corps auquel elle est tons les deux, en cette imite de la verite et veritede
unie. Et de meme que Dieu, loujours semblabe a I'xmite ; tout cela se trouve dans I'bomme selon son
lui-meme, opere semblablement dans sa creature mode a I'egard de Dieu, comme daus I'unite de
deseffetsdissemblables, de memel'arae del'homme, substance le Fils est pour le Pere, ou le Pere pour
bien que donnant au corps une vietoujours paredle, le Fils; lorscpae la conscience bienbeureuse se
produit par une action semblable , dans les sens trouve en une certaine maniere au mdieu des
du corps et dans les pensees de I'esprit, des resultats etreintes et sous les baisers du Pere et du fils ; lors-
dissemblables. Cette ressemblance avec Dieu, qui que par des moyens ineffables et qm depassent nos
existe dans I'bomme, n'est d'aucune valeur devant pensees, I'bomme de Dieu merite de deveuir, non
le Seigneur au point de vue du merite, produite Dieu, mais bomme ayaut par grace ce que Dieu a
qu'elle est par la nature et non par la volonte ou le par natui'e.
travail de celuieu qui elle brille. Mais il existe une 63. De la vient qu'en exposant la suite des exer-
autre ressemblance qui se rapprocbe davantage de cices spix'ituels, I'Apotre a sagement indique le
Dieu, ressemblance en taut que voloutaire,
tp.ii, Saint-Esprit par ces paroles : « Dans la cbastete,
consiste dans les vertus en elle lame s'efforce
: dans la science, dans la longanimite, dans la sua-
d'imiter pour ainsi dire, la grandeur du souverain vite, dans le Saint-Esprit, dans une cbarite non
bien par I'etendue de sa vertu, et I'immutabilite de feinte, dans la parole de verite, dans la force de
I'eternite par sa perseverance constante dans la Dieu. » (I. Cor. vi, 8.) Remarquez combien au mi-
saintete. Au-dessus de cette ressemblance, il en est lieu de ces excellentes vertus, d amis, comme le coeur
encore une autre. C'est celle dont il a ete deja dit au centre du corps, le Saint-Esprit les formant, les
quelque cbose, ressemblance si exclusivement propre ordonnaat et les viviQant toutes. Car c'est lui qui
I

qu'un ue lui donne plus cette denomination, mais bonne volonte,


est I'artiste tout-puisssant, creant la
qu'on I'appelle unite de I'esprit, car Thom- portant I'bomme vers Dieu, lui qui produit la mi-
me y forme avec Dieu im seul esprit, non-seule- sericorde de Dieu sur I'bomme, qui forme I'afiFec-

tura sua, sic et in corpore suo omnis vivens anima. Et tatis, et veritate unitatis; hoc idem homini suo modo fit
sicut semper Deus indissimiliter dissi-
sibi indissimilis ad Deum, quod cum substantiali unitate Filio est ad
milia in creatura operatur, sic anima hominis quamvis Patrem, vel Patri ad Filium; cum in amplexu ctosculo
totum corpus vivificans indissimlli vita,
in sensibus ta- Patris et Filii raediam quodaramodo sc invenit
men corporis et in
cogilationibus cordis indissimilitcr beata conscientia cum modo InefTabili incxcogitabiliquc
;

operatur assidue dissimilia. lla?c similitudo Dei in lio- fieri meretiu' homo Dei non Deus, sed tamen quod
mine, quantum ad meritum ejus, nullius apud Dcum est Deus est ex natura, homo ex gratia.
momenti, cum naturse. non voluntatis ejus sit vol labo- 63. Undc in calalogo spritualium excrcitiorum .Apos-
ris. Sed est alia magis Deo propinqua swulituflo, in tolus prudcnter interseruit Spiritum sanctum, dicens :

quantum voluntaria, qufe in virtutibus consislit in qua : Li caHiiate, in scientia, in longaniinitate, in suavifate,
animus vii-tutis magnitudinc sumnii boni quasi imilari in Spiritu-Saudo, in chavitate non ficta, in ver/jo veri-
gcstit magnitudinem, et perseverantia; in bono constan- tatvi, in virtute Dei. Yide enim quomodo tanquani om-
tia, Beternitatis ejus incommutabilitatem. Super banc nia facientem, ordinantem, ct \-ivificantem, in medio
autem alia est adbuc similitudo Dei. Haec est de qua bonarum virtutum, sicut cor in medio corporis, cons-
jam aliquanta dicta sunt, in tantum propric propria, ut tituit Spirilum-Sanclum. Ipse est cnim omnipotens ar-
non jam similitudo, sed unitas spiritus nominetur; cum tifcx crcans hominis ad Dcum bonam voluntalcm, Dei
fit homo cum Deo unus spiritus, non tantum unitate vo- ad liominem facicns propitiationem, formans aflcctio-
lendi idem, sed expressione quadam unitate virtuti (si- ncm, dans virtutem, juvans operationem, agcns omnia
cut jam dictum est) aliud velle non valcndi. Diritur au- fortitcr, et disponcns onmia suavitcr. Ipse vivificat spi-
tem haee unitas spiritus, non tantum quia efficit cam, ritum hominis, ct continct in unum .sicut ct ille vivi- :

vel afficit ci spiritum hominis Spiritus-Sanctus, sed quia ficat, et in unum conlinct corpus suum. Homines do-
ipsa ipse est Spiritus-Sanctus Deus charitas cum per : ceant Deum quajrcre, Angcli udorarc solus ipse est :

cum qui est amor Patris ct Filii, et unitas, et suavitas, qui docct invcnirc, habere, et frui. Ipse enim est et
et bonum, et osculum, et amplcxus, et quidquid com- solliciludo bene qua'rculis, et pictas in spiriluct verilatc

mune potest esse amborum in summa ilia unitate veri- adorantis, ct sapicnlia invcnicutis, ct amor liabcntis,

T. V; li
:

370 L'ABBE GLULALME.


tioiij donne la rertu, aide les eflortSj pousse tout et seion sa capacite, pour lu instant, en un point
avec force et dispose tout avec suarile. II Tivifie seulement elle lui fait voir le bien reel, comme il

Tesprit de rhomme el le retient dans runite ; eiiste veritablement, et durant ce temps, elle opere
comme lame vivifie et retient en I'unite, le corps precisement en lui le m«!-me effet; elle le rend a sa
auquel elle est unie. Que les houimes enseignent a maniere, conforme a I'objet qui apparalt a ses re-
chercher Dieu, les anges, a Tadorer : il apprend, lui gards. Ayant appris 1 : ce qui esiste entre le
seul, a letrouver, a le posseder et a jouir de lui. puretTimpiu", rhomme i t i-ui a lui.afin de nettoyer
C'est lui qui est I'empresseuient de Tame qui cber- son cceur selon la vision qu"il a eue, et aUn de dis-
che conune ii faut, la piete, dans celui qui adore en poser son ame et de I'Trendre semblable ; en sorte
dans celui qui trouve,
esprit et Terite, la sagesse, que, si jamais il est admis de nouveau au meme
Tamour dans celui qui possede, et la joie dans celui bonheur, il se Irouvera encore plus pur pour con-
qui saToure. Cependant, tout ce qui est accorde ici- templer et plus constant pour jouir. Nulle part le
bas aux fideles, en fait de vision et de connaissance caractere de I'imperfection humaine ne se saisit
de Dieu, est un reflet et une enieme, auSsi eloisne miexix que dans la lumiere de la face de Dieu, dans
de la Tision et de la connaissance future que la foi le miroir de la vision divine. La, dans ce jour qui
est eloignee de la verite ou le temps de retemite dure sans-cesse, voyant de mieux en mieux ce qui
mais par moments, se realise ce qu'on en lit au li- hrimanque. Tame corrige de plus en plus, en co-
Tre de Job : « II cache la lumiere dans ses mains piant son modele, tout ce qui en elle peche en sen
et lui commande de se lever de rechef, et il an- ecartant elle se rapproche ainsi par la ressem-
:

nonce par elle a son bien-aime qu'elle est sa pos- blance de celui dont elle s'etait eloignee en cessant
session et qu'il pent arriver a jouir d"elle. » (Job. de lui etre conforme, et par la, xme simihtude plus
lisn, 3-2. expensive accompagne une vision plus claire. Car
BDarqnoi 64. A lelu et au bien-aime de E>ieu, quelquefois se il est impossible que le souverain bien soh apercu
Siea Eait sans etre aime, impossible qu'il ne
montre par mouvementsaliemalifs certaine lumiere s«>it pas aime
tomber sar
sa criatDre qui jaillit de la face du Seigneur \pn dirait comme autant qu'il a ete vu : jusqu'a ce que Tamour de
des raroBS
de huni^re on flambeau qui; renferme entre les mains, tantot rhomme grandisse et arrive a quelque ressem-
biille. tantot est cache au gre de celui qui le lient,} blance avec cet amour qui a rendu Dit- u semblable
afin qn'enflammee par celte lueur qu'elle voit en a I'honmie, par rhunuliation qu'il subit en prcnant
passant et enun point, I'anie desire ardemmentpar- la condition humaine, dans la pensee de rendre
Tcnir a la pleine possession de la lumiere etemeUe, I'homme semblable a Dieu, glorification qm suit sa

et a I'beritage de la parfaite vision de Dieu : pour participation a la nature divine. Et alors, il est

en quelque maniere ce qui lui man-


lui faire voir donx a I'homme de s"humilier avec la majeste sou-
que encore, par moments, une grace passagere veraine, d'etre pauvre avec le Fils de Dieu, d'etoe
s'empare de I'homme qui aime, rarrache a lui-
meme et le transporte ravi, a ce jour qui est loin du
semblableala sagesse divine, eprouvant en lui-meme
les sentiments qui animaient >".-S.Jesu5-Girist. •
tumulte des choses du siede, aui joies du sflence: 65. Car, c'est la saaesseimie a la piete, cest I'a-

et gaadimn Qnidqaid tamoi de Tisi<me et -cog-


frnentis. ditar sibi, et remittitnr ad mnndandnm cor ad visionem,
nitione Dei impaititnr, ^tecnlnm est et
hie fidelibns ad ^tandum animnm ad dmilitndinffli : ut si aliqaando
asugma, goaninm a veritale distat fides, vel tempos mrsom admittator, sit puiior adhnc ad \ideDdum, et
ab aetenutate, nisi cum aliqnando fit quod de eo inlibro stabiBor ad fruendum. Nusqnam enim se melius de-
Job legitur : Qui abscondit ituxm in nuvuims, et preheodit modus humans imperfectionis, quam in
preset ei ut rursum oriatur, et atuunitiat de ea di- Inmine vultus Dei, in gteculo divinae visionis. Ubi in
/ecto suo qaod possesiio ejus sH, et ad earn possd per- die qui est, plus et plus videns qmd sibi deest, emen-
renire. dat in dies similitndine, quidquid deliquit dissimllita-
6i. Electo eoim
et dOecto Dei, aliqnando vicisam lo- dine ei appropinqnans, a quo longe lactus est per dis-
meu quoddam vidtas Dei ostenditor (sicat lamen clan- dmilitudinem ; et dc expresdorem visionem expressior
som in manibas patet et latet ad arbitrium teneotis) nt semper simlUtudo comitatur. Impcssibile quippe est
per hoc quod quasi in transcorsu, vel in pmicto per- videri sommnm booum, et non amari ; neaum tantnm
miltitor videre, inardescat animus ad ploiam posses- amari, quantum datum fnerit videri quonsque amor :

sicmem lominis aetemi, el hereditalem pleose visionis proficial aliqnam similitudinem anions Uhus, qui
in
Del : cm nt innolescat aliqnatenns id quod ei deest, Deum ^milem fecit homini per humiliationem humans
noDnunqoam quasi perfaansiens gratia perslringit sen- conditionis, ut hominem similem Deo consiituat per
sum amantis, et eripil ipsnm dbi, et rapil in diem ^orificationon dinnse participationis. Et tunc duice
qui est a tumultn renun ad gandia sil^itii, et pro mo- est homini cohumiliaii summa? majestati, compan-
dulo SCO ad momentum, ad pnnctum idipsom ostendois perari Filio Dei, divinae sapientiae conformari, hoc
ei videndum sicati est ; interim etiam et ipsum efficit sentienti in seipso, quod et in Christo Jesu Domico
in idipsma, ut sit suo modo sicnt illnd esL Ubi com di- nostro.
dicerit quid intersit inter mundum et immundom, red- 65. Haec aam est sapientia cum pietate, amer com
;

LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 371


mour joint a la crainte, c'est le tressaillement ac- leurs. Voila la perfection de I'homme et sa verita-
compagne de saisissemcnt^ que de considerer et ble sagesse : elle embrasse et contient toutes les ver-
que de coraprendre dans un Dieu humilic jusqu'a tus, non comme les ayant recueillies d'ailleurs,
la mort, jusqu'a la mort de la croix, daus le but mais bien comme les ayant produites naturelle-
d'exalter riiomme jusqu'a rhoniieur de ressembler ment en elle, selon la ressemblance de Dieu, res-
a la divinite. C'est delaquejaillisscntletleuvedontles semblance qui fait que cet etre supreme est ce qui
eaux rejouissent la cite du Seigneur et le souvenir de est ; car, de meme que le Seigneur est ce qui est,
Tabondance de la suavite du Sauveur, lorsqu'on con- de meme, en ce qui concerne le bien de la vertu,
temple sestendresses envers nous. L'bomme alors est riiabitude de la bonne volonte est ainsi aliectee et
facilement entraine a aimer Dieu, en pensant ou consolidee vis-a-vis des saintes pensees, qu'en vertu
en contemplant ses amabilites qui reluisent par de la bmlante adhesion qui au bien immua- la lie

leur propre eclat, et qui enflammont le cceur tandis ble, ellesemble ne pouvou' plus en aucune ma-
cpi'il les considere avec sa puissance, ses vertus, sa niere etre changee de I'etat ou elle se trouve. Et
gloire, sa majeste, sa bonte, sa beatitude : ce qui comme Xotre-Seigneur et le saint d'Israel qui est
entraine pareillement Tame aimante vers un objet notre roi, saisit I'homme de Dieu, I'ame sage et
si digne d'amour, c'est surtout qu'il est en lui- pieuse, en vertu de la grace qui I'aide et I'illumine,
meme toutce qu'il y a d'aimable en lui, qu'il est contemple aussi les regies de Timmuable verite, au-
tout ce qui est, si cependant un tout so trouve la tant qu'oUe luerite d'atteindre jusqu'a elles par I'in- L'esprit tire
de la
ou il n'y a point de partie. Le cceur pieusement af- telligence que donne ramoiu- ; et il s'en forme une contempla-
fecte s'attacbe a ce bien par I'amour (ju'il ressent, maniere de vie celeste et un exemplaire de sain- tion les
regies de sa
au point qu'il ne s'en retire que lorsqu'il est de- tete car il contemple la vorite souveraine et tout
:
condaite.
venu avec luiune meme chose ou un meme bien. ce qui est vrai, par la vertu qui decoule d'elle ; le
Quand cet beureux etfet a ete acheve en cet homme bien supreme et tout ce qui est bien a raison de
fortxme, le voile seul du corps mortel le separe du son influence; Teternite absolue et tout ce qui de-
saint des saints et de la supreme beatitude qui est pend d'elle. Se conformant a cette verite, a cette
au-dessus des cieux, et retarde son entree dans la charite, a cette eternitc, et se reglant d'apres elles
gloire : cependant, comme par sa foi et par son es- sans s'elever au-dessus d'elles par son propre juge-
perance en celui qu'U aime, il jouit de ce bonbeiu' ment, mais portant jusqu'a elle les regards de ses
au fond de sa conscience, il supporte avec resigna- desirs, en s'attachant a elles dans son amour, elle
tion, le peu de jours qui lui restent a passer dans la les considere, elle s'adapte et se confornie i elles,

vie presente. non sans faire acte de discernement, non sans exa-
66. Et tel est le terme du combat du solitaire, miner au moyen du raisonnement, non sans juger
bnt telle la tin, la recompense, le repos qui termine au moyen de la raison. Par la, les vertus saintes
tude
ses travaux, et la consolation qui calme ses dou- sont coucues et s'elevent dans I'ume, I'image de
ellise.

timore, exultatio cum tremore, cum cogitatur et intcl- aliunde collecfas, sed vclut naturaliter insitas sibi, ad
ligitur Deus humiliatus usque ad mortem, mortem au- similitudincm illam Dei, qua est ipse quidquid est :_
tem hominem exaltet usque ad similitudincm
crucis, ut cum sicut Deus est id quod est, sic circa bonum vir-
divinitatis. Hinc emanat fluminis impetus lajtificans tulis, habitus bonas voluntatis in bonam mentem sic
civitatem Dei, memoria abundanticP suantatis ejus in consolidatus et affectus est, ut ex ardentissima boni
intelligendis et cogitandis circa nos bonis ejus. In quo incommutabilisadha^sione, nullatenns videatur jam posse
cum ad Deum amandum facile liominem adducant mutari ab eo quod est. Cum enim fit circa hominem
pensata, vol etiam contemplata ejus amabilia, per seip- Dei assumptio Domini ct Sancti Israel regis nostri
ilia

sa in affcctu contemplantis clucentia, potenlia ejus, sapiens et pius animus per illuminantcm et adjuvantem
virtutes ejus, gloria, majcstas, bonitas, beatitude hoc : gratiara in conlcmplatione summi boni, speculator
polissimum amantem amabilem, quod ipse in
rnpit in etiam rcgulas incommutabilis veritatis, in qiiantum ad
semctipso est quid in co aimbile est, qui est totum quod eas pertingere meretur intellectu amoris ct cxinde :

est, si tamen totum est ubi pars non est. Cui bono, format sibi modum convcrsalionis cujusdam coelcstis,
amore ipsius boni sic se intendit pius affectus, ut non et formam sanctitatis. Speculatur enim summam veri-
se inde revocet, doneeunum vel unus cum co spiritus tatem, et qua? ex ea vera sunt snmmum bonum, el ;

fuerit efTectus. Quod cum in eo fuerit perfeclum, jam qua-^ ex co bona sunt summam a;tcrnitatcm, ct quaj ex
;

solo mortalitatis hujus veto dividitur ac differtur a Sanc- ea sunt. Illi veritati, illi caritati, illi a?ternitati se con-
tissanctorum, et summa ilia beatitudine superccelesti : formans, in istis so ordinans, illis non supervolitans
qua tamen cum jam in fide et spe ejus qucm amat frui- judicando, sed suspiclens dcsiderando, vel inhaprens
tur in conscientia, jam quod superest vitae hujus, tolc- amando; ista suspiriens, el eis se coaptans ct confor-
rabili praestolatur patientia, mans, non sine discrctionis judicio, non sine examine
Et haec est destinatio solitarii ccrtaminis, hie
66. ratiocinationis, ct judicio rationis. Ex quo concipiuntur
finis, hoc premium, haec requics laborum, consolatio et oriuntur virtutes sanctT, el imago Dei rerormatur in
dolorum. Et ipsa est pcrfcctio et vera hominis sapicn- homine, et vit<i ilia Dei ordinatur, a qua homines quos-
tia omnes in se amplectens et continens virtutes, non
: dam alienates conqucritur Apostolus, ct coUigitur robur
:

372 L'ABBE GUILLALME.


Dieu dans Time, et la vie divine com-
se I'eforme memes matieres la raison comprend par elle-meme,
mence a y etre ordonnee, cetle vie dont quelques c'est la le point oil la science et la sagesse confi-
personnes vivent oluiguees, ainsi que 1 Apulre s'en nent. Car tout ce qui est appris d'ailleurs, c'est-a- AIGmI
plaint, [E^jh. iv, 13.) la force de la veiiu s'aug- dire par les sens du corps, entre dans I'esprit com-
mente et se recueille, ainsi que les deux elements me element etranger et adventice. Quant a ce qui
qui constituent la perfection de la vie contempla- penetre spontanement dans ce meme esprit, soil
tive et active, dont il est dit au livre de Job, selon par la force propre de la raison, soil par la com-
les ancieus intei^pretes : « Voici que la piete est la prehension et la verite inalterable dcs lois immua-
sagesse : s'abstenir du mal, Car c'est la science. » bles, d'oii il resulte que parfois, meme les hommes
la sagesse est la piete, c'est-a-dire le culte de Dieu, les plus impies se trouvent juger avee beaucoup de
Qn'est-ce que 1 ^moui' qi^ii nous fait desirer de le voii', et par te- rectitude, tout cela est tellement dans la raison elle-
la sagesse et quel, le voyaut par reilet et pai- enigme, nous
la science. ..
croyons et esperons en lui, et progressons de la
,-i ,, meme, que c'est la precisement ce qui
ce n'est poiut par lelfet de quelque doctrine sur-
la constitue

sorte jusqu'a ce que nous le contemplions dans sa venue que mais


lui arrive la gloire d'etre science,
claire du mal, c'est la
manifestation. S'abstenir plutot parce que, sur I'avertissement d'un autre, ou
au milieu descjuelles
science des choses temporelles, comprend quec'est
d'apres sespropressouvenirs, elle
nous vivons autant nous nous abstenons du mal,
: laproprement ce qui est naturellement en elle. En
autant que nous nous appliquons au bien. quoi nous trouvons surtout, que ce qui est connu
67. A cette science et a cette abstinence parais- de Dieu, Dieu lui-meme le faisant naturellement
sent se rapporter d'abord I'exercice de toutes les connaitre, se manifesto a Ihomme, meme impie.
vertus, et ensuite la connaissance de tons les arts Vient ensuite I'afl'ection naturelle pour la vertu,
de que nous menons presentement, L'mie de
la vie dont un poete payen a pu dire : « I'amour de la
ces deux cboses, c'est-a-dire lapplication aux ver- beaute de la vertu les a portes a hair le mal ; » en-
tus, semble tendre plutot vers les regions supe- tin, le discernement de toutes les choses raisonna-
rieiires, parce qu'elles presentent la vertu et font bles, opere par I'investigation des raisonnements.
senth- la suavite d'une sagesse superieure. L'auti'e 11 est une partie basse et infime de la science, c'est
qui route sur les exercices corporels, si elle n'est I'experience animale qui se fcdt des choses sensibles
pas retenue par la religion, s'ecoule perd dcins et se et q\ii se dii'ige en-bas ; elle se realise au moyen des
la vanite des choses conime la
d'ici-bas. En ceci, cinq sens du corps, par la concupiscence et par

science est un objet saisi paa* la raison ou par les I'experience de la chaii-, des yeux ou de I'orgueil
sens du corps, et contiee a la memou'e, si on exa- de la vie,
mine serieusement ce qui en est, ce que nous ap- 68. Lors done que conformee a la sa-
la raison,
prehendons proprement par les sens, doit etre en- gesse, regie la conscience et ordonne la vie dams ,

tierement attribue a la science. Mais, ce qu'en ces les regions inferieures, elle dispose a son usage la

virtutis, et duo
quibus contemplativae vitae per-
ilia in conterminant. Quidquid enim aliunde discitur, scilicet
fcclio constat, de quibus juxta antiques
et activae : per sensus corporis , quasi alienum el adventitium
•ixx. Interp, illos Inlerpretes ' legitur in Job Ecce pietas est sa- : menti ingeritur. Quod vero sponte venit in mentem,
pienfia : abstinere vero a male, scientia est. Sapientia sive ex ipsa vi rationis, sive incommutabilium legum
enim pietas est, hoc est cultus Dei, amor quo eum videre incommutabilis veritatis naturali intelligentia, ex qua
desideramus, ndentes in speculo et in a?nigmate cre-
et etiam impiissimi homines nonnunquam rectissime ju-
dimus et speramus et in hoc proficimus ut eum vi-
: dicare inveniuntur ; hoc sic ipsi inest rationi, ut hoc
deamus in mnaifestatione. .Abstinere vero a malis, scien- ipsum ipsa ratio sit : nee tarn commendatur ei per doc-
tia temporalium est, in quibus nos sumus in quibus ; trinam aliquam ut scientia sit, quam vel alio commo-
Id tantum abstinemus a malis, in quantum ad bona stu- nente, vel ipsa commemorante hoc ipsum sibi inesse
demus. naturaliter In quo hoc potissimum est, cum
intelligit.
67. Ad banc scientiam et ad banc abstinentiam spec- quod notum Deo naturaliter revelante; ma-
est Dei,
tare inveniuntur primo omnium virtutum exercitia, nifestum fit homini, etiam impio. Deinde afTectus virtu-
delude omnium artium ^"itae hujusin qua versamur, dis- tum naturalis, de quo licuit dicere ethnicum Poetam :

ciplina. Quorum alterum, id est studium virtutum, res- Oderunt peccare boni virtutis amore deinde per in- :

picere potius videtur ad superiora, quasi superior-is sa- quisitionem ratiocinationum quaelibet discretio rationa-
pientiae praeferentia virtutem, et redolcntia suavitatem. bilium. Infima vero pai"* est scientiae et deorsum ver-
Alterum quod circa corporalia fit exercitia, nisi fidei gens sensibilium animalis experientia, quae fit per quin-
religions reJigetur, defluit in inferiorum vanjtatem. que sensus corporis, et concupiscentiam, et experien-
In quibus , cum scientia , sive ralione , sit res tiam carais, sive oculorum, sive superbia; hujus
sive sensibus corporis comprehensa, et memoriae com- vita?.
mendata si bene res perpenditur, id
: proprie quod ap- 68. Cum ergo ratio sapientiae conformata, format sibi
prehendimus sensibus, omnino scientiae deputandum est. conscientiam, et ordinat \itam in inferioribus scienlis
:

Quod vero per semetipsam ratio in bujusmodiapprehen- aptat sibi servitutem, et sufficientiam naturae, in ratio-
dit, hoc jam est in quo se sibi scientia atque sapientia cinationibus et rationabilikus ordinem vit«, in obtentu
LETTRE AUX FRERES DU MONT-DIEU. 373
servitude et les ressources suffisantes que lui offre constituent ; afln que I'homme commence a se con-
la nature , dans les raisonneineuts et dans les cho- naitre parfaitement lui-mome, et que, progresant
ses qui tiennent a la raison, elle dii'ige la suite de par cette connaissance, il se mette a s'elever jus-
la conduite, et par I'exterieur des vertus, elle donue qu'a Dieu.Quand I'affection du novice en voie de
a la conscience sa forme. Et ainsi mue par les rea- marcher, commence a tendre et a aspirer vers cette
lites interieures, aidee par les superieures, mar- connaissance, il faut prendre garde a I'erreur qm
chant vers ce qui est juste, elle se hate d'arriver resulte de la dissemblance, c'est-a-dire, veiller, en
par le jugement du sens droit, par le consontement comparant les choses spirituelles aux choses spiri-
de la volonte, par I'atTection de I'intelligence et par aux divines, a n'avoir pas des idees
tuelles, les divines
refficacite des oeuvres, a la liberie et a I'unite de autres que celles c[ue comporte un tel objet. Que
Tesprit, afin que, comme nous I'avous dit frequem- I'esprit done, en considerant la ressemblance qui
ment.l'homme fidele devienne avec Dieuun seul et Dieu et lui, forme et dispose sa pensee
existe entre
meme esprit. Et c'est la la vie de Dieu (dout nous de maniere a eviter absolument de roflechir a lui
veuons de parlei") qui n'est pas tant un progres de selon le corps, et a Dieu, non-seulement selon le
la raison qu'un desir de la perfection eprouve deja corps, comme s'il etait local, ni meme selon I'es-
tion
dans la sagesse. Car rhomnie qui goute ces senti- ])rit, comme etait muable. Car etres spiri-
s'il les Comment
te Tie, ments est sage ; paree qu'il est devenu un seul es- tuels sont aussi bien eloignes de la qualite et de la fant
contemplef
prit avec Dieu, il est spirituel. Et c'est en cette vie, la nature des corps, que de toute circonscription de Dieu.
la perfection de Dieu. place ou de lieu. Quant aux choses divines, elles
69. Car, des lors, celui qui jusqu'a ce moment a dominenttoutesles autres realitescorporelleset spi-
ete seul ou solitaire, devient uni a Dieu, et la soli- tuelles,autant, qu'inunuables dans leur inva-
tude du corps se tourne pour lui en unite de I'arae. riabilite, et perpetuelles dans leur eternite, elles
En lui s'accomplit ce que le Seigneur, resumant sont etrangeres atoute loi de lieu et de temps, oubien
toute perfection, demanda pour ses disciples, en ces affrancliies de tout soupcon de changement. En ceci,
termes: «Pere,je veux que de meme que vousetmoi de meme que I'esprit discerne ce cpii est corporel,
ne sommes qu'un, de meme eux ne soient qu'im par organes du corps, de meme ce qui est raison-
les
en nous. » [Joan. x\"ii, 11.) VoUa I'unite de I'homme nable ou spirituel, il ne le peut discern er que par
avec Dieu, ou bien voila sa ressemblance avec le lui-meme. Ce qui est de Dieu, cpi'il ne cherche ou
Seigneur; autant il se rapproche de lui, autant il n'attende de le comprendre que par le secours de
se rend semblable a lui-meme, ce qu'il y a d'infe- Dieu seul. A la verite, en quelques-unes des choses
rieur et d'infime en lui : afin que I'esprit, Fame et qui se rapportent au Seigneur, il est permis et pos-
le corps, disposes selon le mode qui leur convient, sible a I'homme qui a I'usage de la raison, d'y refle-
mis a leur place et estimes d'apres leurs merites, chir et d'y faire des recherches, comme, par exem-
soient aussi apprecies d'apres les proprietes qui les ple, lorsqu'il s'agit de sa douceur, de sa bonte, de

virtutum formam conscientiae. Sicque ab inferioribus et adspirare incipit proficientis affectus, in cognitione
promota, a superioribus adjuta pcrgens in id quod ;
hujus similitudinis plurimum cavcndus est error dis-
rectum est, et judicio rationis, et adsensu voluntatis, et similitudinis : scilicet ut spiritualibus spiritualia, et di-
mentis afTectu, et operis efTectu eriimpere festinat in vinis divina comparando, non de eis cogitetur,
aliter
libertatem spiritus et unitatem ut, slcut jam sffipe dic-: quod res habct. Cogitans ergo animus similitudincm Dei
tum est, fidelis homo unus spiritus efficiatup cum Deo. et sui, primo in hoc fornict ct aptet cogitationcm suaai,
Et ipsa est (de qua paulo ante diximus) \ita Dei, qujB ut omnino fugiat secundum corpus cogitare seipsum :

non tarn rationis est profectus, quam jam in sapicntia Deum vero non solum non secundum corpus, sicut
perfectionis affectus. Haec enim quia jam sapiunt sa- locale : neque secundum spiritum, sicut muta-
sed
pienti, sapiens est : quia factus est unus spiritus cum bile. enim spiritualia sunt, tantum diversa sunt a
Qu3R
Deo, spiritnalis est. El haec in hac vita hominis per- corporum qualitate ct natura, quantum ab omni locali
fectio est. circumcriptione remota. Quae vero divina sunt, tantum
69. Jam enim qui hactenus full solitarius vcl solus, superemincnt omnia ct corporalia ct spiritualia, quan-
cfficitur unus, et solitudo ei corporis vertitur in unita- tum ab omni loci vel tcmporis lege, vel mutabilitatis
tem mentis. Et impletur in eo, quod Dominus pro dis- suspicionc alicna, in sua? incommutabilitatis ct iptcrni-
cipulis in clausula omnls perfectionis oravit dicens : tatisbeatitudineincommutabilia mancnt ct a'lerna. In qui-
Pater vn/o, ut sicut ego et fit unitm sionus; itn et ipsi bus sicut qua? corporalia sunt di.sccrnit animus per cor-
in nobis latum sini. Ha>c enim unitas hominis cum Deo, poris sensus, sic qua? sunt rationabilia vcl spiritualia
vel simililudo ad Dcum in quantum propinqiiat Deo,
; diseernere non potest nisi per scmctipsum. Qu.t vero
in tantum inferius suuin conformat sibi, inlluuim illi : sunt Dei, non nisi a Deo qunsral vel oxspcclel intclloc-
ut spiritus et anima et corpus suo mode ordinata, suis tus. Et quidcm dc nonuullis qua- ad Douni spectant,
locis disposita, suis meritis aeslimata, suis ctiam pro- fas est et possibilo homini rationcm habciiti aliqnando
prietatibus cogitcnlur ut incipiat homo perfcete nosse
: cogitare ct disquircrc, sicut de dulccdine bonilalis ejus,
seipsum, cf per cogjnitionem sui proficicndo, ascendcre de potcntia virtutis, ct aliis liuju^modi. Ipsum vero
ad cognosoendum Deum. Quo cum primum exsurgere quod est idipsum, id quod est cogitari omnino non po-
374 L'ABBE GUILLAUME.
la puissance de sa vertu, ou d'autres sujets de ce trouve avec une douceur extreme pour se faire
genre. Mais pour savoir ce qu'il est en lui-meme, chercher avec plus de soin.
nul ne le peut imaginer, sinou par le sentiment de 71. Qui veut contempler cet etre ineffable 'qu'on
ramour illuming du ciel a cet efTet. ne voit que d'une facon inexprimable;, doit purifier
70. U faut croire cependant, et autant quele Saint- son coeur, attendu que nuUe ressemblance corpo-
Esprit nous aidera, il faut se representor Dieu vi- relle ne le peut faire voir ou saisir a I'homme qui
vant d'une \ie eternelle, vivifiant tout, imniuaLle, dort, nulle apparence grossiere, a celui qui veille,
et produisant immuablement toutes les choses mobi- nxille recherche de la raison, mais la purete seule du
les, intelligent et creant toute intelligence, et tout cceur, le montre a celui qui I'aime humblement.
elre qui coniprend, sagesse faisant quiconqiie est Cest la, la face du Seigneur que persoune ne peut
sage ;
qui immuable, de qm
est verite fise, restant regarder en ce monde sans mourir ; c'est la, la
precedent toutes en qui sent, de toute
les verites, beaute apres la contemplation de laquelle soupire
eternite, les raisons de tous les evenements qui se celui qui veut aimer le Seigneur son Dieu de tout
realisent dans le temps. Etre souverain, qui a la son coirur, de toute son ame, de tout son esprit et
vie pour essence et pour nature il est a lui-meme :
de toutes ses forces S'il aime son prochain comme
sa vie vivante, c'est-a-dire sa divinite meme, son il s'aime lui-meme, il ne cesse aussi de I'exciter a
etemite, sa grandeur, sa bonte, sa vertu existant et vouloir jouir de ce grand bonheur. (Juand il est admb
subsistant en eUe-meme, depassant par sa nature parfois a I'apercevoir, dans cette lumiere de.la ve-
illiniitee, tout espace et tout lieu, par son eternite, rite qui se decouvre a lui, il voit sans balancer une
tout temps que peut assigner la raison ou la pensee : pure prevenance de la grace ; quand U en est prive,
de beaucoup plus vrai, de beaucoup plus excellent, il comprend, dans lacecite quile plonge dans Tobs-

L'amonr
^'^ ^^ sera jamais jiossible de le comprendre. Le curite, que son im purete ne convient pas a ce mys-
I'atteint pins scus de I'amour himit>le et illumine, Tatteint avec tere de saintele. Et s'U aime, les larmes lui sont
qne la plus de ccTtitude que n'importe quelle considera- douces et il est contraint de rentrer en sa cons-
connaissance.
^^j^ ^q I'intelligence ; il est toujours meilleiu' cience, non sans pousser beaucoup de gemisse-
qu'on ne le pense, et cependant, on le considere ments. Nous sommes tout-a-fait iusuiQsants a me-
mieux qu'on ne rexprime par les paroles. C'est la diter ce grand etre, mais nous sommes pardonnes
I'essence supreme d'oii tout etre tire son point de de celui que nous aimous et dont nous reconnais- <^
depart ; la souveraine substance qui est au-dessus sons que nous ne pouvons ni penser ni parler
de toute expression, mais qui demeure toujours le comme il convient ; et cependant son amour, ou le
principe de causalite de toute chose, le principe en dosir de sonamour, nous excite et nous provoque a
qui noti'e etre ne meurt pas, notre intelligence penser de lui et a parler de lui. La condiiite de
n'erre point, et I'amom' n'est jamais blesse : qui est I'honmie qui pense a lui est done de s'humiUer en
toujours clierche pour etre plus suavement trouve. toutes choses, de glorifier en lui-meme, le Seigneur
n

test, nisi quantum ad hoc sensu illuminati amoris attingi ritur, ut dulcius inveniatur; dulcissime invenitur, ut
I
potest. diligcntius quaeratur.
70. Credendus est tamen Deus, et in quantum Spi- "!. Hoc ei^o ineffabile (cum nonnisi ineffabiliter \i-
ritus-Sanctus adjuveril cogilandus qujedam %-ita aetema, deatur) qui rult cor muiidet, quia nulla cor-
videre,
viveus et vi\-ifican5, immulabilis, mutabilia omnia im- poris similitudine dormienti, nulla corporea specie vi-
mutabiiiter faciens, inlelligens, et creans omnem intel- gilanti, nulla rationis indagine, nisi mundo corde hu-
lectum et intelligentem, sapientia faciens omnem sapien- militer amanti, vidcri potest, vel apprehendi. Haec
tem Veritas fixa, stans indeclinabilis, ex qua vera sunt
; est enim facies Domini, quam nemo potest videre, et
omnia quas vera sunt, in qua sunt lelernalifer rationes vivere mundo : haec est species, cui contemplandae sus-
rerum omnium evenientium temporaliter. Cuique vita pirat omnis qui affectat diligere Dominum Deum suum
ipsa essentia est, ipsa natura : ct \H& vivens ipse sibi in toto corde suo , in tola anima sua in omni mente
est,quae est ipsa divinitas, seternitas, magniiudo, boni- sua, et in omnibus viribus suis. Ad quod etiam non
tas, et virtus in seipsa esistens et subsistens, excedens desinit excitare proximum suum , si diligit eum sicut
omnem locum virtute naturae illocalis, aeternitate vero seipsum. Ad quod cum
aliquando admittitur, in seipso
omne tempus quod vel opinione compre-
vel'ratione, lumine veritatis indubifanter videl pnevenientem gra-
hendi potest longe vcrius est et excellentius,
: quae tiam cum inde repellifur, in ipsa sui caecitate intelligit
:

quam quolibet sentiendi genere sentiatur. Certius ta- puritati ejus non coavenire immunditiam suam. Et si
men sensu humilis et illuminati amoris, quam quolibet amat, flere dulce habet, et non sine multo gemitu co-
cogitatu ralionis atlingitur, et semper melius est quam gitur redire in conscicntiam suam. Ad quod cogitandum
cogitatur ; melius tamen cogifatur quam dicitur. Ipsa omnino impares sumus sed ignoscit quem amamus, ct
:

est enim summa essentia, ex qua omne esse proDcis- de quo digne nos non posse, vel dicere, vel cogitare con-
citur : ipsa est summa substantia non subjecta praedi- fitemur; el tamen ut dicamus et cogitemus, amore ejus vel
camentis vocum, sed rerum omnium subsistens caosale amore amoris ejus provocamur et trahimur. Cogifantis
principium, in quo esse nostrum non morifur intellectus ergo est, in omnibus humjliare semetipsum, glorilicare in
noster non errat, amor non offenditur ; qui semper quae- semetipso Dominum Deum suum in contemplatione :
DE LA CONTEMPLATION DE DIEU. 375
&>k son Dieu, de devenir vil a ses propres yeux, en plus sage qu'il ne faut, mais avee sobriete ; et selou
conteniplant cette perfection infinie pour I'aniour
: la mesure de foi qu'il a recue du
de ne placer ciel,
du createui'j d'etre soumis a toute creature hu- jamais son bien dans la bouche des bommes, mais
maiue, ;I 5. Pelr. u, 13.) d'ofEi-ir son corps une de le cacber dans sa cellule et daus sa conscience,
hostie vivante, sainte, agreable a Dieu, et de faire ayant toujours cette inscription au-dessus de I'une
de sa raison, un hommage au Seigneur. [Rom. et de I'autre : « Mon secret est a moi ! Mon secret
XII, 1.) Par dessus tout, qu'il s'attache a n'etre pas est a moi ! » [Is. xxiv, 16.)
k
in.
Dei vilescere sibi : in amore creatoris subjectum esse sua non ponere in ore homiaum, sed celare in cella
omni liumanae exhibere corpus suum hos-
creaturaR : sua, et lecondere in conscienlia, ut hunc quasi titu-
tiam \iventem, sanctam, Deo placeatem, rationabile lum, et in fronle conscienlia?, et in fronte cellas sem-
obsequium suum. Prse omnibus autem non plus sapere per habeat Secreium meuni miki, secretum meum
:

quam oportet sapere, sed sapere ad sobrietatem : tnihi.


et secundum datam a Deo mensuram fidei , bona

IK

IS

LE MEME ABBE GUILLAUME.

b"TRAITE' DE LA CONTEMPLATION DE DIEU.


Intitule:
ye des
Bes

PRELUDE.
1. Presque entierement envabi par la putrefac- que cet exterieiu"de misere qui me rend malbeureux
tion dans le lac de la misere et dans cette fosse rem- et m'entraine par le poids de mon iniquite. Je suis
pbe d'ordures, emhourbe dans la boue profonde oil profoudemeat tombe dans la fange du pecbe. Vous
11 n'y a pas de base solide, du fond de mes dou- avez etendu sur moi le bras qui execute vos juge- De lni-m«me,
leurs,jecrie versvous, Seiguem", Seigneur entendez ments justes et cacbes; il me presse et m'empeche rhommc
peut se
ne

mavoix. Car, pour me punu- d'avoir neglige et da- de me lever.


Ni dans ce lac, ni dans cette boue, ni relever de
son pechS.
voir perdu la forme que vous aviez imprimee en dans ce limon, je ne trouve pas. Seigneur, de base
moi (forme par laquelle, 6 createur plein de bonte, solide qui m'offre un point d'appui pour sortir ou
vous m' aviez rendu semblable a vous, me creant a pour etre tire. Le lac de cet abime n'a pas de fond,
votre image et a votre ressemblance,) vous avez il n'y a qu'une profondeur insondable dedesespoir.
bouleverse mes traits et m'avez reduit a n'avoir plus La boue de I'ordure, c'est la corruption de la na-

Domine, Domine exaudi vocem meam. Siquidem in ul-


Uonem formie kue (qua me tibi conformavcras, creator
EJUSDEM GUILLELMI bone, creans me ad itnaginem et similitutlinem luam)
quam neglexi el perdidi, in hujus niiseriai formam qua
ABBATIS.
miser sum, deformasti me, et cum iniquilate dcpri-
mentein limopcccati infixus sum inferius. Posuisti super
TRAC.TATUS DE CONTEMrLANDO DEO. me manumjusti et occuUi judieii lui, prementem super
me, ne resurgam. Nee in lacu, nee in lulo, nee in limo
substantiam Domine invenio, cui innitar ut exeam,
quam apprcheudam ut cxtrahar. Lacus inferrn non ha-
bet fundum, nisi dcsperationis profundum. Lutum
PROCEMIUM. fa^cis, corruptio nafura>, quo semper merjjar habet,
per quod resurgam, non liabef; imo impetlit et obli-
1. In lactu miserise, et in lucto fsecis jam pa>nc pu- gat. Limus profimdi, amor carnis, inia semper petcns
trefactus, et inlimo profundi infixus, in quo non est et insatiabilitalis profundum, justo judicio tuo tenet me
substantia, de profundis dolorum meorum ad te clamo nflxum.
'

S76 L'ABBE GUILLAUME.


ture qui m'offre toujoxirs dc quoi in'enfonc*r da- {Pi. cm, 25.; Ne le cherche pas. arec des
_.....- -
-is DC me doDDe pas le moTcn de me anim"."'~ " ^ ;
'
'" ^

dit-elle,
" Dansraniour.
.1 plus, qui me retieut ei m'enchaine. Le La, ei-
^
. - jte son repos.
limon si profond, ramour de la chair tendant tou- Le sentiment de I'amour est naturellement en toL
joiirs en has, ce
gouffine beant que rien ne peut Celui que tu cherches, s'il est dans ton amour, est
rassasier,par un juste effet de votre jusement, me en toi : sll ne s't trouTe p "" :/est pas en toL .

tiennent fortement attache et colle pour aiusi dire. Mais tu ne pctursuirrais p. — _ -^ qui fait I'objet .

2. Mais, 6 Seigneur, I'abime appeDe Tabime; de tes recherches, si tu ne I'aimais ptas. Tu pas5«des
Tabime de mon excessive misere implore rabime done Celui apres lequel tu ooiirs, il est ^i toi :
de TOtre infiiiie misericorde. Qierchant un fond mais ^ liras point de lui, si je ne suis pas
-^^

solide qui m'appuie, je ne trouve pas d'autre fonde- tout e: „ rtr toi.

ment que tous : tous qui etes rraiment la substance 3. Ne me pariage done pas et ne me dissipe pas
forte et inebranlable. tous qui ne subsistez que par sur les choses etrangeres, recueiUe-moi tout-entiere
Tous-meme. de qui toutes les creatures esistantes en toi pour lu ? ime arande abotidanoe
tirent leur etre. Mais que dis-je, je troure ? Si je de delioes, tu _ _^5 c«s>e le souTenir de la- :

TOU5 aTais deja troure, je subsisterais axec soUdite. grandeur de sa suaTite, et tu tressaiUeras en sa jus-
Je cherche en quel lieu je trouTerai celui qu'a tice. Bienplus, 6 mamemorre et tous toutes mes

aime mon ame. Je parcour? le? rues de cette srande affections, entrons'sans reserve, et en -outc- : -

cite, les avenues du siecle present. « Us Tixent pour nant. et en comprenant, et en voyant. ^
-- _? du
eui, • (ainsi que le dit rApotre) « oeus qui sont souverain bien et de toutes ses richesses. 11 est
eloignesde la Tie de Dieu. » Eph. it, 18. Je fais le tout-a-fait en moi, je le trouve en mon amour,
tour des places, des larges routes de TuniTers, et pareeque je I'aime d'une conscience assuree, je
tout ce qui est au-dedans ou au-dehors de moi, a I'aime et je desire de laimer encore davantagt dL
grands cris et par des raisons assnrees, me rappelle encore plus parfaitement. Courons vers lui, atta-
dans mon interieur, me rendant d"apres tous, le chons-nous a lui de toutenotre force d'embrasseret
temoignage que le roraume de Dieu est au fond de d"etreindre. Etre aima' - i^e d'hon-

mon eoeur, afin de me faire chercher, dans cette neurs, suave, doui. s. :._, . .„.; :de, souf-
retraite intime, Celui que je ne trouTC pas en sor- frez que je vous enibrasse, vous qui avez daigne
tant de moL Me Toici au-dedans. Repondez-moi, 6 prendre ma nature, honorez-moi du baiser de
TOUS, toutes mes realites iii' •:: =. arez-Tous ru votre amour, vous qui avez bien voiilu unir votre
celui qu'aime mon ame ? El iremerepond: nature alamienne. Nos bras setendent vers vous
il est chez moi. Ou? dis-je, « Car tu es une mer pour TOUS saisir, nos oeuvres
nos sentiments, et
immense, en toi se trourent un nombre incalculable selancent vers tous pour jouir de tous. Nous tous
de reptiles, de grands animaus arec des petits. » baisons quand nous tous o&ous le ^Awtimpait pur

2. Sed o Domine, abj^sos abTssom invocat : abjssns Babes ei^ qnran qosris, et penes te est Sed nan eo
profnndissanvp misenae mes abv^smn altissims miseri- &Dens, nisi esxt tecom tote adsim.
oordjs tns. Qoxrois sabstantnm cui ionitar, goam ap- 3. Tvoli ej^ me in ali^ia dividereet disE^are, totem
ptehoidajn, noUain nsqaam inveiuo nirf te ; qui vere me ad te in eum collide : et habelus fraeodi copiam,
certa ^
soHda es sul^tantia, non dM
es teqtso sobsis- memoriam abundantis saa^itatis ^ns enieialHs, et in
teos, a qao etiam gos sont, omnia habeot ese. &ed josiitia ejus in^rediamor, o me-
exultabis. Imo totae!

quid dico, mveiiio ? Jam a te invemsem, solide sah^s- mom mea, et omnes afiectioQes meae ingrediamiu' : et
tei^em. Qosio obi mTKuam, qaem dilexit anima meau memoiaodo, intellig«odo, et Tidendo froamur snmmo
CL-coiDeo civitatis bujas magnae, saecoli hnjos rioos. bono, et omnibos bonis ejus. ProrsQs penes me est, in
Vivtoit sAi qui (sicat dicit Aposiolas) aSemaii stmt a amore meo earn invenio : quia ceria consfapntia amo
vSa Dei. Ciicomeo plateas, laias sseculi vns, omnia ^ earn, ^ ampHos ei perfedius amare amo et deadoo.
quae- intra me simt, vet e^tra me. magnis damoribus, Totis ei^ in eum feramur amplexibus, et oscolis io-
certis scilioet ratiiMubosad inteiiora mea :: ant, combamus. Amande, tremende, collide, saaris, el mi-
testificantia i^egnma Dei intra me
ex te, ^tos
<. tis, et mult^ miserioordke, dignare amplexum meam,

in cnbili cordis te qnaeram, qaem caeaas extra aoa in- qui dignaJMs es naruram meam, dignare me osoilo d»-
Teoio. "E/ece intns sum. Annuntiate mihi omnia inte- ritatis tnae, qui natane mes dignatns es onire natnnun
iiora mea. nam qi^em dili^tt anima mea Tidi^is ? Res- tuam. Amplexos nosier est ad te, affectuum et <q>eruaa
p<H]detgae mihi memoria earn : Poies me esL Ubi? oonatus ^ extaisio ad fruoidam te. Osculum nostrom,
ingnam. Tu enim tnare magnwH, m
te rtpfilia qmomm cum purse mentis purum tibi porngimus affectum :
noK est HMma-us, ammalia pusiUa ruM magius. Non amplexus taus ad nos. - vidtationis et consola-
inqnit, com repdlibas, tcI in bomine eom qoaeras. Liu ticfflis tus. Osculum tu^_. .^.elatio et icfusio gratis
ergo? In amore. Ibi est sedes ejas. ibi cabieoliim ejus. tus. Lsxa etiam tus Domine
temporalis cooscdatiaiiis
Amoris affectos in te natnraliter est. Qd-; >, a non desjt, sub capite meo ad uteadum. Dextera
sed sit
in amore tco est, in te est : si ibi noo e^ non . Tero tua spirituals, de ^iritualibus et stemis ocmsolatio
est Sed qnon qosris, non qusraes, a non antar^. tua, totom me amplectatur ad fra^idum. £t in amplexu
DE LA CONTEMPLATION DE DIEU. 377

d'une Ame pure ; vous nous embrassez quand freres, la verite de la charite ne nous permet pas
vous daignez nous visiter et nous consoler. Votre de nous separer de vous et de vous rejeter. Encore
baiser, c'est votre manifestation et I'infusion de que ce soit votre besoin qui nous rappelle, il ne faut
de votre grace en nous. Que la main gauche de pas ncanmoins negliger entierement, kcaiise de vous,
votre consolation, dans le temps present, ne me la jouissance de cette suavite. « Seigneur, Dieu des
fasse pas defaut, mais qu'elle soit sous ma tete pour vertus, convertissez-nousetmontrez-nous votre face,
que j'use. Que votre droite spirituelle, la consola- et nous serons sauves. » [Ps. lxxix, 8.) Mais, helas,

tionque vous faites gouter dans les bieus eternels Seigneur, helas! qu'il est irrcflechi, temeraire,
de I'ame, m'embrasse entierement, pour que je deregle, presomptueux, contraire k la regie de la
jouisse. Et dans le baiser de votre charite, dans parole de votre verite et de votre sagesse, de vouloir
I'embrassement de votre douceur, « en pais, en ce voir Dieu avec un coeur qui n'est pas pur ! bonte
bien la meme, que mon ame dorme et se repose, souveraine, bien supreme, vie des coeurs, lumiere
parceque vous m'avez, 6 Seigneur, singulierement de nos yeux interieurs, ayez pitie de nous, a cause
conlirme dans I'esperance. » {Ps. iv, 9.) de votre bonte. Seigneur : ce qui me puritie, cequi
fait ma confiance, ce qui me justifie, c'est la con-
CHAPITRE I.
templation de votre bonte, 6 mon Dieu. Seigneur,
mon maitre, vous qui dites a I'Ame, d'une facon
L'ame aimant Dieu, demande a ctre purgee de ses vices qui n'est connue que de vous : «je suis ton saint,))
et de ioute attache terresire, et a itre elevee vers le Rabboni, maitre supreme, unique docteur qui ap-
del. prenez ce que je desire voir, dites a votre aveugle,
a votre mendiant : « que veux-tu que je te fasse ? »

1. « Venez, allons a la montagne du Seigneur, {Luc. xviii, U'i.) Et vous le savez, puisque deja vous
montons a la maison du Dieu de Jacob et il nous me le donnez : que sortaut de toutes les retraites,

apprendrases voies. » [Is. ii, 3.) Intentions, peusees, que rejetant toutes les hauteurs, les beautes, les

volontes, affections, tout ce qui est en moi, venez, douceurs du siecle et tout ce qui pent exciter la
gravissons la montagne, arrivons au lieu oii le Sei- concupiscence de la chair, des yeux, ou I'orgueil de
gneur voit ou bien est vu. Soins, soUicitudes, anxie- I'esprit,ou a coutume de I'enflammer, mon coeur
tes, travaux, peines, assujetissements, attendez-moi vous dise « mon regard vous a recherche, je
:

en ce lieu, avec I'ane qui est le corps : jusqu'a ce chercherai votre face. Seigneur. Ne detournez pas
que moi et I'enfant, qui est la raison avec Tintelli- voti'e visage de dessus moi, dans voti'e colere, ne
gence, nous dirigeant vers cet endroit, nous reve- vous eloignez pas de votre serviteur. )) {Ps.
nions vers vous apres avoir adore. Car, nousrevien- XXVI, 8.)
drons, belas! et trop prompteraent la charite de la : 1. Je suis sans pudeur, je suis mechant, 6 mon
verite nouseloigne de vous, mais a cause de nos antique secours, 6 monperpetuel refuge. Mais voyez

charitatis tuae, in osculis dulcedinis tuae, in pace in idip- Domine Dens, quam pra^propcrum est, quam temerarium,
sum dormiat et requiescat anima mea : quoniam tu Do- quam inordinatum, quam prcTsiimptuosum, quam alic-
mine singuluriter in spe constituisU me. num a regula vcrbi veritatis, ct sapiential tua;, cordc
immundo velle videre Deum ! Sed o summa bonitas,

CAPUT I.
summum bonum, vita cordium, lux oculorum inlerio-
rum, propter bonitatem (nam Domine miserere haec :

est enim niundatio mea, hicc liducia moa, hac juslilia,


Anima Deum amans se a terrenis et vitiis purgatam sur-
contemplatio bonitalis tua; bone Domine. Ergo o Do-
sum elevari rogat.
mme Deus mens, qui dicis animae mea?, modo quo tu
scis, Salus tua ego sum Rabboni, sumnic magister
:

1. Venite ascendamus ad montem Domini, et ad do- unicc doctor vidcndi qua' videre dcsidcro, die cseco,
mum Dei Jacob, et docebil nos vias -luas. Intcntiones, mcudico tuo, Quid vis faciam tibil Et tu scis, qui jam
cogitationcs, voluntatcs,affectiones, et omnia inlcriora hoc ipsum das quam ex onmibus suis rccessibus,
:

mea, venite ascendamus in montem, vcl locum, ubi Do- abjcclis procul omnibus sfficuli hujus altitudinibiis, pul-
minus videt, vol videtur. Ciirae, sollicitudines, anxieta- chritudiiiibus, duiccdinibns, et qiiidqiiid concupiscentiam
les, laborcs, poence, servitutes, exspeclatc me Iiic, cum carnis, vcl oculorum, vcl ambitionem spiritus altontare
asino corporc is(o donee ego cum pucro, ratio scili-
: potest, solct, libi
vcl dicat cor mcum Exqui- :

cet cum intdligcntia, usque illuc properantes, poslquam sivit fades mea, faciem tuam Domine rcquiram.
te
adoravcrimus rcvcrtamur ad vos. Hcnerlemur enim, et Ne avertas faciem tuam a me ne declines in ira tua a :

liuc reverlemur quam cllissimc abducit enim nos a vo-


: servo tuo.
bis charilas vcritatis, sed propter IVatresabdiearc et ab- 2. Impudens quippe,improbus sum,o adjulormeus
ct
jurare vos non palilurverifas charitatis. Sed licelrctrahat antique ct susceplor Sed vide (]uia amorc
indefesse.
vestra ncccssitas, non propter vos oninino omillenda amoris tui hoc facio. [Cum enim ex munere gratia' tua;
est ilia suavitas. Domine Dens virfutuni converie nos, Domine ad ca qutc carnis sunt, faciem cordis non ha-
et ostende faciem tuam et salvi eri7?ixis. Sod hcu hcu, beam, sed posueris ca mihi deorsum ct munduni, et ;
. !

378 L'ABBE GUILLAUME.


qne c'est Totre amoar qui me donne cette liberie TOUS Toit. Pour moi, eatierement plonge dans les
Ce fm at
nmferme (Comme par votre grice. Seigneur, je n'ai pas la peches jusqu'a present, je n'ai point encore pu
emtre
face dn cceur toumee vers ce qui est de la chair et mourir a moi afin de Tirre pour vous ; neanmoins
rjjiic,^
*^**™™® "^ous arez place derriere moi tout ce qui s'y d'apres voire commandement, je me tiens sur la pierre
Oe
^lii^ rapporte, ainsi que le monde et tout ce qui lui de ma foi, de la foi chretienne, dans ce lien qui est
SujSade appartient, d'oii lient, je tous en supplie, que tous Traiment pres de vous ; en tenant, je supporte my
<^«"»- cherdiaiit de tout mon ciBur, quand me
je felicite aTec patience, je baise et j'embrasse votre main
d'avoir rencontre Totre visage qui est I'unitjue de- droite qui me couvre et me protege, et parfois, con-
sirde mes yens, je m'en trouve subitement separe ? templant et desirant I'eclat posterieur de celui qui
Poarqaoi me le cachez-vous ? Me prenez-vous pour me voit, je leve les regards en parcourant la marche
Totre enuemi ? Youlez-Tous me consumer pour les de I'economie de rincamation du Christ votre Fils,
peches de mon adolescence ? Est-ce .pae je ne suis pas quand je m'apprixher de lui, ou
m'efforce de
encore conTerti vers tous, on que vous etes encore comme rHemorroisse [Matth. rx, 20.; par un contact
detourue de moi ? Si je ne suis pas conrerti, Dieu salutaire, je tache comme de derober la sante de
des Tertus, conrertissez-moi ; si tous etes detoume. mon ame infirme et miserable en touchant la fran-
6 Dieu des vertus, tournez vers nous Totre face. ge de son vetement ; ou bien, comme Thomas,
Vous avez dit : « Israel a tous etes conTerti, con- (S. Joan. XX, 27.; cet honune des desirs, je desire !e
Tertissez-vous. » (Jerem. iv, 19.; Et encore : «con- voir tout entier et !e toucher ; et non seulement cela,
Tertissez-Tous Ters moi et moi je me couTertirai mais d'apppjcher de la tres-sainte blessure de son
rers tous. » [Joel, u, 12.) Voussavez le don de Totre cote, ouverture qui a ete prati.juee au flanc de
grace dans le c«eur de Totre pauvre : mon coeur est I'arche,pour y introduire non-se ilement le doigt,
pret, 6 Dieu, mon cflenr Ordonnez ce que
est pret. mais toute la main, pour entrer dans le coeur
TousTOulez, faites-moi comprendre ce que vous meme de Jesus, dans le saint des saints, dans I'arche
comonmdez ; donnez-moi de pouvoir, tous qui du Testament, dans lume d'or, ame de nature
m'aTcz donne de Touloir, et il se fera en moi ou de humaine contenant la manne de la divinite ; helas
moi, tout ce que vous Toulez. Dieu des TertuSj con- on me dit « Ne me louche pas. » Et cette parole
:

Tertissez-nous, montrez-nous Totre face, et nous de I'Apocalypise : a Dehors les chiens. » Apoc. xxii,
serons saures. 15. Et ainsi chasse et repousse avec les justes
3. Car la voix de rotre temoignage repond inte- remords de ma conscience, je sms contraint de
riemrement dans mon ame, produisant comme un porter le chatiment du a ma
mechancete et a ma
tumulte dans mon esprit et ebranlant tout ce qui presomption, me retirant de nouveau dans mon
est au-dedans de moi : et mes Teux interieurs sont rocher, qui est un refuge pour les herissons converts
aJSaiblis par I'edat de Totre Terite qui luit en mon des epines de leurs peches, {Pi. cm, 16. j'embrasse j

eoenr, parce que lliomme ne pourra plus vivre s'il de rechef et je rebaise voire droite qui me couvre

qaaecQDqae ejias sont, poeueris nuhi deorsnni : qaid vere est penes te, in quo ut possum interim fero patiea-
est obsecro quod in toto corde meo exquireos te, cam ter, et amplector, et deosculor tegentem, et protegen-
fataem tuain apprebendisse me gratolor, qoom solam tem me, dexteram tuam et aliquoties contemplans, et
:

fataes mea desidoat, repente me tDToiio seorsam? Cur videre gestiens posteriora vldentis me, et percurreos se-
earn abscondis? Nomquid arbitiaris me inimicam mitam dispensationis humans Christi Glii tui suspicio.
tnom ? Nam consamefe to me vis pecealis adolesceotiae Sed cum accedere gestio ad eum, vel sicut Haemorroissa
meee? Nmnqind ^o noo som ad te coaTersos, vel in ilia infirmae et misers animae meae a salutifero tactu vel
adhnc es a meaTeisos? Si noa sum coaTersis, Deas fimbriae ejus sanitatem : vel sicut
quasi forari gestio
Tiitulum coDTerte me. Si ta es aTersns, Deos Tirtntnm Thomas ille vir desideriorum, totum eum desiderio vi-
converteje. Tn dixisti : Sr coatferterit Israel, convertere dere, et tangere: et non solum, sed accedere ad sacm-
et iteram : Comeaiimiiuad mg^eteffo eoncertar ad icos. sanctum lateris ejus vulnus, ostium arcae quod factum
Ta ads donom gratis tme in corde pauperis tai : para- est in latere, utnon tantum mittam digitum vel totam
tnm tot momi Dens, paratnm cor meom, Pisecqioeqiiod manam, intrem usque ad ipsum cor Jesu, in
sed totus
TK, faa me intelligete qnod praecipis; da posse, qui de- Sanctum Sanctorum, in Arcam testamenti ad Umam :

disd Tdle, et fiet in me vel de me qoidqnid vis. Deus aaream, animam Dostraa humanitatis continentem intra
Tirtntnm oonrerte nos, et ostende &dem tuam et salvi se manna divinitatis heu dicitur mihi, Soli me tangert.
:

erimiis.J Et illud de Apocalypsi, Forii canes, sicque cum dignis


3. ReqMnd^ qnqipe mliii intns in anima mea, et conscieutiae meae verberibus espulsus et propulsus, im-
mente mea trnnnHnans in me, et coaentiens omnia ia- probitatis et praesumptionis meae pcenas cc^or lucre, 4
teriora niea rax testificatioois toe et caligant ocali
: rursumque petram meam me
in recipiens, qus refugium
mei a fdlgore vezitatis tns ingerentis mihi.
interiores peccatorum plenis, reamplector, et
est hepinaciis spinis
quia non videbit homo, et nvne poteriL Ego enim Tere reosculor tegentem, et protegentem me, dexteram tuam
in peccatis totos osqoe adhnc, necdom potui mori mihi, et ex eo, quod vel leviter sensi, vel vidi, magis accenso
nt Ti?am tibi, sed tamea ex prscepto too, et dono too desiderio vix patienter exspecto ut a me auferas manum
stoo in p^n fidd meae, fidei diriatiamR, ia. loco qui tegentem, et infundas gratiam illuminantem ; ut tan-
:

DE LA CONTEMPLATION DE DIEU. 379

et me protege et par le feu que j'ai senti et vu,


; jouissance parfaite de votre beaute et a I'allegresse
mon desir eiiflamme attend avec peine que yous qui I'accompagne, tout en me faisant eprouver le
enleviez la main qui me couvre, et que vous repan- tournient (qui n'est pas sans quelque suavite) du
diez en mon kme la grace qui illumine, et qu'enfiuj desir et de la privation. Car, de meme que nos of-
selon la reponse de votreverite, mort a moi, vivant frandes ne vous plaisent pas ne suis pas avec si je
pour vous, je commence a contempler sans voile elles, de meme la contemplation des biens qui
votre visage, et a ressentir sous vos yeux les atteintes sont en vous, nous refait agreablement mais ne ,

et les impressions de I'eclat qui en jaiDit. nous rassasie point parfaitement sans vous.
U. qu'heureux est le visage de celui qui
face,
merite d'etre impressionne pour vous en vous CHAPITRE n.
voyant ; fortune, celui qui edifie dans son coeur un
tabernacle au Dieu de Jacob, et fait tout selon L'dme desirant Dieu se plaint d'etre accablee par le

I'exemplaire qui lui est montre sur la cime de la poids du corps.


montagne, c'est alors que Ton cbante avec raison ;

« Mon coeur vous a dit, mon visage vous a recher- 5. Voila I'exercice spirituel de mon time, c'est par
clie, je chexxherai votre visage. Seigneur. » [Ps. la qu'assidument j'ai I'ffiil sur mon &me pour la pu-
XX.V1, 8.) C'est pourquoi, comme je I'ai dit, par le rilier par vos biens et
; et vos amabilites, comme
don de votre grace, contemplant tousles rocoins de par des pieds et des mains, et de toutes mes forces,
ma conscience, parcourant toutes ses limites, je
et je m'efibrce de m'elever vers vous; vers vous,
desire uniquement et singulierement vous voir, afm amoiu' souverain, bien supreme : mais plus je
que j'aime quand j'aurai vu ; vous aimer, c'est tends vers vous, plus durement je retombe sur la
veritablemeut vivre. Dans la langueur que me fait terre, en moi-meme et sous moi-meme. Et ainsi me
eprouver mon desir, je me dis qui aime ce qu'il : regardant, me discernaut et me jugeant, je me suis
ne voit pas ? Comment pent etre aimable ce qui en devenu une enigme pleine de fatigue et d'ennui
quelque maniere n'est point visible ? Mais pour ce- cependant. Seigneur, je suis certain par voire grace
lui qui soupire apres vous, vos amabilites se pre- que j'ai dans tout mon C03ur et dans toute mon
sentent a lui, et du ciel et de la terre, et de toutes ame le desir de vous desirer et I'amour de vous
les creatures que vous avez faites, elles se detaclient aimer. J'en suis venu jusqu'a ce point, grace k votre
et s'elancert d'elles-memes vers moi, o Seigneur secours, de desirer de vous desirer, d'aimer k vous
adorable et digne d'etre aime en toutes choses. aimer mais en aimant a vous aimer, je ne sais ce
:

Plus vous prochent avec eclat et verite, plus


elles que j'aime. Qu'est-ce en effet que desirer le desir,
elles font voir combien vous etes aimable, plus qu'aimer a aimer? Si nous aimons, c'est par I'a-
elles enflamment I'ardeur que j'eprouve de vous mour que nous aimons ; c'est par le desir que nous
voir mais helas elles ne me conduisent pas a la
: ! desirous tout ce que desirous. Mais peut-etre lorsque

dem aliquando secundum responsum veritatis tuae mor- reficit nos quidem dulciter, sed non satiat perfecte nisi
tuus mihi et vivens tibi, revelata facie ipsam tuam fa- tecum-.
ciem incipiam videre et affici tibi a visione faciei tua;.
:

Et
4. facias facics, quam beata facies, qua; affici tibi
meretur vidcndo te; aedificans in corde sue tabernacu-
CAPUT II.

lum Deo Jacob, et omnia faciens secundum exemplar


Anima Deum desiderans mole corporis se grava'vquerittir.
quod ei ostenditur in monte, hie vera et competcntcr
cantatur, Tibi dixit cor meum, exquisivit te facies mea,
facian tuam Domine requirani. Itaque ut dixi, ex dono .5. Hffic est animoB meaj assidua exercitatio, hinc as-
gralias tua; contcmplans omncs angulosconscientiaemeaj siduc scopo spiritum mcum ct cum bonis et amabillbus
;

vol tcrminos, unice el singulaiitcr dcsidcro videre te, ut tuis, quasi pcdibus et manibus, et totis innilens virilius
omncs meee videant salutaic Domini Dei sui,
fines terrae sursum tcndo ad te in te sumnie amor, summum bo-
;

ut amem cum qucm amarc,hoc est vere vivcre.


videro ;
num sed quanto tendo fortius, tanto relrudor durius
:

Dico cnim mihi in ianguore desideiii mci Quis amat : in Icrram, in memctipsum, sub mcmetipso. Sic ergo
quod non vidct? Quomodo potest esse aniabile, (|uod rcspiciens et disccrnens et dijudicans mcipsum, faclus
non est aliquatenus visibile? Sed te dcsideranti amabilia sum mihiipsi de mcipso laboriosa et taniiusa qujpstio :

quidcm tua occurrunt, et a coelo ct a terra, et ab omni tamen Doaiine, ccrtus sumper gratiam tuam, desidorium
crcatura tua se mihi ullro ofTerunt, et ingcrunt, o in om- dcsidcrii tui, et amorem amoris tui habere nic in toto
nibus adorandc ct amabilis Domino. Qua' quanio te ma- curdc, et in tota animu mea. Hue usque le I'acienle pro-
nifcstius et verius ct appr()l)aut aniabilcm,
prtedicanl, foci, ut desidcrem dcsiderare te, ct amemamare (e : sod

lanto ardentius te mihi faciunt dcsidcrabilcm sed heu : lioc amans quid amem Quid est enim amare amo-
ncscio.

non ad frucndi perfectam suavitatem, ct gaudium, sed rem, desiderarc dcsiderium? Amorc amamus si quid
ad intentionis ct defeclus (non tamcn sine aliqua suavi- amamus, desidcrio desidcramus quidquid desidei-amus.
tate)tormentorum.Sicutenimmeanon liljipcrfecteplacent Sed forsilan cum amo amorem, non amo amorem, quo
oblata, nisi mecum sic bonorum tuorum contcmplatio
:
amo quod amaro volo, et amo quidquid amo : sed me
,

380 L'ABBE GUILLAUME.

j'aime ramour, je n'diine pas cet amour par lequel joie, je crie : o Seigneur, il fait bon etre ici, fai-

j"aime ce qiieje veux aimer et j'aime tout ce que j'ai^ sons-T trob tentes ; « Hatth. ttu, h-i
la une pour
Die : mais je me cheris,moi qui aime, lorsipie mon foi, une x»oiiT Tesperance, Tautre pour la char;''.

ame est louee et aimee de moi dans le Seigneur, cetle Est-ce que je ne sais pas ce que javance, lorf . . .

Sme que sans nul doute je detesterais et je pren- je dis : n il fait bon etre ici. Mais soudain, je
drais en haine, si je la rencontrais aUleurs que dans tombe a terre comme mort, et regardant je ne
le Seigneur et dans son amour. Mais que dirons- Tois rien, et je me troure au uu j'etais da-
lieu

nous du desir? Si je dis, je desire de desirer, par la bord, c'est-a-dire, dans la douleur du cceur et dans

je me trouve deja desirer. Mais desire-je de vous lafUiction de I'esprit. Jusques a quand. Seigneur,
desirer comme si je ne vous desirais pas, ou bien jusques a quand ? « Ck)mbien de temps roulerai-je
desire-je un desir plus ardent que celui que j'e- des pensees dsuis mon kme et la douleur dans .mon
prouve? coeur tout le rest* du jour? » ,Ps. xu, 2.) Combien
6. Comme done en cette maniere defaiUent, s'obs- de temps lesprit sera-t-U sans resider dans le?
curcissent et s'aveuglent presque mes veux inte- hommes parce quits sont chair ? Gtn. ti, 3.) Mais
tous demande qu'ils soient promptement
rieurs, je il vient, va et il soufQe ou il vent ! S. Joan, ui.
il

ouverts, non comme le fureut les veux cKar- 8. (juand le Seigneur met un terme a notre capti-
nels d'Adam, {Gen. m. 7.) pour voir sa confusion, vite,nous somme^ comme consoles. Alors notrc
mais pour voir. Seigneur, votre gloire, afin qu'ou- bouche est remplie de joie et notre langue tressaiUe
bliant ma petitesse et ma pauvrete. je me leve tout d'allegresse. Ps. cxxv, 2.i En attendant ce 1 -

entier el me precipite dens les embrassements de beur, oh ! que mon exU se prolonge I j'ai h—-..
votre amour, voyant celui que j'aurai aime et ai- avec ceux qui resident a Cedar, mon ame a ete
mant celui que j'aurai vu mourant en moi, com- : longtemps sur la t^rre etrangere. Ps. ciix, 5.)
mencant a vivre en vous, me trouvant bien en vous, Mais au-dedans, dans rinterieur de mon coeur, la

car je me trouve bien mal en moi. Mais, hatez-vous. verite de votre consolation et la consolation de vo-
Seigneur, ne tardez pas. Car la grace de votre sagesse tre verite me donnent une heureuse reponse.
a ses abreges a ce point eleve, ou la raison ni le
:

raisonnement ne conduit par aucun argument CHAPITRE in.


par aucune discussion, par aucun degre, c'est-a-
dire. au torrent de votre volupte, a la pleine joie Si et comment T amour est inegal dam les

que cause votre amour , celui qui a recu ce don Bienheureux.


se trouve souvent de suite transporte, apres avoir
cbercbe fidelement et frappe avec Constance. Mais, 7. U est un amour de desir et il est un amour de
6 Seigneur, si parfois, combieu cela est-n rare I si par- jouissance. L 'amour de desir merite parfois la vi-
fois, je me trouve ressentir quelque portion de cette sion, la vision la jouissance, etla jouissance, la per-

amantem, cum in Domino laudatur et amalur a me ror : Domine bonum est nos hie esse, faciamus hie tria
anima mea, quam proculdnbio detestarer, et odio ha- iabernaeula : fidei unum, spei unum, amori onam.
berem, si earn, alibi, qaam in Domino, et in ejus Numquid nescio quid dicam, cum dico, B'jnum eft nos
amore invenirem. Sed et de desiderio quid dicemus ? hie esse"! Sed repente cado in terram, quasi mortuus,
Si dicam, desidero esse desiderans jam me invenio : et respiciens nihil video, et me ubi prins eram, invenio,

desiderantem. Sed numquid desidcrium tui desideran- in dolore scilicet cordis - - , "tus. Usqueqno
tem, quasi non habeam, aut desiderium majus quam Domine, usquequo? Q^- inlia in axima.
habeam? mta, dolorem in corde meo per diem ? Quandiu non
6. Cum hoc mode deficiant, et caligent, et c«e-
igitur permanebit spiritns in hominibus, quia caro sum : sed
cutiant interiores ocuU mei, oro ut citius a te aperian- venit, et vadit, et spiral ubi vult I Sed in convertendo
tur. non sicut aperti sunt AdcP carnales oculi, ut videret Dominus captintatem Sion, facti erimus sicut c-onsolali.
confusionem suam sed ut \ideam, Domine, gloriam
; Tunc replebiiur gaudio os nostrum, el lingua nostra
tuam : me«, totus eri-
nt oblitus parvilatis et paupertatis exullatione. Interim hen mihi quia incolatus mens pro-
gar, et ruam in amplexus tui amoris, videns quemama- longatus est habitavi cum habitanlibus Cedar, mnltum
:

vero. et amans quem \idero et moriens in me, vivere : incola fuit anima mea. Sed respondet mihi intus in corde
incipiam in te bene mihi sit in te, cui pessime est
: et meo Veritas consolationis tuae, et consolationis veritatis

in se. Sed Domine, ne tardaveris. Habet enim


festina tuae.
sapientise tuae gratia Domine, vel gratiae tuse sapientia,
sua compendia el quo rationis, vel ratiocinationis, nul-
:
CAPUT III.
lis argumentis, nuUis discussionibus, quasi quibusdam
scalis conscenditur, ad torrcntem scilicet voluptatis tuae,
An et quomodo di^Mr iMeeqmMag amoris i* Beatis.
ad plenum amoris tui gaudium : cui hoc datum est, fide-

liter, quaerens, fideliier pulsans, saepe repente Lbi se in-


venit. Sed o Domine, quando, quod quam rarum est
si I 7. Est amor desiderii, et est amor fruitionis. Amor
me in aliqua hujus gaudii parte invenio; clamo, vocife- desiderii meretur aliquando visionem, visio fruititHiem,
DE LA CONTEMPLATION DE DIEU. 381
fection de I'amotir. Je suis reconnaissant a voire desire vous aimer autant que vous pouvez ou que
grace, 6 vous qiii daignez parler au cceur de voire vous devez etre cberi, et c'est la peut-etre ce qu'in-
serviteur, et qui repondez en qiielqiie sorte a ses dique cette parole, « sur lequel les anges desirent
questions inquietes. Je recois et j'embrasse celte Jeter leurs regards. » (I S. Petr, i, 12.) Ce bien-
arrhe de votre Esprit, et j'attends joyeux en posse- heureux esprit inferieur, quelqu'il soit, desire done
dant ce gage, raccomplissement de votre promesse. vous aimer autant (pie vous aime celui qui ainie
Jo desire done vous aimer et j'aime a vdtis desirer, plus que hii, non par une jalousie rivale, mais par
et de cette sorte je cours pour saisir de la meme uu pieux Que s'il progresse dans
desir d'imitation .

maniere dont j'ai ete siisi, c'est-a-dire, pour vous I'amour, de celui qui I'illumine penetre avec
I'oeil

aimer parfaitement une fois, parce que vous nous d'autant plus de douceur dans sou interieur, qu'il
avez aimes le premier. Seigneur aimable et digne sent et comprend avec plus de suavite, s'il n'est ni
de tout amour. Mais existe-t-elle en quelque temps injuste ni ingrat, que vous pouvez etre aime et qu'il
ou en quelque lieu. Seigneur, cette perfection de doit vous cherir davantage, autant que vous aiment
la votre amour, cette consommation de la beatitude en les cberubins et les serapliins. Mais qui desire ce
ion de
f-rl
onr
votre cbarite, qui remplit, qui satisfait lame alteree qu'il ne peut atteindre,
malheureux. Or, la mi-
est
ite. soupirant apres le Dieu qui est la fontaine vivante, au sere est entierement bannie du royaume de la bea-
point qu'elle dise : c'est assez, il suffit. Quelque soit titude. Quiconque done y desire quelque chose
et ou que soit le personnage qui a ce bonheur, je arrive au terme de ses voiux.
suis etonne s'il ne defaille pas et s'il s"ecrie : il suf- 8.Quedirous-nousaceci?quedirons-nous?Parlez, Comment les
fit. Mais oil se trouve la defaillance venue de ce Seigneur, je vous en supplie, parce que votre serviteur bienheurem
_ .
sont inegaux
une perfection ? Nulle part
, , ,
sufi'sant qui pent etre ecoute. Est-ce que, grands et potits, tous ceux qui se en amour,
done, jamais il n'est de perfection en I'ame. Mais, trouvent dans le royaume de Dieu, chacun dans son
ceux qui commettent I'injustice, Seigneur, possede- ordre, aime et desire aimer, et I'unite de I'amour
ront-ils votre royaunie ? Or, il est injuste, celui qui ne permet pas qu'il y ait variete ; tandis que celui
non-seulement ne desire pas, mais encore qui ne qui a recu ce don, cherit avec plus d'ardeur, celui
sent et ne compreud pas qu'il est tenu de vous ai- qui est moins avance dans la dilection voit partout
mer autant i^u'll est possible que vous aime une le bien sans envie, il attache son aifection a ce qu'il
vieut creature raisonnable. II est certain que ces heureux desire avoir, et, quelquegrand qu'il soit, il pos-
les
serapliins a qui le voisinage de votre presence et la sede assurement I'amour qu'il a et qu'il cherit en
pbins
ppeles clarte de votre vision donner le nom d'arclents
fait celui qui aime ? Car c'est I'amour qui est aime,
!DtS.
qa'ds meritent si bien, vous aiment plus que celui c'est lui qui, dans la grande diffusion de sa bonte et
qui est moindi'e dans le royaume des eieux. Que si, par sa nature, remplit d'une pareille grace, mais dans
dans ce royaume des cieux, il est tin esprit qui une mesure inegale, ceux qui aiment et qui aiment
soit, je ne dis pas tres-petit, mais presque nul, il ensemble, ceux qui jouissent et coujouissent j et

fruitio amoris perfecfionem. Gratias ago gratiaj tiiae, qui hoc forsilan in quern desiderant Angeli prospi-
est ,

loqui dignaris ad cor servi tui, et anxiis ejus quaestioni- cere. Desiderat ergo beatus ille minor, quicunque ille est,
bus aliquatenus respondes. Suscipio, et amplector banc tantum te amare, quantum amat quicunque plus co
Spiritus tui arrbam, et Itetus exspecto in arrha protnis- amat, non aRmula insectalione, sed pia et devola imita-
sionem tuam. Desidero ilaque amare te, et amo deside- tione. Si vero et in amore proficit, quanto dulcius illu-
are te, et hoc modo curro, ut apprehcndam in quo ap- minanlis oculus in interiora procedil, tanto dulcius sentit
prehensus sum scilicet ut amem te perfecte aliquando,
; si ingratus non
ct inlelligit, est et injustus, el te plus
quia prior nos amasti, amande et amabilis Domine. Sed posse amari, et se debitorem plus amare, vel quantum
estne aliquando aut alicubi Domine, haec amoris tui per- te amanl Chendjim ct Seraphim. Sed qui desiderat quod
fectio, ba?c iu timore tuo beatitudinis consummatio, ut assequi non potest, miser est. Miscria vero a regno bea-
siliens anima ad Deura fontem vivum, sic satictur, sic titudinis prorsus aliena est. Asscquitur ergo quo desi-
impleafur, ut dicat, sufficit? Miror quicunque, ubicun- derat quisquis ibi aliquid desiderat.
que ille sit, si non deficit, si dicit, sufficit. Sed ubi is- 8. Quid dicimus adhapc? quid inquam diccmus? Lo-
tius sufficientiae est defcctio, quae potest esse perfeclio? qucrc obsecro, Uomine, quia audit scrvus tuus. Nun-
Nusquam igitur, et numquam perfeclio. Sed et injusti quid ct magni, ct parvi omncs qui sunt in regno Dei,
Domine, numquid regnum tuum possidebunt? Injustus unusquisque in suo ordine amat, et amare desiderat, ct
autem est, qui non tantum desiderat, et debitorom se amoris unilas non sinit ut sit divcreilas dum amat, cui ;

sentit et inlelligit te amare, quantum ab aliqua creatura datuui est hoc, ardentius minor autcin in amore sine
:

rationali possibile est amari te. Constat ctiam beata ilia invidia bonum ubicunquc vidct, amat quod ipse sibi
Serapbin, a vicinitate praBsentia" tua?, a claritato vi-
qiiit> desiderat; ct habct utique amorcin, quanluscunqiic est,
sionis tuic ardentes et interpretantur, el sunt, plus amaie qucni in amanlc habct etamat? Nimiruni amor est qui
te, quam aliquem qui minor est in regno ccelorum. amatur, qui ex magna bonitatis suae afllucnlia et natura
Qui si in regno ccelorum non dicam minimus, sed amaules et coamautes, gaudenles el congaudcntos, pari
nonnuUus est uliquc , tantum desiderat amare te , implel gratia, licet dispari mcnsura: ct quanto se amau-
quantum ab aliquo vel poles amari , vel debes , et tium scnsibus largius infundit, tanto cos sui capaciorcs
, ;

882 L'ABBE GUILLAUME.

plus il se repand dans le coeur de ceox qui I'ai- che de prendre de la meme maniere dont j'ai eti

ment, plus il les rend capables de le contenir, pro- pris dans le Christ Jesus : seulement, oubliant ce
duisant le rassasiement, mais sans decout, procu- qui est en arriere, m'etendant Ters ce qui est en
rant la satiete qui ne diminue jamais le desir et laug- aTant, je cours Ters le but, Ters le terme de la to-
mente toujours, en ecartant toute tristesse d'in- cation de Dieu dans le Christ Jesus. Quiconque
quietude. Cest Taniour qui est aime, ainsi que parmi nous est parfait, qu'U eprouTe ces senti-
nous I'aTons dit, I'amour, par les flots des delices ments. » Th. m. 13.)
qu'U fait couler dans Time de celui qu'il reniplit,
repousse loin de lui la niisere du degout ameoe par CHAPITRE IV.
la satiete, ou de I'inquietude eprouvee dans le de-
sir, ou de la jalousie ressentie dans Tenrie illumi- : Dieu doit ftre aime pour lui, tout le reste ne doit
nant les coeurs, ainsi que parle rAiiotre,. « de ntrt que pour Dieu.
darte en clarte, » pour que dans la lumiere ils
Toient la lumiere, et que dans Tamour Us eoncoi- 9. Et lamour dont tous cherissez ceux qui tous
Tent I'amour. Car c'est la la fontaine de Tie qui aiment, par la douceur de la bonte que vous eprou-
coule toujours et ne deborde jamais. Voila la gloire, Tez pour Totre creature, 6 createur plein de ten-
Toila les ridiesses de la maison de celui qui a le dresse, consiste en ce que tous leur inspirez ce
bonheur de tous aimer, parce que celui qui desire desir de tous aimer, et I'amour qui les fait aimer,
etqui aime, a a sa disposition ce qu'il desire et aTec I'heureui de tous desirer et de tous ai-
effet

ce qu'il aime. Aussi celui qui desire aime toujours mer. Vous n'eies pas attire par rapport a nous ou
a desirer : celui qui aime desire .toujours daimer, par nous, lorsque tous nous aimez ; tous etes Ce-
et ainsi tous lui faites toujours arriTer en abon- lui qui reste toujours la meme realite, qui a pour
dance ce qu'il aime et ce qu'il desire, afin, 6 Sei- etre d'etre le bien : le bien pour tous en tous, et
gneur, que linquietude ne I'afllige pas lorsqu'il le bien pour toute creature en tous. Pout nous,
desire, et que degout ne le fatigue pas lorsqu'il
le lorsque nous tous cherissons, nous sommes aflfectes

recoit en abondance. Et n"est-ce pas la, Seigneur, par TOUS pour tous et en tous, nous pouTons exis-
cette Tie etemelle dont chante le Psaume ; « Et ter d'une maniere bien malheureuse et ne pas tous
TOTez si le chemin de I'iniquite se trouTe en moi, aimer ; c'est la ce qui s'appelle exister et mal exis-
et conduisez-moi dans une route etemelle ? » {Ps. ter.Pour tous qui restez toujours le meme, rien
cxsxrm, 2i. Cest la le sentiment de la tendresse, ne TOUS suTTient , si en tous aimant, nous nous
c'est la la perfection : marcher toujours de la sorte, approchons de tous; tous ne perdez rien si nous nous
c'est arriTer.De la, Totre Apotre s'ecrie, apres eloignons de tous. Lorsque tous nous aimez,
aToir peu auparaTant dit : « Non que deja j'aie TOUS ne nous aimez que pour tous, puisqne la re-
said, ou que je sois parfait, mais je marche et ta- gie tres-exacte de la justice ne nous permet a nous

^ch, sati^atein facinis, sed sine festidio ; de ips sa- cationiiDei in Chrigto Jesu, Quiewtque ergo, inqoit,
tietote Don minaeos dedderiom, sed aagois, remota pa-fedi iumut hoc sentiamut.
omni anadetndiiiis miseria. Amor aum est, at dictmn
est, qui amatnr, qui a Toloptatis sose toncDte onmemab
amatore sdo ded-
repellit Tel in saiietate festidli, Tel in
CAPUT TV.

derio amdetndinis. Tel in zelando InTidis miseriam : 3-


Deum propter se, ce^a-a omnia nomuti propter Deu»i
luminans eos, nt dicit Apo6tolos,a darUate in daritaiem,
diligi debere.
nt in lamine Tideant lamen, et in amore concipiantamo-
rem. Hie est emm fons Titsp qni semper floit , et nnn-
qnam perefDnit. Haec e^ gloria, haesnntdiTitiae in dome 9. Et hoc est amare tnnrn, qno amas te amantes, a
beati amatoris tni, qnia prsesto est desideranti et amanti dnlcedine bonitatis tase qoam babes ad creatnram taam.
qnod desiderat, et quod amaf. Ideoqne et qoi dedderat Creator bone, inspirare eis hoc desiderinm amandi te
temper amal desideraie : et qui amat, semper desiderat et amorem quo amant, et desiderare et amare te. Non
amare; et desideranti et amanti qnod desiderat et amat mim ad nos, Tel a nobis, com nos amas : sed
afBceris
'ac fodsabondare, o Domine, nt nee anxietas deside- es, qui semper id ipsnm es ; cui hoc est esse qnod ese
lanton, nee fastidiom afiligat abondantem. Et nnnqoid bmiam : bonnm aatem tibi in te, et omni tnae in te
obsecro Domine, hiec est Tita aetema, de qna cantat creature, Nos antem a te, ad te et in te afficimnr cum te
psalmos : Et vide si via iniquitatis in me est, et dedue amamns, qni possomns misero aliqno modo esse, et
me in ria eetema? Hjbc est effectio, haec est perfectio : noo amare te; id est esse, et male esse. Tibi antem qni
ae semper ire, hoc est perrenire. Unde Aposttdus tons, semper idem es, nihil accedit, si amando proficimns ad
qui paolo ante dixerat, Son quod oeeeperim md perfec- te : nihil decedit, si deficimos a te. Cum antem nos
tui tim^ sequor auiem si eomprehendam a quo compre- amas, nonnisi propter te nos amas ; cnm rerissima snm-
bemsut nmt in Christo Jesu : wuan mdem qua retro mae jnstitis r^nla etiam nos nil amare permittat extra
sunt obliuaeent, ad ea pero qua 9um prion actendens te. Et certe possibfle est amori Deum amantis, nbi ma-
'K, ad destutatmm perge^pur, ad In^mum ^lyeijut t>9- gna ooconit gratia, eo profioere, at nee te oec se amans
DE LA CONTEMPLATION DE DIEU. 383
aussi, de ne rien cherir en dehors de vous. Et cer- n'est \k qu'une duree d'une demie-heure ou k peu-
taineraeiit, il est possible a I'affection de celui qui pres; mais I'intention fait des autres pensees de
aime Dieu, d'en venir avec le secours d'une grande I'esprit, comme un
jour perpetuel de fete qui vous
grace, au point de n'aimer ni lui ni vous pour lui;, est consacre. En cette vie bienheureuse et eternelle
mais lui et vous k cause de vous seul ; et ainsi il est dont il est ecrit « Entrez dans la joie du Sei-
:

reforme a votre image, k la ressemblance de la- gneur, XXV, 21.) sera seulenient la jouis-
» [Malth.
quelle vous Tavez cree^ 6 vous, qui par la verite sance parfaite et sans tin, et d'autaut plus heu-
de votre nature sureminente et la nature de votre reuse, que tous les obstacles qui semblent la retar-
verite, ne pouvez vous aimer que pour vous, et ne der ou I'empecher, etant pour jamais ecartes, cet
pouvez clierir I'ange et I'liomme qu'a cause de amour jouira alors d'une eternite inalterable, d'une
vous. perfection que rien ne troublera et d'un bonheur
10. Et, 6 heureuse et tres-heureuse I'ame qui que rien ne changera.
merite d'etre touchee de Dieu pour Dieu, de sorte
({ue, par I'unite de I'Esprit en Dieu, elle aime Dieu CHAPITRE V.
seul, sans melange de quelque interet particulier,
qui ne s'aime elle-meme qu'en Dieu, et que Dieu Au-dessus de Dieu, rien n'est a aimer, au-deld de lui,
aime en elle ou qui approuve ce que Dieu doit aimer rien ne pent Hre desiri.
ou approuver, c'est-a-dire , le Seigneur lui-nieme ;

bien plus, ce qui doit seul faire I'objet de I'amoiir et 11. amoui", venez en nous, possedez-nous. D'ou vient
de Dieu le creaieur et de la creature, oeuvre de ses Qu'a votre presence disparaisse en nous toule la la corruption
de I'amour.
mains. Car le nom ou le sentiment de I'amour ne con- corruption que la concupiscence de la chair et des
vientou n'est du a nul autre qu'i vous, 6 veritable yeux, avec I'orgueil de la vie, fait germer en ce
amour, 6 Seigneur digne de toute affection. Et sentiment, comme des rejetons batards ; en ce sen-
voici la volonte de votre Fils en nous, voici la priere timent, dis-je, que Ton appelle en nous amour, et
que pour nous il adressa a vous, Dieu son Pere « Je : qui trop souvent est corrompu par les maladies de
veux que comme vous et moi sommes un, de meme I'ame creee par vous et pour vous, faite et formee
ils soieut un en nous. » (5. Joan, xvn, 21.) Voila ponr vous seul, notre puissance d'aimer, luttant
la fin, voila la consommation, voila la perfection, centre la loi naturelle et s'clevant centre elle, est
la paix, c'est-Si-dire, la joic du Seigneur, la joie contrainte de subir les noms de gueule, de luxure,
dans le Saint-Esprit, le silence dans le ciel. Car, d'avarice et autres semblables ; elle qui sans cor-
tant que nous cheminons dans cette vie, le coeur ruption et restant dans sa nature, existe seulement
jouit parfois du silence de cette tres-heureuse paix pour vous. Seigneur, ci qui seul est du I'amour.
qui se fait dans le ciel, c'est-a-dire, dans Fame du Car, comme I'a dit I'un de vos serviteurs, I'amour Qu'est-ce que
raisonnable de I'ame, un mouvement ou un I'amour
juste qui est le siege de la sagesse : toutefois, ce est
raisonnable.

propter se, et te et se propter le solum amet et per : sola erit perfecta et aeterna fruitio, et tanto felicior
hoc reformalur ad imaginem tuam ad quam crcastieum, quanto jam remotis omnibus quae hoc tardare vel impo-
qui ex verilate prct'slantissimae natural tuae, ct naluravc- dirc vidcntur, amoris ejus indissolubilis a'lernitas, irre-
ritatis tuae, nee te nisi propter to, nee Angelum, nee fragabilis perfectio, incorruptibilis erit bcatitudo.
hominem amare potes nisi propter te.
10. Et o felieem et felicissimam animam, quae Deo sic
a Deo meretur affici, ut per nnitatcm Spiritus in Deo
CAPUT V.
solum amet Deum, non suum aliquid privatum, necnisi
Supra Deum nihil amandum, ultra quern nihil appeti
m Deo amet scipsum et D.cus in ipso amet vel appro-
:
potest.
bet quod amare vel approbare debet Deus, id est seip-
sum; imo quod solum debet amari, et a creatoro Deo,
et a crcaturaDci. Amoris cnim vcl nomen, vel aflcclus, H. amor veni in nos; possidc nos. Disperoant a
nuili compelit vel dcbctur, nisi iihi soli, o \cre amor ct facie tua in nobis omnia Rrditalis nomina, qua^ a con-
amande Domine. Et haee est in nobis voluntas Filii tui, cupiscenlia carius ct oeulorum ct superbia vilie huic in-
haec pro nobis oratio ejus ad te Deum Patrcm suum : naseunlur affcclui, quasi spuria qua-darn vitulamiua :

Volo ut sicut ego ot tu unum simiuii,ila et in nobis ipsi affcclui, inquam, qui amor in nobis dicitur, ct corrum-
iinurn sint. Ilic est fiuis, haec est consummalio, lia;c est pilur sa'pius morbis anima; a te ct ad te crcalaj ad le :

perfectio, liaic est pax, gaudiuni Domini, hoc est


hoc est solum concrcatus, et concrelus, et reluctans noster af-
gaudium in Sjiiritu Saneto, hoe est silcntium in eoclo. feclus legi naturali ct rcclamans, cogiliu- vocari gulu,
Quandiu qui^pe in hac sunius vita, hoc felicissimae pacis hixuria, avaritia, et his siniilia, qui incorrupliis ct in aua
silenlio in coelo, id est in anima justi quae scdcs est sa- pcrmancns nalura ad te solum est Domine, cui soli
picnliaj, ali(iuaudo I'ruilur allectus sod liora est dimidiu
: auior debclur. Est cnim uninue rationalis amor, sicut
vcl quasi dimidia, intentio vcro de reliquiis cogitatiouis dixit quidam sei'vus tinis, niotus \cl qnicta slalio, vel
dicui i'cstum pcrpetuum agit tibi. In ilia vcro beata ct finis, ullra qucm nihil appctaf, vel appetcudum judicel
aetevna vita de qua dicitur, Intra in gaudium Domini tui voluntatis appctilua. Ultra le vero, vel supra to quajrit
;

38a L'ABBE GUILLAUME.

repos tranquille ou bien iinc fin, au-deli cle la- pour nons, vous servir n'est autre chose qu'etre
qiielle I'appetit de la volonte lie desire rien ou ne sauve par vous. Car, quel est notre salut, o Dieu,
trouve rien i desirer. Hors de vous, ou au-dessus de qui vienttout salut et de qui descend sur le peu-
de vous, celui qui clierclie quelque chose comme ple votre benediction, si ce ne sont pas les dons

meilleure que vous, n'a rieii a poursuivre, parce que nous avons recus de vous, afin que nous ai-
que rien n'est meilleur, rien n'est plus doux que mions ou soyons aimes de vous ? C'est pourquoi,
vous aussi, en s'eloignant de vous, qui seul avez
: vous avez voulu qu'on appelit Jesus, c'est-a-dire,
droit a I'amour, il se reduit a n'etre qu'un neant, Sauveur, le Fils de votre droite, I'homme que vous
11 se livre a la fornication et ci la luxure daus ses vous etes confirme « Car c'est lui qui sauvera son
:

affections du dehors, qui portent, ainsi que nous peuple de ses peches; » {Matth. i, 21.) et 11 n'en est
I'avons dit, desnoms etrangers. Car Tamour, comme pas d'autre en qui se trouve le salut. {Ad, iv, 12)
11 a ete expose, et comme il faut souvent le dire, c'est ce divin Sauveur qui nous a appris a I'aimer,

est pour vous seul. Seigneur, en qui seul est tout car le premier
nous a aimes jusqu'a mourir sur
il

ce qui existe vraiment, en qui se rencontre le repos la crolx, etnous aimant et nous cherissant, II nous
tranquille et assure, parce que craindre Dieu de la a laves de nos fautes, nous relevant de notre chiite,
crainte chaste de I'amour et observer ses comman- afin que nous aimions celui qui le premier nous a

dements, c'est tout I'homme. aimes jusqu'a la fin. Telle est la justice des enfants
deshommes aime-mol parce que je t'aime. On
:

CHAPITRE VI. trouve rarement une personne qui pulsse dire je :

t'aime pour que tu m'airaes. C'est ce que vous avez


Bieu nous a aimes le premier et nous a excites par son fait. Seigneur; parce que, comme le crie et le pre-
Fits a lui rendre amour pour amour. che le serviteur de votre amour : vous nous avez
aimes le premier. (I S. Joan, iv, 19.) Et U en est
12. Que de mon ame done s'eloigne toute injus- alnsi, entierement ainsi. Vous nous avez aimes le

tice, pour que je vous aime, vous Seigneur mon premier, afin que nous vous aimassions ; non que
Dieu, de tout mon coeur, de toute mon ame et de vous eussiez besoin de notre amour, mais parce que
toutes mes forces ;
que toute jalousie se retire de nous ne pouvions etre ce pourquoi vous nous avez
moi, afin qu'avec vous je n'aime rien que je ne fails, si nous ne vous aimions pas. Aussi, « en plu-

cherisse pour vous, 6 unique et veiitable amour, 6 sieurs sortes et manieres, jadis Dieu a parle a nos Pe-
Seigneur legitime. Car lorsque je cheris quelque res par les Prophetes, et recemment, ces jours passes,
chose a cause de vous, ce n'est pas cette chose que 11 nous a parle par le Fils; » [Heb. i, 1.) dans votre

j'aime, mais bien vous, pour qui je cheiis ce que Verbe par lequel les cieux ont ete affermis, et qui
j'aime. Car vous etes vraiment le seul Seigneur par le souffie de sa bouche, a produit toute leur

pour qui, domlner sur nous, c'est nous sauver ; et beaute. Votre action de parler dans votre Fils, ne

aliquid tanquam melius te, nihil est quod quaerit, quia quam a te salvari. Quae enim salus tua, o Domine, cujus
nihil est melius vol dulcius te : ideoque nihil efficiturre- est salus, et super populum tuum benedictio tua, nisi
ccdendo a te, qui solus amandus est vcre, et fornicaturet quod a te accepimus, ut amemus te, vel amemur a te?
luxuriat in alienis atFectibus, aliena ut dixi nomina ha- Idcirco Domine filium dexterae tuae, hominem quem
bentibus. Amor enim, ut dictum est, et saepe dicendum confirmasli tibi, Jesum, id est Salvatorem appellari vo-
est, ad te solum est Domine, in quo solo est quidquid luisfi Ipse enim salvum faciei populum siium a peccatis
:

vere est, ubi quieta et secura statio, quia Dcum timere eorum ; et non est alius in quo sit salus, qui docuit nos
timore amoris casto, et mandata ejus ohservare, hoc est amare se, cum usque ad mortem crucis prior ipse di-
omnis homo. lexit nos, et lavit nos amando et diligendo, suscilansnos,
ut amemus eum qui prior usque in finem dilexit nos.
Haec est justitia filiorum hominum Ama me, quia amo :

CAPUT VI. te. Rarus autem est qui dicere possit : Amo te, ut ames
me. Hoc tu fecisti quiasicut clamat et praedicat servus
Deum priorem dilextsse nos, et ad amandum nos pro- ;

amoris tui, prior dilexisli nos. Et sic plane, sic est.


vocasse per, Filium.
Amasti nos prior, ut amaremus te non quod egeres :

amari a nobis ; sed quia id ad quod nos fecisti, esse non


12. Recedat itaque ab anima mea omnis injustitia, ut poteramus nisi amando te. Ideoque multifariam )nultis-
te diligam Dominum Deum meum ex toto corde meo, que modi's ohm Deus locutus Patribus in Prophefis, no-
et ex tola anima mea, et ex omnibus viribus meis re- : vi'isime diehus istis locutus est nobis in Filio, in Verbo
cedat omnis zelotypia, ne tecum aliquid amem quod tuo quo

I
coeli firmaii sunt, et spiritu oris ejus omnis
propter te non amem, o vere unice amor, et vere Do- virtus eorum. Loqui tuum in Filio tuo non aliud fuit,
mine. Cum
vero propter tc aliquid amo, non illud amo, quam in sole, id est in manifesto, ponere tabemaculum
sed te, propter quem amo quod amo. Tu enim vere so- tuum.
lus es Dominus, cujus dominari super nos, hoc est sal- 13. Quantum et quomodo nos amasti, qui proprio Fi-
Tare nos nostrum vero servire tibi, nihil est aliud
: lio non perpecisti, sed pro nobis omnibus eum tradidis-

I
DE LA CONTEMPLATION DE DIEU. 385
flit point autre chose que placer votre tabernacle vous aimer, ni vous aimer sans que vous nous en
dans le soleil, c'est-a-dire, que de le mettre en evi- fissiez la grace. Done, 6 Seigneur, comme le dis-

dence. ciple qui vous aima si vivement I'enseigne, et comme


13. Combieu et de quelle maniere nous avez-vous nous I'avons deja prononce, vous nous avez aimes
aimes, vous qui n'avez pas epargue votre propre lepremier, c'est vous qui d'abord cherissez tous
Fils, {Ro7n. \ni, '

2.) mais
pour nous I'avez livre ceux qui vous aiment. (I S. Joan, iv, 19.)
tons, et lui aussi il nous a cheris, et il s'est livre pour
nous. {Gal. ii, 20.) C'est la la parole que vous nous CHAPITRE VII.
avez envoyee. Seigneur, c'est la votre discours plein
de puissance, qui pendant que toutes choses etaient De quel amour Dieu 7wus aime.
au milieu d'un profond silence, c'est-a-dire, au
plus profond de I'erreur, est descendu des regions Mais nous. Seigneur, nous vous aimons du
111.

royales, [Sap. xvni, IZi.) pour conibattre les tene- sentiment d'amour que vous nous avez mis au
bres avec force et pour procher doucement I'amour. coeur : vous le createur de tous les bons sentiments

x ^ -i
et de toutes les &mes qui les doivent
eprouver, est-
'h» [ngage
our. terre, jusqu'aux opprobres, jusqu'aux crachats et ce par I'cfFet d'un sentiment accidentel et passager,
aux soufflets, jusqu'a la croix et au sepulcre, ne que vous cherissez ceux que vous aimez, et subis-

fut autre chose que le discours que vous nous adres- sez-vous en quelque maniere quehiue affection,
siez en votre nous appelant, nous excitant par
Fils, vous qui creez toutes choses et toutes les creatures

votre amour a vous aimer nous-memes. Car vous raisonnables ? Non certes, cette pensee est ab-
saviez, 6 Dieu createur des ames, qu'un sentiment surde, elle est centre ladu foi, elle est iudigne
semblable ne i)Ouvait pas etre produit par la force Createur. Comment done nous aimez-vous, si ce
dans le coeur des enfants des hommes, mais qu'il n'est point par un sentiment d'amour ? Mais votre

fallait I'y faire naitre : la ou est la force n'est plus amour est votre bonte, 6 etre bon au-dessus de tous
la liberie, ou n'est pas la liberie ne se trouve pas les autres, 6 souverain bien; c'est le Saint-Esprit
la justice. Pour vous. Seigneur juste, vous vouliez procedant du Pere et du Fils, esprit divin qui des
nous sauver, vous qui ne sauvez et ne condamnez le principe de la creation est porte sur les eaux,
personne sans une souveraine justice, vous formiez (Gen. I, 2.) c'est-k-dire, sur les 4mes flottantes des
en nous le jugement et la cause qui en est I'objet, enfants des hommes, s'offrant h tous, attirant tout
assis sur votre trone et jugeant la justice, [Ps. ix, a lui par son inspiration, et par son aspiration
5.) mais que vous avez produite, afin que toute
celle ecartant ce qui est nuisible, procurant ce qui est
bouche soit fermee et que le monde entier soit sou- utile, nous donnant Dieu
nous unissant b. lui. et
mis k Dieu, [Rom. m, 19.) alors que vous aurez pi- Et aussi votre Saint-Esprit, qu'on appelle I'amour
tie de qui vous aurez pitie, et ferez misericorde a du Pere et du Fls, unite et volonto produisant
celui dont vous aurez pris compassion. {Ibid, ix, en nous la charite de Dieu et s'unissant a lui par
15.) Vous avez done voulu que nous vous aimas- ce lien sacre, nous attache au Seigneur par la
sions, nous qui ne pouvions etre sauves sans bonne volonte qu'il inspire en nous : la vivacite de

ti, qui etlam dilexit nos et tradidit semetipsum pro no- deret a tc. Ergo Domine, sicut Apostolus amator tui di-
bis. Hoc Vcrbum tuum ad nos Domine, hie omni-
est cit, et nos jam diximus, prior dilexisli nos, prius diligis
potens Sermo, qui dum medium silentinm tenerent omnes dilectores tuos.
omnia, profundnm scilicet erroris, a regalibus scdibus
venit, durus errorum debellator, et dulcis amoris com-
mendator. Et quidquid fecit, quidquid dixit in terra, us-
CAPUT VII.

que ad opprobria, usque ad sputa et alapas, usque ad


Quail amore Deus nos diligat.
crucem et sepulcrum, non fuit, nisi loqui tuum nobis in
Filio amorc tuo provocans et suscitans ad te amorem
nostrum. Sciebas enim Creator animarum Deus, in ani- 14. Scd nos, diligimus afTcctu amoria a te
Domine, te
mabus filiorum hominum cogi non posse, sod provocari nobis indito : omnium cl afrectuum bo-
tu vcro conditor
oportcrc afTectum istum simul cliam quia ubi coactio,
: norum, et animarum afficiendarum, nuniquid accidonti
jam nee libertas ubi ncc libertas, ncc justilia. Tu au-
: vel incidcnli amoris affectu amas quos amas et aliquo :

tcm Domine juste, salvare nos volebas, qui nulltmi sal- modo in aliquo afdccris, qui ct omnes facis, et omnia?
vas nee damnas nisi juste, ipse nobis formans judicium Absit. Absunlum est, prucul est a tide; alicnum ab om-
et causam, sedens super thronuni, et judicans justitiam, nium Crcatorc. Quomodo cigo nos amas, si nos amore
scd quam tu focisti ul omnc os obstruatur, et subdilus
; non amas? Sed amor tuus bouilas lua est, o summc
fiat omnis mundus Deo : cum misci'cris cujus miscrcris; bone, ct summum bonum, Spirilus Sanclus procedcns
et misericordiam praestas cujus miscrtus oris. Voluisti a Patre el Filio, qui ab initio crcatura! fcrlur super
ergo ut amaremus to qui ncc juste potcrauius salvari,
: aquas, id est, super menles liliuruui homiuum iluctuau-
nisi amaremus te nee amare te poteramus, nisi proce-
; te3, omnibus se oflereus, omnia ad se traheus iuspiraado,

T. V. 25
386 L'.^BBEIGnLLU-ME.
cettebonne volonte s'appelle amour en nous, c'est eomme U a ete dit, nous arons part 4 oette ^ttven da
par ce sentiment que nous aimons ce que nous de- Christ, votre Fils « je \esa, comme Tons et moi,
:

Definition de Yons aimer, c'est-a-dire, reus aimer. Car 'amour 1


nous sommes un, qu'ainsL, ils stnmt on en nous. >
I'ajnonr.
nest rien autre chose qu'une volonte tres-actiTe [Joan. xvm. 21.'; Car nous sommes de Totre race,
et bien reglee. Vous tous aimez done, 6 Seigneur 6 Seigneur la race de Dieu. eomine le dil rotre
!

tout aimable, lorsqu'en vous du Pere el du Fils Apotre, Act. rexpressaon


ivii. 29.} transportant
procede le Saint-Esprit , I'amour du Pere pour dun payen, d'un mauvais Tase dans on btui, poor
le Fils , I'amour du Fils pour le Pere , et cet que le bon vase ne sente que cette belle parole.
amour est si grand qu'il est unite, Funite est si « Xous sommes, » dis-je. * la race de IHea, » et
grande quelle est homoumn c'est-a-dire la meme dieni, et tous filsdu Tres-Haut, revendiqnant. tn
substance du Pere et du Fils. Vous vous ai- verta de cette parente ^iritnelle, une grande affi-
mez vous-meme en nous, en envoyant dans nos nite avec toos,pnisqoe Totre Fils ne dedaigne pas
coeurs I'ELsprit de votre Fils, criant par la douceur de prendre, par I'esprit d'adoption, un meme nom
de Tamour et par la force de la bonne volonte que aTec nous ; et avec lui, et par lui, formes par un
vous nous avez inspiree « Dieu notre Pere. » Rom.
: preoepte salutaire et par les lecons meme d'un
VIII, 15 , faisant que nous vous aimons, ou bien Dieu, nous osons dire : € Noire Pere, qui etes anx
plutot, vous aim ant vous-meme en nous, de sorte cienx. » (MatOi. y\. 9.}Vous nons eherissez done, en
qu'esperant d'abord, parce que nous avions connu tant que tous faites que nons vous aimons, et nous
votr^ nom, 6 Seigneur, et nous glorifiant en vous, vous aimons en tant que nous reeevtms, enToye
nou5 qui cherissions le nom du Seigneur en vous; pax vous, votre Esprit votre amoor) qui occope
6 Seigneur, maintenant et desormais, par votre et possede toutes les retraites josqu'ou s'etendent

grace qui nous inspire, par I'Esprit de votre adop- nos sentiments, qui les convertit parfaitonent, et
tion, nous avons la confiauce que tout ce qui est a leur donne la purete de votre verite et la Terite de
notre Pere est aussi a nous, et par la grace de cette votre purete, jusqa'a ce qn'ils asquiescent {deioe-
meme adoption, nous vous invoquons en vous don- ment a votre amour ; de la resnlte xme eonjonction
nant le meme titre qu'a celui qui est votre Fils si grande, ime axihesion si forte, le vif sentiment
unique par nature. d'une douceur que TotreFib Notre-
si delicieuse,
15. Mais parceque touteela vientde vous, de vous Seigneur lui-meme se sert pour d^igner ces ef-
pour qui aimer que faire du
n'est pas autre chose fets, du mot d'unite eox aussi un en
: « qu'ils soient
bien de qui vient, 6 souverain Pere des lumieres
, 1 nous ; (Joan. xni. 21.) une
une gloire dignite et
toute chose tres boitne et tout don parfait vous ; si extraordinaiies, qu'il pouisnit A ajonte : conune
vous aimez en nous et nous en vous, lorsque nous vous et moi nous sommes un. (76. 22.) joie ! A
vous aimons par vous et nous nous unissons a gloire orichesses 6 orgueil car la sagesse, a, die
I ! !

TOUS autant que nous meritons de vous aimer et ;


aussi, son espeoe d'orgudl, qui s'ecrie : « aTec moi

adspirando, noxia arcendo, providendo ntiha, Demn no- Sed quia hoe abs te totiim est, aqas amaie hoe
15.
bis, et nos uniens Deo. Sic enim Spiritos Sanctus taus, ben^cere ; a quo omoe datom c^tinuun, et omne
est
qui amor dicitur Patris et Filii, et unitas, et vdonlas donom pofectmn, aninme Pater hiininnin : to teqenm
per gratiam suam in cobis iohaMtans, et De
in nobis amas in doIhs, et nos in te, com te per te amamos, etin
charitat£m eommendans, et per ipsam ipsom doIhs ood- fantnm tibi animar, in qamtmn te amare meremnr et :

cilians, Deo nos unit per inspiralain nobis booamTolan- parHdp^ efficimor, at dictom e^ oratianisillins Oirs-
taiem cujus bonae voluntatis vebementia amorioiMAis
: li FUu tui : Voh mt siaa ego et tu tauam swmmt, iia et
dicitur, gno amaimis qtiod amare debemus , te scilicet. ipn mimm m
mobitsaL Genus enim tomn smnns Do-
Nihil eoim alind est amor, goam Teiiemois et b^ie or- mine : genos Dei, scat dicit Apostolns tons, tnnsSraens,
dLaata voluntas. .\mas ergo te, o amahnis Doaune, in te E^thnici seotentiam de malo rase in tss bramm, nt noa
^so cum a Patre et Filio procedit Spiritos S^octas, Did ipsam et vas iMmom sapiaL Gemmt, inqnam, Smauu
amor Patris ad Filinm, et Filii ad Patrem : et taotmest Dei, et dii, filii exoelsi omnes, oognatione qaaifam spi-
amor, ut sit imitas ; tanta est unitas, ut sit homoosicn, lilali magnam apad te vindicantes affinilatem, com per

id est eadem Patris et Filii substantia. Amas et te^som Spiritom adoptionis FlHos tnos onnm nolMscam nomen
in nobis, mittendoSpiiitum Filii tai in oorda noatia, a sortiri non dedignafnr, et com ipso et per ^snm piae-
dulcedine amoris et vehementia inspirat® a te nobis bo- oeptis salofaribas mooiti et divina institntioae formal!
ns voluntatis cla ::aiitera, Abba Paler : ac nos cfSciois audeauts dioere : Pater luutar qui et im eaSs. Amas ita-
tui amatores, imo sic teipsam in nobis amans, ut qui qne nos , in qnantnm nos ^fids tni amatores : et nos
primum sperabamus, quia noveramus nomen taom Do- amamiw; (e^ in qoantom a te Spintnm tnom aocipimos
mine, et gloiiabamur in te, qui dUlgebamiis aomea Do- (qm est amor bms} obtinentem et possidoifaam omnes
mini in te, o Domine ; jam per inspirantem nobis gra- affectioDom aostraram lecessus, et perfecte eos couTer-
tiam, per Spiritum adoptionis tuae, omnia quae Patris t^item in poritatem veiitatis tuae, et veiitatem poritatis
sunt, nostra esse confidentes, ipso le nomine invoce- tna?, in plenum amoris tni oonsensom : tantaqne fitooo-
m'js per adoptionis gratiam, quo Filius tutis onicos per jmictio, tanta adhzsio, tanta dnkedinis fcue bnitio, at
naturam. imitas ab ^bo DcHnino nostro FiUotnovocetor, diceate:
;

DE LA CONTEMPLATION DE DIEU. 387

sont les richesses et la gloire, les biens magniQques bien nous vient de celui de qui nous tenons
et la justice. [Prov vui. 18.) I'etre.

17. Tons ces biens, par lacommunication de vo-


CHAP IT RE VUI. tre Saint-Esprit qui habite en nous, nous croyons
et nous pensons, autant quil est permis de le
Par t amour, nous devenom un avec Dieu. comprendre, que c'est ce meme esprit, conformant
et s'unissant notre propre esprit, qui les met
16. Qu'y a-t-il de plus absurde que d'etre uni en nous, quand il veut, comme il veut, et dans les
avec Dieu par I'amour et de ne I'etre point par la mesures qu'il veut ; nous sommes son ouvrage,
beatitude ? Car vraiment et uniquement heureux, crees dans les bormes CEUvres, lui qui est notre
et particulierement et parfaitenient beui'eux, ceus. sanctification, notre justification, notre amour. Car
i est qui vous aiment en perfection et verite. « On a pro- il amour, cet
est notre amour par lequel nous arri-
reui.
clame bieuheureux le peuple a qui sont ces biens vons a vous, et nous vous embrassous. Autrement,
mais on ment, parce que celui-la seul est bienheu- 6 Majeste incomprehensible, vous paraissez com-
reux, qui a pour partage, le Seigneur son Dieu. prehensible pour I'ame qui vous cherit.
(Psa/m. cxLiii, 15.) Car qu'est-cequ'etrebieubeureux Bien que nul esprit ou nuUe ame ne vous L'amonr seal
si ce n'est de ne vouloir que le bien, et d'avoir tout comprenne, cependant I'amour de I'homme qui wmprend
ce qu'il veut ? Vous vouloir done, el vous grande- vous cherit vous saisit tout entier, quelque grand que
ment vouloir, c'est la aimer, et singulierement ai- vous soyez, si pourtant il se trouve de Tet^due
mer, vous qui ne souffrez pas d'etre aime avec la ou il n'y a rien de particulier, s'il y a quantity
quelque autre cliose que ce soit, charnelle ou spiri- la ou il n'y a point de surface, s'il y a possibilite

tuelle, terrestre ou celeste, qui ne serait pas aimee de comprendre la ou ne se trouvent point ces ele-
a cause devous ; c'est bien la n'aimer que le bien, ments et ces donuees. Mais lorsque nous vous
c'est bien la que Ton veut car
posseder tout ce : aimons, notre esprit, est louche de votre
I'ame vous possede, en tant qu'elle vous aime. Saint—Esprit, Esprit adorable ,
par lecpiel
Unis done an Seigneur par I'amour et par la beati- nousportons, habitant en nos cceurs,la charite de
tude, nous comprenons que « le salut vient verita- Dieu quiy a ete repandue. Et lorsque notre amour,
blement du Seigneur et que votre benediction est I'amour du Pere pour le Fils, I'amour du Fils pour
sur votre peuple. » (Psalm, xu. 9.) Aus?i, nos prie- le Pere, le Saint-Esprit reisdant en nous , est
res, nos voeux, nos sacrifices et toutes nos ac- par rapport a vous, ce qu'il est reellement, c'est-i-
I

tions, nous vous les offrons constamment 6 Pere, dire I'amour faisant cesser et sanctiflant toute cap-
par Notre-Seigneur Jesus-Christ votre Fils, croyant tivite de Sion, c'est-a-dire toutes les affections de
et comprenant que de vous, et par vous et vers notre ame, nous nous aimons ou bien vous vous ai-
vous, par son entremise tout ce que nous avons de mez en nous : nous, pai' I'affection, voiis, par les

Ut sM ipsi umnntanta dignitatis, tantae glo-


in nobis ; uniti Deo intelligimus, quod vere Dom.ini est salus, et
riae, Sicut ego et tu union su-
ut subsequatur et dicat : super populum tuuni benedictio fiia. Idcoque orationes
mtes. gaudium, o gloriam, o divitias, o superbiam ! nostras, vota, et sacrificia, et omnia nostra ofTerimus tibi
Habet enim sapientia etiam sui generis superbiam, quse Pater assidue per Dominum nostrum Jesum Christum
dicit Mecum enim sunt divitice et gloria, opes superbce
: Filium tuum credentcs ct intelligcntes ex tc, a te, et
;

et justitia. ad te, per ipsum nobis esse, quidquid nobis bene est, a
quo ipsum esse habemus.
17. Quae omnia per siibminislrationem SpiritusSancti
C.\PUT VIII.
tui habitantis in nobis credimus, et intelligimus, quan-
tum dictum est, confirmans
intelligere fas est, qui, ut
Per amorem nos fieri unum cum Deo. sibi, et uniens spiritum nostrum, spiral in nobis, quando
vult, quomodo vult, quantum^•ult cujus sumus factura, :

16. Quid autem est absurdius imiri Deo amore, etnon creati in operibus bonis, cxistens sanctiticalio nostra,
beatitudine ? Beati enim vere et unice, et singulariter et justificalio nostra, amor noster. Ipse enim est amor nos-
perfecte beati, qui vere et perfecte amant te. Beutum ier, quo ad le pcrlingimus, quo le amplectimur. .\lio-
enim dixerunt populum cui hcec sunt : sed mcntiuntur, quln, o incomprehensibilis majestas, comprehensibilis
quia solus beatus cujus est Dominu-i ejus. Quid Deus esse \ideris anima> te amanti. Licet enim nuUus sensus
enim est beatum esse, nisi non velle nisi bonum, et cujuslibel anima* vcl Spiritus te comprehcndat, tamen
omnia habere quaecunque vult? Tc igitur vclle, et vc- totum te, quanlus es, comprehcndit amor amanlis, qui
hementer velle, quod est amare, et singulariter amare, totum te amat quantus cs, si lamen est totiUis, ubi non
qui amari non dignaris cum aliqua omnino te sivo car- est particnlaritas : si quantit.os, ubi non est tantitas : si
nal! sive spiritual!, sive terrestri, sivc cnelesti, quae non est comprehcnsibilitas, ubi h.pc omnia non siinl. Scd
amelur pro le hoc dcmuin est non vclle nisi bonimi,
; cum te amainiis, afliciliir spiritus nosier vSpiritui tuo
hoe est habere quaecunquc vult omnia quia habet tc : sancio, per qiieni liabilaiitoin in nobis charilatera Hoi
quis, in quantum amat te. Ergoet amore, et beatitudine diHusam habemus in cordibus nostris. Cumque amor
.

e, e'list-ii'Hfire for maflreSoBBl-C^nt 1

P^fi», ttmasaatK He Fik m*


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If Kf« a'csSl atfne ckose tfae fcfiie ce- i^'tesfi

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TaB^Oie : « ^asenae oaoaH le Pete, a ce K'sst
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Ik- i%!r et jfgssaBSBat A'aenoBB k FiK ^ce m'tcsK k


l.-tanma !%«, v ^JleOaft- 3X. 27. 8tf Lac x. 22L1 d
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k SosBil-GspDi, cmoaittKe «( imfiiiiwiHii k Foe
et k 1% m'e5& pK da» qae anlEtt' tftefiie aaaa ce
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q«d dees k toEr iaager afies raKwr 1

grlee^ de pavr bsb^ ^pi c&ansBoaB


Je5iBS-€&ES£6,
Discs, ^'ammsr k Seognmr, k tuuduc et 1

dTifiire BBOBf e^ciB sxee Ihb. Car, eta


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dtc S»gKar et sender ses giweqAe^ e«sA t
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ThoBoaut. » ^£«E&. sm. IS.}


fa£ik et (JSgaif <j» ftaoEiie baKtfidBSB^ <

cet E^cifi. <t Esvwjrex Totse- sexiiiS^ laaA soai one^ ^ Ae^K«sttakara(
et Toos veBDsmET^oieE la &ee itiskfam. * {^^im. rme-lWais & SHt khimiiiImim tie me fos
L|i Ge n'esfi fosduK k ieto^ <^ gsaales ami. la joEsQce, foorae tpufe se i««s «!
e'es^-^H^ir?, ^boe ks trooiBtAis et Jaa^r la tsg^-
,
aii^ -ws <j)Mtaine6eg.r«igiae tft k ihmm. j '

ks koHBes ^3igfswAavB& de Dkn. D^oms ftrap *ie

tmigitwi&*. fAdaB. F^ks sB/mS&Bt k "v^at snrl&terR^


^ne M BftHT se i^ftke. ^ns ks fcts aoKss da dlBl&-

la, Q^sBtbe, qnek Saosl-Esfitifi se moniR^ ^pB£ ]

fcaiE. anicc Pairfe 3<£ FilSiia, smcr FSB a£


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^ 'riiiiiH. Sauidiiut
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BQ^tESV (ffluiuea- ^BeeiSesaes m a? essmvestems ett sandiS- fins SSBKii^ a^tjnfem IWiH>»j>i»»
tgPfc- ifTwujHiiH, te^ ^»B ttu awiffls tig mt maSfe: nos affiadOw, wMnmiiiiiiiiit. = ^lemriis

fci elJfecttL : annuls nos m fc eMiiiais g<ar iiiiiiltritaHi ttaaDEEs

jet %sbd> S^pmitaima Sauittiuii tmoiiiit, «p»m<£ed&sl& ms*-


eat ffiSneit tubk aaiwreatan! ^^ 'TnrrfiWil itfTlT Wa™^

ftcs; Mamnfi maoi esB alSod "^isi^ msase I'dbuiii, nialBiK


ese. (mod esfi FS&is ; b3e3 SBl&iii ¥9&9 Bfisra? Brtnenn^ far
nJsi &oe esEe qmid esfi Ater: nraSe K»anggiii\, J^sne m
tLTTTd P'lHrsmy nsas^Sita. it aema maaSt fiBbam mai Bo-
xer e£ ^ni£ S^icSini SoDEteti Hdtal ts& aiEni msaaer idl
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SOS ^""T* J^tftfflJKir c&
;

DE LA CONTEMPLATION DE DIEU. 389


marchaient plus hors de la voie. La voie, 6
vile nous pourrions abuser pour le mal. Aussi, pour que
Pere, c'est voire Christ qui a dit : « Je suis la voie, la cbarite ne soit pas incomplete, nous apprenons
la verite et la vie {Joan. xiv. 6 ). a aimer leprochain selon les lois de la cbarite pure.
{Deuteron. vi, 1.) Afin que dememe que Dieu n'ai-
CHAPITRE IX. me que lui en nous, que nous apprenons a n'ai-
et
mer que lui, [Matth. w, !\i.) ainsi nous commen-
L' amour consisfe dans ^observation descommandemenis. cions a aimer le prochain comme nous-memes, ai-
mant en lui Dieu seul comme en nous. [Luc. x,
19. Doncvotre verite, oubienlavieverslaquelleon 28. Joan, xiii, 35, Rom. xiu, 10.)
marche, la voie par laquelle on se dirige, nousde- 20. Mais pourquoi, 6 Dieu, taut de paroles ? mon
crit la forme simple et exacte de la philosophie 4me est nue, gelee et Iransie, elle desire elre re-
juste et divine, parces paroles adressees aux disci- ebauffee au feu de votre amour. Aussi, n'ayant pas
ples Comme mon Pere m'a aime, moi je vous ai
: « de vetement, je ramasse des baillons de tous cdtes
mon amour; si vous observez
aimes. Demeurez en el je les prends pour proteger ma nudite; different
mes commandements, vous persevererez dans mon decelte sage femme de Sai-epta, (m. Reg. xvn, io.)
amour, comme j'ai garde les preceptes de mon dans letendue de mon desert, dans la vanite
Pere, et je vis toujours en son amour. » {Joan. si grande de mon coeur, je ramasse non point deux

XV, 19.) Done, le bieu-aime ne du bien-aime, comme bois, mais de tres petites broussailles, apres avoir
on le lit dans le Psaiune, [Psalm, i.xvu, 13.) quand gague I'interieur de ma demeure, pour preparer
le Pere cberit le Fils et le Fils reste en la dilection une poignee de faririe et uu peu d'buile, en man-
du Pere jusqu'a la pleine execution de ses comman- ger et mourir, on mieux, pour ne pas mourir
dements : bien-aime ne du bien-
voila encore le si promptement, mais plulot. Seigneur, afin de yi-
I

aime, lorsque le disciple cberi aime le Chi'ist, son vre et de raconler les oeuvres de votre droite. (Psalm.
maitre, jusijn'ti garder tons ses preceptes, et ne cxMi, 17.) Etant done, dans la maison de ma soli-
perd point cette bonne volonte, meme sous le coup tude, comme un onagre retii-e, [Osee vui, 9.) ayant
de la mort qui lemenace, marchant a la lumiere une demeure dans la terre aux eaux ameres, atti-
de sa verite et de son amour, ayant d'un cote ce rant en moi le souftle de votre amour, j'ouvre ma
qui est favorable an bien et de I'autre, ce qui porte bouche vei-s vous. Seigneur, et je recois en moi
au mal ; entre ces deux extremes , employant votre esprit, et quelquefois, onion Dieu, quand, les
tres-sagement les ressources qui lui serven\ de yeux la bouche vers vous, vous
fermes, j'ouvre
mojen pour le bien, ce qui est le propre de la mettez dans mon
un bien que je n'ai pas la
coem-,
vertu cbretienne. En etfet, lavertu, aiusi que nous permission de reconnailre. Je sens une suavitesi Le goAt des
CD OSes
I'avons deja dit, est le bon usage de la liberie grande, si douce et si fortifiante, que si elle se pro- divines
disparalt
I'acte de la vertu est le bon usage des choses donl longeait en moi, je ne chercherais rien davanlage ; pro°mptan«it.

per dilectionem operatur, licet afFectatum quemdam que ad mortis necessitafem non perdit banc volunta-
amorem, et opera quaedam haberent honestatis, tem, in illuminatione veritatis et amoris ejus, rebus om-
qua; quia ex fonte verte justitiae non prodibant, nibus ct idoneis ad bonum, et pronis in malum, et inter
nee in verae justitiae finem ibant; tanto desporatius er- utrumque mediis bene utens in bono, quod proprium
rabant, quanto fortius extra viam currebant. Via enim, Est enim virtus, sicut jam ante
est Christianae virtutis.

Pater, Ctiristus tuus qui dixit Ego via, Veritas et


: mm nos dictum bonus usus liberae voluntatis opus vero
est, :

vita. virtutis, bonus illarum rerum usus, quibus etiam male


uti possumus. Exinde ne manca sit charitas, docemur
amare proximum secundum legem charifatis pnram ut
CAPUT IX.
sicut Deus non nisi seipsum amat in nobis, et nos solum
:

Amorem constare observantia prcBceptorum.


Deum dicimus amare ita et proximum sicut nos inci-
:

piamus amare, in quo solum Deum amamus sicut in no-


bis ipsis.
19. Veritas ergo tua, ad quam itur, via per
vel vita 20. Sod ut quid, Domine, tot verba? Sed nuda est
quam itur, veram et simplicem nobis describit forniam Domine algens misera anima mea ct deside-
et gelida et
divinoe et verse philosophia;, diccns ad discipulos sues :
rans caleficri calore amoris tui. Ideo vestem non habens,
Sicut dilexit me
Pater, et ego dilexi vos. Manete in di- panniculos bos undecunque colleclos contraho et consuo
lectione mea. Si prcecepta mea servaveritis , manebitis ad tcgendam nuditatem mcani ; et non ut sapiens il]a
in dilectione mea, sicut et ego prcpcepta Pntris mei ser- Sareptana duo ligna, scd surculos istos minutes, de de-
vavi, et maneo in ejus dilectione. Ecce dilectus dilccti, sert! mei vaslitato, ut aliquando ingrediar in labcmacn-
sicut in P.salmo Icgitur, cum Pater dilij^it Filium, et Fi- lum domus meae, et faciam mitii de pugillo farinap, el
liusmanet in dilectione Pafris usque ad plenam inanda- de hydria olci, et comcdam ct moriar, vel non tam cito
torum ejus observationeni rursumqne dilectus dilecti,
: moriar imo Domine, non moriar, sed vivam et nar-
:

cum dilectus discipulus diligit magistrum Christum us- rcm opera Domini. Stans igilur in domo solitudinis
que ad observatioaem omnium ejus mandatorum etus- ; quasi onager solitarius, el haiiitaculum habeas in terra
390 L'ABBE GCILLaUME.

mais qxiand je la recob. tous ne permettez a aucim toujours ainsi , que vers vous, se dirigent mes
regard da corps, a aucune penetration deTesprit, de veux ;
quen vous, que de vous tirent leur sourire
saisir ce qu'elle est. L'ayant recue, je veux la sai- tous les progres de mon Cfleur, et quand la vertu de
sir, la deguster et discemer quel est son gout ; mais mon ime, qui n'est rien, aura defailli, que
elle disparait axissitut. Quel que soit ce don, je toutes ses defalliances soupirent apres vous. Mais, en
I'accepte dans I'espoir qu'il me senrira pour la vie attendant, combiendetempsdiffererez-vous de m'ex-

etemelle ; mais je desirais , en ruminant pour cuser : combien de temps ferez-vous langtiir moa
ainsi dire, long-temps, de ses eflfets, faire
I'efficacite ame malheureuse, inquiete et soupirante apres

penetrer dans toutes les Teines et dans la moelle de vous ? « Cachez-moi, je vous en conjure, dans le

mon Sme une sorle de sue vital, afin que, perdant secret de votre force, loin de I'agitation Jeshommes,
le gout de toutes les autres affections, je n'aime et protegez-moi dans votre tabernacle, contre la con-

et ne goute que lui; mais il passe avet une exces- tradiction des langues. {Ppilm. XXXI, 21.) Mais deja,

sive rapidite. I'ane nous rappelle el les serviteurs s'impatientent.

conceme sa recherche,
il. Et lorsque, en ce qui
son arriveeeu nous ou son emploi, je veux graver CH.\PirRE X.
plus profondement dans ma memoire, quelques
lineaments aecentues, ou meme fixer pari ecriture Profession de cute H famaw enters Dieu.
mes souvenirs faiblissants, la verite et lexperience
me contraignent d'apprendre cette parole que vous 22. Maintenant done. Seigneur, avec une foi
proferez dans lEvangile, touchant le Saint-Esprit : entiere, je vous honore , vous, lunique principe de
c et vous ne savez d'ou il niou il va. » Car tout
vient tout, Toas, la sagesse par laquelle est sage toute

ce que j'ai pris soin de eonfier a ma memoire, tous ame sage, vous, le vrai bien par >jux sont heureux
les Bneameuts de quelques figures, quand je
veux tous les etres qui jouissent du bonheur. Je vous

les rappeler et les faire revenir pour me recueillir rentis mes devoirs ;
je vous adore, je vous benis,

dans la penseequi s'y trouve exprimee, et voulant seul Dieu, de tout mon cffiur, de tout mon esprit
qa'ainsi ces souvenirs me soient soumis toutes les et de toutes mes forces, je vous aime ou je desire
foisqueje voudrais, entendant alors cette parole de vous aimer. Qiacun des anges et des saints es-
du Seigneur, « 1' Esprit soufQe ou il veut ; » (Joan. prits qui vous aiment, je sais qu'Us m'aiment aussi

in, 8.) et eprouvant en moi que ce n'est point moi qui les cheris pareUlement en vous. Quiconque
selon ma au gre de son bon plai-
volonte, mais bien reste en vous et pent sentir la voix d'une priere

sir qu'il souffle, je trouve toutmort et tout insipide ; ou d'une affection humaine, je sais qu'U m'exauce
je comprends qu'il ne faul lever les veux que vers en vous, en qui je me rejouis, moi aussi, de la

vous, fontaine de vie, afin de voir la lumiere qu'eu gloire dont il brille.Quiconque a place son bien
vous seul J
que vers vous. Seigneur, et qu'il en soit en vous, me porte secours en vous, il n'eprouve

sakaginis, et atfiahens v^ -ons mei, os menin qnotieseonque voluero : andiens a Domino, Spiritus
apeno ad te, Domine. Jn- Et iMMinan- ubi emit spirat, et sentiens etiam in me, quia non qoando
qaam, Dfflnine, quasi 1..:..^.; ; - :e inhianti miltis ego vdo, sed qnando ipse vnlt spirat : omnia ilia mor-
mihi in os cordis, qnod non Beet mihi scire quid sit toa invenio, et insipida, et ad te solmn levandos esse
Sa^iem quidem sentio, dolcem adeo, soavem adeo et ocal<», fons vitae, ut in tno solo lumine vldeam lumen.
cooforianton, ot si perfceretnr in me, nihil otoa qnae- Ad te igitur Domine, ad te sunt, sunt et ocali mei ad
lerem : sed enm accipiois, nnllo corporis visa, nollo te : in te, de te proficont omnes animae mea profectus:
amms seoso, nnllo ^iritns intellectn advertere me per- et com defecerit virtus mea, quae nulla est, post te an-
mitiis quid siL Cum accq>ero, tenere et niminaie volo, helent omn^ ejus defectus. Sed interim quandiu me
et dijndkare ejos saporem : sed statim tianaL D^hitio differs, quandiu miseram, et anxiam, et anhelantem
qnidem illod, quidqnid illnd est in spesa vils aetenox : post te ynimain protrahis? AhPMnde me ots'^rro
meam
sed opeiationis ejus virtntem din raminando onmilms in ab$condUo fadei him a eonturbatione hominum, et
aniaue vers venis et medoUis quasi vitalem qnemdam protege me in tabemaeulo fw> a cfmtradictidne lingua-
soccum optabam transfondere, at ab (MnnibiK aliis affec- nan. Sed jam asinns revocat, et poeri perstrepont
ticHubns deaiperet, et illnd solam^ semper saperet : sed
festinat transire.
CAPUT X.
21. Et inqniafione ejus, vd acceptione, vd
com de
oso, formata quaedam lineamenta memoriae gestio arc- amoris erga Deum.
Profasio cuOus et
tins impressa eonunittere, vel etiam memoriam lalulem
seripto jnrare, re el experimento cogor discere, quid il-
lod at qnod in Evangelio dicis de Spiritn : Et nesds 22. Nunc ergo, Domine, pleia fide te Deum colo,
tmde veniat, out quo vadat. Qnaecnnqne enim qoaa qui- unum teomnium Prindpium et Sapioitiam, quae sa-
Ixedam lineamentoram figoris commeodare curavl me- piens est quaeconqne anima sapiens est ; et ipsum bo-
moriae, qaonim qnaa quodam redoctn, cum voluero, num, quo beata sont qnaecanqne beata sunt. Te onum
IDnc me recoUigam, ac perhocsobesise aiihivelim posse Deum colo, adoro, b«iedico te ei toto corde meo, :
DE LA NATURE ET DE LA DIGNITfi DE L'AMOUR. 391

point d'envie, il n'est point jalous de ce que j'ai sagement; vous, le Saint-Egprit, en qui aimant,
aussi qiielque part en vous. II n'appartient qu'a nous vivons heureusement et tres-heureusement ',

I'Esprit apostat defaii'e sa joie de notre misei'e, 6 Trinite d'une seule substance, un seul Dieu, de
et de considerer notre bonlieur comme un mal- qui nous sommes, par qui nous sommes, en qui
heur pour lui ; en cela, il n'y a rien d'etonuant; nous sommes de qui nous nous eloignons par le pe-
:

soiii du bien dechu de la veritable


general , cbe ; dont nous avons perdu la ressemblance qui ;

beatitude, il n'est pas soumis a la verite, jouissant n'avez pas permisque nous perissious loin de vous :

de ses avantages particuliers, il a en haine la feli- principe a qui nous recourons, forme que nous
le
cite commune des autres. Vous done,' 6 Dieu le
t
, suivons, grace qui nous reconcilie ; nous vous
e du
d'etre Pere, qui en nous aimant nous avez donne I'eiis- adorons, nous vous benissons; a vous gloire dans
t de tence qui nous fait vivre ; vous , la sagesse du les siecles des siecles. Amen.
ir du p^j,g q^j^ nous ayant reformes, nous faites vivre

ex tota mente mea, et ex omnibus \iribus meis, vel omnium odiens bonum. Te igitur Deum Patrem, quo
amo vel amare desidero. Quisquis Angelorum, vel bo- creatore vivimus te Sapientiam Patris, per quam rc-
;

norum spirituum te diligit, scio quia et me diligit, dili- formati sapienler vivimus; te Sanctum Spiritum, quem
gentem cliam se in te. Quisquis in te manet, et potest et in quo diligentes beate vivimus, et beatissime vivc-
sentire preces vel afTectiones humanas : scio quod in te mus; unius substantias Trinitatem, unum Deum, a quo
me exaudil, in quo ego eoruni
et gloriae congratulor. sumus, per quem sumus, inquo sumus; a quo peccando
Quisquis te habet bonum suum; in te me adjuvat, nee discedimus cui dissimiles facti sumus
; a quo perire ;

mihi tui participationem potest invidere. Solius enim non permissi sumus; prineipium ad quod recurrimus,
nostram miseriam suam facere Iee-
apostate? spiritus est, formam quam sequimur gratiam qua reconciliamur
; ;

nostrum bonum suum damnum nimirum quia a


titiam, : adoramus et benedicimus tibi gloria in saecula saeculo-
communi omnium bono, et vera beatitudine lapsus, non rum. Amen.
est subditus veritati, private suo gaudens, et commune

LE MEME GUILLAUME.
TRAITfi

DE LA NATURE ET DE LA DIGNITE DE L'AMOUR.

CHAPITRE I. lange de quelques affections etrangeres, s'apprend


lui-meme; il s'apprend a ceux qui sont docUes,
Que l amour est inne dans I'homme et qu'il y a ddge- dociles a la voix de Dieu. L'amour est une force qui

nere, corrompu par le vice de la chair, porte Tame par une pente naturelle, vers son lieu

ou vers sa Car, toute creature, soit spiritucUe


fin.

1. L'art des arts, c'est I'artd'aimer; la nature et soit corporelle, a un certain lieu vers lequel elle

Dieu, I'auteur de la nature, se sont reserves de nous est portee, et un certain poids naturel qui I'y en-

I'apprendre. Car I'amour, place en nous par le traine.Le poids, a dit un esprit vraimeut philoso-
Crealeur, si sa purete n'est pas alteree par le me- phe, n'entraine pas toujours en bas le leu monte. :

CAPUT I. aduUerinis aliquibus affcctibus prsepcdita fucrit, ipse, in-


quam, sc docel, scd docibilcs sui, docibiles Dei. Est
Amorem homini naturaliter indilum , carnis vitio corrup- quippe amor vis anim;R naluiali quodani pondcrc fcrens
ium degenerasse. cam in locum vel lincm suum. Omnis enim crealura
sivc spiritualis, sivc corporea, et ccilum liabol locum
I. Ars artium ars amoris, cujus magistcrium ipsa
est quo naturaliter ferlur, ct naturale quoddam pondus quo
sibi relinuit natui-a, ct Dcus auctor naturcB. Ipse enim forlur. Pondus enim, ut ait quidam verc philosophus,

amor a Creatore inditus, nisi naturalis ejus ingenuitas non semper fcrt ad ima : igncm sursum, aquam dcor-
392 L'ABBfi GLTLLAfME.

I'eau descend, il en est ainsi des autres corps. Mais cherchant le bonheur au lieu ou il n'est pas,
L'homme a son poids qui attire natureilement son par moyens qui u'j conduisent pas, l'homme
les

esprit vers les regions superieures et son corps s'eloigne du but apres lequel il soupire. Aussi
vers la terre, chacun selon sa fin et la place ayaut perdu I'enseignement que la nature lui •- * I

qu'il doit occupftr. Car quelle est la place des corps? avait donne, il a besoin quun autre honune
« Tu es terre » dit le Seigneur, « et turetourneras vienne I'instruire au sujet de cette beatitude que Ton

L'ime tend
dans la terre. » {Gen. m, 19) Quant a I'cime, nous cherchti natureilement en aimant, et lui dire
vers les lisons au livre de la Sagesse : « et I'esprit revien- ou, comment, dans quelle contree et par quels
regions
sup^rienres dra a celui qui la cree.)) (EccL xii. 7.) Voyez le corps chemins il la faut cheroher.
et le corps
Ters les
de rhomme corrompu, comme de tout son poids 2. L'amour done, ainsi qu'il a ete dit, a ete

inferieores. il tend vers son lieu ;


quand tout se passe bien et place natureilement au fond de Time humaine
selon I'ordre, I'esprit revient a Dieu qui I'a cree; par I'auteur de tons les etres mais apres quVUe :

le corps a la terre, non-seulement a la terre, mais a perdu la loi de Dieu, il faut qu'im homme vienne
il se resout en ces elememts, dont il avait ete cons- rinstruire. 11 ne faut pas I'enseigner, comme
Iruit et forme. Car, comme en liii la terre, I'eau si elle ne possedait nullement l'amour, il faut lui

et I'air reclament quelques parcelles qui leur montrer a le purger, et a le purger comme il
appartiennent, quand I'liarmonie qui les retenait faut ; a le faire progresser et a savoir amener
dans I'unite vient a se dissoudre, chacune regagne ses progres; k le rendre solide et a savoir obtenir
de son propre poids, I'element dont elle etait ce resultat. Car le sale amour de la chair a eu
emanee, et la dissolution est complete , quand jadis des maitres qui ont enseigne sa corruption,
elles sont revenues toutes a leur place. Est-ce cor- professeurs si habiles et si heureux dans la corrup-
ruption, est-ce pourriture, ou plutot ne vaudrait- tion qui les souill.iit et qui gitait les autres, que
il pas mieux employer ici le mot de resolution ? Que le chantre de I'art d'aimer etait coutraint par les
chacun le juge comme il voudra. Et aucune de amateurs et les compagnons de sa turpitude de ce-
ces parties ne s'ecarte du chemin que lui a trace lebrer I'oppose de ce qu'il avait exalte avec tant
la nature ; seule, I'ame miserable, avec son d'indecence, et d'ecrire pour inditpier le remede
espritdegenere tendant natureilement vers Dieu, apres avoir depeint les incendies de Tamour pro-
corrompue par le peche, ne sait pas ou n'ap- fane, lui qui avait mis son esprit a la torture
prend que difFicilement a revenir a son principe. pour exciter cette passion, soit en renouvelant
Un poids naturel I'y sollicite sans cesse, lors- les choses anciennes execrables par la sorte de de-
qu'elle desire la beatitude, lorsqu'eUe reve le bon- mangeaison violente soit en in-
qu'elles excitent,
bpur, lorsqu'elle ne cberche qu'a etre dans le ventant de nouveaux ne semblait pas
artifices. II

repos et la joie. Bieaheureux celui et celui-la enseigner la frenesie de l'amour charnel, qui, dans
seul dont le Seigneiu- est le partage. [Ps. xxsu. 12) les disciples et dans le maitre, briilait de I'ardeur

sum, sic et de caeteris. Nam et hominem agit pondus nem quaerens non in regione sua, nee in via sua, longe
suam, naturaliter spiritum ferens sursum, corpus deor- aberrat a naturali intentione sua. Ideoque amissa doc-
sum, unumquodque in locum vel finem suum. Quisenim trina sua naturali, opus jam habet doctore homine, qui
corporis locus? Terra, inquit, es, et in ten-am ibis. De de beatitudine, qus naturaliter quaeritur amando, doceat
spiritu vero in libro Sapientiae : Et revertetur, inquit, admonendo, ubi, et quo, in qua regione, qua via qnae-
ad eum, qui creavit etirn. Vide tiominem disso-
^piritus ratur.
lutum, quomodo totus pondere suo fertur in locum 2. Amor dictum est, ab auctore naturae na-
ergo, ut
suum ; cum res bene
suo procedit, spiritus
et ordine turaliter est animaehumanae inditus sed postquam le- :

redit ad Deum, qui crea\"it eum corpus ad terram, nee ; gem Dei amisisti, ab homine est docendus. Non est au-
in terram solum, sed in elementa, es quibus compac- tem docendus, ut sit tanquam qui non sit sed ut pur- :

tum et formatum erat. Cum enim quiddam in eo terra, getur, et quomodo purgetur; et ut proSciat, et quomodo
quiddam aqua, et quiddam aer sibi vindicet ; cum natu- proficiat ut solidetur, et quomodo solidetur, docendus
;

ralis compactionis naturalis sit dissolutio, pondere suo est. Nam et foedus amor camalis foeditatis suae olim ha-
unumquodque recurrit ad suum elementum / et tunc buit magistros, in eo quo corrupli erant et corrumpe-
plena facta est dissolutio, cum horum omnium in locum bant tam perspicaces, tam efficaces, ut ab ipsins fceidi-
suum Quas utrum corruptio, vel
facta fuerit restitutio. tatis amatoribus et sociis, doctor' artis amatorias recantare
putredo, et non potius, ut dictum est, resolutio melius cogeretur, quod intemperantius cantaverat ; et de amo-
vocanda sit, judicet qui vult. Et cum horum nihil a na- ris scribere remedio, qui de amoris camalis scripserat
ture suae tramite aberret sola misera anima, et degener
; incendio qui in amoris incentiva vel vetera quasi per
:

spiritus, cum per se naturaliter eo tendat, peccati vitio quemdam pruritum essecranda, vel in nova invenienda
corrupta nescit, vel difficile discit ad suum redire pria- toto se effuderat ingenio. Non utique amoris carnalis
cipium. Natural! quidem pondere suo semper eo impel- fervorem videbatur ille docere, qui tam in docendis,
litur ; cum beatitudinem desiderat, beatitudinem som- quam in eo qui docebat, sine quovis ratioais tempera-
niat, non nisibeatus esse quaerit. Beatus autem iUe, et mento naturali quodam igne tPstuabat sed naturalem :

non alius, cujus est Dominus Deus ejus. Sed beatitudi- ejus vim indisciplinatis quibusdam discipUnis in quam-
DE LA NATURE ET DE LA DIGNTTE DE L' AMOUR. 393
des flammes natiirelles sans aucun rafraichisse- etait cree pour Dieu
seul, etait regarde par ceux
ment de la raison mais, par des regies indicipli-
; qu'il corrompait, et par ceux qui le corrompaient,
nees, en montrait la violence poussee jiisqu'au
il comme le domicile naturel de la luxure, et comme
actes lascifs et par des excitations supertlues, il la sentine de tous les vices. Malheureux ceux qui,

la portait jusqu'a I'infamie de la luxiire. Car, en malgre les energiques reclamations de la nature,
ces hommes pervers et mecliants, le \'ice debordant sont devenus assez vils a leurs yeux pour faire de
de la concupiscence charnelle, avait fait perir leur ame, qui etait le trone propre de Dieu, i I'ex-
tout ordre naturel. Lorsqu'en effet leur esprit, de clusion de toute creature , le siege de Satan,
son propre poids, devait s'elever vers Dieu qui I'egout de toutes les pourritures et de toutes les
I'avait cree ; humilies par les attraits des corps, corruptions.
ils ne comprirent rien, et compares aux animaux
grossiers, ils leur devlnrent semblables, [Ps. xmi.
CILVPITRE n.
13; et ils furent deceux dont on a dit ; a mon esprit
ne residera pas snr ces hommes, car ils sont chair. » De I'origine et des progres de I amour.
(Gen. VI. 3) en leur persorme « mon coeur, a-t-il ete
dit, « est devenu comme de la an miheucire fondue, 3. Devant done trailer de I'amour, autant que
de mesentrailles. » {Ps. xxi. 15. Car, place dans une nous le permettra celui a I'amour de qui s'apph-
'oifloi le
petite partie du corps ou, se trouvant comme au queut avec effort les oeuvres qu'il a creees, commen-
-.1

de centre, entre les sens superieurs et ceux de la par- cant par le debut la suite de tout ce recit, prenons
\i oe.
tie inferieiire, qm sont les moins dignes, le cceur des son origine sa marche qui se deroule a travers
regit et gouveme cette sorte de republique et les differtnts oiges jiisqu'a la riche vieillesse, rem-
toute lacontree des penseeset des actions qui s'etend plie non de douleurs et d'intirmites, mais de I'abon-
aux alentours), sous Taction du feu de la concupis- dance de la misericorde. Car, de meme que, par
cence charnelle, se laissant gagner par une mol- la croissance ou la decroissance des epoques de la
lesse qui le fait degenerer, il eoule tout entier en vie, I'enfant se transforme en jeune homme, le
>tion has et au miheu des entrailles: cest-ii-dire ne jeune homme en homme, I'homme en viedlard,
:nr.
goiite plus que ce qui est du ventre, et du ventre changeant les noms avec les qualites, ainsi par
descendant a ce qui est encore plus inferieur, le progres des vertus, la volonte croit et devient
confondant out, humiliant tout, bouleversant tout, amour, I'amour charite, et la charite sagesse.
chaugeant le sentiment naturel de I'amour en Nous ne devons point ignorer quel est le berceau origine de
im non-seulement chair de cet amoiu" dont nous parlons, de quelle no- lamonr.
appetit brutal de la ;

desirant ce qui nest pas permis, il couvre son ble race il sort, de quel lieu il tire sa naissance.
corps de honte dans des passions d'ignominie, et Tout d'abord done, Dieu est le lieu de son origine.
oublie sa Jioblesse antique,
a.jQ.0 au point cpie lui, qui La il est ne, la il a ete nourri, la, U a pris ses ac-

dam erudiebat lasciviam; et supervacuis quibusdam fo- nerositatis, ut qui creatus erat Deo soli, a corruptis et
mentis luxuri* in quamdam pemrgebat insaniam. In corruptoribus suis aestimetur esse potius luxuriae natu-
illis enim pravis et nequam homiQibus ex snperiluenti rale domicilium et vitiorum omnium prostibulum. In-
carnalis concupiscentite vitio; totus deperierat ordo na- felices, qui in tantum na'ura reclamante sibi viluerunt,
turae.Quippe cum debito naturae ordine, spiritus eorum ut animw suae locum, qui proprius Dei creatoris erat,
nalurali pondere suo, amore sue sursum ferri deberet ad et nuUi creaturae communicabilis, sedem Satans,
Deum qui creant eum; camis humiliatus illecebris, sedem spurcitiarum, et omnis immundiliae consti-
non infellesit, et comparatus jumentis insipientibiis si- tuerint.
milis factus est illis, factique sunt de quibus diceretur :

2son pennanebit spiritus meus in hominibus istii, quia


C.\PUT II.
cam sunt, in quorum persona, Pactum est, inquit, cor
meum tanquam cera liquescens in medio ventris mei. In ortu et pro^ressu Amoris.
De
angusta quippe corporis parte cor locatum (ubi quasi
medium, superiorum sensuum arcem, et corporis infe-
rioris, sicut populi humilioris quasi quamdam rcgeret Acturi igitur de Amore, prout dedcrit ipse cujus
3.
el dLspensaret rempublicam, totamque circumquaque co- amori opcris ipsius sudal intentio, primum quasi a pri-
gitatuum actionum rcgionem) ad concupiscentije car-
ct mordiis ipsiiis narrationis seriem inchoantes, quasi per
nalis ignem degenere quadam mollitie liquescens, tolum succcdcnles sibi aetatcs profectuum ejus prix-essum or-
defluxit in ventrem, et in medium ventris; videlicet non diamur, usque ad scncctam ubcrcm, qua- non est plena
sapiens nisi ea quae ventris sunt, et de ventre in ventris senilis doloris, sed plena misericordis ubcris. Sicut
inferiora, omnia confundcns, omnia degencrans, omnia enim secundum aetatum incrementiim vel decrementum
adulterans, amoris naturalem afTectum per\ertens in in juvcnem, juvenis in >nrum, vir in se-
puer niulatur
brutiim quemdam carnis appetitum non s^Dlum quae : neni secundum qualitatum mulationos, cliani .vtaliim
;

non licet appetentem cum conturaeliis corporis in pas- nomina mutantes sic secundum virtutum pmfectum vo-
:

sioaibus igaomini^, sed adeo oblitum sujb antiqua? ge- luntas crescit in amorcm,amor in charitateni, charitalis in
; ,

sn L'ABBE GUILLAUME.
croissemenis ; la, il estcitoyen, non point etranger, cede de I'un et de I'autre; ainsi la raison est engen-
mais indigene. Dieu seul, en effet, donne I'amour, dree de la memoire, et la volonte precede de lame-
et I'amour reste en lui; il n'est du qu'a lui et n'est moire et de la raison. Done, pour que I'ameraison-
L'homnie accorde qu'a cause de lui. Voila ce qu'il y a a dire nable crece dans I'homme s'attache a Dieu , le

*^^ ^°" principe; quand la Trinite, qui est Dieu, crea Pere reclame pour lui la memoire ; le Fils la rai-
erfuf la^rts-
sainte Trinity. I'homme a SOU image, elle imprimaen lui une res- son, le Saint-Esprit, procedant de I'un et de I'autre,
semblance qui y reproduisait comma les traits de la volonte qui jaillit de ces de';x principes.
cette meme Trinite creatrice, et par la le nouvel ha- U. Voila I'origine de la volonte, voila sa naissance,
bitant du monde, comme le semblable se rapproche son adoption, sadignite, sa noblesse. Avec la grace
de son semblable, il se serait attache inseparable- qui la jtrevient, et coopere avec elle, par le bon as-
ment a son principe, s'i] I'avait voulu ; cette facilite sentiment qu'elle donne, ellecommence a adherer
lui avait ete accordee dans la crainte que cette au Saint-Esprit 'qui est la volonte et I'amour du
sorte de Trinite inferieure, attiree, soUicitee et de- Pere et du Fils;, elle se met a vouloir fortement ce

tournee par la vanite des creatures multiples, ne que Dieu vent, et ce que la memoire et la raison
se separat de Tunite de la Trinite creatrice et souve- lui indiquent comme devant etre I'objet de sa vo-
raine. Car, lorsque celle-ci, dans I'acte crealeur, lonte; et en le voulant energiquement, elle devient
souffla etinspira siu'le visage de I'homme nouveau amour. Car I'amour n'est autre chose que la vo-
le souffle de vie, la force spirituelle, c'est-a-dire lonte tres-prononcee poxur le bien. * Par elle-meme, Taj

intellectuelle, comme le donnent a entendre les mots lavolonte est un sentiment simple place dans lame
souffle et inspiration ; et la force vitale, c'est-a-dire raisonnable, pour la rendre capable du bien tant
animale, comme le fait sentirle terme de vie; elle que du mal du bien quand la grace I'assiste, du
:

placa en lui, comme au point le plus solide et le mal cpiand, abandonnee a elle-meme, elle tombe
plus eleve, la force de la memoire, pour qu'il se en dcfaLllance. Pour que, du cote du Createur, il ne
rappelat toujours la puissance et la bonte du Crea- manquat rien a lame hxunaine, une volonte lui a
teur : aussitot, et sans le moindre retard , la me- ete donnee, qui peut librement se porter a droite
moire engendra d'elle-meme la raison, et la me- et a gauche; en s' accordant avec la grace qui lui
moire et la raison produisirent lavolonte. Car la porte secours, prenantla force et le nom de vertu,
memoire a et contient la voie par laquelle il faut eile devient amour; voulant jouir d'elle-meme, se-

tendre la raison, le but vers lequel il faut aller; lon son caprice, elle eprouve en elle-meme sa
la volonte marche; et ces trois principes sont propre defaillance, et autant elle a de vices, autant
comme une seule chose et trois sources d'efficacites: eUe recoit de noms : cupidite, avarice, luxxire et au-
comme dans la Trinite souveraine, il y a une subs- tres qualifications de ce genre.

tance, trois personnes, le Pere yest celui qui engen- 5. A son premier debut, comme au bivium de
dre, le Fils y est engendre, et le Saint-Esprit y pro- P}i;hagore, etablie dans sa liberie, si, suivant la

sapientiam. Nee debet latere de Amore, de quo agimus, voluntas tendit : et haec tria unum qniddam snnt, sed
quibus ortus sit natalibns, qua nobilitatis linea insignis tres etTicaciae : sicut in ilia summa Trinitate una est
habeatur; quo oriundus loco. Primum igitur ejus
vel substantia, tres personae, in qua Trinitate sicut Pater est
nativitatis locus Deus est. Ibi natus, ibi alilus, ibi pro- genitor, Filius genitus, et ab utroque Spiritus Sanctus;
vectus ibi civis est non advena,
: sed indigena. A Deo sic ex memoria ratio gignitur, ex memoria et rations
enini solo amor datur, et in ipso permanet, quia nulli voluntas procedit.Ut ergo Deo inhaereret creata in ho-
nisi ipsi et propter ipsum debetur. Porro si de natalibus mine rationalis anima, memoriam sLbi vindicat Pater;
ejus agltur cum Trinitas Deus hominem crearet ad
; radonem Filius voluntatem ab utraqne procedentem ab
;

imaginem suam, quamdam in eo formavit Trinitatis si- utroque procedens Spiritus Sanctus.
militudinem, in qua et imago Trinitatis creatricis relu- 4. Ecce quibus orta natalibus voluntas, cujus nativi-
ceret et per quam novus ille mundi iucola, simili natu-
; tatis, cujus adoptionis cujus dignitatis, cujus nobilita-
:

raliter ad simile recurrente, principio suo, creatori suo tis. Quae cum praeveniente et cooperante gratia Spiritui

indissolubiliter inhsereret, si vellet ; ne multiplici crea- ipsi sancto (qui Patris et Filii amor est et voluntas)
turarum varietate illecta, abstracta, distracta, creata ilia bono sui assensu incipit inheerere et vehementer inci- :

trinitas inferior a summa et creatricis Trinitatis unitate pit quod Deus vult, ot quod volendum memoria
velle
recederet. Etenim cum in faciem novi hominis spiracu- suggerit et ratio et vehementer volecdo amor efiicitur.
:

lum vitae, spiritualem vim, id est intellectualem, quod Nihil enim aliud est amor quam vehemens in bono vo-
sonat spiratio et spiraculum et ntalem, id est ; anima- luntas. Per se enim voluntas simplex est affectus, sic
lem, quod sonat nomen vitae, infudit, et infundcndo aniniae rationali inditus, ut capax tarn boni quam sit

crea^it; in ejus quasi quadam arce vim memorialem mali : bono replendus adjuvatur a gratia ; malo, cum
Creatoris semper potentiam et bonitatem
collocavit, ut cum sibi dimissus deficit in semetipso. Ne enim a Crea-
memoraret statimque et sine aliquo morae intepstilio,
: tore aliquid animae deest humanae, libera in utramvis
memoria de se genuit rationem et memoria et ratio de : partem data est ei voluntas quae cum adjuvanti concor-
»e protulerunt voluntatem. Memoria quippe habet et dat gratia?, virtutis accipit profectum et nomen, et amor
•ontinet quo tendendum sit ; ratio quod tendendum sit efficitur : cum sibi dimissa se ipsa secundum seipsam
DE LA NATURE ET DE LA DIGNITE DE L'AMOUR. 395

dignite de ses tendances naturelles, la rolonte s'e- si ceux qui la corrompent etaient plus puissants

leve a etre I'amour, elle progresse ensuite selon pour le mal, que ne le sont pour le bien, ceux qui
I'onire de ses forces innees, et devient charite et aiment la verite.
enfin sagesse,. comma il rient d'etre dit. Que si au
contraire.violantrenchainement qui lie sesfacultes, CH.iPlTRE 111.

et la tendance qui les sollicite, par un juste chati-


ment de Dieu, entrainee precipitamment vers sh D'lme sainte folie de I'amour qui est requise dans
mine, enTironnee des tenebres de sa confusion, elle I'homme veritablemenl religieux.
est engloutie dans leiifer des vices, a moins que la

grace ne vienne promptement a son secours. Mais 6. Ecoutez ime sainte


folie « soit que par I'es- :

si, abandonnant le chemin des abimes, eUe se met prit, » dit I'Apotre, a nous sovons ravis en Dieu,
a diriger ses pas Ters les regions superiexires, si, soit que, n'eprouvant pas ces transports, nous

suivant la grace qui la conduit et la nourrit, elle restions dans I'etat ordinaire, c'est pour vous. » (I.
croit et passe a I'etat d' amour; etablie alors dans la Cor. V, IS.'i Voulez-vous en entendre ime autre ?
condition de la jeunesse, de lesprit de crainte, o Si vous pardonnez leur peche, pardonnez sinon ;

srs.
qu'elle eprouvait comme un enfant, elle progresse effiicez-moi du Uvre que vous avez ecrit. » Exod.

et recoit lesprit de piete, cet esprit qui lui fait xxxu, 32. Voulez-vous en entendre une autre en-
<'.i tet.
gouter deja une nouTelle grace, commencant ainsi core ? Pretezl'oreille a la voix de I'Apotre lui-meme :

a aimer Dieu ten<irement et a Ihonorer, selon ce « je desirais, » dit-U, « etre anatheme aux yeux du

qui est ecrit : « la piete est son culte » '. Que ce Chiist pour mes freres. » Rom. ix, 3. Ne semble- t

Sainte folie
dans les
jeune homme
montre la force et la vertu naturelle t-U point que c'est la folie d'une ame saintement ApAtre*.
non a son age, mais au bien ; qu'U ne cesse point emue, d'etre bien decidee a vouloir, ce qui est im-
de ressentir les ardeurs naturelles a la jeimesse bien possible en realite, etre anatheme de Jesus-Christ
que la raison I'empecbe d'en abuser pour les cor- pour Jesus-Christ ? Telle fut I'ivi-esse des Apotres i
rompre . Que si ceux-la en ressentent les ardeurs du Saint-Esprit,
I'arrivee telle la folie de saint Paul,
jusqu'a la folie, qui corrompent, qui passent comme quand Festus lui disait : « vous etes trouble, 6
dans des reves, hommes dont 1' esprit est I'espritdes Paul. » [Act. xxxvi, 2i.' Etait-O etonnant que Ton
betes et des animaux, dont la cbair, selon le Pro- appelat insense celui qui, aux portes de la mort, ju-
pbete, est comme la chaii" des anes. Ezech xxii, . geait les juges au tribunal desquels il comparaissait
20) ; a plus forte raison, ceux qui vivent dans la pour Jesus-Christ, et s'eflforcait de les gagner a ce
verite de I'amour et sont lirres a ses entrainements divin maitre ? Ce n'etait pas ses grandes connais-
sprrituels, peuvent s'abandonner, a leiir maniere, a sances qui produisaient en lui cette foUe, comme le
I'esces des saints transports de la jeunesse de disait le roi qui en comprenait, mais en deguisait
Tame. Ce serait ime grandehonte pour la nature. le motif ; c'etait, comme nous I'avons dit, I'ivresse

fnii vull, sui in seipsa patitur defectum : et quot ha- rum ; multo magis eos qui in veritate sunt amoris, et
bet vitia, tot vitionim sortitur nomina, cupiditatis, a^n- spiritualibus ejus aguntur incentins, in spiritualis juven-
riUae, luiuriae, et alia hujusmodi. tutis fervore suo licet mode insanire. Gra\is enim op-
5. Primo, itaque ppofectu sue volantas, quasi in P>"- probrii res est in naturam, si plus in deterius proficere
thagoricae litterae bivio, libera constiluta, si secundum possunt ejus corruptores, quam in bonum veri ama-
dignitatem naturalium suornm erigitur in amorem, se- tores.
cundum naturalem ^irtutem suorum ordinem de amore,
ut dictum est, in caritatem, de caritate proficit insapien-
CAPUT III.
tiam. Sin autem, nullo ordine sni, justa tamen ordina-
lione Dei, prjecipiti acta ruina, tenebris coufusionis homine vere reli-
De sancta quadam amoris insania, in
obruta sepelitur in infemo ^^tio^um, nisi a gratia citius gioso requisita.
ei fuerit subventum. Si vero via inferni ^plicta, sursum
ccpperit gressum attollere, et gratiam sequens deducen-
lem et enutrientem, adulta fuerit in amorem jam in : 6.Audi sancfam insaniam Sive mente, inquit .Apos-
:

juventutis forUtudine, a spiritu timoris, quo


constituat tolus, ex<:edi»Ht.<, Deo swe sobrii sumtt.i, vobis. Vis
m
;

adhuc audire insaniam 5«' dimittis, inquit,


.' peixa-
hactenus ut puer timebat pcenam, in spiritum pietatis
incipit proGcere, in earn a quo incipil jam novam gus- tum, dimitte sin autem, dele me de libro quern scrip-
:

sisti. Vis aliam? Ipsum audi Apostolum


Optahnm, in-
tare gratiam, pie jam incipiens amare Deum et colere,
:

quit, anathema esse a Chnslo pro fratribus meiw Nonne


de quo scriptum est Pietas est culius ejus. Hie ergo
:

juvenis non aetalis, sed nrtufis naturalem fortitudinem quaedam mentis bene afTectje sana qua-dam videtur in-
exserat, et \irtutem, nee juventutis (licet a ratione ea sania, quod impossibile sit afTectu, habere fixum in afTectu;
vetetur corrumpere) naturalia perdat inccntiva. Quibus pro Christo anathema vcUe esse a Christo? Hcvc ad
si insaniunt qui corrumpunt, qui in imagine pcrtran- Sancti Spirilus adventum .\postolorum fuit ebrietas :

seunt, quorum spirilu5uf«:piritus bestiaruni vol pecorum, ha?c Pauli insania, cum diceret ad Festus cum
Insanif :

Pauie. Mirumnc erat si insanire pronuntiabatur, qui in


quorum cames juxta Prophetam, ut cames sunt a&ino-
L'ARRE GUILLAUME.
du Saint-Esprit, par laquelle, grands et j>etit5, il choses vient a manquer, ou bien pour celui qui est
s'efforcait de rendre semblables a lui, tous ceux qui tiede et paresseux, je n'espere pas de perseverance,
le jugeaient. Et, pour omettre tout le reste, quelle ou bien pour celui qui est precipite, je redoute la
folic plus grande et plus inesperee que de voir chiite et la niine. C'est pourquoi I'attention du no-
tin hooimej abandonnant le siecle, desirant et bru- vice doit etre, de se rendre en toute chose, insensi
iant de se consacrer a Jesus-Christ, pour I'amour pour Jesus-Christ, et de dependre entierement de la
de Jesus-Clirist, s'attacher derechef au siecle par es- volonte d'autrui : surtout s'il rencontre un vieillard
prit d'obeissance et pour ramour de ses freres que ;
telque ce soit chose certaine pour lui qu'il ap-
de voirun honime, rari jusqu'au ciel, se plonger lui- prend de Dieu meme ce que cet homme lui ensei-
meme daas la boue ? Voila le jeune Benjamin Ps. gne, lei, cependant, celui qui progresse et obeit ne
LiTU, 28 qui dans le ravissement de son esprit, ne
1, doit point prendre la licence de juger,tant qu'on ne
se sent pas lui-nieme, ne sent rien de ce qui est a lui ordonne rien de manifestement contraire a la
lui, ne goiitant que celui-la seul en qui il a ete en- volonte de Dieu, jusqu'a ce qu'une experience lon-
tierement traosporte. Riant au milieu de leurs gue et patiente donnera a son esprit, I'intelligence
tourments, les martyrs etaient atteints de cette nect^ssaire en ces matieres. Surtout, que toujours il
meme folie. Pourquoi nedirai-je pas, en ce sujet,ce s'applique a s'exercer a cette obeissance dont il est
que, dans Texces de sa frenesie, chantait le poete dit : « purifiant vos cceurs par I'obeissance de la
laseif ? « 11 faitbon etre fou. » charite. (I. Petr. i, 22.; Car telle est la volonte da
7. U est done ici perniis a I'ardeur du jeune Seigneur, bien desiree et parfaite.
homme d'eclater et de suivre avec ferveur le cours 8. Mais, pour obtenir et conserver des biens si

de la Tie religieuse ; bien qu'encore en cet etat, precieux, il faut au secours d une priere
re<.'X)urir

j^ cette ardeur n'ait pas et ne doire pas avoir de re- attentive et prolongee, en laquelle se trouve une
tenue, neanmoins elle est soumise au frein de la foi si grande, qu'elle espere tout ; nne devotion sL

raison. ne cxjnvient pas a la ferveur des novices


11 tendre, qu'elle senible faire violence a Dieu ; un
d'avoirces temiresses pour eui,et lesmenagemeuts amour si fort, qu"il sente recevoir dans la priere
qui les aeoompagnent et ces indulgences que le lobjet de sa demande ; une humilite si douce, qu'en 5.

propre jugement
faut cependant point refuser les
nous impose
fait si facilement trouver

maniere de voir des autres. Chacun


la
doit exercer enverslui-memeune censure rigide, et
ne
adoucissements que
: il toutes choses ce qu'il desire surtout c'est qu'en hii
s'aocompUsse la volonte du Seigneur; qivun
gieux de ce genre pratique
sauitete du corj^s, le silence
la

ou
purete du cceur, la
la regie dans
reli-

les
1
deplojer a son endroit une grande severite ; et a paroles ;
qu'il s'attache a avoir des yeux calmes et
regard de la charite paternelle qni regit, et de la non arrogants, des oreUles que rien ne chatouUle;
suavite fraternelle qui conseille, il doit montrer une a pratiquer la sobriete dans la nourritiire et le

huniilite obeissaute et douce. Si Tune de ces deux so n i m eil, afin que ces actions u'empechent pas les

ipso moitis pericalo ipsos jadlces suos, a qnihns pro gentem autem vel consulentem patemam vel fratemam
CSuisto jodicahatar? ad Chri^iim convertere mlebatur'? caritatem et pietatem, lenis et obediens in omnibus hu-
Noa banc ireaniam maltae littera? in eo faciebant, sicat militas. Si alteram desit, vel in deside et tepido, non
dkdnt rex veritatem intelligeos, sed dissmulans : sed, spero eursus perseverantiam ; vel in praecipiti, timeo
at dictum est, Sancti Spiritas ebrietas, in qua et in parro ruinam. Propter quod tola debet esse discretio Novitii,
et in magno amiles eos sibi facere g-estiebat, qiii eum stultum se in omnibus pro Christo facere, et ex alieno
judicabant. Et ot ca^ra omittam, quae major, guae ma- pendere arbitrio ; maxime si seniorem talem habel, de
gis inopinata insania, quam licHniaem reliclo sa^culo quo certum est, quod a Deo discit quod hominem do-
dessderantem et aidoitem iohsrere Christo, pro Christo ceat. Ubi tamen proficienti et obedienti non facile prae-
mrsnm nece^tafe obedientiae et caritatis fraternas in- sumenda est judicandi licentia, quandiu manifeste nil
hanere saeculo tendentem in ccelmn semetipsum mer-
; contra I>eum prseipitur, donee longa, et patiens ei-
g«e in cffiQiuQ? Hie est Benjamin adoiescentulus, qui perientia intelleetum super his dabit auditui. .\d earn
in mentis sqje excessu nee se, nee suum aliqaid sentit, vero maxime se semper obedientiam studeat exercere,
sed eom solum in quern totus excessit. Haec insania in- de qua scriptum est Castificanies corda vestra in obe-
:

sani eraat Martyres inter tormenta ridentes. Cur hie dientia caritatis. Haec est enim Dei voluntas et bene-
Qoa dicam quod in fervore lasciviae suae lascivus Poeta plaeens, et perfecta.
dioebat? Imsattire libet. 8. Ad h»c autem obtinendo et conservando, eontinua

7. Hie ergo emineat fervor juvenilis, et fervens


licet appetenda sunt pra?.sidia sedul« et longanimis orationis:
rdigioQis c^areus; qui quamvis adhuc in hoc statu nee in qua tanta sit fides, ut speret omnia ; tanta devotio,
babeat, nee habere debeat, frenum tamen patitur ratio- ut Deum ndeatur cogere ; tantus amor, ut omnia quae
nis. Fervorem esava novitiorum non decent iUae mi- petit, in ipsa oratione se sentiat obtinere ; tarn benigna
senoordes in seipsum diseretiones, et discretionum dis- humilitas, ut in omnibus non suam, sed Dei volunlatem
peosalioDes, facilesque induigenliae suo judicio non : in se fieri pra?optet. Studeat etiam habere hie talis et
tamoi recasandae sunt aliaio. A seipso in seipsum ri- amplectatur cordis puritatem, corporis munditiam si-
gida debet esse oeosora , et dtstticta seveiitas ad re- : lentium vel verbum ordioatum : oculos stabiles, et uon
;

DE LA NATURE ET DE LA DIGMTE DE L'AMOUR. 397


bonnes ceuvres, mais donnent la facilite pour les I'amour aveugle opere ce qu'il fait sans savoir en-
faire; que ses mains soient retenues, sa demarche core d'oii il vient ni ou il va : cet amour se sert de
tranquille , que ses sourircs trahissent douce- ses affections comme I'aveugle de ses mains, il les
ment la grace du coeur, qu'il ignore ces rires emploie, mais ni la main ne voit pour qui elle agit,
qui indiquent trop peu de retenue ;
que ses me- ni le travail qu'elle execute. De meme, que celui
ditations soient spirituelleset assidues; ses lectu- qui a I'usage de la vue, lorsqu'il appreud a un
res opportunes, jamais curieuses ;
qu'U soit auime aveugle a faire quelque ouvrage, le tieut, le courbe,
de soumlssion envers de respect eu-
les superieurs, le dresse, le plie et le furme a agir plutot mecani-
vers lesvieiUards, de dilection pour les jeunes :qu'il quement que par regies et principes de meme, ;

ne desire pas le command ement, qu'il aime a servir par tous les moyens qui ont L'te indiques plus haut,
etaetreutilea tons ceiisavec qui il vit;que la seve- I'amour aveugle est forme exterieurement a une
rite ne le decom'age pas, que la douceur ne I'epuise certaine couvenance de vie et de moeui-s. Quand la Comment
pas ;
pour tons, de la gravite dans son vi-
qu'il ait substance de I'homme interieur, amoUie par un I'amour
charnel est
sage, dans le coeur de la douceur et de la bonte long exercice de la discipline, pourra recevoir doci- peu-i-peu
transform^
dans ses actes. C'est alors aussi le temps et le lieu lement I'impression et etre formee selon le type des en amonr
de rctrancher les voluptes, d'extirper tons les vices, bonnes moeur^, alors 11 produira des fruits tres- spirituel.

de rompre ses volontes, alin qu'ajant coupe et I'e- heureux de salut alors, enrealite et non en appa-
;

trancbe tons les autres desirs qui ne sont point des rence, il gout era I'heureuse utilitede ces dispositions
volontes, mais bien plutot des simulacres, rejetous ou autres semblables. Car ces pratiques que nous
adulterius qui puUulent d'eux-memes, la volonte avons indif£uees pour etre obsex'vees, ne sont point
vraie et naturoUe obtienne I'espoir de grandir el de encore dans I'affection, elles se trouvent dans le
profiler. Ces tendances en eflet, ne sont pas taut desir et dans I'enseignement de la raison ; I'ame
des volontes que des appetits de I'ame, c'est-a-dire chante aussi, en toutes ces cireonstances, humble-
la « concupiscence de la chair, la con cupisceuce des ment au Seigneur : « J'ai desire de deslrer vos
yeus et I'orgueil de la vie. [Joan, h, 16.) justices. » [Ps. cxvui, 20.) Cependant, comme jel'ai
dit en parlant de I'aveugle, bien que son oeil ne voie
CHAPITRE IV.
pas , sa main ne cesse pourtant pas d'agir
Du zele et du som qu'il faut avoir pow progresser
que celui qui veut avancer dans les grandes choses
dans V amour et en atteindre la perfection. que la ou la largesse
soit fidele dans les petites, et

9. Ici, que celui qui aime plus coure davantage; du Createur lui donne plein pouvoir, U fasse
a
laestl'ceuvre, la est le travail; besogne qui demande preuve de bonne volonte, c'est-a-dire en son propre
bien des efforts, bien des sueurs, surtout lorsque corps, et qu'il accomphsse ce que dit I'Apotre :

sublimes aurcs non prurientes victum et somnum so-


; ; laborum : cfficus adhuc amor quod facit
maxime cum
brium, et qui facial, non impediat boni operis dietam : facial, sedadhuc unde venial, aut quo vadat
nesciat :

manus conlinentes, gressum mitem non ridendo cordis ; et sic hujusmodi operetur affectibus, sicut cscus ma-
prodere lasciviam, sed leniter subridendo gratiam •. nibus, qui manibus quidem operatur, sed nee manus
meditationes spirituales et assiduas, opportunas lectio- videt quibus operatur, nee opus quod operatur. Sicut
nes reverentiam, ad juniores dilectionem non deside- : enim si videns quis in aliquod opus erudiat non viden-
rare pra;esse, amare subesse, omnibus cum quibus est, tem, Irahit docendum, curvat, erigit etdisponit, inusum
velle prodesse non severitate obrui, non lenitate exi-
; quemdam potius quam in artcm euni agens suscepli
naniri in vultu serenitatem, in corde ad omnes habere
: operis sic per omnia qua; supra dicta sunt, ca'cus
:

dulcedinem, in opere gratiam. Hie ctiam locus et tem- amor extrinsccus in quamdam vita- et morum formatur
pus est voh:; fates amputandi, vitia omnia extirpandi, honcstatem. Cum vero inlcrioris hominis substantia
voluntates frangendi ; ut caeteris non voliinlatibus, sed longo discipline usu emollila plane poteril imprimi et
voluntatum siniulacris praecisis et amputatis, sicut adul- informari in eorum formam, tunc fructum pacatissimum
terinis quibusdam et sponte nascentibus ramusculis, spes operabilur salutis tune in re, non specie horum om-
;

proficiendi aiigeatur naturali et verae voluntati. lUaj nium et similium percipiet ulibtatcm. Quaecunque enim
enim non tam sunt voluntates, quam appetitus animae : observanda texuimus, nondum sunt in affectu, sed in
concupiscentia scilicet carnalis, concupiscentia oculorum, desiderio et rationis magisterio et de his omnibus :

et ambitio sceculi. humiliter adhuc cantat ad Deum Concupivi desidt-rare :

justificationcs tuas. Sicut tamen dixi de ca;co, quamvis


adhuc non videat oculus, non ccssel operari manus :

CAPUT IV.
ut qui proficere vult in magno, fidelis sit in minimo
et in eo in quo ex conditoris largitate jam
praerogatum
De studio et conatu ad profectum seu perfectio- officium exhibea bonai voluntatis
habet jus potestatis, ,

nem amoris.
in corporc scilicet proprio facialque quud dicit Apos-
:

tolus Humanum dico propter iiifirmi/atcm carnis ves-


:

9. Hie qui plus amat, plus currat : hie labor, hie trcF. Sicut enim exhibuislis- vicmhra ve.itra servire im-
opus est ; labor multorum sudorum , opus multorum munditice et iniquitati ad iniquitatem, ita nunc exhibete
398 L'ABBE GUILLAIHE.
c( je parle un langage humain h cause de rinfirmite les saintes disciplines se met, assoupli par une
de votre chair. De meme que tous avez fait servir pieuse habitude, a obeir spontanement aus iniluen-
Tos membres a I'impurete et au peche, pour com- ces de I'esprit ; la face interieure de Thomme
mettre riniquite, de ineme a present, faites
vos
{Rom.
sera
membres
\i, 19.;

devenu
a la justice p<!ur acquerir la saintete. »
Comme
charite,
s"il

quand lame
disait : ijuand I'amour
sera arrivee
senir

a
nouveau se renouvelle de jour
eclaire jusqu'a voir
manifestations frequentes et subites
que les
les

splendeurs des saints raniment


biens du
en jour,
Seigneur
et

de Dieu, ainsi
il

et eclairent,
est

des
M
sa purete parfaite, alors je vous dirai et tous mar- par les desirs incessants qu'elles provoquent, Tame
querai des cboses encore plus divines et plus relevees. fatiguee, parce que, comme le dit Job, la sagessese
En attendant, comprenez ce langage humain : de monlrant avec joie dans les chemins, o cache la
meme qu'au temps de votre ancienue negligence et lumiere dans ses mains et lui conunande d'arriver
de votre peche passe vous avez ete affranchi de la de nouveau, et il annonce d'elle a son ami, qu'elle
justice, employant vos membres, nullement a la est sa possession et qu'U faut s elever vers elle. »
pratiquer, mais les asservissant au peche pour ope- {Job. xixvi. 32.; Des lors, I'^me longtemps fatiguee
rer I'iniquite ; de meme, desormais employez-les a commence a ressentir de petites affections doucc?
servir a la justice pour obtenir la saintete. S'il est et insoUtes; presentes, elle prend en elles un aerea-
fidele a cette pratique, comme il a ete dit, Ihomme ble repos absentes, elle souffre, si elles ne revien-
:

commencera a eprouver en lui ce que David a expri- nent pas au gre de ses desirs. Ellle est semblatile a
me en ces termes « en votre nom je leverai mes
: une personne nourrie a la campagne et habituee a
mains. Que mon ame seremplisse comme de graisse la nourriture grossiere qu'on y prend ;
quand a sa
ikmt
et d'embonpoint. a [Ps. i.xii, 5.; Si par I'influeuce de premiere entree a la cour du roi, elle a goute ces
I'esprit, I'ame mortifie les actes de la chair Ptom. affections que nous venons de dire, chassee parfois
viii, 13.}, si par ses oeuvres, elle gloritie Dieu, rem- avec ignominie, expulsee violemment, c'est avec
plie de cette abondance de la grace et de Tenibon- beaucoup de peine qu"eDe consent a rentrer dans
point cause par le Saint-Esprit, elle commence a la maison de sa pauvrete et revenant aiii portes, :

etre renouvelee dans « I'esprit de son intelligence importimant, insistant pleine d'anxiete, comme
et a revetir I'homme nouveau, qui a ete cree selon une mendiante manquant de tout, esperant, elle

Dieu dans la justice et la saintete de la verite. » regarde en soupirant, elle leve les yeux pour voir
{Col. Ill, 10.) si on lui presenle qijelque chose : et enfin, par ses
10. Des lors les choses commencent a prendre instances et son importunite, elle triomphe de tous
pour I'homme une apparence nouvelle, les dons les obstacles et les franchit si bien, qu'emportee par
plus excellents de la grace, pour I'obtention des- la violence de son desir, elle penetre jusque dans
quels U avait travaille jusque la, se comuiuniquent I'interieur de sa maison et sans reteuue, bien qu'on
a lui avec plus de facilite ; le corps humilie par doive la mettre bient6t dehors, elle s'assied a table

membra vestra servire justHice in sandificationem. Ac provisae theophaniae, et sanctorum splendores animam
si dicat : cum amor in caritatem transient, cum anima continuo laborantem desiderio incipiunt refocillare, et
perfectam suam adepta fuerit puritatem tunc vobis di- ; illustrare quia sapienlia occurrens in viis hilariter, si-
:

cam vel indicam longe aliud quid ct dinnum. Nunc in- cut dicit Job, Abscondit lumen in manibus, et pr<ecipit
terim accipite istud humauum ut sicut in tempore ve-
: ei ut rursus adveniat , et annuritiet de ea amxco suo,
teris negligentiae et peccati, liberi fuistis juslitiae; jus- quod possessio ejus sii, et ad earn possit ascendere. Ex
titiae in nullo, in omnibus aulem peccafo exhibentes quo jam diu laborans anima, insolitas quasdam et dulces
membrorum ofBcium, et hoc ad iniquitatem : sic amodo affectinnculas incipit colligere, in quibus lenere requies-
exhibeatis membra vestra servire justitijB in sanctifica- cit cum adsunt cruciatur, cum auferuntur, et non re-
:

tionem. In quo dictum est, apparuerit, in-


si fidelis, ut deunl ad votum. Sicut enim rori enutrita et ruralibos
cipiet in seipso experiri quod Da^^d dbdt In nomine : assueta cibariis, cam affectiones has, qnas diximus,
iuo levabo manus meas. Sicui adipe et pinguedine re- quasi in primo ingressu ante re^ae OBperit degnstaie,
pleatur anijna mea. Si enim spiritu facta carnis morti- nonnunquam ignominiose depulsa , ^"iolenter eipolsa,
ficaverit, si Deum in opere suo gloriCcaverit ex hoc ; in domum paupertatis su«, \"ii ultra redire acquies-
anima adipe gratice, et pinguedine Sancti Spiritus reple- cet : et frequenter ad januam recurrens, importuna,
ta, renovari incipit spiritu mentis svuf, et induere no- improba, et anxia, sicut inops, sicut mendica, sperans,
vum hominein, qui secundum Deum creatus est in jus- suspirans inspicit, suspicit si quid sibi porrigatur, si
titia et sanctitate veritaiis. quando aperiatur : et aliquando improbitate et impor-
10. Ex hoc enim jam rerum facies nova ei incipit ap- tunitate sua sic e^incit omnia obstacula et transgre-
parere , charismata meliora , in quorum apmulatione ditur; ut usque ad interiorem sapientise mensam prae-
hactenus laboraverat, familiarius se ei aperire ; corpus cipiti transiliens desiderio, impudens, et illico expel-
Sanctis humiliatum disciplinis, ex consuetudine jam lenda assideat et audiat : Comedite amid, et inebriamim
bona in sponlaneum spiritus servitium transire : novi carifsiiytt. Ex hoc jam jnnascitur sanctje paupertatis
hominis interior facies de die in diem renovari, et usque amor, latendi studium, odium saecularium distractio-
ad speculanda Dei bona revelari jam frequentes et im- num, orationis usns, psalmodia frequens.
a

DE LA NATURE ET DE LA DIGNITE DE L' AMOUR. 399


et entend cette parole « mangez, mes amis, et
: qui onttrompe : faites attention qu'on parle, non du
enivrez-vous, 6 mes bien-aimes. » {Cant, y, 1.) Des froment, mais de la graisse du froment; non du
lors commencent a seproduire en elle I'amour de la rocher, mais du miel sorti du rocher, c'est-a-dire
sainte pauvrete, le gout de la solitude, la haiiie des de cetle grace divine et cachee des sacreraents, dont
distractions seculieres, 1' usage de la priere, la sont rassasies ceux qui sont convaiacus d'etre en-
psalmodie frequente. nemis ; car s'ils n'avaient point ete ennemis, ils

n'auraient pii etre en effet, qui


sitot rassasies. Celui,

CHAPITRE V, est rassasie ne demande rien au-dessus de ce qu'il


a recu, il en a assez ce qu'il possede lui suffit.
:

Perils et pertes que cause la negligence de la grace, Comme parle I'Apotre, « apres avoir recu une pre-
louange dc la veritable charity. miere lumiere, apres avoir goute le don ce- danger fl"^*"
fois la

leste, apres
^
avoir ete rendu participant
^ ^ du Saint- im^priserla
grJce de Dieu
11. Pourtant, si on n'y met obstacle, se presente Esprit, apres avoir senti la bonte de la parole de ou a la
de une grave tentation qui retarde serieusement la Dieu et senti en son cceur les vertus du siecle a ° ^ '^^''
lont
iris. course de plusieurs, jusque-la heureuse et prospere, venir, » [Hehr. vi, h), c'est, par ce peche volontaire-
ou bien la ramene parfois en arriere et la fait de- ment commis apres avoir connu la verite, c'est

generer en torpeur et lacbete. Ce qu'uu pere bon crucifier de nouveau en soi le Fits de Dieu et le
lui a donne pour qu'elle ne defaille pas en route, fouler aux pieds, polluer le testament de 1 alliance,
I'ame se met a le regarder comme bien suflisant, et et faire affront a I'esprit de grace qui a sanctitie
y placant le terme de son progres, elle cesse de I'aine. [Ibid, x, 29.) Qu'est-ce autre en effet de cru-
marcher, la ou elle commence de defaillir. Bien cifier en soi le Fils de Dieu, que de faire du mal
plus, foulant aux pieds la grace de Dieu, et se for- pour en vienne du bien, que de pecher avec
qu'il

geant de ce don centre ce don, une vaine presomp- conQance, et que de mettre tons ses exces sur la

tion, ou de bouche ou de cceur, elle se vante que croix du Christ ? si les ames qui sont dans cet

jamais le Seigneur ne I'a abandonnee, mangeant et etat, entendaient ce qui suit : « la terre, qui boit la
buvant son jugementtoutes les fois que, recevantla pluie qui I'arrose frequemment et produit des her-
visite et la consolation d'en haut, elle en tire la con- bes utiles a ceux qui la cultivent, recoit la bene-
liance qui la fait accomplir sa propre volonte et diction de son maitre ; si elle produit des ronces et
noncelle desonmaitre. «Les ennemis du Seigneur,» des epines, elle est reprouvee et pres d'etre mau-
s'ecrie le Psalmiste, « luiont menti, et leur temps dite; le feu sera sa fin. » Mais revenons, comme dit

sera dans les siecles. Et 11 les a nourrisde la graisse I'Apotre, a des sentiments meilleurs et plus voisins

du froment, a rassasies du miel sorti de la


et il les du salut.

pierre. » [Ps. lxxx, 17.) Remarquez ceux qu'on a 12. Deja done le jeune homme de bonne espe-
*
nourris, qui sont ennemis; ceux qu'on a rassasies et rance, dont le Seigneur rejouit I'adolescence, com- charii6.

occultant scilicet et divinam sacramentorum gratiam,


CAPUT V. de qua saturati perhibentur, qui inimici convincunlur,
quod si non fuissent inimici non tarn cito potuissent
De periculis et damnis neglectce gratice, et laudibus verce saturari. Qui enim saluratus est, non plus petit quam
churitutis. accipit, plenus est
quia et quod habet, ei satis est.
:

Hoc est, post priniam illuminationem, ut ait Apostolus,


21. Sed grave, nisi impediatur, occurrit tentationis post gustum doni ccelestis, post participationetn Spiri-
impcdimcnliim, quod multorum cursura usque hue ius Sancti , post gustum nihilominus boni verbi Dei,
prosperum cl felioissimum vel graviter retardet, vel re- vii'tutumque fiduri soeculi, voluntarie peccando post ac-
tro nonnunquam in quamdam temporis ignaviam re- ceptam notitiami rursum sibimetipsis I'llium
veritatis,
flcctat. Quod enim a Patre pio in via accipil ne dedciat Dei crucifigere et conculcare, et sanguinem tcstamcnti
sic incipit habct quasi sufficiat : et hie proficiendi me- pollutum duccrc, in quo sanclificati sunt, et spiritui gra-
tam consliluons, ubi desinit profiecre, ibi incipit dcfi- tia; contumeliam facere. Quid enim aliud est Filium
cere. Quin etiam conculeans gratiam Dei, ct vanam de Dei sibi crucifigere, quam facere mala, ut vcniant bona,
ipsa contra ipsam sibi fabricans fldueiam, vel in ore, contldeuter peccare, etcruel Christi quidquid peccant
vel in corde jactat se non usquequaque a Deo derelic- imponere? si audianl quod sequitur Terra siepc su-:

tum, totics sibi judicium manducans et bibcns, quoties pcrvenicntem imbrcm bibens, et generans hcrbam oppor-
visitationis et consolationis a Deo accipit gi'atiam, et tunum his a quibus colitur, accipit benedictionem a Do-
inde non Domini, sed in voluntatum suarum exse-
i ; mino proferens autem spinas cl tribulos, reproba est,
:

cutionem prajsumit liduciam. Inimici Domini, ait Psal- et malcdictioni proxima, cujus finis est in combustioncm.
mista, mentiti sunt ei, et erit tempus eorum in swcula. Sed rcdeamus ad meliora, ut ait ipse Apostolus, et vi-
Et cibavit illos ex adipe frurnmti, ct de petra, melle sa- ciniora saluti.
turavit cos. Audi cibatos, el audi ininiicos audi sa- : \1. .lam ergo bonae spei juvenis, cujus Dons juven-
turos, et audi mentitos audi non solum friimentum,
: tutem incipit helilicarc, crescerc incipit in virum per-
sed adipem frumcnli non petram, sed mol dc petra,
; fcctum, in uiunsuram a^lalis plciiitudinis Christi. Jam
L'ABBE GUILLAUME.
rrjerice a croitre, k devenir homme mur el a l%ere, elle n'est pas ambitieuse, eHe necberchep«s
aut-iDdre lamesure de I'age parfait en Jesus-Christ. ses propres interets, elle ne s'enUe point, ne s'lntte
r>tja ramoar ea lui commence a se fortifier, a pas, elle ne pense pas le mal, die ne se rejouit pcnnt
s'illuminCT, a passer a I'etat d'affeclion plus grande, de I'iniquite, elle se rejouit de la verite : elle soufl&e
de dignite plus eleven, et d'en recevoir lenom.Car, tout, espere tout, elle suppctrte tout. Jamais dlene
raroouT illumine, c'est la ciiarite, la charite c'est defaille, soit que les propheties soient aocomplies,
lamour Tenant de Dieu, viTant en Dieu, tendant soit que le don des langues cesse ou que la science
vers Dieu. Or, la ciianle est Dieu : « Dieu est cha- soit detniite. A present existent ces trois choses, la
rite, i> dit TEcriture. [Joan. rr. 16.; Get eloge est foi, I'esperance etla charite : mais la plus grande de
court, mais renferme tout. Tout ce que Ton p«it
il toutes, c'est la charite. » (1. Cor. xn. VoUa le jouc
dire de Dieu, on le peut dire de la charite, de sorte du Seigneur qui est suave, ToUa son fardeau qu:
cependant que, consideree selon la nature du don est leger : le fardeau qui porte et soutient eelui qu.
qui est fait, et de la persoiinequiiefait,on garde k i'a sur les epaules ; fardeau peu pesant de
I'E" :.-

nom de substance pour ce qui donne, et le titre de gile, et suave pour ceui a qui le Seigneur dr. ....-

qualile donne ; neanmoins par une


pour ce qui est meme : a je ne vous ai^>ellerai ptoint serviteurs, mais
4tl
sorte d'empiiase, meme le don de la charite est mes amis. « Joan, xv, Jo.' Ceui qui auparavant ne
appele Dieu, parce que au-dessus de toutes les au- pouvaient porter le poids de la loi mosaique, Iro i-

tres rertus, la charite s' attache a ce SeiCTeur et lui vaient ensuite legers les coromandements de i E-
est semiiMtle. Que dirons-nous de la charite ? Nous vangile a cause de la grace qui aide a les accomplir.
axons entendu parler d'eUe, nous ne lavons pas Celui qui d'abord ne pouvaitobeir a oet ordre : « tu

connue, nous ne I'avons pas vue. L'Apc»tre lavait ne tueras pas Exod. xn, 23
» ; trouve ensuite
connue, lui, qui I'appelant une voie jilusesceUente, leger « de donner la vie pour ses freres » 1- Joan.
edate tout entier en ses louanges par ces paroles : u^, 16 , et ainsi des autres preceptes. Car.de meme
« Et je Tous indique une route encore plus paxfaite. que lorsquon charge un animal d'un lourd fardean,
Sansiachttriie Quand je parlerais les langues des hommes et des quH repousse comme inaipportable, on amene
*^ je n'ai pas la charite, je suis conune un un char leg-er a qualre roues, c'est- a-dire I'Evan-
va^** Anc-es, si

airain sonnant, comme une cvnibale retentissante. gile courant par tout I'univers, et ensuite cefardean
K si j'arais le don de prophenes, connaissant tous quil repoussait d'abord comme trop ecrasant, il le

les mysteres, et toute la science et toute la foi jus- traine et double, sans aueune faligue. De meme
qu'a transporter les mantagnes, a je n'ai pas la encore, le petit oiseau sans plumes et sans ailes ne
charite, je ne suis rien. Lors meme que je donne- pent se porter lui-meme . si on lui donne par sur-
rais toutes mes ressources pour nourrir les pauvres, croit le poids des et des ailes, U vole sans
plumes
et que je lirrarais am flammes mon corps pour effort meme le
: de pain dur, qui par lui-meme ne
etre brule, si je n'ai pas la charite, cela ne me ser- pent etre avale, si on I'imbibe de lait ou dune au-
Tirait de rien. La charite est patiente, eUe est tre liqueuff semblabJe, traverse le gosier avec ai-
douce J elle n'a pas de jalousie, elle n'agit pas a la sance et fadlite.

anm vmor iac^it eanfartari, et iHnaasari, et tranare ita Ht ardeam, dtta HtJem amhm mom ktkeam, mA3 mA*
in affectum et nomen majoris virtu tis, et amplioris c^ prodesL Ckar&as patiems esl,6emigma est : cardmt mom
zdtati& Amor gnippe illamiiiatDs charitas est ; amor a eemtdatwr , mom ag& perpermm, mom est am^tliom,
Deo, in Deo, ad Deem chaiitasesL Charitas antem Dens qv-eerii qua smm ttmt, mom tmfiatmr, mom vrsfatter,

est : Deus, iBgnit, charifas. Brevis est laus, sad oondn- cogitei mabam, mom gaadei smfer mipcStde, comgamdet
dens omnia. Qnidqnid de Deo potest didt et de chari- axtem ventati : oksm sufferly ommm credA, omtmia tpe-
tate : sic tanien, nt conaderala secnndnm natnras doni, rai, omnia gmsixneL Car&as mmmquam emdst, sire pro-
el danlis: in dante nomen date qoa-
sit sobstantisp, in pketke eomeaabmaimr, stoe Bmgmte oessabmml, swe sdemiia
litatis sed per emphasim donnm etiam charitaiis Dens
;
datrmelmr. Sume astern m
aasewA pies, spes, eharOas trim
dicatnr, in eo qnod snper omnes rirtntes virtns charitaM? h'pc : major aaiem te erf diar&as. Hoc est jaguin Do-
Deo oohaereat, et assimnletnr. De charitate qnid diee- Tr/.rri suave, et oots leve : emus qaod portantera porlat,

mos? andivimns famam ^ns, nan novimns eam, non vi- et levigat ; ouns leve Evanstlii, suave eis, qnlbas dicit
dimns earn. Apostalas eam novit , qni excellentioTem ipse Dominns Jam mom dkam vos servos, sed emieos
:

Tiam earn aftpeDaos, is landem ejus totnm se effodit, meos. Qui enim prinspwbre non poletatpnEcepfa Evaa-
dicens : Ei meOatc exceOeHttorem riam vobis demfmstro. geTa per oooperaQtem gratiain , gni prinmm nam patent
Si hnfftas homimun locptar ei Angeiorum, cfujritsiem aa- mpiere, Nom ocades : postea leve habet pro fratnbms
tem nan habeasn, foetus sum veivi as sorians, aui cym- anhriam pomere, et 9C de refigids. Skait eam jomeoto
balum tmaieas. Ei si hohuero prophetiam, et noverim imponitDr onos grave, et r^itgit quasi in^oHal^e, ad-
mysiena omriia et (mmem scierdiam, et si habuero om- doabir qnadriga votulRfis, id est Eiw^efiiuii, discor-
nem ftdein, ita vt monies tramtfa mm, thm ifiifci i«is per totnm mimduui, et odos qood qoasi grave
non habeam. nihil sum. Et si distntmero n eios reftigi^iat primmo, postea sine laboie bnfait dii^Bca-
perum omnes facutatu tmeag, et trmUdero corpmn SIb afknli tpat ^tt*"^^^ est et sme afis.
DE LA NATURE ET DE LA DIG.MTE DE L' AMOUR. AOl

meme
13. L'amour a done fait d'abord qiielque effort et
\dans ressenti quelque affection, c'est la cliarite qui arrive CHAPITRE VI.
Irnard,
72. au resultat. Plus I'Leil illumine I'aide, plus la main
de cette vertu agit legerement el sans fatigue. D'a- L'amour se conserve, mhne quand Thomme, comme
bord, nous travaillons avec la main, ensuite avec elle malrjri lui , obeit i la loi de la chair et du
nous uettoyons I'ceil. De li vient que I'Ecriture picM.
dit «par vos commandements, j'aicompris.
: {Ps. )>

cxviii, 10Z(.) Deja, I'ame commence a comprendre ih. Autre chose est le sentiment, autre chose I'af- Difference
trouve
ses ceuvres, et a discerner ses sentiments : deja, elle fection. Celui-li est affecte de sentiment qui, par une V^ ^^

subit I'infiuence des vertus; de meme que pour le puissance generate et par une vertu stable et assise sentiaient et
^"^ '°°'
Seigneur c'est etre que d'etre bou, ainsi, pour le qu'il a obtenue par la grace, possede son ame. Les
coeur saint et juste, esister, n'est pas autre chose affections sont ces impressions varices qu'apportent
que vivre saintement, et juslement, et pieuse- les muables accidents des hommes et des temps.
ment : saintement, relativemcnt a elle-meme; jus- Car la chair, affaiblie par le vice de son origine
lement, relativement a tons les hommes ;
pieuse- premiere, trebuche souvent, tombe frequemment, se
meut, par rapport a Dieu. En vertu de I'augmeuta- blesse gravement et soutfre au-dedans dans son es-
tion de la grace du Seigneur, le sentiment juste prit, et souffre, bien plutot qu'elle ne fait, ce qui se

affecte I'ame du juste, de telle sorte que, dans au- passe temerairement au-dedans, sans perdre la cha-
cune de ses pensees, de ses affections ou de ses actes rite; mais, dans son amour, elle crie vers Dieu, en ge-

elle ne salt, ou ne pent etre que sainte, recevant missaut : « malheureux homme que je suis, qui me
dans tout son etre, en tout ce qui concerne la jus- delivrera de ce corps de mort? » [Rom. vii, 24.) De la
tice, una atteinte pleine et comme ineffacable. De vient que I'Apotre dit : « pour moi, par I'esprit, j'ac-

la, vient que I'Apotre dit : « La charite ne defaille complis la loi de Dieu, par la chair, j'obeis a celle du
jamais. » (I Cor. xiii, 8.) Parl'ois, le sentiment ou peche. » Et encore : « ce n'est pas moi qui le fais,

l'amour titube et devie, tant que la charite ici-bas mais bien le peche qui habite en moi. w [Ibid.) C'est

ne voit qu'en parlie, par reflet et en enigme, mais pourquoi celui-la, quel qu'il soit, comme I'ensei-

toujours neanmoins, I'affection qu'elle produit, gne le bienheureux Jean, ne peche pas selon la

subsiste entiere et soUde. naissance qu'il tieut de Dieu, c'est-a-dire selon


reconomie de I'homme interieur, en tant qu'il d6-
tesfe bien plutot qu'il n'approuve le peche qu'opere
au dehors le corps de mort, la vertu de I'origine
qu'il a en Dieu, le couservant au-dedans. Que si, en
Comment
attendant, fame est atteuite et renversee par les pfeche
coups du peche, fixee profondement dans le ciel. I'Domme
juste.

non potest portare pondere plumarum el alarum ad-


dito, advolat sine labore
:

sic et panis durus qui se tran-


:
CAPUT VL
sire non potest, adjectione lactis vel alterius liquoris,
in gutture.
Amorem conservari, etiam dum homo, quasi invitus, legi
colabilis fit
carnis et peccati servit.
13. Amor ergo prius habuit conatum, et aliquem af-
fectum ; charitas ofTectum. Jam enim tanto levius ope-
ratur charitalismanus, quanto earn adjnvat illuminatus 14. quippc est affectus, aliud affectio. Affectus
Aliud
oculus. Primum quidem opcramur per manum, deinde est qui gencrali ([uadam potentia ct pcrpetua quadam
manu tcrgimus ocnium. Unde dicit A mandatis tuts : virlutc firma ct st;\bili mentem possidet, quam per gra-
intellexi. Jam enim incipit opera sua intelligcre, et af- tiam obtinuit. Affcctlones vero sunt quas varias varius
fectiones discernere : jam sic afficitur virtutibus, ut rcrum et tcmporum alTert cventus. Iiifirmitas enim car-
sicut Deo hoc est esse, quod bonum esse : sic jam nis ex vitio primjB originis s;rpc ofTeudit, sa'pc cadlt,
juste et sanctae animae non alitor sit esse quam sanctc, sajpe hedit graviter, et Ireditur monte intcrius dolcnie,
et juste, et pie esse sancte in semetipsa, juste ad om-
: et paticnte potius quam agcntc quod perperam fons ge-
nes, pie ad Deum. Ex augmcnto enim gratiae Dei sic rilur; nee tamen carilatcm pcrdenle, sed ex caritate ge-
aflicit justam animam Justus affectus, ut jam in nulla mcnte et clamante ad Deum Infelix ego homo, quis :

sui parte, vol cogitatuum, affcctuum, vol actuum, vel me de corpore mortis hujus ? Undo dicit Apos-
liherahit
sciat, vel possit esse nisi justa, in toto suo, in omni eo tolus Ego, inquit, mente servio legi Dei, came autem
:

quod est justiliae, plene et indissolubiliter affecta. Unde Icgi prccati. Et rursum Aon ego operor illnd, sod
:

dicit Apostolus Charitaa nunquam excidit. Aliquando


: quod hahitat in me prccntum. Ilaque quisquis illc est,
quidem titubat, vel dcvi;it alToctionis vel oporis cf- sicut dicit bcalus Jonnncs, socuutlum hoc quod nalus
fectus, quandiu in hac vila non potest videre charitas est ex Doo, id est, secundum inlerioris hominis ratiouem,
nisi ex parte et per speculum in ajnigmatc sed integer : in tantum non pcccat, in qiiauluin pcccatum quod cor-
tamen semper et solidus in sua virtuto suus pcrmanct pus mortis foris opcratur, odit putiu>< quam approlwit,
affectus. semino spiritualis nativitalis, quo ex Deo natus est, eum

T. V. 26
»
;;

M9 L'ABBE GUILLAUME.
par les racines de la chatite, elle ne perit pas nean- que I'amour est dans la foi et resp»?rance ; la cha-
moins bien plus, de suite elle acquiert une vie
: rite est en elle-meme et par elle-meme. II peut Hi
eilst
plus active, une fecondite plus grande, et s'eleveen meme se faire que la foi et I'esperance eiislent la f.ji
promettant des fruits heTireux. C'est ainsi, en efifet, sans la charite ; mais que la charite ne renferme i'Mpi

que le dit le bienheureux Jean « Quiconque est ne : point en elle la foi et I'esperance, cela ne peut pas
de Dieu, ne commet pas le peche parce que sa se- : etre. Car la foi assure que ce que Ton aime eiiste,
mence reste en lui. et il ne pent pecher parce qu'il et I'esperance en promet la possession. II aime done

est ne de Dieu- » U faut considerer la force de ces celui qui aime en la foi et I'esperance, comme Ton
paroles. « II ne commet pas le peche, » dit I'ApiJtre, peut aimer ce que Ton croit et ee que Ton espere
(I iS. Joan.ui, 6 et v, 1.) car, ne de Dieu, U le souffire, seulement : la charite a deja, elle tient et embrasse
plutot qu'il ne le commet a et U. nepeut pecher,: ce tpii est cru et espere. L'amour done desire voir Las
CI
c'est-a-dire perseverer dans le peche, tandis iju'il le Dieu qui est I'objet de la foi et de I'esperance,
s'applique asoumettre aussi la chair a la loideDieu parce qu'elle I'aime; la charite le cherit parce
qu'il observe par I'esprit, cette chair tjui, sous I'in- qu'elle le voit. EUle est roeU ijui voit Dieu. Car, de Sens
fluence de la tentation et du peche, semblait etre meme que le corps a ses cinq sens, p>ar lesquels il
I'esclave du peche. Quand Pierre pecha, il ne perdit est uni a Time, au moyen de la vie ; de meme
point la charite :
* parce qu'il offensa plutot la ve- Time a ses cinq sens, qui I'unissent a Dieu, au
Tayix lea
Notes. rite que la charite, disant de bouche qu'U n'ap- moyen de la charite. De
la vieat que rap<jtre dit :

partenait pas a celui a qui il etait devoue de tout «Ne vous conformez pas a ce siecle, mais renouvelez-
son coeur. Aussi, il lava de suite le mensonge de sa vous dans la nouveaute de votre sens, alin d'eprou-
negation dans les larmes que lui fit verser la verite ver quelle est la volonte de Dieu, bonne et bien
de sa charite. Ainsi. David, lorsqu'il pecha, ill Reg. plaisante, et parfaite. » {Rom. xn, 2.; En cet en-
xi) ne perdit pas la charite, mais, au coup violent droit, on voit que, paries sens du corps, nousvied-

de la tentation, cette vertu fut comme paralysee en lissons, et nous sommes rendus coniormes au sie-
loi : elle ne tomba comme en
fut pas detruite, elle cle mais, que par les sens de I'ame, nous sommes
:

lethargie aussitot qu'elle se reveilla aui accents du


: renouveles en la connaissance de Dieu, en la nou-
Prophete, aussitot il poussa ces paroles d'un amour veaute de la vie, selon la volonte et le bon plaisir
ardent : « j'ai peche contre le Seigneur, » et de suite de Dieu. II est cinq sens corporels ou animaui par n ei
sens
ilmerita d'entendre « le Seigneur a eloigne de
: lesquels I'ame donne la sensibUite au corps qu'elle il

Tous votre peche, .vous ne mourrez pas. JI Reg. anime, pour commencer par les uiferieurs) letact,
spin.-'
in, 13.) le goiit, I'odorat, I'ouie et lavue.De meme, il esiste cinq
15. Ce qui fait encore I'eloge de la charite, c'est cinq sens spirituels, par lesquels la charite vivifie

interins conservante. Qnod etsi interim aliqnando in- ut fides et spes sint sine charitate nt autem charitas fi-
:

cursu peccati laeditur et atteritur, radice tamen caritatis dem et spem non contineat, non potest esse. Fides
in se
in altum deSxa non perit imo statim fuscundius et
: enim quod amatur esse assent, spes promittit. .\mat
vivacius convalescit in spem boni fructus, et surgit. Sic igitur qui in fide et spe amat, sicut amari potest quod
enim dicit beatua Joannes Omnis enim qui natus est
: creditur tantum et speratur charitas creditum et spera-
:

ex Deo, peccatum non facit quoniam semen ipsius in : tum jam habet, jam tenet, amplectitur. Amor igitur
eo manet et non potest peccare, quia ex Deo natus est.
: fidei et spei Deum
videre desiderat, quia amat : caritas
Notanda vis verborum. Non, inquit, peccatum facit, quia videt, amat. Ipsa enim est oculus, quo videtur
quod patitrir potias qnam facit qui natus est ei Deo : Deus. Habet enim anima etiam sensus suos, habet %i-
et non potest peccare, perseverando scilicet in peccato sam SQum vel ocolum, qui videt Deum. Sicut enim
dum legi Dei, cni mente servit etiam camem festinat corpus hxbet suos quinque sensus, quibus animas con-
subigere, quae tenLatione et peccato incurrente, legi pec- jungitur vita mediante : sic et anima suos quinque sen-
cati videbatur servire. Petrus cum peccavit, charitatem sus habet, quibus Deo conjungitur, mediante charitate.
noQ amisit * : quia peccavit potius in veritatem, quam Unde dicit Apostolus : Xoiite conformari huic sceculo,
In charitatem, cum ejus se non esse mentitus est in ore, sed renoiamini novitate sensus vestri, ut probetis quce
cujus totus erat in corde. Ideoque negationem faJsitatis sit voluntas Dei bona, et beneplacens, et perfecta. Hie
continuo lacrymis lavit Veritas caritatis. Sic et David ostenditur, quia per sensus corporis veterascimus, et
cum peccavit, caritatem non perdidit, sed obstupuit quo- huic saeculo conformamur per sensum vero mentis
:

dammodo in vehementem tentatioois


eo charitas ad renovamur in agnitionem Dei, in novitatem vitae,
ictom ; et charitatis in eo neqnaquam facta est abolitio, secundum voluntatem et t)eneplacitum Dei. Quinque
sed quasi quaedam soporatio ; quae mox ut ad vocem ar- enim sunt corporis sensus animales vel corporales, qui-
guentis Prophetae evigilavit, continuo in illam airdentis- bus anima corpus suum sensificat, (ut ab iaforiori in-
simse charitalis confessionem ernpit Peccaci Domino, et : cipiam) tactus, gustus odoratus, auditus, visas. Similiter
coatinuo audire meruit : D'j>/i''„it.i transtulit a te pec- quinque sunt sensus spirituales, quibus caritas vivificat
catum tuum, non morieris. animam, id est, amor camalis parentum, amor so-
13. -\diiiic in laude amor in QJe est et spe
cai-iuicii, ciaiis, amor naturalis, amor spiritualis, amor Dei. Per
caritas in seipsa est, et per seipsam. Potest etiam esse. quinque sensus corporis, mediante vita, corpus anime
:

DE LA NATURE ET DE LA DIGXITfi DE L'AMOUR. /,03

rime, c'est-k-direj Tamour des parents selon la lui a donne la benediction et la vie. Bien que le • D'autres
chair, I'amour social, raniour naturel, I'amoiir spi- goiit s'eserce par le corps, il engendre cependaiit ajoutent :
jusqu'aux
rituel, I'amour de Dieu. Paries cinq sens corporals, au-dedans la saveur qui affecte Time : c'est pom-- siecles.

au moyen de la vie, le corps est uni a I'ame ;


par quoi ce sens est excessivement corporel, en quelque
les cinq sens spirituels, au moyen de la charite, Ta- partie il est aussi animal. De meme, I'amour social
me est unie a Dieu. qui resulte de I'habitation de plusieurs en un lieu,
de la simUitude des professions, de la ressemblance
CHAPITRE VII. des gouts et d'autres causes analogues, et s'entretient
par des relations reciproques, semble etre pour
Les amours sus-itidiquces sont compares aux cinq sens
ainsi dii'e fort animal. Cependantil est spirituel en
du corps.
tres-grande partie, parce que, comme la saveur est
r des 16. L'amour des parents, » est compare au
« dans le gout, de meme en cet amour, brule la
its
tact parce que ce sentiment, facile a tons les hom-
: tlamme de la charite fraternelle, comme il est ecrit
i an
mes et comme saillant et palpable, s'offre a tout le « c'estcomme le parfum verse sur la tete, qui des-
monde si naturellement, que vous ne pouvez Teviter cend sur la barbe, sur la barbe d'Aaron, jusqu'au

quand meme vous le voudriez. Car le tact est un bord de son vetemeut ; c'est comme la rosee d'Her-
sens repandu sur tout le corps, il est emu par le mon qui descend sur la montagne de Sion. »
contact de tous les etres physiques : il faut cepen- 18. En troisieme lieu « I'amour naturel » est L'amonr
dant que I'un d'eux, ou tous deux soient en vie les compare a I'odorat, I'amour, cette affection qui naturel, h
I'odorat
pour qu'il puisse y avoir tact. De meme qu'en cherit tout bomme en vertu de la similitude de la
quelqu'endroit que vous ailliez, voire corps ne pent meme nature, et par I'etfet de la cohabitation sans
etre sans tact, de meme votre ame ne pent etre aucun espoir de retour sortant des retraites cacbees
:

sans Taffection qu'il produit. C'est pourquoi, dans au fond de la nature et envabissant I'ame, U fait
les Ecritures, cet amour n'est pas extremement re- que rien d'bumain ne lui est etranger. Ce sens pa-
commande ; bien plus, on le retient pour qu'il ne rait etre plutot animal que corporel, fje veuxparler
devienne pas excessif, le Seigneur disant : wsiquel- de I'odorat), pour enproduire la sensation au-dedans,
qu'im ne bait pas son pere, ou sa mere, il ne pent le corps ne fait rien qu'attirer doucement par les
etre mon disciple. » [Luc. xiv, 26.) narines, comme au moyen d'un instrument, et
17. Au gout est compare I'amour social, I'amour quoique cette aspiration se fasse par le corps, nean-
i au paternel, I'amour de la sainte Eglise cathohque, moins elle ali'ecte I'ame et non le corps. De meme,
dont il est ecrit : « voilacombien il est bon et agrea- I'amour naturel parait plutot etre spirituel qu'ani-
ble pour des freres d'babiter ensemble. » (Ps. cxxxu, mal, parce que, outre le sentiment naturel d'buma-

i.) Parce que, de meme que par le goiit, I'existence nite,on ne considere en lui ni parente, ni society,
est communiquee au corps, de meme le Seigneur ni aucune relation de ce genre.

conjungitur :per quinque sensus spirituales, mediante habitare fratres in unum. Quia sicut per gustum vita
cbaritate, anima Deo consociatur. administratur corporis; sic mandavit Dominus be-
illi

nedictionem et vitani. Gustus ctiam licet corporaliter


exerceatur, saporem tamen introrsus general, quo anima
CAPUT VII.
afficitur propter quod corporalis quidem maxime hie
:

sensus, sed tamen ex parte aliqua etiam aninialis esse


Supradicti amoi-es quinque sensibus com-
I
comprobatur. Sic ct amor socialis, quia ex corporali
parantur.
cobabilatione in unum, ex similitudine profcssionum,
ex parilate studiorum, aliisque hujus modi causis con-
16. Tactni comparatur amor parentum quia affectus : fcederatur, multisque ofTiciis enutritur , maxime ani-
iste promptus omnibus, et quodammodo grossus et nialis esse videlur. Sed tamen ex magna parte et
palpabilis, sic se omnibus naturali quodam occursu spiritualis est, quia sicut sapor est in gustu, sic afTectus
prffibet et ingerit, ut effugere eum non possis, etiam si fraternae in affectu, do quo scrip-
charitalis flagrat *
al. fragrat.
velis. Tactus enim sensus est totus corporalis, qui ex turn est unguentum in capite, quod descendit
: Sicut
quorumlibet corporum conjunctione conficitur si ta- : in barbam, barbam Aaron, quod descendit in oram ves-
men unum eorum, aut utrumque vivat, ut tactus esse timenti ejus, sicut ros Hermon qui descendit in montem
possit. Sicut enim quoque te verteris, corpus tunni non Sion.
potest esse sine tactu sic nee anima tua sine :hoc af- 18. Tertio odori comparatur amor na/ura/w, qui natn-
fectu. Propter quod in Scripturis amor iste non multum raliter ex ipsius naluras similitudine et consortio absque
commendatur imo ne sit nimius coercetur, dicente
; omul spe rccomponsationis omncm homincm diligH :

Domino Sj quis non odd patrem suum, aut matrem


: qui ex occultis iiatura; rccessibus voiiiens, ct anima* se
) suam, non potest meus esse discipulus. ingcrens nihil luimanum ab co p.iliUir esse alicnuni.
n. Secundo gustui comparatur amor sociulis, amor Sensus autciu iste magis animalis esse videtur quam
fraternus, amor sanctae et catholicae Ecclesiae, de quo corporalis, id est odoratus, qui ad creandum enm in-
scriptum est Ecce quam bonum et quam jucundum
: terius corpus nihil agit praeter levem instrumenti sui,
; ,

AQA L'ABBE GUILLAUME.

L'amottt d«s
19. Au quatrieme sens qui est celui de rouie, on quel<jue autre ' ' ^ n'est pas aimee pour lui.
aaaeaua, i compare « I'amour spiritud, » I'amour des enne- La vue est au;;. dans la ri^giun la plus insi- -

mis. L'ouie en effet n'opere rien au-dedans du gne du corps, qui lui sert comme de citidelle, et
corps, mais elle agit au-dedors; £rappant les oreil- selon la maniere dontle orpe e^ dispose, elle a au- <

'
les, elle appelle I'ame, elle la fait sortir et ecouter. dessous d'elle '
' _ '
leur
Ainsi laniour des ennemis, nuUe force de la nature, puissance, les '., _. - ^ ;___- .: les
nul sentiment d'affection ne reveille dans le coeur, sens eui-memes, les uns, pour ainsi parler, plus
lobeissance seule, qui est signifiee par Touie, le animaox etant plus rapproches, les autres, plus
produit. Aussicet amour est appele spirituel, et de corporels. '
; ;
'
' ' ^ et le plus noble
plus aussi parce qu'il eleve Ihomme jusqua la res- de tous, le : . ;. ^ ; . „ifle repandu sur
semblance de Dieu, jusqu'a la dignite deses enfants, tout le corps, a cependant son foyer propre dans
le Seigneur ay ant dit a faites du bien a ceux qui
; les mains. De meme, I'esprit qui estlatetede rim-
V0U5 haissent, afin que vons soyez ks enfants de votre et ce qu'il y a de principal dans I'esprit, doit etre ie
Pere qui aux cieux, et le reste. b {iJaith. v, 4i.) siege de I'amour de Dieu, afin que de la, cet amour

L'amoiir 20. a
est

L'amour dinn
compare au cinquieme » est ait en sa puissance, regisse et iUumine tous les au-
f
diTin. a la 5^1x5 qm. est celui de la rue. G)mme la rue est le tres amours; jK)ur qu'il ne se troure en eui, rien <jiii
sens principal, de meme parmi toutes les afiections, se derobe a sa lumiere et a sa chaleur, U a f4u5
ramour divin tient la premiere place. Par le moyen rapproches de lui ceux qui s<>nt plus spirituels , et
des yeU5, tous les autres sens Toient, dit-on, bien plus eloignes, ceux qui sont plus animaux et plus
que I'ceil soit le seul a voir. Nous disons en eflfet : grossiers ; heureux effet, qui sera produit lors<jue
touche et vols, goute et vois, et ainsi des autres nous aimerons le Seigneur notre Dieu de tout notre
semblablement on que par I'amour divin on
dit coeur, et de toute notre ime, et de toutes nos forces
cherit toutes les autres choses que Ton aime com me et notre prochain comme nous-memes. Le sens de

il convient : puisqu'U est plus clair que le joiu" qu'U la vue, ainsi que nous Tavoos dil, ayant son centre

ne faut rien aimer que pour Dieu, et qu"on n'aime dans la plus noble partie du corps, semble \r
point la chose que Ton cherit a cause d"une autre, Tiser a quelque chose qui s'eleve au-dessus .i-r 1 x
mais bien plutut celle pour laquelle on I'aime. De force de la nature animale, et, autant que cela lui
la vient qu'U est dit : a De qui toute patemite tire est possible, il s'efforce d'imiter I'esprit et la me.
son nom dans les cieux et sur la terre. » {Eph. in, moire volant en un moment a trivers le milieu du
15.) La vue est une force de Tame puissante, pure ciel, parcourant dans sa course rapi Je de r- - ~ •
:

et sans melange ; ainsi en esi-il de Famour divin, il etendues de terres de meme, I'amour illu r :

est puissant, car il opere de grandes choses ; U est Dieu, ayant son sejour dans I'ame chretienne, I'e-
pur, car comme le dit un Docteur, rien de souiUe ne leve jusqu'a une certaine ressemblance avec la
le penetre. Eln effet, Dieu dedaigne d'etre aime avec puissance divine, quand il lui fait voir toute crea-

id est narinm attractmn ; et licet haastos per coitus, amari rem quae propter aliod quid amatar, sed id po-
anim am tamen afiicit, non coipus. Sic et amor naturalis tios propter quod amatar. Unde est; J quo omm'.} pa-

mai:ii spiritnalis esse vide ^"^ - -— __:_. :^. qaiaprje- iemitas in ccelis et in terra nominafvr. Msns vis qaae-
ter »lum connataralis hun .:, noa coa- dam est animae mera, et potens, et pora sic et amor :

sangruioitas, non societas, net aliqua oniiiiiio in eo ne- di\inu- ;^t quia - -
sed est pu-
cessitudo hujasmodi consideratar. rus : c - . ille ait. : ._:,-___: ^zi in earn in-
19. Quarto auditui comparatur amor spiriluahs, amor cnrrit. Ison enim dignatar Deas amari cum aliqaa alia
inimicorum. Audiius enim nihil interius, id est intra re, qax propter ips:- - ziator. Msus item in emi-
corpus operator, sed exterius (jnodammodo, id est ad nenfi corporis arce, . : capitis loco positas, el: se-
aures pulsans animam evocat at exeat et audiat. Sic et cur Ti infra habet, et ordine.
amorem inimicorum in corde nulla vis naturte, nuUas et t..- ^, .. ...^.^ p, .._^;ia omnia caeterorom sen-
alicmus necessitudinis suscitat affectos, sed sola obe- soum instrumenta, ipsosqoe sensos. quos, at ita dicam,
c :<e per auditnm significatur. IdeDqueamor iste animaliores. - -

s; - dicitur. Ideo etiam quia ad Filii Dei simili- motiores. I; ^ .


- .

tndinem, et filioram Dei dignitatem, dicente


proficit communis ese videator
tactos, licet totias corporis, ta-
Domino : Benefacite his qui oderunt ras, ut ritis filii men proprie manuum est. Sic mens quae caput est ani-
Patris vestri qui in ccelis est, et Feliqua. mae, et principale ipsius mentis, sedes esse debet amo-
20. Quinto nsui comparatur amor Visas ris Dei, ut sob 5 et regaf, et iHustret cae "

enim principalis est sensos : sicut in-T ^ affec- amores ; nee sit ^ : d se al^condat a calore .,
-

tiones principatum obtinet amor divines. A visa ocnlo- et lamine ejus : quos qaidem spiritnaliores, hab«ispro-

mm cjeteri sensos videre dicantnr, com solos vidcat pinqoiores : qnos vero animaliores vel caraaliores, recr:-
ocolus. Dicimus enim, tar.se et vide, gosta et vide, tiores: cam dilexerimns Domlnom nostrum ei .-

sicque de reliqois : sicque ' divino csetera di- CO: et ex t . et ex omnlbiis


cnntur a-Tiarl, qaaa tcne :: : cnm luce clanos viri. - is, etpr.: ; . ._ sicat nos ipsos.
constat nil debere amari, nisi propter Deam : nee Visas, ut diiimns, in digniori co^oris loco sedem ba-
DE LA NATURE ET DE LA DIGMTE DE L' AMOUR. 605

ture petite et etroite et meme nuUe en comparaison trouver ce qu'il est, qu'autant qu'elle decouvre ce
de Dieu ;
quaml il lui inspire la conQance que tout qu'il n'est pas. Car elle a ses sentiers fixes, ses
ce que possede le Pere est a elle ;
quand tout lui routes desertes qu'elle suit : quant aTamour, il pro-
coopere a bien {Rom. yiii,28); lorsqiie, soit Paul, soit gresse davantage par ses defaillanccs, et son igno-
Cephas, soit la mort, soil la vie, soit tout ce qui rance comprend beaucoup plus. La raison, par ce Matael
seconrs qoe
tience
existe, tout est pour elle : « et tout le moude est la qui n'est pas, semble parvenir a ce qui est, et se donnent
la raison
mnent ricliesse de rhomme fidele. I'amour dedaignant ce qui n'est pas, se rejouit de
et ramoor.
fie par
tiroise defaillir au sein de ce qui est. (C'est de en eQet
la
vS. qu'il est sorti, et naturellement, soupire apres son
usHn CHAPITRE VIII. il

fucre'e piincipe et tend vers lui. La raison a plus de rete-


mtntee
sriture La raison et Famow rendent niomme indifferent a nue, I'amour eprouve plus de beatitude.) Ces deux • Ce passage,
en d' autre*
life.
tout, et fort et intrepide pour surmonter ioutes les principes se pretent, comme je I'ai dit, un mutuel maniucrits,
fes les
IMS. difficultes. secours, la raison enseigne I'amour et I'amour estplaci plut
baa.
illumine la raison ; la raison cede aux affections de
21. La charite est done la liimiere naturelle, I'amour et I'amour consent a etre retenu dans les

creee par I'auteur de la nature, pour voir le Sei- bornes de la raison : ils sont capables de grandes
gneur. Dans cet organe de la vue, il y a deux yeux, choses. Mais que peuvent -ils ? De meme que celui
palpitant toujours par une attention naturelle a la qui progresse ne peut avancer en cette matiere ni
lumiere qtii est Dieu : I'amour et la raison. Quand apprendre que par I'experience, de meme il ne lui
I'un fonctionne sans I'autre, ne gagne presque il a pas ete possible de communiquer ce qu'il veut a
rien. Tons les deux peuvent beaucoup lorsqu'ils s'ai- celui quine I'a pas eprouve parce que, comme il :

dent, lorsqu'ils ne forment qu'un seul ceil, cet ceil au livre de la Sagesse « I'etranger ne sera
est dit :

dont I'epoux parte dans les cantiques « vous avez : pas admis a partager sa joie. » [Prov. xiv, 10.)
blesse mon coiur, o mon amie, par un seul de vos 22. Et deja, I'ame tendrement nourrie, dans ces L'amonr de
yeux. » [Cant, iv, 9.) Us travaillent beaucoup, cha- delices et cette suavite, et parfois brisee par les Dieu dteint
ramour
cun a maniere.en ce que I'un d'eux, c'est-a-dire
sa corrections de la boute de son pere, la dilection da siecle
et forti6e
la raison, ne peut voir Dieu qu'en ce qu'U n'est devient alors forte comme la mort, le doux glaive I'ime ponr
pas, en ce que I'amour ne peut consentir a se repo- de la charite la detache de I'amour et de I'affection surmonter
les diffi-
ser qu'en ce qu'il est. Que peut en effet trouver la du siecle, la tuaut de la meme
maniere que la mort cultes.

raison par ses efforts, quelle realite peut-elle saisir, fait perir le corps au point que Ton peut dire
;

dont eUe ose dire, voila mon Dieu ? EUe ne peut d'elle ce qui a ete ecrit d'Enoch, qu'on ne la ren-

bens, etiam super ipsam animalitatis \irtutem aliquid arnica mea, in uno oculorum tuorum. In hoc autem plu-
moliri videtur et mentis vel memoriae, quantum fas est, rimum modo, quod alter eo-
laborant suo unusquisque
gestit unitari virtutem, horae memento medium cceli rum, id est ratio, Deum videre non potest nisi in eo
pervolans, in uno momenti puncto plurima tcrrarum quod non est, amor autcm non acquiescit requiescere
stadia transvolans sic et illuminatus amor Dei, suam in
: nisi in eo quod est. Quid est enim quod ratio omni co-
anima Ctiristiana sedem obtinens, ad quamdam di\inae natu suo possit apprehendere,Yel invcnire, de quo diccre
potentiae similitudinem earn provehit, dum omnemcrea- audeat, hoc est Deusmeus? In tantumenim solummodo
turam angustam et bi-evem, imo nullam videri facit potest invenire quid est, in quantum invenit quid non
ad comparationem Dei, dum confidit sua esse omnia est. Habet etiam suos qiiosdam tramitcs cerlos,
latio
quae Patris sunt, dum omnia ei cooperantur in bonum, et directas semitasquibus incedit amor autem suo de- :

dum sivc Paulus, sive Cephas, sive mors, sive vita, sive fectu plus proficit, sui ignorantia plus apprehendit. Ra-
omnia quae sunt, ejus sunt : et fidelis viri tutus inundu-s tio ergo per id quod non est, in id quod est videtur
divitiarum est, proficcre amor posfponens quod non est, in eo quod
:

est gaudct deficcre. (Inde quippe ppocessit et natu- ;

raliter in suum spiral principiuni. Ratio majorem ha-


CAPUT VIII.
bet sobrietatem, amor beatifudincm.) Cum tamcn, ut
dixi, inviccm se adjuvant, et ratio docet aniorem, et
Ratione et amore fieri hominem nd omnia indifferen- codit in alToctum
amor illuminat ralioncm; et ratio
fem ei ad qutevii ardna forter?i ac intrepidum,
amoris, et amor acquiescit cohiberi lerminis rationis ;

magnum quid possunt. quod posauntt


Sed quid est

Visus ergo ad videndum Dcum naturale lumen


21. Sicut proficerc proficicns in hoc, ct hoc disccre non
animae,ab auctorc nalur.T cpcatus, charitas est. Sunt potest, nisi expcriendo, .sic nee communicarc potuit
autcm duo oculi in hoc visu, ad lumon quod Dcus inexpcrto quia sicul dicilur in sapienlia, In gnudio
;

est videndum naturali quadam intentione semper pal- ejus non miscebitur nxtrancns.
pitantes, amor et ratio. Cum alter conalur sine alfcro, 22. El hoc jam animam suavitatc hactonus et deliciis

non lantum proficit; cum inviccm se adjuvant, mul- amoris tenpro euutritam, sod el nonnunquam patoruiB
lum possunt, scilicet cum unus ocuhis cfliciuntur, de pielalis disciplinis altrilam : ex hoc jam, inquam, forli.>«

quo dicit sponsus in Canticis Vulnerasti cor meum, o : ut mors dileclio pervadit duici amoris gladio ab amorc
/i06 L'ABBE GUILLAUME.
contre plus dans le siecle, « parce que le Seigneur chain le retenait sur la tene, eonne v
I'a enlexee. » {Gen. x, 24.; Par sa mort, le corps suspendu a son coa. D'oii Tienl qaH dit i la suite :

est mortitie en tous ses sens : mais rime, en mou- « Mais a cause de tous, D est neo^saire que }e re^
rant, gagne davantaige, elle est TiTifiee et fortifiee sur la terre. b [PhiL i, 24. ^

en les siens ; elle marche avec Constance et prudence 23. Le sentimaii de la charite s'attadnai doae
dans tous ses sentiers et dans toutes ses routes, la ioseparablement a Dieu et fonmmt tons ses ji^e-
oii jusqu'alors, dans ses bons sentiments, ignorant, ments a la lumiere qui jaUlit de sa £aoe, pour
doutant et tatonnant, elle osait a peine mettre le agir ou s" arranger au-dehors, oomme la. borne tjh
pied. « Car la force du simple, c'est la route du lonte du Seigneur, parfaite et Inen plaisante, \m.
Seigneur. » \Prov. x, 29.) Elle se mortifie done des parle au-dedans, n'a rien de plus doux que de
actions et des affections du siecle, corn me le dit templer toujours ce Tisage et d'y lire, ohdii
lapotre siint Paul : « pour moi, » s'ecrie-t-il : un YiXTt de Tie, les regies d'une sainte Tie, de les
« le monde m'est crucifie et je suis crucifie au comprendre, d'j iDuimner sa foi, d'y fortifi^a* son es-
monde. » [Gal. ti, 14.) L'un ne prenant nul souci perance et d'y reTeiUer sa charite. Car Te^rit de
de I'autre, bien lies par leurs attaches particulieres, science apprend clairement a Tame sainte oe quH
ilsne pouTaient ou ne voulaient se rapprocher : faut faire et la maniere de le faire : TEsftrit de force
Saint Paul et le monde etaient cruciHes l'un pour lui donne la puissance de raccomplir: et rEsprii
Tautre. Cependant, bien que la Tie de Paiol fiit de conseil lui en fait disposer Its moyens. Et qaand
toute dans les cieux, il ne refusait pas, quand cela cette ame s'attache au Seigneur, eDe lui derient
etait necessaire aus bommes, de descendre sur la semblable par la piete de la deTotiai et par I'u-
terre. C'est pourquoi, il s'ecriait en gemissant « : je nite de la Tolonte. Mais lorsqu'eEe est oontxainte
desirt etre dissous et me trourer arec le Christ, c'est de rcTenir am homme?
aui eboses humaines, et
lemieui pour moi. [Phil, i, 23.) Et qu'y a-t-H
)> et de quitter cette du visage de Di»^
loi brillante
.HI
de preferable au bonheur d'etre avec le Christ! soit par ses actes, soit pax ses paroles, ea vertn h:'Z..wai
Charity de
me* 4
S. Paul. Jesus-Christ etant axec Saint Paul, comme le Sei- d'une sorte d'eclal glorieui et par la grace de
gneur lui-meme le dit : que a Toici je suis I'homme exterieur qui se montre au-deii(»5, effle
avec TOUS jusqu'a, la eonsommation du siecle, » rapporte et presents aui hommes, une fxR rgoine
[Matth. xxTin, 20.) Jesus-Chribt, dis-je, etant axec par rhuile de la charite du Seigneur : par I'appa-
Saint Paiil, Toila ce qui rassurait gran dement cet rence ext,erieure de sa bonte et par la grace qu'elle
Apotre mais que Saint Paul fut aTec Jesus-Christ,
: fait paraitre, eUe impose ou produit dans les au-

soit ici-bas par la contemplation, soit au ciel par la tres ion re5]:>eci lei qu'elle obtient de saite;, la oa
presence dans la gloire, Toila le grand et le glorieui elle la Teut, leur prompte obeissanee. Car, Men que

bonheur de ce ferTent disciple. L'amour de Dieu sortant parfois de ce sanctuaire cache, eDe se mon-
I'attirait done Ters le ciel : mais 1" amour du pro- tre le Tisage arme de comes et terrible {Exoi.

'-
et affectu saeciili, sic occidens earn fnnditus et interi- ibi per L: "
;
- 'tiam, beata et glonosa Pauli
mens, sicut mors inl-erimit corpus : in tantum nt dici felidtas. _. - . - , r. sursam e'jm attoUebat cha- :

de ea possdt, quod de Enoch, scilicet quod non inve- ritas Tero p'-oximi infra eum premebat. quasi a cc.Ilo
nitur in saeculi actibus, quia transiulit eum Deus. Sed dependens. Unde sequilur et dicJt : htrmtoMere >

corpus morte sua mortificatur ab omnibus seosibus in carne necessarium prooier t'os.
suis : anima autem morte sua proficit magis, et TiTi- 23. Affectns ergo I'l iodesolnldfiier i

ficatur, et roboratur in suis ; furtiter, et constanler et reus, et de Tultu ej ^.ca sna ooIBgeBS, ot
-
.

prudenter incedens jam in semitis suis, et omnibus agat Tel disponat esterius, sicut Toluntas baas, et IM
gressibus et qnocunque hactenus ignorando, dubitando,
; beneplacens, et perfecta dictat ei inLerius, duloe iabet
et palpando Tis audebat tendere pedem boni assensus. in ("ultum ilium semper intendere : et sicidt in Ebro
Fortitudo •
-lieu, via Domini. A sapculi ergo TitcB, leges in eo -- :. el inieS^eir^ fl-
actibns, el l- ? se mortificat, sicut Paulns Apos- luminare fidem, : :_.. ->.— , snacSaire dnritafera.
tolus : MiJii, inquit, mundus crueifixus est, et ego mundo. Jam enim et Spiritos seientise * e^identer sanotam do-
Cum enim alter non curaret de altero, cum suis ligati eet animam, quid, quomodo sit f; ' ' '

- "
•.

affectibus, ad se iuTioem non poterant, tcI curabant ac- tns f ortito dinis Tires, Tel Tirtutes s
cedere : sibi iuTicem crucinxi erant Paulus et mundus. Spirilns consilii disponit. Et cum l

Sed tamen, cum Pauli conTersatio tota esset in ccelis, inhaerere, Deo simHis per _
efficitur „.; j...._._:^.
non recusabat, quandocunqne nec«ssaria erat hominibns et Toluntatis unitatem. Cum Tero ad homines elhumai^a
in terris, propter quod cum geml'
''
l>at : Cupio dis- redii'e c ;". a lege ^ ' -
~ '

solvi et esse cum Chnsto. MuUo as. E1 o quam faciem r. xritalis Dei, .
-

melius est esse cum Christo I Ecce enim Christum cum etiam glorincatione quadam a gratia exienoris
Paulo, acnt et ipse dixit : Ecce ego vobiscum sum us- refert ad homines : ipso suo bonitatis quodaiL ^^...^,
que ad cortsummationem swcuU; sic, inquam, esse Chris- et gratia earn sibi eiigit, vel efficit apud eos reveresi-
tum cum Paulo, magna Pauli securita? esfe Tero : tiam, ut etiam in promptu habeat, in qno Tcdnetil, eo-
Paulum cum Chiislo, Tel hie per contemplationem, \€L rum obedientiam. Nam etd ex. oocolio ad vMa de- Wo
DE LA NATURE ET DE LA DIGNITE DE L'AMOUR. 407
xxxiv, 29.)pour corriger les vices etles moeurs cor- tout ce que cette loi souveraine reglera, ils trou-
ite:
rompues de ceux qui pechent et se trompent, ani- vent facile d'y plier les membres de leur corps et
mee par la verite et la severite des jugements leur bonne volonte, quand ils auront recu les arrhes
brillants daus I'eclat du visage de la face de Dicu, et le gage du Saint-Esprit, servitude ii la creature,
la raeme oii elle parait tout faire et disposer en assujettissemeiit dans leurs membres, qui en peu de
nombre, poids et mesure {Sap. xi, 21.), pour cor- temps se changera en la gloire de I'adoption et la
riger les ecarts selon la loi inaltex'able de la verite, manifestation des enfants de Dieu.
sa severite parait charite et sa colere est regardee
comme un chatiment inflige par la cbarite. Aussi CHAPITRE IX.

on- les roues en qui se trouve I'esprit de vie, marchent


L'auteur depeint le s4jour de plusieurs hommes re-
ans sans cesse pour accoraplir la volonte du Seigneur,
ligieux en un m^me lieu, comme une ecole d'a-
les et ne reviennent jamais en arriere pour faire la
mour.
es- leur. Si on leur ordonne de commander, ellescom-
k mandunt avec sollicitude; si on leur dit d'obeir, 26. Mais venons-en k cette societe d'esprit k cette
a elles obeissent avecbumilite : s'il faut qu'elles soient vie louable de discipUne dont parte I'Apotre, [Phil.
rce avec d'autres personnes, elles y sont avec charite. II, 2), a cette agreable cohabitation des freres en
irii Si ces hommes interieurs sont prelats, ils sont un meme sejour, lieu sacre ou Dieu verse la be-
Hi comnie des peres envers leurs enfants; s'ils sont nediction et la vie, dont le Seigneur dit : « Ne
at sujets, ils deviennent des enfants a I'egard de leurs craignez pas, petit troupeau, parce qu'il a plu k
u- parents : s'ils vivent avec leurs egaux, ilsse font les votre Pere de vous donner un royaume. » {Luc.

iteili
serviteurs de tous leurs freres. Lour cceur est tundre XII, 32.) Cette existence reglce, si digne d'eloges, tira
-.
pour tous, ils consentent avec douceur a tout ce son origine des Apotres, qui I'avaieut apprise du
f
II, '1
qui est bon; ils vont au-devant des autres avec Seigneur ou du Sainl-Esprit, dont la vertu venait

'111 lot
joie, vivent avec eux en bonne grace , et s'en sepa- de les revetir tout recemment ils ctablLrent un
:

^' rent en faisant eclater leur charite. A I'egard de genre de vie tel que toute la multitude des fidcles
Ik
ceux qui son! plus petits qu'eux, en toute maniere, n'avait qu'un cceur et qu'une ame : tout etait

lie
ils montrent dans leurs actions la tendresse de leur commun entre eux et ils residaieiit sans relache

1-
attachement ; a I'egard de leurs peres, ils deploient dans le temple avec une unanimitc parfaite. {Act.
:le
une charite qui va jusqu'a la sujetion; a I'endroit IV, 32 et V, 12.) Imitaut ce genre apostolique, plu-

1-
de ceux qui sont plus eleves qu'eux, ils poussent le sieurs n'ont d'autre maison ou d'autre refuge que
respect jusqu'a la servitude. lis ne cherchent pas la maison de Dieu, que la maison de priere. Tout Iddal ou
leui's propres interets, mais les interets de tous. ce qu'ils font, ils le font au nom du Seigneur; ha- exquisse de
la vie reli-
(Si cela est possible, en ce qui leur est contraire, bitant ensemble, ils vivent sous une seule loi, fiense.
en
\mie
nques
ils adoptent souvent, comme leur propre bien, ce sous une seule regie, n'ayant rien en propre, ils
s copies. qui est avantageux a tous.) Et par-dessus tout cela, n'ont en leur pouvoir ni leur corps ni leur volonte.

linquentium, et corruptos mores errantium, aliquando ceperint, servitutem istam croaturae et membrorum suo_
cxiens ex verilate et sevcritate jiidicioriim vuUus Dei, rum brevi transituram in adoptionem et revelalionem
quasi facies cornuta apparct et terribilis, ubi visa fuerit filiorum Dei.
a corrigendis secundum insolubilem veritatis legem om-
nia agi et disponi in pondere, et mensura ceditur :
CAPUT IX.
charitati et ira ilia charitatisintelligitur disciplina. Ideo
;

rotae in quibus est spirilus vittT, semper cimt in volun-


Cohabitationem hominum religiosorum, veluti scholam
tatem Domini pcrficiendam nee revertunfur ad fa-
:
quamdam amoris depingit.
ciendam snam. Si jubentur praeesse, praesunt in sollici-

tudine ; si jubentur subesse, in humilitate : si aliquibus


coesse, in charilatc. Si pnBlali sunt, sunt sicut patres 24. Sed veniamus ad cam quam dicit Apostolus socie-
ad filios si subjecti, ut (ilii ad patres sues
: si convi- : tatem spiritus, ct laudcm disciplina?; ad bonum illiid et
veutes, servos sc faciunt. Pius ad omnes alfec-
omnium jucundum cohabilationis fratcrnin in unum ; ubi mandat

tus, dulcis in bono consensus occursus in hilaritate, : Dominus benedictionem vitam, dc quo dicit Domi-
et

cohabitalio in gratia, disccssus in ostcnsione charitatis. nus NoUie timcre pmillus grcx, quonimn placnit Pntri
:

Ad minorcs, quovis modo, mitls afTectio cum opcre : vcstro dare vohis rrgnum. Laus ergo iiujus disciplinaB
ad patres amor usque ad subjcctionem, ad majorcs, ab .\postolis sumpsit exordium, qui sicut a Domino di-
revercntia usque ad servitutem. Non quai sua suntquae- dicorant, vol a Spirilu Sancto, cujus virlutc niipcr ex alto
runt, sod qua) sunt omnium. cis qune
(Si fieri potest in fuerant induti : modum convivciidi sic sibi iiistiluc-

sunt adversa, sua sa;pc facinnl, qu;B sunt omnium.) Et runt, ut cssct mullitudinis cor unuin,anima ima, et om-
ad ha;c omnia, quodcunque lex ilia summa ordinavcrit, nia communia: et esseni nnanimiler semper in tcmplo.
facile habcnt ct membra corporis, ot bonam volimlatcm llanc aposlolica; instilulionis formam quidam a'mulanles,
non habent domos, vel diverticula, nisi domuui Dei,
commodare, cum Spiritus Sancti arrham et pignus ac-
:

&08 L'ABBE GUILLAUME.


Ensemble ils dorment, ensemble ils se lerent; ils celeste qu'un genre d'existence terrestre ? Mais en
prient en commun, ils psalmodient et font leurs lec- ce paradis, les superieurs seuls out permission la
tures en commun. Leur resolulion fixe et immu- de manger assidiiment de I'arbre de la science du
able est d'obeir a leurs superieurs, et de leur etre bien et du mal, c'est-a-dire, de distribuer les sa-
soumis. Ceux-ci de leur cote, veillant eux comme sxir ges decisions dictees par la prudence
;
pour ce qui
endrml
devant rendre compte de leurs ames, leur disent ou- est des k qui il appartient d'obeir et
inferieurs, ete I

vertement, ce que Godolias dit au peuple d'Israel non de juger, quiconque v portera la main, sera
Office des sQ' comme nous le lisons dans Jeremie « pour moi je : puni de mort. Tous a cha«jue instant, s'appliquent
,

p^rienrs. repondm aux Chaldeens qui viennent vers vous Pour . a garder le silence de boucbe, se parlant recipro-
reus, recueillez le froment, le rin et I'huile dans quement par I'aflFection du coeur. Les frequentes
vos tonneaux et babitez tranquillement vos villes. » exbortations de ceux qxii commandent, mettent
{Jerem. xl, 10.) Immolant tous les jours au Sei- rbuile sur le feu, bien que leurs exemples exciient
gneur de leiu' coeuTj Isaac, leur joie, le fils de la encore davantage I'edification niutuelle. On se pre-
femme libre, le fils de la promesse, ils reservent vient a Tenvie de toute sortes d'bonneurs et d'at-
et conservent Ismael I'enfant de la servitude, lorsque tentions, selon recommandation de TApotre, se
la

pour I'amour de leurs sujets, Ds negligent le fiiiit provoquant, se comblant mutuellement de bons of-
del'esprit, se donnent a I'ceuvre de leur salut, fices qui enflamment la cbarite. Hebr. x, 2Zi.)0nne

de les sersir tout


et placent apres le soin le desir souHre pas qu'un, seul des freres soit solitaire, pour
de leur propre avancement leur precbant : le sab- que cette parole de Salomon ne torabe pas sur iui
bat continue], raflfrancbissement des soucis du sie- « Malbeur a qui est seul » (Ecclei. iv, 10.) On re-
I

cle, et les rendant etrangers aux inquietudes que garde comme solitaire, celui qm ne veut pas rece-
font naitre les besoins. Resumant en tres-peu de voir de compagnon dans sa conscience par I'aveu, ou
poiots leurs necessites. Us vivent de peu. Leurs ve- celui qui trouble la societe des freres, par des inven-
tements sont vulgaires, leur noui'rit\ire sobre, tout tions nouvelles et isolees. Quaud la chose I'exige, U est
le reste est determine dans des limites indiquees permis davoii' doux entretien sur les cboses ne-
lui
par la regie, de sorte que chacim n'a pas plus qu'il cessaires a I'ame ou au corps s'il n'y a pas de ne-
:

n'est permis d'avoir et pas plus que ce qui suffit cessite semblable, le silence parait bien plus agrea-
a tous les autres; de sorte aussi que cbactm ne ble. On trouve partout un zele si ardent et sicontinu
desire point posseder davantage, s'il a ce qu'il est pour I'oraison, que lout lieu oil se trouve la ma-
permis de posseder. jeste de la puissance divine une place pro-
parait
25. Cette vie n'est-elle pas plutut un paradis pre a la priere : le chant des psaimies est une me-

domnm orationis. Omnia qnaecunqne faciunt, in nomine id est , dispensationes administrare discretionis : sob-
Domini facinnt, simul haLitantes uno ordine, una lege ditis vero, quorum non discernere, si quis
est obedire,
viventes. nihil habentes proprium, nee ipsa corpora sua, Ulud leligerit, morte morietur. Omnes omni tempore
nee voluntates in potestate sua habentes. Simul dor- student oris silenfio, invicem cordis loquuntur affectu.
miunt, simul surgunt simul orant, simul psallnnt, si-
; Crebris eorum qui pnesunt eihortationibus oleum ad-
mul et legunt. Fisum et immobile propositum eorum ditur camino, licet plus ipsi mutuo se excitent e.vemplo.
obedire prjepositis suis, et subjacere eis. Ipsi vero per- Honore et obsequio invicem certatim se pneveniunt, se-
animabus
Tigilantes pro eis quasi rationem reddituri pro cundum Apostolum, inprovocatione se charilatis invicem
eorum, re ipsa ipsis praedicant, quod
Jeremia populo in provocantes, invicem suscipienles. Nullum inter se pa-
Israel Godolias legitur praedicasse Ego pro vobis res-
: tiuntur esse solitarium, ne dical ei Salomon : V<e soli.
pondebo Chaldfeis qui veniunt ad vos. Vos aufein colli- Solitarium eum deputant, qui in conscientia sua per con-
gite frumentum, vitium et oleum in vasii vesfris et ha- fessionem non ^Tilt habere socium vel qui nous et so- :

bitaie in urbibus vestris securi. Risumque cordis sui, et litariis adinventionibus suis coniurbat societatem fra-
gaudium Isaac quotidie Deo pro eis immolantes, (ilium trum. Si quando res cxigit, permit titur de rebus animae
liberae, filium repromissionis ; re^en^ant et conser\Tint vel corpori necessariis mite colloquium sin autem, mi- :

Ismael filium servitutis, cum propter eos fructum ne- tiusubique silcntium. Ad studium orationis tanta el lam
gligunt spiritus et semendo ipsorum saluti, actibus continua ubique devotio, ut locus orationis omnis, sicut
servitutiseorum omnes post ponunt affectus pro- locus divinae dominationis ; psalmorum tarn pia, tarn
fectuum suorum ipsis vero perpetuum praedicantes sab-
: consona, tam fervens melodia: ut >itae, et morum, etbo-
batum, a curis saeculi, a necessilatum anxietatibus red- norum affectuum, non musiwe, sedcharitatisregulis me-
dunt alienos, Coactis enim in brevi necessitatibus ipsis ; los compositum quadam similitudine consonantiae Deo
parvo ^ivitur. Vilitas in vestibus, sobrietas in \ictu, et repraesentare et sacrificare videantur. In communibus
caEteris omnia praefiiae legis terminata limitibus, ut pietatis studiis, in quadam etiam vultuum, et corporum,
nee plus habeat quis quam licet habere, et sufBciat et habituum gratia invicem, in seipsis bonitatis divins
omnibus: nee plus habere libeaf, si habent quod liceat videntes prc-psentiaoi tanto se affectu complectuntur, ut
habere. sicut Seraphim, in amorem Dei alter ardeat es altero,
25. Numquid non ista est non terrestris, sed coelestis nee ullo modo satis esse possit deferenti quodcunque
paradisus? Sed in ista paradiso solis Praelatis permitti- alter defert alteri.
tar manducare assidae de ligno scientias boni et mali, 26. Use est specialis cbaritatis scbola,hic ejus stadia
DE LA NATURE ET DE LA DIGNITE DE L' AMOUR. /(09

lodie si pieuse, si harraonieuse et si fervente : la ler sur toutes choses. Mais I'^me a encore Idithum,
vie, les pratiques, les bons sentiments, repro Juisant oil elle doit serendre; un chemin
il lui reste encore
Taceord si juste des psaumes, semblent representer considerable a parcourir, avant d'arriver a la mon-
'h et immoler a Dieu une musique redigee, non selon tagne du Seigneur et a la maison du Dieu de Ja-
Wil
les regies du chant, mais selon les prescriptions de cob. II permis cependant d'aller au-deli
n'est pas
la charite. Dans les exercices comuiuns de cette clia- avec des fardeaux, mais la vieillesse a droit a des
rite, dans la grace qui eclato de toutes parts en egards. Car c'est alors que commence la vieillesse,
eux, dans leurs visages, dans leurs corps et dans cette vieillesse non a cause du
qui est venerable
leur exterieur, voyant reluire la presence de la norabre des annees, mais a cause du nombre des
bonte divine, les religieux I'embrassent avec tant vertus, jours saintement blanchis qui annoncent la
d'ardeur en leurs prieres, que, semblable a des Sera- maturite de la sagesse, seutent le repos des fatigues
phins, {Is. enflamme I'autre a aimer
VI, 3.) I'un et annoncent la recompense d'une carriere de lutte
Dieu et que jamais redification que I'un cause, ne bien fournie.
pent suflire a egaler celle que I'autre lui rap- 27. Car la sagesse, qui entreprendde fournir la
porte. carriere du ne rejette pas la
veritable progres,
26. Voila I'ecole speciale de la charite; c'est la charite, elle ne I'abandonne pas, mais elle la prend

que ses regies sont etudiees, la que ses exercices se avec elle seulement ce qui luipese, ainsi qi.e nous
:

pratiquent, et que les solutions se trouvent non pas I'avons dit, c'est de porter ses fardeaux, elle qui,
seulement par les raisonnements, mais surtout par veillant sur les affaires des autres, s'effoixe de se
laverite et Texperiencedes choses que constate la disposer et de se prepai'er a entrer dans la joie du
raison. Lci, si quelqu'un est fatigue de mar- Seigneur. Elle deteste done toute espece de soucis et

ion au cher, s'il reste pres des bagages qu'il mene si parfois elle entreprend des travaux, elle n'aime
30 du avec lui, ayant encore des eflfets, c'est-a-dii'e, ses point les preoccupations qu'ils causent. Ce n'est pas
'
\re des
ou fardeaux et ceux de ses freres^ avec les necessites que les forces leur manquent pour les supporter; mais
^^" ^^^ suivent, il ne mourra pas, aucune loi ne le c'est qu'elle hait I'empechement qu'elle rencontre.
I part
6gaie contraint de revenir en arriei'e, ni de marcher Le Seigneur excitant I'anie a progresser dans cette
cbIui
^t aiie toujours en avant. Si, reste fidele, il garde les ba- voie d'avancement et I'appelant a entrer, comme
gages, dans le triomphe de la victoire, il difTerera il a ete dit, dans la joie de son Seigneur : tu ai-
'"''Vf*
jt jrest6 a peine de le combat plus
celui qui aura pousse meras, lui crie-t-il, le « Seigneur ton Dieu de tout
dos
iges. avant. N'est-ce pas un
ou sont les bagages, I'en-
lieu ton cceur, de toute ton ame, et de toutes tes forces

droit ou nous supportons ceux qui nous oppriment et de tout ton esprit. [Deut. vi, 5.)

par leur puissance, qui foulentnotre tete aux pieds,


CHAPITRE X.
pour ainsi dire, les ennemis qui couvrent de coups
notre dos; les fils qui s'attachent dans leurs em- Que le goiit et la saveur des choses divinos sont mis
brassements au milieu de notre coeur? Au-dehors dans nos dmes par le Christ.
les luttes, au-dedans les craintes, la sollicitude qui
tous les jours, qui a chaque instant nous fait veil- 28. Nous devons avoir absolument quatre sortes

excoluntur, dispntationes agitantur, soliiUoncs non ralio- 27. Suscipiens enim sapiontia proficicndi iter perfi-

cinationibus tantum, quantum ratione et ipsa reruni ve- cicndum, cliaritateni quidem non abjicit, non deserit,

rilate et cxperientia terminantur. Hie qui in proficicndo scd provohit scd tantum perl;rsum hal)et, ut dictum
:

lussus est, si residet ad sarcinas, quas adhuc de suis ct est, sarcinas ejus porlare, qua' aliis jam inlendens rebus

coliabilantium sarcinis, et ncccssilatlLus secum traliit, parare se, et aptare conatur ad intrandum in gaudiuu)
nee niorietur, ncc retro regredi, nee ultra proecdere lege Domini sui. Odit ergo curas quascunque; ct si quando
conipellitur : el si fideliter residens liiesareinas custodic- aliquos suscipit labores, scd laborum non amat sollici-
rit ; in triumpho victoriae paruni ei erit dissimilis, qui tudines. Vires quidem non dcficiunt ad porlandum :

ultcrius proccsscrit. Nonne


locus est sarcinarum, ubi pa- sed refugit impedimcntuni. Excitans ergo in hoc profi-
limiir cos qui per potenliam nos opprimunt, quasi caput ciendi gradu Dominus, et provocans sanctam animani
nostrum eonculcantes, iniuiicos supra dorsum fabrican- ad intrandum, ut dictum est, in gaudium suum Dili- :

tes; fdios quasi in medio cordis amplexibus inhajrcntes .' fjes, inquit, Doutinum Deurn tutun ex lolo corUe tuo, et

quotidiana imo continua ex tola anima tua, et ex omnibus viribus luis, el ex tola
foris pugna?, intiis timores ;

omnium soliicitudo. Scd adluie habct Idillium, quo mente tua.


traiisiliat; adliue grandis restat via aseendenii in nion-
tcm Domini, et ad domum Dei Jacob. Ullerius tamen CAPUT X.
proeederc non est cum sarcinis, scd ct senectuti sua
fas
revcrentia. Ex hoc enim jam scnectus ineipit, sed vena- Gustum et saporem rerum divinarum nobis m fundi per
rabilis, non annorum, sed virtutum numero computala; Christum.
spirans sapicniia; maturilatem et requiem laborum, quasi
cmeritaj militia; pra^mium. 28. Quatuor in Dcum a nobis ot toti oxigunliir afTec-
:

L'JLBBfe GOLLAnCE.
de soilinienls poor Km et les hd
eonsKrer enlifr- sa jotussanoe. CeA poorqaat onnliHwws i par-
i«nenLQuuidleSeigijenr<dil : «de tout toacosar.* ka- de oe gout, ainsi que noos FaiitMS eotr^
il fedanie toote la Toloabt; « de toule ftoa Ime, «

il Tent toot Ymioaar : « de toatiB les JEoroes, » il Le eoips dn Ouist <st ITg^ onivenelle,
39.
designelmfasvedeladKxrite; «de brat ton esprit^ soit de Fancaen, sott dn noareaa TestamenL A la
iS indiqae la jcNoissuiice de la sagie^ie. D'aboid la tete de oe owr^ c'e^-4-dire, i U paitie praniere,
Tolootie pomse Yiaat vers Uea, ramonr Texdle^ la plas andenne et sapeneure, qni est la primiiire
chante lecnntem^e, la sage^e le goule. Lapbee Eglftse, se tiooveni qoalre sens, la me. Feme, Fo-
digne de la sagiesse, c'^sH'i^nL On f^^dle Mjneiis » dorat el le fMadMr. « Les yeax * sont les angis a erase
paroe qa'dlle se saavient {aumdmitjj oa paroe qa'cfle de laqoeDe ik oomtemplent
la pan^ralaoB aree
dmmiiift {emme^ dans FJume : aosa onle dooBepoar «les oralks *9ant lesKbxardies, acaase de faiTecta
aege a, la ftxta qui s'Sleve au-dessos de toaliK les d'obetsanee qaHs ant a faien pratiqaee; les « na-
vextas de Fame. Car Fisprit est one oeriaine pais- nnies » oa Fodorat sont les Pzopheles qui ont senii
sanee de Fime par laqudle nous noos aatadnms a oa eonna les dioses doignees : «Ie toodaerve^nn
Diea et nons le godloie : or, eette jouBssanee se sens eMnmon k boas. Toas oes sens, axant Farfivee
pnodnit enTHtta d'one sorte degout diiin, d'oa xieat dn meduteor etaient dans la tele, mab ils etaaent
le mot de sagesse. CdiSe saveur se sent par vat ees- languissanfls, paxtceqoelapartieinienearedaooffps
tain gvioL Ce giant, pexsoDiie ne le pent eiqnimer etaitmorte, a cause de Fabsoioe d'nn seal seos,
que txisu. qui lueiile de FiiprauiFer : <u gioatez dt e'^-^r-^ie dngooi, sans lese«»uis dnqod le cor^
Tonrez que le Sogneor iKt doux. ^Ps. tct^ 9. Par i)
ne ponf^ait point Trrre; ni le sens joair de Fenergie
ee sens, seioii rjkpdtte, oa goube h. paivsle de de son addiite et de sa Terfo. Car pvesentez, <Aez,
Diem, on goute anasi les ndaesvs du siede a Tenir. meDiezaintoarde lontle oMpsce qoi se rapporte
(HiA. Ti, 5.)j C«st doGc snr ee goal, qoi nsfezme a sa nounituiv;, si k gout seal manque, de qac«
la safieor qoi £ait la s^iesse, que noiK derois tus^ T^wts s^rira oe traTaii? Kaca, de fat viande dans
des redliandies plus pntSoDdes. En pienuies' Iksi, les omnes, gataaissez-en les oraDes on metlex-en
jH jaul <db<? qu'tBnciKe que eeiai qui n><MBi9i<»^ anrive dans lejle auize paitie que toos voadiez, oet eSofl:
poor degies an ptoint i^«e de la i^girase, neannNHits poosra noire, fl ne servira oeztainenaeni de rien.Le 3
si a rinaggini de ces degres. juajne et y eoanpns ieder- gicwit est acioHnpagne d'une eertame dooooir de

nier, la sagesse qu'dBe Fensfagne eStiHoa^sse


';;ai£:a saveor que Filme e^vmre en son intedenr d'nne
dans leSfine qui porte son iiMiiiu^),n'aTail pias<dfe£arebe maBieme spedtajle, qui ne peat ^re oonmianiqaee
ceox qui la titeKhoA dt. ne flat pesM. venae a Jeur aux amlTK sens, et par laqnffle die recoil, eik joge
ineateontie t^ans Iks dutemims, se oMmttrant a enx arec et disoexne toot, et anime toos les autres sens et
joae, ((Slip. Tij 14.';! mi la ToluHHfte rn'mi mia. Tkmt, m. kor dnHine knr piH^Re v^oear ense sootenanl
Fanwiar ne Feul exjf'ilee; la dsaiiite. n'eoft pas coo- dk amssL Place sar le oonfins de la teie tA da
tempfie le Sdgnenr et la sagesse n eui. pas cpnoave cotps^ c'estr-^-diie dais le gvKier, eonune poor les

Ins. In eo qpaod dial, £jr loto eard!^ tfao, ftottam snM Tisi-
t^eal TioiBoiiEiilitliieiiii : m StoSiii urmwff^ tboibaiaa aumsseaaa : sm
TJiiHtmiiem lAes^iagai rflmiriitiaiiiKi : w. SB. Qsiirfm& iQuiisitii xmiiversii est Bcclesia, tam T«item
S^piOOBsff. Pimimniimim leguiB at quBBim man l>staEmeii!dL In hagaits coipoiis capile. Id ed
iiutielt, aunaor psvimovvS, cbunltits tsss^- fBsma. eit siallifQiQei et s^eraon paHe, fss est pnxcd-
'bemj^UtMSg sayieoBBm inoiiiif'. ^SapiiiHiiiitiia -^Kspa d^rae aim ta«a Eioc&e^, qmSnar sirat aeasBS, risns, aixjitrts, odo-
oflQsBittniiour. Qiiis icmmn v&ss> wtssus dKuSmur, onitod lalbiis. et tacSsas, OaiE, samii Aingel pi^opter oosAesi^lia-
I iM L leme ^^ aidbonMlbiur xw- i&sm'- ' '/tatera : jtacrvf, Paibmivte frapter obe-
tnti, tgnse sn^es* 'wm'*^ TSirtoiSies aniiiiiDaEL. £jst ^cl;,. ^ am : Secret fd odoBoaaas, PMphelae, fsof-
Hieir absEiaciiiiLim xujiiSisim : Tadms vero ooaBBUoiis est seo-

ISIOIIB' : ffitVUiillJtQI aumlliWHiii BoeiC ISU SlffltHfe Mnittfiiiftainni (^VJBIkO esit, SB& OMuaes M
seosBS aialte Mediatois aducutaiB ia ca-
nmde a sa^owe .saptfimltBii.,
et Sapoir aimiliBn i^te im jgnasSni ^He eawmtt, sed Mi^godiaast imfBzaDii ooipaie emoitoo
qmsdan (sIL Gsstam aimiimiim ss^sum iHl ^iroip oaiBiiiitQi Biotest pipQpltea' iBBaBs seoitsQs absemSsKsa, id ^A giBSlBs,SBoe cci us
csi^giaDraie, naa qm laanelaur ^intsftajne : (SouiMe, <£# xaiSsiR, adlniiiiacialoDec viveie owpas fdteasA, sec sensas vim
qmmamm mma^ ed DmHemmt. Mux ps^ba secamimimiAp:)-- saat vtFjtditsftis obtene. Qnidfrad emm ad to&is cot-
ihraBnimBi gusfeilnr Da msffimum, gmtsbciBlbiur irttmiiini ^SJ^rittas' ss^ pouvs :9ecitat aAisMolaiaD, conefis sBaabBs, Bsiicasfi oor-
ooE vesBlmQ. Jam ts^ de •ga^im Mia, tgm sBpoavsm Sraliet pi<in aa^ooae, sofipsme, cutoBii^aBe ; solbas gnstrts 9
HHhsBBfty in osio snncnsfisa -•gsBftiiiti suliuiliiBs nskcnBlsrcQikdisEBsi e^. -jM pa^idarai? Lnlfauade aMjgms, mtrade marilwK,
Pinunuiiiiiiii ^onDdomi, nsisa ffiod vbp ^ss&sts lad ss'Desim. Sk- ,;^[i£mL'ds alam jpaTlhnm ; obesse pOteiit, prodesse
msm pcAeM. Gwimim. asteim ^imsdium se^nitaiir sa|>uiris
ginaSm iiB^iBff ad asiffimuiii, sagnendsa ^aaemi ipsa nffiot isi dmlicfui^ quam
im imtenori sdo semltiesis aiwroa, raodo
Bura se ifmss&sel, eil liiJOCiBmsset
siidi DoiraiiiiiBS)) iq[iiiBnBiiiles igtEtEk^m aotgvlaili l^ CSEteiK SeStsQsBS raftnanimnnMlirfMhiB ^
im Hits, iis^emiStBiis se liiltaAer : mec tRoSiiiiBitas mjanrsBctt, iqss sasiifSL, enadta diaoesiiui, et di|Bdioat : se^ie osa-
; aoiDoir pffmaovsaett; oec «*a"ra<tai»j eomflempfaSa, nee xtea^oe seeosBs v^^geW, et cac^rtB^ Gerfss erfo in ea-
DE LA NATURE ET DE LA DIGNITE DE L'AMOUR. Ml
reunir, I'organe du goiit designe celui qui, par la sus-Chrit,)> soit parce que nous dirigeons toutes nos po„r„o(,i je,
condition de la chair qu'D a prise, a ete place un souhaits et tons nos sacrifices vers Dieu le pere pnr prieres de

pen au-dessous des anges, de Moise, d'Elie et son Fils soit parce que tout
qui est notre mediateur, terminent en
des autres Patriarches, et des autres Prophetes. ce que nous attendons du Pere des lumieres, bien "^^ termes
^ '
par ^\otre-
Par les esemples de patience et d'humilite qu'il excellent et don parfait, (S. Jac. i, 17.) nousdeman- Seigneur,

a laisses, il s'est rendu en une certaine maniere dons de le recevoir en nous, non par I'oreille, non
plus huinLle et plus petits qu'eux : lorsque ces per- par les narines, mais nous demandons de le per-
sonnages, en vertu de leur puissance, renversent cevoir par son entremise, lui qui est notre bouche,
les ennemis du Seigneur et leurs propres adver- notre gout, notre sagesse, alin de pouvoir en tirer
saires, lui, donne cette lecon a ses disciples « Si : notre profit.
quelqu'un vous frappe sur la joue droix, presen- 31 .
Voila le gout que produit en nous, par Je-
tez-luila gauche, {Matth. v, et Luc. tt, 29.) sus-Christ, I'intelligence spirituelle, I'intelUgence
30. Venn apres les Prophetes et les Patriarches, des Ecritures et des mysteres de Dieu. De la vient
sur les limites de la loi et de la grace, de I'union que lorsqu'apres sa resurrection, le Seigneur ap-
de la tete et du corps, par les mysteres de son incar- paruta ses disciples, « alors, » dit I'Evangeliste, «il
nation, de sa passion et de sa resurrection, tout ce leur ouvrit le sens, pour qu'Us comprissent les Ecri-
qui est utile ou principe de vie pour le corps, I'hom- tures. » [Luc. xxiv, Z|5.) Car lorsque nouscommen-
me-Christ Jesus, le goute comme dans sa bouche, cons non-seulement a comprendre mais encore,
c'est-a-dire le comprend et le transmet a son corps pour ainsi parler, a palmier et a toucher de la
pour le comprendre, le savourer par le gout inte- main, par notre propre pratique, le sens secret de
rieur de sa divinite (gout par lequel il est devenu I'Ecriture et la vertu des mysteres et des sacre-
pour nous (i Cor. j, 20.) sagesse de Dieu), et ainsi ments du Seigneur, (ce qui n'a lieu que par un
nous le rend sapide et utile. Ayant la A"ie en lui, certain sens de la conscience et par la counaissance
vivifiant et y conformant son corps mystique, il de I'experience comprenant, je dirai plus, hsant
rejouit les Patriarches et les Prophetes en leur en son interieur et sentant la bonte de Dieu et la
montrant son jour, ainsi qu'il le dit lui-meme ; vertu que par sa bonte puissante et son energie
« Abraham votre pere a tressailli pour voir mon efficace, la grace elle-meme opere dans ses pro-
jour, il I'a vu et il s'est rejoui » » [Joan, vni, 56.)
: pres enfauts) ; alors enlin la sagesse accoraplit le

joie et vie pour tout son corps ; de sorte que dans travail qui lui est propre ; alors, ceux qu'elle juge
le tressaillement de notre esprit, a ce contact spiri- dignesde son onction, elle les instruit de tout; alors,
nous crions « ce que nous
tuel, vivifieset confirmes, : apposant sur nous le sceau de la bonte divine,
avous vu et entendu, ce que nos mains out louche apres avoir apaise et adouci tout notre interieur,
du Verbedevie. » (i S. Joan, i, 1.) Aussidanstoutes elle y laisse son empreinte et sa forme; si elle y
nos prieres nous ajoutons, « par Notre-Seigneur Je- rencontre les choses pures, elle les y inculque plus

pitis et corporis confinio, id est in gufture positus, velut tactu spirituali vivificati et confirmati clamemus : Quod
utrumque connectens, eum designat qui perconditionein vidimus et audivimus, et mantis nostras conlrectaverunt
carnis paulo minus est minoratus ab Angelis, et Moyse, de Verbo vifre. Idcoque in omnibus orationibus nostris
et Elia cseterisque Palriarchis, et Propbetis. Per exhibi- subjicimus, Per Christum Dominum nostrum vel quia :

tionem patientiae et bumilitatis minorem se quodamniodo omnes orationcs nostras et sacrificia ad Ueum Palrcm
fecit, et humiliorem cum ilii potenti virtute, Dei et
: dirigimus per eum, sicut per mediatorcm nostrum vel :

suos prosternerent inimicos; ipse vero sues docerct dis- quia quidquid speramus a Patrc lumiuum, onine datum
cipulos Si quis percusserit te in dexteram maxillam,
: optimum, ct omnc donum perfectura, non per aurem,
prcebe ei et alteram. non per naies, sed per ipsum petimus infundi os nos-
30. Hie enim post Prophetas veniens et Patriarcbas, trum, ct gustum nostrum, etsapientiam nostram ut su- ;

limes quidam legis et gratiae, capitis et corporis, per menti possit esse proficuum.
mysteria humanitatis sua-, et passionis, et resurrectionis, 31. Ilic est gustus, quem in Christo facit nobis spi-
quaecunque in lege, et Propbetis, et psalmis, ct bymnis ritus intclleclus, intellectus scilicet Scripturarum ct sa-
salubria, quaecunque corpori vitalia vel utilia, quasi cramcntorum Uei. Uude cum post rcsurrectionem suam
quoddam ipsius os deguslans, id est intclligens, et per se Dominus discipulis apparuit Tunc, ; inquil Evangclista,
intelligenda corpori Irajiciens, homo Cbristiis, inlcriori aperuit illis se.isum ut intelligereni Sn-ipturas. Cum
quodam divinitatis suae sapore (quo sapicntia nobis fac- enim ycriplurarum interiorcm scnsum,et virlulem mys-
tus est sapienlia Uei Cbristus) sapida ca babct; nobis- (eriorum ct sacramcntoruni Dei ccrpcrimus non solum
que facil sapida vol utilia. In se enim vivens, et per se intelligere, sed cliam quadam, ut ita dicam, expcricu-
totum corpus vegetans et conformans, gaudium sibi, gau- tiae manu palpare et traclarc, (quod non lit nisi quodam

diuui Angelis facit dc consummatione corporis, gaudium conscicntiae sensu, et cxpcricntiiP discipiina intelligonlis,
Patriarchis et Propbetis de visione dici sua;, sicut ipse imo ut plus dicam, inlus in semelips;i legenlis, el sen-
dicit : Abraham pater tester exuUavit, ut videret dictn tienlis bonilatem Dei, et virlutoui quam potenti bonitale
meum, vidit et 'jamsitx est : gaudium universo corpori cum cfdcaci virtute in (iliis gratia-, opus ipsius grati;e
et vitam ; ita ut quodam mentis tripudio universali illo operutur) : tunc dcmum sapicntia quod suum eat exsc-
412 L'ABBE GHLLAL-ME.
profondement, si des choses dures, elle les brises son etendue, sa sdblimite et sa profondeur. * Atta-
jusqu'a ce que Vkme recerant la joie da salut de chons-nous ici a bien examiner ce passage, pour
Dieu et par I'esprit principal de la sa-
fortifiee tacher, si cela nous est possible, ""
' - -twa- en
ge^se, elle cbaute beureuse a Dieu o la lumiere : que'.que maniere dans la profondeui sagesse
de votre visage, 6 Seigneur, s'est imprimee sur nous, de I'Apotre.
Tous avez mis laUegresse dans mon coeur. » (Ps.
IT, 7. i D'oii Tieut que le Seigneur a dit : « c'est la CH.^PITRE XI.
vie eterneUe, de vous connaitre vous, le seul rrai
Dieu, et Jesus-Cbiist que tous aTez enTove. [Joan. Ce que nous ievoiua Dieu j et d- la iii-cii>iii dun
ivn, Bienbeureuse science qui renferme la Tie
3. mediateur.
eternellel Cette Tie Tient de ce gout, parce que
gouter, cest comprendre. Rejoui et confirme dans Nous derons deux choses au Seigneur par
32.
cette sagesse par ce gout qui lui en faisait eprou- C--I t
rap- ort a quatre aJtributs qui sont en son sein. Eln Ltn
I
Ter la saTeur, celui qui s'appelait le plus mediocre loi se trouvent la puissance, la sagesse, la charite,
des Apcitres s"ecriait : « a moi, le moindre des saints la verite ou relemite. ce qui est la meme chose.
a ete accordee cette grace de precber pamii les na- Rien n'existe Teritablement que ce qui est immua-
tions, les insondables richesses du Christ et de mon- ble. A ces qualites il conTient que nous repondi<His
trer a tous, quelle est I'economie du sacrement ca- de deux manieres. A la puisance. qui pent nous
che depuis en Dieu qui a tout cree, afin
les siecle^ punir, a la sac-esse que rien ne mper, nous •

que soit manifestee aux princes et aux puissan- deTons ime crainte sincere, c es.---^- ..unecrainte
ces dans les hauteurs des cieux par I'Eglise la sa- que ne cimtrarie point la torpeur de la secuhte ou
gesse multiforme du Seigneur selon la disposition la ressouroe de la simulation. Cette simulation a
des siecles dans le Girist Jesus Not re-Seigneur, en Ueu. ou bien q^: - ns trop de
' -
:'

qui nous aTons coniisince et acces par la loi que en ce qui est co:„^^-. ... ... ^..ii quand no_; ._- .

nous aTons en lui. » [E^. in, 8.) Et un peu plus cons en Dieu une misericorde qui n'est pas raison-
bas : « C'est pourquoi, » dit le meme ecrivain sa- nable. A la charite et a la Terite, nous dcTons un
^'
eenoux dcTaint le T
cre, « je flechis les notre ' " amour .c'est-a-dire, un amour que n"al-
Seigneur Jesus-Christ, de qui toute ; ^. j tire tere poi:.. .- -rdeur du sentiment ou le scrupule
son nom au del et sur la terre, afin que, selon les du ikiute; a la charite quest-il du sinon la charite?
richesses de sa gloire, il nous donne de sentir la La Terite de la charite ou la charite de la Terite
Tertu se corroborer en nous, que par son Elsprit ecarte toute atteinte de defiance. Je parie de cette
le Christ eoeurs en Ibomme interieur,
habite en tc»s crainte soupconneuse que
la charite n'aime pas,
enracines par la foi sur la charite , afin
et etatilis que ne ^uisse tromper, que I'etemitc- ne
la Terite
qoB TOUS puissiei comprendre quelle est sa largeur. Tienne a cesser. D'ou Tient que saint Paul dit :

qoitiir; tone qocK digncK judical ur -., docet de diritias giorke sua rirtuiem corroborari, per Spiriamt
omnibus tunc aj^odto bonitatis 1
: r - lO, omnia ejt^ in interiori homine hai>3are Christrnm per fidem in
Dostia pacala uiicti(Hie ilia et emoUita imprimit et c(si- cordibus vestris, us caritate rmdicati el fundati, ut possi-
fonnat : el si qua pura, si qua rigida iDTeaerit, inculcat iis compnkendere qua sS bditudo, kmgiiudo, subSmSas,
et infringit : donee Itptitia salciaiis Dei recepfa, et sa- el profundum. Lib^ hie advert^e, si take in seoso
pieotis spiritu princlpali c<MifinData sajicta animgj la^ ^o^tdics sapienlis aliqaatoius poietrare possamas.
ad Deum decantet, Sigmaium est super nos huneit vv/ttu
tut Doaune, dedisti ImiitUmt in corde meo. Unde et Do-
C-\PUT XI.
minus, Htee est, inqnlt, rfite eeierita, ut eogmosoOMt ie so-
lum cerum Deum, et quemmisistiJesuJH Christum. Beata
scieatia, in qna conlinetTir \-ita aelema. Vita ista ex illo
Quid De'y dfifeamus : et de necessUate Medtutoru.
gustu et, quia gustare, hoc est intelligere. Ex hoc gusta
per hunc saporem in hac sapieatia minim as ille Aposto- Si. Contra quatnor Dei debemus duo. Quatuor sunt
loram saUalns, exhilaratos, coafinnatus, JfiAi, inqoit, in Deo potentia, sapientia, charitas, et reritas rel a?tep-
nujumo omnium satKiorum data est hoc gratia^ in gen- nitas. quod unum ^4. XiMl enim vere est, nisi qaod in-
tSbus evangeliaare intestigabHes diriiias Christi, el illu- cor:- est. Ad quse dnobus modis respondere r jj

minare omnet, qu^B sit dispensatio sacramenti abseondSi con . .entice quae potest nos punire, ei Sapieciiie,
a stecuUs in Deo, qui omnia creavU ut innotesoai prin- -. quam nil potest latere, debemus tim(»cm Terum, id est,
dpibui et potesUiJbibus in axiatibus per Eociesiam multi- quern non in^edit torpor refoginm amu-
securitatis, Tel
formis stgnentite Dei, secundum prte/UuUonem saeuio- lationis. Simobtio est Tel qnando fingimos laborem in
nan in Chrisio Jesu Domino nostro, in quo habemus prsecepio, Tel qoando iiratkiBalHlem miseticradiam sl-
fidudam et mxessum in eonfidentia per fidem ejus. Et mnlamas in Deo. Charitafi et Teritati ddieoms aauxem
post pauca, Hujus, inqnit, rei gratia fieeto genua ad Pa- vemm, id es4, qnem non impedit tqwr afTectioois, vel
^
trem Domitu nostri Jesu Christi, ex quo omnis patemi- idebetorDiadB-
at in e(elo el in terra nominatur, ut del nobis secundum - Teritatis OBaaem
;

DE LA NATURE ET DE LA DIGXITE DE L' AMOUR. 613

« Pour que vous pulssiez comprendre avec tous les bonte et la tendresse decelui qui nous eclaire et qui

saints quelle est relendue, la largeur, la subli- nous appelle mais ces sentiments eclatent surtout
:

mite et la profondeur. [Eph. iii, 18.) Daus la subli- lorsquil nous donne aussi la force de repoudre a
mite reuiarquez la puissance daus la profonjeur, : son appel, lorsque, par la propre experience de
la sagesse; dans I'etendue, la charite ; dans la lon- I'esprit de sagesse, se revele a nous, quelle est et
gueur, I'eternite on bien la verite. Voila la croix de combien grande la sureminente grandeur de sa ve-
J esus -Christ. Et ailleurs, le meme Aputre oxprimant rite pour nous. Celui qm a le bonheur de sentir ces

avec plus de clarte encore la vei'tu de la souveraine heureux ellets discerne tout, juge de tout, parce
sagesse en nous, « c'est pourquoi, » dit-il, « appre- que le palais de son coeur est gueri par le gout de
nant la foi que vous avez pour Dieu et la dilection la contemplation di\'ine. En Jesus-Christ, la source
que vous montrez envers tous les saints, je ne c^'sse de tous les bienfaits, le bien qu'il goute d'abord,
point de rendre grace pour vous, portaut sans cesse c'est sa conversion vers Dieu, c'est ensuite la re-
votre souvenir dans mes prieres, priant le Dieu de mission de ses peches; apres, c'est la multiple abon-
Notre-Seigneur Jesus-Christ, le Pere de la gloire, de dance de la grkce qui a fait place a la colere dont
vous donner Tesprit de sagesse et de lumiere pour nous etions devenus les enfants et tous ces dons :

que vous le connaissiez, lui deruandant qu'il illu- ne nous sont octroyes que par notre Seigneur Je-
mine les yeux de votre coeur afin que vous sachiez sus-Christ. Car c'est lui qui est notre mediateur,
quel est I'espoir de sa vocation sur les saints, quelles notre sagesse, en qui , ce qui est folie, est plus sage
sont les richesses de la gloire de son heritage que toute la sagesse des hommes. (I Cor. i, 2!i.)
dans les saints, quelle est la grandeur sureminente 3U. Car lorsque la bonte de Dieu abondait ainsi
de sa vertu en nous qui avons la foi selou I'ope- et etait ofFerte a tous les hommes et comme il n'y
ration de la puissance de la force qu'il a fait ecla- avait personne qui en recut les effets ou qui siit les
ter en Jesus-Christ, le ressuscitant d'entre les recevoir ou qui apprit aux autres a les accueillir :

morts. » [Eph. i, 15.) personne qui put monter au sejour oil ces dons
33. Lors done que le Seigneur, exaucant les prie- se distribuent, et les en rapporter, il fallait un me-

res de I'Apu're, nous accorde I'esprit de sagesse et diateur entre Dieu etnous, par le moyen duquel ce

de lumiere pour le reconnaitre, c'est-a-dire, pour qui estde nous montM vers Dieu et ce qui estde Dieu
le gouter et pour le connaitre, ou pour que lui- descendit vers nous. La Trinitetoutentirretint done
meme se fasse gouter en nous ; lorsque nos yeux conseil et prit cette resolution dont parle le Pro-
sont illumines afin que nous voyions le bien, et que phete : « que votre antique decision s'accomplisse
bons,nous comprenions les biensvers lesquels nous et se reaUse. » [Ps. xxxn.) Le Seigneur voyait que
attire I'espoir de sa vocation, c'est-a-dire les riches- par rapport I'homme tout etait confusion, et
a
ses de la gloire de son etemite qui brille dans les trouble; querienn'etait asa place, rienne marchait
saintes demeures en tout : cela, nous apparaissent la dans Tordre. II considerait que I'homme etait eloi-

removet scmpnlum suspicionis. Suspicionem autcm di- trahit spes vocationis ejus, scilicet dintias gloriae apfer-

ce, ne non amet charitas, ne decipiat Veritas, ne defUiat nitatis ejus in Sanctis ; in his omnibus nobis bonitas, vel
aeternitas. Unde Paulus Vfpossitis comprehendere cum
: benignilas apparet illuminantis, et vocantis cum vero :

omnibus Sanctis, qum sit hngitudo, laiitudo, suUintitas, ut sequamur vocantem, etiam virtus additur, per ipsam
et profunditas. In sublimitate nota potentiam: in pro- c.xperientiam spiritus sapientia? revelatur nobis, qu;e, vcl
fundo sapientiam in lalitudine charitatem
; in longitu- ; quam sit supereminens magnitudo veritatis ejus in nos.
dine aeternitatem, sive veritatem. Et ha;c est crux Ex hoc igitur, qui sic est, ex gustudivina? conlcmplalio-
Christi. Et alibi idem Apostolus exprimens evidcntins nis palato cordis sanato, omnia disccrnit, omnia dijudicat.
sunimae in n^bis sapientiae virtutem, Propierea, inquit, In auctore omnium bonorum Christo, primum ci sapit
et ego audiens fidem vesfram quce est in Deum, et dikc- sua ad Deum conversio, dcinde pcccatorum rcmissio
tionem in omnes sanctos, non cesso gratias agens pro postmodum pro ira, cujus fdii cramiis, gr.itiarum nudli-
vobis, memoriam vcstri faciens in orationibus meis, ut plex augmentatio hac omnia non ; per Dominura
ct nisi

Deits Domini nostri Jesu-Christi Pater g/orice, det vobis nostrum Jcsum Christum. Ipse enim mediator nos- est
spirilum sapientia et revelafionis in agnitione ejus, illu- ter, et sapientia nostra, cujus quod slultum est, sapien-
minans oculos cordis vestri, ut sciatii qua sit spes tia nostra, cujus quud stultum est, sapieutius est homi-

vocationis ejus in sanctos, quce diuiti<e gloriw hcEredHalis nibus.


eju-i in Sanctis, et quce supereminens magnitudo virtutis 34. Nam cum lalibus bonitas Dei abundarct et olTer-

ejus in nos, qui credimiis secundum operationem pofen- retur omnibus, nee essel qui recipercl vel sciret reci-
tioB virtutis fjus, quam operatm est in Chriito, suscitans pcrc, vcl rccipcrc docercl. nee qui illiic posset asccn-
ilium a mortuis. derc, ubi bona h.rc disliibuiintur, vol quod hue posset
33. Cum ergo orantc Aposlolo, el exaudienteDoo, da- dcferrc opus erat mcdiatorc nns inter cl Deum, per
:

tur nobis Spiritus sapienti<-E, et revelalionis in agiiilionem quein nostra appropinquarcnl Deo, et bona Dei nobis.
ejus, id est, ut agnoscamus eum, ct siipiamus cum, vcl Iniil ergo consilium lota Trinilas, consilium illud, de

sapiat ipse in nobis; cum illuminantur ocuH nostri, ut quo Pniphcla dii'il Cnns-ilium tnum nuliqunm verum
:

videamus bonum, ct buna boni intciligamus, ad quae nos fiat. Videbat quippe Dominus quantum ad bomincm om-
: — : :

Uk L'. CnLLAUME.
gs^ daxs VD pays fort distftnt, [Luc. w, 13.) ou les reins, et il oitreprit de rfetaliiir, par llmini'h^,
^ perdu sa ressemlilance arec Ddeo; pays fort
arait la creature qui pourait etre rdevee et qui etaii
eloigne, d'ou H ne sarait, d'ou il dc nir ;
tombee par orgueil. C'est pouxqooi, se placac:
par ]ui-rDeme. Car range avail ei. -u^.uon ccr^ ' ":l"\irentre Dieu et ITjomme, qui ex.
-

de To-aloir ressembler a r>ieu : « j .


ii mon sV - . Seigneur, arait ete saisi et lie par ]

si%e a lAquilon et je serai semblaLle au Tres-Haut demon, il prit en cette maniere le role et la personn'.
[Is, xiT, 13,; Pareiilement, Ihamme Toulut etre dun bon mediateur. D se fit homme ; « une life
la
Dies, il avait ete persuade par cette parole : u Vous sortit de la racine de Jesse, et une fl«ir sepanouit

serez conune des Dieui. » Gen. la, 5. Ouoi done, de cette souche ; et I'esprit du Seigneur se rep»osa
s'ecria le Pere, mon Fils, la splendeur de ma sur elle, I'e^rit de sagesse et d'intelligenoe, I'esprit
g-loire et la figure de ma substance, aura tant de de conseil et de force, I'esprit de science et de pi-^
riraui. taut d'egaui, taut de comp;.: 701 par- le, I'esprit de crainte du Sdgneur I'a toute parfu-

liLf eront aver lui ma ressemblaiice ? — - .at pre- - mee. [Is. u, 1.' Comprenez par cette doctrine, que
cipites tous les dtUi. Done le Rls, image de Dieu, notretres puissant athlete, en entrant dans le monde
Toy ant lange et l"bommc-, qui avaient ete crees a comme dans un champ de bataille, est omi pour
la ressri. du Seigneur, perdus pour avoir la l^itte de I'onction du Saiiit-E5prit,etqu'il s'el^-^^
dffire element dc luidevenir sembialiles : comme un geant pofur courir dans la voie du :
-
a'-,.. .
.

S secria-t-ii, il n'y a que la misere qui ne fait tere de laredempti n des hommes. Remarquez que,
pas de jaloux, ii faul venir au secours de celle a dans cette enxmieration des dons de Ftspnt, le
:f^ard de laquelle la justice n"emj»eche pas la mise- pr ' •
"jTnmence par le plus eleve, et descend

TjCorde,
''
it me montre done c£>mme un honame ai. -uis, parce qu'il eiposait la descente c'
Selon hi
Beiitwae. d^ \sien. mepiise, hommes, Tbomme
dernier des 1 "humiliation du Redempteur. Pour nous, en vertu
• On trouac
cfis idees
,,,
des douJeniTS et
'
et le
si t
connaissant 1 Tntlrmne, aim que le
^ -,- j^ -j.-
des graces que nous acconfe oe meme esprit, par la

^^ dAdam imite mon bumilile, qu'il parvienne aina marche que suit en n. - e meme me-
B^^f t
de lAveot, a 1 a gl oire qu'il desire tant, et puisse enten dre de m oi dial eur, cherchant a r. _ .._ „ . ._:._- .as superieu-
« Api>rene2 de moi, que je suis dous et bumble de res. nous commencons par le plus has degre,
pour vos ames. c'est-a-dire par la crainte. Le Christ eprouva
coeuT, 4A, Tons trouverez le repos «

[Matth. II, 29, done de la crainte a I'egard de son Pere, miis


J

ime crainte jtiste, filiale, qui lui fit tou-


chapitre xn. jours tout rapporter a sa gloire, sentiment qu'il ex-

On expose le dessein de la redemption Jvamtme.


primait en oes termes : t ma nourriture, c'est de
faire la volonte de mon Pere qui est am Cieux. »

35. Le fils de Dieu se ceignit en quelque sorte ^Joan. IV, 34.) Et dans le Psaume : <.< Oue mon c^ibut

nia p.onfnsa^ omnia tnrbata : niiil stare in ]ooo sdo, peTari poteraL qui per 5trp?rr ;a~ •prrierai. I:ar::f ir:;:
r : SDO. V; _ : in D: liens, *qm re::ier.5 a
r:- --_-^ _---: -jnis tarn -^---- ,- - ~ '^ Dr ^ - - - era:, hoc m;i; r.r.ii

mediaioris et personam iodtdt et actum. Fact asest homo:


.,

nee posset redire. Anirelns enim prassnnapserat amilitn-
' _ .-.._. r-' - aquUoTiem, -
^ Egress^a est i-trpa de radice Jesse, et ''" "'' '*' " " "

pSfif T'C>- asceridit : ei '•"ovrfrif nriye'- ettm Sf


'
rtraw sapie, ptrztus
I ._r ._..., i mens, .-} dims, spir^^. _...._ .. ...:.:atis, et : ^. ,.. ..

substantia meje, in ipsa mei f- e tot aemulos ha- tus ttmoris Domud. Intelligite hie fortissiinu:
aronothetam no^rc' '
-

l::.^ -_:.£; I'l. \ -


- - ^i inunp ad palaest^^iL - -

fac.d eranl ad ipsam, .


-
di- tern inffRntem o .am viaz.: .? nuzia-
natum imajrinis et siEL_-._. .-
.. _. ..]._,.^. .,„..-:.»e : ;•. nap, Xota vero
J-,; _...^zi a
-- . et des-
Hen. inguii. sola miseria caret iniidia : sed scivenien- cendisse ad inferiors : guia r. Jhat des-
-
i :. :•>: •,". rui subv. ^jjg^ EiM- eensum. N" -
"-r easdezi :r ; - '.
gralias.
::•. :i •;
-c.._r bonum - - pt noTissi- ejnsdem n.-. - I*ei et proce^^ .. ad supe- :

mmn -vxi'onnn, vimm dojoram ei saeniem .:. .... _em. riora inve5:i<ranies resressun, ah inff est a id
nt 2elet et imiietnr in me iramHitaiem. per q^uiii pcire- timore i- - --- ^ ':-"::s ersroad Pb ^ v.uran ha-
nial ad gloriam. ad quam prffjiropere festinat, nt possit bnit, s, Jem. per qnem in ommbos ho-
an dire a me : Disdie a me, qma rnitis sum et hvmuhs nori e; '.ts abvs '^aem k>-
corde, et invenietis reqmerfi ammabus vesiris. lunttdt ' 5^ psL Z - -30 : Lm-
ietur cor meum, ict -
ixwrn., et caetera miilta
CAPUT XIL in hnnc modnm. Pe: -^^_i et sedpsom Tidebat&r
ComdUum et progresstts humcauB redemptunas esqumSmr. alijicere. humiSare. . - - . nt opns qnod per earn fc-
Sa. Accingit ctso se gnodam modo Dei Iilins, et as-
obtl: Paier. sed perierai, : et KDOT^bam a
posset rec-onsignare.
giesns est per linmiQtatem recnperare enm, qui recn-
:

DE LA NATURE ET DE LA DIGNITfi DE L'AMOUR. 415

se r^jouisse en craignant votre nom, » [Psalm. « Mon pere, disait-il, « clarifiez votre fils, pour

Lxxxv, 11.) et en bien d'autres termes semblables. que votre Fils vous clarifie. » {Joa7i. xvii, 1,) Voilci
C'est par cette crainte aussi qu'il paraissait s'abais- ce que je vous offre, voila ce que je lui presente.

ser, s'bunnlier, se negliger, afin do pouvoir ropre- Voila CO que je tiens de vous, voilci ce cfue j'ai de

senler a son Pore, ropare et rcuouvele, I'ouvrage lui. Car jo suis ni'Hliatexir, et deja les motifs du ma

que ce meme
Pere avait produit par ses mains. mediation semblent concourir a son salut. Mais il
36. De cette maniere done, notre mediateur, a eu est captif et lie ; le fort I'a attache, et si un plus
ile
iri Jiige pour son Pere, cette crainte, comme envers un etre fort n'arrive pas, il n'enlevcra point ses vases. Mais
nine
; 1

plus eleve; a I'endroit du mallieureux qu'il venait etendez voire main du haut du Ciel, et je larrache-
I'il alait
er.
reconcilier, il a montre de la misericorde, comnie a rai des grilles de ?es puissants ennemis, dans I'es-
prit de force, eclatera votre puissance, se montrera
regard d'un etre plusabaisse ; par rapport al'un et
I'autre, il a fait paraitre sa science, connaissant ce votre vaillance ; que je i'erai. Inno-
car je sais ce

qu'il fallait donner a chacun. Mais afm de s'acquit- cent, je mourrai pour le coupable, etma boiite pourra

ter de I'office de sa mediation, comme il tenait d'en incomparablement plus que la malice de I'enne-
haut la bonne volonte de son Pere et qu'il n'avait mi le chatiment que supporlera mon coi'ps umo-
:

rien du malbeureux infirme qui languissait sur la cent, sera plus grand que celui que subit la deso-
terre; et comme la valeur ei la regie de lamediatiou beissance des hommes.
exigeaient qu'il quelque chose, ilreclamade lui
eiit 37. « Et je I'ai clarifie, dit le Pere, « et je le cla-

la foi. II la demanda, en lui donnant al'avance la rifierai. [Joan, xn, 28.) Deja ce puissant mediateur
piete. Aucune exigence ne pouvait etre plus pres- a besoin de I'esprit de conseil ;
parce que si le

sante que celle-Ki ;


parce qu'il n'etait pas difticile a prince de ce monde compreuaitla situation, il ne
un malbeureux de se confier a celui dont il se crucifierait jamais le Seigneur de gloire. Lui ca-
voyait prevenu avec tant de bonte . Mais comme il cliant done en toutes choses la vertu de sa divinite,
ne pouvait se liyrer a celui en qui iln'auraitpas eu et nelui presentant queriufirraite de la chair, par
d'esperance. (qui, en effet.'se confierait en celui en la saintete de sa vie, le Sauveur excita la jalousie
qui il u'cspure pas?) avec la foi, il lui donna aussi de ses ennemis ; i)ar la faiblesse de sa chair, il fit

I'esperance, ajoutant a I'esperance la crainte sans naitre en eux I'esp.oir de la victoire , et les miracles,
laquelle ne pouvait y avoir d'espoir, c'est-a-dire
il par lesquels il fortifiait la confiance dans le minis-
la confiance de n'etre point abaudonne d'un media- tere de reconciliation dont il etait I'instrument,
teur si charitable. Ayant done recu de son coupa- survenaient pour augmenter leur envie. Trom-
ble un gage si considerable, le mediateur revieut pe, I'antique trompeur fit siibir le chatiment du
vers son Pere, c'est-ii-dire qu'il gravit seul la mon- peche, c'est-a-dire la mort la plus atroce, a Celui qui
tagne pour y prier, et que, tombe en agouie, il n'etait expose a commettre aucune taute. Le juste,
pria loug-tcmps, inonde d'une sueur de sang : tue injustement a cause de la justice, obtint une

Hoc igitur modo ad Patrcm mediator noster ha-


36. vasa ejus. Sed mitte manum tuam de alto, et eripiam
Luit timorem quasi sursum; ad miserum vero reconci- eum de inimicis ejus fortissimis, in spirifu fortitudinis,
liaadum piclateni, cjuasi deorsum ad ulruinque vero ;
fortitude tua, et virtus tua. Scio enim quid faciam, Mo-
scientiam, scicns, quid cuique cssct exhibenduni. Sed ad riar innoccns pro nocente, et plus polerit incomparabi-
iixipleudum ministeriuni mediatiouis suaj cum Putris bo- liter bonitas mea, quam poena innocen-
hostilis malitia;
nam haberct voluntatem dcsursum, a misero autem infe- tia; me;B, quam poena iuobedientia? humauae.
rius jacente haberct nihil; ethabere aliquid ratio ct ordo 37. Et inquit Paler, et clarificabo. Jam
clurificavi,
medialionis iL^uireret, excgit ab co Qdem. Exejiril au- fortissimo mediatore opus est spiritus cousilii quia si :

tem fidem, prwrogando pietatem. Qua exaclioue nulla princcps mundi intelligeret, nunquam Dominum gloriaj
poterat esse validior quia non fuerat difticile liomiui
; cruciligeret. Per omnia ergo virtutem ei divinitalis oc-
misero ei se credere, a quo se pracvcntum videbat pie- cultans, et solani ei carnis iufirmitatem prajferens, per
tate. Scd et cum sc ei credere non posset, in quo spem justitiam vit;e sucP invidiam suscitavit hostilis nequiti;n
non haberet. (Quis enim sc ei crederet, in quo spem per iniiruiitalem suw carnis spem illi contulit victoria;,
non haberet ?) Cum fide etiam spem oblulit, cum spe ad faciendam invidiam aceedentibus miraculis, quibus
etiam addens timorem, sine quo spes esse non poterat; reconciliandi sui fidem in sc roborabat. Deceptus anti-
I ne scilicet desereretur a tam pio mediatore. Acceptoita- quus deceplor, pcenam peccati, mortem scilicet atrocis-
quc mediator a reo suo tanto salutis pignore, ad Patrem simam, ei inllixit, qui nulli peccato erat obnoxius. Ucci-
regreditur, s ilicet cum in montcm sulus asccndit orare, sus Justus injuste pio juslitia uovam de iuiniico oblinuit
vcl cum factus in agonia prolixius orabat cum sjmgiiineo ju.stitiam, mortis scilicet injuste sibi iilata*. Quam quasi
sudore : Pater, inquit, clarifica filium tuum, id /i/ius sibi non necessarian!, quia absque peccato o;al, ipse ho-
tuuscltirificet te. En quid lihi, en quid exhibeam illi. niiiii peccaluri communicans, rcum ybsolvit per pienam

En quid a te habeo, en quid ab illo. Mcdiatui' quippe iunocentia; suae posiloque corporc suo et sjiiiguine in
:

Bum, et in salutcm ejus jam videntur concurrcre media- manu Hoc, inquit, nianduca, et bibe, hinc vive.
ejus;
tionis mca; rationes. Scd captus est et ligatus. Alligavit Patrique cum repriesentaus Eu iuquil, Pater, mei s;iu-
:

eum fortis ct nisi fortior eo supcrvcnerit, non diripict


: guinis prctium. Si de peccato hujus rcquiris en pro co ;
,

tu L'ABBE GUlLLALTiE.

£^ Q^^ BODTdle jQstiee de son fwiw-nri, a cause de Ii mor; temple, ane fois ome par la pratique des vertus
!< ffirt qa'oa hu arait iojostemeirt iiiitigiee. Communi- 'i.-'inmiiid-^^e^, et deiiie selon Tordre inii:"' '':;

S^^Saai quant fauHoneme a Ilioiiime pechevr eette mort b.aut_. ae p«ru: recevoir aucune autre J n
U -wbSiaik qg'ji n'eiail pas oblige de sahir, jmsqaH etah sans etrangere, ancun autre habitant que le Dieu qui I'a

t^efae, 3 hn p nicura le pardon de ses iniquites par biti et cree. L'ime 5.iinte n'aime ou ne prend souci
le diaiii inHil eoBpioTe a son innocenee, et placant de rien de terrestre, de rien de materiel ou de rien
en s(5 nudns son eorps ei son sang : Mange et
et N
de corruptible, depuis quelle est sortie du lieu ou
boisy hd dit-il, tire ta rie de ees elements saeres. Et eile a depose le poids de ses bagages ; et si parfois
le presaatant a son Pere : Tmla, & moa Pere, dit-il, elle se sert en passant, de quelque chose d'en bas
le pnx de man sang. Si toos roolez firer rea- elle dedaigiie d'en faire sa jouissance. Si elle j ren-
geanee des pedies de cette erealarft, To3a mon contre quel rue prosperite, elle passe, et si I'adTer-
sang poor les es^oer. ¥oas arez &it eelater^ 6 site sY fait sentir, elle n'en est pas troublee. Elle
Pare tA Seignenr, Totre bMite, et la terre de mon goote tout ce qu'elle prend. Le coeur aimant ne
ewps a pruduit son iroit ; desonnais la jostke mar- p "-: "•"
" = — - - r tout ce qui decoule c<Dmme de la
dieza dcfant Toire face, et Toe pas entmonl dans ; . ^i Jesus-Chriit. Tout ce qui con-
la Tue da saint des bomains. Et poor sanrer avec eeme le corps, soit bon, sort mauvais, est dehors, et
justice cetai qui arait eie condamne justemeatj ne peut arriyer jusqu'a Tame qui est au-'ledan?.
Tons axez etahii des regies dans Jae«j> et tous j De la Tient que I'Apjtre, gisant dans les cachots et
anez fuledater ToIre jugement et Totre jnsitiee. dans la sakite qui enveloppait son corps, couronne
<taTH? sa chair de tribulations et de misere, ecrivait a

CHAPFTRE Xin. ses disciples : « Je tous enverrai Timothee, afin que


T0U5 sachiez ce qai se passe autour de moi. »

Dt M veritiMtmges$eie$tmus am desemftmts de Dieu. [Phil, n, 23.) Ce qui se passe autour de moi, dit-O,
c'est-ardire dans Thomme exterieur, dans la tunique
38. Bassasie des frmis de FaiitTe de la Bedemp- eiterieure de ma peau, et ne penetre jusqu'a moi
timi, rhflnune, aumoven dela sagesse de Dien, est qui suis au-dedans.
Dtm-senkment reeoncilie, maisde plus 3 est reodn 30. Voila la sagesse dont TApotre ecrrt : « Nous
s^e. Car 3 goote ee qaH mange, n mange le parlons la sagesse parmi les parfaits. [i. Cor.
eoips et bcil le sang de son Bedempfenr^ lamanne n, 6) nous en parlons comme en avant oui parler,
csBe^e, le pain des anges, le painde lasagesse, et et ne Tajant pas vue; comme nous parlerions
le mangeant, 3 est tiansfinnne en la nature de la de quelque que nous n'avons point visitee,
Tille
nouiiiluie doiit 3 ^alimente ; ear^mangerle corps mais dont nous aurions beaucoup entendu par-
du Chriat, ce n'est pas autre chose que deTeitir le ler : qui ramrait examinee, en parlerait bien autre-
coxps du Cbrist et le ten^le duSaint-E^rit. Et ee ment et avec une expression plus vive. Mais cette

i^ Dtimime 'Pa^er deifwti Iwiwig^iiillategi, et niMi materiale, niTifT corrnptibile diligit ant carat, ei
"j$ ma
dedit fimnlnin m^""" : jam josCifia quo Feeressa ^ a loco sarcinarum
-
: et si aliqno horam
'
Ib pones in Tia saliatioiifi bamanap -.
'?ai dedignahir.
? j^znsalieinr qBijiQtepenefa£,tn, ; _ - t "^^ pertransit :
., t
:.
23f judiennn et ju&Ciliam ia Ja- non contnrfaatar, a quid adversi contigerit. Totom sapit
quid'— '" -'' _,._.... — --a nisi sapere, quidquid
sicnf - --isti caplte descendere.
''
\ sive boGtiin, sive malam,
c\PUT xm. :..„ ... _.. _. .,-:
-

^...„gere ad earn qtri intns esL.


Uiwfe .\postoIns in squalore corporis jacens et vincnlis,
0? eera mfiiekl» eomedarmm sem fiSarmm DeL '

et qiiant:. ' ^atns et miseria,

3S. De fiiwlu ogo


opens safiafns honto, rae-
Ihijuk '
"
- fijint. Qns circa me sunt, inqnit,
nijiiii^ s^aienlia Des, non soJom tecocMslfiiidtiip. sed etiaxQ ivi ^c... ... ,_^ .....:. ..^raine, in esteriori tunica carais,
*g|iifTiffi efficiliir. Qupil adm a qood mandoeai. Mznda- qua? ad me, qui intos sum, non pertingunt.
cat ei Mbit Coapos et SaBgnmem Redemptoris siri, 35. Hff - '
\i qua dicit .Apostolus Sapien-:

mawM eoElesle, iMniwni Angrionnn, panezn sapiaiiiue : et titrm Ifjq . . >3'. De qua sic nos loqtdmar,
iffiafTif|ii^.jiiiMi.

cat. Cmpiu
isan^Soffoiakisp ni
eniiD Christi nBuidtMafe,
ifcfi wmiii cibs flutsu fuaodu*
iBii3 est afiod
sii:nt ijul
1^ • — '
andivimns
,:-•.,.-
et non vidimus : sieut loqueremur
qxiam non vidimus, sed pluriicadeea
qoaiB Coipos Cbnsli effief, et tcmphnn SfKiitos SamctL qui vidisset lease aliter loqueretur,
Tennplma acjlem koe csib onuinua foecit prsserqita- sLbi ex m
frnm, peea&eiofe Tirtatmii, ef si^iB^eio deiSeandi ord&ie 1 . _ lam (quam
^ ..

de&attaira, milligs idlefkB afieoos dtulos potest sosei- dioit .A.postQlns principinm fanjos mundi) sicut nigrum
pere. nrEum loMISatotezii. nisi Deraa qm eoc-'' '"' "" '.'z. aiic. de qua dicitur, SapieHiia vin-
rlc'it I:ci "-enebras,

et C£«avii. 2€flhil csgo attra terFomm cit maluiam. Malitia siquidem sapor est mali, unde et a
DE LA NATURE ET DE LA DIGNITE DE L'AMOLTl. 417

des
sagesse a pour adversaire une autre sagesse portant travaillent, ou pour n'apprendre que ce qui sert a
dn un uom bien malheureux, que I'Aputre sagesse la curiosite, ou pour paraitre savoir et alimenter
iide.
desigue sous le titre de sagesse des princes du monde, leur vanite. Et lapplication de ces personnes peut
sagesse opposee a la veritable, comme le noir au progresser et s'elever autant qu'U peut etre donne a
blanc, corume les tenebres a la lumiere, et dontil est la raison qui est sans amour.

ecrit : « La sagesse triomphe de la malice. » {Sap.


xu, 30.) La maUce est le gout que Ton troure au CHAPITRE XIV.
mal, comme la sagesse est le gout du bieu ; lors
done quelle goute le mal. et qu'elle a ruse et vo- Antithese etablie entre la vraie et la fausse sagesse. En
lonte, pour le realiser. la sagesse des princes de ce cet endroit, il est question de la vertu et de I'excel-
moude est entiereraent ennemie de la sagesse ce- knee de la veritable sagesse.

leste. Elle est ceite malice que deteste la sagesse.


Dans I'une, est le bien savoure en lui-meme, dans Ui. Cette philosopkie, eneffet, se divise en science

I'autre, le mal goute en lui-meme; la, la prudence des choses humaines et en science des choses divi-
pouiT executer le bien, ici, la ruse poui' accomplir le nes. Tant quelle est appliquee aux clioses humai-
mal. nes, eUe se trouve dans sa sphere. Mais lors<jue
liO. Mais entre cesdeux sagesses, il en est une au- I'ame s'eleve vers les regions divines , plus elle
dece
e. tre qui tient le milieu, de meme qu'entre le uoLr et s'exalte, plus elle tombe profondement, et cette
le blanc, soit en bas, soit en haut, se trouve une teinte parole se verifie en elle : « en m'elevant, vous
mitovenne qui fusionne ces deux couleurs extremes; m'avez brise. » [Ps. ci, U.) L'esprit des hommes,
cette sagesse se tient a I'egard des deux autres, de entrain e par cet effort de ses puissances naturelles,
telle sorte que I'une ou I'autre lui sert de fin, selon I'in- en vient, comme I'enseigne I'Apotre, a « ce qui est
tention et lapplication de celui qui en use. C'estlala connu de Dieu, » c'est-a-dire a ce que la raison peut
sagesse que I'Apotre appelle sagesse a de ce monde, connaitre de Dieu, « soit connu d'eux, » cest-a-dire,
et qu'il a placee eutre la sagesse de Dieu et la sagesse soit au-dedans d'eux. [Rom. i, 19.) Car Dieu le leur
des princes de ce monde. Elle roule entierement sur a revele, c'est-a-dire qu'il les a crees de telle sorte,
Ihounete et I'utile, et eUe est I'egie par ime pru- qu'Us ont en eux, im principe en vertu duqrxel ils

dence tres-soigueuse. Elle consiste presque toute puissent le connaitre. De leur morale, ilspassent a
dans la science, c'est-a-dire, elle cherche a discer- une certaine physique, « et ils regardent les choses
ner prudemment et a prononcer entre TutUe et I'i- invisibles de Dieu, les comprenant par ce qui a ete
nutile, entre I'honnete et le deslionnete, bien qu'U fait, avec son eternelle puissance et sa di^'inite, de
ne soit pas toujours d'accord avec la vie et les manitire qu'Us sont inexcusables, » parce que lors-
mceurs. Car la science enfle et la charite edifle. qu'ils poarraient, ils ne veulent pas aUer plus loin, et
(i Cor. xni.} Ceux qui se livrent a ces recherches refusent de penetrer dans la veritable theologie :

sapore sapientia. Cum igitur sapit malum, et non (feest


astutia, vel voluntas ad exsequendum sapientia princi- ;
CAPUT XIV.
pum hujus mundi per omnia superns sapientiae estcon-
traria. HcPC est enim malilia, qiiam edit sapientia. Si-
Antithesis veree et falscp sapient ife. Ubi de virtute et ex-
quidem ibi sapor boni est in seipso, hie sapor mali est
cellentia verce sapientice.
in seipso : ibi ad exseqnendum prsesto est prudentia;
hie, ut dictum
non deest astutia.
est,
40. Sed quaedam media est sapientia,
inter lias duas A. Siquidcm haec philosophia in scientiam remm hn-
quasi inter nigrum et album medio colore coloratum, manarum et divinarum dividitur. Quandiu est in huma-
quae sive inferius, sive superius, sic se habet ad utram- nis; sic interim sibi est. Quando vero a divina seexaltat,
que partem, ut ppoveniat ei Qnis secundum intentionem quanto altius ascendit, tanto inferius cadit et impletur
et studium utendis. Sapientia ista est, quam dicit Apos- in eo, quia elevans allitisti me. Eo siquidera aliquando
tolus hujus mundi, et quam mediam locavit inter sa- conatu naturalis iugenii provehitur, ut, sicut dicit Apos-
pientiam Dei, et sapientiam principum hujus mundi. tolus, quod notum est Dei, id est qiianlum de Deo, ratio
Haec circa utile et honestum tola versatur, et affectata potest comprchenderc, notum xit illii, ita ut in illis, id
quadam pradentia dispensatur. Haec pene tola est in id est, intra semetipsos. Deus enim illis revelavit; quia
scientia, videlicet ut sciat discernere prudenter, et diju- sic cos creavit, ut in seipsis habcant, unde Deum co-
dicare inter utile et inutile, inter lionestum et inhones- gnoscant. Surgunl enim de ethica sua in quamdam phy-
tum, etiamsi non sit vitae et moribus accommodatum. sicam, et invisihdin D^i per ea qwg facta sunt intellfcta
enim inDat, charitasaedificat. Aut vcruin tiujus-
Scientia conspiciunt, sempitemam quoque ejuf virtutem etdivini-
modi exquirendis claborant, ut tanfum sciant quod tan- iatem : ita ut sint inexcu^abiles, quia videlicet nolunl ul-
tummodo servit curiositati; aut ut videanlur, sivescian- terius procedere vel pri)ficere cum pnssint.in veram sci-
\
tur scire, quod
servit vanilati. Et hoc eorum studium licet theologiam : quia cum
cognoverint Deum, nnn ticut
tantum potest proficere, et in altum se extollere, quan- Deum agunt : sed evaneicunt in
giorificant, aut gratiai
tum potest ratio sine amore. cogitationibus suis, et obscuratur insipiens cor eorum :

T. V. 27

,i
' : .

MS L'ABBE onxAncE.
qp» ayaal eoBna Keo, i£s ne le sIorifieBl
a parce iS&-iaStaif„ est ht • liiiiii lit b tHHsi^"" '^'"^•^•^ -><"

pa5 comme Diea, oa oe Im rtniient pus gricies : mass


Us s'evanotiisseQt dans letirs pensees, et tear earar
iiseose seatoare de - L"s
'
- ' - -

deTBennent msenses. _ -^.._..at rioie 5.is<? porle at eQ^HsiecgBe' euexae la liKae .

de la ttieologie, lis s - _rat de la


ph.T5itjae, lorsqalls « ctiangeaE la gk)cre da Dieu Dwo. lie m.;i; sina^ q_ *p£si^* ^e? .i^:
'

incorrup' J
Iliomme ---. .^_ -

et des serpents, o

permis de rester dan* les limttes de nutre Etiuque, gneax.


o mais Dieti les livre aa desir de

porete. afin qu'ils "' --


tre eoi-memes : . - r

poor qu'ils fassent ce qui ne coovient pas. n Mais la Taxx £ii sage soceI a sa tete » £<(i?&. k. li. p;;

s^esse tr: juts de la malice : TLvairt en qrie ce n'est _ jifeieer


dlntimes _ - --..ec k •^
r-
"
i
progresst:- ^ _'5j a Cr _ ^ _ -i se : _ - H-t ^TlUMT ^ h
atteiirt d'lme extremite i raotre avee force, dfspo- tete. SaBofliieiB tigl : « Be graadi BflBdffe <&s su^is
sant tixtt avec suarrte
STec ?._-- ^.in5lesciiosesdi~:
[Saip-, teei, 1), se c
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seraiefl." ...
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dans --: ^_ _„ i^ques et avee p-'^-^ _- --.- _-- oi>eissai-_ _^_ i.j!gesB«! Hmeu^:-^
lales. aossi serjiem-elles, tiit mm P!i3aeo|»&e, a fes saa^^s

42. L'ame sage, eomme 3. a ete dit pIiK ieaiit, seols r ecB a eevs qai regsnal
pniiiiee de fcoutes les a:'" - _' -. ire
^utant que Dieu, deno : ^,_. ^^__^__ ilans
rhomme : toachee enti - ;:- -:^t et en ttnrte rencon- insenses- rei-- -
tre de Dieu, tout ce qm est aa-desoos dm SeigneoTj. sages it? iJedai^ment tocEt,
~
elle ne fe -
-

coosidere. . ^.^^.. _.-_...-,.._. l,..^: ^„_.- -- ^--. --.._. __- c„_- ^..- -.-_.-: cC qui eserui.^
et «^iis la rerta de la. sagesse : agissant^et Jugeant ponToir : alors oa. tocE les peiaces qim fflaag-t _

desereatnres l_ est, cocaine Tit, comme en , des le matin, et malliesir a ee faast [Eedig: s.. i-

proDooceet en joge, Celui dent elLe tient;. _ : t Ifai? as ti su


sa vie. Car la sagesse de Dieo, com m e el^- .- .ix£ 5w- .. .: r; .^t^pn-i r-^_.. _r >-^i::-ie, T-^aey. pacce

dicentes enim ?,? »?.?!? ?(T^'<?rr'?¥. ?^i{fi ^^^*r*i f^"?* E^ z~ l~iis Etemae- mfcra se a:

theologiam .
^
T ctim ni cr«afc:
serabiliter Cu.-^ -...-. ., . ^ ., .,._

Dei in simiUtudtatim imaqmu (.••

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•71

dit HLm in

quam deticere, et attrngit a. fioff iis<pie ad finei: •. aasy si aMjiie- ss^aaifcE&as- zieMSe&.
'

et '' - - - "ia snaviter, sapiec - "


' r-;ns ui .. ir.!^, f; \ _
ca.- -. Drndenfep in tr ^

Qtn::.. : __ - ; .__ ^„.^.. ...: _., ..w.. .,^,.^


sapiens^ tujrofniegt m. bomine esnit : Dieoi|Tie fteoe et aib sapieniibus esse : imma
m -
-;-=• ^: "
:: "' '^ :: : ; .__ a dimtiir. t
'
-

de eo ande est,et nruie viirit. Eat iJeL, . sBicfei sajgientiae iUascraia.

Umiis Dei sincera, eS vagor Tirmu* ejua. ideo sapiens citipri)cs sais. et ^saa fecfi!i£& gr^i;
DE LA NATURE ET DE LA DIGNITE DE L'AMOLTl. ai9

qu'eUe aime la justice et deteste I'iniquite, et parce je suis fort, » dit I'Apotre (\\. Cor. xn, 10). Les
que Dieu la ointe pnr la crace, de I'huile de I'alle- senseux-memes recoivent une grace nouvelle, une
gresse, dont le Christ recut I'onction avec plus grace pour ainsi dire spirituelle ; les yeux sont
d'abondance que ses compagnons {Ps. xLiv,8^,plait simples et les oreillcs retenues. Parfois, d.uis la
a tout le monde et est aimee de tous. Ceux memes ferveur de la priere, un parfum d'une senteur in-
qui vivent dans nn parti oppose, vovant un tel connue se repaud avec tant de force, une suavite se
est spectacle, craiirncnt el sont saisis de respect. Et si fait sentir avec tant de douceur sans qu'on la goute,
^"^ malice endurcie ne veut pas imiter le bien, la riufiuence mutuelle de la charite fait eprouver un
s^es
s. nature ne le peut mecounaitre. Lesjustesoutenlre tel entrainement spirituel, que toutes ces impres-
eux une sorte de communication parlicidiere et sions semblent porter en elles-memes un paradis
^^^ basee sur la grace, une sorte do langageangelique, de delices sm'nalurelles. Les visages eux aussi, par
an moyen duquel ils sentreliennont parleurs affec- la composition de tout le corps et par I'eclat de la
tions I'eciproqaes et parlesprit de grace qui les unit, vie et des moeurs, ainsi que par
les bons precedes

Tespritcxterieur produisanthii-memecetcffet : cette de servitude qu'ils savent etablir ou recevoir, se


langue, nid ne la connaiL quele Roi des anges et ses plaisent et sunissent mutuellement par le bon
anges ti ceuxquisontdelarace d'lsraeletlescitovens plaisir d'une certaine grAce, que veritablemeut, il

de Jenisaleni. Aucuu Egyptien ne la sait, aueun n'existe plus qu'xm coeur et qu'une ame Par la !

Cliananeen. Car, de meme que par la saintete de purete de leur conscience et par la grice de leurs
lour vie et par la gloire de Lhomme iiiterieur, par excellents rapports reciproques, ils commencent a

la contemplation de la diviuite et par les jouissan- voii'ici-bas I'eclat glorieux dont lours corps brilleront
ces qu'elle leur procure, ils semblent des cette vie pleinement dans la vie future et etemelle.

iuities a la beatitude de la vie a venir et la gouter


par avance : de meme, ils participent aussi en CHAPITRE XT.
quelque maniere a la gloire des corps qui eclatera
pleinement alors. Exceptee aussi cette grace dont De rheureuse consommation de la sagesse jusqu'a tob-
nous avonsparle, en vertudelaquelle, habitant dans tention de Theureuse fin et du souverain Men.
ruuito, ils jouissent d'eux en Dieu et de Dieu en
eux, ils sentcut que toutes les contradictions de la M. De meme qua present tous les etres vivants
chair se sont evanouies, au point que le corps en- sont inondes de la lumiere brillante du soleil et
tier n'est pluspour eux qu'un instmment de bon- semblent se penetrer les ims les autres, et de meme
nt nes ceuvres. Car bien qu'ils soient ocrases par ses qu'aux yeux uas des autres, nous paraissons
les
^^^ miseres et ses iiifirujiles, ces miseres et ces infir- vivre, (sans voir pourtaut cette vie dont nous vi-
e mites ue iont que i'ortiiier davantage I'homme vons , ) ainsi dans cette vie a venir, Dieu sera vu
interieur ; « quand je suis faihle, c'est alors que par chacun en tous, et par tous en chacun non :

et ab omnibus amatur. Ipsi etiam qui ex adverse sunt, ces, et aures temperantes. Aliquando in fervore oratio-
videntes tiujusmodi, timent ct reverontur. Et si bonum nis, tanta odoris iirnoti cujusdam spirat fragrantia tanta ;

in bono non vult imitari induraia ncquitia; dissimulare gustus etiam non gustando sua\ntas, tantum per mutuum
tamen non potest nattira. Inter se auteni tiabent sapien- tactum spiritualis charitatis incentivum, ut videantur
tes quamdam privatam gratiam,et quamdamlinguam an- sibi intra seipsos spiritualis cujusdam voluptatis gerere
gclicam, qua inter sc loquiintur mutuis afTcctionibus, paradisum. Vultus etiam et totius corporis compositione,
spirituali quad;im gratia, communicanlibus in hoc ipsum vita' ct morum et actuum decorc, mutua; etiam servitu-
cxterioribus aspectibus qnani linguam nulliis novit,
: tis vel devotis exhibilionibus, vel piis susceptionibus, sic
nisi Rex Angelorum, et Angeli ejus, et qui sunt in ge- cujusdam gratiae beneplacito sibi inncem conveniunt,
ncre Israel, et cives Jerusalem. NuUus eam no%it ct uniuntur ut vere sint cor unum, et anima una.
^tgN^ptius, nullus Chananaeus. Sieut cnim in sanctitatc Nimirum futuram corporum suorum gloriam jam hie ini-
vit<e ct liominis interioris glorificationc, et conlcmpla- tiant, ex puritate conscicntiae, et mutuaa conversatio-
tione, ct fruitionc divinitatis jam futurre vitse beatitudi- nis gratia, pcrfecte eam habituri in future et perenoi
dinem pra'libarc in hac vita videnlur, et initiari : sic vita.
etiam de corporum "suorum glorificationc, quam plene
ibi percepturi sunt, in hac vita nonnihil percipiunt. Ex-
cepta eliam ilia gratia de qua diximns, qua hnbitantesin
CAPUT XV.
unum seipsis in Deo et Deo seipsis fruuntur, Ipsius car-
sapientice usqve ad assecutionem
De felici consummaiione
fe nis sic senliunt evanuisse * omnes eontradictiones, ut
beati finis, et stunmi Itoni.
e. universa substantia carnis non sit els nisi instriimentum
boni operis. Nam elsi ipsius miseriis ct infirmitatibus
contabcscunt, scd ex hoc ipso interior! honiine forlius 44. Sicut enim nunc viventia omnia solis claritate
convalescunt Quando enim infirmor, tunc foriior sum,
:
perfunduntur, ct ab invicom pcrfundi vidcntur, ct sicut
et potens, dicit Apostolus. Scnsus ipsi noram quamdam nos inviccm hie viverc ndemus, [nee tamcn vitam qua
percipiunt, et prope spiritualem gratiam : oculi simpli- vivimus, videmus] sic in ilia vita videbitur Deus a
:
. ; :

!i20 L'ABBE GnLLAUME.


que la Divinite tombe sous les seus de la chair, dit an debut, dkaeam sdaa sam paUb v*. ea
mais parce que son eclat rendra jilus sensible, par lieu, le corps a la terre d'«Q H » eie tire, poor
tme grace plus manifesle, la jtresence des corps. ressusdte et gloiifie en sgb leaps; Te^ril, a
C'esi acelaque sert dans cette vie Temploi reiiaeui qui la cree-
Ponronoi il
y a aef sa- des sacremenls : parce que commenous necompre- ps. Mais qoand ce faasa^ v'ersDiBHs'
crements.
nons qu'axec beaucoup de peine ce qui n'est pas tous les liens elant jvmapBS •tAiaus les
corporcl et sensible, tant que nous passons ka- dans la beatitude j>arfaiLe et dai
bas en image, nous sommes ratlatbes jiar les sa- •.^'.uJiJii. de? Iots I'iim'- ' '
f'stiacb-
cremenls, qui nous emj^ecbent de nous eloigner de mejjt a Dieu, cm plaita>t. -:::rf -rrji

Dieu de la rient aussi, que le mot de religion derire


; sur la terre, de sorte qn'elle - at c«
du Terbe relier. Quand, iostruite pax ces svmboles. esprits a qui le Seigneur dit ; » jt j ai
Edifion
•rient de re- Tame commencera a pouvoir s'en passer, et a s'e- Tcius ete? des Dieux et les fils du Tres-fiau-;
lier.
lever des choses corporelies aux spirituelles, et des Lixu, 6. Telle est la fm de ceux qui pdai-.

spirituelles a I'etre sourerain qui a cree ce qui est rusajem au commencement de leur jaie Pi.
sjtirituel et corporel, alors Traiment elle se depoml- Lxxxn, 6 ; que I'wuAiaa suHt Esprrt ^ .

lera du poids grossierde sesbagages.Laissant done sur tout: qui disposent sagcaneHt ^es as
le corps, et tous les soucis et tous les emjieciiements dans leur cgbut, de Tertn en T«a4iB, jas^'a t-
de oubhe tout ce qui n'est pas Dieu,
la chair, elle Dieu des Dieux manifeste sa psi^eDoe en Siotn
ne considerant que cet etre adorable, se regardant ixsni, 8,, le Dieu des Dieox^ la LeatitiAile
comme seule axec Dieu seul : « Mon bien-aime est heureui, la joie de :
" ~ ~.i se ra
a moi, )) dit-elle, « et je suis a lui. {Cant, n, 16.) il convient, enfinl-, _, ^. .ieH,«tlefciBBawn«rtii
«Qu't a-t-n pour moi dans le ciel et sur la terre, au-dessus de tous les biens. De i». kcaae Te5o:uiian,

La mort c'est
que desrre-je, si ce n'est tous? Mon cogur et ma du principe du moizwaMoi d'ascesia. u ;.

la raque on chair sont tonibes en defaillance, 6 le Dieu de mon lachexement de la eemsesaaas^on, « la .


le passag-e.
co?UT, et le Seigneur est pour jamais la part de mon teint avec force, y> gardaM ase.f r*/.^i . it

heritage » [Ps.. ixm, 25], on arriye ensuite a la I'ame qui monte, de craint? on .1:5

niort. Les malheureux infideles appellent mort ce sa marche penible : n c . >

passage qui conduit a la vie, quel nom lui donnent et ladrersite et la ]


^ -
-

non celui de Paques ou de passage ?


les fideles, si sant tout pour sc.:l . . „ . ._

Par mort corporeUe, on meurt parfaitement au


la ramene a celui qui est r caahe
monde pour rirre enlierement a Dieu ; on entre au dans le secret de la face du Si
sejour du tabernacle admirable, jusque dans la monte sur ces _

maison de Dieu. [Ps. ixxn, 25.: Toutes choses al- qu'il n'en est p^- -. -

lant bien et selon I'ordre, ainsi que nous laxons escalier, que ces ;

angTilis in omnibus,
"" "'-
et ab omnibus in singTilis : non pondus snnm nnmngiuidgae defert
cipio diximns, lo- m
quod : - sed prffisen-
"rideatur- di'^initas, cum suum, tf
corpus in '7 qua wBmwji'

tiam _. - .uo coTpomm demonstrabit ma-


. tempore sao ressascitand - - - ^^caoiiim; r

nifesta guaaam siu graiia. Ad hoc etiam in hac vita cor- ad Deum qui creavjt enm.
poralium sacrament orum valet religio; quia cum >ls 45. Sed quando fit isle transitiH. ad Deum disrnptis
aliquid nisi corpora et corporalia intelligamns, quandin omnibns obligamentis, superatisqne omnibxis impeffi-
"
in ima^rine pertransimns, corporalibus religamnr sacra- : jdine, perenni diiectioDe; ex ii t
mentis, ne a Deo recedamns unde etiam a reljgrando
-.
velpotius unitui vert satiL-ii
-eret,
religrio dicitur. Cmn vera fidelis anima talibns erudita, amma mterra, ul efficiatnr una ex ilBs, quibns dixit
talibns indpjet non indigere, et a corporaliius tranare Ego dixi, dii estis, et fdii Er.cehri omnes. Hie est finis
ad spiritnalia, a spiritnaliljus ad spiritualium et corpora- eorum qui proponunt Jerusalem in principio Isrtitiff
linm conditorem, hoc vere erit exire a sarcinis. Relicto suff; quos nactuo sancti Spirituf js \
-.

ergo corpore et corporeis onmibus curis et impedimen- qui asc-ensionef in corde suo sapiei :i'- .

tis, omnium quasunt praeter Deum obliviscitur, nihil- tute in ^"irtntem, donee Vjdeatur Deus deorum in Sicm
que prseter Deum attendens, quasi se solam soltimqiie Deus deorum, beaStndo bealomm, gandium bene chd-
Deum existimans Ddecfus, inquit, mens miiii, ei ego
: dentium ? imum denigue bonum, snmminn .omnium bo-
illi. Quid est in caslo, et a te quid volui sniper
'
nornm. A fine honi :
ierram^ I',- ro mea, et cor meum: Detis cordis nsque ad finem omnii __:
mei, et pars mea Deics in atermim. Deinde venitnr ad ffii fortiter, iortitDdrnem asoendentis ad se caistodieiK,
mortem. Hraic enim trandtum ad *itam miseri infideles ne in asoensn defidat : Bumoiter disjionens omim.. et afl-
mortem appellant, fideles autem quid nisi pascha ? In versa, et prospera, amma ta in bonnm mucIiiicKns et
morte igitur corporali perfecte moritui- mundo, ut per-- componens, donee aimnam ad prrncipinm sirunj v^Aa-
fecte rival Deo : locnm tahemaculi admira-
ingreditur cat, et ahscondat in abscan£to faciei DeL Scire autem,
bilis, ingreditur, nsque ad domum Dei : et onmibiis debet omnis sapiens asceaisor, non sic ease gradns Ini-
bene et secundum ordinem praecedentibns, sicnt in prin- jus ascensionis, qnomodo §rradus scalae, irt angnli afTec-
DE LA NATURE ET DE LA DIGMTE DE L'AMOUR. ^21
necessaires que chacun en leur temps, et qu'ils ne combe : toutes cependant agissent de concert et se
sent pas toujours requis. Car chaque affection a son pretent un mutuel concours, elles previenneut et
temps et sa place dans ce mouveraent d'ascension, accompagnent, et souvent ceux qui sent les pre-
et avec le concours des autres affections, elle s'ac- miers, deviennent les derniers et lesderniers sont les
quittera avec plus de soin de la tache qui lui in- premiers. [Malth. xx, 16.)

tus isti tantum temporibus, et non alio tempore


suis sed omnes tamen sibi concurrunt et coopcrantur, et
sint necessarii. Habet quippe unusquisque affectus in as- praeveniunt, et sequuntur ; et saepe fiunt primi novis-
census ordine tempus et locum suum, quo cooperanti- simi, et novissimi primi.
bus aliis affectibus suas valeat partes soUicitius exsequi :

AVERTISSEMENT SUR LE COMMENTAIRE SUIVANT.

L'exposition suivante des deux premiers chapitres du Cantique des Cantiques a ete
I
publi^e par nous, dans I'edition precedente, d'apres un manuscrit de Dun et mise a la suite

des sermons de saint Bernard comme etant de lui ; Guillaume, abbe de saint Theoderic, en
a parle en ces termes au livre i de sa vie, chapitre xii : » c'est pourquoi il m'expliqua
alors le Cantique des Cantiques, aulant que I'intervalle de ma maladie me permettait de
I'entendre, seion le sens moral seulement, en negligeant les profoudeurs mysterieuses de
cet ecrit : et chaque fois qu'il m'entretenait sur ce sujet, de peur de perdre son enseigne-
ment, je fixais, par I'Ecriture, ses pensees, autaut que le Seigneur daignait m'aider et que
ma memoire venait a mon secours. « Ces paroles nous parurent designer l'exposition elle-
i meme. « Cependant, la chose ayant ete consideree avec plus d'attention, nous avons cru
qu'elles ne regardaient qu'un abrege des 51 premiers sermons de saint Bernard sur le Can-
tique, fait par un homme pieux et studieux. L'explication que designe Guillaume, nous
parait etre celle-la meme qui a ete editee sous son nom, au tome iv de la Bibliotheque de
Citeaux : il faut en cet endroit faire attention a ces paroles de la Preface : c< nous n'entre-
prenons pas d'expliquer les mysteres profonds que ce livre contient relativement a Jesus-
Christ et a I'Eglise ; mais, nous maintenant dans la mesure de nos forces, nous en exposons
seulement, en quelt[ue maniere, le sens moral, a. Ces expressions s'accordent avec celles
que nous venous de citer de la vie de saint Bernard, puisque Guillaume assure qu'il a
demande a ce saint » uue exposition morale de ce livre en y omettaut les mysteres qui s'y
trouvent. « Cetle raison nous a portes a mettre l'exposition suivante parmi les ecrits re-
cueillis dans les ouvrages de Saint Bernard, et apres les deux livres precedents du meme
abbe Guillaume, auxquels elle est ajoutee sous le nom du saint docteur, dans le manuscrit
de Dun. Si quelqu'un veut attribuer a ce meme Guillaume le comuientaire suivant, nous
n'y repugnons pas, d'autaut plus que le style en est assez conforme a celui qu'on lui

connait.
COURT COMME.N'TAIRE
DE5

DEl"X PEBEERS CHaPITRES DU CAMiQUE DES C.AMIQUES.

P0RM£ DES sermons DE saint BERNARD.

ON Y TKAITE DU TRIPLE ETAT DE LAMOCR.

1. li T a trois etats d'amoiir de Dieu daxis i"4me lorsque Jesus lui parle, dans le chemin et lui ^•''-

chretienne. Le premier, ou animal ; le


sensuel couTre ie sens des Ecritures. Le troisieme dit c^^^
second, raisonnable ; le troisieme, spirituel ou in- en toute eonfiance : « bien que nous ayons connu
teUectueL Le Seigneur en parle dans rErangile : le dhrist selon la chair, mais, des a present, nous ne
« tu aimeras le Seisneur ton Dieu de tout ton le connaissttns • " "si » IL Cor. t, 16 .

Triple office cfleuT, de toute ton ame et de toutes tes forces. * que ne pent se ^ re le premier et quc ^ . _. _
fle 1 niwonr.
{Matth. xsn, 37.1 Le premier est symbolise par le peine tenir le second. Car, ee que les Apt»tres ont
a coeur, c'est-a-dire dans une partie de la chair
»» eprouve en jouissant de la presence corporelle du
infirme a cause du sentiment de pieuse affection Seigneur, r - ^ a cet amour, le ressen-
que Ion eprouve a Feeard de Ihumanite du Sau- tent dans ^.._ie et sensible de leur
veur ; le second, par « lame, » c'est lui qui anime esprit, en meditant tres-suavement sur ITiumanite
et \i\ifie le premier amour, lorsqu'avec une piete de Jesus-Christ, sur sa tie, sur ses oeuvres, sa pas-
humble, on scrute les mysteres de la foi et la vertu sion, sa resurrection, son ascension et sur tous les
des sacremenis : le troisieme, « par toutes les for- biens qu"il nous a procures, iLs eprouvent ce senti-
ces, > pauxie que, en ce degre, quelque progres que ment d'amour dout saint Pierre etait anime, lorsque,
Tous ayez fait, toujoors tous pourrez dire : « J'ai ainiant leSeigneurtendrementetcomme unhomme,
dit, c'est maintenant que je commence.* [Ps. usxn, il lui dlsait, quanc "
_
-

11. Le premier trouTe de telles delectations et des


, a ses Apotres ia su- ._.- ;;^ ,...^..r ;^._ . .

douceurs si grandes a contempler rhumanite de qu'il n'eu soit pas ainsi, prenez pitie de vous,
Jesus-Girist, que le Seigneur dit avec raison a ceui n'aura point lieu. » {Matth. sn, 22.) Le troisieme
qui sen trouTent animes : « il est expedient pour degre est tout entier hors de I'honime, au-dessus
TOUS que je men aiDe. » {Joan, sn, 7.' Le second de lui : tout en Dieu, ce sentiment aime Dieu pour
enilamme le coeuTj mais ses yeux sont encore tenus. Dieu, le juste pour le juste, celui qui est bon parce

IX CAXTICI GAXTIGORUM. Tirtatem homili pietate scrutator : tertios in ammibmt


virAusi qoia in hoc grado, quantumconqne profece.>i5,
PBIOBA DrO CAPITA dicere poteris ; Et dirt\ jhmc eeepL Primus adeo delec-
tatnr in oontemplatiooe et doloedine humanitatis Christi,

BREMS COiDlEXTATIO nt merito eis dicat Ctiristos : Expedit vobis, nt ego va-
dam, Secondus cor jam habet ardeos, sed oculi ejus
adhuc tenenlur, cun: " "j:us, sed in via, et
'

EX S. BERN-^DI SERMOMBIS CONTEXTA.


aperit ei scripturas. . - nduda dicit : Eta
nocimus Christum secMAdtan carnem, sed nimc Jam mom
UBI DE TRIPUCJ FLATU IHOKB.
modmus, quod nequaguam primus, et vix potest diceie
secondus. Quod ama Apostoii in cotporali Domini prs-
sratia passi sunt, hoc isli pationtor in qnadam pia men-
1. Tres sunt status anions D^in aoima ChristiaDa. tis soae phaniasia de hinnanitatis Christi dulcissima me-
Primus sensualis rel acimalis; secimdus ratioiialis ; ter- moria, et conrersalionis et opemm ejus, et passioois et
tius spiritualis rel inteliectualis. De qoibus Dominos in resorrectionis et ascensionis ejos, et bcmoram nobis per
Evangelic : DUiges Domimum Demm tuHtn ex toio corde haec coUaiomm, cnrn anioris a^ectum indaeiiics, quo
tuo, et ex tola anima tua, et ex toia rirtuie iua. Primus Peirus teaere •;
hominem Deum an:' -.
^goificatnr im corde, id est in particala infirmae camis, suggerebat ei pL= ; ._ :eriem pta^diceoti : Ats.: 2
propter piom drca humanitaiem Sal^^aloris affectum : te DomiHCy propititu esto tiUj mom fiei istud. Tertius
seeundus m
atitma, quo jam primus iUe amor animator auiem gradus lotus extra hominem, supra hominem '.:- -.

et nviQcatur; com jam mysteria fidei et saciamentorum tos in Deo, Deum propter Deum, jushimdihgit prt/^ic:
;,

COMMEXTAIRE SUH LE TRIPLE fiTAT DE L'AMOUR. 423


bon, non parce qu'il est bon pour nous,
(pi'il est tion momentanee qu'il leur procure, il semble leur
mais parce qu'il est bon en lui-merae animo dans : dire : « courez pour saisir » ce bonbeur (I. Cor.
le Sfigneur bon et juste, de sentiments tels qu'il IX, 24', mais c'est le jour seul qui fait entendre au

aime mieux ne point esister que n'elre pas bon et jour cette parole. Ces raisons ne sont point enve-
juste en Dieu. Voila I'anaour qui est fort comme la loppees dans les difflcultes des arguments, elles sont
mort ; voila la puissance d'en baut qui revet les pures et simples, elles jaillissent de la verite pure
Apotres. Devenue un seul et meme esprit avec Dieu, penetrees de I'buile de I'allegresse du Sei-
et nelte,
I'fcime ne pent pas plus supporter de s'ocarter
sainte gneur, emmiellees du miel du ciel elles n'enllent ;

pour peu que ce soit de la justice, que la justice pas de I'orgueil de la science celui qui les trouve,
elle-m»''me ne pent soufTrir de n'elre plus la justice. mais eUes I'edifient par la cbarite ; tres-facQes pour
2. Se trouvant place entre cet etat tres-eleve et les pauvres d'esprit, elles offrent aux superbes
cet etat inferieur.l'etat raisonnable regit et illumine d'incomprebensibles profondeurs elles sont si :

I'inferieur, et etendant parfois sur le premier, la efficaces qu'il semble que c'est d'elles qu'on a ecrit :

main de son pieux desir, il se retire bientot en « I'Esprit scrute tout, meme profondeurs de
les
lui-meme et comme David, il se frappe la poitrine Dieu » (I. Cor. u, 10 j
; si solides en elles-memes et
parce qu'il a ose mettre la main sur I'ointdu Sei- siexemptes du besoin d'aucun secours etranger,
gneur. « Car siune bete toucbe la moniagne, elle que c'est a elles que paraissent s'appliquer ces pa-
sera lapidee ; » et comme il y a une vols retentissant x'oles jugements du Seigneur sont vrais, ds
: « les
au-dessus du firmament qui se deroule sur la tete des sont justifies en eux-memes. » [Ps. xviit, 10.) Mais
animaux, ces animaux s'arretent et n'avancent pas, ces trois amours ou ces trois etats de I'amour se
Si
ils courbent les ailes par I'effet des efforts qu'ils ten- pretent souvent une aide mutuelle et cooperent I'un
tent. Car la discipline selon la raison n'opere rien, avec I'autre, par une ILberalite amicale et recipro-
k
la oil tout se compose de I'experience de I'amour, que; ce que cbacun a de trop,ille donne auxautres
sont
JSODS
de I'intelligence et de raffectiou.Cet elatest comme qui le recoivent parce que le plus eleve se delecte
:

se un firmament du ciel ou Dieu fait son sejoui', et qui soxivent des delices de celui qui est le plus bas, et
vent Le3 degr^
ftriijle nest nuUement soutenu par une raison inferieure le plus abaisse eprouve parfois les jouissances du communi-
re. qnent
cependant I'bomme s'y cree parfois lui-meme des plus baut, et celui qui est au milieu alternative- enlr'eux.
raisons a sa maniere, au mojen desquelles, sorfant ment, penetre dans I'un et dans I'autre, et trouve sa
du secret de la face de Dieu pour aller vers ses joio d'un cote comme de I'autre.
compagnons qui sont plus bas, il les inonde de 3. Mais il nous plait de considerer avec encore Differences et
I'eclat d'une lumiore superieiu'e. Mais de meme plus d'attention les ricbesses qui abondent dins offices
trois
de ces
amours
qu'il est dit en I'Apocalypse : « il se fit un silence cbacun de ces etats. Le premier s'eleve contre les
dans le ciel, comme dune demi-beure ; » [Aiioc. tentatious, le second contre les heresies, le troisieme
vni, 1), de meme, en les rejouissant par laconsola- cbante ; « en la pais, en la meme chose, je doruii-

justum, et bonum propter boniim; non quia bonum no- liora ; sic et illos momentanea qnadam consolatione laeti-

bis, sed quia bonum in sc sic afTectus a Deo et bono


: ficans, dicere videtur cis Currite ut coniprehendatis. :

et justo, at malit non bonus et Justus in


esse, quaiu Sed nonnisi dies diei eructat verbum hoc. Sunt autem
Deo non mors dilectio baec est
esse. Ilaec est forfis ut : rationes istae non ratiocinantium perplexionibus iuvolu-
^^rtus induens Aposlolos ex alto. Unus enim spirilus ta% sed de mera et simplici veritafe merse et simplices,
elTecta cum Deo sancta anima, non magis potest pati, ut de oleo Iwliliae Dei, mellea^ de melle ccrli, inven-
laelffi

vel ad modicum dedinet a justitia, quam ipsa jiistitia torcm suum non scientia inQanlcs, sed charitale sdifi-
pati potest, ut desinat esse justitia. cantes pauperibus spiritu perfaciles, alta sapicntibus
;

2. Inter himc vero persummum et inferiorem ilium incomprehensibiles; tarn efficaces, ut videatur dictum
stafum positus status rationalis, inferiorem quidem regit de eis S/iiritui omnia scrutntur ctiam profunda Dei;
:

et illuminat, superioresn vero aliquando altenlans nianu tam solidoB in se et nullius extrinscci cgenles, ut dictum
pii desideril, mox ad se refugit, et sicut David pcrcutit de eis intelligatur : judicia Domini vera, jusdficata in
cor suum, quia in Clu'istum Domini manum mit'erc semetipsa. Sed et omncs tres isti amores, vel amoris
prajsumpsit. S/ eniin montem, kipidabitur
fjcifia tL'tigcrit status, sa-pe sibi concurrunt et cooporantur, et mutua
et cum fit vox super firmamcntum, quod imminet capiti qnadam et arnica liberaiitate, de quibus singnli abun-
animalium, slant nee procedunt, ctsubmittuntalascona- dant, inviccm dant et accipiunt quia el supreums in :

tuum suorum. Nihil enim ibi agit rationalis disciplina, deliciis inferioris sa?pc dclectatur et jucundatur, et in-
ubi totum constat ex amoris et inlellectus et affectus ferior nonnunquam superioris gaudio pcrfimditur et
expcrientia. Status enim iste quasi quoddam firmamen- allicitur, medio altcrnatim inter utrumque discurrentc,
tum est cceli, in quo habitat Deus, ncc ratione inferiore et utaique congaudente.
fuicitur : sed tamcn ipse nonnnnquam sni generis sibi 3. Sed libet adhuc conlemplari subtilius divitias, qui-
creat rationes, quibus de abscondito faciei Dei ad suos bus utriquc abundant. Primus est contra tentalioncs,
illos quodammodo socios inferiores rcgredieus, liinunc secundus contra hiereses, Icrtiua canlat; In /mcc in
illossupernal claritatis rcstringit. Sed sicut dicilur in idip^-inn dormiatn H rcijuiesram. Inprimo remissiopec-

Apocalypsi Factum est silentium


: in cceio, dimidia quasi catorum et emundatio vitiorum, in sccundo excrcitiura

,
:

im LABBE GnLLAUME.
rai et me reposerai. » {Ps. it, 9.) Dans le premier troisieme est enseveli par le Seigneur au haut du
se trouve la remission des peches et la correction mout, c'est-a-dire, qu'il est cache dans le secret de
des Tices ; dans le second, I'exercice des vertus; dans la face de Dieu, et Thomme, c'est-a-dire la sagesse
le troisieme, leur pratitpie parfaite et I'attachement
au souverain bien avec sa jouissamce. Dans le pre-
mier se rencontre I'usage des sacrements dans le ;
humaine, ne connait pas jxLsqu'a ce jour le lieu oil
il est enscTeli. Le premier entend dire aux hommes

cette parole qui lui est adressee tous les jours : ou


f
second, la pratique des mjsteres; dans le troisieme, est ton Dieu?lu. 5.) Le second reflechit, et
[Ps.
« la chose » des sacrements et des mvsteres. Le repand en lui-meme son ime ; le troisieme passe
premier est humble en Marie pecheresse, fervent en jusqu'au lieu du tabernacle admirable, jusqu'a la
saint Pierre, pieux et doux en saint Jean. Le second maison de Dieu. Le premier sert la foi, le second,
dort par rapport aux aflfaires seculieres, 11 veille I'esperance, le troisieme, la charite : et comme la
pour les spiritueUes, il languit quand son ame foi nous engendre a Dieu, I'esperance nous nourrit
tombe en defaillance contemplant le salut de Dieu, et la charite nous jierfectionne ; de meme, le pre-

Torant et ne decouvrant paSjlan^uissantdelamour mier etat consacre en nous a Dieu I'aflfection hu-
et du desir de decouvrircequ'il ne faitqu'entrevoir. maine ; le second « depoxiiUe le vieil homme aTec
Le troisieme entend des paroles ineffables, le si- ses actes, et rcTet le nouveau qui, a ete cree selon
lence, la paix. cette palx de Dieu « qui surpasse Dieu dans la justice et la saintete de la verite [Eph.
tout sentiment. » [Phil, it, "].] Le premier condui- IV, 24 ; le troisieme acheve et rend 3emblcd)le
sant ses brebis, c'est-a-dire les sentiments inferieurs a Dieu par la purete de Tame saintete de la et la
de la sensualite dans I'lnterieur du desert, c'est-a- vie.Car encore que les propheties, que les langues,
dire dans les retraites cachees ou s'opere la que la foi, que I'esperance ou que tous les autres
contemplation, et considerant le buisson qui bnilait dons de la grace viennent a cesser, la charite dure
etne se consumait pas, c'est-a-dire. les mvsteres a jamais. Cependant cet etat superieur, reudant
de I'incarnation du Seigneur, et voulant s'en comme la pareiUe a ses maitres, a ses tuteurs, a
approchex davantage par riatelligence, entend cette ceux qui ont pris soiu de ses affaires, leur com-
de
parole : « n'avance pas, mais ote la chaussure de munique parfois un seutiment plus qu'humain et •BX

tes pieds, car le ou tu te trouves est une terre


lieu vraiment divin, de sorte que sm'pris souvent de se
sainte. » [Exod. in. 5.; Le second gravit la monta- voir enleves au-dessus d'eux d'une maniere eton-
gne et ouit qu'on lui dit a Pour toi, arrete-toi la
: nante et nouvelle, il les conduit et les nourrit en ce
avec moi, et je t'apprendrailes lois et les preceptes lieuou s'accomplit pour eux cette priere du Sei-
que tu transmettras aux enfants d'lsrael Deuteron. gneur « Pere, je veus que comme vous et moi
:

V, 31) ; il voit le type du tabernacle etemel que nous sommes un, de meme eux soient un en nous.n
Dieu et non pas Thomme a fait, et le Seigneur lui [Joan, xvii, 21)
dit : « vois et fais tout selon le modele qui fa ete k- Selon ces trois etats, dsms le Cantique des
montre sur la montagne. » [Exod. xxv, iO., Le Cantiques, tantot les jetines filles, tantot les com-

Tirtntom, in tertjo virtntuni perfectio et snmmi boni homo, id est hmnana sapientia, sepulcmm ejus usqne in
adhaesio vel fniitio. In prime usns sacrament omm, in hnnc diem. Primus audit ab hominibus, et dicitur ei
secundo mysteriornm, in tertio res sacramentonim vel quotidie, Ubiest Deus tuns? Secundus recordatur. et
mysteriorum. Primus in Maria peccatrice hum ills, in effundit in se aiiimam suam tertius transit in locum
:

Petro fervens, in Joanne pius et dulcis. Secundus dor- tabemaculi admirabilis usque ad domum Dei. Primus
mit a saecnlaribus, vigilat in spiritualibus, languet cnm ser\it fidei, secundus spei, tertius charitati: et sicut fides
deficit in salutare Dei anima ejus, videns et non pervi- Deo nos generat, spes nutrit, charitas consummat ; sic
dens, et ad pervidendnm amore et desiderio languens. primus status in nobis humanum alTectum Deo dedlcat;
Tertius audit verba / = silentium, pacem scilicet
i
,
secundus exiu't veterem hominem cum actibus suis, ei
illam Dei, qucB exsu^ _ _ <>iem sefhsum. Primus oves
. iiuluit novum hominem qui secundum Deum creaUts est
saas, id est infirm os sensuali talis affect us, minans ad in- in justitia et sanctitate rerHatis : tertius consummat,
teriora deserti, id est ad interiores contemplationis re- Deoque conformat et mentis puritate, et \itae sanctitate.
cesses, et considerans rubum qui ardebat et non com- Sive enim prophetiae, sive lingua, sive fides, sive spes
bnrebatar, id est mysteria incarnationis Domini, volens- cffiteraque omnia charismata cessabunt caritas autem :

que proprius accedere per intellectum, audit a Domino nunquam escidit. Interdum autem superior ille status
Ne appropies hue, sed solve calceamenta de pedibiLs iuis ; quasi vicem rependens paedasrogis et tuforibus et actori-
locus enim in quo sfas, terra sancfa est. Secundus ascen- bus suis, quemdam eis di\inum affectum vel plusquam
dit in montem, auditque a Domino : Tu vero sta hie humanum nonnumquam infucdif, ut miro et incognito
mecum, et docebo te leges ac tnandata quae proponas modo sappe mirentur se rapi supra se, et eo eos deducit
filiis Israel , videtque exemplar tabemaculi aeterni quod et enutrit, ut oratio Dla Domini compleatnr in eis Pa~ :

fecit Deus ei non homo, auditque a Dominus : Vide ui ter, volo ui sicut ego et tuunwn sumus. Ha ipn in nobis
omnia facias secundum exemfilar, quod tibi ostensum unum sinf.
est in monte. Tertius in monte sepelitur a Domino, id 4. Secundum hos tres status in Cantico canticorum
est absconditur in abscondito faciei ejus, et non novit modo adolescentuls, modo sodales, modo ^tonsus et

J
COMMENTAIRE SUR LE TRIPLE ETAT DE L'AMOUR. A25
pagnons, tantot I'epoux et I'epouse parlent chacnn de I'epoux et dans les delices qu'il fait gouter, de-
a leur maniere. L'epouse dit done de I'epoux : « qu'il sirant les etreintes de son amour et le baiser de sa
me baise d'un baiser de sa bouclie. » [Cant, i, 1) connaissance : « qu'il me baise, » s'ecrie-t-elle,
Mais ily a les langues des anges et celles des hom- « d'un baiser de sabouche. « Le baiser est un signe
(\p:
nies. Par la langue des hommes, c'esl-a-dire, de la de paix. « Et puisque nos peches, » comme le dit
facon ordinaire dont parlent les hommes et sous I'Ecriture, « font la separation entrenous etDieu,))
forme de certaines paraboles, le Saint-Esprit ma- quand nous cherchons a nous reconcilier avec lui
nit'este aux humains ses secrets, que la faiblesse par la satisfaction, c'est comme si nous demandions
des esprits n'aurait pu comprendre sans cette pre- le baiser de paix.
caution. De la vient que le Seigneur parlait en 5. Car se!on d'amour, il y a aussi
les trois etats
Triple baiser.
paraboles. Plus que cela, Dieu lui-meme se fit trois baisersde I'ame qui aime. Le premier est un
liomme pour tous, afin que ceux qui ne savaient baiser de pardon et de reconciliation ; le second, un
point penser an Seigneur, au moyen de Celui qui baiser de recompense ; le troisieme, un baiser de
se montrait homme a leurs yeux, instruits peu a contemplation. Le premier aux pieds, le second a Lc premier.
peu par ses lecons, elevassent I'intelligence de leur la main, le troisieme a la bouche. Par le premier,
ame raisonnable jusqu'a connaitre Dieu et jusqu'a roule dans la poussiere de la penitence en embras-
penser a lui. C'estpourquoi non-seulement le Verbe sant les deux pieds du Seigneur, avec la pecheresse
incarne parlait aux hommes en paraboles, mais on pardon des peches commis. Or les deux
recoit le
toute sa vie sur la terre etait pour eux comme une pieds du Seigneur sont le jugement et la miseri-
eclatante parabole, afin qvie dans ce qu'il y avait de corde ; il pour parcourir le monde entier
s'en sert
visible eii lui, ilscomprissent ce qu'il y avait d'insaisis- et pour marcher sur les eaux de la mer. II fait sans-

a VI
sable. Car dans toutes les affections charnelles, rien cesse le tour et visite les ames spirituelles, « s'elan-
!U8-
rut
St de plus doux, rien de plus desirable que Tunion de cant comme un geant afin de parcourir sacarriere;»
claf; I'epoux et de I'epouse, et dans les spirituelles, que [Ps. xvni, 6) si cependant ces Ames sont dans un
irab
I'union de I'esprit cree et de I'esprit incree. Dans etat tel qu'il puisse dire d'elles : « j'habiterai en
I'une, de deux chairs il en resulte une seule ; dans elles etje m'y promencrai. » (II. C(^r. vn, 16) Ceux-la
I'autre, de deux esprits, ils n'en resulte qu'un baisent ces pieds, qui en s'y attachant, chantent au
seul. D'oii tirant analogie des choses charnelles aux Seigneur misericorde et jugement. De la on s'eleve Le second,

spirituelles, des humaines aux divines, on parle en a la main pour lui donncr le second baiser; cela a
cet endroit d'epoux et d'epouse, du Christ et de lieu lorsque deja I'anie lidele marehant dans une
I'Eglise, ou bien de toute ame sainte qui, apres avoir voie nouvelle, de I'hvunilite d'un coeur penitent
eprouve, en quelque maniere, les deux premiers moute a la main de Celui qui lui fait des dons, ren-
degres de I'amour, soupire deja apres le troisieme dant graces pour bons sentiments qu'ellea recus
les

et s'efTorce de se repandre tout entiere dans I'amour et pour les resultats de ses bonnes oeuvres, qui

sponsa loquuntur sue unusquisque modo. Sponsa igitur gestit in sponsi amorom ct dulcedinem, et jam ample-
de sponso Osculetur me, inquit, osculo oris sui. Scd
: xum amoris tyus et osculum notiliae ejus dcsiderans :

sunt lingua! Angelorum, sunt et linguae liominum. Lin- Osculetur me, inquit, oscido oris sui. Oscuhiin signum
gua igitur hominum, id est, consueto hominibus modo : est pacis. Et si peccaia nostra, ut scripluia dicif, sepa-
scilicet quasi quibusdam parabolis, Spiritus-Sanctus sua ranl inter nos et Deum, cum pro his satisfacimus ut
hominibus manifeslat secreta, quorum infirmitas alitor reconcilicmur, quasi pacis rcqiiirimus osculum.
intelligere ea non potcrit. Undo ct Doniinus in para- 5. Nam secundum Ires status amoris, tria sunt etiam
bolis loqucbatur. Quin imo et ipse Deus ideo homo oscula umantis. Priraum propitiatorium vol reconcilia-
pro omnibus factus est, ut qui Deum cogitare non no- toi'ium, secundum promeritorium, tertium contempla-
vcrant, per eum quern noverant, scilicet homincm, ad torium. Primum ad pedes, secundum ad manum, ter-
cogitandum et intelligendum Deum paulatim cdocli tium ad OS. Primum cum sordens in pulvcrc poeniten-
ab ipso, rationabilcm mentis intelligcniiam crigerent. tiai osculando duos pedes Domini, cum peccatrico in-
Propter hoc non solum in parabolis loqucbatur homi- dulgcntiam percipit pcccatorum. Duo autem pedes
nibus, sed tota ejus conversatio in terris quasi quaedam Domini sunt misericordia ct judicium, quibus totum
insignis erat eis parabola, ut per visibiiia ejus invisi- munduni pcrambulat, ct ambulat super undas maris.
bilia ejus intellecta conspicerciitur. In oumi cnim car- Ills circuit jugiter el pcrambulat spirituales mcnfes,
nali afTectione nihil dulcius, nihil solet esse desidera- cxullans ut (jigns ml (urrmdain viatn ; si taincn tales sint
bilius conjunctione ad sponsum in spiriluali
sponsae ; dc quibus merilo dicat Et lial)itabo in it/is, ct deum-
:

vcro creati spiritus ad incrcatum. Ibi ciiim de duabus bulabo in eis. IIos pedes osculalur qui coaptando se eis,
una caro; hie autem dc duobus unus spiritus cf'ficitur. miscricordiam ct judicium canlat Domino. Delude sur-
Undo ducta simililudinc dc carnalibus ad spiritualia, giliir ad manum, ut secundum ei osculum olleratur,
dc humanis ad divina, dcscribitur hie sponsus et cum jam lldclis anima in novitate vita? ambulans, dc
sponsa, Christus et Ecclesia vol quaslibet sancfa anima, hu militate pauiitentis ad manum surgit largicniis, gra-
qu;B aliquatcuusjam experta duos primes amorisgradus, tias jam agcns pro perccptiono alTeclum ct airectuum
jam aiihelat ad tertium, ct totam se super cflunderc bonorum operuni, qua) per manum dcsignaiitur. Ncc
;

fi26 L'ABBE GUILLAUME.


sont designees par la main. Et tlans Teolrit que re- f>ersonne ne se trouble, que personne n^ ='
'^"-'pie
pandeut ses saintes actions, I'liomme n'euibrasse de ces expressions de substance, de sub- uu
pas sa main, aiusi que parle Job, ce qui est une de personne, lermes qu'emploie notre lajigue trop
tres-grande iniquite et une sor'e de negalion a re- pauvre, ils n'erprimeut point I'c- A^,
gard du Tres-Haui [Job. xxxi, 27j mais il baise la
;
mais par leur insuffisante ene:^ . , i::? j. iiv..r.ji te-

main de son bienfaileur, a la grace de qui il rap- moiguage k son incomprehensibihte. Le mot de
porte toutes choses, dans un doux sentiment de subsistance cherche en effetkexprimer la propriete
Le troisitaie. gratitude, ce qui est designe par le baiser. Le des personnes, et celui de substance, la simplicite
troisieme est un baiser de contemplation ou con- et I'tmite de cette souveraine essence. 11t a aussi
templalif, baiser en leqiiel, rt-jouie par les deux un mouvement du Pere vers le Fils et du Fls vers
precedents, I'epouse, animee de confiance, desire le Pere, mais le premier est celui qui porte le Pere
etre unie a son epoux par la counaissance et par vers le Fils, parce que le Fils est du pere, et non le
Tamour, et recevoir quelque communication de ses Pere du Premier non par le temps, mais par
Fils.
secrets. C'est la le baiser q\ii part de sa bouclie et la relation, c'est-a-dire par le rapport de Pere a
qui est bien different des precedents. « Qu'il me Fils : cette conversion consiste dans un baiser et
baise, » dit-elle, « d'un baiser de sa bouche. » 11 dans une etreinte. Le baiser est la connaissance
faut considerer qiiel est ce baiser, quelle est cette reciproque des personnes divines, leur etreinte et
bouche ;
quelles les K-rres qui rimprimeui, quelles leur mutuelle aflection. De
que le Fils dit la vient
les levres quile recoivem. dans I'Evangile a Personne n'a connu le Pere si ct
:

Procession 6. En Dieu ce n'est pas autre chose que d'etre et n'est le Fils, et personne n'a connu le FOs si ce n'est
1' " "

du Filret'dn
'^'^^re sage : le Pere ne recoil pas de son Fils d etre le Pere. » [Matth. xi, 27; Le baiser done est '
'

Pere dans les sace, de crainte de paraitre d'en recevoir aussi du Pere et du Fils, c'est le Saint-Esprit pi :

choses dm- "- . ., , , ,, i i • .

nes. 1 etre, ce qm serait absurde. 11 a done de


i
lui-meme de I'un et de I'autre, I'amour du Pere pour le Fils

et d'etre et d'etre sage; et si le Fils tient du Pere et I'amour du Fils pour le Pere, c'est de lui que le

d'etre, il en tient aussi d'etre sage. Le Fils a done meme ajoute : « et celui a qui le Fils aura voulu
du Pere et d'etre et d'etre sage, et ainsi ils soul des le faire connaitre. » Car cette volonte est le Saint-
subsistances pleines, que les Grecs appellent hyi>os- Esprit lui-meme, la volonte du Pere et du Fils, qui
tases : et I'un n'est pas aide par I'autre pour exis- nous revele I'unite du Pere et du Fils, Dieu seul
ter,ou pour elre au nioyeii de I'aulre ce qu'il est avec le Pere et le FDs. Car c'est le propre du Pere
mais il? sont, comnie nous I'axons dit, ou bien selon de reveler le Fils, comme on le lit dans I'Evangile :

les Grecs, des hyposlases comjiletes subsistant par « ce n'est ni la chair ni le sang qui te I'ont indique,
eUes-memes, ou bien, selon les Latins, des person- mais bien mon Pere qui est auxcieux. » [Matth. xvi,
nes, sonnant par elles-memes, bien qu'il n'v ait 17 C'est le devoir duFils de glorifierle Pere, con.- -

qu'une Trinite unique et pariaite qui est Dieu. Que on le voit au meme livre : « Je sjlorifie mon I'.iv

enim in claritate bonorum suorum suam manum oscu- caliginem obducant nomina subslantiap, vel 5Ti>«=i?teT!ti^
latur, quae, sicut dicit Job, est maxima iniquitas, et ne- vel personae, quae sunt nomina nostrae j
gafio contra Deum allissimum : sed osculatur manum vinilalis essenliam non exprimentia, se- ... -. . .^
largienfis, cujus gratiae totum quod est adscribit cum suo incomprehcnsibilitati ejus testimonium perhiben-
dulci g^ratiarum actione, quae gignatur per osculiim. Ter- tia. Nomcn enir.i subsistentiarum esp''
thim est osculum contcmplationis, seu conlcmplato- prietatem pei-sonanim, nomen vero ? -

rium, quo sponsa jam duobus primis exhilarata, et fi- citatem et unilatem summae illius essentiae. Et est quie-
ducia coUecla, desidcrat insigniri, et sponso jam per dam conversio a Patre ad Fllinm, et a Filio ad Patrem :
notitiam et amorem conjungj, et secretorum ejus ali- sed prima est Patris ad Filiiim, quia Flius a Patre est,
quatenus esse c-onscia. Hoc osculum oris sui est, et non Paler a Filio. Prima autcm non tempore, sed qv.i-
longe dissimile a superiuribus osculis. Osculetur, jnquit, dam quasi relatione, sicut Pater ad Filium : con\e:>lo
me osculo oris sui. Videndum est quale sit islud oscu- autem isfa est in osculo et amplexu. Osculum est
lum, quale os illud suum : qualia labia illud impri- mutua de se cognitio, amplexus est mufua dilerli?.
mentis, qualia suscipientis. Unde dicit Evangelio : Xenw rovit Pa:
Filius in /

6. In Deo non est aliud esse, et sapere : nee habet tiiii Fil/m, et nemo noi-if Filium nisi Pater. Osc„
Paler sapere a Filio, ne habere videatur et esse, quod igitur Patris et Filii et amplexus, est Spiritus-Sa- -
.

absurdum esset. Habet igitur Paler a seipso et esse, et ab utroque procedens, amor Patris ad Filium, et amor
-
Filii ad Patrem, de quo etiam subdifur; Et cu:
;"
sapere et si est Filio esse a Patre, est et sapere. Habet
: ' -

igitur Filius a Patre et esse et sapere, sicque pi en ae sunt Filias revelare. Voluntas quippe ista, ipse est ~
subsistentiae, quas Graeci dicunt h\-postases nee fulci- : Sanctus, voluntas Patris el Filii, qui ipsam Pat;;-
tur alter ab altero ut subsistat, vel sit quod est per al- Filii nobis revclaf uni'atem, unus cum Patre et i
terutrum : sed sunt, sicut disimus, vel secundum Grae- Deus existens. Proprium quippe est Patris revdare
cos, plenaeper se subsislentes h>"postases, vd secundum
Latinos personae vel per se sonanles, licet una sit et et - : _

perfecta Trinilas Deus. Nullum autcm conturbenl, nuUi Debilum Filii gloriiicare Patrem, ut ibi : Olonfici, in-
!

COMMENTAIRE SUR LE TRIPLE ETAT DE L'AMOUR Zi27

qui est dans les cieux. » [Joan, viii, Zi9) L'office du raison, I'amour s'appliquant a la volonte et la con-
Saiat-Esprit, est de fairs connailre le Pere et le Fils, naissance, a la raison. Ces deux cboses cependant,
comme I'enseigne I'Aputre : « ce cp.io I'oeil n'a pas connaissajice et amour, ne I'aisanl (ainsi que nous
vu, ce que I'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est I'avons dit) qu'une seule et meme realile en Dieu,
pas eutre dans le coeur de I'liomme, ce que Dieu se trouvent fort bien exprimees par le mot singulier
a prepare pour ceux qui I'aimeut, le Seigneur nous de baiser : « qu'il me baise d'un baiser de sa bou-
les spi-
I'a revele par le Saint-Esprit. » ([ Cor. ii, 10) Celui cbe. )) Ou bioii, que le Fils me baise de ce baiser
elles. done a qui le Fils revele par le Saint- Esprit, n'est dont il baise sa boucbe, c'est-a-dire son Pere, qui
pas embrasse par la bouche, mais par le baiser de est appele sa bouche ]mrce que le Fils est le Verbe
sa boucbe. Car nous ne touchons point la bouclie, ou la parole du Pere. Et au livre de la sagesse : «je
mais nous soiumes toucbes par le baiser. Nous suio sortie de la boucbe du Tres-Haut. )> [Eccle.
sommes impressionnes par le baiser, lorsque la XXIV, 5) Ou bien, que Dieu le Pere me baise du
connaissance I'amour nous sont donnes. Nous
et baiser de sa boucbe, c'est-a-dire de son Fils ou de
ne toucbons pas la boucbe, c'est-a-dire i'intelli- son Verbe. Car le Verbe precede de la boucbe, et
gence mutuelle qu'ont d'elles-memes les personnes c'est ici une locutioi) liiriu'ee, qui revient a dire,
divines : nous n'atteignons pas la boucbe, parce qu'il mette en moi ce langage par lequel le Pere
que, comme il a ete dit, « persoune n'a connu le connait le Fils et le Fils connait le Pere. Ou bien
Fils que le Pere et personne n'a connu le Pere que que le Pere lui-mome « me baise du baiser de
le Fils ; » mais nous sommes toucbes par le baiser : sa boucbe, » c'est-i!\-dire qu'il euvoie dans mon coeur
« et celui ii qui le Fils aura voulu le reveler.)) Nous I'espnt de son Fils, pour c[ue nous aimions le Fils
ne sommes point en contact avec la boucbe, parce comme illui-meme. Mais pourquoi dire
le cberit

que I'oeil n'a vu, ni I'oreille n'a entendu nous rece- : « qu'il meau lieu de dire baisez-moi? Les
baise » :

vons le baiser, parce que Dieu nous a revele par epoux selon la cbair ont coutume de se preveuir en
son Saint-Esprit ; car s'il revele a quelqu'un, c'est se donnant des marques reciproques de respect.
par son Saint-Esprit. C'est lui qui est le baiser , il L'epouse dont il s'agit en cet endroit, marcbant
nous touclie, lorsqu'il se repand en nous par I'efl'et comme Rebecca, a la rencontre de son nouvel epoux,
d'une double grace, c'est-a-dire par la connaissance la face couverte comme
d'lm manteau de pudeur,
et par Tanioiu' de la verite. Et ce ne sont pas la les eraploie des termes qui ne sentent pas le commau-
levres meraes de Dieu, mais I'empreinte de ses dement, mais qui expriment le desir ob s'ecrie- : !

levres, bien plus (s'il est permis de parler de la t-elle, plaise au ciel qu'il me baise d'un baiser de sa

sorle), de sa levre : car ce qui est double en nous, bouche


est simple en Dieu : pour lui, connaiire c'est aimer. 7. 11 est un autre baiser qu'en plusieurs manieres
Or, cette empreinte s'imprime dans le baiser sacrc Dieu, parlaut a nos peres, avait promis a son Eglise
sur les deux levres de I'epouse, sur la volonte de sa el daus lequel tout recemment il s'est eutreteuu

quit, Patrem meum est qui in crelis. Offlciuin SpiriUis- chra orissingularitatc exprimuntur, ubl diciur : 0\-ch-
Sancti revclare utrumque, sicut dicit Apostolus Quod : letur me osculo oris sui. Vel osculctur mc Filiiis

oculus non vidit, nee auris audivit, nee in cor hominis CO osculo quo osculatur os suum, id est Palein,
uscendit, qua prmporavil Deus diWjeniibus se ; 7iobis qui ideo dicitur os ejus, quia verbum Patris est Filius.
uutcni revelaoH per Spirit uni-Sanetuni. Cui igilur Fi- Et in Sapientia Ego, inquit, en ore Atlissimi prodii.
.•

llus per Spirilum revelat, non dlcendus est oscular! Vel oscnlelur me Deus Pater osculo oris sui, id est Filii
ore suo Deus, sed osculo oris sui. Non cnini ore tan- vel verbi sui. Verbum quippe ex ore procedit, el est
gimur. Osculo tangimur, cum amor et cognitio nobis figurata locutio id est infundat mihi earn loculionem,
:

iufiinditur. Non os langimus, id est nnituuui ilium in- qua novit Pater Filium, ct Filius Patrem. Vel ipse Pa-
telloclum non os tangimus, quia ut dictum est. Nemo
: ter oseuletur me osculo oris sui, id est mitlal in cor
novit Filium nisi Pater, et nemo novit Patrem nisi Fi- meum Spirilum ut diiigauuis Filium, slcut
Filii sui,
lius sed osculo tangimur, cui voluerit Flius revelare.
: ipse diligit. Sed quare Oseuletur, et non Osculare?
Non OS tangimur, quia ncc oculus vidit, noc auris au- Sponsa enim et sponsus carnalis mutua quadam se so-
divit Oscido tanginuir quia nobis rcvelavit Deus per
: lent prffivunire revcrenlia.Undc ct isia quasi Rebecca
Spii'ilum-Sanctum, cui enim revelat, nonnisi per Spi- ad occursiini novi sponsi quasi (jiiodam verecundia; pal-
ritum-Sanctum. Ipse est ilaquc osculum ipsum tangit : lio faciem opcrta, non imperalivu uiodo, sed desidera-
nos, cum sc gcmina nobis gratia infundit, id est cogni- tivo vel oplativo modo Utinam, inquit,
: tandem ali-

tionc et amoro veritalis. Et hsec sunt non ipsa labia qurnido oseuletur me osculo oris suis.
Dei, sed vestigium labiorum, inio (si dici fas est) la- 7., Est et aliud osculum, quod multifariam, mulllsquo

bii quod enim in nobis dupluin est, in Deo est sim-


: modisolim loqucnsDoiis Patribus in Pmplu'lis, i'.cclcsia)
plum, cui idem est nosse quod amarc. Hoc aulem ves- sua; proniiscrat, et novissimo diebus islis loculus est
tigium impriinitur in osculo sancto duobus labiis spon- no])is in Filio. Quod enim dicilur, loculus est nobis in
sffi, voluntali scilicet ct rationi. .Vmor volujitali, Filiii, ipsuui csl osculuu). Cnnjunotio enim Verl)i el aii-
notilia rationi. Qua; tamcn duo, uutitia scilicet dicutis divinilalis et liuinanitalis, (|uasi quoddam oscii-

ct amor, quia (ut diximus) in Deo unum sunt, pul- luni est charitatis. Quod pr;evidcns Isuius in spirilu,
:

&28 L'ABBE GUILLVniE.


arec nous en la personne de son Ffls. {Heir, i, 1.) Ini-meme, atteisnant aree force d'one ertrniiite a
Car cette expression, noos a parie dans son Fib,
il I'antre, il disposa toot arec regie et dooceur. Cette

c'est le baiser loi-meme. L'onion dn Verbe et de uni<Hi de la nature diTine el hnmaine est eomme
celiti qui I'ecoute, de la divinite et de lliunianite, ce baiser de leponx et de I'^Mose, que ITglise desi-
constitue en effet comme un baiser de charite. Cest rait en ces termes : « qnll n>e baise d'un baiser de
ce que Isaie Tovait a I'aTance dans I'esprit de Dieu sa bouche. » 11 j a trois autres baisers par lesqnels
« II sortira nne tige de la racine de Je^e, et one 1 epouse est unie a I'epoux, le baiser de la nature,

fleur 3 elevera de sa racine, et sor eDe se lepoeeni le baiser de la doctrine et le baiser delagT&ce.Cooune

I ]gs I'esprit du Seigneur, esprit de sagesse et dlnteDi- deja nous arons traite assez longuanent de ces bai-
^^^*^*" gence, esprit de conseil et de force, esprit de science sers,nous laissons cequ'on pent enooieen diie a la
teat itm et de piete, et I'esprit de la crainte du Seigneur meditation des kdeors.
Tinondera. h. zx, 1.) Ce sont les sept dons ou ks 8. • Parceqoe tos mamelles sont meiDeares que
sept grac«es du Saint-Esprit qui brillerent spedalement le Tin. B {Cant, i, i.) 11 est ecrit : Le Seigneur a
dans le Seigneur Jesus, dememeqne sorluise leposa exauce le de^ des pauTres : rotre oraOe a entearidu
particulierement ce dirin Esprit. Dans la crainte, se la diq[M6itkm de kur ooeur. Pi. i, 17.) Parceqne
troure designee lliunulite, dans la jnete, la miseri- toujours le desir a coutnme de preceder la cmifianee,
corde, dans la sdenee, la connaissanee de ce qui se I'epoux repond (A donne e^poir al'epause qui desire
passe sur la ferre, dans la force, la patience, dans le d ardemment, ajoutant le motif qui doit fiMrtifier
coDseil, I'utilite, dans I'intelligence, I'union de la cetespoir, Parceqne rosmamelles stmt meilleares
diviaite, dans la sagesse, le bon emploi de la pois- que le Tin. > II me semble Toir &a.cA endrait, Esther
sance. Par les cinq premiers, le Cbrist se propor- s'a^rocher en tremhiant dn trtoe du roi, et osant
il tioone a I'bonime dans la nature humaine qn'Q a peine lerer les reux sur I'edat majestneox de son
>samms aTait
prise ; par les deux demiers, la personne du Tisage, et le roi tendre Ters die le so^tre de sa de-
Christ fttt toujours uniea ladivinite. Car, semUable mence et lui dire : < que Toulez-Tons Estho', ou
ann bon medecin, ce diiin Saureur s'abaissa hum~ quelle est Totzednnande? Esther \, 3.1 Ainsi parle
blement rers son malade, il toucha ses Uessnres I'epoux a I'eponse : ponrqmn craignez-Tons de
avec nusericorde. il les reeonnut, car fl eonnaissait demander ce que tous desirez ? Deja Tonsarez reeu
la chair ou elles araient ete faites, il snpporta avec beancoup de moi, ces dons dmrent toos oohardir
patience sesiolies, appliqua a chaque maladie le a demander darantage aTecconfiance. Ce que tous
remede qui t conrenait , restant inseparablemect aTez obtenu est un gage assure de ce que tous
une meme chose avec son Pere. En Tesprit humain, pouTez esperer dans I'aTenir. Vous qui dearez la
il connut le Pere d'une maniere singuliere. « parce eontt^nplation, deja tous arez reen ctMome ea.
que personne ne connut le Pere si ce n'est le Fils ; present, la perfecticm dansla Tie actiTe.« Paree que
par cette sagesse du Pere, qui n'est autre diose que Tos mameUes s<Hit mdDenres que le Tin. * Le

EgredtetuTy inqnit, vvga de radiee Jesse, et flos de ra- aDa qoibas ^onsa, sponso eoigimgilnr, sd-
tria osenla,
dke ejus aseatdety et reqwiestxt siij)er emm ^rffms Do- liceloscolnm nalmx, oecnhun doctiimp, oscnlnm gn-
nnm^ sptntins sapientiee, et intetleehcs, *puritms ctmsOii et tjx : de qnibms jam, qoia de oecnlk mnUa dicta sunt,
f&Hitmduiis, spuitms se^ntia ef pietatis et rrpkbit emm legenlinm medilaliflni fdinqoitnr.
spiritus timoris Domad. Haec sont seplem dona Td s^- 8. Qmia mettom tunt mbera tma ram. Sor^tom est :
tem charismata Sancti Spiriti^ qaae speGaMer in Do- Aeamfernan pampermm exumdnrd Oammau, pneparaUo-
mino Jesa eoitnenint, idcot speriaSfer soper emn re- Jt«at wnHs eontm mulicd axru fmt, Qma. saaper etgo
qmerif Spirilns-SanctDs. In timoire enim faiuniiitas de~ desideriam solet piaecedere fidociam, re^ondet spoo-
sgnantnr, in pielate msericordia, in sckntia leireoo- sos, et fidociam dat ^oosae deadeianti, famam efiam fi-
nim notitia, in fortilndine patientia, in conalio oSilitas, dnds solgideits, (^na, inqnil, meSont smmt mbera tmm
in intellectn dirinitatis cGDJnnctiio, in sapieotia poies- rimo. Yideor mibi trepii^lem Esther bic ^dere, qoaa
tatismodoatio. Per qninque soperioni cooptaTit se bo- pavidam accedenlem ad solium Regis, eit ris. andentem
mini Christns in asaimpta bominis snbsfantia : per .doo attoUere ocodos ad daritatem Tuttos qos; Regem TCfo
oitima onita semper fnit diTinifati Christi pefsooa. Tiigam demenliae protendentem ad earn ac dicentem :
Nam acDl mediras bonus ad a^nun se bnnuliter in- Qmid mErther^ ami qmm est pdSdo tma ? Sic ei. spoosus
cfioavit, mi^ricorditer ralnera tracfant, nolo sflii fig- ad ^mnsam, Qoid, ii^piit, ti^idas rogare quod dea-
mento pro^exit, palienler insannm sastinnit, otilia cni- dens? Mdla jam a me acc^isli, qos fidndam fSbi &-
qoe morfao appoeoii, onnm cnm Patre indinabiliter cere delteant mqon andendL Ex perceptione piaeleri-
maneas, singulariler in ipsa bominis rerilale Denm in- tonim mimeram, finna potest esse es^ectatio fotmonim.
tenexit, quia nemo morii Putrem nasi Fiiau^ per iDam Qos oilm dssidaas caotempblioDem, jam In actifa
qua? ipse est, sapieatiam Patris, a fine oaqne ad finem xita ex mcmere meo accqnsti perfecHonem. ^dla mk-
fortiter attingens, moderate ac siaTiter omiua di^osniU fiora smmt lAem tma rum. Uta semd expnsata, totam
Haec igitnr cmquoetlo dirins ^
bnmans nalnne qood- semd eSimdit ; ac d szoilam sa^enlia, fd Icg^ sen-
dam est oscolnm, ^onsi et ^ooss, quod desideraas sos caraaBs nbem Tero ^wosaeqaanlopbis j^emontBr,
.-

Ecdeaa, (kemlefur me, inqnit, «#e»/9 orv ftd, Sont et tasto plus exnbattif. Uben tia ex grata mea tss^Son
COMMENTAIRE SUR LE TRIPLE ETAT DE L'AMOUR. 629
raisin, une donne tout son sue
fois press6, il en ; {Cant, I, 2.) II existe trois parfums : la componction
est de meme dc la sagesse seculiere ou du sens causee par souvenir des pd-ches, la d(!;volionex( ilee
le
charuel de la loi mais les mamelles de I'epouse,
: par le souvenir des bieniaits re(;us, la compassion
plus on les presse, plus elles debordent. Par uia ranimee par la vue des malheureux. Le premier
grace, vos mamelles sont meilleures que Ic vin, inonde les pieds du Seigneur, le second, sa tete, le
c'est-a-dire elles sont plus abondantes que I'aniour troisiorne, tout son corps. Du premier on lit :

et la sagesse du siecle. Les unes et les aulres eiii- (( Marie oignit les pieds de Jcjsus et les essuya de ses
vrent ; vos mamelles enivrent plus abondarament cheveux et toute la maisou fut reuiplie de I'odeur
pour le bien, que celles de la sagesse mondainc (iu parfum. » [Luc. vn, 37. Du second; ((unefemrae

pour Ic mal. La doctrine chretienne, simple et np[iorta un vase plein de nard precieux et le
pareille au lait, detruit tous les raisounements des roiiipit sur la tele du Seigneur lorsqu'il elait i
dialecticiens. Et ce vin nouveau, dont les apotres table. » [Marc, xiv, 3.)Du troisieme Marie Ma- : ((

furent enivres, a aussi rempli les bienheureux deleine, Marie mere de Jacques et de Salome, achetti-
pauvres en esprit, les fils de la grace, les eufauts renldes aromates pour aller oindre le corps de Jcjsus-
du Testament, tellement qu'ilsontpoussel'amour de Christ. » {Marc, xvi, 1.) Remarquez la marche
1. De la (»)m-
Dieu jusqu'au mepris d'eux-metnes, et qu'jls out progressante qui va des desirs inferieurs aux poDCtiou.

considere toutes clioses comme du fumier aiin de superieurs, ainsi que nous I'avons observe plus
gagner Jesus-Christ. Les mamelles de I'epouse liaut, en parlant de I'elat et du baiser de I'amour.

sont done meilleures que levin. Or I'epouse a deux Ensuite Mai'ie Madeleine, qui (itail pecheresse,
mamelles, celle de la compasion et celle de la con- oignit les pieds de Jesus. » {Joan, xii, 3.) Ce n'est pas
gratulation. De celle de la compassion onsuce lelait certes un parfum mediocre, que celui dont on assure
de la consolation, etde celle de la congratulation, on qu'il remplit toute la maison : a cela il n'y a rien
tire le lait de I'exhortation. Pour etre meilleures d'ljtonnant, puisque ses senteurs suaves pd-netrent
que le vin, ces mamelles sont embaumees des par- jusque dans les regions des cieux, la VtJrite elle-

fums les plus exquis, parce que c'est un parium md'uie nous assurant (( qu'il eclate une grande joie
delicieux, c'est-a-dire une charite sureminente qui pariniles angesdeDieu, au sujet d'un seul pecheur
denx leur donne ]:\ vertu qui les caracterise. Les mamel- qui fait penitence. » {Luc. xv, 7.) Mais, quelque
les 2. De la
melles de
les de I'epouse sont done ointes, c'est-a-dire adoucies precieux qu'il paraisse, ce parfum, compare a celui d^TOtiOQ.
'Spouse.
par le toucher de I'epoux dans I'onction : elles sont qu'on appelle onguent de la devotion et qui resuite
embaumees par le bon exemple qui repand au loin du souvenir desbienfaits divinset qui coule sur la
ses parfums, et, excites par le sacrifice des jueuses tele du Seigneur, est vil et sans valeui'. Du premier

intentions et des saints desirs, jusqu'au point de il est dit vous ne mepriserez point, 6 Dieu, un
: <(

donner I'odeur merae qu'exhale le divin epoux. coeur eontritet humilie; » {Ps. l, 19.) etdel'autre :

rois par- 9. ((Embaumees des senteurs les plus exquises. (( le sacrifice de louange m'honorera. » {Ps. xi.ix,
fUffiS.

sunt vino, irl est efficaciora amore et sapientia sa?culi. xit pedes Jesu, et extersit capillis suis, et domus impleta
Inebriant ista, inebriant ilia : sed ubera tua multo ube- est ex odore unguenti. De secundo Attulit mulier ula- :

rius in bonum, quam malum. Simplex enim et


ilia in bastritm nardi spicati pretiosi, et effudit super caput re-
lactea Christiana cL apostolica doctiina, omnia dialec- curnherdis. De tertio Maria Magdalene, Maria Jucobi
:

ticorum solvit argumenta. Sed et musto Spii'ltus-Sancli el Salome abcuutes, emeruid arotnata, ut venientes un-
quo implcti sunt Apostoli et inebriati, sic impleti sunt gerent Jesur/i. Nota ordinem profectus ad superiora ab
beati pauperes spiiitu, filil gratiae, filii novi testamenli, inferioribus, sicut supra de statu ct osculo amoris. Dc-
ut amplectercntur amoreni Dei usque ad contemptum nique Maria Magdalene quiP pcccalrix crat, unxit pedes
sui, ut arbitrarcniur omnia tanquam stercora, ul Chris- Jesu. Nee mediocre sane hoc unguentum est, de quo
tum lucrifaccient. Ergo ubera sponsse meliora sunt sctiptum est Et domus impleta est ex adore unguenti.

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