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Report Culture Portugal 2017 FR

Ce document décrit la destruction intentionnelle du patrimoine culturel comme une nouvelle arme de guerre. Il explique comment des groupes comme les talibans et Daech ont détruit délibérément des sites du patrimoine culturel en Afghanistan, en Irak, en Syrie et ailleurs. Le document souligne également que le patrimoine culturel est un droit de l'homme fondamental.

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Report Culture Portugal 2017 FR

Ce document décrit la destruction intentionnelle du patrimoine culturel comme une nouvelle arme de guerre. Il explique comment des groupes comme les talibans et Daech ont détruit délibérément des sites du patrimoine culturel en Afghanistan, en Irak, en Syrie et ailleurs. Le document souligne également que le patrimoine culturel est un droit de l'homme fondamental.

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PARLIAMENTARY ASSEMBLY OF THE MEDITERRANEAN

ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DE LA MEDITERRANEE

‫الجمعيـــة البرلمانيــة للبحـــر األبيــض المتوســـــــط‬

3ème Commission Permanente sur le Dialogue des civilisations et droits de l’homme

“La protection du patrimoine culturel”

Rapporteur : Mme Gabriela Canavilhas (Portugal)

Rapport adopté à l’unanimité le 23 févriers 2017 lors de la 11ème Session plénière à Porto

I. INTRODUCTION

1. Un peu partout dans le monde, surtout en Méditerranée et au Moyen-Orient, surgissent des


conflits armés atteignant des proportions humanitaires d’une dimension considérable, obligeant
des millions de personnes à se déplacer, occasionnant la poursuite des ethnies, le massacre et
l’assassinat de civils, la fuite des populations et le drame de millions de réfugiés. Les conflits en
Syrie, en Irak, en Erythrée, en Afghanistan, au Nigéria, en Lybie sont les principaux
responsables, toutefois, dans bien d’autres pays règnent l’intolérance religieuse, la pauvreté, les
intérêts économiques des oligarchies, les faibles indices d’éducation et l’ignorance étant les
véritables ennemis des solutions pour la paix et le développement.

2. Nous assistons actuellement à une crise humanitaire sans précédent depuis la Seconde Guerre
Mondiale.

3. En même temps que des milliers de personnes meurent dans des guerres que nous pensions
impossibles au XXIème siècle, nous voyons des mosquées, des églises, des temples et le
patrimoine culturel édifié étant délibérément détruits. Ces offensives et la destruction
intentionnelle des témoignages des civilisations de l’Humanité sont une attaque à notre tradition
culturelle, millénaire, méditerranéenne, paneuropéenne, berceau de la culture Occidentale et
berceau des grandes religions du monde. « Nous », en tant que communauté unie dans la
diversité et interrelationnelle que nous sommes et que nous avons toujours été, depuis que nous
existons en tant que civilisation.

4. La culture se trouve au premier rang de la guerre alors qu’elle devrait être au premier rang de la
paix.

1
5. Le patrimoine culturel inclut non seulement le patrimoine tangible, composé par les sites, les
ruines historiques et archéologiques, le patrimoine religieux ou de valeur esthétique, tout comme
le patrimoine immatériel et intangible constitué de traditions, de coutumes, de pratiques, de
croyances, de langues, d’expressions artistiques et de folklore. Tout deux, l’héritage tangible et
intangible, doivent être perçus de façon globale incluant des aspects de la vie culturelle en tant
que témoignages de l’éducation, de la vie scientifique et artistique, en tant que manuscrits,
bibliothèques et connaissances dans le sens le plus large.

6. La diversité culturelle est l’Ennemi de ceux qui veulent imposer une vision unique du monde.
Par conséquent, il est fondamental que les gouvernements du monde reconnaissent l’importance
du multiculturalisme afin de combattre les totalitarismes antidémocratiques.

II. LA DESTRUCTION INTENTIONNELLE DU PATRIMOINE CULTUREL : UNE


NOUVELLE ARME DE GUERRE

7. Entre 1996 et 2001, le monde a découvert une nouvelle arme, extrêmement destructrice, capable
d’effacer des millénaires de mémoire culturelle, intellectuelle et artistique : les autodafés des
talibans afghans, qui n’ont pas hésité à dynamiter les Bouddhas de Bamiyan (construits au VIème
siècle) et Aï Khanoum, la mythique cité fondée au IVème siècle av. J.C. par Alexandre, le Grand.
Ce fut un cauchemar inimaginable devenu réalité qui a suscité l’attention de la communauté
culturelle mondiale envers une nouvelle menace. Le leader taliban Mohammad Omar a ordonné
la destruction des statues et des tombes non islamiques considérées comme des offenses envers
l’Islam.

8. Ces faits furent suivis par les attaques et les pillages au Musée National de Bagdad et par la
destruction de la Bibliothèque de l’Irak, où le pillage d’innombrables biens culturels meubles et
la destruction du patrimoine immeuble d’une considérable importance historique ont appauvri le
monde, sans compter les attaques au Musée du Caire et au Centre Scientifique de la Place de
Tahirir.

9. Ces dernières années, les islamistes radicaux du DAESH et d’autres groupes similaires ont
vandalisés des musées, des bibliothèques et des lieux millénaires en Syrie et en Irak puis au
Mali. La plupart de ces lieux sont classés par l’UNESCO en tant que Patrimoine de l’Humanité,
étant tous des marques précieuses des progrès de la civilisation et de l’humanité. Ils sont tous des
œuvres d’art irremplaçables, dont la valeur immatérielle dépasse toute valeur matérielle –
incalculable – qu’ont pourrait leur attribuer.

10. Nimrod, ancienne capital de l’empire assyrien, au nord de l’Irak, une ville fondée au IIIème siècle
av. J.C., a été barbarement détruite à coups de marteaux-piqueurs et de pelleteuses. De la même
façon qu’ils diffusent des vidéos de décapitations, ils diffusent également des vidéos montrant
leurs fidèles détruisant délibérément à coups de marteaux les sculptures préislamiques du Musée
de la Civilisation à Mossoul ainsi que les fameux Lamassu, les taureaux assyriens à tête humaine
sculptés il y a 28 siècles et détruits au nom de l’extinction de la mémoire. Hatra, un autre lieu

2
mystique de l’ancienne Mésopotamie de plus de 2 000 ans, ayant jadis résisté aux légions
romaines, a également affronté les explosifs de DAESH. Jorsabad, ancienne ville de Dur
Sharrukin, capital assyrienne au cours du règne de Sargon II au VIIème siècle av- J.C. a été
anéantie. Cette région, une zone de conflits cruels pendant de longs mois, possède presque 1 800
des 12 000 sites archéologiques enregistrés dans tout l’Irak.

11. L’occupation et le martyr de Palmyre, ville-musée, a débouché sur un désastre inqualifiable. À


Palmyre, l’Arc du Triomphe et les temples de Baal Shamin et Bel ont disparu. L’Hypogée des
Trois Frères a subi des dommages d’une énorme gravité.

12. Une grande partie de la richesse archéologique a disparu au cours de la guerre ayant causé de
considérables dommages à Alep, dans la vallée de l’Euphrate et de Palmyre, où le risque
continue en raison de l’action des forces belligérantes sur le terrain.

13. Les spécialistes internationaux de l’UNESCO avertissent que soixante-quinze pour cent de
l’ancienne ville d’Alep est détruite, sans compter que dans la vallée de l’Euphrate, les pillages
continuent. Les bombardements ont dévasté le Musée des Mosaïques de Maarat al Numan et le
théâtre romain de Bosra dans la Basilique de Siméon.

14. L’ONU mentionne plus de 300 lieux historiques en Syrie endommagés, détruits ou pillés au long
du conflit qui dure depuis plus de quatre ans. Ces actions sont « un crime de guerre », a déclaré
l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO). « Les
auteurs devront répondre de leurs actes », a affirmé lors d’un communiqué la directrice-générale
de l’Unesco, Irina Bokova. Selon elle, « le Daesh tue les personnes et il détruit le patrimoine
mais il ne peut pas taire l’Histoire et il ne parviendra pas à effacer cette grande culture de
la mémoire du monde […] Malgré les obstacles et le fanatisme, la créativité humaine va
l’emporter, les édifices et le patrimoine seront restaurés et certains d’entre eux seront
reconstruits » .

15. Ce qui s'est passé en Syrie n'est que le cas le plus récent de destruction du patrimoine culturel. La
délégation palestinienne auprès de l’APM a également attiré l'attention du rapporteur sur leur
préoccupation concernant le cas de la mosquée Al-aksa et des églises chrétiennes dans les
territoires palestiniens occupés, ainsi que le trafic présumé d'objets culturels.

III. PATRIMOINE CULTUREL, UN DROIT DE L’HOMME

Le patrimoine est l’humanité.

16. « Le patrimoine culturel représente, actuellement, un message du passé et un chemin pour le


futur. Du point de vue des Droits de l’Homme, il est important en tant que tel mais également en
raison de sa dimension humaine », affirme Karima Bennoune, Rapporteur Spécial de l’ONU
pour les Droits culturels.

3
17. Le patrimoine culturel est une question des Droits de l’Homme et par conséquent, elle doit être
abordée en tant que telle. Il est impossible de séparer le patrimoine culturel d’un peuple de ses
droits en tant que nation. De plus, le patrimoine culturel est un moyen fondamental pour
atteindre d’autres Droits garantis de l’Homme, incluant la liberté d’expression, de penser, d’auto-
conscience et de religion.

18. Les droits culturels sont de plus en plus reconnus comme faisant partie intégrante des Droits de
l’Homme, qui sont universels, indivisibles, interrelationnels et interdépendants. C’est par le biais
des droits culturels que nous trouverons la réponse pour la grande partie des défis du monde
actuel, des conflits à la discrimination, des inégalités à la pauvreté. Les droits culturels sont
transformateurs et ils confèrent le pouvoir et l’opportunité d’atteindre d’autres Droits de
l’Homme.

19. De la même façon que la destruction intentionnelle du patrimoine culturel a un impact


dévastateur sur les droits culturels, la protection du patrimoine culturel peut également avoir un
impact positif sur le moral et les droits dans des situations de conflit ou de répression. « Une
nation reste en vie quand sa culture reste en vie » telle est la devise du Musée National de
l'Afghanistan, où près de 2 750 pièces ont été détruites par les talibans en 2001.

IV. LEGISLATION ET CONVENTIONS INTERNATIONALES

20. L’histoire de l’humanité est composée de guerres et de conflits destructeurs, néanmoins, dans la
Grèce antique on retrouve des registres indicateurs de règles pour la protection des lieux
religieux, en vertu de leur valeur immatérielle. Aux XVIème et XVIIème siècles surgirent les
premiers juristes défendant le respect envers les œuvres d’art dans un contexte de guerre mais ce
ne sera qu’à la fin du XIXème siècle que furent établis les premiers instruments juridiques
conduisant aux Conventions de la Haye de 1899 et 1907, étant la base du corps législatif
international, sous ses diverses mises à jour, qui protège le Patrimoine culturel dans un contexte
de conflit armé.

21. Parce que la destruction du patrimoine culturel est souvent le résultat d'un conflit armé, que ce
soit en tant que dommage collatéral ou en raison d’un ciblage délibéré, un régime de protection
spéciale régit sa protection en temps de conflit. Les normes fondamentales incluent les
conventions de La Haye de 1899 et 1907 et plus important encore, la Convention de La
Haye de 1954 et les protocoles supplémentaires de 1954 et 1999.

22. De nombreux autres instruments internationaux protègent le patrimoine culturel. Les États
membres de l'UNESCO ont adopté, au-delà d'un certain nombre de déclarations et de
recommandations, la Convention concernant la Protection du patrimoine mondial culturel et
naturel (1972) ; la Convention sur la Protection du patrimoine culturel subaquatique
(2001) ; et la Convention pour la Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003).

4
23. De plus, la Convention de l'UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour Interdire
et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites de biens
culturels ; la Convention du Patrimoine mondial de l'UNESCO de 1972 et la Convention
d’UNIDROIT de 1995 sur les Biens culturels volés ou illicitement exportés sont des jalons
dans ce domaine.

24. Bien que ces instruments n’adaptent pas nécessairement l’approche des droits de l’homme à
l'héritage culturel, au cours des dernières années, un changement a eu lieu en partant de la
conservation et de la protection du patrimoine culturel en tant que tel jusqu’à la protection du
patrimoine culturel comme étant d'une importance capitale pour les êtres humains en fonction de
leur identité culturelle.

25. Le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, en vigueur depuis le 1er juillet 2002, qui
constitue l’une des marques du développement au niveau du droit international pénal à la fin du
XXème siècle, franchit des pas importants en ce qui concerne l’interrelation entre les Droits
Culturels et les Droits de l’Homme. Il s’agit de la 1ère Cour Pénale Internationale dotée de la
compétence pour juger les crimes les plus graves « affectant la communauté internationale dans
son ensemble » (article 5/1 du Statut de Rome). En vertu de la jurisprudence des Tribunaux
Pénaux Internationaux pour l’ex-Yougoslavie, de considérables progrès survinrent au cours des
prononcés en matière de responsabilisation des auteurs de crimes engageant des biens culturels.

26. L’Art. 3 du Statut du TPIY établit la « compétence pour juger ceux qui violent les lois ou les
coutumes de la guerre (…) y compris la confiscation, la destruction ou l’endommagement
délibérés des édifices consacrés au culte, à la bienfaisance, à l’enseignement, aux arts et aux
sciences, aux monuments historiques, aux œuvres d’art et au caractère scientifique ».

27. Les condamnations survenues eurent comme base le crime de poursuite discriminatoire commis
contre des personnes et des biens patrimoniaux, tels que les monuments historiques, les œuvres
d’art, les édifices d’éducation et de science, pour des raisons politiques, raciales, ethniques ou
religieuses.

28. Le Conseil de l'Europe travaille actuellement à l'élaboration d'une nouvelle Convention sur les
infractions relatives aux biens culturels, qui remplacera la précédente Convention "Delphi" de
1985. La République de Chypre, qui assure actuellement la présidence du Comité ministériel du
Conseil, a pris des initiatives en soutenant activement les efforts du Conseil pour finaliser la
nouvelle Convention, qui vise à améliorer et à renforcer le cadre pour la protection du patrimoine
culturel. [Présenté par CHYPRE]

5
V. GENOCIDE CULTUREL, NETTOYAGE CULTUREL SYSTEMATISE
« un nettoyage culturel » tel que défini par la Directrice-générale de l’UNESCO, Irina
Bokova.

29. Selon le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, diriger intentionnellement des attaques
contre des édifices consacrés à la religion, l'éducation, l'art, la science ou aux fins caritatives, les
monuments historiques et les hôpitaux, à condition qu'ils ne soient pas des objectifs militaires
dans les conflits armés internationaux ou non internationaux, peut être jugé comme un crime de
guerre.

30. En outre, la destruction des biens culturels ayant une intention discriminatoire peut être accusée
de crime contre l'humanité et la destruction intentionnelle des biens culturels et religieux et des
symboles peut également être considérée comme preuve de l'intention de détruire un groupe au
sens de la Convention pour la Prévention et la répression du crime de génocide (voir
A/HRC/17/38 et Corr.1, paragraphe 15).

31. En 2014, le Bureau pour la Prévention des génocides et la responsabilité de protéger a mis au
point un nouveau cadre d'analyse pour les atrocités criminelles : un outil pour la prévention afin
d’évaluer le risque de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, dont la
destruction des biens culturels et religieux est considérée comme un indicateur important dans la
prévention des atrocités criminelles.

32. Comme mentionné ci-dessus, les attaques contre le patrimoine culturel matériel et immatériel
sont interconnectées. Par exemple, lorsque les mausolées et les anciens manuscrits islamiques
furent détruits par des groupes armés dans le nord du Mali, les diverses formes de pratique
culturelle furent également attaquées, y compris les pratiques religieuses, le chant et la musique.
Les populations locales furent très touchées, de façon intégrée, par les agressions sur les deux
formes du patrimoine culturel. Pendant ce temps, les langues anciennes et les pratiques
religieuses, liées aux espaces sacrés et les structures et les paysages culturels du nord de l'Iraq et
la République arabe syrienne, sont en train de disparaître à mesure que les populations et les
objets sont déplacés et que les textes et les structures historiques sont détruits.

33. La destruction délibérée peut se produire pour plusieurs raisons, y compris en tant que stratégie
visant à détruire le moral de l'ennemi et terroriser les populations locales ou comme moyen
d'éradiquer d'autres cultures, en particulier celles des vaincus, afin de faciliter la conquête. Dans
de nombreux exemples récents, la destruction fait partie de « l'ingénierie culturelle » mise
en place par divers extrémistes qui, au lieu de préserver la tradition comme l'affirment
certains, cherchent à la transformer radicalement, en effaçant ce qui n’est pas en accord
avec leur vision. Ils cherchent à mettre fin à ces traditions et à effacer leur mémoire.

34. Le crime de génocide est prévu à l’Art. 6 du Statut de Rome. On entend par « génocide » tous
les actes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique,
racial ou religieux, comme tel.

35. Bien que la désignation « génocide culturel » ne soit pas établie dans le corpus juridique, en
réalité, depuis 1933 le juriste polonais Raphael Lemkin, créateur du terme génocide – jonction

6
du mot grec genos (« race » ou « ethnie ») avec le mot latin cide (« tuer »), proposait l’inclusion
du concept.

36. L’exil forcé de représentants culturels, l’interdiction d’utiliser sa propre langue, la destruction
des livres, d’ouvrages religieux et d’objets historiques et artistiques, furent d’autres motifs pour
essayer d’instituer le concept de « génocide culturel » dans le cadre du Droit international pénal,
notamment dans les travaux préparatoires de la Convention pour la Prévention et la répression du
crime de génocide en 1948, n’ayant cependant pas abouti.

La Convention sur le génocide dans sa version initiale prévoyait des clauses liées au
vandalisme. Rafael Lemkin, dont la conceptualisation soutient la Convention, lia
directement la « barbarie », conçue comme « la destruction préméditée de la haine
nationale, raciale, religieuse et sociale des collectivités », au « vandalisme », à la «
destruction d'œuvres d'art et de la culture étant l'expression de l'ingéniosité de ces
collectivités ». Un groupe pourrait être annihilé si son identité, sa mémoire collective, est
effacée, même si beaucoup de ses membres individuels restent en vie. « Il faut des siècles,
parfois des milliers d'années pour créer une … culture, » écrivit Lemkin, « mais le génocide
peut détruire une culture instantanément ». Cependant, dans la version définitive, la
Convention n'inclut pas les aspects culturels.

VI. DEMARCHES DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

37. Les experts mondiaux en matière de destruction et de trafic illégal d'objets culturels se sont
réunis le 27 mai 2016 au Siège de l'Organisation des Nations Unies pour une réunion co-
organisée par l'UNESCO avec les Missions permanentes de la Jordanie et de l'Italie, INTERPOL
et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Organisée dans le cadre de
l'initiative de partenariat « Protection du patrimoine culturel - un impératif pour l'humanité : Agir
ensemble contre la destruction et le trafic de biens culturels par les groupes terroristes et le crime
organisé », la réunion a rassemblé un large éventail de parties prenantes pour discuter de la
menace croissante sur le patrimoine culturel.

38. Amjad Al-Moumani, Représentant permanent adjoint de la Jordanie, a souligné la nécessité «


d'augmenter la conscience de la communauté internationale autour de la grave question de la
destruction du patrimoine culturel comme un impératif humanitaire et de sécurité. » Giovanni
Boccardi, Chef de l'Unité des mesures et des interventions d'urgence à l'UNESCO, a souligné les
niveaux actuels d'attaques sans précédent contre la culture, qui sont souvent combinées avec la
persécution de groupes et d'individus en fonction de leurs antécédents culturels et Michael Danti,
Directeur académique de l'American School of Oriental Research (ASOR), a présenté les
statistiques autour de la destruction intentionnelle, souvent pour des raisons idéologiques, en
Syrie et au nord de l'Irak, qu'il a qualifié de « la plus grande crise du patrimoine culturel depuis
la Seconde Guerre mondiale. »

39. Les participants ont affirmé que le patrimoine culturel représente un important point de départ
pour la réconciliation nationale et la relance économique et que sa protection devrait être inclue
dans toute mission de maintien de la paix et une priorité tout au long de la période post-conflit.
Les lacunes de la réponse internationale ont été identifiées, y compris le manque de
documentation et d'inventaire des biens culturels détruits, d'efficacité de la planification de
l'intervention d'urgence et de la capacité et de la coordination aux niveaux national et mondial.

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40. Luigi Marini, conseiller juridique à la Mission permanente de l'Italie, a souligné les initiatives
concrètes, exhortant les États à ratifier et à mettre en œuvre les traités internationaux pertinents*,
à établir des points de convergence nationaux et à fournir une formation sur la question du trafic
illicite de biens culturels. Stefan Simon, premier Directeur de l'Institut de sauvegarde du
patrimoine culturel (IPCH) à l'université de Yale a également souligné la nécessité de
partenariats publics-privés, d’éduquer et de sensibiliser la société civile pour accompagner
l'action de l'Etat.

41. L’APM accompagne ce grave problème de la destruction du patrimoine culturel avec attention et
préoccupation.

42. Les 14 et 15 mai 2015, le Parlement du Royaume du Maroc a accueilli le séminaire international
de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) sur « La protection du patrimoine
culturel menacé de destruction », à Rabat, au Maroc. Les deux jours de réunions, qui se sont
tenues sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, ont fait partie de la réponse
de l’APM à l'appel d'urgence, à la fois par le Secrétaire général de l'ONU et le Conseil de
sécurité des Nations Unies (résolution S/RES/2199 (2015), paragraphes 15, 16 et 17) aux
organisations internationales pour mobiliser leurs membres et leurs capacités afin de protéger le
patrimoine culturel de la destruction, du pillage, de la contrebande et du commerce illégal par les
organisations criminelles et les terroristes, surtout à la lumière des derniers épisodes de
destruction des sites historiques et musées à travers l'Iraq, la Libye et la Syrie. La « Déclaration
de Rabat », qui prévoit la création d'un groupe de travail sur la protection du patrimoine culturel,
a été lu.

43. Son Excellence Eric Falt, Directeur général adjoint pour les Relations extérieures et
l'information du public de l'UNESCO, a fait référence au rôle clé joué par le Maroc dans le
domaine de la Protection du patrimoine culturel. Il a conclu en demandant à tous les pays
méditerranéens de ratifier les traités relatifs à la protection du patrimoine culturel et a demandé
aux gouvernements, aux ONG et aux pouvoirs publics de tout faire en leur pouvoir pour vaincre
la menace du terrorisme.

44. Son Excellence Abdulaziz Othman Altwaijri, Directeur général de l'Organisation islamique
pour l'éducation, la science et la culture (ISESCO) a comparé les événements en cours en Irak et
en Syrie avec la Seconde Guerre Mondiale et a notamment rappelé les événements à Kalkhu
(Nimrud), Mossoul et Alep. Il a ensuite parlé d'une guerre contre la mémoire collective du
monde et d'un nouveau phénomène appelé « terrorisme culturel ». En outre, il rappelle à tous que
la conservation du patrimoine culturel du monde menacé de destruction doit être partie intégrante
des priorités de la communauté internationale et qu'il était nécessaire de mettre un terme à ces
conflits armés.

45. M. Mohamed Ould Khattar, spécialiste du Programme Culture à la division du Maghreb du


Bureau de l'UNESCO a ajouté que l'UNESCO a défini l'ensemble des mesures de « nettoyage
culturel » et que le CSNU avait introduit la protection du patrimoine culturel dans le mandat de
maintien de la paix au Mali. En outre, il a mentionné la Résolution 2199 du CSNU, qui établit la
responsabilité des États dans le cadre de la protection du patrimoine culturel.

8
VII. TRAFIC ILLEGAL DES BIENS CULTURELS ET HISTORIQUES

46. Les liens entre le trafic illicite de biens culturels et le financement des organisations terroristes
est très claire. Edouard Planche de l'UNESCO a déclaré que « la prévention est cruciale dans la
lutte contre le trafic illicite, » et il a encouragé une utilisation plus complète des outils
disponibles tels que les stocks et les lois types. Dans ce contexte, Emmanuel Roux d'INTERPOL
a appelé les gouvernements, les maisons de vente aux enchères, les musées et les collectionneurs
privés à utiliser la base de données d'INTERPOL sur les œuvres d'art volées et sur les pays
d'origine des objets volés pour créer des unités de police spéciale. Nodirjon Ibragimov de
l'ONUDC a souligné que la restitution des biens culturels volés est obligatoire en vertu de la loi
internationale et dans ce cadre, l'efficacité de la procédure interne pour permettre aux membres
de déposer une plainte devant les tribunaux nationaux est la clé.

47. « Le trafic illicite des biens culturels est une infraction pénale et il est également devenu une
grosse affaire. L'Europe doit faire preuve de sérieux dans la lutte contre ce fléau et notre objectif
avec ce nouvel instrument est de se concentrer sur les sanctions pénales pour compléter les
instruments existants, tels que la très importante Convention de l'UNESCO de 1970 », a déclaré
M. Jagland, Secrétaire général du Conseil de l'Europe le 13 janvier 2017, à un colloque sur les
infractions liées à la propriété intellectuelle organisé conjointement par la présidence chypriote
du Conseil de Comité des Ministres de l’Europe et de son Secrétaire général, Thorbjørn
Jagland, à Strasbourg.

48. A cette occasion, Mammoun Abdulkarim, Directeur général de la Direction générale des
Antiquités et des Musées de Syrie et Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale,
ont donné des exemples de la criminalité organisée en cours et les outils et les moyens juridiques
disponibles pour lutter contre ce phénomène, tels que la Résolution 2199 du Conseil de sécurité
des Nations Unies (2015) sur les Menaces à la paix et à la sécurité internationales causées par les
actes terroristes. Ils ont souligné que davantage de coopération internationale est nécessaire pour
prévenir le trafic illicite, ainsi que des mesures plus sévères pour dissuader les criminels.

49. Certains organismes ont obtenu des résultats positifs, tels que :

a) L'ONUDC lutte contre le commerce illégal et la vente sur le marché d'objets culturels et le
rôle des organisations internationales et transnationales. Sur la base de la résolution 2199
(2015), la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée (2000) et contre la
corruption (2003), la Convention pour la lutte contre le financement du terrorisme (1999) et
la Convention de l'UNESCO décrivant les mesures à prendre pour éviter l’importation,
l'exportation et le transfert de biens culturels du marché noir (1970), l'ONUDC a développé
de grands travaux dans ce domaine.
b) La base de données Leonardo est la plus grande base de données pour les objets du
patrimoine culturel dans le monde, créée par la division du Corps des carabiniers pour la
protection du patrimoine culturel (Italie) et contenant près de 6 millions d'entrées. Depuis sa
création, plus d'un million d'objets volés ont été récupérés.
c) Opération PANDORA : 18 pays ont participé à une opération paneuropéenne PANDORA
contre le « VOL ET LE TRAFIC ILLICITE DES BIENS CULTURELS », dirigée par
Chypre et l'Espagne avec le soutien d'EUROPOL, d’INTERPOL, de l’UNESCO et de
l’OMD. En conséquence de cette opération, 75 personnes ont été arrêtées et 92 nouvelles
enquêtes ont été ouvertes. Les États suivants ont participé à l'opération PANDORA :

9
Autriche, Belgique, Bulgarie, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Croatie, Allemagne, Grèce,
Italie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Serbie, Espagne, Suisse et Royaume-
Uni. Un total de 3561 œuvres d'art et de biens culturels a été saisi ; près de la moitié d'entre
eux étaient des objets archéologiques.
d) Le 5 décembre 2016, l’Unesco et la délégation permanente de l’Azerbaïdjan ont introduit le «
Manuel militaire sur la protection des biens culturels », qui inclut les meilleures
pratiques, les mesures préparatoires à l'identification, le déplacement et la préservation des
objets culturels lors des opérations militaires et des services juridiques pour la protection des
biens culturels. La participation cruciale des forces armées et des forces de sécurité dans la
protection des biens culturels en période de conflit a été mis en évidence. Le Directeur de la
Division du patrimoine de l'UNESCO a présenté cet innovateur outil de formation publié par
l'UNESCO avec le soutien de l'Institut international de droit humanitaire (Sanremo, Italie) et
financé par la République d'Azerbaïdjan. M. Fausto Pocar, Président de l'Institut, a expliqué
l'importance de la formation des militaires dans les spécificités des biens culturels et fait
référence au nouveau règlement, à la conduite et à l'enseignement dans ce domaine.

VIII. CONCLUSIONS

50. La culture et le patrimoine historique ont franchi le premier rang de la guerre et des conflits
armés, particulièrement dans la zone de la Méditerranée, que ce soit en tant que victime des
dommages collatéraux ou en tant que cible directe et intentionnelle.

51. La destruction du Patrimoine culturel est une question des Droits de l’Homme. Lorsque le
patrimoine culturel est détruit, d’importantes conséquences s’en suivent sous de nombreux
aspects dans le cadre des Droits de l’Homme garantis dans le Droit international, que ce soit pour
la génération actuelle, comme pour les générations futures.

52. Selon la Convention de l’Unesco sur la Protection et la promotion de la diversité des expressions
culturelles, ce patrimoine commun de l’humanité devrait être « valorisé et préservé dans l’intérêt
de tous ».

53. Les attaques perpétrées par l’ISIS/Daesh, les Talibans afghans et d’autres groupes radicaux
contre le Patrimoine mondial de l’humanité et les témoignages millénaires du patrimoine culturel
de l’humanité, démontrent que ces actes représentent bien plus que des tragédies culturelles,
pouvant être considérés comme des actes de nettoyage culturel. L’objectif des terroristes est
d’utiliser la destruction d’édifices civils et religieux et de sites archéologiques appartenant au
patrimoine commun de l’humanité comme stratégie pour déstabiliser les populations et détruire
leur identité.

54. Les pillages des sites archéologiques et le trafic illicite d’objets culturels sont utilisés comme «
instrument de guerre » pour le financement des activités terroristes.

55. Le corps législatif dans le cadre du droit international, notamment le Statut de Rome de la Cour
Pénale Internationale, apporte une réponse juridique et pénale à ces crimes, déjà qualifiés de
crimes de guerre par la Directrice-générale de l’Unesco, Irina Bokova et, face à la jurisprudence
de la Cour Internationale Pénale de l’ex-Yougoslavie, comme crimes contre l’Humanité.

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Sources consultées :
Informations sur le Site de l’Unesco
Inês de Melo e Silva Gomes, A Proteção Internacional do Património cultural em Caso de
Conflito Armado, Thèse de Maîtrise, Université de Coimbra (Portugal)
Karima Bennoune, Rapport du Rapporteur Spécial dans le domaine des droits culturels, Nations
Unies A/HRC/31/59 (2016)
Résolution 2199 du Conseil de Sécurité de l’ONU
Nations Unies, Cadre d’analyse des atrocités criminelles : outil de prévention (2014)
Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale
Convention de l’Unesco sur la Protection et la promotion de la diversité des expressions
culturelles
Convention de la Haye de 1954 pour la Protection des biens culturels en cas de conflits armés

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