COMPRENDRE LA DÉLINQUANCE ?
Jacques Dayan
Éditions GREUPP | « Adolescence »
2012/4 T. 30 n°4 | pages 881 à 917
ISSN 0751-7696
ISBN 9782847952292
DOI 10.3917/ado.082.0881
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comprEndrE la dÉlinquancE ?
jacquEs dayan
ni la psychologie ni la psychiatrie n’ont pu construire une théorie
générale du crime. Faisant fi de l’obstacle épistémologique, ni l’une ni
l’autre ne semblent cependant y avoir totalement renoncé. comme
l’affirmaient déjà j. lacan et m. cenac en 1950, ni le délit ni le crime ne
peuvent se concevoir hors de leur référence sociologique. la réflexion
sociologique sur la délinquance, bien que considérablement développée
depuis É. durkheim, n’a pu éviter de buter sur l’irréductibilité d’une
théorie des comportements humains à des phénomènes exclusivement
d’ordre social. pour faire pièce à cette limite, des concepts psychologiques
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ou psychiatriques1, sans toujours un grand fondement scientifique et avec
une opportunité discutable, sont régulièrement insérés au cœur même des
théories sociales de la délinquance. l’hétérogénéité conceptuelle
demeure. Elle laisse apparaître béante l’incapacité des outils
sociologiques à éclairer, sauf sous l’angle de l’indétermination
probabiliste, la question « résiduelle » du libre arbitre, à la base du droit,
et ses limites intrasubjectives, objet des théories du psychisme.
réciproquement aucune théorie psychologique, ni la psychanalyse, ne
peuvent tenir un discours global sur la délinquance. Elles doivent se
confronter à l’examen de la dynamique sociale, sauf à accepter de se
réduire au seul examen du « réel du sujet » comme le proposait j. lacan
dans un article où il ne s’y était d’ailleurs pas maintenu. ce sont ces enjeux
qui nous ont conduits à l’examen des développements théoriques en
sociologie de la délinquance, particulièrement dans l’étude des interfaces
proposées avec les théories du psychisme, en premier lieu la psychanalyse.
1. En recherche d’objectivité, les concepts recherchés évitent d’aborder la question
du sens pour le sujet.
Adolescence, 2012, 30, 4, 881-917.
882 jacquEs dayan
au-delà de la théorie, la prise en charge des enfants et adolescents
relève en premier d’une pratique éducative, à laquelle la psychanalyse a
apporté une contribution majeure au début du XXe siècle à travers
notamment le travail d’a. aichhorn (1925)2. après la seconde guerre
mondiale le mouvement psychanalytique s’est placé en retrait de la
pédagogie directe pour prendre la position énoncée par s. Bernfeld dès
1925 : une « science capable d’améliorer considérablement l’éducabilité
de l’enfant et la capacité éducative de l’éducateur » (Bernfeld, 1925). la
psychanalyse s’est développée en même temps que naissait une nouvelle
approche psychologique qui toutes tendances confondues3 modérait, et
parfois s’opposait, au courant innéiste et déterministe de la psychiatrie
concernant les enfants arriérés, délinquants et pervers qui avait dominé
tout le XiXe siècle. aujourd’hui le courant déterministe et innéiste, qui ne
s’est jamais éteint, renaît avec force en France et tente de s’installer dans
le champ de la délinquance sous le couvert de la prévention. En 2005, une
expertise collective publiée sous l’égide de l’institut national de la santé
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et de la recherche médicale (insErm)4 privilégie aux dépens d’autres
facteurs, dans une perspective parfois étroitement déterministe, la relation
entre trouble des conduites et délinquance. Elle déclenche contre elle une
importante réaction qui a dépassé le domaine théorique pour s’arrimer
dans le domaine social5. la déviance, qui n’en est pas le principal sujet, y
est représentée dans l’ensemble comme le résultat d’une maladie : l’être
humain porte en lui-même la cause somatique de son destin. ce courant
d’idées a toujours trouvé un certain appui au sein du corps médical et
auprès des partisans de la défense sociale. le corollaire en a été
historiquement une « thérapeutique » fondée sur la stigmatisation,
l’exclusion et, malgré des prétentions philanthropiques, souvent une dure
répression des enfants et des adolescents déviants.
2. l’auteur est étrangement cité dans le rapport sur les troubles des conduites de
l’insErm publié en 2005, sans rappel de son engagement dans la psychanalyse et
accompagné d’une citation qui donne une image erronée de son orientation de soins.
3. psychologie expérimentale de W. Wundt avec en 1904 les publications de T. Heller.
4. insErm (2005). Trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent. Expertise
Collective Inserm. paris : les éditions inserm.
5. avec par exemple le mouvement « pas de zéro de conduite ».
comprEndrE la dÉlinquancE ? 883
cet article tente d’expliciter les présupposés théoriques qui
traversent deux interprétations fondamentalement opposées de la
délinquance des mineurs, l’une mettant l’accent sur les processus et l’autre
sur le déterminisme, l’une sur l’indétermination probabiliste et
l’instabilité, l’autre sur les corrélations et toutes deux s’engageant
paradoxalement sur le concept de libre arbitre. ces présupposés traversent
et tendent à structurer l’ensemble des considérations théoriques qu’elles
soient d’ordre sociologique ou psycho/psychiatrique. nous évoquerons
aussi le rôle que se donne la psychanalyse dans son rapport à l’éducation
du délinquant, et comment la position psychanalytique dans ce débat n’est
pas univoque : elle rejoint ou s’éloigne selon les auteurs et les époques des
divers courants d’interprétation sociologique de la délinquance,
d’É. durkheim à la « théorie générale du crime ».
crimE ET consciEncE
les difficultés de l’analyse psychologique de la délinquance des
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mineurs tiennent en partie à la nécessité de rendre compte des logiques
multiples qui parcourent cet « objet » transdisciplinaire. la délinquance et
le crime, comme le souligne É. durkheim, sont un décret social avant
d’être une donnée objective : « il ne faut pas dire qu’un acte froisse la
conscience commune parce qu’il est criminel, mais qu’il est criminel
parce qu’il froisse la conscience commune »6. le crime, est un
phénomène ordinaire de chaque société, sur lequel nous portons chacun
un jugement. Toutefois, l’acte de justice n’est pas un jugement pour soi
mais une énonciation solennelle, parole publique qui reconnaît le fait
comme constitué7 et par l’énonciation même le constitue comme crime ou
délit. s’associer à l’hypothèse d’É. durkheim conduit à affirmer que
l’existence d’un droit naturel est une illusion8 : chaque société détermine
6. durkheim É. (1893). De la division du travail social. paris : puF, 1991, p. 48.
7. les traces de cette place centrale de l’énonciation se retrouvent à travers des termes
encore utilisés en droit tels interdit (interdicere), verbalisation, etc.
8. parmi les exemples les plus souvent donnés en faveur de cette assertion : tuer en
temps de paix est un crime, en temps de guerre, un devoir ; s’approprier les biens
d’autrui par menace un vol aggravé, avec l’aide d’un huissier une mesure de justice ; sans
compter les homicides et mutilations commis au nom de la religion, vertus dans une
civilisation, crimes dans l’autre.
884 jacquEs dayan
au gré de son évolution ce qui est ou non un crime. selon l’auteur il
existerait, s’il en existe, très peu de choix universels en matière de crime,
c’est-à-dire valables en tous lieux et en tous temps. la revue des travaux
anthropologiques et historiques réduit ces potentiels universaux au
parricide et à certaines formes d’inceste. pascal lui-même ne trouve guère
d’exception au relativisme : « le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants
et des pères, tout a eu sa place entre les actions vertueuses. […] il y a sans
doute des lois naturelles, mais cette belle raison corrompue a tout
corrompu. de cette confusion arrive que l’un dit que l’essence de la justice
est l’autorité du législateur, l’autre la commodité du souverain, l’autre la
coutume présente, et c’est le plus sûr »9. pascal offre ici de véritables
propositions théoriques quant aux conditions de l’émergence des choix
éthiques : l’une l’intérêt des puissants10, l’autre la structure sociale
construite et élaborée dans le temps. le terme « coutume » suppose avec
lui la résistance au changement et la part d’aveuglement quant aux choix
qui furent faits11. les choix de valeur apparaissent ainsi déterminés par
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une série de causes et contraintes, de rapports de force et de besoins
évolutifs organisés autour de l’auto-préservation et du développement
propre aux individus et aux sociétés, et peut-être à l’espèce12. les valeurs
sociétales n’apparaissent pas primordialement le résultat du libre arbitre ni
du hasard. opposé à cette démarche scientifique d’interrogations, de
questionnements, d’hypothèses et de démonstrations le fait religieux
affirme13 les valeurs intemporelles, universelles et révélées à l’homme par
9. pascal B. (1670). Pensées. paris : Garnier, 1960, p. 152.
10. aujourd’hui essentiellement analysé en termes économiques.
11. la « coutume » renvoie autant aux travaux anthropologiques et notamment aux travaux
structuralistes sur les valeurs et représentations du monde qu’aux théories modernes du contrôle
social informel. plutôt que d’aveuglement, il pourrait être fait état de refoulement social.
12. il en résulte des effets propres de structure qui peuvent donner lieu à une
analyse séparée (cf. théorie de l’émergence, relation infrastructure-superstructure,
théories des systèmes, etc.).
13. un second courant est a-historique et a-scientifique, d’essence religieuse : les
valeurs, comme les droits et devoirs, sont révélées à l’homme par une puissance
extérieure. la plupart des religions se présentent, contre toute vraisemblance, comme les
garantes de valeurs éternelles et irréfragables, même si d’ailleurs elles différent d’une
religion à l’autre. Toutes à un moment de leur développement s’imposeront par la
conquête et par ce qu’il est généralement convenu d’appeler crime par ceux qui le
subissent. dans L’avenir d’une illusion Freud (1927) décrit les mécanismes qui selon lui
comprEndrE la dÉlinquancE ? 885
une puissance qui lui est étrangère. Freud audacieusement décrira la
conception religieuse comme une forme de délire collectif après
qu’ É. durkheim eut souligné qu’en matière religieuse la tolérance à
l’écart avec la norme est particulièrement faible et le « crime »
régulièrement réprimé. ces assertions sont complémentaires et
s’inscrivent en cohérence avec les hypothèses des deux auteurs sur la
psychologie des foules. ce point mérite d’être souligné car nombre de
religions ont organisé ou organisent à un moment donné de leur mise en
place et de leurs soubresauts, au nom justement du bien et du droit,
assassinats, pillages et mutilations qui en d’autres lieux et d’autres temps
sont parmi les plus abominables des crimes. le seul exemple qui rivalise
avec l’intolérance religieuse dans la démonstration de la relativité de la
norme sociale est l’état de guerre. de surcroît, des transitions14
individuelles sont régulièrement constatées, tant à travers l’Histoire
qu’aujourd’hui, entre état de délinquance, ferveur religieuse et passé (ou
avenir) de guerre. les débats portant sur la religion comme modératrice
du crime n’ont pu aboutir ni en matière individuelle, ni en matière
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collective : cela dépend des religions et des époques.
La conscience commune du crime et du délit. qu’est-ce que la
conscience commune et comment se forge-t-elle chez un sujet donné ?15.
Freud16 développe l’idée selon laquelle les exigences de préservation
conduisent au choix religieux. leur étude serait d’une importance cruciale en
criminologie, connaissant la communauté des ressorts qui peuvent unir ou faire succéder
chez certains individus les choix criminels aux choix religieux, leur relation avec l’idéal
du moi, le narcissisme et la libido.
14. ces liens sont d’une importance cruciale en criminologie mettant en jeu idéaux,
narcissisme et libido.
15. les processus phylogénétiques et ontogénétiques comme les expériences
précoces participent à l’élaboration des valeurs humaines. Elles s’analysent en dernier
objectif pour la « conscience » individuelle aux paramètres de ce qui est bon ou mauvais,
plaisant ou déplaisant. la complexité provient surtout de la contextualisation de ces
« qualités » : bon pour qui, pour quand et dans quel contexte ? le contexte est fluctuant,
l’intérêt immédiat peut s’opposer à l’intérêt de demain, l’intérêt de l’individu à celui d’un
autrui significatif, au groupe, au socius ou à l’espèce. si les choix de valeurs restent ancrés
dans la biologie et l’expérience des corps, ils sont largement remaniés par l’organisation
des relations sociales et s’ancrent dans un registre imaginaire et symbolique : l’élaboration
de la capacité de sollicitude, de l’empathie, la tolérance à la frustration, etc.
16. Freud, 1929, p. 73.
886 jacquEs dayan
contre les tourments de la nature, mais aussi ceux venant des autres
groupes humains, obligent l’individu à s’organiser et travailler, puisant
dans la libido, alors inhibée, la dynamique de cet investissement. la
morale, sans s’y réduire, serait donc en grande partie une morale sexuelle,
et la faute une transgression des interdits sexuels. Freud ne fait guère
assaut de naïveté et en disciple de T. Hobbes, souligne aussi combien
l’homme est capable, s’il n’y est pas limité, d’agresser son prochain
sexuellement et sous toute autre forme, jusqu’à le tuer, particulièrement
s’il en tire profit sans en être inquiété, mais aussi et simplement si
l’occasion s’en offre avec l’impunité. selon Freud, les interdits moraux et
les exigences sociétales sont intériorisés par l’enfant à travers
l’identification (essentiellement inconsciente) non tant à l’image des
parents réels qu’à une « instance morale » leur appartenant, le « surmoi »,
siège de la conscience morale, de l’auto-observation et de la formation
d’idéaux. il accorde à l’éducation une forte influence sur la formation de
cette instance (Freud, 1929) allant jusqu’à écrire que le surmoi « conserve
le caractère du père »17. il étend cette proposition à un environnement
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social plus large car « l’autre intervient très régulièrement en tant que
modèle, soutien et adversaire et de ce fait la psychologie individuelle est
aussi d’emblée et simultanément, une psychologie sociale »18. la
contribution de l’environnement à la construction du surmoi est mise en
balance avec l’effet propre du renoncement pulsionnel, schématiquement
référé dans ce contexte au « renoncement à agresser l’objet ». Tout
renoncement accroît la sévérité et l’intolérance de la conscience morale,
l’agression est alors dirigée contre soi et le renoncement son principal
moteur. paradoxalement, bien que dirigée dans le fantasme contre soi elle
peut donner lieu à l’émergence de comportements hétéroagressifs, sans
sentiment de culpabilité par déplacement et refoulement de la conscience
coupable19. le sujet obtient ainsi une double réparation au détriment réel
17. Freud, 1923, p. 247.
18. Freud, 1921, p. 137.
19. il est souvent mis l’accent sur le fait que l’auteur assouvit sa culpabilité en se
faisant prendre et punir. l’acte déplacé assouvit aussi le mouvement pulsionnel réprimé
et en permet la décharge. il apparaît incompréhensible ou disproportionné.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 887
d’autrui. dès lors l’équilibre et le jeu entre la part de l’environnement réel
et celui des conflits internes deviennent plus complexes à analyser. Freud
(1929) est un moment tenté de résoudre ce dilemme en introduisant un
hypothétique troisième facteur constitutionnel ou congénital qu’il
n’approfondira pas et qui demeure le « joker » permanent de tout
spécialiste de la psyché. ces hypothèses soulèvent plusieurs difficultés.
une première difficulté tient au principe de la formation tardive du
surmoi que Freud situe à la fin de la période œdipienne soit entre trois et
six ans et qui se prolonge plus ou moins durant la période de latence. une
conception bien proche, exprimée sur un mode « psychosocial », est au
centre de la théorie générale du crime : elle affirme le rôle de la
supervision parentale jusqu’à huit ans, mettant à cet endroit une barrière
chronologique à l’action du contrôle parental dans le développement de la
personnalité de l’enfant. sur la base de travaux, aussi différents que ceux
de j. Bolwby et m. Klein par exemple, d. W. Winnicott accorda une
particulière importance aux périodes périphériques : formations précoces
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et remaniements de l’adolescence. s’interrogeant sur l’absence de
culpabilité de certains adolescents délinquants, il évoquera l’hypothèse
freudienne de la culpabilité refoulée inconsciente et de son déplacement,
à l’origine même de certains actes criminels, des plus banals aux plus
odieux. il suggérera aussi une autre origine : des défauts de synthèse du
moi provenant d’expériences très précoces ayant altéré le
développement20. il n’envisagera pas ces défauts comme source d’une
insensibilité permanente, en rupture implicite avec l’hypothèse du pervers
constitutionnel, mais comme pouvant ressurgir en relation avec les traces
précoces de quelque chose qui n’a pu être intégré. il évoquera même le
crime comme une démarche pour éprouver de la culpabilité. il différencie
nettement les effets de la non-intégration de ceux de la tendance
antisociale dont l’établissement est plus tardif dans un développement
plus intégré. cette hypothèse s’inscrit sans le clore, dans le débat portant
sur l’origine de la différenciation des devenirs délinquants entre ceux, la
20. qui pourraient être mis en relation avec les défauts d’empathie, de formation de
la capacité de sollicitude ou de tolérer la frustration, etc. (Winnicott, 1958).
888 jacquEs dayan
plupart, qui s’éteignent rapidement après l’adolescence et ceux, une
minorité, qui vont s’inscrire dans un parcours durable21. En effet, si
l’adolescence offre une nouvelle dimension d’opportunité et de réalisation
de la tendance antisociale, la plupart des actes antisociaux de
l’adolescence cessent vers la fin de la post-adolescence (vingt-cinq ans
environ) avec l’engagement dans la parentalité et dans le monde du
travail. cet élément « développemental », souligné par d. W. Winnicott
mais relevant aussi de l’observation populaire22 a été confirmé par les
enquêtes sociologiques y compris pour les mineurs récidivistes. il justifie
à lui seul, appuyé aujourd’hui par des arguments développementaux, le
traitement particulier de la délinquance à l’adolescence : permettre
d’aboutir à l’engagement social attendu du sujet mais primum non
nocere23. une seconde difficulté tient au traitement de la violence lorsque
son émergence semble consubstantielle au phénomène groupal. les
adolescents y sont particulièrement sensibles en relation avec leur
tendance à la grégarité, au conformisme et leur propension aux
identifications collectives. ce facteur pourrait contribuer à expliquer à
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travers la modification des modes de socialisation à la fin de l’adolescence
certains arrêts de la violence avec les « sorties » de bandes ou simplement
l’arrêt des regroupements sur la base de souffrances communes et de
l’espoir d’y trouver remède ensemble.
dÉlinquancE : dÉTErminismE ou procEssus ?
Nécessité et contingence. une révolution a été opérée dans le
domaine des sciences humaines et des sciences de la vie dont les chefs de
file furent c. darwin, É. durkheim, Freud, voire c. lévi-strauss. Elle a
consisté à introduire le complexe et l’aléatoire, là où s’exerçaient en
maître le déterminisme et la seule nécessité. le rôle du milieu et les
interactions entre les acteurs deviennent partie intégrante du destin
humain et plus généralement du destin du vivant. les modèles utilisés
21. il s’agit ici de différencier non des comportements mais des « structures »
mentales, les délinquants d’habitude ou professionnels n’étant pas tous des psychopathes.
22. shakespeare W. (1610). le conte d’hiver. in : œuvres complètes : Tragicomédies,
T. 2. paris : robert laffont, 2003.
23. qui n’exclut pas en soi l’enfermement pour les motifs sociétaux déjà exprimés,
voire pour l’intérêt du sujet lui-même.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 889
sont complexes et dynamiques. la validité interne du modèle est
augmentée mais la prédictibilité semble, en première observation,
affaiblie. comme en physique (quantique et relativiste), l’indétermination
devient une part même du phénomène, l’observateur et la procédure sont
de plus susceptibles de modifier les résultats observés car part de
l’environnement. ce courant a aussi traversé la génétique avec la mise en
évidence de très nombreux facteurs modifiant l’expression du gène
directement en relation avec l’influence du milieu (épigenèse, épissage
alternatif, etc.) notamment dans le cerveau (Blencowe, Khanna, 2007).
par ailleurs l’hypothèse d’un fonctionnalisme pur ne peut plus être
soutenue et la machine génétique d’une complexité surprenante apparaît
comme le résultat d’une historicité indiscutable qui conduit notamment à
des fonctions latentes de gènes non codants qui viennent à s’exercer selon
les espèces ou l’environnement. pourtant aujourd’hui encore, des auteurs
mettent l’accent sur des facteurs constants24 dans l’analyse étiologique des
comportements, le plus souvent en réduisant à peu de choses l’influence
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du milieu. ces facteurs affectant l’individu, sont souvent présents en fait
ou en puissance dès la naissance. originels, leur dénomination même
sous-entend l’obstacle au changement : hérédité, tares, maladie mentale,
parfois culture ou ethnie, voire classe sociale, etc. d’autres étudient
surtout les relations de ces facteurs primaires au contexte. ils examinent
comment ils peuvent avoir vocation structurante et interagir pour
déterminer le comportement de l’individu avec une certaine historisation
(épigenèse, règles et normes sociales, conflits culturels, réaction mentale,
facteurs sociaux, procédés cumulatifs, flèche du temps, etc.). aujourd’hui,
certaines conceptions de la psychologie et depuis toujours la psychanalyse
tiennent compte des effets de contingence tant dans l’émergence de l’acte
que dans la constitution du caractère, contrairement aux psychologies
développementales classiques. le principe d’intégrer la contingence dans
les sciences de la nature n’exclut pas un ordre de nécessité25 mais élimine
24. parfois érigés en « stigmates » : cf. « labelling theory » avec H. s. Becker (1963)
et E. Goffman (1963).
25. Engels F. (1883). Dialectique de la nature. paris : Éditions sociales, 1968.
http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm, p. 177 ; et monod j. (1970). Le hasard et
la nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne. paris : seuil.
890 jacquEs dayan
le principe d’un déterminisme par des facteurs innés sauf seulement à être
intégrés en termes probabilistes. c’est surtout avec c. darwin que cette
révolution s’est initiée. Elle réduit à rien l’illusion de pouvoir modéliser
les sciences de la nature en un déterminisme mécaniste auquel aujourd’hui
même les sciences « dures » ont renoncé. pour i. prigogine (1977, 2001)
dès que l’instabilité est incorporée, la signification des lois de la nature
prend un nouveau sens : elles expriment désormais des possibilités. ces
oppositions apparaissent clairement dans les étiologies proposées de la
délinquance, y compris dans le domaine psychique. cette instabilité s’est
aussi introduite dans le débat en sciences sociales avec en particulier les
travaux de r. j. sampson et j. H. laub (1988) qui présentent un modèle
complexe où la délinquance tend à diminuer avec l’âge, mais aussi avec
les opportunités qui s’offrent de construire des liens sociaux puissants et
stables. ils incorporent la notion de bruit de fond, de hasard et de
construction latente du monde représentationnel.
Le courant constitutionnel ou la stigmatisation des enfants
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« tarés » et « pervers ». les partisans de l’innéisme restreignent ou
ignorent la part du contexte social et affectif dans l’émergence du
comportement délinquant ou criminel mais aussi dans sa pérennisation. ils
prônent la correction de la personnalité qui donnera lieu aux maisons du
même nom. ce courant a été dominant tout au long du XiXe siècle, du
« pervers constitutionnel » de c. lombroso, fondateur de l’école italienne
de criminologie au « taré » de l’aliéniste j.-j. moreau de Tours. Fondées
sur cette conception du crime, les expériences philanthropiques telle celle
de la « petite roquette », de 1836 à 1867, maison d’éducation
correctionnelle, prônaient « l’amendement par l’isolement et le silence ».
l’expérience des colonies agricoles débutée à peu près simultanément,
avec au départ une idéologie familialiste et quasi (ou pseudo ?)
rousseauiste de l’« amendement par la nature », finira le plus
communément en incarcération au grand air. l’idéal affirmé masquait une
répression de fait particulièrement sévère. plus au cours du siècle ce
courant correctionnel marque son échec, plus l’oppression se renforce et
plus le discours envers les enfants pris en charge se durcit. En 1904, on
adjoindra à ces « inamendables » condamnés les enfants « vicieux » et
comprEndrE la dÉlinquancE ? 891
« insoumis » de l’assistance publique. À ces réalisations, le discours
psychiatrique de l’époque a le plus souvent apporté sa caution : à l’enfant
moralement déterminé par ses gènes et par son anatomie notamment
cérébrale, la criminologie officielle répondait par le seul traitement alors
possible, « le soumettre » (congrès de l’Éducation correctionnelle, 1890).
l’expertise scientifique consistait alors en mesures anthropométriques et
quelques détails sur les antécédents criminels ou alcooliques des parents
apportant leur caution à une objectivité affirmée.
Aujourd’hui, le retour de l’héréditaire ? la fin du XiXe siècle a
sonné, non la fin mais le recul du constitutionnalisme et de l’innéisme
devant un nouveau courant qui place au premier plan l’origine sociale des
crimes. il traverse la médecine, puisque a. lacassagne lui-même en 1895,
semblant revenir sur ses opinions précédentes déclare : « la société a les
criminels qu’elle mérite. » ce mouvement se traduira en actes législatifs
successifs pour aboutir à la loi du 22 juillet 1912 dont un des rédacteurs
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(cité par Bourquin, 2012) déclare : « la loi ne doit plus être envisagée du
point de vue de la défense sociale […] mais surtout du relèvement de
l’individu coupable. » ce mouvement interrompu par la guerre de 14-18,
reprendra avec vigueur à la sortie de celle-ci mais ne sera concrétisé que
tardivement en France par l’ordonnance du 2 février 1945. une
efflorescence théorique l’accompagne dès le début du XXe siècle dans
toute l’Europe. l’essor de la psychologie scientifique et celui de la
psychanalyse, contribueront à la création d’institutions ouvertes, de
consultations psychopédagogiques et au recul de la militarisation des
institutions « fermées »26.
depuis la fin des années 60, le centre de gravité de la responsabilité
des comportements déviants est déplacé de nouveau au niveau du sujet,
non pas dans son libre arbitre mais au contraire aliéné par sa maladie ou
sa dangerosité. ces courants s’associent à une idéologie de la preuve et de
26. l’ouvrage d’a. aichhorn Jeunesse à l’abandon, paru en autriche en 1925 et aux
États-unis en 1935, ne sera traduit en français qu’en 1973. des articles publiés après-
guerre ne sont toujours pas traduits (aichhorn, 1948). aujourd’hui encore ses travaux
présentent un effet de rupture (cf. Houssier, 2003).
892 jacquEs dayan
l’évaluation de l’action, sociale comme thérapeutique. l’environnement
est évoqué bien plus au titre de l’attaque dont il fait l’objet (sociologie de
la délinquance) ou de l’incapacité du sujet de s’y intégrer (dsm iii r) que
pour sa contribution active au phénomène délinquant : cette orientation a
pu être présentée comme le fruit d’une exacerbation de la défense et du
contrôle social27. l’interprétation du phénomène délinquant s’oriente de
nouveau progressivement vers le constitutionnalisme. l’accent est mis sur
les troubles psychiques des enfants délinquants qui à défaut d’être
franchement proclamés héréditaires sont indiqués comme liés à une
susceptibilité génétique. il n’y a plus de pervers constitutionnel mais des
enfants présentant des troubles oppositionnels avec provocation ou une
hyperactivité avec déficit de l’attention qui n’évoluent pas
favorablement28. les métaphores médicales sont utilisées pour appuyer le
propos : « lorsqu’un enfant présente de façon chronique des symptômes
du trouble des conduites, le risque de délinquance juvénile grave est
statistiquement aussi important que de développer un cancer (sic)
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lorsqu’on est un gros fumeur. » (Tremblay, 2008). mais il ne s’agit pas
seulement de métaphores médicales : « des facteurs environnementaux
pendant la grossesse et après (carence alimentaire, stress, alcool,
tabagisme, drogues…) ont des répercussions sur le développement du
cerveau de l’enfant, ce qui engendre des difficultés d’apprentissage, dont
celui du contrôle des émotions » (Tremblay, 2008).
Techniques de validation : valeur scientifique ou opérabilité
sociale ? cette orientation théorique s’accompagne des moyens
d’investigation qui lui sont adaptés et dont la scientificité reste sujette à
caution29. Elle repose en effet pour ces démonstrations sur l’utilisation
27. ces mouvements de balancier affectant la dialectisation entre facteurs constants et
processus, individus et structures, débordent largement du domaine de la seule psychologie
pour embrasser toutes les sciences humaines. ils sont aussi associés à l’évolution
économique et politique. Voir dans ce même numéro de la revue l’article de H. Hamon :
« l’adolescence et la justice des mineurs à l’épreuve du néolibéralisme » pp. 815-822.
28. ces recherches sont souvent menées par des acteurs qui ont la particularité, à ma
connaissance, de n’avoir pas de pratique thérapeutique engageant une relation avec les
enfants délinquants mais une pratique épidémiologique (Tremblay, 2010).
29. notons que r. E. Tremblay, l’auteur de ces précédentes citations, est un des
principaux rédacteurs du rapport déjà mentionné sur les troubles des conduites.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 893
élective de questionnaires et d’échelles pour l’étude des comportements et
des états subjectifs, le plus souvent mono-sources et dans un
environnement peu écologique30. le recours au quantitatif procède ici
d’une démarche spécifique, aujourd’hui habituelle mais pas pour autant
légitime à porter un discours scientifique dans ce domaine : il ne s’agit pas
de mesurer des constantes physiques (force, intensité électrique, distances,
etc.) mais des tendances comportementales ou des aspects de la
subjectivité de l’individu. assigner des nombres aux comportements et à
la subjectivité permet de générer des scores et d’offrir une description
quantitative et contrôlable de l’individu placé dans un groupe de référence
imaginaire pour une situation standardisée. il est incertain malgré les
procédés de légitimation « métrologiques » que la validité de ces résultats
s’étende aux champs sociaux ou psychologiques où ils prétendent être
pertinents (desrosières 2001, 2008). certains excès de cette entreprise
évoquent la désuète mensuration des crânes31 avec son assiduité
classificatoire et quantitative32. le recours exclusif aux statistiques
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permet33 d’éviter de devoir définir au-delà des corrélations les processus,
c’est-à-dire la nature dynamique des liens supposés entre les « variables »
étudiées. un autre avantage de ce format d’allure scientifique est
d’évacuer avec efficacité la dimension symbolique et affective de l’action
humaine. le sujet reste statistique et le sujet vivant et réel n’a pas à être
écouté, les études de cas sont d’ailleurs qualifiées « d’anecdotes ». la
psychanalyse est antinomique de cette pratique. Elle n’est pas attaquée à
titre principal sur ce point mais sur le fait que son action ne peut être
contrôlée. Elle ne peut faire la preuve de son efficacité évaluée à travers
30. nous ne faisons pas référence ici à la psychologie expérimentale, ni aux
neurosciences dont la validation épistémologique ne nécessite pas une pratique de terrain.
31. on mesurait alors les mensurations crâniennes. la plupart de ces documents,
remplissant des armoires entières des hôpitaux, ont été détruits.
32. des résultats chiffrés ne garantissent une assertion qualitative qu’en relation avec la
méthode et la clarté des concepts. Beaucoup d’articles concluent à des hypothèses qu’ils ne
démontrent pas. il n’est pas établi que des questionnaires longuement élaborés (e. g. sur
l’impulsivité ou l’agressivité) apportent plus d’informations qu’une observation de bonne
qualité, conservant autant de marges d’incertitudes et de freins à la généralisation.
33. des modèles statistiques permettent des modélisations complexes, ils ne sont pas
de loin les plus utilisés en criminologie ou en psychologie.
894 jacquEs dayan
la normalisation sociale ou « mentale » de la déviance. Elle n’opère pas
une description contrôlable de l’individu. Elle ne répond pas au critère
popperien de la scientificité34. on lui demande le silence : « un peu plus
de science et un peu moins de politique de la part des professionnels ferait
un grand bien à tous ces jeunes qui souffrent » (Tremblay, 2008).
Toutefois, ce n’est pas la psychanalyse qui semble l’objet final des
controverses. Elle est seulement aujourd’hui la plus vulnérable des
pratiques et des disciplines en psychologie. le fond des controverses porte
sur les postulats de causalité et oppose le déterminisme, souvent
constitutionnaliste, et les approches dynamiques qui introduisent dans
leurs modèles la complexité et la contingence, y compris en sociologie.
le second pilier des techniques de validation repose sur une
nosographie régulièrement modifiée, établie par des réunions de
consensus. cette orientation nosographique s’associe à une entreprise
extensive de classification à travers de vastes compendiums tels les cim
ou dsm. depuis la révision de la troisième édition du manuel
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diagnostique et statistique des maladies mentales, le primat tend à être
donné au constitutionnel, au génétique et dans l’ensemble au
déterminisme biologique sans que cela soit toujours affirmé clairement.
renonçant explicitement à justifier de ses choix théoriques, sous prétexte
d’impartialité ou même de « non-choix », cette classification crée un
obstacle technique à la possibilité de la critique. les comportements
socialement déviants ou seulement perturbateurs de l’enfance y sont
décrits comme des troubles psychiatriques. les thérapeutiques suggérées
visent à la disparition des symptômes et non à modifier le rapport du sujet
à la réalité (Freud, 1927). cette technique-là est reconnue peu efficace
pour « les troubles oppositionnels avec provocation », ce qui nous
rapproche, dans le balancement de l’histoire, du pervers constitutionnel
inéducable35.
34. lui-même de validité discutée dans le domaine des sciences humaines, mais aussi
dans certains domaines des sciences physiques.
35. r. E. Tremblay (comme d. W. Winnicott) décrit les actes qu’il nomme
dyssociaux comme se retrouvant aussi chez l’enfant normal. il les décrit toutefois comme
des actes de prédation, se référant à T. Hobbes. pour r. E. Tremblay un trouble génétique
est à l’origine de l’incapacité à être progressivement socialisé. il fait jouer un certain rôle
à l’environnement mais toujours secondaire.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 895
Existe-t-il des courants théoriques en psychologie ou en
psychiatrie spécifiques de la défense sociale ? les courants
constitutionnels de la délinquance sont aussi en général ceux de la
« défense sociale ». l’histoire montre que le plus souvent lorsque la
psychiatrie d’une nation tend à faire de l’acte antisocial le signe d’une
maladie de tempérament ou d’hérédité, cette nation tend aussi à punir
plus sévèrement l’acte délinquant. comment rendre compte de cet
apparent paradoxe, connaissant que souvent les tenants politiques d’une
répression judiciaire marquée chez le délinquant « malade » s’affirment
aussi les tenants de la conception classique du libre arbitre en matière
pénale ? selon quelle logique peut-on attribuer un libre arbitre à un
individu que l’on tient pour déficient, malade génétiquement ou par
constitution ? on ne le peut pas : le déterminisme ruine le libre arbitre.
cette logique ne tient pas à des inférences des théories psychologiques
au sein du droit, mais plutôt à la convergence de deux conceptions du
rapport de l’individu au monde qui conduisent à préserver le collectif
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plutôt que l’individu, et le préserver en l’état. cette conception en droit
s’accorde avec une forme d’individuation de la peine orientée vers le
primat de la défense sociale. ainsi pour un même délit, dans de
nombreuses législations, il peut être prononcé le sursis pour les
délinquants primaires et une peine aggravée pour celui qui est estimé
délinquant d’habitude. cette direction d’action peut être encore
accentuée par l’automaticité des peines en cas de récidive. c’est ainsi le
cas en France de la loi du 10 août 2007 qui, en toute logique de défense
sociale « renforce la lutte contre la récidive des majeurs et des
mineurs […] institue […] des peines minimales en cas de récidive
criminelle ou correctionnelle […] adapte les dispositions de […]
l’ordonnance du 2 février 1945 […] afin notamment d’écarter de plein
droit, sauf décision contraire de la juridiction, l’atténuation de
responsabilité pénale des mineurs en cas d’infraction grave commise en
multirécidive […] ». dans cette optique, s’il n’y avait des considérations
morales, et un inexorable mouvement psychique des jurés et parfois des
magistrats, vers une peine qui soit proportionnée à l’offense, le déficient
ou le malade dont le trouble serait justement d’être antisocial, donc peu
éducable et dangereux, devrait être encore plus sévèrement puni que le
896 jacquEs dayan
délinquant ordinaire36. quant au mineur, en la matière, le problème est
presque identique : si l’on juge que ses actes sont déterminés par son
trouble et que celui-ci est peu guérissable, l’écarter de la vie sociale, le
punir sévèrement préserve la paix sociale. si au contraire la prison
aggrave les troubles, favorise la récidive et que la majorité d’entre eux
guérissent de leur délinquance avec l’âge, ce qui semble le cas, il est plus
judicieux d’éviter la prison pour cette même paix sociale. c’est au moins en
ce point que se noue le lien fort entre théories du crime et peines réelles.
pour ce qui est du mineur délinquant, ce qui est à attendre d’une justice qui
promeut la défense sociale dépend donc de ce qui est attendu de l’évolution
du mineur et donc des théories de la délinquance chez les mineurs.
un rEssorT social FondamEnTal
Quelles interfaces pour quelle complémentarité ? G. Heuyer37
« inventeur » du modèle français de pédopsychiatrie insistait sur
l’influence du milieu et la vanité des tentatives de classification
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psychiatrique des mineurs délinquants : « chaque enfant ou adolescent est
un tel mélange d’inné ou d’acquis […] son évolution est si irrégulière
lorsque changent les conditions du milieu, que jusqu’à la fin de
l’adolescence, il nous paraît impossible de donner à des états sans cesse
en transformation, une étiquette définitive » (Heuyer, 1955).
j. de ajuriaguerra estimait qu’il reste impossible de comprendre la
délinquance sans tenir compte des facteurs sociaux dont la nature de
l’environnement familial. pour G. Heuyer, « la criminalité est une
maladie sociale », pour d. lagache38 (1949) il « n’est pas de groupe social
sans délinquants, ni sans jeunes délinquants ». pour j. lacan et m. cenac,
si la psychanalyse donne la mesure du crime dans ses rapports avec la
réalité (psychique) du criminel, elle indique aussi son ressort social
fondamental qu’ils abordent dans une perspective à mi-chemin de
36. ce qui fut assez appliqué au XiXe siècle. aux usa, ni l’âge ni la déficience
mentale ne sont des obstacles incontournables aux punitions les plus sévères.
37. considéré comme le fondateur de la pédopsychiatrie française « moderne ».
38. il est à l’origine de l’introduction de la psychanalyse dans la prise en charge des
mineurs délinquants en France pendant et après-guerre.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 897
l’anthropologie et de l’histoire des religions. Toutefois entre l’approche
familialiste, celle de la sociologie générale, la criminologie et les
approches socio-politiques quelles interfaces sont pratiquement ou
théoriquement exploitables ?
Approches déterministes et approches probabilistes ou en
instabilité. que son rôle apparaisse essentiel ou minime, aucun courant de
pensée aujourd’hui ne dénie une part de détermination sociale aux
comportements délinquants. Toutefois, les références conceptuelles
impliquent diversement les responsabilités réciproques du sujet et de son
environnement. les approches les plus déterministes n’impliquent le sujet
ni comme sujet agentif (et donc d’une certaine façon possédant une part
de libre arbitre et capable d’échapper à la détermination du contexte), ni
comme sujet en interaction avec le monde. il porte en lui-même son
risque soit comme sujet troublé, avec par exemple des « troubles du
caractère ou du comportement » de l’enfance ou un manque de « self-
control » à tout âge (entendu parfois comme constitutionnel), soit comme
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sujet déterminé par son passé effectif, le récidiviste, devant plus qu’aucun
autre récidiver. une limite notoire à ces assertions déterministes tient au
fait que la majeure partie des enfants avec troubles du comportement ne
seront ni des adolescents délinquants ni des adultes délinquants : ils ont
donc une valeur explicative bien moindre qu’il est admis dans les rangs
du constitutionnalisme. Elles peinent aussi à expliquer comment à
l’échelle individuelle le récidiviste cesse, ce qui est le cas de nombreux
adolescents et même une tendance forte chez l’adulte. d’autres approches
sociologiques39 mais aussi l’abord psychanalytique impliquent
l’environnement « en interaction »40 : la famille, les pairs, également les
principales institutions socialisantes que le sujet intègre, qu’il côtoie ou
qui le rejettent, en premier lieu l’école, en second lieu le monde du travail
et pour une minorité d’adolescents « la rue », le « foyer » ou « la prison ».
39. nous citerons l’approche microsociologique et les publications de l’école de
chicago, plus récemment les approches de r. j. sampson et j. H. laub et à un certain
degré la « théorie générale du crime ».
40. pour l’adulte le monde du travail, le couple et la parentalité.
898 jacquEs dayan
chez l’adulte l’engagement religieux est décrit comme un facteur
d’intégration bien qu’il puisse y être un obstacle et même un facteur
criminogène. l’engagement dans l’armée (surtout hors des combats)
semble aussi généralement un facteur d’intégration, toutefois seulement
dans le cadre d’une décision du sujet lui-même ou de la conscription : des
camps militaires pour adolescents ou jeunes adultes délinquants ont été
mis en œuvre à titre de thérapie ou d’alternative à l’incarcération mais
aucun avantage n’en a été démontré (jones, ross, 1997a et b). l’approche
interactionniste se retrouve aussi présente à travers des courants
sociologiques, notamment ceux représentés par l’école de chicago à
laquelle est parfois rattaché l’interactionnisme symbolique de E. Goffman.
les théories systémiques de la communication et les continuateurs de
l’école de palo alto ont aussi contribué à diffuser l’approche
interactionniste pour l’abord des familles de mineurs délinquants. il existe
au sein des multiples courants de l’approche sociologique une diversité des
regards portés sur le déterminisme social et individuel, certains
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compatibles épistémologiquement avec l’abord psychodynamique.
Libre arbitre et justice. Historiquement l’ouvrage de c. B. Beccaria
(1764) a marqué une révolution en droit pour toute l’Europe, prônant le
principe du caractère régulier, quasi « automatique » de la peine, à partir
de sanctions prévisibles, proportionnées au délit et en dehors de toutes
considérations religieuses. considérant l’homme comme doué de libre
arbitre et de raison, il prônait des peines promptes et « douces »41 connues
de tous et ainsi s’opposait à l’arbitraire du pouvoir discrétionnaire des
juges. selon c. B. Beccaria comme j. Bentham, la position théorique
fondamentale est que nos actions sont guidées par la recherche du plaisir,
et l’évitement de la douleur et que l’individu dispose pour cela de son libre
arbitre. cette position classique est encore aujourd’hui centrale dans
nombre de théories de la peine. le libre arbitre comme principe d’égalité
du droit s’oppose à l’individuation de la peine : la même pour tous à partir
d’un texte clair. ce progrès dans le sens de l’équité représente aujourd’hui
un problème majeur quand il est tenu compte de proportionner, s’il est
41. la torture et la mort étaient alors monnaie courante.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 899
possible, le libre arbitre, à la capacité de discernement, c’est-à-dire à la
capacité de comprendre et de vouloir. En effet si la proportion de la peine
au seul acte fut à une période historique un progrès de l’équité, elle en
devint ensuite un frein dès lors qu’il n’était pas ou peu loisible de tenir
compte des limites du libre arbitre. assez paradoxalement, les tenants de
la théorie classique devenaient au cours du temps des apologistes de la
défense sociale. quand il fut en droit tenu compte du discernement pour
les mineurs pour modérer leur peine, en fait, en raison d’un principe de
défense sociale plus ou moins affirmé, l’enfermement pour les mineurs
non discernants pouvait se prolonger, en France, jusque peu avant-guerre,
bien au-delà de celui des mineurs discernants : ils étaient envoyés dans les
colonies pénitentiaires ou enfermés en d’autres lieux. cette anomalie
persiste aujourd’hui dans certains États, où le mineur à priori non
discernant peut se retrouver dans un centre éducatif, souvent à forme
semi-carcérale, sans limite légale de durée42. défense et régulation
sociales dont les intérêts à court et à long terme sont parfois opposés,
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intérêt des victimes et de leur réparation, intérêt des auteurs et leur
amendement viennent se heurter pour fonder le droit. l’opinion publique
exerce aussi une contrainte dont les effets apparaissent non seulement sur
les jugements mais aussi aujourd’hui à travers l’accélération marquée de
la production législative. la loi devient parfois un instrument de
régulation à court terme, même en dehors de périodes de crise, ce qui
altère l’impression et surtout le dessein commun qu’elle puisse, simple
mais claire, s’extraire suffisamment des contingences et des pressions
pour participer de principes civilisateurs pérennes.
Deux courants en sociologie : anomie ou causalité individuelle ?
selon une première tendance, l’affaiblissement des normes sociales
constitue le principal terreau pour l’émergence de la délinquance. le
courant dit de l’« école de chicago » (dès 1920), à partir d’études
empiriques et d’implication des acteurs sur le terrain, montre comment la
désorganisation sociale est un facteur de criminalité et de délinquance.
42. certains pays d’amérique du sud notamment.
900 jacquEs dayan
l’étude de l’immigration des paysans polonais en Europe et aux États-
unis permet à W. i. Thomas et F. Znaniecki (1919) de montrer le biais que
jouent, au-delà des seuls facteurs économiques, les conflits culturels qui
ont aussi été analysés en termes d’identité et de représentations. pour
W. i. Thomas (1928) d’ailleurs, les représentations de la réalité jouent un
rôle plus déterminant que la réalité « objective » pour déterminer les
conduites délinquantes. ces assertions seront encore prolongées par
r. K. merton (1938, 1967) qui créera les concepts de prophéties
autoréalisatrices et autodestructrices. l. Wirth à son tour tentera de
montrer l’importance du conflit de culture, mais aussi de l’image de soi,
dans la genèse du comportement délinquant des populations immigrées.
E. sutherland (1924, 1937) totalement en rupture avec les modèles
médicaux affirme que la délinquance est un phénomène appris et non
héréditaire et en ce sens elle ne relève pas d’un trouble individuel.
plusieurs synthèses de ces orientations théoriques (cloward, ohlin, 1960)
sont proposées au début des années 60 où ce courant de pensée culmine.
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Elles font de l’entrée dans la délinquance le résultat d’une conjonction de
circonstances sociales, subsumées sous le terme de désorganisation (sous-
culture, faibles liens avec institutions socialisantes, conflits de cultures,
etc.) et de « l’expérience du désespoir né de la certitude que [la] position
dans la structure économique est à peu près fixe et immuable ». Elles ne
nient pas la notion de conflit que parfois elles intègrent centralement :
conflits de représentations, conflits sociaux, conflits de rôles.
le déclin de ce courant post-durkheimien s’amorce ensuite très
nettement dans la fin des années 60 aux États-unis. il survient en même
temps que se modifie l’orientation de la psychiatrie nord-américaine
(sanders, 2011). dans un premier temps, le dsm élimine en 1968 de son
contenu le terme de « réaction », c’est-à-dire le courant de pensée
jasperien emmené par a. meyer qui donnait une large place à
l’environnement dans la genèse des pathologies mentales et mettait en
avant l’importance essentielle de l’histoire des individus et des difficultés
auxquelles ils ont fait face. on peut avoir idée de la violence des
bouleversements cliniques, théoriques et institutionnels que cela
représenta quand il est rappelé qu’a. meyer fut le président de
l’association américaine de psychiatrie et l’un des plus influents
comprEndrE la dÉlinquancE ? 901
psychiatres de la première moitié du XXe siècle. influencé par E. Krapelin
et Freud, il le fut aussi par l’école américaine de sociologie de chicago.
un des apports cliniques d’a. meyer fut de mettre en valeur l’importance
de recueillir l’histoire détaillée des patients pour expliquer leur trouble et
leurs réactions. aujourd’hui cette pratique est qualifiée avec un mépris
certain de recueil d’anecdotes par les adeptes de r. spitzer, personnellement
déçu de la psychanalyse. En 1980, les références à la psychanalyse dans le
dsm iii r sont définitivement absentes même si la classification et les
concepts en sont encore profondément marqués. plusieurs buts seront
affirmés : clarifier les diagnostics, éliminer le contexte, médicaliser les
troubles (spitzer, 2007).
c’est dans cet environnement idéologique que la sociologie de la
délinquance va être refondée. au fur et à mesure de l’avancée dans le XXe
siècle, la dimension culturelle et la part de l’imaginaire et du fantasme, en
relation avec le sens de soi, dans l’émergence du phénomène délinquant
et criminel, seront progressivement reléguées au second plan, parfois
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totalement omises. devant le déclin relatif des institutions
« socialisantes » (religion, famille, notamment), un mouvement s’ébauche
pour devenir progressivement dominant qui tend à minimiser le rôle de la
désorganisation sociale pour faire peser sur l’individu et surtout sur sa
famille d’origine la cause principale de la délinquance (Hirschi, 1969).
T. Hirschi développera en 1969 une théorie de compromis. sur la forme il
mettra en avant les valeurs d’organisation sociale, qui bien que le miroir
de celles de la désorganisation, prendront un aspect idéologiquement plus
conforme à l’air du temps. il mettra l’accent sur les formes diverses du lien
social s’opposant à la délinquance : attachements familiaux et
institutionnels (école), conformisme social, engagement dans des activités
sociales acceptées, partage des croyances sociales communes et
renforcement constant et mutuel de ces déterminants (rôle de l’activité
sociale au sens général). pour l’auteur, ces forces sont capables de
s’opposer aux facteurs classiques de délinquance comme les groupes de
pairs déviants. une vingtaine d’années plus tard T. Hirschi (1990) associé
cette fois-ci à m. r. Gottfredson, criminologue, révise sa théorie dans une
« théorie générale du crime » et place au centre de l’acte criminel un
facteur psychologique, la perte de self-control sans complètement renier
902 jacquEs dayan
ses théories précédentes. En effet la faiblesse de self-control chez l’adulte
succède pour les auteurs à l’absence de contrôle familial ou
« supervision » chez l’enfant. ce concept s’avérera consistant du point de
vue épidémiologique, la critique portera ailleurs.
Un objet mal identifié : le self-control. les auteurs de la théorie
générale du crime ont été accusés d’écarter toutes les autres théories :
déterminisme biologique bien sûr, mais aussi conditionnement social par
renforcement, associations avec des pairs déviants, stress et frustration,
précarité économique, engagements dans des sous-cultures et faibles liens
avec les institutions socialisantes. ils utilisent des termes psychologiques
« attachement » et surtout « self-control » définis empiriquement au centre
d’une théorie par ailleurs exclusivement sociologique. il existe aussi une
faiblesse logique à définir comme une variable indépendante le self-
control alors qu’elle dépend d’autres variables : les carences précoces, le
stade de développement, la nature de l’environnement social au moment
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de l’évaluation, et particulièrement pour l’adolescent l’influence du rôle
des pairs43. Elle n’inclut pas la dimension affective. la capacité de
discernement, contributive à la possibilité de libre arbitre, et la capacité de
surseoir au plaisir immédiat (ou à faire disparaître immédiatement le
déplaisir) dépendent non seulement de la supervision parentale mais de
composantes affectives associées à l’histoire individuelle de l’adolescent
(dayan, 1997). la capacité de contrôle peut être mise en relation avec
l’intériorisation de figures aimantes et secourables et pas seulement
surmoïques. Elle se fonde aussi sur la régularité et la prévisibilité des
expériences de satisfaction. ce point renvoie au rôle des relations avec les
parents dès les premiers soins et jusqu’à la préadolescence que les auteurs
font prévaloir dans une perspective presque exclusivement « éducative » :
ce qu’ils nomment la supervision familiale serait le garant essentiel de
l’engagement social, du conformisme social et du respect de la norme. ils
43. donnée de base de la psychologie développementale, de la psychanalyse et de la
psychologie sociale elle est encore retrouvée à travers les modalités expérimentales de la
neuropsychologie comportementale. utilisant une expérience virtuelle (jeu vidéo) il a été
montré que les adolescents tendent à se mettre en danger en présence de pairs alors qu’ils
évitent de prendre des risques s’ils jouent seuls avec un adulte.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 903
ajoutent des variables aisément quantifiables tels l’alcool, la violence, la
pauvreté, le chômage comme facteurs de risque de la criminalité. ils
concluent toutefois qu’un faible niveau de contrôle de soi ne suffit pas
pour engager dans la délinquance : il faut y adjoindre la conjonction de la
faiblesse des liens sociaux surtout institutionnels. cette théorisation
dominante aujourd’hui apparaît beaucoup comme un compromis
idéologique mais est peu critiquée sur le plan épistémologique, alors
qu’elle se présente comme un bricolage conceptuel additionnant des
chaises et des pommes de terre. ces limites tiennent aussi à la remarque
que nous avons introduite selon laquelle la délinquance est un objet
transdisciplinaire qu’aucun corpus isolé ne semble à même de pouvoir
suffisamment définir et étudier. l’absence de contrôle de soi est une
variable comportementale qui peut être analysée en rapport avec ses
bénéfices et déterminants sociaux d’une part et psychologiques d’autre
part : il est discutable qu’elle soit un élément final du tempérament du sujet
et indépendante des processus sociaux.
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unE ÉVoluTion sponTanÉE VErs l’inTÉGraTion socialE
quand l’ordonnance de 1945 a été rédigée, l’esprit en était de
permettre à la majorité des adolescents délinquants, dont nombre avaient
été affectés par la guerre juste achevée, de devenir des adultes socialement
intégrés et actifs, sans nuire par des mesures brutales à leur
développement. il fallait pour cela en préserver le potentiel évolutif durant
cette période d’instabilité, de prise de risques et ouverte au « passage à
l’acte ». cette intuition du possible repose actuellement sur des
constatations scientifiques. d’une certaine façon, l’assertion de
d. W. Winnicott est confirmée : le remède à l’adolescence est bien le
temps car l’adolescence n’est pas une maladie mais une phase du
développement. la plupart des adolescents qui commettent des actes de
délinquance ne les répètent pas. ils n’ont souvent aucun trouble mental ni
de caractéristiques antisociales prononcées. une faible fraction44 récidive,
44. il est difficile de quantifier cette fraction qui est évolutive (cf. articles de
r. j. sampson et j. H. laub).
904 jacquEs dayan
parfois avec une grande fréquence sur une courte période, mais la plupart
cessent les actes violents autour de dix-huit – dix-neuf ans et l’ensemble
des actes de délinquance autour de vingt-cinq ans. il en est très peu qui
persistent au-delà, s’engageant alors dans ce que certains ont qualifié de
délinquance chronique ou de parcours criminel, et ce sont surtout des
garçons. Entre-temps une proportion non négligeable des mineurs
délinquants auront été durant la courte période de l’adolescence les
victimes de leurs propres conduites à risque (accidents de la voie publique
et toxicomanie notamment). il s’ensuit dans ce groupe une surmortalité
significative et une morbidité augmentée, relativement nombreux seront
ceux qui parviendront à l’âge adulte avec des séquelles physiques, parfois
simples stigmates, parfois handicaps (perron, Howard, 2008 ; dunbar,
1958). certains adolescents avec des facteurs de risque communs sont
seulement devenus « accident proneness », catégorie qui ne rentre pas
dans la délinquance mais relève de la même conjonction d’actes
antisociaux et d’agressivité, retournée ici contre soi-même.
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Qualité des données statistiques en matière de délinquance. le
recueil de données en criminologie souffre de biais45 qui en limitent
l’utilisation. ce phénomène est encore accentué dans le domaine de la
justice des mineurs où se surajoutent aux obstacles d’ordre général de la
criminologie quantitative le secret plus accentué de l’information, le
traitement très individualisé des peines et la difficulté à suivre l’évolution
de ces mineurs assez longtemps après l’entrée dans la majorité. mineurs
ou majeurs, la délinquance connue est très inférieure à la délinquance
« réelle » estimée à travers les enquêtes d’autorévélations (lynch,
addington, 2007) (rares enquêtes auteurs et nombreuses enquêtes
victimes). ces dernières recensent non les délits et crimes au sens
juridique mais une représentation sociale du délit et du crime. de ce fait
le « chiffre noir de la délinquance » demeure une donnée virtuelle, un
concept flou qui ne peut être obtenu par soustraction mathématique. par
ailleurs, les données policières dans tous les pays sont d’une validité
45. Voir dans ce même numéro de la revue l’article de l.-H. choquet : « le flux des
mineurs délinquants et ses traductions éducatives », pp. 843-855.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 905
incertaine et d’une utilisation difficile. Basées sur des statistiques tout à la
fois agrégées et incomplètes, de fiabilité inconstante, elles apportent peu
d’informations utilisables sur les caractéristiques des incidents, des
victimes et des auteurs (Van dijk, 2009). il est souvent difficile, parfois
impossible, de distinguer un éventuel accroissement de la délinquance
d’une orientation nouvelle de la politique pénale qui encouragerait par
exemple à accroître l’enregistrement des plaintes et la poursuite des
infractions dans tel ou tel domaine. les statistiques de police souvent
« reflètent le problème de la criminalité tel que le perçoivent les
organismes chargés de faire respecter la loi et les hommes politiques,
procureurs ou juges qui supervisent leur travail » (Van dijk, 2009).
d’autres facteurs viennent encore en limiter la validité : identification,
définition et traitement des délits et des peines variables pour un « même »
délit selon les États, les politiques pénales, les juridictions, les magistrats,
les auteurs… et les victimes46. ce tableau trouble, en particulier pour les
mineurs, la vision d’ensemble de la délinquance. l’étude de l’effet du
traitement social et judiciaire est donc rendu difficile pour des motifs qui
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ne dépendent pas seulement de la compétence ou de l’engagement des
acteurs mais aussi de motifs structuraux : elle nécessite une politique
volontariste de recherche sauf à produire des rapports superficiels et/ou
incomplets47. il n’existe en France que très peu de données quant aux
caractéristiques et à l’évolution des mineurs incarcérés ou enfermés dans
les lieux éducatifs spécialisés (cEF et cEr).
Sortie de la délinquance ou « desistance » (sampson, laub, 2003a,
2005). Bien qu’intuitivement saisie par des observateurs clairvoyants48, ce
sont les travaux de s. Glueck et E. T. Glueck (1940, 1950, 1968) qui
permirent d’établir dans les conditions des États-unis de l’après-guerre,
les critères de la réduction de la délinquance et des comportementaux
46. pour chaque type de délit et de crime existent des taux différents de recensement,
de poursuite et de résolution.
47. l’illusion de pérennité des lois a été mise à mal par la prolifération législative ces
dernières décennies notamment en France.
48. comme W. shakespeare, déja cité.
906 jacquEs dayan
antisociaux avec l’âge. leur contribution à l’étiologie de la délinquance
corrobore des assomptions antérieures : l’absence de supervision
parentale, de discipline et d’attachement sont parmi les principaux
déterminants des comportements délinquants. ils montrent aussi que plus
les comportements délinquants commencent tôt plus ils risquent de
persister. ils examinèrent, et leurs continuateurs, l’évolution pendant
plusieurs décennies de 500 enfants délinquants de dix à dix-sept ans avec
un groupe contrôle apparié de mêmes âge, ethnicité, qi et conditions
sociales. pour certains, la maturation psychologique suffit à expliquer
l’arrêt de la délinquance chez la plupart à la fin de l’adolescence (matza,
1964) et sinon avant trente ans (cline, 1980). depuis T. E. moffitt (1993),
la plupart des auteurs s’accordent sur une acception plus simple : une
théorie duale du développement de la délinquance. Elle sépare deux
groupes : ceux dont les actes sont limités à l’adolescence et ceux qui sont
engagés dans une carrière chronique. le premier groupe, le plus important
est formé par les adolescents qui une fois devenus adultes cessent tout acte
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de délinquance. dans ce cas, souvent le délit est unique. quand il se répète
r. j. sampson et j. H. laub ont montré49 que la réitération cessait
généralement autour de dix-huit – dix-neuf ans pour les actes violents
mais un peu plus tard pour les actes antisociaux mineurs, soit autour de
vingt-cinq – trente-ans. ce deuxième seuil plus tardif coïncide avec
l’engagement dans la parentalité et dans le monde du travail. d’autres – le
deuxième groupe – embrasse une carrière délinquante. Très peu de
travaux en France (mucchielli, 2012) ont porté sur les modalités de
« sortie »50 de la délinquance, c’est-à-dire sur le phénomène de desistance
lui-même, aucune n’inclut un suivi de cohorte à long terme. récemment
un sociologue français, m. mohammed (2012), a mis en place une étude
rétrospective à travers des entretiens menés avec 57 anciens membres de
« bandes », âgés de vingt-trois à trente-neuf ans. l’auteur décrit un
49. selon les modèles statistiques employés les conclusions peuvent diverger, et des
oppositions sur les modèles sont souvent corrélées à des oppositions sur les conceptions
mêmes de la délinquance. En ce sens, et jusqu’à un certain point, les statistiques
s’alignent sur les préconceptions et non l’inverse.
50. En anglais est utilisé parfois le terme de desistence (avec un « e ») qui pourrait
aussi être traduit comme renoncement.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 907
parcours qui s’étend de la prise de conscience d’un possible destin « hors
bande », à sa mise en action et à sa pérennisation, chaque étape menacée
d’échecs mais aussi soutenue par des rencontres et des occasions. il
retrouve les facteurs d’intégration bien connus : insertion dans le monde
du travail et engagement dans la parentalité. il ajoute l’engagement
religieux, qu’il semble interpréter comme un compromis entre
socialisation et révolte. d’autres études de même type aux États-unis ont
suggéré que sur la base de qualités narcissiques, un processus de
réparation pouvait se mettre en place fondé sur le sentiment « de quelque
chose de bon en soi ».
sur la desistance plusieurs courants d’idées se confrontent. depuis
T. E. moffit, une distinction claire est faite entre deux tendances : les
adolescents ordinaires et les délinquants chroniques. c’est évidemment en
relation avec cette dernière population que les tenants de courants (quasi)
déterministes vont échafauder leurs hypothèses : théories génétiques,
faiblesse du contrôle familial précoce qui entraînera plus tard une faiblesse
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du self-control. une position plus nuancée et surtout plus dynamique et
interactionniste est soutenue par j. H. laub et r. j. sampson aux États-
unis. ces derniers ont soutenu, en s’appuyant sur les données retravaillées
et approfondies de s. Glueck et E. T. Glueck, avec un suivi de plusieurs
décennies, que contre la part déterministe de la théorie générale du crime,
ce sont encore les facteurs sociaux, facteurs de contrainte et facteurs
d’opportunité, qui restaient déterminants dans la carrière délinquante avec
une tendance constante au désistement avec l’âge. Toutefois, ils
maintiennent qu’à un temps « t » du parcours de vie l’élément le plus
déterminant du comportement à court terme, même s’il ne prédit que
partiellement la récidive, est la diminution du self-control. ces assertions
sur le self-control ont été largement corroborées (Britt, Gottfredson,
2003). Toutefois depuis 1986, une importante controverse porte sur
l’existence même de carrières criminelles, artefact pour les uns
(Gottfredson, Hirschi, 1986), certitude pour les autres (Blumstein et al.,
1986). pour les premiers, l’incarcération ne reflète pas l’état réel des
conduites car il s’agit d’une réaction judiciaire à la réitération
indépendamment du fait que celle-ci ait en fait réellement diminuée. il en
est de même d’autres marqueurs de la récidive, de plus l’action sociétale
908 jacquEs dayan
joue en défaveur des sujets ayant déjà récidivé les plongeant selon
r. j. sampson et j. H. laub dans un désavantage cumulatif. aux
arguments théoriques s’ajoutent des oppositions méthodologiques qui
reflètent en fait la même question : déterminisme ou interaction
probabiliste. Bien que seules des études longitudinales puissent répondre à la
réflexion sur la desistance, elles soulèvent de très importants problèmes
méthodologiques. les statistiques employées vont conduire à des résultats
différents, chacun employant les modèles statistiques adaptés à ses
conceptions. r. j. sampson et j. H. laub ont entamé un débat assez vif avec
d. s. nagin et r. E. Tremblay (déjà cité) à propos de l’existence de trajectoires
développementales, qu’ils pensent pouvoir décrire, avec les nuances qu’ils ont
apportées ; r. E. Tremblay et d. s. nagin réfutent pour leur part, l’idée même
de groupes de développement, (sampson, laub, 2003b).
La délinquance durable prévisible dès l’enfance ? actuellement51
un courant en criminologie et en sciences de l’éducation accorde, pour
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expliquer la délinquance durable, une importance essentielle à la poursuite
de troubles précoces (type troubles oppositionnels avec provocation
surtout ; les troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité ne sont
plus actuellement considérés comme un facteur de risque consistant).
dans cette acception théorique, deux catégories de délinquants se
distingueraient : des destinés ou prédestinés pour lesquels les facteurs
sociaux seraient d’une importance négligeable et les autres… des
adolescents de bonne famille ou de bonne constitution qui après quelques
dérapages liés à l’âge rentreraient dans le droit chemin. les futurs
délinquants seraient repérés généralement dès la petite enfance et
cumuleront les signalements et/ou les renvois institutionnels. la déviance
scolaire précoce est mise au compte d’un trouble mental : « les jeunes
délinquants sont plus souvent indisciplinés, agités, tricheurs ; ils sont
souvent expulsés de la classe ou de l’école et ils font l’école
buissonnière. » les résultats des meilleures études prospectives
51. cette théorie est aussi parfois citée pour mettre en avant le rôle des liens sociaux et
de la supervision parentale : en effet il s’agit d’une théorisation assez hétérogène des causes
et processus qui permet à des auteurs d’orientations assez différentes de s’y référer.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 909
confirment effectivement que l’existence de troubles du comportement
durant l’enfance, du type aujourd’hui « antisociaux avec provocation »,
augmente de façon consistante le risque de comportements violents
quelques années après la première évaluation. Toutefois, ce facteur dans
une analyse multivariée apparaît modéré en regard de l’ensemble des
autres facteurs contributifs au risque de délinquance (facteurs sociaux,
carences précoces et traumatismes). l’aggravation du risque à
l’adolescence, très difficile à mesurer52, serait de l’ordre de 10% pour les
comportements violents (Boots, Wareham, 2010). il est plus important
dans une analyse univariée, notamment lorsque toutes sortes d’actes
délinquants sont pris en compte, de l’ordre de 30%, mais les résultats sont
très hétérogènes (loeber, stouthamer-loeber, 1986). ce facteur une fois
installé semble ensuite avoir une certaine indépendance statistique au sein
d’autres facteurs de risque de « récidive ». il n’y a qu’un pas à ensuite
inférer que la délinquance est partiellement héréditaire (sur une base
génétique) : affirmer d’abord que les troubles du comportement, surtout
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sous leur forme précoce et durable, le sont, et l’étant, que la délinquance
en dérive. pour encore diminuer le risque d’être accusé d’une dérive
constitutionnaliste, l’hypothèse génétique est atténuée en supposant un
mécanisme épigénétique. Tous les auteurs ne prennent cependant pas ces
précautions. le principe que les délinquants chroniques le sont d’hérédité,
directe ou acquise, apparaît à être bien analysé, le cheval de Troie d’une théorie
renouvelée de la tare de j.-j. moreau de Tours qui mêle pauvreté, marginalité
et hérédité. un des initiateurs de ce courant a pu en France faire prévaloir, au
moins l’espace d’un rapport, cette conception au sein de la principale
association de recherche médicale53. ces conjectures ont le bénéfice de ne
pouvoir mettre en cause l’organisation sociale et biaise la réflexion sur les
interventions sociales, thérapeutiques et pédagogiques. la meilleure
prévention prônée par des auteurs de ce courant consiste en une rééducation
parentale précoce sous forme d’entraînement (piquero et al., 2009).
52. nous n’incluons pas ici les études rétrospectives et transversales qui souffrent de
très nombreux biais.
53. À travers le rapport de l’insErm de 2005.
910 jacquEs dayan
À l’opposé, un courant issu essentiellement des approches sociales
fonctionnalistes et/ou interactionnistes, mais « modernisé », propose
aujourd’hui une causalité (socio) dynamique à l’orientation vers la
délinquance contre les déterminismes génétiques et innéistes. pour les
auteurs, la règle de la tendance à l’arrêt de la délinquance avec l’âge
s’applique à tous et à tout âge, favorisée (ou contrariée) par des éléments
contextuels identiques, principalement l’inscription dans des
investissements institutionnels stables (et suffisamment gratifiants)54 :
mariage et emploi. cette tendance n’est pas modifiée par le qi, l’ethnicité
et les conditions socio-économiques générales. il est admis que les
troubles des conduites et du comportement de l’enfance ont un pouvoir
prédictif sur la stabilité des comportements délinquants, mais il est faible
et n’est pas nécessaire : ils ne peuvent donc l’expliquer. ces auteurs
réintroduisent la part du hasard et des rencontres dans le parcours de vie,
mais aussi de l’agentivité. celle-ci peut aussi se concevoir comme une
place laissée au libre arbitre en tenant compte de l’importance des autres
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facteurs sociétaux et personnels. ils introduisent un modèle complexe où
s’inscrit la « flèche du temps » (nicolis, 1992) à travers notamment le
concept de désavantage cumulatif. ils montreront aussi une certaine
dissociation entre les parcours globaux de la population des adolescents
délinquants et les destins individuels relevés à partir de notes détaillées
provenant de sources multiples : la tendance globale est en effet très nettement
à l’extinction de la délinquance mais les parcours individuels comprennent des
aléas bien plus nombreux que la tendance le laisserait supposer55. dans cette
cohorte les éventuelles prises en charge sociales ou thérapeutiques ne sont
pas explorées statistiquement. par contre l’efficacité des politiques de
soutien à la parentalité dans les groupes à haut risque sociétal a été évaluée
avec semble-t-il un important bénéfice (lally et al., 1998).
54. les questions de la satisfaction, du plaisir et du narcissisme ne sont pas étudiées.
Toutefois elles sont abordées par les développements autour de l’identité et du lien social.
55. cette relative imprévisibilité individuelle en regard de la prévisibilité globale
évoque l’imprévisibilité du mouvement moléculaire pris individuellement dans le
mouvement brownien dont on peut prévoir les effets globaux.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 911
Hypothèses psychologiques, neuropsychologiques et psychanalytiques.
l’hypothèse la plus généralement admise pour expliquer l’abandon de la
délinquance à la sortie de l’adolescence s’appuie sur le développement
psychologique spécifique de cette période de la vie. ce constat est
cohérent avec les développements théoriques effectués dans des champs
conceptuels différents qui, depuis s. Hall en 1904, considèrent
l’adolescence comme une phase développementale particulière. p. Blos,
E. Erikson ou d. W. Winnicott, auteurs influencés par les écrits et
pratiques d’a. aichhorn envers les délinquants regardaient, avec pour
chacun des formulations spécifiques, l’adolescence comme une période
originale du développement. nous avions évoqué (dayan, Guillery-
Girard, 2011) les arguments de neuroanatomie cérébrale56 en faveur de la
spécificité des comportements adolescents, rassemblés depuis une dizaine
d’années : impulsivité, agirs transgressifs, prises de risque et vulnérabilité
aux comportements addictifs. nous avions aussi soutenu qu’au sein de la
psychanalyse57 comme des neurosciences, deux tendances s’opposent
pour expliquer cette spécificité. dans le champ psychanalytique certains
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mettent l’accent sur un défaut de mentalisation, le débordement par les
affects, tandis que pour d’autres cette tendance à l’action (transgressive ou
non, adaptée ou non) participe aussi d’une forme créative d’approche du
monde. qu’elle associe inévitablement la dimension affective et la
conflictualité interne ne modifie pas le propos. Elle participe d’une
conception de l’action qui s’inscrit dans un courant épistémologique pour
qui le sens de l’action, bien que présent en puissance avant sa réalisation,
se détermine seulement avec celle-ci. philosophiquement on peut en
rapprocher les propos sur l’action de l. Wittgenstein ou même de
l’existentialisme sartrien, et du concept d’entéléchie d’aristote. cette
tendance à l’agir peut aussi être entendue dans une acception plus étendue,
ainsi que le suggère d. W. Winnicott, comme une tentative de réponse en
acte à la question « vaut-il la peine d’exister ? »58. j. chasseguet-smirgel
56. Fonctionnelle et structurelle.
57. plus souvent en fait psychologie clinique et pédopsychiatrie.
58. on remarquera que l’adulte a souvent cessé de se demander quel était le sens de
la vie, soit qu’il trouve cette question sans réponse possible, soit qu’il renonce à une
réflexion personnelle pour embrasser religion ou idéologie (cf. Freud, 1929).
912 jacquEs dayan
(1987) soutint l’hypothèse selon laquelle il n’y aurait pas de pure décharge
économique, et que partant de là, l’agir recèlerait toujours une part
signifiante. l’expression de « symbolisation par l’acte » proposée par
r. roussillon (2000) reflète bien ce débat. En ce sens et malgré les échecs
inévitables et la part d’agressivité et de destructivité qu’ils comprennent,
ces agirs représentent non seulement une certaine forme de menace
sociale mais aussi un facteur de progrès social et de renouvellement en
acte et en représentation des réponses d’une génération à l’autre à un
environnement changeant. dans l’hypothèse où ils sont porteurs soit
d’une signification propre, soit d’une signification potentielle, ils ouvrent
à un travail thérapeutique et à une certaine forme d’éducabilité fondée sur
les qualités de la personne singulière. si au contraire ils sont considérés
avant tout comme le signe d’un défaut de mentalisation, ils restent
accessibles à un travail éducatif mais cette fois-ci fondé surtout sur
l’apprentissage. Toutefois cette causalité inconsciente se modifie par la
répétition elle-même. d. W. Winnicott évoquait combien la répétition
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exercée sous un mode compulsif de l’acte antisocial peut s’accompagner
de bénéfices secondaires. dès lors, une signification originelle de l’acte,
souvent la recherche d’une culpabilité acceptable par rapport à celle du
fantasme œdipien « primitif », est recouverte par celle de l’accès aux
bénéfices secondaires qui devient déterminante.
le développement cérébral et sa particulière plasticité à
l’adolescence apporte un argument supplémentaire utilisé en criminologie
aux États-unis pour distinguer la criminalité à cette période de la vie et
pour diminuer la responsabilité de ces auteurs. les arguments reviennent
à fonder des hypothèses sur la nécessité développementale
d’expérimenter et de prendre des risques59 à l’adolescence avec une
tendance à l’impulsivité (c’est-à-dire à un moindre self-control)
59. la nécessité de prendre des risques n’est pas forcement réduite à un pseudo-goût
du risque (« la décharge d’adrénaline, la domination du cerveau limbique, etc. »), qui
peut n’en être qu’une résultante à travers un plaisir éprouvé à coup sûr, mais être aussi
associée à l’écart entre les conditions de la socialisation préadolescente, comprise dans
une acception large, et la contrainte des pulsions et des idéaux. l’estimation de la
distance entre idéaux et possibilités actuelles tenant compte des capacités personnelles du
sujet rend aussi compte des comportements.
comprEndrE la dÉlinquancE ? 913
augmentée. les remaniements cérébraux dans le cortex préfrontal se
ralentissent à partir de dix-huit ans et plus encore à l’entrée dans l’âge
adulte (vingt-trois – vingt-cinq ans). l’adolescence serait donc
neurologiquement aussi une étape distincte du développement60. dans
cette optique l’activité impulsive et l’expérimentation permanente, qui
peuvent à défaut être transgressives, participent favorablement au
développement humain mais n’ont pas vocation à se pérenniser. d’autres
neuroscientifiques, dans une perspective localisatrice, mettent en avant le
déséquilibre entre le développement du « cerveau limbique », cerveau
émotionnel, et le cortex préfrontal, siège de la rationalité, pour proposer
un sous-développement de l’adolescent, l’adulte pris comme critère de
référence. il nous semble au contraire que l’importance fonctionnelle du
cerveau affectif dans les tâches de socialisation à cette période de la vie
ne signe pas une immaturité du cortex préfrontal mais plutôt une forme
différente d’équilibre : l’émotion joue un rôle plus important dans la
régulation du développement neuronal.
Toutefois, ces données psychologiques laissent irrésolus les
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déterminants du parcours des adolescents qui restent délinquants à
l’âge adulte et demeurent assez floues sur l’interaction entre facteurs
sociaux et individuels.
En conclusion, la délinquance donne lieu à des analyses
divergentes. la compréhension du phénomène oppose deux conceptions du
rapport de l’homme déviant à son environnement. ces deux conceptions
traversent et clivent chaque champ théorique, biologie, sociologie,
psychologie. aucune n’est tout à fait spécifique d’une de ces disciplines,
elles se montrent en tant que tendances. un premier courant de pensée, le
plus normatif et catégoriel, accorde une attention particulière, voire
élective, à la recherche des déterminants des comportements propres à
l’individu ou à une classe d’individus : ceux-ci seraient acquis tôt dans le
60. il a aussi été montré dans des cerveaux de rongeurs l’influence inverse du stress
sur des récepteurs cérébraux qui à l’équivalent de la période post-pubertaire conduit
transitoirement à réagir par l’impulsivité.
914 jacquEs dayan
développement, parfois innés, peu ou pas modifiables, et joueraient un
rôle primordial dans l’émergence de la délinquance et plus généralement
de la déviance. le socius y a un rôle second, voire négligeable. un second
courant porte plus sur l’analyse des processus de développement. il admet
la notion de conflit et de hasard, de lignes ou de groupes de
développement surtout sous l’angle probabiliste. le socius y joue un rôle
de premier plan. le premier courant traduit et défend les prétentions
positivistes mais aussi le déterminisme scientiste de la fin du XiXe siècle,
tandis que le second prolonge l’invention de la pédagogie curative, de la
psychanalyse et de la sociologie. ces différences théoriques ont des
implications sociétales majeures en matière de traitement de la
délinquance, notamment celle des adolescents. alors que le déterminisme
plaide souvent vers un renforcement du contrôle social et une
thérapeutique tournée vers la rééducation (hier la correction), l’analyse
processuelle quant à elle recherche les éléments favorables à l’induction
d’une dialectique du changement. ces deux démarches reflètent des
préconceptions différentes de la nature humaine et du libre arbitre qui dans
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le domaine du délit et du crime marquent le champ de la psychologie, de
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insErm, unité mixte u923
univ. de caen Basse-normandie
14032 caen cedex, France
cmp
25, fg. d’anjou
35130 la Guerche-de-Bretagne, France
[email protected]