De L'individu À La Cohésion D'équipe Grosz
De L'individu À La Cohésion D'équipe Grosz
Isabelle GROSZ
Promotion 2012-2013
Sous la direction de
Patricia PINAULT HENRY
Psychologue en radiothérapie au CHRU de Besançon
INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTÉ
CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL UNIVERSITAIRE
BESANÇON
FORMATION CADRE DE SANTE
Isabelle GROSZ
Promotion 2012-2013
Sous la direction de
Patricia PINAULT HENRY
Psychologue en radiothérapie au CHRU de Besançon
Remerciements
Ensuite je remercie chaleureusement Hakim, mon mari, pour avoir cru en moi
dès le début de cette aventure et pour m'avoir encouragée, rassurée et
soutenue à tous les instants.
Je remercie Simon et Lisa, mes enfants, pour leur soutien lors des dimanches
studieux de notre année diplômante commune, passés côte à côte derrière nos
écrans d'ordinateur.
1. Introduction....................................................................................................8
2. Cadre contextuel..........................................................................................10
2.1. L'émergence d'un questionnement........................................................10
2.2. De la problématique à l'hypothèse.........................................................13
3. Cadre conceptuel.........................................................................................15
3.1. Cadre de santé.......................................................................................15
3.1.1. La fonction cadre au travers de l'histoire........................................15
3.1.2. Les missions du cadre de santé à l'hôpital.....................................19
3.2. L'individualité..........................................................................................22
3.2.1. L'identité..........................................................................................22
3.2.2. L'identité professionnelle.................................................................25
3.2.3. La reconnaissance .........................................................................30
3.3. L'équipe..................................................................................................30
3.3.1. Définitions........................................................................................30
3.3.2. Le sentiment d'appartenance et le sens du travail.........................32
3.3.3. La motivation ..................................................................................33
3.3.4. La cohésion d'équipe .....................................................................35
6. Réflexion.......................................................................................................61
6.1. Le contexte de travail ............................................................................61
6.2. Les règles de fonctionnement ...............................................................64
6.3. L'amitié ...................................................................................................64
6.4. Le positionnement du cadre...................................................................65
6.5. La reconnaissance ................................................................................68
6.5.1. Légitimer la fonction de chacun......................................................68
6.5.2. Écoute individuelle et équité...........................................................70
6.5.3. Écoute individuelle et abus de pouvoir ..........................................72
6.6. Les valeurs.............................................................................................73
7. Conclusion...................................................................................................76
8. Bibliographie................................................................................................79
AS : Aide-Soignante
ASH : Agent des Services Hospitaliers
ASH ffAS : Agent des services Hospitaliers faisant fonction d' Aide-soignante
IDE : Infirmier Diplômé d’État
IFPS : Institut de Formation de Professions de Santé
IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmier
MSP : Mise en Situation Professionnelle.
INTRODUCTION
1. Introduction
8
CADRE
CONTEXTUEL
2. Cadre contextuel
10
Puis j'ai été mutée dans un service de jour et de semaine où j'ai découvert ce
qui allait être pour moi une révélation professionnelle, je découvrais ce qu'était
à mes yeux une "vraie équipe" : des agents soudés entre eux, solidaires,
attentifs aux tâches spécifiques de chaque catégorie professionnelle, se prêtant
main forte dès que possible. J'ai découvert une ambiance de travail sereine,
avec une forte solidarité entre les agents. Je découvrais ce qu'était à mes
yeux :
11
l'équipe présents. Pour pallier cet état de fait, j'ai souhaité instaurer un travail en
sectorisation en binôme IDE/AS, mais je me suis heurtée à une forte opposition
de l'équipe. Les infirmières ne voulaient pas perdre leur vision sur la totalité des
patients du service. Les aides-soignantes préféraient travailler entre pairs pour
ne pas dépendre de la disponibilité de l'IDE de secteur lors des soins de
nursing nécessitant la présence de deux agents.
Il est vrai que les conditions de travail des deux dernières équipes dans
lesquelles j'ai exercé ne sont pas identiques et peuvent expliquer les
différences ressenties au niveau de la cohésion. Le service de jour et de
semaine était constitué d'une petite équipe de 16 paramédicaux. Comme son
nom l'indique, le service ne fonctionnait pas les samedis et dimanches, donc
aucun conflit ne pouvait apparaître entre les agents concernant le travail des
week-ends. De plus, l'unité fermait durant plusieurs semaines en période
estivale, laissant la possibilité à tous de prendre leurs vacances à leur guise et
en même temps. Tous les agents étaient logés à la même enseigne : en congé,
ensemble, les vendredis soirs, de retour, ensemble, les lundis matins ; en
grandes vacances d'été, ensemble, de retour fin août, ensemble. De quoi
apaiser bien des tensions quotidiennes et renforcer par là-même la cohésion
d'équipe.
C'est donc probablement dans un service de ce type que je ferai mon entrée
dans ma nouvelle fonction en juillet prochain. Lors de mon expérience en
service de semaine, j'avais eu tant de plaisir à travailler dans une équipe unie,
12
que je souhaiterais, dans mes fonctions de cadre de santé, arriver à reproduire
ce type d'ambiance dans les équipes dont j'aurai la responsabilité.
13
CADRE
CONCEPTUEL
3. Cadre conceptuel
L' Église va alors « […] contrôler les soins corporels grâce au modèle de la
femme consacrée en les incitant à se destiner au service des malades et des
déshérités » [2].
L'ancêtre de l'infirmière est la sœur garde-malade qui fait partie d'une
congrégation religieuse ; elle est dévouée, obéissante et silencieuse. Elle vit
« [...] selon des règles strictes et une hiérarchie fortement structurée et c’est
justement la hiérarchie ecclésiastique qui joue le rôle d’encadrement » [2].
15
Au XIX ème
siècle, la sœur cheftaine s'occupait de la surveillance des sœurs
gardes-malades et de toute l'intendance de l'hôpital (cuisines, celliers,
buanderie, lingerie). La majorité des hôpitaux avait sa sœur supérieure qui était
sous l'autorité de la Supérieure Générale et du Supérieur des Pères Lazaristes
à Paris.
A partir de 1958, une formation de huit mois est proposée aux surveillantes. Le
décret du 14 novembre 1958 crée deux certificats selon que l'agent se destine
à des fonctions en école d'infirmière ou en service de soins. Il s'agit du CAFIM
(Certificat d'Aptitude aux Fonctions d'Infirmier Moniteur) ou du CAFIS (Certificat
d'Aptitude aux Fonctions d'Infirmier Surveillant). En parallèle, des surveillantes
continuent à être nommées sur leur poste à l'ancienneté, sans formation
particulière.
Respectées et parfois craintes par les agents, elles assurent un duo avec le
médecin chef de service. Lui tel le "père" de famille qui règne avec la "mère" , la
surveillante, sur les "enfants" , les soignants.
Ce qui mène le cadre de santé actuel bien loin de l'infirmière chef, technicienne
hors pair qu'elle devait être au temps où elle s'appelait surveillante, et je vais à
présent en développer les missions.
18
3.1.2. Les missions du cadre de santé à l'hôpital
Il n'est plus dans l'action, "le faire", et s'éloigne des soins techniques, mais il se
place à côté des soignants pour les accompagner.
19
prescription, cela peut entraîner des difficultés au cadre pour poser sa
légitimité au sein de l'équipe. Le cadre se trouve écartelé entre une expertise
légitime et une nécessité managériale de plus en plus importante.
La solution sera pour lui d'aborder l'expertise dans un paradigme nouveau du
« prendre soin » pour asseoir sa légitimité en évitant que celle-ci repose
essentiellement sur les actes techniques. Or, la conjoncture actuelle du
système médico économique ne lui rend pas la tâche facile avec la baisse de la
durée moyenne de séjour, l'augmentation des actes techniques, la
rationalisation du personnel, etc.
20
Les agents ont le sentiment d'avoir pour mission de soigner sans avoir à se
préoccuper des coûts que cela peut engendrer puisque le cœur du métier d'un
soignant est de prendre soin.
Une des missions du cadre de santé est d'amener son équipe à préserver cette
notion primordiale pour le bien-être du patient, tout en incluant les obligations
budgétaires actuelles qui s'illustrent souvent par une baisse de moyens
humains ou matériels. Comme le relate Jean-Marie REVILLOT, le cadre de
santé doit « […] se préoccuper de promouvoir et de développer une posture
clinique dans une dimension du "prendre soin", cœur de métier, qu'il incarne
mais qui l'oblige aussi à intégrer les contextes socio-économique et politique »
[3, p. XXI].
Le but étant qu'à la fin de son poste chaque agent tende vers la satisfaction
concernant la qualité de la prise en charge des patients dont il avait la
responsabilité.
C'est dans cette mission que selon Walter HESBEEN, le cadre de santé exerce
une fonction de soignant : il doit prendre soin de son équipe pour qu'ensuite
celle ci soit le mieux disposée pour, à son tour, prendre soin des patients.
Porter de l’intérêt aux agents, c'est tenir compte de leur individualité, c'est
pourquoi je vais à présent développer ce concept.
3.2. L'individualité
3.2.1. L'identité
22
Pour Michèle WENNER citant Erwing GOFFMAN, le premier niveau de l'identité
est celui qui considère le sujet en tant que personne : c'est un concept
psychologique qui correspond à l'image que l'on a de soi. C'est un « niveau
personnel que tout le monde possède » [13, p 42].
Selon Pierre TAP, l'identité personnelle est « […] l'ensemble des
représentations et des sentiments qu'une personne développe à propos d'elle-
même [...] » [14], mais il précise que si elle permet de se réaliser en devenant
et en restant soi-même, elle permet également au sujet de se différencier de
l'autre.
Pour Jacques LECOMTE, l'identité est la « […] représentation plus ou moins
stable, que j'ai de moi-même et que les autres ont de moi » [14].
23
D'après Pierre TAP, six éléments sont nécessaires pour construire l'identité :
• la continuité : le sentiment de rester le même, rester identique à soi-
même,
• la représentation plus ou moins structurée de soi-même,
• l'unicité : le sentiment d'être unique, original,
• la diversité : plusieurs personnages en la même personne,
• la réalisation par l'action : nous sommes ce que nous faisons,
• estime de soi : vision positive de soi-même.
Ces six éléments aident à la construction de la personnalité mais se mettent
parfois en conflit entre eux : « […] L'identité constitue un effort constant pour
gérer la continuité dans le changement » [14].
24
L'identité sociale, tout comme l'identité personnelle, est évolutive : « Elle se
construit, se réactualise tout au long de la vie, de manière cyclique, à partir d'un
questionnement existentiel. Qui suis-je aujourd'hui ? Suis-je reconnu par l'Autre
dans mon droit d'exister et dans mon devenir ?... » [13, p.46].
Nous venons de voir que l'identité d'un individu se construit d'après des
identités successives, les premières sont l'identité personnelle et l'identité
sociale. Lorsque le sujet appréhende le monde du travail, une nouvelle identité
s'ajoute aux deux précédentes : il s'agit de l'identité professionnelle que je vais
aborder au chapitre suivant.
25
Le futur professionnel se pose la question suivante : « Quel soignant, infirmier,
aide-soignant, je voudrais être ? ».
Il ne s'agit pas pour autant de reproduire, d'imiter le modèle, tel que M. EID
l'évoque dans son développement concernant le « Pygmalion pédagogue » [17]
où le maître façonne l'élève à son image. Au contraire, il s'agit de se forger son
identité professionnelle en puisant chez l'autre ce qui correspond à ses valeurs,
ses représentations du soin tout en sachant laisser ce qui ne s'y apparente pas.
26
Il est en effet important que l'agent trouve du sens à ce qu'il fait car sinon il lui
sera très difficile de continuer à exercer dans le cadre particulier du secteur
hospitalier, qui sans cesse le renvoie aux étapes de sa vie personnelle comme
la naissance, la maladie, la souffrance, la vieillesse, la mort.
Chaque individu a son histoire personnelle qui, nous l'avons vu, a construit (et
construit encore) son identité individuelle.
Même si il est coutumier d'entendre qu'il faut laisser ses problèmes personnels
au vestiaire, chaque agent prend son service avec son vécu et ses émotions du
jour. Tout en restant professionnel, il vient travailler avec ce qu'il est en son for
intérieur, avec ses aspirations personnelles et avec ce que lui apporte sa vie
privée.
Cela crée la différence entre les uns et les autres et aide à construire son
identité professionnelle, à se démarquer des autres. Cela montre au soignant
qu'il est reconnu pour ce qu'il est et souligne la personnalisation et la
responsabilité de ses actes : « [...] Au chevet d'un patient, le soignant […] est
responsable de ses actes et choix, en son for intérieur » [19].
27
De surcroît, selon Bernard VUILLEMENOT, « […] la construction des identités
socio-professionnelles découle de la satisfaction de plusieurs types de besoins,
à commencer par les besoins d'individualisation » [21], tels que :
• « Besoin d'autonomie : "être indépendamment des autres". Besoin
symétrique de l'appartenance. Pouvoir se dégager de l'emprise
collective pour être Soi. Besoin de prendre des initiatives, de se sentir
responsable.
• Besoin de différence : "être incomparable". Sentiment d'être original,
d'être unique. Être distingué des autres ; affirmer sa personnalité
propre ; pouvoir être soi-même et accepté comme tel.
• Besoin de valeur, de valorisation : "être aux yeux des autres". Se faire
valoir aux yeux de ceux dont les jugements ont de la valeur pour soi.
Vision positive de soi.
• Besoin d'existence : "être en faisant". Devenir soi-même à travers des
réalisations » [21].
Or, souvent se joue là une lutte des pouvoirs entre les différentes catégories
professionnelles, liée à la divergence des enjeux professionnels des missions
respectives et des identités professionnelles plus ou moins bien définies :
« […] Par exemple, la fonction financière tente à tout prix de limiter le
gaspillage et contrôle les dépenses alors que la fonction médicale
estime manquer de moyens. La fonction médicale se heurte à la
fonction soins en lui demandant d'être la plus souple et la plus adaptée
possible pour répondre aux besoins diversifiés des malades. La fonction
ressources humaines tente d'améliorer les conditions de travail pour
maintenir un bon climat social au risque de se heurter aux financiers qui
eux doivent maîtriser les coûts » [20, p. 6].
28
Dans tout cela, il est important que chacun trouve sa place selon ses
aspirations et son identité pour que « […] chacun des acteurs de santé puisse
se positionner et permettre ainsi d’œuvrer vers un soin de qualité avec le
patient, usager, citoyen au cœur du système sanitaire » [18].
Par ailleurs, Françoise GONNET évoque l'antériorité de certaines professions
par rapport d'autres, plus récentes :
On aborde ici la notion développée par Marc CATANAS [22], des « professions
prestigieuses » opposées au « sale boulot » délégué aux professions jugées
moins admirables et dont l'identité professionnelle est moins clairement établie.
29
3.2.3. La reconnaissance
L'homme a besoin des autres pour exister : « […] C'est par la reconnaissance
de l'autre que le sujet prend conscience de son existence » [1, p.149].
Dans une équipe de soins, l'agent doit non seulement se sentir reconnu par ses
pairs et par l'ensemble des membres de l'équipe pluridisciplinaire, mais aussi
par sa hiérarchie, le cadre du service et l'équipe médicale. Pour comprendre
comment cette reconnaissance se met en place et comprendre les relations qui
se jouent et s'instaurent au sein d'un groupe, je vais à présent m'intéresser au
concept de l'équipe.
3.3. L'équipe
3.3.1. Définitions
Au même titre qu'une personne, une équipe a une identité propre, une image
qu'elle véhicule au sein d'une organisation, d'un hôpital. Cela vient du fait
qu'elle est constituée d'êtres humains qui ont tous des valeurs, des
personnalités, des identités différentes. Ces valeurs sont plus ou moins
partagées en son sein et selon l'adhésion de ses membres. L'image véhiculée
d'une équipe par rapport à une autre varie. L'identité d'une équipe fait sa
réputation au sein de l'hôpital. Par exemple tel service de médecine est connu
pour sa qualité de l'accueil et de l'accompagnement des familles, tel service de
chirurgie pour la précision des conseils et l'organisation de la sortie des
patients, tel service des urgences pour la qualité de ses soins techniques en
dépit des difficultés de communication de certains des membres qui la
composent, etc.
Pour être une équipe, un groupe doit, selon Roger MUCCHIELLI, présenter les
7 caractéristiques suivantes [25, p.12] :
• un petit nombre : pour plus d'efficacité,
• du lien interpersonnel : il joue un rôle essentiel et instaure une forme de
culture commune, un sentiment d'appartenance,
31
• de l'engagement personnel : chaque membre d'une équipe apporte de la
complémentarité à l'ensemble,
• une unité,
• une intentionnalité commune vers un but collectif accepté et voulu :
chacun de ses membres concourt tantôt individuellement, tantôt avec ou
par les autres à des actions qui sont la raison d'être de l'équipe, ils sont
collectivement responsables d'une réalisation,
• des contraintes : se conduire en équipier et ne pas faire "cavalier seul",
ce qui implique un certain manque de liberté individuelle,
• une organisation : les rôles au sein de l'équipe doivent être distribués.
Il est donc important que les membres de l'équipe puissent définir ensemble
des valeurs communes auxquelles chacun adhère, comme les valeurs
humanistes permettant à l'individu de développer le sentiment d'être utile pour
autrui.
Elles donnent du sens commun à l'action et sont essentielles pour parvenir
efficacement à prendre soin de l'autre, en équipe. Jean François POPIELSKI
explique que « […] chacun se donnera plus volontiers à un travail qui lui rendra
le sentiment de son utilité, qu'à une activité besogneuse qui ne servirait qu'à
l'ennui qu'elle procure » [28]. Par ce biais, le travail prend du sens, de l’intérêt,
l'individu en tirera un certain plaisir, une satisfaction qui du coup influera sur sa
motivation : « […] Être motivé ou éprouver de la motivation pour son travail,
c'est ressentir un intérêt à un ensemble de tâches fixées par une
organisation... » [28]. Ce cheminement m'amène à aborder une nouvelle notion
liée au plaisir et à la satisfaction : la motivation.
3.3.3. La motivation
La motivation n'est pas un trait de caractère : on n'est pas motivé en soi, mais
on est motivé pour quelque chose.
34
Arrivée à ce stade de ma réflexion, il me semble alors intéressant de
développer le concept de la cohésion d'équipe.
Pour Sonia BAL, elle relève d' un « […] sentiment entier de valeurs communes
partagées par l'ensemble des membres, où chacun trouverait un intérêt en
adoptant une façon collective de travailler » [27]. Pour obtenir la cohésion
d'équipe, elle évoque les critères suivants :
• le lien d'appartenance,
• l'interconnaissance et les liens personnels se prolongeant en dehors du
travail,
• la confiance dans les autres membres,
• le moral, avoir foi dans l'avenir,
• l'histoire de l'équipe,
• la satisfaction de l’intérêt personnel au service du collectif,
• les temps de pauses et de convivialité,
• les temps de réunion, de transmissions qui participent à donner du sens
au projet,
• l'investissement autour d'un projet.
La cohésion est renforcée lorsque les individus partagent les mêmes valeurs,
les mêmes idées ; lorsque chacun de ses membres valide ces idées et y
adhère. Pour Jean-Michel MOTTA, « la cohésion d'équipe est à la fois liée à
l'homogénéité dans les aspirations communes, les valeurs partagées et à
l'hétérogénéité, source de créativité et de "vie" dans l'équipe » [9].
35
Selon Pierre CAUVIN [32, p. 13], la cohésion apporte les atouts suivants à une
équipe :
• la circulation de l'information est facilitée,
• les conflits internes sont diminués,
• les compétences de chacun sont mieux utilisées,
• l'orientation vers un but commun est assurée,
• un climat propice à la motivation est développé.
36
MÉTHODOLOGIE
4. Démarche méthodologique de l'enquête
J'ai retenu comme outil d'enquête l'entretien semi-directif pour une analyse
qualitative des propos. Ce qui signifie que cette recherche ne peut pas être
représentative de la population en général.
38
J'ai choisi de mener mes entretiens auprès de personnels soignants pour être
au plus près du vécu sur le terrain. Il me semblait intéressant d'entendre à
chaque fois une IDE et une AS du même service pour avoir deux avis différents
sur une même équipe. J'ai donc réalisé 6 entretiens avec 3 IDE et 3 AS en
utilisant une trame d'entretien identique pour les deux catégories
professionnelles.
Pour respecter la confidentialité et faciliter la rédaction, j'ai choisi de les
identifier par les abréviations suivantes :
• pour les aides-soignantes : AS1, AS2, AS3
• pour les infirmières : IDE1, IDE2, IDE3.
La numérotation correspond à la chronologie des entretiens menés dans les
services 1, 2 et 3. IDE1 et AS1 travaillent dans le même service, de même que
IDE2 et AS2 , IDE3 et AS3.
39
Le temps estimé pour un entretien était de 45 minutes. Le plus court a duré 33
minutes et le plus long 51 minutes.
Tous les entretiens ont eu lieu dans une salle destinée aux familles et se sont
déroulés dans le calme. Chaque soignant, désigné par son cadre de santé, a
eu l'autorisation de se détacher des soins durant l'entretien.
Le risque avec ce type d'entretien débutant sur une question ouverte est de
s'éloigner du sujet. Les questions de relance servent à recentrer les propos, la
difficulté est de savoir les poser à temps, sans couper la personne dans son
développement. De plus, il s'agit d'éviter d'orienter les réponses en donnant son
opinion dans les reformulations.
40
ANALYSE
5. Analyse des entretiens
Ancienneté
dans le 5 ans 5 ans 5 ans 2 ans 3 ans 7 ans
service
Ancienneté
du cadre du 10 ans 2 ans 20 ans
service
Toutes les personnes interrogées sont des femmes qui se situent dans la
tranche d'âge de 36 à 47 ans. L'âge moyen des aides-soignantes est de 46
ans, l'âge moyen des infirmières est de 37 ans.
Quatre d'entre elles (AS1, IDE1, IDE2, IDE3) ont fait toute leur carrière au sein
du même centre hospitalier. IDE2 a évolué de catégorie professionnelle au sein
42
de la structure : elle y est entrée sur des fonctions d'ASH et a pu ensuite
intégrer un Institut de Formation en Soins infirmiers (IFSI) avant de poursuivre
sa carrière en tant qu'IDE.
AS2 et AS3 sont issues d'un milieu professionnel totalement différent du
secteur de soin et ont intégré le centre hospitalier suite à un reclassement
professionnel après une période de chômage. Elles ont toutes les deux un
projet professionnel d'évolution de carrière : AS2 est ASH faisant fonction d'AS
et a débuté une démarche de validation des acquis de l'expérience, AS3
souhaite se préparer au concours pour entrer en IFSI.
L'ancienneté des agents dans leur service actuel est de 2 à 7 ans.
Les cadres des services 1 et 3 sont en place depuis longtemps :
respectivement 10 et 20 ans. La cadre du service 2 est nouvellement diplômée,
elle occupe son poste depuis 2 ans.
Par cette première analyse, j'observe une stabilité des agents interrogés dans
leurs équipes respectives. Au sens plus large, une notion de fidélisation à
l'institution émerge pour les quatre agents ayant fait toute leur carrière au sein
du même établissement.
Dans cet établissement nous allons voir à présent quelle est la place des
soignants.
43
mari […] elle dirigeait complètement ». La difficulté ici pour l'agent est d'exercer
son activité de soignant face à une famille devenue trop intrusive. On l'observe
parfois lors d'hospitalisations prolongées ou lorsqu'un manque de confiance
s'est instauré entre le patient et l'équipe soignante.
De plus, il arrive que la vie privée du soignant soit relatée au patient, lors d'un
soin où, par exemple, deux soignantes discutent entre elles de leur vie à
l'extérieur. AS1 évoque ce phénomène : « […] Cela parle beaucoup devant les
patients de leur vie privée, de ceci, de cela ; elles ne sont pas au travail ». Non
seulement en agissant ainsi elles peuvent faire preuve d'un manque de
concentration sur leurs tâches professionnelles, mais surtout, le risque est
d'exclure le patient de leurs propos, ce dernier assistant malgré lui à une
conversation qui ne le concerne pas.
• Entre soignants
L'arrivée d'un nouvel agent dans une équipe en place est un moment délicat
pour se positionner. IDE1 l'évoque : « […] Moi quand je suis arrivée, les choses
étaient déjà établies en fait. Donc j'ai pris cela en cours de route. C'est vrai que
je n'ai pas osé mettre mon grain de sel […] je ne me suis pas permis de le
faire ». AS1 confirme ces propos en parlant d'une idée de nouvelle
d'organisation en salle de pause : « […] Je n'ose pas la mettre en place parce
que je suis arrivée dans l'équipe après ».
AS3 mentionne son arrivée dans une équipe ancienne. L'histoire et le vécu de
l'équipe peut laisser le nouvel agent à la marge : « […] C'est une équipe
ancienne. Elles ont vécu plein de choses ensemble ». AS3 a connu un
problème d'intégration suite à un conflit avec une collègue concernant la prise
en charge d'un patient, elle explique qu'elle a eu des difficultés pour se faire
entendre car « […] comme cette personne était là avant moi, forcément
l'équipe s'est ressoudée autour d'elle ».
44
De plus, la nouvelle arrivée doit se contenter des places laissées libres dans
l'équipe puisque leur distribution a été faite avant sa venue. Je reprends les
propos de IDE1 : « […] En gros, les places étaient prises, alors je m'effaçais et
je laissais faire ». AS1 évoque son rôle de référente : « […] C'est vrai que dans
un autre service j'avais la responsabilité des commandes. En arrivant ici, des
personnes étaient déjà en place, alors je laisse ma place à mes collègues ». La
novice se voit désigner des fonctions laissées vacantes ou dont personne ne
voulait, c'est arrivé avec AS2 : « […] Oui, je suis référente, mais la référence
que j'ai...où elle m'a mise déjà ?...Ah oui, j'ai la salle de bains en référence...il
ne restait que ça...alors elle me l'a donnée ! ».
45
en l'espace de deux ans. Il ne reste à ce jour qu'une infirmière présente avant la
venue des nouvelles, dont l'ancienneté monte à 7 ans. IDE2 dit :
« C'est pas plus mal parce que cela a permis de mettre les choses un
peu à plat sur l'organisation et de travailler plus en collaboration […] de
ne pas rester fixé sur les connaissances d'une personne qui est là
depuis longtemps et qui n'aime pas changer sa façon de travailler parce
que cela fait longtemps qu'elle fait comme ça ».
AS1 partage cette opinion :
« C'est bien qu'il y ait des changements dans l'équipe. Je pense que
les piliers au bout d'un moment ont leurs petites habitudes […] J'ai 46
ans et encore plein de choses à apprendre des petites jeunes ».
AS1 complète en expliquant que des différences peuvent être ressenties entre
les ASH faisant fonction d'AS et les AS. Même si pour la hiérarchie, elles sont
considérées de façon équitable en termes de prise en charge soignante et de
roulement sur le planning, dans la réalité du terrain, elles n'ont pas le même
salaire et il leur arrive d'en jouer. AS1 le relate en parlant d'un échange qu'elle a
eu avec une collègue ASH ffAS : « […] Un jour elle me dit quoi qu'il en soit je
ne veux pas faire ces toilettes, je n'ai pas la paye. Je me suis permis de lui
répondre que pour nous tu es comptée dans l'effectif, tu dois travailler, nous on
n'a pas à en pâtir ». Il semble que dans certains cas les faisant fonction
46
s'appuient sur leur statut bancal d'aides-soignantes "au rabais" pour se
soustraire à certaines tâches qu'elles rechignent à faire.
Pour finir, la relation entre les agents est tributaire des affinités, de l'amitié ou
des relations privilégiées qui se mettent forcément en place entre les membres
d'une équipe. Cela est inévitable lorsqu'on passe 7 heures par jour avec les
collègues dans une unité de soins où s'opère un travail effectué par des êtres
humains au service de l'humain et qui est basé sur le relationnel et les
échanges. Pour IDE3 « [...] On ne peut pas toutes s'entendre, on a plus
d'affinités avec certaines qu'avec d'autres ». IDE1 confirme : « […] Il y a des
groupes, des amies. Dans l'équipe il y a des personnes qui sont amies à
l'extérieur ».
Pour AS2 et IDE2 ces amitiés sont très importantes car elles débouchent sur
des moments de convivialité, en sortie de service, partagés au sein de l'équipe
pluriprofessionnelle :
« […] De temps en temps on fait des repas de service, toute l'équipe
ensemble, le médecin vient aussi, la cadre aussi et même des membres
parmi les kinésithérapeutes et les ergothérapeutes, il y a très peu de
personnes qui ne viennent pas ».
AS3 renchérit en disant que l'amitié au sein d'une équipe sert à se soutenir
mutuellement et est source de cohésion.
IDE3 et AS3 trouvent que ces amitiés n'ont pas d'incidence sur le travail parce
que « […] quand je suis là pour travailler, je travaille, il n'y a pas de relations
plus privilégiées avec les unes ou les autres ». Elles ne font pas de différences
entre les collègues amies et les autres : « […] On fait comme si de rien n'était,
cela ne rentre pas en ligne de compte dans le travail ».
Une distinction est faite entre l'amitié entre les membres de l'équipe et
l'esprit d'équipe .
47
Par contre, IDE1 rajoute que dans certaines situations il pourrait être délicat de
prendre position « […] quand l'amitié se mêle au professionnalisme ». AS1
partage ce point de vue en disant « je ne fréquente pas mes collègues de
travail à l'extérieur. […] Ma vie privée, c'est ma vie privée. […] Ce sont mes
collègues, pas mes copines, pour moi c'est très bien ». Elle déplore pourtant le
fait de se sentir parfois exclue des groupes d'amies et rajoute que l'organisation
du travail s'en ressent : « [...] Je sens bien qu'on me laisse faire tel travail parce
qu'elles veulent travailler ensemble ». IDE2 confirme que l'organisation mise en
place est primordiale puisque dans son unité « […] les amitiés dans l'équipe ne
posent pas de problème parce que les sectorisations sont imposées par la
cadre. Ce n'est pas la personne qui peut choisir de travailler avec sa copine
dans un secteur, cela simplifie les choses ».
En reprenant les derniers propos cités de IDE2, nous venons de voir que le
positionnement du cadre est important pour fixer les règles d'organisation au
sein de l'unité. AS3 le confirme : « […] Le cadre, c'est le cadre, pour poser les
limites ». AS2 rajoute : « […] Il faut une structure, poser des jalons, se montrer,
être là. Il faut qu'on ait des limites, c'est important parce qu'on ne peut pas tout
laisser à vau-l'eau ».
48
continuellement dans son bureau, mais au contraire être au contact avec les
gens ».
Dans la situation évoquée par IDE1 où l'épouse d'un patient avait fait une totale
intrusion dans les soins, elle relate le manque de positionnement de sa cadre :
« Elle ne jouait pas de rôle, elle était complètement absente. Elle avait
rompu la communication avec la dame, ou plutôt c'était la dame qui
avait rompu la communication […] Elle laissait les infirmières gérer la
situation au coup par coup […] J'avais l'impression que ce monsieur
était devenu LE patient de certains soignants ».
La place laissée libre par la cadre a été investie par certains soignants qui ont
pris du pouvoir sur les autres et cela a crée un déséquilibre au sein de l' équipe.
Il s'avère que le cadre doit être le garant du respect des règles. C'est ce
qui permet d'éviter des conflits liés à la prise de pouvoir d'un agent au
détriment d'un autre.
Dans un second temps, le cadre doit prendre sa place entre les médecins et
l'équipe paramédicale. IDE3 décrit une situation où l'équipe paramédicale et
l'équipe médicale étaient divisées concernant un traitement antalgique et
anxiolytique à instaurer chez un patient en fin de vie, elle évoquait la place du
cadre en ces termes : « […] La cadre est un petit peu entre deux. Entre le
médecin et puis nous ». Dans une situation similaire AS2 a le sentiment « […]
d'être écoutée, aussi bien par la cadre, par les collègues et par le
médecin...après je ne sais pas si je suis entendue ». AS3 parle d'un cadre
« […] proche, à l'écoute de son équipe et qui la défend ».
Dans le discours des six agents interrogés, la posture d'écoute du cadre est
primordiale. L'écoute s'opère à deux niveaux.
49
5.3.2.1 L'écoute à l'échelle de l'individu
IDE1 pense « [...] qu'un cadre qui écoute son personnel sera beaucoup plus
respecté que quelqu'un qui ne va pas du tout dans le sens de ce que veulent
les agents ».
Pour AS3, sa cadre « […] est tellement gentille, elle ne veut faire de mal à
personne. Je dirais qu'elle a le défaut de ses qualités. Elle veut vraiment faire
plaisir à tout le monde, alors quelquefois elle en est même injuste ». Elle
explique qu'il arrive à sa cadre de déroger à la règle, qu'il lui arrive de la
modifier pour satisfaire tout le monde, du coup les agents ont le ressenti qu'elle
se laisse influencer : « […] Elle se range du côté des "grandes bouches". C'est
un peu son défaut. Moi ou d'autres qui sont comme moi ne vont rien dire, on va
être un peu défavorisées ». Elle explique que face à des agents à forte
personnalité « […] la cadre va faire en sorte que les choses s'aplanissent »
quitte à faire une entorse à l'organisation établie. Pourtant cette attitude fait
naître un sentiment d'injustice chez les agents moins revendicatifs. AS3
exprime très clairement qu'elle « […] ne trouve pas ça très juste ».
Ce qui signifie qu'un cadre ne peut pas répondre à toutes les demandes, il doit
établir des règles de fonctionnement qu'il applique à tous de façon équitable. Si
ces règles sont clairement définies, il peut s'en servir comme argumentaire afin
d'expliquer ses décisions aux agents. C'est par un argumentaire équitable que
la solution pourra être acceptée par tous. Toute la difficulté est de tenir compte
de l'individualité de l'agent, de son cas particulier et singulier qu'il va être
susceptible d'exposer ou de négocier. La décision que prendra le cadre aura
des répercussions sur l'équipe. Qu'il donne une suite favorable à l'agent
50
demandeur ou non, l'argumentation doit être claire et sincère, basée sur des
règles de fonctionnement internes au service ou institutionnelles afin que les
explications puissent être entendues et acceptées La décision ne doit pas être
ressentie comme arbitraire, ou liée à la volonté subjective du cadre.
Il est évident que chaque cas doit être pris en compte individuellement. Il y a
dans la vie des soignants des impératifs qui parfois imposent de déroger à la
règle. AS3 donne un exemple :
« Ma cadre est très humaine lorsqu'on a des problèmes familiaux. Je
viens de perdre mon frère et je devais travailler durant la semaine. Je
l'ai appelée et on s'est arrangé sur le planning. Des collègues ont dit " je
pends sa place là " ; "moi je prends sa place là" . Cela s'est très bien
passé et elle m'a mis des jours de repos que je rattraperais autrement
[…] elle est à l'écoute, elle essaye d'arranger pour qu'on puisse gérer
notre vie personnelle ».
La place du cadre aura été de se mettre dans une posture d'écoute vis à vis de
AS3 et de communication envers l'équipe. Dans le cas précis de la perte d'un
proche, la solidarité de l'équipe a facilité le remplacement. AS3 précise que la
condition du remplacement ultérieur était tout de même posée, c'est la règle du
donnant donnant qui mène finalement à ce que tous les acteurs se sentent
gagnants : l'agent car il a eu une écoute et une suite favorable à sa requête, le
cadre qui sait qu'il pourra solliciter AS3 en retour lors d'un futur remplacement,
les collègues qui en proposant un remplacement renforcent la solidarité du
groupe.
51
5.3.2.2 L'écoute à l'échelle de l'équipe
Il ressort des entretiens que non seulement la voix des infirmières est entendue
mais aussi celle des aides-soignantes. Ces dernières ont le sentiment d'avoir
leur place au sein de l'équipe et d'être écoutées durant les réunions
pluridisciplinaires. AS3 témoigne en ce sens :
« On a des réunions éthiques et là on prend l'avis de chacun. Ici c'est
un des rares établissements où les aides-soignantes sont beaucoup
écoutées […] où on n'est pas réduites aux changes et aux soins de
nursing ».
AS2 rajoute : « […] On sent qu'au dessus on est épaulé, qu'on est entendu ».
AS1 nuance les propos en précisant qu'elle ressent qu'une différence est faite
par sa cadre au sein de son unité concernant une infirmière en particulier :
« J'ai l'impression qu'elle écoute toujours une infirmière, je me rends
compte qu'elle n'a pas toujours raison, mais pourtant j'ai l'impression
que la cadre a tendance à toujours valider ce que dit cette personne ».
IDE1 et AS1 rajoutent :
« J'ai déjà eu un cadre qui avait ses préférences dans l'équipe, moi
personnellement je ne le vivais pas bien. Cela m'a amenée à changer
de service parce que le cadre faisait des différences entre les agents
[…] Le copinage d'une cadre, avoir trop d'affinité avec le personnel, cela
ne va pas ».
Il apparaît que si le cadre, comme tout être humain, a des affinités pour
certains des membres de son équipe, il doit veiller à ne pas le faire
percevoir pour maintenir le sentiment d'équité dans l'équipe. Pour y
52
parvenir, il peut s'appuyer sur la reconnaissance des individus à travers
leurs différences.
5.3.3. La reconnaissance
IDE1 estime « […] qu'on est bien respecté vis à vis de nos capacités, de nos
compétences et de nos personnalités, et la différence ? Il n'y a pas de
différence en fait ». Elle évoque ici le sentiment d'équité. En effet, une fois les
différences spécifiques des agents reconnues, il est important de veiller à ne
pas s'en servir pour élaborer une sorte de classement entre eux : « […] Que
chacun soit perçu aussi bien que son collègue...même si on est différent, je
pense qu'on se complète dans mon équipe ».
53
Les personnalités et les capacités différentes des agents servent à se
compléter, elles cimentent une équipe et créent de la cohésion.
IDE3 rajoute :
« J'aime beaucoup encadrer les étudiants, c'est quelque chose qui
m'intéresse […] J'ai fait la demande pour être tutrice lors de la mise en
place du nouveau référentiel. Je suis allée à plusieurs réunions à l'IFSI
et ensuite, quand il y a eu une formation, j'étais prioritaire ».
54
L'organisation des roulements de travail permet aux agents de bien se
connaître mais paradoxalement peut aussi diviser une équipe.
IDE2 relate également que sa cadre n'hésite pas à prendre part aux soins
ponctuellement en cas de surcharge de travail :
« Le midi elle vient souvent donner un petit coup de main pour donner à
manger aux malades en salle à manger […] Des fois aussi elle vient
nous aider à ranger le stock de matériel, ce sont des petites choses,
mais cela a son importance ».
AS2 complète en disant :
« Des fois elle se propose. Je l'ai déjà vu aller repiquer quelqu'un ou
faire des gaz du sang, quand les infirmières manquent de temps [...]
55
Elle m' a aidée aussi une fois sur une désinfection de chambre, […] sur
une toilette mortuaire […] Si elle me propose, moi je suis contente ».
Nous venons de voir que répondre au besoin de reconnaissance des agents est
essentiel. Je vais poursuivre l'analyse en étudiant les répercussions de la
reconnaissance sur le pouvoir.
5.3.4. Le pouvoir
AS1 évoque l'exemple d'une infirmière reconnue dans son équipe pour des
tâches spécifiques : avec l'accord de la cadre, c'est elle qui élabore le planning
des IDE. AS1 pense que « […] dans l'équipe personne n'ose la contrarier […]
Elle a pris une place en dehors des autres ». L'attitude de la cadre semble
valider cet état de fait parce que AS1 témoigne qu'au moment de la relève :
« La cadre ne regarde que cette personne là, elle s'adresse toujours à
cette personne, donc vis à vis des autres infirmières c'est un peu
gênant...Tout de même, dans une équipe de travail, je pense que la
cadre doit être neutre et équitable et ne pas toujours s'adresser aux
mêmes personnes ».
56
Le tempérament, le caractère des agents peut influencer cette prise de pouvoir.
IDE2 relate qu'au sein de l'équipe, elle sait très bien, en fonction de la personne
avec qui elle travaille, quelle attitude adopter : « […] Il faut faire en fonction. On
le sait, quand elle est là, elle va faire plus attention à ça, peut-être moins à ça,
on le sait ». Parfois cela peut devenir très difficile à vivre. AS1 relate une
expérience d'un abus de pouvoir vécue au cours de son parcours professionnel
qui a abouti pour elle à une dépression :
« J'ai vécu des moments difficiles dans ce service avec une collègue qui
était exécrable avec moi […] Je n'étais pas écoutée face à cette femme
de caractère. Et notre cadre qui était très gentille, trop gentille, avait des
points faibles face à ces "fortes têtes". »
Le cadre de santé doit tenir compte des individualités avec mesure face
aux agents à forte personnalité pour éviter qu'ils ne prennent un pouvoir
démesuré au sein de l'équipe.
Les équipes sont également confrontées aux pouvoirs qui s'exercent entre les
différentes catégories professionnelles. C'est notamment le cas entre les
infirmières et les aides-soignantes. Les unes et les autres doivent travailler en
collaboration car la chronologie de leur tâches est interdépendante. Par
exemple, chez un patient diabétique, les AS ne pourront pas servir les repas
avant que les IDE n'aient effectué les tests glycémiques et les insulines. IDE2
donne l'exemple des pansements qui ne peuvent être effectués qu'après la
toilette du patient. Or, selon la charge de travail, elle précise que les IDE n'ont
pas toujours la possibilité d'effectuer les soins de nursing d'un patient avant ses
soins techniques. Elles sont donc tributaires du travail aide soignant pour
réaliser les pansements : « […] Avec certaines collègues cela va bien rouler,
elles vont tenir compte de nos impératifs […] mais avec d'autres cela se passe
moins bien car elles ne vont pas trop se préoccuper de nous, du travail qu'on a
à faire ». C'est souvent du donnant donnant : si une des catégories
professionnelles se sent lésée par l'autre (par manque d'entraide par exemple),
elle va jouer de son pouvoir. Dans ce cas, les AS freinent l'avancée du travail
IDE en leur rappelant que les soins de nursing sont aussi de leur rôle propre.
57
D'autre part, il existe une confrontation entre le pouvoir médical et le pouvoir
soignant. IDE1 et IDE2 le relatent en parlant de la prise en charge de patients
en fin de vie où les soignants et les médecins sont en « décalage » :
« Il y a notre ressenti à nous au lit du patient et le ressenti du médecin
qui ne voit le patient que ponctuellement […] On a l'impression que
nous, on perçoit déjà qu'il y a de l'angoisse présente, qu'il y a un mal-
être du patient que le médecin ne perçoit pas de suite [...] Il faut parfois
plusieurs jours où plusieurs soignants exposent le même ressenti pour
que le cheminement médical se fasse et qu'il y ait une prescription ».
Les valeurs et le sens du travail ne sont pas forcément les mêmes pour tous.
D'une part, les entretiens montrent que les soignants entre eux ne partagent
pas les mêmes valeurs concernant le travail. IDE3 observe que ses collègues
aides-soignantes « […] fonctionnent différemment, elles prennent en charge les
patients différemment, certaines tolèrent moins de choses et sont moins
patientes. Je pense que c'est compliqué à vivre pour elles ». AS1 évoque
également cette différence dans la prise en charge des patients : « Je trouve
que certaines dans l'équipe ne sont pas gentilles avec les patients, moi je viens
faire mon boulot, j'ai ma conscience professionnelle ». AS3 va dans le même
sens : « Il y en a qui vont se dépêcher de faire les soins pour avoir plus de
temps de pause et aller fumer ».
Il ressort de ces propos une perception différente, selon les agents, de la
qualité de leur prise en charge. Les uns jugent les autres selon leurs valeurs
personnelles, leur conscience professionnelle propre, et cela crée une
dissension au sein de l'équipe.
58
Si les soignants ne partagent pas les mêmes valeurs, la cohésion de
l'équipe est fragilisée.
D'autre part, une divergence des valeurs est ressentie entre les soignants et les
médecins. IDE1 l'évoque concernant la prise en charge d'un patient en fin de
vie, elle dit :
« On a eu l'impression qu'au point de vue médical, les choses se sont
mises en place tardivement […] d'un point de vue moral et éthique, à ce
moment-là, personne n'était bien dans l'équipe […] C'était ce sentiment
d'impuissance que nous avions toutes de voir une personne se
dégrader ».
AS2 rajoute : « […] Des fois je trouve que le médecin prend du temps pour
mettre les choses en place ne serait-ce que pour limiter l'angoisse ». AS2
relate également le cas d'une patiente qu'elle avait prise en charge et qui,
transférée dans un autre centre hospitalier pour y subir des examens, y est
décédée : « […] Si on m'avait demandé mon avis, je n'aurais pas transféré
cette patiente pour ces examens. […] J'étais en colère : transférée et décédée
le jour même, elle qui souhaitait vraiment mourir ici ».
59
RÉFLEXION
6. Réflexion
61
Le planning de travail joue un rôle primordial dans la vie des soignants et par
conséquent dans les conditions de travail. Les agents le consultent chaque jour,
c'est lui qui rythme leur vie, c'est de lui que dépendent toutes leurs activités
personnelles.
La réalisation du planning fait partie du cœur de métier du cadre de santé et il
en est le responsable. Dans la majorité des cas c'est lui qui l'établit et c'est
souvent sur cette action que le cadre est prioritairement jugé par son équipe car
elle permet d'évaluer si le cadre est équitable et si il sait prendre en
considération les désidérata des soignants. C'est à travers le respect de ses
souhaits pour le planning que l'agent se sent reconnu dans son individualité.
Il n'est malheureusement pas toujours possible de donner une suite favorable à
toutes les demandes. Le cadre devra alors expliquer les raisons du refus en
mettant en avant les impératifs liés à l'organisation du travail dont il est
responsable et la sécurité et la qualité des soins. Pour cela, il devra se baser
sur des règles équitables et appliquées à tous.
L'organisation des plannings suivant une trame fixe et commune aux agents
d'une même catégorie professionnelle peut faciliter le travail du cadre de santé
car elle instaure une forme d'équité : chaque agent travaille selon le même
roulement, de façon décalée.
Pourtant, les entretiens ont montré que l'organisation du travail par des
roulements peut aussi créer une scission au sein d'une équipe si les agents
travaillent quotidiennement avec les mêmes personnes. Le cadre de santé
devra en tenir compte lors de l'élaboration des trames pour permettre la mixité
au sein de l'équipe : pour que les agents puissent travailler tous les uns avec
les autres.
En outre, au sein d'un même établissement, toutes les unités ne bénéficient pas
des mêmes conditions de travail. La gestion d'une équipe est différente selon
qu'il s'agit de travailler dans une unité conventionnelle ou dans une unité de jour
ou de semaine. Comme les tensions entre les agents surviennent souvent au
sujet du travail des dimanches ou des nuits, une bonne partie des tensions est
levée lorsque ces derniers ne sont pas à assurer, et l'équipe est plus unie.
62
L'arrivée d'un nouvel agent peut remettre en cause l'équilibre d'une équipe.
C'est un moment où le cadre de santé doit être particulièrement vigilant et
présent dans l'équipe. Non seulement pour le novice en assurant son accueil,
sa présentation aux membres de l'équipe et son encadrement (en organisant
un tutorat et en lui signifiant sa disponibilité en cas de besoin). Mais aussi pour
l'équipe en place par un accompagnement durant la période d'encadrement.
D'autant plus que les impératifs financiers des établissements limitent les
périodes de doublage : le chevauchement entre l'agent qui s'en va et celui qui
arrive est souvent très court, voire inexistant.
Pour profiter du regard extérieur du novice sur le fonctionnement de l'unité, le
cadre peut l'inviter à rédiger un rapport d’étonnement. Le nouvel agent
indiquera par écrit ce qui le surprend, l'interroge et le questionne sur le
fonctionnement de l'unité ou plus largement, sur l'organisation générale de
l’établissement. Ainsi, en prenant en considération les éléments du rapport
d'étonnement, le cadre pourra mener en équipe une analyse des pratiques et
les faire progresser.
63
169]. La motivation et l'implication des agents jouent un rôle, ainsi que d'autres
facteurs, tels que les règles de fonctionnement.
6.3. L'amitié
64
(familiales ou personnelles), mais pas pour l'envie être en poste avec "sa
copine" car ce phénomène risque de nuire à la cohésion de l'équipe.
De plus, comme tout être humain, le cadre de santé peut avoir lui aussi des
d'affinités avec l'un ou l'autre des agents. Comme les membres d'une équipe à
l'hôpital ne se choisissent pas, il peut arriver que le cadre connaisse
personnellement un membre de l'équipe. Il est primordial de ne pas laisser ses
affinités influer sur la considération de l'agent, au risque de compromettre la
cohésion de l'équipe. Cet agent doit être considéré au travail de façon similaire
aux autres, ni plus, ni moins. Car paradoxalement, de peur de faire percevoir
une différence en sa faveur, le cadre peut se montrer plus exigeant ou plus
sévère avec une personne qu'il connaît dans sa sphère privée.
Par son rôle de manager de proximité qui le place dans une position plus
globale d'organisation, de contrôle et d'évaluation, le cadre se place en dehors
des soins mais il reste à côté des soignants. Par ce biais, il est aidant dans la
prise de recul par rapport à des situations de soins difficiles. En effet, les
soignants sont dans l'action et parfois empreints d'émotion suite à des prises en
charge longues et difficiles de patients chroniques ou en soins palliatifs. Dans
ce cas, le cadre prend le rôle de « marginal sécant » évoqué par Michel
MOTTA [9], à la croisée des chemins entre les soignants et les médecins.
D'une part, il exerce un rôle de soutien des équipes, il aide à la prise de
65
distance et d'autre part, il est le porte-parole des soignants et facilite la prise de
décisions lors des réunions pluridisciplinaires. Car son domaine d'expertise
infirmier, lui permet une connaissance des situations de travail vécues par
l'équipe et facilite la mise en place d'un accompagnement aidant. De cette
façon, non seulement les soignants se sentent entendus et écoutés et leur
parole est considérée, mais aussi, le cadre peut revenir à son ancien rôle de
soignant en prenant soin de son équipe.
En effet, dans la majorité des cas, le cadre de santé est issu de la filière
infirmière. Sa profession initiale est de prendre soin des patients. Dans mon
premier métier, cette mission était valorisante à mes yeux et source de
motivation car l'agent qui prend soin d'une personne reçoit quotidiennement un
retour positif de ses actions ; il a l'impression d'être utile. Même si dans le
quotidien d'une unité, je rencontrais des patients difficiles à satisfaire, je
recevais aussi quotidiennement des retours positifs suite à mes actions par le
biais, des remerciements des patients et des familles ou d'un sourire en signe
de reconnaissance de mon travail. Je trouvais là une source de motivation
quotidienne, tel que l'explique Walter HESBEEN :
« Le désir de prendre soin de l'autre avec pour visée le bien de l'autre
constitue, d'une part la source même de la motivation qui animera le
professionnel et, d'autre part, ce qui lui permettra de s'impliquer pour
donner vie et consistance à une préoccupation permanente d'éthique et
du quotidien des soins » [34, p. 134].
66
management futur sous cet angle du "prendre soin" car il est conforme à mes
valeurs soignantes et servira à asseoir mon positionnement au sein de l'équipe.
67
6.5. La reconnaissance
Dans un premier temps, le cadre de santé doit donc s'engager à bien définir le
rôle de chaque catégorie professionnelle au sein de l'équipe, il s'agit de la
reconnaissance de conformité. Pour cela, l'objectif du service doit être
clairement défini dans le projet de service. Il en résulte ensuite la précision des
fonctions et tâches que chacune des catégories professionnelles doit effectuer
(dans les fiches de poste et les fiches de tâches) ainsi que la définition de
l'organisation et des règles du service (dans le projet de service et les
protocoles). L'élaboration de ces documents se fait en collaboration avec le
cadre, les membres de l'équipe et les médecins lors de groupes de travail.
Ainsi, les besoins et les contraintes de chaque métier sont clairement identifiés,
ce qui permet à chaque membre de l'équipe de connaître et reconnaître les
fonctions de chacun. L'esprit d'équipe peut se développer vers le but commun.
Comme le relate Sonia BAL : « La cohésion participe donc au comportement
coopératif entre soignants pour poursuivre le projet commun qu'est la prise en
soin des patients » [27].
Connaître ses agents, passe par « […] faire l'effort de comprendre comment
l'autre "fonctionne", quelle est sa motivation [...] Cette reconnaissance se
manifeste par l'écoute, le respect, l'encouragement » [20, p. 130]. Il s'agit donc
de repérer les centres d’intérêt propres à chacun.
« Le responsable d'encadrement ne peut modestement que repérer ces
intérêts en restant à l'écoute de chacun de ses collaborateurs et leur
offrir des occasions de valoriser ces intérêts dans le cadre des
contraintes inhérentes à l'organisation » [20, p.23]
Lors des entretiens menés, IDE1 ET IDE3 relatent que respecter les souhaits
des agents renforce le sentiment de reconnaissance, augmente la motivation et
le plaisir au travail (par exemple, lorsque le cadre de santé donne des
responsabilités de référent dans un domaine souhaité par l'agent). La notion de
plaisir est très importante dans notre société actuelle où la recherche du bien-
être est un leitmotiv : « […] Alors que la durée du temps de travail n'a cessé de
diminuer et que les loisirs occupent une place de plus en plus importante,
pourquoi ne pas imaginer trouver du plaisir dans sa vie professionnelle ? » [28].
Ainsi, permettre la satisfaction de chacun induit le plaisir au travail qui lui même
exerce une influence positive sur la qualité de vie et sur la construction du
collectif.
69
6.5.2. Écoute individuelle et équité
La difficulté qui se pose pour le cadre de santé est de savoir mettre des limites
à son écoute. En effet, certains agents se plaignent, parlent beaucoup, se
sentent débordés, alors qu'ils brassent de l'air, qu'ils s'éparpillent, qu'ils
papillonnent dans leur travail. D'autres ne disent jamais rien et abattent une
somme de travail en toute discrétion. Dans ce cas, le cadre construit ses
arguments sur des faits concrets. Il se base sur les observations réelles qui lui
permettent d'argumenter ses propos et de mettre en lumière les
dysfonctionnements. Le but est d'aider l'agent à améliorer son organisation du
travail. Pour être factuel, le cadre de santé doit nécessairement s’octroyer un
temps de présence réel sur le terrain, afin d'observer et d'analyser les pratiques
des soignants. Dans la conjoncture actuelle des hôpitaux, cette présence est
parfois difficile à mettre en œuvre, notamment lorsque le cadre de proximité est
responsable de plusieurs équipes, de surcroît dans les lieux distants.
Pour fixer une limite à la satisfaction des demandes exprimées par les agents,
le cadre doit prendre en compte différents facteurs. Le premier considère la part
personnelle de la vie privée de l'agent. Comme l'illustre Paule BOURRET :
« Les cadres doivent tenir compte de situations diverses, souvent
complexes, avec du personnel qui peut lui-même se trouver aux prises
avec des difficultés sociales ou matérielles. C'est au prix de l'attention
portée à chaque membre de l'équipe qu'ils préviennent l'absentéisme
d'ensemble » [36, p.175].
En effet, il est impératif de tenir compte des situations personnelles de ses
collaborateurs qui se trouvent parfois dans des situations familiales délicates
(deuil, maladie d'un proche, divorce, difficultés financières, etc.). L'agent dévoile
les informations qu'il souhaite concernant sa vie privée, plus ou moins selon les
cas. Ensuite, le cadre en tiendra compte en prenant la mesure de l'impact de sa
décision sur le reste de l'équipe. Il s'agira selon le cas, par exemple, de libérer
du temps à l'agent pour être auprès de son enfant malade, de lui permettre de
partir plus tôt pour assister à une audience avec le juge des affaires familiales,
70
ou de lui proposer de travailler un dimanche de plus afin d'augmenter son
salaire.
Si le traitement de ces cas particuliers permet au cadre de considérer l'agent
dans son individualité, il le pousse à déroger aux règles d'équité établies au
sein de l'équipe (concernant le roulement des dimanches par exemple). Il
s'agira alors de définir avec l'agent les nouvelles règles de fonctionnement (par
exemple un aménagement de planning pour une durée déterminée). Puis, il
faudra expliquer les décisions prises aux autres membres de l'équipe en
clarifiant les dispositions (raisons, délais, conditions, etc). En cas de coup dur
dans la vie d'un agent, la solidarité des collègues entre aisément en jeu et les
nouvelles règles particulières appliquées à la personne en difficulté sont
facilement acceptées par tous, du moment qu'elles sont limitées dans la durée.
71
référer pour argumenter certains refus lors de demandes particulières en
mettant en exergue les impératifs liés à la réglementation qu'il n'est pas
possible de détourner et à l'activité du service qui doit être assurée.
L'entretien avec AS1 (où elle évoquait une IDE de l'équipe chargée de faire les
plannings) a montré que la reconnaissance donnée par le cadre à un agent
peut lui donner trop de pouvoir et entraîner un déséquilibre au sein de l'équipe.
J'ai pu en faire l'expérience au cours de mes deux années d'activité de faisant
fonction de cadre où j'ai voulu donner de la reconnaissance aux ASH car je
trouvais qu'elles sous-estimaient la valeur de leur travail au sein de
l'organisation hospitalière. Pourtant elles sont à la base de toute l'hygiène : leur
travail est le socle sur lequel l'ensemble des soins repose. Suite à mes
remarques, elles ont pris conscience de leur importance au sein de l'équipe,
mais pour certaines d'entre elles, de façon démesurée. Deux ASH de l'équipe
se sont mises à se comporter de façon tyrannique face aux autres catégories
professionnelles : elles ont pris un pouvoir informel en imposant leur rythme de
travail au reste de l'équipe, en bloquant par exemple le travail des IDE en
retardant le bionettoyage des chambres.
L'enseignement que j'en tire est que le cadre de santé doit certes tenir compte
de l'individualité, mais avec mesure pour éviter qu'un agent prenne trop de
pouvoir. « Il devra concilier habilement ce qui tient de l'individualité et ce qui se
rapporte à l'équipe » [23]. Il doit sentir ce qui intéresse les agents et les
impliquer dans ce qui les motive (en leur donnant des fonctions spécifiques de
référent par exemple), mais en fixant des règles et en veillant à leur application,
afin d'éviter les abus de pouvoir. Il doit veiller à partager les responsabilités
spécifiques au sein de l'ensemble des membres de l'équipe. Cet abus est
dépendant des personnalités : certains soignants à fort caractère seront plus
enclins à prendre le dessus sur les autres. AS1 évoque des moments difficiles
vécus au travail face à une collègue à forte personnalité. Le cadre de santé doit
veiller à maintenir l'équilibre en reconnaissant chacune des individualités, mais
72
en les replaçant également les unes par rapport aux autres et en étant
modérateur des forts caractères .
En outre, les entretiens avec IDE1 et IDE2 montrent que certaines catégories
professionnelles peuvent prendre le pouvoir sur d'autres au sein de l'équipe.
Cela dépend de la place qui leur est donnée. Nous avons vu que le rôle du
cadre de santé est de définir et de déterminer clairement les fonctions de
chacune des catégories professionnelles qui gravitent autour du patient, de les
légitimer. En effet, elles ont toutes une importance dans l'organisation, même si
historiquement, comme l'évoque Marc CATANAS [22], certaines professions
sont plus prestigieuses que d'autres. Lors des réunions pluriprofessionnelles,
mon rôle sera de veiller à ce que chacun des agents, quelque soit son statut,
puisse s'exprimer et être entendu : ainsi, la reconnaissance du travail de
chacune des catégories professionnelles limite l'abus de pouvoir d'une
catégorie sur l'autre. De plus, l'expression collégiale permet de rappeler le but
commun de l'ensemble qui est la prise en soins optimale du patient, cela fédère
l'équipe vers un objectif commun et renforce par ce biais sa cohésion.
Tout ceci m'amène à comprendre que le cadre doit savoir déceler les forces et
les faiblesses de ses agents pour permettre l’adaptabilité de son management.
Ceci revient à dire qu'il doit adapter son management en tenant compte des
individualités des agents en étant tantôt directif, tantôt participatif, tantôt
persuasif, ou délégatif, exercer un management situationnel afin d'utiliser les
différences pour enrichir le collectif.
Les soignants n'ont pas tous les mêmes valeurs personnelles concernant leur
travail. Je les apparente à la conscience professionnelle différente selon les
individus. Certains ont des exigences supérieures aux autres et cela peut créer
des tensions au sein d'une équipe car « [...] les valeurs donnent du sens au
comportement des individus » [13, p.166].
Ces valeurs différentes peuvent être un frein à la cohésion de l'équipe, mais
simultanément, une richesse si le cadre s’appuie sur elles pour initier un
73
partage d'opinions. Le management mené doit valoriser les différences de
chacun pour les recentrer autour d'un tronc commun. Ainsi, après avoir recueilli
l'avis de tous, un compromis d'équipe devra être consenti pour identifier les
valeurs partagées et pour que les agents s'y retrouvent. Ensuite, elles peuvent
être intégrées dans le projet de service.
Pour Michel MOTTA « [...] l'équipe a ses valeurs, ses codes moraux auxquels
tous les soignants croient, adhèrent, ce qui fédère et crée le véritable esprit
d'équipe » [23]. Il faut donc que les valeurs soient clairement définies, rédigées
et connues de tous. L'élaboration d'une charte du soignant du service, affichée
en salle des soins, peut être un résumé des valeurs partagées au sein de
l'unité. Non seulement, cette charte permet au cadre de santé de se baser sur
un écrit pour effectuer, le cas échéant, un rappel aux règles, mais aussi elle
permet d'informer le nouvel arrivé sur les valeurs de l'équipe et de faciliter son
intégration. Car le partage des valeurs renforce la cohésion d'une équipe.
Les valeurs des soignants donnent un sens à leur travail. Lorsqu'elles sont
bafouées (comme nous l'expliquent IDE1 et AS2, lorsqu'une décision
thérapeutique divise les soignants et les médecins par exemple) les soignants
ont un sentiment d'impuissance et de travail bâclé. Le cadre aura alors la
mission d'accompagner les agents dans ces situations difficiles, en les aidant à
prendre de la hauteur face à l'action, en organisant des réunions
pluridisciplinaires et en étant leur porte-parole face à l'équipe médicale.
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CONCLUSION
7. Conclusion
Les concepts étudiés à l'IFPS ainsi que les ouvrages lus tout au long de l'année
me permettent de confirmer en partie cette hypothèse. En effet, la prise en
compte de l'individu facilite son positionnement dans l'équipe et renforce ainsi la
cohésion de l'ensemble.
Mais d'autres éléments sont à prendre en considération, tels que le contexte de
l'unité, les règles de fonctionnement, l'équité, le sens donné au travail, la
reconnaissance, les valeurs partagées, le but commun.
En outre, mes recherches sur l'individu m'ont fait découvrir la notion du travail
invisible. Par sa mise en évidence, ne serait-ce pas là le meilleur moyen de
prendre en considération chaque individu dans son quotidien au travail, et de
mettre en exergue sa créativité ? Car c'est de cette manière que les individus
se sentent considérés, reconnus et que peut se créer la cohésion d'équipe
autour de la prise en soin du patient.
Comment reconnaître le travail réel des agents et rendre perceptible aux yeux
de la hiérarchie leur travail invisible ? Pour y parvenir, un des impératifs est que
le cadre soit à la proximité des équipes, en présence quotidienne pour les
accompagner sur le terrain clinique. Mais à l'heure où efficience rime avec
gestion de plusieurs unités aura-t-il suffisamment de temps pour être réellement
présent ?
Cette problématique mériterait d'être réfléchie dans un autre travail de
recherche.
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BIBLIOGRAPHIE
8. Bibliographie
80
25. MUCCHIELLI Roger. Le travail en équipe. Issy-les-Moulineaux : Éditions
Esf, 2009, 208 p.
26. POTIER Marguerite. Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers.
Paris : Éditions Lamarre, 2002, 363 p.
27. BAL Sonia. Cohésion d'équipe et rôle du cadre de santé. Soins cadres,
aout 2011, n°79, pp 43-47.
28. POPIELSKI Jean-François. Le plaisir au travail. Soins Cadres, mai 2011,
n° 78, pp. 15-35.
29. VUILLEMENOT Bernard. Besoins au travail, soutenir la motivation.
Besançon : cours IFPS, septembre 2012.
30. RIVALEAU Chantal. Les théories de la motivation [en ligne]. Disponible
sur http://cadredesante.com/ (consulté le 10/10/12).
31. LEMPEREUR Agnès, THINES Georges. Dictionnaire Général des
sciences humaines. Paris : Éditions Universalis,1975, 1033 p.
32. CAUVIN Pierre. La cohésion des équipes. Paris : ESF éditeur,1997,
134 p.
33. PRAYEZ Pascal. Julie ou l'aventure de la juste distance. Rueil-
Malmaison : Éditions Lamarre, 2005, 235 p.
34. HESBEEN Walter. Cadre de santé de proximité, un métier au cœur du
soin. Issy-les-Moulineaux : Editions Elsevier Masson, 2011, 155 p.
35. HAS. Manuel de certification V 2010 révisé 2011 [en ligne]. Disponible
sur http://www.has-sante.fr/ (consulté le 15/03/2013).
36. BOURRET Paule. Les cadres de santé à l'hôpital, un travail de lien
invisible. Paris : Seli Arsan, 2006, 288 p.
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ANNEXE
9. Annexe 1 : canevas d'entretien
Déterminants sociaux :
F/H : fonction :
cursus professionnel :
ancienneté dans la fonction :
ancienneté dans le service :
ancienneté du cadre de santé dans votre service :
âge : situation familiale :
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RÉSUME :
MOTS CLÉS