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8 Bordeaux Les Métamorphoses Dune Ville

Le document décrit l'évolution de la ville de Bordeaux au fil des siècles, depuis sa fondation par les Romains jusqu'à aujourd'hui. La ville s'est constamment transformée tout en préservant son patrimoine historique, s'adaptant aux besoins de chaque époque tout en conservant son identité.

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8 Bordeaux Les Métamorphoses Dune Ville

Le document décrit l'évolution de la ville de Bordeaux au fil des siècles, depuis sa fondation par les Romains jusqu'à aujourd'hui. La ville s'est constamment transformée tout en préservant son patrimoine historique, s'adaptant aux besoins de chaque époque tout en conservant son identité.

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BORDEAUX

Les métamorphoses d’une ville


Les fortifications médiévales et les
fossés des tanneurs, au XIIIe siècle.
Gravure de Léo Drouyn, 1849.
archives municipales de bordeaux

a ville est un organisme vivant et, Bordeaux, un palimp- sément vivant. « Rien n’a bougé depuis l’époque de la fondation,

L seste, sur lequel les générations qui se sont succédé


sur ces rives de Garonne n’ont cessé de graver leur par-
tition. Chacune a apporté sa pierre à l’édifice, détruisant
autant que bâtissant, adaptant la cité aux préoccupations
de son temps. Les Gallo-romains du IIIe siècle de notre ère utilisèrent
les pierres des monuments antiques pour élever des remparts.
Bien plus tard, les Bordelais du XIXe siècle transformèrent les
mais tout est différent », note l’architecte Thierry Jeanmonod, de
l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage de
Bordeaux. Une démonstration à suivre en images dans ces pages.
Vous y découvrirez une cité superbe, serrée dans ses murailles
pendant près de quinze siècles, puis, une fois libérée de son corset
de pierre, explosant dans la grandeur et le faste d’un tête-à-tête
plus que jamais charnel avec son fleuve. ●
anciens fossés en axes de circulation. Et, aujourd’hui, leurs des-
cendants rasent des maisons vétustes pour y nicher un jardin d’en- L’Express remercie pour leur aide précieuse Sylvain Schoonbaert,
fants. « Bordeaux est autophagique, elle se digère elle-même ! » historien, architecte, urbaniste auprès de la ville de Bordeaux
estime joliment l’archéologue Pierre Regaldo-Saint Blancard du et chercheur à l’Ecole nationale supérieure d’architecture et
service régional de l’archéologie d’Aquitaine (SRA). Le miracle, de paysage ainsi que Bernard Rakotomanga, photographe aux
dans cette ville admirable inscrite depuis 2007 à l’inventaire du archives municipales, et Anne Guérin, conservatrice à la direction
patrimoine mondial de l’humanité, c’est que, deux mille ans après générale des affaires culturelles.
les premiers balbutiements urbains, le passé reste présent, inten-

Dossier réalisé par Mylène sultan


réDacteur en chef : Bruno D. cot
spécial RÉGIONS

« Le Bordeaux d’aujour d’hui est l’accumulation


de toutes les villes qui se sont succédé »
Architecte, urbaniste et diplômé vous écrivez : « rien n’a bougé
de sciences politiques, Thierry Jeanmonod* depuis la fondation de la ville,
mais tout est différent. » Que
est enseignant-chercheur à l’Ecole nationale voulez-vous dire exactement ?
supérieure d’architecture et de paysage › Les espaces publics sont toujours
les mêmes. L’architecture a changé,
de Bordeaux. Ses travaux de recherche
f. perrogon/andia pour l’express

l’esthétique des voies, les habitants


portent sur les phénomènes d’urbanisation ont changé, mais nous empruntons
toujours les voies romaines, nous
et leurs contextes. Spécialiste du patrimoine évoluons dans le même cadre. Je
bordelais, il retrace pour L’Express la genèse vous donne un exemple : cours

b. rakotomanga/archives municipales de bordeaux


victor-Hugo, il y a un magasin de
et le développement d’une ville à part. bricolage et au fond de la boutique
on voit, par une vitre posée sur le
comment Bordeaux s’est-elle le retour de Bordeaux dans mouvement va s’accélérer et, sol, la cave où se trouvent les ves-
fabriquée ? le giron du royaume de france désormais, l’agglomération, avec tiges d’une grosse tour. C’est un
› Originellement, le site n’est a à la fin de la guerre de cent les 720 000 habitants de la com- magnifique morceau de la porte
priori pas idéal pour fabriquer une ans (1453) porte-t-il un coup munauté urbaine (CUB), s’étend Saint-Eloi. On entre là pour acheter
ville : au milieu des marais bordant d’arrêt à cette formidable sur plusieurs dizaines de kilomètres. un pot de colle avant de tomber
la Garonne, un petit tertre, le Puy expansion ? Le vœu du maire et du président nez à nez avec la ville du xiiie siècle !
Paulin, d’où coule un ruisselet qui › Non, la ville connaît de profonds de la CUB est d’atteindre 1 million Le Bordeaux d’aujourd’hui est l’ac-
se jette dans un fleuve au flux mon- bouleversements politiques et d’habitants dans les années à venir. cumulation de toutes les villes qui
tant et descendant toutes les six économiques au début de la C’était d’ailleurs déjà le souhait comment a-t-on concilié déve- détruit ainsi sans états d’âme. perspective se sont succédé. A nous d’ajouter
heures, au rythme des marées… période moderne, mais la muni- de Chaban-Delmas en 1964 ! loppement urbain et protection Depuis quelques décennies, déve- la démolition notre strate, le plus délicatement
L’endroit possède pourtant deux cipalité va en profiter pour lancer les changements opérés dans du patrimoine ? loppement et protection, d’un des remparts, possible… ●
avantages : géographiquement, il les grands travaux destinés à la ville se sont-ils faits dans › Pendant longtemps, il n’y a pas côté, patrimoine et modernité, de en 1739, ouvre la ville PROPOS RECUEILLIS PAR
constitue un point de contrôle sur assécher les marais et favoriser l’harmonie ou dans la douleur ? eu d’engouement particulier pour l’autre, cohabitent finalement sur la « mer MYLÈNE SULTAN
les routes entre la Méditerranée le développement de l’architec- › Souvent dans la douleur... Mais ce que l’on nomme aujourd’hui le bien. Ce qui n’empêche pas, parfois, de garonne ».
(*) vient de publier avec Chantal
et l’Atlantique. Topographiquement ture. Autant de transformations harmonieusement ! Au xviiie siècle, patrimoine. Lorsqu’un bâtiment dans les débats, une sorte de schi- ici, à la fin du xixe siècle. Callais, architecte et docteur en histoire
ensuite, ses cours d’eau jouent un qui préparent le fameux siècle par exemple, les intendants se était obsolète, on le remplaçait zophrénie entre des lois ou des lithographie de l’architecture, Bordeaux patrimoine
rôle privilégié puisque le fleuve, la d’or de Bordeaux, le xviiie siècle. heurtent à la jurade (le conseil par un autre plus moderne. On a choix qui sont contemporains. de f. hugo d’alési. mondial (Geste Editions).
Garonne, sert de frontière naturelle Les immenses transformations municipal) et aux intérêts de
et protège des invasions tandis urbaines menées à cette époque, quelques grands parlementaires
que les rivières qui l’alimentent sous l’égide des intendants, et bourgeois. Au xixe siècle, l’op- a lire…
permettent d’installer des ports ouvrent la cité : sur la « mer de position des propriétaires retarde ✒ Bordeaux patrimoine mondial, par des sites et des monuments, découvertes ✒ Bordeaux 2005, par Michel Pétuaud-
protégés. Les Romains ne s’y trom- Garonne » (par la place Royale et ou annule quelques projets de Thierry Jeanmonod et Chantal Callais. archéologiques… tout y est. Létang. ed vivisques 1989. la saga
pent pas, qui font de Burdigala une la « grande façade »), et sur son grandes percées. Quant à Jacques geste editions. 2012. 69,90 €. une saga en ✒ Les portraits de Bordeaux, vues et historique, économique et urbaine
grande cité sur la route de l’étain. territoire lorsque les remparts Chaban-Delmas, dont on a vanté trois tomes, dont le premier – la fabrication plans de la capitale de la Guyenne du de la ville, en textes et en croquis,
Après la longue période de troubles tombent, remplacés par une cein- la capacité à composer avec ses de la ville – vient de paraître. une somme XVIe au XVIIIe siècle, par Marc Favreau. par un très grand architecte. epuisé.
du haut Moyen Age, la ville, alors ture de cours plantés. La ville opposants, il a dû affronter les cri- savante, didactique et richement illustrée ed de l’entre-deux-mers 2007. 45 €. les plus ✒ Bordeaux. Vivre la métropole,
sous domination anglaise entre le s’étend, s’étend... Et, au xixe siècle, tiques lors de la démolition du sur l’évolution urbaine de bordeaux. beaux plans et vues urbaines commentés hors série, le festin. 2012. 15 €. du pont
milieu du xiie siècle et le milieu du les élus ont bien du mal à contenir quartier de Mériadeck au milieu ✒ Bordeaux, atlas historique, ouvrage par le conservateur en chef du musée des bacalan-bastide au futur centre touristique
xve siècle, connaît une autre période une expansion urbaine désordon- des années 1950… Aujourd’hui, collectif sous la direction de Sandrine beaux-arts de bordeaux. un voyage dans le et culturel du vin… tous les grands projets
faste : les vignobles alentour font née. Après plusieurs projets avor- les changements se font souvent Lavaud et Ezéchiel Jean-Courret. temps, en gravures et en couleurs. d’une métropole en mouvement.
sa richesse et Bordeaux étend ses tés, ce seront finalement des bou- avec une volonté de concertation, ed. ausonius. 2009. 60 €. un travail ✒ Guide du Bordeaux médiéval, par ✒ Bordeaux. Un tour de ville
faubourgs au-delà du castrum levards qui donneront sa nouvelle voire de participation. Les élus remarquable en trois tomes, rédigé Annick Bruder, ed. sud-ouest. 2005. en 101 monuments, hors série
antique et se protège derrière de limite à Bordeaux et qui, finale- ont compris qu’il valait mieux faire par les meilleurs spécialistes. formation 9,90 €. un livre en format poche pour le festin, 2006. 15 €. un grand classique
nouveaux murs élevés au début ment, permettront d’en structurer avec la population plutôt que de l’espace urbain, présentation ne rien rater des vestiges du moyen age. qui en est à sa septième édition.
du xiiie siècle, puis au xive. la croissance. Au xxe siècle, ce contre elle.
II I l’express l’express I III
the art archive/bibliothèque des arts décoratifs/g. dagli orti/the picture desk/afp
Au siècle d’Ausonius... Le palais
La ville monumentale Gallien
Il reste bien peu de chose du vaste amphithéâtre bâti
au IIIe siècle à l’extrémité nord-est de l’agglomération
antique, sans doute pour saluer la venue de l’empereur
Caracala à Burdigala. Fort classique dans sa conception,
mesurant 132 mètres sur 110 et organisé autour d’une
vaste arène entourée de 64 travées, l’amphithéâtre
conserva de belles ruines jusqu’au XVIIIe siècle.
Mis en vente sous la Révolution, il est alors divisé en
30 lots, deux portes monumentales sont démolies pour
aménager des voies… Cette destruction programmée
est stoppée in extremis par le ministre de l’Intérieur

j.-c. golvin/archives municipales de bordeaux


de l’époque, qui interdit toute nouvelle dégradation. ●

‹ les ruines de l’amphithéâtre sont


les seuls restes visibles de la ville romaine.

Les piliers
de Tutelle
Q
uand Bordeaux est- capitale de grandes cités romaines en tangle allongé autour d’un péri-
elle née ? A quand De l’aQuitaine Gaule, Burdigala ne possède pas mètre d’une petite trentaine d’hec- Démolis en 1677 sur ordre de Louis XIV, les vestiges
donc remonte l’ins- avant la construction encore de remparts, elle est libre tares. La surface de Burdigala de cet exceptionnel monument ont longtemps
tallation de l’homme des remparts, de toute limite. Au total, quelque diminue ainsi considérablement, fait partie du paysage familier des Bordelais.

musée des arts décoratifs/bridgeman art library


sur les rives du burdigala est 20 000 habitants vivent dans un et l’agglomération se resserre Situés à l’angle de la rue Esprit-des-Lois et du Grand
fleuve ? Les fouilles menées ces une ville ouverte espace de 160 hectares, organisé autour du port. Pourtant, la ville Théâtre, les piliers de Tutelle formaient un ensemble
vingt dernières années ont levé qui s’étend sur de façon rationnelle et doté d’in- que décrit Ausonius dans son clas- de huit colonnes d’une hauteur de plus de 13 mètres.
le voile sur bien des mystères. Et un vaste territoire. frastructures élaborées : un captage sement des villes célèbres semble Erigées entre l’an 130 et l’an 230 de notre ère,
l’on sait aujourd’hui que les d’eau effectué à Léognan alimente encore fabuleuse : « Le carré de elles composaient un sanctuaire à la déesse Tutelle,
premiers habitats celtiques datent les fontaines, un réseau d’égouts [tes] murailles élève si haut ses protectrice de la cité des Bituriges vivisques. ●
du vie siècle avant Jésus-Christ. se trouve creusé sous les voies tours altières que leurs sommets
Les Bordelais forment alors la publiques, et le goulet de la rivière, entrent dans les nuages. » Evoquant
tribu des Bituriges vivisques. appelée mar, est exploitée au maxi- la Devèze, le célèbre poète écrit : ‹ le temple, dédié à la déesse
installés sur un petit promontoire mum. Burdigala s’impose comme « Quand le père Océan l’emplit de la cité.
qui domine la Devèze et le palu une grande cité régionale et un de son reflux bouillonnant, on
des Chartrons, ils occupent 3 ou
4 hectares et, dès le début de l’Em-
pire romain, se constituent en
centre d’échanges important par
lequel transitent l’or et le marbre
des Pyrénées, l’huile et le vin du
voit s’avancer la mer tout entière
avec ses flottes ! »De fait, malgré
le rétrécissement de son territoire,
Les
civitas (cité), organisée autour
d’un territoire et d’un chef-lieu.
C’est au tout début de l’ère chré-
Midi, le bois et la résine des Landes,
etc. Les Sévères en ont fait la
capitale de l’Aquitaine et l’ont
Burdigala renforce encore son
influence. Sa primauté adminis-
trative lui reste acquise, tout
remparts
tienne que l’espace se structure : dotée d’une prestigieuse parure comme sa dimension intellec- C’est une formidable muraille qui entoure

musée d’aquitaine-bordeaux/j. gilson/mairie de bordeaux


un système de cadastration nord- monumentale – palais Gallien, tuelle – avec la création d’un l’agglomération du Bas-Empire avec un soubassement
sud se forme, à l’emplacement piliers de Tutelle, amphithéâtre, auditorium universitaire à la fin de 4,5 mètres d’épaisseur et des murs de 5 mètres
actuel des cours de l’intendance thermes publics, ensemble de iiie siècle – et son importance reli- de hauteur ! De nombreuses tours, aucune porte
et du Chapeau-Rouge, des rues statues du mont Judaïque. gieuse – avec les premières églises à l’exception des ouvertures dans les remparts
Sainte-Catherine et de la Porte-
EN CHIFFRES qui sortent de terre, dont la cathé- aux passages nord et sud de la rue Sainte-Catherine,
Dijeaux. Jusqu’à la fin du iiie siècle,
Burdigala apparaît comme une
ville ouverte, ainsi que le montre
160
hectares
Primauté administrative
et dimension intellectuelle
A la fin du iiie siècle, obéissant à
drale au début du ive siècle.
Une domination qui connaît un
arrêt brutal en 406. Burdigala est
pas de fossés mais, sur l’un des côtés, le Peugue,
qui, détourné, longe désormais la ville par l’est…
Jusqu’au XIIIe siècle, ce rempart imposant constituera
ce dessin (ci-dessus) signé Jean- une nouvelle conception de l’es- envahi par les Wisigoths et un la seule défense de la ville. ●
Claude Golvin, archéologue et
directeur de recherche émérite 20 000 pace urbain et craignant les inva-
sions barbares, les édiles font bâtir
incendie ravage la ville. L’irrémé-
diable effondrement de l’Empire ‹ démolition de l’enceinte antique.
au CNRS. A l’instar d’une vingtaine haBitants une enceinte qui forme un rec- romain a commencé. ● M. S. eau-forte de léo drouyn, 1868.
IV I l’express l’express I V
spécial RÉGIONS

archives municipales de bordeaux


Moyen Age L’héritage d’Aliénor
› extension

Q
uelle ville magni- sionné ! » En réalité, le visage de leurs vins les enrichit considéra-
fique ! Avec ses fières Bordeaux a commencé à changer au début blement. A l’étroit dans ses rem-
murailles hérissées au milieu de l’époque médiévale : du xive siècle, parts, la ville repousse une nouvelle
de 46 tours, les hautes peu à peu, il s’étend vers le sud, la ville repousse fois ses murs: au début du xive siècle,
flèches de Saint-André au-delà du rempart romain, le quar- une nouvelle fois une troisième protection est en
qui dominent les clochers des nom- tier de la Rousselle (Saint-Eloi) se ses murs et une effet construite, qui va de Sainte-
breuses églises s’élançant vers les forme. Puis un nouveau bourg troisième protection Croix à Trompeyt (Chapeau-Rouge)
cieux et ces dizaines de bateaux apparaît autour de Saint-Michel… est construite. et reste aujourd’hui encore maté-
qui sillonnent la Garonne, Bordeaux A ces extensions une explication : rialisée par le tracé des cours installés
est, en cette fin de Moyen Age, à au début du xie siècle, les ducs au xviiie siècle à la place des anciens
l’apogée de sa puissance. Oubliés d’Aquitaine ont abandonné leur fossés. Les noms de rues apparais-
les temps obscurs qui ont suivi la palais de Saint-Projet pour se rap- sent et les grands axes portent les
chute de l’Empire romain ; oubliées procher du fleuve – cœur battant appellations qu’on leur connaît
les invasions des viiie et ixe siècles de l’activité économique. aujourd’hui. Dès lors, la structure
ainsi que l’an mil où la cité semblait urbaine ne va plus guère évoluer,
prostrée… «Ces remparts semblent Ouverture du marché anglais la ville s’équipe et s’organise de
dire au monde : Fuyez, étrangers ! aux vins de Bordeaux EN CHIFFRES l’intérieur : le palais de l’Ombrière
Je suis un coffre-fort imprenable », En 1152, le mariage d’Aliénor avec s’agrandit, les couvents se multi-
s’amuse Pierre Régaldo-Saint
Blancard, archéologue du service
régional de l’archéologie d’Aquitaine.
Henri ii, futur roi d’Angleterre,
place le duché sous domination
anglaise, pour le plus grand profit
146
hectares
plient, les travaux de construction
du clocher de Saint-Michel com-
mencent, avec l’ambition de dépas-
Avant de préciser : « D’ailleurs, au de l’économie locale. Les Bordelais, ser celui de Pey-Berland. La rivalité
milieu du xiiie siècle, même le roi
de Castille et de Tolède, en arrivant
regroupés en communes, obtien-
nent des privilèges exorbitants, et 25 000 est bien là, mais la fièvre de bâtir
a déserté Bordeaux. Momentané-
devant la ville, a été très impres- l’ouverture du marché anglais à haBitants ment. ● M. S.

‹ Tour de la grosse
Le palais de l’Ombrière cloche, aquarelle
d’auguste bordes,
Saint-Seurin
1845.
Le Palais de l’Ombrière la façade
(1415), aquarelle occidentale
b. rakotomanga/archives municipales de bordeaux

musée d’aquitaine-bordeaux/mairie de bordeaux


d’auguste Bordes, 1845. de la basilique.
q. salinier/archives municipales de bordeaux

La porte
Saint-Eloi
Des six portes principales que compte
l’enceinte du bourg, Saint-Eloi demeure
indéniablement la plus majestueuse.
C’est l’entrée principale de la ville, celle
qu’empruntent les processions, celle que
« Ah, si on pouvait ouvrir les trottoirs autour du vieux palais ! L’archéologue Pierre Régaldo-Saint l’on pavoise lorsque des visiteurs importants L’antique basilique fondée au VIe siècle connaît un nouvel essor au Moyen Age.
Blancard rêverait de fouiller le sous-sol autour de l’Ombrière. Il y a forcément des vestiges enfouis viennent à Bordeaux, celle qui accueille Bien que située en dehors des remparts, elle attire de nombreux pèlerins, qui viennent
et nous savons si peu de choses… Seuls les plans dressés au XVIIIe siècle nous éclairent sur l’organisation les têtes grimaçantes des condamnés. vénérer le bâton de saint Pierre, déposé par saint Martial, ainsi que le cor de Roland.
interne. » Ce vaste ensemble qui englobait tout le pâté de maisons autour de l’actuelle place du Palais Protégée par un pont-levis qui enjambe Enfin, des générations de jeunes Bordelais ont usé leur fonds de culottes à Saint-Seurin :
a finalement été peu habité et a surtout servi, à l’époque moderne, de centre administratif. Vendu au un fossé, elle a été conçue (en 1356) autant poser les tout-petits sur la pierre tombale de saint Fort, installée dans la crypte,
moment de la Révolution, il fut démoli, puis loti. Les rues alentour conservent ainsi leur mystère. ● pour défendre que pour impressionner. ● assurait vigueur et force. Une croyance qui a perduré jusqu’à une période récente. ●
VI I l’express l’express I VII
spécial RÉGIONS

b. rakotomanga/archives municipales de bordeaux


DU XVe au XVIIe siècle La ville soumise
ette gravure sur bois, › forteresses ouest (le fort du Hâ) et au nord- xve siècles restent émaillés de

C intitulée Vif pourtraict


de la cité de Bourdeaux
le montre : en cette
fin du xvie siècle, la
ville a peu évolué. La dernière ligne
de remparts, élevée à grands frais,
assure désormais un espace suf-
cette représentation
de bordeaux, en 1552,
montre les ruines
du palais gallien et
des piliers de tutelle,
ainsi que le fort
du hâ et le château
est (le château Trompette). Ces
ouvrages défensifs, tournés vers
la ville – plus pour la surveiller
que pour la protéger –, rappellent
que Bordeaux fait désormais partie
du Royaume de France. » De fait,
la bataille de Castillon, gagnée
révoltes et de violences.
L’appartenance de Bordeaux au
royaume de France se lit aussi dans
l’évolution de son paysage monu-
mental. Les membres du Parlement
font bâtir de superbes hôtels par-
ticuliers, ornés de rinceaux et de
fisant et permet d’abriter les nou- trompette. en 1453 par Charles vii, clôturant ces mascarons, visages de faunes
veaux quartiers et les nombreux la guerre de Cent Ans, marque la barbus ou têtes humaines, qui font
couvents de la Contre-Réforme, fin d’une époque. Les larges libertés aujourd’hui encore la particularité
apparus au milieu du xvie siècle. obtenues au temps de la domina- des façades du centre-ville. Hormis
A l’intérieur de l’enceinte, les rues tion anglaise disparaissent, et la cet embellissement, la superficie
médiévales ont conservé leurs pit- capitale de la Guyenne doit dés- globale de la ville n’évolue pas :
toresques enchevêtrements (peu ormais composer avec un Etat elle reste repliée dans son cocon
perceptibles sur ce plan soucieux puissant et un roi qui se méfie de pierre. « il faut attendre la fin
de mettre en valeur les larges voies d’elle. Objectif affiché du du xviie siècle pour que la barrière
rectilignes), les maisons à pans monarque : « Mettre un frein à l’in- des remparts soit franchie, poursuit
de bois et à encorbellements coha- constance de Bordeaux » et « leur Marc Favreau. A l’occasion de tra-
bitent avec des demeures de pierre, EN CHIFFRES tenir le fer au dos ». Rien de moins ! vaux entrepris pour reconstruire
les immenses ruines du palais son palais, l’archevêque Henri de
Gallien et des piliers de Tutelle
dominent. « Seuls changements
majeurs, note Marc Favreau,
146
hectares
Des violences et des frictions
avec le pouvoir royal
Certes, la ville a fait acte d’allégeance
Béthune perce une large brèche
dans la muraille, afin d’avoir accès
à son parc – l’actuel jardin de la
conservateur en chef du musée en élevant la porte Cailhau, conçue mairie. C’est une première. » Bien-
des Beaux-Arts, les deux formida-
bles forteresses aux dimensions 35 000 comme une ode à Charles viii,
mais les frictions avec le pouvoir
tôt, la ville se débarrassera de son
carcan minéral pour s’ouvrir sur
colossales, qui se dressent au sud- haBitants royal se multiplient – les xvie et la Garonne et le monde. ● M. S.

‹ la porte cailhau,
bâtie en l’honneur
de charles viii,
était la principale
Château Trompette et fort du Hâ
entrée dans la ville.
› Reconstitution
du château
b. rakotomanga/archives municipales de bordeaux

b. rakotomanga/archives municipales de bordeaux


Trompette,
aquarelle
de m. haon,
vers 1927. › Le fort du Hâ
l.gauthier/mairie de bordeaux

et le pont sur
La porte l’ancien Peugue
(1750). gravure
de léo drouyn,
Cailhau 1893.

Destinée à commémorer la victoire de Charles VIII contre les Italiens


à Fornoue, cette construction de 35 mètres de hauteur, à mi-chemin Dès les premiers jours de 1454, peu après la victoire de Castillon d’un solide donjon entouré de fossés. Il sera complété
du style défensif du Moyen Age et de la grâce de la Renaissance, et la fin de la guerre de Cent Ans, Charles VII ordonne la construction par un château qui servira successivement de résidence,
a été érigée en 1495. Richement ornée de statues et d’une niche du fort du Hâ et du château Trompette, deux édifices payés puis de prison. Le second ouvrage, véritable château,
à l’effigie du roi, cette entrée monumentale n’a rien d’une porte par les contribuables bordelais. Le rôle de ces nouvelles forteresses : couvre un espace de 4,5 hectares et apparaît rétrospectivement
comme les autres. « C’est un véritable arc de triomphe ! » couper Bordeaux de ses contacts et surveiller les grandes routes comme l’un des plus beaux édifices militaires du règne de Louis XV.
explique l’archéologue Pierre Régaldo-Saint Blancard. venant d’Espagne par voie terrestre (le Hâ) et maritime Cette emprise colossale coupera pour longtemps la ville du quartier
Tout entier dédié à la gloire du roi et qui marque la loyauté de la ville. ● (château Trompette). Le premier édifice s’organise autour des Chartrons et ne sera démolie qu’en 1818. ●
VIII I l’express l’express I IX
b.rakotomanga/archeves municipales de bordeaux
Place
de la Bourse
Comme toutes les grandes villes de France, Bordeaux se devait
d’avoir sa place Royale. Erigée en 1742 par Ange-Jacques Gabriel,
premier architecte du roi, à la demande de l’intendant Claude
Boucher, celle-ci marque le début de la construction du Bordeaux
classique. « A l’époque, une statue équestre de Louis XV ornait
le cœur de cet immense espace, rappelle François Hubert.
Les bâtiments alentour ont été conçus comme un écrin,
pour mettre en valeur la figure royale. » ●

‹ la place royale,
au xviiie siècle.

b. rakotomanga/archives municipales de bordeaux


Grand Théâtre
b. rakotomanga/archives municipales de bordeaux

C’est le maréchal de Richelieu, gouverneur de Guyenne,


qui commanda à Victor Louis ce théâtre à l’italienne, d’inspiration
antique, inauguré en septembre 1780. Rehaussé en 1850
d’un piédestal, cet édifice est resté un exemple d’architecture et
inspira le palais Garnier, à Paris. Avec l’îlot Louis, loti dans les mêmes
années, il formait l’armature du futur quartier des Quinconces. ●

‹ illustration extraite de la Salle de spectacle


de Bordeaux, de victor louis (1782).

XVIIIe siècle Le siècle d’or Allées


our s’imprégner du urBanisMe choqué par son caractère archaïque, de la fin des temps modernes.
de Tourny
P xviiie siècle, le prome-
neur peut arpenter les
quais ou la place de la
Bourse, se plonger
dans les ouvrages historiques ou…
déambuler à travers les rues, équipé
d’un casque et d’une tablette numé-
gravure
de lattré, 1735.
sans symétrie et sans unité d’en-
semble. Son ambition est triple :
rendre cette ville monumentale,
agréable et lui redonner son unité,
cassée par la présence massive du
château Trompette.
Tourny la dote d’une exception-
nelle façade sur les quais – une
ligne régulière d’immeubles sur
plus de 1 kilomètre, somptueuse
vitrine destinée à accueillir les
étrangers arrivés par bateau. il la
perce de portes gigantesques, de
Aménagée à partir de 1744 par l’intendant Tourny sur une partie
des glacis du château Trompette, cette longue allée, plantée
à l’origine d’ormeaux et de tilleuls, était l’une des promenades
les plus fréquentées du Bordeaux au XVIIIe siècle. Il faut l’imaginer
fermée par une grille en fer forgé, puis, cent ans plus tard, ornée
rique, afin de s’essayer à un voyage Plaque tournante places agréables, de rues supplé- de deux fontaines monumentales et de la statue équestre

tal/rue des archives


dans le temps. Lancé en septem- du commerce international mentaires. il crée des promenades de Napoléon… à laquelle celle de Gambetta succéda en 1905. ●
bre 2012, et disponible à l’office « Bordeaux compte parmi les cités et jardins, qui sont comme des
de tourisme, imayana est un outil phares du royaume de France, rap- liens entre les différentes parties ‹ gravure d’auguste-victor deroy.
innovant, qui propose une éton- pelle François Hubert, conservateur de l’agglomération et contournent
nante visite en réalité augmentée, en chef et directeur du musée notamment le château Trompette,
durant laquelle des personnages
d’autrefois nous servent de guide,
où l’on visualise la ville d’hier tout
d’Aquitaine. Colbert lui a attribué
le monopole du négoce avec les
Antilles, jusqu’à en faire une plaque
rapprochant les Chartrons du
cœur de la cité, transformant la
forteresse honnie en un espace
Le palais Rohan
en se promenant dans le Bordeaux tournante du commerce interna- de divertissement. b. rakotomanga/archives municipales de bordeaux
Construit entre 1772 et 1784 pour l’archevêque de Bordeaux,
d’aujourd’hui, sans rien rater des tional. » Porté par une économie La ville retrouve aussi son fleuve, Ferdinand Maximilien Mériadeck, prince de Rohan, ce palais,
principaux monuments décrits EN CHIFFRES florissante, riche d’une population s’ouvre sur ses faubourgs grâce à entre cour et jardin, fut financé grâce à l’assèchement des marais
sur le plan ci-dessus. Par cette gra- en croissance forte – qui double la démolition de remparts, débutée à l’ouest de la cité, qui formeront au XXe siècle le quartier
vure, Louis-Urbain-Aubert, marquis
de Tourny, présente au roi ses pro-
jets et ses réalisations. Lorsqu’il
300
hectares
en cent ans –, le premier port de
France a les moyens de sa trans-
formation. En quelques décennies,
en 1739. La réussite de cette révo-
lution urbaine, tout en perspectives
et en ouvertures, est totale. Le clas-
Mériadeck. Occupé pendant la Révolution par l’administration
départementale, il deviendra préfecture en 1800, palais impérial
en 1808 et château royal en 1814. Depuis 1835, il accueille
a découvert la cité, en 1743, le une nouvelle ville toute de pierres sicisme architectural né en ce siècle les services de l’hôtel de ville. ●
nouvel intendant de Guyenne s’est blanches sort de terre, majestueuse des Lumières ne cessera de servir
dit émerveillé par une agglomé- 120 000 et imposante, conçue selon les d’exemple et d’irriguer l’esprit ‹ La Cour de l’hôtel de ville,
ration dotée de tant d’atouts, et haBitants normes hygiénistes des penseurs architectural bordelais. ● M. S. aquarelle d’auguste bordes, 1845.
X I l’express l’express I XI
spécial RÉGIONS

archives municipales de bordeaux


XIXe siècle L’expansion urbaine
fois reportée –, mais aussi les lotis-
sements alentour, l’hôpital Saint-
André, le palais de justice, les mar-
chés ; sans oublier l’entrepôt Lainé
ette carte en rose et percement des boulevards com- › aGGloMération tivité portuaire vers l’aval, et les (actuel CAPC) qui, à partir de 1824,

C vert dit tout du Bor-


deaux de la fin du
xix e siècle. « Nous
sommes en 1884 : l’ex-
pansion urbaine, amorcée à la fin
de l’époque moderne, marque
désormais clairement le paysage »,
mence (sous l’impulsion de
Georges Eugène Haussmann,
préfet de la Gironde), en partie
sur les territoires annexés des
communes limitrophes de Bègles,
Talence, Caudéran et Le Bouscat.
« Bordeaux s’agrandit, renforce
le plan colorisé
de la cité, par alfred
lapierre, 1884.
bassins d’eau, qui donne naissance
à un nouveau quartier – durant
l’entre-deux-guerres, le port auto-
nome migrera plus en aval encore,
à Bassens et au verdon.

Grandes artères
permet de stocker les épices, les
plantes tinctoriales et les oléagineux
produits dans les colonies et réex-
portés vers l’Europe du Nord par
les négociants bordelais… « Toutes
ces mutations ont été possibles
grâce à la vitalité de l’économie
analyse Sylvain Schoonbaert his- son assise et se densifie à nou- et quartiers chics bordelaise, souligne Sylvain Schoon-
torien, architecte et urbaniste (1) veau », conclut Sylvain Schoon- Enfin, dernière transformation : baert. A partir de 1815, la bourgeoisie
auprès de la ville. Premier chan- baert. Deuxième changement la densification du tissu urbain, a repris la main, soutenue par la
gement majeur : ce grand boule- d’importance visible sur ce plan avec le développement de ces banque de Bordeaux, qui a permis
vard qui contourne la ville sur la colorisé : le développement de la échoppes, maisons basses typiques le financement d’infrastructures
rive gauche, concrétisation d’un Bastide – jusque-là dévolue à la auxquelles les Bordelais sont tant phares comme l’entrepôt Lainé ou
vieux souhait de la plupart des culture de la vigne – et l’arrivée attachés, la naissance de quartiers le pont de Pierre. »
édiles de limiter la croissance du chemin de fer. Le 20 septembre chics (Saint-Seurin, Saint-Genès, La cité lumière du xviiie siècle
désordonnée de l’agglomération. 1852, la gare d’Orléans, située tout EN CHIFFRES Sacré-Cœur…),la création de grandes est devenue une agglomération
En 1782, déjà, l’intendant Dupré près du pont de Pierre, accueille percées (cours Alsace-Lorraine, moderne, qui a su préserver son
de Saint-Maure avait réfléchi au
creusement d’un grand canal afin
de créer une première frontière ;
le premier train venu de Paris.
Les voyageurs doivent encore
emprunter barges et barques pour
4 217
hectares
rue vital-Carles…) qui facilitent la
circulation et aèrent un peu plus
la ville, etc. Au chapitre des construc-
centre ancien et a conquis sa péri-
phérie. Et le port de la Lune savoure
encore la douceur de vivre d’une
en 1807, l’ingénieur Pierrugues se rendre sur la rive gauche, et ce, tions notables : la place des Quin- ville provinciale. ● M. S.
imagine à son tour une ceinture, jusqu’à la construction de la pas- conces, venant remplacer l’encom-
assez proche de la ligne des cours. serelle Eiffel, en 1860. Troisième 260 000 brant château Trompette – dont
(1) Auteur de La Voirie bordelaise
au XIXe siècle, Presses universitaires
Mais, ce n’est qu’en 1853 que le mutation : le déplacement de l’ac- haBitants l’onéreuse démolition a été maintes de Paris-Sorbonne, 2007, 45 €.

premier pont
sur la Garonne,
il est construit sur
Percement du cours
ordre de napoléon.
Alsace-et-Lorraine
‹ la cathédrale
archives municipales de bordeaux

saint-andré,

archives municipales de bordeaux


sur la place pey-berland.

› le quai louis-xviii,
face aux quinconces.

dr
Pont de Pierre
Jusqu’à la construction du pont de Pierre, seuls deux bacs
permettaient de rejoindre le quartier de la Bastide
à Sainte-Croix, et les deux rives restèrent longtemps ignorantes
L’esplanade des Quinconces
l’une de l’autre. En 1810, la création de ce pont fut décidée C’est au prix de quelque 200 expropriations et de la démolition du couvent Plusieurs idées furent proposées pour occuper l’immense esplanade sobre et vide, annoncée par deux colonnes
par Napoléon, qui avait rencontré des difficultés Saint-André que se fera le percement du cours Alsace-et-Lorraine, espace laissé vacant par la destruction, en 1818, du château aux allures de phare, garnies de proues de navire
pour acheminer ses troupes vers l’Espagne. devant relier la place Pey-Berland à la Garonne. En 1865, la destruction Trompette, notamment un somptueux projet de place et d’ancres marines supportant les allégories du Commerce
Le 25 août 1821, l’ouvrage, de 490 mètres de longueur, de cet édifice moyenâgeux suscita un grand émoi parmi les érudits bordelais, semi-circulaire, signé Victor Louis. Les édiles optèrent et de la Navigation. En 1902, le monument à la gloire
fut inauguré lors d’une cérémonie grandiose. ● et la colère de Victor Hugo. ● pour une réalisation diamétralement opposée : une grande des Girondins fut érigé à l’autre extrémité de l’esplanade. ●
XII I l’express l’express I XIII
spécial RÉGIONS

p. almasy/akg
XXe siècle La modernité
Deux autres opérations urbaines
marquent également durablement
l’ère Chaban : la refonte du quartier
Mériadeck
Mériadeck, et la création d’un sec- C’est l’archevêque de Bordeaux Maximilien-Ferdinand

triomphante teur sauvegardé de 140 hectares.


D’un côté, le maire faisait table
rase du passé, de l’autre, il préservait
le patrimoine. « Deux options anti-
de Mériadeck (1738-1813) qui donna son nom
à ce quartier de marais qu’il avait fait assécher.
Les 30 hectares furent lotis, couverts d’échoppes et
abritèrent un marché aux puces avant d’être, en 1950,
usqu’à l’entre-deux- pendant près d’un demi-siècle thétiques et radicales », aux yeux jugés insalubres. Détruit dans les années 1980,

J guerres, rien de notable


ne vient marquer l’urba-
nisme : la ville vivote gen-
timent. Elu en 1925, Adrien
Marquet fait souffler sur Bordeaux
un vent de nouveauté par une série
EN CHIFFRES
(entre 1947 et 1995), qui offrira à
Bordeaux ses plus radicales trans-
formations. Lorsqu’il devient
maire, le député jouit déjà d’une
stature nationale. Auréolé de son
prestige de compagnon de la Libé-
de l’historien et architecte Sylvain
Shoonbaert.

Le réveil
de la belle endormie
Mais à la fin du xxe siècle, la ville
le vieux Mériadeck a fait place à un ensemble sur dalle,
froid et en hauteur, signé par l’architecte Jean Royer.
Conçu pour rassembler habitations, infrastructures
et bureaux, ce quartier a toujours peiné à trouver
un souffle. ●

d’opérations ponctuelles, qui assai-


nissent et modernisent la cité :
4 455
hectares
ration, c’est un homme jeune,
énergique et déterminé. « Ses pre-
a bien vieilli. Enlaidie, noircie, cou-
pée de ses quais fermés par une
réfection des égouts, la pose de miers gestes ont choqué, remarque grille depuis des décennies, Bor-
macadam, rénovation de l’éclairage, toutefois l’architecte Thierry Jean- deaux sommeille. indéniablement, ‹ immeubles d’habitations dans
achèvement de l’électrisation et 239 000 monod. La caserne des pompiers Alain Juppé, à partir de 1995, a su le quartier mériadeck, en 1974.
de la distribution du gaz… Dans haBitants et la cité de la Benauge affichaient réveiller la belle endormie – même

archives municipales de bordeaux


un souci hygiéniste en phase avec
son époque, Marquet s’attache
également à développer les équi-
de façon hargneuse leur modernité
face à la façade xviiie siècle. »
Chaban-Delmas adapte sa ville
les élus de l’opposition le recon-
naissent. La chérissant, l’embel-
lissant jusqu’à faire classer le port
Le stade
pements publics – stade, piscine aux exigences du tout-automobile de la Lune au patrimoine mondial Inauguré en 1938 lors de la Coupe du monde de football,
de la rue Judaïque, bains- et de l’autobus, enterrant le tram- par l’Unesco, misant sur le tramway ce complexe sportif fut conçu par Raoul Jourde
douches… – et à améliorer l’habitat way lors d’un mémorable voyage comme vecteur de progrès, décras- et Jacques d’Welles, autour d’un vaste terrain bordé
ouvrier, avec, notamment, la créa- BétonnaGe où il s’improvise conducteur de la sant certains bâtiments, rénovant d’une piste cyclable et entouré de gradins.
tion de cités-jardins. Signés essen- le développement dernière rame. Durant les Trente les logements, redonnant à la façade Utilisant au maximum les possibilités du béton armé,
tiellement de Jacques d’Welles, des équipements Glorieuses, alors que la crise du des quais majesté et magnificence. cet ensemble novateur pour l’époque présente
les nouveaux édifices marquent publics et logement est aiguë, il fait construire Offrant, enfin, aux Bordelais le un système de voûte en porte-à-faux, sans piliers,
l’arrivée du béton dans la construc- l’amélioration des grands ensembles – la cité de plaisir de voir la rivière, et l’envie qui accroît la visibilité pour les spectateurs.
tion bordelaise. de l’habitat la Benauge au centre de la Bastide, d’aller de l’autre côté. Quel chemin La rénovation de 1986 a porté sa capacité
C’est naturellement Jacques transforment la Cité lumineuse à Bacalan, les parcouru par le petit bourg des à 40 000 places. ●
Chaban-Delmas, premier édile radicalement la ville. barres et les tours du Grand Parc. Bituriges vivisques ! ● M. S.

p. blot/epicureans
‹ le complexe sportif conçu par
raoul jourde et jacques d’Welles.

Les échoppes
Destinées à abriter une population ouvrière,
ces maisons basses, construites de plain-pied
sur la rue et avec un petit jardin à l’arrière,
se sont massivement développées entre la fin
du XIXe siècle et le premier quart du XXe siècle,
notamment entre cours et boulevards. Aujourd’hui
très prisées des Bordelais, elles se négocient
discrètement entre eux. Au point de tomber rarement
entre les mains de promoteurs immobiliers. ●
d. schneider/urba images server

‹ les échoppes du cours de l’argonne,


dans le quartier saint-genès.
l’express I XV
spécial RÉGIONS

p. blot/epicureans
XXe siècle (suite)

labriet/photononstop/afp
Le tramway
Inauguré en 2003, le tramway a été conçu autour de trois lignes, 90 stations en 1995, c’est alain juppé
sur 44 kilomètres – une quatrième ligne de 33 kilomètres devant être mise qui lança le projet de tramway
en service dans quelques années. Presque débordé par son succès pour sa ville.
(350 000 passagers par jour et des périodes de saturation), il est sorti de terre
douloureusement – au terme de cinq années de travaux, qui ont balafré
le centre-ville. Selon Elizabeth Touton, adjointe (UMP) au maire, chargée
de l’aménagement urbain, du logement et des transports, la mise en place
du tramway aurait permis une baisse de 30 % de la circulation en centre-ville. ●

Le pont Jacques-Chaban-Delmas

g. bonnaud/photopqr/SUD-OUEST

Inauguré dans quelques semaines, cet ouvrage d’art aura nécessité quinze ans de le 1er janvier 2013, près
gestation et trois années de travaux. Long de 433 mètres, doté d’une travée centrale de 38 000 personnes sont venues
permettant le passage des plus hauts navires, il viendra boucler la ceinture se promener sur le pont.
des boulevards périphériques. Si l’opposition n’a jamais nié la nécessité d’un
franchissement, elle a d’emblée pointé le risque que ce pont expose les quartiers
de la Bastide aux nuisances d’une importante circulation. Elle a aussi regretté
son nom. « Chaban-Delmas est déjà partout, déplore Matthieu Rouveyre,
conseiller municipal (PS) et conseiller général. Nous avions proposé le nom
de Toussaint Bonaventure. Mais Alain Juppé n’en fait qu’à sa tête ! » ●
XVI I l’express

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