UNIONAMARIEII
UNIONAMARIEII
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Pape François
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Le divin toucher
Dans ces pages où nous allons parler de l’intimité avec Marie, il est important de clarifier un
point de vocabulaire qui est aussi un concept. Il s’agit du toucher divin. Si nous voulons nous
laisser toucher par Marie, séjourner dans son sein, nous laisser bercer dans ses bras, il nous
faut comprendre la nature de ce contact. Il est à la fois matériel et immatériel, il est matériel
parce que nous le percevons par nos sens et en même nous ne pouvons le retenir. Or,
qu’est-ce qui est à la fois matériel et immatériel, que nous ressentons sur notre peau et par
le cerveau, mais que nous ne pouvons pas retenir ? C’est la lumière ! Les apparitions,
contrairement aux visions, sont palpables, tangibles, comme Jésus après la Résurrection qui
passe à travers les murs, qui marche et mange avec les pèlerins d’Emmaüs et disparaît
soudain laissant une brûlure dans le cœur des disciples. Toute apparition est faite de
particules de lumière et disparaît comme des paillettes de lumière qui s’éteignent.
Cette lumière dont nous parlons n’est pas la lumière du soleil ou de la lune, mais la lumière
incréée, celle qui existait avant la création. Car Dieu est lumière et il se manifeste par sa
lumière. Elle brille au milieu des ténèbres et, comme le dit saint Jean, les ténèbres ne
peuvent pas la retenir. Cette lumière est la vie des hommes, nous dit encore saint Jean dans
son si beau prologue. La lumière divine est plus ou moins dense, elle peut aveugler comme
ce fut le cas de saint Paul, et de tous ceux qui passent par la nuit. Dieu, l’au-delà de tout,
habite une inaccessible lumière. Et si nous pouvons en percevoir quelque chose c’est par
pure grâce et parce qu’elle baisse d’intensité, dans ce que les orientaux appellent les
énergies divines et que nous appelons les théophanies. Théophanie vient du grec théos :
Dieu et du verbe phanein qui signifie briller, luire. C’est ainsi que nous parlons aujourd’hui de
mariophanies, d’apparitions lumineuses de Marie. Du côté de l’homme, nous possédons,
même sans le savoir, des récepteurs de cette lumière divine : ce sont les sens spirituels de
l’âme qui selon notre degré d’élévation sont plus ou moins développés.
Il nous faut citer ici l’entretien de saint Séraphim de Sarov avec Motovilov
« Alors le Père Séraphim me prit par les épaules et les serrant très fort dit :
- Nous sommes tous les deux, toi et moi, en la plénitude de l'Esprit-Saint. Pourquoi ne me
regardes-tu pas ?
- Je ne peux pas, Père, vous regarder. Des foudres jaillissent de vos yeux. Votre visage est
devenu plus lumineux que le soleil. J'ai mal aux yeux...
Le Père Séraphim dit :
- N'ayez pas peur, ami de Dieu. Vous êtes devenu aussi lumineux que moi. Vous aussi vous
êtes à présent dans la plénitude du Saint-Esprit, autrement vous n'auriez pas pu me voir.
Inclinant sa tête vers moi, il me dit à l'oreille :
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- Remerciez le Seigneur de nous avoir accordé cette grâce indicible. Vous avez vu, je n'ai
même pas fait le signe de la croix. Dans mon cœur, en pensée seulement, j'ai prié : "
Seigneur, rends-le digne de voir clairement, avec les yeux de la chair, la descente de l'Esprit-
Saint, comme à tes serviteurs élus lorsque tu daignas leur apparaître dans la magnificence de
ta gloire ! " Et immédiatement Dieu exauça l'humble prière du misérable Séraphim. Comment
ne pas le remercier pour ce don extraordinaire qu'à tous les deux il nous accorde ? Ce n'est
même pas toujours aux grands ermites que Dieu manifeste ainsi sa grâce. Comme une mère
aimante, cette grâce a daigné consoler votre cœur désolé, à la prière de la Mère de Dieu elle-
même... Mais pourquoi ne me regardez-vous pas dans les yeux ? Osez me regarder sans
crainte ; Dieu est avec nous.
Après ces paroles, je levai les yeux sur son visage et une peur plus grande encore s'empara de
moi. Imaginez-vous au milieu du soleil, dans l'éclat le plus fort de ses rayons de midi, le visage
d'un homme qui vous parle. Vous voyez le mouvement de ses lèvres, l'expression changeante
de ses yeux, vous entendez le son de sa voix, vous sentez la pression de ses mains sur vos
épaules, mais en même temps vous n'apercevez ni ses mains, ni son corps, ni le vôtre, rien
qu'une étincelante lumière se propageant tout autour, à une distance de plusieurs mètres,
éclairant la neige qui recouvrait la prairie et tombait sur le grand starets et sur moi-même.
Peut-on se représenter la situation dans laquelle je me trouvais alors ?
- Que sentez-vous maintenant ? demanda le Père Séraphim.
- Je me sens extraordinairement bien.
- Comment " bien " ? Que voulez-vous dire par " bien " ?
- Mon âme est remplie d'un silence et d'une paix inexprimables.
- C'est là, ami de Dieu, cette paix dont le Seigneur parlait lorsqu'il disait à ses disciples : " Je
vous donne ma paix, non comme le monde la donne. C'est moi qui vous la donne. Si vous
étiez de ce monde, ce monde vous aimerait. Mais je vous ai élus et le monde vous hait. Soyez
sans crainte pourtant, car j'ai vaincu le monde " (Jn 14,27 ; 15,19,16,33). C'est à ces hommes,
élus par Dieu, mais haïs par le monde, que Dieu donne la paix que vous ressentez à présent, "
cette paix, dit l'Apôtre, qui dépasse tout entendement " (Ph 4,7). L'Apôtre l'appelle ainsi
parce qu'aucune parole ne peut exprimer le bien-être spirituel qu'elle fait naître dans les
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cœurs des hommes où le Seigneur l'implante. Lui-même l'appelle sa paix (Jn 14,27). Fruit de
la générosité du Christ et non de ce monde, aucun bonheur terrestre ne peut la donner.
Envoyée d'en-haut par Dieu lui-même, elle est la Paix de Dieu... Que sentez-vous encore ?
- Une douceur extraordinaire.
- C'est la douceur dont parlent les Écritures. " Ils boiront le breuvage de ta maison et tu les
désaltéreras par les torrents de ta douceur " (Ps 35,9). Elle déborde de notre cœur, s'écoule
dans nos veines, procure une sensation de délice inexprimable... Que sentez-vous encore ?
- Une joie extraordinaire dans tout mon cœur.
- Quand le Saint-Esprit descend sur l'homme avec la plénitude de ses dons, l'âme humaine est
remplie d'une joie indescriptible, le Saint-Esprit recréant dans la joie tout ce qu'il effleure.
C'est de cette joie que le Seigneur parle dans l'Évangile lorsqu'il dit : " Une femme qui enfante
est dans la douleur, son heure étant venue. Mais ayant mis un enfant au monde, elle ne se
souvient plus de la douleur, tellement sa joie est grande. Vous aussi, vous aurez à souffrir
dans ce monde, mais quand je vous visiterai vos cœurs seront dans la joie, personne ne
pourra vous la ravir " (Jn 16, 21-22).
Toute grande et consolante qu'elle soit, la joie que vous ressentez en ce moment, n'est rien
en comparaison de celle dont le Seigneur a dit, par l'entremise de son Apôtre : " La joie que
Dieu réserve à ceux qui l'aiment est au-delà de tout ce qui peut être vu, entendu et ressenti
par le cœur de l'homme en ce monde " (1 Co 2,9). Ce qui nous est accordé à présent n'est
qu'un acompte de cette joie suprême. Et si, dès maintenant, nous ressentons douceur,
jubilation et bien-être, que dire de cette autre joie qui nous est réservée au ciel, après avoir,
ici-bas, pleuré ? Vous avez déjà assez pleuré dans votre vie et voyez quelle consolation dans
la joie le Seigneur, dès ici-bas, vous donne. C'est à nous maintenant, ami de Dieu, d'œuvrer
de toutes nos forces pour monter de gloire en gloire et à " constituer cet Homme parfait,
dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ " (Ép 4,13). " Ceux qui espèrent dans
le Seigneur renouvellent leurs forces, il leur vient des ailes comme aux aigles, ils courent sans
lassitude et marchent sans fatigue " (Is 40,31). " Ils marcheront de hauteur en hauteur et
Dieu leur apparaîtra dans Sion " (Ps 83,8). C'est alors que notre joie actuelle, petite et brève,
se manifestera dans toute sa plénitude et personne ne pourra nous la ravir, remplis que nous
serons d'indicibles voluptés célestes... Que ressentez-vous encore, ami de Dieu ?
- Une chaleur extraordinaire.
- Comment, une chaleur? Ne sommes-nous pas dans la forêt, en plein hiver ? La neige est
sous nos pieds, nous en sommes couverts, et elle continue de tomber... De quelle chaleur
s'agit-il ?
- D'une chaleur comparable à celle d'un bain de vapeur.
- Et l'odeur est-elle comme au bain ?
- Oh non! Rien sur terre ne peut se comparer à ce parfum. Du temps où ma mère vivait
encore j'aimais danser et quand j'allais au bal, elle m'aspergeait de parfums qu'elle achetait
dans les meilleurs magasins de Kazan et payait fort cher. Leur odeur n'était pas comparable à
ces aromates.
Le Père Séraphim sourit.
- Je le sais, mon ami, aussi bien que vous, et c'est exprès que je vous questionne. C'est bien
vrai - aucun parfum terrestre ne peut être comparé à la bonne odeur que nous respirons en
ce moment - la bonne odeur du Saint-Esprit. Qu'est-ce qui peut, sur terre, lui être semblable ?
Vous avez dit tout à l'heure qu'il faisait chaud, comme au bain. Mais regardez, la neige dont
nous sommes couverts, vous et moi, ne fond pas, ainsi que celle qui est sous nos pieds. La
chaleur n'est donc pas dans l'air, mais à l'intérieur de nous-mêmes. Elle est cette chaleur que
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l'Esprit-Saint nous fait demander dans la prière : " Que ton Saint-Esprit nous réchauffe ! "
Cette chaleur permettait aux ermites, hommes et femmes, de ne pas craindre le froid de
l'hiver, enveloppés qu'ils étaient, comme dans un manteau de fourrure, dans un vêtement
tissé par l'Esprit-Saint.
C'est ainsi qu'en réalité cela devrait être, la grâce divine habitant au plus profond de nous,
dans notre cœur. Le Seigneur a dit : " Le Royaume des Cieux est au-dedans de vous " (Lc
17,21). Par le Royaume des Cieux, il entend la grâce du Saint-Esprit. Ce Royaume de Dieu est
en nous maintenant. Le Saint-Esprit nous illumine et nous réchauffe. Il emplit l'air ambiant de
parfums variés, réjouit nos sens et abreuve nos cœurs d'une joie indicible. Notre état actuel
est semblable à celui dont parle l'Apôtre Paul : " Le Royaume de Dieu, ce n'est pas le manger
et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par l'Esprit-Saint " (Rm 14,17). Notre foi ne se
base pas sur des paroles de sagesse terrestre, mais sur la manifestation de la puissance de
l'Esprit. C'est l'état dans lequel nous sommes actuellement et que le Seigneur avait en vue
lorsqu'il disait : " Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici présents ne
mourront point qu'ils n'aient vu le Royaume de Dieu venir avec puissance " (Mc 9,1).
Voilà, ami de Dieu, quelle joie incomparable le Seigneur a daigné nous accorder. Voilà ce que
c'est que d'être " en la plénitude de l'Esprit-Saint." C’est cela qu'entend saint Macaire
d’Égypte lorsqu'il écrit : " Je fus moi-même dans la plénitude de l'Esprit-Saint. " Humbles que
nous sommes, le Seigneur nous a aussi remplis de la plénitude de son Esprit. Il me semble
qu'à partir de maintenant vous n'aurez plus à m'interroger sur la façon dont se manifeste
dans l'homme la présence de la grâce de l'Esprit-Saint.
- Cette manifestation restera-t-elle gravée pour toujours dans votre mémoire ?
- Je ne sais, Père, si Dieu me rendra digne de me la rappeler toujours, avec autant de netteté
que maintenant.
- Et moi, répondit le starets, j'estime qu'au contraire Dieu vous aidera à garder toutes ces
choses à jamais dans votre mémoire. Autrement il n'aurait pas été aussi rapidement touché
par l'humble prière du misérable Séraphim et n'aurait pas exaucé aussi vite son désir.
D'autant plus que ce n'est pas à vous seul qu'il a été donné de voir la manifestation de cette
grâce, mais par votre entremise au monde entier. Affermi vous-même, vous serez utile à
d'autres. » (Extrait de l’Entretien avec Motovilov, dans Irina Goraïnoff, Séraphim de Sarov,
Éditions Abbaye de Bellefontaine et Desclée de Brouwer, 1995. A se procurer absolument, il
fait partie du patrimoine mondial de la mystique.)
" Ô, Christ Dieu, tu t'es transfiguré sur la montagne, montrant à tes disciples
ta gloire autant qu'ils pouvaient la supporter. Fais briller aussi sur nous,
pécheurs, ton éternelle clarté, par les prières de la Mère de Dieu, source de
lumière, gloire à toi. " Tropaire de la Transfiguration
Nous voyons que la lumière de l’Esprit est perçue jusque dans les cinq sens. Nous sommes
nous-mêmes appelés à la transfiguration. Certaines personnes rayonnent d’une lumière qui
n’a rien à voir avec la lumière du jour. Cette lumière, ils semblent la transpirer et elle nous
touche et nous donne de la paix et de la joie.
D’où vient la
lumière
qui émane du
visage de la
Vénérable
Conchita Cabrera
de Armida,
mystique
mexicaine et
mère de famille ?
Voilà pourquoi dans le premier tome de l’Union mystique à Marie nous avons écrit que toute
représentation de la Vierge Marie, statue ou image, quand nous la prenons à l’intérieur de
nous, change peu à peu et se transfigure pour devenir pure Présence à la fois tangible et
insaisissable.
Il ne peut donc pas y avoir de sensualité mystique – ce serait la marque de l’illusion et d’une
fausse mystique –, mais sensorialité mystique qui est très pure, comme la lumière divine. Ce
sont des touchers, des caresses qui se manifestent avec une grande délicatesse et que saint
Jean de la Croix appelle des toque (toqué), des touches de l’Esprit-Saint qui font vibrer notre
âme, la blessent d’amour et accroissent le sentiment amoureux pour Dieu.
Mais laissons-lui parole, il est expert en la matière.
« 4. Cependant si les substances spirituelles ne peuvent, suivant la loi ordinaire, être perçues
nuement et clairement par l’entendement en cette vie mortelle, elles peuvent se faire sentir
à la substance de l’âme, par des touches et des contacts pleins de suavité. Cette
communication appartient aux sentiments spirituels, dont nous parlerons plus loin, Dieu
aidant.
C’est là, en effet, que tend cet écrit : je veux dire à la divine union de l’âme avec la substance
divine. Nous en traiterons au moment où nous parlerons de l’intelligence mystique, confuse
et obscure, qui nous reste à expliquer. Nous montrerons comment, par le moyen de cette
connaissance amoureuse et obscure, Dieu s’unit à l’âme en un degré sublime et tout divin.
En effet, cette connaissance amoureuse et obscure qui n’est pas différente de la foi, sert en
cette vie de moyen à l’union divine, à peu près comme la lumière de gloire sert en l’autre vie
de moyen à la claire vision de Dieu.
5. Parlons maintenant des visions de substances corporelles reçues spirituellement dans
l’âme. Elles ressemblent aux visions perçues par les sens corporels. De même que les yeux
voient les objets corporels au moyen de la lumière naturelle, de même l’âme voit
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12. Ce sont ces touches que l’épouse sollicitait dans les Cantiques en disant : ‘Qu'il me donne
un baiser de sa bouche’, etc. (Ct 1,1). C’est une faveur si intime que cette touche de la
Divinité, et l’âme y aspire avec tant d’ardeur qu’elle la met au-dessus de toutes les autres
faveurs que Dieu lui accorde. Aussi, après toutes celles qu’elle a célébrées dans les
Cantiques, elle ne se déclare pas satisfaite et soupire après le divin contact. ‘Qui me
donnera, dit-elle, ô mon frère, toi qui suces le sein de ma mère, de te trouver dehors et de te
baiser, afin que désormais nul ne me méprise’ (Ct 8, 1) ? Par où elle donne à entendre
qu’elle réclame cette communication que Dieu fait purement par lui-même, en dehors de
tout le créé. Ces mots : ‘Toi qui suces le sein’ veulent dire : toi qui dessèches les mamelles
des appétits et des affections de la partie sensitive. Ceci se réalise quand, dans la liberté de
l’esprit, sans que la partie sensitive puisse y mettre obstacle, sans que le démon puisse y
contredire, l’âme jouit avec délices et dans une paix profonde de ces biens. Le démon aurait
la hardiesse de s’insurger à l’encontre, qu’il n’y réussirait pas ; car, encore une fois, il est
incapable même de percevoir ces divines touches que l’amoureuse substance de Dieu
produit dans la substance de l’âme. (La Nuit Obscure 2.23)
Il faut se persuader que ces touches divines ne sont pas seulement licites, mais qu’elles sont
indispensables, que nous pouvons les solliciter et les accueillir comme une des composantes
de la vie mystique. Et plus nous serons petits, « anéantis », plus nous éprouverons
sensiblement les « choses révélées aux plus petits ».
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Marie est présente dans la Bible de la Genèse à l’Apocalypse, ce que ne voient pas les
protestants. Car, comme le demandait Philippe à l’Éthiopien : « Comprends-tu vraiment ce
que tu lis ? » (Ac 8, 30) Nous possédons tous une grille de lecture, des lunettes teintées de
doctrine qui font que nous ne voyons pas forcément toute la richesse polymorphe d’un
texte. Beaucoup d’autres ont sondé les Écritures avant nous, pendant deux millénaires, et
l’Esprit a éclairé à la manière d’une lampe-loupe d’un joaillier des facettes de la Lettre qui
demeureront toujours innombrables. Marie est un diamant très pur que nous pouvons
placer sous nos yeux pour enrichir notre vision de toutes les réalités possibles. Aussi, bien
des allégories et des images sont venues à nos pères dans la foi pour traduire des
préfigurations de la Mère du Sauveur. L’une d’elle est le Buisson Ardent.
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« Le buisson que Moïse voit brûler sans se consumer sur l'Horeb, est interprété par les Pères
de l'Église comme une image de Marie qui enfante le Christ, feu divin. Au centre d'une étoile
à huit pointes apparaît l'image de la Mère de Dieu, " pierre détachée de la montagne " avec
l'échelle de Jacob (qui unit le ciel et la terre et le temple-église qui, comme la Vierge Marie
contient Jésus). Le losange bleu vert est la partie du buisson qui ne brûle pas ; le losange
rouge représente les flammes avec les symboles des quatre évangélistes. Tout autour, les
anges tenant à la main un symbole de la Vierge (Hymne acathiste) : aux quatre angles, les
prophéties sur la Mère de Dieu ; le buisson-ardent de Moïse, le séraphin qui purifie les lèvres
d'Isaïe, la porte fermée du temple qui indique à Ezéchiel la virginité de Marie et l'échelle de
Jacob. Au centre, en bas, l'arbre de Jessé. " Puis un rameau sortira du tronc d'Isaïe, et un
rejeton naîtra de ses racines ".( Is 11,1) » 1
1
http://www.atelier-icones.com/LIENbuissonardent.html
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LES IMAGES NON FAITES DE MAIN D’HOMME SONT PRODUITES PAR LE RAYONNEMENT DE
LA LUMIÈRE
Il est étonnant que la révélation du visage du Saint Suaire se soit faite par le moyen de la
photographie, terme dont l’étymologie grecque photo graphein, signifie ‘écrire avec la
lumière’. L’image a été produite par un flash de la lumière incréée lorsque le corps de Jésus a
traversé le linge. Le dessin est produit par une brûlure variant d’intensité. Alors, une telle
modification de la lumière a de quoi perturber la datation au carbone 14 qui nous laisse sur
notre foi.
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Le lieu même où s’est formée la « photo » de Jésus, qui est le Saint-Sépulcre pour les
Occidentaux ou l’Anastasis, c’est-à-dire la Résurrection, pour les Orientaux, voit tous les ans
se reproduire un miracle qui dure depuis plus de mille ans. Le jaillissement du feu nouveau
depuis le tombeau du Christ. Il faut absolument le voir en vidéo sur YouTube en attendant
un reportage mené par des scientifiques, qui doit sortir bientôt.2
2
https://www.youtube.com/watch?v=vsqmfWxdTfc
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Il faut d’abord mentionner les apparitions de Zeitun au Caire, dont les caractéristiques sont
vraiment singulières.
- Elle apparaît à de grandes foules (le seul précédent est la danse du soleil à Fatima), ce qui
laisse présager d’autres apparitions collectives de grande ampleur et nous renseigne sur le
plan divin envers l’humanité et en lui, le rôle capital de Marie.
- Elle est visible par tous au lieu de n’être vue que par les seuls « voyants ».
- Elle est filmée et photographiée, ce qui atteste d’une présence objective.
- Elle est une « photophanie » en même temps qu’une mariophanie, c’est-à-dire une
manifestation lumineuse. Cependant on ne peut distinguer les traits de son visage.
- Evêques et patriarches, la hiérarchie ecclésiastique, ont été témoins directs des
apparitions.
Marie se penche sur l’humanité, ici chrétiens et musulmans sont rassemblés. À un voyant
elle a dit : « Le temps viendra où tout le monde me verra, les uns avec les yeux du corps, les
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autres avec les yeux du cœur. » Elle nous aime et elle est là toujours présente. Efforçons-
nous de la percevoir avec les yeux du cœur, au moyen des capacités inouïes de notre âme
que nous gardons en sommeil, soit par paresse spirituelle et négligence, soit parce que nous
ne savons pas que nous les possédons.
Mais venons-en à l’image de Marie non faite de main d’homme. Il s’agit, bien entendu du
poncho de Juanito de Guadalupe au Mexique.
Ils ont fonctionné comme un appareil photo au moment où Juan Diego a déplié son poncho
pour remettre à l’évêque les roses que la Vierge lui a demandé de cueillir sur la colline alors
que c’était le plein hiver.
« Les études d’Aste Tosmann sont le point culminant – provisoirement - d’une longue saga
de recherches effectuées sur les yeux de la Vierge de Guadalupe. Une histoire qui a
commencé en 1929, quand le photographe officiel de l’ancienne Basilique de Guadalupe
découvre dans la pupille de la Patronne du Mexique le reflet d’un homme barbu, avec les
caractéristiques d’un Espagnol.
En 1951, le photographe José Carlos Salinas Chávez, examinant de près une photographie du
visage de la Vierge, redécouvre dans les yeux de la Vierge le reflet du buste d’un homme
barbu. Plus tard, en 1956 et 1958, le Dr Lavoignet, célèbre ophtalmologiste, note quelque
chose d’unique : les yeux de la Vierge paraissent « vivants », reflétant la lumière de
l’ophtalmoscope, ce qu’aucune autre peinture ne pourrait produire. Il découvre aussi l’image
d’un buste humain dans la cornée des deux yeux et sur la face antéro-postérieure du
cristallin.
En 1962, un optométriste, le Dr Walbing, a montré que la Vierge est présente de manière
invisible, dans le lieu où saint Juan Diego a montré sa tilma à l’évêque Zumarraga, comme un
signe que « la dame voulait qu’il construise une chapelle en son honneur sur la colline du
Tepeyac ». L’image est restée imprimée sur la tilma et ses yeux reflètent quatre personnes.
C’est en 1975 que Aste Tosmann entreprend de nouvelles recherches et examine, avec des
appareils à haute définition, une bonne photographie (prise de l’original) du visage sur la
tilma pour aboutir, des années plus tard, à des découvertes étonnantes : reflétées dans les
yeux de la Vierge, il y a jusqu’à 13 personnes, censées être celles que la divine image a
préservées pour se présenter comme l’impératrice des Amériques et comme la protectrice
de la relation familiale.
Une découverte supplémentaire est venue s’ajouter à tout l’immense travail que les
spécialistes ont effectué sur les yeux de la Vierge de Guadalupe. En 1991, le Dr Padilla a
également vu des veines dans les pupilles et les yeux de la dame qui, en raison de ses
dimensions gynécologiques, est enceinte. En outre, les constellations de son manteau sont
celles qui correspondent au 12 décembre 1531, vues du ciel, pas de la terre. » (site Aleiteia)
Le plus incroyable est que l’image est vivante, elle demeure en permanence à la
température d’un corps humain et si on l’ausculte au stéthoscope on peut entendre le
battement d’un cœur.
Pape François
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II
Un soir, le Père Daniel-Ange dit à son cousin Baudouin, le Roi des Belges : « Je te souhaite de
passer une bonne nuit dans les bras de Marie. » Celui-ci corrigea : « Dans le sein de Marie ! »
Quelle connaissance et quelle expérience de l’union à Marie devait avoir ce saint roi pour
affirmer une telle réalité !
Nous allons d’abord lire une étude de Jean-Baptiste Lecuit3 sur les interprétations
psychanalytiques qui risquent d’empoisonner la vie d’un mystique qui cherche à comprendre
ce qu’il vit, surtout s’il ne l’a pas recherché. Et cette étude peut apporter quelques lumières
aux pères spirituels qui sont mis en situation de discerner ce que vit un mystique.
« Le peu d’estime de Freud pour la mystique n’est pas le dernier mot de l’approche
psychanalytique de ce phénomène, ainsi qu’en témoignent les réflexions d’auteurs comme
C. Parat, S. de Mijolla-Mellor ou A. Vergote. Je veux montrer ici comment la réduction
freudienne de la mystique à une régression au narcissisme primaire peut être relativisée et
prolongée par la prise en compte de la passion sublimatoire animant certaines figures
mystiques, et de la dimension amoureuse interpersonnelle de leur vie de foi.
sont étrangers les mondes dans lesquels vous évoluez ! La mystique m’est aussi fermée que
la musique » [4][4] (Lettre à Romain Rolland du 20/07/1929, Freud, 1873-1939). On peut
même parler d’un mépris pour la mystique, ainsi que cela transparaît dans quelques textes
ou dans sa correspondance : « Pourquoi quitter votre base solide pour vous précipiter... ? »
Certes Freud, dans « Le malaise dans la culture », n’assimile pas explicitement le sentiment
océanique à une expérience mystique, mais deux éléments au moins vont dans ce sens : la
confidence à R. Rolland citée à l’instant, et la référence à un autre de ses amis pour qui ce
type de sentiment est un fondement « de nombreuses sagesses relevant de la mystique
» (Freud, 1930, p. 259.) Puisque le sentiment océanique relève aux yeux de Freud de la «
restauration du narcissisme illimité », c’est-à-dire de la régression au narcissisme primaire, à
la fusion avec la mère, le sentiment océanique « renvoie à un modèle fusionnel... », il doit en
être de même avec la mystique. L’étrangeté de Freud à cette dernière peut du même coup
être interprétée comme relevant de sa crainte envers la figure maternelle, crainte qui serait
d’ailleurs également à l’œuvre dans l’étrangeté à la musique qu’il associe lui-même à son
étrangeté à la mystique (Cf. Sédat, 2002a, p. 123).
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« Mystique, l’obscure autoperception du royaume extérieur au moi, du ça » est l’une des
ultimes annotations de Freud (Note du 22 août 1938. Freud, 1921-1938). Elle semble
s’écarter de l’interprétation de la mystique en termes de régression, pour lui préférer l’idée
d’une perception en soi-même de la présence et de la puissance du ça. Mais on peut
rapprocher les deux interprétations en estimant que la régression au narcissisme primaire
est de l’ordre d’une « fusion régressive avec la mère imaginaire telle qu’elle demeure
présente dans le ça » (Cf. J. Sédat)
4
Il n’est donc pas trop schématique de dire que pour Freud, la religion relève essentiellement
du rapport au père et de la spiritualisation qu’il implique, et à ce titre s’oppose clairement à
la mystique, qui relève de la régression au narcissisme primaire. Cela dit, que Freud ait une
piètre estime de la mystique, en comparaison de la religion, n’enlève rien à son opposition à
cette dernière en tant qu’elle implique « intimidation de l’intelligence », fixation dans
l’infantilisme, et « inclusion dans un délire de masse » (Freud, 1930, p. 272). Certes, le fait
bien connu qu’il la considère comme une illusion implique seulement qu’elle trouve sa
motivation fondamentale dans l’« accomplissement de désir » (Wunscherfüllung) –
principalement celui d’être protégé de la détresse infantile –, et non qu’elle soit une erreur.
Mais dans la mesure où, pour des raisons extra-psychanalytiques, il la tient pour infondée,
elle peut être considérée comme « l’analogue d’une idée délirante » (Freud, 1927, p. 172).
Sur les racines philosophiques.... La critique est donc beaucoup plus profonde que ne le
laisserait supposer une focalisation hâtive sur le caractère non nécessairement erroné de
l’illusion : certes, il ne s’agit pas « de prendre position sur la valeur de vérité des doctrines
religieuses », mais de montrer qu’elles sont psychologiquement des illusions ; toutefois,
ajoute Freud, « cette mise à découvert influence puissamment aussi notre position » sur la
question de cette vérité (Ibid., p. 174).
Que l’auteur, que nous remercions au passage, nous pardonne d’avoir un peu élagué son
texte et de ne pas avoir cité la suite sur la sublimation, qui est un argument très acceptable
et qui à notre humble avis, trouve sa place dans la transformation psychique de tout
cheminement mystique.
Cependant nous voudrions aller plus loin, car le sujet revêt une importance considérable
pour évaluer ou auto-évaluer un état mystique comme l’union intime, ressenti, perçu
sensiblement dans la voie de la mystique mariale. La Mère étant au cœur de notre étude.
Nous allons essayer de traduire en terme simple un concept de la psychanalyse que
l’observation attentive rend pertinent. Celui des stades du développement de la libido et du
choix d’objet d’amour. Le lecteur se reconnaîtra et pourra en tirer profit dans la
connaissance de lui-même, qu’il suive une voie mystique ou non.
4
https://www.cairn.info/revue-adolescence1-2008-1-page-143.htm
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Ce tableau s’appuie sur les études de Freud, mais aussi de Piaget et Wallon que nous
apprécions beaucoup. Mais il est bien sommaire et propose une évolution où il faudrait
distinguer entre fixation et « marquage ». C’est toute la différence entre pathologie et
tendances de la personnalité. Si vous êtes marqués par le stade oral, vous aurez tendance à
compenser sur la nourriture, une fixation dans ce stade donnera une pathologie boulimique
ou anorexique. Un adulte qui aurait intégré et dépassé les stades du développement d’une
manière parfaite, ça n’existe pas. Autrement dit, quand on nous dit de quelqu’un que c’est
une personne équilibrée, nous devons voir. D’une manière plus réaliste et sur une longue
vie, nous nous demanderons : où est sa faille ? Vous savez par quel stade vous êtes marqué
quand vous faites face à la frustration : que désirez-vous alors ? Vous faire un bon resto,
taper dans les murs, vous mutiler ?
Pour cette étude nous avons visionné plusieurs vidéos d’interprètes de la chanson : Je vous
salue Marie. La tendance à la mélancolie et l’anorexie de Françoise Hardy sont visibles à l’œil
nu. Sans être un cas pathologique, elle est marquée par le stade oral, par le désir de fusion
qui ne peut aboutir qu’à ce constat : il n’y a pas d’amour heureux ! Pour qu’il y ait un couple,
pour qu’il y ait un ‘nous’, il faut d’abord qu’il y ait un Je et un Tu. Or, Mélanie Klein distingue
deux époques dans le stade oral, le second étant sadique oral : je veux manger ma mère, je
veux la mordre ; dans le langage amoureux : je vais te croquer, je vais te bouffer, je veux
t’intégrer en moi… Le résultat, c’est que tu disparaîtras. Il n’y aura pas d’altérité possible.
Françoise Hardy adolescente rêvait de se faire religieuse. Rêve de cloître, de sublime
océanique. Que se serait-il passé si elle était devenue religieuse ? Elle aurait tenu un certain
temps puis aurait ‘bouffé du curé’ toute sa vie, écrivant des livres-croisades contre les
religieuses, et elle aurait cherché du côté de l’Inde. Mais si elle avait « viré mystique »
comme on dit ? Après une période de douceur et d’épanchement amoureux vers Dieu et de
caresses divines ressenties, elle serait tombée dans la nuit, dans un tunnel dont le Moi ne
ressort pas vivant, où Dieu se serait révélé non seulement comme autre, mais comme le
Tout-Autre. La douce lumière aurait cédé la place à la Ténèbre Divine, qui est une lumière
inaccessible. À l’issue de ces nuits, elle serait sortie transformée tout en gardant sa
personnalité marquée par l’oralité, mais devenue capable d’altérité. C’est pour nous la
définition de l’adulte. Quelqu’un capable d’altérité. L’autre n’est pas moi, je ne suis pas un
autre, je suis moi responsable et autonome qui choisis d’aimer et de me donner. C’est toute
la Petite Thérèse, que la psychanalyse considère comme un cas d’école de régression orale.
Il faut en finir avec l’explication freudienne de la vie mystique. Saint Ignace de Loyola n’a rien
d’oral et quand il régresse au début de son parcours, c’est dans le stade sadique anal avec
des scrupules obsessionnels. Le Padre Pio ! Typiquement marqué par le stade phallique,
gardera ce tempérament de soldat ! Vous avez observé ce stade chez vos enfants à qui vous
essayez de faire passer vos idées pacifistes et qui ne veulent comme cadeau qu’un pistolet
ou une mitraillette, qui cherchent la bagarre. Nous pourrions faire une galerie de portraits
pour montrer que l’explication des extases et des états mystiques par la régression orale ne
tient absolument pas la route.
L’explication réside dans l’existence du Dieu vivant et sa Providence qui intervient dans nos
vies. La grâce est tout, et elle n’est pas seulement objet d’espérance et de foi, elle est objet
d’expérience.
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Il faut bien sûr évoquer les faux mystiques, ceux qui par pathologie donc plus ou moins
conscients de ce qu’ils font, imitent, dissimulent, mentent et se font passer pour mystiques.
À leur décharge, nous dirons que la crédulité du monde est sans borne et que le besoin
d’idéalisation est tel que l’on est prêt à prendre des vessies pour des lanternes. Qu’un
évêque fasse reclure une mystique qui pratique l’inédie pendant quinze jours, dans une
chambre d’hôpital surveillée par des caméras, est tout à fait légitime. Nous avons bien
connu le cas de Rolande, qui est restée des dizaines d’années sans s’alimenter. La pesée
quotidienne fut concluante. Le test clinique doit aussi être confirmé par une cohérence avec
l’élévation spirituelle et la pratique des vertus. Mais la plupart des mystiques cherchent à
vivre une vie cachée et n’attendent aucune reconnaissance. Ils habitent la Vérité.
Pour en finir avec la psychanalyse nous dirons que le Père Kolbe et surtout Grignion de
Montfort étaient marqués par le stade phallique. Les vrais doux sont souvent d’anciens gros
durs. La force physique de saint Louis-Marie était légendaire, il pouvait soulever une pierre
tombale comme Obélix le faisait avec un menhir, il était un bagarreur infatigable. Et ses
livres sont comme du miel, même si au premier regard ils ont le goût amer de l’abnégation.
L’expression ‘la confiture des croix’, nous fera toujours rire. Saint Bernard et saint François
de Sales sont aussi des doux-durs que l’histoire retient comme melliflues, qui distillent le
miel.
TÉMOIGNAGE
Quelquefois on aime à perdre conscience de soi comme une mère s’oublie et se reçoit en
tant que mère dans l’oubli de soi. Notre identité, nous la trouvons dans l’oblation, dans
le don amoureux, dans l’oubli de soi qui peut aller jusqu’à la limite de la non-dualité
sans jamais la franchir. Même quand je suis absorbé en Dieu, je sens qu’il est moi et
que je suis lui, mais je sais qui je suis vraiment et surtout ce que je suis en train de
devenir dans la relation.
Je l’ai faite à peu près dix ans plus tard, un petit matin, alors que la lumière
commençait à entrer dans la pièce. Marie m’apparut et je levai les yeux vers son visage,
quand nos regards se rencontrèrent, en un instant je fus en elle. Je baignais en elle et les
sensations que je ressentis dans mon corps, dans mon âme et dans tout mon être peuvent
se résumer en trois mots : amour infini, douceur immense et force paisible. Je perdis la
vision de son apparence physique puisque j’étais en elle, mais je ne perdis pas la
conscience de ma présence. Comme la prière de Saint Éphrem le Syrien de Nisibe (Ive
s.) résume bien ce que je ressentis en ce moment-là et chaque fois que je me place dans le
sein de Marie :
« Très Sainte Dame, Mère de Dieu, seule très pure d'âme et de corps, seule au-delà de
toute pureté, de toute chasteté, de toute virginité ; seule demeure de toute la grâce de
l'Esprit-Saint ; par là, surpassant incomparablement même les puissances spirituelles, en
pureté, en sainteté d'âme et de corps, jetez les yeux sur moi, coupable, impur, souillé dans
mon âme et dans mon corps des tares de ma vie passionnée et voluptueuse ; purifiez mon
esprit de ses passions ; sanctifiez, redressez mes pensées errantes et aveugles ; réglez et
dirigez mes sens ; délivrez-moi de la détestable et infâme tyrannie des inclinations et
passions impures ; abolissez en moi l'empire du péché, donnez la sagesse et le
discernement à mon esprit enténébré, misérable, pour la correction de mes fautes et de mes
chutes, afin que, délivré des ténèbres du péché, je sois trouvé digne de Vous glorifier, de
Vous chanter librement, seule vraie Mère de la Vraie lumière, le Christ notre Dieu ;
car Seul avec Lui et par Lui, Vous êtes bénie et glorifiée par toute créature invisible et
visible, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen. »
Il ne s’agit donc pas d’une régression, mais d’une gestation nouvelle et toujours inachevée
tant que je serai sur cette terre.
Marie est mon milieu divin, c’est en ce sens qu’elle est médiatrice puisque « média »
signifie milieu de vie et communication. Elle est médiatrice de l’unique Médiateur entre
Dieu et les hommes. Les protestants disent qu’un seul Médiateur suffit et ils ont
raison, mais ils se situent à un niveau de compréhension différent, car ils ne prennent pas
suffisamment en compte tout le réalisme du mystère de l’Incarnation. Marie est le
milieu, le média par lequel le Médiateur est passé, et par lequel passent tous ceux qui se
laissent enfanter par elle pour devenir eux-mêmes des médiateurs dans l’Unique
Médiateur. Ils passent allégrement au-dessus du rôle que l’humanité a joué et joue dans
sa propre rédemption. Marie, en tant qu’être humain, a dit oui au nom de toute
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l’humanité comme Ève avait dit non à la volonté de Dieu au nom de tous ses enfants, de
tous les fils d’Adam.
Ce qui ne cesse de me frapper c’est la force qu’elle me donne. C’est quand je suis faible
que je me sens fort, inattaquable par les hommes et les démons. J’ai l’habitude de dire
que Marie est mon système immunitaire. Son sein est un jardin clos comme le dit le
Cantique des cantiques. Et pourquoi est-il clos ? Suis-je enfermé dans cet espace ?
Dans l’hébreu moderne ‘naoul’, clos, est employé dans le sens de fermer à clef. Pour le
propriétaire, la clef est symbole, non pas de son enfermement, mais de sa protection et de
sa sécurité, de son assurance quand il s’absente de la maison, quand il va dans le monde.
Ce jardin est clos à toute intrusion inopportune. Comme le système immunitaire sait
reconnaître l’agresseur qui peut mettre en péril ma santé, le milieu absolument stérile
qu’est le liquide amniotique de Marie rejette le mensonge et les contre-vérités, les
illusions et les séductions du Malin. Il est le milieu sans orgueil, sans ego du tout petit
qui possède une force vitale incroyable. Comme il est dit dans Isaïe 11, 8 : «Le
nourrisson jouera sur le repaire de l’aspic, sur le trou de la vipère le jeune enfant mettra
la main. » Et encore dans Marc 16 : « Ils saisiront des serpents venimeux, ou s’il
leur arrive de boire un poison mortel, cela ne leur causera aucun mal. » Nous sommes
immunisés en demeurant en Marie !
TEMOIGNAGE
« Je suis vieille et je suis juive, les deux ont leur importance dans ce que je vais vous
raconter. Je m’appelle Renée, qui cache le prénom hébreu de Rina, les deux ont leur
importance. Rina signifie ‘cri de joie’ et intérieurement, dans ma vie secrète je traduis par
Magnificat. Je m’appelle Magnificat et ma vie est un cri de joie parce que j’ai
rencontré une petite juive qui s’appelle Myriam et son fils est le Messie d’Israël. Vous
dire comment elle est venue dans ma vie, je ne le sais pas moi-même. Alors je ne peux pas
vous en dire plus sinon qu’elle s’est approchée de moi comme le Petit Prince s’est
approché du renard et quand je voyais une image d’elle je la reconnaissais. Petit à petit
nous avons parlé ensemble, je la vois souvent dans mes rêves. Je ne suis pas convertie,
mais j’ai lu le Nouveau Testament et je ne peux pas le lire sans pleurer. J’ai une
voisine catholique, un peu excitée et prosélyte, par elle j’ai appris beaucoup de choses,
mais je ne veux pas devenir catholique. Ma loyauté envers le peuple juif est très forte,
comme si j’avais la mission de résister, de tenir bon dans mon identité et de maintenir
l’existence d’Israël comme un signe. On n’a pas survécu dans la souffrance pendant des
siècles pour renier notre héritage. Vous savez, j’en ai entendu des propos antisémites chez
les catholiques. Ils ne sont pas prêts à me recevoir et à me respecter. J’ai été beaucoup
torturée par la pensée du baptême au nom du Père et du Fils et du Saint-Eprit, mais je
me dis que cela ferait une juive de moins sur la terre. Mais ça me travaille comme une
question qui n’a pas de réponse possible. Ma voisine, un jour qu’elle abordait la
question, m’a dit : vous devriez parler avec un prêtre. Je pensai que la lutte serait
inégale, mais elle a ajouté : allez voir un dominicain, ils sont très ouverts, très
respectueux des croyances des autres. Je ne savais pas que c’était des intellos, mais la
proposition m’a plu. Je me suis donc rendue au couvent des dominicains de la ville de B.
et j’ai demandé à voir un prêtre. Il m’a écoutée avec émerveillement, son visage rayonnait
et j’avais envie de l’embrasser. Quand j’ai fini de lui raconter mon histoire, ce qui fut
long, car je suis très bavarde comme tous ceux qui vivent dans la solitude et le silence, il
a hoché la tête et m’a parlé du baptême de désir. Ces paroles, elles sonnent en moi comme
une formule magique… de désir … de désir. Toute ma vie était de désir. Si les
chrétiens étaient de désir peut-être que j’aurais demandé le baptême, je prie pour eux.
Après quelques semaines je lus dans un magazine que beaucoup de juifs se rendaient à
Lourdes, incognito dans la foule et je sentis que la Vierge me disait d’y aller. On avait
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rendez-vous, mon baptême arrangé entre la Vierge et moi. Je ne savais pas qu’il y avait
des saisons pour les pèlerinages et j’ai choisi le 8 décembre parce que l’Immaculée
Conception me parle beaucoup, cette irruption de la grâce dans l’histoire d’Israël. Je fis
une magnifique expérience, il y avait très peu de monde, mais je ne me sentais pas
exposée aux regards des autres. Dès que je pénétrai dans le domaine sacré je ressentis
cette présence, qui m’était familière, de douceur, de légèreté comme une joie pétillante et de
lumière. J’étais chez elle. J’allai droit aux piscines et je me suis retrouvée nue dans une
pièce en béton suintante d’humidité. À côté de moi des femmes nues qui parlait une
langue de l’Est comme du polonais. Je fus transportée dans un camp de la mort comme si
j’avais vécu ce que ma mère a connu. On est russe d’origine. Et au lieu de me tuer, on
allait me faire renaître. Je n’ai gardé aucun souvenir du froid, de l’eau glaciale en ce
mois de décembre, je me souviens de ces mains fortes de femmes qui m’ont maintenue et
appuyé sur la tête pour que je m’immerge complètement. Renée. Quand je suis sortie de
l’eau, j’étais envahie par la présence de Marie, le blockhaus était lumineux et je fus
remplie d’espérance pour l’humanité. Les hommes avec l’aide du diable font l’enfer,
Marie fait le Paradis. Je suis restée toute la semaine où j’avais réservé une chambre
d’hôtel dans ce bonheur inouï. Allant à la grotte, me promenant au bord du Gave je
restais dans cette ivresse, mes pieds ne touchaient plus le sol. Pour moi je représentais
tout le peuple juif. Je m’étais immergée pour lui. Les boutiques de bondieuseries ne me
gênaient pas, j’aurais embrassé toutes les représentations de la Vierge. Je lus plus tard
dans une histoire du peuple juif écrite par André Chouraqui que Théodore Hertzl était
venu à Lourdes où il avait vécu une Pentecôte et qu’il avait dit à l’évêque : vous êtes un
bienfaiteur de l’humanité. Mais c’était avant la Shoah. Et si la Vierge de Sion lui
avait inspiré la fondation de l’État d’Israël ?
Plus tard j’ai lu le Secret de Marie. Pas facile à accepter. Mais à mon âge on ne se
dit pas qu’on va y réfléchir, on n’a plus de temps pour ça, c’était à prendre ou à laisser.
J’ai pris.
Dans mon appartement je n’ai pas de signe extérieur de ma foi, pas de crucifix ni
d’image de la Vierge, à cause de mes copines de la communauté juive qui me visitent de
temps en temps. Alors j’habite en Marie, elle me cache en elle, je me coule en elle, car
elle me rend tendre et malléable comme de la cire chaude. Et l’image du Christ est en moi
parfois en forme de crucifix, les bras étendus parfois comme un enfant et souvent comme
un Maître qui enseigne.
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Pour moi Marie est l’Église et la Synagogue, elle est la mère des juifs et des chrétiens
et de tous les hommes. Mon itinéraire n’est pas achevé, je le sais, mais il ne dépend pas
de moi, je crois et j’espère qu’un jour les deux ne feront plus qu’un, Israël et les Gentils.
Ce témoignage nous montre que la mission de Marie est d’ordre eschatologique, c’est-à-dire
qu’elle concerne les derniers temps et prépare l’humanité à la venue du Christ dans la gloire.
Elle veut avec Jésus que tous les hommes soient sauvés et c’est à tous les hommes, quelle
que soit leur appartenance religieuse, qu’elle s’adresse et se manifeste. Une amie chrétienne
qui a travaillé comme volontaire dans une unité de soins palliatifs, où se trouvaient des juifs
très pieux et très conservateurs, nous a raconté qu’au moment de la mort, c’est la Fille de
Sion, Myriam, la Mère de Jésus qui leur apparaissait en premier. Ces témoignages ne sont
pas rares. Si beaucoup de protestants, surtout évangéliques, considèrent les mariophanies
actuelles comme des œuvres du démon pour tromper les élus, en citant ce verset de la
deuxième épître à Timothée : « Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas
la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se
donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, la Vierge n’enseigne pas de
nouvelles doctrines. Bien au contraire, elle nous donne de vivre de l’intérieur la doctrine
évangélique dont elle est elle-même un modèle. Mais comment peut-il le savoir, celui qui ne
l’a pas éprouvé ? Pourtant la Vierge travaille bien des protestants et dans leur cœur ils
commencent à la recevoir pour leur Mère, en témoignent les lignes qui suivent.
Marie était très présente dans la vie de Séraphim. Elle agissait dans sa vie, une icône
de Marie l’avait guéri d’une maladie grave. Il l’aimait, la priait, comme enfant on
s’adresse à sa mère.
Alors, sans doute poussée par l’Esprit Saint, j’essayais de la prier.
Séraphim conseillait de la prier tous les soirs avant de s’endormir, et comme petite enfant
je récitais avec ma maman une prière d’enfant, je me mis à murmurer le « Je vous salue
Marie pleine de grâce ».
Quelle ne fut pas ma surprise ! A cet instant précis, la chambre se remplit d’une douceur,
d’une atmosphère légère, d’une présence que je qualifierai plus tard de maternelle.
Et tous les soirs au moment de la prière à Marie, je ressentais cette douceur envahir
petit à petit la pièce. Alors je compris que Marie se penchait sur moi tous les soirs,
j’étais son enfant, elle était ma Mère dans le ciel. C’était une évidence. Le
protestantisme ne m’avait rien appris de cela. J’aurais pu avoir des combats, des doutes,
me sentir trahir des siècles de tradition ! Car prier la Vierge Marie était considéré
comme un acte idolâtre. La visite de Marie était évidente ! Pas de doute, pas de
combat. Dans le même temps, j’acceptais aussi l’existence de l’Église Céleste et des
saints.
Plus tard, en récitant le chapelet, je continuais à expérimenter la présence de Marie, à
être envahie de vagues de douceur, de grande paix intérieure, d’amour, comme des caresses
spirituelles dans mon âme. Une autrefois sa visite se manifesta par un parfum de rose.
Au fil des jours, Marie est devenue une présence indispensable à mes côtés, pour marcher
dans les pas du Christ.
J’ai souvent eu des manifestations de sa douceur, comme une consolation, dans des
périodes difficiles de ma vie, l’impression qu’elle veillait sur moi. Son simple regard
bienveillant, sans reproches, m’apaisait, alors que devant Dieu je m’accusais de
médiocrité.
Pour moi, le plus important aujourd’hui c’est la certitude que Dieu, Père, Fils et
Saint-Esprit, veille sur tous les détails de ma vie, que je suis accompagnée par la
présence maternelle de Marie, qui montre le chemin qui mène vers son Fils, et que le ciel
est ouvert au-dessus de ma tête, même quand les jours sont lourds et sombres. Il me suffit
de décider qu’il n’y a pas de distance entre le ciel et moi sur terre, et mon âme s’élève,
aime, contemple, au-dessus des réalités du monde des humains. Sylvie
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On m’a dit que j’avais été donnée à mes grands-parents trois mois après ma naissance.
Et quand j’ai commencé à revivre avec mes parents, j’avais huit ans. Mon souvenir le
plus impressionnant était que nous étions très riches, nous avions deux appartements
adjacents, mes parents avaient même consacré une chambre pour la méditation. Je suis
née dans une famille de bouddhisme. J’ai réalisé que mes grands-parents étaient taoïstes,
tandis que mes parents étaient de fervents bouddhistes.
Ma mère avait une pratique très fidèle dans sa foi, elle quittait son lit à l’heure tous les
matins et la première chose qu’elle faisait était d’offrir une prière à « Kwun Yam », la
déesse dans le bouddhisme. Au cours de sa prière, environ 40 minutes, personne ne
pouvait l’interrompre. En tant qu’enfant, j’ai compris qu’elle priait pour la sécurité de
mon père, car il était un détective, avec beaucoup de risques dans ses tâches quotidiennes.
Pourtant, je ne comprendrai jamais qu'une femme pieuse puisse être également très
violente dans la vie quotidienne.
Quand j’ai eu 50 ans, lorsque nos parents étaient tous deux décédés, ma sœur m’a
raconté une histoire très différente de ce que j’avais toujours interprété lorsque j’étais
enfant.
L’année de ma conception, ma grand-mère, qui était une diseuse de bonne aventure (don
hérité de sa propre mère) prédit à mes parents qu’une catastrophe entrerait bientôt dans
la famille. Un peu plus tard j’ai été conçue, et tout le monde pensait que j’étais la «
catastrophe ». Voilà comment ma mère a essayé trois fois de m’abandonner. Elle a
démenti, d’après ce que dit ma grand-mère. Mon grand-père qui était un médecin chinois
m’a sauvé trois fois, en donnant un médicament faisant l’effet opposé à l’avortement. Je
n'avais pas été tuée, mais ma vie était encore plus forte à cause de la médecine de mon
grand-père.
C’est pour cette raison que ma mère a commencé à avoir cette dévotion à Kwun Yam,
dans l’espoir de réduire la catastrophe. Quand j’ai entendu la vraie raison, j’ai eu le
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sentiment d’avoir été si longtemps son fardeau dans sa vie et dans sa foi. Ça a été très
douloureux. Sa superstition, elle l’a véritablement portée jusqu'à son lit de mort,
puisqu’elle demanda à la famille de me cacher le moment où elle mourrait.
Tout en n’ayant pas l’amour de mes parents, ils étaient en effet des étrangers pour moi
dans ma vie, à l’âge de 5 ans, j’ai commencé à avoir une très grande soif d’aller visiter la
statue de Notre Dame. J’y allais chaque jour dans notre école (comme si elle était la
vraie déesse à honorer). J’étais jalouse de ces filles de l’école qui étaient catholiques et
qui, tous les mois de mai, pouvaient participer à son couronnement et lui faire des
offrandes de fleurs dans le jardin du cloître. Je ne l’ai pas appelée ma mère, mais elle
était le seul modèle de l’amour et la femme la plus tendre pour moi. Et bien sûr, toute
souffrance que je recevais de ma mère, j’allais immédiatement lui raconter, lui dire comme
si elle ne savait pas. Ma première fois que je l’ai reconnue comme ma maman est un
après-midi, en l’an 2000. Je regardais son image comme avant, quand j’étais un petit
enfant, mes larmes commencent à rouler vers le bas. J’ai pleuré pendant de longues heures
et déversé beaucoup de douleur profonde et une « coïncidence » , la même année, j’ai été
invitée à aller à Medjugorje.
Plusieurs fois, j’ai vécu sa proximité. Une fois en 2009, on m’a diagnostiqué un cancer
du sein, je suis restée longtemps dans mon lit après la chirurgie. Un après-midi, j’étais
seule dans la maison, à moitié endormie, j’ai senti une présence qui m’a réveillée. Quand
j’ouvre mes yeux, personne n’était autour. Je tourne mon visage vers le mur, mais j’ai
senti que Notre Dame était assise sur mon lit, mon dos était contre elle. Elle apportait
le confort pour moi. Je n’étais pas vraiment sûre, et je ne me suis jamais retournée pour
regarder. J’ai commencé à sangloter, j’ai senti les parfums forts de roses. Je n’ai pas
bougé. C’est la première fois dans ma vie, que j’ai fait l’expérience de la proximité de la
mère auprès de son enfant malade.
Pour en revenir à ma mère, dans le bouddhisme, Kwun Yam est également l’image
d’une reine Pacifique qui soulage la douleur de l’humanité. Je me demandais si elles
étaient toutes deux la même mère. Mais Notre Dame m’a montré qu’elle est vraiment
ma mère et m’aide à être une enfant apaisée par ses soins et sa consolation.
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La déesse Kwun Yam à Hong-kong La Vierge Marie vue par les chrétiens chinois
Ce dernier témoignage pose une question importante qui nous invite à établir les différences
fondamentales qui existent entre le Féminin Divin, dont on parle beaucoup aujourd’hui, et la
dévotion à la Vierge Marie. Pour beaucoup, le culte marial est un réinvestissement des
mythes païens et donc une retombée dans l’idolâtrie. Ils n’ont pas tort sur un point : tous les
mythes antiques qui habitent l’inconscient collectif, les croyances et les cultes païens sont
résumés dans la personne du Christ pour les assumer et les dépasser, pour y mettre une fin,
comme le montre si bien René Girard. La Messe devrait être la fin de tous les sacrifices
humains, à commencer par les guerres. Les Pères appellent Jésus synthesis, synthèse finale.
Il en va de même pour la Vierge Marie. Au commencement étaient la Terre, Gaïa, et l’eau,
Ganga pour les hindous. Tout vient de la terre, notre mère, la Pacha Mamma, et tout
retourne à la terre. La femme nous donne la vie et finit par nous engloutir. Le culte de la
déesse mère est la source de toutes les cultures, même patriarcales. La femme donne la vie
et donne la mort, comme Kali la noire. Elle satisfait le désir des hommes pour les dépouiller,
elle offre ses enfants à la mort pour fertiliser. Et Marie va accompagner cette offrande du
Premier-né pour que plus jamais elle ne se reproduise, parce qu’il est le Sauveur du monde
qui met fin aux sacrifices. Marie au lieu de tuer l’homme, l’exalte et le glorifie. Kwun Yam est
un ancien dieu aux mille bras qui s’est transformé en femme pour être intégré au panthéon
du bouddhisme populaire, qui est loin de la philosophie du Gautama Bouddha. Elle est
appelée miséricordieuse, mais c’est seulement envers les femmes qu’elle exerce sa bonté.
Elle les venge des hommes. On dit en cantonais qu’un homme appartient à Kwun Yam quand
il aime une femme qui ne l’aimera jamais, qui le dépouillera de tous ses biens. Elle a son
homologue en Thaïlande. Les jeunes filles la prient avec beaucoup de ferveur pour
rencontrer un étranger riche à qui elles feront croire qu’elles sont amoureuses. L’étranger
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très flatté et en manque d’amour et de jeunesse, se dépouille peu à peu de tous ses biens,
leur construit une maison, dote les enfants, leur paye des études et vient le jour de la
vengeance où elles avouent n’avoir jamais aimé l’étranger. Il n’a plus qu’à partir détruit et
ruiné. Un très bon reportage sur ce phénomène est disponible sur YouTube 5. Nous
connaissons dans notre entourage de jeunes hommes fous amoureux d’une Thaïlandaise,
qui leur envoient régulièrement de grosses sommes d’argent. Ce qu’ils ignorent c’est que
l’amoureuse en question possède plusieurs autres « pigeons ». Pour elle, ce n’est pas
immoral, les étrangers doivent être punis pour leur ignorance des lois de la déesse. On peut
dire que dans notre culture se fait jour un changement profond qui transforme les femmes
en hommes pour se venger de siècles de soumission. C’est un dévoiement du féminisme. La
Sainte Vierge est regardée par elles de travers !
Ce que donne la déesse doit être payé très cher, ce n’est jamais gratuit, elle ne veut pas que
de l’argent et elle veut détruire les âmes. L’âme est l’unité de monnaie dans le paganisme et
le satanisme.
Par contraste, on peut voir émerger Celle qui est toute petite, une petite mendiante d’amour
pour son Fils, pleine de grâces, pleine de gratuité, qui donne la vie et veut que toutes les
âmes soient sauvées.
5
https://www.youtube.com/watch?v=FGC13rCbEAs
36
III
Les chrétiens ignorent la signification de l’expression « couvrir de son ombre ». En effet, elle
est typiquement sémitique. Que signifie-t-elle ? L’ombre n’a rien à voir avec le concept
psychologique qui véhicule une connotation négative comme lorsque l’on parle de la « part
d’ombre de quelqu’un ». Elle n’est ni négative ni positive. L’ombre est la projection que
produit soit la lumière soit le mal. L’ombre de la mort c’est déjà la mort, c’est tout ce que
contient la mort qui se diffuse sur la personne. L’ombre que produit le soleil c’est sa lumière
rendue supportable, comme atténuée pour être allégée de sa chaleur et de son
éblouissement. De saint Joseph on dira qu’il est l’ombre du Père, cela signifie que la
paternité divine lui sera infusée d’une manière « tamisée » afin qu’il puisse être un vrai père
pour l’humanité de Jésus. On appellera la Sainte Famille, particulièrement dans l’École de
spiritualité française, issue du Carmel, la Petite Trinité sur la terre. Marie est l’ombre de
l’Esprit, Joseph l’ombre du Père et Jésus les unira tous les deux en même temps qu’il unira la
Trinité Céleste et la Trinité Terrestre et l’amour circulera entre les membres de la Sainte
Famille comme au sein de la Trinité.
Sainte-Famille de Nazareth,
Petite Trinité sur la terre,
Jésus Dieu sur la terre,
Marie épouse de l'Esprit,
Joseph ombre du Père,
rendez-nous semblables à vous.
Petite Trinité sur la terre,
Joseph mourant d'amour pour Marie,
Marie mourant d'amour pour Jésus,
Jésus mourant d'amour pour le monde,
rendez-nous semblables à vous.
37
Le latin d’église a donné le verbe subombrer, on parle de subombrage, pour « couvrir de son
ombre ». Cette notion est plus familière au judaïsme, particulièrement dans sa mystique. Elle
rejoint notre communion des saints. La communion des saints doit être conçue et vécue
comme une communication entre les saints et nous, ceux qui sont au ciel et ceux qui sont
sur la terre. Cette communication se fait par l’Esprit dans notre esprit. Elle participe de la
communion du Saint-Esprit. Les juifs reconnaissent la présence de l’âme, de la neshama,
d’un tsadiq, d’un juste du passé, souvent au sein de la famille dans l’âme d’une personne,
enfant ou adulte. Ce subombrage se reconnaît à ce qu’une connaissance et les vertus d’un
saint sont comme infusées dans son bénéficiaire. On peut dire par exemple que Marthe
Robin a été couverte par l’ombre de la Petite Thérèse. Jean-Baptiste était couvert par
l’ombre d’Élie, il n’était pas Élie en même temps qu’il était l’Élie qui doit venir. Élisée était
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couvert lui aussi par l’ombre d’Élie puisqu’il reçut une double part de son esprit. Les tenants
de la réincarnation s’appuient sur ces exemples bibliques pour soutenir leur thèse. Mais
c’est une confusion à laquelle bien des chrétiens adhèrent aujourd’hui. La réalité est plus
belle. Un saint peut nous couvrir de son ombre pour que nous finissions ce qu’il n’a pas pu
réaliser dans son existence terrestre et que nous poursuivions sa mission.
Il est légitime de demander à un saint d’être couvert de son âme. S’il nous exauce, son
ombre s’attachera à nous et il nous communiquera de sa sainteté. Avant d’écrire ces pages
nous avant prié Grignion de Montfort de nous couvrir de son nombre afin que nous
transmettions le charisme qui lui est propre et unique dans l’Église. On peut penser à juste
titre que Jean-Paul II était couvert par l’ombre de ce saint pour qu’il poursuive sa mission.
« On en venait à sortir les malades dans les rues, on les plaçait sur des lits ou des civières,
afin que Pierre, au passage, touche au moins l’un ou l’autre de son ombre. » (Ac 5, 15) Nous
arrivons à cet oxymore de l’ombre lumineuse, l’ombre qui est un rayonnement. Ce qui nous
rappelle la nuée, le nuage qui éclairait pendant la nuit et guidait le peuple dans son exode.
Cette nuée a été beaucoup commentée par les Pères, car elle figure les deux natures du
Christ. L’alliance de l’eau et du feu, de la divinité et de l’humanité. La nuée était faite d’une
colonne de feu enveloppée d’une colonne de vapeur d’eau, d’un nuage.
Citons quelques passages bibliques pour nous rappeler ce qu’il en est dit.
« On vit le nuage couvrir leur camp de son ombre protectrice et la terre sèche surgir là où il
y avait de l’eau auparavant ; au milieu de la mer Rouge apparut un chemin praticable, les
flots impétueux firent place à une plaine verdoyante » (Sg 19,7).
« Qui habite le secret d’Élyôn passe la nuit à l’ombre de Shaddaï » (Ps 91,1).
« Garde-moi comme la prunelle de l’œil, cache-moi à l’ombre de tes ailes » (Ps 17,8).
« Comme un pommier au milieu des arbres de la forêt, tel est mon bien-aimé parmi les
jeunes hommes. J’ai désiré m’asseoir à son ombre, et son fruit est doux à mon palais » (Ct
2,3).
« Au-dessus de l’arche, les chérubins de gloire couvraient de leur ombre le propitiatoire » (
He 9,5).
« Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit : Maître, il est bon que
nous soyons ici, dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. Il ne
savait ce qu'il disait. Comme il parlait ainsi, une nuée vint les couvrir et les disciples furent
saisis de frayeur en les voyant entrer dans la nuée. Et de la nuée sortit une voix, qui dit :
Celui-ci est mon Fils élu, écoutez-le!… » (Lc 9, 33-35)
39
IV
Marie est la Reine des anges. C’est un fait d’expérience que l’union mystique à Marie nous
rend sensible à l’existence et la manifestation du monde angélique. Elle éveille en quelque
sorte notre curiosité sur cette sphère qui s’étend de la terre au ciel et soudain notre
mémoire semble réveillée. Alors de nombreux versets et d’épisodes de l’histoire sainte nous
reviennent. Ils sont partout, de la Genèse à l’Apocalypse. Des épisodes de notre vie sont
éclairés d’une lumière nouvelle et nous nous souvenons que dans telle ou telle circonstance
de notre vie, particulièrement dans des moments de danger, les anges sont intervenus en
notre faveur. Dans son enquête sur l’existence des anges gardiens, qui s’est vendue à plus
d’un million d’exemplaires, Pierre Jovanovic rapporte d’innombrables interventions
angéliques. Nous confessons que Dieu est le Créateur du monde visible et invisible. Le
monde visible est tellement beau, mais il peut s’enrichir de la vision ou de la perception du
monde invisible qui est lumineux, harmonieux et si agréable à entendre si nous recevons
cette grâce. Pour l’avoir entendu pendant une visite de la Reine du Ciel nous pouvons dire
qu’ils sont à la limite du supportable pour l’oreille humaine, tellement leurs voix sont haut
40
perchées. Une expression nous est tout de suite venue à l’esprit : la musique des sphères
dont parle Pythagore en termes mathématiques. Nous pouvons en avoir une petite idée en
écoutant une vidéo YouTube qui par des moyens électroniques produit une musique qui s’en
approche. (6) Des compositeurs, comme Thomas Tallit, en utilisant des chœurs d’enfants qui
chantent in paradisium atteignent des effets sonores qui élèvent l’âme et lui font toucher la
nature angélique. Le sublime est fait de pureté et de clarté à la limite des capacités
humaines… mais c’est là que l’ange commence.
Nous roulions dans un 4X4 sur une étroite piste africaine qui longeait un précipice
impressionnant et s’accoudait à une falaise abrupte. Nous nous croyions seuls dans ce lieu
désert d’une impressionnante beauté, soulevant la poussière sur notre passage. Nous
discutions avec le chauffeur qui était musulman et sa conduite était particulièrement
dangereuse, car il était tellement pris par la conversation qu’il regardait les passagers plutôt
que la route. Tout à coup, un virage en épingle à cheveux et un bus qui roulait à vive allure,
comme tous les bus en Afrique, se précipita à notre rencontre. Comme dans ce genre de
situation le temps se ralentit, on a le temps de voir arriver l’accident et puis soudain, le
temps fut suspendu, le bus - nous avait-il traversés comme si nous étions immatériels ? -
continua sa route. Nous sommes descendus de voiture, étonnés ou plutôt ahuris, silencieux
jusqu’à ce que le chauffeur prononce ces mots : c’est un miracle. Le temps de contempler
l’abîme, la paroi abrupte et l’étroitesse de la route, nous avons constaté que les traces de
roues se croisaient !!! Nous avons, bien sûr, pris une photo. Les anges existent ! Des enfants
qui priaient pour leurs parents partis en voyage ne se retrouvèrent pas orphelins ce jour-là.
6
A choir of angels https://www.youtube.com/watch?v=hOVdjxtnsH8&t=1830s
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« Les anges sont des esprits, mais ce n'est pas parce qu'ils sont des esprits qu'ils sont des
anges. Ils deviennent des anges quand ils sont envoyés en mission. En effet, le nom d'ange
fait référence à leur fonction et non à leur nature. Si vous voulez savoir le nom de leur
nature, ce sont des esprits ; si vous voulez savoir le nom de leur fonction, ce sont des anges,
ce qui signifie messager. » (Saint Augustin, Ps 103,1,15)
« C'eût été peu de chose pour l'ange d'être créé dans la perfection de ses facultés naturelles,
s'il n'eût été élevé à l'état de grâce. Le Créateur daigna donner ce cachet de perfection
suprême au premier et au plus bel ouvrage de ses mains. D'un même coup, dit saint
Augustin, la nature fut créée et la grâce répandue dans les esprits angéliques. Ils étaient faits
pour une béatitude surnaturelle : dès le premier moment de leur existence, ils furent mis en
voie de parvenir à cette béatitude, qui consiste en la vision intuitive de Dieu. Si cette vision
est au-dessus des facultés naturelles de l'homme, elle n'est pas moins au-dessus des facultés
naturelles de l'ange. Pas plus que l'homme, il ne pouvait franchir le voile où Dieu se cache
que par le mouvement surnaturel de la grâce. Il lui fallait, ainsi qu'à nous, les vertus gratuites
de foi, d'espérance et de charité, sans lesquelles aucune créature ne peut aspirer et
prétendre à la gloire du ciel.
Dieu donna donc aux esprits angéliques, en les créant, la grâce ; il leur donna les vertus
surnaturelles qui en sont la résultante nécessaire. Il déposa en eux cette semence de gloire
et de béatitude. Il les mit en relation d'amitié avec lui-même. Ce que fut l'infusion de la grâce
en ces purs esprits, il est impossible même de le concevoir. Ne trouvant en eux aucun
obstacle, pénétrant librement en ces natures diaphanes, elle se répandit du centre de leur
être dans leurs nobles facultés comme un fleuve de splendeurs. Se référant à cette infusion
de vie surnaturelle, saint Augustin a dit des anges cette belle parole : Aussitôt faits, ils furent
faits lumière, ut facti sunt, lux facti sunt. Car la première Lumière s'était épanchée en ces
esprits comme l'éclat du soleil dans un diamant, elle en avait fait autant de foyers de
lumière.
Ils ne jouissaient pas de la vision de Dieu ; mais ils étaient comme plongés dans l'ombre
lumineuse où il se cache ; ils le connaissaient par la foi, dans le mystère de la Trinité des
Personnes, avec une clairvoyance que nous n'avons pas. Ils ne possédaient pas Dieu ; et
toutefois Dieu siégeait en eux comme sur le trône du haut duquel il présidait au reste de la
création. »
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« Mes chers petits-enfants, vous me posez souvent des questions qui amènent à d’autres
questions sur la vie et sur Dieu. Récemment, vous m’avez fait raconter des interventions des
anges dans ma vie et à ce propos je voudrais vous raconter l’histoire des anges, qui ils sont
et à quoi ils servent. Vous regardez beaucoup de films et de dessins animés, vous jouez aux
jeux vidéo et même si je n’aime pas beaucoup çà, je me suis rendu compte que toutes les
histoires se résument à un même scénario : la lutte entre le bien et le mal, des gens qui
disposent de super pouvoirs pour faire le bien et d’autres pour faire le mal. Finalement,
même si les créateurs de ces scénarios ne croient pas en Dieu, mais pas tous, ils racontent
ces histoires. Ils sont influencés par ce qui se passe sur la terre et dans le ciel, un combat
entre des forces qui s’opposent et à la fin le bien triomphe toujours du mal, après bien des
épisodes, comme dans Star Wars. Vous avez, chacun de vous, un ange qui veille sur vous,
mais aussi des esprits qui vous font faire des cauchemars et qui vous poussent à faire le mal
que vous ne voulez pas faire, car au fond vous ne voulez que le bien.
Les anges sont des esprits, c’est-à-dire des êtres invisibles, mais qui peuvent quand même
nous apparaître. En tous cas, on peut sentir leur présence. Ce sont des créatures de Dieu
comme nous, mais ils ne sont pas faits de matière, ils sont faits de lumière, les bons comme
les méchants. Avant de créer le ciel et la terre et les hommes ainsi que les animaux, avant de
créer le soleil et la lune qui éclairent le ciel et la terre, le tout premier jour, Dieu créa la
lumière. C’est le big-bang ! Une lumière aussi intense et brûlante qu’on ne peut l’imaginer.
C’était il y a 13,8 milliards d’années. De cette lumière il créa les anges, ne me demandez pas
pourquoi, je sais juste qu’il en avait besoin pour poursuivre la création et la perfectionner.
Ces anges étaient et sont d’une intelligence suprême. Le plus bête des anges est bien plus
intelligent qu’Einstein et les grands génies de l’humanité. Quand ils ont pris conscience de
leur existence, ils se sont trouvés les uns les autres très beaux et très intelligents. Ils
comprenaient tous les mystères du monde, toutes les lois qui le régissent, de l’infiniment
grand à l’infiniment petit. Mais ils réalisèrent aussi que des anges étaient plus moins
intelligents et ils s’organisèrent en neuf groupes. Le plus intelligent des intelligents s’appelait
Lucifer, ce qui veut dire ‘porteur de lumière’. Ils réalisèrent aussi qu’ils étaient l’œuvre de
Dieu et ils se tournèrent vers Lui pour le remercier. Ils se mirent tous à chanter et à se
prosterner vers le Big Boss, même Lucifer qui deviendra Satan. Mais s’ils avaient
l’intelligence de qui est le Maître du monde, celui-ci habitait un lieu inaccessible, comme
dans vos films. Et ils se disaient entre eux qu’ils auraient voulu le voir face à face et qu’ainsi
ils en recevraient une connaissance plus grande encore. Dieu leur fit savoir qu’il allait se
montrer au moins en partie et tenir une réunion où il expliquerait la suite de son plan. Ce
jour arriva, mais une catastrophe se passa. Les anges découvrirent la Trinité, Dieu était
amour. Or, ils ignoraient l’amour, ils étaient libres et possédaient une volonté. Donc un ange
qui le décide peut commencer à aimer. Mais l’amour c’est se donner, s’abaisser, se renoncer
à soi-même pour faire du bien à l’autre. Lucifer se fâcha, s’abaisser : jamais ! En plus, Dieu
révéla son plan de créer l’homme et que la mission des anges serait de servir les hommes, en
servant Dieu et son projet d’amour. Lucifer se dit que Dieu était tombé sur la tête, qu’il allait
tout gâcher. Ce qu’il avait fait jusqu’alors révélait une intelligence parfaite, mais là il se
trompait. Il y eut donc une révolte dans la cour céleste comme il y en a dans tous les
gouvernements. Lucifer prit la tête de la révolte et un tiers des anges le suivit. Ils vénérèrent
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Lucifer comme leur nouveau dieu et se dirent qu’il allait défendre leurs intérêts. Ils devinrent
donc des anges rebelles, autrement dit des démons. Les démons ont déclaré la guerre à Dieu
et cette guerre continue et continuera jusqu’à la fin du monde, jusqu’à la victoire finale de
Dieu. Les démons essayent donc de pourrir tous les bons plans de Dieu. Et quand Dieu créa
l’homme, Lucifer prit la forme d’un serpent. Il avait reconnu que la femme serait plus
aimante, moins égoïste que l’homme, et c’est pour cela que le serpent s’adressa à Ève en lui
disant qu’il fallait désobéir à Dieu. Car ce grand égoïste voulait garder toute l’intelligence,
toute la science pour lui : « Vous deviendrez comme des dieux, dit-il à Ève, quand vous aurez
mangé du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. » Et comme la Reine
méchante qui veut être plus belle que Blanche Neige, il lui donna la pomme empoisonnée
qui allait apporter la mort. Dans la vraie histoire, le Prince Charmant c’est Jésus qui nous
attire à lui pour nous délivrer de l’influence du serpent. Et Dieu, dans son plan, avait choisi
par avance une femme qui écraserait la tête du serpent et cette femme c’est Marie. Alors le
diable est toujours persuadé qu’il va gagner et qu’il régnera pour les siècles des siècles en
recrutant des hommes qu’il trompe pour être dans son armée. Vous vous êtes rendu compte
qu’il y a le heavy metal, et des hommes et des femmes qui font un pacte avec lui, car ils sont
persuadés que c’est lui qui va gagner. Ils organisent des Hellfest, des fêtes de l’enfer. Mais
c’est le Christ qui régnera à jamais et la Reine du Ciel est toute choisie, la Mère du Bel
amour, la Vierge Marie. Voilà pourquoi il faut beaucoup aimer Marie qui nous assiste dans le
combat de la vie. Est-ce que vous avez compris pourquoi, chaque fois qu’on part en voyage,
on invoque les anges en chantant « Grand Chef des Milices célestes », ou « Il a donné pour
toi ordre à ses anges de te garder en toutes tes voies » ? L’ange de votre grand-mère a
beaucoup de travail quand elle prend la route ! Mais vous aimez surtout chanter BeShem ha
shem… 7 cette prière que les juifs récitent tous les soirs trois fois de suite avant de se
coucher.
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Vous pouvez l’entendre en suivant ce lien https://www.youtube.com/watch?v=uGpXDbsXDy4
Et avec l’accent des juifs orthodoxes https://www.youtube.com/watch?v=Kk5VMn1o4OY
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Auguste Reine des Cieux, souveraine Maîtresse des Anges, vous qui, dès le
commencement, avez reçu de Dieu le pouvoir et la mission d’écraser la tête de Satan, nous
vous le demandons humblement, envoyez vos Légions célestes pour que, sous vos ordres,
et par votre puissance, elles poursuivent les démons, les combattent partout, répriment
leur audace et les refoulent dans l’abîme.
O bonne et tendre Mère, vous serez toujours notre amour et notre espérance.
O divine Mère, envoyez les saints Anges pour me défendre et repousser loin de moi le
cruel ennemi.
Saints Anges et Archanges, défendez-nous, gardez-nous.
L’IMMACULÉE CONCEPTION
« Tu es toute belle, mon amie, tu es toute belle et il n’y a pas de tache en toi »
« Les déséquilibres qui travaillent le monde moderne sont liés à un déséquilibre plus
fondamental, qui prend racine dans le cœur même de l’homme. C’est en l’homme lui-même,
en effet, que de nombreux éléments se combattent. D’une part, comme créature, il fait
l’expérience de ses multiples limites ; d’autre part, il se sent illimité dans ses désirs et appelé
à une vie supérieure. Sollicité de tant de façons, il est sans cesse contraint de choisir et de
renoncer. Pire : faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu’il ne veut pas et n’accomplit
point ce qu’il voudrait. En somme, c’est en lui-même qu’il souffre division… » (Gaudium et
Spes, 10)
Nous sommes bios, vie, et la vie demeurera un mystère jusqu’à la rencontre finale. Cet acide
qu’est l’ADN contient tellement d’informations, de mémoires qui sont codées
génétiquement ! Mais il se peut bien que notre conscience, elle-même aussi mystérieuse
que la vie, communique avec un inconscient collectif qui contient un mal qui nous dépasse
infiniment. L’une d’entre nous a fait cette expérience incroyable, mais tellement
significative : « Lors d’un séjour en Afrique j’ai rencontré une jeune femme chrétienne, très
sympathique qui souffrait d’un problème d’allergie. Dès qu’elle essayait de manger de la
viande, son corps se couvrait d’eczéma et la crise durait plusieurs jours « même s’il y a la
moindre trace de viande venant d’un bouillon prêt à l’emploi et que je ne le sais pas, je fais
cette réaction » dit-elle. Je précise que cette jeune femme exerçait une profession médicale
et étudiait la psychologie en vue de pratiquer la relation d’aide. Je lui proposai de prier sur
elle après le repas. À peine en prière, je vis clairement son arbre généalogique. Il était très
compliqué, car tels frères et sœurs n’étaient pas du même père. Et je pus voir les secrets de
famille des branches et des sous-branches. Elle notait fébrilement. Je vis aussi les grâces et
les vocations religieuses qu’il y avaient eues dans cette famille. Mais le problème venait
d’une grand-mère qui avait pratiqué le cannibalisme dans le cadre d’une pratique magique.
C’est encore bien réel en Afrique. Ces révélations furent confrontées à la réalité et la vérité
fut dite, ce qui entraîna des réconciliations en cascade et des guérisons. Quant à la jeune
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femme, elle fut radicalement guérie. Nous sommes toujours en contact depuis sept ans que
cette rencontre a eu lieu. »
Ce témoignage est important, car il est clair, il n’est pas isolé non plus. Il montre comment
une faute grave est héritée et travaille la mémoire à notre insu, dans cette conscience qui
nous échappe et qui nous rend solidaires du mal, mais aussi du bien. Car la rencontre fut
guidée par Dieu, prévue par lui pour cette famille dont plusieurs membres avouèrent souffrir
de la même allergie.
Nous tentons de donner des éléments de réponses, mais il est très difficile d’expliquer le
problème du mal et du désordre qui règnent en chacun de nous et dans toute l’humanité par
le péché originel. Il est un fait, nous pouvons le constater. Mais le rationaliser, nous ne
pouvons pas le faire complètement. Même le Catéchisme de l’Église Catholique ne se
montre convainquant que si nous sommes déjà croyants et que nous avons la foi en la
plénitude de vérité qui réside dans l’Église. Citons le Catéchisme qui fait une admirable
synthèse entre saint Augustin, saint Thomas d’Aquin et le concile de Trente.
premiers parents : "Vous deviendrez comme Dieu" (Gn 3, 5). Le diable est "pécheur dès
l’origine" (1 Jn 3, 8), "père du mensonge" (Jn 8, 44).
393. C’est le caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de l’infinie miséricorde
divine, qui fait que le péché des anges ne peut être pardonné. "Il n’y a pas de repentir pour
eux après la chute, comme il n’y a pas de repentir pour les hommes après la mort" (S. Jean
Damascène, f. o. 2, 4 : PG 94, 877C).
394. L’Écriture atteste l’influence néfaste de celui que Jésus appelle "l’homicide dès
l’origine" (Jn 8, 44), et qui a même tenté de détourner Jésus de la mission reçue du Père (cf.
Mt 4, 1-11). "C’est pour détruire les œuvres du diable que le Fils de Dieu est apparu" (1 Jn 3,
8). La plus grave en conséquence de ces œuvres a été la séduction mensongère qui a induit
l’homme à désobéir à Dieu.
395. La puissance de Satan n’est cependant pas infinie. Il n’est qu’une créature, puissante du
fait qu’il est pur esprit, mais toujours une créature : il ne peut empêcher l’édification du
Règne de Dieu. Quoique Satan agisse dans le monde par haine contre Dieu et son Royaume
en Jésus-Christ, et quoique son action cause de graves dommages – de nature spirituelle et
indirectement même de nature physique – pour chaque homme et pour la société, cette
action est permise par la divine Providence qui avec force et douceur dirige l’histoire de
l’homme et du monde. La permission divine de l’activité diabolique est un grand mystère,
mais "nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment" (Rm 8, 28).
398. Dans ce péché, l’homme s’est préféré lui-même à Dieu, et par là même, il a méprisé
Dieu : il a fait choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature et
dès lors contre son propre bien. Constitué dans un état de sainteté, l’homme était destiné à
être pleinement "divinisé" par Dieu dans la gloire. Par la séduction du diable, il a voulu "être
comme Dieu" (cf. Gn 3, 5), mais "sans Dieu, et avant Dieu, et non pas selon Dieu" (S. Maxime
le Confesseur, ambig. : PG 91, 1156C).
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400. L’harmonie dans laquelle ils étaient, établie grâce à la justice originelle, est détruite ; la
maîtrise des facultés spirituelles de l’âme sur le corps est brisée (cf. Gn 3, 7) ; l’union de
l’homme et de la femme est soumise à des tensions (cf. Gn 3, 11-13) ; leurs rapports seront
marqués par la convoitise et la domination (cf. Gn 3, 16). L’harmonie avec la création est
rompue : la création visible est devenue pour l’homme étrangère et hostile (cf. Gn 3, 17. 19).
À cause de l’homme, la création est soumise "à la servitude de la corruption" (Rm 8, 20).
Enfin, la conséquence explicitement annoncée pour le cas de la désobéissance (cf. Gn 2, 17)
se réalisera : l’homme "retournera à la poussière de laquelle il est formé" (Gn 3, 19). La mort
fait son entrée dans l’histoire de l’humanité (cf. Rm 5, 12).
401. Depuis ce premier péché, une véritable "invasion" du péché inonde le monde : le
fratricide commis par Caïn sur Abel (cf. Gn 4, 3-15) ; la corruption universelle à la suite du
péché (cf. Gn 6, 5. 12 ; Rm 1, 18-32) ; de même, dans l’histoire d’Israël, le péché se manifeste
fréquemment, surtout comme une infidélité au Dieu de l’alliance et comme transgression de
la Loi de Moïse ; après la Rédemption du Christ aussi, parmi les chrétiens, le péché se
manifeste de nombreuses manières (cf. 1 Co 1-6 ; Ap 2-3). L’Écriture et la Tradition de
l’Église ne cessent de rappeler la présence et l’universalité du péché dans l’histoire de
l’homme :
"Ce que la révélation divine nous découvre, notre propre expérience le confirme. Car
l’homme, s’il regarde au-dedans de son cœur, se découvre également enclin au mal,
submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant
souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a, par le fait même, brisé l’ordre
qui l’orientait à sa fin dernière, et en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par
rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création" (GS 13, § 1).
403. A la suite de St Paul, l’Église a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les
hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien
avec le péché d’Adam et le fait qu’il nous a transmis un péché dont nous naissons tous
affectés et qui est "mort de l’âme" (cf. Cc. Trente : DS 1512). En raison de cette certitude de
foi, l’Église donne le Baptême pour la rémission des péchés même aux petits enfants qui
n’ont pas commis de péché personnel (cf. Cc. Trente : DS 1514).
50
404. Comment le péché d’Adam est-il devenu le péché de tous ses descendants ? Tout le
genre humain est en Adam "comme l’unique corps d’un homme unique" (St Thomas d’A.,
mal. 4, 1) Par cette "unité du genre humain" tous les hommes sont impliqués dans le péché
d’Adam, comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. Cependant, la transmission du
péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous
savons par la Révélation qu’Adam avait reçu la sainteté et la justice originelles non pas pour
lui seul, mais pour toute la nature humaine : en cédant au tentateur, Adam et Ève
commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine qu’ils vont
transmettre dans un état déchu (cf. Cc. Trente : DS 1511-1512). C’est un péché qui sera
transmis par propagation à toute l’humanité, c’est-à-dire par la transmission d’une nature
humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. Et c’est pourquoi le péché originel
est appelé "péché" de façon analogique : c’est un péché "contracté" et non pas "commis",
un état et non pas un acte.
405. Quoique propre à chacun (cf. Cc. Trente : DS 1513), le péché originel n’a, en aucun
descendant d’Adam, un caractère de faute personnelle. C’est la privation de la sainteté et de
la justice originelles, mais la nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est
blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à
l’empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée
"concupiscence"). Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché
originel et retourne l’homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et
inclinée au mal, persistent dans l’homme et l’appellent au combat spirituel.
406. La doctrine de l’Église sur la transmission du péché originel s’est précisée surtout au
cinquième siècle, en particulier sous l’impulsion de la réflexion de St Augustin contre le
pélagianisme, et au seizième siècle, en opposition à la Réforme protestante. Pélage tenait
que l’homme pouvait, par la force naturelle de sa volonté libre, sans l’aide nécessaire de la
grâce de Dieu, mener une vie moralement bonne ; il réduisait ainsi l’influence de la faute
d’Adam à celle d’un mauvais exemple. Les premiers réformateurs protestants, au contraire,
enseignaient que l’homme était radicalement perverti et sa liberté annulée par le péché des
origines ; ils identifiaient le péché hérité par chaque homme avec la tendance au mal
(concupiscentia), qui serait insurmontable. L’Église s’est spécialement prononcée sur le sens
du donné révélé concernant le péché originel au deuxième Concile d’Orange en 529 (cf. DS
371-372) et au Concile de Trente en 1546 (cf. DS 1510-1516).
Un dur combat...
407. La doctrine sur le péché originel – liée à celle de la Rédemption par le Christ – donne un
regard de discernement lucide sur la situation de l’homme et de son agir dans le monde. Par
le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine domination sur l’homme, bien
que ce dernier demeure libre. Le péché originel entraîne "la servitude sous le pouvoir de
celui qui possédait l’empire de la mort, c’est-à-dire du diable" (Cc. Trente : DS 1511 ; cf. He 2,
14). Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves
erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale (cf. CA 25) et des
mœurs.
408. Les conséquences du péché originel et de tous les péchés personnels des hommes
confèrent au monde dans son ensemble une condition pécheresse, qui peut être désignée
51
par l’expression de Saint Jean : "le péché du monde" (Jn 1, 29). Par cette expression on
signifie aussi l’influence négative qu’exercent sur les personnes les situations
communautaires et les structures sociales qui sont le fruit des péchés des hommes (cf. RP
16).
409. Cette situation dramatique du monde qui "tout entier gît au pouvoir du mauvais" (1 Jn
5, 19 ; cf. 1 P 5, 8) fait de la vie de l’homme un combat :
"Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire des
hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l’a dit, jusqu’au dernier
jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse combattre pour s’attacher au bien
; et non sans grands efforts, avec la grâce de Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure
(GS 37, § 2).
411. La tradition chrétienne voit dans ce passage une annonce du "nouvel Adam" (cf. 1 Co
15, 21-22. 45) qui, par son "obéissance jusqu’à la mort de la Croix" (Ph 2, 8) répare en
surabondance la désobéissance d’Adam (cf. Rm 5, 19-20). Par ailleurs, de nombreux Pères et
Docteurs de l’Église voient dans la femme annoncée dans le "protévangile" la mère du
Christ, Marie, comme "nouvelle Ève". Elle a été celle qui, la première et d’une manière
unique, a bénéficié de la victoire sur le péché remportée par le Christ : elle a été préservée
de toute souillure du péché originel (cf. Pie IX : DS 2803) et durant toute sa vie terrestre, par
une grâce spéciale de Dieu, elle n’a commis aucune sorte de péché (cf. Cc. Trente : DS 1573).
412. Mais pourquoi Dieu n’a-t-il pas empêché le premier homme de pécher ? St Léon le
Grand répond : "La grâce ineffable du Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que
l’envie du démon nous avait ôtés" (Serm. 73, 4 : PL 54, 396). Et St Thomas d’Aquin : "Rien ne
s’oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus haute après le péché.
Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un plus grand bien. D’où le mot
de St Paul : "Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé" (Rm 5, 20). Et le chant de
l’‘Exultet’ : "O heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur" (St Thomas
d’A., s. th. 3, 1, 3, ad 3 ; l’Exsultet chante ces paroles de saint Thomas).
En bref
413. "Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de la perte des vivants (...). C’est par
l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde" (Sg 1, 13 ; 2, 24).
414. Satan ou le diable et les autres démons sont des anges déchus pour avoir librement
refusé de servir Dieu et son dessein. Leur choix contre Dieu est définitif. Ils tentent
d’associer l’homme à leur révolte contre Dieu.
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415. "Établi par Dieu dans un état de sainteté, l’homme séduit par le Malin, dès le début de
l’histoire, a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en désirant parvenir à sa fin
hors de Dieu" (GS 13, § 1).
416. Par son péché, Adam, en tant que premier homme, a perdu la sainteté et la justice
originelles qu’il avait reçues de Dieu non seulement pour lui, mais pour tous les humains.
417. À leur descendance, Adam et Ève ont transmis la nature humaine blessée par leur
premier péché, donc privée de la sainteté et la justice originelles. Cette privation est appelée
"péché originel".
418. En conséquence du péché originel, la nature humaine est affaiblie dans ses forces,
soumise à l’ignorance, à la souffrance et à la domination de la mort, et inclinée au péché
(inclination appelée "concupiscence").
419. "Nous tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la
nature humaine, ‘non par imitation, mais par propagation’, et qu’il est ainsi ‘propre à
chacun’ " (SPF 16).
420. La victoire sur le péché, remportée par le Christ, nous a donné des biens meilleurs que
ceux que le péché nous avait ôtés : "La où le péché a abondé, la grâce a surabondé" (Rm 5,
20).
421. "Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du
Créateur ; il est tombé, certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la
Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré..." (GS 2, § 2).
hommes la condamnation, ainsi par l'œuvre de justice d'un seul, c'est pour tous les hommes
la justification qui donne la vie" (Rm 5,18).
Si cette idée d'héritage d'un péché d'origine nous semble inacceptable, ne pouvons-nous pas
admettre notre appartenance à une "humanité pécheresse" ? Une humanité qui ne cesse, en
tous et en chacun, de faire l'expérience de saint Paul : "Le bien que je veux, je ne le fais pas
et le mal que je ne veux pas, je le fais" (Rm 7,15-19). Une humanité qui ne peut être justifiée
que par la grâce, l'amour et la miséricorde de Dieu manifestés en Jésus-Christ. »
Il est nécessaire de citer la position orthodoxe qui s’oppose et à la doctrine du péché originel
et à celle de l’Immaculée Conception et de l’Assomption. Un billet de Vladimir GOLOVANOW
fait clairement le point.
« Nous avons eu plusieurs commentaires très intéressants sur ce sujet à la fin de l'année
dernière sur un fil qui traitait d'autre chose. J'ai pensé intéressant d'en faire un billet
spécifique, car il s'agit là d'une question assez controversée et donnant lieu à bien des
fausses interprétations.
Faisons d'abord une mise au point:
1/ L'Immaculée Conception concerne la conception de la Vierge Marie, la Mère de Dieu, et
non celle de Jésus-Christ, dont la conception virginale et sans péché ne fait pas question. Si
je le spécifie ainsi, c'est bien parce que cette confusion est assez largement répandue!
2/ Orthodoxes et Catholiques sont d'accord que Marie est immaculée quand elle conçoit et
met au monde le Fils de Dieu, et que ceci est l'effet d'une grâce spéciale du Saint-Esprit.
Marie fait totalement partie du genre humain, pécheur, mais elle est lavée de tout péché
pour l'Incarnation. La différence vient du moment de cette grâce : à la conception de Marie
pour les Catholiques, au moment où elle dit "Oui" à l'archange, pour les Orthodoxes, et cela
change tout !
L'Église orthodoxe proclame dans ses hymnes "bienheureuse et très pure, toute immaculée
Mère de Dieu", "plus vénérable que les chérubins et incomparablement plus glorieuse que
les séraphins", sans compter les merveilleux noms qui lui sont donnés dans l'hymne
acathiste.
L'Église orthodoxe croit que Marie est immaculée depuis sa conception, mais dans le sens
qu'elle n'a jamais commis de péché personnel. Cependant, Marie étant née de l'union
charnelle de deux époux, donc, étant de la descendance d'Adam, elle a partagé notre nature
déchue en naissant comme nous dans un corps mortel... et donc sous la loi du péché. Certes,
Marie a tenu ses pensées, son cœur et sa volonté dans la lumière du Seigneur et s'est gardée
du péché, mais cela par son propre combat contre le péché. Ce n'était pas une espèce de
divinité incapable de toute possibilité de péché. Par l'incarnation du Christ, le Saint-Esprit a
alors triomphé définitivement en Elle. Et par le Oui de Marie, non seulement Dieu a racheté
le genre humain déchu, mais a aussi scellé la grâce en la Mère de Dieu. Ce Oui a marqué le
consentement du genre humain à l'Œuvre salvatrice, le rétablissement de l'union à Dieu
perdue par le péché d'Ève et d'Adam. Nous faisons la différence entre péché des origines,
qui est le péché personnel d'Adam, et loi du péché qui est la condition humaine naissant
dans un monde déchu avec toutes les conséquences du péché d'Adam (sollicitation à
pécher, maladie, souffrance, mort...), et péchés personnels de chacun.
Dans l'Église catholique, ces notions n'ont pas du tout le même sens. Le dogme du péché
originel, selon la théorie augustinienne, est défini davantage comme une souillure innée qui
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correspond à la concupiscence que tout être humain, de ce fait maudit, porte en lui dès sa
conception. Partant de ce dogme purement propre à l'Église d'Occident (qui considère Saint
Augustin comme le Père des Pères de l'Église), toutes les questions se sont posées
concernant Marie : avait-elle la concupiscence en elle ? Le dogme de l'Immaculée
Conception en résulte. Mais les Orthodoxes posent alors une question fondamentale : si
Jésus est né d'une mère 'parfaite', cela fausse complètement l'affirmation du Credo "s'est
fait homme"; dès le départ il n'est pas comme nous !
Et ce n'est pas tout : selon le sens donné au dogme de l'Immaculée Conception, l'Église
catholique considère Marie comme Ève avant la chute et donc non passible de mort, d'où le
dogme qui suivit, celui de l'Assomption, passant complètement sous silence la Dormition
"humaine" de la Mère de Dieu.
En allant plus loin, Marie a été considérée dans les milieux catholiques un peu comme "le
pendant féminin du Christ". C'est là un extrême qui diffère considérablement, qui contredit
même le sens théologique du mystère de la Pureté de Marie telle que professée par
l'orthodoxie, et même le mystère du salut tout entier.
C'est le dogme du péché originel chez Saint Augustin, à l'origine du problème, qui n'a rien à
voir avec la conception orthodoxe de péché des origines et de loi du péché : "la
dogmatisation du péché originel sur la base de la conception augustinienne a entraîné
l'Église d'Occident dans de terribles controverses théologiques concernant Marie ; elles ont
obligé l'Église catholique à réaffirmer la pureté de Marie depuis sa conception, aboutissant
ainsi au dogme de l'Immaculée Conception. Notre commentateur citait d'ailleurs un article
récent (il n'en donnait pas les références) où "le Pape Benoît XVI soulignait que l'une des
plus grandes impasses de l'Église (catholique?) était de ne pas avoir pu définir précisément
et comprendre ce qu'est le péché originel." Ce serait là une véritable remise en question des
dogmes catholiques fondamentaux, qui serait bien dans la ligne de la redécouverte des
autres Pères que Saint Augustin par les Catholiques au XXe siécle… sous l'influence du
dialogue avec les Orthodoxes ? »
« La transmission du péché originel par hérédité naturelle doit être entendue en termes
d'unité de la nature humaine, de consubstantialité de tous les hommes, qui sont unis par la
nature en une seule entité mystique. C'est parce que la nature humaine est unique et
insécable que la transmission du péché du premier-né à toute la race humaine est rendue
compréhensible : “comme à partir d'une racine, la maladie s'est étendue à l'arbre entier,
Adam étant la racine qui a connu la corruption”. » (St Cyrille d'Alexandrie)
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Les réfutations orthodoxes ne font que renforcer nos convictions catholiques. Le dogme est
déjà contenu dans la salutation angélique : « kai eiselyw o aggelov prov authn eipen caire
kecaritwmenh o kuriov meta sou euloghmenh su en gunaixin. »
Nous reproduisons le texte grec, non pour faire exotique, mais parce que chaque mot a son
importance et que les traductions sont très capricieuses.
« L’ange entra chez elle et dit : réjouis-toi, toi qui es comblée par la grâce ; le Seigneur est
avec toi. » (Lc 1,28) Toutes les traductions modernes omettent le « tu es bénie entre les
femmes » alors que nous le trouvons dans la Vulgate de saint Jérôme, qui a travaillé sur les
textes grecs anciens.
Mais nous le trouvons dans la salutation d’Élisabeth lors de la Visitation :
« Dès qu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle
fut remplie du Saint-Esprit. Elle s’écria d’une voix forte : Tu es bénie entre les femmes, et le
fruit de ton sein est béni ! Comment m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne
auprès de moi ? Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l’enfant
a tressailli d’allégresse dans mon sein. Bienheureuse celle qui a cru : ce qui lui a été dit de la
part du Seigneur s’accomplira ! » (Lc 1, 41-45)
Marie est comblée de grâces, jusqu’à sa voix qui est porteuse de l’Esprit Saint. Fête du
tressaillement, que la Visitation ! Danse, périchorèse, circulation d’amour. La Vierge est
choisie pour être la Mère du Rédempteur et Élisabeth le sait aussitôt d’une manière infuse.
Les justes qui attendent la rédemption d’Israël savent qu’une femme a été choisie de toute
éternité pour être la mère du Messie. Marie existe dans la pensée du Père depuis les
commencements. Celle qu’il a créée doit être forcément absolument étrangère au serpent,
invulnérable pour lui écraser la tête de son talon. C’est ce que montre toute l’iconographie
sur l’Immaculée. Et cette immense mystique qu’est Marie d’Agréda nous le raconte dans la
Cité Mystique :
« La plénitude des temps étant arrivée, les trois Personnes divines, suivant notre faible
manière de concevoir, dirent entre elles : "Il est temps que nous commencions l'ouvrage de
notre bon plaisir, et que nous créions cette pure créature qui nous est chère sur toutes les
autres : il faut qu'elle soit exempte de la loi ordinaire de la génération de tous les mortels,
afin que la semence du serpent infernal n'ait aucune part en elle. Il est juste que la divinité
choisisse pour s'en revêtir une matière très pure et qui n'ait jamais été souillée par le péché.
Notre équité et notre providence demandent ce qui est le plus décent, le plus parfait, et le
plus saint. Et cela s'exécutera parce qu'il n'est rien qui puisse résister à notre volonté. Le
Verbe qui doit se faire homme et servir de maître aux hommes, leur enseignera avec plus
d'efficacité à honorer leurs parents, en donnant le premier l'exemple, d'honorer celle qu'il a
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choisie pour sa mère. Entre les honneurs qu'il lui rendra, le premier sera la grâce de ne
jamais être assujettie à ses ennemis. Puisqu'il doit être le rédempteur du genre humain, il
est convenable qu'il exerce d'abord cet office à l'égard de sa propre mère : elle doit avoir
une rédemption particulière et pour cela être préservée par avance du péché. Ainsi elle sera
toute pure et immaculée, et le Fils de Dieu se réjouira en voyant entre sa mère terrestre et
son Père céleste la ressemblance la plus parfaite qui soit possible entre Dieu et la créature."
Tel fut le décret que les personnes divines manifestèrent aux anges bienheureux. Avec une
profonde humilité, prosternés devant le trône divin, ils louèrent Dieu et lui rendirent de très
vives actions de grâces, d'avoir enfin exaucé la prière qu'ils faisaient depuis la grande bataille
avec Lucifer pour l'accomplissement du mystère de l'Incarnation qui leur avait été révélé.
Chacun d'eux désirait avec une sainte émulation d'être employé pour former la cour du Fils
de Dieu et de sa très pure et sainte mère. »
L’objection de saint Bernard ne tient pas lorsqu’il écrit dans sa lettre 174 aux chanoines de
Lyon qui avaient pris la liberté d’instaurer une fête de l’Immaculée Conception.
« 3. Ainsi l'Église me dit de célébrer le jour solennel où Marie, quittant cette terre de péché,
fit son entrée dans les cieux, au milieu des chants d'allégresse des anges. C'est elle encore
qui m'a appris à faire la fête de sa nativité, et je crois fermement avec elle que Marie,
sanctifiée dès le sein de sa mère, vint au monde sans souillure. J'en crois autant du prophète
Jérémie, parce que je lis dans les saintes Écritures qu'il a été sanctifié avant de naître. Il en
est de même pour moi de saint Jean, car il sentit dans les flancs de sa mère la présence du
Seigneur, bien qu'il ne fût pas encore né. Peut-être serait-il permis d'en dire autant du
prophète David, si Fan prenait ces paroles à la lettre : « Seigneur, vous avez été mon appui
dès le sein de ma mère ; je n'étais pas encore né que déjà vous me protégiez (Ps 70, 6) » et «
J'étais à peine conçu que vous vous êtes montré mon Dieu ; ne me délaissez pas, Seigneur.
(Ps 21, 11) » et de Jérémie, à qui Dieu parle en ces termes : « Vous n'étiez pas conçu que je
vous connaissais déjà, et vous n'étiez pas né que je vous avais sanctifié (Jr I, 5). » En ce cas,
Dieu distingue fort bien entre la conception et la naissance, et nous montre que, si par sa
science divine il a prévu la première, il a prévenu la seconde des dons de sa grâce, de sorte
que la gloire de Jérémie ne consistait pas seulement en ce qu'il a été l'objet de la prescience
de Dieu, mais encore celui de sa prédestination.
4. Mais quand cela serait de Jérémie, que dirons-nous de Jean-Baptiste ? Un ange n'a-t-il pas
annoncé d'avance qu'il serait rempli du Saint-Esprit dès le ventre de sa mère ? Évidemment,
il ne s’agit pas là seulement de prescience ou de prédestination, car les paroles de l'ange se
sont accomplies au temps marqué. Le fait est certain, et il n'est pas possible de révoquer en
doute que saint Jean fut rempli du Saint-Esprit à l'époque et de la manière qu'il avait été
annoncé qu'il le serait. Or, on ne peut nier que le Saint-Esprit ait sanctifié celui qu'il a rempli,
c'est-à-dire qu'il l'ait purifié du péché originel. Le mot sanctifier appliqué à saint Jean, à
Jérémie ou à tout autre personnage, ne peut, selon moi, signifier autre chose, et je tiens
pour indubitable que ceux que Dieu a sanctifiés, l'ont été véritablement et n'ont pas perdu,
en quittant le sein de leur mère pour venir au monde, la grâce qu'ils y avaient reçue. La
tache originelle n'a pu revivre en eux par le seul fait de leur naissance et les dépouiller de la
grâce qu'ils avaient auparavant. Osera-t-on dire qu'un enfant rempli du Saint-Esprit est
encore un enfant de colère, et que s'il meurt dans le sein de sa mère, où il a reçu la plénitude
du Saint-Esprit, il n'en est pas moins destiné à la damnation éternelle ? Cette opinion me
semble bien dure, je n'ai garde pourtant de rien décider. Quoi qu'il en soit, l'Eglise, qui ne
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regarde que la mort des autres saints comme précieuse, fait une exception remarquable
pour celui dont l'ange avait dit : « Il y aura beaucoup d'hommes qui se réjouiront à sa
naissance (Lc I, 14) » et elle fait du jour où il naquit un véritable jour d'allégresse et de fête.
Au fait, pourquoi ne se réjouirait-elle pas à la naissance d'un saint qui a lui-même tressailli
de joie dans le ventre de sa mère ?
5. Concluons donc en disant qu'il n'est pas permis de douter que Dieu n'ait accordé à la
Vierge incomparable dont il s'est servi pour donner de la vie au monde, le même privilège
dont il est bien certain qu'il a favorisé quelques autres mortels. Il est donc indubitable que la
mère du Seigneur fut sainte avant de naître, et l'Église ne saurait errer en célébrant tous les
ans avec pompe le jour où elle naquit. Je suis même persuadé que, prévenue avant sa
naissance d'une grâce plus abondante que les autres saints, elle a vécu ensuite exempte de
toute espèce de péchés actuels, par un privilège dont nul autre qu'elle n'a jamais joui. Il
convenait, en effet, que la Reine des vierges, qui était destinée à mettre un jour au monde
Celui qui devait détruire le péché, vivifier et justifier les hommes, fût exempte elle-même de
toute souillure et passa sa vie sans péché. Aussi disons-nous que sa naissance fut sainte,
parce que dès le ventre même de sa mère, elle avait été comblée de grâce et de sainteté.
6. Mais ce n'est point assez comme cela : il faut maintenant surenchérir sur ces privilèges, et
l'on prétend qu'il y a lieu de rendre à la conception de Marie les mêmes honneurs qu'à sa
naissance, attendu que l'une ne va pas sans l'autre, et qu'elle ne serait pas digne de nos
respects dans sa naissance si d'abord elle n'avait été conçue. Avec un pareil raisonnement,
pourquoi s'arrêter à Marie et ne pas instituer un jour de fête en l'honneur de son père et de
sa mère, puis de ses aïeux, et ainsi de suite pour tous ses ascendants à l'infini ? Nous aurions
ainsi des fêtes sans nombre. Mais cela ne convient pas dans l'exil et ne sied que dans la
patrie, c'est là seulement qu'il est permis d'être en fêtes perpétuelles. On parle d'un écrit (a),
et d'une révélation d'en haut, comme s'il était bien difficile d'en produire d'aussi
authentiques pour prouver que la sainte Vierge réclame pour les auteurs de ses jours des
honneurs pareils à ceux qui lui sont rendus à elle-même. N'est-il pas écrit en effet : «
Honorez votre père et votre mère (Ex 20, 12) ? » Pour moi, je ne fais aucun cas de tous ces
écrits qui ne s'appuient ni sur la raison ni sur une autorité incontestable. On dit : la
conception de la Vierge est avant sa naissance, or sa naissance est sainte, donc sa
conception l'est aussi. La belle conséquence en vérité ! Suffit-il que l'une soit avant l'autre
pour être sainte ? Il est bien certain que l'une vient après l'autre, mais il ne s'ensuit pas que
si la seconde est sainte la première le soit aussi. D'ailleurs, d'où viendrait à la conception
cette sainteté qu'elle doit communiquer à la naissance ? N'est-ce pas au contraire parce que
Marie n'a pas été conçue sans péché qu'il a fallu ensuite qu'elle fût sanctifiée dans le ventre
de sa mère, afin de naître sans péché ? Dira-t-on que la naissance, qui est postérieure à la
conception, lui communique sa sainteté ? Évidemment non, car si la sanctification que Marie
reçut après sa conception peut s'étendre à la naissance, qui lui est postérieure, elle ne
saurait remonter par un effet rétroactif jusqu'à la conception qui la précède.
7. Comment donc cette conception peut-elle être sainte ? Dira-t-on que Marie fut prévenue
de la grâce de telle sorte qu'étant sainte avant d'être conçue, elle fut ensuite conçue sans
péché, de même qu'étant sainte avant de naître, elle a ensuite communiqué sa sainteté à sa
naissance ? Mais pour être saint, il faut commencer par être. Or, on n'est pas, tant qu'on
n'est pas conçu. Peut-être quand ses parents se sont unis, l'acte par lequel Marie a été
conçue fut-il un acte saint, de sorte que pour elle être et être sainte fut simultané. Mais
cette hypothèse répugne à la raison comme les autres. Car il n'y a pas de sainteté là où n'est
pas l'Esprit sanctificateur, et celui-ci ne peut se trouver là où est le péché. Or, on ne saurait
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dire qu'il n'y a pas eu péché dans un acte auquel la concupiscence a présidé (a). Dira-t-on par
hasard qu'elle a été, elle aussi, conçue du Saint-Esprit, sans le concours de l'homme ? Mais
jamais on ne l'a prétendu. Je lis bien dans l'Écriture que le Saint-Esprit est venu en elle, je n'y
vois nulle part qu'il soit venu avec elle. Voici comment s'exprimait l'ange Gabriel : « Le Saint-
Esprit surviendra en vous... (Lc I, 35). » Et pour parler le langage même de l'Église, toujours
infaillible, je confesse qu'elle a conçu, non pas qu'elle a été conçue du Saint-Esprit ; qu'elle
est vierge et mère tout ensemble. Mais je ne dis pas qu'elle est née d'une vierge. S'il en était
ainsi, que deviendrait la prérogative de la mère de Notre-Seigneur d'avoir allié dans sa
personne la gloire de sa maternité à celle de la virginité, si ce privilège lui est commun avec
sa propre mère ? Je trouve que s'exprimer ainsi, c'est ravir à Marie la gloire qui lui
appartient, plutôt que de l'augmenter. Concluons : si Marie n'a pu être sanctifiée avant
d'être conçue, puisqu'elle n'existait pas encore, il n'est pas moins certain qu'elle ne l'a pas
été non plus au moment même de sa conception, puisque la conception est inséparable du
péché. D'où il suit qu'elle n'a pu être sanctifiée dans le ventre de sa mère qu'après avoir été
conçue, en sorte que si elle est née, elle n'a point été conçue sans péché.
8. S'il en est peu qui aient été sanctifiés avant leur naissance, il n'y a personne qui l'ait été
dans sa conception. Ce privilège n'a été le propre que d'un seul parmi nous, de Celui qui
devait nous sanctifier tous et expier nos péchés. Il n'y a que Lui qui soit venu sans péché.
Jésus-Christ seul a été conçu du Saint-Esprit, parce qu'il n'y a que Lui qui fût saint avant
d'être conçu. À cette exception près, tous les enfants d'Adam sont dans le même cas que
celui qui disait de lui-même avec autant de vérité que d'humilité : « J'ai été conçu dans
l'iniquité, et c'est dans le péché que ma mère m'a donné l'être (Ps 50, 6). »
9. S'il en est ainsi, sur quelle raison peut-on s'appuyer pour établir la fête de la Conception
de la Vierge ? Comment la présenter comme sainte, quand, au lieu d'être l'œuvre du Saint-
Esprit, elle n'a peut-être été que le fruit du péché ? Mais si elle n'est pas sainte, comment en
faire un jour de fête ? Croyez que notre glorieuse Vierge se passera bien d'un honneur qui ne
peut échapper à cette alternative de s'adresser, en elle, au péché, ou de lui supposer une
sainteté qu'elle n'a point connue. Ajoutons qu'elle ne saurait, à quelque titre que ce fût,
goûter un culte qui n'est introduit dans l'Eglise que par un esprit de présomption et de
nouveauté, fécond en entreprises téméraires, aussi voisin de la superstition que de la
légèreté. Après tout, s'il paraissait à propos d'instituer cette fête, il fallait d'abord consulter
le Saint-Siège, au lieu de condescendre précipitamment et sans réflexion à la simplicité
d'hommes ignorants. J'avais déjà remarqué que cette erreur s'était emparée de l'esprit de
plusieurs, mais je faisais comme si je ne m'en apercevais point, et j'excusais une dévotion
que leur inspiraient la simplicité de leur âme et leur zèle pour la gloire de Marie. Mais à
présent que l'erreur s'attaque à des hommes connus pour leur sagesse, et que cette
superstition s'insinue dans une Église justement fameuse dont je me regarde comme
l'enfant (a), je crois que je ne pouvais dissimuler plus longtemps ma pensée sans m'exposer
à vous offenser tous. Toutefois, je soumets mon opinion au jugement des personnes qui sont
plus habiles que moi. Mais je défère particulièrement en ce point, comme dans tous les
autres de ce genre, à la décision et à l'autorité de l'Église romaine, et je déclare que je suis
prêt à changer d'opinion si je diffère de sentiment avec elle en quelque point que ce soit. »
Alors du haut du ciel, saint Bernard a changé d’opinion. Son argument est très daté et
marqué par la pensée augustinienne qui veut que l’union charnelle entre les époux soit le
résultat de la concupiscence, quel mot affreux. Tout acte sexuel comporte du péché si ce
n’est le péché originel lui-même comme l’affirmait déjà Clément d’Alexandrie au IIe s.
60
Que savons-nous des saints parents de la Vierge ? N’étaient-ils prévus et préparés par
l’Esprit pour que se réalise le dessein de Dieu ? Est-ce pour rechercher un plaisir charnel
qu’ils se sont unis ? La Tradition nous rapporte tout le contraire et les mystiques nous le
confirment. Dans le judaïsme on ne s’accouple pas comme des animaux, les lois de pureté
sont extrêmement strictes. Et si Anne ne descendait pas d’une lignée « d’immaculées
conceptions » qui est un contre-argument de saint Bernard, sa piété était reconnue ainsi que
son dévouement au Temple. Joachim et Anne étaient un couple de consacrés. On ne peut
pas s’empêcher de penser à la nuit de noces de Tobie et de Sara.
« Le soir de son mariage, Tobie dit à Sara : "Nous sommes les descendants d'un peuple de
saints, et nous ne pouvons pas nous unir comme des païens qui ne connaissent pas Dieu."
Ils se levèrent tous les deux et se mirent à prier ensemble avec ferveur. Ils demandaient à
Dieu sa protection.
Tobie disait : "Seigneur, Dieu de nos pères, que le ciel et la terre te bénissent, ainsi que la
mer, les sources, les fleuves et toutes les créatures qui s'y trouvent. C'est toi qui as fait Adam
avec la glaise du sol, et qui lui as donné Ève pour l'aider. Et maintenant, Seigneur, tu le sais :
si j'épouse cette fille d'Israël, ce n'est pas pour satisfaire mes passions, mais seulement par
désir de fonder une famille qui bénira ton Nom dans la suite des siècles."
Sara dit à son tour : "Prends pitié de nous, Seigneur, prends pitié de nous ; puissions-nous
vivre heureux jusqu'à notre vieillesse tous les deux ensemble. " (Tb 8)
Tout près de nous, l’exemple d’un couple consacré doit être rapporté. Sipha était une
femme d’affaires prospère au Congo, portant pagne luxueux et bijoux en or à en faire
cliqueter ses bras et ses pieds. Elle connut une conversion foudroyante et décida de suivre
l’Évangile à la lettre. Elle reçut des grâces mystiques et faisait des retraites dans la solitude et
le jeûne. Elle voulait se consacrer, mais aucune communauté religieuse, pour qui elle était
un vivant reproche, ne l’accepta. Il ne lui restait plus qu’à se marier… mais avec qui ? Elle
rencontra un homme un peu plus âgé qu’elle qui se trouvait dans une situation analogue, il
voulait être prêtre, mais c’est un tel statut social en Afrique que la sélection est rude pour
rentrer au séminaire. N’étant pas un intellectuel, mais un homme de cœur, il échoua aux
examens. Les deux se marièrent partageant le même lit, mais chaque matin, un des deux se
retrouvait sur le sol sans avoir pris conscience de ce qui s’était passé. Ils réfléchirent et
comprirent qu’ils étaient appelés à fonder une famille d’enfants que d’autres avaient conçus
et abandonnés. Un orphelinat était né, qui sauva la vie de tant et tant d’enfants qu’ils
éduquent avec beaucoup d’amour.
Immaculée, immaculata, signifie sans macula, sans tache, il nous faut comprendre cette
notion biblique. Jésus est l’Agneau sans tache comme il est écrit dans Hébreux 9,14 :
« Combien plus le sang du Christ, qui, par l’esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu
comme une victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes pour servir
le Dieu vivant. »
Il doit obéir à la prescription mosaïque concernant les sacrifices : « Ce sera un agneau sans
tache, mâle, âgé d’un an ; vous pourrez prendre un agneau ou un chevreau. » ( Ex 12,5)
61
EN RÉSUMÉ
Dieu s’est fait homme. Il est vrai homme et vrai Dieu sans mélange ni confusion. Il a pris
chair de la Vierge Marie et s’est fait homme. Il n’a pas fait semblant d’être un homme, il a
62
pris notre humanité. Il n’a pas pris l’apparence humaine (ce que beaucoup d’hérétiques et
de musulmans croient). « Conçu de l´Esprit Saint, né de la Vierge Marie, il a vécu notre
condition d´homme en toute chose, excepté le péché. » Autrement dit, il est le Nouvel
Adam, né de la Nouvelle Ève, Ève d’avant le péché des origines. Marie même toute sainte,
parfaitement sanctifiée ne pouvait que communiquer le péché originel si elle n’avait pas été
conçue immaculée. Les sciences et la psychologie modernes nous viennent sérieusement en
aide. L’Esprit a dû manier son ciseau à « ADN » pour que toutes les tares et les héritages
transgénérationnels n’opèrent pas en elle. On dit que l’ontogenèse résume la phylogenèse,
c’est-à-dire que notre ADN est codé pour que l’embryon revive toutes les étapes de
l’évolution. Si Marie avait été conçue avec le péché elle aurait procréé avec le péché.
L’Immaculée Conception était donc une nécessité et une évidence pour une création
nouvelle.
Les désordres de la nature humaine sur un plan personnel et collectif, par solidarité avec le
genre humain, lui ont été épargnés. Ce qui signifie sur le plan psychologique que la Vierge
Marie n’avait pas d’ego. Elle avait un « moi » ou un « je », qui fait qu’elle a pu dire Hineni,
voici moi, la servante du Seigneur. Pour parler un langage biblique, l’ego c’est le vieil homme
« qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes » (Ep 4, 22). C’est le personnage
que nous avons construit selon des pulsions, des mécanismes de défense, de protection
pour survivre. L’égoïsme est le besoin de tout ramener à soi-même, de satisfaire aux
exigences de l’ego, ce petit paranoïaque qui vit en nous et nous fait croire que nous sommes
libres quand nous cédons à tous ses caprices et désirs. L’ego est l’ennemi de la sainteté.
Complétons notre citation d’Éphésiens : « A savoir qu’il vous faut abandonner votre premier
genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises
décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et
revêtir l’Homme Nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la
vérité. » (Ep 4, 22-24) L’ego, déicide, est synonyme d’orgueil. Tout enfant porte en lui le
projet de conception de ses parents. Marie, dès sa conception porte en elle les projets et le
dessein que Dieu a prévus de toute éternité. Ce qui ne fait pas de Marie une extraterrestre.
Non, elle est vraiment femme, la fierté de sa race, un être humain avec toute son humanité
excepté l’égoïsme et le retour sur soi. Et c’est cette humanité qu’elle a transmise au Fils de
l’Homme. Même si elle a été déifiée, comme nous sommes tous appelés à la déification, elle
n’est pas l’égale de Dieu, elle n’est pas une déesse, mais une femme. C’est ce qu’a si bien
compris Thérèse de Lisieux, à une époque où la Vierge était lointaine comme une déesse de
l’Olympe. La mariologie de la Petite Thérèse est d’une justesse théologique extraordinaire, il
faut le lire et le relire pour s’en imprégner, relever les expressions qui traduisent la
connaissance que tout amoureux de la Vierge doit posséder.
Adam dit : « La femme que tu as mise auprès de moi, c’est elle qui m’a donné ce fruit, et j’en
ai mangé » (Gn 3,12). Nous disons : la Nouvelle Ève que tu as mise auprès de nous, c’est elle
qui nous préserve du péché et nous montre l’arbre de Vie « qui donne son fruit quatre fois
par an et dont le feuillage sert à la guérison des nations » (Ap 22,2).
Le Sage demandait : « La femme parfaite, qui l’a trouvera ? » (Pr 31,10). Et nous répondons : « Nous
l’avons trouvée, son nom est Marie. »
Très beau texte riche en citations bibliques, écrit par un chanoine du XIIIème siècle, très
proche du saint esclavage à Marie, ce texte aurait été perdu s’il n’avait été publié dans les
Œuvres de saint Albert le Grand en latin. Nous ne garantissons pas l’exactitude de notre
traduction. Chacune de ces « raisons » peut faire l’objet d’une méditation. En tout cas, il est
nécessaire de lire le texte lentement pour faire sienne chaque raison de se faire esclave de
Marie.
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1. Parce que le Fils de Dieu, dont chaque action est une leçon pour les chrétiens, honore et
magnifie sa Mère, selon le commandement en Exode 20,12 : « Honore ton père et ta mère. »
2. Parce que l'Esprit Saint commande que Marie soit honorée selon le Psaume 98,5 :
« Adorez le marchepied de ses pieds, parce qu'il est saint. »
3. Parce que, quels que soient le respect et l'honneur qui sont accordés à la Mère, ils le sont
entièrement au Fils, et vice versa. D'où l'Ecclésiaste 4,15 : « Ceux qui la servent, servent le
saint et c'est le Christ qui est le Saint des Saints. »
4. Parce que, grâce à elle et en elle et hors d'elle, la gloire du Père et du Fils et de l'Esprit
Saint est augmentée. D'où le Psaume 47,2 : « L'Éternel est grand et très digne de louanges,
dans la ville de notre Dieu, dans sa montagne sainte. »
5. Parce que, grâce à elle et en elle et avec elle et par elle, le monde a eu et aura tout ce qui
est bon : c'est le Christ qui est tout bien et le plus grand bien et celui sans qui il n'y a aucun
bien, qui seul est bon, d'où il est dit en Luc 18,19 : « Nul n'est bon, sauf Dieu seul. »
6. Parce qu'avec Marie est trouvé tout bien. D'où Proverbes 8,35 : « Celui qui me trouve,
trouve la vie et recevra le salut du Seigneur. »
7. Parce qu'elle aime ceux qui l'aiment. Non, plutôt, elle sert ceux qui la servent : Proverbes
8,17 : « J'aime ceux qui m'aiment. »
8. Parce que c'est la plus haute distinction, la plus grande gloire et utilité de servir Marie et
d'être l'un de sa famille. Parce que la servir c’est régner, comme dit le Seigneur.
9. Parce qu'amener l'eau avec le seau de la prière humble et pieuse de la fontaine de vie qui
est en Dieu, plutôt que de Dieu lui-même, elle éclabousse ses serviteurs avec beaucoup
d’eau, surtout s'ils ont de bons récipients.
10. Parce qu'elle réconcilie ses serviteurs et ceux qui l’aiment plus efficacement avec son Fils
en colère : elle parle de paix à son peuple et sur ses saints (Ps 84,9).
11. Parce que si grande est sa douceur que personne ne devrait avoir peur de venir à elle.
13. Parce qu'elle construit ses serviteurs avec les dons et les charismes afin qu’ils deviennent
une digne demeure pour son Fils et l'Esprit Saint. Proverbes 14,1 : « La femme sage bâtit sa
maison. »
14. Parce qu'elle pare ses serviteurs de nombreuses vertus comme de nombreux vêtements,
comme Dorcas, qui a revêtu les pauvres (Actes 9,39).
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15. Parce qu'elle fait monter les prières et les sacrifices de ses serviteurs, et en particulier
ceux qui sont consacrés à elle, jusqu’au regard de la Majesté divine.
16. Parce que, tout comme le Fils est le médiateur entre Dieu et l'homme, elle est notre
médiatrice avec le Fils, c'est à travers sa médiation que le Fils vient à nous.
17. Parce qu'elle est notre avocate auprès du Fils, tout comme le Fils est notre avocat auprès
du Père. Elle apporte nos problèmes et nos demandes au Père et au Fils.
18. Parce qu'elle représente ceux qui l’invoquent humblement avec des mots doux adressés
à son Fils en colère, et par sa parole le Fils est facilement pacifié.
19. Parce que, pour le salut de ses serviteurs, elle est non seulement capable de supplier son
Fils comme les autres saints, mais aussi de lui commander avec son autorité maternelle.
20. Parce qu'elle est l'arbre de la vie pour tous ceux qui s'en emparent (Proverbes 3,18), en
particulier par l'amour et le service.
21. Parce que souvent, ceux que la justice du Fils condamne, la miséricorde de la Mère les
rétablit gratuitement.
22. Parce qu'étant donné qu'elle est le trésor de l'Éternel et la trésorière de ses grâces, elle
enrichit abondamment de ses dons spirituels ceux qui la servent.
23. Parce que confesser sa naissance virginale mène au salut, à partir de quoi vient la
bénédiction de Dieu le Père.
24. Parce qu'elle protège plus efficacement ses serviteurs contre le triple adversaire, à savoir
le monde, la chair et le diable, parce qu'elle est terrible comme une armée rangée en
bataille. (Cantique des Cantiques 6,3)
25. Parce qu'en Marie tous ceux qui, craignant la justice de Dieu, ont peur de venir à lui
trouvent refuge en elle.
26. Parce qu'elle donne de la nourriture à l'affamé et à boire à ceux qui ont soif. D'où l'on
peut dire d'elle comme du Fils : « Chassez vos pensées sur la Dame (Domina), et elle vous
nourrira » (cf. Psaume 54,23).
27. Parce que, étant donné qu’elle est la Mère de la Sagesse qui est le Fils de Dieu, elle
instruit avec miséricorde ses serviteurs dans la loi du Fils. Comme il est dit d’elle dans le Livre
de la Sagesse : « Elle renouvelle l’univers et, d’âge en âge passant en des âmes saintes, elle
en fait des amis de Dieu et des prophètes » (Sg 7, 27) c’est-à-dire des sages.
28. Parce que si sa faveur t’est retirée à cause de tes péchés, aussitôt que tu te repens, elle
t’est redonnée. Elle dit avec le Fils : « Revenez à moi, oracle du Seigneur le Tout-Puissant, et
je reviendrai à vous, dit le Seigneur le Tout-Puissant. (Zacharie 1,3)
70
29. Parce que notre salut est dans sa main. De telle manière que nous, les chrétiens, nous
devrions dire avec plus de vérité ce que les Égyptiens ont dit à Joseph : « Notre salut est dans
ta main » (Genèse 47, 25)
30. Parce que, en la servant on goûte des jours de grâce et de gloire. C’est pourquoi elle dit à
ses serviteurs, dans le livre des Proverbes : « Oui, grâce à moi tes jours seront nombreux et
les années de ta vie se multiplieront. » (Pr 9, 11)
31. Parce qu’après son Fils, elle est Maîtresse (Domina) de toutes les créatures. C’est pour
cela que nous l’appelons Notre Dame et que nous la servons comme une Maîtresse.
32. Parce que celui qui aime et honore la Mère du Seigneur est en mesure de réclamer la
miséricorde du Père et du Fils.
33. Parce que par l’incarnation du Verbe qui s’est accomplie en elle, l’âme pécheresse est
revenue dans l’unité de l’Église.
34. Parce qu’au travers de Marie, et du Christ que nous avons reçu de Marie, tout ce que
nous avions perdu par Adam et Ève est restauré en nous.
35. Parce que par sa conception et son enfantement, la merveilleuse dignité et prérogative
de la nature humaine s’est trouvée agrandie, parce que le Fils de Dieu au moment où il allait
sauver le monde n’a pas pris une nature angélique, mais une nature humaine en Marie et
par elle.
36. Parce que voulant que nous remportions la victoire et que nous soyons couronnés et
sachant que celui qui est couronné doit avoir combattu selon les règles, elle organise des
combats et des tentations pour ses amants et permet qu’ils soient affligés de temps en
temps. Mais elle donne la victoire au travers des tentations en donnant les grâces suffisantes
et nécessaires grâce à ses vertus, car elle est celle qui donne la force aux affligés par ses
prières, ses mérites et son exemple.
37. Parce que ceux qui la servent maintenant verront le visage le plus glorieux qui est le sien
dans le futur.
38. Parce qu’elle récompense ses serviteurs par le fruit de ses entrailles, tout comme on le
voit dans les images où elle tient son Fils dans ses bras pour le donner à ses serviteurs. Elle-
même, étant évangélisatrice.
39. Parce qu’elle protège ses serviteurs quand ils sortent de leur corps des attaques des
puissances des airs envers lesquelles elle est terrible comme une armée rangée pour la
bataille comme nous pouvons le lire dans les récits de miracles.
40. Parce qu’elle glorifiera dans l’avenir ceux qui l’honorent et la servent dans le moment
présent, comme elle le dit avec le Fils : « Car j’honorerai celui qui m‘honore, mais ceux qui
me méprisent seront voués à l’ignominie. » (1 Samuel 2, 30)
71
VI
La Foi
Saint Jean-Paul II n’a cessé de nous dire que la vie de la Vierge Marie a été un pèlerinage de
foi. Il aimait redire ce verset : « Bienheureuse celle qui a cru. »
Il ne nous est pas difficile de comprendre que Marie était tout amour, de cette charité
surnaturelle qui lui fut communiquée dès sa conception et qui grandit en elle. Dès l’instant
de l’Incarnation elle porte le Dieu d’amour en elle. Celui qui est l’amour la fait grandir dans la
charité de l’intérieur d’elle-même. Mais nous serions tentés de nous imaginer que, comblée
d’autant de grâces et témoin de tant de merveilles, la foi ne lui était pas vraiment
nécessaire. Si nous pensons cela, nous ignorons tout de l’humanité de Marie et il nous faut
revoir notre compréhension du mystère de la Rédemption pour le placer dans sa véritable
perspective. A-t-elle douté ? Non, elle a cru, mais elle a lutté avec sa propre humanité, elle a
dû surmonter ses émotions, ses angoisses, ses peines, ses douleurs physiques et morales
ainsi que les nombreuses contradictions dont son Fils était le signe. Et la haine du démon qui
la mordait au talon, comme celle des puissants dont elle était en train de dévoiler les
pensées et les plans secrets. Il lui fallut une foi immense. Plus la mission de son Fils se
dévoilait et plus sa foi devait grandir. Sa vie terrestre, comme le dit l’encyclique « La Mère du
Rédempteur » est UN PÈLERINAGE DE FOI. Elle est notre modèle. Car plus les grâces
mystiques nous sont accordées, plus aussi nous devons grandir dans la foi. Et le chemin de la
perfection passe par la nuit de la foi. Nous connaissons alors le doute sur les desseins de
Dieu, mais surtout sur nous-mêmes.
Alors qu’elle vivait une de ces nuits à la place de quelqu’un d’autre, la vénérable Marthe
Robin a dit au Père Finet : « Laissez-moi partir, je ne fais que du mal. » La pauvre petite
72
Marthe, paralysée dans son lit alors qu’elle avait déjà vécu une identification au Christ
crucifié et vu si souvent la Sainte Vierge, se trouvait dans le vertige du doute qui est celui de
l’humanité qu’elle portait. Un jour, elle nous a crié plutôt que dit, pour que ses paroles
s’incrustent dans notre mémoire : « Ne dites jamais : je suis indigne ! » Elle parlait
d’expérience. Si nous sommes un tant soit peu lucides sur nous-mêmes, nous pensons
« c’est impossible ». (Malheureusement, un malade qui se croit investit d’une mission est
persuadé de sa valeur et ne se remet pas en doute). C’est impossible qu’une personne
comme moi puisse faire quelque chose « pour » Dieu et collaborer à son œuvre. C’est aussi
la réaction de la Vierge devant Gabriel : ce n’est pas possible puisque je ne suis pas en
capacité d’enfanter. Au passage, notons que l’ange parle au futur et que la Vierge est
fiancée, elle est même mariée, mais la première année correspondait aux fiançailles. Il se
trouve, ici, une indication que Marie et Joseph avaient décidé de vivre dans la chasteté,
qu’ils étaient tous les deux consacrés, ce qui se pratiquait peut-être dans les milieux
esséniens. Mais Marie comprend que c’est tout de suite et maintenant, comme aux jours de
la Genèse où la Parole créatrice est suivie d’effet comme un écho de la voix. Il dit et cela est.
Marie ne doute pas, elle ne conteste pas, mais elle constate une évidence, une impossibilité
humaine. Quand l’ange lui dit : « Tout est possible à Dieu », aussitôt elle croit et sa foi la met
en mouvement. C’est un principe marial de croire en l’impossible.
Cette foi, la vie d’union à Marie nous l’infuse comme une force théologale. Littéralement,
« théologale » signifie qui est de l’ordre du Logos, de la Parole de Dieu. Le monde passera,
mais sa Parole ne passera pas. On peut mettre en parallèle le pèlerinage du peuple hébreu à
partir de la première Pâque qui le conduit à travers le désert, où il a éprouvé et tenté Dieu,
sa conquête de la Terre Promise et le pèlerinage de Marie. C’est un bon sujet de méditation
et d’étude biblique. Nous nous reconnaîtrons dans le peuple et nous aurons recours à Marie
pour changer en profondeur. Bien des juifs, après une traversée si douloureuse de l’histoire,
disent avec l’humour qu’on leur connaît : « Nous sommes le peuple élu, mais parfois on
aimerait bien être un peu moins élus ! » (Comment croire encore, après le silence de Dieu
pendant la Shoah ?) Marie assumera son élection par une foi totale.
« Dans la salutation d'Élisabeth, tous les mots sont lourds de sens. Cependant, ce qu'elle dit
à la fin semble d'une importance primordiale : « Bienheureuse celle qui a cru en
l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! » (Lc 1, 45) 28. On peut
rapprocher ces mots du titre « pleine de grâces » dans la salutation de l'ange. Dans l'un et
l'autre de ces textes se révèle un contenu mariologique essentiel, c'est-à-dire la vérité sur
Marie, dont la présence dans le mystère du Christ est devenue effective parce qu'elle « a cru
». La plénitude de grâce, annoncée par l'ange, signifie le don de Dieu lui-même. La foi de
Marie, proclamée par Élisabeth lors de la Visitation, montre comment la Vierge de Nazareth
a répondu à ce don.
Comme l'enseigne le Concile, « à Dieu qui révèle est due "l'obéissance de la foi" (Rm 16, 26;
cf. Rm 1, 5; 2 Co 10, 5-6), par laquelle l'homme s'en remet tout entier et librement à Dieu »
29. Cette définition de la foi trouve en Marie une réalisation parfaite. Le moment «décisif»
fut l'Annonciation, et les paroles mêmes d'Élisabeth: «Bienheureuse celle qui a cru» se
rapportent en premier lieu à ce moment précis 30.
hommage d'intelligence et de volonté» 31. Elle a donc répondu de tout son «moi» humain,
féminin, et cette réponse de la foi comportait une coopération parfaite avec «la grâce
prévenante et secourable de Dieu» et une disponibilité parfaite à l'action de l'Esprit saint qui
«ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite» 32. (Redemptoris Mater §12-13)
Après la confirmation que lui a procurée la Visitation, l’exultation de joie et la danse de la vie
célébrée dans la cour de la maison d’Ain Karem ; la croissance de l’enfant dans son ventre et
sa naissance miraculeuse ; le ciel ouvert et les anges qui chantent la gloire de Dieu ; la
vénération des adorateurs des astres qui ont appris d’une étoile à reconnaître Dieu dans le
petit enfant, vient le déchaînement du mal. Hérode, ce renard ravageur de vigne selon
l’expression du Cantique, dévoile ses pensées déicides et lucifériennes et ordonne le
massacre des Innocents. Le peuple juif ne s’est jamais remis de la mort des premiers-nés
d’Égypte pendant la nuit de la délivrance, et dans chaque famille juive, le premier-né jeûne
la veille de la Pâque en souvenir de ces innocents. Quelle douleur a dû transpercer le cœur
de Marie à cette atroce nouvelle ! Elle aurait pu dire : laissez-moi partir, je ne fais que du
mal ! Quelle foi et quelle espérance il lui a fallu pour demeurer ferme et rester debout afin
de veiller sur son bébé pendant l’exil en Égypte ! Marie demeurera inconsolable du massacre
des Innocents. Comme le fut son ancêtre Rachel : « Une voix dans Rama s’est fait entendre,
des pleurs et une longue plainte : c‘est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être
consolée, parce qu’ils ne sont plus. (Mt 2,18) Marie est déjà une Mater Lacrimosa, elle ne
cessera de pleurer jusqu’au jugement dernier. Elle vient de connaître le bonheur de la
maternité et le malheur s’abat sur tant de mères. Marie pleure quand des enfants périssent
sous des bombardements, quand des enfants soldats sont maltraités et abattus et chaque
fois qu’une maman voit mourir le fruit de ses entrailles. La Vierge du sourire est aussi la
Vierge des larmes. Nous ne devons pas nous étonner des nombreuses lacrimations d’eau et
de sang qui se multiplient aujourd’hui sur des icônes et des statues. Le Ciel n’est pas
insensible à la douleur du monde.
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids s’écrie : « Mon Dieu ! »,
par le malheureux dont les bras
ne purent s’appuyer sur une amour humaine
comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène,
par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne, je Vous salue, Marie.
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https://www.youtube.com/watch?v=yVE3LZ56YFc
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La foi c’est quand nous ne comprenons pas ! Il ne faut pas idéaliser l’humanité de Marie
dans sa vie terrestre. Souvent elle ne savait pas ce qui se passait et surtout elle ne
comprenait pas : « Pourquoi nous as-tu fait cela ? Ton père et moi te cherchions dans
l’angoisse. » (Lc 2,48) Elle vient de vivre une angoisse de séparation, un pressentiment de
perte. Une mère qui perd son enfant ne peut pas comprendre pourquoi Dieu a permis une
telle chose, une mère de famille qui meurt alors qu’elle a encore deux enfants en bas âge,
c’est incompréhensible. « Pourtant on était sûr qu’elle guérirait, on avait tellement prié pour
elle », dit le veuf affligé et souvent révolté contre un Dieu qu’il ressent comme injuste et
cruel. Job lui répondrait : peux-tu m’expliquer pourquoi le vent souffle, pourquoi la vie,
pourquoi la mort, pourquoi les méchants prospèrent et les justes sont frappés de malheur ?
C’est de l’ordre de l’incompréhensible, si tu me réponds, je te répondrai aussi. Dieu est au-
delà de toute compréhension, mais nous devons croire que tout est dans ses mains. Notre
adhésion, c’est le sens du mot foi en hébreu, doit s’accroitre dans les épreuves, nous devons
lui faire une confiance inconditionnelle. Nous sommes hommes et non pas Dieu pour percer
les mystères de sa volonté. Les théologiens disent que la foi cherche la compréhension par
l’intelligence selon le principe fides quaerens intellectum. Mais l’intelligence, dans sa
recherche légitime, doit rester dans le cadre de la foi sinon elle aboutit à l’absurde. Or, il faut
choisir entre l’absurde et le mystère. La théologie des chrétiens orientaux ne se sépare
jamais de la mystique et de la contemplation. On attribue à Tertullien cette citation souvent
reprise : je crois parce que c’est absurde : « Le Fils de Dieu a été crucifié ? Je n'ai pas honte
puisqu'il faut avoir honte. Le Fils de Dieu est mort ? Il faut y croire puisque c’est absurde. Il a
été enseveli, il est ressuscité : cela est certain puisque c'est impossible. » (Tertullien, Liber de
Carne Christi, 5,5)
Dans le cheminement mystique, l’intelligence est purifiée et aboutit à une adhésion à la
volonté de Dieu, à une union de volonté qui dépasse la compréhension. C’est cette adhésion
à la volonté de Dieu qui a fait tenir Marie dans une foi inébranlable alors que ce qui se
passait était absurde. Que de choses elle repassait dans son cœur ! Mais elle ne faiblissait
pas. Quand Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils unique, celui qui contient en
germe toutes les promesses, dont une descendance innombrable qui est sous nos yeux
aujourd’hui, il lui demande une chose insensée, totalement illogique et absurbe. Mais notre
Père dans la foi partit dans la foi. Une interrogation d’Isaac (dont le midrash, commentaire
juif ancien de la Bible, dit qu’il avait trente trois ans) nous montre que cette foi n’est pas
aveugle, elle tient la main de la confiance et de l’espérance, cette interrogation est la
suivante : « Où est l’agneau du sacrifice ? » Le patriarche ne répond pas : c’est toi l’agneau !
Il dit : « Dieu pourvoira », il verra pour… (Gn 22,7-8) La Providence voit pour ce qui nous
arrive et qui nous est nécessaire. Le Père ne sacrifie pas son Fils, ce serait monstrueux et
dans la logique du paganisme, car lui-même déclare : « On ne me prend pas ma vie, c’est
moi qui la donne. » (Jn 10,18)
L’Espérance
Nous refusons dans le vocabulaire pieux la notion d’âmes victimes. Il n’y a pas d’âmes
victimes, il n’y a que des âmes offertes par amour pour collaborer à la mystérieuse
Rédemption du monde, pour « achever dans leur corps (et combien dans leur âme) ce qui
manque à la Passion du Christ pour son Corps qui est l’Église ». (Col 1,24)
Mais nous ne faisons pas l’apologie du désespoir. Parce que nous aimons, nous croyons et
nous espérons. Si Marie est demeurée inconsolable de la mort de son Fils, même si elle n’a
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pas tout compris avec son intelligence, même si elle a pu penser que le Père pouvait éloigner
la coupe des lèvres du Fils - Marie d’Agréda dit que c’est elle qui a prié pour que l’ange de la
consolation visite assiste Jésus à Gethsémané - elle n’a pas été plongée dans le désespoir.
Elle a continué à espérer. Ce fut sans doute son attitude pendant les vingt ans qui suivirent la
perte inconsolable de son Fils. Elle sait en qui elle croit, elle aime Celui en qui elle croit, elle
ne peut qu’espérer. Marie ne peut pas désespérer ni du salut d’un seul homme sur la terre.
L’Occident chrétien est tragique, il ne peut imaginer que si la Vierge montre l’enfer c’est
pour que nous fassions tout pour qu’il soit vide, pour que nous espérions pour tous. Nous
écrivons ces lignes un 6 février, jour anniversaire de la naissance au Ciel de la vénérable
Marthe Robin qui connut des moments d’enfer sur la terre, elle qui s’offrit pour la France en
guerre, elle qui donna ses yeux lors de la Première Guerre mondiale et vécut ainsi cinquante
ans dans le noir. Marthe avait demandé la grâce et la mission de devenir la porte de l’Enfer
après sa mort pour empêcher les âmes d’y entrer. Jésus lui accorda de se tenir devant la
porte de l’Enfer. Elle nous fit savoir, un jour, qu’elle poursuivait cette mission. Alors quelle
est la Puissance de Celle qui est la Porte du Ciel sur les portes des enfers ?
Il est impossible de ne pas citer ici Charles Péguy qui chante la beauté et la grandeur de la
petite fille espérance. Nous offrons ces vers qui sonnent comme une comptine, claire et
joyeuse, comme la voix de Marthe qui communiqua tant d’espérance à des milliers de
visiteurs dont chacun était unique.
Le prêtre dit.
Ministre de Dieu le prêtre dit :
Quelles sont les trois vertus théologales ?
L’enfant répond :
Les trois vertus théologales sont la Foi, l’Espérance et la Charité.
— Pourquoi la Foi, l’Espérance et la Charité sont-elles appelées vertus théologales ?
— La Foi, l’Espérance et la Charité sont appelées vertus théologales parce qu’elles se
rapportent immédiatement à Dieu.
— Qu’est-ce que l’Espérance ?
— L’Espérance est une vertu surnaturelle par laquelle nous attendons de Dieu, avec
confiance, sa grâce en ce monde et la gloire éternelle dans l’autre. »
Ce qui a été une grande épreuve pour la foi de Marie, nous n’y pensons jamais : la vie cachée
à Nazareth. Trente longues années où il ne se passe rien ! Un ami mystique à qui la Vierge a
raconté toute sa vie au fil des ans comme elle le fit avec Marie d’Agréda ou Thérèse
Neumann, nous a décrit ce temps, ce long temps où Celui qui avait été annoncé à Marie
comme le Fils de Dieu, comme le Messie libérateur d’Israël, ne faisait que raboter des
planches et tailler des chevilles, forger des clous ! Trente longues années de silence. Trente
ans, à l’époque c’était presque une vie. Trente ans aussi de méditation dans une foi pure et
nue pour Marie.
On a beaucoup fantasmé sur ces trente ans. Jésus serait parti aux Indes, aurait été initié par
des maîtres ! Non, il était charpentier et travaillait avec son père, le Juste Joseph. On a aussi
imaginé un Jésus inculte dans un village d’ignorants et campagnards, qui aurait ensuite été
terrorisé par la grande ville de Jérusalem. Rien de cela n’est vrai. Jésus connaissait la Thora
par cœur, il savait lire et écrire l’hébreu comme l’araméen. Il parlait forcément la langue de
l’occupant, le latin, et le grec qui était l’anglais de l’époque. Quand il comparait devant
Pilate, il n’a pas besoin de traducteur. La Galilée était appelée le carrefour des nations. Une
toute nouvelle découverte archéologique vient balayer le mythe de l’origine rurale de Jésus.
En effet, les ruines d’une importante ville romaine viennent d’être mises à jour à cinq
kilomètres de Nazareth.
Si les paraboles de Jésus puisent dans la sagesse de la nature, le monde du commerce ne lui
est pas du tout étranger. Il a dû regarder vivre et écouter en silence ces hommes et ces
femmes qui recherchaient la richesse, le confort et le luxe. Il connaissait la culture romaine.
D’autres villes n’étaient pas très éloignées non plus, comme Tibériade et Beth Shéan (17 kms
par les routes actuelles, bien moins à travers champs) où se déroulaient les jeux du cirque,
où l’on jouait du théâtre graveleux à la romaine, où l’on pratiquait la prostitution et tout ce
qui fait l’humanité bien humaine, sans oublier la philosophie qui s’invitait sur la place
publique. On peut aussi s’imaginer qu’il assistait dans des tavernes aux discussions
politiques. Il scandalisera pendant son ministère public quand il s’assiéra à la table des
pécheurs en charmante compagnie. Jésus ne faisait pas semblant d’être un homme, rien de
ce qui est humain ne lui était étranger et comme le dit l’Église d’elle-même, il était expert en
humanité. Il connaissait le prix de la baguette !
78
Nous connaissons un homme qui avait reçu beaucoup de grâces pendant sa jeunesse, mais
ce temps de fiançailles ne dura pas, il fut soudain plongé dans la nuit obscure, ou plutôt les
nuits où sans perdre la foi il avait l’impression de faire semblant de croire et que tout le
monde faisait semblant. Il connut maladie sur maladie et demeurait totalement anesthésié
spirituellement, son intelligence était troublée et il était assailli par toutes sortes de pensées
et de passions. Son père spirituel avait beau lui faire lire les grands mystiques, comme saint
Jean de la Croix, tout cela passait sur lui comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Le saint
moine qui l’accompagnait lui répéta maintes fois que son cheminement était normal et qu’il
déboucherait sur la contemplation et l’union mystique. Il sortit de la nuit au bout de dix-sept
ans et à part quelques instants de grâce et une grande paix intérieure, il mena une vie
« normale » sans grâces surnaturelles. Pendant une quinzaine d’années encore il dût
simplement vivre de foi et croire que son épreuve avait servi à quelque chose, sinon du
moins pour les autres. Et ce n’est qu’au bout d’une quinzaine d’années qu’il fit l’expérience
de ce que Maître Eckhart appelle la naissance de Dieu dans l’âme et la grâce d’une union
quasi constante avec Jésus et Marie. L’épreuve du temps est la plus grande, mais elle est
celle de la foi qui ne fait que se fortifier. Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. Que sont ces
dizaines d’années face à l’éternité ? La vie mystique est une vie de foi et plus les promesses
que l’on reçoit et les espérances que l’on forme sont grandes et plus la foi est nécessaire.
Ceux qui opposent la vie de foi à la vie spirituelle sensible ne savent pas de quoi ils parlent.
Ils justifient souvent une paresse à percer le Ciel par la méditation et l’oraison en invoquant
une vie de pure foi. Comment ne pas rechercher le visage du Bien-Aimé ? Certains saints
passent comme des étoiles filantes dans le ciel de l’Église. Ce fut le cas de saint François ou
de sainte Thérèse de Lisieux, mais d’autres comme Mère Teresa « rament » jusqu’à la
soixantaine avant d’illuminer non seulement l’Église, mais l’humanité tout entière.
79
80
VII
LA BEAUTÉ DE MARIE
Voici ce que rapportent les voyants de Medjugorje : « Un jour nous avons demandé à Notre
Dame : "Pourquoi es-tu si belle ? Tu es si belle que nous ne pouvons même pas essayer de
décrire cette beauté aux autres personnes". Notre Dame a répondu : "Je suis belle parce que
j'aime". »
Les femmes de la Bible, Sarah, Rachel et Tsippora, épouses d’Abraham, de Jacob et de Moïse
?
Le vocable de « Marie Mère du Bel amour » est très beau et comme la Vierge le mérite ! Et
comme nous avons besoin d’elle en une époque où tout le monde surfe sur Internet pour
chercher l’amour ! Jamais auparavant les blessures affectives de l’humanité n’étaient
apparues au grand jour comme elles le sont aujourd’hui. Le christianisme devrait être la
grande réponse à l’immense besoin d’amour du monde. Le christianisme est réputé être la
religion de l’amour, de la charité, mais après deux mille ans le monde est-il plus aimant ? Est-
il meilleur ? Devant notre incapacité à le changer, force est de constater que nous avons
besoin d’une intervention du Ciel sous la forme d’une effusion d’amour venue d’En-Haut.
Nous avons besoin d’une Pentecôte d’amour. Les nombreuses apparitions de la Vierge sont
des signes avant-coureurs de cet évènement. Marie se tient au milieu de l’Église épuisée,
découragée mais en attente dans l’espérance, comme elle était au milieu des disciples dans
le Cénacle lors de la première Pentecôte.
« Les oiseaux sont faits pour chanter et ils chantent ! Les hommes sont faits pour aimer Dieu
et ils ne l’aiment pas », constatait avec tristesse le Curé d’Ars. Ce confesseur infatigable
savait mieux que quiconque ce qu’il y a dans le cœur de l’homme, lui qui avait le don de lire
dans les consciences. Il faut être réaliste sur l’homme ! Sur nous-mêmes ! Nous sommes
créés par l’Amour et pour l’Amour. Nous sommes faits pour un amour infini et
inconditionnel. Et à peine venus au monde, nous sommes confrontés aux limites de l’amour,
à ses multiples conditions, à son inconstance quand ce n’est pas au manque radical. Nous
nous sentons abandonnés, rejetés, maltraités et cela occasionne une blessure que nous
81
garderons toute la vie. Cette blessure fera de nous des êtres en manque et des êtres
agressifs. Au lieu de nous sensibiliser aux manques et besoins des autres, elle nous centrera
sur nous-mêmes, sur nos propres besoins, sur nos plaintes et revendications à être aimés. La
blessure d’amour est une blessure narcissique !
Comme nous l’avons vu en parlant des conséquences psychologiques du privilège de la
conception immaculée, Marie est exempte de cette blessure narcissique. Elle est l’inverse de
Narcisse pris par une fascination mortelle de sa propre image. Son regard est
amoureusement fixé sur Dieu et sur l’homme qu’il aime sans limites et sans condition.
L’hymne à l’amour
Saint Paul nous a laissé un trésor inestimable dans sa fameuse « hymne à l’amour » du
chapitre 13 de la première épître au Corinthiens. Nous connaissons bien ces versets si beaux,
qui sont souvent choisis par les fiancés comme lecture pour leur messe de mariage. Mais
comme le demande Philippe à l’Ethiopien : « Comprends-tu ce que tu lis ? » (Ac 8,30),
comprenons-nous ce que nous lisons ? Le texte est sublime et si nous le comprenons, si nous
l’acceptons, si nous le faisons nôtre, nous sommes obligés de reconnaître que nous ne
savons pas aimer et que sans l’intervention du Ciel nous nous trouvons à des années-lumière
du véritable amour. Nous allons tenter d’en faire une nouvelle lecture en proposant une
traduction au plus proche du texte.
Nous retiendrons le terme « amour » plus que « charité » parce qu’amour dans le français
moderne garde un champ sémantique très large qui couvre aussi la piété, la dévotion, la
charité envers les autres. Nous ne possédons pas de terme qui soit propre à l’amour chrétien
comme l’est agapé en grec. Le mot charité a connu une mauvaise fortune et est entendu
aujourd’hui comme une forme édulcorée de l’amour, un amour par devoir que l’on consent
du bout des doigts ou du bout des lèvres. Nous faisons la charité, mais nous ne vivons pas de
charité comme on vit d’amour. Le terme « pitié » a connu un même sort. Quand nous disons
« Seigneur prends pitié », nous ferions mieux de traduire « Seigneur fait descendre sur nous
ta grâce, ta consolation, ta tendresse ». Notre culture est devenue allergique à certains
vocables judéo-chrétiens.
Notons que pour qualifier l’amour, saint Paul n’utilise pas de substantifs ou d’adjectifs, il
n’emploie que des verbes, pour montrer que l’amour est mouvement permanent, comme la
grâce qui est action de grâce, mouvement de grâce.
Comme aucune traduction ne nous satisfait, tentons la nôtre en sachant qu’elle aura ses
faiblesses et qu’une traduction parfaite est impossible. Nous avons tenté de retrouver les
mots hébreux et leur sens spirituel sous les mots grecs, ce sera donc comme un targum, une
traduction-commentaire.
L’amour sait prendre le mal en patience dans l’épreuve et dans les offenses.
Makrothumos : faire s’éloigner la passion et la colère, agir avec douceur, être patient dans
l’épreuve.
L’amour est rempli de toutes sortes de bontés.
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Chresteuomai : se montrer doux, être aimable, user de bonté, être bon, serviable,
bienveillant.
L’amour ne convoite rien des qualités ou des biens d’autrui.
Zeloo : désirer ardemment, (zèle et jalousie ont la même étymologie en français), envier.
L’amour sait s’effacer devant les autres.
Perpereuomai : fanfaronner, se vanter, se présenter à son avantage.
L’amour ne s’élève pas au-dessus des autres.
Phusioo : hébreu gavah, s’élever, s’enfler d’orgueil.
L’amour n’agit pas de manière choquante.
Aschemoneo : faire des choses inconvenantes. Mais en revenant à la racine, on peut aussi
traduire par : ne pas posséder d’attachement.
L’amour pratique l’oubli de soi.
Faire des recherches pour soi-même, être zélé pour soi-même.
L’amour ne provoque pas.
Paroxuno : irriter, pousser à la colère, conduire au paroxysme.
L’amour ne soupçonne pas le mal.
Il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il met sa joie dans la vérité.
Il excuse tout en couvrant de silence la faute des autres.
Couvrir de silence, garder secret la faute des autres.
Il croit tout, il garde sa confiance malgré tout.
Il espère tout, en sachant que son espérance ne sera pas déçue.
Il supporte tout.
Upomeno : endurer, supporter bravement et calmement les mauvais traitements, demeurer
ferme dans la foi, patienter.
Nous le voyons, l’amour qui est décrit dans cette hymne est celui de Dieu manifesté en
Jésus-Christ. Il est celui que l’on ne peut vivre que par participation à la vie divine infusée par
l’Esprit. Nous pourrions le résumer comme un amour doux et tendre pour les ennemis au
milieu de la persécution et des afflictions que la vie réserve aux disciples de l’Agneau. Cet
amour qui excuse tout et qui croit tout n’est pas laxiste, dans le sens où il fermerait les yeux
sur le mal. Il est réaliste, il traduit le regard du Père sur ses enfants blessés et qui ne sont
méchants qu’à cause de leurs souffrances. Cet amour a déjà parlé sur la Croix quand il a dit :
« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34)
L’amour nous invite au pardon inconditionnel. À l’acceptation de l’autre d’une manière
inconditionnelle.
Des mots d’amour ? Des déclarations d’amour ? Non, des preuves d’amour ! Le monde a
besoin de preuves d’amour. Dieu se prouve par les œuvres, comme nous l’a dit Jésus : « Si
vous croyez en moi vous garderez mes commandements ». (Jn 14,15) Imaginez que vous
ayez un voisin qui meurt de faim, de froid, de maladie et de chagrin et que parce que vous
êtes chrétien vous lui répétiez sans cesse : « Je t’aime, je t’aime, je t’aime… », et qu’en votre
for intérieur, vous ajoutiez : « Je l’aime parce que le Christ me l’a demandé et que c’est mon
devoir de chrétien. » Malheureusement, c’est à cela que ressemble la fameuse « charité
chrétienne ». « La foi sans les œuvres n’est rien du tout » comme le dit saint Jacques (Jc
83
2,20), et la pratique religieuse devient une comédie à laquelle nous croyons et qui nous
masque l’essentiel, qui nous fait échapper à la véritable conversion.
Dès que Marie apprend que sa cousine est enceinte, elle ne dit rien, elle agit ! Et elle agit
vite, sans agitation, mais avec empressement.
Le titre de « Marie Mère du Bel Amour » remonte au livre de Ben Sirac le Sage appelé plus
tard livre de l’Ecclésiastique, car il servait à la formation des catéchumènes. L’Église s’est
reconnue dans ses enseignements :
« Je suis la mère du bel amour et de la crainte, de la connaissance et de la sainte espérance.
À tous mes enfants je donne des biens éternels, à ceux qu’il a choisis. » (Si 24, 18).
Or, dans ce même livre nous trouvons une allusion à la maternité divine : « Tu seras appelé
fils du Très-Haut, Dieu t’aimera plus que ne le fait ta propre mère » si tu fais des œuvres de
miséricorde.
« Mon fils, ne refuse pas au pauvre sa subsistance et ne fais pas languir les yeux du
miséreux. Ne fais pas souffrir celui qui a faim, n’exaspère pas l’indigent. Ne t’acharne pas sur
un cœur exaspéré, ne fais pas languir après ton aumône le nécessiteux. Ne repousse pas le
suppliant durement éprouvé, ne détourne pas du pauvre ton regard. Ne détourne pas tes
yeux du nécessiteux, ne donne à personne l’occasion de te maudire. Si quelqu’un te maudit
dans sa détresse, son Créateur exaucera son imprécation. Fais-toi aimer de la communauté,
devant un grand, baisse la tête. Prête l’oreille au pauvre et rends-lui son salut avec douceur.
Délivre l’opprimé des mains de l’oppresseur et ne sois pas lâche en rendant la justice. Sois
pour les orphelins un père et comme un mari pour leurs mères. Et tu seras comme un fils du
Très-Haut qui t’aimera plus que ne fait ta mère. » (Si 4, 1-10)
Marie a porté dans son corps Dieu qui est amour et nous savons qu’elle est Mère du Corps
du Christ qui est l’Église. Elle continue à enfanter jusqu’à la fin du monde. Son travail
d’enfantement est aussi un travail de formation, d’éducation et d’assistance. Là où est Marie
se produit une petite Pentecôte. Demandons-lui, en attendant la grande Pentecôte d’amour,
de former nos cœurs au véritable amour.
TEMOIGNAGE
Je suis fils de Jean-Paul II. Des JMJ. J’ai toujours cru, mais je n’ai pratiqué que
jusqu’à l’adolescence où je me suis révolté. Non pas contre Dieu et la foi, mais contre le
christianisme tel qu’il était pratiqué depuis deux mille ans. Je ne connaissais pas
vraiment l’histoire de l’Église, mais je voyais le résultat. Le monde n’était pas meilleur.
J’ai rencontré la non-violence évangélique et me suis passionné pour les hommes qui
avaient vraiment mis l’Évangile en pratique : Gandhi un hindou, Martin Luther King
un protestant, Tolstoï un orthodoxe, excommunié, mais quand même profondément
orthodoxe, Nelson Mandela. Je remis en question mon appartenance au catholicisme
pour manque de crédibilité et par ignorance de tant de saints qui ont vraiment mis en
pratique leur foi comme le Père Kolbe ou Monseigneur Romero. Les Russes
m’attiraient beaucoup. Je me disais que si j’étais né dans une autre religion j’aurais
84
pratiqué cette religion. Si j’avais été musulman j’aurais été soufi, hindou j’aurais suivi
un gourou dans sa retraite, orthodoxe j’aurais été vagabond comme Tolstoï et les fols en
Christ. J’avais besoin de quelqu’un de crédible, j’avais besoin d’un père spirituel, d’un
starets, mais je n’en trouvais pas. Jean-Paul II est apparu comme un soleil en plein
hiver. Il était crédible et il l’est resté jusqu’au bout, jusque dans l’extrême faiblesse,
jusque dans sa passion. Je dévorais ses encycliques et lisais tout ce qu’on trouvait sur sa
biographie. J’appris que ses deux maîtres avaient été Grignion de Montfort et Hans
Urs von Balthasar qui tira sa théologie de sa vie et de celle de son âme sœur, la
mystique Adrienne von Speyr. Que quelqu’un revive la Passion, comme saint François,
était pour moi une preuve d’authenticité et j’aspirais plus que jamais à la vie mystique.
Je l’ai trouvée dans la consécration totale à Marie. J’avais fait beaucoup de songes et
j’avais eu des visions, j’avais connu des moments extatiques pendant mon cheminement,
mais j’avais besoin d’être enseigné pour mettre de l’ordre dans tout cela. Je cherchais un
père et Jean-Paul en fut un, mais c’est une Mère que Dieu m’a donnée.
Je voudrais arriver au point essentiel de mon témoignage qui est comme un échange de
cœurs, pas d’une manière dramatique, mais petit à petit. Je sentis le cœur de Marie uni
au cœur de Jésus indéfectiblement, se mettre à battre à moi. Jusqu’alors j’avais recherché
la vie mystique comme un épanouissement personnel ultime, comme un accomplissement de
moi-même en Dieu. J’avais trouvé toutes les réponses au sens de ma vie sur terre et
j’étais heureux. Égoïstement. Ce cœur qui se mit à battre en moi est celui qui a tellement
aimé le monde, jusqu’au transpercement, jusqu’au glaive et à la lance. Alors, comme le
dit sainte Thérèse de Lisieux, je m’oubliai moi-même. Maintenant je passe tout mon
temps à aimer le monde, à lui envoyer de l’amour. Saint Jean-Paul II nous a aussi
appris la miséricorde, et cet amour miséricordieux je l’envoie sur tous les hommes, j’ai
confiance et j’espère pour toute l’humanité. J’ai remplacé le jugement par une effusion de
pardon. Je ne juge plus l’Église, mais je l’aime, comme j’aime les bons comme les
méchants. Je dis « je », mais c’est Marie qui aime en moi.
85
L’amour de la Beauté
Les amoureux de Marie sont aussi des amoureux de la beauté. La Vierge nous communique
un sens du beau en même temps qu’un attachement à l’authenticité et à la vérité. Notre
sensibilité s’affine peu à peu, notre goût se forme par elle. Notre vision de la nature, par
exemple, en est toute transformée. Sans effort d’attention, la vision d’un arbre, de l’herbe
verte, des premiers bourgeons, nous fait tressaillir de joie, de ce même tressaillement que
produit en nous la présence de la Toute Belle. On comprend pourquoi Jean de la Croix
emmenait ses novices faire oraison dans la nature.
De quelqu’un de laid on dit qu’il disgracié, mais celle qui est pleine de grâces est d’une
beauté sublime qui nous accorde sa grâce et nous rend beaux et belles quels que soient les
traits physiques de notre visage. Elle change aussi notre regard sur les personnes et nous
permet de voir leur beauté, même si elle est bien cachée. Chaque personne est une
merveille.
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Œil de mite x 25
Marie trône de la Sagesse nous communique l’intelligence des œuvres divines : soit elle nous
donne la capacité de pénétrer les détails, soit elle nous montre le plan d’ensemble nous
permettant de comprendre qu’il y a de l’amour et de beauté là où nous voyons de la misère
et de la laideur. Les mouches nous dégoûtent, mais avons-nous déjà regardé cette merveille
de technologie au microscope ? C’est extraordinaire ! Comme Albert Schweitzer, nous
devenons incapables de faire mal à une mouche.
Tête de mouche
87
N’est-il pas beau ce SDF ? Mais il nous faut le regarder dans les yeux, dans un face à face,
le cœur rempli du regard de Marie. Notre expérience est qu’une lumière s’allume et
qu’une beauté se manifeste alors.
88
L’exemple des trisomiques est particulièrement parlant, ils sont des boules d’amour et par
conséquent des exemples de beauté, loin des critères habituellement acceptés.
89
« La beauté n’est pas seulement un éclat, elle est aussi une harmonie : c’est cette harmonie
des proportions qui constitue la perfection. L’homme qui posséderait cette harmonie serait
l’homme parfait. Mais il y a dans la beauté de la femme un épanouissement plus lumineux et
une grâce plus délicate, qui constituent le charme. Qu’elle soit reine on bergère, grande
dame ou simple ouvrière, une femme peut s’affiner toujours plus qu’un homme et arriver à
cette beauté harmonieuse des gestes sinon des formes, qui fera son charme particulier. Ne
doutez pas que ce soit là une vertu, au lieu d’une coquetterie, si elle est employée au service
du bien et au perfectionnement de l’âme. Tout cela demande un effort, et un effort est
toujours un acte de vertu. Cultivez donc, comme dit saint François de Sales, et votre visage
et votre cœur, afin que le feu qui jaillit en ce cœur, illumine votre visage de l’éclat céleste,
pareil à celui de notre divine mère Marie, la plus belle de toutes les femmes. » (Méditation
dans l’Imitation de Marie)
Nous voudrions partager l’éblouissement que les « Cinq méditations sur la Beauté », de
l’Académicien français d’origine chinoise, nous ont procuré, et comment nous avons pensé à
Marie en lisant les pages qu’il a distillées. 9
À mes yeux, c’est précisément avec l’unicité que commence la possibilité de la beauté : l’être
n’est plus un robot parmi les robots, ni une simple figure au milieu d’autres figures. L’unicité
transforme chaque être en présence, laquelle, à l’image d’une fleur ou d’un arbre, n’a de
cesse de tendre, dans le temps, vers la plénitude de son éclat, qui est la définition même de la
beauté.
Concernant la beauté, nous observons objectivement que, de fait, notre sens du sacré, du
divin, vient non de la seule constatation du vrai, c’est-à-dire de quelque chose qui effectue sa
marche, qui assure son fonctionnement, mais bien plus de celle du beau, c’est-à-dire de
quelque chose qui frappe par son énigmatique splendeur, qui éblouit et subjugue. L’univers
n’apparaît plus comme une donnée ; il se révèle un don invitant à la reconnaissance et à la
célébration. Alain Michel, professeur émérite à la Sorbonne, dans son ouvrage ‘La Parole et la
Beauté’, affirme : « Comme le croyaient tous les philosophes de la Grèce antique, le sacré se
trouve lié à la beauté. »
9
François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, Albin Michel, 2010
À écouter également https://www.youtube.com/watch?v=MQ7AwJEHaqg La beauté, le mal, la mort
90
Afin de donner plus de clarté à mon propos, ajoutons encore ceci : la beauté est quelque
chose de virtuellement là, depuis toujours là, un désir qui jaillit de l’intérieur des êtres, ou de
l’Être, telle une fontaine inépuisable qui, plus que figure anonyme et isolée, se manifeste
comme présence rayonnante et reliante, laquelle incite à l’acquiescement, à l’interaction, à
la transfiguration.
Non la cueillir ! La beauté est sans désir de possession, pour une fois qui n’est pas coutume
chez nous, nous pouvons citer Kant sur l’esthétique : “Le goût est la faculté de juger un objet
ou un mode de représentation par la satisfaction ou le déplaisir d’une façon toute
désintéressée. On appelle beau l’objet de cette satisfaction.”
Citons encore le constat d’Aragon pour nous en démarquer sur le plan chrétien, passant de
l’humanisme athée à la vision transcendante de cette même condition :
Heureusement il y a un amoureux heureux. Le bonheur est dans cet amour, mais nous ne
pouvons le « serrer » donc le broyer, il n’est pas une chose que l’on pourrait posséder. Sans
cesse en mouvement, il est insaisissable, il nous aspire, il nous blesse, il nous tue, il nous
redonne la vie, il est douleur profonde et jouissance infinie. « Il nous fait désirer et comble
10
La poignante version de Nina Simone https://www.youtube.com/watch?v=GM1u72MNLuI
La mélancolique version de Françoise Hardy https://www.youtube.com/watch?v=A6_bpX1cmC
La stoïque version de Georges Brassens https://www.youtube.com/watch?v=SccKLmENjpk
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nos désirs », il nous rassasie en creusant notre faim, il nous abreuve et nous assoiffe
davantage. Pour paraphraser Aragon nous pourrions écrire : oh mon amour, mon tendre
amour, ma déchirure, je te porte en moi comme un Dieu blessé, d’une blessure qui rayonne
et dans ses rayons se trouve la guérison. Notre vie est un étrange et douloureux divorce,
mais ce constat établi, nous faisons alliance, nous contractons un mariage qui ne peut être
brisé, car un des deux partenaires en assure la solidité et la permanence. « Si nous sommes
infidèles, lui, il demeure fidèle, car il ne pourra jamais se renier lui-même. (2 Tm 2,13) Dieu
n’annule jamais une alliance.
Cette parole de Dostoïevsky est souvent citée. Souvent elle vient comme un cheveu sur la
soupe, car il est difficile de l’articuler à un autre discours et la placer dans une conversation
n’est pas chose facile. L’écrivain russe à l’âme mystique a tellement bien dépeint la laideur
de la condition humaine, de l’homme pour qu’il éprouve une grande miséricorde, celle du
Christ russe, où l’homme est dépassé par ses passions, dominé par le mal qui a presque
toujours le dernier mot. À Moscou on voit toujours ce grand boulevard, baptisé avec
humour : la chaussée des enthousiastes, où les condamnés à la déportation prenaient la
direction de la Sibérie. Ils avançaient en lente procession, entravés qu’ils étaient aux mains
et aux pieds. Le peuple se pressait pour les voir passer et versait des larmes, les femmes se
précipitaient et tombaient à genoux pour baiser les chaînes et vénéraient les condamnés
comme s’ils étaient Jésus portant sa croix. Voilà l’âme russe qui pèche et se repent avec la
même intensité et espère tout de la miséricorde.
Un internaute 11 nous livre sa compréhension de cette citation célèbre qu’il replace dans son
contexte qui est celui du l’Idiot :
« Il vaut la peine de lire les quelques lignes qui suivent la fameuse citation. Ce sont encore
des paroles qu’Hippolyte adresse au prince Mychkine : «… Quelle beauté sauvera le monde?
C’est Kolia qui m’a rapporté ça… Vous êtes un chrétien zélé ? Kolia m’affirme que vous vous
dites chrétien. » Kolia, le fils de la maison où s’est établi Mychkine, est un garçon de treize
ans, au cœur pur et généreux, plein d’admiration pour le prince, qui l’a pris en amitié. Et de
fait, ce qu’Hippolyte dit tenir de Kolia est vrai : Mychkine est profondément chrétien. Avec la
prudence de mise chez notre auteur, on peut d’ailleurs penser que l’attachement au Christ
que lui prête Dostoïevski est le reflet de celui qu’il éprouve lui-même.
Dès lors, serait-il déplacé de comprendre la phrase de Mychkine comme : « Le Christ sauvera
le monde »? C’est lui, le Christ, qui est le Sauveur. C’est lui, « le plus beau des enfants des
hommes » (Ps 44,3) venu rendre à l’homme sa « première beauté ». Dans le visage de
Nastassia Filippovna, Mychkine voit le Christ souffrant. Le regard qu’il porte sur elle dépasse
le sensible pour rejoindre la profondeur, la présence de Dieu.
La philosophe française Simone Weil écrivait : « Dans tout ce qui suscite en nous le
sentiment pur et authentique de la beauté, il y a réellement la présence de Dieu. Il y a
presque une incarnation de Dieu dans le monde, dont la beauté est le signe ». Et Benoît XVI,
qui cite ce passage de Simone Weil, écrit : « La beauté – de celle qui se manifeste dans
l’univers et dans la nature à celle qui s’exprime à travers les créations artistiques – peut
devenir une voie vers le Transcendant, vers le Mystère ultime, vers Dieu, précisément en
11
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IX
« L'enfant eut trois ans. Joachim dit : "Appelons les filles des Hébreux, celles qui sont sans
tache. Que chacune prenne un flambeau et le tienne allumé : ainsi, Marie ne se retournera
pas et son cœur ne sera pas retenu captif hors du temple du Seigneur." L'ordre fut suivi, et
elles montèrent au temple du Seigneur. Et le prêtre accueillit l'enfant et l'ayant embrassée, il
la bénit et dit : "Le Seigneur Dieu a exalté ton nom parmi toutes les générations. En toi, au
dernier des jours, le Seigneur manifestera la rédemption aux fils d'Israël." » (Protévangile de
Jacques VII.2.)
Origine de la fête de la Présentation au Temple : Marie fut vierge consacrée à l’âge de trois
ans au Temple où elle demeurera jusqu’à ses douze ans, considérés par la Loi comme l’âge
de la puberté féminine. Les petites filles étaient affectées dans les ateliers où se tissaient les
vêtements des prêtres et le voile du Temple. Peut-être Marie a-t-elle tissé le voile qui s’est
déchiré au moment de la mort de son Fils !
94
« L’homme est la mesure de toute chose » disait le philosophe présocratique au Vème siècle
avant J-C. C’est vrai de tout ce qui est de l’Incarnation. Dieu s’est fait à la mesure de
l’homme. Mais la mesure de l’homme est bien relative ! Quelque grand par la taille en Chine
sera petit aux USA. Quelques centimètres font toute la différence du point de vue de
l’homme, mais cette mesure est bien dérisoire au niveau du cosmos. Dire que Dieu est grand
relève d’une autre échelle de valeurs. Cette valeur, il nous l’a révélée en se faisant tout petit.
Il s’est fait embryon. Il s’est fait microscopique et il était pleinement Dieu. Le devenir de la
toute petitesse en Dieu est l’immensité, l’infini, l’éternel. Toutes notions qui seront abolies
au ciel. « Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut ; car tu marcheras
devant le Seigneur, pour lui préparer les voies, pour donner à son peuple la connaissance du
salut par la rémission de ses péchés ; grâce aux sentiments de miséricorde de notre Dieu,
dans lesquels nous a visités l’Astre d’en haut, pour illuminer ceux qui demeurent dans les
ténèbres et l’ombre de la mort, afin de guider nos pas dans le chemin de la paix. »
Cependant l’enfant grandissait, et son esprit se fortifiait. Et il demeurait dans les déserts
jusqu’au jour de sa manifestation à Israël. (Lc 76-80) Il grandissait en taille et en sagesse.
Les proportions du Christ sur le Saint Suaire ont les proportions du temple. Elles sont
parfaites et proches des canons de la beauté grecque. Il est physiquement très beau. Et cette
beauté devra se trouver anéantie dans la Passion, car le Messie est à la fois décrit comme le
plus beau des hommes et comme n’ayant rien pour attirer les regards. Les deux sont
conciliables. « Tu es beau, le plus beau des enfants des hommes, la grâce est répandue sur
tes lèvres. Aussi tu es béni de Dieu à jamais. » (Ps 45, 3)
« Si dans la création d’Adam, destiné à appartenir à Dieu en qualité de simple serviteur, les
trois divines Personnes dirent : "Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance",
que n’ont-elles point dit et quel conseil n’ont-elles pas tenu pour produire cet admirable
ouvrage qui allait leur appartenir comme la chose la plus chère, la plus aimable, la plus
tendre que Dieu pût avoir hors de lui-même ? L’épouse étant donnée à l’époux comme une
aide semblable à lui, quels trésors de grâces, quels dons magnifiques, Dieu le Père, qui a
choisi cette âme pour son épouse, ne verse-t-il pas en elle, afin de se la rendre semblable, en
ses beautés et ses excellences divines, autant qu’elle peut l’être ? Il met en elle tout ce qu’il
sait, tout ce qu’il voit contribuer à rendre une âme parfaite. Il la rend tellement digne de
porter son Fils unique, que ce même Fils, en sortant de son sein éternel, trouve hors de lui
une demeure en rapport avec la grandeur de sa divine personne. Le Fils de Dieu lui-même, la
considérant déjà comme sa mère, la prépare à cette sainte et auguste dignité, et enfin le
Saint-Esprit, la regardant comme son sanctuaire le plus parfait, après la sainte humanité du
Sauveur, comme la puissance du Père la rend plus forte que Judith ; la sagesse du Fils la rend
plus belle mille fois que Rachel ; l’amour du Saint-Esprit, plus aimable qu’Esther. Tout ce qui
95
avait été épars et répandu dans les âmes justes, elle le contient elle seule ; non seulement
les perfections de ces femmes fortes et saintes qui l’avaient figurée, mais encore celles de
tous les saints. Dans ce moment, Dieu réunit et renferme en elle toutes les perfections qu’il
avait répandues dans les âmes justes de l’ancienne loi, ou plutôt elle a seule plus de l’esprit
de Jésus-Christ que n’en avaient possédé tous les prêtres, les patriarches, les juges, les
prophètes, les rois, que tous les saints de l’Ancien Testament et les justes de la gentilité tous
ensemble. »
Ce que les auteurs mystiques décrivent en elle, c’est sa modestie et son humilité. Dieu a
inversé par l’Incarnation toutes les lois, toutes les règles et tous les canons.
Les peintres du Siècle d’or se sont beaucoup inspirés des mystiques, de leurs visions, mais
aussi de l’esprit qu’ils transmettaient. L’art baroque du XVIIème siècle est une figuration en
mouvement ou les anges sont présents, où l’invisible est traduit par les nuées du ciel, les
tentures qui bougent, les voiles qui flottent comme sous l’effet du vent. Tel Murillo, ils
saisissent un instant dépassant l’allégorie, sans crainte de l’anecdote qu’il nous raconte en
nous proposant une interprétation. Les modèles, il les cherche dans les rues du Séville parmi
les gens du peuple pour rendre un réalisme mystique. C’est une leçon pour notre propre art
qui est l’union mystique de la divinité et de l’humanité.
Ce tableau du Christ à quatre pattes pour ramasser son vêtement peut choquer les gens
pieux, mais Murillo parle de l’abaissement total de Dieu. Il veut qu’on le sache et qu’on le
prenne comme modèle. L’ange montre à l’âme du croyant, figurée par un enfant des rues,
sur qui il doit se modeler.
98
Dans ses écrits en date du 31 décembre 1947, Maria Valtorta note : « La taille de Marie : si je
la compare à Jésus, à côté de qui je l’ai souvent vue, je lui donnerais 1m65 tout au plus, car
le haut de la tête de Marie atteint les épaules de Jésus. Mais elle nous paraît à nous,
hommes modernes, plus grande qu’elle ne l’est en réalité, à cause de ses vêtements qui
descendent jusqu’à terre. On sait que les longs vêtements font paraître plus grands. » De
fait, si Marie arrive au niveau des épaules de Jésus et que nous prenons comme référence le
Saint Suaire où sa taille est de 1m80, la Vierge devrait mesurer 1m55. Ce que confirment
d’autres voyants.
Elle est toute petite, elle s’abaisse, elle appartient aux Pauvres dans l’Esprit, aux anavim. Elle
nous abaisse aussi dans notre orgueil. Mais ce processus de mort à l’ego est si douloureux
qu’elle nous assiste. Et comme nous le disons souvent, elle nous « infuse » cette valeur
suprême qu’est la kénose. Elle détourne nos yeux de tout ce que nous pourrions considérer
grand en nous et elle nous fascine par sa toute petitesse. Les statues monumentales qui la
représentent en déesse tutélaire, - gardienne de la cité comme la Bonne Mère à Marseille
qui fait 11m de haut, et la Vierge du Puy qui la dépasse en taille (elle s'élève sur un piédestal
en arkose de Blavozy de 6m70 de haut et mesure elle-même 16m14, pour une circonférence
de 17m. Les pieds de la Vierge font chacun 1m92, son avant-bras 3m75, sa main 1m56 et le
pourtour de la tête de l'Enfant Jésus 4m80) – ces statues ne lui rendent hommage que parce
qu’elle est visible de loin et attire le regard et, espérons-le, le cœur des humbles vers elle.
Quand nous vivons avec Elle, nos yeux considèrent les grands de ce monde et leur gloire
comme de la paille, et nous nous mettons à admirer les humbles et à aimer les plus pauvres.
Christian Bobin a raison : Dieu n’est pas le Très-Haut, il est le Très-Bas. Celui qui aime Marie
cherche l’anonymat, la discrétion, car sa colombe vit au creux du Rocher. Saint François la
connaît intimement, c’est pourquoi il l’appelle sa Poverella, sa petite Pauvre. Il n’est pas trop
grand pour moi ce Dieu qui tient entre quatre clous.
Un jour de Noël, nous avons assisté à une apparition de la Vierge chez un ami mystique. Elle
vint avec l’Enfant-Jésus dans ses bras. Au bout d’un moment, elle se pencha vers le voyant et
il sentit sa chevelure effleurer son visage. Elle déposa l’Enfant entre ses mains qu’il approcha
de son visage et parla d’une manière enfantine (et non infantile) avec l’Enfant-Dieu. Puis
délicatement il s’approcha de nous pour nous prêter le Bébé. Avec une certaine impatience il
corrigea la position de nos bras pour que le gauche touche presque le corps. Il était si petit !
Nous ne l’avons pas vu avec les yeux de la chair, ce sera pour une autre fois, mais nous
l’avons senti presque en apesanteur, nous avons perçu sa taille minuscule. C’était Dieu livré
à un pauvre homme. Le même voyant affirme : « Quand je dis que je vois la Vierge, peut-être
que je me trompe, mais quand je dis que je vois Jésus dans les pauvres, je sais que je ne me
trompe pas. »
99
MATER DOLOROSA
Nous avons pensé qu’il était bon d’inaugurer ce chapitre sur les souffrances corédemptrices
de Marie par un témoignage que nous commenterons sur le plan théologique et théologal.
Témoignage
Je voudrais dire d’emblée que je considère la souffrance comme un mal, la souffrance des
autres d’abord qui me fait ressentir d’emblée mon impuissance à la soulager. La
souffrance des innocents d’abord, mais qui est innocent ? Qui mérite de souffrir ?
Cependant la souffrance des martyrs m’a toujours interrogé, ces gens-là semblaient la
désirer ardemment et leur visage souriant et rayonnant dans l’arène me montrait qu’il y
avait une manière de souffrir au-delà de la douleur, une souffrance transfigurée, une
souffrance qui au lieu de les abattre, les élevait et qu’une force surnaturelle leur était
donnée. J’ai pu voir, récemment des photos de martyrs de Daech où une telle lumière, un
tel bonheur était visible sur leur visage.
J’ai toujours eu peur de la souffrance comme ces gens qui disent : je n’ai pas peur de
mourir, mais j’ai peur de souffrir. Quand j’étais enfant j’aimais beaucoup écouter les
Passions de Jean-Sébastien Bach. Je ressentais la gravité et le tragique de ce que le
Christ avait souffert, mais les chorals entre les dialogues étaient empreints d’une grande
beauté faite de sérénité et de reconnaissance. J’avais une conception très esthétique de la
Passion.
Mais quand j’ai lu la vie du Padre Pio je fus révolté, pourquoi tant de souffrances chez
un homme qui revit la Passion du Christ ? J’entendis aussi parlé de Marthe Robin et
101
du Père Finet et de cette confidence qu’il avait faite : « Marthe est la femme qui a le
plus souffert au monde après la Vierge Marie. » Marie avait-elle tant souffert ? Et
pourquoi une femme de notre époque souffrait-elle autant ? La Bonne Nouvelle n’était-
elle pas une annonce joyeuse de notre libération et de notre salut ? Une parole de Paul
me demeurait elle aussi énigmatique : « D’ailleurs, selon la Loi, presque tout est purifié
par le sang, et sans effusion de sang il n’y a point de rémission » (He 9,22)
J’ai vécu une conversion profonde à Medjugorje où on est plongé dans la prière au
moins cinq heures par jour. J’ai connu une immersion dans la Gospa comme si elle
déployait en moi les grâces de mon baptême. On m’a parlé d’un livre de consécration à la
Vierge sur trente-trois jours, ce que j’ai fait tant bien que mal et peu de temps après on
m’a offert le Secret de Marie de saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Je me
rendis compte que la Vierge m’aimait vraiment et voulait me conduire plus loin. Je me
suis totalement consacré dans la foi et la confiance, je pris Marie chez moi, comme une
Mère, une fiancée et une sœur. Depuis, je me réveille avec elle et je m’endors avec elle,
je ne la quitte jamais, je veille sur elle en moi et elle me transforme. Elle me couvre de
son ombre et me remplit des lumières de l’Esprit. La première grâce que je reçus sans que
je ne fasse aucun effort c’est celle de la chasteté. Je suis d’une nature plutôt bouillante et
j’ai connu bien des combats entre mes pulsions depuis l’adolescence et mon désir d’être
saint, j’étais pris entre deux pulsions dont l’une me culpabilisait et je me sentais indigne
de progresser parce que j’étais toujours vaincu, empoisonné par mes pensées et des désirs
insensés. Lavé par la confession, je savais que j’allais recommencer. Et puis soudain,
plus aucune pensée, plus aucune imagination et mon regard sur les femmes devint un
regard d’émerveillement, je me répétais : Tu es bénie dans toutes les femmes. Cette grâce
me prouva que je n’étais pas dans l’illusion et je devais persévérer dans cette pratique
d’abandon dans le Moule de Marie.
Le film sur la Passion m’avait terriblement impressionné et indigné, il manquait quelque
chose d’essentiel. Je vis plutôt les fantasmes sanguinaires de Mel Gibson qu’une
véritable représentation de la Passion. Mais maintenant je peux constater que mon
regard sur les images de la Passion me remplit d’amour, de tendresse et de
reconnaissance. Par les yeux de Marie je vis que cette souffrance était indissociable de
l’amour et d’un amour extrême. Je commençai alors à désirer souffrir pour aimer
davantage.
102
Ce jeune chrétien syrien sourit et rayonne comme les premiers martyrs dans les cirques
romains.
103
Le dolorisme du XIXème siècle frise le blasphème, Marie ne pouvait connaître le désespoir qui
l’aurait poussée à une expression hystérique. Comment considérer que le Christ en croix de
Mel Gibson traduit une oblation d’amour ? Il se rapproche plus du retable d’Issenheim qui
est une horreur sur le plan théologique et résulte d’une projection psychologique des
malheurs d’une époque rassasiée par des visions d’horreur, de cadavres, de corps torturés
par la guerre, la peste, la faim. « On ne me prend pas ma vie, c’est moi qui la donne »
déclare Jésus (Jn 10,18). Cette offrande volontaire doit être belle, non pas esthétique, mais
belle.
La réforme des images qui s’initia au cours du Concile de Trente voulut bannir l’humanisme
qui avait contaminé l’art chrétien et il interdit de représenter la « pâmoison » de Marie au
pied de la croix. La Vierge est restée debout alors qu’un glaive lui transperçait le cœur en
même temps que la lance ouvrait le cœur de Jésus, les unissant pour toujours dans un même
mystère, noces de sang, noces d’amour donnant naissance à l’Église. Jamais la foi,
l’espérance et l’amour ne furent aussi forts en elle qu’en ce moment-là.
Sur le retable d’Issenheim, la Vierge est évanouie, en pâmoison, son visage est d’une
lividité cadavérique, tout est tétanisé, Marie-Madeleine exprime une douleur hystérique.
Le visage de Jésus est abominable. Cette œuvre évoque un art religieux d’après Auschwitz
dont nous trouvons des exemples dans nos églises aujourd’hui. C’est plus que du
dolorisme, c’est un nihilisme qui trahit la terrible beauté de la Passion. Elle annonce l’art
postmoderne, privé de Dieu, privé du sens, mais dominé par Mammon.
104
Parmi les œuvres d’art postmoderne, les plus chers au monde nous trouvons :
Ne riez pas, les artistes anticipent toujours sur le temps et ces deux « œuvres » nous parlent
comme des révélations, du devenir de l’humanité sans Dieu. Ils sont éloquents aussi sur les
valeurs de la culture actuelle qui a terriblement besoin d’être renouvelée.
105
La véritable attitude de Marie au pied de la croix nous infuse une nouvelle aptitude à
supporter la souffrance
« L’évangéliste raconte : "Au pied de la Croix se trouvait Marie" (Jn 19, 25). Sa douleur forme
un tout avec celle de son Fils. C’est une douleur pleine de foi et d’amour. La Vierge sur le
Calvaire participe à la puissance salvifique de la souffrance du Christ, unissant son "fiat" à
celui de son Fils. Chers frères et sœurs, spirituellement unis à Notre-Dame des Douleurs,
renouvelons, nous aussi, notre "oui" à Dieu qui a choisi le chemin de la Croix pour nous
sauver. Il s’agit d’un grand mystère qui continue de s’accomplir, jusqu’à la fin du monde, et
qui requiert également notre collaboration. Que Marie nous aide à prendre chaque jour
notre croix et à suivre fidèlement Jésus sur le chemin de l’obéissance, du sacrifice et de
l’amour. » (Benoît XVI - Angélus, 17 septembre 2006)
« Votre peine, Vierge sacrée, a été la plus grande qu'une pure créature ait jamais endurée ;
car toutes les cruautés que nous lisons que l'on a fait subir aux martyrs, ont été légères et
comme rien en comparaison de votre douleur. Elle a été si grande et si immense qu'elle a
crucifié toutes vos entrailles et a pénétré jusque dans les plus secrets replis de votre cœur.
Pour moi, ma très pieuse Maîtresse, je suis persuadé que vous n'auriez jamais pu en souffrir
la violence sans mourir, si l'esprit de vie de votre aimable Fils, pour lequel vous souffriez de
si grands tourments, ne vous avait soutenue et fortifiée par sa puissance infinie. » (Saint
Anselme)
« Regardez et voyez s'il y a une douleur pareille à ma douleur ? Écoutons cette lamentation
de Marie, la Vierge Mère. Contemplons cette douleur poignante et nous le verrons : il n'est
pas de douleur pareille à sa douleur, si ce n'est la douleur de ce Fils où la sienne se modèle ;
puisque, ô surprise à peine croyable, c'est une vraie compassion qui l'étreint, et que les mots
d'une langue humaine ne sauraient exprimer. Car faisant rejaillir sur soi les douleurs, les
blessures, les outrages de son Fils, elle les subissait dans sa propre personne, ressentant ce
qui se trouvait dans le Christ Jésus. En son âme, debout près du Christ, elle partageait son
martyre ; blessée de sa blessure, crucifiée au crucifix, percée du même glaive. Car son âme
fut transpercée par le glaive de la Passion du Christ. » (Saint Bonaventure)
Un des plus beaux textes sur Marie, Mater Lacrimosa, sur ses larmes, se trouve dans la
littérature française, sous la plume du fougueux Léon Bloy, que nous aimons appeler le Fou
Gueux.
« Les Larmes de la Mère des Douleurs remplissent l'Écriture et débordent sur tous les siècles.
Toutes les mères, toutes les veuves, toutes les vierges qui pleurent n'ajoutent rien à cette
effusion surabondante qui suffirait pour laver les cœurs de dix mille mondes désespérés.
Tous les blessés, tous les dénués et tous les opprimés, toute cette procession douloureuse
qui encombre les atroces chemins de la vie, tiennent à l'aise dans les plis traînants du
manteau d'azur de Notre-Dame des Sept-Douleurs. Toutes les fois que quelqu'un éclate de
pleurs, dans le milieu de la foule ou dans la solitude, c'est elle-même qui pleure, parce que
toutes les larmes lui appartiennent en sa qualité d'Impératrice de la Béatitude et de l'Amour.
Les Larmes de Marie sont le Sang même de Jésus-Christ, répandu d'une autre manière,
comme sa Compassion fut une sorte de crucifiement intérieur pour l'Humanité sainte de son
Fils. Les Larmes de Marie et le Sang de Jésus sont la double effusion d'un même cœur et l'on
peut dire que la Compassion de la Sainte Vierge était la Passion sous sa forme la plus
107
terrible. C'est ce qu'expriment ces paroles adressées à sainte Brigitte : «L'affliction du Christ
était mon affliction parce que son cœur était mon cœur ; car comme Adam et Ève ont vendu
le monde pour une seule pomme, mon Fils et moi, nous avons racheté ce monde avec un
seul Cœur. » (Léon Bloy – Les larmes de Marie)
« Il ne convenait pas non plus que Marie fût au-dessous de ce qu’exigeait la dignité de Mère
de Dieu ; aussi tandis que les apôtres ont pris la fuite, elle se tient debout au pied de la croix,
elle jette des regards pieusement attendris sur les blessures de son Fils, parce qu’elle
considère non la mort de son Fils chéri, mais le salut du monde. » (Saint Ambroise)
3. Vous êtes, ô Marie, la demeure de Dieu, et vous êtes encore, ô Marie, la porte du ciel, le
jardin des délices, la source des grâces, la gloire des anges, le salut des hommes. Vous êtes
108
l’art de la vie, l’éclat des vertus, la lumière du jour, l’espoir des malheureux, la santé des
malades, la mère des orphelins. 4. Ô Vierge des vierges, toute belle et suave, vous avez
encore dans vous, ô Marie, l’éclat de l’étoile, le charme de la rose, la beauté de l’aurore, la
douceur de la lune, la profondeur de la perle, l’éclat du soleil. (Imitation)
Tu es toute belle, Marie, et la faute originelle Tota pulchra es, Maria, et macula originalis
n'est point en toi. non est in te.
Ton vêtement est blanc comme neige, et ton Vestimentum tuum candidum quasi nix, et
visage pareil au soleil. facies tua sicut sol.
Tu es toute belle, Marie, et la faute originelle Tota pulchra es, Maria, et macula originalis
n'est point en toi. non est in te.
Toi, la gloire de Jérusalem, toi la joie d'Israël, Tu gloria Jerusalem, tu laetitia Israel, tu
toi qui es l'honneur de notre peuple. honorificentia populi nostri.
Tu es toute belle, Marie. Tota pulchra es, Maria.
La Gloire
Le vocabulaire liturgique évoque souvent la gloire. Les fêtes sont marquées par le chant du
Gloria, la conclusion du Notre Père appelée doxologie déclare : "Car c'est à toi
109
« Adonaï descendit dans la nuée, et parla à Moïse ; il prit de l'esprit qui était sur lui et le mit
sur les soixante-dix anciens. » (Nb 11,25)
« Adonaï descendit dans une nuée, se tint là auprès de lui et proclama le nom d'Adonaï. » (Ex
34,5)
Souvenons nous que la colonne de nuée se tenait soit devant le peuple soit à l'arrière pour le
protéger, ténébreuse pendant le jour et lumineuse pendant la nuit pour guider le peuple.
C'est déjà le mystère de l'Incarnation qui est prophétisé. La nuée est de l'eau puisque c'est
un nuage et la présence est du feu, deux natures apparemment contraires qui s'épousent
pour que Dieu soit Emmanuel, Dieu avec nous, au milieu de son peuple dans l'alliance des
deux natures divine et humaine.
Mais il va faire plus fort pour annoncer sa théophanie dans un tout petit enfant, dans un
anéantissement, dans une kénose. C'est ce que la théologie juive appelle le Tsimtsoum, le
retrait, le rétrécissement, concentration de tout ce qu'il est, de l'infini sous une forme de
toute petitesse. En effet, la gloire de Dieu va résider entre les deux chérubins sur l'Arche
d'Alliance. Comme le dit le poète, il n'est pas trop grand pour moi, ce Dieu qui s'est fait si
petit.
« Lorsque Moïse entrait dans la tente d'assignation pour parler avec Adonaï, il entendait la
voix qui lui parlait du haut du propitiatoire placé sur l'arche du Témoignage, entre les deux
chérubins. Et il parlait avec Adonaï. » (Nb 7, 89)
La gloire de Dieu est également personnifiée par la shekhina, son caractère féminin nous
permet de l'identifier comme l'Esprit-Saint (Esprit est féminin en hébreu) lui qui remplit tout
et qui est partout présent.
La glorification de l'homme
À la Nativité, les anges proclameront la gloire de Dieu. Elle qui remplit les cieux s'est faite
toute discrète dans la crèche. La gloire du Christ est cachée, elle ne se révèle que dans les
mystères glorieux de la Transfiguration, de la Résurrection et de l'Ascension. Le tropaire
byzantin de la Transfiguration chante : « Tu t'es manifesté, ô Christ notre Dieu, montrant à
tes disciples ta gloire autant qu'il leur était possible de la voir. » Avec la naissance de l'Eglise
les disciples du Christ sont appelés à partager sa gloire, à être glorifiés comme l'exprime
saint Paul par l'admirable formule « de gloire en gloire » qui pourrait être la devise du
chrétien, particulièrement dans les temps difficiles : « Or, le Seigneur c'est l'Esprit ; et là où
est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Nous tous qui, le visage découvert, contemplons
comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image,
de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l'Esprit. » (2Co 3,18)
La force
On trouve en hébreu un relativement grand nombre de mots pour traduire l’idée de force
qui s’appliquent d’abord à Dieu, comme Oz force rayonnante, hail apparenté au vocabulaire
militaire, la force combattante, koah et hazak force physique ou spirituelle qui se traduit par
des actes. Il nous faut bien constater que notre vocabulaire français est bien pauvre pour
111
rendre toutes ces nuances. Si la liturgie orientale a gardé l’antique invocation au Dieu Saint,
Dieu Fort, Dieu Immortel que seule une litanie du Vendredi Saint conserve dans le rite latin,
nous ne méditons guère aujourd’hui sur la force de Dieu. Serait-il un Hercule dont nous
devrions admirer les biceps ? Le vocabulaire biblique, dont l’anthropomorphisme est riche
en signification allégorique, évoque le bras de Dieu toujours prêt à sauver « à bras fort et à
main étendue ».
La force de Dieu
Le monde biblique contemple la force de Dieu dans la création. Nous pourrions parler d’une
force organisatrice, celle qui préside au big bang et qui, tel un formidable élan vital, continue
dans l’expansion du cosmos. Sans cette force divine, le monde ne pourrait tenir. De plus la
force est étrangère à l’homme naturel comme l’exprime si bien le psaume 62, car elle se
traduit par la violence et l’injustice. Le peuple d’Israël ne peut pas compter sur sa propre
force, car alors sa victoire a un goût de défaite. Quand l’homme triomphe, Dieu ne peut pas
être victorieux selon ses desseins. Cette force est créatrice et ne peut détruire.
« Oui, mon âme, confie-toi en Dieu ! Car de lui vient mon espérance. Oui, c'est lui qui est
mon rocher et mon salut, ma haute retraite, je ne chancellerai pas. Sur Dieu reposent mon
salut et ma gloire, le rocher de ma force, mon refuge, est en Dieu. En tout temps, peuples,
confiez-vous en lui, répandez vos cœurs en sa présence ! Dieu est notre refuge, -Sélah ! Oui,
vanité, les fils de l'homme ! Mensonge, les fils de l'homme ! Dans une balance ils
monteraient tous ensemble, plus légers qu'un souffle. Ne vous confiez pas dans la violence,
et ne mettez pas un vain espoir dans la rapine, quand les richesses s'accroissent, n'y attachez
pas votre cœur. Dieu a parlé une fois, deux fois j'ai entendu ceci : C'est que la force est à
Dieu. À toi aussi, Seigneur, la bonté, car tu rends à chacun selon ses œuvres. » (Ps 62, 5-12)
C’est une constante dans la Bible, que Dieu choisit ce qui est faible pour confondre ce qui est
fort afin que seule sa force paisible puisse s’exercer dans le monde et puisse porter des
fruits. Songeons au peuple d’Israël si souvent découragé par sa faiblesse et par la puissance
humaine de ses ennemis. C’est souvent au bord du désespoir et au dernier moment que se
déploie la force divine. Moïse et les enfants d’Israël, pris en tenaille entre les chars de
Pharaon et les flots de la Mer rouge, ne peuvent que s’en remettre à Dieu. Aussi chantèrent-
ils après le passage de la Mer rouge : « Le Seigneur est ma force et le sujet de mes louanges,
c'est lui qui m'a sauvé. Il est mon Dieu, je le célébrerai, Il est le Dieu de mon père, je
l'exalterai. » (Ex 15,2)
Il nous faut retenir un autre passage du livre des Nombres où l’homme biblique est
confronté à sa propre faiblesse. Moïse avait envoyé des espions en Terre promise et ils
reviennent découragés et décourageants. Certes, ils ont découvert un pays prospère où
coulent le lait et le miel, ils ont bien ramené une énorme grappe de raisin, mais le pays est
peuplé de géants !
« Les hommes qui y étaient allés avec lui, dirent : "Nous ne pouvons pas monter contre ce
peuple, car il est plus fort que nous." Et ils décrièrent devant les enfants d'Israël le pays qu'ils
avaient exploré. Ils dirent : "Le pays que nous avons parcouru pour l'explorer, est un pays qui
dévore ses habitants, tous ceux que nous y avons vus sont des hommes d'une haute taille et
112
nous y avons vu les géants, enfants d'Anak, de la race des géants, nous étions à nos yeux et
aux leurs comme des sauterelles. » (Nb 13,31-33)
Nous devrions méditer plus souvent cette page d’Écriture sainte, car elle nous parle
tellement de notre condition de croyants en proie au doute et au découragement. Nous
avons reçu des promesses, nous avons des consignes, mais il nous semble que ce que Dieu
nous demande dépasse nos capacités. « C’est un pays qui dévore ses habitants ! » que le
royaume qui nous est promis. La sanctification nous paraît impossible et les ennemis
intérieurs et extérieurs bien plus puissants que nous. Aussi sommes-nous amenés à douter
de nos forces ou plutôt du secours de la force de Celui qui nous a fait des promesses et qui a
suscité en nous des désirs de conquête. Nos ennemis sont ses ennemis et c’est lui qui les
combattra. Les fils d’Israël se ressentaient comme des sauterelles face à des géants qui
auraient pu les écraser du talon, mais ces géants ne sont que de la poussière en face du
Créateur.
La force de Marie
« Je puis tout en celui qui me rend fort »
Au terme de l’histoire biblique, une faible jeune fille s’écrie : « Il a déployé la force de son
bras, Il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses. » (Lc 1,51) La
Vierge Marie est forte comme une armée rangée en bataille parce qu’elle a mis tout son
espoir en Dieu, parce qu’elle a dit « qu’il me soit fait selon sa volonté », parce que le Christ
vit en elle et qu’elle ne compte que sur lui.
Déjà Moïse éduquant Josué ne cessait de lui répéter : « Fortifie-toi et prends courage. » A sa
suite saint Paul nous dit : « Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-
puissante. Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les
ruses du diable. Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les
dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les
esprits méchants dans les lieux célestes. C'est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu,
afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté. » (Ep
6,10-13)
Un chrétien qui contemple sa faiblesse est perdu dans le combat, il est une sauterelle face à
des puissances d’autant plus terrifiantes qu’elles sont invisibles. Il nous faut nous fortifier en
prenant conscience que le Christ est en nous et qu’il nous revêt afin de triompher dans les
épreuves et dans le combat quotidien.
Notre faiblesse humaine, au lieu de nous décourager, doit nous réjouir, car elle nous
apprend que nous ne pouvons pas compter sur nous-mêmes, mais sur Celui qui nous rend
forts. Nous pouvons dire alors avec saint Paul : « C'est pourquoi je me plais dans les
faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses,
pour Christ, car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. » (2Co 12,10)
113
XI
Parce qu’elle est la Mère de Jésus, Marie est Mère de son Corps qui est l’Église et comme
nous aimons Jésus nous devons aimer l’Église. Il y a ce que nous voyons et que nous croyons
connaître, mais il y a tellement plus. L’Église, tout comme le Corps du Christ, s’étend de la
terre au Ciel et du Ciel à la terre. Pour prendre une métaphore, nous pourrions dire que ce
que nous voyons est le pan du manteau qui traîne dans la poussière de la terre et souvent
dans la boue. Une autre image nous est donnée par la Bible : l’échelle de Jacob qui va de ta
terre au Ciel et sur laquelle montent et descendent les anges de Dieu. Or, souvenons-nous
de ce que Jésus a déclaré à ses disciples : « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le
ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l‘homme. » (Jn
1,51) Et que font ces anges ? Ils montent avec la louange et l’amour du peuple de Dieu et ils
descendent avec toutes sortes de grâces dont celles des sacrements. Ne disons-nous pas
dans la Messe en parlant de l’offrande eucharistique : « Qu’elle soit portée par ton ange en
présence de ta gloire céleste » ? On oppose une ecclésiologie descendante à une
ecclésiologie ascendante alors que les deux sont complémentaires. L’Église est un corps
vivant, un corps en mouvement.
Derrière ce que nous voyons de l’Église, il ne faut pas perdre de vue ce qui est invisible, car
c’est un mystère que nous sondons à peine.
Ce qui est infaillible est porté par des hommes faillibles et il semble bien que Jésus ait choisi
ses apôtres parmi les plus faillibles des hommes. Beaucoup de grands mystiques et de saints
furent persécutés par l’Église, mais leur amour pour ce mystère en est ressorti magnifié.
C’est d’ailleurs un critère de discernement important qui s’applique à tous les fidèles. Quand
j’étais enfant, j’avais été frappé par une phrase d’un adulte : « Quand on va à Rome, soit on
perd la foi, soit on devient un saint. » Le choix est tout fait.
La Petite Thérèse était extrêmement lucide sur les hommes d’Église quand, à quatorze ans,
elle s’est rendue à Rome, mais elle a déclaré deux choses importantes : « Je suis fille de
l’Église » et « Dans le cœur de l’Église, ma mère, je serai l’amour. »
Nous pouvons, pour fortifier notre amour de l’Église, faire nôtre cette phrase de saint Paul :
« Comme s'il voyait l'invisible, il tint ferme. » (He 11,27)
Rejeter l’Église c’est rejeter Marie, c’est désespérer d’elle qui agit comme « un principe »,
pour reprendre l’expression de Balthasar, au sein du Corps mystique du Christ. Accepter le
rôle de Marie et faire confiance à ce « principe », c’est espérer contre toute espérance dans
les temps les plus difficiles où notre cœur doit demeurer fidèle.
114
En Marie l’Église est déjà une épouse belle, sans ride ni tache
« Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre
ont disparu et la mer n’est plus. Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui
descendait du ciel, d’auprès de Dieu, comme une épouse qui s’est parée pour son époux. »
(Ap 21,1-2)
« Il a ainsi voulu se présenter cette Église à lui-même, rayonnante de beauté, sans tache, ni
ride, ni aucun défaut, mais digne de Dieu et irréprochable, il a voulu son Église sainte et
irréprochable. » (Ép 5,26-27)
La kénose de l’Église
Tous les mystiques que nous connaissons s’accordent sur une même vision prophétique
pour les temps qui viennent dans l’Église et sont en harmonie avec ce que Jésus avait dit à
Marthe Robin : « Il n’y aura plus rien… sauf des foyers d’amour et de charité qui seront les
lieux uniques de la grande résurrection. » (Nous citons de mémoire, Marthe ayant redit et
commenté cette prophétie à plusieurs prêtres qui nous l’ont rapportée). Un autre mystique
parle de buisson d’épines et de-ci de-là il restera des petits jardins où fleurira la Rose
Mystique, Rosa Mystica, comme il est dit dans le Cantique des cantiques : « Comme un lis
115
parmi des ronces, telle est ma compagne parmi les filles. » Shoshana qui a donné le prénom
Suzanne peut être traduit par rose ou par lys. (Cantique 2,2)
676. Cette imposture antichristique se dessine déjà dans le monde chaque fois que l’on
prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà
d’elle à travers le jugement eschatologique : même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté
cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme (cf. DS 3839), surtout
sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, "intrinsèquement perverse" (cf. Pie XI,
enc. "Divini Redemptoris" condamnant le "faux mysticisme" de cette "contrefaçon de la
rédemption des humbles" ; GS 20-21).
677. L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle
suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection (cf. Ap 19,1-9). Le Royaume ne
s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église (cf. Ap 13,8) selon un progrès
ascendant, mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal (cf. Ap 20,7-10)
qui fera descendre du Ciel son Épouse (cf. Ap 21,2-4). Le triomphe de Dieu sur la révolte du
mal prendra la forme du Jugement dernier (cf. Ap 20,12) après l’ultime ébranlement
cosmique de ce monde qui passe (cf. 2 P 3, 12-13). »
C’était un 15 août. Pour la jeune « convertie » que j’étais, une conversion si forte qu’elle
m’avait fait quitter maison, famille, métier et amis pour rejoindre une communauté
religieuse à l’âge de 23 ans, après une éducation culturellement chrétienne mais bien tiède,
c’était une première grande fête mariale en communauté. Occasion de réjouissance ?
116
Mais il se trouvait que quelque temps avant de rejoindre cette communauté pour me
donner tout entière à Dieu, Lui qui m’avait tant séduite et comblée de grâces sensibles
au début de ma conversion un an auparavant, était soudainement absent. D’un jour à
l’autre, le temps d’une veillée pascale, il s’était dérobé… Pire qu’absent, car je le voyais
alors comme un « soleil noir » qui me brûlait douloureusement dans un premier temps.
Une période de clair-obscur… Puis, plus rien. Plus même ce soleil noir. Il n’y avait
plus que le noir, et des raisonnements si puissants et si destructeurs que j’étais persuadée
qu’il n’y avait pas Dieu. Tout me prouvait l’absurdité et l’horreur de ce monde. Et
Marie, que j’avais tant aimée depuis mon enfance, s’était elle aussi effacée. J’avais beau
essayer de la prier, de penser à elle, de regarder une icône, rien. Ne parlons pas du
chapelet ou de la prière, qui me repoussaient alors avec force…
Mais ce 15 août, après plusieurs mois de souffrances, de chute dans un néant épais, je
rassemblai mes forces pour me rendre jusqu’à une statue de Marie qui surplombait le
lieu où je vivais. Je souffrais, j’étais si seule que je me suis dit qu’une promenade ne me
ferait pas plus de mal que de rester à me torturer dans ma chambre. Au moins, prendre
un peu d’air… Je souhaitais peut-être adoucir un peu ma peine, et je souhaitais
ardemment aller aux pieds de cette grande statue au visage si doux, Marie qui portait
un Enfant Jésus souriant. Au moins me disais-je dans mes raisonnements, des gens ont
peut-être cru en cela, je ne savais pas s’ils avaient fait semblant ou pas de croire en
Dieu, s’ils avaient inventé cette figure de vierge-mère comme on la trouve dans d’autres
traditions, mais il restait ce visage très doux de cette figure de mère représentée par cette
statue, que je pouvais aller voir même si je ne croyais pas, même si j’étais persuadée que
je ne croyais plus. Il me semblait que quelque chose m’appelait là. Tourmentée par les
discours intérieurs qui me torturaient alors, remettant en cause toute chose, désolée, je me
mis en chemin vers Elle.
Je me suis assise devant cette grande statue, regardant vers la nature. Soudain, je me
suis sentie comme enveloppée de la présence d’une mère. J’avais clairement la sensation
qu’un voile m’enveloppait. Une douceur indicible. Mais ce n’était qu’un début. Car
alors, j’ai senti descendre en moi une force d’amour si puissante que j’ai eu la sensation
d’être terrassée. Plus aucune conscience du temps, de l’espace… je sentis en moi comme
un mouvement de danse circulaire, je sentais l’amour brûlant du Père qui regardait en
117
moi le visage embrasé du Fils, et entre eux, comme un tourbillon de feu et d’amour
tournoyant sans cesse de l’un à l’autre, du Père au Fils et du Fils au Père… Je n’ai
aucune idée de la durée de cette visite. Je sais juste que je me suis réveillée, douloureuse,
sentant encore cette sorte de voile doux, cette présence maternelle si consolante. Puis cela
aussi s’est évanoui, d’un coup. Et il n’est plus rien resté. Je suis retombée dans l’état qui
m’habitait alors, mais ce souvenir si fort, cette expérience m’a accompagnée les quelques
années qui ont suivi, jusqu’à ce qu’un soir de Pâques, j’aie de nouveau basculé de l’autre
« côté ».
Bien des années plus tard, cette visite m’interroge toujours, je ne sais pas dire ce que
j’ai vécu : mais j’y repense sans cesse lorsque j’entends dire de Marie qu’elle est
« médiatrice », lorsque j’entends que Marie est là pour nous conduire à Dieu, à son
Fils. Pas à elle, mais à Dieu. Si j’avance dans la foi, je sais qu’Elle me conduit à la
Rencontre, à l’union divine, à cet Amour qui m’a saisie, mais que je suis trop faible
pour étreindre. Et je peux comprendre les paroles de Thérèse de Lisieux qui dit que le
trésor de la mère appartient à l’enfant que je suis…
O Mère bien-aimée, malgré ma petitesse
Comme toi je possède en moi Le Tout-Puissant
Mais je ne tremble pas en voyant ma faiblesse :
Le trésor de la mère appartient à l’enfant
Et je suis ton enfant, ô ma Mère chérie_
118
119
XIII
La seconde condition sine qua non, c’est de tomber amoureux de Marie si ce n’est déjà fait !
Amoureux au point de penser tout le temps à elle, d’être le plus heureux du monde quand
on ressent sa présence et qu’elle nous manque terriblement quand elle paraît absente. Que
comme la fiancée du Cantique nous la recherchions partout en regardant des images, en
lisant des textes qui parlent d’elle comme si nous relisions des lettres d’amour.
Pour aimer vraiment quelqu’un, nous avons besoin de l’admirer au sens étymologique du
terme, porter à elle notre regard pour voir à quel point elle est belle. On devra méditer sur
tout ce qui fait sa beauté physique et intérieure, les deux étant indissociables. Quand on
tombe amoureux sur le plan humain, on trouve que l’autre à toutes les qualités, car l’amour
rend aveugle sur les imperfections de l’être aimé, on se dit ‘comment ça a pu m’arriver à
moi, elle est la femme de ma vie’, jusqu’au jour où vient le désamour et on est désenchanté,
on n’est plus sous le charme. Cela ne risque pas d’arriver avec Marie, car l’aimer nous rend
de plus en plus lucides sur ses perfections. « La femme parfaite qui l’a trouvera ? » (Pr 31,10)
Nous l’avons trouvée. Lisons et relisons les livres – en général anciens – qui parlent de ses
gloires, de ses vertus, de son rôle dans le dessein divin. Et plus on la découvre et plus il nous
reste à découvrir de ses qualités intérieures. Un ami qui voit la Vierge depuis quarante ans,
redit à chaque apparition : « Que tu es belle, tu es chaque fois plus belle ! »
120
Nous pouvons écrire nous-mêmes un poème que nous pourrions appeler : « Oh ! je voudrais
chanter Marie pourquoi je t’aime… » Et à ce poème, nous y ajouterions des strophes ou des
vers quand ils nous viendront. Attention ! pas de plagiat, pas du convenu, que du vécu ! Pas
de langage pieux, mais le langage qui sort du cœur et qui est unique pour chacun !
Chaque jour, essayons de trouver du temps pour la contempler et pour nous abandonner à
son amour. Il sera nécessaire de faire des sacrifices, car l’homme d’aujourd’hui prétend qu’il
n’a plus de temps à lui. Le temps, il faut le prendre en renonçant à surfer bêtement sur le
net, en s’informant des nouvelles plusieurs fois par jour. On peut sacrifier le journal télévisé
en lisant rapidement les infos une fois par jour sur son téléphone, par exemple. On peut
renoncer au film du soir et aux séries télé qui nous scotchent comme du papier tue-mouche.
De toute façon, l’expérience est là pour dire que quand nous vivons en Marie nous nous
détachons naturellement de l’audiovisuel qui nous vampirise les sens et l’âme. Au cours de
la journée, revenons à elle ne serait-ce qu’une minute de temps en temps et pendant cette
minute ressentons le profond bonheur que cela nous procure. Quelqu’un nous disait - un
séminariste - que c’était impossible de penser à Dieu tout le temps. L’expérience prouve le
contraire, car la vie divine est devenue non pas une seconde nature, mais notre vraie nature.
On peut bien sûr avoir des loisirs, mais très vite comme un jeune amoureux on se rend
compte que ces distractions ne nous distraient pas vraiment. Nous pensons quelquefois :
qu’est-ce qui me ferait bien plaisir ? La société nous impose cette question malgré nous.
Nous cherchons une réponse et nous ne la trouvons pas ou plus. J’ai tout ce qu’il me faut.
Un troisième point est important, c’est l’abandon, le lâcher-prise, comme on dit aujourd’hui.
« L’abandon est le fruit délicieux de l’amour » chante la Petite Thérèse. Quand on se sait
aimé d’une manière indéfectible on se sent en sécurité et on se laisse faire dans une
confiance totale. Et là nous arrivons à un point important.
Être prêt à vivre ses absences. Il avait bien de la chance, Grignion de Montfort, quand il
affirmait qu’il avait en permanence la présence de Jésus et de Marie. En réalité, dans la
plupart des cas nous allons constater que Marie en tant que mère, est une éducatrice. Elle
veut notre bien. Et si les vertus nous sont infuses dans une union parfaite, elles doivent
grandir comme elles ont grandi en elle lors de sa vie terrestre. L’ami dont nous venons de
parler connaît parfois des temps assez longs où la Vierge ne lui apparaît plus… sans préavis
et il en souffre beaucoup. Nous devions faire ensemble un voyage en Israël pendant une de
ces périodes d’absence et il a renoncé à se joindre à nous, disant : je ne pourrais pas voir les
lieux où elle a vécu sans elle.
« Bienheureuse celle qui a cru ! » Et les sécheresses font partie des temps où nous devons
grandir dans la foi et l’espérance. Cet ami disait : elle m’apprend une autre notion du temps
et donc la patience, un jour elle m’a dit : « Je reviens demain » et elle revenue un an plus
tard, jour pour jour. La patience dans les épreuves est une qualité qui nous rend capables
d’offrir sereinement nos souffrances. Attendez-vous à ces périodes où l’amour est moins
sensible. Profitez-en pour mettre en pratique, en mouvement, tout ce qu’elle vous a donné
dans une charité plus active. Nous ne cherchons pas la sainteté pour être canonisés un jour,
mais pour faire plaisir à Dieu en collaborant à son œuvre de salut du monde. De plus, la
Vierge observe les temps liturgiques et l’expérience de chacun dans ce domaine est
différente : soit sa présence se fera plus forte pour que nous vivions plus intensément les
évènements que nous célébrons, soit elle nous laissera nous emparer par nous-mêmes, faire
nôtres les temps liturgiques comme le carême.
121
Témoignage
J’avais toujours le même scrupule au moment de me confesser, je savais que j’allais avoir
à dire l’acte de contrition et que je n’arriverais pas à le dire sincèrement : « Mon Dieu,
j'ai un très grand regret de vous avoir offensé, parce que vous êtes infiniment bon,
infiniment aimable et que le péché vous déplaît. Je prends la ferme résolution avec le
secours de votre sainte grâce de ne plus vous offenser et de faire pénitence. » J’analysais
les mots et j’étais d’accord avec eux, mais ce très grand regret je ne l’éprouvais pas
vraiment. Cette fameuse contrition ne venait pas et je n’arrivais pas à la provoquer,
j’avais l’impression d’être hypocrite et je retardais le moment de me confesser. J’oubliais
les fautes que j’avais commises, d’ailleurs je les relativisais et je me disais : Dieu m’a
déjà pardonné. Je n’arrivais pas non plus à voir clairement les fautes, heureusement qu’il
y avait le péché par omission, parce que j’avais le malheur de ne pas connaître la nature
de mes fautes. Je n’allais pas saouler le prêtre par le récit de mes mauvaises pensées au
risque de les lui refiler. Et puis je me suis consacré à Marie et j’ai commencé à sentir sa
présence qui a peu à peu grandi en moi. Un jour, alors que j’avais eu des pensées
mauvaises et agréables et que je m’y étais laissé aller avec complaisance quand je me mis
à prier la Sainte Vierge et que je ressentis sa Présence, je me sentis profondément
honteux. Je sentais qu’elle souriait, elle ne me faisait pas de reproche, mais elle prenait
ma défense en adoptant mon propre langage comme un avocat qui plaide l’innocence de
son client alors qu’il sait qu’il est coupable. «… Mais ce n’est rien, tu n’es qu’un
homme, un pécheur et je suis le refuge des pécheurs. » Pourtant je ressentais de plus en
plus que mon péché était grave parce que j’étais comme une tache sur sa Présence
immaculée et après un temps de confusion où je protestais en disant « je ne suis pas
digne de te recevoir », j’atteignis la contrition, le chant des larmes. Oui, j’avais un grand
regret, un terrible regret d’avoir offensé Dieu et je ne voulais plus jamais l’offenser.
122
L’union mystique à Marie est une dévotion affective. Pour être effective, elle doit être
affective. En cela elle est très proche de la ‘prière du cœur’ orthodoxe. Il est nécessaire de
comprimer son cœur et de ressentir des mouvements d’amour sensible. Elle est
monologique, c’est-à-dire qu’elle ne consiste pas en de nombreuses paroles, mais dans une
constante déclaration d’amour. On pourra aussi lui dire ces perfections et ses gloires, sa
beauté, mais les paroles peuvent devenir superflues, car sa présence est une effusion qui
conduit aux larmes et à la joie. Elle peut aussi suspendre en nous toute pensée, nous serons
alors dans un seul regard, dans une pure communion. On peut s’endormir dans cet état et se
réveiller de la même manière, le cœur rempli d’amour pour Marie. L’Esprit agit en nous
selon son bon plaisir, parfois par des soupirs et des gémissements inexprimables, parfois en
éveillant en nous le désir de regarder des images de la Passion, de voir par les yeux de Marie
le corps de son Fils et de ressentir ce qu’elle a ressenti. Parfois encore, elle nous conduira à
un amour qu’elle porte sur l’humanité et notre cœur enverra des vagues d’amour sur le
monde, sur tous les hommes, sur nos proches, sur nos amis et sur nos ennemis. Nous
pleurerons avec elle, nous nous réjouirons avec elle dans une douloureuse joie.
Nous pourrons également réciter le chapelet comme elle nous le demande, bien que cette
pratique puisse devenir impossible puisqu’à prononcer le nom de Marie notre âme peut
« s’envoler », tout comme en prononçant le nom de Jésus. Et les deux sont présents dans le
« Réjouis-toi ». Il faut également prévenir celui qui s’engage dans cette voie que le cœur
peut devenir extrêmement douloureux, à la limite du supportable. Ne craignons pas un
infarctus (!), mais souvenons-nous que Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils
unique. Nous n’adhérons pas à la théologie qui veut que Dieu soit impassible, car tout ce qui
arrive au Fils affecte le Père, qui est amour et miséricorde. Il faut aimer jusqu’à la déchirure
du cœur, jusqu’au transpercement de notre cœur uni au Cœur de Jésus et Marie, lesquels ne
sont qu’un seul Cœur comme l’a enseigné saint Jean-Eudes.
Partout où nous allons, c’est avec Marie, mais plus intensément à la messe. Nous l’avons dit,
nous partageons sa dévotion eucharistique. Ne méprisons surtout pas la messe pour des
motifs superficiels. Marie assiste à chaque messe en revivant la Passion de son Fils. En
faisant mémoire, ce n’est pas un souvenir ancien qui est ravivé, c’est une réactivation d’une
seule et unique mémoire qui dure dans le temps. Elle était présente au sacrifice de son Fils
et il dure jusqu’à la fin des temps.
Même dans l’église la plus misérable, où le prêtre ne vient qu’une fois par mois, où le
ménage n’est pas fait ou mal fait par quelques personnes âges, disons dans un lieu de culte
qui ne peut pas être plus misérable que la crèche. Dans la liturgie orthodoxe, on dit :
« Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous le toit misérable de mon âme. » Mais
comme l’armée céleste a rempli le ciel de ses chants et de ses acclamations, de même la
chapelle ou l’église se remplit de milliers d’anges. Comme il est écrit : « Là où se trouve le
corps, là aussi sont les vautours », nous pouvons dire : « Là où se trouve le Corps du Christ
s’attroupent les anges. » Il y a une catégorie d’anges qui veillent à la liturgie et qui réparent
ce qui pourrait faire défaut dans la façon de célébrer. La ‘Messe des Anges’ est le chant
grégorien le plus populaire au monde 13. Le prêtre peut chanter faux comme une casserole,
Dieu entend juste, à cause du ministère des anges. Avec une amie qui a un esprit critique,
nous avons assisté à une messe de village. Elle trépignait sur place tant le prêtre était
13
https://www.youtube.com/watch?v=26EU8C1yamg&list=PLb1v98UJE8MAhU19wo0X9e_ODSJW0YGwg
123
maladroit et peu cultivé, ce qui ne l’empêchait pas de parler haut et fort, surtout pendant
l’homélie qui ne voulait pas dire grand-chose. On atteignit le comble au moment de la
consécration et de l’élévation, le prêtre se montrait emphatique et théâtral. Notre voisine se
retourna vers nous pour lâcher : « Ah ! Non ! » Nous lui avons simplement dit que Dieu était
très humble pour se livrer aux mains des hommes. Les prêtres ont eux aussi besoin de la
miséricorde.
Il y a deux options pour la liturgie comme pour la vie mystique. L’une est dépouillée et
l’autre baroque, Jean de la Croix ou Thérèse d’Avila. Dès le quatrième siècle, on passe de
l’église domestique, sur le modèle synagogal, à la basilique (du grec basileus, l’empereur). La
Maison-Dieu cherche à être une anticipation de la liturgie céleste. L’Église est recouverte de
mosaïques, les anges et les saints sont partout présents et l’utilisation de tesselles d’or doit
manifester la gloire. Le chant est d’une ravissante - au sens étymologique du terme : qui
provoque le ravissement - beauté. La polyphonie byzantine, où la mélodie s’adresse à l’âme
et le rythme au corps, fait vibrer les aigus figurant les voix célestes et les basses profondes
pénètrent jusqu’aux racines de l’être. Une vieille religieuse qui n’avait jamais quitté son
couvent eut l’occasion d’écouter à la radio la liturgie de saint Jean Chrysostome, chantée en
slavon. « J’étais au ciel » nous confia-t-elle. C’est le but recherché. On peut vivre quelque
chose d’approchant en assistant à une grand-messe à Saint-Pierre de Rome. Décor,
architecture et qualité du chant contribuent pour élever l’âme jusqu’au Ciel. Cluny a été
conçu sur ce concept. Il fallait que l’homme du peuple pénétrant dans cette abbatiale,
surtout pendant un office, rencontre Dieu dans sa beauté et dans sa gloire. Mais saint
Bernard, contre Suger, s’insurgea contre le caractère non évangélique de cette forme de
liturgie qui faisait étalage de luxe et qui avait de quoi scandaliser ceux pour qui les pauvres
sont la priorité. La réforme cistercienne prôna le dépouillement et la sobriété. Autre forme
de la beauté, minimaliste qui invite au recueillement et à la contemplation. Nous avons tous,
un jour ou l’autre, connu l’éblouissement esthétique que procure une église romane.
Dieu dans son immense majesté ou Dieu pauvre, les deux ne sont pas incompatibles et la
messe de Paul VI devrait le permettre. Malheureusement, la réforme liturgique a entraîné
des abus où la pauvreté s’est changée en misère, où le mystère a été évacué. Une liturgie
pauvre ou riche doit rester belle.
Quoiqu’il en soi, c’est notre attitude intérieure qui compte. Notre vie mystique doit anticiper
la messe et la prolonger. Quitte à nous répéter, nous citerons cette sublime parole de
Marthe Robin qui parle de ce qu’elle connaît : « Toute vie est une messe et toute âme est
une hostie. » Alors, si c’est ce que nous vivons, la messe la plus misérable deviendra le
paradis et le plus grand des miracles qui soit, qui toujours nous émerveillera.
124
Surtout, n’ayons pas peur du saint égoïsme ! Car il se peut que ce scrupule vous prenne,
c’est un piège du démon, un de ses mensonges. Se laisser sanctifier est la plus grande œuvre
que nous pourrons accomplir dans cette vie. Dans la vie mystique, personne ne vit pour lui-
même, ou alors il est dans l’illusion. C’est dans l’amour que nous recherchons de toutes nos
forces que réside le véritable altruisme, pas dans l’illusion humaniste de se mettre au service
d’une cause. Agir dans une œuvre charitable doit être un débordement. Le plus grand
service que l’on peut rendre à l’humanité, c’est de trouver le vrai bonheur et d’en rayonner.
Tout témoignage qui ne repose pas sur cette réalité est voué à l’échec.
125
Prions avec Saint Éphrem le Syrien (306-373), Docteur de l’Église, premier mariologue,
appelé la Harpe du Saint-Esprit.
« Ô Souveraine Mère de Dieu qui enfantas le Christ Dieu notre Sauveur »
« Vierge Souveraine, Génitrice de Dieu, Salut de la famille unie des chrétiens, tu ne cesses de
jeter sur nous le regard d’une tendre Mère. Tu nous aimes comme si nous étions tes enfants,
toujours disposée à nous chérir. Tu répands sur nous d’ineffables bienfaits : tu nous protèges
et tu nous sauves. Veillant sur nous avec sollicitude, tu nous délivres du danger des
tentations et de la multitude des pécheurs qui nous environnent. Pleins de reconnaissance,
nous te remercions, nous célébrons ta munificence, nous publions tes bienfaits, nous
chantons à haute voix tes merveilles, nous louons ta sollicitude, ta prévoyance. Nous élevons
dans nos hymnes ta puissance tutélaire, nous immortalisons ton inépuisable miséricorde. Les
bienfaits que tu as répandus sur nous par le passé sont gravés dans notre mémoire, et nous
nous souvenons à quels dangers imminents tu nous as arrachés. Nous t’adressons ce
cantique de grâces, comme une dette que nous acquittons, cantique toujours au-dessous de
tes bienfaits. Eh ! Quelle voix pourrait les célébrer dignement ? Cependant, nous prenons
courage, nous implorons humblement ta miséricorde, pour que tu entendes les cris de
détresse de tes serviteurs. Dépose notre demande aux pieds de ce Dieu que tu as engendré,
pour qu’Il nous sauve de la damnation éternelle et que nous puissions louer le Nom trois fois
saint du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et aujourd’hui et dans l’éternité des siècles. Tu vois,
ô Très Sainte Souveraine, Enfantrice de Dieu, tu vois tous les pièges dont nous enveloppe
l’esprit malin, l’esprit impur. Vois toutes les passions criminelles qu’il éveille en nous, et dont
il nous enlace comme d’un réseau. Apparais et ne repousse point notre prière. Pourquoi
détourner ton visage et oublier notre faiblesse ? Écarte les embûches du démon qui nous
tente, sois notre asile dans cette guerre, apaise par ton intercession bienfaisante la colère
divine que nos égarements ont excitée. Ajoute ce nouveau bienfait à tant d’autres, et nous
célébrerons dans nos cantiques ton nom, celui de ton Fils et notre Dieu qui, de même que
son Père, est sans commencement. Souveraine Mère de Dieu qui enfantas le Christ Dieu
notre Sauveur, je place toute mon espérance en toi qui es au-dessus de toutes les puissances
du ciel. Ô Vierge, emblème de la pureté, fortifie-moi de ta sainte grâce ; dans cette vie, sois
mon guide, conduis-moi selon la volonté de ton auguste Fils notre Dieu. Obtiens-moi la
rémission de mes péchés, sois mon refuge, ma protection, ma délivrance, sois la main qui
126
Vous voulez réussir votre vie et cela, quel que soit votre âge ?
La réussite la plus glorieuse vous attend.
Vous voulez posséder de grands biens, venez vous servir à pleine main et bientôt vous
posséderez la terre.
Vous rêvez d’un amour profond et durable, totalement partagé sans l’ombre d’une jalousie
ou d’un soupçon
Avec la plus belle Femme du Monde.
Elle vous attend.
Elle a amassé des trésors de tendresse et de bonheur, car depuis longtemps elle pense à
vous sans jamais oser vous demander de l’épouser, car elle est discrète et patiente.
Vous rêvez d’un épanouissement humain, elle est la reine d’une humanité nouvelle et
s’occupera de votre développement personnel.
Vous pouvez rêver d’une sublime harmonie d’une mélodie qui vous perce l’âme et le cœur à
en défaillir.
Vous pouvez rêver d’un repos et d’une totale absence de souci
Dans la lumière dorée d’un soleil sans couchant.
Vous rêvez de découvrir des régions inconnues,
De contempler des paysages de rêves aux couleurs que vous n’avez encore jamais vues
Car les couleurs sont filles de la lumière.
Le soleil que je vous propose engendre des couleurs qu’aucun peintre n’a pu rendre.
(La citation intégrale est la suivante : « Ce que la Sainte Vierge a de plus que nous, c’est qu’elle ne pouvait pas pécher,
qu’elle était exempte de la tache originelle ; mais d’autre part, elle a eu bien moins de chance que nous, puisqu’elle n’a
pas eu de Sainte Vierge à aimer ; et c’est une telle douceur de plus pour nous, et une telle douceur de moins pour elle
! »)