Les Strategies de La Narration Dans La Peinture Medievale: La Representation de L'ancien Testament Aux IVe-XIIe Siecles, 2020
Les Strategies de La Narration Dans La Peinture Medievale: La Representation de L'ancien Testament Aux IVe-XIIe Siecles, 2020
37
Sous la direction de
Marcello Angheben
Conclusion de
Herbert L. Kessler
F
Publié avec le soutien de l’Université de Poitiers.
D/2020/0095/125
ISBN 978-2-503-58171-2
eISBN 978-2-503-58172-9
DOI 10.1484/M.CSM-EB.5.116110
ISSN 1780-2881
eISSN 2294-849X
Introduction
I
Des premiers siècles au Moyen Âge central
Les bibles de Ripoll et de Rodes et les ivoires de Salerne. La narration biblique appliquée à
des supports variés : modèles, adaptations et discours
Manuel Antonio Castiñeiras González 67
II
Les traditions romaine et lombarde
San Pietro, San Paolo, e la narrazione cristiana. Riflessioni su una possibile storia
Serena Romano 127
Les cycles de l’Ancien Testament à Galliano et dans la peinture lombarde du xie siècle
Marco Rossi 169
La représentation de l’histoire d’Adam et Ève dans les milieux ambrosiens aux xie-xiie siècles
Fabio Scirea 195
6
III
Saint-Savin et la peinture « septentrionale »
Genesis Cycles: Tradition, Theology and Politics. From Cotton Genesis to Saint-Savin-sur-Gartempe
Søren Kaspersen 225
Reanimating the Scripture. Movement and Body Memory in the Paintings of Saint-Savin
Kai Christian Ghattas 291
IV
Les mosaïques siciliennes
Le storie della Genesi nella Cappella Palatina di Palermo. Qualche osservazione sulle fonti
iconografiche e sulle strategie narrative
Giulia Arcidiacono 317
Planches
Introduction
Marcello Angheben
Problématiques et perspectives
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 9-24
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118920
10 ma rce l lo a n g h e b e n
aux auteurs d’examiner des cycles vétérotesta- un ou plusieurs intellectuels3. Pour la commodité
mentaires peints ou en mosaïque réalisés entre du propos, ce groupe de personnes sera désigné
le ive et le xiie siècle, et de les confronter à une ici par le terme « concepteur », car la part prise
série de questionnements qui ont été soulevés par chacun d’eux reste généralement difficile
par l’étude des peintures de Saint-Savin. Et dans voire impossible à déterminer. Dans son article,
la mesure où le monde byzantin ne possède Irene Quadri a bien mis en évidence le profit que
pas de cycle vétérotestamentaire monumental l’on pouvait tirer d’une analyse microscopique
de cette période, nous avons demandé à Judith tenant compte de toutes les différences séparant
Soria d’examiner dans cette perspective les cycles les œuvres appartenant à une même famille ou
néotestamentaires des Fêtes. Ces problématiques tradition iconographique, lorsque l’on tente de
peuvent être globalement découpées en quatre dégager le propos de ce « concepteur ».
points : les modèles ou du moins les traditions Dans l’historiographie de Saint-Savin, un
iconographiques, l’adaptation des formes aux article de George Henderson constitue un exemple
contraintes du cadre, l’enchaînement des scènes et représentatif des risques encourus lorsqu’on
leurs mouvements internes, et enfin les contenus ne tient pas compte des œuvres disparues. Il a
spécifiques. Le premier point étant, de loin, celui en effet rattaché les peintures de la nef à deux
qui a le plus retenu les chercheurs, nous leur manuscrits insulaires des xe-xie siècles communé-
accorderons la même importance dans cette intro- ment appelés dans la littérature francophone la
duction. La recherche des modèles est toutefois Genèse de Cædmon et la Paraphrase d’Ælfric4.
indissociable de celle d’un contenu sémantique Cette hypothèse part du postulat non formulé
spécifique à chaque programme, comme le que le Poitou du xie siècle ne possédait pas
confirment les quatorze contributions réunies de bibles enluminées ni de peintures murales
dans cet ouvrage. Elle sera donc constamment contemporaines ou antérieures consacrées à
envisagée dans les lignes qui suivent. l’Ancien Testament, alors que l’ensemble de
Saint-Pierre-les-Églises, qui a pu être daté du
ixe siècle, démontre qu’il devait en aller tout
Traditions iconographiques et autrement, même s’il ne conserve pas de scènes
créativité vétérotestamentaires5. Et même dans l’hypothèse
où les peintures poitevines auraient été inspirées
L’étude des images médiévales implique que par ces manuscrits insulaires, le raisonnement
l’on s’interroge sur le ou les modèles qui ont pu n’est pas toujours satisfaisant.
les inspirer et, plus globalement, sur la tradition
iconographique à laquelle elles appartiennent. La
grande majorité des œuvres a toutefois disparu, 3 Voir notamment Piotr Skubiszewski, « L’intellectuel
de sorte que cet exercice demeure extrêmement et l’artiste face à l’œuvre à l’époque romane », dans Le
délicat. On risque en effet toujours de forcer le travail au Moyen Âge. Une approche interdisciplinaire.
raisonnement en se concentrant sur les rares Actes du Colloque international de Louvain-la-Neuve,
21-23 mai 1987, Louvain-la-Neuve, Institut d’études
œuvres conservées et en tentant de les rattacher médiévales, 1990, p. 263-321.
entre elles en sous-évaluant leurs différences, alors 4 George Henderson, « The Sources of the Genesis Cycle
que ce sont précisément celles-ci qui révèlent la at Saint-Savin-sur-Gartempe », Journal of the British
part de création du concepteur et, dans certains Archaeological Association, 26 (1963), p. 11-26.
5 Bénédicte Palazzo-Bertholon, « Les peintures de
cas, un contenu sémantique spécifique. On peut Saint-Pierre-les-Églises sont-elles carolingiennes ? Le
en effet supposer que toute création est le résultat nouvel éclairage des datations au radiocarbone », Revue
d’une collaboration entre un ou plusieurs artistes et historique du Centre-Ouest, 4 (2005), p. 53-67.
Le s st rat égi e s d e la narrat i o n dans la pe i nt u re médiévale 11
Fig. 1 . Saint-Savin-sur-Gartempe, nef, peintures de la voûte, le Sacrifice de Caïn et Abel ( J.-P. Brouard © CESCM).
La scène du Sacrifice de Caïn et Abel constitue de faire correspondre cette scène aux précé-
un excellent exemple des difficultés émanant dentes où le Christ-Logos est systématiquement
de la notion de modèle (fig. 1, pl. 33). Dans un présent, lui donner une meilleure visibilité et,
premier temps, on avait décidé de peindre la main par conséquent, tenir compte de l’emplacement
de Dieu entre les deux frères, conformément de la scène à près de dix-huit mètres du sol, ou
aux usages, mais avant même que cette main ne encore remplir l’espace qui la sépare du bandeau
soit mise en couleur, le concepteur a décidé de peint communément appelé faux-doubleau6.
la remplacer par une figure christomorphique.
Ignorant ce changement de parti qui ne fut révélé
qu’aux alentours de 1970, George Henderson a 6 Marie-France de Christen, « La technique des
supposé que le concepteur s’était inspiré de la peintures de la tour-porche et de la nef : couleurs, tracés,
Paraphrase d’Ælfric, même si la figure divine y a repentirs et restaurations », dans R. Favreau (dir.),
été représentée assise et non pas debout comme Saint-Savin. L’abbaye et ses peintures murales, Poitiers,
Inventaire Général/ADAGP, 1999, p. 149-165 ; Marcello
à Saint-Savin. Angheben, « Saint-Savin-sur-Gartempe, nouvelles
Depuis, Marie-France de Christen a découvert recherches : problématique et méthode », dans Couleurs
que la formule adoptée à Saint-Savin était le fruit et lumière à l’époque romane. Colloques d’Issoire 2005-2007,
d’un changement de parti, de sorte qu’on peut Clermont-Ferrand, 2011 (Revue d’Auvergne), p. 197-225 ;
et Carolina Sarrade, « Les relevés stratigraphiques
envisager conjointement ou séparément au moins des peintures de la nef de Saint-Savin-sur-Gartempe »,
trois autres motivations que l’adoption pure dans Temps et célébrations à l’époque romane (Revue
et simple d’un modèle insulaire : une volonté d’Auvergne), Clermont-Ferrand, 2012, p. 403-418.
12 ma rce l lo a n g h e b e n
Des raisons théologiques ont également pu et davantage encore depuis les travaux de Kurt
motiver ce choix, comme le suggère l’insertion Weitzmann et d’Herbert Kessler, on considère
foncièrement novatrice de deux théophanies que ce manuscrit probablement produit en Orient
christiques dans le cycle de l’Exode7. On peut au ve siècle a inspiré de nombreux cycles occi-
en tout cas retenir que la source d’inspiration, dentaux à des degrés divers : principalement les
quelle qu’elle fût, n’a certainement pas pu être mosaïques du narthex de Saint-Marc de Venise où
la seule raison du changement de parti et que le manuscrit devait se trouver, mais aussi les bibles
celui-ci doit sans doute beaucoup à des objectifs tourangelles, les portes de bronze d’Hildesheim,
liés aux spécificités du contexte et, peut-être, à les ivoires de Salerne, la Genèse de Cædmon,
la volonté de véhiculer un contenu sémantique la Paraphrase d’Ælfric, la Genèse de Millstatt et
singulier. Pour ce faire, le concepteur a donc d’autres manuscrits plus tardifs8. Plus récemment,
conçu une formule originale, à moins qu’il n’ait plusieurs auteurs, dont Herbert Kessler lui-même,
adopté dans l’urgence un second modèle plus ont remis en question l’influence de ce manuscrit
novateur que le premier, ce qui semble moins sur les mosaïques vénitiennes, car de nouveaux
vraisemblable. indices ont montré qu’il était déjà lacunaire au
La piste insulaire ne doit pas pour autant début du xiiie siècle9. Dans le présent ouvrage,
être abandonnée car il existe d’autres scènes cet auteur est allé plus loin en dissociant encore
pour lesquelles les comparaisons sont plus plus nettement les deux œuvres.
probantes, comme l’Expulsion du paradis et Il convient dès lors de se demander dans quelle
surtout l’A scension d’Énoch qui figure dans la mesure la Genèse Cotton a pu inspirer les autres
Genèse de Cædmon et la Paraphrase d’Ælfric œuvres naguère intégrées dans cette tradition. En
alors qu’elle est absente dans la quasi-totalité 1992 déjà, John Lowden avait dénié cette fonction
des autres cycles. Il faudra donc s’interroger sur de modèle quasi universel attribuée à la Genèse
l’existence d’une tradition « septentrionale » et Cotton en arguant qu’elle constitue une exception
envisager des relations infiniment plus complexes dans les usages médiévaux. Avec la Genèse de
entre les rarissimes œuvres conservées. Vienne, c’est en effet le seul manuscrit illustré
ancien du premier livre de la Bible. En Occident
comme en Orient, la Genèse était au contraire
La désormais controversée tradition généralement intégrée dans des ensembles plus
Cotton vastes : le Pentateuque, tel celui d’A shburnham,
comme modèle pour concevoir des bibles royales Ce sont toutefois les ensembles des nefs de
au détriment des autres traditions parce qu’elle Saint-Pierre et de Saint-Paul-hors-les-Murs qui se
aurait été produite à Constantinople comme sont imposés comme modèles. Serena Romano a
miroir des princes. À ce titre, elle aurait été approfondi la question des cycles peints dans ces
considérée comme un paradigme du pouvoir basiliques en envisageant des datations situées
que les carolingiens devaient à leur tour exercer dans la seconde moitié du ive siècle, confirmant
sur l’Église11. Pour les ivoires de Salerne enfin, ainsi un courant historiographique qui tend
Manuel Castiñeiras a postulé une influence aujourd’hui à s’imposer et dont témoignent
émanant principalement des modèles romains dans cet ouvrage les articles de Jean-Michel
et cassiniens et non pas de la tradition Cotton. Spieser, Manuel Castiñeiras et Irene Quadri. Kurt
Ces considérations invitent donc à repenser Weitzmann et Herbert Kessler avaient déjà placé
globalement le rôle du manuscrit. les peintures de Saint-Paul-hors-les-Murs, que
l’on situait alors généralement sous le pontificat
de Léon Ier (440-461), avant la Genèse Cotton,
Les traditions romaine et lombarde et considéraient qu’elles avaient été inspirées par
une autre version de l’archétype du manuscrit.
Les peintures des premières basiliques La nouvelle datation des peintures romaines
romaines constituent une autre tradition icono- conduit toutefois à creuser l’écart entre ces deux
graphique extrêmement prégnante, même si modèles et à établir l’autonomie de la tradition
elle se cantonne principalement à Rome et romaine. D’autant que l’idée selon laquelle les
aux régions limitrophes, car elle a connu des peintures monumentales ont été nécessairement
ramifications parfois lointaines comme dans inspirées par des manuscrits doit être remise en
le cas des mosaïques siciliennes, pour autant question, comme le soutient très justement Serena
bien entendu qu’on accepte cette filiation12. Le Romano qui ajoute que les cycles romains sont
catalogue établi par Jean-Michel Spieser, dont de véritables créations, conçues pour un lieu et
il a déjà été question, a bien mis en lumière des fonctions spécifiques, sans précédent dans
la prolixité et la diversité des cycles narratifs le monde antique.
paléochrétiens. Il s’en dégage une image plus L’exemple des églises romaines est également
nuancée de la place des peintures romaines au sein éclairant pour comprendre l’apparition d’une
de ce paysage artistique extrêmement lacunaire. tradition iconographique. Les peintures de Saint-
Pierre et de Saint-Paul-hors-les-Murs sont en effet
devenues très rapidement canoniques, alors que les
11 Pour l’influence de la Genèse Cotton sur les bibles
mosaïques de Sainte-Marie-Majeure n’ont connu
de Tours, nous renvoyons naturellement à
Herbert L. Kessler, The illustrated Bibles from Tours, aucune postérité. Le prestige de ces basiliques ne
Princeton, Princeton University Press, 1977. semble dès lors pas avoir suffi à établir le succès de
12 Serena Romano, « Une hypothèse en négatif : Rome et ces incunables. Ce succès pourrait avoir été assuré
Byzance, xie-xiiie siècle », L’héritage byzantin en Italie par la clarté du discours visuel, comme l’a supposé
(viiie-xiie siècle). Décor monumental, objets, tradition
textuelle, éd. S. Brodbeck, J.-M. Martin, A. Peters- Serena Romano, ce que confirment a contrario les
Custot et V. Prigent, Rome, École Française de mosaïques de Sainte-Marie-Majeure qui semblent
Rome, 2016 (Collection de l’École Française de Rome, issues d’un manuscrit et ne tiennent en tout cas
510), p. 147-157. Pour les peintures des basiliques pas compte de l’éloignement du spectateur. Dans
romaines, voir principalement Cecilia Proverbio, I
cicli affrescati paleocristiani di San Pietro in Vaticano e
le contexte de la Rome des premiers chrétiens,
San Paolo fuori le mura. Proposte di lettura, Turnhout, il est donc possible d’identifier avec un très haut
Brepols, 2016 (Bibliothèque de l’Antiquité tardive 33). degré de certitude les prototypes d’une longue
Le s st rat égi e s d e la narrat i o n dans la pe i nt u re médiévale 15
Yoshikawa13. Plus récemment, Herbert Kessler repéré ou confirmé des relations avec Saint-
est revenu sur les analogies rapprochant ces Savin, notamment dans la Création des astres,
œuvres, à commencer par les formes de bateau le Déluge et la Tour de Babel. Elle en a déduit
attribuées à l’arche de Noé qui renvoient à la qu’une influence septentrionale a pu s’exercer en
fois à la Genèse de Cædmon, à Château-Gontier passant par le filtre de l’Italie méridionale, surtout
et à Saint-Savin14, et nos recherches tendent à à partir de l’histoire de Noé. Pour les mosaïques
corroborer cette connexion. Comme l’a également de Monreale, l’exercice est rendu encore plus
relevé Giulia Arcidiacono, dans la Création des complexe par les innombrables emprunts qui
astres de Saint-Savin, le Christ-Logos pose le ont été faits à la Chapelle Palatine, mais l’analyse
soleil et la lune dans le firmament du ciel, suivant de Tancredi Bella montre que le concepteur s’en
une formule qu’on ne retrouve manifestement est maintes fois éloigné en allant puiser dans
qu’à la Chapelle Palatine, si ce n’est que les astres d’autres traditions ou en créant de nouvelles
ne sont pas personnifiés (pl. 49). On peut donc variantes. Pour la question de l’hypothétique
supposer que parmi les divers modèles utilisés tradition septentrionale, les analogies émanent
pour la réalisation des mosaïques siciliennes, à nouveau de l’arche de Noé et, de manière
certains provenaient des territoires d’origine encore plus significative de notre point de vue,
des Hauteville. de la Présentation d’Ève à Adam. Cet auteur a
Pour tenter de clarifier cette hypothèse et de en effet relevé que cette scène est absente de
répondre aux autres problématiques soulevées la Chapelle Palatine, qu’elle se démarque plus
dans cet ouvrage, nous avons demandé à Giulia globalement de la tradition iconographique
Arcidiacono et Tancredi Bella d’aborder les et qu’elle s’apparente au contraire à la version
mosaïques de la Chapelle Palatine de Palerme et de Saint-Savin dont il sera question plus loin.
de la cathédrale de Monreale dans ces différentes Ces deux articles corroborent donc l’idée d’un
perspectives. C’est pourquoi leurs articles envisa transfert de modèles septentrionaux jusqu’en
gent systématiquement les différents modèles Sicile, même s’ils ont été combinés avec de
possibles en intégrant les œuvres septentrionales nombreux autres schèmes.
sans pour autant les surévaluer. Pour ces deux
ensembles situés entre Occident et Orient,
l’exercice est en effet extrêmement compliqué Contraintes du cadre et adaptations
car les modèles envisageables sont nombreux
et très divers. Giulia Arcidiacono a toutefois Le cadre formé par le support matériel ou
par des bordures peut constituer à la fois une
contrainte et un moteur de la création. Si un
13 Voir notamment Itsuji Yoshikawa, « La peinture de espace restreint oblige à limiter le nombre de
l’église de Saint-Savin-sur-Gartempe et ses rapports avec scènes, il peut également inspirer des effets de
l’art byzantin et italo-byzantin », Annuario dell’Istituto contraction de plusieurs épisodes dans un même
giapponese di cultura in Roma, 2 (1964-1965), p. 13-24. tableau ou une accentuation des ellipses. L’effet
Ce dernier considérait toutefois que les analogies avec
les mosaïques siciliennes démontraient que les modèles de contraction est particulièrement évident dans
de Saint-Savin étaient byzantins. Pour les peintures le cycle vétérotestamentaire peint dans la nef de
de Bagües, voir Gloria Fernández Somoza, Pintura Ceri mentionnée plus haut, où l’on a transposé le
románica en el Poitou, Aragón y Cataluña : la itinerancia de modèle des églises paléochrétiennes de Rome,
un estilo, Murcia, Nausicaä, 2004, p. 102-143.
14 Herbert L. Kessler, « I mosaici della navata centrale »,
mais sur une paroi beaucoup moins étendue.
dans B. Brenk (éd.), La Cappella Palatina a Palermo, Le concepteur a tenu à concentrer sur un seul
Modène, Panini, 2010, p. 113-124. panneau les trois épisodes du cycle de Caïn et
Le s st rat égi e s d e la narrat i o n dans la pe i nt u re médiévale 17
Abel initialement figurés sur deux panneaux, plupart des exemples, les arcs doubleaux dans les
au prix d’un dédoublement de la main de Dieu trois premières travées de la nef de Saint-Savin, les
surgissant d’un segment de ciel. Il aurait pu écoinçons dans les églises siciliennes ou encore
supprimer le Meurtre d’Abel et la Malédiction les coupoles à Saint-Marc de Venise. À Saint-
de Caïn pour ne conserver que le Sacrifice, mais Savin, le concepteur a étiré certaines scènes en
tous les cycles conservés associent le fratricide longueur, comme la Traversée de la mer Rouge
au sacrifice, comme s’ils ne pouvaient pas être et le cortège des Hébreux qui se suivent dans
dissociés. Et si le Sacrifice de Caïn et d’Abel appa- une scène unique démesurément longue (pl. 39).
raît très fréquemment seul dans les sanctuaires, Mais lorsqu’il s’est agi de figurer la tour de Babel,
c’est pour faire écho au sacrifice eucharistique la hauteur du registre a fortement limité celle
et non pas pour compléter un cycle narratif. Il de l’édifice (pl. 37). Cette contrainte a toutefois
semble donc qu’à Ceri, le concepteur n’ait pas permis de mettre en œuvre une formule inédite,
voulu s’écarter de la tradition iconographique, celle d’un géant, sans doute Nemrod, tendant de
à moins qu’il n’ait eu le souci d’éviter une ellipse lourdes pierres directement à un maçon juché au
excessive imposant à l’observateur d’imaginer les sommet de la tour, sans devoir utiliser la poulie
conséquences du Sacrifice sans l’aide de l’image. figurée à gauche. Aussi peut-on supposer que
À Saint-Savin en revanche, on n’a pas hésité cette composition manifestement originale ne
à réduire le cycle de Jacob à une scène unique serait pas venue à l’esprit du concepteur s’il avait
(pl. 38). On pourrait alors penser que le con- pu développer la tour en hauteur.
cepteur a sacrifié ce cycle au profit des autres ou Pour le cycle de Monreale, Tancredi Bella
qu’il a voulu concentrer l’attention du spectateur a bien montré que le concepteur a transposé
sur cette scène. Yvonne Labande-Mailfert a fait le cycle de la Chapelle Palatine en arrêtant la
remarquer que les scènes déployées sur la voûte narration au même moment, autrement dit avec
correspondent assez fidèlement aux modèles l’histoire de Jacob, alors qu’il disposait de surfaces
bibliques de la foi énumérés dans l’Épître aux beaucoup plus vastes et que les cycles romains se
Hébreux (He 11)15. Si les correspondances ne prolongent jusqu’à l’Exode. Il a clairement préféré
sont pas parfaites, l’hypothèse est corroborée étirer les épisodes empruntés à son modèle en
par la présence de l’A scension d’Énoch, dont on faisant correspondre chaque scène à un seul
a rappelé la rareté, et par la Bénédiction de Jacob. épisode, alors que celles de la Chapelle Palatine
Dans cette perspective, le spectateur serait invité pouvaient en réunir deux. Si les raisons de ce
non pas à restituer de mémoire l’ensemble du choix restent difficiles à déterminer, cet exemple
cycle de Jacob, mais à se rappeler qu’il fait partie montre de manière éminemment éclairante le
des paradigmes vétérotestamentaires de la foi. rôle déterminant joué par le cadre architectural.
L’étendue des supports peut au contraire À trois reprises, le concepteur de Saint-
inspirer l’allongement d’une scène ou son Savin a ajouté un arbre pour pouvoir remplir
étirement en hauteur. Pour les compositions l’espace situé entre la scène précédente et le
monumentales, le format de la scène et son faux-doubleau qui sépare le berceau continu
organisation dépendent plus particulièrement des en deux sections. Ainsi le Sacrifice de Caïn et
subdivisions architecturales : les fenêtres dans la Abel est-il suivi d’une zone presque vide qui
s’étend jusqu’à ce faux-doubleau, uniquement
occupée par un arbre qui ne joue manifestement
15 Yvonne Labande-Mailfert, « Le cycle de l’Ancien
aucun rôle dans le récit (fig. 1, pl. 33). Et dans la
Testament à Saint-Savin », Revue d’histoire de la première version de la scène où la figure divine
spiritualité, 50 (1974), p. 369-396. était réduite à une chirophanie, cet espace était
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encore plus large. On peut donc se demander pourrait citer l’Expulsion du paradis de Saint-
dans quelle mesure le concepteur n’a pas cherché Paul-hors-les-Murs où Adam et Ève semblent
à réduire cette lacune en remplaçant la main de se préparer à franchir la limite du cadre pour
Dieu par une figure christomorphique. L’arbre atteindre le lieu où ils s’établiront pour travailler
apparaît en tout cas comme un remplissage, ce et fonder une famille, figuré sur le panneau voisin.
qui signifie que l’extension de chaque scène n’a Il faut également mentionner les mosaïques de
pas été établie avec précision dès le départ et Monreale où de multiples ressorts visuels ont été
pose la question de la conception préalable du mobilisés pour pouvoir enchaîner les scènes du
programme iconographique. cycle de Noé, comme l’a bien montré l’analyse
Ce type de conception semble toutefois se de Tancredi Bella dans ce volume.
limiter à Saint-Savin car dans la plupart des cycles À Saint-Savin au contraire, les peintures
narratifs, chaque scène a été clairement prévue forment souvent de longues frises ininterrompues,
pour un emplacement précis avec une extension déroulées entre deux limites architecturales ou
préétablie. Dans certains cas, on observe toutefois ornementales. La souplesse accrue du cadre
que le développement d’une scène a dû être adapté a parfois conduit le concepteur à hésiter sur
en raison d’un obstacle architectural, comme l’a l’emplacement des scènes ou sur leur étendue, mais
bien montré Marco Rossi au sujet de Galliano. elle a surtout permis d’enchaîner visuellement
Dans le narthex de Saint-Marc de Venise, on a et sémantiquement les scènes attenantes. C’est
transposé de nombreuses scènes de la Genèse le cas en particulier pour le Meurtre d’Abel
Cotton en tenant compte non seulement du et la Malédiction de Caïn (fig. 2, pl. 34). Les
cadre circulaire et concave des coupoles, mais deux épisodes ont été distingués par des fonds
aussi de l’extension du décor aux parois. Herbert successivement rouge et blanc, si ce n’est que le
Kessler a suggéré que le concepteur a exploité grand Christ-Logos empiète sur le fond rouge
ces surfaces verticales pour véhiculer un message de la scène précédente et désigne Abel tout en
spécifique, comme pour la Malédiction de Caïn s’adressant à son frère. Cet enchaînement fait
où le fratricide est repoussé vers l’extérieur de comprendre que la cause du bannissement de Caïn
l’édifice, autrement dit vers la place Saint-Marc. réside dans son fratricide. Il se pourrait également
que les analogies entre les positions des pieds et
des mains du Christ et d’Abel aient été destinées
L’enchaînement des scènes et leurs à matérialiser les rapports typologiques entre les
mouvements internes deux personnages. Même si cette hypothèse est
plus fragile, il nous semble que ce type d’analogie
Dans la peinture monumentale, les cycles doit être systématiquement envisagé et étendu
narratifs s’inscrivent le plus souvent dans des aux autres composantes iconiques.
cadres quadrangulaires parfaitement étanches, de À Saint-Savin, les scènes ne comportent
sorte que les relations visuelles entre les scènes pratiquement que des personnages, tandis que
demeurent des exceptions. Et comme l’a justement les objets, les paysages et les contextes archi-
relevé Serena Romano, la tradition romaine a tecturaux ne sont guère prolixes, sauf dans
renforcé ces subdivisions avec des composantes le cycle de Joseph. Aussi convient-il de tirer
architecturales en trompe-l’œil qui seront citées parti de toutes les informations fournies par
durant tout le Moyen Âge et dont on trouve des les peintures : l’orientation des pieds et des
échos jusque sur les ivoires de Salerne, ainsi mains, les regards, la distribution des couleurs
que l’a rappelé Manuel Castiñeiras. Parmi les et notamment celles des vêtements. Ainsi dans le
rares exemples de scènes reliées entre elles, on Sacrifice de Caïn et Abel et celui de Noé, la main
Le s st rat égi e s d e la narrat i o n dans la pe i nt u re médiévale 19
Fig. 2. Saint-Savin-sur-Gartempe, nef, peintures de la voûte, le Meurtre d’Abel et la Malédiction de Caïn ( J.-P. Brouard
© CESCM).
de Dieu et celle du Christ-Logos pointent non analogies structurelles, inscription dans un même
pas l’offrande mais celui qui la présente, ce qui cadre architectural, gestes et regards tournés vers
conduit à interpréter ce geste non pas comme la scène voisine. Il convient enfin se demander
une bénédiction de type liturgique mais comme ce qui, ailleurs, a pu motiver le cloisonnement
une bénédiction de type biblique ou, dans le cas des scènes, comme dans la tradition romaine.
de Noé, comme une matérialisation des paroles S’agissant de l’enchaînement des scènes, l’un des
que Dieu lui a adressées (fig. 4, pl. 33, 36)16. meilleurs exemples émane du cycle de Noé de
Ces exemples invitent dès lors à s’interroger la cathédrale de Monreale. L’analyse de Tancredi
sur l’existence de corrélations analogues dans Bella a en effet révélé que les regards et les gestes
d’autres représentations de ces épisodes, comme incitent le spectateur à relier les différents épisodes
la Malédiction de Caïn de la Bible de Roda, ou d’un même cycle et à franchir ainsi les cloisons
pour d’autres sujets vétérotestamentaires. séparant les panneaux des écoinçons.
Il semble également utile d’examiner les m
oyens La disposition en frise des peintures de Saint-
visuels permettant de rattacher deux scènes, Savin demeure exceptionnelle dans la peinture
que ce soit pour véhiculer un sens additionnel monumentale, en dehors de celles de Bagües, mais
ou plus simplement pour en faciliter la lecture : elle se retrouve dans certains manuscrits, suivant
un principe émanant peut-être des rouleaux de
papyrus, comme l’a rappelé Manuel Castiñeiras
16 Marcello Angheben, « Le geste d’allocution. Une
au sujet des bibles catalanes, et sans doute par
représentation polysémique de la parole (ve-xiie l’intermédiaire de manuscrits antiques. Ces
siècles) », Iconographica, 12 (2013), p. 22-34. bibles présentent parfois des séquences narratives
20 ma rce l lo a n g h e b e n
dans lesquelles les conséquences de la première Passion sont régulièrement évoqués par plusieurs
scène sont montrées juste à côté, sans solution scènes, ce qui ralentit le rythme de la narration et
de continuité, comme sur le premier registre du renforce les relations de causalité qui les relient.
frontispice dédié à la vie de saint Jérôme dans la Quels que soient le cadre et la densité des
première Bible de Charles le Chauve ou Bible de cycles, toute narration implique des mouvements
Vivien. Et pour le frontispice de la Genèse, les des protagonistes à l’intérieur de l’espace figuratif.
trois manuscrits les plus récents suggèrent une Christian Ghattas a proposé une lecture foncière-
certaine continuité entre l’Expulsion et le Travail, ment innovante du mouvement au sein des images
comme à Saint-Paul-hors-les-Murs. médiévales, fondée à la fois sur les neurosciences
L’enchaînement des scènes dépend également et la pensée des médiévaux. L’originalité de sa
du nombre d’épisodes représentés. Jean-Michel démarche réside dans l’utilisation d’une notion
Spieser a bien mis en évidence l’existence de empruntée à la neurophysiologie, l’effet idéo-
nombreux ensembles dans lesquels les épisodes se moteur qui pousse le spectateur à accompagner
suivent à un rythme très lâche et parfois dans un le mouvement des protagonistes par d’infimes
certain désordre chronologique. Ces ensembles impulsions musculaires qui accentuent l’effet
forment dès lors, non pas des véritables cycles cinétique induit par l’image, à la fois par ses
narratifs, mais plutôt ce que cet auteur appelle traits et ses couleurs. Elle permet donc de poser
très justement des anthologies ou des « morceaux un regard novateur sur toute peinture narrative.
choisis ». Jean-Michel Spieser a également Pour répondre à la problématique de cet ouvrage,
suggéré que dans les véritables cycles narratifs, nous lui avons demandé d’examiner les peintures
comme ceux de Saint-Pierre et de Saint-Paul- de Saint-Savin sous cet angle et le résultat s’est
hors-les-Murs, les spectateurs devaient faire avérée extrêmement stimulant. Cet essai permet
appel à leur souvenir des textes lus ou entendus de poser un regard neuf sur quelques scènes-clés
pour pouvoir relier les différents épisodes. La et invite à regarder les autres scènes ainsi que les
principale exception émane de l’histoire d’Adam autres cycles narratifs médiévaux sous cet angle.
et Ève où certains événements se succèdent
très rapidement dans le temps, de sorte que les
ellipses sont fortement réduites et sollicitent dès Les contenus sémantiques
lors beaucoup moins la mémoire. Cette unité de spécifiques
temps et d’espace permet ainsi une narration
très resserrée que l’on suit pas à pas, comme Au même titre que les textes exégétiques ou
par exemple à Galliano, et dans laquelle une homilétiques, les représentations de l’Ancien
scène invite parfois le spectateur à passer plus Testament devaient avant tout établir un rapport
rapidement à l’épisode suivant, comme on l’a typologique avec le Nouveau Testament. Comme
signalé pour les exemples de Saint-Paul-hors- l’a bien montré Serena Romano, c’est peut-être le
les-Murs et des bibles tourangelles. sens qui a été attribué aux peintures de Saint-Jean
Dans les cycles néotestamentaires des églises du Latran qui confrontaient les deux Testaments
byzantines des xie-xiie siècles, le récit est souvent car, au ixe siècle, Anastase le Bibliothécaire a établi
très elliptique et de surcroît éclaté en raison de un rapprochement entre Adam sortant du paradis
la fragmentation des supports. Mais comme l’a et le bon larron y pénétrant après sa mort. Les
souligné Judith Soria, ils constituent de véritables cycles de Saint-Pierre et de Saint-Paul ne semblent
cycles narratifs composés de tableaux ponctuels en revanche pas avoir établi de correspondances
jalonnant le temps de l’histoire, et les moments- précises entre les scènes des parois sud et nord.
clés de la vie du Christ que sont la naissance et la Il en va manifestement de même pour les ivoires
Le s st rat égi e s d e la narrat i o n dans la pe i nt u re médiévale 21
de Salerne pour lesquels Manuel Castiñeiras le discours peut concerner des préoccupations plus
a proposé l’existence d’une correspondance contemporaines. À Saint-Savin, un des exemples
générique entre les plaques dédiées à chacun les plus intéressants de ce point de vue est la
des deux Testaments. Hélène Toubert a envisagé Présentation d’Ève à Adam (fig. 3, pl. 32). Dans la
des correspondances typologiques plus précises tradition iconographique, Dieu se tient presque
pour les peintures de Sant’Angelo in Formis où la systématiquement derrière la première femme
Crucifixion a été rapprochée des sacrifices de Noé pour la pousser vers son compagnon, comme on
et d’Abraham, mais ce type de correspondances le voit notamment dans la Genèse Cotton et dans
terme à terme demeure exceptionnel17. La lecture les bibles tourangelles (pl. 3-4). À Saint-Savin,
typologique peut également être exprimée par le Christ se dresse entre les premiers hommes et
le traitement du sujet. C’est le cas par exemple tend une main vers Ève, que le restaurateur du xixe
pour l’A scension d’Énoch qui constitue l’un des siècle a affublée d’une barbe, pour la présenter à
principaux types vétérotestamentaires de l’A scen- Adam. Ce schème correspond très exactement
sion et que la Genèse de Cædmon a représentée à celui de la représentation du mariage, comme
suivant la formule figurative née dans la seconde on le voit par exemple très précocement sur les
moitié du xe siècle conventionnellement appelée mosaïques de Sainte-Marie-Majeure et sur un plat
« Disappearing Christ »18. Pour le programme en argent de Lambroussa-Lapithos, et, comme on
de Galliano, Fabio Scirea est allé plus loin en l’a vu, on le retrouve dans la Présentation d’Ève
supposant l’existence d’une distinction entre de Monreale20. On peut donc supposer que l’on
la période ante legem et la période sub lege, s’est volontairement écarté de la tradition icono-
comme il l’avait déjà proposé pour les peintures graphique pour rapprocher cette scène de celle
d’Acquanegra sul Chiese19. du mariage que l’Église du xie siècle a commencé
Dans de nombreux cas cependant, les scènes à ériger en sacrement. Cet exemple montre donc
vétérotestamentaires véhiculent un discours que lorsqu’une formule ne se conforme pas à la
dépassant la simple correspondance typologique tradition iconographique, elle peut révéler une
pour atteindre des strates sémantiques plus création originale et un discours adapté aux
complexes. Søren Kaspersen a proposé une préoccupations spécifiques d’une institution
interprétation théologique des peintures de ou de l’Église contemporaine, même si la teneur
Saint-Savin fondée sur le concept des deux Cités exacte de ce discours demeure incertaine.
développé par saint Augustin. Dans certains cas, Il convient de relever plus particulièrement
les différentes interprétations liturgiques qui
s’appliquent autant aux cycles monumentaux
17 Hélène Toubert, Un art dirigé. Réforme grégorienne et
qu’aux manuscrits, comme l’ont suggéré Manuel
Iconographie, Paris, Cerf, 1990, p. 166.
18 Robert Deshman, « Another Look at the Disappearing Castiñeiras au sujet des bibles catalanes et
Christ : Corporeal and Spiritual Vision in Early Christian Davy à propos des peintures de Château-
Medieval Images », The Art Bulletin, 79 (1997), p. 518-546 ; Gontier. L’une des lectures les plus récurrentes
et Catherine E. Karkov, Text and Picture in Anglo-Saxon et les mieux fondées concerne l’eucharistie car,
England : Narrative Strategies in the Junius 11 Manuscript,
Cambridge, Cambridge University Press, 2001
(Cambridge studies in Anglo-Saxon England, 31), p. 88.
19 Fabio Scirea, « Il congegno figurativo, fra Antico 20 Chiara Frugoni, « Il matrimonio nella societa
Testamento e Giudizio finale. Sistema ornamentale, altomedievale », Settimana di studio del Centro italiano di
iconografia, vettori », dans F. Scirea (éd.), San studi sull’alto medioevo, 24, 1976, Spolète, Centro italiano
Tommaso ad Acquanegra sul Chiese. Storia, architettura di studi sull’alto medioevo, 1977, p. 901-963. Le plat en
e contesto figurativo di una chiesa abbaziale romanica, argent de Lambroussa-Lapithos date du viie siècle et est
Mantoue, SAP Società Archeologica, 2015, p. 89-131. conservé au Metropolitan Museum de New York.
22 ma rce l lo a n g h e b e n
Fig. 3. Saint-Savin-sur-Gartempe, nef, peintures de la voûte, Présentation d’Ève à Adam ( J.-P. Brouard © CESCM).
le s st rat égi e s d e la narrat i o n dans la pe i nt u re médiévale 23
Fig. 4. Saint-Savin-sur-Gartempe, nef, peintures de la voûte, relevé stratigraphique du Sacrifice de Noé (Carolina
Sarrade © CESCM).
depuis le ve siècle, on a rapproché de l’autel cette lecture pour les mosaïques de Saint-Marc
des sujets bibliques interprétables dans ce sens, dans la mesure où plusieurs sujets inscrits à l’est,
comme l’a rappelé Jean-Michel Spieser au sujet de autrement dit du côté du sanctuaire, se réfèrent
Sainte-Marie-Majeure et de Saint-Apollinaire-le- à l’eucharistie : le Sacrifice de Caïn et Abel, celui
Neuf. À Saint-Savin et à Bagües, on a représenté de Noé, l’Enivrement de Noé et l’Hospitalité
le Sacrifice de Noé au plus près de l’autel et d’Abraham (pl. 56). L’hypothèse est d’autant
cette corrélation a été matérialisée par la figu- mieux fondée que le Sacrifice de Caïn et Abel
ration d’un autel chrétien alors que la tradition figure une seconde fois dans le sanctuaire et du
iconographique privilégie les autels sacrificiels même côté que dans le narthex, à savoir au sud.
(fig. 4, pl. 36)21. On pourrait enfin envisager À Saint-Savin, c’est toutefois l’ensemble
du programme qui peut se rattacher à la litur-
gie et plus particulièrement au temps de la
21 Marcello Angheben, « L’apport des relevés
Septuagésime, comme l’ont déjà soutenu Yvonne-
stratigraphiques à Saint-Savin-sur-Gartempe. L’exemple
du Sacrifice de Noé », In Situ [En ligne], 22 (2013).
24 ma rce l lo a n g h e b e n
Labande Mailfert et Robert Favreau22. Les scènes les neuf semaines de préparation à la fête de Pâques
représentées correspondent en effet aux lectures qui culminaient avec la procession dominicale
et aux chants prescrits durant cette période. précédée par le cierge pascal auquel devait faire
L’étude en cours a confirmé cette hypothèse en écho le cortège des Hébreux accompagnés par
montrant notamment que l’ensemble du cycle a la colonne de feu que les commentaires ont
été construit de telle sorte que sur le versant nord assimilée à ce cierge.
de la voûte, le cycle de Noé et celui de Moïse Il faut enfin relever les interprétations poli-
évoquent successivement les deux sacrements tiques ou institutionnelles. Dans cet ouvrage, on
administrés le matin de Pâques. Le baptême est l’a vu, Søren Kaspersen a interprété la Genèse
en effet évoqué par le Déluge et la Traversée de Cotton et les bibles carolingiennes comme des
la mer Rouge qui se superposent avec un léger « miroirs du prince ». Les cycles peints au centre
décalage, et l’eucharistie est matérialisée par et dans le sud de l’Italie ont été logiquement
le Sacrifice de Noé et par la représentation du interprétés à la lumière de la réforme, comme
Tabernacle qui devait probablement clore le cycle l’a rappelé Irene Quadri. Enfin, les références
de Moïse. L’intentionnalité de ce rapprochement politiques avancées au sujet des peintures de
est établie par les flots du déluge et de la mer Château-Gontier et des mosaïques siciliennes
Rouge, et par la position agenouillée de Noé dans et vénitiennes confirment la centralité de cette
son sacrifice et de Moïse recevant les Tables de vaste problématique.
la Loi. L’inscription peinte sur une de ces deux Les quatorze articles réunis dans cet ouvrage
tables confirme du reste le lien avec la célébration forment ensemble un panorama très représentatif
de Pâques : DEUM ADORA23. Il s’agit en effet des cycles narratifs peints dédiés à l’Ancien
non pas d’une citation de l’Exode, mais d’un Testament entre le ive et le xiie siècle. Chacun
passage de l’Apocalypse dont on a tiré un répons contribue à faire progresser la réflexion sur les
qui était chantée à Pâques24. problématiques qui viennent d’être exposées.
L’intérêt pour la solennité la plus importante Nous en remercions vivement les auteurs.
de l’année liturgique est confirmé par les scènes L’intérêt renouvelé pour l’Ancien Testament
de la tribune de la tour occidentale : Descente et pour la narration qu’exprime ce volume a
de croix, Visite des Saintes Femmes au tombeau déjà été prolongé à travers une journée d’étude
et Noli me tangere. Il se pourrait même que le et un colloque organisés respectivement par
drame du Quem quaeretis ait été joué dans cette Anne-Orange Poilpré et Fabio Scirea et qui
tribune où une grande arcade permettait aux donneront également lieu à une publication25.
moines réunis dans l’église de voir et d’entendre Nous formons dès lors le vœu que cette tendance
les protagonistes. Il semble en tout cas que le cycle se poursuive et permette de mieux comprendre ces
vétérotestamentaire accompagnait visuellement questions qui concernent une part considérable
de la production artistique médiévale.
L’existence de cycles narratifs paléochré- du point de vue du récit qu’ils veulent montrer3. Il
tiens est évidemment bien connue et n’a rien n’est peut-être pas inutile de les rappeler ici dans
de surprenant, ne faisant que prolonger des un premier temps, de manière plus systématique
dispositifs analogues dans le monde romain1. Ils que dans un précédent article4, en signalant
ont été mentionnés dans un article fondamental rapidement les questions en suspens pour chacun
d’Herbert Kessler qui met en particulier l’accent d’entre eux, tout en réservant pour une seconde
sur les grands cycles qui décoraient, à Rome, partie les questions liées à la narrativité. On ne
Saint-Pierre, Saint-Paul-hors-les-Murs et Sainte- considèrera pas ici les manuscrits illustrés où
Marie-Majeure (pl. 13-14 et 1)2. Il ne s’agit pas ici des cycles se développent au long des pages (et
de reprendre toutes les questions liées à ces cycles, on ne se posera pas la question du rapport entre
mais d’essayer de voir comment ils fonctionnent ces manuscrits et les cycles narratifs). Ils relèvent
du point de vue étroit de la narration, c’est-à-dire d’une autre problématique et sont nécessairement
regardés autrement. Voir des images page après
page n’est pas la même action et ne suppose pas
le même regard que celui qui embrasse une série
d’images qui se déploient dans l’espace.
1 Sur cette question, voir Norbert Zimmermann, « Vom
Geschichte erzählen zum Erzählen von Geschichte.
Historische Friese und ihre Verwendung in der
römischen Sepulkralkunst nach der Trajanssäule »,
Columna Trajani. Trajanssäule – Siegesmonument und
Kriegsbericht in Bildern, F. Mitthof, G. Schörner 3 Pour une approche plus large, voir Herbert L. Kessler,
(éd.), Holzhausen Verlag, Vienne, 2017, p. 179-190, avec « Storie sacre e spazi consacrati : la pittura narrativa
de nombreuses références. nelle chiese medievali fra IV e XII secolo », L’arte
2 Herbert L. Kessler, « Pictures as scripture in 5th century medievale nel contesto. 300-1300. Funzioni, iconografia,
churches », Studia Artium Orientalis et Occidentalis, tecniche, P. Piva (éd.), Milan, Jaca Book, 2006,
2 (1985), p. 17-31 (réimprimé dans Id., Old St Peter’s and p. 435-462.
Church Decoration in Medieval Italy, Spoleto, Centro 4 Jean-Michel Spieser, « Le décor figuré des édifices
italiano di studi sull’alto medioevo, 2002, p. 15-43). ecclésiaux », Antiquité Tardive, 19 (2011), p. 95-108.
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 27-46
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118921
28 je a n -m iche l s pi e s e r
et d’un cycle de la vie de saint Paul. La date en L’existence d’images correspondant à ces quatrains
est plus incertaine. Si de nombreux chercheurs a parfois été mise en doute, mais leur réalité est
s’accordent pour dater ces cycles de restaurations maintenant admise.
attestées au milieu du ve siècle, on peut aussi 4. À Nole/Cimitile, il ne reste rien des cycles
penser à une date plus proche de la construction, qui se trouvaient dans les deux églises du sanc-
donc aux environs de 40014. Mais on a essayé de tuaire de Félix. Ils ne sont connus que par des
montrer récemment, s’appuyant sur le peu de indications plus ou moins précises données par
parallèles paléochrétiens pour les représentations Paulin de Nole, mais elles ne nous permettent
des épisodes de la vie de saint Paul, que ce cycle pas d’en savoir assez pour les faire entrer dans
est en fait une rénovation probablement de une discussion sur les cycles narratifs18. Il nous
l’époque carolingienne15. apprend seulement que l’ancienne église, con-
3. Le Dittochaion de Prudence16. On ne connaît struite autour de la tombe de Félix, était décorée
guère l’origine du titre de ce texte. Dans une série de scènes du Nouveau Testament19. Il donne
de quatrains, Prudence donne les thèmes de deux plus de détails sur les scènes qui décoraient
cycles narratifs qui décoraient une église non les nouvelles constructions qu’il avait ajoutées
identifiée dans laquelle s’opposaient un cycle au sanctuaire. Dans la nouvelle église figurait
vétérotestamentaire et un cycle christologique17. un imposant cycle de l’Ancien Testament : des
peintures relatant ce que « Moïse a écrit dans
ses cinq livres »20, puis les actions de Josué, en
della navata. Il ciclo vetero testamentario della parete
sud e le storie apostoliche della parete nord », ibid.,
particulier la traversée du Jourdain avec l’arche
p. 372-378, avec les références antérieures. de l’alliance qui est décrite, et enfin une image au
14 M. Viscontini, ibid., s’en tient à une date au milieu du ve moins de l’histoire de Ruth21. Un autre ensemble
siècle. Pour une date plus ancienne, Herbert L. Kessler, d’images est plus difficile à situer : trois exèdres
« Seroux’s Decadent Column Capital and other Pieces
(cellae) situées dans un portique contenaient,
in the Puzzle of S. Paolo fuori le Mura in Rome »,
Arte Medievale 3/1 (2004), p. 9-34, (voir p. 19) ; voir au centre, des images de martyrs des deux sexes
aussi Jérôme Leclaire, « À propos des programmes et, dans chaque exèdre latérale, les histoires de
iconographiques paléochrétiens et médiévaux de la
basilique Saint-Paul-Hors-les-Murs à Rome », Cahiers
Archéologiques 52, 2005-2008, p. 63-78.
15 C. Proverbio, Cicli affrescati…, p. 147-170. correspondants typologiques du Nouveau Testament
16 Prudence, Le livre des couronnes. Tome IV : Peristephanon tout en respectant l’ordre chronologique. La même
liber, Dittochaion, Épilogue, éd. M. Lavarenne, Paris, explication est donnée pour quelques écarts par rapport
Les Belles Lettres, 1951 (Collection des Universités de à la chronologie.
France) ; Prudence, Tituli Historiarum, dans Prudence, 18 Adolf Weis, « Die Verteilung der Bildzyklen des Paulin
Carmina, éd. M. P. Cunningham, Turnout, Brepols, 1966 von Nola in den Kirchen von Cimitile (Campanien) »,
(Corpus Christianorum, series latina, 126), p. 390-400. Römische Quartalschrift 52 (1957), p. 129-150 ;
17 Renate Pillinger, Die Tituli Historiarum oder das Rudolf C. Goldschmidt, Paulinus’ churches at Nola.
so-genannte Dittochaeon des Prudentius, Vienne, Texts, translations and commentary, Amsterdam, Noord-
Osterreichische Akademie der Wissenschaften, 1980 Hollandsche Uitgeversmaatschappij, 1940.
(Philos.-Hist. Kl., Denkschriften, 142) ; Caecilia Davis- 19 Carmen 28, v. 173-174. Cf. R.C. Goldschmidt, Paulinus’
Weyer, « Komposition und Szenenwahl im Dittochaeum churches…, p. 80 ; A. Weis, Verteilung…, p. 143.
des Prudentius », Studien zur spätantiken und 20 “Omnia (…) quae senior scripsit per quinque volumina
byzantinischen Kunst (Mélanges Deichmann) III, O. Feld, Moyses” (carmen 27, v. 516-517) ; R.C. Goldschmidt,
U. Peschlow (éd.), Bonn, R. Habelt, 1986, p. 19-29, Paulinus’ churches…, p. 60.
qui essaie de montrer l‘existence d‘un lien typologique 21 Carmen 27, v. 511-531 (ibid., p. 60-62). Paulin dit du livre de
entre les scènes qui se font face. Elle explique ainsi Ruth qu’il sépare la fin du temps des Juges du début du
l’absence de certaines scènes (sacrifice d’Isaac, passage temps des Rois, mais cela ne me semble pas impliquer
de la Mer Rouge) par la difficulté de mettre en regard les que d’autres scènes de ces livres aient été représentées là.
30 je a n -m iche l s pi e s e r
Job et de Tobie d’un côté et celles de Judith et la nef se distingue des cycles précédents26. Il a
d’Esther de l’autre22. l’avantage d’être le plus ancien qui soit conservé et
Quelques peintures sont néanmoins con- il est uniquement vétérotestamentaire, montrant
servées à Cimitile, mais une partie seulement successivement les principaux épisodes de la vie
entre dans la problématique de cet article. Ce d’Abraham, de Jacob, de Moïse et de Josué. Il est
sont essentiellement les peintures du mausolée certes complété par les scènes de l’arc triomphal
1423. Elles sont datées des environs de 400 et sont qui va de l’Annonciation à la Fuite en Égypte. Mais
contemporaines de l’apparition des grands cycles ce groupe constitue-t-il un « cycle narratif » ?
narratifs. Originellement, ce sont sans doute 6. Ravenne, Saint-Apollinaire-le-Neuf27. Les deux
trente-et-une scènes, réparties sur deux registres cycles représentés dans cette église, les plus tardifs
divisés en cadres, qui étaient peintes dans cet pour la période considérée, se distinguent encore
espace. Seuls treize cadres conservent des traces une fois des précédents dans la mesure où, sur les
de peintures plus ou moins identifiables. Cinq murs sud et nord de la basilique, se font face deux
contenaient des scènes de l’Ancien Testament, et il cycles christologiques, sans aucune image de l’Ancien
en allait probablement de même pour trois autres Testament. Ils comprennent en tout 26 scènes réparties
cadres. Bien qu’il soit impossible de dire quelque sur autant de panneaux. Le cycle nord montre des
chose d’assuré sur le reste du décor, il n’est pas miracles du Christ et illustre des paraboles tandis
exclu qu’il était consacré au Nouveau Testament24. que le cycle sud est consacré à la Passion.
Mais, pour cet ensemble aussi, les éléments connus 7. À ces cycles longs, il faut ajouter ceux
sont trop peu nombreux pour qu’on puisse le faire qui sont connus par les tituli sous forme de
entrer dans une discussion générale sur les cycles. vingt-quatre tercets en hexamètres attribués à
5. Rome, Sainte-Marie-Majeure (fig. 1 et Rusticus Elpidius, sans doute un dignitaire à la
pl. 1)25. Le cycle qui décore les deux côtés de cour de Théodoric28. Ils comprennent presque
22 Carmen 28, v. 20-27 (ibid., p. 72) ; A. Weis, Verteilung…, 1967. Pour une nouvelle interprétation des mosaïques de
p. 137. l’arc triomphal qu’il n’est pas possible de discuter ici, voir
23 Pour l’ensemble des peintures des mausolées 13 et 14, Gerhard Steigerwald, Die frühchristlichen Mosaiken
Dieter Korol, Die frühchristlichen Wandmalereien aus des Triumphbogens von S. Maria Maggiore in Rom,
den Grabbauten in Cimitile/Nola, Munster, Aschendorff, Regensburg, Schnell & Steiner, 2016. Je remercie François
1987 ( JbAC Suppl., 13), p. 38-170 (les différentes scènes Boespflug qui a attiré mon attention sur cet ouvrage.
sont présentées suivant la succession de leur occurrence 26 On notera qu’il est le seul cycle conservé, avec celui de la
dans la Bible et non suivant leur emplacement). Les nouvelle église de Cimitile, à consacrer quelques images
peintures du mausolée 13 sont datées du iiie siècle et ne à Josué.
relèvent pas de cette problématique. Id., « Le celebri 27 Friedrich W. Deichmann, Ravenna. Hauptstadt des
pitture del Vecchio e Nuovo Testamento eseguite nella spätantiken Abendlandes. I, Geschichte und Monumente,
seconda metà del III ed all’inizio del V secolo a Cimitiel/ Wiesbaden, F. Steiner, 1969, p. 175-199 ; Id., Ravenna.
Nola », Cimitile bei Nola, Anfänge der christlichen Hauptstadt des spätantiken Abendlandes. II.1, Kommentar,
Kunst und lokale Überlieferungen, M. de Matteis, 1. Teil, Wiesbaden, F. Steiner, 1974, p. 154-189 ; Carola
A. Trinchese (éd.), Oberhausen, Athena, 2004, p. 147- Jäggi, Ravenna. Kunst und Kultur einer spätantiken
173 (voir p. 149-153 pour les peintures du mausolée 14). Residenzstadt, Regensburg, Schnell & Steiner, 2013,
24 Ibid., p. 150. p. 182-187 ; Jutta Dresken-Weiland, Mosaics of
25 Maria R. Menna, dans M. Andaloro, La Pittura Ravenna. Image and meaning, Regensburg, Schnell &
medievale…, p. 306-346 ; pour les mosaïques de la nef, Steiner, 2016, p. 122-162.
Beat Brenk, Die frühchristlichen Mosaiken in S. Maria 28 Arwed Arnulf, Versus ad picturas. Studien zu
Maggiore zu Rom, Wiesbaden, Steiner, 1975, reste essentiel. Titulusdichtung als Quellengattung der Kunstgeschichte
Voir aussi Johannes G. Deckers, Der alttestamentliche von der Antike bis zum Hochmittelalter, Munich, Berlin,
Zyklus von S. Maria Maggiore in Rom, Bonn, R. Habelt, Deutscher Kunstverlag, 1997, p. 115-136, avec les
le s cycle s paléo chré t i e ns d i t s narratifs 31
d’après les légendes citées par Agnellus, d’autre actuel41, avec des scènes de l’Ancien et du Nouveau
part, un cycle de la vie de saint Pierre. Le texte Testament, ainsi que quelques panneaux qui vont
d’Agnellus ne permet d’identifier qu’une seule au-delà du Nouveau Testament. Leur disposition
scène, Pierre à Joppé (Ac 10, 9-17), mais il utilise actuelle a été modifiée, comme à Milan42.
le mot historia qui suggère que plusieurs scènes 12. Le cycle développé dans une église ou
étaient représentées37. Les cinq scènes du cycle de une synagogue de Misis/Mopsueste est très
la Genèse pourraient être les suivantes : Création particulier à la fois par son thème et par son
du monde, Création d’Adam, Adam dans le jardin emplacement, car il est dédié à Samson et s’inscrit
d’Éden, Adam et les animaux, Péché originel38. sur une mosaïque de pavement43. La nature du
On est évidemment surpris de trouver les scènes bâtiment, église ou synagogue, qui reste discutée,
les plus nombreuses sur les murs en principe les n’est pas essentielle pour notre propos. On a
plus courts, si les orientations proposées sont montré qu’il ne semble pas y avoir d’argument
exactes, mais il n’y a aucune impossibilité à cela. décisif pour l’une ou l’autre solution44. Dans son
10. La porte en bois de Saint-Ambroise de état originel, la mosaïque mesurait 23 m sur 3,5m
Milan (4,2 m × 2,6 m)39. Elle ne comprend que et comprenait neuf ou onze épisodes45.
dix panneaux sculptés dont quatre à double 13. Quelques cycles courts sont seulement
registre. Huit sont consacrés à la vie de David, connus par des attestations littéraires et on n’en
de l’appel de Samuel à la victoire sur Goliath. Ces sait pas grand-chose. En Orient, Grégoire de Nysse
panneaux ont été largement restaurés, certains mentionne une série de peintures montrant le
complètement en 1750, d’autres sans doute au martyre de saint Théodore dans le martyrium de
xiie siècle. Deux d’entre eux seulement semblent celui-ci, certainement à Amasée46. Quatre images
remonter à l’époque d’Ambroise. La disposition du martyre de sainte Euphémie sont décrites par
de l’ensemble des panneaux a été modifiée. Astérius d’Amasée47. Cycles courts, concentrés
11. La porte en bois de Sainte-Sabine à Rome
(5,50 m × 3,12 m.)40. Elle comprend 24 panneaux
dont dix-huit sculptés qui subsistent dans l’état 41 I. Foletti, Santa Sabina…, p. 148, suggère que les panneaux
inférieurs n’avaient à l’origine qu’un décor géométrique.
42 Cf. ci-dessous.
37 Agnellus, Liber Pontificalis Ecclesiae Ravennatis, 43 Ludwig Budde, Antike Mosaiken in Kilikien, I :
Turnhout, Brepols 2006 (Corpus Christianorum, Frühchristliche Mosaiken in Misis-Mopsuesta,
Continuatio Medievalis 199), p. 177. Recklinghausen, Bongers, 1969 ; Ernst Kitzinger,
38 A. Weis, Schöpfungszyclus… « Observations on the Samson floor at Mopsuestia »,
39 Alessandra Melucco Vaccaro, « Le porte lignee di DOP 27 (1973), p. 133- 144 (l’article de Kitzinger est
S. Ambrogio alla luce dei nuovi restauri », Felix Temporis essentiellement consacré à sa supposition que cet
Reparatio, G. Sena Chiesa, E.A. Arslan (éd.), Milan, ET, ensemble reprend un cycle plus ancien sur rouleau) ;
1992, p. 117-136 avec les références antérieures, en particulier Rainer Stichel « Die Inschriften des Samson Mosaik in
Adolf Goldschmidt, Die Kirchenthür des heiligen Ambrosius Mopsuestia und ihre Beziehung zum biblischen Text »,
in Mailand, Strasbourg, Heitz, 1902, qui reste important. BZ 71 (1978), p. 50-61.
40 Jean-Michel Spieser, « Le programme iconographique 44 Ibid., en particulier p. 58-59, avec les références à l’une ou
des portes de Sainte-Sabine », Journal des savants (1991), l’autre solution.
p. 47-81 ; récemment, avec des conclusions différentes, 45 E. Kitzinger, Observations…, p. 138.
Ivan Foletti, « La porta di Santa Sabina, un’immagine 46 Grégoire de Nysse, Laudatio sancti Theodori, PG 46,
in dialogo con il culto », Zona liminare. Il nartece di col. 737. Traduction de C. Mango, The Art…, p. 36-37.
Santa Sabina a Roma, la sua porta e l’iniziazione cristiana, 47 François Halkin, Euphémie de Chalcédoine : légendes
I. Foletti, M. Gianandrea (éd.), Rome, Brno, Viella, byzantines, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1965,
Masaryk University, 2015, p. 95-199. Pour les dimensions p. 1-8 ; C. Mango, The Art…, p. 37-39. On remarquera
de la porte, voir Gisela Jeremias, Die Holztür der que le cycle d’Euphémie n’est pas un ensemble pariétal,
Basilka S. Sabina in Rom, Tubingen, Wasmuth, 1980, p. 15-17. mais qu’il a été peint sur une tenture (ἐν σινδόνι). Il me
le s cycle s paléo chré t i e ns d i t s narratifs 33
sur des moments précis de la vie de ces deux vue, ne serait-ce que par leur support – peinture
saints, leur caractère narratif ne fait aucun doute. monumentale, mosaïque, sculpture de bois
Nous sommes très mal renseignés, par contre, sur des portes, étoffe peinte –, mais aussi par
sur certains cycles occidentaux, à Saint-Étienne leur thématique et la part du récit prise en
de Clermont ou aux Saints-Apôtres de Paris48. considération – quelques épisodes d’une vie ou
14. On connaît un peu mieux les quelques large parcours dans l’histoire sainte ou dans une
scènes de l’Enfance du Christ (de la Nativité biographie – qui va généralement de pair avec le
au Massacre des Innocents) qui se trouvaient à nombre de scènes qui les constituent. Les cycles
la Daurade à Toulouse et qui datent sans doute longs sont attestés ou conservés en particulier
du ve siècle49. dans quelques grandes églises basilicales : à
15. Un cycle de miracles de saint Martin de Rome, Saint-Pierre, Saint-Paul-hors-les-Murs
Tours, dans l’église restaurée en 590 par Grégoire et Sainte-Marie-Majeure ; à Ravenne, Saint-
de Tours, est connu par une série de poèmes de Apollinaire-le-Neuf. Il faut ranger dans la même
Venance Fortunat50. Cet ensemble d’images ne catégorie les cycles qui se trouvaient dans les deux
raconte pas à proprement parler la vie de saint églises du sanctuaire de saint Félix à Nole dont
Martin : il montre sept miracles, mais pas dans l’écho nous est parvenu par Paulin de Nole qui en
l’ordre chronologique de sa vie. était le concepteur ; il faut y ajouter les vestiges
conservés dans le mausolée 14. La répartition
géographique est plus large et plus variée qu’il
Analyse ne semble à première vue. Des cycles courts sont
bien attestés en Orient comme en Occident. Si
Cette énumération permet de souligner la le cycle peint sur le tissu conservé à Riggisberg
diversité de ces cycles à de nombreux points de est le seul témoin oriental d’un cycle long, son
existence suffit pour montrer qu’ils étaient
connus et que le déséquilibre actuel provient
semble préférable, pour éviter toute ambiguïté et toute sans doute plus de l’histoire ultérieure de chaque
confusion avec des techniques plus récentes, de ne pas région que de particularismes opposant l’Orient
utiliser l’expression « sur toile » employée par François et l’Occident paléochrétiens.
Halkin pour traduire ce mot. Voir ci-dessus p. 31 pour un
exemple conservé de cette technique.
Mais il aurait peut-être fallu se demander
48 Voir les références données par Herbert L. Kessler, d’abord ce qu’on entend par cycle narratif.
« Pictorial narrative and Church Mission in 6th-Century L’expression semble claire, mais suppose quand
Gaul », Pictorial narrative in Antiquity and the Middle même qu’on y réfléchisse.
Ages, H.L. Kessler, M. S. Simpson (éd.), Washington,
Il va de soi qu’un cycle suppose une unité, un
National Gallery of Art, 1985 (The History of Art, 16),
p. 75-91 (voir p. 76), en particulier, May Vieillard- ordre et ne peut pas être un simple groupement
Troiekouroff, Les monuments religieux de la Gaule d’images. Pour qu’on puisse parler de narration,
d’après les œuvres de Grégoire de Tours, Paris, Champion, il faut que soient perceptibles à la fois une unité
1976, p. 97-98 pour Saint-Étienne de Clermont, p. 207 et un déroulement. Même un regroupement
pour le triple portique de l’atrium des Saints-Apôtres
(ou Saint-Pierre) de Paris. d’images narratives ne suffit pas pour parler de
49 Pour une description et une bibliographie récente, voir cycle narratif. Pour le dire autrement, l’histoire
le guide publié par Quitterie Cazes, L’ancienne église racontée par chaque image doit être considérée
Sainte-Marie de la Daurade à Toulouse, Toulouse s. d., comme un élément d’une histoire plus étendue
Guides archéologiques du musée Saint-Raymond,
p. 22-36 et p. 63. Pour les références plus anciennes,
et l’une doit succéder à l’autre, dans un ordre
H.L. Kessler, Pictorial narrative…, p. 90, n. 18. qu’on attend essentiellement chronologique.
50 Ibid., p. 76-84. Des scènes de la vie du Christ qui peuvent
34 je a n -m iche l s pi e s e r
être considérées comme narratives ne sont pas sur la coupole54. Il n’est pas non plus possible
nécessairement disposées de manière à former d’établir des relations typologiques entre les
des cycles, quel que soit le support. Il est presque deux séries de scènes.
inutile de le rappeler à propos des sarcophages où Les tercets conservés de Rusticus Elpidius
la répartition des scènes ne suit pas une logique inspirent le même genre de réflexion. Les scènes
narrative. Il a été montré que c’est aussi le cas de l’Ancien Testament (Péché originel, Adam et
sur les diptyques d’ivoire de l’antiquité tardive51. Ève chassés du Paradis, Arche de Noé, Tour de
Mais il existait aussi des ensembles non Babel, Sacrifice d’Abraham, Joseph vendu par ses
narratifs dans des contextes monumentaux. Les frères, Miracle de la manne, Moïse recevant la Loi)
récentes recherches sur la villa de Centcelles ne paraissent guère pouvoir constituer un cycle
en Espagne ont confirmé l’existence, dans la narratif qui suppose au moins un minimum de
coupole de la pièce centrale, d’un registre de continuité, à moins qu’on ne considère ce groupe
mosaïques composé de seize scènes séparées comme une sorte de résumé, dont la cohérence
par la représentation de colonnes cannelées52. ne serait pas évidente, mais qui serait suffisant
Malgré le mauvais état de conservation, douze pour évoquer une longue durée. Les scènes
ont pu être identifiées, six provenant de l’Ancien du Nouveau Testament sont plus nombreuses
Testament (le Péché originel, Daniel dans la (Songe de Joseph, Sermon sur la Montagne,
fosse aux lions, Jonas jeté à la mer et le repos de le Centurion, Résurrection du fils de la veuve,
Jonas, Arche de Noé, les trois Hébreux dans la Guérison de la belle-mère de Pierre, Noces de
fournaise), six du Nouveau (le Premier songe Cana, Guérison de l’hémoroïsse, Rassasiement
de Joseph (?), les Trois Mages devant Hérode, des cinq mille, Marthe et Marie, Résurrection de
la Guérison du paralytique, la Résurrection Lazare, Zachée, Trahison de Judas, Portement
de Lazare, sainte Thècle53, le Bon Pasteur et de Croix-Crucifixion, le Bon Larron, Pentecôte).
un miracle du Christ non identifié). Le choix L’énumération de toutes ces scènes dans l’ordre
des scènes de l’Ancien Testament évoque le biblique donne l’impression qu’au moins certaines
répertoire des sarcophages du ive siècle et pose les séquences du Nouveau Testament sont narratives,
mêmes questions. Les scènes néotestamentaires mais elles sont regroupées autrement dans la
s’éloignent davantage de ce répertoire, mais ne tradition manuscrite qui n’est ni unanime, ni
forment pas non plus un cycle, d’autant moins très claire55. Dans l’état des connaissances, il est
que les scènes des deux Testaments alternent difficile de voir dans ces séries un cycle narratif.
Il s’agit plutôt d’un groupement décidé par un
commanditaire comme à Centcelles, sauf à faire
l’hypothèse, quand même improbable, que
51 Antony Cutler, « The Matter of Ivory and the
Movement of Ideas : Thoughts on some Christian
Diptychs of Late Antiquity », Objects in motion : The
Circulation of Religion and Sacred Objects in the Late 54 Voir les articles de Manuela Studer-Karlen, Fabien
Antique and Byzantine World, H. G. Meredith (éd.), Stroth, Pamela Bonnekoh, Denis Mohr, Jennifer
Oxford, Archaeopress, 2011 (BAR International Series, Moldenhauer., Christian Schnoor dans A. Arbeiter,
2247), p. 57-71 (voir p. 63-65). D. Korol, Centcelles…, p. 177-225 et le résumé sur ces
52 Achim Arbeiter, Dieter Korol (éd.), Der Kuppelbau scènes de Johannes G. Dekers, ibid., p. 352-353.
von Centcelles. Neue Forschungen zu einem enigmatischen 55 A. Arnulf, Versus, p. 119-133. Elles se suivent dans des
Denkmal von Weltrang, Tübingen, Wasmuth, 2015 (Iberia ordres différents dans les deux éditions anciennes
Archaeologica, 21). d’après des manuscrits aujourd’hui disparus. Arnulf
53 Jennifer Moldenhauer, « Neue Überlegungen zur Orans a aussi montré qu’il n’était pas possible d’en faire un
im Bildfeld B7 in Centcelles. Eine Thekla-Darstellung ? », ensemble ordonné typologiquement, avec des scènes se
in A. Arbeiter, D. Korol, Centcelles…, p. 211-217. faisant face de manière significative.
le s cycle s paléo chré t i e ns d i t s narratifs 35
seule une partie des tercets a été conservée par narratives : les trois grands panneaux avec des
la tradition manuscrite. scènes de la vie de Moïse, les huit petits pan-
D’autres ensembles sont plus ambigus du point neaux montrant l’Adoration des Mages, puis la
de vue de la narrativité. Cette question est mise en Passion, même si le passage, sans intermédiaire,
lumière par une comparaison entre le décor des de l’Adoration des Mages à la Passion est brutal
deux portes en bois signalées ci-dessus, celle de de ce point de vue. Mais il faut aussi tenir compte
Saint-Ambroise de Milan et celle de Sainte-Sabine du grand panneau représentant des miracles du
de Rome. Elles sont presque contemporaines et Christ : en raison de sa dimension, il ne peut
relativement proches par leurs dimensions, mais le pas s’intercaler entre l’Adoration des Mages et
nombre de scènes représentées est beaucoup plus la Passion, et rompt donc nécessairement avec
important à Rome qu’à Milan, d’autant plus que, la séquence chronologique attendue pour une
sur la porte de Sainte-Sabine, certains panneaux lecture narrative. Il en va de même pour la scène
comprennent plusieurs scènes56. La différence dite de l’acclamation qui fait vraisemblablement
essentielle vient de la thématique des panneaux allusion à la dédicace de cette église et ne rentre
sculptés, vie de David à Milan, large survol allant de pas dans une séquence narrative59. Du point de
l’Ancien au Nouveau Testament et au-delà à Rome. vue de la narrativité, l’ensemble représenté sur
Pour la vie de David, l’intention de narrativité cette porte a un statut intermédiaire. Cette porte
ne fait aucun doute, même si on ne peut plus en ne semble pas porter un vrai cycle narratif, mais
faire la preuve. La disposition actuelle supposerait, elle comporte des séquences clairement narratives,
pour garder une cohérence chronologique, que ce soit par plusieurs scènes représentées sur
des allers-retours compliqués dans la lecture, un panneau ou par la succession des panneaux
sans compter que l’identification de certaines avec des épisodes de la Passion.
scènes n’est pas absolument assurée. C’est le Une ambiguïté de nature différente apparaît dans
thème restreint qui suggère la volonté de faire un le groupe des scènes de l’arc triomphal de Sainte-
ensemble narratif. La situation est moins claire Marie-Majeure (fig. 1). C’est bien une succession
pour la porte de Sainte-Sabine. Il paraît certain d’événements disposés dans un ordre chronologique
que la disposition actuelle des panneaux est liée qui est représentée. Un regard spontané ne donne
à une restauration, mais une solution évidente pas nécessairement la même impression, sans que
pour l’aspect primitif ne s’impose pas. La question les raisons en apparaissent très clairement. Est-ce
de la narrativité dépend de la solution proposée dû à la difficulté d’interprétation de certaines
pour la disposition originelle. scènes ? à l’ordre des scènes qui n’est pas toujours
Si l’on considère que les panneaux étaient évident à comprendre ? ou encore, simplement,
disposés suivant des associations d’idées souples, à la séparation induite par l’arc lui-même ? On
liées au baptême et à la liturgie baptismale, il est pourrait aussi penser à la difficulté de lecture
clair qu’on n’a pas affaire à un cycle narratif57. découlant de l’emplacement élevé de ces images.
L’interprétation est plus ambiguë si on pense à Mais les scènes qui surmontent les colonnades de
une succession, du bas vers le haut, de l’Ancien, la nef posent le même problème et la difficulté de
puis du Nouveau Testament et, enfin, de la fin les lire a été maintes fois mise en évidence sans
des temps58. Ce cycle comprend des séquences que cela ne mette en cause le caractère narratif
de ces cycles60. Il est difficile, en fait impossible le Massacre des Innocents ordonné par Hérode,
de restituer la lecture que les fidèles du ve siècle les Mages devant Hérode, l’Adoration des Bergers,
faisaient de l’ensemble représenté sur l’arc. Dira-t-on la Nativité, l’Adoration des Mages. Plutôt que de
que l’intention narrative doit apparaître clairement cycle de l’Enfance, il conviendrait de parler de
pour qu’un cycle soit considéré comme narratif ? cycle de la Nativité dont la lecture narrative n’est
Tout récit est scandé par des moments forts qui en pas facilitée par le fait que chaque personnage
marquent les étapes importantes, faciles à identifier. est isolé dans une niche et que des fenêtres
Ce sont elles qui donnent sens à l’ensemble. On s’intercalent entre ces niches. Cet ensemble se
attend du récit en images la présence évidente lit plutôt comme une sorte de tableau avec un
de ces moments décisifs. Ils semblent manquer groupe central. De part et d’autre d’une fenêtre
dans cet ensemble et l’on peut supposer, sans en qui occupe l’espace de deux niches, on trouve
être complètement sûr, qu’ils manquaient aussi un berger à gauche et l’Enfant emmailloté avec
au fidèle du ve siècle. l’âne et le bœuf à droite. Se succèdent ensuite à
Par contre, la finalité narrative des cycles brefs droite, autrement dit au sud, Marie tournée vers
est apparente dans la mesure où ils se focalisent l’Enfant dans la première niche, une fenêtre, une
sur des thèmes précis, comme il a été vu ci-dessus deuxième niche accueillant un autre berger
pour la porte de Saint-Ambroise. Il est inutile de également orienté vers le centre du registre et
s’attarder sur les cycles brefs connus seulement donc vers l’Enfant, Marie tournée vers la droite
par des allusions littéraires. Les détails de leur et tenant l’Enfant sur ses genoux, une fenêtre et,
disposition et de leur succession échappent le plus enfin, les trois Mages, chacun dans une niche.
souvent, mais leur thématique précise et limitée La disposition des personnages à gauche, sur la
laisse supposer une succession chronologique moitié nord de l’abside, est tout à fait symétrique :
comme on le voit dans les quatre images du après le berger du groupe central apparaissent
martyre de sainte Euphémie décrites par Astérius Hérode trônant tourné vers la gauche, une
d’Amasée : la sainte est jugée, puis torturée. Une fenêtre, les deux Mages, une fenêtre, le troisième
troisième image la montre en prison et, enfin, elle Mage, Hérode ordonnant le Massacre et, dans
est brûlée vive sur un bûcher61. Il faut supposer la dernière niche, un soldat tuant un enfant64. Il
une succession analogue pour le cycle des images reste bien sûr possible de parler de cycle narratif,
montrant le martyr de saint Théodore évoqué d’autant plus que ce sont des figures suffisamment
par Grégoire de Nysse62. identifiables pour que, quelles que soient celles
On pourrait penser que le bref cycle de sur lesquelles l’œil se pose en premier, l’ensemble
l’Enfance du Christ de la Daurade entre dans du récit devienne immédiatement identifiable,
la même catégorie, mais la disposition, telle
qu’on peut la restituer d’après la description
donnée au xviie siècle par Dom Odon Lamotte,
ne permet pas la lecture linéaire attendue dans 64 On a aussi suggéré que la fenêtre centrale était postérieure,
une séquence narrative63. Ces scènes étaient remplaçant deux niches ; celle de gauche aurait pu
former, avec le berger qui suit, une Annonciation
placées dans le registre supérieur de l’abside aux bergers et celle de droite aurait pu contenir une
(fig. 2). En allant du nord au sud, se succédaient figure complétant la Nativité : Helen Woodruff,
« The Iconography and Date of the Mosaics of La
Daurade », Art Bulletin 13 (1931), p. 80-104 (voir p. 86).
60 Voir aussi, sur cette question, ci-dessous p. 46. Woodruff essaie d’élargir ce cycle en partant de l’idée,
61 Voir ci-dessus n. 47. inexacte, que ce qui est maintenant considéré comme
62 Voir ci-dessus n. 46. une abside à sept pans était à l’origine un décagone :
63 Voir ci-dessus n. 49. Q. Cazes, L’ancienne église…, p. 22.
38 je a n -m iche l s pi e s e r
Fig. 2. Toulouse, La Daurade, mosaïques de l’abside (dessin Q. Cazes, d’après H. Woodruff et M. Scellès).
ce qui le distingue d’un cycle plus savant comme de chaque côté de la nef. Il est plus intéressant,
celui de Sainte-Marie-Majeure. dans la perspective de cet article, de regarder
L’interprétation des cycles longs comme de près celui consacré à l’Ancien Testament,
cycles narratifs semble aller de soi. Mais pour voir comment la question de la narration
quelques précisions sont à apporter. Les cycles sur une longue période a été traitée. Ce cycle
qui comprenaient le plus d’images sont ceux de vétérotestamentaire va de la Création aux plaies
Saint-Pierre, mais ils sont trop mal connus pour d’Égypte, avec toutefois une incertitude. La plaie
être discutés en détail65. Ceux de Saint-Paul-hors- des premiers-nés est représentée deux fois, une
les-Murs comprennent quarante-deux images première fois juste avant une lacune antérieure
au xviie siècle (fig. 3-4). Elle suit le miracle
des serpents accompli devant Pharaon. Elle est
65 Voir ci-dessus p. 28. représentée une seconde fois comme dernière
le s cycle s paléo chré t i e ns d i t s narratifs 39
Fig. 3. Rome, Saint-Paul-hors-les-Murs, Extermination des premiers-nés (ms. BAV, Barb. Lat. 4406, fol. 54 ; photo © BAV).
Histoire de Joseph, qui va du songe de Joseph Le fait que le cycle de Saint-Pierre, sans doute
à Joseph interprétant les songes de Pharaon. articulé de manière proche de celui de Saint-Paul,
Puis, sans transition, vient le Buisson ardent qui se terminait par la Traversée de la mer Rouge et
introduit une séquence consacrée à Moïse. Celle-ci, par Moïse refermant la mer avec son bâton, est
dans l’état que nous connaissons, ne comprend un indice en ce sens, mais la présence, dans ce
plus que cinq scènes, si l’on considère que la série cycle, des sept plaies montre que comparaison
des plaies n’appartient pas à l’état primitif. Cette et conclusion ne sont pas assurées en l’absence
hypothèse est renforcée si on tient compte du d’indications précises sur l’état originel et sur
rythme des deux séquences mentionnées : six d’éventuelles restaurations dans ces deux cycles68.
images consacrées aux plaies d’Égypte ralentissent Il reste à parler des scènes 20 et 21, les dernières
le déroulement chronologique et le rythme du registre supérieur, Isaac bénissant Jacob et
du récit. Il paraît plus adapté au rythme des le Songe de Jacob. Chronologiquement, elles
séquences précédentes que la scène 14, la plaie conduisent de l’histoire d’Abraham à celle de
des premiers-nés, ait été utilisée pour signifier Joseph. Elles forment une transition rapide
l’ensemble des plaies et que d’autres scènes de par une brève mention dans le récit de deux
la vie de Moïse, à commencer sans doute par la moments forts d’un temps long, mais auquel
Traversée de la Mer Rouge, complétaient la série67.
l’auteur donne moins d’importance qu’aux faire assez confiance à la capacité de restitution
temps qui ont précédé et qui ont suivi. Cette du spectateur69.
accélération, facile à mettre en œuvre dans un Inattendue aussi est la présence, dans
récit oral ou écrit, est plus délicate à montrer en cet ensemble, de scènes peu fréquemment
images. Le concepteur du cycle a choisi ici deux représentées comme l’ensevelissement de Sarah,
scènes essentielles pour la suite de l’histoire, ce qui rend d’autant plus étonnantes l’absence
la bénédiction de Jacob par Isaac qui donne à du Sacrifice d’Abraham ou encore la présence,
celui-ci la prééminence (Gn 27), puis le songe dans la séquence consacrée à Moïse, de l’eau
de Jacob (Gn 28, 10-15) où Dieu lui promet une amère de Mara ou des douze sources d’Élim (Ex
descendance nombreuse. Ce cycle de l’Ancien 15, 27 ; Nb 33, 9). Les dernières scènes aussi sont
Testament est donc remarquablement construit relativement peu attestées même si quelques
et très cohérent. parallèles existent. Pour le temple de Salomon,
En comparaison, le cycle connu par les tituli on a cité une miniature, peu lisible, de l’Itala
de Prudence est très différent. Il ne comprend de Quedlinburg (fig. 5)70. Les sources d’Élim
que vingt-quatre scènes. À titre de comparaison, ont, dans une certaine mesure, un parallèle plus
la scène montrant Joseph interprétant les rêves de ancien dans la synagogue de Doura-Europos71.
Pharaon est la sixième de ce cycle qui commence L’eau amère de Mara se retrouve dans la pein-
avec le Péché originel alors qu’elle est la neuvième ture monumentale, à Sainte-Marie-Majeure
du registre inférieur, donc en fait la trentième du (fig. 1, pl. 1)72 ;la hache d’Élisée et Élisée lui-
cycle de Saint-Paul. Les scènes 8 à 14, du Buisson même apparaissent sur le panneau de la porte
Ardent jusqu’aux sources d’Élim, constituent une de Sainte-Sabine montrant l’ascension d’Élie73 ;
séquence narrative consacrée à Moïse intégrant l’ensevelissement de Sarah reste sans parallèle
pourtant une curieuse inversion chronologique : direct74 ; et il n’y a pas de parallèle dans l’antiquité
Moïse recevant la Loi est mentionné avant les tardive pour l’exil à Babylone75. Pour la prière
événements du désert. La trame narrative devient d’Ézéchias enfin, le parallèle chronologique-
ensuite très lâche. En dix images, elle conduit
de la Traversée du Jourdain sous la conduite
de Josué à l’exil à Babylone. Deux images sont 69 Voir ci-dessous p. 46.
70 R. Pillinger, Tituli Historiarum…, p. 62. Pour
consacrées à Josué, deux à Samson, deux à une meilleure illustration, Inabelle Levin, The
David, une au prophète Élisée, une à l’exil, une Quedlinburg Itala, Leiden, E.J. Brill, 1985, fol. 4r : voir
dernière à Ézéchias, autre inversion chronologique p. 36 (image 14) et p. 37-38, image 14.
puisque le règne d’Ézéchias est antérieur à l’exil 71 R. Pillinger, Tituli Historiarum…, p. 47. Mais on notera
que Kurt Weitzmann, Herbert Kessler, The frescoes
à Babylone. Peut-on encore parler de cycle
of the Dura Synagogue and Christian Art, Washington,
narratif ? Sans doute dans un certain sens puisque Dumbarton Oaks Research Library and Collection,
toutes ces images montrent, dans un ordre à peu 1990, p. 64-67 et fig. 93, considèrent que c’est l’épisode
près chronologique, des épisodes appartenant du puits de Be’er qui est la principale source de la
à une même histoire. Mais ces épisodes, trop peinture de Doura-Europos.
72 B. Brenk, S. Maria Maggiore…, p. 89-90 : Bernhard
éloignés les uns des autres, racontent-ils encore Hack, I mosaici della patriarcale basilica di Santa Maria
l’histoire de l’ensemble beaucoup plus vaste Maggiore in Roma, Cité du Vatican, A. Reiff, 1967,
dont ils font partie ? En détournant un peu le fig. 108.
sens des mots, on serait tenté de parler sinon 73 Sur cette scène, voir I. Foletti, Santa Sabina…, p. 188-190.
74 R. Pillinger, Tituli Historiarum…, p. 30-31 évoque la
d’anthologie, du moins et plus exactement, de représentation de l’enterrement de Jacob dans la Genèse
morceaux choisis, mais ce serait peut-être ne pas de Vienne (Vienne, Cod. Theol. Gr. 31, fol. 24).
75 Ibid., p. 66.
42 je a n -m iche l s pi e s e r
Fig. 4. Rome, Saint-Paul-hors-les-Murs, séquence de six plaies d’Égypte (ms. BAV, Barb. Lat. 4406, fol. 55-60 ; photo © BAV).
ment le plus proche semble se trouver dans ces scènes expliquent ce choix ? On s’éloignerait
une miniature du Cosmas Indicopleustès de la dès lors d’un projet narratif. La longue durée
Bibliothèque Vaticane au ixe siècle, mais il est couverte par ces quatrains les sépare du cycle
loin d’être assuré que les images de ce manuscrit vétérotestamentaire de Saint-Paul qui s’arrête
reprennent des miniatures du vie siècle76. avec Moïse.
La rareté de ces parallèles ne fait pas problème. Les scènes du cycle néotestamentaire suivent
Les cycles de Saint-Pierre et de Saint-Paul et les un ordre chronologique un peu approximatif,
quelques miniatures des fragments de l’Itala de mais qui peut s’expliquer par la difficulté de
Quedlinburg suffisent pour montrer l’existence, combiner les événements qui apparaissent dans
à la fin du ive siècle, d’un riche répertoire icono- les différents Évangiles. Le déplacement le plus
graphique dont seule une faible partie nous est important est de celui de la scène correspondant
parvenue. Une bible syriaque illustrée du vie ou aux passages évangéliques de la parabole de la
du viie siècle est un autre indice pour un large pierre d’angle (Mt 21, 42, Mc 12, 19, Lc 20, 17),
corpus d’images auquel avaient certainement part une scène rarement représentée78. Elle s’intercale
des bibles illustrées plus anciennes77. L’utilisation entre le Baptême et les Noces de Cana. Faut-il
de l’ensevelissement de Sarah au détriment du voir dans la présence de cette parabole au début
Sacrifice d’Abraham pour une des deux scènes de la vie publique du Christ une manière de
consacrées à Abraham est plus étonnante. Dans mettre en valeur sa signification, d’annoncer
la perspective d’un cycle narratif, les trois paires la façon dont le Christ sera d’abord rejeté ?
d’images consacrées respectivement à Josué, Cette série comprend aussi la Flagellation qui
Salomon et David peuvent être considérées n’est pas autrement attestée dans la période
comme une accélération du récit, mais le choix des
quatre dernières scènes, qui concluent le cycle de
l’Ancien Testament, est plus problématique. Faut-il 78 R. Pillinger, Tituli Historiarum…, p. 84, renvoie au
penser que la signification et l’interprétation de coffret de Brescia en mettant en rapport une tour
figurée sur la face arrière du coffret avec la scène
adjacente représentant le Christ entre deux apôtres,
sans doute Pierre et André. Ce rapprochement n’est
76 C’était l’opinion de R. Pillinger, ibid., p. 68. Pour pas nécessairement convaincant. Catherine Tkacz,
les illustrations de la Topographie chrétienne, voir The Key to the Brescia Casket : Typology and the Early
maintenant Maja Kominko, « The Christian Topography Christian Imagination, Turnhout, Brepols, 2001, p. 41
of Kosmas Indikopleustès », A companion to Byzantine considère que c’est la Transfiguration qui est représentée
illustrated manuscripts, V. Tsamakda (éd.), Leiden, (le Christ entre Moïse et Élie) et ne mentionne pas
Boston, Brill Academic Publications, 2017, p. 395-406. de relation entre la scène et la tour adjacente. Pour les
77 Elisabeth Yota, « The complete Bible », Byzantine interprétations plus anciennes de la scène, ibid., p. 221 ;
illustrated manuscripts…, p. 185-193, voir p. 186-188. pour la tour, ibid., p. 241.
le s cycle s paléo chré t i e ns d i t s narratifs 43
paléochrétienne. Les dix-neuf premières scènes de vue visuel, les scènes s’enchaînent de manière
apparaissent comme une rapide narration de à donner l’illusion d’une narration continue, ce
la vie du Christ, mais les cinq dernières – le qui induit Liselotte Kötsche à supposer que ces
Martyre de saint Étienne, la Guérison d’un inversions sont dues à l’artiste qui aurait donné
paralytique par Pierre, la Vision de Pierre, la la priorité à l’effet visuel plutôt qu’à la suite
Conversion de Paul, les vingt-quatre vieillards chronologique. Il n’y a guère d’autre explication
de l’Apocalypse – ne forment plus une véritable évidente, mais celle-ci reste à considérer avec
narration, mais résument à travers quelques un certain scepticisme81. Si elle est juste, une
moments forts les premiers temps de l’Église apparence de narrativité a été préférée à une
et annoncent la Seconde Venue. vraie narration, ce qui pose le problème de la
Encore différent est le cycle vétérotestamen lecture et de la compréhension de tels ensembles.
taire de la tenture de Riggisberg. Elle est complète, Les cycles vétérotestamentaires de Sainte-
mais nous ne savons pas si, à l’emplacement où Marie-Majeure soulèvent d’autres questions. Ils
elle était exposée, elle était isolée, si une autre répondent à l’idée habituelle de cycles narratifs
tenture prolongeait la séquence ou lui opposait par une succession chronologique relativement
un ensemble christologique79. Elle comprend dense, au moins pour certains épisodes des
dix-sept scènes, de la Création d’Adam et d’Ève vies d’Abraham, d’Isaac et de Jacob sur la paroi
aux Israélites dans le désert, plus précisément au méridionale de la nef82, et de celles de Moïse
Miracle des cailles. Par la durée qu’elle couvre, elle et de Josué au nord, malgré le biais introduit
est proche des cycles des deux églises romaines par l’inversion entre la Séparation de Lot et
mais survole ce temps plus rapidement. La d’Abraham, qui est l’épisode le plus ancien, et
succession des scènes est souvent inattendue la Rencontre de Melchisédek et d’Abraham
en raison d’inversions chronologiques, comme et l’Hospitalité d’Abraham. Elle est liée à la
dans les tituli de Prudence80. Ainsi la Fuite de signification eucharistique et typologique de
Lot (Gn 19, 15-26) apparaît avant l’arche de Noé ces deux scènes qui commandait un emplace-
(Gn 7-8), Jacob apportant son repas à Isaac après ment près du sanctuaire83. À la différence des
deux scènes de la vie de Joseph (scènes qui sont autres cycles vétérotestamentaires, celui de
elles-mêmes inversées), le Miracle de la manne
avant la Traversée de la mer Rouge. D’un point
81 Voir aussi S. Schrenk, Textilien…, p. 70 pour d’autres
exemples où l’ordre chronologique n’est pas respecté.
82 Les trois mosaïques disparues à l’est de la paroi méridionale
79 Voir la description de la tenture, L. Kötzsche, Der de la nef montraient peut-être des scènes de la vie de
bemalte Behang…, p. 102-103. Joseph, ce qui aurait assuré la transition avec la vie de Moïse.
80 Ibid., p. 201-207. 83 B. Brenk, S. Maria Maggiore…, p. 56.
44 je a n -m iche l s pi e s e r
Fig. 5. Itala de Quedlinburg. Berlin, Staatsbibliothek, ms theol. lat. fol. 485, fol. 4r. Construction du temple de
Salomon (d’après I. Levin, The Quedlinburg Itala p. 36, image 14, p. 36 et 37-38).
Sainte-Marie-Majeure ne commence pas avec Il reste à dire quelques mots sur les deux cycles
la Création. Son concepteur a voulu élaborer christologiques de Saint-Apollinaire-le-Neuf85,
un programme narratif cohérent en multipliant considérés comme des cycles narratifs. Sur le mur
des scènes correspondant à des épisodes par nord, treize scènes montrent des épisodes de la vie
eux-mêmes très narratifs dans le récit biblique. publique du Christ. Ne faut-il pas qualifier ce cycle
Ce parti pris a conduit à des scènes montrant des de pseudo-narratif ? Il montre un certain nombre
moments peu connus comme les négociations d’épisodes de la vie du Christ, comme attendu d’un
pour le mariage de Dinah, une fille de Jacob (Gn cycle narratif, mais ces épisodes ne se succèdent pas
34, 4 sqq.), mais sans aller jusqu’au massacre qui dans un ordre chronologique. La plus évidente de
s’ensuivit84. Ce choix reste inattendu et difficile ces distorsions provient des premières scènes où
à expliquer. les Noces de Cana et la Multiplication des pains et
84 Pour l’interprétation des mosaïques concernées, voir Chrysostome (Ad Stagirum libri, Homélies sur la Genèse
B. Brenk, S. Maria Maggiore…, p. 74-77. Ce chapitre 59, 65 et 67, In Isaiam), de saint Jérôme dans ses lettres
de la Genèse est peu commenté dans les Pères de 4, 22 et 107 et dans son Liber quaestionum hebraicarum
l’Église. Les dépouillements de Biblia Patristica (http:// in Genesim, d’Amphiloque d’Iconium (Discours sur la
www.biblindex.info/citation_biblique/, consulté le femme pécheresse), d’Ambroise (De officiis ministrorum et
11/10/2017) montrent qu’il a attiré l’attention d’Eusèbe De Jacob et vita beata).
de Césarée dans la Préparation Évangélique, de Jean 85 Cf. ci-dessus n. 27.
le s cycle s paléo chré t i e ns d i t s narratifs 45
des poissons ouvrent le cycle à l’est, précédant la de Tokalı en Cappadoce (premier quart du xe
Vocation de Pierre et d’André. Cette disposition est siècle), allant de l’Annonciation à l’A scension en
liée au souhait de montrer le lien avec la liturgie, ces trente-quatre images, dans une lecture continue
deux scènes évoquant au vie siècle l’eucharistie. La qui fait trois fois le tour de l’église. On comparera,
signification de l’ordre suivi pour les scènes suivantes dans le même esprit, les quarante-deux scènes du
n’apparaît guère86. On remarque le groupement cycle vétérotestamentaire de Saint-Paul à celui
sans doute voulu, à l’intérieur du cycle, de trois de Monreale qui comprend aussi quarante-deux
images ne montrant pas à proprement parler des scènes87, mais cette ressemblance reste superfi-
actions du Christ, mais illustrant des paraboles et cielle. Le fonctionnement du cycle de Saint-Paul
donc ses paroles, à l’image d’un récit rapportant a été analysé ci-dessus : il va de la Création à
les paroles de son héros. l’histoire de Moïse tandis que celui de Monreale
Le cycle de la Passion peut au contraire être commence avec un ensemble beaucoup plus
considéré comme un véritable cycle narratif, détaillé de la Création et s’arrête avec la Lutte de
malgré la présence en tête du Dernier Repas, Jacob avec l’ange88. Le même nombre d’images
inversion homologue de celle du début du cycle couvre un temps plus court. L’effet narratif est
de la vie publique. Même la présence, inattendue, encore accentué davantage qu’à Saint-Paul, car à
de l’Annonce du reniement de Pierre se justifie la fin du premier registre, il ne faut pas revenir en
dans ce contexte. Cette scène est un retour en arrière, près du sanctuaire, pour lire la suite de la
arrière qui explicite la signification de la scène narration. Comme c’était devenu habituel dans le
suivante, le Reniement. Ces treize scènes racontent Moyen Âge byzantin, la lecture se fait de manière
un épisode de la vie d’un personnage. continue depuis l’extrémité orientale de la paroi
Cette analyse tend à montrer que sous l’expres- sud, se prolonge sur le mur occidental, puis sur la
sion cycles narratifs, on rassemble des ensembles paroi nord à partir de l’ouest, pour recommencer
très divers du point de vue de la narration. Ils au registre inférieur à l’est de la paroi sud.
vont d’un groupement d’images dont chacune Il reste quelques réflexions à faire sur le concept
raconte une histoire, mais dont la succession ne de cycle narratif dans le cas de la peinture mon-
forme pas un ensemble cohérent, à des ensembles umentale et des supports qu’on peut y assimiler.
dont la cohérence narrative est évidente. Entre Dans une narration classique, le récit, écrit ou oral,
ces deux extrêmes, certains cycles résument fonctionne suivant une certaine continuité, mais
plutôt qu’ils ne racontent, d’autres survolent de qui peut être construite de diverses manières89. La
longues périodes à travers des épisodes marquants bande dessinée se déroule en général de manière
avec, parfois, des choix dont on comprend mal la
raison. À une époque plus tardive, un cycle narratif
beaucoup plus développé et très cohérent de la 87 Pour une vue d’ensemble du cycle vétérotestamentaire de
vie du Christ se déploie dans l’église ancienne Monreale, Ernst Kitzinger, I mosaici del periodo normanno in
Sicilia / 5. Il duomo di Monreale : I mosaici delle navate, Palerme,
Istituo Siciliano di Studi Bizantini e Neoellenici, 1996.
88 Plus précisément, dans le cycle de Saint-Paul, le songe
86 Après les deux scènes mentionnées, la Vocation de Pierre de Jacob est la vint-et-unième scène, suivie du songe
et d’André, la Guérison de deux aveugles, la guérison de de Joseph, tandis que la même scène est la quarante-et-
l’hémorroïsse, Rencontre du Christ et de la Samaritaine unième du cycle de Monreale où elle est suivie de la lutte
au puits, Résurrection de Lazare, Parabole du pharisien de Jacob avec l’ange.
et du publicain, Obole de la veuve, Séparation des brebis 89 Voir Gérard Genette, « Discours du récit », dans
et des béliers, Guérison du paralytique à Capharnaüm, Figures III, Paris, Éditions du Seuil, 1972, p. 67-267. Je
Guérison du possédé de Gerasa, Guérison du remercie Michel Viegnes à qui je dois des indications, en
paralytique à Béthesda. particulier ce livre, sur les problèmes de la narration.
46 je a n -m iche l s pi e s e r
à peu près équivalente ; en principe, chaque ou l’autre scène, à plus forte raison l’historien
image procède de la précédente et conduit à la de l’art, pourra être surpris par la présence ou
suivante, encore que, pour bien fonctionner, l’absence de certaines scènes ou par leur ordre, et
du texte est le plus souvent nécessaire. Dans les pourra trouver des cycles mieux construits que
cycles narratifs qui font l’objet de cet article, d’autres. Il restera qu’il les considèrera comme
nous en sommes loin dans la plupart des cas : les des cycles narratifs pour peu qu’il puisse saisir
événements qui conduisent d’une scène à l’autre une succession chronologique.
sont le plus souvent absents90. Néanmoins, ces C’est pour des considérations analogues
cycles sont narratifs, mais ils ne le sont que grâce que la difficulté de lecture des images liée à leur
à un support textuel présent dans la mémoire de emplacement n’est pas un problème essentiel. Si
ceux qui les regardent. C’est ce texte qui permet on reprend l’exemple de Sainte-Marie-Majeure,
de passer de manière cohérente d’une image de beaucoup d’images prises une à une peuvent
l’Annonciation à une image de la Visitation, puis être déchiffrées aisément. Cela ne devient ardu,
à une image de l’Épreuve de l’eau amère, pour en-dehors même de l’identification d’une partie
prendre l’exemple de l’ancienne église de Tokalı. des images, que pour celui qui tente de les regarder
À partir de là, on comprend que les con- toutes, image après image. Il suffit au fidèle d’en
cepteurs de ces narrations en images ont usé repérer quelques-unes au sens évident pour être
de toutes les configurations possibles du récit, capable de restituer le fil du récit92. À la fois par ce
changements de rythme, anticipation, originalité qu’il avait entendu, plus rarement lu, mais aussi par
dans le choix des images puisque le spectateur une sorte d’intuition provenant de la succession
peut suppléer aux images manquantes si elles lui de ces scènes qui se déroulent parallèlement au
paraissent essentielles. Pour reprendre l’analo- déplacement du spectateur, celui qui marchait
gie suggérée ci-dessus avec les textes narratifs le long des colonnades comprenait qu’il suivait
analysés par Gérard Genette et en utilisant son un récit. Peu importait que le détail soit plus
vocabulaire, les images utilisées dans les cycles compliqué, que le fidèle, en se déplaçant de l’entrée
narratifs tirés de la Bible correspondent aux vers le sanctuaire, suive le récit à rebours93, ou
« scènes », appellation qu’il donne aux moments que le détail de la succession des scènes de la vie
forts d’un récit narratif ; mais les vides entre de saint Paul à Saint-Paul-hors-les-Murs, ne soit
ces scènes ne sont qu’en apparence ce qui est pas évident à saisir. La perception de l’ensemble
appelé « ellipses », car le lien entre les moments n’en est pas pour autant mise en cause. Ces
forts, appelés « sommaires », en détournant cycles narratifs méritent donc bien leur nom,
le sens du mot, est assuré par le récit présent, mais ils remplissent leur fonction d’une manière
au moins virtuellement, dans la mémoire du particulière, reposant sur des images discrètes,
spectateur91. Celui-ci, s’il ne se contente pas de reliées par un texte sous-jacent.
l’identification du cycle à travers celle de l’une
Les bibles produites et illustrées à partir et les rappels opérés d’un point à l’autre du
des années 840 dans le domaine carolingien manuscrit, suggèrent des pérégrinations visuelles
constituent le terrain d’une inépuisable enquête et mnémoniques voisines de celles des édifices
sur la mise en image du matériau textuel que sont ecclésiaux, monumentaux et tridimensionnels2.
les livres vétérotestamentaires. Ces manuscrits1 Ainsi la notion d’espace pictural se combine-t-elle
de conception érudite témoignent de l’approche à celle du temps dans la pratique même de l’objet ;
très intellectuelle que les carolingiens avaient un temps inhérent à l’accomplissement du (des)
de l’image, et peuvent être comparés, dans leur parcours visuel(s), de la lecture, de la méditation.
économie visuelle et textuelle, à de véritables À ce premier régime temporel se superpose celui
monuments dans le sens où la subtile interaction du contenu textuel de ces manuscrits – les livres
entre le texte et les scènes figurées, ainsi que le bibliques – formant une progression narrative
décor en général, font appel à des correspondances allant de la Genèse à l’avènement christologique,
très étudiées. Des folios présentés en diptyque dont le programme décoratif et figuré s’emploie
(de manière assez classique), les parallèles à souligner les scansions. De même qu’à la
voûte de Saint-Savin, dans les dernières années
du xie siècle, la monumentalisation du récit
vétérotestamentaire donne lieu à une recompo-
1 Les quatre manuscrits dont traite cet article sont : la Bible
de Moutier-Grandval (Londres, British Library, Add sition de l’histoire en quatre bandes continues
MS 10546 ; vers 840), la Bible de Bamberg (Bamberg, formant un grand arc narratif allant de la Création
Staatliche Bibliothek,Misc. Class. Bibl. 1 ; vers 845), la
Première Bible de Charles le Chauve (Paris, BnF, lat.
1 ; vers 845), et la Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs
(Rome, Saint-Paul-hors-les-Murs ; vers 875). Toutes ont 2 Visibilité et présence de l’image dans l’espace ecclésial.
été produites à Saint-Martin de Tours, sauf la dernière, Byzance et Moyen Âge occidental, S. Brodbeck et
qui appartient néanmoins au même groupe du fait de ses A.-O. Poilpré (dir.), Paris, Éditions de la Sorbonne,
parentés étroites avec les exemplaires tourangeaux. 2019 (coll. Byzantina Sorbonensia 30).
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 47-66
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118922
48 an n e -o r a n ge p o i l p r é
du monde à la réception de la Loi, les bibles à une ou des traditions de représentation, à des
complètes carolingiennes recomposent le récit sources supposées ou attestées. On s’intéressera
vétérotestamentaire grâce à un ordonnancement ensuite à la façon dont les images bibliques
du manuscrit articulé par les images. Elles ne vétérotestamentaires interagissent avec leur
modifient ni n’interrompent les textes sacrés, dont source textuelle pour finalement produire une
la version latine s’attache, particulièrement au ixe narration propre à ces manuscrits et conditionnée
siècle, à une correction de langue et de sens. Le par le contexte de leur création. Espace textuel
livre en tant qu’objet en est le précieux réceptacle et espace de figuration dialoguent alors au
et conservatoire. Les justifications, les buts et les sein d’une économie symbolique propre au
perspectives symboliques de ces programmes livre construite (en partie) par la coexistence
iconographiques ont été longuement étudiés3, de plusieurs narrations, reliées à des instances
et ce n’est pas le propos immédiat de cette étude différentes et impliquant chacune une temporalité
qui interrogera plutôt les moyens requis pour spécifique.
opérer cette recomposition, cette interprétation
d’une trame textuelle fixe – dans le sens où les
textes sacrés ne peuvent être amendés – dont la Interpréter les modèles, repenser la
diégèse4 fait l’objet d’une narration tierce par le valeur de l’image
discours figuré. Ce n’est d’ailleurs pas seulement
par des moyens recourant aux symboles, mais Les bibles produites à Tours et dotées d’une
également au langage des formes et du style à illustration très élaborée et novatrice par rapport
travers les filiations iconographiques, le rapport à ce que proposent les manuscrits antérieurs,
constituent le cas exemplaire d’une œuvre à la
fois inscrite dans le sillage de modèles repéra-
bles tout en proposant une synthèse nouvelle.
3 Herbert L. Kessler, The Illustrated Bibles from
Tours, Princeton, Princeton University Press, 1977 ; L’historiographie fondée sur le travail de Wilhelm
Herbert L. Kessler, Paul E. Dutton, The Poetry and Koehler, à partir des années 1930, concernant les
Paintings of the first Bible of Charles the Bald, Ann Arbor, décors des manuscrits carolingiens, s’attachait à
The University of Michigan Press, 1997 ; Id., « Jerome définir des écoles à partir de critères stylistiques,
and Vergil in Carolingian Frontispieces and the Uses
of Translation », Les manuscrits carolingiens. Actes du
pour en faire le point d’ancrage d’une classification
colloque de Paris. Bibliothèque nationale de France, le 7 mai générale des manuscrits du ixe siècle ; parmi les
2007, J.-P. Caillet, M.-P. Laffitte (éd.), Turnhout, premiers volumes parus, celui sur l’« École de
Brepols, 2009, p. 121-140 ; Dominique Alibert, Les Tours »5. Dans son travail de généalogie des
Carolingiens et leurs images. Iconographie et idéologie,
modèles artistiques utilisés par les peintres,
Thèse dactylographiée, dir. Olivier Guillot, Université
Paris IV, 1994 ; William Diebold, « The Ruler Portrait Koehler a postulé l’existence d’une pandecte,
of Charles the Bald in the S. Paolo Bible », Art produite en Italie au ve siècle, ayant servi de source
Bulletin, 76/1, 1994, p. 6-18 ; Anne-Orange Poilpré, principale aux artistes et concepteurs caroling-
Maiestas Domini. Une image de l’Église en Occident, iens. La Bible de Moûtier-Grandval (Londres,
Paris, Éditions du Cerf, 2005 ; Ead., « Les portraits de
Charles le Chauve dans les manuscrits religieux : une British Library, Add. Ms 10546) aurait été une
représentation politique et son lieu », L’image médiévale : réplique de ce modèle. S’est ensuite imposée
fonctions dans l’espace sacré et structuration de l’espace l’idée d’une Bible de Léon le Grand comme
cultuel, C. Voyer, E. Sparhubert (éd.), Turnhout,
Brepols, 2012, p. 325-339. A.-O. Poilpré, « La visibilité
de Dieu dans les Bibles carolingiennes », Les manuscrits
carolingiens…, p. 185-202. 5 Wilhelm Koehler, Die karolingische Miniaturen, die
4 Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972. Schule von Tours, vol. i, 1 et I, 2, Berlin, 1930-1933.
fi g u r e r l’an c i e n te stame nt dans la b i b le chré t i e nne à l’é po q u e caro li ngienne 49
source d’inspiration des programmes figurés alors au service des concepteurs et des peintres9.
carolingiens, récurrente dans l’historiographie, L’influence directe du Vergilius Vaticanus sur la
associée à la notion d’un certain anachronisme conception de la Bible de Moutier-Grandval, mais
entre le programme figuré de la Bible de Moûtier aussi sur la Première Bible de Charles le Chauve
et le contexte historique carolingien6. Koehler dans ces mêmes années 840, est bien établie, de
pensait que les frontispices de la Genèse, dans même que la présence dans les tituli eux-mêmes
la Première Bible de Charles le Chauve (Paris, de formules poétiques inspirées de Virgile. La
BnF, lat. 1) par exemple, étaient directement mise en regard du bateau dans lequel Jérôme
copiés sur un modèle apparenté à la Genèse de s’apprête à embraquer au fol. 3v de la Première
Vienne. L’apport des travaux d’Herbert Kessler Bible de Charles le Chauve (Paris, BnF, lat. 1)10
sur ces bibles enluminées de Tours7 a permis et ceux des nombreuses scènes maritimes du
d’aborder ces programmes figurés comme ces Vergilius Vaticanus (Vatican, Bibl. Apost. Vaticana,
productions conceptuelles authentiquement Vat. Lat. 3252) est parlante11, notamment avec
carolingiennes, pleinement inscrites dans leur celui du fol. 39v où, sa voile gonflée, un trirème
temps, remettant par là au premier plan le travail quitte le rivage et s’éloigne du palais de Carthage
intellectuel autour de l’image (comme production (remplacé par une ville ceinte d’une muraille dans
conceptuelle) propre au ixe siècle et à ce contexte la Première Bible)12. Le recours à des modèles
franc. Cependant, ce recentrement sur la qualité non seulement anciens par leur date même,
des programmes carolingiens ne disqualifie mais appartenant à la culture classique, n’est pas
pas la question des modèles tardo-antiques, neutre dans le contexte de l’illustration d’une
au contraire. La richesse de la bibliothèque du bible complète. Tout un pan de la culture épique
monastère, dont on sait qu’elle possédait, au romaine, porteuse d’une tradition iconographique
ixe siècle, le Pentateuque dit « de Tours » ou
« d’A shburnham » (Paris, BnF, NAL 2334)8, ainsi
que des retranscriptions illustrées de l’Énéide, 9 David H. Wright, « When the Vatican Vergil was in
en particulier le Vergilius Vaticanus (Vatican, Tours », Studien zur Mittlelalterlichen Kunst, 800-1250 :
Bibliothèque apostolique vaticane, Vat. Lat. 3252) Festschrift für Florentine Mütherich zum 70. Geburtstag,
s’affirme aujourd’hui comme une composante K. Bierbrauer, P. K. Klein, W. Sauerländer
(éd.), Munich, Prestel, 1985, p. 53-66 ; David Ganz,
importante dans l’étude des sources et des modèles « The Vatican Vergil and the Jerôme Page in the
First Bible of Charles the Bald », Under the Influence.
The Concept of Influence and the Study of Illuminated
6 H. L. Kessler, The Illustrated Bibles…, p. 9-10. Manuscripts, J. Lowden, Alixe Bovey (éd.), Turnhout,
7 Ibid., principalement, complété par des publications Brepols, 2007, p. 45-50 ; H. L. Kessler, P. E. Dutton,
postérieures parmi lesquelles : Id., « A Lay Abbot as The Poetry and Paintings… ; H.L. Kessler, « Jerome and
Patron : Count Vivian and the First Bible of Charles Vergil in Carolingian Fronstipieces… », p. 121-140.
the Bald », Committenti e produzione artistico-letteraria, 10 Intégralement numérisé et accessible en ligne : https ://
Settimane di Studio del Centro italiano di Studi sull’alto gallica.bnf.fr/ark :/12148/btv1b8455903b.
medioevo, vol. 39, Spolète, Centro italiano di studi 11 Aux folios 16, 24, 33, 39v, 42, 43v, 44v, 58, 71. Manuscrit
sull’alto medioevo, 1992, p. 647-679 ; H. L. Kessler, intégralement numérisé accessible en ligne : https ://
P. E. Dutton The Poetry and Paintings… ; Id., « Facies digi.vatlib.it/view/MSS_Vat.lat.3225.
bibliothecae revelata : carolingian art as spiritual 12 Les deux folios en questions sont reproduits dans l’article
seeing », Testo e immagine nell’alto medioevo, Settimane de H. L. Kessler, « Jerome and Vergil… », p. 137 et
di Studio del Centro italiano di Studi sull’alto medioevo, 139. Voir aussi l’étude de Jean-Pierre Caillet, « La
vol. 41, t. 2, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto mise à profit de manuscrits antérieurs comme modèles
medioevo, 1994, p. 533-594. par les miniaturistes du viiie au xiie siècle », Cahiers de
8 Intégralement numérisé et accessible en ligne : https :// Saint-Michel-de-Cuxa 43 (2012), p. 49-60, en particulier
gallica.bnf.fr/ark :/12148/btv1b53019392c. p. 52-53.
50 an n e -o r a n ge p o i l p r é
Fig. 1. Pentateuque de Tours, Paris, BnF, NAL 2334, fol. 6, Adam et Ève (photo BnF).
52 an n e -o r a n ge p o i l p r é
Fig. 2. Bible de Moutier-Grandval, Londres, British Library, Add MS 10546, fol. 5v, Adam et Ève (photo British Library).
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Fig. 3. Première Bible de Charles le Chauve, Paris, BnF, lat. 1, fol. 10v, Adam et Ève (photo BnF).
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Fig. 4. Première Bible de Charles le Chauve, Paris, BnF, lat. 1, fol. 27v, Moïse reçoit la Loi et enseigne (photo BnF).
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Fig. 5. Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs, Saint-Paul-hors-les-Murs, fol. 31v, Moïse reçoit la Loi et enseigne (photo
basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs).
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Fig. 6. Pentateuque de Tours, Paris, BnF, NAL 2334, fol. 76, Moïse enseignant, et la Tente (photo BnF).
(Ex 24 1). Dieu est figuré sous la forme d’une nuée quatre mêmes personnages principaux, auxquels
dans laquelle apparaît une tête nimbée dessinée se joint Josué, se tiennent devant les portes du
au trait. Au pied de la montagne, Moïse enseigne Saint des saints : Moïse et Aaron en soulèvent
les paroles de Dieu à son peuple. En dessous, dans chacun un rideau. On y reconnaît la tente du
un registre nettement distinct du précédent, les sanctuaire mobile du désert, formée de montants
58 an n e -o r a n ge p o i l p r é
entre lesquels se tendent des étoffes. Au centre, l’Arche dans le Tabernacle au sein d’une même
dans le Tabernacle, l’Arche est figurée sous la enluminure, dont les motifs et les personnages sont
forme d’un autel couvert d’une étoffe blanche. accompagnés de courtes inscriptions nommant
La dimension très illustrative de l’image, et situant les objets, articule la conception de la
soucieuse, grâce aux inscriptions, de ne pas laisser pastorale et de la liturgie autour des préfigurations
d’ambiguïté sur la nature des événements et des sacramentelles de l’Exode. L’autel du registre
personnages littéralement institués dans leur supérieur, nommé comme étant le lieu des
nature par les formules (hic ubi offeret holocausta, holocaustes, présente en son centre un vase
pour l’autel du deuxième registre), revendique en forme de calice, deux pots, et des objets
une forme d’adéquation avec le texte voisin, circulaires blancs, marqués en leur centre d’un
de littéralité. Mais ce caractère n’est en rien la point, évoquant le pain eucharistique. Il ne s’agit
marque d’une pauvreté sémantique et relève d’un donc pas de figurer littéralement ce que décrit
choix conscient. Il doit être compris comme lié le texte, les jeunes taureaux prévus en sacrifice
à la volonté d’affirmer la dimension historique sur l’autel bâti au pied de la montagne où Moïse
du récit fait par le texte, et dont l’image livre reçoit les ordonnances de Dieu, mais ce que cela
une certaine narration marqué par une multi- préfigure. L’image porte ainsi un commentaire
tude de détails concrets allant dans le sens de précis sur le texte avec lequel elle interagit à
cette historicité. Le texte vétérotestamentaire l’instar, comme le ferait une glose marginale.
devient ainsi un matériau historique, au sens
des histoires épiques et d’histoires sacrées,
dont l’illustration est clairement pensée dans Une narration propre à l’image :
le sillage de ce que l’on connaît de l’illustration reformulations
des textes classiques antiques. Ce caractère à la
fois « scripturaire » et « figuré » de l’espace des Les frontispices carolingiens reprennent l’idée
folios en est emblématique. Mais la proximité d’inscrire certains aspects de l’action de Moïse
des images avec le texte qu’elles illustrent, dont dans un espace défini par des motifs architecturaux
résultent des va-et-vient visuels, n’empêche pas précis. Dans le fol. 76 du Pentateuque, l’accent
une dimension interprétative de s’exprimer et est mis sur le contraste entre l’environnement
n’amoindrit pas sa logique interne qui convoque naturel (non architecturé) de la montagne et de
des détails parfois absents du texte : les géants de l’échange avec Dieu, dans la partie supérieure de
la page illustrant l’après-déluge (fol. 9), ou bien la l’image, et celui aménagé et structuré par l’action
tente du désert figurée sous l’aspect du Temple de humaine guidée par les prescriptions divines,
Salomon (fol. 127). L’étude de Dorothy Verkerk au registre inférieur. Ce contraste est restitué et
a montré la variété des sources exégétiques et accentué par les frontispices carolingiens dont la
liturgiques sollicitées par les concepteurs et partition horizontale concentre le propos sur les
peintres de ces images21. deux dimensions essentielles des médiations de
Dans le fol. 76, si l’on s’en tient à l’observation Moïse, vers Dieu d’une part et vers le peuple de
des éléments présentés dans l’image, ressort l’autre. En revanche, l’image du temple abritant
l’intention de souligner une lecture typologique l’arche ou l’autel n’est pas retenue, au profit de
du sanctuaire instauré par Moïse. L’insistance de la dimension humaine, incarnée de la parole
l’iconographie sur l’autel des holocaustes et sur et de l’enseignement centré sur Moïse. L’Arche
d’alliance n’est pas d’ailleurs pas représentée dans
les frontispices de ces bibles carolingiennes, à
21 D. Verkerk, Early Medieval Bible Illumination… l’exception du second frontispice du Lévitique
fi g u r e r l’an c i e n te stame nt dans la b i b le chré t i e nne à l’é po q u e caro li ngienne 59
de la Bible de Saint-Paul-hors-les-murs (fol. 32v), commentant ce qui est figuré. Leur sens et leur
où elle est le motif central au sein d’un dispositif positionnement dans le manuscrit est prévu en
de tentures évoquant l’installation de la tente symbiose avec les images grâce à une transcription
du désert et sa consécration22. La méthode en lettres d’or sur fond pourpre dans les bandeaux
carolingienne consistant à concentrer un contenu séparateurs entre les registres, principaux outils
diégétique, soigneusement sélectionné, prévu visuels ordonnateurs de la narration en image. Leur
pour la figuration sur un unique folio pleine contenu est souvent considéré comme prescripteur
page utilisé comme frontispice, donc placé avant des choix iconographiques23, on y revient plus
le texte qu’il concerne, signe une démarche loin. Dans la Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs,
tout à fait différente que celle à l’œuvre dans le la dialectique spatiale entre poème et figuration
Pentateuque de Tours, de manière à ce qu’une se déploie au maximum des potentialités de ce
seule image entre en résonnance avec l’ensemble dialogue entre texte et image. Il ne s’agit plus
du livre biblique. d’un simple frontispice en vis-à-vis des préfaces
Dans la Première Bible de Charles et celle de ou de l’incipit, mais d’une véritable séquence
Moutier-Grandval, les folios dédiés à la Genèse visuelle élaborée sur trois folios successifs. De
et à Moïse fonctionnent en vis-à-vis de la page façon typique des dispositifs adoptés dans ce
d’incipit et n’entretiennent plus de lien organique manuscrit, elle s’ouvre sur un recto accueillant le
avec le contenu du texte immédiatement voisin. poème en capitales rustiques d’or sur bandeaux
Dans la bible de Moutier, le folio illustrant la pourpres, appliqués sur la teinte naturelle du
création d’Adam et Ève est associé au Desiderii mei parchemin, tandis qu’un cadre rehaussé d’or, de
de Jérôme, autrement dit la préface à l’ensemble poncifs végétaux ou de rubans en trompe-l’œil,
du Pentateuque, et au début du texte génésiaque. structure cet espace de manière équivalente à
On a donc ici délibérément abandonné la logique ceux dévolus aux peintures. Au verso, la scène
illustrative qui prévalait dans le Pentateuque choisie pour le frontispice s’insère également dans
d’Ashburnham pour revoir en profondeur le un cadre de mêmes dimensions et épaisseur que
rapport entre l’image et le texte qui ne partagent pour le folio précédent. En vis-à-vis de la scène,
plus le même espace mais font l’objet d’un autre au recto du folio suivant, l’incipit du livre biblique
rapport dialectique. Cela touche également la est présenté en très grandes capitales romaines
logique formelle et spatiale du texte qui s’affirme rouge et or, une ligne sur deux, sans cadre ni fond
désormais par une continuité absolue, ne subissant coloré, donnant à ce folio l’aspect d’une élégante
aucune pause ni interruption visuelle par l’image. inscription romaine gravée dans la pierre dont
Insistons aussi sur le fait que la « méthode » la finesse du grain est évoquée par le parchemin
carolingienne ne se limite pas à cette séparation, ce lui-même. Enfin, au verso de ce folio, une page
« divorce », du texte et de l’image, mais entraîne entièrement pourprée abrite une large initiale
la rédaction de textes nouveaux, paraphrasant et ornée et souvent garnie d’entrelacs complexes,
insérée dans un foisonnant environnement de
motifs végétaux, l’ensemble étant inscrit dans un du folio de Moïse dans la Première Bible de
épais cadre végétalisé ; tous les motifs sont dorés. Charles le Chauve dépeint « Moïse recevant la
Indéniablement pensés comme une suite cohérente Loi de la main droite étincelante du Roi céleste »,
et signifiante, ces folios instaurent un dialogue mais en dessous, « maintenant rempli du nectar
subtil non seulement entre le contenu même du saint, il enseigne au peuple du Christ25 ». Dans
poème associé à la scène du frontispice, mais aussi la Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs, l’optique
entre les types de graphies et d’univers visuels, du commentaire change quelque peu puisque le
différent à chaque folio. La scène biblique n’est peuple auquel il enseigne n’est pas explicitement
donc pas le seul véhicule de la narration puisqu’elle celui du Christ, mais un peuple en faute et menacé
est précédée et suivie d’éléments textuels dont par l’idolâtrie : « Appelé du milieu de la nuée et des
la mise en œuvre visuelle insiste beaucoup sur flammes, Moïse s’éleva sur la montagne pendant
les dimensions physique et matérielle des lettres que son serviteur l’attendait au loin, et reçoit les
elles-mêmes. Comme le poème dédicatoire de commandements de Dieu inscrits sur les tables,
l’évangéliaire de Godescalc le proclamait dans expert pour porter au peuple ignorant la lumière
ses premiers vers, les aurea purpureis pinguntur de la Loi, pour qu’il voie où reconnaître le vrai
grammata scedis (…), et plus loin : Sic doctrina et croire en Dieu, abandonnant les idoles26. »
dei pretiosis scripta metallis24, toute une dimension Les raisons à l’origine de cette redéfinition des
de la portée spirituelle des textes sacrés s’incarne rapports entre l’illustration et le texte bibliques
dans les lettres tracées sur le parchemin, véhicules dans les livres carolingiens sont multiples. Parmi
suprêmes de l’histoire sacrée. Les trois folios elles, il faut insister sur l’importance du change-
textuels de la séquence-type décrite pour la ment du statut du texte biblique au tournant
Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs déclinent des années 800, en particulier dans le contexte
trois visions du verbe et de la matière textuelle : tourangeau et martinien vers lequel ces œuvres
capitales rustiques, capitales romaines empruntées nous ramènent sans cesse. Le travail de révision
à l’épigraphie classique, et les luxuriantes lettrines du texte biblique latin ordonné par Charlemagne
exaltant les premières lettres du texte biblique au début du ixe siècle, et accompli, entre autres,
grâce à la virtuosité des entrelacs et des rinceaux, par Alcuin, est fondé sur la recherche d’un texte
et au faste de l’or et de la pourpre. L’histoire purgé de ses erreurs, socle des réformes de
biblique vétérotestamentaire ne se montre donc Charlemagne visant à la diffusion de la culture
pas seulement à travers des scènes figurées mais biblique dans l’ensemble de la société souhaitée
s’énonce aussi par le discours des matières et des comme unifiée dans le christianisme au sein
formes dont le message est intrinsèquement lié au de l’Église et de l’Empire. Comme le souligne
contenu proprement narratif du panneau historié. Caroline Chevalier27, la première préoccupation
L’interaction symbolique entre le poème
et l’image est bien sûr essentielle. Notons par
exemple qu’un frontispice très stable entre les 25 Paris, BnF, Lat 1, fol. 27v : Suscipit legem Moyses corusca /
différentes bibles, celui montrant Moïse recevant Regis e dextra superi, sed infra / Iam docet Christi populum
repletus / Nectare sancto.
la Loi et l’enseignant, n’est pas commenté de la 26 Rome, Saint-Paul-hors-les-Murs, fol. 31 : E nubis medio
même façon d’un manuscrit à l’autre. Le titulus Moyses flammaque vocatus / conscendit montem longe
sistente ministro, / ac precepta Dei tabulis bis quina
notata / suscepit legis lumen preferre peritus / experti
24 MGH, Poetae Latini Aevi Karolini, E. Dümmler (éd.), populo, videat quo noscere verum / et linense credat
Berlin, Apud Weidmannos, 1880, vol. 1, p. 94-95 ; Marie- Domino simulacra nefanda.
Pierre Laffite, « L’évangélaire de Godescalc : texte, 27 Caroline Chevalier, « Les révisions bibliques
histoire, reliure », Art de l’enluminure, 20 (2007), p. 4-17. carolingiennes », Temas Medievales, 14 (2006), p. 7-29.
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manifestée par Charlemagne quant à ces révisions égard, beaucoup de sens. Les images qui lui sont
de la Bible latine est avant tout pratique. Il adjointes dans les versions les plus luxueuses à
s’agit d’ordonner l’Église, d’en chasser l’erreur et partir des années 840, s’y inscrivent également, en
l’ignorance, dans un but d’efficacité liturgique et tant que programme iconographique, mais aussi
pastorale dans le service de Dieu. À Saint-Martin dans une nouvelle interaction texte-image affirmant
de Tours même, ce travail se traduit concrètement avec force le caractère sacré, révélé de la matière
par la production de bibles en un volume, en des biblique. Le fait que l’image se départisse de la
quantités jusque là inédites, affirmant également logique illustrative qui était la sienne auparavant
par le format choisi l’unicité et la cohérence permet de promouvoir le texte comme un contenu
du message divin en tout point des textes. Dès d’ascendance divine à la sacralité décuplée, recueil
l’époque d’Alcuin, on sait que furent supervisées des commandements, lieu de la rencontre avec
au moins six pandectes. Le manuscrit conservé Dieu, qui ne passe que par l’esprit, la lecture et la
le plus ancien date de 801-804 (Saint-Gall, méditation. Les médiations visuelles, regroupées
Stiftsbibliothek, Cod. 75), et ne comporte pas dans les espaces intermédiaires entre les différents
d’illustrations. Cette politique « éditoriale » se livres bibliques, en produisent un commentaire très
poursuit ensuite dans les décennies suivantes du synthétique, portant sur la substance du message
ixesiècle. Les bibles carolingiennes illustrées, contenu dans l’ensemble du livre concerné et non
objets de cette étude, sont l’émanation directe de plus dans une mise en regard, si sophistiquée
cette mutation, en tant que bibles en un volume soit-elle, entre un passage spécifique du récit
et quant à la nature de la traduction latine qu’elles textuel et sa narration par l’image.
contiennent puisque cette évolution aura pour À cet égard, le cas des frontispices de la
conséquence la préférence progressive donnée Genèse est particulièrement intéressant (fig. 2-3 et
à la version hiéronymienne, revue par Alcuin. pl. 3-4). En effet, au premier regard, tout concourt
La rupture par rapport à une source telle que à aborder ce petit cycle comme un héritage
le Pentateuque d’A shburnham se joue donc sur direct des cycles génésiaques tardo-antiques. La
plusieurs plans : il ne s’agit plus d’un pentateuque disposition dans un système de registres délimités
autonome, mais d’un objet contenant l’ensemble par des bandeaux et un cadre extérieur évoque
des textes sacrés, en un seul et même lieu, en tout aussi bien le Quedlinburg Itala (Berlin,
une seule et même continuité, articulée par Staatsbibliothek Preussischer Kulturbesitz, Cod.
des outils visuels repensés. La version du texte theol. lat. fol. 485), que l’Iliade du Vatican (Vatican,
a également changé puisque le Pentateuque Bibliothèque apostolique vaticane, Vat. Lat.
contient une version latine appartenant à la 3225) ou le Pentateuque de Tours. Les épisodes
famille textuelle de la Vulgate, mais dans une regroupés au sein de ces folios se suivent dans
version pré-alcuinienne. l’ordre qui est celui du texte et progressent selon
La conception de l’illustration et le rôle de une même logique spatiale : de gauche à droite
l’image au sein de ces livres évolue au rythme de la et de haut en bas. L’espace horizontal au sein de
courbe décrite par le changement de statut du texte chaque bandeau y est continu et homogène, sans
biblique dans ce contexte carolingien. L’ensemble compartimentage vertical, aspects renforcés par
du corpus textuel biblique, unifié et corrigé, a la présence de vers paraphrasant le texte biblique
désormais pour vocation d’être le fondement dans les bandeaux pourprés. La contiguïté des
sacré de l’Empire, de l’Église, autrement dit de épisodes et la continuité spatiale qui caractérisent
la société tout entière. Le livre en tant qu’objet le rapport entre les scènes évoque aussi fortement
participe à l’affirmation de cette politique – les les enchaînements cognitifs provoqués par la
grandes dimensions de ces codices ont, à cet lecture d’un texte.
62 an n e -o r a n ge p o i l p r é
La séquence choisie est toujours la même entouré de ses musiciens (fol. 215v), ouvrant le
pour chacun des frontispices, à raison de deux ou Psautier, ou que la Maiestas Domini (fol. 329v) qui
trois épisodes par registre : la création d’Adam, précède l’évangile de Matthieu, qui s’affranchissent
celle d’Ève, la présentation de l’un à l’autre, de tout lien avec un épisode biblique précis. La
l’avertissement divin (sauf dans la Première disposition en registres du folio de la Genèse
Bible), la Tentation et le Péché, les reproches doit donc faire sens en tant que telle, comme
de Dieu, puis, regroupés au dernier registre, un choix visant à mieux exprimer ce que sont le
l’expulsion du Paradis et travail. Dans la Bible de sens et la portée véritables de ce livre biblique
Bamberg, s’ajoutent à cette trame l’épisode d’Adam dans une bible chrétienne des années 840 en
nommant les animaux et le meurtre de Caïn. Les contexte franc.
caractérisations de l’image, et des personnages en Les différents moments sur lesquels insiste
général, sont répétitives d’un manuscrit à l’autre, le cycle font sens dans leur continuité. Le fait de
malgré quelques nuances. L’espace pictural est ne pas recourir à un système de compartiments
formé d’aplats horizontaux de couleur, évoquant juxtaposés permet de souligner cet aspect. La
une ligne de sol et un lointain. Le bleu profond création de l’homme et de la femme, le péché et
de la Bible de Moutier-Grandval fait penser à la le bannissement, constituent un enchaînement de
mer, dans les trois premiers registres. Le paysage phases d’un même moment, exemplaires du sens
est esquissé par des arbres dont les espèces de ce livre, unies par la cohérence d’un espace où le
sont distinguées avec soin, de manière à ce que temps n’existe pas, dans les trois premiers registres.
l’arbre de la connaissance du bien et du mal se Il s’agit d’un lieu idéal où l’humanité est en contact
distingue aisément des autres, sous l’aspect du direct avec son Créateur et qui lui délivre sans
figuier. La dernière scène, montrant les premiers intermédiaire ses prescriptions29. L’exclusion
temps de la vie terrestre, dispose une guirlande de l’Éden inaugure le temps et l’éloignement
feuillagée entre deux arbres au-dessus d’Adam de Dieu (dont la figuration anthropomorphe
ou d’Ève allaitant, calquée sur celle du fol. 6 du disparaît) qui oblige à la mise en place des
Pentateuque de Tours. Alliances, à l’émergence de figures médiatrices
Il est remarquable de constater, comme pour et prophétiques pour la réalisation de celles-ci.
le folio de Moïse recevant et enseignant la Loi, Ces nouvelles dimensions de la vie terrestre et
combien les similarités sont nombreuses entre mortelle structurent cette fois le propos du folio
ces quatre folios, ce qui est un fait exceptionnel de Moïse. Dans les deux cas où il est placé en
pour un cycle figuré de cette époque, même frontispice de l’Exode (Bible de Moutier-Grandval
entre des œuvres de même origine. On l’a dit, et Première Bible de Charles le Chauve), ce sont
c’est la marque du travail carolingien sur l’image les moments du don de la Loi, de l’injonction
que d’avoir composé cette séquence spécifique à faite par Dieu de l’enseigner au peuple, mais
partir de modèles antérieurs28 et de l’avoir isolée. aussi la mise en œuvre des prescriptions divines
Ce cycle, car c’en est bien un, doit être abordé dans la fabrication de l’Arche et l’aménagement
comme tel mais aussi comme une image unitaire du Tabernacle du désert, qui ressortent comme
dont la valeur dans le manuscrit est équivalente essentiels dans la valeur de ce livre biblique aux
aux autres frontispices. Dans la Première Bible yeux de l’interprétation chrétienne.
de Charles le Chauve, cette image est mise sur Dans la Première Bible de Charles le Chauve,
le même pied que la représentation de David le contenu du titulus du frontispice de la Genèse
ne fait d’ailleurs que résumer l’action dépeinte aux images dans la conception du programme
dans l’image sans spécifier les articulations que iconographique de ces bibles. C’est l’image qui
nous pointons dans l’analyse iconographique. appelle la présence du texte dans les bandeaux
On peut s’en étonner dans la mesure où il est séparateurs des registres, en co-présense – et non
d’usage de voir ces textes comme prescripteurs l’inverse – afin que l’action figurée devienne sans
de l’iconographie. Il faut peut-être revoir cette ambiguïté la narration d’une suite d’épisodes
affirmation pour tenter d’en inverser la logique de la Genèse32. Ces textes ne disent rien du
causale. En effet, le rôle du texte est ici de résumer programme iconographique d’ensemble ni de ce
un enchaînement de faits racontés dans la Genèse, qu’il faut comprendre de la relation avec le texte
quelques folios plus loin, mais pas de porter un biblique. La perception de ces aspects échoit à la
commentaire approfondi sur ces événements. seule observation des images, à la compréhension
Cette apparente redondance du texte et de d’un message porté exclusivement par le signe
l’image constitue toutefois une mise en exergue figuré et qui ne peut être reçu que si l’on parcourt
de la signification essentielle de ce livre biblique intégralement le manuscrit pour en saisir la
au regard de l’histoire du salut ; c’est une sorte composition générale, les correspondances et
d’épure diégétique par l’image (même si cette parallèles entre les frontispices notamment.
formulation est réductrice) visant à livrer le Le folio enluminé de la Genèse dans la Bible
sens profond du texte biblique. Dès lors que de Saint-Paul-hors-les-Murs comporte à ce titre
l’image est déconnectée de sa source sacrée, du une particularité étonnante. Dans la plupart
fait du système de frontispice, le titulus désigne des vingt-quatre frontispices de ce manuscrit
et proclame le contenu de l’image, menant une foisonnant, le choix a été fait de placer le poème
action conjointe avec elle quant à la valeur du écrit pour l’image au recto du folio comportant
signe visuel, que celui-ci soit graphique ou l’enluminure, au détriment d’une cohabitation
figuré30. Or, le rejet de la vénération des images, dans un même espace : on ne peut donc voir le
caractéristique des conceptions carolingiennes poème et la page peinte en même temps. Or,
exprimées à l’occasion de la rédaction de l’Opus dans le frontispice de la Genèse, la paraphrase
Caroli en réaction à l’iconodoulie byzantine, a biblique a été maintenue dans les frises pourprées
pour conséquence de ne pas fixer le figuré dans séparant les registres (ce n’est pas le cas sur le
un seul type de manifestation gouverné par un folio de Moïse). Le texte en est d’ailleurs plus
lien ontologique avec ce qu’il représente. L’image développé que dans les bibles antérieures33. Le
n’a pas de propriétés ou de capacités intrinsèques poème placé au recto de ce frontispice constitue
pour quoi que ce soit, mais entretient une relation donc un deuxième texte associé au folio peint,
de l’ordre de la référence avec ce qu’elle montre31. n’évoquant pas du tout le façonnage de l’homme
Ainsi de nombreuses nuances et variantes sont- ni le paradis mais les épisodes primordiaux de
elles possibles dans la représentation d’un même la création du ciel, de la terre, de la lumière,
personnage, y compris le Christ, ou d’une même des animaux. Aspect plus remarquable encore,
scène. Il n’y a donc pas lieu de postuler une les deux premiers des six vers que compte le
préexistence, une préséance des tituli par rapport texte affirment que Moïse « l’ami bien aimé du
Seigneur, imprégné du souffle divin, a vu les
débuts du monde et raconté comment la puissance
30 Vincent Debiais, La croisée des signes : L’écriture et les
images médiévales (800-1200), Paris, Éditions du Cerf,
p. 131. Voir aussi l’analyse de la tapisserie de Gérone dans
ce même ouvrage. 32 Ibid., p. 258.
31 Ibid., p. 127-130. 33 H. L. Kessler, The Illustrated Bibles…, p. 13-35.
64 an n e -o r a n ge p o i l p r é
éternelle a d’abord parfaitement fait le ciel et la la Loi puis l’enseigne au peuple du Christ35. Moïse
terre et la lumière et les luminaires (…)34. » est exalté comme prophète et pasteur, et opérateur
L’originalité est ici double : le poème évoque de l’Alliance nécessaire à ce que l’humanité puisse
des épisodes ne faisant pas l’objet d’une mise en vivre hors de l’Éden. Cependant, le don de la Loi
image dans ce livre, laquelle n’était de toute façon du registre supérieur n’a pas de lien de causalité
pas prévue. Ensuite, il interprète ces événements immédiate avec la scène du dessous, contrairement
en sous-entendant l’existence du récit biblique à ce que suggère le titulus. En effet, il s’agit en
lui-même, en tant que narration, et dont Moïse haut de la première montée au Sinaï qui se solde
est nommé à la fois comme l’auteur et le témoin par le bris des tables inscrites du doigt de Dieu
des faits. La relation entre le poème du recto et devant la déviance idolâtre à laquelle le peuple a
l’image du verso est entièrement repensée pour cédé, rendant l’enseignement impossible. L’image
affirmer la dimension prophétique de Moïse, le montre sans ambiguïté grâce à la présence de
dont la mention du nom intervient en prélude Josué qui attend Moïse au pied du Mont Sinaï. Ce
à la vision de la miniature figurant la séquence détail permet de distinguer ce passage d’Exode 33,
génésiaque, elle-même préparant la lecture du 18-34 dans lequel est relaté le moment où Moïse
texte proprement dit. retourne sur la montagne seul pour recevoir
Les folios représentant Moïse recourent dif- à nouveau les prescriptions divines, mais seul
féremment au principe narratif. Le personnage de cette fois, le texte le précise bien. C’est donc
Moïse focalise l’attention à travers deux épisodes seulement après la deuxième montée au Sinaï
placés l’un au-dessus de l’autre : le don de la Loi que le déploiement de la pastorale du registre
(Ex. 24) et son enseignement au peuple hébreu. inférieur est possible puisque la remise de tables
Cette fois, la question du choix des scènes est inscrites des commandements par Dieu lui-même
plus évidente. Le fol. 76 du Pentateuque de est un échec. Tout en célébrant la figure de Moïse
Tours (fig. 6 et pl. 7) présente une peinture en témoin et pasteur, l’image sous-entend aussi que
deux registres qui évoque certains éléments des la Loi qu’il enseigne résulte d’une interaction
peintures carolingiennes : Moïse sur la montagne, comportant des ratés, d’une Alliance imparfaite.
l’assemblée des hébreux écoutant l’enseignement Dans les trois bibles, la scène d’enseignement se
de Moïse. Mais les scènes choisies ne montrent pas tient dans un lieu qui n’est pas le sanctuaire du
le don de la Loi puisque Moïse se tient agenouillé désert, ni ses abords, mais un espace architecturé
devant la montagne, les mains ouvertes en signe qui renvoie davantage au Temple de l’époque
de prière (cf. supra). Un resserrement très net des rois à Jérusalem. La petite croix qui figure
autour de deux seuls temps forts est opéré dans les au fronton, dans la Première Bible, évoque aussi
manuscrits carolingiens : le don de la Loi sous la le sanctuaire chrétien où cette Loi inaboutie sera
forme d’un rouleau, illustrant également Exode 24, transcendée.
et l’enseignement des commandements de Dieu. Alors que le frontispice de la Genèse attirait
Comme synthèse de la signification de l’Exode dans l’attention par l’anthropomorphisme divin qui
la Bible chrétienne, la figure de Moïse, désignée renvoyait d’emblée à une compréhension chris-
par le titulus comme repletus nectare sancto, reçoit
tologique du geste créateur de la Genèse, voici narratif, tandis que les parties néotestamentaires
que le peuple de Dieu recevant l’Alliance par reçoivent des représentations du Christ régnant
Moïse se mue lui aussi en peuple du Christ, ainsi et des portraits des évangélistes. Les miniatures
que le souligne le titulus de la Première Bible. tournées vers l’exaltation du règne divin, de
La ressemblance appuyée entre Moïse et Paul l’avènement christologique comme principe, et
dans ce même manuscrit renforce la dimension de leur contemplation, se détournent d’ailleurs
typologique de l’image, de même que l’insistance, nettement de toute contextualisation spatiale et
par le procédé narratif lui-même, sur la question s’écartant du procédé narratif par l’usage de formes
de la médiation et des médiateurs de la parole géométriques, d’aplats de couleurs, marqueurs de la
de Dieu. Les deux scènes du folio de Moïse figuration d’une vision non terrestre, d’une image
font sens l’une par rapport à l’autre de manière intérieure, de la contemplation d’un principe. Par
assez naturelle, appuyant également leur effet de contraste, les procédés plastiques à l’œuvre sur
continuité et de cohérence sur l’usage probable les folios narratifs sont caractérisés par des envi-
du modèle du fol. 76 du Pentateuque de Tours. ronnements architecturés, paysagés, construits,
Le modèle est toutefois dépassé dans sa nature affirmant qu’il s’agit bien là d’un environnement
illustrative au plus près du texte, pour former terrestre, historique, appartenant à l’histoire de
une image plus synthétique et exemplaire d’un l’humanité, à son espace et à son temps.
propos qui constitue le fil rouge des histoires Les carolingiens font donc preuve d’une
racontées en image dans ce manuscrit et qui ne conception profondément historicisante de
sont pas seulement l’illustration de la Bible mais l’Ancien Testament, non seulement en raison
relève plutôt d’une ecclésiologie. Elle insiste sur des modèles artistiques qu’ils se choisissent mais
la nécessité d’une médiation humaine, savante parce que l’histoire des patriarches et des souv-
et entretenant un lien privilégié avec les textes, erains est promue dans l’exégèse comme faisant
dans la transmission des commandements divins, pleinement partie d’un continuum temporel
diversement incarnée par Moïse, Jérôme et Paul. menant directement à l’Empire carolingien. Le
Dans la Première Bible et la Bible de Saint-Paul- développement des commentaires des Livres
hors-les-Murs, ces trois figures font l’objet d’un des Rois dans les années 830 et l’exaltation de
petit cycle narratif en registre, dont la mise en figures de l’enseignement, de la prêtrise et de la
œuvre dans le folio se distingue nettement des transmission comme Moïse ou Jérôme, servent
autres par son dispositif même. Le procédé une vision eschatologique de la mission politique
narratif en lui-même fait sens dans la mesure des souverains dont l’action se prévaut de normes
où ces trois personnages incarnent trois étapes puisées précisément dans ce corpus textuel.
de la médiation de la parole divine, chacun à L’exaltation de David en est l’expression, comme
un moment historique et suivant une histoire modèle de tous les souverains de cette époque36.
différente. Dans l’illustration de nos bibles complètes, le
procédé iconographique qui consiste à valoriser
les dimensions historiques et narratives du
La narrativité comme procédé visuel corpus vétérotestamentaire par une suite logique
et symbolique : plusieurs narrations
à l’œuvre
36 A propos des commentaires des Livres de Rois, on verra
les travaux de Caroline Chevalier, notamment sa thèse :
Dans les manuscrits commentés ici, seul Lectures des livres des Rois à l’époque carolingienne, thèse
l’Ancien Testament ainsi que les vies de Jérôme et de doctorat, Université Paris Sorbonne, sous la direction
de Paul sont pourvus d’une illustration à caractère de Michel Sot, 2014.
66 an n e -o r a n ge p o i l p r é
d’épisodes successifs, est requis lorsqu’il s’agit de échec. Réception et compréhension se passent
mettre en avant une autre strate narrative, autour mieux dans les folios mosaïques qui distinguent
de la question de la transmission des prescriptions et réunissent ces deux aspects essentiels : une
divines et leur compréhension par l’humanité, loi transmise (imparfaitement), transcrite puis
ainsi que leur explication par des prophètes ou enseignée et expliquée. Cela prend une autre
des exégètes. Par exemple, le frontispice de la tournure encore dans les cycles illustrant la
Genèse évoque la transgression de l’interdit divin, vie de Jérôme ainsi que celle de Paul : Jérôme
donné oralement et directement par le Créateur, comme traducteur, transcripteur, héros des
ce qui a pour résultat l’exclusion du Paradis et exégètes carolingiens, figure idéale du sacerdoce,
l’éloignement de Dieu. Si l’on considère qu’il Paul, nouveau Moïse et premier exégète. Il s’agit
s’agit du premier épisode d’une histoire qui se de différents aspects d’une même histoire, au
poursuit sur les folios narratifs présentés dans premier abord fragmentée, mais recomposée
d’autres frontispices du livre, on peut en conclure autour de temps forts ; une recomposition par
que la réception sans intermédiaire par l’humanité l’image formant un véritable commentaire sur le
du message et des prescriptions divine est un contenu sémantique même de son illustration.
Manuel Antonio Castiñeiras G onzález*
Bien que la narration biblique médiévale C’est pourquoi, je considère que les Bibles
s’applique à des supports très variés – murs, catalanes de Ripoll et de Rodes – contemporaines
panneaux de bois, parchemins, ivoires, pierre –, de la construction de la basilique Sainte-Marie
ceux-ci partagent très souvent des modèles de Ripoll entre 1020 et 10321 – et les ivoires
communs qui s’adaptent à chacune des techniques.
Explorer cette phase préliminaire à l’exécution
matérielle d’une œuvre est une tâche ardue, car * Je remercie Térence Le Deschault de Monredon pour la
nous ignorons à peu près tout du travail de con- traduction de ce texte.
1 Il s’agit de deux volumineuses bibles, connues sous le
ception d’un cycle narratif, surtout à des époques
nom de « Bible de Ripoll » (Bibliothèque apostolique
aussi reculées que le xie siècle. Cependant, toute vaticane, ms. lat. 5729) et « Bible de Rodes » (Paris,
réflexion cherchant à pallier cet état de fait peut BnF, Ms. Lat. 6, I-IV). Les deux sont écrites en lettres
se révéler extrêmement utile car elle permet, carolines et furent abondamment illustrées dans
d’une part, de mieux comprendre le caractère l’abbaye de Ripoll (Catalogne) sous l’abbatiat d’Oliba
(1009-1046). Cependant, comme l’ont démontré Peter
effectif ou non de certaines stratégies narratives Klein et Rosa Alcoy, la seconde partie de la Bible de
ainsi que leur arrière-plan idéologique, et, d’autre Rodes, divisée en quatre volumes à l’époque moderne,
part, d’observer la façon dont la construction de fut enluminée dans la seconde moitié du xie siècle :
certains monuments majeurs peut engendrer tandis que l’actuel volume III aurait été illustré à Ripoll
vers 1050-1060, les enluminures du volume IV auraient
une série de synergies artistiques qui facilitent la
été réalisées à l’abbaye de Sant Pere de Rodes entre
comparaison ou le passage d’un format à l’autre la fin du xie siècle et le début du xiie siècle. Cf. Peter
à partir d’un répertoire commun. Klein, « Date et scriptorium de la Bible de Roda.
État des recherches », Les Cahiers de Saint-Michel de
Cuxa, 3 (1972), p. 91-102 ; Rosa Alcoy, « Bíblia de
Rodes », Catalunya Romànica, X El Ripollès, Barcelone,
1987, p. 292-315. Pour A. Mundó, en revanche, les deux
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 67-100
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118923
68 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
de Salerne – probablement réalisés durant les tous deux très instructifs dans cette démarche.
travaux d’édification de la cathédrale Salernitaine Dans un article écrit il y a quelques années avec
consacrée en 1084 (bien qu’une partie de l’histo- Imma Lorès, j’ai signalé l’enjeu que ces bibles
riographie récente a plutôt tendance à les situer représentait pour l’art catalan des xie et xiie
à l’époque de Roger II (1130-1154)2) – se révèlent siècles, en raison de leurs cycles narratifs et de
leur statut de véritable « catalogues d’images »
ou « atlas illustrés »3. L’indubitable empreinte
bibles furent entièrement copiées et illustrées à Ripoll, italo-byzantine de leur répertoire évoquait de
dans un laps de temps très court. Selon cet auteur, surcroît un art « ouvert » sur la Méditerranée qui
la Bible dite de Rodes fut transcrite par six copistes
entre les années 1010 et 1015, tandis celle de Ripoll
aurait été réalisée un peu après, entre 1015 et 1020 :
Anscari Mundó, Les Bíblies de Ripoll. Estudi dels mss.
Vaticà, Lat. 5729 i París, BnF, Lat. 6, Cité du Vatican,
Biblioteca Apostolica Vaticana, 2002 (Studi e Testi, L’enigma degli avori medievali da Salerno a Amalfi (Museo
408). Toutefois, la question de l’ordre de succession Diocesano, Salerno, 20 dicembre 2007-2030 aprile 2008),
de la décoration des deux manuscrits reste, à mon avis, on tend à situer la datation, avec de légères nuances,
encore à définir. Comme nous allons le voir dans le dans le second quart du xiie siècle : Antonio Braca, Gli
présent article, certains thèmes iconographiques de la avori medievali dels Museo Diocesano di Salerno, Laveglia,
Bible de Ripoll ainsi que certaines allusions liturgiques Salerne 1994 ; Ferdinando Bologna, « Avori medievali
et cérémonielles présents dans les cycles plaident en da Amalfi a Salerno, senza enigmi », L’enigma degli
effet en faveur d’une réalisation de celle-ci (ou du moins avori medievali da Amalfi a Salerno, éd. F. Bologna,
de son achèvement) entre 1027 et 1032, à l’occasion de la Salerne, Paparo Edizioni, 2008, p. 21-97. À cet égard,
consécration imminente de la basilique d’Oliba : Manuel voir aussi les travaux plus anciens d’Armando Schiavo,
Castiñeiras, « Le Nouveau Testament de la Bible « L’architectura nelli avori salernitani e ipotesi sulla loro
de Ripoll et les anciennes traditions de l’iconographie origine », Rasegna Storica Salernitana 19 (1958), p. 75-96,
chrétienne : du scriptorium de l’abbé Oliba à la peinture en part. p. 80 ; Antonio Carucci, Gli avori salernitani
romane sur bois », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, del secolo XII, Salerne, Jannone, 1972, p. 324-329. Cette
40 (2009), p. 145-164 ; Manuel Castiñeiras, « The tendance à situer les ivoires à l’époque du roi Roger II
Portal at Ripoll Revisited : An Honorary Arch for the (1130-1154) ou même sous l’épiscopat de Romuald II
Ancestors », Romanesque and the Past, éd. J. McNeill, Guarna (1153-1181) – qui a été critiquée par V. Pace
R. Plant, Leeds, Maney Publishing, 2013, p. 121-142. (Una Bibbia in avorio…, p. 12-15, 26-33) –, est tout
2 Il existe une bibliographie très étendue concernant les particulièrement développée dans les derniers travaux
ivoires dits « de Salerne », ainsi qu’un débat intense de Francesca Dell’Acqua, « The “Salerno” Ivories :
et inégal à propos de la chronologie, de la commande A “Pocket” Encyclopedia », The “Amalfi” - “Salerno”
et de la fonction originelle de l’œuvre (antependium, Ivories and the Medieval Mediterranean, Conference
retable, porte, chaire, châsse-reliquaire ?). La thèse Proceedings, Amalfi, 10–13 Dec. 2009, éd. F. Dell’Acqua,
traditionnelle, fondée sur des comparaisons stylistiques Amalfi, 2011 (Quaderni del Centro di Cultura e
et iconographiques convaincantes, considère que Storia Amalfitana 5), p. 7–25, en part. p. 10-13 ;
les ivoires furent réalisés durant l’épiscopat d’Alfan Ead., « The Hidden Sides of the Salerno Ivories.
de Salerne (1054-1085), coïncidant ainsi avec la Hypotheses about the Original Object, Program
consécration solennelle de la cathédrale en 1084. Voir and Cultural Milieu », The Salerno Ivories. Objects,
Robert P. Bergman, The Salerno Ivories. Ars Sacra from Histoires, Contexts, éd. F. Dell’Acqua, A. Cutler,
Medieval Amalfi, Cambridge, Mass.-Londres, Harvard H. L. Kessler, A. Shalem et G. Wolf, Berlin, Gebr.
University Press, 1980, p. 87-90 ; Francesco Gandolfo, Mann Verlag, p. 211-239.
« La cattedra gregoriana di Salerno », Bollettino storico 3 Manuel Castiñeiras, Immaculada Lorés, « Las
di Salerno e Principato Citra, II, 1 (1984), p. 5-29 ; Id., La Biblias de Rodes y Ripoll : una encrucijada del arte
cultura normanno-sveva in Campania, Bari, Laterza, 1999 ; románico en Catalunya », Les fonts de la pintura
Valentino Pace, Una Bibbia in avorio. Arte mediterranea romànica (Simposi Internacional, Barcelona 11-15 febrer
nella Salerno dell’XI secolo, Milan, Itaca, 2016, p. 9-33 2004), éd. M. Guardia, C. Mancho, Barcelone,
(avec une ample bibliographie sur le sujet). Cependant, Universitat de Barcelona, 2008 (Arst Picta, Temes 1),
surtout depuis la réalisation de l’exposition intitulée : p. 219-260.
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 69
devait conditionner une partie des productions sur la façade et à l’intérieur de l’édifice durant ces
figuratives catalanes postérieures. dernières décennies ne laissent aucun doute sur
De son côté, Francesca dell’Acqua n’a pas son existence, tout comme d’ailleurs le témoignage
hésité à définir récemment les ivoires de Salerne de l’historien Josep Pellicer qui a vu l’édifice
comme une véritable « pocket encyclopedia » lorsqu’il était encore en ruine : « Les murs sont
(encyclopédie de poche), dans laquelle s’entremêlent couverts de versets bibliques qui alternent avec
des éléments occidentaux, byzantins et musulmans une profusion de riches peintures murales (…)
issus d’une réalité culturelle particulière et la avec la démolition on a vu apparaître certaines
vocation « méditerranéenne » est également peintures d’origine à la fresque »7.
indubitable4. Comme l’a fait remarquer Danielle Dans son premier projet de reconstruction
Gaborit-Chopin, il s’agit du « plus important de l’église de Ripoll – datant de 1865 –, Elies
ensemble d’ivoire d’éléphant conservé pour la Rogent avait proposé de peindre l’édifice en
période médiévale »5. suivant l’esprit des anciennes basiliques romaines,
Bien qu’il appartienne à une période et à en accord avec la peinture de l’artiste nazaréen
un contexte antérieur, la Vie de saint Pancrace Claudio Lorenzale (1814-1889) qui l’accompagnait
de Taormine est probablement le texte le plus dans ses inspections. Bien que ce projet de
édifiant pour comprendre le statut de ces œuvres décor pictural n’ait jamais vu le jour, j’ai attiré
résultant d’une véritable compilation d’images. l’attention il y a quelques années sur la décoration
Il s’agit d’un texte hagiographique réalisé dans conçue à ce moment-là pour le mur de la tribune
le milieu culturel grec de la Sicile du viiie siècle, occidentale (fig. 1 et pl. 8)8. Il s’agit d’une scène
en pleine crise iconoclaste, expliquant la façon vétérotestamentaire, la seule de l’ensemble à
dont saint Pierre envoie à son disciple Pancrace, caractère pleinement narratif, montrant l’une
en mission dans l’Ouest, des ouvrages destinés à des batailles de Josué, à savoir le siège de la ville
la décoration d’une l’église, dont deux volumes de Gabaon au cours duquel le soleil s’est arrêté
(tomoï) des histoires divines (historiaï) contenant à la demande de Josué qui voulait faciliter la
le cycle peint (eikoniké historia) de l’Ancien et vengeance du peuple d’Israël ( Js. 10, 12-14.) Le
du Nouveau Testament6. seul élément ressemblant à cette composition se
Avec le vaste matériau iconographique accu- trouve dans les scènes militaires des Bibles de
mulé dans ses bibles, l’abbé Oliba de Ripoll Ripoll et de Rodes où elles sont particulièrement
(1008-1046) a peut-être également cherché à nombreuses. Sa filiation avec la Bible de Ripoll
faciliter la décoration de sa basilique consacrée en est plus que vraisemblable, étant donné que dans
1032. Malheureusement, la restauration radicale le cycle dédié à Josué, le fol. 82v comporte deux
menée par l’architecte Elies Rogent (1886-1893) scènes très semblables au projet de Rogent : au
nous a définitivement privés de toute trace de premier registre, le siège et la conquête de la
son ancien décor peint. Les vestiges retrouvés
Fig. 1. Elies Rogent, premier projet de restauration de Santa Maria de Ripoll, 1865, détail de la tribune occidentale.
Barcelona, Arxiu del Col·legi d’Arquitectes de Catalunya (Arxiu del Col·legi d’Arquitectes de Catalunya).
ville d’Aï ( Js. 8, 1-13) ; au deuxième registre, la apparaître sous les stucs néoclassiques à la suite
bataille de Gabaon où l’on retrouve le motif du du délabrement du monastère. Ils nous ont
soleil s’immobilisant durant la lutte contre les toutefois privés du fruit de leurs observations,
Amorrites ( Js 10, 12-14 ; Vat. lat. 5729, fol. 82v; car leur projet final s’est fondé sur l’esthétique
fig. 2). Cette comparaison n’était toutefois pas de la pierre apparente.
possible à l’époque de Rogent et Lorenzale, car Dans le cas de la cathédrale de Salerne, nous
ces deux manuscrits avaient disparu de Ripoll ne pouvons pas évoquer les ivoires comme
au cours de l’époque moderne et se trouvaient modèle du décor monumental de mosaïques, car
respectivement en Italie et en France, et leur les vestiges conservés dans l’abside sont réputés
rattachement au monastère catalan ne se pro- appartenir à un contexte postérieur à l’épiscopat
duisit qu’au xxe siècle. D’où provient alors le d’Alfan (1058-1085) et probablement réalisés à
modèle dont disposèrent Elies Rogent et Claudio la fin du xiie siècle9. Il ne faut cependant pas
Lorenzale ? La réponse la plus plausible est qu’ils
le trouvèrent dans les vestiges de la décoration
du monastère lui-même. Lors de ses séjours à 9 Antonio Braca, Il Duomo di Salerno, Salerne, Laveglia,
2003, p. 115-126 ; Antonio Iacobini, « Immagini,
Ripoll en compagnie de Rogent, Lorenzale a très ideologie, storiografia : il mosaico absidale del duomo
probablement pu contempler certains décors di Salerno e l’arte della Riforma gregoriana », Medioevo :
ainsi que les inscriptions qui commençaient à immagini e ideologie, Atti del Convegno Internazionale
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 71
Fig. 2. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. Lat. 5729, fol. 82v, vers 1027-1032, cycle de Josué : le siège et la
conquête de la ville d’Aï ( Js 8, 1-13) au premier registre, et la bataille de Gabaon ( Js. 8, 1-13) au deuxième registre
(© BAV).
72 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 3. Salerne, Museo Diocesano San Matteo, ivoires de Salerne, vers 1080-1085, le Premier Jour de la Création
(Kunsthistorischen Institut in Florenz).
oublier que l’archevêque salernitain avait été Mont-Cassin consacrée en 1071, sous l’abbatiat
moine du Mont-Cassin et ami intime de l’abbé de Didier, et probablement aussi des tituli du
Didier (1058-1087). De fait, en tant qu’écrivain programme pictural de l’église de Sant’Angelo
polyvalent et instruit, Alfan avait été le responsa- in Formis (1072-1087)10.
ble des tituli qui, sous la forme de vingt-trois
hexamètres léonins, décoraient la basilique du
10 I carmi di Alfano I, arcivescovo di Salerno, éd. A. Lentini
et F. Avagliano, Mont-Cassin, Miscellanea Cassinese,
38, 1974, p. 35-37, 39-41, 139-140 (carme 15), 233-234
di Studi di Parma, Parma, 23-27 settembre, 2002, (carme 63) ; Lucinia Speciale, « Memoria e scrittura :
éd. A. C. Quintavalle, Milan, Electa, 2005 (I Convegni tituli, programma, scelte d’immagini da Montecassino
di Parma, 4), p. 288-301. a Sant’Angelo in Formis », Medioevo : immagini e
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 73
Fig. 4. Salerne, Museo Diocesano San Matteo, ivoires de Salerne, vers 1080-1085, la remise des Tables de la Loi à
Moïse (Kunsthistorischen Institut in Florenz).
En fait, comme l’a fait remarquer Robert P. tandis que le Sacrifice d’Isaac ressemble à celui
Bergman, les ivoires salernitains sont très proches du cycle de Sant’Angelo in Formis11. Dans ce
de l’art du Mont-Cassin du xie siècle, comme on dernier ensemble, il existe également toute une
peut le constater à travers une série de scènes. Par série de motifs, comme celui de l’artisan qui,
exemple, la représentation des deux Songes de dans la construction de la tour de Babel, lève
Joseph (Mt 1, 16-25 ; 2, 13) est très similaire à celle de ses bras tendus un objet rond vers le ciel, ou
de l’Homéliaire du Mont-Cassin 99, p. 5 (1072), encore celui du sarcophage du Christ orné de
strigililes et surmonté par un arc qui se retrouve
à Salerne et peut être rattaché à une miniature
memoria, Atti del Convegno Internazionale di Studi di du célèbre De rerum naturis de Raban Maur
Parma, 23-28 settembre, 2008, éd. A. C. Quintavalle, (Montecassino, Archivio dell’Abbazia, Cass. 132,
Milan, Electa, 2009 (I Convegni di Parma, 11), p. 144-
173, en part. p. 147-151 ; Teemu Immonen, « Une étude
du programme de fresques bibliques de la basilique
du Mont-Cassin à la lumière des vers qu’Alphanus de 11 R. P. Bergman, The Salerno Ivories…, p. 35-37 et 83-85,
Salerne rédigea pour l’église », 57 (2014), p. 169-197. fig. 16, 21-22, 89 et 132.
74 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
p. 367 ; 1023 ; De sepulcris)12. En dernier lieu, et alexandrine de la Genèse Cotton. C’est pourquoi
aussi anecdotique que cela puisse paraître, il est de nombreux auteurs préfèrent penser que le
tout de même surprenant que la seule inscription cycle vétérotestamentaire de Salerne se fonde
présente dans l’ensemble d’ivoires – outre les plutôt sur des modèles paléochrétiens romains,
mots emblématiques « NOX » et « LUX » du transmis par l’intermédiaire du Mont-Cassin17.
premier jour de la Création –, soit la formule
« MO(n)T(is) SINAI » dans la scène de la remise
des Tables de la Loi à Moïse (fig. 3 et 4 et pl. 9). La narration dans les bibles de Ripoll
Comme nous allons le voir, il s’agit probablement
d’une citation de la hiérotopie ou création de Sans le moindre doute, les deux productions
l’espace sacré13 conçue par Didier, puisque dans principales du scriptorium de l’abbé Oliba sont
l’abside de l’abbaye du Mont-Cassin courait une celles que l’on a appelées Bible de Ripoll (Vat.
inscription qui comparait cette église avec « le lat. 5729) et Bible de Rodes (Paris, BnF, ms.
Sinaï qui porte les saints commandements » : lat. 6, I-IV). Il s’agit de deux volumineuses
« Hec Domus est similis Synai sacra iura ferentis »14. bibles écrites en lettres carolines et richement
Il convient de rappeler qu’en plus d’avoir illustrées à Ripoll pendant l’abbatiat d’Oliba, à
embauché à Constantinople des maîtres experts part la seconde partie de la Bible de Rodes dont
dans le travail de la mosaïque et du marbre, Didier l’illustration a été complétée durant la seconde
a fait venir des maîtres ivoiriers extrêmement moitié du xie siècle18. La première mention de
doués dans leur art, dans le but de former les leur existence nous est précisément donnée
moines de son monastère15. Comme l’a signalé par le catalogue réalisé en 1047, à la mort de
A. Cutler, ceci explique que malgré les accents l’abbé-évêque, dans lequel elles sont citées
nettement byzantins de l’iconographie des ivoires comme « III Bibliothecas » (trois bibles). Je
de Salerne, leur exécution se situe certainement ne traiterai ici que de la problématique liée
dans le sud de l’Italie16. De même, la narration aux cycles réalisés strictement sous l’abbatiat
particulière des jours de la Création est une inter- d’Oliba : la totalité des illustrations de la Bible
prétation méridionale sui generis de la tradition de Ripoll ainsi que la majeure partie des livres
de l’Ancien Testament de la Bible de Rodes, à
l’exception des livres des prophètes et des livres
12 Ibid., p. 72, fig. 120-121. historiques.
13 Hierotopie (ίερός : sacré ; τόπος : espace, lieu) est un Au-delà du style ou de l’identification des
terme faisant référence à la création d’espaces sacrés différentes mains à l’œuvre dans l’illustration,
qui a été développé, avec sa propre méthodologie, par
j’aimerais attirer l’attention sur la façon partic-
l’historien de l’art russe Alexei Lidov. Cf. Alexei Lidov,
« Hierotopy. The Creation of Sacred Spaces as a Form ulière dont s’articule la narration. Dans l’Ancien
of Creativity and as a Subject of Cultural History »,
Hierotopy. The Creation of Sacred Spaces in Byzantium and
Medieval Russia, Moscou, Indrik, 2006, p. 32-58. 17 R. P. Bergman, The Salerno Ivories…, p. 42-47. Cf. Kurt
14 Leone Marsicano, Cronaca di Montecassino (III, 26-33), Weitzmann, « Observations on the Cotton Genesis
III, 28, éd. F. Acetto, V. Lucherini, Milan, Jaca Book, Fragments », Late Classical and Medieval Studies in
2001, p. 56-57. Honor of Albert Mathias Friend Jr, Princeton, NJ,
15 Ibid., III, 27, p. 56-57. Princeton University, 1955, p. 112-131, en part. p. 122 sq. ;
16 Anthony Cutler, « The Fabric, Facture and Enduring Herbert L. Kessler, « An Eleven Century Ivory Plaque
Enigma of the Salerno Ivories », The Salerno Ivories…, from South Italy and the Cassinese Revival », Jahrbuch
p. 11-19, en part.. p. 18.-19. Voir aussi : Antony der Berliner Museen, VIII (1996), p. 67-93 ; en part.
Eastmond, « On Diversity in Southern Italy », The p. 79-93.
Salerno Ivories…, p. 97-109, en part. p. 108-109. 18 À propos de cette question, voir la note 1.
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 75
Testament, les cycles apparaissent en pleine page, sol19. Le même type de composition, à la manière
ils occupent le recto et parfois même le verso d’une bande dessinée, se retrouve dans la Bible
dans celui de la Genèse, et sont disposés sous de Ripoll dans la scène de l’Entrée du Christ à
la forme de quatre ou cinq bandes narratives Jérusalem entouré par la foule (fol. 369r) où le
superposées, séparées par une simple ligne de Christ monte un âne en amazone, suivant ainsi
réglure ou par un véritable cadre (fig. 5 et pl. 10). l’iconographie chrétienne orientale de Rossano.
Chaque registre est composé d’épisodes différents, De cette ancienne tradition provient l’irrégularité
mais cette disposition leur permet de se dérouler de la composition que présentent la majorité
sur un champ ouvert et suggère une narration des pages enluminées de Ripoll qui donnent la
continue. Le style nerveux et les figures de profil, sensation d’être le résultat de la superposition
qui s’ajoutent à l’aspect esquissé et irrégulier de de diverses bandes découpées d’un même cycle.
la composition, rappellent la spontanéité d’une En deuxième lieu, certains accents, certaines
vignette. absences et originalités des cycles bibliques de
Cet effet s’accentue en particulier sur les feuil- Ripoll signalent que nous sommes en présence
lets du Nouveau Testament de la Bible de Ripoll d’une édition qui renouvelle sensiblement les
où les registres horizontaux peuvent atteindre le traditions controversées d’illustration biblique
nombre de six ou sept et où la mise en couleur signalées par Kurt Weitzmann pour l’Antiquité
n’est pas pleinement aboutie (fol. 366v-367r) tardive. La recension de la Bible de Ripoll appar-
(fig. 6), quand elle n’a pas été interrompue au tient sans le moindre doute à un moment plus
début du processus (fol. 367v-368v) (fig. 7). Les avancé au cours duquel on a s’est approprié les
particularités de ce cycle procurent au lecteur répertoires antérieurs tout en leur insufflant un
la sensation de se trouver devant un cahier nouvel esprit. Je pense que s’il existe un prototype
de dessins d’artiste transformé en illustration ou un modèle pour les cycles figuratifs de Ripoll,
de livre : les sept illustrations en pleine page celui-ci ne doit pas être antérieur au viiie siècle.
composant le Nouveau Testament se suivent Plus encore, son répertoire figuratif – tant dans
sans discontinuité sur cinq folios situés entre la Genèse et l’Exode que dans le Nouveau
les pages des canons et le début de l’Évangile de Testament – semble être en syntonie avec les
Matthieu (fol. 366v-370v), de nombreuses scènes répertoires élaborés par les iconodoules au ixe
se pressent sur une même page – quinze sur le siècle, à la suite de la querelle iconoclaste (730-
fol. 366v, – et enfin le travail est resté à maintes 843), aussi bien en Italie que dans la Méditerranée
reprises inachevé. orientale20.
Parvenus à ce point, nous pouvons tirer une
série de conclusions concernant l’illustration des
bibles catalanes. En premier lieu, les pages divisées 19 Sur le cycle de Rossano, voir Kurt Weitzmann,
en registres, sur lesquelles les figures s’articulent à Manuscrits gréco-romains et paléochrétiens, New York,
partir d’une ligne de sol, paraissent être un reflet Chêne, 1977, p. 84-89 ; Fernanda de Maffei, « Il Codice
tardif des premières illustrations bibliques dérivées Purpúreo di Rossano Calabro », Calabria bizantina,
éd. V. Pace, Rome, De Luca, 2003, p. 163-182.
des rouleaux de papyrus et adaptées au parchemin, 20 Je me réfère à des œuvres telles que les Homélies de
ce que Kurt Weitzmann a désigné du nom de Grégoire de Nazianze (Milano, Biblioteca Ambrosiana,
papyrus-style. À titre d’exemple, dans le célèbre cod. 49-50) ou les Sacra Parallela de Jean Damascène
évangéliaire de Rossano (Syrie-Palestine, ve-vie (Paris, BnF, gr. 923), tous deux attribués au milieu
grec de la Rome de la première moitié du ixe siècle
siècles), le cycle du Nouveau Testament court hostile à l’iconoclasme et très influencé par les anciens
avec fluidité dans la partie supérieure des pages modèles syro-palestieniens : Jannic Durand, « Saint Jean
enluminées en suivant une (ou deux) ligne(s) de Damascène (attribué à) : Sacra Parallela », Byzance.
76 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 5. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. Lat. 5729, fol. 5v, vers 1027-1032, le Premier Jour de la Création
(Gn 1, 1-5), Création d’Adam, le Péché originel, Adam et Ève réprimandés et chassés du Paradis (© BAV).
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 77
Fig. 6. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. Lat. 5729, fol. 366v, vers 1027-1032, cycle de la Nativité et de ‘Enfance
du Christ avec l’Annoce aux Bergers (Gloria in Excelsis Deo) (au registre supérieur) (© BAV).
78 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 7. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. Lat. 5729, fol. 367v, vers 1027-1032, cycle du Nouveau Testament
(© BAV).
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 79
Depuis toujours, l’un des aspects qui a le plus querelle, l’orthodoxie a en effet dû se défendre
retenu mon attention dans le cycle de la Genèse contre certaines critiques en évitant des images
est l’absence de représentation de la divinité dans comme celle de Dieu le Père et en supprimant des
la scène de la Création du Cosmos (Vat. lat. 5729, symboles tels que la colombe du Saint-Esprit22.
fol. 5v; Paris, BnF, ms. lat. 6, I, fol. 6r) (fig. 5 et 8, et Dans les scènes relatives à la création d’Adam
pl. 10 et 12), qui rompt avec l’ancienne tradition et Ève et leur expulsion du Paradis en revanche,
de l’illustration biblique. Cette omission surprend le Créateur apparaît comme Christ-Logos, avec
si on la compare à des images similaires contem- le nimbe crucifère (fig. 5 et 8 et pl. 10 et 12). Tout
poraines issues de miniatures anglo-saxonnes, d’abord, en tant que Verbe, il modèle le protoplas-
comme celles des Psautiers Tiberius (Londres, tos – Adam – à son image et à sa ressemblance,
British Museum, Cotton Tiberius C. vi, fol. 7v) et selon l’iconographie habituelle que l’on trouve
de Bury St. Edmunds (Vat. Reg. Lat 12, fol. 68v) sur les sarcophages paléochrétiens. Au registre
(vers 1025-1050), dans lesquelles la roue de la inférieur, le Verbe s’adresse ensuite à Adam et Ève
Création est dominée par le buste du Christ- avec un geste de commandement – poing serré
Logos21. Il ne faut pas oublier que sur les peintures et index tendu, les accusant d’avoir désobéi en
paléochrétiennes de Saint-Paul-hors-les-Murs mangeant le fruit de l’Arbre de la connaissance
(ive siècle) cette image christologique présidait du bien et du mal, puis il les pousse et les chasse
la scène de la séparation de la Lumière d’avec les du Paradis. Sur la page contiguë, la main de Dieu
Ténèbres au-dessus des images de l’Agnus Dei et bénit le sacrifice d’Abel et, après le meurtre de
de la colombe du Saint-Esprit. À propos de cette ce dernier, le Verbe pointe à nouveau l’index
dernière, il faudrait rappeler que la colombe était accusateur de sa main gauche, cette fois-ci en
un motif très récurrent dans l’illustration biblique direction du sang d’Abel, tandis que de son autre
du Premier Jour (Salerne (fig. 3), Tapisserie de main il réclame des explications à Caïn (fig. 9). La
la Création de Gérone, Monreale), mais absent dénégation de Caïn, tout comme celle d’Ève au
aussi bien dans la Bible de Ripoll et que dans moment du péché, s’exprime à travers le geste de
celle de Rodes. Cette absence de représentation la disputatio, soit en joignant le pouce et l’index,
de la divinité dans les scènes de la Création des soit en ouvrant la main23.
bibles catalanes reflète sûrement un prototype En ce qui concerne le Nouveau Testament –
remontant à l’époque de la querelle iconoclaste, uniquement illustré dans la Bible de Ripoll –, on
même si elle a été compensée par une autre observe par ailleurs un développement inhabituel
image de la Création dans la Bible de Rodes du cycle mettant tout particulièrement l’accent
(Paris, BnF, ms. lat. 6, I, fol. 6v). Durant cette sur les scènes soulignant le caractère humain du
Christ, c’est-à-dire son incarnation, sa mort et
sa résurrection. Ce sont plus particulièrement
L’art byzantin dans les collections publiques françaises, les thèses défendues depuis la fin du viiie siècle
Exposition au Musée du Louvre du 3 novembre 1992 au par Méthode, Nicéphore et Théodore Stoudite
1er février 1993, éd. I. Aghion, J. Durand, Paris, Musée
du Louvre, 1992, cat. n. 127, p. 190 ; Kurt Weitzmann, The
Miniatures of the Sacra Parallela, Parisinus Graecus 923,
Princeton, NJ, Princeton Univeristy Press, 1979, p. 10
et 25.
21 Adelheid Heimann, « Three illustrations from the Bury 22 André Grabar, La iconoclastia bizantina, Madrid, Akal,
St. Edmunds Psalter and their prototypes. Notes on the 1998, p. 92-93 (Paris, 1959).
iconography of some Anglo-Saxon drawings », Journal of 23 Sur le geste de la disputatio, voir Chiara Frugoni, La voce
the Warburg and Courtauld Institutes, 39 (1966), p. 39-59, delle immagini. Pillole iconografiche dal Medioevo, Turin,
fig. 10a et 12b. Einaudi, 2010, p. 13-14 et 102-104.
80 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 8. Bible de Rodes, Paris, BnF, ms. Lat. 6, I, fol. 6r, 1017-1020, cycle de la Genèse (Création, Histoire
d’Adam et Ève, Histoire de Caïn et Abel) (BnF).
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 81
Fig. 9. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. lat. 5729, fol. 6r, vers 1027-1032, le travail d’Adam et Ève, l’histoire de
Caïn et Abel, l’histoire d’Abraham, Isaac et Jacob (© BAV).
82 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
qui ont encouragé la représentation du Christ septentrional de la nef de San Vincenzo à Galliano
incarné et souffrant dans sa nature humaine24. (1007), sur les ivoires de Salerne et sur les reliefs
De la même manière, la syntonie particulière de la Genèse de la cathédrale de Modène27.
avec les répertoires byzantins de cette époque se Ce n’est-ce pas non plus un hasard si les
traduit par l’introduction d’un ensemble d’images trois images qui concluent le cycle du Nouveau
de cette provenance dans la Bible de Ripoll. Ainsi, Testament de la Bible de Ripoll semblent
dans les pages du prologue de saint Jérôme à empruntées au dodekaorton ou cycle des fêtes
la Vulgate, est illustré l’épisode de l’Échelle de byzantines, habituel dans la décoration des icônes
Jacob (Gen. 28, 11-15) (fol. 3v), un thème propre mobiles et des iconostases de Byzance depuis
à l’ambiance monastique gréco-orientale qui le xe siècle28. Ces trois images représentent, sur
s’inspire du texte exégétique de la Scala Dei de un même registre divisé en vignettes carrées,
Jean Climaque (abbé du monastère du Sinaï l’A scension, la Pentecôte et la Koimesis (fol. 370r)
entre la fin du vie et le début du viie siècle), et (fig. 10), suivant des modèles byzantins stricto
dont la représentation se développe à partir du sensu. On pourrait confronter ces images à celles
xe siècle25. Ce n’est pas un hasard si l’échelle est d’un épistyle du xiie siècle (postérieur à la réali-
dominée par un buste du Christ-Logos inscrit sation de la Bible) comportant les douze fêtes et
dans un médaillon, comparable à ceux qui figurent conservé au monastère Sainte-Catherine du mont
sur les pièces de monnaie impériales byzantines Sinaï29. Non seulement on y retrouve la séquence
( Justinien II). Cette représentation, qui avait été des trois fêtes finales – Ascension, Pentecôte et
interdite par les iconoclastes, a été réintroduite Koimesis –, mais les détails iconographiques ne
après le triomphe de l’orthodoxie, sous le règne laissent pas la place au doute. Dans l’A scension
de Théodora et de son fils Michel III, à partir apparaissent, gesticulant de part et d’autre,
de 84326. les mêmes apôtres. Dans la Pentecôte, sous le
Ainsi que nous l’avons signalé dans des travaux chœur formé par les apôtres, on entrevoit dans
précédents, cette parenté avec des répertoires une sorte de grotte le Seigneur du Cosmos avant
byzantins courants aux ixe et xe siècles peut l’évangélisation. Enfin, dans la Koimesis, le Christ
également être observée dans beaucoup d’autres
scènes vétérotestamentaires. Nous faisons ici
référence à la représentation très particulière 27 Manuel Castiñeiras, « From Chaos to Cosmos : the
d’Adam et Ève travaillant conjointement après Creation Iconography in the Catalonian Romanesque
l’expulsion du paradis, un thème qui apparaît Bibles », Arte medievale, Nuova Serie, 1 (2002), p. 35-50,
pour la première fois sur les coffrets en ivoire en part. p. 38, fig. 14-15. Voir aussi Andreina Contessa,
« Le Bibbie catalane di Ripoll i di Roda e gli antichi
byzantins du xe siècle, sous l’aspect du travail
cicli biblici lombardi della Genesi », Arte Lombarda,
du métal, et qui sera transformé par la suite en Nuova Serie, 140 (2004), p. 5-24. Sur la plaque en ivoire
travail agricole, non seulement à Byzance mais de Salerne, voir Paola Vallisi, « Cacciata dal Paradiso
aussi dans la réception italienne du thème, ainsi terrestre/Lavoro dei Progenitori », L’Enigma degli avori
qu’on peut l’observer sur les peintures du mur medievali da Amalfi a Salerno, éd., F. Bologna, Salerne,
Paparo Edizioni, 2008, II, cat. n. 16, p. 280-284.
28 Au sujet de l’iconographie du cycle des fêtes byzantines,
voir : Ernst Kitzinger, « Reflections on the Feast Cycle
24 Sur auteurs cités, voir A. Grabar, La iconoclastia in Byzantine Art », Cahiers Archéologiques, 36 (1988),
bizantina…, p. 157-158. p. 51-73 ; et l’article de Judith Soria dans ce volume.
25 Christian Heck, L’Échelle céleste dans l’art du Moyen 29 Sur cet épistyle, voir Sharon E.J. Gerstel, « Epistyle with
Âge. Une image de la quête du Ciel, Paris, Flammarion, Twelve Feast Scenes », Holy Image. Hallowed Ground.
1997, p. 63-69, fig. 16-20. Icons from Sinai, éd. R. S. Nelson, K. M. Collins, Los
26 André Grabar, La iconoclastia bizantina…, p. 221. Angeles, The J. Paul Getty Museum, 2006, p. 170-173.
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 83
Fig. 10. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. lat. 5729, fol. 370r, vers 1027-1032, l’Ascension, la Pentecôte et la
Koimesis (© BAV).
Fig. 11. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. lat. 5729, fol. 367v, vers 1027-1032, les arches de la piscine de
Béthesda : Guérison du Paralytique ( Jn 5, 1-18) (© BAV).
Fig. 12. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. lat. 5729 fol. 370r, vers 1027-1032, Visitatio Sepulchri (© BAV).
(fol. 370) (fig. 12), copiant à peu de choses près (fig. 13)35. Il est possible que la Bible de Ripoll
l’édifice reconstruit par les Byzantins au moment reflète l’aspect qu’il présentait en 1027, lorsque
où l’on travaillait à la Bible de Ripoll. Il s’agit le comte d’Angoulême Guillaume Taillefer visita
d’un petit édifice rectangulaire couronné par le Saint-Sépulcre, accompagné de membres du
une tour-coupole. Son aspect n’a rien à voir avec monastère de Saint-Cybard où travaillait alors
le vieil édicule paléochrétien composé d’une le célèbre Adhémar de Chabannes. Son guide
structure polygonale de plan centré précédée ne fut ni plus ni moins qu’un moine du Sinaï,
d’un portique et couronnée par une coupole Siméon – natif de Syracuse en Sicile –, qui se
conique. Cet édicule, détruit en 1009 par le calife consacrait, à cette époque, à servir de guide
al-Hakim, fut reconstruit une première fois entre
1014 et 1027, puis de manière définitive vers 1040
35 Pour cette reconstruction du Saint-Sépulcre, voir Martin
Biddle, The Tomb of Christ, Gloucestershire, Sutton
Publishing Ltd, 1999, p. 74-83.
86 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 13. Reconstitution de l’édicule du Saint-Sépulcre vers 1012-1040 d’après de The Tomb of Christ, Gloucestershire,
Sutton Publishing Ltd, 1999.
en Terre Sainte et qui vint en France avec cette qui apparaissent dans la Bible de Ripoll, que ce
expédition36. Il est très possible que Siméon soit au moment où il se trouvait à Jérusalem ou
constitue la clé pour comprendre les citations durant son séjour en France.
de Jérusalem et de thèmes propres au mont Sinaï Quoi qu’il en fût, les motifs hiérosolymitains
du Nouveau Testament de Ripoll permettent à
mon sens de supposer que des proskynetaria,
36 M. Biddle, The Tomb…, p. 75. Il s’agit de Siméon lui- ou du moins de simples dessins représentant
même qui emporta les reliques de Sainte Catherine les principaux lieux du pèlerinage à Jérusalem
déposées dans le monastère de la Trinité-du-Mont ont circulé assez précocement. Dans le monde
à Rouen : P. Jacques Longueval, Histoire de l’Église byzantin, on désigne par ce terme une série de
Gallicane, VII, Paris, François Montalant, 1734, p. 207-
211 ; Albert Poncelet, « Sanctae Catharinae Virginis
manuscrits de petit format, datant des xvie-xviiie
et Martyris. Translatio et Miracula Rotomagensia saec. siècles et contenant des descriptions et des
XI », Annalecta Bollandiana, 22 (1903), p. 423-438. dessins sommaires des monuments de Palestine,
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 87
Fig. 14. Paris, BnF, Supplément gr. 1151, fol. 18ª, les arches de la piscine de Béthesda. Προσκινητάριον συν θ(ε)ῶ αγίο
τ(ῆ)ς αγίας πόλεος ἰ(ερουσα)λήμ (Guide du pèlerin aux lieux saints de Jérusalem), 1692 (BnF).
à la manière de guides de voyage rudimentaires. trouvaient des dessins des loca sancta les plus
On y trouve des représentations topographiques vénérés, comme semblent le démontrer certains
des monuments de Terre Sainte similaires à détails du Nouveau Testament de la Bible de
ceux qui apparaissent à Ripoll, comme dans le Ripoll. Il ne subsiste malheureusement de la
cas de la piscine de Béthesda (fig. 14) ou des bibliothèque du monastère catalan que des
différents lieux de culte du Saint-Sépulcre37. copies manuscrites de tradition différente, tels
En définitive, à partir de l’époque chrétienne les deux exemplaires illustrés du milieu du xie
furent élaborés en Terre Sainte des objets et siècle du De locis sanctis de Bède, tous deux
des œuvres d’art destinés à satisfaire la curiosité accompagnés de représentations schématiques
et la dévotion des pèlerins, parmi lesquels se mais sans rapport avec les savoureux détails des
proskynetaria (Vat. Reg. Lat 123 et Barcelona,
ACA, Ms. Ripoll 151, fol. 4). Dans un de ces
37 Paris BnF ms. gr. 1151, fol. 18 (1692) (Piscine de Béthesda) ; manuscrits, le Vat. Reg. Lat. 123, fol. 143r-144r,
Athènes, Musée Byzantin et Chrétien, 121 3b (xviie on peut pourtant voir une mappemonde dans
siècle) (Édicule), Σωτήρη Καδάς, Οι ‘Αγιοι Τοποι.
Εικονογραφημένα προσκυνητάρια 17ου-18ου αι., Athènes, laquelle transparaît un intérêt peu commun
Kapon Editions, 1998. Sur ce sujet, voir Mat Immerzeel, pour la topographie des lieux de l’Incarnation38.
« Proskynetaria from Jerusalem. Souvenirs from a
Pilgrimage to the Holy Land », Series Byzantina,
3 (2005), p. 9-24 ; Rehav Rubin, « Proskynetarion : 38 Evely Edson, Mapping Time and Space. How Medieval
One Term for Two Kinds of Jerusalemite Pilgrimage Mapmakers Viewed Their World, Londres, The British
Souvenirs », Eastern Christian Art, 10, (2014-2016), Library, 1997 (The British Library Studies in Map
p. 97-111. History, I), p. 80-86.
88 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 15. Bible de Rodes, Paris, BnF, ms. lat. 6, vol. I, fol. 6v, 1017-1020, Création du Ciel et de la Terre/Alléluia (BnF).
90 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 16. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. lat. 5729, fol. 1r, vers 1027-1032, page de frontispice : du Passage de
la mer Rouge à la Bataille de Rephidim (© BAV).
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 91
faire allusion au rite de la consécration de la (Exode) – lequel était probablement évoqué dans
basilique en 1032. Les épisodes de l’Exode – qui le programme figuratif de la porta picta de l’église
figurent sur le frontispice (fol. 1r ; fig. 16 et pl. 11) dont il sera question plus loin –, à la dédicace de
– sont mentionnés dans les ordines et les textes l’autel majeur à Marie (scènes mariales)44.
de consécration des églises catalanes en tant que Le deuxième fait que j’aimerais relever est que
métaphore du temple comme Terre Promise, l’abbé Oliba passa au moins douze ans à ériger
et l’Échelle de Jacob (fol. 3v) est explicitement la nouvelle église dans laquelle les travaux ont
mentionnée dans le rituel de consécration de duré de 1020 à 1032. Il est tout à fait probable que
Ripoll au moment où l’on demande de tracer pour sa décoration, on ait eu recours au vaste
l’alphabet en formant une grand lettre X sur le répertoire d’images accumulé dans les célèbres
sol : « Quam tremendus est locus iste vere non est bibles, à commencer par la Bible de Ripoll (Vat.
aliud nisi domus dei et porta celi et mane surgens lat. 5729). Le cadrage ou l’impaginazione en
Iacob erigebat lapidem in titulum fundens » registres étroits des scènes du Nouveau Testament
(ACA, Ms. Ripoll 40, fol. 65v). Cela expliquerait semble en effet conçu pour être appliqué à la
l’imposant chi grec (Xristus) qui décore la page décoration des murs d’une nef. Par ailleurs,
faisant suite à la représentation de l’Échelle certaines compositions telles que la vision du
de Jacob (fol. 4r)43. C’est pour cela que je suis Jugement dernier de Matthieu 25, 31-46 (Vat. lat.
convaincu que la Bible de Ripoll a joué un rôle 5729, fol. 368v), semble avoir été conçue pour
particulier le jour de la consécration de 1032, au décorer la contre-façade de l’édifice, comme on
cours de laquelle elle aurait été présentée pour le verra des années plus tard à Sant’Angelo in
la première fois comme faisant partie des objets Formis. Enfin, il est fort possible que l’ancienne
liturgiques de l’église. façade du monastère, aujourd’hui occultée par un
Ce lien entre le codex et la consécration de portail sculpté du milieu du xiie siècle, ait été à
l’église ne s’achève pas là puisque dans le Nouveau l’origine une porta picta inspirée par les miniatures
Testament, la dernière image narrative n’obéit pas du Livre des Rois et de l’Exode (fol. 95 et fol. 1 ;
au scénario habituel d’une bible enluminée. Le fig. 16 et pl. 11, et fig. 18). Cela peut se déduire
cycle néotestamentaire se termine par la scène de deux indices : en premier lieu, les tituli qui
apocryphe montrant Marie sur son lit de mort accompagnent les images sur ces folios – Transitu ;
(fol. 370r ; fig. 10). Quand on tourne la page,
apparaît une scène monumentale et solennelle
en pleine page montrant un exemple précoce de 44 La double scène mariale – Dormition / sortie de l’âme
l’Assomption ou plutôt l’elevatio animae de la Vierge (fol. 370r) et montée du corps ( Jean de Thessalonique)
or plutôt de l’âme au Ciel (le Pseudo-Jean) (fol. 370v)
(fol. 370v) (fig. 17). Il est possible que cette insistance
– reflète peut-être à nouveau la liturgie de même que
inhabituelle sur l’iconographie mariale constitue la mémoire des loca sancta de Jérusalem selon les
un indice de la dédicace de la basilique de Ripoll à versions apocryphes byzantines de Jean, archevêque de
la Vierge Marie. Les images nous conduisent ainsi Thessalonique, et le Pseudo-Jean (ive-vie siècles) : Marie
du moment solennel de la consécration de l’église s’était en effet éteinte sur le mont Sion où son âme est
montée au ciel avec le Christ pour être ensuite amenée
par les apôtres dans la vallée de Josaphat où se situe sa
tombe et d’où précisément son corps s’est élevé. Voir
43 M. Castiñeiras, « Un passaggio al passato : il portale di Aurelio de Santos Otero, Los Evangelios Apócrifos,
Santa Maria di Ripoll », Medioevo, il tempo degli antichi. VI Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 1956, p. 611-
Convegno Internazionale di Studi di Parma, Palazzo Sanvitale 685 ; Bellarmino Bagatti, Michele Piccirillo, Alberto
23-28 settembre 2003, éd. A. C. Quintavalle, Parme, Prodomo, O.F.M, New Discoveries at the Tomb of the
Electa, 2006, p. 365-381, en part. p. 374-377, fig. 27-29 ; Virgin Mary in Gethsemane, Jérusalem, Franciscan
M. Castiñeiras, « The Portal at Ripoll Revisited… ». Printing Press, 1975 (2004), p. 12-14.
92 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 17. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. lat. 5729, fol. 370v, vers 1027-1032, Assomption ou elevatio animae de
la Vierge (© BAV).
Murmuri populi, Aqua mara ; Coturnix, Manna ; C’est pourquoi je pense que le style esquissé
Petra Oreb ; Ur, Moyses, Aaron, bella Iosue contra et irrégulier de la décoration des pages de la Bible
Amalec –, semblent avoir été pensés pour aider le de Ripoll a pu être forgé à partir de cahiers de
peintre à passer du petit format des miniatures dessins d’artistes. C’est évident dans le Nouveau
à celui du mur (fig. 16 et pl. 11) ; en second lieu, Testament où l’accumulation de scènes très resser-
l’articulation du portail sculpté du xiie siècle rées apparaît comme une transcription rapide
en bandes narratives accompagnées de tituli de modèles ou ανθίβολα provenant directement
dans les encadrements apparaît comme une de Terre Sainte ou d’un manuscrit de tradition
transposition dans la pierre d’un décor mural orientale. La fonction polyvalente de ces dessins
antérieur45. – miniatures ou peintures murales – nous dit
le désir de l’abbé Oliba de donner du prestige
au décor de sa basilique par le biais d’images et
45 M. Castiñeiras, « Un passaggio al passato… » ;
M. Castiñeiras, « The Portal at Ripoll Revisited… »,
p. 124-127. Les premiers à proposer que les registres sculptés mais plutôt le décor supposé des murs intérieurs de la
de la façade du xiie siècle se sont inspirés d’un cycle peint basilique : André Grabar, Carl Nordenfalk, Romanesque
monumental ont été André Grabar et Carl Nordenfalk, qui Painting from the Eleventh to the Thriteenth Century (The
considéraient que le modèle était non pas la porta picta, Great Centuries of Painting), Lausanne, Skira, 1958, p. 71-72.
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 93
Fig. 18. Façade de Santa Maria de Ripoll, vers 1134-1150, Moïse frappe le rocher d’Horeb pour faire jaillir l’eau (Ex. 17,
4-7) (photo de l’auteur).
d’évoquer grâce à elles les basiliques romaines révèle particulièrement ardue puisqu’ils forment
ou les lieux saints. un ensemble incomplet et que leur origine
comme leur support demeurent inconnus46. C’est
pourquoi, j’essaierai d’enquêter sur leur caractère
Les ivoires de Salerne, narration, narratif en partant de trois interrogations : la
fonction et contexte nature de leur répertoire, les adaptations de celui-ci
en fonction de son contexte artistico-culturel et,
Comme nous l’avons vu jusque là, la narration pour finir, la vexata questio de leur implantation
biblique en petit format est toujours soumise à la originelle sur un objet.
fonction, à l’usage et à la visibilité de l’objet qu’elle En ce qui concerne leur répertoire, les ivoires de
décore. De telle sorte qu’un même répertoire ou Salerne trahissent la vigueur des formules romaines
cycle peut s’adapter aux contraintes du format et (Ancien Testament) et byzantinisantes (Nouveau
transformer ou altérer sa ligne narrative en raison Testament) autour de la Méditerranée occidentale du
de cette adéquation. Dans le cas des ivoires de
Salerne, la tâche consistant à retrouver le sens
ou les séquences du récit des trente-quatre 46 En ce qui concerne le problème de la datation des ivoires
panneaux narratifs qui nous sont parvenus se de Salerne, voir les notes 2 et 56.
94 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 19. Salerne, Museo Diocesano San Matteo, ivoires de Salerne, vers 1080-1085, le Baptême du Christ
(Kunsthistorischen Institut in Florenz).
xie siècle. Ce mélange ne doit pas nous surprendre sur un fond neutre. Le format semble évoquer
puisque chacune de ces traditions joua un rôle la séquence picturale monumentale d’une nef,
dans l’origine de l’art de Didier du Mont-Cassin telle qu’elle existait dans les prestigieux modèles
et de son entourage. On distingue cependant une de Saint-Pierre du Vatican et de Saint-Paul-
nette différence de format et de composition entre hors-le-Murs, ainsi que dans les exemples plus
les plaques de l’Ancien et du Nouveau Testament. proches du Mont-Cassin et de Sant’Angelo in
Les plaques de l’Ancien Testament forment Formis47. Comme nous l’avons montré auparavant,
des rectangles horizontaux et se composent
chacune de deux scènes divisées par des colonnes
torses dans lesquelles les figures se détachent 47 R. P. Bergman, The Salerno Ivories…, p. 42-47.
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 95
Fig. 20. Monastère d’Hosios Loukas (Phocide, Grèce), katholikon, mosaïques, première moitié du xie siècle, le
Baptême du Christ (archives de l’éditeur).
certaines images, comme l’Esprit planant sur ce type d’architecture soit, comme l’affirment
les eaux ou le Sacrifice d’Isaac, rencontrent des Maria Cristina Carile et Patricia Blessing, un
précédents dans la tradition romaine et dans écho postérieur au syncrétisme issu des édifices
celle du Mont-Cassin. de Roger II en Sicile48. Par ailleurs, des détails
D’un autre côté, les plaques dédiées au iconographiques tels que la colonne surmontée
Nouveau Testament forment au contraire des d’une croix dans la scène du Baptême du Christ,
rectangles verticaux et se composent de deux que l’on retrouve aussi dans les mosaïques d’Hosios
scènes superposées en registres dans lesquelles Loukas (fig. 19-20), sont propres à l’iconographie
les figures s’articulent dans un espace tridimen- médio-byzantine, puisque ce motif fait allusion à
sionnel, pourvu d’une profusion d’architectures un ancien monument commémoratif situé dans
servant de fond à de nombreux personnages. le Jourdain et décrit par Theodosius vers 530, dans
Ces compositions dérivent des illustrations de
l’art médio-byzantin et rappellent en particulier
certaines formules du Ménologe de Basile II
(vers 1000). On y trouve le même désir de fixer 48 Maria Cristina Carile, Patricia Blessing,
« Architectural Illusions and Architectural
des épisodes animés se déroulant devant des Representations : Building and Space in the
fonds architecturés complexes dotés de frontons, Salerno Ivories », The Salerno Ivories. Objects…, p. 111-
d’arches et de coupoles. Je ne pense donc pas que 123, en part. p. 125.
96 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
son De situ Terrae Sanctae49. S’agissant enfin des (Cosmos, Vision d’Ézéchiel) qui faisaient partie
points communs entre le répertoire byzantinisant de l’enseignement des futurs moines52.
des cycles néotestamentaires de la Bible de Ripoll En dernier lieu, afin d’aborder le thème con-
et des ivoires de Salerne, il faut signaler des scènes troversé du type de présentation des ivoires de
comme la Visitation, le Songe de Joseph (fol. 366r) Salerne, j’aimerais tout d’abord attirer l’attention sur
ou même le Sépulcre du Christ. deux faits incontestables. D’une part, la différence
En ce qui concerne les adaptations, l’empreinte de format entre les plaques de l’Ancien Testament
de l’école de médecine de Salerne avec son intérêt (horizontales) et du Nouveau Testament (verti-
pour la nature et les expériences des cinq sens cales) dénote une disposition et une séquence
transparaît dans le choix de nombreux éléments narrative distincte. La taille des pièces montre
iconographiques, comme l’ont signalé Maria toutefois clairement que la séquence du Nouveau
Evangelatou et Francesca dell’Acqua50. Ceci Testament occupait un lieu central, alors que les
pourrait supposer la présence active d’Alfan, bandes ou vignettes de l’Ancien Testament devaient
traducteur de textes médicaux, en tant que adopter une position latérale et compléter ainsi le
véritable concepteur de nombre de ces solutions51. discours des scènes évangéliques à la manière de
Se détache en particulier la distinction entre gloses ou de types bibliques. À ce propos, Arturo
l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal Carlo Quintavalle, suggéra en son temps que cette
portant seulement des figues et l’Arbre de Vie, différence de format entre les plaques vétérotes-
luxuriant, chargé de grappes de raisin, au sens tamentaires et néotestamentaires répondait à
clairement eucharistique dans les scènes de la une différence d’emplacement sur une cathèdre
Création des plantes et de la Création d’Ève. Dans symbolisant le pouvoir papal, dans laquelle les
le même ordre d’idée, l’accent est mis sur les plaques néotestamentaires décoraient la partie
miracles thaumaturgiques du Christ, comme avant (dossier et base), tandis que les plaques
dans la scène de l’hydropique avec son ventre vétérotestamentaires se situaient sur les côtés53.
proéminent, ou celle du paralytique dans la D’autre part, ainsi que l’a démontré Jill Caskey,
piscine de Béthesda. Le rôle du récit biblique l’insistance du cycle néotestamentaire sur les
dans l’apprentissage et la formation culturelle miracles du Christ se transforme en une allusion
des communautés ecclésiastiques du haut Moyen autoréférentielle à l’évangéliste Matthieu dont les
Âge est un thème passionnant. Dans le cas de reliques furent découvertes dans la cathédrale
la Bible de Ripoll, celle-ci regorge d’images dédiée à ce saint qui était en construction en
schématiques propres aux sciences du quadrivium 1080. Matthieu est témoin des miracles du Christ,
de sorte que les ivoires deviennent une sorte de
double de son récit évangélique exposé à la vue
des fidèles54.
49 Theodosius, Topography of the Holy Land, 20, texte
transcrit dans J. Wilkinson, Jerusalem Pilgrims before the
Crusades…, p. 69.
50 Francesca dell’Acqua, « Les cinq sens et la connaissance 52 M. Castiñeiras, « From Chaos to Cosmos… ».
de Dieu. Marie-Madeleine et Thomas dans les Ivoires de 53 Arturo Carlo Quintavalle, « I disegni e le officine della
Salerne », Cahiers de Civilisation Médiévale”, 55 (2012), Riforma », Wiligelmo e Matilde. L’officina romanica,
p. 571-598 ; Maria Evangelatou, « Botanical Exegesis éd. A. Calzona and A. C. Quintavalle, Milan, Electa,
in God’s Creation : the Polyvalent Meaning of Plants 1991, p. 251–340, en part. 292-305, cat. n. 140-141, p. 364-
on the Salerno Ivories », The Salerno Ivories. Objects…, 371, en part. p. 369.
p. 133-165, en part. 134-145 et 153-156. 54 Jill Caskey, « Miracles and Matthew : Potential Contexts
51 Sur l’activité d’Alfan comme traducteur de traités médicaux, for the Salerno Ivories », The Salerno Ivories. Objects…,
voir : Francesca dell’Acqua, « Les cinq sens… », p. 595. p. 179-189.
le s b i b le s d e ri po ll e t d e ro d e s e t le s i vo i re s d e s alerne 97
C’est là que le thème de la présentation et d’ivoire » (1510) ou une icône de bois montrant
donc de la visualisation de ces ivoires se heurte la Passion du Seigneur en ivoire, dotée d’une
à un problème insoluble. De multiples solutions « serrure » (charnière) (1567), ce qui permet
ont été proposées par les chercheurs : icône en de déduire qu’il s’agissait d’un triptyque 57.
ivoire, retable, paliotto (devant d’autel), boîte-rel- L’objet passe de la sacristie au trésor, où il est
iquaire, porte d’une iconostase, cathèdre/sedes postérieurement transformé en un devant d’autel
romana ou trône symbolique de l’Hétimasie. (paliotto) et c’est ainsi qu’il est décrit en 1714.
Ruggero Longo et Elizabetta Sirocco ont écarté C’est également ainsi qu’Aubin-Louis Millin le
la possibilité selon laquelle les pièces auraient fait dessiner entre 1812 et 1813 (fig. 21)58. Il faut
fait partie de l’autel de la crypte dédiée à saint se demander si cette disposition logique, avec
Matthieu ou de l’autel majeur de l’église – dédié les plaques du Nouveau Testament au centre et
à la Vierge –, puisque les documents d’archives les plaques de l’Ancien Testament sur les côtés,
nous apprennent que sur ceux-ci se trouvaient ne correspond pas à la disposition originale de
respectivement une tabula argentea offerte par l’« icône » portable décrite au xvie siècle, sans
Roger II et un devant d’autel qui fut doré en 116155. doute un triptyque avec un panneau central
En outre, l’hypothèse d’une chaire portable, qui (Nouveau Testament) et deux latéraux (Ancien
aurait été soit un trône symbolique de l’Hétimasie, Testament) qui se refermaient.
soit une sedes romana située dans le bras sud L’historiographie a supposé que ces
du transept, a gagné des adeptes ces dernières premières mentions au xvie siècle d’une icône
années, bien qu’il n’y ait pas de consensus sur ou tablette d’ivoire portant les armoiries de la
la datation et qu’il soit difficile de proposer une famille Piscicello – dont deux membres furent
solution cohérente pour la disposition des ivoires archevêques au xve siècle – faisaient référence à un
sur un objet tridimensionnel56. objet issu d’un remaniement réalisé au xve siècle,
Plus récemment, aussi bien Antonio Milone au cours duquel la cathèdre « primitive » aurait
qu’Antonio Iacobini et Anna Maria D’Achille été réduite à une « icône d’ivoire », pour ensuite,
ont à nouveau attiré l’attention sur les premières à la fin du xvie siècle, se voir transformée en un
mentions des ivoires au xvie siècle (1510, 1567), devant d’autel. Que la configuration originale des
dans lesquelles on évoque « une grande icône ivoires ait pu être une sorte de diptyque ou de
55 Ruggero Longo, Elisabetta Scirocco, « A Scenario 57 Antonio Milone, « La morte di Anania : un avorio
for the Salerno Ivories : the Liturgical Furnishings of salernitano perduto », The “Amafli”-“Salerno” Ivories,
the Salerno Cathedral », The Salerno Ivories. Objects…, p. 33-46, en part. p. 42 ; Id., « Dal Tesoro ai Musei :
p. 191-210, en part., p. 204-208. vicende degli avori tra XV e XX secolo », Gli avori
56 Dans ce sens, avec des nuances différentes sur son usage medievali di Amalfi e Salerno, éd. F. Dell’Acqua,
comme chaire symbolique, Francesco Gandolfo, Arturo A. Cupolo, P. Pirrone, Amalfi, Centro di Cultura
Carlo Quintavalle et Valentino Pace proposent une e Storia Amalfitana, Museo Diocesano “San Matteo”-
datation de celle-ci dans les années 1080, en relation Salerno, 2015 (Quaderni del Centro di Cultura e Storia
directe avec l’épiscopat d’Alfan († 1085 ; cf. notes 2 Amalfitana, 8 ; Opere e Territorio : Vademecum, 1),
et 52). À l’inverse, les travaux d’Armando Schiavo, p. 51-64, en part. p. 52.
Elisabetta Scirocco, Ruggero Longo et Francesca 58 Anna Maria D’Achille, Antonio Iacobini, « Sulla storia
Dell’Acqua y voient plutôt une sedes romana réalisée del paliotto eburneo di Salerno. Nuovi documenti, un
dans le second quart du xiie siècle (cf. notes 2 et disegno inedto e (forse) qualche enigma in meno »,
54). Pour un état de la question des différentes Il potere dell’arte nel Medioevo. Studi in onore di Mario
hypothèses, voir F. Dell’Acqua, « The Hidden Sides of D’Onofrio, éd. M. Gianandrea, F. Gangemi,
Salerno Ivories », The Salerno Ivories. Objects…, p. 212- C. Constantini, Rome, Campisano Editore, 2014,
220, fig. 1-11. p. 871-902, en part. fig. 1.
98 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Fig. 21. Paris, BnF, Département des Estampes et de la photographie, Vb 132 t., 1 fol. P67272, dessin du devant d’autel
en ivoire de la cathédrale de Salerne par Michele Steurnal, 181 (d’après Il potere dell’arte nel Medioevo. Studi in onore di
Mario D’Onofrio, éd. M. Gianandrea, F. Gangemi, C. Constantini).
Fig. 22. Salerne, Museo Diocesano San Matteo, ivoires de Salerne, vers 1080-1085, Crucifixion
(Kunsthistorischen Institut in Florenz).
1 00 Ma n ue l A n to n i o C as t i ñ e i r as G o n z ál e z
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 101-123
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118934
102 ju di th s o r i a
été mise en avant9. C’est ensuite le lien entre les vient le temps de la Fête qu’elles illustrent12. Les
décors et la liturgie eucharistique qui a retenu Grandes Fêtes13, soit despotiques soit mariales,
l’attention10. Les épisodes de la vie du Christ forment un ensemble variable qui a évolué dans
peuvent alors être perçus comme des illustrations le temps pour aboutir à neuf fêtes fixes : l’Annon-
des différentes étapes de la liturgie, hors de toute ciation, la Nativité, l’Épiphanie, la Présentation
logique narrative. Ces images de la vie du Christ au Temple, la Transfiguration, la Naissance de la
se présentent en outre sous une forme hiératique, Vierge, la Présentation de la Vierge au Temple,
monoscénique et non séquentielle qui contredit la Dormition de la Vierge et l’Exaltation de la
l’idée que l’on se fait à priori d’un cycle narratif. croix auxquelles s’ajoutent trois fêtes mobiles : le
Ces images rendent pourtant présents dans Dimanche des Palmes, l’Ascension et la Pentecôte.
l’espace de l’église l’Incarnation et le Salut qui Les Fêtes de Pâques, qui s’étendent du Vendredi
se sont manifestés à l’humanité dans l’histoire Saint au dimanche pascal, dépassent encore par
et par une histoire. leur importance la catégorie de grandes Fêtes14. La
Le terme d’images de Fêtes est attesté dans question de la pertinence du terme de Dodekaorton
les sources, notamment dans des épigrammes lorsqu’il est appliqué aux décors pariétaux a
qui commentent des icônes ou des peintures11, et déjà été largement discutée, en particulier par
dans les typica monastiques où ils désignent les Jean-Michel Spieser15. La comparaison du cycle
icônes sur panneaux surplombant les épistyles liturgique avec les images rencontrées dans les
des templa que l’on éclaire tour à tour lorsque décors classiques qui nous occupent permettra
cependant d’y voir plus clair.
À Hosios Loukas, les images de la vie du Christ
conservées sont réparties entre les trompes de
9 Gabriel Millet le premier perçut dans ces récits plus la coupole de la nef, la voûte du sanctuaire et les
synthétiques un cycle liturgique annuel qui rassemble
lunettes au-dessus des baies de passage entre le
des images des Grandes Fêtes. Gabriel Millet,
Recherches sur l’iconographie de l’Évangile aux XIVe, narthex et le naos (fig. 1). Sur les quatre trompes
XVe et XVIe siècles d’après les monuments de Mistra, de la sont représentés les épisodes de l’Enfance :
Macédoine et du Mont-Athos, Paris, De Boccard, 1916,
p. 15-17.
10 La bibliographie sur ce sujet est très importante : André 12 Christopher Walter, « A New Look at the Byzantine
Grabar, « Un rouleau liturgique constantinopolitain Sanctuary Barrier », Revue des études byzantines, 51
et ses peintures », Dumbarton Oaks Papers, 8 (1954), (1993), p. 203-228.
p. 161-199 est un des premiers à l’avoir montré. En 13 Les Grandes Fêtes se distinguent des autres Fêtes
raison de leur approche du décor classique pris par leur importance liturgique et sont précédées
dans son ensemble, on peut à nouveau mentionner d’une veillée et dans certains cas d’un jeûne. Voir
Th. Mathews, « The Sequel to Nicaea II in Byzantine l’article « Great Feast », dans The Oxford Dictionary
Church Decoration » et J.-M. Spieser, « Liturgie et of Byzantium, Oxford, Oxford University Press, 1991.
programmes iconographiques ». Sur la constitution et l’évolution d’un cycle liturgique
11 Les épigrammes de Jean Mauropous sont les plus des Fêtes, Christopher Walter, « A New Look… »,
fréquemment citées, notamment Εἰς πίνακας μεγάλους p. 217-220.
τῶν ἑορτῶν dans Jean Mauropous, Iohannis Euchaitorum 14 Ibid.
metropolitae quae in codice Vaticano Graeco 676 supersunt, 15 Christopher Walter et Jean-Michel Spieser ont souligné
Göttingen, 1882. Voir d’autres exemples de textes de ce dans leurs travaux respectifs que le terme d’images
type et leurs références dans Jean-Michel Spieser, « Le « de Fêtes », n’y désigne jamais de peintures murales :
développement du templon et les images des Douze Ch. Walter, « A New Look… » ; J.-M. Spieser, « Le
Fêtes », dans Les images dans les sociétés médiévales : développement du templon… ». Liz James a encore
Pour une histoire comparée, éd. J.-M. Sansterre et rappelé récemment, preuve qu’il en est encore besoin, le
J.-C. Schmitt, Bruxelles-Rome, Bulletin de l’Institut manque de pertinence de ce terme : L. James, Mosaics in
Historique Belge de Rome, 69 (1999), p. 131-164, p. 149. the Medieval World… p. 137-144.
1 04 ju di th s o r i a
Comme dans l’exemple précédent, d’autres images Annonciation, Nativité, Présentation, Baptême,
placées dans le narthex enrichissent ce récit Transfiguration, Crucifixion, Descente de croix et
de l’Incarnation. Le Lavement des pieds a en Anastasis (fig. 3). L’histoire du Salut est entière-
effet reçu le même emplacement, dans la travée ment contenue sous la coupole, depuis la mise
nord, qu’à Hosios Loukas et à la Néa Moni. La en œuvre de plan divin dans l’Annonciation
Cène et la Trahison de Judas complètent le récit jusqu’à la Résurrection et sa première application
des événements du Jeudi saint. Trois épisodes dans la sortie des limbes des justes de l’Ancien
de l’enfance de Marie, dont la naissance, sont Testament. Dans la partie nord du narthex
représentés dans le bras nord du naos, auxquels apparaissent quelques épisodes de la Passion : la
s’ajoutent la Prière de Joachim et Anne, l’Entrée Résurrection de Lazare, l’Entrée à Jérusalem et le
au Temple et la Bénédiction des prêtres. Lavement des pieds. L’A scension et la Pentecôte
À la Néa Moni de Chios, les images sont sont représentées dans la partie sud du narthex.
également réparties entre le naos et le narthex. Ainsi la plupart des douze Grandes Fêtes
La coupole repose directement sur les murs du figurent-elles dans un ou deux des décors :
naos et les huit trompes d’angle qui assurent le la Naissance de la Vierge, sa Présentation au
passage de la forme carrée au cercle de la coupole Temple, l’Adoration des Mages et la Dormition
contiennent chacune un des huit épisodes : à Daphni ; la Transfiguration et l’Entrée à
t e m p o r ali t é s e t cau sali t é narrat i ve s dans le s d éco rs mé d i o byzantins 107
Jérusalem (ou Dimanche des Palmes) à la Néa Si le cycle christologique synthétique évoque
Moni et à Daphni ; l’A scension à la Néa Moni ; la certaines Fêtes majeures de l’année liturgique,
Pentecôte à Hosios Loukas et à la Néa Moni. Les penser les images de la vie du Christ dans les
autres (la Présentation au Temple, le Baptême décors monumentaux en terme de Dodekaorton20
et Transfiguration), à l’exclusion notable de apparaît donc impropre21. Au-delà des disparités
l’Exaltation de la croix, se retrouvent en revanche entre les différents décors, le choix des épisodes
dans chacun des trois monuments. Le choix montre pourtant une certaine cohérence narrative.
des images correspond donc en partie à ces Le nombre relativement restreint d’images
Grandes Fêtes de l’Église17, mais l’absence de mène à un choix resserré autour des épisodes
l’Exaltation de la croix, qui est pourtant une principaux. En effet, quel que soit le nombre des
Grande Fête solennelle, précédée d’un jeûne et images choisies, elles se répartissent entre des
d’une agrypnie et suivie d’une apodose, pose épisodes de l’Enfance (Annonciation, Nativité,
question18. En outre, les événements célébrés Présentation au Temple), de la Vie publique, qui
lors des Fêtes de Pâques et qui n’appartiennent sont le plus souvent des théophanies (Baptême,
pas à cette série de Grandes Fêtes y tiennent Transfiguration), des épisodes de la Passion
une place notable puisque la Crucifixion et (Crucifixion, Anastasis) et enfin des images
l’Anastasis figurent systématiquement dans les montrant l’application du plan du Salut après la
décors. La Résurrection de Lazare, la Trahison Résurrection, tels que la Dormition de la Vierge
de Judas et le Doute de Thomas apparaissent à ou la Pentecôte. Cet ensemble s’impose donc
la Néa Moni et à Daphni. À Chios, s’ajoutent la comme un abrégé équilibré, exposant l’histoire
Prière à Gethsémani face au Doute de Thomas de l’œuvre salvatrice du Christ à travers ses
dans le narthex et la Descente de croix à la suite moments saillants22.
de la Crucifixion sous la coupole. Le Lavement
des pieds est également commémoré lors de la
semaine pascale, et n’appartient pas à la série
des Grandes Fêtes ; il figure néanmoins dans les lui-même et dans l’ordre biographique. Une telle
narthex des trois catholika. Enfin, les images sont composition témoigne de la volonté de restituer la vie
disposées selon leur ordre dans la vie du Christ du Christ en dehors du flux de l’année liturgique à une
période contemporaine de ces décors médio-byzantins.
et non dans l’ordre du calendrier19. Charles Barber, « Contemplating the Life of Christ
in the Icons of the Twelve Feasts of Our Lord », dans
The New Testament in Byzantium, ed. D. Krueger et R.
17 Les épisodes de l’Enfance de la Vierge célébrés lors de Nelson, Washington D. C., Dumbarton Oaks Research
Grandes Fêtes qui sont représentés à Daphni peuvent Library and Collection, 2016, p. 221-237, ici p. 229-230,
être mis en relation avec la dédicace du monastère fig. 10.2 et 10.3.
à la Vierge, en tout cas à la piété mariale de ses 20 Il est impossible de citer toutes les publications dans
commanditaires. Voir L. Brubaker, « The Virgin at lesquelles cet ensemble d’images est ainsi désigné, mais
Daphni… », p. 123. l’article « Church Program of Decoration », The Oxford
18 J.-M. Spieser, « Le développement du templon… », Dictionary of Byzantium, montre l’évidence de ce terme
p. 131‑164, p. 148 ; J.-M. Spieser, « Liturgie et pour les auteurs.
programmes iconographiques », p. 584 et suivantes. 21 Christopher Walter emploie parfois au sujet des icônes
19 Ernst Kitzinger, « Reflections on the Feast cycle in surmontant les épistyles des barrières de sanctuaire le
Byzantine art », Cahiers Archéologiques, 36 (1988), terme de « Great Feast », parfois celui de « Feast of the
p. 51-73. Ch. Walter, « A New Look… », p. 220. Lord ». Ch. Walter, « A New Look… ».
Charles Barber a signalé récemment une icône 22 Charles Barber montre comment, à la même époque,
calendrier du xie s. dans laquelle les images de la vie la vie du Christ considéré comme un tout peut avoir
du Christ, ou images de Fêtes sont représentées dans la une valeur sotériologique per se. Charles Barber,
partie supérieure du panneau, en dehors du calendrier « Contemplating the Life of Christ… »
1 08 ju di th s o r i a
Si le mot ἑορτή ne désigne jamais d’image un cas comme dans l’autre cependant, les faits
monumentale, notons en revanche que le mot et les récits, en un mot l’historia, demeurent
ἱστορία, qui désigne à la fois les faits passés et leur le fondement de l’exégèse, du dogme et de la
récit est en revanche utilisé, notamment dans la mystagogie. Que le récit de l’Incarnation se
littérature patristique et les commentaires de la trouve au cœur de l’organisation cosmologique
Divine Liturgie pour désigner des images, sans du décor découle logiquement de cette structure
précision de leur forme ou de leur fonction23. narrative et temporelle de la foi. Outre le choix
L’importance du récit de l’Incarnation et du des épisodes représentés, c’est leur agencement
Sacrifice dans la liturgie et dans le décor des dans l’espace et au sein de l’iconographie qui leur
églises byzantines découle de ce que l’histoire du donne leur sens. Si ces images ne correspondent
Christ transmise par les Évangiles est à l’origine pas tout à fait au cycle annuel des Grandes
même du christianisme ; elle est constitutive du Fêtes, l’ensemble qu’elles forment a en revanche,
dogme tel qu’il est énoncé dans le credo : Dieu au-delà de sa dimension biographique, une
s’est fait homme, a souffert, est ressuscité le logique narrative26. Appréhender ce cycle et
troisième jour, est monté aux Cieux et viendra les décors dont il participe à l’aide de notions
juger les morts. L’histoire, toujours en cours, propres aux récits – notamment temporalité et
est très clairement ancrée dans une temporalité causalité – permet de les envisager dans toute
tendue vers le Salut. Les mentions ajoutées à leur complexité.
Constantinople en 381 précisent les conditions La figuration de l’ensemble du décor articule
de l’Incarnation (de la Vierge Marie, par le les différentes temporalités constitutives du
Saint-Esprit)24. Elles rappellent aussi la date dogme. Ainsi, les images qui représentent des
de ces événements fondateurs, la crucifixion épisodes de la vie du Christ coexistent avec des
ayant eu lieu sous Ponce Pilate, accentuant de images que Robert Nelson appelle present-oriented
la sorte leur ancrage dans la chronologie et dans images telles que la Théotokos de l’abside, le
l’histoire. La théologie et la mystagogie reposent Pantocrator de la coupole ou les saints des
d’ailleurs en grande partie sur l’interprétation de
ce récit. Depuis l’Antiquité, deux grands courants
théologiques, l’école théologique d’Alexandrie et
celle d’Antioche, traversent l’histoire du chris- par Origène, permit de développer une analyse
tianisme et se distinguent par leurs méthodes anagogique et figurative qui mena à percevoir les
de lecture et d’interprétation des textes25. Dans événements historiques comme des symboles dont
la réalité historique est finalement moins objective
que la réalité supérieure dont il est une figure. Au
contraire, à Antioche, se développa un courant prenant
23 Voir « ἱστορία » dans Geoffrey William Hugo Lampe, A le contrepied de ces interprétations figuratives et
Patristic Greek Lexikon, Oxford, Clarendon Press, 1961, qui adopta une approche historico-littérale dont les
sens C. 3. René Bornert, Les commentaires byzantins représentants principaux furent Théodore de Mopsueste
de la divine Liturgie du viie au xve siècle, Paris, Institut et Jean Chrysostome. L’antagonisme réside donc dans
français d’études byzantines, 1966, notamment p. 171-173. le rapport entretenu avec l’historia qui mène au sens
24 Ignacio Ortiz de Urbina, Les conciles de Nicée et de spirituel que l’on peut donner à ces mêmes faits et récits
Constantinople : 324 et 381, Paris, Éditions de l’Orante, et qui constitue la θεωρία. Voir « Alexandrie, école de
1963, vol. i. théologie », dans le Dictionnaire de Théologie catholique,
25 D’un côté une approche allégorique issue de l’école Paris, Letouzey et Ané, col. 815, voir aussi Erich
théologique d’Alexandrie, imprégnée de néoplatonisme Auerbach, Figura, Paris, Macula, 2003.
et notamment représentée par Clément d’Alexandrie 26 Pour Christopher Walter, « festival cycle never existed,
et Origène ou Grégoire de Nazianze au siècle suivant. only a biographical cycle for Christ ». Ch. Walter, « A
La doctrine des quatre sens de l’écriture, christianisée New Look… », p. 221.
t e m p o r ali t é s e t cau sali t é narrat i ve s dans le s d éco rs mé d i o byzantins 109
Fig. 4. Hosios Loukas, mosaïque du Christ dans le narthex (Hans A. Rosbach, creative commons.wikipedia).
registres inférieurs27. La mosaïque du Christ au présent28. Comme d’autres icônes du Christ, elle
qui surplombe le passage entre le narthex et le illustre moins le passé qu’elle ne rend le Christ
naos à Hosios Loukas, pour reprendre une des présent au fidèle qui la regarde. Si l’analyse de
analyses de Nelson, tient dans le creux de son bras Nelson est pertinente, l’opposition qu’il propose
un codex sur lequel on peut lire cette péricope entre la mosaïque du narthex d’Hosios Loukas et
Johannique : « Je suis la lumière du monde. Qui le tympan de l’abbatiale de Vézelay semble moins
me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais heureuse29. Le tympan roman, représentant le
aura la lumière de la vie » ( Jn 8, 12)(fig. 4). De passé de la Bible (la Pentecôte ou la Mission des
par l’emplacement de la mosaïque, l’injonction apôtres) et le futur de l’Église (les croisades à
du Christ s’applique au fidèle qui pénètre dans venir), serait en effet didactique et narratif, alors
le naos, vers l’autel et vers la lumière de la vie. que le Christ du narthex d’Hosios Loukas ne serait
L’image, sacralisant l’espace de l’église, appartient
engagé que dans le présent30. Cette temporalité avec la naissance de la Vierge. L’histoire aboutit
dynamique contenue dans le tympan vézelien n’est d’abord dans le face-à-face entre la Crucifixion et
pourtant pas absente des décors byzantins. Si l’on l’Anastasis qui encadrent le sanctuaire et l’autel
peut dire en effet que ces images, à l’instar des où a lieu la réitération liturgique du sacrifice
paroles du Christ, s’adressent bien à la situation qui permet aux participants d’accéder au Salut.
dans laquelle se trouve le fidèle hic et nunc, elles Les conditions du sacrifice sont quant à elles
s’inscrivent néanmoins dans un axe temporel qui développées dans la partie nord du narthex,
mène au Salut à venir. Le contexte dans lequel le avec trois épisodes de la Passion. En outre, la
Christ prononce la phrase citée sur la mosaïque Dormition de la Vierge sur la paroi occidentale
permet de situer l’image dans le discours narratif du naos se présente comme l’épilogue qui acte
plus large du décor. Dans l’Évangile de Jean, les le projet sotériologique dont la Mère de Dieu
pharisiens auxquels le Christ s’adresse et déclare est la première à bénéficier et qui doit à l’avenir
être la lumière du monde lui reprochent en effet être élargi à l’humanité. À Hosios Loukas enfin,
de se rendre témoignage à lui-même. La réponse la disposition apparaît tripartite : dans le narthex,
du Christ : « Bien que je me rende témoignage à la Passion, le sacrifice et la Résurrection ; dans
moi-même, mon témoignage est valable, parce que le naos, l’Enfance et la réalité de l’Incarnation
je sais d’où je suis venu et où je vais ; mais vous, qui justifie le témoignage que le Christ énonce
vous ne savez pas d’où je viens ni où je vais31 » au-dessus de la baie du narthex ; dans le sanctuaire
suffit à montrer que l’histoire de l’Incarnation, enfin, la Pentecôte montre la mise en œuvre
tendue entre une origine (« d’où je viens ») et un du Salut universel ainsi que son application
aboutissement (« où je vais »), est la condition concrète dans la liturgie. La descente de l’Esprit
sine qua non de la validité de ce témoignage. Saint sur les apôtres se reproduit en effet sur les
La disposition générale du cycle chris- oblats pendant le rite. Les épisodes de la vie du
tologique, on l’a vu, respecte la chronologie Christ, depuis les prémisses de l’Incarnation
biographique. Si les épisodes ne sont pas disposés jusqu’à la promesse du Salut, participent d’un
en frise, ils se suivent néanmoins dans le sens axe temporel en tension qui se déploie dans tout
des aiguilles d’une montre autour des coupoles, l’espace ecclésial33.
de gauche à droite autour de la nef et de façon Ces décors posent cependant des problèmes
moins flagrante dans les narthex. À la Néa Moni, particuliers à la narration dans la mesure où
l’essentiel du récit christologique prend place sous les églises en croix et à coupole offrent aux
la coupole dans un ordre chronologique souligné images des espaces qui peuvent à la fois être de
par la forme circulaire. Les épisodes précédant la grandes dimensions, comme c’est le cas dans
Crucifixion et ceux qui succèdent à la Résurrection ces édifices spacieux, et circonscrits, ce qui leur
se partagent l’espace du narthex. À Daphni, une confère une certaine monumentalité. Dans ces
partition entre le nord et le sud du décor a été fondations prestigieuses, le décor est rythmé
notée par Leslie Brubaker32. Dans la partie sud du
narthex, l’histoire de l’Incarnation débute par la
conception miraculeuse d’Anne et l’enfance de 33 Voir dans un autre contexte comment la promesse
la Vierge, et reprend dans le bras nord du naos du Salut est mise en évidence par l’évocation
iconographique de différentes temporalités passées,
présentes et futures dans le décor complexe de
la chapelle funéraire du monastère du Chora à
30 Ibid, p. 266-267. Constantinople. Robert Ousterhout, « Temporal
31 Jean 8, 14. Structuring in the Chora Parekklesion », Gesta, 34-31
32 L. Brubaker, « The Virgin at Daphni… ». (1995), p. 63-76.
t e m p o r ali t é s e t cau sali t é narrat i ve s dans le s d éco rs mé d i o byzantins 111
par une alternance de plaques de marbre et de la position centrale du Christ situé à l’aplomb
compositions figurées en mosaïque, d’autant de l’angle rentrant de la nef produit le même
plus mises en valeur qu’elles ne concernent que effet, accentuant l’axialité et la symétrie de la
des parties délimitées des surfaces : les images composition (fig. 5 et 6). Cet angle rentrant et
de la vie du Christ occupent en effet les niches la surface incurvée qui abrite l’image participent
en cul-de-four des trompes d’angle, les lunettes également à la création d’un lieu clos et propre à
des voûtes, les coupoles ou les écoinçons. Cette la représentation et dans lequel les personnages
fragmentation des surfaces induit une narration peuvent se faire face. La composition de ces images
en tableaux et non en frise, et a des conséquences christologiques est hiératique, le mouvement
sur la construction temporelle du cycle. des personnages peu appuyé, qu’ils soient de
Ces encoignures, ou sections courbes ou face ou de profil.
planes, constituent des cadres à priori rigides Dans l’Annonciation de Daphni, l’archange
et contraignants pour la représentation. La flotte sur le fond d’or et de trois quarts, main
composition des images s’ajuste à la forme du droite et jambe gauche en avant, il se dirige vers la
support et s’accommode de leur position en Vierge et la bénit (fig. 7). Celle-ci pose la main sur
hauteur dans l’église (fig. 1 et 2). Toutes les images sa poitrine, acceptant la mission. L’image montre
ont un fond doré, qu’on aurait tort de ne voir que l’instant précis où l’Incarnation est accomplie.
comme représentation de la transcendance ou Entre les personnages, l’espace occupé dans les
d’une lumière divine atemporelle. Ce fond uni qui autres niches des trompes par le Christ est resté
sacralise certainement la représentation, permet vide. Compris dans une chronologie entre la
aussi une meilleure visibilité des images : les naissance de la Vierge et la Nativité, le moment
personnages et leurs gestes s’en détachent d’autant est toutefois circonscrit et l’image présentant
plus clairement qu’ils sont réduits à l’essentiel. Les deux personnages face à face apparaît également
éléments de décor intégrés dans les scènes sont close. Cette réduction temporelle à une action
parcimonieux mais permettent, au même titre que unique et à un instant précis dans le champ de
les attitudes, d’identifier sans ambigüité l’épisode l’image se retrouve dans la plupart des épisodes
et l’action. Les caractéristiques des « images de des cycles christologiques d’Hosios Loukas, de
Fêtes », parfois considérées comme des icônes, Daphni et de la Néa Moni : Adoration des Mages
ont souvent été soulignées34 : la quasi-symétrie (uniquement à Daphni), Présentation au Temple
qui équilibre les compositions, les personnages (fig. 8), Baptême (fig. 5), Transfiguration (fig. 6),
tournés vers l’intérieur de l’image quand ils ne Crucifixion (fig. 9), Anastasis (fig. 10), etc.
sont pas en position frontale, comme le Christ Les images ne montrent donc pas un flux
des épisodes épiphaniques, la forme close et temporel continu fait de transitions, mais des
autonome qui en résulte. Sur les mosaïques des tableaux ponctuels, des instants décisifs qui
trompes d’angle d’Hosios Loukas et de Daphni, jalonnent le temps historique de manière régulière.
Pour évoquer ce cycle, se présente l’image du
chapelet, constitué de perles séparées par des
34 On peut citer sans prétention d’exhaustivité Otto Demus, espaces de longueur constante35. Ce nombre
Byzantine Mosaic Decoration: Aspects of Monumental Art restreint d’épisodes n’implique pas tant un refus
in Byzantium, Londres, Kegan Paul Trench Trubner,
1947, p. 56-57 ; Ann Wharton Epstein, Tokali kilise.
Tenth Century Metropolitan Art in Byzantine Cappadocia,
Washington, Dumbarton Oaks Studies 22, 1986, p. 45 ; 35 La comparaison avec un chapelet était également venue
Ernst Kitzinger, « Reflections on the Feast cycle… », à E. Kitzinger, « Reflections on the Feast cycle… »,
p. 57. p. 57.
112 ju di th s o r i a
du récit qu’une gestion précise et efficace du temps en sont presque réduites au titulus qui les indexe
narratif. On note en effet, à de rares exceptions sobrement : ἡ Υπαπαντη ; ἡ Μεταμόρφωση ; ἡ
près36, exactement le même nombre d’épisodes Σταύρωσις ; ἡ Αναστασις ; etc.
que d’images. Ces deux termes ne se recoupent On sait que le titulus est devenu partie
pas : l’épisode est une section logique du récit intégrante de l’image elle-même, et nécessaire
alors que l’image est définie par son champ. à la dévotion des fidèles. Le patriarche Nicéphore,
Le terme image fait donc référence à l’aspect investi dans la défense des images au moment
formel de la disposition dans le décor alors que de la crise iconoclaste, avait en effet insisté
le mot épisode concerne la structure de l’action. sur l’importance du nom pour lier l’image à
La parfaite concordance entre les images et les son prototype37. Les images byzantines étant
épisodes qu’elles représentent y est frappante,
l’unité de lieu, de moment et d’action étant
strictement circonscrite. Les images représentant 37 Antirrhetici tres adversus constantinum, I38, PG 100,
un moment unique et une action précise, elles col. 293 B. Il existe une très importante bibliographie
à ce sujet. Voir par exemple Henry Maguire, Icons
and their Bodies, Saints and their Image in Byzantium,
Princeton, Princeton University Press, 1996, p. 137-145 ;
36 La Nativité fait en effet exception, puisque l’Enfant est Karen Boston, « The Power of Inscriptions and the
représenté plusieurs fois à Hosios Loukas et à Daphni. Trouble with Texts », Icon and Word, The Power of
Voir infra. Images in Byzantium, studies presented to Robin Cormack,
t e m p o r ali t é s e t cau sali t é narrat i ve s dans le s d éco rs mé d i o byzantins 113
également à gauche, l’Adoration des Mages est Nativité. Autour de la naissance du Christ, le
représentée dans une image distincte inscrite récit marque donc le pas et s’installe dans un
dans le bras sud, dans la suite immédiate de la temps plus lent.
t e m p o r ali t é s e t cau sali t é narrat i ve s dans le s d éco rs mé d i o byzantins 117
format et leur emplacement privilégié font saillir l’ancienne église de Tokalı Kilise dans lequel le
du flux temporel. Dans la chapelle 6 de Göreme cycle christologique se développe sur la voûte en
par exemple, un cycle de l’Enfance disposé en continu et un programme proche du classicisme
continu occupe la partie sud de la nef transversale. médiobyzantin et du Dodekaorton qui serait plus
Les épisodes de la suite de la vie du Christ sont adapté aux églises en croix inscrites et à colonnes
quant à eux disposés sur les murs droits et les comme à Kılıçlar Kilise et à la nouvelle église de
lunettes, plus en vue, et n’entretiennent pas de Tokalı40. Catherine Jolivet-Lévy a cependant
liens narratifs apparents entre eux39. Ces décors nuancé cette analyse en rappelant d’une part que
cappadociens « mixtes » du milieu du xe siècle ont le matériel est trop parcimonieux pour faire valoir
été perçus comme des œuvres de transition entre une telle évolution linéaire au cours du siècle et,
les programmes « archaïques », comme celui de d’autre part, que les sources écrites trahissent
l’existence de plusieurs systèmes décoratifs qui
auraient coexistés aux ixe-xe siècles41 . Ainsi, dès récit du Salut43. À la période tardobyzantine, ce
le ixe siècle, les décors constantinopolitains des procédé est radicalisé dans des cycles narratifs de
Saints-Apôtres, de la Théotokos de la Source et la Passion très détaillés qui font le tour de la nef
de l’église de Stylianos Zaoutzès sont composés en dessous des images du cycle christologique
de cycles christologiques synthétiques42. Cette synthétique44.
combinaison d’images à degrés de narrativité On sait que le narthex de ces églises monas-
divers peut évidemment être plus marquée tiques est le lieu de certaines célébrations litur-
dans des décors que dans d’autres en fonction giques, en particulier lors de la semaine sainte
de l’architecture, de la technique et des choix et le soir du grand Jeudi. Le rite du lavement
des commanditaires ou des artistes, de l’époque des pieds y a notamment lieu, ce qui explique
de réalisation. Elle est cependant une propriété le choix de cet emplacement pour cette image
de ces décors et non la marque d’une transition et celles qui appartiennent à la même séquence
entre deux systèmes qui seraient « purs ». narrative45. La spécificité des récits de la Passion
Dans l’église de la Transfiguration du monas-
tère Mirozhky de Pskov, dont les peintures datent
du xiie siècle, un Dodekaorton occupe les voûtes 43 Si appréhender la partition entre ces deux types d’images
et les lunettes des bras, selon une disposition comme une distinction entre le général et le particulier
habituelle respectant l’ordre chronologique me semble fécond, de nombreux historiens de l’art
des épisodes et suivant le sens des aiguilles y voient volontiers une hiérarchie. Ainsi, Kitzinger
parlait de « secondary cycles », Suzy Dufrêne de
d’une montre. En dessous d’images que leur « cycles annexes ». Voir respectivement E. Kitzinger,
format et leur composition permettent de con- « Reflections on the Feast cycle in Byzantine art »…,
sidérer comme principales, est peint au moins p. 57 ; Suzy Dufrenne, « L’enrichissement du
un registre d’images en continu, parfois deux, programme iconographique dans les églises byzantines
du xiiie siècle », dans L’Art Byzantin du xiiie siècle,
faisant le tour de l’église et complétant ce cycle
Belgrade, Filozofski Fakultet Odeljenje za Istoriju
christologique restreint (fig. 12). Ces images Umetnosti, 1967, p. 35-67.
placées en dessous et de moindres dimensions, 44 Judith Soria, Le récit de la Passion du Christ dans les
quoique représentant également des épisodes peintures murales : formes et fonctions du cycle narratif
évangéliques, doivent bien être considérées à à Byzance et en Serbie du xiiie au xve siècle, Thèse de
doctorat, École pratique des hautes études (Paris).
part d’un cycle principal. Elles permettent ici Section des sciences religieuses, France, 2015.
aussi, comme dans le narthex de Daphni et de 45 En Cappadoce, l’image est parfois peinte dans la partie
la Néa Moni, de narrer certains passages avec nord-ouest du naos, comme à Saint-Jean de Güllü
une focale plus resserrée. L’augmentation du dere, à Kılıçlar kilisesi. C. Jolivet-Lévy, La Cappadoce
médiévale : images et spiritualité…, p. 227, p. 245 et
nombre d’épisodes se déroulant dans un temps
p. 247. Sur le rite du lavement des pieds voir André
donné permet de considérer dans leurs détails Lossky, « La cérémonie du lavement des pieds : un
particuliers ces événements subsumés par les essai d’étude comparée », dans Comparative Liturgy
images principales ou éléments saillants du Fifty Years After Anton Baumstark (1872-1948), éd. R.
Taft et G. Winkler, Pontifico Istituto Orientale,
Rome, 2001, p. 809-832. Sur la relation entre l’image et la
cérémonie du lavement des pieds, voir William Tronzo,
« Mimesis in Byzantium: Notes towards a History of the
Function of the Image », RES : Journal of Anthropology
41 C. Jolivet-Lévy, « Les programmes iconographiques des and Aesthetics, 25 (1994), p. 61-76 ; Charles Barber,
églises de Cappadoce au xe siècle… », p. 350-351. « Mimesis and Memory in the Narthex Mosaics at the
42 Cyril Mango, The Art of the Byzantine Empire, 312-1453. Nea Moni, Chios », Art History, 24-23 (2001), p. 323-337 ;
Sources and Documents, Toronto, University of Toronto et à une époque plus tardive, J. Soria, Le récit de la
Press, 1986. Passion du Christ…, p. 228-233.
1 20 ju di th s o r i a
Fig. 12. Mirozhki, Crucifixion et scène de la Passion en dessous (Kitzinger, Reflexion on the Feasts).
t e m p o r ali t é s e t cau sali t é narrat i ve s dans le s d éco rs mé d i o byzantins 12 1
réside cependant au-delà de leur application de la Passion, où l’action des autres personnages
liturgique lors de la semaine sainte. L’Incarnation (apôtres, Judas, Anne, Caïphe, Pilate, etc.) est
et le sacrifice du Christ prennent sens lors de la également déterminante pour la suite de l’action,
résolution de l’histoire dans la Rédemption à ce sont aussi les épisodes caractérisés par un degré
venir. Henry Maguire a montré cette spécificité de narrativité plus élevé. Finalement, l’ensemble
pour des cycles de la période paléologue dans de l’histoire du Salut que restitue le discours
lesquels le mode de narration se distingue de celui iconographique se développe sous des modes
des cycles hagiographiques contemporains46. divers et en différentes temporalités.
Les représentations figurées des vies de saints L’image du Christ en buste du narthex d’Hosios
montrent des situations génériques qui peuvent Loukas peut donc être comprise comme une image
s’adapter aux problèmes divers que les fidèles iconique qui ne concerne que le présent du regardant.
sont amenés à rencontrer dans leur vie et évitent Cependant, puisqu’elle a pour condition nécessaire
d’être trop détaillées ou particulières. Le récit de l’histoire de l’Incarnation qui justifie le témoignage
la Passion, pivot de l’histoire du Salut et objet du Christ, elle s’inscrit dans le récit dynamique de
du sacrement central des chrétiens, se doit en son histoire, de sa divinité et de son incarnation
revanche d’être absolument explicite et univoque. jusqu’aux épisodes non encore advenus, tels que la
Cette spécificité de la Passion est déjà à l’œuvre Seconde Venue. Ainsi, si cette image et d’autres du
dans les images des décors médiobyzantins. Pour même type ont un degré de narrativité qu’on pourrait
la naissance et surtout pour la mort du Christ, qualifier de moindre, elles n’en sont pas moins
le récit s’installe donc dans une temporalité plus incorporées dans la temporalité que le décor dans
détaillée, plus complexe et plus humaine47. On son ensemble met en place dans l’espace de l’église.
pourrait dire aussi que ces épisodes bénéficient Cela contredit donc l’idée souvent admise
d’un degré de narrativité plus élevé. que les images christologiques du décor classique
Pour Jean-Michel Adam, la narrativité est d’un ne sont pas ancrées dans le temps et ne sont
faible degré lorsque il ne s’agit que de description pas liées narrativement les unes aux autres49.
de fait et atteint de hauts degrés lorsque ces faits Si elles ont une forme hiératique, symétrique
sont mis en intrigue et l’agir humain interrogé48. et close et semblent effectivement consister en
Il est évident que dans le récit christologique, la unités autonomes, l’agencement du cycle met
Nativité et surtout la Passion sont les moments où les épisodes en relation les uns avec les autres :
« l’agir humain » est le plus en jeu. La naissance cinquante perles libres ne suffisent finalement
et la mort du Dieu incarné étant les moments où pas à faire un chapelet. La disposition circulaire
son humanité est la plus tangible, et dans le cas sous la coupole des huit épisodes à la Néa Moni
offre d’abord une exposition chronologique des
faits qui relie d’emblée ces épisodes et suffit à
46 Henry Maguire, « Two Modes of Narration in Byzantine en faire un tout. En outre, les paires que forme
Art », dans Byzantine East, Latin West: Art historical chaque épisode avec son vis-à-vis suggèrent
studies in Memory of Kurt Weitzmann, éd. S. Ćurčić autant d’axes qui organisent le récit et installent
et alii, Princeton, Princeton University Press, 1995,
p. 385-391. des liens de causalité50. Les niches orientale et
47 Déjà au xe siècle, les cycles narratifs dits archaïques
insistent particulièrement sur ces deux moments
antithétiques de la vie du Christ : C. Jolivet-Lévy, 49 E. Kitzinger, « Reflections on the Feast cycle… »,
« Les programmes iconographiques… », p. 329. p. 57-58.
48 Jean-Michel Adam, « Une alternative au “tout 50 Leslie Brubaker a également remarqué ces liens créés
narratif ” : les gradients de narrativité », Recherches en par la disposition de différentes scènes dans l’espace
communication, 7, 1997, p. 11-36. à Daphni. Voir son étude portant sur la présence de
1 22 ju di th s o r i a
récit en un thème qui est ici celui du Salut. Ce croix et à coupole. Ainsi, le degré de narrativité
serait donc une erreur de penser que le dogme de ce cycle synthétique n’est que peu évolutif,
réside à l’extérieur du récit et que ce récit serait mais ce dernier peut avoir des ramifications en
un prétexte à ajouter des commentaires dog- d’autres séquences d’images dans d’autres espaces
matiques. Les faits, tels qu’ils ont d’abord été de l’église. Bien que différentes temporalités se
vécus ou vus, constituent le matériau du récit. Le côtoient dans les décors des églises et même si l’on
dogme naît de la mise en intrigue de ce matériau refuse le terme de Dodekaorton ou de « cycle des
par le récit. C’est bien la configuration de ces Fêtes », la réalité d’un cycle narratif synthétique,
événements divers en « histoire du Salut » qui compendieux et totalisant permettant d’évoquer
constitue la foi que proclame le dogme. Cette l’œuvre de Salut en un nombre restreint d’image
mise en valeur d’un tout au moyen de moments ressort de l’analyse du matériel.
saillants et significatifs – désignés par le terme Si les aspects liturgiques n’ont pas été abordés
de Fêtes auquel on peut préférer l’expression ici, le lien entre les décors et le rite n’est plus
« temps forts55 » – rappelle bien « la totalité à démontrer. Il convient cependant de faire
intelligible » par laquelle Paul Ricœur définit remonter ce lien très étroit au niveau de la
la configuration narrative. structure même du récit. Le cycle christologique
Les décors des églises byzantines articulent concorde en grande partie avec les Grandes
des images de différents types et de degrés de Fêtes de l’Église et avec les étapes de la Divine
narrativité variables et se développent sous Liturgie dans la mesure où le rite est conçu
des temporalités plurielles qui proviennent comme la réactualisation de la vie du Christ.
d’une mise en intrigue de la matière première Au xie siècle la Prothéoria de Nicolas d’Andida
utilisée, c’est-à-dire la vie du Christ elle-même. Ils cherche même à rapprocher la liturgie d’une
dessinent, plus qu’une chronique d’événements représentation dramatique de la vie, de la mort
biographiques, l’histoire du Salut. L’aspect dogma- et de la résurrection du Christ de manière bio-
tique qui en ressort, on l’a vu, est le résultat d’un graphique et narrative56. Ces deux systèmes –,
agencement méticuleux qui permet de combiner liturgique et iconographique – ont en quelque
ordre chronologique et causalité. La portée sorte la même source : la vie du Christ elle-même.
sotériologique de ce récit justifie d’ailleurs que la Il y a donc une relation d’image, évidente entre
Vierge y tienne une place parfois très importante. la vie du Christ et les peintures d’une part, plus
L’exemple de Mirozhky montre aussi que lorsque lâche entre la vie du Christ et la liturgie d’autre
les décors multiplient les images, leur organisation part. Ces deux images du même prototype se
continue de réserver une place à part à celles dites ressemblent et se répondent.
du « cycle des Fêtes », surtout dans les églises en
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 127-141
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1 28 s e r e n a ro m a no
pur sempre riconoscibile e identitario per una largo l’accordo circa la coerenza – negli aspetti
vastissima regione al cui centro c’è Roma e la compositivi e latamente stilistici – del gruppo
cui estensione supera troppo strette definizioni Itala di Quedlinburg/Virgilio Vaticano/mosaici
e pertinenze politico-amministrative spuntando di Santa Maria Maggiore ad una data ancorata
qua e là, talvolta, anche più lontano e in contesti entro i primi 20-30 anni del V secolo, è però molto
meno prevedibili.1 difficile immaginare che Santa Maria Maggiore
La domanda vuole anche reagire a un pregiu possa essere il primo caso di decorazione narrativa
dizio che mi sembra ancora difficile da fugare: cristiana.4 Il punctum dolens è quindi quello della
quello che il linguaggio visivo abbia bisogno di un possibile cronologia dei cicli testamentari di San
pre-testo per svilupparsi, e che questo pre-testo Pietro e San Paolo, spesso – in particolare San
debba essere legato al mondo letterario: nel nostro Paolo – attribuiti all’iniziativa di papa Leone
caso, al testo biblico e ai suoi commenti, e di Magno (440-461) ma da altri anticipata (special-
conseguenza ai suoi ‘contenitori’, i codici. La cui mente San Pietro), anche sulla base della buona
illustrazione sarebbe l’antenata, dotta ed elitaria, ragione che difficilmente la basilica vaticana poté
del discorso grand-public sviluppato sulle pareti dei
più grandi ‘contenitori’ cristiani, le basiliche, i Fori
cristiani affollati di gente di ogni tipo, mentalità Christlich-antike Buchmalerei im Überblick, Wiesbaden,
d’origine, cultura (o non-cultura).2 Qui tocchiamo Reichert, 1993 non prende posizione. Celebre,
un punto storiograficamente del tutto irrisolto: naturalmente, il passaggio di Gregorio di Tours, seconda
metà del VI secolo, in cui la moglie del vescovo Namazio,
nessuno degli studi a me noti ha potuto finora a Clermont, in Alvernia, dirigeva l’ornamentazione
stabilire con sufficiente credibilità la precedenza della Chiesa da lei fatta costruire, tenendo un libro sulle
dell’illustrazione libraria cristiana nei confronti ginocchia e traendone le indicazioni da dare ai pittori
della decorazione degli edifici di culto della nuova sui soggetti da rappresentare. Gregorio ovviamente
non dice se il libro era illustrato. Per il commento a
religione ormai ‘pubblica’.3 Se è sufficientemente
questa fonte, Herbert Kessler, «Pictures as Scripture
in Fifth-Century Churches», Studia Artium Orientalis
et Occidentalis 2 (1985), p. 17-31, p. 19; Lowden, «The
1 Per fare solo un esempio, si veda Irene Hueck, «Il Beginnings…», p. 57.
programma dei mosaici», Il Battistero di San Giovanni a 4 Le datazioni variano leggermente, tra 400 circa e
Firenze, a cura di A. Paolucci, Modena, Panini, 1994, 420-430, talvolta con cronologia anche un po’ più
p. 229-263, che individua nel motivo dell’architettura che antica per l’Itala: la coerenza del gruppo è però
separa le scene nel mosaico della cupola del Battistero sempre riconosciuta, sia in termini di impaginazione
fiorentino un chiaro riferimento al ‘sistema’ romano delle ‘vignette’ (con totale assenza di dispositivi
della narrazione testamentaria basilicale. illusionistici finto-architettonici) sia nelle formule
2 E’ ovviamente la tesi di Kurt Weitzmann, Illustration di rappresentazione delle storie. Ai miei occhi è
in Roll and Codex. A study of the origin and method of particolarmente significativo l’accostamento del
text illustration, Princeton, Princeton U.P., 1947, e Id., frontespizio del Virgilio Vaticano, delle pagine a scena
«Narration in Early Christendom», American Journal of multipla nell’Itala, e dei mosaici liberiani, quasi tutti
Archaeology LXI (1957), p. 89-91. a doppio registro. Beat Brenk, Die frühchristlichen
3 Si pronuncia anzi a favore della priorità della decorazione Mosaiken in S.Maria Maggiore zu Rom, Wiesbaden,
monumentale John Lowden, «The Beginnings of Steiner, 1975; Inabelle Levin, The Quedlinburg Itala. The
Biblical Illustration», Imaging the Early Medieval Oldest Illustrated Biblical Manuscript, Leiden, Brill, 1985;
Bible, ed. J. Williams, (Proceedings of the Conference, Francesco Gandolfo, «La basilica sistina: i mosaici
17 March 1994, Pittsburgh, Department of the History of della navata e dell’arco trionfale», Santa Maria Maggiore
Art and Architecture), Pennsylvania U.P., University Park a Roma, a cura di C. Pietrangeli, Firenze, Nardini,
1999, p. 9-59 (ripubblicato in Late antique and medieval 1987, p. 85-123; David H. Wright, The Vatican Vergil:
art of the Mediterranean world, Oxford, Blackwell 2007, a masterpiece of late antique art, Berkeley, University
p. 117-134); la priorità dei libri in K. Weitzmann, of California Press, 1993; R. Sörries, Christlich-antike
Illustration…, e Id., «Narration…». Reiner Sörries, Buchmalerei…, passim.
san pi e t ro, san pao lo, e la narrazi o ne c ris tiana 12 9
restare adornata da sole decorazioni preziose questa discussione, il ruolo giocato dal Laterano
e/o aniconiche per l’intero IV secolo.5 I due casi fu sicuramente cruciale, ma è anche per noi
però, benché binariamente percepiti fin da epoca
molto precoce, ebbero tempi non strettamente
paralleli, certamente almeno per ciò che riguarda Si vedano almeno Richard Krautheimer, «The
l’architettura: la cronologia della costruzione di building inscriptions and the dates of construction
of old St Peter’s: a reconsideration», Römisches
San Pietro è ragionevolmente orientabile entro Jahrbuch der Bibliotheca Hertziana 25 (1989), p. 1-23,
la metà del IV secolo, mentre la basilica ostiense con i riferimenti ai precedenti studi dello stesso autore
‘dei Tre Imperatori’ è certamente teodosiana.6 In rispetto ai quali l’articolo propone una data anticipata
agli anni Venti del IV secolo e l’interpretazione delle
iscrizioni, per le quali è da leggere Paolo Liverani,
«Il monumento e la voce», Costantino e i Costantinidi.
5 Prive di dubbi circa la datazione al V secolo sono le L’innovazione costantiniana, le sue radici e i suoi
schede in Maria Andaloro, L’orizzonte tardo antico e sviluppi, a cura di O. Brandt e V. Fiocchi Nicolai,
le nuove immagini, Milano, Jaca Book, 2006 (Corpus- Acta XVI Congressus Internationalis Archaeologiae
Atlante della pittura medievale a Roma, Corpus, Christianae (Romae, 22-28.9.2013), Città del Vaticano,
vol. i): San Paolo addirittura precede San Pietro Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, 2016,
nell’ordine del volume e l’intero apparato decorativo p. 1393-1405; Sible de Blaauw, Cultus et decor. Liturgia
della basilica ostiense è attribuito al ‘programma’ di e architettura nella Roma tardoantica e medievale, Città
Leone Magno (p. 374: la bibliografia su questo punto del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1994,
è detta “concorde”): Manuela Viscontini, «I mosaici vol. ii, p. 451 ss. La cronologia entro la metà del secolo
e i dipinti murali esistenti e perduti di San Paolo all’incirca è invece mantenuta da altri, si veda anche
fuori le mura: i dipinti della navata, Il ciclo vetero molto di recente G. W. Bowersock, «Peter and
testamentario della parete sud e le storie apostoliche Constantine», St Peter’s in the Vatican, ed. W. Tronzo,
della parete nord», p. 372-378; Ead, «I cicli vetero e neo Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 5-15.
testamentari della navata di San Pietro in Vaticano», Rinvio alla bibliografia citata in questi saggi per una
p. 411-415. Per la possibile data alla seconda metà del IV più completa storia degli studi, e ricordo ancora Paolo
secolo del ciclo ostiense, forse agli anni Sessanta, si veda Liverani, «La basilica costantiniana di S. Pietro in
essenzialmente Herbert Kessler, «’Caput et mater Vaticano», Petros eni, catalogo della mostra (Città
omnium ecclesiarum’: Old st.Peter’s Church Decoration del Vaticano, Braccio di Carlo Magno, 11 ottobre
in Medieval Latium», Italian Church Decoration of the 2006-2008 marzo 2007), a cura di M. C. Carlo-
Middle Ages and Early Renaissance (atti delle giornate di Stella, Monterotondo, Edindustria, 2006, p. 173-181.
studio, Firenze, Villa Spelman, 1987), ed. W. Tronzo, Per San Paolo, l’edificio che si potrebbe considerare
Bologna, Nuova Alfa, 1989, p. 119-146, sp. p. 119-124; costantiniano, di dimensioni nettamente minori rispetto
più recentemente, Jean-Michel Spieser, «Le décor a San Pietro, fu radicalmente rifatto e ingrandito a
figuré des édifices ecclésiaux», Antiquité tardive, 19 seguito del cosiddetto rescritto dei Tre Imperatori nel
(2011), p. 95-108, sp. p. 105-106; Hugo Brandenburg, 386, e per volontà specialmente di Onorio, considerato il
Le prime chiese di Roma, IV-VII secolo, Milano, Jaca vero fondatore della basilica. Un buono stato degli studi
Book, 2013 (con la sua precedente bibliografia); Cecilia in C. Proverbio, I cicli…, p. 17 ss., con la bibliografia
Proverbio, I cicli affrescati paleocristiani di San Pietro che dà conto delle ricerche specialmente di Giorgio
e San Paolo fuori le mura. Proposte di lettura, Turnhout, Filippi (ad esempio si veda Giorgio Filippi, «La tomba
Brepols, 2016, p. 91; da ultimo, Manuela Gianandrea, dell’apostolo Paolo: nuovi dati dai recenti scavi. Notizie
«Il V secolo: da Innocenzo I (401-417) a Anastasio II storiche e archeologiche», in Paulo apostolo martyr.
(496-498)», La committenza artistica dei papi a Roma L’apostolo Paolo nella storia, nell’arte e nell’archeologia
nel Medioevo, a cura di M. D’Onofrio, Roma, Viella, (atti della giornata di studio, Pontificia Università
2016, p. 73-108, sp.p. 87-89. Un’utile sintesi anche sul Gregoriana, 29 gennaio 2009), a cura di O. Bucarelli e
caso di San Paolo, e le alternative di committenza e di M. M. Morales, Roma, GBP, 2011, p. 97-117; e Id., «Un
programma soprattutto fra Onorio e Leone Magno, in decennio di ricerche e studi nella basilica ostiense»,
C. Proverbio, I cicli…, p. 91-92. S. Paolo in Vaticano. La figura e la parola dell’Apostolo delle
6 I tempi della costruzione di San Pietro sono a mio Genti nelle raccolte pontificie, catalogo della mostra (Città
avviso problema non risolto, con argomenti di tutto del Vaticano, Musei Vaticani, 26 giugno-27 settembre
rispetto usati per giungere a conclusioni molto diverse. 2009), a cura di U. Utro, Todi, Tau, 2009, p. 29-45).
1 3 0 s e r e n a ro m a no
totalmente accecato: la basilica del Salvatore, se del Laterano, sono di IV secolo, sono anteriori
il primo edificio pubblico cristiano a Roma, al sistema di messa in scena delle immagini nel
fu forse all’inizio parata d’oro aniconico e di libro cristiano quale si conosce nei testimoni
marmi, ma a un certo punto della storia dovette sopravvissuti; se no, come voleva Weitzmann,
anch’essa ricevere dei cicli narrativi nella navata. Di ne dipendono. Ma è lecito discutere la questione
questi scrive infatti in epoca carolingia Anastasio come se si trattasse di fenomeni omogenei?
Bibliotecario, che riferendosi alla committenza di Il weitzmanniano Roll and Codex ha attivato
Costantino attesta “sulle due pareti della chiesa le cellule grigie di generazioni di studiosi e, non
le storie del Vecchio e del Nuovo Testamento, di ultimo pregio, è fra i rari ponti gettati tra l’età
là Adamo che esce dal Paradiso, di qua il ladrone antica e il Medioevo cristiano.9 E’ però evidente
che vi entra…”, e quindi testimonia un dispositivo che se parliamo di illustrazione libraria e di
di carattere tipologico che garantiva non solo il pittura monumentale, parliamo di due grumi
parallelismo delle due serie ma anche puntuali di eccellenza, di due invenzioni spettacolari
corrispondenze tra singole scene.7 Un modello, che certo discendono dalla medesima congiun-
questo, il cui episodio più raffinato e complesso tura storica – l’affermazione del Cristianesimo,
sarà forse, molti secoli dopo, il ciclo della basilica l’elaborazione dei suoi testi sacri e il rapporto
superiore di Assisi (e più avanti tornerò su questo con la cultura antica – ma hanno pubblici non
intrigante possibile nesso8): ma del Laterano, identici, differenziate necessità, condizioni di
avendo noi soltanto l’ante quem carolingio, non fruizione del tutto separate: in nessun modo
c’è attualmente nessuna possibilità di capire se sono equiparabili. Non farò ricorso a Gregorio
l’attribuzione di Anastasio alla committenza di Magno per sottolineare il diverso tipo di ricettore
Costantino abbia qualche lontana possibilità di implicato dal libro e dalla pittura monumentale:
essere, se non vera, almeno latamente orientativa le lettere di Gregorio forniscono una giustifica-
verso il IV secolo. zione a posteriori dell’abitudine ormai radicata
di coprire di immagini le pareti degli edifici
di culto, e tra l’altro nascono in un contesto
I linguaggi e la narrazione socio-culturale – mi riferisco all’istruzione,
alla capacità di leggere, eccetera – certamente
Dunque il nodo gordiano non è stato tagliato: non identico a quello di IV secolo.10 Inoltre, il
è un gatto che si morde la coda, se gli affreschi libro cristiano è di certo un’assoluta novità, ma
narrativi di San Pietro, forse di San Paolo, chissà a parte la quedlinburghiana Itala, di discussa
cronologia e di rovinatissimi apparati illustrativi,
i testimoni dell’illustrazione libraria tra, diciamo,
7 Patrologia Latina, vol. cxxix, col. 289. fine IV e primo V secolo, sono in realtà sublimi
8 Edgar Hertlein, Die Basilika San Francesco in Assisi, manoscritti non cristiani; essi testimoniano della
Firenze, Olschki, 1964; Hans Belting, Die Oberkirche sopravvivenza della cultura antica nel bacino
von San Francesco in Assisi, Berlin, Mann, 1977; Serena delle grandi città del mondo antico, cioè la
Romano, La basilica di S.Francesco ad Assisi. Pittori,
botteghe, strategie narrative, Roma, Viella, 2001, e Ead., Roma senatoriale pervicacemente attaccata alla
La O di Giotto, Milano, Electa, 2008; Gerhard Ruf, propria identità non necessariamente cristiana,
Die Fresken der Oberkirche San Francesco in Assisi.
Ikonographie und Theologie, Regensburg, Schnell &
Steiner, 2004; Donal Cooper e Janet Robson, The 9 K. Weitzmann, Roll and Codex…
Making of Assisi: the Pope, the Franciscans and the 10 Sulla questione del rapporto tra apparati d’immagine
Paintings of the Basilica, New Haven, Yale University e mondo della scrittura, H. Kessler, «Pictures as
Press, 2013. Scripture…».
san pi e t ro, san pao lo, e la narrazi o ne c ris tiana 131
e Alessandria, dove all’epoca di cui parliamo era tivo duttilissimo e flessibilissimo, avvitato però
probabilmente ancora in piedi la meravigliosa al principio base del more romano. Vale a dire,
biblioteca-scrigno della cultura ‘mondiale’: parlo della connotazione degli spazi di culto secondo
ovviamente del Virgilio Vaticano e dell’Iliade una gerarchizzazione precisa, assolutamente
ambrosiana.11 legata alle loro funzioni e alla loro valenza
Il libro, di fatto, sembra connotarsi più per il simbolica. Il fedele/spettatore entrava infatti
suo bacino sociologico che per la specificità dei nell’edificio – semmai avendo anche attraversato
suoi contenuti: la distanza tra il Virgilio Vaticano gli stadi preparatori dell’atrio e dei portici – e
e l’Itala di Quedlinburg, usciti presumibilmente si trovava nella navata, disposto e obbligato ad
dal medesimo ambiente romano metropolitano, attraversarla per ‘puntare’ lì dove le attese sue
è molto ridotta. Laddove ben più radicalmente e di tutti trovavano il loro acme, cioè lo spazio
rivoluzionaria è l’idea che presiede alla nascita del santuario con, presumibilmente, l’altare. Lo
dell’edificio cristiano e del vocabolario figurativo spazio della navata era dunque per definizione
che si dispone nei suoi spazi, inventandone legato al concetto di movimento, e con il suo
ex-novo un sistema semiotico di cui non c’è vero movimento lo spettatore legava i fotogrammi
precedente nel contesto pagano e imperiale. La dipinti sulle pareti e ne costruiva racconti, in
distruzione di tanti crucialissimi monumenti parte rigidamente orientati, in tanta altra parte
tardo-antichi – mi riferisco soprattutto al gruppo liberamente da lui stesso cuciti.13 Così ci mostra
campano – e la vocazione poetica, simbolica e Anastasio Bibliotecario quando lega le due scene
visionaria dei testi che conservano la memoria di dell’Antico e del Nuovo Testamento affrontate
apparati perduti – Paolino, Prudenzio – oscura sulle due pareti. Non sappiamo esattamente in
la possibilità di capire con esattezza se Roma quale posizione e a quale distanza l’una dall’altra
costituì, nel frangente del tardo IV e del primo fossero la Cacciata dal Paradiso e la Crocifissione:
V secolo, l’apice di un fenomeno generalizzato è solo il suo racconto che ce le fa immaginare
o un nucleo dotato di caratteristiche specifiche esattamente una di fronte all’altra. Però l’os
e legate alla natura della città, alle sue funzioni servazione di Anastasio è intrigante, perché se
e alle cerchie che la guidavano, cioè la ‘corte’ risaliamo ai possibili prototipi, vediamo che
pontificia.12 Così però sembrerebbe: e vediamo quello petrino risulta impossibile – sulla base
che nel proseguire del Medioevo, l’interpretazione delle copie, è da escludere che la Cacciata potesse
cristiano-romana dello spazio-basilica si fissa cadere di fronte alla grande Crocifissione – mentre
diventando se non una formula, certo un disposi ad Assisi la Cacciata si trova nella III campata a
partire dall’abside, in alto sulla parete destra, e la
Crocifissione sulla parete opposta della medesima
11 Cfr. nota 4. Un mondo completamente diverso è campata: certo, la struttura dello spazio di Assisi
nell’A shburnham Pentateuch, talvolta attribuito a Roma, è del tutto diversa da quella del paleocristiano
VI secolo: mostra aspetti tipologici, ma un sens de la Laterano, ma non escluderei che qui affiori,
lecture che non ha nulla a che vedere con il gruppo di
manoscritti sopra citati. Non entro nel merito della ricca
bibliografia sull’argomento, e cito rapidamente Dorothy
Hoogland Verkerk, «Biblical Manuscripts in Rome 13 Su questi aspetti, rinvio alla mia O di Giotto…, sp. p. 21-25;
400-700 and the Ashburnham Pentateuch», Imaging the sulle caratteristiche memoriali e cognitive di questo
Early Medieval Bible…, p. 97-120. processo, aggiungo Maria M. Kiely, «The Interior
12 Sulla questione campana, molto di recente Chiara Croci, Courtyard: The Heart of Cimitile/Nola», Journal of
Una “questione campana”. La prima arte monumentale Early Christian Studies 12 (2004), 4, p. 443-479. Sul
cristiana tra Napoli, Nola e Capua (secc. IV-VI), Roma, mosaico e il suo impiego nelle chiese cristiane, di
Viella, 2017. recente J.-M. Spieser, «Le décor figuré…», p. 105.
1 3 2 s e r e n a ro m a no
forse, uno dei molti indizi di affinità e deliberata Così oggettiva e tangibile da potersi ritagliare,
assunzione di modelli tra Assisi e il Laterano. prelevare e traslare, oggetto in un altro oggetto:
Ma dopo aver letto e dinamizzato a suo nel nuovo mosaico di Nicolò IV.15
piacere il racconto parietale, dopo aver guardato Per ottenere quanto prima accennato, cioè
a destra e a sinistra, essere andato più avanti e la serie di ‘fotogrammi’, capaci di contenere
poi magari tornato un po’ indietro per ripensare l’elemento essenziale di un segmento biblico
il racconto, ricordarlo e ricostruirlo nella mente e destinati a ricomporsi nella lanterna magica
talvolta forse anche integrando tutte quelle parti dell’occhio osservante, fu necessaria un’ope
della storia biblica non rappresentate in figura, razione, la cui radice solo in piccola parte si lega
il fedele arrivava di fronte al luogo dell’attesa. E a quella dell’unico altro vocabolario a nostra
lì era sovrastato da una rappresentazione invece disposizione, cioè l’arte funeraria di poco anteriore
non dinamica – teofanica – la cui fruizione e poi di poco successiva alla ‘pace’ costantiniana.
presupponeva proprio il progressivo ma frontale E’ il progressivo fissarsi, ma vorrei dire anche
avvicinamento del riguardante e, a un certo disseccarsi, del repertorio relativo al materiale
momento, l’arresto del suo movimento e il suo biblico, meccanismo che presiede all’apparizione
stato di profonda suggestionabilità. Queste due dei grandi cicli pittorici basilicali. Più grande
diverse attitudini, anche squisitamente fisiche, (e sempre maggioritariamente poco colta) è
del riguardante, sono – more romano, e tranne l’audience cristiana, più semplificato deve essere
la solitaria, dispendiosa ed elitaria Santa Maria il messaggio.16 Ovviamente, le messe in scena
Maggiore - connotate da due diverse tecniche, sofisticate e, per noi, talvolta impenetrabili,
il rapido affresco, e il prezioso e immutabile che si vedono nelle catacombe ‘miste’ come
mosaico la cui relazione alla luce, così diversa da quella di via Latina o nell’Ipogeo degli Aureli
quella della pittura murale, è anch’essa strumento vengono praticamente spazzate via; tutte le
di gerarchizzazione, opportunamente riflessa tematiche troppo strettamente funerarie (Giona)
perfino nelle iscrizioni che, per secoli nelle absidi vengono dimenticate, inutile dire che i personaggi
romane, insistono sulle qualità divine della luce pre-cristiani che erano sopravvissuti nell’imagerie
e nominano le materie preziose di cui è intessuto
il mosaico.14 Tanto più tardi, il mito fondatore
15 Serena Romano, «Roma, il centro del potere e
della basilica lateranense mostra chiare tracce l’immagine di Cristo», in Cristo e il potere. Teologia,
di questa ormai radicata forma mentis quando antropologia e politica, atti del convegno storico
Giovanni Diacono parla della miracolosa natura internazionale, Orvieto 10-12 novembre 2016), a cura
dell’immagine di Cristo apparsa a tutto il popolo di A. Paravicini Bagliani e L. Andreani, Firenze,
SISMEL, 2017, p. 143-155. Sul mosaico absidale di San
romano, e la individua proprio nell’immagine
Giovanni in Laterano, Alessandro Tomei, Jacobus Torriti
a mosaico infixa nell’abside: mai un’immagine pictor, Roma, Viella, 1990, p. 77-98; e di recente Valentine
dipinta su una parete avrebbe potuto avere la Giesser, «Jacopo Torriti e il mosaico absidale», in
medesima aura e lo stesso altissimo statuto, per S. Romano, Apogeo e fine del Medioevo (Corpus della
la natura più ‘oggettuale’ e tangibile – quindi, pittura medievale a Roma 312-1431, vol. vi), Milano, Jaca
Book, 2016, p. 49-57.
“vera” – dell’immagine musiva composta di tessere 16 Circa le scelte deliberate della Chiesa romana in favore di
tridimensionali intercettanti e rifrangenti la luce. un linguaggio diverso da quello fortemente teologico-
filosofico che connotava la cultura delle Chiese orientali,
si veda – tra i molti titoli che si potrebbero citare - il
saggio pionieristico e ancora estremamente affascinante
14 I testi delle iscrizioni dei mosaici absidali romani in di George La Piana, “The Roman Church at the End
Guglielmo Matthiae, Mosaici medievali delle chiese di of the Second Century”, Harvard Theological Review 18
Roma, Roma, Istituto Poligrafico dello Stato, 1967. (1925), 3, p. 201-277.
san pi e t ro, san pao lo, e la narrazi o ne c ris tiana 133
funeraria cristiana (Ulisse e le Sirene, ampiamente ne sono; semmai, si avvista bene la tendenza a
reinterpretati in chiave cristiana dai Padri di una omogeneizzazione dei temi orientata dall’el-
II e III secolo) spariscono anch’essi.17 Al di là emento simbolico che ciascun episodio permette
delle singole tematiche, la grande differenza è di estrapolare, e che riesce anche a inglobare
però, per così dire, non tanto lessicale, quanto elementi originariamente pagani accanto ad altri
sintattica. Né le catacombe, né i sarcofagi, pre- chiaramente cristiani.19 Sul versante pittorico,
sentano consistenti manifestazioni di intenzioni sono stati indicati gli esempi della catacomba di
organicamente narrative, e mostrano invece che Via Latina, dove – e siamo però già a metà del IV
l’emergente pensiero cristiano pescava nei due secolo – nei cubicoli C e O è stata segnalata la
bacini del Vecchio e del Nuovo Testamento, tendenza a disporre i soggetti veterotestamentari
iconicizzandone alcuni episodi senza affatto (Mosè e l’attraversamento del Mar Rosso e Giosuè
preoccuparsi del segmento narrativo da ciascuno che varca il fiume Giordano) in modo sequenziale,
implicato; e giustapponendoli secondo una tanto da comporre un’embrionale narrazione in
logica devozionale, simbolica, in parte forse combinazione con altri: non si può tuttavia non
individualizzata in relazione al defunto o a un rilevare come questi due episodi principali siano
suo esecutore testamentario.18 Narrazioni, nelle scelti sulla base della corrispondenza tematica
catacombe e nei sarcofagi, praticamente non ce e simbolica molto più che per comporre una
reale e organica narrazione.20 Quanto ad una
strutturazione storica dei due Testamenti, dunque
17 Si vedano le numerose schede dovute a Fabrizio
Bisconti e ai suoi allievi, riunite nel capitolo «La
una messa in ordine l’uno prima dell’altro, al
pittura funeraria», in M. Andaloro, L’orizzonte fine di comporre quella che di fatto risulta poi
tardoantico…, p. 125-221, con la bibliografia, e tra i essere una gigantesca storia cosmica, è ovvio
numerosi contributi dello stesso autore, Fabrizio che nell’arte funeraria non esiste: i due ‘bagagli’
Bisconti, Temi di iconografia paleocristiana, Città del
sembrano messi ambedue à plat, e pescati qua
Vaticano, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana,
2000; sui sarcofagi ancora Josef Wilpert, I sarcofagi e là secondo i criteri sopra accennati, laddove i
cristiani antichi, Roma, Pontificio Istituto di Archeologia cicli basilicali puntano a costruire una sequenza
Cristiana, 1929-1936, e Friedrich Wilhelm Deichmann, storica di ‘semplice’ svolgimento, come una
Hugo Brandenburg e Giuseppe Bovini, Repertorium storia unica ritmata dai suoi vari protagonisti in
der christlich-antiken Sarkophage. 1, Rom und Ostia,
Mainz, von Zabern, 1967; Jutta Dresken-Weiland,
cui molti coloritissimi dettagli disseminati con
Repertorium der christlich-antiken Sarkophage, 2, Italien, larghezza e con infinite diversioni nei vari testi
mit einem Nachtrag Rom und Ostia, Dalmatien, Museen biblici sono persi per sempre.
der Welt, Mainz, von Zabern, 1998.
18 Fondamentale Age of Spirituality, catalogue of the
exhibition at the Metropolitan Museum of Art
(November 19, 1977, through February 12, 1978), the
Metropolitan Museum-Princeton University Press 19 F. W. Deichmann, Frühchristliche…, ad esempio
1979, in particolare Erich Dinkler, «Abbreviated p. 23, n. 1 (Sarcofago di Santa Maria Antiqua);
Representations», p. 396-406, e Herbert Kessler, J. Wilpert, Sarcofagi…, vol. ii, p. 199-222 (Giona);
«Narrative Representations», p. 449-456. Che per l’accostamento di episodi come quello di Giona
l’interesse narrativo fosse totalmente assente nei contesti alla figura di Noè nell’Arca (elemento acqua) o ai Tre
catacombali è naturalmente questione ancora aperta: e giovani nella fornace (acqua/fuoco), Ibid.¸ per es.
si veda Fabrizio Bisconti, «Il cubicolo degli apostoli p. 217-218.
in S.Tecla: un complesso iconografico tra arte funeraria 20 William Tronzo, The Via Latina Catacomb. Imitation
e decorazione monumentale», Il cubicolo degli apostoli and Discontinuity in Fourth-Century Roman Painting,
nelle catacombe romane di Santa Tecla. Cronaca di una University Park, Pennsylvania State University
scoperta, Città del Vaticano, Pontificia Commissione di Press 1986, p. 51-65; M. M. Kiely, «The Interior
Archeologia Sacra, 2010, p. 185-230, p. 211. Courtyard…», p. 458.
1 3 4 s e r e n a ro m a no
Fig. 1. BAV, Barb. lat. 2733, fols 108v-109r. La parete destra della basilica di San Pietro in Vaticano (photo © BAV).
Altre molto autorevoli opinioni supponevano raffigurante il supplizio di Gesù Cristo è, credo,
invece che, in origine, nella navata vaticana del tutto impossibile nella seconda metà del
potesse aver avuto posto, di fronte alla serie IV secolo: quanto disegnato da Grimaldi non
veterotestamentaria, una sequenza dedicata può riflettere quindi l’assetto di IV secolo, e
a san Pietro, le cui gesta sarebbero state poi nemmeno di un eventuale primo V. Quanto a San
trasferite nel transetto destro quando, in occasione Paolo, di cui sappiamo qualcosa in più perché gli
dell’accendersi del culto della Croce al tempo affreschi furono copiati più nel dettaglio, è certo
di Eraclio (ipoteticamente, post 629), a mezzo
della navata fu posto l’altare della Croce, fuoco
delle liturgie della relativa festa e sovrastato of Monumental Narrative Cycles in Italy», Pictorial
dal pannello affrescato con la Crocifissione che Narrative in the Antiquity and the Middle Ages, ed.
Grimaldi ci testimonia grande il doppio di quelli W. Tronzo, Washington, The National Gallery
of Art, 1985, p. 93-112. Kessler è possibilista circa la
circostanti (fig. 2, pl. 14).25 Un’enorme dipinto presenza, sulla parete sinistra di San Pietro, di un ciclo
neotestamentario cui si aggiungevano forse le storie
di Pietro. H. Kessler, «Old St.Peter’s…», p. 120-121,
25 Adolf Weis, «Ein Petruszyklus des 7. Jahrhunderts im ricorda anche il verosimile ‘testimone visivo’ del triclinio
Querschiff der Vatikanischen Basilika», Römische Neoniano di Ravenna, c. 450, descritto da Agnello che vi
Quartalschrift, 58 (1963), p. 229-270; H. Kessler, ricorda un ciclo veterotestamentario affrontato ad uno
«Pictures as Scripture…»; William Tronzo, «The di storie petrine. Si veda anche C. Proverbio, I cicli…,
Prestige of Saint Peter’s: Observations on the Function p. 93-95.
1 36 s e r e n a ro m a no
Fig. 2. BAV, Barb. lat. 2733, fols 113v-114r. La parete sinistra della basilica di San Pietro in Vaticano (photo © BAV).
che lo stato testimoniato dalle copie includa Paolo, ai miei occhi scarsamente immaginabile
più di una fase pittorica post-paleocristiana (e in un contesto medievale. Né si può facilmente
forse per questo ai copisti i dipinti risultavano prescindere, mi sembra, da quello che è il dato
meglio leggibili di quelli vaticani); secondo la cruciale comune alle due basiliche, e la loro
Proverbio, si potrebbe ipotizzare un dispositivo originaria ragion d’essere, cioè la loro natura di
tipologico uguale a quello di San Pietro, quindi edifici funerari eretti alla gloria dei due apostoli
vetero e neotestamentario, forse essendo quello martiri: ci torno più avanti.
neotestamentario integrato da un segmento di Ma visto che non c’è attualmente alcun modo
storie paoline. Poi, in epoca carolingia, in parallelo oggettivo di accertare una verità, proviamo a
al rafforzamento della figura di Paolo nel pensiero vedere se può essere fruttuoso ragionare, pur se in
cristiano, le storie cristologiche sarebbero state via del tutto ipotetica, su un aspetto che mi sembra
eliminate e sostituite con quelle apostoliche.26 sia restato costantemente in ombra lungo tutta la
Quest’ultima idea è per me molto difficilmente discussione sui prototipi. E’ quello – beninteso
percorribile, e lo scenario in cui si cancellano rischiosissimo – della verosimiglianza storica: cioè
le storie di Cristo sostituendole con quelle di del quando, del come, del chi, infine del perché,
si attuò a Roma questa straordinaria invenzione
che, vale la pena di ripeterlo, costituisce un punto
26 C. Proverbio, I cicli…, p. 160-170. d’arrivo che nelle sue specifiche caratteristiche
san pi e t ro, san pao lo, e la narrazi o ne c ris tiana 137
sembrerebbe squisitamente e soltanto romano. corso degli anni Settanta e subisce la pressione
Esperimenti affini dovettero certamente esistere, in della crescente autorità della sede milanese, e
particolare quello di Paolino a Cimitile, 395-403 c.: di Ambrogio, alla soglia del 380.30 Poi, all’inizio
come ha notato recentemente Chiara Croci, si del decennio, con rinnovata determinazione ed
ricade sempre nel dubbio di fondo, perché se i energia, Damaso va a toccare punti nodali per
cicli romani, almeno a San Pietro, sono di IV l’affermazione dell’autorità del vescovo di Roma.
secolo, Paolino se ne ispirò; se sono di primo V, Si occupa del canone biblico, effettuandone una
fu Paolino l’inventore di tutto il meccanismo.27 ‘messa in ordine’ la cui responsabilità filologica
Un meccanismo che tuttavia, nonostante gli e intellettuale è del suo segretario privato, non
aspetti di affinità rispetto a quello romano, altri che Girolamo, che lavorò alla Vulgata su
non sembra ad esso identico: di certo bisogna impulso e per volontà del papa. Il canone fu
pensare che non si trattò di una procedura di proclamato tale dal papa nel 382, in occasione
‘copia’, ma di un concetto largamente simile e del Concilio di Roma, cui Damaso inviò la sua
adattato alle specifiche circostanze. A Cimitile, De explanatione fidei (o ‘Decreto Damasiano’).31
verosimilmente Antico e Nuovo Testamento si Ovviamente non si trattò di un puro lavoro
situavano addirittura in due edifici distinti, o filologico e storico; perché dall’immenso lavoro
forse l’Antico era in uno spazio diverso, come di Girolamo, che certo ebbe durata e rilevanza
quello di un portico: una storia diversa, in cui è ben al di là dell’occasione del Concilio, Damaso
vitale la comprensione del relativo contesto.28 non solo ottenne una radicale ‘messa in ordine’
Mi sembra a questo punto opportuno ricordare dei due Testamenti, ma anche la coscienza - e gli
quale fosse la situazione storico-politica nella strumenti per affermarla - del primato romano,
Roma della seconda metà del IV secolo. Nel cioè della supremazia del vescovo di Roma su
quadro delle dialettiche complessissime tra tutta la Cristianità.32 Primato petrino e supremazia
gruppi sociali, culture, fedi e religioni, cruciali
dovettero essere gli anni del pontificato dav-
vero fortemente e deliberatamente ‘romano’, 30 Charles Pietri, Roma Christiana, Roma, Ecole Française
quello di papa Damaso, personaggio discusso de Rome, 1976, vol. i, p. 407-884.
e accidentato: cruciali specialmente gli ultimi 31 U. Reutter, Damasus…, p. 468 ss.
32 Ibid., p. 474-475: «sancta tamen Romana ecclesia nullis
anni del suo pontificato.29 Vescovo di Roma dal synodicis constitutis ceteris ecclesiis praelata est, sed
366 al 384, fronteggia pericoli grandissimi nel evangelica voce domini et salvatoris nostri primatum
obtenuit: “Tu es Petrus, inquiens, et super hanc petram
aedificabo ecclesiam meam et portae inferni non
praevalebunt adversus eam; et tibi dabo claves regni
27 C. Croci, Una “questione campana”…, p. 155-177, sp. p. 161. caelorum, et quaecumque ligaveris super terram erunt
28 Oltre al citato volume di Croci, si veda M. M. Kiely, ligata et in caelo et quaecumque solveris super terram erunt
«The Interior Courtyard…». soluta et in caelo”. Addita est etiam societas beatissimi
29 Ursula Reutter, Damasus, Bischof von Rom (366- Pauli apostoli “vas” electionis, qui non diverso, sicut heresei
384), Tübingen, Mohr Siebeck, 2009; Markus Löx, garriunt, sed uno tempore uno eodemque die gloriosa morte
Monumenta sanctorum: Rom und Mailand als Zentres cum Petro in urbe Roma sub Caesare Nerone agonizans
des frühes Christentum: Märtyrerkult und Kirchenbau coronatus est». Dopo Roma, il cui primato è al di là di
unter den Bischöfen Damasus und Ambrosius, Wiesbaden, qualsiasi discussione, in seconda posizione fra le chiese
Reichert, 2013; Massimilano Ghilardi, «Damaso, i si situa Alessandria, in terza Antiochia. Il testo è in Ernst
primi martiri cristiani e la città di Roma», La città di von Dobschütz, Das Decretum gelasianum de libris
Roma nel Pontificato di Damaso (366-384), ed. G. Pilara recipiendis et non recipiendis, Leipzig, J. C. Hinrichs,
e M. Ghilardi Roma, Aracne, 2010; Damasus of Rome. 1912, p. 29-33; C. H. Turner, «Latin lists of the
The Epigraphic Poetry, ed. D. Trout, Oxford, Oxford canonical books. 1. The Roman council under Damasus,
University Press, 2015. A.D. 382», Journal of theological Studies, 1 (1900),
1 3 8 s e r e n a ro m a no
romana radicati nei versetti di Matteo 16: 18-19 che firma il celebre Cronografo del 354.34 La sua attività
il De explanatione cita per esteso, aggiungendo al parla di un’azione attenta ai segni visibili della
concetto dell’eredità lasciata da Cristo a Pietro, la storia; e vi è evidente una sensibilità acuta per il
connotazione (extra-evangelica) della presenza e sito vaticano, dove egli probabilmente realizzò il
del martirio di Pietro a Roma pariter con Paolo.33 battistero, e sicuramente curò un nuovo sistema
Il triangolo è esposto con cristallina chiarezza; di drenaggio delle acque, funzionale, appunto,
quei toni, li ritroveremo poi tante volte nella al nuovo edificio.35 Emergono già, a questa data
storia, ogni volta che il primato di Roma diventerà così precoce, i segni del dispositivo retorico che
argomento polemico e bandiera da difendere. marcherà ogni periodo di crisi e di rinascenza
L’interesse di Damaso per le tracce visibili della Chiesa Romana: l’appello alle origini, il
del Cristianesimo romano è palese, e sempre richiamo alla memoria dei martiri, il valore unico
riconosciuto negli studi. Fu intensissimo il suo del paesaggio romano che quelle origini e quelle
lavoro attorno al culto dei martiri: egli ridisegnò vicende eroiche visualizza in modo considerato
la città, una specie di ‘grande Roma’ includente non contestabile e secondo procedure di lunga
la vasta mappa dei cimiteri, con preoccupazioni e lunghissima durata.36 Forse quindi non è solo
conservative e scrupoli per così dire definitori a causa delle più tarde risonanze che crediamo
attraverso la produzione di epigrammi trascritti di cogliere negli anni damasiani l’affiorare di
in epigrafi da quel Furius Dionysius Filocalus che un – chiamiamolo così – sistema operativo che,
appunto, poi si manifesterà analogo tante volte
nella storia successiva. Certo le fonti non parlano
p. 556-560; G. Pilara-M. Ghilardi, La città di Roma…, di un’attività di Damaso per le decorazioni pit-
Appendice, p. 233-234. Va ricordato che – ovviamente – i toriche in San Pietro: ma è sempre rarissimo che gli
medesimi concetti sono negli scritti di Girolamo, in apparati pittorici (e non musivi, o marmorei) siano
particolare la Lettera a Damaso, Ep. XV, 1-2 (PL XXII,
ritenuti degni di attenzione, essendo l’affresco un
coll. 355-356).
33 Già radicata a Roma, in particolare nel Calendario del 354, materiale sostanzialmente povero, quindi nelle
la festa di Pietro e Paolo al 29 giugno (a sostituire la festa fonti sempre latitante. C’è però un accenno, non
pagana di Quirino-Romolo, dunque della Fondazione di riguardante la basilica di San Pietro ma quella
Roma: Oscar Cullmann, Saint Pierre: disciple, apôtre, di Sant’Anastasia: nella quale un’iscrizione del
martyr: histoire et théologie, Neuchatel, Delachaux et
Niestlé, 1952, p. 116), schieramenti diversi esistevano
tempo di papa Ilaro (461-467) ricorda che Damaso
tuttavia circa la coincidenza del martirio nel medesimo
giorno (Damaso, Girolamo) o a un anno di distanza,
con significativa priorità a Pietro (Agostino, Prudenzio). 34 Cito il sempre utilissimo Henri Stern, Le Calendrier
U. Reutter, Damasus…, p. 490-497. Sul tema della de 354. Étude sur son texte et ses illustrations, Paris,
Concordia Apostolorum la bibliografia è naturalmente Imprimerie Nationale, 1953; ma, ancora prima, Antonio
estesissima: cito, come saggio non recente ma ancora Ferrua, «Filocalo, l’amante della bella lettera», Civiltà
estremamente importante, Charles Pietri, «Concordia Cattolica 90 (1939), p. 35-47.
apostolorum et renovatio Urbis (culte des martyres 35 Su questi specifici aspetti dell’attività di Damaso, oltre
et propagande pontificale)», Mélanges d’archéologie a M. Löx, Monumenta sanctorum…, e C. Pilara e
et d’histoire de l’École Française de Rome, 73 (1961), M. Ghilardi, La città di Roma…, sp. p. 269 ss., si veda
p. 275-322, e specialmente p. 297, dove Pietri sottolinea anche Aldo Nestori, «L’attività edilizia in Roma di
come Damaso sia tra i primi a formulare il concetto papa Damaso», in Saecularia Damasiana, Città del
della concordia; a p. 298 Pietri rileva come Prudenzio e Vaticano, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana,
Paolino di Nola prendano le mosse proprio dall’attività 1986, p. 161-172.
intellettuale e operativa di Damaso; si veda anche 36 Si veda da ultimo Re-thinking, Re-making, Re-living
Ch. Pietri, Roma Christiana… vol. ii, p. 1537-1596, che Christian Origins, ed. I. Foletti, M. Gianandrea,
bene insiste sul ruolo di Girolamo nell’accanita difesa S. Romano and E. Scirocco, with the collaboration of
della concordia apostolorum. S. Rosenbergová, Roma, Viella, 2018.
san pi e t ro, san pao lo, e la narrazi o ne c ris tiana 139
aveva fatto ornare la chiesa di pitture, ovviamente che si può bene immaginare nascesse la volontà
dipinti murali, poi sostituiti da mosaici in tempi di ‘far parlare’ le pareti del mausoleo di Pietro,
vicini a quelli dell’iscrizione: “Antistes Damasus pietra della Chiesa romana e suo visibile trofeo
picturae ornarat honore / tecta, quibus nunc dant cittadino, e di farle parlare al popolo romano
pulchra metalla decus”.37 La contrapposizione interlocutore privilegiato del discorso del primato
tra dipinto murale e apparato musivo è molto così come poi Giovanni Diacono mostrerà a
chiara; chissà che procedure simili, anche con proposito del Laterano. Pur così lontani nel
tempi tra loro ravvicinati, non abbiano avuto tempo, gli avvenimenti di cui abbiamo sentore
luogo anche in altre basiliche romane. Chissà, si lasciano quasi seguire, se non anno per anno,
per esempio, se i mosaici onoriani dell’arco di certo in una sequenza ravvicinatissima, in cui
San Paolo furono i primi apparati realizzati per appare evidente anche l’interazione e certo la
quelle superfici; quanto a San Pietro, la facciata rivalità di grandissimi personaggi come Damaso,
è attestata da Paolino – circa anno 400 - rivestita Girolamo, e Ambrogio, la cui operatività deve
di intonaci verdazzurri, e fu poi addobbata da essere pensata in parallelo, ma anche in stretta
mosaici all’epoca di Leone Magno.38 Ma senza competizione con Roma, e la cui intensissima
aprire qui un nuovo fronte problematico, ricordo attività di costruttore e decoratore di edifici
invece che secondo Krautheimer fu proprio cristiani doveva di sicuro essere ansiogena per il
Damaso all’origine del progetto di rifacimento vescovo di Roma e per le sue idee di primato.40
e ingrandimento della basilica ostiense, e fu lui a E tuttavia – e in guisa di conclusione – va
sollecitare il rescritto imperiale: senza poi poter ancora detto che sarebbe un errore immaginare
vedere il seguito della storia, morendo nel 384.39 adesso di attribuire agli anni di papa Damaso la
Bastano, questi elementi, per fare di Damaso nascita del discorso figurativo tipologico basilicale,
il progettatore del primo schema figurativo così come lo conosciamo dalle riprese medievali,
romano latamente tipologico? Sarebbe troppo e immaginarlo rimasto più o meno intatto lungo
audace affermarlo con certezza, e certamente né tutto il Medioevo, a testimoniare la preoccupa
il papa in persona, né Girolamo in troppe altre zione cristiana per la coerenza del primo pezzo
faccende affaccendato possono essere caricati della della sua stessa storia – quella giudaica – con il
specifica redazione di un programma pittorico. secondo, evangelico, e la sua esigenza di validare
Ma è attorno al loro chiarissimo progetto politico i fatti e il Dio dell’Antico Testamento con quanto
e in quello specifico frangente storico che si può
immaginare germogliasse un concetto destinato
poi a tanta fortuna ed elastica utilizzazione; 40 Ringrazio Ivan Foletti per aver attirato la mia attenzione su
questo punto, che qui mi limito soltanto ad accennare.
ed è nella mente di Damaso (dietro il quale
I tituli testimoniati nella decorazione pittorica della
intravvediamo sempre l’ombra di Girolamo) basilica ambrosiana (Giuseppe Visonà, «I “tituli”
ambrosiani: un riesame», Studia ambrosiana, 2 (2008),
p. 51-107) attestano diciassette storie veterotestamentarie
37 Giovan Battista De Rossi, Inscriptiones christianae urbis (con parecchi episodi di Isacco e di Giuseppe, e totale
Roma septimo saeculo antiquiores, Roma, Libreria assenza di Mosè e David) e quattro neotestamentarie.
Pontificia, 1857-1861, vol. ii, pars prima, Roma, Libreria La natura del documento, le vicissitudini della sua
Pontificia, 1888, p. 24 n. 25 (Sylloge d’Ensiedeln) trasmissione, ispirano la massima prudenza, e non fanno
e p. 150 n. 18 (Sylloge di Lorsch); M. Ghilardi, capire con chiarezza se la basilica ambrosiana avesse un
«Damaso…»… p. 160. ciclo definibile come ‘tipologico’. La preoccupazione
38 S. De Blaauw, Cultus et decor…, vol. ii, p. 465. soggiacente, però, è sempre quella relativa al rapporto tra
39 Richard Krautheimer, Tre capitali cristiane, Torino, Antico e Nuovo Testamento, ed evoca ovviamente anche
Einaudi, 1987 (ed. or. Berkeley, University of California Cimitile e l’opera di Paolino. Su Ambrogio e Damaso,
Press, 1983), p. 164. M. Löx, Monumenta sanctorum…, sp. p. 25-42.
1 4 0 s e r e n a ro m a no
Fig. 3. BAV, Archivio di San Pietro A ter, Album, fol. 13r, particolare delle storie di Isacco e Giacobbe (photo © BAV).
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 143-167
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118925
1 4 4 I r e n e Q ua d r i
più romano al di fuori di Roma»,2 o alle Storie realizzato in stucco – che conteneva e ritmava lo
del Genesi della navata del duomo di Monreale svolgimento delle decorazioni pittoriche nelle
che riprendono alcune delle caratteristiche due basiliche apostoliche.6
iconografiche del ciclo veterotestamentario di Eppure, il punto di vista storiografico si è
San Pietro.3 Non possediamo tracce certe di soprattutto concentrato sui punti di contatto,
cicli tipologici anteriori all’XI secolo, ma a quel molto meno sulle divergenze. O meglio, le
che si sa il clou della dinamica si situa tra la fine divergenze che hanno finora principalmente
dell’XI e l’inizio del XII secolo, perfettamente interessato la critica, sono quelle macroscopiche,
in linea con l’ideologia riformata che fa del relative cioè a tutti quei fenomeni derivanti
ritorno alle origini il suo cavallo di battaglia. dall’adattamento del materiale narrativo dei
Il fenomeno, tuttavia, perdura e sopravvive in modelli basilicali ai nuovi contesti spaziali e
temperie storico-artistiche ben lontane dai ideologici, quali i meccanismi di conflation, la
fermenti della Riforma e dei suoi strascichi, scelta e la selezione dei soggetti da rappresentare
insinuandosi fin dentro i primi decenni del XV e l’andamento narrativo. Poca attenzione è stata
secolo, come attesta il caso della decorazione invece prestata a differenze microscopiche,
dell’Annunziata a Cori. attinenti, per esempio, agli scarti che coinvolgono
Gli studiosi hanno rilevato la libertà che gli schemi iconografici adottati, sicuramente più
caratterizza il rapporto di dipendenza delle difficili da leggere e interpretare in ragione di
derivazioni medievali dai prototipi di San Pietro e due diversi ordini di problemi metodologici, il
di San Paolo, con i quali instaurano una relazione primo dei quali è afferente alla scomparsa delle
complessa che lascia molto spazio all’inventività e due decorazioni prototipali romane, di cui tra
alla modifica.4 La riappropriazione, insomma, si fa poco tratteremo.
secondo le modalità tipicamente krautheimeriane L’impossibilità di conoscere i termini precisi
di una copia medievale:5 il grado di adesione della relazione tra ciclo prototipale e ciclo deri-
ai modelli varia e non è mai totale, ma appare vato, poi, impone grande cautela: ciò che non è
chiaramente espresso grazie a indicatori visivi dal chiaro, infatti, è se le derivazioni fossero dirette
forte potere allusivo che rinviano senza possibili o mediate; quando non si trattava di derivazioni
malintesi ai prototipi stessi. È il caso della griglia dirette, quali altri modelli che si rifacevano ai
all’interno della quale trovano spesso posto le prototipi di San Paolo e San Pietro entravano
storie vetero e neotestametarie che riproduce in gioco? Quali erano i supporti mnemonici ai
il sistema di finta architettura – verosimilmente quali l’artista ricorreva? Le raccolte di disegni e
schizzi che sappiamo utilizzati in epoca medievale
riproducevano gli episodi della navata delle due
2 Serena Romano, La basilica di San Francesco ad Assisi. basiliche apostoliche o quelli di altre derivazioni
Pittori, botteghe, strategie narrative, Viella, Roma 2001, geograficamente più vicine?7 Le divergenze,
p. 114. Per la decorazione della basilica superiore di
Assisi e i suoi legami con San Pietro e San Paolo cfr.
anche Ead., La O di Giotto, Milano, Electa, 2008, sp.
p. 33-59. 6 S. Romano, «I pittori romani e la tradizione…».
3 Per i mosaici di Monreale si rimanda al contributo di 7 Per San Pietro in Valle a Ferentillo per esempio,
Tancredi Bella in questo stesso volume. Gandolfo ipotizza uno studio diretto dei cicli delle due
4 Cfr. n. 1. basiliche apostoliche: Francesco Gandolfo, «La pittura
5 Richard Krautheimer, «Introduction to an Iconography nell’Umbria meridionale e gli affreschi di san Pietro in
of medieval architecture», Journal of the Warburg and Valle a Ferentillo», in Gli affreschi di San Pietro in Valle
Courtauld Institutes, 5, 1942, p. 1-33. a Ferentillo. Le storie dell’antico e del nuovo testamento,
Di pinge re all’o mb ra d i protot ipi illus tri 145
quindi, sono il risultato di una catena o di un I cicli pittorici della navata di San
allontanamento diretto e specifico di caso in Pietro in Vaticano e di San Paolo
caso? Nonostante tutte queste domande, anzi, fuori le mura e le derivazioni
tenendo ben presente tutte queste domande e medievali
la complessità del termine “derivazione”, vale la
pena considerare alcune di queste divergenze La perdita definitiva del ciclo tipologico di San
microscopiche: meritano attenzione non soltanto Pietro in Vaticano s’iscrive nell’imponente opera
perché possono dirci molto sulla circolazione e di costruzione della nuova basilica moderna: le
sull’utilizzo del materiale prototipale da parte pareti della navata furono completamente rase al
delle botteghe, ma perché la loro analisi può suolo all’inizio del XVII secolo, non prima tuttavia
anche contribuire a superare qualcuno almeno che Domenico Tasselli e Giacomo Grimaldi
degli scogli metodologici con cui è confrontato riproducessero tramite descrizioni e disegni ciò
lo storico dell’arte quando ha a che fare con la che ancora restava dei dipinti (Album Vaticano,
ricostruzione dei cicli pittorici di San Pietro e Archivio Capitolare di San Pietro, codice A 64 ter).
di San Paolo. E sono proprio le discrepanze tra La decorazione doveva già essere particolarmente
i cicli veterotestamentari medievali e quelli di compromessa allora: le testimonianze di Grimaldi
San Pietro e San Paolo a costituire la soglia di e Tasselli permettono di ricostruire soltanto
osservazione del presente contributo. sedici scene sulle quarantasei che componevano
Attraverso l’analisi dell’iconografia di due il ciclo veterotestamentario della parete destra
scene tratte dal racconto del Genesi, si tenterà di della navata (fig. 1, pl. 13). Ancora più disperata
aggiungere un tassello alla comprensione delle era la situazione della parete sinistra, della quale
complesse dinamiche soggiacenti il rapporto Tasselli e Grimaldi ci trasmettono soltanto cinque
modello-derivazione che equivale ad aprire nuove scene (fig. 2, pl. 14).
soglie di osservazione sulle ragioni d’essere della Ben più ricca e dettagliata è la documentazione
narrazione tipologica in Italia centrale, sul successo visiva relativa alla basilica di San Paolo fuori
secolare dei due monumenti romani, ma anche le mura. Eccezion fatta per qualche lacuna, la
sulla nozione di “tradizione” e “innovazione” maggior parte delle storie veterotestamentarie
in epoca medievale. Ma prima di lanciarci nel della parete destra e del ciclo della parete sinistra
vivo della discussione una premessa s’impone dedicato all’apostolo cui la chiesa è consacrata,
a causa della massa di problemi posti dai cicli ci sono trasmesse dai disegni fatti da Antonio
vetero e neotestamentari delle due basiliche Eclissi intorno al 1635 (BAV, Barb. lat. 4406) e da
apostoliche romane. Séroux d’Agincourt tra il 1777 e il 1781 (BAV, Vat.
lat. 9843, fol. 4r).8 La conoscenza indiretta dei
Fig. 1. Domenico Tasselli, disegni acquerellati, veduta della parete destra della basilica di San Pietro a Roma, XVII
secolo (© BAV, Arch. Cap. S. Pietro, Album, A 64 ter, fol. 13r).
due complessi figurativi lascia aperte domande caso di San Pietro in Vaticano e all’inizio del V
di cui evochiamo solo i nodi principali. Il più per San Paolo fuori le mura.9 Quanto alle storie
intricato è sicuramente quello riguardante la
cronologia dei due cicli, legato a doppio filo
alla disamina intorno all’individuazione, in 9 Per una cronologia dei cicli delle due basiliche
entrambe le basiliche, delle storie che facevano apostoliche durante il pontificato di Leone Magno,
Manuela Viscontini, «I mosaici e i dipinti murali
pendant a quelle veterotestamentarie, poiché
esistenti e perduti di San Paolo fuori le mura. I dipinti
spesso considerate frutto d’interventi successivi, della navata» e «I cicli vetero e neo testamentari della
menzionati dalle fonti, ma più difficili da cogliere navata di San Pietro in Vaticano», in M. Andaloro,
e definire a un’analisi della documentazione visiva. L’orizzonte tardoantico e le nuove immagini 312-468,
Per una trattazione approfondita di questi aspetti Milano, Jaca Book, 2006 (La pittura medievale a Roma
312-1431, Corpus vol. i), p. 372-378 e 411-415. Quanto ai
rinviamo al saggio di Serena Romano in questo partigiani di una datazione più precoce ci permettiamo
stesso volume. Qui ci limitiamo a ripercorrere di menzionare eclusivamente Herbert L. Kessler,
le ipotesi maggiori. «“Caput et speculum omnium ecclesiarum”: old
La datazione corrente di entrambi i cicli – in St Peter’s and church decoration in medieval Latium»,
in Italian church decoration of the Middle Ages and early
particolare quello della basilica ostiense – all’epoca Renaissance. Functions, forms and regional traditions, atti
di Leone Magno (440-461) è stata anticipata da del convegno (Firenze, villa Spelman 1987), W. Tronzo
una serie di studiosi alla fine del IV secolo nel (dir.), Bologna, Nuova Alfa Editoriale, p. 109-146 e il
Di pinge re all’o mb ra d i protot ipi illus tri 147
Fig. 2. Giacomo Grimaldi, disegni acquerellati, veduta della parete sinistra della basilica di San Pietro a Roma (© BAV,
Barb. Lat. 2733, fols 113r e 114v).
le fonti scritte. All’epoca in cui furono eseguite di vista, inserendo sistematicamente il discorso
le copie e le descrizioni, i murali delle due basili- sui cicli tipologici medievali entro i limiti della
che dovevano presentarsi come un palinsesto relazione prototipo-derivazione. In questo modo,
d’interventi susseguitisi nel tempo, di cui gli l’ombra di San Pietro e di San Paolo – se mi si
effetti dei rifacimenti attribuiti a Niccolò III a passa l’ossimoro indubbiamente illuminante, ma,
San Paolo fuori le mura e a Bonifacio VIII a San va detto, pure un po’ incombente – ha impedito di
Pietro restano in buona parte nel flou, ma che guardare fino in fondo le derivazioni in se stesse.
ebbero sicuramente conseguenze importanti Anche la riflessione intorno alle motivazioni
come dimostra il raddoppiamento della scena alla base delle riprese medievali ne ha sofferto,
con l’Uccisione dei Primogeniti, traccia forse di restando rinchiusa nel perimetro della dimensione
una modifica al programma rimasta incompiuta.12 ideologica, in ragione dell’importanza simbolica
L’impasse generata da una tale configurazione dei due monumenti romani nel costituirsi identi-
spiega almeno in parte perché, quando si tratti del tario di Roma quale capitale cristiana e sede del
rapporto prototipo-derivazione, sia più difficile papato. Sebbene, è ovvio, questa chiave di lettura
occuparsi delle differenze che dei punti di contatto. sia fondamentale – anche perché nella maggior
L’esiguità del materiale documentario rela parte dei casi la connessione romana è giustificata
tivo a San Pietro ha portato a mettere in atto da ben precise congiunture storiche e di contesto
un ragionamento circolare, facendo del ciclo – ci si potrebbe chiedere se non ci sia rivolti a San
veterotestamentario di San Paolo il termine di Pietro e San Paolo anche per ragioni di ordine
confronto obbligato per tutte le scene veterotes- puramente pratico. Il sospetto nasce quando ci si
tamentarie non attestate in San Pietro: quando rivolge alla narrazione neotestamentaria dei cicli
tra il ciclo veterotestamentario medievale e San tipologici medievali: San Pietro non può costituire
Paolo c’è discrepanza e questa discrepanza si un termine di paragone, è vero; ma se confrontiamo
ritrova anche in altre cicli veterotestamentari tra loro i cicli medievali del Nuovo Testamento, ci
medievali, allora il modello si riferisce a San rendiamo conto che le diversità sono altrettanto
Pietro. Le occorrenze medievali diventano così numerose dei punti di contatto, come dimostrano
elemento fondamentale nella ricostruzione i dipinti San Giovanni a Porta Latina e San Pietro
filologica degli episodi costituenti la narrazione in Valle a Ferentillo.14 Nell’elaborazione delle
veterotestamentaria di San Pietro. Secondo tematiche cristologiche, quindi, San Pietro in
quanto rilevato da Kessler, le più fitte analogie Vaticano non costituiva il modello dominante,
con il presunto ciclo petrino dimostrano che ma un modello tra altri modelli. Il primato di San
quest’ultimo era il modello preminente.13 Tale Pietro e il ruolo di San Paolo nella configurazione
constatazione non stupisce se consideriamo che delle storie veterotestamentarie si spiega forse
solo la navata di San Pietro accoglieva un ciclo anche in parte per l’impossibilità di reperire in
tipologico. La circolarità del ragionamento ha epoca medievale cicli veterotestamentari di tale
portato a schematizzare almeno in parte il punto
ampiezza e ricchezza, essendo l’immenso nucleo uomo. Così configurato tale dettaglio appare
narrativo dell’Antico Testamento, e dunque le molto raro, direi rarissimo. Al di là di una serie di
potenzialità figurative che vi si connettono, indub- bibbie atlantiche per le quali è stata reperita una
biamente meno frequentato e sfruttato di quello chiara connessione con i cicli prototipali, le nostre
neotestamentario, se non appunto nell’ambito ricerche hanno reperito un’unica altra occorrenza
di una narrazione tipologica. In questo senso monumentale: i mosaici del battistero di Firenze
guardare ai cicli veterotestamentari più antichi che s’ispirano forse ai casi che esaminiamo in
e illustri della storia della figuratività cristiana questa sede, poiché rapportati già per altri aspetti
medievale d’Occidente era con ogni probabilità all’orizzonte artistico romano.16
non solo naturale, ma scontato. Se il nesso tra Adamo e i Fiumi del Paradiso
ha tutta l’aria di essere un hapax di queste poche
occorrenze, il collegamento con Cristo è invece
Adamo e i quattro Fiumi del Paradiso piuttosto frequente, soprattutto in epoca tar-
a Ceri, San Govanni a Porta Latina doantica, espressione del Cristo quale sorgente
e Ferentillo: come s’innovano i di vita, secondo la metafora diffusa nei Vangeli:
prototipi basti pensare, come già evidenziato da Kessler, ai
fiumi che sgorgano dai piedi Cristo nella Traditio
La nostra analisi si concentrerà dapprima su un Legis – il mosaico absidale della stessa San Pietro
dettaglio iconografico all’apparenza di non grande doveva molto probabilmente presentare tale
rilevanza, un dettaglio che, tuttavia, possiamo dettaglio iconografico (fig. 11) – o dall’Agnello
affermare con relativa sicurezza non fosse presente che orna sarcofagi e catini absidali.17 A Ceri,
nei due prototipi basilicali, poiché si ritrova San Giovanni a Porta Latina e Ferentillo siamo
esclusivamente nei cicli veterotestamentari di tre quindi di fronte a un chiaro trasferimento di un
monumenti ascrivibili a un giro d’anni limitato attributo cristologico ad Adamo che lo designa
nel tempo e che si stende tra la fine dell’XI secolo così quale “alter Christus”, secondo un significato
e la fine del XII: quello nella chiesa di San Felice di stampo tipologico completamente in linea
(oggi Santa Immacolata) a Ceri, nella basilica di con il contesto di appartenenza.
San Giovanni a Porta Latina a Roma, e nell’abba- Si tratta ora di capire qual è il bacino intel-
ziale di San Pietro a Ferentillo.15 In tutti e tre gli lettuale e culturale che ha fornito lo spunto alla
episodi, nelle scene con la Creazione di Adamo creazione di una tale soluzione figurativa e quali
e di Eva, da sotto il corpo di Adamo adagiato a esigenze programmatiche questa soddisfasse. In
terra sgorgano i quattro Fiumi del Paradiso (fig. 3, maniera alquanto ovvia, la nostra indagine deve
4, 5, 6, 7, 8, 9, 10; pl. 16). Si potrebbe pensare si
tratti di un’integrazione topografica che serve a
connotare l’ambiente paradisiaco, se non fosse per 16 Irene Hueck, «Il programma dei mosaici», Il Battistero di
la strettissima correlazione tra la figura di Adamo San Giovanni a Firenze, a cura di A. Paolucci, Modena,
e i rivoli d’acqua sui quali Adamo è adagiato, Panini, 1994, p. 229-263.
17 Herbert L. Kessler, «Il ciclo di San Pietro in Valle:
quasi che i fiumi sgorghino dal corpo del primo fonti e significato», in Gli affreschi di San Pietro in Valle a
Ferentillo…, p. 77-116, sp. 100. Sul motivo dei quattro fiumi
del Paradiso, Paul-Albert Fevrier, «Les quatre Fleuves du
15 Sulla decorazione pittorica di Ceri si veda Nino Paradis», Rivista di archeologia cristiana, 32, 1956, p. 179-199;
Zchomelidse, Santa Maria Immacolata in Ceri. Pittura Antonio Iacobini, «“Hoc elementum ceteris omnibus
sacra al tempo della Riforma Gregoriana, Roma, Archivio imperat”: l’acqua nell’universo visuale dell’alto Medioevo»,
Guido Izzi, 1996; sui dipinti di San Giovanni a Porta Settimane di studio della Fondazione Centro Italiano di Studi
Latina e di San Pietro in Valle a Ferentillo cfr. n. 14. sull’Alto Medioevo, 55, 2007 (2008), 2, p. 985-1027.
1 50 I r e n e Q ua d r i
Fig. 3. Antonio Eclissi, disegni acquerellati, Roma, San Paolo fuori le mura, parete destra della navata: Creazione di
Adamo, 1635 c. (© BAV, Barb. lat., 4406, fol. 25).
Fig. 4. Antonio Eclissi, disegni acquerellati, Roma, San Paolo fuori le mura, parete destra della navata: Creazione di Eva,
1635 c. (© BAV, Barb. lat., 4406, fol. 25).
Di pinge re all’o mb ra d i protot ipi illus tri 151
Fig. 5. Ceri, Santa Maria Immacolata (San Felice), parete sinistra: Creazione di Adamo (photo M. Angheben).
Fig. 6. Ceri, Santa Maria Immacolata (San Felice), parete sinistra: Creazione di Eva (photo M. Angheben).
1 52 I r e n e Q ua d r i
Fig. 7. Roma, San Giovanni a Porta Latina, parete destra: Creazione di Adamo (© Soprintendenza Speciale Archeologia
Belle Arti e Paesaggio di Roma).
partire dallo scandagliamento dell’arrière-plan Clemente, Romano ritiene invece non si possa
culturale dell’episodio più antico, il ciclo vet- spingere troppo oltre l’inizio del XII secolo
erotestamentario di Ceri. Benché i murali di l’esecuzione delle pitture che potrebbero ancora
Ceri non possano agganciarsi a una data certa, situarsi negli ultimi decenni dell’XI secolo. La
la loro assegnazione alla stessa bottega che studiosa si chiede, inoltre, se non possa trattarsi
operò nella basilica di San Clemente a Roma, di una commissione di Giovanni III, vescovo-car-
è fuor di dubbio. Questo dato, tuttavia, è stato dinale attivo dal 1085, scelto da Urbano III per
diversamente interpretato. Zchomelidse considera sostituire lo scomunicato Giovanni II, esponente
che la commissione del ciclo sia da attribuire al della fazione antigregoriana: col suo guardare
vescovo-cardinale Pietro, in carica tra il 1102 e il alla decorazione di San Pietro, il ciclo di Ceri
1133/4.18 Proprio in ragione dei legami con San riscatterebbe così la parentesi antipapale vissuta
con Giovanni II.19
Fig. 8. Roma, San Giovanni a Porta Latina, parete destra: Creazione di Eva (© Soprintendenza Speciale Archeologia
Belle Arti e Paesaggio di Roma).
L’orizzonte storico della Riforma, d’altra rafforzare la sua affermazione Pier Damiani utilizza
parte, è fecondo di spunti di riflessione per la l’immagine dell’uomo microcosmo, riflesso del
problematica che trattiamo: il tessuto cultur- Cristo macrocosmo, poiché composto degli stessi
ale che si coagula intorno ad alcuni esponenti quattro elementi che costituiscono il mondo.
dell’ambiente riformatore del secondo quarto La costruzione di questa metafora poggia sulla
dell’XI secolo, infatti, offre gli elementi che concezione biblica dell’uomo fatto a immagine
potrebbero aver portato alla sintesi figurativa che e somiglianza di Dio (Genesi 1, 26-27 e 5, 1-2).20
qui ci interessa. Nel suo testo Dominus Vobiscum,
scritto intorno al 1050, Pier Damiani (1007-1072)
imbastisce un discorso ecclesiologico che recupera 20 «Si ergo tota Ecclesia unum Christi corpus est, et nos
la metafora, già utilizzata da Paolo, dell’organismo Ecclesiae membra sumus; […] Sicut autem homo,
Graeco eloquio dicitur Microcosmus, hoc est, minor
così diffusa nella mentalità teologica del tempo: mundus, quoniam per materialem essentiam eisdem
il corpo di Cristo racchiude in sé la Chiesa tutta quatuor elementis homo constat, quibus et universalis
e i cristiani ne costituiscono le membra. Per hic mundus; ita etiam unusquisque fidelium quasi
1 54 I r e n e Q ua d r i
Fig. 9. Ferentillo, San Pietro in Valle, parete sinistra: Creazione di Adamo (photo M. Angheben).
Sono proprio i quattro elementi che Pier Damiani di fare il collegamento con i quattro Fiumi del
menziona quale anello di congiunzione tra l’essere Paradiso. Nella tradizione patristica, infatti, i
umano e il cosmo creato da Dio a permettere quattro fiumi del Paradiso erano spesso associati
ai quattro elementi, in ragione del principio di
quaternità.21
quaedam minor videtur esse Ecclesia, dum salvo
unitatis arcanae mysterio, etiam cuncta redemptionis
humanae unus homo suscipit sacramenta, quae ipsi
universali Ecclesiae sunt divinitus attributa.», S. Petri
Damiani, Liber qui appellatur Dominus Vobiscum ad 21 Joachim Poeschke, «Paradiesflüsse», in Lexikon der
Leonem Eremitam, PL 145, 239D-240A. Sullo scritto christlichen Ikonographie, Engelbert Kirschbaum
di Pier Damiani cfr. l’introduzione in Petrus Damiani. (dir.), Rom, Herder, vol. 3, 382-384. Per il principio
Das Büchlein vom Dominus vobiscum: vom Geiste der di quaternità si veda per esempio Rodulfi Glabri,
den einsamen Beter des Stundengebets erfullen soll, Historiarum sui temporis. Libri quinque, PL 142, 613-616,
Adolf Kolping (ed.), Düsseldorf, Patmos, 1949. consultabile anche nella seguente edizione Raoul
Discute la complessa esegesi dell’uomo a immagine e Glaber, «Historiarum libri quinque» in G. Cavallo
somiglianza di Dio, che trova nel pensiero agostiniano et G. Orlandi, Rodolfo Glabro. Cronache dell’anno mille
una formulazione nuova, Olivier Boulnois, Au-dela de (Storie), 3e éd., Milan, 1991, p. 9-19 e Anna C. Esmeijer,
l’image: une archeologie du visuel au Moyen Âge, ve-xvie Divina quaternitas. A preliminary study in the method and
siecle, Paris, Seuil, 2008, p. 45-54. application of visual exegesis, Assen, Van Gorkum, 1978.
Di pinge re all’o mb ra d i protot ipi illus tri 155
Fig. 10. Ferentillo, San Pietro in Valle, parete sinistra: Creazione di Eva (photo M. Angheben).
Alla luce di quanto appena detto, l’Adamo che emanerà la Chiesa.23 A Ceri, ma anche a
sorgente dei quattro fiumi del Paradiso che ritro- San Giovanni a Porta Latina e a Ferentillo, è
viamo a Ceri è contemporaneamente immagine
del Cristo macrocosmo e dell’uomo microcosmo
e quindi dell’Ecclesia tutta intera, secondo una 23 «Quid enim spiritale in illo? Si quia prophetavit magnum
connessione tipologica diffusa all’epoca – la si illud sacramentum in Christum et ecclesiam: hoc
os ex ossibus meis et caro ex carne mea vocabitur
ritrova, per esempio, anche in Bruno di Segni –
mulier; propterea relinquet homo patrem et matrem
che in qualche modo recupera una visione che fa et agglutinabitur mulieri suae et erunt duo in carnem
capolino già negli scritti dei primi autori cristiani.22 unam, hoc postea obvenit, cum illum deus amentiam
Per Tertulliano il rapporto di dipendenza di immisit, spiritalem vim, qua constat prophetia.
Adamo con Eva è riflesso di quello tra Cristo e […] Inde deducimur etiam imaginem morti siam tunc
eum recensere. Si enim Adam de Christo figuram dabat,
la Chiesa. Il torpore nel quale Adamo è indotto somnus Adae mors erat Christi dormituri in mortem,
affinché il Creatore possa estrargli una costola ut de iniuria perinde lateris eius vera mater viventium
per dare forma a Eva è paragonato alla morte di figuraretur ecclesia. Ideao et somnus tam salutaris, tam
Cristo in croce: è dal suo costato aperto, infatti, rationalis etiam in publicae e communi siam mortis
effingitur exemplar», Tertulliano, De anima, PL
2, XXI, 684B e LXIII, 723B. Sulla questione, Barbara
Faes, «Interpretazioni tardo-antiche e medievali del
22 Bruno di Segni, Expositio in Genesim, PL 164, 165D-166A. sopore di Adamo», in Adam, le premier homme, Agostino
1 56 I r e n e Q ua d r i
Fig. 11. Tielmann Buddensieg, ricostruzione del primitivo mosaico dell’abside di San Pietro in Vaticano, 1959.
appunto anche nella scena con la Creazione di Mutuata dal pensiero filosofico della Grecia
Eva che appaiono i quattro fiumi del Paradiso antica, la concezione dell’uomo microcosmo
associati ad Adamo. passa alla cultura ebraica e cristiana con tutti
gli aggiustamenti richiesti dall’adattamento
alle Scritture sacre e alla struttura teologica e
Paravicini Bagliani (dir.), Firenze, SISMEL-Edizioni
dottrinaria della religione ebraica e cristiana.
del Galluzzo (Micrologus’ Library 45), 2012, p. 21-47, sp. Entrambe individuano il simbolo dell’uomo,
26-28. centro dell’universo e al tempo stesso suo river-
Di pinge re all’o mb ra d i protot ipi illus tri 157
bero, in Adamo, creato a immagine e somiglianza della Riforma, all’interno della quale l’abate e
di Dio.24 Tra i maggiori interpreti cristiani che i monaci di Montecassino – ai quali proprio a
hanno legittimato l’idea dell’uomo microcosmo quell’epoca apparteneva anche Alfano – hanno
vi è Nemesio con il suo Πεϱὶ ϕύσεωϚ ἀνθϱώπου giocato un ruolo fondamentale, com’è noto.27
(Sulla natura dell’uomo), redatto alla fine del IV L’impossibilità di istituire un confronto con
secolo.25 Filosofo di forte impronta neo-platonica gli stessi episodi dei due cicli pittorici tipolo-
e vescovo di Emesa, Nemesio fa parte degli gici principe derivati da questo milieu, quelli
esponenti di quel filone di studi filosofico-sci- dell’abbaziale di Montecassino e di Sant’Angelo
entifici al centro degli interessi di Alfano di in Formis, oggi scomparsi, ci priva di un tassello
Salerno (1015/1020-1085) che, infatti, fu il primo di confronto fondamentale.28 Possediamo però
a tradurre il trattato Sulla natura dell’uomo in un’altra testimonianza che avvalora l’ipotesi
latino contribuendo così allo sdoganamento del di una concezione germogliata all’interno di
concetto dell’uomo microcosmo in Occidente.26 questa temperie culturale. Nella lastra con la
Sebbene il testo di Pier Damiani preceda di Creazione di Eva dei cosiddetti avori di Salerno
qualche anno la traduzione di Alfano, alla quale i quattro Fiumi del Paradiso appaiono pure
lavora dal 1058 al 1085, ci sono buone ragioni di collegati alla figura del primo uomo, secondo
credere che la cultura di riferimento fosse in una configurazione tuttavia un poco diversa,
qualche modo la stessa, considerato il gravitare poiché i quattro fiumi prendono vita dall’albero
di ambedue all’interno della stessa orbita di della Conoscenza sul quale Adamo è adagiato
riformisti. Anzi, non è escluso che l’input per (fig. 12). Benché in questo modo il legame tra
l’utilizzo dell’immagine del microcosmo a Pier Adamo e i quattro corsi d’acqua si affievolisca,
Damiani fosse venuta dal contatto diretto con l’idea alla base di tale iconografia è quantomeno
Alfano che molto probabilmente già intorno vicina. La discussione intorno alla datazione
agli anni Cinquanta era a conoscenza del testo degli avori di Salerno è complessa. Due sono le
di Nemesio. La redazione del Dominus vobisque, ipotesi recentemente emesse. La prima vuole
infatti, segue l’incoronazione di Enrico III, evento che gli avori di Salerno siano una commissione
che marca l’aprirsi dell’impegno riformato di del vescovo Alfano.29 La seconda li vede come la
Pier Damiani sulla scena “internazionale” e il
suo entrare a far parte della cerchia dell’élite
27 Umberto Longo, «Pier Damiani», in Dizionario
Biografico degli italiani, Roma, Istituto della
24 Marie-Thérèse D’alverny, «L’ homme comme symbole: Enciclopedia Italiana, vol. 83, 2015, p. 303-312, sp. 305.
le microcosme», Settimane di studio del Centro Italiano 28 Su Sant’Angelo in Formis cfr. Glenn Gunhouse, The fresco
di Studi sull’Alto Medioevo, 23.1975 (1976), 1, p. 123-183, sp. decoration of Sant’Angelo in Formis, Baltimore, Johns
136-137. Hopkins University, 1992; Hélène Toubert, «Didier
25 M.-T. D’alverny, «L’homme comme symbole…», p. 141- du Mont-Cassin et l’art de la réforme grégorienne.
143. Sul testo di Nemesio, A. Siclari, «L’antropologia L’iconographie de l’Ancien Testament à Sant’Angelo
di Nemesio di Emesa nella critica moderna», Vita e in Formis», in Desiderio di Montecassino e l’arte della
pensiero, 47, 5/6, 1973, p. 477-497. riforma gregoriana, Faustino Avagliano (dir.),
26 Nella sua traduzione che prende il nome di Premnon Montecassino, Pubblicazioni Cassinesi, p. 17-105. Sul
Physicon, Alfano non menziona Nemesio che resta ciclo nella basilica dell’abbazia di Montecassino oltre al
così “nell’anonimato”: Alfano I, Premnon Physicon. volume appena menzionato cfr. Nicola Acocella, La
Versione latina del Peri physeos anthropou di Nemesio, decorazione pittorica di Montecassino dalle didascalie di
I. Chirico (ed.), Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, Alfano I (sec. XI), Salerno, Di Giacomo, 1966.
2011 (Temi e testi 93). Burgusio da Pisa, che fornirà una 29 Sarah M. Guérin, «The Tusk: Origins of the Raw
nuova traduzione nel XII secolo, attribuisce il testo a Material for the Salerno Ivories», in The Salerno Ivories:
Gregorio da Nissa. objects, histories, contexts, F. Dell’acqua, A. Cutler,
1 58 I r e n e Q ua d r i
Fig. 12. Salerno, Museo Diocesano, placca in avorio: Creazione di Eva e Peccato originale (Kunsthistorischen Institut in
Florenz).
committenza del vescovo Romualdo II (1153-1181): infatti, che tale scelta si giustifichi con la presenza
l’imprinting fortemente riformato delle due serie di reliquie di Silvestro all’interno della chiesa.
testamentarie sarebbe il risultato di una scelta Vale però la pena ricordare il significato di tale
consapevole, il cui obiettivo è la celebrazione episodio, quasi un topos della figuratività papale,
postuma della figura di Alfano.30 Nell’uno e emblema non soltanto del potere salvifico della
nell’altro caso l’orizzonte culturale è lo stesso e Chiesa, ma anche del suo radicamento romano.
coincide con quello che sembra essere all’origine Insieme col mantenimento, nelle storie veterotes-
dell’iconografia delle scene qui prese in esame. tamentarie soprastanti, di tutti i nuclei narrativi
A Ceri la raffigurazione di Adamo-Cristo- presenti nelle storie dell’Antico Testamento
Ecclesia sembra rafforzare il messaggio globale dei due prototipi apostolici – che ritracciano
del ciclo. Degno di nota in questo senso è il brano le peripezie del popolo ebraico dai Progenitori
con Papa Silvestro che uccide il drago che chiude ai liberazione dalla cattività in Egitto – si rende
la successione agiografica collocata sotto le scene così evidente lo spostamento del baricentro
veterotestamentarie (fig. 13). Non vogliamo incap- della storia della salvezza dallo spazio della Terra
pare nella sovrainterpretazione: non è escluso, santa alla città in cui la Chiesa si è costituita in
quanto istituzione.
Il riutilizzo del motivo dei quattro fiumi del
H. L. Kessler, A. Shalem, G. Wolf (dir.), Berlin, Paradiso nelle scene della Creazione di Adamo
Gebr. Mann Verlag, 2016, p. 21-29. Sugli avori di Salerno ed Eva nel San Giovanni a Porta Latina e nel
si veda pure Valentino Pace, Una Bibbia in avorio. Arte San Pietro a Ferentillo, in due monumenti che
mediterranea nella Salerno dell’XI secolo. Schede di Serena ormai esulano cronologicamente dal fenomeno
La Mantia, Castel Bolognese, Itaca, 2016.
30 Francesca Dell’acqua, «The Hidden Sides of the
Riforma gregoriana, non può essere piattamente
Salerno Ivories. Hypotheses about the Original Object, considerato quale derivazione meccanica di
Program and Cultural Milieu», in Ibid., p. 211-239. uno schema figurativo in auge tempo prima, ma
Di pinge re all’o mb ra d i protot ipi illus tri 159
Fig. 13. Ceri, Santa Maria Immacolata (San Felice), parete sinistra: San Silvestro e il drago (© Serena Romano).
pare avvenire in maniera del tutto consapevole, cronologico flessibile: un terminus ante quem che
come cercheremo di dimostrare. In entrambi orienta verso una collocazione delle pitture alla
i casi il motivo si adatta alla diversa accezione seconda metà del XII secolo.31 A San Giovanni
che acquisisce il discorso tipologico, sebbene la a Porta Latina il nesso Adamo-Cristo espresso
dimensione ecclesiologica alla base all’analogia dalla presenza dei quattro fiumi del Paradiso
Adamo-alter Christus discussa più sopra, resti in s’inserisce nelle dinamiche di accentuazione
qualche modo soggiacente, considerato il carattere del legame tipologico che informa buona parte
polisemantico della figuratività medievale. delle devianze rispetto al prototipo di San Pietro,
La datazione delle pitture di San Giovanni come dimostrato da Manion e Kessler. La con-
a Porta Latina non è facile. L’esame stilistico è figurazione narrativa che combina le storie del
impedito dalle pesantissime ridipinture realizzate Nuovo e dell’Antico Testamento in un andamento
durante i lavori di restauro degli anni 1940-1941. anulare – un hapax per quel che ne sappiamo
Gli interventi di ricostruzione della basilica a – permette l’instaurazione di tutta una serie di
opera di Celestino III (1191-1198) menzionati connessioni visive verticali tra gli episodi dei
nell’iscrizione dedicatoria costituiscono un
aggancio cronologico utile per situare l’esecuzione
del ciclo, purché lo si consideri come un indicatore 31 M. Viscontini, «La decorazione pittorica…».
1 60 I r e n e Q ua d r i
due testi biblici, particolarmente pregnanti dal nel 1231 che Federico II riconosce a Gregorio IX
punto di vista del rapporto tra tipo e antitipo.32 la proprietà di tali terre.35
Manion ha evidenziato come la Cacciata dei Oltre che nella Creazione di Adamo e nella
progenitori dal Paradiso offra un’iscrizione che Creazione di Eva, i quattro fiumi del Paradiso
crea un collegamento esplicito con la Crocifissione appaiono nel brano successivo con Adamo che
dipinta sotto: il lignum menzionato, infatti, si dà il nome agli animali (fig. 14). Anche qui i rivoli
riferisce sia all’albero della Conoscenza dal d’acqua sono strettamente connessi all’immagine
quale Adamo ed Eva hanno mangiato il frutto di Adamo, collocato sulla loro sorgente. Si tratta
proibito, sia alla croce del supplizio di Cristo, di un episodio reperibile esclusivamente in un
istituendo un parallelo visivo e semantico tra la altro ciclo tipologico dell’Italia centrale: quello
causa della Caduta dell’Uomo e lo strumento della vicina chiesa di San Paolo ‘inter vineas’ a
del suo riscatto.33 Si rende esplicita così, anche Spoleto, il cui schema iconografico, tuttavia, non
strutturalmente, l’unità delle Scritture, concetto è lo stesso e non presenta il motivo dei fiumi
fondamentale come rilevato da Kessler, se si paradisiaci.36 Nella cultura cristiana l’episodio
considera che la basilica di San Giovanni è ded- di Adamo che dà il nome agli animali, tratto dal
icata all’Evangelista che attesta “la parola di Dio secondo capitolo del Genesi (2, 20-21), illustra la
e la testimonianza di Gesù Cristo, riferendo ciò condizione di perfezione dell’uomo prima della
che ha visto” (Ap. 1, 2), ovvero la totalità delle caduta, mettendone in valore la sua superiorità
Scritture.34 sul resto degli esseri viventi, poiché creato “a
Ma è indubbiamente il ciclo di San Pietro immagine e somiglianza di Dio” e dotato di
in Valle a Ferentillo a reimpiegare il motivo dei capacità intellettive, come esplicita l’iscrizione
quattro fiumi del Paradiso nella maniera più orig- che accompagna la scena, ma anche le letture
inale. Benché ubicata in Umbria, la decorazione che ne danno i Padri della Chiesa già riportate
della basilica di San Pietro in Valle a Ferentillo, da Kessler.37
annessa a un monastero benedettino e assegnata In qualche modo, quindi, l’Adamo di Ferentillo
agli ultimi anni del XII secolo, è eminentemente che si tiene come un sovrano del cosmo serba
romana. Appare come una spia della congiuntura il ricordo di quella concezione dell’uomo
storica che coinvolge l’Umbria meridionale microcosmo che abbiamo discusso più sopra
proprio a quest’epoca, quando Innocenzo III da cui il motivo dei quattro fiumi del Paradiso
stringe la morsa del potere papale sulla regione. sembra essere scaturita. È infatti proprio il già
La soggezione papale diventerà in seguito vera e menzionato testo del vescovo Nemesio che
propria annessione allo Stato pontificio: è infatti conosciamo grazie alla traduzione di Alfano, a
Fig. 14. Ferentillo, San Pietro in Valle, parete sinistra: Adamo dà il nome agli animali (photo M. Angheben).
sancire l’unione tra il simbolo del microcosmo trasferimento del motivo dei quattro fiumi del
di estrazione neoplatonica e il tema del re della Paradiso ad Adamo. In particolare, la formula
creazione che l’immagine di Adamo che dà il nome iconografica di Ferentillo si adatta al significato del
agli animali riassume così bene, secondo quanto ciclo che pure qui si estendeva sull’arco trionfale,
già avanzato da D’Alvérny.38 Che a Ferentillo il nel presbiterio e sulla controfacciata, occupata
motivo dei quattro fiumi del Paradiso fosse stato presumibilmente da un Giudizio Universale
ripreso con coscienza di tale significato pare oggi completamente scomparso. Attraverso la
dimostrato anche dall’iconografia adottata che, sua minuziosa analisi Kessler ha messo in luce,
come già detto, ha poco in comune con quello infatti, come a Ferentillo l’unità della storia sacra
del San Paolo ‘inter vineas’, uno dei precedenti assuma una dimensione maiestastico-teofanica:
geografici e cronologici più prossimi e a portata lo si coglie in maniera chiara nell’enfilade di scene
di mano. La postura dell’Adamo di Ferentillo dell’asse verticale centrale della parete destra che,
richiama chiaramente quella di Cristo nella partendo dal registro più basso a salire, raffigurano
Traditio Legis e non è sicuramente un caso che l’Entrata di Cristo a Gerusalemme e l’Adorazione
sia proprio la Traditio Legis, come abbiamo visto, dei magi, in origine coronati da una Maiestas
l’immagine che probabilmente sta alla base del Domini con angeli adoranti, situata nel registro
più alto, di cui non restano ormai che esilissime
tracce.39 Ed è proprio l’Adamo che dà il nome agli omogeneità tra le derivazioni medievali di
animali, collocato a pendant sulla parete di fronte, San Pietro in Vaticano e la scena registrata
a dialogare con la Maiestas, funzionando come un da Eclissi a San Paolo fuori le mura, porta a
vero e proprio corrispettivo tipologico. Il ruolo del credere che l’iconografia della prima scena del
motivo dei quattro fiumi del Paradiso ai piedi di ciclo veterotestamentario fosse molto simile in
Adamo appare quindi essenziale nel corroborare entrambe le basiliche apostoliche. Nella copia
visivamente quell’accezione cristologica che di San Paolo fuori le mura il Creatore posto
sta alla base della relazione tra “l’uomo terreno all’interno di un semiclipeo domina la scena.
idealizzato e il suo modello divino”.40 Al suo fianco stanno il sole e la luna, simboli
Si conferma così effettivamente l’ipotesi della luce e delle tenebre. Sotto il Creatore,
che parte almeno del repertorio iconografico perfettamente in asse con lui, sta l’Agnello
di Ferentillo, ma anche di San Giovanni a Porta cristologico che poggia su un monticciolo di
Latina sia stato mutuato da modelli sviluppati terra verde, a sua volta collocato al di sopra della
nell’ambito della Riforma:41 anche se rimasticato e colomba dello Spirito Santo. Le personificazioni
inserito in ambienti altri, il riuso di tale repertorio del giorno e della notte sistemate sotto il sole
si fa, come abbiamo cercato di dimostrare, con e la luna e a fianco dell’Agnello completano la
piena coscienza del suo significato. La scomparsa scena, costruita secondo una configurazione
del motivo dei quattro fiumi del Paradiso dalla fortemente simmetrica.
maggior parte dei cicli tipologici centroitaliani Poiché nessun ciclo tipologico medievale
successivi a Ceri, San Giovanni a Porta Latina e contempla l’Agnello, ma esclusivamente la
Ferentillo, avvalora questa lettura: venuto meno il colomba dello Spirito Santo, la maggior parte
berceau storico-culturale che l’ha messo al mondo, degli studiosi ritiene che l’Agnello di San Paolo
non lo si impiega più perché non lo si capisce. fuori le mura sia un’aggiunta tarda, posteriore alle
riprese bassomedievali che non ne conservano
memoria.42 Quest’interpretazione, tuttavia, non
La Creazione del mondo a Ceri, San tiene conto della natura della raffigurazione di
Giovanni a Porta Latina e Ferentillo: San Paolo, il cui intento è quello di affermare
come si torna ai prototipi chiaramente il concetto di Trinità. Non ci pare,
infatti, che la contaminazione tra dimensione
Un ultimo confronto tra la prima scena del narrativa soggiacente alla messa in immagini del
ciclo veterotestamentario dei prototipi basilicali e racconto del Genesi, e quella sintetica inerente
delle tre derivazioni medievali di cui ci occupiamo all’iconografia trinitaria, sia per forza di cose
in questo articolo, permetterà di concludere la inconcepibile, soprattutto non all’epoca in cui
nostra riflessione. Non conosciamo l’iconografia fu realizzato il ciclo di San Paolo fuori le mura.43
dell’episodio di San Pietro in Vaticano, poiché
la scena era verosimilmente già andata persa
all’epoca di Tasselli e Grimaldi. Ci resta, però, 42 Tra gli altri, H. L. Kessler, «Pictures as scripture…»,
p. 37 n. 86; Antonio Iacobini, «“Hoc elementum
la copia di quella della basilica paolina (BAV, ceteris omnibus imperat…”», p. 995; C. Proverbio,
Barb. Lat 4406, fol. 23; fig. 15). La sostanziale I cicli affrescati paleocristiani di San Pietro…, p. 179-
180. Manion pensa a un errore di Antonio Eclissi:
M. M. Manion, «The frescoes of S. Giovanni a Porta
Latina…», p. 92.
39 H. L. Kessler, «Il ciclo di San Pietro in Valle…». 43 È Proverbio a escludere una possibile commistione tra
40 Ibid., p. 100. queste due tipologie figurative, C. Proverbio, I cicli
41 Ibid., p. 77-93. affrescati paleocristiani…, p. 180.
Di pinge re all’o mb ra d i protot ipi illus tri 163
Fig. 15. Antonio Eclissi, disegni acquerellati, Roma, San Paolo fuori le mura, parete destra della navata: Creazione del
mondo, 1635 c. (© BAV, Barb. lat., 4406, fol. 24).
La formula adottata, è vero, si ritrova soprattutto – provano che l’iconografia trinitaria era più
in ambiti decorativi atti ad accogliere figurazioni diffusa in ambito monumentale di quanto si è oggi
sintetiche, come nel caso dei programmi absidali portati a credere sulla base delle testimonianze
della basilica nova di Cimitile e della basilicula di superstiti.45 Ciò si giustifica alla luce delle diatribe
Fondi, volute da Paolino da Nola e ricostruibili teologiche sui rapporti tra Padre, Figlio e Spirito
attraverso le testimonianze scritte dello stesso Santo che scuotono la cristianità tra il IV e il V
Paolino.44 L’Agnello e la Colomba che chiudevano secolo. Non è inimmaginabile, quindi, che la
la decorazione absidale di Santa Pudenziana a prima scena della creazione del mondo di San
Roma – oggi perduti, ma trasmessici dal disegno Paolo fuori le mura e forse di San Pietro fosse stata
acquarellato eseguito da Alfonso Ciacconio nel volutamente posta ab origine sotto il segno della
1595 circa e molto probabilmente pertinenti alla Trinità. La disposizione anomala della colomba
composizione di origine, come sostiene Spieser dello Spirito Santo sotto l’Agnello non ci pare
un argomento di resistenza abbastanza forte
alla lettura che proponiamo: anzi, la posizione
44 C. Proverbio, I cicli affrescati paleocristiani …, p. 180.
Sulle composizioni absidali di Cimitile e Fondi cfr.
La sintesi di Chiara Croci, Una “questione campana”: 45 Jean-Michel Spieser, Images du Christ: des catacombes aux
la prima arte monumentale cristiana tra Napoli, Nola e lendemains de l’iconoclasme, Genève, Droz, 2015, p. 335-
Capua (secc. IV-VI), Roma, Viella (Études lausannoises 337. Cfr. anche Maria Andaloro, «Il mosaico absidale
d’histoire de l’art 24), 2017, p. 135-177, con menzione di Santa Pudenziana», in M. Andaloro, L’orizzonte
della bibliografia precedente. tardoantico…, p. 114-124.
1 64 I r e n e Q ua d r i
Fig. 16. Ceri, Santa Maria Immacolata (San Felice), parete sinistra: Creazione del mondo (photo M. Angheben).
degli elementi trinitari a San Paolo fuori le mura A San Giovanni a Porta Latina la distesa
riproduce fedelmente l’ordine delle tre “persone” d’acqua di Ceri si rattrappisce al punto tale da
così come ci è presentato dal dogma. diventare un’immagine segnica, con la testa di
L’esame dello stesso brano nei tre cicli medi- Abisso al centro e due delfini ai lati (fig. 17).
evali che studiamo confermerà indirettamente Ciò che ci importa sottolineare è che a San
tale constatazione. A Ceri l’unico cambiamento Giovanni a Porta Latina o nel modello a cui
che s’introduce è la sostituzione dell’Agnello e guarda San Giovanni a Porta Latina, la contrazione
della terra su cui poggia con la distesa d’acqua dell’elemento acquatico avviene, sembra, con
popolata da pesci che si rifà a Genesi 1, 7-8 (fig. 16, l’intenzione di ristabilire quell’asse verticale
pl. 17). La sequenza verticale che si viene a creare tripartito che emana dal Creatore, alla base della
si modifica leggermente, poiché l’acqua prende il scena di San Paolo fuori le mura.
posto che la colomba dello Spirito Santo occupava Ma è San Pietro in valle di Ferentillo che
a San Paolo e che si trova adesso invece sotto il pur discostandosi maggiormente dal modello,
Creatore, nella stessa postazione a San Paolo ne recupera in maniera più aderente l’essenza
occupata dall’Agnello. All’apparenza minimo, tale (fig. 18). Anche qui si riprende lo schema ver-
intervento cambia la tipologia dell’immagine che ticale di San Paolo fuori le mura. L’elemento
diventa prettamente narrativa, condensando in acquatico, però, è spodestato in fondo alla scena
sé diversi momenti del racconto della creazione dall’immissione di due angeli che srotolano un
del mondo. cartiglio con l’iscrizione PRINCIPIO CELV
Di pinge re all’o mb ra d i protot ipi illus tri 165
Fig. 17. Roma, San Giovanni a Porta Latina, parete destra: Creazione del mondo (© Soprintendenza Speciale
Archeologia Belle Arti e Paesaggio di Roma ).
a che fare con un’”immagine-statement” che autonomia messo in luce dalle differenze rilevate
ben riassume il carattere tipologico del ciclo e in nei confronti dei prototipi di San Pietro e San
cui è condensato il percorso, ma anche il senso, Paolo testimoniano la capacità di adattamento
della storia della Salvezza. La concezione alla dei programmi alla situazione contingente. In
base dell’iconografia della scena di Ferentillo un mondo in cui vi è poco spazio per il concetto
esige, a nostro modo di vedere, un precedente d’innovazione, quantomeno non per una sua
illustre ed è difficilmente pensabile senza la elaborazione teoretica consapevole, ed è la
conoscenza, la comprensione, ma anche una tradizione a costituire il termine di riferimento
riflessione profonda intorno alla Creazione del assoluto, il rinvio a dei modelli illustri come San
mondo di San Paolo fuori le mura e probabilmente Paolo e San Pietro fornisce l’intelaiatura all’interno
di San Pietro, che doveva quindi essere stata della quale non solo è permesso innovare, ma è
concepita così come ci è trasmessa dal disegno legittimo farlo.47 La nozione di copia si mostra
acquarellato dell’Eclissi. così in tutta la sua complessità e in tutta la sua
Dall’analisi condotta emerge chiaramente distanza dall’idea moderna. Ceri, San Giovanni
come i cicli veterotestamentari medievali siano a Porta Latina e Ferentillo confermano che in
delle creazioni originali, riflettute, figlie del tempo epoca medievale copiare significa anche innovare.
e dell’ambiente al quale appartengono. Il grado di
Fig. 18. Ferentillo, San Pietro in Valle, parete sinistra: Creazione del mondo (photo M. Angheben).
Marco Rossi*
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 169-194
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118926
1 70 Ma rco Ro s s i
Le mur septentrional conserve, sur le registre (fig. 2 et pl. 19). Le mur méridional abrite sur son
supérieur, sous un bandeau occupé par des registre supérieur, toujours sous le bandeau des
prophètes en buste inscrits dans des méandres en prophètes, l’histoire de Samson4 et, sur les deux
perspective, un cycle de la Genèse sur lequel je
porterai mon attention ; au dessous se développe
un registre consacré à Judith3 et un troisième 4 Annonce de la naissance de Samson : un ange apparaît à la
registre portant sur la Vie de sainte Marguerite femme de Manoah ( Jg. 13,3-5) et Elle s’en va le dire à son
mari ( Jg 13, 6-7) ; Deuxième apparition ( Jg 13, 9-14) ; Le
sacrifice de Manoah ( Jg 13, 15-23) ; Naissance de Samson
( Jg 13, 24-25) ; Samson remarque une femme parmi les
3 L’identification iconographique des épisodes est très filles des Philistins et l’annonce à son père et à sa mère
difficile à cause du mauvais état de conservation des ( Jg 14, 1-4). Cf. G.R. Ansaldi, Gli affreschi della basilica
peintures : Holopherne et son armée envoyés au combat di San Vincenzo…, p. 34-36 ; M. Beretta, Le pitture
par Nabucodonosor ( Jdt 2, 4-20) et Holopherne murali della navata…, p. 230-239, avec bibliographie
assiège Béthulie ( Jdt 7, 1-7) ; Judith rencontre les antérieure. Trois épisodes de l’Histoire de Samson
anciens de la ville ( Jdt. 8, 9-36) ; Deuxième dispute (Annonce de la naissance, Samson et le lion ?, Samson
avec les anciens (?) ( Jdt 10, 6-9) ; Judith se rend dans enlève les portes de Gaza) sont conservés aussi dans
le camp ennemi auprès d’Holopherne (?) ( Jdt 10, l’église de Saint-Calocero à Civate : cf. Tamborini,
10-17) ; Judith coupe la tête d’Holopherne ( Jdt. 13, Pittura d’età ottoniana…, p. 199-200 ; V. Cavallaro,
6-8) ; Les fils d’Israël vainquent leurs ennemis (?) ( Jdt « L’Esodo di San Calocero a Civate : osservazioni
15, 5-7). Cf. G.R. Ansaldi, Gli affreschi della basilica di preliminari sul registro pittorico della parete nord »,
San Vincenzo…, p. 46-48 ; M. Beretta, Le pitture murali éd. P. Piva, Pittura murale del Medioevo lombardo.
della navata…, p. 208-216, avec bibliographie antérieure. Ricerche iconografiche (secoli XI-XIII), Milan, Jaca
L e s cyc l e s d e l’A n c i e n T e s tame nt à Galli ano e t dans la pe i ntu re lo mb ard e d u xi e s iècle 171
registres sous-jacents, celle de saint Christophe courant à la base des scènes, le registre présentait
qui comporte le plus grand nombre d’épisodes une séquence de tituli au blanc de chaux, dont
(presque 20 ; fig. 3 et pl. 20). la plupart ont disparu7, alors que dans l’histoire
Plusieurs réflexions peuvent être proposées de Samson, les inscriptions ne concernent que
autours des rapports iconographiques existant certains mots à l’intérieur des épisodes8.
entre les différents cycles, mais ces réflexions Il est fort probable qu’on ait voulu donner
vont peut-être au-delà de l’objectif principal du une plus grande visibilité au cycle et, plus par-
présent ouvrage. En ce qui concerne l’insertion ticulièrement, favoriser la lecture et la vision à
des cycles de Marguerite et de Christophe sur ceux qui entraient dans l’église par la porte du
les murs de la nef5, je ne signale que la présence baptistère, située en face du mur septentrional,
de leurs reliques dans l’autel principal, l’existence notamment aux catéchumènes et sans doute
d’autels consacrés à ces deux saints, la célébration à Aribert lui-même puisque le baptistère était
de leurs fêtes liturgiques correspondant au mois probablement aussi une Eigenkirche (fig. 4)9.
de la consécration de l’église par Aribert (en En ce qui concerne la structure narrative et
juillet), l’importante propagation du culte de les choix iconographiques, je n’exclus toutefois
Marguerite et Christophe entre les xe et xie siècles pas un rapport avec les modèles adoptés dans les
dans le cercle ambrosien et impérial, notamment bibles carolingiennes de Tours, comme on le verra
à l’époque de Henri II, ainsi que les rapports mieux à la fin de cette contribution. En outre,
« typologiques » avec les cycles bibliques. la dimension du registre supérieur indique qu’il
Passons donc au récit de la Genèse qui permet existe un lien entre la préparation picturale du
plusieurs comparaisons avec des cycles semblables mur septentrional et celui du grand arc de l’abside
de la peinture lombarde des xie et xiie siècles, et (fig. 5), car le cycle de la Genèse est compris entre
avec Saint-Savin-sur-Gartempe (fig. 2 et pl. 19). deux cadres similaires, de sorte que la hauteur
On remarque tout d’abord que parmi les six des épisodes correspond à celle de l’A scension
registres de la nef, c’est le seul qui suit un sens d’Élie, ce qui prouve une continuité aussi bien
de lecture allant de droite à gauche, ou plutôt de du point de vue des peintres impliqués que sur le
l’autel à l’entrée de l’église. En outre, par rapport plan symbolique. En fait, le ciel vers lequel se sont
aux autres registres, il présente un développement élevés les prophètes Élie et Énoch aurait été le
vertical supérieur d’environ 15 cm, et des scènes jardin d’Éden après l’expulsion des protoplastes10.
plus larges6. Enfin, sur une bande bleue continue Je pense que la figure très endommagée peinte
Book, 2006, p. 57 ; F. Scirea, « Il congegno figurativo, 7 Cf. G.R. Ansaldi, Gli affreschi della basilica di
fra Antico Testamento e Giudizio finale : sistema San Vincenzo…, p. 43.
ornamentale, iconografia, vettori », éd. F. Scirea, San 8 Marco Petoletti, « Voci immobili : le iscrizioni di
Tommaso ad Acquanegra sul Chiese. Storia, architettura Ariberto », éd. E. Bianchi, M. Basile Weatherill,
e contesto figurativo di una chiesa abbaziale romanica, M. Tessera, M. Beretta, « Ariberto da Intimiano.
Quingentole, Mantova, SAP Società Archeologica, 2015, Fede, potere e cultura a Milano nel secolo XI »,
p. 111. Cinisello Balsamo, Milan, Silvana Editoriale, 2007,
5 M. Beretta, Le pitture murali della navata…, p. 220, p. 138-139.
244 ; Marco Petoletti, « I papiri », Galliano pieve 9 Marco Rossi, « Il rinnovamento architettonico della
millenaria…, p. 82-83 ; M. Rossi, Milano e le origini della basilica di San Vincenzo e il battistero di San Giovanni
pittura romanica…, p. 40. Battista a Galliano », Ariberto da Intimiano…, p. 97-99.
6 M. Beretta, Le pitture murali della navata…, p. 200-201 ; 10 Augustin, Contra secundam Iuliani responsionem, VI, 30,
Ead., « Le maestranze di Galliano. Suggestioni e ipotesi Patrologia Latina, XLV, coll. 1580-1582 (cf. Alessandro
in base alla lettura tecnica e stilistica delle pitture Scafi, Il paradiso in terra : mappe del giardino dell’Eden,
murali », Arte Lombarda, 156 (2009), p. 21-22. Milan, Bruno Mondadori, 2007, p. 44-45).
1 72 Ma rco Ro s s i
Fig. 2. Galliano, Saint-Vincent, vaisseau central de la nef, mur septentrional (© Luca Merisio).
L e s cyc l e s d e l’A n c i e n T e s tame nt à Galli ano e t dans la pe i ntu re lo mb ard e d u xi e s iècle 173
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Fig. 3. Galliano, Saint-Vincent, vaisseau central de la nef, mur méridional (© Luca Merisio).
L e s cyc l e s d e l’A n c i e n T e s tame nt à Galli ano e t dans la pe i ntu re lo mb ard e d u xi e s iècle 175
1 76 Ma rco Ro s s i
Fig. 4. Galliano, Saint-Vincent, plan, deuxième moitié du xvie siècle (Milan, Archivio Storico Diocesano, Raccolta carte
topografiche e disegni, de Visite Pastorali, Pieve di Cantù, vol. XX).
dans la partie droite de l’arc absidal, généralement Cette dernière interprétation est soulignée à
considérée comme étant Élisée ou Moïse, pourrait Galliano par la décoration et l’inscription de
représenter Énoch11 dont la montée au ciel est l’abside : hec est domus dei et porta caeli.
interprétée par Augustin et les Pères comme le D’ailleurs, dans la basilique de Saint-Ambroise,
signe de notre résurrection et son nom comme qui avait largement inspiré Aribert pour rénover
la dedicatio de la domus Dei sive civitas Dei12. l’église de Galliano, le sarcophage paléochrétien
Fig. 5. Galliano, Saint-Vincent, abside, arc absidale et murs de la nef (© Luca Merisio).
de Stilicon présentait d’un côté le Péché originel Dans une importante contribution de 1989 sur
au-dessous de l’A scension d’Élie, ce qui prouve les cycles de la Genèse des xie et xiie siècles en
son sens sotériologique. Lombardie, Carlo Bertelli l’a interprétée comme
La volonté d’Aribert de donner un plus grand étant l’Animation d’Adam (fig. 7 et pl. 21)15. Le
développement narratif aux récits de la nef, par chercheur a essayé de reconstruire, à travers les
rapport au projet iconographique et décoratif témoignages de Galliano, Agliate, Carugo et
unitaire de l’église qu’il a personnellement conçu, Muralto, un « cycle idéal » lombard différent des
est confirmée par le fait qu’il a manifestement cycles romains mais lui aussi inspiré des modèles
fait murer quelques fenêtres préexistantes pour de l’Antiquité tardive, à l’instar des Bibles de Ripoll
augmenter la surface des peintures murales13, ce et Rodes16. Plus récemment, Andreina Contessa
qui a profité plus particulièrement aux cycles de a également supposé une influence juive17.
la Genèse et de Samson (fig. 6). C’est pourquoi
je souhaite concentrer l’analyse des peintures
sur le cycle de la Genèse. 15 Carlo Bertelli, « Bibbia, breviario, messale nella cultura
D’après Giulio Ansaldi, le premier épisode della chiesa milanese dall’ XI al XIII secolo », Milano e il
représenté montrait Adam dans le paradis14. suo territorio in età comunale (XI-XII secolo), Atti dell’XI
Congresso di Studi sull’Alto Medioevo (Milano, 26-30
octobre 1987), Spoleto, CISAM, 1989, p. 815-853, part.
819, 826.
13 Cf. Luciano Caramel, « Dalle testimonianze 16 C. Bertelli, Bibbia, breviario, messale…, p. 824-830. Voir
paleocristiane al Mille », Storia di Monza e della Brianza, aussi F. Scirea, Il congegno figurativo…, p. 104-109 ; et
IV/1, L’arte dall’età romana al Rinascimento, Milan, Il l’article de cet auteur dans le présent volume.
Polifilo, 1976, p. 258. 17 Andreina Contessa, « Le Bibbie catalane di Ripoll e di
14 G.R. Ansaldi, Gli affreschi della basilica di Roda e gli antichi cicli biblici lombardi della Genesi »,
San Vincenzo…, p. 43. Arte Lombarda, 140 (2004), p. 5-24.
1 78 Ma rco Ro s s i
Fig. 6. Galliano, Saint-Vincent, mur septentrional : fenêtres préexistantes murées pour augmenter la surface du cycle
de la Genèse (© Luca Merisio).
Fig. 7. Galliano, Saint-Vincent, peintures de la paroi nord de la nef, Animation d’Adam et Création d’Ève (© Luca
Merisio).
peut pas s’attarder ici20. Tant la formation du corps l’homme ne sont pas toujours représentées dans
que l’animation, tirées du modèle de l’Antiquité les manuscrits issus de la Genèse Cotton (par
tardive, sont présentes dans la Bible carolingienne exemple dans les Bibles carolingiennes de Vivien,
de Saint-Paul-hors-les-Murs (fig. 10) et, beaucoup fig. 20 et pl. 4, et Grandval, pl. 3)21.
plus tard (xiie siècle), dans la Genèse de Millstatt C’est également le cas de Galliano où la
(fig. 11), mais les deux phases de la création de peinture murale s’inspire de l’organisation
iconographique connue grâce à la Genèse de
Millstatt (fig. 11) pour représenter l’Animation
20 Cf. n. 19 et Herbert L. Kessler, « Hic Homo Formatur : d’Adam, en éliminant l’ange sur la droite et en
The Genesis Frontispieces of the Carolingian
Bibles », The Art Bulletin, LIII (1971), p. 143-160, montrant le Christ-Logos saisissant Adam par
part. 146-147 ; Id., The illustrated Bibles from Tours, le poignet et approchant sa main droite pour
Princeton, Princeton University Press, 1977, p. 14-16 ; le bénir. Cette organisation, dans laquelle les
et enfin quelques nouvelles réflexions dans Id., deux personnages sont debout et Dieu lève sa
« Introduction », éd. M. Büchsel, H. L. Kessler,
R. Müller, The Atrium of San Marco in Venice : the Genesis
and medieval reality of the Genesis Mosaics, Berlin, Gebr.
Mann, 2014, p. 13. 21 Cf. n. 20.
1 80 Ma rco Ro s s i
Fig. 8. Galliano, Saint-Vincent, peintures de la paroi nord de la nef, Animation d’Adam, photo précédant le
détachement, 1964/1970 (Milan, Archivio Soprintendenza Archeologia, Belle Arti e Paesaggio, Galliano).
L e s cyc l e s d e l’A n c i e n T e s tame nt à Galli ano e t dans la pe i ntu re lo mb ard e d u xi e s iècle 181
main droite sans prendre Adam par le poignet, d’Adam par une frise verticale (fig. 7 et pl. 21).
apparaît dans la Bible carolingienne de Vivien C’est le seul cas de séparation de deux scènes
(fig. 20 et pl. 4), mais aussi dans la Bible de sur ce registre dont les autres scènes forment un
Ripoll (fig. 12 et pl. 10). Elle se rattache également récit continu. L’état de conservation est encore
aux cycles lombards par certaines similitudes pire, avec une lacune énorme au milieu qui
iconographiques, probablement en raison d’un permet de voir uniquement, à gauche, le visage,
usage de sources paléochrétiennes communes22. un bras et une partie du buste d’Adam couché
La Bible de Ripoll représente toutefois Dieu qui sur les rochers et, à droite, le bord inférieur de la
« plasmat Adam », autrement dit formant Adam, tunique rouge de Dieu penché pour extraire Ève
comme l’indique explicitement l’inscription de du corps de l’homme. Encore une fois, la lecture
la Bible dite « de Rodes » (fig. 15 et pl. 12) qui peut être partiellement facilitée par des photos
lui est directement apparentée. anciennes (fig. 13), plus que par la comparaison
Le cycle de la Genèse de Galliano se poursuit avec Agliate (fig. 14 et pl. 24) : sur les photos, on
avec la Création d’Ève qui est séparée de celle aperçoit les mains ouvertes au-dessus du corps
d’Adam et, avec difficulté, le visage d’Ève, de
profil tourné vers la gauche et non vers la droite
22 Cf. n. 16 et 17, et Manuel Castiñeiras dans ce volume. comme à Agliate.
1 82 Ma rco Ro s s i
Fig. 10. Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs, fol. 8v, frontispice avec Histoires d’Adam et Ève (photo basilique Saint-Paul-
hors-les-Murs).
L e s cyc l e s d e l’A n c i e n T e s tame nt à Galli ano e t dans la pe i ntu re lo mb ard e d u xi e s iècle 183
Fig. 11. Genèse de Millstatt, fol. 6r, Animation d’Adam (Klagenfurt, Museum Rudolfinum, Cod. VI 19) (d’après
H. Kessler, The illustrated Bibles…).
Carlo Bertelli a remarqué un rapport icono- Dans ces manuscrits comme à Galliano, Agliate
graphique entre cette image et la tradition anglaise (fig. 13-14 et pl. 24) et dans la Bible de Rodes
de l’illustration de la Genèse, influencée par les (fig. 15 et pl. 12), la figure d’Ève est extraite du
sources de l’Antiquité tardive, dont témoignent corps d’Adam, contrairement à ce que montre la
l’ancienne Paraphrase d’Ælfric (BL, Cotton tradition iconographique des bibles carolingiennes
Claudius B IV, fol. 1v, c. 1050) et celle, plus récente, analysée auparavant, qui privilégie le sommeil
du ms. BL, Egerton 1894, fol. 1v, xive siècle)23. d’Adam suivi ou substitué par le modelage du
corps d’Ève à partir de la côte extraite du corps
de l’homme (Gn 2, 22), comme à Saint-Savin
23 C. Bertelli, Bibbia, breviario, messale…, p. 827. (pl. 31). Alors que Dieu se trouve souvent à
Cf. George Henderson, « Late-antique Influences gauche, les deux cycles lombards l’ont déplacé
in some English Mediaeval Illustrations of Genesis », vers la droite, comme dans le manuscrit Egerton
Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, XXV 1894. À Galliano, le visage d’Ève est d’ailleurs
(1962), p. 172-198 ; Id., « The Sources of the Genesis
Cycle at Saint-Savin-sur-Gartempe », Journal of tourné vers celui d’Adam, comme dans la Bible
the British Archeological Association, 26 (1963), de Rodes, et non vers celui du Seigneur. Il s’agit
p. 11-26 (les deux aussi chez Id., Studies in English très clairement de variantes complexes, peut-être
Bible Illustrations, London, The Pindar Press, 1985) ; consécutives à des « erreurs » effectuées dans
Herbert R. Broderick, « Northern Light : Late Anglo-
Saxon Genesis Illustration and the Mosaics of San
l’utilisation des modèles, mais il est difficile de
Marco », The Atrium of San Marco…, p. 211-229 (avec l’établir car la filiation iconographique de la Genèse
une bibliographie récente). demeure incertaine. Elle devait probablement être
1 84 Ma rco Ro s s i
Fig. 12. Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, Vat., ms. lat. 5729, fol. 5v, Histoire d’Adam et Ève, détail (© BAV).
moins linéaire que ce que l’on pouvait croire il y on sait que la peinture perdue représentait le
a quelque temps et, au contraire, beaucoup plus Péché originel (fig. 16). Compte tenu de la grande
articulée et ramifiée en de nombreuses branches surface disponible, on ne peut pas exclure la
iconographiques. présence d’un autre épisode, qui n’était pas visible
Dans le registre de la Genèse de Galliano, au xixe siècle comme ceux qu’on a analysés, à
la Création d’Ève est suivie par une grande moins que la partie droite ait été occupée par
lacune comprise entre deux fenêtres à une seule un vaste fond végétal. L’aquarelle ne montre
ouverture à laquelle succède la représentation en effet aucun épisode, peut-être à cause de la
des Reproches de Dieu (fig. 2 et pl. 19) : grâce à superposition des structures documentées sur
l’aquarelle publiée en 1835 par Carlo Annoni24,
Fig. 13. Galliano, Saint-Vincent, peintures de la paroi nord de la nef, Création d’Ève, photo précédant le détachement,
1964/1970 (Milan, Archivio Soprintendenza Archeologia, Belle Arti e Paesaggio, Galliano).
1 86 Ma rco Ro s s i
Fig. 14. Agliate, Santi Pietro e Paolo, Création d’Ève (photo F. Scirea).
les photos du début du xxe siècle25 : selon la hors-les-Murs (fig. 10), de Millstatt, de Ripoll
tradition iconographique, la Présentation d’Ève (fig. 12 et pl. 10), de Rodes (fig. 15 et pl. 12)
à Adam ou la Tentation d’Ève aurait pu être et dans la peinture médiévale romaine (par
représentée à cet endroit, comme dans la Bible exemple Saint-Jean-à-la-Porte-Latine et Ceri). Sur
de Saint-Paul-hors-les-Murs (fig. 10). l’aquarelle d’Annoni cependant (fig. 16), le serpent
Je ne pense pas qu’il soit approprié d’appro- n’est – étrangement et, je le crains, erronément
fondir ici l’iconographie du Péché originel sur la – pas enroulé autour de l’arbre, alors que sur les
base du témoignage approximatif de l’aquarelle peintures lombardes vraisemblablement issues de
du xixe siècle, sauf pour noter qu’Adam et Ève Galliano (église des Saints-Jacques-et-Philippe
se trouvent l’un à la gauche et l’autre à la droite à Spurano di Ossuccio26 et de Saint-Martin à
de l’arbre, comme dans les Bibles de Saint-Paul-
Fig. 15. Bible de Rodes, Paris, BnF, ms. lat. 6, fol. 6r, Histoire d’Adam et Ève (BnF).
Carugo27) il enroule ses anneaux autour du tronc qui se promenait dans l’Éden, ils se cachent. Un
de l’arbre pour tenter Ève, qui, à Ossuccio, a été détail iconographique important et rare, à ma
peinte à gauche. connaissance, est constitué par les arbustes qui
La scène suivante, également peinte dans la s’entrelacent sur les corps des protoplastes pour
surface comprise entre deux fenêtres, représente montrer qu’ils « se cachèrent parmi les arbres
les Reproches de Dieu (fig. 17 et pl. 22) : après du jardin » (Gn 3,8). La scène prévoyait sur la
avoir péché, Adam et Ève se rendent compte droite la figure de Dieu, dont il ne reste qu’une
qu’ils sont nus et, ayant entendu le Seigneur jambe sous l’habituelle tunique rouge, dans l’acte
de réprimander Adam et Ève, tandis que ceux-ci
sont censés le fuir. Sur l’aquarelle du xixe siècle,
di Ossuccio) ; La chiesa di San Giacomo a Spurano di on entrevoit aussi la main droite du Seigneur,
Ossuccio e i suoi restauri, éd. M. Di Salvo, Lipomo levée comme un signe d’avertissement (fig. 16).
(Como), Fondation Carlo Leone et Mariena Montandon, Ansaldi a lu dans un fragment de l’inscription :
2004 ; M. Rossi, Milano e le origini della pittura « […]dos qui […]tosperdunt[…] », et en
romanica…, p. 42 ; F. Scirea, Il congegno figurativo…,
p. 105-106, et son article publié dans ce volume. déduit que la scène représentait l’Expulsion28,
27 C. Bertelli, Bibbia, breviario, messale…, p. 818-819 ; tandis que Carlo Bertelli y a vu Adam et Ève se
G. Valagussa, I grandi cicli di affreschi…, p. 7-8 et 224-
226 (Carugo) ; Elena Alfani, Santi, supplizi e storia nella
pittura murale lombarda del XII secolo. La cappella di San
Martino a Carugo, Mariano Comense, Rome, Argos, 2000,
p. 79-86 ; F. Scirea, Il congegno figurativo…, p. 105-109, et 28 G.R. Ansaldi, Gli affreschi della basilica di
son article publié dans ce volume. San Vincenzo…, p. 44.
1 88 Ma rco Ro s s i
Fig. 16. Galliano, Saint-Vincent, aquarelle publiée en 1835 par Carlo Annoni avec les fresques perdues du mur
septentrional du vaisseau central de la nef (C. Annoni, Monumenti e fatti politici…).
cachant29. La comparaison avec les mêmes scènes protoplastes ne sont plus visibles. C’est pourquoi
conservées dans la peinture lombarde, à Saint- on ne peut pas vérifier l’éventuelle reprise de
Martin de Carugo et à Saint-Victor de Muralto30, la particularité iconographique des corps cou-
ne permet pas d’approfondissements importants verts par les arbustes. Il est aussi problématique
en raison des lacunes des deux ensembles où les d’analyser le fragment pictural visible dans les
combles de l’arc triomphal de l’église de Saint-
Thomas à Acquanegra sul Chiese (premières
décennies du xiie siècle), où l’on aperçoit – dans
29 C. Bertelli, Bibbia, breviario, messale…, p. 820.
30 C. Bertelli, Bibbia, breviario, messale…, p. 821-823 ; un cycle très réduit de la Genèse – les Reproches
G. Valagussa, Affreschi medievali…, p. 7-8 et 246-247 ou l’Expulsion d’Adam et Ève31 (pl. 27).
(Muralto) ; F. Scirea, Il congegno figurativo…, p. 105-
107 ; Irene Quadri, Tra gli intonaci medievali di un’altra
Lombardia. La pittura murale dell’XI-XIII secolo in
Canton Ticino, Thèse de Doctorat, sous la direction de
S. Romano, Université de Lausanne, 2016, p. 143-154 ; et 31 F. Scirea, Il congegno figurativo…, p. 104-109, et dans ce
l’article de Fabio Scirea publié dans ce volume. volume.
L e s cyc l e s d e l’A n c i e n T e s tame nt à Galli ano e t dans la pe i ntu re lo mb ard e d u xi e s iècle 189
Fig. 17. Galliano, Saint-Vincent, peintures de la paroi nord de la nef, les Reproches de Dieu (© Luca Merisio).
La lecture de l’épisode suivant (fig. 18, pl. 23) ange, comme le pensait Ansaldi32. Au-dessus de la
est compliquée par le mauvais état de conservation tête d’Adam, qui tient les bras levés, on aperçoit le
des peintures, déjà perceptible sur l’aquarelle du bord d’un vêtement, caractérisé par des marques
xixe siècle (fig. 16) et sur la photo de 1964-1970 sombres, qui suggèrent les « tunicas pelliceas »
(fig. 19), mais on peut établir qu’il représente la de la Vulgate. Je pense qu’au centre, il y avait
Distribution des vêtements (Gn 3, 21 : « Yahvé aussi la représentation d’Ève, comme à Muralto.
fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau Le rapport avec le dernier épisode introduit
et les en vêtit »), comme le confirment les restes une variante significative dans la séquence de
de l’inscription encore lisibles : « virum […]
velantur ». Sur la gauche est représenté Adam
devant un arbre verdoyant et fleuri sous lequel
32 G.R. Ansaldi, Gli affreschi della basilica di
coule de l’eau, alors que sur la droite on aperçoit San Vincenzo…, p. 46 ; M. Beretta, Le pitture murali
avec difficulté une figure vêtue : les pigments della navata…, p. 206. Pour l’iconographie des
bleus et rouges qui subsistent suggèrent qu’ils vêtements : M. Bernabò, « La Cacciata dal Paradiso e il
correspondent au manteau et à la tunique de Dieu, Lavoro dei progenitori in alcune miniature medievali »,
éd. G. Vailati Schoenburg Waldenburg, La
selon la représentation habituelle, plutôt qu’un miniatura italiana in età romanica e gotica, Atti del I
Congresso di Storia della Miniatura italiana (Cortona,
26-28 mai 1978), Florence, Olschki, 1979, p. 275-281.
1 90 Ma rco Ro s s i
Fig. 18. Galliano, Saint-Vincent peintures de la paroi nord de la nef, Distribution des vêtements (© Luca Merisio).
composition et de narration du cycle. Derrière perte grave car l’iconographie présente un grand
l’arbre fleuri, le sol est en effet parcouru par les intérêt : la punition par le travail porte en effet sur
fleuves et le méandre en perspective déployé les deux protoplastes et pas seulement sur Adam.
juste en dessous et se prolongeant sans solution Une iconographie similaire, dans laquelle Adam
de continuité sur la paroi, ce qui a exigé de murer et Ève creusent la terre, se trouve à Carugo et à
la moitié d’une fenêtre (fig. 2, pl. 19). Comme Muralto (pl. 25), et constitue une particularité
les scènes précédentes, celle du Travail d’Adam aussi bien par rapport au texte de Gn 3, 16-19, que
et Ève, à peine visible sur la photo de 1964-1970 par rapport à la tradition iconographique de la
(fig. 19), est presque entièrement perdue mais Genèse Cotton et des bibles carolingiennes (fig. 10,
elle peut être restituée grâce à l’aquarelle publiée 20, pl. 4) qui représentent Adam creusant la terre
en 1835 par Carlo Annoni (fig. 16). Il s’agit d’une et Ève nourrissant leur enfant ou filant la laine
L e s cyc l e s d e l’A n c i e n T e s tame nt à Galli ano e t dans la pe i ntu re lo mb ard e d u xi e s iècle 191
Fig, 19 : Galliano, Saint-Vincent, peintures de la paroi nord de la nef, Distribution des vêtements et Travail d’Adam et
Ève, photo précédant le détachement, 1964/1970 (Milan, Archivio Soprintendenza Archeologia, Belle Arti e Paesaggio,
Galliano).
(voir Saint-Savin-sur-Gartempe et Saint-Marc anciens, sinon le plus ancien connu, avec Adam
à Venise). et Ève situés du même côté, à gauche, absorbés
Dans son analyse des bas-reliefs de Wiligelmo dans le travail de la terre. On n’arrive toutefois
ornant la façade de la cathédrale de Modène, pas à comprendre s’ils utilisent les mêmes outils
Chiara Frugoni a rattaché la formule des proto- ou des outils différents comme on le verra sur
plastes creusant la terre à la tradition textuelle l’ivoire de Salerne.
du drame paraliturgique du Jeu d’Adam (milieu En conclusion, après avoir analysé l’organ-
du xiie siècle) qui précise d’ailleurs la nature des isation narrative du registre de la Genèse, des
outils utilisés par Adam (pioche) et Ève (râteau)33. adaptations architecturales, des sources et des
C’est ce que l’on peut observer auparavant, même variantes iconographiques, on peut suggérer
si les outils sont différents, dans la Bible de des pistes de réflexion sur leurs modèles et leurs
Ripoll et dans la Paraphrase d’Ælfric (xie siècle), contenus sémantiques. Tout d’abord, il convient
qui, comme on le sait, ont été influencés par de remarquer que la sélection des épisodes de
des modèles paléochrétiens. Dans ce contexte, la Genèse représentés sur le mur de Galliano
Galliano constitue un des exemples les plus (fig. 2, pl. 19) correspond exactement à celle
des frontispices des bibles carolingiennes de
Tours (fig. 10, 20 et pl. 4) étudiés par Herbert
33 « Tunc Adam fossorium tollet et Eva rastrum et Kessler34. Je n’entends pas suggérer par là qu’elles
incipient colere terram et seminabunt in ea triticum ». ont constitué un modèle direct, d’autant moins
Cf. C. Frugoni, Le lastre veterotestamentarie…, p. 428.
Pour l’iconographie du Travail d’Adam et Ève voir aussi
M. Bernabò, La Cacciata dal Paradiso…, p. 269-270,
273-274. 34 Cf. n. 20.
1 92 Ma rco Ro s s i
Fig. 20. Première Bible de Charles le Chauve, Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 1, fol. 10v, frontispice
avec Histoires d’Adam et Ève (BnF).
L e s cyc l e s d e l’A n c i e n T e s tame nt à Galli ano e t dans la pe i ntu re lo mb ard e d u xi e s iècle 193
que, comme on l’a vu, chaque épisode présente Bible de Ripoll37. À la manière de cette dernière
des variantes et les fragments de tituli ne corre- (Vat. Lat. 5729, fol. 327r), le cycle de Galliano
spondent pas, mais on peut supposer une référence donne une importance particulière aux armées
similaire : il pourrait s’agir d’un cycle carolingien et aux premiers épisodes de la narration biblique,
disparu issu de modèles paléochrétiens35, ou avec Holopherne et ses soldats envoyés au combat
d’une synthèse de modèles divers. Les deux par Nabucodonosor ( Jdt 2, 4-20) et le Siège de
hypothèses confirmeraient les nombreuses Béthulie ( Jdt 7, 1-7 ; fig. 2, pl. 19)38.
influences carolingiennes que j’ai pu relever dans À Galliano, même les peintures du cycle de
le cycle de l’abside de Galliano (fig. 5). Samson sont particulièrement concentrées sur les
Dans cette perspective, il faut également premières scènes du récit biblique, en particulier
réitérer ce que je disais au début sur le peintre de l’Annonce de la naissance de Samson, avec les
la Genèse qui se distingue des autres peintres des deux Apparitions de l’ange et la Naissance ( Jg
parois et, bien qu’il n’en soit pas le protagoniste, 13, 3-25 ; fig. 3, pl. 20)39 : dans ce cas, on peut
je crois qu’il fait partie des travailleurs actifs identifier une relation iconographique avec les
dans l’abside, caractérisée par le renouvellement Octateuques byzantins (par exemple Vat. Gr.
plastique vigoureux et luministe du langage 747, fol. 247v-248r, xie siècle, et Vat. Gr. 746,
carolingien36. fol. 488v-490r, xiie siècle) qui comptent parmi les
En revanche, les registres dédiés aux deux images les plus connues de ces épisodes40, et on
autres cycles vétérotestamentaires de Judith peut aussi proposer l’hypothèse de l’utilisation
(fig. 2, pl. 19) et de Samson (fig. 3, pl. 20) remon- d’un modèle grec.
tent à un modèle iconographique distinct des Je pense donc que dans le vaisseau central de
bibles carolingiennes de Tours, ce qui confirme la nef de l’église de Saint-Vincent de Galliano,
l’utilisation d’une pluralité de modèles dans les Aribert d’Intimiano a proposé différents modèles
cycles du haut Moyen Âge ou la confluence de aux peintres des cycles vétérotestamentaires,
sources différentes dans le modèle carolingien
déjà utilisé.
Pour l’illustration de l’Histoire de Judith,
Frances Gray Godwin a identifié l’existence 37 Frances Gray Godwin, « The Judith Illustration of the
Hortus Deliciarum », Gazette des Beaux-Arts, 36 (1949),
de trois traditions, respectivement byzantine p. 25-46 ; Joachim E. Gaehde, « The Pictorial Sources of
– représentée par la Bible Vat. Reg. Gr. 1 du xe the Illustrations to the Books of Kings, Proverbs, Judith
siècle –, carolingienne – transmise par la Bible and Maccabees in the Carolingian Bible of San Paolo
de Saint-Paul-hors-les-Murs –, et d’inspiration Fuori Le Mura in Rome », Frümittelalterliche Studien,
9 (1975), p. 379-383.
probablement paléochrétienne reflétée par la
38 Cf. n. 3. Pour l’iconographie de Judith voir Jutta Seibert,
Judith, Lexikon der Christlichen Ikonographie, II, Rome-
Fribourg-Bâle-Vienne, 1970, col. 454-458.
39 Cf. n. 4.
40 Cf. Kurt Weitzmann et Massimo Bernabò, The
Byzantine Octateuchs, Princeton, Princeton University
35 Ce qu’on sait par le biais des tituli conduit à écarter Press, 1999, p. 284-296. Pour l’iconographie de
l’hypothèse d’une dérivation émanant de l’ancienne Samson, cf. Wolfger A. Bulst, Samson, Lexikon der
décoration de la basilique de Saint-Ambroise Christlichen Ikonographie, IV, Rome-Fribourg-Bâle-
(cf. Giuseppe Visonà, « I Tituli ambrosiani », Studia Vienne, Herder, 1972, col. 30-38 ; voir aussi Xavier
Ambrosiana, 2, 2008, p. 51-107). Barral i Altet, « Un programme iconographique
36 Les comparaisons proposées dans un tableau réalisé par occidental pour le pavement médiéval de l’église du
M. Beretta, Le pitture murali della navata…, p. 21-22, Christ Pantocrator de Constantinople », Convivium, II/1
peuvent confirmer cette hypothèse. (2015), p. 224-226 (avec bibliographie).
1 94 Ma rco Ro s s i
Fabio Scirea • Università degli Studi di Milano, Dipartimento di Beni Culturali e Ambientali
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 195-221
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118927
1 96 Fa bio S c i r e a
frontispices de quatre bibles carolingiennes4, les « paraphrases » bibliques5, ainsi que les cycles
monumentaux d’époque romane6, ont suscité
Fig. 1. L’archétype supposé du cycle « ambrosien » de la Genèse, selon Carlo Bertelli (schéma de F. Scirea).
de quinze épisodes (fig. 1), hypothétiquement auxquels se réfèrent les distiques, dix-sept tirés
peints dans une des basiliques paléochrétiennes de l’Ancien Testament et seulement quatre du
de Milan. Nouveau11, pourraient toutefois correspondre à
Si l’on ne peut que spéculer au sujet des un fragment d’une séquence bien plus large. On
églises du groupe épiscopal, il y a de fortes peut en effet supposer qu’au moment où l’on a
probabilités pour que la nef paléochrétienne de transcrit les tituli, avant la reconstruction du xiie
Saint-Ambroise ait accueilli un cycle de l’Ancien siècle, un certain nombre de distiques étaient déjà
et du Nouveau Testament : il semble en effet illisibles. Ils pourraient au contraire correspondre
que les vingt et un distiques transmis par un à l’ensemble d’un programme iconographique
répertoire de sources patristiques daté du 1589 conçu selon une logique sélective et exégétique
et intitulés Incipiunt disticha Sancti Ambrosii de qui ne tiendrait pas du tout compte de la séquence
diversis rebus que in basilica Ambrosiana scripta historico-narrative. Dans la première hypothèse,
sunt, se rapportent à des épisodes peints ou en la plus plausible selon les historiens de l’art,
mosaïque, dont ils constituaient le commentaire Noé envoyant la colombe devait être précédé
exégétique. Du point de vue du lexique, de la par d’autres scènes concernant le patriarche et,
syntaxe et du contenu, les distiques se révèlent de
surcroît largement compatibles avec la production
littéraire d’Ambroise lui-même10. Les épisodes 11 La séquence des épisodes mentionnés par les distiques est
la suivante : 1) Transfiguration ; 2) Dernière Cène ; 3)
Annonciation ; 4) Isaac et Rébecca ; 5) Jacob usurpant la
bénédiction d’Isaac ; 6) Daniel dans la fosse aux lions ;
10 Giuseppe Visonà, « I tituli ambrosiani : un riesame », 7) Les songes de Joseph ; 8) Mort présumée de Joseph ;
dans Contributi di ricerca sulla poesia in Ambrogio, 9) Joseph vendu par ses frères ; 10) La vertu de Joseph ;
Atti del terzo dies academicus (Milano, Accademia 11) La promesse donnée à Abraham ; 12) Sacrifice
di Sant’Ambrogio, 26-27 marzo 2007), Milan-Rome, d’Isaac ; 13) Apparition de Mambré ; 14) Le troupeau
Biblioteca Ambrosiana et Bulzoni Editore, 2008 (coll. de Jacob ; 15) Zachée et l’hémoroïsse ; 16) Prophétie
Studia ambrosiana, 2), p. 51-107. Francesco Lubian, d’Isaïe ; 17) Prophétie de Jérémie ; 18) Enlèvement
Disticha sancti Ambrosii : introduzione, testo criticamente d’Élie aux cieux ; 19) La colombe de Noé ; 20) Mort
riveduto, traduzione e commento, Turnhout, Brepols, 2017. d’Absalom ; 21) Jonas et la baleine.
L a r e p r é s e n tat i o n d e l’h i s to i r e d’Adam e t È ve dans le s mi li e u x amb ro si e ns au x xi e -xi i e siècles 199
en amont, par l’histoire d’Adam et Ève : le cycle publiée par Carlo Annoni en 1835 – fig. 2)15, Adam
de Saint-Ambroise aurait alors servi de modèle et Ève se cachant (Galliano – mais il peut s’agir
de référence pour l’Italie du Nord à l’époque en même temps des Reproches)16, les Reproches
romane. Dans la seconde hypothèse, préférée (Muralto, Galliano ?), l’Expulsion (Carugo,
par les philologues, il faudrait rechercher ce Galliano ?), l’Habillage (Galliano, Muralto), la
modèle ailleurs. Remise des outils agricoles (Muralto), le Travail
De tout façon, par rapport à la tradition des (Galliano, Carugo, Muralto), et pour conclure,
milieux romains, bien illustrée au xiie siècle par six épisodes concernant Caïn et Abel (Muralto,
San Giovanni a Porta Latina à Rome ou par San mais aussi Ripoll et Roda).
Pietro in Valle à Ferentillo12, les séquences de la En procédant de la sorte, on se laisse séduire
Genèse des milieux ambrosiens montreraient des par ce qu’Herbert Kessler lui-même a appelé
différences notables, à commencer par l’absence la « méthode Weitzmann », selon laquelle,
de traces des premiers jours de la Création à partir de scènes conservées, il est permis
comme sur les frontispices des quatre bibles d’imaginer l’archétype monumental et même
carolingiennes (pl. 3-4)13. Le cycle idéal restitué sa source manuscrite supposée17. En fait, le
par Carlo Bertelli s’ouvre avec l’Animation d’Adam « cycle ambrosien de la Genèse » se révèle un
qui se tient debout et que le Créateur saisit par collage de scènes tirées de contextes pas tout à
le bras (Galliano, Agliate)14 ; il continue avec fait comparables : à part le Travail, qui compte
la Création d’Ève qui sort du flanc d’Adam trois occurrences mais bien différenciées, aucun
endormi et est aussitôt soulevée par le Créateur épisode n’est attesté plus de deux fois.
(Agliate, probablement Galliano), le Péché En 2004 Andreina Contessa a réexaminé
originel (Carugo, Galliano – selon l’aquarelle la question en s’appuyant sur les deux bibles
catalanes (pl. 10, 12) et sur le travail des deux
protoplastes, également présents sur la frise
sculptée de la cathédrale de Modène (fig. 3) et
parmi les ivoires de Salerne18. Par rapport à la
12 Respectivement : S. Riccioni, « La decorazione
pittorica delle navate… » ; H. L. Kessler, « Il ciclo
di San Pietro in Valle… ». I. Quadri, « Dipingere
all’ombra di prototipi illustri… », dans ce volume. 15 Il faut ajouter les cas de Saint-Jaques à Ossuccio sur le
Récemment, sur les répliques d’époque romane des lac de Côme et, dans le Piémont, de Saint-Maurice
modèles paléochrétiens romains : Herbert L. Kessler, à Roccaforte Mondovì et de Saint-Sauveur à Macra :
« Contending Cosmogonies in the Creation of the Fabio Scirea, Elisabetta Rurali, « Santi Giacomo
World in St. Paul Outside the Walls », dans N. Bock, e Filippo di Spurano presso Ossuccio », dans
I. Foletti, M. Tomasi (éd.), Survivals, revivals, R. Cassanelli, P. Piva (éd.), Lombardia romanica, II,
rinascenze. Studi in onore di Serena Romano, Rome, Paesaggi monumentali, Milan, Jaca Book, 2011, p. 120-121 ;
Viella, 2017, p. 45-57. F. Scirea, « Il congegno figurativo… », p. 105-106 ;
13 Id., The Illustrated Bibles from Tours…, p. 13-35 ; Costanza Segre Montel, « La pittura medievale in
P. K. Klein, « Les images de la Genèse… ». Piemonte e Valle d’Aosta », dans C. Bertelli (éd.),
14 L’épisode, qui implique deux phases dans la création La pittura in Italia. L’Altomedioevo, Milan, Electa, 1994,
d’Adam – la formation et l’animation de son corps –, a p. 33-46, en part. p. 36, 40.
été inspiré par Genèse 2,7, et remonte à une tradition 16 M. Rossi, « Les cycles de l’Ancien Testament à
visuelle de l’Antiquité tardive. L’iconographie de Galliano… ».
Galliano réapparaît au xiie siècle dans la Genèse de 17 H. L. Kessler, « Introduction… », p. 9-10.
Millstatt (Klagenfurt, Kärntner Landesarchiv, Ms. VI, 18 A. Contessa, « Le Bibbie catalane di Ripoll e di
19, fol. 6r). H. L. Kessler, « Hic Homo Formatur… », Roda… », p. 6-7. Sur le rapport entre les deux
p. 140 ; M. Rossi, « Les cycles de l’Ancien Testament à Bible catalanes et les ivoires de Salerne : Manuel A.
Galliano… ». Castiñeiras González, « Les Bibles de Ripoll et de
200 Fa bio S c i r e a
Fig. 2. Galliano (Côme), Saint-Vincent, nef, peintures des deux premières travées de la paroi nord, aquarelle réalisé
vers 1831, quand le Péché originel était encore visible (d’après C. Annoni, Monumenti e fatti politici e religiosi, 1835).
Fig. 3. Modène, cathédrale, façade, atelier de Wiligelmo, détail de la frise de la Genèse. De gauche à droite : les
Reproches, l’Expulsion, le Travail (photo F. Scirea).
ici qu’avec les cycles de Judith (nord, registre de ce type, on peut prendre en compte certains
médian) et de Samson (sud, registre supérieur), indices.
les six épisodes concernant les protoplastes En 1949, Giulio Ansaldi a souligné la corre-
(nord, registre supérieur) constituent les seuls spondance sur l’axe vertical entre Ève tentée par
sequences bibliques dans ce décor consacré au le serpent et Marguerite victorieuse du dragon,
culte de Marguerite (nord, registre inférieur), même si elles sont séparées par le registre dédié
Christophe (sud, registres médian et inférieur) et à Judith21. Plus séduisante en revanche est l’hy-
Vincent (mur de l’abside), et qui ne comportait pothèse d’une stratification de sens du registre
apparemment aucune représentation tirée du spéculaire dédié à Samson, le héros et juge d’Israël
Nouveau Testament, même si l’on ne connaît pas qui, depuis l’époque paléochrétienne, est considéré
le sujet de la contre-façade et du plafond en bois comme une préfiguration de Christ22. Le choix
aujourd’hui disparu20. Pour mieux comprendre exceptionnel des scènes de l’enfance de Samson,
les choix concernant le début de la Genèse, il au lieu de ses combats, laisse présumer qu’elles
faudrait donc envisager l’ensemble du programme
iconographique en cherchant d’éventuelles
relations entre les éléments narratifs, plutôt que 21 Giulio R. Ansaldi, Gli affreschi della basilica di S. Vincenzo
d’insister sur le degré de conformité aux modèles a Galliano, Milan, Biblioteca Ambrosiana e Arturo
supposés. En attendant une étude analytique Faccioli, 1949, p. 50.
22 Wolfger A. Bulst, « Samson », dans E. Kirschbaum
et al. (éd.), Lexikon der christlichen Ikonographie,
IV, Allgemeine Ikonographie, S-Z, Nachträge, Rome-
l’Église céleste célébrant le sacrifice eucharistique », Fribourg-Bâle-Vienne, Herder, 1994 (1972), p. 30-38.
Hortus artium medievalium, 20/2 (2014), p. 738-752, en Myla Perraymond, « Il ciclo di Sansone (GD.
part. p. 743-748. 14,15,16). Genesi e diffusione di un tema iconografico »,
20 L’existence d’un plafond en bois contemporain de dans F. Guidobaldi (éd.), Domum tuam dilexi.
la mise en place du décor peint est attesté par des Miscellanea in onore di Aldo Nestori, Città del Vaticano,
traces « archéologiques » : F. Scirea, « Il congegno Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, 1998,
figurativo… », p. 91-92. p. 643-667.
202 Fa bio S c i r e a
se développaient parallèlement à des épisodes direct avec sa créature (fig. 4-5 et pl. 24). Ce sont
de l’Enfance du Christ : cette correspondance malheureusement les seules scènes conservées.
aurait établi une relation historique et symbolique Elles se caractérisent par l’anachronisme du cadre
entre la création d’Adam (époque ante Legem, architectural qui fait défaut dans les autres cycles,
avant la Loi), la naissance de celui qui préfigure sauf dans la scène de l’Expulsion. Sur le registre
le nouvel Adam (époque sub Lege, de la Loi), et sous-jacent, il reste des fragments de l’Enfance
l’Incarnation du nouvel Adam (époque sub Gratia, du Christ ainsi que des saints en clipeus entre
sous la Grâce). On peut imaginer une version les arcades. Enfin, sur la voûte en berceau qui
synthétique du cycle de l’Enfance du Christ au précède l’abside est représentée la théophanie
sommet de la contre-façade, ou un véritable du Christ entouré par les quatre Vivants.
développement narratif du Nouveau Testament Bien que ce soient là les seuls décors conservés,
sur le plafond en bois aujourd’hui disparu, même le Nouveau Testament devait y jouer un rôle
s’il faut admettre qu’on ne conserve aucune trace de premier plan. Comme pour les peintures
de configurations de ce type. de Galliano, il convient dès lors d’envisager la
À défaut d’un cycle de l’Enfance du Christ, présence et la déclinaison du récit des protoplastes
on peut cependant remarquer qu’à Galliano, le dans un rapport de préfiguration, de conséquence
géant Christophe, qui avait porté le Sauveur sur et même d’opposition avec l’Enfance du Christ25.
ses épaules, est représenté exactement au centre Dans cette optique, le cadre architectural servirait
des deux registres qui lui sont consacrés, de telle à mettre l’accent sur la dimension historique des
sorte que sa tête se superpose au registre sommital événements, ainsi qu’à renforcer le parallélisme
et supporte symboliquement le jeune Samson entre l’Ancien Testament et l’Incarnation : la
qui est le typus du Christ enfant. porte monumentale derrière Adam se trouve
exactement au-dessus de l’arcade de la Vierge
de l’Annonciation, le geste du Créateur est
Agliate reproduit par l’archange, et la structure couvrant
partiellement Adam endormi et Ève sortant de
À Saint-Pierre d’Agliate23 comme à Galliano, son flanc se situe sur l’axe de l’arc qui encadre
l’histoire d’Adam et Ève se déroulait au sommet l’Enfant de la Nativité.
de la paroi nord, depuis le sanctuaire jusqu’à la
contre-façade, en commençant par l’Animation
d’Adam et la Création d’Ève, de telle sorte que le Torba
Créateur christomorphique24 entre en contact
Il reste beaucoup d’incertitudes par rapport
à Santa Maria di Torba, église du monastère
23 Paola Tamborini, « Pittura d’età ottoniana e romanica », fondé à proximité de l’enceinte de Castelseprio
dans Storia di Monza e della Brianza, IV, L’arte dall’età et connue essentiellement pour les peintures
romana al Rinascimento, II, Milan, Il Polifilo, 1984, murales haut-médiévales de la chapelle aménagée
p. 179-254 : 181-183 ; Oleg Zastrow, Gli affreschi della
basilica e del battistero di Agliate, Missaglia, Bellavite, dans la tour de défense qui remonte à l’Antiquité
1991, p. 26-64 (essentiellement pour les photos et les
schémas) ; Saverio Lomartire, « La pittura medievale
in Lombardia », dans C. Bertelli (éd.), La pittura in
Italia. L’Altomedioevo…, p. 47-89, en part p. 63.
24 Sur les fondements bibliques et exégétiques autorisant 25 Pour un tel pluralisme de rapports entre Adam et Christ
la fusion entre Créateur et Christ-Logos : H. M. Von et entre Ève et Marie : H. M. Von Erffa, Ikonologie der
Erffa, Ikonologie der Genesis…, p. 45-47. Genesis…, respectivement p. 193-201 et p. 211-216.
L a r e p r é s e n tat i o n d e l’h i s to i r e d’Adam e t È ve dans le s mi li e u x amb ro si e ns au x xi e -xi i e siècles 2 03
Fig. 4. Agliate (Carate Brianza, Monza), Saint-Pierre, paroi nord de la nef, dernière travée, la Création d’Ève que le
Christ/Créateur saisit par le bras (photo F. Scirea).
tardive26. Au cours du xie siècle l’église de Santa sous le pavement pendant les fouilles des années
Maria a été reconstruite et décorée, comme le quatre-vingt27.
prouvent les centaines de fragments redécouverts
Fig. 5. Agliate, Saint-Pierre, paroi nord de la nef, schéma du décor peint. De droite à gauche, au dessus : l’Animation
d’Adam et la Création d’Ève ; en bas : l’Annonciation, la Visitation et la Nativité (réélaboration d’après O. Zastrow, 1991).
Luigi Carlo Schiavi, « Santa Maria di Torba », dans peintres de S. Maria di Torba », Études de Lettres. Revue
R. Cassanelli, P. Piva (éd.), Lombardia romanica…, de la Faculté des Lettres. Université de Lausanne, 226/1
p. 92-93, 295 ; Gian Pietro Brogiolo, « Per una storia (1991), p. 5-13 ; Carlo Bertelli, « L’Alto Medioevo »,
religiosa di Castelseprio », dans P.M. De Marchi (éd.), dans M. Gregori (éd.), Pittura tra Ticino e Olona. Varese
Castelseprio e Torba…, p. 213-254, en part. p. 214-215. e la Lombardia nord-occidentale, Milan, Cariplo, 1992,
Sur le décor peint roman : Juliette Hanselmann, « I p. 3-9, en part p. 8-9 ; Monica Ibsen, « Arredo liturgico
frammenti di affreschi di Torba : ricomposizione e da Castelseprio e dipinti murali da Santa Maria di Torba.
interpretazione », dans Castelseprio 1287. Prima e dopo…, Scavi 2009 », dans P.M. De Marchi (éd.), Castelseprio e
Sibrium, XIX, 1987-1988 (1989), p. 165-172 ; Id., « Les Torba…, p. 423-431, en part. p. 427-431.
L a r e p r é s e n tat i o n d e l’h i s to i r e d’Adam e t È ve dans le s mi li e u x amb ro si e ns au x xi e -xi i e siècles 2 05
Sur les murs, il ne reste que deux épisodes romane32, comme à Muralto (infra), à Grissiano
indéchiffrables, l’un au nord, l’autre au sud, ainsi dans le Tyrol du Sud33, à la Johanneskapelle de
que des fragments épars. D’autres témoignages Stainach-Pürgg en Styrie34, et à Saint-Aventin
se trouvent dans le clocher préroman qui a en Haute-Garonne35. Il semble en revanche peu
été incorporée dans la nef à l’angle sud-ouest, probable que le corps nu appartienne à l’un des
bien que les couches picturales aient subi un deux protoplastes et, par conséquent, à un petit
détachement abusif 28. Des traces de peinture cycle de la Genèse36 : dans ce cas la main gauche
apparaissent à la base du clocher, de part et aurait dû cacher sa nudité et l’anachronisme de la
d’autre d’une porte : trois figures nimbées en présence d’un clerc ne pourrait pas s’expliquer.
tenue sacerdotale à gauche ; la partie centrale Tout aussi improbable est l’identification avec
d’un corps nu ouvrant la main droite devant la Abraham et les trois anges37, mais également avec
poitrine à droite. Le geste de ce dernier désigne un épisode de baptême, étant donné que l’église
la réceptivité, la disponibilité, l’acceptation ou n’était ni paroissiale ni baptismale. La question
l’adhésion29, selon une iconographie compatible reste donc posée.
avec un épisode de baptême (fig. 6). On en En ce qui concerne la chronologie, la couche
trouve un exemple à la Sigwardskirche d’Idensen, picturale du clocher remonte presque certaine-
en Basse-Saxe, datée du deuxième quarte du ment à l’époque romane (même si on l’a parfois
xiie siècle, où l’identification des trois baptisés située aux viiie-ixe siècles)38, au même titre que
dans les fonts baptismaux cruciformes reste les fragments épars et ceux des parois nord et
problématique (fig. 7)30. sud. Il n’est donc pas forcément nécessaire de
Sous le corps nu, au niveau du piédroit, restituer plusieurs phases entre le xie siècle et le
on reconnaît un fragment d’un personnage xiiie, même s’il est possible que le corps nu ait
nettement plus grand portant un manteau brun. fait partie d’une intervention ultérieure39.
Sur l’intrados de l’arc, la partie supérieure de
« KAIM » – Caïn – offrant les fruits de la terre
en regardant vers le haut, a été repositionné 32 Wilfried E. Keil, « Caino e Abele nella pittura murale
après son détachement (fig. 8)31. Face à Caïn, romanica », in F. Scirea (éd), Rileggere le Scritture
on conçoit aisément la figure d’Abel offrant ebraiche : cicli dell’Antico Testamento nella pittura murale
medievale, à paraître.
l’agneau, suivant un schème bien attesté à l’époque 33 Thomas Steppan, « San Giacomo a Grissiano / Grissian »,
dans H. Stampfer, Th. Steppan, Affreschi romanici in
Tirolo e Trentino, Milan, Jaca Book, 2008, p. 217-218.
34 Elga Lanc, « Pürgg (Stmk.), Johanneskapelle », dans
H. Fillitz (éd.), Geschichte der bildenden Kunst in
28 C. Bertelli, « L’Alto Medioevo… », p. 8 ; M. Ibsen, Österreich, I, Früh- und Hochmittelalter, München-New
« Arredo liturgico da Castelseprio… », p. 430-431. York, Prestel, 1998, p. 427-430.
29 François Garnier, Le langage de l’image au Moyen 35 Baseromane.fr : fiches 00008066-75.
Âge. Signification et symbolique, Paris, Le Léopard d’or, 36 Comme déjà proposé par S. Lomartire, « La pittura
1982, p. 174-176. medievale in Lombardia… », p. 67.
30 Ruth Ehmke, Der Freskenzyklus in Idensen, Bremen- 37 C. Bertelli, « L’Alto Medioevo… », p. 8.
Horn, Walter Dorn Verlag, 1958 ; Hans Günther, 38 Renato Bazzoni, « S. Maria di Torba », dans P. G. Sironi
Sigwardskirche in Idensen. Eine romanische Kirche im Tal (éd.), Castel Seprio. Storia e monumenti, nuova edizione
der Westaue. Bau- und Kulturgeschichte einer bischöflichen riveduta e aggiornata, Tradate, Colombo, 1997 (1987),
Hof-, Eigen- und Grabeskirche, Wunstorf, Selbstverlag p. 133-136 : 136 ; G. P. Brogiolo, « Lo scavo della chiesa
Günther, 2010 (ce livre, introuvable, peut être consulté à di S. Maria di Torba… », p. 143-144.
la Staatsbibliothek zu Berlin, Haus Potsdamer Straße). 39 C’est d’ailleurs ce que suggère la comparaison des
31 S. Lomartire, « La pittura medievale in Lombardia… », enduits : J. Hanselmann, « I frammenti di affreschi
p. 67. di Torba… », p. 168. Par contre, plusieurs phases
206 Fa bio S c i r e a
Fig. 6. Torba (Gornate Olona, Varese), Santa Maria, clocher, fragments du décor peint roman (photo F. Scirea).
L a r e p r é s e n tat i o n d e l’h i s to i r e d’Adam e t È ve dans le s mi li e u x amb ro si e ns au x xi e -xi i e siècles 2 07
Fig. 7. Idensen (Wunstorf, Basse-Saxe), Sigwardskirche, voûte de la troisième travée, détail des trois baptisés dans les
fonts baptismaux cruciformes (photo F. Scirea).
Fig, 8 : Torba, Santa Maria, clocher, intrados de l’arc, fragment relocalisée après le détachement : Caïn (« KAIM »)
offrant les fruits de la terre (photo F. Scirea).
Fig. 9. Muralto (Locarno, Canton du Tessin), Saint-Victor, nef, sommet de la paroi sud, cycle de la Genèse : l’Habillage
et la Remise des outils agricoles (photo F. Scirea).
donation concédée par une certaine Adelaxia, Rome). Si les sources écrites ne disent rien de
femme d’un certain comte Ugo. Elle avait été plus de la phase la plus ancienne, il subsiste une
fondée quelques années auparavant par les source matérielle extraordinaire : l’église romane
comtes de Desenzano et de Sabbioneta, dans avec son décor peint, découvert entre 1965 et
un territoire situé à la frontière des diocèses de 1984 derrière le décor baroque et au-dessus des
Brescia, Mantoue et Crémone45. En 1136 l’abbaye voûtes, ainsi que quelques vestiges du pavement
est attestée iure ac proprietate Sanctae Romanae en mosaïque qui étaient visibles depuis 1899.
Ecclesiae (directement soumise à l’Église de
Fig. 10. Muralto, Saint-Victor, nef, sommet de la paroi sud, cycle de la Genèse : le Reproche par le Christ/Créateur
muni d’une crosse (photo F. Scirea).
Fig. 11. Muralto, Saint-Victor, le Travail d’Adam et Ève et la lacune correspondant au Sacrifice de Caïn et de Abel
(photo F. Scirea).
Fig. 12. Muralto Saint-Victor, Abel frappé par Caïn, la Voix du sang d’Abel, Caïn ensevelissant Abel (photo F. Scirea).
Après le Travail d’Adam et Ève, le cycle con- Testament, allant de l’abside vers le Jugement,
tinue sur les parois de la nef en alignant sur deux comme dans les décors paléochrétiens romains
registres quarante-quatre personnages de l’Ancien de Saint-Pierre, de Saint-Paul-hors-les-Murs
21 2 Fa bio S c i r e a
Fig. 13. Acquanegra sul Chiese (Mantoue), Saint-Thomas, section 3D de l’église du xiie siècle, avec les photoplans du
décor peint (élaboration de D. Gallina, 2015).
Fig. 14. Acquanegra sul Chiese, Saint-Thomas. 3D du sanctuaire, avec le photoplan du récit d’Adam et Ève sur l’arc
triomphal (élaboration de D. Gallina, 2015).
de la Bible carolingienne de Vivien (pl. 4)47 et à les bibles catalanes (pl. 10, 12) ainsi que dans la
Muralto où le Créateur tient une crosse (fig. 9, Genèse Millstat. On s’est plutôt conformé à la
pl. 25) qui, dans la Bible de Ripoll, devient un tradition des milieux romains, bien illustrée à San
véritable sceptre (pl. 10)48. Pietro in Valle à Ferentillo où le Christ/Créateur
Le Créateur d’Acquanegra, dont la main droite assis sur un globe anime Adam par son souffle
exprime la polysémie du geste de l’allocution49, vital, tandis que celui-ci se tient presque couché
regardait Adam presque couché. En conséquence, sur un rocher duquel s’écoulent les quatre fleuves
il ne s’agissait pas de l’Animation dans la version du paradis (fig. 18). Dans le cas d’Acquanegra,
attestée à Galliano et Agliate (fig. 5, pl. 21), dans on devine que le Créateur est assis car son torse
est penché en avant, alors que le souffle vital a
pris la forme d’un trait rouge qui se dirige au
47 BnF, ms. Latin 1, fol. 10v (édition numérisée : gallica.bnf. pied de l’arbre où il touchait la bouche d’Adam.
fr/ark :/12148/btv1b8455903b/f. 28.image). Au-delà de l’arbre, il ne subsiste de la Création
48 A. Contessa, « Le Bibbie catalane di Ripoll e di d’Ève que la tête penchée et l’épaule droite
Roda… », p. 5, pl. I.
49 Marcello Angheben, « Le geste d’allocution. Une
du Créateur. Il faut imaginer le corps d’Adam
représentation polysémique de la parole (ve-xiie endormi sur le rocher accompagnant l’inclination
siècles) », Iconographica, XII (2013), p. 22-34. de la base du cadre, près du sommet de l’arcade,
21 4 Fa bio S c i r e a
Fig. 15. Acquanegra sul Chiese, Saint-Thomas, photoplan du décor peint de la nef, de la croisée et du sanctuaire, avec
le schéma des vecteurs visuels (élaboration de F. Scirea à partir des photoplans de D. Gallina, 2015).
L a r e p r é s e n tat i o n d e l’h i s to i r e d’Adam e t È ve dans le s mi li e u x amb ro si e ns au x xi e -xi i e siècles 2 15
Fig. 16. Acquanegra sul Chiese, Saint-Thomas, arc occidental de la croisée, côté ouest (vers la nef ), au-dessus des
voûtes. Le Christ/Créateur de la Création d’Adam et celui de la Création d’Ève (photo F. Scirea).
ainsi qu’Ève sortant de son flanc et tournée vers Rome50. Très proche est la mise en scène de
le Créateur. Cette configuration suit la mise en Ferentillo, précédée par la Réprimande : la
scène la plus courante, contrairement aux cas tristesse est partagée par l’ange, alors qu’Adam
d’Agliate et peut-être de Galliano (pl. 21, 24) et Ève utilisent encore des feuilles de vigne pour
où le Créateur entre en contact avec sa créature. dissimuler leur nudité (fig. 19).
Le sommet de la voûte cache la scène suivante Entre la Création d’Ève et l’Expulsion, il faut
(pour autant qu’il en reste quelque chose). Un supposer la présence du Péché originel comprimé
peu plus loin, on reconnaît le sommet d’un au sommet de l’arcade. La séquence se termine avec
arbre, la tête nimbée d’un ange ailé, les torses le Travail mais les lacunes ne permettent pas d’en
nus d’Adam et Ève qui se tenaient côte-à-côte. préciser la mise en scène parmi les solutions possibles.
À première vue, l’attitude statique et triste suggère
qu’il s’agit de la Réprimande, mais la présence
de l’ange invite à identifier l’Expulsion, même 50 Respectivement : BAV, ms. Vat. lat. 10405, fol. 4v ; ms.
si le récit biblique indique que les protoplastes Vat. lat. 12958, fol. 4v ; Roma, Biblioteca Angelica, ms.
sont déjà habillés à ce moment-là. La pertinence Angel. 1273, fol. 5v. Fiches de Lucinia Speciale dans
de cette interprétation est en effet confirmée M. Maniaci, G. Orofino (éd.), Le Bibbie Atlantiche. Il
libro delle Scritture tra monumentalità e rappresentazione
par les frontispices de la Bible de Saint-Paul- (Abbazia di Montecassino, Firenze – Biblioteca Medicea
hors-les-Murs et des bibles atlantiques de Todi, Laurenziana, 2000-2001), Milan, CT Centro Tibaldi,
du Panthéon et de la Bibliothèque Angelica à 2000, p. 158-162, 257-260, 262-271.
21 6 Fa bio S c i r e a
Fig. 17. Acquanegra sul Chiese, Saint-Thomas, l’Expulsion du paradis : à l’extrémité droite, Adam habillés en rouge,
peut-être occupé à bêcher (photo F. Scirea).
À l’extrémité gauche, on reconnaît à peine le torse est la solution de la frise de Modène où tous deux
d’Adam habillé en rouge. À l’exact opposé, il ne bêchent au pied d’un arbre (fig. 3).
reste que l’empreinte des longs cheveux d’Ève. Une La séquence d’Acquanegra apparaît dès lors
telle composition ne se rattache ni aux exemples de comme une synthèse originale de plusieurs
Galliano, Muralto et Carugo (fig. 2, 11, 21, pl. 25), où modèles : elle est « ambrosienne » en raison
les protoplastes bêchent l’un derrière l’autre, ni au de l’absence des premiers jours de la Création
groupe comprenant San Giovanni a Porta Latina, (mais il ne faut pas oublier le précédent des
la Chapelle Palatine de Palerme, la cathédrale de bibles carolingiennes), alors qu’elle est tout à
Monreale et la coupole de la Création du narthex de fait « romaine » dans la Création d’Adam et
San Marco à Venise qui montrent tous Ève à gauche l’Expulsion, et non « ambrosienne » dans le
tournant le dos à la figure d’Adam maniant sa bêche Travail. D’un point de vue contextuel, elle s’inscrit
(pl. 50, 59). La mise en scène de Saint-Paul-hors- d’une façon cohérente dans la « dynamique axiale
les-Murs et de la Bible carolingienne homonyme du lieu rituel »52 : les protoplastes (le début de
est moins éloignée : à gauche, Adam bêche en se l’histoire de l’Homme) sont placés en face du
tournant vers le centre de la composition, tandis Jugement (la fin de l’histoire), alors que dans la
qu’Ève l’observe de l’autre coté51. Encore plus proche
Fig. 18. Ferentillo (Terni, Ombrie), San Pietro in Valle, sommet de la paroi nord de la nef, cycle de la Genèse : Adam
reçoit le souffle vital par le Christ/Créateur assis sur le globe (photo M. Angheben).
nef se placent les personnages « historiques » paroisse de Carugo, dans la province de Côme) le
de l’Ancien Testament ; vu de la contre-façade, le récit de la Genèse compte seulement trois scènes
récit d’Adam et Ève encadrait l’Arche d’Alliance et, sur deux registres (fig. 20-21). Elles se situent à
au-delà de l’arc triomphal, la vision théophanique l’extrémité nord-ouest, à l’angle du Jugement de
du Christ dans le cul-de-four, en traçant un l’ancienne contre-façade où se trouve l’autel majeur
vecteur visuel qui alignait les époques avant la depuis l’inversion de l’axe liturgique décrété en 158253.
Loi, sous la Loi et sous la Grâce.
Fig. 19. Ferentillo, San Pietro in Valle, l’Expulsion du paradis (photo M. Angheben).
On commence par le Péché originel, représenté un arbre. Si cette dernière scène se rattache à
sur une surface suffisante pour deux scènes : Adam, celles de Galliano et de Muralto (fig. 2, 11), les
à l’extrémité gauche, se caractérise par ses cheveux autres révèlent au contraire des traits spécifiques
longs, comme dans les bibles carolingiennes et en rapport avec les autres éléments du décor.
sur la porte de bronze d’Hildesheim, et par sa En poursuivant sur la paroi nord, on trouve
barbe fournie, ce qui semble au contraire sans l’histoire de martyrs dans lesquelles Elena Alfani
équivalent dans la peinture monumentale54. a proposé de reconnaître les Cinq martyrs de
Au-dessous, à gauche, l’ange chasse « EVA » Sébaste dont les reliques sont attestées depuis le
et « AD[AM] » du paradis terrestre, mais en viiie siècle à Saint-Apollinaire de Rome (et qu’il
sens inverse par rapport au récit, c’est-à-dire ne faut pas confondre avec le Quarante martyrs
vers l’enfer. À droite, tous deux bêchent sous de Sébaste). Sur la paroi sud se déroulent deux
autres cycles dédiés à des saints martyrs : une
séquence relative à saint Martin, depuis sa mort
54 E. Alfani, Santi, supplizi…, p. 80. jusqu’à l’apparition d’Ambroise à ses obsèques ;
L a r e p r é s e n tat i o n d e l’h i s to i r e d’Adam e t È ve dans le s mi li e u x amb ro si e ns au x xi e -xi i e siècles 2 19
Fig. 20. Mariano Comense (Côme), Saint-Martin, les trois épisodes d’Adam et Ève se déroulent à l’extrémité nord-ouest
(à droite sur la photo), à l’angle du Jugement de l’ancienne contre-façade, face au cycle de saint Martin (photo F. Scirea).
peut-être des épisodes tirées de la passio des modèle de Galliano, plus d’un siècle après (si
trois martyrs du Trentin, Martirius, Sisinnius et l’on admet la datation d’Elena Alfani fondée sur
Alexandre dont les reliques sont conservées ab l’iconographie)56. Il est également probable que
antiquo in San Simpliciano de Milan. Le socle de le choix des épisodes dépend des dynamiques
la moitié ouest de l’édifice abrite le cycle agricole du programme iconographique. En effet, un
des mois, alors que l’autre moitié ne conserve rapport d’analogie ou bien de préfiguration, pas
qu’une chimère et un griffon au nord55. L’abside, seulement visuel, est établi entre l’Expulsion
écroulée avant 1582, accueillait sans doute le et l’enfer : tout comme Adam et Ève ont été
Christ en majesté entouré par les Vivants. chassés du paradis en raison du Péché, lors du
Les trois scènes tirées de la Genèse constituent Jugement dernier, les pécheurs seront chassés
la seule représentation de l’Ancien Testament vers l’enfer. Ces deux scènes entretiennent par
dans un décor qui se caractérise par une con- ailleurs une relation d’ordre visuel avec le deux
notation martyriale et ambrosienne, selon le scènes correspondantes inscrites de l’autre côté,
les Obsèques de Martin et le paradis : tout comme
Fig. 21. Mariano Comense, Saint-Martin, le Péché, le Travail, l’Expulsion du paradis (photo F. Scirea).
le péché d’Adam et Ève mène à l’enfer, la vie de revanche plus difficile d’établir une connexion
sainteté de Martin ouvre les portes du paradis. spécifique avec les séquences des martyres,
Un autre rapport d’analogie est établi entre notamment parce qu’une importante partie du
le deux protoplastes qui bêchent et les travaux décor, les peintures de l’abside et celles de l’arc
agricoles qui représentent les mois57 : grâce au triomphal, a été perdue. Tout au plus peut-on
travail accompli dans le cadre de l’Église, l’homme avancer que le Péché originel constitue la raison
rachète ses fautes et retrouve l’ordre des choses. Ce de la venue de Christ et que les martyrs en sont
n’est dès lors pas un hasard si Adam est désormais les témoins et les défenseurs.
bien rasé et porte les cheveux courts. Il est en
du récit d’Adam et Ève ont été conduites à figurative » révèle une limite sous-jacente. En
chaque fois selon les exigences et les stratégies revanche, l’approche contextuelle qui vise à
locales, tout en prenant en considération à la mettre en résonance les spécificités de tous les
fois les modèles et les textes scripturaires et décors monumentaux, à la fois entre eux et avec
théologiques que l’on pouvait manipuler avec d’autres cas semblables, semble constituer une
plus de liberté qu’on ne l’a supposé. En ce sens, méthode d’analyse efficace et sans doute plus
le cliché historiographique qui entraîne la clas- flexible, car elle rend compte de la diversité
sification de chaque déclinaison iconographique systématique des dispositifs iconographiques
dans les limites de l’une ou l’autre « tradition au Moyen Âge.
III
Saint-Savin et la peinture
« septentrionale »
Søren Kaspersen
Focusing on the origin, function and dis- the City of God in a world of sin – views that in
semination of the Cotton Genesis manuscript, a medieval understanding were related to regnum
the first part of this study revolves around the and sacerdotium.2 Working within this framework,
history of the famous manuscript and its western the second part of this paper investigates how
reception in the Carolingian period and beyond. the eleventh-century Old Testament cycle in
The investigation assumes that there was (and is) Saint-Savin-sur-Gartempe may relate to the
only one ‘Cotton Genesis-manuscript’,1 that this Cotton Genesis tradition.
singular manuscript was grounded in a specific This analysis is based on a conservative view
artistic environment derived from multiple of the relations between Cotton Genesis and the
sources, and that its influence was primarily Genesis mosaics of San Marco in Venice, that is,
based on tracings of the miniatures as well as one that maintains that these mosaics all in all are
later recensions of these via various channels. rather close reflections of the lost miniatures in the
In addition, this study argues that the Western manuscript.3 It further places the Cotton Genesis
reception of the Cotton Genesis manuscript was
embedded in a range of political and theological
2 See the classical study of Henri-Xavier Arquillière,
ideas and values that made it attractive in specific L’augustinisme politique – Essai sur la formation des
contexts and that these circumstances inform théories politiques du Moyen-âge (1934), Paris, Librairie
its recensions and transformations. Finally, the Philosophique J. Vrin, 21955 (L’Église et l’État du
analysis follows the ways the Western reception of Moyen-Age, 2) and Miles Hollingworth, The Pilgrim
City – St Augustine of Hippo and his Innovation in Political
the Cotton Genesis integrated Augustinian views
Thought, London and New York, T and T Clark, 2010.
of the two cities – that is on, the pilgrimage of 3 This is the also the main thesis in Kurt Weitzmann and
Herbert L. Kessler, The Cotton Genesis, Princeton,
Princeton University Press, 1986, see p. 18-21. But Kessler
1 Cf. John Lowden, « Concerning the Cotton Genesis and – and others – has started a very critical reconsideration
Other Illustrated Manuscripts of Genesis », Gesta, 31: of the relationship, see Herbert L. Kessler, « The
1 (1992), p. 40-53. Cotton Genesis and Creation in San Marco, Venice »,
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale,éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 225-264
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118928
226 s ø r e n k a s p e r s e n
family in opposition to the Roman tradition based the claim. He points to a papyrus fragment in
on the important differences in the representation Vienna from the second half of the fourth century,
of the first chapters of Genesis (but without a “painted tapestry” of Egyptian provenance
going into any further discussion of the relations in the Abegg collection at Riggisberg, and a
between the two traditions.) These assumptions Late Antique tapestry-woven medallion in the
and prerequisites ground my alternative theory Ashmolean Museum in Oxford.6 Yet, other places
of the Cotton Genesis and its dissemination and of production have also been suggested, such
what I hope will be a productive contribution to as Antiocha and Constantinople7 and even, a
a very complicated field of debate. western origin in Rome.8
The important questions – for whom the
Cotton Genesis was made and why – have been
Cotton Genesis: origin and function raised only sporadically. The first part of the
question is interwoven with the problem of how
According to the oldest, classic theory, orig- the manuscript came to Venice. If it arrived there
inating with W. R. Lethaby, and championed early in the Middle Ages, if for example, it was
by Kurt Weitzmann, Herbert L. Kessler and bought by the Venetians from Alexandria (the
others,4 the Cotton Genesis codex was made in hometown of their patron saint, St Mark) as
Alexandria or its neighborhood, perhaps Antinoë suggested by Hugo Buchthal, then it is nearly
(fig. 1).5 Indeed, Kessler has argued that new impossible to determine who originally ordered
stylistic and iconographic discoveries support
Fig. 1. Cotton Genesis, British Library, MS Cotton Otho B. VI, fragment 26v, Abraham and Angels, (Wikimedia
Commons, Public Domain).
228 s ø r e n k a s p e r s e n
the codex.9 But there is another, very plausible and in that case, it may have been intended as a
possibility, namely that it first came to Venice as a schoolbook or mirror for some imperial prince or
result of the fourth crusade, when the Venetians princess. Supporting this view, Hans Gerstinger
and other crusaders conquered the capital of long ago suggested a corresponding function
Byzantium in 1204,10 that is, as booty, in all prob- for the Vienna Genesis.13 In a related vein, John
ability together with the other famous Genesis Lowden argued that the Cotton Genesis “might
codex of a slightly later date – Vienna Genesis.11 have made a better instructional aid [than the
In that case, the Cotton Genesis manuscript Vienna Genesis], for its pictures are less complex
most likely owes its origin to a commission […], more numerous, and hence more plausibly
made by the court in Constantinople. Martin didactic”.14 He describes both manuscripts as “the
Büchsel has suggested still another alternative afterglow of late-antique enthusiasm for Genesis,”
version of its story, namely that it was ordered produced “at the very end of what might be
by a Roman pope, most likely Leo the Great, as termed the conversion period in the East […].
a gift for the Byzantine emperor. In this way, he They were made to reinforce what was by then
explains a western production of a luxurious the accepted wisdom about the Creation, origins,
Greek manuscript, which according to him is and early history of man; preaching if you like,
marked by Augustinian theology.12 to the converted”.15
Concerning the original function of the If we assume personal ownership for a luxuri-
Cotton Genesis, the rich presence of miniatures ous manuscript like the Cotton Genesis, the book
constantly interrupting the Genesis text argues of Genesis offers what may well be a pertinent
against a liturgical use. It seems more reasonable, and instructive text for a young prince. Genesis
therefore, to assume that its purpose was didactic, describes the origins of the universe and the
early history of man, a setting in which Adam
was generally considered to be the first king,
9 Hugo Buchtal, Historia Troiana – Studies in the made “a little less than the angels” and crowned
History of Medieval Secular Illustration, London, “with glory and honour” (cf. Ps. 8: 6).16 Even
The Warburg Institute, 1971 (coll. Studies of the though the Christian exegesis (in contrast to
Warburg Institute, 32), p. 57. the Jewish teaching) normally understands the
10 Cf. Otto Demus, The Mosaics of San Marco (4 vols.),
Chicago and London, University of Chicago Press, 1984,
vol. 2:1, p. 94.
11 Ibid. p. 53 ff. – at least it was consulted in the lagoon town 13 H. Gerstinger (ed.), Die Wiener Genesis (2 vols.), Wien,
around 1340. Benno Filser, 1931, p. 178: ”Es mag daher unsere Genesis
12 M. Büchsel, « Die Schöpfungsmosaiken … », p. 60. wohl ein privates Erbauungsbuch gewesen sein […],
But it seems difficult to imagine that Pope Leo the oder etwa eine Art Schulbuch eines fürstlichen oder gar
Great would have commissioned a manuscript with kaiserlichen Prinzen, […].”
illustrations on the Creation and the story of Adam 14 J. Lowden, « Concerning the Cotton Genesis… », p. 50.
and Eve so different from the Roman scheme in the 15 Ibid.
old basilicas of S. Peter and S. Paul. Furthermore, the 16 See Henry Maguire, « Adam and the Animals:
idea of an Augustinian theology in the miniatures, in Allegory and the Literal Sense in Early Christian
continuation of d’Alverny 1959, is based on slender Art », Dumbarton Oaks Papers, 41 (1987), especially
grounds. This is not the place for a thorough discussion p. 368 ff. – with further literature. A close connection
of this subject, but see Karin Krause, « Warum existed between the king and ‘primordial man’,
die Tage Flügel haben – Zur Antikenrezeption bei see Geo Widengren, « Early Hebrew Myths and
Personifikationen in Spätantike und Mittelalter », Néa Their Interpretation », Myth, Ritual, and Kingship –
Rhóme – Rivista di ricerche bizantinistiche, 6 (2009), Essays on the theory and Practice of Kingship in the ancient
p. 103-126, who undermines the idea of an Augustinian near East and in Israel, ed. by S. H. Hooke, Oxford,
angelology in the Creation-scenes of Cotton Genesis. Clarendon, 1958, p. 149-203, p. 175.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 2 9
Fig. 2. Millstatt Genesis, Klagenfurt, Kärntner Landesarchiv, Cod. GV 6/19, fol. 8r, Adam in Paradise (after ed. Joseph
Diemer, 1862).
perfect person in Paradise in Ezekiel’s prophecy depicted in the San Marco mosaics but may have
on the king of Tyre (28: 11-19) as Satan rather been represented in a similar form in the Cotton
than Adam, the prophecy for Origen and Jerome Genesis after the introduction and admonishing
considers both Lucifer and man’s lost state of of Adam.20 Further suggesting this connection,
perfection.17 Supporting this line of argument, the Genesis text stresses the importance of
the Cotton Genesis recension contains traces of genealogies and ends with the history of Joseph,
an emphasis on the blessed state of Adam (and raising to the highest position in Egypt when
Eve) in Paradise before the fall.18 Thus, in the Pharaoh says to him: “Thou shalt be over my
Millstatt Genesis Adam in Paradise is flanked
by two crowns hanging down from “heaven” as
and Millstätter Genesis und Physiologus Handschrift –
signs of his royal state (fig. 2).19 The event is not
Vollständige Facsimileausgabe der Sammelhandschrift
6/19 des Geschichtsvereines für Kärnten im Kärntner
Landesarchiv, Klagenfurt, 1-2, ed. by Alfred Kracher, Graz
17 See Hector M. Patmore, Adam, Satan, and the King 1967. K. Weitzmann and H. L. Kessler, The Cotton
of Tyre: The Interpretation of Ezekiel 28:11-19 in Late Genesis, p. 53 considered this scene to be a reduced
Antiquity, Leiden and Boston, Brill, 2012. version of Adam’s introduction into Paradise, but it
18 See Herbert Schade, « Das Paradies und die Imago rather shows the time after God had admonished Adam,
Dei », Probleme der Kunstwissenschaft, 2: Wandlungen des because he is turned toward and clutches the tree of life
Paradiesischen und Utopischen – Studien zum Bild eines while he renounces towards the tree of knowledge.
Ideals, ed. by H. Bauer et al., Berlin, Walter de Gruyter, 20 Ibid., p. 55 thought that the common iconography with
1966, p. 170-182. the admonishing of Adam and Eve together, also known
19 Klagenfurt, Kärntner Landesarchiv, Cod. GV 6/19, fol. 8r. from the Cotton Genesis-family, goes back to the
See Millstätter Genesis und Exodus nach der Millstätter manuscript itself; they here place the event just before
Handschrift, ed. by Joseph Diemer, I-II, Wien 1862 Eve’s temptation.
23 0 s ø r e n k a s p e r s e n
house, and the commandment of thy mouth all are/were not cosmic powers in any obvious way
the people shall obey: only in the kingly throne but were, according to their sex and dresses simply
will I be above thee” (Gen. 41, 40). personifications of the days of Creation and
This frame may also explain the most extraor- their light as unique adaptations of the horae of
dinary feature of the Cotton Genesis – that is, Antiquity,24 this iconography obviously added to
the number of personifications related to the the importance of Adam. Thus, in the San Marco
seven days of Creation. This heptade (sevensome) mosaics the horae of the sixth day emphasize the
connotes to the astrological veneration of celestial importance of Adam through different gestures
powers, often called angels and archangels that of astonishment and reverence, and one of them
had penetrated the Hellenistic world – a universe is brought forward in adoration of him (fig. 3).
of beliefs attached to the oriental teachings of the
Mages by Zoroaster and others.21 Even though
the Christian fathers mistrusted these beliefs and The Tours Bibles
Augustine turned against any personification
of the stars, early Christian monotheism did The arguments put forward must suffice here
not drain the world of its numinous qualities. to maintain the thesis that the Cotton Genesis
Rather, as Peter Brown observed, Christianity was made as a ‘schoolbook’ for the court in
merely placed a new God far above the stars, “a Constantinople. Yet, if we also maintain the view
god appropriate to another life” and as god of put forward in the introduction that there only
the emperors, “suitable to the high purposes of existed this copy of the manuscript, the question
a head of state.” But below the stars there was a of course arises how it became a known and
world of abundance, mundus or saeculum, filled influential codex in the West, at least from the
with a multiplicity of powers. Thus, astrology Tours Bibles of the Carolingian era onwards. In
was popular among the upper classes of the later his fundamental work on Carolingian miniatures,
empire and this “worldly Christianity” contin- Wilhelm Koehler theorized that a Bible produced
ued to flourish in the West at least throughout for pope Leo the Great served as a model in Tours,
the fourth century.22 And there is a “relatively and that this Bible again was based on a Cotton
abundant evidence for divinatory practices Genesis recension.25 Yet, this idea has been seriously
throughout Byzantine history, not only at the questioned for decades.26 Likewise, controversial
court, but even among the ranks of the clergy”.23 is the above-mentioned theory of Martin Büchsel
The growing number of personifications in about a Roman origin for the Cotton Genesis.27
Cotton Genesis may, then, have associated the
Creation with a meditation on the hierarchies and
powers of the universe and how to rule in such a 24 See K. Krause, « Warum die Tage Flügel haben… ». It
world. Even if the winged figures in the manuscript is difficult to reconstruct the original appearances of the
horae, since they have been modified by the mosaicists
of San Marco to look more like angels. See also
H. L. Kessler, « The Cotton Genesis… », p. 18.
21 See M.-T. d’A lverny, « Les Anges et les Jours », p. 278 ff. 25 Wilhelm Koehler, Die karolingischen Miniaturen, I, 1-2:
22 Peter Brown, Through the Eye of a Needle: Wealth, the Fall Die Schule von Tours, Berlin, Bruno Cassirer, 1930-1933, 2,
of Rome, and the Making of Christianity in the West, 350-550 p. 109-212.
AD, Princeton, Princeton University Press, 2012, p. 202-203. 26 By Herbert L. Kessler, The Illustrated Bibles from Tours,
23 See Maria Mavroudi, « Occult Science and Society in Princeton, Princeton University Press, 1977 (coll. Studies
Byzantium: Considerations for Future Research », The in Manuscript Illumination, 7) and others.
Occult Sciences in Byzantium, eds. Paul Magdalino and 27 M. Büchsel, « Die Schöpfungsmosaiken von San
Maria Mavroudi, Geneva, La Pomme d’or, 2006, p. 81. Marco… », p. 123. See also note 12, above.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 31
Fig. 3. Ekkehard Ritter. Image Collections and Fieldwork Archives, Dumbarton Oaks, Trustees for Harvard University,
Washington, D.C.
As for Hugo Buchthal’s suggestion, the dating is It is easier both to imagine that the manu-
problematic; it was only in 828 that the Venetians script was in Constantinople and that it was the
pirated St Mark’s body from Alexandria, and court that acquainted the Carolingians with its
even if they had bought the manuscript before or miniatures. There may have been as many as
bought it shortly after, it is difficult to imagine a 55 embassies between Constantinople and the
context in which it would be natural for them to Frankish court between 756 and 840, and gifts
make it available as a model to the Carolingians.28 often were exchanged.29 Among other things,
28 See note 9 above. Venice was stuck between Byzans Berto, « Under the “Romans” or under the Franks? –
and the Carolingians in the decades around 800. Venice between Two Empires », Haskins Society Journal,
Charlemagne’s son Pepin, as king of Lombardy, tried 28 (2016), p. 5 – of course leaves the door ajar for a
to conquer the city in 810, but had to withdraw. On the transmission but it remains very hypothetical.
other side in 805 the Annales regni Francorum states 29 See Franz Dölger, « Europas Gestaltung im Spiegel
that: “Shortly after Christmas Willeri [Obellierius] and der fränkisch-byzantinischen Auseinandersetzung des
Beatus, dukes of Venice, and also the ambassadors of the 9. Jahrhunderts » (1943), Byzanz und die europäische
Dalmatians, Paul, duke of Zara, and Donatus, bishop of Staatenwelt – Ausgewählte Vorträge und Aufsätze,
the same city, came before the emperor [Charlemagne] éd. par Franz Dölger, Ettal, Buch-Kunstverlag, 1953,
with great gifts. On that occasion the emperor made a p. 282-369; Judith Herrin, « Constantinople, Rome
provision about the dukes and peoples of both Venice and the Franks in the Seventh and Eighth Centuries »,
and Dalmatia.” This entry – cit. after Luigi Andrea Byzantine Diplomacy – Papers from the Twenty-Fourth
23 2 s ø r e n k a s p e r s e n
we know that Byzantine ambassadors in May them “patricians (patricii) of the Romans”.33 With
757 brought with them an organ to King Pippin, this beginning of a translatio imperii, a rival was
a secular instrument used chiefly in ceremonies created to the emperor in Constantinople. In
glorifying a ruler, thereby currying favour with the following period hostility and coexistence
him.30 Costly manuscripts sometimes were used changed back and forth and matrimonial alliances
as diplomatic gifts. Indeed, the complete works were proposed.34
of St Dionysios the Areopagite (today Paris, Bibl.
Nat., Ms. gr. 437), were sent by the iconoclastic
emperor Michael II to Louis the Pious with an 33 For the development of the Frankish-Carolingian
embassy in 827.31 And we know of at least one empire, see for example Rosamond McKitterick,
The Frankish Kingdoms under the Carolingians, 751-
richly illuminated Byzantine evangeliary in the
987, London, Longman, 1983 and Pierre Riché, The
Carolingian West, since its miniatures were Carolingians – A Family Who Forged Europe,
described around 850 by some Irish pilgrims who Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1993.
settled down in St Gallen.32 Further on the ideology and political theology of its
These embassies date to a moment when the Christian rulers, see Janet L. Nelson, « Kingship and
Empire in the Carolingian World », Carolingian Culture:
Franks were newly ascendant in the West and Emulation and Innovation, ed. by R. McKitterick,
were beginning to threaten the hegemony of Cambridge, Cambridge University Press, 1994,
the Byzantine emperor as leader of the Roman, p. 52-87 + ills. Id., « Charlemagne and Empire », The
Christian empire. When Pope Stephen II arrived Long Morning of Medieval Europe: New Directions
in Early Medieval Studies, ed. by J. R. DAVIS and
in the Merovingian Ponthion at Epiphany, 754, M. McCormick, Aldershot, Ashgate, 2008; and Mayke
negotiations concerned the defence of the Roman De Jong, « Ecclesia and the early medieval polity »,
church. And, subsequently, in July the pope Staat im frühen Mittelalter, ed. by S. Airlie, W. Pohl
anointed Pippin and his two sons at a coronation and H. Reimitz, Wien, Österreichische Akademie
der Wissenschaften, 2006 (Philosophisch-historische
ceremony in St.-Denis outside Paris and declared
Klasse. Denkschriften, 334; Forschungen zur Geschichte
des Mittelalters, 11), p. 113-132. On Louis the Pious
and Charles the Bald, see Karl Ferdinand Werner,
« Hludovicus Augustus: Gouverner l’empire chrétien –
Spring Symposium of Byzantine Studies, Cambridge, March Idées et réalités », Charlemagne’s Heir: New Perspectives
1990, ed. by J. Shepard and S. Franklin, Aldershot, on the Reign of Louis the Pious (814-840), ed. by
Variorum 1992 (coll. Society for the Promotion of P. Godman and R. Collins, Oxford, Clarendon, 1990,
Byzantine Studies, Publications 1), p. 91-107; Michael p. 3-123; and Nikolaus Staubach, Rex christianus –
McCormick, « Byzantium and the West, 700- Hofkultur und Herrschaftspropaganda im Reich Karls des
900 », The New Cambridge Medieval History, II: C. Kahlen, II: Die Grundlegung der ‘religion royale’, Köln,
700 - c. 900, ed. by R. McKitterick, Cambridge et al., Weimar and Wien, Böhlau, 1993 (coll. Pictura et poesis,
Cambridge University Press, 1995, p. 365 ff. 2), p. 21-104.
30 M. McCormick, ibid., p. 365 and J. Herrin, ibid., 34 Besides J. Herrin, « Constantinople… » and
p. 104-107. M. McCormick, « Byzantium and the West… »,
31 See M. McCormick, ibid., p. 374 and John Lowden, see F. Dölger, « Europas Gestaltung… »,
« The luxury book as diplomatic gift », Byzantine Johannes Irmscher, « Die byzantinisch-deutschen
Diplomacy – Papers from the Twenty-Fourth Spring Beziehungen im Rahmen der europäischen Staatenwelt
Symposium of Byzantine Studies, Cambridge, March – Ergebnisse und Probleme », Byzanz in der europäischen
1990, ed. by J. Shepard and S. Franklin, Aldershot, Staatenwelt – Eine Aufsatzsammlung, ed. by J. Dummer
Variorum, 1991 (coll. Society for the Promotion of and J. Irmscher, Berlin, Akademie-Verlag, 1983 (coll.
Byzantine Studies, Publications 1), p. 250-251. Berliner Byzantinistische Arbeiten, 49), p. 1-7 and Peter
32 See M. McCormick, ibid., p. 378 and Florentine Classen, Karl der Große, das Papsttum und Byzans – Die
Mütherich, « Das Verzeichnis eines griechischen Begründung des karolingischen Kaisertums, Sigmaringen,
Bilderzyklus in dem St-Galler Codex 48 », Dumbarton Jan Thorbecke, 1985 (coll. Beiträge zur Geschichte und
Oaks Papers, 41 (1987), p. 415-423. Quellenkunde des Mittelalters, 9).
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 33
In this charged situation – when the new by a second version of the same act related to
rulers of the Frankish reign became the leading Gen. 2: 7. The Bamberg Bible, which contains
defenders of the Christian faith and church – a more basic system of illustration than the
the Cotton Genesis may well have become an other Carolingian Bibles,38 shows in the upper
interesting manuscript, a unique statement about tier of its frontispiece to Genesis a Creation of
the world’s origin and constitution, connected Adam in a seated position and his Naming of the
with the earliest rulers of the Christian empire Animals, both features otherwise unknown in the
and in that sense, a relic. To share it with the Carolingian material (fig. 4). Are they perhaps
Carolingians in a moment of aspired friendship inspired by the cut folio?39
and collaboration would be a gesture of great There is no question that the Carolingians
importance and meaning. One could think of the appreciated the manuscript. They were certainly
situation in 811-812 when a harassed Byzantine familiar with the Roman Genesis tradition as
emperor Michael I sent emissaries with gifts depicted in the old basilicas of St Peter and
to Aix-la-Chapelle to acclaim Charlemagne as St Paul, and the new covenant with the pope
basileus – though not as basileus romanorum, a made it a natural choice to stress this alliance.
title the Byzantine emperors kept for themselves But they choose the Cotton Genesis recension,
– and Charlemagne became Michael’s “brother”.35 I think, because it was more compelling to treat
Allow me in this context to offer a somewhat the question about rulership and government in
daring hypothesis: we know that one folio with a Christian empire from regnum’s point of view.40
two miniatures in the Cotton Genesis manuscript
was cut out deliberately, possibly in the eighth
or ninth century, and replaced by a folio which 38 It may date from about 834-837, that is from the early
compensated for the loss of text, sixteen lines period of Adalhard but was perhaps meant as a copy of an
illustrated Alcuin Bible. At least it has, in an awkard siting, a
covering Gen.1, v. 26-28.36 The motive for the
poem announcing that it was Alcuinus ecclesiae famulus who
cutting could have been to use this folio as a gift affected the copying of the manuscript and accompanied
to the Carolingians, for example in 811-812, a gift of a haloed portrait of Alcuinus abba. See W. Koehler,
that could very well include tracings of a lesser Karolingischen Miniaturen, I: 2, p. 209-226, especially p. 210;
or greater part of the other miniatures in the B. Fischer, « Die Alkuin-Bibel », Die Bibel von Moutier-
Grandval (Faksimile-Ausgabe und Kommentar), ed. by
manuscript.37 The folio showed two miniatures, J. Duft et al., Bern, Verein Schweizerischer
that in some way could be dispensed with, Lithographiebesitzer, 1971, p. 54-55; Peter K. Klein, « Les
namely the Creation of the Terrestrial Animals on images de la Genèse de la Bible carolingienne de Bamberg
the recto side, which was made up later in the et la tradition des frontispices bibliques de Tours », Texte et
image – Actes du Colloque international de Chantilly (13 au 15
manuscript by the Naming of the Animals, and
octobre 1982), Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 78-81.
the Creation of Man on the verso side, followed 39 K. Weitzmann and H. L. Kessler, The Cotton Genesis,
p. 52 compared Adam’s creation in the Bamberg Bible
with for example, the mosaics of Palermo and Monreale,
35 F. Dölger, ibid., p. 327. M. McCormick, where the scene is placed before the seventh day with
« Byzantium… », p. 368 considers the happening as a God Resting and thet concluded that: “By showing the
reward that the Carolingian had renounced their claim Creator simply confronting the seated man, the artist
to Venice. of Cotton Genesis provided a generic illustration well
36 K. Weitzmann and H. L. Kessler, The Cotton Genesis, suited to the text of Genesis 1.” They consequently
p. 51-52. supposed that the Bamberg Bible reflects the Creation of
37 See Ernst Kitzinger, « The Role of Miniature Painting Man in the Cotton Genesis.
in Mural Decoration », in K. Weitzmann et al., The 40 In an article on the Roman tradition of church decoration
Place of Book Illumination in Byzantine Art, Princeton, in Latium, Herbert L. Kessler, « “Caput et speculum
Princeton University Press, 1975, p. 99-142. omnium ecclesiarum”: Old St Peter’s and Church
23 4 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 4. Bamberg Bible, Bamberg, Staatsbibliothek, Misc. class. Bibl. 1, fol. 7v, frontispiece to Genesis (Bamberg,
Staatsbibliothek).
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 35
The reflection of the Cotton Genesis in the likeness was made in the image of God,
Tours Bibles is restricted to a whole-page min- Michael also brought thee and made (us)
iature with the story of the first human beings, worship thee in the sight of God; and God
mainly Adam and Eve, and the influence is most the Lord spake: ‘Here is Adam! I have made
evident in scenes like the Creation of Eve – showing thee in our image and likeness. […]. And
God taking the rib from Adam’s side, in the Michael himself worshipped first; then he
asymmetrical depiction of the Fall, and in the called me and said: ‘Worship the image of
Expulsion of Adam and Eve where the couple is God the Lord.’ And I answered: ‘I have no
dressed.41 Intriguingly, these miniatures stress (need) to worship Adam.’ […] I will not
the importance of Adam and Eve in different worship an inferior and younger being (than
ways. In the Bamberg Bible Adam’s Naming of I). I am his senior in the Creation, before he
the Animals enhances his status as a superior was made was I already made. It is his duty
being. In the Grandval Bible (fig. 5, pl. 3) and to worship me.’”42
the Vivian Bible angels express their admiration
at the Creation of Adam (pl. 4). This emphasis As a result of the dispute, “God the Lord was
seems to derive from the apocryphon Vita Adae wrath with me and banished me and my angels
et Evae, where Satan explains to Adam that he is from our glory; and on thy account, were we
against him because Adam was the cause of his expelled from our abodes into this world and
fall from heaven: hurled on the earth”.43 It is reasonable to suppose,
that the Carolingians considered the Creation
When thou wast formed, I was hurled out of Adam in Cotton Genesis with angels sharing
of the presence of God and banished from the moment – as we know it from the depiction
the company of the angels. When God blew of the first phase in the San Marco mosaics – as
into thee the breath of life and thy face and illustrating this source.44 In any case, the Millstatt
Genesis uses an angel in adoration by the Shaping
of Adam (fol. 3v), and the Animation of Adam
Decoration in Medieval Latium », Italian Church (fol. 6r) is attended by an archangel (Michael)
Decoration of the Middle Ages and Early Renaissance: with cross-staff and a gesticulation similar to the
Functions, Forms and Regional Traditions, ed. by
W. Tronzo, Bologna, Nuova Alfa Ed., 1989, p. 119-146
angel in the Vivian Bible.45
concluded that the basilica of St Peter and its decoration
was the “source and mirror of all Roman churches”, as
Peter Mallius – a canon at the church in the twelfth 42 XIV, 2-3 – Robert Henry Charles (ed.), The Apocrypha
century – expressed it, and by adopting the ”adornment, and Pseudepigrapha of the Old Testament in English, I-II,
arrangement, and beauty of St Peter’s” any church ”takes Oxford, Clarendon Press, 1913, II, p. 137.
on the light of faith through St Peter” (p. 146). In the 43 XVI, 1 – ibid.
same way, I think, the Carolingians felt that by adopting 44 An adoring angel is already known from the above-
the specific narration of Cotton Genesis they attached mentioned late Antique tapestry-woven medallion in
themselves to another “caput et speculum” of the Oxford, where Adam is shaped by an enthroned Creator
Christian faith, namely the head of the Christian empire as in the San Marco mosaics – see H. L. Kessler, « The
in Byzantium. Cotton Genesis… », p. 23-26, figs 12-13. One may think
41 It is obvious that the late San Paolo fuori le mura Bible, of a common pictorial source, but it may just as well be a
produced in Reims as a gift to Pope John VIII on the question of a common literary source.
occasion of the coronation of Charles the Bald as 45 See for example, Akihiro Hamano, Die
emperor Christmas night 875, differs from the scheme, frühmittelhochdeutsche Genesis – Synoptische Ausgabe nach
only following the Cotton Genesis in Eve’s creation. It der Wiener, Millstätter und Vorauer Handschrift, Berlin
has a “Roman” stamp with a symmetrical Fall and the and Boston, De Gruyter, 2016 (coll. Hermaea, N.F. 138),
nakedness of Adam and Eve in the Expulsion. M/K – 31 and M/K – 45.
2 36 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 5. Grandval Bible, London British Library, Add. Ms 10546, fol. 5v, frontispiece to Genesis (British Library).
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 37
Other interesting features concerning the blessed state of unity also is a figura of Christ
status of Adam and Eve appear in connection and his Church.48
with the Labour of Adam and Eve, depicted in Even if the fall of the angels in the Vita Adae et
the bottom zone of the Genesis miniature. In Evae does not follow Augustine’s exposition of the
the Bamberg Bible both parents are blessed by event – where the separation of the good and bad
a large manus Dei protruding from a segment of angels is connected with Gen. 1: 4-5 – the story
heaven (fig. 4). Adam cultivates the earth with a is easily compatible with an Augustinian world
mattock to the left, while Eve is enthroned like view dealing with the two cities.49 Indeed, an
a Madonna to the right with a child in her lap.46 Augustinian perspective may already be indicated
In the Grandval Bible Eve is distinguished by a by the presence of one or two angels at Adam’s
festoon, seated on the ground beneath a simple creation in the Grandval and Vivian Bibles.50
bower, nursing a child (fig.5, pl. 3). A similar Furthermore, in the center of the bottom zone
festoon undulates above Adam tilling the soil of the Bamberg miniature, Cain is about to bury
in the Vivian Bible, while a Madonna-like Eve Abel, who is wrapped and shown with a halo.
with maphorion, sitting on a high ground, makes Cain and Abel are, according to Augustine, the
a protective gesture towards him (pl. 4). Finally, first human representatives of the two cities, the
a bower with a thick festoon frames both Adam earthly city and the heavenly city respectively.51
and Eve in their non-paradisical life in the San Cain with his mattock is here both a visual parallel
Paolo fuori le mura Bible. Festoons were used to and a moral contrast to Adam loosening the earth
decorate church buildings and their furnishings with a hoe and being blessed, as mentioned, by
in late Antiquity and the early medieval period manus Dei.
and they were connected with triumph and
immortality.47 In that sense they may signify a
favoured condition of the first parents, for example Exodus frontispieces
based on the law of good nature (cf. Alcuin
of York below) and on their exemplary unity, In his Quaestiones in Genesim, based on
owing to “the fact that the woman was made for Augustine and Bede, Alcuin of York asks why
him [Adam] from his side, […]”. In turn, this God did not from the beginning give a law to
mankind, and his answer is that the law of the
good nature (lex bonae naturae) for a long time was
preserved in the early human beings. It was only
after this law of nature (naturalis lex) was wiped
46 In the San Marco mosaics Eve also is enthroned and wears
a fillet but she is without a child. Penny Howell Jolly,
Made in God’s Image? – Eve and Adam in the Genesis
Mosaics at San Marco, Venice, Berkeley and Los Angeles, 48 See Augustine, The City of God, trad. M. Dods,
University of California Press, 1997 (coll. California Edinburgh, T. and T. Clark, 1871 (coll. The Works of
Studies in the History of Art – Discovery Series 4: 12), Aurelius Augustine, II), XII, 28.
p. 66-67 identifes the white fillet as a crown. 49 See Aurelius Augustinus, De civitate Dei, ed. by
47 See Reallexikon für Antike und Christentum, Iff., Stuttgart: B. Dombart and A. Kalb, Turnhout, Brepols, 1955 (coll.
Anton Hersemann, 1950 ff., XI, p. 1-23. See also Søren Corpus Christianorum, Ser. Lat. XLVII, 1-2), XI: 9 ff. For
Kaspersen, « Cotton-Genesis, die Toursbibeln und die a characterization of the two cities, see ibid., XIV: 28.
Bronzetüren – Vorlage und Aktualität », Bernwardinische 50 See Søren Kaspersen, « Body Language and Theology
Kunst (Bericht über ein wissenschaftliches Symposium in the Sistine Ceiling. A Reconsideration of the
in Hildesheim 1984), ed. by M. Gosebruch and Augustinian Thesis », Analecta Romana Instituti Danici,
F. N. Steigerwald, Göttingen, Erich Goltze & Co., 42 (2017), especially p. 68-71.
1988, p. 87. 51 De civitate Dei/The City of God, XV: 1 – ibid.
23 8 s ø r e n k a s p e r s e n
out and abandoned by the custom of sin (oblata One indication of Carolingian preoccupations
consuetudine peccandi) that God gave a written may be, that Moses is attended by his servant
law (lex litterae) to Moses.52 The importance of Joshua at both events in the two Bibles (cf. Exod.
written law clearly emerges in the frontispieces to 24, 12-13). It was Joshua who finally led the
Exodus in the Grandval (fig. 6) and Vivian Bibles Israelites to the Promised Land (cf. Deut. 31, 23)
(pl. 5). The whole-page miniatures are divided into and he is dressed as an antique commander in a
two scenes: above, Moses receives the Tables of short tunic and paludamentum. Moses’ diptych
Law on Mount Sinai; and below, he instructs the in the Grandval Bible reads (fig. 6): “Audi Israhel
highest among the Israelites about the demands D(omi)n(us) D(eu)s (noster, Dominus unus est)
of God.53 The iconography of the miniatures, the / Diliges D(o)m(i)n(um) D(eu)m tuum (ex toto
differences they represent, and their possible corde).” (Deut. 6, 4-5).56 This citation is the
models have been thoroughly analysed and first and most important of all commandments
discussed.54 Here, I only want to underline the (cf. Jos. 22, 5; Mt. 22, 37; Mk. 12, 29-30) and
way these representations emphasize that the it points towards life in the Promised Land
Carolingian rulers considered themselves to be (cf. Deut. 6, 1-7).57
leaders of the Church as the people of God – a According to the inscriptions in the Grandval
perspective that once again reinforces the appeal Bible, Moses addresses “Aaron” and the “filli
of the Cotton Genesis imagery.55 Israhel”, but in the titulus to the miniature he
teaches, “filled to the brim with the holy nectar,
[…] the people of Christ (Christi populum).”58 The
52 Alcuinus, Quaestiones in Genesim, ed. J.-P. Migne, building has been interpreted as the tabernacle,
Patrologia Latina, Paris, 1844-1868, vol. 100: 518C-D. the tentorium Domini,59 but the problem is, that
53 A similar frontispiece is used in the San Paolo Bible to only Moses and the priesthood had access to this
Leviticus.
space, otherwise guarded by Joshua (cf. Exod. 33,
54 See W. Koehler, Karolingischen Miniaturen, I: 2,
p. 110-115, 129-132, 197-212; Alfred A. Schmid, « Die 7-11 & 40, 1 ff.).60 Alternatively, it may represent
Miniaturen », Die Bibel von Moutier-Grandval – British the court of the tabernacle (atrium tabernaculi
Museum Add. Ms. 10546 (Faksimile-Ausgabe und
Kommentar), ed. by Johannes Duft et al., Bern, Verein
Schweizerischer Lithographiebesitzer, 1971, 157 ff.; Mayke De Jong, « The Empire as Ecclesia: Hrananus
H. L. Kessler, Illustrated Bibles, p. 59-68; Archer Maurus as biblical historia for rulers », Uses of the
St Clair, « A New Moses: Typological Iconography in Past in the Early Middle Ages, 2000, p. 191-226; and Id.,
the Moutier-Grandval Bible Illustrations of Exodus », « Charlemagne and the Church », Charlemagne: Empire
Gesta, 26: 1 (1987), p. 19-28.; Herbert L. Kessler, and Society, ed. by J. Story, Manchester, Manchester
« Facies Bibliothecæ Revelata: Carolingian Art as University Press, 2005, p. 103-135.
Spiritual Seeing », Testo e Immagine nelI’alto Medievo 56 The Vivian Bible has only the last part of the citation
– Settimane di studio di Centro Italiano di studi sull’alto (Deut. 6, 5).
Medievo, Spoleto, 1994, 2, p. 552 ff.; Martina Pippal, 57 Cf. also Deut. 11, 11-16 and Jos. 22, 4-6.
« Distanzierung und Aktualisierung in der Vivianbibel 58 Citation after Paul Edward Dutton and
– Zur Struktur der touronischen Miniaturen in den Herbert L. Kessler, The Poetry and Paintings of the First
40er Jahren des 9. Jahrhunderts », Festschrift für Bible of Charles the Bald, Ann Arbor Mich., University of
Hermann Fillitz zum 70. Geburtstag, Köln, Dumont, Michigan Press, 1997, p. 115.
1994 (coll. Aachener Kunstblätter, 60), p. 61-78. See also 59 See H. L. Kessler, Illustrated Bibles, p. 62 and p. 64
S. Kaspersen, « Cotton-Genesis… », p. 87-91. (Vivian Bible): “The tabernacle, a curtained basilica,
55 See Mary Garrison, « The Franks as the New Israel? is quite similar to the structures in the Ashburnham
– Education for an Identity from Pippin to Pentateuch.”
Charlemagne », Uses of the Past in the Early Middle 60 See A. St Clair, « A New Moses… », p. 23-24 and
Ages, ed. by Y. Hen and M. Innes, Cambridge, M. Pippal, « Distanzierung und Aktualisierung… »,
Cambridge University Press, 2000, p. 114-161 and p. 68 ff.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 239
Fig. 6. Grandval Bible, London British Library, Add. Ms 10546, fol. 25v, frontispiece to Exodus (British Library).
24 0 s ø r e n k a s p e r s e n
– cf. Exod. 27, 9),61 but taken together with the the building similar to a tent. In this way, the two
Vivian Bible, I think both buildings represent scenes together predict their New Testament
what they seem: a basilica – in the Vivian Bible parallel, the Pentecost. In his short comment in
with a small cross on its pediment.62 The unusual The City of God, on the Israelites in the desert,
iconography, then, may issue from an effort to Augustine writes:
combine the Old Testament event with the actual
situation of the Carolingians, understanding Then for forty years the people of God went
themselves as leaders of the Church, Christi through the desert, under the leadership of
populum, on its pilgrimage in this world.63 Still, Moses, when the tabernacle of testimony was
the “basilica” is in a creative way connected with dedicated, in which God was worshipped by
the tentorium Domini: Mount Sinai with its many sacrifices prophetic of things to come, and
spouts of flames (cf. Exod. 24, 17) spreads above that was after the law had been very terribly
given in the mount, for its divinity was most
plainly attested by wonderful signs and voices.
61 See ibid., p. 69. This took place […] on the fiftieth day after
62 Concerning the Vivian miniature, see H. L. Kessler,
Illustrated Bibles, p. 63-64 and M. Pippal, the passover […], foretelling […], that
« Distanzierung und Aktualisierung… », p. 70. Both when the new covenant was revealed, after
authors find, that Moses and the Israelites are gathered Christ our passover was offered up, the Holy
in front of the building which is therefore “problemlos als Spirit came from heaven on the fiftieth day;
tabernaculum foederis identifizierbar.” But the Israelites
are, according to medieval rules, depicted I think, as
and He is called in the gospel the Finger of
standing inside the building on its floor. God, because He recalls to our remembrance
63 Cf. note 55 above. In his Epistle 41 to Charlemagne the things done before by way of types, and
794/95 Alcuin writes: “That people is deemed blessed because the tables of that law are said to have
that has such a rector and praedicator as is Charlemagne
been written by the finger of God.64
who both uses the sword of triumphal power (gladius
triumphalis potentiae) and the trumpet of catholic
preaching (catholicae praedicationis tubae), who also, The titulus to Moses on Mount Sinai says
like his Biblical prototype David everywhere subdues that he “takes up the law from the shimmering
the nations with his victorious sword (vitrici gladio right hand (corusca dextra) of the heavenly
undique gentes subiciens) and who appears before the
people as a praedicator of God’s law.” Cit. after Luitpold king”.65 In the corresponding frontispieces to the
Wallach, « The Political Theories of Alcuin », Alcuin Apocalypse, where Moses appears once more in
and Charlemagne – Studies in Carolingian History and the lower scene, again with the physiognomy of
Literature, ed. by H. Caplan et al., Ithaca N.Y., Cornell St Paul, revealed and unveiled, the titulus sounds:
University Press, 1959 (Cornell Studies in Classical
Philology, 32), p. 15-16. On Alcuin’s Augustinian
“Behold, new laws from the bosom of the old are
views, see ibid., p. 23-28. See also Johannes Spörl, clarified by nourishing spirits (almis pectoribus),
« Die “Civitas Dei” im Geschichtsdenken Ottos which have given light to many peoples (lucem
von Freising », Geschichtsdenken und Geschichtsbild populis multis)”.66 Outpourings of the Holy
im Mittelalter, ed. W. Lammers, Darmstadt,
Spirit then, are indicated both through depiction
Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1961 (coll. Wege
der Forschung, 21), p. 302: “Schom im Imperiums- and tituli, and the foundation of the Church is
Gedanken Karls des Großen, an dessen Ausgestaltung
Karls Ratgeber, der Angelsachse Alkuin wesentlich
gearbeitet hat, erweist sich die dynamische Kraft der 64 XVI: 43 – see Augustine, The City of God.
alten augustinischen civitas-Konzeption. Seitdem ist 65 Cit. after P. E. Dutton and H. L. Kessler, The Poetry and
diese Idee für die folgenden drei Jahrhnderte nicht mehr Paintings…, p. 114/115. In the Grandval Bible rays are
verstummt, übrigens ein Sachverhalt, der bisher in der depicted on either side of manus Dei.
Forschung noch zu wenig beachtet worden ist.” 66 Cit. ibid., p. 104/105.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 41
predicted, one could say as the fulfilment of the impetus of Charlemagne and continued by
Lord’s promise to Moses of proliferation (Deut. his successors.69 Among the most important
6, 3 – multiplicaris amplius). undertakings concerning the Bible was the one
Thus, the Exodus miniatures both underline began after 796 by Alcuin at St Martin at Tours
the Augustinian themes hinted at in the Genesis and perfected under his successors: Fridigus/
frontispieces and they make it clear, I think, that Fridugisus (807-834), Adalhard (834-843) and
if the Carolingians adopted the Genesis recension Vivian (844-851).70 The Tours Bibles were seen
from the imperial court in Constantinople, they as royal and normative Bibles, and in several
adopted it in the proper spirit – that is, as part of cases they can be linked to rulers and other
a spiritual guidance in connection with Christian prominent court personalities. Thus, in 800
rulership.67 There is of course a significant change Fridigus/Fridugisus would present a pandect to
from a sumptuously decorated text of one book Charlemagne in connection with his coronation
from the Bible to a single, illustrated page in in Rome at Christmas.71 The Vivian Bible was
a much larger context, as a kind of pictorial presented to Charles the Bald c. 846; and in 852,
heading related to other headings. But the Bible emperor Lothar presented a Tours Bible with
at that time was considered a mirror of princely inscriptions and illustrations to the Abbey of Prüm
education and guidance even more than Genesis where he became a monk. Moutier Grandval may
in itself. For example, the first dedicatory verses have received its Bible from Luitfrid, the son of
in the Vivian Bible, presented to Charles the
Bald, read:
Hugh of Tours and brother-in-law of the emperor Further extending the reach of the Cotton Genesis
Lothar.72 Indeed, according to John J. Contreni tradition with its Augustinian thematics, we
find that a Touronian Genesis series served as
it is difficult to appreciate the boldness – and a model for the Genesis scenes on the left leaf
the idealism – of Charlemagne’s initiative. No of the famous bronze doors in Hildesheim as
secular leader before him – no Constantine, no ordered by bishop Bernward and completed in
Theodosius, no Clovis – had so dramatically 1015 (fig. 7).75 Scholars generally argue that this
privileged the sacred text. The history of Touronian source for the Hildesheim sculptures
the Bible and of biblical exegesis during the was a Bible produced in the late years of Fridigus’s/
Carolingian period must begin with the reali- Fridugisus’s abbacy (c. 830) and that it most likely
zation of the Bible’s significance in Carolingian was quite similar to the Bamberg Bible, that is,
culture broadly speaking, in religion and with only a couple of frontispieces.76 Compared
spirituality, to be sure, but also in political with the Bamberg Genesis miniature, the bronze
culture and in every thinking person’s notion door adds to the story of Cain and Abel and it
of the right ordering of Frankish society.73 further dramatize the narration. For example,
when God introduces Eve to Adam, they both
reach out towards each other for an embrace. At
The Bronze Doors in Hildesheim the Fall Eve reaching the fruit to Adam is shown
in a vigorous turn from her own temptation by
Continuing this tradition and linking the the snake; and in the opposite side of the panel,
Carolingian era and the establishment of the Satan monitors the event as a dragon in a tree
Ottonians, it is probable that at a later date the behind Adam.77 This more dramatic tone, may
Bamberg Bible was given to the cathedral in reflect an Old Saxon Genesis poem from the
Bamberg by emperor Henry II (1002-1024).74 first half of the ninth century, focusing on the
fall of Adam and Eve and the fight between God
Fig. 8. Hildesheim, Bishop Bernward’s bronze doors, the Creation of Eve (Bishöfliche Pressestelle Hildesheim).
and Satan.78 And it is a tempting idea that an him into a sleep […] so that his mind in that
illustrated version of this poem, then in itself state might participate with the host of angels
inspired by Cotton Genesis, is behind the door and, entering the sanctuary of God, understand
leaf with its Cain and Abel extension.79 what was finally to come,” that is, the union of
The first panel on the bronze doors has been Christ and His Church (cf. Eph. 5, 31-32).81 In
much discussed, but it almost certainly shows the two bottom-most panels the sacrifice of Cain
the Creation of Eve (fig. 8).80 The standing figure and Abel and the fratricide are shown in a very
to the right, then, is most likely Adam having,
according to Augustine, a vision “when God cast
81 Augustine, The Literal Meaning of Genesis, I-II, trad.
and ed. by J. Hammond Taylor, New York, Newman
Press, 1982 (coll. Ancient Christian Writers, 41-42),
78 See Alger N. Doane (ed.), The Saxon Genesis: An II, p. 93 (IX: 19). For a Latin version, see Aurelius
Edition of the West Saxon Genesis B and the Old Saxon Augustinus, De Genesi ad litteram libri duodecim, ed. by
’Vatican Genesis’, Madison London Wisc., University of J. Zycha, Wien, Verlag der Österreichsischen Akademie
Wisconsin Press, 1991. der Wissenschaften, 1894 (coll. Corpus Scriptorum
79 See A. S. Cohen and A. Derbes, « Bernward and Ecclesiasticorum Latinorum, XXVIII:1). It is Herbert
Eve… » and below. Schade, « Hinweise zur frühmittelalterlichen
80 For a survey of interpretations, see S. Kaspersen, Ikonographie, I: Adams Grosse Gesicht », Das Münster
« Cotton-Genesis… », p. 81-84, with notes; I envisage – Zeitschrift für christliche Kunst und Kunstwissenschaft,
to publish an up-to-date discussion of the panel in the 11: 11-12 (1958), p. 377-380 who connects the panel
on-line journal, ICO Iconographisk Post – Nordic Review with Adam’s vision, but he maintains that it shows
of Iconography. See also A. S. Cohen and A. Derbes, Adam’s creation and that the standing figure is Eve as a
« Bernward and Eve… », p. 22. representation of his dream.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 45
dramatic way alongside God’s curse on Cain. As The main text, Genesis A, was written around
noted above, Cain and Abel may easily refer to 1000 or a little earlier and interpolated with a text,
the two cities in De civitate Dei.82 Genesis B (lines 235-851) – a second text based
Bishop Bernward, then, seemingly staged an upon the Old Saxon poem on Genesis mentioned
Augustinian understanding of the history of salva- above as a possible source for Bishop Bernward
tion, highlighting the two cities and of the union of at Hildesheim. Barbara Raw has suggested that
Christ and His Church at the end of the world. It this Genesis came to England as a richly illustrated
is well-known that Bernward was closely related to manuscript in connection with the royal marriage
the Saxon emperors who had their roots in the area in 856 of Æthelwulf of Wessex and Judith, daughter
around Hildesheim. He had been chaplain at the of Charles the Bald and that it was the source
imperial court, and he was tutor to Otto III – the for many of the illustrations in Ms. Junius 11.85
young son of Empress-Regent Theophanu, who Whether or not these specifics are supported
became king of Germany at the age of three. The by the evidence, there are evident historical
two men seem to have been close. For example, circumstances for a translation of Carolingian
according to the Vita Bernwardi, Bernward was models to Angle-Saxon England.
at Otto’s side during battles carrying the Holy A characteristic feature of the Cædmonian
Lance. The bishop probably also supported Otto’s Paraphrase is its opening with the Fall of the Rebel
ideas about a renovation Imperii Romanorum in Angels (fig. 9), creating from the beginning an
collaboration with the Pope. And later he worked opposition between the heavenly and the earthly
for a reform of the church together with Emperor city. Although the event counters Augustine by
Henry II. (1002-1024).83 Bernward must in every taking place before the creation of the world, the
way be considered an icon of the Ottonian reign contrast between the two cities – between the
in its general understanding of itself as a Christian believers and non-believers, is a main theme in
empire taking care of the pilgrimage of God’s chosen the poem. The fight between God and Satan is
people, that is, of the history of the Church. It may elaborated in Genesis B on the temptation and fall
then have been an obvious choice for him to take
up the Cotton Genesis model and to adjust it to
the needs of the moment.
Bodleian Library at Oxford », Archaeologia, 24 (1832),
p. 329-340 + ills; The Caedmon Manuscript of Anglo
The Cædmonian Paraphrase Saxon Biblical Poetry – Junius 11 in the Bodleian Library,
ed. by Israel Gollanz, Oxford 1927; Herbert Reginald
Broderick, The Iconographic and Compositional Sources
Another contemporary member of the Cotton
of the Drawings in Oxford, Bodleian Library, Ms. Junius 11
Genesis family is an Anglo-Saxon adaptation (Diss., Columbia University), 1978 and K. Weitzmann
known as the “Cædmonian Paraphrase” contained and H. L. Kessler, The Cotton Genesis, p. 24.
in Ms. Junius 11 in Bodleian Library, Oxford.84 85 See Barbara C. Raw, « The Probable Derivation of Most
of the Illustrations in Junius 11 from an Illustrated
Old Saxon Genesis », Anglo-Saxon England, 5 (1976),
p. 133-148. Already Thomas H. Ohlgren, « Some New
82 Cf. above. Light on the Old English Caedmonian Genesis »,
83 See Hans Goetting, Die Hildesheimer Bischöfe von 815 Studies in Iconography, 1 (1975), p. 38-73 had the idea
bis 1221 (1227), Berlin, Walter de Gruyter, 1984 (coll. that an illuminated version of the Old Saxon Genesis
Germania Sacra, N.F. 20), p. 136-230. from the late tenth century was brought to England/
84 See Henry Ellis, « Account of Cædmon’s Metrical Winchester(?) from Fleury. For the existence of such
Paraphrase of Scripture History, an illuminated a manuscript, see also A. S. Cohen and A. Derbes,
Manuscript of the Tenth Century, preserved in the « Bernward and Eve… » and above.
246 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 9. Cædmonian Paraphrase, Oxford, Bodleian Library, Ms. Junius 11, page 3, the Fall of the
Rebel Angels (Bodleian Library).
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 47
of Adam and Eve.86 The result was a very imagi- This last seems to link the Cædmonian
native story and the illustrators correspondingly Paraphrase to the royal ambience, and to the
had to be inventive, and they certainly drew on sort of political themes noted above. Indeed, if
many different sources. we follow the recent re-dating of the manuscript
This is not the place to fully discuss the minia- to c. 960 – c. 990,89 the Caedmon manuscript
tures either in their totality or in their relations to may be closely connected not only with the New
Cotton Genesis and earlier recensions.87 Instead, Minster Privilege and the whole monastic reform
a brief look at the context of the manuscript will movement but also with another ritual linking
manage. A medallion with a portrait on page 2 church and state – the ceremony in Bath 973 when
is inscribed “Aelfwine” and appears to depict an Edgar most likely was anointed along with his
otherwise unidentified layperson – presumably wife Ælfthryth in a second, symbolic coronation.
a person of standing. More important is the fact In that case, the Paraphrase is connected with the
that the unusual location of the Fall of the Rebel moment when the English territory was united
Angels before the creation of the world as found under one king who in collaboration with two
in Genesis A also appears in two royal charters of archbishops – Dunstan of Canterbury and Oswald
the same period, one of which is King Edgar’s of York – and bishop Æthelwold of Winchester
sumptuous decorated Privilege to New Minster reformed the English church and became an
in Winchester 966 (fig. 10).88 anointed ruler of a new Christian “empire”.90
Other members of the Cotton Genesis family
could be investigated to further substantiate our
thesis – for example the illustrated Old English
86 See Thomas H. Ohlgren, « The Illustrations of the Hexateuch with a preface by Ælfric of Eynsham,
Caedmonian Genesis – Literary Criticism Through dated most likely from 1025-1050, and with
Art », Medievalia et Humanistica, N.S. 3 (1972), p. 199-212
connections both to the Cotton Genesis tradition
and A. N. Doane (ed.), The Saxon Genesis.
87 For a survey of the research history, see and Junius 11.91 One might also ask how long the
Catherine E. Karkov, Text and Picture in Anglo-Saxon special aura of the Cotton Genesis manuscript
England: Narrative Strategies in the Junius 11 Manuscript,
Cambridge, Cambridge University Press, 2001 (coll.
Cambridge Studies in Anglo-Saxon England), p. 2-16 89 See Leslie Lockett, « An integrated Re-Examination
and Herbert R. Broderick, « Metatextuality, of the Dating of Oxford, Bodleian Library, Junius 11 »,
sexuality and intervisuality in MS Junius 11 », Anglo-Saxon England, 31 (2002), p. 141-173.
Word & Image, 25: 4 (2009), p. 384-401. See also 90 See Simon Keynes, « Edgar, rex admirabilis », Edgar,
Herbert R. Broderick, « Northern Light: Late Anglo- King of the English 959-975: New Interpretations,
Saxon Genesis Illustration and the Mosaics of San ed. by D. Scragg, Manchester, Boydell Press, 2008
Marco », The Atrium of San Marco in Venice – The Genesis (coll. Pubns Manchester Centre for Anglo-Saxon
and Medieval Reality of the Genesis Mosaics, ed. by M. Studies, 8), p. 3-59 with further literature. See also
Büchsel, H. L. Kessler and R. Müller, Berlin, Gebr. Robert Deshman, «Cristus rex et magi reges: Kingship
Mann, 2014, p. 211-230. and Christology in Ottonian and Anglo-Saxon Art »,
88 British Library, Cotton Ms. Vespasian A VIII) See Frühmittelalterliche Studien, 10 (1976), p. 400-405 + ills
David F. Johnson, « The Fall of Lucifer in Genesis A and Søren Kaspersen, « Majestas Domini - Regnum et
and Two Anglo-Latin Royal Charters », The Journal Sacerdotium: Zu Entstehung und Leben des Motivs bis
of English and Germanic Philology, 97: 4 (1998), zum Investiturstreit », Hafnia – Copenhagen Papers in the
p. 500-521. See also Catherine E. Karkov, « The History of Art, 8 (1981), p. 116-119.
Frontispiece to the New Minster Charter and the 91 See Benjamin C. Withers, The Illustrated Old English
King’s Two Bodies », Edgar, King of the English 959-975: Hexateuch, Cotton Claudius B. iv – The Frontier of Seeing
New Interpretations, ed. by D. Scragg, Manchester, and Reading in Anglo-Saxon England, London, The
Boydell Press, 2008 (coll. Pubns Manchester Centre for British Library and Toronto, University of Toronto
Anglo-Saxon Studies, 8), p. 224-241. Press, 2007 with further literature.
2 48 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 10. British Library, Cotton Ms. Vespasian A VIII, New Minster Charter, Winchester, Frontispiece with King Edgar
(British Library).
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 249
persisted and by extension, the implications a complex structure but one that is diligently laid
for its use as a model; I would plead for at least out according to the three sections of the barrel
up to the creation of the mosaics of San Marco. vault with its four zones of painting. In the first
But in the context of the present publication, section (the three westernmost compartments
I want to turn to a discussion of the connection framed by transverse arches) and in the two upper
of the frescoes of Saint-Savin to the Cotton zones of the next section (the area between the
Genesis imagery. According to Weitmann and last transverse arch and the simulated transverse
Kessler, these connections are “filtered through arch),94 the Creation and the Story of Adam and
an English source”, that is through manuscripts Eve and Their Sons, are depicted to the north,
like the Cædmonian Paraphrase.92 In any case, while the Story of Abraham is seen to the south.
the adaptation as a whole seems to draw a new The upper zones of the third section (that is, the
direction for the life of Cotton Genesis. remaining easternmost part of the vault), are
devoted to the Story of Noah and His Sons with a
prologue and epilogue. Finally, the lower zones
Saint-Savin and the two cities in the second and third section include to the
south and north respectively the Story of Joseph
For this discussion of the ways in which with a prologue and the Story of Moses from the
Saint-Savin and its Old Testament cycle fits into Burning Bush to the epoch-making Mount Sinai
the perspectives suggested above, one must first event – leaving some further space, perhaps
acknowledge that it is a cycle seemingly stamped in intended for a scene with the Covenant on a par
different ways by the Augustinian narrative about with the Tours Bibles.
the City of God.93 The Old Testament story has Within this structure of the long narrative
there are further divisions in accordance with
the three sections. The Expulsion from Paradise
92 K. Weitzmann and H. L. Kessler, The Cotton Genesis, is the last motif in the first section to the north,
p. 28. and the Offering of Abel and Cain (fig. 11, pl. 33)
93 For treatments of the Old Testament cycle, see Prosper takes this place in the second section. As noted
Mérimeé and Gérard Seguin (dessins), Notice more than once above, Abel and Cain figure as
sur les peintures de l’église Saint-Savin (Collection
de documents inédits sur l’histoire de France, Sér.
the earliest human representatives of the two
3: Archéologie), Paris: Imprimerie royale, 1845, cities according to Augustine. Cain was a “citizen
p. 119-142 + 42 pl; Georges Gaillard, Les fresques de of this world” (cf. Gen. 4,17) and “belonged to
Saint-Savin, I: La nef, Paris, Éditions du Chêne, 1944; the city of men”, while Abel was a “stranger in
André Grabar, « Observations sur les fresques de
this world” and “belonged to the city of God”.95
Saint-Savin, IV: Distribution des sujets sur la voûte »,
Cahiers archéologiques, 4 (1949), p. 144-147; Yvonne These two cities are opposed again in the next
Labande-Mailfert, « Le cycle de l’Ancien Testament
à Saint-Savin », Revue d’histoire de la spiritualité, 50
(1974), p. 369-395; or Id., Études d’iconographie romane et
d’histoire de l’art, Poitiers, Société d’études médiévales, porche, tribune, nef, transept et chœur, crypte », in
1982, p. 217-245; Jérome Baschet, « Ornementation R. Favreau et al., Saint-Savin – L’abbaye et ses peintures
et structure narrative dans les peintures de la nef de murales, Poitiers, Éditions CPPPC 1999, p. 98-145.
Saint-Savin », in Le role de l’ornement dans la peinture 94 This ‘transverse arch’, painted as an ornamental border
murale du Moyen Âge: Actes du Colloque international with busts in medallions, may have corresponded
tenu à Saint-Lizier de 1er au 4 juin 1995, ed. by D. Paris- with the separation between the choir of the monks
Poulain, Poitiers, Centre d’Études Supérieures de and the western part of the nave. See J. Baschet,
Civilisation Médiévale, 1997, p. 165-176; Yves Christe, « Ornementation… », especially p. 172-173.
« Les peintures murales – Les sources iconographiques: 95 The City of God, XV: 1, see trad. M. Dods, 1871.
250 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 11. Saint-Savin-sur-Gartempe, the Offering of Abel and Cain ( J.-P. Brouard © CESCM).
section’s prologue to Noah by Cain who after which hung the Mediator of God and men, the
his fratricide became “a fugitive and vagabond” man Christ Jesus”. It had “three stories, because
upon the earth (cf. Gen. 4, 12), while Enoch, all the nations were replenished from the three
in generation from Seth, “walked with God” sons of Noah”.98 Noah and his family in the
and “was translated because he pleased God” uppermost story foreshadow as saved beings
(cf. Gen. 5, 22-24).96 the final unity and wedding between Christ and
Noah also “walked with God” (Gen. 6: 9), his Church, and a green background distinguish
and “when the earth was corrupted before God, this section of the Ark (fig. 12, pl. 35).
and was filled with iniquity”, he was instructed The two giants climbing on to the Ark, have
to make an ark (Gen. 6, 10 ff.).97 Noah’s Ark, been connected with Jewish legends, with giants
taking up the central space of the zone, is accord- who survived the Flood or wanted to destroy
ing to Augustine “certainly a figure of the city the Ark.99 But they may rather refer to the giants
of God sojourning in this world; that is to say, in general (cf. Gen. 6, 4).100 These may be the
of the church, which is rescued by the wood on
98 Ibid.
96 The City of God, XV: 19. “Enoch” means “dedication” 99 See Mira Friedman, « L’arche de Noé de Saint- Savin »,
and his translation prefigures at the end of time the Cahiers de Civilisation Médiévale, 40 (1997), p. 127-128
“dedication of the whole house, of which Christ Himself and Y. Christe, « Les peintures murales… », p. 127.
is the foundation.” (ibid.) 100 Y. Labande-Mailfert, « Le cycle… », p. 385 refers to
97 Cf. The City of God, XV: 26. Sap. 14, 6.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 51
Fig. 12. Saint-Savin-sur-Gartempe, Noah’s Ark, the Flood ( J.-P. Brouard © CESCM).
offspring of filli Dei and “the daughters of men” daughters of men.102 In this connection one may
(cf. Gen. 6, 1-3), but they showed, according ask if the golden bird in front of the Ark really is
to Augustine, that neither beauty, nor size or a raven – as often supposed (cf. Gen. 8, 6-7), or
strength, are of much moment to the wise man, if the relation between the dog-like head on the
whose blessedness lies in spiritual and immortal Ark’s prow and the bird rather is that between
blessings. As Baruch says, “These were the giants, a world of sin and of resurrection/ascension.103
famous from the beginning, that were of so After the Flood “God blessed Noah and his
great stature, and so expert in war. Those did sons, and he said to them: Increase and multiply,
not the Lord choose, neither gave He the way of and fill the earth” (Gen. 9, 1) - and open land is
knowledge unto them; but they were destroyed
because they had no wisdom, and perished
through their own foolishness” (3, 26-28).101 102 Ibid.
They then belonged to the earthly city in 103 For another opinion, see Y. Christe, « Les peintures
contrast to Noah and his family, and they may murales… », p. 126. One may notice, that in the closest
pictorial model to the prow and the bird, the Old
represent a second fall of angels since the filli Dei English Hexateuch, fol. 15r (cf. note 91), the raven is
are also called angels of God who were corrupted sitting on and pecks in a chopped head on a stake. For
through their intercourse with the beautiful the iconography and symbolism of the raven, see Milton
McC. Gatch, « Noah’s Raven in Genesis A and the
Illustrated Old English Hexateuch », Gesta, 14: 2 (1975),
p. 3-15 and Joseph Gutmann, « Noah’s Raven in Early
Christian and Byzantine Art », Cahiers archéologiues, 26
101 The City of God, XV: 23. (1977), p. 63-71.
252 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 13. Saint-Savin-sur-Gartempe, the Building of the Tower of Babel ( J.-P. Brouard © CESCM).
displayed in the scene. The easternmost part of that “not only those who are openly separated
the two uppermost zones are devoted to Noah’s from the church, but also all who glory in the
sacrifice and his vineyard, which Augustine likens Christian name, and at the same time lead
unto Christ Himself, of “which the prophet abandoned lives, may without absurdity seem
says, ‘The vine of the Lord of hosts is the house to be figured by Noah’s middle son: […]”.107
of Israel’ (Is. 5, 7)”.104 The elaborate architectural In brief, the city of the godly is to be found
setting both for Noah’s drinking and the covering “in the two sons of Noah who were blessed
of his nakedness may unfold this metaphor.105 [Shem and Japheth], and in their posterity, and
The obvious foreshadowings of future events in the ungodly in the cursed son [Cham] and his
these scenes “are to be referred only to Christ descendants, from whom sprang that mighty
and His church, which is the city of God”.106 hunter against the Lord [Nimrod].” From “the
Noah’s story ends with Noah Making Cham’s time when they proudly built a tower to heaven, a
son, Chanaan, a Servant of Sem and Japheth (Gen. symbol of godless exaltation, the city or society of
9, 22-27), an episode of which Augustine discusses the wicked becomes apparent.” But the “bodies”
the significance in the first 11 chapters of book before that were “mixed bodies”, because most
XVI in De civitate Dei. The agile position of the likely “there were despisers of God among the
young Chanaan may refer to the meaning of his descendants of the two sons, even before Babylon
name: “their movement”, which signifies the work was founded, and worshippers of God among
of Cham and his descendants. Augustine states the descendants of Ham”.108 In the Building of
the Tower of Babel Nimrod is placed opposite
God who has come down to see the city and
104 The City of God, XVI: 2.
105 Y. Christe, « Les peintures murales… », p. 125 also
notices the “riche décor architectural” of the two
episodes, like the interior “d’un somptueux palais”. 107 Ibid.
106 The City of God, XVI: 2. 108 Ibid., XVI: 10 – cf. XVI: 3.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 53
Fig. 14. Saint-Savin-sur-Gartempe, God Gives Instructions to Abraham ( J.-P. Brouard © CESCM).
confound the language of its builders (cf. Gen. God’s three promises: He will bless Abraham and
11, 5-8) (fig. 13, pl. 37).109 his seed (cf. Gen. 12, 2), He will make a nation
When Abraham was born, Assyria was the of Abraham and give the land of Chanaan to his
most powerful kingdom and its head was Babylon, seed (cf. Gen. 12, 7), and he will make his seed
“an earth-born city, most fitly named, for it means “as the dust of the earth (sicut pulverem terrae)”
confusion”.110 But after the birth of Abraham, (Gen. 13, 14 ff.), that is, make Abraham the father
the progress of the city of God “begins to be of all nations.113 It may be this last promise the
more conspicuous, and the divine promises fruit-picking boy in the tree seeks to reap.
which are now fulfilled in Christ are more fully Abraham followed the instructions: “By
revealed”.111 In the first episode at Saint-Savin faith he that is called Abraham obeyed to go
God Gives Instructions to Abraham (Gen. 12,
1-3) (fig. 14). The space of the scene is enlarged
with a tree with three crowns which may have Bernwardstür in Hildesheim » (1983); Id., Kirchenkunst,
a symbolic meaning,112 for example signifying Kapitellsymbolik und profane Bauten: Ausgewählte Aufsätze zur
Bau- und Kunstgeschichte Hildesheims und seiner Umgebung,
Hildesheim, Bernward, 1993, p. 37-50; and Barbara Baert
and Liesbet Kusters, « The Tree as Narrative, Formal,
109 Ibid., XVI: 4 – cf. Gen. 11, 5-8. and Allegorical Index in Representations of the Noli me
110 Ibid., XVI: 17. tangere », The Tree – Symbol, Allegory, and Mnemonic Device in
111 Ibid., XVI: 12. Medieval Art and Thought, ed. by P. Salonius and A. Worm,
112 On the function of trees in narrative scenes, see, for example, Turnhout, Brepols, 2014, p. 159-186.
Kurd Fleige, « Die Symbolbedeutung des Baumes in 113 See The City of God, XVI: 16, 18, and 21. Augustine uses the
der romanischen Kunst - Erläutert an den Skulpturen der phrase tamquam harenam terrae.
254 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 15. Saint-Savin-sur-Gartempe, God Blessing Abraham and Abraham as the Father of All Nations (d’après
G. Gaillard, Les fresques de Saint-Savin).
out into a place which he was to receive for The following part of Abraham’s story at
an inheritance. And he went out, not knowing Saint-Savin is partly or totally demolished. It
whither he went. […]. For he looked for a city most likely showed two episodes with the Three
that hath foundations: whose builder and maker Men Visiting Abraham and the Sacrifice of Isaac
is God” (Hebr. 11, 8-10). Lot went away with in one or two stages.115 Just after the substituting
Abraham and Sarah but they agreed to separate: sacrifice of the ram “the angel of the Lord called
“Abram dwelt in the land of Chanaan; and Lot […] a second time from heaven”, and Abraham Is
abode in the towns that were about the Jordan, Blessed because of his faith. God standing in front
and dwelt in Sodom. And the men of Sodom of him tells him once more that He will multiply
were very wicked, and sinners before the face of his seed “as the stars of heaven, and as the sand
the Lord, beyond measure” (Gen. 13, 12-13). In that is by the seashore,” and “in thy seed shall all
the depiction of the Separation Abraham and his the nations of the earth be blessed, […]” (Gen.
family are obviously disturbed by the connection 22, 15-18).116 The following and last scene before
of Lot and his men with Sodom. Sodom was Abraham’s Burial (Gen. 25, 9) most likely depicts
afterwards conquered by the “five kings” and Abraham as the Father of All Nations, attended by
Lot was taken captive. In the next episode, he is Isaac to whom he gave all his possessions (cf. Gen.
delivered by Abraham Defeating the “Five Kings”
and after that Abraham is blessed by Melchizedek,
the high-priest of Salem, offering him bread and
vine – a prefiguration of the sacrament (Gen. 115 Cf. G. Gaillard, Les fresques.., drawing 19 and The City of
14, 13 ff.).114 God, XVI: 29 and 32.
116 See ibid., XVI: 32: “”Abraham”, as we read, “called the
name of that place The Lord sees [Gen. 22, 14] […] for
The Lord hath appeared, that is, made Himself to be
114 Ibid., XVI: 22. seen”.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 55
25, 5) (fig. 15).117 Abraham is enthroned on an kingdom,” they were, rather, “children of the flesh”,
elaborate seat like a king with a staff although the and they were sent away from Isaac, “eastward,
scene’s upper parts are unfortunately destroyed. unto the east country” (cf. Gen. 25, 6).119
His left hand is extended towards a herd/flock God’s blessing of Abraham is transferred to
at the foot of the throne, directed towards the Isaac, if he does not go down into Egypt because
previous “blessing” scene, that is, to the west. of a famine, but will stay in the land God tells
Isaac stands to the left with a gesture of speech him. “And I will multiply thy seed like the stars of
or approval.118 According to Augustine none of heaven: and I will give to thy posterity all these
Abraham’s other sons did “attain the promised countries: and in thy seed shall all the nations of
the earth be blessed, because Abraham obeyed my
voice, and kept my precepts and commandments,
and observed my ceremonies and laws” (Gen.
117 According to Augustine, Abraham was settled in the
Chanaan in connection with Sarah’s death, since he now 26, 2-5).120 A further transference, Isaac’s Blessing
began to take it in possession (quoniam coepit ibi esse of Jacob (fig. 16, pl. 38), is depicted as a prologue
possesor) – ibid., XVI: 32. to the Story of Joseph. Now Isaac is impressively
118 For other interpretive suggestions, see George
Henderson, « The Sources of the Genesis Cycle
at Saint-Savin-sur-Gartempe », Journal of the British
Archeological Association, 3. Ser., 26 (1963), p. 15. See also 119 The City of God, XVI: 34. Cf. Gen. 21, 12 and Rom. 9, 6-8.
Y. Christe, « Les peintures murales… », p. 128, 135. 120 Cf. ibid., XVI: 36.
2 56 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 17. Saint-Savin-sur-Gartempe, Joseph and Potiphar’s Wife, Joseph in jail ( J.-P. Brouard © CESCM).
enthroned within a heavy urban-like architec- Furthermore, as stated by Ælfric in his preface to
ture.121 According to Augustine, the episode Genesis: “Also Joseph, who was sold into Egypt
is “a proclamation of Christ to all nations”,122 a and rescued that people from the great famine,
reference that may explain a shepherd blowing betokened Christ who was sold to death for us
a horn outermost to the left, turned toward the and rescued us from that eternal hunger, the
cycle with Joseph.123 torments of hell”.125
In the nine episodes with the story of Joseph After the first events with Joseph Being Sold
God is not present either in figural form or as a by His Brethren (Gen. 37, 28) and then by the
manus Dei. But as Jacob’s son, Joseph continues Midianite Merchants to Potiphar – a captain of
the story of God’s people, and in Saint-Savin Pharaoh (Gen. 37, 36), the third section of the
the narrative is placed as a precursor and foil vault opens with Joseph and Potiphar’s Wife (Gen.
for the Exodus of the Israelites – that is, the 39). The drama, depicted in two stages, is difficult
beginning of their return to the Promised Land.124 to decipher, because the woman in conversation
with Joseph in the first episode is crowned and
does not seem to pull his mantle.126 In the second
121 The open land behind him, to the right, may signify the
separation in time from Abraham’s Burial. But a similar
space/panel is not found to the left. 125 Cit. after B. C. Withers, Illustrated Old English
122 The City of God, XVI: 37. Hexateuch…, p. 228.
123 His flock may be a sign of the “heritage” passing from 126 Cf. Y. Christe, « Les peintures murales… », p. 133-134
Isaac to Jacob. suggests that it may be Pharaoh’s wife: “De même que les
124 Joseph’s story is barely treated in De civitate Dei – cf. XVI: juifs ont échappé à Pharaon, Joseph, en face, échappera
40-42. aux pièges de la reine d’Égypte.”
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 2 57
Fig. 18. Saint-Savin-sur-Gartempe, the Crossing of the Red Sea – Moses and the Israelites ( J.-P. Brouard © CESCM).
phase Potiphar’s wife – in a frontal position and the whole land of Egypt” (Gen. 41, 43). Joseph
quite another dress – obviously makes accusations Standing in Triumph on Pharaoh’s Chariot is a
to her husband on her left side, referring back to strong parallel and contrast to another Pharaoh
the first episode with her right hand. Potiphar on His Chariot in the Waters of the Red Sea to the
on his side points towards a prison with a lonely, north.128 The last episode of Joseph’s story is
pensive or mourning Joseph. This humiliated almost entirely lost; only part of a centralized
figure seemingly indicates a peripeteia of the architecture with a canopy has been found.
story (fig. 17). According to an inscription (inimici fratres), it
Immediately after, Joseph is led before the most likely represented Joseph’s final triumph
enthroned Pharaoh, as Christ before a judge. 127 and reunion with his brethren, for example the
But then his glorification follows because he Brethren Bowing or Falling Down Before Joseph or
was able to interpret Pharaoh’s dreams – a part Falling Down Before Joseph.129
of the story that is implied but not shown to the The story of Exodus in the opposite zone of
viewer. Pharaoh then appointed him “over the the vault, opens with Moses at the Burning Bush
whole land of Egypt”, gave him his signet ring, (Ex. 3, 1 ff.), a spacious scene, almost lost, with
“and put a chain of gold about his neck” (Gen.
41, 41-42). He furthermore “made him go up into
his second chariot, the crier proclaiming that 128 One could say ascension contra perdition.
all should bow their knee before him, and that 129 The canopy may point to an enthroned Joseph to the right
they should know he was made governor over in the panel. Cf. K. Weitzmann and H. L. Kessler,
v
The Cotton Genesis, p. 115, 119, 218 (BL. 92 ), 225 (BL.
99v), figs 466-467, 501-502. Y. Christe, « Les peintures
murales… », p. 131 suggest a sacramental scene: Joseph
127 Contrary to the biblical text, Gen. 41, 14. “distribuait peut-être du blé à ses frères.”
258 s ø r e n k a s p e r s e n
the godhead in a mandorla.130 The greater part of Testimony “in which God was worshipped by
the third section is devoted to the Crossing of the sacrifices prophetic of things to come, […]”.134
Red Sea (Ex. 14, 15 ff.) that includes an elaborate In any case, I think the whole decoration with
depiction of Pharaoh’s chariot in front of the its structure and cadences, its different components
Egyptian cavalry – of which some try to flee and distinctive iconographic features, reasonably
(Pl. 39). The scene continues with Moses who can be seen as an Augustinian narrative about
has lead the Israelites through the sea during the the Church on its pilgrimage. It ends like the
night (Ex. 14, 21) and behind them the angel of Carolingian Bibles with the founding of the Old
God, who has removed from the front to the back Law – and like the Roman cycle in Old St Peter
together with the pillar of the cloud (Ex. 14, 19), with the Crossing of the Red Sea135 as a prelude to
becoming in the night the pillar of fire (cf. Ex. the Israelites making their way to the Promised
13, 21-22). Moses with his staff is distinguished Land, protected by God who has followed and
by a yellow background panel and by the manus blessed them in different ways from the earliest days.
Dei blessing him from a segment of heaven. He
is attended by Aaron, who displays a written
paper to the Israelites, most likely referring to Saint-Savin and the Cotton Genesis
the canticle they sung to the Lord after their tradition
rescue (Ex. 15, 1 ff.) (fig. 18).131
A band with the pillar of the cloud (cf. Gen. 14, What then, is the relationship between the
21-22) separates the episode from Moses Receiving Genesis cycle of Saint-Savin and the Cotton
the Tables of Law.132 God again appears standing in Genesis and its recensions? Saint-Savin’s cycle
a mandorla, now surrounded by four trumpeting has long been connected with the Cotton Genesis
angles (cf. Ex. 19, 16 ff.), who may allude to the family, not as part of a direct line but rather via the
evangelic teaching of the New Covenant.133 The Anglo-Saxon branch. George Henderson connects
pillar of cloud mentioned may refer to the cloud the episodes with the Expulsion of Adam and Eve,
hiding the revelation from the people (cf. Ex. Enoch’s Ascension, and God Ordering Noah to Build
19, 9) and perhaps also to the later meetings the Ark with the Cotton Genesis tradition and its
between God and Moses in the tabernacle of the Anglo-Saxon “modernizations”.136 He further refers
covenant (cf. Ex. 33, 9). Unfortunately, the last the Sacrifice of Cain and Abel, Noah’s Ark, Noah’s
event is totally lost. It may have shown Moses Vineyard, Noah Drinking, Noah’s Drunkenness,
addressing the Israelites as in the Tours Bibles. the Tower of Babel, the Parting of Abraham and
But the space is limited, and instead, there may Lot, and the Burial of Abraham to Anglo-Saxon
only have been a depiction of the Tabernacle of sources, especially the “Ælfric Manuscript”.137 Later
Yves Christe has placed the Tower of Babel more
directly in connection with the Cotton Genesis
tradition.138 He also observed that the elaborate the Temptation of Eve obviously belongs to the
story of the Creation and Adam and Eve with a Cotton Genesis recension (fig. 19, pl. 30).144
standing God present, speaks in favor of a place Finally, the Labour of Adam and Eve may have
in the Cotton Genesis recension.139 However, it resembled the panel at Hildesheim in that Eve
is worth mentioning that an ivory plaque now in with distaff is “enthroned” on a high ground
Berlin shows that the Roman tradition, at least at that is drawn with particular care.145 That said,
the end of the eleventh century, also was combined she has no distinguishing veil behind her head
with an extended representation of the Creation of the sort we see at Hildesheim.
and the Story of Adam and Eve – but with a seated Saint-Savin’s connection with the Cotton
Creator.140 This “amalgamation” may well have Genesis family is generally of a complicated
taken place in the Cassinese ambience, from nature, often with many adaptive transformations
which also stem the Salerno ivories belonging of the models. For example, the Tower of Babel
to the Cotton Genesis family.141 (pl. 37) is a conflation of three episodes: the
The only well-preserved Creation scene building, God’s appearance and the confounding
with the sun, moon, and stars has been related of languages, using different sources – like Cotton
to the Octateuch-tradition and the “Ælfric Genesis and the Cædmonian Paraphrase. These
Manuscript”.142 Yet, it may just as well be an elements then, are furthermore arranged in a
adaptation of a Cotton Genesis model, one composition with the builders of the earthly city
that stresses an opposition between heaven and in contrast to God and his city – in the sense that
earth by repeating the plants created just before. the confounding of languages is a prefiguration
Furthermore, the Creation of Adam was based on of the Descent of the Holy Spirit.
the same model as the motif in Château-Gontier,
developing a Carolingian iconography,143 and
The context of Saint-Savin
138 Y. Christe, « Les peintures murales… », p. 127. See also To pinpoint the possible significance of
K. Weitzmann and H. L. Kessler, The Cotton Genesis, these connections with the Cotton Genesis
p. 69, fig. 146-147. family is difficult because we do not have any
139 Y. Christe, « Les peintures murales… », p. 126. The
presence of God continues through the stories of Cain
certain knowledge of the mindset behind the
and Abel, Noah, and Abraham as in the two Anglo- decoration. According to Aimoin’s Acta trans-
Saxon manuscripts. lationis S. Savini martyris from the second half
140 See Herbert L. Kessler, « An Eleventh Century Ivory of ninth century, Saint-Savin was founded by
Plaque from South Italy and the Cassinese Revival »,
Badillus (Badilon), count abbot of Marmoutier
Jahrbuch der Berliner Museen, 8: 1 (1966), p. 67-95.
141 See Robert P. Bergman, The Salerno Ivories - Ars Sacra
from Medieval Amalfi, Cambridge MA and London,
Harvard University Press, 1980 and lately Francesca
Dell’Acqua, « The Hidden Sides of the Salerno Ivories Christian Davy, La peinture murale romane dans les Pays
– Hypotheses about the Original Object, Program, and de la Loire – L’indicible et le ruban plissé, Laval, Société
Cultural Milieu », The Salerno Ivories – Objects, Histories, d’Archéologie et d’Histoire de la Mayenne, 1999, p. 245-
Contexts, ed. by F. Dell’Acqua et al., Berlin, Gebr. 265, especially p. 259-260 referring to the Grandval Bible.
Mann, 2016, p. 211-239 – with an alternative dating. 144 Y. Christe, « Les peintures murales… », p. 121.
142 G. Henderson, « The Sources of… », p. 11-12. 145 Ibid., p. 122 describes it as “un monticule fait de
143 See Y. Christe, « Les peintures murales… », p. 121; petites mottes en forme de pains de sucre.” The same
Marc Thibout, « Découvertes de peintures murales articulation of the ground in the narrative scenes can
dans l’église Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier », later be found in Noah’s Sacrifice and Moses Receiving the
Bulletin monumentale, 101 (1942), p. 18-19, ill. and Tables of Law.
26 0 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 19. Saint-Savin-sur-Gartempe, the Creation of Eve, the Introduction of Eve to Adam, and the Temptation of Eve
(relevé archéographique Carolina Sarrade © CESCM).
outside Tours.146 According to another tradition, center of monastic reform. Pepin I, son of Louis
recorded in the seventeenth century, the founder and king of Aquitania, who also privileged the
was Charlemagne. At least he seemingly made monastery, appointed Dodon (+853) as abbot.
a fortification of the abbey, and his son, Louis He enlarged the monastery, founded five new
the Pious, also supported the foundation and abbeys and reformed several other houses.148
entrusted it to Benedict of Aniane, the reformer When William I, duke of Aquitania, subsequently
of the Benedictine order, who sent twenty monks founded Cluny in 910, Bernon (a monk related to
to Saint-Savin.147 It subsequently became a the reform-movement of Saint-Savin) was made
abbot, and he had as his intimate tutor another
great reformer from Saint-Savin, one Hughes.
146 See Robert Favreau and François Jeanneau, « Saint- Nothing certain is known about the origin
Savin au fil des siècles », in Saint-Savin – L’abbaye et
ses peintures murales, ed. by R. Favreau et al., Poitiers, of the different cycles of murals in the abbey
Éditions CPPPC 1999, p. 11-12. They considered it a church, but it is supposed that the work took
legendary story and opined that Aimoin, a monk of place under abbot Gervais (1081/82-1096) and
Saint-Germain-des Prés from before 845 until after 896, his companion, prior Bernard d’Abbeville. Both
confused the count abbot up with count Badilon of
Autun who summoned monks from Saint-Savin at the
end of the ninth century to reform St.-Martin in Autun.
147 Ibid., p. 12. 148 Ibid., p. 12-14.
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 261
came from the abbey Saint-Cyprien in Poitiers Jerusalem.152 The tale is about the golden age of
which, under abbot Rainaud (1073-1100) was Charlemagne, a ruler who not only expanded his
attached to the Cluny congregation and played empire in the West but also conquered the East.153
an important part in the Gregorian reform It is also a tale about transference of relics and
movement.149 A precondition for the murals was implicitly, of imperial authority from Jerusalem
an enlargement of the abbey church from 1010 to Constantinople and further west to Aachen
or a little later and onwards. That year Aumode and finally to Saint-Denis and Saint-Corneille.154
(Adelemode), the first wife of the highly cultivated Furthermore, the tale is part of a new framing of
and pious duke and Count William V the Great the imperium Christianorum, using the Franks as
facilitated the rebuilding by bequeathing a large the populus christianus to connect the Carolingian
donation of money to the monastery. As duke of reign with the Capetian kingdom, that is to
Aquitaine and count of Poitou, William V was transfer the rulership from the golden age of
protector of Saint-Savin. The paintings were Charlemagne and his followers to the new heirs,
almost certainly made under his descendant the Capetians as rex Francorum.155
William IX (1071-1127), the Troubadour, who Even if the relations between Saint-Savin
was engaged in church politics and for example, and the rising Capetian kingdom must remain
invited Urban II to spend the Christmas of 1095 speculative, these ideas about the Franks and
at his court shortly after the pope had preached their leaders may well have been part of the
in Clermont for a crusade. William himself joined Saint-Savin decoration’s context. In 1010 Aumode
the Crusade of 1101. founded four anniversaries, one of which for the
It is also worth remembering that the Capetian royal founders of the abbey.156 and an important
house really began to develop their power and aspect to investigate would be to which degree
kingdom with Philip I. (1060-1108).150 The house the monks at the end of the eleventh century
had taken its beginning with the crowning celebrated Charlemagne as the founder of the
of Hugo Capet as rex Francorum in Reims in monastery. In this perspective one may ask, how
987 († 996). Through his mother, Hedwig of we shall interpret the episode in the decoration
Saxony, Hugo was related to the Carolingians, with Abraham and Melchisedek, where the high
and upon his ascent, Philip signaled his agenda priest wears a crown and is blessed by a manus Dei
by referencing the Carolingians, for example from heaven. It is very possible that the monks
by naming his oldest son Louis.151 It was also considered the Christian ruler in line with the
in his entourage that the so-called Descriptio salute of the poet Venantus Fortunatus to King
qualiter Karolus Magnus was created around
1080 – an account of Charlemagne’s legendary
journey or pilgrimage to Constantinople and 152 See ibid., p. 51-52. Another contemporary version of
the story was written in Charroux, a royal Frankisk
monastery, which was reformed from Saint-Savin around
1020 and to which King Philip tried to re-establish a
royal association in 1077 – see ibid., p. 27-28 and 44 ff.,
149 See ibid., p. 16-17. Bernard later became Saint-Bernard de especially p. 46-47. It is also worth mentioning, that
Tiron (+1117). Philip acquired Tours as a royal archbishopric – see
150 See Robert Fawtier, The Capetian Kings of France – R. Fawtier, Capetian Kings…, p. 71.
Monarchy and Nation (987-1328), London, Macmillan 153 M. Gabriele, An Empire of Memory…, p. 52-53.
1960, p. 16-19. 154 Ibid., p. 64, 67-68.
151 See Matthew Gabriele, An Empire of Memory: The Legend 155 Ibid., p. 97 ff., especially p. 105-106.
of Charlemagne, the Franks, and Jerusalem before the First 156 See R. Favreau and F. Jeanneau, « Saint-Savin… »,
Crusade, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 62-63. p. 15.
262 s ø r e n k a s p e r s e n
Fig. 20. Cædmonian Paraphrase, Oxford, Bodleian Library, Ms. Junius 11, page 73: Noah’s Ark – the Disembarcation
(Bodleian Library).
Childebert: “Melkisedek noster, merito rex atque for the Old Testament cycle, the above-mentioned
sacerdos, / Complevit laïcus religionis opus”.157 South Italian ivories are helpful. The Berlin
In any case, the embellishment with murals plaque and the Salerno panels belong upon the
took place in the newly reshaped church during whole respectively to the Roman and to the
a period of religious reform but also a period Cotton Genesis tradition and point therefore,
with new conceptions of the Franks as the according to the perspectives of this paper, in
chosen populus christianus. Saint-Savin may different directions: respectively towards Rome
have reshaped itself both in remembrance of a and towards Byzantium. But they have both been
glorious past with Carolingian founders (not related to the same ambience of Montecassino and
least Charlemagne), and of its long history as a the reform movement under abbot Desiderius.158
lighthouse for Benedictine reform. To understand
the difficulty of grasping the implications of this
158 See H. L. Kessler, « An Eleventh Century Ivory
Plaque… » and Antonio Braca, Gli avori medievali
del Museo Diocesano di Salerno, Salerno, Laveglia,
157 See R. Fawtier, Capetian Kings…, p. 68 about the 1994, p. 143 ff. See also Kathrin Müller, « Old and
clergy’s manner of saluting the Capetians. New – Divine Revelation in the Salerno Ivories »,
ge ne si s cycle s: t rad i t i o n, t heo lo gy and politics 263
Still, the agenda of abbot Desiderius was not God’s gesture most likely stresses that the female
always that of pope Gregory VII, especially when body is not “formed” or “framed” but “built up”
it came to relations with the Norman ruler Robert (Gen. 2, 22: aedificavit) like the body of Christ,
Guiscard. This same Robert made a prestige which is the Church (cf. Eph. 4, 12). By the
project of the rebuilding of the cathedral in Salerno woman’s “creation from man unity is commended”
for which the Salerno ivories were most likely and Eve seemingly devotes herself to Adam; thus,
made.159 It hereby becomes obvious, that also “the manner of her creation prefigured, as has
within a certain ambience the understandings been said, Christ and the Church”.161
of the relations between regnum and sacerdotium We will never know if Saint-Savin followed the
could vary. Anglo-Saxon model and opened its Old Testament
cycle with the Fall of the Rebel Angels, or how
close its representation of the Creation was to the
Concluding reflexions Cotton Genesis tradition. But it seems obvious
that the Saint-Savin cycle never was a member
Trying to settle the question of the Cotton of the family on the same terms as, for example
Genesis as a model for Saint-Savin and the the Millstatt Genesis or even the Cædmonian
possible layers of meaning implicated in this, one Paraphrase. Yet, to evaluate its relation to the
should admit, I think, that its decoration is first Cotton Genesis and its recensions, we inevitably
and foremost a narrative about God’s people on encounter the difficult question of what it meant
its pilgrimage, that is about the Church’s life in a to copy something. Sometimes the repetition of
world of sin. Thus, the rhetoric of the murals is physical features renders this question moot as
elaborated in a significant way when the “Church” when we compare the depiction of the Fall in
is taken from Adam’s side through the intersection the San Marco Mosaics with the representation
of this episode with the following one (fig. 19, in the Grandval Bible. Elsewhere however, the
pl. 30).160 And in the Introduction of Eve to Adam relationship between model and copy is far more
labile, far more fluid.
When we consider the many different ways in
Mitteilungen des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, 54: which the Holy Grave as architecture was “copied”
1 (2010-2012), p. 1-30 who finds, that the schemes with
the anthropomorphic God and the patriarchs mark a
during the Middle Ages,162 then the last depiction
Gregorian attitude. of Noah’s Ark on page 73 in the Cædmonian
159 See H. E. J. Cowdrey, The Age of Abbot Desiderius:
Montecassino, the Papacy and the Normans in the
Eleventh and Early Twelfth Centuries, New York,
Clarendon Press and Oxford University Press, 1983, (2011), p. 204 ff. See also Carolina Sarrade, « Le nef de
p. 107 ff. R. P. Bergman, The Salerno Ivories…, Saint-Savin: Deux ateliers, deux techniques, approche
p. 109-119, who stressed the connections between archéologique des peintures », La peinture murale à
Amalfi and Montecassino, suggested that the ivories l’époque romane (Actes des XLVIIes Journées romanes
were commissioned by Robert Guiscard. Amalfi had de Cuxa, 6-11 juillet 2015) – Les Cahiers de Saint-Michel
close connections to the court in Constantinople, de Cuxa, 47 (2016), p. 105-110. A close parallel to the
and its leaders were bestowed from here with titles Creation of Eve can be seen on fol. 3r in the Holkham
like Patricius. A direct transfer of the Cotton Genesis Bible from about 1330, see The Holkham Bible Picture
iconography may therefore have taken place. Book, ed. by W. O. Hassall, London, Dropmore Press,
160 For the state of preservation, gestures, etc., see Marcello 1954.
Angheben, « Nouvelles recherches sur les peintures 161 See Augustine, The City of God, XXII: 17.
de la nef de Saint-Savin-sur-Gartempe: problématiques 162 See Richard Krautheimer, « Introduction to an
et méthodologie », Couleurs et lumière à l’époque “Iconography of Architecture” », Journal of the Warburg
romane – Colloques d’Issoire 2005-2007, Revue d’Auvergne, and Courtauld Institutes, 5 (1942), p. 1-33.
264 s ø r e n k a s p e r s e n
Paraphrase may well stand as a “real” copy of a and each Ark in the Cædmon Paraphrase differs
corresponding Ark in Cotton Genesis (fig. 20).163 from the others, in turn the Saint-Savin artists
In this instance, as George Henderson observes, developed yet another exemplar, perhaps in a
the copy shares two significant similarities with complex dialogue with the Cædmon-version
its source: it is embossed all over and shows an on page 66 that shows two flanking (church)
opening in the side. Even so, the shape of the towers and attending seraphim.165 In any case,
Ark at the scene of Disembarcation is clearly the decoration in Saint-Savin may include other
different from that in Cotton Genesis and also “copies” of still more important models that are
from the other representations of the Ark in now obscured.
the Cædmonian Paraphrase – and Henderson In sum, the many uncertainties notwithstand-
concludes that the artist did not understand an ing, it seems clear that the Saint-Savin Genesis
obscure model.164 But is it not more reasonable cycle has more connections to the Cotton Genesis
to assume that the artist (and patron) wished family than to any other Genesis iconography
to demonstrate that the Ark was a precious tradition, and also that the decoration shows
corpus with an opening in the side from which no sign of specific connections to the Roman
salvation issued? tradition.166 Within this framework, still more
The scheme at Saint-Savin contains only questions may arise. To cite just two of these,
one representation of the story of the Flood. it seems well worth pondering more deeply on
In this instance, a church-like version of the the decoration as a particular transformation of
Ark with many arcades was chosen, a form the tradition – a new and specific branch on the
that underlining an ascending movement in Cotton Genesis family tree. Similarly tantalizing
the composition towards the upper chambers is the possible significance of Saint-Savin for
with the saved inhabitants (fig. 12, pl. 35). Here, the further development of the narrative on the
as in the Ark in the Cædmonian Paraphrase, pilgrimage of the Church in its relation to regnum
the results demonstrate that a “copy” is always and sacerdotium, including by extension the many
made under the pressure of expressing not only similarities between the decoration and royal
a literal but also a symbolic meaning, meanings productions like the Bibles moralisées identified
that are dependent of the context, which in turn by Yves Christe.167 But these are questions for
result in changes and transformations. Just as examinations to come within the vast and exciting
the ornamentation of the Ark obviously shifted research field of medieval image traditions.
from episode to episode in the Cotton Genesis
De la similitude à la dissemblance
Dans son article fondateur sur les peintures Cette similitude n’a pas été remise en cause
murales de Saint-Jean-Baptiste de Château- dans les publications postérieures, plus elle a
Gontier, découvertes en 1940, Marc Thibout permis d’étendre la réflexion à d’autres produc-
a posé l’étroit rapport de proximité qu’elles tions, notamment celles de scriptoria angevin
entretenaient avec les célèbres peintures de et limougeaud, replaçant petit à petit les deux
Saint-Savin-sur-Gartempe1. Dans son esprit, œuvres dans un contexte plus large de création
la comparaison était soutenable à la fois dans d’images et d’influences parfois réciproques2.
l’ordonnancement général, dans l’identité du Actuellement, certains rapprochements, d’ordre
choix des sujets – notamment l’arche de Noé –, ponctuel, restent tout à fait pertinents, mais
dans la similitude de la technique du dessin et, d’autres, d’ordre général, sont devenu surfaits
enfin, dans la gamme des couleurs. Pour lui, à la lumière des connaissances accumulées
l’enseignement proposé était le même, avec depuis le milieu du xxe siècle. Celles-ci ont
la seule différence qu’à Saint-Savin la surface
disponible plus étendue laissait libre cours à
une illustration plus abondante. Marc Thibout 2 Clémence-Paul Duprat, « Enquête sur la peinture murale
a également tiré des considérations d’une autre en France à l’époque romane » Bulletin monumental, 102,
valeur sur l’ordonnancement général faisant 1944, p. 35-38; André Grabar, Karl Nordenfalk, La
peinture romane du onzième au treizième siècle, Genève,
des deux sites des ensembles quasi-identiques. Skira, 1958, p. 94; Paul-Henri Michel, La fresque
romane, Paris, Tisné, 1961, p. 81; Otto Demus, Max
Hirmer, La peinture murale romane, Paris, Flammarion,
1 Marc Thibout, « Découverte de peintures murales 1970, p. 139; Janine Wettstein, La fresque romane.
dans l’église Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier », La route de Saint-Jacques, de Tours à León, Études
Bulletin monumental, 101, 1942, p. 5-40, notamment comparatives, Paris, Arts et métiers graphiques, 1978,
p. 28-30. p. 50-59.
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale : ive-xiie siècles, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société
médiévales, 37), p. 265-289
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118929
26 6 c hr i s ti a n dav y
considérablement avancé grâce à plusieurs études des deux sites5. Le moment apparaît comme
menées sur les traditions iconographiques des opportun pour revisiter la problématique du
images romanes. Il convient ainsi de citer, dans degré de similitude existant entre ces deux
le cas du rapprochement de Château-Gontier œuvres à la lumière d’une part des nouvelles
avec Saint-Savin, George Henderson et Maria informations obtenues lors de ces chantiers6,
Teresa Lezzi qui se sont attachés respectivement d’autre part des travaux historiques menés ces
aux sources des images de la Genèse peintes à dernières années autour de ces deux sites7. Une
Saint-Savin-sur-Gartempe et à la forme en navire fois proposée cette démarche, celle-ci se voit
de l’arche de Noé, tandis que Kurt Weitzmann aussitôt entravée par la réalité des faits. Ainsi,
et Herbert Kessler publiaient leur somme sur la l’ordre des tranches de restauration de l’église
Genèse Cotton3. Saint-Jean-Baptiste a dû être modifié à cause
Au cours de la même période et sur le plan
matériel, les travaux de restauration de Château-
5 L’atelier de Brice Moulinier a été missionné pour la voûte
Gontier menés par Robert Moras de 1953 à
de la nef de Saint-Savin entre 2005 et 2008 et l’entreprise
1955 ont sauvé des peintures qui se trouvaient Lithos pour le transept et le chevet en 2014-2015, sous la
en très mauvais état, à cause des conditions direction de l’ACMH François Jeanneau. La restauration
de conservation particulièrement médiocres en cours de Saint-Jean-Baptiste est réalisée par ARCOA,
pendant les années de guerre et de l’immédiat sous la direction de l’ACMH François Jeanneau.
6 S’il faut attendre la fin du chantier de Saint-Jean-Baptiste
après-guerre. Leur état était jugé si catastrophique pour la publication des nouveautés, en revanche
que plusieurs auteurs les considérèrent comme celui de Saint-Savin a généré les suivantes: Marcello
détruites et n’en parlèrent plus qu’à travers les Angheben, « Saint-Savin-sur-Gartempe, nouvelles
relevés exécutés par Marcel Nicaud en 1941- recherches: problématique et méthode », dans Couleurs
et lumière à l’époque romane. Colloques d’Issoire 2005-
19424. Cependant, en dégageant notamment
2007, Clermont-Ferrand, 2011 (Revue d’Auvergne),
les peintures situées sur les murs du transept, p. 197-225; Id., « L’apport des relevés stratigraphiques
Robert Moras doubla la surface peinte alors à Saint-Savin-sur-Gartempe. L’exemple du Sacrifice
connue. Sur le plan scientifique, la correspondance de Noé », In Situ [En ligne], 22, 2013 [http://journals.
picturale avec le décor de l’abbaye poitevine s’en openedition.org/insitu/10636]; Carolina Sarrade,
« Les relevés stratigraphiques des peintures de la nef de
est trouvée renforcée. Actuellement, les deux Saint-Savin-sur-Gartempe », dans Temps et célébrations à
ensembles de peinture murale de Saint-Savin l’époque romane (Revue d’Auvergne), Clermont-Ferrand,
et de Saint-Jean-Baptiste viennent de vivre ou 2012, p. 403-418; Ead., « Comprendre la technique des
vivent une nouvelle période de restauration qui peintures romanes par le relevé stratigraphique », In
Situ [En ligne], 22, 2013 [http://journals.openedition.
s’avère fructueuse pour l’historien dans chacun org/insitu/10641]; Paulette Hugon, Dominique
Martos, « Étude scientifique des peintures de la nef de
Saint-Savin-sur-Gartempe », dans Couleurs et lumière à
l’époque romane. Colloques d’Issoire 2005-2007, Clermont-
3 George Henderson, « The Sources of the Genesis Cycle Ferrand, 2011 (Revue d’Auvergne), p. 227-242; Paulette
at Saint-Savin-sur-Gartempe », Journal of the British Hugon, Dominique Martos, « Étude scientifique des
Archaeological Association, vol. 26, 1963, p. 11-26; Maria peintures murales de Saint-Savin-sur-Gartempe », In
Teresa Lezzi, « L’arche de Noé en forme de bateau: Situ [En ligne], 22, 2013 [http://journals.openedition.
naissance d’une tradition iconographique », Cahiers org/insitu/10632].
de civilisation médiévale, 148, 1994, p. 301-324; Kurt 7 Saint-Savin. L’abbaye et ses peintures murales, dir.
Weitzmann, Herbert Kessler, The Genesis Cotton, R. Favreau, Poitiers, CPPPC, 1999; Sébastien Legros,
Princeton, Princeton University Press, 1986. Prieurés bénédictins, aristocratie et seigneuries. Une
4 Par exemple: Jean Porcher, L’enluminure française, Paris, géopolitique du Bas-Maine féodal et grégorien ( fin 10e
Arts et Métiers graphiques, 1959, p. 28. –début 13e), thèse de doctorat, Université Rennes 2, 2007.
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 267
rancœurs17 et que celles-ci ne sont pas totalement xiie siècle, alimentèrent le processus de la sépa-
étrangères à la manière d’édifier leur prieuré et ration matérielle de ces deux mondes. Si celui-ci
d’organiser son décor peint face à la puissance n’est pas connu précisément, il n’en demeure pas
comtale. Selon Jacques Mallet, les moines firent en moins que les travaux réalisés entre 1318 et 1320
effet construire la prieurale à l’image de l’abbatiale ont figé un état ancien. Ceux-ci ont été exécutés
existante dans la première moitié du xie siècle, après des transactions menées entre le prieur,
car elle était considérée comme le principal l’abbé de Saint-Aubin, l’évêque d’Angers et les
prieuré de l’abbaye Saint-Aubin d’Angers18. Cette paroissiens entre 1314 et 1317, à propos des travaux
duplication s’opère dans des proportions moindres à mener dans la nef de l’église. Selon la négociation
de celles de l’original, mais le bâtiment mesure et après la réalisation des travaux menés à leurs
tout de même 56 mètres de long par 23 mètres de frais, les moines récupérèrent le bas-côté nord
large au niveau du transept. Si sa taille apparaît de la nef dont ils ne bénéficiaient plus depuis
tout à fait respectable pour une prieurale, elle ne une date indéterminée. À cette occasion, un mur
correspond qu’aux trois quarts environ de celle fut dressé à l’aplomb de l’arc triomphal dans le
de l’abbatiale Saint-Savin qui sont, rappelons-le, vaisseau central et dans le bas-côté sud, tandis
de 76 mètres de long pour 31 mètres de large au que les grandes arcades de la nef ouvrant sur le
niveau du transept. C’est ainsi que Marc Thibout bas-côté nord ont été fermées. Seules deux ou
pouvait arguer d’une surface plus étendue à orner trois petites portes furent pratiquées au nord et à
pour les peintres poitevins. l’est pour permettre le passage d’un lieu de culte
À la différence de l’abbatiale qui constitue à l’autre. Cette distribution a perduré jusqu’à la
un lieu organisé pour les moines, la prieurale Révolution, comme en témoigne un plan non
possédait une double fonction. En effet, Saint- daté établi au xviie ou au xviiie siècle20. Le
Jean-Baptiste servait d’édifice de culte tant pour décor peint atteste également que la répartition
les bénédictins soumis à la règle que pour les entre les deux communautés était envisagée dès
paroissiens qui vivent dans le siècle. Les deux l’origine de la construction ou tout au moins au
communautés n’observant pas les mêmes pratiques moment de la réalisation des peintures murales.
liturgiques, une partition de l’espace avait été Le chœur et le transept ont en effet été couverts
envisagée dès l’origine de la construction où le d’un programme peint, alors que la nef a reçu
chœur et le transept étaient, semble-t-il, réservés un enduit d’attente alvéolé.
aux moines et la nef laissée à la paroisse. Les La diversité des statuts et des fonctions des
moines qui desservaient les deux lieux de culte deux bâtiments de culte les rendent tous deux
ont rapidement délégué le service paroissial à complexes, mais d’une manière dissemblable.
des prêtres, comme l’atteste la mention de l’un L’abbatiale de Saint-Savin possède une succession
d’eux Roberto presbytero de Sancto Johanne relevée d’espaces architecturaux qui en font un modèle
entre 1082 et 109819. Le voisinage s’avéra toutefois de grand édifice de culte roman. Toutefois,
difficile car des conflits financiers, connus dès le l’articulation et l’utilisation liturgique de ces
différents espaces ne sont pas encore entièrement
comprises. Ainsi, la question des cheminements,
17 Sébastien Legros, « Les prieurés de Château-Gontier tant des moines au cours des différents rites de
et l’établissement d’une seigneurie châtelaine dans le l’année liturgique que des éventuels laïcs, reste
comté d’Anjou (fin du xe - fin du xie siècle) », Annales de
Bretagne et des Pays de l’Ouest, 113, 2006, p. 33-59.
18 Le paysage monumental de la France autour de l’an mil, dir.
X. Barral i Altet, Paris, Picard, 1987, p. 596. 20 AN: N III Mayenne, 31, cité dans J. Mallet, L’art roman
19 Cartulaire de Saint-Aubin, charte 678. dans l’ancien Anjou…, p. 101-102.
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 269
Fig. 1. Château-Gontier, mur nord du transept, le passage des moines remanié à plusieurs époques, en cours de
restauration (photo de l’auteur).
peintres ou par une volonté de variété formelle25. Ceci posé, une comparaison point par point reste
À l’inverse, un seul maître a peint les murs de pertinente. Cette observation permet, à mon
Château-Gontier, semble-t-il pour le moment. sens, non de rendre définitive une comparaison
stylistique – ce qui serait illusoire –, mais d’évaluer
le niveau de similitude dans lequel il convient
25 Marcello Angheben, « Saint-Savin-sur-Gartempe, de placer les deux œuvres.
nouvelles recherches… », p. 197-225; Id., « L’apport des
relevés stratigraphiques … ». On verra également à ce
Avant d’aborder l’organisation des fonds de
sujet la monographie en préparation préparée par cet scène et leurs compléments, l’étude stylistique
auteur. d’une peinture romane se concentre le plus
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 2 71
Fig. 2. Saint-Savin-sur-Gartempe, registre inférieur de la retombée nord de la voûte du porche, la Vierge et les
protecteurs, détail: bustes des personnages de gauche (E. Michaud © CESCM).
souvent sur la manière de rendre compte des corps Toutefois ce détail n’est pas discriminant, puisqu’il
et de leurs subdivisions structurelles: visages, se rencontre également ailleurs26.
torses, membres et mains, puis sur le vêtement au La diversité des rendus des visages semble plus
travers de la plicature. Les personnages peints dans affirmée à Saint-Savin qu’à Saint-Jean-Baptiste,
les deux sites présentent une diversité de formes mais cela paraît être plutôt la conséquence d’une
de visage aussi bien dans l’individualisation des différence de conservation entre les deux sites
personnages, tels les principaux protagonistes des que d’une réelle volonté de la part des peintres.
diverses scènes, que dans leur regroupement en En revanche, le peintre de Château-Gontier
foule. La forme la plus fréquente est allongée, ce se démarque de ses collègues poitevins dans
qui n’exclut pas d’autres en ovale. Dans le porche la phase d’élaboration picturale de ses visages.
de l’abbatiale de Saint-Savin, les visages (fig. 2) Dans la mesure où la face des Hébreux fuyant
trouvent leurs pendants dans les têtes du Dieu les armées de Pharaon27 (fig. 4, pl. 40) et celles
créant Adam ou de Noé et de l’enfant du groupe
des Hébreux à Château-Gontier (fig. 3 et 4). La
position latérale des narines en demi-cercles 26 On peut notamment évoquer Chalivoy-Milon, Nohant-
Vic ou Le Liget parmi d’autres.
donne un aspect tréflé au nez, cette pratique se 27 La scène est située sur le registre inférieur de la retombée
rencontre régulièrement dans les deux œuvres. orientale de la voûte de la seconde travée du bras sud du
transept.
272 c hr i s ti a n dav y
Fig. 3. Château-Gontier, registre supérieur de la retombée orientale du bras nord du transept, la Création d’Adam,
détail: la figure du Christ (photo de l’auteur).
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 2 73
Fig. 4. Château-Gontier, registre inférieur de la retombée orientale de la voûte du bras sud du transept, la Fuite des
Hébreux devant les troupes de Pharaon, détail: les Hébreux (E. Michaud © CESCM).
de l’ange gardant la porte des réprouvés28 (fig. 5, écarquillé qui ne se rencontre pas à Saint-Savin
pl. 41) sont proches de leur état originel, il est où la pupille, souvent excentrée, est en bonne
possible de constater que l’artiste reste fidèle à une proportion avec le blanc des yeux. Cette manière
utilisation échelonnée d’une couleur principale. aboutit à un regard de biais qui donne cette fois
La pose des traits physionomiques s’effectue le un air attentif au personnage (fig. 6-7, pl. 38 et
plus souvent en rouge sur une couche de carnation 30-31). Les différentes pratiques repérables à
rosée peu dense. Quelques lumières blanches Saint-Savin se rejoignent dans une utilisation
et des ombres viennent ensuite, ces dernières commune et dense des rehauts blancs pour illu-
étant de nouveau traitées dans des tonalités de miner abondamment les visages. Ainsi, l’étape de
rouge. Le visage est partiellement cerné d’un soulignement en blanc des traits physionomiques
même rouge sombre, exceptionnellement en est systématisée, ce qui n’a été que peu repéré à
noir. Il convient aussi de remarquer que la pose Saint-Jean-Baptiste pour le moment. Enfin, cette
de la pupille, d’une relative petitesse, au milieu lumière des figures est utilement complétée par
de la grande plage blanche de l’orbite des yeux la ponctuation non délimitée des pommettes, ce
donne à plusieurs de ces personnages un regard qui ajoute un dynamisme certain à l’expression.
Le peintre de Château-Gontier, quant à lui,
circonscrit nettement cette ponctuation qu’il
28 La scène est située sur la droite du registre médian du mur ovalise, renforçant l’effet de puissance un peu
sud du bras sud du transept. statique déjà constaté.
2 74 c hr i s ti a n dav y
Fig. 5. Château-Gontier, mur sud du transept, la Séparation des élus et des damnés, détail: l’ange gardant la porte des
damnés (photo de l’auteur).
La comparaison des corps était rendue quasi possible de le compléter désormais avec plusieurs
impossible à cause de la ruine avancée de ceux-ci à fragments de corps peints dans le bras nord du
Château-Gontier jusqu’à la dernière restauration. transept. Sur les cuisses de l’Adam endormi de
Seul le dessin schématique de Marcel Nicaud Saint-Savin, deux fins et longs traits sombres
s’avérait d’un certain secours en autorisant une sont dominés par de larges lumières également
mise en parallèle des membres et des torses allongées (fig. 8, pl. 30-31). Ce traitement apparaît
d’Adam et Ève peints dans les deux sites. Il est de manière simplifiée sur les bras d’Ève à Château-
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 2 75
Fig. 6. Saint-Savin-sur-Gartempe, registre inférieur de la retombée sud de la voûte de la nef, Isaac bénit Jacob ( J.-
P. Brouard © CESCM).
Gontier et de manière plus complexe sur les Le procédé observé à Saint-Savin témoigne
membres de l’un des innocents gisant à terre29. d’un autre état d’esprit. Chaque muscle de la
Les muscles pectoraux d’Adam sont élaborés de poitrine est souligné d’un cercle plein qui indique
manière dissemblable, alors qu’ils sont peints en le relief. Ce rond est ensuite complété de griffes
blanc dans l’un et l’autre site. Le dessin montre courbes d’un bel effet décoratif servant aussi à
trois cercles concentriques à Château-Gontier, ce accentuer l’impression de relief. Paul Deschamps
que confirme le vestige observable sur le torse de et Marc Thibout avaient qualifié de calligraphique
l’Adam de la scène de la Sentence (fig. 9, pl. 42). ce type de rendu à cause de l’effet décoratif et de
Une multiplication de traits semblables donne l’abstraction des motifs s’éloignant de la forme
forme au ventre d’Ève sortant du côté d’Adam. Le suggérée. Ces auteurs avaient mis en évidence cette
peintre de Château-Gontier utilise régulièrement pratique ornementale repérée sur les vêtements
ce procédé répétitif dans son œuvre, comme qu’ils considèrent comme des « trucs d’ateliers »
nous le verrons par la suite. ou comme des « tours de main ». Les « voiles
de navire », « bottes de joncs » ou « épis de
maïs », expressions imagées qui leur servent
29 La scène est située au registre inférieur de la retombée
orientale de la voûte de la première travée du bras nord
du transept.
2 76 c hr i s ti a n dav y
Fig. 7. Saint-Savin-sur-Gartempe, registre inférieur de la retombée nord de la voûte de la nef, la Création d’Ève,
détail du Christ ( J.-P. Brouard © CESCM).
à définir ce type de formes30, ne se retrouvent Les artistes des deux sites se distinguent égale-
pas à Château-Gontier. Là, le peintre utilise le ment lorsqu’ils peignent les mains. Semblables
procédé des traits parallèles dans le manteau du dans une élaboration globale avec une mise en
Christ créateur d’Adam. Un autre aspect de sa évidence des éminences thénar et hypothénar, les
pratique y est visible de manière satisfaisante: il mains présentent cependant à Château-Gontier
diminue l’intensité des traits au fur et à mesure un soulignement épais réalisé jusque dans le détail
qu’il les répète. des articulations. Cette manière donne un effet de
solidité à la main de l’archange Gabriel qui ne se
rencontre pas dans celles de Saint-Savin. Là, les
peintres soulignent plus délicatement les contours
30 Paul Deschamps, Marc Thibout, La peinture murale en
et ce, de manière variée. De plus, ils ne dessinent
France. Le haut Moyen Âge et l’époque romane, Paris, Plon, pas toutes les articulations. Lorsqu’ils rayent plus
1951, p. 82-83. ou moins fortement la paume, la fluidité du trait
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 2 7 7
Fig. 8. Saint-Savin-sur-Gartempe, registre inférieur de la retombée nord de la voûte de la nef, la Création d’Ève ( J.-
P. Brouard © CESCM).
donne une grande souplesse à la gestuelle de la elles, le torse proprement dit est obtenu par
main: qu’elle désigne, qu’elle agite un ou deux un cylindre plus ou moins allongé rehaussé
doigts ou qu’elle reste immobile la paume vers par des séries de courbes. C’est à ce niveau que
le haut. Les lumières ajoutent de l’élégance dans la diversité de manière des peintres se repère.
une touche indépendante de la morphologie. Les À Saint-Savin, la singularité des ateliers se révèle
quelques rehauts de lumière subsistant sur la quand on confronte, d’un côté, le corps vêtu de
main du Créateur d’Ève à Saint-Jean-Baptiste par Joseph couvert de traits parallèles souplement
exemple témoignent à l’inverse d’une adéquation peints et illuminés de rehauts blancs et, de l’autre,
formelle à la structure anatomique. le corps du bourreau qui fait tourner la roue du
Toutefois, la souplesse ne s’avère pas être supplice des saints Savin et Cyprien présentant
caractéristique de l’un ou l’autre des deux sites. quelques plis calligraphiques, une répétition
Les corps sont en effet constitués d’une même de traits lumineux parallèles et un épais trait
manière lorsqu’ils sont couverts d’un vêtement sombre délimitant puissamment l’ensemble.
ajusté. Les torses sont élaborés en une addition À Château-Gontier, tandis que la virgule de
d’éléments géométriques. Le ventre est formé l’ovale du ventre délimite l’arrondi supérieur de
d’un ovale se terminant par une pointe en virgule la cuisse, le torse de Noé construisant l’arche est
contournant la hanche. Cette extrémité en virgule structuré par deux traits forts accompagnés de
peut être de nouveau visible dans l’articulation plusieurs autres, plus fins et de la même tonalité
de l’épaule et englobe alors l’omoplate. Entre (fig. 10, pl. 43).
278 c hr i s ti a n dav y
Fig. 9. Château-Gontier, registre supérieur de la retombée occidentale du bras nord du transept, la Sentence de Dieu
envers Adam et Ève, détail (photo de l’auteur).
Ce dernier critère constitue assurément l’une le tout peint dans une seule tonalité (fig. 10-11,
des caractéristiques, voire la « signature », de pl. 43). Il procède de la même manière pour
l’artiste de Château-Gontier. Là où son collègue représenter le sol de la scène, mais il consent
poitevin fait preuve d’un regard réaliste sur la alors à utiliser deux couleurs: rouge et jaune
coque de l’arche en reproduisant le bordage du crème, sans doute pour donner un relief et une
navire avec ses planches et ses clous, il reprend dynamique à l’image grâce à une alternance du
le procédé observé sur le vêtement pour restituer clair et du foncé. Cette tendance à l’abstraction
la coque à l’aide de deux lignes principales vire au géométrisme dans plusieurs scènes du bras
accompagnées de plusieurs autres plus fines, nord du transept. Le motif couvrant composé
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 2 79
Fig. 10. Château-Gontier, registre supérieur de la retombée de la voûte orientale du bras sud du transept, la
Construction de l’arche (E. Michaud © CESCM).
280 c hr i s ti a n dav y
d’un quadrillage en losanges rehaussé de points semblables, mais elles divergent dans les détails,
blancs observable dans la Création d’Adam était ce qui peut alors leur donner une orientation
connu depuis la publication de Marc Thibout, sémantique divergente. Le second tient dans la
et il vient d’être mis au jour dans deux autres concentration de plusieurs temps d’un épisode
images situées sur le mur nord. Le losangé, d’une histoire en une seule image au sein d’un
d’un très bel effet, a été appliqué sur une grande cycle peint dans les deux églises. Alors que ce
partie de l’arrière-plan, inscrivant les deux scènes type d’agglomération a été repéré à deux reprises
dans un contexte spécifique qui les distingue de à Château-Gontier, il fait défaut à Saint-Savin.
l’ensemble des autres scènes placées devant des Ce déséquilibre facilite la perception de cette
bandes colorées ou des fonds monochromes. relation entre créateurs par leurs intentions
Ce type d’occupation des fonds de scène ne se différentes devant des lieux à orner.
rencontre pas à Saint-Savin, si ce n’est dans le La voûte de la nef de Saint-Savin et celle du
contexte très différent de la mandorle du Christ transept de Château-Gontier présentent toutes
en majesté peint dans le porche. deux trente épisodes de la Genèse, relatant
l’histoire de la création du monde et de l’homme,
de la faute, de Caïn et Abel et, enfin, de Noé, mais
L’iconographie entre peintres et treize seulement sont communs aux deux sites.
commanditaires Il s’agit de la création des animaux, de celles de
l’homme et de la femme, puis de la faute, de la
Loin de l’imagerie d’un Grégoire de Tours sentence de Dieu, de l’expulsion, d’Adam et Ève
relatant le cas de la femme de l’évêque Namatius, au travail, de l’offrande de Caïn et Abel32, du
assise dans une église de Clermont, qui, à l’aide de meurtre d’Abel, du reproche de Dieu à Caïn, de
son livre posé sur les genoux, dicte aux peintres Dieu ordonnant la construction de l’arche, l’arche
les images qu’ils ont à réaliser31, la relation entre flottant et, peut-être, du sacrifice de Noé à la sortie
les créateurs spirituels et matériels d’une œuvre de l’arche33. Les destructions qui ont touché les
est difficilement abordable à cause de la rareté deux ensembles réduisent toutefois à trois le
des indices repérables dans les œuvres, mais nombre des scènes utiles à l’étude comparative: la
aussi de la complexité des relations humaines. création d’Ève, l’ordre de construction de l’arche
Même si elle ne permet pas de définir la façon et l’arche flottant sur les eaux du déluge.
dont le commanditaire et le peintre qu’il a retenu Les scènes relatant la création d’Ève dif-
pour ses compétences s’entendent pour choisir fèrent, car les concepteurs n’ont pas choisi le
et organiser les images qui vont concrétiser même moment du récit. À Saint-Savin, la scène
le programme iconographique voulu par le représente Dieu se penchant sur Adam endormi
premier, la comparaison entre les peintures pour lui retirer une côte, la présentation d’Ève
murales de Château-Gontier et de Saint-Savin
apporte quelques éléments de réflexion à cette
problématique. Deux phénomènes en facilitent 32 Les scènes d’Adam et Ève au travail et de l’offrande
de Caïn et Abel de Château-Gontier sont en cours
l’approche. Le premier concerne les images issues d’identification. Leur position induit la présence de
d’une même tradition iconographique. Celles-ci l’expulsion du paradis, voire du don des vêtements et
apparaissent dans un premier temps comme des outils au sein du cycle peint dans le bras nord du
transept. Toutefois, il faut attendre la fin des travaux de
restauration pour en achever l’étude.
33 La disposition des scènes qui suit l’ordre du texte
31 Histoire reprise dans P. Deschamps, M. Thibout, La biblique induit cette séquence dans l’espace vide à
peinture murale en France…, p. 6. Château-Gontier.
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 2 81
Fig. 11. Saint-Savin-sur-Gartempe, registre supérieur de la retombée nord de la voûte de la nef, l’ordre de la
construction de l’arche suivie de l’arche flottant (photo de l’auteur).
et réapparaît en Irlande au haut Moyen Âge par des quadrupèdes et des oiseaux, tandis que
avant d’arriver sur le continent via l’Angleterre, la famille de Noé est placée à l’étage supérieur42.
contrées qui conservent deux images antérieures L’oiseau en vol est le corbeau indiquant que le
à celles qui nous concernent ici. L’une se trouve Déluge n’est pas achevé. À Château-Gontier, le
dans le Poème de Caedmon39 illustré vers l’an concepteur s’éloigne nettement du texte biblique
mil, l’autre dans la Paraphrase d’Aelfric au début en ajoutant un quatrième niveau à l’arche et
du xie siècle40. en figurant uniquement des animaux dans les
Aux variantes qui viennent d’être relevées s’en arcades alternativement couverte d’un arc plein
ajoute une autre qui témoigne davantage d’une cintre et d’un linteau droit. La famille de Noé est
divergence de conception que d’une simple donc exclue de l’arche. Noé, quant à lui, est placé
adaptation locale. Elle tient dans la représenta- latéralement, sous le fronton, pour y accueillir
tion de l’habitat de l’arche et de ses occupants. la colombe. Celle-ci tient dans son bec un brin
À Saint-Savin, le texte de la Bible est respecté à la de végétal, signe de l’achèvement du Déluge.
lettre41. Les deux premiers niveaux sont habités Ces deux images sont symptomatiques de l’effet
provoqué selon le niveau de lecture. Dans un
premier temps, elles apparaissent identiques.
39 Oxford, Bodleian Library, ms Junius 11, p. 66. Elles restent semblables à un premier niveau
40 British Library, Ms. Cotton Claudius B. IV, fol. 14 et 15.
À la même époque, d’autres représentations ornent
leurs navires d’une telle figure de proue: Trèves, Codex 42 Cette disposition n’est pas obligatoire. En effet, la famille
Egberti ou Codex d’Eternach à l’Escorial par exemple. habite le premier niveau de l’arche dans des bibles
41 « … et tu feras un premier, un second et un troisième moralisées. Illustration dans Saint-Savin. L’abbaye et ses
étage de cellules » (Gn, 6, 16). peintures… p. 126.
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 2 83
Fig. 12. Château-Gontier, registre supérieur de la retombée orientale de la voûte du bras sud du transept, l’arche du
déluge (photo de l’auteur).
Fig. 13. Saint-Savin-sur-Gartempe, retombée nord de la voûte de la deuxième travée de la nef, épisodes de Genèse,
état en 2015 (photo de l’auteur).
du récit, le peintre a placé selon la logique de s’arrangeait de cet inconvénient. Au-delà de cette
la lecture de l’écrit l’envol des oiseaux dans la explication matérielle, deux constats permettent
moitié supérieure et l’avancée des quadrupèdes de percevoir non une astuce de peintre, mais bien
représentant les animaux terrestres dans la partie quelques-unes des ambitions du concepteur. Le
inférieure45. Dieu est figuré en pied, il occupe premier met en exergue l’animation des corps.
toute la hauteur de la scène et, de ses bras tendus, Celle-ci est exprimée avec force en étant le ressort
il incite les oiseaux à s’envoler et les quadrupèdes des trois premières scènes de la création peinte à
à s’éloigner de lui. Saint-Jean-Baptiste: incitation des animaux à se
La deuxième image du cycle présente la mouvoir, insufflation de l’esprit à Adam et action
création de l’homme au soir du sixième jour. Elle de dévotion d’Ève envers Dieu au moment même
occupe à elle seule toute la surface équivalente de sa naissance. Manifestement, le corps dans son
à la création des oiseaux et des animaux. La aspect matériel est soumis à des forces supérieures.
concentration a été expliquée par un manque Le second tient dans le lien que noue la première
de place: nécessité faisant force de loi, le peintre scène de la création avec d’autres disséminées
dans l’ensemble du programme angevin. En
choisissant cette entrée insolite entièrement
45 Les reptiles ne sont pas représentés. Cela est également le consacrée aux animaux, le concepteur cherche à
cas dans la mosaïque de Saint-Marc de Venise. atteindre un autre objectif. Une étude sur ce point
L e s p e int u r e s m u r al e s d e S ai n t- J e an-B apt i st e d e Chât e au -Go nt i e r e t d e Sai nt-Savi n-su r-Gartempe 2 85
Fig. 14. Château-Gontier, registre supérieur de la retombée occidentale de la seconde travée de la voûte du bras nord
du transept, la Création des oiseaux et des animaux terrestres, en cours de restauration (photo de l’auteur).
s’avère effectivement à entreprendre lorsqu’est aux bergers où des bovins s’ajoutent aux ovins46.
mise en évidence la présence animale dans les Cette insistance sur l’animal, liée à l’éviction de la
peintures de la prieurale. Outre l’occupation famille de Noé dans l’arche, confère une portée
quasi-exclusive de l’arche par les animaux et la sémantique certaine, non seulement à chacune
scène de leur création, il convient de mentionner des images, mais aussi au niveau du programme.
la présence, rare, d’un quadrupède dans la scène
d’Adam et Ève au travail – dont il faut rappeler
que l’identification n’est pas encore confirmée – et 46 La scène est située dans la chapelle orientée du bras nord
la variété inusitée des troupeaux dans l’annonce du transept.
286 c hr i s ti a n dav y
Manifestement, l’évidence que l’image introduc- La différence des partis pris des concepteurs
tive du cycle de la Genèse témoigne d’une forte des deux programmes se manifeste davantage
implication du commanditaire, ou plus exactement dans la disposition des images, tout au moins de
du concepteur, du programme implique que le certaines d’entre elles. Il est clair que le créateur
peintre possède peu de marge de manœuvre du programme pictural de Saint-Savin répartit
créative en cette circonstance. généralement les images en chapitres cohérents
disposés en fonction des divisions architecturales
de la nef. De plus, il le fait en respectant assez
Les commanditaires et leurs fidèlement le déroulement historique écrit dans
objectifs les livres de la Genèse et de l’Exode. Pour sa part,
celui de Saint-Jean-Baptiste n’hésite pas à s’en
Les messages émis par les concepteurs des éloigner et même à procéder à un rapprochement
programmes sont naturellement déduits de l’étude inattendu à la voûte du bras nord. Là, il rompt
des images, mais aussi de leur organisation. Dans les une suite continue d’environ douze scènes tirées
deux ensembles qui retiennent ici notre attention, le des quatre premiers chapitres de la Genèse en
séquençage des cycles communs permet d’aborder y introduisant une scène isolée du Nouveau
le rapprochement des programmes après celui des Testament47. Il fait en effet voisiner au registre
images. Ainsi, le traitement différencié du cycle de inférieur de la retombée orientale de la voûte
la Création met en évidence qu’au-delà d’un trivial une préfigure vétérotestamentaire du sacrifice
problème de place, il existe une forte différence du Christ, le meurtre d’Abel, avec un équivalent
sémantique du message transmis par les images tiré du Nouveau Testament, le massacre des
peintes aux voûtes des deux églises. L’argument innocents48 (fig. 15). Il intercale juste entre ces
de premier degré d’une quantité différente de deux images une scène de jugement, celle du
surface disponible à peindre peut de fait être reproche de Dieu à Caïn49. L’achèvement de la
repris dans un sens inverse dans le cas du cycle restauration permettra d’aller au-delà de cette
de Noé. À Saint-Savin, le long cycle de soixante simple constatation, mais il apparaît d’ores et déjà
scènes illustrant l’Ancien Testament exposé dans la qu’un « nœud iconographique » a été conçu en
nef consacre huit scènes à l’histoire de Noé. Dans cette zone50. En effet, Hérode y est doublement
ce cycle, est pourtant omis l’épisode situé entre présenté assis sur son trône ordonnant le massacre
l’ordre donné à Noé de construire l’arche et l’arche d’une part et invitant les Rois Mages à aller
flottant sur les eaux du déluge: la construction voir l’Enfant et de revenir lui en rendre compte
du navire (fig. 10), alors qu’à Château-Gontier, d’autre part. Si cette dernière est bien placée
celle-ci est bien incluse dans un cycle réduit à cinq
scènes (fig. 11). Ce dernier respecte le déroulement
historique et une tradition iconographique repérée 47 L’approximation du nombre provient de l’incertitude liée
dans la Genèse Cotton. Ces choix différenciés aux destructions.
sont interprétables différemment selon que l’on 48 L’épisode du massacre des enfants mâles des Hébreux
par Pharaon (Ex 1, 22) pourrait être évoqué ici, mais
s’attache au point de vue du commanditaire ou deux éléments ne vont pas dans ce sens. L’un tient à la
à celui du peintre. Ils correspondraient, dans nature de la mort par noyade ordonnée par Pharaon
le premier cas, à des volontés de construire – dont Moïse sera sauvé –, l’autre par le fait qu’une
visuellement des messages distincts et, dans le représentation de cette scène n’a pas été pour le moment
repérée.
second, à des prises en compte divergentes des 49 Dans la mesure où la scène très dégradée est mise en
modèles dans le cadre de commande peu précise parallèle avec son équivalent de Saint-Savin.
de la part du commanditaire. 50 L’expression est de Jérôme Baschet.
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Fig. 15. Château-Gontier, registre inférieur de la retombée de la voûte de la première travée de la voûte du bras nord
du transept, le Massacre des innocents: schéma révélateur (dessin de l’auteur).
Fig. 16. Château-Gontier, mur nord du transept. La Déposition de croix, en cours de restauration (photo de l’auteur).
peut être proposé. Il rapproche les représenta- cycle se déploie au registre supérieur de la voûte
tions de la Création, du Déluge et de la Fuite dans un mouvement tournant. Celui-ci débute à
d’Égypte52. Ces trois moments constituent le l’extrémité ouest pour venir à l’est, puis s’oriente
thème de trois des quatre lectures faites lors vers la croisée de transept avant de repasser
de la célébration de l’eau au cours de la veillée au côté ouest pour aboutir à proximité de la
pascale. Si cette interprétation s’avère juste, une première scène: une boucle est ainsi bouclée.
liturgie ambulatoire pourrait être envisagée. En Si sa durée est mise en parallèle avec celle de la
effet, la première lecture, consacrée à la création, lecture, un temps de stationnement doit alors
s’effectue dans le bras nord du transept. Là, le être respecté. La deuxième lecture est consacrée
à la délivrance du peuple hébreux et sa conduite
vers la terre promise. Les images correspondantes
52 Le fragment retrouvé lors de la restauration du bras sud sont placées au registre inférieur de la voûte
en 2015 au registre inférieur de la retombée orientale de du bras sud. Malgré les destructions, l’ordre
la voûte dans la première travée peut correspondre à un de lecture permet d’évoquer un sens circulaire
élément de la scène de la noyade des troupes de Pharaon
dans la mer Rouge. La comparaison avec la scène de
identique à celui précédemment vu au nord. Par
Saint-Savin et la proximité de la fuite des Hébreux sa nature symbolique, l’histoire du Déluge peut
autorisent à proposer cette hypothèse. être considérée comme le thème de la troisième
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Fig. 17. Château-Gontier, registre supérieur de la voûte du bras sud du transept, le sens de lecture (photo de
l’auteur).
lecture consacrée au baptême. Elle est contée en garde le peuple de Dieu de ne pas retomber
au registre supérieur de la voûte du bras sud. dans le péché. Les destructions ne permettent
Comme les précédents cycles, elle se lit en boucle pas de rapprocher des images en lien direct avec
à partir du côté ouest de la seconde travée, puis ce thème, à moins d’envisager la séparation des
à l’est avant de se transférer dans la première élus et des damnés peinte sur le mur sud du
travée et de revenir à l’ouest au voisinage de la transept comme son illustration.
première image (fig. 17). La quatrième lecture met
Kai Christian Ghattas
Movement always has been one of the most connection between external movement and
interesting and intriguing experiences in human inner attitude also fascinates the scholars: in a
life. In the late eleventh and even more in the new type of text, the consuetudines monasticae,
twelfth century, movement and, in the context the control of one’s limbs becomes an important
of the doctrine of forms, the classification of element of novitiate education; it is considered
different degrees of movement were essential to shape the body and, through it, the novices’
topics among scholastic philosophers. In the inner being.3 At the same time, the idea of the
context of transubstantiation, for example, body as machina corporea, which transmits
Alanus ab Insulis and later Petrus Lombardus forces according to the mechanical principles
discuss accidental and substantial changes and of inanimate bodies, becomes more and more
the Aristotelian question on how to categorize established.4
the movement of a human soul within physical Today, more than 800 years later, we use
space.1 Thierry of Chartres derives body qualities devices that recreate a realistic illusion of move-
such as ‘heavy’ and ‘light’ from the order of ment right before our eyes: Starting with the
movement of the elementary particles.2 The nineteenth century’s illusionary toys, the moving
pictures have developed into twenty-first century’s
industry of 3D-cinema, HD Television, video
1 See Matthias Baumgartner, Die Philosphie des Alanus de games, and recently virtual reality headsets. These
Insulis im Zusammenhange mit den Anschauungen des 12. devices take advantage of the inertia of the eye,5
Jahrhunderts, Münster, Aschendorffsche Buchhandlung,
1896; see also Johannes Nepomuk Espenberger
(1901), Die Philosphie des Petrus Lombardus und ihre 3 See Jean-Claude Schmitt, Die Logik der Gesten im
Stellung im 12. Jahrhundert, Münster, Aschendorffsche europäischen Mittelalter, Stuttgart, Klett-Cotta, 1992,
Buchhandlung, 1901 (Beiträge zur Geschichte der p. 222.
Philosphie des Mittelalters Bd. 3, Heft 5); see also 4 Ibid., p. 224 f.
Aristoteles, De anima, III 12, 434b-435a. 5 From about 14 to 16 images per second, the human
2 See Kurt Flasch, Das philosophische Denken im Mittelalter. brain perceives successive images as a moving (but not
Von Augustin zu Machiavelli, Stuttgart, Reclam 1986, necessarily smooth) scene, which is why in the early days
p. 233-234. of moving pictures the frame rate was set at 16 images
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 291-314
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118930
292 ka i c hr is tia n g h at tas
which trick the spectator into perceiving those To develop an understanding of how the
movements as being “real” and into feeling them Saint-Savin paintings may have captured the
as if they were the person performing them. spectator’s eye and body, we will first analyse a
However, the human brain and body do modern example and discuss how, from a modern
not need to be exposed to a seemingly realistic perspective, this effect is rooted in the neuronal
movement to have a kinesthetic experience: They capacity of the human body and brain. We will
are perfectly able to create these experiences then turn to antique and medieval concepts on
without any technical devices. human perception to discuss how the images of
This essay aims to show that the pictures of Saint-Savin facilitate the experience of motion in a
Saint-Savin can be considered to belong to a spectator to animate the depicted content, before
group of medieval artefacts, which use the human then analysing the different visual techniques in
capacity to reanimate the feeling of movement the paintings of Saint-Savin.7
in a spectator’s body and in doing so potentially
animate the depicted scenes.6
The ideomotor effect, muscular
echoes, and lines that lead the
per second. With the introduction of the sound film, the imagination
frame rate was set to 24 images per second, and today
the frame rate will range from 24 in the movie theatre Twentieth-century neurophysiological
to 240 frames per second in modern computer games.
Each image is a little different from the one before. While
research has shown that the neuronal structures
watching a movie the sequence of these different phases of of the human brain lead our bodies to imitate,
a movement creates full motion. However, to enable the on a micro-muscular level, movement which we
human eye and brain to create this illusion, each picture perceive – regardless of whether this movement
must be separated from the next one by an interruption,
is performed by a human being or an animal. This
e.g., moment of blackness, to prevent the two images
from blurring into each other, see Christian Mikunda, capacity has been described as the ideomotor
Kino spüren. Strategien der emotionalen Filmgestaltung, effect, and it allows us to detect movement, to
München, Filmland Presse, 1986, p. 88. estimate it, but also to anticipate it. Research has
6 Alongside, for example, the eleventh-century Tapestry of also shown that this is equally true for motions
Bayeux. Later artifacts like the early thirteenth century
Bible Moralisée Codex Vindobonensis 2554 still use
that we imagine. In both cases, the neuronal
these techniques, some of them being similar to those structures of the human brain create a muscular
which can be found in the paintings of Saint-Savin, see echo of the respective movement in the human
Footnote 43, others being specifically tailored to the body.8 To say it differently: The kinetic energy of
medallion-form providing a circular frame to the scenes
in the Bible Moralisée. For a detailed analysis of the
motion, which is created on a micro-muscular
strategies used in the Tapesty of Bayeux or the Bible level through the ideomotor effect, feedbacks to
Moralisée Codex Vindobonensis 2554 see Kai Christian
Ghattas, Rhythmus der Bilder. Narrative Strategien
in Text- und Bildzeugnissen des 11. bis 13. Jahrhunderts, 7 My thanks go to Marcello Angheben for giving me
Köln, Weimar, Wien, Böhlau, 2009 (Pictura & Poesis the opportunity to analyse the paintings from the
26), p. 129-147; for an analyses of additional scenes of perspective of rhythmic strategies and for the fruitful
the Tapestry of Bayeux see Kai Christian Ghattas, conversations about the paintings of Saint-Savin.
Stratégies narratives rythmiques au Moyen Âge. Animation 8 See M. A. Arbib, G. Rizzolatti, «Neuronal
du mouvement dans la Tapisserie de Bayeux, in: Sylvette Expectations: a possible evolutionary path from manual
Lemagne, Shirley Ann Brown, Gale Owen-Crocker skills to language», Communication and Cognition 29,
et al., L’invention de la tapisserie de Bayeux. Naissance, Gent, Rijksuniversiteit te Gent, 1997, p. 393-424. An in
composition et style d’un chef-d’oeuvre médiéval, Bayeux, depth discussion of the commonalities between the
2009, p. 149-165. finding of modern cognitive sciences and medieval
re ani mat i ng t he scrip ture 2 93
Fig. 1. Scott McCloud, drawing, two panels of a baseball player hitting the ball.
the brain and evokes a sensory perception, i.e. to his left, and the bat is now positioned at the
a kinesthetic impression, of movement. end of the extended arms on the left side of his
Two panels of a baseball player at the moment body. The ball is no longer visible. The baseball
of the tee9 will help us to understand the principle player’s upper body and his shoulders are twisted
of this effect (fig. 1). In the first panel, a ball indicating a significant muscle tension. Physical
is depicted entering from the left and – so it experience proves that such an intense build-up
seems – flying towards the batsman. The player’s of kinetic energy needs to be relieved sooner
bat is resting on his right shoulder; he is looking or later.
at the ball. In the second panel, the player has While looking at the second panel a reader
already knocked the ball off. His body is turned will likely feel this tension or an echo of it on a
muscular level. The muscular echo in the reader’s
body triggers their10 knowledge of the baseball
theories of perception and rhythm can be found in
K. Chr. Ghattas, Rhythmus der Bilder…, p. 21-62 and
p. 84-91.
9 The picture is taken from Scott McCloud, Comics richtig 10 In this essay I will use the neutral, non-gendered pronoun
lesen, Hamburg, Carlsen, 1994, p. 78. “they”, when referring to a possible spectator.
2 94 ka i c hr is tia n g h at tas
player’s need to relax his body and may lead them movements are little they add an additional
to imagine the moment of relaxation which is kinetic stimulus to the reader’s muscles.
not part of the depicted scene anymore. The second panel uses a very similar tech-
But there are also other lines which impact nique: The bold lines take up most of the space
on the reader’s muscle memory and imagination: on the left side of the panel, hence allowing
In the first panel, lines originating in the top left the imaginary ball only to “leave” through the
corner and the centre of the border point towards blanc middle part. The lines’ shape adds to this
the baseball player. When virtually extended effect: while being very pointy in the middle of
through the blanc space they cross each other the picture, they grow until they form tiny balls
on the batsman back or behind it. As a result, a close to the panel’s border, hence creating a visual
reader who follows the path of lines further will echo of the ball. In the area where the player’s
end up on the baseball player’s upper body – and bat touched the ball, the spacing of the curved
will be very likely to experience this process in lines equals the size of the ball as shown in the
their imagination as picturing the ball landing first panel, hence calling up the visual memory
in the same spot. of the ball.
By following the lines, readers enable their All these lines together activate the reader’s
imagination to “see” the ball flying towards physical memory – and through that the reader’s
the player through the kinesthetic impression imagination. By reanimating kinetic impulses on
that the lines evoke. Imagining the moving a micro-muscular level, they allow the reader
ball also triggers, according to the ideomotor to transform the frozen action into the baseball
effect, a physical, muscular echo of the imagined player’s movement, by feeling it as a kinesthetic
movement in the reader’s body. This muscular echo in their body.
echo then reinforces the reanimation of the
reader’s physical memory.11
Movement is not possible without time Antique and medieval theories of
passing and body parts shifting in space. Moving perception, horses maintaining
the eye from one spot on the panel to another is equilibrium and the creation of Eve
a process that happens within lived time.12 Even
if this time span is almost unnoticeable and the Antique and medieval theories of memory,
perception, and cognition describe the structure
and capacity of the human brain and memory
11 Reanimation of motion, therefore, differs from a in a way that is quite similar to the experimental
„representation of motion” in so far as it does not require
findings related to the ideomotor effect.13 According
the depicted movement to be exactly in line with a real
movement of the same kind. Instead, as long as it shows to Aristotle and Augustine, as well as medieval
the key ingredients of the respective movement which scholars like Richard of St Victor, the human
stimulate the body memory of a spectator, a painting can
reanimate the experience of movement.
12 The term “lived time” refers to the time that passes as the
spectator breathes, looks at the painting and experiences 13 For a much more detailed analysis of antique and
the visual strategies impacting them. This lived time medieval concepts of memory, perception and
cannot be measured externally, and the experience can cognition and a theory of rhythm see K. Chr. Ghattas,
be very subjective in regards to its lengths; however, Rhythmus der Bilder…, p. 34-62. For an analysis of
a spectator will always be subjected to the passing of rhythm as a key factor of of medieval life and the
lived time as indicated by physical processes like their medieval understanding of the world see also: Jean-
breathing, their heartbeat, and their changing muscle Claude Schmitt, Le rythme au Moyen Âge, Flammarion,
tension. 2017.
re ani mat i ng t he scrip ture 2 95
memory is the result of different movements emphasizes the connection between the material
within the ventricles which are located in a person’s world and the process of recollecting:
brain. Hence, the process of remembering is
considered as the non-extinguished movement […] recollections occur when a particular
of the mind, which is based on former bodily movement naturally follows another particular
experience and, in the process of recollecting, movement: if it happens by necessity, then
returns to a person’s thoughts and their sensory it is clear that, when you are moved by the
perception.14 Aristoteles, as well as Augustine, former, you will also be moved by the latter;
but if it does not happen by necessity, but by
habit, you will normally be moved.15
14 See Aurelius Augustinus, De musica. Bücher I und
IV. Vom ästhetischen Urteil zur metaphysischen
Er-kenntnis, Lateinisch/ Deutsch, eingeleitet, übersetzt While the objects of perception move in a
und mit Anmerkungen versehen von FrankHentschel, steady flow from the memoria into the anterior
Hamburg, Meiner, 2002, VI 8, 22; in addition, see ventricles of the brain and thereby become again
also ibid. VI 11, 31; see also Richard of St Victor, sensually tangible, the imaginatio synthesizes
“Benjamin Maior, I, 3, 4 und 6”, Mittelalterliches
Kunsterleben nach Quellen des 11. bis 13. Jahrhunderts, ed. the imagination, the phantasma. The phantasma
G. Binding und A. Speer, Stuttgart, Frommann 1994,
p. 101-115, here 66D (p. 103) and 67A (p. 105).
The objects of our imagination have been considered
since antiquity as “objects of perception, but without
matter”, see Aristoteles, De Anima, III 8, first abesset a corpore”). See also Mary Carruthers, The
translated into Latin around 1150 by Jacobus Venetus. Book of Memory. A Study of Memory in Medieval Culture,
Or, as Augustine puts it more poetically: “I speak of the Cambridge, University Press 1990, p. 29: “It is apparent
image of the sun, and it is present in my memory, and from the metaphors they chose to model the processes
I do not get the image of the picture but the very thing of memory and perception that the imagines were
itself ”, see Augustinus, Confessiones, X 15, 23 (“Nomino thought in some way to occupy physical space. They are
imaginem solis, et haec adest in memoria mea; neque enim ‘incised’ or ‘stamped’ into matter, they are ‘stored’ and
imaginem imaginis eius, sed ipsam recolo”). Augustine can be re-called or reconstructed by means of memorial
continues: “I speak of physical pain, and it is not present storage. And because each memorial phantasm is in
to me, when there is no pain. Yet if there were not some some way physically present in the brain, it can be given
such image of it in my memory, I could not even speak a particular ‘address’ during the process of memory
of it, nor should I be able to distinguish it from pleasure storage, associations that will ‘send’ recollection to
in an academic conversation. I speak of bodily health it. Whatever the physical memory image may be, it is
when I am healthy, and the thing itself is indeed present clearly in part material”. Independently from the ars
in me. At the same time, unless there were some image memorativa twelfth century scholars like Richard von
of it in my memory, I could not possibly call to mind St Viktor point to the likeness of internal and external
what the sound of this name signified. Nor would sick perception as being a paradigm for human cognition,
people know what was meant when health was named, see Jospeh Ebener, Die Erkenntnislehre Richards von
unless the same image were preserved by the power of St Viktor, Münster, Aschendorffsche Buchhandlung 1917,
memory, even though the thing itself is absent from p. 19-20 (Beiträge zur Geschichte der Philosphie des
the body”, see Aurelius Augustinus, Confessiones, X Mittelalters Bd. 19, He 4).
15, 23 (“Nomino dolorem corporis, nec mihi adest, dum 15 Aristoteles, Aristotle on Memory and Recollection, 451b,
nihil dolet; nisi tamen adesset imago eius in memoria 10-14: “συμβαίνουσι δ‘ αἱ ἀναμνήσεις ἐπειδὴ πέφυκεν
mea, nescirem, quid dicerem nec eum in disputando a ἡ κίνησις ἥδε γενέσθαι μετὰ τήνδε· εἰ μὲν ἐξ ἀνάγκης,
voluptate discernerem. Nomino salutem corporis, cum δῆλον ὡς ὅταν ἐκείνην κινηθῇ, τήνδε κινηθήσεται· εἰ δὲ
salvus sum corpore; adest mihi quidem res ipsa; verum μὴ ἐξ ἀνάγκης, ἀ ’ ἔθει, ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ κινηθήσεται”. For
tamen nisi et imago eius inesset in memoria mea, nullo the English translation see David Bloch, Aristotle on
modo recordarer, quid huius nominis signi caret sonus, nec Memory and Recollection. Text, Translation, Interpretation
aegrotantes agnoscerent salute nominata, quid esset dictum, and Reception in Western Scholasticim. Leiden, Boston,
nisi eadem imago vi memoriae teneretur, quamvis ipsa res Brill, 2007, p. 39 (Philosophia Antiqua 110)
296 ka i c hr is tia n g h at tas
has a similar sensual presence as the underlying front legs are raised; the hind legs balance their
memories and the real experience.16 weight. The muscular resonance created by the
Therefore, if two sensory experiences are positioning of the horses’ bodies allows a spec-
inextricably linked, then the second will, according tator to anticipate the next moment: especially
to Augustine, follow the first and the person a spectator, who is surrounded by horses and
will inevitably recall it.17 If two movements are has been observing them in everyday life, will
habitually linked to each other in a person’s know what must happen next: their front legs
everyday life experience, it will be likely but will stretch and lower and their hind legs will
not certain, that the person will think of and be pulled under their belly; both movements
physically resonate with that second movement.18 inevitably follow the phase of movement depicted
The visual techniques that can be found in the in the painting. As the depicted phase of the
paintings of Saint-Savin reference the antique and movement and the next phase of the movement
medieval understanding of the capacity of human are linked with each other by habit, it is, according
memory. The scene on the north side of the nave, to Aristotle and Augustine, very likely that a
for example, which depicts the crossing of the spectator’s imagination will create, based on
Red Sea, uses the bodily memory of observing the recollection of body memory, a phantasma
horses maintaining their equilibrium. of horses jumping forward.
The Egyptian cavalry is facing the towering But even a less observant spectator will feel a
waves which will soon submerge them (fig. 2, muscular echo of the depicted muscular tension
pl. 39). The horses in the first group, on the left – thus animating the painting by reanimating
side of the painting, are jumping forward: their the spectator’s physical experience through the
ideomotor effect – and this muscular echo will tell
them, that the depicted position inevitably forces
16 See Augustinus, De musica…, VI 11, 32: “[…] cum
the horses to move. The painting hence invites
sibi isti motus occursant et tamquam diversis et
repugnantibus intentionis flatibus aestuant, alios ex the spectators via its impact on the spectator’s
aliis motus pariunt, non iam eos, qui tenentur […] body and memory to intrinsically experience the
impressi de sensibus, similes tamen tamquam imaginum full movement in their imagination, a movement,
imagines, quae φαντάσματα dici placuit (Now, when which can only be presented as a snapshot on
these movements clash and effervesce as a result of their
opposing and incompatible intention, they produce
the wall.19
other movements, but not those anymore that are stored The narrative capacity of this technique
as sensory impressions [in the memoria], but others becomes even more apparent when looking
which are similar to them, as if they were images of at the horses pulling a chariot20 (fig. 2, pl. 39).
images, commonly called φαντάσματα (phantasma)”.
[translation into English by K. Chr. Ghattas] The
difference between phantasia and phantasma, is
related to the degree of experienced reality they entail. 19 The posture of the horses, as depicting one phase of a
Augustine, for instance, gives the example of his father: movement, reminds of the horses in the Tapestry of
he knew him in person and therefore when he now Bayeux. However, there, almost every horse depicts
pictures him in his mind, he sees a phantasia: a picture another phase of the movement, hence allowing a
based on the actual memory of the living person he spectator to add up the single phases to a sequence
knew. However, when imagining his grandfather, who and by doing that to experience the full motion while
died before he was born, Augustine needs to create the walking along the tapestry, see footnote 6. The paintings
image from his memories of various members of his of Saint-Savin, lacking the space, rely even more on the
family, thus creating a phantasma of his grandfather. spectator’s active body memory.
17 See Aurelius Augustinus, De musica…, VI 8, 22 und VI 9, 20 The painting has turned the chariot of the Egyptian
24. cavalry into a cart, a phenomenon which will be
18 Ibid. repeated in the thirteenth century Bible Morialisée. In
re ani mat i ng t he scrip ture 2 97
Fig. 2. Saint-Savin, painting in the nave, Crossing of the Red See, Egyptian cavalry and Egyptian chariot ( J.-P. Brouard
© CESCM).
Facing the towering waves the horses rear up; the serpent does not wait long to perform the first sin:
longitudinal axis of the car is tilted backward; its According to early scholastic scholar Honorius
wheels no longer touch the ground. As described Augustodunensis six hours of the world’s time
by the ideomotor effect, the depiction of the horses had passed when God created Eve, and only
triggers a muscular resonance in the specta- an hour later she gave the fruit to Adam.21 The
tor’s body. As a reaction to their own physical paintings include this downfall already in the
experience, a spectator may either imagine the creation of man.
horses rearing up even more and possibly losing The scene does not depict the actual creation
their balance. Or they may imagine the horses but rather it’s beginning: God bends over the
moving forward, as neither horses nor the cart sleeping Adam, from whose rib he will create
can remain in this unstable moment of motion Eve. The painting is characterized by a subtle
very long. The positioning of the horses and the dynamism: God is lifting Adam. The arm with
cart offers both possibilities, making the scene which God holds Adam is bent at the elbow,
even more intense by evoking two possible indicating the weight it has to lift. God’s hand
and contradicting kinesthetic impulses in the has grabbed Adam’s arm so firmly that his thumb
spectator’s imagination. touches the index finger. Adam’s body is bent
Another example of the narrative power of heavily backward, his knees are bent as well,
this visual technique is the creation of Eve (fig. 3, and his feet cannot carry the weight of his body.
pl. 30-31). Eve who lets herself be seduced by the The kinesthetic impulse is increased by the fact
that all the figures in the adjacent scenes stand
upright and only their hands imply a motion when
the version of Oxford the cart full of Egyptian soldiers pointing towards each other. The information
will be even pulled by two oxen, see Yves Christe, given on a muscular level is that the position
“Les peintures murales. Les sources iconographiques:
porche, tribune, nef, transept et chœur, crypte”, in Saint-
Savin. L’abbaye et ses peintures murales, ed. R. Favreau,
Poitiers, Connaissance et promotion du patrimoine de 21 See Kurt Flash, Eva und Adam: Wandlungen eines Mythos,
Poitou-Charentes, 1999, p. 132. München, C.H. Beck, 2004, p. 42.
298 ka i c hr is tia n g h at tas
Fig. 3. Saint-Savin, painting in the nave, God creating Eve ( J.-P. Brouard © CESCM).
of Adam’s body is that of a body falling, if not hence the first lethal crime. It has been noticed in
upheld by God. The falling body of Adam also the past that the painting of Saint-Savin depicts
references the future fall of man: Eve and Adam the murder in a very violent way.23 My thesis for
will eat the fruit of knowledge of good and evil the next chapter is that the visual rhythms created
and as a result of this first sin, God will ban them by the lines of Cain’s garment are a crucial element
from paradise. The kinesthetic impulse given by for generating that impression in a spectator.
Adam’s body allows a spectator to intrinsically
sense the future fall of man even before the
creation of Eve is completed. At the same time the The Order of rhythms and the
hand of God, which prevents Adam’s body from animation of the Scripture
falling, may be experienced as a sign of the grace
of the creator – as the grace of God, according Paintings, literature or music that are perceived
to Augustin’s doctrine about the original sin, is as being rhythmic apply strategies that expose
the only way for humankind to be redeemed.22 the body to a reiteration of similar elements,
But the fall of man does not end with the fall of hence increasing the body’s response to the
Adam. Adam’s son, Cain, commits fratricide and sensory impression. Through reiteration these
22 See Aurelius Augustinus, De doctrina christiana I, 25. 23 See Y. Christe, “Les peintures murales…”, p. 122.
re ani mat i ng t he scrip ture 2 99
elements or objects become more intense than and emotional reaction that is attached by habit
usual, thereby making them particularly accessible and experience to the movement we perceive.27
to an audience’s sensual perception. As long as In this sense, according to Augustin, every
these elements are similar to each other, they experience of rhythm is created by the attention
may create a rhythm by allowing a spectator to that similar elements, experienced in lived time,
perceive them as being linked together in space draw towards them through the resonance and
and also in the spectator’s lived time.24 the recognition with which the listener’s or
The most important factor in all the antique spectator’s body reacts to them.
and medieval theories of rhythm is the absence of This effect can be used for dietetic purposes:28
the modern imperative of equity.25 For Augustine, While experiencing a harmonious rhythm the
it is evident that the similarity between sounds,
movements or shapes creates a rhythm and that
these rhythm will create a rhythmic movement hierarchically according to their proximity to the divine
in our body that resembles the one we perceive. order. From the closest rhythm of the divine to the
In Augustine’s categorisation of the different rhythm, which is based most strongly on the material
experience, Augustine categorises rhythms in (1) judicas,
kinds of rhythms these are called occursores and (2) progressores, (3) occursores, (4) recordabiles, and
they are the response of the soul to corporal (5) sonantes. The latter include movements produced
rhythms or those rhythms that surround us; they by our body, but also those we produce in our mind
are a phenomenon of resonance that reproduces or imagination, with our inner ears or eyes or our
muscular system, without expressing them externally.
movement, makes the passing of time tangible The progressores are movements of a certain order that
and, at the same time, can lead to a reactive we perceive in our environment. The occursores are
emotion.26 It will continuously create a physical the response of the soul to the progressores or corporal
rhythms; they are a phenomenon of resonance that
reproduces movement and, at the same time, can lead
to a reactive emotion. This bodily resonance creates the
24 Spectators, who are experiencing a rhythm, focus their recordabiles, which are movements that we store in our
attention for a small time on each element. The spectator memory. The judicas refer to the capacity of the human
does not need to be fully aware of the time passing body to perceive movement, to classify it through
during the act of perception, but it is only through these sensory perception and to physically feel the similarities
experiences of passing time that the similar elements between different movements.
create a rhythm. In the fourth century bc Aristoxenos 27 As elaborated on in antique and medieval mnemonic
of Taranto, a disciple of Aristotle, therefore formulates theories, see footnote 12 of this essay.
a definition of rhythm which will be used for centuries: 28 The antique and subsequent medieval conceptions of
Rhythm is an “order of time”, which becomes tangible rhythm focus on its universal effects on the human
as an audible, visible or tactile movement. Via Boethius soul and affects, and how these can be utilized for
this definition finds its way into the Middle Ages, see dietetic purposes; as a diet, so to say, to heal body
Boethius, De institutione musica, V 3, 355 (Anicius and soul. The rhythms of ritual dance, for instance,
Manlius Severinus Boethius, De institutione musica. represent, according to Plato, the absolute and their
Fundamentals of Music. Translated, with Introduction dietetic purpose is to bring the human motion back to
and Notes by C. M. Bower. Ed. C. V. Palisca, New its original perfection and grace. But rhythms, which
Haven&London, Yale University Press, 1989. break away from the harmonious pattern of equal
25 For an overview of modern concepts of metre and rhythm proportions can also represent and create licentiousness,
and their difference to antique and medieval concepts hubris, rage and other evils. But as the soul – according
of rhythm, see K. Chr. Ghattas, Rhythmus der Bilder…, to the antique philosopher and subsequently the late
p. 21-62. antique and medieval Christian scholars – strives
26 Antique and medieval cognitive theories reflect a lot towards harmony and perfection which it originated
about the perception of rhythms. Augustine, whose from, the soul will also love rhythmic harmony as it is
thoughts on rhythm are the most elaborate, divides a reflection of the original harmony, see e.g. Aurelius
rhythms into five categories, which he then orders Augustinus, De musica…, VI 10, 27-28 und VI 13, 38.
3 00 ka i c hr is tia n g h at tas
Fig. 4. Saint-Savin, painting in the nave, Cain killing Abel ( J.-P. Brouard © CESCM).
soul, who is usually distracted by the material create turmoil in the soul and should, therefore,
world, recalls, according to Plato and Augustine, be avoided.29
the harmony she originated from. Hence acoustic Cain’s fratricide certainly is one of the stories
or visual rhythms can take the audience’s eyes depicted in Saint-Savin which is predestined to
and ears off the temptations of the world, to create turmoil in a spectator’s soul (fig. 4, pl. 34).
turn their souls towards the divine order, which The first eye-catching strategy is the use of stored
is theirs to strive for. Equally, non-harmonious kinetic energy in all elements which are, so to say,
rhythms, the ones which do not show harmonious being frozen in movement: The right bottom of
proportions or which interfere with each other, can Cain’s cape, which would typically hang down
on the right side of his body, is flying high in
the air, its ham being in line with Cain’s head.
The tip of his club which is touching the falling
Abel’s head undoubtedly will move further down
The dietetic effect of the intermodal manifestation as the spectator is watching the moment when
of sensually perceivable order remains a paradigm, the club slams on Abel’s head. Abel’s open hands
see e.g. Isidori, Etymologiae, III, 17, 1-3 (Isidori
Hispalensis Episcopi, Etymologiarum sive originum. and fingertips, which are depicted directly below
Libri XX. Recognovit brevique adnotatione critica his head, show towards the ground and hence
instruxit W. M. Lindsay. Tomus I, Libros I-X continens.
London, Oxford University Press American Branch 1911)
and Cassiodor, Institutiones, II 5,9 (Cassiodorus,
Institutiones. Book II, Chapter V, Translated by Helen 29 For more details, see Aurelius Augustinus, De musica…,
Dill Goode and Gertrude C. Drake, Colorado Springs, VI 11, 33; VI 13, 37; VI 13, 39-40 and K. Chr. Ghattas,
Colorado College Music Press 1980). Rhythmus der Bilder…, p. 34-51.
re ani mat i ng t he scrip ture 301
draw the spectator’s eye further down, in the of the Abbey of Sain-Savin had many reasons to
direction of the fall. emphasise the curse of Canaan, as the narrative
In addition to the stored kinetic energy, the was commonly referenced in theological treatises
painting of Saint-Savin uses the lines of Cain’s and commentaries as well as in chronicles and
cape to transmit kinesthetic impulses to the catechism.30 Beginning with fourth century’s
spectator: The drapery of the cape is depicted theologian Ambrosiaster, who was believed
through lighter and darker triangles, which evocate to be St Ambrose of Milan during the Middle
the impression of a three-dimensional gathered Ages, this narrative has been used by Christian
cape. However, as they are clearly distinguishable exegetes to explain the existence of slavery, which,
by a bright edge line, these triangles can also be as mankind had initially been created equal by
perceived as a two-dimensional pattern, which, God, they were compelled to grapple with.31
for a spectator looking along them, may create Approximately half a century later Augustine’s
a visual rhythm of alternating light and dark theology strengthened the connection between
elements. The spectator is invited to follow that sinfulness and servitude further, again referencing
rhythm and in doing so becomes exposed to the Canaan’s curse as its root32 and this connection
bright edge line, which by itself creates a second remained consistent throughout the Middle
rhythm: Up and down, up and down – a rhythm Ages. However, around the year 1100 Honorius
that incorporates the movement of the striking Augustodunensis added another, very important
arm manifold. Similar to the drawings of the layer to the narrative: he took the Ambrosiaster
baseball player, the lines dynamize the gaze of tradition and used it in his treaty Imago Mundi
the spectator and, by that, adds kinetic energy to explain the existence the free (in liberos),
to the depicted scene. nobility (in milites) and the servile (in servos),
The muscular echo of the imagined movement the latter deriving from Ham, by that making
of Cain’s arm is reinforced by the lines of the cape: the curse of Canaan the key narrative for the
The curved lines create a visual equivalent to an medieval system of estate.33
arm swinging back in a curve to gain momentum
and forth again, as Cain’s arm must have done
when raising the stick over his head to strike
Abel. Along the cape and up to Cain’s shoulder, 30 See David M. Whitford, The Curse of Ham in the Early
light lines run almost parallel in alternation with Modern Era: The Bible and the Justifications for Slavery,
darker pieces of fabric. Those lines are interrupted London, Taylor & Francis 2017, Footnote 50, p. 33:
by the outer right edge of the mantle, which „Almost all medieval and early modern catechisms were
organized in a simple and easy-to-remember question-
connects the triangles of the gathered lower part
and-answer format. In this case, the question is asked,
of the mantle with the striking arm of Cain. The “From whence comes servitude? [Unde sunt servi?]”
cape’s lines and the different rhythms they can to which the student replied, “De Cam”. The popularity
create, cross and interrupt each other and pull of the connection between Ham and servitude in
the spectator’s eye in many different directions. catechisms was widespread. Versions of it can be
found in France, where it is included in a collection of
Hence, they potentially create a variety of visual Interrogationes de fide […]”.
rhythms that are not ordered but rather chaotic 31 See D. M. Withford, The Curse of Ham in the Early
and which invite the spectator to experience the Modern Era…, p. 31.
horror of the scene with their own body. 32 See Aurelius Augustinus, Vom Gottesstaat (De civitate
Dei): Vollständige Ausgabe in einem Band Buch 1 bis 10,
A variation of this visual technique can be Buch 11 bis 22, München, dtv, 2007, here IX, 15.
found in the scene where Noah curses Canaan 33 See D. M. Withford, The Curse of Ham in the Early
(fig. 5). The creators of the painting in the nave Modern Era…, p. 34.
302 ka i c hr is tia n g h at tas
Fig. 5. Saint-Savin, painting in the nave, Noah cursing Canaan ( J.-P. Brouard © CESCM).
In the painting of Saint-Savin, Canaan stands painting evokes this detail of the story by the
on the left, in front of a sandy yellow background, subtle prominence with which the lap, the most
separating him and Noah, who holds his arm in a significant part of a man’s nakedness, is depicted.
firm grip, from the two figures on the right. The Canaan’s left arm is being pulled by Noah’s
scene, where Noah was found naked in his tent grip to the left, his right hands arm and his head
by his son Ham, Canaan’s father, is not depicted. follow in the same direction. Canaan’s right hand
However, the audience knows what happened: points towards Noah. Canaan’s upper body leans a
Instead of covering his father’s body, Ham left the bit to the left as well, indicating the strength of his
tent and informed his brothers, who then took grandfather’s grip. From the hip down, however,
a garment and covered their father’s nakedness his body faces the specator frontally: His feet
without looking at him (Gen. 9, 21-26). The point towards the spectator, as do his legs and his
re ani mat i ng t he scrip ture 3 03
lap. Noah is depicted from the front as well. In emphasized by crossing the brown line that
contrast, the bodies of the two brothers of Cham frames this scene, thus drawing the spectators
on the right side of the painting are depicted from gaze towards it. The hem of Canaan’s cape is
a more sidewise position. The hip of the brother covered with paired stripes.35 They point in the
in the front, however, is turned towards the same direction as the triangular folds of his
spectator. His garment prominently repeats the garment. The folds of the cape alternate between
ovate shape of Canaan’s garment from a slightly a dark and a light brown, thus creating another
sideways angle. Together the ovate shapes create rhythm. The rhythm empazises the one difference
a symmetry between the two sides of the painting between the two brown lines of the folds in the
which, at the same time, brings attentions to this middle: they both end seemingly end at the lap
specific area of both men’s bodies. whereas the other four end in Canaan’s back. At
Canaan’s cape is folded back, exposing his lap the same time, the middle one points towards the
which faces the spectator, such referencing the lap. Both, the paired stripes and the folds create
part of the narrative which precedes the scene. a visual rhythm as the eye slides past them, thus
The lap itself is highlighted by an ovate shape, drawing attention to them. In consequence, the
created by the folds of Canaan’s frock. Triangles direction they all point to – Canaan’s lap – is
make up the folds of his robe; their pointy apexes equally emphasised. Darker lines can also be found
being directed to the ground, but the line that on Canaan’s legs.36 These are paired horizontally,
is created by the apexes again crosses his lap. and a spectator who follows them upwards will
If one extends all these lines – the folds of the again end up on Canaan’s lap.
cape and its lines, the invisible line created by In comparison, the folds depicted on the
following the repeated lines on Canaan’s legs as garment of both brothers of Cham on the right
well as the invisible one created by the apexes side of the painting are much less varied. Their
of the triangles – they all cross each other in the capes, though slighlty swinging to the side, are
area of Canaan’s lap and loins. depicted in a much more straightforward way. Their
It is important to note that the folds and potential to draw the specator’s gaze multiple times
the ovate shape which indicates the position is rather limited and mostly relies on the rhythm
of the hip and lap are conventional depictions created by the folds in the middle of the garment.
and not special to this painting.34 What makes The depiction of Canaan’s garment, however, has
the depiction of Canaan remarkable, however, the potential to draw the spectator’s attention
and also distinguishes it from the depiction of repeatedly to his lap, thus referencing the situation
the other figures in this scene, is the diversity of from which the depicted one has emerged.
ways in which the lines can draw the spectator’s The technique of drawing a spectator’s attention
attention: First of all, Canaan’s cape is visually to a specific spot by emphasising individual lines
34 For Saint-Savin see, e.g. the folds of the garment of the 35 Some of them are now black. Considering that black lines
fifth angel of the Apocalypse, some of the apostles and are rarely used and that these stripes are not of specific
some of the angels bowing towards Christ, as depicted significance, one must assume that the were probably
in the porch. They all dynamize the spectator’s gaze, but of orange color originally and turned black over the
are limited – if compared with the cape of Cain or the centuries. Hence they would not have contrasted as
garment of Canaan – in regards to the directions they much with the colors that surround them as they do
pull the eye towards. I would therefore like to argue today; my thanks go to Marcello Angheben for this
that these painting techniques may also have become important information on the use of black in the
conventions because they carried the potential to bring a paintings of Saint-Savin.
painting to life. 36 See footnote 36.
3 04 ka i c hr is tia n g h at tas
Fig. 6. Saint-Savin, painting in the nave, Ascension of Enoch ( J.-P. Brouard © CESCM).
through the rhythm they create is developed body, hence connecting earth, God’s creation,
further in the painting of Enoch’s ascension (fig. 6): with the divine realm to which Enoch is ascending
Enoch’s hands are raised to heaven; his body is and by that elevating the spectator’s soul as well.
stretched upwards. His cape participates in the Harmonious rhythms as a means to remind
movement: the part covering the right half of his the soul of its harmonious origin can equally be
body is slightly swung upwards. But unlike the found in the painting which shows the creation of
lines of Cain’s cloak, the bright horizontal lines of the celestial bodies on the fourth day of creation
the folded hem of Enoch’s cape also rise upwards, (fig. 7, pl. 45; Gen. 1, 14-19). Here, the impulses
while almost parallel to each other, hence creating are created through the clustering of the different
a harmonious impression. Three vertical lines reach elements of the representation, especially through
from the bottom of the cape up to the shoulder the recurrence of circles and triplets. The discs
area, but unlike those of Cain’s or Canaan’s cape, of sun and moon are each circular,37 and the star,
they are not interrupted by other lines. The three
folds in the front centre of his cape have a triangular
form. Their peak points to the ground and they 37 Here I follow Y. Christe, “Les Peintures murales…”, p. 118
open towards the sky. All these impulses invite to and 120, in that the Christ-Logos throws the disc of sun
repeatedly look up and down Enoch’s stretched (depicted with a face) and moon up to the firmament.
re ani mat i ng t he scrip ture 305
Fig. 7. Saint-Savin, painting in the nave, God creating the sun and the moon ( J.-P. Brouard © CESCM).
3 06 ka i c hr is tia n g h at tas
through a frame of small lines, is as well depicted the four arms of the cross or the four cardinal
as being circular. The shape of the three celestial virtues.40
bodies is repeated by the plants positioned below The creator himself is part of another set of
them both of which have a crown consisting triangles: His head creates an inverted triangle
of three circular shapes. The tree on the right with the star on the left and with the sun; the star
points leads the spectator’s eye, which may, like on the right, the moon and the sun form a second
in nature, glide from the bottom of the tree to inverted triangle, with the triangles’ tips directed
its crown, towards the act of creation. downwards earth. With the tip of the middle
Throughout the Middle Ages, the circle has triangle (star-sun-moon) pointing upwards to
been considered to be the perfect shape and as the firmament, these circles again create a triad
such a representation of the divine. It represents of triangles, which visually associates the already
creation as well as duration, and hence it repre- created earth with the newly created cosmos.
sents God as the creator as well as the saviour.38 According to Plato and Augustine, the soul
Equally, the number three as the number of Trinity recalls the harmony she originated from while
represents God in his transcendent unity. It also experiencing harmonious arrangements, as
signifies the faithful’s adoration and belief in the they turn the soul towards the divine order. The
divine Trinity and it signifies Christ, who was painting makes the sacred tangible through the
resurrected on the third day. Last but not least recurrence of circles and triplets as they can
it represents the threefold order of cosmos and create a flow of similar elements in time – the
earth, of the history of the world and of salvation, time that a spectator takes to look at the painting
and of the Scriptures and the Church.39 while possibly getting again and again attracted
Triplets can be found many times in the by the recurrent shapes – thus creating through
painting: God’s head and the two discs of sun and their moving eye a dietetic rhythm. According
moon form a group of three, while, at the same to antique and medieval theories, the power of a
time, being the corners of a triangle, which they dietetic rhythm does not depend on whether the
create. This triangular shape is resumed in the audience can comprehend it cognitively. Their
crown of each of the two plants. The tips of all power is an inevitable part of their harmonious
three triangles point upwards to the firmament. nature and they, therefore, have the potential to
The number of upright triangles increases to four make the perfection of God’s creation tangible
with the more subtle triplet consisting of the through their resonance in the spectator’s body. In
star on the left, the sun, and the moon; four is addition to seeing God depicted as the creator, a
the number that evokes the worldly dimension spectator can thus experience God’s encompassing
in its materiality with its four elements, the four presence through the circles and triplets which
seasons, and the four cardinal points, but also can be found everywhere in the painting.
signifies the divine order which is engrained in
the material world, referencing the four gospels,
The afterlife and the dietetic impact
of rhythms
38 See Barbara Bronder, “Das Bild der Schöpfung The divine order, as expressed in harmonious
und Neuschöpfung der Welt als orbis quadratus”, and ordered rhythms, and the sinfulness of
Frümittelalterliche Studien. Band 6, p. 188-210, here p. 188.
39 See Heinz Meyer, Rudolf Suntrup, Lexikon der
mittelalterlichen Zahlenbedeutungen, München, Fink 1999,
col. 214-216 (Münstersche Mittelalter-Schriften 56). 40 Ibid., col. 332-333.
re ani mat i ng t he scrip ture 307
Fig. 8. Saint-Savin, painting in the porch, The woman and the dragon ( J.-P. Brouard © CESCM).
the world, manifesting itself in unordered and flames, which shine up behind her back, repeat
inharmonious rhythms, are the main topic of the golden yellow colour of the angel’s trail.
the paintings of the apocalypse which are to be According to the Scriptures, she is dressed with
found in the porch. the sun, and the painting refers to this description
The north median register of the second span by melting the woman’s white cloak with the vast
of the porch depicts the vision of the woman and circle of the sun situated behind her. Around her
the dragon, as announced by the seventh trumpet head is a halo, possibly symbolizing the crown
(Rev. 11:19-12:6; fig. 8, pl. 46). On the left side, we of twelve stars she is wearing. Both, the sun and
find the figure of the Apostle John, his eyes, and the halo are of the same colour as the Apostle’s
hands pointing towards the sky. Depicted above frock. The woman’s feet rest on the moon. On
him is the temple; the doors of the temple are her lap, the woman holds her new-born child,
open; the ark of the covenant is made visible. The his right foot resting against his mother’s knee.
towers of the temple, its door and the masonry The child’s robe takes up the yellow colour of the
which surrounds the door are highlighted by their angel’s trail and the woman’s wings. The child turns
white colour against the shades of brown in which towards the left side, extending his arms towards
the temple is mostly kept. An angel emerges from the angel, ready to be ascended to heaven. To
the temple; he is connected with the temple by a the left of the woman is a river, reminding the
golden trail. The angel is stretching out his arms. spectator of the place which God has prepared
To the right of the angel, the figure of a woman for her in the wilderness and to which she will
takes the centre of the picture. Yellow wings or flee after the ascension of the child (Rev 12:6).
3 08 ka i c hr is tia n g h at tas
On both sides of the woman lie the stars, cast which they are told in the sacred text. However,
from heaven by the dragon’s tail. as a spectator knows the narrative, recreating it
The attacking dragon takes up the right half through a flow of bodily experiences will likely
of the picture. His left foot almost touches the lead to a lasting memorization, and, possibly, to
woman’s body. His left leg and the wing at the a deeper understanding of the narrative. Also, the
forefront, as well as the spikes on his head, are experience of passing time may lead a spectator
white, like the woman’s clothes. The tip of his to understand that their lifetime is not endless
white wing ends in a white cloud, referencing and that repenting their sins should be a priority.
the storm, which, according to the Scriptures, This advice indeed becomes even more urgent
precedes the coming of the dragon. The dragon’s when looking at the vision of the locust plague,
body, his tail and his wing in the background which is announced by the fifth trumpet and is
iterate the colour of the angel’s wings. shown on the upper register on the north side
As stated earlier, human attention is drawn of the porch (fig. 9, pl. 47): The locusts appear
towards similarities. Looking at the painting in the shape of winged warhorses with human
of the woman and the dragon the spectator is faces and scorpion tails, wearing long maidenhair
likely to observe that the same colours recur in and crowns on their heads. The painting shows
different places of the picture. While jumping from them jumping out of the well: The hind legs of
element to element the individual components the yellow horse are still partly enclosed behind
become located on a time axis – the axis being the border stones of the well; the hooves of the
the spectators lived time itself. As such they brown horse are completely visible. The white
are inevitably brought into order, through the horse’s right hind leg is leaning on the border of
spectator’s resonance to the similarity of colours. the well; its left hind foot is pushing against the
Following their recurrence, the spectator’s eye stones. Except for the left leg of the white horse
may jump from one of these elements to the the legs of the other three horses are almost
next. Which direction these jumps will take, parallel to each other. A spectator who looks
whether the spectator will proceed in reading from the left to the right along the horses’ legs
direction from left to right or whether they will and bodies, will see gradually increasing degrees
go back and forth between the elements of the to which the locusts have emerged from the well.
same colour; whether their view is first attracted The tapering tail of the brown horse thwarts the
by the white garment of the central female figure leg of the white horse and directs the spectator’s
or by the white wing of the dragon and whether eye to the corpses lying on the ground: the tip of
they will be then caught by the dark brown of the brown horse’s tail touches the topmost head
St Johns garment, the sun and the halo around of the three corpses; their heads are touching each
the woman’s head will certainly depend on the other and form the shape of a circle. Above the
spectator who is looking at the picture. three heads are the three pairs of the horses’ legs,
In each case though, the eye, while wandering mirroring their number. The colour of the brown
between the highlighted elements of the same col- horse’s tail is resumed in the hind legs of a fourth,
our, introduces the physically tangible experience of dark brown horse. The fourth horse has already
time to a painting, that depicts the single parts of the completely escaped from the well. His hind legs
apocalyptic vision simultaneously. The order which rest on the head of another human figure, which
is created on the time axis of a spectator’s lived is targeted by the white tail of the third horse.
experience invites them to recollect the elements Similar to the painting of the woman and the
of the well-known narrative from the Scriptures. dragon the visual rhythms of colours and lines
They might not be recollected in the order in create visual relationships between the locusts
re ani mat i ng t he scrip ture 309
Fig. 9. Saint-Savin, painting in the porch, The locusts plague ( J.-P. Brouard © CESCM).
and the plague-stricken people. In this case, the can support the perception of visual rhythms, as
recurrence of the same colours allow the spectator those are created by the repetition of the same or
to establish a relationship between the different similar elements. It would, however, certainly go
figures: The colours of the corpses’ garments mirror too far to assume that the colour palette in the
the colour of the second (brown), third (white) porch was deliberately chosen only (or even at
and fourth (dark brown) horse in the same order. all) for the purpose of intentionally creating visual
The bright white of the smoke, which is covering rhythms. But it seems possible that, consciously
the sun, is repeated in the white of the horse and or unconsciously, existing limitations were put
the white garments of the corps. It is likely that, to use in a way that favoured the creation and
at some point, the brightness of the white colour perception of these rhythms.
will capture the attention of a spectator, lead their But the painting does not only rely on the
eyes from one white space to the other and thus colours to connect different parts of the narra-
enable them, as with the painting of the woman tive. Three circular forms are integrated in the
and the dragon, to recreate the narrative. composition: The ovate lid, the small, half-visible
In general, however, the colour palette is very ovate at the top of the picture, which is formed
limited in the vestibule.41 A reduced colour palette by the sun and the smoke (Off. 9,2), and last but
not least the circle that is formed by the bodies
of the horses and corpses. They contrast with
41 Especially the colour blue is not used at all. My thanks go the rectangles that are formed by the body of
to Marcello Angheben for this reference. the angel and the walls of the well. All three
31 0 ka i c hr is tia n g h at tas
depict different moments in the timeline of the same falling motion: If a spectator lets their
the narrative but are – very subtly – connected eyes glide from one man to the other, they will
by their shape, hence recreating the narrative recognize their three postures as three phases
connection through their visual similarity. The of one movement.42
repetition also adds another layer of time to the The representation of the locusts’ plague
painting: a spectator who becomes aware of the uses complex and intersecting visual rhythms,
repetition of this specific shape will necessarily which all call for the spectator’s attention and,
do that within their own lived time – thus adding as a result, repeatedly divert their attention.
by themselves the element of lived time to the Similar to the paintings of Cain’s fratricide or the
visual pieces of the narrative. cursing of Canaan, these rhythms do not aim to
Lived time becomes most noticeable through calm the human soul or to return it to its original
movement: While following the white spots, a perfection. Instead, through the different and
spectator’s eye will cross several visual arrange- intersecting visual rhythms that it exposes them
ments that exert their own rhythmic impulse on to, they allow the spectator to experience in their
them: such as the horizontally running rhythm of own body a reflection of the frenzy of locusts and
the brown heads of the locusts, which alternate the horror that overcomes the people plagued
with their yellow wings, or the changing colours by them. The bodily experience of these visual
of the horse’s legs and the corpses’ garments or rhythms, may have created a lively impression
the rhythm which are created by the similar- of what awaits the corrupted world at the end
ly-spaced, colour changing lines of the horses’ of world history but also each and every sinning
legs, their bodies, and the people’s garments soul in the afterlife, hence actively inviting the
which the locust are attacking. Supported by
the spectator’s own muscular echo, created by
the different rhythms, the figures potentially
42 Interestingly, similar dietetic rhythmic strategies can
become physically noticeable as being in time still be found in the medallions of the early thirteenth
and space. The spectator’s muscular resonance century Bible Moralisée Codex Vindobonensis 2554,
invites them to imagine and to experience the e.g., the medallion depicting King David’s followers
locusts as actually moving creatures and to thus joining him between his anointing and his final victory
over Saul and the corresponding medallion of the
add the physical component of their bodily New Testament showing the disciples meeting the
experience to the image. resurrected Christ. King David’s followers, as well as
Another kinesthetic technique, which allows a the disciples, bend their knees. The disciples are shown
spectator to recur to their own bodily experience in different phases of a body falling to its knees, hence
activating a muscular echo of the motion of a footfall
and feeling of movement as a means of animating
through the clear and harmonious rhythm created by the
the depicted onslaught, is used on the right side depicted phases, that lead the reader’s eye downwards.
of the painting, where the locusts are overrunning However, the medallion which shows David’s followers,
three men. The victims of the locusts are part of while including a similar impulse, allows the eye to
a dynamic arrangement that allows a spectator wander around much more – hence leaving the most
harmonious visual rhythm to the typological fulfilment
to experience a falling motion: The man in the of the Old Testament, as depicted in the medallion
light brown robe has begun to fall. Behind him of Christ’s disciples. In another medallion, it is the
is a man in a beige garment who is already in the Antichrist who initiates a falling movement by pushing
next phase of the same movement. The third man the “unbelievers”, as the accompanying text tells us,
backward. The individual believers are positioned in the
in the dark brown robe is in the third phase of different phases of a body falling backward, to transfer
the falling motion and has almost reached the the kinesthetic impulse of the fall into the reader’s body,
ground. In essence, all three men are part of see K. Chr. Ghattas, Rhythmus der Bilder…, p. 141-142.
re ani mat i ng t he scrip ture 311
Fig. 10. Saint-Savin, paintings in the porch, vault and tympanum ( J.-P. Brouard © CESCM).
faithful spectator to repent their sins in order depicted on the tympanum, does not present
to be spared when Christ judges the soul after any iconographic elements connected with the
their death.43 Particular or the Last Judgment (fig. 10, pl. 48).
Considering this potential of the paintings to Neither does it give any references to the separation
bring the afterlife literally to life, it is even more of good and evil people or the resurrection of
interesting that the representation of Christ, as the dead. Except for the cross, which is carried
by the angel on Christ’s right side, the picture
does not show insignia of the Passion. Instead,
43 Yves Christe, L’Apocalypse de Jean. Sens et développements
the emphasize is put on the divine glory.44 The
de ses visions synthétiques, Paris, 1996, thinks that the
scenes of the Apocalypse refer to the present time, as paintings next to the representation of Christ
in the comments. Brigitte Kurmann-Schwarz, “Les add to this impression: The span contains four
peintures du porche de l’église abbatiale de Saint-Savin: paintings of the adoring angels, two each on the
étude iconographique”, Bulletin monumental, 140, 1982, north and the south side (fig. 11). Below them are
p. 273-304, thinks that the scenes of the apocalypse are
on the contrary a vision of the end times. However the paintings of the apostles, two on each side, of which
women of the revelation was assimilated to the church the two on the south side are almost destroyed.
present through the nimbed woman surrounded by A spectator looking up from below, may at first
laics and religious figured below. This seems to strongly perceive the group of angels as a two-dimensional
indicate that in Saint-Savin the focus was put on the
particular judgement of the soul right after a person’s
death, as Marcello Angheben pointed out in a personal
conversation. 44 See Y. Christe, “Les Peintures murales…”, p. 104.
31 2 ka i c hr is tia n g h at tas
Fig. 11. Saint-Savin, painting in the porch, Worshiping angels ( J.-P. Brouard © CESCM).
oval shape. While following this shape with their spectator through the muscular echo, which
eyes their attention might be caught by another makes them perceive and experience the act of
element: The curves of the angel’s backs are devotion.
overstretched – especially the one of the angel But there are more elements that lead the
standing in the foreground, who is the one most spectator’s soul towards the divine: The angels’
clearly visible for a spectator. The legs of the backs, which make up most of the oval shape,
angels are bent. Depending on where a spectator seem overly stretched while bending forward. In
stands, they will also turn their attention to the a real body, the muscles need to be very tense
angel’s feet, most of them being depicted as to keep a body from falling. The ideomotor effect
almost standing on tiptoe. Hence, the angels’ makes it likely that a similar kinetic energy will
posture is not a stable one. As a spectator knows be built up in their own body. When a spectator’s
from their own bodily experience and through eye follows the line created by the angel’s back
the ideomotor effect that a body almost inevitably it is likely that they then will go on to the lines
must fall to the ground: The adoring angels are created by the heads, wings, arms, and hands
bending their bodies at Christ. And so does the of the angels and, by following them, reach the
re ani mat i ng t he scrip ture 313
ground on which the angels stand. In case a wings, arms, and hands, will end up on one of
spectator is positioned such that they see the the body parts of the angel closest to Christ.45
angel’s backs rather as a horizontal line, their eye If one extends the lines that are created by the
will still suddenly be directed downwards after different body parts into the third dimension,
reaching the peak of the curve. In both cases, the they will end in the representation of Christ (or
muscular tension is released. Again, the body of the cross). Depending on where the spectator
the spectator confirms what the paintings depict: stands, the adoring angels will appear to be
the adoration of Christ leads the soul and the turned towards Christ – and as they are falling
body to harmony. to the ground, they will fall towards him. The
Christ, the source of this harmony, is clearly kinetic energy stored in the angel’s bodies and
referenced: If a spectator stands in front of the created by the lines of heads, wings, arms, and
tympanum and turns their head towards the legs will potentially carry those who look at
angels, the heads of the angels will form a line them equally towards Christ, hence allowing
which points towards Christ (with one exception the soul to actively bridge some of the distance
of the inferior one on the north side, where the that separates them from the divine.
line points to the cross). The line created by the The visual rhythms created by the angels are
wings is almost parallel to the line created by ordered rhythms: unlike the visual impulses in
their heads. The arms and hands of the angels the vision of the locusts which pull the spectator
also draw attention to Christ (or to the cross): in many different directions, the rhythms created
They are stretched in parallel to each other and by the adoring angels all point towards Christ.
also in parallel to the line of heads, while being, Ordered rhythms, as explained above, provide
like the bodies, placed offset to one another. The the experience of harmony and, therefore, are a
garments of each of the angels in one painting dietetic tool, which can enable the human soul
are coloured differently. In conjunction with the to find its way back to the divine. The ideomotor
relatively even distances between them, the colour effect which is triggered by the representation of
change of the garments adds another rhythmic the angels aligns the spectators with the divine
impulse, which runs in the same direction, towards sphere and grants their soul a glimpse of the
Christ. A spectator who follows the line created joy which awaits them after their death if they
by the angels’ feet may even experience them, follow God’s order in the present. Hence, it is
instead of perceiving them as being on tiptoe, not the representation of Christ itself but rather
as a change of a foot and a gap which creates a the kinesthetic impulses that are created by the
visual rhythm that may stimulate a spectator to angles surrounding him which add the dimension
imagine those feet as walking, thus even more of the afterlife to the composition.
including the element of time into the depicted
scene.
As mentioned before, the angels are placed 45 The scene depicting Abrahams troops in the upper south
offset to one another, which indicates the third register of the nave’s vault uses the same technique by
staggering the horses into the background so, that the
dimension: The bodies of the angels in the rear horse is closest to the right edge of the picture. If
foreground are placed on the border furthest away the eye glides along the horses from the front to the
from Christ. The angel farthest in the background back, the view is shifted further and further to the right
is also the one nearest to the opposite border and - and thus into a forward movement that corresponds to
that of the horses. The same is repeated on the shields of
hence the one closest to Christ. A spectator who the riders in the first row, their heads and on the heads
perceives the third dimension and whose eyes of the riders in the second row, whose horses are not
run down the lines created by the angel’s heads, visible.
31 4 ka i c hr is tia n g h at tas
Com’è ampiamente noto, il rivestimento la storia degli studi intrecciandosi a doppio filo
musivo della Cappella Palatina di Palermo giustap- con quelle relative alle vicende costruttive e alla
pone, realizzando una sintesi originale tra schemi funzione dell’edificio,2 alle dinamiche del cantiere
narrativi di matrice occidentale e orientale, le e al suo rapporto con gli altri cantieri musivi
storie del Nuovo Testamento, condensate sulla
parete meridionale del transetto, a un ciclo della
Genesi che si dispiega, quasi del tutto intatto se
si fa eccezione per parziali integrazioni e restauri,
lungo le pareti della navata centrale. Le ipotesi Routledge & Kegan Paul, 1949, p. 245-265. Agendo sulla
circa le matrici culturali di quest’ultimo – bizan- stessa linea generale, Kitzinger attribuisce ai mosaici
tine, occidentali o miste1 – hanno attraversato di Palermo un’origine mista, occidentale e orientale.
Cf. Ernst Kitzinger, I mosaici di Monreale, Palermo,
Flaccovio, 1960, p. 62; Id., I mosaici del periodo normanno
in Sicilia, t. ii: La Cappella Palatina. I mosaici delle navate,
1 Le principali posizioni del dibattito critico sono riassunte Palermo, Accademia Nazionale di Scienze Lettere e Arti,
da Herbert L. Kessler, «I mosaici della navata 1993.
centrale», La Cappella Palatina a Palermo, a cura di 2 William Tronzo, The Cultures of His Kingdom: Roger II
B. Brenk, Modena, Panini, 2010, t. i, p. 113-124 e da Beat and the Cappella Palatina in Palermo, Princeton,
Brenk, «L’importanza e la funzione della Cappella Princeton University Press, 1997; Id., «L’architettura
Palatina di Palermo nella storia dell’arte», La Cappella della Cappella Palatina», La Cappella Palatina…,
Palatina…, p. 27-78. In particolare, secondo Demus il p. 79-99, con la bibliografia precedente; Beat Brenk,
ciclo di Palermo sarebbe stato condizionato da fonti «Retorica, valenza e funzione della cappella Palatina a
bizantine mediate da Montecassino e dalle soluzioni Palermo», Die Cappella Palatina in Palermo. Geschichte,
espresse nella pittura monumentale d’età comnena. Kunst, Funktionen, a cura di T. Dittelbach, Künzelsau,
Cf. Otto Demus, The Mosaics of Norman Sicily, Londra, Swiridoff, 2011, p. 446-457.
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 317-343
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31 8 g i ul i a a rc i di aco n o
dettaglio con il sistema narrativo romano, a occidentali di età romanica – specialmente con
partire dalla stessa dislocazione delle scene.8 La la Genesi raffigurata nella navata della chiesa di
letteratura critica ha inoltre già da tempo messo Saint-Savin-sur-Gartempe11 – e con le illustrazioni
in luce i significativi parallelismi che affiorano miniate di due noti manoscritti insulari inglesi,12
accostando le storie veterotestamentarie di a loro volta confrontabili con gli avori campani,
Palermo ai corrispettivi episodi illustrati nel ben inducono a ragionare sui vettori e i tramiti di
noto gruppo degli avori “salernitani”, databili tra diffusione della tradizione iconografica recepita.
XI e XII secolo,9 e nel verso della Crocifissione Ci si continua infatti ad interrogare sul possibile
eburnea proveniente dall’Italia meridionale impatto, diretto o mediato e comunque storica-
e oggi conservata a Berlino.10 Le affinità che mente giustificabile, di una figuratività di matrice
d’altro canto sono state rilevate con cicli pittorici nordica e sui potenziali filtri italo-meridionali che
potrebbero averne segnato l’approdo in Sicilia, fino
a determinarne l’innesto su un tessuto culturale
8 È noto infatti che nelle basiliche romane paleocristiane di composito, bizantino e islamico. In quest’ottica
San Pietro e San Paolo, a differenza di quanto avviene a
emerge, in tutta la sua carica problematica, il ruolo
Palermo, il Vecchio Testamento e il Nuovo Testamento
si affrontavano lungo le pareti della navata centrale
«per affermare l’unità della storia sacra della Chiesa».
Cf. H.L. Kessler, «I mosaici della navata centrale…», 11 Sulle fonti iconografiche della Genesi di Saint-Savin,
p. 114-115; O. Demus, The Mosaics…, p. 251-252. cf. George Henderson, «The Sources of the Genesis
9 Sui rapporti tra i mosaici palermitani e gli avori Cycle at Saint-Savin-sur-Gartempe», The Journal of the
salernitani cf. Herbert L. Kessler, «Salerno and British Archaeological Association, 26 (1963), p. 11-26. Si
Palermo», The “Amalfi”-“Salerno” Ivories and the veda anche Yvonne Labande-Mailfert, «Le cycle
Medieval Mediterranean: a Notebook from the Workshop de l’Ancien Testament à Saint-Savin», Revue d’histoire
Convened in Amalfi (10-13 dicembre 2009), a cura di de la spiritualité, 50 (1974), p. 369-396. In generale,
F. Dell’Acqua, H. L. Kessler, A. Shalem, G. Wolf, sul ciclo di Saint-Savin cf. Saint-Savin: l’abbaye et ses
Amalfi, Centro di Cultura e Storia Amalfitana, 2011 (coll. peintures murales, a cura di Robert Favreau, Poitiers,
Quaderni del Centro di Cultura e Storia Amalfitana, 5), Inventaire General, ADAGP, 1999; Marcello Angheben,
p. 47-54. Sugli avori di Salerno cf. Robert P. Bergman, «Saint-Savin-sur-Gartempe, nouvelles recherches:
The Salerno Ivories. Ars Sacra from Medieval Amalfi, problématique et méthode», Couleurs et lumière à
Cambridge e Londra, Harvard University Press, l’époque romane. Colloques d’Issoire 2005-2007, Clermont
1980; Antonio Braca, Gli avori medievali del Museo Ferrand, Revue d’Auvergne, 2011, p. 197-225; Carolina
diocesano di Salerno, Salerno, Laveglia, 1994; L’enigma Sarrade, «La nef de Saint-Savin: deux ateliers, deux
degli avori medievali da Amalfi a Salerno, catalogo della techniques, approches archéologique des peintures»,
mostra (Salerno, Museo Diocesano, 20 dicembre 2007-30 Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 47 (2016), p. 103-116.
aprile 2008), cura di F. Bologna, Pozzuoli, Paparo, 12 Ovvero la Genesi di Caedmon (Oxford, Bodleian Library,
2008; Gli avori medievali di Amalfi e Salerno, a cura ms. Junius 11), realizzata intorno all’anno 1000 e alla
di F. Dell’Acqua, A. Cupolo, P. Pirrone, Centro Parafrasi di Alfrico (Londra, British Library, Cotton
di Cultura e Storia Amalfitana, 2015 (coll. Quaderni MS Claudius B. IV), successiva di circa trentacinque
del Centro di Cultura e Storia Amalfitana, 8); The anni. Su questi manoscritti cf. Benjamin C. Withers,
Salerno Ivories: Objects, Histories, Contexts, a cura di The Illustrated Old English Hexatheuc, Cotton Claudius
F. Dell’Acqua, A. Cutler, H. L. Kessler, A. Shalem, B. IV: The Frontier of Seeing and Reading in Anglo-
G. Wolf, Berlino, Gebr. Mann Verlag, 2016; Una Bibbia Saxon England, Toronto, University of Toronto Press,
in avorio. Arte mediterranea nella Salerno dell’XI secolo, a 2007; Catherine E. Karkov, Text and Picture in
cura di V. Pace, Castel Bolognese, Itaca, 2016. Anglo-Saxon England. Narrative Strategies in the Junius
10 Herbert L. Kessler, «An Eleventh Century Ivory Plaque 11 Manuscript, Cambridge, Cambridge University
from South Italy and the Cassinese Revival», Jahrbuch Press, 2001. Sul rapporto tra i manoscritti inglesi e i
der Berliner Museen, 8 (1966), p. 67-95. Cf. anche Fabrizio cicli romani paleocristiani cf. George Henderson,
Crivello, «Gli avori del gruppo di “Amalfi/Salerno”. «Late Antique Influences in Some English
Considerazioni sui presupposti, sulla cronologia e la Mediaeval Illustrations of Genesis» Journal of the
localizzazione», The Salerno Ivories …, p. 61-72. Warburg and Courtauld Institutes, 25 (1962), p. 172-198.
3 20 g i ul i a a rc i di aco n o
svolto dal programma decorativo dell’abbazia ancora da precisare la misura e la natura delle
desideriana di Montecassino, fra i principali relazioni tra il ciclo di Palermo, i precedenti
veicoli del rinnovamento figurativo che anima romani paleocristiani e le diverse ramificazioni
il quadro artistico dell’Italia centro-meridionale o varianti della cosiddetta “recensione Cotton”,17
fra XI e XII secolo.13 Un linguaggio che tuttavia, così come restano da definire la matrice o le
stando ad una recente proposta di lettura,14 matrici culturali del bacino iconografico al quale
potrebbe presupporre, più che un rapporto i mosaicisti di Palermo, operando in un contesto
diretto con Bisanzio, un’istanza di recupero pluriculturale, possono avere attinto. La riflessione
della tradizione locale, romana e paleocristiana che qui segue sarà orientata a cogliere, in un’ottica
e del suo retroterra ellenistico, volta a mettere essenzialmente comparativa, le soluzioni di volta
in evidenza il ruolo autonomo di Roma come in volta attuate nel discorso per immagini, con
capitale della cristianità latina. l’obiettivo di mettere a fuoco, ove possibile,
Nel tentativo di rintracciare una matrice precedenti, ispirazioni e costanti nel modo
comune valida a spiegare le convergenze tra di costruire le singole scene e il loro dialogo
classi di opere diverse per destinazione, amb- nell’economia del sistema visuale complessivo.
ito culturale, geografico e cronologico, è stata Le storie della Genesi si distribuiscono lungo
spesso chiamata in causa, negli studi, la celebre le pareti della navata centrale, articolandosi in
Bibbia del V secolo, un tempo custodita nella due registri divisi da una cornice orizzontale
biblioteca di Robert Bruce Cotton e oggi alla decorata e continua (pl. 49-50, fig. 1-2). Dopo
British Library (ms. Cotton Otho B. VI),15 i cui gli eventi della Creazione, descritti giorno per
discussi rapporti con la Genesi che decora una giorno, sono raffigurate le storie di Adamo ed Eva,
delle cupole dell’atrio di San Marco a Venezia con la prima colpa dell’Uomo e la sua punizione,
complicano ulteriormente la compagine dei e il primo omicidio, con il sacrificio di Caino e
nessi di derivazione, ponendo questioni non Abele e la morte di Abele. Seguono le storie di
ancora pacificamente risolte.16 In generale rimane Noè, che alludono alla rinnovata alleanza tra Dio
e l’Uomo, la Costruzione della Torre di Babele e
le storie dei patriarchi Abramo, Isacco e Giacobbe.
13 Antonio Iacobini, «ll mosaico in Italia dall’XI all’inizio Le storie illustrate nel registro superiore sono
del XIII secolo: spazio, immagini, ideologia», L’Arte
medievale nel contesto (300-1300). Funzioni, iconografia,
organizzate in composizioni rettangolari, scandite
tecniche, a cura di P. Piva, p. 463-499. da bande verticali rosse e limitate in alto da una
14 Serena Romano, «Une hypothèse en négatif: Rome et cornice continua, anch’essa rossa, in basso dalla
Byzance, xie-xiiie siècle», L’héritage byzantin en Italie sopracitata cornice decorata che divide i due
(viiie-xiie siècle). Décor monumental, objets, tradition
registri. La scansione narrativa è ritmata dalla
textuelle, a cura di S. Brodbeck, J.-M. Martin,
A. Peters-Custot et V. Prigent, Roma, École sintassi delle aperture: gli episodi si dispongono
Française de Rome, 2015 (Collection de l’École infatti ai lati di ciascuna delle monofore che
Française de Rome, 510), p. 147-157. occupano il centro di ogni riquadro; tale sintassi
15 Kurt Weitzmann, Herbert. L. Kessler, The Cotton è ripresa nell’ordine inferiore dalla sequenza
Genesis. British Library Codex Cotton Otho B. VI,
Princeton, Princeton University Press, 1986. degli archi, il cui vertice è segnato da un clipeo
16 In proposito cf. Herbert. L. Kessler, «The Cotton
Genesis and Creation in the San Marco Mosaics»,
Cahiers archéologiques, 53 (2009), p. 17-32. Sulla Genesi Genesis and Medieval Reality of the Genesis Mosaics, a cura
di San Marco cf. Otto Demus, The Mosaics of San Marco di M. Büchsel, H. L. Kessler e R. Müller, Berlino,
in Venice, vol. 2: The Thirteenth Century, Chicago, The Mann, 2014. Si veda inoltre il contributo di Søren
University of Chicago Press, 1984, p. 76-79, 144-147 e, Kaspersen in questo volume.
recentemente, The Atrium of San Marco in Venice. The 17 H. L. Kessler, «I mosaici della navata centrale…», p. 118.
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figurato che, posto in asse con ciascuna delle Al centro della sfera luminosa, in asse col
monofore soprastanti, separa le scene raffigurate busto del Creatore, un corso d’acqua composto da
sui pennacchi. dieci onde, sul quale aleggia al centro la colomba
La serie esamerale, seguita dal Riposo del dello Spirito, precipita verticalmente prima di
Signore nel settimo giorno, si snoda sul registro dipartirsi in due corsi divergenti e fornisce così
superiore della parete meridionale, assecondando un asse di simmetria alla composizione. Si tratta
dettagliatamente lo svolgimento del racconto bib- dell’illustrazione visiva del versetto biblico «lo
lico. Il primo e il secondo giorno della Creazione spirito di Dio aleggiava sulle acque» (Gn 1,2)
sono raffigurati nel primo riquadro, ai due lati che precede nel testo il manifestarsi della Parola.
della finestra che ne occupa il centro; seguono, La raffigurazione della colomba sulle acque, che
nel secondo riquadro, il terzo e il quarto giorno, allude allo Spirito Santo e che si riscontra anche
mentre un unico riquadro accoglie il quinto, il nei mosaici di San Marco e negli avori di Salerno,
sesto e il settimo giorno, separati dalle finestre: risale dunque non ad una traduzione letterale ma
il terzo riquadro isola infatti a sinistra della terza ad un’interpretazione del versetto biblico: come
finestra la Creazione dei pesci e degli uccelli, ha evidenziato Bernabò, la colomba non figura,
mentre a destra presenta, in un’unica scena, la in relazione ad una diversa esegesi del testo, nel
Creazione degli animali e quella di Adamo, distinti noto gruppo degli Ottateuchi mediobizantini, a
da uno sperone di roccia che si sostituisce alla riprova, ritiene, di una possibile matrice cristiana
banda verticale rossa presente nelle altre scene. siriaca del loro archetipo.20
Il settimo giorno, infine, occupa il restante spazio Potrebbe invece avere assecondato letteral-
del riquadro, accampandosi a destra della quarta mente il passo biblico la sequenza di tessere
finestra (pl. 49, fig. 1/I-VII). nere sormontate da tessere marrone chiaro che
La prima scena (pl. 49, fig. 1/I) sintetizza i due si segue con lo sguardo al di sopra dei due corsi
momenti della Creazione: il Caos primordiale e d’acqua divergenti. Sembra infatti che sia qui
la Creazione della Luce (Gn 1, 1-5).18 Circondato tradotta la descrizione del paesaggio primordiale
da una mandorla composta da cerchi concentrici contenuta in Gn 1, 2: «Ora la terra era informe
che trapassano dal blu profondo del cerchio e deserta e le tenebre ricoprivano l’abisso».21 Su
interno al bianco di quello esterno, il Creatore,
antropomorfo e a mezzo busto, si volge verso la luce
creata, rappresentata da quattro file di dieci raggi 20 Massimo Bernabò, «Gli Ottateuchi bizantini e la ricerca
di forma triangolare cromaticamente degradanti delle origini dell’illustrazione biblica», Bizantinistica.
dal bianco all’azzurro, in accordo «all’esegesi Rivista di Studi Bizantini e Slavi, 3 (2001), p. 25-46, in
part. p. 35. Sugli Ottateuchi bizantini miniati tra XI e
patristica sulla natura della luce caratterizzata dai
XII secolo cf. John Lowden, «Illustrated Octateuch
suoi “rapidi flussi” e “raggi luminosi” e alle idee Manuscripts. A Byzantine Phenomenon», The Old
sull’energia divina che si sviluppano nell’esegetica Testament in Byzantium, a cura di P. Magdalino,
occidentale del XII secolo».19 R. Nelson, Washington, Dumbarton Oaks Research
Library and Collection, 2010 (coll. Dumbarton
Oaks Symposia ad Colloquia, 2), p. 107-152; Kurt
Weitzmann, Massimo Bernabò, The Byzantine
18 B. Rocco, «La Cappella Palatina di Palermo: lettura Octateuchs, Princeton, Princeton University Press, 1999.
teologica (parte seconda)…», p. 39. 21 La rappresentazione della terra asciutta come un blocco
19 Xenia Muratova, «Le scene della Creazione nei mosaici rettangolare occorre anche nella miniatura a piena
siciliani e gli studi della natura del XII secolo: problemi pagina che illustra i primi tre giorni della Creazione
di interpretazione iconografica», Römisches Jahrbuch der nel Pentateuco di Ashburnham (Parigi, Bibliothèque
Bibliotheca Hertziana, 38 (2007-2008), p. 9-24, in part. Nationale de France, Nouv. Acq. Lat. 2334, fol. 1v),
p. 16-17 e n. 26-27. «variamente attribuito all’Africa del Nord, alla Spagna,
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Fig. 1. Palermo, cappella Palatina, navata centrale, Storie della Genesi, lato sud (foto Giovanni Chiaramonte © Archivio Franco Cosimo
Panini Editore / patrimonio del Fondo Edifici di Culto, Palermo).
I: la Creazione del Cielo e della Terra e la Creazione della Luce; II: la Creazione del Firmamento e la Separazione delle acque; III: la
Creazione delle piante; IV: la Creazione del Sole, della Luna e delle stelle; V: la Creazione degli uccelli e dei pesci; VI: la Creazione degli
animali terrestri e di Adamo; VII: il Riposo di Dio nel Settimo Giorno; VIII: l’Albero del Bene e del Male; IX: la Creazione di Eva; X: la Fine
del Diluvio Universale; XI: l’Uscita dall’arca e il Patto dell’Arcobaleno; XII: l’Ebbrezza di Noè; XIII: la Costruzione della Torre di Babele;
XIV: la Visita dei tre Angeli ad Abramo; XV: Lot e i Sodomiti
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Fig. 2. Palermo, cappella Palatina, navata centrale, Storie della Genesi, lato nord (foto Giovanni Chiaramonte © Archivio Franco Cosimo
Panini Editore / patrimonio del Fondo Edifici di Culto, Palermo).
I: il Peccato originale; II: Dio rimprovera i Progenitori; III: la Cacciata dal Paradiso terrestre; IV: il Lavoro di Adamo ed Eva; V: il Sacrificio
di Caino e Abele; VI: Caino uccide Abele e Dio interroga Caino (con interventi di Santi Cardini 1737-1825); VII: Lamech a colloquio con
le mogli (Santi Cardini 1737-1825); VIII: l’Ascensione di Enoch (Santi Cardini (1737-1825); IX: Noè con la moglie e i figli Sem, Cam e Jafet
(Santi Cardini 1737-1825); X: la Costruzione dell’Arca (con interventi di Santi Cardini 1783-1825); XI: la Distruzione di Sodoma; XII: il
Sacrificio di Isacco; XIII: Rebecca al pozzo e il Viaggio di Rebecca; XIV: Isacco benedice Giacobbe; XV: il Sogno di Giacobbe; XVI: la Lotta
di Giacobbe con l’angelo.
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3 26 g i ul i a a rc i di aco n o
questo insieme di terra, tenebre e acqua – il caos simbolica, al punto tale da escludere l’immagine
primordiale – è «lo spirito di Dio» in forma di fisica del Creatore, per rimandare ad esso e alla
colomba, accompagnato a destra dalla didascalia sua azione creatrice attraverso i due clipei con
relativa: SP(IRITU)S D(E)I FEREBA[TUR] / incise le parole assonanti LUX e NOX.25 Questo
SUPER AQUAS. Il corso d’acqua verticale su vertiginoso salto concettuale che ricomprende
cui la colomba spiega le ali conduce alla potente l’allusione extratemporale a Cristo quale Verbo
immagine del Creatore a mezzo busto, circondato incarnato (Gv 1-18), a Palermo è tradotto in
dalla luce di cui è origine, volto, come la colomba, immagine figurata: nella scena palermitana Dio
verso destra e in atto di pronunciare la Parola è infatti antropomorfo e barbato in rimando alla
creatrice. Dal gesto della mano destra scaturisce sua futura incarnazione ma anche al ruolo etimo-
la luce, posta, a destra del riquadro, insieme alla logicamente onnicomprensivo di Pantocratore.26
didascalia esplicativa FIAT LUX/ ET FACTA La separazione della luce dalle tenebre, che a
EST LUX (Gn 1,3). La narrazione, culminante Salerno è indicata dai due dischi inscritti, è a
nell’emanazione della luce, si apre, dunque, e si Palermo concretamente rappresentata: da una
chiude nella figura dell’Eterno che «in principio parte è la terra «informe e deserta», in accordo al
creò il cielo e la terra», come riassume l’iscrizione testo biblico, dall’altra è la luce, resa sotto forma
posta a sinistra della composizione.22 di raggi triangolari in conformità, secondo Xenia
Punti di contatto ma anche significative Muratova, con l’esegesi patristica, con il pensiero
divergenze si riscontrano con l’analogo momento di Dionigi l’Aeropagita ma anche con le teorie
della Creazione raffigurato in uno degli avori di dei filosofi chartriani circa l’uso delle forme
Salerno (fig. 3).23 Se nella calligrafica resa delle geometriche circolari e triangolari nel processo
onde e nella rigorosa simmetria centrale imposta della Creazione.27 In generale la descrizione
dalla colomba24 possono infatti individuarsi palermitana dell’Hexaemeron, condizionata dalle
tratti comuni, la rappresentazione della scena conoscenze cosmogoniche e cosmologiche del
nell’avorio appare essenziale e potentemente tempo, non implica il ricorso alle personificazioni
allegoriche che invece ricorrono, a procedere dal
Fig. 3. Salerno, Museo diocesano, la Separazione della luce dalle tenebre (© Kunsthistorisches Institut in Florenz, Max
Planck Institute).
modello romano paleocristiano, nel ciclo della Saint-Savin-sur-Gartempe, nella scena della
Genesi raffigurato a Monreale e nelle placche Creazione degli Astri (fig. 4, pl. 29).29
eburnee di Salerno e Berlino,28 ma anche a
Fig. 4. Poitiers, Saint-Savin-sur-Gartempe, navata, volta, registro superiore nord, la Creazione degli astri.
Scipionis di Cicerone,32 è meno diffusa rispetto a di Alfrico (Cotton MS Claudius B. IV, fol. 3r). Un
quella del diagramma T-O. Una rara attestazione disco celeste contornato da un cerchio blu più
occorre nella Bibbia conservata nella Biblioteca scuro a sua volta profilato da un cerchio bianco e
Comunale Augusta di Perugia (ms L 59, fol. 1v), da uno nero raffigura il Firmamento. All’interno
del XII secolo33 e, come ricorda Rocco, si ritrova sono il Sole e la Luna, simmetrici, e sedici stelle
significativamente in un codice del XIII secolo anch’esse simmetricamente distribuite. Il Sole è
conservato presso la Badia di Cava dei Tirreni rappresentato come un disco giallo oro delineato
(Ms 33 fol. 5r),34 i cui rapporti con la cattedrale di rosso mentre la rappresentazione della Luna
di Monreale sono peraltro ben noti. prevede un’allusione alle sue fasi: un quarto bianco
Più ancora che la Creazione del Firmamento, di luna calante si prospetta sulla parte sinistra del
è la Creazione del Sole, della Luna e delle stelle disco, delle stesse dimensioni di quello del sole.
nel quarto giorno, raffigurata nella metà destra L’immagine cosmica della Palatina, che nella
del secondo riquadro (pl. 49, fig. 1/IV), a rappre- rinuncia all’antropomorfizzazione dei corpi celesti
sentare una sicura testimonianza della ricezione, e nell’evocazione delle fasi lunari sembra avere
nel ciclo palermitano, delle nozioni astronomiche assecondato un approccio scientifico-descrittivo
di derivazione aristotelica e tolemaica, note più che retorico, resta comunque aderente alla
grazie alle traduzioni dei testi scientifici greci teoria, propria all’esegesi patristica bizantina, che
ed arabi, circolanti nel colto ambiente culturale attribuisce all’Universo una struttura a cerchi
della corte normanna.35 I luminaria che sorgono concentrici, tracciati «come al compasso» dal
al gesto del Creatore, posto in piedi sullo sfondo Creatore, con al centro la Terra, attraversata «da
di un paesaggio collinare, non sono personificati, rivoli d’acqua, come il corpo umano dalle vene del
secondo la tradizione di matrice classica attestata sangue» e circondata dalle acque, dal firmamento
nei cicli romani paleocristiani, accolta nella Genesi «per formare la separazione con l’acqua» e dai
marciana (pl. 58) e recepita negli avori di Salerno, cerchi esterni del primo fuoco-etere e dell’aria
nel ciclo di Saint-Savin (pl. 29) e nella Parafrasi «che l’uomo respira».36
In linea con questo spirito enciclopedico, la
Creazione delle Piante nel terzo giorno (pl. 49,
32 Parigi, Bibliothèque Nationale, Ms. Lat. 16679, fol. 33v. fig. 1/III), che precede la Creazione degli Astri,
Cf. David Woodward, «Medieval Mappaemundi», The
History of Cartography, vol. 1: Cartography in Prehistoric,
offre una rappresentazione fisica del paesag-
Ancient and Medieval Europe and the Mediterranean, a gio primordiale. Come chiarisce la didascalia
cura di J. B. Harley, D. Woodward, Chicago-Londra, esplicativa,37 oggetto principale della scena è
University of Chicago Press, 1987, p. 286-370, in part. infatti la separazione della terra dalle acque e
p. 345, fig. 18.49.
dunque l’apparizione dell’asciutto che il Creatore
33 L’unica fra le Atlantiche ad avere raffigurato i giorni della
Creazione su quattro fogli (1r-2v). Cf. Massimiliano riempie di vita. Assente nelle corrispettive scene
Bassetti, Lila Yawn, Le Bibbie Atlantiche. Il libro di Salerno e di Venezia e protagonista invece nella
delle Scritture tra monumentalità e rappresentazione,
catalogo della mostra (Montecassino, luglio-ottobre
2000, Firenze, settembre 2000, gennaio 2001), a cura
di M. Maniaci, G. Orofino, Milano, Centro Tibaldi, 36 Niceta Stethatos, «De l’Âme», Opuscules et lettres, a
2000, cat. n 14, p. 162-170 (Bassetti), 170-173 (Yawn). cura di J. Darrouzés, Parigi, Cerf, 1961, II, 8-9, p. 70-73.
34 B. Rocco, «La Cappella Palatina di Palermo: lettura Cf. X. Muratova, «Il tema della Creazione…»,
teologica (parte seconda)…», p. 97, n. 14. p. 265. Per questa immagine del mondo di derivazione
35 X. Muratova, «Le scene della Creazione…», p. 19. greco-tolemaica e i contatti con il sistema cosmologico
Cf. anche Antonella Caruso, «La forma della terra musulmano cf. A. Caruso, «La forma della Terra…».
nella letteratura geografica musulmana del Medioevo», 37 B. Rocco, «La Cappella Palatina di Palermo: lettura
Rivista di Studi Orientali, 59 (1985), p. 23-45. teologica (parte seconda)…», p. 39.
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scena palermitana è il mare che, increspato dalle modello della Bibbia Cotton ma creata nel XIII
onde e alimentato da due sorgenti, lascia in vista secolo attingendo a fonti tardoantiche.40
la riva dal profilo frastagliato, punteggiata da Anche la Creazione degli animali, associata
cespi di fiori rossi, simili a quelli che connotano nello stesso riquadro alla Creazione di Adamo
il paesaggio edenico negli Ottateuchi bizantini. (pl. 49, fig. 1/VI), appare in rapporto con i
Dio in piedi, a sinistra della composizione, crea modelli miniati di tradizione bizantina e in parte
le piante, di cui sono presentati cinque esemplari con l’analoga scena pertinente al gruppo degli
paradigmatici, anche qui a partire da un intento avori di Salerno.41 Nella cupola della Genesi di
classificatorio, enciclopedico e didattico e in San Marco (pl. 58), gli animali appaiono, come a
piena aderenza al testo biblico: «La terra produca Palermo, «anachronistically paired in a manner
germogli, erbe che producono seme e alberi da supported neither by the text, or it would seem,
frutto, che facciano sulla terra frutto con il seme, by the related picture in the Cotton manuscript
ciascuno secondo la sua specie» (Gn 1, 11). (fol. 10v)», lasciando dunque presumere, secondo
Nella Creazione dei pesci e degli uccelli Kessler, che anche questa scena sia stata realizzata
nel quinto giorno (pl. 49, fig. 1/V) i principali nel XIII secolo, a partire da fonti eterogenee.42
modelli di riferimento sembrano potersi rin- Si è già anticipato che uno sperone di roccia,
tracciare nell’ambito della cultura figurativa posto tra la serie degli animali appaiati su quattro
tardoantica e bizantina. Gli uccelli del cielo e i file e la Creazione di Adamo, sostituisce, in questo
pesci raffigurati alla Palatina sono ad esempio riquadro, la banda verticale rossa che scandisce
molto simili a quelli che popolano la scena in tutto il registro, come in quello opposto, la
nell’Ottateuco di Istanbul,38 tratti dal repertorio sequenza narrativa. Questa soluzione potrebbe
offerto dai mosaici pavimentali tardoantichi e avere realizzato un compromesso tra la neces-
paleocristiani. Il rapporto con gli Ottateuchi sità di aderire al racconto biblico, presentando
bizantini dell’XI e XII secolo si rileva anche in un’unica composizione gli eventi del sesto
nella resa del mare all’interno di una cavità, giorno, e quella di mantenere inalterato il sistema
soluzione figurativa che ricorda l’immagine della distributivo – due episodi per ciascun riquadro
terra nella creazione primordiale dei codici greci – specularmente adottato nel registro opposto
vaticani 747 e 746.39 Come negli Ottateuchi, e e strettamente correlato all’impaginazione delle
a differenza di quanto si riscontra negli avori scene che occupano i pennacchi degli archi. Lo
di Salerno ma anche nell’episodio raffigurato a sperone di roccia si trova infatti perfettamente
Venezia, non vi sono mostri marini, né grandi in asse con la Torre di Babele raffigurata nel
pesci, presenti ad esempio nella Parafrasi di registro inferiore, sopra il pilastro che individua
Alfrico (fol. 4r). Il confronto con la simile scena il baricentro della scena. Ciò converge peraltro
di Venezia potrebbe comunque essere fuorviante
se, come scrive Kessler, essa non fu plasmata sul
40 H.L. Kessler, «The Cotton Genesis…», p. 21.
41 P. Vallisi, L’enigma degli avori…, cat. no 14, p. 272-274.
42 H.L. Kessler, «The Cotton Genesis…», p. 21. Le
creature accoppiate tornano a Venezia nella scena che
38 Istanbul, Topkapı Sarayı, cod. G. I. 8, fol. 32r. raffigura Adamo che dà il nome agli animali, anch’essa
Cf. K. Weitzmann, M. Bernabò, The Byzantine realizzata, secondo Kessler, ad hoc nel XIII secolo. Qui
Octateuchs…, t. i, p. 21-22, t. ii, fig. 38. peraltro il Creatore compare in trono per enfatizzare il
39 Ibid., t. i, p. 16, t. ii, fig. 17 (Città del Vaticano, Biblioteca suo ruolo di legislatore, secondo uno schema presente,
Apostolica Vaticana, Vat. gr. 747, fol. 14v), fig. 20 (Città sempre a Venezia, anche nel Rinnegamento della Colpa,
del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. gr. 746, nella Cacciata di Adamo ed Eva e nella Benedizione del
fol. 19v). Settimo Giorno.
Le sto ri e d e lla Ge ne si ne lla Cappe lla Palat i na d i Palermo 3 31
con l’ipotesi, avanzata da Kessler, che la banda La Creazione di Adamo non si riscontra
verticale fosse originariamente posta, nel registro fra gli avori salernitani ma appare nella placca
opposto, tra l’Uccisione di Abele e Dio che di Berlino47 dove Dio, seduto sul globo, crea
interroga Caino e che cadesse, prima del parziale Adamo, raffigurato semisdraiato come nelle
rifacimento settecentesco, esattamente al centro Bibbie atlantiche che propongono una versione
della sottostante Benedizione di Giacobbe43 “riformata” dell’iconografia carolingia della
(pl. 50, fig. 2/XIV). Creazione.48 In particolare, nella corrispettiva
Lo schema compositivo per la sintesi dei due scena della bibbia di Cividale e in quella della
momenti del sesto giorno – la Creazione degli bibbia di Todi, Dio è assiso sul globo secondo
animali e la Creazione di Adamo – potrebbe lo schema di derivazione romana, e dalla sua
avere tratto ispirazione dagli Ottateuchi bizantini, bocca promana un raggio di luce che raggiunge,
con particolare riferimento alle miniature che come alla Palatina, il volto di Adamo chiamato
illustrano il dominio di Adamo sul regno animale alla vita.49 Se per la Creazione di Adamo della
e Adamo che dà il nome agli animali, dove è Cappella Palatina i principali referenti sembrano
presente Adamo assiso su un colle e gli animali potersi rintracciare nelle Bibbie atlantiche e,
accoppiati secondo la specie44 (fig. 5). Tuttavia, per alcuni dettagli – la postura e la gestualità di
guardando specificamente alla Creazione di
Adamo, i parallelismi con gli Ottateuchi appaiono
meno evidenti: nei manoscritti bizantini infatti che la Creazione di Adamo e Adamo che dà il nome
agli animali sono illustrati in un’unica miniatura nella
la Creazione di Adamo è raffigurata due volte, Parafrasi di Alfrico (fol. 4r), sebbene nel manoscritto
in relazione a Gn 1, 26-27 (Dio crea Adamo a inglese il contatto fisco tra Dio e Adamo renda in modo
sua immagine e somiglianza) e a corredo di più immediato e concreto il tema intellettualisticamente
Gn 2, 7 (Dio plasma Adamo dal fango e gli interpretato a Palermo.
47 H. L. Kessler, «An Eleventh Century…», p. 87-88.
infonde la vita, soffiando nelle sue narici),45
48 Cf. Giulia Orofino, «Bibbie atlantiche. Struttura del
laddove a Palermo il contenuto dei due passi testo e racconto nel Libro “riformato”. Spunti da una
biblici è riassunto in un un’unica immagine. Il mostra», Medioevo: immagine e racconto. Atti del convegno
soffio divino, reso come raggio di luce, traduce internazionale di studi (Parma, 27-30 settembre 2000), a
infatti visivamente sia l’animazione di Adamo cura di A. C. Quintavalle, Milano, Electa, 2003, p. 253-
264, in part. p. 261; Ead., «Pittura e miniatura nell’Italia
sia la sua relazione “metonimica” e “genetica” centro-meridionale al tempo della Riforma gregoriana»,
con il Creatore, segnalata dalla corrispondenza Les fonts de la pintura romànica, a cura di M. Guardia,
fisionomica.46 C. Mancho, Barcelona, Publicacions i Edicions de
l’Universitat de Barcelona, 2008, p. 161-175; Ead., «Le
vie della Bibbie. Da Tours a Roma (e ritorno)», Per
Gabriella. Studi in ricordo di Gabriella Braga, a cura di
43 H. L. Kessler, «I mosaici della navata centrale…», M. Palma, C. Vismara, Cassino, Edizioni Università di
p. 113-114. Cassino, 2013, p. 1399-1412. Sul contesto di produzione
44 Si vedano specialmente le relative miniature delle Bibbie Atlantiche e sui loro contenuti testuali e
dell’Ottateuco del Serraglio (fol. 37v; 42v) in iconografici si veda inoltre, recentemente, Les Bibles
K. Weitzmann, M. Bernabò, The Byzantine atlantiques. Le manuscrit biblique à l’époque de la réforme
Octateuchs…, t. i, p. 25-26, 30-31, t. ii, figg. 56, 80. de l’église du xie siècle, a cura di N. Togni, Firenze,
45 Ibid., t. i, p. 23-28, t. ii, figg. 43-46, 4b, 63-66. Sismel, 2016 (coll. Millennio Medievale, 110).
46 Si può considerare l’ipotesi che la composizione 49 Cividale del Friuli, Museo Archeologico Nazionale,
palermitana abbia sintetizzato in un’unica scena la Biblioteca capitolare I-II, I, fol. 6r; Città del Vaticano,
Creazione degli animali terrestri (Gn 1, 24-25) e di Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 10405, fol. 4v. Si
Adamo (Gn 1, 26-27; Gn 2,7), la Sovranità di Adamo vedano, rispettivamente, la scheda di Cesare Scalon, Le
sugli animali (Gn 1, 28) e Adamo che dà il nome agli Bibbie Atlantiche…, no 10, p. 148-152 e quella di Lucinia
animali (Gn 2, 19-20). È opportuno osservare al riguardo Speciale, Le Bibbie Atlantiche…, no 13, p. 158-162.
3 3 2 g i ul i a a rc i di aco n o
Fig. 5. Istanbul, Topkapı Sarayı, cod. G. I. 8, fol. 37v: Adamo re degli animali (da Weitzmann -Bernabò 1999).
Adamo – nella tradizione manoscritta bizantina, barbuto e in trono nella Creazione di Adamo
il successivo Riposo del Signore (pl. 49, fig. 1/ intessuta in un medaglione copto di età tardoantica
VII) trova un punto di contatto significativo nella custodito nell’A shmolean Museum di Oxford, i
Benedizione del Settimo giorno della Genesi cui rapporti con i cicli correlati direttamente o
marciana, annoverata da Kessler, nelle conclusioni indirettamente alla Genesi Cotton potrebbero
al presente volume, tra le scene concepite ad fornire, sempre secondo Kessler, argomenti a
hoc nel XIII secolo (fig. 6). A Palermo la scena favore della possibile matrice egiziana del noto
prevede, unico caso nella serie esamerale, la codice oggi a Londra.51 Ci si chiede dunque se
raffigurazione di Dio in trono, coerente, con ogni l’immagine del Dio della Genesi in trono, presente
probabilità, con la simbologia “regale” che pervade alla Palatina e più tardi a Venezia, possa avere
l’intero arrangiamento musivo e che funge da condiviso con la Genesi Cotton il riferimento
collegamento tra il racconto veterotestamentario ad un bacino iconografico di tradizione egiziana
e quello neotestamentario, anche attraverso che potrebbe avere influenzato anche gli avori
l’assimilazione fisionomica tra Dio Padre e il salernitani e che appare particolarmente giusti-
Cristo Pantocratore.50 Anche nell’episodio della ficabile nel contesto storico, sociale e artistico
Genesi marciana appare un’immagine di Dio in della Palermo normanna.52
trono, raffigurato nell’atto di poggiare una mano
sul capo di una delle sette creature angeliche al
suo cospetto. Il Creatore è rappresentato inoltre
51 H. L. Kessler, «The Cotton Genesis…», p. 18.
52 Ibid., p. 23-24. Il Creatore frontale, barbuto ed assiso in
trono compare peraltro nella Benedizione del Settimo
50 B. Brenk, «L’importanza e la funzione…», p. 65-66. Giorno della Parafrasi di Alfrico (fol. 4v). Cf. al riguardo
Le sto ri e d e lla Ge ne si ne lla Cappe lla Palat i na d i Palermo 333
Fig. 6. Venezia, basilica di San Marco, atrio, cupola della Genesi, la Benedizione del Settimo Giorno (Photograph:
Ekkehard Ritter. Image Collections and Fieldwork Archives, Dumbarton Oaks, Trustees for Harvard University,
Washington, D.C).
momento in poi il racconto riprende con le storie miniature che illustrano l’ingresso di Adamo nel
dei Progenitori, avviate dal Frutto Proibito e giardino dell’Eden,56 rappresentato non a caso
dalla Creazione di Eva che conclude il registro anche a Monreale nell’ambito della Consegna del
superiore della parete sud. Paradiso. Allo stesso tempo un contatto si coglie,
La scena che raffigura Dio padre che vieta ad per quanto impreciso, con la Bibbia di Moutier-
Adamo di mangiare il frutto dell’albero del Bene Grandval (Londra, Add. Ms 10546, fol. 5v), sia
e del Male (pl. 49, fig. 1/VIII) sintetizza quanto per la presenza del Creatore antropomorfo, che
narrato in Gn 2, 15-17, con trasposizioni letterali, figura stante a sinistra dell’albero posto al centro
omissioni e aggiunte. Il Creatore e la sua creatura della scena, sia per le corrispondenze nella resa
sono disposti, in dialogo, ai lati del baricentro del panneggio che copre la mano sinistra di Dio
della composizione, costituito dell’albero della (pl. 3).57 Tuttavia, nella Bibbia carolingia di Londra
Conoscenza: quest’ultimo è identificato con la proibizione divina è rappresentata dopo la
un melo, dettaglio che non è precisato nel testo Creazione di Eva e riguarda dunque entrambi i
biblico e che, derivato secondo Weitzmann dal progenitori. A Palermo, invece, il Frutto Proibito
Targum del Cantico dei Cantici (7, 8), ritorna è seguito dalla Creazione di Eva, che emerge dal
coerentemente nel Peccato originale che riavvia fianco destro di Adamo giacente e protende le
nella parete opposta la sequenza narrativa del mani verso il Creatore stante (pl. 49, fig. 1/IX), in
registro superiore,55 suggerendo la continuità del relazione all’interpretazione tipologica e neotes-
racconto. La disposizione delle braccia di Adamo, tamentaria della Creazione di Eva dalla costola
che alludono al dialogo con Dio, sembra avere di Adamo come prefigurazione della nascita della
tratto ispirazione, anche in questo caso, dagli Chiesa dal costato trafitto di Cristo crocifisso.58
Ottateuchi bizantini e ricorda in particolare le Lo stesso schema tipologico, di derivazione
paleocristiana, appare stabilmente nelle Bibbie
atlantiche59 che, a differenza di quanto si registra
55 Nel Peccato originale, l’albero della conoscenza del bene
e del male ha frutti rossi ed è pertanto un melo, come
lo è ad esempio nel Vat. gr. 747, fol. 22v e nell’Ottateuco 56 Cf. K. Weitzmann, M. Bernabò, The Byzantine
del Serraglio, fol. 43v (K. Weitzmann, M. Bernabò, Octateuchs…, t. i, p. 28, t. ii, fig. 68 (Istanbul, Topkapı
The Byzantine Octateuchs…, t. i, p. 35, t. ii, fig. 83c, Sarayı, cod. G. I. 8, fol. 40r), fig. 70 (Città del Vaticano,
84c). Nell’analoga scena raffigurata a Salerno, il frutto Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. gr. 746, fo 34r).
proibito e l’albero da cui Eva lo coglie è invece un fico, 57 Herbert L. Kessler, The Illustrated Bibles from Tours,
secondo una tradizione derivata da testi pseudigrafi Princeton, Princeton University Press, 1977 (coll. Studies in
come la Vita di Adamo ed Eva (Apocalisse di Mosè, manuscript illumination, 7), p. 5, 14. Sulla Bibbia di Moûtier
20, 5). Cf. James H. Charlesworth, Old Testament cf. il saggio di Anne-Orange Poilpré in questo volume.
Pseudoepigrapha, vol. ii, New York, Doubleday, 1983, 58 K. Weitzmann, M. Bernabò, The Byzantine
II ed. Peabody (MA), Hendrickson Publishers, 2015, Octateuchs…, t. i, p. 32, t. ii, fig. 79-82b. Sull’iconografia
p. 249-296, in part. p. 281. Si può notare inoltre che nella della Creazione di Eva cf. Jack M. Greenstein, The
scena palermitana entrambi i progenitori mangiano Creation of Eve and Renaissance Naturalism. Visual
il frutto dell’albero, esattamente come nell’avorio di Theology and Artistic Invention, Cambridge, Cambridge
Salerno, dove tuttavia la maggiore responsabilità della University Press, 2016, in part. p. 12-40.
donna è chiarita dallo svolgersi del racconto in due 59 G. Orofino, «Pittura e miniatura…», fig. 3 (Cividale
distinti episodi (Tentazione e Peccato). Cf. P. Vallisi, del Friuli, Museo Archeologico Nazionale, Biblioteca
L’enigma degli avori…, cat. no 15, p. 276-278). L’iniziativa capitolare I-II, I, fol. 6r); fig. 4 (Città del Vaticano,
della donna a Palermo è meno esplicita ed è semmai Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. Barb. lat. 587, fol. 5r;
segnalata dalla sua relazione dinamica con il serpente. fig. 5 (Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana,
A enfatizzare visivamente il concetto è inoltre la coda del Vat. lat. 12958; fol. 4v); fig. 6 (Città del Vaticano, Biblioteca
serpente, che punta verso Eva, ed il ramo che fuoriesce Apostolica Vaticana, Vat. lat. 10405, fol. 4v); fig. 7 (Roma,
dal tronco dell’albero e indica nella stessa direzione. Biblioteca Angelica, Angel. 1273 [TI10], fol. 5v).
Le sto ri e d e lla Ge ne si ne lla Cappe lla Palat i na d i Palermo 335
nelle bibbie carolinge e in generale nelle fonti dunque ipotizzare che la scena della Palatina sia
nordiche, escludono l’episodio dell’asportazione stata parallelamente influenzata dalla tradizione
della costola, raffigurato ad esempio nella citata bizantina e da quella romana, forse implicando la
Bibbia di Moutier-Grandval (pl. 3), possibile fonte, mediazione di un manoscritto italo-meridionale
secondo Henderson, dell’episodio dipinto a Saint- aperto alla ricezione di componenti nordiche:
Savin (pl. 30-31).60 Punti di contatto si rintracciano ciò spiegherebbe ad esempio la consonanza con
inoltre con il corrispettivo episodio scolpito in l’avorio di Salerno nella rappresentazione del
uno degli avori di Salerno,61 dove tuttavia Adamo Creatore stante.
addormentato ed Eva nata dal suo costato sono I riferimenti culturali, orientali e occidentali,
sospesi fra le fronde rigogliose di un albero dalla rintracciati nelle scene del registro superiore della
cui base sgorgano i quattro fiumi dell’Eden citati navata sud, si riscontrano nelle restanti scene
in Gn 2, 10-14. Inoltre, nell’avorio, la postura di del ciclo, la cui analisi dettagliata si rimanda,
Adamo, girato completamente su un fianco con le per brevità, ad altra sede. Per quanto concerne
gambe parallele e sovrapposte, sembra mantenere il registro superiore della parete nord (pl. 50,
un rapporto con i precedenti carolingi, a loro volta fig. 2), si può dire in generale che le storie di
richiamati dall’analoga scena della Parafrasi di Adamo ed Eva trovano potenziali referenti nelle
Alfrico (fol. 6v). Un’affinità con la versione francese Bibbie atlantiche che delle pandette carolinge
e inglese della Creazione di Eva si coglie anche propongono una versione riformata e mostrano
nella Genesi di San Marco a Venezia (pl. 58). analogie con le corrispondenti scene degli avori
L’episodio, che precede la Presentazione di Eva di Salerno, che offrono significativi parallel-
ad Adamo,62 appare qui articolato in due tempi, ismi anche per l’arrangiamento compositivo e i
corrispondenti ad altrettante scene: nella prima dettagli narrativi delle storie di Caino e Abele.
Dio asporta la costola di Adamo addormentato, Ad esempio, nel Sacrificio di Caino e Abele
nella seconda Eva appare stante e Dio appoggia la (pl. 50, fig. 2/V), che occupa la metà sinistra del
mano destra sulla sua spalla mentre con la sinistra le terzo riquadro, il Dio antropomorfo è sostituito
tiene il polso. Un contatto fisico tra Dio e la donna dalla mano divina, in accordo ad uno schema
che, assente alla Palatina, si riscontra anche nella presente sia negli Ottateuchi sia nell’analoga
Parafrasi di Caedmon – dove Dio afferra la mano scena salernitana (fig. 7), derivata tuttavia,
di Eva63 – e che in parte si ritrova nella Parafrasi di secondo Kessler e Weitzmann, da declinazioni
Alfrico dove Dio, con entrambe le mani, tira fuori occidentali, carolinge o paleocristiane, della
Eva dal fianco di Adamo che assiste, con vigile ormai controversa tradizione cottoniana, più
stupore, alla estrazione della compagna. Si può che da modelli bizantini.64 Le scene di Salerno
e di Palermo si allontano entrambe, sotto questo
aspetto, dal corrispondente episodio illustrato
60 G. Henderson, «The Sources of the Genesis…», p. 13. a Saint-Savin (fig. 8, pl. 33), dove al posto della
61 Cf. P. Vallisi, L’enigma degli avori…, cat. no 15, p. 276-278. mano divina figura, frutto di un pentimento, il
62 È questa una fra le rare scene aderenti, secondo Kessler, Cristo Logos,65 presente anche, assiso anziché
alla fonte cottoniana. Cf. H. L. Kessler, «The Cotton
Genesis…», p. 23.
63 Catherine E. Karkov, «Margins and Marginalization.
Representations of Eve in Oxford, Bodleian Library, 64 K. Weitzmann, H. L. Kessler, The Cotton Genesis…,
MS Junius 11», Signs on the Edge. Space, Text and p. 22-23, 59-60. Cf. in proposito P. Vallisi, L’enigma degli
Margin in Medieval Manuscripts, a cura di S. L. Keefer, avori…, cat. no 17, p. 284-286.
R. H. Bremmer Jr, Parigi, Peeters, 2007 (coll. 65 Sulle possibili ragioni che hanno determinato in corso
Mediaevalia Groningana, 10), p. 57-84. Si veda anche d’opera la sostituzione della mano divina, prevista nella
H. R. Broderick, «Northern Light…», p. 213. prima versione della scena, con l’immagine cristomorfica
3 36 g i ul i a a rc i di aco n o
Fig. 7. Paris, Musée du Louvre, Département des Objets d’art (inv. OA 4052), il Sacrificio di Caino e Abele, Fratricidio e
rimprovero di Caino ( Jean-Gilles Berizzi, © RMN-Grand Palais - musée du Louvre).
stante, nella Parafrasi di Alfrico.66 Tuttavia la nella bibbia di Santa Cecilia in Trastevere ora
scena palermitana condivide con l’arrangiamento alla Biblioteca Vaticana (fig. 9). Il frontespizio
dell’episodio descritto a Saint-Savin la posizione con le scene della Creazione (fol. 5r) appartiene
di Abele, posto a sinistra piuttosto che a destra, all’attuale fascicolo iniziale, integrato tra la fine del
come è invece a Salerno e come normalmente si XII e gli inizi del XIII secolo forse riproponendo il
registra negli Ottateuchi bizantini.67 Abele figura contenuto iconografico del manoscritto originale.
inoltre a sinistra nei mosaici marciani ma anche Il potenziale coinvolgimento nella sua produzione
dell’abate Desiderio, che a Santa Cecilia era
cardinale prete nel 1059, appare in quest’ottica
di Dio cf. M. Angheben, «Saint-Savin-sur-Gartempe…»; perlomeno suggestivo per quanto solamente
Id., «Le geste d’allocution…», p. 24-25. Si veda ipotetico.68 Va anche segnalato che a Palermo i
anche Marcello Angheben, «L’apport des relevés
stratigraphiques à Saint-Savin-sur-Gartempe. L’exemple
du Sacrifice de Noé», In Situ [En ligne], 22 (2013): http://
insitu.revues.org/10636 e Carolina SARRADE, «Les relevés 68 A proposito del primo fascicolo cf. Marilena Maniaci,
stratigraphiques des peintures de la nef de Saint-Savin- Giulia Orofino,« L’officina delle Bibbie atlantiche:
sur-Gartempe», Temps et célébrations à l’époque romane, artigiani, scribi, miniatori. Problemi ancora aperti»,
Clermont Ferrand, Revue d’Auvergne, 2012, p. 403-408. Come nasce un manoscritto miniato. Scriptoria, tecniche,
66 G. Henderson «The Sources of the Genesis…», p. 18. modelli e materiali, a cura di F. Flores D’A rcais,
67 R. P. Bergman, The Salerno Ivories, p. 23. F. Crivello, Modena, Panini, 2010, p. 197-212, in part.
Le sto ri e d e lla Ge ne si ne lla Cappe lla Palat i na d i Palermo 337
Fig. 8. Poitiers, Saint-Savin-sur-Gartempe, navata, volta, registro superiore nord, il Sacrificio di Caino e Abele ( Jean-
Pierre Brouard © CESCM).
due fratelli, differenziati nella fisionomia (Abele della parete nord.69 Lo scafo dell’imbarcazione,
imberbe e Caino con la barba), sono separati terminante in una doppia prua dalle estremità
dall’altare, omesso a Salerno, e che la presenza ricurve ricorda infatti un drakkar normanno,
di Dio si esprime sotto forma di emanazione risultando, pur con alcune varianti, affine all’arca
luminosa, forse in analogia con la scena della raffigurata a Saint-Savin (fig. 10, pl. 35) e nelle
Creazione di Adamo: un raggio di luce rossa Parafrasi di Alfrico e Caedmon.70 La narrazione
scaturisce infatti dall’empireo dirigendosi verso delle storie di Noè ricomincia dunque, dopo
Abele a segnalare la preferenza accordata al un largo enjambement, sul registro inferiore
suo dono. I rapporti con gli avori di Salerno e
con la tradizione figurativa nordica appaiono
particolarmente ricorrenti nelle storie di Noè, 69 La scena è stata in parte rifatta, a fine Settecento, da
a partire dalla Costruzione dell’Arca (pl. 50, Santi Cardini: l’intervento in particolare ha interessato
la figura di Noè in dialogo con Dio e il cerchio
fig. 2/X) che conclude il registro superiore dell’empireo, da cui in origine doveva probabilmente
fuoriuscire la mano divina. Cf. E. Kitzinger, I mosaici del
periodo normanno in Sicilia…, t. ii, p. 9-10, n. 1.
p. 208. Si veda inoltre, sulla Bibbia di S. Cecilia, Giulia 70 H. L. Kessler, «I mosaici della navata centrale…», p. 117.
Orofino, «Pittura e miniatura», in part. pp. 163-165; Cf., per l’Arca di Saint-Savin, Mira Friedman, «L’arche
Ead.,, «Per un’iconografia comparata delle Bibbie de Noé de Saint-Savin», Cahiers de civilisation médiévale,
Atlantiche», Rivista di Storia della Miniatura, 6-7 (2001- 40 (1997), p. 123-143. Sulla rappresentazione dell’arca
2002), p. 29-40, in part. p. 30. sotto forma di nave cf. Maria Teresa Lezzi, «L’arche
3 3 8 g i ul i a a rc i di aco n o
Fig. 9. Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. Barb. lat. 587 (Bibbia di Santa Cecilia in Trastevere),
fol. 5r (© Biblioteca Apostolica Vaticana).
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Fig. 10. Poitiers, Saint-Savin-sur-Gartempe, navata, volta, registro superiore nord, l’Arca di Noè ( Jean-Pierre Brouard
© CESCM).
della parete opposta, con la rappresentazione che addita, irriverente, la nudità del padre.72
del Diluvio e il patto dell’Arcobaleno (pl. 49, L’Ebbrezza di Salerno diverge comunque, per
fig. 1/X-XI), dove Dio, antropomorfo e a figura molti aspetti, dalla versione palermitana della
intera, ricompare a segnalare la possibilità di scena: in quest’ultima compaiono infatti sia Sem
salvezza concessa all’Umanità attraverso Noè, che Japhet – laddove a Salerno è presente uno solo
in una impaginazione che trova un efficace dei due fratelli – e manca invece il personaggio
parallelo nella Parafrasi di Alfrico (fol. 16v).71 afflitto che a Salerno è collocato a sinistra della
Elementi di derivazione occidentale emergono composizione, verosimilmente Cam, maledetto
anche nell’Ebbrezza di Noè (pl. 49, fig. 1/XII) nella sua stirpe. È tuttavia possibile che al suo
in cui, come a Saint-Savin e come in una delle posto sia stato rappresentato a Palermo il giovane
placche di Salerno (fig. 12), è raffigurato Cam che, nella limitrofa vigna, ripone i grappoli
Fig. 11. Poitiers, abbazia di Saint-Savin sur Gartempe, navata, volta, registro superiore sud, la Costruzione della Torre di
Babele ( Jean-Pierre Brouard © CESCM).
d’uva nel paniere, dettaglio che trova termini opposta, la Costruzione dell’Arca: la forma della
di confronto nella Vendemmia della Parafrasi di torre, a tre piani, con tre finestre nel secondo
Alfrico (fol. 17r) e nella stessa serie salernitana.73 ordine, somiglia a quella illustrata nella Genesi di
Se l’A scensione di Enoch, integralmente rifatta Caedmon (Oxford, Bodleian Library, ms Junius
dal restauratore Santi Cardini dopo il 1783 sul 11, fol. 82) e i muratori che utilizzano gli attrezzi
registro superiore della navata nord (pl. 50, fig. 2/ del mestiere ricordano nella disposizione, nella
VIII), ha effettivamente riproposto un soggetto gestualità, nelle pose, quelli raffigurati nello stesso
già contemplato nel programma iconografico manoscritto e nella Parafrasi di Alfrico, ma anche
normanno,74 esisterebbero, inoltre, ulteriori a Saint-Savin (fig. 11, pl. 37) e nell’analoga scena
elementi a favore di una pista interpretativa, ancora scolpita in una delle placche di Salerno (fig. 12).75
da approfondire, che suggerisce una relazione Ad esempio, il personaggio che in cima alla torre
esplicita con il mondo figurativo espresso nei si sporge verso sinistra con un attrezzo in mano
manoscritti insulari inglesi e con l’arrangiamento è presente anche nel manoscritto di Caedmon,
della Genesi di Saint-Savin. nella Parafrasi di Alfrico (fol. 19r) e, in posizione
Punti di contatto con Saint-Savin, con i speculare, a Saint-Savin. L’uomo che si sporge dal
manoscritti inglesi e con gli avori di Salerno si cornicione del secondo piano apprestandosi a
riscontrano anche nella Costruzione della Torre tirare su il secchio colmo di malta con una corda,
di Babele (pl. 49, fig. 1/XIII), configurata come trova analogie con quello che a Saint-Savin, in
un cantiere in operosa attività e descritta con lo cima alla torre, issa un secchio colmo di malta
stesso sapido realismo che connota, nella parete servendosi di una carrucola, affiancato dal già
73 R. P. Bergman, The Salerno ivories…, p. 29. 75 Cf. Saint-Savin …, p. 127, fig. p. 124; R. P. Bergman, The
74 H. L. Kessler, «I mosaici della navata centrale…», Salerno Ivories…, p. 30-31, fig. 12, e P. Vallisi, L’enigma
p. 113-114; O. Demus, The Mosaics…, p. 253. degli avori…, cat. no 22, p. 296.
Le sto ri e d e lla Ge ne si ne lla Cappe lla Palat i na d i Palermo 3 41
Fig. 12. Salerno, Museo diocesano, l’Ebbrezza di Noè e la Costruzione della Torre di Babele (Kunsthistorisches Institut in
Florenz).
citato operaio che, con una cazzuola in mano, visivamente gli episodi illustrati. L’episodio che
si sporge verso destra per comunicare con le descrive l’incontro di Rebecca ed Eliezer e il
maestranze. Allo stesso modo, alla Palatina, un loro viaggio di ritorno, sebbene creativamente
muratore in cima alla torre regge nella mano riformulato in uno schema chiastico (pl. 50, fig. 2/
destra una cazzuola e appare in atto di discu- XIII), ha rapporti di continuità, come ha osservato
tere con un gruppo di sette astanti, i cui gesti Kitzinger, con gli Ottateuchi greci,77 ma è anche
indicano un tentativo, infruttuoso, di dialogo. Si attestato nella Parafrasi di Alfrico, così come lo
realizza così una contaminazione con l’episodio è la trasformazione fisica di Giacobbe in Israele
della Confusione delle lingue, attestata negli (fol. 50r). Giovane e imberbe nella sequenza che
Ottateuchi bizantini e rappresentata a Salerno raffigura la Benedizione di Giacobbe da parte di
dai personaggi che indicano le loro bocche Isacco, il sogno di Giacobbe e la consacrazione
segnalando la loro impossibilità a comunicare. dell’ara a Betel, il patriarca appare infatti con la
Possono infine rintracciarsi punti di contatto sia barba nella scena che illustra la colluttazione
con gli Ottateuchi bizantini76 sia con la Parafrasi con l’angelo (pl. 50, fig. 2/XVI), episodio di cui
di Alfrico (fol. 18v) per l’inserto con l’uomo che Kessler ha illustrato il complesso significato
cuoce i mattoni nella fornace in accordo a Gn 11, 3. teologico, rivolto a pubblici diversi e leggibile
I riferimenti alla tradizione figurativa nordica in chiave tipologica.78
tornano a emergere nel registro inferiore della
parete nord, dove il racconto si snoda, come
nel registro opposto, senza partizioni verticali, 77 E. Kitzinger, I mosaici di Monreale…, p. 62 e n. 77, 78.
con clipei posti ai vertici degli archi a separare Come già osservato da Demus, il mosaicista di Palermo
deve avere sintetizzato due episodi separatamente
illustrati nel modello, invertendo la prima scena e
76 Si vedano ad esempio le corrispettive scene dell’Ottateuco ponendo i cammelli al centro. O. Demus, The Mosaics…,
di Istanbul (fol. 65r) e del Vat. Gr (fol. 61r) in p. 248.
K. Weitzmann, M. Bernabò, The Byzantine 78 H. L. Kessler, «I mosaici della navata centrale…»,
Octateuchs…, t. i, p. 60, t. ii, fig. 169, 171. p. 118-122.
3 4 2 g i ul i a a rc i di aco n o
I personaggi, fermati in pose statiche e caratter- fig. 2/XII) i gesti dei personaggi, amplificati e
izzati da gesti misurati e solenni, si distribuiscono contrapposti – la mano destra dell’angelo che
in composizioni simmetriche che, nel condensare interviene a fermare Abramo riprende il gesto
più episodi, possono prevedere inversioni nella allocutorio di Dio che, nella scena precedente,
sintassi narrativa, come si registra ad esempio chiede al patriarca il figlio in olocausto – precisano
nella breve sequenza che ritrae Rebecca (pl. 50, i tempi della storia e giovano a chiarirne il
fig. 2/XIII). Connessioni e rinvii interni, affidati significato morale in una prospettiva anagogica.
a corrispondenze cromatiche e compositive Allo stesso modo, le anafore che, come sopra
e all’iterazione di precisi elementi figurativi, ricordato, ricorrono nelle scene della Creazione,
forniscono coerenza al racconto, suggerendone prevedendo una studiata alternanza di acqua e
il senso e l’ordine di lettura: è il caso dell’arca di terra e parallelismi interni nell’articolazione del
Noè che, raffigurata in costruzione nel registro panneggio del Creatore, da una parte rispondono
superiore della parete nord (pl. 50, fig. 2/X), ad esigenze di equilibrio compositivo, dall’altra
ricompare nel registro inferiore della parete illustrano la perfetta coerenza del disegno divino
opposta, tagliata per metà e con la prua rivolta e scandiscono il tempo della narrazione che si
verso destra, a indicare la ripresa della narrazione arresta nella scena del Riposo del Signore, rivolto
(pl. 49, fig. 1/X). La colomba che porta l’ulivo verso sinistra a contemplare l’opera realizzata
a Noè è diretta invece verso sinistra così come (pl. 49, fig. 1/VII). Nel suo suggestivo rimando
il corvo nero che, corrispettivo antitetico della all’idea della regalità, questa potente immagine
colomba, appare nella metà destra dell’arco iconica che equipara le dimensioni della più alta
nell’atto di beccare il cadavere di un annegato, delle figure stanti82 e che interpone una pausa
svolgendo così una funzione di cesura metrica.81 meditativa tra la serie esamerale e le storie di
Pur rientrando infatti nel campo della scena che Adamo ed Eva, dialoga efficacemente con il
raffigura l’Uscita di Noè dall’arca (pl. 49, fig. 1/ significato complessivo del programma decorativo
XI), il corpo dell’annegato rivolto verso sinistra e dell’edificio, intonandosi al plurivoco canto di
la direzione analoga del volo del corvo rimandano lode che celebra l’onnipotenza del Pantocratore
agli effetti del Diluvio e ne segnalano l’avvenuta e la gloria del re “scettropossente”.
conclusione. Anche nel Sacrificio di Isacco (pl. 50,
Les mosaïques de l’Ancien Testament La distribution des sujets est claire, cohérente
de Monreale dans un réseau et systématique, respectant le sens circulaire de
méditerranéen et transalpin lecture : l’ordre et la symétrie dominent le schéma
iconographique et les expédients artistiques rendent
Sur les parois du vaisseau central et le revers la décoration fluide et unie, bien que pliée aux
de la façade de la cathédrale de Monreale, les contraintes spatiales imposées par les différentes
mosaïques montrent quarante-deux scènes de la parties de la surface architecturale.
Genèse réparties sur deux registres (fig. 1). Le cycle Pour une approche des mosaïques de Monreale
commence par la Création à l’extrémité orientale et du cycle de l’Ancien Testament sont d’une
de la paroi sud ; il se poursuit avec l’histoire d’Adam importance capitale les études d’Otto Demus
et Ève, le Péché originel et la punition qui s’en est (1949) et d’Ernst Kitzinger (1960, mises à jour
suivie, le premier meurtre, avec le Sacrifice de Caïn en 1996 et 2003), qui comptent parmi les auteurs
et Abel et la Mort d’Abel, l’histoire de Noé et du les plus prestigieux du xxe siècle. Parmi les
Déluge, au terme duquel l’alliance entre Dieu et autres auteurs, il faut citer les apports bien
les hommes a été renouvelée, la Tour de Babel, les plus récents de Xenia Muratova, concernant
vicissitudes de Sodome et Gomorrhe et l’histoire uniquement les épisodes de la Création, et de
des patriarches, Abraham, Isaac et Jacob. Le cycle Sulamith Brodbeck, à propos du programme
se termine par la Lutte de Jacob contre l’ange, à hagiographique1. Le débat sur la chronologie
l’extrémité orientale de la paroi nord. Il s’agit donc
des épisodes les plus importants ou considérés
comme tels par les concepteurs du programme 1 J’adresse mes vifs remerciements à Marcello Angheben et
iconographique et les mosaïstes. Le cycle est à l’Archidiocèse de Monreale, qui a donné le permis à
interrompu au revers de la façade où trois scènes publier les photos des mosaïques.
des vies des saints Castrensis, Cassius et Castus Otto Demus, The Moisaics of Norman Sicily, Londres,
Routledge & Kegan Paul, 1949 ; Ernst Kitzinger, I
s’insèrent entre les épisodes de l’Ancien Testament. mosaici di Monreale, Palerme, Flaccovio, 1960 ; Ernst
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 345-372
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118932
346 ta n cr e d i be l l a
Kitzinger, I mosaici del periodo normanno in Sicilia. des mosaïques reste très houleux : selon Ernst
V. Il Duomo di Monreale. I mosaici delle navate, Palerme,
Istituto Siciliano di Studi Bizantini e Neoellenici, Kitzinger, ells ont été projetées et commencées
1996 (coll. Monumenti) ; Ernst Kitzinger, « Mosaic vers 1180, mais cette date est controversée, car
decoration in Sicily under Roger II and the classical
Byzantine system of church decoration », Studies
in late antique, Byzantine and medieval Western art, Rome, École Française de Rome, 2010 (coll. Collection
éd. E. Kitzniger, vol. ii, Londres, Pindar Press, 2003, de l’École Française de Rome), p. 25. Autres études
p. 1120-1146 ; Otto Demus, L’arte bizantina e l’Occidente, récentes : David Abulafia, Massimo Naro, Il duomo
Turin, Einaudi, 2008 (coll. Piccola Biblioteca Einaudi), di Monreale. Lo splendore dei mosaici, Castel Bolognese,
p. 133-177 ; Xénia Muratova, « L’iconografia della Itaca, 2009 ; Lisa Sciortino, Il duomo di Monreale,
creazione nei mosaici siciliani e gli studi della natura del San Vendemiano (Trévise), SIME Books, 2012 ; Chiara
XII secolo : problemi dell’interpretazione iconografica », Bonanno, Trascendenza ed esistenzialità nei mosaici
Römisches Jahrbuch der Bibliotheca Hertziana, 38 di Monreale, San Cataldo, Centro Studi Cammarata,
(2007-2008), p. 9-24 ; Sulamith Brodbeck, « Vers une 2014 (coll. Sintesi e proposte), p. 97-141. Sur l’apport
remise en question de la “byzantinisation” excessive du de Kitzinger à l’étude des mosaïques de Monreale
décor de Monreale (Sicile, fin du xiie siècle) à travers voir en dernier lieu Beat Brenk, « Ernst Kitzinger’s
l’analyse du programme hagiographique », Les cahiers Contribution to the Study of Norman Mosaics in
de Saint-Michel de Cuxa, 38 (2007), p. 161-172 ; Ead., Les Sicily », Ernst Kitzinger and the Making of Medieval Art
saints de la cathédrale de Monreale en Sicile. Iconographie, History, éd. F. Harley-McGowan et H. Maguire,
hagiographie et pouvoir royale à la fin du xiie siècle, Londres, The Warburg Institut, 2017, p. 127-142.
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 3 47
– romano more – à la fois pour les concordances Si le modèle direct de la Genèse de Monreale
iconographiques très précises, la mise en scène et est celui de Palerme, la première référence com-
les inscriptions. Le choix des scènes est quasiment mune peut être identifiée dans le cycle de l’église
identique : la narration commence par la Création, paléochrétienne de Saint-Pierre de Rome. Il faut
subdivisée par des bandeaux verticaux en trois ensuite réfléchir sur les cycles qui s’y rattachent :
paires de scènes, et se termine par la Vie de Jacob. les mosaïques de Saint-Paul-hors-les-Murs9, mais
Les deux cycles siciliens sont profondément liés aussi les peintures de Sant’Angelo in Formis et
entre eux mais en même temps sensiblement son hypothétique modèle perdu, l’abbaye de
différents, car ils sont au moins séparés par un Mont-Cassin. Il y a toutefois des divergences,
quart de siècle, voire plus6. À Monreale, les artistes dans la composition et les détails, par rapport
n’ont pas profité d’une extension plus vaste pour au système romain et, à l’inverse, des similitudes
élargir les épisodes7 : ils ont dilaté la narration, avec d’autres cycles occidentaux, tels celui de
ajouté des personnages et assigné à chaque scène la Genèse de la voûte en berceau du vaisseau
un seul espace, alors qu’à Palerme, deux événe- central de la nef de l’église abbatiale de Saint-
ments étaient parfois concentrés dans le même Savin-sur-Gartempe10. Il est ainsi opportun de
cadre. Rares sont les sujets présents seulement à rappeler qu’Itsuji Yoshikawa avait déjà mis en
Monreale8. Toutes les additions au programme évidence des analogies entre certains épisodes
de la Chapelle Palatine trouvent des parallélismes de Saint-Savin et Monreale, en remarquant une
avec d’autres cycles bibliques, ce qui prouve que influence byzantine commune aux deux cycles11.
les équipes disposaient d’autres modèles, peut-être
les mêmes que ceux qui ont été adoptés par les
mosaïstes de Palerme. La Genèse de Monreale 9 Voir Herbert L. Kessler, « Contending Cosmogonies
apparaît donc comme le résultat de la fusion de in the Creation of the World in St. Paul’s Outside the
Walls », Survivals, revivals, rinascenze. Studi in onore di
traditions iconographiques diverses. Bien sûr,
Serena Romano, éd. N. Bock, I. Foletti, M. Tomasi,
certaines libertés dans l’interprétation des thèmes Rome, Viella, 2017, p. 45-57 ; et Cecilia Proverbio, I
peuvent être attribuées à l’initiative des artistes, cicli affrescati paleocristiani di San Pietro in Vaticano e
ce qui montrerait un intérêt nouveau ainsi qu’une San Paolo fuori le mura. Proposte di lettura, Turnhout,
grande créativité et flexibilité dans la maîtrise des Brepols, 2016 (coll. Bibliothèque de l’Antiquité tardive).
À ce propos voir William Tronzo, « I grandi cicli
sources d’inspiration iconographiques. On peut pittorici romani e la loro influenza », La pittura in Italia.
donc supposer que les mosaïstes disposaient d’une L’Altomedioevo, éd. C. Bertelli, Milan, Electa, 1994,
série de formules qui leur servaient à masquer p. 355-368.
les divergences entre les modèles et uniformiser 10 Sur l’abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe voir
essentiellement Saint-Savin. L’abbaye et ses peintures
ainsi la narration.
murales, éd. R. Favreau, Poitiers, Inventaire
General - ADAGP, 1999. À propos des peintures voir
en dernier lieu Marcello Angheben, « L’apport des
Palatina a Palermo, éd. B. Brenk, vol. i, Modène, Panini, relevés stratigraphiques à Saint-Savin-sur-Gartempe.
2010 (coll. Mirabilia Italiae), p. 27-78, qui a attribué la L’exemple du Sacrifice de Noé », In Situ, 22 (2013), mis
commande à Roger II. en ligne le 15 novembre 2013 ; Carolina Sarrade, « La
6 Cf. X. Muratova, L’iconografia della creazione…, p. 11. nef de Saint-Savin : deux ateliers, deux techniques,
7 E. Kitzinger, I mosaici di Monreale…, p. 54 ; approches archéologique des peintures », Les cahiers
A. Iacobini, Il mosaico in Italia…, p. 478. de Saint-Michel de Cuxa, XLVII (2016), p. 103-116, et la
8 Il s’agit des scènes suivantes : Adam dans le Paradis bibliographie citée.
terrestre, la Présentation d’Ève à Adam, la Tentation 11 Itsuji Yoshikawa, « La peinture de l’église de Saint-
d’Ève, Les animaux entrant dans l’arche, l’Évasion Savin-sur-Gartempe et ses rapports avec l’art byzantin
de Jacob : cf. E. Kitzinger, I mosaici del periodo et italo-byzantin », Annuario dell’Istituto giapponese di
normanno…, p. 11, n. 2. cultura in Roma, 2 (1964-1965), p. 13-24.
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 349
iconographie se retrouvent à la fois à Monreale d’Ajello, dans l’organisation des cycles de l’Ancien
et à Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers ou à Testament autant que du programme hagiog-
Saint-Savin-sur-Gartempe18. raphique. Dans une Sicile syncrétique, carrefour
« Un même modèle original aurait été utilisé de sources diverses, assimilées et mélangées, ces
pour la réalisation des mosaïques de Monreale apports septentrionaux, combinés aux influences
et pour les enluminures du manuscrit alsacien », byzantines, conduisent à réévaluer la composante
affirme par ailleurs Sulamith Brodbeck, se référant de la culture orientale considérée depuis longtemps
à l’Hortus Deliciarum de Herrade de Landsberg, comme exclusive20. Mais cet aspect obligerait à
composé en Alsace dans la seconde moitié du xiie élargir sensiblement la question21.
siècle pour les religieuses du couvent du mont Je tenterai donc une mise en parallèle de
Sainte-Odile. Certaines scènes peuvent en effet être certains épisodes des deux cycles siciliens, tout
rapprochées de celles de Monreale, telles l’Arche envisageant des relations avec les peintures de
de Noé ou la Tour de Babel (fig. 15-16, pl. 54) où un Saint-Savin. Il s’agit d’une enquête menée en
bâtisseur tient une cuve de la même manière que collaboration avec Giulia Arcidiacono dans
dans le manuscrit19. À la suite de l’enquête sur le laquelle je me suis concentré sur les mosaïques de
cycle hagiographique, on pourrait aussi interpréter Monreale, tandis qu’elle a porté son attention sur
les différences que présentent les épisodes de celles de Palerme et leurs sources iconographiques.
l’Ancien Testament par rapport au décor de la
Chapelle Palatine de Palerme comme le reflet
d’une prise de distance explicite de Guillaume II La Genèse à Monreale et à la
par rapport à l’auctoritas de Guillaume Ier. Il serait Chapelle Palatine
intéressant d’envisager l’apport que la théorie de
Sulamith Brodbeck peut offrir à l’interprétation La Création
du récit de la Genèse de Monreale, pour tenter
de déceler les influences de la culture française et À Palerme, la Création de la lumière est associée
septentrionale (des territoires Plantagenêt et de à la Création du ciel et de la terre, tout simplement
la dynastie anglo-normande), peut-être favorisés évoquée par les rayons lumineux triangulaires
par le souverain commanditaire et l’entourage de sortant de la sphère entourant le Créateur (fig. 2,
ses conseillers, Gauthier de Palerme et Matthieu pl. 49). Dieu est représenté, non pas sous la forme
d’une main surgissant du ciel comme dans la
Fig. 2. Palerme, Chapelle Palatine, vaisseau central, paroi sud, la Genèse (Giovanni Chiaramonte © Archivio Franco
Cosimo Panini Editore / patrimonio del Fondo Edifici di Culto, Palermo).
tradition byzantine, mais sous une apparence qui enveloppe les sept anges de sa lumière. Cette
christomorphique, et figure toujours à gauche. formule ne semble pas se référer à la tradition
Le Créateur est représenté barbu et non imberbe iconographique byzantine et se rapproche plutôt
comme dans la tradition romaine, sans le nimbe de celle de Rome, qui possède une dimension
crucifère adoptée dans la Genèse Cotton et à impériale, et de l’Italie méridionale24.
Saint-Savin, à mi-corps et dans une gloire à partir Dans la Séparation des eaux, le concepteur des
de laquelle sa puissance créatrice fait irradier dix mosaïques de Palerme propose un globe subdivisé
rayons22. À Monreale, en revanche, la scène est en trois parties par les eaux (fig. 2, pl. 49) : le
autonome et reçoit la forme de la Création des Créateur se trouve en dehors du monde créé
anges au deuxième jour (fig. 3), symbole de la et la représentation est conforme à celle des
lumière primordiale, comme sur les ivoires de mappemondes médiévales depuis xie siècle,
Salerne (xie siècle), selon le passage biblique : comme l’a rappelé Giulia Arcidiacono en se
Fecit dominus lucem appelavitque diem et tenebras fondant sur les travaux de Xenia Muratova25.
noctem (Gen 1, 4). Les anges sont au nombre de À Monreale en revanche, Dieu met ses pieds sur
sept, à l’instar des sept jours de la Création, comme l’eau et, au sommet, les eaux supra-célestes sont
dans les mosaïques de Saint-Marc de Venise23 ; le représentées comme le segment d’une voûte,
Créateur, barbu et tenant un rouleau dans la main selon l’exégèse patristique transposée dans l’art
gauche, est assis sur le trône, le globe en gyrus terrae, byzantin (fig. 4).
au lieu d’être debout comme dans les modèles
byzantins, et de lui provient une énergie cosmique
24 Cf. Baldassare Calisti, « Studio di iconografia sul tempio
di Monreale », Arte cristiana, LV (1967), p. 137-144, 138 ;
22 Voir Giulia Arcidiacono, supra. Sur la représentation Herbert Kessler, « An Eleventh Century Ivory Plaque
du Christ, d’âge mûr et barbu, plus proche de celle du from South Italy and the Cassinese Revival », Jahrbuch
Christ Pantocrator, voir. X. Muratova, L’iconografia der Berliner Museen, 8 (1966), p. 67-95.
della creazione…, p. 11. 25 X. Muratova, L’iconografia della creazione…, p. 17-18.
23 E. Kitzinger, I mosaici di Monreale…, p. 56-58. Voir aussi Pour un exemple du siècle xie, voir British Library,
X. Muratova, L’iconografia della creazione…, p. 15. Royal MS. 6 C. 1, fol. 108v.
3 52 ta n cr e d i be l l a
Fig. 3. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, deuxième registre, Création des anges (photo
Archidiocèse de Monreale).
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Fig. 4. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, deuxième registre, Séparation des eaux (photo
Archidiocèse de Monreale).
À Palerme, le Créateur est à nouveau debout main gauche et accomplit de l’autre main un
dans la Création des astres au quatrième jour geste d’allocution orienté vers la voûte céleste
(fig. 2 et pl. 49). Il tient un rouleau dans sa pour montrer que le Verbe crée par la parole,
3 54 ta n cr e d i be l l a
Fig. 5. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, deuxième registre, Création des astres (photo
Archidiocèse de Monreale).
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Fig. 6. Saint-Savin-sur-Gartempe, voûte du vaisseau central, Création des astres ( J.-P. Brouard © CESCM).
Fig. 7. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, deuxième registre, Création des oiseaux et des poissons
(photo Archidiocèse de Monreale).
comme à Monreale, si ce n’est qu’il se tient debout. est une sphère céleste entourée de deux cercles
À Monreale, les étoiles sont placées plus librement respectivement noir et jaune et le soleil est rouge
qu’à Palerme dans les cercles concentriques : la et cerclé de noir et de jaune. Sous le soleil, une
terre est au centre, la lune plus petite que le soleil bande claire représente l’empreinte de son trajet
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 357
orbital autour de la terre dont le mouvement est la correspondance physionomique entre lui et la
produit par l’impulsion du Créateur qui le déplace créature29 (fig. 2, pl. 49). À Monreale, par contre,
avec force. Dans la mesure où cette iconographie Dieu est assis sur un globe et onze animaux ont
apparaît dans ce contexte, on peut supposer qu’elle été regroupés sur la droite de la composition, à
était déjà répandue dans les manuscrits d’Italie l’extrémité de la diagonale rocheuse qui englobe
du Sud aux xie et xiie siècles. À Monreale, on a Adam (fig. 8, pl. 52). Comme à Palerme, le bras
respecté les Saintes Écritures tout en cherchant à droit de Dieu et celui d’Adam suivent la diagonale
la faire dialoguer avec la connaissance du système générée par le rayon, mais à Monreale les mains se
aristotélicien et ptolémaïque, ce qui s’accorde rapprochent, les bras sont plus étendus, produisant
à la richesse intellectuelle de la cour royale de une plus grande charge émotive entre le Créateur et
Sicile, un centre important pour la transmission la créature. Dieu, toujours christomorphique, crée
de nouvelles connaissances grecques et arabes à nouveau à travers une sorte de geste d’allocution
à l’Occident, grâce à la traduction d’ouvrages et aussi de bénédiction de la main droite, tendue
scientifiques27. vers Adam, tandis que celui-ci semble recevoir
Enfin, la Création des oiseaux et des poissons est les paroles divines, ouvrant et tendant sa main
traitée de la même manière à Palerme et à Monreale, à droite dans la direction de celle du Créateur.
la différence près qu’à la Chapelle Palatine le Créateur À Saint-Savin également, la scène est suivie par
se tient à gauche et fait un geste d’allocution de la la Présentation d’Ève à Adam, un sujet absent à
main droite – celle de gauche étant cachée par son Palerme mais qui se trouve au revers de la façade
vêtement (fig. 2, pl. 49) – tandis qu’à Monreale il de Monreale, juste après la Création d’Ève et
est assis toujours sur le globe, tenant le rouleau de avant le Péché originel. À Monreale, Dieu se tient
sa main gauche (fig. 7) : les oiseaux se tournent entre Adam et Ève. Ce choix figuratif, fondé sur le
simplement vers Dieu, suivant ses paroles de vie, les modèle du mariage, comme le propose Marcello
poissons semblent prendre forme dans les vagues de Angheben, peut avoir été inspiré, à Saint-Savin
la mer et l’ensemble dégage un sentiment de calme, mais aussi à Monreale, par l’institution du mariage
alors qu’à Palerme les oiseaux et les poissons restent au xie siècle. Selon Jérôme Baschet, il faudrait
déterminés à exercer leurs activités28. également rattacher à ce sacrement la variante
iconographique de la naissance d’Ève surgissant
Adam et Ève, Caïn et Abel du flanc d’Adam, pour montrer l’unité substantielle
des deux êtres, fondement de ce sacrement30.
À Monreale comme à Palerme, la Création À Saint-Savin, la Création d’Ève montre Dieu
d’Adam au sixième jour montre un rayon sortant prélevant la côte d’Adam, mais dans les deux
de la bouche de Dieu pour atteindre Adam programmes siciliens on a choisi la formule dans
qui se lève et se dirige vers son Créateur. À la laquelle Ève se dresse à partir du flanc d’Adam
Chapelle Palatine, Dieu, figuré en pied et tenant endormi, négligeant le détail anatomique de la
un rouleau dans la main gauche, crée l’homme à côte ouverte pour montrer le corps de la femme
son image et à sa ressemblance, comme l’indique directement en relation avec celui de l’homme et
signifier ainsi l’essence sémantique de l’Écriture
Sainte ; Ève tend ainsi ses bras vers le Créateur31.
27 Cf. X. Muratova, L’iconografia della creazione…, p. 20-21,
24.
28 Cf. Rodolphe Guilland, « Introduction », L’art de la 29 Voir Giulia Arcidiacono, supra.
mosaïque byzantine en Italie, in Mosaïques byzantines en 30 Cf. Jérôme Baschet, L’iconografia medievale, Milan, Jaca
Italie. Torcello - Venise - Monreale - Palerme - Cefalù, Paris, Book, 2014 (coll. Arte), p. 163-165, 185-186.
Plon, 1952, p. 1-8. 31 Ibid., p. 165-172.
3 58 ta n cr e d i be l l a
Fig. 8. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, deuxième registre, Création d’Adam (photo Archidiocèse
de Monreale).
Dans les deux ensembles de mosaïques sicil- Paradis et le Travail d’Adam – sont sensiblement
iens, les épisodes formant le cycle du Péché similaires et très proches des formules des ivoires
originel – à savoir le Péché originel proprement de Salerne. À Palerme, la représentation englobe la
dit, les Reproches du Seigneur, l’Expulsion du Tentation d’Ève qui, à Salerne comme à Monreale,
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 359
Fig. 9. Palerme, Chapelle Palatine, vaisseau central, paroi nord, la Genèse (photo Giovanni Chiaramonte © Archivio
Franco Cosimo Panini Editore / patrimonio del Fondo Edifici di Culto, Palermo).
forme une scène indépendante. À Monreale, le lumière émanant de la main de Dieu, contraire-
concepteur a proposé un schéma symétrique, ment à ce qui se passe à Saint-Savin où la main
traditionnel, mais qui n’est jamais statique : le divine est remplacée par le Christ Logos, ou
mouvement de la narration allant de gauche à dans la Paraphrase d’Ælfric, si ce n’est qu’il est
droite est constamment maintenu. Dans le Péché assis32. À Monreale, la Malédiction de Caïn est
originel de Palerme, Adam et Ève sont encore animée par une ligne diagonale descendante ;
profondément unis alors que le Créateur les la personnification de la voix du sang d’Abel
condamne, tout en tendant sa main droite devant accusant Caïn apparaît sous la forme d’une petite
l’arbre qui les sépare (fig. 9, pl. 50). À Monreale figure humaine, ce qui est nouveau par rapport à
au contraire, le geste de Dieu s’arrête devant Palerme. La représentation de la Mort d’Abel est
le tronc de l’arbre dont la courbe fait écho à sensiblement similaire entre Monreale (fig. 11)
celle du corps d’Adam, et les protoplastes sont et Palerme, au-delà des différences stylistiques
séparés par un autre arbre pour montrer que la et de certains détails iconographiques comme
division s’est déjà immiscée entre eux (fig. 10). l’arme utilisée par Caïn – un bâton à Monreale,
Dans les Reproches du Seigneur de Monreale, une hache à Palerme – ou le réalisme accru du
l’arbre est flétri et nu, ce qui constitue une autre sang coulant de la blessure infligée à la tête,
conséquence du péché. Dans l’Expulsion d’Adam comme dans la Paraphrase d’Ælfric33.
et Ève du Paradis terrestre, une intensification du
mouvement et une agitation accrue de la draperie
soulignent l’action perturbatrice du geste punitif 32 Londres, British Library, manuscrit Cotton, Claude B.
IV. Cf. M. Angheben, Le geste d’allocution…, p. 24-25.
de l’ange qui repousse les protoplastes. 33 À Palerme, les restaurations de la fin du xviiie siècle
Le Sacrifice de Caïn et Abel est représenté doivent avoir touché la Mort d’Abel où la montagne
d’une manière sensiblement similaire dans de gauche suggère qu’à l’origine Dieu (ou la main
les deux cycles du point de vue du contenu divine) apparaissait dans un arc en haut à gauche :
cf. Herbert L. Kessler, « I mosaici della navata
iconographique et de l’orchestration de la com- centrale », La Cappella Palatina a Palermo…, p. 113-124.
position. L’acceptation divine de l’Offrande Sur l’iconographie de la Mort d’Abel, similaire celle du
d’Abel est représentée comme un rayon de panneau de bronze de la porte de Bonanno Pisano à
36 0 ta n cr e d i be l l a
Fig. 10. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi nord, deuxième registre, Reproches du Seigneur (photo
Archidiocèse de Monreale).
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 361
Fig. 11. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi nord, deuxième registre, Mort d’Abel (photo Archidiocèse de
Monreale).
362 ta n cr e d i be l l a
Fig. 12. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, premier registre, Construction de l’Arche (photo
Archidiocèse de Monreale).
L’Arche de Noé scène délibérément séparée (fig. 15), qui fait pendant
avec l’entrée des animaux. À Monreale, on a donc
Le cycle de Caïn et Abel est directement suivi accordé une place exceptionnelle à l’Arche de Noé
par celui de Noé. À Palerme, l’Arche de Noé est et multiplié les détails, surtout dans la première
traitée en trois épisodes : Noé dialoguant avec Dieu, scène où le cadre plus étendu en largeur a permis
le Déluge et l’Alliance matérialisée par le signe de une plus grande narrativité (fig. 12). On relèvera
l’arc-en-ciel (fig. 2, pl. 49). On a cherché à établir notamment l’utilisation de la scie et le rabotage des
visuellement une continuité narrative entre la fin planches, ainsi que l’ajout de deux personnages par
du déluge et l’alliance entre Dieu et Noé : les deux rapport à la formule de Palerme.
scènes sont placées au registre inférieur, sur l’écoinçon La scène de Noé regardant la colombe et
séparant les deux premières arcades, sans solution de la fin du déluge visent à créer une corrélation
continuité. L’Alliance comprend également la sortie explicite avec les scènes précédentes et suivantes
des animaux de l’arche qui devient, à Monreale, une (fig. 13, pl. 53). Dans les deux cas en effet, les deux
personnages situés aux extrémités attirent le regard
vers ce qui précède où ce qui suit, enchaînant
la cathédrale de Monreale, voir William Melczer, La
sémantiquement deux scènes voisines : les gestes
porta di Bonanno a Monreale. Teologia e poesia, Palerme, et les regards se tournent vers l’arrière à gauche,
Novecento, 1987, p. 92-94. et vers l’avant à droite. La proximité visuelle des
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 363
Fig. 13. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, premier registre, le Déluge (photo Archidiocèse de
Monreale).
Fig. 14. Abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe, voûte du vaisseau central, le Déluge ( J.-P. Brouard © CESCM).
est un bateau à la proue et à la poupe recour- aux extrémités incurvées apparaît également,
bées vers le haut, un modèle de bateau de type sans surprise, dans la Genèse de Cædmon36 et
septentrional, comme l’ont montré les études dans la Paraphrase d’Ælfric. La reproduction
de Maria Teresa Lezzi, ce qui laisse supposer de ce détail dans des œuvres différentes par la
que certains aspects des cycles siciliens ont été culture dont elles émanent, le support matériel
empruntées à des modèles septentrionaux, même et la technique, est à rattacher directement à une
si d’autres détails révèlent une discontinuité culture occidentale, notamment septentrionale,
et laissent donc subsister de sérieux doutes attestée par les manuscrits insulaires, mise en
à ce sujet : l’arche de Monreale, avec un seul œuvre à Saint-Savin et Château-Gontier, et
niveau de fenêtres, semble plutôt appartenir répandue dans le Sud de l’Italie, à Palerme, à
à la catégorie des bateaux à un seul étage, avec Monreale, mais probablement aussi à la cathédrale
un attique supérieur, contrairement à celle de de Cefalù. Cette observation donne de la force à
Saint-Savin où se superposent trios ponts occupés l’hypothèse, en partie déjà proposées par Ernst
par des hommes ou des animaux35. Une arche Kitzinger et soutenue aussi par Herbert Kessler,
d’une source normande commune – par exemple
un livre de modèles – qui pourrait découler de
35 Cf. Maria Teresa Lezzi, « L’arche de Noé en forme de l’hypothétique tradition de la Genèse Cotton,
bateau : naissance d’une tradition iconographique »,
Cahiers de Civilisation Médiévale, 37 (1994), p. 301-324.
À ce sujet voir aussi Mira Friedman, « L’arche de Noé
de Saint-Savin », Cahiers de civilisation médiévale, 40-158
(1997), p. 123-143, en part. 136. 36 Oxford, Bodleian Library, manuscript Cædmon, Junius 11.
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 365
Fig. 15. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, premier registre, la Sortie de l’Arche (photo Archidiocèse
de Monreale).
reprise par les bibles de Tours, la Paraphrase cadre38. À Monreale, Noé figure à gauche où il est
d’Ælfric et la Genèse de Cædmon37. presque entièrement sorti de l’arche en dehors
Dans la scène du Débarquement de Noé, la de sa jambe gauche, et pousse un lion qui foule
coque de l’arche est soutenue à l’avant et à l’arrière la terre ferme (fig. 15). À droite, un de ses fils fait
par deux collines sinueuses, distinctes des reliefs de même avec un bélier qui descend fébrilement
anguleux de la Chapelle Palatine (fig. 2, 15). La sur une passerelle, une formule qui réapparaîtra
composition forme ainsi un vaste cône inversé dans la Genèse Egerton39. À Palerme en revanche,
partiellement inoccupé, une vallée au-dessus de Noé est encore à l’intérieur du bateau d’où il
laquelle l’arche est anormalement suspendue. Il repousse les animaux sur la passerelle, tandis que
s’agit sans doute d’un motif servant à donner de les autres membres de la famille regardent dans
l’intérêt et du dynamisme à la partie inférieure où la même direction à travers les baies.
les animaux commencent à paître sur le sol, et ne
relève donc pas d’un choix lié aux contraintes du
38 À ce propos voir W. Melczer, La porta di Bonanno…,
p. 100-103.
37 À cet égard voir George Henderson, « The Sources 39 British Museum, manuscrit Egerton, 1894. Cf. George
of the Genesis Cycle at Saint-Savin-sur-Gartempe », Henderson, « Late-Antique Influences in Some English
Journal of the British Archaeological Association, 26 (1963), Medieval Illustrations of Genesis », Journal of the Warburg
p. 11-26. and Courtauld Institutes, 25 (1962), p. 172-198, en part. 183-190.
36 6 ta n cr e d i be l l a
Fig. 16. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, premier registre, Tour de Babel (photo Archidiocèse de
Monreale).
Fig. 17. Abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe, voûte du vaisseau central, Tour de Babel ( J.-P. Brouard © CESCM).
il a réduit les niveaux de la tour de trois à deux à Palerme, la scène commence au-dessus de l’arc
pour lui donner un aspect compact, en éliminant précédent occupé par Abraham prostré aux pieds
une paire de figures. Les hommes représentés à des trois anges, tandis qu’à Monreale, la porte de
la base de la tour sont placés en cercle et leurs la tente est située derrière le patriarche prostré
attitudes les lient entre eux comme sur le cadran et non derrière les anges, et Sarah apparaît dans
d’une horloge : l’homme tenant l’escalier, entre son embrasure. Comme l’a souligné Sulamith
les ouvriers situés respectivement à six heures Brodbeck, l’agneau du banquet est un détail à
et à neuf heures, attire le regarder vers le haut, mettre en parallèle avec les autres représentations
vers la douzième heure. Le Seigneur qui vient de banquets du Nouveau Testament, tels le Repas
voir la ville et confondre les langues, représenté à chez Simon le Pharisien, les Noces de Cana et
Saint-Savin, ne figure ni à Monreale, où l’épisode la Dernière Cène42.
est tout simplement omis, ni à Palerme où l’intérêt Après l’Histoire de Lot, qui suit l’Hospitalité
est toujours centré sur l’histoire humaine au d’Abraham, le récit se poursuit sur le registre
détriment du rôle joué par Dieu. correspondant de la paroi de gauche avec la
Destruction de Sodome. S’ensuit le Sacrifice
Histoires d’Abraham et de Jacob d’Abraham, où l’action et les attitudes sont presque
identiques dans les deux cycles. À Palerme, la
La Visite des trois anges à Abraham, que composition symétrique et articulée par plans
l’inscription rattache au dogme trinitaire – tres vidit horizontaux et parallèles exprime le contenu du
et unum adoravit –, ne comporte pas de cloison : récit biblique (fig. 9, pl. 50). La position d’Abra-
ham, tourné vers la droite, indique la direction
de sa volonté et de son action consécutive à la
Actes du colloque (Cerisy-la-Salle, 24-27 septembre
1992), Caen, Presses Universitaires de Caen, 1994,
p. 203-221. 42 S. Brodbeck, Les saints de la cathédrale…, p. 61.
36 8 ta n cr e d i be l l a
Fig. 18. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi nord, premier registre, Sacrifice d’Abraham (photo
Archidiocèse de Monreale).
demande du Seigneur. Le pan flottant du manteau très violents d’ombre et de lumière qui expriment
et la descente de l’ange équilibrent l’espace et la presence du vent ainsi que l’anxiété. Les plis
révèlent l’intervention salvifique de Dieu. Il convergent au-dessus du genou gauche pour
s’agit d’un contraste d’actions, de volonté et de exalter le mouvement diagonal et la direction de
sentiments qui se reflète même dans le choix des l’action. La tête d’Abraham est plus petite qu’à
couleurs, comme l’a relevé Giulia Arcidiacono. Palerme, organisée par des lignes arrondies et
À Monreale en revanche, une plus grande exi- cloisonnées. Isaac a les mains liées, les cheveux
gence explicative a conduit à accorder un intérêt empoignés par son père et les yeux dépourvus
accru aux effets dramatiques, exprimé par le de bandeau, ce qui annonce l’imminence de sa
dynamisme et la fluidité des gestes et accentué mort. Le bélier blanc qui sera sacrifié à la place
par l’homogénéité des couleurs (fig. 18, pl. 55). Les du garçon se dresse au milieu des branches du
figures sont quasi électrisées grâce à la diagonale buisson43.
qui lie les trois figures (ange, Abraham, Isaac). Le
genou d’Abraham est plus haut et le pan soufflé
du manteau est plus bas ; les mouvements du bras 43 La diffusion de cette iconographie dans la région
méditerranéenne entre le xie et le xiie siècle a été
droit et du cou sont contenus et ne bouleversent développée par Andreina Contessa, « L’attesa
pas la continuité de l’action. Le manteau et la dell’ariete. Il sacrificio di Isacco nelle bibbie catalane di
tunique sont blancs, animés par des contrastes Ripoll e di Roda », Rivista di Storia della miniatura, 6-7
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 369
Comme l’a rappelé Herbert Kessler, depuis du xie siècle)44. À Monreale, la scène est animée
le Sacrifice d’Isaac jusqu’à la Lutte de Jacob avec par des gestes plus dynamiques : Jacob possède
l’Ange, il n’y a plus de parallélisme avec Saint-Savin, un visage imberbe et jeune, caractérisé par un
les cycles romains et ceux qui s’y rattachent. regard tendu, et tente de gagner le combat au
Les seules ressemblances apparaissent dans les corps à corps qui l’oppose à un ange aux ailes
manuscrits anglais, dont les représentations de déployées, jusqu’à ce qu’il découvre, à l’aube, que
Rebecca au puits avec les chameaux d’Éléazar et c’est avec Dieu qu’il s’est battu (fig. 19).
du Voyage de Rebecca à Canaan ont été traités
de manière à peu près identique à Monreale où
les deux moments de l’histoire ont toutefois été Quelques considérations sur la base
scindés en deux scènes alors qu’elles sont unifiées du parallélisme
sur les écoinçons de Palerme.
Les scènes du cycle de Jacob sont disposées En mettant en parallèle les deux cycles, il est
dans l’ordre : la Bénédiction de Jacob, le Songe possible de repérer à Monreale certaines modi-
et la Consécration de l’autel à Béthel sont réunis fications intentionnelles de la composition par
dans une seule scène. À Palerme, Ésaü apparaît une rapport à Palerme : la souplesse des mouvements
seule fois, dans la scène de chasse de la Bénédiction des figures, l’importance accordée au paysage,
de Jacob où il est isolé par une montagne qui les personnages de proportions inférieures face
remplit la fonction d’axe de séparation. À Monreale à une expansion notable des parois. L’ampleur
en revanche, on retrouve Ésaü dans deux épisodes nettement accrue des surfaces murales réduit
secondaires, écartés à la Chapelle Palatine, pour de surcroît l’enchaînement entre les scènes :
enrichir l’iconographie : il est envoyé à la chasse les figures sont plus détachées et semblent
par Isaac avant la Bénédiction de Jacob et, dans plus petites à cause de l’espace vide qui les
cette dernière scène, il revient de la chasse. domine. Mais la scénographie est plus riche et
À Monreale, le Songe de Jacob et la Consécration mieux orchestrée qu’à Palerme : les montagnes,
de l’autel à Béthel sont précédés par Rebecca les édifices et les arbres sont bien distribués,
exhortant Ésaü à s’enfuir. La Fuite de Jacob, qui tandis que l’homme a reçu des proportions
est absente à Palerme, est également ajoutée à plus exactes par rapport à cet environnement,
l’épisode final, théologiquement complexe, de la reproduisant parfois la silhouette ou les couleurs
Lutte de Jacob avec l’ange (précédé par le Songe des éléments du paysage. Et si les mosaïstes de
de l’Échelle céleste), par laquelle le récit de la Palerme ont organisé beaucoup de scènes dans
Genèse se termine dans les deux édifices royaux. des cadres rectangulaires, coupant régulièrement
Cette scène commune aux programmes de Palerme les personnages par les lignes courbes des arcs,
et de Monreale figure significativement dans un comme l’a fait remarquer Giulia Arcidiacono45
autre édifice royal de la période médiobyzantine : (fig. 2 et 9), leurs collègues de Monreale ont
les peintures de Sainte-Sophie de Kiev (milieu
Fig. 19. Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi nord, premier registre, Lutte de Jacob avec l’Ange (photo
Archidiocèse de Monreale).
adapté les récits au format plus difficile des scènes46 : la lecture en est facilitée et le regard
triangles des écoinçons. Les profils courbes des est invité à trouver une concordance de rythme
arcs ont été utilisés pour y placer des figures
couchées ou des éléments naturels (collines,
46 Cf. A. Iacobini, Il mosaico in Italia…, p. 478. M. Andaloro,
versants de montagnes, etc.) ; les mosaïstes se
Nel cerchio della luce…, p. 100-101 a supposé qu’à Monreale,
sont arrangés pour faire tenir les sujets dans des comme à la Chapelle Palatine, les représentations de la
cadres uniformisés, plutôt que dimensionner flore et plus particulièrement des arrière-plans des scènes
le format des scènes en fonction de leur sujet. vétérotestamentaires sont apparentées aux sujets profanes
En bref, le cycle de Monreale exalte la syntaxe des mosaïques des monuments palermitains – le Palais
Royal, la salle de la Zisa –, eux-mêmes inspirés par les
architecturale au lieu d’en être conditionnée mondes byzantin et islamique. Voir aussi Maria Andaloro,
voire limitée (fig. 1). Bien qu’il n’y ait pas de « I mosaici siciliani », I normanni popolo d’Europa, 1030-1200,
véritable liaison entre les scènes, qui ne sont pas Catalogue de l’exposition (Rome, 28 janvier - 30 avril 1994),
enchaînées, la ligne ininterrompue du sol qui éd. M. D’Onofrio, Venise, Marsilio, 1994, p. 255-261, en
part. 260 ; Maria Andaloro, « La Cappella Palatina di
les parcourt constitue un expédient sophistiqué Palermo e l’orizzonte mediterraneo », Il Mediterraneo e l’arte
facilitant la perception visuelle de la continuité nel Medioevo, éd. R. Cassanelli, Milan, Jaca Book, 2000,
narrative du cycle et l’enchaînement visuel des p. 237-256.
l e r éc i t d e la ge nè se dans le s mo saï q u e s d e la cat hé d rale d e monreale 371
(régulier) dans le mouvement ondulé de leurs le regard vers les angles inférieurs des scènes et
disposition, à la fois en bas et en haut. De plus, les invitent à passer rapidement à la scène suivante en
personnages sont souvent en mouvement, ce qui franchissant le cadre qui les sépare (fig. 15). Elles
accroît le rythme ondulatoire et détermine une semblent donc relier délibérément des épisodes
séquence continue entre une scène et l’autre. Les contigus du point de vue sémantique et narratif.
correspondances recherchées entre les épisodes Ernst Kitzinger a supposé qu’à Monreale,
consécutifs ont parfois été préférées au respect la composition générale a été pensée par des
fidèle des modèles iconographiques. Certains maîtres principaux qui ont mélangé des modèles
éléments innovants, comme les couleurs du globe iconographiques aux différentes sources d’in-
de l’univers, révèlent l’intérêt des concepteurs spiration, et ont conçu les scènes par rapport
pour les nouvelles connaissances cosmogoniques à la surface disponible, ajoutant parfois des
et cosmologiques du xiie siècle, comme l’usage personnages, des détails ou des éléments de
de modèles empruntés aux nouvelles études de paysage pour obtenir des compositions équilibrées
la nature47. et occuper une surface plus vaste48. À Palerme,
Il reste à tenter de répondre à une dernière la continuité de la narration est assurée par
question : le concepteur a-t-il voulu enchaîner la suppression d’une séparation verticale sur
les scènes pour entraîner le regard dans le sens deux, tandis qu’à Monreale, la cohérence est
de la lecture ? Il est effectivement malaisé à le obtenue à travers l’uniformisation des cadres49.
dire, mais quelques considérations suggèrent Comme l’a souligné aussi Beat Brenk, l’unité
une réponse plutôt affirmative. C’est visible par esthétique est obtenue à Monreale à la fois par
exemple dans les scènes de l’Arche de Noé : une l’architecture et la décoration, ce qui conduit
grande partie des pieds, des mains, des têtes et Ernst Kitzinger à imaginer que le concepteur de
des regards sont tournées vers la scène voisine, l’ensemble du programme iconographique (nef,
la planche de la première scène comme les transept et absides) a pu être l’architecte, qu’il
passerelles de l’arche relient les trois premiers fût occidental ou oriental, qui aurait coordonné
épisodes (fig. 12, 13, 15, pl. 53), certains corps les artistes byzantins50. S’opposent évidemment
humains sont inclinés de manière à faire écho
à la pente du toit, et des bras accompagnent la
48 Cf. E. Kitzinger, I mosaici di Monreale…, p. 100.
progression des animaux qui descendent du 49 Pour un examen de la complexité de l’édifice du point
bateau. Ces multiples composantes conduisent de vu planimétrique et structurel voir la monographie
fondamentale de Wolfgang Krönig, Il Duomo di
Monreale e l’architettura normanna in Sicilia, Palerme,
47 Cf. X. Muratova, L’iconografia della creazione…, Flaccovio, 1965. Sur l’interconnexion entre architecture et
p. 15-16. Sur la représentation de la nature dans les décoration en mosaïques dans la communication visuelle
manuscrits romains du xiie siècle, voir notamment de l’idéologie du pouvoir royal voir l’étude capitale de
Stefano Riccioni, « La rappresentazione della natura Thomas Dittelbach, Rex imago Christi : der Dom von
tra ornamento e narrazione. Il bestiario di Roma tra i Monreale ; Bildsprachen und Zeremoniell in Mosaikkunst und
secoli XI e XII », Medioevo : natura e figura, Actes du Architektur, Wiesbaden, Reichert, 2003 (coll. Spätantike
colloque international (Parme, 20-25 séptembre 2011), - frühes Christentum - Byzanz : Reihe B, Studien und
éd. A.C. Quintavalle, Milan, Electa, 2015 (coll. I Perspektiven), p. 143-191, 166 sur la technique des
convegni di Parma), p. 335-346. Aux « connaissances mosaïques ; puis Rosa Bacile, « Stimulating Perceptions
scientifiques développées en l’Italie du sud et en Sicile of Kingship : Royal Imagery in the Cathedral of Monreale
au xiie siècle », se réfère aussi Dieter Blume, « Picturing and in the Church of Santa Maria dell’Ammiraglio in
the stars - Scientific iconography in the Middle Ages », Palermo », Al-Masa¯q, 16/1 (2004), p. 17-52.
The Routledge Companion to Medieval Iconography, 50 Cf. E. Kitzinger, I mosaici di Monreale…, p. 112-116 ; Beat
éd. C. Hourihane, Abingdon, Routledge, 2017, Brenk, « Il concetto progettuale degli edifici reali in
p. 310-321. epoca normanna in Sicilia », Quaderni dell’Accademia
3 72 ta n cr e d i be l l a
à cette théorie, qui suppose une provenance probable présence à la cour royale normande de
exclusivement byzantine des ateliers, les études religieux, d’intellectuels, de savants et d’hommes
récentes ainsi que les données des restaurations de de science, notamment anglais, qui ont pu jouer
la seconde moitié du siècle dernier51. Ève Borsook un rôle significatif dans la programmation des
a soutenu la présence d’équipes locales, et c’est cycles où la vérité du texte sacré est mélangée à
dans cette perspective que s’est placée Sulamith une profonde connaissance des sciences natur-
Brodbeck qui fait dialoguer les caractères « histori- elles, avec la grande ouverture intellectuelle qui
ques, techniques, iconographiques, stylistiques, caractérisait le royaume normand de Sicile53.
architecturaux et spatiaux » des mosaïques pour Si ces considérations englobent l’intégralité du
reconsidérer la datation, l’organisation des cycles, programme de mosaïques, elles s’appliquent
les divers ateliers de mosaïstes et le déroulement encore plus clairement à la Genèse.
du chantier du décor52. Tout cela sans compter la
Conclusion
Ever since Johann Tikkanen connected the the fifth-century Greek manuscript to interpret
illustrations in the Cotton Genesis (London, imagery in numerous Western manuscripts3,
British Library, Cotton MS B. VI)1 to the thir- the eleventh-century Salerno ivories4, and
teenth-century atrium mosaics in San Marco in the mosaics of Palermo and Monreale5. And
Venice (fig. 1, pl. 56)2, scholars have deployed they have steadily added other territories to
its domain, among them, the frescoes of Saint
Savin-sur-Gartempe that are the focus of this
1 J. J. Tikkanen, Die Genesismosaiken in Venedig und volume6.
die Cottonbibel (Acta Societatis Scientiarum Fennicae,
17), Helsinki, 1889 ; Otto Demus, The Mosaics of San
The Cotton Genesis’s dominance in scholar-
Marco in Venice, Chicago, 1984 ; Kurt Weitzmann, ship is understandable. Although its medieval
“The Genesis Mosaics of San Marco and the Cotton history is unrecorded, the manuscript is reported
Genesis Miniatures,” in Demus, The Mosaics of San as having once belonged to King Henry VIII and
Marco…, vol. 2, p. 105-142 ; Kurt Weitzmann and
Herbert L. Kessler, The Cotton Genesis, Princeton, 1986.
See also, Martin Büchsel, “Die Schöpfungsmosaiken
von San Marco. Die Ikonographie der Erschaffung 3 See the recent discussion in Herbert R. Broderick,
des Menschen in der frühchristlichen Kunst”, Städel Moses the Egyptian in the Illustrated Old English
Jahrbuch, n.f. 13 (1991), p. 29-80 ; John Lowden, Hexateuch, Notre Dame, IN, University of Notre Dame
“Concerning the Cotton Genesis and Other Illustrated Press, 2017.
Manuscripts of Genesis”, Gesta, 31 (1992), p. 40-43 ; 4 Robert P. Bergman, The Salerno Ivories. Ars Sacra from
Herbert L. Kessler, “The Most Lamentable Relic in Medieval Amalfi, Cambridge, MA, Harvard University
the British Museum : New Observations on the Cotton Press, 1980 ; L’enigma degli avori medievali da Amalfi a
Genesis”, in H. L. Kessler, Studies in Pictorial Narrative, Salerno (cat. of an exhib.), Salerno, Paparo, 2007 ; The
London, 1994, p. 99-135 ; Penny Howell Jolly, Made in Salerno Ivories. Objects, Histoires, Contexts, ed. Francesca
God’s Image ?: Eve and Adam in the Genesis Mosaics at dell’Aqua et al., Berlin, Gebr. Mann, 2016.
San Marco, Venice, Berkeley and Los Angeles, Univ. of 5 Otto Demus, The Mosaics of Norman Sicily, London, 1949 ;
California Press, 1997. Mirabilia italiae. La Cappella Palatina a Palermo, ed.
2 Karen Krause, “Venedigs Sitz im Paradies. Zur B. Brenk, Modena, Panini, 2010.
Schöpfungskuppel in der Vorhalle von San Marco,” 6 George Henderson, “The Sources of the Genesis Cycle
Mitteilungen des Kunsthistorische Institutes in Florenz, 48 at Saint-Savin-sur-Gartempe,” Journal of the British
(2004), p. 9-54. Archaeological Association, 26 (1963), p. 11-26.
Herbert L. Kessler • Professor Emeritus, Johns Hopkins University, Baltimore, MD, USA
Les stratégies de la narration dans la peinture médiévale, éd. par Marcello Angheben, Turnhout, 2020 (Culture et société médiévales, 37),
p. 373-402
© BREPOLS PUBLISHERS 10.1484/M.CSM-EB.5.118933
3 74 h e r be rt l . k e s s l e r
Fig. 1. Venice, San Marco, atrium, view toward Porta da Mar (B. Slantchev).
Queen Elizabeth I ; and it became the prized mounted the fragments in 1847, the miniatures
possession of English biblical scholars and began to attract renewed scholarly attention7.
nobility. Thomas Wakefield, the first regius Even though Tikkanen proposed that they
professor of Hebrew at Cambridge (1540-1575), had, in fact, been derived from a lost doppel-
signed its flyleaf ; and Robert Bruce Cotton, gänger not the Cotton manuscript itself, the
whose collection is the foundation of the British San Marco mosaics have come generally to
Library and whose name the codex bears, is be substituted for the largely-lost miniatures.
shown resting his hand on the precious Greek In the first volume of his monumental corpus
volume in a 1626 portrait. Moreover, Cotton leant of Carolingian manuscript illumination8, for
the book to the French savant Nicholas-Claude example, Wilhelm Koehler reproduced sections
Fabri de Peiresc in 1621/22, who planned to make
it the subject of what would have been the first
facsimile an illuminated medieval manuscript. 7 An unpublished 1857 drawing from the bequest of
Ferdinand Piper in Berlin (Staatliche Museen 168-1891),
The remains were preserved after the 1731 fire for instance, records the miniatures on fols 3r, 14r, 22r,
in Ashburnham House incinerated the book ; and 26v.
and the Cotton Genesis continued to be studied 8 London, Brit. Lib., Cod. Add. 10546, fol. 5v and Paris,
and copied. A decade after the conflagration, BnF, MS lat. 1, fol. 10v ; Die karolingischen Miniaturen.
Die Schule von Tours, I, 2 (Berlin, 1933), p. 110-129 ; I
George Vertue made watercolors of some of later added two Bibles (not made in St. Martin’s) to the
the most-legible miniatures and accompanying iconographic study : Bamberg, Staatsbibliothek Misc.
texts ; and, after Frederick Madden sorted and class. Bibl. I, fol. 7v ; and Rome, Monastery of San Paolo
co nclus ion 375
of the Creation cupola to support his argument later organize a symposium on the origins and
that the Moutier-Grandval Bible and First Bible other questions related to the Cotton Genesis
of Charles the Bald derived, ultimately, from and San Marco11.
a fifth-century albeit Roman prototype. The The numerous connections between the ancient
manuscript’s apparent resonance over time, volume of the first book of the Septuagint and mosaics
place, and medium attracted Kurt Weitzmann, laid in Venice eight centuries after the illuminations
whose philological method of art history sought were made can hardly be questioned. The unique
to systematize artistic filiations though rigorous inclusion of personifications of three hemaerae in
examination of picture-text relations and the the depiction of the Creation of Plants, rendered by
consonance of extended sequences of images Daniel Rabel, Peiresc’s artist, and partially preserved
(“cyclic method”) ; the Cotton Genesis was on fol. 1r, is certainly the most striking correspondence ;
the classic example of a “picture recension” but Weitzmann and I discovered new and particular
in his influential 1947 Illustrations in Roll and details that tightened the relationship. Manasseh’s
Codex. A Study of the Origins and Method of presence as interpreter in the scene of Joseph Turning
Text Illustrations. Weitzmann was also interested Around and Weeping, for instance, a unique feature
in the manuscript itself. In the 1955 Festschrift of the mosaics that emerged in Wenzel’s meticulous
for Albert M. Friend, he presented an outline for rendering of the miniature ; another compelling
reconstructing the book9 ; and a quarter century parallel is the depiction of the Egyptian pyramids
later, he enlisted me to help him complete the with lopped-off points in the background of Joseph
long-postponed systematic study of the surviving Selling Corn12. Recent high-tech imaging of the first
evidence, which appeared in 1986 as Volume I three folios provides further confirmation of the
of The Illustrations in the Manuscripts of the close association13. It confirms the existence of four
Septuagint10. Our careful examination of the tightly grouped Day personifications in the Creation
British Library fragments and the drawings we of the Heavenly Bodies (fol. 1v) as in San Marco ;
commissioned from a skeptical and assertively Weitzmann and I had been able to distinguish only
independent artist/art-historian, Marian Wenzel, two or three with our naked eyes. It reveals how
confirmed the hypothesis that extensive parts alike the depictions are of God Introducing Eve to
of the Venetian series derive from the London Adam, down to such details as the folds of Christ’s
manuscript. Shortly after our publication, Martin garments enclosing the hands holding the scepters,
Büchsel challenged our conclusion that the falling in squared folds, and bunching under the
manuscript had been made in Egypt, proposing right arms (fig. 2-3, pl. 57). And it verifies the mass of
a Roman origin instead ; nevertheless, with trees to the right of Eve in the Temptation (fol. 3v).
characteristic scientific disinterest, Büchsel
invited me (and Rebecca Müller) two decades
11 The Atrium of San Marco in Venice. The Genesis and
Medieval Reality of the Genesis Mosaics, ed. M. Büchsel,
H. L. Kessler, and R. Müller, Berlin, Mann, 2014 ;
f. l. m., fol. 8v ; Herbert L. Kessler, The Illustrated Bibles review by Massimo Bernabò, Bizantinistica, 2nd ser., 16
from Tours, Princeton, Princeton University Press, 1977, (2014-2015), p. 389-395.
p. 13-35. 12 In the San Marco scene of Gathering Corn, the familiar
9 Kurt Weitzmann, “Observations on the Cotton Genesis pyramids replace the manuscript’s authentic Egyptian
Fragments”, in Late Classical and Mediaeval Studies in storage tholoi representing Joseph’s granaries (fol. 90v).
Honor of Albert Mathias Friend, Jr., ed. K. Weitzmann 13 I wish to thank the curator of manuscripts at the British
et al., Princeton, Princeton University Press, 1955, Library, Scot McKendrick, and the imaging scientist,
p. 112-131. Christina Duffy, for providing enhanced multi-spectral
10 K. Weitzmann and H. Kessler, Cotton Genesis… pictures of the manuscript’s first three folios.
3 76 h e r be rt l . k e s s l e r
Fig. 2. Venice, San Marco, atrium, God Presents Eve to Adam (B. Brenk).
The close relationship to San Marco does not earlier than the London manuscript but, like it,
imply that the Cotton Genesis was a hapax14 ; apparently from Egypt, the Abegg cloth documents
indeed, it seems improbable that such an elaborate an interest in a dense illustration of the Genesis
and sophisticated illustrated codex was the sole (and Exodus) story during the Early Christian
product of an artistic culture with sufficient period. While it presents some similarities in
technical skills to produce it. The painted cloth motifs and style, it is mostly distinct, however.
in Riggisberg (Abegg-Stiftung) that Jean-Michel It too pictures Joseph’s brethren at a sigma-form
Spieser discusses supports the argument that table in the Dothan scene, for instance, and the
the Cotton Genesis belongs to a mostly-lost but ancient personification of psyche in the Animation
well-established Late Antique tradition15. Dated of Adam16 ; but most notably, it does not portray
the Christ Logos as the agent of creation.
reached still holds : “[the Cotton Genesis] was imperfect both at the beginning and the ende ;”
the direct model of San Marco.”17 Our contention and Peiresc lamented “c’est dommage qu’elle ne
that “all scenes of San Marco follow CG with great soit mieux complete, car il y manqué quelques
fidelity” is, however, quite wrong. Weitzmann feuillets par dedan qui y font grand faulte.”20
and I had proceeded on the assumption that Later seventeenth-century inventories counted
the Cotton Genesis was essentially intact in the only 165 or 166 leaves of the 221 Weitzmann and
thirteenth century and therefore used episodes I estimated the book originally comprised.
in San Marco to reconstruct illustrations that are Weitzmann and I ourselves had, in fact,
now missing in the manuscript. James Carley’s acknowledged the effect on the San Marco
discovery of a printed Greek Bible (London, mosaics of one lacuna ; we recognized that the
Lambeth Palace, Cod. E41.L6), once belonging scene of Noah and His Family Leaving the Ark
to the manuscript’s first known owner, Thomas had been composed from elements in episodes
Wakefield, and containing his annotations from pictured across from it, which are based on the
an “antiquissimo codice” forced me to reassess the Cotton manuscript (fig. 1, pl. 56). That is how
fundamental assumption18. Wakefield’s collation we explained the ark’s awkward positioning atop
begins opposite Gen. 1.12, that is, at the exact place mountain peaks of a landscape in which the
fol. 1 of the British Library fragment with the animals cavort and the rainbow frame. But we
Third Day of Creation starts ; Peiresc copied the were so taken by the mosaics’ overall conformity
same text (and Daniel Rabel’s watercolor of the to the manuscript and so locked into Weitzmann’s
miniature accompanying it), leaving little doubt meticulous transcription of the entire Greek Book
that, when it reached England and certainly long of Genesis on tracing paper for the page-by-page
before it perished in 1731, the Cotton Genesis had reconstruction, we failed to follow through on
suffered severe losses19. Other sources confirm its the implication of that instance and did not ask
defective aspect. Henry Savile of Eton described whether the mosaicists had modified or composed
the manuscript in 1611 as “an old copy of Genesis, anew other scenes to compensate for losses in the
manuscript model or to suit the atrium spaces21.
Given the fact that a full quarter of the
17 K. Weitzmann, “The Genesis Mosaics…”, p. 141-142. fifth-century codex was gone by the middle of
18 James Carley, “Religious Controversy and Marginalia :
Pierfrancesco di Piero Bardi, Thomas Wakefield,
the sixteenth century, every scene in San Marco
and their Books”, Transactions of the Cambridge without a correlative illustration demands scrutiny.
Bibliographical Society, 12, (2002), p. 206-245 ; Id., For example, the episodes of Cham Seeing Noah
“Thomas Wakefield, Robert Wakefield and the Cotton Naked, Calling his Brothers, and Covering his
Genesis,” Transactions of the Cambridge Bibliographical
Father’s Shame have close counterparts among the
Society, 12 (2002), p. 246-265 ; and Id., “Lambeth
Palace Library in 1611 and Its Contribution to Christian surviving fragments (fig. 4) ; Shem’s raised right
Hebraism”, in Labourers in the Vineyard of the Lord.
Scholarship and the Making of the King James Version
of the Bible, ed. M. Feingold, Leiden, Brill, 2018,
p. 30-58. Also : Herbert L. Kessler, “Memory and 20 Henri Omont, Miniatures des plus anciens manuscrits grecs
Models : The Interplay of Patterns and Practice in the de la Bibliothèque Nationale du vie au xivesiècle, Paris,
Mosaics of San Marco in Venice”, Medioevo : Immagine Honoré Champion, 1929, p. iv-v.
e memoria, ed. A. Quintavale, Parma, Electa, 2009, 21 The vulnerable first quires of a manuscript were
p. 463-475 ; and Id., “The Cotton Genesis and Creation damaged in other manuscripts too, e.g. the Smyrna
in San Marco, Venice,” Cahiers archéologiques, 53 (2009- Octateuch which was also (totally) destroyed ; see
2010), p. 17-32. John Lowden, The Octateuchs. A Study in Byzantine
19 The current folio 2 is a later replacement and folio 3 skips Manuscript Illustration, University Park, PA,
all the way to Gen. 2 :24. Pennsylvania State University Press, 1992, p. 17.
co nclus ion 379
Fig. 4. Venice, San Marco, atrium, Noah and his Sons (author’s archive).
arm and Japeth’s profile face and finger pointing could easily have been derived the Burial of Seth
to his face as Cham beckons them and Japeth’s still (barely) discernable on fol. 7v22.
averted gaze as the brothers cover Noah are also The mosaicists do seem to have followed
rendered in Vertue’s watercolor copy. That does their basic model very closely in the extended
not necessarily mean, however, that the rarely series in the second cupola devoted to Abraham ;
depicted episode of Noah Cursing Canaan and Abraham’s Hospitality, for instance, not only
the unique representations of Noah’s Sacrifice and includes such details as the large bowl and loaves
Burial were also illustrated in the manuscript ; and, on the oval table at which the messengers sit,
indeed, just as they had confected the depiction but also the draped tent at the center of which
of Noah’s Family Leaving the Ark, the mosaicists Sarah appears ; and the unusual depictions
appear to have composed these rare episodes of Sarah Giving Hagar to Abraham and the
from other depictions ; the four-stepped altar
supporting a cubical firebox in Noah’s Sacrifice
is quite like the one in the Cain and Abel scene 22 K. Weitzmann and H. Kessler, Cotton Genesis…,
in the manuscript and Noah’s burial in a cave p. 61-62.
3 80 h e r be rt l . k e s s l e r
Discourse between Hagar and the Angel also on Joseph in the subsequent three cupolas
conform perfectly in both basic action and and adjacent spaces. The conformity between
setting to the compositions discernable in the manuscript and mural decoration is very close
manuscript23. Nevertheless, in this series, too, in that series, for example, in the depictions of
the mosaicists seem to have devised certain the Baker’s hanging as a Crucifixion and the
scenes anew. Abraham Circumcising Ishmael scene of Joseph Selling Corn28.
and Abraham Circumcising the other Men of the San Marco’s inventiveness vis-à-vis the Cotton
House, for instance, have no counterparts among Genesis imagery is nowhere more apparent
the fragments ; and while they may have been than at the beginning (fig. 5, pl. 58), by far the
illustrated on a page that completely vanished most deeply analyzed part of the cycle and,
as Weitzmann and I proposed, the unusual because of the numerous analogies, the most
episodes are more likely additions24. Ishmael’s frequently cited – including by the authors of
Circumcision could easily have been patterned this volume. Weitzmann and I had realized that
after the depiction of Isaac’s which does have a adjustments had been made in the first cupola,
parallel in the manuscript25 ; and the Circumcision too ; relying on Nigel Wilson’s eighth-century
of the Other Men of the House has a close dating of the replacement leaf numbered fol. 2,
analogue in the depiction across the cupola of we understood that the Creation of Terrestrial
Abraham Arming his Servants26. In expanding Animals and the Forming of Adam had had to
the already rich cycle, the mosaicists may have be improvised (fig. 6)29. Taken by the classical
wanted to underscore Scripture’s lesson that aspect even of the latter, however, we did not
the Abrahamic covenant had been extended to play out the implications.
“foreign nations,” either as a general typology or
as a specific reference to Moslems in their midst27.
Skipping the rest of the Isaac narrative and all Sitz im Leben
of the Jacob story (both extensively illustrated
in the Cotton manuscript), San Marco focuses However depleted the Cotton Genesis was
when it arrived in Venice – perhaps as a spolium
from the Fourth Crusade – it was certainly
23 Ibid., p. 84-85.
sufficient to have provided the basic model for
24 Ibid., p. 78-79. the artisans commissioned to fill San Marco’s
25 Ibid., p. 83-84. atrium walls. The plan to organize the narrative it
26 Ibid., p. 75. contained into coherent units within the atrium
27 Whether it was a feature of the manuscript or not, the
space – Creation, Flood and Babel, Abraham, and
amplification of the circumcision scenes underscores a
significant peculiarity of the San Marco Abraham series, Joseph (followed by Moses) – meant, however,
namely, the absence of the Sacrifice of Isaac. Had one of that the mosaicists had had to accommodate
the most frequently depicted Old Testament episodes
in Christian art been missing in the manuscript, the
compensatory depiction could easily have been made
up. Perhaps it was rendered in another medium ; a
relief of the scene that Demus dated it to the thirteenth 28 K. Weitzmann and H. Kessler, Cotton Genesis…, p. 111
century, embedded in the basilica’s north façade may and 114.
have come from the atrium ; Otto Demus, The Church 29 The high-tech imaging suggests that the leaf is an imitation
of San Marco in Venice. History, Architecture, Sculpture, of the existing script, dating as late as the early sixteenth
Washington, DC, Dumbarton Oaks Research Library century ; see Herbert L. Kessler, “Thomas Wakefield’s
and Coll., 1960, p. 174. The puzzle remains unsolved, “antiquissimus codex” and San Marco’s musivum
however. novissimus” (forthcoming).
co nclus ion 3 81
Fig. 5. Venice, San Marco, atrium, God Introducing Adam into Eden (B. Brenk).
its cycles to the exigencies of the space30, and, repopulating the earth with the congregation
wherever it was deficient, to expand its imagery entering the basilica at the right and God’s
or invent new compositions. Presumably, that renewed covenant in Genesis 8.20-9.17 and the
is why they had fleshed out the Noah narrative, establishment of the Church itself. Weitzmann
filling the vaults between the first and second and I failed to take such opportunities and
domes by free-lancing the depiction of Noah constraints into account31 ; indeed, we did the
and His Family Leaving the Ark and Burial, and opposite, accommodating every episode pictured
enclosing Noah’s altar in a niche on columns that in the atrium to the reconstructed codex.
resonates with the actual doorway on columns Adjustments of the manuscript model to the
beneath it (fig. 1, pl. 56). In so doing, they also real setting are, in fact, everywhere apparent ; to
established connections between the animals cite one obvious example : The Hospitality of
Abraham is placed above the left portal into the
basilica to welcome the faithful into the church.
30 On the thirteenth-century development of the atrium’s Others are more subtle ; the positioning of the
north wing from earlier architectural elements, Babel scenes so that they comment on San Marco’s
see Rudolf Dellermann and Karin Uetz, La campanile visible through the portal alerts the
facciata nord di San Marco a Venezia. Storia e restauri,
Sommacampagna, Cierre, 2018. See also : San Marco,
Byzantium, and the Myths of Venice, Henry Maguire
and Robert S. Nelson (eds.), Washington DC : 31 O. Demus, The Mosaics of San Marco…, 2, p. 92-100 and
Dumbarton Oaks, 2010. passim.
3 82 h e r be rt l . k e s s l e r
Fig. 6. Venice, San Marco, atrium, God Introducing Adam into Eden (B. Brenk)
Venetians to the dangers of hubris32. Cain and have wanted to leave Israelites in Egypt so that
Abel’s Offerings and Noah’s Sacrifice are placed Moses could be shown in the final cupola leading
on the atrium’s eastern wall and, hence, in relation them out. The entire Old Testament sequence
to the sanctuary beyond33. As Henry Maguire ends in the Crossing of the Red Sea and Bringing
has proposed, the entire Joseph series served to Water from the Rock, two themes that must
validate the Doges’ role as good governors of the have been close to the hearts of residents in the
polity34 ; and, elaborating Maguire’s suggestion, maritime city.
Thomas Dale has argued that the special attention If the manuscript had already suffered serious
to Joseph may have been motivated by Venice’s losses at the beginning, filling the space of the
and St. Mark’s close association with Egypt35. a first bay with the story of creation, Adam and
point the final episode makes by portraying Joseph Eve’s sin, and the consequences of the Fall, in
within a palace structure prominently labelled particular, the decision to arrange the narrative
EGYPTUS (even though Cotton Genesis still on three rings of the dome and the lunettes below,
preserves evidence of at least twenty illustrations put a heavy burden on the mosaicists. Of the
beyond that moment). The planners seem to thirty-five narrative moments depicted in the
first bay, the manuscript as it came down three
centuries later would have provided nine at most :
32 Herbert L. Kessler, “Thirteenth-Century Venetian Third Day of Creation, Fourth Day of Creation,
Revisions of the Cotton Genesis Cycle,” The Atrium of
San Marco…, 75-94 (p. 88-89) ; Thomas Dale, “Pictorial Introduction of Eve to Adam, Temptation and
Narratives of the Holy Land and the Myth of Venice in (perhaps) Eve Taking the Fruit, Begetting of Cain,
the Atrium of San Marco,” The Atrium of San Marco…, Birth of Cain, Birth of Abel, and Sacrifice of Cain
p. 247-269 (p. 257). and Abel. Judging from fol. 1 and the Third and
33 I owe this observation to Marcello Angheben.
34 Henry Maguire, “The Political Content of the Atrium
Fourth Days copied in the cupola, the Cotton
Mosaics,” The Atrium of San Marco…, p. 271-279. Genesis devoted only a single miniature to each
35 T. Dale, “Pictorial Narratives…”. act of creation ; thus, it seems, the mosaicists not
co nclus ion 3 83
Fig. 7. Venice, San Marco, atrium, Expulsion and Labor (B. Brenk).
only invented the depictions of first, second, fifth, Adam and Eve framed by the Porta Paradisi as
and sixth days, but also elaborated each in two they are cast forth, and Eve enthroned near the
phases, introduced an expansive God Resting center holding a spindle and distaff and turning
on the Seventh Day, included the Animation of toward her husband who works the ground with
Adam as the action of Gen. 2.7 even though they a mattock37. A ewe kneeling before a ram in the
had already pictured the Forming (Gen. 1.27) in background refers to the ultimate punishment in
the hexameron sequence, and devoted a large Gen. 3.16, female submission to a male partner.
section of the second register to the scene of As Tancredi Bella details in this book, even
God Introducing Adam into Eden (fig. 6, pl. 57)36. the expanded Genesis cycle at Monreale, which
The mosaicists were particularly extravagant in also was expanded to accommodate the in-situ
the outer ring ; in addition to the Introduction circumstances, adheres to the hexameron con-
of Eve to Adam and Eve Seduced by the Serpent, vention and does not elaborate the episode of
they included the Naming of the Animals, a God Leading Adam into Eden with a gateway and
two-phase Eating of the Fruit, Adam and Eve four river gods. Moreover, neither Monreale nor
Covering their Nakedness and Hiding from God, any other monument of medieval art so elegantly
God Reproving Them, Imposing Judgment, and collapses salvation history into a remarkable
Clothing the Sinful Couple. And, although the abstraction at the far left of the final scene in
Expulsion and Labor occupy a single field (fig. 7, the cupola. Comprising a wheel of fire derived
pl. 59) they are particularly protracted, with Christ from the flashing and turning sword God set at
discretely staying within the Edenic precinct,
Eden’s entrance, it shows two birds, presumably cross is nested in the tree of life, reminding the
phoenixes, that enjoyed a form of immortality faithful that only through Christ’s death is Eden
when all the others were expelled from Eden, regained. The result in San Marco is a particular
rising from the flames38, set in front of a gold emphasis on Eden as such and on the progenitors’
sin and punishment, that figures the whole first
dome as the lost Paradise, reinforced by the four
38 Herbert L. Kessler, “The Solitary Bird in Van der cherubim that, as in some Byzantine churches
Goes’ Garden of Eden”, Journal of the Warburg and
Courtauld Institutes, 26 (1965), p. 326-329 ; P. H. Jolly,
beginning with Hagia Sophia in Constantinople,
Made in God’s Image…, p. 57 ; K. Krause, “Venedigs Sitz are displaced to the dome’s pendentives, but
im Paradies…”, p. 33.
co nclus ion 385
here also paired with Trees of Life39. Indeed, the lunettes below the first dome tracks the immediate
entire atrium is conceived as Eden’s vestibule ; consequence of the Fall in the lunettes below. The
trees of Life are introduced at either side of the unusual depictions of Adam and Eve Begetting
main entranceway (fig. 8) and the faithful who Cain and the Birth of Abel (like the Sacrifice of
pass from the first bay into the basilica through Cain and Abel beneath them) have precise parallels
the Porta San Clemente tread on a pavement in the Cotton manuscript ; but the inscription
adorned with peacocks flanking kantharoi from derived from Genesis 1.28 : CRES[C]ITE ET
which vines sprout40. MULTIPLICAMINI ET REPLET[I] TERRAM
Revealing the same kind of amplification tethered to H[IC] PEP[ER]IT links the episode
to accommodate the Genesis narrative to the from Genesis 4.1 to the Creation cycle above and
atrium space, the story of Cain and Abel in the constructs the meaning of the rest of the cycle as
a mundane history, an idea continued in God’s
curse that Cain is destined to wander the earth
39 Bissera Pentcheva, “Hagia Sophia and Multisensory that is appropriately pictured on above the portal
Aesthetics,” Gesta, 50 (2011), p. 51-69.
40 Xavier Barral Y Altet, Les mosaïques de pavement
onto the piazza (fig. 9). The unique and strange
médievales de Venise, Murano, Torcello, Paris, Picard, 1985, Wrath of Cain and Cain Talking to Abel, on the
p. 45-78. other hand, are surely additions to the original
3 86 h e r be rt l . k e s s l e r
cycle, devised to fill the lunette above the Porta but those on a twelfth-century Mosan book cover
da Mar ; in Cain’s bringing his hands to his face to (Paris, Musée Cluny ; fig. 10) are even closer in
express consternation an allusion to Last Judgment the poses of the animated half-clothed men,
is perhaps intended and in the two youths walking such gestures as the hand of the fourth raised
into the field an exit reference41. Not surprising, to his head, and the form of the spherical urns
many of the San Marco scenes that seem have been with trumpet-shaped necks. More perplexing,
absent in the Cotton Genesis betray characteristics the Forming and Animation of Adam conform
of the other inventions the mosaicists devised to to ancient Prometheus iconography as preserved
compensate for the defective manuscript model for instance in a Late Antique mosaic in a private
they had in hand. Thus, except that he strides collection45. In her study of the Prometheus
forward, the Creator of the Sixth Day is identical to imagery in antiquity, Helga Kaiser-Minn relied
the Christ of earlier episodes and the anomalously on the San Marco mosaics to argue that the
paired animals all have counterparts in the scene Cotton Genesis imagery was fashioned after the
of Noah Bringing the Animals into the Ark, the pagan imagery which may, in fact, have been the
striped boar, for instance. Four of the angels of the case ; but such awkward details as the attachment
Seventh Day gesture as in the Rabel watercolor of wings to the soul’s arm, the male gendering
and its mosaic version but two break rank, the one of the feminine word, and the strange effect of
in the foreground to spotlight Adam. the Creator’s devouring Adam’s arm raise the
In a number of instances, it is difficult to possibility that the mosaicist re-invented the
decide whether a motif derives from a (lost) iconography. Such non-pictorial intermediaries as
miniature in the codex or is a thirteenth-century the Jeu d’Adam that Marco Rossi cites for Galliano
interpolation al antico42. For example, while it is or the contemporary theological disputes that
clear that the Cotton Genesis itself incorporated Alexander Brungs has identified concerning
classical personifications, not only the hemaerae the creation of the soul may have affected the
(usually misidentified as horae or “anges-jours”) thirteenth-century planners’ accommodation
but also hypnos in Joseph’s Dream (fol. 85v)43, of the Late Antique idiom46. Firm conclusions
the mosaicists seem to have introduced new are not always easy to draw47.
ones as well. The personifications of the four
river Gods in the scene of God Leading Adam
into Paradise can be traced to ancient models, University Park, Pennsylvania State University Press, 1987,
the nude men with upturned urns amid trees are p. 48, 50-55 ; and Id., Nectar & Illusion. Nature in Byzantine Art
depicted, for instance, in the pavement of the and Literature, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 14-19.
45 Janine Balty and Françoise Briquel Chatonnet,
East Church in Qasr el-Lebia dated 539-54044 ;
“Nouvelles mosaïques inscrites d’Osrhoène,” Monuments
et Mémoires. Fondation Eugène Piot, 79 (2000), p. 31-72 ;
Glenn. W. Bowersock, “Notes on the New Edessene
41 Irina Andreescu, “Torcello : I. Le Christ inconnu. Mosaic of Prometheus,” Hyperboreus, 7 (2001), p. 411-
II. Anastasis et jugement dernier : têtes vraies, têtes 416 ; and Id., Mosaics as History. The Near East from Late
fausses”, Dumbarton Oaks Papers, 26. (1972), 183-223. Antiquity to Islam, Cambridge, MA, Belknap Press of
42 See Martin Büchsel, “Theologie und Bildgenese. Harvard University, 2006), p. 36 ; Herbert Kessler,
Modelle der Transformation antiker und frühchristlicher “Venetian Revisions…”, p. 78-79 ; M. Büchsel,
Vorlagen”, The Atrium of San Marco…, p. 95-130. “Theologie und Bildgenese…”, p. 102-103.
43 K.Weitzmann and H. Kessler, Cotton Genesis…, p. 40. 46 Alexander Brungs, “Adams Seele”, The Atrium of San
44 Elizabeth Alföldi and John Ward-Perkins, Justinianic Marco…, p. 131-142.
Mosaic Pavements in Cyrenaican Churches, Rome, L’ Erma 47 As in the San Paolo Bible or the Millstatt Genesis Rossi
di Bretschneider, 1980, p. 124-126 ; Henry Maguire, Earth discusses, the original may have pictured God simply
and Ocean : The Terrestrial World in Early Byzantine Art, confronting Adam.
co nclus ion 387
Fig. 10. Paris, Musée Cluny, Mosan book cover (author’s archive).
3 88 h e r be rt l . k e s s l e r
To flesh out the decimated cycles in their humankind’s creation and fall in a single unit, of
principal model, the mosaicists certainly con- which the latest, the Bible of St. Paul’s Outside the
sulted a distinct tradition of Genesis imagery Walls, may have been in Italy from 875 (fig. 11)50.
widespread in Italy48. The eighth-century Vita of Anne-Orange Poilpré’s proposal that these reflect
St. Pancratius of Taormina that Manuel Castiñeiras the fifth-century Ashburnham Pentateuch (Paris,
cites reports of sketchbooks used to adorn walls BnF. MS nouv. acq. lat. 2334) is persuasive51 ; Eve’s
of new churches in Sicily ; these, most likely, portrayal in both suckling one of her children in a
were based on nave paintings in the basilicas of bower constructed of two, rough-hewn tree trunks
St. Peter’s and St. Paul’s that were recycled in supported a canopy of tightly-wrapped branches,
numerous works throughout the Middle Ages is too specific an iconography to be coincidental,
and which provided the general precedent for especially given the fact that the Late Antique
cycles beginning with the Creation of the World Pentateuch’s availability in ninth-century Tours
and ending with the Crossing of the Red Sea49. is assured. The similar image of the fully-clothed
As Serena Romano observes here, even the two Eve presenting Cain that follows directly below
Roman cycles were not identical to one another, has parallels in the Bamberg Bible frontispiece
however, and the evolution was complex. Fabio (fol. 7r) and the First Bible of Charles the Bald
Scirea confirms the heterogeneity that resulted (fol. 5v), indicating that the Touronian illumi-
from the adoption of diverse sources in northern nators constructed their narratives by making
Italy ; Castiñeiras and Irene Quadri reveal the independent selections from the same model,
willingness to update old prototypes in the south. which would account for the overall similarity
The Roman tradition was circulated in western of the four pages to one another and also the
manuscripts from the ninth century and in other differences. Only the San Paolo Bible illustrates
media as well from the eleventh. In addition to the Creation of Adam and the Creation of Eve in
the Catalan Bibles Castiñeiras analyzes, these two phases, for example ; and the Introduction
include, most notably, frontispieces in the four of Eve to Adam in the Moutier Grandval Bible
Carolingian Bibles that present the story of has the Creator simply pointing toward the
woman while in the three other manuscripts,
he touches her right shoulder, unlike the Cotton
48 Venice’s close artistic connections with Rome and
south Italy should not be ignored in this connection.
Genesis which the newly legible imaging shows
Pope Honorius (1216-1227) sent for Venetian has Christ introduce the woman with open hand
mosaicists to work on the apse of St. Paul’s ; see Nicola (fig. 3)52. Poilpré’s hypothesis that the earlier
Camerlenghi, St. Paul’s Outside the Walls. A Roman
Basilica, from Antiquity to the Modern Era, Cambridge,
Cambridge University Press, 2018, p. 163-166. And,
during the very decades that work was being carried 50 Peter K. Klein, “Les images de la Genèse de la
out in the San Marco atrium, Venetian mosaicists seem bible carolingienne de Bamberg et la tradition des
to have been at work in Salerno ; Herbert L. Kessler, frontispieces bibliques de Tours”, Texte & Image. Actes
“Artistic Reciprocity between Venice and Salerno in du colloque international de Chantilly (13 au 15 octobre
the Thirteenth Century,” Synergies in Visual Culture/ 1982), Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 77-107.
Bildkulturen im Dialog. Festschrift Gerhard Wolf, ed. 51 Bezalel Narkiss, “Introduction”, El Pentateuco Ashburnham.
M. De Giorgi, A. Hoffmann, N. Suthor, Munich, La ilustración de codices en la antigüedad tardía, Valencia,
Fink, 2013, p. 407-419. Patrimonio Ediciones, 2007, p. 338-341 ; see also Michael
49 Herbert L. Kessler, Old St. Peter’s and Church Decoration Brandt, Bernwards Tür. Schätze aus dem Dom zu Hildesheim,
in Medieval Italy, Spoleto, Centro italiano di Studi Regensburg, Schnell und Steinder, 2010, p. 97-98.
sull’alto medioevo, 2002 ; Maria Andaloro L’orizzonte 52 Ferdinand Piper seems to have seen the hand clearly ; the
tardoantico e le nuove immagini (La pittura medievale a cramped composition in the Bamberg Bible includes
Roma Corpus), Milan, Jaca Book, 2006, p. 366-415. both gestures.
co nclus ion 389
Fig. 11. Rome, San Paolo fuori le mura, Bible, fol. 8v (author’s archive).
390 h e r be rt l . k e s s l e r
episodes from the life of Adam and Eve series Likewise, the Carolingian Bible lack creation
in the Ashburnham Pentateuch would have cycles. The hexameron is, however, preserved
resembled the Cotton Genesis imagery resolves in several south Italian monuments, including
a dilemma Peter Klein identified thirty-five years most notably, the eleventh- or twelfth-century
ago when he noted the influence of the Paris Salerno ivories and the twelfth-century Norman
Pentateuch on the Bamberg Bible even while mosaics in Palermo and Monreale discussed in
accepting the relationship to illustrations in this volume by Arcidiacono and Bella ; and it was
the Greek Genesis53 ; the Late Antique volume circulated in illuminated manuscripts such as the
provided imagery for the distilled single-page late twelfth-century Ambrose Hexaemeron from
narratives that, in the full Bibles, were set in the monastery of Weissenau (Amiens, Lescalopier
opposition to Christ’s redemption54. More than MS 30, fol. 10v), which resembles the San Marco
a century after the Carolingian manuscripts were mosaics in including a cosmic orb dividing the
illustrated with full-page frontispieces, abbot firmament in two and God resting with the
Bernward imitated the system on the bronze angels on the seventh day57. By the eleventh
doors of St. Michael’s at Hildesheim, juxtaposing century, the Six (or Seven) Days were used to
the story of humankind’s creation and fall, and adorn the initial I of “In principio creavit Deus
the first homicide to a Christological sequence celum et terram”, a northern tradition that was
beginning with the Annunciation and ending replicated in Italy by the late twelfth century. The
with the Noli me tangere55. Montalcino bibbia atlantica (Archivio comunale,
For the activities of the first seven days, the fondi diversi, fol. 6v ; fig. 12, pl. 60) pictures the
mosaicists seem to have turned to yet another activities of the days in six roundels from the
model. The Early Christian basilicas in Rome creation of light (in the form of angels) through
reduced the hexameron to a single composite the creation of Adam (as the Logos confronting
scene and they were followed in this by their the man face-to-face) on the initial’s stem and
Romanesque imitations, the bibbie atlantiche56. presages the bad outcome by showing a serpent
entwined around the letter’s base58. Such an initial
Fig. 12. Montalcino, Archivio comunale, Bibbia atlantica, fol. 6v (Montalcino, Archivio comunale).
392 h e r be rt l . k e s s l e r
would have been sufficient to provide a skeleton inclinatum sine stellis” and the “Celum et stellis,
on which the San Marco mosaicists could enflesh Sol in oriente and luna in occidente” as vermillion
the creation in the manner of the Cotton Genesis. and red disks, the latter held up by Atlas and
It is noteworthy, therefore, that a Bible in the adorned with a sun face and crescent moon62.
Biblioteca Marciana dated to the third quarter Even more striking, radiating bands of light in
of the thirteenth century (MS. Lat. 1.1 ; fol. 1v) the San Marco Separation of Light and Dark
and, according to an inscription on the flyleaf, are paralleled in the depiction accompanying
actually kept in San Marco’s main altar, elaborates Pacificus’ abbreviated text on fol. 1r, entirely in line
the imagery by including the Christ Logos in each with a thirteenth-century tendency to integrate
of the pictured events59. The first vignette, for the hexameron with natural science manifested
instance, depicts the anthropomorphic Creator also in other creation scenes that Arcidiacono
standing in front of the cosmic orb supporting a points out. The mosaicists would have consulted
ringed disk in both hands at the center of which other naturalistic models as well. The fish in the
hovers the dove of the Holy Spirit60. second vignette of the Fifth Day recall nothing so
San Marco’s exceptional rendering of the much as the aquatic fauna often found on Roman
primordial light as a disk comprising concen- pavements63, although the dragon-like ketos
tric yellow, orange, and red rings from which would be a medieval interpolation. Likewise,
expanding rays emerge (fig. 13, pl. 61) may owe as Karen Krause has shown, the kneeling Adam
something to an Anglo-Saxon manuscript con- and Eve in the scene of Judgment, derive from
taining Pacificus’ Horologium nocturnum, the the nearby mosaic in Torcello64 ; and Eve’s
brief Spera celi quarter senis, the Liber Nemroth spindle and distaff that replaces the infant Cain
de astronomia, and De signis caeli which seems to (pictured in the Ashburnham Pentateuch and
have been in Venice by at least the late thirteenth most versions of Work after the Expulsion) also
century and is still in the Marciana (MS. Lat. VIII derive from Torcello (fig. 15, pl. 63)65. The latter
22, fols 1v-2r ; fig. 14, pl. 62)61. It depicts the “Celum
Fig. 13. Venice, San Marco, atrium, Creation dome, First and Second Days (B. Brenk).
were attributes of the Virgin Mary who according volume, creatively combining diverse sources and
to legend was weaving the Temple curtain when inventing new motifs to suit their particular needs.
Gabriel approached her with the news that she That does not imply that Weitzmann’s notion of
would bear the Savior ; Eve’s throne, though not “picture recensions” should be abandoned ; it
as elaborate as that in Torcello, also derives from provides discipline for the study of iconographic
Marian iconography. filiations. But one thing is certain : Using the San
In short, to construct a consistent narrative Marco mosaics mechanically to stand in for lost
to fill the dome and lunettes, the mosaicists illustrations of the fifth-century manuscript risks
deployed the Cotton Genesis, an initial such chasing one’s tail.
as that of the Montalcino Bible, a frontispiece
resembling the one the San Paolo Bible (most
likely in a bibbia atlantica) and various elements Tanz im Leben
added from local conventions and their own
imaginations. In so doing, they operated in a way Turning in circles, albeit it an entirely dif-
similar to that identified by other authors in this ferent way, is, nonetheless, fundamental to
comprehending the mosaics’ message. A viewer
standing before the Porta San Clemente who
MARIA REDEMIT. HANC CVNCTI LAVDENT/ reads the first verse of the inscription belting
QVI CHRISTI MVNERE GAVDE ; K. Krause,
“Venedigs Sitz im Paradies…”, p. 39. See also, Michele
the Creation cupola must turn 180 degrees to
Bacci, “A Power of Relative Importance : San Marco and read the second distich (fig. 5) and, in so doing,
the Holy Icons,” Convivium, 2 (2015), p. 126-147. enact a kind of dance that is sustained by the
394 h e r be rt l . k e s s l e r
Fig. 14. Biblioteca Marciana, Ms. Lat. VIII 22, fol. 1r (Biblioteca Marciana).
co nclus ion 395
Fig. 15. Torcello, Santa Maria Assunta, apse, Virgin annunciate (author’s archive).
lines of Latin text that elucidate the spiraling de la consécration de l’église dans l’Occident médiéval, ed.
rows of narrative overhead and the concentric D. Méhu, Turnhout, Brepols, 2007, p. 285-326.
half-circles on the Cosmatesque pavement beneath A labyrinth of Saint-Etienne in Auxerre provided the
matrix for a sacred circular at Easter time when the
their feet (fig. 16)66. Doing so, she or he mimics bishop and clerics chanting Victimae paschali laudes
re-enacted Christ’s descent into Hades on Holy Saturday
to defeat the devil and his return to restore order in the
66 On the significance of three processional turnings, world ; Craig M. Wright, The Maze and the Warrior.
see Didier Méhu, “Images, signes et figures de la Symbols in Architecture, Theology, and Music, Cambridge,
consécration de l’église dans l’Occident médiéval. MA, Harvard University Press, 2001, p. 129-158 ;
Les fonts baptismaux de l’église Saint-Boniface de Constant J. Mews, “Liturgists and Dance in the Twelfth
Freckenhorst (XIIe siècle)”, Mises en scène et mémoires et Century : The Witness of John Beleth and Sicard of
396 h e r be rt l . k e s s l e r
Fig. 16. Venice, San Marco, atrium, pavement beneath Creation dome (B. Brenk).
co nclus ion 397
the prelapsarian time conveyed through the including most notably over the portal to the first
inscription’s own reciprocal references : bay itself (fig. 9) which amplifies Eve’s twisted
posture in the scenes of Covering Nakedness
Here the flaming cherubim burn with Christ’s and Hiding directly above71. Movement enters
love, the images into the viewer’s soul in a manner
always radiating the splendor of the eternal that resonates with Kai Christian Ghattas’s
Sun, observations about Saint-Savin and that Rossi
the mystical cherubim stand, showing their introduces in the discussion of sacred dramas.
six wings The inscription’s allusion to the radiating
which producing serene voices praise the sun points to the yellow ring at the dome’s apex
Lord67. framed by a collar of garnets, rubies, and pearls
and simultaneously to the gems of Eden and the
Sunlight entering through the doorway heavenly city the replaces it (fig. 17, pl. 64). The
animates the cherubim (fig. 1), moreover, and grate of gold scales that forms the background is
counting the number of wings indexes the twenty- found throughout San Marco – on a fragmentary
four-hour day in the way the cosmic diagram also Early Christian transenna, on doors leading into
does in the Pacificus illustration68. The movement the atrium, behind Mary in the contemporary
transforms the essentially linear unfolding of mosaic on the south wall of the west arm of
sacred history into elevating return, reinforced the nave (fig. 18, pl. 65) identified by Ezekiel’s
by the fiery sword guarding Eden that Krause prophecy “Porta hec quam vides clausa erit et
has likened to fire and sun69, and spun by the non aperietur,”72 and above the entrance to San
whirls depicted in various places in the atrium70, Marco treasury which pictures angels standing
on a paradisiacal ground displaying the reliquary
of the True Cross that had been spared the
Cremona”, Church History, 78 (2009), p. 512-548 ; writing flames of the 1231 fire73. The scalloped grid at
c. 1170, John Beleth disapproved of a similar paschal the Creation dome’s summit thus reminds the
dance on the labyrinth of Reims cathedral ; see : Xavier faithful that heaven remains blocked off from the
Barral I Altet, Le décor du pavement au Moyen Âge. Les world of the senses. The gold disk set with eight
mosaïques de France et d’Italie, Rome, École Française
de Rome, 2010, p. 189-190. A late medieval chandelier
gems is a mise-en-abîme of the dome itself, made
in Zutphen pictures dancing : Teuntje van de Wouw, of dazzling tesserae but capable of leading the
The Zutphen Chandelier in a New Light : A Search for faithful’s mind only to heaven’s outer precinct.
the International Roots of a Local Masterpiece, Utrecht, Timeless, the disk set on the scalloped grate is
Utrecht University, 2016.
67 HIC ARDENT CHERUBIM CHRISTI FLAM[M]A[T]
A CALORE
SEMPER ET ETERNI SOLIS RADIATA NITORE e modelli tra VIII e IX secolo al San Colombano di
MISTICA STANT CHERUBIM ALAS MONSTRANCIA Bobbio,” Medioevo : I modelli, ed. A. C. Quintavalle,
SENAS Parma, Electa, 2002, p. 291-308 ; Laura Chinellato,
QU[A]E DOMINUM LAUNDANT VOCES “Il battistero di Callisto, l’altare di Ratchis e i marmi del
PROMENDO SERENAS. Museo Cristiano. Spunti per una rifilettura”, Forum Iulii,
68 Mary Carruthers, “Ars oblivionalis, ars inveniendi : 35 (2011), 59-86.
The Cherub Figure and the Arts of Memory,” Gesta, 48 71 See P. H. Jolly, Made in God’s Image…, p. 50, for a
(2009), p. 99-117. discussion of Eve’s serpentine pose.
69 K. Krause, “Venedigs Sitz im Paradies…”, p. 33. 72 O. Demus, The Mosaics of San Marco…, vol. 2, p. 45-56.
70 Probably derived from solar emblems on Lombard 73 O. Demus, The Mosaics of San Marco…, vol. 2, p. 66; H.
sculpture, including examples surviving in not-too- Kessler, “Response: Astral Abstraction” in Beyond
far-away Cividale ; Arturo Calzona, “Reimpiego Ornament, ed. E. Gertsman (forthcoming).
398 h e r be rt l . k e s s l e r
Fig. 17. Venice, San Marco, atrium, central medallion (author’s archive).
Fig. 18. Venice, San Marco, west arm of nave, south wall, Mary and Prophets (Artresource, NY).
co nclus ion 399
the opposite of the sacred history set in motion as a discrete space of Christianity’s essential
below, a material synecdoche that only mental message – humankind’s disobedience necessitated
eyes can penetrate, figuring the inaccessibility the incarnation.
of heaven even for those who strive to regain it. Moreover, the entire atrium was terminated
The succeeding narratives, by contrast, generate with a dance generated by another alter-Maria.
the complex moebius-strip time of sacred history. Thomas Dale has argued that the emphasis on
As Krause has demonstrated, the history began at Egypt in the final bay is fundamentally Marian,
the end with the mosaic in the tympanum above with the inscriptions proffered by David and
the Porta da Mar, originally the atrium’s important Solomon in the sixth (Moses) dome inflecting
processional doorway from the Adriatic protected Moses at the Burning Bush as typology of the
by a protyry, but since the early sixteenth-century, incarnation75. Indeed, the series ends above
closed off in the Capella Zen. Itself framed by the Porta dei Fiori that leads into the Piazzetta
narratives of motion picturing the translation dei Leoncini in the Miracle of the Manna and
of St. Mark’s relics, the tympanum features the Quails and Moses Bringing Water, returning
Virgin and Child standing on a paradisiacal the Porta da Mar to mind, which was adorned
field and flanked by angels (now replaced) that with the Aniketos relief of the Madonna and
introduced the Old Testament history in atrium Child believed to have been made from the
through the inscription : miraculous Sinai Desert stone itself76. Dale also
proposed that the lunette opposite the Porta dei
The fall of humankind came through the Fiori, now adorned with Pietro della Vecchia’s
mouth of a woman. seventeenth-century mosaic (fig. 19), originally
The worthy Mother of God is the World’s pictured the Crossing of the Red Sea77, a theme
redeemer. that would have appealed especially to pilgrims on
their way to the Holy Land78. The inscription
Following Demus, Krause noted that the indicates that the original composition, like della
apse in Torcello features a similar figure of Vecchia’s, focused on Miriam’s canticle as well,
Mary and Christ with an inscription that makes the song of jubilant praise after the safe arrival
more or less the same argument, namely that on the Sinai bank (Ex. 15.20-21), as Demus had
Mary redeems humankind’s sin : FORMULA suggested :
VIRTUTIS MARIS ASTRUM PORTA SALUTIS/
PROLE MARIA LEVAT QUOS CONIUGE
SUBDIDIT EVA74. Asserted already in the 75 Henry Maguire, “The Aniketos Icon and the Display
of Relics in the Decoration of San Marco,” in San
opposed bronze “frontispieces” on the doors of
Marco, Byzanitum…, p. 91-111 ; M. Bacci, “Power of
Hildesheim and in many other works, the Mary/ Relative Importance…”, p. 134-135 ; T. Dale, “Pictorial
Eve typology explains a number of details in the Narratives,” p. 251-254.
Genesis sequence that follows. More important, 76 Two desert events with clear liturgical meaning ;
it provides an understanding the Creation dome O. Demus, The Mosaics of San Marco…, 2, p. 91, 93.
77 O. Demus, The Mosaics of San Marco…, 2, p. 91, 93 ; see :
Bernard Aikema, Pietro della Vecchia and the Heritage of
the Renaissance in Venice, trans. Ina Rike, Florence, 1990,
74 O. Demus, The Mosaics of San Marco…, vol. 2, p. 66 ; p. 162.
Gerhard Wolf, Schleier und Spiegel. Traditionen des 78 Deborah Howard, “Venice as Gateway to the Holy Land :
Christusbildes und die Bildkonzepte der Renaissance, Pilgrims as Agents of Transmission”, Architecture and
Munich, Fink, 2002, p. 149-156 ; K. Krause, “Venedigs Pilgrimage in the Mediterranean World 1000-1500, ed.
Sitz im Paradies…”. So, too, does the apse in Murano ; P. Davies, D. Howard and W. Pullan, Farnham,
M. Bacci, “Power of Relative Importance…”, p. 136-146. Ashgate, 2013, p. 87-110.
4 00 h e r be rt l . k e s s l e r
Fig. 19. Venice, San Marco, atrium, north arm, lunette, Pietro della Vecchia, Crossing Red Sea (author’s archive).
Pharaoh is drowned in the sea and the Israelites toward Moses and Aaron, and the two children
cross attracted by her song recall nothing so much as
Mary, the sister of Moses, says : Let us sing79. Early Christian sarcophagi80, especially the one in
Split, a Venetian city with which the painter had
The thirteenth-century medallion directly contact81. An illustration in the late ninth-century
above the seventeenth-century figure of Miriam
playing the timbral portrays Zechariah holding
the text : “Sing and rejoice, daughter of Zion, 80 Jas Elsner, “’Pharaoh’s Army Got Drowned’ : Some
for (Lo!, I shall come [and dwell in your midst] Reflections on Jewish and Roman Genealogies in
Zech. 2 :10). Della Vecchia must have based his Early Christian Art,” Judaism and Christian Art, ed.
H. L. Kessler and D. Nirenberg, Philadelphia,
composition on the titulus inscribed on the University of Pennsylvania Press, 2011, p. 10-44. An
arch ; Miriam’s instrument, her turning her back Egyptian painted textile in the Metropolitan Museum
art includes a similar figure.
81 Pietro della Vecchia himself seems not to have traveled
much ; Aikema, Pietro della Vecchia…, p. 12 ; but see
79 SUMMERSO PHARAONE IN MARI PLEBS TRANSIT Radoslav Tomic, “Pietro della Vecchi u Dalmaciji,” Anali
HEBREA/CANTEMUS DICIT MOYSES SOROR Dubrovnik, 40 (2002), p. 215-225. A Red Sea sarcophagus
ATQUE MARIA. in Aix-en-Provence also includes the Miracle of Manna
co nclus ion 401
Fig. 20. Paris, BnF, MS 510, fol. 264v, Homilies of Gregory Nazianzenus, Crossing of Red Sea (BnF).
402 h e r be rt l . k e s s l e r
Homilies of Gregory of Nazianzenus in Paris that Søren Kaspersen identifies, reminding the
(BnF, MS 510, fol. 264v ; fig. 20, pl. 66) provides faithful of the good life possible even on earth
an idea of what the dual composition intended for to those who venerate God. If the fundamental
the thirteenth-century mosaic might have looked message of the atrium mosaics is that the sin of
like82. As Moses brings the waters crashing over Adam and Eve banished humankind from the
the Egyptian troops, the Israelites are conducted God’s presence, at least for now, the association
to safety by Aaron, while at the far right, Miriam with the adjacent Marian Deësis above the Porta
dances before the column of fire, snapping della Madonna at the very end of the space holds
castanets over her head and pulling her left leg out the promise that the Virgin will intercede on
over her right in a rhythmic movement that sends its behalf at the time of judgment.
her golden hem twirling. Such a Miriam in San None of this has anything to do with the
Marco would have recalled to attentive viewers ancient codex that perished in 1731, the ashes of
the figure of Eve in a similar pose in the scene of which have so consumed scholarship for nearly
hiding directly above the whirl in the first dome 130 years that they have dimmed the glorious
(fig. 9), constituting a concluding instance of the atrium mosaics in San Marco. To be sure, the
Eva/Ave trope in the mode of a dance. Cotton Genesis provided important material for
The depiction of the Israelites led to safety by the decoration ; but the sedentary page-turning
the flaming column and the Virgin’s namesake and text-picture paragone it involved was totally
praising God with voice and music would also different from the living experience the mosaics
have connected to the whirling wheel of flames engendered through movement in space and
that guard Paradise in the first cupola and the interactions among the subjects and with the
cross-legged, cross-winged cherubim eternally settings. Like the phoenixes spun off by the
generating serene song. Assuring those passing flaming vortex at the Porta Paradisi in the Creation
through the atrium of God’s beneficence to the cupola, the manuscript resurrected in San Marco
faithful on this earthly pilgrimage83, it engaged was something entirely new and vibrant.
the processions that exited from the Porta dei Vive les mosaïques de San Marco !
Fiori in a ritual that itself enacted the pilgrimage
Pl. 2 : Pentateuque de Tours, Paris, BnF, NAL 2334, f. 6, Adam et Ève. (BnF)
Planch es 407
Pl. 3 : Bible de Moutier-Grandval, Londres, British Library, Add MS 10546, fol. 5v, Adam et Ève. (British Library)
4 08 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 4 : Première Bible de Charles le Chauve, Paris, BnF, ms. lat. 1, f. 10v, Adam et Ève. (BnF)
Planch es 409
Pl. 5 : Première Bible de Charles le Chauve, Paris, BnF, ms. lat. 1, f. 27v, Moïse reçoit la Loi et enseigne. (BnF)
41 0 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 7 : Pentateuque de Tours, Paris, BnF, NAL 2334, f. 76, Moïse enseignant et la Tente. (BnF)
41 2 le s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a P e i nt u re mé d i é vale
Pl. 8 : Elies Rogent, premier projet de restauration de Santa Maria de Ripoll, 1865, détail de la tribune
occidentale, Barcelona, Arxiu del Col·legi d’Arquitectes de Catalunya. (photo : Arxiu del Col·legi
d’Arquitectes de Catalunya)
Pl. 9 : Salerne, Museo Diocesano San Matteo, ivoires de Salerne, vers 1080-1085, la remise des Tables
de la Loi à Moïse. (Kunsthistorischen Institut in Florenz)
Planch es 413
Pl. 10 : Bible de Ripoll, Cité du vatican, BAV, ms. lat. 5729, f. 5v, vers 1027-1032, le Premier Jour de la Création (Gn 1,
1-5), Création d’Adam, le Péché originel, Adam et Ève réprimandés et chassés du Paradis. (© BAV)
41 4 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 11 : Bible de Ripoll, Cité du Vatican, BAV, ms. lat. 5729, f. 1r, vers 1027-1032, page de frontispice : du Passage de la
mer Rouge à la Bataille de Rephidim. (© BAV)
Planch es 415
Pl. 12 : Bible de Rodes, Paris, BnF, ms. lat. 6, f. 6r, histoires d’Adam et Ève. (BnF)
41 6 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 13 : Cité du Vatican, BAV, Barb. lat. 2733, ff. 108v-109r, paroi de droite de la basilique Saint-Pierre du Vatican. (© BAV)
Pl. 14 : Cité du Vatican, BAV, Barb. lat. 2733, ff. 113v-114r, paroi de gauche de la basilique Saint-Pierre du Vatican. (© BAV)
Planch es 417
41 8 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 15 : Cité du Vatican, BAV, Archivio di San Pietro A ter, Album, f. 13r, détail de l’histoire d’Isaac et Jacob. (© BAV)
Pl. 16 : Ceri, Santa Maria Immacolata (San Felice), paroi de gauche, Création d’Adam. (photo M. Angheben)
Planch es 419
4 20 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 17 : Ceri, Santa Maria Immacolata (San Felice), paroi de gauche, Création du monde. (photo M. Angheben)
Pl. 18 : Galliano, San Vincenzo, intérieur, vue d’ensemble. (© Luca Merisio)
Planch es 42 1
4 22 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 19 : Galliano, San Vincenzo, vaisseau central de la nef, mur nord. (© Luca Merisio)
Planch es 42 3
4 24 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 20 : Galliano, San Vincenzo, vaisseau central de la nef, mur méridional. (© Luca Merisio)
Planch es 42 5
426 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 21 : Galliano, San Vincenzo, peintures de la paroi nord de la nef, Animation d’Adam et Création d’Ève.
(© Luca Merisio)
Pl. 22 : Galliano, San Vincenzo, peintures de la paroi nord de la nef, les Reproches de Dieu. (© Luca Merisio)
Planch es 42 7
Pl. 23 : Galliano, San Vincenzo, peintures de la paroi nord de la nef, la Distribution des vêtements. (© Luca Merisio)
4 28 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 24 : Agliate (Carate Brianza, Monza), basilique Saint-Pierre, nef, dernière travée de la paroi nord, la Création d’Ève
qui est saisie par le bras par le Christ/Créateur. (photo F. Scirea)
Pl. 25 : Muralto (Locarno, Canton du Tessin), basilique Saint-Victor, nef, sommet de la paroi sud, cycle de la Genèse :
l’Habillage et la Remise des outils agricoles. (photo F. Scirea)
Planch es 42 9
Pl. 26 : Acquanegra sul Chiese (Mantoue), basilique Saint-Thomas, arc occidental de la croisée, côté ouest (vers la
nef ), au-dessus des voûtes, le Christ/Créateur de la Création d’Adam et celui de la Création d’Ève. (photo F. Scirea)
Pl. 27 : Acquanegra sul Chiese, San Tommaso, l’Expulsion du Paradis : à l’extrémité droite, Adam habillés en rouge est
peut-être en train de bêcher. (photo F. Scirea).
4 3 0 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 28 : Genèse Cotton, la Création des végétaux, copie à l’aquarelle de Daniel Rabel.
Pl. 29 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, la Création des astres. ( J.-P. Brouard © CESCM)
Pl. 30 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, la Création de la femme, la Présentation d’Ève à Adam et la
Tentation d’Ève, relevé archéographique. (Carolina Sarrade © CESCM)
Planch es 4 31
4 3 2 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 32 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, la Présentation d’Ève à Adam. ( J.-P. Brouard © CESCM)
4 3 4 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 33 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, le Sacrifice de Caïn et Abel. ( J.-P. Brouard © CESCM)
Pl. 34 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, le Meurtre d’Abel et la Malédiction de Caïn. ( J.-P.
Brouard © CESCM)
Planch es 435
Pl. 37 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, la Tour de Babel. ( J.-P. Brouard © CESCM).
Pl. 38 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, la Bénédiction de Jacob par Isaac. ( J.-P. Brouard © CESCM)
Planch es 437
4 3 8 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 39 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, la Traversée de la mer Rouge. ( J.-P. Brouard © CESCM)
Pl. 40 : Château-Gontier, registre inférieur de la retombée orientale de la voûte du bras sud du transept, la Fuite des Hébreux devant les troupes de Pharaon, détail :
les Hébreux. (E. Michaud © CESCM)
Planch es 439
4 4 0 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 41 : Château-Gontier, mur sud du transept, la Séparation des élus et des damnés, détail : l’ange gardant la porte
des damnés. (photo C. Davy)
Planch es 4 41
Pl. 42 : Château-Gontier, registre supérieur de la retombée de la voûte orientale du bras sud du transept, la
Construction de l’arche. (E. Michaud © CESCM)
4 4 2 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 43 : Château-Gontier, registre supérieur de la retombée occidentale du bras nord du transept, la Sentence de Dieu
envers Adam et Ève, détail. (photo C. Davy)
Planch es 443
Pl. 44 : Château-Gontier, registre supérieur de la retombée orientale de la voûte du bras sud du transept, l’arche du
déluge. (photo C. Davy)
4 4 4 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 45 : Saint-Savin-sur-Gartempe, peintures de la voûte de la nef, la Création des astres. ( J.-P. Brouard © CESCM et
schémas de C. Ghattas)
Pl. 46 : Saint-Savin-sur-Gartempe, porche, peinture de la voûte, la femme et le dragon. ( J.-P. Brouard © CESCM)
Planch es 445
446 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 47 : Saint-Savin-sur-Gartempe, porche, peinture de la voûte, le fléau des sauterelles. ( J.-P. Brouard © CESCM)
Planch es 4 47
Pl. 49 : Palerme, Chapelle Palatine, vaisseau central, paroi sud, la Genèse. (photo Giovanni Chiaramonte
© Archivio Franco Cosimo Panini Editore / patrimonio del Fondo Edifici di Culto, Palermo)
Planch es 449
4 50 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 50 : Palerme, Chapelle Palatine, vaisseau central, paroi nord, la Genèse. (photo Giovanni Chiaramonte
© Archivio Franco Cosimo Panini Editore / patrimonio del Fondo Edifici di Culto, Palermo)
Planch es 451
4 52 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 51 : Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, deuxième registre, Création des astres. (photo
Archidiocèse de Monreale)
Planch es 453
Pl. 52 : Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, deuxième registre, Création d’Adam. (photo Archidiocèse
de Monreale)
4 54 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 53 : Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, deuxième registre, Création d’Adam. (photo Archidiocèse de Monreale)
Planch es 455
Pl. 54 : Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi sud, premier registre, Tour de Babel. (photo
Archidiocèse de Monreale)
Pl. 55 : Cathédrale de Monreale, vaisseau central, paroi nord, premier registre, Sacrifice d’Abraham. (photo
Archidiocèse de Monreale)
4 56 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 56 : Venise, Saint-Marc, narthex, vue vers la Porta da Mar. (B. Slantchev)
Pl. 59 : Venise, Saint-Marc, narthex, l’Expulsion du paradis et Travail d’Adam et Ève. (B. Brenk)
4 58 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 60 : Montalcino, Archivio comunale, Bibbia atlantica, f. 6v. (Archivio comunale de Montalcino)
Pl. 61 : Venise, Saint-Marc, narthex, coupole de la Création, détail de la Création. (B. Brenk)
Planch es 459
460 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 62 : Biblioteca Marciana, ms. lat. VIII 22, fol. 1r. (Biblioteca Marciana)
Planch es 461
Pl. 63 : Torcello, Santa Maria Assunta, abside et arc absidal, Vierge de l’Annonciation. (archive H. Kessler)
462 L e s s tr atégi e s d e l a n ar r at i o n dan s l a p e i nt u re mé d i é vale
Pl. 66 : Paris, BnF, ms 510, f. 264v, Homélies de Grégoire de Nazianze, Traversée de la mer Rouge. (BnF)