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Enseignement / apprentissage du français à l’école

primaire au Maroc à la lumière de la nouvelle vision


stratégique de la réforme de l’enseignement 2015-2030
Maryam Chawki

To cite this version:


Maryam Chawki. Enseignement / apprentissage du français à l’école primaire au Maroc à la lumière
de la nouvelle vision stratégique de la réforme de l’enseignement 2015-2030. Education. Université
Bourgogne Franche-Comté, 2023. Français. �NNT : 2023UBFCC002�. �tel-04412528�

HAL Id: tel-04412528


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THESE DE DOCTORAT DE L’ÉTABLISSEMENT UNIVERSITÉ BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ
PRÉPARÉE À L’UNIVERSITÉ de FRANCHE-COMTÉ

Ecole doctorale n°592


LECLA, Lettres, communication, langues, arts

Doctorat de Sciences du Langage, mention Français langue étrangère / Français langue seconde
Par
Madame CHAWKI Maryam

Enseignement /apprentissage du français à l’école primaire au Maroc à la lumière de la


nouvelle vision stratégique de la réforme de l’enseignement 2015-2030
Volume 1 texte
Thèse présentée et soutenue à « Besançon », le « 3 février 2023 »

Composition du Jury :
Madame, MUSARD Mathilde Maître de conférences-HDR, Université de Franche-Comté Présidente
Monsieur, CUQ Jean-Pierre Professeur des universités émérite, Université Côte d’Azur Nice Rapporteur
Madame, CHNANE-DAVIN Fatima Professeur des universités, Université Aix-Marseille Rapporteuse
Monsieur, DIALLO Ibrahima Professeur assistant, Université South Australia, Adélaide Examinateur
Monsieur, EMBARKI Mohamed Professeur des universités Université de Franche-Comté Directeur de thèse
Madame, BENABDALLAH Kaouthar Maître de conférences, Université de Franche-Comté Codirectrice de thèse
Remerciements

Je remercie tout d’abord mon directeur de recherche Monsieur Mohamed Embarki pour avoir
accepté de diriger cette thèse de doctorat, pour son accompagnement permanent et pour ses conseils
précieux durant ces quatre années de recherche doctorale.

Ma reconnaissance profonde s’adresse ensuite à Madame Kaouthar Ben Abdallah pour


m’avoir suivi dès le début de ce travail de recherche, pour sa disponibilité permanente et pour ses
conseils et ses remarques pertinentes afin d’aboutir à ce travail.

J’adresse ensuite mes plus profonds remerciements aux membres du jury qui ont accepté
d’évaluer ce travail de recherche : à Madame Mathilde Musard, qui a accepté de présider le jury de
ma soutenance, à Madame Fatima Chnane-Davin et à Monsieur Jean Pierre Cuq, qui occupent le
rôle de rapporteurs et à Monsieur Ibrahima Diallo qui occupe le rôle d’examinateur.

Que leur évaluation de cette thèse, leurs futurs conseils et suggestions soient bénéfiques pour moi.

Je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont aidé de près ou de loin à accomplir ce
travail de recherche :

D’abord, je voudrais remercier du fond du cœur ma professeure Madame Marie Josèphe


Berchoud qui m’a soutenu et encouragé pour entamer cette aventure doctorale. Sans elle je n’aurais
pas emprunté ce parcours académique.

Ensuite, un grand merci aussi à ma famille qui m’a toujours soutenu et encouragé pour
continuer mes études malgré toutes les circonstances. Leur encouragement m’a poussé à surmonter
toutes les difficultés rencontrées.

Je souhaite également remercier toutes et tous les professeurs qui m'ont appris depuis l’école
maternelle jusqu’à l’université. Sans vous que je ne serai pas arrivée à ce stade.

Je remercie également mes élèves qui ont été une source d’inspiration des idées contenues
dans ce travail de recherche doctorale.

Je n’oublie pas mes collègues et mes ami (e)s, un grand merci du fond du cœur, pour leurs
encouragements, leurs conseils et leur aide permanente.

2
À la mémoire de ma mère
qui m’a donné le gout pour la lecture
et qui est partie trop tôt

3
Sommaire
Liste des acronymes ................................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Introduction générale..............................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Partie 1 : contexte de la recherche .....................................................................Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 1 : La situation linguistique et éducative dans les pays du Maghreb Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 2 : Le Maroc et l’enseignement de la langue française .......................Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 3 : Les réformes de l’enseignement au Maroc .....................................Erreur ! Signet non défini.
Partie2 : Concepts théoriques .............................................................................Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 4 : Notions clés et cadrage théorique ...................................................Erreur ! Signet non défini.
Partie 3 : L’analyse des manuels scolaires marocains de 1ère et 6ème année du primaire ..... Erreur ! Signet
non défini.
Chapitre 5 : Le manuel scolaire : définition et usages ........................................Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 6 : L’analyse des nouveaux manuels de première et de sixième année du primaire ......Erreur !
Signet non défini.
Chapitre 7 : Perspectives didactiques : La formation des enseignants marocains ...... Erreur ! Signet non
défini.
Conclusion générale ................................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Bibliographie ...........................................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Sitographie ..............................................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Index des notions principales………………………………………………………………………………………………………………..269

Liste des figures .......................................................................................................Erreur ! Signet non défini.


Liste des
tableaux………………………………………………………………………………………………………………………………….Erreur !
Signet non défini.

4
Liste des acronymes
AEFE Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger

AMAS Association Marocaine d’Appui à la Scolarité

AMEF Association Marocaine des Enseignants de Français

APC Approche par compétences

APER Association d’Appui à l’Ecole de la Réussite

AREF Académie Régionale de l’Education et de la Formation

BAD Banque Africaine de Développement

CECRL Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues

CNEF Charte Nationale de l’Education et de la Formation

CNIPE Centre National d’Innovation Pédagogique et d’Expérimentation

COSEF Commission spéciale éducation-formation

CRMEF Centres Régionaux des Métiers d’Éducation et de Formation

CSE Conseil Supérieur de l’Enseignement

DELF Diplôme Élémentaire en Langue Française

DALF Diplôme Approfondi en Langue Française

DEUG Diplôme d’Études Universitaires Générales

FADEEP Association de Formation à Distance pour les Enseignants, les Etudiants et


les Professionnels

IRCAM Institut Royal de la Culture Amazigh

MEN Ministère de l’Éducation Nationale

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique

OIF Organisation Internationale de la Francophonie

OMAFORTICE Observatoire Marocain de la Formation et de la Recherche en TICE

PISA Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves

PPO Pédagogie Par Objectifs

TICE Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement

TOEFL Test Of English as a Foreign Language

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

5
6
Introduction générale

À travers le monde, le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage des langues et des


cultures est toujours sujet aux réformes et au renouvellement didactique et méthodologique suivant
la politique linguistique, éducative et socioéconomique du pays concerné et aussi des nécessités et
des besoins de la mondialisation. Le Maroc lui aussi n’échappe point à cette évidence. Depuis plus
d’une soixantaine d’années, son système éducatif n’a cessé de se modifier et d’évoluer pour
s’adapter aux exigences didactiques et pédagogiques contemporaines. Malgré des avancées notables
et une évolution manifeste dans le système éducatif marocain, les rapports ministériels et les études
récentes sont négatifs et déplorent une situation critique de l’enseignement dans ce royaume, en
termes de décrochage, d’abandon et d’échec scolaire (Mgharfaoui, 2020). En fait, le pays occupe
une place très éloignée par rapport à d’autres pays : la 130e place sur 177 pays pour lesquels l’indice
du développement humain a été calculé en 2012. Selon Zahra Zerrouqui dans son article « les
performances du système éducatif marocain » où elle cite les résultats des rapports réalisés par
l’IAEEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement), l’enquête qui
compare les performances des élèves de la quatrième année du primaire en matière de lecture et de
compréhension : « le Maroc occupait la dernière place avec un score de 310 points et un écart de -
190 points sur la moyenne internationale. Hong-Kong, la Finlande et Singapour occupent les trois
premiers rangs » (2015 : 1). Il est à se demander pourquoi le Maroc ne s’inspirerait pas de ces
modèles afin d’améliorer le secteur de l’éducation. Selon le même article, ces résultats alarmants
sont la non-généralisation du préscolaire, le redoublement, les conditions souvent inappropriées
d’apprentissage qu’offre l’école, telles que les infrastructures, la taille des classes, les ressources
pédagogiques et la charge horaire des enseignants. En revanche, le Maroc depuis son indépendance
a fait du secteur de l’éducation nationale une priorité afin de développer ce secteur et former une
jeunesse capable de servir le pays.

Depuis la rentrée 2015, une nouvelle réforme éducative est entamée pour rénover et
restructurer ce secteur dans tous ses cycles du préscolaire à l’universitaire. Elle est appelée la vision
stratégique de la réforme 2015-2030. Cette réforme va s’étaler sur une quinzaine d’années. En plus
de cela, le 22 juillet 2019, la loi cadre 51-17 relative au système d’éducation, de formation et de
recherche scientifique est votée au parlement marocain après une longue période de gestation et de
longs débats sur certains de ses articles qui visent à réglementer le secteur éducatif dans sa globalité.
Ces deux textes de réformes seront interrogés dans cette thèse parce qu’ils marquent une orientation
politique importante dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage du français au Maroc.

7
Le choix du sujet de la réforme de l’enseignement du français au primaire au Maroc nous
intéresse pour plusieurs raisons personnelles et professionnelles :

L’une des principales raisons est qu’il n’y a pas assez de recherches académiques dont
l’intérêt est focalisé sur les réformes du cycle primaire. Ce cycle constitue pourtant la base d’un
enseignement qui prépare à la vie et qui contribue à forger la personnalité de l’enfant. Ce dernier
deviendra adulte et servira par la suite son pays en tant que bon citoyen bien éduqué.

Ensuite, en tant qu’enseignante bilingue (arabe / français) depuis plusieurs années au


primaire, nous avons pu constater à quel point le niveau des élèves baisse constamment d’année en
année selon de nombreux facteurs. Notre carrière professionnelle a commencé en septembre 2002,
à l’époque où le Maroc a entamé un grand projet de réforme avec l’adoption de l’approche par
compétences annoncée par la charte nationale de l’éducation et de la formation en 2000. Les
enseignants n’étaient pas encore bien formés à appliquer cette approche. Ils continuaient à enseigner
de la même manière avec les nouveaux manuels. Nous nous posions toujours des questions quant
au fonctionnement / dysfonctionnement et ce qui doit changer ou rester tel quel dans nos pratiques
d’enseignement afin d’améliorer le processus d’enseignement / apprentissage du français à l’école
élémentaire. Dans nos échanges avec les collègues, ils ont toujours soulignés qu’ils sont conscients
des causes des difficultés auxquels ils sont confrontés en classe quotidiennement (manque de
matériel, de formation continue et d’infrastructures, effectif élevé des élèves...). En revanche, ils ont
également soulevé le fait qu’ils ne sont jamais consultés pour les réformes imposées par les
décideurs du ministère. Nous joignons à cela aussi que souvent les réformes d’enseignement
adoptées, dans la politique éducative marocaine, sont calquées sur des modèles qui ont réussi dans
certains pays voisins. À cela s’ajoute la non-prise en compte des besoins spécifiques des élèves, des
compétences des enseignants et de la réalité socioéconomique du pays par les décideurs.

Notre expérience dans l’enseignement du français au Maroc ne s’arrête pas à l’école primaire
publique. Depuis quelques années, je suis professeure de FLE à L’Alliance française de Safi. Cette
expérience nous a permis d’avoir un autre regard plus approfondi sur cette langue aimée depuis
l’enfance. Notre pratique d’enseignante et nos connaissances dans le domaine du FLE ce sont
forgées et améliorées grâce aux formations continues et aussi grâce à mon master en didactique du
français langue étrangère obtenu en 2016 à l’université de Bourgogne.

Ainsi, exercer le métier d’enseignante dans deux établissements distincts, dans différents
milieux sociaux (Entre la ville et la campagne, entre milieux riche, moyen ou défavorisé) avec des
élèves de différents âges et dont le rendement en classe diffère a été certes une expérience très riche

8
mais qui a, chemin faisant, ouvert nos yeux sur le / les dysfonctionnement(s) et les besoins
d’amélioration de l’enseignement du français au Maroc. Cela a suscité notre intérêt et nous a
aiguillés vers des interrogations pédagogiques et didactiques sur la source de ces décalages de
niveaux de maîtrise de la langue française qui est pourtant enseignée depuis le primaire, sur les
contenus des manuels et sur la formation des enseignants. De même que les échanges avec les
collègues, les inspecteurs et les didacticiens à travers nos lectures n’ont pas pu répondre à nos
questionnements.

Finalement, le choix de ce sujet s’est fait dans l’optique d’enrichir le domaine de la recherche
scientifique, en didactique du FLE, autour de la réforme éducative entamée au Maroc pour sauver
l’école publique marocaine qui souffre depuis des années. C’est pour toutes ces raisons que nous
avons choisi de travailler sur ce sujet de recherche afin de toucher de près cette problématique.

Dans le présent travail, nous nous intéresserons au volet linguistique des réformes éducatives
au Maroc, spécialement la langue française qui est considérée comme la première langue étrangère
dans le royaume. Cette langue a un statut à la fois complexe et privilégié qui sera explicité plus loin.
Nous nous focaliserons sur l’étude des textes des récentes réformes de l’enseignement marocain en
général et dans le primaire en particulier puisque c’est notre terrain d’exercice depuis des années.
Les textes des réformes retenus pour notre recherche doctorale sont la vision stratégique de la
réforme 2015-2030 et la loi cadre 51-17 relative au système d’éducation, de formation et de
recherche scientifique.

La problématique de cette thèse se focalisera sur les apports de la nouvelle réforme au niveau
de l’enseignement / apprentissage de la langue française dans le contexte marocain à l’école primaire
par rapport aux anciennes pratiques de classe en matière didactique et technique.

Cette thèse va répondre aux questionnements didactiques suivants :

 Quelles sont les raisons derrière l’échec des réformes de l’enseignement du français
au Maroc ?
 Quels sont les éléments négligés par les décideurs de la politique éducative et les
concepteurs des programmes ?
 La réforme actuelle de l’enseignement du français au Maroc réussira-t-elle là où les
réformes précédentes ont échoué ?
 Quels changements sont opérés au niveau des manuels scolaires ?

9
Nous espérons également à travers ce travail de recherche doctorale trouver quelques
éléments de réponse en répondant aux questionnements relatifs à cette problématique de départ.

Nous émettons les hypothèses suivantes afin de répondre à notre problématique et aux
questions qui en découlent :
 Les réformes entamées sont loin des attentes des enseignants, des élèves et de leurs parents.
 Les moyens mobilisés pour mettre en place ces réformes restent insuffisants par rapports
aux objectifs visés.
 Les contenus des manuels scolaires en vigueur sont loin de donner de bons résultats au
niveau de l’apprentissage de la langue française.

 L’adoption de l’enseignement de la langue française dès la première année du primaire va


faciliter son apprentissage plus tard.

 Les principes de l’approche actionnelle ne correspondent pas aux contenus des manuels
scolaires réformés.

Les hypothèses formulées ci-dessus émanent de notre problématique et aussi de notre expérience
dans le domaine de l’enseignement du FLE notamment au primaire. Elles s’inspirent également de
nos observations et de notre pratique en classe datant de plusieurs années, elles sont aussi le fruit de
plusieurs travaux de lecture et de documentation dans des ouvrages spécialisés.

En partant de notre problématique et des questions qui en découlent, cette recherche s’est
fixée comme objectif général de : Questionner les textes officiels des réformes entamées au cycle
primaire afin de vérifier leur adéquation / inadéquation aux contenus présentés dans les manuels
scolaires de langue française au primaire réformés à travers une analyse comparative.

Dans la perspective d’apporter des éléments de réponse à la problématique de cette recherche


et à ses questions annexes et pour confirmer ou infirmer les hypothèses formulées, nous aurons
recours à :
 Un corpus de textes écrits constitués de documents officiels nationaux (chartes, rapports,
décrets, lois) et des manuels scolaires.
 Des références bibliographiques d’auteurs spécialisés dans le domaine de la didactique des
langues, et plus particulièrement, la didactique du FLE.
 L’étude qualitative qui portera sur l’analyse et la comparaison entre le contenu des textes de
lois et les deux manuels scolaires choisis d’un point de vue méthodologique et didactique.

10
Afin de mieux réaliser cette étude qualitative, nous nous appuierons sur des grilles d’analyse
et d’évaluation spécifiques à ce genre d’étude.

Notre travail est charpenté en trois parties réparties en chapitres. Ainsi, la première partie
divisée en trois chapitres présentera le contexte politique, historique et éducatif dans lequel se situe
notre recherche, notamment autour de la situation sociolinguistique et des réformes de
l’enseignement du français au Maroc. Le premier chapitre sera consacré à la présentation de la
situation linguistique et éducative dans les trois pays du Maghreb à savoir la Tunisie, l’Algérie et le
Maroc afin de voir les points de similitude entre ces trois pays en ce qui concerne le domaine de
l’enseignement de la langue française. Le deuxième chapitre abordera l’enseignement de la langue
française au Maroc dans sa globalité depuis le protectorat jusqu’à aujourd’hui. Cet aperçu historique
nous permettra de toucher de près les progrès réalisés dans le domaine éducatif à savoir la
généralisation de l’enseignement et la lutte contre l’analphabétisme de la population. Dans le
troisième chapitre, nous examinerons les différentes réformes de l’enseignement entreprises au
Maroc depuis les années soixante jusqu’à aujourd’hui afin de percevoir leurs points de forces et de
comprendre les raisons de leur échec malgré les grands efforts déployés par le ministère de
l’éducation nationale. Et enfin, nous examinerons également dans ce chapitre le statut et la
représentation des langues parlées et utilisées dans ce pays pour essayer de délimiter le statut du
français au Maroc à travers ses usages par les marocains dans différents domaines.

Dans la deuxième partie, il sera question de faire le cadrage théorique de notre recherche
doctorale à travers la définition d’un ensemble de concepts clés qui ont une relation étroite avec
notre sujet de recherche autour de la réforme de l’enseignement, des méthodologies d’enseignement
et de la transposition didactique. Ainsi, cette partie se focalisera sur la définition de ces concepts
théoriques à travers les différentes explications données par des chercheurs et des didacticiens
spécialistes dans ce domaine. Ces concepts serviront par la suite à analyser le contenu des manuels
de français du primaire choisi dans la troisième partie.

Quant à la troisième partie, elle sera consacrée à l’analyse critique et détaillée des deux
manuels scolaires du primaire marocain réformés à travers une démarche qualitative qui répondra
aux questions de la problématique posée au départ. Elle se divise en trois chapitres. Le premier sera
consacré à la définition du concept de manuel scolaire, qui est la clé de ce travail, à travers ses
différentes acceptations théoriques et ses usages pratiques pour ensuite évoquer le statut et le
processus de conception des manuels scolaires au Maroc au cours des dernières réformes depuis
l’an 2000. Le deuxième chapitre sera consacré à l’analyse des nouveaux manuels de première puis

11
de la sixième année du primaire ainsi que les guides pédagogiques qui les accompagnent. Il sera
question de décrire les aspects matériels et fonctionnels des livres concernés. Cette analyse
confrontera les manuels avec les textes des lois des réformes actuelles afin de vérifier l’adéquation
entre le discours officiel et le programme scolaire réformé au niveau des orientations et des
approches méthodologiques adoptées. Le dernier chapitre sera dédié aux perspectives et pistes
didactiques de ce travail de recherche à la lumière des résultats obtenus. Cela concernera de prime
abord le volet de la formation des enseignants qui sont un pilier essentiel pour garantir la réussite
de tout processus de réforme éducative.

12
Partie 1 : contexte de la recherche

13
Pour commencer, nous pouvons affirmer que le Maroc a parcouru un long chemin depuis
son indépendance pour pouvoir atteindre les progrès enregistrés dans le domaine de l’éducation et
de la formation. Cependant, il souffre encore de plusieurs échecs malgré les grands efforts déployés
en matière de réformes éducatives. Nous nous interrogeons sur les raisons derrière ces échecs à
travers cette recherche qui tentera de répondre à un ensemble de questions. Cette première partie
qui nous permettra de contextualiser notre recherche se divise en trois chapitres. Dans le premier
chapitre, nous exposerons la situation linguistique dans les trois pays du Maghreb : Le Maroc,
l’Algérie et la Tunisie et nous examinerons également leurs rapports à la langue française depuis
son introduction dans leur système éducatif jusqu’à aujourd’hui. Ces trois nations ont plusieurs liens
historiques et culturels communs en plus de leur proximité géographique. Ensuite, dans le deuxième
chapitre, nous détaillerons la situation linguistique et sociolinguistique au Maroc, puisque c’est là
où se déroule notre recherche, depuis le protectorat jusqu’à aujourd’hui. L’objectif est d’examiner
son rapport à ses langues officielles et surtout à la langue française. Le troisième chapitre s’arrêtera
sur les grandes réformes qu’a connu le système de l’enseignement marocain et spécifiquement
l’enseignement du français en général et dans le primaire en particulier. Ce qui intéresse notre
recherche sont les récentes réformes entreprises depuis l’an 2000 avec la charte nationale de
l’éducation et de la formation. Ce chapitre présentera également l’architecture du système éducatif
marocain et sa politique éducative dans les différents cycles du primaire à l’université. L’objectif
essentiel de cette contextualisation historique est de répondre à une partie de la problématique de
départ autour des réformes de l’enseignement au Maroc. Ensuite, ces réponses nous permettrons
d’avancer notre recherche vers un cadrage théorique essentiel pour définir les concepts clé des
réformes entreprises dans ce pays. Avant d’arriver à l’analyse critique de manuels scolaire réformés
à la lumière des recommandations de la vision stratégique de la réforme 2015-2030.

14
Chapitre 1 : La situation linguistique et éducative dans les pays du
Maghreb
Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont trois pays du Maghreb qui ont une relation forte avec
la langue française datant de la période coloniale ou du protectorat. En effet, chaque pays a opté
pour un choix politique vis-à-vis de cette langue et de son introduction dans son système éducatif
comme première langue étrangère / seconde1.

Certes, ces trois pays adoptent aujourd’hui une ou des langues comme langues officielles de
l’administration et de l’enseignement mais la langue française est toujours fortement présente, de
par l’historique qui la lie au Maghreb, en plus de ceci son statut n’est pas toujours clairement
annoncé. Nous la retrouvons dans la vie quotidienne et elle s’est bien intégrée au parler dialectal des
algériens, des marocains et des tunisiens. Nous exposerons brièvement son statut dans chacun de
ces pays entre le passé et le présent : dans le système éducatif et dans l’administration.

1.1 La situation en Algérie


Depuis sa colonisation en 1830 par la France, L’Algérie a été le premier pays du Maghreb
qui a connu l’introduction de cette langue dans son système administratif et éducatif. Jusqu’à
aujourd’hui, l’impact de cette langue est très présent dans le parler quotidien des algériens. Dans
une conversation ordinaire entre deux locuteurs, un grand nombre de mots français sont émis par
les Algériens. Ceci qui donne un mélange impressionnant entre le dialecte arabe algérien, le kabyle
et le français.

1.1.1 L’administration algérienne

Pour ce qui est de l’administration, l’Algérie a été longtemps organisée comme un


département français. Donc la langue française est la langue administrative par excellence pour les
correspondances, les documents officiels et les lois. Bien après son indépendance, la transition
administrative au niveau linguistique n’a pas été facile. C’est le décret du 22 mai 1964 qui a fourni
les instruments nécessaires à l'instauration progressive de l'arabe dans l'administration2 . Les anciens
fonctionnaires algériens ayant travaillé avec l’administration française sont restés dans leurs postes
ou sont devenus responsables puisqu’ils ont maîtrisé le fonctionnement de l’administration. Il faut
aussi souligner que le pays a manqué de cadres qui se sont formés progressivement pour remplacer
les fonctionnaires français. En effet, il a donc été question de composer avec ces derniers et de

1
Ce terme de langue étrangère et seconde sera défini dans la partie cadrage théorique et méthodologique
2
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie-3Politique_ling.htm#2_La_législation_et_le_statut_de_larabe_

15
procéder par étapes à l’arabisation de l’administration algérienne, car ces fonctionnaires eux-mêmes
ont tenu à s’opposer à cette transformation de l’administration coloniale en celle d’un État arabo-
musulman. La généralisation de la langue arabe dans les administrations ne sera définitive qu’en
1991. En fait l’article 4 de la loi n° 91-05 du 16 janvier 19913 annonce que : « les administrations
publiques, les institutions, les entreprises et les associations, quelle que soit leur nature, sont tenues
d'utiliser la seule langue arabe dans l'ensemble de leurs activités telles que la communication, la
gestion administrative, financière, technique et artistique » (Loi n°91-05, 1991 : 3). Ainsi, ce passage
exclusif à l’arabe qui est la langue officielle du pays marque une volonté politique de se détacher de
l’utilisation de la langue française dans l’administration considérée comme un héritage colonial.

1.1.2 Le système éducatif algérien


Durant la période coloniale caractérisée par un enseignement forcé de la langue française
dans les écoles et par un taux élevé de l’analphabétisme de la population, les statistiques de 1954
ont estimé à 86 % le taux d’analphabétisme dans le pays. L’Algérie indépendante a choisi de rompre
avec le système éducatif hérité de la colonisation. Elle a entrepris de mettre en place
progressivement son propre système d’éducation et de formation démocratique en lien avec ses
nouvelles prérogatives politiques, économiques et sociales. C’est ainsi que l’arabisation de
l’enseignement a commencé dans les années 70 avec la première réforme de l’enseignement algérien
afin de mettre fin avec le français comme langue d’enseignement des matières scientifiques et
techniques. De ce fait, l’arabe littéraire est devenu la langue d’enseignement du primaire jusqu’au
secondaire et la langue française est enseignée à partir de la deuxième année du primaire avec un
statut de langue étrangère comme l’anglais, l’allemand ou l’espagnol. Il faut également rappeler que
l’objectif principal de l’enseignement de toutes ces langues étrangères est de doter les élèves de
compétences linguistiques et socioculturelles : accès à une documentation simple dans ces langues,
connaissance des civilisations étrangères et développement de la compréhension mutuelle entre les
peuples. Au niveau des universités, l’arabisation n'a été poursuivie que dans certaines disciplines
comme les sciences sociales, économiques et commerciales. Cependant, la plupart des filières
scientifiques et techniques telles que la médecine, les sciences vétérinaires, la pharmacie,
l’architecture… sont dispensées en français. Le français devient donc la langue d’accès à la
formation scientifique et c’est là où la plupart des étudiants se trouvent face à un enseignement
nouveau pour eux au niveau linguistique et ils peuvent abandonner ou changer de filière. Latifa

3
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie_loi-91.htm

16
Kadi-Ksouri souligne à ce sujet dans le rapport sur le français dans l’enseignement supérieur au
Maghreb que :
« Les étudiants des « disciplines non linguistiques » (DNL), principalement les sciences
et la technologie se trouvent face à une rupture linguistique puisque le français sert de
vecteur à l’apprentissage des sciences et des techniques, ce qui explique les difficultés
éprouvées par beaucoup d’étudiants algériens poursuivant des études supérieures
scientifiques à lire et à écrire en français ainsi qu’à comprendre et à assimiler les
technolectes savants » (Kadi-Ksouri, 2016 : 31).

Ce changement linguistique est la cause de l’échec et de l’abandon des études supérieures


par un bon nombre d’étudiants. Cette rupture linguistique à laquelle se confrontent les étudiants
algériens est identique dans d’autres pays de la même région comme le Maroc où les études
supérieures sont également dispensées en français dans les filières scientifiques, économiques et
techniques.
Selon la constitution algérienne révisée en 2016, l’arabe et l’amazigh sont les langues
officielles du pays. La reconnaissance du tamazight comme langue nationale et son introduction
dans le système éducatif algérien ont été le résultat des revendications scolaires et universitaires au
cours de l’année scolaire 1994/1995 en Kabylie. Depuis son introduction à l’école en 1995, le
ministère de l’éducation nationale algérien a engagé plusieurs politiques pour aboutir à généraliser
l’amazigh dans son système éducatif en 2004. Par ailleurs, les progressions ne sont pas homogènes
dans toutes les wilayas (les départements) car l’intérêt suscité par l’enseignement de cette langue
n’est pas le même à l’échelle nationale.

En 2003, l’Algérie a mis en place une nouvelle réforme de son système éducatif, grâce à un
programme d’appui de l’Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture
(UNESCO). Cette mesure a engendré un processus de refonte pédagogique des contenus notionnels
et des méthodes pédagogiques, du niveau préscolaire à la terminale de lycée, passant d’un ancien
référentiel inspiré de la Pédagogie Par Objectifs (PPO) à un nouveau curricula axé sur l’approche
par compétences (APC). L’application de cette réforme s’est accompagnée d’un changement des
curriculums et des manuels, d’une ouverture sur les Technologies d’Information et de
Communication en Éducation (TICE) ainsi qu’une formation des enseignants. Malgré cette réforme,
le changement linguistique à l’université n’a pas été touché et menace ainsi la réussite universitaire
des étudiants qui ne maîtrisent pas la langue française même s’ils l’ont étudiée pendant neuf années.
Cette langue au lieu d’être un facteur de réussite devient un motif de discrimination. Selon le même
rapport sur l’enseignement du français au Maghreb (2016 : 32) 80% des étudiants échouent en
première année universitaire dans certaines filières techniques et mathématiques à cause de la non-
maîtrise du français en plus d’une incapacité remarquée à comprendre, à s’exprimer à l’oral et à

17
l’écrit et à accéder à des savoirs savants dans cette langue. Il souligne également que le niveau des
étudiants dépasse rarement le niveau A2 du Cadre européen commun de référence pour les langues
(CECRL). Les questions qui se posent ici sont : Pourquoi l’arabisation des programmes scolaires
n’a pas franchi les portails des universités algériennes ? Quelles sont les raisons derrière la non-
arabisation des programmes universitaires pour garantir la réussite des étudiants ? Donc, nous
pouvons conclure que la réforme adoptée n’a pas réussi malgré tous les efforts déployés car elle n’a
pas pu modifier la langue d’enseignement à l’université.

1.2 La situation en Tunisie


Une cinquantaine d’années après l’Algérie, la Tunisie se trouve conquise par la France. En
effet, le 12 mai 1881, le bey Mohammed El-Sadik, menacé d’exécution, a signé le traité du Bardo
qui a établi un protectorat français sur la Tunisie ce qui facilitera l’introduction de la langue française
dans la vie des tunisiens.

1.2.1 L’administration tunisienne


Suite à cette signature, le bey est également contraint de confier à la France les affaires
étrangères, la défense du territoire et la réforme de l'administration. Comme l’Algérie, les affaires
administratives en Tunisie sont gérées par les français en langue française. Ce n’est qu’après
l’indépendance que l’arabisation progressive de l’administration a commencé. Aujourd’hui, tous les
papiers administratifs sont rédigés dans la langue officielle du pays qui est l’arabe standard.

1.2.2 Le système éducatif tunisien


Le protectorat a aussi contrôlé le système éducatif tunisien en imposant un enseignement
bilingue franco-arabe dans les écoles ayant une visée totalement francophone avec quelques
ouvertures sur la langue et la civilisation arabes. C’est ainsi que l’alphabétisation des tunisiens a
commencé progressivement pour s’accélérer après l’indépendance.
Selon l’article 1er de la constitution tunisienne adoptée le 27 janvier 2014, l’arabe est la
langue officielle du pays. L’article 39 de cette constitution stipule que :
« L'État veille aussi à enraciner l'identité arabo-musulmane et l’appartenance nationale
dans les jeunes générations et à ancrer, à soutenir et à généraliser l’utilisation de la
langue arabe, ainsi que l’ouverture sur les langues étrangères et les civilisations
humaines et à diffuser la culture des droits de l’Homme4 » (Constitution tunisienne,
2014 : 10).

4
La nouvelle constitution tunisienne disponible sur : https://mjp.univ-perp.fr/constit/tn2014.htm

18
Cette ouverture sur les langues se traduit par l’enseignement du français et de l’anglais
comme langues étrangères dès le primaire. Enseignée dès la troisième année du primaire, la langue
française a cependant une grande importance dans le paysage linguistique tunisien puisqu’elle est
héritée de la période du protectorat. Elle a le statut de langue seconde, mais son statut réel varie de
langue seconde à langue étrangère selon plusieurs facteurs géographiques et psycho-
sociolinguistiques (Miled, 2010). Surtout qu’elle devient la langue d’enseignement des disciplines
scientifiques, techniques, économiques et de gestion à partir du lycée et à l’université.

Le système d’enseignement en Tunisie a subi lui aussi plusieurs réformes qui ont permis
d’améliorer la qualité des enseignements proposés et de dépasser les lacunes observées auparavant.
Dans l’article « la réforme de l'enseignement du français en Tunisie : enjeux et difficultés » de
l’inspectrice générale du ministère de l’éducation et de la formation Amel Boukhari la réforme du
français de 2006 a visé :
« Le développement des compétences de communication orale et écrite, leur importance
en tant que vecteur d’apprentissage, l’articulation de ces activités langagières, le souci
constant d’aider l’élève à intégrer et à exploiter ses acquis et l’exigence de l’accès au
sens dans les différentes disciplines (options communes à chacune) constituent les
principaux principes de base de la réforme » (Boukhari, 2006 :36).

Cette réforme, généralisée en 2012 pour tous les cycles de l’enseignement, permettra le
développement des compétences linguistiques en français et sera un vecteur de réussite de
l’apprentissage de cette langue par les élèves. En ce qui concerne le budget alloué à l’enseignement
en Tunisie, Mohamed Miled dans le rapport sur le français dans l’enseignement supérieur au
Maghreb annonce que :
« La Tunisie se situe, elle, parmi les pays qui accordent la part la plus importante de
leurs ressources budgétaires au secteur de l’éducation. En 2012, près de 15 % du budget
de l’État et plus que 5 % du PIB est réservé à ce secteur. Entre 2002 et 2012, selon un
rapport préparé dans le cadre du programme de l’Organisation internationale du travail
pour la promotion de l’emploi productif et le travail décent des jeunes en Tunisie, le
taux de scolarisation des individus âgés de 6 à 16 ans a atteint les 93,4 % » (Miled,
2016 :16).

Ces statistiques montrent que ce pays, conscient de l’importance du secteur de l’éducation


Nationale, a déployé une stratégie efficace afin de scolariser sa population et ainsi développer le
pays en augmentant le budget pour le secteur éducatif. Le taux de scolarisation élevé montre
également l’efficacité de la réforme entreprise par ce pays. Toutefois des lacunes sont toujours
observées surtout au niveau universitaire. Le même rapport sur l’enseignement universitaire affirme
que, dans les départements de français en Tunisie, la majorité des étudiants trouvent de grandes
difficultés à s’approprier les contenus littéraires et culturels. Également, dans les filières

19
scientifiques et techniques, le TCF5 a montré que les étudiants accèdent difficilement aux savoirs
scientifiques et techniques dispensés en langue française. Ce problème est dû au fait de l’absence
d’un programme adéquat pour l’enseignement du français à l’université pour les filières
scientifiques et techniques. Cet enseignement assuré par des enseignants détachés du secondaire ne
prend pas en considération ni les besoins réels des étudiants, ni les besoins du marché de travail. À
ce propos Emna Souilah dans son article « L’enseignement du français en Tunisie est-il en décalage
avec la demande sociale ? » propose des solutions à adopter afin de diminuer cet écart de niveau :
« Pour combler l’écart entre l’enseignement du français et la demande sociale, en
Tunisie, plusieurs mesures s’imposent. Il faudrait, à notre avis, réexaminer les
programmes des filières professionnalisantes de français et les réajuster en fonction des
besoins réels du marché du travail, de façon que la formation soit au plus près des
situations professionnelles ciblées et permettre ainsi aux étudiants d’avoir une visibilité
claire quant à l’issue de leur formation» (Souilah, 2018 : 35).

Les mesures proposées dans ce passage concernent l’orientation des étudiants qui doit être
en accord avec les besoins du marché de l’emploi. Elles doivent être appliquées afin de ne pas avoir
des problèmes au niveau de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés tunisiens.

Ainsi, nous concluons que comme en Algérie et au Maroc c’est surtout au niveau des études
supérieures que les failles de l’enseignement du français apparaissent et créent par la suite des
problèmes liés à l’insertion professionnelle des futurs diplômés.

1.3 La situation au Maroc


Au Maroc, la langue française existait bien avant le protectorat français grâce aux échanges
commerciaux avec la France. Cette langue est introduite de manière officielle à partir de la signature
du traité du protectorat le 30 mars 1912 sous le règne du sultan Moulay Hafid à l’ancienne capitale
marocaine Fès. En effet, plusieurs pays européens ont voulu se partager le pays puisqu’il regorge
de richesses. Notons que l’Espagne a déjà occupé la région du rif au nord. Ce protectorat est
considéré également comme un régime visant à introduire des réformes et à faciliter le
développement économique du Maroc.

1.3.1 L’administration marocaine


Le français a longtemps été considéré comme la langue de l’administration et des
transactions commerciales. Après l’indépendance en novembre 1956, l’administration marocaine a

5
Test de Connaissance en Français organisé par France éducation internationale qui mesure les trois compétences
des candidats : Compréhension orale et écrite et production orale. Il permet de positionner le candidat dans le
niveau du CECRL correspondant à ses compétences.

20
continué à utiliser cette langue pour les correspondances et toutes les démarches administratives
faute de cadres qualifiés et formés en arabe. Par la suite, la phase d’arabisation progressive a
commencé vers la fin des années soixante-dix mais les correspondances officielles ont continué dans
les deux langues. C’est la circulaire ministérielle n°53-98 du 11 décembre 1998 émanant du premier
ministre Abderrahmane Youssoufi qui va autoriser seulement l’usage de l’arabe, langue officielle
de l’État, dans les administrations, les institutions publiques et les communes en interdisant toute
correspondance dans une autre langue6. Aujourd’hui, l’arabe est la langue officielle du pays pour
toutes les démarches administratives des citoyens marocains.

1.3.2 Le système éducatif marocain


Le Maroc est un pays nord-africain où les langues officielles, selon la nouvelle constitution
adoptée en 2011, sont l’arabe standard et l’amazigh. L’article 5 de cette constitution stipule que :
« l’arabe demeure la langue officielle de l’État. L’État œuvre à la protection et au développement
de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation. De même, l’amazighe constitue une
langue officielle de l’État, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception7 »
(2011 : 5). Cependant, les marocains comme tous les citoyens des pays arabes ne parlent pas l’arabe
standard ou classique au quotidien. Ils utilisent le Darija (dialecte marocain) présent sur presque
tout le territoire ou l’une des trois variantes de l’amazigh selon les régions : Tarifite (berbère du
nord du Maroc), tamazighte (berbère du moyen atlas) et tachelhite (berbère du Souss). Nous
déduisons que le paysage linguistique marocain est sujet à une diglossie comme l’a écrit Fouad
Laroui dans son livre « le drame linguistique marocain » :

« Le problème se complique dans le cas des arabes et, en ce qui nous concernes, dans le
cas des marocains, à cause de la diglossie. Cette langue d’enseignement (l’arabe
littéraire n’est pas la langue maternelle des petits marocains). En fait tout se passe
comme s’il y avait très tôt concurrence dans l’apprentissage de deux langues
étrangères » (Laroui, 2011 : 14).
Cette diglossie caractérise tous les pays arabes. Dès l’entrée à l’école les élèves apprennent
l’arabe littéraire, différent du dialecte parlé et considéré dans cet acte d’apprentissage comme une
langue étrangère pour eux.

La langue française a fait son introduction officielle à l’école marocaine avec la signature du
protectorat en 1912. Elle a résisté à la vague d’arabisation des années 70 pour revenir en force

6
Source : https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/maroc-3Politique_arabe.htm
7
Avant l’adoption de cette constitution seule la langue arabe était considérée comme la langue officielle du pays. La
constitution marocaine est modifiée après les événements du printemps arabe en 2011. Elle est adoptée après le
référendum de juillet 2011

21
actuellement comme langue d’enseignement à partir du collège. Enseignée dès le primaire, cette
langue est aussi très visible dans le parler dialectal des marocains comme chez les algériens et les
tunisiens. L’enseignement de cette langue dans le système éducatif marocain est lui aussi passé par
plusieurs réformes depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui et des problèmes persistent encore
chez les élèves et les étudiants quant à l’apprentissage de cette langue.

Tous ces aspects seront détaillés dans le chapitre suivant qui analysera la situation
sociolinguistique du Maroc puisque notre étude porte sur la réforme de l’enseignement du français
dans ce royaume.

Conclusion du premier chapitre


Dans ce chapitre nous avons interrogé la situation de la langue française et son apprentissage
depuis la période coloniale jusqu’à aujourd’hui dans les trois pays du Maghreb : L’Algérie, la
Tunisie et le Maroc. Nous avons également passé en revue le changement administratif dans ces
pays d’une administration française vers une administration arabisée pour préserver l’identité
culturelle de ces pays arabo-musulmans.

Il ressort de ce qui précède que la langue française fait partie du paysage linguistique
quotidien de ces trois pays maghrébins même après leur indépendance. Au commencement, elle a
eu un statut quasi-officiel puisqu’elle a été la langue de l’administration, du commerce, de
l’enseignement et de tous les domaines qui ont hérité des pratiques de l’administration coloniale ou
du protectorat. Elle est bien présente dans le dialecte et dans la communication orale ordinaire entre
les citoyens. Cependant, les différents rapports établis par les ministères de l’éducation nationale de
ces trois pays de la région Maghreb ou par des organisations d’évaluation de ce système comme
l’UNESCO et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) sur l’éducation et
l’enseignement ne sont pas toujours optimistes et soulèvent des similitudes dans les problématiques
rencontrées dans cette zone en plus d’une baisse constante du niveau des apprenants surtout à
l’université. Il est aussi impératif de signaler que l’une des causes de cet échec remarqué chez les
étudiants est cette rupture linguistique entre la langue de scolarisation dans le système
préuniversitaire, en arabe standard, et la langue française, langue véhicule des sciences et des
techniques à l’université. Il faut également avertir de l’inadéquation entre le profil des diplômés et
les exigences du marché de travail.

Certes, les trois pays ont franchi un grand pas dans l’alphabétisation de la population et la
généralisation de l’enseignement mais la qualité de l’enseignement est en constante chute. Afin de
mieux comprendre les raisons derrière cet échec nous nous limiterons à l’étude du cas du Maroc

22
dans la perspective de distinguer les points de force et de faiblesse de son système éducatif à travers
les réformes entreprises. Cela permettra de comprendre ce qui se passe dans les deux autres pays
puisqu’ils partagent beaucoup de points en commun au niveau éducatif. Ainsi, nous examinerons sa
situation linguistique et les différentes réformes de l’enseignement en général puis au primaire en
particulier puisque c’est l’objet de notre étude de recherche et aussi parce qu’il constitue la base de
l’apprentissage.

23
Chapitre 2 : Le Maroc et l’enseignement de la langue française
L’enseignement de la langue française au Maroc a débuté de manière officielle avec le
protectorat français. Ainsi, la présence de cette langue est bien ancrée dans la réalité linguistique
marocaine depuis plus d’un siècle. Dans ce chapitre, nous commencerons tout d’abord par remonter
dans le passé de l’histoire de l’enseignement du français depuis le protectorat qui a instauré ses
écoles en passant par la période de l’indépendance où l’offre de l’enseignement a commencé à
s’élargir et à se généraliser pour combattre l’analphabétisme de la population. Ensuite, nous
passerons en revue les différentes réformes qui se sont succédées dans ce secteur vital afin de
percevoir leurs points de forces et les raisons de leurs échecs. Après, nous examinerons le statut des
langues parlées et utilisées dans ce pays : l’arabe standard, l’amazigh, l’arabe marocain, le hassani
et le français. Enfin, nous essayerons de délimiter le statut du français au Maroc à travers ses usages
par les marocains au quotidien, à l’école, dans l’administration et dans le monde du travail.
Rappelons que la situation éducative marocaine est identique à la situation en Algérie et en Tunisie
avec quelques légères différences. La connaissance du statut de la langue française au Maroc nous
permettra de comprendre les raisons qui ont poussé le MEN marocain à adopter cette langue comme
langue d’enseignement dans la nouvelle réforme entamée.

2.1 L’enseignement du français au Maroc pendant le protectorat


Au Maroc, le français est enseigné de manière officielle dans les écoles modernes gérées par
l’administration française à partir de 1912. Fouad Laroui décrit la situation dominante de cette
époque dans son ouvrage le drame linguistique marocain comme suit :
« La langue française a fait officiellement son entrée au moment où le protectorat fut
institué, soit en 1912. L’administration du protectorat utilisa la langue de la métropole
pendant quarante-quatre années, jusqu’en 1956. L’arabe classique était enseigné en tant
que langue secondaire dans quelques rares lycées des villes impériales comme Fès,
Rabat et Casablanca. Le berbère était enseigné uniquement au lycée franco-berbère
d’Azrou » (Laroui, 2011 : 73).

À cette époque, l’enseignement de la langue arabe est marginalisé. Il se réalise surtout dans
les écoles coraniques et à l’école moderne instituée par le gouvernement français où les élèves
apprennent la langue française et d’autres matières en français.

Il faut également dire qu’en cette période le français n’est pas une langue appréciée par une
grande partie du peuple marocain qui a aspiré à son indépendance. Du moment où le protectorat
s’est transformé en colonisation car la France a commencé à exploiter les richesses du pays. En
effet, certains parents ont même refusé d’envoyer leurs enfants à l’école française sous prétexte de

24
perdre leur culture et leur identité arabo-musulmane. Les grands-parents nous ont raconté souvent
que leurs parents ont refusé de les envoyer étudier dans ces écoles françaises de peur qu’ils
deviennent chrétiens. Ils les cachaient lorsque les sœurs chrétiennes viennent frapper chez-eux pour
demander s’ils ont des enfants en âge de scolarisation. Cela a impacté le degré de scolarisation de
la population, selon Jean Brignon :

« Le degré d’instruction de la population marocaine est également faible, résultat d’une


politique parcimonieuse d’enseignement. Celui-ci n’a jamais touché qu’une très faible
fraction des enfants scolarisables : 4% en 1945 ; 10% en 1950, 15% en 1955. L’effort
tardif du protectorat en matière d’enseignement est lié à la pression nationaliste » (Jean
Brignon et al, 1967 : 372).

À la suite de cette citation, nous pouvons affirmer que l’instruction de la population


marocaine par les autorités françaises n’a pas été facile à cause de la réticence des parents, d’où le
taux élevé d’analphabétisme. Plusieurs obstacles s’y sont opposés notamment la préservation de la
religion et le désir d’indépendance avec la montée du mouvement nationaliste. La France a dû
réfléchir à des solutions plus attrayantes afin de convaincre les marocains de l’importance d’éduquer
leurs enfants. Ainsi, elle a commencé par l’unification des programmes scolaires sur l’ensemble du
territoire marocain, la construction de plus d’écoles primaires, le développement de l’enseignement
secondaire, l’organisation des « missions scolaires pour la France et l’Orient » avec l’octroi de
bourses et de prêts d’honneur d’enseignement supérieur, la création des écoles ou des sections
normales d’instituteurs et d’institutrices ainsi que des écoles agricoles et finalement l’application
stricte d’un programme restructurant l’enseignement à l’université Al Qaraouiyine de Fès.

Au fil des années, et malgré la résistance de la population marocaine, le français est devenu
une langue officielle. Il s’est propagé progressivement grâce au contact avec les autochtones
(commerce, affaires administratives, domestiques, etc.), ce qui a influencé aussi le parler des
marocains, et par l’école où les élèves s’instruisent. En effet, l’enseignement est dispensé dans sa
totalité dans cette langue ce qui lui a permis de renforcer sa position en tant que langue officielle.
Les programmes métropolitains y sont enseignés sans être bien adaptés aux nécessités locales. La
culture française y est admise sans problèmes autant par l’administration que par les enseignants.
Pour la scolarisation de la population, il faut dire que les fils des notables de la société,
voulant garantir l’avenir de leurs enfants, ont accédé facilement aux bancs des établissements
français. Ils sont même allés finir leurs études à Paris grâce à des bourses offertes par le
gouvernement français. Cette instruction instituée par le régime du protectorat a servi pour le
combattre par la suite parce que ces étudiants ont adopté l’idéologie démocratique en vogue à
l’époque comme le souligne Jean Brignon :

25
« Une partie de la bourgeoisie fit instruire ses fils dans les établissements français et les
envoya terminer leurs études à Paris. C’est dans l’ambiance parisienne que les jeunes
étudiants qui prirent la tête du mouvement nationaliste acquirent au contact des hommes
politiques français l’idéologie démocratique qui servit de base à leurs revendications.
Leurs camarades d’études tunisiens leur fournirent les modèles pratiques sur lesquels ils
calquèrent leur tactique politique. On peut considérer que Paris a joué un rôle
fondamental dans la naissance du nationalisme marocain » (Ibid. :130).
Il faut ajouter que l’enseignement dispensé en cette période a également participé à accentuer
les divisions au sein du peuple, à figer les marocains dans des emplois subalternes et à maintenir
chacun dans sa propre catégorie sociale sans lui donner la possibilité d’évoluer. Cela est dû au fait
qu’il n’a point visé à favoriser la naissance d’une conscience nationale, ni à permettre la promotion
de l’individu ou à fournir au pays les cadres dont il a besoin pour se développer. Plusieurs types
d’enseignements ont illustré cette différence : un enseignement traditionnel dispensé par les fqihs
(les hommes de religion) dans les écoles coraniques traditionnelles et à l’université Al Qaraouiyine,
un enseignement moderne comprenant un enseignement européen, un enseignement israélite (pour
les juifs) et un enseignement musulman avec des programmes différents. Un enseignement pour
chaque catégorie sociale avec des écoles populaires rurales et citadines et des écoles de fils de
notables pour l’élite sociale. Cette dernière catégorie occupera des postes importants dans le pays
après l’indépendance grâce à son degré d’éducation élevé.

Pour conclure, nous pouvons affirmer que cette période protectorale a été caractérisée par
l’introduction de la langue française dans le système scolaire marocain qui a été dispensé
uniquement en arabe standard ainsi que l’instauration de l’école moderne qui va se développer
encore après l’indépendance.

2.2 L’enseignement du français après l’indépendance


Après l’indépendance obtenue en novembre 1955, l’État marocain a voulu développer
encore plus son système éducatif pour instruire le peuple. Comme le nombre d’enseignants
marocains bien formés et des cadres administratifs qualifiés pour assumer la relève totale dans les
différentes administrations est faible, les fonctionnaires et les enseignants français ont continué à
assumer leurs postes respectivement dans les administrations et les établissements scolaires. Par la
suite, les cadres et les enseignants marocains ont commencé à se former progressivement et à
prendre des postes dans les administrations mais la langue de travail est restée la langue du colon.
Le roi Mohammed V a aussi invité les marocains à inscrire leurs enfants aux bancs de l'école dans
la perspective de les instruire pour constituer les citoyens qui vont assurer l’avenir du pays. De ce
fait, l’enseignement du français a gardé sa place parce que l’arabisation n’a pas pu s’installer

26
rapidement mais progressivement dans le système éducatif marocain. Il faut également dire que
cette politique d’arabisation n’a point échappé à la critique de la part de certains militants socialistes
car elle n’est pas bien fondée. L’arabisation de l’administration et de l’enseignement s’installera
progressivement vers la fin des années soixante-dix qui seront marquées par l’adoption de cette
politique à l’instar des autres pays voisins. Nous la consulterons de près dans le chapitre suivant
consacré à la réforme de l’enseignement au Maroc.

Après avoir fait ce survol historique autour de l’histoire de l’enseignement du français au


Maroc depuis plus d’un siècle. Il s’avère que c’est une langue qui a bien su se procurer une place
importante dans le royaume qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Malgré la vague d’arabisation, cette
langue s’est intégrée avec force dans le paysage médiatique marocain. Cependant, la manière
classique avec laquelle elle est enseignée et les manuels utilisés ne se sont jamais adaptés à la réalité
du public scolaire marocain, qui est un public plurilingue et pluriculturel. D’ailleurs, nous
consacrerons la partie suivante à la question de la diversité linguistique et culturelle marocaine.

2.3- Les langues au Maroc

Rappelons que les langues officielles au Maroc sont, selon l’article 5 de la nouvelle
constitution adoptée en 2011, l’arabe standard et l’amazigh. Or, il y a d’autres variétés linguistiques
dans le pays comme l’arabe marocain (Darija), les trois variantes de l’amazigh et le hassanya au
sud. Comme il a déjà été cité dans le chapitre précédent, les marocains au quotidien n’utilisent pas
l’arabe standard mais font usage soit du darija soit de l’une des trois variétés de l’amazigh ou du
hassanya selon la région. Pour les langues étrangères, le français est enseigné à partir du primaire.
Il est présent partout : dans les médias, la publicité et aussi dans le parler quotidien oral des citoyens.
Les autres langues étrangères comme : l’anglais, l’espagnol, l’allemand et l’italien sont enseignées
dans le cycle secondaire.

2.3.1 L’arabe standard


Considéré comme la langue officielle de l’État, l’arabe standard est enseigné à l’école dès la
maternelle ou le primaire. Elle est utilisée dans l’administration pour les documents officiels, pour
toutes les correspondances et dans les discours officiels, en particulier ceux du roi. Cette langue
occupe une place importante dans la presse audiovisuelle et écrite. Elle a fait son introduction dans
le pays avec les conquêtes islamiques au VIIème siècle. C’est une langue sémitique et elle s’écrit de
droite à gauche. Or, ce qui caractérise cette langue est le fait qu’elle n’est pas parlée au quotidien
comme langue officielle et ce dans tous les pays arabes. Pourtant elle sert de médium de

27
communication entre deux arabes de pays d’origine différents. À ce propos Leila Messaoudi affirme
que :

« Langue officielle et ou nationale dans au moins 22 pays, langue qui occupe la 6e place
à l’ONU, langue des instances institutionnelles dans tous les pays du monde
arabophone, l’arabe standard grâce aux chaînes satellitaires, grâce à Internet et grâce
aux systèmes éducatifs favorise la communication entre les différents et des personnes
(sous réserve des procédures administratives et juridiques en application dans chacun
des pays). L’arabe standard est soutenu par toutes les politiques linguistiques étatiques
des dits pays et le Maroc ne fait pas l’exception. Certes, ce n’est pas une langue parlée
spontanément par tous les citoyens, mais elle est, à des degrés divers, maniée par eux, à
l’écrit et à l’oral (discours politiques, débats parlementaires, etc.) pour les sujets ayant
trait à la vie publique et aux secteurs socioculturels et éducatifs. » (Messaoudi, 2013 :
8).

Donc, nous pouvons dire que cette langue, même si elle n’est pas parlée au quotidien, a un
statut sacré dans le monde arabe puisque c’est la langue du coran, de la religion et de
l’administration. Elle aide également à préserver et à unifier l’identité arabo-musulmane. Notons
également que toutes les variétés d’arabe parlées au quotidien sont composées de beaucoup de mots
en arabe standard.

À l’école, les apprenants sont face à une nouvelle variante écrite et orale de la langue arabe
différente de celle qu’ils parlent à la maison et ils apprennent à la transcrire. Cette transition
linguistique laisse penser que c’est une langue étrangère ce qui n’a jamais été considérée ainsi,
toutefois cela laisse certains élèves perplexes. Ils peuvent avoir un échec à bien apprendre l’arabe
standard.

2.3.2 L’amazigh

Les amazighs sont les premiers habitants du Maroc avant l’arrivée des arabes qui ont conquis
le pays pour y introduire l’Islam. Le 20 août 1994, le défunt roi Hassan II a déclaré dans son discours
prononcé à l’occasion de la commémoration de la révolution du Roi et du Peuple, sa vision
perspicace sur la question de la langue et de l'identité marocaine :

« Au moment où nous engageons une réflexion nationale sur l'enseignement et les


cursus, il convient d'envisager l'introduction, dans les programmes de l'apprentissage
des dialectes, sachant que ces dialectes ont contribué aux côtés de l’arabe, la langue
mère, celle qui a véhiculé la parole de Dieu -Glorifié soit son Nom-, le Saint Coran, au
façonnement de notre histoire et de nos gloires8 »

8
Extrait du discours royal consulté sur le site de l’agence marocaine de presse, date 20février 2018:
http://www.mapexpress.ma/actualite/opinions-et-debats/journee-internationale-de-la-langue-maternelle-focus-
sur-la-diversite-linguistique-et-le-multilinguisme-comme-elements-cles-pour-le-developpement-durable/

28
Dans cet extrait le roi parle de dialecte pour désigner l’amazigh, or elle sera considérée
comme une langue à part entière par la suite. Ainsi, à partir de ce moment l’amazigh est reconnu
comme une langue faisant partie de l’identité marocaine. Cela s’est directement traduit sur le plan
médiatique par l’instauration d'un journal télévisé dans les trois dialectes amazighs et par le tournage
de films et d’émissions ou par des doublages de films et série marocaines en amazigh ayant un
succès auparavant en darija.

Sur le territoire marocain, trois variantes de l’amazigh sont utilisées selon les régions : tout
d’abord Tarifite le berbère du nord du Maroc, puis tamazighte le berbère du moyen Atlas et
finalement tachelhite le berbère du Souss au sud du pays.

En 2001, l’Institut Royal de la Culture Amazigh (IRCAM) est créé comme réponse de l'État
aux revendications Amazighs pour la reconnaissance officielle de cette langue. Cette structure a
contribué à résoudre les problèmes d’aménagement du corpus de langue et à assurer le suivi des
mesures d’implantation dans les institutions et aussi à former des cadres. L’institut a aussi un rôle
dans la préservation et la promotion de la langue et de la culture amazighs, notamment dans les
domaines de l’éducation, de l’information et de la vie publique en général.

Finalement en juillet 2011, l’article 5 de la constitution a reconnu l’officialité de l’amazigh


comme un élément patrimonial essentiel à l’identité des marocains à côté de l’arabe : « De même,
l’amazigh constitue une langue officielle de l’État, en tant que patrimoine commun à tous les
Marocains sans exception » (constitution marocaine, 2011 :5). Cette officialisation se manifeste
aujourd’hui dans l’augmentation de la masse horaire dédiée à cette langue dans les médias, la
multiplicité des spots publicitaires en amazigh. L'affichage public dans les administrations
publiques, les sociétés privées, la publicité et la signalisation routière sont disponibles maintenant
en amazigh, spécialement là où sont concentrées les populations concernées, que ce soit dans les
régions, les municipalités ou les villages.

Il faut souligner que l’alphabet pour écrire le tifinaghe (alphabet amazigh) ne ressemble point
aux lettres pour écrire l’arabe. Il se compose de 33 lettres et ne représente aucune des données
phoniques d’aucun parler local particulier (Tarifite, tamazight et tachelhit), car il a été conçu pour
écrire un amazigh standard. Le sens de la lecture et de l’écriture tifinaghe est orienté vers la droite.
La particularité de cet alphabet est de neutraliser dans la langue écrite les traits phonétiques à
caractère particulier.

29
À partir de la rentrée 2003-2004, cette langue a commencé à être enseignée progressivement
au sein des écoles dans les régions berbérophones dès la première année du primaire mais jusqu’à
aujourd’hui cet enseignement n’est pas encore généralisé dans tous les établissements. La rentrée
de 2015 a été fixée pour sa généralisation. Cependant plusieurs problèmes s’y sont opposés
notamment le fait qu’il n’y a pas encore assez d’enseignants bien formés pour enseigner cette langue
et les programmes qui ne sont pas encore prêts. D’autant plus que l’apprentissage de l’amazigh ne
s’est pas généralisé au collège parce que la volonté de continuer son apprentissage n’est pas encore
finalisée mais aussi parce que cette langue fait partie uniquement du patrimoine national. À ce
propos, Karima Ziamari et Jan Jaap De Ruiter affirment que cette officialisation ne situe pas
l’amazigh au même niveau que l’arabe : « L’arabe est « la » langue officielle, tandis que l’amazigh
est « une » langue officielle. D’autant plus que le terme « patrimoine » relève du registre symbolique.
L’amazigh est figé dans l’idée d’un héritage que partagent les Marocains » (Ziamari et De Ruiter,
2015 : 449). Ainsi, cette langue cède la place au collège9 à l’apprentissage d’une deuxième langue
étrangère : l’anglais ou l’espagnol ou l’allemand, qui accompagne l’élève jusqu’au baccalauréat et
lui ouvre les portes vers des études supérieures probables dans un pays étranger.

2.3.3 L’arabe dialectal marocain : le darija


Au quotidien, les marocains n’utilisent jamais l’arabe standard qu’ils apprennent à l’école.
Ils utilisent soit l’une des trois variétés de l’amazigh selon la région où l’arabe dialectal marocain (le
darija). Frédéric Bourdereau décrit le darija ainsi :

« Langue du commerce, des échanges informels et familiaux, langue de la rue, l’arabe


dialectal, néanmoins, demeure à la porte de l’école, même s’il s’agit de la langue
maternelle des enfants : l’entrée dans l’écrit, et l’ensemble des apprentissages, en effet,
se déroulent en arabe standard, langue qui n’est évidemment pas tout à fait étrangère
aux enfants qui entrent à l’école, mais qui leur demande un très réel effort, tant les
différences syntaxiques et lexicales sont importantes. » (Bourdereau, 2006 : 25).

Il souligne le fait que l’apprentissage de l’arabe standard n’est pas aisé car les apprenants
doivent fournir plus d’effort afin de comprendre la syntaxe et le lexique qui n’a pas souvent de
points communs avec le darija parlé. Le darija s’écrit en lettres arabes ou même en lettres latines
surtout sur les réseaux sociaux. Cependant, c’est une langue utilisée surtout à l’oral et elle n’est pas
autorisée écrite dans les correspondances administratives officielles.

9
À partir de la 3ème année du collège

30
2.3.4 La langue française
À côté des langues utilisées au royaume, le français s’est fait une place et jouit d’un statut
privilégié. Il est utilisé sans complexe dans le langage courant avec l’arabe dialectal marocain. Son
usage marque aussi un certain rang social et culturel qui montre que la personne est cultivée. La
France a construit des écoles populaires à travers le royaume durant le protectorat pour instruire la
population ce qui a surtout favorisé la diffusion du français dans les villes et les banlieues, où ont
vécu 93 % des colons français. Cela a permis sa propagation massive même après l’indépendance.
L’arabisation des programmes scolaires lancée dans les années 70 afin de revaloriser la langue arabe
s’est arrêtée subitement aux portes de l’université. Ce qui fait que l’enseignement universitaire
marocain est toujours dispensé entièrement en français, excepté certaines filières de sciences
humaines et sociales, de droit et d’enseignements religieux. C’est également la première langue
étrangère apprise par les élèves à l’école primaire ou dans certains cas dès le préscolaire.

Cette langue est aussi utilisée en milieu professionnel dans les sociétés et les entreprises
privées ou les multinationales. Elle ouvre ainsi la possibilité d’accéder aux emplois prestigieux pour
ceux qui la maîtrisent. La présence étrangère a entraîné certaines « habitudes linguistiques » qui se
sont manifestées, par exemple, dans l'affichage public ainsi que sur les enseignes des magasins, des
cafés ou des restaurants. Pour conclure, il faut ajouter que la langue française est aussi présente dans
les médias, la publicité, l’environnement de l’entreprenariat et des affaires et dans les relations
internationales avec les pays francophones.

2.3.5 L’hassani
L’hassani ou klam Hassan « parler des Banu Hassan » est le dialecte oral arabe des Bédouins
et nomades parlé en Mauritanie, dans la région d’Oued Noun au sud du Maroc, dans une partie du
Sahara algérien, dans certaines zones du Sénégal, dans le nord du Mali et dans l'ouest du Niger. Il
partage beaucoup de points communs avec les dialectes bédouins du Moyen-Orient et avec ceux du
Maghreb. Cette langue est citée également par la constitution de 2011 comme « partie intégrante de
l’identité marocaine unie » (2011 : 5). Ce dialecte se caractérise par un lexique riche par les mots et
expressions berbères particulièrement dans les domaines de l’agriculture, des herbes médicinales et
des noms géographiques.

Les hassanis marocains sont très connus par leur belle poésie à l’instar des grands poètes de
l’ère jahilya (avant l’islam). Ils organisent toujours des concours et des festivals de poésie afin de

31
choisir les meilleurs poètes. Il faut dire que ce dialecte n’est pas généralisé au Maroc et n’aspire pas
à devenir une langue officielle mais il a une forte présence dans le sud marocain.

Conclusion partielle :

Au Maroc, la réalité linguistique est tout à fait différente et peut même paraître contradictoire
et paradoxale. La majorité des marocains parlent l’arabe dialectal, le darija, qui assure
l’intercompréhension dans l’ensemble du pays, auquel s’ajoute le berbère avec ses trois
déclinaisons selon la région. Néanmoins, ces deux langues parlées à la maison restent au seuil de
l’école, même s’il s’agit de la langue maternelle des enfants. L’entrée dans l’écrit et l’ensemble des
apprentissages s’effectuent, en effet, en arabe standard dont les différences syntaxiques et lexicales
avec le darija et le berbère sont très importantes. La langue française héritée du protectorat est
fortement présente aussi dans le quotidien et à l’école dès le primaire. D’autant plus qu’elle est
utilisée pour accéder à l’université et à l’emploi.

Ainsi, plusieurs langues coexistent et sont utilisées au Maroc. Nous pouvons déduire que le
paysage linguistique marocain est sujet d’une diglossie à laquelle s’ajoute l’apprentissage du
français qui est devenu une langue faisant partie du quotidien marocain. Nous examinerons à présent
les différentes utilisations de cette langue au Maroc dans plusieurs domaines.

2.4 Le statut de la langue française : quelle évolution ?


Comme il a été écrit plus haut, la langue française a un statut particulier puisque c’est la
première langue étrangère apprise à l’école primaire. Rappelons qu’au temps du protectorat, elle a
eu le statut d’une langue officielle servant à l’enseignement et à l’administration. À la veille de
l’indépendance, le nombre de cadres marocains formés dans le système scolaire, qui a été mis en
place par les autorités coloniales, a demeuré relativement très restreint avec plus de 3600 titulaires
du certificat d’études primaires, plus de 500 titulaires du brevet et plus de 260 bacheliers10.

La langue française peut être considérée comme un butin de guerre si nous voulons utiliser
l’expression du célèbre écrivain algérien Kateb Yassine. C’est une langue qui a permis aux gens de
s’instruire et de s’ouvrir sur la culture de l’autre. Sans oublier aussi qu’elle a permis au Darija de
s’enrichir avec du vocabulaire français utilisé au quotidien. Cela montre que cette langue est bien
adoptée par les marocains au fil du temps.

10
Donnée extraites du site : https://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/maroc-2Histoire.htm

32
Pendant de longues années le français n’a pas eu un statut très bien défini. Il est
officiellement langue étrangère, mais dans les faits, selon le milieu social, l’environnement et
l’éducation, il oscille entre langue seconde et langue étrangère. Cette langue est présente partout : à
la radio, à la télévision, dans les affichages et les panneaux publicitaires. Si cette langue est
aujourd’hui visible dans le paysage urbain (publicités, médias, enseignes…) avec un renforcement
dans les villes touristiques. Elle est quand même inégalement partagée et maîtrisée par les
marocains. Les études supérieures se font également dans cette langue. Au niveau de la recherche
d’emploi, le curriculum vitae, les lettres de motivation et même l’entretien d’embauche se passent
majoritairement en langue française. Ce qui montre le paradoxe que nous vivons au niveau
linguistique dans ce pays. D’autant plus que la position du Maroc en tant que pays francophone
ayant des échanges économiques réguliers et importants avec d’autres pays francophones en Europe
(France, Belgique, Suisse), en Amérique du Nord (Le Canada, Québec), ou en Afrique (Sénégal,
Mali, Gabon…) montre la nécessité du français en tant que langue de communication, d’échanges
économiques et d’ouverture sur l’autre, d’où l’importance d’un apprentissage précoce et efficace de
cette langue considérée comme la première langue étrangère dans l’enseignement au pays. Ajoutons
finalement que le Maroc est aussi membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie
depuis 198111. À partir de ce constat nous pouvons dire que c’est une langue qui a son poids dans
ce pays et qui a su garder sa place à côté des langues officielles du royaume malgré toutes les
tentatives pour la détrôner ou la remplacer par une autre langue étrangère.

2.4.1 Le français langue d’enseignement


Malgré la place importante occupée par la langue française au Maroc, nous constatons que
nos élèves ne la maîtrisent pas comme les anciennes générations et le niveau ne cesse de baisser
surtout après l’application de la politique d’arabisation. Certains disent que cela est dû aux manuels
qui sont trop chargés, mal conçus et calibrés sur les manuels de français langue maternelle. Si nous
prenons par exemple le programme du français au lycée qui se base sur l’étude et l’analyse des
œuvres intégrales, nous constatons qu’il n’est pas très adapté au niveau d’une grande majorité
d’apprenants marocains. En effet, la littérature française ou même maghrébine enseignée à des
adolescents qui s’intéressent à d’autres sujets et qui sont faibles en français ne permettra pas de faire

11 Sitedu ministère des affaires étrangères marocain consulté le 15/06/2019 pour connaître la date de l’adhésion du
Maroc à l’OIF :
http://www.diplomatie.ma/ActionduMaroc/Promotioneconomiqueetculturelle/LeMarocetlafrancophonie/tabid/11
4/language/en-US/Default.aspx

33
évoluer leur niveau linguistique qui ne dépasse pas les niveaux A1 ou A2 du CECRL chez une
grande masse d’élèves.

À l’université, les professeurs se plaignent tout le temps de l’incapacité des étudiants à


rédiger des synthèses, des comptes rendus ou même à suivre les cours dispensés en français. Là, la
cause est bien connue : ce sont des étudiants victimes de la politique d’arabisation qui a débuté dans
les années 80 et qui s’est arrêtée au seuil de l’université. Ces derniers ont tous fait leur cursus scolaire
en arabe et maintenant, ils se trouvent face à un enseignement dispensé uniquement en français.
Cette situation les pousse à faire des cours de français pour se rattraper ou à vite abandonner
l’université et ainsi laisser tomber leur futur professionnel.

D’ailleurs, le français au Maroc est enseigné en adoptant une approche méthodologique de


langue seconde et non étrangère : nous le voyons par exemple à travers les programmes scolaires de
langue française, surtout dans les écoles privées, et avec l’enseignement en français à l’université
pour toutes les filières sauf la littérature arabe, la sociologie et les études islamiques.

Il convient aussi d’ajouter que depuis la rentrée 2014/2015, des sections de baccalauréat
international sont créées dans certains lycées marocains, à titre d’expérimentation, avec l’option
langue française ou anglaise. Dans ces sections, l’enseignement de la langue étrangère choisie est
renforcé et les matières scientifiques sont enseignées dans cette langue. En effet, l’anglais est
également une langue internationale qui s’impose au Maroc comme ailleurs. Dans le cadre de la
mondialisation et de l’engagement du Maroc dans de grands projets économiques et touristiques,
l’apprentissage des langues étrangères représente un pilier essentiel de développement pour le pays
d’où ce choix d’orienter les élèves vers ce baccalauréat international. Par la suite, la rentrée scolaire
de 2016 est marquée par un retour progressif à l’utilisation du français comme langue
d’enseignement pour les matières scientifiques pendant les trois années du lycée jusqu’au
baccalauréat. Ce retour marque la volonté de sauver l’avenir des élèves pour qu’ils ne décrochent
plus dans leurs études universitaires.

En somme, c’est pour dépasser cet échec que le MEN marocain a décidé de renforcer
l’apprentissage de la langue française dans la nouvelle réforme de la vision stratégique 2015-2030.
D’abord, il a décidé de commencer l’enseignement du français à partir de la première année du
primaire. Ensuite, il a opté pour ce retour à la langue française comme langue d’enseignement des
matières scientifiques dès le collège avec une initiation durant les deux dernières années du cycle

34
primaire en adoptant pour la première fois le principe de l’alternance linguistique12. En juillet 2019,
la loi cadre 51-17 relative au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique au
Maroc est votée au parlement marocain. Elle vise à organiser l’ensemble du système éducatif
marocain afin de dépasser les échecs des réformes précédentes. Cette loi sera analysée dans le
chapitre suivant sur les réformes de l’enseignement au Maroc afin de s’arrêter sur ses apports à
l’enseignement / apprentissage des langues.

2.4.2 La représentation des langues au Maroc


Dans le cadre de son ouverture sur le monde, la nouvelle constitution a confirmé cette mesure
par la reconnaissance de la diversité culturelle qui illustre la richesse de notre civilisation marocaine
grâce à l’ouverture sur l’apprentissage des autres langues étrangères sans les citer. Ainsi, dans cet
extrait de l’article 5 de la constitution relatif aux langues nous lisons que l’État :
« Veille à la cohérence de la politique linguistique et culturelle nationale et à
l’apprentissage et la maîtrise des langues étrangères les plus utilisées dans le monde en
tant qu’outils de communication, d’interaction avec la société du savoir, et d’ouverture
sur les différentes cultures et sur les civilisations contemporaine» (constitution, 2011 :5)

Cet article parle des langues étrangères sans spécifier aucune d’entre elles. Cette ambiguïté
nous montre encore plus que le statut de la langue française n’est pas franchement clarifié par le
texte de la constitution.

Au Maroc, trois langues étrangères sont officiellement utilisées dans le programme scolaire
: le français, l’anglais et l’espagnol. Le français est la première langue étrangère apprise dès le
primaire et dans certains cas dès la maternelle. L’espagnol est surtout présent dans le nord et le sud
du pays puisque ces régions ont été colonisées jadis par l’Espagne. Au lycée, les élèves peuvent
choisir aussi entre l’allemand, l’espagnol et l’italien mais l’anglais reste la langue dominante choisie
par les élèves puisque c’est l’une des langues les plus parlées dans le monde.

Sur le plan réel, dès l’entrée à l’école primaire, les enfants commencent à apprendre l’arabe
standard, l’amazigh dans certaines régions et le français (adopté dès la première année du primaire
depuis la rentrée 2017/201813). Le darija ou le berbère parlé à la maison restent à la porte de l’école.
Ceci constitue lui aussi l’une des causes de faiblesse du niveau des apprenants car l’apprentissage
ne part pas de ce qu’ils savent déjà en matière de langues mais commence par leur apprendre quelque
chose de nouveau. Conscients de l’importance du bilinguisme précoce, de plus en plus de parents

12
Ce terme sera défini dans la partie cadrage théorique et méthodologique
13
La vision stratégique de la réforme 2015-2030 stipule que l’enseignement du français commence dès la 1ère année
du primaire

35
inscrivent leurs enfants, dès le primaire ou même avant, dans des écoles bilingues privées afin qu’ils
puissent profiter de l’apprentissage du français en parallèle à l’apprentissage de l’arabe standard. Ils
continuent leur scolarisation dans ces établissements privés jusqu’au baccalauréat et même au
niveau universitaire. Par ailleurs, certains parents complètent cet apprentissage linguistique par
l’inscription de leurs enfants dans un centre de langues, à l’Institut Français ou à l’Alliance
Française. Ainsi, en maîtrisant cette langue, ils seront prêts pour entamer des études supérieures en
français dans la spécialité de leur choix au Maroc, en France ou dans un pays francophone.

Comme souligné précédemment, à l’école marocaine, l’élève apprend plusieurs langues dès
la première année du primaire ou même dès la maternelle notamment les deux langues officielles
du pays. Il faut retenir que la généralisation de l’amazigh n’est pas encore totale dans le pays. Elle
ne dépasse pas l’école primaire pour plusieurs raisons déjà citées dans cette première partie.
D’autant plus que ni l’arabe standard, ni l’amazigh appris à l’école ne sont utilisés dans le quotidien
des citoyens sauf à l’écrit pour l’arabe standard. À partir de la rentrée 2017, la langue française est
introduite elle aussi dès la scolarisation officielle en primaire puisqu’elle a acquis le statut de langue
d’enseignement à côté de l’arabe standard. Une deuxième langue étrangère sera introduite à partir
de la troisième année du collège afin d’enrichir le profil linguistique des élèves. Avec la vision
stratégique de la réforme, le français est devenu la langue d’enseignement des matières scientifiques
et techniques dès le secondaire collégial afin que les élèves ne se heurtent plus à cette langue
d’enseignement à l’université où la vague d’arabisation des années 80 s’est arrêtée. Ainsi, cette
langue ne sera plus un obstacle freinant la poursuite des études supérieures chez les étudiants
marocains comme avant.

Rappelons également que dans le quotidien, les marocains parlent le darija ou l’amazigh
(avec toutes ses variantes) selon leur région d’appartenance. Dans les administrations publiques les
correspondances sont en langue arabe mais certaines utilisent toujours le français surtout dans le
secteur semi-public ou privé. Les entreprises multinationales n’utilisent que la langue française dans
la communication avec leurs employés. Cela montre que l’apprentissage de la langue française doit
se faire efficacement dès l’entrée à l’école. D’autres entreprises nouvellement implantées dans le
pays utilisent la langue anglaise. Nous avons déjà cité que la langue française jouit d’un statut
particulier au Maroc avec une forte présence dans le marché du travail pour les nouveaux diplômés
ce qui fait d’elle une langue privilégiée à côté des langues officielles du pays.

C’est dans ce même sens que la sociologue marocaine Leila Messaoudi (2010) affirme qu’au
niveau de la fonction, la langue française bénéficie d’un statut de fait dans le domaine éducatif et
non d’un statut de droit. Elle occupe également le premier rang dans les domaines de l’économie et
36
des technolectes et une place importante à l’écrit et à l’oral, après l’arabe officiel et l’amazigh, dans
les domaines juridique, éducatif, ... Cela lui assigne en même temps une fonction utilitaire et élitaire.
En plus de cela, la visibilité de la langue française dans l’espace publique marocain laisse apparaitre
un bilinguisme visuel récurrent qui selon l’expression de Messaoudi : « Ce bilinguisme est devenu
tellement familier aux marocains, qu'ils finissent par ne plus y prêter attention » (ibid.59). En effet,
nous entendons souvent la langue française chez les marocains mêlée à l’arabe et à l’amazigh que
cela apparait tout à fait normal dans une communication courante entre deux ou plusieurs
interlocuteurs.

Cela nous mène à conclure que la langue française au Maroc est une langue étrangère
privilégiée qui accompagne les marocains tout au long de leur parcours scolaire et professionnel.
D’autant plus que sa présence au quotidien dans le parler des marocains, dans les chaines de radio
et de télévision et dans les affiches publicitaires, surtout en milieu urbain, renforcent encore plus sa
présence sur le sol marocain pour bien longtemps à côté des langues officielles du pays.

Conclusion du deuxième chapitre

La présence de la langue française a permis d’enrichir encore plus le paysage linguistique


marocain plurilingue à la base. En effet la situation linguistique du Maroc peut être comparée à une
mosaïque multiculturelle où l’arabe standard, le darija (arabe dialectal), l’amazigh avec ses trois
variantes, le français et d’autres langues s’harmonisent à merveille dans le parler quotidien
marocain. La coexistence de ces langues a donné naissance à de nouvelles variétés riches et facilitant
la communication entre les individus.

Il y a plus d’un siècle que le français est présent sur le sol marocain. Fouzia Benzakour
trouve qu’il s’est « enraciné dans toute la société marocaine, mais souvent décrié et dont le statut,
d’abord ambigu, va évoluer au fil des ans et des événements politico-linguistiques » (Benzakour,
2007 :165). La vision stratégique de la réforme 2015-2030 et la loi cadre 51-17 ont redéfini le statut
de la langue française d’abord comme première langue étrangère enseignée dès la première année
du primaire et puis comme langue d’enseignement des matières scientifiques à côté des langues
officielles du pays. L’alternance linguistique commencera dès le cycle primaire et à partir du collège
toutes les matières scientifiques seront dispensées en français. Nous espérons que ces mesures vont
contribuer à dépasser les échecs de la politique d’arabisation et des anciennes réformes.

Malgré toute cette richesse linguistique, le système éducatif marocain souffre de nombreuses
difficultés et déficits comme l’échec scolaire, la non-maîtrise de la langue française. Les nombreuses
réformes qui se sont succédé, n’ont pas réussi à résoudre tous ses problèmes. Dans le chapitre
37
suivant, il sera question d’interroger ces différentes réformes afin de voir quels sont leurs points
forts et leurs faiblesses et qu’est ce qui manque justement au niveau de la didactique institutionnelle
/ linguistique afin d’améliorer l’enseignement / apprentissage de la langue française dans le système
éducatif marocain.

38
Chapitre 3 : Les réformes de l’enseignement au Maroc
Depuis son indépendance le Maroc s’est engagé dans une politique de restructuration du
pays pour se libérer des traces de la colonisation française. Il a également entamé le chantier de la
réforme de son système éducatif de l’école primaire jusqu’à l’université dans la perspective de
garantir son développement à moyen et à long terme. Ces changements ont pris plusieurs décennies
pour se mettre en place et pour donner des résultats visibles. Il est important de mentionner que
toutes ces réformes sont menées grâce à la volonté politique de l’État marocain pour l’amélioration
des conditions du secteur de l’éducation nationale. En effet, le défunt roi Hassan II et son successeur
actuel le roi Mohamed VI ont toujours évoqué dans leurs discours l’importance de ce secteur vital.
Ils ont également donné leurs directives pour améliorer l’avenir des jeunes grâce à une bonne qualité
d’éducation. Toutefois, ces réformes malgré leur côté novateur ont eu plusieurs freins et obstacles
qui ont empêché de conduire à bien leur réussite.

Dans ce troisième chapitre, nous exposerons les différentes réformes qu’a connu
l’enseignement au Maroc depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui en passant par la période
d’arabisation, puis l’adoption de la pédagogie par objectifs et toutes les autres pédagogies présentes
sur la scène éducative. La didactique institutionnelle qui sera discutée dans le cadre de ce chapitre
se focalisera prioritairement sur les deux réformes les plus récentes, à savoir la charte nationale de
l’éducation et de la formation (CNEF /1999-2009) et la vision stratégique de la réforme (2015-2030)
afin de percevoir les changements opérés en ce qui concerne le volet de l’enseignement de la langue
française au primaire. Ensuite, nous interrogerons les apports de la loi cadre N°51-17 relative au
système d’éducation, de formation et de recherche scientifique sur la question de l’ingénierie
linguistique au primaire. Finalement, nous présenterons le système éducatif marocain et sa politique
éducative dans les différents cycles du primaire à l’université. L’objectif étant d’interroger les
apports de ces nouvelles réformes et de savoir quelles nouveautés et quels changements apportent-
elles dans le paysage éducatif marocain souffrant du décrochage et de l’échec scolaire.

3.1 Rappel des principales réformes de l’enseignement au Maroc


Dans le tableau ci-dessous nous synthétiserons les différentes réformes appliquées au
système de l’enseignement au Maroc après l’indépendance à partir de la fin des années cinquante
sous le règne du roi Hassan II jusqu’à aujourd’hui. Il faut ajouter que chacune de ces réformes a
visé un ou plusieurs aspects relatifs au secteur de l’éducation nationale dans ses différents cycles
d’enseignement. Pour les besoins de notre recherche, le tableau présentera, désormais, uniquement

39
l’intitulé de la réforme, l’année ou la période couverte par cette réforme, le cycle et le niveau
d’enseignement concernés, ainsi que la question et la thématique visées :

Intitulé de la Année ou Cycles Problématiques soulevées par cette


réforme période concernés réforme

La Commission Moderniser l’éducation en adoptant


supérieure de la quatre principes : La Généralisation,
Primaire
Réforme de l’Arabisation, l’Unification et la
l’Éducation sous collège
Marocanisation
présidence royale 1957-1963 lycée
du roi Mohamed V Formation des enseignants et des
Universitaire professeurs
puis du roi Hassan
II Inauguration de l’université Mohamed
V en 1957 et d’une faculté de médecine
en 1962
Symposium de Primaire Lister les problèmes observés : manque
Maâmora d’enseignants et d’infrastructures
collège
Formulation de recommandations pour
lycée
la concrétisation du projet éducatif
1964-1969 universitaire autour des quatre principes.
Importance des langues étrangères.
Début de la politique d’arabisation au
primaire
L’arabisation des 1970-1979 Primaire Arabisation des matières scientifiques
programmes et de l’histoire-géographie au collège et
collège
au lycée
lycée
Renforcement de l’apprentissage des
universitaire langues étrangères
Encouragement de l’enseignement
technique
Conférence 1980- 1994 Primaire Adoption de la Pédagogie Par Objectifs
d’Ifrane II (PPO)
collège
Poursuite de l’arabisation au collège et
lycée
au lycée
universitaire
L’orientation vers la formation
professionnelle
La Charte 1999-2009 Préscolaire Intégration officielle du préscolaire
Nationale de primaire dans le système éducatif marocain

40
l’Education et de collège Adoption de la pédagogie du projet
Formation (CNEF)
lycée Adoption de l’approche par
universitaire compétences
Promouvoir la formation continue pour
les enseignants
Encouragement de l’enseignement
privé
Mise en place du système LMD aux
universités
2009-2012 Primaire La pédagogie d’intégration aux cycles :
primaire, collège et lycée
Le plan d’urgence Collège
Pallier aux dysfonctionnements
Najah14 lycée
universitaire de la CNEF
Formation des enseignants du primaire
autour de la pédagogie d’intégration
Renforcement du système LMD dans
les universités
La Vision 2015-2030 Préscolaire Adoption de l’approche actionnelle
Stratégique de
primaire L’alternance linguistique dès le
l’enseignement
primaire pour l’enseignement des
2015-2030 : Pour collège
matières scientifiques
une école d’équité,
lycée
de qualité et de Le français langue d’enseignement des
promotion sociale. universitaire matières scientifiques
Système du bachelor à l’université

Tableau N°1 : Les principales réformes de l’enseignement au Maroc


Ce tableau regroupe l’ensemble des principales réformes que le système éducatif marocain
a connu depuis son indépendance jusqu’à l’actuelle réforme en cours et qui vise à couvrir la période
entre 2015 et 2030. Chaque période est caractérisée par un ensemble d’objectifs fixés qui seront
atteints à terme. Nous reviendrons en détails sur les apports de chaque réforme au système éducatif
marocain dans les lignes qui suivent.

14
Le mot Najah signifie la réussite

41
3.1.1 La réforme post indépendance
Le grand défi pour le défunt roi Mohamed V après l’indépendance du royaume a été
d’encourager la scolarisation d’un grand nombre de petits marocains afin de pouvoir lutter contre
l’analphabétisme. En effet, les parents ont pris conscience de l’importance de l’école et ils ont
commencé à inscrire leurs garçons puis leurs filles sur les bancs de l’école marocaine. En 1957, la
haute commission de l’enseignement est créée par ordre royal15 afin de d’instaurer les bases d’une
politique d’enseignement et de suivre de près son déroulement dans le royaume. L’année suivante,
son nom change pour devenir la commission royale de réforme de l’enseignement puis le conseil
supérieur de l’enseignement, en 1959, qui ont œuvré ensemble dans l’objectif de moderniser le
secteur de l’éducation en adoptant quatre principes majeurs comme ligne de travail. Mostafa El
Gherbi les évoque dans son livre Aménagement linguistique et enseignement au Maroc comme suit
: « La généralisation de l’enseignement à travers le pays pour tous, l’arabisation en adoptant l’arabe
comme langue d’enseignement, l’unification des programmes scolaires et la marocanisation des
cadres pour remplacer les coopérants » (El Gherbi, 1991 : 69). Certes, tous ces projets nécessitent
une mise en œuvre qui va durer plusieurs décennies mais cela montre la grande volonté du
gouvernement marocain à l’époque pour sortir de la domination française et être indépendant à part
entière dans le secteur de l’enseignement.

Après le décès du roi Mohamed V, son successeur le roi Hassan II a fait de l’enseignement
son cheval de bataille en plus d’autres projets pour permettre au pays de se développer
économiquement. Les discours du roi Hassan II ont toujours accordé une part importante au secteur
de l’enseignement afin d’inciter le peuple marocain à scolariser ses enfants et à changer la réalité de
la société. Il est évident que toute nation qui désire se développer doit avoir un système éducatif
solide qui suit l’évolution mondiale. Le 1er octobre 1961, sa majesté le roi Hassan II a prononcé un
discours à l’occasion de la rentrée scolaire où il a remercié son peuple pour l’intérêt qu’il porte aux
affaires de l’éducation et de l’enseignement, ce qui marque son intérêt pour le savoir et la bonne
formation de la jeunesse marocaine. Le roi a annoncé dans ce discours les réalisations
gouvernementales effectuées durant l’été afin de garantir une rentrée scolaire dans de bonnes
conditions :

« Nous avons décidé dans le cadre de la mobilisation générale durant ces vacances
estivales d’entamer « l’opération école ». Nous avons à cet effet lancé un appel où nous
avons sollicité votre aide afin de serrer les coudes pour y participer et œuvrer pour la

15
Education au Maroc Analyse du Secteur,
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000189743/PDF/189743fre.pdf.multi

42
réussir par tous les moyens possibles afin d’exprimer la volonté du Maroc, roi,
gouvernement et peuple, à couper les ponts avec l’ignorance et d’élargir les domaines
du savoir et de la culture, pour trouver une place à l’école pour tout garçon ou fille en
âge de scolarisation. Et comme espéré et prévu, vous avez bien répondu à l’appel et vous
avez travaillé avec enthousiasme, toutes couches sociales confondues, dans les villes,
les campagnes, les plaines et les montagnes. Vous avez facilité la réussite de cette
opération en fournissant la main d’œuvre nécessaire, les matières premières pour la
construction, les moyens de transports et la nourriture aux ouvriers ainsi que toute sorte
d’encouragements. C’est ainsi que nous avons pu assurer à nos élèves et étudiants tous
les objectifs voulus. De ce fait, au lieu de la construction des 1000 classes prévues, on a
bâti 1022 et au lieu des 644 logements pour les enseignants, on a construit 666. De peur
de ne pas trouver le nombre adéquat des professeurs et instituteurs nous aurions construit
un nombre plus important16 ».

Cet extrait montre l’engagement et la mobilisation de tous pour réussir en un temps record
cette rentrée scolaire de 1’année 1961 en fournissant plus que l’infrastructure prévue. Cela rentre
dans le cadre de la généralisation de l’enseignement à travers le pays afin de combattre l’ignorance.
Dans ce discours le roi s’est également adressé aux élèves et aux étudiants afin de les inciter à fournir
plus d’efforts pour réussir leurs études afin de devenir responsables de leur avenir dans un nouveau
Maroc. Il leur a aussi demandé de travailler au maximum pour que l’indépendance ne reste pas
uniquement au niveau des frontières à préserver ou des slogans nationalistes à répéter, mais c’est
aussi le pouvoir des citoyens à gérer leurs propres affaires et à réaliser leurs projets par eux même.
Il ajoute que pour bien réussir cette indépendance, il ne faut plus compter sur les instituteurs, les
ingénieurs, les techniciens ou les médecins étrangers mais sur soi-même. À partir de cela, nous
concluons que la volonté royale est de mettre en application progressive le principe de la
marocanisation des cadres. Certes, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain mais il faudrait au
minimum une dizaine d’années pour y arriver.

Pour la rentrée d’octobre 196217, le roi a été très satisfait des résultats obtenus lorsqu’il a
présidé le haut conseil de l’éducation nationale. Dans son discours, il a d’abord rappelé l’état critique
de l’enseignement en 1956 quand les enfants en âge de scolarisation dans certaines régions n’ont
pas pu accéder aux écoles faute d’infrastructures et même l’enseignement proposé en langue
étrangère a été faible et n’a pas permis de former des citoyens capables de penser et d’agir dans une
nation sortant du colonialisme. Il a ensuite cité les efforts du ministère de tutelle afin d’ouvrir des
centres de formation des instituteurs et des professeurs partout dans le pays et envoyer des groupes

16
Traduction personnelle du discours royal du 1er octobre 1961 à l’occasion de la rentrée scolaire 1961/1962.
Source : http://discoursh2.abhatoo.net.ma/doc/126.pdf
17
Paraphrase et traduction personnelle du discours royal du 18 octobre 1962 à l’occasion de la présidence du haut
conseil de l’éducation nationale à Rabat. Source : http://discoursh2.abhatoo.net.ma/doc/148.pdf

43
pour se former et faire des stages à l’étranger. Sans oublier que pour pallier le manque d’enseignants
il faut faire venir des enseignants compétents du Moyen Orient et d’Europe. Tout cela dans l’optique
de former un bon citoyen et de fournir à l’État ses besoins en matière de cadres moyens et supérieurs
dans différents domaines afin d’atteindre l’objectif de la marocanisation. Finalement, il a évoqué
l’unification de l’enseignement au niveau de la langue, des matières et de la méthode afin de former
des générations capables de penser et réagir de manière cohérente au sein des établissements
primaires et secondaires. Cependant, cette unification se trouve encore face au problème de
l’insuffisance des moyens d’enseignement et du manque d’enseignants qui peuvent enseigner les
mathématiques et les sciences naturelles en langue arabe. C’est ce qui a poussé à doubler
progressivement les efforts en matière d’arabisation qui se réalise doucement. Il faut aussi dire que
le roi a insisté, en parallèle, sur l’importance de l’apprentissage des langues étrangères qui ne doit
plus être frustrant mais qu’il faut considérer comme un levier de progression et d’ouverture sur
d’autres horizons dans le XXème siècle caractérisé par l’invention de la bombe atomique et les
explorations spatiales.

En 1964, un symposium s’est tenu à Maâmora autour de l’enseignement dans lequel S. M


feu le roi Hassan II a prononcé un discours où il a précisé encore une fois l’importance de
l’enseignement dans le développement du pays. Il a également rappelé les phases importantes par
lesquelles est passé l’enseignement dont la généralisation de l’accès à l’école a permis à un nombre
important d’enfants de toutes les couches sociales d’être scolarisés. Ce qui va en harmonie avec la
constitution marocaine qui considère l’enseignement et le travail comme un droit pour tous les
citoyens. Il a aussi annoncé que malgré cette évolution il y a encore des problèmes sérieux à soulever
et à résoudre afin d’arriver à l’atteinte des objectifs fixés au préalable comme les choix à faire entre
intégrer l’enseignement traditionnel ou l’enseignement moderne, l’enseignement technique qui
n’aspire pas encore aux attentes du pays et la faiblesse des rémunérations des enseignants et leurs
droits. Il a également soulevé la problématique du décalage entre les programmes enseignés dans
chaque cycle :

« Ramadan dernier, j’ai réuni des responsables de l’éducation et je leur ai annoncé qu’ils
oubliaient toujours l’élève qui est la matière première et se l’arrachaient, comme si l’âme
de cet élève se divisaient en trois cycles : primaire, secondaire et supérieur. Or, la réalité
est que la matière première sur laquelle l’enseignant œuvre et agit est une matière
immuable qui ne se divise pas du primaire au supérieur. Alors, pourquoi les programmes
d’un cycle sont conçus sans prendre en considération le cycle suivant ? Par exemple, le
cycle de l’enseignement primaire fixe des programmes en négligeant les besoins et les
obligations de l’enseignement secondaire et ce dernier agit seul comme s’il n’y a aucun
apprentissage après. Comme si l’enfant qu’il envoi à la faculté ou à l’université était
quelqu’un d’une autre personnalité ou ingéniosité et avait un autre destin. Voire qu’il le
44
hissait de son passé et coupait le cordon qui le relie à lui. Je leur ai dit : vous devez
réviser votre plan et votre méthode et vous devez savoir que cet enfant est comme la
matière première qui entre à l’usine et en sort mais on doit savoir ce qu’on veut faire de
nos enfants et de vos enfants ? Est-ce qu’on veut en faire d’eux des intellectuels sans
technicité, ni spécialité ou des techniciens et spécialistes sans culture ou on veut joindre
les deux et faire de nos enfants de techniciens intellectuels et spécialisés18 ».

Il est vrai que les programmes scolaires doivent être conçus en concertation entre tous les
responsables des différents cycles de l’enseignement afin de constituer une continuité dans le
processus d’apprentissage chez l’élève du primaire au secondaire. Ce discours royal s’intéresse à un
point très important dans les principes déjà fixés pour la réforme de l’enseignement marocain qui
est l’unification et l’adéquation des curriculums scolaires. Ce point des programmes scolaires est
toujours un vrai souci au Maroc et il sera également abordé lors de l’analyse de la nouvelle réforme
entreprise entre 2015 et 2030. Les responsables des curriculums au MEN vont ainsi élaborer des
programmes qui prennent en considération les besoins de chaque cycle à part tout en respectant les
exigences du cycle suivant afin d’avoir un élève bien formé. Le roi a été très soucieux de l’avenir
de la jeunesse marocaine et il n’a pas cessé de le répéter dans chacun de ses discours. Il a voulu
développer un nouveau Maroc indépendant avec ses propres cadres cultivés et bien formés dans leur
spécialité dans tous les domaines et ouvert sur les cultures des autres pays grâce à l’apprentissage
des langues étrangères notamment le français et l’anglais. Cela montre sa volonté de devenir
autonome dans tous les secteurs de la vie économique pour satisfaire un auto-besoin en matière de
cadres nationaux capables de gérer la situation dans le pays.

3.1.2 L’état des réformes des années 70


L’arabisation a été la politique linguistique adoptée depuis l’indépendance dans les trois pays
maghrébins. Elle n’a pas visé uniquement les programmes scolaires mais elle s’est aussi
accompagnée d’une arabisation progressive des administrations au fur et à mesure de la formation
des jeunes cadres nationaux. Au niveau éducatif, cette politique avait deux objectifs majeurs à
atteindre. Le premier est de mettre en avant l’importance de la langue arabe en tant que langue
officielle selon la constitution du pays car elle représente l’identité arabo-musulmane des citoyens.
Le deuxième est le fait de couper les ponts avec le français en tant que langue d’enseignement des
matières scientifiques et techniques du primaire jusqu’à l’université. Toutefois, pour atteindre cet
objectif la construction des écoles pour accueillir le nombre constant d’apprenants et la bonne
formation d’un personnel enseignant capable d’enseigner en arabe sont nécessaires. Ajoutons à cela

18
Paraphrase et traduction personnelle du discours royal du 14 avril 1964 à l’occasion de la présidence du symposium
de l’enseignement à Maâmora. Source : http://discoursh2.abhatoo.net.ma/doc/242.pdf

45
aussi la conception et la traduction des programmes et aussi leur adaptation aux besoins de la société
marocaine de cette époque. Concrètement, l’application de cette politique d’arabisation n’a pas pu
se réaliser au Maroc qu’à partir de 1965 en commençant par arabiser les matières scientifiques de
la 3ème année du primaire.

Au départ, pour remédier rapidement au problème des ressources humaines, le ministère a


fait venir des enseignants de langue arabe des pays du Moyen Orient comme l’Egypte, la Syrie et
l’Arabie Saoudite mais le problème qui s’est posé est que ces derniers en ont profité pour transmettre
leurs valeurs wahhabites19 aux élèves et ont donc islamisé l’enseignement. Le Maroc s’en est vite
rendu compte et a accéléré la formation des enseignants marocains pour qu’ils prennent leurs classes
et affinent la marocanisation de l’enseignement. Cette accélération de la marocanisation des
enseignants a servi à bien accomplir le processus de l’arabisation, ainsi S .M le roi Hassan II l’a
clairement annoncé dans son discours de clôture du colloque d’Ifrane le 16 mars 197020 :

« La marocanisation à outrance a empêché l’effet de l’arabisation de s’accomplir.


L’absence d’arabisation rationnelle a limité les résultats de la généralisation et retardé
l’unification. Il faut opérer la marocanisation d’abord, l’arabisation ensuite et terminer
par la généralisation. C’est au terme de ce parcours que l’unification prendra tout son
sens » (roi Hassan II, 1981 : 145).

Le tableau ci-dessous résume les étapes par lesquelles est passée le processus d’arabisation
des matières dispensées en français du primaire jusqu’au lycée sur une durée de vingt-trois ans. Il
est adapté à partir de l’ouvrage Aménagement linguistique et enseignement du français au Maroc :
enjeux culturels, linguistiques et didactiques de El Mostapha El Gherbi :

19
Le wahabisme est un courant religieux islamique rigide différent du courant malékite adopté au Maroc
20
S.M le roi Hassan II, Discours de clôture du colloque d’Ifrane, 16mars 1970, traduction officielle, cité par Mohamed
Souali, Merrouni Mekki, question de l’enseignement au Maroc, bulletin économique et social au Maroc, numéro
quadruple, 145, 1981

46
Période Matière arabisée
1965 Commencement de l’arabisation de la 3ème année du primaire
1969 Marocanisation de l’enseignement primaire
1973 -1974 Arabisation de la philosophie
1974 -1975 Arabisation de l’histoire -géographie
1982 -1983 Arabisation de l’enseignement des mathématiques en 1ère AS
1983 - 1984 Arabisation de l’enseignement des mathématiques en 2ème AS
1984 -1985 Arabisation de l’enseignement des mathématiques en 3ème AS
1985 -1986 Arabisation de l’enseignement des mathématiques, des sciences naturelles,
de la physique et de la chimie en 4ème AS
1986 -1987 Arabisation de l’enseignement des mathématiques, des sciences naturelles,
de la physique et de la chimie en 5ème AS
1987 -1988 Arabisation de l’enseignement des mathématiques, des sciences naturelles,
de la physique et de la chimie en 6ème AS
Tableau N°2 : Les étapes d’arabisation des matières scientifiques au Maroc21

Nous remarquons à travers l’observation de ce tableau que la politique d’arabisation des


programmes s’est réalisée d’une manière progressive en partant du primaire puis le collège avant
d’arriver au lycée avec des phases d’arrêt entre 1970 et 1973 puis 1975 et 1982. Cette opération
s’est accélérée durant les années 80 en arabisant chaque niveau en une année. Cette arabisation s’est
arrêtée en 1988 à la phase d’arabisation du cycle universitaire. Il faut également souligner que cette
arabisation n’a pas donné les résultats espérés au départ pour des raisons qui seront explicitées dans
le paragraphe suivant D’autres difficultés s’ajoutent à cela comme les programmes et les classes
trop chargées et la déperdition scolaire en fin du cycle primaire qui a atteint 21,3% en 197422.

Le roi a toujours continué à présider lui-même tous les conseils d’enseignement qui se sont
tenus de manière régulière pour suivre de près le chantier de l’éducation et de la formation qui
servira au développement économique du Maroc. Il a tenu aussi des réunions régulières avec les
syndicats afin d’être à l’écoute des problèmes rencontrés par l’ensemble du corps enseignant. Le

21
Tableau réalisé à partir du livre de El Mostafa El Gherbi, Aménagement linguistique et enseignement du français au
Maroc : enjeux culturels, linguistiques et didactiques, Société d'impression la voix de Meknès, 1993, page 43.
22
El Gherbi, op.cit p71

47
budget alloué à l’enseignement a été en constante croissance mais il est resté toujours insuffisant
pour aboutir à tous les objectifs tracés auparavant.

3.1.3 Les résultats de l’adoption de l’arabisation et les réformes des années 80


Comme nous l’avons déjà cité auparavant, l’arabisation de l’enseignement des matières
scientifiques et techniques a fait partie d’une politique d’arabisation générale de l’administration
marocaine pour se libérer des restes du protectorat français. Or, le fait qu’elle s’est arrêtée aux portes
de l’université a fait d’elle un échec pour les étudiants au lieu d’être un tremplin pour leur réussite
ultérieure. En effet, après le baccalauréat, les étudiants marocains se trouvent face à un
enseignement dispensé uniquement en langue française sauf pour les filières de littérature arabe,
d’études islamiques, d’histoire-géographie et de droit. Ainsi, les scientifiques ayant suivi un
enseignement en langue arabe durant tout leur cursus se trouvent face au français comme langue
d’enseignement dans les universités et les écoles supérieures. Cela a contribué à l’échec universitaire
chez les étudiants qui se trouvent incapables de suivre la formation dispensée même s’ils ont de
bonnes compétences à la base dans leur domaine de spécialité. La langue arabe a aussi commencé
à souffrir de cette arabisation inachevée car les élèves une fois arrivés à l’université ressentent
qu’elle n’est pas du tout utile dans leurs études supérieures puisque les cours sont dispensés en
langue française. Donc, leur langue officielle ne sert pas à leur garantir un avenir professionnel
d’autant plus qu’au niveau du marché du travail beaucoup de professions exigent la maîtrise du
français et plusieurs concours d’accès aux postes de la fonction publique ou privée se passent dans
cette langue. Même si le ministère a ajouté la matière de traduction scientifique au lycée, les élèves
sont incapables de bien suivre les cours universitaires.
Les années quatre-vingt se sont caractérisées également par une crise financière due à
plusieurs facteurs : la chute du prix du phosphate, le coût de la guerre au Sahara et la sécheresse
parce que l’économie du Maroc dépend beaucoup de l’agriculture, ce qui a eu un impact notoire sur
la dette du pays. Ce déficit budgétaire très important s’est répercuté sur tous les secteurs et
notamment sur le secteur de l’enseignement et de l’éducation. Les nouveaux postes ont été réduits,
les projets de construction de nouveaux établissements scolaires arrêtés et les conséquences ont été
désastreuses surtout dans les zones rurales tant au niveau des disparités d’accès à l’école qu’au
niveau de l’analphabétisme des populations. C’est à partir de cette période que l’enseignement a
commencé à souffrir d’une crise qui continue jusqu’à présent.

Cependant, de nouvelles mesures ont été prises lors de la réforme du système éducatif de
1985 qui a instauré un enseignement fondamental de 9 ans afin de permettre une égalité des chances

48
devant l’école ainsi qu’une rationalisation du système. Le rapport du conseil national de la jeunesse
et de l'avenir édité en novembre 1994 cite les mesures entreprises afin de restructurer ce secteur :
« • La généralisation de la scolarité des enfants de 7 ans
• L’orientation vers la formation professionnelle de 20% et de 40% respectivement des
effectifs des classes terminales des cycles de l’enseignement fondamental et du
secondaire
• L’amélioration du taux de transition du 1er au 2ème cycle de l’enseignement
fondamental, de telle sorte que ce taux puisse atteindre les 80%
• La stabilisation des taux d’écoulement de manière à limiter le redoublement à 10%, à
augmenter les taux de promotion à un niveau compris entre 85% et 90% et à limiter les
abandons en conséquence » (Conseil national de la jeunesse, 1994 : 20).

Il s’agit toujours de la généralisation de l’enseignement qui a commencé la veille de


l’indépendance du pays, de l’orientation des jeunes vers des filières de formation professionnelle
pour assurer leur avenir et de la limitation du redoublement pour lutter contre l’échec scolaire. Ces
mesures seront appliquées et donnerons leurs fruits.

Lors de la conférence d’Ifrane sur l’enseignement le 27 février 1987, le défunt roi Hassan II
a prononcé un discours dans lequel il a insisté sur l’importance de l’apprentissage des langues
étrangères :

« De nos jours, l’analphabète est celui qui ne parle qu’une seule langue. Ainsi, il faut que
l’on forme un marocain qui soit digne de sa marocanité, attaché à son histoire, au courant
de ce qui se passe dans le monde, parce que notre pays se trouve au carrefour, à ce point
de rencontre entre l’Afrique et l’Europe et de la mer et l’océan d’autre part. C’est
pourquoi il est de notre devoir d’apprendre à nos enfants deux ou trois langues, parce
qu’une langue ne suffit pas »23.

Ce discours royal marque l’importance de l’apprentissage des langues étrangères en plus de


la langue arabe car le Maroc se trouve au carrefour de rencontres entre l’Afrique et l’Europe. En
plus de l’ouverture sur l’autre, le roi a visé également la promotion du tourisme dans le pays et les
transactions commerciales avec l’étranger.

Nous pouvons conclure, que des dizaines d’années après son application, cette politique
éducative d’arabisation n’a pas atteint les objectifs tracés au départ. Elle a au contraire contribué à
la dégradation du niveau scolaire des élèves. Ces derniers se sentent perdus une fois arrivés aux
bancs de l’université. Certes, d’autres facteurs en sont responsables mais c’est aussi l’échec total
que cela soit dans sa conception, sa mise en place ou dans toutes les réformes qui ont visé sa

23
Traduction personnelle du discours de la conférence d’Ifrane sur l’enseignement le 27 février 1987. Source :
http://discoursh2.abhatoo.net.ma/doc/242.pdf

49
restructuration. En effet, au lieu de booster la compétence en arabe le niveau des élèves baisse et ils
cherchent à améliorer leur niveau en français d’où leur recours, selon les moyens des parents, aux
cours de soutien en français dans les centres de langues. Ces jeunes sont effectivement attachés à
leur identité marocaine mais pour garantir leur avenir ils ont toujours besoin de la langue française
afin de continuer leurs études supérieures. Il faut aussi dire que la langue arabe standard apprise à
l’école n’est utilisée que dans le contexte scolaire ou administratif pour les documents écrits ou pour
regarder le journal télévisé. Le darija marocain est la langue utilisée à la maison et dans la vie
quotidienne. Les élèves pensent que cette langue est inutile et freine leur avenir, donc pourquoi
l’apprendre. C’est surtout cette absence de continuité de l’application de l’arabisation dans le
supérieur qui a conduit à l’échec de cette politique et a ainsi dévalorisé le statut de la langue arabe
auprès des élèves mais, aussi, des parents qui la voient comme un frein à une éventuelle ascension
de leurs enfants dans l’échelle professionnelle et sociale. Tous ces facteurs vont repositionner
positivement la langue française et conduire à sa revalorisation avec les réformes qui vont suivre.

3.1.4 La charte nationale de l’éducation et de la formation


À la demande du roi Hassan II en 1994, le conseil national de la jeunesse et de l’avenir a
rédigé un rapport sur la situation de l’éducation au Maroc. Ce bilan a été catastrophique sur tous les
niveaux : déperdition et échec scolaire, insuffisance ou absence d’infrastructures, niveau d’élèves
en baisse constante, programmes inadaptés et décalage entre les élèves issus de différents niveaux
sociaux et entre le milieu rural et urbain. Le roi dans son discours à l’occasion du 20ème anniversaire
de la marche verte24 le 6 novembre 1995 a annoncé qu’il faudrait remédier à cela et il proclama la
décennie 2000-2009, comme une période dédiée à l’éducation et à la formation. Il place ainsi
l’éducation et la formation au rang d’une priorité nationale urgente pour garantir un bon
développement socioéconomique à l’échelle nationale et internationale. Il a chargé une Commission
Spéciale Éducation-Formation (COSEF) afin de rédiger une charte nationale qui permettra de
proposer des solutions efficaces pour résoudre tous les problèmes dont souffre le secteur éducatif.
Cette commission a regroupé, en plus de son président, trente-trois membres dont quatorze
représentants des partis politiques et des syndicats, huit siégeant au parlement. Les onze autres
membres ont été choisis à titre individuel, parmi les oulémas (hommes de religion), les opérateurs
économiques et les responsables d'organisations non gouvernementales et d'associations de parents
d'élèves. Le 23 juillet 1999, le roi décède juste au moment de la finalisation de ce projet que son
successeur va inaugurer.

24
Le 6 novembre 1975 le roi Hassan II avait proclamé la marche verte pour libérer le Sahara marocain de la
colonisation espagnole

50
Lorsque le roi Mohammed VI a pris les règnes du pouvoir en juillet 1999, il a continué sur
la même ligne entamée par son père dans l’objectif de réformer l’enseignement marocain en crise
afin qu’il puisse dépasser les déficiences du passé. C’est ainsi qu’il a prononcé le discours suivant
devant les parlementaires pour annoncer le lancement de la Charte Nationale d’Education et de
Formation qui est le résultat des travaux de la COSEF et ainsi montrer que l’enseignement fait partie
de ses priorités pour développer son pays :

« Nous saisissons cette occasion pour rendre hommage à l'action de cette commission
et aux efforts de l'ensemble de ses membres. Nous avons été informés de ses résultats et
avons constaté qu'ils sont conformes à la vision qui est la nôtre d'un enseignement
intégré dans son environnement, ouvert sur son époque, sans reniement de nos valeurs
religieuses sacrées, des fondements de notre civilisation, ni de notre identité marocaine
dans toutes ses composantes. Notre objectif est de former un bon citoyen capable
d'acquérir les connaissances et les compétences tout en étant profondément attaché à
son identité et fier de son appartenance, conscient de ses droits et de ses devoirs,
appréhendant parfaitement le fait local, ses obligations civiques et ses engagements vis-
à-vis de lui-même, de sa famille et de sa communauté, disposé à servir sa patrie avec
loyauté, dévouement, abnégation et sacrifice, à compter sur lui-même et à faire preuve
d'esprit d'initiative avec confiance, courage, foi et optimisme. Nous voulons que nos
établissements d'enseignement et d'éducation soient efficients et en parfaite symbiose
avec leur environnement, ce qui implique la nécessité de généraliser la scolarisation,
d'en faciliter l'accès à toutes les couches, particulièrement celles démunies ou se trouvant
dans les régions éloignées qui doivent bénéficier d'un traitement préférentiel, et
d'accorder un intérêt particulier aux cadres de l'enseignement auxquels nous vouons
bienveillance et considération et qui ont tant besoin d'attention et de reconnaissance.
Partant de notre souci de permettre à toutes les couches d'accéder à l'enseignement et à
l'éducation, nous avons tenu à ce qu'il demeure gratuit au niveau de l'enseignement
fondamental. La contribution des couches à revenus élevés n'interviendra au niveau de
l'enseignement secondaire que cinq ans après que la réussite de cette expérience aura
été avérée, avec exonération totale des familles à revenus limités. S'agissant de
l'enseignement supérieur, les frais d'inscription ne seront exigibles qu'après trois ans
d'application du projet, avec l'octroi de bourses aux étudiants méritants démunis25 ».

Ce discours évoque plusieurs points abordés par cette charte. Il a insisté sur l’adéquation
entre le modèle d’enseignement présenté et le citoyen que l’on veut former. La réhabilitation des
écoles pour qu’elles soient en parfaite symbiose avec la société. La généralisation et l’accessibilité
de l’enseignement pour tous les marocains à travers le pays entamée depuis l’indépendance est
encore évoquée car elles se sont souvent heurtées à plusieurs freins d’ordre économique,
géographique ou humain empêchant leur réalisation. La gratuité de l’enseignement fondamental a
été mentionnée pour la première fois ainsi que la contribution des riches à l’enseignement secondaire
dans un délai de cinq ans. Il faut noter ici que l’enseignement au Maroc a toujours été gratuit dans

25
Discours prononcé lors de l’ouverture de la session d’automne de la troisième année législative à Rabat le 8
Octobre 1999. Source : https://www.men.gov.ma/Fr/Pages/Discours-SM8101999.aspx disc Mes1999/10/08

51
les établissements publics du primaire à l’université. Pour l’enseignement supérieur, il sera payant
après trois ans de l’application de ce projet avec bien sur des bourses accordées aux démunis.

Nous présenterons cette charte nationale, les nouveautés qu’elle apporte en termes de
rénovations du secteur de l’éducation et de la formation de manière générale, en nous focalisant sur
le cycle primaire qui nous intéresse dans le cadre de cette recherche doctorale.

3.1.4.1 Présentation de la charte nationale de l’éducation et de la


formation
La Charte Nationale de l’Éducation et de la Formation (CNEF) a visé le renouvellement des
différents cycles d’enseignement du préscolaire au supérieur. Elle se présente sous forme d’un livret
qui se compose de deux parties : la première englobe les principes fondamentaux qui sont les
fondements constants du système d’éducation et de formation, les finalités majeures attendues, les
droits et devoirs des individus et des collectivités et la mobilisation nationale pour réussir la
rénovation de l'école. La deuxième partie se compose de six espaces de rénovation répartis sur dix-
neuf leviers de changement. Chaque domaine de rénovation englobe un certain nombre de leviers
de cette réforme. Le tableau ci-dessous synthétise pour chacun des six espaces de la CNEF les leviers
de changement qui le composent comme suit :

Espace I : l'extension de l'enseignement et son ancrage à l'environnement économique


Levier 1 : Généraliser un enseignement fondamental de qualité dans une école plurielle.

Levier 2 : Mettre en place une nouvelle politique efficace et d’alphabétisation et d’éducation


non formelle

Levier 3 : Adéquation du système d’éducation et de formation à son environnement


économique.

Espace II : Organisation pédagogique


Levier 4 : Réorganisation et articulation des cycles d’éducation-formation.
Levier 5 : Mise en place d’un système d’évaluation et d’examen.
Levier 6 : Intégration de l’orientation éducative et professionnelle et d’examen.

Espace III : Amélioration de la qualité de l'éducation et de la formation


Levier 7 : Révision et adaptation des programmes et des méthodes des manuels scolaires et
des supports didactiques.
Levier 8 : Révision des emplois du temps rythmes scolaires et pédagogique.

52
Levier 9 : Perfectionnement de l’enseignement et l’utilisation de la langue arabe et maitrise
des langues étrangère et ouverture sur le Tamazighte.
Levier 10 : Utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Levier 11 : Encouragement de l’excellence, de l’innovation et la recherche scientifique.

Levier 12 : Promotion des activités sportives, d’éducation physiques scolaire et universitaire


et des activités parascolaires.

Espace IV : Ressources humaines


Levier 13 : Motivation des ressources humaines, pédagogiques et administratives,
perfectionnement de leur formation continue, amélioration de leur condition de travail et
révision des critères de recrutement d’évaluation continue et de promotion.

Levier 14 : Amélioration des conditions sociales et matérielles des apprenants et celles des
personnes aux besoins spécifiques.

Espace V : Gouvernance
Levier 15 : Instauration de la décentralisation et déconcentration dans le secteur de
l’éducation et de la formation.

Levier 16 : Amélioration de la gouvernance et de l’évaluation continue du système éducation


formation.
Levier 17 : Diversification des modes et des normes des constructions et des équipements.

Espace VI : Partenariat et financement


Levier 18 : Encouragement du secteur privé d’enseignement et de formation et régulation
des normes de son fonctionnement.
Levier 19 : Mobilisation des ressources de financements et optimisation de leurs emplois.
Source : La Charte Nationale d’Éducation et de Formation, octobre 1999
Tableau n°3 : Les six espaces de la CNEF

Le tableau ci-dessus résume les différents axes de la charte appelés ici espaces. Chaque
espace se compose de plusieurs leviers. Au total, il y a 19 leviers et chacun explicite les mesures à
prendre pour rénover l’enseignement au Maroc à travers les différents cycles du préscolaire jusqu’à
l’université. La CNEF vise à relier l’enseignement à son environnement économique, à réorganiser
pédagogiquement les différents cycles de l’enseignement, à améliorer la qualité (révision des
programmes, des manuels, du matériel pédagogique, TICE...), à motiver le personnel (formation
continue, promotion, amélioration des conditions de travail...), à instaurer une bonne gouvernance
grâce à la décentralisation dans ce secteur et finalement à encourager le partenariat en encourageant

53
le secteur privé d’enseignement et de formation. Plusieurs leviers s’intéressent à l’amélioration de
l’enseignement dans le cycle primaire, nous les évoquerons dans le point ci-dessous.

Cette charte a été conçue afin d’être suivie par tous les acteurs du système éducatif dès la
rentrée 2000/2001. Elle se présente sous forme d’un guide expliquant les grandes lignes de cette
nouvelle réforme éducative dont la mise en place a été prévue progressivement sur dix années. Le
Maroc n’a point voulu répéter les mêmes erreurs du passé. C’est pour cela que chaque année, le
conseil supérieur de l’éducation et de la formation présente un rapport détaillé de l’état
d’avancement de l’application de la CNEF devant le roi, qui supervise de près ce chantier ouvert et
encore inachevé, lors du conseil annuel de cet organisme.

La CNEF vise un changement global dans tous les cycles de l’enseignement marocain du
préscolaire jusqu’à l’université. Elle a aussi abordé les questions relatives à l’éducation informelle,
la lutte contre l’analphabétisme, la formation professionnelle et continue, l’innovation et la
recherche scientifique, les conditions sociales et matérielles des apprenants et des personnes à
besoins spécifiques, l’évaluation, l’orientation pédagogique et professionnelle ainsi que la
gouvernance.

La CNEF est donc une vision d’ensemble cohérente, très développée et innovante dont
l’objectif majeur est de sauver le système éducatif marocain en défaillance depuis des années. Or,
son application concrète nécessite une bonne réflexion et une mobilisation de la part de tous afin de
pouvoir réussir la sortie des sentiers battus et dépasser toutes les lacunes du passé. C’est surtout au
niveau de l’interprétation des leviers sur le terrain éducatif qu’il faut bien réfléchir afin de ne pas
entreprendre de mauvaises décisions. L’un des concepteurs de cette charte Mohamed Berdouzi
affirme à ce propos dans son ouvrage rénover l’enseignement de la charte aux actes que :

« La charte est un produit original qui, du reste, insiste sur sa propre cohérence globale.
Mais elle ne pouvait pas anticiper toutes les pistes et toutes les formules possibles pour
son application la meilleure. Autrement dit, son adoption ne clôture pas, mais ouvre au
contraire, l’horizon développemental et créatif qui lui a donné naissance et auquel elle
doit apporter en retour un référentiel tangible et un souffle puissant. À défaut de garder
en vue tel horizon et de soutenir tel souffle créatif, la démarche et les techniques de
déduction, et d’induction, de formalisation et de planification, aussi indispensables
soient elles, peuvent priver la réforme de l’esprit qui anime la charte : la volonté de sortir
des sentiers battus. En effet, même dans l’hypothèse où de telle démarches s’astreignent
au contenu manifeste de la charte, sans billet inconscient, ni calcul particulier, elles ont
besoin en l’espèce d’un trépied conceptuel et méthodologique essentiel pour les
soutenir : l’interprétation, la synchronisation globale et l’innovation créatrice »
(Berdouzi, 2000 : 5-6).

54
Il a également prévenu des risques de dérive à la suite de l’application hâtive de ces
changements. En effet, il ne faut pas évacuer cette charte de son âme et de ses lignes de force, à ce
propos il ajoute que :

« De tels risques sont nombreux. Ils vont du laxisme attentiste à l’improvisation


incongrue, en passant par l’autoritarisme technobureaucratique, entre autres. Autant de
risques d’enliser la réforme dans la routine, de la tronquer ou de vider de leur sens
certaines de ses lignes forces : la décentralisation, l’intégration, la participation et le
partenariat » (Ibid. 9).

Malheureusement, ce dont cet auteur nous a prévenus est arrivé malgré les progrès notoires
réalisés par cette réforme. En effet, cette réforme s’est heurtée par moment à des résistances qui ont
retardé sa mise en place au sein des établissements scolaires.

Nous ajoutons que dans le cadre de la décentralisation, politique adoptée par le Maroc dans
plusieurs secteurs administratifs, les Académies Régionales de l’Éducation et la Formation (AREF)
ont été créées en 2002 pour permettre une bonne gouvernance, une gestion optimale des ressources
et une meilleure application de la politique éducative préconisée. Ces AREF sont réparties selon les
seize régions du royaume et le ministère va leur déléguer progressivement des tâches à réaliser. Il
faut aussi dire que cette décentralisation ne touche pas uniquement le secteur éducatif mais
également d’autres secteurs dans le cadre d’une politique nationale de décentralisation.

3.1.4.2 Les apports de la CNEF dans le cycle primaire


Le cycle primaire constitue la base du processus d’apprentissage de tout individu. Dans cette
optique, la généralisation de la scolarisation au primaire avec un taux net de 94% en 200726 prouve
l’efficacité des mesures prises par cette réforme pour atteindre cet objectif fixé depuis
l’indépendance du pays. Nous nous focaliserons dans ce qui suit sur la présentation des principaux
changements que cette charte aspire réaliser au niveau de l’enseignement en général et au primaire
en particulier.

3.1.4.2.1 Renforcement et perfectionnement de l'enseignement de la


langue arabe
L’arabe standard qui est la langue officielle du pays reçoit une attention particulière grâce à
son importance dans le développement national et la préservation de l’identité arabo-musulmane
des marocains. Elle est enseignée à partir du préscolaire. En plus, avec la charte son enseignement

26
Résumé du rapport analytique : La mise en œuvre de la charte nationale d’éducation et de formation 2000-2013 :
Acquis, déficits et défis, conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, décembre
2014

55
deviendra obligatoire même au sein des établissements éducatifs étrangers implantés au Maroc
comme les Agences pour l’Enseignement Français à l’Étranger (A.E.F.E). Cet article 111 extrait de
la charte l’explique : « il sera procédé à la rénovation de l'enseignement de la langue arabe et à son
renforcement, tout en le rendant obligatoire pour tous les enfants marocains, dans toutes les
institutions éducatives agissant au Maroc, sans préjudice des accords bilatéraux régissant les
institutions étrangères d'enseignement » (CNEF, 1999 : 30). Ainsi, la langue arabe est enseignée par
des enseignants marocains détachés du MEN marocain au profit des élèves marocains qui suivent
leur scolarité dans ces établissements étrangers afin de préserver leur identité d’origine.

Dans l’article 113 de la charte, est mentionnée la création de l’Académie de la langue arabe
qui servira aussi à promouvoir et préserver l’avenir de cette langue :
« À partir de la rentrée académique 2000-2001, il sera créé une Académie de la langue
arabe, institution nationale de haut niveau, chargée de planifier et mettre en œuvre le
projet susvisé et d'assurer son évaluation continue. Cette Académie regroupera sous son
autorité les instituts et centres universitaires concernés par la promotion de la langue
arabe » (Ibid. 30).

La création de cette académie contribuera à renforcer la préservation de cette langue grâce à


la promotion de la recherche scientifique en linguistique et littérature arabe. Cette institution aussi
encouragera la production et la traduction des ouvrages afin d’assimiler le progrès scientifique,
technologique et culturel dans cette langue. Elle se chargera également de former des spécialistes
maîtrisant les différents champs de la connaissance en langue arabe.
3.1.4.2.2 L’ouverture sur l’enseignement de la langue amazigh
Dans le cadre de l’amélioration de la qualité de l'éducation et de la formation, l’espace III,
levier 9 de la CNEF a évoqué pour la première fois la question de l’ouverture sur l’enseignement de
la langue amazigh27 à raison de trois heures par semaine dans une réforme éducative marocaine.
Rappelons que cette langue n’est reconnue qu’à partir de 1994 comme une langue faisant partie de
l’identité marocaine. Avant cette époque, l’enseignement de l’amazigh n’a pas encore été généralisé
mais ce sont les autorités pédagogiques régionales qui décident de son adoption afin de faciliter
l’apprentissage de l’arabe au préscolaire et au premier cycle du primaire dans les régions à forte
population amazighophone. Cet extrait de la charte explique les grandes lignes de la mise en place
de l’enseignement de cette langue au préscolaire et au primaire ainsi que dans quelques universités
pour faire avancer le domaine de la recherche et du développement linguistique et culturel Amazigh :

27
L’amazigh n’était pas encore considéré comme langue officielle du pays. Il ne le sera qu’avec l’adoption de la
nouvelle constitution en 2011.

56
« Les autorités pédagogiques régionales pourront, dans le cadre de la proportion
curriculaire laissée à leur initiative, choisir l'utilisation de la langue Amazigh ou tout
dialecte local dans le but de faciliter l'apprentissage de la langue officielle au préscolaire
et au premier cycle de l'école primaire.
Les autorités nationales d'éducation-formation mettront progressivement et autant que
faire se peut, à la disposition des régions l'appui nécessaire en éducateurs, enseignants
et supports didactiques.
Il sera créé, auprès de certaines universités à partir de la rentrée universitaire 2000-2001,
des structures de recherche et de développement linguistique et culturel Amazigh, ainsi
que de formation des formateurs et de développement des programmes et curricula
scolaires » (CNEF, 1999 : 31)

Ce passage montre les mesures qui seront entreprises afin de former des enseignants qualifiés
et de concevoir les curricula, les programmes et le matériel didactique nécessaire pour enseigner
cette langue au sein des écoles. La recherche universitaire a elle aussi sa part dans ce changement
en développant des structures capables de mener des recherches autour de la linguistique et la culture
amazigh. Jusqu’à présent cet enseignement n’est pas encore généralisé à cause de plusieurs facteurs
déjà cités.
3.1.4.2.3 L’enseignement préscolaire
Dans cette réforme et pour la première fois dans l’histoire du MEN marocain, une ligne
budgétaire spécifique du préscolaire est créée puisqu’il l’a intégré au cycle primaire. Son inexistence
a constitué auparavant un handicap majeur au développement de ce secteur. Ainsi, sa généralisation
progressive et sa bonne gestion vont garantir une meilleure qualité d’enseignement puisque
l’enseignement préscolaire prépare à l’école primaire obligatoire. Certes, ce secteur existait mais il
a été géré par le secteur privé ou l’enseignement traditionnel dans les kuttabs (écoles coraniques)
chez les fqihs (hommes de religion). Son intégration au cycle primaire dans les écoles publiques
permettra de mieux le gérer et le régulariser. Selon la CNEF dans son article 63 : « L'enseignement
préscolaire est ouvert aux enfants âgés de quatre ans révolus à six ans. Il aura pour objectif général,
durant deux années, de faciliter l'épanouissement physique, cognitif et affectif de l'enfant, le
développement de son autonomie et sa socialisation » (Charte, Ibid. 19).

Cet enseignement qui dure deux ans vise à socialiser les apprenants et à favoriser leur
autonomie pour qu’ils soient préparés à l’école primaire. Les élèves seront initiés à l’arabe standard
à l’oral et à l’écrit ainsi qu’à une première langue étrangère. Cette dernière n’est pas explicitée mais
nous savons bien qu’il s’agit de la langue française. Ce qui montre encore une fois le statut privilégié
de cette langue.

57
3.1.4.2.4 L’enseignement du français au primaire

Dans le cadre de l’ouverture sur l’apprentissage des langues et des cultures étrangères, la
CNEF insiste sur l’enseignement de deux langues étrangères dès le primaire. Il a déjà été mentionné
dans le passage précédent qu’une initiation à une langue étrangère se fera dès le préscolaire sans
mentionner de quelle langue il s’agit. De même pour l’enseignement primaire, l’article 66 de la
CNEF mentionne parmi les objectifs généraux que « l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et de
l'expression dans la première langue étrangère » (Charte, 1999 :20) fait partie de l’épanouissement
précoce des capacités des enfants et du développement de leurs habiletés. Cependant, nous sommes
conscients qu’il s’agit évidemment de la langue française. Nous ignorons pourquoi le texte de la
CNEF ne la mentionne pas explicitement même s’il a renforcé son apprentissage.

Dans l’objectif de renforcer la maîtrise du français, l’initiation à cette première langue


étrangère se fera dans les écoles primaires publiques dès la deuxième année du primaire, au lieu de
la troisième année, à raison de deux séances de 45 minutes par semaine. Dans l’optique de se
familiariser avec cette langue au niveau de l’oral et de la phonétique (charte : 31). En revanche, dans
les écoles privées la langue française est toujours enseignée aux enfants dès la première année du
primaire ou même avant en maternelle en adoptant des manuels de FLS ou FLM, importés de France
ou conçu spécialement pour le Maroc comme : Ratus, l’île aux mots, à portée de mots, la balle aux
mots : Maîtrise de la langue française.

Nous remarquons que la CNEF insiste beaucoup sur l’importance de l’apprentissage de la


langue étrangère sans la mentionner directement. En parcourant le texte de la CNEF les mots
français et langue française n’existent pas, ils sont remplacés par l’expression « première langue
étrangère ». Pourtant la charte a renforcé son apprentissage dans tous les cycles de l’enseignement
marocain puisque c’est une langue fortement présente et utile dans le pays.
3.1.4.2.5 -La révision des programmes
Comme c’est le cas dans chaque réforme, les programmes scolaires datant de plusieurs
années sont remplacés par d’autres. La nouveauté cette fois est l’adoption du principe de la pluralité
des manuels au lieu du livre unique afin de donner plus de choix pédagogique aux enseignants et
aux apprenants et aussi pour favoriser la concurrence entre les auteurs et les éditeurs. Ces manuels
ont adopté dans leur conception l’approche par compétences28 désignée pour remplacer la pédagogie

28
Cette approche sera définie dans la partie 2 cadrage théorique et méthodologique

58
par objectifs. Il faut ajouter que tout matériel didactique conçu, sous n’importe quel support est
soumis à l'approbation de la direction des curricula du MEN avant sa mise en vente sur le marché
marocain. Nous aborderons la question de la conception des manuels scolaires au Maroc dans la
troisième partie de cette recherche.
3.1.4.2.6 Les points faibles de la charte
Il est indéniable que la CNEF a apporté plusieurs changements positifs au niveau de tous les
cycles de l’enseignement et qu’elle a permis la structuration de ce secteur or, comme toute réforme,
il y a toujours des points faibles et des rectifications à faire. Toutes les tentatives d’améliorer la
qualité de l’éducation et de la formation au niveau des programmes d’enseignement et des approches
pédagogiques ont été perçues positivement par l’ensemble des acteurs du système éducatif, des
parents d’élèves et de ses partenaires mais des lacunes sont toujours observées. Les rapports
d’évaluation29 de la mise en application de cette charte ont mis l’accent sur les améliorations
apportées mais également sur les problèmes qui persistent dans l’ensemble du système éducatif
marocain. Nous allons exposer ci-contre quelques points qui concernent surtout l’enseignement au
cycle primaire.

3.1.4.2.7 Le budget global de l’éducation nationale


Pour réussir ce projet, un grand budget de l’état a été réservé cependant, il reste insuffisant
pour réaliser tout ce qui a été planifié. La banque mondiale a aussi octroyé un crédit au Maroc afin
de financer ce grand chantier de réforme. Le graphique ci-dessous montre l’évolution du budget
alloué à l’enseignement qui malgré son augmentation reste encore faible par rapport à ce qui doit
être réellement réalisé au niveau des besoins des établissements et des ressources humaines à
déployer. Il faut aussi dire que la réalité socioéconomique du pays, qui dépend toujours de
l’agriculture et de la pluviométrie, affecte beaucoup les fonds attribués à ce secteur vital.

29
Rapport du CSE « réussir l’école pour tous » de 2008, le rapport analytique (2004-2008), consultables en ligne. Des
extraits de ces documents seront utilisés dans les passages suivants

59
Figure 1 : l’évolution du budget de l’enseignement primaire et secondaire en pourcentage du PIB entre
1999 et 2007
Nous constatons que ce budget représente presque 5% du PIB, ce qui est insuffisant pour un
secteur qui souffre encore de nombreux problèmes : manque d’infrastructures, abandon scolaire,
manque de formation continue des enseignants... Donc, l’État doit encore augmenter ce budget afin
de pouvoir réussir tous les projets déjà programmés ou chercher d’autres partenaires pour les
financer.
3.1.4.2.8 La faiblesse de l’apprentissage des langues
Dans le rapport annuel établi par le CSE en 2008 « réussir l’école pour tous » sur
l’application de la CNEF, la crise de l’école est reliée en premier lieu à l’incohérence linguistique
scolaire. En fait, la langue arabe et la langue française ne sont pas bien maîtrisées par les jeunes
élèves marocains (CSE, 2008 : 92). Cette non-maîtrise constitue un obstacle à l’insertion
professionnelle dans la mesure où la majorité des postes, particulièrement dans le secteur privé,
requièrent la maîtrise de l’arabe et d’au moins une langue étrangère. D’autant plus que
l’enseignement de l’amazigh souffre lui aussi de nombreux problèmes : manque d’enseignants et
non généralisation à travers le pays.
L’introduction d’une deuxième langue étrangère (l’anglais) dès la quatrième année du
primaire n’a pas pu être réalisée faute de ressources humaines. Par ailleurs, l’arabisation, qui a été
censée réduire les inégalités sociales en remplaçant l’enseignement des matières scientifique en
français par l’arabe à l’école marocaine, s’est convertie en un processus de sélection sociale. Ce
processus se retournera contre elle car les apprenants vont percevoir qu’elle est inutile dans le cursus
de leurs études supérieures. L’introduction progressive de la langue arabe dans les études
supérieures, préconisée dans l’article 114 de la charte, n’a pas pu être réalisée.
Le niveau des apprenants s’est également dégradé dans la langue arabe officielle. Le même
rapport du CSE mentionne à ce propos qu’ : «une proportion importante des élèves qui font preuve
d'une appropriation hésitante de l'arabe malgré les 3800 heures d'enseignement dispensées dans cette

60
langue au terme de la scolarité obligatoire » (ibid.91). Cela nécessite de prendre des mesures
urgentes afin de compenser ce déficit.

Le CSE évoque également un ensemble de mesures à prendre pour résoudre cette défaillance
linguistique constatée :
« La promotion de la langue arabe, d'abord, devrait faire l'objet d'un effort spécifique,
avec une modernisation de son enseignement et le développement de tests standard
mesurant régulièrement son niveau de maîtrise. Ensuite, un schéma directeur de la
maîtrise des langues étrangères devrait être mis en place et mettre l'accent sur la
rénovation des techniques d'apprentissage, le recentrage sur les compétences de
communication à l'écrit et à l'oral, la formation continue des enseignants et le soutien
scolaire » (ibid.97).

Effectivement, l’enseignement de la langue arabe doit être modernisé et des tests de niveau
de maîtrise doivent être mis en place à l’instar des examens certificatifs du DELF/DALF 30 pour la
langue française et le TOEFL31 pour la langue anglaise. L’enseignement des langues étrangères doit
lui aussi être réformé sur le volet des techniques d’apprentissage afin de doter les élèves marocains
des compétences nécessaires en communication orale et écrite tout en formant les enseignants de
manière continue et en instaurant un soutien scolaire au profit des apprenants qui en ont besoin.
3.1.4.2.9 La pédagogie adoptée : l’approche par compétences
En termes de pédagogie, tous les curricula dans les différents cycles de l’enseignement
scolaire ont été révisés et changés. De nouvelles orientations pédagogiques ont été adoptées, telles
que l’Approche par Compétences (APC) et la pédagogie du projet. De même, les méthodes
d’évaluation et l’organisation des examens ont été elle aussi revisitées. Mais ce changement n’a pas
atteint les attentes aspirées au niveau des résultats des apprenants et de l’acte d’enseignement au
sein de la classe, en raison de plusieurs blocages dus aux infrastructures des classes et à l’effectif
élevé des élèves en classes. Dans son article « Les performances du système éducatif marocain »
Zahra Zerrouqi explique pourquoi l’APC n’a pas donné les résultats attendus :
« En effet, l’APC définit les compétences attendues des élèves à certains moments de
leurs cursus scolaires mais reste discrète sur la manière de les rendre compétents. En
outre, la complexité et l’exigence théorique de l’APC sont très éloignées des conditions
concrètes de sa mise en œuvre. Ainsi, les conditions minimales en matière
d’infrastructure, d’effectifs des élèves par classe et de formation des enseignants ne sont
pas encore généralisées, ce qui limite fortement l’application de l’APC.
Par ailleurs, les orientations pédagogiques sont davantage portées par les organisations
internationales que discutées par les mouvements pédagogiques nationaux. Les
contenus sont parfois même directement inspirés des manuels européens. Une telle
situation rend difficile voire improbable leur appropriation par les acteurs de terrain que

30
DELF : Diplôme Élémentaire en Langue Française. DALF : Diplôme Approfondi en Langue Française
31
TOEFL : Test Of English as a Foreign Language

61
sont les enseignants, renforce la réalité de dépendance dans laquelle baigne le système
éducatif marocain, et pourrait emprisonner des générations dans des théories qui
peuvent être dépassées en silence au sein du mouvement de la société occidentale »
(Zerrouqi, 2015 : 4-5).

Le problème de l’APC est qu’elle n’explicite pas comment faire acquérir les compétences aux
apprenants. Cela nécessite d’abord de commencer par une bonne formation théorique et pratique
chez les enseignants, ensuite l’élaboration de manuels et d’outils didactiques convenables à la réalité
marocaine et finalement un processus d’évaluation qui permet de bien évaluer les compétences
acquises et les lacunes observées. Cet extrait évoque aussi la problématique de dépendance que vit
le système éducatif marocain vis-à-vis du système européen depuis des décennies. Il ne faut plus
calquer les théories qui viennent de l’occident sur notre système éducatif car chaque nation a ses
propres spécificités et ses propres problèmes.

Donc, ce n’est pas la pédagogie adoptée, ici l’APC, qui est défaillante mais c’est surtout la
manière avec laquelle elle est appliquée dans le système éducatif marocain qui doit être revue et
améliorée pour arriver aux résultats souhaités. La question des contenus pédagogiques des
programmes a toujours été soulevée par les enseignants car il faut que les manuels soient adaptés à
la réalité socioéconomique et culturelle du pays avec, bien sûr, une ouverture sur la culture
internationale. Ces manuels ne doivent point être calqués sur des manuels étrangers surtout pour
l’apprentissage de la langue française parce que la réalité du public marocain diffère du public
français.
3.1.4.2.10 L’évaluation
Le système d’évaluation scolaire basé sur les contrôles continus et les examens normalisés n’a
pas beaucoup évolué. Les enseignants procèdent toujours à l’évaluation de manière classique en
donnant des exercices ou des questions notées sur un barème défini à l’avance. Or, en termes d’APC
l’évaluation doit prendre en compte d’autres critères plus spécifiques afin d’avoir une évaluation
basée sur la qualité et non sur la quantité du savoir acquis.
Il faut noter que ce système a engendré au contraire des différences flagrantes entre les écoles
publiques et privées marocaines. Ces dernières sont accusées de gonfler les notes, ce qui crée des
différences de niveau et pénalise les élèves assidus lors des seuils de sélection aux concours d’entrée
aux écoles supérieures après le baccalauréat. Cet écart est visible surtout au niveau secondaire
qualifiant, Zahra Zerrouqi affirme à ce propos qu’ :

« En termes d’évaluation, les révisions ont accordé plus de place au contrôle continu dans
l’évaluation des élèves à tous les niveaux, ce qui engendre des situations de gonflement des
notes dans l’école publique et plus particulièrement dans le secteur privé, marqué par des
62
différences flagrantes entre la moyenne des contrôles continus et la moyenne de l’examen
régional et national au baccalauréat. Cette situation permet d’élever les seuils de présélection
aux concours, pénalisant ainsi les élèves méritants. De plus, l’adoption des systèmes d’examen
régional/national dans le secondaire entraîne une marginalisation par les élèves de certaines
matières non incluses dans les épreuves certificatives » (Ibid.5).

Par conséquent, il faut revoir ce système d’évaluation classique afin d’évaluer les compétences
réelles acquises par les élèves et non le contenu de ce qu’ils ont appris à l’école.

Nous concluons que la CNEF a marqué une volonté politique sans égal de changement et de
réforme au sein du système éducatif marocain mais elle a manqué de plusieurs moyens humains,
logistiques et financiers nécessaires pour son application. Plusieurs projets planifiés n’ont pas trouvé
une base assez solide pour être exécutés sur le terrain scolaire.

3.1.4.2.11 Le programme d’urgence Najah 2009-2012


L’application de la CNEF n’a pas été un succès malgré tous les avantages qu’elle a présenté
au départ et tous les résultats positifs obtenus parce que les vrais problèmes de l’enseignement n’ont
pas été entièrement résolus surtout au niveau linguistique. Les retards enregistrés dans la réalisation
de certains projets planifiés ont eux aussi eu leur impact sur le système éducatif. C’est d’ailleurs ce
qui a été confirmé dans « le rapport analytique (2004-2008) » du conseil supérieur de
l’enseignement :
«L’examen de la stratégie linguistique actuelle révèle de nombreux
dysfonctionnements, notamment à deux niveaux : au niveau des langues
d’enseignement, avec un déphasage particulièrement préjudiciable entre le secondaire
et le supérieur. Au niveau de l’enseignement des langues, avec une inadéquation
évidente par rapport aux compétences linguistiques recherchées » (CSE, 2008 : 64).

Il faut dire que ce problème de déphasage linguistique a été évoqué plusieurs fois et il est
resté sans solution malgré le nombre important d’heures de français enseignées. La première cause
de cette difficulté est l’arrêt de la politique d’arabisation à la fin du cycle secondaire. Ce postulat
pose beaucoup de problèmes déjà évoqués chez les étudiants au sein des universités. Pour y remédier
il faut soit continuer l’arabisation au niveau universitaire, soit revenir à l’enseignement en langue
française. La deuxième est le fait que les élèves ne sont pas assez compétents au niveau de la maîtrise
linguistique tant en arabe qu’en français ou en anglais. Cette situation alarmante nous pousse à poser
la question suivante : Quelle langue d’enseignement faut-il adopter ? Et pourquoi cette réforme n’a
pas abordé cette question de langue d’enseignement au sein des établissements supérieurs ? La
réponse à ces questions s’exécutera dans la réforme qui suivra.

63
Dans son discours d’ouverture de la session parlementaire d’octobre 2007, S M le Roi
Mohamed VI, toujours soucieux de l'avenir des générations présentes et à venir, a invité le
gouvernement à :
« S’atteler sans tarder à la mise en place d'un plan d'urgence pour consolider ce qui a été
réalisé, et procéder aux réajustements qui s'imposent, en veillant à une application
optimale des dispositions de la Charte Nationale d'Éducation et de Formation. Il faut
aussi, à cet égard, apporter des solutions courageuses et efficientes aux difficultés réelles
qui pénalisent ce secteur vital et ce, en concertation et en coordination avec l'institution
constitutionnelle représentative en la matière, à savoir le Conseil Supérieur de
l'Enseignement » (Mohamed VI, 2007 :4)

Afin de sauver la situation critique et continuer l’application des principes de la CNEF au


niveau des établissements scolaires, le gouvernement en coordination avec le CSE vont entreprendre
des mesures urgentes qui seront concrétisées rapidement. Ainsi, le programme d’urgence Najah a
été élaboré par les experts du MEN marocain grâce à l’appui de ses partenaires au développement,
dont le groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD) en 2008 dans la perspective de
donner un nouveau souffle à la réforme de l’éducation et de la formation initiée par la CNEF. Ce
programme est appelé ainsi car il doit réaliser rapidement ce qui n’a pas été achevé durant la
décennie (2000-2010) consacrée à l’éducation et la formation. Présenté devant le roi le 11 septembre
2008, ce nouveau projet s’est étalé sur une période de quatre ans entre 2009 et 2012. Un budget
colossal de presque quarante milliards de dirhams32 lui a été réservé. Il vise à placer l’apprenant au
cœur du système d’éducation et de formation et de mettre les autres piliers à son service, à savoir :
des apprentissages recentrés sur les connaissances de base et permettant de favoriser son
épanouissement, des enseignants travaillant dans des conditions optimales et maîtrisant les
méthodes et les outils pédagogiques nécessaires, des établissements scolaires de qualité offrant à
l’élève un climat de travail favorable à l’apprentissage.
Selon le rapport du CSE, les mesures instaurées par le plan d’urgence ont permis d’obtenir
les résultats suivants : le recul du taux d’abandon scolaire, l’amélioration du taux de scolarisation
des 6-11 ans et des 12-14 ans, la construction de nouveaux établissements scolaires et universitaires
surtout dans le monde rural et les petites villes, le recrutement de nouveaux enseignants et leur
formation continue autour de la pédagogie d’intégration.

32
1euro = 10,55 dirhams

64
3.1.4.2.12 Présentation du projet du programme d’urgence
Le projet du programme d’urgence se divise en quatre espaces, représentés ci-dessous, visant
quatre objectifs majeurs dont l’exécution à travers la CNEF a pris du retard pour des raisons
multiples déjà évoquées :

Espace 1 : Rendre Espace 2:Stimuler


effective l'obligation l'initiative et l'excellence
d'enseignement jusqu'à au lycée et à l'université
15ans

Espace 3: Affronter les


Espace 4: Se donner les
problématiques
moyens de réussir
transversales du système

Figure 2 : Les quatre espaces du programme d’urgence

Ces espaces couvrent les différents cycles de l’enseignement du préscolaire à l’université. Il


va sans dire que le Maroc a traversé un long chemin avant d’arriver à la généralisation de
l’enseignement dans les régions les plus isolées. Cependant, il lutte encore contre la déperdition
scolaire en rendant l’enseignement obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans. Après l’élève est libre de
continuer ses études au lycée ou d’aller faire une formation qualifiante dans un centre de formation
professionnelle. Au secondaire et à l’université, une mise à niveau sera réalisée afin de promouvoir
la qualité et l’excellence. En ce qui concerne le personnel enseignant, il sera question de booster
leurs compétences grâce à l’organisation des formations continues et à la mise en place d’un
encadrement de suivi et d’évaluation. Finalement, le quatrième espace vise l’installation d’une
communication efficace autour de l’école et l’optimisation et la pérennisation des ressources
financières dédiées à l’éducation.

Ces quatre espaces se déclinent en 23 projets autour des différentes problématiques


soulevées dans tous les cycles de l’enseignement marocain, comme le montre le tableau ci-dessous :

Espace 1 : Rendre effective l’obligation de scolarité jusqu’à l’âge de 15 ans


Projet 1 : Développement du préscolaire.
Projet 2 : Extension de l’offre d’enseignement obligatoire.
Projet 3 : Mise à niveau des établissements.

65
Projet 4 : Egalité des chances d’accès à l’enseignement obligatoire.
Projet 5 : Lutte contre le redoublement et le décrochage.
Projet 6 : Développement de l’approche genre dans le système d’éducation et de Formation.
Projet 7 : Equité en faveur des enfants à besoins spécifications.
Projet 8 : Recentrage sur les savoirs et les compétences de base.
Projet 9 : Amélioration de la qualité de la vie scolaire.
Projet 10 : Mise en place de « l’école du respect ».
Espace 2 : Stimuler l’initiative et l’excellence au lycée et à l’université
Projet 11 : Mise à niveau de l’offre du secondaire qualifiant.
Projet 12 : Promotion de l’excellence.
Projet 13 : Amélioration de l’offre d’enseignement supérieur.
Projet 14 : Promotion de la recherche scientifique.
Espace 3 : Affronter les problématiques transversales du système
Projet 15 : Renforcement des compétences du personnel de l’enseignement.
Projet 16 : Renforcement du mécanisme d’encadrement de suivi et d’évaluation du personnel
de l’enseignement.
Projet 17 : Optimisation de la gestion des ressources humaines de l’Education-Formation.
Projet 18 : Parachèvement de la mise en œuvre de la décentralisation/déconcentration et
optimisation de l’organisation du ministère.
Projet 19 : Planification et gestion du système d’Éducation et de Formation.
Projet 20 : Maîtrise des langues.
Projet 21 : Mise en place d’un système d’information et d’orientation efficient.
Espace 4 : Se donner les moyens de réussir
Projet 22 : Optimisation et pérennisation des ressources financières.
Projet 23 : Mobilisation et communication autour de l’école.
Source : MEN, programme d’urgence Najah, 2008
Tableau 4 : Les quatre espaces et les 23 projets du programme d’urgence Najah

En ce qui concerne l’enseignement primaire, les projets élaborés par ce programme


d’urgence ont concerné la lutte contre la déperdition scolaire et le redoublement, la maîtrise des
langues, le recentrage sur les savoirs et les compétences de base, l’amélioration de la vie scolaire,
la formation continue des enseignants et l’instauration de la pédagogie d’intégration dans toutes les
matières. Nous détaillerons dans ce qui suit quelques mesures adoptées dans ce cycle.

66
3.1.4.2.13 L’Association d’Appui à l’Ecole de la Réussite
Dans la cadre de la décentralisation et dans l’objectif d’optimiser la gestion au niveau des
établissements scolaires du cycle primaire et secondaire, le MEN a créé l’Association Marocaine
d’Appui à la Scolarité (AMAS). Dans la circulaire numéro 73 du 20 octobre 2009 Ainsi, il a donné
ses instructions aux directeurs des AREF et aux délégués provinciaux afin de créer des
représentations de l’AMAS à leur niveau et il a demandé aux directeurs des établissements scolaires
de créer et de gérer, dans chaque établissement, une association nommée « Association d’Appui à
l’École de la Réussite » (APER). Cette association a pour mission de concrétiser certaines mesures
du programme d’urgence inscrites dans l’espace 1, projet 4 (égalité des chances d’accès à
l’enseignement obligatoire). Le rapport relatif à l’évaluation du programme d’urgence du haut
conseil du commissariat aux comptes a déterminé les missions de ces associations afin que les
établissements scolaires puissent avoir une certaine autonomie financière :
« La prise en charge par l’AMAS de l’appui matériel direct accordé aux enfants issus
des familles défavorisées pour les encourager à la scolarisation, dans le cadre des
programmes « Tayssir33 » et « un million de cartables34 »
La prise en charge par les APER de menues dépenses, qui peuvent survenir au sein des
établissements scolaires, et qui nécessitent une intervention rapide de la part du chef de
l’établissement. Ce type d’associations bénéficie d’une subvention, accordée par
l’AREF, à hauteur de 49.999 Dirhams par an » (Haut conseil du commissariat aux
comptes, 2018 : 43- 44).

L’implantation de ces associations au sein des écoles a permis de gérer les problèmes qui ont
causé la déperdition scolaire en encourageant la scolarisation des deux sexes dans le monde rural et
dans les zones péri-urbaines grâce aux subventions accordées aux familles à travers les opérations
« Tayssir » et « un million de cartables ». Cependant, il y a des limites à ne pas dépasser par l’APER.
Ainsi, toutes les dépenses doivent être justifiées et figurer dans le cadre de ce qui a été dicté par le
MEN et les AREF. La création de ces associations au sein des établissements a été critiquée par le
même rapport dans le sens où elles sont en non-conformité avec les dispositions du décret de loi n°
1-58-376 du 15 novembre 1958 réglementant le droit d’association, à la fois pour la constitution, le
fonctionnement et la gestion de ces associations (Ibid. 44). En effet, les APER ne sont qu’un
prolongement de l’administration, dans la mesure où les membres de l’association sont déjà désignés

33
Programme de transfert monétiques conditionnels financé par la banque mondiale au profit des familles ayant des
enfants scolarisés en milieu rural (primaire et collège) pour lutter contre la déperdition scolaire. Une somme d’argent
est versée tous les trois mois aux parents afin qu’ils encouragent leurs enfants à être scolarisés
34
Initiative royale lancée à partir de la rentrée 2009/2010 en faveur des élèves du monde rural, des quartiers souffrant
de précarité et des périphéries dans les villes. Elle consiste à distribuer des cartables, les livres et les fournitures
scolaires à ces élèves pour les encourager à étudier.

67
par le MEN, notamment, le président et le trésorier qui sont, respectivement, le chef de
l’établissement et l’un des enseignants pour le primaire ou l’intendant pour le collège et lycée. En
ce qui concerne les assemblées et la dissolution de l’association, ce sont soit le directeur de l’AREF
et/ou le directeur provincial qui peuvent y procéder même s’ils ne sont pas membres. Pour le
positionnement institutionnel d’AMAS, le même rapport affirme que :
« Cette association est domiciliée au sein de la direction chargée de l’appui social
relevant du MEN. Une telle situation a créé une confusion des responsabilités et des
prérogatives entre ses membres pour les motifs suivants :
-Les membres de son bureau sont nommément désignés, alors que le travail associatif
est basé sur le volontariat et l’élection des membres
-Les représentations régionales et provinciales d’AMAS sont dirigées par les directeurs
des AREF et les directeurs provinciaux et les responsables financiers qui leur sont
rattachés » (Ibid. 55).

Nous ajoutons que les membres sont désignés parmi les enseignants de l’établissement à titre
volontaire, ce qui leur assigne des tâches supplémentaires en plus de leur mission d’enseignement
en classe. Cette accumulation de responsabilités peut également constituer un frein au
développement souhaité et ainsi mener à l’échec de cette initiative. Toutefois, cette association
continue sa mission jusqu’à aujourd’hui au sein des établissements scolaires ce qui prouve sa
réussite.

3.1.4.3 La formation continue des enseignants


La CNEF a annoncé dans son texte que tout enseignant doit bénéficier obligatoirement
de 30 heures de formation continue par an répartie sur l’année scolaire (CNEF, 1999 : 62). Selon le
rapport du CSE de 2018 intitulé « La mise en œuvre de la charte nationale d’éducation et de
formation 2000-2013» ce n’est qu’après 2005 que la formation continue a commencé en mettant
l’accent sur « les axes à caractère national notamment l’approche par compétences, les nouveaux
programmes et manuels scolaires, le programme GENIE35, les nouveaux dispositifs d’évaluation et
des examens, l’enseignement de la langue Amazigh… » (CSE, 2018 :34). Or, les enseignants n’ont
pas tous bénéficié de ces formations à cause de plusieurs contraintes : manque de formateurs, temps
scolaire, budget insuffisant, éloignement des sites de formation, procédure de sélection des
enseignants à former...
Pour résoudre ce problème le ministère a adopté une approche dite « effet démultiplicateur
» consistant à : « former, au niveau central, des experts chargés de former des formateurs principaux
qui, à leur tour, assurent la formation des formateurs régionaux et provinciaux qui ont en fin de

35
Programme GENIE : ce programme est une déclinaison opérationnelle de la stratégie nationale de généralisation
des TICE.

68
compte pour mission la formation des enseignants » (Ibid.34). Cette approche est bénéfique dans la
mesure où un grand nombre d’enseignants pourront être formés par des formateurs locaux sans avoir
à se déplacer vers d’autres villes.

Pendant l’année scolaire 2009-2010, tous les enseignants du primaire jusqu’au lycée ont pu
bénéficier de 5 jours de formation à raison de 6 heures par jour sur l’approche par compétences et
la pédagogie de l’intégration36. Cette dernière est le résultat des travaux du pédagogue belge Xavier
Roegiers. Elle sera adoptée comme cadre méthodologique afin d’opérationnaliser l’approche par
compétences. Cependant, sa mise en œuvre a rencontré de sérieuses difficultés qui ont conduit le
département de l’éducation nationale à arrêter sa généralisation en 2012.

L’application de ce principe de formation continue a soulevé d’autres problèmes relatifs à la


qualification des formateurs, aux conditions matérielles et techniques du déroulement de ces
formations et à la sécurisation du temps scolaire des élèves lors de l’absence des enseignants pendant
ces sessions.

3.1.4.4 L’annulation de la pédagogie d’intégration


En 2012, malgré toutes les grosses dépenses effectuées, le MEN a décidé, par la note
circulaire n°12-037 du 17 février 2012, d’annuler définitivement la note n°204 relative à l'évaluation
des acquis selon la pédagogie d'intégration et de reporter l'application de cette approche dans les
collèges jusqu'à l'élaboration d'un bilan complet sur son application au niveau du cycle primaire.
Dans la même optique, l’inspection générale des affaires pédagogiques a lancé, au cours de la même
année, une étude évaluative de l’impact de la suspension de cette pédagogie sur la qualité des
enseignements. Selon ce rapport ni les enseignants ni les apprenants n’ont pu bien appliquer cette
approche. D’autant plus que les enseignants rencontrent des difficultés pour respecter le calendrier
mis en place pour évaluer les compétences des apprenants. Ainsi, la renonciation à cette approche
n’a eu aucun effet négatif sur les apprentissages des élèves. Cela nous pousse à affirmer qu’au sein
du MEN marocain certaines décisions se font de manière hâtive et rapide sans étude préalable. C’est
la raison pour laquelle les réformes entreprises ne réussissent pas d’une manière globale.

Nous constatons que le programme d’urgence, qui a manqué de visibilité et de


complémentarité dans la mise en œuvre des projets préconisés, est rapidement abandonné. Il
poussera le Men et le conseil supérieur de l’éducation et de la formation à réfléchir à la conception

36
Cette pédagogie sera définie dans la partie cadrage théorique et méthodologique

69
d’une nouvelle réforme afin de pouvoir continuer le chantier de la rénovation de l’enseignement
initié par la CNEF.

3.1.5 La vision stratégique de la réforme 2015-2030


Rappelons que cette nouvelle réforme intéresse en premier lieu notre sujet de recherche
puisqu’elle vient d’être adoptée. Son application est en cours d’exécution dans le secteur de
l’éducation et de la formation. En effet, à la suite des résultats des rapports établis par le CSE sur
l’évaluation de la mise en œuvre de la CNEF (2000 – 2013) ainsi que la pression sociale pesante sur
l’école et la nouvelle constitution adoptée en 2011, après le mouvement du printemps arabe, une
nouvelle réforme de l’école est donc sollicitée. Elle fera l’objet de beaucoup d’interrogations sur sa
capacité à se mettre au niveau des défis d’une éducation et d’une formation digne des exigences du
XXIe siècle dans un Maroc en évolution constante. Cela impose une réflexion très profonde en
termes de politique éducative dans le but de repenser l’école marocaine et la refonder dans le cadre
de l’élaboration d’une nouvelle vision qui trace un nouveau chemin pour l’éducation. Depuis
plusieurs années, l’école publique marocaine a évolué vers une crise alarmante pour devenir la cible
de critiques provenant de différentes sources malgré toutes les tentatives entamées pour la corriger.
Certes, il y a eu des progrès positifs notables avec la CNEF mais il y a également eu un décalage
notoire entre le niveau des apprenants et les profils souhaités. L’école publique a également été
concurrencée par le secteur privé où même les gens qui ont des revenus moyens y inscrivent leurs
enfants afin de leur garantir un meilleur apprentissage au niveau linguistique surtout. Toutes les
couches de la société demandent à l’école d’être le moteur et le miroir de son développement
humain. À ce propos de développement la sociologue marocaine Rahma Bourqia ajoute dans son
article « Repenser et refonder l’école au Maroc : la Vision stratégique 2015-2030 » que :

«L’État tend à voir dans l’éducation une réussite de sa politique. Les familles
transposent sur l’école leurs aspirations pour qu’elle soit le vecteur qui réalise la
mobilité sociale de leurs enfants, l’entreprise voudrait que l’école forme une main
d’œuvre qualifiée et opérationnelle sur le marché de l’emploi, et les jeunes élèves et
étudiants aspirent à ce que l’école leur offre le sésame du passage à l’âge adulte. C’est
ainsi que l’école est sous la pression d’une multitude d’attentes variées et différenciées,
dont les logiques ne convergent pas toujours » (Bourqia, 2016 :2).

Cela signifie que les aspirations de tous sont reliées au produit humain que l’école livrera à
la société qui est ce jeune citoyen marocain capable de réussir sa vie personnelle et professionnelle,
servir la politique de son pays et gagner son avenir. Chacun désire la réussite de l’école mais est ce
que cette dernière est capable toute seule de réussir et de relever ce défi ? Est-ce qu’elle n’a pas
besoin de l’aide des familles, de la société et des entreprises afin de dépasser ses multiples échecs

70
et former ce citoyen modèle auquel nous aspirons ? Nous vérifierons cela lors de l’analyse des
principes directeurs de cette vision stratégique.

3.1.5.1 Présentation du projet de la vision stratégique de la


réforme (2015-2030)
Rappelons que cette réforme sera présentée ici dans sa globalité. Nous reviendrons de
manière plus détaillée et analytique dans la troisième partie de ce travail pour le cycle primaire qui
nous intéresse au premier plan dans cette thèse. Cette vision stratégique de la réforme de
l’enseignement au Maroc (2015-2030) s’étalera sur une durée d’exécution de quinze ans. Elle vise
une école d’équité, de qualité et de promotion individuelle et sociale. La nouvelle école se fonde
ainsi sur trois fondements essentiels : la qualité d’enseignement pour tous les élèves, la promotion
de l’individu et de la société et l’équité et l’égalité des chances pour tous. Ces trois principes vont
garantir un développement optimal des citoyens dans la société marocaine qui désire que l’école
change pour le meilleur. Elle marque également une évolution par rapport au discours annoncé par
la réforme de la CNEF en 1999 sur plusieurs niveaux et elle va tenter d’éviter de tomber dans les
mêmes erreurs des réformes passées.
La vision a défini cinq fonctions pour l’école afin de renforcer son rôle : la formation et
l’encadrement, la qualification et la facilitation de l’intégration économique sociale et culturelle, la
recherche et l’innovation, l’enseignement, l’apprentissage et le développement culturel et la
socialisation et l’éducation aux valeurs dans leur double dimension nationale et universelle. Les
quatre chapitres de ce projet de réforme se déclinent en 23 leviers pour réhabiliter l’école marocaine
et appliquer ses fondements de base. Nous les avons regroupés à partir du texte de référence de la
vision stratégique 2015-2030 dans le tableau suivant (2014 : 4) :

71
Chapitre I : pour une école de l’équité et de l’égalité des chances
Levier 1 : Mettre en œuvre le principe de l’égalité d’accès à l’éducation et à la formation
Levier 2 : Obligation et généralisation de l’enseignement préscolaire
Levier 3 : Discrimination positive en faveur des milieux ruraux, périurbains et des zones
déficitaires
Levier 4 : Garantie du droit d’accès à l’éducation, à l’enseignement et à la formation pour les
personnes en situation d’handicap ou à besoins spécifiques
Levier 5 : Garantie aux apprenants d’un apprentissage continu et durable et de la construction
du projet personnel et d’insertion
Levier 6 : Doter les institutions d’éducation et de formation de l’encadrement, des équipements
et du soutien nécessaire
Levier 7 : Mettre en place une École performante et attractive
Levier 8 : l’enseignement privé, un partenaire de l’enseignement public dans la généralisation
et la réalisation de l’équité
Chapitre II : pour une école de qualité pour tous
Levier 9 : Rénovation des métiers de l’enseignement, de la formation et de la gestion : premier
préalable pour l’amélioration de la qualité
Levier 10 : Structuration plus cohérente et plus flexible des composantes et des cycles de l’École
marocaine
Levier 11 : Institutionnalisation des passerelles entre les divers cycles d’éducation et de
formation
Levier 12 : Développement d’un modèle pédagogique ouvert, diversifié, performant et novateur
Levier 13 : Maîtrise des langues enseignées et diversification des langues d’enseignement
Levier 14 : Promotion de la recherche scientifique et technique et de l’innovation
Levier 15 : Pour une gouvernance performante du système d’éducation et de formation
Chapitre III : pour une école de la promotion de l’individu et de la société
Levier 16 : Adéquation des apprentissages et des formations aux besoins du pays, aux métiers
d’avenir et à la capacité d’insertion
Levier 17 : Consolidation de l’intégration socio-culturelle
Levier 18 : Edification d’une société citoyenne, démocratique et égalitaire
Levier 19 : Apprendre tout au long de la vie
Levier 20 : Implication active dans l’économie et la société du savoir
Levier 21 : Consolidation de la place du Maroc parmi les pays émergents.

Chapitre IV : pour un leadership efficace et une nouvelle conduite du changement


Levier 22 : Une mobilisation sociétale pérenne
Levier 23 : Un leadership énergique et des capacités managériales efficientes pour les différents
paliers de l’École.
Tableau 5 : Les quatre chapitres de la vision stratégique de la réforme 2015-2030

Le premier chapitre vise surtout à instaurer une école d’équité et d’égalité des chances pour
tous les élèves. Il se compose de huit leviers schématisés dans la figure ci-dessous extraite du texte
de la vision stratégique de la réforme (2014 : 28) :

72
Figure 3 : Les huit leviers pour l’équité

L’exécution de ces huit leviers permettra d’instaurer le principe d’équité au sein des écoles.
Nous avons évoqué précédemment que le Maroc a parcouru un long chemin depuis son
indépendance pour généraliser l’enseignement obligatoire, faciliter l’accès à l’école et lutter contre
l’analphabétisme et la déperdition scolaire en fournissant les infrastructures de base et les ressources
humaines adéquates. Le pays continue sa politique éducative. Il vise également la généralisation
d’un enseignement inclusif et solidaire pour tous les enfants marocains, sans aucune discrimination.
Il consolide tous les efforts afin de garantir une place à tout enfant en âge de scolarisation,
notamment dans l’enseignement obligatoire et pour la tranche d’âge 4 -15 ans. Le préscolaire depuis
l’adoption de la CNEF est aussi au cœur des intérêts pour être obligatoire et généralisé surtout dans
le monde rural. Désormais, le ministère s’appelle Ministère de l’Éducation Nationale, de
l’Enseignement Préscolaire et du Sport depuis le changement du gouvernement en octobre 2021.
Ce changement prouve l’intérêt que porte le ministère pour le développement de ce cycle qui
constitue la première pierre dans le parcours scolaire de l’individu. Les personnes en situation
d’handicap ou à besoins spécifiques ont leur place à l’école afin d’étudier et garantir leur avenir. La
mise en place d’une école performante et attractive aidera à moderniser cette dernière au niveau des
infrastructures afin d’accueillir les apprenants dans de bonnes conditions facilitant leur intégration
et leur garantissant un apprentissage continu et durable ainsi que la construction de leur projet

73
personnel et l’insertion dans la vie active. Les institutions d’éducation et de formation de
l’encadrement seront dotées ainsi des équipements et du soutien nécessaire pour réussir leurs tâches.
Le levier 8 aborde l’enseignement privé qui est aujourd’hui considéré comme un partenaire
important de l’enseignement public dans la généralisation et la réalisation de l’équité car sa capacité
d’accueil s’est élargie et il contribue à l’emploi des jeunes diplômés. Cet enseignement s’amplifie
surtout dans les villes et les parents y inscrivent leurs enfants pour fuir l’échec de l’école publique
car il offre un enseignement bilingue dès la maternelle. Ce qui montre qu’il y a une prise de
conscience collective de la part des parents et des acteurs éducatifs de l’importance des atouts du
bilinguisme scolaire.

3.1.5.2 Le statut des langues dans l’école marocaine avec la vision


stratégique
Le plurilinguisme est un fait sociétal qui caractérise depuis longtemps la société marocaine
et qui est davantage reconnu officiellement. L’adoption de la vision stratégique a permis de donner
un autre regard vis-à-vis du statut des langues enseignées au sein de l’école marocaine. Le schéma
ci-dessous, extrait de la vision stratégique de la réforme, illustre la place accordée à chaque langue
enseignée à l’école marocaine en fonction du cycle de l’introduction de son apprentissage (2014 :
5)

74
Figure 4 : Le statut des langues dans le système éducatif marocain avec la vision stratégique

Pour les langues officielles, elles sont placées en premier avec un primat de la langue arabe
car toutes les conditions sont là depuis longtemps pour faciliter son enseignement / apprentissage.
Le texte cite ce qui sera exécuté afin de renforcer la maîtrise de cette langue au niveau des
programmes, supports et méthode d’apprentissage et d’évaluation : « Fournir un effort significatif
pour améliorer la pratique de la langue arabe en modernisant les programmes, les méthodes
d’apprentissage et d’évaluation et les contenus de son enseignement et en développant les supports
scientifiques, culturels, pédagogiques et numériques » (Ibid. 17). Nous remarquons que ce projet
vise également la diversification des choix linguistiques au niveau de l’enseignement supérieur,
mais cela n’est pas encore clair. Nous ne savons pas s’il s’agira de l’arabisation à l’université ou
juste d’une tentative d’introduire cette langue dans le domaine de la recherche scientifique. À noter
qu’au moment de l’élaboration de cette vision stratégique la question du choix de la langue
d’enseignement des matières scientifiques entre l’arabe et le français n’a pas encore été abordé. Elle

75
ne le sera qu’en 2019 avec la présentation de la loi cadre 51-17 relative à l’éducation, de la formation
et de la recherche scientifique que nous évoquerons ultérieurement. Pour la langue amazigh, adoptée
comme langue officielle du pays dans la constitution renouvelée en 2011, le défi est de la généraliser
au primaire en lui octroyant tous les moyens possibles et en formant les enseignants qui vont
l’enseigner aux élèves dans la perspective de l’enseigner également au collège et au lycée plus tard.
Pour les langues étrangères, le français est une langue obligatoire dans l’enseignement scolaire. Son
apprentissage commencera dès la maternelle et aussi dès la première année du primaire : « La langue
française : langue obligatoire à tous les niveaux de ce cycle, en tant que langue enseignée » (Vision
stratégique, 2015 : 48). De ce fait, cette réforme accorde à l’enseignement bilingue (l’arabe et le
français) une place importante à partir du cycle préscolaire. Il s’agira en fait d’une « Mise en valeur
et utilisation des premiers acquis linguistiques et culturels de l’enfant et familiarisation avec la
langue arabe et la langue française » en visant une « Focalisation sur la communication orale compte
tenu de la nature de ce cycle d’enseignement » (Ibid.47). La langue française sera également utilisée
comme langue d’enseignement des matières scientifiques dès le collège ce qui remet en question le
choix de l’arabisation comme politique éducative. De nouveaux cursus scolaires ont été proposés
dès la rentrée 2014/2015, comme les sections internationales du baccalauréat scientifique marocain,
option français. L’objectif est de faciliter l’accès aux universités francophones étrangères après le
bac mais aussi de faciliter l’intégration au sein des universités marocaines où la langue
d’enseignement est le français. Partant du principe d’importance des langues étrangères pour une
ouverture culturelle sur l’autre et sur le monde, l’anglais sera introduit dès la première année du
collège puis dès la quatrième année du primaire à l’horizon 2025 et une troisième langue étrangère
optionnelle sera introduite dès le secondaire qualifiant. Cette diversité linguistique affichée au
niveau officiel des politiques éducatives attribuera au système éducatif marocain le modèle bi-
plurilingue et permettra ainsi aux apprenants marocains à l’obtention du baccalauréat d’avoir une
compétence plurilingue qui leur facilitera le traçage de leur avenir là où ils le voudront.

La vision stratégique a aussi évoqué l’alternance linguistique37 afin d’assurer la maîtrise des
langues étrangères. Elle se définit en tant qu’ : « outil pédagogique que l’on choisit, dans un
enseignement bilingue ou plurilingue, pour perfectionner l’acquisition d’une ou de plusieurs langues
en les utilisant partiellement dans l’enseignement de certaines matières » (Ibid.94). Ce principe sera
employé dès le primaire.

37
Cette notion sera définie dans la partie cadrage théorique et méthodologique

76
3.1.5.2.1 Les approches pédagogiques retenues
La vision stratégique de la réforme annonce aussi les approches pédagogiques adoptées pour
renouveler les pratiques de classe. Elle affirme que ces approches constituent : « le cadre de
référence qui organise les pratiques d’enseignement et les activités d’apprentissage et d’évaluation,
selon des finalités et des objectifs définis. Elle exprime les choix pédagogiques institutionnels qui
se déclinent en programmes d’enseignement et de formation » (vision stratégique, 2015 :94).

Ainsi, une multitude de pédagogies sont proposées : la pédagogie par objectifs, la pédagogie
par compétences, la pédagogie de la communication, la pédagogie fondée sur une approche
institutionnelle ou celles qui répondent à certaines situations particulières d’enseignement ou
d’apprentissage, telles que la pédagogie différenciée, la pédagogie du projet, la pédagogie de
l’erreur, la pédagogie de la résolution des problèmes, etc. (Ibid. 94). C’est l’enseignant qui doit
choisir celles qui lui conviennent en fonction de la matière enseignée. Pour l’enseignement de la
langue française et en plus de l’approche par compétences, l’approche actionnelle38 sera également
mobilisée.

Toutes ces approches pédagogiques sont plus ou moins récentes dans le domaine de la
didactique. Cependant, il faut bien choisir celles qui sont adéquates au contexte marocain et à la
réalité des classes marocaines. Dans le cadre de cette recherche, nous reviendrons dans la partie
cadrage théorique sur les définitions de l’approche actionnelle, l’approche par compétences et la
pédagogie de l’intégration où nous les discuterons également sur le plan didactique et pratique. Nous
examinerons également comment elles ont été évoquées dans le texte des réformes entreprises.

3.1.5.3 La loi cadre N°51-17 relative au système d’éducation, de


formation et de recherche scientifique
Cette loi cadre relative au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique a
été longuement attendue afin de délimiter les objectifs et les perspectives de ce secteur vital. Elle se
compose de dix chapitres et de cinquante-neuf articles. Elle reprend plusieurs points déjà évoqués
dans le texte de la vision stratégique 2015 -2030. Cependant, l’adoption de cette loi cadre de
l’enseignement a fait couler beaucoup d’encre et a nécessité plusieurs reports de sessions au
parlement avant d’être votée le 9 août 2019. En effet, elle a annoncé dans son article 31 un retour
au français langue d’enseignement des matières scientifiques et techniques dès le collège avec
l’adoption du principe de l’alternance linguistique dès la cinquième année du primaire pour rompre

38
Cette approche sera définie dans la partie cadrage théorique et méthodologique

77
avec l’échec de la politique d’arabisation. Ce désir de retour à la francisation de l’enseignement des
matières scientifiques s’est manifesté à travers le discours royal à l’occasion de la fête du trône du
30 juillet 2015 dans lequel le roi a appelé à revoir la question de la langue d’enseignement :

« L’ouverture sur les langues et les autres cultures, ne portera aucunement atteinte à
l'identité nationale. Bien au contraire, elle contribuera à l'enrichir, d'autant plus que
l'identité marocaine est, grâce à Dieu, séculaire et bien enracinée, et qu'elle se distingue
par la diversité de ses composantes qui s'étendent de l'Europe jusqu'aux profondeurs de
l'Afrique.[...] La Constitution, qui a été votée par les Marocains, appelle à
l'apprentissage et la maîtrise des langues étrangères en ce qu'elles sont des moyens de
communication, d'insertion dans la société de la connaissance et d'ouverture sur l'esprit
du temps. Par ailleurs, les étrangers reconnaissent la capacité des Marocains à maîtriser
avec brio différentes langues. Aussi, la réforme de l'enseignement doit se départir de
tout égoïsme et de tous calculs politiques qui hypothèquent l'avenir des générations
montantes, sous prétexte de protéger l'identité » (Mohamed VI, 2015 :3).

Ce discours montre l’importance donnée à l’apprentissage des langues étrangères afin de


garantir une ouverture sur les autres cultures ainsi que la réussite scolaire des apprenants. Cette
ouverture n’atteindra pas l’identité arabo-musulmane des citoyens mais elle garantira son
enrichissement. Le roi a surtout demandé à épargner la réforme de l’enseignement des calculs
politiques étroits sous des prétextes dépassés et de voir l’avenir de la jeunesse qui va conduire le
pays vers la réussite. Et c’est logique car il ne faut plus voir en la langue étrangère la langue du
colon mais une langue qui ouvrira les horizons de la réussite, de la tolérance et de l’avenir
professionnel des citoyens marocains de demain. Les partisans de l’arabisation et du maintien de la
langue arabe n’ont pas accepté facilement ce retour à la langue française mais la volonté royale doit
être respectée car elle est dans l’intérêt de tous.

L’ancien ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche


scientifique et de la formation des cadres Saïd Amzazi a exprimé son optimisme quant à l’adoption
de cette loi cadre : « la loi-cadre permettra à notre pays de se doter d’un texte de référence
contraignant pour tous, garantira la durabilité de la réforme du système éducation-formation ainsi
que les conditions d’un nouvel essor de l’école marocaine ». 39
Cela permettra de mieux cadrer et
régulariser le secteur éducatif marocain en appliquant les principes directeurs de la vision
stratégique de la réforme afin de remettre la confiance de la société envers l’école publique
marocaine.

39
https://telquel.ma/2019/07/23/enseignement-la-loi-cadre-adoptee-a-la-chambre-des-
representants_1646177/?utm_source=tq&utm_medium=normal_post

78
3.1.5.4 Les apports de la loi cadre 51-17 dans l’enseignement des
langues au primaire
La loi cadre est encore en cours de réalisation progressivement sur le terrain éducatif
marocain. Elle est considérée comme une feuille de route permettant de mieux gérer le secteur de
l’éducation et de la formation dans son ensemble afin de réussir l’application de cette vision
stratégique 2015 – 2030. Nous avons déjà cité auparavant que le volet linguistique a souffert
d’énormes problèmes dus à des décisions qui n’ont pas été bien étudiées. Ce qui s’est répercuté
négativement sur le processus des réformes entamées au pays.

Cette loi mentionne dans l’article 2 le principe de l’alternance linguistique prévue


concrètement dès l’enseignement primaire pour enseigner les matières scientifiques et renforcer la
compétence plurilingue chez les élèves. Ce principe choisi est défini comme suit par cette loi :
« L’alternance linguistique : une approche pédagogique et un choix éducatif progressif,
investi dans l’enseignement plurilingue, en vue de la diversification des langues
d’enseignement, en sus des deux langues officielles de l’État, à travers l’enseignement
de certaines matières notamment les matières scientifiques et techniques, ou certains
contenus ou modules, en une ou plusieurs langues étrangères » (Loi cadre, 2020 : 4).

Ce principe aidera les élèves à se préparer au collège où les matières scientifiques sont
dispensées en langue française. Cette notion est également expliquée dans le texte de la vision
stratégique de la réforme. Il faut dire que dans la loi cadre, la langue ou les langues d’enseignement
ne sont pas explicitées. Cependant, la vision stratégique détaille et explicite que la langue française
est la langue d’enseignement des matières scientifiques et techniques.

Ce qui est nouveau dans cette loi, c’est qu’elle mentionne dans l’article 3 à propos des
langues qu’il faut :
« Adopter une ingénierie linguistique cohérente dans les divers niveaux et composantes
du système d’éducation, de formation et de recherche scientifique et ce, en vue de
développer les compétences communicatives de l’apprenant et son ouverture aux autres
cultures et garantir la réussite scolaire escomptée » (Ibid. 5)
Donc, l’objectif principal de la mise en place d’une ingénierie linguistique est de garantir la
réussite scolaire des élèves en développant leurs compétences communicatives et leur ouverture sur
les autres cultures. La mise en œuvre de cette ingénierie linguistique est mentionnée dans l’article
32 à travers « la révision des curricula et des programmes d’enseignement des langues étrangères
selon les nouvelles approches et méthodes pédagogiques » (Ibid.12). Ce qui est tout à fait normal
car c’est à travers des manuels adéquats rédigés par des experts selon de bonnes méthodes
pédagogiques que cette mesure va réussir.

79
La loi cadre insiste aussi sur le plurilinguisme précoce dès le cycle primaire afin de développer
les aptitudes linguistiques chez les apprenants. Ils vont ainsi maîtriser les langues officielles en plus
de deux langues étrangères. L’objectif final de ces mesures est : « La préparation des apprenants à
la maîtrise des langues étrangères à un âge précoce et le développement de leur aptitude à une
acquisition fonctionnelle de ces langues et ce, dans un délai maximum de six ans à compter de la
date d’entrée en vigueur de la présente loi-cadre » (Loi cadre, 2020 :11). Dans cette citation, le délai
accordé de six ans correspond probablement à la durée du cycle primaire. Si les élèves maîtrisent
ces langues à la fin de ce cycle, cela constituera un exploit notoire vers un plurilinguisme précoce.

3.2 L’organisation des cycles de l’enseignement au Maroc


Selon l’architecture établie par la CNEF, l’enseignement fondamental public au Maroc se
divise en trois cycles : le primaire, le secondaire et l’universitaire. D’abord, le primaire qui s’étale
sur une durée de 8 ans est constitué du cycle de base divisé en préscolaire (2 ans) et premier cycle
du primaire (2ans) puis le deuxième cycle du primaire (4 ans). Pour l’enseignement préscolaire des
classes sont intégrées dans certaines écoles primaires surtout en milieu rural. Sa généralisation
continue et elle fait partie des priorités du MEN marocain pour la période 2015- 2030. Ensuite, le
secondaire regroupe l’enseignement secondaire collégial (le collège) et l’enseignement secondaire
qualifiant (le lycée) qui durent trois années chacun. Finalement, le cycle universitaire, correspondant
au système LMD (Licence, Master, Doctorat), se caractérise par des enseignements organisés en
filières comprenant des modules semestriels. Pour la durée, la licence est obtenue après trois ans
d’études, le master (deux ans) et le doctorat peut aller entre trois et cinq ans d’études selon le sujet
de recherche entamé. Selon la CNEF qui a initié la réforme universitaire (LMD), l’enseignement
supérieur « comprend les universités, les institutions et les facultés spécialisées qui en dépendent,
les écoles d’ingénieurs précédées de classes préparatoires, les écoles et instituts supérieurs, les
institutions de formation de cadres pédagogiques et de formation de techniciens spécialisés ou
équivalents » (CNEF, 1999 : 77).

Le tableau ci-dessous regroupe l’ensemble des cycles de l’enseignement fondamental au


Maroc du préscolaire jusqu’au doctorat :

80
primaire Préscolaire 1ère année (moyenne section)
2ème année (grande section)
primaire Premier 1ère année
cycle du 2ème année
primaire
Deuxième 3ème année
cycle du 4ème année
primaire 5ème année
6ème année Certificat d’études primaire
Secondaire Cycle collégial 1ère année
2ème année
3ème année Brevet d’enseignement collégial
Cycle qualifiant (lycée) Enseignement Bac ens Bac ens
originel général Technique et
professionnel
Tronc Tronc commun
commun
1ère année 1ère année 1ère année
ème ème
2 année 2 année 2ème année

Baccalauréat de l’enseignement secondaire


qualifiant
universitaire Licence : 1ère année Semestre 1
Fondamentale ou Semestre 2
ème
professionnelle 2 année Semestre 3
Semestre 4
ème
3 année Semestre 5
Semestre 6
ère
Master : fondamental ou 1 année Semestre 1
spécialisé Semestre 2
ème
2 année Semestre 3
Semestre 4
Doctorat Etudes doctorales (3 à 5ans)
Tableau 6 : L’organisation des différents cycles de l’enseignement fondamental au Maroc

3.3 Les types d’enseignement présents au Maroc

Au Maroc, il existe différents types de structures d’enseignement. Nous avons d’abord


l’enseignement public gratuit, l’enseignement privé payant et les établissements étrangers. Cette
diversité d’établissements crée des disparités entres les apprenants mais elle contribue aussi à la
richesse de ce système éducatif marocain.

81
3.3.1 L’enseignement public
L’école marocaine publique est gratuite du préscolaire jusqu’à l’université. Elle se compose
d’écoles primaires, collèges, lycées, classes préparatoires aux grandes écoles, universités, écoles
supérieures et instituts supérieurs de technologie appliquée ou de formation professionnelle. Elle est
également accessible sans exception à tous les marocains et même pour les réfugiés subsahariens et
syriens40. De grands efforts ont été déployés afin de construire les bonnes infrastructures et former
le personnel enseignant qualifié pour atteindre l’objectif de la généralisation de l’enseignement et
pour faciliter l’accès au savoir enseigné, mais il faut encore moderniser les infrastructures et
réhabiliter les établissements. Ce système éducatif public tente aujourd’hui de sortir de cette crise
de baisse constante du niveau des élèves dans tous les cycles, de la surcharge des classes, du
décrochage scolaire et de tous les autres problèmes de ce secteur cités auparavant pour réussir la
réforme entamée. Il faut également souligner que la réhabilitation des établissements scolaires
servira pour garantir un cadre agréable afin de motiver et attirer les apprenants à être meilleurs.
L’orientation dans le lycée doit également prendre en compte les capacités et les compétences des
apprenants ainsi que les besoins de la société marocaine en matière de cadres, de techniciens et des
autres professions dont le pays a réellement besoin pour combattre le chômage élevé chez les jeunes
diplômés.

3.3.2 L’enseignement privé


Depuis l’adoption de la CNEF, le secteur de l’enseignement privé a connu une floraison
incontournable. En effet, cette charte a encouragé l’investissement dans ce secteur prometteur. Ce
dernier est devenu de plus en plus cadré qu’avant et il a été considéré comme un partenaire principal
dans la promotion du système d'éducation-formation pour améliorer sa qualité et élargir son étendue.
Il doit aussi s'engager à considérer l'éducation-formation comme un service public. Par conséquent,
il est sollicité de sa part dans le levier 18 de la CNEF de :

« Respecter au minimum, les normes d'équipement, d'encadrement, de programmes et


de méthodes en vigueur dans l'enseignement public, ou, de présenter un projet
pédagogique muni d'un curriculum conforme aux orientations du système d'éducation-
formation, sous conditions de préparer aux mêmes diplômes marocains et d'être soumis
à l'approbation des autorités nationales compétentes » (CNEF, 1999 :46).

Ainsi, les autorités du MEN contrôlent de près ce secteur afin d’éviter tout dépassement et
d’avoir une meilleure qualité d’enseignement. Elles ont également le pouvoir de sanctionner « toute

40
À partir du 9 octobre 2013, la note ministérielle n°13-487 autorise aux réfugiés le droit d’inscrire leurs enfants dans
les écoles publiques avec les écoliers marocains dans le niveau qui correspond à leur âge et après avoir passé un test
de niveau.

82
défaillance ou atteinte aux règles d'ordre pédagogique, environnemental ou éthique, de la part de
toute institution privée d'éducation-formation, conformément à une législation, une réglementation
et des procédures claires et efficaces » (Ibid.47).

Pour encourager les investisseurs à investir dans ce secteur au niveau de l'enseignement


secondaire et universitaire, l'État prendra les mesures suivantes, conformément à l'esprit de l'article
164 de la CNEF ci-dessus :
« a. Mise en place d'un système fiscal approprié et incitatif, pour une durée de vingt ans,
en faveur des établissements privés méritants, sous condition du renouvellement annuel
du régime préférentiel, à la lumière de l'évaluation périodique des résultats
pédagogiques et de la gestion administrative et financière des établissements
bénéficiaires
b. Encouragement à la création d'institutions d'enseignement d'utilité publique qui
investissent la totalité de leurs surplus dans le développement de l'enseignement et
l'amélioration de sa qualité, et ce en exonérant ces institutions de toute charge fiscale.
Cet encouragement sera accordé sous condition que les établissements bénéficiaires se
soumettent à un contrôle pédagogique et financier rigoureux et que l'exonération soit
renouvelée chaque année, à la lumière de l'évaluation de l'établissement
c. Octroi de subventions aux établissements privés qualifiés, au niveau de l'éducation
préscolaire, en fonction des effectifs des enfants scolarisés et sur la base du respect de
normes et de charges précises
d. Formation des cadres pédagogiques et de gestion, selon des conditions fixées par
entente de partenariat avec l'État et un cahier de charges précis
e. Accueil des cadres exerçant dans le secteur privé aux cycles et aux sessions de
formation initiale et continue programmés au bénéfice des cadres du secteur public, à
des conditions également fixées dans le cadre d'ententes entre les autorités centrales ou
régionales responsables de ces programmes et les institutions privées bénéficiaires »
(Ibid. 47).

Ces mesures fiscales et ces subventions ont permis à ce secteur de s’élargir encore plus dans
toutes les villes du royaume. Il faut aussi dire que ce secteur a été très utile à l’état puisqu’il a permis
d’améliorer la qualité de l’enseignement, d’éviter la surcharge des classes et d’absorber une grande
masse de diplômés qui veulent être embauchés en tant qu’enseignants dans le secteur public.
Aujourd’hui, il représente 35,71% des établissements au titre de l’année 2019-202041 dans le pays
selon les statistiques de 2021 du conseil de concurrence.

Force est de constater que les parents, qui ont les moyens financiers, sont soucieux de
l’avenir de leurs enfants. Ils préfèrent les inscrire dans des écoles privées au lieu des établissements
publics. L’une des premières raisons est que l’enseignement de la langue française se fait dans ces

41
Statistiques du conseil de la concurrence 2021. Source : https://conseil-concurrence.ma/cc/wp-
content/uploads/2022/09/Rapport-Annuel-CC-2021-Fr.pdf

83
établissements dès la maternelle dans le préscolaire et dès la première année du primaire42. L’effectif
en classe n’est pas très dense, les activités de soutien sont organisées pour les élèves qui en ont
besoin et la communication ainsi que le suivi entre les parents et l’administration sont réguliers. Ces
élèves continuent leur scolarisation dans ces établissements privés jusqu’au baccalauréat et même
dans l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, un large choix d’écoles primaires, de collèges, de
lycées et d’universités supérieures privées existe au pays. Ces dernières offrent des formations de
qualité dans toutes les filières connues, même en médecine.

La vision stratégique a également considéré l’enseignement privé comme l’une des


composantes de l’école marocaine, en complémentarité avec l’enseignement public et une partie
prenante dans les efforts pour la généralisation équitable de l’enseignement, le rehaussement de sa
qualité et la diversification de son offre pédagogique. Il importe dans ce sens de :
« - Réviser les textes qui organisent ce secteur dans le sens de réduire la dispersion,
d’unifier les critères de qualification, de dégager clairement les conditions de formation
initiale et continue et de mieux encourager à l’effort, à la recherche et à l’innovation
- Consolider les fonctions de l’État au niveau de l’organisation, du contrôle, de la
régulation et de l’évaluation pour mieux garantir la qualité, accréditer les formations,
accorder l’équivalence des diplômes et motiver et inciter, en association avec les
collectivités territoriales, le secteur privé à s’investir davantage dans la généralisation
de l’enseignement obligatoire notamment dans les milieux rural et périurbain ;
- Encourager le secteur privé à contribuer d’une part, à la réalisation des objectifs de
l’éducation non formelle et aux programmes de lutte contre l’analphabétisme, et d’autre
part, à l’effort de solidarité sociale pour la formation des enfants de familles pauvres,
des enfants en situation de handicap et ceux en situations spéciales » (Vision stratégique,
2014 : 10)

Malgré tous ces avantages, le secteur de l’enseignement privé souffre également de


nombreux problèmes de gestion, des mauvaises conditions salariales des enseignants, surtout en
maternelle et en primaire, et aussi d’une augmentation des prix. Même si la charte a précisé dans
son article 166 que :
« Les établissements privés, bénéficiaires des encouragements et avantages stipulés dans
l'article 165 b et c ci-dessus, s'engagent à appliquer des frais d'inscription, de scolarité
et d'assurance fixés en accord avec les autorités d'éducation-formation, de manière à
rendre ces établissements accessibles au plus grand nombre possible d'élèves et
d'étudiants » (CNEF, 1999 :47).

Malheureusement quelquefois les prix appliqués sont trop élevés en comparaison avec la
qualité d’enseignement présumée et aux services offerts par l’école. Cela est valable pour tous les

42
Contrairement aux écoles publiques où le français était enseigné dès la 3ème année du primaire avant la réforme
de la CNEF où il est devenu enseigné dès la 2ème année du primaire.

84
cycles de la maternelle au supérieur. Ce qui nécessite un contrôle de la part du ministère de
l’éducation nationale pour réglementer ce secteur.

3.3.3 Les établissements étrangers


Présents au Maroc depuis plusieurs années, ces écoles attirent autant de marocains que
d’étrangers. Elles sont situées généralement dans les grandes villes (Casablanca, Marrakech,
Tanger) et la capitale Rabat. C’est surtout pour leur enseignement linguistique qu’ils attirent les
parents malgré leurs prix extrêmement élevés pour un marocain de la classe moyenne. Nous y
trouvons l’école française, américaine, anglaise, espagnole, italienne et belge. Les conditions
d’accès pour les marocains sont très sélectives car leur système n’est pas toujours facile. Seules les
familles aisées ou les couples mixtes qui ont les moyens inscrivent leurs enfants dans ces
établissements. Généralement les élèves qui obtiennent leur baccalauréat dans ces établissements
étrangers continuent leurs études supérieures hors du royaume.

Le plus grand réseau d’établissements étrangers au Maroc est celui géré par l’Agence pour
l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE). Situé dans les villes phares du royaume, il est encore
nommé « écoles de la mission française » par une large tranche de la population marocaine. Ce
réseau œuvre pour la diffusion de la langue et de la culture française et francophone. Il dispense un
enseignement du préscolaire jusqu’au baccalauréat.

Conclusion du troisième chapitre


Dans ce chapitre, nous avons passé en revue toutes les réformes du système éducatif
marocain depuis son indépendance jusqu’à aujourd’hui ainsi qu’une présentation du système
scolaire marocain et les différentes structures qu’il englobe. Ces réformes ont toutes été menées
sous les directives et la volonté des souverains marocains gouvernant le pays, ce qui montre l’intérêt
qu’ils ont toujours eu pour pousser l’échelle du développement grâce à l’éducation de la jeunesse.
L’enseignement est le pilier de tout développement politique, économique, humain et social. De la
généralisation de l’enseignement, la marocanisation des cadres, l’unification des programmes
scolaires, la lutte contre l’analphabétisme, la mise en place d’infrastructures et l’arabisation, ces
objectifs tracés ont pris plusieurs décennies avant d’être atteints. Il est vrai qu’en théorie, les textes
de lois et discours de réformes étudiés, à travers ce chapitre sont bien formulés et apportent de la
nouveauté à l’égard de la langue française et de son enseignement/apprentissage. En revanche, c’est
leur application et leur mise en œuvre qui demeurent problématiques et provoquent à la fois l’échec
de plusieurs restructurations mais aussi la déception et le décrochage scolaire chez les élèves. La
vision stratégique de la réforme (2015-2030) marque à son tour une continuité de l’application des

85
bases tracées par la CNEF avec des rectifications majeures. En outre, elle établit un changement
avec l’adoption du français comme langue d’enseignement des matières scientifiques et techniques
dès le collège. Cela clôturera avec la politique d’arabisation qui a échoué en s’arrêtant aux portes
de l’enseignement universitaire.

Conclusion de la première partie

Dans cette première partie, il a été question de passer en revue les différents aspects relatifs
au contexte de notre recherche qui concerne la réforme de l’enseignement au Maroc. Dans le premier
chapitre, nous avons commencé par dresser le portrait de la situation linguistique et éducative dans
les trois pays du Maghreb à savoir l’Algérie, la Tunisie et le Maroc avant et après la colonisation ou
le protectorat afin de voir les points de similitude entre eux au niveau des problèmes dont souffrent
leurs systèmes éducatifs. Dans le deuxième chapitre, nous avons interrogé la situation
sociolinguistique au Maroc, la place accordée à la langue française et à son enseignement.
Finalement, le troisième chapitre s’est intéressé premièrement aux différentes réformes qu’a connu
le système éducatif marocain depuis son indépendance en 1956 jusqu’à aujourd’hui avec la vision
stratégique de la réforme, qui intéresse notre sujet de recherche, en s’arrêtant sur leurs points forts
et leurs faiblesses et deuxièmement à l’architecture du système éducatif marocain avec la diversité
d’établissements existant sur son territoire et sa politique éducative actuelle.

Cette partie contexte historique nous a permis d’avoir un regard d’ensemble sur la situation
de l’enseignement au Maroc depuis son indépendance jusqu’à aujourd’hui. Nous avons pu prendre
connaissance des vrais problèmes dont souffre le secteur éducatif dans le pays et les différentes
étapes parcourues afin de le réformer. Nous pouvons aussi dire que chaque réforme engagée a
apporté avec elle de nouvelles données et a essayé de remédier à certains problèmes soulevés par
les rapports annuels du ministère de l’éducation nationale ou par des organismes comme le conseil
supérieur de l’éducation et de la formation mais également par d’autres organismes internationaux
qui soutiennent le développement éducatif au Maroc.

L’objectif de cette première partie a été également de percevoir comment se sont réalisées
ces réformes et quels ont été leur point de force et de faiblesse. Cela a répondu à l’une des questions
de notre problématique de départ à savoir les raisons derrière la réussite et l’échec des réformes
entreprises au Maroc depuis son indépendance ainsi que les points négligés par les décideurs de la
politique éducative du Maroc.

Dans la partie suivante, nous expliciterons le cadrage théorique et méthodologique relatif à


notre travail de recherche. La définition de ces concepts théoriques que nous avons relevés en
86
travaillant sur cette première partie nous aidera à examiner par la suite les nouveaux manuels conçus
à la lumière des recommandations de la vision stratégique 2015-2030 et de la loi cadre 51-17. Dans
la troisième partie, nous vérifierons si les mesures entreprises par ces textes de lois officiels
permettent de dépasser les échecs relevés dans le système éducatif marocain au niveau de
l’enseignement de la langue française.

87
Partie2 : Concepts théoriques

88
Dans cette partie, il s’agira d’identifier le cadre conceptuel dans lequel le présent travail
s’inscrit à travers la définition d’un ensemble de concepts théoriques en didactique des langues et
des cultures relatifs à notre sujet de recherche qui porte sur la réforme de l’enseignement du français
au primaire dans le contexte marocain.

En effet, la lecture des textes des réformes et de la loi cadre 51-17 (chapitre 3, partie1) nous
ont amené à sélectionner un ensemble de notions phares qui gravitent autour de la thématique de
notre recherche et qui sont mentionnés implicitement ou explicitement dans les discours officiels.
Ces concepts sont : le bilinguisme scolaire, le plurilinguisme, le multilinguisme, l’approche par
compétences, la pédagogie de l’intégration, la perspective actionnelle, l’alternance linguistique et
la transposition didactique. C’est dans le cadre d’une analyse curriculaire que ce cadrage théorique
prend place puisque ces définitions aideront à apporter un éclairage théorique qui permet d’inscrire
notre recherche dans un champ disciplinaire qui est celui de la didactique des langues et des cultures
et par la même, à mieux comprendre le contexte de leur utilisation dans le système éducatif marocain
afin de réussir la réforme envisagée. Il s’agira en second temps ensuite, de présenter l’outil choisi
afin de pouvoir faire le cadrage méthodologique de cette recherche à savoir les grilles d’analyse des
nouveaux manuels scolaires de français marocain. Les résultats obtenus après l’analyse des données
recueillies par ces grilles d’analyse de manuels seront confrontés à la politique éducative que stipule
la vision stratégique de l’enseignement 2015-2030 et la loi cadre relative au système d’éducation,
de formation et de recherche scientifique N°57-17, afin de voir les convergences et les divergences
et aussi le décalage entre discours et pratiques.

89
Chapitre 4 : Notions clés et cadrage théorique
Dans ce quatrième chapitre, nous définirons un ensemble de concepts théoriques essentiels
que nous rencontrons lorsque nous évoquons la réforme de l’enseignement du français au primaire
dans le contexte marocain. En effet, l’intérêt de définir ces concepts est de voir comment ils sont
intégrés et reliés au système éducatif marocain à travers les textes des réformes entreprises durant
les vingt dernières années à savoir la CNEF et la vision stratégique 2015-2030. Chacune de ces
réformes a mobilisé un ensemble de théories didactiques et méthodologique et de concepts dans le
contexte marocain. Nous verrons donc leurs apports positifs ainsi que leurs points faibles sur
l’enseignement / apprentissage du français dans ce système éducatif. Ces notions théoriques nous
servirons également dans la troisième partie autour de l’analyse des manuels scolaires réformés du
primaire. Elle nous aiderons également à répondre à une partie de notre problématique de départ
autour des nouvelles méthodologies proclamées par la vision stratégique de la réforme et la loi cadre
51-17 dans l’enseignement du français à l’école primaire marocaine puisque ces termes sont
évoqués au niveau didactique dans les nouveaux manuels et dans les guides pédagogiques pour
l’enseignant.

Nous avons choisi de classer ces concepts en deux catégories : ceux relatifs à l’apprentissage
linguistique et ceux relatifs aux méthodologies utilisées au Maroc pour réformer l’enseignement /
apprentissage en général et pour l’apprentissage de la langue française en particulier.

4.1 Les concepts relatifs à l’apprentissage linguistique


Ces termes sont d’usage dans le domaine de l’apprentissage linguistique. Cependant, ils sont
évoqués et définis pour la première fois dans le cadre de cette réforme entreprise par le MEN
marocain. Ils sont relatifs à la situation sociolinguistique du Maroc et à l’acquisition linguistique et
l’apprentissage d’une langue étrangère dans ce même contexte. Ainsi, nous définirons le bilinguisme
scolaire, le plurilinguisme, le multilinguisme, l’alternance codique et nous terminerons par une
synthèse autour de l’usage du français au Maroc.

4.1.1 Le bilinguisme scolaire

Nous rappelons que le Maroc est à la base un pays multilingue. Nous avons déjà évoqué
dans la partie contexte que plusieurs langues sont parlées dans ce pays : Darija, amazigh, hassanya,
en plus de l’arabe classique, du français et d’autres langues étrangères apprises à l’école. Le texte
de la constitution marocaine adoptée en 2011 confirme ce postulat en évoquant un bilinguisme au
niveau officiel instituant l’arabe et l’amazigh comme langues officielles du royaume avec une

90
ouverture sur les dialectes locaux et l’apprentissage des langues étrangères (2011 :5). Nous
concluons donc que la situation linguistique au Maroc présente un plurilinguisme de fait dans la
société avec la coexistence de plusieurs langues parlées selon la zone géographique et un
bilinguisme dans le milieu éducatif. Au regard de la problématique de notre recherche, ne seront
traitées ici que l'arabe standard / français afin de mieux comprendre la notion de bilinguisme dans
le milieu scolaire marocain où le français est appris dès l’entrée au primaire en parallèle avec l’arabe
standard. Ce qui nous intéresse dans cette recherche est de savoir comment se réalise l’apprentissage
de cette langue étrangère, en parallèle avec l’arabe standard, qui aura ultérieurement le statut de
langue d’enseignement des matières scientifiques et techniques à partir du cycle collégial.
Nous commencerons par définir la notion du bilinguisme à travers les travaux de plusieurs
spécialistes dans ce domaine avant de définir en quoi consiste le bilinguisme scolaire et par la suite
voir comment cette notion est évoquée dans le texte des réformes en cours. Il est vrai qu’il existe
plusieurs définitions de ce concept selon le domaine de son utilisation mais nous nous focaliserons
sur celles qui intéressent de près notre problématique de recherche à savoir le bilinguisme dans les
classes marocaines chez nos élèves.
Tout d’abord, François Grosjean (2013) définit le bilinguisme en tant qu’utilisation régulière
de deux ou plusieurs langues ou dialectes dans la vie de tous les jours. Il ajoute que :

« Pendant longtemps, on s'est servi du critère de l'aisance linguistique comme critère


principal. Serait alors bilingue la personne qui possède une très bonne, sinon une
parfaite, connaissance de ses langues. En plus, pour certains, il fallait que les langues
soient acquises pendant l'enfance et même qu’elles soient parlées sans accent. Le
problème, bien sûr, est tout simplement que de nombreuses personnes qui vivent avec
deux ou plusieurs langues n'ont pas une connaissance équivalente, ou parfaite, de celles-
ci étant donné qu'elles se servent de leurs langues dans des domaines différents, avec
des personnes différentes, pour des objectifs différents (ce qu'on nomme le principe de
complémentarité)43 ».

Cette définition insiste sur l’aisance linguistique adoptée comme critère de base chez la
personne bilingue qui maîtrise deux langues depuis l’enfance. Cependant, cette maîtrise n’est pas
équilibrée car cette personne ne peut pas avoir une connaissance équivalente et parfaite des langues
parlées puisqu’elle les utilise selon un principe de complémentarité dans des domaines, avec des
locuteurs et pour des objectifs différents. Sur ce même principe cet auteur affirme que la langue ne
sera pas assez développée si elle est utilisée dans une sphère restreinte avec moins de locuteurs en
comparaison avec la langue qui est utilisée dans des contextes plus abondants. Cette question
d’équilibre entre les deux langues est donc liée au degré d’usage pratique de la langue. Donc, il faut

43
Source : https://www.francoisgrosjean.ch/interviews_2013_fr.html

91
veiller au sein des écoles à développer une compétence bilingue équilibrée au maximum entre l’écrit
et l’oral dans les deux langues étudiées. Surtout lorsque l’une des langues n’est pas très utilisée hors
des murs de l’établissement.

Daniel Elmiger dans ses travaux sur ce concept part des travaux de plusieurs autres chercheurs
(Grosjean 1982, Weinreich 1974, Mackey 1976) pour retenir deux critères essentiels qui définissent
le bilinguisme à savoir : l’utilisation et la maîtrise. Il considère que les autres facteurs distinctifs
donnent lieu à « Des catégorisations exprimées à l’aide d’attributs comme bilinguisme « de
transfert » vs « de maintien » (quant au maintien des langues), bilinguisme « simultané » vs
« consécutif » (quant à l’ordre dans lequel les langues sont apprises) etc. » (Elmiger, 2000 :57). Il
est vrai que le degré d’apprentissage de toute langue est mesuré selon le critère d’usage avec d’autres
locuteurs au sein d’une communauté ainsi que la maîtrise par la personne qui la pratique dans
l’optique de forger le bilinguisme souhaité. Pour les autres critères de catégorisation du bilinguisme,
ils sont importants dans la mesure où ils interviennent pour le maintien des langues apprises et pour
spécifier l’ordre dans lequel ces langues sont apprises.

Bernard Py et Laurent Gajo définissent le bilinguisme dans leur article « bilinguisme et


plurilinguisme » selon trois aspects. Nous avons choisi deux aspects correspondant à notre recherche
qui sont en fonction des connaissances linguistiques des locuteurs et des attentes sociales :

« Les connaissances linguistiques : on appelle bilingue toute personne qui maîtrise la


grammaire, le lexique et la phonologie de deux langues.
Les attentes sociales : on appelle bilingue toute personne qui satisfait aux attentes
sociales de communautés linguistiquement diverses » (Py, Gajo, 2013 :72).

Ainsi, le côté linguistique des deux langues doit être maîtrisé avant de juger le plurilinguisme
d’un locuteur. C’est ce que nous remarquons au Maroc puisque les manuels scolaires insistent
beaucoup sur le côté linguistique de la langue autant pour l’arabe que pour le français. En ce qui
concerne le critère des attentes sociales de la communauté, le bilingue est considéré comme la
personne qui détient les clés du savoir et de la réussite sociale et professionnelle en maîtrisant les
langues apprises à l’école.

Jean Duverger dans son ouvrage l’enseignement en classe bilingue définit le bilinguisme
comme étant :

« La situation de coexistence au sein d’une communauté ou d’une personne de deux


langues ; le fait que les mots bilinguisme et bilingue se réfèrent aussi bien à la situation
d’un pays qu’à celle d’une personne aboutit à des cas de figure où tel pays,
officiellement bilingue ou multilingue, peut être peuplé d’un grand nombre d’individus

92
monolingues (la Suisse par exemple) et inversement (les Etats-Unis par exemple) »
(2009 :153).
Cette définition part de la présence simultanée de deux langues au sein d’une communauté,
d’un pays ou chez une personne, ce qui les définit comme bilingues malgré la présence d’un grand
nombre de personnes monolingues. Elle ne s’applique pas forcément au cas du Maroc car le français
n’est pas une langue parlée et maîtrisée par la majorité des marocains. En revanche, c’est une langue
héritée de l’époque protectorale qui a su garder une place privilégiée dans le parler quotidien, dans
le paysage médiatique, dans l’école marocaine du primaire à l’université et dans les différents
secteurs du travail.

Le bilinguisme (arabe standard / français) au Maroc peut donc être perçu comme un
bilinguisme scolaire imposé par les décideurs de la politique éducative du pays. La définition fournie
par le dictionnaire de linguistique est la plus adaptée à la situation marocaine dans le sens où :

« Le bilinguisme est un mouvement par lequel on essaie de généraliser, par des mesures
officielles et par l’enseignement, l’usage courant d’une langue étrangère en plus de la
langue maternelle. Le bilinguisme est dans ce cas un mouvement politique fondé sur
une idéologie selon laquelle l’apprentissage d’une langue étrangère dans des conditions
définies doit permettre de donner aux individus des comportements et des manières de
penser nouveaux et faire ainsi disparaitre les oppositions nationales et les guerres » (Du
Bois et Al, 2002 : 67).
Comme nous l’avons déjà mentionné dans la partie contexte de la recherche, la langue
française jouit d’un statut particulier au Maroc. Son apprentissage garantit aux citoyens marocains,
qui la maîtrisent, une vie professionnelle réussie et une pensée plus ouverte non seulement envers
sa propre culture arabe, amazigh et musulmane mais également envers la culture de l’autre dans une
optique de tolérance. Donc ce bilinguisme scolaire est bénéfique pour les apprenants marocains car
il leur facilite plusieurs opportunités ultérieures au niveau professionnel. Cependant, ce bilinguisme
doit être bien appliqué au niveau des programmes scolaires car il faut aussi souligner qu’au Maroc
l’arabe standard appris à l’école n’est pas parlé dans le quotidien ou en famille. Ce qui met les élèves
en classe face à une nouvelle langue différente du darija ou de l’amazigh appris et parlé à la maison.
Ajoutons à cela l’apprentissage du français qui est une langue étrangère. Dans les modèles bilingues
d’enseignement dans certains pays européens (Suisse, Belgique) qui vivent cette situation de
bilinguisme, l’une des langues est déjà d’usage à la maison tandis que l’autre langue apprise à l’école
est utilisée dans un autre domaine (travail, dans d’autres villes ou départements). Cela ne ressemble
pas à la réalité marocaine même si la langue française y est fortement présente.

Nous pouvons affirmer que l’enseignement bilingue au Maroc est un enseignement où «la
langue étrangère », ici le français, est non seulement enseignée mais elle servira de support à

93
l’enseignement des matières scientifiques plus tard. Duverger et Maillard (1996) confirment à ce
propos qu’il y a enseignement bilingue lorsque sont présentes deux langues d’enseignement, deux
langues véhiculaires, deux langues qui vont servir aux apprentissages extralinguistiques. Ce qui est
valable dans le cas du Maroc que nous sommes en train d’étudier. Dans ce même sens Bernard Py
et Laurent Gajo soulignent que l’apprentissage de la deuxième langue qui deviendra langue seconde
de scolarisation ne peut être qu’avantageux pour le processus d’apprentissage :

« Par ailleurs, la L2 constituera, quand elle est utilisée comme vecteur d’instruction
(enseignement bilingue), une langue seconde de scolarisation plutôt qu’une langue
étrangère. Elle redéfinira aussi le rapport à la L1 par le développement d’un sentiment
d’étrangéité ou d’altérité, indispensable à tout processus d’apprentissage (Py, 1992 ;
Ricœur, 2004). La langue « étrange » devient ainsi la condition de la mise en route du
travail d’apprentissage » (Py, Gajo, 2013 : 77).

Ainsi, la langue française étudiée simultanément avec la langue arabe dès le primaire
permettra aux élèves de développer rapidement cette compétence bilingue. C’est dans ce même
esprit que le texte de la vision stratégique 2015-2030 insiste lui aussi sur l’importance de
l’apprentissage des deux langues officielles du pays et sur la maîtrise d’au moins deux langues
étrangères de manière équitable et équilibrée. Ce constat nous fait passer du bilinguisme vers le
plurilinguisme. Donc, nous pouvons conclure que ce bilinguisme est une base pour imposer un
plurilinguisme ultérieur. Le passage suivant, extrait du texte de la vision stratégique va dans cette
perspective en proposant un dispositif linguistique progressif qui vise la réalisation des objectifs ci-
dessous pour faire la promotion du plurilinguisme :

« -La réalisation de l’équité et de l’égalité des chances en matière de maîtrise des langues
et de qualité des apprentissages.
-La capacité de l’apprenant, à l’issue de l’enseignement secondaire qualifiant, de
maîtriser la langue arabe, de communiquer en amazighe et de maîtriser deux langues
étrangères au moins, dans le cadre d’une approche progressive qui passe du bilinguisme
(arabe + une langue étrangère) au plurilinguisme (arabe + 2 langues étrangères ou plus) »
(Vision stratégique, 2014 :46).

Cet extrait montre cette politique plurilingue progressive mise en place dans le dispositif
d’apprentissage des langues étrangères allant d’un bilinguisme au primaire vers un plurilinguisme
comme profil linguistique de sortie chez les apprenants marocains à la fin du cycle secondaire.
Cependant, le problème qui se pose à l’école et que nous avons déjà souligné au début de ce travail
c’est la non-maitrise de ces langues (arabe classique / français) même si l’élève passe plusieurs
années à les apprendre. Nous verrons de près les raisons derrière cet échec dans la troisième partie
sur l’analyse des manuels scolaires.

94
Il faut aussi rappeler que dans un pays comme le Maroc, et particulièrement dans les villes,
où l’exposition au français est plus fréquente, la compétence bilingue se développe très tôt chez
certains enfants à partir de l’école maternelle (scolarisés dans des écoles privées). Ces apprenants
s’initient donc, en même temps, à l’arabe classique et au français. Le résultat ou l’effet de ce
bilinguisme scolaire précoce est que la langue va servir non seulement dans la communication mais
aussi pour forger leur personnalité ainsi que leur développement intellectuel. Dans ce cas Dominique
Groux précise dans son article « Pour un apprentissage précoce des langues » que :

« Si l’enfant apprend très tôt la langue étrangère dans le cadre d’une éducation bilingue,
il n’aura donc pas d’accent et il ne connaîtra pas les blocages qui nuisent à
l’apprentissage, mais il aura aussi des avantages certains sur le plan intellectuel et sur le
plan de la personnalité. De nombreuses études ont suggéré l’existence d’un avantage sur
le plan intellectuel lié au développement de la bilingualité » (Groux, 2003 : 26).

Ainsi grâce à ce bilinguisme scolaire précoce, l’enfant acquiert d’autres avantages comme
l’absence d’accent et de blocages qui nuisent à son apprentissage. D’autant plus que les enfants
bilingues ont de meilleurs résultats scolaires que les enfants monolingues. Ce qui explique l’intérêt
des décideurs de la nouvelle politique éducative au Maroc à enseigner le français aux petits élèves
marocains dès la maternelle, quand cela est possible, et de manière obligatoire dès la première année
du primaire.

Nous pouvons conclure que le Maroc représente un cas particulier au niveau linguistique tant
au niveau du parler quotidien que dans les établissements scolaires. À partir des définitions données
et du constat évoqué dans la partie contexte nous pouvons conclure qu’au sein des écoles marocaines
nous partons d’un bilinguisme scolaire précoce vers un plurilinguisme dans les niveaux secondaires
et supérieurs. Cette politique linguistique ne peut qu’être avantageuse pour les élèves marocains afin
de les doter des compétences linguistiques nécessaires pour continuer leurs études et frayer un
chemin professionnel réussi dans la filière qu’ils vont choisir par la suite.

4.1.2 Le plurilinguisme vs le multilinguisme


Nous avons souligné dans ce qui précède que le Maroc est un pays multilingue à la base situé
au nord de l’Afrique. Ce pays a aussi des accords de coopération et d’échanges commerciaux avec
les pays africains, européens et américains d’où la nécessité d’un apprentissage efficace des langues
les plus utilisées dans le monde afin d’assurer son avenir économique et financier. Au niveau de
l’éducation nationale, l’ouverture sur l’enseignement / apprentissage des langues étrangères est
encouragée depuis les premières réformes entamées dans ce secteur (Voir partie 1, chapitre 3) afin
de favoriser le plurilinguisme. Cette ouverture sur l’apprentissage des langues vivantes dotera les

95
apprenants marocains d’une compétence plurilingue qui les aidera dans les échanges linguistiques
avec d’autres personnes à travers le monde et aussi dans leur carrière professionnelle avec des
entreprises multinationales. Les concepts de plurilinguisme et de multilinguisme seront définis dans
le cadre de cette recherche afin de les relier au contexte de leur utilisation par la vision stratégique
de la réforme 2015-2030 au Maroc. Cette dernière a évoqué la notion du plurilinguisme dans son
texte (2015 : 50) parmi ses fondements pour garantir un apprentissage efficace des langues.

Le plurilinguisme est un concept qui doit être distingué du « multilinguisme ». Ce dernier


est défini par Jean Duverger comme : « la situation d’une communauté où plusieurs langues
coexistent, officielles ou non. Selon la définition des institutions européennes, le terme
multilinguisme renvoie à une société, alors que plurilinguisme se réfère à une personne. Par exemple
la Suisse est un pays multilingue » (Duverger, 2009 :156). Ce même auteur définit ce terme par :
« état d’un individu capable d’utiliser plusieurs langues de manière pertinente même de manière
partielle. Ce terme renvoie donc à la capacité de chaque personne à utiliser des répertoires
linguistiques divers qu’il choisit de développer ou non » (Ibid.156). Ainsi, le multilinguisme
concerne une société donnée tandis que le plurilinguisme concerne un individu. Ce dernier est censé
développer par la suite ce que nous appelons une compétence plurilingue, lors de l’apprentissage
des langues, recommandée également par l’union européenne pour le citoyen européen de demain.
Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) à son tour rejoint la
définition précédente et définit ces deux termes, qui prêtent souvent à confusion, ainsi que
l’approche plurilingue en distinguant :
« Le « plurilinguisme » du « multilinguisme » qui est la connaissance d’un certain nombre de
langues ou la coexistence de langues différentes dans une société donnée. On peut arriver au
multilinguisme simplement en diversifiant l’offre de langues dans une école ou un système
éducatif donné, ou en encourageant les élèves à étudier plus d’une langue étrangère, ou en
réduisant la place dominante de l’anglais dans la communication internationale. Bien au-delà,
l’approche plurilingue met l’accent sur le fait que, au fur et à mesure que l’expérience
langagière d’un individu dans son contexte culturel s’étend de la langue familiale à celle du
groupe social puis à celle d’autres groupes (que ce soit par apprentissage scolaire ou sur le
tas), il/elle ne classe pas ces langues et ces cultures dans des compartiments séparés mais
construit plutôt une compétence communicative à laquelle contribuent toute connaissance et
toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent.
Dans des situations différentes, un locuteur peut faire appel avec souplesse aux différentes
parties de cette compétence pour entrer efficacement en communication avec un interlocuteur
donné. Des partenaires peuvent, par exemple, passer d’une langue ou d’un dialecte à l’autre,
chacun exploitant la capacité de l’un et de l’autre pour s’exprimer dans une langue et
comprendre l’autre » (CECRL, 2001 :11).

Cet extrait insiste sur le fait que la diversification des offres de langues dans les écoles permet
d’aboutir facilement au multilinguisme souhaité au sein d’une société donnée. Aussi cet

96
apprentissage linguistique chez l’individu le rend plurilingue car il n’a pas comme objectif le
classement des langues apprises à l’école d’une manière isolée mais la construction d’une
compétence communicative, fruit de toute l’expérience langagière acquise. Cela peut corroborer le
cas du Maroc qui, comme nous l’avons vu précédemment, avec ses deux langues officielles, l’arabe
dialectal, l’hassanya et les trois variantes de l’amazigh, peut être considéré comme un pays
multilingue où les citoyens sont plurilingues d’une manière très perceptible. Ainsi, leur répertoire
langagier se compose en plus de la / les langues maternelles (arabe dialectal marocain / amazighe/
hassanya) des autres langues apprises à l’école (arabe classique, amazighe, français et anglais). C’est
aussi l’un des objectifs linguistiques visés par l’apprentissage des langues avec la vision stratégique
2015- 2030. Cette dernière opte pour un bilinguisme allant vers le plurilinguisme dans ce passage
où le statut de chaque langue est précisé pour le cycle de l’enseignement primaire :

« • La langue arabe : obligatoire à tous les niveaux de ce cycle, en tant que langue
enseignée et langue d’enseignement de toutes les matières.
• La langue amazighe : obligatoire à tous les niveaux de ce cycle, en tant que langue
enseignée. Les deux premières années d’apprentissage de cette langue seront axées sur
les compétences de communication, avant d’entamer, durant les années suivantes,
l’intégration de l’écrit.
• La langue française : langue obligatoire à tous les niveaux de ce cycle, en tant que
langue enseignée.
• La langue anglaise : intégration en tant que langue enseignée à la 4ème année du cycle
primaire. La mise en œuvre de cette orientation devra se réaliser à la fin des dix
prochaines années. Ce délai permettra de réunir les préalables nécessaires en matière de
ressources humaines et d’outils pédagogiques » (vision stratégique, 2014 : 47).

Dans cet extrait, nous remarquons que le développement progressif de la compétence


plurilingue chez les apprenants fait partie des priorités de cette nouvelle réforme. En effet, cette
réforme projette d’enseigner quatre langues au primaire à savoir l’arabe classique comme langue
enseignée et d’enseignement, l’amazigh et le français comme langues enseignées et finalement
l’anglais comme langue enseignée dès la quatrième année44. Cette dernière n’est pas encore adoptée
mais elle le sera dans les prochaines années comme le texte l’annonce. Pour le français, qui est une
langue obligatoire, il deviendra langue d’enseignement des matières scientifiques dès le collège.
L’ouverture sur d’autres langues étrangères comme l’espagnol, l’allemand et l’italien est proposée
à partir du secondaire qualifiant. Elle permettra l’élargissement de cette compétence plurilingue, ce
qui ouvrira d’autres horizons pour ces apprenants en termes de mobilité internationale et de carrière
professionnelle. Cela rejoint les directives du CERCL qui insistent sur la diversité linguistique pour

44
Jusqu’à présent cette langue n’est pas encore intégrée dans les écoles primaires publiques même si elle est
mentionnée dans les textes officiels. Cependant, elle est enseignée dans les écoles privées dès la troisième année du
primaire.

97
développer un répertoire langagier riche et diversifié chez les apprenants tout au long de leur
parcours scolaire afin de développer une compétence plurilingue solide :
« Le but est de développer un répertoire langagier dans lequel toutes les capacités
linguistiques trouvent leur place. Bien évidemment, cela suppose que les langues
offertes par les institutions éducatives seraient diverses et que les étudiants auraient la
possibilité de développer une compétence plurilingue » (Ibid.11).

Nous avons évoqué aussi que la compétence plurilingue se développe progressivement chez
tout individu qui a appris des langues étrangères en fonction de plusieurs facteurs : âge et milieu
d’acquisition. George Lüdi explique à ce propos qu’ :
«Une compétence plurilingue donc résulte de processus d’acquisition et d’apprentissage
variés et multiples. On distinguera d’une part entre acquisition simultanée (deux L1
avant l’âge de 3ans dans un milieu bilingue) et successive (après le seuil de 3ans) : cette
dernière peut être précoce (avant l’adolescence) ou tardive (pendant ou après
l’adolescence) pour l’acquisition successive on peut d’autre part encore distinguer entre
le mode d’acquisition non-guidé (dit aussi « en milieu naturel ou social ») et le mode
d’acquisition guidé (en milieu scolaire) » (Lüdi, 2004 :15).

Si nous appliquons cette citation sur le cas du Maroc, nous parlons d’une d’acquisition
successive précoce puisque les élèves n’apprennent la langue française qu’à l’école maternelle après
3 ans ou dès 6 ans à l’école primaire avec un mode d’acquisition guidé puisque toutes les langues
étrangères sont apprises à l’école. Pour la langue anglaise, elle est apprise en cours de l’adolescence,
ce qui signifie que c’est une acquisition tardive. Tout cela permet de doter les apprenants marocains
d’une compétence plurilingue efficace.

Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues accorde également une
importance particulière au plurilinguisme surtout en Europe où il est primordial de respecter la
pluralité des cultures et des langues qui constituent un patrimoine très riche. Il est fondamental
d'insister sur la préservation et la promotion de la diversité linguistique dans l’objectif d'éviter tout
risque d'uniformisation. C’est donc le rôle des institutions scolaires, surtout l’école primaire, de
développer ce plurilinguisme à travers le renforcement de l’enseignement des langues étrangères
comme le précise Daniel Coste :

«C'est dans un contexte à forte charge sociale et politique que l'École est invitée à
renforcer, voire à repenser, son offre en matière d'enseignement des langues.
L'enseignement précoce, les filières bilingues, les sections internationales sont autant
d'innovations, ayant plus ou moins vocation à généralisation, qu'apportent les
institutions en réponse à cette situation en partie inédite dans nos sociétés. […] Ainsi, il
est évident que ce qui se met en place au niveau de l'école élémentaire aujourd'hui aura

98
inévitablement des effets sur l'équilibre du système éducatif aux autres niveaux
d'enseignement »45.
Si l’école marocaine d’aujourd’hui veut vraiment réussir cette réforme entamée et ce
plurilinguisme désiré chez les élèves marocains, elle doit repenser l’enseignement / apprentissage
des langues de manière réflexive. L’un des points auxquels il faut également sensibiliser les
enseignants, lors des formations (initiale et continue), est que cette compétence plurilingue
recherchée n’est pas acquise de manière équilibrée. Ainsi, il faut varier les supports et les modalités
de travail en classe pour une meilleure acquisition linguistique. Ce qui est tout à fait normal parce
qu’au niveau de l’acquisition d’une langue donnée plusieurs facteurs entrent en considération. Le
CECRL explicite les multiples raisons qui rendent ce déséquilibre tout à fait normal en fonction des
compétences de chaque individu et de son utilisation de chaque langue selon ses propres besoins :

«Une compétence plurilingue et pluriculturelle se présente généralement comme


déséquilibrée. Et ce de différentes manières :
– maîtrise générale plus grande dans une langue que dans d’autres
– profil de compétences différent dans une langue de ce qu’il peut être dans telle ou telle
autre (par exemple : excellente maîtrise orale de deux langues, mais efficacité à l’écrit
pour l’une d’entre elles seulement)
– profil multiculturel de configuration autre que le profil multilingue (par exemple :
bonne connaissance de la culture d’une communauté dont on connaît mal la langue, ou
faible connaissance de la culture d’une communauté dont on maîtrise pourtant bien la
langue dominante) » (CECRL, 2001 :105).

En effet, la compétence plurilingue est déséquilibrée car elle dépend des capacités de chaque
individu pour la maîtrise des langues étrangères en fonction de leur fréquence d’utilisation, de son
profil de compétences à l’oral ou à l’écrit et de son profil multiculturel.

Pour cette compétence plurilingue Danièle Moore et Véronique Castellotti précisent à leur
tour qu’elle ne consiste pas uniquement en l’ensemble des ressources à disposition d’un individu,
mais qu’il convient d’y inclure aussi la capacité des individus à les mobiliser en fonction d’une
situation donnée et d’un certain but :
« La compétence plurilingue peut alors se définir de manière plus précise comme la
capacité à mettre en œuvre, en situation et dans l’action, un répertoire constitué de
ressources plurielles et diversifiées qui permettent de se reconnaitre et de s’affirmer en
tant qu’acteur social plurilingue, apte à gérer le potentiel, le déséquilibre et l’évolutif en
fonction de ses interprétations locales de la situation et de ses intentions, symboliques
ou non » (Moore Castellotti, 2008 : 18).

45
Citation extraite du site http://daric.ac.lyon.free.fr/safci2/compluri.htm consulté le 25/8/2021

99
Ainsi, à l’issue de cette compétence plurilingue, l’apprenant doit être capable de gérer toute
sorte de situation à laquelle il est confronté en mobilisant ses compétences acquises en tant qu’acteur
social plurilingue.

Pour conclure, nous pouvons affirmer que dans un pays multilingue comme le Maroc il est
nécessaire de développer le plurilinguisme chez les jeunes élèves et par conséquent leur compétence
plurilingue. Il faut affirmer que la langue française a pu acquérir une place privilégiée dans le
système éducatif marocain en parallèle aux langues officielles à savoir la langue arabe standard et
l’amazigh. Cette place sera encore renforcée en l’adoptant comme langue d’enseignement des
matières scientifiques dès le collège. D’autant plus que l’ouverture sur d’autres langues comme
l’anglais développera encore plus cette compétence plurilingue et pluriculturelle des apprenants. Ce
qui leur permettra d’avoir accès à une vie professionnelle meilleure au Maroc ou ailleurs.

4.1.3 L’alternance linguistique


Nous évoquons ce concept d’alternance linguistique dans cette recherche pour deux raisons
essentielles. La première est parce qu’il est abordé pour la première fois dans le cadre de la vision
stratégique de la réforme 2015-2030 et de la loi cadre 51-17 relative au système d’éducation, de
formation et de recherche scientifique. La deuxième raison est qu’avec cette réforme c’est
l’enseignant de français46 qui est chargé d’enseigner l’éveil scientifique en 5ème et 6ème année du
primaire en adoptant ce principe qui vise un renforcement linguistique et une préparation à un
enseignement des matières scientifiques en français dès le collège. Nous définirons ce concept avant
de passer à son rôle explicité respectivement dans les textes de la vision stratégique de la réforme et
la loi cadre 51-17.
L’alternance codique est définie par Jean Duverger comme : « un mode de communication
utilisé par des locuteurs bilingues (ou en voie de l’être) entre eux ; ce mode, volontaire ou non,
consiste à faire alterner, dans deux langues des unités lexicales de longueur variable à l’intérieur
d’une même interaction verbale » (Duverger, 2009 :153). Cela implique une certaine micro-
alternance consistant en l’alternance ponctuelle des langues dans le discours de l’enseignant ou des
élèves à l’intérieur d’une séquence de classe donnée qu’elle soit initialement programmée en L1 ou
L2. Habituellement, cette pratique ne jouit pas d’une bonne réputation en classe de langue étrangère
(bien que largement pratiquée) mais actuellement nous assistons probablement à une certaine
valorisation de cette pratique dans l’enseignement bilingue où elle a légitimement sa place à

46
Avant cette réforme c’est l’enseignant de la langue arabe qui s’est chargé d’enseigner l’éveil scientifique en arabe
de la 1ère à la 6ème année du primaire

100
condition d’être maitrisée (Ibid. 154). Son utilisation en classe va certainement favoriser
l’acquisition de la L2 et le renforcement de la L1.

Pour François Grosjean, ce concept d’alternance linguistique est : «le passage momentané
mais complet d’une langue à l’autre pour la durée d’un mot, d’un syntagme, d’une ou de plusieurs
phrases» (Grosjean, 1993 : 22). Ce passage linguistique d’une langue à l’autre est délimité par deux
critères qui sont la longueur des extraits alternés qui peuvent porter seulement sur un mot, un
syntagme ou alors sur plusieurs phrases et aussi la dimension temporelle qui est momentanée dans
ce cas.

Nous constatons à partir de ces définitions que l’alternance linguistique implique l’usage de
deux langues de manière simultanée dont l’une favorisera l’apprentissage et le renforcement de
l’autre. Cette alternance contribuera donc à renforcer le bilinguisme et le plurilinguisme chez les
élèves marocains.

L’alternance linguistique annoncée par la nouvelle réforme est définie ainsi dans le texte
officiel :
«C’est un outil pédagogique que l’on choisit, dans un enseignement bilingue ou
plurilingue, pour perfectionner l’acquisition d’une ou de plusieurs langues en les
utilisant partiellement dans l’enseignement de certaines matières. L’alternance
linguistique est surtout pratiquée pour la maîtrise des langues étrangères » (Vision
stratégique, 2014 : 95).

Nous concluons que le MEN marocain a choisi d’inclure cet « outil pédagogique » dans le
cadre du renforcement de l’enseignement bilingue et plurilingue qu’il a adopté avec cette réforme
afin de mieux maîtriser les langues étrangères apprises par les élèves à l’école. Cependant, cette
pratique ne concerne que les matières scientifiques au primaire à savoir les mathématiques et l’éveil
scientifique dès la 5ème année de l’enseignement primaire comme une phase préparatoire. Cette
mesure vise surtout à rompre avec la pratique de la politique d’arabisation qui a échoué auparavant
(voir partie 1, chapitre 3).

Selon la loi cadre 51-17 relative au système d’éducation, de formation et de recherche


scientifique l’alternance linguistique est définie en étant :
«Une approche pédagogique et un choix éducatif progressif, investi dans l’enseignement
plurilingue, en vue de la diversification des langues d’enseignement, en sus des deux
langues officielles de l’Etat, à travers l’enseignement de certaines matières notamment
les matières scientifiques et techniques, ou certains contenus ou modules, en une ou
plusieurs langues étrangères » (loi cadre, 2020 :4).

101
Cette définition diffère un peu de celle proposée par la vision stratégique puisqu’elle considère
ce concept comme une approche pédagogique et non comme un outil pédagogique. C’est aussi un
choix éducatif progressif pour renforcer le plurilinguisme dans l’enseignement des langues
étrangères. Ce qui est partagé par les recommandations de ces deux documents officiels. La loi cadre
explique également que cette alternance linguistique vise l’enseignement des contenus scientifiques
et techniques en une ou plusieurs langues étrangères à savoir le français et l’anglais qui sont les
deux langues étrangères les plus utilisées au Maroc.

À partir de ces définitions, nous pouvons affirmer que cet outil pédagogique sera utilisé dans
les classes marocaines dès le primaire afin de garantir une bonne maîtrise des langues officielles et
étrangères apprises à l’école. Cela facilitera par la suite l’introduction du français langue
d’enseignement des matières scientifiques et techniques dès le collège et il en va de même pour
l’anglais à partir du lycée. Ce qui est visé plus tard c’est le développement du plurilinguisme et de
la compétence plurilingue chez les élèves (mentionnée précédemment) et une maîtrise des langues
dans toutes les spécialités que l’élève choisira plus tard.

Cette alternance linguistique est perçue donc comme un outil de renfort pour les élèves
marocains afin de dépasser leurs problèmes linguistiques en langue étrangère au niveau de
l’apprentissage des matières scientifiques dès le primaire. Cependant, les enseignants ont déjà
pratiqué cette alternance codique dans leurs classes mais de manière arbitraire afin d’enrichir le
vocabulaire scientifique des apprenants. Avec l’adoption de la nouvelle réforme cela s’inscrit
maintenant dans le discours officiel de la vision stratégique 2015-2030 et cette alternance se fera de
manière progressive et formelle comme le mentionne cet extrait :
« La langue arabe est la principale langue d’enseignement. L’alternance linguistique est
mise en œuvre progressivement. L’enseignement de certains contenus ou modules en
langue française se fera, à court terme, dans l’enseignement secondaire qualifiant et à
moyen terme dans l’enseignement collégial. L’enseignement de certains contenus ou
modules en langue anglaise se fera, à moyen terme, dans le secondaire qualifiant »
(vision stratégique, 2014 :46).

L’objectif de l’adoption de cette alternance linguistique selon le texte de la vision stratégique


est le renforcement des compétences linguistiques acquises chez les élèves dans les langues
étrangères. D’abord en français dès le primaire et puis en anglais au lycée : « la diversification des
langues d’enseignement, notamment par le biais de l’alternance linguistique, pour consolider la
maîtrise des compétences linguistiques chez les apprenants et favoriser la cohérence des langues
d’enseignement entre les différents cycles scolaires et de formation » (vision stratégique, 2014 :

102
47). Ce renforcement aura certainement un effet positif au niveau de l’acquisition linguistique chez
les apprenants marocains et aussi sur leur maîtrise des matières scientifiques.

Pour conclure, nous pouvons dire que ce principe d’alternance linguistique est proposé comme
solution pour remédier aux problèmes soulevés par la politique d’arabisation qui n’a pas franchi les
portes de l’enseignement supérieur. En revanche, elle doit être bien utilisée en classe par les
enseignants afin de préparer les apprenants à la maîtrise des matières scientifiques grâce à un
apprentissage efficace de la langue française.

4.1.4 De quel français parlons-nous dans le contexte marocain ?


Présente depuis plus d’un siècle, la langue française a un statut particulier et avantagé au
Maroc. Certes, c’est une langue étrangère (dans le sens de « non-maternelle »). Cependant sa
présence et ses multiples usages dans la vie sociale, scolaire et professionnelle la placent dans un
rang « presque égalitaire » avec les deux langues officielles du pays. Dans les anciens textes officiels
relatifs à l’éducation nationale, elle a toujours été désignée par première langue étrangère. Pourtant
en termes de pratiques de classe, le français est considéré et enseigné comme une langue seconde
dans le contexte marocain depuis l’indépendance. Dans son ouvrage « Le français langue seconde
: origines d’une notion et implications didactiques », qui est l’un des premiers à poser les contours
de la notion de français langue seconde, Jean Pierre Cuq apporte la définition suivante :
«Le français langue seconde est un concept ressortissant aux concepts de langue et de
français. Sur chacune des aires où il trouve son application, c’est une langue de nature
étrangère. Il se distingue des autres langues étrangères éventuellement présentes sur ces
aires par ses valeurs statutaires, soit juridiquement soit socialement, soit les deux, et par
le degré d’appropriation que la communauté qui l’utilise s’est octroyé ou revendique.
Cette communauté est bi- ou plurilingue.
La plupart de ses membres le sont aussi et le français joue dans leur développement
psychologique, cognitif et informatif, conjointement avec une ou plusieurs autres
langues, un rôle privilégié » (Cuq, 1991 : 139).

Cette définition est valable pour le contexte marocain où le français est une langue
privilégiée chez les marocains puisqu’elle est enseignée dès le primaire. Nous avons déjà cité son
importance et sa forte présence dans les différents secteurs de la vie quotidienne au Maroc et dans
son paysage médiatique (voir partie 1, chapitre 2 de ce travail). C’est surtout l’échec de l’arabisation
de l’enseignement qui a amené les décideurs en matière d’éducation et de formation à une remise
en question du statut de cette langue. Elle a été considérée comme étrangère au départ mais elle a
été adoptée et possède maintenant le statut d’une langue d’enseignement avec la nouvelle réforme.
Certes, les textes officiels ne lui accordent pas le statut de français langue seconde mais c’est un

103
constat très visible, émanant de la réalité sociale, des usages et des pratiques quotidiennes de la
société marocaine.

Pourtant, ce concept de FLS pose plusieurs problèmes dans les pays maghrébins. En effet,
comme l’a soulevé par Jean Pierre Cuq dans son article « Le FLS : un concept en question », la
langue française au Maroc n’est pas enseignée pour le plaisir ou juste pour pouvoir communiquer
lors d’un séjour touristique en France mais elle devient langue d’enseignement à l’université après
un parcours allant du primaire au lycée en langue arabe comme langue d’enseignement des matières
scientifiques. Face à cela certains locuteurs – apprenants et parents – se posent souvent la question
quant à l’utilité de l’étude de la langue arabe qui sera ultérieurement remplacée par le français. Cela
peut aussi les amener à se questionner à propos de leur propre identité :
«Un des problèmes posés par le FLS est justement l'ambiguïté qui existe souvent, chez
les locuteurs ou les groupes sociaux concernés, entre le sentiment d'un positionnement
différent de celui des autres locuteurs étrangers face au français, et le sentiment des
risques identitaires et culturels que peut faire encourir l'acquisition d'un idiome qui a
pris une valeur privilégiée dans leur communauté. D'où également, une certaine
résistance à l'adjectif seconde dans l'expression français langue seconde, qui peut
apparaître de ce point de vue comme agressif » (Cuq, 1995 :3).

D’autant plus que même si le français est enseigné comme une langue seconde, il est encore
perçu comme une langue étrangère par une large partie des locuteurs marocains. Notamment, dans
les zones rurales où l’exposition à cette langue n’est pas facile et où son enseignement pose toujours
des problèmes. Il doit être pris en considération lors de l’élaboration des programmes scolaires qui
doivent être orientés au départ vers le FLE et progressivement et de manière continue, vers le FLS.
À ce propos, Jean Pierre Cuq avance dans le même article que :

« Pour l'individu toute langue autre que sa langue de départ est étrangère, même si, ayant
une réalité juridique ou sociale dans son pays, elle n'est pas toujours considérée comme
telle au niveau national. Cela fait ensuite qu'elle pose des problèmes d'enseignement et
d'apprentissage qui, même s'ils sont spécifiques et justifient la prise en compte de
paramètres qui n'ont que peu de poids dans les autres situations de FLE, sont d'une
nature de FLE et non d'une nature intermédiaire entre le FLM et le FLE » (Ibid.4).

Pour conclure ce débat entre français langue étrangère et / ou français langue seconde pour
l’enseignement du français au Maroc, nous pouvons affirmer que la solution devrait être traitée à
deux niveaux didactiques : la didactique institutionnelle et la didactique de l’intervention.
Autrement dit, les aménagements linguistiques effectués par les décideurs politiques du pays en
matière d’éducation doivent toujours être bien planifiés en termes de modèles d’enseignements et
d’approches didactiques. Cela peut se réaliser en prenant en considération plusieurs paramètres
socioculturels afin de faciliter l’apprentissage de la langue française pour les élèves et arriver aux

104
objectifs préconisés. Sur le plan de la didactique de l’intervention, cela doit se concrétiser au niveau
des approches pédagogiques d’enseignement / apprentissage adoptées (à la lumière de la didactique
institutionnelle) au niveau des contenus des curriculums, des programmes annuels au sein des écoles
et des manuels scolaires et de leur exploitation, au niveau de la classe. Nous verrons dans ce qui suit
les approches retenues afin de contextualiser et accompagner le changement au niveau de la réforme
de l’enseignement du français entreprise au Maroc à partir de l’adoption de la CNEF.

Conclusion partielle

Après avoir défini ces concepts que nous avons relevé dans les textes de la réforme de la
vision stratégique 2015-2030 et de la loi cadre 57-17 relatifs à l’apprentissage linguistique, nous
constatons que les décideurs politiques en matière d’éducation accordent beaucoup d’importance au
profil linguistique des élèves dès leur entrée à l’école primaire. Ce profil est au départ orienté vers
le bilinguisme avant de viser le plurilinguisme. Cependant, la mise en place de ces concepts au sein
des classes nécessite l’usage de méthodologies nouvelles et un changement des programmes
scolaires en vigueur.

4.2 Les concepts relatifs aux méthodologies d’enseignement au Maroc


En consultant le guide « Les nouveautés du curriculum scolaire pour l’enseignement primaire :
Année scolaire 2020/2021 » et les guides pédagogiques des enseignants, nous avons relevé un
ensemble de méthodologies et d’approches d’enseignement évoquées pour rénover les pratiques
enseignantes. Ces méthodologies comme l’approche par compétences et la pédagogie d’intégration
ont été adoptées depuis la réforme initiées par la CNEF en 2000. D’autres méthodologies comme
l’approche actionnelle sont adoptée à partir de la vision stratégique de la réforme 2015-2030. Nous
terminerons par la définition de la transposition didactique et du curriculum car l’objectif de la
troisième partie de cette thèse est d’analyser le nouveau curriculum adopté pour la langue française
et de le comparer avec le contenu des nouveaux manuels scolaires de français au primaire pour la
première et la sixième année.

4.2.1 L’approche par compétences


L’approche par compétences (A.P.C) qui appartient au courant socioconstructiviste est
adoptée par le MEN marocain en 2000 avec la mise en application de la réforme dictée par la charte
nationale de l’éducation et de la formation. Elle a remplacé la pédagogie par objectifs (P.P.O), basée
sur le béhaviorisme, que le Maroc a adopté durant les années 80. La P.P.O a été adaptée à partir de
la chaîne de production de l’époque industrielle où l’uniformité a eu plus de valeur que la

105
personnalisation. Cette pédagogie a proposé une organisation scientifique et rationnelle de
l’éducation en adaptant l’homme aux besoins et aux valeurs de la société pour les traduire en
objectifs réalisables. Elle définit les comportements que l’apprenant doit produire contrairement à
l’APC qui ne formule que des hypothèses à propos de traitements compétents qu’une personne peut
réaliser en situation. Parmi les points faibles de la PPO, le fait d’être centrée sur la transmission par
l’enseignant et la recherche de comportements observables sur les contenus enseignés.
L’APC est un modèle d’enseignement basé sur les compétences qui aideront les élèves à
développer les compétences nécessaires pour réussir là où la P.P.O a échoué. Les curriculums et les
programmes scolaires marocains ont par conséquent changé afin de s’adapter à ce renouveau.
Comme le Maroc s’est engagé à continuer cette réforme éducative, la CNEF a décidé d’adopter la
centration sur l’apprenant afin de trouver des solutions aux inadéquations observées dans
l’enseignement : « la réforme de l'éducation et de la formation place l’apprenant, en général, et
l'enfant en particulier, au centre de la réflexion et de l'action pédagogiques » (CNEF, 1999 :5). Ce
concept de centration sur l’apprenant est apparu avec l’approche communicative dans les années 80
pour remplacer la centration sur les contenus prônée par la PPO.

L’approche par compétences permet à l’apprenant de renforcer l’échange, le partage et la


coopération avec ses pairs grâce à des situations d’apprentissage empruntées de la vie réelle
permettant de résoudre des problèmes. Jean-Marie De Ketele appuie cela en mentionnant que
l’approche par compétences « cherche à développer la possibilité par les apprenants de mobiliser un
ensemble intégré de ressources pour résoudre une situation-problème appartenant à une famille de
situations» (De Ketele, 2000 : 188).

C’est une approche basée sur une conception interactionniste et constructiviste de


l’enseignement / apprentissage et visant à mettre en relation les apprentissages acquis à l’école avec
la réalité sociale. Selon Mohamed Miled (2005 : 128-130), l’APC a été destinée au départ pour le
domaine de la formation professionnelle au niveau de l’entreprise avant d’être transposée au secteur
éducatif. Plusieurs systèmes éducatifs, du nord et du sud, l’ont adoptée. Elle est appliquée dans les
différentes composantes comme les curriculums, les manuels scolaires, le système d’évaluation et
dans la formation des enseignants.

L’APC repose sur les deux principes suivants : la détermination et l’installation des
compétences afin de développer des capacités mentales nécessaires dans différentes situations et
l’intégration des apprentissages au lieu de les apprendre de manière séparée ou juxtaposée. Ainsi,

106
avec l’APC, nous passons d’un modèle d’apprentissage cloisonné des savoirs à un modèle
d’apprentissage intégré qui leur donne du sens.

Elle s’applique à tous les domaines disciplinaires du système éducatif : mathématiques,


histoire-géographie, etc. L’A.P.C permet ainsi d’expliquer le processus d’appropriation des savoirs
disciplinaires dans un contexte stimulant et motivant pour l’apprentissage. Grâce à cette orientation
vers les apprentissages, les rôles de l’enseignant sont redéfinis. Désormais, il agit en tant que
médiateur et non en tant que détenteur du savoir. L’apprenant à son tour devient un partenaire actif
dans le processus de son apprentissage. De plus, il apprend à apprendre et développe ainsi
progressivement son autonomie d’apprenant. Cette approche vise donc à doter les jeunes d’une mise
en valeur de leur potentiel dans le monde du travail et à occuper la place qui leur correspond dans
la société en tant que citoyens actifs et responsables.

Selon Jean-Claude Beacco, l’approche par compétences de l’enseignement des langues est
une stratégie alternative développée à partir de l’approche globaliste comme toile de fond. Son
principe directeur réside dans le choix de la spécificité. C'est-à-dire que la langue est un ensemble
différencié de compétences solidaires mais relativement indépendantes les unes des autres et dont
chaque élément est susceptible de relever d’un traitement méthodologique particulier. Cette
approche constitue l’une des formes de concrétisation de l’approche communicative. Jean-Claude
Beacco affirme à ce propos que : « la diffusion de l’approche communicative dans le domaine du
français langue étrangère en France a conduit à faire passer cette version par compétences au second
plan, par un phénomène d’amalgame qui s’est produit avec l’approche globaliste» (Beacco, 2007 :
55).

Cette approche est porteuse de valeurs fortes en s’inscrivant contre la « marchandisation de


l’éducation » (Roegiers, 2010 : 91), contre l’alignement de l’éducation sur les seuls résultats à
atteindre47 au détriment du comment parvenir à ces résultats. Elle promeut des valeurs telles que
l’équité, le développement de l’esprit critique et la citoyenneté. Au niveau méthodologique, l’A.P.C,
tout comme la perspective actionnelle promue par le CECRL, fait partie des approches didactiques
qui donnent un sens aux savoirs / savoir-faire en les mettant en situation. Ce qui permet aux
apprenants de réinvestir leurs savoirs, savoir-faire, savoir-être dans la vie courante. Xavier Roegiers
affirme qu’en plus de cela, elle considère « chaque élève, chaque étudiant en tant que personne à
part entière, et à lui reconnaître le droit d’acquérir les outils qui lui permettent de faire face aux

47
Cette conception de l’éducation est représentée par des enquêtes comme PISA.

107
situations de vie grâce à l’usage adéquat de ce qu’il apprend à l’école et en formation » (Roegiers,
2010 : 12).

Un autre point doit être pris en compte pour l’A.P.C : c’est que sa mise en œuvre en classe
sollicite des enseignants bien formés, notamment car l’enseignement / apprentissage des contenus
doit être finalisé par la conception de situations d’intégration qui leur donnent sens et des
enseignants qui travaillent ensemble en transdisciplinarité. Ce sont également ces conditions de mise
en œuvre de l’A.P.C qui ont un peu freiné son efficacité au départ au Maroc. Les enseignants n’ont
pas été encore tous bien formés à son utilisation et ont continué à agir en classe comme auparavant
avec le même esprit de la P.P.O. Le caractère éclectique et la transversalité de l’APC exigent donc
que l’enseignant possède une bonne maîtrise, non seulement de la discipline enseignée, mais
également des connaissances dans d’autres disciplines, maîtrisant en outre différentes manières
d’enseigner, tout en étant capable de définir en détail les besoins de ses apprenants et d’adapter son
enseignement aux situations particulières de sa classe (Miled, 2004).

L’A.P.C repose sur la notion de compétence définie par Jacques Tardif en tant qu’« un savoir
agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de
ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations» (Tardif, 2006 : 22). Il faut
aussi souligner que la compétence, comme toute compétence, est virtuelle et afin de la concrétiser
elle doit s’accomplir dans des « situations-problèmes ». Dans ce même ordre d'idées, Xavier
Roegiers a énuméré un certain nombre de terminologies renvoyant à la notion de compétence. Il
trouve que l'on parle à la fois de plusieurs compétences : « Compétences de base, compétences
d’intégration, socle de compétences, compétences clés, compétences transversales, compétences
terminales, compétences essentielles, compétences disciplinaires, compétences spécifiques, etc. »
(Roegiers, 2004 : 32). Tous ces concepts seront mobilisés par les enseignants lors de la construction
des apprentissages afin de bien mettre en œuvre les pratiques de l’A.P.C. Cela peut s’avérer
complexe pour les enseignants au début surtout au niveau du choix des compétences à mobiliser
pour une discipline donnée.

De manière plus concrète, la mise en pratique de l’A.P.C implique cinq tâches primordiales à
suivre selon le guide de la pédagogie d’intégration dans l’école marocaine édité par le Centre
National d’Innovation Pédagogique et d’Expérimentation (CNIPE):
« -La planification des apprentissages ;
-La gestion des activités d’intégration au sein de la classe dans le but de transformer les
acquis des apprenants en compétences réelles ;

108
-L’évaluation du niveau de maîtrise des compétences par les apprenants en début et en
fin d’année ; ainsi qu’en fin de chaque période scolaire ;
-Le diagnostic des erreurs des apprenants et l’identification des difficultés qu’ils
rencontrent ;
-La remédiation efficace pour aider les apprenants en difficultés » (CNIPE, 2009 : 4).

La bonne gestion de toutes les étapes citées ci-dessus garantira forcément un apprentissage
réussi au niveau de toutes les disciplines scolaires. Il ne faut pas omettre que cette approche mise
sur une posture d’autonomie de l’apprenant où la curiosité et la performance font partie des tâches
à accomplir. Les compétences et les connaissances acquises lui serviront donc tout au long de sa vie
et lui permettront d’affronter la complexité du monde réel dans lequel nous vivons.

Le MEN marocain a organisé des formations pour ses cadres afin d’assurer la mise en œuvre
pratique de l’APC. Ainsi, les formateurs et tous les inspecteurs du cycle primaire et secondaire ont
d’abord été formés pour la constitution de l’expertise nationale. Ensuite, ces formateurs ont formé
les enseignants et les directeurs d’établissements. L’objectif de ces formations a été de garantir une
application de la réforme entamée dans de bonnes conditions en dotant les enseignants des notions
théoriques et pratiques relatives à l’APC.

Il ressort de ce qui précède que l’approche par compétences a permis de changer les pratiques
d’une grande majorité d’enseignants en les poussant à être plus créatifs surtout en intégrant les TICE
dans leurs cours en classe. Toutefois, cette approche a eu besoin d’être mieux contextualisée au
Maroc afin de donner une meilleure portée dès son adoption au niveau des résultats des jeunes élèves
marocains dont le niveau est toujours en baisse. Son application a nécessité un peu plus de temps et
de moyens financiers, logistiques et humains pour ne pas tomber dans l’improvisation et l’échec de
la réforme promue par la CNEF. Certes, les enseignants ont presque tous bénéficié d’une formation
théorique de l’APC mais ils ont toujours besoin d’être accompagnés afin de mettre en pratique cette
nouvelle approche pédagogique dans leurs classes pour garantir sa réussite. L’APC est également
préconisée dans la vision stratégique de la réforme 2015-2030 comme une approche parmi d’autres
pour enseigner les langues et les différentes disciplines scolaires.

4.2.2 La pédagogie d’intégration


Dans le cadre des réformes éducatives entreprises au Maroc, nous ne pouvons point aborder
l’approche par compétences sans évoquer la pédagogie d’intégration (P.I) qui est venue compléter
ce que la première a entamé. La PI est adoptée au Maroc lors de l’application du programme
d’urgence 2009-2012 dans son système éducatif afin de pouvoir évaluer les compétences
développées chez les apprenants grâce aux situations d’intégration dans toutes les disciplines

109
scolaires au primaire et au collège. Pour définir la PI, « Le guide de la pédagogie de l’intégration
dans l’école marocaine » édité par le CNIPE à destination des enseignants précise que :
« La pédagogie de l’intégration, en tant que cadre méthodologique, n'est pas une rupture
totale avec les pratiques habituelles. Au contraire, elle permet de faire évoluer celles-ci
en introduisant des modules d’intégration dans les programmes scolaires actuels. En
conséquence, cela exige de la part des enseignants des compétences professionnelles
spécifiques liées à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des situations
d’intégration » (CNIPE, 2009 : 4).

En somme, la PI intervient pour faire évoluer les pratiques de classe en vigueur grâce aux
modules d’intégration proposés. Par contre, elle demande des compétences professionnelles
spécifiques chez les enseignants en rapport avec le travail de conception, de mise en pratique et
d’évaluation de ces situations d’intégration. Donc, les enseignants auront un travail de plus à réaliser
afin de concevoir le matériel et les supports didactiques nécessaires pour mettre en pratique cette
pédagogie dans leurs classes. Cela nous amène à aborder, dans les lignes qui suivent, les principes
didactiques de cette approche et de se pencher sur les fondements de sa mise en place.

Le concept de la pédagogie d’intégration adopté au Maroc est celui issu des travaux de l’expert
belge Xavier Roegiers qui redéfinit la compétence en relation avec le concept d’intégration dans
son ouvrage « La pédagogie de l’intégration » comme suit : « La compétence amène l’apprenant à
mobiliser un ensemble d’acquis intégrés et non additionnés » tandis que le « concept d’intégration »
(Roegiers, 2010 :11-12) renvoie à la mobilisation des savoirs / savoir-faire / savoir-être dans des
tâches / projets, dans des situations-problèmes. « La pédagogie de l’intégration repose surtout sur le
principe simple selon lequel, au terme de ses études, chaque élève, chaque étudiant, doit pouvoir
faire face à une situation complexe […]. » (Ibid. 25), où « Le terme « complexe » fait référence à
une situation qui nécessite d’articuler plusieurs éléments. » (Ibid. 26). Cette complexité impose donc
de construire à partir des ressources mobilisables une réponse inédite et non la reproduction des
schémas tout prêts. En d’autres termes, la mobilisation par l’apprenant de l’ensemble de ses savoirs
afin de résoudre une situation d’intégration prouve qu’il a développé des compétences et mobilisé
des ressources acquises au cours de son apprentissage. C’est cette concrétisation de la compétence
dans une situation concrète que Roegiers nomme intégration ou « mobilisation conjointe, par
l’apprenant, de différents acquis scolaires dans une situation significative. » (Ibid. 62). Ainsi, cette
PI repose sur le fait de doter l’apprenant tout au long de son parcours d’un ensemble de savoirs et
de compétences qu’il mobilisera plus tard dans tout type de situation simple ou complexe rencontrée
dans la vie réelle.

110
Comme il a été mentionné dans le troisième chapitre de la première partie, la mise en
application des leviers dictés par la CNEF et réalisés sur le terrain éducatif a toujours été suivie et
évaluée annuellement par le conseil supérieur de l’enseignement et de la formation dans un rapport
présenté devant le roi du pays. Le rapport établi en 2008, a mentionné surtout le retard souligné dans
l’application de l’A.P.C sur plusieurs niveaux : manuels, évaluation, formation des enseignants. Le
MEN marocain a alors décidé de réunir un groupe d’experts afin de remédier le plus rapidement
possible aux problèmes dont souffre l’école marocaine. Cela s’est traduit par l’adoption du
programme d’urgence 2009-2012. Ce plan a promis de trouver des solutions aux problèmes
soulevées et aux retards enregistrés dans la réalisation des projets. L’application de la PI au Maroc
a fait appel à Xavier Roegiers afin de pouvoir former les inspecteurs marocains et les experts dans
le domaine de l’éducation à la mise en place de la PI dans les classes marocaines. Dans un rapport
récent de la cour des comptes48 intitulé « Rapport relatif à l’évaluation du programme d’urgence -
Ministère de l’éducation nationale- » réalisé par le haut conseil du commissariat aux comptes et
publié en 2018, il est indiqué que la généralisation de la PI prévue en 2011 a visé la finalisation de
la mise en place de l’APC :
« Dans le but de parachever la mise en place de l’approche par compétences, initiée par
la CNEF, le MEN a conclu, avec un expert international une convention pour généraliser
la pédagogie d'intégration dans l'ensemble des classes à l’horizon 2011. Cette
convention a été inscrite dans le cadre du projet relatif à l’amélioration du dispositif
pédagogique (E1.P8) » (haut conseil du commissariat aux comptes, 2018 : 48).

Dans cette même perspective, « Le guide de la pédagogie de l’intégration dans l’école


marocaine » proposé par le CNIPE vise les objectifs suivants pour mettre en place une bonne
application de la PI par les enseignants au sein des classes marocaines :
« -La clarification des concepts clés de la pédagogie de l’intégration, renforcée par des
exemples concrets.
-La mise à la disposition des enseignants d’un ensemble d’orientations pour les aider
à prendre des décisions pertinentes et à assurer leur auto-formation.
-La présentation de propositions d’actes pour aider l’enseignant dans la gestion de
ses tâches
-La proposition de pistes qui lui permettront de concevoir un dispositif adéquat
d’évaluation et de remédiation » (CNIPE, 2009 : 5).

En revanche, l’application de cette pédagogie au début n’a pas été facile pour les enseignants
parce que la mise en place de l’APC ne s’est pas bien articulée. L’instauration rapide du programme
d’urgence et le gros budget qui lui a été alloué (financé par un crédit de la BAD) ont fait couler

48
La Cour des comptes : est une institution constitutionnelle de l’état marocain chargée du contrôle d’exécution des
lois de finances, d’assistance au parlement et au gouvernement dans les domaines relevant de sa compétence et de
rendre compte au roi de l’ensemble de ses activités. Site : http://www.courdescomptes.ma/

111
beaucoup d’encre dans la presse marocaine. Cette dernière a pointé du doigt la crise de l’école
marocaine malgré le chantier entamé de la réforme et les dépenses colossales accordées à ce secteur
vital. Les enseignants ont eux aussi exprimé leur mécontentement face à ce programme conçu
rapidement sans les consulter et à la PI qu’ils doivent appliquer sans être bien formés à son usage
surtout au niveau pratique. Certes, toutes les académies régionales (AREF) se sont engagées
activement dans ce champ de formation continue mais les outils déployés sont restés insuffisants.
Cet extrait du rapport de la cour des comptes cite la réponse du ministère de tutelle face à la question
du haut conseil du commissariat aux comptes par rapport au budget alloué pour la formation des
enseignants à la PI :

« Ces formations sont réalisées, dans la majorité au niveau des AREFs, sur la base de
300 Dh / jours / bénéficiaires.
- Pour le cycle primaire, la mise en œuvre de la PI a débuté en 2008/2009 et a été
généralisée en 2010/2011.
- Pour le cycle collégial, la mise en œuvre de cette approche a démarré en 2009/2010
par une expérimentation dans 12 collèges (6 collèges de l’AREF Marrakech Tensift et
6 de l’AREF Chaouia Ouardigha), puis une généralisation au niveau de tous les collèges
des AREFs Marrakech Tensift, Chaouia Ouardigha et Oued Dahab Lagouira. La
généralisation au niveau national devrait avoir lieu en 2011/2012 et 2012/2013 » (Ibid.
46).

Nous concluons que cette généralisation de la PI s’est faite au niveau du cycle primaire mais
elle n’a pas pu être réalisée pour le cycle collégial au niveau de toutes les académies régionales
marocaines. Peut-être que si la généralisation de cette pédagogie a été réalisée elle aurait donné de
bons résultats chez les apprenants.

À titre d’exemple personnel, nous avons bénéficié de la formation autour de la PI au niveau


de la délégation provinciale de Safi durant cinq jours. Cependant, cette durée reste insuffisante pour
pouvoir bien assimiler cette nouvelle approche. Surtout pour maîtriser le côté technique et pouvoir
préparer des activités d’intégration convenables au niveau de tous nos élèves.

Le rapport de la cour des comptes de 2018 relatif à l’évaluation du programme d’urgence a


révélé également un ensemble de lacunes et de retards surtout au niveau de l’application de la PI
dans ce plan d’urgence :

«La mise en œuvre des projets du pôle pédagogique a été caractérisée par une
programmation ne favorisant pas la complémentarité et la synchronisation entre ses
projets. Il s’agit, notamment, des projets relatifs aux curricula et aux langues qui n’ont
pas été opérationnalisés alors que le MEN avait entamé la mise en œuvre de la pédagogie
d’intégration » (Ibid. 36).

112
Ces lacunes sont surtout relatives à la non-complémentarité entre les projets du pôle
pédagogique proposés par ce programme d’urgence. En effet, le système éducatif souffre depuis des
années de problèmes relatifs aux curricula et à l’enseignement des langues. Les causes de ces déficits
sont connues mais les solutions proposées ne sont pas toujours efficaces et adéquates. Nous avons
constaté que le problème majeur des réformes du système éducatif marocain est qu’elles proposent
une multitude de solutions théoriques qui paraissent convenables et réalisables. En outre, c’est leur
application en classe qui ne s’effectue pas correctement et par conséquent elles n’aboutissent pas
aux résultats espérés.

Selon ce même rapport, la mise en place de cette pédagogie a coûté un gros budget à l’État en
matière de consultation d’experts, de formation des enseignants et de la logistique. L’extrait ci-
dessous montre les grosses dépenses dues à ces mesures entreprises :
« Le MEN a dépensé, en dehors des dépenses afférentes à la formation des enseignants
en la matière, une enveloppe budgétaire significative d’un montant dépassant
71,32Mdhs49 pour l’intégration de cette approche dans le système pédagogique. Ce
montant est réparti entre :
-les dépenses liées aux prestations d’expertise qui ont fait l’objet d’un contrat pour un
montant de 27.789.263 Dhs, payé en totalité ;
-les dépenses conséquentes mais sans impact de la logistique relative à l’impression des
documents, des cahiers et des brochures sur la pédagogie d’intégration, pour un montant
de 43.548.052 Dhs50 » (Ibid. 49).

Nous pensons que les frais dépensés sont importants et ils ont pu être alloués à mettre en place
les projets relatifs à la réhabilitation des établissements ou à la révision des programmes scolaires
de langues. Malheureusement, la PI a été rapidement abandonné avec l’affectation du nouveau
ministre du MEN marocain Mohamed El Ouafa en 2012, comme le souligne le même rapport :
« En 2012, malgré les dépenses effectuées, le MEN a décidé, par la note circulaire n°12-
037 en date du 17 février 2012, d’abroger définitivement la note n° 204 relative à
l'évaluation des acquis selon la pédagogie d'intégration et de reporter l'application de
cette approche dans les établissements de l'enseignement collégial, jusqu'à l'élaboration
d'un bilan sur son application au niveau du cycle primaire.
Dans cette optique, l’IGAP51 a lancé, en 2012, une étude pour évaluer l’impact de la
suspension de la pédagogie d’intégration sur la qualité des enseignements. Cette étude
a révélé que ni les enseignants ni les élèves n’ont pu appliquer cette approche. Elle a
conclu également que les enseignants rencontrent des difficultés pour respecter le timing
mis en place pour évaluer les compétences des élèves, ainsi, la renonciation à cette
approche n’aurait pas d’effet négatif sur les apprentissages des élèves» (ibid. :49).

49
MDhs = Millions de dirhams (Monnaie marocaine) 1€ =11Dh
50
DHS : Dirhams marocains
51
IGAP : Inspection Générale des Affaires pédagogiques

113
À partir de cette citation, nous constatons que la PI a rencontré des problèmes au niveau de
son application auprès des enseignants et des élèves qui n’ont pas l’habitude de travailler de la
manière préconisée par cette approche. En effet, travailler avec des situations d’intégration demande
d’avoir utilisé ces situations durant la période d’instauration des acquis avant de les exploiter durant
la période d’évaluation. La difficulté remarquée chez les enseignants quant au respect du temps
accordé à l’évaluation des compétences prouve que ces derniers ont besoin d’une autre formation
plus axée sur le côté technique et pratique de la mise en place de la PI. Cela peut aussi se justifier
par le fait que la mise en œuvre de ce projet a été encore à ses débuts et qu’il lui faudrait plus de
temps pour se mettre en place efficacement. Le fait que la renonciation à cette approche n’a pas eu
d’impact négatif sur les élèves montre que la PI a échoué dans sa mission de résoudre les problèmes
rencontrés chez les élèves marocains. Il faudrait trouver une autre alternative bien planifiée pour
réformer ce secteur éducatif.

Nous tenons à clarifier également que la note circulaire n°12-037 n’a pas précisé les vraies
raisons derrière cette suppression de l'évaluation des acquis selon la PI. La décision du ministre
d’arrêter officiellement son application et de mener une étude de faisabilité par l’IGAP est à sa
bonne place car il vaut mieux bien avancer dans le chantier de la réforme que de continuer
d’appliquer une pédagogie inadéquate.

Pour résumer, la pédagogie d’intégration a marqué le plan d’urgence adopté au Maroc en


complément de l’approche par compétences adoptée avec la CNEF sauf qu’elle n’a pas donné les
résultats souhaités auprès des enseignants et des apprenants. Les experts du MEN qui ont pris la
décision de l’adopter n’ont pas bien réfléchit à son terrain d’application spécifique qui est le Maroc.
En revanche, la PI a donné de bons résultats chez des apprenants d’autres pays comme, le Canada,
la Tunisie, le Gabon, le Liban et la Belgique.

4.2.3 La perspective actionnelle


Nous abordons cette approche dans le cadre de cette recherche parce qu’elle a été mentionnée
dans la vision stratégique de la réforme 2015-2030 comme une méthodologie parmi d’autres pour
enseigner la langue française au cycle primaire. Nous la définirons tout d’abord et puis nous verrons
comment elle se présente à travers le texte de la vision stratégique de la réforme 2015-2030 de
l’enseignement au Maroc et à travers le guide « Les nouveautés du curriculum scolaire pour
l’enseignement primaire : année scolaire 2020/2021 » édité par la direction des curricula. Dans la
troisième partie qui suivra, nous vérifierons sa contextualisation dans les manuels scolaires choisis
pour être analysés dans le cadre de ce travail de recherche.

114
Avec la publication du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL)
issu des travaux du conseil de l’Europe en 2000, la perspective actionnelle est définie comme étant
une approche qui :

« Considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux
ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des
circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action
particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci
s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur
donnent leur pleine signification. Il y a « tâche » dans la mesure où l’action est le fait
d’un (ou de plusieurs) sujet(s) qui y mobilise(nt) stratégiquement les compétences dont
il(s) dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat déterminé. La perspective actionnelle
prend donc aussi en compte les ressources cognitives, affectives, volitives et l’ensemble
des capacités que possède et met en œuvre l’acteur social » (CECRL, 2000 : 15).

Ainsi, le modèle « actionnel » proposé est peu éloigné de l’approche communicative, mais
encore plus orienté vers les actions que l’apprenant peut faire en langue cible et les traduit souvent
sous forme de tâches dans un milieu social donné. L’approche actionnelle, appelée aussi l’approche
par la tâche, constitue une continuité avec l’approche communicative dans le sens où elle reprend
tous les concepts théoriques de cette dernière en y ajoutant l’idée de tâche à accomplir dans les
multiples contextes auxquels l’apprenant est confronté dans la vie sociale. Elle considère donc
l’apprenant comme un « acteur social » qui sait mobiliser l’ensemble de ses compétences, de ses
ressources et de ses stratégies cognitives (verbales et non verbales) pour parvenir au résultat
escompté : la réussite de la communication langagière.

De ce fait, cette approche renforce également la notion de centration sur l’apprenant, son
autonomie et son agir avec l’autre qui sont toutes des habiletés à développer chez les élèves
marocains qui apprennent la langue française. Cette vision d’autonomie à développer chez les
apprenants dépasse l’autonomie individuelle et vise une autonomie collective qui va au-delà de
l’espace classe. Christian Puren la mentionne dans son article « Approche communicative et
perspective actionnelle, deux organismes méthodologiques génétiquement opposés et
complémentaires » comme un moyen de renforcement de l’autonomie individuelle et collective :
« Dans la PA, l’enjeu est de former les apprenants non seulement à l’autonomie individuelle, mais
aussi à l’autonomie collective, tant au niveau des groupes de travail qu’à celui de la classe entière,
tant en langue qu’en culture d’action sociale » (Puren, 2014 : 11). Ainsi, grâce à cette approche
l’apprenant mobilise l’ensemble de ses compétences générales, psychosociales, affectives et
culturelles ainsi que la compétence à communiquer langagièrement pour accomplir des activités
langagières ou des tâches. Cette mobilisation lui permet de passer du verbal au concret en mobilisant
plusieurs stratégies qu’il développe au cours de son apprentissage.

115
Cependant, il ne faut pas considérer cette perspective actionnelle en tant qu’une nouvelle
méthodologie d’enseignement /apprentissage mais comme une proposition parmi d’autres afin
d’arriver aux objectifs fixés en fonction des apprenants, de leurs besoins spécifiques et de leur milieu
social. Le CECRL lui-même l’acquiesce dans ce passage :
« Le Conseil de l’Europe a pour principe méthodologique fondamental de considérer
que les méthodes à mettre en œuvre pour l’apprentissage, l’enseignement et la
recherche, sont celles que l’on considère comme les plus efficaces pour atteindre des
objectifs convenus en fonction des apprenants concernés dans leur environnement
social» (CECRL, 2000 : 110).

Ce passage montre qu’afin d’arriver aux objectifs tracés pour tout apprentissage il faut choisir
la méthode la plus convenable à exécuter auprès des apprenants parmi toutes celles qui sont
proposées.

Autour du concept de la tâche actionnelle, il faut toujours la relier au contexte et aux besoins
communicatifs afin que les élèves travaillent ensemble et puissent la réaliser avec aisance. Peter
Griggs mentionne à ce propos que : « La pédagogie par tâches constitue un moyen de placer les
élèves au centre du processus d’apprentissage en créant un cadre interactionnel qui les amène à
résoudre ensemble des problèmes de langue pour répondre à des besoins communicatifs » (Griggs,
2009 :80). Cela permet de renforcer la notion du travail en groupe chez les apprenants pour réaliser
des tâches communicatives ensemble.

Pour conclure, il faut admettre que la perspective actionnelle n’est pas une solution
miraculeuse pour améliorer l’enseignement des langues mais une continuité de l’approche
communicative. En effet, elle a été mise en place afin de remédier aux lacunes de l’approche
précédente (l’APC) et de constituer avec elle une sorte de complémentarité afin de garantir un
apprentissage efficace des langues.

4.2.3.1 La perspective actionnelle dans la vision stratégique de la


réforme 2015-2030
D’après les définitions citées ci-haut, la perspective actionnelle représente une continuité de
l’approche communicative puisque l’apprenant est toujours mis au centre des apprentissages. Loin
des méthodes traditionnelles, elle fait partie des approches méthodologiques actives où l’apprenant
est l’acteur de ses apprentissages et où les activités de classe doivent être réalistes et vraisemblables
en s’inscrivant dans un cadre proche du milieu quotidien de l’élève. Ce qui lui permettra de réaliser
les tâches proposées par l’enseignant.

116
Dans ce même esprit de rénovation pour améliorer l’enseignement de la langue française au
Maroc, le guide édité par la direction des curricula du MEN marocain intitulé « Les nouveautés du
curriculum scolaire pour l’enseignement primaire : année scolaire 2020/2021 » mentionne
l’adoption de la perspective actionnelle comme une nouvelle approche didactique et
méthodologique basée sur la communication et l’action tout en mettant l’apprenant au cœur de ses
apprentissages :
« Ces orientations s’inscrivent dans la continuité des réformes en cours, notamment pour
ce qui concerne les trois entrées stratégiques (l’approche par compétences, l’éducation
aux valeurs et l’éducation au choix), et se situent dans la lignée des courants
pédagogiques en vogue (perspective actionnelle, vision entrepreneuriale et
communautaire, …) » (direction des curricula, 2020 :135).

Toutefois, l’adoption de cette perspective actionnelle et sa mise en place dans les classes
marocaines nécessitent une formation des enseignants à cette approche, des manuels scolaires
adaptés ainsi qu’un aménagement de l’espace classe et un effectif d’élèves convenable. Tout cela
dans l’optique de garantir la réussite de la réforme entamée afin d’améliorer le volet de
l’apprentissage des langues étrangères dans ce contexte de réforme de l’éducation et de la formation
au Maroc.

Un peu plus loin dans ce même document, il est mentionné que l’approche retenue pour
l’enseignement du français dans les classes marocaines du primaire est une approche fondée sur
l’action afin d’aboutir à des tâches communicatives et à des projets concrets. Cette action se traduit
par le fait de rendre l’apprentissage actif à travers un usage réel et libre de la langue pour les
apprenants :
«Loin de réduire l’apprentissage à un statut passif, l’enseignement du français doit
permettre à l'apprenante/l’apprenant un usage réel et libre de la langue. En effet, celle-
ci doit être utilisée pour effectuer des tâches communicatives et mener à bien des projets
débouchant sur des réalisations concrètes. Cela exige que la classe soit un
environnement social et linguistique riche et stimulant où le français est la langue
d’usage réel. Ce choix pédagogique confère à l’enseignante/l’enseignant le statut de
médiatrice/médiateur, de conseillère/conseiller, de metteuse/metteur en scène et
d’animatrice/animateur qui organise l’acte d’apprentissage dans un environnement
privilégiant l’action » (Ibid.136).

Cet extrait expose également les différents statuts et rôles de l’enseignant pour mener à bien
son cours dans ce cadre actionnel. Ce changement mené doit également impliquer une réforme des
manuels scolaires et des supports utilisés en classe ainsi qu’une amélioration au niveau de
l’introduction de nouvelles pratiques d’enseignement au niveau des techniques d’animation et de
l’intégration des TIC et du numérique dans l’enseignement / apprentissage des langues. Cette

117
intégration permettra aux élèves de s’ouvrir sur des pratiques langagières nouvelles et à apprendre
la langue dans une ambiance favorable et sécurisante.

La question de centration sur l’apprenant et le fait qu’il soit acteur de son apprentissage et tout
ce qu’elle mobilise pour être concrétisée est elle aussi abordée dans ce passage du même guide. Ce
dernier propose des recommandations à suivre pour réussir ce processus :
«L’enseignement du français préconise une approche méthodologique cohérente
donnant lieu à des processus dynamiques favorisant la construction des apprentissages,
au travers de l’observation, de la réflexion, de l’analyse et de la synthèse. Ainsi
l’apprenante/l’apprenant sera-t-elle/sera-t-il actrice/acteur de ses projets
d’apprentissage. Pour cela, il est recommandé de (d’) :
-prendre en compte le niveau réel et les besoins des apprenantes/apprenants ;
-considérer l’erreur comme nécessité didactique et facteur inhérent à l’apprentissage ;
-diversifier les techniques d’animation et les formes de travail tout en mettant
l’apprenante/l’apprenant dans des conditions favorisant la communication, l’interaction
et l’action ;
-prendre appui sur une situation de communication significative, accessible à
l’apprenante/l’apprenant et ayant un sens pour elle/pour lui ;
-analyser la situation selon des objectifs précis
(communicatifs/linguistiques/socioaffectifs/ socio-culturels/cognitifs) ;
-regrouper les éléments analysés en un tout fonctionnel permettant de résoudre des
situations-problèmes et/ou d’accomplir des tâches » (ibid. 137).

La démarche proposée repose donc sur un processus dynamique qui permet à l’apprenant la
construction de ses apprentissages à travers une démarche rigoureuse allant de l’observation, de la
réflexion, de l’analyse vers la synthèse. Elle aidera ainsi l’élève à devenir acteur de son
apprentissage. Dans cet extrait, quelques principes théoriques de l’approche actionnelle figurent
comme l’accomplissement des tâches et l’appui sur une situation de communication significative,
accessible à l’élève et ayant un sens pour lui sauf que le sujet de ces situations n’est pas détaillé dans
ce passage. Il le sera dans la grille spécifique au programme scolaire de chacune des six années du
primaire. Le recours à la pédagogie de l’erreur est également mentionné puisqu’elle favorise la
conscience des élèves pendant l’apprentissage. La diversification des techniques d’animation et des
formes de travail est demandée pour aboutir aux résultats souhaités et favoriser l’autonomie de
l’élève.
À partir de ce qui précède, la classe de français doit constituer pour les élèves marocains un
espace adéquat qui offre des occasions variées pour communiquer et agir en langue française avec
aisance. Il est également très important que les élèves puissent agir et réagir dans cette langue à
travers la résolution de problèmes et / ou la réalisation de tâches, la pratique d’activités intégrées et
l’utilisation ludique de la langue grâce aux jeux ludiques favorisant l’apprentissage linguistique.

118
Ainsi conçu, l’apprentissage du français ne sera plus seulement au service de la communication,
mais aussi de l’action et de l’ouverture sur une autre culture.

Pour conclure sur ce point de la méthodologie adoptée pour l’enseignement du français au


primaire au Maroc, la perspective actionnelle est une alternative parmi d’autres à côté de l’approche
communicative pour faciliter l’enseignement / apprentissage de la langue française dans les classes
marocaines. Cependant, elle doit être bien mise en place dans le contexte éducatif marocain afin de
donner ses fruits et ne pas tomber dans les déficiences des autres méthodologies adoptées
précédemment. Nous verrons dans la troisième partie portant sur l’analyse des manuels scolaires
marocains si cette approche actionnelle figure vraiment dans les guides pour les enseignants et les
manuels scolaires réformés à la suite des recommandations de la vision stratégique 2015-2030 et
comment elle se présente.

4.2.4 La transposition didactique


Nous évoquons le concept de la transposition didactique dans le cadre de ce travail de
recherche car nous travaillons sur la traduction des recommandations des textes officiels de la vision
stratégique 2015-2030 et de la loi cadre 51-17 dans les manuels scolaires marocains réformés. Au
niveau des pratiques de classe tout savoir doit être didactisé pour pouvoir être enseigné par les
enseignants et assimilé facilement par les apprenants en fonction de leur niveau, âge et capacités
mentales. La notion de transposition didactique est fondamentale en didactique des langues. Elle est
devenue d’usage courant en sciences de l’éducation et notamment dans les diverses didactiques des
disciplines.

Dans les lignes qui suivent, nous avons choisi de développer la théorie didactique autour de
ce concept majeur qui nous intéresse grandement dans notre recherche doctorale. Il confronte les
deux didactiques : institutionnelle (tel qu’elle est préconisée dans les réformes et lois) et la
didactique de l’intervention (tel qu’elle est « transposée » dans les salles de classe notamment à
travers les manuels scolaires. Nous y reviendrons dans la troisième partie « Analyse des
manuels scolaires» où il sera question d’analyser les manuels de français réformés. Nous
alimenterons notre réflexion en nous appuyant sur les points de vue des spécialistes qui ont contribué
à faire avancer la réflexion autour de cette notion notamment : Yves Chevallard, Philippe Perrenoud,
Jean-Louis Martinand et Michel Develay.

119
4.2.4.1 La transposition didactique selon Yves Chevallard
Yves Chevallard est l’un des premiers didacticiens à définir cette notion dans son ouvrage
« Du savoir savant au savoir enseigné » comme suit :

« Un contenu de savoir ayant été désigné comme savoir à enseigner subit dès lors un
ensemble de transformations adaptatives qui vont le rendre apte à prendre place parmi
les objets d’enseignement. Le « travail » qui, d’un objet de savoir à enseigner, fait un
objet d’enseignement est appelé la transposition didactique » (Chevallard, 1985/1991 :
39).
Ainsi, le contenu choisi (le savoir savant) pour être enseigné en classe est sujet à de multiples
opérations de transformations et d’accommodations, appelées transposition didactique, avant d’être
présenté devant les apprenants. Ce didacticien a également proposé le schéma suivant pour montrer
les différentes étapes de modification qui s’opèrent sur la forme et sur le fond du savoir initial pour
aller du savoir savant vers le savoir appris en classe par les élèves. Même si ses travaux ont porté
sur la transposition didactique en mathématiques, cela peut être extrapolé et appliqué sur d’autres
disciplines scolaires.

Transposition didactique externe Transposition didactique interne

Savoir Savoir à Savoir Savoir


savant enseigner enseigné appris

Figure 5 : La transposition didactique selon Yves Chevallard, 1991

La transposition didactique externe concerne donc la transformation du savoir savant en un


savoir à enseigner en classe aux élèves. Il est à préciser que le passage d’un objet du savoir savant
à un objet du savoir à enseigner est dirigé par « la noosphère » c'est-à-dire le groupe de personnes
chargé de décider le contenu qui doit être enseigné au niveau de tel ou tel programme ou curriculum
scolaire. Cette noosphère, toujours selon Yves Chevallard, réunit tous les acteurs qui sont au
croisement d’un système d’enseignement donné et de la société (les décideurs politiques, les
savants, les chercheurs universitaires ou les inspecteurs de l’éducation nationale, les enseignants
dans les écoles et les parents). Ce sont eux qui décident des contenus d’enseignement à intégrer dans
les manuels scolaires et dans les programmes officiels. Le savoir à enseigner qui résulte de cette
première transformation doit correspondre aux attentes des enseignants puisque c’est à eux de le
transmettre à leurs élèves. Tandis que la transposition didactique interne concerne le savoir enseigné
réellement en classe par les enseignants en relation avec le savoir appris et assimilé par les élèves.

120
Pour conclure, nous signalons que la didactique institutionnelle ou curriculaire et la
didactique de l'intervention, évoquées dans cette partie introductive, doivent être menées en
corrélation et en concertation entre tous les acteurs du domaine éducatif afin d'optimiser le processus
d'enseignement / apprentissage et ce quelle que soit la discipline enseignée.

4.2.4.2 La transposition didactique selon Philippe Perrenoud


Pour Philippe Perrenoud, cette transposition est essentielle et normale dans chaque processus
d’enseignement / apprentissage. Comme le confirme sa citation : « La transposition didactique n'est
« ni bonne ni mauvaise », ce qui signifie qu'il n'y a pas d'enseignement sans transposition, elle n'est
pas un effet pervers, une dénaturation, mais une transformation normale, à laquelle nul n'échappe
lorsqu'il veut transmettre un savoir » (Perrenoud, 1998 :491). Donc, cette transformation est
primordiale à chaque fois que nous désirons transmettre un savoir dans un environnement scolaire
donné.

Le schéma ci-dessous réalisé par Philippe Perrenoud montre la manière avec laquelle se
réalise le processus de la transposition didactique en une chaine solide qui part des savoirs savants
et des pratiques en vigueur dans une société donnée, qui se transforment en curriculum formel
contenant les objectifs généraux et détaillés des programmes puis, qui devient le curriculum réel
enseigné en classe pour aboutir à la fin aux apprentissages réels réalisés par les élèves dans une
discipline scolaire. Il souligne également que le curriculum réel relève considérablement de la marge
d’interprétation, voire de création des enseignants. Ces derniers l’adaptent toujours en fonction du
niveau et des capacités de leurs différents élèves.

La chaine de transposition didactique


Savoirs et pratiques ayant cours dans la société

Curriculum formel, objectifs et programmes

Curriculum réel, contenus de l’enseignement

Apprentissages effectifs et durables des élèves


Figure n°6 : La chaine de transposition didactique selon Philippe Perrenoud

121
Philippe Perrenoud prévient aussi de la possible confusion entre savoirs et pratiques. Il ne faut
point les considérer comme deux sources équivalentes parce que même si les pratiques mobilisent
les savoirs. Ils ne s’y réduisent pas aux côtés des savoirs savants, des savoirs experts, professionnels
ou pratiques. En même temps, les savoirs et les pratiques ne sont pas des réalités bien distinctes
mais, complémentaires car il n’y a pas de savoirs sans pratiques, ni de pratiques sans savoirs. Ceci
l’a conduit à introduire la notion de compétence et ainsi proposer une chaîne de transposition
didactique plus complexe. Cette compétence renvoie à une action réussie en ajoutant une étape
supplémentaire sous la forme de deux listes, irréductibles l’une à l’autre, qui englobent :
«D’un côté, les ressources cognitives mobilisées (informations, théories, concepts,
rapport au savoir, méthodes, techniques, procédures, habiletés, attitudes) ; chacun de ces
termes mériterait une définition précise, mais je me borne ici à souligner la pluralité des
ressources cognitives d’un sujet ; à noter que les ressources externes de l’action, qu’elles
soient humaines, matérielles, technologiques, n’apparaissent ici que sous les auspices
des informations et des savoirs qui permettent au praticien de connaître l’existence et le
mode d’emploi des moyens disponibles ;
De l’autre, les schèmes opératoires qui permettent, en temps réel, la mobilisation
efficace des ressources cognitives ; sans ces schèmes, les ressources ne sont pas activées,
transférées, adaptées, coordonnées, bref, elles restent " lettre morte "» (Perrenoud,
1997 : 472).

Ce nouveau modèle de transposition didactique part des pratiques ayant cours dans la société.
Il identifie les compétences à l’œuvre dans les pratiques d’enseignement et inclut donc l’analyse des
ressources cognitives mobilisées par un individu et les schèmes opératoires qui mobilisent
efficacement les hypothèses relatives au mode de genèse des compétences en situation de formation.
Le schéma ci-dessous explique toutes les étapes de la transposition didactique à partir des pratiques :

122
Figure n°7 : La transposition didactique à partir des pratiques selon Philippe Perrenoud

Ce deuxième schéma part des pratiques ayant cours dans la société pour instaurer des
apprentissages efficaces chez les élèves. Il diffère du premier schéma en ajoutant la dimension des
compétences qui seront identifiées et analysées avant d’être mises en œuvre dans les pratiques
pédagogiques de classe pour garantir une transposition didactique réussie.

En ce qui concerne le choix des savoirs savants dans les programmes scolaires à enseigner,
sujet qui nous intéresse dans cette thèse, Philippe Perrenoud affirme qu’ :
« On sous-estime nécessairement les conflits de savoirs lorsqu’on n’approche les savoirs
savants qu’à partir des programmes scolaires. En effet, ces derniers privilégient - du
moins durant la scolarité de base - des savoirs consolidés, qui font l’unanimité depuis
des décennies. Censurer les savoirs les moins assurés est précisément l’une des fonctions
de la transposition didactique externe. On sait ce qui arrive lorsque ce mécanisme ne
fonctionne pas » (Perrenoud, 1998 :9).

123
En fait, nous savons qu’il est assez délicat de changer certains programmes scolaires existant
depuis plusieurs années et qui représentent des enseignements de base primordiaux. Il est impératif
également de modifier ces programmes en fonction des besoins évolutifs de la société et de la
jeunesse qui devient exigeante de nos jours. En d’autres termes, les savoirs à enseigner aux élèves
doivent être motivants et intéressants pour eux afin qu’ils progressent mieux. C’est à ce moment-là
que la transposition didactique externe doit intervenir afin de supprimer et de modifier les savoirs
les moins utiles et les remplacer par d’autres plus intéressants. Mais, il faut également savoir que le
processus de changement des contenus à enseigner dans le curriculum n’est pas toujours aisé et
nécessite une grande réflexion et concertation de la part des concepteurs des programmes. Ces
derniers doivent prendre leurs temps pour réfléchir, sélectionner et décider des contenus adéquats
pour être enseignés aux élèves.

4.2.4.3 La transposition didactique selon Jean Louis Martinand

Pour aller plus loin dans la discussion, il est important de citer Jean Louis Martinand (1986)
qui a complété le schéma de transposition didactique de Chevallard en ajoutant la notion de
pratiques sociales de références. Elles sont composées du savoir-faire et du savoir-être à côté du
savoir savant puisqu’il considère que ce dernier est parfois insuffisant pour la détermination des
contenus d’enseignement. Il cite comme exemple le cas de l’enseignement de la technologie ou de
l’éducation physique où les savoirs savants sont inexistants et où les savoirs divers comme les
savoirs d’actions, les savoirs implicites ou les savoirs professionnels sont les seules sources.

Savoir savant Pratiques sociales de référence Transposition didactique


Savoir à enseigner externe
Savoir enseigné Transposition didactique
Savoir appris interne
Figure n°8 : La transposition didactique complétée selon Jean Louis Martinand

Ce schéma montre que les pratiques sociales de référence sont importantes à impliquer dans
le processus de transposition didactique externe afin de déterminer les contenus d’enseignement à
inclure dans le programme scolaire. La transposition didactique interne dans ce cas inclue le savoir
enseigné et le savoir appris par les élèves qui englobe également les pratiques sociales de référence.

124
4.2.4.4 La transposition didactique selon Michel Develay
Les travaux de Michel Develay en 1992 ont permis de mieux détailler le schéma de la
transposition didactique présenté par ses prédécesseurs grâce à la reconstruction programmatique
opérée selon deux processus complémentaires. En effet, le nouveau schéma se focalise plus sur le
travail de didactisation mené par l’enseignant. Ce dernier joue un rôle très important dans
l’organisation des situations d’apprentissage, l’adaptation du contenu d’enseignement par rapport
aux objectifs visés théoriquement et au niveau réel des élèves en classe. L’axiologisation est le
second processus sur lequel repose le choix des contenus à enseigner par rapport aux valeurs
véhiculées et aux finalités éducatives et sociales.

Cette transformation demande de la part de l'enseignant une compétence non négligeable


dans la construction des objets d’enseignement. Cette compétence n’est acquise qu’au fil des années
avec l’expérience et la pratique professionnelle en classe.

Figure n°9 : Le Schéma de la transposition didactique de Michel Develay (1992)

Ce schéma de Michel Develay prend en considération tous les points cités par les schémas
précédents mais en les détaillants. Il y ajoute le savoir assimilé par les élèves en classe. Ce savoir

125
assimilé est le résultat de toutes ces opérations de transposition didactique et c’est donc la traduction
efficiente des recommandations du curriculum officiel.

4.2.5 De la transposition didactique au curriculum


Il ressort des conceptions précédentes des différents chercheurs cités : Yves Chevallard
1991, Philippe Perrenoud 1995, Jean Louis Martinand 1994 et Michel Develay 1992 que la
transposition didactique est un processus complexe qui a évolué à travers le temps dans les
disciplines auxquelles elle a été destinée au départ pour être extrapolée sur d’autres matières et aussi
au niveau des concepts mobilisés. Par conséquent, la transposition didactique permet aujourd’hui
d’aller du savoir savant et des pratiques sociales (transposition externe) vers le savoir appris en
classe tout en passant par un nombre important d’opérations de transformation permettant de la
didactiser (transposition interne).

En effet, dans les établissements scolaires, ces modifications commencent avec la


transposition externe et se poursuivent par une transposition interne dans la mise en pratique des
programmes officiels. Elles tiennent compte des conditions d’exercice tant du métier d’enseignant
que du métier d’élève au sein de la structure scolaire. Cette transposition didactique va également
en parallèle avec la conception du curriculum et des programmes scolaires qui seront enseignés en
classe mais également avec les pratiques sociales en vigueur au sein d’une société donnée. La mise
en pratique de cette transposition se réalise à travers l’élaboration d’un curriculum de type
didactique qui peut rendre accessible la science sans pour autant la sacrifier.

Dans le présent travail, nous sommes intéressée par les deux transpositions externe et interne.
Nous traitons la transposition externe à travers les textes de lois des réformes instaurées récemment
au Maroc à savoir la CNEF, la vision stratégique de la réforme 2015-2030 et la loi cadre 51-17.
Nous traitons également la transposition interne à travers les manuels scolaires réformés récemment
pour suivre les directives annoncées par ce nouveau curriculum. Nous nous intéresserons dans la
troisième partie à savoir comment s’effectue cette opération de transformation du savoir à enseigner
qui figure dans les curriculums et les programmes scolaires au savoir enseigné réellement aux
apprenants à travers l’analyse des manuels scolaires.

4.2.6 L’analyse de curriculums


Après avoir défini la notion de transposition didactique, nous passons à la définition de
comment se fait l’analyse d’un curriculum afin de pouvoir l’exploiter dans la troisième partie qui

126
suivra autour de l’analyse de deux manuels scolaires de français marocains pour voir comment elle
s’opère.

Le terme curriculum est un terme clé dans ce travail de recherche car c’est sur lui que repose
toute réforme de l’enseignement. Ses origines remontent au latin « currere » ou courir à la
« carrière » où s’exerce un cheval. Il renvoie à un parcours et ses obstacles. Depuis l’antiquité, ce
terme est associé à celui d’éducation : « educare » ou ‘conduire vers’. Le curriculum renvoie donc
à la construction d’un parcours d’apprentissage. Ce concept est repris par Daniel Coste qui le définit
ainsi :
« Un curriculum scolaire, c’est tout d’abord un parcours éducationnel, un ensemble suivi
d’expériences d’apprentissage effectuées par quelqu’un sous le contrôle d’une
institution formelle au cours d’une période donnée. Par extension, la notion désignera
moins un parcours effectivement accompli qu’un parcours prescrit par une institution
scolaire, c’est-à-dire un programme ou un ensemble de programmes d’apprentissages
organisés en cursus» (Coste, 1995 : 80).

Donc, le curriculum scolaire est réalisé toujours sous la supervision d’une institution formelle
et représente l’ensemble du parcours éducationnel pour une matière scolaire au cours d’une période
donnée. Aussi, il ne faut pas le confondre avec le cursus qui désigne un ou des programme (s)
d’apprentissage scolaires. Pour le cas que nous sommes en train d’étudier, c’est la direction des
curricula au sein du MEN marocain qui se charge de cette opération. Ce département s’occupe de
la conception du curriculum scolaire et aussi des programmes scolaires enseignés dans les différents
établissements publiques marocains.

4.2.7 Le curriculum formel et le curriculum réel


Les recherches en didactique ont distingué entre deux notions relatives au curriculum qui
peuvent prêter à confusion. En effet, il ne faut pas confondre entre le curriculum formel et le
curriculum réel.
Nous entendons par curriculum formel l’ensemble des expériences de formation composées
des connaissances, des valeurs, des compétences que les élèves doivent assimiler tout au long de
leur parcours scolaire dans les différents cycles. Il constitue également « le savoir à enseigner »,
suivant la définition d’Yves Chevallard, qui fera l’objet du processus d’enseignement et
d’apprentissage au sein de l’école. Il faut savoir qu’au moment de sa conception par les experts, le
curriculum est destiné à être enseigné à un élève idéal par un enseignant modèle. Emil Paun affirme
à ce propos que : « de plus, ce curriculum est le produit de quelques experts qui, au moment de son
élaboration, pensent à un élève abstrait (du même type que le sujet épistémique décrit par Piaget) et
à un professeur tout aussi abstrait que l’élève » (Paun, 2006 : 4). Cela signifie que le curriculum

127
formel lorsqu’il est conçu obéit à des objectifs et des directives qui peuvent parfois ne pas
correspondre à la réalité quotidienne des classes telles qu’elles sont vécues par les enseignants et les
élèves. Nous retenons la définition proposée par ce chercheur car dans cette recherche nous partons
des textes officiels marocains des réformes récentes pour explorer les notions didactiques relatives
à la transposition externe.

Pour le curriculum réel, c’est la traduction réaliste, personnelle et individuelle par l’élève du
curriculum formel en fonction de sa motivation, de ses habiletés antérieures et de ses expériences
hors de l’institution scolaire. Certains chercheurs le comparent au parcours de vie et au curriculum
vitae.
Afin de distinguer entre ces deux types de curriculums, nous proposons la définition de
Philippe Perrenoud qui attribue au curriculum formel l’image de la culture savante à transmettre
après plusieurs opérations de découpage et de codage, tandis qu’il assigne au curriculum réel la
fonction de transposition pragmatique censée générer des apprentissages nouveaux chez les élèves
grâce aux différentes pratiques de classe :
« Notre insistance sur les pratiques, sur le travail scolaire, entend notamment à souligner
que le curriculum réel, tel que nous l’entendons ici, n’est pas seulement une
interprétation plus ou moins orthodoxe du curriculum formel. Il en est une transposition
pragmatique. Autrement dit, curriculum formel et curriculum réel ne sont pas de la
même nature. Le curriculum formel est une image de la culture digne d’être
transmise, avec le découpage, la codification, la mise en forme correspondant à cette
intention didactique ; le curriculum réel est un ensemble d’expériences, de tâches,
d’activités qui engendrent ou sont censées engendrer des apprentissages » (Perrenoud,
1995 : 237).
Le curriculum formel regroupe donc l’énoncé des finalités, les contenus, les activités et les
démarches d’apprentissage, ainsi que les modalités et les moyens d’évaluation des acquis des élèves
qui seront présentés par les enseignants. Ce curriculum est conçu par l’équipe des concepteurs du
ministère compétent pour bien cadrer le processus d’enseignement / apprentissage. Il est imposé aux
enseignants. Ils doivent le suivre et l’exécuter afin de bien mener leur travail auprès des élèves en
classe.
Ainsi, la conception effective du curriculum se fait l’écho d’un projet d’école reflétant un
projet de société. Cela donne lieu à des comportements et des pratiques ancrés dans une réalité
éducative donnée. Perrenoud avance ainsi le concept de curriculum formel pour distinguer les
parcours effectifs de formation des individus scolarisés et le curriculum réel pour penser la
représentation institutionnelle du parcours que les élèves sont censés suivre normalement.

128
4.2.8 La grille d’analyse des manuels scolaires
Afin de pouvoir faire le cadrage méthodologique de cette recherche nous recourrons à une
grille d’analyse descriptive des nouveaux manuels scolaires réformés suites aux recommandations
des nouveaux textes de lois officiels. Les grilles d’analyse sont un outil parmi d’autres afin d’évaluer
l’efficacité d’un manuel scolaire utilisé en classe. Nous avons consulté plusieurs modèles de grilles
d’analyse de manuels de français langue étrangère élaborés par des experts en didactique. Ces grilles
présentent divers critères d’analyse sur le fond et la forme des manuels scolaires. Voici le modèle
de grille que nous avons élaboré à partir des différentes grilles consultées et de nos lectures
d’ouvrages spécialisés en analyse de manuels scolaires (Evelyne Bérard 1991, Christian Puren 2016,
François-Marie Gérard et Xavier Roegiers 2009, Patrick Dahlet 1984) :

Type de matériel
disponible
Nombre de pages
Prix
Titre
Les auteurs
CD audio
Public cible

Objectifs
Activités
Structure générale de
la méthode Durée de
l'apprentissage
Unités
Progression
Contenu Contenu
communicatif
Contenu
grammatical
Lecture
Graphisme/
écriture
Contenu
culturel
Correction phonétique
Rôle de l'enseignant

129
Profil d’entrée en 1ère
année
Profil de sortie en fin
d’année
Supports/documents

Les jeux ludiques


Méthodologie

Les projets de classe


proposés
1ère de couverture
Présentation d’une
unité didactique
Qualité des
illustrations
Qualité du papier
Tableau n°7 : Grille d’analyse descriptive des manuels marocains

Cette grille d’analyse purement descriptive nous permettra essentiellement d’avoir un regard
d’ensemble sur les deux manuels. Elle sera ensuite complétée par une analyse minutieuse des deux
manuels choisis pour être analysés. Il s’agira de choisir une unité didactique à analyser dans chaque
manuel et de comparer son contenu aux directives annoncées par les deux textes de lois officiels à
savoir la vision stratégique de la réforme 2015-2030 et la loi cadre 51-17.

Conclusion
Dans ce quatrième chapitre, nous avons passé en revue les principaux concepts théoriques
nécessaires pour cadrer notre travail de recherche sur la réforme de l’enseignement primaire au
Maroc. Les définitions retenues de ces concepts que nous avons relevé dans les différents textes des
récentes réformes nous ont permis de poser le cadrage théorique indispensable pour inscrire ce
travail dans un cadre convenable au champ de la recherche choisi à savoir la didactique du français
langue étrangère. Ils ont également répondu à un autre volet de notre problématique de recherche
autour de la validité des méthodologies d’enseignement adoptées au Maroc dans le cadre des
réformes entreprises. Cela s’est manifesté depuis la CNEF avec l’adoption de l’approche par
compétences et de la pédagogie d’intégration qui n’ont pas été une réussite dans le système scolaire
marocain. Maintenant, c’est l’approche actionnelle qui sera introduite, en parallèle à l’approche par
compétences déjà existante, avec la mise en place de la vision stratégique de la réforme 2015-2030.
Les multiples définitions données seront exploitées par la suite afin de pouvoir réaliser l’analyse des
contenus choisis qui formera la troisième partie de ce travail. En effet, cette dernière partie
examinera et analysera de près le chantier de la réforme entamée avec la vision stratégique de

130
l’éducation et de la formation 2015-2030 à travers le questionnement des manuels de français du
primaire récemment réformés. Cette analyse sera également réalisée avec un outil qui est la grille
d’analyse de manuels que nous avons élaboré à partir d’autres grilles d’analyses.

131
Partie 3 : L’analyse des manuels scolaires
marocains de 1ère et 6ème année du primaire

132
Après avoir présenté le contexte marocain de notre recherche sur les réformes éducatives et
après avoir défini les différents concepts théoriques clés qui nous aiderons à analyser le corpus
choisi pour cette recherche, nous procéderons à présent à l’étape la plus importante de cette
recherche qui est l’analyse des manuels scolaires réformés de français. Ainsi, cette troisième partie
s’intéressera à l’analyse des manuels marocains de français de la première et de la sixième année du
primaire afin de vérifier les hypothèses du départ. En effet, nous vérifierons si le discours annoncé
par les textes officiels concernant la réforme de l’enseignement est bien traduit à travers ces manuels
scolaires.

Nous avons déjà cité dans ce qui précède que la vision stratégique de la réforme 2015-2030
et la loi cadre 51-17 mettent l’accent sur le renforcement des compétences linguistiques des
apprenants au niveau des langues officielles et étrangères. Ce renforcement concerne la langue
française considérée comme première langue étrangère au Maroc afin de doter l’élève marocain
d’une compétence plurilingue dès son jeune âge. En plus de cela, le nouveau curriculum du primaire
prescrit l’adoption de l’alternance linguistique (arabe / français) au primaire en cinquième et en
sixième année pour les mathématiques et l’éveil scientifique afin de préparer les élèves à
l’enseignement de ces matières en français plus tard dans le cycle secondaire. Cela donne à cette
langue un statut privilégié qui nécessite évidement la consolidation de son apprentissage dès le jeune
âge. C’est ainsi qu’à partir de la rentrée 2017, le français est enseigné obligatoirement dès la
première année du primaire à l’école publique marocaine. Cette nouveauté implique de questionner
un ensemble de facteurs à prendre en considération pour la réussite de cette réforme entamée : la
conception des manuels scolaires, le profil de l’élève avant l’entrée à l’école, la formation initiale
et continue des enseignants, le matériel didactique utilisé et bien d’autres critères que nous
examinerons de près dans les pages suivantes.

Dans cette partie, nous toucherons le terrain de cette réforme instaurée par la vision
stratégique 2015-2030 afin de vérifier si elle respecte les grandes lignes qu’elle s’est tracée. Cela se
réalisera à travers une analyse comparative entre les nouveaux manuels scolaires et les directives
annoncées par le curriculum officiel de l’enseignement primaire, la loi cadre 51-17 et le texte de la
vision stratégique. Il faut également prendre en compte que celle-ci est une continuité de la réforme
engagée depuis 1999 avec la charte nationale de l’éducation et de la formation. Elle essaye donc de
pallier les failles rencontrées dans la charte nationale. Nous vérifierons aussi à travers l’analyse du
contenu des livres scolaires choisis si le slogan de la vision stratégique « Pour une école de l’équité,
de la qualité et de promotion » est vraiment pris en compte afin de garantir une justice sociale tant
attendue.

133
Dans cette dernière partie, le premier chapitre définira d’abord le manuel scolaire qui est
l’objet de notre analyse, sa nécessité et son évolution ainsi que le manuel numérique. Ensuite, nous
présenterons le cas des manuels scolaires marocains en évoquant la raison de cette multitude de
manuels scolaires au Maroc qui a débuté avec la réforme de la CNEF. Puis, nous présenterons
l’ensemble des manuels de langue française adoptés à l’école publique marocaine, le volume horaire
hebdomadaire dédié à cette langue et les contenus du programme de français enseignés durant les
six années du primaire. Deux motifs institutionnels non négligeables expliquent notre choix de ces
deux manuels. Le premier est lié à l’introduction de l’enseignement de la langue française dès la
première année du primaire avec la nouvelle réforme et le deuxième est lié au fait que ce manuel a
été renouvelé récemment selon le principe de l’allègement préconisé par la vision stratégique 2015-
2030. Le deuxième chapitre, sera consacré à l’analyse des deux manuels scolaires de langue
française. Il s’agit de ceux de la première et de la sixième année du primaire sélectionnés afin de
voir comment sera introduite cette langue étrangère au départ et comment elle s’enseigne à la fin du
cycle primaire. Certes, il fallait analyser l’ensemble des manuels pour avoir un regard d’ensemble
et pour mieux percevoir la relation de correspondance, de progressivité et de cohérence entre eux
mais cela n’est pas possible vu la multiplicité des manuels proposés. Ces manuels choisis pour être
analysés ne sont pas sélectionnés de manière arbitraire puisque l’enseignement de la langue
française commence dès la première année du primaire et se termine à la fin de ce cycle en sixième
année du primaire. Ceci nous permettra de passer au crible ces deux nouveaux manuels afin de voir
s’ils correspondent aux attentes des élèves mais aussi de leurs enseignants. Nous n’examinerons pas
toutes les unités de ces manuels mais une unité didactique pour chacun d’eux. Nous étudierons leurs
supports textuels, tabulaires et iconiques, ainsi que l’ensemble des activités et des disciplines : les
activités orales, de lecture, de langue, d’écriture et de production écrite, sans omettre également
l’étude de l’avant-propos, le sommaire et la table des matières. Cette analyse sera effectuée
également de manière plus profonde afin de comparer les manuels aux recommandations du
nouveau curriculum annoncé dans le texte de la vision stratégique de la réforme 2015-2030 et de la
loi cadre 51-17 pour vérifier si réellement ils obéissent aux critères exigés par cette dernière au
niveau de l’approche méthodologique préconisée et de la progression.

134
Chapitre 5 : Le manuel scolaire : définition et usages
Nous ne pouvons pas commencer cette analyse des manuels scolaires sans définir ce support
qui aide l’enseignant dans son travail et qui est utile pour l’élève dans son apprentissage. Cette
définition est essentielle dans ce travail pour deux raisons. D’abord parce que le manuel scolaire
illustre le processus de transposition didactique que nous avons évoqué précédemment. En effet, le
manuel traduit les recommandations du curriculum officiel auprès des élèves. Ensuite, parce que
nous ferons une étude analytique et comparative des nouveaux manuels réformés avec les directives
des nouveaux textes de loi à savoir la vision stratégique de la réforme 2015-2030 et la loi cadre 51-
17.

Dans ce chapitre nous commencerons par définir le concept du manuel, son importance, ses
différents usages et les critiques qui lui sont reprochés. Ensuite, nous définirons le manuel
numérique qui commence à s’imposer dans le paysage éducatif avec l’usage des TICE en classe.
Par la suite, nous présenterons le cas des manuels scolaires marocains en évoquant la raison de cette
multitude de manuels scolaires au Maroc qui a débuté avec l’adoption de la CNEF. Puis, nous
présenterons l’ensemble des manuels de langue française adoptés à l’école publique marocaine et
les contenus du programme de français enseignés durant les six années du cycle primaire.

5.1 Qu’est-ce qu’un manuel ?


Le terme manuel se définit comme étant un ouvrage ou un livre de format maniable, qui
contient les éléments d'une matière ou l'essentiel d'un programme scolaire. Aujourd’hui, les manuels
scolaires sont nombreux dans toutes les matières et ils sont conçus par des experts en didactique des
différentes disciplines existantes. C’est également un guide pour l’enseignant pour qu’il puisse bien
mener son travail et appliquer le curriculum préconisé par l’institution. Surtout pour les enseignants
novices dans le domaine de l’enseignement. Or, ces dernières années, cet outil est devenu
controversé avec cette vague de manuels numériques qui concurrencent le manuel en papier.
L’image de l’enseignement à l’école a été rattachée au livre scolaire pendant une longue
période et elle perdure jusqu’à aujourd’hui. Il a constitué la seule source du savoir pour les élèves.
Dans ce même sens, Éric Bruillard assigne au manuel dans son article « les manuels scolaires
questionnés par la recherche » une mission qualifiée d’impossible puisqu’il joue plusieurs rôles au
profit des différentes personnes ayant un contact avec lui :

« Il faut que le manuel fournisse des activités de classe diversifiées pour les enseignants,
qu’il puisse être utilisé à la maison par des élèves, avec l’éventuelle supervision des
parents, qu’il propose à profusion des documents et des exercices, assumant une
fonction nouvelle de documentation, tout en restant un livre de référence, exposant les

135
connaissances du programme, irréprochable face aux regards inquisiteurs des
différentes disciplines et de leur didactique52 » (Bruillard, 2005 : 14).

Ces multiples rôles font du livre un outil important et une référence au savoir dans l’opération
d’enseignement / apprentissage et dans l’instauration d’un lien entre les enseignants, les élèves et
les parents. Or, durant cette dernière décennie et avec la multiplicité des supports écrits, internet, la
rapidité d’accès à l’information grâce aux réseaux sociaux et au développement numérique, certains
avancent qu’il ne faut plus recourir au livre comme l’unique source d’apprentissage scolaire. Alors,
la question qui se pose est : Est-ce que le livre sera abandonné prochainement au profit d’autres
supports pour garantir un apprentissage efficace ou va-t-il encore résister face au livre numérique
qui commence à être diffusé ?

Nous signalons également que l’importance du manuel réside dans le fait qu’il ne constitue
pas uniquement un discours didactique particulier mais c’est le croisement de multiples statuts,
interlocuteurs et récepteurs qui sont en relations. Selon Nathalie Denizet dans son article « Le
manuel scolaire, un terrain de recherches en didactique ? L’exemple des corpus scolaires » sur le
discours du manuel :

«Non seulement le manuel constitue un discours didactique particulier, mais il est


également un lieu où se croisent voire se superposent des discours dont les statuts, les
locuteurs et les destinataires peuvent être multiples voire brouillés (les préfaces, les
consignes, les introductions, etc.) » (Denizet, 2016 :41)

Le support livresque malgré son importance dans l’acte d’apprentissage est l’objet de
plusieurs critiques comme son prix qui augmente, son poids dans le cartable qui fait mal au dos des
enfants et sa fragilité (se déchire vite et sensible à l’eau). À ce propos Youssef Boughanmi affirme
que :

« Le manuel scolaire est un personnage si familier du théâtre de la classe, un outil si


usuel qu’on oublie parfois de réfléchir sur sa nature et sur sa fonction. Nous dénonçons
souvent son prix, sa couverture et surtout son poids qui par l’encombrement des
cartables déformerait, génération après génération, les dos des apprenants »
(Boughanmi, 2013:141).

Cela montre que certains ne s’intéressent qu’à critiquer l’aspect matériel du livre tout en
oubliant son rôle important dans l’instruction au fil des générations passées et futures et sa
convenance pour les apprenants. Certes, les enseignants aujourd’hui dans leurs cours ne se limitent
pas strictement à la lettre au contenu des livres et les adaptent en fonction de leurs objectifs et

52
http://eda.recherche.parisdescartes.fr/wp-content/uploads/sites/6/2019/03/Intro_manuels_CRDP.pdf consulté le
20/08/2022

136
besoins. Cependant, les manuels peuvent contenir des éléments difficiles, inintéressants ou inutiles
pour les élèves au cours de leur apprentissage. Ce qui impose aux enseignants de bien choisir les
contenus au moment de la préparation de leurs leçons pour motiver leurs apprenants et garder leur
attention. Astrid Berrier affirme à ce propos dans son article « Enseigner avec un manuel ou sans ? »
au sujet des difficultés rencontrées dans les manuels de langue que :
« De plus, à certains moments, malheureusement, ce manuel se révèle trop difficile et
trop technique, contenant des choses inutiles dans l'immédiat pour des élèves de L2,
surtout pour ceux et celles qui ont des difficultés et qui ne viennent pas d'un milieu où
l'on s'occupe tous les soirs à la maison de leur performance scolaire » (Berrier, 1999 :
38).

Cette chercheuse s’est également intéressée à l’impact de la famille sur le rendement scolaire
des élèves. Si la famille ne s’intéresse point aux devoirs et aux révisions chez ses enfants, ou si les
parents sont analphabètes les résultats seront quelquefois catastrophiques. Donc, la famille joue un
rôle important dans la scolarisation de ses enfants. Au Maroc, les enfants du monde rural souffrent
de ce problème car la majorité des parents sont analphabètes et par conséquent ils ne peuvent pas
aider leurs enfants à réviser ou à faire leurs devoirs scolaires.

Avec l’adoption de la perspective actionnelle, de nouveaux manuels de FLE sont apparus


présentant une certaine souplesse d’usage et une adaptation aux niveaux du CECRL. Également,
des manuels anciens ont été réadaptés et remaniés afin de correspondre à cette nouvelle approche
d’enseignement. Ainsi, l’enseignant est devenu plus libre dans ses choix d’ouvrages pour pouvoir
mieux trouver des ressources adaptées et variées pour travailler ses cours. Il faut aussi noter que le
matériel didactique utilisé avec cette approche est abondant et complexe : manuels (papier ou
numérique), exercices, affiches, illustrations, enregistrements audio visuels…. Avec la multiplicité
actuelle des supports pédagogiques, le livre scolaire n’est plus la référence unique : il perd, en
Occident surtout, une partie de l’autorité dont il jouissait jusqu’à présent.

Astrid Berrier fait une autre critique au livre scolaire en lui reprochant de démotiver les
élèves lorsqu’il ne traite pas des thèmes d’actualité ou qui les intéressent. Comme le monde change
constamment, les jeunes d’aujourd’hui suivent l’actualité et ne peuvent pas être motivés par des
thèmes loin de leurs centres d’intérêts. C’est dans ce sens que les enseignants doivent adapter leurs
supports pédagogiques à l’actualité et tenter de se détacher du livre scolaire pour trouver d’autres
documents convenables aux attentes de leurs apprenants tout en respectant les compétences visées.
Les ressources sont multiples et accessibles à tous les enseignants aujourd’hui grâce à internet.
L’autre obstacle qui se pose est que nous ne pouvons pas changer de manuels chaque année, cela
implique que les enseignants doivent trouver d’autres ressources plus attrayantes et motivantes pour

137
leurs élèves. La citation suivante de la même auteure éclaire encore plus sur ce problème
d’adéquation du livre scolaire aux attentes des élèves surtout chez les adolescents :
« Il faut choisir le matériel en fonction de son public, des besoins du moment et de ce
que renvoie la société comme grands thèmes de l'heure, thèmes susceptibles de capter
l'attention des jeunes. Pour les adolescents plus vieux, la lutte contre le sida ne revêt pas
la même importance qu'il y a dix ans, les clauses orphelines non plus, les sans-abris non
plus. Le manuel ne permet pas cette souplesse d'adaptation à la réalité du jeune. Il ne
donne pas l'occasion de s'adapter à ces thèmes chauds, ni à la vie de la classe ni même
aux événements vécus à l'école » (Ibid. 39).

Il faut également que le professeur puisse se détacher du contenu du livre afin qu’il soit plus
libre et plus créatif dans ce qu’il va présenter aux élèves tout en respectant le curriculum formel du
ministère et pour donner plus de motivation aux apprenants. Même si l’imposition des programmes
rend presque incontournable ce détachement du manuel, il faut faire l’effort de s’en séparer
puisqu’aujourd’hui l’enseignant peut se baser sur de multiples ressources pédagogiques afin de
préparer ses cours. Plusieurs chercheurs lancent des appels afin que les enseignants ne restent plus
collés strictement au contenu des livres scolaires et proposent également des stratégies afin de
réussir ce passage vers la liberté. C’est dans ce sens que Bruno Devauchelle propose la démarche
suivante dans son article « Et si l’on arrêtait d’utiliser des manuels scolaires ? » :

« Dès lors que l’on veut envisager la question de la disparition des manuels scolaires, il
faut que ce cadre change. Le premier des changements possibles concerne en particulier
l’assouplissement, le décongestionnement des programmes appuyé sur une
responsabilisation des choix que peuvent faire les enseignants. Le deuxième
changement serait une véritable politique de ressources pédagogiques libres et ouvertes
(associé à un droit d’usage pédagogique qui fait largement défaut, malgré la loi). Le
troisième changement serait qu’il y ait de véritables continuités numériques entre les
lieux et les personnes du monde scolaire. En d’autres termes que les élèves et les
enseignants disposent de moyens matériels leur permettant cette nouvelle forme de
travail : ENT, ordinateurs ou tablettes etc… »53

Des fois, le manuel scolaire peut devenir un simple objet commercial. Ainsi, nous trouvons
sur le marché un large choix de manuels scolaires les uns plus attractifs que les autres. Or, ils ne
sont pas tous convenables à être utilisés en classe. C’est pour cette raison que le MEN marocain
n’autorise sur le marché livresque que les manuels homologués par la direction des curricula. Il est
tout à fait vrai que la conception du manuel scolaire est une tâche délicate qui doit obéir à plusieurs
critères pour avoir un bon rendement scolaire chez les apprenants afin de ne pas devenir une
opération purement commerciale comme le souligne Roger Seguin :

53
http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=1073

138
« La conception de livres originaux est l'option qui soulève le plus de difficultés et qui
donne souvent de médiocres résultats, lorsqu'elle se réalise dans le cadre d'un projet
incluant toutes les étapes d'une production, alors que le pays ne dispose pas, ou
insuffisamment, de bonnes compétences en rédaction de manuscrits et en illustration,
ainsi qu'en éditions » (Seguin, 1989 : 45).

Cet extrait soulève également la question de compétence des rédacteurs et des illustrateurs qui
doivent impérativement être formés en matière de conception. D’où la nécessite en premier lieu
d’attribuer la conception des manuels scolaires à des experts en matière éducative qui ont le don de
l’écriture et qui s’y connaissent en matière de transposition didactique des curriculums officiels. Et
en second lieu de contrôler le domaine de l’édition par les autorités compétentes.

Pour conclure sur cette question du manuel, de son rôle et de l’importance de son usage en
classe, nous ne pouvons pas trancher pour le moment puisqu’il est encore utilisé un peu partout dans
le monde et il le sera encore pendant plusieurs années. Les autres supports utilisés restent des
alternatives parmi d’autres afin de varier les pratiques de classe et briser la monotonie qui peut s’y
installer. Dans le contexte étudié dans le cadre de ce travail, le manuel joue un rôle très important
dans l’apprentissage pour les élèves et pour les enseignants au Maroc. Dans certains milieux, c’est
la seule source du savoir existant surtout dans les zones rurales isolées et dans les milieux précaires.

Un autre point est soulevé par l’utilisation des manuels scolaires en classe. C’est le fait que
les approches théoriques et méthodologiques dans le domaine de la didactique sont évolutives et
nécessitent, avec le temps, des remaniements et des refontes curriculaires au niveau des politiques
éducatives en général. Ainsi, la validité du manuel s’estompe à travers le temps surtout pour les
thématiques traitées d’où la nécessité de les changer fréquemment. Ce changement qui accompagne
l’adoption d’une nouvelle méthodologie implique de rédiger de nouveaux manuels scolaires. Il
nécessite aussi une certaine adaptation des enseignants qui ont besoin de temps pour s’accommoder
au nouveau manuel. Les chercheurs Mouad Benayad et Amel Nejjari évoquent cette question de
relation entre la validité d’une méthode d’enseignement et la durée de vie d’un manuel dans leur
article sur l’analyse des manuels scolaires :

«Cette durée de vie est liée évidemment à la durée de « validité » d’une méthode
d’enseignement. « Mais quand il s’agit d’un changement méthodologique, il est
nécessaire de changer le manuel ». Facile à dire mais difficile à exécuter parce que
l’apparition de nouvelles méthodes d’apprentissage génère l’apparition d’un nouvel
appareil conceptuel, d’une nouvelle perception pédagogique et didactique des langues.
L’appréhension de ces nouvelles méthodes et théories d’apprentissages par les
chercheurs, les didacticiens, les pédagogues et enfin les enseignants nécessite du temps,

139
ce qui situe le manuel scolaire dans l’incapacité à être en phase avec l’évolution de la
recherche scientifique en enseignement des langues. Par conséquent, le manuel scolaire,
après peu de temps, se trouve dépassé ou à mi-chemin entre deux approches
pédagogiques » (Benayad et Nejjari, 2020 : 114)

Cette citation soulève le constat normal de la validité d’une méthodologie d’enseignement en


rapport avec le manuel scolaire qui traduit ses principes directeurs. D’où le fait que le manuel ne
peut pas toujours rattraper l’évolution méthodologique puisque quelques années après sa publication
il est en décalage par rapport aux approches méthodologiques en vigueur.

5.2-Le manuel numérique


Avec le développement numérique actuel, les enseignants ont tendance à introduire les
TICE, dans leurs pratiques de classe. Plusieurs maisons d’édition, notamment dans le domaine du
FLE, se sont converties à la conception des manuels numériques en ligne ou en version
téléchargeable sur pc ou tablette. Parmi les avantages du manuel numérique : sa légèreté pour éviter
les cartables lourds, la rapidité d’accès et l’interactivité qu’il procure entre le support, l’enseignant
et les apprenants.

La forte affluence des étudiants et des enseignants sur les plateformes de cours en ligne,
surtout en période de la pandémie de la covid-19, a permis de remettre en cause l’utilisation des
manuels scolaires dans le processus d’apprentissage. Sans oublier que la crise sanitaire a remis en
question l’utilité et l’efficacité des cours à distance et aussi le recours aux nouvelles technologies
pour garantir un enseignement / apprentissage adéquat pour tous les niveaux allant de la maternelle
au supérieur.

Sur le marché livresque, le matériel numérique destiné à l’apprentissage, notamment les


manuels numériques s’est développé rapidement grâce aux nouvelles technologies. Certes, ils
existent seulement depuis quelques années cependant, leur propagation a vite séduit les enseignants
et les apprenants qui les ont facilement intégrés à leurs pratiques. La citation suivante de l’article
d’Alain Choppin (2008) affirme que ces nouveaux produits forment des substituts aux manuels-
papier et qu’il faut dès à présent prendre en considération l’impact de cette révolution technologique
dans la recherche historique sur le livre scolaire :

«Aujourd’hui, de nombreux produits issus des technologies nouvelles, tels les « manuels
numériques » ou les plates-formes numériques qui constituent sur le web de nouveaux
environnements d’apprentissage (les sites pédagogiques des grandes bibliothèques ou
des musées, par exemple), se présentent comme des alternatives aux manuels-papier. La
recherche historique sur le livre scolaire doit donc nécessairement prendre en compte
l’impact de ce qu’il est convenu d’appeler la révolution technologique dans le domaine
de l’édition classique » (Choppin, 2008 : 46).

140
Il faut également souligner qu’aujourd’hui les évolutions techniques, sociales et pédagogiques
ont contribué à cet enrichissement de l’offre dans le domaine des dispositifs didactiques utilisés par
les professeurs en classe. Ainsi, les concepteurs de curriculums et de livres scolaires doivent prendre
cela en considération au moment de la conception des manuels scolaires et ils doivent également
penser aux versions numériques de ces ouvrages. D’autant plus qu’il ne faut pas négliger que la
génération actuelle d’élèves apprennent à l’école et hors les murs de l’école. Cela, des fois, dépasse
les connaissances de leurs enseignants surtout dans le domaine technologique d’où la nécessité pour
les professeurs d’être à jour au niveau des thématiques qui intéressent leurs élèves. En d’autres
termes, l’enseignant n’est plus l’unique source du savoir puisque l’accès aux sites internet et aux
chaines éducatives est devenu facile.

Il est encore trop tôt pour affirmer que les manuels numériques remplaceront les manuels
papiers pour plusieurs raisons. D’abord, les manuels sont repris strictement en format PDF dans de
nombreux cas. Ensuite, l’accès protégé aux manuels numériques pose beaucoup de problèmes dus
aux licences. Finalement, il faut posséder un écran qui fonctionne à portée de main pour afficher le
contenu. Cela n’est qu’une question temporaire qui sera dépassée en peu de temps avant que le
manuel numérique ne soit généralisé.

Dans les pays en voie de développement comme le Maroc, la question du manuel numérique
n’est pas encore d’actualité. La direction des curricula continue à superviser l’opération d’édition et
d’impression des manuels scolaires du primaire au lycée selon des cahiers de charges spécifiques
qui respectent les programmes scolaires en vigueur. Cependant, les nouveaux guides de la réforme
et les guides des manuels scolaires pour les enseignants du primaire sont disponibles en version
papier et aussi en version numérique PDF téléchargeable sur le site du MEN marocain. Cela nous
laisse penser que le projet de livre numérique est pour bientôt au Maroc surtout pour les zones
urbaines.

Conclusion partielle

Pour conclure sur cette question du manuel, nous pouvons dire qu’en version classique en
papier ou en version numérique l’important c’est de pouvoir travailler avec un / des support(s)
convenable(s) avec les élèves. Ce qui les motivera et facilitera leur apprentissage parce que la
finalité est que les apprenants puissent acquérir les compétences linguistiques essentielles à la
réussite de leur apprentissage.

141
Il est vrai que, dans le contexte marocain, le manuel scolaire a évolué en fonction des
avancées des recherches en didactique des langues. Cependant, chaque opération d’analyse
pédagogique ou didactique des manuels scolaires doit tenir en compte les théories et approches qui
régissent l’apprentissage des langues au moment de l’élaboration et l’utilisation du manuel étudié
ainsi que les orientations pédagogiques, les programmes et les curricula. Cette opération sera
réalisée pour les manuels marocains sélectionnés dans la partie suivante du présent travail.

5.3 La conception des manuels scolaires marocains


Il est tout à fait logique que toute réforme de l’enseignement mentionnée dans les documents
officiels du ministère de l’éducation nationale se traduise d’une manière visible dans les manuels
scolaires des élèves et dans les circulaires destinées aux enseignants pour être appliqués en classe.
Au Maroc, depuis la réforme insinuée par la CNEF et qui a adopté l’approche par compétences et
la pédagogie du projet comme méthodologies, les manuels n’ont cessé de changer et d’être
actualisés afin de s’adapter à la réalité socioéconomique et identitaire marocaine. Lors de l’adoption
de la vision stratégique de la réforme 2015-2030, les livres scolaires de l’enseignement primaire
sont à nouveau ajustés afin d’appliquer les directives du curriculum instaurées par cette nouvelle
réforme que nous évoquerons lors de l’analyse de ces manuels dans le chapitre suivant.

Nous signalons que la conception des manuels scolaires doit obéir à plusieurs critères et
respecter le cahier de charges fourni par le MEN marocain aux éditeurs choisis. Cette conception
est toujours réalisée par des professeurs universitaires et / ou par des inspecteurs de l’enseignement
primaire et rarement par des enseignants du cycle primaire. Les enseignants ne participent pas à
cette opération de conception des manuels ou du choix des contenus à enseigner même s’ils sont les
premiers à les utiliser en classe. Il aurait été souhaitable de les consulter pour profiter de leur
expérience pratique et pour savoir ce qui peut ou non correspondre au niveau et aux intérêts des
élèves. Ceci nous pousse à nous interroger sur l’efficacité des manuels en classe parce que les élèves
ne viennent pas tous du même milieu social et n’ont pas tous le même niveau. Il faut aussi
mentionner que les instituteurs à la fin de chaque semestre présentent, lors des conseils
pédagogiques de l’établissement, des rapports sur le déroulement des cours où ils donnent leurs avis
sur l’utilisation des manuels et les résultats obtenus par les élèves. Ce sont ces rapports qui
permettent d’améliorer les contenus et la qualité des manuels scolaires lorsqu’ils sont pris en compte
par les responsables. D’autant plus que les enseignants ne sont pas autorisés à l’utilisation d’autres
manuels en classe que ceux homologués par le MEN marocain.

142
5.4 La multiplicité des manuels scolaires au Maroc
Selon la CNEF, c’est toujours la direction des curricula au MEN marocain qui supervise la
réalisation des manuels scolaires en suivant des cahiers de charge bien définis pour les éditeurs
partenaires du MEN. L’article 108 dans le levier 7 de la CNEF portant l’intitulé « Réviser et adapter
les programmes et les méthodes, les manuels scolaires et les supports didactiques » explique
comment le matériel scolaire (livres et supports magnétiques ou numériques) est réalisé sous la
supervision d’un comité désigné à l’avance. Il mentionne pour la première fois le principe de la
pluralité des manuels scolaires au lieu du manuel unique. Cette pluralité a pour objectif la variation
des supports utilisés en classe à travers le pays ainsi que l’encouragement de la compétitivité entre
les éditeurs et l’adéquation des manuels aux spécificités de la zone géographique où il est utilisé :
«Étant entendu que les autorités d'éducation et de formation ont la responsabilité de
définir les profils de sortie, les objectifs généraux et les principales étapes de progression
des programmes et curricula scolaires. Le comité mentionné à l'article 107 ci-dessus,
supervisera la production des manuels, des livres scolaires et des autres supports
magnétiques ou électroniques, sur la base de cahiers des charges précis, par le recours
transparent à la concurrence des développeurs, créateurs et éditeurs, en adoptant le
principe de la pluralité des références et supports scolaires» (CNEF, 1999 : 28).

L’intérêt de l’adoption de cette multitude de livres scolaires est également de couper avec la
standardisation du processus d’enseignement / apprentissage tout en mettant à disposition des
enseignants une grande variété de supports avec une prise en considération de la pédagogie
différenciée. Le rapport du MEN « Aperçu sur le système éducatif marocain» l’explique en
annonçant que :
« La diversification des livres scolaires a mis fin au livre unique qui a longtemps dominé
le champ pédagogique et allait dans le sens de la standardisation du processus
enseignement/apprentissage, cette diversification restitue à l’enseignant le pouvoir de
choisir, parmi les livres validés, celui qui s’adapte mieux à ses élèves et qui lui permet
de mieux investir sa formation, ses atouts et son style pédagogique » (MEN, 2004 : 49).

Or, cette multitude de manuels pose la question du choix à faire par les enseignants qui ne
sont pas libre de l’effectuer. En fait, la sélection des manuels scolaires à adopter en classe se fait
toujours au niveau de la délégation provinciale du MEN par les inspecteurs. Donc, les enseignants
ne sont pas libres de travailler avec un autre manuel que celui choisi par l’inspecteur de leur
circonscription pédagogique. En revanche, ils peuvent des fois utiliser des supports d’autres livres
scolaires homologués par le MEN pour varier surtout en période de soutien. L’article mentionne
également la production de supports magnétiques et électroniques qui sont disponibles sur un site

143
officiel54 géré par le MEN marocain et alimenté par les productions des enseignants (après
homologation) et par une équipe de spécialistes en ressources numériques et audiovisuelles qui s’est
enrichi durant la période du confinement et de l’enseignement à distance.

La vision stratégique dans le levier 12 a gardé cette multiplicité des manuels scolaires. En
plus de cela, elle mentionne des principes comme l’allègement des programmes scolaires, la
simplicité des contenus, la flexibilité et l’adaptabilité des modèles, méthodes pédagogiques et
didactiques. En conséquence, « cette révision devra être faite dans le court et moyen terme mais sera
précédée, d’une évaluation globale des curricula, programme et formation en vigueur. […] dans
l’objectif de l’amélioration de la qualité dans le sens de l’allégement, de la simplicité, de la flexibilité
et de l’adaptabilité » (vision stratégique, 2014 : 42). Ainsi, nous retenons que cette nouvelle réforme
envisage le changement des manuels scolaires à travers la révision et l’allégement des programmes
scolaires. Cette révision visera également le changement des thématiques abordées afin de pouvoir
développer les compétences requises chez l’élève de l’école primaire à travers l’intégration dans les
curricula des activités de soutien, des activités culturelles et de la vie scolaire. C’est ce que nous
verrons lors de l’analyse des manuels choisis.

5.5 Inventaire des manuels scolaires de français pour l’enseignement primaire


au Maroc
Il faut noter que tous les manuels utilisés dans les établissements publics marocains pour
toutes les matières enseignées sont homologués par le MEN marocain. Aucun autre manuel n’est
autorisé. Cependant, les écoles privées recourent aux manuels édités en France pour enseigner la
langue française, les mathématiques et l’éveil scientifique en français et l’anglais avec l’accord de
l’inspecteur pédagogique chargé de ces établissements. Nous ne pouvons pas les citer dans la
présente recherche car ils sont nombreux. En plus, chaque établissement est libre de choisir le livre
qu’il désire et de le changer lorsqu’il veut. Par ailleurs, les manuels de langue arabe, d’éducation
islamique, d’histoire géographie, d’éducation civique, de mathématiques et d’éveil scientifique sont
ceux homologués par le MEN marocain et utilisés également au sein des écoles privées et publiques
marocaines. Le tableau ci-dessous présente les manuels de langue française utilisés dans les
différentes écoles publiques du royaume pour les six années du primaire.

54 Ce site propose plusieurs ressources numériques et il est alimenté régulièrement : www.taalimtice.ma

144
Niveau Nom des manuels Auteurs Editeur Date de la 1ère édition
et de la réédition
1ère AEP Dire, faire et agir pour Non mentionnés Direction des 2017 2021
apprendre le français curricula
2ème AEP Mes apprentissages en Anissa Benjelloun Librairie 2003 2019
français Rahma Marrakchi papeterie
Rajaa Boukhriss nationale
Abdelkader Farhani
L’école des mots Abdenbi EL Harrak Librairie des 2003 2019
Hamid Issami écoles
Othmane El Hilali
ème
3 AEP Mes apprentissages en Anissa Benjelloun Librairie 2004 2019
français Rahma Marrakchi papeterie
Rajaa Boukhriss nationale
Abdelkader Farhani
Zahra Waahibi
Saida Zaki
L’oasis des mots Horia chraibi Librairie des 2004 2019
Amina Seddir écoles
4ème AEP Mes apprentissages en Anissa Benjelloun Librairie 2004 2020
français Rahma Marrakchi papeterie
Rajaa Boukhriss nationale
Abdelkader Farhani
Mon livre de français Mokhtar Debagh Les éditions 2004 2020
Mustafa Benjari maghrébines
Ahmed Lahkim
Mimoun Rzini
Abdelkader Karim
Malika Abouzine
ème
5 AEP Mes apprentissages en Anissa Benjelloun Librairie 2005 2021
français Rahma Marrakchi papeterie
Rajaa Boukhriss nationale
Abdelkader Farhani
Pour communiquer en Bouazza Dbilij Dar Errachad 2005 2021
français Mohamed Ajmil El hadita
Abdelkader Choukri
El Ghazi El Ajel
Mohamed Zahi
Ahmed Rhmaoui
Mahdi Boujmal
Keltoum Boukdir
Ahmida Hadri
Ahmed Abraoui

145
6ème AEP Mes apprentissages en Anissa Benjelloun Librairie 2005 2021
français Rahma Marrakchi papeterie
Rajaa Boukhriss nationale
Abdelkader Farhani
Zahra Waahibi
Saida Zaki
Kawtar Chaabi
Parcours français Gormati Yahya Nadia édition 2005 2021
Abdenbi EL Harrak
Hamid Issami
Toumi Mohamed
Jawad
Meneouali Siham
Tableau n°8 : Manuels de langue française utilisés au primaire au Maroc

Nous observons dans ce tableau que pour chaque niveau il y a un choix à faire entre deux
manuels scolaires. Ils sont aussi tous réédités récemment pour appliquer les directives d’allègement
préconisées par la vision stratégique de la réforme 2015-2030. Les manuels sélectionnés au niveau
d’une circonscription pédagogique font généralement partie d’une même série. Exemple du livre :
« Mes apprentissages en français » allant de la deuxième à la sixième année du primaire. Nous
remarquons aussi que le seul manuel existant en une seule version utilisée à travers l’ensemble du
royaume est celui de la première année du primaire. Sa conception a été réalisée par des experts de
la direction des curricula. Il est fort probable que dans les prochaines années, les concepteurs des
autres séries de manuels existant sur le marché vont concevoir des manuels pour ce niveau afin de
compléter la série.

Il faut également mentionner que chaque manuel scolaire est accompagné d’un guide
pédagogique pour le professeur. Son rôle est de définir le profil d’entrée et de sortie des élèves pour
ce niveau, d’orienter l’enseignant dans son travail en lui fournissant un rappel méthodologique, des
fiches pédagogiques pour les leçons et des propositions d’activités à réaliser en classe.

En ce qui concerne le volume horaire hebdomadaire des apprentissages en langue française


au primaire, nous signalons qu’à partir de la rentrée scolaire 2017 et avec l’adoption de la langue
française dès la première année du primaire, ce volume se présente comme suit :

Année du cycle primaire 1 2 3 4 5 6

Volume horaire hebdomadaire 4h 5h 6h 6h 6h 6h

Tableau n°9 : Le volume horaire hebdomadaire en langue française pour les six années du primaire

146
Nous remarquons que cette masse horaire augmente d’une heure de la première à la
deuxième année, puis elle se stabilise en six heures par semaine à partir de la troisième année. En
total, les élèves bénéficieront désormais d’un volume horaire important consacré à cette langue
durant l’ensemble du cycle primaire. Cependant, les études déjà menées par différents organismes
comme le conseil supérieur de l’enseignement ou par le MEN marocain montrent que les élèves
sont encore faibles dans cette langue malgré son apprentissage précoce surtout dans les écoles
publiques. Ce qui appuie de manière forte le recours à son enseignement dès la première année du
primaire dans le cadre de cette nouvelle réforme. En effet, en 2019, le Maroc est classé à la 75ème
place sur une liste de 79 pays participant au classement PISA (Programme International pour le
Suivi des Acquis des élèves). Cette enquête est menée par l’OCDE (Organisation de Coopération et
de Développement Économique). Ainsi, les élèves marocains sont classés dans les derniers rangs
puisqu’ils n’obtiennent que 359 points contre une moyenne de 487 points dans les pays membres
de l’OCDE. En mathématiques et en sciences, leurs scores s’établissent respectivement à 368 et 377
points, contre des moyennes de 48955. Ces données nous poussent à poser des questions sur
l’efficacité des réformes menées tout au long de ces décennies et aussi sur l’avenir de la réforme
entreprise actuellement qui sera évaluée à son tour d’ici quelques années. Avec autant d’heures
consacrées à l’apprentissage de la langue française les élèves marocains sont encore loin des attentes
dictées par le curriculum. Ce constat implique qu’il y a plusieurs difficultés liées à son apprentissage
malgré l’effort fourni au niveau des textes officiels des réformes.

5.6 Les contenus du programme de français à l’école primaire


Plusieurs enseignements sont dispensés en langue française à l’école primaire. Le tableau
ci-dessous reprend l’ensemble des contenus du programme pour les six années de ce cycle.

55 Source : http://www.lafactory.ma/classement-pisa-2019-punition-pour-lenseignement-marocain/, consulté le


25/4/2022

147
conjugaison

Graphisme/
Orthograph
Expression

Expression

grammaire

e dictée

écriture
Lecture
Niveau

lexique
/poésie

Copie
écrite
1 orale
+ + +

2 + + +

3 + + + dictée +

4 + + + + + + + +

5 + + + + + + +

6 + + + + + + +
Tableau n°10 : Les enseignements dispensés en langue française au primaire

Dans ce tableau, nous remarquons que l’enseignement de l’oral et de la lecture tiennent une
place très importante de la première à la sixième année. Cependant, différentes études menées sur
les élèves marocains comme l’étude de l’International Association for the Evaluation of Educational
Achievement ou le conseil supérieur de l’enseignement marocain montrent leur faiblesse à l’oral et
en lecture. Cela soulève plusieurs questionnements sur l’efficacité des méthodes adoptées par les
enseignants en classe, la motivation des apprenants, l’absence d’une partie phonétique dans les
manuels, le matériel didactique utilisé ou les supports choisis. Pour les activités de langue, elles sont
introduites implicitement au début et ce n’est qu’à partir de la quatrième année qu’elles sont
enseignées de manière explicite. Pour l’activité de production écrite, elle n’est enseignée qu’à partir
de la quatrième année également puisque c’est à ce moment-là que l’élève possède suffisamment de
bagage linguistique et de vocabulaire pour pouvoir commencer à produire des écrits en langue
française.

148
Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons approché les différentes définitions du concept du manuel
scolaire et les contraintes liées à sa conception et à son utilisation en classe. Nous avons aussi évoqué
son évolution récente vers les versions numériques déjà présentes sur le marché éditorial du FLE
qui visent sa rénovation dans cette ère marquée par l’usage du numérique en contexte scolaire.
Cependant, le livre en version papier résistera encore pendant quelques années avant de céder la
place à sa version numérique surtout au Maroc où la conception des manuels numériques et les
moyens de leur diffusion en classe sont encore en retard. Nous concluons donc que le manuel est la
traduction effective des recommandations du curriculum officiel et des textes de lois relatives à
l’éducation. Leur conception n’est pas toujours une mission facile pour les concepteurs spécialisés
dans ce domaine puisqu’ils obéissent à des règles de transposition didactique interne et externe très
rigoureuses. Nous avons également évoqué la question de la multiplicité des manuels scolaires au
Maroc qui est le point novateur de la réforme introduite par la charte nationale de l’éducation et de
la formation. Cette pluralité de manuels a permis de donner un nouveau souffle à l’acte
d’enseignement / apprentissage de toutes les matières malgré la critique purement commerciale qui
lui a été insinuée. La présentation des contenus enseignés en langue française pendant le cycle
primaire nous a permis d’avoir un regard d’ensemble sur ce qui s’opère dans les classes marocaines
pour cette langue.

Dans le chapitre suivant, nous procèderons à l’analyse des nouveaux manuels conçus selon
les nouvelles recommandations des textes de la vision stratégique de la réforme 2015-2030 et de la
loi cadre 51-17 relative au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique au Maroc.
L’objectif est de voir si vraiment la devise: « Pour une École de l’équité, de la qualité et de la
promotion » annoncée par cette réforme est respectée en plus des autres principes cités dans ces
documents officiels.

149
Chapitre 6 : L’analyse des nouveaux manuels de première et de
sixième année du primaire
Nous avons choisi d’analyser deux manuels scolaires : celui de la première année du primaire
« Dire, faire et agir pour apprendre le français » et celui de la sixième année du primaire « Mes
apprentissages en français » afin de voir comment ils sont conçus et est-ce qu’ils respectent les
recommandations annoncées par la vision stratégique de la réforme et la loi cadre 51-17. En d’autres
termes, nous les examinerons minutieusement afin de voir s’ils permettent un apprentissage
renouvelé et efficace de la langue française pour des jeunes enfants marocains. Pour cela nous
recourrons à des grilles spécifiques d’analyse de manuels adaptées au contexte de notre recherche.
Les critères retenus pour analyser ces deux manuels sont déterminés à partir des lectures autour des
grilles d’analyses des manuels de FLE élaborés par des chercheurs ayant déjà étudié des manuels
scolaires. Nous avons élaboré une grille descriptive issue essentiellement de la première partie de la
grille d’analyse d’Evelyne Bérard (1991) ainsi que des travaux de Christian Puren(2016), Patrick
Dahlet (1984) François-Marie Gérard et Xavier Roegiers (2009). Cette grille recense les éléments
les plus significatifs des manuels analysés. Nous soulignons aussi que cette grille au départ convient
plus à un manuel de FLE adoptant l’approche communicative, toutefois nous l’avons réadapté afin
qu’elle convienne à ces manuels en ajoutant d’autres critères d’analyse convenables aux manuels
choisis.

Nous commencerons d’abord par l’analyse du manuel de première année puis nous
analyserons celui de la sixième année. L’analyse recouvrira une unité didactique choisie pour
chaque manuel afin de vérifier les hypothèses suivantes :

 Est-ce que les manuels respectent les recommandations de la nouvelle réforme en


termes de contenus allégés ?
 Est-ce que les thématiques harmonisées entre la langue arabe et la langue française
sont respectées ?
 Est-ce qu’ils permettent un apprentissage ludique de la langue française ?
 Comment se présente la perspective actionnelles au sein de ces manuels ?

La dernière partie de ce chapitre sera consacrée aux perspectives d’améliorations de ce


secteur éducatif à travers l’évocation du volet de la formation des enseignants marocains à la lumière
des évolutions actuelles dans ce domaine.

150
6.1 Analyse du manuel de la première année du primaire

Figure 10 : 1ère de couverture du manuel de première année, direction des curricula, septembre
2021

Le texte de la loi cadre 51-17 dans son article 31 mentionne que durant le cycle primaire il
s’agit de : « la préparation des apprenants à la maîtrise des langues étrangères à un âge précoce et le
développement de leur aptitude à une acquisition fonctionnelle de ces langues et ce, dans un délai
maximum de six ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi-cadre » (Loi cadre,
2020 :12). Cette citation nous montre donc l’intérêt de l’État à développer un bilinguisme précoce
puis un plurilinguisme chez les apprenants marocains ainsi qu’une acquisition fonctionnelle des
langues afin de les préparer plus tard aux enseignements en langues étrangères et à la vie active et
professionnelle. Cela signifie aussi que les livres conçus doivent aider les élèves à maîtriser la langue
française bien sûr avec les techniques d’animation proposées par l’enseignant. Nous examinerons
ce manuel de première année afin de vérifier s’il respecte les recommandations du curriculum
officiel tel qu’il est prescrit dans les textes de loi à savoir la vision stratégique et la loi cadre. Nous
tenons à rappeler que c’est un manuel unique utilisé à travers le royaume dans les écoles publiques.

À partir de la rentrée 2017, l’enseignement de la langue française s’effectue dès la première


année du primaire en utilisant le manuel « Dire, faire et agir en français » (fig.11) dans les écoles
publiques marocaines en parallèle à l’enseignement de la langue arabe et de l’amazigh, lorsque cela
est possible pour cette dernière. Nous avons déjà évoqué que l’enseignement de l’amazigh n’a pas
encore été généralisé pour plusieurs raisons (Revoir partie 1, chapitre 2 sur les langues au Maroc).

151
Il ne faut pas omettre également que la généralisation de l’enseignement préscolaire public
est toujours en progression dans les milieux urbain et rural. Selon le guide de l’enseignant du manuel
« Dire, faire et agir en français » de la première année du primaire, cette généralisation du préscolaire
à tous les enfants de 4 à 5 ans est prévue dans l’horizon de 2027. Cela signifie que les élèves actuels
de la première année du primaire n’ont pas tous les mêmes compétences linguistiques en langue
française à l’entrée au primaire. Certains ont déjà eu accès à l’enseignement préscolaire monolingue
(arabe) ou bilingue (français / arabe) et d’autres non (surtout en milieu rural ou le préscolaire
commence à être généralisé). Ainsi, entre ceux qui ont déjà eu un contact avec la langue française à
l’école maternelle et ceux qui vont la découvrir pour la première fois, l’enseignant se trouvera donc
face à deux profils d’élèves différents, ce qui l’amènera à réfléchir à comment gérer cette différence
au sein de sa classe. Par conséquent, l’enseignant est sollicité à penser aux techniques d’animation
et de gestion de classe afin de garantir un certain équilibre et égalité entre tous les enfants. Comme
solution pour ce déséquilibre, il est noté dans le guide de l’enseignant de ce manuel de première
année que les enfants de ce niveau scolaire en général ne possèdent pas de préacquis en français.
C'est-à-dire que l’enseignant doit considérer qu’ils n’ont jamais été en contact avec la langue
française. Donc, l’adaptation des activités proposées dans ce guide et dans le livret de l’élève est
nécessaire pour les élèves qui arrivent d’un préscolaire moderne dans les années à venir. Nous
pouvons dire que cette disparité de niveau au départ ne constitue pas un obstacle notoire pour
l’enseignant dans sa mission du moment que les contenus enseignés en maternelle sont assez
basiques. Cela peut servir à consolider les apprentissages précédents chez les élèves.

Pour la mise en place des classes de français en première année du primaire, il faut savoir
que cela s’effectue en fonction de l’infrastructure des écoles au niveau des salles de classe et de
l’effectif des enseignants. En d’autres termes, il peut y avoir un seul enseignant chargé d’enseigner
toutes les disciplines aux élèves de la première année du primaire. C’est à dire l’arabe et le français
en plus des mathématiques et des autres matières ou bien un enseignant chargé d’enseigner l’arabe
avec d’autres matières et un autre enseignant pour le français et les matières scientifiques. Cette
situation est valable aussi pour la deuxième année du primaire.

Cette disposition soulève un autre point très important à aborder autour du profil de
l’enseignant chargé d’enseigner la langue française en première année : Il doit être de formation
bilingue à la base. Or, il existe une grande majorité d’enseignants de formation monolingue56.

56 Les enseignants formés dans les centres de formation des instituteurs avant 1997 avaient le choix entre la spécialité
monolingue ou bilingue. Par la suite, tous les enseignants sont devenus bilingue afin d’enseigner à tous les niveaux du
primaire.

152
D’autant plus que même s’ils sont bilingues de formation, le fait d’enseigner le français à des enfants
de 6 ans en première année du primaire demande qu’ils aient suivi une formation continue spécifique
à l’enseignement de cette langue à cette tranche d’âge. D’où la nécessité d’organiser des formations
continues en didactique de la langue française par les inspecteurs du MEN au profit de tous les
enseignants de ce niveau.

Le MEN a essayé de résoudre ce problème, dans la mesure du possible, en assignant les


classes de première année à deux enseignants lorsque cela est faisable : l’un chargé de la langue
arabe et les matières qui vont avec et l’autre chargé de la langue française et des mathématiques.
Cela permet aussi à l’élève de faire la distinction entre les deux langues pour mieux les apprendre.
Les inspecteurs ont également animé des formations continues en didactique afin d’expliquer aux
enseignants comment se déroulera cet apprentissage de la langue française en classe pour ce niveau.
Cependant, plusieurs enseignants dans certaines délégations provinciales du pays n’ont pas encore
pu bénéficier de ces formations à cause d’une multitude de raisons d’ordre administratif, sanitaire,
logistique et temporel. La formation continue des enseignants est un point très important qui joue
un rôle primordial dans la réussite de toute réforme de l’enseignement car elle permet de mettre à
jour les savoirs et les pratiques des enseignants dans ce domaine évolutif.

Tous ces éléments nous poussent à poser les questions suivantes auxquelles nous répondrons
dans cette partie :

 Quels contenus sont présentés dans ce manuel ?


 Est-ce qu’ils correspondent aux capacités et aux attentes des élèves ?

6.2 Un seul manuel revisité plusieurs fois


Depuis la première édition sortie en septembre 2017, le manuel de langue française de la
première année du primaire « Dire, faire et agir en français » a été réédité et rectifié chaque année.
Nous analyserons pour ce travail la dernière version sortie en septembre 2021.

Nous nous interrogeons sur les raisons de cette révision annuelle qui montre que les
concepteurs n’ont peut-être pas pris au départ assez de temps pour concevoir un manuel
correspondant aux exigences du cahier des charges du MEN. Certes, ce changement est intéressant
puisqu’il permet d’améliorer les points faibles et les erreurs d’impression du livre après son
évaluation par les enseignants qui l’ont testé durant toute l’année en classe. Ces derniers envoient
leurs remarques aux responsables de la conception du livre au sein du ministère via la délégation
provinciale pour modifier le manuel. Ces améliorations du manuel permettent aussi à l’élève d’avoir

153
un support adapté à ses besoins. Cependant, les concepteurs doivent aussi prendre en considération
l’enseignant qui doit refaire ses préparations et ses fiches pédagogiques suite à ces modifications.

En comparant la première édition de 2017 et celle de 2021, nous avons relevé un ensemble
de modifications apportées à ce manuel de l’élève au niveau du volume et du contenu :

-Le nombre de pages a augmenté de 80 à 128 pages, soit 48 pages de plus riches en contenu amélioré.

-D’autres activités sont rajoutées pour enrichir ce programme mais la progression, les thématiques
et la démarche restent les mêmes.

-La version de 2017 commence par le thème de l’école suivie de la famille tandis que celle de 2021
commence par le thème de la famille suivie de l’école. Ce changement est opéré parce que la sphère
la plus proche de l’enfant est sa famille avant de faire la découverte du monde de l’école.

-Des phrases accompagnent désormais les activités de réception de l’oral soit sous forme de mini
dialogues ou de phrases décrivant la situation de communication. Ces phrases sont toujours lues par
l’enseignant mais elles servent surtout comme entrée au monde de la lecture et de l’écrit pour l’élève.
Ainsi, il pourra les lire plus tard ou ses parents vont les lire pour lui.

-L’activité de lecture a été ajoutée. Elle est présentée sur une double page avec des exercices de
discrimination auditive, de reconnaissance, de découverte et de mots à lire. Cette initiation à la
lecture sera très bénéfique pour les élèves.

-Enrichissement au niveau iconographique avec plus d’illustrations et de photos en couleurs.

-Ajout des activités de soutien de fin de semestre pour les deux semestres. Ces activités jouent un
rôle très important dans la consolidation des acquis des élèves.

-À la fin du livre, ajout de pages illustrées consacrées aux jours de la semaine, les mois de l’année
et les saisons. Elles peuvent être exploitées en classe ou à la maison pour connaître ce lexique.

Nous pouvons conclure que ces changements montrent une certaine maturité de la part des
concepteurs au niveau de la conception de ce manuel et aussi au niveau des activités proposées à
être réalisées en classe. Ces modifications sont toujours nécessaires pour que le livre puisse assurer
sa fonction de transmission des apprentissages aux élèves et aussi pour faciliter le travail de
l’enseignant.

154
6.2.1 Présentation du guide de l’enseignant
Le guide pédagogique du manuel de première année du primaire « Dire, faire et agir pour
apprendre le français » existe sous format PDF imprimable, en plus de la version papier, pour aider
les enseignants à travailler avec leurs élèves. Il renferme les orientations pédagogiques relatives à
ce niveau et complète le manuel de l’élève en fournissant aux enseignants les éléments nécessaires
à la mise en œuvre d’une pédagogie active et fonctionnelle. Ainsi, ce guide facilite la réalisation des
objectifs tracés en donnant des indications, des démarches et des stratégies adéquates pour
l’enseignement / apprentissage de la langue française. Des fiches pédagogiques pour toutes les
leçons des six unités sont fournies. Elles détaillent les scénarios pédagogiques à suivre par
l’enseignant dans la perspective de l’aider dans ses tâches de planification, de gestion et d’évaluation
des activités d’apprentissage sans oublier aussi les activités de soutien de fin de semestre.
Cependant, en feuilletant ce guide nous constatons qu’il ne mentionne pas du tout des jeux ludiques
pour motiver les élèves à apprendre la langue française. Pour des enfants de cet âge nous connaissons
tous l’importance des jeux ludiques pour favoriser l’apprentissage de la langue française. Nous nous
interrogeons également sur le fait qu’aucun enregistrement audio pour les activités orales n’est
fourni avec ce guide. Nous espérons que les concepteurs vont y penser afin de rendre l’apprentissage
de cette activité authentique et pour l’inscrire également dans l’optique d’un enseignement moderne
reposant sur l’emploi des moyens audio-visuels. Nous admettons tous que les enregistrements audio
des dialogues facilitent le travail de l’enseignant car ils permettent à l’élève d’écouter et puis
d’imaginer la situation de communication dans son cadre authentique avec l’aide des illustrations
figurant sur le manuel. Aujourd’hui, des méthodes FLE proposent même des vidéos pour les
activités orales. Alors, pourquoi les concepteurs ne s’en inspirent pas afin de rendre l’apprentissage
plus attractif ?

Nous relevons également que ce guide propose deux approches pour l’enseignement /
apprentissage de la langue française qui sont l’approche par compétences et l’approche actionnelle
– communicationnelle. Pour l’approche par les compétences, les enseignants l’ont déjà expérimenté
avec la réforme de la CNEF et ils ont pris l’habitude de travailler avec. Quoiqu’elle n’a pas donné
les fruits attendus faute de beaucoup de facteurs déjà cités dans la partie 1, chapitre 3 consacré aux
réformes de l’enseignement au Maroc. Or, normalement, pour éviter de répéter la même erreur ce
guide devait définir pour les enseignants la notion de l’approche actionnelle et tout ce qu’elle
mobilise avec elle en termes de concepts théoriques et de techniques. Dans la partie organisation
des apprentissages de ce guide, cette approche est citée parmi les quatre choix majeurs retenus. En
revanche, aucune explication n’est fournie sur comment elle sera concrètement appliquée en classe.

155
Nous avons relevé la citation suivante du guide : « la mise en pratique de l’approche actionnelle par
l’introduction du projet de classe » (guide pédagogique de la première année, 2021 : 9). Elle est
mise en relation uniquement avec le projet de classe qui certes fait partie des applications de cette
approche mais sans en donner d’autres éclaircissements dans la suite de ce document.

Il faut aussi dire qu’aucun document officiel du MEN n’explique pourquoi cette approche a
été retenue, ni comment elle sera introduite concrètement pour améliorer l’enseignement /
apprentissage du français au sein de l’école marocaine. Certes, les concepteurs ont réellement la
volonté de réussir cette réforme mais, ils doivent avant tout réfléchir à propos des approches
pédagogiques à succès dans certains pays qu’ils veulent appliquer au contexte marocains : Est-ce
qu’elles correspondent ou non au contexte du pays ? Est-ce que les infrastructures existantes
permettent de l’appliquer ? Donc, afin de réussir cette réforme en adoptant l’approche actionnelle
pour l’enseignement de la langue française, il faudrait réfléchir à sa concrétisation réelle dans les
classes marocaines. Nous avons déjà cité dans la partie précédente la mauvaise expérience de la
pédagogie d’intégration qui n’a pas réussi parce que le terrain de base n’était pas bien préparé. Cela
a coûté un énorme budget au MEN marocain57 (voir partie 2, chapitre 4) qui aurait pu être exploité
autrement. Dans le domaine de l’éducation, il ne suffit pas d’importer une expérience qui a réussi
dans un pays et la calquer sur son système éducatif. Il faut d’abord la tester et vérifier si elle va
réussir ou non car les contextes d’application diffèrent.

Par ailleurs, nous avons remarqué que dans l’extrait ci-dessous, du même guide
pédagogique, il y a une confusion conceptuelle entre l’approche actionnelle comme méthodologie
et l’action qui signifie le fait d’être actif en classe. Nous avons déjà annoncé dans la partie concepts
théoriques que la perspective actionnelle est une alternative parmi d’autres à côté de l’approche
communicative pour faciliter l’enseignement / apprentissage de la langue française dans les classes
marocaines. Ce qui va en partie dans le sens de ce qu’annonce cet extrait mais sans être vraiment
l’approche précitée. Ainsi, l’intitulé « une approche fondée sur l’action », annonce que l’opération
d’apprentissage s’opère à travers l’usage réel et libre de la langue au lieu de l’enseignement
classique réduisant l’apprenant à un statut passif. Ce qui attribue à la langue française un usage réel
dans des situations d’apprentissage authentiques :

« La langue française doit être utilisée pour effectuer des tâches communicatives et
mener à bien des projets débouchant sur des réalisations concrètes. Cela exige que la

57
« Rapport relatif à l’évaluation du programme d’urgence -Ministère de l’éducation nationale- » réalisé par le haut
conseil du commissariat aux comptes, 2018, consultable sur le site : http://www.courdescomptes.ma/fr/Page-
27/publications/rapport-thematique/rapport-sur-l-evaluation-du-programme-durgence-du-ministere-de-l-
education-nationale/2-224/

156
classe soit un environnement social et linguistique riche et stimulant où le français est
la langue d’usage réel. Ce choix pédagogique confère à l’enseignante /l’enseignant le
statut de médiatrice / médiateur, de conseillère / conseiller, de metteuse/metteur en scène
et d’animatrice / animateur qui organise l’acte d’apprentissage dans un environnement
privilégiant l’action » (Ibid. 7,8).

Dans cet extrait les mots « tâche » et « projet » apparaissent comme des concepts aidant à
faire apprendre la langue française en les réalisant dans un environnement social et linguistique qui
est la classe de langue. Ces deux mots font également partie de l’approche actionnelle mais ici il
s’agit de tâches communicatives essentiellement et d’une initiation au projet de classe. L’enseignant
n’est pas négligé à son tour et plusieurs fonctions lui sont assignées : animateur de son cours auprès
des élèves, médiateur, conseiller pour ses élèves et metteur en scène pour les dialogues d’activité
orale. Tant de rôles qu’il doit assumer pour réussir l’acte d’enseignement auprès de ses élèves. Nous
affirmons à partir de cela que plusieurs fonctions sont attendues de la part de l’enseignant de langue
dans sa classe pour arriver à un bon résultat scolaire. D’un point de vue tangible, il doit être formé
à cela et doit posséder les moyens matériels pour bien mener toutes ces fonctions.

Les pédagogies actives et la centration sur l’apprenant sont à leurs tours mentionnées dans
le texte officiel mais cela nécessite de savoir les appliquer efficacement en classe. Nous pouvons
dire que la réussite de cette réforme entamée doit dépasser les textes de lois écrits et doit se
concrétiser au sein des classes auprès des élèves et des enseignants. Autrement dit, il ne suffit pas
que cette réforme reste de l’encre sur papier comme les précédentes mais elle doit être appliquée
sur le terrain. Cela ne peut pas se passer sans la formation continue des enseignants selon leurs
besoins pour bien appliquer les directives de cette nouvelle réforme. Surtout pour l’approche
actionnelle que les enseignants doivent assimiler. Ce qui nous pousse à déduire que les enseignants,
soucieux de donner le meilleur dans leurs classes, se contenteront de chercher la définition de cette
approche sur internet et feront ainsi leur autoformation. Il faut également penser à réhabiliter les
salles de classes et les équiper afin de garantir une bonne ambiance d’apprentissage ludique et actif
pour les élèves.

157
6.2.2 L’emploi du temps hebdomadaire en 1ère année du primaire
Le tableau ci-dessous extrait du guide pédagogique de l’enseignant de la première année du
primaire représente la répartition hebdomadaire des enseignements dispensés en français par unité
didactique réparties sur les cinq semaines pédagogiques58 :

Lundi Mardi Mercredi Jeudi vendredi Samedi


Comptine/ Activités de Activités Activités orales Graphisme Projet de
chant 30min Lecture orales (séance 3) (S159 et S3) / classe
(séance 1) (séance 2) 30min
Activités Écriture/Copie 30 min
30min 30min
orales Activités de (S2, S4 et S5)
(séance 1) lecture 30min
30 min (séance 2)
30min
Tableau n°11 : Répartition des enseignements en première année du primaire

Pour l’enseignement de la langue française en première année, la semaine pédagogique est


organisée comme suit :

Activités orales : 90 min par semaine réparties en trois séances de 30 min chacune

Comptine et chant : une séance de 30 min par semaine

Activités de lecture : 60 min par semaine réparties en deux séances de 30 min chacune

Activités écrites :

- graphisme : une séance de 30min pendant chacune des semaines 1 et 3

- écriture/copie : une séance de 30min pendant chacune des semaines 2, 4 et 5

Projet de classe : une séance de 30 min par semaine.

Nous remarquons que la semaine pédagogique se divise en plusieurs séances de 30 minutes


chacune pour un total de quatre heures par semaine. Chaque séance est consacrée à une activité avec
une centration sur les activités orales à raison d’une heure et demie par semaine afin de développer
l’écoute, la réception et la production chez les élèves. Trente minutes sont consacrées à
l’apprentissage des comptines et des chants afin de développer la mémorisation, l’écoute et habituer

58
La semaine pédagogique s’étale sur les six jours de la semaine du lundi au samedi. Dans chaque jour un ensemble
d’enseignements est présenté
59
S1 /S2 = Semaine pédagogique

158
les élèves au rythme et à la prosodie de la langue française. Une heure est consacrée aux activités
d’initiation à la lecture où il s’agit de la reconnaissance globale des mots et de la lettre présentée.
Pour les activités d’apprentissage de l’écriture, la tâche se divise en trois disciplines réalisées par
alternance au cours des semaines de l’unité didactique : graphisme, écriture et copie. Cette initiation
à l’écrit est très importante parce que l’élève apprend en même temps l’écriture en langue arabe.
Elle doit être bien guidée par l’enseignant puisque dans ce cas l’élève apprend simultanément deux
codes écrits différents dont l’un s’écrit de droite à gauche (la langue arabe) et l’autre de gauche à
droite (la langue française). Il aurait été souhaitable de consacrer plus de temps à l’apprentissage de
l’écrit afin de mieux le maîtriser. Finalement, la pédagogie du projet a sa place dès la première année
du primaire grâce au projet de classe qui peut être réalisé de manière individuelle ou par groupe en
fonction de la thématique globale de l’unité didactique comme la famille ou l’environnement. Le
travail par projet permet de se préparer plus tard au projet personnel de l’apprenant qui va
l’accompagner durant tout son parcours scolaire.

À partir des indications données dans le guide pédagogique, les enseignants conçoivent leur
propre emploi de temps hebdomadaire qui est homologué par l’inspecteur. Nous examinerons deux
exemples, le premier d’une classe bilingue c'est-à-dire où l’enseignant est chargé d’enseigner le
français et l’arabe en plus d’autres matières. Le deuxième est celui où l’enseignant n’est chargé
d’enseigner que la langue française et les matières scientifiques.

Nous remarquons dans l’emploi du temps ci-dessous de la classe bilingue que la journée est
divisée en deux parties : une séance d’arabe et une séance de français pour un total de 29 heures par
semaine. Afin de pouvoir insérer toutes les matières dans cet emploi, les séances dédiées à la langue
française durent soit 25 ou 35 minutes au lieu des 30 minutes préconisées par le curriculum. Nous
remarquons que ce planning est chargé. Nous nous demandons est-ce que l’enseignant arrive à finir
toutes les activités prescrites. Surtout lors des premières séances d’une leçon où il présente la notion
à étudier. Pour cela nous pensons qu’il peut compenser ce retard lors de la deuxième semaine du
cours d’où l’intérêt de présenter une seule leçon durant deux semaines avec cet allègement du
programme préconisé par la vision stratégique.

159
Figure 11 : Emploi du temps de la 1ère année du primaire classe bilingue
L’exemple d’emploi de temps ci-dessous concerne la classe où l’enseignant n’enseigne que
la langue française, les mathématiques, l’éveil scientifique et l’activité artistique. L’élève ici est en
situation d’immersion linguistique car l’enseignant n’enseigne que la langue française
contrairement au premier cas où il enseigne les deux langues. Le temps imparti à chaque matière est
donc respecté.

160
Horair G Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi
e A 1 2 3 4 5 6
B 1 2 3 4 5 6
9h00 Math S1 55 Math S3 55 Math S5 55
A de
Comptine lecture30 Projet de
30 Amazigh ou classe30
activité de
Éveil soutien et Éveil
scientifique de vie scientifique
11h10 50 scolaire 50 50
Récréation 10 min
11h20 Math S1 55 Math S3 55 Math S5 55
A de
Comptine3 lecture30 Projet de
0 Amazigh ou classe30
activité de
Éveil soutien et Éveil
scientifique de vie scientifique
13h30 50 scolaire 50 50
13h35 Éducation Math s2 Math S4 A. Orale s3 Education
physique 06 55 30 physique
G1 A.orale30 A de lecture G2
60 A.orale30 Amazigh s2 30 60
‫تربية فنية‬ ou activité Graphisme
45 de soutien (S1 /S3)
15h45 et de vie /écriture
scolaire 50 copie (S2
/S4/S5) 30
‫تربية فنية‬45

Récréation 10min
15h55 Math s2 Math S4 A. Orale s3
06 55 30
A.orale30 A de lecture
A.orale30 Amazigh s2 30
‫تربية فنية‬ ou activité Graphisme
45 de soutien (S1 /S3)
et de vie /écriture
scolaire 50 copie (S2
/S4/S5) 30
18h05 ‫تربية فنية‬45
Figure 12 : Emploi du temps de la 1ère année du primaire classe de français

161
6.2.3 Analyse de l’avant-propos et de la page de découverte

Figure 13 : Avant-propos, manuel de l’élève 1ère année, p3


D’abord, cet avant-propos s’adresse aux élèves pour leur expliquer l’organisation du livre
en six unités de cinq semaines. Il cite les activités étudiées et mentionne les deux semaines
d’évaluation à la fin de chaque semestre servant à évaluer, à soutenir et à consolider ses
apprentissages. Il rappelle que les activités proposées ont un rapport avec l’environnement immédiat
et local de l’enfant. Ces activités lui permettront, avec les encouragements de son enseignant, grâce
à des situations d’apprentissage à la fois ludiques et instructives d’interagir de manière joyeuse afin
de réussir ses apprentissages à l’oral, à la lecture et à l’écrit. Le travail par projet de classe avec les
camarades est également mentionné dans cette page. En somme, cet avant-propos expose le contenu
du manuel de manière claire et détaillée.

L’une des premières remarques qui nous interpellent est que cette page s’adresse à des
enfants qui ne savent pas encore lire et écrire. Donc, l’élève est incapable de déchiffrer le message
qui lui est adressé par les éditeurs. Cependant, cela peut être lu et expliqué par l’enseignant aux
élèves de manière progressive. Sans oublier que ce livre sera également utilisé à la maison avec
l’aide d’un adulte qui aidera l’élève à comprendre ce qui lui est demandé de faire.

Après cet avant-propos, nous trouvons trois pages intitulées « je découvre mon livre »
dédiées à la prise en main du livre par l’élève. Elles sont illustrées et contiennent des titres dans des

162
rectangles afin d’expliquer à l’élève ce qu’il doit faire pour chacune des activités proposées. Cela
aidera l’enseignant à bien expliquer les tâches à faire aux apprenants. La figure ci-dessous montre
comment se présente la page « je découvre mon livre ». L’écriture est bien lisible et les images
expriment ce qui est demandé à l’élève de faire.

Figure 14 : Je découvre mon livre, manuel de l’élève 1ère année, p 4

6.2.4 Les thématiques abordées dans ce manuel


Les thématique des six unités didactiques traitées dans ce niveau sont très proches des centres
d’intérêts des élèves à cet âge. Ils vont de la sphère la plus proche des enfants qui est la famille vers
les jeux qui les intéressent. Le tableau ci-dessous présente les différentes thématiques traitées :

Unité Thématique
1 La famille
2 L’école
3 La tenue vestimentaire et l’hygiène
4 Le quartier/ le village
5 L’environnement
6 Les jeux
Tableau n°12 : Les thématiques des unités didactiques de la 1ère année du primaire

163
Nous attirons l’attention sur le fait que l’une des nouveautés de ce curriculum est que les
thèmes traités dans les unités didactiques en langue arabe ont été unifiée avec celles de la langue
française pour les six niveaux du primaire. Cela permettra aussi de constituer progressivement la
compétence bilingue chez les élèves dès leur jeune âge. Ainsi, les apprenants étudient le même
thème dans les deux langues ce qui renforce leurs acquisitions linguistiques et permet de revoir la
même thématique sous un autre angle. Cependant, en langue arabe l’activité orale en première année
se base sur des situations de communication en plus d’un conte écouté dont les élèves reconnaissent
les personnages et les événements selon le schéma narratif. Tandis que dans la langue française,
l’activité orale est présentée sous forme d’un dialogue ayant un objectif communicatif. Il aurait été
souhaitable d’utiliser des contes faciles afin d’attirer plus l’attention des élèves et développer leur
imagination.

6.2.5 La grille d’analyse du manuel


Le tableau ci-dessous présente la grille d’analyse du manuel « Dire, faire et agir pour
apprendre le français » de la première année du primaire réalisée à partir de plusieurs grilles que
nous avons consulté (Bérard 1991, Puren 2016, Gérard et Roegiers 2009, Dahlet 1984). Elle
regroupe l’ensemble des traits caractérisant ce manuel :

Type de matériel Manuel de langue française : « Dire, faire et agir pour apprendre le
disponible français »
Guide du professeur
Nombre de pages 128
Prix 1560 Dh
Titre Le titre cite trois verbes d’actions afin d’apprendre la langue française :
Dire, faire et agir. Dire c’est parler et communiquer. Faire c’est réaliser
des activités, des tâches et des projets. Agir c’est l’interaction entre les
élèves et avec l’enseignant.
Les auteurs Non mentionnés/ Ce sont des experts de la direction des curricula
CD audio Pas de pistes audio officielles fournies pour les activités orales et la poésie.
Cependant des enseignants ont fait l’effort personnel d’enregistrer les
dialogues mais ils sont amateurs. Ces pistes sont présentées sous forme de
vidéos avec le poster de l’activité ou des images sur les chaines YouTube
de ces enseignants.
Public cible Elèves de la 1ère année du primaire des écoles publiques (6 ans)
-S’habituer au système phonétique/phonologique
du français
-se familiariser avec le système paralinguistique :
Objectifs intonation, prosodie, accent, ton, gestuelle…
-acquérir un lexique simple, varié et fonctionnel.

60
15Dh=1,5 euros

164
Structure générale -s’initier à la lecture à travers la discrimination de
de la méthode quelques phonèmes et de graphèmes qui leur
correspondent, l’identification de syllabes et de
mots usuels
-Produire des tracés de différentes formes et
apprendre progressivement à écrire et à copier des
graphèmes, des syllabes et des mots usuels.
Activités Elles doivent prendre en considération les trois
principes suivants :
-l’ouverture des activités de langue sur les pratiques
sociales et culturelles extrascolaires
-la prise en compte du contexte socio-culturel de
l’enfant, en vue de valoriser sa propre culture
-l’implication de l’apprenante/ l’apprenant dans les
pratiques pédagogiques liées aux apprentissages.
Durée de 120 heures
l'apprentissage
Unités 6 unités de 5 semaines chacune
Progression Thématique / linéaire
Contenu Contenu Priorité aux actes de parole à l’oral
communicatif Exemple :
-Présenter les membres de sa famille
-Compter de 1 à 10
Contenu grammatical Grammaire implicite
Absence de leçons de langue
Lecture Méthode syllabique
Reconnaissance globale des lettres et des mots
contenant la lettre étudiée
Initiation au déchiffrage
Graphisme/ écriture Phonèmes et graphèmes
À réaliser sur le manuel ou sur un cahier (50
pages) spécifique que l’enseignant trace à la main
(complément d’apprentissage)
Contenu culturel Culture marocaine, arabo-musulmane
Correction Pas de partie réservée à la phonétique, par contre l’enseignant procède à
phonétique la correction phonétique en recourant aux gestes
Rôle de l'enseignant Guide les apprenants dans leur apprentissage
Motive les élèves pour apprendre
Explique les leçons
Anime le cours
Profil d’entrée en Selon le guide : L’enfant de cinq ans et demi ou de six ans est un
1ère année arabophone ou un amazighophone qui, en général, ne possède pas de
préacquis en français. Une adaptation des activités proposées dans le guide
et dans le manuel est nécessaire pour les enfants qui arrivent d’un
préscolaire moderne.
Profil de sortie en À l’issue de la première année de l’enseignement primaire, en mobilisant
fin d’année les savoirs, savoir-faire et savoir-être requis, dans une situation de

165
communication en rapport avec soi-même et son environnement immédiat
et local, l’apprenante/l’apprenant doit être capable de :
-comprendre et produire, oralement, des énoncés courts et simples
-lire des mots usuels contenant les graphèmes étudiés
-reconnaître et produire des tracés de différentes formes
-écrire/copier, en minuscule cursive, des graphèmes simples isolés, des
syllabes et des mots usuels
Supports/documents Les supports sont majoritairement fabriqués par les auteurs, Quelques
poèmes et comptines sont authentiques.
Ils sont diversifiés.
Les supports iconiques sont majoritairement des dessins avec quelques
images authentiques libres de droits.
Il y a plus d’images que de textes écrits afin de développer l’oral chez les
apprenants.
Les jeux ludiques Absence de jeux ludiques dans le manuel. Ce qui le rend comme un manuel
traditionnel
Méthodologie Approche par compétences
Pédagogie du projet
Les projets de Six projets annuels sont proposés pour être réalisés. Tout au long de
classe proposés l’unité, le projet proposé est travaillé pendant 30 min par semaine pour
être présentés lors de la cinquième semaine. Voici les projets proposés :
- Réaliser l’arbre généalogique de sa famille
- Réaliser l’album de son école
-Réaliser un album sur la tenue vestimentaire et l’hygiène
-Réaliser un dossier sur son quartier/ son village
- Fabriquer des objets décoratifs à partir de matériel recyclable
- Réaliser un dossier sur les jeux
Sur le livre de l’élève le projet n’est pas mentionné. Cependant, chaque
enseignant est libre de travailler et présenter son projet sous le format
qu’il trouve correspondant à son groupe classe et aux moyens dont il
dispose. Le guide pédagogique propose une fiche à titre indicatif pour
chaque projet proposé.
ère
1 de couverture Logo et nom complet du ministère en haut de la page
Titre du livre en vert et noir en caractère gras au milieu de la page. Au-
dessous, les images sont extraites des unités à travailler représentent des
enfants dans différentes situations à l’école et aussi à l’extérieur en train
de faire des activités de loisir.
En bas, nous trouvons l’éditeur et la date d’édition.
Présentation d’une L’unité commence par une image illustrant la thématique abordée avec le
unité didactique titre de l’unité en haut. Sur la 2ème page il y a un poème ou une comptine
et en dessous des chiffres pour apprendre à compter. Ensuite, il y a une
double page dédiée à l’activité orale où il y a deux grandes illustrations
commentées avec une courte phrase. Après, il y a la double page de
l’activité de lecture avec des exercices variés. Par la suite, une page pour
le graphisme et finalement une page pour l’entrainement à l’écriture.

Qualité des La qualité est normale, les illustrations en couleurs sont majoritairement
illustrations fabriquées. Il y a seulement quelques images authentiques libres de droits
d’auteurs. Cependant, en feuilletant les pages du livre nous avons
l’impression qu’il est ancien parce que la qualité des illustrations

166
ressemble à celle des manuels des années 80. Cela ne rend pas le livre très
attractif et motivant pour les apprenants
Qualité du papier Papier ordinaire.
Tableau n°13 : Grille d’analyse du manuel «« Dire, faire et agir pour apprendre le français »

6.2.6 Sommaire du manuel

167
Figure15 : Sommaire du manuel, p7-8
Le sommaire ci-dessus présente l’ensemble du programme annuel à enseigner pour les six
unités didactiques. Pour chaque unité, nous trouvons le contenu de chaque semaine didactique.
Devant chaque matière il y a le titre de la leçon et la page. Le contenu des deux semaines de soutien
et d’évaluation semestrielles est également présenté. Nous remarquons que les objectifs ou les
compétences visées ne sont pas formulés dans ce sommaire. Cependant, nous les retrouvons dans le
guide de l’enseignant.

168
6.2.7 Déroulement d’une unité didactique : l’unité 2
Chaque unité didactique vise à doter les apprenants d’un ensemble de compétences. Prenons
l’exemple ici de l’unité 2 « l’école » que nous analyserons. Elle traite la thématique de l’école
puisque c’est la sphère la plus proche de l’élève après sa famille. Ci-dessous la répartition de
l’ensemble des enseignements durant les cinq semaines :
Unité 2
Présentation de l’unité 2
Semaine 1, 2, 3, 4 et 5
Comptine / chant : C’est la rentrée
Semaine 1 et 2
Activités orales : Thème : L’école
Lecture : i
Graphisme : le trait vertical
Écriture / copie : i
Semaine 3 et 4
Activités orales : Thème : L’école
Lecture : b
Graphisme : les boucles
Écriture / copie : b
Semaine 5
Activités orales : évaluation, soutien et consolidation
Lecture : évaluation, soutien et consolidation
Écriture / copie : évaluation, soutien et consolidation
Tableau n°14 : Le contenu de l’unité 2 « l’école »
Le guide pédagogique de l’enseignant mentionne les sous-compétences à développer
pendant cette unité comme suit :
« À la fin de l’unité 2, en mobilisant les savoirs, savoir-faire et savoir-être requis, dans
une situation de communication en rapport avec soi-même et son environnement
immédiat et local et à partir de supports iconiques, audio et/ou audiovisuels,
l’apprenante/l’apprenant sera capable de :
• comprendre et produire, oralement, des énoncés courts et simples à caractère informatif
• identifier les phonèmes [i] et [b] dans des mots usuels
• identifier les syllabes dans des mots usuels
• lire des syllabes et des mots usuels contenant les graphèmes « i » et « b »
• reconnaître et tracer des traits verticaux et des boucles
• Écrire/copier, en minuscule cursive, les graphèmes « i » et « b » isolés, dans des syllabes
et dans des mots usuels» (2020 : 10).

Nous concluons que cette unité qui a pour thème « l’école » vise à doter l’élève d’un
ensemble de savoirs relatifs au thème choisi. Au niveau de la lecture et de l’écriture deux phonèmes
sont étudiés à savoir [b] et [i]. La lecture est enseignée à travers la méthode syllabique avec laquelle
s’enseigne aussi la lecture en langue arabe.

169
En parcourant l’ensemble des unités didactiques abordées dans ce guide nous remarquons
que la même formulation standard est utilisée pour le premier paragraphe et le premier objectif de
réception et de production orale. Cette formulation doit être revue afin de correspondre aux
spécificités du thème traité par chacune des six unités didactiques.
Nous apercevons que même en adoptant l’approche par compétences la formulation des
compétences à développer doit se faire avec des verbes d’action et non avec le verbe reconnaitre. Il
est donc impératif de contextualiser la réalisation des objectifs ciblés par cette unité. Dans le
domaine de la didactique, il est reconnu que les compétences et les objectifs sont annoncées avec
des verbes d’action ce qui prête à des confusions. Ainsi, pendant que la compétence n’est observable
qu’à travers des situations où l’apprenant est censé mobiliser ses ressources pour résoudre des
situations-problème (Voir partie 2, chapitre 4, p15-17), l’objectif, quant à lui, est quantifiable,
mesurable et se rattache à une tâche précise. Pour cet exemple : « comprendre et produire, oralement,
des énoncés courts et simples à caractère informatif » l’usage du verbe « comprendre » est à éviter
puisqu’il se prête à des niveaux de perception variés. Tandis que l’usage du verbe « produire »
correspond le mieux à la formulation d’une compétence parce que la compétence de production
orale d’un énoncé implique une mobilisation des ressources cognitives de la part de l’apprenant
mais aussi ses compétences socioculturelles et affectives.

Au niveau du déroulement, chaque unité didactique se réalise en cinq semaines. Les quatre
premières sont dédiées à la présentation des leçons et la cinquième semaine est consacrée
uniquement aux activités de soutien, de consolidation et d’évaluation des contenus étudiés. Un seul
objectif communicatif est traité durant deux semaines pour l’activité orale. Une lettre pour la lecture,
un graphème pour l’écriture et la copie ainsi qu’un cours de graphisme sont étudiées également
pendant deux semaines. Au cours de la 3ème et 4ème semaine, un nouveau contenu est présenté de la
même façon que dans les deux premières semaines.

Cet allègement du programme, par rapport à ce qui se pratiquait avant, est parmi les
principes du levier 12 de la vision stratégique 2015-2030 pour améliorer la qualité de
l’enseignement. Il vise un allègement pour « avoir le temps de développer chez l’apprenant les
compétences requises au terme de chaque niveau scolaire » en incluant aussi au niveau des
« curricula les activités de soutien, les activités culturelles et de la vie scolaire » (2014 : 44) qui
visent à renforcer les acquis des élèves et à veiller sur leur épanouissement personnel au sein de
l’école. Cela permet aussi aux apprenants d’assimiler la notion étudiée en deux semaines de manière
simple, douce et progressive sans être trop chargé. Nous mentionnons que ce principe est désormais

170
adopté pour tous les niveaux et toutes les matières au primaire. Ainsi, les manuels scolaire ont été
modifiés afin d’adopter ce principe d’allègement.

Le tableau suivant montre l’exemple des leçons de l’unité 2 intitulée « l’école». Il détaille
comment se présentent les différentes leçons pour les cinq semaines. Ce document est appelé « la
répartition thématique » :

Matière Activité orale Comptine Lecture graphisme Écriture /


copie
Semaine chant

1/2 L’école C’est la rentrée i Le trait vertical i

3/4 L’école C’est la rentrée b Les boucles b

5 Soutien et C’est la rentrée Soutien et Soutien et Soutien et


consolidation consolidation consolidation consolidation

Tableau n°15 : La répartition thématique de l’unité 2 « l’école »

Les enseignants ont un emploi du temps hebdomadaire à respecter où tous ces enseignements
sont bien répartis avec la masse horaire prescrite. Le problème soulevé au début par les enseignants
qui prennent en charge ce niveau est que certains n’ont pas suivi une formation pour enseigner la
langue française aux élèves de la 1ère année du primaire. Il faut dire que l’application de cette réforme
ne peut se réaliser sans une formation au préalable des enseignants pour enseigner la langue
française à ce niveau. Par la suite, des formations didactiques sont organisées par les inspecteurs
pédagogiques pour résoudre ce problème et pour réussir cette démarche entreprise par la réforme.
Certes, le contenu à enseigner à cette classe est très simple, cependant il est normal que l’enseignant
soit pédagogiquement et didactiquement formé pour bien mener sa mission. Nous savons très bien
qu’il faut adopter une attitude différente avec les élèves en fonction de leur âge et niveau scolaire
surtout pour commencer à apprendre une langue étrangère de manière précoce. D’une autre part,
ceux qui enseignent l’arabe et le français, surtout en milieu rural, n’ont pas le temps de réussir à
enseigner correctement les deux langues. D’autant plus que les deux langues sont nouvelles et
étrangères pour ces apprenants dont la majorité totale n’a pas fait de préscolaire. Ce qui pose une
autre contrainte à la bonne application de cette réforme et empêche d’arriver à l’équité sociale et
l’égalité des chances entre les élèves marocains. Nous avons déjà mentionné dans la partie contexte
de la recherche au chapitre 2 la complexité de la situation linguistique marocaine en ce qui concerne
l’usage de l’arabe standard et l’apprentissage de la langue française. Confronté dès le départ à ces

171
deux langues nouvelles pour les élèves implique de la part de l’enseignant une certaine vigilance. Il
doit être bienveillant et doit aller progressivement dans son acte d’enseignement pour atteindre les
compétences visées par cet apprentissage en matière de bilinguisme.

6.2.7.1 Présentation de l’unité 2 et comptine


Pour commencer n’importe quelle unité didactique de ce programme, l’enseignant peut
utiliser l’image qui se trouve sur le livre comme élément déclencheur introduisant le thème à
travailler durant les cinq semaines. Ensuite, il présente la comptine aux élèves. Nous connaissons
tous l’importance des comptines et des chansons dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Les
comptines chantées et rythmées sont mieux et rapidement retenues par les enfants. Elles leur
permettent d’arriver à l’objectif de la maîtrise de l’oral en s’habituant au système phonétique et
phonologique de la langue française et au système paralinguistique : intonation, prosodie, accent,
ton. Dans chaque unité de ce manuel, nous trouvons une comptine que l’enseignant travaille avec
ses élèves qui vont l’apprendre facilement grâce à la répétition. Certaines comptines sont
authentiques et d’autres sont écrites par les concepteurs du manuel. Or, il n’y a pas d’enregistrement
audio de ces comptines à part quelques-unes que certains enseignants bénévoles ont fait l’effort
d’enregistrer avec leur propre voix et partagé sur leurs chaînes YouTube. Cependant la qualité
d’enregistrement n’est pas toujours à la hauteur parce que les enseignants ne possèdent pas de
matériel professionnel pour enregistrer. C’est le cas de la comptine « c’est la rentrée »61 présentée
dans cette première unité. L’objectif ici est de se présenter, de parler de ce qu’on fait à l’école « on
joue, on rigole) et d’initier ce qui sera présenté dans la leçon d’activité orale.

61
Lien pour la comptine « C’est la rentrée » : https://www.youtube.com/watch?v=rZHBeanwDcc

172
Fig. 16 : Présentation de l’unité 2 « l’école » et page de comptine, (livre p 28-29)

6.2.7.2 L’activité orale


L’activité orale élément majeur de ce programme dure six séances, les quatre premières sont
dédiées à la compréhension et les deux dernières à la production. Elle se base au départ sur
l’exploitation de l’image sur le livre et sur un court dialogue déclencheur suivis de questions de
compréhension globale. Nous avons remarqué que le support audio n’est pas fourni avec le guide
pédagogique. Donc, l’enseignant recourt à dire le dialogue ou cherche sur internet des dialogues
enregistrés sous format audio ou vidéo par des enseignants sur leurs chaines YouTube. Nous avons
écouté et testé ces enregistrements. Ils ne sont pas toujours d’une bonne qualité parce que ceux qui
les fabriquent n’ont pas de matériel professionnel ou bien ils contiennent des fautes de
prononciation. Ainsi, l’enseignant perd des fois beaucoup de temps durant la préparation de ces
cours dans la recherche afin de trouver un support audio adéquat bien enregistré. Si les
enregistrements étaient fournis par les concepteurs du manuel cela épargnerait cette perte de temps
et d’effort. Il est vrai que le fait d’écouter le dialogue enregistré permet à l’apprenant de mieux
identifier les personnages avec l’intonation de leur voix, leur sexe et âge. Cela parait paradoxal pour
une réforme qui annonce dans son texte l’adoption d’une approche actionnelle de ne pas avoir des
enregistrements audio pour les dialogues. De plus, leur existence est mentionnée dans les fiches
pédagogiques proposées dans le guide de l’enseignant. Les enregistrements audio ont bien servi
l’apprentissage des langues depuis la méthodologie SGAV. Ils devaient exister depuis des décennies

173
à l’école marocaine. Ces enregistrements audio sont un bon moyen pour changer les pratiques de
classe surtout que ces élèves font partie d’une génération entourée du monde multimédia.

Lors de la deuxième semaine, l’activité de comptage oral est rajoutée. Elle n’a aucun lien
avec l’objectif communicatif principal de l’activité orale même si elle est citée sur la fiche :
« Compter de 10 à 20 ». D’autant plus que le dialogue déclencheur ne contient pas de chiffres. Nous
retrouvons les chiffres à compter dans le livre sur la page contenant la comptine à apprendre. C’est
évident que l’élève est censé apprendre à compter en français mais cela aurait été possible avec des
comptines, des jeux et avec d’autres techniques plus attractives. La démarche donnée dans la fiche
pour les apprendre et pour compter ressemble aux anciennes pratiques classiques de l’apprentissage
par cœur. Ce qui manque également c’est des manipulations sur les chiffres pour pouvoir les retenir
facilement à l’oral. Cette étape ne dure que cinq minutes, temps que nous jugeons insuffisant pour
des élèves qui découvrent ces chiffres pour la première fois.

Figure 17 : Activité orale, je compte, (livre de l’élève p29)

La fiche pédagogique de cette activité orale, ci-dessous, fournie par le guide de l’enseignant
ne donne pas assez de détails sur toutes les étapes à suivre par l’enseignant lors des six séances. En
effet, elle ne lui montre pas le début et la fin de chaque séance. Va-t-il répéter la même démarche
chaque séance ? Ou bien va-t-il trouver d’autres supports ? De ce fait, il doit faire sa propre
conception pour la modifier, rajouter des activités ludiques et créer son propre matériel didactique
pour enrichir son cours en fonction du niveau de sa classe. Pour une réforme qui proclame l’usage
de la perspective actionnelle comme méthodologie, l’exemple fourni par cette fiche est bien loin de
cette approche. Cela est visible aussi au niveau des compétences visées, ce sont toujours les termes
« objectifs » ou « intitulé » qui sont utilisés. Nous constatons donc que le changement n’est pas
encore effectué au niveau des mots techniques utilisés dans ce guide pour adopter une approche
actionnelle.

174
175
Figure 18 : Fiche pédagogique de l’activité orale, guide de l’enseignant, p 43-44

La double page en dessous extraite du manuel de l’élève est dédiée à l’activité orale. Elle
contient deux étapes : je comprends et je m’entraine. Au niveau de la visibilité, les images sont
claires et facilitent la compréhension de la situation de communication. Les bulles du dialogue
aident aussi à comprendre cette situation où il s’agit de se présenter. Le poster qui est donné à titre
indicatif dans la liste du matériel pédagogique à utiliser n’est pas disponible dans les librairies.
Certains enseignants recourent à l’agrandissement de l’image du livre en format A3. Ils l’utilisent
en classe pour un affichage plus visible par tous les élèves.

Dans la 3ème image de la page de droite, il y a une fille sur une chaise roulante à l’école avec
ses camarades. Nous retrouvons des images similaires de personnes à besoins spécifiques dans les
différents manuels du primaire dans toutes les matières. Cela montre la volonté de l’état pour
changer le regard de la société envers ces personnes pour les insérer dans la vie active. À cet égard,
le levier 4 de la vision stratégique est consacré à garantir le droit d’accès à l’éducation et à la
formation aux personnes en situation d’handicap ou à besoins spécifiques. Il mentionne que pour
mettre fin à la situation d’exclusion et de discrimination vécue par ces enfants, il faut les intégrer
dans les écoles en prenant en considération évidement la gravité du handicap et en leur fournissant

176
les ressources nécessaires pour la réussite scolaire en toute équité. Il est préconisé également dans
le cadre de l’éducation et formation des personnes en situation de handicap ou en situations
spécifiques : « l’élaboration à court terme, d’un plan d’action national d’éducation intégrée. Ce plan
devrait concerner les enseignants, les curricula, les programmes, les approches pédagogiques »
(2014 : 20). Cela fait également partie intégrante du volet de l’éducation aux valeurs préconisé par
le curriculum du primaire.

177
Figure 19 : Double page de l’activité orale, unité 2, livre de l’élève, p30-31

6.2.7.3 L’activité de lecture


L’activité de lecture dure quatre séances. En première année, il s’agit d’une reconnaissance
globale des lettres et des mots ainsi qu’une initiation à la lecture grâce au déchiffrage en utilisant la
méthode syllabique. L’activité est présentée sur une double page du livre. Chaque phonème est
étudié pendant deux semaines pour qu’il soit bien assimilé par l’apprenant. Dans chaque unité une
consonne et une voyelle sont présentées. Lors de la cinquième semaine les élèves apprennent à les
combiner ensemble pour former des sons et des mots.

Dans la double page ci-dessous, nous observons la présentation des différentes activités
proposées pour la lecture du son [i]. Elles sont variées et visent à développer plusieurs habiletés
chez les élèves : écoute, discrimination auditive, appariement, reconnaissance du phonème et de sa
place dans le mot. Les mots utilisés ont un rapport avec la thématique de l’école et de la famille que
les élèves ont déjà étudié. C’est un apprentissage progressif qui part de ce que les élèves apprennent
en classe. La disposition typographique facilite la prise en main et la lecture pour les élèves.

178
Figure 20 : Page de l’activité de lecture, livre de l’élève p : 32

La fiche pédagogique ci-dessous présente la démarche à suivre pour les quatre séances de
lecture. Elle mentionne dans la rubrique du matériel à utiliser « posters et outils multimédia ».
Cependant, le guide ne les fournit pas et nous ne savons pas ce qui est désigné par outils multimédia.
Il est possible que les concepteurs réalisent ce matériel ultérieurement. Notons aussi que ce manuel
a été révisé à l’ère de la pandémie de la Covid et plusieurs mesures de cette réforme ont tardé à voir
le jour au niveau du matériel pédagogique. En plus, en lisant la fiche pédagogique l’utilisation de
ces outils n’apparait nulle part. Cette fiche détaille tout ce que l’enseignant doit faire mais sans
préciser le début et la fin de chaque séance. Après la mise en situation qui prend comme point de
départ ce qui a été vu lors de l’activité orale, viennent les étapes de la discrimination auditive et
visuelle durant lesquelles l’apprenant se familiarise avec la lettre étudiée. Les exercices proposés
dans le livre sont riches et variés et ils sont présentés à partir de la deuxième séance. Ce sont des
exercices de reconnaissance de la lettre étudiée, de sa place dans le mot et d’appariement comme
nous pouvons le voir sur la double page de lecture (voir fig.23). La lecture des trois mots proposés
est associée à une image donc elle se base sur la reconnaissance visuelle. Cette technique est très
utile afin que les élèves retiennent le mot étudié. L’enseignant peut également commencer à
constituer un tableau de lecture permanant qui s’enrichira au fil de l’année afin d’aider les
apprenants à bien lire.

179
Figure 21 : Fiche pédagogique de la lecture, (guide de l’enseignant, p 45- 46)

180
6.2.7.4 L’activité d’écriture et de graphisme
Pour l’activité d’écriture, la lettre [i] étudiée en lecture est maintenant présentée à l’écrit
uniquement en minuscule cursive. La page d’écriture est tracée de manière très visible pour
ressembler à la page d’un cahier d’écriture. L’apprentissage de l’écriture est une phase très
importante en première année à laquelle il faut accorder une grande importance parce que l’élève
apprend en même temps à écrire en arabe (de droite à gauche) et en français (de gauche à droite.
Cela mène souvent certains élèves à écrire en miroir ou à demander toujours le sens de l’écriture à
leur maître. Les élèves utilisent les ardoises pour l’entrainement à l’écriture et le crayon pour écrire
sur le livre ou le cahier de copie. Les enseignants peuvent recourir également en classe à un cahier
d’écriture de 50 pages pour compléter l’apprentissage où ils tracent le modèle de la lettre et du mot
à écrire ou du graphème pour les élèves. L’apprentissage de la majuscule ne fait pas partie intégrante
du savoir enseigné en première année du primaire mais son existence dans le manuel de l’élève
donne l’idée qu’elle rentre dans une autre forme d’apprentissage implicite. La présentation des
majuscules se fera dans les niveaux suivants où l’apprentissage de l’écrit sera renforcé. Si les enfants
ont déjà passé le préscolaire, ils connaissent de manière globale les lettres majuscules et même les
minuscules. Sinon, ils découvriront les lettres pour la première fois.

Après l’observation de la lettre et l’entrainement à l’écriture, l’acte d’écrire sur le livre se


déroule en trois étapes : le repassage sur les pointillés, l’écriture en suivant le modèle et la copie
d’un mot. Cette leçon a pour objectif d’initier les élèves à l’écriture et ressemble à ce qui se fait en
classe de grande section en maternelle. Notons aussi que la même démarche est adoptée pour
l’apprentissage de l’écriture en langue arabe. L’extrait du livre ci-dessous montre ces étapes pour
l’exemple de la lettre « i » :

181
Figure 22 : Page d’écriture et copie, livre de l’élève, p35

Pour l’activité de graphisme, son objectif est de travailler la motricité fine qui doit être
développée chez les élèves en traçant des formes variées : trait horizontal, vertical, boucles, ronds
... Dans cette leçon c’est le trait vertical qui est travaillé. L’objectif visé est de consolider l’activité
d’écriture car la lettre [i] ressemble dans son tracé au trait vertical.

Figure 23 : Page de graphisme, (livre de l’élève, p34)

182
Lors de troisième semaine de nouvelles leçons sont présentées. Pour la lecture et l’écriture
c’est le son [b] qui est présenté et pour le graphisme ce sont « les boucles » dont le tracé est proche
de la lettre étudiée. Elles permettront à l’élève de pouvoir écrire facilement la lettre [b].

Pour la cinquième semaine, des activités de soutien et de consolidation sont proposées à titre
indicatif afin de consolider les apprentissages chez les élèves. L’enseignant peut les utiliser ou créer
ses propres supports en cherchant dans d’autres livres en fonction des besoins de sa classe. D’autres
activités de soutien sont proposées à la fin de chacun des deux semestres comme le montre l’extrait
du livre ci-dessous. Cela n’empêche pas l’enseignant de créer ses propres activités de soutien en
fonction des lacunes observées chez ses élèves. Lors de la semaine de soutien, l’enseignant est
appelé à se détacher du manuel scolaire afin de créer d’autres activités convenables au niveau réel
de ses élèves.

Figure 24 : Activités de soutien et de consolidation de fin du 1er semestre pour l’oral, (livre de l’élève p :
64-65)
Ces activités de soutien à la fin du semestre reprennent le contenu enseigné lors des trois
unités didactiques précédentes. Chaque activité sur cette page traite séparément un objectif déjà
étudié auparavant. Aucune activité ne propose de combiner deux objectifs dans une situation de
production orale. Finalement, ce livre ne propose pas de grille d’évaluation des compétences des
élèves. Ce qui nous laisse perplexes par rapport à la méthodologie suivie dans ce manuel. Nous
pensons que c’est un mélange de plusieurs méthodologies à savoir l’approche communicative, par
compétences et actionnelle.

183
6.2.7.5 Le projet de classe
Dès la première année du primaire, les élèves sont initiés à travailler avec la pédagogie du
projet. Pour cela, les projets de classe proposés dans le guide de l’enseignant correspondent tous au
thème et à la sous-compétence étudiés dans chaque unité. Ils sont faciles à réaliser par les élèves et
touchent à leur sphère personnelle. Ils visent à développer leur personnalité et leurs habiletés pour
se familiariser avec leur environnement immédiat. Sans oublier que cela va stimuler l’élève à utiliser
la langue française dans un cadre réel et authentique pour faire des tâches communicatives orales
ou écrites afin d’obtenir des réalisations concrètes. Ainsi, la classe deviendra un environnement
social et linguistique riche et stimulant où l’action est centrée sur l’apprenant et ce qu’il désire
réaliser. Le tableau ci-dessous extrait du guide de l’enseignant présente la liste des six projets
proposés. Chacun d’eux reprend la thématique traitée durant l’unité didactique pour réaliser ou
fabriquer un album ou un objet propre à l’élève ou au groupe classe.

Figure 25 : Projets de classe, guide de l’enseignant, p 12


Le projet est réalisé tout au long des cinq semaines à raison de 30 minutes par séance
hebdomadaire. La fiche pédagogique dans le guide indique trois étapes principales permettant de le
mettre au point. La première est l’identification du projet lors de la première séance où l’enseignant
annonce le projet, explique les tâches à réaliser par les élèves, réparti les groupes et détermine les
modalités du travail. Ensuite, la réalisation du projet se fait sur trois séances pendant lesquelles il
s’agit de vérifier si les élèves ont commencé à réaliser les tâches et s’ils ont rencontré des difficultés.
L’enseignant encourage les élèves à réaliser le travail, organise son déroulement et prépare avec eux
la restitution. La dernière séance est consacrée à la présentation du projet par les élèves en groupe
et c’est l’enseignant qui l’anime.

Pour cette activité, le livre de l’élève ne consacre aucune page au projet de classe.
L’enseignant se charge lui-même de travailler cette activité à partir d’éléments déclencheurs et de
documents qu’il choisira en fonction du projet proposé. Pour cela, le guide pédagogique fournit une
fiche pour le projet de classe que l’enseignant utilisera. Dans l’exemple ci-dessous, cette fiche
mentionne toutes les étapes à suivre pendant les cinq séances pour réaliser « l’album de l’école ».

184
Cependant, pour ce niveau-là les enfants ne savent pas encore faire de la recherche et une grande
partie des tâches sera réalisée avec l’aide de l’enseignant. En ce qui concerne l’exemple du projet
« l’album de son école », les enfants sont amenés à prendre des photos de leur propre école et à les
imprimer. Dans le cas des élèves des écoles publiques marocaines ou des écoles rurales, ils n’ont
pas tous les moyens pour le faire. L’enseignant peut alors leur demander de faire des dessins ou de
trouver des images à découper d’anciens livres ou magazines chez eux en relation avec ce thème.
Pour la présentation du projet, elle peut se faire en classe sans inviter d’autres personnes (comme il
est indiqué dans le guide) car cela n’est pas toujours facile à mettre en place. Alors, cette restitution
du projet sera réalisée devant l’enseignant et les camarades de classe en utilisant le lexique et les
expressions apprises lors de l’activité orale. Présenter un projet devant ses camarades de classe
renforcera la personnalité de l’enfant et lui permettra par conséquent de vaincre sa timidité dès son
jeune âge.

185
186
Figure 26 : Fiche pédagogique du projet de classe, (guide, p : 38-39)
6.2.8 Des suggestions pour améliorer ce manuel
Le manuel « Dire, faire et agir pour apprendre le français » pour la première année du
primaire constitue une première ouverture sur la langue française pour les élèves de ce niveau dans
les écoles publiques en milieu urbain et rural. À travers l’analyse de cette unité nous constatons que
les concepteurs ont fourni un effort considérable pour concevoir un manuel scolaire dont le contenu
est attractif pour les élèves. Ce manuel vise l’instauration du bilinguisme scolaire dès l’entrée des
élèves à l’école comme il est préconisé par la vision stratégique de la réforme et la loi cadre. Nous
proposons de lui ajouter les modifications suivantes pour le rendre encore plus attractif :

1. Il est possible d’ajouter un imagier à la fin de ce manuel pour que les élèves puissent mieux
retenir et mémoriser le nouveau vocabulaire en associant chaque image à son nom. Nous
savons tous que la mémoire visuelle chez les enfants est très développée à cet âge, donc il
est nécessaire de l’exploiter. Cet imagier permettra de renforcer l’acquisition du vocabulaire
en langue française. il peut aussi être réalisé par les apprenants à l’aide de leur enseignant
sur un cahier. Cela consistera à trouver des images du lexique étudié en classe et de coller

187
au-dessous les mots imprimés à l’avance par l’enseignant puisque les élèves ne maitrisent
pas encore l’écriture de toutes les lettres.

2. Nous suggérons d’inclure une partie réservée à la phonétique dans ce manuel et dans tous
les autres manuels marocains de français pour tous les niveaux du primaire afin d’éviter les
confusions possibles entre les phonèmes. En fait, cela est très important pour des locuteurs
arabophones parce que les deux systèmes phonologiques sont différents. Les manuels
scolaires sont conçus comme des manuels pour le français langue maternelle, en oubliant la
dimension phonétique qui est primordiale. L’intégration de la phonétique contribuera aussi
à connaître la différence entre les sons de la langue française. Elle permettra aussi de préparer
l’écrit et l’orthographe chez les élèves dans les classes supérieures. Dans la perspective de
remédier à ce problème de correction phonétique nous proposons l’exemple des exercices
pour distinguer entre les lettres dont la prononciation prête souvent à confusion comme ; p /
b, e /i / u, f / v...

3. L’approche thématique adoptée est très intéressante, mais pour les jeunes enfants il est
préférable de travailler autour d’aventures d’un personnage tout en gardant les mêmes
thèmes. C'est-à-dire créer une histoire autour d’un personnage qui sera le héros du livre pour
attirer encore plus les élèves à apprendre cette langue. Ce personnage vit avec sa famille et
les élèves vont suivre ses journées et ses aventures à l’école, en famille, en jouant pour
découvrir l’ensemble des thématiques proposées. Sinon, travailler autour de contes comme
en langue arabe. Cela contribuera à développer l’imagination de l’élève et à s’attacher plus
au personnage de l’histoire en s’identifiant à lui.

4. Le graphisme utilisé n’est pas très attrayant pour des élèves de première année qui accèdent
pour la première fois à l’école. La qualité du papier utilisé et des couleurs d’impression
peuvent être améliorées. C’est un côté technique important auquel il est souhaitable
d’accorder plus d’importance. Il est possible aussi d’ajouter des photos réelles d’objets ou
de personnages. Les élèves n’ont que ce livre de français à l’école, donc il doit susciter leur
intérêt pour l’apprentissage pas uniquement en langue française mais dans toutes les autres
matières. Surtout que nous sommes dans l’ère du numérique où la conception graphique est
devenue un jeu d’enfants pour les infographistes. Il est préférable de changer les dessins
utilisés et les remplacer par des photos libres de droits d’auteurs.

5. Nous suggérons également de renforcer cet apprentissage linguistique par l’introduction de


la pédagogie du jeux en proposant aux enseignants des jeux ludiques simples, bien expliqués

188
et détaillés dans le guide pédagogique et dans le manuel de l’élève. À titre d’exemple de
jeux : le memory, le jeu de l’oie, le jeu de Kim, les cartes de mots... Nous admettons tous
que l’apprentissage d’une langue étrangère qui passe par des activités ludiques aide plus les
apprenants à apprendre et à mémoriser le nouveau vocabulaire et les chiffres.

6. Il faut penser également à réaménager l’espace classe pour qu’il soit plus attractif pour les
enfants. Certes, cela n’est pas toujours possible car selon l’infrastructure de l’école, il peut
y avoir un cours de première année et celui d’un autre niveau dans la même salle de classe
à des horaires différents dans les écoles qui recourent à un système d’alternance. Nous
proposons de mettre les niveaux proches dans la même salle de classe afin que l’usage de
l’affichage mural par les enseignants atteigne l’objectif pédagogique souhaité. Au niveau de
la décoration, les enseignants fournissent toujours un effort personnel pour rendre leurs
classes plus attractives avec des affichages colorés utiles (lettres de l’alphabet, les métiers,
les chiffres, les jours de la semaine, les mois de l’année...) et des coins pédagogiques (lecture,
marionnettes, musée de classe...).

7. Les concepteurs du manuel sont sollicités de concevoir un support audio ou vidéo unifié et
officiel pour les dialogues de l’activité orale et aussi pour les comptines. L’objectif est de
rendre l’apprentissage plus intéressant auprès des élèves. Cela mettra fin également aux
documents non officiels qui circulent sur des chaînes YouTube ou sur les réseaux sociaux.

8. Face au manque de matériel didactique, certains enseignants font l’effort de le concevoir


eux-mêmes comme les jeux et les cartes images pour faciliter leur travail, motiver leurs
élèves à apprendre et aimer cette langue. Ils vont même jusqu’à innover et être créatifs dans
la réalisation des projets de classe avec leurs élèves. Grâce à internet et à la profusion des
groupes éducatifs sur les réseaux sociaux, ils créent, partagent et échangent les idées avec
d’autres enseignants. Cela constitue en lui-même une autoformation pour ces enseignants.
Dans ce même sens, il faut encourager les éditeurs à concevoir du matériel didactique (des
jeux pour la conjugaison, des puzzles, des cartes images et mots pour le lexique) pour les
élèves et pourquoi pas coopérer avec des enseignants qui ont de meilleurs idées dans ce
domaine.

Synthèse
Nous avons présenté le manuel scolaire « Dire, faire et agir en français » et son guide
pédagogique pour la première année du primaire qui sont une nouveauté pour l’école marocaine
avec l’adoption de l’enseignement du français dès la première année du primaire en septembre 2017.

189
Cela permet d’introduire un bilinguisme / plurilinguisme précoce chez les enfants afin de leur
permettre de réussir leurs apprentissages et leur vie professionnelle par la suite. L’allègement du
programme préconisé par la vision stratégique est respecté dans ce manuel en permettant aux élèves
de progresser doucement à leurs rythmes. Cette mesure va également aider à mieux assimiler les
cours par les élèves de manière graduelle sans être trop chargé par des contenus inutiles. En
revanche, ce manuel nécessite encore d’être amélioré et modifié à la lumière des suggestion et des
recommandations que nous avons proposé ci-haut afin de respecter et mettre en pratique les
directives de la vision stratégique de la réforme 2015-2030.

À travers cette analyse, nous affirmons que ce manuel de l’élève n’est pas conçu selon
l’approche actionnelle proclamée par le guide pédagogique. Nous avons déjà mentionné qu’il y a
une confusion entre l’action / être actif et l’approche actionnelle avec tout son appareil conceptuel
et tout ce qu’elle mobilise pour faciliter l’apprentissage de la langue française. Nous proposons
d’abord de former les enseignants à cette approche et aux techniques d’animation qu’elle suggère.

190
6.3 Analyse du manuel de la sixième année du primaire « Mes apprentissages
en français »

Figure 27 : Couverture du manuel « Mes apprentissages en français » 6ème année

Le deuxième manuel choisi pour être analysé est « Mes apprentissages en français » de la
sixième année du primaire parce que c’est la dernière année de ce cycle fondamental. Donc à priori,
l’élève a déjà acquis les compétences nécessaires au profil de sortie de l’école primaire dictées par
le curriculum officiel pour aller poursuivre ses études au cycle secondaire collégial et continuer son
projet personnel62. Il faut savoir que les élèves passent, en fin d’année scolaire, un examen normalisé
provincial afin d’évaluer leurs acquisitions et ainsi pouvoir passer au cycle suivant. Ce manuel est
le plus apprécié et le plus utilisé dans ce niveau scolaire par la plupart des inspecteurs et des
enseignants du primaire. Pour cela, nous voudrons, dans le cadre de cette recherche, vérifier sur
quelle base ils l’apprécient depuis des années et comment il a été rénové dans le cadre de la réforme
en cours.

Tout d’abord, ce livre scolaire fait partie d’une série de quatre manuels conçus en continuité
par la même équipe pédagogique à partir de la deuxième année du primaire. Il faut noter que lui
aussi a été réformé trois fois depuis l’adoption de la réforme « Vision stratégique 2015-2030 » en
septembre 2017 en optant pour le principe de l’allègement et de la simplicité des contenus évoqué

62
Le projet personnel de l’apprenant est une nouveauté adoptée avec la vision stratégique de la réforme 2015-2030.
Elle vise un accompagnement de l’élève dès l’école primaire jusqu’à l’obtention d’un diplôme de l’enseignement
supérieur fondamental ou technique par une université ou un établissement de formation professionnelle

191
précédemment (voir vision stratégique, levier12, 2014 :44). Le changement ne s’est pas opéré
uniquement au niveau des thématiques des unités didactiques en langue française pour qu’ils soient
les mêmes que ceux étudiés en langue arabe mais également au niveau du contenu linguistique
allégé. Cela est décidé ainsi dans un esprit de complémentarité entre les deux langues afin que les
élèves s’investissent plus dans leur apprentissage.

6.3.1 Présentation du guide de l’enseignant


Le guide pédagogique du manuel de sixième année du primaire « Mes apprentissages en
français » est disponible sous format PDF imprimable et en format papier. Il est conçu pour aider et
accompagner les enseignants à travailler rigoureusement avec les élèves de ce niveau, à organiser
les apprentissages et à baliser ce processus d’enseignement / apprentissage. Il met en exergue les
orientations pédagogiques relatives à l’enseignement / apprentissage du français pour cette année
qui s’inscrivent dans la continuité des réformes en cours. Dans son avant-propos, il est écrit que cela
se manifeste à travers « les trois entrées stratégiques (l’approche par compétences, l’éducation aux
valeurs et l’éducation au choix) et se situe dans la lignée des courants pédagogiques en vogue
(perspective actionnelle, vision entrepreneuriale et communautaire, …) » (2021 :3). Pour ce qui est
de l’éducation aux valeurs et de l’éducation au choix, elles font partie de la politique éducative du
pays afin de former des citoyens fiers de leurs pays, de ses valeurs culturelles marocaines et arabo-
musulmanes et capables de mener son développement dans tous les secteurs de la vie économique,
sociale et politique. Nous remarquons que la perspective actionnelle est citée à nouveau, ce qui nous
mènera à vérifier si vraiment elle est appliquée ou non dans ce nouveau manuel scolaire. Pour la
vision entrepreneuriale et communautaire, les thématiques traitées dans ce manuel ont une relation
avec la vie quotidienne et active ultérieure à laquelle il faut préparer les élèves dès leur jeune âge.
De plus qu’une nouvelle matière a été ajoutée au programme du cycle primaire appelée
« Développement des compétences de vie » à partir de la rentrée 2021/2022. Elle vise en sixième
année à ouvrir l’esprit des apprenants dès ce niveau à leur carrière future en les dotant des
compétences de la vie professionnelle autour du monde de l’entreprise, de l’éducation financière,
du rôle des impôts et des métiers.

Ce guide présente également toutes les nouveautés du curriculum concernant les


enseignements dispensés : Compréhension et production orale, lecture, langue, communication,
projet de classe et production de l’écrit afin d’accompagner les récentes propositions et
recommandations de ce projet de réforme à travers des fiches pédagogiques. Il annonce également
dans son avant-propos qu’il fournit :

192
«Des démarches propres à « susciter » la motivation des élèves et à les engager dans des
activités de recherche, de découverte et de production afin de passer du statut de l’élève
passif vers le statut d’un apprenant actif. Il met l’accent sur l’alternance entre les
activités collectives et les activités individuelles aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, sans
oublier le travail en groupes restreints. » (2021 : 6).

À partir de cela nous constatons que la centration sur l’apprenant et sa motivation sont très
importantes afin de bien mener la réussite de son apprentissage scolaire. La réalisation des activités
individuelles et en groupe est aussi encouragée afin de renforcer les relations entre les élèves et créer
un esprit d’entraide mutuelle entre eux.

Comme ce guide est aussi un outil de référence, de planification pédagogique et de formation


pour l’enseignant, il propose un aperçu théorique où il lui rappelle un ensemble de définitions. Ces
dernières sont relatives aux informations théoriques et aux indications méthodologiques nécessaires
à l’exploitation du guide. Il définit brièvement la compétence, la pédagogie différenciée, l’approche
actionnelle et la pédagogie du projet. Ce qui donne une idée globale à l’enseignant sur les
méthodologies à exploiter en classe et le pousse à faire des lectures supplémentaires pour se former
encore plus. La perspective actionnelle est citée à maintes reprises dans cet aperçu comme une
approche permettant aux élèves d’apprendre autrement, d’être acteurs de leurs apprentissages et de
construire leurs savoirs graduellement. Nous remarquons dans ce guide qu’elle est bien définie
contrairement au guide de la première année du primaire où elle est juste citée. La définition retenue
dans ce guide est celle donnée par le CECRL. Elle insiste sur la considération de l’apprenant comme
un acteur social ayant à accomplir des tâches dans des environnements et des contextes donnés à
l’intérieur d’un domaine d’action particulier :
« L’approche actionnelle est une méthodologie phare depuis le début du 21ème siècle.
Les auteurs du Cadre européen commun de référence pour les langues (dorénavant
CECRL ou Cadre) (Conseil de l’Europe 2001), document de référence sur la conception
de l’enseignement des langues en Europe aujourd’hui, indiquent se situer dans une
perspective actionnelle en considérant avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue
comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement
langagières) dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un
domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités
langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social
qui seules leur donnent leur pleine signification. (Conseil de l’Europe, 2001 : 15) »
(Guide de l’enseignant, 2021 : 11).

De brèves définitions de cette approche qui sont fournies par des didacticiens connus
(Bourguignon, Médioni, Richer, Puren, Chin et Vincent63) sont également citées par la suite pour
approfondir cette notion pour les enseignants. Grâce à l’adoption de cette méthodologie, les

63
Les références bibliographiques de ces définitions ne sont pas citées par ce guide pédagogique

193
concepteurs de ce livre espèrent pour l’enseignant de « passer progressivement de l’enseignant /
enseignante dépendant (e) exclusivement du livret à l’enseignant / enseignante réflexif (ve), inventif
(ve) pratiquant une approche actionnelle permettant aux apprenants / apprenantes de construire leurs
savoirs » (Ibid. 11). Cette citation propose implicitement un détachement du livre scolaire. Or, cela
n’est pas facile à appliquer parce que l’enseignant s’est d’abord habitué à travailler avec le manuel.
Ensuite, il est nécessaire d’être bien formé pour être capable de concevoir lui-même ses propres
supports de cours selon le programme donné. Finalement, il doit avoir les moyens matériels et
techniques à disposition.
Dans cette même perspective et selon Christian Puren, les niveaux de compétences des
enseignants dans l’usage de leurs manuels diffèrent. Ainsi, pour l’enseignant qui suit le programme
prescrit sans le modifier en suivant les unités et les contenus proposés à la lettre et dans l’ordre
donné : « aucun critère correspondant de qualité n’est disponible dans ce cas pour les manuels,
puisque l’enseignant ne se donne aucune marge de manœuvre » (Puren, 2016 : 4). Dans cette
situation, l’enseignant reste fidèle et attaché au contenu du livre qu’il considère comme la source
unique du savoir même si des fois ce contenu n’est pas adéquat au niveau de ses élèves. C’est le cas
observé à l’école marocaine. C’est également ce qui pousse les élèves à ne pas être motivés pour
apprendre. En revanche, certains enseignants font quand même un effort colossal pour le
changement lorsqu’ils remarquent que le support ne convient pas à leur élèves tout en gardant les
mêmes objectifs prescrits et peuvent changer les supports (choisir un texte plus simple ou plus
difficile, travailler sur d’autres exemples pour les faits de langue...) afin que les élèves assimilent
mieux le cours. Cela correspond toujours selon Christian Puren au niveau 3 puisque « l’enseignant
est capable d’enrichir les contenus et les activités des pages de GLP64 pour répondre aux demandes
ou besoins des apprenants, pour faciliter les autres activités, ou encore pour exploiter plus
intensivement certains documents » (Ibid.18). Certains inspecteurs conseillent vivement les
enseignants d’opérer des modifications et des adaptations au niveau des supports utilisés afin qu’ils
correspondent au niveau des élèves et d’autres le refusent sous prétexte de ne pas suivre le
programme.

Au niveau des compétences orales et écrites à développer voici l’objectif visé par le manuel
cité par les auteurs de ce guide pédagogique :
« Fournir à l’apprenant / l’apprenante l’occasion de développer des compétences orales
et écrites en lien avec son âge, ses intérêts et son contexte socioculturel pour
communiquer et s’ouvrir à d’autres cultures. Leur souhait, en dernière analyse est de
doter l’apprenant/apprenante de connaissances déclaratives, de connaissances
64
GLP signifient grammaire, lexique et phonétique

194
procédurales et de connaissances conditionnelles nécessaires à son épanouissement et à
son autonomisation à travers des savoirs, des savoir-faire et des habilités» (ibid.7).

Cette ouverture culturelle vise d’abord la culture locale qui est très riche et que les enfants
doivent connaître afin d’approfondir l’esprit d’appartenance à leur pays et en être fiers. Nous
vérifierons également à travers l’analyse de ce manuel s’il y a une ouverture sur les autres cultures
notamment la culture française et francophone. Pour les différentes connaissances et l’autonomie
citées dans ce passage, nous les vérifierons aussi à travers l’analyse du manuel afin de voir si les
élèves les maîtrisent ou non et si le manuel les favorise à travers les activités proposées.

La démarche méthodologique des différentes disciplines est explicitée, grâce aux fiches
pédagogiques, afin de fournir aux enseignants une base solide pour leur travail dans de bonnes
conditions avec leurs élèves. Le guide détaille également cette démarche pour chaque activité afin
d’aider l’enseignant dans sa tâche. Des tests pour la période d’évaluation diagnostique en début
d’année sont fournis avec une proposition d’exercices de remédiation. À la fin de ce guide, nous
retrouvons des posters format A4 pour la communication orale en noir et blanc, un glossaire et des
références bibliographiques à destination des enseignants afin d’approfondir leurs connaissances.
Ces posters peuvent être agrandis pour être exploités en cours de communication et acte de langage.
Ces références bibliographiques se divisent en trois parties : Théorie et méthodologie, renforcement
des apprentissages et autoformation. Chacune d’entre elles regroupe un ensemble de livres récents
en didactiques du FLE et en pédagogie que les enseignants peuvent chercher sur internet, dans les
librairies ou les bibliothèques pour les lire.

6.3.2 L’emploi du temps hebdomadaire de la langue française en 6ème année du


primaire
Le tableau ci-dessous extrait du guide pédagogique de l’enseignant de la sixième année du
primaire représente la répartition hebdomadaire des matières enseignées en français sur une
enveloppe horaire de six heures par unité didactique sur les cinq semaines pédagogiques :

Tableau 16 : Tableau des matières enseignées en français, guide de l’enseignant, p 20

195
La semaine pédagogique en sixième année du primaire est répartie de la manière suivante :
 Communication et acte de langage (60 min réparties en deux séances de 30 min par semaine)
 Lecture (90 min réparties en trois séances de 30 min chacune par semaine)
 Lecture diction (une séance de 30 min toutes les deux semaines)
 Grammaire (une séance de 30 min par semaine)
 Conjugaison (une séance de 30 min par semaine)
 Orthographe (une séance de 30 min par semaine)
 Dictée (une séance de 20 min en semaine 2 et 4)
 Production de l’écrit (une séance de 40 min par semaine)
 Projet de classe (une séance de 30 min par semaine)

Pour l’emploi du temps, les élèves ont 29 heures de cours par semaine dont six heures de
français. Il faut savoir qu’en plus des activités enseignées en français, l’enseignant de français
enseigne également les mathématiques et l’éveil scientifique. Cette dernière matière a été enseignée
avant par l’enseignant de langue arabe et maintenant avec la nouvelle réforme c’est l’enseignant de
français qui s’en charge. Cela est dû aussi au fait que les matières scientifiques sont désormais
enseignées selon le principe de l’alternance linguistique déjà évoquée (Partie2, chapitre 4, p114)
afin de préparer les élèves au collège et au lycée où ces matières sont dispensées uniquement en
français. Dans cet emploi, une séance de 25 minutes est consacrée à la langue amazigh et quand
celle-ci n’est pas dispensée elle est remplacée par une séance de soutien. La généralisation de cette
langue n’est pas encore finalisée et lorsqu’elle le sera, l’école marocaine aura bien appliqué le
principe du plurilinguisme annoncé par la loi cadre et la vision stratégique de la réforme. Ci-dessous
un exemple de l’emploi du temps pour ce niveau :

196
Figure 28 : Emploi du temps hebdomadaire langue française
6.3.3 Les thématiques abordées dans ce manuel
Le manuel « Mes apprentissages en français » se compose de six unités didactiques et
chacune s’étale sur cinq semaines. Les quatre premières semaines sont réservées à la présentation
des différents contenus des leçons tandis que la cinquième est dédiée à l’évaluation et au soutien
des acquis durant toute l’unité didactique. Cette répartition sur cinq semaines est parmi les
nouveautés de la réforme pour alléger le contenu du curriculum (voir levier 12 de la vision
stratégique, 2014 : 44). Elle existe dès la première année du primaire et en langue arabe aussi. Elle
197
a remplacé l’ancienne répartition contenant douze unités dont la durée a été de deux semaines par
unité. Le tableau ci-dessous regroupe les différentes thématiques des six unités didactiques abordées
en 6ème année :

Unité Thématique
1 Des civilisations universelles
2 La citoyenneté et le comportement civique
3 Sciences et technologies
4 L’énergie dans notre vie
5 Les défis de la vie contemporaine
6 Art et créativité
Tableau n°17 : Les thématiques des unités didactiques de la 6ème année du primaire

Nous remarquons qu’elles sont toutes d’actualité au niveau national et international et


qu’elles sont également proches des centres d’intérêts des élèves marocains. À titre d’exemple, dans
l’unité 2 « la citoyenneté et le comportement civique », le texte de lecture « être un bon délégué de
classe » aborde ce sujet qui intéresse les élèves parce que la coopérative de classe existe toujours
dans les écoles primaires marocaines. Ce qui apprendra aux élèves à connaître les principes basiques
de la citoyenneté et à considérer leur classe et leur école comme un lieu où ils vont appliquer la
démocratie en prenant soin de leur environnement immédiat. Par la suite, ils seront préparés, pour
ceux qui sont intéressés, à une vie politique ultérieure. Dans l’unité 5 « La Cop 22 » de 2016
organisée à Marrakech au Maroc est évoquée dans le cours de communication et acte de langage
dont l’objectif communicatif est de « raconter un événement vécu » et aussi dans le cours de lecture
avec le texte sur « la lutte contre le réchauffement climatique ». C’est une thématique non seulement
nationale mais universelle. Ce sont des thématiques d’actualité présentes partout dans les médias et
les réseaux sociaux. Cependant, ceci pose un problème chez les élèves du monde rural qui n’ont pas
tous accès à la télévision et à internet. Cela demande à l’enseignant qui travaille avec cette catégorie
d’élèves un double effort pour leur expliquer ces thématiques et pour arriver à l’équité proclamée
par la vision stratégique 2015-2030. Ce nouveau programme de sixième année nécessite également
que l’enseignant se documente sur certaines leçons avant de les présenter en classe. Comme pour
l’unité 4 « l’énergie dans notre vie » les enseignants marocains doivent d’abord se renseigner sur
les énergies renouvelables et chercher d’autres ressources qui les aideront à expliquer ce cours aux
élèves.

198
D’une autre part, plusieurs thématiques à visée scientifique se croisent avec celles de l’éveil
scientifique qui est dispensé par l’enseignant de français. En effet les unités 3, 4 et 5 traitent toutes
des sujets scientifiques que les apprenants ont déjà étudié avant ou qu’ils étudieront au cours de
cette année dans cette matière. Cela va aussi avec l’esprit d’interdisciplinarité entre les matières
enseignées au primaire préconisé par la vision stratégique. Il permet à l’apprenant de revoir ces
notions de manière différente et plus approfondie. L’enseignement de l’éveil scientifique avec cette
nouvelle réforme adopte lui aussi le principe de l’alternance linguistique déjà évoqué (partie2,
chapitre4, p114). Grâce à cette alternance linguistique arabe / français l’apprentissage de la langue
française par les élèves sera renforcé encore plus et favorisera le bilinguisme proclamé par la loi
cadre et la vision stratégique de la réforme.

Nous soulevons également ici un autre point très important en relation avec l’usage des
manuels scolaires. Cela concerne le fait d’évoquer ces thématiques récentes comme
l’environnement, la citoyenneté et les énergies renouvelables. Aujourd’hui, elles sont encore
nouvelles et d’actualité mais dans quelques années elles seront dépassées. Ainsi, ce constat est
normal puisque les livres ne peuvent pas être mis à jour annuellement mais selon les décisions du
MEN. Le livre est donc sujet à une déconnexion de l’actualité, de la réalité quotidienne et de la vie
scolaire qui est tout à fait permise. Claude Vargas dans son article « Les manuels scolaires :
Imperfections nécessaires, imperfections inhérentes et imperfections contingentes » mentionne qu’ :

« il est tout à fait normal que le manuel est déconnecté de la vie réelle, de la vie de la
classe, de la réalité des élèves. Et il ne peut en être autrement. Il peut essayer de masquer
ce handicap en se plaçant dans l’air du temps. En courant, par exemple, après les médias
à la mode. Sans pouvoir toujours les rattraper » (Vargas, 2006 : 26).
Donc, nous concluons que le contenu thématique des manuels scolaires vieillit avec le temps.
C’est tout à fait logique parce que c’est impossible de concevoir de nouveaux manuels chaque année.

Ce manuel de français commence par un tableau des contenus appelé « planification


annuelle ». Il détaille le thème de l’unité et les leçons présentées dans chaque matière. Il propose
une entrée par les compétences à acquérir pour chaque matière au cours de l’unité didactique et non
pas par les titres des leçons. Nous constatons donc que l’approche adoptée est l’approche par
compétences. Nous retrouvons les titres des leçons à l’intérieur du livre avec l’objectif à atteindre.
Il est réparti en fonction des deux semestres de l’année. Il donne une vision d’ensemble sur le
programme à suivre par l’élève durant cette année.

199
200
Figure 29 : Planification annuelle du manuel mes apprentissages en français, 6ème année du primaire, p 2-3

201
6.3.4 Analyse de l’avant-propos
D’abord, cet avant-propos s’adresse à des élèves en dernière année du cycle primaire âgés
de 11 ans pour leur expliquer l’organisation de ce nouveau livre de français qualifié d’attractif. Il
offre une présentation en couleurs facilitant le repérage des matières grâce aux illustrations utilisées.
Le livre commence par une évaluation diagnostique portant sur les acquis de l’année précédente.
Cette évaluation diagnostique est une pratique courante avec la nouvelle réforme afin de répartir les
élèves, par l’enseignant, selon les difficultés relevées. Elle est toujours suivie d’une semaine de
soutien et de remédiation avant de commencer le programme officiel et ce dans toutes les matières.
Cette évaluation peut également être préparée par l’enseignant. Après sa correction, ses résultats
sont reportés sur une grille pour classifier les élèves selon leurs difficultés. Cet avant-propos cite
également que ce livre regroupe un ensemble d’activités d’expression et de langue ainsi que
différents types de lectures : lecture compréhension, lecture diction et lecture silencieuse. Il rappelle
que les six unités didactiques s’articulent autour d’un projet de classe permettant de renforcer
l’apprentissage. Il est précisé dans l'avant-propos que le manuel contient des tableaux de
conjugaison utiles pour réviser et que les enseignants et les parents sont là pour accompagner l’élève
tout au long de ce parcours scolaire.

6.3.5 Grille d’analyse du manuel « Mes apprentissages en français »


Le tableau ci-dessous présente la grille d’analyse descriptive du manuel « Mes
apprentissages en français » de la de sixième année du primaire. Cette grille descriptive est issue de
la première partie de la grille d’analyse d’Evelyne Bérard (1991) de son ouvrage « l’approche
communicative » et de la grille d’analyse de Bertoletti Maria Cecilia en collaboration avec Patrick
Dahlet (1984) de leur ouvrage « Manuels et matériel scolaire pour l’apprentissage du FLE, ébauche
d’une grille d’analyse » :

Type de matériel disponible Manuel de langue française : « Mes apprentissages en


français »
Guide pour l’enseignant
Nombre de pages 207
Prix 21,8065 dirhams
Le titre Mes apprentissages en français
Il fait référence aux apprentissages réalisés par l’apprenant lui-
même en langue française. L’utilisation du pronom possessif
« mes » désigne le fait que l’élève est le responsable de ses

65
21,80 = 2,1 euros

202
apprentissages en classe. À cet âge les élèves ont acquis une
certaine autonomie dans leur apprentissage.
Les auteurs Anissa Benjelloun, Rahma Marrakchi, Rajaa Boukhriss,
Abdelkader Farhani, Zahra Waahibi, Saida Zaki, Kawtar
Chaabi
Ils sont des ex-inspecteurs de l’enseignement primaire, des
directeurs d’école et une professeure de langue et
communication
CD audio Pas de pistes audio officielles fournies pour la communication
et acte de langage. Cependant des enseignants ont fait l’effort
personnel d’enregistrer des dialogues mais ils sont amateurs
donc la qualité n’est pas toujours bonne. Ces pistes sont
généralement présentées sous forme de vidéos avec l’image
accompagnant l’activité orale extraite du livre sur les chaines
YouTube de ces enseignants.
Public Élèves de la 6ème année du primaire (11-12ans)
Objectifs -Fournir à l’élève l’occasion de
Structure générale de la développer des compétences orales et
méthode écrites en lien avec son âge, ses
intérêts et son contexte socioculturel
pour communiquer et s’ouvrir à
d’autres cultures.
-Doter l’élève de connaissances
déclaratives, de connaissances
procédurales et de connaissances
conditionnelles nécessaires à son
épanouissement et à son
autonomisation à travers des savoirs,
des savoir-faire et des habilités.
Durée de 180 heures réparties sur l’année
l'apprentissage scolaire
Unités 6 unités de 5 semaines chacune
Progression Thématique : chaque unité traite un
thème
En spirale, les contenus sont repris
des fois dans l’unité suivante surtout
en langue
Contenu Contenu communicatif L’élève doit pouvoir communiquer,
écouter autrui et demander des
renseignements, exprimer son point de
vue et ses sentiments, exposer des
informations sur un sujet, un fait ou un
événement, réemployer le vocabulaire
et les structures étudiées dans de
nouvelles situations de
communication

203
Contenu grammatical Explicite
Grammaire déductive
Contenu culturel Culture marocaine, arabo-musulmane
Ouverture sur les cultures
universelles
Pas de point culture isolé mais il est
intégré dans le cours
Méthodologie Activités orales Favorisent l’interactivité entre les
élèves
Situations authentiques issues de la
vie quotidienne
Lecture Textes variés authentiques, extraits de
sites internet ou fabriqués par les
auteurs
Grammaire Le contenu est présenté de manière
Conjugaison explicite et inductive.
Lexique Peu d’exercices de remédiation : c’est
Orthographe l’enseignant qui se charge de les
concevoir en fonction des lacunes des
élèves
Phonétique Pas de partie réservée à la correction
phonétique même si les élèves en ont
besoin
Pédagogie Les approches utilisées sont mentionnées dans le guide
pédagogique :
-Approche par compétences
-Approche actionnelle
-Pédagogie différenciée
-Pédagogie du projet
L’enseignant a le choix d’adapter ces méthodologies en
fonction du niveau de sa classe et des activités
Rôle de l'enseignant Guide les apprentissages
Explique les leçons
Animateur
Crée la motivation et le désir
d’apprendre chez les élèves
Supports / documents Textes authentiques ou fabriqués par les auteurs selon la
thématique abordée.
Images et photos avec droits d’auteurs ou libres de droit
1ère de couverture La couverture est orange avec le titre au centre en blanc et
caractère gras sur un fond vert. Il est mentionné que c’est la
nouvelle édition de septembre 2021. Les images en petit
format sont extraites des pages internes du livre. Elles sont
placées comme des feuilles qui tombent du haut. Il y a
également deux ombres de chaque côté représentant un

204
garçon et une fille assis et en train de lire un livre. Le logo du
ministère est en bas de la page au centre.
Projet de classe proposé Présent dans chaque unité
Il est travaillé chaque fin de semaine à raison de 30 min.
Une page lui est consacré à la fin de chaque unité afin
d’expliquer les différentes étapes à suivre.
Il est présenté lors de la cinquième semaine d’évaluation à la
fin de chaque unité didactique.
Voici les sujets des projets proposés :
-Réaliser un dossier sur les civilisations universelles
-Réaliser une charte sur la citoyenneté et le comportement
civique
-Réaliser un journal sur les sciences et les technologies
-Réaliser une affiche sur la protection de l’énergie
-Réaliser un reportage sur les défis de la vie contemporaine
-Réaliser un dossier sur l’art et la créativité
Chaque enseignant est libre de présenter son projet sous le
format qu’il trouve correspondant à son groupe classe et aux
moyens dont il dispose.
Qualité des illustrations La qualité est normale, les illustrations sont en couleurs.
Présence de photographies authentiques avec droit d’auteurs
mentionnées à la fin du livre
Quelques illustrations sont floues ou en petit format
Qualité du papier Papier ordinaire
Tableau n°16 : La grille d’analyse descriptive du manuel « Mes apprentissages en français »
Après avoir présenté cette grille descriptive du manuel « mes apprentissages en français »
nous analyserons à présent le déroulement d’une unité didactique.

6.3.6 Déroulement d’une unité didactique


La nouvelle organisation curriculaire dictée par le MEN stipule que chaque unité didactique
se divise en cinq semaines. Les quatre premières sont dédiées à la présentation des leçons et la
dernière semaine est consacrée au soutien et à l’évaluation. Dans le cadre de l’allègement du
curriculum préconisé par la vision stratégique 2015-2030, une leçon de chaque matière est présentée
durant deux semaines. C'est-à-dire qu’un cours de communication et acte de langage traitant un ou
deux objectifs est étudié pendant deux semaines à raison de deux séances hebdomadaires. Un seul
fait de langue est traité pour chaque matière à raison d’une séance par semaine. Il va sans dire
qu’avec cette stratégie les élèves assimileront doucement les notions étudiées et feront un maximum
d’exercices et d’activités qui les aideront à bien comprendre les leçons. Suivant cette même
perspective d’allègement, un seul texte de lecture est étudié pendant deux semaines à raison de deux
séances hebdomadaires. Il en va de même également pour la production écrite. L’exemple de la

205
répartition thématique de l’unité 1 « les civilisations universelles » montre comment se répartissent
les leçons durant les cinq semaines :

/lecture
Matière

Expression écrite
Communication
acte de langage

Orthographe
conjugaison
grammaire
Semaine

Lecture

lexique
diction

Raconter un Lire un texte Identifier et Conjuguer Savoir Identifier les Mettre en


1/2 voyage /un à utiliser la au présent de différents ordre un
l’indicatif utiliser un accents/
évènement caractère phrase dictionnaire texte à
des verbes
en rapport nominale et usuels accentuer caractère
narratif la Trouver le
avec les correcteme narratif
sens d'un
civilisations nt les mots
phrase mot dans le
universelles verbale dictionnaire
décrire un Lire un Identifier Savoir Reconnaitre Savoir Produire
3/4 /utiliser/
patrimoine texte a conjuguer et savoir accorder en un texte à
universel savoir
caractère accorder les des utiliser les genre et en caractère
ou une adjectifs verbes gentilés nombre les
narratif/
usuels à adjectifs
œuvre épithètes et
l’imparfa descriptif
universelle attributs qualificatifs
it de
l’indicatif
5 Soutien et Soutien et Soutien et Soutien et Soutien et Soutien et Soutien et
consolidatio consolidatio consolidatio consolidation consolidatio consolidation consolidatio
n n n n n
Tableau n°19 : La répartition thématique de l’unité 1 « les civilisations universelles »

Dans cette unité didactique, le cours de communication et d’acte de langage est autour du
récit et de la description. Les textes de lecture vont de même et traitent des textes à caractère narratif
et descriptif. En production écrite, les élèves seront amenés à mettre en ordre un texte narratif et à
produire un texte à caractère narratif / descriptif. Pour l’activité de langue, les cours étudiés ont une
relation avec les objectifs communicatifs afin d’aider les élèves à enrichir leur vocabulaire et leurs
compétences linguistiques pour pouvoir faire de bonnes productions orales et écrites. Nous
concluons que dans l’ensemble les cours se complètent et s’harmonisent dans l’objectif de doter les
élèves des outils qui les aideront à exploiter et produire un texte de type narratif ou descriptif.

206
6.3.7 Analyse de l’unité didactique 1 « les civilisations universelles »
Nous analyserons minutieusement cette première unité didactique du manuel « Mes
apprentissages en français » de la sixième année portant le titre « les civilisations universelles ». Le
but est de vérifier si les objectifs et les grandes lignes de changement annoncées par le nouveau
curriculum sont respectés en termes de transposition didactique.

6.3.7.1 La page d’ouverture


Le livre « Mes apprentissages en français » commence par une page d’ouverture pour chaque
unité d’apprentissage qui comporte : le thème et le numéro de l’unité didactique, la sous-compétence
à développer à la fin de l’unité, la question à laquelle il faut répondre au cours d’un mini-débat, des
illustrations se rapportant au thème étudié, des questions de compréhension et le titre du projet de
classe se rapportant au thème étudié. C’est une sorte de contrat didactique entre les élèves et les
enseignants qui porte sur tout le travail d’enseignement / apprentissage au cours des cinq semaines
de l’unité. Cette page est travaillée oralement avec les apprenants au début de chaque unité
didactique afin de leur présenter ce qu’ils vont étudier durant les cinq semaines à venir. Cela renforce
l’apprentissage de l’oral et prouve l’importance des compétences orales dans l’apprentissage d’une
langue étrangère.

207
Figure 30 : Page de présentation de l’unité didactique, livre de l’élève, p 9
Sur cette page, nous observons trois monuments historiques à renommée mondiale : le
sphinx d’Égypte, la tour Hassan de Rabat et la tour Eiffel de Paris. Cependant, sur cette image il
serait possible de rajouter un monument de chaque continent pour parler de cette universalité que
nous voulons apprendre aux élèves. Nous remarquons également en feuilletant le livre que la culture
locale et nationale sont fortement présentes or, l’ouverture sur la culture française et les autres
cultures n’est pas bien représentée. Pour cet effet, il serait pertinent d’introduire la dimension
interculturelle progressivement pour y sensibiliser les élèves. Cela permettra d’enrichir encore plus
leurs savoirs et les préparera par la suite au voyage, à la découverte du monde et à vivre également
dans un autre pays pour les études ou pour la carrière professionnelle. Dans ce sens, la loi cadre 51-
17 annonce l’importance de cette ouverture culturelle dans son texte dans l’objectif d’assurer la
pérennité du patrimoine culturel national et international à travers les manuels conçus :
« L’intégration de la dimension culturelle dans les programmes, les curricula, les
formations et les outils didactiques afin d’assurer la transmission du patrimoine culturel

208
national, aux multiples affluents, aux générations futures et sa valorisation, l’ouverture
sur les autres cultures et le développement de la culture nationale » (loi cadre, 2019 :6).

Nous remarquons que seules les cultures marocaine et locale sont présentes dans ce manuel
à travers les supports utilisés : textes, dialogues et images. Or, pour étudier une langue étrangère
comme la langue française, il serait souhaitable d’étudier quelques aspects de sa culture afin que cet
apprentissage soit complet et contextualisé.

6.3.7.2 La communication et acte de langage


Sur une double page se trouve l’activité de communication et d’acte de langage. Cette activité
prend comme situation de départ une illustration à exploiter pour émettre des hypothèses autour de
l’objectif visé suivie d’un dialogue à écouter. L’une des remarques à propos de ces dialogues est
qu’ils n’ont pas été enregistrés. Constat que nous avons déjà relevé dans le manuel de première
année et que nous retrouvons également ici. Cela aurait donné une innovation à ces manuels d’avoir
des supports audio à utiliser en classe. Nous signalons que des enseignants ont pris l’initiative
d’enregistrer eux même ces dialogues avec leur voix, la voix des synthétiseurs vocaux ou la voix de
leurs élèves. Ces enregistrements sont disponibles sur leurs chaines YouTube. Cela montre l’intérêt
des enseignants et leur engagement dans cette réforme en utilisant tous les moyens technologiques
possible pour bien mener l’enseignement / apprentissage de la langue française. En revanche, la
qualité des enregistrements n’est pas toujours à la hauteur et il y a souvent des erreurs au niveau de
la prononciation. D’autant plus que d’autres personnes hors de la sphère éducative ont commencé à
publier sur la toile des enregistrements. Ce qui va créer une anarchie au niveau de ces ressources
didactiques. Or, cela doit être officiel, unifié et cadré par les concepteurs des manuels pour ne pas
diffuser du contenu erroné sur internet. Nous avons consulté le site officiel66 qui regroupe les
ressources homologuées par le MEN et nous n’avons pas trouvé d’enregistrements audio pour ces
cours de communication et d’acte de langage.
Le conseil supérieur de l’enseignement a mentionné dans sa vision stratégique de la réforme
2015-2030 que les supports audio et numériques aux cours de communication et d’acte de langage
seront intégrés avec la réforme des manuels :
« […] Ce développement concerne notamment les curricula et les programmes de
formations depuis les premiers cycles de l’enseignement. Il se réalisera par l’intégration
de supports numériques et d’outils interactifs dans les actes d’enseignement et activités
d’apprentissage, de recherche et d’innovation » (CSE, 2015 : 43).

66
www.taalimtice.ma

209
Or, ces supports n’ont pas été élaborés par les concepteurs des nouveaux manuels scolaires,
ce qui entrave la qualité recherchée pour améliorer l’apprentissage de l’oral. D’autant plus que le
mot « support audio » est cité dans la fiche pédagogique proposée dans le guide et l’icône de l’écoute
existe sur le livre de l’élève. Si les supports audio étaient fournis officiellement avec le manuel, les
enseignants n’auraient pas à les chercher ou à les enregistrer eux-mêmes. Nous sommes dans une
époque où le fait d’avoir des supports didactiques pour l’expression orale sous formes de vidéos est
souhaitable afin d’atteindre les objectifs visés. Les élèves dans les classes ne se motivent pas et
s’ennuient car ils ont l’impression de revenir en arrière au sein des classes en recourant seulement
au support livresque et au dialogue lu par l’enseignant. Dans une époque où tout le monde regarde
à longueur de journée les vidéos sur les réseaux sociaux, il faut également que la classe change et
se met à l’ère du numérique.

En feuilletant la fiche proposée par le guide, nous trouvons que la première séance de
communication et d’acte de langage est consacrée d’abord à l’exploitation des images présentant
l’unité didactique et ensuite à l’exploitation de l’image du cours de communication. Le dialogue ne
sera présenté que lors de la deuxième séance. Cela nous semble incohérent au niveau
méthodologique car normalement la mise en situation doit être suivie d’une écoute du dialogue afin
de mettre les élèves dans le contexte de la leçon étudiée et des objectifs à atteindre. Si elle est
reportée à la séance suivante, il faut refaire la mise en situation à nouveau pour rappeler le sujet du
cours aux apprenants. Ainsi, l’exploitation du dialogue ne se fait que lors des séances 2, 3 et 4. Il y
a quatre séances d’oral intitulées : Avant l’écoute, pendant l’écoute, après l’écoute et
réinvestissement. Ce que nous proposons pour pallier cela, c’est qu’au lieu de lui consacrer 30
minutes seulement par séance, nous suggérons de lui consacrer le double du temps afin de pouvoir
mieux exploiter le document déclencheur ainsi que le dialogue. Pour tout enseignant pratiquant
depuis des années, il parait insensé de faire une séance de compréhension orale sans écouter le
dialogue qui est l’élément déclencheur de l’objectif communicatif à atteindre. Dans l’ancienne
répartition horaire, avant cette réforme, les séances de communication et d’acte de langage ont une
durée de 45 minutes. Nous nous interrogeons sur les raisons qui ont poussé les concepteurs à
diminuer cette masse horaire pour une réforme qui veut renforcer le côté de la communication orale
chez les élèves. Ci-dessous la fiche de l’activité « communication et acte de langage » dont l’objectif
est : Raconter un voyage, un événement en rapport avec les civilisations universelles. Cette fiche
détaille l’ensemble des actions à réaliser par l’enseignant afin de bien mener son cours pendant les
quatre séances. Selon les discussions que nous avons mené avec les inspecteurs lors des rencontres
pédagogique, les fiches fournies par le guide ne sont qu’une indication sur comment procéder pour

210
construire son cours. Elles ne doivent pas être suivies à la lettre. L’enseignant peut ainsi concevoir
sa propre fiche en suivant, bien sûr, les étapes méthodologiques indiquées.

211
Figure 31 : Fiche de communication et acte de langage, guide de l’enseignant, p 33-34 -35

Les pages (10-11) ci-dessous extraites du manuel de l’élève montrent comment se présente le
cours. Dans cette leçon, l’objectif est de raconter un voyage en rapport avec les civilisations
universelles. Il s’agit de la visite du musée Saint Exupéry qui se trouve à Tarfaya au sud du Maroc
abritant tout ce qui a un rapport avec cet aviateur français de la poste aéropostale, auteur du petit
prince, à renommée mondiale. L’objectif de la leçon est clairement annoncé dans le livre. Trois
illustrations sont proposées, or il fallait rajouter une image exposant ce qui se trouve à l’intérieur de
ce musée. Les questions proposées avant et pendant l’écoute sont bien formulées et l’enseignant

212
peut en rajouter d’autres ou les reformuler en fonction du niveau de sa classe. Nous suggérons de
varier les questions proposées pour éviter la classique question ouverte ou fermée et de proposer des
exercices d’appariement, vrai ou faux, QCM... afin de motiver encore plus les élèves. Il est
également possible de diffuser une vidéo qui décrit ce musée de l’intérieur, disponible sur YouTube,
afin d’aider les élèves à mieux connaitre ce lieu pour s’exprimer au moment de la production orale
lors de la troisième séance. La boite à outils sur la page 11 aide les apprenants à connaitre le lexique
à utiliser pour s’exprimer autour de l’acte de langage étudié. Lors du réinvestissement, une activité
de groupe est proposée afin de créer un produit final pour évaluer l’atteinte de l’objectif de la leçon.
Dans le guide pédagogique, aucune piste complémentaire de prolongement n’est donnée pour aider
l’enseignant à bien mener son cours et cela est pareil pour toutes les leçons. C’est l’enseignant qui
doit trouver d’autres supports qui l’aideront dans sa démarche explicative.

Pour l’adoption de l’approche actionnelle, les mots utilisés dans ce manuel ne font aucune
allusion à cette méthodologie. Tout le vocabulaire utilisé appartient à l’approche par compétences.
La tâche proposée pour le réinvestissement vise un travail de groupe qui peut être redirigé encore
plus en formant des petits groupes. En comparaison avec les méthodes FLE où nous trouvons un
cours de compréhension orale suivi d’un cours de production orale traitant le même objectif
communicatif, il aurait été souhaitable de s’en inspirer en rédigeant ce livre.

213
Figure 32 : Double page de la communication et acte de langage, livre de l’élève, p10-11

Nous constatons que l’activité de production orale se base beaucoup sur l’imagination chez
les élèves. À cet égard, le verbe imagine est cité quatre fois (p 11). Pour qu’un enfant de cet âge
puisse imaginer des événements à raconter et structurer tout cela dans un discours simple et cohérent
en utilisant les expressions étudiées, il doit surtout posséder un bagage linguistique issu de ses
lectures ultérieures ou d’émissions déjà vues. Un enfant ne peut pas toujours partir de l’abstrait mais
de quelque chose de concret qu’il connait et qu’il peut toucher et sentir. D’autant plus que cela n’est
pas toujours possible surtout pour les élèves du monde rural ou des zones urbaines précaires qui
n’ont pas tous les moyens d’accéder facilement à l’information. Certains ne possèdent pas de
télévision et n’ont jamais quitté leur petit village. Le fait de leur demander des productions comme
cet exemple sur la ville de Volubilis parait presque impossible à réaliser. Il demandera un grand
effort de la part de l’enseignant pour y arriver. Ce qui nous laisse réfléchir encore une fois sur le
principe d’égalité entre les apprenants promulgué par la vision stratégique comme slogan.
L’enseignant peut pallier cela en changeant Volubilis par un lieu à proximité connu par les enfants.

214
Les enseignants dans ces cas essayent dans la mesure du possible et par leurs propres moyens de
faire parvenir les informations à leurs élèves. Ainsi, ils ramènent des images, encyclopédies ou
passent des documentaires évoquant ces sites historiques ou les faits scientifiques étudiés. Dans
cette optique, l’enseignant devient la source unique du savoir en plus du livre scolaire. Il est
préférable que le MEN avec le ministère de la culture investissent dans des bibliothèques au sein
des établissements scolaires et des centres pour les jeunes pour qu’ils puissent faire des recherches
eux-mêmes. Une telle mesure contribuera à enrichir la culture générale chez les élèves et facilitera
également l’assimilation des cours proposés. Nous ne pouvons pas juger l’efficacité d’une réforme
si les infrastructures de base sont inexistantes ou insuffisantes et si les outils didactiques sont
indisponibles pour l’enseignant.

6.3.7.3 L’activité de lecture


Cette activité revêt une grande importance parce qu’en sixième année du primaire les élèves
sont normalement capables de déchiffrer et de construire le sens d’un texte. Elle se divise en deux
activités principales. D’abord, il y a la lecture compréhension où il s’agit de travailler sur différents
types de textes issus de différents supports. Ensuite il y a la lecture diction où les textes choisis sont
souvent des textes authentiques et où la démarche est restée la même par rapport à l’ancien manuel.
Ce qui nous intéresse ici est comment se présente l’activité de lecture et comment s’y opèrent les
différentes opérations de compréhension, de construction du sens et de correction phonétique. Cette
activité est toujours appelée lecture et non compréhension de l’écrit comme c’est le cas dans les
manuels adoptant l’approche actionnelle. Cependant, une grande partie des questions est liée à la
compréhension générale puis détaillée du texte étudié.

Dans le manuel « mes apprentissages en français » des textes de différents types sont abordés :
des textes informatifs, narratifs, descriptifs, explicatifs et argumentatifs. Cette variation de textes
permet à l’élève d’étudier les différents types d’écrits afin de reconnaitre leurs caractéristiques pour
pouvoir les produire par la suite lors de l’activité de production écrite. Nous constatons en ce qui
concerne le nombre de textes proposés dans ce manuel que le principe de l’allègement du
programme est encore une fois respecté. En effet, un seul texte est traité pendant deux semaines
contrairement à l’ancien programme où le texte est traité en une semaine. Cette mesure facilitera le
travail de compréhension du texte en lui accordant toute l’attention qu’il mérite.

Ce qui attire également notre attention dans le premier texte traité dans l’unité 1 intitulé « Al
Quaraouiyine université du monde » c’est qu’il est extrait d’un site internet. Sa mise en page prend
le format d’une page web afin de permettre aux élèves de percevoir un support différent et

215
d’actualité. De plus, son sujet touche la culture locale et l’histoire du pays, ce qui permet une
ouverture sur d’autres matières étudiées comme l’histoire. L’université Al Quaraouiyine de Fès est
l’une des plus anciennes dans le monde. C’est important pour les élèves de connaître la richesse des
vestiges de leur pays. Il y a une photo à exploiter montrant la mosquée d’en haut. La longueur du
texte est normale par rapport à ce niveau scolaire. Le texte est accompagné d’une série de questions
à poser avant, pendant et après la lecture afin de bien le comprendre. L’enseignant peut modifier ces
questions et rajouter d’autres en fonction du niveau de ses élèves.

Pour le vocabulaire difficile, il est toujours explicité dans son contexte, dans la rubrique
« j’enrichis mon lexique » affichée souvent sur la deuxième page de lecture. L’objectif est de
faciliter la compréhension du texte. Il est également préférable que les élèves soulignent les mots
difficiles dans le texte et essayent de chercher leur explication dans un dictionnaire, s’ils ont la
possibilité de l’avoir. L’enseignant est également sollicité pour expliquer le sens des mots mais sans
recourir à la traduction en langue maternelle sauf lorsque le mot est vraiment complexe.
L’usage de la langue maternelle est normalement interdit en classe. Cependant, de nombreux
enseignants y recourent afin d’expliquer leurs leçons surtout en milieu rural où le seul contact avec
la langue française est l’espace classe. Certes traduire en arabe standard ou en darija peut faciliter
la compréhension mais si l’élève s’y habitue trop, il ne va plus faire l’effort de comprendre et
d’apprendre la langue française. Son usage doit rester limité et cadré. Selon l’inspectrice de
l’enseignement primaire Hosnia Choukri cette arabisation des cours par les enseignants est parmi
les causes de la dégradation du niveau des élèves :

« L’enseignement du français à l’école primaire publique marocaine est en perpétuelle


dégradation. Il baigne dans l’arabisation jusqu’au bout ; même les cours de français se
sont arabisés voire « marocanisés », dans la mesure où, un bon nombre d’enseignants
expliquent leurs leçons de français en arabe » (Choukri, 2018 : 13).

Cette pratique est à bannir des cours d’où l’intérêt d’avoir du matériel pédagogique qui aide
les élèves à comprendre les notions expliquées. Ce matériel peut se présenter sous différentes formes
comme : les cartes images, les dictionnaires illustrés, les affichages en classe, les imagiers à
construire...

216
217
Figure 33 : Double page de la lecture, livre de l’élève, p 12-13

Pour la démarche méthodologique, il y a six séances intitulées dans la fiche pédagogique du


guide de l’enseignant comme suit : avant la lecture, pendant l’écoute, pendant la lecture, après la
lecture et après la lecture. Ces séances comptent sept étapes correspondant aux opérations de lecture
et de compréhension contenues dans le livre de l’élève, nous les avons groupés dans le tableau ci-
dessous :

218
Séance étapes
1 Observation /découverte
2 Compréhension (je lis et je comprends)
3 Compréhension (je lis et je comprends) suite
4 Compréhension (je lis et j’écris)
Compréhension (Je lis à haute voix)
5 Je lis à haute voix /transfert (je participe au débat)
6 Évaluation (je m’évalue)
Tableau n°20 : Séances et étapes d’une leçon de lecture
Nous remarquons également qu’au niveau de la méthodologie proposée dans la fiche ci-
dessous les séances sont conçues comme celles de la communication et acte de langage. La
démarche est fractionnée d’une manière qui laisse le cours de lecture inachevé. Par exemple pour la
première séance, il est question d’observer uniquement le paratexte sans lire le texte. Ce n’est que
pendant la deuxième séance que les élèves vont lire le texte et passer à l’étape de sa compréhension.

219
Figure 34 : Fiche de lecture, guide mes apprentissages en français 6ème, p 36-37-38

Nous remarquons que les questions de compréhension figurant sur ce manuel sont de type
fermé et ouvert. Nous suggérons également ici, comme nous l’avons fait pour la communication et
acte de langage, de modifier le type de ces questions. Nous proposons des exercices d’appariement,
vrai ou faux, QCM... afin de motiver encore plus les élèves. Sachant que ce type de questions variées

220
est proposé pendant l’examen normalisé local et provincial. Donc, en changeant le type des
questions les élèves seront également préparés à l’examen normalisé qu’ils passeront à la fin de
chaque semestre. Pour les questions de compréhension figurant sur le manuel de l’élève, il y a celles
auxquelles il faut répondre oralement et d’autres par écrit. Les réponses écrites constituent un
entrainement à l’examen normalisé local et provincial67.
Pour l’étape intitulée « lecture à haute voix » dans la séance 4, l’élève choisi un passage à lire
devant ses camarades et il doit justifier son choix. Cette technique apprend aux élèves à s’exprimer
et à bien lire un texte debout devant un auditoire. Elle les préparera également aux exposés qu’ils
feront plus tard et pourquoi pas à devenir de bons orateurs. Durant cette séance, la fiche pédagogique
propose des exercices de langue ayant un rapport avec les cours étudiés ce qui aidera les élèves à
mieux assimiler ces cours et à s’évaluer. Cela crée également un lien entre les différentes
composantes étudiées en langue française et permet de contextualiser le fait de langue avec le texte
de lecture étudié.

Le débat proposé lors de la cinquième séance est une nouveauté dans ce livre. Il permettra aux
élèves de mieux s’exprimer autour du sujet proposé. Il est vrai que ce n’est pas comme les débats
que les élèves peuvent voir à la télévision mais c’est une initiation et une préparation aux débats
qu’ils feront par la suite au cycle secondaire. Apprendre à débattre contribuera à libérer leur
expressivité. Cela développera également leur intelligence et leur esprit critique grâce à l’éducation
aux valeurs de la citoyenneté locale et universelle comme le mentionne la loi cadre 51-17 :
« l’adoption d’un modèle pédagogique axé sur l’intelligence, qui développe l’esprit critique,
promeut l’épanouissement et l’innovation et éduque à la citoyenneté et aux valeurs universelles »
(Loi cadre, 2019 :3). L’enseignement aux valeurs humaines et sociales est mis en relief par les
auteurs de ce manuel à travers les textes choisis. Ces derniers à visée scientifique sont une bonne
occasion pour amener les élèves à développer un savoir-vivre utile au-delà de l’espace classe et
crucial pour qu’ils soient préparés à être des citoyens acteurs de la vie sociale qui les attend.

Nous remarquons que les contes pour enfants ne figurent pas dans ce manuel par rapport à
celui qui l’avait précédé. La place est accordée à des textes scientifiques en rapport avec les
thématiques des unités didactiques qui touchent surtout la vie réelle et quotidienne.

67
L’examen local se passe à la fin du 1er semestre au niveau de l’établissement et l’examen provincial se passe à la
fin du 2ème semestre au niveau de la délégation provinciale.

221
Les textes utilisés pour la lecture sont tous authentiques extraits de livres ou de sites internet
sauf certains textes portant la mention « texte inédit ». Nous pensons qu’ils sont écrits par les auteurs
du manuel. Pour les textes utilisés pour les activités de langue, ils sont tous sans mention de l’auteur,
nous concluons qu’ils sont aussi rédigés par les auteurs du manuel.

Dans le cadre d’une rencontre pédagogique avec l’inspecteur de notre circonscription


pédagogique, nous avons assisté à un cours de lecture compréhension68 (observation de classe suivie
d’un débat avec l’inspecteur, l’enseignante et les autres enseignants invités) présenté par une
enseignante qui a fait en une seule séance l’ensemble des trois séances proposées par le guide en
une durée de 45 minutes. Il est vrai qu’elle a dépassé le temps imparti à la séance mais l’objectif
tracé a été atteint. Les élèves ont participé activement au cours. Cela montre qu’il est ne faut pas
toujours suivre à la lettre la démarche préconisée par les fiches du guide pédagogique. Comme
l’enseignante travaille dans le monde rural, elle a ramené un ensemble d’objets pour expliquer
certains mots difficiles du texte. Cela montre l’engagement de l’enseignante à bien réussir sa tâche
auprès des élèves.

Les deux textes de lecture choisis pour l’unité 1 parlent de monuments historiques en lien avec
le patrimoine marocain et andalou reconnus mondialement par l’UNESCO. Le deuxième texte
présenté lors de la semaine 3 (p 26) porte comme titre « l’Alhambra », qui se trouve en Espagne.
Cependant, dans la représentation collective marocaine l’Andalousie appartenait jadis au Maroc.
Elle date de la belle époque andalouse dont l’histoire est connue par tous. Il est très important
d’intégrer cette part de l’histoire dans la mémoire des élèves parce que cela enrichi leur culture
générale. Cependant, pour une unité dont le titre est « des civilisations universelles », il y a un
répertoire immense de monuments historiques d’autres pays que nous pourrions évoquer et exploiter
dans un esprit d’ouverture sur les autres cultures. Cela contribuera à ouvrir l’horizon de découverte
chez les élèves.

La partie réservée à la phonétique corrective n’existe dans aucun manuel marocain. Dans ce
cas, les élèves sont considérés comme des natifs qui apprennent une langue maternelle et non
étrangère. Il est souhaitable que les concepteurs du manuel de français lui consacrent une rubrique
afin de résoudre les problèmes persistant de prononciation chez les élèves. Il n’est pas nécessaire ici
de rappeler qu’entre la langue arabe et la langue française il y a une grande différence entre certains
phonèmes (p, v, c=k, s=z...). Les enseignants de la sixième année veillent toujours à la correction

68
Texte « Soyons prudents », unité 4 « l’énergie dans notre vie », manuel de l’élève, p124

222
phonétique en corrigeant seulement comment se prononce le mot au moment de sa lecture par les
élèves.

Nous remarquons aussi que la culture française et francophone n’est pas très présente dans ce
manuel. Pourtant le pays entretient de bonnes relations socioéconomiques avec la France et avec les
autres pays francophones. Nous sommes consciente qu’il est impossible d’enseigner une langue en
dépit de sa culture et de son identité. L’enseignement de la langue française détachée de sa culture
est parmi les causes de la faiblesse du niveau des élèves parce qu’ils ne savent pas pourquoi ils
étudient cette langue étrangère. Ce détachement de la culture vide la langue de son âme. Cette
dimension culturelle est parmi les points qui manquent à ce manuel et à tous les autres manuels de
langue française au Maroc. Cela nous fait revenir à cette question du flou qui accompagne le statut
de la langue française au Maroc que nous avons évoqué dans la partie1 du contexte de la recherche,
chapitre 2. En effet, le statut de cette langue n’est pas déclaré officiellement même si elle est
fortement présente dans le quotidien. Avec la vision stratégique de la réforme, elle est considérée
comme langue d’enseignement au même rang que la langue arabe standard qui est l’une des langues
officielles du pays.

6.3.7.4 Les activités de langue


Nous présenterons d’abord la démarche méthodologique générale d’un cours de langue,
comme elle est indiquée dans le guide pédagogique de l’enseignant, avant d’examiner des exemples
de cours proposés dans l’unité 1. Le but est de vérifier les modifications apportées par ce
renouvellement et cet allègement du programme. Il faut dire que les leçons de grammaire, lexique,
conjugaison et orthographe sont conçues maintenant de façon identique avec la même démarche
méthodologique. Sur le livre de l’élève, nous remarquons qu’il y a six rubriques systématiques qui
se réalisent pour chaque leçon en deux séances sur deux semaines :

- Ce que je sais : c’est en quelque sorte une évaluation diagnostique de ce qui a été étudié avant.
Elle ne dépasse pas deux questions que l’enseignant pose oralement aux élèves.

- J’observe et je découvre : l’observation du corpus du texte support qui est souvent proche de la
thématique étudiée. Elle est soit sous forme d’un texte ou de phrases contenant le fait linguistique à
étudier.

- Je manipule et je réfléchis : Ce sont des questions auxquelles les élèves répondent pour arriver à
la manipulation des phrases du texte support. L’objectif est de mener une réflexion guidée par

223
l’enseignant sur le phénomène linguistique à étudier. Ceci favorise la construction de la notion
linguistique étudiée.

- Je retiens/je construis la règle : Après plusieurs manipulations, la règle est construite avec l’aide
de l’enseignant. Elle est souvent sous forme de texte à trous à compléter par les mots proposés ou
d’une carte mentale.

- Je m’entraîne : les exercices de cette étape visent la fixation de la notion étudiée et son application
à travers des activités orales et/ou écrites. Les exercices sont proposés sur le livre de l’élève. Une
mise en commun est nécessaire pour corriger les exercices.

- Je m’évalue : cette étape propose des exercices d’évaluation afin de mesurer le degré de maîtrise
de la notion étudiée dans la perspective d’apporter, si nécessaire, la remédiation adéquate au moment
opportun. C’est une sorte d’évaluation formative prévue à la fin de chaque leçon de langue.

Nous constatons que la démarche en six étapes préconisée pour la leçon montre un traitement
inductif et explicite des faits de langue étudiés. L’élève est sollicité par l’enseignant afin de
participer activement à la construction des notions et de la règle en rapport avec la leçon présentée.
L’enseignant peut également recourir à la carte mentale afin de construire la règle avec les élèves.
Cette technique aide surtout à faciliter la mémorisation. Les exercices d’entrainement et
d’évaluation servent à vérifier l’assimilation de la notion étudiée par les élèves. Nous vérifierons
comment se présentent ces exercices proposés par le manuel dans le passage suivant.

Dans la première semaine de l’unité « des civilisations universelles », la fiche pédagogique de


conjugaison ci-dessous, extraite du guide de l’enseignant, présente une leçon intitulée « le présent
de l’indicatif des verbes usuels ». La première séance se termine après la construction de la règle et
la deuxième séance sera consacrée aux exercices d’entrainement et d’évaluation. Nous pouvons dire
à partir de la lecture de ce document que la démarche utilisée pour les cours de langue est une
démarche explicite puisque la règle est induite par les élèves grâce aux activités de conceptualisation
lorsqu’ils répondent aux questions qui accompagnent le texte contenant le fait grammatical étudié.
La démarche déductive est également présente parce que les règles de grammaire sont appliquées à
travers des exercices lors de la deuxième séance. Nous affirmons que la grammaire enseignée dans
ce manuel est une grammaire explicite et déductive, elle fait partie des pratiques traditionnelles.
Cela va contrairement avec la politique de la réforme et du changement promu.

Adopter une nouvelle démarche pour enseigner le contenu linguistique consiste à rendre les
élèves plus actifs en classe en introduisant des jeux ludiques pour apprendre les règles de langue.
224
Exemple : jeu de l’oie pour la conjugaison, jeu de Kim pour le lexique, memory pour les types de
phrases...Ce qui renforcera l’autonomie d’apprentissage chez les élèves. L’enseignant aujourd’hui
ne constitue plus la seule source du savoir. C’est pour cette raison qu’il est amené à varier ses
techniques d’animation en classe et à introduire l’usage des nouvelles technologies dans son cours
lorsque cela est possible. Ainsi, l’application de ces mesures permettra de changer les pratiques de
classe qui se sont installées depuis plusieurs décennies dans les écoles marocaine. Il est aussi
recommandé de former les enseignants aux nouvelles pratiques qui les aideront à sortir de la
monotonie et à être plus productifs en classe.

225
226
Figure 35 : Fiche pédagogique du cours de conjugaison, guide pédagogique, p 43-44

Pour cette leçon de conjugaison intitulée « le présent de l’indicatif des verbes usuels ». Ce
temps a déjà été étudié dans les deux années précédentes. En sixième année, les élèves revoient
encore une fois les temps de l’indicatif mais de manière plus approfondie en plus de nouveaux
modes et temps comme le conditionnel présent. Cela permet la consolidation des apprentissages
déjà acquis ultérieurement. Ci-dessous nous observons comment se présente cette leçon dans le
manuel de l’élève avec les six étapes citées précédemment. Ce que nous apercevons d’abord c’est
que la lisibilité typographique n’est pas bien respectée. Le contenu de la double page est très
condensé par l’écrit, ce qui ne procure pas de plaisir à l’élève pour se motiver et s’intéresser à cette
leçon. Les trois images accompagnant le texte à observer sont de petite taille et peu visibles. La
première question de l’activité de manipulation proposée consiste à donner l’infinitif et le groupe
de chaque verbe en couleur. La deuxième question demande de conjuguer tous ces verbes au présent
à toutes les personnes puis d’observer leurs terminaisons et la modalité proposée est en groupe.

227
Après cette phase d’observation vient la phase de la construction de la règle. Celle qui est
rédigée sur le livre et doit être complétée avec des mots proposés. Nous remarquons que les
terminaisons des verbes sont en rouge ce qui offre une bonne attractivité pour les élèves. Les
exemples donnés sont des verbes dits usuels mais nous ne savons pas sur quel critère ils ont été
choisis. Parce que le mot usuel signifie ce qui est fréquemment utilisé or, pour le verbe visiter, par
exemple, ce n’est pas un verbe trop utilisé dans le quotidien comme les verbes : manger, donner,
entrer ou d’autres verbes. Donc pour le titre de la leçon, nous suggérons de le changer par « le
présent de l’indicatif des verbes des trois groupes » puisque la leçon traite la conjugaison de tous
ces verbes.

Les exercices proposés sont répétitifs : par exemple les exercices 2 et 3 de la phase « je
m’entraine » et l’exercice 2 de la phase « je m’évalue » ont la même consigne qui est : « Conjugue
les verbes entre parenthèses au présent de l’indicatif ». La conjugaison peut être travaillée avec une
large gamme d’exercices variés pour que les élèves restent attentifs et ne s’ennuient pas. Il en va de
même pour les autres matières où nous avons constaté des exercices répétitifs qui ne motivent pas
assez les apprenants pour apprendre ou même des consignes qui nécessitent encore plus
d’explication de la part de l’enseignant. L’exemple de l’exercice 1 dans cette page illustre ce cas :
la consigne est « Barre le verbe intrus dans cette liste », les verbes présentés sont tous des verbes du
premier groupe à l’infinitif avec un verbe du deuxième groupe que l’élève doit barrer. La leçon
présentée porte sur le présent de l’indicatif des verbes usuels et les verbes de l’exercice sont à
l’infinitif donc l’enseignant est amené à bien expliquer la consigne pour ses élèves. Nous conseillons
de varier les exercices proposés comme des exercices du genre : donner des phrases avec des verbes
conjugués de manière incorrecte et demander aux élèves de les corriger. Ce type d’exercices permet
à l’élève de percevoir les erreurs qu’il peut commettre et l’aidera à mieux assimiler la notion étudiée.

Pour le contenu sémantique des exercices, les phrases utilisées comme exemples ont toutes
une relation avec la thématique de l’unité didactique étudiée. Ici le texte porte également sur la
culture et civilisation marocaine. L’usage d’exemples de ce genre permet à l’élève de renforcer ses
acquis et d’enrichir son vocabulaire autour de cette thématique grâce à la répétition. Cela est valable
pour tout le livre sauf quelques exceptions où il y a peu ou pas d’exemples en relation avec le thème
traité. Nous citons l’exemple des leçons d’orthographe suivantes : le pluriel des noms en ou/eu/al/ail,
les mots terminés par ail, aille, euil, euille, eil, eille.

228
La plupart des illustrations accompagnant les cours de langue sont utilisées à titre illustratif et
ne font pas objet d’activités ou d’exploitations particulières. Elles peuvent quelques fois être utiles
pour expliquer un mot mais souvent elles ne sont pas exploitées et ne font qu’encombrer la page.

Pour les consignes des exercices, elles sont formulées à l’impératif en utilisant la deuxième
personne du singulier : Recopie, souligne, transforme. Elles sont claires, mais quelques-unes sont
des fois imprécises et nécessitent encore plus d’explication ou même une reformulation de la part
de l’enseignant.

L’enseignant peut proposer d’autres exercices que ceux du livre afin de consolider le savoir
chez les élèves. Ces exercices sont effectués sur les cahiers parce que l’espace qui leur est réservé
dans le livre est restreint. Il est vrai que recopier les exercices du livre sur le cahier prend beaucoup
de temps par rapport à d’autres activités qui peuvent se faire en ce temps de copie en classe. Donc,
comme solution l’enseignant peut les donner en guise de devoirs à faire hors classe.

Les exercices de langue proposés dans le manuel nous rappellent les exercices structuraux où
il s’agit de travailler un ensemble de modèles d’exercices afin de systématiser les règles
linguistiques. Ils ne mettent pas en jeu des activités intellectuelles diversifiées. Nous ne négligeons
pas leur importance pour systématiser les notions étudiées. Or, dans une réforme qui veut appliquer
l’approche actionnelle il faut les substituer par d’autres pratiques où la langue est contextualisée
(jeux ludiques, exercices variés...).

229
Figure 36 : Page du cours de conjugaison, manuel de l’élève, p 19

À la fin du livre, nous trouvons trois pages contenant les tableaux de conjugaison de quelques
verbes usuels pour les temps de l’indicatif, de l’impératif, du participe et du conditionnel présent.
Ils sont utiles pour que les élèves puissent les consulter en classe en cas de besoin ou les apprendre
pendant leur temps libre à la maison.

Nous signalons que chaque unité didactique propose un ensemble de cours de langue qui n’ont
pas souvent un lien avec la compétence visée par le cours de communication et d’acte de langage
ou de lecture. Dans une démarche méthodologique qui prône l’approche actionnelle, il aurait peut-
être fallu penser à harmoniser entre les cours de l’activité orale et les cours de langue pour que ces
derniers aident les élèves à mieux assimiler cette langue. Surtout en conjugaison, par exemple dans
230
la première unité il y a des verbes dans le texte de lecture (p12) « Al Quaraouiyine université du
monde » qui sont conjugués au passé simple. Or, ce temps ne figure point dans le programme de
cette année. Pourtant, il fait partie des temps de narration puisque le texte narratif est étudié dans
cette unité. Les deux leçons proposées portent sur le présent et l’imparfait de l’indicatif. Dans ce
cas, nous proposons soit de changer le temps des verbes dans le texte, soit d’inclure ce temps dans
le programme.

Pour la leçon de lexique, en plus des leçons sur l’utilisation du dictionnaire, la synonymie,
l’antonymie et les mots composés. Nous trouvons cinq leçons autour du lexique thématique de
l’unité étudiée. Cela favorise l’enrichissement du vocabulaire de l’élève avec de nouveaux mots et
expressions dont il a besoin pour s’exprimer en communication orale et en production écrite.
Cependant, nous remarquons dans la répartition annuelle que ces leçons de lexique thématiques
viennent toujours à la semaine 3 au lieu de la semaine 1. Il serait judicieux de commencer avec la
leçon sur le lexique thématique pour enrichir le vocabulaire de l’élève autour de la thématique qu’il
est en train d’étudier.

Cette unité propose une leçon de lexique sur l’utilisation du dictionnaire et une sur les gentilés.
La première leçon est très utile dans la mesure où le dictionnaire est un outil très important pour
aider les élèves à expliquer le sens des mots difficiles mais aussi à apprendre la langue française.
Dans la phase d’observation et de découverte de cette leçon, la page extraite du dictionnaire n’est
pas très visible. Même si l’objectif est d’étudier les mots repères de la page du dictionnaire, il serait
mieux que le support soit visible pour l’apprenant. Les élèves du monde rural et des banlieues des
villes n’ont pas forcément tous les moyens d’avoir des dictionnaires. Les enseignants recourent à
ramener leur propre dictionnaire ou à demander à l’administration si l’établissement possède une
bibliothèque scolaire. Ce manque de matériel scolaire à disposition des enseignants et des élèves est
une vraie entrave au développement de l’apprentissage de la langue française dans un pays qui vise
une école d’équité et de justice sociale. Il est possible pour apprendre à utiliser le dictionnaire par
les élèves de constituer des petits groupes où ils vont travailler directement sur le dictionnaire pour
chercher des mots.

231
Figure 37 : Leçon de lexique, livre de l’élève, p14

Pour la première leçon de grammaire présentée « La phrase nominale, la phrase verbale » la


démarche est toujours explicite et déductive. Ce qui attire notre attention ici c’est la formulation de
la règle sous forme d’une carte mentale. Cela permettra aux élèves de mieux mémoriser cette notion.
Les exercices sont toujours conçus de la même façon. Les élèves ont besoin d’exercices ludiques et
de jeux qui les aiderons à assimiler facilement le fonctionnement de la langue comme : un memory
avec des exemples de phrases et des cartes contenant le type de la phrase et l’élève doit trouver la
bonne combinaison, le jeu de l’oie pour travailler les adjectifs et les adverbes...

Pour la dictée présentée lors de la deuxième semaine et qui vient après la présentation de la
leçon d’orthographe, les phrases ou le texte court sont proposés par le guide pédagogique de
l’enseignant. Dans le manuel, nous trouvons seulement cette petite note à la fin de chaque leçon
d’orthographe : « J’écoute et j’écris sur mon cahier ce que me dicte mon professeur ». La dictée est
une activité très importante pour les élèves marocains arabophones afin qu’ils puissent mémoriser
et maîtriser l’orthographe des mots en français. Cela renforcera également les notions étudiées en
orthographe. Cette activité développe aussi la mémoire des élèves et enrichit leurs compétences au
niveau de l’écrit.

Nous constatons que ce manuel accorde une place très importante aux activités de langue.
En calculant la masse horaire qui leur est accordée, elle est de 120 minutes contre 60 minutes par
semaine pour la communication et l’acte de langage. Cela n’aidera pas les élèves à développer leurs
compétences en matière de production orale. Nous pouvons conclure que malgré les réformes
successives, l’enseignement des faits de langue a gardé son aspect classique au niveau

232
méthodologique dans les manuels marocains de langue française. Nous suggérons de revoir le temps
imparti aux activités orales et de le renforcer en variant aussi les situations de communication
fournies aux élèves. Certes, les connaissances linguistiques sont importantes pour pouvoir produire
à l’oral et à l’écrit mais elles ne doivent pas l’être sur le compte d’une autre composante.

Parmi les éléments de remédiation que nous conseillons, ici, dans le cadre de cette analyse
afin d’améliorer les contenus didactique du manuel proposé dans le programme officiel, il serait
pertinent de concevoir un cahier d’activités imprimé pour les élèves. Ce dernier servira comme
support pour qu’ils puissent faire leurs exercices dessus. Au Maroc, les enseignants travaillent
toujours avec les cahiers : l’un pour transcrire les règles de langue et l’autre pour les exercices
puisque l’espace qui leur est accordé dans le manuel est insuffisant. En plus, dans le monde rural et
les zones périphériques des villes les livres sont fournis par l’établissement et ils sont rangés en fin
d’année pour être redistribués à nouveau l’année prochaine. Donc, il est interdit d’écrire dessus.
D’où la nécessité d’avoir des cahiers de copie.

Par ailleurs, le public scolaire concerné par le manuel scolaire à l’étude est un public de jeune
âge qui nécessite d’autres approches didactiques. Nous pensons, entre autres, aux approches
ludiques, qui pourraient aider l’enfant à apprendre avec intérêt en jouant. Une grande panoplie de
jeux à fabriquer existe sur internet pour aider les élèves à mieux assimiler leurs leçons au lieu de
recourir uniquement à des exercices d’application. Laurence Schmoll à ce propos donne la définition
suivante de Deterding pour montrer les types de jeux à employer en classe et leur utilité au niveau
de l’interaction entre les élèves :
« Le jeu en classe de langue semble alors se concentrer sur les jeux de société familiers,
les jeux de lettres et les devinettes portant sur un savoir lexical ou grammatical,
éventuellement culturel. De façon plus empirique, d’autres activités effectuées en classe
pourraient au minimum être susceptibles de provoquer une attitude ludique chez les
apprenants, tout en s’ouvrant aux interactions entre les utilisateurs et à un
réinvestissement plus important en compréhension et en production. Il s’agit d’activités
qui placent les apprenants en position de compétition ou de coopération et qui emploient
les mécanismes du jeu, procédé réactualisé sous le nom de gamification » (Deterding,
2011: 10).

Ainsi, l’objectif principal de l’usage des jeux est de susciter la compréhension des notions
étudiées en provoquant une attitude ludique chez les enfants. Certes, la réforme entamée encourage
l’usage des nouvelles technologies et des jeux dans les pratiques enseignantes mais elle ne les
transpose pas clairement au niveau des manuels conçus. Il serait judicieux de remplacer ces
exercices de langue dans les manuels par des jeux ludiques comme le jeu de l’oie ou les mots fléchés
ou le jeu de Kim. De cette manière, nous obtiendrons de meilleurs résultats scolaires auprès des

233
élèves. Nous conseillons donc aux concepteurs des livres scolaires, qui ont cette volonté de réforme,
d’introduire des jeux ludiques afin d’avoir un meilleur rendement scolaire.

6.3.7.5 La production de l’écrit


Le guide de l’enseignant définit la production écrite comme étant une alliance permanente
entre dire, lire et écrire. Cette activité est le réinvestissement des compétences développées au
niveau des activités de structuration de la langue. Selon le guide, trois conditions sont nécessaires à
l’apprenant pour son accomplissement qui sont : « Avoir quelque chose à dire ; savoir le dire ; avoir
envie de le dire » (2021 :19). Ces trois conditions s’articulent autour d’autres enseignements comme
l’activité orale et les activités de langue ainsi que la lecture qui sert comme modèle du document à
écrire. La production écrite est une activité très importante parce qu’elle montre la capacité de
l’élève à produire différents types d’écrits qu’il a déjà exploité et sur lesquels il s’est déjà entrainé.
Le guide annonce également le changement apporté par la réforme par rapport aux anciennes
pratiques en matière de concordance entre langue orale et lange écrite pour que l’élève puisse
construire son savoir dans un contexte qui mobilise une démarche actionnelle basée sur la
construction de son apprentissage :
« Alors que les méthodes précédentes posaient comme principe la séparation nette entre
l’apprentissage de la langue orale et celui de la langue écrite, la méthode préconisée
dans le livret de l’apprenant/l’apprenante est basée sur une progression structurée. Elle
propose un apprentissage étroitement articulé entre langue orale et langue écrite dans
lequel l’apprenant est actif car constamment sollicité dans le cadre d’une démarche
actionnelle où il est celui qui construit son apprentissage» (guide pédagogique mes
apprentissages en français, 2021 :13).

Ainsi, nous constatons une amélioration notable quant à la nécessaire articulation des activités
didactiques orales/écrites dans les apprentissages en vue de rendre l’élève davantage participatif
dans le développement de ses apprentissages de la production de l’écrit.

Selon la nouvelle réforme, la périodicité d’une leçon de production de l’écrit est de deux
séances de 30 minutes et une séance de 25 minutes chacune par quinzaine. Une séance d’évaluation
est prévue en fin d’unité à la cinquième semaine. Nous présenterons la démarche méthodologique
de cette activité qui repose sur l’approche par compétences. Elle se construit selon quatre étapes,
nous prendrons l’exemple de la deuxième leçon de cette unité dont l’objectif est « Produire un texte
à caractère narratif /descriptif » :

- J’observe et je découvre : l’élève observe silencieusement le texte support pour le découvrir.


C’est en quelque sorte une mise en situation et une reconnaissance du type de l’écrit à étudier. Cette

234
étape se prête également à une phase de compréhension globale du texte étudié où l’élève répond
aux questions posées. Dans l’extrait ci-dessous trois questions sont posées mais la deuxième
question nécessite de dégager les aspects du texte qui permettrons de déterminer son type. L’aspect
narratif n’est pas très visible dans ce texte par contre c’est un texte descriptif puisqu’il cite les beaux
lieux à visiter à Marrakech.

- Je manipule et je réfléchis : l’élève observe silencieusement le type d’écrit qu’il a sous les yeux,
puis procède à son analyse pour relever ses caractéristiques et dégager ses normes d’écriture. Dans
les consignes trois questions sont posées également mais elles restent insuffisantes. L’enseignant
est donc amené à les compléter avec d’autres afin de dégager toutes les caractéristiques du texte
narratif / descriptif.

- Je m’entraîne : cette étape est réalisée collectivement. Elle prépare les élèves à la production
individuelle. Chaque élève s’exercera à employer les techniques d’écriture découvertes sur un
modèle proposé. Ce texte déclencheur parle du jardin Majorelle et il est demandé à l’élève de
produire un texte sur ce même modèle sans lui donner une autre indication. Cependant, les élèves
ne sont pas tous assez autonomes pour pouvoir exécuter cette consigne. Ce qui amène l’enseignant
à expliquer davantage cet exercice ou à travailler sur un modèle avec toute la classe avant de passer
à l’application.

- Je produis : c’est l’étape qui aboutit à la production proprement dite du type d’écrit préalablement
étudié. C’est un travail individuel où l’élève est invité à produire le type d’écrit demandé en veillant
au respect des normes d’écriture qui lui sont propres. Ici, c’est le texte narratif / descriptif.

Dans cette leçon, la consigne donnée reste assez vague « Produis en cinq lignes un texte
narratif / descriptif de ton choix ». Ainsi, l’élève sera brouillé par rapport à ce qu’il voudrait décrire.
Normalement, en proposant une consigne plus claire et précise l’élève sera en mesure de répondre
à la question sans se disperser. Un autre problème se posera également au moment de la correction.
L’enseignant aura devant lui divers sujets écrits à corriger. Le choix des productions à corriger de
manière collective ne sera pas facile. Donc, il est préférable de clarifier la consigne. Par contre, il y
a des leçons de production écrite où le sujet est clair comme pour cette consigne de l’unité 3 à la
page 100 : « Produis un texte argumentatif de six lignes en donnant ton opinion sur l’utilisation du
téléphone portable ou de l’ordinateur ». Dans cette consigne, l’élève connait exactement le sujet
d’écriture et l’enseignant peut même diviser la classe en deux groupes : le premier choisira de
rédiger un sujet sur l’ordinateur et le deuxième sur le téléphone portable.

235
Figure 38 : Leçon de production de l’écrit, livre de l’élève, p 36

Sur le manuel de l’élève, nous remarquons l’absence de la grille d’auto-évaluation pourtant


le guide indique qu’elle existe : « Évaluation/Soutien : chaque apprenant/apprenante revoit sa
production et s’auto corrige selon une grille d’auto-évaluation » (2021 : 18). La seule grille que nous
avons trouvée dans ce manuel est celle qui accompagne la production écrite de la semaine
d’évaluation et elle est appelée « grille de lecture ». Elle se présente sous forme de phrases à la
première personne et l’élève coche « oui » ou « non » en fonction de la qualité de son texte. Cette
grille reste très basique du point de vue des critères d’une évaluation selon l’approche par
compétences.

236
Figure 39 : Grille de lecture de production écrite, livre, p40

La grille d’évaluation permet à l’élève de s’autoévaluer afin de vérifier ses acquis et


s’améliorer. C’est un outil qui doit normalement accompagner tous les cours de production écrite
pour produire l’effet escompté. Nous proposons ci-dessous une grille d’autoévaluation pour que
l’élève puisse évaluer cette production écrite :

Grille d’autoévaluation
Critère Oui Non
J’ai lu le texte
J’ai écrit un texte narratif / descriptif
J’ai utilisé le présent de l’indicatif
J’ai utilisé des adjectifs pour décrire
Mon texte a du sens
Tableau n°21 : Grille d’autoévaluation de la production écrite

6.3.7.6 La pédagogie du projet à travers le projet de classe


Depuis la réforme instaurée par la CNEF, la pédagogie du projet tient désormais sa place
dans le programme scolaire du primaire pour améliorer l’enseignement / apprentissage des langues.
Le projet de classe est une activité différente et intégrée aux pratiques de classe. Dans ce sens, il
permet à l’élève de travailler en groupe ou individuellement afin de produire un travail dont la classe
sera fière et où il mobilise ce qu’il a acquis à l’oral et à l’écrit pour réaliser ses tâches.

Dans le guide pédagogique, les auteurs expliquent que le projet fait partie intégrante du
processus d’apprentissage : « Sans bouleverser les contenus des manuels mais au contraire en
s’articulant sur ceux-ci, ces projets menés au rythme de la classe sur cinq semaines chacun, étape

237
par étape, permettent d’agir autrement dans l’optique de l’approche actionnelle de l’enseignement
de la langue » (2021 :5). Ainsi, les six projets proposés sont conformes aux contenus des unités
didactiques étudiées. Ils sont menés avec l’optique du changement des pratiques en intégrant
l’approche actionnelle qui encourage la réalisation des projets. Il est vrai que cela permet de
renforcer l’autonomie des élèves et leurs capacités à faire des choix, l’ouverture sur des réalisations
concrètes, développer la coopération et l’intelligence collective, prendre confiance en soi et
finalement d’identifier les acquis et les manques dans une perspective d’autoévaluation et
d’évaluation bilan (Perrenoud, 1999).
Voici les six projets proposés dans le manuel de la sixième année du primaire :
 Réaliser un dossier sur les civilisations universelles
 Réaliser une charte sur la citoyenneté et le comportement civique
 Réaliser un journal sur les sciences et les technologies
 Réaliser une affiche sur la protection de l’énergie
 Réaliser un reportage sur les défis de la vie contemporaine
 Réaliser un dossier sur l’art et la créativité

Nous remarquons qu’ils ont tous un rapport étroit aux thématiques étudiées dans les unités
didactiques. D’autant plus que le produit final est varié et il prend plusieurs formes : dossier, affiche,
reportage, charte.

Pour la démarche méthodologique, 30 minutes par séance hebdomadaire sont consacrées au


projet de classe tout au long des cinq semaines de l’unité didactique. La fiche pédagogique dans le
guide indique trois étapes principales permettant sa mise au point. La première est appelée choix du
projet /présentation du projet. C’est la première séance où l’enseignant annonce le projet, explique
les tâches à réaliser par les élèves, réparti les groupes et détermine les modalités du travail. Ensuite,
la deuxième étape est la réalisation du projet qui se fait sur trois séances. La deuxième séance est
réservée à vérifier si les élèves ont commencé à réaliser les tâches demandées et s’ils ont rencontré
des difficultés. Tandis que la troisième séance est consacrée à la finalisation du projet pour visualiser
la version finale qu’il prendra. Lors de la quatrième séance, les élèves font un entrainement à la
présentation pour préparer la restitution. La dernière étape au cours de la cinquième séance est la
présentation du projet par les élèves en groupe et c’est l’enseignant qui l’anime. Si cette démarche
est bien suivie, les élèves vont profiter de ce projet pour mieux maîtriser leurs compétences non
seulement en langue française mais également dans d’autres compétences transversales (calcul,
ouverture culturelle, recherche documentaire ...).

238
La page ci-dessous, extraite du manuel, explique les cinq étapes à suivre tout au long des cinq
semaines de l’unité didactique pour accomplir le projet intitulé : « Réaliser un dossier sur les
civilisations universelles ». Il y a deux illustrations sur la page du manuel. L’une montre trois élèves
assis autour d’une table en train de choisir des images et l’autre présente un élève qui expose son
projet devant ses camarades. En fait, ce travail se réalise en groupe ce qui favorise l’esprit d’équipe
et de partage des tâches. Le sujet choisi est un sujet indéfini et vague ce qui nécessite une explication
de la part de l’enseignant aux élèves. L’enseignant dévoilera sa propre vision du projet puis en
concertation avec ses élèves, ils délimiteront et choisiront ensemble ce qui sera présenté au niveau
des civilisations universelles. Pour la troisième consigne dans la première étape du projet « demande
si ton école a un projet d’établissement », chaque école doit présenter son propre projet
d’établissement qui vise à améliorer un côté relatif à l’espace interne ou externe ou aux besoins de
ses apprenants : jardinage, théâtre, implantation d’une bibliothèque scolaire, cours de soutien ...
Certes, l’élève participe à ces activités mais cela n’a pas toujours une relation directe avec son propre
projet de classe.

Nous tenons à rappeler que la réalisation du projet de classe renforce le recentrage sur
l’apprentissage et favorise l’autonomie des élèves en les poussant à chercher et à agir pour
apprendre. Ce qui poussera les élèves à mobiliser un ensemble de connaissances relatives à l’aspect
linguistique et technique pour mettre en place le projet proposé. Cet engagement de la part des élèves
aura un impact ultérieur pour les préparer à faire des recherches et à réaliser des exposés et des
présentations. Dans le guide pédagogique, les avantages du projet pour les élèves sont encore une
fois explicités puisque le projet permet de mettre les apprenants / les apprenantes au cœur du
processus d’enseignement / apprentissage (2021, 20). Il constitue également un cadre de
concrétisation de la compétence visée par l’unité didactique : Réaliser un dossier sur les civilisations
universelles. L’élève est donc placé dans de véritables situations d’apprentissage parce que
l’enseignant peut proposer ou négocier les détails qui permettront la concrétisation de ce projet avec
lui.

239
Figure 40 : Projet de classe, livre de l’élève, p 37

Afin de toucher le côté ludique de l’apprentissage, nous proposons par exemple, pour l’unité
1 comme projet « concevoir un jeu sur les civilisations universelles » ou « réaliser une carte des
merveilles du monde ». Cela constituera une invitation au rêve et au voyage qui permettra aux élèves
de créer un produit final dont ils seront fiers.

6.3.7.7 L’évaluation
Le manuel « Mes apprentissages en français » fournit une évaluation semestrielle sur une
double page après trois unités didactique où quelques exercices d’évaluation et de soutien sont
proposés pour toutes les activités étudiées. Le reproche qui pourrait être formulé à ce niveau c’est
que les exercices demeurent toutefois insuffisants. C’est l’enseignant qui est amené à trouver

240
d’autres activités convenables au niveau de ses élèves et de leurs lacunes. Les exercices peuvent
être réalisés sur le cahier de l’élève car l’espace réservé sur le manuel ne permet pas d’y répondre.
Pour l’évaluation continue, c’est l’enseignant qui la conçoit en fonction des objectifs achevés, du
niveau de ses apprenants et du cadre référentiel de l’évaluation continue. Il est important de préciser
que dans les curricula officiels, un planning est prévu en termes d’évaluations en contrôles continus.
À savoir qu’il y a deux évaluations continues notées dans chaque semestre. Le projet de classe n’est
pas noté mais les enseignants comptent l’implication des élèves dans ce projet et la qualité de leurs
productions dans la note réservée à l’activité orale.

Grâce à cette évaluation sommative, les enseignants évaluent les acquisitions et le savoir
enseigné aux élèves en classe. Le guide pédagogique accorde plusieurs fonctions à cette évaluation :
« On évalue donc pour informer apprenants et parents sur les connaissances, pour
combler les lacunes des apprenants/apprenantes et y remédier et pour déterminer la
valeur de notre propre méthodologie (appropriation ou non des procédés, du matériel et
de l’usage qui en est fait, et l’attitude de l’enseignant/ l’enseignante) » (guide
pédagogique mes apprentissages en français, 2021 :14).

D’abord, elle a une fonction informative envers les élèves et leurs parents au niveau des
acquis. Ensuite, elle permet de lister les difficultés des élèves pour les corriger à travers des activités
de soutien. Finalement, elle permet d’évaluer tous les aspects méthodologiques et didactiques
employés par l’enseignant. Nous constatons que l’évaluation dans le système scolaire marocain
s’appuie surtout sur un système de classement et de notations ce qui empêche de mesurer le degré
des compétences acquises par les élèves.

6.3.7.8 Quelles améliorations didactiques pour ce manuel ?


En somme, le manuel de la sixième année « mes apprentissages en français » est conçu selon
une démarche qui vise le changement et l’allègement du programme proclamé par la réforme en vue
d’une qualité d’enseignement meilleure. Il montre aussi la volonté des concepteurs pour traduire les
recommandations de la loi cadre 51-17 et de la vision stratégique 2015-2030. Les sujets sélectionnés
comme thématiques pour les unités didactiques sont d’actualité et intéressent les élèves en les
motivant à travailler.

Dans la perspective d’améliorer le contenu de ce manuel, nous proposons de revoir les points
suivants afin qu’il soit plus attractif pour les élèves et plus ergonomique pour l’enseignant. Nous
signalons que ces pistes d’amélioration didactiques relèvent à la fois de la forme du manuel, de son
contenu didactique et des supports utilisés. Voici la liste des suggestions d’amélioration :

241
 Il est préférable de revoir la mise en page pour ne pas avoir des pages très encombrées de
dessins inexploités et d’écritures qui ne sont pas très visibles pour les élèves. Il est également
souhaitable d’améliorer la qualité du papier et des dessins pour qu’ils soient plus attractifs
pour les enfants.

 Il serait pertinent que les concepteurs pensent à la création de supports audio ou audio-
visuels pour l’activité de communication et acte de langage. Cela est primordial afin de
rendre l’apprentissage de l’oral plus attractif pour les élèves. L’officialisation de ces supports
audio permettra de ne plus recourir aux enregistrements de mauvaise qualité qui sont
disponibles sur internet.

 Un changement méthodologique implique également d’opérer une modification de la


nomenclature utilisée (tâche, compréhension orale / écrite, production orale / écrite,
conceptualisation, apprenant...) si nous voulons adopter l’approche actionnelle et lui
préparer les bons outils pour la mettre en place dans les classes marocaines. Pour garantir un
apprentissage efficace, en appliquant une approche actionnelle centrée sur l’apprenant, nous
suggérons de revoir l’aménagement de l’espace classe et l’effectif des élèves afin qu’ils
soient acteurs de leur apprentissage et leur donner l’occasion de s’exprimer aisément au
moment de l’expression orale.

 Nous proposons aussi d’intégrer la dimension culturelle et interculturelle pour plus


d’ouverture sur l’autre. Nous sommes consciente qu’une langue ne peut pas être enseignée
en dehors de sa culture, à ce propos Evelyne Bérard affirme que : « pour évoluer en langue
étrangère, l'apprenant a besoin d'un savoir minimal sur la culture et sur le fonctionnement
social du groupe dont il apprend la langue » (1991 :61).Ces élèves à l’âge adulte auront
certainement un jour contact avec d’autres personnes de nationalités différentes d’où
l’importance d’une éducation culturelle dès le jeune âge. Le texte de la vision stratégique de
la réforme annonce cette ouverture culturelle sur l’autre (2014 :25) mais nous sollicitons
qu’elle se traduise dans les manuels scolaires de langue et d’éducation civique de manière
plus concrète et visible.

 En termes de contenus didactiques, il est pertinent de varier la nature des questions de


compréhension pour la lecture et les exercices de langue pour dynamiser les cours et les
rendre plus animés. Les exercices doivent susciter l’intérêt des élèves à apprendre la langue

242
française et à comprendre son fonctionnement linguistique en introduisant la dimension
ludique.

 Il serait pertinent de mettre en avant l’approche ludique dans les activités d’apprentissage.
Cette approche, à travers les jeux, prendra part des cours de français et de toutes les autres
matières pour motiver encore plus les enfants et leur procurer le plaisir d’apprendre en
s’amusant.

 Nous constatons également au niveau de l’emploi du temps que le fait d’avoir un cours de
mathématiques de 50 minutes plus deux autres cours de français laisse l’enseignant effectuer
une véritable course contre la montre afin de pouvoir finir les activités dictées par son emploi
du temps. Nous préconisons donc de penser à alléger l’emploi du temps pour allouer à
chaque matière le temps qui lui est imparti.

 Dans l’objectif d’améliorer la qualité des manuels marocains, les concepteurs des manuels
peuvent s’inspirer d’autres manuels sur le marché des langues étrangères. Le but est de
concevoir un manuel à la fois attractif, riche et convenable au niveau des élèves marocains.
Plusieurs maisons d’édition de français langue étrangère proposent des manuels dont
l’aspect matériel et technique peut stimuler la créativité des concepteurs marocains.

 Pour l’apport des TICE et du numérique, les concepteurs marocains sont sollicités de penser
dans les années à venir au manuel numérique qui changera certainement les pratiques
enseignantes et attirera plus l’attention des élèves. Mais avant, il est nécessaire de réhabiliter
les salles de classes et les équiper de vidéos projecteurs et de TBI afin de pouvoir mettre en
place ces outils numériques.

 Il est souhaitable d’encourager la liberté des enseignants pour concevoir des cours en
fonction du niveau de leurs élèves. Des groupes de réflexion peuvent être mis en place pour
cet effet au sein des établissements scolaires. Cela aidera à créer des supports adéquats aux
besoins des élèves qui compléteront le contenu du manuel scolaire et varieront les pratiques.

 Ce manuel parait convenable à des élèves de sixième année. Cependant, il y a des disparités
de niveau entre les élèves selon plusieurs facteurs comme le lieu (ville / campagne), le niveau
socioéconomique et l’intérêt pour cette langue. L’enseignant doit prendre ces disparités en
considération afin de mieux préparer ses cours pour que le contenu soit adéquat à ses élèves.

243
Ces pistes d’amélioration serviront à réussir la réforme entreprise par la vision stratégique
2015-2030. En plus de cela, la réforme est sur la bonne voie de la réussite si tous les acteurs de
l’opération éducative s’engagent à appliquer ces principes.

Synthèse

Le manuel de la sixième année « Mes apprentissages en français » est élaboré en suivant les
prescriptions de la vision stratégique 2015-2030 et de la loi cadre 51-17 qui ont préconisé un
allègement du programme et un changement des thématiques abordée pour qu’elles soient en
harmonie avec les sujets d’actualité dans la société marocaine et mondiale. Il vise également à
développer le côté de la citoyenneté et de l’appartenance chez les élèves à travers les leçons
proposées. Le volet culturel est lui aussi présenté à travers la promotion de la culture nationale avec
l’ouverture sur quelques cultures universelles.

Au vu des analyses menées dans cette partie, nous nous interrogeons est-ce que les contenus
d’enseignement du français dans les deux manuels scolaires représentent le monde réel des élèves ?
En réalité, le public scolaire marocain ne vit pas les mêmes conditions sociales et par conséquent
les élèves ne sont pas scolarisés dans les mêmes types d’établissements. Nous avons évoqué dans la
partie 1 contexte de la recherche au chapitre 2 sur la situation linguistique au Maroc que les élèves
scolarisés dans les écoles privées ont un meilleur niveau en langue française en comparaison avec
ceux scolarisés dans les écoles publiques. Ces disparités de niveau ont surtout une relation étroite
avec les conditions sociales des familles. Il est vrai que ce n’est pas là notre champ de spécialité
mais nous attirons l’attention sur ce point car il a un impact notoire sur le niveau des élèves et par
conséquent sur le développent du secteur de l’enseignement. La vision stratégique de la réforme
2015-2030 a choisi comme slogan « Pour une école d’équité et de justice sociale » et ceci ne peut
se manifester sans l’effort de tous les acteurs sociaux du Maroc et des autres ministères. Certes, le
MEN agit de son côté afin de mettre en place sur le terrain toutes les recommandations des textes
officiels de lois à savoir la vision stratégique 2015-2030 et la loi cadre 51-17 mais il a besoin de la
solidarité des autres structures étatiques pour réussir.

La vision stratégique de la réforme dans son levier 3 vise un point très important affectant
les conditions d’enseignement / apprentissage avec l’instauration d’une « discrimination positive en
faveur des milieux ruraux, périurbains et des zones déficitaires » afin de réaliser une généralisation
équitable. Cette mesure veillera à limiter les disparités socioéconomiques entre les apprenants en
dotant ces zones de « toutes les ressources humaines, d’équipement et de logistique, nécessaires à
affirmer l’attractivité de l’école et à protéger les apprenants de toutes les causes d’abandon précoce
244
et de déperdition scolaire » (vision stratégique, 2014 :18). Elle nécessite donc la collaboration des
autorités régionale, des collectivités territoriales et de différents partenaires (banques, institutions
publiques, institutions commerciales, sociétés...) afin de travailler sur ces projets. Cette
collaboration n’est pas toujours facile à mettre en place pour plusieurs raisons, en revanche elle a
donné de bons résultats scolaires dans les zones où elle a été implantée.

Finalement, dans la perspective d’encourager et de valoriser cet apprentissage de la langue


française, nous proposons de faire passer aux élèves un DELF prim A1 ou A2, par exemple, à la fin
du cycle primaire. Cela parait idéaliste mais c’est ce qu’il faut adopter si l’on veut réussir à appliquer
cette nouvelle approche et réformer l’enseignement de la langue française au Maroc. L’objectif sera
de valoriser cet apprentissage linguistique en fournissant un premier diplôme aux jeunes apprenants.
Par la suite les élèves pourront passer les autres niveaux de ce diplôme au fur et à mesure de leur
avancement en niveau scolaire.

245
Chapitre 7 : Perspectives didactiques : La formation des
enseignants marocains
Ce chapitre propose comme perspective didactique complémentaire à l’analyse des manuels
scolaires de faire un état des lieux de la formation des enseignants marocains. L’objectif est de
montrer que la réussite de l’usage des manuels scolaires en classe nécessite que les enseignants
doivent être bien formés. Comme nous l’avons évoqué précédemment, la vision stratégique de la
réforme a consacré un volet très important à la formation initiale et continue des enseignants
marocains pour tous les cycles d’enseignements (levier 9, 2014 :31-36) afin d’assurer une bonne
qualité des enseignements. Nous nous intéresserons ici aux enseignants du primaire parce que ce
sont eux qui sont chargés de présenter le contenu des manuels aux élèves. Si cette dernière phase de
la transposition didactique ne se passe pas correctement les élèves en subiront de graves
conséquences. Au Maroc, les enseignants suivent une formation initiale à l’université ou dans les
centres de formation des enseignants pour pouvoir exercer ce noble métier. Cette formation se forge
encore plus grâce aux stages d’observation au cours de la formation mais surtout à travers la pratique
de classe et l’expérience professionnelle cumulée avec le temps. Toutefois, il est nécessaire de
recourir à la formation continue organisée par les délégations du MEN ou à l’autoformation menée
à titre volontaire en autodidacte. Nous définirons les concepts de formation initiale, continue et
autoformation en général et nous examinerons le cas du Maroc dans ce domaine. L’objectif ici est
de présenter la situation des enseignants du primaire marocain pour dresser leur profil et voir ce qui
leur manque afin de pouvoir garantir la réussite de la réforme en cours.

7.1 La formation initiale :


La formation initiale dans le domaine de l’enseignement / apprentissage signifie la formation
de base faite par les personnes désirant faire leur carrière dans ce métier. Sa durée diffère selon les
spécialités, le cycle souhaité et le parcours désigné par le ministère de tutelle. Les centres de
formation des enseignants au Maroc ont vu le jour après l’indépendance du pays afin de former des
instituteurs et des professeurs dans toutes les spécialités pour ne plus recourir aux enseignants
étrangers. Nous ne ferons pas l’historique de la formation des enseignants puisque ce n’est pas
l’objectif du présent travail. En revanche, il est nécessaire de s’intéresser à ce point afin de toucher
de près la réforme de l’enseignement au Maroc parce que les enseignants sont l’un des piliers
essentiels de cette rénovation curriculaire. Nous exposerons les différents profils d’enseignants en
exercice actuellement avec le MEN marocain en fonction de leur formation initiale.

246
Dans le passé et jusqu’en 2007, les bacheliers ont été formés en tant qu’enseignants du
primaire dans les centres de formation des instituteurs pendant deux années. Cette formation joint
le côté théorique complété par des stages pratiques dans les établissements scolaires du monde
urbain et rural dans le but de doter les futurs lauréats de toutes les compétences de base dont ils ont
besoin pour exercer leur métier. À la fin de la formation, les futurs instituteurs passent leur examen
pratique de sortie pour être affecté par la suite dans un établissement scolaire.

À partir de la rentrée 2007, la formation initiale des enseignants dure une année combinant
toujours formation théorique et stages pratiques en milieu scolaire rural et urbain afin de toucher de
près le terrain de l’enseignement. Pour y accéder, il faut avoir un Diplôme d’Études Universitaires
Générales (DEUG) d’une faculté marocaine dans les spécialités demandées par le concours.

À partir de la rentrée 2016, une licence fondamentale est exigée pour intégrer les Centres
Régionaux des Métiers d’Éducation et de Formation (CRMEF). En plus de cela, le statut des
enseignants a changé puisqu’ils ne sont plus recrutés directement comme enseignants titulaires par
le MEN marocain mais par les AREF en fonction de leurs besoins en tant qu’enseignants
contractuels. Ils sont devenus des enseignants cadres de l’académie recrutés et rémunérés par
l’AREF. Leur contrat est renouvelé tous les deux ans. Leur formation au sein des CRMEF dure une
année alliant stages pratiques et formation théorique. Ils jouissent de presque tous les droits des
enseignants titulaires du ministère de l’éducation nationale. Au début de l’exercice de leur carrière,
ils ont rencontré plusieurs problèmes dus à l’instabilité de leur situation administrative. Ils ont fait
beaucoup de grèves et de manifestations pour améliorer leur situation. La raison est qu’ils veulent
absolument intégrer l’état et être titularisés puisqu’ils ont les mêmes fonctions et charges que les
enseignants titulaires. Certaines de leurs revendications ont été acceptées et d’autres non.

Avec le nouveau gouvernement élu en septembre 2021, un nouveau projet de réforme de la


formation des enseignants propose une formation de cinq ans spécialisée dans l’éducation et les
métiers de l’enseignement au sein des universités marocaines. Cette formation débutera dès
l’obtention du baccalauréat et elle est basée sur une présélection avec des contenus théoriques et des
stages pratiques en milieu professionnel. Ce n’est pour le moment qu’un projet. Nous ne pouvons
pas le juger tant qu’il n’est pas encore réellement appliqué. Différents profils d’enseignants sont en
cours d’exercice dans les écoles. Cela implique normalement d’adopter avec chaque catégorie une
formation continue basée sur une analyse de besoins.

247
7.2 La formation continue :
Il est vrai qu’avec l’évolution rapide des connaissances, un enseignant ne peut pas se
contenter des savoirs théoriques acquis pendant sa formation initiale. D’où la nécessité de suivre
régulièrement des sessions de formation continue qui vont améliorer ses connaissances et sa pratique
de classe. Au Maroc, ces sessions de formations sont souvent organisées par les inspecteurs
pédagogiques, les intervenants externes ou par les formateurs des CRMEF. Cependant, les
enseignants ne bénéficient pas tous régulièrement de ces formations puisqu’il y a plusieurs
contraintes : manque de formateurs, absence d’analyse de besoins avant de programmer une
formation, effectif élevé d’enseignants à former, l’éloignement des lieux de formation...

Le levier 13 de la CNEF en 1999 a réservé une place stratégique à la formation initiale et


continue des enseignants. En effet, ce levier a fait le lien entre l’implication des enseignants dans
cette réforme et le renouveau souhaité de l’école marocaine, à travers un ensemble d’orientations
telles que la qualité de leur formation de base comme une condition de la réussite scolaire et l’utilité
d’intégrer la formation continue dans la gestion de la carrière professionnelle des enseignants. Sur
ce point l’article 136 de la charte intitulé « Formation continue des personnels d'éducation, de
formation et de gestion » stipule que :
« Chaque cadre de l'éducation et de la formation, quels que soient sa mission et le niveau
où il exerce, devra bénéficier de deux types de sessions de formation continue et de
requalification :
-des sessions annuelles courtes d'entretien et de mise à jour des compétences, durant une
trentaine d'heures judicieusement réparties ;
- des sessions clé requalification plus approfondies, intervenant au moins tous les trois
ans.
Les actions de formation continue seront organisées sur la base d’objectifs adaptés aux
évolutions survenues dans le domaine, de l'analyse des besoins et des attentes exprimés
par les catégories concernées, ainsi que des souhaits et propositions des intervenants
dans le processus d'éducation et de formation, notamment les parents et les experts dans
les domaines de l'éducation, de l'économie, de la société et de la culture. Ces actions
auront lieu, autant que possible, à proximité du lieu d'exercice clés des bénéficiaires
potentiels, en exploitant les infrastructures et les équipements disponibles dans des
périodes adaptées, en dehors des horaires d'enseignement » (CNEF, 1999 : 38).

La CNEF a donné beaucoup de promesses aux enseignants comme nous l’avons évoqué dans
le chapitre précédent sur les réformes de l’enseignement au Maroc. Mais, il est à noter que ces
mesures n’ont pas toutes pu être appliquées pour de nombreuses raisons. Pour le volet de la
formation continue plusieurs contraintes ont empêché sa réalisation comme : le manque de
formateurs qualifiés, l’aménagement d’une plage horaire convenable pour les enseignants et les
formateurs et bien d’autres facteurs contraignants. La mise en œuvre de ce volet prendra une

248
décennie avant d’être appliquée par le plan d’urgence 2009-2012. Nous avons bénéficié dans ce
même cadre d’une formation autour de la pédagogie d’intégration animée par des inspecteurs et des
enseignants formateurs du CRMEF.

Sur ce point, le chercheur marocain Miloud Lahchimi dans son article sur la réforme de la
formation des enseignants au Maroc, cite quatre mesures majeures qui ont été prises afin de mettre
au point cette formation continue :

« Une définition des critères et des processus de sélection des enseignants du scolaire ;
la mise en place de « filières universitaires d’éducation » (FUE) ; la création de centres
régionaux des métiers de l’enseignement et de la formation (CRMEF) ; la mise en œuvre
d’une stratégie de formation continue des enseignants » (Lahchimi, 2015 :3).

Des filières universitaires de licence et de master spécialisées dans les métiers de l’éducation
ont été implantées dans les universités des grandes villes du royaume comme Rabat, Marrakech,
Casablanca, Agadir et Fès. Également, les centres de formation des instituteurs et les centres
pédagogiques régionaux ont été rassemblés dans une même structure de formation pour devenir des
CRMEF.

Le levier 9 du texte de la vision stratégique de la réforme 2015-2030 insiste également sur


la formation continue des enseignants durant tout leur cursus professionnel afin de leur garantir un
bon rendement éducatif. Ce document met aussi en relation différents acteurs intervenant dans le
domaine de la formation comme les académies régionales, les CRMEF et les universités partenaires.
L’objectif est de concevoir des contenus de formation convenables répondant aux besoins
spécifiques des enseignants :

« La formation continue et la qualification tout au long de la vie professionnelle offre


aux acteurs éducatifs une occasion renouvelée de perfectionnement professionnel, de
mise à niveau et de suivi de l’évolution de leur domaine. A ce propos, il faudra, à court
terme, préparer et mettre en œuvre, en coordination avec les académies, les centres de
formation et les universités, des stratégies de formation continue spécifique aux diverses
catégories de personnels, dotées de plans de formation et répondant à leurs besoins
effectifs. À cet égard, il conviendra de prospecter la possibilité de bénéficier de
l’expertise et du savoir-faire professionnel, pédagogique et de gestion des personnels de
l’éducation, de la formation et de la recherche à la retraite ; ceux-ci apporteront leur
appui à la formation continue et aux efforts de professionnalisation des différents acteurs
éducatifs et administratifs. Cela implique de prévoir des incitations pour ceux qui
contribueront à cette mission» (la vision stratégique, 2014 : 30).
Afin de résoudre le problème soulevé par le manque des formateurs qualifiés, cette réforme
propose de recourir aux cadres retraités (inspecteurs, professeur formateurs…) de l’éducation
nationale ayant cumulé une longue expérience dans le domaine pédagogique et didactique. En

249
échange une rémunération leur sera accordée afin de les inciter à collaborer avec les AREF à travers
le pays.

Durant ces deux dernières années, les enseignants ont bénéficié de plusieurs formations au
sujet des nouveautés du curriculum de l’enseignement primaire. Ces formations sont organisées par
les délégations provinciales selon un plan national de formation élaboré par le MEN marocain. Ce
qui montre que la vision stratégique tient ses promesses au niveau de la formation des enseignants.
Parmi les intérêts de ces formations continues le fait d’expliquer aux enseignants les grandes lignes
de cette réforme qu’ils vont appliquer en classe à travers l’usage des manuels scolaires réformés et
à travers l’alternance linguistique qui renforcera l’apprentissage linguistique chez les élèves
marocains.

À partir de la rentrée 2022/2023, le MEN a décidé d’expérimenter l’approche de la


spécialisation pour les enseignants du primaire dans certaines délégations du pays. C’est une
orientation politique à la fois récente et importante dans le processus d’enseignement / apprentissage
aussi bien pour les enseignants que pour les élèves. Dans la circulaire ministérielle 42/22 du 7 juillet
202269, il est mentionné qu’il y aura quatre spécialités : langue amazigh, langue arabe et matières
enseignées en cette langue, langue française + compétences de la vie et les mathématiques + les
sciences. Adopter cette spécialisation contribuera à libérer les enseignants d’être contraints à
enseigner plusieurs disciplines et leur permettra par conséquent d’avoir un meilleur rendement.
Nous espérons que cette expérimentation réussira et qu’elle sera généralisée au sein de tous les
établissements scolaires du royaume.

7.3 L’autoformation
Tout enseignant qui aime son travail cherche à s’auto former en permanence afin d’être
toujours à jour en ce qui concerne les nouveautés pédagogiques et méthodologiques. Ce volet
d’autodidactie nous intéresse car nous avons remarqué, par expérience, que les enseignants
marocains du primaire cherchent toujours à améliorer leurs pratiques et leurs connaissances. Il est
admis que le métier d’enseignant est toujours sujet aux nouveautés grâce aux évolutions sociales,
technologiques, scientifiques et économiques et aussi aux renouvèlements des courants
méthodologiques. Théoriquement, l’autoformation désigne la formation effectuée par l’enseignant
lui-même de manière volontaire. Ainsi, il devient autodidacte et il s’informe et se documente selon
ses propres besoins immédiats. En autodidacte, l’enseignant doit toujours rester à jour et consulter
tout ce qui est nouveau par rapport à son domaine de spécialité d’enseignement. Ce désir

69
Cette note ministérielle est disponible en langue arabe. Voir le lien en bibliographie

250
d’autoformation ne vient pas spontanément mais d’un besoin ou d’un manque ressenti chez les
enseignants ou des nouveautés éducatives sur le marché pédagogique et didactique.

Christian Puren l’explique comme une sorte de questionnement interne auquel l’individu
cherche une réponse en faisant ces formations : « Le mode de formation le plus massivement utilisé
en didactique des langues a sûrement été de tout temps l’autoformation permanente des enseignants
à partir de questions qu’ils se posent à eux-mêmes dans leur pratique professionnelle et auxquelles
ils cherchent eux-mêmes des réponses » (Puren, 1999 : 4). Ces autoformations prennent plusieurs
formes et aujourd’hui elles se sont bien développées grâce aux réseaux sociaux, à l’intégration des
TICE et aux opportunités possibles avec internet. En plus de cela, les enseignants cherchent des
séminaires ou des Colloque organisés par les universités ou par les associations qui s’intéressent à
l’éducation et la formation. Certains vont même jusqu’à reprendre leurs études à l’université dans
l’objectif d’améliorer leur situation professionnelle70 et même changer de cycle d’enseignement
lorsque cela était possible. Ils s’inscrivent également à des cours animés en présentiel ou en lignes,
exemple des MOOC éducatifs et bien d’autres sources de formation continue pour enrichir leurs
savoirs théoriques et pratiques. Ces formations sont soit gratuites ou payantes à la charge
individuelle de l’enseignant désirant améliorer ses connaissances.
Voici quelques exemples de structures de formation qui sont très connues et appréciées par
les enseignants marocains du primaire, collège et lycée71 : L’association Al kalam pour les
enseignants et les enseignantes, L’Association Marocaine des Enseignants de Français (AMEF),
L’Observatoire marocain de la formation et de la recherches en TICE (OMAFORTICE),
l’Association de Formation à Distance pour les Enseignants, les Étudiants et les Professionnels
(FADEEP) qui assure des formations certificatives sur une plate-forme à distance. Toutes ces
structures participent à faire évoluer les connaissances théoriques et pratiques chez les enseignants
marocains qui ont besoin d’améliorer leur rendement en classe. Elles travaillent en collaboration
avec les AREF, les délégations provinciales, l’institut français du Maroc, les inspecteurs et les
professeurs universitaires afin d’organiser ces formations sous différentes formes : colloques,
séminaires, universités d’été, formations en présentiel ou à distance...

Synthèse
Il ressort de ce qui précède que la formation des enseignants est un point très important dans
la réussite de tout processus de réforme. Au Maroc et depuis la mise en place de la réforme de la

70
Jusqu’à 2011 les enseignants du primaire avaient la possibilité de changer de grade ou de cadre avec un master pour
devenir professeur de lycée de grade1 sans passer par une formation au CRMEF
71
Les sites web de ces structures de formation sont mentionnés dans la bibliographie.

251
CNEF, une grande considération est portée à ce volet de la formation continue des enseignants. Cela
montre l’intérêt des responsables au sein du ministère au capital humain qui est indispensable pour
bien mener ce processus de réforme. Avec la vision stratégique 2015-2030, une attention particulière
est accordée à la formation de tous les cadres du secteur éducatif : formateurs, directeurs
d’établissements, inspecteurs, cadres administratifs et enseignants. Cela montre aussi la volonté de
réussir d’ici 2030 à atteindre tous les objectifs tracés par la vision stratégique de la réforme pour
changer l’image négative qui a longtemps marqué les rapports sur l’état catastrophique de l’école
publique marocaine. Nous espérons que cette tentative de réconciliation sauvera nos établissements
et réalisera par conséquent le slogan « pour une école de l’équité, de la qualité et de la promotion ».

Conclusion de la partie 3

Dans cette troisième partie, nous avons commencé par la définition du manuel scolaire, objet
de notre analyse critique. Ensuite, nous avons cité les raisons majeures derrière l’adoption de la
multiplicité des manuels scolaires au Maroc. Puis nous avons cité les différents manuels utilisés
pour enseigner la langue française au cycle primaire. Par la suite, nous nous sommes intéressés à
l’analyse didactique, critique et détaillée des deux manuels marocains de langue française de la
première et de la sixième année afin de voir comment s’y traduisent les directives ministérielles et
de démontrer les corrélations (et/ou les discontinuités) entre les nouvelles orientations des politiques
éducatives marocaines et les contenus didactiques actuels des manuels scolaires. Finalement, nous
avons évoqué le volet de la formation des enseignants qui est un pilier important pour la réussite de
cette réforme.

Les manuels scolaires réformés que nous avons analysés montrent en partie la bonne volonté
du changement introduite par les politiques éducatives marocaines qui s’inscrivent dans un esprit
de continuité de ce qui a été entamé avec la CNEF en 2000. Cependant, cela reste insuffisant car
nous avons relevé quelques éléments à modifier dans ces manuels sur plusieurs niveaux. Notamment
en ce qui concerne la qualité du papier utilisé, les illustrations, la mise en forme, la méthodologie à
appliquer et les moyens utilisés pour atteindre les objectifs soulignés. Nous concluons qu’un écart
existe encore entre le discours officiel annoncé dans les textes de la réforme et le terrain
d’application qui est la classe. En plus du renouvellement des manuels, il y a d’autres changements
à opérer au niveau des approches théoriques et méthodologiques, du matériel didactique et de la
formation continue des enseignants. Ce dernier point nécessite de lui consacrer une recherche à part
entière puisque les enseignants jouent un rôle important dans le processus de transmission du savoir
aux élèves.

252
Conclusion générale
Cette thèse a abordé la problématique des apports de la vision stratégique de la réforme 2015-
2030 au niveau de l’enseignement / apprentissage de la langue française dans le contexte marocain
à l’école primaire par rapport aux anciennes pratiques de classe en matière didactique et technique.
Afin d’y répondre, nous nous sommes posée plusieurs questionnements d’ordre didactique autour
des raisons derrière l’échec des réformes de l’enseignement du français au Maroc et des éléments
négligés par les décideurs de la politique éducative et les concepteurs des programmes. Cela s’est
effectué à travers un aperçu diachronique des différentes réformes passées depuis les années
soixante afin de percevoir leurs points de force et de faiblesse. Nous avons aussi questionné la
réforme actuelle afin de voir si elle réussira là où les réformes précédentes ont échoué et de
distinguer les changements opérés au niveau des manuels scolaires après sa mise en place. Nous
avons entrepris une démarche qualitative qui se base sur l’usage d’une grille d’analyse des manuels
scolaires élaborée à partir d’autres modèles de grilles d’analyse et d’évaluation de manuels de FLE.
Cet outil nous a permis de répondre aux questions et aux objectifs fixés au départ à travers une
analyse comparative entre les documents officiels nationaux (textes de lois, décrets et rapports) et
les nouveaux manuels réformés de la première et de la sixième année du primaire.

Lorsque nous avons commencé cette recherche il y a quatre ans, la réforme était en cours de
réalisation par les différents acteurs du secteur éducatif au Maroc. À présent nous pouvons confirmer
que cette rénovation de l’enseignement du français au primaire est sur la bonne voix grâce aux
nombreuses mesures entreprises par le ministère de l’éducation nationale.
D’une part par les décideurs de la politique éducative à travers l’élaboration des textes de
lois notamment la vision stratégique de la réforme et la loi cadre 51-17 qui ont permis, comme nous
l’avons démontré à travers notre recherche doctorale, de donner un nouveau souffle au statut des
langues enseignées au Maroc et notamment pour la langue française devenue langue
d’enseignement. Ainsi, cette mesure a permis de mettre fin à l’échec de la politique d’arabisation et
d’adopter le français dès le primaire comme langue d’enseignement en parallèle aux langues
officielles du pays à savoir l’arabe standard et l’amazigh pour renforcer le plurilinguisme scolaire
précoce chez les élèves marocains. Nous espérons dans quelques années que ces derniers puissent
dépasser leurs échecs en matière des apprentissages de base (lecture, écriture et mathématiques) afin
de pouvoir reclasser le Maroc parmi les pays ayant un système éducatif fort et répondant aux normes
et aux exigences internationales.
D’une autre part, par les enseignants qui appliquent cette réforme dans leurs classes et qui
ont un contact direct avec les élèves ciblés au premier plan par ces changements. Ces enseignants

253
cherchent et innovent au sein de leurs établissements afin d’enseigner la langue française aux élèves
à travers l’usage des manuels réformés et en ayant recours au matériel didactique qu’ils fabriquent
ou qu’ils cherchent sur internet. Rappelons que le texte de la vision stratégique de la réforme a
consacré une partie importante à la formation continue des professeurs. Ces formations sont en cours
de réalisation dans les différentes délégations du royaume pour permettre aux enseignants de
renforcer leurs connaissances théoriques et d’être à jour au niveau de leurs pratiques de classe. Nous
avons souligné à la fin de ce travail que la formation continue des enseignants joue aussi un rôle très
important dans la mise en application de tout processus de réforme surtout lorsque le texte officiel
annonce des nouvelles méthodologies d’enseignement comme c’est le cas ici de l’approche
actionnelle.

Nous rappelons que notre objectif de départ a été de remonter dans le passé jusqu’aux années
soixante afin d’étudier l’évolution des réformes qu’a connu le système éducatif marocain et de
soulever leurs points de force et de faiblesse surtout au niveau linguistique. Nous avons conclu que
chaque mesure entreprise a ciblé un aspect de ce qui a été tracé par les décideurs en matière de
politique éducative. Nous avons évoqué cela dans la partie 1, chapitre 3, intitulé « Les réformes de
l’enseignement au Maroc ». Ainsi, le Maroc a réalisé des résultats notables au niveau de la
généralisation de l’enseignement, de la création d’établissements scolaires dans les différentes
régions du pays, dans l’instauration du préscolaire et dans la lutte contre l’analphabétisme (Rapports
du conseil supérieur de l’enseignement, 2008, 2012, 2018). En revanche, la politique d’arabisation
mise en place dans les années quatre-vingt n’a pas réussi car elle s’est arrêtée aux portes des
universités. Ce qui a créé un blocage linguistique chez les étudiants scientifiques qui passent
l’ensemble de leur cursus d’enseignement en langue arabe et se trouvent face à l’enseignement en
langue française à l’université. Aujourd’hui, la vision stratégique de la réforme 2015-2030 a mis en
place un système d’alternance linguistique pour initier l’enseignement des mathématiques et de
l’éveil scientifique dès la cinquième année du primaire en français. Cette mesure permettra de
résoudre cet échec linguistique auquel se confrontaient les étudiants une fois arrivés à
l’enseignement supérieur et qui a menacé leur avenir professionnel pendant des décennies.

Au terme de cette recherche doctorale, notre travail s'est focalisé sur l’analyse des discours
politiques organisant le système éducatif marocain. Dans cette perspective, nous avons choisi de
réaliser une analyse de type qualitative des contenus de la réforme entreprise. Nous nous sommes
attachée à étudier les corrélations et (in)adéquations de ces contenus avec ceux des nouveaux
manuels et de voir comment la transposition didactique s’opère-t-elle au niveau des nouveaux
manuels de la première et de la sixième année de l’école primaire. Le premier constat qui ressort de
254
notre étude est que les nouveaux manuels réformés ont été allégés par rapport aux versions
précédentes. Ce qui a par conséquent amélioré la qualité de ce matériel didactique et pédagogique.
Notre deuxième constat concerne l’aspect bilingue, qui est une nouveauté dans les manuels
réformés. En effet, comme nous l’avons mentionné dans la troisième partie de notre recherche
doctorale portant sur l’analyse des manuels réformés, les thématiques traitées dans les deux langues,
à savoir l’arabe standard et le français, sont les mêmes pour recentrer les intérêts des élèves
marocains. Ces thématiques comme « l’énergie dans notre vie » ou « la citoyenneté » sont récentes
et suscitent l’intérêt des élèves pour l’apprentissage. Nous avons également démontré à travers les
analyses des contenus des unités didactiques choisies qu’ils sont loin d’adopter une approche
actionnelle (partie 2, chapitre 4) comme il est annoncé dans les guides pédagogiques des enseignants
de ces manuels. Ces derniers adoptent toujours les principes de l’approche par compétences
instaurée depuis une vingtaine d’années dans le système éducatif marocain.

Tout bien considéré, nous signalons qu’au cours de cette recherche nous avons agi en
fonction du contexte pour atteindre notre objectif à savoir répondre aux questions soulevées par la
problématique de départ. Nous avons mis l’accent sur les raisons principales derrière l’échec des
réformes passées en mettant l’accent sur les points négligés par les décideurs en matière de politique
éducative. Nous précisons aussi que nous sommes consciente des contraintes liées à la conception
des manuels scolaires, telles que le côté commercial qui va contre le principe de qualité exigée.
Nous avons également démontré que la réforme actuelle et la loi cadre 51-17 se distinguent par le
fait d’assigner à l’enseignement de la langue française une place primordiale à côté des langues
officielles du pays. Nous avons également proposé quelques pistes d’amélioration pour les livres
scolaires de français analysés afin qu’ils soient de plus en plus motivants pour les élèves. En outre,
notre investigation, dans le cadre de cette recherche doctorale aboutie au fait que des changements
notables ont été amenés grâce à ces nouveaux manuels réformés. Toutefois, ces derniers peuvent
encore être améliorés au niveau méthodologique afin d’appliquer les principes de base de l’approche
actionnelle annoncée par le curriculum officiel de l’enseignement primaire. Sans oublier de prendre
en considération le volet de la formation continue des enseignants qui sont le pilier majeur de la
réussite de cette réforme. En effet, cette formation doit prendre en considération les besoins
spécifiques des enseignants en ce qui concerne la didactique de la langue française, les techniques
d’animation et l’usage des nouvelles technologies en classe mais aussi la remise à niveau
linguistique pour certains enseignants. Il est également souhaitable d’avoir des enseignants parmi
l’équipe des concepteurs de manuels afin de profiter de leur grande expérience en classe.

255
Nous sommes consciente des limites de notre recherche qui a été en partie impactée par la
pandémie de la Covid-19 et nous a amenée à repousser le bon déroulement de notre étude de terrain.
Initialement, notre recherche doctorale devait, au plan méthodologique, reposer sur des outils de
recueil de données tels que le questionnaire et les entretiens, mais la crise sanitaire a été un obstacle
majeur pour nous. Donc, ce travail pourrait être amélioré encore plus à travers une étude de terrain
à réaliser auprès des enseignants afin de connaitre leur opinion et leurs attentes de cette réforme
qu’ils sont en train d’exploiter dans leurs classes, à travers le manuel. Cela pourrait s’accomplir
grâce à une enquête par entretiens à orientation semi-dirigés auprès des enseignants dans des écoles
primaires situées dans des zones urbaines et rurales. N’ayant pas pu effectuer ces entretiens dans le
cadre de la thèse, ils feront partie de nos premières priorités comme pistes de recherche future.

N’oublions pas de signaler que cette réforme a connu un obstacle inattendu d’ordre sanitaire
lors de la pandémie de la Covid-19, néanmoins cela a juste retardé l’application de quelques projets
déjà planifiés (les formations continues des enseignants, la réhabilitation des établissements
scolaires, l’édition des livres ...) sans porter atteinte à l’ensemble de leur exécution. Maintenant,
d’autres mesures sont entreprises pour améliorer encore plus le secteur éducatif au Maroc à travers
le renforcement de l’enseignement des langues, l’adoption d’activités de la vie scolaire qui
garantissent et favorisent l’épanouissement des enfants, l’instauration des cours de soutien au profit
des élèves faibles au sein de certaines classes et l’ouverture de l’école sur la communication avec
les parents d’élèves.

Comme prolongement de cette recherche, nous espérons que ce travail incitera d’autres
chercheurs à bien creuser davantage le terrain de l’enseignement de la langue française au cycle
primaire au Maroc. Nous suggérons également d’encourager la recherche au niveau de
l’enseignement primaire parce qu’il constitue la base de tout apprentissage. Ces travaux vont
améliorer ce cycle en apportant des éléments de réponse aux différents problèmes rencontrés.

Nous pouvons dire que le travail réalisé a été approché d’un point de vue théorique, descriptif
et analytique en confrontant l’étude de la littérature spécialisée dans ce domaine et en analysant les
discours officiels qui sont les textes des lois des réformes et les manuels scolaires de français
réformés afin de vérifier les hypothèses émises au départ. Cette recherche peut être abordée
différemment et avoir d’autres prolongements possibles dans l’objectif d’évaluer l’impact des
mesures entreprises pour réformer l’enseignement du français au primaire dans les cycles qui le
suivent.

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Dire, faire et agir pour apprendre le français : Guide pédagogique de l’enseignant, 1ère année de
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Dire, faire et agir pour apprendre le français, manuel de l’élève de la 1ère année de l’enseignement
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DEVAUCHELLE Bruno, (2012), Et si l’on arrêtait d’utiliser des manuels scolaires ?,
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Discours du roi Hassan II en 1987 : http://discoursh2.abhatoo.net.ma/doc/242.pdf

Discours du roi Mohamed VI à l’occasion de la fête du trône 30juillet 2015


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Discours du roi Mohamed VI au parlement pour a première session de la première année législative
de la huitième législature octobre 2007 : https://www.maroc.ma/fr/discours-royaux/discours-de-sm-
le-roi-mohammed-vi-%C3%A0-louverture-de-la-premi%C3%A8re-session-de-la-
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Discours du roi Mohamed VI au parlement pour le lancement de l’application de la charte nationale


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La transposition didactique :
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Interview de François Grosjean accordée au site "À bonne école.net" (2013), Propos recueillis par
Assmaâ Rakho-Mom :

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La langue française dans l'enseignement public tunisien, entre héritage colonial et " économie du
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Le site des discours de feu le roi Hassan II en langue arabe : https://www.maroc.ma/fr/discours-du-


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Le site officiel des ressources numériques du MEN :

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Lien pour la comptine « C’est la rentrée » : https://www.youtube.com/watch?v=rZHBeanwDcc

Page Facebook de l’association Al Kalam : https://www.facebook.com/akfmessaouira/

Site de l’association AMEF : https://amef-maroc.ma/

Site de l’association FADEEP : https://fadeep.ma/pedagogie/

Site de l’observatoire marocain OMAFORTICE : http://www.omafor.technoeducative.com/

Site du ministère des affaires étrangères marocain consulté le 15/06/2019 :


http://www.diplomatie.ma/ActionduMaroc/Promotioneconomiqueetculturelle/LeMarocetlafrancop
honie/tabid/114/language/en-US/Default.aspx

Statistiques du conseil de la concurrence 2021, Source : https://conseil-concurrence.ma/cc/wp-


content/uploads/2022/09/Rapport-Annuel-CC-2021-Fr.pdf

Sur la langue Hassani : http://www.sahara.gov.ma/page/dialecte-hassani/

268
Index des notions principales
118, 119, 120, 121, 122, 124, 125, 128, 130, 131, 132,
A 133, 134, 136, 137, 139, 140, 141, 144, 145, 146, 148,
149, 150, 152, 153, 154, 155, 162, 167, 169, 186, 188,
acquisition, 75, 79, 96, 97, 99, 114, 115, 116, 148, 184 189, 190, 196, 200, 204, 206, 213, 218, 220, 229, 234,
allègement, 131, 141, 143, 156, 167, 187, 188, 202, 212, 235, 236, 238, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 248,
220, 238, 241 250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 258, 260, 261,
alternance linguistique, 34, 37, 40, 75, 76, 78, 88, 114, 115, 262, 263, 264, 265, 268, 270, 271, 272, 275
116, 130, 193, 196, 251, 272 Enseignement, 5, 84
analyse de manuels, 88, 126, 128, 147
apprentissage, 1, 7, 8, 9, 10, 17, 19, 21, 22, 23, 28, 30, 32, L
33, 34, 35, 36, 37, 39, 43, 44, 48, 54, 55, 56, 57, 59, 60,
61, 63, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 76, 77, 84, 89, 90, 91, 92, langue française, 1, 4, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
93, 94, 95, 96, 97, 100, 101, 102, 103, 105, 110, 111, 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36,
112, 113, 115, 116, 118, 122, 124, 125, 126, 130, 132, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 47, 48, 49, 52, 54, 55, 56,
133, 134, 136, 137, 138, 139, 140, 144, 146, 147, 150, 57, 59, 60, 61, 62, 67, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 82, 84, 85,
152, 153, 154, 155, 159, 162, 168, 169, 170, 171, 175, 86, 89, 90, 91, 92, 93, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 102, 109,
178, 185, 186, 187, 189, 190, 196, 199, 200, 204, 206, 110, 111, 112, 113, 114, 116, 126, 128, 130, 131, 132,
207, 222, 228, 231, 234, 235, 236, 237, 239, 240, 241, 134, 141, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 152,
242, 243, 247, 250, 252, 253, 254, 257, 261, 275 153, 154, 155, 156, 157, 161, 162, 166, 168, 169, 178,
approche actionnelle, 10, 40, 76, 110, 113, 114, 128, 152, 181, 184, 185, 186, 187, 189, 190, 191, 192, 193, 194,
153, 154, 170, 171, 187, 190, 191, 210, 212, 226, 227, 196, 199, 200, 202, 203, 204, 206, 213, 218, 219, 220,
235, 239, 251, 252, 257, 260, 275 221, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 235, 236, 239, 240,
approche par compétences, 8, 17, 40, 57, 60, 67, 68, 76, 88, 241, 242, 247, 249, 250, 251, 252, 253, 255, 256, 258,
100, 101, 102, 104, 106, 109, 112, 128, 139, 152, 167, 259, 260, 261, 265, 269, 270, 271, 273, 275
189, 196, 210, 231, 252, 254, 263, 272 loi cadre, 7, 9, 34, 37, 38, 75, 76, 77, 78, 79, 86, 88, 89, 114,
115, 117, 123, 127, 130, 131, 132, 146, 147, 148, 193,
B 205, 206, 218, 238, 241, 250, 252, 262, 275

bilinguisme, 35, 36, 73, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 115, M
148, 169, 184, 187, 257, 272, 275
manuel, 4, 11, 126, 131, 132, 133, 135, 137, 139, 143, 146,
C 184, 186, 189, 230, 240, 249, 254, 255, 256, 261
matériel didactique, 249
charte nationale de l’éducation et de la formation matière, 7, 9, 14, 25, 35, 43, 44, 47, 60, 63, 76, 81, 93, 96,
CNEF, 8, 14, 38, 49, 51, 100, 130, 146, 264, 271 97, 99, 100, 108, 124, 132, 136, 157, 165, 169, 189, 193,
compétences, 5, 8, 16, 19, 20, 47, 50, 60, 61, 62, 64, 65, 68, 196, 202, 229, 231, 240, 250, 251, 252, 258, 275
76, 78, 81, 94, 95, 97, 98, 101, 102, 103, 104, 105, 108, multilinguisme, 28, 88, 94, 95, 272
110, 116, 120, 124, 130, 136, 138, 141, 149, 152, 163,
165, 166, 167, 169, 171, 180, 188, 189, 191, 196, 200, P
201, 203, 204, 229, 231, 236, 238, 244, 245, 247, 256,
259, 261 pédagogie d’intégration, 40, 63, 65, 68, 103, 104, 107, 108,
curriculum, 33, 81, 109, 111, 118, 119, 121, 123, 124, 125, 128, 153, 245, 272
130, 131, 132, 135, 139, 144, 146, 148, 156, 161, 174, plurilinguisme, 73, 79, 88, 89, 91, 93, 94, 95, 97, 98, 115,
188, 189, 202, 204, 247, 252, 256, 259, 262, 272, 275 116, 148, 187, 193, 250, 254, 260, 272, 275
politique éducative, 8, 9, 14, 38, 48, 54, 69, 72, 75, 85, 88,
E 91, 93, 189, 250, 251, 252, 275
pratiques de classe, 9, 76, 99, 105, 117, 125, 136, 137, 171,
enfants, 31, 32, 35, 93 222, 234, 250, 251, 275
enseignant, 206 programme, 12, 17, 19, 20, 25, 33, 35, 62, 63, 64, 65, 66, 67,
enseignants, 273 68, 104, 105, 106, 107, 113, 118, 122, 124, 131, 132,
enseignement, 1, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 133, 141, 144, 151, 153, 156, 165, 167, 169, 170, 187,
21, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 189, 191, 195, 196, 199, 212, 220, 228, 230, 234, 238,
38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 53, 241, 257, 263, 268, 270, 272
54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 62, 64, 65, 66, 67, 68, 70, 71,
72, 74, 75, 76, 77, 78,79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 88,
89, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 105,
107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117,

269
R V
réforme, 1, 7, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 17, 18, 19, 22, 24, 27, 34, vision stratégique, 1, 7, 9, 14, 34, 35, 36, 37, 38, 69, 70, 71,
35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 44, 47, 51, 53, 54, 55, 56, 58, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 83, 85, 86, 88, 89, 92, 94, 95, 96,
62, 63, 68, 69, 70, 71, 73, 75, 76, 77, 78, 79, 81, 83, 85, 109, 111, 114, 115, 116, 117, 123, 127, 128, 130, 131,
88, 89, 94, 96, 97, 99, 100, 101, 104, 106, 109, 111, 112, 132, 139, 141, 143, 146, 147, 148, 156, 167, 173, 187,
114, 115, 116, 123,124, 127, 128, 130, 131, 132, 138, 188, 189, 193, 194, 195, 196, 202, 206,211, 220, 238,
139, 141, 143, 144, 146, 147, 150, 152, 153, 154, 168, 239, 241, 243, 246, 248, 250, 251, 262, 268, 270, 271,
170, 171, 176, 187, 188, 189, 193, 194, 196, 199, 206, 272, 275
207, 212, 220, 221, 226, 230, 231, 234, 238, 239, 241,
243, 244, 245, 246, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 255,
257, 258, 262, 270, 271, 272, 275

270
Liste des figures
Numéro Titre Page
1 L’évolution du budget de l’enseignement primaire et secondaire en 58
pourcentage du PIB entre 1999 et 2007
2 Les quatre espaces du programme d’urgence 64
3 Les huit leviers pour l’équité 72
4 Le statut des langues dans le système éducatif marocain avec la 74
vision stratégique
5 La transposition didactique selon Yves Chevallard, 1991 118
6 La chaine de transposition didactique selon Philippe Perrenoud 119
7 La transposition didactique à partir des pratiques selon Philippe 120
Perrenoud
8 La transposition didactique complétée selon Jean Louis Martinand 121
9 Le schéma de la transposition didactique de Michel Develay (1992) 123
10 1ère de couverture du manuel de première année, direction des 148
curricula, septembre 2021
11 Emploi du temps de la 1ère année du primaire classe bilingue 157
12 Emploi du temps de la 1ère année du primaire classe de français 158
13 Avant-propos, manuel de l’élève 1ère année, p3 159
14 Je découvre mon livre, manuel de l’élève 1ère année, p 4 160
15 Sommaire du manuel, p7-8 164-165
16 Présentation de l’unité 2 « l’école » et page de comptine, (livre p 28- 169
29)
17 Activité orale, je compte, (livre de l’élève p29) 171
18 Fiche pédagogique de l’activité orale, guide de l’enseignant, p 43-44 172-173
19 Double page de l’activité orale, unité 2, livre de l’élève, p30-31 174-175
20 Activité de lecture, livre de l’élève, p32 176
21 Fiche pédagogique de la lecture, (guide de l’enseignant, p 45- 46) 177
22 Page d’écriture et copie, livre de l’élève, p35 179
23 Page de graphisme, (livre de l’élève, p34) 179
24 Activités de soutien et de consolidation de fin du 1er semestre pour 180
l’oral, (livre de l’élève p : 64-65)

271
25 Projets de classe, guide de l’enseignant, p 12 181
26 Fiche pédagogique du projet de classe, (guide, p : 38-39) 183-184
27 Couverture du manuel « Mes apprentissages en français » 6ème année 188
28 Emploi du temps hebdomadaire langue française 194
29 Planification annuelle du manuel mes apprentissages en français, 197-198
6ème année du primaire, p 2-3
30 Page de présentation de l’unité didactique, livre de l’élève, p 9 203
31 Fiche de communication et acte de langage, guide de l’enseignant, p 208-209
33-34 -35
32 Double page de la communication et acte de langage, livre de 210-211
l’élève, p10-11
33 Double page de la lecture, livre de l’élève, p 12-13 214-215
34 Fiche de lecture, guide mes apprentissages en français 6ème, p 36-37- 216-217
38
35 Fiche pédagogique du cours de conjugaison, guide pédagogique, p 223-224
43-44
36 Page du cours de conjugaison, manuel de l’élève, p 19 227
37 Leçon de lexique, livre de l’élève, p14 229
38 Leçon de production de l’écrit, livre de l’élève, p 36 233
39 Grille de lecture de production écrite, livre, p40 234
40 Projet de classe, livre de l’élève, p 37 237

272
Liste des tableaux
Tableau Titre Page
1 Les principales réformes de l’enseignement au Maroc 39
2 Les étapes d’arabisation des matières scientifiques au Maroc 45
3 Les six espaces de la CNEF 51
4 Les quatre espaces et les 23 projets du programme d’urgence Najah 65
5 Les quatre chapitres de la vision stratégique de la réforme 2015-2030 71
6 L’organisation des différents cycles de l’enseignement fondamental au 80
Maroc
7 Grille d’analyse descriptive des manuels marocains 128
8 Manuels de langue française utilisés au primaire au Maroc 143
9 Le volume horaire hebdomadaire en langue française pour les six 143
années du primaire
10 Les enseignements dispensés en langue française au primaire 145
11 Répartition des enseignements en première année du primaire 148
12 Les thématiques des unités didactiques de la 1ère année du primaire 161
13 Grille d’analyse du manuel «« Dire, faire et agir pour apprendre le 161
français »
14 Le contenu de l’unité 2 « l’école » 166
15 La répartition thématique de l’unité 2 « l’école » 168
16 Tableau des matières enseignées en français, guide de l’enseignant, p 20 193
17 Les thématiques des unités didactiques de la 6ème année du primaire 195
18 La grille d’analyse descriptive du manuel « Mes apprentissages en 199
français »
19 La répartition thématique de l’unité 1 « les civilisations universelles » 203
20 Séances et étapes d’une leçon de lecture 216

21 Grille d’autoévaluation de la production écrite 234

273
Table des matières
Liste des acronymes ................................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Introduction générale..............................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Partie 1 : contexte de la recherche .....................................................................Erreur ! Signet non défini.
Chapitre 1 : La situation linguistique et éducative dans les pays du Maghreb .......Erreur ! Signet non défini.
1.1 La situation en Algérie ................................................................................................................... 15
1.1.1 L’administration algérienne .................................................................................................. 15
1.1.2 Le système éducatif algérien ................................................................................................. 16
1.2 La situation en Tunisie ................................................................................................................... 18
1.2.1 L’administration tunisienne................................................................................................... 18
1.2.2 Le système éducatif tunisien ................................................................................................. 18
1.3 La situation au Maroc .................................................................................................................... 20
1.3.1 L’administration marocaine .................................................................................................. 20
1.3.2 Le système éducatif marocain ............................................................................................... 21
Chapitre Le Maroc et l’enseignement de la langue française .................................................................. 24
2.1 L’enseignement du français au Maroc pendant le protectorat .................................................... 24
2.2 L’enseignement du français après l’indépendance ....................................................................... 26
2.3-Les langues au Maroc .......................................................................................................................... 27
2.3.1 L’arabe standard .................................................................................................................... 27
2.3.2 L’amazigh ............................................................................................................................... 28
2.3.3 L’arabe dialectal marocain : le darija .................................................................................... 30
2.3.4 La langue française ................................................................................................................ 31
2.3.5 L’hassani ................................................................................................................................ 31
2.4 Le statut de la langue française : quelle évolution ? ..................................................................... 32
2.4.1 Le français langue d’enseignement ....................................................................................... 33
2.4.2 La représentation des langues au Maroc .............................................................................. 35
Chapitre ............................................................................... 39
3.1 Rappel des principales réformes de l’enseignement au Maroc .................................................... 39
3.1.1 La réforme post indépendance ............................................................................................. 42
3.1.2 L’état des réformes des années 70 ....................................................................................... 45
3.1.3 Les résultats de l’adoption de l’arabisation et les réformes des années 80 ......................... 48
3.1.4 La charte nationale de l’éducation et de la formation .......................................................... 50
3.1.5 La vision stratégique de la réforme 2015-2030..................................................................... 70
3.2 L’organisation des cycles de l’enseignement au Maroc ................................................................ 80
3.3 Les types d’enseignement présents au Maroc .............................................................................. 81

274
3.3.1 L’enseignement public........................................................................................................... 82
3.3.2 L’enseignement privé ............................................................................................................ 82
3.3.3 Les établissements étrangers ................................................................................................ 85
Chapitre Notions clés et cadrage théorique ......................................................................................... 90
4.1 Les concepts relatifs à l’apprentissage linguistique ...................................................................... 90
4.1.1 Le bilinguisme scolaire .......................................................................................................... 90
4.1.2 Le plurilinguisme vs le multilinguisme................................................................................... 95
4.1.3 L’alternance linguistique ..................................................................................................... 100
4.1.4 De quel français parlons-nous dans le contexte marocain ?............................................... 103
4.2 Les concepts relatifs aux méthodologies d’enseignement au Maroc ......................................... 105
4.2.1 L’approche par compétences ..................................................................................................... 105
4.2.2 La pédagogie d’intégration .................................................................................................. 109
4.2.3 La perspective actionnelle ................................................................................................... 114
4.2.4 La perspective actionnelle dans la vision stratégique de la réforme 2015-2030 ................ 116
4.2.5 La transposition didactique ................................................................................................. 119
4.2.6 De la transposition didactique au curriculum ..................................................................... 126
4.2.7 L’analyse de curriculums ..................................................................................................... 126
4.2.8 Le curriculum formel et le curriculum réel .......................................................................... 127
4.2.9 La grille d’analyse des manuels scolaires ............................................................................ 129
Chapitre Le manuel scolaire : définition et usages ............................................................................. 135
5.1 Qu’est-ce qu’un manuel ? ........................................................................................................... 135
5.2 Le manuel numérique ................................................................................................................. 140
5.3 La conception des manuels scolaires marocains......................................................................... 142
5.4 La multiplicité des manuels scolaires au Maroc .......................................................................... 143
5.5 Inventaire des manuels scolaires de français pour l’enseignement primaire au Maroc ............ 144
5.6 Les contenus du programme de français à l’école primaire ....................................................... 147
Chapitre L’analyse des nouveaux manuels de première et de sixième année du primaire ............ 151
6.1 Analyse du manuel de la première année du primaire ............................................................... 151
6.2 Un seul manuel revisité plusieurs fois ......................................................................................... 153
6.2.1 Présentation du guide de l’enseignant ................................................................................ 155
6.2.2 L’emploi du temps hebdomadaire en 1ère année du primaire ............................................ 158
6.2.3 Analyse de l’avant-propos et de la page de découverte ..................................................... 162
6.2.4 Les thématiques abordées dans ce manuel ........................................................................ 163
6.2.5 La grille d’analyse du manuel .............................................................................................. 164
6.2.6 Sommaire du manuel .......................................................................................................... 167
6.2.7 Déroulement d’une unité didactique : l’unité 2 .................................................................. 169

275
6.2.8 Des suggestions pour améliorer ce manuel ........................................................................ 187
6.3 Analyse du manuel de la sixième année du primaire « Mes apprentissages en français » ........ 191
6.3.1 Présentation du guide de l’enseignant ................................................................................ 192
6.3.2 L’emploi du temps hebdomadaire de la langue française en 6ème année du primaire ....... 195
6.3.3 Les thématiques abordées dans ce manuel ........................................................................ 197
6.3.4 Analyse de l’avant-propos ................................................................................................... 202
6.3.5 Grille d’analyse du manuel « Mes apprentissages en français »......................................... 202
6.3.6 Déroulement d’une unité didactique .................................................................................. 205
6.3.7 Analyse de l’unité didactique 1 « les civilisations universelles » ........................................ 207
Chapitre ..................................... 246
7.1 La formation initiale : .................................................................................................................. 246
7.2 La formation continue : ............................................................................................................... 248
7.3 L’autoformation........................................................................................................................... 250
Conclusion générale ................................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Bibliographie ...........................................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Sitographie ..............................................................................................................Erreur ! Signet non défini.
Index des notions principales…………………………………………………………………………………………………………………267

Liste des figures .......................................................................................................Erreur ! Signet non défini.


Liste des tableaux
.......................................................................................................................................Erreur ! Signet non
défini.1

276
277
Titre : Enseignement /apprentissage du français à l’école primaire au Maroc à la lumière de la nouvelle vision stratégique
de la réforme de l’enseignement 2015-2030
Mots clés : Réforme éducative – enseignement primaire approche actionnelle - bilinguisme scolaire
Résumé : Au Maroc, le secteur de l’enseignement a connu Elle a pour objectif majeur la mise en relation des discours
plusieurs réformes depuis les années soixante qui ont visé la officiels et des contenus des manuels de première et de
généralisation de l’enseignement obligatoire et l’arabisation sixième année du primaire afin d’en observer la corrélation
des matières d’enseignement. Cependant, des difficultés entre la refonte curriculaire et les nouveaux manuels de
persistent encore chez les élèves surtout au niveau de leur français à l’école primaire. Dans une démarche qualitative,
bilinguisme scolaire (arabe standard / français). Depuis cette investigation, fondée sur un corpus de textes (officiels
2015, une nouvelle réforme nommée la vision stratégique et livres scolaires) nous a permis de prospecter et
de la réforme 2015-2030 est entreprise pour continuer la d’examiner de manière fine la traduction et la transposition
restructuration de ce secteur vital pour le développement du de la réforme éducative dans les nouveaux manuels
pays. À partir de la rentrée scolaire 2017/2018, la langue réformés.
française est enseignée dès la première année du primaire. Ainsi, la nouvelle réforme a permis de mettre fin à l’échec
Elle est aussi devenue la langue d’enseignement des de la politique d’arabisation et d’adopter le français dès le
matières scientifiques au collège après l’échec de la primaire comme matière enseignée en parallèle aux langues
politique d’arabisation. officielles du pays à savoir l’arabe standard et l’amazigh.
La problématique de cette thèse se focalise sur les apports Cette thèse démontre que la politique éducative actuelle en
de « la vision stratégique de la réforme 2015-2030 » au matière de langues et particulièrement du français au
niveau de l’enseignement / apprentissage du français dans primaire a pour visée de renforcer le plurilinguisme scolaire
le contexte marocain à l’école primaire par rapport aux précoce chez les élèves marocains. Nous espérons dans
anciennes pratiques de classe au plan didactique et quelques années que ces derniers puissent dépasser leur
pédagogique. échec scolaire dans les apprentissages de base (lecture,
Dans une perspective interdisciplinaire mettant en relation écriture et mathématiques) afin de pouvoir reclasser le
les politiques éducatives et la didactique des langues et des Maroc parmi les pays ayant un système éducatif fort et
cultures, cette thèse interroge les différentes réformes qu’a répondant aux normes et aux exigences internationales.
connu le système éducatif marocain en matières Les conclusions obtenues au terme de notre recherche
d’enseignement-apprentissage du français, notamment la doctorale pourront servir de perspectives didactiques de
vision stratégique 2015-2030 et la loi cadre 51-17 relative remédiation et d’amélioration de l’enseignement du français
au système d’éducation, de formation et de recherche à l’école primaire marocaine.
scientifique.

Title : Teaching / learning french in primary school on Morocco in the new strategic vision of the educational reform 2015-
2030
Keywords : Educational reform - primary education - action-oriented approach - school bilingualism
Abstract : In Morocco, the education sector has The objective is to link official discourse and the content
experienced several reforms since the 1960s.The aim was of first and sixth year primary school textbooks in order to
to generalize compulsory education and the Arabization of see the correlation between the curriculum overhaul and the
teaching subjects. However, difficulties still persist among new French textbooks in primary school. With a qualitative
students, especially in terms of their school bilingualism approach, this investigation, wich based on a corpus of
(standard Arabic / French). Since 2015, a new reform texts (official and schoolbooks) allowed us to prospect and
called the strategic vision of the reform 2015-2030 has examine in detail the translation and transposition of the
been undertaken to continue the restructuring of this vital educational reform in the new reformed textbooks.
sector for the development of the country. From the start of Thus, the new reform has made it possible to put an end to
the 2017/2018 school year, the French language is taught the failure of the policy of Arabization and to adopt French
from the first year of primary school. It has also become from primary school as a subject taught in parallel with the
the language of teaching science subjects in secondary official languages of the country, namely Standard Arabic
school after the failure of the Arabization policy. and Amazigh. This thesis demonstrates that the current
This study researches the contributions of « the strategic educational policy in terms of languages and particularly
vision of the reform 2015-2030» at the level of the teaching French at the primary level aims to strengthen early school
/ learning of French in the Moroccan primary school, and plurilingualism among Moroccan students. We hope in a
compare it to old class practices in terms of didactics and few years that they will be able to overcome their academic
pedagogy. failure in basic learning (reading, writing and mathematics)
From an interdisciplinary perspective linking educational in order to be able to reclassify Morocco among the
policies and the didactics of languages and cultures, this countries with a strong education system that meets
thesis questions the various reforms that the Moroccan international standards and requirements.
education system has undergone in terms of teaching and The conclusions obtained at the end of our doctoral
learning French, in particular the strategic vision 2015- research can serve as didactic perspectives for remediation
2030 and the framework law 51-17 relating to the system and improvement of the teaching of French in Moroccan
of education, training and scientific research. primary schools.

Université Bourgogne Franche-Comté


32, avenue de l’Observatoire
278 25000 Besançon
THESE DE DOCTORAT DE L’ÉTABLISSEMENT UNIVERSITÉ BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ
PRÉPARÉE À L’UNIVERSITÉ de FRANCHE-COMTÉ

Ecole doctorale n°592


LECLA, Lettres, communication, langues, arts

Doctorat de Sciences du Langage, mention Français langue étrangère / Français langue seconde
Par
Madame CHAWKI Maryam

Enseignement /apprentissage du français à l’école primaire au Maroc à la lumière de la


nouvelle vision stratégique de la réforme de l’enseignement 2015-2030
Volume 2 : Annexes

Thèse présentée et soutenue à « Besançon », le « 3 février 2023 »

Composition du Jury :
Madame, MUSARD Mathilde Maître de conférences-HDR, Université de Franche-Comté Présidente
Monsieur, CUQ Jean-Pierre Professeur des universités émérite, Université Côte d’Azur Nice Rapporteur
Madame, CHNANE-DAVIN Fatima Professeur des universités, Université Aix-Marseille Rapporteuse
Monsieur, DIALLO Ibrahima Professeur assistant, Université South Australia, Adélaide Examinateur
Monsieur, EMBARKI Mohamed Professeur des universités Université de Franche-Comté Directeur de thèse
Madame, BENABDALLAH Kaouthar Maître de conférences, Université de Franche-Comté Codirectrice de thèse
La charte nationale de l’éducation et de la formation ............................................... 3

La vision stratégique de la réforme 2015-2030 ....................................................... 53


La loi cadre 51-17 relative au système d’éducation, de formation et de recherche
scientifique ............................................................................................................. 149

L’unité 2 « l’école », livre de l’élève « dire, faire et agir en français », première


année du primaire .................................................................................................. 163

L’unité1 « les civilisations universelles », Livre de l’élève, « Mes apprentissages en


français » sixième année du primaire. ................................................................... 187

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