100% ont trouvé ce document utile (4 votes)
758 vues62 pages

Dictionnaire de La Franc-Maçonnerie Et Des Francs-Maçons

Transféré par

Hades Éditions
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
100% ont trouvé ce document utile (4 votes)
758 vues62 pages

Dictionnaire de La Franc-Maçonnerie Et Des Francs-Maçons

Transféré par

Hades Éditions
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 62

DICTIONNAIRE

DE LA FRANC-MAÇONNERIE
ET DES FRANCS-MAÇONS
DU MÊME AUTEUR

Les conceptions du crime politique sous la République romaine, Sirey, 1934.


Le chantage dans les mœurs modernes et devant la loi. Préface de Maurice Garçon, de
l'Académie française, Sirey, 1937.
La torture. Son histoire. Son abolition. Sa réapparition au XX siècle, Marne, 1949, 2 éd.
Ouvrage couronné par l'Académie française. (Traduit en espagnol et en catalan.)
Les grands problèmes contemporains de l'instruction criminelle, éd. Monchrestien, 1952.
(Suite de l'ouvrage précédent.)
« L'astronautique et le droit », étude parue dans la Revue générale de l'Air, 1955, n° 4.
Trois affaires de chantage, Del Duca, 1957. Prix du Palais littéraire, 1958.
La pratique du procès pénal, Delmas, 1958.
Le problème des guérisseurs, étude historique et critique, 1958, chez l'auteur. Ouvrage
couronné par l'Académie française.
Les contraventions et le tribunal de police après la réforme judiciaire, Librairie du Journal
des Notaires et des Avocats, 1959.
Nos frères séparés, les francs-maçons, Marne, 1961. Ouvrage couronné par l'Académie
française. (Traduit en italien, en allemand, en espagnol et en anglais.)
La franc-maçonnerie à l'heure du choix, Marne, 1963. (Traduit en allemand.)
La charte inconnue de la franc-maçonnerie chrétienne, Marne, 1965. (Traduit en alle-
mand.)
Histoire de l'anticléricalisme français, Marne, 1966. Veyrier, 1978. Ouvrage couronné par
l'Académie française. (Traduit en espagnol.)
Catholiques d'aujourd'hui et sciences occultes, Marne, 1968, éd. « S.O.S. », 1979. (Traduit
en espagnol.)
Lord Chesterfield et son temps, Marne, 1970.
Je dénonce la torture !, Marne, 1972.
La vie quotidienne de la franc-maçonnerie française du XVIII siècle à nos jours, Hachette-
Littérature, 1973.
Les mythes maçonniques, essai maçonnologique, Payot, 1974.
La fabuleuse aventure du téléphone, Montparnasse Éditions, 1975.
Les grands problèmes de la franc-maçonnerie aujourd'hui, Belfond, 1976.
Hypnose ou le double voyage, Lauzeray International, 1977.
La grande loge nationale française, histoire de la franc-maçonnerie régulière, Belfond,
1980.
Histoire des scandales maçonniques, Belfond, 1982.
ALEC MELLOR

DICTIONNAIRE
DE LA FRANC-MAÇONNERIE
ET DES FRANCS-MAÇONS

belfond
12, avenue d'Italie
75013 Paris
Si vous souhaitez recevoir notre catalogue
et être tenu au courant de nos publications,
vous pouvez consulter notre site Internet :
www.belfond.fr
ou envoyer vos nom et adresse
aux Editions Belfond,
12, avenue d'Italie, 75013 Paris.
Et, pour le Canada,
à Interforum Canada Inc.,
1050, bd René-Lévesque-Est,
Bureau 100,
Montréal, Québec, H2L 2L6.

ISBN : 2-7144-4158-0

© Belfond 1971-1979 ; 2005 pour la présente édition.


PRÉFACE À LA NOUVELLE ÉDITION

Depuis la parution du Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie et des francs-maçons


d'Alec Mellor, rédigé entre 1971 et 1979, de nombreux ouvrages sur la Franc-Maçonne-
rie ont vu le jour, et les grands hebdomadaires, exploitant la fascination qu'elle suscite
- y compris chez ses détracteurs -, consacrent à peu près une fois par an un numéro à
la Franc-Maçonnerie en général, ou à une obédience en particulier. L'accent y est mis
sur ce qui peut intriguer et attirer le lecteur : le mystère, les affaires, le rôle politique - la
réalité de la Franc-Maçonnerie et de l'initiation maçonnique passant souvent au second
plan. C'est cette réalité qu'explore Alec Mellor : avec la rigueur intellectuelle qui fut la
sienne, il présente, faisant œuvre d'historien, une vue d'ensemble de la Franc-Maçon-
nerie, qu'il situe dans son contexte historique et social. Il s'attache également à élucider
les mystères du symbolisme maçonnique, dont il retrace les origines et étudie la signifi-
cation philosophique, ce qui le conduit à présenter les personnages célèbres qui se sont
inspirés des enseignements maçonniques dans leur action politique, comme Cambacé-
rès et Gambetta, leur activité scientifique comme Montgolfier, leur création artistique
comme Mozart ou Hugo Pratt.
Publié voici trente-cinq ans, le dictionnaire d'Alec Mellor présentait nécessairement
une approche datée quant au nombre et à l' importance des obédiences françaises, et
son optique était tributaire du paysage maçonnique de l 'époque, particulièrement en ce
qui concerne les rapports entre la Franc-Maçonnerie dite régulière de la Grande Loge
Nationale Française, dont il était membre, et les autres obédiences qu 'elle ne reconnais-
sait pas, condition nécessaire pour maintenir ses liens avec la Grande Loge Unie d 'Angle-
terre. Depuis 1971, ces relations, qui ont connu des moments de grande tension, ont
évolué, même si officiellement la Grande Loge Nationale Française ne reconnaît toujours
pas en France les autres obédiences, les considérant toutes comme irrégulières. Par
exemple, dans le souci commun à toutes les obédiences d'éviter l'entrée de brebis
galeuses en leur sein, se sont instaurés des échanges de fichiers. Les relations avec le
Grand Orient de France, les plus problématiques, se sont apaisées après une succession
de remous qui remontent à la date de création de la Grande Loge Nationale Française
en 1913. À l'époque, dans un contexte passionnel dû au fossé grandissant entre d une
part les artisans de l'application de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, et d'autre
part les catholiques que Pie X incitait à la résistance, un certain nombre de Frères du
Grand Orient n'acceptaient pas l'engagement laïque et anticlérical du Grand Orient. La
Grande Loge Nationale Française adopta l'attitude inverse de celle du Grand Orient de
France, qui lors de son convent de 1877 rendit facultative l'invocation au Grand Archi-
tecte de l'Univers et abolit l'obligation de croire en Dieu : elle rétablit l'obligation de la
croyance en Dieu et en l'immortalité de l'âme.
Aujourd'hui, la tension entre les deux obédiences, due au conflit religieux du début
du siècle, est retombée, même si chacune reste sur ses positions de principe. Car les
rapports entre les obédiences sont également tributaires à la fois du contexte politique
et de la qualité de la relation personnelle entre les Grands Maîtres, les deux étant sou-
vent liés. Aussi longtemps que le Parti socialiste était porteur d'une idéologie de rupture
avec le capitalisme, le G.O.D.F., fortement influencé par celui-ci et porteur de valeurs
laïques et républicaines, et la G.L.N.F., d'inspiration religieuse et libérale, ne pouvaient
guère nouer de relations de facto – la relation de jure étant impossible du fait de l'exclu-
sivité de la Grande Loge Unie d'Angleterre. Le fossé, aujourd'hui, est largement comblé
puisqu'un relatif consensus s'est réalisé autour des principes économiques libéraux. En
outre, la Grande Loge Nationale Française, contrairement à ce qu'espéraient certains de
ses responsables, n'a pas obtenu pour elle-même la levée de l'excommunication dans
laquelle l'Église catholique englobe tous les francs-maçons, comme le rappelle un
décret de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de 1983, contresigné par le pape
Jean-Paul II. Le dialogue se renoue donc officieusement et les frontières sont moins
imperméables : le G.O.D.F. a même admis en son sein le Rite d'York, typiquement
anglo-saxon, dans sa variante Émulation.
Le paysage de la Franc-Maçonnerie française, reconstituée non sans difficultés après
la Seconde Guerre mondiale, s'est également modifié depuis la parution de l'ouvrage
d'Alec Mellor. Des obédiences sont montées en puissance, comme le Droit Humain qui,
en 1970, comptait quatre mille membres et est aujourd'hui constitué de quatre cent cin-
quante loges et de treize mille cinq cents membres, dont les deux tiers sont des femmes.
D'une scission avec le Droit Humain est née la Grande Loge Mixte Universelle en 1973,
qui compte quelque mille membres et se pose, comme le Grand Orient de France, en
défenseur de la laïcité et de la liberté absolue de conscience, travaillant au Rite Français
dit Groussier. De la Grande Loge Mixte Universelle est issue, en 1982, la Grande Loge
Mixte de France, qui se situe dans la continuité de celle, éponyme, créée en 1913 et qui
ne survécut pas à la Grande Guerre ; forte de plus de mille trois cents membres, elle
admet différents rites, tout en conservant le positionnement idéologique de la Grande
Loge Mixte Universelle.
À côté des obédiences qui se sont créées, d'autres se sont affirmées, comme la
Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra, anciennement Grande Loge Natio-
nale Française Opéra, issue d'une scission en 1958 avec la Grande Loge Nationale Fran-
çaise et constituée de Frères qui n'acceptaient pas le refus de cette dernière de
reconnaître les autres obédiences. La Grande Loge Féminine continue, elle, sa progres-
sion, ainsi que la Grande Loge de France.
Les différentes obédiences ont aujourd'hui renoncé au secret, le traumatisme de
Vichy appartenant au passé. Elles se présentent désormais comme des sociétés non pas
secrètes, mais discrètes. Elles s'expriment publiquement par la voix de leurs représen-
tants; de nombreuses loges organisent des tenues blanches, où sont invités des non-
maçons.
Le moment est donc venu de mettre à la disposition de tous le monument d'huma-
nisme maçonnique que constitue ce dictionnaire, et de permettre tant aux initiés
qu 'aux non-initiés de lire un excellent ouvrage que nous nous sommes contentés de
réactualiser sur certains points d'histoire, tout en préservant l'esprit de l'œuvre initiale.
Car par-delà les évolutions, les principes sur lesquels les membres des diverses obédien-
ces se fondent, les symboles qui sont le socle de leur travail de réflexion, leur façon de
concilier rites initiatiques et esprit républicain, rationalisme et ésotérisme relèvent
d 'une démarche philosophique permanente dont Alec Mellor reste un indispensable
représentant.
Et je remercie ici la fille de l'auteur, le Pr. Sophie de Mijolla-Mellor, pour sa relecture
de l'ouvrage comportant les quelques ajouts qu'il nous a semblé nécessaire de faire
pour lui conserver son actualité.
Le traitement médiatique de la Franc-Maçonnerie, la façon dont est soulignée l'éven-
tuelle appartenance maçonnique de gens qui enfreignent les lois, alors que toute autre
appartenance est soit ignorée soit passée sous silence, rendent l'accès à ce dictionnaire
primordial pour ceux que fascine ou simplement intrigue la démarche maçonnique, et
qui veulent aller plus loin que l'image convenue que distillent les médias. Ils y trouve-
ront les outils pour une plus grande compréhension. Car si les divergences d'apprécia-
tion entre les francs-maçons et les franc-maçonnes, voire leurs oppositions, présentent
des aspects conjoncturels, et donc historiquement datés, elles n'en reflètent pas moins
une démarche de l'esprit humain en quête d'amélioration, insatisfait de sa condition et
qui aspire à réaliser l'œuvre du huitième jour en améliorant l'homme, ce qui est aussi
un moyen d'améliorer la société. Les obédiences ne divergent guère que sur le degré
d'implication dont elles doivent faire preuve en tant que telles dans la vie de la cité.
C'est là le fondement de la fraternité maçonnique ; c'est ce qui fait de la Franc-
Maçonnerie un humanisme. En nos temps de grands bouleversements économiques,
politiques et sociaux, n'est-ce pas d'un nouvel humanisme que nos sociétés ont juste-
ment besoin ?
Coralie Andrau-Fournier
PRINCIPALES DATES DE

XIII siècle Album de Villard de Honnecourt.

1376 Date de la plus ancienne mention connue du mot Free mason (Franc-
maçon) dans un document historique.

1390 (env.) Poème maçonnique du Regius.

1425 Manuscrit Cooke.

1599 Date du plus ancien procès-verbal de loge connu.

1634 Premier procès-verbal mentionnant la présence d'un maçon non opératif


en loge.

1677 Première mention d'une charte donnée à une loge.

1717 Fondation de la première Grande Loge d'Angleterre. Naissance officielle de


la maçonnerie moderne.

1723 Constitutions d'Anderson.

1726 Apparition des premières loges françaises (dont la loge Saint-Thomas).

1727 Apparition du grade de maître.

1732 Fondation de l'Anglaise 204 à Bordeaux.

1735 Les Devoirs enjoints aux maçons libres.

1737 Discours de Ramsay.

1738 Deuxième édition des Constitutions d'Anderson.

Bulle In eminenti de Clément XII qui prône l'excommunication des


francs-maçons.

1750 Première trace documentaire du Rite Écossais.

1751 Fondation de la Grande Loge des Antients.

1762 Patente Morin.

173 Fondation du Grand Orient de France.


L'HISTOIRE MAÇONNIQUE

1782 Convent de Wilhelmsbad.

1786 Grandes Constitutions du Rite Écossais, attribuées à Frédéric II.

1801 Fondation du Rite Écossais Ancien et Accepté, à Charleston.

1804 Fondation du Suprême Conseil de France. Joseph Bonaparte, frère de


Napoléon, est élu Grand Maître du Grand Orient de France.

1807 Fondation du Directoire de Neustrie.

1813 Act of Union. Constitution de la Grande Loge Unie d'Angleterre.

1821 Création de la Grande Loge centrale du Rite Écossais, qui deviendra en


1894 la Grande Loge de France.

1849 Le Grand Orient adopte la devise « Liberté, égalité, fraternité ».

1864 Pie IX intègre la Franc-Maçonnerie dans son Syllabus, recueil des princi-
pales erreurs de notre temps.

1877 Le Grand Orient raye de sa Constitution la mention du Grand Architecte de


l'Univers, s'excluant ainsi de la Franc-Maçonnerie régulière universelle.

1893 Maria Deraismes fonde la Fédération française d u droit h u m a i n , pre-


mière obédience mixte.

1894 Fondation de la G r a n d e Loge de France.

1904 Affaire des Fiches.

1913 Renaissance en France de la Franc-Maçonnerie régulière. Fondation de la


Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière.

1928 Francisation du Rite Émulation.

1929 Promulgation par la Grande Loge Unie d'Angleterre des Principes de base
p o u r la reconnaissance d'une Grande Loge.

1935 Réveil en France du Grand Prieuré des Gaules.

1940 Le 13 août, une loi interdit les sociétés secrètes et en particulier la Franc-
Maçonnerie.
1941 Le 11 août, une deuxième loi antimaçonnique décrète la publication au
Journal Officiel des francs-maçons et leur exclusion de la fonction publique.

1948 La Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière prend le titre de


Grande Loge Nationale Française.

1952 Création de la Grande Loge Féminine Française, première obédience


exclusivement féminine.

1958 Union du Grand Prieuré des Gaules avec la Grande Loge Nationale Fran-
çaise.

1965 Intégration de l'Écossisme français dans la Grande Loge Nationale Fran-


çaise.

1973 Création de la Grande Loge Mixte Universelle.

1974 Lettre de la Sacrée Congrégation pour la Défense de la Foi, énonçant les


positions nouvelles de l'Église catholique par rapport à la Franc-Maçonne-
rie.

1979 Fin des travaux préparatoires concernant la Franc-Maçonnerie dans le


nouveau code de droit canon (Codex Juris Canonici).

1983 Création de la Grande Loge Mixte de France. Le 26 novembre, Mgr Ratzin-


ger, au nom de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, réitère l'excom-
munication des francs-maçons.

2000 En décembre, retour à Paris des archives du Grand Orient (confisquées par
les Allemands puis récupérées par les Soviétiques).
Les Quatre Bienheureux Martyrs Couronnes, saints patrons de la Franc-Maçonnerie.
I N T R O D U C T I O N

A LA FRANC-MAÇONNERIE
Un dictionnaire est un ouvrage où se suivent de nombreux mots, parfois tous les
mots d'une langue. Une encyclopédie est un choix de mots se rapportant à telle branche
du savoir humain. La définition donnée à chaque mot est suivie d'un article explicatif.
Le titre d'encyclopédie eût, dès lors, mieux convenu sans doute à notre travail que
celui de dictionnaire. Nous ne l'en avons pas moins écarté, car, appliqué à la Franc-
Maçonnerie, il eût impliqué l'ambition d'enfermer cette dernière entre les couvertures
d'un livre, et pareil but est irréalisable. Le terme de dictionnaire, détourné peut-être
de son sens littéral mais pris dans une acception que l'usage de notre langue ne
récuse pas, nous a paru mieux convenir à notre modestie d'auteur.
Pour parler de la Franc-Maçonnerie la forme d'un dictionnaire se justifiait-elle ?
Nous le pensons. De longues analyses précèdent toute vraie synthèse, et, à l'inverse, si
nulle synthèse ne survient, les analyses s'évaporent. Or, dans le cas de la Franc-Maçon-
nerie, l'heure de la synthèse est arrivée.
Réaliser pareille synthèse n'était pas facile. Il fallait présenter fidèlement, et surtout
sans les diluer, les efforts antérieurs de la pensée maçonnique, des rituélistes, des sym-
bolistes, des historiens, voire des juristes. Or un dictionnaire particularisé comme celui-
ci commence par la sélection des idées, se poursuit par leur distribution sous les rubriques
qui leur conviennent exactement, et vise pour but ultime une sorte d 'exposition idéale.
C'est alors que la synthèse conçue aura pris vie.
Les dictionnaires se distinguent des autres livres par une particularité dont chacun a
fait l'expérience : on les lit de deux manières. La première est la consultation directe, la
recherche du mot. La seconde est l'impérieuse curiosité qui, chemin faisant, fixe invo-
lontairement l'attention du lecteur devant d'autres rubriques, telle celle d'une Pari-
sienne faisant du lèche-vitrines. Dans ce livre, chaque rubrique sera une réponse à telle
question, mais la Franc-Maçonnerie déploiera aussi sous les yeux du lecteur ses richesses.
Or, elles sont prodigieuses. Elle s'offrira à sa vue à la manière d'un panorama au-dessus
des crêtes, d'un survol.
Il va sans dire que ce livre ne prétend pas à initier. C 'est dans le Temple seul que
fulgure telle Lumière. Son but est d'aider le Maçon, comme le « profane » informe ou
désireux d'information, à clarifier ce qui pour eux demeure confus, a mieux dessiner
les contours trop tremblants des images qui peuplent notre vie mentale, à dissiper les
fumées du verbalisme, à marquer du signal « Impasse » les voies qui ne mènent a
rien. Le temps, les moyens manquent à l'homme d'aujourd'hui pour se constituer de
copieuses bibliothèques, d'où parfois ces souffrances de l'esprit que tout authentique
adepte connaît bien. Un dictionnaire, de consultation aisée, à sa portée constante,
réalisera pour lui cette poignée de mains symbolique, permanente, qu'est l'idéal
même de l'Ordre, le moyen par lequel un Frère se fait reconnaître dans les ténèbres
aussi bien qu'en plein jour, le service spirituel qu'il est en droit d'attendre de
l'auteur.

Certains, il est vrai, taxeront peut-être l'auteur de présomption. Aussi doit-il se justi-
fier, et sa défense sera-t-elle fort simple. Un rapide coup d'œil en arrière montrera à
quel point un effort de clarification, une catalyse de toute la matière maçonnique,
s'impose à qui veut vraiment la comprendre aujourd'hui, et prévoir ses lendemains.
La Franc-Maçonnerie détient un record, singulier pour une société dite secrète : celui
de la bibliographie. En 1925, l'érudit allemand August Wolfstieg parvenait dans sa
Bibliographie der freimaurerischen Literatur au chiffre fantastique de 54 000 titres envi-
ron ; le chiffre actuel, s'il était connu, donnerait à coup sûr le vertige. Sans doute
convient-il de négliger les milliers d'inutilités que nul ne lit plus ; mais que le lecteur
courageux tente néanmoins l'expérience suivante : qu'il descende, à la Bibliothèque
nationale, dans l'immense salle du Catalogue, et qu'il y ouvre les tiroirs du catalogue
matières au mot Franc-Maçonnerie. Qu'il consulte ensuite tous les livres relevés sur
fiches, puis qu'il se réfère à chaque bibliographie qu'il trouvera à la fin de la plupart des
volumes. Qu'il poursuive l'expérience en se référant aux ouvrages de renvoi, puis aux
ouvrages auxquels ces derniers le renverront à leur tour, et ainsi de suite. Il est impos-
sible de savoir où cet intrépide explorateur pourra s'arrêter. Encore négligeons-nous les
références en bas de page et leurs propres renvois, ainsi que les sources manuscrites. 0
Secret maçonnique ! Dans ce déferlement comparable à celui de l'armée des Martiens
dans les romans d'anticipation, combien d'ouvrages crédibles ou même simplement
sérieux ? Dépassent-ils le millier ?
Nous l' avons souligné dans un précédent livre : le malheur de la Franc-Maçonnerie
dans le passé est d'avoir intéressé deux catégories d'auteurs également dangereux: les
détracteurs et les thuriféraires. De nos jours, une troisième catégorie est venue s'y ajou-
ter, celle des romanciers véristes et des bâcleurs d'enquêtes, et cette dernière catégorie
est la pire, car elle prétend à l'objectivité.
Les détracteurs ont créé, peut-on dire sans aucune exagération, une sorte de genre
littéraire original : l'anti-Maçonnerie. Nous lui consacrerons une rubrique. Pour l'anti-
Maçonnerie anglophobe, la Franc-Maçonnerie fut inventée par Cromwell, ou par
Bacon, ou par d'autres encore pour asseoir sur le monde la domination occulte
anglaise. Son armature moderne serait l'Intelligence Service. Pour l'anti-Maçonnerie à
coloration antisémite, toutes les obédiences ne seraient que les tentacules de la haute
finance juive. D'autres ont mis en cause la Compagnie de Jésus, et d'autres le Diable en
personne. Il en est qui croient même encore aujourd'hui à la célèbre imposture de Léo
Taxil. Une psychose qui n'en est encore qu'à ses débuts commence à incriminer l'Opus
Dei. Un bel avenir peut lui être prédit sans grand danger d'erreur. Une puissance
occulte redoutable et néfaste enserrerait le monde : tel est le thème délirant commun à
toutes les formes de l'anti-Maçonnerie, qu'en langage psychanalytique on pourrait
appeler le mythe de la Pieuvre.
Les thuriféraires n'ont pas moins nui à l'Ordre. L'un des plus célèbres demeure ce
docteur George Oliver (1782-1867) qui ne craignit pas d'écrire: « L'ancienne tradition
maçonnique affirme - et je suis entièrement de cet avis - que notre Société existait avant
la création de ce globe terrestre, à travers les différents systèmes solaires », dans ses Anti-
quities of Freemasonry.
En 1909, dans ses Notes pour servir à l'histoire de la Franc-Maçonnerie à Nancy,
Charles Bernardin, membre du Conseil de l'Ordre du Grand Orient de France et du
Grand Collège des Rites, publia les deux statistiques suivantes :

« Sur les 206 œuvres que j'ai compulsées, indiquant le berceau de la Franc-Maçon-
nerie, j'ai trouvé les 39 opinions diverses que voici.
Ont attribué les origines de la Franc-Maçonnerie, savoir :
28 auteurs aux maçons constructeurs de la période gothique,
11 auteurs à l'Angleterre,
5 auteurs aux partisans des Stuarts,
6 auteurs à l'Écosse,
3 auteurs à la France,
1 auteur à la Suède (en 1125),
1 auteur à la Chine,
1 auteur au Japon,
1 auteur à Vienne,
1 auteur à Venise,
5 auteurs aux jésuites,
7 auteurs aux anciens Rose-Croix,
5 auteurs aux Croisades,
12 auteurs aux Templiers,
1 auteur aux Albigeois,
2 auteurs à la Société « Nouvelle Atlantis » de Bacon,
4 auteurs aux druides,
1 auteur aux Germains,
3 auteurs aux Scandinaves,
2 auteurs à la prétendue Tour de Wilwinning (sic),
9 auteurs à l'ancienne Rome,
7 auteurs à la Grèce,
18 auteurs à l'Égypte,
1 auteur à l'Orient (sans préciser),
1 auteur à la Perse,
1 auteur à Zoroastre,
1 auteur aux Mages,
6 auteurs à l'Inde ancienne,
1 auteur à l'ancienne Chaldée,
6 auteurs aux Juifs (sans autre désignation),
1 auteur à l'Ordre des Assassins,
1 auteur aux Manichéens,
10 auteurs aux premiers chrétiens, ou à Jésus-Christ lui-même,
3 auteurs aux maçons qui construisirent le Temple de Salomon,
1 auteur à ceux qui travaillèrent à la Tour de Babel,
3 auteurs aux survivants du Déluge,
20 auteurs se perdent dans la nuit des temps,
15 auteurs remontent à la Création, en mentionnant l'existence d'une Loge
maçonnique dans le Paradis terrestre.
Enfin, un auteur affirme que la Franc-Maçonnerie existait déjà avant la création du
monde. »

La liste des Grands Maîtres légendaires suit :


Alexandre le Grand,
Arobav, empereur du Mogol,
le roi Arthur,
Ashmole,
Athelstane,
Auguste,
Bacon,
l'empereur Carausius,
Christopher Wren,
Cromwell,
la reine Elfride d'Angleterre,
Erwin de Steinbach,
Fo-Hi, empereur de Chine,
Godefroi de Bouillon,
le roi Harold,
Hugues des Payens,
Ingon, roi de Suède,
Jacques II, roi d'Angleterre,
Jacques de Molay,
Jésus-Christ,
Jules César,
Louis le Débonnaire,
Moïse,
Noé,
Numa,
Ormuzd,
Phaleg, architecte de la Tour de Babylone,
Pierre l'Ermite,
Richard Cœur de Lion,
Romulus,
Salomon,
saint Alban,
saint Amphibole,
saint Michel Archange,
Fauste Socin (de Sienne),
Lelio Socin,
Tubalcaïn,
Hiram, architecte du Temple de Salomon.

Les thuriféraires n'ont pas imaginé mais repris à leur compte l'absurde thèse de Bar-
ruel selon laquelle la Franc-Maçonnerie aurait ourdi la Révolution française, et d'autres
billevesées encore.
De nos jours, la Franc-Maçonnerie, calomniée par les uns, portée aux nues par les
autres, s'est vue livrée aux crocs d'une troisième meute, celle des esprits prétendument
objectifs. Les uns ont publié sur elle des « enquêtes », les autres des romans présentés
comme véridiques.
L'« enquête », au nom tiré du vocabulaire policier, représente toute une mauvaise lit-
térature contemporaine. L'enquête journalistique est généralement bâclée, superfi-
cielle, et vise au succès commercial, à la « vente ». La désagrégation où est tombée
l'Université française a suscité aussi des thèses et des mémoires rédigés en un iroquois
dont on regrette qu'il ne tombe sous aucune loi pénale. Dans leurs charabias respectifs,
apprentis psychanalystes comme apprentis sociologues se déchaînent. À l'esprit pri-
maire le plus borné vient s'ajouter enfin un élément neuf : la « contestation ».
Le roman lui-même s'est emparé de la Franc-Maçonnerie. S'il nous a valu Recherche
d'une Église (1934) de Jules Romains, ouvrage intelligent comme bien écrit, nous avons
cruellement souffert, en revanche, des Fils de la Lumière de M. Roger Peyrefitte, qui n 'a
pas craint de présenter comme authentique un faux document attribué au pape Clé-
ment XII!
À ces ennemis, à des titres divers, de l'Ordre s'ajoutent, hélas ! ses ennemis de l'inté-
rieur. Le Rituel les a, d'avance, dénoncés en loge et dramatiquement mis en scène : nous
voulons parler de ces conférenciers incultes, fastidieux, qu'un Albert Lantoine avait
dénoncés comme un fléau des loges françaises. Certes, la Maçonnerie régulière a en
partie endigué le mal, mais il s'en faut qu'il ait disparu. C'est de ces demi-instruits que
parlait Pascal en déplorant les méfaits des hommes « qui ont quelque teinture de
science, font les entendus, troublent le monde, et jugent de tout plus mal que les
autres ».
Dans un précédent livre, nous avons appelé de nos vœux l'avènement d'une science
nouvelle : la Maçonnologie. Pareille science se concevrait comme prenant la Franc-
Maçonnerie pour objet d'étude, mais en substituant les méthodes scientifiques aux
tâtonnements de l'empirisme, aux forces désordonnées sinon dévergondées du senti-
ment, aux pétitions de principe des philosophies individuelles, à plus forte raison à la
logorrhée de la fausse initiation. Pour prendre un exemple, il n'est que trop facile de
décréter l'existence d'une certaine « Tradition » à l'origine des sociétés, aussi contraire à
la Révélation primitive qu'atteste l'Écriture qu'aux données de la science sur l'appari-
tion de la vie et les origines de l'homme, puis de modifier arbitrairement le sens que la
langue française donne à l'adjectif traditionnel, et enfin de reconstruire en partant de
ces vues toute l'histoire. Pareil effort, dont il est d'illustres exemples, postule et exige lit-
téralement le mépris de la méthode historique, de la vérité historique, et ramène les
intelligences au stade de la pensée prélogique. Il crée une néo-mythologie. La Maçon-
nologie, au contraire, entendrait mettre au service de la recherche les méthodes et les
ressources de l'histoire générale, dont l'histoire maçonnique n'est qu'un aspect. Elle
concevrait le symbolisme comparé, tout aussi maltraité que l'histoire par les mytholo-
gues, non comme un jeu de sautillements de l'imagination, cautionnés ou non de
fausses références, mais comme une discipline.
Les clercs qui, au XIV siècle, donnèrent à la Franc-Maçonnerie opérative le poème du
Regius ou le manuscrit Cooke avaient une excuse : celle d'être de pieux hagiographes.
Moins excusables déjà mais amnistiées sont les énormités accumulées par Anderson
dans la partie historique de ses Constitutions. Qu'en plein XIX siècle encore Ragon et
Clavel soient moins crédibles qu'un Grégoire de Tours à l'époque mérovingienne
attriste le maçon d'aujourd'hui, lorsqu'il les compare aux historiens « profanes »
contemporains, mais qu'à l'époque des ordinateurs persistent des conceptions oni-
riques en matière d'histoire ou de symbolisme, c'est là un scandale de la raison.
Des conceptions plus saines avaient, dès le XVIII siècle, caractérisé la pensée maçon-
nique dans son pays d'origine, l'Angleterre. Dès 1769, Wellins Calcott y avait publié son
ouvrage intitulé A candid disquisition of the principles and practices of the Most Ancient
and Honourable Society of Free and accepted Masons et ainsi mérité le nom de « père de
l' école didactique ». Nous avons eu la curiosité de lire ce livre, loué de confiance par des
générations successives, et avouons l'avoir trouvé, en dépit de la clarté de la forme,
quelque peu terne et plat. En revanche, William Hutchinson, auteur du Spirit of Masonry
(1775). qualifié par A.F.A. Woodford, bon juge s'il en fut, de «père du symbolisme»
(entendons par là non de l'invention mais de la science consistant à interpréter les
symboles), a gardé une autorité au moins partielle, et William Preston (1742-1818) con-
serve à b o n droit son r e n o m de grand classique. Ces précurseurs frayèrent la voie aux
a u t h e n t i q u e s historiens que furent Robert F. Gould (1836-1915), William J. Hughan
(1841-1911), David M. Lyon (1819-1903) en Grande-Bretagne, Albert G. Mackey (1807-
1881) aux U.S.A.
La science allemande, si remarquable dans la recherche historique, au XIX siècle,
avait eu u n b o n précurseur en Heinrich C. Albrecht dès la fin du siècle précédent. Elle
devait faire des pas de géant avec George Kloss (1787-1854) et surtout J. G. Findel (1828-
1905).
L'une des plus grandes dates de toute l'histoire maçonnique fut celle du 28 novembre
1884, o ù fut fondée l'illustre loge anglaise Quatuor Coronati n° 2076, qui depuis près
d ' u n siècle, vouée exclusivement à la recherche historique, demeure, on peut et doit le
dire, la première loge du monde. Ses membres ne doivent pas, statutairement, dépasser
40, c o m m e ceux de notre Académie française. Elle compte 10 000 membres correspon-
dants dans tous les pays, et par la publication annuelle de ses travaux dans Ars Quatuor
Coronatorum, est la loge phare de toutes les loges de r e c h e r c h e s
La science historique française n'avait manqué, au XIX siècle, ni d'érudits ni de spé-
cialistes de valeur, mais l'histoire m a ç o n n i q u e demeura, peut-on dire, à la traîne, com-
p a r é e à l'histoire générale, parce que engluée dans l'ornière de la politique et de
l'anticléricalisme de combat, peu compatibles avec la sérénité et l'objectivité scienti-
fiques.

Le symbolisme, c'est-à-dire la science des symboles, a eu une histoire plus complexe.


La définition m ê m e de la Franc-Maçonnerie avait été donnée en Angleterre au
XVIII siècle en ces termes, d e m e u r é s classiques :
— What is Freemasonry ?
— A peculiar system of morality, veiled in Allegory, and illustrated by Symbols.
Les Rites pratiqués en Angleterre (Emulation, Bristol, Logic, etc.) se prêtaient cepen-
dant peu à de savantes et longues exégèses, en raison de leur relative simplicité, et sur-
tout parce que presque tout leur symbolisme procédait d'une source unique : l'Art de
bâtir. Aussi l'étude des symboles a-t-elle conservé en Angleterre un caractère plus moral
qu'exégétique.
La Maçonnerie française devait, elle, se couper littéralement en deux. Dans une pre-
mière tendance, propre au Grand Orient de France, l'intérêt pour les symboles devait
aller en décroissant. Logique avec lui-même et avec ses tendances rationalistes, ce
dernier laïcisa ses propres rituels. La seconde tendance, qui fut au XIX siècle celle du
Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté, fut au contraire symboliste en pro-
fondeur. Dès la seconde moitié du siècle précédent, le caractère essentiel du Rite Écos-
sais avait consisté en l'intégration de l'Hermétisme dans le fond opératif de la

1. m
ercohdtO
ugelhrnesgdolnéuise vouée exclusivement à des travaux intellectuels
(conférences, communications. etc.) et ne pratiquant pas le travail de « T
»sapi (Floor Work)c.e'st-à-dire
des initiations, passages et élévations.
Freemasonry anglaise. Le Rite se prêtait dès lors admirablement à l'étude des symboles,
à l'ésotérisme profond. Commencée par Blatin - membre cependant du Grand Orient-,
une « symbolologie » à certains égards géniale devait être réalisée par ce grand initié que
fut Oswald Wirth. Certes, son œuvre a aujourd'hui en partie vieilli. Ses affirmations his-
toriques sont trop souvent subjectives, et sa partie initiatique propre se ressent de cet
occultisme désuet qui avait été celui de Stanislas de Guaïta, dont Oswald Wirth fut,
jeune homme, le secrétaire. En outre, la logique des symboles n'étant pas, tant s'en faut,
celle de la rigoureuse raison, Wirth se contredit souvent. Il n'en demeure pas moins
qu'aucun auteur n'est sans doute allé plus loin dans l'analyse, dans le vaste tableau
coloré, lumineux, de toute la Franc-Maçonnerie écossaise que représente son œuvre. Lue
et relue, elle conserve cette fraîcheur de pensée qui est la marque des chefs-d'œuvre.
De nos jours, la Grande Loge Nationale Française comprend deux loges de recher-
ches, les Loges Villard de Honnecourt n° 81 et Phœnix n° 30, travaillant respectivement
en langue française et en langue anglaise. La Grande Loge de France a sa commission
d'Histoire, mais cette dernière ne constitue pas une loge. Elle compte en outre la loge
Clio, au nom bien choisi, orientée vers les travaux historiques. Le Grand Orient de
France publie une revue mensuelle, Humanisme, intéressante, de ton indiscutablement
moins polémique que celui de ses publications antérieures. L'histoire maçonnique doit,
il est vrai, à un maçon du Grand Orient, Daniel Ligou, un ouvrage d'une documentation
et d'une objectivité remarquables : Frédéric Desmons et la Franc-Maçonnerie sous la
III République (1966).
Soulignons enfin que le « tabou » qui frappait l'histoire maçonnique et la Maçonnerie
en général dans l'esprit de certains universitaires semble aujourd'hui levé. D'utiles
monographies ont été écrites par des non-maçons. Le présent dictionnaire n'étant pas
un ouvrage d'érudition, et cette introduction ne visant qu'à esquisser une « maçonnolo-
gie » le lecteur en trouvera la liste dans les bibliographies spécialisées. Nous ferons tou-
tefois une exception pour les deux ouvrages monumentaux d'Alain Le Bihan, Francs-
Maçons parisiens du Grand Orient de France (fin du XVIII siècle) et Loges et chapitres de
la Grande Loge et du Grand Orient de France (deuxième moitié du XVIII siècle), publiés
par la commission d'Histoire économique et sociale de la Révolution française (1966-
1967).
Tel apparaît le bilan. Beaucoup de polémique, de légende dorée, de contrevérités,
sous des formes différentes mais également nocives. En regard, un nombre beaucoup
moindre d'études dignes de ce nom. Il en résulte une extrême difficulté à guider dans
ses lectures le « profane » désireux d'information sérieuse ou le jeune maçon soucieux
de s 'instruire sans ingurgiter une littérature quasi toxique. Pour eux - comme aussi pour
bien d 'autres – , quel fil d'Ariane plus sûr qu'un dictionnaire ?
Notre but se trouvant ainsi défini, notre justification présentée, la même recherche
de clarté - nous dirions volontiers de la clarté à tout prix - nous conduit à inclure dans
la présente Introduction quelques brèves indications sur :
I. L' histoire de la Franc-Maçonnerie.
II. Les structures de la Franc-Maçonnerie française.
Toute institution, en effet, s 'éclaire par son passé et, s'agissant de la Franc-Maçonne-
rie, exposer le présent sans référence à un long passé serait accepter le risque de se
m o n t r e r incompréhensible.
Nous limiterons notre bref examen des structures à la seule Franc-Maçonnerie fran-
çaise, vu l' i m m e n s i t é du sujet et le but de notre dictionnaire, qui ne prétend pas à l'éru-
dition mais à l'information. Les Franc-Maçonneries étrangères ne seront abordées que
p o u r l'essentiel.
Ce n'est pas dans cette introduction que le lecteur trouvera mentionnés les grands
problèmes m a ç o n n i q u e s contemporains, tels que la fin du conflit avec l'Église, l'inter-
diction de l'Ordre dans les pays communistes, le problème de l'initiation de la femme.
Leur place est sous la rubrique correspondante.
La partie encyclopédique sera suivie d ' u n e partie biographique, consacrée à la pré-
sentation en « médaillons » des francs-maçons célèbres. Nous n'y avons inclus aucun
m a ç o n vivant.
Que le lecteur n ' e n déduise pas malicieusement que notre dictionnaire a été conçu
c o m m e u n e sorte de cimetière, où les rubriques remplaceraient les pierres tombales. La
vie de la Franc-Maçonnerie n'est, en effet, pas terminée, et beaucoup pensent comme
l'auteur que son histoire est devant elle.
I

HISTORIQUE

Dès qu'il se trouva des hommes, au sortir de l'âge des cavernes, pour en extraire la
pierre et placer un toit au-dessus de leurs têtes au moyen de la construction, l'architec-
ture était née. Elle est la mère de la civilisation, sa condition nécessaire, et ainsi se justi-
fie sa prééminence sur les autres arts.
De longs siècles plus tard se dressaient vers le ciel les cathédrales, ces gigantesques
actes de foi, suivant l'expression de Michelet. Il s'était trouvé des architectes, des
tailleurs et des poseurs de pierres pour donner à l'Art royal sa destination la plus haute :
la gloire de Dieu, Grand Architecte de l'Univers. Ces hommes, organisés en corporations
et confréries conformes à la hiérarchie sociale du Moyen Âge - Maîtres, Compagnons et
Apprentis -, furent les premiers francs-maçons.
Comment le saint métier se transforma-t-il pour devenir la Franc-Maçonnerie
moderne ?
Trois phases historiques opérèrent cette métamorphose, à coup sûr l'une des plus
prodigieuses de tous les temps :
1. La période dite opérative, c'est-à-dire celle où la Franc-Maçonnerie avait pour
objet des constructions matérielles ;
2. La période de transition ;
3. La période de la Franc-Maçonnerie spéculative, née en 1717 avec la constitution de
la première Grande Loge d'Angleterre.

La F r a n c - M a ç o n n e r i e o p é r a t i v e

Les légendes
Les statistiques précitées montrent combien d'origines légendaires ont été attribuées
à la Franc-Maçonnerie, et il s'en faut que toutes les légendes soient poétiques, notam-
ment les théories mal fondées.
Les corporations médiévales de constructeurs ne dérivent pas des Collegia opificum
romains, comme l'a bien montré l'historien belge Henri Pirenne.
Elles ne dérivent pas davantage des Comacini ou maîtres Comacins, fraternité itiné-
rante audacieusement domiciliée à Côme par certains auteurs fantaisistes, et voyageant a
travers l'Europe à la faveur de bulles des papes Nicolas III et Benoît XII. L 'erreur provient
d'une étymologie erronée, faisant dériver Comacinus de Côme, alors que le mot provient
de co-mason (co-maçon, comme co-monachus signifiait comoine). Quant aux prétendues
bulles, elles n'ont jamais été retrouvées pour la raison fort simple qu'elles n'ont jamais
existé.
Légendaire aussi la prétendue origine templière. Que ces moines-soldats que furent
les Templiers aient beaucoup fait construire et ainsi entretenu des relations d'affaires
avec les maîtres d'oeuvre est certain, mais le prétendu ésotérisme rapporté d'Orient
qu'ils leur auraient transmis a été imaginé de toutes pièces quatre siècles après leur dis-
parition. L'Ordre du Temple fut sans doute atrocement détruit par Philippe le Bel mais
il ne produisit jamais aucun courant de pensée, ni même un seul penseur. Ce n'est
qu'au XVIII que des fabricants de Hauts Grades s'avisèrent, en Allemagne, d'en
tirer un magnifique parti.
Légendaire encore l'origine alchimique. Certes, des symboles alchimiques figurent
dans la décoration de nombreuses cathédrales, mais l'imagier médiéval jouissait d'une
large liberté d'inspiration. À côté des prophètes, des rois d'Israël, des saints, figurent
aussi des scènes tirées des Évangiles apocryphes et même du Roman de Renart. Tels
artistes s'amusèrent même à sculpter en plein portail des scènes à tous égards gau-
loises. C'est se faire illusion qu'imaginer l'existence de quelque hérésie occulte, trans-
mise par des gnostiques, puis retransmise à d'autres « initiés » par les opératifs. Les
esprits imaginatifs n'y ont point manqué. Ils ont même déliré jusqu'à faire remonter au
Moyen Âge l'hermétisme du Rite Écossais, lequel date, lui aussi, du XVIII siècle.
Contresens enfin, sinon entièrement légende, que celui, si fréquent, consistant à
confondre Franc-Maçonnerie opérative et Compagnonnage. Notre éminent ami Roger
Lecotté, à coup sûr le spécialiste le plus complet du Compagnonnage depuis un demi-
siècle, alors qu'il dirigeait le fonds maçonnique au département des manuscrits de la
Bibliothèque nationale, fulminait là contre sans désemparer.
Des explications fantaisistes ont aussi fleuri pour donner l'origine du mot Franc-
maçon. C'est là la transcription française, au XVIII siècle toujours, de l'anglais Free
mason, et ce dernier mot apparaît pour la première fois connue dans un manuscrit
anglais en date de 1376. (Cité par D. Knoop et G.P. Jones, The Genesis of Freemasonry,
p. 12.) C'est en 1563 qu'il apparaît pour la première fois dans un livre imprimé. En
France. un historien aussi autorisé de notre langue que le doyen Ferdinand Brunot
indique que, dans l'ignorance où l'on était que Free mason signifiait « tailleur de pierre »,
on traduisait l'expression par « Maçon libre » ou par « Franc-maçon » mais que l'usage
hésita longtemps entre ces deux formes, et que d'Argenson écrivait « Fri-maçon », repro-
duction phonétique du mot anglais. (Histoire de la langue française des origines à 1900.
tome VI. p. 38 et note 5.)

Les secrets
Est-ce à dire que les maçons opératifs n'avaient pas de « secrets » ?... Ils en avaient, et
d' importance considérable. Certains étaient des secrets de métier, de nature technique,
consistant par exemple à assurer la stabilité d'une arche. Qui nous rendra jamais, aussi,
les lumineuses couleurs de certains vitraux ? D'autres secrets étaient professionnels, tel le
Mason 's word anglais, mot de passe réservé aux seuls membres de la corporation en vue
de l 'embauche ou d 'un secours en voyage, et dont on conçoit le rôle vital, à une époque
où beaucoup étaient illettrés. D'autres modes de reconnaissance y étaient joints : le signe,
le salut, la poignée de mains. Trahir ces secrets n'était-il pas criminel dès lors qu'ils proté-
geaient le pain quotidien ? Et ne conçoit-on pas dès lors qu'un redoutable serment fût
requis pour engager les consciences, de loin plus solennel qu'une simple promesse ?

La p é r i o d e d e t r a n s i t i o n

Loin de se confondre avec la Franc-Maçonnerie opérative, il est permis de penser


que le Compagnonnage contribua à son déclin, car par son hostilité à la maîtrise il ten-
dait à disloquer la corporation (v. art. Compagnonnage).
Une autre cause, toute différente, de déclin fut celui de l'art gothique, suivi de l'avè-
nement d'une architecture nouvelle.
La Réforme, enfin, influa au moins indirectement sur la construction des édifices
religieux.
Au XV siècle encore, la Maçonnerie opérative s'avère florissante à Strasbourg, vue à
travers les fameux Statuts de Ratisbonne, mais quelques décennies plus tard, on peut
dire qu'elle a fait des îles Britanniques son dernier bastion.

Premier texte Imprimé où apparaît le terme Free masons.


Le Dives Pragmaticus (1563).

Ce sera à Londres, le 24 juin 1717, que naîtra la Franc-Maçonnerie que l'on serait
tenté de n o m m e r p r o p r e m e n t dite, si pareille formule ne risquait d'impliquer le renie-
m e n t d ' u n long passé. Entre l'époque élisabéthaine et 1717 s'étend une période que les
historiens de la Maçonnerie ont appelée l'« ère de transition ». Certes, les quatre loges
qui fusionneront en 1717 pour créer la première Grande Loge ranimeront une ins-
titution presque moribonde, mais ce qui est prodigieux c'est qu 'elles pourront lui insuf-
fler u n e puissance de vie telle que du minuscule périmètre de Londres et Westminster
elle gagnera vite les deux hémisphères. Comment expliquer le prodige, sinon parce que
d u r a n t la longue période de gestation quelque chose est intervenu ?
Des trois phases de l'histoire maçonnique, cette période de mue est sans doute la
plus intéressante, mais aussi la plus mystérieuse.
J u s q u ' o ù vont nos connaissances certaines ?
Des documents d'une irrécusable authenticité retracent pour nous la mutation des
structures. Pour remplir les vides et soutenir la trésorerie, les loges opératives recou-
rurent à un expédient classique : l'honorariat. Des amateurs distingués d'architecture,
des mécènes, des savants aussi furent admis dans la fraternité sous des noms tels que
« Gentlemen masons » ou « Accepted masons ». On les initia à des secrets de métier deve-
nus vétustes, donc vénérables. Ils prêtèrent d'antiques serments. Leur nombre alla
même en augmentant au point qu'ils éliminèrent dans nombre de loges l'élément pro-
fessionnel. Quelques loges purement opératives devaient survivre. Il en est même, en
Écosse, qui survivent encore aujourd'hui. Une Maçonnerie nouvelle était cependant
née, et elle incarnait l'avenir. Le plus ancien document connu établissant la présence
d'un non-opératif en loge est une minute du 8 juin 1600 de la loge d'Édimbourg, faisant
allusion à un nommé « John Boswell, laird of Auchinleck ».
Que la Maçonnerie ait fini par se composer officiellement de membres « acceptés »
ne nous explique pas pour quels motifs elle est devenue « spéculative ». Combien
d'autres associations, depuis l'époque des guildes, ont de même pratiqué l'honorariat
sans pour autant connaître le même destin ?

Le 16 octobre 1646, l'illustre alchimiste Elias Ashmole était initié dans la petite loge
de Warrington (Lancastre). C'est lui-même qui en a informé la postérité en consignant
l'événement dans son diary, tenu au jour le jour.
Certains en ont conclu à une sorte d'insémination de la Maçonnerie par la mysté-
rieuse Fraternité de la Rose-Croix, dont ils n'ont pas douté qu'Elias Ashmole fût un
adepte : c'est là encore une légende.
La critique historique a démystifié de nos jours ce que des générations ont cru. Le mys-
tère de la Rose-Croix ne fut qu'un « canular » d'humanistes, aux dimensions énormes.
Quant à Ashmole, son diary ne mentionne à nouveau sa présence en loge que le
11 mars 1682, soit près de quarante ans plus tard. Il est vrai qu'il restera toujours aux
âmes candides la ressource de supposer qu'il n'y avait pas tout noté...
Les symboles rosicruciens (règle, fil à plomb, sceau de Salomon) n'apparurent dans
la symbolique maçonnique qu'au XVIII siècle, et alors qu'Ashmole était mort depuis
longtemps. Certains n'étaient d'ailleurs pas propres à la Rose-Croix, notamment les
deux premiers.

Une hypothèse autrement plausible semble être que l'agent actif de la « mue »
maçonnique fut la Royal Society. Son historiographe Thomas Sprat, évêque de Roches-
ter, nous révèle dès 1667 dans son History of the Royal Society un bien étrange pro-
gramme pour l'époque, qu'il rêve pour elle : y admettre des hommes éminents de toutes
religions (« papistes » y compris, position qui nous semble aujourd'hui relever de la tolé-
rance banale, mais revêtait alors un caractère extrémiste. Elle sera reprise par la jeune
Franc-Maçonnerie spéculative et reprochée à la Grande Loge jusque dans les journaux).
S appropriant une doctrine déjà soutenue au XVI Thomas Sprat développe l'idée
catholique duc de Norfolk tenant le maillet de The quilk day ane serten nomber ogg Mester a n d
Vénérable. Au cours de la même tenue fut initié, others being lafule conveined, doeth admit Mr the
selon la même gazette, un comte « Francis de Right Honerabell Mr Robert Moray, General quar-
Sade ». Sans doute s'agit-il du comte Jean-Baptiste ter Mr to the Armie of Scotlan, a n d the sam bing
François de Sade, père du célèbre marquis qui aproven be the hed Mester off the Mesons of the Log
devait donner son nom au sadisme. of Edenbroth quherto they heaue set to ther handes
Montesquieu avait fait la connaissance à La or markes.
Haye de Lord Chesterfield (v. Chesterfield) à la fin A. Hamilton.
du célèbre voyage à travers l'Europe qu'il avait fait Johne Mylln. James Hamilton. R. Moray.
avec Lord Waldegrave, ambassadeur d'Angleterre À la circonstance d'être ainsi entré dans l'his-
à Paris et franc-maçon. Ce fut sur le yacht person- toire, Sir Robert Moray unit celle d'avoir été un
nel de Lord Chesterfield que Montesquieu fut homme remarquable. Il avait, tout jeune, pris du
conduit de La Haye en Angleterre, au cours d'un service en France et mérité d'être promu colonel
voyage de Chesterfield, alors chargé d'une impor- par le cardinal de Richelieu. Rentré en Angleterre,
tante mission diplomatique auprès des Provinces- il fut l'un des fondateurs de la Royal Society, dont
Unies. Il n'est pas interdit de penser que ce fut à le rôle dans l'éclosion de la Franc-Maçonnerie
l'instigation de celui-ci qu'il se fit initier. spéculative nous est ainsi attesté une nouvelle
L'on retrouve Montesquieu en loge à deux fois, bien antérieurement à Jean Théophile Désa-
reprises, à Paris, en septembre 1734 chez la guliers, et même à Elias Ashmole.
duchesse de Portsmouth, selon le numéro du Nous retrouvons Sir Robert Moray en loge le
7 septembre 1734 du Saint James Evening Post, et 27 juillet 1647, à l'occasion de l'initiation d'un
en septembre 1735 à l'hôtel de Bussy. Lord Walde- autre non-opératif, William Maxwell, médecin du
grave assistait à la seconde tenue, ainsi que le roi. Dans plusieurs de ses lettres, sa signature est
comte de Saint-Florentin, secrétaire d'État de accompagnée d'une « marque » en forme de pen-
Louis XV, et plusieurs hautes personnalités fran- talpha légèrement incliné sur sa droite.
çaises et anglaises. Il fut, sa vie durant, un royaliste fidèle aux
MONTGOLFIER J a c q u e s É t i e n n e
Stuarts, ayant proposé en 1646 à Charles I un
(1745-1799) plan d'évasion que ce dernier écarta. Après la
« Restoration », il entra au Conseil privé de Char-
Seconda son frère Joseph Michel dans l'inven- les II. Il fut enterré à Westminster.
tion de l'aérostation. Membre de la loge Les Neuf
Sœurs (1784). Bibl. : Dudley WRIGHT. England's masonic pio-
neers. 1925.
N.B. - Il semble que ce soit par erreur qu'Arthur
Groussier ait indiqué son frère Joseph Michel MOREAU le J e u n e , Jean-Michel MOREAU,
comme ayant été franc-maçon, par suite d'une dit (1741-1814)
confusion des prénoms. L'appartenance du dernier Dessinateur des menus plaisirs du Roi. Membre
n'est, en tout cas, pas clairement démontrée. de l'Académie de Peinture (1789). Il dessina les
MONTMORENCY-LUXEMBOURG
planches de toutes les éditions de luxe des grands
classiques et demeure admiré pour ses gravures à
(V. Luxembourg.) l'occasion du mariage et du sacre de Louis XVI.
MORAY R o b e r t , Sir ( ? - 1 6 7 3 ) Membre des loges Saint Jean d'Écosse du
Ce personnage fut initié en loge de Newcastle Contrat social et Les Neuf Sœurs.
le 20 mai 1641. La minute de la loge qui relate MORGAN William (1774-1)
l'événement constitue, en l'état actuel de la Aventurier qui, au début du XIX siècle, remua
recherche historique, le plus ancien document l'opinion publique aux U.S.A. par la publication
mentionnant une initiation de non-opératif en d'un violent pamphlet antimaçonnique. Encore
Angleterre. (Celle de John Boswell, laird d'Auchin- qu'il prétende avoir été témoin des scènes décri-
leck, en date du 8 juin 1600, avait eu lieu en tes, la qualité maçonnique de Morgan demeure
Écosse, v. Boswell.) incertaine. Le scandale fut énorme et causa à la
Ce vénérable document, dans son anglais Maçonnerie américaine un tort considérable, sur-
archaïque, est rédigé comme suit : tout lorsque Morgan, plusieurs fois condamné,
At Neucastell the day off May 1641. disparut. On prétendit qu'il avait été kidnappé par
les francs-maçons et dirigé vers la frontière cana- Bibl. : P. NAUDON. Op. cit. et la bibliographie
dienne, où ses amis assurèrent qu'il avait été citée. - R. LINDSAY. The Scottish Rite for Scotland.
assassiné. 1957.
La Franc-Maçonnerie fut condamnée par MORISON OF GREENFIELD C h a r l e s
l'Église baptiste. Au nombre des griefs figurait (1780-1849)
celui, assez bizarre, de recevoir et conférer des
Le Rite dit écossais, contrairement à son nom,
ordres de chevalerie d'origine pontificale ! On ne provient pas d'Écosse. Il est d'origine française.
récusa systématiquement les francs-maçons lors L'origine de son nom demeure discutée. Selon
de la formation des jurys criminels. Des journaux toutes probabilités, il s'explique par des raisons
antimaçonniques se multiplièrent, et lors des élec- politiques liées au jacobitisme. (Cf. notre essai
tions législatives, des candidats se présentèrent en d'explication dans La Franc-Maçonnerie à l'heure
prenant la qualité d'« antimaçons » comme éti- du choix, pp. 241 et suiv.) Le mérite, pour ne pas
quette. dire l'originalité de Charles Morison of Greenfield
Les effectifs des loges décrurent rapidement, fut d'introduire le Rite Écossais... en Écosse.
jusque vers le milieu du siècle. Ils ne devaient N.B. - C'est par erreur que son nom a été par-
remonter qu'après la guerre de Sécession. fois écrit Morrisson.
Aujourd'hui encore, les calomnies publiées par cet Né en 1780, il reçut les trois grades bleus à la
imposteur taré, alcoolique et repris de justice, ont loge d'Edimbourg n° 1 Mary's Chapel, à l'âge de
conservé des dupes. 17 ans, ce qui de nos jours ne se concevrait même
plus, et accéda rapidement aux Side Degrees alors
MORIN S t e p h e n ( 1 6 9 3 - 1 7 9 1 ?)
pratiqués en Écosse (Knight Templar, Knight of the
Ce personnage reçut le 27 août 1761 du Conseil Red Cross, Mark Mason, etc.) ainsi, par ailleurs,
des Empereurs d'orient et d'Occident une patente qu'au Royal Arch.
fameuse, dite patente Morin, lui donnant pouvoirs Parti en Espagne en qualité de médecin mili-
d'initier « les Frères américains et autres de par le taire, il y reçut les Hauts Grades de la série du Rite
monde, aux Sublimes Grades de la Haute Perfec- Écossais Ancien et Accepté, le 33e Degré compris.
tion », c'est-à-dire aux Hauts Grades, document La paix revenue après les guerres de l'Empire, il
dont l'original est perdu mais dont subsistent des voyagea en Italie, en Suisse, en Belgique, se fit ini-
traductions anglaises du début du XIX siècle, dont tier au Rite de Misraïm et même aux pantalonna-
l'authenticité a été admise par Jean Daruty, Albert des pseudo-templières de Fabré-Palaprat (v.
Pike et Albert Lantoine, et dont la version française Templiers, en I I Partie), non sans attirer sur lui
a été donnée par Paul Naudon dans son Histoire l'attention de la police en raison des activités
et Rituels des Hauts Grades maçonniques (1966). d'ordre politique de certains groupements. La
pp. 89 et suiv. grande pensée de sa vie était cependant autre-
D'interminables discussions se sont élevées ment sérieuse. En août 1846, il constitua à Édim-
autour de l'authenticité de cette patente, de son bourg le Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien
éventuelle antidate, de ses probables interpola- et Accepté pour l'Écosse, dont il fut le premier
tions, beaucoup moins dans un souci d'exacti- Souverain Grand Commandeur, lequel fut
tude historique que dans le but, poursuivi avec reconnu en 1848 par le Suprême Conseil de
ténacité par le Grand Orient, de ruiner les titres France, dont il adopta les rituels. En 1849, cet
revendiqués par le Rite Écossais Ancien et extraordinaire personnage mourut à Paris du
Accepté. Le troisième volume du livre de Henri choléra. Il est permis de se demander ce qu'aurait
été, s'il avait vécu plus longtemps, l'épanouisse-
Félix Marcy, Essai sur l'origine de la Franc-
ment final de son exceptionnelle carrière maçon-
Maçonnerie et histoire du Grand Orient de France,
nique.
demeuré manuscrit, la mort ayant empêché
Bibl. : R. LINDSAY. The Scottish Rite for Scotland
l'auteur de le publier, eût à coup sûr représenté à 1958.
cet égard un jet de vitriol que l'avenir tient peut-
être en réserve. MOZART W o l f g a n g A m a d e u s ( 1 7 5 6 - 1 7 9 1 )
Que sa patente fût authentique ou non, Morin Mozart fut sans doute le franc-maçon le plus
n'en réussit pas moins magnifiquement dans sa illustre dont puisse se glorifier l'Ordre. En outre,
mission. sa carrière musicale et sa carrière maçonnique ne
furent pas simplement juxtaposées, comme dans
le cas de tant d'autres. L'initiation maçonnique fut
l'une des sources de son inspiration géniale.
Il fut initié le 14 décembre 1784 à la loge La
Bienfaisance de Vienne, dont le Vénérable était
Otto von Gemmingen, le librettiste de Sémiramis.
Il fut passé Compagnon en mars 1785 et élevé à la
maîtrise le 22 avril de la même année.
Il est totalement indémontré - et fort improba-
ble - qu'il eût aussi appartenu aux Illuminés, quoi
qu'en ait pensé Richard Koch dans un opuscule
paru en 1911.
L'œuvre maçonnique par excellence de Mozart
demeure La Flûte enchantée (1791). qui est, à tra-
vers l'Égypte de fantaisie mise à la mode à l'épo-
que par le Sethos de Terrasson et par Cagliostro, la
transposition de l'initiation maçonnique à la
scène, l'orchestre lui-même reproduisant les
« batteries » selon le Rite de la Stricte Observance.
(François Mauriac a montré une incompréhen- MOZART
sion totale dans une étude où, louant la musique
de l'œuvre, il a pu dire qu'elle était « asservie à un
livret inepte ». L'ineptie, c'était son commentaire
péremptoire et profane.) pérature à Vienne variait entre + 2°,6 et + 3°, par
« temps doux avec brouillard fréquent » et « vent
Parmi les autres compositions maçonniques de
d'est faible » ! La géniale figure de Mozart - dont
Mozart, souvent exécutées dans les loges, citons :
l'œuvre religieuse fut, on le sait, i m m e n s e -
— O heiliges Band!
— Dir, Seele des Weltalls! demeure, bien au contraire, l'illustration portée à
son plus haut point de la compatibilité de la foi
— Die Maurerfreude.
catholique avec la Maçonnerie régulière.
— L'Ode funèbre en u t m i n e u r
Bibl. : La bibliographie mozartienne est consi-
— Das Lob der Freundschaft.
dérable. Le présent dictionnaire n'étant pas un
Cette dernière cantate fut la dernière œuvre de
ouvrage d'érudition, nous nous bornerons à citer
Mozart, contemporaine et probablement même
le très beau livre de J. CHAILLEY, professeur à la Sor-
postérieure au Requiem. Elle fut exécutée à la
bonne : La Flûte enchantée, opéra maçonnique, où
cérémonie de consécration de la loge L'Espérance
nouvellement couronnée, et il est émouvant de le lecteur trouvera une bibliographie abondante
(Paris, Éd. Robert Laffont, 1968). Le présent article
constater que Mozart, à quelques semaines de sa
lui doit beaucoup.
mort, ait ainsi pris pour thème ultime l'amour
fraternel. MURAIRE H o n o r é , c o m t e ( 1 7 5 0 - 1 8 3 7 )
L'anticléricalisme de certains auteurs leur a fait Avocat. Député à la Législative. Fit voter la laï-
dire que Mozart franc-maçon mourut privé des cisation des registres de l'état civil. Élu président
derniers sacrements et même des prières de de l'Assemblée en 1792, il fut déclaré suspect,
l 'Église, et fut enterré presque clandestinement au mais sauvé par l'arrivée du 9 Thermidor. Membre
cours d 'une tempête de neige. Rien n'est plus faux. du Conseil des Anciens en 1795, après divers
Sincèrement religieux, Mozart l'avait été toute sa déboires politiques, il fit carrière sous l'Empire
vie. Les excommunications pontificales de 1738 et dans la magistrature, et devint premier président
1751 n 'avaient d'ailleurs pas été promulguées en de la Cour de cassation (1804) puis conseiller
Autriche et y étaient dépourvues de portée juridi- d'État (1808). Sa carrière maçonnique fut paral-
que, aux termes du droit impérial. Les obsèques lèlement marquée par les plus hauts honneurs au
eurent lieu à la cathédrale Saint-Étienne. Il n'est sein du Rite Écossais Ancien et Accepté, jusqu'au
pas jusqu'aux bulletins météorologiques qui poste suprême de Souverain Grand Comman-
n 'établissent que, le jour où elles se firent, la tem- deur.
MURAT J o a c h i m , g r a n d - d u c d e C l è v e s type de ces hauts dignitaires de la Franc-Maçon-
e t d e B e r g , roi d e N a p l e s ( 1 7 6 7 - 1 8 1 5 ) nerie impériale, improvisés à coups de décret,
Beau-frère de Napoléon, dont il avait épousé la sans autre idéal initiatique que la volonté impé-
sœur, la princesse Caroline. Sa carrière politique riale.
et militaire se confond avec celle de l'Empereur
MURAT N a p o l é o n Lucien C h a r l e s , p r i n c e
jusqu'en 1815, date où il fut renversé lors du réta-
blissement de Ferdinand IV à Naples, jugé som- (1803-1878)
mairement, et fusillé au Pizzo. Il mourut en brave, Fils du précédent. À l'imitation des mœurs du
comme il avait vécu. Premier Empire, Napoléon III, sans doute pour
Vénérable d'honneur des loges Caroline et compenser par décret son inaptitude totale à tout
Sainte Joséphine, 1 Grand Surveillant du Grand rôle politique, le nomma Grand Maître du Grand
Orient, il fut, du point de vue maçonnique, le Orient.
N O
NAPOLÉON Ier, e m p e r e u r ( 1 7 6 9 - 1 8 2 1 ) loge de recherches Phœnix n° 30 de la Grande
L'appartenance de Napoléon I à la Franc- Loge Nationale Française, et publiée dans les
Maçonnerie demeure une énigme de l'histoire. Transactions of Phœnix Lodge, vol. n° II (1970-
Certains ont pensé qu'il avait été initié dans l'île 1971), pp. 109 et suiv. Cette excellente conférence
de Malte, lors de l'expédition d'Égypte (1798). Or, résume en toute clarté la question, et donne d'uti-
il est démontré qu'il ne séjourna à Malte que six les indications bibliographiques et iconographi-
jours, où à coup sûr il dut nourrir d'autres soucis. ques.
Par ailleurs, aucune trace de l'existence d'une loge NERVAL G é r a r d L a b r u n i e , dit G é r a r d d e
à Malte au cours de la période envisagée n'a été (1808-1855)
retrouvée.
Le chapitre XII du Voyage en Orient de Gérard de
On a également invoqué les Mémoires histori- Nerval, intitulé « Makbénach » (sic), a parfois
ques et secrets de l'impératrice Joséphine, elle- donné à supposer que le poète avait été franc-
même membre de la loge d'adoption L'Impériale maçon. Aucune trace de son appartenance n'a été
des Francs Chevaliers, où il est dit que Bonaparte découverte dans les archives des loges. Quant au
aurait été admis en 1795 dans la société parama- conte «Makbénach », sa lecture attentive suffit à
çonnique des « Francs Juges », au cours d'une montrer que c'est dans ses lectures que Gérard de
mystérieuse initiation en forêt de Fontainebleau, Nerval en a puisé l'inspiration, non dans son expé-
et où il est également dit qu'il fut vu en loge en Ita- rience directe.
lie en 1796, enfin qu'en 1798 ou 1799 il aurait reçu Oswald Wirth, dans le Livre du Maître, avait
une initiation « philadelphique » en Égypte, au déjà tenu pour romanesque son récit et, à bon
pied des Pyramides. Les Mémoires en question droit, apprécié sévèrement les rédacteurs de tel
datent malheureusement de 1829, et, circons- rituel des Hauts Grades écossais qui s'en étaient
tance aggravante, sont apocryphes. Leur auteur inspirés, partant de ses données pour fabriquer un
fut Mlle Lenormand, cartomancienne fameuse Haut Grade de plus.
que consultait Joséphine. Recueillit-elle de
NEY M i c h e l , d u c d ' E l c h i n g e n , p r i n c e d e la
l'Impératrice des confidences? Le fait est indé-
montrable. Moskowa (1769-1815)
Maréchal de France. Les archives de l'Orient du
Le comportement personnel de l'Empereur, quartier général du 6 corps de la Grande Armée
qui toléra durant tout son règne que les loges le mentionnent sa qualité maçonnique.
qualifiassent de « Très Illustre Frère», pourrait
plaider en faveur de son appartenance, mais les NICOLAÏ C h r i s t o p h Friedrich ( 1 7 3 3 - 1 8 1 1 )
quelques propos cités par les mémorialistes où il Éditeur de Lessing. Il représenta les tendances
parle de l'Ordre sont péjoratifs, voire sarcastiques. rationalistes de l'Aufk lä ru n g au sein de la Maçon-
nerie allemande de la fin du XVIII siècle. Ses théo-
Ils donnent bien à penser qu'il n'avait autorisé les
loges que pour s'annexer une force, tout comme il ries sur l'origine de la Franc-Maçonnerie sont
arbitraires et fantaisistes.
avait passé au cou de l'Église la chaîne non moins
dorée du Concordat. NORFOLK T h o m a s H o w a r d , 8e d u c d e
En dépit de l'autorité d'un historien de la (?-1732)
Maçonnerie aussi considérable que Robert F. Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre
Gould, le problème n'apparaît donc pas résolu en de 1730 à 1731.
l'état de nos connaissances, et se prononcer relève Ce grand seigneur fit don à la Grande Loge
du jeu facile de la conjecture. d'une épée d'apparat qui avait appartenu à Gus-
Bibl. : Cyril BATHAM. Napoléon. Was he a tave-Adolphe, et qui, de nos jours encore, est
Mason ? Conférence donnée le 24 mai 1971 à la solennellement portée par le Grand Porte-Épée
précédant le Grand Maître, lors des cérémonies de
Grande Loge.
Les Norfolk étaient catholiques. En 1719, l'évê-
que de Namur Strickland, tout acquis à la nouvelle
dynastie hanovrienne, avait simulé un rapproche-
ment entre elle et les catholiques destiné en réalité
à les démasquer. Dans ce jeu ignoble, le duc de
Norfolk représenta les catholiques. Heureuse-
ment pour lui, la manœuvre de provocation
tourna court.
Il est significatif que, dans l'Angleterre des pre-
miers George où les catholiques étaient des hors-
la-loi, la jeune Franc-Maçonnerie était non seule-
ment le seul organisme à les accueillir en frères,
mais qu'elle se donna même un Grand Maître pris
parmi eux.
Bibl. : Alec MELLOR. Nos Frères séparés, les
Francs-Maçons (1961) et la bibliographie citée.
NOVIKOV Nikolaï ( 1 7 4 4 - 1 8 1 8 )
Favori de l'impératrice Catherine II et l'un des
plus grands francs-maçons russes.
O'CONNELL
Initié en 1775, il compta parmi les neuf mem-
bres fondateurs de la célèbre loge Astrée et par son
prestige personnel assura à la Maçonnerie russe retrouve en 1814 jouant un rôle important à
un grand rayonnement, créant des établissements l'occasion des événements connus sous le nom de
d'enseignement, des librairies, des imprimeries, et la Seton Rebellion.
dirigeant la Gazette de Moscou.
En 1837, le journal The Pilot, ayant publié qu'il
Lorsque la Franc-Maçonnerie eut cessé de
était toujours franc-maçon, reçut d'O'Connell une
plaire à Catherine II, cette dernière, mal informée, lettre de rectification et de démenti, dont l'un des
fit emprisonner Novikov, qui ne retrouva sa liberté
motifs était marqué d'un humour irlandais cer-
qu'à l'avènement de Paul I
tain : la Franc-Maçonnerie, selon lui, constituait
Il n'est cependant pas établi que ce dernier tsar
un mouvement qui allait à l'encontre des efforts
fût franc-maçon, quoi que l'on en ait dit, et en
des sociétés de tempérance.
dépit même des fantaisies d'artistes le représen-
tant revêtu de décors maçonniques. (En Angle- La Grande Loge d'Irlande ne manqua pas de
terre, Sir Robert Walpole avait déjà été ainsi prononcer son exclusion.
portraituré.) ORLÉANS Louis P h i l i p p e J o s e p h , d u c d e
Le Martinisme dut beaucoup à sa diffusion en C h a r t r e s , p u i s d u c d ' , dit « P h i l i p p e Éga-
Russie dans les loges par Novikov, et l'influence lité » ( 1 7 4 7 - 1 7 9 3 )
que Catherine II lui attribua fort gratuitement sur Prince du sang. Député à la Constituante, puis
les événements de la Révolution française fut pour à la Convention.
beaucoup dans la rigueur, contrastant avec son La carrière politique de ce prince fut celle d'un
précédent libéralisme, dont elle fit preuve à la fin révolutionnaire qui alla jusqu'à voter la mort de
de son règne contre les loges. Louis XVI, son propre cousin, ce qui ne lui évita
Le souvenir de Nikolaï Novikov est demeuré
pas d'être guillotiné à son tour.
profond chez les maçons russes.
L'anti-Maçonnerie lui a attribué, au prétexte
O'CONNELL Daniel ( 1 7 7 5 - 1 8 4 7 ) qu'il fut à la fin du règne de Louis XVI Grand Maître
Le célèbre agitateur de l'Irlande fut franc- du Grand Orient de France, un rôle prépondérant
maçon. La date de son initiation n'est pas connue dans les événements de la Révolution. C'est là une
mais son nom apparaît sur les tableaux de la loge confusion. Que le duc d'Orléans ait joué pareil rôle
n° 189 de la Grande Loge d'Irlande en 1799. On le par son action purement politique n'est pas discu-
table, mais sa qualité de Grand Maître n'y fut pour Le 5 janvier 1792, le citoyen Égalité ayant reçu
rien. Lui-même, dans un article fort clair paru dans du secrétariat du Grand Orient une demande rela-
le Journal de Paris le 22 février 1793, souvent cité tive « aux travaux de cette société », poursuit l'arti-
(n" 55), s'en est expliqué en ces termes : cle, il reçut cette réponse :
« ... Voici mon histoire maçonnique. Dans un « Comme je ne connais pas la manière dont le
temps ou assurément personne ne prévoyait une Grand Orient se compose, et que d'ailleurs je
révolution, je m'étais attaché à la Franc-Maçonne- pense qu'il ne doit y avoir aucun mystère ni
rie qui offrait une sorte d'image de l'Égalité... J'ai aucune assemblée secrète dans une République,
depuis quitté le fantôme pour la réalité. » surtout au commencement de son établissement,
On peut penser que si, sous l'Ancien Régime, je ne veux plus me mêler de rien du Grand Orient,
« personne » ne prévoyait, en effet, une révolution, ni des assemblées de francs-maçons. »
à plus forte raison personne ne l'ourdissait dans À la suite de cette prise de position, le Grand
l'ombre. Si tel eût été le cas du Grand Maître, il n'eût Orient convoqua une assemblée extraordinaire. Phi-
pas manqué de s'en prévaloir, notamment lorsqu'il lippe Égalité y fut déclaré déchu de la grande maî-
comparut devant le Tribunal révolutionnaire. trise et son épée symboliquement brisée en loge.
P Q
PAYNE G e o r g e (? - 1 7 5 7 ) tés de l'Église gallicane, elles étaient demeurées
À deux reprises Grand Maître de la Grande Loge également inappliquées. Tout comme dans le cas
d'Angleterre, en 1718-1719 et en 1720-1721. il fut du duc de Norfolk, l'hospitalité spirituelle de la
le dernier Grand Maître roturier. Son rôle fut Grande Loge, à une époque où les catholiques
important dans les travaux de compilation et de anglais étaient de véritables parias, constitue une
révision des anciennes constitutions d'où sorti- preuve de plus de l'inanité des thèses de l'anti-
rent les Constitutions d'Anderson en 1723. Lui- Maçonnerie, et plus particulièrement de l'incom-
même en composa les Regulations. préhension dont a fait preuve M. Bernard Fay
dans La Franc-Maçonnerie et la Révolution intel-
PERNETY A n t o i n e J o s e p h ( 1 7 1 6 - 1 7 9 6 ) lectuelle du XVIII siècle.
Bénédictin défroqué et délirant mystique, fon- À noter que Lord Petre donna, en sa qualité de
dateur des Illuminés d'Avignon, système supra- Grand Maître, sa sanction officielle à la première
maçonnique dont les « secrets » étaient un édition des Illustrations of Masonry de William
mélange de Swedenborgisme et d'Hermétisme. Preston en 1772.
Son influence sur toute une clientèle avide de
mystères fut considérable. PHILIDOR F r a n ç o i s A n d r é DANICAN, dit
(1726-1795)
Les cérémonies par lesquelles devaient passer
ses adeptes ont été minutieusement décrites par Le plus grand joueur d'échecs de son temps.
des érudits tels qu'Auguste Viatte et René Le Compositeur non moins célèbre, issu d'une lon-
Forestier, mais la véritable place de ces descrip- gue et prestigieuse lignée de musiciens. Membre
tions serait dans les ouvrages de psychiatrie. de la Société Olympique (1786).
Bibl. : A. VIATTE. Les sources occultes du roman- PICCINNI N i c c o l o ( 1 7 2 8 - 1 8 0 0 )
tisme. Paris, Champion, 1928. (Rééd. en 1965.) - R. Compositeur napolitain. Appelé à Paris par la
LE FORESTIER. Op. cit. - J. BRICAUD. Les Illuminés faveur de Marie-Antoinette. Auteur de plus de
d'Avignon. Paris, Nourry, 1927. -Alice JOLY. La soixante opéras.
Sainte Parole des Illuminés d'Avignon. Article paru Membre de la loge Les Neuf Sœurs.
dans La Tour Saint-Jacques, numéro sur l'Illumi- PICHEGRU J e a n C h a r l e s ( 1 7 6 1 - 1 8 0 4 )
nisme au XVIII siècle (1960).
Membre du Conseil des Cinq-Cents. Général.
PETRE R., Lord ( 1 7 4 2 - 1 8 0 1 ) En 1796, il se rallia en secret à la Monarchie et
Ce grand seigneur fut, en son temps, le vérita- conspira avec les royalistes. Il fut découvert,
ble chef de la communauté catholique anglaise, arrêté, et déporté à la Guyane, d'où il s'évada,
circonstance qui ne l'empêcha pas d'accéder à la regagna la France, et prit part en 1803 au complot
grande maîtrise de la Grande Loge des Modems en de Georges Cadoudal. Trahi par l'un de ses
1772. Déjà, en 1730, tel avait été le cas pour le duc anciens officiers, il fut emprisonné et trouvé mort
de Norfolk (v. Norfolk). L'hypothèse, émise par F. dans sa cellule, étranglé avec sa cravate.
Pick et G.N. Knight, selon laquelle les bulles pon- Du point de vue de l'histoire maçonnique, il est
tificales d'excommunication de la Franc-Maçon- intéressant de constater que Pichegru fit partie en
nerie portées en 1738 par Clément XII et en 1751 1797 de la loge Le Centre des Amis, qui avait initié
par Benoît XIV auraient, dans une certaine le général contre-révolutionnaire Willot (v. Willot)
mesure, été ignorées en Angleterre est invraisem- et fut, sous la direction de Roëttiers de Montaleau,
blable et contredite par de nombreux textes. La le point de départ de la reprise des travaux maçon-
vérité est qu'elles n'y avaient pas été promulguées, niques en France après la Révolution, en même
ce qui est fort différent, pas plus d'ailleurs qu'elles temps que la cellule mère du Rite Rectifié régé-
ne l'avaient été en France, où, en raison des liber- néré.
PIKE A l b e r t ( 1 8 0 9 - 1 8 9 1 ) Il ressort de l'ouvrage du Dr Robert Plot qu'il
Célèbre maçon américain, qui fut Souverain avait manifestement lu les Old Charges.
Grand Commandeur du Suprême Conseil de la POPE A l e x a n d e r ( 1 6 8 8 - 1 7 4 4 )
juridiction Sud du Rite Écossais Ancien et Accepté. L'un des plus grands poètes de l'Angleterre.
Son œuvre principale est Morals a n d dogma Bien que catholique et jacobite, il trouva en Lord
(1871), où il s'attache à reprendre l'un après Chesterfield, protestant et whig, un protecteur
l'autre les Hauts Grades, extrayant de chacun constant et le plus sûr des amis.
d'entre eux une signification qu'il tient pour pro- La fraternité maçonnique en demeure une
fonde. Des auteurs tels qu'Oswald Wirth lui ont, explication possible ou, pour le moins, partielle.
après d'autres, justement reproché d'avoir ainsi, Pope fut membre de la loge Goat and Foot n° 16,
en se détournant des trois grades bleus, négligé les à Haymarket.
fondements de la Franc-Maçonnerie. Dans le
copieux article qu'A. Mackey lui consacre dans POTOCKI S t a n i s l a s K o t s k a , c o m t e ( 1 7 5 5 -
son Encyclopaedia of Freemasonry, il nous indique 1821)
que Pike avait cependant laissé un manuscrit Ambassadeur extraordinaire de Pologne à la
consacré aux grades bleus. Cour de France, ce gentilhomme, Grand Orateur
Pike fut par ailleurs un poète de talent. du Grand Orient de Pologne, le fut aussi auprès de
la Franc-Maçonnerie française, et on lui doit l'éta-
PILASTRE o u PILÂTRE DE ROZIER J e a n
blissement des liens fraternels qui unirent les deux
François ( 1 7 5 4 - 1 7 8 5 ) Maçonneries. Accompagné des Frères Dominique
Aéronaute fameux. Alors que les frères Mon- Kamieniechi et Pierre Maleszewski, il prononça au
tgolfier excitaient, à côté de l'enthousiasme des Grand Orient un discours qu'Alain Le Bihan a fort
uns, les railleries absurdes de beaucoup d'autres, heureusement exhumé des archives et cité (op.
il s'enthousiasma pour l'aérostatique, effectua cit., pp. 436-437), et dont on peut extraire des pas-
plusieurs ascensions en ballon captif, et fit en sages tels que les suivants :
compagnie du marquis d'Arlandes la première « Nous chérissons, mes Frères, vos mœurs, vos
ascension libre (1783). Il se tua le 15 juin 1785 en usages, vos talents, votre valeur et vos vertus... C'est
tentant la traversée, héroïquement prématurée, à ces titres, mes Frères, que le Grand Orient de Polo-
de la Manche.
gne créé sous vos auspices se flatte que vous voudrez
Son nom figure au Répertoire général alphabé- contribuer à son lustre en accueillant les senti-
tique dressé par A. Le Bihan des membres des ments d'amitié fraternelle qu'il vous a voués.
loges et chapitres de la région parisienne de la « Chargé d'en être l'interprète, je me trouverai
seconde moitié du XVIII siècle, suivi de l'indication trop heureux si je puis resserrer les liens des deux
suivante : « (Grand Chapitre général). Proposé à pays, dont l'un est ma patrie et dont l'autre le
l'affiliation en 1784. » serait si l'on en choisissait une à son gré. »
PINGRÉ A l e x a n d r e G u y ( 1 7 1 1 - 1 7 9 6 ) Bibl. Sur la Franc-Maçonnerie polonaise au
Chanoine régulier de Sainte-Geneviève. Chan- XVIII siècle, cf. la bibliographie citée par A. LE
celier de l'Université. Astronome de valeur. Il alla BIHAN.
jusque dans les mers de l'Inde en 1760 pour y POUCHKINE A l e x a n d r e ( 1 7 9 9 - 1 8 3 7 )
observer le passage de Vénus sur le soleil, mais n'y Le plus grand poète russe. Initié à la loge Ovide
put parvenir qu'en 1769, à Saint-Domingue, cen- en 1821.
tre maçonnique important. Il avait, entre-temps,
été initié à la loge Les Cœurs simples de l'Étoile PRATT H u g o ( 1 9 2 7 - 1 9 9 5 )
polaire (1766). Hugo Pratt se prend très jeune de passion pour
la bande dessinée. Le succès que connaît la revue
PLOT R o b e r t , Dr ( 1 6 4 0 - 1 6 9 6 ) qu'il crée avec des amis, L'Asso di piche, lui permet
Érudit du XVII siècle. Il ne fut pas franc-maçon de décrocher un contrat avec L'Editorial Avril et
mais c'est dans sa Natural history of Staffordshire de s'installer en Amérique latine.
(1686) que l'on trouve certaines descriptions Puis, après avoir travaillé à Londres pour le
rituéliques dont on conçoit la valeur de témoi- Daily Mail, il rentre en Italie où il écrit La Ballade
gnage, plus de trente ans avant la fondation de la de la mer salée, histoire qui voit naître son fameux
Franc-Maçonnerie spéculative officielle. personnage, Corto Maltese.
En novembre 1976, il est initié à la loge véni- Les Illustrations of Freemasonry constituent un
tienne Hermès, affiliée à la Grande Loge d'Italie recueil de conférences aussi érudites que d'une
des Anciens Francs et Reconnus Maçons. haute tenue littéraire à l'usage des loges.
Du fait du succès de Corto Maltese, il se déplace La Grande Loge d'Angleterre doit en outre à
souvent en France, et c'est à Nice qu'il est initié au William Preston la fondation des fameuses Presto-
grade de Maître secret, premier grade du Rite nian lectures, qui, en dépit de certaines interrup-
Écossais Ancien Accepté, avec la collaboration du tions, se sont continuées jusqu'à nos jours,
Grand Orient de France. conférences en général remarquables sur des
Dans Fable de Venise, Hugo Pratt met en scène sujets d'intérêt maçonnique. Le recueil en est
Corto Maltese dans sa loge Hermès. Corto arrive publié par la loge Quatuor Coronati n° 2076 de
Londres.
dans la loge, représentée de façon très réaliste,
avec des frères en plein travail alors qu'il est à la PRICE H e n r y ( 1 6 9 7 - 1 7 8 0 )
recherche d'une émeraude. C'est dans le temple Dès 1730, un colon anglais du nom de Daniel
même qu'il retrouve la pierre précieuse. Coxe avait été nommé, sous la grande maîtrise du
duc de Norfolk, Grand Maître provincial pour New
PRESTON William ( 1 7 4 2 - 1 8 1 8 )
York, New Jersey et la Pennsylvanie. Ce fut cepen-
Né à Édimbourg en 1742, William Preston vint
dant Prince qui, en 1733, fut désigné comme
à Londres en 1760 et y fut initié en 1763. Sa carrière Grand Maître provincial pour la Nouvelle-Angle-
maçonnique fut féconde et brillante. Après plu- terre, puis, l'année suivante, pour toute l'Améri-
sieurs vénéralats, il fut placé dans la chaire du Roi que du Nord. Il y a donc lieu de le tenir pour le
Salomon par la loge Antiquity n° 1 (aujourd'hui premier Grand Maître américain. Il fut un intime
n° 2), laquelle travaillait sans charte parce que « de de Benjamin Franklin.
temps immémorial » (situation qui se continue PRICHARD S a m u e l
aujourd'hui). À la Saint-Jean 1777, une délégation
Les dates de naissance et de décès de ce per-
de cette loge, précédée de Preston, se rendit à
sonnage sont inconnues, de même que celle de
l'église Saint-Dunstan pour y assister à l'office, les son initiation.
Frères étant revêtus de leurs tabliers et décors et
Il publia en 1730, s'affirmant franc-maçon, son
gantés, l'église se trouvant à faible distance et la
retentissant ouvrage Masonry disected (sic), divul-
délégation n'ayant que la rue à traverser, puis s'en gation intégrale du rituel des trois grades bleus.
revint de même. L'incident valut à Preston les fou- Le scandale fut énorme, mais de nombreux
dres de la Grande Loge, en raison de l'interdiction Vénérables utilisèrent le livre dont le texte aidait
traditionnelle faite aux loges de se montrer ainsi leur mémoire à retenir le rituel par cœur, à une
publiquement sans son autorisation. Preston époque où il était défendu de l'imprimer.
invoqua à titre de privilège le fait que son atelier L'histoire maçonnique peut être reconnais-
travaillait « de temps immémorial », opinion juri- sante à ce rebelle de son parjure, car le livre est un
diquement insoutenable, car elle érigeait la loge témoignage appréciable de la liturgie alors en
en obédience autonome. Aussi fut-il frappé de vigueur dans les premières loges. On y trouve
radiation. notamment la première allusion en date, dans un
Un schisme s'ensuivit, la loge Antiquity n° 1 livre, à la légende du 3 Degré.
s'étant séparée de la Grande Loge et constituée en PRINCE HALL
un corps nouveau, prenant pour nom celui de Célèbre nègre américain qui, en compagnie de
Grand Lodge of England South of the river Trent. treize autres nègres, reçut l'initiation maçonnique
En 1787, les schismatiques ayant donné les satis- le 6 mars 1775 à Boston, dans une loge militaire
factions requises à la Grande Loge, cette dernière anglaise.
les réintégra. De nos jours, une obédience maçonnique
Le nom de William Preston demeure attaché à d'hommes de couleur se réclame toujours de
ses Illustrations of Freemasonry, dont la première Prince Hall, dont elle a adopté d'ailleurs le nom.
édition parut en 1772. L'ouvrage connut dix-sept Elle avait bien reçu, en 1787, une charte de la
éditions, dont douze durant la vie de l'auteur, qui Grande Loge d'Angleterre, mais les relations entre
mourut en 1818. Enterré à la cathédrale Saint- cette dernière et Prince Hall ayant été interrom-
Paul, à Londres. pues durant de longues années, la charte fut
déclarée caduque au XIX siècle. Aux yeux de la une fureur de provocation inouïe. Elle n'était que
Maçonnerie des U.S.A., cette charte avait la seule « théologie » de Proudhon, demeuré un
d'ailleurs été octroyée en méconnaissance des profane n'ayant pas dépouillé ses métaux, et qui
droits de la Grande Loge de l'État de Massachu- ne devait d'ailleurs jamais dépasser de toute sa vie
setts, territorialement seule qualifiée pour consti- le grade d'Apprenti. Elle couronnait néanmoins
tuer des loges, et dès lors l'obédience devait être un effort prolongé depuis un quart de siècle en vue
tenue pour irrégulière. de substituer ce que Gaston Martin, historien du
Elle n'en a pas moins essaimé aux U.S.A. et Grand Orient, a justement nommé « une nouvelle
jusqu'au Liberia. mentalité maçonnique » à l'authentique doctrine
de l'Ordre. Il faudra attendre en France la date de
PROUDHON P i e r r e J o s e p h ( 1 8 0 9 - 1 8 6 5 ) 1913, celle de la résurrection de la Franc-Maçon-
Philosophe politique dont l'influence sur la nerie régulière, pour que le balancier de l'histoire
pensée socialiste prémarxiste fut considérable. oscille à nouveau dans un autre sens : le seul digne
Son initiation à la loge de Besançon, le 8 juin 1847, d'être tenu pour maçonnique.
présente un intérêt historique, car on peut y voir
PUTNAM I s r a e l ( 1 7 1 8 - 1 7 9 0 )
vraiment le triomphe de la « Voie substituée » sur
la Franc-Maçonnerie traditionnelle en France au Général américain qui se distingua durant la
XIX siècle, et l'élimination désormais acquise de guerre de l'Indépendance. Selon le New Age de
cette dernière, en dépit des derniers combats janvier 1924, membre de la loge Hiram n° 1. Selon
d'arrière-garde du Suprême Conseil du Rite Écos- d'autres, initié dans une loge militaire anglaise.
sais Ancien et Accepté. Proudhon lui-même a Capturé par les Peaux-Rouges près de Crown
raconté l'événement dans son livre De la Justice Point, il fut attaché à un chêne pour y être mis à
dans la Révolution et dans l'Église en ces termes : mort. Il fit à tout hasard, au dernier moment, le
« Comme tout néophyte, avant de recevoir la signe de détresse, que vit un officier français
Lumière, je dus répondre aux trois questions n o m m é Molang, lequel, intervenant au prix de sa
d'usage : Que doit l'homme à son semblable ? Que propre vie, intervint et sauva la sienne. On donna
doit-il à son pays ? Que doit-il à Dieu ? Sur les deux le nom de chêne de Putnam (Putnam's oak) à
premières questions ma réponse fut telle, à peu l'arbre qui avait faillit être son poteau de sup-
près, qu'on pouvait l'attendre. Sur la troisième, je plice.
répondis par ce mot : la Guerre. » Bibl. : A. MACKEY. Encyclopaedia of Freema-
Ce que Proudhon affirmait de cette manière sonry, II, pp. 822-823, et les auteurs cités.
violente n'était pas l'athéisme au sens ordinaire PUYSÉGUR, m a r q u i s d e
du mot mais l'« antithéisme » au sens de sa propre V. Chastenet de Puységur.
doctrine. Le Grand Orient ne rayera de ses Cons-
PYRON J e a n - B a p t i s t e ( ? - 1 8 2 1 )
titutions le Grand Architecte de l'Univers que
Avocat. Premier commis aux revenus casuels
trente ans plus tard, en 1877, mais dès 1858,
Proudhon en donne la définition révolutionnaire du comte d'Artois. Officier et Député au Grand
suivante : Orient de 1773 à 1776.
« Le Dieu des Maçons n'est ni Substance, ni En 1814 publia un Abrégé historique de l'orga-
Cause, ni Âme, ni Monade, ni Créateur, ni Père, nisation en France des trente-trois degrés du Rite
Écossais Ancien et Accepté. Joua un rôle de quelque
ni Verbe, ni Amour, ni Paraclet, ni Rédempteur, ni
importance lors des difficultés qui opposèrent en
Satan, ni rien de ce qui correspond à un concept
transcendantal : toute métaphysique est ici écar- 1815 le Suprême Conseil du R.E.A.A. au Grand
Orient.
tée. C'est la personnification de l'Équilibre univer-
Bibl. : Albert LANTOINE. Le Rite Écossais Ancien et
sel : Dieu est l'Architecte. Il tient le Compas, le
Niveau, l'Équerre, le Marteau, tous les instru- Accepté. 1930. - Paul NAUDON. Histoire et Rituels
ments de travail et de mesure. Dans l'ordre moral, des Hauts Grades maçonniques. 1966.
il est la justice. Voilà toute la théologie maçonni- QUATREMÈRE DE QUINCY Antoine
que. » (Op. cit., VI étude, chapitre v.) En fait, cette Chrysostome (1755-1849)
accumulation de blasphèmes ne trouvait dans Archéologue. Il fut, avant la Révolution, lauréat
l'entière « théologie » maçonnique pas l'ombre de l'Académie des Inscriptions. Après divers ava-
d un précédent. Elle en prenait le contre-pied avec tars politiques sous les successifs régimes, il devint
en 1824 chargé du cabinet des antiques à la Biblio- Auteur de plusieurs ouvrages d'archéologie et
thèque nationale, qu'il dirigea avec compétence. d 'art, dont le principal est son Jupiter olympien
Il avait été nommé secrétaire perpétuel de l'Aca- (1814).
démie des Beaux-Arts en 1816. Membre de la loge Thalie.
R
RADCLIFFE
cours qu'il tenta de prononcer en mars 1737
V. Derwentwater. devant les loges de Paris, ce qu'empêcha l'inter-
RAGON o u RAGON DE BETTIGNIES diction du cardinal Fleury, alors ministre des
Jean-Marie (1781-1862) Affaires étrangères.
Initié en 1803 dans une loge de Bruges, La Réu- Le texte du Discours a été plusieurs fois publié
nion des Amis du Nord. Fonda en 1816 à Paris la (v. notre Franc-Maçonnerie à l'heure du choix,
loge Les Trinosophes. 33e en 1819. 9 0 du Rite de pp. 221-226). Tournant le dos aux origines opéra-
Misraïm. Collabora en 1818 à L'Hermès. tives de l'Ordre, Ramsay en rapporte la fondation
Ragon écrivit d'innombrables rituels, traités, aux Croisés. (À noter toutefois que la fable tem-
articles et études de toute sorte sur la Maçonnerie plière n'y apparaît pas encore.) Son but, que des
de son époque, dont la prolixité et la médiocrité travaux récents ont tiré au clair, était de gagner
ainsi la noblesse française, voire Louis XV lui-
aujourd'hui nous étonnent. Tel passage d'un de
même, à la cause du Prétendant. L'interdiction du
ses livres, consacré à la gloire du gaz d'éclairage, à
cardinal Fleury s'explique : son gouvernement
propos de la Lumière de l'initiation maçonnique,
atteint au ridicule. axait sa politique étrangère sur l'alliance avec
l'Angleterre hanovrienne et une collaboration
Son principal ouvrage fut son Cours philosophi-
étroite avec le cabinet Walpole. Le Discours procé-
que et interprétatif des initiations anciennes et
modernes (1842). dait d'ailleurs d'une initiative donquichottesque
de Ramsay, non des consignes du Prétendant, qui
RAMSAY A n d r é M i c h e l , c h e v a l i e r d e le tenait pour un fou. Si Ramsay échoua dans ses
(1686-1743) visées politiques, son Discours (fort beau et
Né à Ayr (Écosse) aux environs de 1686, qu'Albert Lantoine devait même qualifier
converti en 1710 au catholicisme par Fénelon, d'« immortel ») devait avoir des répercussions
anobli par le Régent Philippe d'Orléans qui le fit maçonniques immenses. Il donna son impulsion
chevalier de l'Ordre de Saint-Lazare, Ramsay se au phénomène de l'éclosion des Hauts Grades, qui
lança dans la politique jacobite et fut un temps à ne devait pas tarder, et par là influa sur toute l'his-
Rome précepteur des enfants du Prétendant Jac- toire ultérieure de l'Écossisme.
ques III. Il le quitta pour s'établir à Paris et mourut
RASPAIL F r a n ç o i s V i n c e n t ( 1 7 9 4 - 1 8 7 8 )
à Saint-Germain. La signature de Radcliffe, Lord
Chimiste et homme politique. Son idéologie fut
Derwentwater (v. ce mot), figure au protocole de celle de la « Voie substituée ».
ceux qui assistèrent à sa fin (1743).
Membre de la loge Les Amis bienfaisants et Imi-
Peu de personnages historiques ont été autant tateurs d'Osiris réunis (1877).
discutés.
Initié, selon le London Evening Post du 17 mars REBOLD E m m a n u e l (?)
1730, le « lundi précédent » à la loge Horn, au Ingénieur. Membre, officier et historiographe
Palace Yard de Westminster, dont le duc Rich- de la loge La Clémente Amitié. À la suite d'avatars
mond fut Vénérable, et qui devait peu après initier maçonniques, il fut suspendu pour trois ans, mais
Montesquieu, il conçut la Franc-Maçonnerie en réintégré par décret du maréchal Magnan, Grand
visionnaire, très certainement sous l'influence de Maître du Grand Orient de France, lui-même
ses lectures et de son adhésion mystique à la doc- nommé par décret de Napoléon III (v. Magnan).
trine du « pur amour » de Mme Guyon, comme le Son Histoire des trois Grandes Loges (1864) doit
montrent ses écrits, et comme devait surtout le beaucoup aux travaux antérieurs de Thory, tout en
faire éclater un document fameux, le célèbre Dis- abondant en confusions.
REGNAULT DE SAINT-JEAN-D'ANGÉLY Ce fut sous la direction de Roëttiers de Monta-
Michel, c o m t e ( 1 7 6 1 - 1 8 1 9 ) leau que fut fondé le Grand Directoire de Neustrie
Avocat et homme politique. Ce fut lui qui, après au sein du Centre des Amis (1807).
Waterloo, obtint de Napoléon qu'il abdiquât en Sous le Directoire et le Consulat, la loge fondée
faveur du Roi de Rome. par Roëttiers de Montaleau fut en même temps un
Membre de la loge L'Égalité de Saint-Jean- centre contre-révolutionnaire (v. Willot) et le foyer
dont le Rite Rectifié devait renaître en France.
d'Angély (devenue depuis lors L'Égalité régénérée,
du Grand Orient de France). ROHAN-GUEMENÉE Louis A r m a n d C o n s t a n -
RÉMUSAT A u g u s t e L a u r e n t , c o m t e d e tin d e , d i t le c h e v a l i e r d e ROHAN, p u i s le
(1762-1823) p r i n c e d e MONTBAZON ( 1 7 3 0 - 1 7 9 4 )
Héroïque marin, fait prisonnier en 1758 en
Magistrat, puis premier chambellan de Napo-
léon (1804). Préfet du Nord sous la Restauration. combattant, à bord d'un unique bâtiment, contre
six navires anglais. À sa libération, successivement
Il avait épousé une petite-nièce de Vergennes.
chef d'escadre (1764), gouverneur des îles Sous-le-
Membre de la loge L'Impériale des Francs Cheva-
Vent (1766), lieutenant général des armées navales
liers, dont fit partie Talleyrand, et qui comportait
(1769), vice-amiral (1784). Prit part à la guerre de
une loge d'adoption où fut initiée l'impératrice
l'Indépendance américaine.
Joséphine.
Membre de la loge Saint Jean de Montmorency-
RIBAUCOURT É d o u a r d d e ( 1 8 6 5 - 1 9 3 6 ) Luxembourg (1773).
Premier Grand Maître de la Grande Loge Natio- Guillotiné le 5 Thermidor An II (23 juillet 1794).
nale Indépendante et Régulière, future Grande ROOSEVELT Franklin D e l a n o ( 1 8 8 2 - 1 9 4 5 )
Loge Nationale Française. Président des U.S.A. Initié le 10 octobre 1911 en
Né à Payerne (Suisse), le 8 décembre 1865, de loge Holland n° 8 à Manhattan, passé au 2 Grade
souche picarde, pouvant remonter ses origines au le 14 novembre et élevé à la maîtrise le 28 novem-
IX siècle. L'histoire de sa vie, pleine de foi et de bre 1911. En 1932, nommé Grand Représentant de
courage, se confond avec celle de la résurrection la Grande Loge de Géorgie auprès de celle de New
de la Franc-Maçonnerie régulière dans notre pays York.
(v. Introduction). Le nom de Ribaucourt a été Le président Roosevelt fut également 3 2 du
donné à l'un des temples de la G.L.N.F. R.E.A.A. et Shriner.
RICAULT ROUGET DE LISLE C l a u d e J o s e p h
Franc-maçon de la première moitié du (1760-1836)
XVIII siècle, auteur d'un quatrain piquant et sou- Membre de la loge Les Frères discrets, à l'Orient
vent cité : de Charleville.
Pour le public un Franc Maçon Auteur de La Marseillaise. Rouget de Lisle n'eut
Sera toujours un vrai problème pas, en la composant, l'intention d'écrire un hymne
Qu'il ne saurait résoudre à fond républicain et les couplets contre les « tyrans » ne
Qu'en devenant Maçon lui-même. sont pas de lui. Il refusa de trahir son serment de
fidélité à Louis XVI comme officier, fut arrêté sous
ROËTTIERS DE MONTALEAU A l e x a n d r e la Terreur comme suspect, et n'évita la guillotine
(1748-1808) que grâce au 9 Thermidor. Libéré, il composa son
Directeur de la Monnaie de 1791 à 1797. Chant du Neuf Thermidor, injustement oublié.
Ce maçon éminent fut le principal fondateur de Le baron de Dietrich, maire de Strasbourg, chez
la loge Le Centre des Amis, le 2 février 1793, en lequel il avait composé La Marseillaise, fut guillo-
pleine Terreur, qui absorba l'ancienne loge tiné. Il avait, ironie sinistre, appartenu aux Illumi-
nés de Bavière.
Guillaume Tell, composée d'éléments des gardes
suisses qui avaient été massacrés en défendant ROZE N i c o l a s , a b b é ( 1 7 4 5 - 1 8 1 9 )
héroïquement la famille royale. Après un long Maître de musique de l'église des Saints-Inno-
sommeil, cette loge, réveillée en 1910, devait deve- cents. Bibliothécaire du Conservatoire impérial de
nir la loge n° 1 de la Grande Loge Nationale Fran- musique. Auteur d'une Méthode de plain-chant
çaise. classique.
Membre de la loge Saint Jean d'Ecosse du RUFFONI
Contrat social (1783) et de la Société Olympique. Le prince Murat, Grand Maître du Grand Orient
RUCART M a r c ( 1 8 9 3 - 1 9 6 4 ) sous le Second Empire, ayant créé à l'usage des
Homme politique de la III République. Grande Hauts Grades un « Institut dogmatique », Ruffoni
intelligence et grand cœur, se consacra de toutes fut chargé d'en rédiger le manuel. Typique de la
ses forces, alors qu'il était au pouvoir comme mentalité de la Maçonnerie déviée de l'époque, il
ministre de la Justice, aux problèmes de l'enfance fut justement qualifié par Jean Baylot de « néga-
coupable. tion de la Franc-Maçonnerie comme institution
Membre du Droit Humain. spécifique et de démonstration de l'inutilité de
Partisan de la paix en matière de conscience, il l'Institut » (Jean BAYLOT, La Voie substituée, p. 284).
eut, au cours d'un voyage à Rome, une entrevue Le terme de « dogmatique », choisi par le Grand
avec le Pape. Orient, ne manquait pas d'une forte saveur.
LOUIS CLAUDE DE SAINT-MARTIN
s

SAINT-FLORENTIN Louis P h é l y p e a u x , d u c fameux convent aboutit à un échec total dans ses


d e La VRILLIÈRE, c o m t e d e ( 1 7 0 5 - 1 7 7 7 ) ambitions de réformer la Maçonnerie.
Ministre de Louis XV, dont l'initiation maçon- SAYER A n t h o n y ( 1 6 7 2 - 1 7 4 2 )
nique nous est connue par les articles de la presse Premier en date des Grands Maîtres de la
anglaise relatant celle de Montesquieu (v. Montes- Grande Loge fondée à Londres le 24 juin 1717. Il
quieu). fut réduit à la fin de sa vie à recourir à la charité de
SAINT-MARTIN Louis C l a u d e (de), ses Frères.
dit le P h i l o s o p h e i n c o n n u ( 1 7 4 3 - 1 8 0 3 ) SCHEFFER, b a r o n ( 1 7 1 5 - 1 7 8 6 )
Né à Amboise en 1743. Après une brève carrière Gentilhomme suédois. Initié à Paris en 1737 à
militaire, il voyagea pour se retirer enfin à Lyon, la loge Coustos-Villeroi. Il fonda en Suède des
où il vécut en reclus durant trois ans, dans un état loges en vertu de pouvoirs reçus de Lord Derwen-
de méditation mystique. Vécut sous la Révolution twater, Grand Maître des loges parisiennes, dont
à Paris. Mort en 1803. la charte fut le document dit Devoirs enjoints aux
Son ouvrage principal, Des erreurs et de la vérité Maçons libres (1735) dont l'original se trouve à
(1775), eut un retentissement immense. Il s'était Paris (Bibl. Nat. manuscrit n ° F M . et un
d'abord attaché à Martines de Pasqually, mais ce second original dans les archives de la Svenska Fri-
fut son système propre, le Martinisme, qui devait murare Orden (Grande Loge de Suède), à Stoc-
par le canal des loges se répandre dans toute kholm. Il fut Grand Maître en 1753, titre qu'il
l'Europe, et jusqu'en Russie. Il le développa dans conserva jusqu'en 1774, où il passa au duc de
son Tableau naturel des rapports qui existent entre Sudermanie, futur Charles XIII, roi de Suède.
Dieu, l'homme et l'univers (1782), L'Homme de SCHOELCHER V i c t o r ( 1 8 0 4 - 1 8 9 3 )
désir (1790) et d'autres ouvrages. Homme politique. Appartint à des loges diver-
Robert Amadou, dans la longue série d'études ses. Maçon convaincu et généreux, il se voua à la
qu'il lui a consacrées avec une érudition sagace, a cause de l'abolition de l'esclavage dans les colo-
réfuté au sujet de Claude de Saint-Martin une nies françaises. On lui doit le décret historique du
erreur ancienne faisant de lui l'inventeur d'un Rite
27 avril 1848 proclamant cette abolition.
maçonnique (cf. article dans Le Symbolisme
SCHREPFER J o h a n n G e o r g ( ? - 1 7 7 4 )
n° 394, 1971, pp. 285 et suiv.), encore qu'il fût Élu
Coen. Cabaretier de Leipzig qui, en 1768, ouvrit de sa
En 1891, le docteur Gérard Encausse (Papus) propre autorité une « loge » qu'il qualifia d'écos-
prétendit réveiller l'Ordre martiniste. (Cf. sur cette saise, destinée à supplanter la Stricte Observance,
entreprise et ses suites l'intéressante notice qu'il couvrit d'outrages.
L'essentiel des initiations consistait en évoca-
d'Antoine Faivre et Jean Saunier publiée en
Addenda de René Le Forestier, La Franc-Maçonne- tions d'esprits et de fantômes, au moyen d'une
lanterne magique et autres truquages, pratiques
rie templière et occultiste aux XVIII et XIX siècles,
1970, pp. 1016 et suiv.) grâce auxquelles Schrepfer devint immanquable-
ment riche, mais qui éveillèrent des soupçons. Le
SAVALETTE DE LANGES C h a r l e s P i e r r e duc Charles de Courlande fit empoigner l'impos-
Paul, m a r q u i s d e ( 1 7 4 6 - 1 7 9 8 ) teur en pleine rue et le fit conduire au poste, où il
Garde du Trésor royal de 1774 à 1790. reçut cent coups de bâton. Après cette correction,
Membre des loges Les Amis réunis, l'Olympique il dut en signer quittance dans les termes suivants,
de la parfaite Estime, le Centre des Amis, et fonda- qui furent reproduits dans les journaux : « Je sous-
teur du Régime des Philalèthes, avec Court de signé reconnais par la présente avoir bien reçu les
Gébelin, le prince de Hesse et d'autres, dont le cent coups de bâton auxquels m'avait condamné
S.A.R. Monseigneur Charles de Courlande. Leip- Une gravure célèbre a perpétué le souvenir de
zig, 18 septembre 1773. Signé: Johann Georg cette fin dramatique.
Schrepfer. » Les pratiques évocatoires constituent l'une des
Le scandale parvint jusqu'au duc Ferdinand de formes auxquelles, de tout temps, les exploiteurs
Brunswick, qui arrangea les choses. On vit même de la crédulité humaine ont eu recours, et, au
le duc de Courlande et Schrepfer se promener bras XVIII siècle, ils lui donnèrent souvent une forme
dessus bras dessous dans les rues de Dresde, mais paramaçonnique ou pseudo-maçonnique. Le
à la suite de nouvelles intrigues et d'indélicatesses, moderne Spiritisme, heureusement pour l'Ordre,
les malheurs de Schrepfer reprirent. Ayant su qu'il a préféré s'organiser en religion autonome. Tel
s'était avisé de se dire colonel français et fils natu- groupement n'en a pas moins repris, au cours des
rel du prince de « Comty » (sic), le ministre de dernières années, une fois de plus le nom des
France porta plainte. En même temps, un créan- Templiers pour tenter de noyauter les loges, sans
cier gagiste auquel Schrepfer avait remis, en sûreté grand succès.
d'un prêt de mille louis d'or, un coffre contenant, SCHROEDER F r i e d r i c h L u d w i g ( 1 7 4 4 -
avait-il dit, d'importants secrets maçonniques, 1816)
s'avisa de l'ouvrir. Il n'y trouva que des chiffons. Maçon allemand, fondateur du Rite de son
Au petit matin, le 8 octobre 1774, Schrepfer joua nom, qui vécut et mourut à Hambourg. Par réac-
une ultime comédie à un groupe de maçons qu'il tion contre la démence des Hauts Grades du
entraîna dans un bois aux environs de Dresde, XVIII siècle, il s'inspira avec rigueur de l'exemple
puis s'y suicida d'une balle dans la tête. anglais pour restreindre son Rite aux seuls trois

Mort de Schrepfer.
grades bleus. Il créa néanmoins un Engbund,
ouvert aux seuls Maîtres, mais qui n'était pas un
Haut Grade, en vue d'approfondir tous les Rites et
systèmes autres que la Maçonnerie symbolique.
L'Engbund souché sur chaque loge correspondait
obligatoirement avec un organisme central, sis à
Hambourg, le Mutterbund. Dans cette conception
hardie, les Hauts Grades cessaient d'être pratiqués
mais pouvaient être étudiés.
NB. - Il a existé plusieurs autres Schroeder ou
Schröder. Cf. R. Le Forestier. Op. cit., pp. 989-990.
SCOTT R o b e r t F a l c o n , c a p i t a i n e
(1868-1912)
Explorateur anglais, célèbre par ses expéditions
au pôle Sud.
Membre des loges Drury Lane, de Londres, et
Saint Albans, de Christ Church (Nouvelle-
Zélande).
RAYMOND DE SÈZE
SCOTT W a l t e r , Sir ( 1 7 7 1 - 1 8 3 2 )
Avocat, romancier et poète écossais illustre. Sa musique maçonnique a été éditée à l'usage
Membre de la loge Saint Davis n° 36, d'Édim- des loges par la Grande Loge de New York et lui a
bourg, son œuvre abonde en allusions maçonni- mérité d'être appelé le plus grand compositeur de
ques. La plus connue demeure celle du champ musique maçonnique depuis Mozart.
clos d'Ivanhoé (1820). Il fut un maçon actif et
extrêmement dévoué à l'Ordre, mais déclina en SMETZ-MONDEZ G u s t a v e ( 1 8 6 1 - 1 9 3 8 )
1823 la grande maîtrise du Royal Grand Conclave Avocat belge. Initié le 15 février 1904 en loge Les
of Knights Templar d'Écosse en raison de son âge Amis philanthropes à Bruxelles, il tenta durant les
et de sa mauvaise santé, âgé cependant de cin- années qui précédèrent la Première Guerre mon-
quante-deux ans seulement. diale et qui la suivirent un louable effort pour
Il fut anobli par George IV. ramener la Maçonnerie belge à la régularité.
SÈZE R a y m o n d , dit R o m a i n d e Bibl. : Fernand BORNÉ. Un précurseur belge de la
(1748-1828) Maçonnerie régulière: Gustave Smetz-Mondez
L'un des avocats qui honorèrent le plus le bar- (publ. dans les travaux de la loge Villard de Hon-
reau français. necourt, 1970, t. VI, pp. 3-15).
Il défendit de manière émouvante Louis XVI SMITH William (dates inconnues)
devant la Convention, avec Tronchet et Malesher- Commerçant ingénieux qui publia en 1735 un
bes, et ne sauva sa propre tête que grâce au 9 Ther- Pocket companion à l'usage des francs-maçons,
midor. Premier président de la Cour de cassation où les Constitutions d'Anderson étaient plagiées
sous la Restauration. mais surtout résumées sous forme d'un « guide-
Membre de la loge Les Neuf Sœurs. âne » pratique, éternel exemple du vulgarisateur
Son frère Paul Victor de Sèze (1754-1830), qui sait tabler fructueusement sur la paresse.
médecin, appartint à la même loge. Lorsqu'en 1735 la première édition des Consti-
SIBELIUS J o h a n J u l i u s C h r i s t i a n , dit J e a n tutions fut épuisée, Anderson se plaignit amère-
(1865-1957) ment à la Grande Loge de la concurrence de ce
Compositeur finnois, bien connu pour sa célè- Smith, et obtint qu'elle ordonnât aux Vénérables
bre Valse triste, mais qui, initié le 18 août 1922 à la de dissuader les Frères d'acheter ses produits. Ils
loge Suomi (A.Q.C., 1960, p. 87), composa de nom- n'en prospérèrent pas moins. En 1770, on les
breux morceaux spécialement destinés aux céré- achetait encore, jusqu'à ce que les Illustrations of
monies maçonniques, dont une admirable Masonry de William Preston finissent par les sup-
Marche funèbre pour orgue. planter.
SPONTINI G a s p a r e Luigi P a c i f i c o se rendit aux Tuileries en uniforme de garde natio-
(1774-1851) nal, où il fit retenir Pétion comme otage. Reconnu
Compositeur. Directeur du Théâtre-Italien de par Théroigne de Méricourt, qu'il avait souvent
Paris. Membre de l'Académie des Beaux-Arts (1842). attaqué, il fut massacré par une foule furieuse,
L'appartenance maçonnique de ce composi- dans la cour des Feuillants.
teur est établie, mais il n'apparaît pas qu'il ait écrit Membre de la loge Sainte Sophie (1786).
de musique proprement maçonnique.
SUSSEX F r e d e r i c A u g u s t e , d u c d e
STENDHAL Henri BEYLE, d i t ( 1 7 8 3 - 1 8 4 2 ) (1773-1843)
Le rôle maçonnique de Stendhal demeure
Sixième fils du roi d'Angleterre George III.
entièrement inconnu, mais il n'est pas douteux
Il fut initié en 1798 à Berlin, puis s'affilia à la
qu'il ait appartenu, au moins un temps, à l'Ordre.
On admet qu'il s'identifie avec le « Beyle » figurant loge Antiquity n° 1 (de nos jours n°2). Député
sur des tableaux de loge dont l'authenticité est Grand Maître de la Grande Loge des Modems en
certaine. 1812, il en devint le Grand Maître en 1813. En cette
qualité, il collabora avec son propre frère aîné, le
STRESEMANN G u s t a v ( 1 8 7 8 - 1 9 2 9 ) duc de Kent, Grand Maître des Antients, en vue de
Homme politique allemand. Chancelier du
réaliser l'Act of Union de 1813 (v. Introduction).
Reich, il signa avec Aristide Briand, président du
Il conserva la grande maîtrise jusqu'à sa mort,
Conseil français, les chimériques accords de
en 1843, et gouverna en autocrate. Ayant reçu de
Locarno (1925). Selon la presse de l'époque, il
Decazes une charte lui permettant de constituer
avait été initié en 1928 à la loge Friedrich der
Grosse, en présence du Grand Maître allemand un Suprême Conseil et bien que lui-même eût été
Habicht. élevé au 3 3 Degré, il s'en abstint et, dans le même
esprit, s'abstint de convoquer les Knights Templar
STUKELEY William, d o c t e u r ( 1 6 8 7 - 1 7 6 5 ) jusqu'à sa mort. Cette défiance à l'égard des Side
L'un des premiers initiés anglais après la fonda- Degrees s'expliquait par la date récente de l'union
tion de la Grande Loge, en 1717, et dès avant les
Constitutions d'Anderson de 1723. des deux Grandes Loges et son désir d'en préser-
ver le monolithisme à tout prix.
L'initiation de Stukeley se fit le 6 janvier 1721, à
Londres, à la loge de la Salutation Tavern. Les SWEDENBORG E m m a n u e l ( 1 6 8 8 - 1 7 7 2 )
mobiles qui poussèrent cet érudit, membre de la Visionnaire suédois dont l'œuvre la plus célè-
Royal Society, étaient qu'il « soupçonnait » la bre est la Nouvelle Jérusalem. L'Église qu'il fonda
Franc-Maçonnerie d'avoir hérité quelque chose dure encore.
des mystères antiques. L'étude scientifique de ces Certains de ses disciples fondèrent un Rite
mystères, entreprise de nos jours, ne devait pas maçonnique en six degrés, dit Rite swedenbor-
confirmer pareille hypothèse, mais elle n'est pas gien, mais il n'est pas établi que Swedenborg lui-
sans éclairer la psychologie des intellectuels de même eût jamais été franc-maçon. Selon Albert
l'époque.
Mackey, ce serait là une contrevérité défendue par
Esprit curieux et varié, Stukeley s'intéressa éga- nombre d'auteurs, dont la source commune serait
lement aux druides, à la numismatique et même à
la géologie. un n o m m é Reghellini, dans son livre paru en 1826,
Esprit du dogme de la Franc-Maçonnerie, lui-
SUFFREN P i e r r e A n d r é , bailli d e même induit en erreur par l'influence indiscu-
(1729-1788) table exercée par les idées de Swedenborg sur
Le fameux marin fut franc-maçon. Membre de Pernety et les Illuminés d'Avignon.
la Société Olympique en 1786.
L'œuvre entière de Swedenborg ne contient pas
SULEAU F r a n ç o i s - L o u i s ( 1 7 5 8 - 1 7 9 2 ) une seule allusion maçonnique.
Journaliste royaliste. Il s'opposa avec force à la Bibl. : A. MACKEY. Op. cit., pp. 996 et suiv., et les
Révolution et, dans la nuit qui précéda le 10 août, auteurs cités.
T U
TAITBOUT (Chevalier) F r a n c e , XI, p . 6 2 ) . T a x i l c o n n a i s s a i t c e t t e p s y c h o l o -
Greffier en chef de la ville de Paris de 1773 à g i e e t a v a i t s u l ' e x p l o i t e r . Il n ' e s t m ê m e p a s d é m o n -
1779 et conservateur des hypothèques. Une rue de t r é q u e si, d e m a i n , u n s e c o n d Taxil l a n ç a i t u n e
Paris porte le nom de ce personnage, dont la imposture analogue, adaptée à notre époque par
famille fut une lignée de notables, depuis le règne u n p i m e n t d'actualité, la m ê m e p s y c h o s e collective
de Henri IV. n e se reproduirait pas.
Membre de la loge Les Neuf Sœurs (1778-1779). B i b l . : E u g e n WEBER. S a t a n F r a n c - M a ç o n . P a r i s ,
Éd. Julliard, coll. « Archives », 1964.
TALLEYRAND-PÉRIGORD C h a r l e s - M a u r i c e
de, prince d e Bénévent ( 1 7 5 4 - 1 8 3 8 ) THORY Claude-Antoine (1759-1827)
L'illustre diplomate fut franc-maçon, mais A v a n t la R é v o l u t i o n , a v o c a t a u p a r l e m e n t d e
semble n'avoir jamais dépassé le grade Paris. Greffier d e la c h a m b r e criminelle d u C h â t e -
d'Apprenti, et son activité dans les loges fut nulle. let e n 1786.

Son nom figure sur le tableau de la loge L'Impé- M e m b r e d e la l o g e S a i n t A l e x a n d r e d ' É c o s s e et


riale des Francs Chevaliers, sous l'Empire, atelier d u s o u v e r a i n c h a p i t r e d e la M è r e L o g e Écossaise.
sur lequel était souchée la loge d'adoption qui ini- D é p u t é au G r a n d Orient.
tia l'impératrice Joséphine. A p r è s le r é v e i l d e l a F r a n c - M a ç o n n e r i e , p a s s é l a
R é v o l u t i o n , s e c r é t a i r e e t c o n s e r v a t e u r à vie d e s archi-
TAXIL G a b r i e l - A n t o i n e JOGAND-PAGES,
ves d u Rite Écossais p h i l o s o p h i q u e , Très Sage d u
dit Léo ( 1 8 5 4 - 1 9 0 7 )
souverain chapitre d u Choix, m e m b r e d u Consis-
Ancien élève des jésuites, puis franc-maçon du
t o i r e d u P h é n i x , 9 0 D e g r é d u Rite d e M i s r a ï m , etc.
Grand Orient expulsé de sa loge pour indélica-
Auteur d'ouvrages d'histoire naturelle sans
tesse, auteur d'une imposture aux dimensions
i n t é r ê t ici e t d e d e u x o u v r a g e s f o n d a m e n t a u x s u r
énormes à la fin du XIX siècle, que le recul du
l'histoire maçonnique, Annales originis magni
temps permet aujourd'hui de considérer comme
G a l l i a r u m O... o u H i s t o i r e d e l a f o n d a t i o n d u
un événement historique. (Sur cette imposture, G r a n d O r i e n t d e F r a n c e (1812) et A c t a L a t o m o r u m
v. Anti-Maçonnerie en I I Partie.)
o u C h r o n o l o g i e d e l'histoire d e la F r a n c h e - M a ç o n -
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, n e r i e f r a n ç a i s e e t é t r a n g è r e (1815).
comme à ce qu'il serait normal d'attendre au
Considéré comme historien, Thory est un
XX siècle de la raison humaine, ce que l'on a appelé t é m o i n fiable, m a i s ses m a n u s c r i t s et sa d o c u m e n -
le taxilisme n'est nullement mort. Il survit sous la
tation furent vendus en 1860 à un Américain
forme grossière chez nombre d'esprits frustes, d e m e u r é i n c o n n u , ce qui r e n d a u m o i n s e n large
comme sous forme de variantes intellectualisées
p a r t i e i m p o s s i b l e la v é r i f i c a t i o n c r i t i q u e d e s e s
dans des cercles aussi respectables et édifiants que s o u r c e s . E n o u t r e , les q u e r e l l e s d ' o b é d i e n c e s d e
dénués d'esprit critique. Cette persistance ne s o n t e m p s n e furent p a s sans influencer ses inter-
s'explique que par ce phénomène fréquent dans la
p r é t a t i o n s d e s faits.
psychologie religieuse qu'est une certaine angoisse
du sacrilège, d'autant plus propre à prendre corps TSCHOUDY Théodore, baron de

en pseudo-révélations fantastiques qu'elle est (1720-1769)


imprécise. L'abbé Henri Bremond l'avait finement D ' u n e famille d'origine suisse, m e m b r e d u par-
analysée dans un souvenir, récit de collège : l e m e n t de Metz. Après avoir q u e l q u e peu voyagé,
l'« Autorité », informée d'un sombre complot de il fit d e M e t z , s a v i l l e n a t a l e , o ù il s é j o u r n a d e 1 7 5 6
potaches, l'avait interrogé par la bouche du pion en à 1765, s u i v a n t le m o t d e P a u l N a u d o n ( H i s t o i r e et
ces termes : « Henri ! Je sais tout. Dites-moi le R i t u e l s d e s H a u t s G r a d e s m a ç o n n i q u e s , p. 62), « u n
reste » (Histoire littéraire du sentiment religieux en c e n t r e d e c r é a t i o n s m a ç o n n i q u e s ».
Son œuvre capitale est L'Étoile flamboyante d'Hermétisme. Par exemple, la cérémonie de la cène
(1766), rééditée par Oswald Wirth dans son Symbo- des Rose-Croix comportait des caractères hermétis-
lisme hermétique. Une erreur fréquente est de tes absolument certains qu'il n'a pas distingués,
croire que l'Hermétisme, dont le Rite Écossais, voyant dans celle-ci une imitation de la cène protes-
notamment, est imprégné, se rattacherait directe- tante. (Sur cet aspect de sa pensée dans L'Étoile
ment aux opératifs. Il y a au contraire, entre les flamboyante, cf. R. Le Forestier, Op. cit., p. 62.)
alchimistes du Moyen Âge et la Franc-Maçonnerie Bibl. : TSCHOUDY (baron Th. de). Ouvrages cités.
écossaise, une coupure, une solution de continuité. - Oswald WIRTH. Symbolisme hermétique (1931).
Ce fut au XVIII siècle que des esprits éminents, dont
TWAIN M a r k ( 1 8 3 5 - 1 9 1 0 )
un Tschoudy demeure le type, intéressés par l'Her-
Célèbre humoriste américain. Son vrai nom
métisme que, depuis plusieurs décennies, la pensée
des ritualistes recherchait comme à tâtons et tradui- était Samuel Langhorne Clemens. Albert Mackey
sait mal, séparèrent définitivement l'alchimie philo- nous apprend dans son Encyclopaedia of Freema-
sophique de l'alchimie vulgaire, traduisant en sonry qu'il fut initié le 22 mai 1861 à la loge Polar
symboles la première, et en faisant de ces symboles Star n° 79, à Saint Louis, passé Compagnon le
la trame du Rituel, associés aux thèmes tirés de l'art 12 juin 1861 et élevé à la maîtrise le 10 juillet 1861.
de bâtir. L'Étoile flamboyante de Tschoudy, juste- Au cours d'un voyage qu'il fit en Palestine, il
ment admirée et judicieusement commentée par expédia à sa loge un maillet, accompagné d'une
Oswald Wirth, en demeure le témoignage. lettre humoristique où il indiquait que le maillet
Cette intelligence puissante se manifesta par était en bois de cèdre, coupé dans la forêt du Liban
ailleurs dans deux autres circonstances. d'où Salomon avait fait extraire les bois de cons-
a) À propos des bulles pontificales. truction du Temple, et que la poignée était faite
En 1752, Tschoudy publia son pamphlet « d'un bois coupé par le Frère Clemens sur un
L'Étrenne au Pape ou les Francs-Maçons vengés, cèdre planté par le Frère Godefroi de Bouillon en
dont l'originalité est de plaider la cause de la dehors des murs de Jérusalem ».
Maçonnerie, après la bulle Providas de Benoît XIV
ULBACH Louis ( 1 8 2 2 - 1 8 8 9 )
(1751) en s'appuyant sur le droit canon.
Journaliste. Il anima notamment avec la colla-
b) À propos des Hauts Grades.
Tschoudy, avec un discernement admirable, sut boration de François Favre Le Monde maçonni-
séparer le bon grain de l'ivraie dans ce domaine, que, qui parut de 1858 à 1885, et marqua
notamment dans ses deux livres : Développement fortement l'adhésion, à l'époque, des obédiences
des abus introduits dans la Franc-Maçonnerie françaises à la « Voie substituée ».
(1780), et G.I.G.E. ou Chevalier Kados, connu sous URIOT J o s e p h ( d a t e s i n c o n n u e s )
les titres de Chevalier Élu, de Chevalier de l'Aigle Auteur du Véritable portrait d'un Franc-Maçon,
noir (1781). Comme le note encore Paul Naudon publié en 1742 à Francfort, l'un des premiers
dans son ouvrage précité, le Rituel du 3 0 Degré, tel ouvrages allemands sur la Franc-Maçonnerie, et
qu'il est publié par Tschoudy, était totalement dif- qu'il développa dans son ouvrage paru en 1769
férent au XVIII siècle de celui inventé au siècle sui-
sous le titre de Lettres sur la Franche Maçonnerie.
vant dans un esprit anticlérical.
Tschoudy a enfin laissé une série de discours USSIEUX Louis d ' ( 1 7 4 7 - 1 8 0 5 )
prononcés en loge, et qui ressuscitent pour nous L'un des principaux rédacteurs du Journal de
une ambiance que la seule lecture des rituels et de Paris en 1777. Il collabora ensuite, de 1785 à 1790,
leurs commentaires ne saurait donner. à la Collection universelle des Mémoires particu-
Dans son Orthodoxie maçonnique, Ragon a liers relatifs à l'histoire de France, et fut en 1795
attribué à Tschoudy la création de la Franc-Maçon- membre du Conseil des Anciens.
nerie adonhiramite. C'est là une erreur totale. Membre de plusieurs académies, cet homme
Une autre erreur serait de méconnaître que de lettres doublé d'un agronome de valeur fut
Tschoudy se soit parfois trompé, même à propos membre de la loge Les Neuf Sœurs (1778-1783).
v w

VALENCE C y r u s M a r i e d e T i m b r u n e - T a m -
bronne, comte de (1757-1822)
Souverain Grand Commandeur du Rite Écos-
sais Ancien et Accepté de 1821 à 1822. Il avait
épousé la fille de Mme de Genlis (elle-même
membre d'une loge d'adoption) en 1786. S'était
distingué à Valmy (1792) comme lieutenant géné-
ral de Dumouriez puis à Neerwinden (1793).
N.B. - La prétendue rencontre secrète entre
Dumouriez et le maréchal duc de Brunswick sous
l'égide de la fraternité maçonnique, la veille de la
bataille, est une légende.
Il émigra, rentra après le 18 Brumaire, prit part
aux guerres de l'Empire, et signa la déchéance de
Napoléon en 1814. Pair de France au retour du Roi
et durant les Cent-Jours, éloigné par la seconde
Restauration, il reprit son siège à la Chambre des
pairs en 1819. Le comte L.-Ph. de Ségur lui succéda
comme Souverain Grand Commandeur du
R.E.A.A.

VELBRUCK F r a n ç o i s C h a r l e s , c o m t e d e
Prince-évêque de Liège durant la seconde moi-
tié du XVIII siècle. Il fut franc-maçon.
VERNET C l a u d e J o s e p h ( 1 7 1 4 - 1 7 8 9 )
Peintre de marines fameux. Il fut membre de JEAN PONS GUILLAUME VIENNET
l'Académie des Beaux-Arts et peintre du Roi.
Membre de la loge Les Neuf Sœurs et de la
Société Olympique. seurs comme Souverain Grand Commandeur du
Rite Écossais Ancien et Accepté (1860-1868).
VERNET A n t o i n e C h a r l e s H o r a c e , Dans la vie des lettres, il fut l'adversaire irréduc-
dit Carle ( 1 7 5 8 - 1 8 3 6 ) .
tible du mouvement romantique, notamment lors
Fils de Joseph Vernet. Peintre de batailles et de
de la première représentation d'Hernani (1830).
chevaux. Ses caricatures sous le Directoire,
Sa vie maçonnique fut marquée par un incident
Incroyables et Merveilleuses, sont demeurées célè-
bres. éclatant. Le maréchal Magnan, ayant été nommé
Grand Maître du Grand Orient de France par
Membre de la loge Saint Jean d'Écosse du décret de Napoléon III, bien que non encore
Contrat social.
maçon la veille, écrivit le 1 février 1862 à Viennet
VIENNET J e a n P o n s G u i l l a u m e pour l'« inviter à demander aux loges de son obé-
(1777-1868) dience à se réunir aux loges du Grand Orient pour
Ancien officier. Homme de lettres. Succéda en travailler dans les ateliers de la rue Cadet et à se
1830 à l'Académie française au comte de Ségur. fondre dans cette grande famille ». Viennet ayant
On devait dire qu'à son lit de mort ce dernier lui refusé avec hauteur, le maréchal osa prendre un
avait légué son fauteuil. Quoi qu'il en soit de cette décret de dissolution du Suprême Conseil, inter-
relation surprenante, il figura parmi ses succes- disant aux loges de son obédience de se réunir et
les menaçant des « dispositions de la loi », en « Notre loge défère à ce souhait pluriséculaire.
d'autres termes de fermeture par la police. Il est là, au plateau du Maître. Il a composé nos
L'affaire alla jusqu'à Napoléon III lui-même qui, symboles. Son nom, désormais le nôtre, est tracé
devant l'énergie de Viennet, conseilla à Magnan par sa propre calligraphie. » L'emblème de la loge
de céder. Viennet mourut le 10 février 1868, âgé de est, en effet, une reproduction du Labyrinthe de
quatre-vingt-onze ans, laissant un grand souvenir. Villard de Honnecourt et le bijou de la loge la belle
Bibl. : Albert LANTOINE. Le Rite Écossais Ancien et figure de l'Aigle que le Maître avait dessinée. (V.
Accepté. 1930. - Paul NAUDON. Histoire et rituels des Labyrinthe en I I Partie.)
Hauts Grades maçonniques. 1966. - Alec MELLOR. Bibl. : VILLARD DE HONNECOURT. Album. (Kritische
La Franc-Maçonnerie à l'heure du choix. 1963. Gesammtansgabe des Bauhüttenbuches MS fr. der
VILLARD DE HONNECOURT (XIIIe s i è c l e ) Pariser Nationalbibliothek. Verlag von Anton
Schroll & C°. Wien, 1935.)
Architecte français contemporain de saint
Louis. L'un des plus grands noms de la Maçonne- VOLTAIRE F r a n ç o i s M a r i e AROUET, dit
rie opérative. Son Album, écrit en idiome picard et (1694-1778)
enrichi de croquis, constitue le premier en date Voltaire figure sur le tableau de la loge Les Neuf
des traités d'architecture français. Sœurs (1778) sous les indications : « Gentilhomme
La vie de Villard de Honnecourt est mal ordinaire du Roi, de l'Académie française. » (Sur la
connue. Lui-même nous dit qu'il voyagea beau- fameuse initiation de Voltaire, comme sur les
coup, jusqu'en Hongrie. Il collabora à l'édification implications absurdes que la littérature antima-
de Notre-Dame de Reims et de Notre-Dame de çonnique a cru y découvrir, v. Alec Mellor, Les
Cambrai, et acheva la collégiale de Saint-Quentin, Mythes maçonniques, Payot, 1975.)
inaugurée en 1257 par saint Louis en personne.
Son Album est muet sur Notre-Dame de Paris. WAECHTER E b e r h a r d t , b a r o n v o n
(1747-1825)
L'Album s'ouvre en ces termes, d'une foi
robuste et touchante : Ambassadeur du roi de Danemark à Ratis-
bonne, ce gentilhomme fut un haut dignitaire de
« Wilars de Honecourt vos salue et si proie a tos la Stricte Observance, sous le nom in ordine
ceux qui de ces engiens ouverront, c'ou troivera en
d'Eques a ceraso. Ce fut lui qui fut envoyé par le
cest livre q(u) il proient por s'arme (et) qu'il lor
convent de Wilhelmsbad en 1782 auprès du Pré-
soviengne de lui. Car en cest livre puet o(n) trover
tendant Charles Édouard, qui vivait encore, à
grant consel de le grant force de Maçonerie. »
Rome, afin de tirer au clair le mystère créé par von
(« Villard de Honnecourt vous salue, et prie
Hund autour des « Supérieurs inconnus ». La
tous ceux qui de ces engiens liront et trouveront
réponse du prince fut que non seulement ces der-
en ce livre qu'ils prient pour son âme et qu'on se
niers n'étaient pas les Stuarts mais que lui-même
souvienne de lui. En ce livre, on trouvera grand
n'avait jamais été franc-maçon, son père, le Che-
conseil de la grande force de Maçonnerie. »)
valier de Saint-George, le lui ayant interdit jadis.
Villard indique que ses plans ont été conçus La réponse fut l'arrêt de mort de la Stricte Obser-
conformément aux lois et aux principes de la vance, mais attira à Waechter des ennemis
« Géométrie ». Chez les opératifs, les mots de Géo-
furieux, et l'immanquable accusation d'avoir été
métrie, Architecture et Maçonnerie sont synony-
l'instrument des jésuites, ce qui, au dire de Thory,
mes, et notre lointain compatriote s'exprime ici
l'empêcha de réorganiser la Stricte Obédience.
exactement comme le maçon anglais auteur du
Regi us. WASHINGTON G e o r g e ( 1 7 3 2 - 1 7 9 9 )
Le 29 octobre 1964 fut consacrée au cours Premier président des États-Unis d'Amérique.
d'une tenue particulièrement solennelle la loge de Sa carrière maçonnique seule nous intéresse ici.
recherches qui, à la Grande Loge Nationale Fran- George Washington fut initié en 1752 à la loge
çaise, porte le nom de Villard de Honnecourt et le de Fredericksburg (Virginie), dont les archives
n°81. Jean Baylot en fut le premier Vénérable, et détiennent une relique : le procès-verbal de son
dans son allocution inaugurale, après avoir pro- initiation. Il fut passé Compagnon et élevé à la
noncé l'éloge et retracé l'œuvre de l'ancêtre, il ter- maîtrise en 1753. Durant la guerre de l'Indépen-
mina en rappelant le vœu cité plus haut et finit par dance américaine, il fut assidu aux tenues des
ces mots émouvants :
loges militaires. Il n'eût tenu qu'à lui d'être élu
Grand Maître d'une Grande Loge nationale, sociétés secrètes, non initiatiques mais politiques
englobant tout le territoire des U.S.A. Il refusa. du XIX siècle, et réaliser le phénomène que Jean
La bible sur laquelle il prêta serment lors de son Baylot a nommé la « Voie substituée ». À cet égard,
initiation demeure celle sur laquelle prêtent ser- le précédent créé par les Illuminés devait être
ment, au Capitole, les présidents des États-Unis grave, et l'on s'explique même la psychose de peur
lors de leur entrée en charge. qui, longtemps après leur disparition, s'attacha à
leur nom, comme la propension dans les petites
WEISHAUPT A d a m ( 1 7 4 8 - 1 8 3 0 )
cours allemandes à les voir partout. Sous l'Empire,
Fondateur des Illuminés de Bavière (1776), dont des enquêtes de police conclurent même à leur
le but suprême était une sorte d'idéal anarchiste, survivance.
après destruction du trône, de l'autel et de la pro- Bibl. R. LE FORESTIER. Les Illuminés de Bavière.
priété. Élevé par les jésuites, Weishaupt avait Thèse lettres, 1913. - J. BAYLOT. La Voie substituée.
conservé la haine de ses maîtres, transformée en 1968.
vocation antireligieuse, suivant un phénomène
psychologique souvent constaté. Il avait d'abord WELLINGTON A r t h u r W e l l e s l e y , d u c d e
songé à utiliser la Maçonnerie, mais, ayant décou- (1769-1852)
vert que les rituels maçonniques avaient été divul- Le fameux vainqueur de Waterloo avait été ini-
gués, la jugea inapte à constituer une vraie société tié dans une loge irlandaise, en 1790. Son activité
secrète selon ses rêves, et fonda son Ordre propre, maçonnique ne fut jamais importante. Son frère
dont les affidés portaient des noms particuliers, Richard, marquis de Wellesley (1760-1842), fut
lui-même s'étant donné celui, significatif d'esprit Grand Maître de la Grande Loge d'Irlande en 1782.
de révolte, de Spartacus. Bibl. : Fred L. PICK et G. Norman KNIGHT.
Cet étrange révolutionnaire et nihiliste avant la Op. cit., p. 273.
lettre était en même temps conseiller d'État et WERNER Friedrich L u d w i g Z a c h a r i a s
même professeur de droit canon à l'université (1768-1823)
d'Ingolstadt. Sa secte ne compta jamais plus de Poète dramatique allemand, dont les beaux tra-
quelques centaines d'adeptes et il fallait l'imagi- vaux de Louis Guinet nous ont mieux fait com-
nation malade d'un Starck, son élève révolté, pour prendre l'étrange vie. Comme beaucoup, il avait
lui attribuer la moindre influence sur les événe- adhéré à la Franc-Maçonnerie par réaction contre
ments révolutionnaires, comme il le fit croire à la sécheresse de l'Aufklärung. Il fut initié le 7 jan-
Barruel. Après plusieurs années de fermentation vier 1792 à la loge Les Trois Couronnes de Königs-
cérébrale en vase clos, les « Illuminés » connurent, berg. Élevé aux Hauts Grades, il composa son
comme tout groupement analogue, les inélucta- œuvre capitale, Les Fils de la Vallée, en 1802-1803,
bles dissensions internes qui amenèrent leur fin, y représentant les Templiers, dont le châtiment
sans qu'ils eussent détruit ni le trône ni l'autel. était justifié, allusion voilée aux Illuminés de
Weishaupt vécut jusqu'en 1811 à Gotha, d'une Bavière, sur lesquels son informateur avait été
modique pension du gouvernement bavarois, Starck, qui fut aussi l'un des informateurs de Bar-
envers lequel il fit preuve de soumission. ruel.
Cet incendiaire en chambre s'était cependant Werner fréquenta Goethe à Weimar, où il visita
fait recevoir maçon en 1777, dans une loge de la plusieurs fois la loge Amalia. Goethe, que son
Stricte Observance de Munich, et y avait fait du mysticisme exaspérait, tenta en vain de le con-
noyautage, ce qui ne fut pas sans conséquences. duire à une forme d'art moins tourmentée. Il se
Avant lui, il existait bien des systèmes maçonni- rendit de là à Coppet, chez Mme de Staël, laquelle
ques où la base ignorait les secrets du sommet. Au perçut avec beaucoup de psychologie qu'au fond
sommet du Rite Rectifié, un grade tenu pour de lui-même Werner était attiré par le catholi-
suprême, celui des « Grands Profès », avait même cisme. Elle lui conseilla de se rendre à Rome et lui
été imaginé, dont l'existence (et non seulement les en fournit sans doute les moyens. En 1810, il y
buts) demeurait inconnue de tous, sauf de ses embrassa le catholicisme, et même, en 1814, reçut
membres, mais les choses se passaient, si l'on peut l'ordination. Durant ses dernières années, il se
dire, à la verticale. Pour artificiel qu'il fût, l'Ordre révéla un prédicateur hors ligne en même temps
sorti de l'imagination de Weishaupt n'en devait qu'un directeur de consciences recherché. Ses
pas moins devenir le prototype des véritables dernières créations littéraires n'en attestent pas
moins les troubles persistants de son âme tour- Le premier est le secret des Élus Coens. Il était
mentée. essentiellement théurgique, et consistait en « opé-
Bibl. : Louis GUINET. Zacharias Werner et l'ésoté- rations », c'est-à-dire en pratiques de magie céré-
risme maçonnique. Paris, Mouton, 1964. - De la monielle tendant à provoquer un état de transe
Franc-Maçonnerie mystique au sacerdoce, ou la vie extatique que, faute d'un nom adéquat, les adep-
romantique de Frère Ludwig Zacharias Werner tes appelèrent « la Chose », et qu'ils percevaient
(1768-1823). Caen, Assoc. des public, de la Fac. des comme un gage divin de leur future félicité éter-
Lettres et Sc. hum. de l'univ. de Caen, 1964. nelle. La complexité des « opérations » et des tra-
WIELAND C h r i s t o p h M a r t i n ( 1 7 3 3 - 1 8 1 3 ) cés magiques était insolite.
Surnommé « le Voltaire de l'Allemagne ». Poète Le second est celui des « Sommeils », étudiés
et écrivain, ami de Gœthe, qui s'essaya avec bon- naguère par Paul Vulliaud et par René Le Fores-
heur aux genres les plus divers. tier, mais dont l'étude a été renouvelée de nos
Il fut initié en 1809 à Weimar, probablement à jours par Alice Joly depuis sa découverte d'archi-
la loge Amalia. ves willermoziennes nouvelles. Le magnétisme
animal, auquel Mesmer n'avait attaché aucun
WILKES J o h n ( 1 7 2 7 - 1 7 9 7 )
caractère mystique et que Puységur lui-même (v.
Publiciste anglais. Il fonda en 1762 le North Bri-
Mesmer et Chastenet de Puységur) n'avait, en dépit
ton et y publia un Essay on Woman dont l'obscé-
de l'adjonction somnambulique, exercé que
nité lui valut l'expulsion du Parlement, dont il était
comme une thérapeutique, avait pris à Lyon un
membre. Réfugié à Paris, il s'y lia avec les encyclo-
pédistes. De retour, sa réélection fit scandale et fut caractère pseudo-religieux, sous l'influence de
invalidée à plusieurs reprises (1768). Il finit cepen- Monspey et de Barbarin. Les premières somnam-
dant par se faire élire. Il fut Lord-Maire de Londres bules extralucides firent leur apparition, et, le phé-
nomène étant encore nouveau, dictèrent dans
en 1774. Son talent sarcastique lui attira autant
d'admirateurs que d'ennemis, et, de juin 1768 à certaines loges très fermées d'interminables
avril 1770, il fut même emprisonné en raison de « messages » venus de l'Au-delà. Ce fut le cas de
ses écrits diffamatoires. Si surprenante que la Gilberthe Rochette et surtout de la chanoinesse de
chose paraisse, ce fut dans la prison de King's Vallière, sœur de Monspey, qui, des années
Bench qu'il fut initié franc-maçon, dans des durant, catéchisa ainsi la « Loge élue et chérie » de
conditions rocambolesques et qui conduisirent la Willermoz à dater de cette extraordinaire année
Grande Loge à sévir contre le Vénérable. 1784, si étrangement riche en événements maçon-
niques. Les cahiers où furent consignés les « mes-
WILLERMOZ J e a n - B a p t i s t e ( 1 7 3 0 - 1 8 2 4 )
sages » ont été soumis en 1958 par Alice Joly à la
Ce négociant lyonnais en soieries, respecté et
Société lyonnaise d'histoire de la médecine, qui
charitable, fut un mystagogue qui marqua son épo-
posa le diagnostic suivant :
que. Assoiffé d'expériences plutôt que de
« À la fin du XIX siècle, sous l'influence de Char-
connaissances maçonniques, il avait rencontré en
1767 Martines de Pasqually, dont il devint le cot, et des théories en vigueur sur l'hystérie, on
continuateur après le départ de cet étrange person- aurait, sans l'ombre d'un doute, fait de Mme de
nage le 6 mai 1772 pour Saint-Domingue. Il fut un Vallière une médiumnite hystérique, écrivant sous
fervent des loges régulières françaises, des chapi- l'inspiration de son frère ou de tel autre. Le
tres templiers allemands de la Stricte Observance, démembrement de l'entité nosologique que
des Philalèthes, et la personnalité dominante des représentait l'hystérie par Babinski et ses élèves,
Élus Coens. En 1779, il fonda à Lyon l'Ordre des l'étude séméiologique très poussée des délires
Chevaliers bienfaisants de la Cité sainte, et rédigea chroniques, tant d'interprétation qu'hallucinatoi-
sans doute lui-même au convent de Wilhelmsbad, res, permet[tent] d'envisager le problème sous un
en 1782, le fameux Code du Rite Écossais Rectifié. angle différent. Il convient ainsi de ranger ce cas
De vastes travaux d'érudition ont été consacrés si intéressant parmi les délires d'influence à
de nos jours à cette figure curieuse de haut maçon thème mystique. »
du XVIII siècle, qu'il ne saurait être question d'ana- Le même diagnostic s'appliquerait sans doute
lyser ni même de résumer dans le présent article. aux pratiques de Pernety et de ses Illuminés d'Avi-
Deux aspects de la longue activité très secrète de gnon à la recherche des messages chiffrés de la
Willermoz méritent cependant d'être mentionnés. « Sainte Parole », comme à bien d'autres en usage
dans de nombreuses sectes occultes et pseudo- WINTON G e o r g e (Lord SETON) ( ? - 1 7 4 9 )
Églises du passé ou même du présent. Noble jacobite. Fait prisonnier à la bataille de
Willermoz devait mourir sans avoir compris. Preston, il fut condamné à mort et réussit à s'éva-
Peut-être eût-il été détrompé s'il avait demandé der. Il parvint ainsi à Rome où il vécut d'une pen-
ses lumières à la psychiatrie qui, déjà, avait suscité sion du Prétendant, lui-même réfugié dans les
des esprits tels que Cabanis, Pinel et Esquirol, et États de l'Église, jusqu'en 1749. Il demeura protes-
qui étaient loin d'être désarmés pour lui répondre tant.
même si leur diagnostic différentiel n'avait pas été William Hughan, dans The Jacobite Lodge a t
celui posé de nos jours. Les temps n'étaient pas Rome (1910), nous a révélé l'existence et l'histoire
mûrs encore pour pareille démarche. de la petite loge jacobite qui avait existé à Rome,
Bibl. : P. VULLIAUD. Les Rose-Croix lyonnais au et qui fut fermée par la police pontificale en 1737,
XVIII siècle. Paris, Nourry, 1919. -R. LE FORESTIER. avant même la condamnation religieuse de la
Op. cit. - R. AMADOU et A. JOLY. De l'Agent inconnu Franc-Maçonnerie en 1738.
au Philosophe inconnu. Paris, Éd. Denoël, 1962. A. et H. Taylor ont publié en 1939, dans les
Stuart papers at Windsor, des lettres de Winton au
WILLOT ( 1 7 5 7 - 1 8 2 3 )
Prétendant que Hughan ne pouvait encore con-
Général contre-révolutionnaire.
naître, et qui jettent une lumière nouvelle sur le
En 1796, il réprima dans le Midi l'agitation jaco- comportement étrange de Winton, Vénérable de
bine avec une vigueur qui le fit dénoncer au Direc- la loge jacobite, à l'égard des Surveillants de celle-
toire. Il émigra ensuite en compagnie de Pichegru ci et même du Prétendant. Il n'est pas douteux
et d'autres royalistes, fut porté de ce fait sur la liste qu'il souffrait de troubles mentaux, ce qui avait été
des émigrés, et ne rentra qu'en 1814. Le gouverne- d'ailleurs déjà souligné lors du procès. La question
ment de la Restauration le n o m m a préfet et le demeure ouverte de savoir dans quelle mesure
décora de la croix de commandeur de Saint-Louis. l'exaspération de son Maître n'influa pas sur les
Willot fut un franc-maçon d'extrême droite, qui mesures de police prises contre la loge et même
associa ses activités maçonniques avec la politi- sur les décisions pontificales de 1738.
que militante la plus extrémiste. Madelin relate Un portrait de Winton est parvenu jusqu'à
que les rapports de police, en 1804, dénoncent ses nous. Il y est représenté sans perruque, porteur
agents comme faisant dans le Midi une propa- d'une trique. Le regard est celui d'un fou.
gande royaliste intense (Fouché, p. 426). Il fut ini- Bibl. : W. HUGHAN. The Jacobite Lodge at Rome.
tié à la loge Le Centre des Amis le 24 Messidor an V 1735-7. Torquay, 1910. - A. et H.TAYLOR. TheStuart
(v. Roëttiers de Montaleau). Le 29 du même mois, papers at Windsor. Londres, 1939.
L'Ami des Lois divulgua l'événement en ces termes : WIRTH O s w a l d ( 1 8 6 5 - 1 9 4 3 )
« Le 24 de ce mois, le général Willot a été reçu Ce puissant esprit demeure l'un des théoriciens
Apprenti franc-maçon à la loge du Centre des du symbolisme les plus complets qui aient vécu.
Amis, première loge du Grand Orient de France. Disciple de Stanislas de Guaïta, il analysa en sym-
On l'arma d'un poignard. C'est l'arme favorite de boliste le magnétisme dans L'Imposition des
Willot. Le nom de baptême du nouvel élu sera Mains, le tarot dans Le Tarot des Imagiers du
Vengeance, nom qui convient parfaitement aux Moyen Âge, et l'astrologie, l'Hermétisme, l'occul-
principes et aux actions de Willot. » tisme sous ses diverses formes dans d'autres
Le 7 Brumaire An VII, Dupin, commissaire du ouvrages comme dans la longue série de ses étu-
Directoire, parlant des royalistes, pouvait dire : des parues dans la revue Le Symbolisme, et étudia
« Enfermés dans les loges maçonniques, ils croient dans le même esprit l'ésotérisme du Serpent vert
échapper aux regards de la police et séduire de de Goethe et du mythe babylonien d'Ishtar.
leurs banquets plusieurs fonctionnaires publics. » C'est cependant son œuvre maçonnique qui
(Cité par A. Aulard, Histoire politique de la Révolu- mérite l'admiration. Initié en 1882, il réagit dès sa
tion française, p. 678.) jeunesse contre l'abandon lamentable dont le
Sous la Restauration, Willot fut membre de la symbolisme - en dépit d'un essai sans lendemain
société secrète ultraroyaliste des Chevaliers de la d'un précurseur comme Blatin - était l'objet dans
Foi, longtemps confondue à tort avec la Congré- la Franc-Maçonnerie française. La loge Travail et
gation. Vrais Amis fidèles fut, à cet égard, suivant sa pro-
pre parole, « son atelier d'élection » au sein de la
Grande Loge de France. Il devait parvenir au
3 3 Degré. Son premier ouvrage, Le Livre de
l'Apprenti, fit scandale et lui attira l'hostilité hai-
neuse du Grand Collège des Rites du Grand Orient
de France, qui mit en garde les loges par voie de
circulaire confidentielle. Le Livre du Compagnon
et le Livre du Maître n'en suivirent pas moins, puis
L'Idéal initiatique et ses admirables Mystères de
l'Art royal.
Prise en sa source, la pensée wirthienne conti-
nue l'Hermétisme dans sa pureté, et l'application
qu'il en fait aux symboles maçonniques est à la
fois cohérente d'une manière qu'on pourrait par-
fois qualifier de géniale et faite d'ésotérisme pro-
fond. Elle n'en a pas moins fait l'objet d'une
critique grave, celle de se refuser à expliciter la
métaphysique qu'elle recouvre. Critique fondée
pour le rationaliste mais qui méconnaît que le
symbolisme a précisément pour caractère propre
de s'exprimer autrement que la pensée concep-
tuelle. Laissé sur sa faim, le disciple de Wirth doit CHRISTOPHER WREN
choisir entre récuser la valeur traductrice du lan-
gage ou récuser tout le wirthisme. Aussi, à côté la langue claire et classique rappelle celle de son
d'admirateurs sans réserve, Wirth a-t-il trouvé des contemporain Anatole France.
critiques qui lui ont reproché d'avoir usé du carac- Sa Franc-Maçonnerie rendue intelligible à ses
tère équivoque des symboles pour dissimuler une adeptes (I. Livre de l'Apprenti. II. Livre du Compa-
pensée plus profonde, et sur laquelle il ne s'expli- gnon. III. Livre du Maître) a été rééditée en 1962-
que pas. Peut-être est-ce la raison pour laquelle 1963 par Le Symbolisme avec un excellent avant-
l'œuvre de Wirth n'a pas pénétré les Maçonneries propos de Marius Lepage.
anglo-saxonnes, où son nom même est peu WREN C h r i s t o p h e r (Sir) ( 1 6 3 2 - 1 7 2 3 )
connu. C'est, en tout cas, le motif certain qui lui a Célèbre architecte anglais. Construisit la cathé-
attiré l'hostilité et parfois l'ironie épaisse de la drale Saint-Paul à Londres.
Maçonnerie « libre penseuse ». Des discussions aujourd'hui éteintes se sont
Par ailleurs, et en dépit de sa probité intellec- élevées naguère autour du problème de sa qualité
tuelle d'authentique érudit, Wirth n'est en rien maçonnique. Il est à présent démontré qu'il fut
historien, et c'est là la partie faible de son œuvre, bien franc-maçon, et même que son initiation,
celle qui a le plus vieilli. antérieure à la fondation de la Grande Loge
Enfin, il n'est pas contestable qu'il interprète la d'Angleterre, se situe sans doute en 1691. En
mythologie de la manière la plus subjective, sans revanche, sa prétendue grande maîtrise de la
tenir compte des données de l'archéologie scien- Franc-Maçonnerie opérative semble née pure-
tifique. L'épithète péjorative de « profane » qu'il ment et simplement de l'imagination de James
adresse dans la bibliographie du Livre du Maître à Anderson.
l'Orpheus de Reinach est, à cet égard, caractéristi- WYROUBOFF G r é g o i r e ( 1 8 4 3 - 1 9 1 3 )
que, et le fait que le livre ainsi qualifié soit Savant russe, naturalisé français en 1888. Codi-
aujourd 'hui depuis longtemps « dépassé » est recteur avec Littré de La Philosophie positive, ce
indifférent. Quoi qu'il en soit de ces critiques, fut lui qui, en qualité de Vénérable de la loge La
Oswald Wirth demeure non seulement un grand Clémente Amitié, procéda à la fameuse cérémonie
initié mais aussi un grand écrivain français, dont d'initiation de Littré lui-même et de Jules Ferry.

Vous aimerez peut-être aussi