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Dumas Alexandre Les Trois Mousquetaires Tome 1 Au Service Du

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Les Trois Mousquetaires tome 1: Au service du roi Alexandre Dumas Les Trois Mousquetaires Alexandre Dumas TOME 1: Au service du roi Adaptation du texte : Henri Remachel hachette yeaa sa Adaptation du texte : Henri Remachel Rédaction du dossier pédagogique t Marie Francoise Glimamn Edition : Christine Delormeau ‘Maquette de couverture ! Nicolas Pirowc Mlustration de couverture :Nicelas Firowr ‘Maquette intérieure ! Sophie Fournier Villiot (Amarante) Mise en pages : Atelier des 2 Ormeaux Wustrations: Fhilippe Masson ‘© HACHETTE LIVRE 2012, 43, quai de Grenelle, 75905 Paris CEDEX 15 “Tour kes droits de traduction, de reproduction et d'adsptation viservés pour tout ays. Cales do {moors 1957 m'amtorisant, sux termes des alinéas 1 et de Varticle 41, d'ume part, que wcles copies oo reproductions ctrictement ricer vies & usage privé du copicte et nan destindes nine utilcation cellectine y et dantre port, que » les analyses etles courtes citations » dans un butd'exemple et d'illustration, » wute reprisentition ov reproduction intdgrale ou partielle, faite swrs le consentement de V'autewr ov de ses aayants droit ou ayants sauce, est licite » (Alinds 1 di V'artide 40), Cette reprisentition ou reproductisn, par quelque prockdé que ce soit, sing aatorition de I'iditeur ou du Centre drangais de l'exploation do droite snpie (20, v0e des Grands Augustins, 75006 Paris), eonstitucrait donc tine contrefigon sehncticon le por ks articles 425 etsuivants du Code plnall Leave CHRP HEEL. scons sarc sanne ainie sone Ma HN IRRHORMREENR tea RECONNECT Battez vous, surtout si se battre est défendu Premiére bataille Chapitre 2 La lettre pour Monsieur de Tréwille et Milady Lirrivée de d’Artagnan 4 Paris Chapitre 3 En attendant Monsieur de Tréville Monsicur deTréville et ss mousquetaires Athos Chapitre 4 Monsieur deTréville et d’ Artagnan Vhomme de Meung 0.0.0.0... : Chapitre 5 L’épaule d’ Athos et le baudrier de Porthos Lemouchoir d’Aramip 00.0000 Chapitre 6 En attendant de se tuer Larrivée de Porthos et d’ Aramis Deux contre ding ose : Victoire. Chapitre. 7 Leroi Louis Quand d'Artagnan va au jeu de bale Le duc de kb Trémoaille Chapitre & La coltre durci Un roi qui aime les braves 16 19 23 26 29 32 B+ 38 42 4? so 53 Sa 62 et 69 BATTEZ-Vous, SURTOUT SI SE BATTRE EST DEFENDU' e premier lundi du mois d’awril 1625, 4 cing heures du soir, dans le village de Meung, des femmes courent dans la Grand- Rue, Des enfants crient devant les portes, Des hommes prennent leurs armes, [ls marchent vers ]’hdtellerie” du Frane-Meunier, Arrivé 1a, chacun peut voir la cause. de tout ce bruit. C'est un jeune homme maigre, agé de dix-huit ans, $a veste de laine a ete de couleur bleu, Elle ne est malheureusement plus. Son visage est bran, large comme chez beaucoup de gens intelligents, L’ceil est bien ouvert. Une longue épée pend? le long des jambes. Notre jeune homme a un cheval ! Et quel cheval ! C’est un viewx cheval de Gascagne, Il est agé de douze 4 quatorze ans. [] est jaune, sans poils 4 Ja queue. Ses jambes, fortes il est vrai, peuvent le porter encore plus de trente kilométres par jour, Malheureu- sement, personne ne peut le savoir, Et dans un pays of tout Je monde croit saveir recomnaitre un bon d’un mauvais cheval, un animal pareil fait courir toute Ja wille et fait rire, Son maitre, le jeune d’Artagnan, le sait bienet ill’a regu de son péere avec tristesse, Celui-ci le lui a donné en disant : « Mon fils, ce cheval est né dans Ja maison de votre pere, il y a bientét treize ans et il y est resté depuis ce temps-la. C'est me 41) Défendu sic, interdit, qui n'est pas permis. 2° Unehétellerie : maison oo on loue des chambres. 3) Pendre ici, descendre. a EI Ee = met = Pi d él raison pour vous del’aimer. Ne le vendez jamais, Laissez-le mourir tranquillement, Faites attention 4 hi comme a un vieux serviteur, « Noble, vous serez regu par le rej. Prés de lui, rappelez- vous toujours que vous pertez un nom connu depuis plus de cing cents ans, « C’est par son courage, par son courage seul, qu'un homme réussit, Ne laissez pas passer votre chance®, N’ayez pas peur des difficultés®, Cherchez-les, Je vous ai fait apprendre 4 vous serviz de ]’épée. Vous avez bon pied, bon ceil, bonne main. Battez-vous, surtout si cela est défendu, I] y a alors deux fois du courage a se battre. « Je peux, mon fils, vous donner seulement quinze piéces d’or, mon cheval et des conseils’, Votre mére y ajoutera la fagon de préparer un certain médicament”, 1] guérit® toute blessure qui ne touche pas le coeur. «Voyez tout. Entendez tout, Vivez heureusement et longtemps. « Jai seulement 4 ajouter ceci : Prenez exemple sur M, de Tréwille, Cet homme a été mon voisin autrefois, I] a joué, enfant, avec notre roi Louis XIII. 1 est maintenant chef des Mousquetaires. Le cardinal de Richelieu n’a peur de rien, comme vous le savez ; mais il fait attention a Ini. M. de Tréville a commence comme vous, Allez le voir avec cette lettre et faites comme lui, » M. d’Artagnan pere denne alers 4 son fils sa propre epee et i] Vembrasse sur les deux joues, Le jeune homme sort de la chambre, [rencontre sa mere. Elle Tattend avec le médicament bien nécessaire aprés les conseils du pere. Le méme jour, il part avec les quinze piéces d’or, le cheval, Ja lettre pour M, de Tréville et les conseils en plus, La chance : quelque chose de bien qui nous arrive. Les diffiealtés : es choces diffciles, lex problémes Donner un conseil :dire aquelqu’un ee qu'on pence qu'd doit faire. Un medicament : gacert & guérir quand om est malade ou blessé. Guérir :rendre la santé. eae a Les Trois Mousquetaires PREMIERE BATAILLE epuis neuf cents kilométres, & cause du malheureux cheval, d’Artagnan apeur d’étre insulté?. 1] ale poing gauche fermé et, dix fois par jour, il pose la main droite sur son ¢pee, La vue du cheval jaune et sans poils améne bien des sourires sur les visages des passants ; mais la grande épée et le visage dur les arrétent, Aussi, tout va bien jusqu’a cette malheureuse ville de Meung. La, nous l’avens dit, d’Artagnan descend de cheval a la porte du Franc-Meunier. Aucun serviteur ne vient l’aider. Un seigneur trés grand et trés bien habillé, mais a ]’air désagréable, est debout ala fenétre du rez-de-chaussée, I] parle avec deux personnes, Celles-ei Pécontent avec attention’? . D?Artagnan, tout naturellement, comme d’habitude, croit qu'on parle de Ini. 1 écoute, Cette fois-ci, il se trompe!'! 4 moitié seulement : on ne parle pas de lui, mais de son cheval, Et on rit, Ce n’est plus un simple sourire, D’Artagnan veut d’abord woir le visage de celui qui ]’insulte. C'est un homme de quarante 4 quarante-cing ans, aux yeux noirs et durs, 4a peau trés blanche, au nez fort'*, aux cheveux noirs. Ses habits sont faits d’um beau tissu, La chemise est bien blanche. Mais on voit que tous ses vetements ont été longtemps renfermés, Ce sont siirement des habits de voyage. D’Artagnan voit tout cela tout de suite, O regarde le seigneur et celui-ci fait justement une nouvelle remarque™ sur le pauvre cheval, Ses deux amis rient, Lui-méme, contre son habitude, sourit legérement, Cette fois-ci, c'est sir, 4% Inulter (quelqu’un} : ui dire des choses désagréables, des injures. Un noble insulté deit se batize en duel pourne pas perdre Phonneur. 40 Beonter avec attention : écouter en casayent de bien comprendre. 41 Se tromper = ici, croire une chose fuse. 42 Fort :ici, gros. 43 Faire une remanque : ici, dire quelque chose de désapréable 8 d’Artagnan est insulte. Aussi, i] met une main a | epee, l'autre a Ja ceinture et il avance lentement, Malhewreusement, la colére monte en lui!*, et, au liew des belles paroles’ preparées, il sait seulement dire : « Eh! Monsieur, monsieur qui vous cachez 4 cette fenétre ! Gui, dites-mei done un peu ce qui vous fait rire et nous rirons ensemble, » Le gentilhomme raméne lentement les yeux du cheval a son majtre, [Ine semble pas d’abord comprendre qu'on lui parle, i] repond 4 d’Artagnan ; « Je ne vous parle pas, monsieur. 44 La colire monte en Ini =i] devient de plus en plus faché 15 Une parcle :un mat. Les Trois Mousquetaires Mais je vous parle, moi ! », crie le jeune homme, rouge de colére, Létranger le regarde encore avec un léger sourire, [1 quitte Ja fenétre et sort Jentement de J’hétel. [I s'arréte & deux pas de d’Artagnan et se place en face du cheval. Ses amis, a la fenétre, vient de plus en plus fort. D’Artagnan, le voyant arriver, commence a tirer son épée du 16 fourreau L'incennu, lui, continue de parler a ses amis 4 la fenétre. I] fait semblant!? de ne pas voir d’Artagnan entre lui et ewx. « Ce cheval, dit-il, est ou plutét a éte, dans sa jeunesse, un bouton d’or'®, C’est une couleur connue dans Ja nature, mais jusqu’a maintenant trés rare chez les chevaux. Yous riez du cheval, mais vous n’oseriez pas rire du maitre ! crie le jeune homme, Je ne ris pas souvent, monsicur, répond l’inconnu, Vous pouvez le voir vous-méme 4 ]’air de mon visage ; mais je tiens 4!” rire quand cela me plait, Et moi, s’écrie d’Artagnan, je ne veux pas voir rire quand i] me déplait ! Vraiment, monsieur ?, continue |’inconnu, plus tranguille- ment que jamais, ch bien ! C’est tout a fait juste. » I se retourne et se prepare a rentrer dans ]"hdtellerie par la grande porte, L’homme s'est moque™ de d’Artagnan et celui-ci ne veut pas le Jaisser s'en aller. [I tire son epée et court aprés lui. [I erie ; Un’apas fini de parler que d’Artagnan lui donne un coup rapide de la pointe de son epee, Pour ne pas étre tué, Phomme fait un saut en arriére, Alors, i tire aussi son épée, salue” et se met en garde”, Mais, au méme moment, ses deux amis et l’hételier™ prennent des batons et des pelles® et se jettent sur d’Artagnan, Celui-ci se retourne pour se défendre et] “inconnu donne un ordre : « Remettez-le sur son cheval jaune et faites-le partir, Pas avant de t’avoir tué ! », erie d’Artagnan, En méme temps, il se défend le mieux qu’il peut et ne recule pas devant ses trois ennemis”, « Ces Gascons sont terribles | dit le gentilhomme, Continuez a frapper. Quand il sera fatigué, ille dira, » Mais l’inconmu ne sait pas encore & qui il a affaire””, D’ Artagnan n’est pas homme a reculer. Enfin, un coup de baton casse son épée en deux. Un autre coup Je touche au front et il tombe. C'est A ce moment que de tous edtés des gens arrivent en courant, L’hételier prend peur, et, avec l’aide de ses serviteurs, emporte le blessé dans Ja cuisine. On lui donne quelques soins. 21 Arnisvoix - 4 wix basse. 22 Seluer: avant de ce battre, Jes nobles se saluent, 23 Se mettre en garde : placer |’épée devant soi pour se préparer 4 sc batize 24 Uhdtelier : le patron de ’hatellerie. 25 Une pelle :un objet qui sert 3 faire des trou: dans le sol. 26 Un ennemi : quelqu’un quice bat contre qudqu’un d’autre ot qui lui veut du mal. 27 Une cait pasd quiila affaire sl ne cait pas-quel pense Vhomme est en face de lol. 8 1 La LETTRE PouR MonsIEUR DE TREVILLE ET MiLapy e gentilhomme revient prendre sa place a la fenétre. 11 Leos sans plaisir tous ces gens. La porte s’ouvre derritre Ini. C’est P’hotelier qui vient Ini demander des nouvelles de sa santé, Il se retourne et demande :; « Comment va ce fou? va mieux, dit Phételier, mais avant de s’endormir, il a encore eu la force de vous appeler et de vous insulter, A-t-il nomme! quelqu’un dans sa colére ? Oui, il a frappe sur sa poche, et ila dit: « Nous verrons ce que M, deTréville dira de cette insulte, » M, de‘Tréville ? dit Pinconnu, , [1 a frappé sur sa poche et ila parlé de M. de Tréville 7... Voyons, mon bon ami, votre jeune homme est endormi, et vous avez, j’en suis sir, regardé dans cette poche-la. Qu’y avait-il 2 Une lettre pour M. deTréville, chef des mousquetaires duroi. Vraiment ! Je vous le dis, » Lhdte® ne remarque pas le regard de V’inconnu, Celui-ci se léve, quite la fenétre, reste quelques minutes sans parler, puis dit : « Veyons, il faut en Gnir avec ce fou, Ot est-il ? Dans Ja chambre de ma femme. au premier étage, On est en train de le soigner. 1) Nommer - dire le nom. 2 Vhéte: “hételier. q2 $on sac et ses habits sont-ils avec lui ? N’a-t-il pas enlevé sa veste ? Tout cela est en bas dans Ja cuisine. Mais si ce jeune homme vous géne’, Sans doute“, Des gens séricux ne peuvent pas rester dans la méme hétellerie qu’un fou, Montez chez vous, Faites mon compte® et appelez mes serviteurs, A-t-on fait ce que j’ai demandé ? Oui, seignenr, et vous avez pu voir que votre cheval est sous la grande porte, tout prét a partir. C'est bien, faites ce que je vous ai dit alors. Tiens !, se dit ]"hételier, aurait-i] peur de ce petit gargon ? » Mais, un coup d’ceil* de l’inconnu l'empéche de sourire, [l salue et sort. « fl ne faut pas que ce jeune homme rencontre Milady, continue ]’étranger : elle devrait étre deja arrivée, Mieux vaut monter 4 cheval et aller 4 elle,,, $i seulement je pouvais savoir ce qu'il y adens cette lettre adressée 4Théville |» Et]'inconnu, tout en parlant, marche vers Ja cuisine. Pendant ce. temps, |"hdtelier comprend que ]'arrivée du jeune homme chasse” inconnu de son hétel, 0 remonte chez sa femme et trouve d’Artagnan, qui s’est lewé. I lui fait croire que Ja police va Parréter® ; car on n’attaque pas sans danger un grand seigneur, fl le pousse 4? continuer son chemin, D’Artagnan est a moiti¢ aveugle'. Tl n’a pas de veste et sa téte est couverte de linges'’, O descend J'escalier sans bien comprendre ce qu’il fait. Il arrive a Géner: déranger. Sans doute :ici, oui, sirement. Faites mon compte : dites-mai combien je dois veus payer. Un coup d’reil sun regard rapide mais qui veut dire beaucoup de chases. Chaser + icf, faire partic. Arriter quelgn’an :le mettre en prison. Ile pousse 4 : il lui fait sentir qu’il doit ire quelque chese. wea aR 10. Aveugle : quine peut pas voir. 11 Du linge: du tissu. Ja cuisine, et, dans la cour, il voit son ennemi, devant une lourde voiture, La téte d'une femme de vingt 4 vingt-dewx ans se montre a la portitre’?. D’Artagnan voit que cette femme est jeune et belle. Elle n’a pas la beauté d'une femme du sud. Flle est blonde. Ses longs cheveux tombent sur ses cpaules. Ses yeux sont grands, bleus ct trés doux. Ses livres somt roses et ses mains fines, Elle parle trés vite avec |’inconnu, «Ainsi, le cardinal me donne l’ordre...., dit-elle. De retoumer tout de suite en Angleterre, et de le prevenir!? sinotre ami quitte Londres. Et que dois-je faire d’autre ?, demande la belle voyageuse. 412. La portitre : la porte de la voiture. 43 Prévenir: dire’ quelqu’un une chece avant qu’elle n’arrive. 1 On vous l"écrit, Prenez cette boite, Vous |’ ouvrirez de l'autre cété de la mer, Trés bien ; et vous, que faites-vous ? Moi, je retourne 4 Paris, » D' Artagnan a tout entendu, il s’avance et crie : « Cestle petit garcon qui punit les autres, et cette fois-ci, celui qu'il doit punir ne se sauvera pas. Ne se sauvera pas ?, reprend |’inconnu, Non, devant une femme, vous n’aseriez pas vous cacher derritre P’ autres, je pense. » Linconnu met la main a son épée. « Ne faites pas cela, crie Milady. Un retard peut tout perdre, Yous avezraison, repond |’homme ; partez donc, Moi, je pars de mon cété, » Tl salue la dame de Ja téte, et saute sur son cheval. La grosse voiture part d’un céte de la rue, Le seigneur court de l'autre céte. « Paie | », erie le voyageur a son serviteur, Celui-ci jette deux ou trois piéces d’ argent aux pieds de |'hételier, saute 4 cheval et suit son maitre, «Ah | Miserable | Ah { Faux gentilhomme ! », erie d’Arta- ghan et, 2 son tour, il court derriére le serviteur. Mais, blessé, i] est trop faible encore, Au bout de dix pas, il ne voit plus et i] tombe au milieu de la rue : « Misérable | Misérable !», erie-t-l encore en se relevant, Ft il tombe une dewxiéme fois. « Deux sont partis !, dit ’héteHer en riant, mais il me reste celui-la, Je suis sir de le garder au moins quelques jours, Et ¢’est toujours onze piéces d’or que je gagnerai, » Onze pieces d’or, c'est tout ce qui reste 4 d’Artagnan et tout ce que ’hételier a vu dans sa poche. 14 Misérable :méchanthorame. Les Trois Mousquetaires L’aRRIVEE DE D’ARTAGNAN A Paris *hételier compte onze jours de maladie'® 4 une piece d’or par jour ; mais le lendemain, 4 cing heures du matin, d’Artagnan est debout. I descend Jui-méme a la cuisine, se fait denner du vin, de hulle et plusicurs autres produits'*, puis prépare le médicament de sa méze, Il en met sur ses nombreuses blessures et ne veut pas voir de médecin. I] est debout le soir méme et gueri le lendemain. 1) demande 4 payer sa chambre, I'buile, le vin et le reste. « Le cheval jaune a mangé trois fois plus qu'un autre cheval », dit Vhételier, D*Artagnan ne fait pas attention & ce qu’on lui dit, 1 trouve ses onze pices d’or ; mais la lettre, adresste 4 M, de Treville, n'est plus la. Le jeune homme cherche cette lettre, 1 tourne et retourne vingt fois ses poches, ouvre et referme som sac, Enfin il comprend qu’dla étévolé, ll entre alors dans une colére ternible, Ses blessures manquent de se rouvrir'?, 1] veut tout casser dans la maison. «La lettre ! erie-t-il. Ma lettre ! Donnez-la-mai ou je vous tue tous | » Qouble qu'il n’a plus d’épée, Mais I'hételier le sait, il sourit et demande tranquillement : « Ou peut bien étre cette lettre ? Oui, olest cette lettre ?, erie d’Artagnan, D’abord, je vous previens, cette lettre est pour M, de Tréville, et il faut que vous la retrouviez, $i vous ne la retrouvez pas, il saura bien la retrouver, lui. » 45. Vhételier.... maladie : hiételier pense que d’Artagnan sera malade pendant onze jours ct qui lui fera payer unc pitce Por par jour 48 Des produits :ici, des choses qui vont Ini servir a faire le medicament. 47 Elles manquent se reuvrir : eles vent presque s’ouvrir 4 nouveau. 18 Alors, [hételier comprend, « Cette lettre n’est pas perdue, dit-i]. Non, elle a été prise, Prise ? Et par qui? Par le gentilhomme d’hier. [I est descendu a Ja cuisine ob etait votre veste, il est reste seul et ila dila voler, Vous dites donc, reprend d’Artagnan, que c’est ce gentil- homme qui l’a prise 7 Jevous dis quej’en suis sitr. Quand je ]ui ai dit que vous aviez une lettre pour M. deTréville, il m’a demande of etait cette lettre et il est descendu tout de suite a la cuisine. [] savait que. votre veste ¥ Etait. Alors, c’est mon voleur, répond d’Artagnan ; je m’en 17 Les Trois Mousquetaires plaindrai'® i M. de Tréville, et M, deTréville s’en plaindra au roi. » Puis i] tire deux pitees d’or de sa poche et les donne a Thételier, Celui-ci, le chapeau 41a main, le suit jusqu’a Ja porte. D'Artagnan remonte sur son cheval jaune et, bientit, i] arrive ala porte Saint-Antoine a Paris. La, il vend le cheval trois piéces Wor, ce qui est bien paye, car la pauvre bete est trés fatiguee. Le jeune homme entre alors dans Paris a pied. 0 porte ses quelques vétements dans un petit paquet sous le bras, [1 marche jusqu’a ce qu'il trouve une chambre trés bon marché!®, sous un toit, rue des Fossoyeurs, prés du Luxembourg, Ul y pose ses affaires et passe lereste de la journée i coudre”” ses habits déchirés”” ; puis il va quai de la Ferraille faire remettre une lame 4 son épée ; enfin il revient au Louvre, La, i] demande au premier mousquetaire qu’il rencontre of se trouve I’hétel de M. de Tréville, 0 apprend que cet hétel est rue du Vieux-Colombier, prés de la chambre qu'il a Jonge, 0 en est tout heureux, 48 Plaindre: dire & quelqu’um qu’on nest pas content. 49 Bon marché : par cher du tout. 20. Coudre sarranger avec du fil ct une aiguille. 21 Déchirés : en moreeaux. 18 EN ATTENDANT MONSIEUR DE TREVILLE - de Tréville a commencé comme d’Artagnan, ¢’est-a-dire sans argent ; mais il avait du courage, de Pesprit! et de intelligence. De plus, il avait de Ja chance, et i] etait arrive tres vite & une place importante prés du roi. Les mousquetaires du roi, ou plutét ceux de M. de Treville, sont mal habilles, fs boivent trop, [ls sont souvent blesses, Ls passent leurs journées dans les maisons de jeu’, erient fort, ont Jes cheveux en travers du front, font sonner leurs épées? et se battent avec les gardes de M. Je cardinal quand ils les rencontrent. Quelqnefois, ils sont tués, mais alors ils sont stirs d’étre pleures. Us tuent souvent mais alors ils sont sirs dene pas rester longtemps enfermés, M, de Tréville n’est-il pas 14 pour les défendre ? Aussi M. deTréville est aime de ses hommes comme un dieu, et ils sont toujours préts 4 se faire tuer pour lui plaire. Dans la cour de son hétel, rue du Viewx-Colombier, de six heures du matin a huit heures du soir, on compte toujours Cinquante 4 scixante mousquetaires. Us sont armeés et préts a tout, A entrée, sur de longs banes, ceux que le maitre attend se reposent. Gans cette salle, du matin au soir, leurs voix roulent d'un mur al’ autre comme le tomerre, Avoir de Peaprit : saveir faire rire de fagom inteligente. Une maison de jeu : un endroit oil on jouc ux cartes ct 4 d’autres jeux pour de Pargent. Font sonner leurs épées : montrent qu’ils sont toujours préts & oc battre avec leurs éptes. TLest aimé comme un dien : i] est trés airné_ Reno a a EI Ee = met = Pi d & Le jour ot d’Artagnan se présente®, ils sont plus nombreux encore que dhabitude, Les uns parlent, d'autres discutent ou joucnt. C'est au milien d’un bruit terrible que le jeune homme avance, Son coeur bat, 1 range sa longue épée le long de ses jembes maigres, et il tient son chapeau d’une main avec un sourire maladroit. Chaque fois qu'il passe un groupe, il respire plus ikrement. I] sent qu’on se retourne pour le regarder, et, pour la premiére fois de sa vic, il m’est pas siir de lni®, O arrive en haut de lescalier, La il est arrété, Quatre mousquetaires passent Je temps en se battant. L’un d’eux,]’épéea Ja main, empéche’ on du moins essaie d’ empécher les trois autres de monter. Ceux-ci avancent et reculent avec une rapidité folle®, Se présenter :arriver et se faire connaitre. Ln’est-pas sir de loi sil ne suit pas ce qu’il doit faire. Empécher : interdire. Avec une rapidité folle : tris vite. 5 4 7 8 D’Artagnan croit d’abord qu’ils tiennent de fausses épées ; mais il s’apergoit” bientSt que ces armes sont bien pointues et bien coupantes, et qu’elles font de jolies petites blessures, Tout le monde rit chaque fois que le sang coule,Le plus adroit peut-étre est celui qui se trouve en haut de l’esealier. Dix a douze mousquetaires entourent les quatre hommes. Ce sont les tours d’entrée chez M. de Tréville qu’ils jouent. Un homme touché passera aprés ses amis, En cing minutes, trois sont blessés, ]’un au bras, autre au cou, le troisitme a l’oreille, Notre jeune voyageur est trés étonné et aublie d’avancer. Mais c’est la premiére fois qu'on le voit en ce lieu et on vient Jui demander ce qu'il veut. Il senomme, dit qu’il est duméme pays que M. de Tréville et demande le voir, Le serviteur lui dit d’attendre, D’Artagnan regarde de nouveau autour de lui, Lin mousque- taire, trés grand et trés fort, se trouve au milieu d’un groupe. Ses vétements le font remarquer. Sa veste est bleu ciel. Elle est assez usée, Mais, sur cette veste est passé un baudrier' trés beau, tout cousu de fils d’or, Ljette des éclairs", Un manteau rouge couvre les épaules de l'homme, laissant voir seulement le baudrier sur la veste, L’apée la plus longue que d’ Artagnan ait jamais vue, pend au baudrier, Ce mousquetaire vient de destendre de garde? au moment méme, [] tousse de temps en temps avec bruit et se plaint d’avoir pris froid”?, C’est pourquoi, explique-til, a mis un mantean, Ceux qui l’entourent sont nombreux. [ls regardent le baudrier. « Que voulez-vous, dit-il, c'est une folie, je le sais bien, Mon pire... 9 Stapercevoir: ici, voir ct comprendre. 10. Un baudrier : bande de cuir cu ’étoffe qui se parte on bandoulitre et qui coutiont une arme. 44 Un édair une lumitre trop forte. 12 U descend de parde sil vient de finir son travail de garde. 13 Prendre droid : tomber malade parec qu’on a cu froid. 14 Une folie sic, une chose beaucoup trop chire qu'on achite pour se faire plaids. a4 Les Trois Mousquetaires Ah! Porthos !, s’€crie quelqu’un, n’essaie pas de nous faire croire que ton pére t’a donné ce baudrier, Vous avez raison. Je l’ai acheté moi-méme et avec mon argent», répond Porthos. [1 se tourne alors vers un autre mousquetaire et dit : «N’est-ce pas, Aramis ? » Cet Aramis est tout le contraire de Porthos. C’est um jeune homme mince ct fin de vingt-deux a vingt-trois ans, Ses yeux sont noirs et doux, Ses joues sont roses comme celles d’ume jeune fille, I répond par un signe'® de téte & son ami, ¢e moment, un autre mousquetaire demande a haute voix : « Que pensez-vous de ce qu’on raconte ? Et que raconte-t-on ?, demande Porthos, On raconte qu'on a vu Rochefort, ]’ami du cardinal, 4 Bruxelles ce Rochefort... Mais la chose est-elle stire ?, coupe Porthos. C’est Aramis qui me l’a dite, répond le mousquetaire. Vraiment 2 Eh ! vous le savez bien, Porthos, dit Aramis, je vous ]’ai racontée a vous-méme hier. N’en parlons donc plus. N’en parlons plus | voila qui est vite dit!®, reprend Porthos. N’en parlons plus ! Comment ? Le candinal fait suivre un gentilhomme, lui fait voler des lettres, fait tuer un de ses amis... Yous nous apprenez hier cette nouvelle étonnante et vous venez dire aujourd'hui : n’en parlons plus, Parlons-en done, si vous voulez », répond Aramis. A ce moment, on entend ; 4M, deTréville attend M, d’Artagnan, » Crest un serviteur quia parlé en ouvrant la porte du bureau, et au milieu d'un grand silence, Je jeune Gascon traverse Ja salle. 45 Unsime :un geste qui veut dire quelque chose. 16 Cela ext vite dit: pour dire qu’on n'est pas @accord aie ce qu'une personne vient de dire 22 MownsIcurR DE TREVILLE ET SES MOUSQUETAIRES Dw salue jusqu’é terre'?, M, de Tréville, lui, salue poliment Je jeune homme et il sourit en /’entendant parler dune voix chantante'®, 0 pense : « En voila un qui est bien de mon pays. » Mais il n’a pas Jair content et ne laisse pas d’Artagnan continuer. 1 Ini demande d’attendre, puis i] va ala porte, ]’ouvre et appelle trois fois : «Athos ! Porthos ! Aramis ! » Porthos etAramis, que nous connaissons deja, quittent aussitét leurs camarades et entrent chez M, deTréville. Us n’ont pas lair tout 4 fait trangnille, mais ils saluent leur chef avec simplicité, La porte se ferme derriére eux. Dans la cour, le bruit reprend. M. de Tréville ne parle pas tout de suite. 1 marche de long en large, d’un bout a l'autre de son bureau, passant chaque fois devant Porthos et Aramis, muets'? et immobiles, Tout & coup, il s’arréte en face d’ewx, les regarde de la téte aux pieds avee colére et i] dit : « Savez-vous ce que m’a dit Je roi, et cela hier au soir? Le savez-vous, messieurs ? Non, repondent Jes deux mousquetaires aprés un moment de silence ; non, monsieur, nous ne le savons pas. Mais j’espére que vous nous le direz, ajoute Aramis de la fagon Ja plus polie. Om’a dit qu’a partir d’aujourd’hui il prendra ses mousque- taires chez les gardes de M, le cardinal. 47 Selucr jusqu’’ terre : autrefois, quand on salusit quelqu’un d’important, on se penchait en avant. 48 Une voix chantante : les gens du sud de la France, surtout ceux de Gascogne, parlent en faisant chanter les oy, les ica», les can » et les « in» 19 Muct: quine parle pas. 23 Chez les gardes de M, le cardinal ! et pourquoi cela ?, demande Porthos, Paree qu'il voit bien qu'il faut ajouter du bon vin au mauvais™™, » Les deux mousquetaires rougissent jusqu’au blanc des yeux”'. D’Artagnan voudrait ctre a trente metres sous terre. « Oui, oui, continue plus fort M, de Tréville, Sa Majesté a maison, C’est malheureux 4 dire, Les mousquetaires font rire, M. Je cardinal a parle hier, avec un air qui ne m’a pas plu. a dit que mes mousquetaires, ces terribles mousquetaires [, étaient restes tard dans un hdtel et que ses gardes avaient dit Jes arréter. La facon de dire « terrible » était me insulte, [l me regardait avec son ceil de chat, [’ai cru qu'il allait me rire an nez™, Malheur ! Vous devez savoir quelque chose ! Arréter mes mousquetaires ! Vous etiez la, vous autres, Ne vous defendez pas. Qn vous a reconnus et le cardinal vous a nommes, Voila bien ma faute, oui, ma faute, car c'est moi qui choisis mes hommes, Voyons, vous, Aramis, pourquoi ne portez-vous pas la robe des religieux”? ? Elle vous irait i bien ! Et vous, Porthos, avez-vous un si beau baudrier pour y accrocher seulement une epee de paille ? Et Athos ! Je ne vois pas Athos. Gi est-il ? Monsieur; répond tristement Aramis, il est malade, trés malade, Malade, és malade, dites-vous ? Et de quelle maladie ? On a peur que ce soit trés sérieux"“, monsieur, repond Porthos, voulant dire quelque chose a son tour, 20 I faut ajouter du bem vin an mauvais «est une image qui veut dire : yous étes de mauvais mousquetaires, faut dome que vous soyez mélangts 4 ceux qui sont micux que vous. 21 Rongir jusqu’an blanc des yeux :devenir trés trés rouge 22 Rare au nez de quelqu’un : rire de Ini, devant lui 23 Porterla robe des religicwx : image pour dire «devenirreligiewx ». 26 Sérieux sel, grove 2a Tres serieux | Qu’est-ce que vous voulez dire par Ja, Porthos! Malade & son age ? Non pas t.,, mais blessé sans doute, tué peut-étre, Ah ! Si je le savais !... Sangdieu?# ! Messicurs les mousquetaires, je vous défends de passer la nuit dans les mauvais Tieux, de jouer de l’épée au coin des rues. Je ne veux pas que les gardes de M, le cardinal rient de vous, Eux sont de bonnes gens, tranquilles, adroits, [ls ne se font jamais arréter, Eux, ils aimeraicnt micux mourir que de faire un pas en arriéme, Se sauver, courts, e’est bon pour les mousquetaires du roi, cela t » Porthos et Aramis sont blanes de colére, Ils tueraient M. de Tréville, s'ils ne sentaient pas le grand amour qu'il a pour eux, Us frappent le sol du pied, se mordent les lévres jusqu’au sang et serrent leur epee de toutes leurs forces, Au-dehors, on a entendu appeler nous J'avons dit Athos, Porthos et Aramis, et l’on a compris 4 sa voix la colére de M, de Tréville, Dix tétes curieuses”* écoutent a Ja porte, Tout ce qui se dit est entendu et les bouches répétent les paroles insultantes, En un moment, tout |’hétel est silencieux ; et l’on entend de nouveau M. de Tréville. Chaque parole est un coup ‘epee : «Ah! Les mousquetaires du roi se font arréter par les gardes de M. le cardinal, Ah ! Six gardes de M. le cardinal arrétent six mousquetaires du roi! Sangdieu ! Je suis decidé??, Je vais au Louvre, Je vous laisse, Qui voudra sera votre chef, Je vais entrer chez les gardes du cardinal, et s'il me refuse, bon dieu ! Je me fais religieux, » 25 Sangdieu tari qui mentre qu’cn est tris flché. 26 Curienx + qui veut savoir ce qui se passe. 27 Je cuir décidé : je vais le faire, om me pourra pas rac faire changer d idée. 25 ATHOS lors, des cris se font entendre dans la cour, Des pieds frappent le sol ; des poings frappent les murs et les portes. D’ Artagnan cherche un coin of se cacher, « Eb bien !, dit Porthos, nous ctions six contre six, mais nous ravons pas eu le temps de tirer nos épées, Quand nous avons pu le faire, deux d’entre nous étaient déja tombes. Ils étaient morts et Athos, blesse, ne valait pas mieux”, Vous le connaissez, Athos : eh bien | Il a essaye de se relever deux fois, et il est retombé deux fois, D’ autres gardes sont arrivés. [ls nous ont emmenés de force, En chemin, nous nous sommes sauves,,, Athos ? On !’a laisse bien ranquillement sur le terrain, On a eru qu'il ne valait pas la peine*? d'etre emporté, qu'il était mort. Voila histoire. Que voulez-vous, on ne gagne pas toutes les batailles. Jene savais pas cela, reprend M. de Treéville, plus tranquille- ment, M, le cardinal n’a done pas tout dit, Monsieur, dit alors Aramis, Ja blessure d’Athos est trés serieuse. L’épée a traversé l'épaule et elle est entrée dans la poitrine, j'ai peur...» Auméme moment, la porte s’ouvre et une téte noble et belle, mais terriblement blanche, paraft. «Athos !, s’éerient les deux mousquetaires, Athos |, répate M, de Tréville lui-méme. Vous m’avez demandé, monsiewr, dit Athos a M. de Tréville, d'une voix faible mais tranquille, vous m’avez demandé et je viens: voila, monsieur, que voulez-vous ? » En disant ces mots, le mousquetaire entre dans la salle. M. de Tréwille est touché*" de tant de courage, I court a hui, 2B Athos ne valait pas mieux : fet, 29 tne vaut pase peine : ca ne sertd rien de se fatiguer pour hui. 30 Etre touché - thre érm ital provement blessé que etait corame s'il €tait mort. 26 « J tas en train de dire a ces messieurs, ajoute-t-il, que je ends a MES MOusquetaires de se faire tuer sans raison” , Les défends quetaires de se fai ison”, L raves gens sont troy ers au cceur du roi, et le rei sait que ses b g {t trop ch du roi, et] tq mousquetaires sont les plus braves gens de la terre. Donnez-moi votre main, Athos. » M. de Treville n’attend pas que le nouveau venu réponde. [1 prend sa main et Ja serre de toutes ses forces, Tout le monde savait qu’ Athos était blessé et aprés son entrée la porte était restée ouverte. Aussi, un long cri salue les derniéres paroles de M, de Tréville et deux ou trois tétes paraissent a la porte, 34 Sons raison : pour zien. 32 Is sont chers au cceurdu roi :le roi les aime beaucoup. 27 Les Trois Mousquetaires M. deTreville va les renvoyer quand tout a coup il sent la main d’Athos faiblir, Le mousquetaire tombe sur le sol, 1] semble mort, « Un docteur |, crie M, de Tréville. Mon docteur, celui du roi, le meilleur ! Un docteur ou, Sangdieu ! Mon brave Athos va mourir » Les mousquetaires entendent les cris de M. de Treville. Tous entrent dans le bureau, Us oublient de fermer Ja porte et entourent le blessé, Heureusement, le docteur demande se trouve dans ]*hdtel méme ! 1] fait porter Athos dans la piéce voisine. M. de Treville et lui restent seuls auprés du blesse, Enfin M. de Treville revient. 1] dit qu’Athos va mieux, puis il demande 4 tout le monde de sortir. Seul d’Artagnan reste. 2B MONSIEUR DE TREVILLE ET D’ ARTAGNAN a porte s'est refermée et M, de Tréville se trouve seul avee d?Artagnan. 1 ne se rappelle plus qui est ce jee homme. I] Je lui demande. 1D ’Artagnan repond. M. de Treville écoute. « Pardon, dit-il en souriant, pardon, mon cher enfant, mais je vous avais tout 4 fait oublic, Que voulez-vous { Un chef est un pére de famille, Les soldats sont de grands enfants ; et les ordres duroi, et surtout ceux de M, le cardinal, doivent étre suivis, » D'Artagnan ne peut s’empécher de sourire. A ce sourire, M. deTréville comprend qu’il a un gar¢on intelligent en face de lui et il ui demande tout de suite ce qu’il veut, « J'ai beaucoup aimé Monsieur votre pére, dit-l, Que putis-je faire pour le fils ? Dépéchez-vous ; jai peu de temps. Monsieur, dit d’Artagnan, j’ai quitte Tarbes et je suis venu ic pour vous demander d’entrer chez vos mousquetaires ; mais, aprés tout ce que je vois depuis deux heures, je comprends combien ce sera difficile et j’ai peur d’étre refusé, Devenir mousquetaire n’est pas une chose facile, jeune homme, vous avez raison, repond M. de Tréwille. Mais cela n'est peut-étre pas aussi difficile que vous Je croyez ou que vous avez Vair de le croire, 0 vous faut d’abord vous battre noblement pendant deux ans au moins avec des gens moins connus que nous, » D'Artagnan salue sans répendre, La difficulté d’étre mousque- taire Ini donne encore plus envie de le devenir. M. deTreéwille veut lire jusqu’au fond de son coeur, il le regarde droit dans les yeux, et continue ainsi ; 29 a EI Ee = met = Pi d él « Votre pére est mon ancien camarade, Je vous |’ai dit. Etje veux faire quelque chose pour vous, jeune homme, Vous devez avoir besoin aussi d’ apprendre encore. |’éerirai aujourd’hui méme une lettre au directeur de. l’Feole royale’. Vous n’aurez rien a payer. Ne refusez pas. Bien des gentilshommes voudraient pouvoir y entrer, Vous apprendrez a danser et a tres bien monter a cheval. ‘Vous vous ferez des amis, et, de temps en temps, vous viendrezme voir, Vous me direz ce que vous devenez et si je puis faire quelque chose pour vous. » D’Artagnan ne connait pas les habitudes de Paris. Mais il comprend la froideur? du chef des mousquetaires. « Monsieur, dit-il, je vois combien la lettre de mon pére me manque? aujourd’” hui ! C'est vrai, repond M, deTréville, Jem’étenne que vous ayez fait um si long voyage sans une lettre pareille. Je Pavais, monsicur, et, Diew merti, ¢’était une bonne et noble lettre, mais on me l’a volée, » Uraconte toute l'histoire de Meung et parle du gentilhomme inconnu d'une fagon qui plait 4 M. de Tréville. «Voila qui est curieux*, dit ce dernier ; vous aviez done pale de moi tout haut 7 Qui, monsieur, sans dowte ; votre nom était ma seule arme en voyage, » M, de Tréville ne peut s’empécher de sourire ; mais ce sourire s’efface® bientdt, et il revient de lui-méme 4]homme de Meung : « Dites-moi, ce gentilhomme n’avait-il pas une andienne blessure 4 la joue ? 1) LEccle royale : cole du rei. Seuls les jeunes nobles peuvent y entrer. Ils y apprennent tout ec qu’un noble deit saveir. 2 Froideur : quand quelqu’un parle 4 quelqu’un d’autre comme 4 un étranger, pas comme 4 un arai, iL lui parle avec fecideur 3° Blleme manque je suis triste de ne pas | "avoir 4 Curieux sic, bizarre, 5 S'efface: id, s’en va. 30 Qui, comme celle d'une balle®, N’était-ce pas un homme grand et beau? Oui. Blanc de visage et noir de poil 7 Chi, oui, c’est cela. Comment connaissez-vous cet homme ? Ab | Sijemais je le retrouve, et je le retrouverai, j'en suis sir !... Ol attendait une femme ?, continue Treville. U est parti aprés avoir parlé un moment avec celle qu’il attendait. N’avez-vous pas entendu ce qu’ils disaient 7 11 lui a remis’ une boite, Jui a dit que les ordres® étaient 4 Vintériewr, et il lui a demandé de)’ ouvrir sewlement 4 Londres, Cette femme était anglaise ? 1 ’appelait Milady, « C'est lui! pense Tréville, c'est Ini ! Je le croyais encore a Bruxelles. » Ob ! Monsieur, si vous savez qui est cet homme, s’écrie d’Artagnan, dites-le moi, Je le tuerai, Gardez-vous bien de vous battre contre lui, jeune homme, repond M. de Trewille. Si vous le voyez venir d’un cété de la rue, passez de ]’autre. C’est lui qui vous tuerait. C’est une des meilleures épées du pays’. Cela n’empéche pas, dit d’Artagnan, que sije le retrouve,,. En attendant, répond Tréville, ne le cherchez pas, si j’ai un conseil 4 vous donner, » & Galle: cbjet-en métal que lance un fusil ou un pistolet. 11 peut tuer on blesser 7 Remetire : donner. 8 Leserdres : ce qu'on nous demande de faire. 9 ast une des mellleures Epées du pays : c'est une des personnes qui ce bat le mieux & Dépee. 31 L’HoOMME DE MEuNG T out acoup, Treville s’arréte, Ilse demande si le jeune homme ne ment"? pas, A-t-i] vraiment perdu une lettre ? N’est-il pas envoyé par le cardinal ? N’est-il pas chargé"! d’entrer dans sa maison et de le perdre™® plus tard ? Cela s'est fait mille fois, 1 regarde d’Artagnan avec plus d’attention encore et il n’est pas tranquillisé par ce visage intelligent et fin. « Mon ami, dit-il alors lentement, je veux expliquer les dificultés du moment au fils de mon ancien ami, Le ri et le cardinal sont les meilleurs amis. Tout ce qu’on dit sur eux est faux, $i vous voulez du mal au cardinal, partez, quittons-nous, Je vous aiderai, mais de loin, Vous resterez mon ami,» Tréville pense ; « Sile cardinal m'envoie ce jeune homme, il l'a prévenu que le moyen le meilleur de se mettre bien avec moi" est de dire du mal de lui, Ced’ Artagnan va done me dire qu'il n’aime pase cardinal, » Mais, bien au contraire, d’Artagnan répond avec la plus grande simplicité : « Monsieur, j'arrive 4 Paris, ainsi que mon pére me I’a dit, pour servir le roi, M. le cardinal et vous, [] pense que vous étes les trois chefs de la France, » D’ Artagnan a ajouté le nem de M, de Treville aux deux autres, Cela ne peut pas faire de mal, Et M, de Tréville sourit de nouveau, Mais il doute encore, « Vous tes un bon gargon, dit-il, Mais je peux faire pour vous seulement ¢e que je vous ai offert tout 4 /heure... N’oubliez pas 410 Mentir: dire des choces fausses. 41 Test chargé de faire quelque chose : on Inia demandé dele faire. 42 Perdre sici, fire ce quil faut pour que le roi ne oroie plu: M. de Tréville et Jui demande de sin aller. 43 Se mete bien avec quelgu’un :deverir con amd. 44 Douter: sc demander ai cect vrai on faux. 32 que ma maison vous sera toujours ouverte, Vous pourrez toujours demander ame. voir, Je vous recevrai, vous écouterai et vous aurez sans doute un jour ce que vous voulez. Cela veut dire, monsieur, reprend d’Artagnan, que vous attendrez que j’aie bien servi le roi. Bh bien ! Soyez tranquille, ajoute-t-il, vous n’attendrez pas longtemps, » Etil salue pour se retirer!§, M, de Tréwille larréte et dit : « Attendez done, Je vous ai promis! une lettre pour le directeur de LEcole royale. N’en voulez-vous pas, jeune homme ? $i, monsieur, répond d’Artagnan, et soyez siir que je ne Ja perdrai pas. Je la garderai bien, Elle arrivera a son adresse, Malheur a" celui qui essaierait de me]’enlever ! » M, de Tréville sourit, laisse le jeune homme 4 la fenétre oft ils parlaient et va s'asseoir a une table. [1 se met a écrire Ja lettre promise. D’Artagnan n’a rien de miewx 4 faire qu’ regarder dans la cour, [J voit les mousquetaires s’en aller Jes uns aprés les autres, I] les suit du regard jusqu’a ce qu’ils aient tourne le coin de la rue. M. de Treville finit d’éerire. I] se léve et va vers le jeune homme pour hii donner Ja lettre. D’ Artagnan tend la main pour la prendre, Mais, tout a coup, M, de Tréville le voit rougir de colére et courir en criant ; «Ah ! Sangdieu ! [ne se sauvera pas cette fois, Et qui cela 7, demande M. de Tréville. Lui, mon veleur |, répond d’Artagnan, Ah! Miserable ! » Etils’en va, « Quel fou !, pense M, deTréville,,, Mais c’est peut-étre une fagon adroite’® de me quitter. » 45 Serctirer | c'est une facon polie de dire : sortir, partir 46 Prometire: fagon de dire a D'autre qu'on fera seaiment ce qu’on Ini dit. 47 Malheur’ hui zi] Ini arcivera des choses mauvaises. 48. Adroite -ici, intelligente ct ruste 33 L’epauLe D’ ATHOS ET LE BAUDRIER DE PoRTHOS D&T traverse la salle d’entrée en trois sauts et court vers lescalier, Mais, a ce moment, un mousquetaire sort par une petite porte et d’Artagnan se jette contre lui, Le mousque- taine pousse un cri, « Excusez-moi, dit d’Artagnan, excusez-moi, mais je suis pressé, » Et i] repart. Au moment ov il arrive al’escalier, une main de for’ Jui prend/'épaule, « Yous Stes pressé !, lui dit le mousquetaire blanc comme neige. Vous frappez un blessé et vous dites : « Excusez-moi », et vous croyez que ¢’est assez. Pas tout a fait, jeune homme. Vous avez entendu M. de Treville nous parler un peu vite aujourd’hui, et vous eroyez peut-Etre qu'il n’y a plus besoin de se géner avec nous, Vous n’étes pas M, de Tréville, vous, » D’Artagnan reconnait Athes, qui, soigné, retourne 2 son appartement, «Vraiment, je n’ai pas voulu vous toucher, dit-il, Et, ne ayant pas voulu, j'ai dit « Exeusez-moi », Il me semble* done que c'est assez ; mais je m’excuse de nouveau et, cette fois, c'est trop peut- etre. Cela fait, je vous lerépéte, je suis presse, trés pressé. Laissez- moi done aller on je dois. 4) Une main de fer : une main trts forte, comme si elle etait mn fer. 2 Ime semble :je crois 3a Monsieur, dit Athos, vous n’étes pas poli. Vous venez de loin. Cela se voit, » D'Artagnan était deja en bas de |’ escalier. I] s‘arréte, « Sangdieuw ! Monsieur, dit-il. Je viens de loin, c'est vrai. Mais personne ne me donnera de legon’, Peut-étre, remarque Athos, Ab | Sije n’étais pas si pressé, s’éerie d’Artagnan, et si je ne courais pas aprés quelqu’un ! Monsieur I"homme pressé, vous me. trouverez sans courir, entendez-vous ? Et ow cela, sil vous plait ? 3) Peuonne ne me donnera de legen : personne ne me dima ce que je dois fire. 35 Les Trois Mousquetaires Prés des Carmes-Deschaux*, A quelle heure ? Vers midi, Vers midi, C’est bien, j’y serai, Essayez dene pas me faire attendre oua midi un quart je vous couperai les oreilles. Bon !, hii erie d’ Artagnan ; ony sera 4 midi moins dix minutes. » Et il se remet 4 courir. Son inconnu marchait lentement, 0 ne devrait pas étre loin, Mais, ala porte de l'hotel, Porthos parle avec un soldat. Entre Jes deux hommes, il y a juste Ja place de passer. D’Artagnan croit qu'il le peut. Mais, a ce moment, le vent fait volerle long manteau de Porthos et le jeune homme vient donner droit dedans®, Porthos ne veut pas quitter son manteau, méme un moment, I] le tire a Jui. D’Artagnan s’enroule dans le manteau et se retrouve le nez entre les deux épaules de "homme. {] voit que le baudrier est d’ or sculement par-devant, qu'il est de cuir par-derritre ; il comprend tout de suite que Porthos n’a pas cu assez d’argent pour acheter tout un baudrier d’or et qu’il porte un manteau et dit avoir pris froid pour cacher |’autre moitié. « Sangdieu | », erie Porthos et il fait tous ses efforts’ pour repousser d’Artagnan qui remue’ dans son des, « Sangdieu | Qu’est-ce que vous avez 4 vous jeter de cette facon sur les gens 7» D'Artagnan sort enfin du dos de Porthos en passant sous Tepaule de cet homme grand comme un cheval. « Excusez-moi, dit-il, mais je suis press¢, je cours apres quelqu’ua, Carmes-Deschoux zune maison de religieux en dehors de Paris. Il vient donner droit dedans : i se jette dedans_ faire des efforts :essayer de toutes ces forces de faire quelque chose Remuer : bouger: aoa 36 Les Trois Mousquetaires Oublez-vous vos yeux quand vous courez? Non, répond d’Artagnan, non et avec eux je vois méme ce que les autres ne voient pas, » Porthos comprend ou ne comprend pas ; mais ce qui est stir c'est qu'il se met en colere. « Monsieur, dit-il, vous vous ferez battre®, je vous préviens, si vous vous frottez? ainsi aux mousquetaizes, Battre, monsieur, répond d’Artagnan, le mot est dur, C'est celui qui est bon a employer’? pour un homme quia Dhabitude de regarder ses ennemis en face. Ah! Je sais bien que vous ne tournez pas Je dos, méme a vos amis, vous, » Porthos fait un mouvement pour le suivre, « Phas tard, plus tard, lui crie d’Artagnan, quand vous n’aurez plus votre manteau. A une heure done, derritre le Luxembourg. ‘Trésbien, & une heure », répond le jeune homme, et il tourne déja le coin de larue, Mais, ni dans cette rue-la, ni dans Ja suivante, il ne voit son inconnu. Peut-étre est-i] entré dans quelque maison. D’Artagnan demande a tous ceux qu'il rencontre s‘ils ne Tont pas vu. 0 descend jusqu’a Ja Seine'’, remonte par la Croix- Rouge'?, mais il ne Je trouve pas, B Bette (quelqu’un) :@tre plus fort que hui, ragner la bataille. % Se Getter’ quelqu um : l’attaquer, faire des choses quile fichent. 410. Employer :-ublliser. 44 LaSeine :fleuye qui traverse Paris. 12 La Croix-Rouge : ici, quartier du centre de Paris, 3B Le MOUCHOIR" D’ ARAMIS P eu 4 peu, son coeur bat moins vite et il se met 4 penser A tout ce qui vient de lui arriver. A onze heures du matin, il a déja ete impoli avee M, de Tréville en Je quittant si vite, et deux duels Pattendent avec deux des meilleurs mousquetaires du roi, des hommes qu’il aime et qu'il met au-dessus de tous les autres, « Que] fon je suis | Ce brave et malheureux Athos était blessé a l’épaule et je vais le frapper. La seule chose qui m’étonne, c'est qu'il ne m’ait pas tué tout de suite ; il en avait le droit, Comme j'ai da lui faire mal ! Pour Porthos, oh ! Pour Porthos, vraiment, c’est plus dréle™, » Et le jeune homme regande s°il n’y a pas de passant, puis il se met 4 rire, En marchant, il arrive 4 quelques pas de l'hétel d’Aiguillon, ct, devant cet hotel, il apergoit Aramis, Celui-ci parle gaiement avec trois gentilshommes des gardes du roi. De soncéte, Aramis voit d’Artagnan ; mais i] n’a pas oublé que M, deTréville s'est mis en colére Je matin méme devant ce jee homme et il ne veut pas paraitre le voir D’Artagnan, an contraire, veut étre 15 sourire, agréable, 1] fait un grand salut, et son plus gracieux Aramis répond au salut, mais ne sourit pas, Les quatre hommes se taisent, D’Artagnan cherche en lui-meéme un moyen de s’en aller le moins maladroitement possible'®, [1 remarque qu’Aramis a laissé tomber un mouchoir et qu'il a le pied dessus. Il se baisse, tire le mouchoir de dessous le pied du mousquetaire et le hui donne, votre mouchoir, I est « Je crois, monsieur, lui dit-il, que voi trés bean et stirement vous ne seriez pas content de le perdre. » 43. Un moucheir: un bout de tise qu’cn utilise pour s’essuyer lenez 4é Drie : qui fait rire. 15. Gracienx : ici, beau. 46 Le moins maladrcitement posible : on cssayant dene ficher personne, en fuisant Je mains de bites possible. 39 Le mouchoir est tres beau. C’est vrai. Mais il est aussi trés fin. C'est un mouchoir de femme, D’Artagnan le comprend trop tard, Aramis rougit et le prend rapidement des mains du jeune homme, «Vous vous trompez, dit-i], Ce mouchcir n’est pas 4 moi, Mon mouchoir, a moi, est dans ma poche. » U tire alors son propre mouchoir, un mouchoir beau, mais solide, pais, Cette fois-ci, d’Artagnan ne sait que dire : « Monsieur, vous m’excuserez, je ]'espére, Monsieur, répond Aramis, vous ne vous conduisez"? pas comme un homme bien éleve!®, Quoi, monsieur |, s’éerie d’Artagnan, vous pensez. .. 47 Se comduice : agir 18 Bien deve : peli. 20 Je pense, monsieur, que vous étes une béte, Vous devriez savoir qu’on ne. marche pas sans raison sur les mouchoirs de poche. Yous arrivez de Gascogne ; cela se voit. Monsieur, vous avez tort!” de chercher® A m’insulter, dit d’Artagnan, de nouveau pret a se battre. Je suis de Gascogne, c'est vrai ; mais les Gascons n’aiment pas s’excuser deux fois, méme dune maladresse ; je n’ai pas besoin de vous le dire, Monsieur, répond Aramis, jai dit et je répéte que ce mouchoir n'est pas sarti de ma poche. Eh bien, vous en avez menti deux fois, monsieur, fe ]’en ai vu sortir, moi ! Ab [Vous le prenez ainsi, monsieur le Gascon ! Eh bien ! je vous apprendrai a vivre, Et moi je vous renverrai 4 vos études, monsieur le religieux Mettez-vous en garde, s'il vous plait. Nous allons nous battre tout de suite, Non pas, s‘il vous plait, mon bel ami, Non, pas ici, Cet hétel est toujours plein d’amis du cardinal, Peut-étre est-ce lui qui vous envoie pour me faire arréter ? Gr, je veux vous tuer, mais dans un endroit caché, Ja ot personne ne le saura. Je vous attendrai a deux heures, a hétel de M. de Tréville, repond Aramis. La, je vous montrerai les bons endroits, » Les deux jeunes gens se saluent, puis Aramis remonte la ruc qui conduit an Luxembourg et d’Artagnan prend le chemin des Carmes-Deschaux, tout en disant : « Jen’en reviendrai pas ; mais si je suis tué, je serai tué par un mousquetaire, » 419 Avoir tort: faire une faute, ne pes avoir raison. 20 Chercher 4: essxyer. a1 Les Trois Mousquetaires EN ATTENDANT DE SE TUER De ne connait personne a Paris, [l ne peut done amener de second! et décide de prendre ceux d’ Athos, De plus, i] est prét 4 faire au brave mousquetaire toutes les excuses voulues”, mais sans faiblesse. [ ne voudrait pas se battre contre un homme blessé et i] aimerait se faire un ami de cet homme. Son air degrand seigneur et son beauvisageluiplaisent, A Porthos,il pense faire peur ; s'il n’est pas tue, il pourrait raconter 4 tout le monde histoire du baudrier, Aramis, lui, i] le frappera au visage et mettra fin? 4 tout jamais 4 cette beauté que le jeune homme aime. vole plutét qu'il ne marche vers les Carmes-Deschanx, C'est une maison sans fenétres entourée de prairies“, Quand il arrive, midi sonne, Athos est la depuis cing minutes. Sa blessure Jui fait mal. 11 est assis sur une pierre et i] attend avee cet air tranquille qui ne Je quitte jamais. [] apergoit d’Artagnan, se léve et fait quel ques pas au-devant de lui, Celui-ci, de son cdté, enléve son chapeau, « Monsieur, dit Athos, j'ai prévenu deux de mes amis, Us me serviront de seconds, mais ces deux amis ne sont pas encore arrivés, Je m’étonne de leur retard®, 1) Second : on Pappelle aussi temein. Quand denx nobles veulent se battre en duel, chacun amine avee lui des aris, appelés seconds qui s’asrurent que tout ce passe comme il fant. Aprés ils Coccupent des blessés et emportent les morte 2 Toutes les exeuses voulues : toutes les excuses qu’il deit fire 3° Metire fin : finir & Une prairie : endroit cousert Pherbe 5 Retard : quand quelqu unsvarrive pas aV/heure, a du retard. 42 Je n’ai pas de seconds, moi, monsieur, dit d’Artagnan. Je suis arrivé hier seulement 4 Paris et je connais seulement M. de Tréville. C’est mon pére, un de ses amis, qui m’envoie 4 hi.» Athos reste un moment silencieux, «Vous connaissez seulement M, de Tréville 7, demande-t-il, Qui, monsieur, » Athes parle alors moitié a ui-méme et moitié 4 d’Artagnan, « Ah 4, ditil, si je vous tue, j'aurai l’air d'un mangeur denfants, moi | Pas trop, monsieur, repond d’Artagnan avec um salut, pas trop, n’étes-vous pas blesse ? Parlons d’autre chose, si cela ne vous fait rien, répond Athos avec son air de gentilhomme. Si vous vouliez me permettre,,,, dit d’Artagnan, Quoi ? Monsieur 2 Je connais un medicament pour les blessures. [] est trés bon. UO me vient de ma mere. Je suis stir qu’en moins de trois jours, ce medicament vous guérira ; et au bout de trois jours, quand vous serez guéri, ch bien | monsieur, je serai toujours prét 4 me battre. » D’ Artagnan dit ces mots avec simplicite, « Pardieu® | monsieur, reprend Athos, voila qui me plait, vous étes un gentilhomme. Mais nous sommes au temps de M. le cardinal de Richelieu, et d'ici trois jours on saura que nous devons nous battre et ]’on nous en empéchera, Ah ca, mes amis, vont-ils venir 7 Si vous Gtes pressé, monsiewr, dit d’Artagnan avec la méme simplicite, si vous étes pressé et qu'il vous plaise de vous battre tout de suite, ne vous génez pas, je vous en prie”. Voila encore un mot qui me plait, repond Athos, Monsieur, & Pardiea : mot qui domne plus de force & ec qu’cm dit 7 Je-vousen prie :phrace de politesce qui veut dire :il vous plat. 43 jaime les hommes comme vous, $i nous ne nous tuons pas |’un } autre, j’aurai plus tard un vrai plaisir 4 vous connattre, Attendons ces messicurs, j’ai tout le temps, et cela sera mieux ainsi. Ah! en voici un, je crvis. » Larrivee DE PortHos ET D’ ARAMIS u bout de Ja rue de Vaugirard, d’ Artagnan voit paraitre un homme grand et large comme une armoire, « Quoi |, s’écrie d’Artagnan, un de vos seconds est Porthos ? Oui, Cela vous géne-t-il ? Non, pas du tout. Et void l'autre. » D' Artagnan se retourne et reconnait Aramis. « Quoi ! s’Cerie-t-il d'un air aussi Ctonne que la premicre fois, Aramis est aussi un de vos seconds 7 Sans doute, repond Athos, on ne nous voit jamais l'un sans Tautre et on nous appelle « les trois mousquetaires ». Mais, vous arrivez de trés loin, De Gascogne, Et vous ne pouvez pas le savoir, Vraiment, dit d’Artagnan, vous é@tes bien nommés, messieurs. > Pendant ce temps, Porthos s'est avance. [] n’a plus son beau baudrier et il a enlevé son manteau. I salue Athos, Puis il se tourne vers d’Artagnan et parait étonné, «Abt Ah! dit-il, qu’est-ce que cela? C'est avec monsieur que je me bats», dit Athos. Umontre de la main d’Artagnan et le salue. « C'est avec lui que je me bats aussi, dit Porthos, Mais 4 une heure seulement, répond d’Artagnan, Et moi aussi, ¢’est avet monsieur que je me bats, dit Aramis en arrivant 4 son tour, ae Mais 4 deux heures seulement, fait d’Artagnan avec la plus grande politesse, Mais pourquoi te bats-tu, toi, Athos ?, demande Aramis, Um’a fait mal 41’epante ; et toi, Porthos ? Je me bats parce que je me bats », répond Porthos en rougissant, Athos remarque tout. 0 voit un fin sourire sur les léwres du Gascon, « Nous ne sommes pas d’accord sur la fagon de nous habiller, dit le jeune homme, Et toi, Aramis 7, demande Athos. Moi, je me bats pour une question de droit », rpond Aramis, et il fait signe a d’Artagnan de ne rien dire, Athos voit passer um dewdéme sourire sur les léwres de d’Artagnan. «Vraiment ? dit-il, Qui, une question de religion. Nous ne sommes pas daccord», dit le Gascon, « C’est vraiment un homme d’esprit », pense Athos. « Maintenant, dit d’Artagnan, vous étes tous ensemble, messieurs, Permettez-moi de vous faire des excuses, » Au mot d’excuses, un nuage passe sur le front d’Athos®, un rire sur les lévres de Porthos, et un sourire sur celles d’Aramis, Mais d’Artagnan reléve sa téte et dit ; «Vous ne comprenez pas, messicurs. Je vous demande de m’excuser si je ne peux pas me battre avec vous trois, M, Athos a le droit de me tuer le premier, Vous avez déja moins de chances de pouvoir le faire, monsieur Porthos, et vous, moins encore, monsieur Aramis, Et maintenant, messieurs, je vous lerépéte, excusez-moi, mais de cela seulement, eten garde | » 8 Un mage pase sur sen front :¢’est une image pour dire qu'il r’est pas trés content. 45 A ces mots, d’Artagnan tre son épée du fourreau, Le sang lui est monté Ala téte”, et A ce moment, il tirerait son épée contre tous les mousquetaires de France. Test midi et quart. Le soleil est haut et i n’y a pas d’ombre. Athos tire |’epee du fourreau a son tour et dit : «I fait trés chaud, mais je ne peux enlever mon habit, Tout a Pheure encore, j’ai senti du sang sur ma blessure. Je me battrai done habillé comme vous, dit d’Artagnan, Quand vous voudrez, monsieur, dit Athos en se mettant en garde, Jattendrai vos ordres », dit d’Artagnan. 9 Le sang lui est monté 4a tte : e’est une image pour mentrer qu'il est tts en celére as DEUX CONTRE CING es deux épées se sont 4 peine touchées et ont 4 peine sonne Pune contre J’autre que les gardes du cardinal se montrent au coin de Ja maison, [ls sont commandeés par leur chef lui-meme, M. de Jussac, un des hommes qui ont bless¢ Athos dans la muit. « Les gardes du cardinal !, s’écrient 4 la fois Porthos et Aramis, Lépée au fourrean™ »messieurs ! ]’Spée an fourreau ! » Mais il est trop tard. Les gardes ont vu Athos et d’ Artagnan. Jussac s’avance vers eux ; « Hola ! crie-t-il, hola ! Mousquetaires, on se bat donc id. Ce n’est pas permis! Ne le savez-vous pas 7 Si vous vouliez vous battre, vous, nous vous laisserions faire, repond Athos, Laissez-nous donc, et vous allez avoir du plaisir 4 nous regarder sans vous fatiguer, Messicurs, dit fussac, c'est impossible, Le devoir!® passe avant tout, Remettez done vos épées au fourreau, s°il vous plait, et suivez-nous. Monsieur, dit Aramis, ce serait avec plaisir que nous vous eécouterions ; mais malheureusement la chose est impossible, M. de Tréville nous l’a défendue, Passez done votre chemin’, c'est ce que vous avez de mieux 4 faire, $i vous refusez de nous suivre, nous vous y obligerons, repond Jussac. Us sont cing, dit Athos a mi-voix, Nous sommes trois et encore je suis blessé, Mais moi je ne reviendrai pas battu devant M, de Tréville, 1 nous faudra done mourir ici, » Athos, Porthes et Aramis se serrent les uns contre les autres. 10 Lépée au fourreau |: mettes |’épée ou fourreau. 41 Cem est pas permis : est interdit. 12. Le devoir : cc qu'on cat obligt de faire pour le paye, la religion, le travail, ete. 13. Passez votre chemin : partez, continez votre route. 47 Les Trois Mousquetaires

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