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Baudelaire Invitation Au Voyage - Odt

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« 

L’INVITATION AU VOYAGE » BAUDELAIRE  1857


Proposition de commentaire non rédigé. Un devoir ne doit pas laisser apparaître de titres, sous titres,
abréviations, lettres ou numéros repérant les étapes de plan. Tout doit être correctement rédigé.

D.AUBOUIN

Une invitation à qui pour quel voyage ?

Le poète s’adresse à la femme aimée, qu’il cherche à convaincre, à inviter au voyage. Cette invitation vers
l’ailleurs se double d’un véritable hymne à la femme. Ce pays lointain auquel rêve le poète n’est pas seulement
un lieu géographique mais aussi un lieu spirituel et esthétique.

I Une invitation persuasive


1/ Le poème commence par une double apostrophe « mon enfant, ma sœur » qui désigne clairement une
destinataire. Usage de la 2ème personne du sing « tes, te », et des impératifs qui montrent que le poète cherche à
obtenir quelque chose de cette personne.

2/ Invitation progressive, en douceur :


S1 : 1ère et 2ème pers du sing dominent « mon, tes ». Paysage vu en rêve « songe », présenté dans ses
affinités avec la femme « qui te ressemble ». Enthousiasme du poète traduit par des points d’exclamation v.3 et
6. Paysage de plein air (ciel, soleil) vu de façon floue (« brouillés » v.7) et de l’extérieur « là-bas ».
Refrain : « là-bas » est devenu « là », comme si on s’était approché. Le temps est présent (même effet).
Le rythme lent, ample, est majestueux.
S2 : Je et Tu sont maintenant confondus en « nous ».Le mode conditionnel traduit toujours l’irréel, c’est
encore une hypothèse que ce voyage. Mais on est maintenant dans la chambre (rêvée) des amants. Paysage
d’intérieur raffiné qui sollicite le regard (décoration), l’odorat (senteurs), le rêve (splendeur orientale) et rappelle
le paysage intérieur de l’âme( v.24 à 26).
S3 : Il n’y a plus que le Tu de la femme et le temps est le présent de l’indicatif, mode de la réalité. C’est
comme si elle était maintenant vraiment dans ce pays où tout est à son service exclusif « assouvir ton moindre
désir ». On est d’ailleurs passé du rêve « songe » à la réalité « vois » et les démonstratifs « ces » donnent
l’impression que les éléments du paysage sont devant nos yeux. Par rapport à S2, le paysage s’est ouvert : on
n’est plus dans une chambre mais dehors, dans un lieu ouvert : un port
Bilan :Tout se passe comme si le poète cherchait à persuader sa compagne, en l’amenant à entrer
progressivement dans le paysage, en lui donnant envie d’y aller.

3/ L’harmonie du poème est aussi une arme pour persuader. Elle évoque l’harmonie des lieux rêvés. Elle joue
aussi le rôle d’un « charme envoûtant ». La structure du poème le montre bien :
3 strophes de 12 vers chacune et composées de 2 pentasyllabes (5v)+1 heptasyllabe (7v) , 4 fois de
suite. Rythme qui rappelle celui d’une valse.
Les rimes : 2 plates et 4 embrassées, 2 fois
Richesse des rimes : plus de 3 sons en commun
Les plates sont masculines, les heptasyllabes sont à rimes féminines, ce qui contribue encore à les allonger.
Le refrain est un distique d’heptasyllabes à rimes plates masculines. Il revient 3 fois, donnant un effet
incantatoire, comme une formule magique. La répétition sert le projet de convaincre et persuader (insistance)
Donc musicalité due aux vers impairs, au refrain, régularité du poème mais sans rigidité ni monotonie.
Virtuosité de la versification
Harmonie aussi des sonorités et des rythmes :Exemple S1 : sonorités douces en « on, an », rythme de
l’anaphore de « aimer », de l’enjambement entre v.2 et 3, des pauses sur les mots importants comme « enfant,
sœur, songe, douceur, là-bas, ensemble ».
Exemple refrain : rythme 1/3/3 dans le 1er vers et 1/2/4 dans le 2ème . Etrangeté de cette pause sur la 1ère syllabe,
rythme croissant. Sonorités ouvertes a, o et douceur des L « luxe, calme et volupté »

4/ L’invitation met en valeur les aspects positifs de ce voyage :


sensualité « notre chambre, ton moindre désir »
luxe « riches plafonds, splendeur orientale » (voc.mélioratif)
beauté « or, fleurs »
calme « le monde s’endort » cf champ lex. du sommeil « dormir, chambre, couchants, s’endort »
amour partagé « ensemble, aimer »
lien avec le spirituel « tout y parlerait à l’âme »
Nombreuses hyperboles : « ton moindre désir »
Donc, valeur argumentative de ce poème qui fonctionne surtout sur la persuasion : cherche à amener
doucement la destinataire à adhérer au projet du poète, par des moyens poétiques essentiellement. Mais qui est
cette personne ?

II La femme, destinataire et instigatrice

1/ Les liens qui l’unissent au poète


Le vers 1 utilise le possessif « mon, ma » qui insiste sur les liens intimes entre eux. Il s’agit de possession. Les
mots « enfant, sœur » sont des liens de parenté qui symbolisent une parenté plus profonde, celle de l’amour et
celle de l’âme (âme-sœur)
Cette invitation au voyage est donc aussi une déclaration d’amour. Le voyage se fait à 2 « ensemble ». Voir aussi
l’anaphore de « aimer ». L’amour est associé à la liberté « à loisir » et à l’excès « et mourir ». L’amour est ici
hors des contraintes sociales « à loisir » et hors des contraintes du temps, éternel : « et mourir ». L’amour est
également charnel « volupté » cf allusion à la chambre, au désir, aux parfums, à l’Orient. Un amour total,
physique et moral.
C’est parce qu’il aime cette femme que le poète aime ce pays qui lui ressemble.

2/ Mais la femme n’est pas seulement celle qu’on invite. Elle est également le moyen de rêver au voyage, le
point de départ du rêve.
Liens femme-paysage :  «  au pays qui te ressemble »
Soleils mouillés et ciels brouillés = yeux brillants, larmes
(forme ronde des yeux et du soleil. Regard voilé par les larmes = ciel brouillé. Image de la lumière : « polis,
luisants, miroirs, splendeur, hyacinthe, or, lumière » et de ce qui brille, comme les yeux « or ». Image de l’eau :
« canaux, soleils mouillés, ciels brouillés » qui rappelle les « larmes »)
La femme est donc l’image même de ce pays rêvé. C’est pourquoi, simplement en regardant ses yeux, le poète
peut s’échapper du réel et voyager mentalement.
Par son regard , la femme fait surgir dans la réalité le monde rêvé: Regard intérieur : « songe » et regard
extérieur « vois ». Ses yeux ont donc comme un pouvoir magique ( c’est le sens ancien de « charmes »). Ce
pouvoir est souligné par la diérèse à « mystéri-eux » et à l’assonance en « i ». La femme garde d’ailleurs chez
Baudelaire un aspect un peu satanique, quelque chose d’ambigu, que l’on retrouve dans le vers 11-12 « de tes
traîtres yeux/Brillant à travers leurs larmes », avec l’adjectif « traîtres » et les sons durs en « r » et « t »
(allitérations)
On voit ici la dualité de la femme, qui pleure mais dont les yeux brillent (traîtrise ?), ce qui se retrouve dans le
paysage avec l’oxymore « soleils mouillés ».
Baudelaire considère donc la femme comme celle à qui il propose un voyage, mais aussi celle qui lui permet
d’envisager ce voyage, celle qui permet l’évasion par le rêve dans ce pays, car elle en est l’image. C’est par elle
et pour elle que le poète fabrique ce rêve, elle est l’inspiratrice et la destinataire. On en arrive à se demander qui
invite l’autre au voyage dans ce poème ! Mais quelles sont les caractéristiques de ce pays ?

III Le pays idéal

1/ Un lieu qui fait penser à un pays réel : La Hollande


Ciel brouillé (pays du nord), meubles luisants, fleurs rares (tulipes), splendeur orientale (Hollande= empire
colonial à cette époque), canaux, vaisseaux.
Un endroit calme et ordonné, riche
Pour obtenir une impression de réalité, le poète met en jeu les perceptions sensorielles : odorat (parfum des
fleurs), vue (« vois » et les couleurs), ouïe (« parlerait »), sensations agréables de « douceur »

2/ Mais ce lieu a pourtant les caractéristiques d’un tableau, non pas un paysage réel mais un paysage peint.
Vocabulaire : ciel fait normalement cieux au pluriel. Ici, on a « ciels », terme qui désigne en peinture la partie
d’un tableau représentant le ciel
On a aussi l’usage inhabituel du pluriel : des soleils, des ciels, comme s’il pouvait y en avoir plusieurs !
Impression de voir plusieurs paysages différents, sur des tableaux différents
Baudelaire, grand amateur de peinture, très connaisseur, a écrit beaucoup de critiques d’art.
Les couleurs : tonalités fondues « brouillés » et dorées « hyacinthe, or ». Voir la diérèse à « Hy-a-cinthe », terme
noble désignant une couleur jaune rougeâtre, ou une pierre précieuse de même couleur ou une étoffe.
Les lumières : « soleils, luisants, polis, miroirs, chaude lumière »
La composition : ordre, perspective depuis la chambre on voit les canaux puis la ville entière, les champs, le
monde. Elargissement progressif du regard
Thèmes : Ceux de la peinture : chambre, ville, paysage, soleil couchant
Tout rappelle donc la peinture, en particulier la peinture hollandaise.
Donc, tout se passe comme si Baudelaire montrait à sa compagne des tableaux et l’incitait à partager le
rêve qu’ils suscitent en lui. Voir les termes qui le prouvent : les démonstratifs « ces », le verbe « vois », les
indicateurs spatiaux « là », « là-bas », qui renvoient à des choses que l’on montre.

3/ Caractéristiques du pays idéal = celles du refrain


ordre : intérieur rangé et propre, harmonie des choses et des êtres, unité profonde des lieux
luxe : meubles anciens, riches plafonds, fleurs rares, parfums capiteux, or
beauté : couleurs, lumières
volupté : plaisir autant sensuel que moral ou esthétique
L’énumération crée un effet d’amplification, de même que les hyperboles « tout » « n’…que »

4/ Lieux fermés et ouverts


Fermés : la chambre de S2, limitée par ses plafonds. Mais elle est déjà ouverte grâce aux éléments qu’elle
contient et qui évoquent l’ailleurs : parfums de l’orient par ex. Et les miroirs « profonds » élargissent la
perspective
Ouverts : Tout en restant dans la chambre, les amants voient l’extérieur dans S3 : un port, un lieu, où, sans
bouger, on a le monde qui vient à soi (les bateaux du bout du monde). Lieu dont on peut s’échapper par les
canaux, au gré de son humeur « vagabonde » comme celle des vaisseaux, ici personnifiés. Le regard s’élargit
encore vers les champs, la ville entière. Le mouvement du texte fait donc partir l’imagination du plus petit vers le
plus grand . Voyage immobile, en imagination, qui permet pourtant d’aller très loin. Certains voient même dans
la fin du poème une allusion à la mort, sereinement envisagée, à travers l’image du soleil couchant qui entraîne
le monde dans le sommeil. Cette hypothèse pourrait être confirmée par le radical « mourir/ au pays qui te
ressemble» qui suggère que ce voyage est sans retour.

5/Le pays de l’âme


Les vers 24 à 26 sont une allusion à la théorie de Platon, philosophe de l’Antiquité (428-347 avant JC). Selon lui,
l’âme est éternelle et, quand elle n’est pas incarnée dans un corps physique, elle est dans un ailleurs, sorte d’au-
delà idéal, où tout est parfait. Quand elle est incarnée dans un corps, elle garde la nostalgie de cet ailleurs, qu’elle
retrouve dans certaines circonstances, comme dans l’expérience de l’amour, de l’art, la beauté, etc. Baudelaire en
faisant allusion à la « douce langue natale » de l’âme, renvoie à cet ailleurs idéal d’où vient l’âme. Ce pays où il
invite la femme aimée est une illustration de ce paradis perdu. Les objets comme les miroirs et les plafonds
sortent de leur valeur utilitaire pour dialoguer avec l’âme. L’harmonie qui règne dans ces lieux, les
correspondances entre les parfums et les couleurs, entre la femme et le paysage, permettent au poète de se
rapprocher de son idéal, de son pays d’origine (pour lui, le poète est un être à part, un enfant de Dieu, perdu
parmi les Hommes. Cf son poème « l’Albatros » )

On a donc un décor raffiné, mystérieux, profond, ouvert, un lieu de refuge sentimental, un lieu esthétique et un
domaine où l’âme trouve son épanouissement.

Concl : Tout dans ce poème est harmonieux, que ce soit ce qui est décrit (un univers doux, une lumière
estompée, une absence de mouvements, un état de bien-être total) que la manière dont cela est décrit
( composition, sonorités, rythmes…). La déclaration d’amour y est inséparable de l’appel à l’évasion. Le poète
s’évade du réel grâce à la présence indispensable de cette femme, et peut-être à partir de tableaux de peinture. Et
il s’évade avec elle, superposant aux images traditionnelles de la Hollande un pays imaginaire, plus beau que la
réalité et faisant émerger un paradis perdu dans lequel le désir serait enfin pleinement satisfait. Ici, l’art, l’amour
et le rêve vont donc de pair. Baudelaire écrira un peu plus tard un recueil de poèmes en prose : Le Spleen de
Paris (1869), dans lequel il propose une nouvelle version de « l’invitation au voyage », où l’allusion à la
Hollande est plus nette.

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