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Bououd Droit Coutumier

Le document décrit le droit coutumier amazigh (azref) et ses caractéristiques, notamment son caractère communautaire, oral et mystique. Il aborde également l'impact de la mondialisation culturelle sur les langues et cultures, et l'importance de la traduction entre cultures.

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Bououd Droit Coutumier

Le document décrit le droit coutumier amazigh (azref) et ses caractéristiques, notamment son caractère communautaire, oral et mystique. Il aborde également l'impact de la mondialisation culturelle sur les langues et cultures, et l'importance de la traduction entre cultures.

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Le droit coutumier amazigh ( azref) face à la mondialisation

culturelle

Par Ahmed Bououd

1. Le droit coutumier se compose d’un ensemble de coutumes, d’usages et


de croyances qui sont acceptés comme des règles de conduite d’une communauté
donnée. Il s’inspire de son système socioéconomique, de son mode de vie et de sa
vision du monde en matière d’utilisation et d’exploitation des ressources naturelles,
foncières et d’héritage des biens et des valeurs fondamentales universelles comme
l’amour, la solidarité, le mariage, la famille, la paix, le respect, contrairement au droit
écrit émanant d’une autorité politique constituée et appliquée par l’État.
a- Les dispositions du droit coutumier amazigh (azref, qanun) étaient, avant la
conquête française, élaborées par des assemblées (Assemblée de village, de fraction,
de tribu ou de confédération). Cette assemblée avait pour fonction principale non
seulement l’élaboration et la conception de ce droit coutumier mais aussi son suivi
et son application.
Les caractéristiques du droit coutumier sontles suivantes :

* En premier lieu, on relève le caractère communautaire, collectiviste des sociétés


amazighes où l’individu et le groupe sont complémentaires ; en effet, l’individu n’a
de sens que par son appartenance au groupe. La meilleure illustration de ce
caractère communautaire réside dans le fait que la terre, « akal », était considérée
comme un bien collectif et indivis.

* L’oralité constitue un autre caractère essentiel du droit coutumier ‘’azref’’. La


caractéristique orale est liée aussi bien à la tradition orale des sociétés amazighes
qu’à la coutume, ce qui le distingue du droit occidental, écrit, présentant un
caractère statique et rigide.

*Le droit coutumier amazigh se caractérise également par son aspect mystique et
philosophique où ont été identifiées des notions de responsabilité collective et
d’ostracisme qui permettaient de bannir un citoyen sans que celui-ci ne perde ses
biens et ses droits civiques. C'était une mesure d’éloignement politico-social et non
pas une peine judiciaire pour éviter la vendetta d’un meurtre ou d’une offense qui
implique et engendre l’affrontement de deux familles sur une longue période.

1
* Le droit coutumier amazigh était aussi un système juridique de protection
de l’homme, où la répression était une pratique exceptionnelle, d’où la place
centrale accordée au dialogue et à la réconciliation par le biais de la « palabre »,
institution sociale à laquelle participe tout ou partie de la communauté d'un village
(« jmaàt »,djamaa), pour le maintien du lien social et le règlement des contentieux.

b -L’Azref, terme désignant dans les parlers amazighes l’ensemble des règles
et des codes coutumiers (ti3qqidin), concerne un ensemble important de lois
régissant les droits. Parmi ses domaines figurent le mariage, le divorce, les conflits
familiaux, le statut de la femme, la solidarité, l’irrigation, la terre, la forêt et la
gestion tribale. Il est démocratique, parce qu’il est élaboré par la tribu, le citoyen et
la djamaa élue qui se charge de l’exécution de ce droit.

L’héritage n’y est pas mentionné, en particulier parce que les terres sont
collectives. En ce qui concerne la femme, tamazzalt désigne le droit à la pension
alimentaire. C’est une pratique restée en vigueur dans le sud du pays. Elle accorde à
la femme divorcée ou à la veuve la moitié des biens acquis durant la période du
mariage, avant tout partage; elle constitue un droit au partage égal et à la répartition
des biens acquis, entre l’époux et l’épouse. Le capital de la femme, le jihaz, sa part
d'acquêts (tizzla, subvenir aux besoins, dérivé du verbe azzal) sont les biens des
époux vivant sous le régime matrimonial de la communauté amazighe.
Laljmaàt ou l’anfalisfait partie des institutions qui ont toujours joué un rôle
prépondérant dans le maintien des équilibres au sein de la société; elle désigne un
mini-conseil composé des représentants des familles. Son rôle est de coordonner et
de contrôler les activités au sein du village. Il s’agit donc d’une institution
traditionnelle administrative, sociale et économique. Il veille au bon
fonctionnement des différentes structures et est juridiquement encadrée par des lois
coutumières : azerf. Les membres de la tribu amazighe se réunissent afin de
nommer les représentants de ce mini-conseil, appelé inflas ou aytrbaàin (les quarante).
Ils forment ainsi la tajmaàt n taqbilt (conseil de la tribu), un comité représentant la
tribu, composé des amaghar (le chef) : amghar d iyer, d’agdal, de tawiza et de tawala.
Après la composition de tajmaàt, celle-ci doit accomplir plusieurs missions.
Elle doit gérer toute une série d’institutions et systèmes, généralement d’ordre
social et économique au détriment de ce qui est politique puisqu’elle ne dispose pas
d’un pouvoir politique, car c’est l’amghar (le maire) qui s’en occupe.
La tajmaàt a la charge de la gestion des activités socioculturelles de la
communauté amazighe, structurées selon des règles et des lois établies par la
coutume (Azref, droit coutumier) :

2
- L’organisation de la tribu, la fraction, le lignage, la famille, la communauté
- L’esprit coopératif (tawiza, tarwa)
- L’organisation pastorale (tawala, awdal)
- Les greniers (agadir)
- Le co-allaitement (tada)

2. Langues et hyper-langue : dans la configuration mondiale des langues,


nous avons, au centre, une langue « hyper-centrale », l’anglais, pivot de l’ensemble
du système ; autour de cette langue hyper-centrale gravitent une dizaine de langues
« super-centrales » (espagnol, français, hindi, arabe…) Elles sont à leur tour le pivot
de la gravitation de cent à deux cents langues centrales autour desquelles gravitent
six à sept mille langues périphériques se trouvant en Afrique et en Asie.

Bien que l’amazigh ait été porteur du droit coutumier (azref), étant oral
comme l’arabe marocain dialectal, aucune de ces deux langues n’a jamais été utilisée
comme moyen d’expression du droit écrit.

La revitalisation de l’amazigh est en grande partie tributaire de sa capacité à


dire et à écrire le droit dans le système juridico-linguistique marocain,
particulièrement depuis sa reconnaissance comme langue officielle (constitution de
juillet 2011). L’amazighe ne dit pas le droit et ne l’exprime pas, bien qu’il soit
reconnu comme langue officielle; en revanche, le français et l’arabe continuent à le
dire et à l’écrire : par leur statut, ce sont donc des langues de droit.

3. Cultures et hyper-culture :

La culture est l’ensemble des façons de penser, de faire, de se comporter


d’un groupe ou d’une société… Elle se manifeste dans les arts, la langue, la religion,
les structures politiques, les structures sociales, l’éducation, la vision du monde et
dans tous les aspects de la vie sociale.

La mondialisation culturelle a entraîné l’émergence d’une « hyper-culture », à


l’instar d’une hyper-langue (l’anglais) qui transcende les frontières et les espaces
sans les anéantir. Cette dynamique se déploie aujourd’hui comme une force
gravitationnelle, semblable à l’attractivité des langues, mettant en scène une
nouvelle configuration du monde, c’est-à-dire un nouvel ordre mondial, planétaire,
régi par une épreuve de force entre les cultures dominantes et les cultures dominées.
On assiste alors à l’avènement d’un monde pluriel et multi-centré sur des cultures

3
dominantes et à une ère d’identités multiples et transfrontalières.

Ainsi, toutes les rencontres et communications interculturelles se traduiront


par le pouvoir d’attraction qu’exercent les hyper-cultures, fortes, dominant les
cultures périphériques, fragiles, dominées. Ceci conduira inéluctablement à un
processus d’assimilation ou d’acculturation, un métissage en fonction du poids des
cultures et du degré de coexistence entre ces cultures déjà précarisées.

4. Communication interculturelle et traduction :

Dans ce sens, la communication interculturelle se définit comme une


communication entre deux cultures par un processus qui entraîne l’intensification
des interactions entre les sociétés, leurs langues, leurs cultures et aussi la
construction des espaces géoculturels dont l’importance stratégique est comparable
à celle des enjeux géopolitiques, géoéconomiques et géolinguistiques d’une société
qui voit sa langue, sa culture, ses valeurs, sa vision du monde partagées et portées
par une communauté plus large territorialement.
La communication interculturelle, dans ce contexte, n’a de sens que
lorsqu’elle s’intéresse à la traduction des langues et des cultures, surtout au rapport
entre traduction et communication interculturelle. La traduction, en effet, s’érige en
paradigme incontournable de l’interculturel et en dispositif réflexif de l’analyse du
non-dit, et plus particulièrement de l’implicite culturel qui traverse le
niveau socioculturel du texte de la langue source, en l’occurrence la langue amazighe.
Pour cela, la traduction devient un moyen qui établit le contact entre la culture-
source et la culture-cible et qui réduit les écarts culturels entre les deux cultures.

Dans cette perspective, traduire d’une langue à une autre doit être considéré
comme un échange linguistique égal, c’est-à-dire comme un transfert vertical, du
centre à la périphérie pour contourner l’inégalité linguistique et éviter les luttes pour
la légitimité symbolique et culturelle des puissantes langues ; ainsi, traduire sera
l’acte de penser la culture dans son rapport avec les autres cultures avoisinantes.

Le texte juridique est l’exemple type d’un réajustement culturel, étant donné
que la structure du langage du droit reflète la structure de la pensée de la société
qui l'a produit, par le biais de ses institutions sociales (tada, tawiza) et son
vocabulaire spécialisé (tamazzalt, ljmaàt). Il permet aussi de mettre en place un
compromis entre les impératifs du droit coutumier « azref » et les servitudes de la
langue et de la culture réceptrices.

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5. Conclusion
Cet article n’a aucunement la prétention de cerner tous les aspects de la
problématique. Il s’agit tout simplement de montrer que, au-delà des menaces que
la mondialisation fait planer sur la diversité culturelle, il existe de nombreuses
institutions sociales qui résistent encore à la standardisation et à l’homogénéisation
culturelle et qui servent de rempart pour la défense de la diversité culturelle.

Il n’a pas non plus l’ambition de répondre à des questionnements tels que :

- l’azref est-il un langage juridique spécifique aux lois coutumières


amazighes?
- Quelles sont les différentes formes que revêt le droit coutumier
aujourd’hui dans l’ensemble des régions amazighophones et les langues dans
lesquelles il est rédigé (tarifit, tachlhit ou tamazight) ?
- Quels sont les différents domaines de la vie sociale dans lesquels
s’appliquent ces nouvelles dispositions juridiques (économie, sécurité villageoise,
médiation et gestion des conflits, polygamie) ?
- Quels sont les liens de l’azref avec les instances étatiques et quelles
sont les conditions d’insertion des dispositions juridiques du droit coutumier
(azref) avec d’autres domaines du droit : le droit de la famille, le droit
successoral, le droit foncier, le droit constitutionnel, le droit pénal, les droits de
l’homme ?
- Enfin, le droit coutumier pourra-t-il servir de base au développement
durable, à la consolidation de l’identité nationale et à la promotion de la diversité
culturelle ?

Bibliographie

BOUOUD Ahmed (2009) La place de la femme amazighe dans le procédé de


colactation (ou co-allaitement). Rabat Janvier . http://bououd.e-monsite.com.
BOUOUD Ahmed (2014))L’expression du droit coutumier amazigh « azref » :
perspective sociolinguistique, les technolectes, langues spécialisées en contexte
multilingue, publications du Laboratoire langage et société CNRST URAC
56.technolectes
CHAKER, S., 1989 - Survivance ou renouveau du droit coutumier en milieu berbère
(Kabylie) in : "L'enseignement du droit musulman" (pp. 351-355) sous la direction de
Flory M. et Henry J.-R., Ed. du CNRS, Paris.

5
CHAKER, S. 1990 « Azref : « droit coutumier » », in 8 | Aurès – Azrou, Aix-en-
Provence, Edisud (« Volumes », no 8) , [En ligne], mis en ligne le 20 avril 2011, consulté le 19
mai 2013. URL : http://encyclopedieberbere.revues.org/227
NEHLIL M. 1916 - L'Azref des tribus et qsour berbères du Haut-Guir, Ernest
Leroux, p. 77-89; fasc. 2-4, p. 88-103, 107-134.

Pour citer cet article, Ahmed Bououd, Le droit coutumier amazigh (azref) face à la
mondialisation culturelle , Ouvrage collectif Les diversités electives ,Collection
L’Harmattan Maghreb , AVRIL 2020

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