DU MÊME AUTEUR
Théâtre, romans, Mémoires, (sous la direction de Pierre Laville et Catherine
Fruchon-Toussaint), coll. « Bouquins », Robert Laffont, 2011
Le Boxeur manchot, Sucre d’orge, La Folle tueuse et autres nouvelles,
coll. « Pavillons Poche », Robert Laffont, 2005, 2006, 2007
À cinq heures mon ange, lettres à Maria St Just, Robert Laffont, 1991
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre
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civiles ou pénales. »
Traduit avec le concours du Centre national du livre
Titre original : IN THE WINTER OF CITIES
© 1956, 1964, the University of the South. Renewed 1984, 1992, The University of the South.
Traduction française : © Éditions Seghers, Paris, 2015.
En couverture : Dessin de Don Bachardy, 1962 © Harry Ransom Center, The University of
Texas at Austin
EAN : 978-2-232-12414-3
(ISBN : 978-0811202220, Norton & Co Inc, New York, 1964)
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À LA MÉMOIRE DE MON GRAND-PÈRE
Le Révérend Walter E. Dakin
(1857-1955)
Par temps de farfadet
PAR TEMPS DE FARFADET
I
Les merveilleux enfants
ont coupé leurs gambades de glace pure
au nord du temps.
Étant d’experts
et fougueux patineurs,
jamais deux fois le même
dessin n’ont tracé,
mais chacun, achevé,
il fallait le détacher pour le hisser vierge
sur d’aériens derricks, aussi squelettiques
et verts qu’hirondelles.
Personne n’a écrit chez soi,
aucun bulletin envoyé de leurs progrès
que lui, le démon,
a pensé pouvoir bloquer
avec des barricades de papier bonbon rouge et or étiqueté Peur
ou autres titres augustes qu’ils ont pris dans leur foulée,
sautant légers par-dessus,
toujours jetant derrière eux des cris de joie
dont l’écho se poursuivait longtemps après leurs sauts
et leur départ.
II
Beaucoup d’eau verte, pleine de vagues rumeurs,
a parlé de leur perte, discuté d’eux dans le quartier,
roulé des fantômes d’on-dit vers le rivage,
pelouse et velours côtelé,
bribes de chansons,
problèmes d’arithmétique pas terminés,
marques de doigts sur des livres cornés jetés dans les coins.
Le chagrin des mères
doit souvent être égratigné
par de doux parlers d’oiseaux, avant le matin,
la neige portée à l’intérieur
à la place des placards de linge des grands-mères,
indignes, lancés dans toutes les directions
les cris
qui brisaient les carreaux, les vergers festonnés
d’une chose plus sauvage que les fleurs !
Ô le chagrin des mères
grièvement blessé par les canifs et les pommes d’une terrestre
fraîcheur à la langue verte,
tempêtes qui survenaient sans prévenir, cris, cris,
courant dans les vergers appelant,
Rentre vite ! Rentre vite !
avant qu’il fasse affreusement noir, que tombent des grêlons
gros comme des œufs d’oie, quasi !
Calme. Distance…
Une spirale de poussière,
une petite silhouette
qui s’incline, se tord en révérence, qui danse une pavane,
c’est majestueux et gai, capricieux,
ça déambule autour des assiettes comme si ça lui appartenait !
Voilà qu’il s’est mis
à fredonner, murmurer
les noms des joueurs de base-ball disparus…
les premières taches de moisissure sur le diamant…
Ô Mère des enfants de la Montagne Bleue
vient à la porte moustiquaire : Rentre vite ! Rentre vite !
De blanches charrettes de lait se pressent, pressent dans les rues
qui mouillées s’assombrissent,
il n’y a plus beaucoup de temps !
III
Je les ai vus avant le matin traverser le hall,
le regard sérieux et pliant sous les livres d’école,
comme si la sonnerie réglée à une heure prématurée
les avait sortis du sommeil juste avant de partir…
J’ai vu leurs marques au crayon entre cette chose et
cette autre,
leurs angles bleus, plus aigus que la gymnastique.
Par temps de farfadet,
leur troupe ordonnée avec maître d’école vers la rivière
des Tournesols
allant étudier la flore sur les berges
où des noirs en robe blanche avaient leurs baptêmes de printemps,
Ha, ha ! – s’exclamant…
Je les ai vus
jamais moins que les yeux bleus et sérieux
s’attaquer
à des problèmes de géométrie dont le C.Q.F.D.
est sûrement une merveille muette…
IV
Le chagrin des mères
est grièvement égratigné
par des bris de lumière arctique au travers des pins noirs,
interrompant le matin
avec des empreintes de faucon dans le ciel.
Le temps, comme toujours,
s’éclaircit de nouveau, avec des bribes de bleus et de la vapeur
parmi les branches noires…
Ô Madone,
vieillie par d’injustes chagrins mais comme toujours vêtue de soie,
essoufflée,
tachée de cerise,
ô chantante et blanche enchanteresse,
je te convoque à présent,
vêtue comme le chagrin de neige et neige.
TESTA DELL’EFFEBO
De Flora naquit son lustre printanier
et tant le baignèrent des torrents
que de tremblants coquillages en furent touchés
et retenus jusqu’à son changement.
Puis d’or il fut quand vint l’été ;
cette mutation semblait immuable
et le sommeil de la sculpture disait
de quel or fin luisaient ses épaules.
Une nuée d’oiseaux en lui s’éveilla
quand murmura la Vierge mi-éveillée.
Puis s’élevèrent oiseaux et nuages
se brisant en feu comme verres brisés.
Lunatique aux yeux tranquilles
a-t-il dû devenir quand il a terni
et que cette ville brûlait où il
devint ce mince moulage de cuivre.
CRIAIT LE RENARD
Pour D.H.L.
Je cours, criait le renard, des cercles
toujours, toujours plus rétrécis,
sautant le fossé désespéré,
contournant affolée la colline
et jusqu’à ce que pende mon poil
flamme brûlante à la porte du chasseur
se poursuivra ce retour fatal
à mes lieux d’échecs antérieurs !
Puis, le cœur près de se briser,
l’aboi passionné, solitaire,
du renard fugitif a sonné clair
comme cloches dans la nuit gelée,
sautant le fossé désespéré,
contournant affolée la colline,
appelant la meute à poursuivre
la proie qui lui a échappée.
LES YEUX
Pour Oliver
Les yeux sont les derniers à s’en aller.
Ils restent longtemps après que le visage a disparu hélas
dans les chairs dont il est fait.
La langue dit au revoir quand les yeux s’attardent
en silence,
car ils sont les derniers chercheurs à renoncer à leur quête,
ceux qui restent là où les noyés sont rejetés
sur le rivage,
après le départ des lanternes, sans un au-revoir…
Les yeux n’ont foi dans ce langage trop accessible.
Pour eux pas d’occasion assez simple pour qu’un mot
la justifie.
L’existence dans le temps, pas seulement la leur, mais ancestrale,
enferme tous les instants entre quatre murs de miroirs.
Fermés, ils attendent. Ouverts, ils attendent aussi.
Ils sont connus,
mais ils ont oublié le nom de qui les connaît.
La jeunesse est leur oiseau inquiet, et des ombres plus claires
que la lumière
les traversent de temps à autre
car les eaux ne sont pas plus changeantes sous les cieux
ni les pierres sous les rapides.
Les yeux peuvent être fixes avec ce regard athénien
qui répond avec calme à la terreur, ou rapides
étant tout entiers sous le charme. Presque toujours
les yeux s’accrochent à une image
de quelqu’un parti récemment ou il y a longtemps
ou seulement espéré…
Les yeux ne sont pas chanceux.
Ils semblent désespérément enclins à s’attarder.
Ils font des additions qui ne donnent aucun résultat.
Il est très difficile de dire si leur ombre est pire que leur lumière,
leurs découvertes meilleures ou pires que de ne pas savoir.
Mais ils sont les derniers à s’en aller
et leur départ survient toujours quand ils sont levés.
FRÊLE COMME L’OMBRE D’UNE FEUILLE
Frêle comme l’ombre d’une feuille il s’estompe
et tu t’estompes quand tu le touches.
Et comme tu t’estompes, l’après-midi
s’estompe avec toi, fraîche et trouble.
Un mur se dresse entre aucun espace,
division aussi mince que l’ombre,
ses paupières se ferment sur tes yeux
d’un vif-argent qui le décontenance.
Puis doucement tu dis son nom
comme si son nom sur ta langue
pouvait dresser un mur contre l’ombre
s’amoncelant où il s’estompe.
Parfois ces frontières entre les deux
peuvent sembler ne plus exister,
mais pourquoi, alors, le souffle court
et le corps d’argent de se tortiller,
pourquoi un nom qu’on murmure
comme pour demander : Est-ce vrai ?
reste sans réponse tant que le sommeil
ne te libère de sa prise cruelle.
ASSIÉGÉ
Je construis un pilier titubant de mon sang
pour qu’il se tienne droit quand je descends la rue.
La chose est liquide, elle s’écoulera d’autant
plus rapidement si la colline est pentue.
Combien font des bonds périlleux ces fontaines
près desquelles je suis un voyageur téméraire !
Dans de maternelles ténèbres, Seigneur, je Te prie
garde ces sources qu’un doigt de soleil tarirait.
Est-ce l’écume subite qui fait du monde un globe,
une image jaillissant d’un ruisseau pourpré.
Mais que le cristal se brise, elle aurait alors
une qualité intemporelle, mais pas le rêve.
Il arrive que je sente l’île de moi-même
un mercure argenté qui glisse et court,
tournant en lui des miroirs qui se démènent
sous la pression d’un million de pouces.
Puis il faut cette nuit que je parte en quête d’un
inconnu hier que le voyant je reconnais,
dont le contact, expédient ou miracle,
me met la panique et coupe mon envolée.
Avant que le jour se lève je remonte la rue,
accompagné, jusqu’à un lieu berceur au-dessus.
Voilà que mes veines dans des cabanes pourpres
gardent les sauvages et sots passagers de l’amour.
Tout n’est pas perdu, disent-ils, tout n’est pas perdu,
mais avec le surprenant savoir des aveugles
leurs doigts flanchent de sentir un si fragile mur
supporter le siège de tout ce qui n’est pas moi !
LA VILLE DOUCE
I
Vers l’est la ville avec à peine un murmure
se change en doux crépuscule,
ses lumières se troublent,
les délicats minarets sont inégaux
comme si l’émollient crépuscule avait commencé
à les dissoudre…
Et les douces soupapes à air,
leurs douces poitrines montant descendant comme osmondes sous
l’eau
réagissant à la douceur d’une impalpable pression,
changent avec la ville, elles aussi.
Les pétales de tendresse en elles,
leurs tentatives pour sentir, sans tout à fait atteindre
mais toujours si doucement s’approchant et se retirant,
se retirant vers où leur étoile féminine se retire,
la planète qui tourne avec elles,
fidèlement toujours et en douceur…
II
Et si quelque chose n’est pas doux dans la ville,
tel qu’un cri trop dur à tenir pour une bouche douce,
Dieu lui met un doux arrêt.
S’inclinant invisiblement, Il souffle une narcose
sur le visage paniqué qui se lève pour Le supplier :
une parole aussi douce que morphine est la parole de Dieu,
posant Sa douce main sur la bouche de celui qui crie
avant qu’il ait le temps de rassembler ses forces pour crier.
C’est presque comme si aucun cri n’avait jamais été conçu…
Et, oui, par-dessus tout,
doux baldaquin sur doux baldaquin,
toile d’araignée sur douce, douce toile d’araignée,
gaze par-dessus gaze,
les mystères des grands cieux,
les grands et très doux cieux,
sont le plus doux de tout !
UNE COURONNE
POUR ALEXANDRA MOLOSTVOVA
à Maria Brit-Neva
Il est bon de se rappeler, de célébrer et de se rappeler,
comme nous pénétrions sous la voûte sombre de
Saint-Phillip,
portant ses roses au milieu de nous,
les cinq hommes grands et solennels
dans leur costume gris uni de la rue,
qui ont fait éclater les chants,
et la révérence des cierges…
Il est bon de se rappeler ces hommes grands et solennels
dans les costumes qu’ils portaient dans la rue,
leurs visages sans larmes mais solennels comme un départ
offrant leurs louanges comme nous portions ses roses au milieu
d’eux
et comme tout était froid avant que nous entrions,
et puis il a fait chaud, et la révérence des cierges…
Il est bon de se rappeler, de célébrer et de se rappeler,
le chant de son nom, Alexandra,
sa répétition et la solennité qu’il a,
ce nom, Alexandra
comme si sonnait une cloche de fer et continuait à sonner,
le nom majestueux d’Alexandra
et de nouveau, Alexandra…
Il est bon de se rappeler le froid de la voûte réchauffé
par l’entrée des roses
et la révérence des cierges et ces hommes grands et solennels
dans leur costume gris uni de la rue,
chantant son nom, Alexandra,
l’incantation de son nom, Alexandra…
Mais il est bon aussi pour vous d’oublier,
petite sœur, Maria,
de la laisser aller en paix et d’oublier,
avec entre ses mains cette couronne et la silencieuse croix blanche
de Russie,
lui disant adieu
et murmurant : Dors, Alexandra…
LE PAYS DES HARICOTS MAGIQUES
Tu sais comment les fous entrent dans une pièce,
trop effrontément,
leurs yeux explosant dans l’air comme des roses
venant d’espaces où nous ne sommes jamais entrés.
Ils sont toujours assistés par quelqu’un de petit et d’amical
qui se met entre leur monde effroyable et le nôtre
comme pour l’expliquer mais qui se borne à sourire,
mouette neigeuse qui plonge sur une épave.
Ils ne nous voient pas, ni aucun visiteur du dimanche
parmi les géraniums et les sièges en osier,
car ce sont des Jack qui grimpent au pays des haricots magiques,
un lieu plein de marteaux, avec un rayonnement extraordinaire
comparé à quoi manquent de lumière
les solariums vitrés où nous nous levons pour les accueillir.
Les nouvelles que nous leur apportons, banales, rassurantes,
trempées de la joyeuse idiotie de midi,
ne peuvent rivaliser avec ce qu’ils ont à dire
de ce qu’ils ont vu par les fentes du four de l’ogre.
Et nous nous retirons. Le neigeux quelqu’un dit :
Ne faites pas attention, ils sont dérangés aujourd’hui !
VIEUX AVEC CANNE
Les vieux quand ils se promènent
communiquent à distance,
leurs cannes claquant le sol ferré de l’hiver,
un, deux, répondant trois,
aussi irrégulier que le pouls sénile
qui les réchauffe un peu.
Tirées de la pochette qui pend
tel un testicule fané à leur taille ceinturée,
des perles sans lustre passent sans passion de l’un à l’autre ;
les pierres ternes mais tenaces de la haine
sont entre eux trafiquées en douce.
Et la jeunesse avec honte
s’écarte de qui l’aime,
baisse les yeux et couvre
le lustre de sa nudité,
tousse et ne peut rendre le regard bien-aimé.
Les anciens, les anciens se promènent
sans but dans un paysage terne.
La lune est un faucon, à capuche ;
il va geler. Il va vraiment geler,
quand la cloche du lieu retentira
seules des cannes fanées claqueront sur le triste sol ferré de l’hiver.
LA DESCENTE D’ORPHÉE
I
On dit que l’or du royaume d’en bas pèse si lourd
que les têtes ne peuvent se redresser sous le poids de leur
couronne,
ni les mains chargées de joyaux,
les bras couverts de bracelets n’ont la force de faire un signe.
Comment une fille avec un pied blessé pourrait-elle s’y déplacer ?
On dit que l’air de ce royaume est si chargé de suffocante
poussière de rubis,
antique poussière du frottement des joyaux sur le métal, peu
à peu, sans fin,
un poids impossible à soulever…
Comment un coquillage aux liens frissonnants pourrait-il
le franchir ?
On dit qu’il n’y existe aucune lumière, mais que de temps
à autre
survient une convulsion angoissée de l’ombre dans moins
d’ombre,
laissant voir un instant, confusément,
l’éternelle session de la cour, presque immobile,
les courtisans écrasés sous le poids d’or de leurs robes,
les dames ne pouvant respirer sous le poids de leurs guirlandes
de roses rouge sang,
le poids de leurs paupières leur permettant à peine de les ouvrir.
Orphée, comment son pied blessé pourrait-il avancer ?
II
Il est bon de se souvenir des merveilles que tu as accomplies
dans le royaume d’en haut,
le gouffre et la forêt dotés d’une voix sensible,
le cours de la rivière modifié comme un bras change pliant
le coude,
les instants prolongés par la douce vibration d’une corde que
presse un doigt…
Mais ce n’étaient que merveilles naturelles comparées à ce que
tu tentes dans le royaume d’en bas
et qui ne se réalisera pas,
non, qui ne se réalisera pas,
car tu dois apprendre, même toi, ce que nous avons appris,
qu’il est des choses destinées par leur nature à ne pas
se réaliser,
mais seulement à être désirées et poursuivies un temps puis
abandonnées.
Tu dois apprendre, même toi, ce que nous avons appris,
la passion qui existe en ce monde pour le déclin,
l’impulsion à tomber qui succède au jaillissement de la fontaine.
Rampe à présent, Orphée, ô fugitif à l’air honteux, rampe
à reculons sous le mur réduit en miettes de toi,
car tu n’es pas les étoiles dans le ciel en forme de lyre,
mais la poussière de ceux qu’ont démembrés les Furies !
POULS
Les larmes qui passent, devenant
notre domaine,
le conseiller bien intentionné
elles attendent, attendent !
L’opacité qui s’est glissée
sur l’œil,
la bouche chaude, arche de désir,
asséchée par le sel,
la langue enracinée qui a imité
la libre alouette,
la névrose lasse qui
pourtant ne s’arrête,
et moi, et toi,
et tous les hommes renards,
tous les hommes pourchassés,
et seulement pour un instant,
de temps à autre,
la rencontre féroce devant
le portail brisé,
la lampe qu’on se passe en vitesse
de la main à la main,
le soupir haletant et
le contact, l’étincelle,
l’élan qui, en un battement de pouls,
laisse la main
bondir comme un poisson hors du filet
en bataille de la nuit !
LAMENTO POUR LES PAPILLONS DE NUIT
Une plaie a frappé les papillons de nuit, ils agonisent,
leurs corps tels des flocons de bronze gisant sur les tapis.
Les ennemis du délicat partout
ont soufflé dans l’air une brume pestilentielle.
Lamento pour les papillons veloutés, car ils étaient charmants.
Leurs tendres pensées souvent, car ils pensaient à moi,
apaisaient les névroses qui hantent le jour.
Un mal invisible les a emportés à présent.
Je tourne dans les pièces sombres, ne peux rester calme,
je dois trouver où le traître assassin se cache.
Fébrilement je cherche et toujours ils tombent
aussi fragiles que cendres se brisant contre un mur.
À présent que cette plaie a emporté les papillons de nuit,
qui sera plus frais que des rideaux contre le jour,
qui viendra assez tôt apaiser doucement mon sort
quand je tourne dans les pièces sombres le cœur tourmenté ?
Donne-leur, ô mère des papillons de nuit et des hommes,
la force de revenir dans ce monde trop lourd,
car délicats étaient les papillons de nuit et très recherchés
ici dans un monde hanté par des bataillons d’ennui mammouth !
LES ANGES DE LA FRUCTIFICATION
Là au centre,
solidement plantés et subissant passivement une dernière inspection,
attendaient les cinq anges nus de la fructification.
Leurs ventres terreux,
lourds de ruisseaux, bleuets, fluctuantes masses de petits nuages,
avec d’invisibles cloches et des câbles trop rusés pour être mesurés,
et des creux et des poches pour les adapter au plaisir sexuel,
tournaient et tournaient d’une lisse et habile précision.
Un singulier silence, car lèvres mortes ne jouent du clairon,
accompagnait ce préliminaire d’une demi-heure.
(C’était un lieu où la violence récupérait les déchets,
où nulle catastrophe ne pouvait interrompre un programme.)
Le Lieutenant inquiet se tenait à l’endroit marqué d’un X.
Le Lieutenant inquiet a remarqué : l’Ennui avec tout
notre progrès technologique, c’est que
le créateur n’est plus maître.
Il observait avec un intérêt muet,
éprouvant une aigre jalousie tandis que des inspecteurs stupides
faisaient confiance à leurs doigts, palpaient les flancs,
les fesses tièdes et caoutchouteuses, les poitrines
dont les tétons secrétaient une goutte sucrée de moisissure
et les reins dont les plis révéleraient la vigueur
dans un moment, une fois la revue terminée.
Il hochait la tête comme ces idiots tamponnaient bon pour
le service
au bas du dos de chacun des anges, et les poussaient
sur le ruban convoyeur à l’arrêt.
L’Entrée de l’Azur,
camouflée à la perfection, s’est ouverte sans bruit
et les anges d’entamer leur progression, leur marche vers
la naissance
sous l’arche touchant terre d’un arc-en-ciel.
Chacun d’eux en a fait
sa splendeur personnelle
comme il apparaissait
dans la paix de l’éther.
De son vaste ombilic des oiseaux
se détachaient, des torrents d’hirondelles,
des oiseaux de mai jaunes comme le beurre –
et chacun beurrait sereinement ses joues bouffies
avec un sourire d’enfant,
chacun ouvrait ses paumes roses potelées sur du papier de soie
rose,
cannelé et festonné en dentelle,
pour des casquettes et tabliers, un manuel de français
dans la poche,
et des cœurs rouge cannelle pour adoucir le bout palpitant
de leur langue.
Une seule chose
aurait pu éveiller le soupçon.
Le dernier dans la rangée
brillait plus que les autres, et alors que ceux-ci ronronnaient
comme d’innocents et monstrueux chatons,
lui, tel un serpent, sifflait et bavait une salive bleue.
Et pourtant, ostensiblement,
la descente a été triomphante.
Des trompettes ont annoncé l’approche de la noce.
Le plateau neigeux
des Andes s’est montré bien plus proche ;
les brûlants Himalaya ont jeté haut leurs ventres,
rêvant de plonger dans le rafraîchissant brouillard des cieux.
Encore obscurcis par de brillantes exhalaisons
les anges de la fructification avaient alors commencé
à rencontrer le tumescent phallus du soleil.
Les roues de la terre chantaient de vastes Alléluia !
Et les sept océans écumants beuglaient Oh !
L’INTÉRIEUR DE LA POCHE
Il ne te sera pas nécessaire de chercher très loin le garçon.
Tu le trouveras sans doute près de l’endroit où tu l’as vu la
dernière fois,
ayant peu changé d’attitude, la main gauche sortie
de la poche plutôt austère de sa veste bleue,
à présent enfoncée dans la poche plus sociable de son pantalon
gris
de façon que le tissu satiné soit tendu
sur la tendre cuisse plutôt étonnamment sculptée…
Sa poche est aussi obscure que la chambre où il a envie de
dormir ;
obscure comme l’occultation d’une chose plus profonde que le
sentiment,
mais la chaude main blanche du garçon est refermée dedans
trahissant une tension que ses yeux ont refusé de trahir,
car ses yeux ne l’ont pas trahi. Ils sont un peu plus doux que
bleus,
ils se logent dans l’après-midi qui pâlit autour de lui, prenant sa
couleur,
ils pâlissent avec sa couleur comme des morceaux de ciel ou
d’eau…
Ils montrent quelle nudité il y a quand une chose est vraiment nue,
et que par son absolue exposition elle est cachée,
quand rien n’étant dissimulé fait que rien n’est vu…
Mais tandis que tu l’observes à une distance respectueuse,
comme s’il était une expérience dans une éprouvette, tenue sur
une flamme,
sur le point de changer, s’obscurcir ou s’ennuager,
un mouvement a lieu sous le couvert obscur de la poche :
les chauds doigts blancs s’ouvrent, ils se dénouent et
s’étirent
légèrement de côté, pour offrir un nouveau signe d’assurance
à cette part de lui, découragée, dont dépend
la chambre obscure où il a envie de dormir,
à la façon des petits animaux qui la nuit se poussent l’un l’autre
comme pour chuchoter : Nous sommes ensemble ! Aucun danger !
CEUX QUI IGNORENT
LE MOMENT DE PARTIR
I
Ceux qui ignorent le moment de partir sont les explorateurs les
plus vaillants,
entrant dans un pays où personne n’est censé entrer,
le temps venant qui n’est pas censé venir.
Dans l’hiver des villes
le signe du poisson tracé à la craie, gueule ouverte sur un énorme
cri muet
de suffocation
brûle sur leurs lits de fer-blanc et peu à peu s’éclaire
jetant sur eux une violente lumière
Vers le matin, souvent,
un changement se produit dans la chimie de leur sang,
un blanchiment se produit ;
des saillies d’os sont marquées à la craie : à briser.
Des instruments émoussés tailladent
leurs cavités abdominales, marquées : à garnir
de sciure brûlante avant le matin.
Souvent, dans de nombreux box,
dans la solitude d’immenses dortoirs, des pas fantômes
approchent d’eux.
La sœur de Rimbaud,
tel un oiseau blanc, aveuglé de neige, erre parmi la multitude
des insomniaques
portant une chaude tasse d’infusion aux graines de pavot,
se précipite, à bout de souffle et s’agenouille
pour les implorer une fois encore d’accepter l’absolution et de
se laisser doucement envelopper
dans la robe bleue de Marie.
Des cloches aux clochers,
des vols d’oiseaux,
adoucissent même une ville aussi féroce que Marseille, et le
sentiment
est l’ivresse de la pitié…
Souvent, vers le matin,
leur respiration s’accélère. Des violettes s’échangent
entre leurs yeux ouverts et les plis de leur literie
en désordre.
Les volets tirés
diffusent dans les rues veillant tard
un lustre plus doux que les perles d’une mère.
II
Ceux qui continuent en des temps non censés les admettre
sont les explorateurs les plus vaillants,
se tordant en crabe sur le ventre sous des frontières quadrillées
de barbelés,
toujours plus haut, dans un pays plus à bout de souffle,
sur de vastes plateaux enneigés.
Des avortons aux chiens féroces se ruent sur eux, tirant en l’air
pour les arrêter.
Sous la couronne de lumière faussement apitoyée avant l’aube
dans le haut pays,
ils se dressent avec la rigide fierté du désespoir
pour tendre sans illusion de faux papiers, des photos de passeport
auxquelles
ils ne ressemblent plus,
et on leur dit d’aller, poursuivre étant leur gloire…
*
* *
L’été ils n’ont plus de numéro à leur porte et leur lit devient
double
offrant plus de place à moins de sommeil.
Comme d’ivres compagnons de lit,
ils restent incomparablement passifs et sans réaction.
Tu croirais qu’ils dorment jusqu’à ce que,
sans se retourner pour te parler,
ils te disent de partir, aussi doucement et simplement qu’ils
t’avaient dit d’entrer.
(Des habitudes,
jamais abandonnées,
tiennent ta jeunesse entre des doigts si fins qu’ils tremblent !)
III
Longtemps, plus longtemps que tout autre, tu sais qu’ils gardent
le même numéro de téléphone
et répondront, si on les appelle,
avec des voix lointaines de coquillage qui vont et viennent, aussi
distantes
que si elles étaient restées seules et impassibles
dans le torrent qui t’emporte plus loin d’eux que loin ;
comme si, même
ils te donnaient leur douce réponse depuis ce coin de rue soufflant
l’automne
où tu les as vus la dernière fois,
encore emmitouflés peut-être
dans cette inusable capote de l’armée, si bizarrement parsemée
d’indélébiles taches bleu pâle
comme si le Compagnon du Destin, que vous vous êtes partagé
tant de fois,
en une de ses brèves, jubilantes explosions
suscitées par le choc des fermetures de bars et l’expulsion brutale
dans la rue soufflant la mer,
avait une fois jeté une poignée de violettes sur leur doux ventre
malade, si violemment,
que les taches de ce tendre outrage sont encore là.
La conversation ?
N’est pas ce que tu espérais.
Pleine de longues pauses, comme s’ils se couvraient la bouche,
de temps en temps,
pour chuchoter de côté à quelqu’un qui t’est inconnu dans la
pièce avec eux,
et à mi-chemin
la vérité se fait jour en toi, que celui que tu appelles n’est pas
du tout eux
ni rien d’eux,
mais le jeune que tu étais quant tu les as connus, participant
à leurs peines, et à eux fidèle.
À partir de ce moment
la conversation devient gauche, insupportable. Tu raccroches,
pour toujours !
— mais tout doux, toux doux, enveloppant d’un bandage la plaie
d’une blessure
que tu as compris être mortelle, la leur et la tienne…
Bien sûr, un été suivant,
un parmi ce nombre inépuisable d’étés suivants que le temps
de sa manche de geisha déroule en une languide succession,
tu passes par hasard en taxi près d’où
ils vivaient autrefois, et, oh ! merveille
des merveilles les plus improbables,
— la façade de brique de leur appartement avec eau froide
s’en est allée comme la tente d’un Arabe,
et à sa place,
s’élève à présent des plus tranquillement
une de ces hautes, hautes constructions de verre et d’acier mince
comme flèche
qui clame si haut la splendeur du ciel à chaque belle aurore,
étant elle-même presque un ciel, quasiment ce qu’il a de plus léger,
et tu penses : Sûrement quelque part
dans une langue plus rare que le sanskrit,
sur ce beau monolithe élevé à la gloire et place de leur
passion,
doivent être gravés :
leurs noms et dates de naissance, avant le net mais bref trait
effrayé
disant : Toujours pas partis !
PHOTOGRAPHIE ET PERLES
Quand je pense à la façon dont la lumière le touche,
pas plus flatteusement sur la photographie posée sur la cheminée
de sa mère
que je ne l’ai vu sur son visage vivant
sous la verrière de la piscine et du gymnase où je l’ai rencontré,
je crois presque, un instant, à sa vie bien ordonnée
qui autrefois a croisé la mienne, perpendiculairement.
Je me surprends, une demi-seconde, à être persuadé
qu’il aurait été somme toute plus satisfaisant,
au final, de ne pas s’être arraché avec une colère si rustre
aux fibres grossières de l’expérience
mais d’avoir accepté, comme il l’a fait,
la colonie pacifiée des perles d’une mère,
avec sa simplicité et son décorum,
à moitié seulement dans un monde où le cœur explose par moments
avec des exigences outrancières…
Mais sa mère est alors revenue avec la toute dernière de ses
lettres,
transmise par la Navy, longue de sept pages,
envoyée depuis l’une de ces îles où Gauguin est mort en peignant
ces images formalisées, purifiées du désir qui le terrassait.
Et j’en viens à me demander, sous l’effet de mon attention polie,
si quelqu’un, à demi ou entièrement dévêtu, la peau dorée ou
brune,
a jamais dérangé le moins du monde
la colonie de perles de son élégante mère, à me demander
si possiblement quelque part, habilement insinué entre les lignes
des sept longues pages
peut se trouver la moitié d’une phrase qu’une mère n’aurait pu
entendre.
Mais il est cinq heures et demie, j’en ai plus qu’assez de sourire.
La lumière a la couleur de son encore
étroite tête blonde, presque trop péniblement nette dans mon
souvenir,
et je me lève, avec un sourire d’épuisement, pour dire au revoir
à sa mère.
CONSOLATEUR ET DÉNONCIATEUR
L’animal est le consolateur et le dénonciateur,
car il n’a jamais complètement coupé avec le royaume de l’obscur,
ce perpétuel contraire de l’état dans lequel on vit.
Il a conservé cette ombre comme une part de lui-même,
il la porte en lui avec satisfaction et confiance,
sans regarder en arrière, sachant qu’elle est là.
La lumière volée de ton foyer, ce cercle clair où tu te tapis,
il s’en méfie et s’en écarte,
croyant qu’il faut préserver
un mystère incontesté des dieux.
Mais ses désirs sont encore si familiers que tu
les prends pour les tiens, et t’y soumets sans cesse, sans réfléchir,
n’étant qu’un peu déconcerté, de temps à autre,
par la découverte inopinée
qu’ils ne sont plus à ce point les tiens
que leur satisfaction apaise entièrement ton cœur,
ni tellement les tiens que ses yeux phosphorescents la nuit
sont ceux avec lesquels tu affronteras chaque jour
l’insipide assurance que l’existence continue
pour ceux de ta sorte. Mais l’animal est
Ton consolateur autant que ton dénonciateur.
Puisqu’il attend fidèlement que tu lui reviennes
quand tu n’as rien d’autre à quoi revenir.
Quand tu reviendras à lui
(attendant un peu en dehors de la lumière du foyer
qu’il a toujours craint),
il léchera le creux sensible et palpitant de ta gorge
jusqu’à ce que tu n’aies plus mal,
il léchera le bout de tes doigts de sa lente langue sachant
comment te consoler,
Tandis que derrière lui, de l’autre côté de son flanc trompeusement
protecteur, vite haletant mais facilement traître et tiède
se trouve ton naturel destructeur qu’il a toujours su être là,
l’obscur qu’il a apporté avec lui. Fais confiance
à ce dénonciateur. Il est ta seule consolation.
Le belvédère d’été
LE BELVÉDÈRE D’ÉTÉ
I
Des blessures si glacées sont portées par les citadins
sous leurs manteaux kaki enveloppant des membres atrophiés !
Je ne veux rien savoir des mutilations
ni assister le soir à l’interminable débarquement
de cargaisons tièdes et liquides aux emballages en lambeaux
que des navires charitables ramènent de la guerre.
Nous vivons sur des falaises au-dessus d’eaux si gémissantes !
Nos yeux s’étoilent à la vue des villes en flamme,
nos tympans fracassés par le canon.
Une explosion de mourants,
un tonnerre de gens qui ne peuvent reprendre souffle
est pris dans le mortier et coulé dans les murs.
Et moi, que terrorise toute chose corrodée,
les robinets grinçants, les conduits qui peinent à couler,
je n’ai pas envie de connaître les chairs putréfiées,
les cellules qui se mettent à fleurir prodigieusement.
Il est une heure où les maladies représenteront
plus que l’occasion de pleurer quelque vague parent.
Mais toujours le guetteur dans mon pays sourd
s’acquitte des devoirs pendulaires du cœur,
sans chercher de raison il monte une garde fidèle
comme je le fais du haut de ce belvédère !
Et bien qu’aucun nid d’aigle ne soit tout à fait sacré pour le vent
un mur de branchages peut construire une sorte d’été.
II
J’ai demandé à mon meilleur ami de veiller sur mon sommeil.
Je lui ai dit : Donne-moi le buisson immobile de l’été,
le cul-de-sac velouté, et fais taire le tambourineur.
Je lui ai dit : Effleure mon front avec une plume,
pas une plume d’aigle, ni de moineau,
mais avec la plume ténébreuse d’un hibou.
Je lui ai dit : Viens à moi vêtu d’une cape et d’une capuche,
avec une chandelle dont la flamme est tranquille.
Notre belvédère domine une colline couverte de ronces.
Je lui ai dit : Donne-moi le frais noyau blanc de l’été,
son extrémité hors du vent, et calme le tambourineur !
Je lui ai dit : Raconte au tambourineur
que les rebelles ont traversé la rivière, qu’ils sont tous partis
à part John qui a brisé sa baguette et Peg le simple d’esprit
qui tirait des boulettes en papier à la lune depuis le belvédère.
Dis au fiévreux tambourineur qu’aucun d’eux n’est ici.
Mais s’il ne me croit pas ?…
Donne-lui des preuves !
Car il n’est de mensonge sans une part de vérité.
Et alors, avec cette sorte de courage qu’offre la fièvre,
le corps devenu des tiges qui fleurissent de flammes,
chaque flamme obscurcissant un instant ce qu’elle consume,
je me tordais et allongeais le cou pour voir dans la pièce en haut –
j’ai vu le visiteur, et l’ai reconnu
comme mon fantôme qui m’attendait.
Le belvédère était bleu.
III
J’ai dit à mon meilleur ami : Le temps est venu
de tenir ce qui s’agite pour le calmer.
Je lui ai dit : Pose tes mains jointes sur le tambour.
Ne permets aucune sorte de dérangement soudain ni violent
mais déplace-toi sans cesse, montant la garde
avec des doigts au toucher narcotique, effleurant les murs
pour apaiser leur tremblement,
couvrant de tes manches les miroirs hostiles
et faisant une coupe de tes mains pour souffler sur le verre.
Au bout d’un moment l’anxiété passera.
Le temps est venu, ai-je dit, d’une purification.
Efface les inscriptions obscènes sur les murs,
retire les noms des prisonniers et les malédictions,
car l’absence de foi a laissé ici des impuretés,
et murmure ta foi dans le belvédère d’été.
Ramène du ciel les cerfs-volants de l’hystérie,
ces poissons lutteurs ramène-les de leur bassin haletant,
et murmure des assurances fraîches
aux angles qui guettent, murmure le sommeil, le sommeil
à chaque marche, jusqu’en haut de l’escalier,
sur le belvédère, oui, tout là-haut, où riant sottement John
se tenait dans la pelure d’oignon de l’adolescence
pour tirer des boulettes à la lune depuis le promenoir du capitaine.
Et puis, à la fin, dit-il, que devrai-je faire ?
La plus douce des trahisons, ai-je répondu. Penche-toi vers mon
oreille attentive
et chuchote-moi le mot très long,
le plus long de tous les mots,
celui qui sépare le ciel du belvédère.
CORTÈGE
I
Froid, froid, froid
était le sang impitoyable de ton père.
Au halo de sa respiration
ta mère l’a reconnu ;
en janvier elle l’a reconnu,
effrayée de le reconnaître.
Sa respiration l’hiver
a rendu impossible qu’elle pleure,
a vitrifié l’air dans la cuisine,
émoussé le couteau,
couvert de glace le pot de lait,
ranci le beurre,
enfiévré tous les objets métalliques,
elle en avait la gorge nouée,
rendant impossible qu’elle parle.
Elle l’a dépassé et s’est faufilée
en bas de l’escalier,
répugnant à toucher
la poignée de porte qu’il avait serrée,
détestant la serviette
dont il s’était servi à table.
Les enfants ont avalé leur repas
et filé jouer dehors dans l’hiver.
La marelle les a entraînés
à plusieurs rues de leur père.
Nulle part n’était tranquille,
à chaque coin de rue sur ses gardes.
Le salon était aussi insupportable que la cave,
le grenier encombré de paperasses juridiques,
des témoignages à des procès
garnissaient les oreillers,
l’aube était judiciaire
et midi effectuait les saisies.
Le soir se voûtait
et bonimentait sur le toit comme un jury.
II
La maison de l’avocat
était toujours au pays de la mort.
Une mort venait.
Le prêtre savait qu’elle venait.
Le linceul était taillé
avant que le docteur soit appelé.
L’hiver faisait souffrir
les articulations des couturières.
Ta mère le savait.
Un savoir familier sans amour
flétrissait son cœur en fuite
et lui donnait la fièvre.
L’arthrite lui tordait les doigts.
Des roses vives
revêtaient son visage pâli par la mort,
la parure empruntée à un cousin riche…
*
* *
Le cortège funèbre,
dans le quartier financier,
parmi les images
enfantines du parc
et dans les rêves de banlieue
du brasseur et du banquier,
a emporté avec pompe
une femme morte lundi.
La croupe et les naseaux
des chevaux fumaient et se givraient.
Un brouillard flottait sur
la bienséance des endeuillés,
mais le whisky encouragerait
aux sentiments de circonstances
et porterait jusque dans la mort
l’hommage des associés.
La respiration de ton père
a rendu impossible que tu pleures.
Tu en avais la gorge nouée,
elle a gelé sur tes paupières.
Et ce matin –
précocement – à jamais –
tu as perdu tes croyances
en tout sauf en la perte,
tu n’as prêté foi qu’au doute
et commencé même,
comme si promis depuis toujours,
à former dans ton cœur
le cortège de futures trahisons –
les actes sans amour
d’une brute et banale connaissance.
L’HOMME DE LA RUE
Je suis allé à la maison de l’homme de la rue,
j’y ai trouvé sa compagne.
Je lui ai demandé : Où est l’homme de la rue ?
Elle a dit : L’air libre est son chez-soi.
Je lui ai demandé : À quoi ressemble-t-il ?
Elle a dit : Aucune femme ne sait.
Il pleurnichait un peu quand
sous mes draps il s’est glissé.
Il s’est couché sur moi tel un oiseau,
dit-elle avec un brin de dérision.
Bon, dans l’empressement de ses ailes
à peine s’il a prononcé mon nom !
Et lorsqu’il est parti, étiez-vous triste ?
Oh non, à peine si j’en ai eu conscience…
Elle s’est levée, est allée à la fenêtre,
indolente et immense…
Puis tout à coup, son corps s’est brisé
comme une pierre, en deux parties,
et quand l’oiseau sauvage s’est échappé :
C’est l’homme de la rue, a-t-elle gémi.
PART D’UN HÉROS
Je suppose qu’il ne sera plus longtemps capable de faire de tels
feux,
une part de lui-même doit brûler comme l’allumette qui les
enflamme,
je continue pourtant à le voir chaque matin
qui ramasse du bois sec pour sa petite conflagration.
Quand c’est allumé, il s’accroupit devant et frissonne,
fredonnant une seule petite note qui va et vient
comme s’il décrivait les grands cercles irréguliers d’un chant de deuil
émis par un singe frissonnant, un singe
non pas des tropiques mais des pôles…
Pourtant on dirait qu’il suppose le pauvre Tom enrhumé,
ou qu’une chose qu’il a jadis pris pour divine dans son cœur
n’a que lui pour la réchauffer, une obligation trop sacrée
pour être ignorée de lui, et ainsi chaque matin
il se faufile dehors une fois de plus pour ramasser puis allumer
ce ridicule amas de débris
avec autant de sérieux que Dieu doit en avoir eu pour créer le soleil.
Chaque brasier risque de lui être fatal, d’être son autodafé,
mais s’il est conscient de ce danger,
ça ne semble pas le perturber, ne réussit aucunement
à le dissuader,
et quand viendra ce moment particulier, la dernière heure,
je pense qu’on devrait honorer convenablement son départ
d’une cérémonie modeste mais digne. Je ne pense pas
qu’il restera grand-chose à distribuer,
une poignée de poussière, bleuâtre et très sombre,
une lueur sur la paume comme la chute d’un moineau.
Pourtant, quand il partira, que le vent aux panaches de sable l’enlèvera
avec ce bruit mécanique pleureur dans le mouvement de l’air,
je me ferai cette remarque : Il est allé plus loin que nous.
Je pourrais même ressentir un peu de son exaltation.
Et quoique je ne puisse du tout comprendre pour quelle
raison
il a fait ce choix, ou a pensé qu’il devait le faire,
il sera aussi clair que n’importe quel de ses matins perdus
qu’il possédait une part essentielle du héros,
l’idée que vivre est se soumettre sans retenue à
la flamme.
DESCENTE
C’est une colline raide que tu descendais, m’appelant derrière,
disant que tu n’y serais qu’un court instant.
J’ai attendu plus longtemps que ça.
L’herbe au sang fluide de la colline a continué à remuer dans
le vent
et le vent a fraîchi.
J’ai regardé l’autre versant de la profonde vallée.
J’ai vu que le soleil était jaune citron au-dessus des pins noirs,
mais ailleurs des nappes d’ombre froide comme des taches sur
l’eau sombre
grimpaient peu à peu la colline tandis que le soleil pâlissait.
J’ai attendu longtemps. Mais finalement je me suis levé de l’herbe
et j’ai repris le sentier par lequel nous étions venus,
notant, ici et là, les empreintes de tes pieds à la montée, étroites
et légères.
BOÎTES D’OMBRE
Les crânes des vieilles dames
sont des boîtes d’ombre pliantes
contenant Louise et Cornelius et Esméralda,
certains aussi inconsistants
que mouches mortes se dissolvant dans l’eau,
mais d’autres encore vivaces,
la mort plus fraîche sur eux,
exposant leurs blessures, et se plaignant :
Vous n’avez eu aucune pitié !
Les cœurs des vieilles dames
sont de cyniques imitations de chair vivante,
des dispositifs qui peuvent
sans aucun signe préalable,
à l’instant précis où l’on se lève ou va se coucher
ou monte les marches de la véranda ou trempe dans son bain,
renoncer à la vraisemblance,
évinçant Louise et Cornelius et Esméralda,
rejetant tout pensionnaire grincheux ne payant pas hors
de la confortable et tiède
matrice aqueuse de l’amour qui complote une dissolution –
se projetant,
ainsi que ces ombres d’anciens combattants,
sur un écran
qui se retire toujours plus loin,
un écran dans les profondeurs
d’un théâtre empli de fumée –
jusqu’à ce que le cinéma s’arrête.
SUGGESTIONS
Je ne crois pas devoir me montrer en public
au-dessous des épaules.
Sous les clavicules
je suis déjà enveloppé de bandages.
Je n’ai pas encore reçu de blessures graves
mais je m’attends à plusieurs.
Un rai de lumière me fait penser à des lances d’acier ;
mon ventre tremble et mes reins se contractent.
Un bandage appliqué d’avance n’empêche rien.
La blessure se produit sans entailler le bandage,
mystérieusement, la nuit, pendant que dort la victime
paralysée.
Ils doivent alors admettre, oh oui, qu’il avait raison ;
apparemment ses angoisses étaient fondées !
Ses yeux roulant au-dessus du drap livide, il essaie de parler.
Ses yeux sont si douloureux, deux rimes éculées,
deux pitoyables petits grelots sur un thème épique…
Je saisis le bloc-notes blanc :
Ils vont revenir !
Ils vont revenir et je ne serai pas prêt !
Oh oui, je sais que vous laisserez la veilleuse allumée,
les pilules contrefaites, tel un lapin de porcelaine en morceaux
et sur la bouteille le mot éternel inscrit par le docteur.
Mais j’ai aussi observé son clin d’œil complice et sa grimace
lorsqu’il a entendu dans son tube en caoutchouc la mort rugir
dans mes veines…
Seule après minuit dans une maison venteuse
une vieille poétesse
depuis vingt ans passée de mode,
désemparée parmi les débris de romantiques rodomontades,
a porté en bas son habituelle coquille d’escargot, sa bouteille,
son bloc-notes,
s’est assise, a attendu, a écouté
en vieille fille le visiteur qui une fois encore ne viendra pas…
J’aurais été moins seul si, remontant,
elle n’avait posé avec précaution la bouteille de vin près d’elle
sur une marche basse avant de mourir…
Sous la haute éternité chantante de l’ombre,
la catin Du Barry,
la mâle femme d’Arc,
le prêtre en flammes, Savonarole sur le bûcher,
tous les hôtes hérétiques d’un naturel indigné criaient fort
ou derrière le masque de fer du silence :
Attendez, attendez !
Le bleu est un si délicat morceau de papier.
LES PEINTRES DANGEREUX
I
Je lui ai parlé des galeries à l’étage,
de l’isolement doré dans le velours des peintres dangereux.
J’ai dit : S’ils laissaient leurs créations plongeantes
où elles ont jailli du chevalet, dans des pièces accessibles
à leurs sujets, des ateliers nus aux bouteilles brisées,
avec des préservatifs pendouillants et l’odeur rance
des matières chauffées par pression, ils emmagasineraient de quoi
alimenter l’indignation générale. Les doigts de corps déformés
se pointeraient vers eux, et il y aurait toujours
le cri de chèvre de « Frère ! »
Ce cri de « Frère ! »
est pire qu’« Au feu ! », il contient plus de danger.
Depuis des siècles il a été rayé de notre langage
sauf en privé, entre des murs insonorisés.
Ces peintures, j’ai dit, prouveraient l’excitation,
une chance pour ce cri féroce, intolérable, de surprendre
ceux qui l’ont oublié, car ce n’est que dans l’angoisse
qu’on peut se reconnaître ! Les tableaux seraient
une sorte de fourmilière, une ruche raciale
à double courant, ceux qui apportent et ceux qui emportent
les matières, la substance de la faim,
la matrice de l’humain désir qui lèche de flammes
les minces superstructures, le trompe-l’œil
érigés par opportunité.
Ils trouvent ça opportun
de conserver ces tableaux ici, comme pour dire :
Ce fou est mort sur un lit en brocart d’or,
sur des tissus d’or ce torrent de colère a coulé.
Il n’avait aucune raison, il a agi par caprice, sa volonté malade
lui a suggéré de s’automutiler. Et tous, tous, tous
n’ont éprouvé qu’un tendre chagrin devant ses dissipations !
Les femmes de ménage ont balayé les débris de sa vie.
J’ai raconté à mon ami l’histoire des transmutations,
le tableau suspendu entre la folie et le marchandage des galeristes,
ceux accrochés par la tuberculose au-dessus de la dérision ;
je lui ai dit combien les peintres devaient se faire
une religion de l’endurance qui exclut toute patience,
qui n’a que de la volonté et se méfie des calculs.
Et comment ils sont tamisés par les mailles du profit
dans ces galeries opulentes où des connaisseurs
leur accordent un joli bourdonnement de gentils télégrammes
avec l’approbation de femmes qui ne regardent que les miroirs.
C’est comme ça pour eux, ai-je dit. Veux-tu continuer ?
Le jeune homme a souri et dit : J’aimerais les rencontrer !
Je l’ai regardé : une jeunesse sans bouffissure,
cette sorte de pureté en lui qui coûte si peu,
qui arrive intacte à la naissance et n’a pas été altérée
par quelque événement anormal. J’ai hoché la tête.
Leur réputation posthume est bien meilleure.
Si je peux arranger une rencontre, tu seras déçu,
tu trouveras qu’ils louvoient, que leur haleine est désagréable,
leur poignée de main molle et moite. Leur réputation posthume
est bien, bien meilleure !
Mais certains, dit-il, sont mes contemporains !
Je me suis demandé à quel point je savais, jusqu’où parler
sans lui exhiber la photo de mon passeport.
J’ai fini par lui parler des peintres vivants.
Ces hommes, ai-je dit, sont à la fois tranquilles et dangereux.
Lorsqu’ils reçoivent quelqu’un, ils sont nerveux,
on remarque le verre à pied qui tremble dans leur main ;
leurs yeux évaluent la valeur de vos bijoux.
Comment les définir ? Aucune étiquette ne convient.
Par sécurité, ils en donnent : ils sourient et les affichent,
conscients que des panthères bondissent dans leurs nerfs.
Examinez leurs tableaux ! Des panthères sans cesse bondissent
hors du cadre, des tigres jaillissant tels des éclairs,
de longs chats bondissants, il y a toujours quelque chose qui jaillit,
mal tenu en laisse par les limites de la toile.
Il n’est pas sûr
que la toile les contiendra toujours, mieux vaut se méfier
des noms qu’ils leur donnent et plutôt regarder leur œuvre,
sachant qu’ils sont avides et que leurs femmes
sont mutilées par la colère. La clé est à chercher
dans l’air indigné que prennent leurs compagnes
ou la raideur des jeunes qu’ils mènent par d’invisibles chaînes
dans les lieux publics. Des tigres ! Tigres bondissants !
Leurs sujets sont des contrées sous le Tropique du Cancer !
Ils rendent leurs amis mauvais : je ne suis jamais à l’aise avec eux,
me sens toujours sur le point d’être volé, battu
ou moqué quand je les quitte.
Une fois j’ai été soûlé à mort
par une bande de cinq marchands. Les peintres observaient
mais aucun n’est intervenu.
L’un d’eux finalement
m’a transporté dans sa chambre. Il m’a soigné cinq jours,
un jour de réconfort par malfaiteur.
Mais le soir du cinquième marchand
il a cessé de sourire, la pitié a quitté ses mains,
il s’est mis à peindre.
Il n’était pas généreux, il était Dieu,
et je n’ai pu le supporter. J’ai dû m’en aller.
J’ai dit à mon jeune ami : Viens !
Les peintres ont laissé leurs toiles à l’étage,
reposant dans l’isolement des ors et du velours.
Ils sont allés dormir dans des lits fripés,
pour cracher leur tuberculose et sentir des tigres
courir les jungles sans limites de leurs nerfs.
Les révolutions n’ont besoin que de bons rêveurs.
La nuit ils partiront, se bouchant de leurs pouces les oreilles,
sentant l’imminence d’une explosion de rêves !
Est-ce cela que tu veux ?
Il a souri et dit : je suis venu pour cette unique raison !
II
Je l’ai prévenu qu’il n’en sortirait pas satisfait.
Lui ai dit qu’il n’en reviendrait nullement transformé,
car les blessures ne vous changent pas.
Je lui ai dit : Garde ce voile pâle sur ton visage
et sur tes paupières, cette charitable vapeur blanche.
Entoure-toi toujours de candeur, et reste à jamais intouché
sauf par le bleu des os sur tes rotules tendues, les vagues lunes
floues des aisselles et le mystère de l’aine
qui est sombre en imagination.
Ne touche pas,
l’ai-je supplié, la peau de chagrin ! Elle ne te lâchera plus.
Je lui ai dit : Elle ne vous lâche plus !
Et pourtant ses mains semblaient se pencher vers elle.
Je l’ai prévenu qu’il n’en voudrait plus quand il l’aurait,
qu’il l’aurait dans ses mains sans savoir
où la poser,
qu’il devrait la tenir, continuer à la tenir
longtemps, bien après qu’elle soit devenue un fardeau,
parce qu’elle serait trop douce pour la mettre de côté ;
que même s’il l’abandonnait un moment
pour se laver les mains dans la cuvette violette,
il la trouverait piétinant le sol quand il reviendrait
car des troupes de gens sont toujours attirées
par l’odeur du brûlé !
Finalement, faute d’autres arguments, je lui ai dit :
Regarde-moi !
C’est une chose que je n’avais jamais rêvé de faire.
Il me semblait être né en sachant que je devais me cacher
là où les autres consentent ou cherchent à être observés.
À présent, sans préparation, sans même un essai en privé,
je dois exposer
les chaudes chairs meurtries par-dessous
et lui indiquer
les délicates mutilations,
le maillage des veines
qu’a brisé une soudaine congestion,
où le sentiment a fait tournoyer
ces petites bobines obscures en moi !
À ce point les galeries doivent avoir explosé.
Une vaste ventilation des murs laissait entrer le bleu,
aussi faible que la voix des blessés, les ors et le velours
effondraient les étages ruinés jusqu’au sous-sol,
des oiseaux et des serpents vivisectaient les flammes !
Les tableaux se fissuraient comme murs de plâtre sous les bombes ;
les sujets libérés, désenchaînés par l’explosion des rêves,
déroulaient des spirales ou se balançaient à d’informes chandeliers ;
les peintres eux-mêmes faisaient leur apparition dans ce naufrage,
nus et laids comme des singes dans une mascarade,
leurs membres empêtrés dans les filets de Clytemnestre,
mais tenant au-dessus d’eux, à la pointe de leurs épées,
une myriade de têtes de belles femmes sans foi !
Le temps se fissurait et laissait entrer les véritables fleurs.
Je l’ai finalement aperçu le dos au mur,
ses poignets tournoyant dans l’air comme un boxeur paniqué.
À sept heures toutes les communications avaient sauté ;
la circulation, de retour des banlieues, a aussi trouvé bloquées
les rues du quartier marchand. L’opposition
était parquée près d’Union Plaza. J’ai quitté les lieux
comme les fontaines commençaient à jouer des torrents en fusion ;
tout n’était plus qu’incendie, un pur, insupportable incendie –
je me suis éloigné…
Pain noir de pitié, la vieille nurse donnait un dîner ;
elle le servait parmi une foule pétrifiée, silencieuse,
comme le soir tombait avec des cendres voletant, s’amoncelant,
partout des cendres voletaient.
Les gens épuisés, purifiés
s’accroupissaient sur le pavé, blottis contre des murs en ruine,
et remerciaient pour le calme,
remerciaient de respirer sans effort, à présent que le vent
avait commencé à rafraîchir la ville.
La ville dormait.
Les jockeys à Hialeah
Pour J.
LES JOCKEYS À HIALEAH
I
La nuit les rideaux tirés
sont bleu pâle au lieu de verts
et les bouches d’incendie crachent beaucoup d’eau verte,
culbute et brouhaha
à deux parfois dans un baquet,
avec des serviettes de lin blanches et des tissus blancs talqués
dans les cottages chaulés où les jockeys sont au paddock
à cinq par rang,
en vue et bruit de la gare de bus…
Et partout derrière la soie innocente des rideaux
dans les cottages carabinés, parfumés d’eau de Floride,
les crapauds consacrent des intervalles
aux bandes dessinées,
amortissant les chutes sur les fesses avec des projectiles cosmiques,
l’infâme domino dans les tiroirs à peau de léopard…
Mais qui écoute entend,
s’il est à l’affût et silencieux,
le cliquetis des filaments dans les ampoules électriques
se décalant subitement,
des Mazda 50 watts rendant l’âme, fermes et blanches.
Et après de longs intervalles – discussion,
exclamations feutrées !
Mais impossible de distinguer la surprise de l’indignation
j’me casse de ah bon ?
Une odeur d’oranges chaudes dans le quartier du Loop
à Chicago…
Le Loop, c’est ainsi que le corbeau vole
entre gloussements de gosses et cohabitation le cœur léger,
entre jam sessions et chambres au Blackstone
(où les ampoules se balancent aussi délicieusement
que toi,
quelque part entre les archidiacres et le Vaudou !)
Mais le tram d’Electric Avenue ne s’arrête pour PeeeeerSONNE !
– si on ne croit pas
qu’un nombre aux dés tombe deux fois de suite,
ou pense que Dieu ignorant le hasard Il gagne !
II
Le Sunshine Special t’a déposé sous des cieux de mouchoirs en
papier rose
que des ciseaux de petite fille découperont en sourires à belles
dents et yeux triangulaires.
Les morceaux coupés, enroulés au fil du téléphone, seront
exaspérément
balayés dans la précipitation des entrées.
Et tu t’arrêteras net, sortant de la station de chemin de fer
pensant avoir entendu qu’on t’appelait,
ce qui est une transmission de pensées, car –
le visage de ton amour est blanc comme plâtre !
Elle a pris du poison.
On a appelé les pompiers pour la ranimer.
Ses robes collectionnaient les taches de graisse après les salons
de thé,
et les photos de son frère
un marin entre des filles en pagne et collier de fleurs à Honolulu,
fleuris de ne-m’oublie-pas sur le bureau ivoire.
Son sent-bon vient de chez Liggett, en petits flacons, de la même
couleur
que ce que les Mexicains appellent refrescos y helados,
vendus entre les mises à mort de taureau le dimanche.
Elle meurt pareillement huit fois entre sol y sombra,
elle est traînée par un attelage de chevaux sur l’arène,
mais huit fois se relève et revient plonger de nouveau,
pour affronter tes banderillos avec des yeux injectés de sang.
Ses mains sont de glace et elle est passée te chercher deux fois !
Mais à cinq heures dans un après-midi bleu de Delft,
elle est hors de danger et tu es hors de Miami
avec tous les attrape-nigauds qu’il y a dans un pays d’abondance !
Ah, mais ton phonographe argenté,
qui parlait de tes pertes avant d’être perdu lui aussi,
qui pleurait sur tes malheurs avant d’être regretté lui aussi –
pend lourd, très lourd sur ta tête et ton cœur,
et qui rencontreras-tu sur San Juan de Latrene pour racheter ça ?
III
De toute façon nous nous sommes arrêtés dans un paradis de
crapauds,
un pin de Virginie et des draps propres sans la moindre question,
les radios aussi nombreuses que merles dans un pâté de roi !
Tout le temps quelque chose se poursuivait dans ces lieux –
écurie dans le salon,
belote sous la véranda derrière,
un bourdonnement et ferraillement suspects à l’étage,
que Daisy expliquait
comme une sorte de dispositif électrique
pour faire perdre leur mauvaise habitude aux chats trop curieux…
Mais croire au luxe n’est pas forcément ni même peut-être
manquer de dynamisme,
et quantité de bébés qui n’ont jamais été correctement sevrés du
service de chambre à l’hôtel Statler
peuvent encore faire chanter, ou produire des semblants de chants
magnifiques, les canaris des sommiers à ressorts,
étant branchés aussi bien pour émettre que pour recevoir
les courants de ce truc bleu
qui provient de la création,
les colombes d’Aphrodite ou la voiture de n’importe qui !
IV
Le soleil se rabiboche avec eux après une querelle idiote.
Sous le regard faux et obscène de poupées de magazines,
les méridiens en plein BOOM !
Coou-cooou !
Ramène tes fesses au petit-déjeuner !
La situation comprend un kimono coquelicot, ouvert par
intermittence pour rafraîchir
Bob –
mais davantage que tu ne le supposerais savent
l’arrangement faute-de-mieux…
Et le soir change les choses dans un lieu.
Quelqu’un cire ses chaussures avec un poli régulier.
Quelqu’un cherche dans la commode une chose
qui s’avère ne pas y être,
ou si elle y est, n’est pas de la bonne taille ou couleur,
ou se révèle à d’autres égards une surprise
désagréable.
Quelqu’un pense être plus vif que le copain plus grand d’un autre
et en avant !
ils finissent tous deux
dans le panier à salade !
Oui, le soir change les choses dans un lieu
un peu comme le poème d’un poivrot à sa blonde
lance – Garçon ! L’addition ! On s’en va…
Un sonnet aviné, trop profond pour être apprécié –
et ce lit, ÉNORME !
grand comme un camion de pompier, nous propulse
au sommeil,
accrochés les yeux absents à des échelles aux charnières de cuivre…
RECUERDO
I. Les Violettes exsangues
Et il s’est souvenu de la mort de sa grand-mère
dont les mains savaient tirer les rideaux blancs autour de lui
avant qu’il prenne l’Electric Avenue…
Les spectres de violence de l’enfance la laissaient pâle,
un mouvement de tissu parmi les hautes chambres ensoleillées.
Dieu n’avait pas ordonné, ni aucun de Ses ministres,
que le temps soit attrapé par le crochet flétri de son coude
ou qu’elle ne ferait pas
de mal aux oiseaux,
on avait pourtant fait appel à elle pour porter
une cage remplie d’hirondelles dans une mauvaise chambre d’amis
parce que ses mains
aux articulations arthritiques,
le bout des doigts engourdis par l’hiver,
n’auraient pu désentortiller
l’épingle à cheveux depuis longtemps
à la porte de la cage…
Mais les premières violettes printanières presque exsangues n’étaient
plus sur la machine à laver dans le sous-sol,
rendant clair
pourquoi une telle contagion de langueur,
rentrée avec la lessive,
faisait bâiller les visiteurs.
Expliquant peut-être aussi pourquoi de malicieux arrangements
du sommeil
ont mis dans son lit à lui de jeunes sorciers,
des êtres anonymes de sexe indéfini,
certains n’étant qu’un creux serré sur son
aine
et tirant, tirant,
la gelée de ses os et ne lui laissant plus,
finalement,
tendrement,
froidement –
que la mouillure initiale de l’Éros.
II. Épisode
Et puis les longues, longues écoles détrempantes de la pluie !
Ozzie, la bonne d’enfants noire,
se bagarre avec les stores,
une sorte de bataille poivrée
dont elle ressort plus mauvaise.
— Un éclair,
sa jupe blanche amidonnée,
d’un coup au travers du ciel !
Oh, Dieu, M’ame Williams !
— une pommade de cheval la cuit,
Et le matin,
un poteau télégraphique dans notre grenier,
glissant, blanchi –
Une tornade du Mississippi !
III. Lampion de papier
Ma sœur a été plus rapide que moi en tout.
À cinq ans elle récitait ses tables de multiplication
pausant à peine pour respirer,
tandis que j’enfilais
des perles de couleur au jardin d’enfants.
À huit ans elle savait jouer
Idillio et le Pas des écharpes
tandis que je m’éraflais aux échelles et aux exercices.
À quinze ans ma sœur
ne m’attendait plus
en trépignant au coin de la pharmacie White Star,
elle plongeait tête la première dans la découverte, l’Amour !
Puis elle a complètement disparu –
car une explosion d’amour, considérée comme une démence
précoce,
a dévoré de lumière son cœur transparent toute une saison
jusqu’à le brûler, lampion de papier !
— arraché de sa corde !
— dégringolé sur une tente !
vacillant trois fois, paraissant presque crier…
Ma sœur a été plus rapide que moi en tout.
LA LÉGENDE
I
Ils ont bâti un nouveau temple où l’ancien s’était effondré
lors des longs et terribles jours de l’été indien.
Les yeux dans leurs crânes
refusaient toute lumière perceptible.
Ils marchaient la main sur leur bouche,
observant la loi du silence
tandis que des lames entrecroisées brillaient
tels des joyaux maléfiques
dans l’atmosphère qui tremblait aux chaleurs de septembre.
Ce doit être elle qui a parlé la première
des foutues choses qui étaient interdites,
affreuses sur ses lèvres comme un truc gribouillé
avec un gros bout de crayon noir
sur un mur…
Il s’est retourné, a toussé sèchement,
comme pour écraser
d’un soudain regard de déni
ce discours marmonné.
Mais il était trop tard –
déjà ces flammes, mèche rapide,
le sperme de l’été à l’odeur de bouc
qui ravageait ses reins de femme,
avaient léché les pentes raides de la colline.
Ces buissons en cascade,
couverts de dures baies rouges,
acceptaient presque le feu comme une bénédiction,
et le répandaient
d’arbre en arbuste,
de branche en branche,
jusqu’à ce que toute la colline tremble de lumière en silence.
II
Et il ne la regarderait toujours pas.
Sa tête à elle était un épais morceau d’ambre,
la lumière brillait au travers,
transformant le bloc en pointes de lance.
Ses membres se séparaient,
indolemment répandus en éventail,
les ailes d’un papillon fatigué…
Ses yeux retombaient, moqueurs,
vers son corps à lui qui s’était levé
en partie
comme une main d’enfant se lève
pour donner la réponse à une question.
Adam ! Adam !
Et toute l’après-midi à présent
s’était figée en bloc d’ambre transparent,
au lieu d’eau,
difficile à avaler,
c’est quelque chose qui coinçait
absolument tout mouvement…
Oui, a-t-il admis,
la langue tel du coton dans sa bouche,
je désire te toucher !
Les lames entrecroisées ont bougé,
le vent a soufflé vers le sud, et à jamais
les oiseaux comme des cendres s’élevaient
depuis ce point chaud –
mais eux, perdus,
ne pouvaient observer un présage –
ils ne connaissaient
que la vive et chaude flèche de l’amour
tandis que le métal s’entrechoquait,
une bataille d’anges au-dessus d’eux,
et tonnerre – et tempête !
HISTOIRE D’UNE VIE
Après que vous avez couché ensemble pour la première fois,
sans l’avantage ou l’inconvénient de vous connaître auparavant,
le reste du groupe te dit très souvent :
Parle-moi de toi, je veux tout savoir de toi,
quelle est ton histoire ? Et tu penses que peut-être ils veulent
vraiment,
sincèrement connaître l’histoire de ta vie, donc tu allumes
une cigarette et te mets à leur raconter, vous deux
allongés ensemble dans des positions tout à fait détendues
comme deux poupées de chiffon qu’un enfant triste a jeté sur un lit.
Tu leur dis ton histoire, ou autant de ton histoire
que tu en as le temps et qu’un degré de prudence le permet, ils font des
Oh, oh, oh, oh, oh,
chaque fois un peu plus faibles, jusqu’à ce que le oh
ne soit qu’une respiration qu’on entend, et bien sûr
il y a des interruptions. Le lent service de chambre monte
un bol de glaçons fondants, ou l’un de vous se lève pour pisser
et se regarde avec un brin de surprise dans le miroir de la salle
de bains.
Puis, la première chose que tu sais, avant de pouvoir
reprendre où tu l’avais laissée l’histoire captivante
de ta vie,
ils te racontent l’histoire de leur vie, comme ils en avaient
l’intention depuis le début,
et tu dis : Oh, oh, oh, oh, oh,
à chaque fois un peu plus faiblement, la voyelle devenue à la fin
juste un soupir qu’on entend,
tandis que l’ascenseur, au milieu du couloir et à gauche,
émet un dernier, long, profond soupir de fatigue
et cesse à jamais de respirer. Et puis ?
Bon, l’un de vous s’endort
et l’autre fait pareil, une cigarette allumée
aux lèvres,
c’est ainsi qu’on meurt brûlé dans une chambre d’hôtel.
L’HOMME DU WAGON-RESTAURANT
Assis immobile parmi des paysages qui se déroulent
bosselés ou aplatis sous leur charge incongrue
d’équipements agricoles,
l’homme du wagon-restaurant
ignorait le Wyoming,
seulement conscient de ce qu’il désirait oublier
et qui se cramponnait d’autant plus à lui qu’il voulait
le lâcher.
Toujours quand un mur se levait un autre se fermait.
Il était enfermé dans la boîte sans air de son crâne
avec les seules parties perceptives de son corps,
tels que les yeux, la bouche, les doigts,
et très brièvement le sexe,
lui permettant dans une certaine mesure de s’évader.
Oui, il devenait rétif au confinement,
achetait un aller simple pour un autre endroit,
changeait de nom,
augmentait la liste de ses relations,
avec de nouveaux visages
ressemblant trop à ceux d’avant.
Alors dans le wagon-restaurant
il attendait un mouvement
qui ôte une pierre de sa poitrine.
Mais la pierre a continué à voyager avec lui,
a pris le train à Manhattan, était encore là
à Chicago,
encore là à St Paul,
encore là à Cheyenne,
elle semblait, en fait, effectuer un voyage transcontinental.
Il a palpé sa veste,
sorti la montre de sa poche,
enlevé la chaîne,
défait les trois boutons du haut ;
le poids était là.
Il transportait avec lui un ballast invisible.
Il s’est demandé comment il se sentirait sans :
très léger ? voire immatériel ?
Oui, peut-être que sans
les voyages en chemin de fer ne serviraient plus à
rien ;
cette pesanteur particulière serait tout à fait perdue.
Des lueurs métalliques
sur le vaste soleil de midi au-dessus du Wyoming
marqueraient son passage aérien.
Un subtil, complaisant bourdonnement dans l’atmosphère luisante
l’annoncerait à peine aux étrangers.
Mais là, pendant ce temps, avec encore
le bol de soupe devant lui contenant de légers
résidus incolores de bœuf et céréales,
il pratiquait la méthode yoga
de relaxation musculaire,
se détendant subitement comme une corde brisée.
Mais ses lèvres restaient comprimées et sèches
tandis que ses yeux continuaient à attraper
l’insensé défilement effréné des poteaux télégraphiques.
LE BAISER DE LA MORT
I
De la distance qui me rapprochait il m’a semblé entendre
le bruit de machines en mouvement,
un énorme objet cylindrique luisant d’huile.
Le bruit mais aussi la vision sont devenus plus clairs.
Tout était en mouvement à présent
avec une sorte de précision extatique ;
nulle surface qui ne soit pure, nul creux qui n’embraye l’engrenage
avec un rythme sans friction.
Les hommes en bleu,
pantins mécaniques sans âme,
tous de même taille et d’apparence identique,
avaient bourré de coton leurs oreilles pour protéger leurs
tympans
de ce tonnerre incessant ;
leurs yeux protégés par des lunettes qu’ils devaient nettoyer
des giclements d’huile.
Les grandes roues crachaient
comme des chats, avec une incroyable malice ;
des gants aux mains, car était électrique ce qu’ils touchaient.
La lumière était éblouissante, la chaleur éternelle, terrifiante.
Si un élément défaillait
dans l’accomplissement de sa tâche particulière,
des unités auxiliaires étaient aussitôt mises en marche ;
le changement si rapide qu’on ne le voyait pas se produire.
II
Enfin est venu le moment où la cloche a résonné au-dessus d’eux ;
et sur le balcon, surplombant la scène de leur travail,
le contremaître s’est avancé portant un masque à gaz.
Il a jeté un œil à sa montre puis de nouveau à la pendule
et s’est éclairci la gorge.
Les hommes en bleu attentifs l’ont salué ;
le contremaître s’est tourné vers eux.
Il a hurlé quelque ordre dans une langue étrange.
Aussitôt, des réglages ont été effectués plus bas ;
les hommes en bleu
ont tiré des leviers, tourné des manettes, pressé des boutons.
Alors a partout gonflé
une sorte de vapeur blanche brûlante.
Avec des cris d’oiseaux
les hommes bleus se sont dispersés devant elle
vers les postes correspondants aux X marqués sur un tableau.
Au bout d’un moment la vapeur s’est dissipée.
Alors ceux qui regardaient, depuis les galeries très au-dessus
ont remarqué avec un regret tempéré d’admiration
que pas un des hommes qui avait travaillé en bleu n’était vivant.
Puis de longs, lents soupirs de triste approbation solennelle,
comme de blanches fleurs humides dont les pétales ballottaient
dans l’air,
ont flotté dans toute la salle
avant de se poser sur ces corps ne bougeant plus.
Le contremaître s’est avancé, le masque à gaz sur son visage,
pour lire une annonce.
Ces hommes, dit-il, se sont sacrifiés
pour le bien de l’État !
Et, oh ! quels applaudissements, quelles volées de cloches ont
résonné !
Par des escaliers en spirale drapés de pourpre
impériale
les spectateurs ont descendu
jusque dans la rue,
le contremaître à leur tête recevant de fortes acclamations,
et ils ont formé une parade, marchant sous un arc de triomphe
au vaste cœur palpitant de la merveilleuse capitale !
III
Très loin de là
j’ai entendu ces machines en mouvement,
la sourde rotation étouffée
d’énormes objets cylindriques baignant dans l’huile.
Ce que j’ai entendu là était le contrepoint de notre passion.
Mais tu étais tout près et je ne t’en ai rien dit,
car tu étais petit
et les roues tournoyantes étaient extraordinaires…
Y repensant je suis content de ne t’avoir rien dit
car où tu te trouvais
le bruit n’était plus qu’une musique,
un faible, très faible fredon, confondable avec une épinette…
La lumière était terne et n’avait rien de terrorisant.
LE CHRISTUS DE GUADALAJARA
I
Le Christus de Guadalajara
attend demain l’écarlate.
Ses doigts de femme contractés
sur un crucifix argenté,
des cendres de roses dans la salle
tombent sur Ses sandales.
Sa nudité, adoucie de musc
et pâle comme est la nacre
enveloppant un monde sans taches,
s’étire fraîche au crépuscule,
prête à faire qu’on ressente
le moment de Sa naissance.
II
Des hirondelles tournoient affolées
autour des sombres cloches d’acier,
et la gitana sur la place
ne peut lancer de charmes.
Pleine d’ombre est la haute pièce,
remplie de murmures de pluie,
des Indiens dans les coins tapis
ont des soucoupes lunaires de grains.
Des bouteilles de Lacryma Christi
sur les étagères aux toiles d’araignées,
et les saints du futur grommellent
pendant qu’ils se flagellent.
III
Une pierre couvrant l’escalier
depuis le donjon est démise
et la Mère de Dieu apparaît
petite, patiente et grise.
Ignorant les murmures de réconfort,
Elle remet en place à genoux
les loques miteuses de Gesu
sur les pierres froides du sol,
embrassant les plaies délicates,
tendrement les bénissant
et tels des joyaux répandant
sur des ourlets de soie ses larmes.
IV
Le temps est un très long tonnerre
d’eau tombant sur le sol
comme sous la voûte les cloches
commencent à retentir.
Le Christus de Guadalajara
ne peut s’éveiller ni dormir.
Les anges au-dessus de Lui planent
attrapant Ses paroles qui voltigent.
Il murmure amour, amour,
les anges répondent mort,
et entre deux passe un frisson,
de Sancta Maria la respiration.
V
Le Christus de Guadalajara
est déposé dans Son suaire.
Dans Ses paumes sont plantés
les clous et dans Ses pieds.
Ô Mère de Dieu, ait pitié,
Il pleure et si Elle pouvait
Notre Dame donnerait Sa couronne
contre une goutte de Son sang.
Mais comme Lui seule en Sa douleur,
La Madrecita se pelotonne
dans un coin sombre pour porter
Sa terrible Rose du Monde.
AIR DE MANÈGE
Tourne, tourne encore, tourne un tour encore ;
les monstres du cirque cosmique sont les hommes.
Nous sommes le toc et les toqués de la création ;
Crois-Le-Ou-Non, c’est ainsi que notre étoile se nomme.
Chacun de nous suppose que l’autre est équivoque
et nul ne se trompe puisque tous nous le sommes !
Tourne, tourne encore, tourne un tour encore ;
les monstres du cirque cosmique sont les hommes.
Nous suons et rageons aux quatre coins d’une chambre,
l’amour en est la cause. Mais l’amour sert à quoi ?
Il donne bon gré mal gré au pauvre idiot de Bill
la chance d’apprendre par où en est passé papa.
Tourne, tourne encore, tourne un tour encore ;
les monstres du cirque cosmique sont les hommes.
On peut chanter sauter comme un air à succès
ou stopper comme l’horloge dont le ressort décline,
mais pourquoi perdre courage, la saison commence,
et de nouveaux spectacles sont à l’affiche en ville !
Tourne, tourne encore, tourne un tour encore ;
les monstres du cirque cosmique sont les hommes.
DE FER EST L’HIVER
De fer est l’hiver, verrouillé côté sud,
fermé à la montagne où le printemps se nourrit ;
mais toujours notre sang est sacré ; de l’aimé
la bouche et la langue nous sont pain bénit.
D’acier est le glacier et les champs de neige
sont enclos de sapins que ne perce aucun bruit ;
ces forêts respirent, leurs géantes narines blanches
soufflent le givre aux clochers ; la ville dort tranquille.
Les héros gelés dont les terribles blessures
sont des roses sculptées dans la mer de glace
somnolent tels des enfants aux calmes chambres bleues,
et leurs lèvres sourient de conseils incroyables.
Qui est cet arrivant qui vient détruire la neige,
dont la trace apparaît triangulaire et vaste ?
Entraperçu, le démon à face de robot
explose dans la pensée à l’instant où il passe.
Nous n’entendons d’alarme, mais nous nous éveillons ;
au-dessus de nous crie à tue-tête l’infini ;
la terre s’ouvre, nos corps se rencontrent et brûlent
et dans nos bouches nous dégustons le pain bénit.
Empreintes d’un petit cheval
QUI EST MON PETIT GARÇON ?
Pour Carson McCullers
Qui est mon petit garçon, qui est-i ?
Jean qui pleure ou Jean qui rit ?
Jean qui rit est mon John délicat
celui qui porte des chaussons chinois,
dont le cheval de bois me trimbale
d’un seul bond jusqu’à mon sol natal.
Mais Jean qui pleure est mystérieux,
ses chagrins plus vieux que Nishapour
avec toutes les étoiles et les lunes
qui dans une cuillère d’argent s’allument.
Qui est mon petit garçon, qui est-i ?
Jean qui pleure ou Jean qui rit ?
LADY, ANÉMONE
Contre le drap nous séparant brûlait le corps.
Comme si la boussole indiquait le nord,
il a remué !
Tempêtes, cascades, et hommes grands
remuent comme ça –
une furieuse envie les empêchant
de rester en place !
Lady,
anémone,
violette douce et baiser,
tendre fourreau sans sa féroce épée…
Au réveil tu t’apercevras qu’est parti un homme
grand, son nord devenu le matin.
Comme une larme,
ça tremble, hésite, devient très distinct,
beau temps de son sourire, illustre matin.
Qui portait, enveloppé dans une tempête arc-en-ciel,
onze doigts désirant être réchauffés,
et une fois réchauffés –
s’est envolé en un tour
qui t’a mis plus d’un kilomètre au-dessous !
Pour seul souvenir laissant l’argent sur un poignet,
l’or sur un doigt,
des bleus sur ta cuisse…
C’est seulement la fatigue qui t’a fait pleurer.
HERBE CÉLESTE
Extrait des Blue Mountain Ballads
Mes pieds ont foulé une herbe céleste.
Tout le jour le ciel a brillé comme verre.
Mes pieds ont foulé une herbe céleste.
La nuit les étoiles ont roulé solitaires.
Puis mes pieds sont venus fouler la terre
Et ma mère a crié me donnant naissance.
À présent mes pieds vite et loin avancent,
Mais les démange encore l’herbe céleste.
Mais les démange encore l’herbe céleste.
L’HOMME SOLITAIRE
Extrait des Blue Mountain Ballads
Ma chaise s’berce-berce dehors toute la journée
Personne jamais n’arrive à m’arrêter,
Personne jamais n’arrête dans mon allée.
Mes dents mâchent-mâchent jusqu’à l’os un jambon,
Je lave tout seul gamelles et bidons,
Tout seul je fais la vaisselle pour de bon.
Mes pieds clopinent sur le bois du plancher
Parce qu’on n’achète pas l’amour au marché,
Ne veux pas d’un amour qu’il faut payer.
L’horloge tictaque près de mon lit étroit
Et la lune lorgne ma tête qui ne dort pas,
La lune se marre d’une tête de vieux gaga.
CABANE
Extrait des Blue Mountain Ballads
La cabane était douillette et des roses trémières
Ornaient la porte quand il chuchota au travers.
Le soleil sur le seuil était d’un jaune ardent
Lorsqu’elle ouvrit à cet homme ou cet ouragan.
À présent la cabane s’effondre au vent d’hiver
Les cloisons tombent où dans le péché ils s’aimèrent.
Et la longue et blanche pluie balaie toute la cabane
Comme une vieille sorcière de son balai de paille !
LE SUCRE EN CANNE
Extrait des Blue Mountain Ballads
Je suis le poivre rouge dans sa membrane,
Le pain qui attend le boulanger.
Je suis le sucre doux dans la canne,
Que rien sinon la pluie n’a touché.
Si tu me touches que Dieu te sauve !
Ces jours d’été sont bleus et chauds.
Je suis des patates pas encore mâchées,
Un chèque qu’on n’a pas encaissé.
Je suis une fenêtre avec un store,
Tu ne peux rien voir depuis dehors.
Si tu le fais Dieu sauve ton âme !
Les nuits d’hivers sont bleues et froides !
BLUES DE LA PORTE DE CUISINE
Ma vieille lady est morte d’un banal coup de froid.
Elle fumait des cigares à quatre-vingt-dix ans.
L’était mince comme feuille, des os de cerf-volant :
Par la porte d’la cuisine s’est envolée un soir.
Bon, je suis pas plus jeune qu’était ma vieille lady,
Quand elle a perdu pied, j’ai fumé des cigares.
Me sens en bout de course et j’ai l’air d’un pauv’ gars,
Alors pour l’amour de Dieu, ferme la porte d’la cuisine !
BLUES DES DENTS D’OR
Bon, il y’a un tas de choses folles qu’une femme peut faire
Pour aguicher un homme : porter des souliers qui serrent,
Porter une robe légère et attraper la mort
Ou se faire arracher une dent contre une en or.
Suis une femme à dent d’or qu’a le blues des dents d’or
Parce que la dent en or vieillit celle qui l’arbore !
Bon, de l’or à la banque est une chose mirifique,
Une femme paraît plus belle avec une belle bague,
Mais, chérie, un tuyau, non ce n’est pas une blague,
Pour trimballer ton or ta bouche est trop petite !
Suis une femme à dent d’or qu’a le blues des dents d’or
Parce que la dent en or vieillit celle qui l’arbore !
Dimanche matin y’a peu, t’étais encore au pieu,
Espérant un câlin, quand t’a dit ton amoureux,
Avec un regard qui t’a refroidi les sangs,
Femme, cette dent en or te vieillit de dix ans !
Suis une femme à dent d’or qu’a le blues des dents d’or
Parce que la dent en or vieillit celle qui l’arbore !
Quand ton homme sur la paille aura besoin de boire,
Il surgira en douce dans ton dos sur l’évier,
Et avant que tu brailles, autant te parler vrai,
D’un coup t’assommera pour tirer ta dent d’or !
Suis une femme à dent d’or qu’a le blues des dents d’or
Parce que la dent en or vieillit celle qui l’arbore !
SA TÊTE SUR L’OREILLER
Le matin je l’ai regardé se lever
et regardé dormir la nuit,
et je le jure sa tête sur l’oreiller brillait
comme la couronne de la Vierge Marie ;
je le jure sa tête sur l’oreiller brillait
comme la couronne d’or de Marie.
Le cœur est attiré par des choses si légères
et la main par des choses si chaudes,
mais je le jure j’avais une pierre sur le cœur
quand la dame j’ai pris d’assaut ;
je le jure j’avais une pierre sur le cœur
quand je l’ai enfourchée à l’assaut.
Une ombre a couvert son visage cette nuit-là
et sa main les dentelles de sa chemise,
mais je le jure sa tête sur l’oreiller brillait
comme la couronne de la Vierge Marie ;
je le jure sa tête sur l’oreiller brillait
comme la couronne d’or de Marie.
DANS L’ESPACE
I
Dans l’espace entre
une chaise et un lit
je t’observe qui pâlis
dans l’air pâlissant.
Intimes ces moments,
vagues et chauds.
Je pourrais toucher du doigt
ton bras sans manche
et libérer le feu,
la brutale décharge
suspendue dans l’air silencieux
et le tendre regard.
Je dis je pourrais et
peut-être le ferai,
mais je m’en suis abstenu
jusqu’ici et je continue,
car il y a quelque chose de délicat
et de rare
en tension dans l’espace
du lit à la chaise.
II
C’est une illusion que
ce calme pourrait répandre
une éclosion d’intemporel
dans notre petite chambre,
car le temps n’est pas dupe d’un
moment de calme ;
les battements de cœur font écho à
l’éternel vacarme.
Le coq chantera les étoiles
disparaissantes ;
le mensonge est toujours à attendre
sur la langue !
Mais pendant qu’il attend, ne te dis
rien de mensonger ;
quelque chose de non dit dans
la chambre est vrai ;
quelque chose de délicat,
de vague et de rare
respire dans l’espace entre
un lit et une chaise.
MON PETIT
Mon petit dont la langue est muette,
dont les doigts ne peuvent tenir à rien
et la jeunesse est si impitoyable,
il saute sur tout ce qui lui vient,
je ne le retiens pas. D’ailleurs, qui le pourrait ?
Il court dans le bois en feu.
Suis-le, suis-le si tu peux !
Il en ressortira grand comme un homme
ayant oublié ceux qu’il embrassait,
qui l’attrapaient par son mince poignet
et le tenaient sous un tendre joug
que, ne comprenant pas, il dénoue.
L’ÎLE NOUS RESTE EN MÉMOIRE
L’île nous reste en mémoire
comme le changement sur un miroir
ou une rivière souterraine.
L’île se perd en allant.
Elle semble être tranquille.
Une moitié à présent dans l’ombre
et pourtant elle augmente en allant,
aussi mémorable que les phases de la lune.
Elle fait des avances inaperçues
avec un semblant d’abandon ;
elle glisse entre les doigts,
une pierre au lustre laiteux…
Non, tu ne peux la tenir, elle
se tortille comme une femme ! Ses nuits
nous restent en mémoire : les yeux
d’or de la chèvre noire tirant sur sa
corde nous fixent quand nous passons,
le coq leghorn, blanc
comme un corps nu se tortillant, la croix
incluse dans un code secret, la nuit
incluse dans la rose…
Oh, le poids de nos flots
comparé à celui d’une île !
Car nous sommes ancrés, l’île
un constant et blanc glissement !
LE SAINT-SÉBASTIEN DE SODOMA
Comment est mort saint Sébastien ?
Des flèches ont percé sa cuisse et sa gorge
qui n’avaient connu, jusqu’alors,
que les douleurs d’un concubin.
Juste au-dessus de lui, tout près,
planait sa couronne d’or de martyr.
Même Marie depuis Sa tour
céleste s’est un peu penchée
et se penchant, Elle a levé le coin
d’un nuage pour mieux observer.
Gentiment troublée Marie a murmuré
comme Elle voyait les flèches poindre.
Et comme la coupe qu’on profanait
répandait son doux, immodéré vin,
toutes les cloches d’or du ciel louaient
d’un empereur le concubin.
L’ENFANT DU MARDI
Mon frère Jack était un bandit.
C’est souvent le cas des enfants du mardi
qui ont la grâce mais aucun autre don –
mais moi
personne ne m’aimait.
Les chiffres en fer indiquent l’adresse, et l’année
est gravée, pas inscrite.
Trois fois mordu j’ai été :
par le gel, le chien d’un voisin, le fils d’un cousin –
une fois j’ai senti que me brûlait le cœur une main,
mais ne savais parler ni me sauver ni me retourner…
Personne ne m’aimait.
Mon frère Jack était un bandit,
des maîtresses comme des lunes autour de lui en ronde,
une brune, une blonde,
une virant jeune au gris,
et tandis que le joueur de cornemuse attend son salaire
il continue à jouer le plus ensorcelant des airs !
Mais moi
personne ne m’aimait.
Mon frère Jack est un bandit.
Il observe tout ce qui vole et qui bondit,
les distances que parcourent les faucons ou chiens limiers.
Mais j’ai vu dans le ciel une araignée
tisser une dentelle grise aussi patiemment que moi
j’attends mon frère…
LES VILLES DEVIENNENT DES JOYAUX
Les villes deviennent des joyaux
à sept heures, le soleil couché,
perlées de lampadaires,
les galeries s’éclairent à plaisir…
Haute, haute, haute
est la fine musique de la nuit sur elles !
Oh, pourquoi ne sont-elles
ce que nous avons cru qu’elles étaient,
des gemmes incorruptibles,
de vrais diamants tombés dans l’eau ?
LES MATINS SUR BOURBON STREET
Il savait qu’il le dirait. Mais pouvait-il encore y croire ?
Il pensait aux matins innocents sur Bourbon Street,
à la cour ensoleillée et à la tête
de lion en fer sur la porte.
Il pensait à la qualité de lumière qu’on ne pouvait espérer
avoir de nouveau après la pluie,
aux pigeons et poivrots ressortant ensemble des mêmes
arcades de pierre, pour profiter de nouveau avec une vague
surprise d’un vague marmonnement bienfaisant du soleil.
Il pensait au grand cavalier en fer devant le Cabildo
tirant son chapeau si galamment en direction des quais,
la brume du fleuve commençant à le recouvrir.
Il pensait à l’odeur sucrée de pourriture du Vieux Quartier,
comme un net avertissement de ce qu’il devrait apprendre.
Il pensait aux croyances, à leur perte progressive,
et au rassemblement de quelque chose de semblable à nouveau.
Mais, oh, son sang a presque changé de couleur
lorsque, répondant à une soudaine invitation depuis une fenêtre,
il s’est arrêté au bord du trottoir et a pensé pour la première fois,
Amour. Amour. Amour.
Il savait qu’il le dirait. Mais pouvait-il encore y croire ?
Il pensait à Irene dont le corps s’offrait chaque nuit
derrière la cathédrale, dont les tableaux effrontés étaient accrochés
dehors, dans le jardin public,
aussi brutaux qu’un poing écrasé sur un visage grimaçant.
Il pensait au marin qui écrivait sur la mer,
avec hésitation, une force immense coincée sur sa langue hésitante –
perdu sur un tanker au large de la Floride,
sa force vierge coincée brûlée au pétrole.
Il pensait aux riches antiquaires sur Royal Street
dont les tables en bois de rose luisaient comme du sang sous
les lampes.
Il pensait à ses amis.
Il pensait à ses compagnons disparus,
à tous ceux qu’il avait touchés et dont il avait connu le toucher.
Il pleurait de se souvenir.
Lorsqu’il a cessé de pleurer, il s’est lavé le visage,
il s’est souri dans la glace, se préparant à dire
à toi, qu’il attendait,
Amour. Amour. Amour.
Mais pouvait-il encore y croire ?
LE DERNIER VIN
Ces chambres sont publiques, des lieux
où des étrangers viennent passer la nuit ;
la cour est spacieuse quoique baignée
d’un curieux jour oblique et gris.
Une cloche est sonnée à chaque heure
qui réveille les hommes endormis ;
posté dans la tour un veilleur de nuit
supplie qu’on pardonne cette erreur.
Mais toi qui prends ces chocs répétés
sans trop d’apparent désarroi
tu peux regarder la girouette dorée
picorer le grain des étoiles
jusqu’à ce que descendant par
l’escalier à vis d’une autre pièce,
l’aveugle et souriant veilleur apporte
le dernier vin du cœur du maître.
LA ROUTE
J’ai fait cette route pendant trente ans,
voyageant à l’ouest
un peu trop souvent,
ai maintenant dépassé toute rédemption.
(Seize caisses de pantoufles à semelles souples,
dépareillées, de la marchandise fichue,
les prix allant de trois à trente dollars.)
J’ai pris le train à Joplin,
suis allé au bar
ai contemplé avec réflexion mon reflet
secoué les glaçons dans mon verre.
Je ne parle jamais aux étrangers.
Parfois je me dis que je rentrerai à Saint-Louis
sur le dos d’un âne blanc comme neige.
Je parcourrai Washington Boulevard,
l’artère des grossistes du Middle West,
parmi des foules agitant des palmes
et le cri montera :
Votre Honneur !
Votre Honneur !
Votre Honneur au plus Haut !
Je déploierai mes échantillons dans le hall de l’Hôtel Statler,
après quoi je serai porté devant le pilote bedonnant,
crucifié sur la colline des Arts, mort et enterré.
Le troisième jour je me relèverai d’entre les morts
et battrai tous les records de vente au comptant !
Blizzard des téléscripteurs !
Chair de poule partout !
Félicitations des conseillers municipaux !
Oh crénom !
PETIT CHEVAL
Pour F. M.
Mignon il était ou mignonette
avec les yeux plus grands que lui.
Je l’ai appelé Little Horse.
Je crains n’avoir eu de nom pour lui.
Je suis tombé sur lui plus à dessein
que par hasard comme on peut croire.
Quelque chose a commencé ou fini
et j’étais là, lui était là.
Puis il a plu mais Little Horse
avait apporté son parapluie.
Petit Cheval est resté au sec,
ce qui m’a séparé de lui.
Il était tard, j’étais perdu
quand m’a demandé Petit Cheval :
Qu’est-ce qui a bois mais ne peut mordre ?
Et j’ai trouvé. C’était un arbre.
Mignon il était ou mignonette
avec les yeux plus grands que lui.
Je l’ai appelé Little Horse.
J’aimerais avoir eu un nom pour lui.
LA MORT EST HAUTE
La mort est haute,
là où se trouve ce qu’on exalte.
Je le sais, d’avoir perdu le souffle jusqu’à être
emporté sur une étoile à cinq branches.
J’étais exalté
mais guère à mon aise dans cet espace.
Sous moi respirant ton visage
criait Reviens, Reviens.
Reviens, appelais-tu en dormant.
Et en arrière je rampais désespérément
résistant à la chute ascendante.
Il n’était pas facile de courir à quatre pattes
contre ces torrents sans fin de lumière,
tous inclinés dans le même sens,
et seule ta voix criait : Reste !
Mais était grand mon désir
d’être réconforté, réchauffé
une fois de plus par ta forme endormie,
d’être, un instant, pas plus haut
que tu n’étais,
petite chambre, ardent amour, humble étoile !
LES VIEUX AIMENT BIEN
Les vieux aiment bien
les petits faits certains.
Le courrier arrivera
à quatre heures pile, pas environ,
les mots croisés seront
en haut à gauche de la
page vingt-trois.
Le poids d’un enfant,
les longueur et largeur d’une chaussure,
le montant exact d’une facture
et sa date de paiement,
l’endroit de tel événement,
pas sa raison, mais quand précisément.
Les vieux
n’aiment vraiment pas
aller au-delà
de ce qu’ils connaissent le mieux.
Ils ne veulent pas errer dans la purée, encore moins
passer l’avenir au peigne fin
trop loin de chez eux.
Non, les vieux n’aiment pas du tout
s’éloigner beaucoup
de petits faits certains comme ceux susdits,
le nom, la date, le lieu
et le nombre et l’amour et l’appétit…
Mais qu’y a-t-il avec les vieux ?
Tout le monde vieillit un jour ou deux.
CONTRAT
Si tu es heureux, je te donnerai une pomme,
si tu es anxieux, je te tordrai le bras,
et si tu permets, j’aimerais te serrer
contre mon cœur à jamais sans te faire mal.
Si je suis heureux, me donneras-tu une pomme ?
Si je suis anxieux, tu peux tordre mon bras.
Et si tu veux, ça me plairait que tu me tiennes
contre ton cœur à jamais sans me faire mal.
C’est une affaire qu’on ne peut faire qu’à deux.
C’est un contrat offert avec un calme désarroi,
n’étant pas sûr qu’amants puissent écarter les démons
avec le don d’une pomme ou la torsion d’un bras.
LE BOIS DES OMBRES
J’ai une fois vu un jeune arbre vert
dont la présence brisait l’obscurité.
Il avait pour nom la tendresse,
au Bois des Ombres il poussait.
Ses feuilles étaient de petites mains
qui dispersaient un or impondérable
et jamais l’or ne resplendissait moins :
il m’aurait retenu si j’avais su attendre.
Il est quelque part nimbé de lumière
mais j’ai oublié où il se tenait,
et une fois abandonné, jamais la seconde
le trouvera-t-on au Bois des Ombres.
Par tendresse je déposerais l’arme
qui tient la mort à l’écart,
mais les petits mots de tendresse
sont difficiles à dire pour l’homme d’ombre.
UN POÈME À PART
I
Le jour se sanctifie comme si un dieu le traversait
sans but, ne sachant rien et inconnu,
suivant le ciel comme un enfant suit sa mère.
Mais le ciel d’une île est un ciel errant.
Il paraît dérouté parfois, il semble aussi dérouté que nous
depuis la perte de notre île.
Oh oui, nous avons perdu notre île.
Le temps nous l’a prise,
nous l’a arrachée des mains comme un coureur frais attrape
dans la main du coureur épuisé
le mouchoir blanc pour continuer.
Toujours
nous vivons sur l’île, mais davantage en visiteurs
qu’en résidents désormais.
Toujours nous nous souvenons
de ce que l’île nous a appris : comment laisser aller le ciel
(tel un mouchoir blanc pour continuer)
et d’autres choses plus petites, de nature plus intime.
Notre île a été une école et nous les élèves au fond de la classe,
finalement, nous avons appris des choses telles que :
le mensonge meurt, mais la vérité ne vit que dans celle de notre île
qui est une vérité errante, qui suit le ciel
comme un enfant suit sa mère, et le ciel erre, lui aussi.
II
J’ai rêvé une nuit sans sommeil que revenant,
moi, cette nuit, sur une île du nord,
tu revêtais les habits du dieu qu’était ton corps nu
et allais de fenêtre en fenêtre dans une pièce tout
en fenêtres, tirant, fermant les rideaux, me tournant
le dos, sans donner l’impression que tu te savais en train
de bâtir une île : puis tu es venu te reposer, ta chair
d’une perfection divine auprès de moi.
Même ensuite,
je savais que bâtir une île n’est pas la tenir à jamais,
mais le désir était tellement plus fort, oui, plus fort même
que la peur de ne rien tenir, à jamais.
Peut-être aurait-ce été mieux si je n’avais touché que ta main,
ou m’étais penché sur ta tête pour l’étreindre toute la nuit.
Mais le désir était tellement plus fort…
III
Nos voyages ont parcouru toute notre île mais nulle part aussi loin
que notre silence pénètre à présent la contrée nue et montagneuse
de ce qu’on ne sait dire.
Quand nous nous parlons,
c’est de choses qui ne disent rien de ce que nous signifions l’un
pour l’autre.
Des petites choses
s’amassent autour de nous comme pour nous cacher un vaste paysage
intouché par le soleil, à la lumière aveuglante pourtant.
Nous nous disons de petites choses
dans le calme, la voix fatiguée, enrouée comme à crier d’une grande
distance.
Nous nous disons de petites choses prudemment,
poliment,
telles que :
Voici le journal, quelle partie en veux-tu ?
Oh, n’importe laquelle, à part les B.D. et les pubs…
Mais sous le silence de ce que nous nous disons,
il y a celui beaucoup plus articulé de ce que nous ne nous disons
pas,
une tempête de non-dits,
enroulée, retenue, constituée,
tictaquant comme l’horloge d’une bombe à retardement :
fracas, feu, destruction
remontée à bloc dans les tranquilles,
presque tendres,
petites choses banales qu’on se dit.
IV
Te souviens-tu comme moi
que dans le temple du Bouddha d’émeraude à Bangkok,
il y avait, près de l’entrée
une table avec un assortiment risible de gadgets
occidentaux, tels que :
une radio portative de marque Zenith,
un rasoir électrique Sunbeam,
Un réveil Little Ben dont tintait
le tic-tac ?
Quant au Bouddha d’émeraude, nous l’avons tous deux trouvé
étonnamment petit,
moins scintillant que vernissé,
et il n’était assis là que pour être visité, observé par des
voyageurs
fatigués du voyage, des touristes fatigués de faires des tours.
C’est la longue, lente excursion dans une brume dorée,
en bateau sur les canaux de Bangkok
qui nous a donné l’impression d’une vénération :
les paillotes sur pilotis de bambou, les vieilles à la poitrine tombante
baignant leurs petits-fils dans l’eau chaude et ocre comme pour
leur rendre un hommage
aussi aimant qu’il était humble : cela, uniquement cela
nous a fait sentir l’absence de limites et la simplicité du divin,
pas le Bouddha d’émeraude dans son pavillon ridiculement toc…
L’eau des îles et le ciel des îles
sont ce qui nous ramène
le dieu visiteur qui erre, incapable de parler aucune langue
sinon celle du calme et du rayonnement à nos fenêtres.
Plus tard, tout s’assombrit, et rien n’est demandé d’inaccessible ;
le soir de notre île
est aussi simple que la question : Qu’est-ce qu’on a pour dîner ?
et la réponse : Qu’as-tu envie de manger ?
Avec des voix adoucies par l’usure de l’amour et de la haine.
Pour la véritable image d’un dieu, sauf si dessinée par un dieu,
(mais je doute qu’ils posent l’un pour l’autre)
mieux vaut ces quelques rapides et légers coups de crayon…
In Jack-o’-lantern’s weather
IN JACK-O’-LANTERN’S WEATHER
I
The marvelous children
cut their pure ice capers
north of time.
Being very
restless expert skaters,
never did they trace
the same design twice over,
but each, completed,
had to be detached and lifted clean
on aerial derricks, green
and boned as swallows.
None wrote home,
no bulletins were issued of their progress
which he, the demon,
thought that he could block
with barricades of gold and purple tin foil labeled Fear
and other august titles which they took in their stride,
leapt over lightly,
always tossing backwards calls of gladness,
that echoed behind them long after they leapt
and were gone.
II
Much green water, rumorous and vague,
talked of their loss, discussed them in home quarters,
rolled ghostly tokens shorewards,
corduroy and lawn,
scraps of song,
unfinished arithmetic problems,
thumbprints on dog-eared books tossed into corners.
Mothers’ sorrow
often must be thorned
by soft bird language, earlier than morning,
snow brought indoors
in exchange for grandmothers’ cupboards of linen,
undignified, flung in every-which-a-direction,
shouts
that broke windows, orchards festooned
by something wilder than blossoms!
Oh mothers’ sorrow
grievously is pricked by jacks and apples of the earth’s
green-tongued refreshment,
storms that came on without warning, calls, calls,
running through orchards calling,
Come home! Come home!
before it gets dreadfully dark and hailstones fall
as big as goose eggs, nearly!
Stillness. Distance…
A spiral of dust,
a little upright figure
that bends and twists in curtsies, that does a pavan
that’s stately and gay and capricious,
is stalking about home plate as if he thought he owned it!
Now has begun
to hum, to whisper
the names of lost ballplayers…
the first dark coins of moisture fall on the diamond…
O Mother of Blue Mountain boys,
come to the screen door, carnug, Come home! Come home!
White milkwagons are hurrying, hurrying down wet
darkening streets,
there isn’t much time!
III
I have seen them earlier than morning cross the hall,
serious-eyed and weighted down by schoolbooks,
as if alarm clocks set at premature hours
had roused them from sleep before it let them go…
I have seen their pencil-mark distinctions between this thing and
that one,
their blue angles, sharper than gymnastics.
In Jack-o’-Lantern’s weather,
their orderly, schoolteachered troop to the Sunflower
River
for an inspection of Flora along those banks
where blacks in white shifts held springtime baptismals,
Ha, ha! – shouting…
I have seen them
never less than azure-eyed and earnest
tackle
geometry problems whose Q.E.D.
is surely speechless wonder…
IV
Mothers’ sorrow
grievously is thorned
by shreds of arctic light through dark pine branches,
halting the morning
with hawk-bone print of heaven.
The weather, as ever,
is clearing again, with shreds of blue and vapor
appearing among dark branches…
O Madonna,
aged by unequal sorrows but clothed as ever in silk,
blown,
cherry-printed,
O singing white enchantress,
I summon thee now,
clothed as sorrow is in snow and snow.
TESTA DELL’EFFEBO
Of Flora did his luster spring
and gushing waters bathed him so
that trembling shells were struck and held
until his turning let them go.
Then gold he was when summer was;
unchangeable this turning seemed
and the repose of sculpture told
how thinly gold his shoulder gleamed.
A cloud of birds awoke in him
when Virgo murmured half awake.
Then higher lifted birds and clouds
to break in fire as glasses break.
A lunatic with tranquil eyes
he must have been when he had dimmed
and that town burned wherein was turned
this slender copper cast of him.
CRIED THE FOX
For D. H. L.
I run, cried the fox, in circles
narrower, narrower still,
across the desperate hollow,
skirting the frantic hill
and shall till my brush hangs burning
flame at the hunter’s door
continue this fatal returning
to places that failed me before!
Then, with his heart breaking nearly,
the lonely, passionate bark
of the fugitive fox rang out clearly
as bells in the frosty dark,
across the desperate hollow,
skirting the frantic hill,
calling the pack to follow
a prey that escaped them still.
THE EYES
For Oliver
The eyes are last to go out.
They remain long after the face has disappeared regretfully
into the tissue that it is made of.
The tongue says good-by when the eyes have a lingering
silence,
for they are the searchers last to abandon the search,
the ones that remain where the drowned have been washed
ashore,
after the lanterns staying, not saying good-by…
The eyes have no faith in that too accessible language,
For them no occasion is simple enough for a word to
justify it.
Existence in time, not only their own but ancestral,
encloses all moments in four walls of mirrors.
Closed, they are waiting. Open, they’re also waiting.
They are acquainted,
but they have forgotten the name of their acquaintance.
Youth is their uneasy bird, and shadows clearer
than light
pass through them at times,
for waters are not more changeable under skies
nor stones under rapids.
The eyes may be steady with that Athenian look
that answers terror with stillness, or they may be quick
with a purely infatuate being. Almost always
the eyes hold onto an image
of someone recently departed or gone a long time ago
or only expected…
The eyes are not lucky.
They seem to be hopelessly inclined to linger.
They make additions that come to no final sum.
It is really hard to say if their dark is worse than their light,
their discoveries better or worse than not knowing,
but they are last to go out,
and their going out is always when they are lifted.
FAINT AS LEAF SHADOW
Faint as leaf shadow does he fade
and do you fade in touching him.
And as you fade, the afternoon
fades with you and is cool and dim.
A wall that rises through no space,
division which is shadow-thin,
his eyelids close upon your eyes’
quicksilver which bewilders him.
And then you softly say his name
as though his name upon your tongue
a wall could lift against the drift
of shadow that he fades among.
Sometimes those frontiers of the twain
may seem no longer to exist,
but why, then, is the breath disturbed,
and does the silver body twist,
and why the whisper of a name
as though enquiring, Is it true?
which goes unanswered until sleep
has loosened his fierce hold of you.
THE SIEGE
I build a tottering pillar of my blood
to walk it upright on the tilting street.
The stuff is liquid, it would flow downhill
so very quickly if the hill were steep.
How perilously do these fountains leap
whose reckless voyager along am I!
In mothering darkness, Lord, I pray Thee keep
these springs a single touch of sun could dry.
It is the instant froth that globes the world,
an image gushing in a crimson stream.
But let the crystal break and there would be
the timeless quality but not the dream.
Sometimes I feel the island of my self
a silver mercury that slips and runs,
revolving frantic mirrors in itself
beneath the pressure of a million thumbs.
Then I must that night go in search of one
unknown before but recognized on sight
whose touch, expedient or miracle,
stays panic in me and arrests my flight.
Before day breaks I follow back the street,
companioned, to a rocking space above.
Now do my veins in crimson cabins keep
the wild and witless passengers of love.
All is not lost, they say, all is not lost,
but with the startling knowledge of the blind
their fingers flinch to feel such flimsy walls
against the siege of all that is not I!
THE SOFT CITY
I
Eastward the city with scarcely even a murmur
turns in the soft dusk,
the lights of it blur,
the delicate spires are unequal
as though the emollient dusk had begun
to dissolve them…
And the soft air-breathers,
their soft bosoms rising and falling as ferns under
water
responding to some impalpably soft pressure,
turn with the city, too.
The petals of tenderness in them,
their tentative ways of feeling, not quite reaching out
but ever so gently half reaching out and withdrawing,
withdrawing to where their feminine star is withdrawing,
the planet that turns with them,
faithfully always and softly…
II
And if there is something which is not soft in the city,
such as a cry too hard for the soft mouth to hold,
God puts a soft stop to it.
Bending invisibly down, He breathes a narcosis
over the panicky face upturned to entreat Him:
a word as soft as morphine is the word that God uses,
placing His soft hand over the mouth of the cryer
before it has time to gather the force of a cry.
It is almost as if no cry had ever been thought of…
And, yes, over all,
soft canopy over soft canopy,
web over soft, soft web,
gauze hung over gauze,
the mysteries of the tall heaven,
the tall and very soft heaven,
are softest of all!
A WREATH
FOR ALEXANDRA MOLOSTVOVA
For Maria Brit-Neva
It is well to remember, to celebrate and remember,
how as we entered the shadowy vault of
St. Phillip’s,
bearing her roses among us,
five tall solemn men
in the plain gray clothes of the street,
burst into song,
and the reverence of candles…
It is well to remember those tall solemn men
in the clothes they wore on the street,
their faces unweeping but solemn as a departure,
giving her praise as we bore her roses among
them,
and how chill it was till we entered,
and then it was warm, and the reverence of the candles…
It is well to remember, to celebrate and remember
the chant of her name, Alexandra,
its repetition and the solemnity of it,
the name Alexandra,
as if an iron bell rang and continued ringing,
the stately name Alexandra
and again, Alexandra…
It is well to remember the chill of the vault made warm
by the entrance of roses
and the candles’reverence and those tall solemn men
in the plain gray clothes of the street,
chanting her name, Alexandra,
the incantation of her name, Alexandra…
But it is also well for you to forget,
little sister, Maria,
to give her peace and forget,
to place in her hands this wreath and a silent white cross
of Russia
while saying farewell
and whispering, Sleep, Alexandra…
THE BEANSTALK COUNTRY
You know how the mad come into a room,
too boldly,
their eyes exploding on the air like roses,
their entrances from space we never entered.
They’re always attended by someone small and friendly
who goes between their awful world and ours
as though explaining but really only smiling,
a snowy gull that dips above a wreck.
They see not us, nor any Sunday caller
among the geraniums and wicker chairs,
for they are Jacks who climb the beanstalk country,
a place of hammers and tremendous beams,
compared to which the glassed solarium
in which we rise to greet them has no light.
The news we bring them, common, reassuring,
drenched with the cheerful idiocy of noon,
cannot compete with what they have to tell
of what they saw through cracks in the ogre’s oven.
And we draw back. The snowy someone says,
Don’t mind their talk, they are disturbed today!
OLD MEN WITH STICKS
Old men walking abroad
communicate across distances
by sticks clumping the iron earth of winter,
one, two, answering three,
irregular as the senile pulse
that warms them dimly.
Drawn from the pouch that hangs
like a withered testicle at the belted waist,
pearls without luster are passed without passion amongst them;
the dim but enduring stones of hatred
are trafficked amongst them by stealth.
And youth from his lover
draws apart in shame,
looks down and covers
the luster of his nudity,
coughs and cannot return the beloved look.
The ancients, the ancients are walking
aimlessly the dim country.
The moon is a falcon, hooded;
there will be frost. There will indeed be frost
when the bell of space rings
with only withered sticks clumping winter’s iron earth dully.
ORPHEUS DESCENDING
I
They say that the gold of the under kingdom weighs so
that heads cannot lift beneath the weight of their
crowns,
hands cannot lift under jewels,
braceleted arms do not have the strength to beckon.
How could a girl with a wounded foot move through it?
They say that the atmosphere of that kingdom is suffocatingly
weighted by dust of rubies,
Antiquity’s dust that comes from the rubbing together of
jewel and metal, gradual, endless,
a weight that can never be lifted…
How could a shell with a quiver of strings break
through it?
They say that no light exists in it, but now
and again
there is the anguished convulsion of dark into lesser
dark,
exposing momently, dimly,
the court’s eternal session, nearly immobile,
the courtiers crushed by the golden weight of their robes,
the ladies unable to breathe beneath the weight of their blood-
dark garlands of roses,
the weight of their eyelids permitting them barely to open.
Orpheus, how could her wounded foot move through it?
II
It is all very well to remember the wonders that you have
performed in the upper kingdom,
the chasm and forest made responsively vocal,
the course of a river altered as an arm alters when it is
bent at the elbow,
the moments made to continue by the sweet vibrancy of a
string pressed by a finger…
But those were natural wonders compared to what you
essay in the under kingdom
and it will not be completed,
no, it will not be completed,
for you must learn, even you, what we have learned,
that some things are marked by their nature to be not
completed
but only longed for and sought for a while and
abandoned.
And you must learn, even you, what we have learned,
the passion there is for declivity in this world,
the impulse to fall that follows a rising fountain.
Now Orpheus, crawl, O shamefaced fugitive, crawl
back under the crumbling broken wall of yourself,
for you are not stars, sky-set in the shape of a lyre,
but the dust of those who have been dismembered by Furies!
PULSE
The tears that pass, becoming
our estate,
the well-intended counsel
wait and wait!
Opacity that crept
upon the eye,
the hot mouth, arch of want,
grown salty dry,
the rooted tongue that copied
the free lark,
the tired neurosis that
still never stops,
and I, and you,
and all foxlike men,
and all hunted men,
and only for one moment,
now and then,
the fierce encounter at
the broken gate,
the lantern quickly snatched
from hand to hand,
the gasping whisper and
the touch, the spark,
the flush that, for one pulse beat,
lets the hand
leap fishlike from the struggling
net of dark!
LAMENT FOR THE MOTHS
A plague has stricken the moths, the moths are dying,
their bodies are flakes of bronze on the carpets lying.
Enemies of the delicate everywhere
have breathed a pestilent mist into the air.
Lament for the velvety moths, for the moths were lovely.
Often their tender thoughts, for they thought of me,
eased the neurotic ills that haunt the day.
Now an invisible evil takes them away.
I move through the shadowy rooms, I cannot be still,
I must find where the treacherous killer is concealed.
Feverishly I search and still they fall
as fragile as ashes broken against a wall.
Now that the plague has taken the moths away,
who will be cooler than curtains against the day,
who will come early and softly to ease my lot
as I move through the shadowy rooms with a troubled heart?
Give them, O mother of moths and mother of men,
strength to enter the heavy world again,
for delicate were the moths and badly wanted
here in a world by mammoth figures haunted!
THE ANGELS OF FRUCTIFICATION
There at the center,
solidly planted and passively undergoing a final inspection,
waited the five nude angels of fructification.
Their loamy bellies,
containing freshets and bluets and fluctuant little cloud masses,
invisible bells and wires too cunning to measure,
and sockets and pockets to fit them for sexual pleasure,
revolved and revolved with an artfully smooth precision.
A singular hush, for dead lips blow no bugles,
accompanied this half-hour preliminary.
(Here was a place where violence left no debris
and no disaster could interrupt a schedule.)
The troubled Lieutenant stood at the spot marked X.
The troubled Lieutenant remarked, The trouble with all
our technological progress is that it has made
the maker no longer the master.
He watched with a mute concern
and suffered acute heartburn as the headless inspectors,
trusting to finger perception, felt of the flanks
and the warm and rubbery buttocks and of the breasts
whose nipples secreted a sugary bead of moisture
and of the loins whose lips would utter aliveness
after a while, when the passage had been completed.
He shook his head as the headless men stamped
approval
on each of the angels at the base of the spine, and set them up
on the motionless belt conveyor.
The Entrance of Azure,
camouflaged to perfection, was noiselessly raised
and the angels started their progress, their birthward
march
on the earthward arch of a rainbow.
Each of them made
her individual splendor
as she appeared
in the peacefulness of ether.
The birds from her vast
umbilicus were released, the torrents of swallows,
the May birds yellow as butter–
and each serenely buttered her puffed-up cheeks
with a childlike smile
and opened her pudgy pink palms on pink tissue
paper,
lacily fluted and frilled,
for caps and aprons with French phrase books in the
pockets
and cinnamon red hearts to sweeten their fluttering tongue-
tips.
One thing only
might have incurred suspicion.
The one in the rear
was shinier than the others, and while they purred
like monstrous, innocent kittens,
she, like a serpent, hissed and dripped blue spittle.
And still, ostensibly,
the descent was triumphant.
Trumpets declared the approach of the bridal party.
The snowy plateau
of the Andes loomed much closer;
the burning Himalayas lunged their bellies upwards,
longing to plunge in the cooling smother of heaven.
Still obscured by glistening exhalations,
the angels of fructification had now begun
to meet the tumescent phallus of the sun.
Vastly the wheels of the earth sang Alleluia!
And the seven foaming oceans bellowed Oh!
THE INTERIOR OF THE POCKET
It will not be necessary for you to look very far for the boy.
You will probably find him standing close to where you last saw
him,
his attitude changed only slightly, his left hand removed
from the relatively austere pocket of the blue jacket
and thrust now into the more companionable pocket of the gray
pants
so that the glazed material is drawn tight
over the rather surprisingly tenderly sculptured thigh…
The interior of the pocket is dark as the dark room he longs to
sleep in;
it is dark as obliteration of something deeper than
sense,
but in it the hot white hand of the boy is closed on itself
with a betrayal of tension his eyes have refused to betray,
for his eyes have not betrayed him. They are somewhat softer
than blue
and they stay with the afternoon that fades about him, they
take its color,
they even fade with its color as pieces of sky or
water…
They show what nakedness is when a thing is truly naked,
and by the very completeness of its exposure is covered up,
when nothing being not seen makes nothing seen…
But while you watch him from your respectful distance,
as though he were an experiment in a glass, held over a
flame,
about to change, to darken in color or cloud,
a motion occurs under the pocket’s dark cover:
the hot white fingers unclose, they come unknotted and they
extend
slightly sidewise, to offer again their gesture of reassurance
to that part of him, crestfallen, on which he depends
for the dark room he longs to sleep in,
the way small animals nudge one another at night,
as though to whisper, We’re close! There is still no danger!
THOSE WHO IGNORE
THE APPROPRIATE TIME OF THEIR GOING
I
Those who ignore the appropriate time of their going
are the most valiant explorers,
going into a country that no one is meant to go into,
the time coming after that isn’t meant to come after.
In the winter of cities
the chalk-drawn sign of the fish, jaws agape on huge
tongueless outcry
of suffocation
burns over their white iron beds and gradually brightens,
casting violent light on them.
Toward morning, often,
a change occurs in the chemistry of their blood,
a whitening occurs;
promontories of bone are chalk-marked: to be fractured.
Blunt instruments cut open
their abdominal cavities, marked: to be stuffed
with burning sawdust before morning.
Often, in numbered cubicles,
in the solitude of huge dormitories, ghostly footsteps
approach them.
The sister of Rimbaud,
like a white bird, snow-blinded, wanders among the multitude
of the unsleeping
bearing a warm teacup of a brew from the seeds of the poppy,
rushes, breathless, and kneels
once more to implore them to accept absolution and to be sweetly
enfolded
in the blue robe of Mary.
Clock-tower bells,
flights of birds,
soften even a city as fierce as Marseilles, and
sentiment
is the drunkenness of pity…
Often, toward morning,
their respiration quickens. Violets are exchanged
between their unlidded eyes and the folds of their disordered
bedclothes.
Drawn window blinds
release to the late-watching street
a luster softer than the pearls of a mother.
II
Those that go on through time not meant to admit them
are the most valiant explorers,
twisting crabwise on their bellies under crisscros
barbed wire frontiers
constantly higher, into more breathless country,
onto vast snowy plateaus.
Stunted men with fierce dogs rush toward them, firing
above them to halt them.
Under the falsely pitying corona of light before dawn in high
country,
they rise erect with the rigid pride of the hopeless
to hold forth hopelessly forged documents, passports photos that
bear them
no present ressemblance,
and are told to go on, continuing being their glory…
*
* *
In summer the number is taken away from their door and their
bed grows double,
making more room for less slumber.
As drunken bed partners,
they are incomparably passive and unresponding.
You almost believe they are sleeping until,
without turning to tell you,
they tell you to go, as gently and simply as they had told you
to enter.
(Practices,
never abandoned,
hold their youth in such thin fingers that tremble!)
III
Longer, much longer than anyone else you know they keep the
same phone number
and will answer, if called,
in faraway seashell voices that come and go, as full of
distance
as if they had stayed alone and unmoved
in the torrent that swept you from them farther than far;
even as though
they offered their soft responses from the same autumn-blowing
streetcorner
where you last saw them,
perhaps still wrapped
in that imperishable military topcoat, spattered so oddly
with indelible faint blue stains
as though Doom’s Partner, whom you’ve divided between you,
times without number,
in one of his brief, gleeful outbursts
inspired by the shock of bar’s closing and rude expulsion
into sea-blowing street,
had one time hurled a fistful of violets at their soft, ill bellies,
so fiercely,
that stains of this tender outrage still remain there.
The talk?
Is not what you wanted.
It’s full of long pauses, as though they covered the mouth-piece,
from time to time,
to whisper asides to someone whom you don’t know who is in
the room with them,
and halfway through it
the truth dawns on you, that whom you are calling isn’t them
at all
nor anything theirs,
but the youth that you were when you knew them, participant
of their sorrows, and faithful to them.
From that moment on,
the talk is unbearably awkward. You hang up,
forever!
—but gently, gently, folding a bandage over the mouth of a
wound
that you’ve observed to be mortal, theirs and your own…
Of course some later summer,
one of the inexaustible number of later summers that time enfolds
to release in languid succession from her geisha-girl sleeve,
you pass by chance by taxi by where
they once lived, and, oh, wonder
of all most improbable wonders!
—the brownstone front in which was their cold-water flat
has gone like the tent of an Arab,
and in its place
now rises most serenely
one of those tall, tall, arrowy slender all steel and glass
constructions
being almost sky, too, almost the lightest part of it,
that cry so high of sky’s splendor at all fair daybreaks,
and you think, Surely somewhere,
in language rarer than Sanskrit,
on this fair monolith raised in praise and place of their
passion,
must be graven:
their names and birthdates, precedent to the distinct but
short, scared dash
meaning: Still not gone!
PHOTOGRAPH AND PEARLS
When I think of how the light touches him,
no more flatteringly in the photograph on his
mother’s mantel
than I have seen it upon his living face
in the glass-rooms of pool and gymnasium where I first knew him,
I almost believe, for a moment, in his well-ordered life
that once crossed mine, perpendicularly.
I catch myself, for a split second, persuaded
that it might after all have been somewhat more satisfactory,
finally, not to have torn with such unmannerly hunger
at the coarse fibres of experience
but to have accepted, as he did,
the pacifying dominion of a mother’s pearls,
her simplicity and her decorum,
half in and half out of a world where the heart explodes momently
with outrageous demands….
But his mother has now returned with the latest and last of his
letters,
franked by the Navy, seven pages long,
mailed from one of those islands where Paul Gauguin died painting
the formalized, purified images of the lust that diseased him.
And I am led to wonder, under the breath of my polite attention,
whether or not anybody, half or wholly unclothed, golden or
brown,
had ever disturbed in the least
his elegant mother’s dominion of pearls, to ask myself
if possibly somewhere, craftily concealed between the lines
of the seven long pages
may not be half a sentence of something that mothers aren’t
told.
But it is five-thirty, and I am worn out with smiling.
The light is the color of his still
almost too painfully clearly remembered narrow blond
head,
and I rise, with a smile of exhaustion, to tell his mother
goodbye.
THE COMFORTER AND THE BETRAYER
The animal is the comforter and the betrayer,
for he has never seceded altogether from the kingdom of dark,
that perpetual opposite of the state you live in.
He’s kept that shadow with him as a part of his being,
bearing it with him contentedly, trustfully,
never glancing back at it, knowing it’s there.
Your stolen firelight, that lighted circle you crouch in,
is what he distrusts and shrinks from,
believing it should have been left
an uncontested mystery of the gods.
But his longings are still so familiar that you
mistake them for yours, obliging them continually, unthinkingly,
and being only a bit disconcerted, at times,
by the chance discovery
that they are no longer so entirely your own
that their satisfaction appeases all of your heart,
no more entirely your own than his phosphorescent night eyes
are the eyes with which you will face each day’s
bland reassurance of a simple existence continued
among your kind. But the animal is
Not only your betrayer but also your comforter.
Since he is faithfully waiting for your return to him
when you have nothing else to return to.
When you return to him
(waiting a little outside the firelight he’s
never trusted),
he will lick the sensitive hollow of your throat
till it stops painfully throbbing,
he will lick the tips of your fingers with his slow, knowing tongue,
so giving you comfort,
While behind him, on the other side of his dishonestly sheltering,
quickly but easily panting, treacherous, warm flank
Is your natural destroyer whom he has always known to be there,
the dark that he has brought with him. Trust
this betrayer. He is your only comfort.
The summer belvedere
THE SUMMER BELVEDERE
I
Such icy wounds the city people bear
beneath brown coats enveloping withered members!
I do not want to know of mutilations
nor witness the long-drawn evening debarkation
of warm and liquid cargoes in torn wrappings
the ships of mercy carry back from war.
We live on cliffs above such moaning waters!
Our eyeballs are starred by the vision of burning cities,
our eardrums shattered by cannon.
A blast of the dying,
a thunder of people who cannot catch their breath
is caught in the mortar and molded into the walls.
And I, obsessed with a dread of things corroded,
of rasping faucets, of channels that labor to flow,
have no desire to know of morbid tissues,
of cells that begin prodigiously to flower.
There is an hour in which disease will be known
as more than occasion for some dim relative’s sorrow.
But still the watcher within my soundless country
assures the pendulum duties of the heart
and asks no reason but keeps a faithful watch
as I keep mine from the height of the belvedere!
And though no eyrie is sacred to wind entirely,
a wall of twigs can build a kind of summer.
II
I asked my kindest friend to guard my sleep.
I said to him, Give me the motionless thicket of summer,
the velvety cul-de-sac, and quiet the drummer.
I said to him, Brush my forehead with a feather,
not with an eagle’s feather, nor with a sparrow’s,
but with the shadowy feather of an owl.
I said to him, Come to me dressed in a cloak and a cowl,
and bearing a candle whose flame is very still.
Our belvedere looks over a brambly hill.
I said to him, Give me the cool white kernel of summer,
the windless terminal of it, and calm the drummer!
I said to him, Tell the drummer
the rebels have crossed the river and no one is here
but John with the broken drumstick and half-wit Peg
who shot spitballs at the moon from the belvedere.
Tell the feverish drummer no man is here.
But what if he doesn’t believe me?
Give him proof!
For there is no lie that contains no part of truth.
And then, with the sort of courage that comes with fever,
the body becoming sticks that blossom with flame,
the flame for a while obscuring what it consumes,
I twisted and craned to peer in the loftier room—
I saw the visitor there, and him I knew
as my waiting ghost.
The belvedere was blue.
III
I said to my kindest friend, The time has come
to hold what is agitated and make it still.
I said to him, Fold your hands upon the drum.
Permit no kind of sudden or sharp disturbance
but move about you constantly, keeping the guard
with fingers whose touch is narcotic, brushing the walls
to quiet the shuddering in them,
drawing your sleeves across the hostile mirrors
and cupping your palms to breathe upon the glass.
After a while anxiety will pass.
The time has come, I said, for purification.
Rub out the lewd inscriptions on the walls,
remove the prisoners’names and maledictions,
for lack of faith has left impurities here,
and whisper faith to the summer belvedere.
Draw back the kites of hysteria from the sky,
those struggling fish draw back from their breathless pool,
and whisper assurances cool
to the watchful corners, and whisper sleep and sleep
along the treads of the stairs, and up the stair well,
clear to the belvedere, yes, clear up there, where giggling John
stood up in his onionskin of adolescence
to shoot spitballs at the moon from the captain’s walk.
And then, at the last, he said, What shall I do?
The sweetest of treasons, I told him. Lean toward my
listening ear
and whisper the long word to me,
the longest of all words to me,
the word that divides the sky from the belvedere.
CORTEGE
I
Cold, cold, cold
was the merciless blood of your father.
By the halo of his breath
your mother knew him;
by January she knew him,
and dreaded the knowledge.
His winter breath
made tears impossible for her.
glazed the air in the kitchen,
dulled the knife,
crusted with ice the milk jug,
soured the butter,
gave fever to all iron objects
and clenched at her throat,
making speech impossible for her.
She passed him and crept sidewise
down the stairs,
loathing the touch
of the doorknob he had clasped,
hating the napkin
he had used at the table.
The children bolted their food
and played outdoors in winter.
Hopscotch took them
blocks away from their father.
Nowhere was ease
but watchfulness in all corners.
The parlor was uncomfortable as the cellar,
the attic was filled with rafts of legal papers,
testimony at lawsuits
stuffed the pillows,
dawn was judicial
and noon made confiscations.
Evening hunched
and hawked on the roof like a jury.
II
The lawyer’s house
was always in death’s country.
A death was coming.
The minister knew it was coming.
The shroud was cut
before the doctor was summoned.
Winter ached
in the sewing-women’s knuckles.
Your mother knew it.
Familiar and loveless knowledge
withered her running heart
and gave it fever.
Arthritis twisted her.
Vivid roses
her blanched face wore in death,
the borrowed plumage of a wealthy cousin…
*
* *
The funeral cortege,
through the financial district,
among the childlike
images of the park
and into the banker’s
and brewer’s dream of the suburbs
bore with pomp
a woman dead on Monday.
The rumps and nostrils
of horses steamed and frosted.
A mist hung on
the propriety of mourners,
but whisky would hearten
the sentiments felt incumbent
and give unto death
the homage of business partners.
Your father’s breath
made tears impossible for you.
It clenched at your throat,
if froze upon your eyelids.
And on that morning–
precociously –for always–
you lost belief
in everything but loss,
gave credence only to doubt,
and began even then,
as though it were always intended,
to form in your heart
the cortege of future betrayals–
the loveless acts
of crude and familiar knowledge.
EVERYMAN
I went to the house of Everyman,
I found his woman there.
I asked her, Where is Everyman?
She said, His home is air.
I asked her, then, What is he like?
She said, No woman knows.
He moaned a little as he crept
beneath my linen clothes.
He lay upon me as a bird,
she said with half disdain.
Why, in the hurry of his wings
he scarcely spoke my name!
And when he left you, did you grieve?
Oh, no, I scarcely knew…
She rose, and to the window moved,
indolent and huge…
Then all at once her body broke
in two parts, like a stone,
and as the savage bird escaped,
It’s Everyman, she moaned.
PART OF A HERO
I don’t suppose that he will be able to build these fires much
longer
as part of himself must burn like a match struck to light
them,
and yet I continue to see him every morning
collecting dry sticks for his tiny conflagration.
And when it is lighted, he crouches before it and shivers,
humming a single, thin note that comes and goes
as though he moved in long, irregular circles, a mournful song
that comes from a shivering monkey, a monkey
not of the tropics but, of the poles…
Still he would seem to suppose poor Tom’s a-cold,
or that something he once took for something of God in his heart
has only him to warm it, an obligation too sacred
for him to ignore, and so each morning
out he creeps once more to collect and set ablaze
this silly pile of debris
as earnestly as God must have built the sun.
Each fire may be fatal to him, becoming his auto-da-fé,
but if he’s aware of this danger,
it doesn’t appear to disturb him, it certainly fails
to deter him,
and when that distinguished time comes, the one that’s final,
I think we might suitably honor his passing
with a modest but dignified service. I don’t suppose
there will be much left to dispose of,
a handful of powder, bluish and very dark,
and light on the palm as the dropping of a sparrow.
Still, as he goes, as the sable-plumed wind removes him
with that mechanical mourning sound of air’s motion,
I will remark to myself, He has gone beyond us.
I may even feel a touch of his exaltation.
And though I may not in the least understand for what
reason
he made his choice, or thought it incumbent upon him,
this much will be clear as any of his lost mornings,
that he did own one essential part of a hero,
the idea of life as a nothing-witholding submission of self
to flame.
DESCENT
It was a steep hill that you went down, calling back to me,
saying that you would be only a little while.
I waited longer than that.
The thin-blooded grass of the hill continued to stir in the
wind
and the wind grew colder.
I looked across the deep valley.
I saw that the sun was yellow as lemon upon the dark pines,
but elsewhere pools of cool shadow like stains of
dark water
crept gradually onto the hill as the sunlight dimmed.
I waited longer. But finally I rose from the grass
and went back down the path by which we had come
and noted, here and there, your footprints pointing upward,
narrow and light.
SHADOW BOXES
Old ladies’ skulls
are collapsible shadow boxes
containing Louise and Cornelius and Esmeralda,
some of them filmy
as dead flies dissolving in water,
but others still vivid,
mortality fresher upon them,
exposing their wounds, and complaining:
You had no pity!
Old ladies’ hearts
are cynical imitations of living tissue,
devices which may,
without any palpable warning,
just at the moment of rising or going to bed
or climbing the steps of verandas or soaking in baths,
abandon the vraisemblance,
evicting Louise and Cornelius and Esmeralda,
turning all petulant nonpaying residents out
of the comfortable, lukewarm,
watery matrix of love that plots dissolution–
projecting themselves,
as well as those veteran shadows,
onto a screen
that is further and further removed,
a screen in the depths
of a theater filling with smoke–
till the cinema stops.
INTIMATIONS
I do not think that I ought to appear in public
below the shoulders.
Below the collar bone
I am swathed in bandages already.
I have received no serious wound as yet
but I am expecting several.
A slant of light reminds me of iron lances;
my belly shudders and my loins contract.
A bandage applied in advance is no prevention.
The wound arrives without a cut in the bandage,
mysteriously, in the night, while the paralyzed victim is
sleeping.
And then they have to admit, Oh yes, he was right;
apparently his anxieties were well founded!
Rolling his eyes above the pallid sheet, he tries to speak.
So dolorous are those eyes, two hackneyed rhymes,
two pitiful little jingles on epic themes…
I reach for the white scratch-pad:
They’ll come again!
They’ll come again and I’ll be unprepared!
Oh yes, I know that you’ll leave the night lamp burning
the makeshift pills, like bits of a china rabbit
with on the bottle the doctor’s word everlasting,
But I have also observed his conniving wink and grin
as he heard through a rubber tube mortality’s roar in my
veins…
Alone after midnight in a windy house,
an elderly girl poet
twenty years out of fashion,
bewildered among the debris of romantic boasting,
Bore downstairs her familiar snail’s shell, bottle and
notebook,
and sat and waited and listened
as a spinster for a caller that still fails to come…
It would have been less lonely if, starting back up,
she had not set the wine bottle down so carefully beside her
on a low step before dying…
Under the high and singing forever of darkness,
the strumpet DuBarry,
the manlike woman of Arc,
the priest in flames, the burning Savonarola,
all the heretical host of an out-crying disposition cried aloud
or back of the iron mask of silence,
Wait, wait!
Blue is such a delicate piece of paper.
THE DANGEROUS PAINTERS
I
I told him about the galleries upstairs,
the gilt and velour insulation of dangerous painters.
I said, If they let these plunging creations remain
where they sprung from easels, in rooms accessible
to the subjects of them, in barren studios with broken bottles,
with dangling rubber tubes and the sour smell
of materials hugged for warmth, they would be stored fuel
for a massive indignation. The fingers of misshapen bodies
would point them out, and there would be always
the goatlike cry of “Brother!”
The cry of “Brother!”
is worse than the shouting of “Fire!”, contains more danger.
For centuries now it has been struck out of our language
except for private usage, in soundproof walls.
These paintings, I said, would prove an excitation,
a chance that could startle this fierce, intolerable cry
from those who forgot it, for only in agony
is there recognition! The paintings would be
a kind of formicary, a racial hive
with double streams, those bringing and taking away
the materials of it, the stuff of hunger,
the matrix of human longing that licks with flame
at the flimsy superstructures, the trompe-l’œil
expedients have erected.
They find it expedient, then,
to keep these paintings here, as if to say,
This madman died on a gold-brocaded bed,
on cloth of gold this torrent of anger moved.
He had no reason, he acted upon caprice, his will was diseased
that prompted the self-mutilation! And all, all, all
felt only a tender chagrin at his dissipations!
Charwomen have swept the debris of his life away.
I told my friend the story of transmutations,
the painting that hung between madness and dealers’ hagglings,
the ones suspended by tuberculosis above mockery;
I told him of how the painters had had to make
a religion out of endurance that had no patience in it
but only will and only defiance of factors.
And how they had sifted among the webs of profit
into these opulent halls where connoisseurs
accorded them rosy hum of sound through delicate wires
and women’s approval who looked at nothing but mirrors.
This is their way, I said. Do you wish to follow?
The young man smiled and said, I would like to meet them!
I looked at him, then, a youth with veins unswollen,
the kind of purity in him that costs so little,
that comes intact at birth and is not depleted
by any irregular happenings to him since. I shook my head.
Their posthumous reputations are much better.
If I could arrange a meeting, you’d be disappointed,
you’d find their ways oblique, their breath not pleasant,
their handclasp loose and humid. Their posthumous reputations
are much, much better!
But some, he said, are my contemporaries!
I wondered how much I knew, how much I could tell him
without exhibiting to him my passport photo.
I told him, then, about the living painters.
These men, I said, are quiet and dangerous persons.
When entertained, they are nervous,
you notice the glass stem trembling in their hands;
their eyes assess the value of your jewels.
What do they fit? Not one convenient label.
For safety, labels are given: they grin and wear them,
conscious of panthers springing through their nerves.
Inspect their pictures! Panthers are always springing
out of the frames, lightning and springing tigers,
long cats springing, something is always springing,
barely leashed by the limitations of canvas.
Don’t be sure
that canvas will always contain them, don’t be trustful
of any names they are given, but look at their work
and know them hungry men and men whose wives
are mutilated by anger. There is the key,
in the outraged look on the faces of their women,
or lank-bodied youths they lead by invisible chains
through public places. Tigers! Tigers springing!
Their subjects are countries beneath the Tropic of Cancer!
They make bad friends: I’ve never been easy about them
but felt myself always about to be robbed or beaten
or laughed at when I left them.
Once I was stoned
by a company of five merchants. The painters watched
but none of them interfered.
One of them finally
carried me to his room. He comforted me five days,
one day of comfort for each of the malefactors.
But on the evening of the fifth merchant’s day
he ceased to smile, the pity moved out of his fingers,
he started to paint.
It was not good, it was God,
and I could not endure it. I had to go away.
I said to my young friend, Come!
The painters have left their canvases upstairs,
reposing among the gilt and velour insulation.
They have gone to their rumpled beds to sleep,
to void their tubercular sputum and feel the tigers
running the limitless jungles of their nerves.
Revolution only needs good dreamers.
At night they will start, pressing thumbs to their ears,
sensing the imminence of their dream’s explosion!
Do you want that?
He smiled and said, I came for no other reason!
II
I warned him that he would not be satisfied with it.
I told him that he would not come back changed at all,
for injuries are not changes.
I said to him, Keep the white film over your face
and over your eyelids, merciful white vapor.
Keep whiteness about you always, and never touched
except by the blue of the bones at the stretched kneecaps, the
faint blurred moons of the armpits and the mystery of the groin
that is dark with imagination.
Do not touch,
I begged, the peau de chagrin! It will not let go.
I told him, It never leaves you!
And still his hands appeared to be curving toward it.
I warned him that he would not want it when he had it,
that he would have it in his hand without knowing where to
put it down,
that he would have to hold it and to continue to hold it
long, long after it had become a burden,
because it would be too tender to lay aside;
that even if for a moment he laid it aside
and turned to wash his hands at the violet basin,
he’d find it trodden upon when he turned back
for troops of people are always driven through
by the odor of burning!
I said to him, finally, other arguments failing,
Look at me!
This was a thing I had never dreamed of doing.
It seemed I was born with knowing I had to be covered
as others from birth accept or seek out watchers.
Now, without preparation, without even trials in private,
I had to expose
the hot bruised flesh underneath
and point out to him
the delicate mutilations,
the webs of veins
that had broken from sudden congestion,
where feeling had whirled
those tiny dark spools in me!
Now at this point the galleries must have exploded.
A huge ventilation of walls let in the blue
as faint as the voices of wounded, the gilt and velour
tumbled down wrecked floors to the basement
and birds and serpents vivisected the flame!
The paintings were cracked like plaster walls in bombardments;
the subjects, freed, unleashed by the dream’s explosion,
trooped down spirals or swung from the loose chandeliers;
the painters themselves began to appear in the wreckage,
naked and ugly as apes at a masquerade party,
their limbs entangled in Clytemnestra’s web
but holding above them, on the points of their swords,
the myriad heads of beautiful faithless women!
All time cracked and admitted the truthful flowers.
My last glimpse of him was backed against a wall,
his fists like a panicky boxer’s whirling in air.
By seven o’clock the communications were blasted;
the traffic, turned back from the suburbs, found also blocked
the streets of the mercantile section. The opposition
was penned near Union Plaza. I turned away
as the fountains began to play on them molten torrents;
it was all one burning, one pure, intolerable burning –
I turned away…
Black bread of pity the old nurse gave at supper;
she passed it among the quiet and stupefied people
as evening fell with cinders drifting, drifting,
everywhere cinders drifting.
The spent and purified people
crouched on the pavements, hunched along broken walls,
and were grateful for stillness,
grateful for effortless breathing now that the wind
had begun to freshen the city.
The city slept.
The jockeys at Hialeah
For J.
THE JOCKEYS AT HIALEAH
I
At night the drawn blinds
are light blue instead of green
and hydrants galore give issue to much green water,
tumble and hum
with sometimes two in a tub,
with white linen towels or white tissue sprinkled with talcum
in whitewashed cottages where the jockeys are paddocked
five in a row,
in sight and sound of the depot…
And everywhere back of the innocent silk of the blinds
in the shotgun cottages, scented with Florida water,
the hoptoads devote some intervals
to the comics,
absorbing the prat-fall with the cosmic projectile,
the villainous domino with the leopard-skin drawers…
But a listener hears,
if he is expectant and still,
the infinitesimal tick of filaments in light bulbs
springing out of position,
fifty-watt Mazdas giving up steady white ghosts.
And after long intervals – talk,
subdued exclamations!
But couldn’t distinguish surprise from indignation,
quit from will you?
Smelling hot oranges in the Loop
of Chicago…
The Loop is the way the crow flies
between kids’giggles and lighthearted cohabitation,
between jam sessions and bedrooms at the Blackstone
(with light bulbs that swing delightedly
as you do,
somewhere between archdeacons and the Voodoo!)
But Electric Avenue stops for NoooooBODY! – who doesn’t
believe
one number comes twice in two throws,
or thinks God’s ignorant of the chance He’s taking!
II
The Sunshine Special has deposited you under skies of pink
tissue paper
which little girls’scissors will cut into gap-toothed grins and
triangular eyes.
The cutout sections, looped over telephone wires, will be
irritably
brushed aside in the rush for entrances.
And you will stop short, coming out of the railroad depot
thinking you heard your name called,
which is thought-transference, because–
the face of your love is chalk-white!
She has taken poison.
The fire department has been called out to revive her.
Her dresses collected grass stains after soft-drink
parlors,
and her brother’s pictures
a sailor between Hula girls in Honolulu,
framed in forget-me-nots on the ivory bureau.
Her scent is from Liggett’s, in half-ounce bottles,
the colors
of what the Mexicans call refrescos y helados,
vended between the deaths of bulls on Sundays.
She dies likewise eight times between sol y sombra
and is hauled by a team of horses across an arena,
but eight times revives and comes back plunging again,
to meet your banderillos with bloodshot eyes.
Her hands are like ice and she has called for you twice!
But at five o’clock in the Dutch-blue afternoon,
she is out of danger and you are out of Miami
with all the free pussy there is in a land of plenty!
Ah, but your silver victrola,
which talked of your losses before it was also lost,
which grieved for your grief before it was also grieved for–
heavy, heavy hangs over your head and your heart,
and whom will you meet on San Juan de Latrene to redeem it?
III
Any how now we stopped at a hoptoad’s
heaven,
one scrub pine and clean sheets without any questions,
radios numbered as blackbirds in the king’s pie!
Something all the time going on in the place–
stud in the parlor,
pinochle on the back porch,
something suspiciously humming and rattling upstairs,
which Daisy explained
was a kind of electric contrivance
for curing inquisitive cats of their bad habits…
But to believe in luxury isn’t necessarily nor even probably to
lack dynamism,
and lots of babies who’ve never been properly weaned from
Hotel Statler room service
can still make sing, or make like magnificent singing, canaries
in bedsprings,
being wired to transmit equally well as to receive
currents of that blue stuff
which is come of creation,
the doves of Aphrodite’s or anyone’s car!
IV
The sun makes up with them after a silly quarrel.
Under the feigned and profaned look of magazine cuties,
Meridians BOOMED!
Coo-coo!
Shag ass to breakfast!
The situation involves a poppy kimono, intermittently opened
to cool off
Bob–
but more of them know than you would suspect of knowing
the faute-de-mieux convenience…
And evening makes a difference in a place.
Somebody buffs his shoes with a steady buff.
Somebody looks in a chiffonier for something
which turns out not to be there,
or if it is there, is not the right color or size,
or proves in some other respect an unpleasant
surprise.
Somebody thinks he is quicker than somebody’s buddy who’s bigger
and heigh-ho,
off they both go
in the Black Maria!
Yes, evening makes a difference in a place
much like a drunkard’s poem before his blonde
calls – Waiter! Check! We’re leaving…
Bibulous sonnet, too deep for appreciation–
and bed’s ENORMOUS!
Big as a fire truck, rockets us to
slumber,
hanging on brass-hinged ladders with faraway eyes.
RECUERDO
I. The Bloodless Violets
And he remembered the death of his grandmother
whose hands were accustomed to draw white curtains about him
before he moved to Electric Avenue…
In childhood’s spectrum of violence, she remained pale,
a drift of linen among tall, sunny chambers.
It was not ordained by God, nor any minister of Him,
that time should be caught in the withered crook of her elbow
or that she who would not
give injury to birds,
had nevertheless been called upon to carry
a cage full of swallows into an evil guest chamber
because her hands,
the knuckles of which were arthritic,
finger tips numbed by winter,
could not disengage
the long-ago hairpin twisted about
the cage door…
But Spring’s first almost bloodless violets were removed
from the washing machine in the basement,
making it plain
why such a contagion of languor,
brought indoors with the laundry,
made visitors yawn.
Possibly also explaining why slumber’s mischievous
matchmaking
had put him to bed with young witches,
indistinct beings anonymous of gender,
some of them only a hollowness fastened upon his
groin
and drawing, drawing,
the jelly out of his bones and leaving him only,
finally,
tenderly,
coldly–
the damp initial of Eros.
II. Episode
And then the long, long peltering schools of rain!
Ozzie, the black nurse,
tussles with the awnings,
a peppery kind of battle
in which she is worsted.
—Lightning,
her starched white skirt,
is yanked across heaven!
Aw, God, Mizz Williams!
—horse liniment stung her,
And in the morning,
a telephone pole in our attic,
slippery, blanched –
A Mississippi tornado!
III. The Paper Lantern
My sister was quicker at everything than I.
At five she could say the multiplication tables
with barely a pause for breath,
while I was employed
with frames of colored beads in Kindy Garden.
At eight she could play
Idillio and The Scarf Dance
while I was chopping at scales and exercises.
At fifteen my sister
impatiently at the White Star Pharmacy corner
but plunged headlong
into the discovery, Love!
Then vanished completely–
for love’s explosion, defined as early
madness,
consumingly shone in her transparent heart for a season
and burned it out, a tissue-paper lantern!
—torn from a string!
—tumbled across a pavilion!
flickering three times, almost seeming to cry…
My sister was quicker at everything than I.
THE LEGEND
I
They built a new temple where the old had fallen
in the long and terrible days of Indian summer.
Their eyes in their skulls
admitted no sensible light.
They walked with hands pressed to their mouths,
observing a law of silence
while the crossed blades shone
wicked and jewel-like
in atmosphere that shook with September heat.
It must have been she that spoke first
the damned thing they were forbidden,
ugly upon her lips as something which had been scrawled
with a thick black stub of pencil
across a wall…
He turned, coughing dryly a little,
as if to stamp out
with sudden look of denial
that muttering speech.
But it was too late–
already those flames, tinder-quick,
the sperm of the goatlike summer
that ravaged her loins,
had licked up the steep hillside.
Those stunted bushes,
the ones with the hard red berries,
accepted the fire almost as a benediction,
and passed it on,
from tree to little tree,
from branch to branch,
till silently all the hillside quivered with light.
II
And still he would not look at her.
Her head was a thick chunk of amber
the light shone through,
transformed from blocks to spear points.
Her limbs divided,
spread indolently fanwise,
the wings of a tired butterfly…
Her eyes dropped downward, mocking,
to where his body had raised
a part of itself
like a child’s hand raised
to ask to answer a question.
Adam! Adam!
And now the whole afternoon
had hardened into a block of transparent amber,
no longer water,
difficult to wade through,
but something that locked
all movement absolutely…
Yes, he admitted,
the tongue in his mouth like cotton,
I want to touch you!
The crossed blades shifted,
the wind blew south, and forever
the birds, like ashes, lifted
away from that hot center–
but they, being lost,
could not observe an omen–
they knew only
the hot, quick arrow of love
while metals clashed,
a battle of angels above them,
and thunder– and storm!
LIFE STORY
After you’ve been to bed together for the first time,
without the advantage or disadvantage of any prior acquaintance,
the other party very often says to you,
Tell me about yourself, I want to know all about you,
what’s your story? And you think maybe they really and
truly do
sincerely want to know your life story, and so you, light up
a cigarette and begin to tell it to them, the two of you
lying together in completely relaxed positions
like a pair of rag dolls a bored child dropped on a bed.
You tell them your story, or as much of your story
as time or a fair degree of prudence allows, and they say,
Oh, oh, oh, oh, oh,
each time a little more faintly, until the oh
is just an audible breath, and then of course
there’s some interruption. Slow room service comes up
with a bowl of melting ice cubes, or one of you rises to pee
and gaze at himself with mild astonishment in the bathroom
mirror.
And then, the first thing you know, before you’ve had time
to pick up where you left off with your enthralling life
story,
they’re telling you their life story, exactly as they’d intended to
all along,
and you’re saying, Oh, oh, oh, oh, oh,
each time a little more faintly, the vowel at last becoming
no more than an audible sigh,
as the elevator, halfway down the corridor and a turn to the left,
draws one last, long, deep breath of exhaustion
and stops breathing forever. Then?
Well, one of you falls asleep
and the other one does likewise with a lighted cigarette
in his mouth,
and that’s how people burn to death in hotel rooms.
THE MAN IN THE DINING CAR
Seated motionless among sliding landscapes
humped or flattened beneath their incongruous load
of agrarian impedimenta,
the man in the dining car
ignored Wyoming,
was conscious only of what he wished to forget,
which clung to him all the closer because of his wanting
to lose it.
Always when a partition lifted another one closed.
He was locked inside the airless box of his skull
with only the perceptual members of his body,
such as the eyes, the mouth, the fingers,
and very briefly, the sex,
affording him some measure of escape.
Yes, he grew restive against confinement,
bought a one-way ticket to another place,
changed his name,
enlarged his list of acquaintances
with new faces
disappointingly similar to those before.
Now in the railroad diner
he waited for motion
to lift a stone from his breast.
But the stone kept traveling with him,
got on the train at Manhattan, still remained at
Chicago,
still remained at St. Paul,
still remained at Cheyenne,
appeared, in fact, to be making a transcontinental excursion.
He fingered his vest,
took the watch out of his pocket,
removed the chain,
unfastened the top three buttons;
the weight remained.
What he carried with him was an invisible ballast.
He wondered how he would feel without it:
very light? Immaterial even?
Yes, perhaps without it
railway transportation would not be necessary at
all;
specific gravity would be lost altogether.
Metallic glimmerings
in the vast noon sun above Wyoming
would mark his aerial passage.
A subtle, complacent hum in the brilliant atmosphere
would barely announce him to strangers.
But now, in the meantime, still
with the bouillon cup before him containing a fine
and colorless sediment of beef and grain,
he practiced the Yogi method
of muscular relaxation,
making himself slacken out like a broken string.
But still his mouth remained compressed and dry
while his vision kept on catching
the senseless succession of scudding telegraph poles.
THE DEATH EMBRACE
I
From distance that drew me closer it seemed I could hear
the sound of machines in motion,
of huge cylindrical objects that gleamed with oil.
Not only the sound but also the vision grew clearer.
Now everything moved
with a kind of ecstatic precision;
no surface but sheer, no socket but fitted the gear
with a frictionless rhythm.
The men in blue,
mechanical, mindless puppets,
all of one height, identical in their appearence,
had cotton wads stuffed in their ears to protect their
eardrums
against that continual thunder;
their eyes were guarded by goggles they had to wipe clean
of oil spattered on them.
The great wheels spat
like cats, with incredible malice;
the hands wore gloves, for what they touched was electric.
The glare was intense, the heat eternal, terrific.
If some unit erred
in performance of its certain function,
auxiliary units were instantly set in motion;
the change so quick you would not know it occurred.
II
At last came a time when the clock rang loudly above them;
then on the balcony, over the scene of their labor,
the foreman advanced with a gas mask over his features.
He glanced at his watch and then again at the clock
and he cleared his throat.
The men in blue were attentive, they gave the salute;
the foreman retourned it to them.
He shouted in some strange language a certain command.
Instantly, then, adjustments were made beneath him;
the men in blue
drew levers, turned wheels, pressed buttons.
Then everything bulged
in a kind of a burning white vapor.
With cries like birds’
the blue men scattered before it
to stations determined by X’s marked on a chart.
After a moment the vapor was cleared away.
Then those who watched, from the galleries high above,
observed with regret that was tempered by admiration
that none of the men who had labored in blue were living.
Then long, slow sighs of solemn and sad approbation,
like moist white flowers petals ballooned
in the air,
floated down through the room
and settled about those bodies which did not move.
The foreman advanced, with gas mask over his face,
to read an announcement.
These men, he said, have liquidated themselves
for the good of the State!
Oh, then, what applause, what a ringing of bells was
started!
Down spiral stairways that were draped with imperial
purple
the spectators filed
and out, then, into the street,
with the foreman before them, receiving loud acclamations,
to form a parade, to march through an arc de triomphe
in the great throbbing heart of the marvelous capital city!
III
A long way off
I heard those machines in motion,
the dull, muffled turning
of huge cylindrical objects immersed in oil.
And this that I heard was counterpoint to our passion.
But you were near, and I told you nothing about it,
for you were small,
and the turning wheels were tremendous…
I think of it now and am glad that I never told you
for where you were
the sound was diminished to music,
a faint, faint hum, mistakable for a spinet…
The light was dim, and there was no terror in it.
THE CHRISTUS OF GUADALAJARA
I
The Christus of Guadalajara
waits for the scarlet tomorrow.
His womanish fingers twitch
at a silvery crucifix
and ashes of roses fall
on His sandals in the hall.
His nakedness, sweet with musk
and pale as the mother of pearl
that enveloped a stainless world,
is stretched out cool in the dusk,
ready to be put on
the moment that He is born.
II
Swallows in circles bewildered
whirl from the dark iron bells,
and over the square the gitana
cannot work her spells.
The room is shadowy, tall,
and filled with the murmur of rain,
Indians crouch in the corners
with moonlike saucers of grain.
The bottles of Lachryma Christi
are stored on the spidery shelves,
and the saints of tomorrow groan
as they flagellate themselves.
III
A stone that covers the stairs
from the dungeon is lifted away
and the Mother of God emerges,
little and patient and gray.
Ignoring the murmurs of comfort,
She kneels to arrange as before
the mothlike garments of Gesu
over the cold stone floor,
kissing the delicate stitches,
tenderly blessing them,
and scattering tears like jewels
over the silken hem.
IV
Time is a long-drawn thunder
of waters under the ground
as high in the vaulted ceiling
the bells are beginning to sound.
The Christus of Guadalajara
cannot wake nor sleep.
The angels hover above Him
To catch His fluttering speech.
He whispers love and love,
the angels answer death,
and the shuddering hush between
is Sancta Maria’s breath.
V
The Christus of Guadalajara
turns in His salted sheet.
Into His palms are driven
the nails and into His feet.
O Mother of God, have mercy,
He cries, and if She could
Our Lady would give Her crown
to ransom a drop of His blood.
But alone in Her anguish as He,
La Madrecita has curled
in a lampless corner to bear
Her terrible Rose of the World.
CARROUSEL TUNE
Turn again, turn again, turn once again;
the freaks of the cosmic circus are men.
We are the gooks and geeks of creation;
Believe-It-or-Not is the name of our star.
Each of us here thinks the other is queer
and no one’s mistaken since all of us are!
Turn again, turn again, turn once again;
the freaks of the cosmic circus are men.
We sweat and we fume in a four-cornered room
and love is the reason. But what does love do?
It gives willy-nilly to poor silly Billy
the chance to discover what daddy went through.
Turn again, turn again, turn once again;
the freaks of the cosmic circus are men.
We may hum and hop like a musical top
or stop like a clock that’s run down,
but why be downhearted, the season’s just started,
and new shows are coming to town!
Turn again, turn again, turn once again;
the freaks of the cosmic circus are men.
IRON IS THE WINTER
Iron is the winter, locked upon the south,
locked on the mountains where the springs are fed;
and still our blood is sacred; to the mouth
the tongue of the beloved is holy bread.
Steel is the glacier and the fields of snow
are locked by firs inviolate of sound;
those forests breathe, their giant white nostrils blow
frost on the steeples; quietly sleeps the town.
The frozen heroes whose tremendous wounds
are roses sculptured in the mer de glace
slumber as children in blue peaceful rooms,
with lips that smile incredible advice.
Who is the corner that destroys the snow,
whose track appears triangular and vast?
One moment seen, the demon robot’s face
explodes from thought the moment he is past.
We hear no warning, yet awake and turn;
infinity cries loudly overhead;
as earth divides, our bodies meet and burn
and in our mouths we take the holy bread.
Hoofprints of a Little Horse
WHICH IS MY LITTLE BOY?
For Carson McCullers
Which is my little boy, which is he,
Jean qui pleure ou Jean qui rit?
Jean qui rit is my delicate John,
the one with the Chinese slippers on,
whose hobbyhorse in a single bound
carries me back to native ground.
But Jean qui pleure is mysterieux
with sorrows older than Naishapur,
with all of the stars and all of the moons
mirrored in little silver spoons.
Which is my little boy, which is he,
Jean qui pleure ou Jean qui rit?
LADY, ANEMONE
The body burned away the parting cloth.
As though a compass hand had pointed north,
he moved!
Storms, waterfalls, and tall men
move this way–
tremendous impulse draws them,
not to stay!
Lady,
anemone,
violet-soft and kissing,
tender scabbard with a fierce blade missing…
You will awake to find a tall man gone,
his north become the morning.
Like a tear,
it trembles, hesitates, turns very clear,
illustrious morning, weather of his smile.
Who brought, enveloped in a rainbow storm,
eleven fingers wanting to be warmed,
and having warmed them –
lifted with a twist
that put you under him at least a mile!
For keepsakes leaving silver on a wrist,
gold on a finger,
bruises on your thigh…
It’s only being tired that makes you cry.
HEAVENLY GRASS
From Blue Mountain Ballads
My feet took a walk in heavenly grass.
All day while the sky shone clear as glass.
My feet took a walk in heavenly grass,
All night while the lonesome stars rolled past.
Then my feet come down to walk on earth,
And my mother cried when she gave me birth.
Now my feet walk far and my feet walk fast,
But they still got an itch for heavenly grass.
But they still got an itch for heavenly grass.
LONESOME MAN
From Blue Mountain Ballads
My chair rock-rocks by the door all day
But nobody ever stops my way,
Nobody ever stops by my way.
My teef chaw-chaw on an old ham bone
An’I do the dishes all alone,
I do the dishes all by my lone.
My feet clop-clop on the hardwood floor
Cause I won’t buy love at the hardware store,
I don’t want love from the mercantile store.
Now the clock tick-tocks by my single bed
While the moon looks down at my sleepless head,
While the moon grins down at an ole fool’s head.
CABIN
From Blue Mountain Ballads
The cabin was cozy and hollyhocks grew
Bright by the door till his whisper crept through.
The sun on the sill was yellow and warm
Till she lifted the latch for a man or a storm.
Now the cabin falls to the winter wind
And the walls cave in where they kissed and sinned.
And the long white rain sweeps clean the room
Like a white-haired witch with a long straw broom!
SUGAR IN THE CANE
From Blue Mountain Ballads
I’m red pepper in a shaker,
Bread that’s waitin’ for the baker.
I’m sweet sugar in the cane,
Never touched except by rain.
If you touched me God save you,
These summer days are hot and blue.
I’m potatoes not yet mashed,
I’m a check that ain’t been cashed.
I’m a window with a blind,
Can’t see what goes on behind.
If you did, God save your soul!
These winter nights are blue and cold!
KITCHEN DOOR BLUES
My old lady died of a common cold.
She smoked cigars and was ninety years old.
She was thin as paper with the ribs of a kite,
And she flew out the kitchen door one night.
Now I’m no younger ’n the old lady was,
When she lost gravitation, and I smoke cigars.
I feel sort of peaked, an’I look kinda pore,
So for God’s sake, lock that kitchen door!
GOLD TOOTH BLUES
Now there’s many fool things a woman will do
To catch a man’s eye, she’ll wear a tight shoe,
She’ll wear a light dress and catch a bad cold
And have a tooth pulled for a tooth of gold.
I’m a gold tooth woman with the gold tooth blues
’Cause a gold tooth makes a woman look old!
Now gold in the bank is a wonderful thing,
And a woman looks nice with a nice gold ring,
But, honey, take a tip, and the tip ain’t cold,
Your mouth’s no place to carry your gold!
I’m a gold tooth woman with the gold tooth blues
‘Cause a gold tooth makes a woman look old!
Some late Sunday mawnin’ when you’re still in the hay
And you want a little lovin’, your sweet man’ll say,
With a look that’ll turn your heart’s blood cold,
Woman, that gold tooth makes you look old!
I’m a gold tooth woman with the gold tooth blues
‘Cause a gold tooth makes a woman look old!
When your man’s out of money and he must have a drink,
He’ll sneak up behind you at the kitchen sink,
And before you can holler, I’m telling the truth,
He’ll brain you with a black-jack and pull your gold tooth!
I’m a gold tooth woman with the gold tooth blues
‘Cause a gold tooth makes a woman look old!
HER HEAD ON THE PILLOW
In the morning I watched her rise
and in the night lie down,
and I swear that her head on the pillow was bright
as Holy Mary’s crown;
I swear that her head on the pillow was bright
as Mary’s golden crown.
The heart is drawn to a thing so light
and the hand to a thing so warm,
but I swear that I pressed a stone to my heart
when I took the lady by storm;
I swear that I pressed my heart to a stone
when I covered her by storm.
A shadow fell on her face that night
and her hand on the lace of her gown,
but I swear that her head on the pillow was bright
as Holy Mary’s crown;
I swear that her head on the pillow was bright,
as Mary’s golden crown.
ACROSS THE SPACE
I
Across the space between
a bed and chair
I watch you fade into
the fading air.
Intimate these moments,
dim and warm.
My finger tips could touch
your unsleeved arm
and so release the fire
and brutal shock
suspended in quiet air
and tender watch.
I say I could, and it
may be I will,
but have forborne and am
forbearing still,
for there is something delicate
and rare
drawn tight across the space
from bed to chair.
II
It is delusion that
this quiet could bloom
something that’s timeless in
our little room,
for time’s not cheated by
a moment’s quiet;
the heartbeats echo to
eternal riot.
The cock will crow his fading
stars among;
the lie is only waiting
on the tongue!
But while it waits, I speak not
false to you;
something unspoken in
the room is true;
something that’s delicate
and dim and rare
breathes in the space between
a bed and chair.
MY LITTLE ONE
My little one whose tongue is dumb,
whose fingers cannot hold to things,
who is so mercilessly young,
he leaps upon the instant things,
I hold him not. Indeed, who could?
He runs into the burning wood.
Follow, follow if you can!
He will come out grown to a man
and not remember whom he kissed,
who caught him by the slender wrist
and bound him by a tender yoke
which, understanding not, he broke.
THE ISLAND IS MEMORABLE TO US
The island is memorable to us
as the change of a mirror
or an underground river.
The island loses in going.
It appears to be still.
Half of it, now, is in shadow,
and yet it increases in going,
memorable as the moon’s changes.
It makes unnoticed advances
with an appearance of yielding;
it slips through the fingers,
a stone with a milky luster…
No, you cannot hold it, it
twists like a woman! Its nights
are memorable to us: the black
rope-straining goat’s golden-
eyed gaze at our passings,
the leghorn rooster, white
as a bare body’s twisting, the cross
enclosed by the cipher, the night
enclosed by the rose…
Oh, heavy our flow
compared to the weight of an island!
For we are the anchored, the island
a constant white gliding!
SAN SEBASTIANO DE SODOMA
How did saint Sebastian die?
Arrows pierced his throat and thigh
which only knew, before that time,
the dolors of a concubine.
Near above him, hardly over,
hovered his gold martyr’s crown.
Even Mary from Her tower
of heaven leaned a little down
and as She leaned, She raised a corner
of a cloud through which to spy.
Sweetly troubled Mary murmured
as She watched the arrows fly.
And as the cup that was profaned
gave up its sweet, intemperate wine,
all the golden bells of heaven
praised an emperor’s concubine.
TUESDAY’S CHILD
My brother Jack was wild.
That’s frequently the case with Tuesday’s child
who has the gift of grace and no gift other–
But I
have had no lover.
Iron numerals give the address, and the year’s
engraved, not written.
I was three times bitten,
by frost and a neighbor’s dog and a cousin’s child–
once felt a touch that burned through my child heart’s cover
but could not speak nor move away nor turn…
I had no lover.
My brother Jack was wild.
with mistresses who circled him like moons,
one black, one gold,
one turning early gray,
and while the piper’s waiting for his pay
he still will play the most bewitching tunes!
But I
have had no lover.
My brother Jack is wild.
He watches leaping things and things that fly
and distances that hounds or falcons cover.
But I have watched a spider in the sky
that spins gray lace as patiently as I
wait for my brother.
TOWNS BECOME JEWELS
Towns become jewels
at seven, after sunset,
pearled with lamps,
the arcades lit for pleasure…
High, high, high
is the night’s thin music above them!
Oh, why are they not
as once we believed they were,
incorruptible gems,
true diamonds dropped in water?
MORNINGS ON BOURBON STREET
He knew he would say it. But could he believe it again?
He thought of the innocent mornings on Bourbon Street,
of the sunny courtyard and the iron
lion’s head on the door.
He thought of the quality light could not be expected
to have again after rain,
the pigeons and drunkards coming together from under
the same stone arches, to move again in the sun’s
faint mumble of benediction with faint surprise.
He thought of the tall iron horseman before the Cabildo,
tipping his hat so gallantly toward old wharves,
the mist of the river beginning to climb about him.
He thought of the rotten-sweet odor the Old Quarter had,
so much like a warning of what he would have to learn.
He thought of belief and the gradual loss of belief
and the piecing together of something like it again.
But, oh, how his blood had almost turned in color
when once, in response to a sudden call from a window,
he stopped on a curbstone and first thought,
Love. Love. Love.
He knew he would say it. But could he believe it again?
He thought of Irene whose body was offered at night
behind the cathedral, whose outspoken pictures were hung
outdoors, in the public square,
as brutal as knuckles smashed into grinning faces.
He thought of the merchant sailor who wrote of the sea,
haltingly, with a huge power locked in a halting tongue–
lost in a tanker off the Florida coast,
the locked and virginal power burned in oil.
He thought of the opulent antique dealers on Royal
whose tables of rosewood gleamed as blood under
lamps.
He thought of his friends.
He thought of his lost companions,
of all he had touched and all whose touch he had known.
He wept for remembrance.
But when he had finished weeping, he washed his face,
he smiled at his face in the mirror, preparing to say
to you, whom he was expecting,
Love. Love. Love.
But could he believe it again?
THE LAST WINE
These rooms are public as a place
where strangers come to stay the night;
the court is spacious though bathed in
a curious, oblique gray light.
A bell is rung at every hour
to startle sleeping men awake;
a watchman stationed in the tower
cries pardon for the bell’s mistake.
Yet you who take repeated shocks
without too visible dismay
can watch the gilded weathercocks
peck the starry corn away
until along those spiral stairs,
descending from some place apart,
the sightless, smiling watchman bears
the last wine from the master’s heart.
THE ROAD
I’ve traveled this road thirty years,
gone West
a little too often,
am now past all redemption.
(Sixteen cases of soft-sole slippers,
odd lots, broken merchandise,
prices ranging from three to thirteen dollars.)
I boarded the Pullman at Joplin,
went to the bar,
gazed reflectively at my reflection,
rattled the ice in my glass.
I never speak to strangers.
Sometime I think I will ride into St. Louis
on the back of a snow-white ass.
I will pass along Washington Boulevard,
wholesale artery of the Middle West,
through crowds bearing branches of palms
and the cry will go up,
His Honor!
His Honor!
His Honor in the Highest!
I will lay out my samples in the lobby of the Hotel Statler
and afterward I will be brought up before the paunchy pilot,
crucified on Art Hill, dead and buried.
And on the third day I will rise again from the dead
and break all previous records for cash sales!
Blizzards of ticker tape!
Goose-pimples all over!
Aldermen’s greetings!
Oh golly!
LITTLE HORSE
For F. M.
Mignon he was or mignonette
avec les yeux plus grands que lui.
My name for him was Little Horse.
I fear he had no name for me.
I came upon him more by plan
than accidents appear to be.
Something started or something stopped
and there I was and there was he.
And then it rained but Little Horse
had brought along his parapluie.
Petit cheval it kept quite dry
till he divided it with me.
For it was late and I was lost
when Little Horse enquired of me,
What has a bark but cannot bite?
And I was right. It was a tree.
Mignon he is or mignonette
avec les yeux plus grands que lui.
My name for him is Little Horse.
I wish he had a name for me.
DEATH IS HIGH
Death is high;
it is where the exalted things are.
I know, for breathlessness took me
to a five-pointed star.
I was exalted
but not at ease in that space.
Beneath me your breathing face
cried out, Return, Return.
Return, you called while you slept.
And desperately back I crept
against the ascending fall.
It was not easy to crawl
against those unending torrents of light,
all bending one way,
and only your voice calling, Stay!
But my longing was great
to be comforted and warmed
once more by your sleeping form,
to be, for a while, no higher
than where you are,
little room, warm love, humble star!
OLD MEN ARE FOND
Old men are fond
of little certainties.
The mail will arrive
at exactly three-forty-five,
the crossword puzzle will be
in the upper lefthand corner of
page twenty-three.
The weight of a baby,
the length and breadth of a shoe,
the exact amount of a bill
and when it is due,
the place where it happened,
not why, but precisely when.
Old men
are not at all fond
of going beyond
familiar attachments…
They don’t want to roam in the gloam or to comb
the future with a fine-tooth comb
too far from home.
No, old men are not at all fond
of going much distance beyond
such little certainties as those mentioned above,
the name and the date and the place
and the number and hunger and love…
But what about old men?
Everybody gets to be old now and then.
COVENANT
If you are happy, I will give you an apple,
if you are anxious, I will twist your arm,
and if you permit me, I will be glad to hold you
close to my heart forever and do you no harm.
If I am happy, will you give me an apple?
If I am anxious, you may twist my arm.
And if you would like to, I would like you to hold me
close to your heart forever and do me no harm.
This is a bargain, only two can make it.
This is a covenant offered with desperate calm,
it being uncertain that lovers can drive out demons
with the gift of an apple or the twist of an arm.
SHADOW WOOD
I once looked on a young green tree
that shattered darkness where it stood.
The name of it was tenderness
and where it grew was Shadow Wood.
The leaves of it were little hands
that scattered gold that had no weight,
and never dimmed to lesser gold:
it would have held me could I wait.
Somewhere it stays in grace of light
but I’ve forgotten where it stood,
and once abandoned, never twice
can it be found in Shadow Wood.
For tenderness I would lay down
the weapon that holds death away,
but little words of tenderness
are hard for shadow man to say.
A SEPARATE POEM
I
The day turns holy as though a god moved through it,
wanderingly, unknowing and unknown,
led by the sky as a child is led by its mother.
But the sky of an island is a wandering sky.
It seems bewildered sometimes, it seems bewildered as we are
since the loss of our island.
Oh, yes, we’ve lost our island.
Time took it from us,
snatched it out of our hands as a fresh runner snatches
out of a spent runner’s hand
the bit of white cloth to continue.
Still
we live on the island, but more as visitors,
than as residents, now.
Still we remember
things our island has taught us: how to let the sky go
(as a bit of white cloth to continue)
and other things of a smaller, more intimate nature.
Our island has been a school in which we were backward pupils
but, finally, learning a little, such as:
lies die, but truth doesn’t live except in the truth of our island
which is a truth that wanders, led by the sky
as a child is led by its mother, and the sky wanders, too.
II
I dreamed one night without sleeping that when I returned,
that night, to a northern island,
you put on the clothes of a god which was your naked body
and moved from window to window in a room made of
windows, drawing, closing the curtains, your back
turned to me, showing no sign that you knew that you were
building an island: then came to rest, fleshed
in a god’s perfection beside me.
Even then,
I knew that to build an island is not to hold it always,
but longing was so much stronger, yes, even stronger
than the dread of not holding, always.
Perhaps it would have been better if I had touched only your hand,
or only leaned over your head and clasped it all the night through.
But longing was so much stronger…
III
Our travels ranged wide of our island but nowhere nearly so far
as our silence now enters the bare and mountainous country
of what cannot be spoken.
When we speak to each other
we speak of things that mean nothing of what we meant to each
other.
Small things
gather about us as if to shield our vision from a wide landscape
untouched by the sun and yet blindingly lighted.
We say small things to each other
in quiet, tired voices, hoarsened as if by shouting across a great
distance.
We say small things to each other carefully,
politely,
such as:
Here’s the newspaper, which part of it do you want?
Oh, I don’t care, any part but the funnies or ads….
But under the silence of what we say to each other,
is the much more articulate silence of what we don’t say to each
other,
a storm of things unspoken,
coiled, reserved, appointed,
ticking away like a clock attached to a time-bomb:
crash, fire, demolition
wound up in the quietly,
almost tenderly,
small, familiar things spoken.
IV
Do you remember, as I do,
that in the temple of the Emerald Buddha in Bangkok,
there was, near the entrance,
a table bearing a laughable assortment of western
gadgets, such as:
a portable radio called Zenith,
an electric razor called Sunbeam,
an alarm-clock called Little Ben that was actually
ticking?
And as for the Emerald Buddha, both of us thought him
disconcertingly small,
not glittering but glazed,
and he was just sitting there to be visited and observed by
travelers
tired of travel, tourists tired of touring.
It was the long, slow, golden-hazed boat trip
through the canals of Bangkok
that gave us a sense of reverence for something:
the shacks on stilts of bamboo, the ancient women, breasts drooping,
bathing their grandsons in the warm tawny water as if paying
them homage
as loving as it was humble: this, only this,
spoke to us of the limitless range and simplicity of a god, just
this, not the Emerald Buddha in his funnily tacky pavilion…
The water of islands and the sky of islands
are what draw back to us
the visiting god that wanders, unable to speak any language
but that of stillness and radiance outside our windows.
Later, all dims, and nothing is asked past our measure;
the evening of our island
is simple as the question: What shall we have for supper?
and the answer: What would you like for supper?
In voices turned softer by love’s exhaustion and hate’s.
A true god’s image, unless it is drawn by a god,
(and I doubt that they pose for each other)
is better drawn in such quick, light pencil-scratches…
NOTES
PAR TEMPS DE FARFADET
« Par temps de farfadet » : Souvenirs d’enfance à Clarksdale,
Mississippi, où l’auteur vivait avec sa mère Edwina et sa sœur Rose,
chez ses grands-parents maternels. Son père, alcoolique et joueur, avait
quitté la famille. Son grand-père pasteur venait de mourir lorsque paraît
ce livre en 1956. La Sunflower River ou rivière des Tournesols passe à
Clarksdale.
« Testa dell’effebo » : En 1948, à Naples, Tennessee Williams
achète une statuette d’éphèbe en cuivre supposée provenir de Pompéi.
« Virgo » : la constellation de la Vierge.
« Criait le renard » : « D.H.L. » pour David Herbert Lawrence
(1888-1930) dont Tennessee Williams a, très jeune, admiré l’œuvre.
Une nouvelle de D. H. Lawrence, Le Renard (1922), pourrait avoir
suscité ce poème.
« Les yeux » : Poème daté d’août 1949 à Rome. « Oliver » pour
Oliver Evans (1915-1981), un ami écrivain de Tennessee Williams
depuis 1940 à La Nouvelle-Orléans.
« La ville douce » : Poème daté de janvier 1949 à Fez, au Maroc.
Tennessee Williams voyage avec Frank Merlo. Il séjourne à Tanger chez
Paul Bowles qui composera de nombreuses musiques sur ses poèmes.
Le poème est à rapprocher d’une phrase dans la première version de la
pièce Camino Real (1953) : « La présence des femmes a adouci le
discours des villes. »
« Une couronne pour Alexandra Molostvova » : Maria Britneva
(1921-1994), actrice d’origine russe, devenue Lady Saint Just par son
mariage avec un lord anglais, était une amie de Tennessee Williams
avant d’en devenir l’exécutrice testamentaire. Alexandra Molostvova, sa
cousine, fut inhumée à Londres, en 1955.
« Le Pays des haricots magiques » : Le titre est celui d’un conte
populaire anglais, Jack and the Beanstalk. Souvenirs des visites de
l’auteur à sa sœur Rose, internée depuis 1937 à l’hôpital de Farmington,
Missouri, lobotomisée en 1943. Voir Mémoires (1975), in Tennessee
Williams, Théâtre, Roman, Mémoires, Robert Laffont, coll.
« Bouquins », 2011.
« Descente d’Orphée » : Poème daté de mai 1951. Une pièce de
l’auteur portera le même titre en 1957.
« Lamento pour les papillons de nuit » : Dans ses Mémoires,
Tennessee Williams associe le premiers vers à la lobotomisation de sa
sœur Rose. « The Passion of the Moth » a été un des titres envisagés
pour A Streetcar Named Desire.
« Les anges de la fructification » : Poème daté de l’été 1942.
Tennessee Williams avait été réformé en raison de son état psychique.
« L’intérieur de la poche » : Des brouillons datent de 1948-1949.
Dans ses Mémoires, Tennessee Williams écrit : « À Rome, il n’est pas
rare de voir un garçon dans la rue avoir une légère érection. Ils
parcourent souvent la via Veneto avec une main dans la poche, caressant
leur sexe presque inconsciemment. »
« Ceux qui ignorent le moment de partir » : Daté de mai 1955 à
Barcelone. Tennessee Williams était un grand admirateur de Rimbaud.
« Photographie et perles » : Paul Gauguin était le peintre préféré de
Tennessee Williams.
LE BELVÉDÈRE D’ÉTÉ
« Le belvédère d’été » : Poème daté de mai 1943 à Santa Monica,
Californie, alors que les États-Unis étaient entrés en guerre cinq mois
auparavant. Les trois vers : « Je lui ai dit : Effleure mon front avec une
plume, / pas une plume d’aigle, ni de moineau, / mais avec la plume
ténébreuse d’un hibou », font allusion à un vers de Hart Crane (1899-
1932) dans « For The Marriage of Faustus and Helen » : « The mind is
brushed by sparrow wings » « L’esprit est effleuré par des ailes de
moineaux. »
« Cortège » et « L’homme de la rue » : Poèmes datés de l’été 1943 à
Santa Monica.
« Part d’un héros » : Tom est le personnage de Shakespeare dans Le
Roi Lear.
« Boîtes d’ombre » : Cornelius était le prénom du père de Tennessee
Williams.
« Suggestions » : Poème daté de novembre 1941 à Saint-Louis. La
comtesse du Barry (1746-1793), maîtresse de Louis XV, fut guillotinée.
Savonarole (1452-1498) fut étranglé puis brûlé pour hérésie.
« Les peintres dangereux » : Poème écrit en janvier 1943. Au détour
d’une évocation du milieu artistique new-yorkais dans les années 1940,
Tennessee Williams expose l’éthique de son art dans des expressions
comme « une religion de l’endurance » ou « les révolutions n’ont besoin
que de bons rêveurs ».
LES JOCKEYS À HIALEAH
« Les jockeys à Hialeah » : Écrit en 1945 à Chicago, où venait
d’être créée La Ménagerie de verre, premier succès de Tennessee
Williams, puis à Guadalajara au Mexique. « J » pour James Laughlin
(1914-1997) qui était écrivain et fonda, en 1936, les éditions New
Directions qui publiaient l’avant-garde poétique – il fut l’ami et
l’éditeur de Tennessee Williams. « Hialeah » : ville de la banlieue de
Miami dont l’hippodrome était célèbre. « Loop » : le quartier d’affaires
de Chicago. « Blackstone » : un hôtel miteux à Chicago. « Electric
Avenue » : le tram de cette avenue est celui qui sera bientôt « nommé
Désir » (sa destination à La Nouvelle-Orléans), pièce que Tennessee
Williams était alors en train d’écrire. « Sunshine Special » : train qui
relie San Antonio, Texas, à Mexico. « San Juan de Latrene » : une place
de marché à Mexico.
« Recuerdo » : poème daté de juillet 1945 à Mexico. « Ozzie » : la
bonne, de 1911 à 1916, des grands-parents maternels de l’auteur – voir
« Par temps de farfadets ». « Idillio » : concertino pour hautbois (1933)
d’Ermanno Wolf-Ferrari. « Le Pas des écharpes », pièce pour piano
(1888) de Cécile Louise Chaminade.
« La légende » : Poème daté de 1940 au Nouveau Mexique, dont le
titre est celui d’un poème de Hart Crane dans White Buildings (1926).
« Bataille d’anges » : titre d’une pièce de Tennessee Williams qui fit
scandale à Boston la même année ; il la retravailla sous le titre Orpheus
Descending (1957).
« Le Christus of Guadalajara » : Texte daté de juin 1941 à New
York. « Guadalajara » : la cathédrale de Mexico, qui abrite des tableaux
de la Vierge. « Lacryma Christi » : vin du Vésuve, titre également d’un
poème de Hart Crane.
EMPREINTES D’UN PETIT CHEVAL
« Qui est mon petit garçon ? » : Carson McCullers, romancière
(1917-1967), amie de Tennessee Williams depuis 1946.
« Herbe céleste » et les trois poèmes suivants : Les Blue Mountain
Ballads sont des pièces pour voix et piano composées en 1946 par
l’écrivain et compositeur Paul Bowles (1910-1999).
« L’île nous reste en mémoire » : Poème daté de 1950 à Key West,
Floride, et dédié à Frank Merlo dans la revue New Directions, no 12.
« Le saint Sébastien de Sodoma » : Daté de 1949 à Key West, puis
Rome. Le tableau de 1525 est conservé à la Galerie des Offices à
Florence.
« Les matins sur Bourbon Street » : Poème daté de juillet 1943 à
Santa Monica. « Bourbon Street » : artère du quartier français de La
Nouvelle-Orléans, alors lieu de prostitution. « Le Cabildo » : ancien
siège du gouvernement colonial devenu musée, avec une statue équestre
devant la cathédrale adjacente. « Irene » : peintre bohème qui a inspiré
le personnage de Hannah Jelkes dans La Nuit de l’Iguane et la nouvelle
En souvenir d’une aristocrate (Nouvelles complètes, trad., Robert
Laffont, 1989).
« La route » : Des brouillons sont datés de 1938. Le père de l’auteur
a été longtemps représentant en chaussures pour une firme de Saint-
Louis. « Joplin » : ville du sud-ouest du Missouri, à la frontière du
Kansas. « Washington Boulevard » : artère de Saint-Louis. « La colline
des Arts » : quartier des musées à Saint-Louis.
« Petit Cheval » : « F. M. » pour Frank Merlo (1922-1963), acteur et
compagnon de Tennessee Williams de 1947 à 1963.