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The challenges of public accounting
reform in Morocco.
Ibouazzaouine, Youssef
Université Mohammed V Rabat
11 December 2019
Online at https://mpra.ub.uni-muenchen.de/98531/
MPRA Paper No. 98531, posted 11 Feb 2020 05:52 UTC
Les enjeux de la réforme de la comptabilité publique au Maroc
Youssef IBOUAZZAOUINE
Université Mohammed V – Rabat
Fsjes-Agdal
Résumé :
La réforme de la comptabilité de l’Etat et le passage d’une comptabilité de caisse à une
comptabilité générale fondée sur les droits constatés qui apporte une vision patrimoniale de l’Etat
constitue un levier incontournable pour consolider la culture d’évaluation de l’action publique. En
effet, l’adoption d’une comptabilité patrimoniale conforme aux standards internationaux (IPSAS),
vise à améliorer l’information fournie aux acteurs publics. Elle donne au parlement, aux organismes
de contrôle et aux citoyens une appréciation des politiques publiques, renforçant les exigences de
transparence des comptes publics et la réédition des comptes.
Cet article a pour objectif de décrypter les enjeux de la réforme de la comptabilité de l’Etat et
de recenser les apports escomptés de l’adoption d’un référentiel comptable harmonisé avec les
normes IPSAS.
Mots-clés : Comptabilité de l’Etat, Comptabilité budgétaire, Comptabilité d’exercice, Comptabilité
générale, IPSAS.
Introduction
L’un des aspects les plus importants du nouveau management public concerne la vague de
réformes réalisées dans les systèmes comptables et d’information financière.
Ces évolutions sont un élément essentiel pour améliorer la gestion et le processus
décisionnel dans les organismes publics, que l’on appelle aussi « nouvelle gestion financière
publique ». L’élément central dans la réforme des systèmes d’information financière concerne
l’introduction de la comptabilité d’exercice dans le secteur public, aux dépens des systèmes
classiques de comptabilité de caisse. Plusieurs pouvoirs publics ont adopté et mis en œuvre des
systèmes de comptabilité en partie double.
Différentes littératures économiques soulignent les avantages de la comptabilité d’exercice
dans le contexte public. La comptabilité d’exercice telle que adaptée aux particularités de la sphère
publique apporte des informations plus nombreuses et plus précises sur la solvabilité de l’État, les
biens patrimoniaux et les coûts des services publics. Depuis la dernière décennie, l’International
Public Sector Accounting Standards Board (IPSASB), que l’on appelait autrefois « Comité du
secteur public » (CSP) de la Fédération internationale des comptables (FIC), a développé un
ensemble de normes comptables internationales pour le secteur public (les « IPSAS », International
Public Sector Accounting Standards) afin de faciliter et de rationaliser ces réformes.
C’est dans ce contexte que le Maroc s’est engagée dans une nouvelle tentative de réforme
comptable du secteur public avec l’adoption de la nouvelle loi organique des finances en 2015.
Ainsi, la question centrale qui se pose : Quels sont les enjeux de la réforme de la comptabilité
publique au Maroc ?
Pour répondre à cette problématique, nous nous proposons, dans un premier chapitre, de
décrire et d’analyser le cadre général de comptabilité publique classique au Maroc. Dans un
deuxième chapitre, nous abordons les aspects de la réforme de la comptabilité publique. Nous
tenterons ensuite, dans un troisième chapitre, à décortiquer les avantages et les limites du nouveau
référentiel comptable de l’Etat.
Chapitre 1 : Le cadre général de la comptabilité publique.
1. Principes fondamentaux de la comptabilité de l’Etat.
a) Définitions :
L’article premier du décret royal n°330-66 du 21 Avril 1967 portant règlement général de la
comptabilité publique et qui constitue, le texte de base régissant la comptabilité publique au Maroc,
stipule que : « La comptabilité publique s'entend de l'ensemble des règles qui régissent, sauf
dispositions contraires, les opérations financières et comptables de l'Etat, des collectivités locales,
de leurs établissements et de leurs groupements et qui déterminent les obligations et les
responsabilités incombant aux agents qui en sont chargés ».
En effet, la comptabilité publique est l'ensemble des règles juridiques et des systèmes
comptables qui gouvernent et retracent les opérations financières des organismes publics. Elle
permet de déterminer le budget public. Elle fait partie de la comptabilité nationale, qui est la
réunion de la comptabilité publique et de la comptabilité privée qui mesure l'activité économique
d'un pays.
Du point de vue juridique la comptabilité publique est considérée comme un ensemble de
règles juridiques et réglementaires qui régissent les opérations financières des organismes publics.
Alors que du côté technique, elle est perçue comme un ensemble de règles comptables
d'enregistrement et de classement des opérations financières précitées.
b) Les règles juridiques et réglementaires de la comptabilité de l’Etat :
Les règles juridiques et réglementaires déterminent les agents compétents pour autoriser les
opérations financières des organismes publics, les exécuter et en assurer le contrôle. Elles indiquent
aussi les procédures à utiliser. Les mécanismes essentiels de la comptabilité publique ont été
conçus, de manière à répartir la responsabilité des opérations de recettes et de dépenses entre deux
catégories d'agents : les ordonnateurs et les comptables. Ordonnateurs et comptables se contrôlent
mutuellement et sont, par ailleurs, soumis à la surveillance d'autres agents, ou corps de contrôle.
La réalisation des opérations de dépense et de recette comporte, dans la comptabilité
publique, deux grandes phases :
la phase administrative, au cours de laquelle est prise la décision, les ordonnateurs,
principaux ou secondaires, sont chargés de procéder à toutes les opérations de
dépense ou de recette. Ainsi vont-ils procéder d'abord à l'engagement de la dépense,
qui est l'acte juridique par lequel un organisme public crée ou constate à son
encontre une obligation de laquelle résultera une charge. On notera que, dès cet
instant, un contrôleur vérifie la régularité de l'engagement et de son imputation
budgétaire. La liquidation a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d'en
déterminer le montant. Enfin, l'ordonnancement s'analyse comme l'ordre donné par
l'ordonnateur au comptable public de régler la dette de la personne publique.
la phase comptable, au cours de laquelle le comptable public, après avoir vérifié la
régularité des diverses opérations accomplies par l'ordonnateur, procède au paiement
de la dépense ou le recouvrement de la créance.
En effet, l’article 3 du décret royal n°330-66 du 21 Avril 1967 portant règlement général de la
comptabilité publique (tel que modifié par les décrets ultérieurs) stipule que :
« Est ordonnateur public de recettes et de dépenses, toute personne ayant qualité au nom
d'un organisme public pour engager, constater, liquider ou ordonner soit le recouvrement d'une
créance, soit le paiement d'une dette.
Est comptable public, tout fonctionnaire ou agent ayant qualité pour exécuter au nom d'un
organisme public des opérations de recettes, de dépenses ou de maniement de titres, soit au moyen
de fonds et valeurs dont il a la garde, soit par virements internes d'écritures, soit encore par
l'entremise d'autres comptables publics ou de comptes externes de disponibilités dont il ordonne ou
surveille les mouvements. »
Par ailleurs, la réglementation de la comptabilité publique détermine le principe essentiel de
la séparation entre ordonnateurs et comptables, corrélative du principe constitutionnel de la
séparation des pouvoirs.1
Ainsi, les ordonnateurs et les comptables ont des fonctions incompatibles, et donc séparées
lors de la phase d’exécution administrative et comptable. Cette séparation permet de mieux
contrôler la régularité des recettes et des dépenses.
La séparation de ces fonctions permet en effet au comptable de vérifier la régularité formelle
de l’exécution des recettes et des dépenses décidées par l’ordonnateur ; les ordonnateurs surveillent
également les comptables. Mais au-delà des contrôles, cette séparation des fonctions permet
d'assurer une exécution efficace du travail comptable.
a) L’organisation de la comptabilité budgétaire.
1 Article 4 du décret royal n°330-66 du 21 Avril 1967 portant règlement général de la comptabilité publique (tel que
modifié par les décrets ultérieurs).
A l’heure actuelle, le système de la comptabilité de l’Etat est basé sur une comptabilité dite
budgétaire. Ce régime comptable comprend, pour sa part, une comptabilité administrative, tenue par
les ordonnateurs et sous-ordonnateurs de l’Etat, et une comptabilité trésor, tenue par les comptables
publics de l’Etat, qui comprend une comptabilité deniers, une comptabilité matières, valeurs et
titres.
La comptabilité administrative est une comptabilité a partie simple, elle est organisée de
manière à permettre aux ordonnateurs de suivre l’exécution des autorisations budgétaires, à savoir :
La consommation des crédits aux stades de l’engagement et de l’ordonnancement des dépenses,
ainsi que le suivi des effectifs budgétaires d’une part, et l’émission des ordres de recette d’autre
part. Cette comptabilité est tenue par l'ordonnateur pour les opérations de son département.
Les opérations comptabilisées par les sous-ordonnateurs sont reprises dans les écritures de
l'ordonnateur dont ils dépendent. Les ordonnateurs tiennent une comptabilité pour suivre l'exécution
donnée au budget général de l'Etat ; à chacun des budgets des services de l’Etat gérés de manière
autonomes et à chacune des catégories de comptes spéciaux.
A l'expiration de la gestion, les ordonnateurs établissent leur compte administratif qui fait
ressortir les éléments suivant :
les prévisions de recettes,
les crédits définitifs découlant de la loi de finances de l'année, des lois de finances
rectificatives, des prélèvements opérés sur les dépenses imprévues et des virements
de crédit,
les engagements de dépenses,
les dépenses visées par les comptables,
les recettes ordonnancées au cours de la période budgétaire considérée.
La comptabilité de l’Etat, tenue par les comptables publics, permet de suivre aussi bien les
opérations budgétaires que les opérations de trésorerie. Elle est organisée de manière à permettre de
dégager les résultats d’exécution de la loi de finances ainsi que des opérations de trésorerie qui en
découlent.
Elle est tenue de manière déconcentrée par le réseau des comptables de l’Etat et comprend
la comptabilité des comptables de base ; la comptabilité des comptables pré-centralisateurs au
niveau préfectoral et provincial; Ces comptabilités sont centralisées au niveau national par la
trésorerie générale du royaume.
La comptabilité de l’Etat est tenue par le réseau des comptables publics, composé :
Du Trésorier principal, comptable centralisateur national,
Des trésoriers ministériels ou interministériels,
Des comptables spéciaux du Parlement et de la Cour des Comptes,
Des trésoriers préfectoraux et provinciaux,
Des percepteurs,
Des receveurs de l’Administration Fiscale,
Des receveurs comptables des douanes et impôts indirects.
Sur le plan opérationnel, vu que la comptabilité budgétaire est une comptabilité de caisse,
les recettes sont prises en compte au titre de l’année budgétaire au cours de laquelle elles sont
encaissées par un comptable public et les dépenses sont prises en compte au titre de l’année
budgétaire au cours de laquelle les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables
assignataires ; elles doivent être payées sur les crédits de ladite année, quelle que soit la date de la
créance.2
2. Les limites de la comptabilité budgétaire.
Actuellement, l’Etat tient une comptabilité budgétaire qui se limite au classement et à
l’enregistrement des opérations budgétaires et de trésorerie dans une simple nomenclature de
comptes qui s’articule difficilement avec la comptabilité nationale. Elle est qualifiée de comptabilité
de « caisse » et ne permet de suivre que les mouvements liés aux paiements et aux décaissements.
La comptabilité budgétaire ne prend en compte ni le principe de la constatation des droits et
des obligations, ni la comptabilité d’exercice, elle ne prend pas en compte non plus la dimension
patrimoniale de l’Etat. En effet, seuls les flux encaissements et décaissements sont comptabilisés, et
les opérations prises en compte, sur la « base caisse », au titre de la gestion au cours de laquelle :
une dépense a été visée par le comptable assignataire, indépendamment de la date
de son paiement;
2 La loi organique n° 7-98 relative à la loi de Finances, article 8.
une recette a été encaissée par un comptable public.
De ce fait, la comptabilité budgétaire ne permet pas non plus une intégration directe des
opérations financières de l’Etat dans la comptabilité nationale, sans que celles-ci n’aient donné lieu
au préalable à des retraitements.
La nomenclature actuelle qui remonte à 1935, a été révisée en 1960 mais sans évolution
majeure. Elle comporte neuf groupes de comptes qui se présentent comme suit:
1- Disponibilités et valeurs mobilisables,
2- Opérations budgétaires,
3- Comptes spéciaux du trésor,
4- Avances et prêts du trésor,
5- Dettes de l’Etat (Emprunts et Engagements),
6- Correspondants administratifs,
7- Opérations de tiers,
8- Opérations à classer,
9- Comptes de Résultats.
Cette nomenclature est loin de répondre aux objectifs d’une véritable comptabilité et ne
permet donc pas de donner une image fidèle de la situation financière et patrimoniale de l’Etat.
Par ailleurs, le principal handicap du cadre comptable actuel c’est qu’il s’enserre dans une
logique de comptabilité budgétaire se limitant à l’enregistrement des opérations budgétaires et de
trésorerie dans la seule optique: encaissements-décaissements. Cette optique réductrice ne favorise
pas la production d’informations financières ciblées, à même de permettre : l’appréciation des
résultats, la mesure des performances et la pertinence de la décision.
D’où la nécessité ressentie de moderniser le cadre comptable existant et d’élaborer et mettre
en place un plan comptable général de l’Etat inspiré du code général de normalisation comptable
(CGNC) des entreprises privées, adapté aux spécificités des opérations de l’Etat et qui converge
vers les normes IPSAS.
Chapitre 2 : Les aspects de la réforme de la comptabilité publique.
1. Le cadre juridique et réglementaire de la réforme de la comptabilité
publique.
Aujourd'hui, le Maroc s’inscrit dans une dynamique ambitieuse de rénovation des processus
liés à la gouvernance des finances publiques. Dans ce cadre, la loi organique n°130-13 relative à la
loi de finances (LOLF) promulguée en 2015 devrait transformer en profondeur les modalités de
gestion des deniers publics, en faisant de la performance l’objectif ultime de l’action des
organismes publics. Les nouvelles dispositions ont pour vocation de changer profondément le sens
des lois de finances, le budget de l’Etat devant regrouper désormais des crédits selon des objectifs
assortis d’indicateurs permettant d’évaluer la performance de la dépense publique.
A cet égard, le chantier de réforme de la comptabilité de l’État a été identifié comme projet
prioritaire dans le cadre du processus de modernisation et d’optimisation du système de gestion des
finances publiques en raison des enjeux qui transcendent le système financier et comptable pour
impacter l’organisation et le fonctionnement de l’administration au bénéfice de la réforme globale
des finances publiques.
La loi organique n°130-13 relative à la loi de finances affirme la complémentarité d’une
comptabilité générale (comptabilité en droits constatés) fortement enrichie et d’une comptabilité
budgétaire (comptabilité de caisse) adaptée aux enjeux de la nouvelle gestion publique. En effet,
selon l’article 31, les comptes de l’État est la conjugaison d'une comptabilité budgétaire, d'une
comptabilité générale et d'une comptabilité d'analyse du coût des actions des programmes.
Article 31 (la loi organique n°130-13)
L'État tient une comptabilité budgétaire des recettes et des dépenses.
Il tient également une comptabilité générale de l'ensemble de ses opérations.
Il peut tenir une comptabilité destinée à analyser les coûts des différents projets engagés dans le
cadre des programmes.
Les comptes de l'État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son
patrimoine et de sa situation financière.
La Cour des comptes certifie la régularité et la sincérité des comptes de l'Etat.
Selon l’article 31 de la LOLF N°130-13, l’Etat tient une comptabilité générale de l'ensemble
de ses opérations. Les comptables publics sont chargés de la tenue et de l'élaboration des comptes
de l'Etat qui doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa
situation financière.
En vertu de l’article 33 de la LOLF N°130-13, la comptabilité générale de l’Etat est fondée
sur le principe de la constatation des droits et obligations. C’est une comptabilité d’exercice ou
encore en droits constatés selon laquelle les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice
auquel elles se rattachent c’est-à-dire qu’elles sont comptabilisées au moment où elles se produisent
indépendamment de leur date de décaissement ou d'encaissement par opposition à la comptabilité
de caisse. Elle s’appuie sur les règles de la comptabilité générale des entreprises de droit privé et ne
peut s’en distinguer qu'en raison des spécificités des opérations de l’Etat.
En outre, la comptabilité budgétaire retrace les suites qui ont été données à l’autorisation
parlementaire. Elle permet le suivi de l’exécution de la loi de finances en comptabilisant les
dépenses au titre de l'année budgétaire au cours de laquelle les ordonnances ou mandats sont visés
par les comptables assignataires (elles doivent être payées sur les crédits de ladite année, quelle que
soit la date de la créance) et les recettes au titre de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont
encaissées par un comptable public.3
En ce qui concerne la comptabilité d'analyse du coût des actions, elle ne doit pas être
confondue avec une comptabilité analytique des services de l'État. Elle est plus spécialement
destinée à compléter l'information du Parlement sur les moyens budgétaires affectés à la réalisation
des actions prévues au sein des programmes. Elle permet également de mesurer la performance des
administrations publiques.
La mise en œuvre des dispositions de la LOLF a été rendue possible par la création d’un
référentiel comptable adapté au contexte et aux opérations de l’État. Ce référentiel constitue le point
initial et fondamental de la réforme de la comptabilité de l’Etat.
2. Le nouveau référentiel comptable de l’Etat.
Le nouveau référentiel comptable de l’Etat, tel qu’il a été adopté par le Conseil national de
3 Article 32, LOLF 130-13
la comptabilité, est une matrice constituée de trois composantes : le cadre conceptuel fixe, les
normes comptables et le plan de comptes.
Le référentiel comptable de l’Etat
Cadre conceptuel fixe
Normes comptables
Plan des comptes
Source: Conception personnelle
Le cadre conceptuel des comptes publics est un ensemble cohérent de concepts utilisés dans
les normes comptables relatives aux états financiers établis par les entités comptables publiques.
Ces concepts, qui prennent en compte les principales spécificités de l’action publique en ce qu’elles
sont susceptibles d’avoir des conséquences comptables.
Le cadre conceptuel des comptes publics a pour objet de déterminer les règles édictées par
les normes comptables internationales (IPSAS) et celles de la comptabilité d’entreprises
directement transposables à la comptabilité de l’Etat, puis les règles qui nécessitent des adaptations
pour prendre en considération certaines spécificités de l’Etat, et aussi celles créées pour la
comptabilisation d’opérations spécifiques pour lesquelles il n’existe pas de règles dans les
référentiels et standards précités.
Le cadre conceptuel a pour vocation essentielle de dicter les choix directeurs permettant
d’établir les principes et les objectifs fondamentaux assignés à la comptabilité de l’Etat. Ces choix
sont dictés par la nécessité de :
respecter le cadre juridique et institutionnel spécifique aux opérations de
l’Etat ;
veiller à la convergence avec les normes et standards internationaux ;
faciliter l’articulation de la comptabilité de l’Etat avec la comptabilité
nationale.
La réforme comptable de l’Etat vise à ériger la comptabilité en système d’information et en
outil de gestion, de contrôle et d’analyse des opérations financières de l’Etat. Sa mise en œuvre sera
accompagnée d’une révision des procédures de comptabilisation, des circuits et des supports
comptables.
Les objectifs poursuivis à travers la nouvelle comptabilité de l’Etat visent à :
introduire l’optique patrimoniale dans la comptabilité de l’Etat ;
introduire la notion de comptabilité d’exercice ;
retracer de manière fidèle et exhaustive les opérations de l’Etat ;
produire une information comptable et financière fiable, pertinente et rapide.
La production d’une information comptable fiable et pertinente est favorisée par le respect
par la comptabilité de l’Etat des principes comptables fondamentaux retenus par les principaux
référentiels comptables en vigueur, sous réserve d’adaptation aux spécificités de l’Etat. Les
principes comptables fondamentaux retenus sont au nombre de six:
a) Principe de permanence des méthodes :
En vertu du principe de permanence des méthodes et en vue de garantir la cohérence des
informations comptables au cours d’exercices successifs, l’Etat établit des états financiers en
appliquant les mêmes règles et les mêmes procédures comptables d’un exercice à l’autre.
L’application de ce principe permet de réaliser des comparaisons entre exercices comptables, de
mesurer les évolutions tendancielles et d’élaborer des analyses de performance.
b) Principe de spécialisation des exercices :
En vertu du principe de spécialisation des exercices, les charges et les produits sont rattachés
à l’exercice qui les concerne effectivement. Les produits sont ainsi comptabilisés au fur et à mesure
qu’ils sont acquis et les charges au fur et à mesure qu’elles sont nées, sans tenir compte des dates de
leur encaissement ou de leur paiement.
c) Principe de prudence :
En vertu du principe de prudence, les incertitudes présentes susceptibles d'entraîner un
accroissement des charges ou une diminution des produits de l'exercice doivent être prises en
considération dans le calcul du résultat de cet exercice. Ce principe évite de transférer sur des
exercices ultérieurs ces charges ou ces minorations de produits, qui doivent grever le résultat de
l'exercice présent.
d) Principe de clarté :
Selon ce principe, les opérations et les informations sont inscrites dans les comptes sous la
rubrique adéquate, avec la bonne dénomination et sans compensation entre elles. Ainsi, les éléments
d’actifs et de passifs sont évalués séparément et les éléments des états financiers sont inscrits dans
les postes appropriés sans aucune compensation entre ces postes.
e) Principe de l’importance significative :
En vertu du principe d’importance significative, les états financiers révèlent tous les
éléments dont l’importance peut affecter les évaluations et les décisions, sachant que demeure
considéré comme significative, toute information susceptible d’influencer l’opinion que les
utilisateurs des états financiers peuvent avoir sur le patrimoine, la situation financière et les
résultats.
f) Principe de la régularité et de la sincérité :
La régularité est la conformité aux règles et aux procédures en vigueur. Ceci signifie que les
comptables publics sont astreints à respecter les règles et les procédures précitées dans le plan
comptable de l’Etat. Par ailleurs, la sincérité est l’application de bonne foi de ces règles et
procédures en fonction de la connaissance que les responsables des comptes doivent normalement
avoir de la réalité et de l’importance des opérations, événements et situations.
Il apparaît donc que le respect des principes comptables fondamentaux énoncés ci-dessus
présume l’obtention de l’image fidèle des états financiers. Toutefois, lorsque l’application d’une
règle ou d’une prescription comptable n’est pas suffisante pour donner une image fidèle des
comptes, des informations supplémentaires doivent être fournies dans le cadre des notes aux états
financiers.
Chapitre 3 : Les avantages et les limites du nouveau référentiel comptable de l’Etat.
1. Les apports de la comptabilité d’exercice.
Sans rentrer dans les débats théoriques discutant le thème de « la comptabilité d’entreprise
opposée à la gestion publique », et tout en étant conscients des différences de fond qui séparent les
modèles économiques privé et public, il n’en demeure pas moins que beaucoup de pratiques
comptables issues de l’entreprise peuvent être reprises par les gestionnaires publics.
En effet, les organismes publics ont tout intérêt à s’appuyer sur les mêmes techniques et les
mêmes référentiels que ceux utilisés par les entreprises pour moderniser leur système d’information
et leurs procédures, qu’il s’agisse :
de la commande et du service fait, une assurance de la fiabilisation et de
l’automatisation de la chaîne de la dépense ;
du remboursement de la dette et de la qualité de la dette garantie : éléments décisifs
dans la gestion publique des prochaines années;
des participations, ou des comptes consolidés : la connaissance du périmètre d’une
entité publique et de ses relations avec les organismes qui lui sont rattachés constitue
l’un des éléments clefs de la transparence financière publique ;
de la maîtrise du patrimoine : la comptabilisation des immobilisations, assez banale
pour les entreprises, incarne au niveau d’un Etat, d’un établissement ou d’une
collectivité le patrimoine légué aux générations futures. La connaissance et la
valorisation de ce dernier revêtent aujourd’hui pour les entités publiques des
significations nouvelles dans la mesure où elles leur permettent d’établir des
éléments de solvabilité auprès de leurs créanciers, de maitriser leurs coûts et/ou de
générer ou d’optimiser d’autres ressources que le recours systématique à l’emprunt
ou aux prélèvements obligatoires ;
de l’anticipation des charges et des risques sans laquelle il paraît vain de parler de
sincérité et de soutenabilité budgétaires, tant ces données sont essentielles pour
apprécier l’efficacité de l’intervention publique et pour arbitrer entre différents
modes de gestion.
Finalement la réforme de la comptabilité de l’Etat permettra d’offrir des indicateurs pour les
stratégies de maitrise des finances publiques, à travers une reddition des comptes qui intègre les
activités spécifiques de l’Etat selon une comptabilité en droits constates, et une préfigurations de la
comptabilité d’analyse des couts et d’une gestion prévisionnelle de la trésorerie de l’Etat.
La réforme de la comptabilité de l’Etat se traduira en définitive, d’une part, par une
amélioration du contenu et de la lisibilité des opérations comptables au bénéfice des utilisateurs
(Gouvernement, Parlement, Cour des comptes), et d’autre part, par une meilleure lisibilité pour
l’emploi des crédits budgétaires ouverts par l’autorisation parlementaire.
La réforme de la comptabilité publique au Maroc est axée sur le passage à une comptabilité
patrimoniale tenue selon les standards internationaux. Les travaux de convergence avec les normes
comptables internationales en vigueur pour le secteur public ont débouché sur l’élaboration d’un
référentiel comptable en phase avec les standards internationaux, mais qui prend en considération
les spécificités de l’Etat et le contexte et les contingences nécessaires à un système pays.
L’adoption des normes comptables internationales fait suite à une prise de conscience quant
aux limites des informations comptables et financières produites par les entités publiques. En ce
sens, le référentiel IPSAS, attendu pour améliorer la réédition des comptes publics et revoir à la
hausse le niveau de confiance dans les gouvernements, a été recommandé par de nombreuses
institutions influentes, notamment la Banque mondiale et le Fond monétaire international.
2. Les limites de la comptabilité d’exercice étendue aux entités publiques.
En dépit des apparences et des discours officiels, l’appropriation de la comptabilité
d’exercice prendra sans doute beaucoup de temps, et son usage sera différent de ce qu’il en est dans
l’entreprise privé, ceci pour des raisons liées aussi bien à la culture des administrations qu’à la
nature des activités qu’elles ont à exercer et à la façon dont elles sont financées.
La comptabilité d’exercice comporte ses propres limites qui se trouvent accrues dès lors
qu’elles trouvent à s’appliquer dans des secteurs non marchands, financés majoritairement par
l’impôt.
a- Les limites propres à la comptabilité d’exercice
Les limites de la comptabilité générale dans les entreprises sont induites par ses qualités
intrinsèques visant à réunir le maximum de confiance. Le principe de prudence, cardinal en
comptabilité générale, conduit à exagérer le risque induit par une opération ou un contentieux, et à
ne jamais retenir de profit, même très probable. Un des effets générés par cette prudence est le
principe d’enregistrement au « coût historique » qui fait que la comptabilité générale conserve la
valeur d’entrée d’un bien quelle que soit son ancienneté alors que tout laisserait supposer
l’existence de plus-values latentes.
Pendant longtemps, la publication d’un référentiel comptable unique, le CGNC a offert la
possibilité de comparer, voire d’agréger, les comptes d’entreprises relevant d’un même secteur. A
contrario, le CGNC a limité la possibilité, pour les entreprises, de traduire comptablement leurs
spécificités, bien qu’elles aient la possibilité de le faire dans l’annexe.
La comptabilité générale privée au Maroc présente aussi la particularité d’être très
influencée par la fiscalité, tant il est fréquent de subordonner l’obtention d’un avantage fiscal à sa
comptabilisation. Si cette mesure est intéressante pour l’administration fiscale et permet d’éviter la
tenue de comptabilités fiscales séparées, elle a, en revanche, pour inconvénient de biaiser la lecture
des résultats et de la performance de l’entreprise que le lecteur souhaite d’abord juger sur le seul
terrain économique.
En fait, les limites de la comptabilité générale en entreprise sont largement compensées, en
interne, par le recours à la comptabilité analytique et à des comptabilités de gestion dérivées de la
comptabilité générale. C’est la raison pour laquelle cette dernière, dès lors qu’elle apporte des
données pertinentes et fiables sur la vie de l’entreprise, occupe aujourd’hui une place centrale dans
leur système d’information.
b- Les limites inhérentes à la sphère publique
Les principales limites d’une comptabilité d’exercice appliquée aux entités publiques
tiennent au fait que le modèle économique est souvent différent de celui des entreprises privées. Les
entreprises engagent des charges pour générer de ces dernières des produits et leur performance
s’apprécie relativement facilement via le résultat, qui augmente avec la maximisation du chiffre
d’affaires et qui diminue dès lors que les charges progressent plus rapidement que les produits.
Or, la plupart des entités publiques se livrent à l’exercice inverse, dans la mesure où elles ont
été crées pour consommer ou distribuer des ressources destinées à satisfaire une demande publique
de services. Dans ces conditions, leur performance s’accroît au fur et à mesure que leur résultat tend
à devenir nul, voire négatif.
De la même façon, l’acquisition d’un équipement répond à une logique opposée. Pour les
entreprises, une nouvelle immobilisation vise à augmenter le chiffre d’affaire et / ou diminuer les
coûts de production. Pour les entités publiques, l’investissement est destiné, au contraire, à accroitre
leur potentiel de services. Ainsi, au lieu de dégager des flux de trésorerie futurs, l’investissement
conduit, le plus souvent, à générer des flux de coûts futurs, donc des charges futures dont il faudra
trouver le financement.
L’absence de relation entre les produits et les charges fait que le compte de résultat de la
plupart des entités publiques, par construction, se révèle incapable de mesurer leur performance. En
conséquence, leurs états financiers donnent rarement une information pertinente et exploitable sur la
valeur ajoutée qu’elles créent ou sur les services qu’elles rendent.
Cela étant, dans les entreprises aussi, la connaissance de la performance se fait rarement par
la lecture directe du résultat comptable : il faut, au moins, analyser les composantes du compte de
résultat et dégager des soldes intermédiaires de gestion pour commencer à disposer d’une réelle
visibilité sur l’efficacité de la structure.
De façon plus générale, toute donnée chiffrée atteint vite ses limites ; c’est la raison pour
laquelle le législateur a exigé des entreprises d’une certaine taille qu’elles produisent, en plus du
bilan, du compte de résultat et de l’annexe, un rapport de gestion pour expliciter la nature de leur
performance financière et leurs perspectives d’évolution.
Le fait d’obliger les entités publiques à produire des états financiers réguliers, sincères et
fidèles constitue, en soi, une démarche vertueuse qui ne peut qu’améliorer le bon usage fait de
deniers publics. Produire des comptes fiables nécessite, en effet, de recenser, de valoriser et de
suivre attentivement les actifs et les passifs, d’établir la cartographie des risques, de déployer un
contrôle interne efficace, etc. ; donc toute une série de mesures de bon sens dont on peut s’étonner
qu’elles n’aient pas déjà été mises en œuvre.
Conclusion
Le Maroc a pris un tournant historique à travers l’adoption d’une nouvelle constitution dont
l’objectif est d’aboutir à un meilleur équilibre des pouvoirs. Également, la refonte de la loi
organique des finances a introduit une nouvelle organisation des modes de gestion des affaires
publiques, ainsi que la consécration des principes de transparence. Il a adopté tout un corpus de
règles comptables, avec une responsabilité plus assumée en termes de la gestion axée sur les
résultats et de la reddition des comptes sous l’égide des normes internationales IPSAS.
L’importance du chantier de réforme de la comptabilité de l’État réside, avant tout, dans les
enjeux que cette action génère en termes de reconfiguration du système comptable pour une
meilleure visibilité financière, une plus grande maitrise du processus de préparation, d’exécution et
de contrôle du budget de l’État et surtout, dans l’optique d’une amélioration substantielle de
l’information financière communiquée notamment au gouvernement, au parlement, au juge des
comptes et aux citoyens.
Le basculement comptable présente en effet de réelles difficultés. Tout d’abord, il ne va pas
de lui-même et sa mise en œuvre efficace suppose qu’il s’intègre dans une réforme globale de
l’action publique. Non seulement cette dernière est difficile et coûteuse à mettre en œuvre, mais elle
nécessite du temps pour être accomplie.
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