LE PRÉCIEUX-SANG DU CHRIST
par M. l'Abbé Chanut
Rien de plus légitime que la dévotion au Précieux Sang qui est si loin d'être nouvelle, qu'après saint
Paul, bien des saints docteurs, notamment saint Chrysostome et saint Augustin, s'en font les plus
ardents panégyristes.
Cependant c'est surtout depuis l'institution de la dévotion au Sacré-Cœur, avec laquelle il a tant de
rapports, que le culte du Précieux Sang a pris, avec une forme plus arrêtée, des développements plus
considérables. Des confréries s'établirent, des indulgences nombreuses furent concédées par les papes,
et Pie IX, marchant sur les traces de ses illustres prédécesseurs, donna la plus douce satisfaction à la
piété catholique en adressant, à son retour de l'exil de Gaëte, un décret à l'univers entier, pour instituer,
le premier dimanche de juillet, une nouvelle fête du Précieux Sang.
Le Précieux Sang a une dignité suréminente, une valeur infinie. Il mérite nos adorations au même titre
que le Corps sacré de Jésus, et que le Sacré-Cœur. Comme eux il est uni à une personne divine ; comme
eux il subsiste dans la personne du Verbe de Dieu qui lui communique une excellence infinie.
C'est le Précieux Sang qui a opéré la grande œuvre de la rédemption du monde. Le péché, considéré par
rapport à Dieu qu'il offense, revêt une malice infinie. Quand il est grave, il provoque un châtiment
infini.
Toutes les créatures ensemble n'étaient pas capables d'offrir à Dieu une réparation digne de Lui. Le Fils
de Dieu Se présenta à son Père, et Se fit chair.
Sans doute qu'Il pouvait Se dispenser de répandre son sang. Il n'y avait aucune nécessité pour Lui de le
verser.
Une seule larme, un soupir, un regard aurait suffi. Mais parce que l'homme avait voulu en péchant se
procurer un plaisir illicite, parce qu'il avait mérité un châtiment rigoureux, pour provoquer du reste plus
puissamment l'affection des hommes, le Seigneur voulut nous racheter en souffrant, en versant son
sang. Et Il versa son sang, mais avec quelle prodigalité !
Une seule goutte de ce sang divin était capable de purifier le monde entier de toute iniquité, et voilà
qu'Il le répand à flots. Il lui faut un baptême de sang. Il l'appelle avec une sorte d'impatience.
Sans parler de la Circoncision, quelles sanglantes effusions au jardin des Oliviers, sous les fouets de la
flagellation, au couronnement d'épines, pendant le chemin de la Croix, au dépouillement des vêtements,
au crucifiement, alors que ses pieds et ses mains furent percés de gros clous et que son Sacré-Cœur fut
blessé par la lance du soldat.
Le sacrifice est achevé ; tout le sang est répandu ; le corps adorable du Sauveur est littéralement
empourpré de sang. Et ce sang divin apaise la colère de Dieu, satisfait à l'honneur de Dieu outragé par
les crimes des hommes, paie à la justice éternelle la dette contractée par les coupables, réconcilie le ciel
avec la terre, en un mot, opère une surabondante rédemption.
Il faut entendre les écrivains sacrés célébrer à l'envi ce triomphe du Précieux Sang. Saint Paul parle aux
Colossiens "du Père qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres et qui nous a transférés dans le
royaume de son Fils bien-aimé, par le sang duquel nous avons été rachetés il a plu au Père que toute
plénitude résidât en Lui, et de réconcilier par Lui toutes choses avec Lui, ayant pacifié par le sang qu'Il a
répandu sur la croix et ce qui est sur la terre et ce qui est dans le ciel". Et saint Pierre : "Nous savons
que nous avons été rachetés par le Précieux Sang de Jésus-Christ, l'Agneau immaculé". Et saint Jean :
"Jésus-Christ nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son propre sang" ; et ailleurs : "Le sang
de Jésus-Christ nous purifie de tout péché" ; et encore : "Les anciens chantaient un cantique nouveau
en disant : Vous êtes digne, Seigneur, de prendre le livre et d'en ouvrir les sceaux, parce que Vous avez
été mis à mort, et que, par votre sang, Vous nous avez rachetés pour Dieu, de toute tribu, de toute
langue, de tout peuple et de toute nation et Vous nous avez faits rois et prêtres pour notre Dieu, et
nous règnerons sur la terre".
Ainsi donc le Précieux Sang est un sang divin : première excellence ; c'est un sang rédempteur :
deuxième excellence ; c'est un sang sanctificateur : troisième excellence.
La rédemption ne nous servirait guère, si elle ne nous était appliquée, si en quelque sorte elle ne
s'individualisait pas pour chacun de nous. Or, elle nous est appliquée par la grâce qui est le fruit du sang
de Jésus-Christ. Par son unique sacrifice sanglant, le Christ a consommé pour l'éternité la perfection des
élus.
Tous les actes surnaturels sont dus à l'action du Précieux Sang. Tout ce qui nous sanctifie en dépend. Il
recouvre toute l'Eglise comme une vaste mer de grâce. Partout il déborde avec profusion, et il va même
arroser les déserts qui sont en dehors de son enceinte. Il dirige son cours vers les pécheurs aussi bien
que vers les saints. Il purifie les pécheurs de leurs péchés : "Le Christ, dit saint Thomas, a fait un bain
de son sang pour laver les souillures des criminels". Il nous défend contre le démon : "Si le sang de
l'Agneau pascal eut la puissance d'écarter le glaive de l'ange exterminateur, à combien plus forte raison
le sang de l'Agneau de Dieu mettra-t-il en fuite les puissances infernales".
Il étouffe l'incendie de nos passions. Descendant sur l'âme en pluie de bénédiction, il renouvelle le
prodige des trois enfants de la fournaise qui furent garantis des ardeurs de la flamme par l'ange du
Seigneur qui fit souffler dans leur prison de feu un vent rafraîchissant et y répandit une douce rosée en
sorte que sans ressentir la moindre atteinte ils chantaient au Seigneur un hymne de reconnaissance.
ll nous remplit d'une audace intrépide pour marcher dans les voies du Seigneur et franchir tous les
obstacles qui se dresseraient devant nous. Enfin il nous introduit dans les tabernacles éternels : "Et l'un
des anciens, prenant la parole, me dit : Qui sont ceux-ci qui sont vêtus de robes blanches ? Et d'où
sont-ils venus ? Je lui répondis : Seigneur, vous le savez ; et il me dit : Ce sont ceux qui sont venus ici
après avoir passé par la grande tribulation et qui ont lavé et blanchi leurs robes dans le sang de
l'Agneau".
Estimer le Précieux Sang, c'est lui rendre un culte d'adoration, de confiance et d'amour.
Pour rendre hommage au Précieux Sang, nous n'avons pas besoin de faire des efforts d'imagination ;
pour nous le rendre présent, il n'est pas nécessaire que nous allions au sommet du Calvaire. Nous
n'avons qu'à nous approcher de l'autel.
Tous les jours à la Messe, le Précieux Sang, par les paroles toutes puissantes du prêtre, prend la place du
vin dans le calice. Tous les jours, après la consécration, ce sang divin, ce sang vivant, ce sang glorifié, ce
sang uni à la Personne du Verbe éternel, est présenté à l'adoration des fidèles prosternés.
Continuellement, nous possédons dans le tabernacle ce sang rédempteur, qui sous les saintes espèces,
anime le corps sacré du Sauveur ressuscité.
Quand vous communiez, quand le Saint-Sacrement est déposé sur votre langue, c'est encore le sang de
Jésus qui circule dans l'hostie avec toute l'abondance de sa vie glorieuse. Il voile sous le mystère du
sacrement cette lumière radieuse qui, en ce moment là même, éclaire toute l'étendue des cieux, avec une
magnificence de splendeurs que rien n'égale. Si vous la sentiez la force des pulsations de sa vie
immortelle, vous pourriez à peine vivre vous-mêmes. Une sainte terreur détruirait en vous la vie.
Mais dans cette hostie adorable, il y a toute la plénitude du Précieux Sang, le sang de Gethsémani, de
Jérusalem et du Calvaire, le sang de la Passion, de la Résurrection et de l'Ascension, le sang qui a été
versé, puis repris par le Sauveur. Il est dans le cœur de Jésus, dans ses veines, dans le temple de son
corps. Il est bien juste que nous entrions dans un saint tremblement lorsque nous venons à penser quels
sanctuaires nous sommes, quand le très Saint-Sacrement est au-dedans de nous.
Estimer le Précieux Sang c'est avoir confiance en lui, c'est recourir à lui, c'est l'utiliser avidement pour
nous et pour les autres. Serions-nous souillés des plus affreux péchés ; il peut nous rendre plus purs que
la neige la plus immaculée. Nos crimes mériteraient-ils les plus terribles châtiments ; sa voix est plus
éloquente pour fléchir le courroux céleste que celui d'Abel pour crier vengeance. Serions-nous dans la
pauvreté spirituelle ; il peut nous enrichir, si nous le voulons, des biens les plus opulents. Il purifie, il
protège, il sanctifie, il nous introduit dans la céleste Jérusalem.
Enfin nous devons au Précieux Sang un culte d'amour. Aimer le Précieux Sang, c'est avoir en horreur
ce qui l'a fait couler : le péché qui a été le pressoir douloureux sous lequel le Cœur de Jésus écrasé laissa
échapper cette sueur de sang qui mouilla le pied des oliviers du jardin de l'agonie ; le péché qui fit voler
en lambeaux, au prétoire, la chair innocente du Sauveur ; le péché qui Le couronna d'épines, Lui perça
les mains et les pieds et Lui ouvrit le côté. Aimer le Précieux Sang, c'est respecter, défendre en nous et
dans les autres, l'innocence, œuvre du Précieux Sang.
Aimer le précieux Sang, c'est correspondre fidèlement à la grâce, fruit du Précieux Sang ; c'est employer
le temps qui nous est donné à la gloire de Dieu et à la sanctification de nos âmes ; c'est correspondre
aux saintes inspirations, c'est-à-dire, à ces bons mouvements du cœur, à ces reproches de la conscience,
à ces lumières surnaturelles de l'esprit, et généralement à toutes les sollicitations miséricordieuses par
lesquelles Dieu prévient notre cœur, soit pour nous réveiller de notre assoupissement, soit pour nous
engager à la pratique des vertus, soit pour exciter en nous son amour. Aimer le Précieux Sang, c'est
avoir grand soin de ne pas en laisser tomber à terre une seule goutte en gaspillant les grâces de Dieu.
Quand Pilate, vaincu par une honteuse lâcheté, abandonnait Jésus aux fureurs de ses ennemis, se faisant
apporter de l'eau, il se lava les mains devant le peuple, en disant : "Je suis innocent du sang de ce juste".
Et les Juifs de s'écrier : "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants !" Nous servant de cette
parole infâme, non pour blasphémer, mais pour exprimer le plus ardent désir de notre cœur, nous nous
écrierons : "Que le sang de Jésus-Christ retombe sur nous !" Qu'il retombe sur nous, comme une onde
purificatrice, pour nous laver de toutes nos fautes ; qu'il retombe sur nous, comme une lumière
brillante, pour éclairer nos intelligences ; qu'il retombe sur nous, comme un feu dévorant, pour nous
embraser de charité et nous rendre dignes d'aller chanter éternellement dans le ciel sa beauté, son
efficacité, ses excellences infinies.
abbé Christian Philippe CHANUT
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