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États Des Lieux Des Difficultés de La Grammaire Française Au Secondaire

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209

ACTION DIDACTIQUE Revue internationale de didactique du français


ISSN-Online : 2661-7870 Volume : 6 – numéro : 1/2023 (11e numéro), pp. 209-229

Fatima Zahra BOUTHIBA - [email protected]


Université Hassiba ben Bouali Chlef, Laboratoire TICELET Chlef

États des lieux des difficultés de la grammaire française au


secondaire : conceptions, pratiques et perspectives d’évaluation

Article reçu le : 26.02.2023 / Accepté le : 11.07.2023 / Publié le : 22.08.2023

Résumé :
Cet article aborde les défis de la grammaire française pour les apprenants algériens.
L’objectif est d'identifier les aspects grammaticaux les plus problématiques pour les
apprenants et d'évaluer leur degré de conscience de ces difficultés. Nous supposons que les
modalités d'évaluation associées à la notation, qui mettent l'accent sur les écarts par rapport
aux règles de la langue, engendrent des discours d'opinion péjoratifs et créent un sentiment
de culpabilité qui entrave souvent la progression de l'apprentissage. L'étude se fonde sur
une approche comparative visant à déterminer s'il existe une corrélation entre les
représentations des apprenants concernant la grammaire et leurs difficultés à ce niveau.
Nous collectons des données auprès d'un groupe de lycéens algériens, analysons leurs
représentations de la grammaire et identifions les difficultés spécifiques qu'ils rencontrent
lors de la rédaction. En croisant ces informations, nous cherchons à mieux comprendre le
degré de prise de conscience des apprenants de leurs propres difficultés et son impact sur
leur capacité à s'autoévaluer.
Mots-clés : Apprentissage de la grammaire, erreurs grammaticales, représentations,
pratiques, évaluation

Assessment of French grammar difficulties in secondary education:


conceptions, practices, and evaluation perspectives

Abstract
This article addresses the challenges of French grammar for Algerian learners and their level
of awareness regarding these difficulties. The study aims to identify the most problematic
grammatical aspects for the learners and evaluate their degree of consciousness of these
difficulties. We hypothesize that the evaluation methods associated with grading, which
emphasize deviations from language rules, generate negative opinions and create a sense of
guilt that often hinders learning progress. The study is based on a comparative approach
aiming to determine if there is a correlation between learners' representations regarding
grammar and their difficulties at this level. We collect data from a group of Algerian high
school students, analyze their representations of grammar, and identify specific challenges
they encounter. By intersecting this information, we aim to understand the level of
awareness among learners regarding their own errors and its impact on their ability to self-
assess.
Key words : Learning grammar, grammatical errors, representations, practices,
evaluation.

Pour citer cet article :


BOUTHIBA Fatima Zahra (2023). États des lieux des difficultés de la grammaire française au
secondaire : conceptions, pratiques et perspectives d’évaluation Action Didactique, [En ligne],
6 (1), 209-229. Url. Adresse URL de l’article à copier et à insérer ici.

Pour citer le numéro :


FTITA Amel, VECCHIATO Sara et AMMOUDEN M’hand, (dir.), (2023). La didactique du FLE et
ses disciplines contributoires. Action Didactique [En ligne], 6 (1).
https://www.asjp.cerist.dz/en/PresentationRevue/843

Cet article est sous licence Creative Commons : Attribution - Pas d'Utilisation
Commerciale - Pas de Modification 4.0 International CC BY-NC-ND 4.0
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr_CA
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Fatima Zahra BOUTHIBA U

Introduction

Le sujet de l'erreur, souvent associé à l'échec scolaire, est une question


complexe car il comporte un volet théorique ainsi que des réalités
pédagogiques et psychologiques parfois en contradiction avec la théorie. En
effet, dans les travaux de recherche en didactique (Astolfi, 1997 ; Meirieu,
2017), l'accent est mis sur le caractère instructif de l'erreur, censé aider les
apprenants à améliorer leur apprentissage. Cependant, dans les pratiques de
classe, la réalité est tout à fait différente dans la mesure où l'évaluation est
souvent utilisée comme un outil de classement ou de sanction, notamment à
travers la notation provoquant par la suite un jugement péjoratif d’échec ;
une représentation souvent destructive qui risque d’accompagner
l’apprenant à l’école, dans sa vie associative et même au sein de sa famille.

En effet, dans le système éducatif actuel, la conception négative de l’erreur


peut persister en raison de la façon dont l’évaluation est gérée. Les
apprenants peuvent ressentir de la pression pour éviter les erreurs et obtenir
de bonnes notes, ce qui peut conduire à un environnement peu propice à
l’apprentissage et à l’évolution de l’apprentissage. Ces considérations nous
permettent de mettre l’accent sur un point particulièrement important ; il
s’agit des représentations associées à la grammaire française dans la mesure
où la question de la grammaire constitue un point épineux dans
l’apprentissage de la langue française.

Dans le but de connaître réellement ce qui se passe dans les classes du


secondaire en Algérie, nous avons opté pour l'étude des pratiques des
apprenants dans une perspective comparative afin de déterminer si les
représentations linguistiques associées à la grammaire sont corrélées à leurs
difficultés langagières lors de la rédaction en classe. En effet, partant du
constat de difficultés grammaticales observées chez les apprenants du
secondaire lors de la rédaction en classe au lycée Echahid - Belhadj Kacem – à
Chlef, nous formulons la question de recherche suivante : Quels sont les
éléments de la grammaire française qui posent le plus de défis aux
apprenants algériens de langue française ? Dans quelle mesure sont-ils
conscients des difficultés qu'ils rencontrent à ce niveau ? Autrement dit,
dans quelle mesure pouvons-nous établir des liens entre les types d'erreurs
commises et les types d'erreurs déclarés afin de mieux comprendre les
relations que les apprenants établissent avec la grammaire française et leur
auto-évaluation ?

Afin de répondre à ces interrogations, nous avons collecté des données


quantitatives et qualitatives sur les erreurs commises et les représentations
liées au degré de difficulté des aspects grammaticaux ressentis par les
apprenants en FLE. Nous émettons l'hypothèse que les apprenants ayant des

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

difficultés plus importantes peuvent présenter une faible prise de conscience


de leurs erreurs grammaticales ou éprouver des difficultés à les repérer.
Cette situation pourrait perturber le processus d'autoévaluation et la
progression de l’apprentissage

Dans cet article, nous essaierons de nous intéresser à ces difficultés en


explorant les pistes suivantes :

Tout d'abord, nous analyserons les erreurs grammaticales commises par les
apprenants dans leurs productions écrites afin d'identifier les types d'erreurs
les plus récurrents et d'établir une hiérarchie des difficultés rencontrées par
ces apprenants.

Ensuite, nous présenterons des éléments d'analyse issus d'un questionnaire


portant sur leur conscience terminologique en ce qui concerne les termes
relevant du domaine de la grammaire. Quels aspects de la grammaire
française sont considérés comme les plus difficiles par les apprenants ?

Enfin, nous expliquerons les liens existants entre les types d'erreurs
commises et les types d'erreurs déclarés afin de mettre en lumière les
relations que ces apprenants établissent avec la grammaire française et leur
auto-évaluation.

1. L’écrit et la compétence grammaticale

1.1. Le processus rédactionnel et ses enjeux

L'écriture est une compétence fondamentale qui revêt une importance


capitale dans l’enseignement / apprentissage des langues. Cependant, elle
représente également un défi complexe tant pour les enseignants que pour
les apprenants. Selon Dominique Bucheton et Yves Soulé (2009 :127), Pour
réussir une production écrite, quatre critères essentiels entrent en jeu :
• La planification : également appelée « pré-écriture », cette stratégie
offre une aide précieuse au rédacteur en lui permettant d'établir un
plan initial pour sa production.
• La textualisation : afin de produire un texte cohérent, le scripteur
élabore des représentations tout en tenant compte des choix lexicaux,
syntaxiques et morphologiques.
• La révision : Ce processus permet au rédacteur de corriger ses erreurs
et d'améliorer la qualité de son écrit.
• Le contrôle : cette étape d'évaluation permet à l'apprenant d'effectuer
un contrôle final de sa rédaction.

Action didactique, Volume 6 - numéro 1 (11e numéro), Juin 2023


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Ces quatre critères sont essentiels pour la réussite du processus rédactionnel


car ils contribuent à la cohérence, à la correction et à la qualité globale du
texte rédigé. Afin de développer cette compétence, Bernard Courbon (1998)
suggère qu'il est essentiel que l'apprenant acquière une connaissance plus ou
moins exhaustive des règles de fonctionnement de la langue, tant au niveau
de la phrase que du texte, tout en assurant une bonne gestion des différents
processus de rédaction.

1.2. La compétence grammaticale

Mener une réflexion autour de la compétence grammaticale nous conduit à


revenir sur la polysémie du mot grammaire qui implique différentes réalités :
car il n'existe pas une mais plusieurs interprétations de ce qu’est la
grammaire.

Le Dictionnaire de Didactique du français langue étrangère et seconde


propose quatre acceptations principales pour définir la grammaire :

« Un principe d’organisation propre à une langue et intériorisée par les


locuteurs de cette langue. », puis comme « une activité pédagogique dont
l’objectif vise, à travers l’étude des règles caractéristiques de la langue,
l’art de parler et d’écrire correctement. » aussi, comme « une théorie sur
le fonctionnement interne de la langue : l’objet d’observation est ici
constitué en fonction des concepts théoriques adoptés. On parlera alors
de grammaire traditionnelle, de grammaire pédagogique, etc. Et enfin en
tant qu’un ensemble de « connaissances intériorisées de la langue cible
que se construit progressivement la personne qui apprend une langue. »
(Cuq, 2003, p. 118)

Ces définitions renvoient clairement à la polysémie liée au concept de la


grammaire, ses emplois multiples et ses différentes conceptions. De leur
côté, (Besse H. et Porquier R. ,1991, P 11) en proposent trois conceptions :

1) « un certain fonctionnement interne caractéristique d’une langue


donnée » relatif aux régularités internes (caractéristiques
morphosyntaxiques qui la distinguent des autres langues. (La grammaire
du français / La grammaire de l’anglais),
2) « l’explication plus ou moins méthodique de ce fonctionnement »
qui découle des représentations explicitées que donnent les
spécialistes, grammairiens ou linguistes (un livre de grammaire)
3) « la méthode d’explicitation suivie » ou encore aux méthodes
qu’adoptent ces spécialistes pour enseigner méthodiquement ces
régularités.

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

Dans la même optique, Besse et Porquier évoquent la notion de « grammaire


intériorisée » pour désigner les règles que l’apprenant fait siennes tout au
long du processus d’apprentissage.

Selon le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR), la


compétence grammaticale est définie comme étant « la capacité de
comprendre et d’exprimer du sens en produisant et reconnaissant des
phrases bien formées selon ces principes. » (P. 89). Elle englobe la capacité à
comprendre et à exprimer le sens à travers la production et la
reconnaissance de phrases correctement structurées. En d'autres termes, il
ne s'agit pas seulement de savoir comment utiliser la grammaire, mais aussi
de l'appliquer de manière à communiquer efficacement et de manière
cohérente. Cette compétence revêt une importance capitale pour la réussite
de l'activité rédactionnelle, néanmoins, elle constitue l'un des défis majeurs
auxquels sont confrontés les apprenants algériens, ainsi que d'autres
apprenants de français langue étrangère.

1.3. L’erreur grammaticale et les représentations associées

Du point de vue didactique,


Le rôle traditionnellement dévolue à la grammaire est de fixer ce qui est
correct ou non, c.-à-d. ce qui est digne d’être enseigné. C’est,
traditionnellement encore, la norme à partir de laquelle il n’y a pas de
variation mais des erreurs voire même des fautes (Combettes et Lagarde,
1982 : 56).

Pour l'immense majorité des enseignants, la grammaire se résume aux règles


morphosyntaxiques, et cette grammaire est présente dans nos classes. Elle
occupe une partie très importante du temps dédié à la discipline du français,
et tout écart par rapport à ces règles est considéré comme une erreur.

Jusqu'aux années 1960, l'erreur, synonyme de faute, a été considérée comme


un obstacle, un point faible chez l'apprenant. Cette conception a été remise
en question par les recherches portant sur « l'interlangue » menées par
Corder (1980), Selinker (1972) et Besse et Porquier (1984), qui ont contribué à
une meilleure compréhension des processus d'apprentissage et à l'évolution
de cette conception. Cette nouvelle conception a été instaurée dans les
différentes approches d'enseignement, comme le souligne Astolfi (1997, p.
118) :
« Depuis quelques décennies, nous nous sommes progressivement
éloignés de la « faute », chargée de connotations négatives, qui a
longtemps participé à la culpabilisation des apprenants et conduit à des
effets contre-productifs chez ces derniers (augmentation du stress, baisse
de l’estime de soi, inhibitions) »

Action didactique, Volume 6 - numéro 1 (11e numéro), Juin 2023


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Fatima Zahra BOUTHIBA U

En réalité, ces effets contre-productifs accompagnent souvent les


apprenants et entravent l'apprentissage de la grammaire, du moment
que la conception négative associée à l'erreur, souvent exprimée par les
apprenants, demeure présente sur le terrain dans la mesure où
l'évaluation est liée à la notation. Cependant, il est important de
comprendre que les erreurs font partie intégrante du processus
d'apprentissage et que les expériences négatives peuvent, en fait, aider à
renforcer la compréhension et la mémorisation des connaissances.

Même si l'approche centrée sur le développement a pris de l'ampleur ces


dernières années, la peur de faire des erreurs persiste encore chez
beaucoup d'apprenants. Les évaluations fondées sur la notation, qui
accordent souvent une importance excessive aux erreurs, peuvent
renforcer cette peur et entraver l'apprentissage de la grammaire. En
effet, lorsque les erreurs sont considérées comme déterminantes pour la
notation, les étudiants peuvent se concentrer sur la mémorisation des
règles plutôt que sur la compréhension et l'utilisation de la grammaire
dans des contextes réels de communication. Cela peut les empêcher de
prendre des risques, d'explorer de nouvelles idées et de développer leur
capacité à s'exprimer de manière fluide et naturelle en utilisant la
langue cible. Pour éviter ces effets contre-productifs, il est important
d'adopter des approches d'évaluation qui encouragent les apprenants à
explorer, à prendre des risques et à apprendre de leurs erreurs, de
cultiver une attitude positive envers les erreurs et de les considérer
comme des opportunités d'apprentissage plutôt que comme des échecs.

En analysant les erreurs en fonction de facteurs cognitifs tels que les


représentations et les conceptions des apprenants, on peut également
avoir une meilleure idée de la façon dont ces erreurs peuvent être
influencées par les connaissances linguistiques antérieures des
apprenants et leur perception de la grammaire française.

2. Étude empirique

2.1. Objectifs et questions de recherche

L'objectif primordial de notre recherche est de faire apparaître les


représentations envers les difficultés de la grammaire française. Il s'agit ici
d'une étude qui vise non seulement à répertorier les erreurs
morphosyntaxiques les plus fréquentes chez un groupe d'apprenants
algériens, mais aussi à les analyser en fonction d'un ensemble de facteurs
cognitifs liés aux représentations de ces apprenants et à leurs propres
conceptions de la grammaire française et de ses difficultés. Nous avons
formulé trois questions de recherche s'articulant autour de l'objectif initial :

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

Les difficultés de grammaire en FLE rencontrées par les apprenants lycéens


trouvent-elles leur explication dans les représentations négatives vis-à-vis de
la grammaire ? Quels aspects de la grammaire française sont considérés
comme les plus difficiles aux yeux des apprenants ? Sont-ils conscients des
difficultés qu'ils rencontrent au niveau de la grammaire ?

2.2. Sujets enquêtés et outils d’investigation

L’expérience présentée a été mise en place dans le cadre d’un projet de


recherche plus vaste (P.R.F.U.) agrée à partir du 01/01/2022 et dont
l’intitulé est : « Enseignement/apprentissage de la grammaire en Algérie :
manuels scolaires, pratiques de classe et évaluation des productions écrites »
au cours de l’année universitaire 2022-2023. L’un de ses objectifs est
d’actualiser la recherche portant sur l’analyse des erreurs grammaticales en
FLE.

Afin de répondre aux interrogations évoquées, nous avons procédé à la


collecte de deux types d'enquêtes auprès des apprenants algériens de la
3ème année secondaire au lycée Belhadj Kacem Noureddine à Chlef :

• Une production écrite réalisée par des apprenants de la 3ème année


secondaire, qui facilitera la classification des erreurs grammaticales
récurrentes afin de mieux comprendre la fonctionnalité des erreurs
dans le système en construction de l'apprenant.
• Cette première enquête est suivie d'un questionnaire visant à recueillir
les opinions de ces apprenants sur les points morphosyntaxiques les
plus délicats pour eux.

2.2.1. Les productions écrites

Notre corpus est constitué de 100 productions écrites rédigées lors des
séances consacrées à cette activité par des élèves de 3ème année secondaire.

Dans un premier temps, nous procédons à une analyse statistique axée sur
les données quantitatives afin de déterminer la proportion des erreurs
morphosyntaxiques dans les productions écrites de nos enquêtés et
d'identifier les points grammaticaux les plus délicats pour eux.

Les erreurs sont catégorisées en fonction de la classe grammaticale ou de


l'aspect qu'elles affectent. Ainsi, les points suivants sont retenus en raison de
leur fréquence dans les copies des apprenants enquêtés : le nom et ses
accords ; l'adjectif et ses accords ; les déterminants et leurs accords, leur
choix et leur omission ; le mélange de types de pronoms ; le verbe ; son
accord avec son sujet et sa conjugaison ; le choix de l'auxiliaire ; les

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prépositions : leur choix et leur omission ; et les conjonctions de


coordination. Sur le plan syntaxique, les erreurs relevées portent
principalement sur l'ordre des mots et la construction de la phrase.

Cette grille d’analyse s’appuie plus particulièrement sur le taux de fréquence


des erreurs relevées. Ainsi, nous procéderons par comparaison des erreurs,
dans la mesure où si les contraintes de production affectent plus
particulièrement un niveau morphosyntaxique donné, nous déduirons
automatiquement que c’est un élément grammatical qui nécessite une
attention particulière.

2.2.2. Le questionnaire

Pour déterminer si les difficultés rencontrées par les apprenants scripteurs


correspondent à celles déclarées, il a été nécessaire d'inclure un
questionnaire auprès de ces scripteurs pour connaître leur niveau de
conscience. Les résultats de cette enquête vont être comparés aux données
obtenues à partir de l'analyse des erreurs mentionnées précédemment afin
de voir s'il existe des correspondances entre les deux. Si les difficultés
déclarées par les apprenants sont effectivement reconnues comme telles par
l'ensemble des scripteurs, cela pourrait aider à mieux cibler les interventions
et les ressources d'apprentissage pour aider les apprenants à surmonter ces
difficultés.

2.3. Analyse des données

2.3.1. Productions écrites : Difficultés rencontrées par les apprenants

Pour présenter les résultats de manière plus claire, le graphique suivant


illustre le nombre d'erreurs morphosyntaxiques relevées dans les copies des
apprenants, afin d'identifier la classe grammaticale la plus problématique
pour les apprenants.

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

Graphique 1 : Taux des erreurs morphosyntaxiques par classe


grammaticale

En effet, les données indiquent que l'analyse quantitative des différentes


erreurs relevées a donné des résultats très variés en ce qui concerne les
classes grammaticales affectées. Les pourcentages des erreurs sont les
suivants : 19,5 % pour les mauvaises désinences ou conjugaisons des verbes,
13 % pour le choix des déterminants, 17 % pour les prépositions, 11 % pour
les adjectifs qualificatifs, et 7 % pour les erreurs de construction de la
phrase. La classe grammaticale la plus défectueuse est celle de l'emploi du
verbe, représentant 19 % du total.

Ces données montrent clairement que les erreurs les plus fréquentes
identifiées lors de l'analyse quantitative concernent la conjugaison et la
désinence incorrecte des verbes, ainsi que le choix des déterminants.
Cependant, il y a également un nombre significatif d'erreurs liées à
l'utilisation de prépositions et d'adjectifs qualificatifs. Bien que les erreurs
affectant la construction de la phrase soient moins fréquentes, elles restent
importantes à prendre en compte. Enfin, le pourcentage d'erreurs liées à
l'emploi du verbe (19 %) souligne l'importance d'accorder une attention
particulière à cette classe grammaticale afin d'améliorer les compétences
linguistiques de ces apprenants.

2.3.2. Questionnaire : Difficultés déclarées par les apprenants

Dans la deuxième partie, nous cherchons à recueillir les perceptions de ce


groupe d'apprenants concernant leurs difficultés morphosyntaxiques afin de

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Fatima Zahra BOUTHIBA U

déterminer leur degré de conscience vis-à-vis de leurs difficultés


grammaticales. Nous avons demandé aux participants d'identifier les aspects
de la grammaire française qui leur posent le plus de difficultés dans leur
processus d'apprentissage.

Une liste de 15 points morphosyntaxiques leur a été proposée afin de cibler


de manière plus précise les classes grammaticales et les points les plus
défectueux. Dans cette liste, nous nous sommes contentés de citer les
éléments morphosyntaxiques qui ont posé le plus de problèmes aux élèves
lors de la rédaction. Suite à cette liste « non exhaustive », nous avons ajouté
une autre question qui permet aux témoins d’inscrire éventuellement
d’autres difficultés. La consigne formulée était la suivante : « Rencontrez-
vous d'autres difficultés ? Si oui, lesquelles ? »

Le tableau suivant illustre mieux les résultats obtenus :

Tableau 1 : Réponses des apprenants obtenus du questionnaire

Erreurs morphosyntaxiques fréquentes Nombre Pourcentage


 Accord du nom en genre et en nombre 14 /100 14 %
 Accord de l’adjectif en genre et en nombre 13/100 13 %
 Accord des déterminants en genre et en nombre 17/100 17 %
 Choix des déterminants 31/100 31 %
 Omission des déterminants 19/100 19 %
 Mélange de type de pronoms 37/100 37 %
 Accord entre le verbe et le sujet 12/100 12 %
 Choix des temps verbaux / Conjugaison des verbes 82/100 82 %
 Choix de l’auxiliaire 59/100 59 %
 Accord du participe passé 56/100 56 %
 Choix des prépositions 35/100 35 %
 Omission des prépositions 12/100 12 %
 Choix des conjonctions 13/100 13 %
 Ordre des mots 12/100 12 %
 Construction des phrases 41/100 41 %

Interprétation des résultats

La conjugaison des verbes est la difficulté la plus mentionnée : 82 % des


élèves ont coché ce point qui comporte des règles et des exceptions. Sa
maîtrise est donc difficile. D'autre part, nous pensons que cette difficulté est
liée aux représentations linguistiques de la langue maternelle. Sachant que le
système verbal de l'arabe diffère profondément du système français. Comme
le note Cuq Jean-Pierre (1996, p. 52).

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

« On distingue essentiellement deux « temps » ou plus exactement deux


aspects : l’inaccompli, que l’on traduit généralement par notre présent ou
notre futur et l’accompli, que l’on traduit généralement par un temps du
passé. L’arabe n’a pas de conditionnel, il n’y a donc pas dans cette langue
de jeu possible du type « imparfait/ Conditionnel » ou « présent / Futur »

Ces différences constituent souvent une contrainte pour l'apprenant qui


n'arrive pas à changer ses habitudes mentales issues de sa langue maternelle.
Ce résultat montre que pour la majorité des témoins, les règles de
conjugaison française constituent un obstacle qui crée de grandes difficultés.
Il en est de même pour le choix de l'auxiliaire, qui est placé au deuxième rang
des difficultés (59 %) mentionnées par les élèves. Ce point constitue une
difficulté importante à maîtriser pour un nombre considérable de scripteurs
dans la mesure où le choix de l’auxiliaire est régi par des règles de
grammaire complexes et sa maitrise pose problème aux élèves en raison de
cette complexité : certains verbes sont tantôt transitifs, tantôt intransitifs et
l’auxiliaire utilisé varie en fonction de la construction du verbe ; Ces
spécificités linguistiques peuvent susciter chez les apprenants un sentiment
de dépréciation s'ils se sentent découragés et déconcertés face à la
complexité inhérente à la maîtrise de ces règles. L’apprentissage des
auxiliaires exige une attention particulière, une pratique régulière et une
familiarisation approfondie avec les différents verbes et leurs constructions.

L'accord du participe passé pose des difficultés à cinquante-six élèves sur


cent (56 %). La construction de la phrase semble être une difficulté
personnelle pour environ 41 % des témoins. À cela s'ajoutent les erreurs
relatives à l'accord du déterminant en genre et en nombre, mentionnées par
11 % des élèves. 37 % des élèves déclarent avoir des difficultés liées au
mélange de types de pronoms. Le choix des prépositions se révèle être un
autre type de difficulté rencontré par 35 % des élèves. Le choix des
déterminants se place au septième rang des difficultés (31 %). L'accord et
l'omission des déterminants sont mentionnés comme difficultés par 19 % des
élèves. Le faible pourcentage relevé dans ces classes grammaticales nous
laisse penser, d'une part, que les élèves considèrent les erreurs de ce type
comme moins importantes par rapport aux autres types d'erreurs
mentionnées, et d'autre part, qu'ils ont très peu ou pas de connaissances sur
leurs fautes.

L’ensemble des représentations fournies par ces apprenants peuvent être


justes parce que c’est réellement le cas ou bien parce qu’ils ont été déjà
sujets d’une évaluation et ils ont échoué.

L’accent était mis également, dans le questionnaire, sur les conceptions des
apparents liées aux causes de ces difficultés : « A votre avis, quelles sont les

Action didactique, Volume 6 - numéro 1 (11e numéro), Juin 2023


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causes de ce (s) type(s) de difficulté (s) ? » Rappelons que la majorité des


apprenants ont opté pour les difficultés liées au choix et à la construction
des verbes. Par cette question, nous visons à cerner leurs justifications

Tableau 2 : causes proposées par les apprenants

Les différentes causes proposées par les élèves Nombre Pourcentage


Motifs liés à la difficulté de compréhension 25 25%
Motifs liés aux habitudes linguistiques de la langue 12 12%
maternelle
Motifs liés à l’insuffisance et non adaptabilité des 12 12%
programmes aux besoins des élèves
Motifs liés au contexte socio-familier 2 2%
Aucune réponse 49 49%

Le graphique suivant illustre mieux la différence entre les taux de


justifications données

Graphique 1 : taux des réponses : causes proposées par les apprenants

Les causes des difficultés rencontrées


Motifs liés à la difficulté de compréhension
Motifs liés aux habitudes linguistiques de la langue maternelle
Motifs lié s à l’insuffisance e t non adaptabilité de s programmes aux be soins de s é lèves
Motifs liés au contexte socio-familier
Aucune réponse

25%
49%
12%

12%

2%

Interprétation des résultats

Les résultats montrent que sur les 100 participants, 49 n'ont pas répondu à
la question sur les causes de leurs difficultés morpho-syntaxiques en

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

français. Cela pourrait indiquer un manque de conscience ou de


compréhension de leurs propres difficultés, ou simplement un manque
d'intérêt à exprimer leurs opinions à ce sujet. Cependant, parmi ceux qui ont
répondu, 25 % des élèves (soit environ 25 participants) ont attribué leurs
difficultés à une mauvaise compréhension de la grammaire de la langue
française. Cela suggère que ces élèves ont du mal à saisir les règles et les
structures grammaticales spécifiques à la langue française. Ils perçoivent la
grammaire française comme complexe et difficile à comprendre.

En outre, 14 apprenants sur les 100 participants ont déclaré que leurs
difficultés étaient plutôt liées au système de la langue arabe. Parmi ces 14
élèves, 12 ont précisé que le système grammatical de la langue française était
plus difficile que celui de la langue arabe. Cela indique qu'ils perçoivent la
grammaire française comme plus complexe et plus difficile à maîtriser que
celle de leur langue maternelle (l'arabe). Cet attachement à la langue arabe et
ces comparaisons entre les deux langues nous font penser que ces
apprenants ont du mal à reconstruire leurs représentations initiales qui
restent toujours liées à leur premier système linguistique (celui de la langue
maternelle), malgré les multiples expériences d'apprentissage, y compris
l'anglais et même l'espagnol.

Ces résultats mettent en évidence deux facteurs importants qui influencent


les représentations relatives aux difficultés grammaticales de ces enquêtés :
la complexité perçue du système linguistique français et la différence entre
les systèmes grammaticaux des deux langues en contact (l'arabe et le français
dans ce cas). Les apprenants ont tendance à utiliser leurs connaissances et
leurs règles grammaticales de la langue maternelle lorsqu'ils abordent une
nouvelle langue, ce qui peut entraîner des erreurs ou des incompréhensions.

Dans ce sens et selon son étude menée auprès des élèves algériens dans le
cadre de la réalisation de sa thèse de doctorat, (Seddiki Amar, 2013, P 55) a
remarqué que la plupart des apprenants enquêtés, dans le cadre de son
étude, affirment que :

« La différence au niveau de la syntaxe est remarquable au niveau de LVE


et LVE, même si les outils linguistiques tels que les marqueurs de temps,
les articulateurs, les qualifiants, les prépositions ont les mêmes fonctions
dans la phrase ; la ressemblance se situe au niveau sémantique. Quant au
fonctionnement de la langue, les apprenants remarquent que les
disparités sont très signifiantes à ce niveau en comparaison avec la
langue maternelle (arabe) »

Ces constatations sont largement conformes à celles obtenues dans notre


analyse. Le transfert linguistique fait référence à l'influence de la langue
maternelle ou d'autres langues déjà apprises sur l'apprentissage d'une

Action didactique, Volume 6 - numéro 1 (11e numéro), Juin 2023


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Fatima Zahra BOUTHIBA U

nouvelle langue. En effet, 12 % de nos élèves mettent en avant les transferts


négatifs de la langue maternelle, tout en ignorant les transferts positifs qui
leur sont indispensables pour apprendre la langue 2 ou d'autres langues.
Deux d'entre eux vont même jusqu'à affirmer que l'arabe complique
l'apprentissage du français et le rend plus difficile, car ils se sentent obligés
de formuler leurs idées en arabe avant de les traduire en français. Ils voient
le problème résider dans l'utilisation de l'arabe pour formuler leurs idées,
avant de les traduire en français. Ce processus conduit souvent à des
énoncés agrammaticaux incorrects en raison du transfert des structures
grammaticales de la langue maternelle à la langue cible.

Les justifications fournies par les apprenants peuvent être interprétées selon
deux facteurs :

Les 25 % des élèves qui ont attribué leurs difficultés à une mauvaise
compréhension de la grammaire française mettent en évidence une
perception de complexité et de difficulté du système grammatical français
qui comporte des exceptions et des règles spécifiques qui peuvent nécessiter
un effort supplémentaire pour être maîtrisées.

Quant aux apprenants qui ont lié leurs difficultés au système de la langue
arabe (12%), ils soulignent la différence entre les systèmes grammaticaux du
français et de leur langue maternelle. Par ailleurs, ce qui est intéressant à
comprendre ici, c'est cette comparaison qui reflète leurs conceptions limitées
à une vision négative de leur langue maternelle

Dans ce cas, nous pouvons expliquer ce point par l'impact des conceptions
des enseignants qui, dans leur souci d'enseigner correctement la langue
étrangère et d'assurer une parfaite acquisition de celle-ci, n'autorisent pas
l'utilisation de la langue maternelle en classe. Cela peut renforcer les
représentations négatives des apprenants à l'égard de leur langue maternelle.
Cependant, il est évident que la langue maternelle a été revalorisée grâce aux
recherches récentes (Castellotti, 2001), qui ont démontré que la didactique
des langues étrangères est en train de dépasser le tabou de la langue
première dans les classes de langues et de s'orienter résolument vers un
enseignement axé sur la flexibilité dans l'utilisation des deux codes
linguistiques et le transfert des compétences et des connaissances. L'objectif
est de créer un environnement plurilingue motivant, permettant à
l'apprenant d'acquérir la langue étrangère en valorisant et en exploitant son
bagage linguistique acquis et vécu dans son expérience familiale et sociale,
afin d'assurer la continuité de son parcours de formation.

Un pourcentage similaire est obtenu pour les raisons liées aux contenus et
aux programmes d'enseignement de la grammaire. En effet, 12 % des élèves

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

considèrent que la source de leurs difficultés est liée à des problèmes


pédagogiques, expliquant que les contenus enseignés ne sont pas adaptés à
leurs besoins et ne répondent pas à leurs difficultés.

En somme, Nous constatons que le « mythe de la grammaire française


complexe et difficile » continue de défier notre groupe témoin et demeure
ancré dans la conscience linguistique de la plupart de nos enquêtés. Ces
représentations témoignent d'un sentiment d'autodépréciation qui rend
l’apprentissage plus difficile. Ce sentiment d'autodépréciation linguistique
dénote un niveau de complexité que les individus ont développé vis-à-vis de
leur propre pratique et qui s'exprime clairement dans leurs discours (groupe
témoin) lorsqu’ils décrivent leurs représentations des difficultés auxquelles
ils font face. Il est important, dans ce sens, de prendre en compte ces
justifications des apprenants lors de la conception de programmes
d'enseignement du français langue étrangère. Des stratégies d'enseignement
adaptées peuvent être mises en place pour aider les apprenants à
comprendre les particularités du système grammatical français, à surmonter
les obstacles liés à la différence entre les langues et à faciliter leur
apprentissage de grammaire française.

2.3.3. Comparaison des résultats obtenus

La troisième étape de l'analyse des données consiste à établir des liens entre
la nature des conceptions des apprenants et leurs difficultés, afin de mettre
en évidence des traits communs et d'en tirer des conclusions. Pour
déterminer si les difficultés déclarées comme les plus dominantes
correspondent à celles observées dans l'analyse de leurs productions écrites,
nous utiliserons le tableau récapitulatif suivant qui nous permettra de
comparer les représentations des apprenants avec leurs réelles difficultés au
niveau morphosyntaxique. En d'autres termes, nos élèves sont-ils conscients
de leurs véritables difficultés ? Peuvent-ils réellement reconnaître leurs
difficultés grammaticales ?

Ce tableau, réparti en deux colonnes, synthétise les résultats obtenus suite à


la comparaison effectuée entre le nombre d'apprenants ayant commis des
erreurs dans leurs productions écrites : (colonne « erreur ») et ceux ayant
mentionné ces erreurs comme étant des difficultés : (colonne « difficulté »).

Action didactique, Volume 6 - numéro 1 (11e numéro), Juin 2023


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ACTION DIDACTIQUE Revue internationale de didactique du français
ISSN-Online : 2661-7870 Volume : 6 – numéro : 1/2023 (11e numéro), pp. 209-229
Tableau 3 : Comparaison entre le nombre d’apprenants ayant commis des
erreurs et ceux l’ayant cité comme difficultés :

Difficulté Erreur
Choix du déterminant 31% 68,7%
Accord de l’adjectif qualificatif 13% 65%
Omission des déterminants 19% 33,7%
Accord du déterminant en genre et en nombre 11% 26%
Accord du nom en genre et en nombre 14% 58%
Mélange de type de pronoms 37% 30%
Accord entre le verbe et son sujet 12% 25%
Choix de l’auxiliaire 59% 18%
Accord du participe passé 56% 23%
Choix des temps verbaux / Conjugaison des verbes 82% 77,5%
Choix des prépositions 35% 83,7%
Omission des prépositions 12% 35%
Choix des conjonctions 13% 7,5%
Ordre des mots 12% 3,7%
Construction des phrases 41% 48,7%

Interprétation des résultats

Dans l'ensemble, la plupart des apprenants (82 %) mettent l'accent


principalement sur les difficultés liées au choix des temps et à la conjugaison
des verbes. Ils considèrent à juste titre que la conjugaison des verbes est
l'obstacle le plus important en grammaire ; 77,5 % des erreurs commises
relèvent de ce point. Cela suggère que dans les représentations de la plupart
des apprenants, la conjugaison des verbes joue un rôle essentiel dans
l'apprentissage de la langue seconde. Ces résultats semblent largement
correspondre à ceux obtenus lors de l'analyse de leurs erreurs. Par
conséquent, nous pouvons conclure que les apprenants sont conscients de
cette difficulté.

La construction des phrases constitue une autre difficulté mentionnée et


commise par ces apprenants : 48 % d'entre eux ont commis des erreurs à ce
sujet, et 41 % l'ont citée comme difficulté. Cependant, il est intéressant de
noter l'écart entre le pourcentage d'apprenants ayant commis des erreurs sur
les déterminants et celui d'apprenants l'ayant cité comme difficulté. En effet,
peu d'élèves (31 %) ont déclaré avoir des difficultés avec cette classe
grammaticale, mais lors de l'analyse des productions écrites, nous avons
constaté qu'un grand nombre d'entre eux n'arrivent pas à choisir
correctement les déterminants (68,7 %). Une différence significative a
également été remarquée au niveau du nombre élevé d'erreurs commises
dans le choix des prépositions (83,7 %) par rapport au faible pourcentage
d'élèves l'ayant cité comme difficulté (35 %). Il en va de même pour les

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

erreurs commises dans l'accord des adjectifs qualificatifs : le nombre


d'élèves les ayant commises est plus élevé que celui des élèves les ayant
mentionnées comme difficulté.

En définitive, cette comparaison révèle que les erreurs constatées sur


certains points grammaticaux ne correspondent pas aux représentations des
apprenants, qui n'ont pas été en mesure de s'auto-évaluer de manière
correcte à tous les niveaux. Mis à part leur connaissance des difficultés liées
aux verbes et à la construction des phrases, la quasi-totalité des élèves de ces
groupes ne sont pas conscients de leurs difficultés concernant les
déterminants, les prépositions et les accords des noms et des adjectifs. Ces
classes grammaticales ont posé problème à un grand nombre d'apprenants
lors de la rédaction, mais peu d'élèves les ont mentionnées dans le
questionnaire.

En résumé, les résultats de la comparaison révèlent que les erreurs


grammaticales observées ne correspondent pas aux perceptions des
apprenants, Ces écarts entre les erreurs commises et les difficultés
mentionnées peuvent indiquer un manque de prise de conscience totale de
certaines difficultés grammaticales. Cela souligne l'importance d'une analyse
approfondie des productions écrites et des erreurs des apprenants pour
comprendre les aspects spécifiques de la grammaire qui nécessitent une
attention particulière dans l'enseignement.

Dans l'ensemble, ces résultats fournissent des informations précieuses sur


les difficultés spécifiques auxquelles les apprenants sont confrontés en
matière de grammaire. Ils soulignent l'importance de l'enseignement et de la
pratique ciblée de la conjugaison des verbes, de la construction des phrases,
de l'utilisation des déterminants, des prépositions et de l'accord des adjectifs
qualificatifs pour améliorer la compétence grammaticale des apprenants tout
en développant une conscience de leur performance grammaticale qui les
aide à surmonter les sentiments dépréciatifs envers un apprentissage
conscient d’une compétence grammaticale

Selon B. Lahire (1993), ce qui distingue les élèves réussissant à l'école de ceux
considérés comme « en difficulté » est leur rapport avec la langue. Les élèves
« en difficulté » considèrent la grammaire comme une science et l'utilisation
de la langue comme une pratique intégrée dans leur vie quotidienne sans en
avoir conscience. Cependant, les activités scolaires exigent une approche
distanciée de la langue, qui permet de la considérer comme un objet d'étude.
Il est important de permettre aux élèves d'avoir une conscience de leur
propre performance linguistique grâce à l'enseignement de la grammaire en
tant qu'activité intellectuelle, en utilisant une combinaison d'évaluation
formative, d'auto-évaluation, de feedback constructif, d'enseignement

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explicite et de collaboration en groupe. Cela les aidera à faire des choix


conscients et à éviter les sentiments dépréciatifs envers l'apprentissage de la
grammaire et ses difficultés, qui peuvent entraver le processus
d'apprentissage.

Conclusion

Dans ce sens, de nombreux didacticiens ont proposé la mise en place de


stratégies visant à aider l'apprenant à réfléchir sur ses erreurs, dans le but de
dédramatiser la conception négative associée à l'erreur et de l'aider à
découvrir les causes de ses erreurs. Selon Jean Pierre Astolfi (1997), l'élève
doit prendre conscience de ses erreurs et de son fonctionnement mental afin
de pouvoir apprendre. Ainsi, les erreurs servent d'indicateurs des processus
intellectuels en jeu :

« Lorsque l’élève exerce un regard réflexif sur ses écrits en les comparant
et les critiquant, il réalise une action que l’on peut caractériser de
métacognitive (…) Cette activité est essentielle pour les apprentissages.
En classe, il faudra donc engager un dialogue avec l’élève sur ses
difficultés et sur ses pratiques, notamment en essayant de lui faire
objectiver les procédures employées pour réaliser une tâche, en lui
faisant formuler des critiques sur ses propres productions ». (Chanson
Chazalmartin Marie, 2006, p13)

Cette opération de réflexion sur son travail constitue un outil qui permet à
l'apprenant de prendre conscience de ses erreurs. Astolfi souligne
l'importance pour l'apprenant de s'appuyer sur cette réflexion critique,
tandis que l'enseignant doit faire preuve de rigueur dans l'orientation de
l'activité, sans compromettre l'autonomie de l'apprenant.

Et Comme le souligne P. Vianin (2006), il est essentiel que l'enseignant crée


un climat de confiance et d'écoute dans sa classe. De telles approches,
inspirées des modèles constructivistes modernes, aident les élèves à
remplacer leurs anciennes conceptions erronées par de nouvelles qui
accordent à l'erreur un statut plus positif. Cependant, cela ne pourra être
réalisé qu'à travers une évaluation considérée comme un processus de
développement plutôt que comme une simple mesure de rendement.

Vygotsky (2011, p121) affirme que pour que l'évaluation soit efficace, elle
doit être interactive et intégrative. Lorsque l'évaluation se limite à un niveau
interpersonnel, elle risque de devenir simplement un outil de jugement, sans
aider l'apprenant à progresser. Au contraire, lorsque l'évaluation est
intrapersonnelle, l'apprenant est en mesure de comprendre les commentaires
et les critiques de l'évaluateur et de les utiliser pour améliorer son propre
travail. L'idée fondamentale de Vygotsky est que l'évaluation doit être perçue

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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

comme un moyen pour les apprenants de développer leurs compétences et


de progresser, plutôt que comme une simple mesure de leur rendement.

Dans notre système scolaire actuel, l'évaluation est confrontée à une


contradiction apparemment insurmontable : elle doit jouer un double rôle, à
la fois soutenir l'apprentissage et servir de moyen de sélection scolaire. Face
à cette contradiction, qui nécessite une mobilisation constante de tous les
acteurs, il est essentiel de mettre en place une « évaluation pédagogique
incluante » qui fait progresser chaque apprenant et pour atteindre cet
objectif, certaines conditions doivent être réunies :

• Sortir de la confusion entre « évaluation » et « notation » : l’évaluation


ne doit pas se limiter à des mesures quantitatives (chiffres). Au
contraire, il est important de se concentrer sur des indicateurs
d’évaluation élaborés et construits par les enseignants eux-mêmes, en
tenant compte des finalités de l’enseignement (l’accès à l’autonomie ; la
participation / prise de parole en classe,)

• Une évaluation intériorisée : si les apprenants sont exigeants envers


eux-mêmes, c’est souvent par crainte de sanctions. Cependant, notre
objectif est de faire intérioriser cette exigence de manière intrinsèque
et cela ne peut être réalisé qu’à travers des formes d’évaluation
fondamentalement interactives : une évaluation devrait être une
opportunité pour les apprenants de revoir leur travail et de l’améliorer.

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textes et commentaires / Sous la direction de Fréderic Yvon et Yuri Zin-
chenko, Moscou : Faculté́ de psychologie de l'Université d'état de
Moscou Lomonossov.

AUTEURE
Fatima Zahra Bouthiba est maitre de conférences en sciences du langage à
l’université de Hassiba ben Bouali Chlef. Elle est cheffe d'équipe de recherche
« APONE » au Laboratoire "TICELET" de la faculté des langues. Elle travaille
particulièrement sur la linguistique appliquée à l’enseignement du FLE. Ses
principales publications sont :

Site : www.asjp.cerist.dz/en/PresentationRevue/843 Contact : [email protected]


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États des lieux des difficultés de la grammaire française au secondaire

• « L’évaluation en contexte universitaire algérien : quelles


contraintes ? quels réajustements ? » Revue Académique des
Études Sociales et Humaines, Vol 15, N° 02, (Juin 2023), pp : 752 _
759. www.asjp.cerist.dz/en/downArticle/552/15/2/228128
• « Le roman-photo comme levier pour déclencher l’écriture créative
en classe de FLE » Studii de gramatică contrastiva N° 39/2023, pp :
72 _ 82. http://studiidegramaticacontrastiva.info/wp-content/
uploads/2023/07/SGC-39-2023-71-81-Fatima-Zahra-Bouthiba.pdf

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