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Histoire de L'algérie, Depuis Les Temps Les Plus Reculés Jusqu'à Nos Jours (PDFDrive)

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Univers ity of Toronto

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BIBLIOTHÈQUE

JEUNESSE CHRÉTIENNE
APPROUVEE

PAR M« L'ARCHEVÊQUE DE TOURS

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re
SÉRIE IN -8°
PROPR] ETE DES ED1TE1 RS
^
HISTOIRE

. .
... ..'.'.

lit»,
ÉDITE! R.S
HISTOIRE
DE

L'ALGÉRIE
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS
jusqu'à NOS JOURS

PAR J.-J.-E. ROY

QUATRIEME EDITION
REVUE ET AUGMENTÉE

TOURS
ALFRED MAME ET FILS, ÉDITEURS

M DCCG LXXX
HISTOIRE
DE

L'ALGÉRIE

PREMIERE PARTIE

CHAPITRE I

Introduction. — Limites de l'Algérie. — Ses divisions naturelles et po-


litiques. — Montagnes; leur constitution géologique; vallées et plaines.
— Rivières et principaux cours d'eau. Lacs. — — Description de la
zone maritime, ou Sahel. —
Climat de l'Algérie. — Fertilité du sol:
ses productions. — Richesses forestières. — Règne animal.

Entre la mer Méditerranée au nord et le grand désert


du Sahara au sud, entre la régence de Tunis à l'est et
l'empire du Maroc à l'ouest, s'étend une vaste contrée
qui fut pendant trois siècles sous le nom de régence
,

d'Alger, un repaire de pirates, la honte et l'effroi des


nations chrétiennes.
Au mois de juin 1830, une armée française abordait
ces rivages inhospitaliers , et dans une courte et glo-

rieuse campagne s'emparait de la ville d'Alger détrui-


,
HISTOIRE

sait sans retour cette puissance fondée sur le brigan-


dage , et affranchissait la chrétienté du tribut déshono-
rant qu'elle lui avait trop longtemps payé.
Au mois de juillet 1857 , vingt-sept ans après la pre-
mière expédition, une autre armée française achevait
de soumettre la grande Kabylie, restée jusque-là
indépendante, et complétait ainsi la conquête de tout
le territoire de l'ancienne régence.
Maintenant, dans toute l'étendue de ce pays, qu'à
bon droit aujourd'hui nous pouvons nommer l'Afrique
française, et que nous appelons simplement L'Algérie,

il n'y a pas la plus petite portion de territoire qui ne


reconnaisse notre autorité.
A présent que nous n'avons plus qu'à consolider et
à coloniser cette belle conquête, le moment nous parait
opportun d'en retracer l'histoire depuis le jour où le

drapeau français a été planté sur les remparts d'Al


vaincue, malgré les titres pompeux de Victorieuse et
de Bim-Ga/rdée que lui donnaient les musulmans, jus-
qu'au jour où le fort Napoléon, bâti sur les crêtes du
Jurjura, nous garantit la soumission d'un peuple qui
glorifiait jusqu'ici d'avoir résisté à tous les envahis-
seurs du sol africain, depuis les Carthaginois et les
Romains jusqu'aux Arabes et aux Turcs.
A côté du récit des batailles, des combats, des p]
de villes, des exploits de nos soldats, en un mot, de
tout ce qui constitue La conquête à main année de
pays, se placera naturellement Le récit de ce qui en
constitue la conquête pacifique, c'est à dire L'histoire
des établissements et des institutions utiles dont on L'a

doté, et de tout ce qui a été fait pour aider au «1-

Loppement de son agriculture et de son commerce, lui

assurer le- bienfaits 'li' !.t civilisation, et dédomma


DE L'ALGERIE 7

largement la mère patrie des sacrifices qu'elle a faits


sur cette terre devenue désormais partie intégrante de
l'empire français.
Mais avant d'aborder l'histoire de l'occupation fran-
çaise , il est important de jeter un coup d'œil sur le pays
que nous avons soumis , de donner une idée générale
de son aspect, de son climat, de ses productions
diverses, des peuples qui l'habitent, et des principaux
événements qui s'y sont accomplis avant notre arrivée.
Ce sera un moyen de mieux apprécier l'importance de
notre conquête, ses difficultés, et les avantages que
nous pouvons en retirer.

L'Algérie a pour limite naturelle au nord la Médi-


terranée, qui en baigne les côtes sur une longueur de
plus de huit cents kilomètres, en suivant une ligne
inclinée généralement à l'est-nord-est, de sorte que
lesdeux points extrêmes du littoral algérien présentent
une différence assez considérable en latitude tout le :

e
rivage qui est compris entre le 35° et le 37 degré, ce
qui établit une différence , entre les latitudes des points
extrêmes, d'environ deux degrés ou deux cents kilo-
mètres.
La délimitation méridionale de l'Algérie est une ligne
d'oasis unies entre elles par des relations fréquentes,
rattachées aux populations du nord par les premières
nécessités de la vie, séparées brusquement des popu-
lations du sud par une mer de sable ,
plus difficile à

traverser que la mer Méditerranée.


8 HISTOIRE

La nature elle-même a fixé ces deux limites du nord


et du sud de l'Algérie; quant à celles de l'est et de

l'ouest, elles sont purement politiques, et par consé-


quent plus difficiles à déterminer.
La frontière de l'est, qui sépare l'Algérie de la régence
de Tunis , commence dans le sud vers le 32a degré de
latitude ,
passe entre deux terres de parcours de deux
oasis, dont Tune appartient à la régence de Tunis et

l'autre à l'Algérie, se dirige vers Tebessa, et suit le

cours de l'Oued- Hélai jusqu'à la mer.


A l'ouest, la délimitation de l'Algérie et de l'empire
du Maroc est peut-être plus insaisissable que celle de

l'est, quoiqu'elle ait été fixée par un traité solennel,

conclu le 18 mars 1845, entre le général comte de la

Rue, plénipotentiaire de Y empereur des Français |


titre

donné au roi Louis- Philippe dans ce traité ), et Sidi-


Ahmida-ben-Ali, plénipotentiaire de l'empereur du
Maroc.
Il a été arrêté en principe que la limite
rail telle qu'elle existait entre les deux pays avant
I" conquête de l'empire d'Algérie par les Français*
(Art. 1".)
Les plénipotentiaires ont déterminé la limite au
moyen des lieux par lesquels eUepasse, sans Laisser aucun
signe visible sur le sol. (Art. 2.)

Sans entrer dans le détail de cette délimitation . nous


• liions que la frontière <l«
i
L'Algérie, telle qu'elle a été

fixée d'un commun accord entre Les plénipotentiaire

passe dans Le sud à vingt-cinq kilomètres à l'est de


L'oasis marocaine de Figuig, dans Le nord à dix kilo-

mètres de li ville marocaine d'< tudjda, el qu'elle vient


aboutir sur La côte à vingt-quatre ou vingl Bii ki-

lomètres â l'ouest de Djema-Gbazoual ou Nemou


DE L'ALGÉRIE 9

qui est notre dernier établissement maritime de ce


côté.
Ainsi délimitée, l'Algérie embrasse de l'est à l'ouest

un peu plus de la largeur de la France. La distance en


liçne droite de la Galle à Nemours est de neuf cent
cinquante kilomètres (environ deux cent trente -sept
lieues), et celle de Strasbourg à Brest n'est que de
neuf cents kilomètres (environ deux cent vingt- cinq
lieues).
L'Algérie telle que nous venons de la définir est
comprise entre le 32 e et le 37 e degré de latitude , entre
e e
le 7 degré de longitude orientale et le 4 degré de lon-
gitude occidentale, à compter du méridien de Paris.
Elle embrasse donc cinq degrés du nord au sud et dix

degrés de l'est à l'ouest.


Elle présente une superficie de trente- neuf millions
quatre-vingt-dix mille hectares. La superficie de la

France étant de cinquante -deux millions sept cent


soixante -huit mille hectares, il en résulte que l'éten-
due de l'Algérie est égale aux trois quarts de celle de
la France.

Dans sa distribution intérieure, l'Algérie présente


une loi entièrement conforme à celle qui fixe la déli-
mitation de son territoire : elle a des divisions natu-
relles du sud au nord , et des divisions politiques de
l'est à l'ouest.
Entre le rivage de la Méditerranée et le désert de
Sahara règne une chaîne de montagnes connue sous
le nom général d'Atlas, et qui forme la ligne de par-

tage des eaux entre cette mer et le grand désert. Cette


ligne, qui traverse l'Algérie de l'est à l'ouest et d'une
frontière à l'autre, la partage en deux zones, connues
10 HISTOIRE

sous les noms de Tell et de Sahara. Quelques géogra-


phes distinguent en outre une troisième zone, qu'ils

appellent maritime, parce qu'elle est baignée par la

mer, et abordable par «les points nombreux. (Test elle

qui reçoit directement les produits de l'industrie euro-


une, lesquels par les échanges pénétreront jusqu'au
centre de l'Afrique.
Le Tell , avec lequel on confond souvent la zone ma-
ritime, comprend les plateaux de l'Atlas, les plaines
intérieures, propres à la culture, et si fertiles, qu'il

faut chercher au loin des débouchés à ses fruits

Le Sahara est cette région sèche, sablonneuse, brû-


lante, partagée, dans la partie qui appartient à l'Algérie,
en nombreuses oasis, couvertes de palmiers et de
plantes tropicales.
Ces deux zones se distinguent d'une manière tran-
chée par la différence de leurs produits : le Tell i

la région des céréales : le Sahara est la région

palmier--.

La définition seule des deux zones suffit pour faire

[(ressentir l'influen itale que cette division natu-


relle doit exercer sur L'existence et la destinée de l'Al-

sahariennes, n'ayant pas de


:

ou n'en obtenant que des quantité piifiantes,

trouvent dans la nécessité d'en acheter aux tribus du


Tell, dette obligation les amène chaque année dans la

zone productive des céréales , et les rend inévitable-


ment tributaires du pouvoir qui l'occupe.

L'en* imble *]r^ deux principales /eues naturelles


qui composent l'Algérie est coupé transversalement
par des lignes qui en déterminent la division poli-

tique.
DE L'ALGÉRIE 11

Elles partagent l'étendue de nos possessions en


trois provinces et trois préfectures , ayant pour chefs-
lieux Alger, Constantine, Oran. Chaque province com-
prend à la fois une portion du Tell et une portion du
Sahara.
Bien que la division en provinces ait surtout un
caractère politique, elle se rattache cependant à la
division naturelle par un lien de dépendance que nous
devons faire connaître.

Chaque année au printemps


, , les tribus du Sahara
viennent s'établir, avec tout le mobilier de la vie no-
made, vers les limites méridionales du Tell. Elles y
demeurent pendant tout l'été, vendant leur récolte de
dattes et achetant leur provision de blé.
Les lieux de séjour sont presque invariables chaque ;

année la même époque retrouve les mêmes tribus


campées aux mêmes lieux.
Les transactions nombreuses qui s'accomplissent
durant cette période de l'année, et qui intéressent toute
la population de l'Algérie, se concentrent sur certains
points, qui réunissent alors dans un mouvement de
fusion commerciale les deux zones extrêmes de nos
possessions.
Dans ce mouvement d'échanges, il se forme divers
faisceaux d'intérêts , dont les fils partant les uns du
nord , les autres du sud viennent
, se réunir et conver-
ger en certains points fixes.
L'ordre administratif aussi bien que l'intérêt poli-
tique font un devoir de respecter dans la formation des
provinces l'existence et l'intégrité de ces faisceaux. On
voit comment une division politique tracée dans le
Tell détermine une division correspondante dans le
Sahara.
12 HISTOIRK

L'étendue relative du Tell etdu Sahara varie sensi-


blement dans les trois provinces. Dans la province
«l'Alger, la surface du Tell n'est que le tiers de celle du
Sahara; elle en est la moitié dans la province d'Oran;
elle est presque les deux tiers dans la province de
Constantine.
Ainsi, au point de vue de L'agriculture et de la colo-
nisation, la province d'Alger esl La moins bien partaj
des trois; la province d'Oran occupe la seconde place,
et la province de Constantine, la première.
Si l'on compare l'étendue absolue du Tell dans les
trois provinces, c'est encore celle de Constantine qui
l'emporte sur les deux autres. En effet, dans les pro-
vinces réunies d'Alger et d'Oran, le Tell, ou région
des terres de labour, occupe un espace de soixante-
quatre mille cinq cents kilomètres carrés; dans celle de
Constantine seule, il couvre une étendue de soixante-
treize mille quatre cents kilomètre ces. La pro-
vince de Constantine ouvre donc à elle seule un champ
plus largo à la colonisation agricole que les deux autres
ensemble.
Toutes les montagnes qui séparent le Sahara de la

Méditerranée forment la masse de l'Atlas. Les géo-


graphes oïd Longtemps distingué le grand et le petit

Atlas, désignant par ce dernier nom cette chaîne peu


élevée, mais escarpée, qui suit Le Littoral depuis Le dé-
troit de Gibraltar, à travers le Maroc et L'Algérie, jus-
qu'à Tunis. Mais cette distinction est arbitraire et

manque d'exactitude; caries deux chaînes ne sonl


parfaitement distinctes eu aucun endroit, et L'inter-

valle qui Les Lui-même un pays ^\^ mon-


sépare est

tagnes entrecoupé de profondes vallées. Aucune des


cimes de L'Atlas ne s'élève jusqu'à la région des
,

DE L'ALGERIE 13

neiges perpétuelles; elles sont presque toujours cou-


ronnées de vastes et magnifiques forêts de pins. Le
massif du Jurjura et surtout les monts Aurès semblent
être les points culminants.
La constitution géologique de ces montagnes pré-
sente des calcaires anciens, alternant avec un schiste
talqueux; puis viennent les marnes schisteuses alter-
nant avec des calcaires secondaires ; enfin des cal-
caires grossiers avec des marnes blanchâtres, des
sables ferrugineux reposant sur des marnes bleues
gypseuses. Ce terrain est particulièrement développé
près d'Oran, et les plaines dont le sol en est formé
sont d'une grande fertilité, tandis que du côté d'Alger
il parait peu propre à la végétation. On a également
trouvé, mais en petites quantités, des roches volca-
niques, des trachites, des laves, des ponces et des
scories. Parmi les gemmes (ou pierres précieuses), il

faut citer les diamants , les calcédoines , les grenats


les macles, les tourmalines, des cristaux, du quartz
et de belles lames de mica. y a aussi des mines11

d'or, d'argent, d'antimoine, de fer, de plomb et de


cuivre, Ces trois derniers métaux surtout se rencon-
trent en gisements nombreux et puissants.
Au milieu des récifs montagneux qui sillonnent l'Al-
gérie, s'étendent de nombreuses vallées qui parfois
forment de vastes plaines parmi lesquelles on cite en
,

première ligne celles de la Métidja près d'Alger et


de la Medjana dans les environs de Bone; au versant
méridional de l'Atlas, on cite encore celles de Se-
resso, d'El-Mehaguen, d'El-Mansef, d'El-Mita, d'El-
Ouazâren.

Les rivières de l'Algérie ne sont pas navigables, et


14 HISTOIRE

par< conséquent sont dépourvues de toute valeur cornu je


moyen de transport; mais elles en ont une considérable
comme puissance motrice el comme puissance Fécon-
dante. Tantôt elles se précipitent entre les rochers, et

alors il est facile et peu dispendieux d'en employer les


eaux à la création d'usines; tantôt elles coulent dans
les vallées, et il est facile de les détourner pour les
employer aux irrigations. La conformation desberj
lesrend également propres à ce double usage, et
qui semble au premier abord un vice radical de-
vient à ce nouveau point de vue une qualité émi-
nente.
Les principaux cours d'eau sur le versant de la Médi-
terranée sont la Mafrag, la Seibouse, qui se jettent
dans la mer prés de Doue, ainsi que la Boudjima, petite
rivière dont le cours est fort lent; le Béni-Melki, qui
débouche dans Le golfe de Stora; l'Oued el-Kebir '
ou
Rummel, qui passe à < lonstantine; le Bouberak, l'Isa

L'Hamise, L'Haracb, la Mazafran, leChélif, le fleuve le

plus important de L'Algérie; La Macta, le Rio-Salado


etlaTalha; sur le versanl du désert, L'Oued-Medjerdah
et l'Oued- Mille-, L'Oued-Rosran, l'Oued- Bedjer,
l'Oued- Djellâl, L'Oued-el-Djedi, dont le parcours est

considérable, el donl les principaux affluents sonl


l'Oued- el- Aral», L'Oued el-Abied , L'Oued -Hadj<
rOued-Uulad-Abdi, l'Oued-el-Tell , l'Oued- Djeah ,

et l'Oued-el-Féirad. Les autres cours d'eau sont peu


considérables et imparfaitement c lus.

Ce Dom, qui BigniÛe le grand


1
Bouvenl donné par les
\
i

Arabes aux cours d'eau d'une certaine importance; c'eal i«" nom qu'ils
ont donné une des principe
.1 ne el qu'ell»
1 I
,

rvé, Dur sii


1
dii 1 iltération; noua voulons parler du Guadal-
quivir, qui est, en effet une des principales rivières de la Péninsule.
,
DE L'ALGERIE 15

Parmi les lacs il faut citer : dans la province de Con-


stantine, le Guerah-el-Hout, le Guerah-el-Boheira,
le lac Fetzara, la Sebkha-Serkak; dans la province
d'Alger, le lac Alouta; dans celle d'Oran, la Sebkha
ou lac salé, et quelques autres plus petits. Le Sahara
algérien contient un grand nombre de lacs, où se
jettent les fleuves qui l'arrosent. Les plus importants
sont : le lac de Zaghez, le Chot-el-Saïda, le lac de
Nsiga, le lac Felghigh, le lac Melgbigh et le lac de
Chegga.
Pour la description de la zone maritime, que les
indigènes appellent Sahel, nous la suivrons de l'ouest
du Maroc.
à l'est à partir des frontières
Le cap Malouia est le premier qu'on rencontre depuis
la fixation des frontières on passe ensuite devant
;

Djema-Gbazouat, aujourd'hui Nemours; après on


trouve le cap Hone plus loin le cap Noé formé de
,
,

terres hautes et coupées à pic du côté de la mer; le cap


Fégalo, un des plus avancés de la côte, très escarpé
et presque taillé à pic ; le cap Lindlès ,
puis une baie
profonde bordée de plages et de falaises; le cap Falcon,
la baie de las Aguadas, la baie d'Oran. Le mouillage
d'Oran est défendu des vents d'ouest et de nord- ouest
par la Lamouna; et le fort Mers-el-Kebir,
pointe du fort
qui s'avance comme un môle vers l'est, en fait le
meilleur abri qu'on puisse trouver sur la côte d'Algérie.
Le cap Ferrât sépare la baie d'Oran de celle d'Arzeu,
qui offre un excellent mouillage pour toutes les saisons
aux bâtiments ordinaires du commerce. Mais si Arzeu
a un bon mouillage il manque d'eau. Oran a la qualité
,

et le défaut opposés : cette ville est située dans la partie

la plus reculée de la baie qui porte son nom, sur les


deux rives d'un ruisseau qui lui donne en tout temps
16 HISTOIRE

une eau limpide et abondante. Mais les navires ne


peuvent mouiller devant la ville que pendant l'été;

après l'équinoxe d'automne, ils doivent se retirer,


soit à Mers-el-Kebir, soit à Arzeu. Même pendant
la belle saison, le débarcadère cesse d'être pra-
ticable dès que la brise du nord- est commence à

fraîcbir.

Après la baie d'Arzeu vient la pointe du Chélif,


puis une suite de falaises ou de terres peu élevées, le

cap Ivi, une courbure de la côte, peu sensible mais


prolongée, et le cap Ténès. Ce cap est formé d'une
grosse masse de roches escarpées, derrière laquelle
sont deux villes de ce nom. Tune indigène, l'autre
française. La ville indigène, qui est l'aînée, est ap-
pelée par les Français le vieux Ténès. La ville nou-
velle s'est formée au bord de la mer, sur un petit

plateau isolé de toutes parts: elle occupe L'emplai


ment d'une cité romaine appelée Cartenan.
Depuis Ténès jusqu'à Gherchell, la côte présente
un rideau presque continu de montagnes. Cherchell,
l'ancienne Julia Caesarea, la capitale de la Mauritanie
Césarienne et l'une des cités les plus importantes de
L'Afrique romaine, n'est plus aujourd'hui pour nous
qu'une crique de petit cabotage, praticable pour les

petits bâtiments et inaccessible même aux plus pe


lits bateaux à vapeur.— On trouve ensuite le Uax-el-
Amouscb, composé de terres hautes qui occupent une
grande surface, la presqu'île de Sidi-Ferruch, où
l'armée française débarqua le 14 juin 1830, et le cap
Caxine.
La bair d'Alger vient ensuite; la côte est rocail-
leuse d'abord, puis forme une Large plage qui tourne
à l'est-sud-est et se courbe insensiblement en remon-
DE L'ALGÉRIE 17

tant enfin vers le nord jusqu'à l'Hamise, Là le sable


disparaît; c'est une falaise qui, s'élevant graduelle-
ment jusqu'au cap Matifo-u , forme la partie orientale

de la baie d'Alger. — Jusqu'au cap Bengut, il n'y a ni


abri ni mouillage. A partir de Dellys, la côte est sans
sinuosités remarquables jusqu'au cap Corbelin. Une
longue plage de sable terminée par de basses falaises
forme le cordon de la côte jusqu'au cap Sigli.De ce
point au cap Carbou, la côte présente à la mer une
muraille de grands rochers. La baie de Bougie vient
ensuite, et offre un abri sûr en toutes saisons. Bougie
a été autrefois une des premières cités de l'islamisme
sur la côte barbaresque; sa population était évaluée
à cent mille âmes; elle est bien déchue aujourd'hui de
cette splendeur, et quand les Français s'en emparèrent
en 1833, elle comptait au plus mille habitants. Mais
entre nos mains elle est destinée à se relever bientôt
de sa décadence; sa position maritime est admirable,
et un'jour cette ville sera le Gibraltar de nos posses-
sions d'Afrique.
De Bougie jusqu'au port de Djidjelli la côte n'est
qu'une suite de bas rochers. Du cap Boudjaroni ou
Bouzaroni, point le plus septentrional de toute la
côte de F Algérie, appelé par les indigènes Ras-Seba-
Rous (cap des sept caps), jusqu'à la baie de Gollo , la

côte est variée et pittoresque ;


puis on trouve le Raz-
Bibi, formé de mamelons disposés en pointe étroite;
une côte soutenue par d'énormes rochers; une baie
de nouveaux escarpements de rochers; la petite anse
de Stora, que les indigènes regardent comme le
meilleur port du littoral; et enfin le cap Filfila. Le
grand enfoncement compris entre ce cap et le cap de
Fer se nomme golfe de Stora. La côte se redresse
2
18 HISTOIRE

après avoir dépassé PhilippevilLe vers le nord-est


jusqu'au cap de Garde. La plage qui borde la ville de
Bone tourne au sud, et la portion de la côte comprise
entre les caps de Garde et Rosa forme le golfe de Bone.
Immédiatement après, nous trouvons la Galle, ancien
établissement de la compagnie française d'Afrique,
et le cap Roux, limite de L'Algérie.
Bans cette rapide description des côtes de L'Algérie,
nous avons mentionné les principales villes qui se ren-
contrent sur le littoral. Nous reviendrons avec détail
sur ebacune d'elles à mesure qu'elles seront appel
à figurer dans cette histoire.
Située dans la plus chaude moitié de la zone tem-
pérée, mais encore loin du tropique, l'Algérie doit à

cette beureuse position, ainsi qu'à l'élévation mou-


tueuse du sol et au voisinage de la mer, un climat
extrêmement doux et salubre sur les pentes septen-
trionales de l'Atlas; L'hiver offre une température
moyenne de 1*2 à 18 degrés centigrades, et dans
Tété elle atteint de 35 à W degrés; des vents trais et

des brises régulières viennent eu modérer l'ardeur.


D'avril en octobre le ciel est constamment pur; puis
viennent les pluies, qui durent jusqu'en mars. Le
nombre des jours pluvieux n'est guère que de qua-
rante dans l'année; mais la quantité d'eau tombée
es1 considérable, et peut B'évaluer à une moyenne
de soixante -seize centimètres. Les vents les plus
communs sont ceux du nord et du nord-ouest; les
plus rares sont ceux d'est et d'ouest; le vent du sud,
ou simoun, qui souffle trois ou quatre I r mois
• lans l'été, produit une chaleur accablante; mai- il

< -t rare qu'il dure plu- «le vingt-quatre heures.


La végétation est telle qu'on doit l'attendre du
DE L'ALGÉRIE 19

climat, et la contrée n'a point dégénéré; c'est tou-


jours cette fertilité si renommée des anciens. Tous
les fruits l'Europe méridionale y croissent en
de
abondance. Les oranges, les citrons, les amandes, les
jujubes, les caroubes, les figues, les bananes, les
noix, les mûres, les raisins, et généralement tous
nos fruits à pépin et à noyau y sont d'une qualité
supérieure. Le dattier, le pistachier, l'olivier, l'ar-
bousier, la vigne même et l'oranger sont des produits
spontanés du sol. Les plaines donnent les plus riches
moissons de céréales; le riz se cultive dans les vallées,
plus humides. Tous nos légumes et nos herbages pota-
gers y réussissent parfaitement, aussi bien que toutes
les variétés de melons. L'indigo , le coton et surtout le
tabac y ont été introduits depuis la conquête, et font
déjà prévoir une source féconde de revenus pour l'Al-
gérie.
Tous nos arbresnos fleurs d'agrément y croissent
et
naturellement côte à côte de la raquette, de l'agave,
du sumac, des cystes, du genêt épineux, de l'absinthe,
de la menthe et de la sauge.
Les montagnes du littoral sont couvertes d'épaisses
forêts; il s'y trouve des pins d'Alep de la plus grande
beauté, particulièrement sur le mont Boudjareah,
massif isolé qui occupe, en avant de la plaine de la

Métidja, une aire de trente- trois mille hectares; les


sommets du cap Boudjaroni, entre Djidjelli et Collo,
sont garnis de grands arbres; on aperçoit de Bone,
sur les cimes de l'Edough, une futaie qui s'étend sur
le revers opposé et dans les vallées de la Seibouse.
L'Algérie possède surtout en grande quantité deux
arbres fruitiers d'un produit précieux, le chêne à
glands doux et le liège.
20 HISTOIRE

Dans le règne animal on doit citer : parmi les zoo-

phytes, le corail et l'éponge; parmi les insectes, la

sauterelle, la punaise, les moustiques et la puce


surtout, ûéau pour L'épidenne délicat de
véritable
l'Européen. L'eau des mares contient de petites sang-
sues presque imperceptibles, qui occasionnent de fré-

quents accidents. Les scorpions et les tarentules y


sont très dangereux. Les poissons de mer et d'eau

douce sont les mêmes que ceux, des côtes et dos


rivières de Provence. Los reptiles sont très communs
et très variés, les crapauds d'une taille remarquable,
les lézards très multipliés, ainsi que les caméléons.
Les tortues de terre et d'eau douce sont extrèmen
nombreuses, sans parler de celles que la Méditer-
ranée apporte sur les cotes. Les oiseaux sont à peu
près ceux de l'Europe. Quant aux mammifères, parmi
les carnassiers on rencontre le lion, la panthère,
l'once, le lynx, le chacal, l'hyène, l'ours, le loup, le

chien, le chat, le renard, la genette et L'ichneumon;


parmi les rongeurs, le rat, la gerboise, le porc -épie,
le lièvre; parmi les pachydermes, le sanglier; parmi
les ruminants, les antilopes et les gazelles , et enfin les
animaux domestiques, comme le cheval, l'âne, le mu-
let, le chameau, le dromadaire, le bœuf, le mouton

et la chèvre.
Quant aux diverses races d'hommes que l'on ren-
contre en Algérie, nous allons donner, dans un piY
rapide de l'histoire ancienne et du moyen âge de
pays, L'origine des établissements formés par les

peuples dent les d . lants composaient la popu-


lation de la régenco au moment de l'occupation
française. I orsque nous serons arrivés à L'organi-
sation établie par la France, aux pr< t à lins-
DE L'ALGÉRIE 21

toire de noire colonisation, nous présenterons le ta-


bleau de l'état actuel de ces mêmes peuples, de
leurs mœurs, de leurs habitudes, et de leur aptitude
plus ou moins marquée à entrer dans la voie de la
civilisation.

CHAPITRE II

Pkriode antéhi8torique. —
Première habitants de l'Afrique. Opinion —
de Salluste. —
Tradition rapportée par Procope. Numides, —
Maures,
Libyens, etc. —
Période carthaginoise. Étendue —
et nature de la
domination carthaginoise m
Afrique. —
Période romains. d>\\- —
quètes des Romains. —
Division en provinces. Des p —
romaines de l'Afrique. —
Révolte de Tacfarinas. —
Accroissemenl <l"
la population romaine en Afrique. —
Élévation de Gordien à l'empire.
— Sa mort. —
Administration «le Probus. —
A quelle occasion la ville
<le Cirta changea son nom pour celui de Constantine. L'Afrique —
devenue plus romaine que l'Italie. —
Péri ma vandale. Durée de —
cette domination. —
Ses succès; sa rapide décadence. Période —
byzantine. —
Effets de la domination byzantine. —
Conduite tyran-
nique des exarques. — Révoltes qu'elle occasionne. — Tranquillité
rétablie. — Conjectures Bur ce que serait devenue l'Afrique si elle

n'eût pa> été envahie par les Arabes.

Périoiu; ANTÉraSTORiQUE. — Le nord de L'Afrique,


et par conséquent l'Algérie actuelle, a subi dans le

cours des temps de nombreuses et violentes inva-


sions; des races nouvelles sont venues se mêler aux
races indigènes; chaque conquête a amené avec elle

sa religion, qui, devenue l>i<


i
ntot dominant sup-
planté la foi des vaincus; les territoires ont été re-
maniés, les délimitations changées après chaque
révolution, après tous les événements politiques im-
portants; cependant on est frappé, en parcourant
ri

ces annales si variées, si souvent renouvelées dans un


cadre bj mouvant, de trouver toujours les traits prin-
HISTOIRE DE L'ALGÉRIE 23

cipaux des races qui occupent aujourd'hui le sol, de


reconnaître leurs mœurs , leur caractère , et de saisir

les preuves, pour ainsi dire vivantes, de leur origine


et de la légitimité de leur descendance.

Rien que toutes les questions qui


n'est plus obscur
se rattachent aux origines des premiers habitants du
nord de l'Afrique. S'il faut en croire Salluste, qui avait
été gouverneur de la Numidie, et qui s'appuyait sur
des traditions populaires et sur les livres du roi nu-
mide Hiempsal , toute la contrée connue maintenant
sous le nom général de Barbarie, et par conséquent
l'Algérie , eut pour premiers habitants les Gélules et les
Libyens, peuples sauvages, vivant sans lois, sans gou-
vernement, se nourrissant de la chair des bêtes fauves
et de l'herbe des champs , se reposant où la nuit les

surprenait. Continuons maintenant son récit :

« Amort d'Hercule, qui périt en Espagne, selon


la

l'opinion répandue en Afrique, son armée, composée


d'hommes de toutes les nations, se trouva sans chef;
aussi ne tarda- 1- elle pas, à se disperser. Parmi les
peuples qui la composaient, les Mèdes, les Perses et
les Arméniens passèrent en Afrique et vinrent s'éta-
blir sur les côtes de la Méditerranée. Les Perses s'ap-
prochèrent davantage de l'Océan; ils se firent des
cabanes avec leurs vaisseaux renversés, se mêlèrent
aux Gétules par des mariages; et comme dans leurs
fréquentes excursions ils avaient changé souvent de
demeure, ils se donnèrent à eux-mêmes le nom
de Numides. Encore aujourd'hui les habitations des
paysans numides, appelées mapales, ont conservé leur
forme oblongue, et leurs toits cintrés ressemblent à
des carènes de vaisseaux.
24 HISTOIRE

« Aux Mèdes et aux Arméniens se joignirent les

Libyens, peuple plus voisin de la mer d'Afrique que


les Gétules, qui étaient plus près du soleil et de la

région du feu. Ils ne tardèrent pas à bâtir des vil]


Les Libyens altérèrent peu à peu le nom de Mèdes, et

dans leur idiome barbare les appelèrent Mam


« Les Perses furent ceux dont la puissance prit le

plus rapide accroissement; bientôt l'excès de leur po-


pulation força 1rs jeunes gens de se séparer de leurs
pères, et d'aller occuper, près de Carthage, le pa

qui porte aujourd'hui le nom de Numidie 1


.

En rapportant ces traditions, Saliuste lui-même


loin d'en garantir l'authenticité, et il a soin d'ajouter :

Cœterum fides ejus reipenes auctores ait. En effet, ce

nom de Numides, pris par ces peuples parce qu'ils


menaient une vie errante, et que dans la langue
grecque on nomme nomades les peuples qui errent en
faisant paître leurs troupeaux; celui de Maures, ve-
nant par altération de celui de Mèdes, nous paraissent
des étymologies un peu forcées et encore un peu plus
douteuses.
A la tradition mentionnée par Saliuste nous en ajou-
terons une autre rapportée par Procope. Suivant cet
historien, à l'époque .le l'invasion de la Palestine par
Jésus (Josué), iils de Navi, tous les peuples qui habi-
taient la région maritime, depuis Sidon jusqu'aux
frontières de l'Egypte, et qui obéissaient à un seul

roi, les Gergésiens, les Jébuséens, et les autres tribus


nommées par les livres «les Hébreux, abandonnèrent
leur patrie pour échapper au glaive exterminateur des
Israélites, traversèrent L'Egypte, allèrent s'établir en

i
Saliuste , Jugurtha, en. mu.
DE L'ALGÉRIE 25

Afrique , dont ils occupèrent toute la côte septentrio-

nale jusqu'aux colonnes d'Hercule, et fondèrent dans


cette contrée un grand nombre de villes, dans les-

quelles la langue phénicienne était encore en usage


de son temps, au vi° siècle de l'ère chrétienne, ce Ces
émigrés, ajoute -t-il, ont construit un château fort à
l'endroit où s'élève maintenant la ville de Tigisis. Là,
près d'une source très abondante, sont deux stèles de
marbre blanc, portant une inscription en lettres phé-
niciennes qui signifie « Nous sommes ceux qui avons
:

fui loin de la trace du brigand Jésus, fils de Navi. »

Suidas rapporte la même tradition, et mentionne la


même inscription. Ces graves témoignages, qu'il est
difficile de récuser, ont trouvé des incrédules. Gibbon

admet l'existence des stèles; mais il doute des in-


scriptions; Mannert, dans sa géographie des États
barbaresques, regarde la tradition elle-même comme
absurde, et cherche à réfuter le passage entier de
Procope. La savante commission nommée par l'Aca-
démie des inscriptions pour s'occuper
et belles- lettres
de recherches sur la géographie ancienne du nord
de l'Afrique pensait bien différemment et avec plus
de sagesse, quand elle disait dans son rapport, publié
en 1835 : « Certes l'espoir de retrouver des stèles
aussi curieuses pour l'histoire, et qui sont indiquées
avec tant de précision par un auteur véridique, par
un témoin oculaire, mérite qu'on dirige des explo-
rations et des fouilles entre Lambasa (Tezzouta) et
Tamugadis, où était placé Tigisis; » et quand elle
reproduit le passage entier de Procope sur l'origine
des divers peuples qui habitent l'Afrique ,
parce qu'il

lui a semblé un modèle de raison, de jugement et de


saine critique.
HISTOIRE

Pour nous, nous ne pensons pas que l'Afrique


septentrionale ait été peuplée en une seule fois et
définitivement par l'arrivée des fugitifs de la Pa-
lestine; mais en considérant la tendance des races
phéniciennes et arabes à se répandre sur le rivage afri-
cain, la facilité avec laquelle elles s'y établissent, les
nombreuses affinités qu'on découvre entre elles et les

tribus dont nous faisons l'histoire, nous croyons non


seulement à L'émigration qu'atteste Procope, mais
encore à beaucoup d'autres des mêmes peuples dans
les mêmes contrées, en sorte que pour nous le fond
de la population numide et mauritanienne doit être
rattaché à la race sémitique 1
.

Quoi qu'il en soit, à lYpoque où les émigrés de


Tyr élevèrent, non loin des lieux qu'occupe aujour-
d'hui Tunis, la ville qui devait balancer la fortune de
Rome, toute la contrée qui porte maintenant Le nom
d'Algérie était occupée par les Numides, qui avaient
pour voisins, à l'ouest des Maure* à Test des Lt--,

byens, au sud des Gélules, Ajoutons à ces grandes di-


visions les Garamantes, les Maziques, et une foule
d'autres peuplades moins connues. Du reste tous
peuples avaient entre eux une ressemblance qui at-

testait leur origine commune; une distinction fonda-


mentale pouvait cependant servir à partager cette
grande famille en deux groupes; c'est celle qui re-

pose sur le caractère nomade ou sédentaire i

tribus.

1
M. L. Lacroix, Hisl. de la Numidie ei de Ux Mauriian\
'-'

l
savants onl longtemps discuté sur Pori fine du nom de M i

il para!) à peu près re du aujourd'hui que ce mol rienl de Mahur,


qui Bigniûait occidental. Par la môme rail
'

ot donné plus
tard n la contrée habitée par les Maun le nom de Maghrtb, qui
même signification.
,,

DE L'ALGÉRIE 27

Les tribus du premier groupe étaient célèbres par


leur goût pour la vie errante, et, sous le nom géné-
rique de Numides, on les retrouve toujours sem-
blables à elles-mêmes, depuis temps héroïques
les

ou antéhistoriques, sous les dénominations carthagi-


noise, romaine, vandale, arabe et turque. Ce sont
ces cavaliers intrépides, maigres, basanés, montés
à poil sur des chevaux de peu d'apparence, mais
rapides et infatigables, et qu'ils guident avec une
corde tressée de jonc en guise de bride : tels ils ap-
paraissaient aux Romains du temps de Virgile, qui
les qualifiait dHinfrœni, tels ils apparurent encore
à l'armée conquérante de 1830, quand les contin-
gents de l'intérieur se rendirent à l'appel du pacha
turc sur les rivages de Sidi-Ferruch. Déjà les chefs
de tribus gétules avaient ce goût des belles armes
des armes de luxe, qu'ils n'ont jamais perdu depuis.
Quant à la partie inférieure de la nation, c'est une
race dure et exercée aux fatigues, qui couche sur la
terre et s'entasse dans ces mapalia décrits par Sal-
luste, et si étroits qu'à peine y pouvait-on respirer :

comme les Arabes du désert, avec lesquels elles

offrent tant de points de ressemblance, ces tribus né-


gligent l'agriculture et méprisent celles qui s'y livrent.
Dès lors gouvernement paraît être
chez elles le

ce qu'il a toujours été, un mélange de despotisme et


de liberté, que l'exemple récent du gouvernement
d'Abd-el-Kader rend plus facile à concevoir. D'une
part, des chefs qui semblaient absolus, et que les
historiens antiques ont désignés sous le nom de rois
ou sous celui de phylarques quand leur autorité
s'exerçait sur un nombre d'hommes plus restreint;
de l'autre, une agglomération d'individus qui pa-
28 HISTOIRE

raissent si libres dans leurs actions, qu'Appien Les

qualiiie à'autonomoi, xM*>\u>t (ayant leur gouven


ment propre). Ces faits, que l'on croirait d'abord
contradictoir» is, s'expliquent facilement par la néces-
sité, toujours imposée au chef nomade africain pour
conserver cette autorité que L'on croit absolue, de la

faire ployer devant des caprices d'individus énergiques


et libres, constamment prêts à lui échapper par Le

désert.
Sous le rapport de la religion, comme sous celui
du gouvernement et de la langue, une certaine con-
formité général» 1
parait régner entre tous les Li-

byens, Gétules, Numides, Maurusiens, etc. Les prin-


cipaux objets du culte sont les astres, le soleil et la

lune, et la mer, qu'ils adorent sous des noms que les

Romains ont traduits par ceux de Neptune . Tri-

ton, etc. On voit parmi eux Les sacrifices humains en


usage, comme ils le furent plus tard à Carthaj
Quelques-unes de ces ti Lbus , au témoignage de Léon ,

pratiquaient Le sabéisme, ou religion des m qui

aurait été apportée d'Orient en Afrique par les Père

PÉRIODE CARTHAGINOISE. — Telles étaient les po-


pulations près desquelles vinrent s'asseoir, dans Le

ixc siècle avant Jésus-Christ , d'une part la civilisation

carthaginoise, de L'autre La civilisation grecque de la

Cyrénaîque. Les deux émigrations qui Leur donnèrent


naissance, en refoulant à L'intérieur les tribus du lit-
toral, ne parvinrent à aucune époque à l«
i
< asservir.

Carthage devint riche et puissante; mais sa domi-


nation en Afrique ne fut ni aussi étendue ni aussi

incontestée qu'on Le croit généralement. Au com-


mencement de la seconde guerre punique, c'est-
DE L'ALGÉRIE 29

à- dire au temps de sa plus grande splendeur, elle


occupait, il est vrai, toutes les côtes d'Afrique, de-
puis la Petite -Syrte (golfe de Cabès) jusqu'aux
colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar); mais,
comme elle visait à la domination des mers et non
à celle du continent, elle se bornait à la possession
des côtes laissant aux Numides l'intérieur des terres,
,

et se bornant à leur imposer des tributs quand elle le


pouvait, et à recruter chez eux des soldats, qui tour-
naient souvent contre elle les armes qu'elle leur avait
données.
La domination des Carthaginois avait déjà plusieurs
siècles de durée, lorsqu'ils se rencontrèrent en Sicile
avec les Romains (266 ans avant J.-C). La lutte s'en-
gagea aussitôt entre les deux peuples : on sait qu'elle

se termina par la ruine de Carthage *(146 ans


avant J.-C).

Période romaine. —
Les Romains, après s'être
emparés du domaine de Carthage, conquirent sur
Jugurtha toute la Numidie, mais sans la conserver
d'abord; ils en donnèrent la plus belle part au roi
de Mauritanie, Bocchus, qui les avait aidés à dé-
truire leur ennemi, et ils laissèrent le reste à un
prince indigène, Juba, le fondateur de Julia Cœsa-
rea (aujourd'hui Cherchell). Puis ils enlevèrent
à Juba cette Numidie, fraction de l'an-
nouvelle
cienne, et l'abandonnèrent à un autre Juba, jusqu'à
ce que, les États du roi maure Bocchus leur étant
aussi échus, ils en investirent le second Juba, en
lui reprenant la nouvelle Numidie. Enfin, quatre-
vingts ans après, la Mauritanie fut reprise à son
tour pour former deux nouvelles provinces, dont la
30 HISTOIRE

plus orientale, appelée Mauritanie Césarienne, était


précisément la fraction occidentale naguère démem-
brée de l'ancienne Numidie. L'Algérie actuelle, al

représentée par la Nouvelle -Numidie et la Mauri-


tanie Césarienne réunies, se trouvait constituer deux
provinces subordonnées à un centre placé en dehors
d'elles : ce centre était Carthage, relevée par les

Cracques, embellie par Auguste, devenue chef- et

lieu d'une province gouvernée par un proconsul.


La Numidie et la Bysacène, toutes deux limitrophes
de la province Carthaginoise, étaient gouverné
l'une et l'autre par des consulaires; et, pour com-
pléter la symétrie, les Mauritanies Césarienne et Siti-

lienne, qui suivaient la Numidie, et la Tripolitaine,

qui suivait la Bysacène, avaient chacune un de ces


commandants du second ordre, qu'on appelait pré-
sidents. Les territoires les plus éloigné- apparte-
naient à d'autres centres : la Mauritanie Tingitane,
qui comprenait une partie de L'empire actuel de
M aux destinées de L'Espagne, comme
iroc, était liée

la Cyrénaïque, placée à Test, et qui forme à peu p


L'Étal actuel de Jripolî de Barbarie, relevait de L'Egypte.
La province d'Afrique (c'est ainsi que se nommait
L'ensemble des p ions romaines dans cette partie
du momie se façonna promptement sous les empe-
)

reurs à la civilisation romaine. Lies. pie tout entière


possédée par Les propriétaires romains, elle devint
le grenier de Home et de L'Italie : aussi Les empereurs
donnèrent-ils tous leurs soins à en assurer La tran-
quillité. Cependant cette tranquillité lut troublée par
plusieurs révoltes occasionnées par L< dons
gouverneurs romains. Le plus considérable de i

soulèvements eut lieu sous L'empire de Tibère, et tut


DE L'ALGERIE 31

un chef numide nommé Tacfarinas. « Cet


dirigé par
homme, dit Tacite, était un Numide déserteur des
armées romaines, où il avait servi comme auxiliaire.
Il réunit d'abord, pour le vol et le butin, des bandes

vagabondes accoutumées aux brigandages bientôt il ;

sut les discipliner, les ranger sous les drapeaux , les


distribuer en compagnies; enfin de chef d'aventu-
riers, il devint général des Musulans 1
Ce peuple,
. »

que Tacite appelle puissant, habitait près du confluent


de l'Hantise et du Bagrada.
Il est curieux de suivre dans Tacite tous les détails
de cette révolte de Tacfarinas, qui faillit compro-
mettre sérieusement la puissance romaine en Afrique.
On croirait lire la guerre d'Abd-el-Kader, ses défaites,
ses attaques imprévues, ses fuites rapides qui le dé-
robent à toutes poursuites, puis son retour soudain;
mais dénouement est plus honorable pour le vieux
le

guerrier numide que pour l'émir notre contempo-


rain. Après une lutte plus longue et peut-être plus
courageusement soutenue, Tacfarinas se fait tuer dans
le dernier combat qu'il livre aux Romains, au lieu
de se rendre leur prisonnier.
Après l'apaisement de cette révolte, la population
romaine en Afrique commença à s'accroître notable-
ment. Les colons affluaient non seulement d'Italie,
mais de Gaule et d'Espagne. Telle était la marche
ascendante des établissements romains, qu'au com-
mencement du règne de Vespasien la seule Mauri-
tanie Césarienne comptait treize colonies romaines,
trois municipes libres, deux colonies en possession
du droit latin, et une jouissant du droit italique, et

1
Tacite, Annal., liv. II, ch. lu.
32 HISTOIRE

qu'au temps de Pline la Numidie avait douze colo-


nies romaines ou italiques, cinq municipes et trente
villes libres. Ces deux provinces renfermaient en outre
un certain nombre de villes tributaire-.
Sous le règne d'Anlonin le Pieux, les Mauritanien
paraissent avoir été le théâtre d'une insurrection qui
peu à peu gagna jusqu'à la province d'Afrique; mais
ni les détails ni les caractères de ce mouvement ne
sont bien connus.
Dans les trembles qui agitaient l'empire, L'Afrique
dut suivre généralement L'impulsion qui lui venait
d'Italie. Une fois cependant elle prélendit imprimer
le mouvement au lieu de le recevoir. Sous le règne
de Maximin, les habitants de la province d'Afrique,
fatigués de la domination tyrannique de ce prime,
se soulevèrent et revêtirent de la pourpre impériale
le proconsul de la province, Gordien, qui subit le

pouvoir, Loin de demander. Il semblait pressentir


le

que ses nouveaux sujets, si prompts à L'élever,


raient tout aussi prompts à L'abandonner. En vain le
sénat, ratifiant le choix fait par les Africains, et que
justifiaient d'ailleurs les vertus du nouveau prini
déclare Maximin déclin de L'empire et traître à la

patrie; les révoltés cèdent, presque sans combal


L'apparition d'une armée de vétérans romains et de
barbares. Gordien, vaincu, se donne la morl iarth ; I

et la province rentrent sans résistance sous le pouvoir


du tyran.
L'administration de Probus, qui gouverna L'Afrique
sous Les empereurs Gallien , Aurélien el Tacite ( de 268
à 280), fut signalée par la soumission des Marmaridea
dsinsde l'Egypte >, jusque-là in sou mis, et par L'em-
ploi des années romaines en Afrique à des construc-
,

DE L'ALGÉRIE 33

tions d'utilité générale, voies publiques, temples,


ponts, portiques, etc.
Une peu importante, dirigée par un paysan
révolte
pannonien nommé Alexandre qui aspirait à l'empire
,

devint pour l'avide et cruel Maxence l'occasion de


déployer contre les principales villes d'Afrique, contre
Cirta et Carthage même, qui avait été rebâtie avec
magnificence, un luxe de rigueurs inouï. Dans un
siège soutenu par Cirta, où s'était réfugié Alexandre,
cette ville fut très maltraitée. Les ruines que la guerre
y avait entassées ne devaient être réparées, et la ville

ne recouvrer son ancienne splendeur, que sous le


règne du vainqueur de Maxence, Constantin, qui
releva ces ruines et fit de Cirta une ville nouvelle sous
le nom de Constantine, qu'elle porte encore aujour-
d'hui.
Cependant, au moment où l'empire d'Occident
s'écroulait de toutes parts, un grand nombre d'habi-
tants de l'Italie se réfugièrent en Afrique pour échap-
per à l'invasion des barbares, et vinrent accroître
dans cette partie du monde les forces du parti impérial.
L'Afrique se trouva donc alors plus romaine que
l'Italie; les noms les plus éclatants de la littérature
latine, dans les derniers temps, lui appartiennent :

citons entre autres Apulée, Tertullien, saint Cyprien,


Arnobe, saint Augustin. Les arts n'y étaient pas moins
cultivés que les lettres : de tous côtés s'élevaient des
villes , des monuments dont , les ruines frappent au-
jourd'hui nos soldats d'étonnement. On peut lire , en
effet, dans une Histoire de l'Algérie, par le docteur
Wagner, écrivain allemand, qui suivit les troupes
françaises dans leur expédition de Constantine, l'ad-
miration de l'armée quand, marchant sur l'ancienne
3
84 HISTOIRE

capitale de Jugurtha, et frappée de la tristesse el de


L'uniformité de la route, elle découvrait tout à coup
ruines de L'ancienne Calama (Ghelma). « Personne,
dit le narrateur, ne s'attendait à cette rencontre; i

grandes ruines jetées dans la solitude ranimèrent


l'esprit de Tannée : elles l'avertissaient solennellement
qu'avant la France il y avait eu un peuple qui avait
conquis et civilisé cette terre, et qu'il n'y avait pas un
coin de L'Afrique septentrionale, si stérile qu'il parût

être, qui n'eût quelque monument imprévu, du haut


duquel Rome contemplait la France. »

Période vandale. —
Quand les barbares rava-
gèrent l'Italie, quelques tentatives faites en Afrique,
pour se séparer de la métropole, furent facilement ré-
primées; mais, en 428, Boniface, qui commandait
pour L'empereur Valentinien se révolta ouvertement,
,

et appela à son s. m ours Les Vandales, alors maîtres de

L'Espagne. Genséric, un de Leurs chefs, ayant pas


a mer à la tête d'une puissante armée, s'empara de
toutes Les places qui tenaient encore pour l'empereur,
et s'avança jusque sous les murs de Carthage, qu'occu-
pait Boniface. Celui-ci, voyant alors qu'au lieu d'amis
il donné des maîtres, lit prés du chef barbare
s'était

d'inutiles démarches pour L'engager à se retirer, l'at-


taqua, et lut vaincu.
Maîtres d'une dos plus belles provinces do L'empire ,

Les Vandales s'y établirent, de Carthage leur


firent

capitale, et restèrent tranquilles possesseurs du pays


pendant plus d'un siècle. Ils poussèrent menu 1
Leurs
excursions jusqu'en Italie; Borne lui prise et pillée

par Genséric, el Carthage, vengée, s'enrichit des dé-


pouilles romaine
DE L'ALGERIE 35

Mais la puissance des Vandales en Afrique ne dura


guère au delà du règne de Genséric, son fondateur.
Leur force décrut chaque jour sous les quatre succes-
seurs de Genséric Hunerik, Gunthamond, Thrasa-
:

mond et Hilderik. Les tribus nomades, qui déjà, dans


les derniers temps de la domination romaine, avaient

regagné du terrain sur le pays conquis à la civilisation,

devinrent plus entreprenantes à mesure que les moyens


de résistance s'affaiblirent. L'empire vandale présen-
tait donc déjà de notables symptômes d'affaiblissement
et de décadence, lorsque la chute de Hilderik vint
offrir à l'empereur Justinien un prétexte pour envoyer
son général Bélisaire à la conquête de l'Afrique.
Gélimer, qui venait de remporter quelques succès
contre les Maures , fut proclamé roi à la place de Hil-
derik; celui-ci avait été renversé du trône et jeté dans
une prison. Justinien, allié de Hilderik, envoya des
ambassadeurs à Gélimer, pour l'engager à rendre à
ce prince la liberté et le trône; mais le nouveau roi
ne tint pas compte des lettres de l'empereur d'Orient.
Bientôt Bélisaire débarqua en Afrique à la tête
d'une armée de trente mille hommes d'excellentes
troupes, bien exercées et pleines de confiance dans
leur général. Aussi les succès de Bélisaire furent ra-
pides, et en moins d'un an il soumit tout le pays jus-
,

qu'aux colonnes d'Hercule (533-534), et détruisit sans


retour l'empire des Vandales.

Période byzantine. — La domination byzantine


remit extérieurement l'Afrique dans l'état où elle se
trouvait au moment de la conquête vandale. Celle-ci
venait de s'effacer du sol presque en un instant, et
l'oligarchie qu'elle avait constituée, toujours peu nom-
36 HISTOIRE

breuse relativement à du pays occupé,


l'état alla se

perdre dans les rangs de l'armée romaine, où fut in-

corporé ce qu'elle renfermait de plus énergique.


Mais les administrateurs envoyés de Grèce sous le

noms d'exarques ne tardèrent pas à livrer le pays à


une avide exploitation, et excitèrent des soulèvements,
même dans l'armée qui avait pris part à la con-
quête.
Salomon, successeur de Bélisaire dans le comman-
dement de l'Afrique ,
parvint par son énergie à apaiser
ces troubles. Ses triomphes sur les Maures remirent
un instant au pouvoir de l'empereur de Constanti-
nople quelques portions intérieures du pays qui déjà
lui échappaient. Les monts Aurès, devenus le centre
d'une résistance active de la part des indigènes, furent
conquis par lui et fortifiés contre de nouvelles incur-
sions. En Numidie, le domaine des Byzantins n'allait

guère au delà des premières chaînes de l'Atlas; sur le

littoral, les villes de Césarée, de Tingis et de Septem .

n'assuraient que très imparfaitement la domination


grecque au delà de leurs enceintes.
hes révoltes perpétuelles dans le sein de l'année 1

signalaient un vice profond dans L'organisation mili-


taire de l'Afrique, Cependant, après la mort de Justi-
nit'i) ,
la puissance byzantine se soutint encore quelque
temps. Sous le règne de Tibère, successeur du faible
Justin, L'exarque Gennadius semble faire revivre en
Afrique les beaux temps de L'administration de Frô-
lais. A p.utii' de cette époque, pendant les règnes «le

Tibère, de Maurice et de Phocas, l'histoire so tait sur


L'Afrique. Ce silence est presque une preuve du calme
dont jouit alors cette contrée. Sons 1 Léraclius, L'Afrique
fournit de grandes forces .1 ce prince pour 8a guerre
DE L'ALGÉRIE 37

contre les Perses , ce qui prouve encore la tranquillité


et la soumission de ce pays. Cependant il est probable
qu'à la fin l'Afrique eût secoué le joug qui pesait sur
elle, et se fût constituée, à l'égard de l'empire, qui
s'amoindrissait chaque jour et penchait à sa ruine,
dans un état de complète indépendance. Alors, peut-
être , en demeurant en possession de toutes les tradi-

tions de l'antiquité, elle eût contribué par des relations


fréquentes au développement moral et intellectuel de
l'Europe, et abrégé pour notre continent la durée du
moyen âge. Mais toutes ces conjectures se trouvent
anéanties par l'apparition d'un peuple appelé pour la

première fois, en dehors de ses déserts, à jouer un rôle


sur la scène du monde , et qui vint, sous la double in-
spiration du fanatisme et de la soif du pillage, envahir
cette terre féconde, et faire disparaître jusqu'au dernier
vestige de cette civilisation qu'avaient apportée tour à
tour sur ses côtes, depuis l'Egypte jusqu'à l'Atlantique,
les Phéniciens les Grecs
, et les Romains.
Avant de parler de l'invasion des Arabes, nous
devons jeter un coup d'œil rétrospectif sur l'état du
christianisme en Afrique, depuis l'époque où l'Évan-
gile y a été prêché pour la première fois, jusqu'au

moment où l'islamisme est venu renverser ses der-


niers temples et briser ses autels.
Dans l'esquisse rapide des faits historiques que nous
venons de présenter, nous n'avons pas parlé de l'his-
toire religieuse de l'Afrique, et cependant, en aucune
contrée de l'ancien monde, le christianisme n'a été
aussi florissant qu'il le fut pendant près de cinq siècles
dans ce pays. Mais, en mêlant au événements récit des
politiques celui des événements religieux, nous avons
craint, et de ralentir notre récit, et de ne donner
38 HISTOIRE DE L'ALGERIE

qu'une idée insuffisante des derniers. Nous avons


donc pensé qu'il valait mieux résumer dans un cha-
pitre spécial, et qui aura pour VAfriqw
titre

tienne, toute l'histoire du christianisme dans cette

contrée.
CHAPITRE III

L AFRIQUE CHRETIENNE

Introduction du christianisme en Afrique. Ses progrès rapides. — —


Persécutions exercées par les empereurs romains. Les douze martyrs —
scyllitains. —
Effet des persécutions. —
Martyre de sainte Perpétue et
de sainte Félicité. — Tertullien ; ses écrits ; son Apologétique. — Ana-
lyse et extrait de cet ouvrage. —
Jugement sur les ouvrages de Ter-
tullien ; ses erreurs. —
Schismes dans l'Église d'Afrique. Saint —
Cyprien son origine sa conversion.
; ;

11 est élu évêque de Carthage.

— Persécution de l'empereur Décius. —


Relâchement dans la ferveur
des chrétiens. —
Schisme dans l'Eglise de Carthage. A quelle oc- —
casion. —
Saint Cyprien convoque un concile. Nouveau concile; —
nouveau schisme. —
Martyre de saint Cyprien. Nouvelles persé- —
cutions nombreux martyrs.
;

Hérésie des manichéens. Dernière —
persécution sous Dioclélien. Les iradileurs. — Schisme des dona- —
tistes. —
Graves désordres occasionnés par ce schisme. Vains efforts —
de l'empereur Constantin pour s'opposer à ce schisme. Concile de —
Latran; concile d'Arles. —
Les donatistes refusent de se soumettre
aux décisions de ces conciles. —
L'empereur confirme l'arrêt porté
contre les donatistes. —
Les circoncellions ; leurs désordres. Nais- —
sance de saint Augustin. —
Les premières années de sa vie. Sa —
conversion.— Son baptême. —
Son retour en Afrique. Sa vie re- —
tirée.— Ses premiers ouvrages. —
11 est ordonné prêtre et nommé

coadjuteur de l'évêque d'Hippone. —


Ses travaux dans le saint mi-
nistère. —
Fondation d'une communauté religieuse. Son zèle, sa —
piété, sa foi. — Nombre considérable d'ouvrages qu'il a publiés. —
La Cité de Dieu. —
Cause qui détermine saint Augustin à écrire ce
livre. —
Objet de cet ouvrage. Ses sermons. —
Ses lettres. — —
Mort de saint Augustin pendant le siège d'Hippone par les Vandales.
— Persécution exercée par les Vandales contre les catholiques. —
Impuissance de la domination byzantine à ranimer le catholicisme
10 HISTOIRE
Kpirant. — Dispersion des catholiques par -uiie de l'invasion ar
— Liste des évêques de quelques-unes des villes qui font aujour-
d'hui parlie de l'Algérie,

On ne connaît pas d'une manière bien précise ni à


quelle époque ni par quels missionnaires le christia-
nisme fut introduit en Afrique. On pense généralement
cr
que, dès la fin du i siècle, quelques disciples des
apôtres vinrent d'Asie ou d'Europe, sur des vaisseaux
marchands, apporter L'Évangile dans les populeu-
et riches cités du littoral africain. Carthage dut être le

point de départ de la prédication. Il est aussi vraisem-


blable que ce fut dans cette capitale de la provin
romaine d'Afrique que fut élevé le premier siège épis-
copal. Ce qu'il y a de certain, c'est que la doctrine
nouvelle se répandit avec rapidité dans l'intérieur des
terres, et que là, comme ailleurs, elle _ igna des
hommes de toutes les classes, depuis les esclaves jus-

qu'à ceux qui occupaient le premier rang dans la

société romaine. Ces faits sont attestés par de nom-


breux documents, et notamment par les actes des
martyrs.
Saint Cyprien nous apprend que dès la tin du n siè-

cle il y avait dans la Proconsulaire et dans la Numidie


un grand nombre d'évêchés Agrippinus est le pre- '.

mier évoque connu de Carthage. 11 eut pour successeur


Optât.
La rapidité avec laquelle la doctrine chrétiens
répandit en Afrique alarma le gouvernement impérial,
ci Septime- Sévère ordonna au proconsul Vigellius
Saturnin de I lire d'activés recher* hes et de punir par

1
Cypriani epiat. 71 ad Quint. Morcelli, Africa ohrhliana, i. I« .

p. 30.
DE L'ALGERIE 41

le dernier supplice ceux qui refuseraient de jurer par


le génie des empereurs et de sacrifier aux dieux. Bientôt
douze chrétiens de la ville de Scylla furent saisis et

amenés à Carthage devant le tribunal proconsulaire.


Saturnin leur promit le pardon des empereurs s'ils

voulaient revenir au culte des divinités de l'empire.


Tous répondirent d'une voix unanime « Nous sommes :

chrétiens, et nous voulons rester chrétiens. » Spérat —


était le plus ardent des accusés ; il stimulait le courage
de ses compagnons par sa fermeté et la véhémence de
ses réponses.
Le proconsul, les voyant inébranlables, rendit contre
eux la sentence suivante « Spérat, Narzal, Gittin,:

Véturius, Félix, Acyllin,Létantius, et les cinq femmes,


Januaria, Générosa, Vestina, Donata et Secunda,
s'étant confessés chrétiens, et ayant refusé l'honneur
et le respect à l'empereur, j'ordonne qu'ils aient la

tête tranchée. » — Après la lecture de cette sentence,


Spérat et ses compagnons s'écrièrent : « Nous rendons
grâces à Dieu, qui nous fait l'honneur aujourd'hui de
nous recevoir martyrs dans le ciel pour la confession
de son nom. » —
Après ces mots, ils furent menés au
lieudu supplice, où ils se mirent à genoux tous en-
semble, et, ayant rendu grâces à Jésus-Christ, ils
4
eurent tous la tête tranchée . »

Ces douze martyrs , appelés communément les mar-


tyrs scyllitains , sont les prémices de l'Afrique. Un
exemplaire de leurs actes se termine par ces mots :

« Les martyrs du Christ furent consommés le 17 juillet,


et intercèdent pour nous auprès de Jésus-Christ Notre-
Seigneur à qui l'honneur
, et la gloire , avec le Père et

1
Ruinart. — Et Act. Sanctor. 17 julii.
,

42 HISTOIRE

le Amen. Dans
Saint-Esprit, aux siècles des siècles.
ce même exemplaire, ainsi que dans un autre égale-
ment ancien, l'année se trouve marquée parle deuxième
consulat de Claude, ce qui indique Fan 200 de J. -G., la
huitième année de l'empire de Sévère, et la deuxième
de son fils Antonin Garacalla.
La sanglante exécution des martyrs scyllitains, loin
de ralentir le zèle des chrétiens, ne lit que l'enflammer.
« Tel fut le progrès de cet enthousiasme, M. Ville-
dit

main, que là, comme ailleurs, la cruauté des gouver-


neurs romains fut vaincue par la foule des victimes.
Toute la province d'Afrique se remplit d'églises. d'é-
vêchés. Le nombre , la richesse des chrétiens s'accrois-
saient dans les époques de tolérance; le zèle et la foi

s'exaltaient dans les jours de persécution : et cette

alternative favorisait doublement l'essor du culte nou-


veau ». »

La persécution suivit son cours. Tous les chrétiens


amenés devant les magistrats imitèrent l'exemple des
Scyllitains, leurs illustres devanciers; ils confessaient
avec une fermeté inébranlable la foi de Jésus-Chrisl
et marchaient au supplice tranquilles et résignés. Dieu
seul connaît le nombre des martyrs immolés à celte
époque pour la gloire de son nom. Les deux plus célè-
bres furent deux jeunes femmes, Perpétue e1 Félicité,

dont la mémoire est rappelée chaque jour dans Le i mon


de la îoessr, el dont 1rs actes se lisaient publiquemenl
dans les églises au temps de Bain! Augustin, qui a

prononcé plusieurs panégyriques des deux Baintes.


Félicité était esclave; Perpétue, issue d'une famille
noble, était mariée à un homme de condition. Elles

1
M. Villemain, De l'Eloquence chrétienne oti i\' tiède,
DE L'ALGERIE 43

furent martyrisées dans le cirque de Carthage avec


plusieurs autres chrétiens, savoir : Révocat, frère de
Félicité, esclave comme elle, Saturnin et Satur. Leurs
corps, recueillis par les fidèles, furent déposés dans
la grande église de Carthage , où, un siècle plus tard,
quand le christianisme fut triomphant les chrétiens se
,

rendaient en plus grand nombre pour célébrer leur


fête,que la curiosité n'avait attiré leurs ancêtres païens
à l'amphithéâtre pour se repaître de leur supplice.
Cependant, à la vue de tant de sang versé, il y eut
des voix qui s'élevèrent pour demander compte aux
bourreaux de leurs inutiles fureurs. Le plus éloquent
interprète de l'Église persécutée fut alors un homme
originaire de Carthage, Tertullien, qui, après une vie
agitée, avait adopté la croyance du christianisme et
était entré, suivant le témoignage d'Eusèbe, dans les

ordres sacrés. Il écrivit pour la défense de ses frères


un livre célèbre, Y Apologétique. Dans les pages véhé-
mentes de ce plaidoyer, il n'implore point humblement
pour les chrétiens la pitié des bourreaux. « La vraie
doctrine, dit-il, ne demande point de grâce, parce
qu'elle n'est point étonnée de son sort. Elle sait qu'elle
est nouvelle et étrangère en ce monde, et que parmi
les étrangers on trouve aisément des ennemis. Son
origine, sa demeure, son espérance, sa puissance, sa
gloire, tout est dans le ciel. Pour le présent elle ne
veut qu'une chose c'est qu'on ne la condamne pas
,

avant de la connaître. Les lois de l'empire seront-elles


affaiblies si vous l'écoutez?
« La preuve qu'on ne la connaît point, c'est que tous
ceux qui auparavant la haïssaient faute de la connaître,
quand ils cessent de l'ignorer cessent également de la
haïr. C'est la connaissance qui nous donne des chré-
/i4 HISTOIRE

tiens. Ils commencent à haïr ce qu'ils étaient, et à

professer ce qu'ils haïssaient. De là cette multitude


qui vous épouvante. La ville en est assiégée, s'écrit -

t-on de toutes parts; les champs, les bourgs, les îles,


tout est plein de chrétiens. Vous pleurez comme une
calamité de voir tout sexe, tout âge, toute condition
et même tout rang s'enrôler sous ce nom. Et de tout
cela vous ne soupçonnez pas même qu'il peut y avoir
là quelque bien qui vous échappe, etc. etc. »

L Apologétique disculpe en outre les chrétiens; il

montre la fausseté des accusations portées contre eux :

mais le but de l'auteur est moins de prouver L'inno-


cence des chrétiens que d'instruire ceux auxquels il

s'adresse en un mot, Y Apologétique est moins une


:

justification qu'une prédication. C'est aussi contre l'an-


cienne religion une vigoureuse satire. En expliquant
le christianisme, Tertullien l'oppose nécessairement
au polythéisme, qu'il attaque avec une Logique pres-
sante, eten s' aidant plus d'une lois, dans La discussion,
de railleries mordantes. I Sa et là on rencontre dans son
œuvre, à côté de L'exagération et de L'emphase afri-

caines, des traits d'une haute éloquence; telle est cette


réponse adressée à ceux qui s'étonnaient des réclama-
tions des chrétiens et disaient : De quoi vous plaignez-
vous, puisque vous voulez souffrir*? « Nous aimons
les souffrances, répond-il, comme on aime la guerre ;

on ne s'y engage pas volontiers, à cause des alarn


et des périls; niais on y combat de toutes ses forces,
et on s'y réjouit de Notre combat, à noua
La victoire.

chrétiens, consiste à être traînés devant les tribunaux


pour y défendre la vérité aux dépens de notre vie.
Vous avez beau montrer comme chose infamante
n<>u-

Les pieux auxquels vous nous attachez, le bûcher sur


DE L'ALGÉRIE 45

lequel vous nous brûlez. Ce sont là nos robes de fête ,

nos chars de triomphe, les éclatants témoignages de


notre victoire. Nous sommes, dites-vous, des furieux
et des fous à cause de ce mépris de la mort, qui a
pourtant rendu à jamais illustres Scévola, Régulus,
Empédocle, Anaxarque et tant d'autres eh quoi! :

faut-il donc souffrir toutes sortes de maux pour la


patrie, pour l'empire, pour l'amitié, et rien pour
Dieu? » Nous citerons encore ce passage tant de fois
répété: « Puisque, comme nous l'avons dit, il nous
est ordonné d'aimer nos ennemis, qui pourrions-nous
haïr? De même, s'il nous est défendu de nous venger
de ceux qui nous offensent pour ne pas leur ressem-
bler, qui pourrions- nous offenser? Vous-mêmes, je
vous en fais juges, combien de fois vous êtes -vous
déchaînés contre les chrétiens ! Combien de fois , sans
même attendre vos ordres, la populace, de son seul
mouvement ne nous , a-t-elle pas poursuivis les pierres
ou les torches à la main ! Dans les fureurs des baccha-
nales on n'épargne pas même les chrétiens morts,
défigurés, demi- consumés. Cependant nous a-t-on
jamais vus chercher à nous venger, nous que l'on
pousse avec tant d'acharnement, nous qu'on n'épargne
pas même dans la mort? Pourtant il nous suffirait
d'une seule nuit et de quelques torches, s'il nous était
permis de repousser le mal par le mal, pour tirer des
maux dont on nous accable une terrible vengeance.
Mais loin de nous l'idée qu'on puisse venger une
société divine par le fer humain, ou que cette société
puisse s'affliger des épreuves qui la font connaître!
Que nous en venions à des représailles ouvertes,
si

manquerions -nous de forces et de troupes? Les


Maures, les Marcomans, les Parthes même, quelque
46 HISTOIRE

nation que ce soit renfermée dans ses frontières, est-


elle plus nombreuse que non-, c'est-à-dire qu'une na-
tion qui n'a d'autres Limites que L'univers? Nous ne
sommes que d'hier, et nous remplissons tout ce qui
est à vous, vos villes, vos places fortifiées, vos colo-
nies, vos bourgades , vos assemblées, vos camps, vos
tribus, vos décuries, le palais, Le sénat, le forum: non-
ne vous laissons que vos temples !
»

On comprend qu'un tel Livre, si plein de raison, de


chaleur et d'éloquence, dut avoir un immense retentis-
sement. Aussi il gagna bien îles âmes à La religion, et
raffermit ceux que la persécution avait ébranlés. Plus
d'un chrétien sans doute, en lisant l'œuvre de Ter-
tullien, dut répéter dans un élan d'irrésistible enthou-
siasme quelques-unes des paroles qui terminent ['Apo-
logétique: Courage, magistrats! puisque Le peuple
«

vous trouve meilleurs quand vous lui immole/ des


chrétiens, condamnez-nous, tourmentez-nous, déchi-
rez-nous, écrasez-nous! Le sang dos chrétiens
une semence féconde. Nous multiplions à mesure que
vous nous moissonnez. »

Tertullien composa un grand nombre d'autres ou-


vrages en faveur des chrétiens. Il ne se contenta pas
d'attaquer victorieusement l' idolâtrie, mais il lit enc<
une rude guerre aux Juifs, aux schismatiquea et aux
hérésiarques, qui parurent dés les premiers siècli 9 de
L'Église et surtout en Afrique. Dans tOUS ees OUVra
consacrés à la polémique, comme dan- Le traité qu'il

ml sur le baptême, la pénitence, la prière, les


ctacles, la chasteté, la patience, etc. etc., on trouve
Les qualités et les défauts de l'.iy ologètique: une logique
pressante, une chaleur qui se manifeste par des traits

d'une sublime éloquence, souvent aussi une fine rail-


,

DE L'ALGÉRIE 47

lerie, une grande viyacité et parfois de la grâce; mais


dans tous ces on rencontre
livres les vices de l'esprit
africain, un goût prononcé pour les images hardies,
de l'exagération et de l'emphase , et ça et là de la gêne
des obscurités et de la confusion. Toutefois les beautés
plus nombreuses et plus saillantes que les défauts, ont
acquis à Tertullien une gloire que le temps n'a point
encore affaiblie '.

Malheureusement, ce qui est bien autrement grave


que quelques défauts de style, Tertullien, qu'un Père
de l'Église a appelé le prince des Pères latins, ne sut
pas se défendre lui-même des erreurs contre lesquelles
il avait si courageusement lutté. Par suite de quelques
contrariétés, qu'il n'eut pas la patience de supporter
(lui qui avait écrit un admirable traité sur cette vertu
si nécessaire, dit-il, pour avoir la bonne santé de la

foi), il embrassa l'erreur des montanistes, secte créée


par Montan, qui se disait inspiré par l'Esprit ou le

Paraclet. Plus tard son esprit indépendant le détacha


des montanistes. Il se fit lui-même chef d'une nouvelle
secte, dont membres s'appelaient de son nom
les
terlidli eu dstes. Ils étaient nombreux en Afrique. Ce fut

saint Augustin qui ramena ces schismatiques dans le


sein de l'Église catholique.
Nous nous sommes étendu assez longuement sur
Tertullien, parce qu'il nous semble résumer en quelque
sorte dans sa personne le christianisme en Afrique :

pur, ardent, enthousiaste à sa naissance et pendant


la persécution ;
puis, par l'influence, soit de l'orgueil
humain, soit de tout autre vice, dégénérant en schismes
et en hérésies.
1
M. Jean Yanoski, Notice sur l'Afrique chrétienne, publiée clans
le 43 e volume de V Univers pittoresque.
/,8 HISTOIRE

En effet, aussitôt que La persécution se ralentit, i

schismes et les troubles intérieurs de L'Église d'Afrique

recommencèrent.
A peu près vers l'époque où Tertullien achevait sa
longue carrière, saint Cyprien fut élevé sur le si.

épiscopal de Garthage. Cyprien appartenait à une des


plus riches et des plus illustres familles païennes de
l'Afrique romaine. 11 avait reçu une brillante éduca-

tion, et s'était déjà distingué dans les sciences et par


sa parole éloquente, lorsque, dans un âge avancé, il

se convertit à la foi chrétienne.


A compter de ce moment, Cyprien mit toute la

puissance de ses talents et de son zèle au service de la

croyance qu'il avait embrassée. Il se livra avec ardeur

à l'étude des saintes Écritures et des ouvrages de Ter-


tullien, pour lequel il professait une grande admira-
tion; puis, Lorsqu'il se sentit suffisamment fortifié par
sa nouvelle élude, il essaya à son tour, par de nom-
breux, éei ils, de défendre Le christianisme.
11 un an qu'il avait été élevé à
y avait à peine la

prêtrise, lorsque mourut Donat, l'évêque de Cartha


Plusieurs se mirent sur les rangs pour lui su
mais le clergé et Le peuple appelèrent Cyprien, qui
se tenait à l'écart, et Le proclamèrent évéque en
L'an 248.
A peine ( '.) piien était-il monté sur son siège, qu'une
violente persécution ordonnée par L'empereur Décius
relata contre les chrétiens, L'évêque de Carthage crut
devoir se soustraire par la retraite à la fureur de
ennemis, pensant que sa vie sciait plus utile un jour
à ses frères que L'exemple de son martyre.
On remarqua à cette époque qu'un funeste relâche-
ment s'était opéré dans 1- urs des chrétiens. Si la
,

DE L'ALGÉRIE 49

persécution de Décius fournit encore un certain nombre


de martyrs et de confesseurs, tels que Mappellicus
Paul, Fortunion, Bassus et quelques autres, qui
s'illustrèrent par leur courage et leur dévouement,
l'ancienne gloire de l'Église d'Afrique ,
qui avait brillé
de tant d'éclat au temps de Septime - Sévère , fut ternie

par de nombreuses apostasies. En vain, du fond de sa


retraite, l'évêque encourageait ses frères; un bien
petit nombre seulement suivit ses conseils , etles autres
sacrifièrent lâchement aux idoles.
Quand la persécution se ralentit, un autre sujet de
douleur vint accabler Gyprien : le schisme divisa son
Église. Parmi les chrétiens qui avaient renié leur foi
et leur Dieu, plusieurs se repentirent, et, en l'absence
de leur évêque, qui les eût fait rentrer dans le sein de
l'Église, ils s'adressèrent, suivant un vieil usage, à
quelques-uns de ceux qui étaient restés fermes pen-
dant la persécution , et qui avaient confessé sans crainte
le nom du Christ au milieu des tourments. Les évoques
et les prêtres avaient égard aux recommandations des
martyrs; en leur considération, ils se montraient vo-
lontiers indulgents , et abrégeaient pour les faibles et
les lâches letemps de la pénitence. Car il faut remar-
quer que ces recommandations, que ces billets d'in-
dulgence, comme on les appelait, accordés par les
confesseurs de la foi, ne suffisaient pas pour réconcilier
avec l'Église les apostats repentants ; il fallait toujours
l'absolution de l'évoque, ou d'un prêtre approuvé par
lui. Or il arriva qu'en Afrique, dans la circonstance
dont nous parlons, la plupart des martyrs à qui les
apostats s'adressèrent ne leur accordèrent des billets
d'indulgence qu'avec une extrême réserve et sous la

condition expresse qu'ils se feraient absoudre, dès


4
,

50 HISTOIRE

qu'ils le pourraient, par l'autorité légitime; mais d'au-


tres, trop fiers du courage qu'ils avaient montré, s'ima-
ginèrent que par leurs seuls mérites ils avaient droit
de réconcilier avec l'Église tous ceux qui étaient tom-
Un certain Lucien fut de ce nombre et poussa
bés. ,

même l'arrogance jusqu'à écrire à Cyprien qu'en sa


qualité de confesseur de la foi lui, Lucien, avait donné
la paix (réconciliation avec l'Eglise) à ceux qui E

taient bien conduits depuis leur apostasie, ajoutant :

« Et nous voulons que vous le fassiez savoir aux auti


évoques.» (On n'a pas oublié que l'évêque de Cartfa

était métropolitain de l'Église d'Afrique. | Cyprien ne


tint pas compte d'une semblable réclamation. Mais
bientôt un homme puissant, qui s'appelait Félicissime,
se mit à la tête des apostats qui réclamaient une
prompte absolution, el se déclara en Lutte ouverte ai
Cyprien. Le saint évèque envoya de sa retraite doux
évoques et deux prêtre- peur faire une empiète sur
la conduite de ceux qui appartenaient à son Êgli
Félicissime ne leur permit pas d'accomplir leur mis-
sion, et les repoussa avec menace. A cette nouvelle
Cyprien Lança une sentence d'excommunication contre
Félicissime et ses adhérents.
butin Cyprien rentra à Cartilage, et pour rétablir la

paix de L'Église il convoqua, en 254 , un concile où


rassemblèrent soixante- dix évéques d'Afrique. On
traita dans cette réunion les questions qui se ratta-
chaient au fait de l'apostasie et du BChisi è.pies

proportionnèrent à la gravité de- délits les rigueurs de


la pénitence, et prononcèrent L'excommunication contre
ceux qui refuseraient de se soumettre aux décrets du
concile. L'Église d'Afrique, peur que isions

fussent revêtues d'une autorité Irréfragable, envoya


,

DE L'ALGÉRIE 51

lesrèglements du concile au pape saint Corneille, à


Rome. Celui-ci les approuva dans une assemblée qui,
sans compter les prêtres et les diacres ., se composait
de soixante évêques.
L'année suivante, 252, un autre concile, tenu à
Carthage, abrégea le temps de pénitence fixé pour les
apostats, et les admit sans plus tarder à la communion
des fidèles. Le motif de cette indulgence était l'ap-
proche d'une nouvelle persécution. Malheureusement
ce concile fut l'occasion d'un nouveau schisme. Privât
de Lambèse, qui avait été condamné comme hérétique
quelques années auparavant par un concile tenu à
Lambèse, et composé de quatre vingt-dix évêques, se
présenta pour siéger dans le concile de Carthage de 252.
Il Dans sa colère, il s'environna de quelques
fut rejeté.

excommuniés, et choisit un certain Fortunat, qu'il


consacra et proclama évêque de Carthage. Les schis-
matiques pour assurer
,
le succès de leur entreprise
écrivirent au pape Corneille une lettre remplie des plus
odieuses calomnies. Félicissime fut chargé de porter
cette lettre à Rome; mais Corneille, qui connaissait
Cyprien, repoussa ses accusateurs '.

La persécution qui avait motivé la réunion du der-


nier concile de Carthage n'atteignit point l'Afrique;
ce fut Rome surtout qu'elle frappa, et le pape saint
Corneille en fut une des premières victimes. Mais, en
l'absence des persécutions, la vie de saint Cyprien
n'en fut pas moins agitée et laborieuse. Enfin, en 257 ,

l'empereur Valérien ordonna de poursuivre les chré-


tiens par tout l'empire. Cyprien fut d'abord exilé de
Carthage; mais, ayant obtenu, en 258, l'autorisation

1
M. Jean Yanoski , Afrique chrétienne.
52 HISTOIRE

de revenir dans sa métropole, il fut arrêté par ordre


du proconsul Galérius- Maxime, qui le condamna à
avoir la tête tranchée. Saint Cyprien soutîrit le martyre
le 14 septembre 258.

La persécution qui avait frappé saint Cyprien lit de


nombreux ravagea en Afrique. L'évêque d'ilippone,
Théogène, fut mis à mort. A U tique, on jeta dans un
four à chaux cent cinquante, d'autres disent trois cents
chrétiens. A Carthage, les martyrs Lucius, Montanus,
Fia vie n, Julien, Victorius, Primolus, [lenus el Dona-
tien, suivirent de près saint Cyprien. En Nu midi
Cirta (Constantine) et à Lambèse, le gl dve des persé-
cuteurs immola une grande quantité de victimes, parmi
lesquelles compter Émilien, Agapius, Secun-
il faut
dinus, Marien, Jacques, Autoniaet Tertulla. La per-
sécutionne cessa qu'au moment où L'empereur Valérien
tomba aux mains des Perses. Elle reprit ensuite sous
Aurélien, puis sous Dioctétien, en 296; et, comme
pour ajouter aux maux de L'Église d'Afrique, L'hér<
des manichéens se répandit alors dans cette contrée.
Enfin la dernière persécution sous les empereurs,
et la plus terrible, fut celle qui suivit le fameux édit
de Nicomédie, publié en ot):> par Dioclétien et Galé-
rius. l'ai vertu de cet édit, Les églises devaient être
détruites , el K i
> livres de la religion chrétienne consu-
més par les llannnes. L i
s chrétiens étaient mis hors
la Loi ; Les juges Lmp ^riaux pouvaient , suivant des
déterminés, Les exproprier, Les priver de la liberté,

leur ôter la vie.

C'était le dernier effortdu paganisme expirant, et


il n'enfut que plus effroyable.
NOUS n'entrerons pas dans tous les détails de cette
persécution en Afrique : nous dirons seulement qu'à
DE L'ALGERIE 53

Cirta (Constantine) ce fut un prêtre de la vieille re-

ligion, Munatius Félix, flamine perpétuel, qui se


chargea de mettre à exécution l'édit des empereurs.
Il fit démolir les églises, et procéda avec un zèle in-
fatigable à la recherche des livres sacrés. L'Église de
Cirta se montra en ces jours de persécution; ses
faible

prêtres et ses lecteurs se soumirent sans opposition


aux ordres du flamine Félix, et lui livrèrent les orne-
ments du culte, les vases sacrés et tous leurs livres.
Félix, évêque de Tibiur, petite ville de la Proconsu-
laire, n'imita point la conduite des prêtres de Cirta. Il

aima mieux souffrir le martyre que de livrer aux ma-


gistrats les livres de son église. D'autres évoques furent
moins courageux, et, pour se soustraire au dernier
supplice, se hâtèrent de livrer les saintes Écritures.
Cette malheureuse Église d'Afrique semblait des-
tinée à ne plus pouvoir vivre en paix. Dès que les
ennemis du nom chrétien cessaient de la persécuter,
elle était déchirée par les mains de ses propres en-
fants. Quand la persécution suscitée par l'édit de
Nicomédie se ralentit, ceux qui s'étaient montrés
forts dans le danger s'enorgueillirent, et poursuivirent
de leurs mépris et de leur haine les hommes qui par
crainte, peut-être par surprise, s'étaient dessaisis,
dans les mains des bourreaux, du dépôt sacré qui leur
avait été confié. Ces derniers portaient le nom de
iraditeurs.
Saint Cyprien avait eu pour successeurs, sur le

siège de Carthage, Carpophore, Lucien et Mensu-


rius. Ce dernier mourut en 311 vers la fin de la
,

dernière persécution. Les chrétiens de Carthage pro-


cédèrent à l'élection d'un nouvel évêque. Ils se réu-
nirent, prêtre et peuple, et tous proclamèrent d'un
,

HISTOIRE

commun accord le diacre Céeilien. Félix. [ue


d'Aptonge, lui imposa les mains. Mais bientôt une
vive opposition se manifesta contre cette élection.
Botrus et Céleusius, deux clercs ambitieux qui aspi-
raient à cette chaire, mécontents de n'avoir pas été
élus, formèrent un parti contre le nouvel évêque; ils

eurent l'adresse de gagner à leur cause des per-


sonnes influentes, entre autres une femme riche et

puissante, nommée Lueilla, ennemie de Céeilien


parce que celui-ci, n'étant que simple diacre, l'avait

jadis offensée par de justes et sévères remontrant


Un homme intrigant et habile, nommé Donat
ses Noires, fût bientôt l'âme de ce parti, et il eut
l'art d'y faire entrer la plupart îles évéques de Nu-
lie, bl< le n'avoir point été appelés à l'ordi-
nation de Céeilien.
Ces évéques se réunirent à Carthag . formèrent
un conciliabule, non dans la basilique où se trouvait
dieu avec son clergé et le peuple, mais dans une
maison particulière appartenant à des personnes de
leur parti. Ils citèrent Céeilien à comparaître devant
eux. 11 refusa de s'y rendre. Alors ils prononcèrent
contre lui une sentence de condamnation fon lée
sur les trois chefs suivants : 1° parce que Céeilien

avait refusé de comparaître devant eux. 9 parce


qu'il avait été sacré par des traditeurs;
qui ne fut jamais prouvé), pure qu'il avait empêché
les fidèles, au temps de la persécution, de porl
>urs aux martyrs jetés dans les pi . En i

; lence, ils déclarèrent le siège de ( larl int

et «durent pour évoque un nommé Majorin, attaché


à la maison de Lueilla, et qui n'avait jamais rempli
dans r d'autres fonctions que celles de lecteur.
DE L'ALGÉRIE 5o

A partir de cet instant, il y eut donc deux Églises


à Carthage. « Telle fut, disent les historiens ecclé-
du schisme des donatistes, car
siastiques, l'origine
on leur donna ce nom à cause de Donat des Cases-
Noires, et d'un autre Donat plus fameux, qui suc-
céda à Majorin dans le titre d'évêque de Carthage. »

Cette dissidence devait bientôt avoir, non seulement


dans la capitale de l'Afrique , mais encore dans toutes
les provinces, de graves résultats. Elle engendra des
désordres sans nombre, elle disposa les peuples à se
séparer de l'unité de l'Église et prépara les esprits
à recevoir les erreurs de l'arianisme, que devaient
apporter les Vandales. Quand ce schisme prit nais-
sance, c'était au moment même où la religion triom-
phante venait de s'asseoir avec Constantin sur le trône
des Césars. Les donatistes s'adressèrent à ce prince
pour faire condamner Cécilien , et les reconnaître eux-
mêmes comme faisant partie de la véritable Église.
Constantin en recevant leur requête, s'écria
, : « Quoi !

vous me demandez des juges, à moi qui suis dans le


siècle tandis que moi-même j'attends le jugement du
,

Christ ! » Et la cause fut renvoyée devant le pape


Melchiade, qui, ayant convoqué un certain nombre
d'évêques de Gaule et d'Italie, les assembla en concile
dans le palais de Latran
2 octobre 313. Cécilien y
le

parut avec dix évêques catholiques, et Donat des


Cases-Noires avec dix évêques de son parti. Après de
longues discussions qui durèrent plusieurs jours , le

concile déclara Cécilien innocent des accusations por-


tées contre lui et approuva son ordination; Donat des
Cases- Noires fut condamné comme coupable de ca-
lomnie et d'autres crimes, qu'il avait lui-même avoués;
quant aux évêques qui avaient tenu le conciliabule de
56 HISTOIRE

Cartbage et ceux même qui avaient accompagné Douât


àRome, le concile déclara ne point se séparer de leur
communion n'en excluant que Donat,
, l'auteur de tout
le mal.
Mais les donatistes refusèrent de se soumettre à la

décision, pourtant simodérée, du concile de


sage, si

Latran. Ils en appelèrent de nouveau à L'empereur,


qui s'écria : « Quelle effronterie! quelle fureur! quelle
rage! ils interjettent appel comme les païens dans
leurs procès Cependant Constantin usa de patie
! »
dans l'espoir de pacifier une de ses plus belles pro-
vinces, et il provoqua la réunion d'un nouve tucom île.
Cette fois il fut convoqué à Ailes, et des évêqu<
Gaules, de la Bretagne, de l'Italie et de L'Espagne en
firent partie. Le jugement du concile d'Arles fut en
tous points conforme à celui du concile de Latran,
sinon qu'il se montra plus sévère contre les dissidents

opiniâtres. Les Pères du concile soumirent Leurs déci-


sions au pape, qui les approuva.
Le concile d'Arles ne fut pas tout à fait inutile pour
les donatistes; plusieurs renoncèrent au schisme pour
se réunir à l 'ccilien : mais quelques chicaneurs entêtés
appelèrent du jugement des évoques à l'empereur lui-

même. Il en fut extrêmement affligé d'abord; mais


enfin, cédant à leurs impoi tunités, il consentit à revoir
lui-même l'affaire. La chose lui (loue évoquée à son
tribunal, et par un jugemenl prononcé à Milan, le

10 novembre 316, il confirma l'arrêt porté contre les

donatistes dans les conciles de Latran et d'Arles.


Les donatistes ne se rendirent pas plus au jugement
de l'empereur qu'à celui des évêques. Constantin
vit obligé de bannir les plus séditieux; Les magistrats
voulurent user de rigueur pour taire exécuter les
DE L'ALGÉRIE 57

ordres de l'empereur; mais les donatistes opposèrent


Dans plusieurs villes à Constantine
la force à la force. ,

entre autres (c'était le nouveau nom de Cirta), ils


s'emparèrent des églises et résistèrent ouvertement
aux catholiques et à l'empereur. La sévérité des édits
portés contre eux ne les arrêta point; leur zèle ne fit

que s'accroître etbientôt dans les classes inférieures,


, ,

qui embrassèrent en général la cause du schisme, ce


zèle prit le caractère d'un violent et sombre enthou-
siasme. Ce fut alors que se montrèrent les premières
bandes de circoncellions , nom donné à ces nouveaux
prosélytes des donatistes mais qui dépassèrent bientôt
,

leurs chefs. Ces sectaires étaient pour la plupart des


esclaves, des colons, de petits propriétaires ruinés par
le fisc; ils ne s'inquiétaient pas seulement, ou même
ils ne s'inquiétaient guère de la querelle qui séparait
Donat de Cécilien; comme ils appartenaient à la classe
opprimée et souffrante, ce qu'ils voulaient, c'était une
réorganisation sociale, c'était le règne de la parfaite
égalité, et cela, disaient-ils, au nom des principes du
christianisme, qu'ils dénaturaient en l'exagérant, et
dont surtout ils n'avaient pas les mœurs. Otez-leur le

fanatisme, ce sont les bagaudes de la Gaule, ce sont


les ancêtres de la jacquerie, dont on retrouve encore
des descendants parmi les socialistes modernes.
Les bandes de circoncellions se livrèrent à de si
graves désordres, qu'il fallut envoyer contre elles des
troupes qui en firent un grand carnage mais les popu- ;

lations insurgées ne rentrèrent dans le devoir que


plusieurs années après. Pendant la plus grande partie
du iv e siècle, les doctrines sociales et religieuses des
circoncellions et des donatistes agitèrent les provinces
de l'Afrique.
58 HISTOIRE

Vers le milieu de ce même iv siècle , en 354, naiss


à Tagaste, petite ville de la Numidie, un homme qui
devait être un des plus redoutables adversaires des
donatistes, et de tous les hérétiques et schismatiques
en général, en même temps qu'il devait être une des
plus éclatantes lumières de L'Église catholique; nos
lecteurs ont déjà nommé saint Augustin.
Nous regrettons que la nature et l'étendue de ce livre
ne nous permettent de parler que bien succinctement
d'un si grand saint: mais le peu que nous en dirons
suflira pour rappeler à nos jeunes lecteurs sa vie et
ses écrits, ou pour leur donner Le désir de les con-
naître plus amplement s'ils ne les connaissent pas
encore.
La ville où naquit Augustin n'existe plus, et l'on ne
retrouve plus aujourd'hui L'emplacement môme qu'elle
occupait. On sait seulement qu'elle était située dans
la Numidie orientale, à peu de distance d'Hippone,
vers La frontière actuelle de l'Algérie et de la régence
de Tunis.
Le père d'Augustin, Patrice, était un des hommes
notables de Tagaste; il Taisait partie du c^i\^> des
décurions. Sa mère, qui exerça une si grande influence
sur >a vie, et qui tint une si grande place dans
affections, s'appelait Monique.
11 étudia d'abord à Madaure, puis à Tagaste, sa pa-
trie, puis à Cai thage. Ses mœurs se< orrompirent dans
cetto dernière ville autant que son esprit s'y perfec-
tionna. La secte des manichéens lit d'Augustin un
prosélyte, qui en devint bientôt un apôtre. 11 pi

ensuite la rhétorique à Carthage, à Rome, à Milan.


Saint Ambroise occupait à cette époque Le Biège de
cetto dei nière ville, et ses prédications étaient célèbi
-,

DE L'ALGÉRIE 59

L'amour de l'éloquence attira d'abord Augustin, et peu


à peu il en vint à goûter non seulement la diction
mais aussi la doctrine du saint prélat. Les livres des
platoniciens contribuèrent encore à le soulever au-
dessus du matérialisme, dont il ne pouvait sortir, et à
le placer sur le seuil de la religion. Platon, comme il

l'avoue lui-même, lui fit entrevoir la vérité tant désirée ;

mais l'Évangile et les saintes Écritures achevèrent de


lui dévoiler ce qui ne lui apparaissait encore que d'une
manière vague et confuse.
Pendant qu'il était dans ces dispositions , sa mère
vint le rejoindre; Alype et Nébride, ses vertueux
amis, vinrent vivre avec lui. Ses méditations devenaient
de plus en plus profondes, sa vie prenait chaque jour
plus de gravité ; il marchait d'un pas rapide vers la

religion : il était convaincu, mais quitter tout attache-


ment à la terre lui paraissait trop rude. Ses agitations,
ses combats redoublaient; tout le poussait vers une
sublime résolution ; entin, un jour qu'on lui avait ra-

conté comment deux officiers de l'empereur venaient


d'abandonner leur brillante existence pour vivre chré-
tiennement, il sentit en lui un mouvement extraordi-
naire, et une lutte décisive s'engagea dans son âme.
Il quitta son ami Alype il ne pouvait plus parler, tant
;

il était agité. Il alla se coucher sous un figuier, se rou-


lant par terre , versant des torrents de larmes ; il

demanda à Dieu de lui donner plus de force. Alors il

lui sembla entendre une voix qui disait « Prenez, :

et lisez. » Il se leva, et, prenant les Êpitres de


saint Paul, il les ouvrit au hasard, et lut ces mots :

<( Ne vivez pas dans les festins ni dans l'impu-


« dicité. Revêtez -vous de Notre -Seigneur Jésus
<( Christ, et ne cherchez pas à contenter votre chair
60 HISTOIRE

« suivant les désirs de votre sensualité. » De ce


moment il se sentit tranquille et soulagé ; son sort
fut fixé.

Cette scène, la plus sublime peut-être qui puisse se


passer dans le cœur d'un homme, est dépeinte d'une
façon admirable dans les Confessions; on ne saurait
rien lire de plus vrai, de plus touchant, de plus élevé.
Cette époque de sa vie a paru si intéressante, que
l'Église, par un privilège que saint Augustin ne par-
tage qu'avec saint Paul, l'a consacrée par une fête
particulière, qui se célèbre le 5 du mois de mai.
Dès lors il ne s'occupa plus qu'à vivre saintement.
Après s'y être préparé dans la retraite par la médi-
tation et la pénitence, il fut jugé digne de recevoir
le baptême, et ce sacrement lui fut conféré par saint
Ambroise, à la pàque de 387, dans la trente-troisième
année de son âge.
Il résolut de retourner en Afrique. Ce fut alors qu'il

perdit sa mère douleur cruelle, que la religion Beule


:

put adoucir.
11 renonça dès lors à la profession de rhéteur, et

borna à celle d'observateur exact de l'Évangile. De


retour en Afrique , il vendit ses biens pour en donner
le produit aux pauvres, et conserva seulement de quoi
vivre frugalement en commun avec quelques amis.
Cependant ses écrits et ses travaux sur la religion
allaient toujours se A celte époque,
multipliant. il

avait déjà publié un grand nombre de livres, parmi


lesquels nous citerons celui qu'il lit contre les acadé-
miciens et un autre sur la vie bien-
leur scepticisme;
heureuse; un troisième intitulé De VOrdn :

Soliloques; ses livre- des Mœurs VÉglx rite <!<•

contre les manichéens; son livre De l<i Grandeur de


DE L ALGERIE 61

rame, et le commencement de son ouvrage sur le libre


arbitre.
Il vivait ainsi depuis trois ans dans la retraite, lors-

qu'un jour, étant à l'église d'IIippone, l'évêque, qui


était vieux, témoigna le désir d'ordonner un prêtre
qui pût l'aider et lui succéder, et il désigna Augustin.
Celui-ci se faisait une idée si sévère des devoirs du
saint ministère, qu'il refusa d'abord de céder à ce
désir de l'évoque ; mais les vœux du peuple se mon-
trèrent si unanimes et si persévérants, qu'il ne put
résister à la voix publique, tout en lui obéissant avec
crainte et douleur.
Une fois entré dans les ordres sacrés, il redoubla
d'austérités, et commença à prêcher avec un prodi-
gieux succès. Il fonda un monastère où il rassembla

autour de lui ses amis les plus chers, Alype, Évcdius,


Possidius. Là on recevait des enfants pour les ins-
truire, des catéchumènes pour les disposer au bap-
tême. Plusieurs autres Églises en tirèrent des colonies
pour faire de semblables institutions, qui furent la
pépinière de Tépiscopat. Ces communautés de prêtres
et de clercs ont servi plus tard de modèle à l'érection
des séminaires et d'un grand nombre de communautés
religieuses.
A compter de époque surtout, on peut dire
cette
que saint Augustin devint un athlète infatigable pour
combattre les ennemis de la foi; les manichéens, les
donatistes, les pélagiens furent tour à tour attaqués et
confondus par la puissance de sa parole ou de ses
écrits. En 393, un concile le donna pour coadjuteur à
l'évêque d'IIippone, Valère, que jusqu'alors il avait
simplement aidé dans ses fonctions. Dans ce rang
élevé, son zèle, son génie, ses vertus brillèrent d'un
02 HISTOIRE

nouvel éclat. Sa piété, sa douceur, son savoir,


succès dans la conversion des hérétiques, sa charité
envers les pauvres, ses soins éclairés pour les allai

civiles lui attirèrent la vénération de toute L'Afrique.


L'énumération seule de ses travaux et de ses ouvrages
nous entraînerait trop loin. Il nous suffira de dire que
saint Augustin employa sa vie entière à maintenir la
foi catholique contre les attaques de toute espèce, el

à la répandre par ses vertus. Sa réputation s'étendit


bientôt au delà dos rivages de l'Afrique. De tous les
points du monde chrétien on lui soumettait toutes Les
difficultés, et l'on implorait son savoir et son élo-
quence. Il répondait avec un zèle infatigable à toutes
les demandes qu'on lui adressait, ce qui ne l'empêchait
pas de faire au peuple de fréquentes instructions, de
visiter ou d'accueillir tous les citoyens d'Hippone qui
réclamaient, son assistance, et d'intervenir comi
juge et comme médiateur dans les différends qui s'éle

vaient entre les membres de son Église.


On conçoit à peine qu'au milieu d'occupations si

diverses et si nombreuses Augustin ait trouvé pour


écrire quelques instants de loisir; et cependant Le re-
cueil de ses œuvres forme onze volumes Ln-folio, et

tout ce qu'il a écrit no nous est pas parvenu. Celui de


ses ouvrages qu'on regarde comme Le plus beau, Le

plus complet, est la Cité de Dieu, La philosophie,


L'érudition, une Logique exacte, La religion, La piété,
tout se trouve réuni dans ce grand el magnifique ou-
vrage. Il L'entreprit après la prise de Rome par Alai Le,

en HO, pour répondre aux plaintes des as, qui


attribuaient Les irruptions des barbares et les malheurs
de L'empire à L'établissement de La religion chrétienne
et à la destruction des temples. Saint Augustin s'at-
,

DE L'ALGÉRIE 63

tache à démontrer dans ce livre combien, même


lorsqu'elle est éclairée par la plus pure philosophie
l'idolâtrie est impuissante à donner aux hommes,
même le bonheur de cette vie. Puis il explique ce que
c'est que la cité céleste, c'est-à-dire l'Église de Dieu,
qui subsiste là-haut dans toute sa gloire , et dont quel-
ques fragments sont dispersés parmi la cité terrestre :

c'est l'opposition continuelle de l'amour des choses de


ce monde avec l'amour des choses divines, et leur
combat commencé depuis la chute des anges. Presque
toute la doctrine de saint Augustin se retrouve dans
ce livre, qui est sans doute la plus noble peinture de
la religion chrétienne; elle y est présentée, comme
dans tous ses écrits , avec une douceur pénétrante. Il

semble toujours appeler les hommes au bonheur et à


la non pas seulement pour l'éter-
plénitude de l'àme,
nité mais encore pour cette vie
, on sent qu'il parlait :

d'après son expérience. Lui-même, plein de passion


et de scrupule n'avait pu trouver le calme que dans
,

cet asile.
parmi
Si, les Pères de l'Église, il y en a de plus
savants que saint Augustin, de plus habiles dans le

langage, d'un goût plus pur; y en a aussi qui s'il

aient eu occasion de souffrir davantage pour la foi, il


n'en est point qui attirent plus à la religion ,
qui la
fassent aimer davantage, qui pénètrent plus dans le
cœur de l'homme. Les peintres dans leurs tableaux, ,

lui ont donné pour symbole un cœur enflammé.

On reproche à ses écrits l'emploi trop fréquent des


allégories ; mais elles lui fournissent une certaine
facilité pour appuyer les instructions qu'il donnait à
son peuple. On lui reproche également les pointes, les
antithèses, les rimes même, alors en vogue, mais
64 HISTOIRE

qu'il a admises tard dans ses discours; car ses pre-


miers écrits sont cités comme des modèles dans le

genre de traiter les graves questions de la doctrine,


et il n'affaiblit depuis sou style, selon la remarque
d'Érasme, que pour s'accommoder au goût de ceux
à qui il parlait.

Ses ouvrages, en général, forment un cours com-


plet de théologie. Le seul livre de la Doctrine chré-
tienne contient, au jugement de Bossue t, plus de
principes pour entendre l'Ecriture sainte qu'il n'y
en a dans tous les autres docteurs. Ses sermons, dont
il nous reste plus de quatre cents, sont de simples

homélies, improvisées pour la plupart, où Ton voit un


pasteur qui instruit ses brebis, un maître ses disci-
ples, un père ses enfants. Ils sont écrits sans art, sans
plan; mais on voit qu'il savait imprimer ses instruc-
tions dans les esprits par des expressions agréables ou
touchantes, des pensées vives ou subtiles, adapl
au génie des Africains, qui en étaient souvent émus
jusqu'aux larmes. Comme tous les grands hommes,
il s'est peint dans ses lettres; il y développe sa belle
âme, y fait admirer une vaste étendue de connais-
sances, une éloquence naturelle, une prudence con-
sommée, un zèle ardent pour les intérêts de l'Eglise,
un amour constant pour la vérité, une piété tendit et 1

solide, une honte qui ne se refusait à personne, une


modestie sans égale. Consulté de toutes parts, et sur
toutes sortes de questions, plusieurs de ses répon
sont des traités complets : on y retrouve presque
entière l'histoire ecclésiastique de son temps, surtout
celle des donatistes et des pélagiens.

ind les Vandales, appelés par le comte Bonifa


apparurent sur Les i ivag s de l'Afrique, saint Augustin
DE L'ALGÉRIE 65

pleura sur les maux présents et futurs de cette contrée.


Mais son afiliction devint encore bien plus grande
quand la ville d'Hippone fut assiégée. Cependant il

avait la consolation de voir auprès de lui plusieurs


évêques, entre autres Possidius de Calame, un de ses
plus illustres disciples, celui-là même qui nous a
laissé sa vie. Ils mêlaient ensemble leurs prières et
leurs larmes. Saint Augustin demandait à Dieu en
particulier qu'il lui plût de délivrer Hippone des enne-
mis qui l'assiégeaient, ou du moins de donner à ses
serviteurs la force de supporter les maux dont ils
étaient menacés ou enfin de le retirer du monde et
,

de l'appeler à lui. Dieu ne rejeta point ce dernier vœu


de son serviteur; le troisième mois du siège, il tomba
malade de la fièvre, et mourut le 28 août 430. Ainsi il
ne fut pas témoin de la prise, du pillage et de l'incen-
die de sa ville épiscopale.
(( Avec saiut Augustin, dit un écrivain ecclésias-
tique contemporain, mourut en quelque sorte l'Afrique
chrétienne et civilisée. Car, depuis cette époque jus-
qu'à ce qu'elle expira sous le fer des musulmans, son
existence ne fat plus qu'une longue agonie l
. » En effet,
les Vandales étaient ariens, et ils poursuivirent les ca-
tholiques avec un acharnement qui rappelait les pires
jours des persécutions ordonnées par les empereurs
païens. Les donatistes, les manichéens, et tout ce
qu'il y avait en Afrique de sectes hérétiques ou schis-
matiques, firent cause commune avec les Vandales , et
embrassèrent l'arianisme. Les catholiques étaient donc
réduits à un bien petit nombre, lorsqu'un siècle après
l'invasion des Vandales , les victoires de Bélisaire et

1
Rohrbacher, Hist. miiv.de l'Eglise catholique , t. VII, p. ')86.

5
66 HISTOIRE

la soumission de toute l'Afrique à l'empire d'Orient


amenèrent une réaction en faveur des catholiqu
Mais que pouvaient les édite des empereurs pour rani-
mer un corps à l'agonie? Depuis la conquête de Béli-
saire jusqu'à l'invasion des Arabes, L'Église d'Afrique
fut non seulement en proie à des déchirements inté-
rieurs, mais elle eut surtout à souffrir de la guerre
continuelle que firent à l'empire et à la civilisation les

populations indigènes. Guidées pendant un siècle par


des chefs qui avaient ravi sans doute à la tactique
romaine quelques-uns de ses secrets, ne a b-
elles

sèrent de faire des progrès, gagnant chaque jour


une nouvelle part de territoire sur la civilisation, el

ramenant jusqu'à la côte le paganisme et la barbarie.

Les Arabes, dans la seconde moitié du vn* siècle,


achevèrent L'œuvre des tribus indiç . el portèrent
à la domination romaine le dernier coup. En moins
d'un demi-siècle, ils établirent par la force du sabre
l'islamisme sur toute la côte septenti tonale de l'Afrique.
Alors les évèques et les prêtres s'enfuirent et se dis-

persèrent; les uns se retirèrent sur Les tel l ore


soumises aux empereurs de ionstantinople; ( les autj

en Italie; d'autres enfin, comme Potentinus d'Utique,


cherchèrent un asile en EspagD
Douze siècles après événements, nous verrons
la croix reparaître de nouveau triomphante sur ces
rivages, 1 îpiscopa] de saint Augustin relevé,
le christianisme refleurir, et La civilisation ramenée
avec lui sur cette terre si Longtemps désolée par la

barbai i«- et le fanatisme.


,

DE L'ALGÉRIE 67

Pour compléter cet aperçu de l'histoire de la re-


ligion catholique en Afrique, nous allons donner la
liste des évêques de quelques-unes des villes qui sont
soumises aujourd'hui à la domination française *.

CIRTA ( CONSTANTTNE )

Crescens est le premier évêque connu. En 255, il

vint à Garthage pour assister au concile présidé par


saint Cyprien.

Paulus était évêque de Cirta lorsque fut rendu l'édit


de Nicomédie (303). Il mourut en 305.
Sylvanus succéda à Paulus.
Zeuzius occupait le siège épiscopal en 330 ;

Gênêrosus, vers 400.


Profulurus succéda à Générosus; on ne saurait
porter au delà de 410 la durée de son épiscopat.
Fortunatus assista à la conférence de Carthaçe
en 411. Il fut un des sept commissaires choisis par les
catholiques.

Honoratus Antoninus était évêque sous le règne de


Genséric , roi des Vandales.

Victor est le dernier évêque catholique de Constan-


tine dont l'histoire nous ait conservé le souvenir. Il

1
Nous ferons observer que le nombre des évêchés dans les provinces
d'Afrique s'élevait à plus de trois cents, dont la liste nous a été conservée
par Morcelli dans son grand ouvrage, Africa chrisliana; nous n'avons
pris dans cette liste que ceux des évèchés compris dans l'Algérie ac-
tuelle;quant aux noms des évêques, nous avons suivi M. Yanoski, en
supprimant Carlhage qui était la métropole mais qui n'appartient pas
,
,

à nos possessions.
-

68 HISTOIRE

vint, en 484, à Carthage au concile convoqué dans


cette ville par Hunéric, roi des Vandales.

Nous n'avons pas besoin de dire que nous n'avons


pas nommé ici les évèques donatistes ou ariens.

HIPPO-REGIUS OU BIPPONE (BONE 1

Théogèm est le premier évoque connu. Il assista au


concile convoqué en 255 par saint Gyprien. Nous
avons parlé de son martyre.
Fidentius occupa le siège épiscopal vers 3(H, sans
qu'on puisse bien préciser l'époque de son pontificat
non plus que celui de

Léontius, qu'on regarde comme le successeur de


Fidentius; mais L'était-il médiatement ou immédiate-
ment? c'est ce qu'on ne saurait affirmer (rime manière
positive.

Famtinvs était donatiste. Suivant Morcelli, il était


contemporain des empereurs Constance et Julien.
VaUrius ou Valère était déjà évoque d'Hippone
lorsque saint Augustin revint d'Italie.
AugustinrAS (saint Augustin ), '1 1 3 >5 à 130.

Héraclius avait été désigné au choix du clergé et du


peuple par saint Augustin Lui-môme. Il devait Lui

succéder; mais il est vraisemblable qu'il ne remplit


pas >s fonctions, puisque La ville d'Hippone fut sac
&e el brûlée par les Vandales. Cette ville se releva

1
La fille moderne de I ipe p ts l'empla >em ml d'Hipp i

mais elle esl située '<


deux milles seulement de distao
DE L'ALGERIE 69

plus tard de ses ruines: mais on n'y retrouve plus


d'évêque catholique, si ce n'est en 1076, que le pape
Grégoire VII sacra un évêque d'Hippone, nommé
Servandus. C'est le dernier des évèques, résidant à
Hippone, dont le nom soit arrivé jusqu'à nous. A par-
tir du xiv e siècle un grand nombre de prélats euro-
,

péens ont porté le titre qu'avait illustré saint Augu-


stin, mais seulement comme évêques in partions.
Morcelli en compte quarante-trois de 1375 à 1795.
Aujourd'hui ce titre n'est plus simplement ad honores;
il a été réuni au titre d'évêque d'Alger par la bulle de
notre saint-père le pape Grégoire XVI ,
qui a érigé
l'évêché d'Alger (1838).

SITIFl (SÉTIF)

Sévérus, vers 400.


Xovatus assista, dans la ville de Carthage, à la con-
férence de 411 et au concile de 419.
Donatus vint au concile convoqué, en 484, par
Hunéric, roi des Vandales.
Optatus vint au concile convoqué, en 525, par
Boniface, évêque de Carthage.

JULIA OŒSAREA (CHERCHELL)

Quatre noms seulement ont échappé à l'oubli.

Fortunatus était évêque de Julia Cœsarea, en 314.


11 assista au concile d'Arles, où furent condamnés les

donatistes.
1

70 HISTOIRE

démens occupait le siège épiscopal au temps de la

révolte de Firmus, vers 37*2.

Deutériw assista à la grande conférence qui eut


lieu à Carthage , en 411, entre les catholiques et les

donatistes.

Apocarius, enfin, vint au concile qui fut convoqué,


en 484, par Hunéric, roi des Vandales.

Cl'icil. I M ( DJIMMILAB )

Pudentianus assista au concile de Carthage, convo-


qué par saint Gyprien en 255.
Elpidéphorus assista, en 348, au concile de Car-
thage, présidé parle métropolitain Gratus.
Cresconius assista à la conférence de Carthage de
4M ,
entre les catholiques et les donatistes.

Victor vint au concile convoque, en fô4, par Hu-


néric, roi des Vandales.

Crescew se rendit à Constantinopie et assista,


5.>;}, au cinquième concile œcuménique.

ICOSIUM ( ALGER )

as assista, en \ 1 , à la conférence de Car-


thage. 11 était du parti (les donatistes.

Laurentius assista, en 549, au concile convoqué


à ( iarthage par l'évêque Aoiréliu

Victor vint au concile convoqué, en L84, par Hu-


néric , roi 'les Vandales.
DE L'ALGÉRIE

IGILGILI (DJIDJELLl)

Urbicosus assista, en 411, à la conférence de Car-


tilage.

Domilianus vint au concile convoqué, en 484, par


Hunéric, roi des Vandales.

SALD.E (BOUGIE)

Pascharins est le seul évêque de cette ville dont le

nom ait échappé à l'oubli. Il figure dans la liste des


évêques qui ont assisté au concile de 484.

CHAPITRE IV

l'i'itioLE aralu:. —
Des causes qui disposaient les Arabes à l'invas
du oord de L'Afrique. Nom d< ai —ays par la L ographie ai i
r
>

— Tradition ancienne eur l'origine commune du peuple envahisse ur


et du peuple envahi. — Analogie d>:> mœurs et des habitudes de l'un

et de l'autre. —
État de la domination byzantine à l'époque de l'in-
vasion arabe. —
Le prosélytisme religieux pousse 1» hors de - -

leur pays. —
Pourquoi la doctrine de Mahomel lui adoptée facilement
par les Arabes. —
L'islamisme ne peut vivre que par la guerre el la
conquête. —
Invasion et soumission du Maghreb. Résistance —
Berbères. Cbanj— par l'invasii d arabe. Habile —
administration de Mouça-ben-Noçaï. Secte hérétique musula —
••H Afrique. —
Révolte contre la domination arabe. Dynasties —
Édi sitesetdesAghlabites. Elles sont — rlesFathim i

— Secte des Chiites; son origim -Les Fathimiti


fixent en Egypte. — Dynastie des Zirites. — Invasion des Normands
de Sicile. — Dynastie des Almoravides. — Dyni Aimons
— Conquêtes d'Abd-el-Moumen, le plus illustre des Almohades.
Abou-Jacoub el- Mansour, Bon fils. S» —
contre les chrél
• spagne.— Ilohammed-Abou-Abdallah, fils du pi
il 1 perd la

grande bataille de Tolosa contre Al| h< ose 1\. i"i de Castille. Sui —
de cette bataille. —
Chute d»- la dynastie des Almohades. 1 —
dynasties, les Béni-Mérin, les B< oi-Afez el les Béni-Zian,
leur empire < n Afrique. — Royaume de Tlemcen. — Son étal Q<

il bous les 1'" oi-Zian. - Décadence des trois neuv< lli b dynes
Conquêtes des Espagnols Bur le littoral de l'Afrique.

Des causes puissantes el divers* b, nées de la consti-


tution même des populations indigènes d'Afrique,
de leurs origines probables e1 de leurs nombreu
affinité les hordes arabi a qni avaienl récemmi
HISTOIRE DE L'ALGÉRIE 73

embrassé l'islamisme, ouvraient à celles-ci ce vaste


pays qui, placé au delà de l'Egypte jusqu'à l'Atlan-
connu des
tique, à l'occident de leurs déserts, n'était
nouvelles populations conquérantes que sous la déno-
mination générique et vague de Maghreb (le couchant) '.

Ce n'est que longtemps après la conquête de ce pays


qu'on trouve dans les géographes arabes une division
du Maghreb en trois parties : Maghreb -el-Aksa (le

couchant extrême) ,
qui s'étendait depuis l'Atlantique
jusqu'à Tlemcen, et qui correspond à peu près à l'em-
pire actuel du Maroc Maghreb -el-Ouassat (le cou-
;

chant du milieu), comprenant le pays à l'est de


Tlemcen jusqu'à Bougie, et qui n'était pas aussi
considérable que l'Algérie telle que la France la
possède; enfin, la province d'Afrique proprement
dite (Afrikia), dont la frontière orientale touchait à

l'Egypte.
Des traditions antiques, dont les traces se retrou-
vaient à la fois et chez la race de l'invasion et parmi
les peuplades berbères et numides qui allaient la

une
subir, assignaient à la plupart de ces dernières
origine arabe, ou abrahamique, ou cananéenne. Nous
avons déjà parlé de cette hypothèse recueillie par les
historiens grecs du Bas-Empire, d'après laquelle une
partie de la population indigène se rattachait à ces
Cananéens chassés de Palestine par Josué, chef des
Israélites. Un autre ordre de traditions donnait pour

ancêtres à une partie des tribus nomades d'Afrique les


colonies hémiarites qui, au nombre de cinq, auraient,
à une époque très reculée, passé d'Arabie dans le
Maghreb, sous les ordres de Melik-Afrikis,fils deKaïs,
1
De là vient le nom de Maugrebins ou Maugrabins donné souvent
par nos vieux auteurs aux habitants du pays barbaresque.
74 HISTOIRE

et auquel, toujours d'après ces mêmes traditions,


l'Afrique eût été redevable de sou nom moderne. Quoi
qu'il eu soit de L'époque et du chef de cette grande
émigration, les c"»nq grandes tribus qui en faisaient
noms de Senhadjah, de Mas
partie, et qui, sous les
moudah, de Zenatah, de Goumrah et de Haouarah,
prirent racine dans le pays, y exercèrent dès lors et
depuis une large part d'influence; leur postérité, à

travers les vicissitudes de L'histoire si troublée do-


dominations arabe et turque, après des alliances el

des croisements infinis, s'est perpétuée jusqu'à nos


jours, et on trouve encore en Algérie des tribus ber-
bères portant les mêmes noms que les cinq tribus
hémiarites qui pénétrèrent d'abord en Afrique.
Indépendamment de ces rapports de parenté origi-
nelle, une analogie frappante remarquer
se faisait

dans les habitudes et les mœurs - ;iales des Arabes


et celles des anciennes populations du Maghreb que
les complètes successives des Carthaginois, des Ro-
ui, dus et des Vandales avaient refoulées dans les dé-
serts du sud et dans les chaînes de montagnes les plus
inaccessibles. La vie nomade , la polygamie , L'amour
de la guerre du pillage se retrouvaient également
et

dans les deux races. Leurs Langues offraient aussi une


certaine conformité, et, à travers des altérations qui
indiquaient une antique séparation , semblaient révéler
deux peuples frères.

La complète de l'Afrique devait donc tenter les lils

d'ismaël ; leur imagination ardente ajoutait encore


aux avantages positifs et réels de cette contrée, en y
plaçant de chimériques trésors. Pour les crédules en-
tants de L'Arabie, la terre d'Afrique était dès lors et
resta depuis La terre des enchantements et des magi-
DE L'ALGÉRIE 75

tiens, la terre de l'or : aussi l'émigration conquérante


put-elle se recruter facilement au sein de tribus pau-
vres et avides, auxquelles s'offraient en proie des
races épuisées, abâtardies, livrées à tous les maux de
l'anarchie et de la guerre.
En effet, au moment de l'apparition des Arabes, la

domination gréco- romaine présentait, dans toutes


les parties occupées de l'Afrique septentrionale, le
spectacle d'une complète dissolution. Une adminis-
tration avide et corrompue ; des populations écrasées
d'impôts, mécontentes, travaillées d'ailleurs par des
hérésies sans nombre; des campagnes dévastées; des
villes livrées à une immoralité effrayante, perpétuel-

lement menacées par les incursions des peuplades


berbères de l'intérieur : voilà de quoi se composaient
les dépendances africaines de l'empire grec tels ;

étaient les éléments de résistance que les Césars de


Byzance avaient à opposer à l'irruption de hordes ar-
dentes, fanatisées, auxquelles frayaient déjà les voies
l'état religieux du pays, et des affinités réelles et pro-
fondes avec la portion cananéenne ou abrahamique de
ses populations.
Enfin la cause principale qui poussait tout à coup
les Arabes hors de leur pays était le prosélytisme reli

gieux. Mahomet venait d'ouvrir une nouvelle ère aux


populations de l'Orient, en produisant à leurs yeux
un nouveau Des traditions obscures, mais
livre de foi.

d'ailleurs confirmées, ont mentionné les relations que


Mahomet, à diverses époques de sa vie, aurait entre-
tenues avec des chrétiens orientaux et avec des secta-
teurs de Moïse et de Zoroastre. 11 puisa certainement
dans ces relations la plupart de ses doctrines reli-
gieuses ; mais il ne connut que de seconde main les
76 HISTOIRE

livres sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament. 11

s'inspira bien plus des rêveries des rabbins juifs, ou


des hérésiarques nestoriens, aiiens ou jacobites, que
du Pentateuque ou de l'Evangile. Toutefois cette
fusion, dans un livre unique, de toutes les idées reli-
gieuses en circulation de son temps, fui pour Mahomet
une cause de succès auprès de populations livrées à
des hérésies sans nombre et aspirant à L'unité. Tandis
pour les uns qu'un rénovateur heureux du
qu'il n'était

culte d'Abraham, il restait pour d'autres presque un


chrétien, et pour d'autres encore un disciple modifié
de Moïse. Tout servit, d'ailleurs, à Mahomet pour la

propagation de ses idées : le glaive et la persuasion,


les rêves de son imagination en délire, et jusqu'aux
atteintes de l'épilepsie dont il souffrait, et qui pas-
saient aux yeux de -es Ignorants et fanatiques dis-
ciples pour des extases pendant lesquelles il était en
communication avec Dieu.
Au caractère divin de la religion du Christ, à s

dogmes mystérieux et profonds, à L'esprit de douceur


et d'abnégation que Jésus était venu prêcher sur la

terri 1
, la religion de Mahomet opposait un caractère
profondément humain, si l'on peut (lire, et parfaite-
ment adapté aux passions et aux intérêts matériels des
tribus grossières auxquelles elle B'adressait. La reli-
gion chrétienne , en combattant les mauvais penchants
de l'homme, tend sans e à élever son âme vers la

perfection; la religion de Mahomet, au contraire, en


favorisant les mêmes penchants, entraine nécessaii
ment l'homme dans la dégradation et L'abrutissement.
L'uneesl la religion du je . du véritable pi

intellectuel el moral; l'autre en esl la négation. Pour


convaincre de ces vérités . ou n'a qu'a jeter les veux
DE L'ALGÉRIE 77

sur les nations diverses qui suivent aujourd'hui Tune


ou l'autre de ces deux religions.
L'islamisme, d'après le caractère que lui a imprimé
son fondateur, fut avant tout une religion de conquête
et d'invasion; et ce caractère fut toujours si bien
marqué en lui, que ses destinées mêmes ont depuis
toujours été liées aux destinées de la guerre contre les
nations qu'il appelait infidèles, soit qu'elles fussent
chrétiennes ou païennes. Toutes les fois que le djehad
(la guerre sainte) s'est arrêté, l'islamisme lui-même
a commencé à décroître. Il ne vit que par la guerre
et semble impuissant pour les fondations pacifiques;

aussi n'a-t-il pas été, jusqu'à ce jour, dans ses desti-


nées de fonder des empires durables.
Quoi qu'il en soit, l'islamisme était on ne peut
mieux constitué, dans l'origine, pour la mission de
guerre qu'il s'était imposée. L'incroyable rapidité de
ses conquêtes le prouve bien, et c'était après avoir
réduit sous son joug les plus belles portions de la
Syrie, de l'Irak et de l'Egypte qu'il se présentait en
conquérant devant les Africains, déjà plus qu'à demi
vaincus. Par sa triple face, juive, chrétienne et sa-
béenne, il leur offrait à tous des points de contact avec
lui-même. Filles d'Ismaël ou de Canaan, les tribus de
l'Arabie se présentaient en sœurs aux tribus d'Afrique
pour les délivrer de la domination occidentale et chré-
tienne.
Nous ne suivrons pas les phases diverses et fort

peu intéressantes pour nous de la conquête arabe en


Afrique. Nous dirons seulement que le Maghreb, en-
vahi pour la première fois vers l'an 648, sous le ca-
lifat d'Othman, une seconde fois en 6G5, fut complè-

tement soumis vers l'an 62 de l'hégire (681 de J.-C),


7b HISTOIRE

par Okba, gouverneur pour le calife Iézid. Les Ber-


bères se soulevèrent plusieurs fois contre les enva-
hisseurs arabes, et, tout en acceptant L'islamisme,
on peut dire qu'ils partagèrent avec les Arabes la
domination du pays, plutôt qu'ils ne leur furent
soumis.
Du reste, en moins d'un siècle l'invasion musulmane
changea complètement l'état politique et L'aspect du
pays. De nouvelles dénominations remplacèrent Les
noms romains, et les conquérants musulmans firenl
disparaître jusqu'aux dernières traces des deux cent
quatre-vingt-treize églises épiscopales que La per-
sécution des Vandales avait déjà frappées à mort
dans les seules limites du moderne territoire algé-
rien.
Sous L'administration de Mouça-ben-Noçaïr, celui
qui lit la conquête de L'Espagne, le Maghreb fut quel-
que temps pacifié et organisé d'une manière régulière.
Mouça s'attacha surtout gagner les populations
à
berbères et le reste des colonies romaines et vandales.
Il rappela aux Herbères leur communauté d'origine
avec- les Arabes; et , comme ils étaient la plupart ariens
ainsi <pie les descendants des Vandales, il n'eut pas
de peine à les convertir à L'islamisme. On sait «pie

eette secte, se rapprochant beaucoup de la doctrine


de L'islamisme, regardail Jésus-Christ comme nu pro-
phète, et non comme I'' V\\< de Dieu; cette analogie
dans les croyances rendit plus facile la tacbe de Mouça.
Il sut ménager les superstitions et les préjugés des
populations qui habitaient les montagnes. Il n'exi
d'elles <pie d«> reconnaître Mahomet comme prophète,
Laissant an temps de purifier leur foi. Le temps ne les

a pas beaucoup éclairés ; car encore aujourd'hui les


DE L'ALGÉRIE 79

montagnards de la Kabylie les descendants des Ber-


,

bères, ne sont pas des musulmans très fervents. Mais


ce que voulait Mouça, en administrateur habile, c'était
avant tout de se faire de ces peuples des alliés plutôt

que des sujets; et, en effet, il trouva parmi eux de


vaillants auxiliaires pour la conquête de l'Espagne.
Le successeur de Mouça, Mohammed-ben-Iézid,
s'attacha comme son prédécesseur à la conversion des
Berbères ; mais avec l'islamisme pénétra dans leurs
tribus ce cortège de schisme et d'hérésie qui dès cette
époque déchirait la religion de Mahomet sous : le titre

commun de kJiouaridj , des sectaires de croyances et


de noms divers apportèrent en Afrique germe de le

dissensions pareilles à celles qui, sous les empereurs


chrétiens, l'avaient déjà tant de fois ensanglantée. Le
khouaridjisme vint constituer, au sein de la religion

de Mahomet, une sorte de protestantisme oriental,


conviant à la fois les peuples à l'indépendance politique
et religieuse, ramenant ou prétendant ramener les
musulmans à la pureté de la foi primitive, à la pra-
tique des bonnes œuvres, à la vie et à l'égalité patriar-

cales. Ces doctrines se concilièrent rapidement, dans


les pauvres et belliqueuses tribus de l'intérieur, de
nombreux partisans. Ces tribus, qui jadis avaient
fourni aux donatistes et aux circoncellions leurs par-
tisans les plus intrépides, se jetèrent avec fureur, une
fois qu'elles eurent embrassé l'islamisme , dans les
sectes hérésiarques de la foi nouvelle. Il semblait dans
les instincts et dans les destinées de cette terre d'A-
frique de rejeter toujours le joug de l'unité religieuse;
mais plus d'une fois sous le masque du schisme se
cacha l'aspiration à l'indépendance politique : l'appel
à la rénovation religieuse ne fut bien souvent, entre
80 HISTOIRE

les mains des Berbères opprimés, qu'un prétexte voi-


lant leur prétention à devenir les égaux de leurs
maîtres, ou quelquefois même qu'une hardie revendi-
cation de la suprématie.
On conçoit qu'avec de pareilles dispositions, le

Maghreb dut être en proie à des révoltes presque


continuelles contre la domination arabe. Les déchire-
ments intérieurs de l'Afrique ne tirent que s'accroître
quand le califat passa de la main des Ommiades dans
celles desAbbassides. Aumilieu de L'anarchie qui suivit
cette grande révolution, surgirent deux dynasties afri-

caines qui ramenèrent à une sorte d'unité Maghreb,


le

prêt à se morceler en vingt petits Etats. Ce sont: dans


l'ouest, les Béni-Édris (Édrissites) ; dans Test, les
I téni-Â g] ilab ( A ghlabites).
Les Edrissites régnèrent à Tlenieen, occupèrent
Ceuta, Tanger, et tout ce qui composait les anciennes
Mauritanie* (Tingitane, Sitifienne et Césarienne).
Le siège de L'empire des Aghlabites fut Kaïroan, et

pins tard Tunis.


Ces deux dynasties furent renversées par celle dos
Eathiniitos, qui joua un rôle si considérable dans tout
l'empire musulman. Abou-Ohéid- Allah, le fondateur
de cette dynastie, s.- prétendait issu de Eatmah, fille

de Mahomet, et d'Ali, son gendre. Pour faire com-


prendre L'influence qu'Obéid-Allah exerça dans la

révolution qu'il accomplit en Afrique, il est nécessaire


d'entrer dans quelques détails.
Les Chiites, um» des nombreuses sectes de l'isla-

misme, étaient alors très nombreux en Afrique. In


des principaux points de leur croyance es1 de regar-
der Ali, gendre du Prophète, connue son successeur
légitime et immédiat; ils ne reconnaissaient point
DE L'ALGERIE 81

comme orthodoxes Abou-Bekr, Omar et Othman, qui


ont précédé Ali dans les fonctions de calife. L'opinion
que la souveraineté spirituelle et temporelle doit
résider exclusivement dans les descendants d'Ali a
toujours été très répandue en Orient. Les musulmans
comptent douze imans, descendant en ligne directe
d'Ali, et dont le dernier, d'après une tradition chiite
adoptée par les orthodoxes eux-mêmes, a disparu à
l'âgede douze ans dans une caverne où sa mère l'avait
caché pour le soustraire à ses ennemis. Cet iman,
nommé Mohammed-el-Mahdi, vit encore, et il doit
apparaître dans le monde avant la Un des siècles, avec
Jésus-Christ et Élie. Ces trois pontifes ou prophètes
réuniront tous les peuples en une seule nation, et il
n'y aura plus de distinction de juifs, de musulmans,
de chrétiens.
Cette croyance, chère à l'imagination exaltée et
amoureuse du merveilleux des Arabes, a été exploitée,
à diverses époques, par des ambitieux qui ont voulu
se faire passerpour l'iman El-Mahdi, afin de s'em-
parer du pouvoir suprême. La foi des musulmans dans
cette tradition n'a pas été ébranlée par les entreprises
audacieuses répétées par divers imposteurs dans
plusieurs contrées; et aujourd'hui encore on retrouve
en Algérie, dans les prophéties sur la venue du Moula
saa, dont Bou-Maza a su tirer il y a quelques années
un parti si habile le souvenir
, vivant de la légende de
Mohammed-el-Mahdi.
C'est donc à l'aide de son prétendu titre de descen-
dant d'Ali qu'Obéid- Allah gagna une foule de partisans
parmi les populations berbères, et que bientôt, se
voyant à la tête d'une armée, il attaqua et renversa les
dynasties qui régnaient dans le Maghreb.
6
82 HISTOIRE

Après avoir établi solidement, autant que cela était

ssible sur de pareils peuples, leur domination en


Afrique, les Fathimites firent La complète de L'Egypte
sous le règne de .Moaz-el-Din-Illah, petit-fils d'Obéid-
Allah, et y fixèrent le siège de leur empire dans La

ville du Caire.
En partant pour L'Egypte, Moaz confia à Joucef-

ben-Ziri Le gouvernement de L'Afrique. Mais bientôt

Ziri se déclara indépendant, et il fonda une dynastie


nouvelle appelée îles /'ni:

Les Béni-Ziri, successeurs de Jôucef, eurent à se

défendre contre les Fatbimites d'Egypte, qui voulaient


parfois faire revivre dans toute leur intégrité les droits
de leur maison sur L'Afrique, et qui portèrent Le ra\

jusque dans Tripoli, dont ils s'emparèrent ( L054), et


dans Kaii'oan, qu'ils dévastèrent ( L061 >.

D'un autre côté, échappée au joug arabe,


la Sicile,

et tombée aux mains des conquérants normands, de-


venait redoutable aux maîtres de L'Afrique, après
s'être vue Longtemps en leur pouvoir. Une premi
conquête de Tripoli (1146) avait été suivie de L'occu-
pation par Roger, roi de Sicile, de presque toute
la côte d'Afrique entre Tripoli et Tirais. La dyna
desZirites, pressée de tous côtés à L'extérieur par de
puissants ennemis, travaillée à L'intérieur par des ré-
voltes continuelles et îles rivalités toujours renais-

santes, disparut enfin devant la souveraineté des Al-


moravides, déjà puissante à cette époque dans L'ouest

de L'Afrique.
La puissance politique des Almoravides El-Mora- (

Ih'ih. les liés de Dieu, les marabout-), comme celle de

la plupart des dynasties africaines, avait pris n

sance dans le sein d'une secte religieuse. On ne


DE L'ALGERIE 83

compte que cinq princes de cette dynastie, qui ré-


gnèrent pendant quatre vingt quinze années environ.
Le plus célèbre de ces princes fut Joucef-ben-Tachfin.
Après s'être emparé de tout le Maghreb occidental,
il fonda la ville de Maroc, et poussa ses conquêtes

dans l'Afrique orientale jusqu'à Alger. Appelé au se-


cours des musulmans de l'Andalousie, Joucef rassem-
bla une puissante armée. Il remporta contre Alphonse
de Castille une victoire signalée à Zalaka, dans les
environs de Badajoz (1083 ou 479 de l'hégire). Le
résultat de cet important succès fut pour Joucef la

possession de l'Andalousie, de Grenade, de Malaga


et de Séville. Arrivé au plus haut point de la gran-
deur, le prince almoravide, qui régnait sur l'empire
actuel du Maroc une grande partie de
, l'Algérie et les
plus belles provinces de l'Espagne, prit le titre d'émir-
el-moslemin (commandeur des musulmans), ne vou-
lant pas empiéter sur le titre (ïémir-el-moumenùi
(commandeur des croyants), réservé aux Fathimites
d'Egypte et regardé comme leur propriété légitime.
Joucef mourut en 406 de l'hégire, laissant une des
plus grandes renommées qui aient subsisté parmi les

populations musulmanes de F Occident.


Sous les successeurs de Joucef, la puissance des
Almoravides déchut rapidement. Une nouvelle dy-
nastie, celle des Almohades, issue comme eux des
tribus berbères, vint les déposséder en Espagne et en
Afrique. Les derniers Almoravides, poursuivis par
leurs heureux compétiteurs devant Tlemcen, dans Oran
et jusque dans le Maroc, succombèrent enfin, vers
l'an 543 de l'hégire.
La dynastie des Almohades (el-mouadhin, unitaires)
se rattachait par des origines à la grande tribu berbère
{..', HISTOIIŒ

de Masmoudah. Le fondateur de cette dynastie, Abou-


Abdallah-Mohammed-ben-Toumart, s'éleva au pou-
voir par les mômes moyens qui avaient établi la
grandeur des Almoravides, c'est-à-dire les prédica-
tions religieuses et la prétention hautement avoi
de ramener tous musulmans à l'austérité primitive
les

et à l'unité dont ils s'étaient écartés. Reconnu comme

el-Mahdi par les musulmans de l'Ouest, en 515 de


Phégire (1121 de J.-C), il composa en langue lier
hère un traité sur L'unité de Dieu et sur les devoirs
imposés à ses disciples. Bientôt il réunit vingt mille
combattants dévoués, et attaqua les Almoravides. 11

n'avait pas achevé de les soumettre quand il mou-


rut (1130), désignant Abd-el-Moumen pour son suc-
cesseur.
Abd-el Moumen est le représentant le plus Illustre
des races berbères qui régnèrent sur l'Afrique. Son
empire, né dans le Maghreb -el-Aksa ( le Maroc ), en
dépassa bientôt les limites. Investi du titre à'émir-el-
moumenin, devant lequel les Almoravides eux-mêmes
avaient reculé, il se rendit maître deTlemcen et d'Oran,
tandis que ses lieutenants s'emparaient pour lui de
l'Andalousie. En 544 de l'hégire < 1151 de J.-C), il

enleva Milianah, Alger. Bougie, Bone et Constantine


aux Beni-Hammad, princes de la branche cadette
des Ziristes, qui étaient restés en possession de i

contrées. En 1159, s'empara de Tunis, de Kaïroan,


il

de Madhiah, et reprit toutes les conquêtes des Nor-

mands de Sicile dans le nord de l'Afrique. Ainsi,


maître du Maghrebdepuis Barka jusqu'à l'océan Atlac
tique, il reconstitua encore une fois l'unité de cette
contrée déjà si souvent démembrée. Abd el-Moumen
mourut après un glorieux règne de trente-quatre ans.
DE L'ALGERIE 85

Abou-Iacoub-Joucef, surnommé El-Mansour, le


Victorieux, fils et successeur d'Abd-el-Moumen, jouit,
pendant vingt-deux ans d'un règne glorieux, du double
empiie de l'Afrique et de l'Espagne. En 1195, il

gagna la bataille d'Alarcos contre Alphonse IX, roi de


Gastille, et à la suite de cette grande victoire il s'em-
para de Se ville, de Galatrava, de Guadalaxara, de
Madrid et d'Escalona; il échoua au siège de Tolède,
et retourna en Afrique sans avoir tiré de l'important
succès qu'il avait obtenu tout le résultat que l'affaiblis-

sement des chrétiens aurait pu alors lui procurer. La


cour de ce prince, dont le siège fut alternativement
en Espagne et en Afrique, fat le rendez -vous des
hommes les plus célèbres de cette époque dans les
sciences et dans les arts de l'islamisme. Parmi les

savants qu'il combla de ses faveurs, on remarquait :

Ebn-Rosh (Averroès), le traducteur d'Aristote, et Ebn-


Zohar (Avensoar), médecin d'Iacoub, dont la renom-
mée a survécu à la puissance des Almohades.
Les longs séjours d'Abou-Iacoub et de ses succes-
seurs en Andalousie les obligèrent d'abandonner à des
oualisou lieutenants presque indépendants les gou-
vernements de Tlemcen, d'Oran, de Bougie et des
autres centres de leur autorité en Afrique. Ce fut une
des circonstances qui de loin préparèrent les voies à
la ruine des Almohades.
Mais ce qui donna le signal de la décadence des
Almohades, et qui brisa l'unité de leur empire, ce fut
la perte de la grande bataille de Tolosa sous le règne
de Mohammed- Abou Abdallah, surnommé El-Nacer,
fils et successeur de Iacoub. Alphonse IX brûlait de
réparer sa défaite d'Alarcos. Instruit de ses disposi-
tions, Mohammed- el -Nacer donna des ordres pour
86 HISTOIRE

qu'on se disposât à la guerre sainte. Six cent mille


musulmans répondirent à cet appel, et depuis long-
temps le djehad (guerre sainte) ne s'était annoi.
d'une manière aussi formidable. De son côté, le pape
Innocent III avait fait prêcher une croisade pour re-
pousser les ennemis de la chrétienté. De nombreux
chevaliers français, allemands, italiens, vinrent s'unir
aux troupes d'Alphonse Les deux armées se rencon-
trèrent dans les plaines de Tolosa, au pied de la

Sierra-Morena. Les musulmans furent mis dans une


complète déroute, et, d'après Le rapport de plusieurs
historiens et même de témoins oculaires, deux cent
mille périrent sur le champ de bataille, tandis que
la perte des chrétiens fut insignifiante
1
. Quoi qu'il en
soit, cette victoire de la chrétienté contre les for
réunies de tous les peuples musulmans de l'Ouest
marqua le commencement de la décadence de l'isla-
misme en Espagne. Les progrès des princes chrétiens
ne s'arrête] ent plus, et l'Eui ccidentale, qui avait
eu tant à soulïi irde l'invasion arabe, dans la Péninsule
et dans le midi de la brame, fut définitivement déli-
vrée dos alarmes auxquelles elle était sans i en
proie. Le drapeau musulman ne se releva pas de cet
échec, et la puissance des Almohades en fut ébranlée
jusque dans ses fondements.
Après la défaite de Tolosa, Mohammed -el-Nacer
abdiqua en laveur de son (ils El-Mostancer, prince
faible, adonné au plaisir, el abandonnant le soin dos
affaires à des ministres avides et intrigants. L'usur-
pation commença dès lors à démembrer l'empire des
Almohades. Les oualis ou Lieutenants méconnurent

Les Arabes onl donné à celte bataille


1
le nom de El-Akhab, c'est-
à-dire journée du châtiment.
DE L'ALGÉRIE 87

plus que jamais le pouvoir de leur chef suprême. En


vain Edris-el-Mamoun, un des successeurs d'El-
Mostancer, voulut, par une réforme semi-politique et
semi-religieuse, arrêter les progrès de cette rapide
décadence; il vit tour à tour l'Espagne et les Baléares
se détacher de ses États, l'Afrikiah (Tunis, Tripoli)
se proclamer indépendante, et les éléments d'une
résistance qui, sous ses deux successeurs, Abou'l-
Hassan-el-Saïd et Abou'1-Ola-Edris, se termina par
un soulèvement général et l'élévation de nouvelles
dynasties.
Dans ce nouveau démembrement général du Magh-
reb, trois dynasties principales prirent la place des
Almohades les Béni-Mérin, dans les provinces de
:

Fez, de Maroc et de Meknéçah les Béni-Hafez, dans


;

la province de Tunis; et les Béni-Zian, à Tlemcen.

La plus grande partie de l'Algérie actuelle était com-


prise dans ce dernier État. La dynastie des Almohades
en 1269, après avoir régné environ cent cin-
finit

quante ans.
Sous la dynastie des Béni-Zian, le royaume de
Tlemcen, malgré ses guerres continuelles avec les
Béni-Mérin du Maroc et les Béni-IIafez de Tunis,
atteignit un grand état de prospérité. Le port princi-
pal de ce royaume était Oran, et il s'y faisait un
commerce considérable. Marseille, Arles, Agle, Nar-
bonne, les Vénitiens, les Portugais et les Catalans,
venaient y échanger des armes, des étoffes, de la
verroterie, etc., contre de la poudre d'or, de l'ivoire,
des plumes d'autruche, des laines, de la cire, des
cuirs préparés, etc. Ces renseignements prouvent que
Tlemcen entretenait un commerce important avec
les tribus du Sahara, et avec l'intérieur du continent
83 HISTOIRE

africain. Les gouverneurs de Tlemcen vivaient a

magnificence, et le bruit des richesses que renfermait


leur capitale a souvent armé contre eux les sultans des
contrées voisines.
Les trois dynasties qui avaient succédé aux Almo-
hades, s'afTaiblissanl mutuellement par des guei
intestines, s.' maintinrent pourtant jusque dans la

seconde moitié du xvi siècle. -Mais les attaques ini

sautes des Espagnols contribuèrent bientôt à hâter


leur chute. En 1481, la ville de Mélilla fut pris
les Espagnols, et devint un apanage de grandesse.
Après la Grenade et la cbute d
prise de
royaume musulman, les entreprises de L'Espagne
contre l'Afrique devinrent plus sérieuses. En 1505,
les troupes espagnoles attaquèrent et prirent le fort

de Mets el-Kébir, près d'Oran, et quatre ans ap


cardinal Ximenès s'empara lui-même de cette der-
nière ville. 11 rentra à Cartbagène cinq joursaprèsen

être parti, laissant à l'amiral Pierre de Navarre le soin


d'étendre une conquête à laquelle il avait déjà con-
tribué parsa valeur et son habileté. Après avoir soumis
toutes les plaG( environs d'Oran, Navarre lit

voile pour Bougie et s'en empara sans coup férir. 1

victoire si prompte, et qui n'avait rien coûté aux


chrétiens, jeta l'épouvante dans tout le pays; les

voisines envoyèrent à l'envi des députés au vainqueur


pour implorer sa clémence, se soumettre à Y obi
sauce de Ferdinand et s'engager à lui payer tribut.
Au nombre de ces villes on comptait Alger, Del
Tlemcen, Mostaganem et Tunis même.
Les
Espagnols maîtres d'Alger (1510), pour d
fendre leur conquête du côté de la mer, élevèrent,
sur un roc isolé et formant une lie au-devant de la
DE L'ALGÉRIE 89

ville, un fort qui donna une grande importance au


port, et assura pendant quelques années leur domina-
tion dans ces parages. Mais ils traitaient les habitants
de la ville avec une rigueur si excessive, que ceux-ci
n'attendaient qu'une occasion favorable pour se sou-
lever. La mort de Ferdinand le Catholique, arrivée
en 1516, leur parut être cette occasion. Salem-ben-
Toumi, chef des Béni-Mezghana, dont Alger était la
que ses
capitale, eut recours à l'assistance d'un pirate
exploits et ses conquêtes récentes avaient déjà rendu
célèbre; c'était Aroudj le premier Barberousse, le
,

fondateur de la régence d'x\lger , telle qu'elle a subsisté

depuis cette époque jusqu'à nos jours.


CHAPITRE V

Période turque [de 1516 à 1830 .


— Origine d'Aroudj (D
— Ses premières entreprises. — B'établil Tunis. — est rejoint
Il à 11

par bod frèi e Kaïr-ed - Din. — Aroudj est blessé en voulant B'em]
de Bougie. — Les deux fi en - Barbi rousse - rendent mal rea de 1 1

— Leur politique
dji Lli. à cette occasion du sultan d ï l'égard
tantinople. — Nouvelle el inutile tentative d'Aroudj contre I

— est appelé à Alger


Il par Salem-ben-Toumi pour l'aidera délivrer
cette ville des Espagnols.— Accueil <|u*il i .

Armidj fait mourir Sal m el se proclame roi I I
— Il app
Irère auprès de lui. — 11 s'oc iup de l'administralion i i
-

la du îrand Seigneur, dont il se d


protêt tion « rassal. —
Bernent de Ba puissance.— T( ntative de l'Espagne contre Alger. Elle —
échoue complètement. Aroudj s'empare de T —
proclamer sultan. Ses cruautés. —
Les )sp — I

cen. —
Aroudj s'enfuit et esl tué sur les bords du Rio-Salado.— Por-
traitd'Aroudj-Barberousse Organisation d lv — .

Din, Barberoussé II, esl proclamé roi <>u bey d'Alger. \ —
expédition des Espagnols, dirigée par Hugues de Moncade. — Elle
échoue comme la première. — Cruauté de Barberou — Il envers l
-

prisonniers. — Il est élevé à la dignité de pacha. — Ses projeta but


Tlemcen. — Il monter sur le trôi
fait Lie ville un prince qui lui

est dévoué. —
li b'< mpare de M rénèa et •
M
— Il résiste à la fois au bej de Tunis el aux Algériens révoltés. —
sur mer. — Il attaque el pren 1 de vive roi

— Destruction de cette forteresse. — Construction d<

Khaïr ed-Din. — Barberoussé II esl appel* lantinople par le

sultan, qui le nom iapilan-pacha. — Il laisse \ H •- -A


i
lieutenant , p >ur comm ind< r pendant Bon ab I

il Bai Ire 1 unis. — Il b'< mpare de cette ville. — H


cl. in> qu'il en prend possession au nom d i
grand Bultan. — S
vite dana le gouvernement. — Ouverture du canal delà G e.

- projeta but runia el sur le Maghreb. - lnterv< nlion de Chai


Quint.— Expédition du monarque contre Tunis. — Il du
HISTOIRE DE L'ALGERIE 91

fortde la cro'jlette. —
Défaite de Barberousse. —
Il s'enfuit à Bone.

— Charles-Quint s'empare de Tunis et rétablit l'ancien souverain. —


A quelles conditions. —
Barberousse gagne Alger. Son expédition —
sur Mahon. —
Il retourne à Constanlinople. Sa mort. — Son —
portrait.

Vers la fin du xv e
siècle, sous le règne du sultan
Bajazet II, vivait dans l'île Mitylène, l'ancienne Les-
bos, un potier du nom d'Iacouh '. Il eut quatre fils :

Elias, Ishac, Aroudj et Khaïr-ed-Din. Aroudj se fit

remarquer de bonne heure par son esprit entrepre-


nant et résolu. A la mort de son père, il organisa
avec son frère Elias un armement recruté parmi les
jeunes marins de Mitylène pour courir sur les chré-
tiens. La fortune leur fut d'abord contraire; dans un
combat livré contre des galères de File de Rhodes,
Elias fut tué et Aroudj fut fait prisonnier. Mais il par-
vint bientôt à s'échapper, et se réfugia dans un port
de la Caramanie. De là il se rendit en Egypte, et peu
de temps après on le vit paraître à la tête d'une petite
flotte qui ravagea les côtes de la Pouille, et porta
l'alarme et l'épouvante dans la plus grande partie de
la Méditerranée.
L'année suivante Aroudj , établit sa croisière sur les
côtes du royaume de Tunis, après avoir obtenu du
sultan de ce pays (Mouley- Mohammed des Béni-Afez)
la permission d'abriter sa flotte dans un des ports de
ses États, et d'en faire le centre de ses entreprises

Ces détails sur l'origine des deux Barberousse et sur la fondation


1

de régence d'Alger sont extraits d'une chronique arabe du xvi e siècle,


la
ayant pour titre Gazewat Aroudj we Katr-ed-Din Histoire d'Aroudj
:

et de Khaïr-ed-Din), publiée sur un manuscrit de la Bibliothèque natio-


nale par MM. Sander Rang et Ferdinand Denis. Paris, 1837; 2 vol.
in- v .
92 HISTOIRE

maritimes. Il obtint cette autorisation moyennant L'en-

_ igement qu'il prit de donner au sultan le cinquième


des prises qu'il ferait sur les chrétiens. Sun IL
Khaïr-ed-Din vint le rejoindre, et ils s'établirent à
Tunis. La bravoure de ces corsaires, les riches cap-
tures qu'ils enlevèrent aux Espagnols et aux Italiens,
rendirent leur nom célèbre sur tout le littoral du
Maghreb. Ils eurent bientôt acquis assez d'importance
pour songer à se créer une petite principauté indé-
-
pendante et s'affranchir de L'espèce de tribut qu'i
payaienl au sultan de Tunis.
Ils portèrent d'abord leurs vues sur Bougie, qui
depuis trois ans était au pouvoir des Espagnols; mais,
dans une première tentative sur cette ville, Aroudj
eut le bras traversé par une balle de mousquet. Cette
blessure nécessita L'amputation, e1 tandis que son
frère se retirait à Tunis pour se faire guérir, Khaïr-
ed-Din prit Le commandement de La Qotte, et se rendit
sur les côtes d'Espagne, où il recueillit une grande
quantité de musulmans espagnols chassés de La Pénin-
sule par Ferdinand. 11 recruta parmi eux bon nombre
d'excellents marins, parfaitement disposés à le secon-
der dans ses entreprises contre les chrétiens.

En L514, Aroudj, guéri de ses blessures, lit avec


son frère un armement pour s'emparer de Djidjelli,
occupée alors par Les Génois. Secondés par les musul-
mans et parles Kal»\le.-> des montagnes environnant'
en peu de jours ils se rendirent madrés de cette

place, in butin immense tomba entre leurs mains.


Les deux livres prélevèrent un pré-. ait considérable
qu'ils envoyèrenl au sultan Sélim, empereur de Cons-
tantinople. Telle fut en quelque sorte la prise de p

sion du territoire de La régence d'Alger par les


DE L'ALGÉRIE 93

Turcs, et l'inauguration de la politique d'Aroudj et de


son frère, qui mirent toujours tous leurs soins à inté-
resser à leurs succès les sultans de Constantinople et
à s'assurer leur appui.
Barberousse (car nous donnerons désormais ce nom
à Aroudj) fit encore une tentative contre Bougie; mais
après trois mois d'efYorts inutiles il se vit contraint de
lever le siège et de se retirer à Djidjelli.
Ce peu de temps après son retour dans cette
fut

ville qu'il reçut de Salem-ben-Toumi la demande d'un

secours pour l'aider à délivrer Alger du dangereux


voisinage des Espagnols. Barberousse, enchanté de
trouver une occasion de réparer l'échec qu'il venait
d'éprouver devant Bougie, s'empressa de répondre à
l'appel du sultan algérien. Il partit aussitôt par terre
de Djidjelli avec huit cents Turcs et trois mille Ka-
byles ; il fit en même temps embarquer sur des bâti-
ments légers un corps de quinze cents Turcs, qui
devaient le rejoindre par mer. Avant de quitter Dji-
djelli, il informa son frère Khaïr-ed-Din, alors àTunis,
de la nouvelle entreprise dans laquelle il s'engageait,
et lui demanda de lui envoyer comme renforts tous les
Turcs qu'il pourrait recruter.

Les habitants d'Alger accueillirent avec joie ceux


qu'ils attendaient comme des libérateurs. Cependant
Barberousse ne s'arrêta que peu de jours dans la ville.

Avant de rien entreprendre contre la forteresse espa-


gnole, qu'on nommait le Penon, il dirigea une expé-
dition contre Gherchell, dont il s'empara facilement.
A son retour à Alger, il attaqua le Penon et le canonna
pendant vingt jours sans résultat. Pendant ce temps-
là, les soldats envoyés par son frère étaient arrivés en

grand nombre. En voyant augmenter les troupes tur-


'.», HISTOIRE

ques, dont l'insolence envers les habitants redoublait


chaque jour, Salem -ben-Toumi se repentit d'avoir
appelé des auxiliaires aussi dangereux. Il n'était plus
temps; Barberousse, se voyant assez t'oit, Jit saisir
Salem-ben-Toumi, le pendit à la porte Babazoun, et
se lit proclamer roi d'Alger. Le Gis de Salem parvint à
s'échapper, et se retira à Oran, d'où il passa ensuite
en Espagne.
Dus que Barberousse fut maître du pouvoir, il
manda promptement auprès de lui son frère, qui
trouvait alors à l'île de Djerba. Se liant peu aux Al
riens et aux Arabes qu'il avait amenés de Djidjelli, il

appela à Alger des bomnies suis et dévoués, et s'en-

toura préférablement de Turcs. 11 s'occupa aussitôt


des soins de L'administration, régla les impôts, or_
nisa lesarmements; il ajouta de nouveaux ouvn
la Casbah (citadelle) el y mit une garnison turque; au

dehors, il comprima et soumit les Arabes dans un


rayon étendu. Enfin, en peu de temps, Aroudj, em-
ployant tantôt la sévérité et les châtiments, tantôt la

clémence et les libéralités, se trouva maître de toute


la province d'Alger; puis, pour s'assurer la p -ion
de ses conquêtes, il se déclara vassal du Grand Sei-
gneur et se plaça sous sa protection.
Du reste, Barberousse justifia par de grandes qua-
lités l'audace de son usurpation. Maître d'une position
qui devait rapidement grandir, il vit accourir à lui

tous les forbans turcs, auxquels jusque là il n'avait


manqué qu'un lieu de ralliement, un centre d'opéra-
tions el surtout un Ce n'était pas trop de
cliet babile.

cel accroissement de forces pour résister aux nom-

breux ennemis que si puissance naissante allait lui


susciter de toutes [tait-.
DE L'ALGÉRIE 95

D'un côté, le roi de Tlemcen, Abou-Hamou, ne


voyait pas sans inquiétude le puissant voisin qui fon-
dait près de lui, et avec des lambeaux arrachés à ses
États, un État déjà redoutable. D'un autre côté l'éta-
blissement de Barberousse à Alçer était un danger
imminent pour l'Espagne, parce que cette ville allai!:
devenir le refuge des plus hardis corsaires de la Médi-
terranée. Le cardinal Ximenès, régent du royaume,
comprenant la gravité des événements accomplis à
Alger, organisa une armée de huit mille hommes, dont
il confia le commandement à Diego de Vera. Le but

de cette expédition était d'enlever Alger aux Turcs,


et d'y rétablir le fils de Salem-ben-Toumi, qui était
venu implorer l'appui des Espagnols. En même temps
le sultan de Tlemcen s'était engagé à seconder l'expé-

dition de tout son pouvoir. Mais les deux frères Bar-


berousse avaient prévu les desseins de leurs ennemis,
et se tenaient prêts. Ils laissèrent débarquer les Espa-
gnols sans difficulté et établir leur camp non loin
d'Alger, vers le quartier appelé actuellement Hussein-
Dey. Mais quand Diego attaqua les Turcs, il éprouva
une résistance à laquelle il ne s'était pas attendu; ses
soldats furent mis en déroute trois mille cadavres
;

espagnols jonchèrent le champ de bataille, et quatre


cents prisonniers tombèrent au pouvoir de Barbe-
rousse. Pour comble de malheur, les débris de l'ar-
mée, embarqués à la hâte, essuyèrent une tempête
furieuse qui fit périr la majeure partie de la flotte
avant sa rentrée dans les ports d'Espagne.
Délivré de ses ennemis chrétiens, Barberousse re-
porta dans Tlemcen la guerre que le souverain de cet
État avait provoquée contre Alger. En passant, il

s'empara de Ténès, où régnait un prince qui apparte-


HISTOIRE

nait à La famille des Béni Zian, sous prétexte que


1» rince avait reconnu la suzeraineté des Esp
d'Oran. Le même prétexte lui servit aussi à soûle 1

les peuples de Tlcmcen contre Abou-Hamou, qui de


plus avait excité la haine de ses sujets en s'emparant
du trône au préjudice d'Abou-Zian-Mesaoud, son
neveu, qu'il tenait prisonnier. Abou-Hamou, aban-
donné des siens, ne put résister aux armes du chef
des corsaires turcs: il s'enfuit presque seul à Oran.
Tlemcen ouvrit ses portes à Barberousse, qui parut
d'abord vouloir agir avec lionne foi. Il lit sortir de
prison Abou-Zian-Mesaoud, et lui remit le pouvoir.
Mais peu de jours après, feignant d'aller prendre
congé de Luipour retourner à Alger, pénétra dans il

son palais avec une troupe de soldats dévoués, le lit


étrangler en sa présence avec tous ses enfants, et se
proclama sultan de Tlemcen. Tous les membres
famille royale furent noyés dans une vaste pièce d'eau
du palais: ceux des habitants qui étaient connus par
leur attachement pour les Béni-Zian furent 6{

détail. La population, frappée de terreur, subit le

joug qu'elle s'était imposé en invoquant imprudem-


ment L'intervention d'un chef aussi cruel.
Cependant le roi dépossédé, Abou-Hamou, i

encore recours à ses anciens alliés le-' Espagti


Charles -Quint, qui venait de monter sur le trône,
ueillit favorablement la demande de l'ancien roi de
Tlemcen. [I ordonna au marquis de Goma . gouver-
neur d'( >ran de faire une expédition contre
, Tl
pour y rétablir le sultan arabe. \ l'approche de l'an
espagnole, les habitants de Tlemcen. exas] par
les cruautés de Barberous irévoltèrent contre lui
et ouvrirent leurs portes aux chrétiens. Les trou]
DE L'ALGERIE 97

turques se renfermèrent à la hâte dans le mechouar


(la citadelle), et s'y défendirent pendant vingt-six
jours, espérant toujours qu'il leur arriverait du secours
soit de Fez, soit d'Alger. Après avoir inutilement
attendu , Aroudj , voyant que les vivres allaient lui

manquer, résolut de s'ouvrir le chemin d'Alger. Il

sortit pendant la nuit par une poterne avec le peu de


soldats turcs qui lui restaient, emportant les trésors
qu'il avait amassés par ses exactions. Il traversa les
lignes espagnoles sans être aperçu, et se mit en
marche vers l'est. Mais bientôt, poursuivi avec acti-

vité par les Espagnols, il fut atteint sur les bords de


l'Oued- el-Maleh (Rio-Salado). Après une résistance
désespérée, Aroudj succomba avec tous les siens
(924 de l'hégire, — 1518 de J.-C). Abou-Hamou,
rétabli sur le trône, consentit à payer à l'Espagne un
tribut annuel de 12,000 ducats d'or, de douze chevaux
et de six faucons en signe de vasselage.
Aroudj, ou Barberousse I er , était âgé de quarante-
quatre ans lorsqu'il fut tué. Il mourut sans postérité,
après avoir vécu quatorze ans dans les différentes par-
ties de l'Afrique septentrionale. D'une taille moyenne,
mais très robuste, il avait les yeux vifs et brillants, le

nez aquilin et le teint très brun. Quoiqu'il eut perdu


un bras lors de la première attaque qu'il dirigea contre
Bougie, il combattait toujours avec la plus grande
bravoure. Ce fut Aroudj qui constitua l'organisation
gouvernementale de la régence d'Alger, dont il sembla
avoir emprunté le principe à la république militaire
des chevaliers de Malte. Le pouvoir puisait sa force
dans Yodjac ou oudjac, corps de soldats turcs dont les
chefs, bouzouk-bachi , au nombre de soixante, com-
posaient une sorte de conseil de gouvernement. Les
7
1

HISTOIRE

soldats de l'odjac, appelés aussi janissaires, étaient


recrutés en dehors du pays '. Ils se mariaient avec les
femmes indigènes; mais leurs enfants, appelés kou-
louglis, étaient exclus de l'odjac, et par conséquent
de toutes fonctions au gouvernement. Nous aurons
occasion par la suite de faire connaître avec plus de
détail l'organisation politique et militaire dont Axoudj
posa les bases, et qui subsistait encore lorsque, plus
de trois siècles après, la France se rendit maîtresse de
la régence d'Alger.
En apprenant la mort de son frère et la destruction

de son année, Ka'ir-ed Din tomba dans un proton.


découragement. Resté dans Alger avec une faible gar-

nison, au milieu d'une population inquiète et re-

muante, il abandonner la ville et à


se disposait à
reprendre sa vie de corsaire, quand il fut dissuadé de
ce projet par quelques compagnons dévoués. Los chefs
de L'odjac le proclamèrent roi ou plutôt bey seigneur
d'Alger. Mais Khaïr-ed-Din voulut, comme l'avait fait

son frère, se ménager l'appui du Grand Seigneur; il

n'accepta le pouvoir que provisoirement, et sous la

réserve que le sultan Sélim approuverait son élection.


Cette soumission, accompagnée toutefois de riches
présents, lui concilia la bienveillance de la Porte; il

fut confirmé dans le poste de bey d'Alger, et le sultan


luienvoya un secours de deux mille janissaires, et

de l'artillerie pour tenir tète aux Espagnols qui le

menaçaient.
lai effet, Charles - Quint , encouragé par le succès

< Principalement en rurquieou parmi renégats chrétiens. Le mol


les
d'odjao signifie littéralement foyer, l'on peul suspendre la où
<

le 1 *
-
i

marmite. On Bail que parmi les janissaires la marmite jouail un rôle


emblématique, qui rappelai! !<• privilège de celte milice célèbre.
DE L'ALGÉRIE 99

de l'expédition de Tlemcen, avait résolu de chasser


définitivement les Turcs de la côte d'Afrique. Il or-
donna une expédition puissante dont il confia le com-
mandement au vice-roi de Sicile Hugues de Moncade. ,

Mais cette expédition fut encore plus malheureuse que


celle de Diego de Vera. La flotte fut dispersée par une
horrible tempête ; l'armée espagnole perdit quatre
mille soldats de ses meilleures troupes; l'artillerie et
les bagages tournèrent au pouvoir de l'ennemi, et un
petit nombre seulement de soldats fugitifs put gagner
file et le port d'Iviça.

La défaite des Espagnols, quoiqu'elle n'eût pas eu


pour cause directe et immédiate le talent et le courage
de Barberousse II, n'en consolida pas moins sa puis-
sance ;
puis il ajouta un acte d'atroce barbarie, qui
exalta jusqu'à l'enthousiasme les transports de ses
fanatiques compagnons. Il fit massacrer trois mille
prisonniers chrétiens, sous prétexte qu'ils avaient
formé complot de se révolter ou tout au moins de
le

s'évader. Cette horrible boucherie qui rappelle dans ,

ses détails le lâche assassinat des prisonniers français


de la deira d'Abd-el Kader, immolés par les Arabes
sur les bords de la Malouïa en 1845, nous prouve que
trois siècles n'ont apporté aucun changement aux
mœurs féroces de ces peuples. Le sultan, de son côté,
pour récompenser tant de zèle, lui renouvela l'inves-
titurede son gouvernement en y ajoutant le titre de
pacha, et le droit réservé de faire battre monnaie
(sikkah).
Malgré malheureuse issue qu'avait eue l'expédi-
la
tion d'Aroudj contre Tlemcen, Khaïr-ed-Din n'aban-
donna pas ses desseins sur cette ville, qu'il jugeait
nécessaire à sa puissance, et vers laquelle il se prépa-
100 HISTOIRE

rait, soit pour Lui-même, soit pour ses sur


des moyens de retour. A la mort d'Abou-Hamou, les

Espagnols portèrent au pouvoir Abou- Abdallah, son


fils aîné. Khaïr-et-Din lui opposa un autre fils d'Abou-

Hamou, nommé Ahmed-Abou-Zian. Celui-ci cba


son frère du trône, et s'y maintint en payant tribut
aux Espagnols et en faisant quelques concessi
honorifiques à Barberousse. Il conserva ainsi, sa vie
durant, le pouvoir qui devait échapper aux mains de
son successeur, Mouley-Hassan , le dernier prince de
la dynastie des Béni-Zian.
En attendant que la fortune permit aux rurcs de
rentrer en possession de Tlemcen, ils s'emparèrent
de quelques portions de ce royaume, entre autres
des villes de Mostaganem, Ténès et Mazouna. Ainsi
le pouvoir de Barberousse 11 grandissait à la fois sur
terre et sur mer, et menaçait d'englober bientôt tout
le Maghreb.
Effrayé et jaloux du pr les Turcs, et commen-
çant peut-être à craindre pour lui-même, le souverain
de Tunis Cherchait à BUSl iter des ennemis à Kliaïr-ed-
Din dans le sein d'Alger même et parmi - - afiûdés.

Attaqué en même temps à L'extérieur par une armée


tunisienne, par des rivalités et des complots, Barbe-
rousse lit face à tout. Des répressions sanglantes jetè-
rent la terreur dans L'âme des Ugériens, et lamori de
son a -lia, étranglé par ses ordres, servit d'exemple à
ceux des siens qui peut-être méditaient de nouvelles
trahisons.
ta sur mer n'étaient pas moins remarqua-
bles. Vers cette époque, il défit et tua, dans 1<

de- M.- Baléares, Portundo, général des galères d'Es-


ur huit navires dont se composait la Qotte
DE L'ALGERIE 101

espagnole, il en prit sept. Après cette glorieuse expé-


dition, il résolut de s'emparer enfin du Penon, cette
forteresse construite dans le port même d'Alger, et
comme une menace perpétuelle contre ses habitants.
Il somma d'abord le commandant espagnol, Martin de

Vargas, de lui livrer le fort, en lui offrant une capitu-


lation honorable. Quoiqu'il manquât de vivres et de
munitions et qu'il lui fût difficile de prolonger une
défense vigoureuse, Vargas repoussa avec indignation
les ouvertures qui lui avaient été faites. Khaïr-ed-Din
se décida alors à enlever le Penon de vive force. Après
l'avoir battu en brèche pendant quinze jours, les rem-
parts furent démantelés, et la faible garnison, réduite
de moitié, mourant de fatigue et de faim, ne put
opposer une grande résistance à l'assaut furieux des
Turcs. Le brave Martin de Vargas, grièvement blessé,
après avoir fait des prodiges de valeur, tomba vivant
au pouvoir de Khaïr-ed-Din, qui souilla sa victoire en
le faisant mettre à mort. Après avoir détruit la forte-

resse, qui ne rappelait aux Algériens que des sou-


venirs de honte, Barberousse fit servir les matériaux
à la construction de la chaussée qui joint maintenant
l'îlot à la terre ferme, et qui protège le port du côté
du nord. Cette chr.ussée porte encore le nom de
Khaïr-ed-Din.
La renommée de l'audacieux heureux pachaet

d'Alger était arrivée à son apogée. Soliman, sultan de


Gonstantinople jeta les yeux sur lui pour l'opposer à
,

André Doria, amiral génois au service de Charles-


Quint, qui passait pour le plus grand homme de mer
de cette époque. Le sultan envoya dans ce but à Bar-
berousse un de ses principaux officiers avec ordre de
se rendre aussitôt à Gonstantinople. L'Algérie était
102 HISTOIRE

alors complètement pacifiée. Kbaïr-ed-hin n'hésita pas

à obéir; toutefois, avant de s'embarquer, il remit le

commandement de la régence à Fîassan-Agha, renégat


sarde ou corse, un de ses plus habiles lieutenants. Il

partit au mois d'août 1533 (030 de L'hégire » avec une


flotte de quarante -quatre navires, et dans sa route il

porta le ravage sur une partie «les côtes de la chré-


tienté; de sorte qu'il arriva à Constantinople chargé
d'un immense butin. Le sultan lui lit L'accueil le plus
gracieux, et Féleva à la dignité de capitan- pacha,
c'est-à-dire grand amiral de la flotte ottomane.
Nous ne suivrons pas le nouveau capitan-pacha
dans la lutte qu'il soutint avec constance , souvent avec
bonheur, contre André Doria, et qui ne lit qu'accroître
sa réputation nous ne parlerons de ses actes comme
;

amiral qu'autant qu'ils se rapportenl aux événements


du nord de L'Afrique, et particulièrement L'Algérie.
Dans les entrevues qu'il avait eues avec le sultan
Soliman, Barberousse parvenu à attirer son atten-
était

tion sur les chances de facile domination que Lui offrait


le Maghreb, dans l'état d'anarchie et de décadence où

se trouvaient alors les divers États qui Le composaient.


Les troubles qui agitaient Tunis vinrent bientôt offrir
à Kbaïr-ed-Din une occasion favorable do travaillera

sa propre grandeur et à celle <le son maître. Mouley-


Hassan, parvenu au trône de Tunis par un parricide,
et craignant contre Lui-môme les tentatives de son
frère Reschid, cherchait à se débarrasser de lui. Eli

chid alla demander un asile à Barberousse, qui, coin-


prenant le parti qu'il pouvait tirer de ces <li\i>i

intestines, le garda près de Lui et en lit L'instrument


de ses propres desseins BUr Tunis. En eonséquei;
il lit courir le bruit qu'il V< naît établir sur le Lrône
DE L'ALGÉRIE 103

celui qui en était le véritable héritier, et il débarqua


avec un corps considérable de Turcs. Les Tunisiens,
impatients de secouer le joug du prince usurpateur,
ouvrirent à Kha'ir-ed-Din les portes de leur ville, que
Mouley- Hassan abandonna en grande hâte, et sans
rien emporter de ses trésors. Dès que Barberousse
se fut emparé des forts, il leva le masque et déclara

qu'il prenait possession de la ville au nom du sultan


Soliman. Les Tunisiens, indignés, voulurent se sou-
lever; mais la force acheva ce que la perfidie avait
commencé.
Il déploya dans ce nouveau gouvernement la même
habileté dont il avait fait preuve à Alger , et , se servant
tour à tour de la terreur et de la séduction, il établit

solidement son pouvoir dans la ville, fit de grandes


largesses aux Arabes, s'empara de Kaïroan et des
autres places secondaires du royaume ; enfin il fit

ouvrir, par les vingt mille esclaves chrétiens que ren-


fermait alors Tunis, le canal de la Goulette, dont on
peut le regarder comme le véritable créateur.

Barberousse avait organisé le royaume de Tunis de


la même manière que la régence d'Alger, se proposant

de réunir ensemble les deux États, comme il voulait

y réunir le royaume de Tlemcen et les autres parties

du Maghreb. S'il eût réussi alors, il est probable que


Tunis aurait suivi le sort d'Alger, et peut-être serait- il
tombé au pouvoir de la France avec les autres con-
trées soumises au gouvernement du dey mais une ;

intervention puissante vint arrêter les projets de Bar-


berousse.
Mouley-Hassan, après son expulsion de Tunis, avait
fait d'inutiles tentatives auprès des Arabes pour les

engager à l'aider à ressaisir le pouvoir. Alors un re-


104 HISTOIRE

négat de sa suite lui conseilla de s'adresser à. Charh s-

Quint. Ce monarque, supplié par le pape de mettre


un terme aux déprédations qu'exerçaient les corsaires

barbaresques sur toutes les côtes de la Méditerranée,


irrité d'ailleurs de rétablissement de Barberousse à
Tunis, accueillit favorablement la demande du prince
dépossédé. 11 prépara en conséquence contre Tunis
un armement formidable dans lequel l'Espagne, l'Ita-
lie, le Portugal, l'ordre de Malte, fournirent haïr
contingent. De son côté khaïr-ed-Din, au nom de
l'islamisme menacé, implora le secours de Soliman,
du roi de Maroc, des Arabes du désert. 11 lit venir
d'Alger un corps d'élite de soldats turcs, dont il confia
le commandement à Sinan-Reïs, audacieux corsaire
dont l'habileté et le dévouement lui étaient connus.
Mais que pouvaient ces préparatifs devant les for<

imposantes de I Sharles-Quint? La Hotte de l'Empereur


se composait de quatre cents bâtiments, portant vingt-
cinq mille cinq cents hommes d'excellentes troupes.
Le débarquement s'opéra sans peine, et le quartier
général fut établi sur le lieu même où avait campé
saint Louis deux cent soixante-sept ans auparavant.
Le fort de la Goulette fut emporté après une vigou-
reuse résistance. Charles- Quint marcha ensuite sur
Tunis Barberousse se porta à sa rencontre avec
;

huit mille Turcs et une multitude d'Arabes. Ceux-ci,


au premier choc, se débandèrent, et laissèrent
Turcs aux prises avec l'armée chrétienne. Sur
entrefaites, les esclaves chrétiens, qui étaient ren-
fermés au nombre de vingt-cinq mille dans la citadelle

de Tunis, brisèrent Leurs fers et vinrent attaquer par


derrière les troupes de Khaïr-ed-Din. Celui-ci, voyant
tout perdu, ne songea plus qu'à B'ouvrir un p
DE L'ALGERIE 105

avec l'élite de ses janissaires; il


y parvint, non sans
peine, et réussit à gagner Bo-ne, où il avait eu la sage
précaution d'envoyer en réserve douze galères avant
l'arrivée de Charles-Quint.
Après le départ de Barberousse, Tunis se soumit
sans résistance au vainqueur en implorant sa clé-
mence. Vaines supplications : la ville fut livrée au
pillage pendant trois jours. Plus de soixante-dix mille
indigènes, femmes, enfants, vieillards, périrent dans
ce sac horrible. Le butin recueilli par l'armée espa-
gnole fut immense. Quatre-vingt-sept bàliments, trois
cents pièces de canon de bronze, et la délivrance de
vingt-cinq mille esclaves chrétiens, furent la part de
Charles- Quint et le fruit de sa victoire.
Mouley- Hassan fut rétabli sur son trône, mais à de
dures conditions, dont les principales étaient les sui-
vantes : reconnaissance de la souveraineté de l'Es-
pagne occupation permanente de
;
la Goulette par une
garnison espagnole ; abolition de l'esclavage des chré-
tiens dans toutes les dépendances de Tunis; tous les

corsaires exclus de ses ports; liberté de conscience


pour tous les chrétiens ; droit de bâtir des églises et
des monastères; tribut annuel de douze mille pièces
d'or, de douze chevaux, etc.

Ces avantages magnifiques avaient plus d'apparence


que de Mouley-Hassan ne tarda pas à devenir
réalité ;

un objet de mépris aux yeux de ses sujets pour avoir


accepté des conditions si humiliantes. Plusieurs villes
du littoral se soulevèrent bientôt contre lui ; son fils

lui-même le détrôna et lui fit crever les yeux; mais


il ne jouit pas longtemps de son forfait, et il fut dé-

possédé par un des successeurs de Barberousse. En


lui finit la dynastie des Hafsites ou Béni-Afez, après
106 HISTOIRE

avoir occupé le trône pendant trois cent quarante-


quatre ans.
Quelque glorieuse qu'eût été pour L'empereur
Charles -Quint l'expédition de Tunis, il n'en était pas
moins vrai qu'il avait manqué le but principal qu'il

s'était proposé d'atteindre , c'est-à-dire la destruction


de la puissance de Barberousse, si redoutable à tous
les navigateurs européens : or cette proie avait échappé
par la fuite. André Doiia fut envoyé à sa poursuite;

mais, arrivé à Doue, il reconnut que le pacha en était

déjà parti et s'était dirigé sur Alger.


Tandis que l'Europe entière répétait les louai

de Charles-Quint pour avoir détruit les corsaires, on


apprit tout à coup que la flotte de Barberouss lie

d'Alger, s'était portée sur Manon, que la ville avait

c ipitulé, et <[ue l'audacieux pacha avait enlevé plus de


huit cents chrétiens. Bientôt il reparut sur les mers
plus redoutable que jamais, et le sultan, ne pouvant
se passer de ses services. L'appela une seconde lois à
Constantinople. En partant, il laissa de nouveau le
pouvoir à son fidèle llassan-Agha. Il ne devait plus
revenir dans la capitale du royaume qu'il avait fondé.

Après avoir commandé avec éclat la Hotte turque dans


l'archipel grec et dans l'Adriatique , il mourut dans une
maison de campagne qu'il possédait près de Constan-
tinople (1548, — 955 de l'hégire).
Voici le poitrail qu'a tracé de KJiaïr-ed-Din un histo-
rien espagnol contemporain: « Il était roux, comme
son nom L'indiquait, bien proportionné, si ce n'est
qu'il beaucoup engraissé; ses sourcils étaient
avait
toit épais, «'I en était venu a voir très peu. Il bé-
il

ait, ci -avait un grand nombre le Langues .. Il l'ut

plus cruel qi l'aucun des corsaires de son temps, a\


DE L'ALGÉRIE 107

au delà de tout ce qu'on peut dire, pour arriver au


point où il était venu... Il discourait avec finesse, sou-
vent avec malice. Son orgueil se laissait facilement

voir, et il regardait peu à ses paroles, surtout lorsqu'il


était de mauvaise humeur. Il compensait de tels dé-
fauts parune tolérance étudiée par de la grâce et par ,

le bonheur qu'il avait dans tout ce qu'on lui voyait

entreprendre. Il était courageux et prudent à la fois,


dans l'attaque et dans le combat. On le trouvait pré-
voyant à la guerre, dur au travail, et constant par-
dessus tout durant les revers de fortune, car il ne
montra jamais ni faiblesse ni crainte apparente. Il
mourut fort riche en son palais de Bixatar, qu'il avait
fait construire à Péra. Il laissa pour héritier, avec la

permission du Grand Seigneur, son fils Hassan-Barbe-


rousse, qui se trouvait alors à Alger *. »

1
Extrait de D. Fray Prudentio de Sandoval (Historia de la vida

>l
hechos de lemperador Carlos V, maximo fortissimo). Traduit par
M. Ferdinand Denis, à la suite de son Histoire de Barberousse, t. II,
p. 98 et 99.
CHAPITRE VI

Si i h: de la PÉRIODE turque. — Expédition «1.' Charles-Quint contre A


— Débarquement de L'armée. — Investissement île la place. — l i

Qotte esl assaillie par une oouvelle tempête. — Les musulmans atta-
quent l'armée chrétienne. — Belle conduite dea chevaliers de Malle.
— Trail de courage de Ponce de Balaguer. —
Danger que courenl les
chevaliers. — lia >-<»nt délivrée par Charles- Quint. —
Désastre de la
HoHe. — Retraite de l'armée. — Pertea éprouvées par
les Esj agnols
dans celte expédition. —
Conséquences de ce désastre. Extension et —
consolidation de la domination turque. - Le fila <lu Becond Bai
rousse succède à Hassan- Agha. Établissement d< — -

royaume de Maroc. —
Leur tentative «outre Tlemcen. 11- sont —
re| ar le fils de Khaïr-ed-Din. Salah-Reïs, successeur de —
H. mpare définitivement de Tlemcen. Fin <!< la dynastie —
des Béni-Zian. — Prise de Bougie par les Turcs. — Hassan-ben—Kl
ed-Din revient au pouvoir. Il —
défait les Espagnols devant M-
tnem. —
L'histoire de la régence offre peu d'intérêt jusqu'à la Bn
du .\\r Biècle el pendant le xvu». —
Rapporta de la France avec la
régence d'Alg r. — Etablissement du commerce iian.ais.lan- la pro-
vinc de » ionatantine.

I h puis L'expédition de Tunis , L'audace des tires

turcs, loin d'être réprimée, avait pris, au contraire,


une activité plus grande. Plusieurs tentatives laites
par L'Espagne contre Souça, contre Menestir, contre
Kaïroan, dans Le royaume de Tunis, pour y établir
solidement sou influence, n'avaient pas réussi. I

commen e de la Méditerranée étail anéanti ; Gibraltar


HISTOIRE DE L'ALGÉRIE 109

avait été surpris et pillé en 1540. Les réclamations


universelles de l'Europe s'élevaient contre les brigan-
dages- de ces corsaires. Charles-Quint, ému de tant de
plaintes, confiant d'ailleurs dans le succès qu'il avait
obtenu à Tunis, voulut compléter en frappant un
le

coup décisif, et en s'emparant du repaire même des


pirates, d'Alger leur capitale.
On une époque avancée de l'année 1541.
était à

La saison n'était plus favorable pour une pareille


entreprise. Le pape et André Doria firent en vain des
représentations à Charles -Quint pour le déterminer à
renvoyer l'expédition de son projet au printemps sui-
vant l'Empereur ne voulut rien entendre soit afin de
: ,

profiter de l'absence de Barberousse, parti depuis peu


de temps pour le Levant, soit pour tout autre motif;
il lit activer les préparatifs, et fixa les îles Baléares
comme point de concentration des forces qui devaient
agir contre Alger. La flotte se composait de cinq cent
seize voiles, dont soixante-cinq galères et quatre cent
cinquante et un bâtiments de transport ; elle portait

vingt-sept mille hommes de troupes de débarquement.


A l'élite des troupes espagnoles s'était jointe une foule
de gentilshommes d'Espagne et d'Italie, parmi les-
quels brillait au premier rang Fernand Cortez, le

conquérant du Mexique qui se présenta ,


comme volon-
taire avec ses trois fils.

Le 19 octobre, les Espagnols arrivèrent devant


Alger. Après av^oir manœuvré pendant quelques jours
du cap Caxine au cap Matifou, contrariée par les vents
et la mer, la flotte impériale se rapprocha de la côte,
et le débarquement eut lieu le 23 octobre entre ,

l'embouchure de l'Arach et la ville , sur la plage du


Hamma.
[10 HISTOIRE

La consternation régnait à Alger. Huit cents Turcs


et cinq à six mille indigènes formaient pour l'instant
la seule barrière qu'il fût possible d'opposer à cette
nuée d'ennemis. Les autres Turcs étaient en campa_
pour lever les tributs sur les Arabes, ou avaient suivi
Barberousse à Gonstantinople. Cependant Ilassan-
Agba ne négligeait rien pour relever le courage des
siens. 11 avait adopté les dispositions les plus vigou-
reuse s pour la défense de la ville, et réparé les forti-

fications de terre et de mer: il prescrivit des peines


sévères pour interdire aux habitants de quitter la ville,

leur distribua des armes et assigna à chacun son p


sur les remparts ;
il avait aussi convoqué Les guen i

des tribus environnantes, et rappelé les soldats turcs

qui se trouvaient éloignés.


L'Empereur savait que la ville n'était défendue que
par un petit nombre de soldats de espéra 1'
il

qu'une sommation subirait pour la l'aire capituler.


Mais Hassan-Agba, tout en recevant le parlementaire
avec égards, rejeta en termes énergiques toute propo-
sition de cette nature. 11 fallut donc ir à com-
mencer l'attaque.
Le 25, la ville fut investie; Charles-Quint établit
son quartier général au marabout de Sidi-Iacoub, but
remplacement où s'élève aujourd'hui le fort l'Em]
reur. Tout s'annonçait sous les meilleurs auspices ; les
troupes étaient dans des positions avantageuses : la

Hotte bloquait le port ; La consternation redoublait dans


la ville. Mais l'événement un de ces évé-
le plus fatal,
nements qui peuvent rendre tout à coup inutiles les
mesures les plus sagement combinées , vint chanj
la face des chu- quelques heures, une grande
,,

espérame allait être détruite.


DE L'ALGÉRIE 111

Dès l'après-midi du 25, le ciel se chargea de nuages,


et les vents contraires interrompirent le débarquement
des subsistances et du matériel. Les soldats n'avaient
pris que pour deux jours de vivres , et ces deux jours
étaient écoulés. Les tentes n'avaient pas encore été
débarquées, et une pluie froide tombait par torrents.
La nuit fut affreuse sur terre et sur mer. La flotte,

qui n'avait pas eu le temps de chercherun refuge, eut


beaucoup à souffrir, et un grand nombre de bâtiments
périrent. « Lorsque le jour se montra, dit un témoin
oculaire le désastre augmenta encore car la force du
, ;

vent et de la pluie était devenue telle, que c'était à

peine si l'on pouvait se tenir debout. »


Cette nuit funeste changea totalement la fortune de
Charles- Quint. Dès lors les rôles ne furent plus les
mêmes : chrétiens et musulmans comprirent rapide-
ment leur position nouvelle. Les premiers voyaient
s'évanouir en un instant toutes leurs espérances de
succès; les autres, au contraire, qui avaient bien pu
desespérer de leur cause, voyaient dans cet événement
un secours inattendu du Ciel, qui leur rendait toute
leur audace.
Au musulmans, voulant profiter
point du jour, les
du profond découragement que devait faire naître
parmi les chrétiens le désastre de la nuit, exécutèrent
une vigoureuse sortie, se jetèrent avec impétuosité
sur trois bataillons italiens qui formaient l'avant-garde
du camp, et les mirent en désordre.
L'Empereur, averti de ce qui se passait, envoya
aussitôt sur les lieux Camille Colonne; celui-ci, étant
parvenu à réunir quelques troupes bien déterminées,
et se voyant surtout secondé par les chevaliers de
Malte, parvint à faire reculer les assaillants jusqu'au
112 HISTOIRE

delà du pont des Fours '. Pendant ce temps là, Fer-


nand de Gonzague rallia les Italiens, leur reprochant
vivement leur lâcheté, et les ramena au combat. I

Turcs furent repoussés jusqu'à rentrée de la ville. Une


seconde sortie tentée par Hassan- A gha ne fut pas
plus heureuse. Dans ces deux affaires, ce furent les

chevalière de Malte, et surtout ceux de la langtu


France, qui recueillirent l'honneur de la juin t il

est certain que s'ils avaient été plus nombreux, ou


tout au moins soutenus, c'en était fait de la ville

d'Alger, car l'armée chrétienne s'en emparait.


te poignée de braves marchait à pied, pr<

simplement de L'enseigne de Tordre, que portait un


chevalier français nommé
Ponce de Balaguer, dit Savi-
gnac. Le long du chemin de Bab-Azoun, on voyait
battre en retraite devant eux le gros de l'armée a
1

rienne, presque uniquement composée de cavalii


Parvenue à l'entrée du faubourg la mêlée s'engagea, ,

et l'on ne combattit plus qu'à coups de Lances et

d'épées. Durant cette mêlée, et pendant que les


troupes se rapprochaient insensiblement des murs de
la ville, le désordre et la confusion furent sigran
que les chevaliers de Malte, qui s'étaient aval
au delà d'une partie de l'armée musulman
tèrent un instant pour savoir s'il- ne pénétrerai
p;is Maures dans la
pêle-mêle avec les ville ; ton
après avoir considéré haïr nombre, ils y ren< nt;

Hassan- Agha , d'ailleurs, ne leur Laissa guère le h «isir

de la réflexion. Rentré avec la plus grande partie de-


siens, et se voyant pressé par 1'

i bI ainsi qu'il appelait les chevaliers de Malte, qui

l Ctiil.u-iil -ri f.'fran . t Y>1 le DOIlt c|Ul 6St aujourd'hui :iil>

<lu faubourg Bab-Azouo , ;'i L'entrée de la place Didon.


DE L'ALGÉRIE 113

lui inspiraient toujours grande terreur), il fit promp-


tement fermer la porte Bab-Azoun. Ce fut en ce mo-
ment que Ponce de Balaguer, tenant l'enseigne de la
religion d'une main enfonça de l'autre son poignard
,

dans la porte, où il demeura fiché, comme un gage de


combat que d'autres guerriers plus heureux que lui
viendraient relever un jour.
A peine la porte eut -elle été fermée, que du haut
des remparts une grêle de balles, de flèches et de
pierres tomba sur les chevaliers et en blessa un grand
nombre. Ceux-ci, se voyant isolés, et n'ayant pas
espoir de recevoir du secours, prirent le parti de la
retraite, ce qu'ils firent en surmontant de grandes
difficultés , et même avec des pertes considérables.
Les Turcs, voyant du haut de leurs remparts le

petit nombre de ces braves , se décidèrent à les


poursuivre. Les chevaliers gagnèrent une position
plus avantageuse dans un défilé de petites collines
situé près du pont des Fours; là ils redoublèrent de
courage, espérant toujours qu'il leur arriverait du
secours; mais en attendant combat devenait de
le

plus en plus inégal, non seulement parce que les


rangs des chevaliers s'étaient éclaircis, mais encore
parce qu'ils étaient accablés de fatigue et de faim, et
qu'en outre la pluie, qui tombait à torrents, poussée
par un vent violent du nord, leur donnait en pleine
face et les aveuglait. Là succombèrent plusieurs des
plus vaillants, et entre autres Ponce de Balaguer, qui
n'abandonna son enseigne qu'avec la vie
!
.

1
« Les Turcs, dit Haédo, montrent encore aujourd'hui le lieu où
furent tués un si grand nombre de chevaliers qui avaient combattu avec
tant de valeur; ils le nomment le Tombeau des chrétiens, et l'ho-
norent d'une manière toute particulière. » Nous ignorons si la tradi-
114 HISTOIRE

Le bruit de cette nouvelle attaque étant parvenu à


l'Empereur, il monta lui-même à cheval armé de
toutes pièces. Il se fit précéder par trois compagnies
d'Allemands, et les suivit de près avec un régiment
de la même nation. 11 moins que la pré-
ne fallut rien

sence et l'exemple de Charles-Quint pour ranimer ses


soldats découragés. Enfin, entraînés par les paroles
énergiques de l'Empereur, ils marchèrent à L'ennemi,

délivrèrent les chevaliers de Malte, et refoulèrent les


Turcs jusque dans l'enceinte de leurs murailles.
Ainsi se termina le combat sur terre; mais il s'en

livrait un autre bien plus désastreux sur mer entre


la flotte et les éléments déchaînés. Le vent, qui avait

soufllé toute la nuit avec une grande violence, devint


I mieux avec le jour. La tourmente arrachait les vais-

seaux de leurs ancres; ils se heurtaient les uns contre


Les autres, s'abîmaient dans les Ilots, se brisaient
contre les rochers ou s'échouaient sur le rivage. Cent
cinquante bâtiments furent jetés à la côte, et leurs
équipages furent massacrés par les Arabes. Enfin, vers
le soir, le vent s'étant un peu calmé, Doria rassem-
bla les débris de la Hotte dans une baie, derrière le

cap Matifou. L'armée était dans un étal de découra-


gement extrême; on fut obligé de tuer les chevaux
qu'on avait débarqués pour la nourrir. Charles-Quinl

compril que son entreprise avait échoué, et qu'il n'y

avait plus d'autre salut pour ce qui restait de


armée que d'aller B'embarquer à Matifou, où étaient
réunis les navires échappés à la tempête. Mais le

lion de i
méat a'eal conaei \ e pai mi lea - juaqu'i

jour; mais il lerail i désirer que le gouvernement fi levai sur

emplacement un monument à la gloii i?ee f et qu'on y

rappelât Le nom et l'héroïque défi de Ponce de


5

DE L'ALGERIE M
cap était à quatre jours de marche, et cette route
était pleine de dangers. La retraite commença avec
ordre le 28; on ne laissa pas un blessé. Dès que les

Turcs se furent aperçus de ce mouvement rétro-


grade, ils se mirent à la poursuite des Espagnols.
L'armée, épuisée de fatigue et de besoins, toujours
harcelée par les Turcs et des nuées d'Arabes, arriva
sur les bords de l'Arach. On s'y arrêta pour construire
un pont avec les débris des mâts, des vergues et des
planches appartenant aux navires naufragés et dont
la plage était La nuit fut employée à ce
couverte.
travail. Le jour suivant on rencontra, à l'extrémité de
la Métidja, l'Oued-el-Khemir, qui ne put être franchi
qu'avec les plus grandes difficultés. Enfin, après
bien des fatigues et de cruelles privations, on attei-
gnit le cap Matifou, et les débris de la brillante armée
espagnole reprirent avec l'Empereur le chemin de
l'Espagne.
Aucun historien ne précise les pertes que fit l'ar-
mée impériale dans cette fatale entreprise mais il ;

est facile de s'en faire une idée au moins approxi


mative. Les bords de la mer, depuis Dellys, à l'est

d'Alger, jusqu'à Cherchell, à l'ouest, dans un espace


de plus de quatre-vingts kilomètres, étaient jonchés
de cadavres d'hommes et de chevaux et de débris de
toute espèce; ainsi on peut, sans exagération, évaluer
les pertes de l'armée de terre et de l'armée navale à
la moitié des forces qui étaient parties d'Europe.
Telle fut l'issue désastreuse de cette expédition,
dont les préparatifs formidables avaient éveillé l'at-

tention et l'intérêt de tous les peuples chrétiens.


Pendant trois siècles l'Europe a payé les malheurs
éprouvés par Charles -Quint devant Alger. L'État
116 HISTOIRE

fondé par les deux Barberousse qui échappait à peine ,

aux vicissitudes des luttes contre les tribus arabes,

et que le départ de son fondateur pour Constanti-


nople avait laissé presque sans force, vit sa puissance
s'accroître , et l'audace de ses corsaires ne connut
plus de bornes dans la Méditerranée ; mais Ponce de
Balaguer semblait avoir indiqué la main qui (levait

frapper au cœur cette puissance monstrueuse, et la

France s'est chargée d'une vengeance dont toutes


les nations chrétiennes ressentent aujourd'hui le

bienfait.
L'influence qu'exerça sur les populations indigènes
l'immense échec essuyé par les chrétiens fut consi-

dérable. Hassan-Agha sut l'utiliser pour étendre et


consolider la domination turque. 11 porta ses efforts
principalement vers l'est, s'empara de Biskra et de
tout le Zab , sans être inquiété par Les I ils,

qui, quoique maîtres encore de Bougie, n'exerçaient


aucune action sur le pays. Il consolida aussi l'influence
algérienne dans le royaume de Tlemcen, et prépara
ainsi peu à peu la soumission de tout ce royaume à la
régence.
Hassan- ben-Kaïr-ed-Din, fils du second des Bar-
berousse, fut élu par L'odjac pour succéder à Hassan-
Agha, et confirmé dans cette dignité par le sultan. 11

sut défendre le souverain nominal de Tlemcen contre


une dynastie nouvelle qui à cette époque surgissait
dans le Maghreb -el-Aksa, sur les débris des Béni-
Mérin, et qui y Tondait, avec le royaume moderne «le
.Maine, la puissance des chérifs encore actuellement
régnants.
Les clients, en héritant des droits de la dynastie
des Béni-Mérin sur les États de Fez, de Maroc et de
DE L'ALGERIE 117

Tafilet, héritèrent aussi de ses prétentisns sur l'État


de Tlemcen. Mais y trouvèrent, à côté de la puis-
ils

sance déclinante des Béni-Zian, l'énergique rivalité


des pachas turcs d'Alger. Un instant les chérifs s'em-
parèrent de Tlemcen, et s'avancèrent même jusqu'à
Oran. Mais le fils de Khaïr-ed-Din, vainqueur des
nouveaux souverains du Maroc, rétablit dans Tlem-
cen le fantôme de roi que l'odjac algérien y maintint
quelque temps encore à la condition de montrer une
obéissance presque passive aux décisions de cette
milice.
Peu de temps après cette victoire, Hassan, des-
servi auprèsdu divan de Constantinople par de puis-
sants ennemis se vit obligé malgré le grand nom de
, ,

son père, de résigner le pouvoir entre les mains de


Salah-Reïs, chef habile et corsaire déjà célèbre,
auquel était réservé d'établir définitivement la puis-
sance turque dans Tlemcem. Mouley-Hassan, dernier
roi de la dynastie des Béni-Zian, accusé par Salah-
Reïs d'entretenir des intelligences avec les chrétiens
d'Oran, fut obligé de s'enfuir de Tlemcen, dont les
Turcs prirent immédiatement possession. Réfugié à
Oran, le prince déchu y mourut en 1560. En lui s'étei-

gnit la dynastie des Béni-Zian, après avoir occupé,


à diverses reprises , le rang suprême pendant trois

cents ans.
Maître de Tlemcen, Salah-Reïs songea à rentrer
en possession d'Oran et de Bougie, restées encore
au pouvoir des Espagnols. Il mit d'abord le siège
devant Bougie, qui capitula bientôt. Il se disposait à
aller reconquérir également Oran, lorsqu'il mourut.
Hassan-ben-Kaïr-ed-Din, élevé une seconde fois à

la dignité de pacha, reprit la suite des projets de son


118 HISTOIRE

prédécesseur. Mais, privé tout à coup des secours


qu'il avait reçus de Constantinople, et que le sultan
rappelait, pour les opposer, dans la Méditerranée,
aux forces d'André Doria, il se vit contraint de re-
noncer à son entreprise contre Oran. La retraite des
Turcs fit concevoir, aux Espagnols l'espérance de
rentrer en possession de Mostaganem. Hassan -ben-
Khaïr-ed-Din accourut au secours de cette ville, et
fit. éprouver, sous ses murs, une déroute signalée
aux Espagnols, qui y perdirent leur chef, le brave
comte d'Alcandita, gouverneur d'Oran (26 août 1558).
La guerre, continuée encore quelque temps avec
des chances diverses entre les Turcs et les Espagnols,
ne modifia pas sensiblement leur position respective,
et les pachas d'Alger, abandonnant aux beys, com-
mandants généraux de la province, la direction de la

guerre contre les chrétiens, cherchèrent dans les ar-

mements en courses, et dans l'exercice de la piraterie

maritime la plus effrénée, les succès qui leur échap-


paient dans leurs expéditions contre les Espagnols
d'Oran.
A partir de l'époque à laquelle nous sommes arri-
vés, les détails sur l'histoire intérieure de la régence
manquent presque complètement. Cette histoire ne
présente qu'une série de pachas qui Be succèdent
rapidement, et une suite de faits monotones. D'une
part, les expéditions armées, destinées à opérer le

recouvrement toujours difficile des impôts de toute


espèce que le génie inventif des pachas impose aux
populations arabes qu'ils exploitent; de l'autre, les

prises opérées par les corsaires sur les bâtiments


chrétiens et quelquefois sur les côtes d'Espagne,
d'Italie, de Sicile ou même de France: tels sont les
DE L'ALGÉRIE "
119

faits dont se compose en majeure partie, aux xvi e et


xvn e siècles, l'histoire de la régence. Ces exploits, in-
terrompus de temps en temps par une expédition de
quelque puissance chrétienne, présentent un carac-
tère trop uniforme pour que le récit en puisse offrir

quelque intérêt.
Le récit des événements qui ont accompagné et
suivi la fondation de la régence d'Alger nous a fait

négliger des faits contemporains relatifs aux rapports


de la France avec cette partie de l'Afrique. On sait

que, pendant la lutte acharnée que François I er soutint


contre Charles -Quint, il fut amené à rechercher l'al-

liance de Soliman, empereur de Constantinople. Dès


l'année 1525, des relations amicales existaient entre
la Porte et la France, et les deux puissances con-
certèrent plus d'une fois des opérations contre leurs
ennemis communs. Au mois de février 1536 , un
traité de commerce fut signé entre François I
er
et
Soliman. Il assurait des avantages politiques et com-
merciaux à la France dans tous les États du Grand
Seigneur. La régence d'Alger fut comprise dans ce
traité, comme étant une dépendance de l'empire ot-
toman.
époque que remontent les établisse-
C'est à cette
ments du commerce français dans la province de Con-
stantine. En vertu du traité dont nous venons de
parler, des négociants de Marseille créèrent sur le

littoral de l'Afrique, à l'est de Bone, entre cette ville

et la Calle, l'établissementdu Bastion de France; ils


obtinrent pour cela une autorisation spéciale du Grand
Seigneur et le consentement des tribus arabes des
environs, moyennant certaines redevances. Le but
principal de cet établissement fut d'abord de favo-
120 HISTOIRE DEl L'ALGÉRIE

riser la pêche du corail ; il resta au pouvoir de la

France jusqu'en 1700. Après des vicissitudes di-


verses, ruiné et restauré tour à tour, le Bastion de
France était devenu le centre d'un négoce impor-
tant avec la plus grande partie de la province de Con-
stantine.
En 1569, sous le règne de Charles IX, le traité de
153G fut renouvelé pour favoriser le rétablissement
et la sûreté du commerce français dans la régence
d'Alger. Un consulat français avait déjà été créé à
Alger en 15G4. Dans ce document, le roi de France
reçoit la qualification de padichaeh, empereur, titre

que la Porte n'accordait alors à aucun prince chré-


tien, et que les souverains français ont toujours con-

servé depuis dans les rapports diplomatiques avec la

Porte et avec les États barbaresques. Enfin, Le 25 fé-

vrier 1507, Mohammed 111 renouvela avec Henri IV


les capitulations qui accordaient des privilèges au*
consuls et aux négociants français dans le Levant el

sur les côtes d'Afrique. Telles sont les principales cir-


constances des rapports entre la France et la régence
d'Alger, pendant le \\T' siècle. Mais, malgré les rela-

tions amicales existantes entre la Porte et la Fiance,


les Turcs établis dans la régence n'obéissaient pas
toujours dès cette époque à L'influence de la politique

ottomane, et souvent leurs corsaires vinrent exei


jusqu'en vue du port de Marseille; ce qui
la piraterie
obligea plus d'une fois la France, comme nous Le
verrons bientôt, à user de rigoureuses représailles
contre Alger, sans que ces actes d'hostilité aient altéré
3 bonnes relations avec la Turquie.
CHAPITRE VII

Suite et fin de la période turque. —


Modification dans les bases du
gouvernement algérien. —
Révolution de 1659. —
Déposition du pacha
turc. — L'agha de la milice est chargé du gouvernement. —
Nou-
velle révolution (1671). — Supression du gouvernement des aghas.
— Institution d'un dey. —
Sédition et massacre à l'occasion de l'élec-
tion des deys. — Tentative du pacha pour ressaisir l'autorité. —
Baba- Aly- Dey renvoie le pacha à Constantinople. —
Les deys gou-
vernent sans partage. —
Les Espagnols perdent toutes leurs possessions
dans la régence. —
Augmentation du nombre et de l'audace des
pirates. — Causes qui empêchent les puissances chrétiennes de les
réprimer. — Initiative de la France. —Expédition sous Louis XIII. —
Première expédition de Louis XIV, commandée par le duc de Beaufort.
— Nouvelle expédition du duc de Beaufort. — Occupation de Djid-

jelli. On est forcé d'abandonner celte conquête. —
Baba- Hassan-
Dey déclare la guerre à Louis XIV. —
Expédition de Duquesne et de
Tourville. —Bombardement d'Alger en 1682. — Nouveau bombarde-
ment en 1683. — Le dey demande à traiter. — Conditions imposées
par Duquesne. —Le dey y consent. —
Révolte du peuple et de la milice.
— Le dey est assassiné. —
Mezzomorto est nommé pour le remplacer.
— Nouveau bombardement. —
Ses effets. — Cruelles représailles des
Turcs. — Nouvelle expédition. —
Les Algériens demandent et obtien-
nent la paix. —
Nouveau bombardement en 1688. —
Nouvelle paix,
qui dure jusqu'en 1830. —
Reprise d'Oran par les Espagnols. — Élec-
tion et assassinat de cinq deys dans la journée. —
Expédition du Da-
nemark en 1770 contre Alger. —
Expédition des Espagnols en 1773. —
Elle échoue complètement. — Nouvelle tentative de l'Espagne. —La
paix avec Alger. —
Longue durée du règne de Mohammed-Dey.— Les
Espagnols cèdent Oran et Mers-el-Kébir à Baba-Hassan-Dey. — Four-
nitures de blé faites à la France en 1793. — Crainte qu'inspiraient
la France et surtout le général Bonaparte à Baba-Hassan. — Traité de
paix avec Napoléon en 1801. —
Prospérité de la régence pendant les
guerres d'Europe au commencement du xix e siècle. —
Expédition des
,

122 HISTOIRE

États-Unis. — Bombardement d'Alger par lord Exmouth , en 1816. —


Traité de l'Angleterre avec Alger. — Le dey Mohammed est étranglé.
— Son successeur Ali-Kodja se propose de détruire l'odjac. — Sa
mort. —
Hussein-Dey, dernier souverain d'Alger.

Vers le milieu du xvn e siècle, une révolution im-


portante vint modifier dans ses bases essentielles le

gouvernement algérien , et le rendre encore plus


indépendant de la Porte. Nous avons vu que Les

Barberousse s'étaient mis sous le patronage du


sultan. Dès lors la Porte avait continué d'envoyer
à Alger des officiers, qui, sous le titre de pacha,
exerçaient le pouvoir suprême en son nom. Dans
les premiers temps , les pachas étaient choisis parmi
les marins les plus illustres ; mais ,
par la suite

d'obscurs favoris ou d'avides fonctionnaires, qui


achetaient leur nomination en corrompant les prin-
cipaux officiers du Grand Seigneur, furent élevés à

ce poste éminent. La milice, habituée à obéir à des


chefs illustres qu'elle aimait, ne tarda pas à montrer
un esprit d'indépendance et de révolte à l'égard de
ces indignes successeurs des Khair-ed-Din, des
Hassan, des Salah-Keïs et des Sinan- Pacha. Dans
plus d'une occasion L'agha, ou chef de la milice, se
mit en opposition avec le pacha turc. Enfin la do-
mination oppressive et absolue de ces espèces de
vice-rois, envoyés de Constantinople était deve- ,

nue également odieuse et aux Arabes et à la milice


(odjac), victimes les uns et les autres d'une avide
exploitation, ('/est contre ce! étal de choses qu'une
révolution éclata en 1650. Un bouzouk -burin (chel

de compagnie, capitaine), nommé Khahl, se mil à la

tète des mécontents. Le pacha tut déposé, et un


DE L'ALGÉRIE 123

conseil composé d'un certain nombre d'anciens aghas


retirés du service fut chargé de l'administration de
toutes les affaires. Un des membres de ce conseil
en devint le président avec le titre d'agha. On con-
serva les fonctions de pacha à la nomination de la
Porte ; on alloua au titulaire une solde de cinq
cents piastres par mois, et sa maison fut pourvue
de tout ce qui est nécessaire à la vie ; mais il lui

fut interdit de s'immiscer dans les affaires de la ré-

gence. On continuait à considérer le Grand Sei-


gneur comme le chef de l'islamisme, on recevait ses
ordres avec respect; mais on n'y obtempérait que
tout autant que l'agha et son conseil le jugeaient con-
venable.
Le chef de la conspiration, Khalil, se plaça à la tête
du conseil en qualité d'agha mais il ne tarda pas à
;

suivre les mêmes errements que les anciens pachas.


On l'accusa de despotisme, et il fut assassiné. Quatre
aghas se succédèrent dans l'espace de onze années,
et tous périrent de mort violente. Enfin, en 1671,
la milice, irritée, après avoir assassiné Ali-Agha,
changea de nouveau la forme du gouvernement. Le
conseil des aghas fut aboli; on institua un dey (litté-

ralement oncle, patron ou tuteur) qui, présidant le

divan, était chargé de l'exécution de ses délibéra-


tions, de l'administration intérieuredu pays et de la
paix de la milice. Les fonctions de dey étaient élec-
tives. Le pacha fut maintenu dans sa nullité. Comme

on le voit, la dictature ne fit que changer de nom,


et le pouvoir, qui dépendait toujours d'une milice tur-
bulente et ombrageuse, ne fut ni plus stable, ni plus
modéré, ni plus respecté. On envoya des députés à
Gonstantinople pour faire sanctionner ces change-
12'. HISTOIRE

ments. La Porte ,
qui n'était pas en mesure de s'y
opposer, approuva les nouvelles institutions. Elle con-
tinua à désigner les pachas pour représenter les droits
du Grand Seigneur à Alger. Mais une lutte presque
constante s'établit entre le dey et le pacha; la milice,
maîtresse de se donner elle-même un chef, tou-
jours confirmé dans ses pouvoirs, en abusa pour en
changer perpétuellement, suivant son caprice ou ses
intérêts.
L'élection des deys donna presque constamment
lieu à des séditions et à des massacres ; dans «

conflits, que peut-être ils fomentaient, les pachas


tentèrent plus d'une fois de ressaisir L'autorité qui
leur échappait, jusqu'au moment où Baba-Aly fui
élevé à la dignité de dey. Cet homme, sorti des der-
niers rangs de la milice turque, était doué d'une
grande bravoure et d'une grande ténacité de carac-
tère; aucun obstacle ne l'arrêtait. Un complot s'étant

organisé contre lui, il n'hésita point à taire tomber


dix-sept cents tètes dans Le premier mois de son avè-
nement. Une telle rigueur' donna naissance à de nou-
veaux complots, dont le pacha fut le principal fauteur;

Aly Le lit arrêter et embarquer pour Constantinople,


en le menaçant de le faire étrangler s'il reparaissait

dans la régence. Des envoyés de L'odjac étaient char-


- en même temps de représenter à Achmet III.

alors sultan (1710), que l'existence simultanée de


deux chefs n'avait cessé, depuis longues anné<
d'être une source de troubles et de révolutions; ils

suppliaient en conséquence Sa Hautesse de suppri


mer Les fonctions de pacha, désormais inutiles. Cette
demande, qui, sous des tonnes obséquieuses, pou-
vait passer pour une Injonction, était accompagné*
DE L'ALGERIE 125

de riches présents pour le sultan et pour ses mi-


nistres ; le divan ne put se dispenser d'approuver
une demande appuyée sur des motifs aussi solides.
Dès ce moment, les deys gouvernèrent sans partage,
et leur nomination, abandonnée au choix de l'odjac,

ne donna plus lieu, de la part du sultan, qu'à une


sorte de sanction qu'il était à peu près hors d'état de
refuser.

Depuis l'expédition de Charles - Quint , les Espa-


gnols, non seulement n'inquiétèrent plus les Algé-
riens, mais ils perdirent même successivement toutes
leurs possessions en Afrique. Bougie, comme nous
l'avons vu, leur fut enlevée en 1552; ils conservèrent
plus longtemps Oran et Mers-el-Kébir, que les Algé-
riens ne reprirent qu'en 1708.
Enhardis par l'impunité, les pirates algériens, ainsi
que ceux de Tunis et de Tripoli devinrent plus nom- ,

breux et plus audacieux que jamais. Leurs dépréda-


tions incessantes semblaient depuis longtemps appeler
une énergique répression de la part des puissances
européennes mais les guerres intérieures dans les-
;

quelles elles étaient engagées , et peut-être le souvenir


toujours présent de la dernière et fatale expédition de
Charles- Quint, avaient depuis un siècle empêché
toute tentative pour mettre un terme au brigandage
des forbans d'Alger. C'était à la France qu'il était
réservé d'ouvrir de nouveau la voie qu'elle devait si

glorieusement fermer, en 1830, par une conquête dé-


finitive.

Une première expédition, dirigée, sur la fin du


règne de Louis XIII, par l'amiral de Beaulieu, était

restée sans résultat. Le projet de punir les brigan-


126 HISTOIRE

dages exercés par les Algériens, repris plus sérieu-

sement sous le règne de Louis XIV, donna lieu

d'abord à un armement considérable, confié au duc


de Beaufort, en 1GG3. Six vaisseaux et six galères

furent mis à la disposition de ce prince, qui avait


sous ses ordres le commandeur Paul, de l'ordre de

Malte, marin très redouté de ces pirates, et les

chevaliers d'IIocquincourt et de Tourville. Ils don-


nèrent activement la chasse eux corsaires, leur cou-
lèrent une vingtaine de navires, et les forcèrent de
se tenir pendant quelques mois enfermés dans Leurs
ports.
Encouragé par ces premiers succès, Louis XIV ré-
solut, l'année suivante, d'occuper en permanence un
point du littoral d'où l'on pût tenir constamment en
respect les Barbaresques, surveiller les côtes et pré-
venir toute agression. Après avoir hésité quelque
temps entre Bougie on se décida pour ce
et Djidjelli,

dernier point. Il y a lieu de présumer que le gouver-


nement français avait couru à cette époque le projet
de fonder sur cette côte un établissement durable,
puis, si les circonstances paraissaient favorables, de
reprendre pour compte de la France des projets
le

que le malheur des temps et la fondation de colonie-


lointaines n'avaient pas permis à l'Espagne de réali-
ser. Le gouvernement de Louis XIV, après avoir
examiné les chances que présentait une entreprise
•entre la régence et les moyens d* exécution a em-
ployer, confia au duc de Beaufert le commandement
d'une escadre de seize vaisseaux portant six mille
hommes de troupes de débarquement. Le23juillel 1664,
cetteannée parut devant Djidjelli, débarqua heureu-
sement et occupa la ville sans beaucoup de résis-
DE L'ALGÉRIE 127

tance ; mais bientôt la division qui éclata entre les


chefs de l'armée française et la faiblesse des res-
sources qui avaient été mises à leur disposition, les
obligèrent de renoncer à une expédition qui s'était
d'abord annoncée sous d'heureux auspices, et que les

guerres dans lesquelles la France se trouva bientôt


engagée ne permirent pas de renouveler. Toutefois
cette première tentative et les pertes considérables
que le duc de Beaufort fit éprouver en 1665 à la flotte

algérienne, qu'il rencontra à la hauteur de Tunis,


eurent pour résultat d'effrayer les Algériens et de
les amener à une paix momentanée, qui fut signée le
17 mai 1665.
Depuis que le gouvernement de l'odjac était dirigé
par un dey, une animosité particulière semblait avoir
éclaté contre la France. A plusieurs reprises des en-
voyés français durent venir réclamer la fidèle exé-
cution des traités. Ils obtenaient des promesses for-
melles; mais, dès qu'ils étaient partis, les corsaires
recommençaient à violer toutes les conventions. Enfin,
en 1681, le dey Baba- Hassan poussa l'insolence jus-
qu'à déclarer la guerre à la France. Louis XIV, indi-
gné, ordonna de préparer une expédition formidable
contre Alger. Le commandement en fut confié à Du-
quesne et à Tourville. La flotte, composée de onze
vaisseaux, quinze galères, cinq galiotes à bombes,
deux brûlots et quelques petits bâtiments, parut
bientôt devant Alger, et commença le bombarde-
ment le 30 août 1682. Trois vaisseaux algériens furent
brûlés dans le port, et plus de cinq cents habitants
furent tués par les éclats des bombes. La milice elle-
même était dans la consternation devant les effets
terribles de ces projectiles, dont on faisait usage
128 HISTOIRE

pour la première fois dans la marine l


. Mais l'attaque
fut interrompue par les vents violents qui commen-
cèrent à souffler vers le 12 septembre, et qui sont
si dangereux dans ces parages aux approches de
L'équinoxe. L'amiral donna L'ordre à La flotte de
lever l'ancre et rentra à Toulon, en laissant seule-
ment quelques vaisseaux devant Le port pour former
le blocus.

L'année suivante, au mois de juin, L'armée navale


reparut. Le 20 à minuit, le feu des galiotes recom-
mença. Cette fois les galiotes étaient plus nom-
breuses, et servies par un nouveau corps d'officiers
d'artillerie et de bombardiers. Renau d'Eliçagaray,
de son côté, avait inventé de nouveaux mortiers qui
lançaient des bombes jusqu'à dix-sept cents toi-

Dans la nuit du 26 au 21 et dans la journée suivante,


deux cent vingt bombes tombèrent dans la ville ou
dans le môle une d'elles renversa la maison du
:

gendre du dey; l'une autre lit couler à fond une


barque chargée de cent hommes; presque toutes les
batteries furent démontées. Les habitants poussaient
des rugissements de fureur contre Le gouvernement;
les femmes allèrent trouver Hassan, et, portant devant
elles les restes mutilés de leurs maris OU de leurs en-
fants, demandèrent Impérieusement la paix. Hassan
députa le consul et le vicaire apostolique Levacher;
mais Duquesne ne consentit qu'à une trêve, ef encore
exigea- 1- il qu'on remit à son bord tous les esclaves

Ces bombardes, d'une nouvelle invention, iraient été oonstru


1

dans l>' port de Toulou sou- la direction de Renau d'Ëliçagaray,


dont le Dom est reste célèbre dans les annales de L'artillerie >•[ de
l,i marine, C'était un jeune Béarnais, dont Colberl arail deviné le
génie.
DE L'ALGÉRIE 129

chrétiens. Le dey en avait déjà rendu cinq cent qua-


rante-six, lorsque, le 3 juillet, il prétendit qu'il lui
fallait du temps pour faire revenir ceux qui étaient
disséminés dans les campagnes et dans les villes

éloignées de la côte. C'était demander la prolonga-


tion de la trêve. L'amiral exigea alors qu'on lui remît
plusieurs otages importants pour lui répondre de la
fidélité de la régence. Parmi ceux-ci était
fameux le

renégat Hadji-Hassein, connu sous le nom de Mezzo-


morto (demi- mort) parce qu'il avait été ramassé à
,

demi mort sur un vaisseau capturé par les Barba-


resques. En même temps Duquesne faisait entendre
qu'il ne traiterait de la paix qu'aux trois conditions

suivantes :
1° délivrance de tous les esclaves français
ou appartenant à une nation chrétienne; 2° indemnité
égale à la valeur de toutes les prises faites sur la
nation française, ou restitution de ces mêmes prises;
3° députation solennelle du dey à Paris, pour deman-
der pardon au roi des hostilités commises sur les
vaisseaux français.
A la nouvelle de ce qu'exigeait le chef de la flotte

ennemie, les matelots et les soldats de la milice se

soulevèrent et refusèrent nettement de restituer ce


Duquesne allait recommencer le
qu'ils avaient pris.

bombardement, lorsque Mezzomorto obtint de lui son


renvoi dans la ville, promettant que par son crédit
il ferait consentir la milice aux conditions propo-
sées. Ses intentions étaient toutes différentes. A
peine de retour à Alger, il se mit à la tête des sédi-
tieux, se déclara en plein divan contre ce qu'il appe-
lait la lâcheté du dey, qui fut tué la nuit suivante
en faisant sa ronde et Mezzomorto fut proclamé
;

par tout le peuple et par les janissaires. Les négo-


9
130 HISTOIRE

dations furent alors rompues , et le pavillon rouge


arboré.
Duquesne fit recommencer le bombardement. Il

fut terrible; le feu était si violent qu'il éclairait la

surface de la mer à plus de huit kilomètres: le sang


coulait dans Alger; la moitié des maisons étaient
molies. Les Turcs, dans le délire de la fureur à la vue
de leur ville embrasée, attachent à la bouche de leurs
canons le consul et les captifs français qu'ils ont
encore entre les mains. Les membres de ces infor-
tunés étaient portés par les explosions jusque sur les

ponts des navires français. Cependant Renau ne


cessait de jeter ses bombes : tous les magasins, les
mosquées s'abîmaient dans les flammes, et
palais, les
pas une maison ne fût restée debout si enfin les
bombes n'eussent été épuisées. Duquesne, à -
grand regret, lit voile pour Toulon, laissant devant
le port d'Alger une division pour le bloquer, et se pro-
posant de reparaître l'année suivante. Mais tant de
pertes avaient abattu l'orgueil des Algériens. Us sen-
tirent qu'il devenait impossible de les réparer sans
quelques années de repos. Aussi, lorsque l'année
suivante Tourville se présenta de nouveau avec une
escadre nombreuse, Mezzomorto n'eut pas de peine
à dé. 'rlcr le divan à accepter la paix. Elle fut signée
le 24 avril \(\s\, et le divan envoya des ambassadeurs
en franco pour demander au roi la ratification du
traité.

Un châtiment si rude, deux Pois renouvelé, ne rendit


Algériens plus Circonspects. En
1»',N
pas les 7. ils in-

sultèrent de nouveau le pavillon de la France, et QOUS


prirent quelques navires. Le châtiment ne se lit pas
attendre. Le maréchal d'Estréea reçut ordre d'aller
DE L'ALGÉRIE 131

bombarder Alger. Il avait sous son commandement


une Hotte de onze vaisseaux de ligne, de huit galères,
de dix galiotes à bombes, et de plusieurs bâtiments
légers.
Du 1 er au 16 juillet 1688, le feu des galiotes ne dis-
continua presque pas. Plus de dix mille bombes furent
lancées sur la ville; cinq gros navires furent coulés,
la plupart des batteries démantelées, la tour du fanal
rasée. Un grand nombre d'habitants furent écrasés
sous les décombres des maisons, et Mezzomorto lui-

même fut blessé à la tête d'un éclat de bombe. Les


mêmes atrocités furent renouvelées par les janissaires
et les défenseurs de la ville, qui fut de nouveau ré-
duite en cendre et forcée à s'humilier devant la

France. Une nouvelle paix fut signée le 27 sep-


tembre 1689. Celle-ci fut de plus longue durée, et
depuis cette époque jusqu'en 1830 il n'y eut plus
d'hostilités prolongées entre Alger et la France. Quel-
ques années plus tard, en 1694, le gouvernement
d'Alger reconnut, par un traité spécial, les droits de
propriété de la France sur le littoral entre Bone et

Tabarca, indépendamment de la concession exclusive


de la pêche du corail et du commerce entre Bone et
Bougie.
Tels sont les principaux événements de l'histoire
d'Alger pendant le xvn e siècle. Quant à ceux qui se
sont accomplis dans le xvm e et dans le commence-
ment du xix e
, nous les aurons encore plus rapidement
parcourus.
Nous avons déjà dit qu'en 1708 Oran et Mers-el-
Kébir étaient tombés au pouvoir des deys d'Alger.
L'Espagne , alors occupée de la guerre de Succession,
n'avait pu s'opposer à cette agression. Mais, en 1732,
132 HISTOIRE

quand Philippe V se vit affermi sur son trône , il

songea à recouvrer cette importante possession. Il

chargea de l'expédition comte de Mortemar, qui


le

s'en acquitta avec un bonheur justifié par ses bonnes


dispositions, son activité, sa sagesse et son audace.
Oran et Mers-cl-Kébir furent reprises par les Espa-
gnols trois jours après leur débarquement. Le dey
Ali, qui commandait l'armée musulmane, honteux de
sa défaite, et craignant L'indignation des siens, s'en-
fuit dans l'intérieur des terres avec sa famille et ses

trésors.
Dans cette année 1732, un môme jour vit à Alger
l'élection de cinq deys, qui furent massacrés les uns
après les autres tombes se voient encore en
; leurs
dehors du faubourg Bab-el-Oued.
L'Angleterre, la Hollande, s'étaient résigné»
er aux corsaires algériens de honteuses rede-
vances, pour être à l'abri de leurs pirateries. Les
Danois, sans cesse offensés dans leur commerce par
les incursions des pirates, envoyèrent, en 1770, une
Hotte devant la côte barbaresque. Mais leur apparition
n'inspira pas grand effroi aux Algériens, puisque,
pendant huit jours (pie l'escadre employa ou perdit à
>r promener «lovant la rade et les fortifications, on
ne daigna pas lui envoyer des remparts un seul coup
de canon.
L'expédition entreprise par les Espagnols en 1775
lut [dus remarquable. Quoique bien préparée, i

eut drs résultats désastreux; el comme elle fut la

dernière tentative de débarquement sur la i

africaine avant. La conquête française, elle jeta sur

expé litions une défaveur exagérée. Le généra]


O'Ueilly, qui la commandait, échoua complètement
DE L'ALGERIE 133

avec trente mille hommes et cent pièces de canon,


dont il laissa la majeure partie au pouvoir des en-
nemis.

Les Espagnols se présentèrent encore devant Alger


en 1783 et 1784, et bombardèrent inutilement cette
ville. Enfin une division espagnole portant pavillon
parlementaire vint, en juin 1785, demander la paix.

Le dey l'accorda ; mais il en coûta quatorze millions à


l'Espagne.

Il remarquer que pendant tous ces derniers


est à
événements le même dey, nommé Mohammed, exer-
çait le pouvoir à Alger. Il avait été élu en 1766, et il

conserva le pouvoir jusqu'à sa mort, arrivée en 1791.


Chose rare à Alger, il mourut dans son lit, à l'âçe de
plus de quatre-vingts ans.

Baba-Hassan, son premier ministre et son fils d'adop-


tion, lui succéda sans opposition. Dans la seconde
année de son règne, les Espagnols lui cédèrent Oran
et Mers-el-Kébir, qu'un tremblement de terre venait
de ruiner.
En 1793, la France ayant eu besoin de suppléer
pour l'approvisionnement de ses armées à l'insuffi-

sance des récoltes dans les provinces méridionales, le

dey Hassan autorisa des exportations de blé d'Algérie,


que fournirent les maisons juives Bacri et Busnac. La
liquidation et lepayement de ces fournitures, qui
continuèrent pendant plusieurs années et qui s'éle-
vèrent à des sommes considérables, furent la cause
première de nos démêlés avec Alger, et, par suite, de
notre conquête.
Baba -Hassan mourut le 14 mai 1798. Il une
avait
grande crainte des Français, et la gloire de nos armées
134 HISTOIRE

l'avait frappé de terreur. Le général Bonaparte lui

causait des alarmes particulières; il l'appelait le géné-


ral diable, et redoutait toujours de le voir arriver à
Alger avec ses troupes invincibles. Il eut pour succes-
seur son neveu Moustapha.
A l'époque de l'expédition française en Egypte, la

Porte enjoignit au dey d'Alger de déclarer la guerre


à la France : les Français furent donc expulsés de
leurs comptoirs de Bone et de la Calle, et le con-
sul de France à Alger fut emprisonné. Mais cette
mésintelligence fut de peu de durée; car un traité
de paix avec la régence fut signé en 1801. Na-
poléon exigea que non seulement la France, mais
encore tous les Etats réunis sous la domination
française ou compris dans son alliance, fussent r<
-

pectés par les corsaires. Alger se soumit à cette in-


jonction.
Cependant les troubles politiques et les guerres
qui avaient divisé l'Europe pendant vingl ans ayant
suspendu toutes les attaques contre Alger, cette
puissance en profita pour se mettre dans un état

de défense formidable, et pour remplir son trésor à

L'aide de ses corsaires. Pendant ce temps-là cinq ou


six deys avaient été successivement élevés au pou-
voir, et étranglés à la suite d'un règne plus ou moins
long.
Après lapais générale de 1845, Omar-ben-Moham-
med occupait le poste périlleux de dey. Les relations
avec les nations chrétiennes ne -'étaient pas amélio-
rées. Les Etats-Unis envoyèrent nue division navale
BOUS les ordres de l'amiral Decatur, pour tirer ven-
geance d'insultes faite- à leur pavillon. Le dey, pris
au dépourvu, car tous boa vaisseaux étaient en course
DE L'ALGÉRIE 135

quand les Américains parurent devant Alger, ac-


céda sans difficultés à toutes les propositions qu'on
lui fit.

L'Angleterre et la Hollande avaient aussi des


griefs contre les Algériens. Ces deux puissances
unirent leurs forces pour obtenir une réparation.
Le 26 août 1816, lord Exmouth vint, à la tête de
trente- deux bâtiments anglais et de six frégates hol-
landaises, mouiller devant Alger, à un quart de portée
de canon. La ville fut enveloppée par les vaisseaux
ennemis du nord au sud- est. L'amiral anglais fit
signifier au dev les conditions suivantes : 1° la déli-
vrance sans rançon de tous les esclaves chrétiens;
2° la restitution des sommes payées récemment par
la Sardaigne et Naples pour le rachat de leurs es-
claves ;
3° l'abolition de l'esclavage ;
4° la paix avec

les Pays-Bas aux mêmes conditions qu'avec l'Angle-


terre.

Le dey ne daigna pas répondre à cet ultimatum.


Les batteries turques du môle ouvrirent le feu; ce
fut le signal d'une attaque générale. Elle fut terrible
et dura jusque bien avant dans la nuit. Presque
toutes les batteries algériennes, qui étaient prises
à revers par l'artillerie anglaise, furent démontées,
et les navires qui étaient dans le port furent in-
cendiés. Mais, au milieu de la nuit, les bâtiments
algériens en flammes ayant rompu leurs amarres,
furent poussés par la brise hors du port, et s'a-

vancèrent vers la flotte anglaise . Elle dut mettre


à la voile en toute hâte pour éviter ces dangereux
brûlots.
Le lendemain, lord Exmouth écrivit au dey, et lui
offrit encore la paix aux mêmes conditions qu'avant
136 HISTOIRE

le combat. Cette proposition fut acceptée, et le joui'

même, 28 un traité fut signé avec les AL


août,
riens. Cet heureux résultat fit le plus grand honneur
à la nation anglaise. La Hotte souffrit beaucoup, et
perdit huit cent quatre vingt- trois hommes; les Hol-
landais, de leur côté, eurent deux cents hommes tués
et trois cents blessés.

Quoique Omar-ben-Mohammed eût montré le plus


grand courage pendant ce long combat, la milice ne
luipardonna pas l'issue malheureuse de cette affaire.
Excitée par un certain Ali-Kodja, elle se souleva le
8 septembre 4817, étrangla Omar, et lui donna pour
successeur Ali-Kodja.

Ce nouveau dey passait pour lettré, mais il était

sanguinaire et débauché. Une première conspiration


ayant éclaté contre lui, il transporta de nuit dans la

Kasbah sa résidence et ses trésors. Puis, s* entourant


d'une garde composée d'Arabes el de nègres, il ne
cacha plus son dessein de fonder une dynastie héré-
ditaire, et d'exterminer les janissaires de l'odjac. Il

en avait déjà fût périr un grand nombre, lorsque La

peste vint mettre un terme à ses projets et à


er
cruautés (1 mars 1818).
11 eut pour successeur Hussein-Dey (El-Osayn-ebn-
el-Hasan), qui occupait encore le pouvoir Lorsque la

France, pour venger une insulte faite à son consul,


dirigea une expédition formidable contre La régen<
en 1830, et mit lin à la domination de ces corsaires,
si longtemps funeste au commerce de tous les Etats

chrétiens.

Les cause- de la rupture de la France avec le

dey d'Alger, el les principaux faits qui précé-


DE L'ALGERIE 137

dèrent la prise de possession de la capitale de la


régence par l'armée française, appartiennent natu-
rellement à l'histoire de ce grand événement, et
trouveront leur place dans la seconde partie de cet
ouvrage.
SECONDE PARTIE
SECONDE PARTIE

CHAPITRE I

Causes de la rupture entre le dey d'Alger et la France. — Convention


entre la France et la régence d'Alger à l'égard des sommes dues par
la France pour fournitures de blé faites pendant la révolution fran-
çaise. — Réclamations des négojiants français créanciers des four-
nisseurs algériens. —
Mesures conservatoires prises parle gouverne-
ment français. — Mécontentement du dey. —
Ses prétentions à ce
sujet. — Ses plaintes à M. Deval consul général de France.
, Il —
s'adresse directement au roi. —
Insulte publique faite par le dey au
consul de France. —
Interruption des relations officielles entre le consul
et la régence. —
Départ du consul. —
Le dey fait détruire les établis-
sements français existant sur le territoire de la régence et déclare la ,

guerre au roi de France. —


Envoi d'une escadre pour bloquer Alger.
— Ce qu'on avait espéré du blocus. —
Pertes et dépenses qu'il cause
en réalité. —
Mission de M. de la Bretonnière à Alger. 11 échoue. —
— Le vaisseau parlementaire de M. de la Bretonnière est canonné à sa
sortie du port d'Alger. —
L'expédition contre Alger est décidée. Pré- —
paratifs de cette expédition. —
Le vice-amiral Duperré est chargé du
commandement de la flotte. — Le général de Bourmont, ministre de
la guerre, prend le commandement de l'armée de terre. —
Bévue de
la flotte et de l'armée par le duc d'Angoulème. —
Embarquement de
Tannée. — Appareillage de l'escadre. — Relâche Palma. — Arrivée à

en vue d'Alger. — L'escadre jette l'ancre dans la baie de Sidi-Ferruch.


— Débarquement de l'armée sans opposition sérieuse de la part de
l'ennemi. —
Installation d'un camp retranché dans la presqu'île de
Sidi-Ferruch. —
Première escarmouche avec les Arabes. Manière —
142 HISTOIRE

de combattre de ces derniers. — Tem| ête du G juin. — Crainte? qu\


1 lie

occasionne. — La tempête se calme. — Le débarquement s'achève. —


Inaction apparente de l'armée pendant les premiers jours. — Cane
laquelle les Arabes l'attribuent. — attaquent L'armée française. —
Ils

Us sont repousses. — Les Français s'emparent de leur camp. — Effets


produits par bataille de Staouéli. — Combat de Sidi-Khalif. — Bles-
la

sure mortelle du jeune Amédéede Bourmont. — Combat de Bourdjaïah.


— L'armée arrive devant Alger.

Nous avons vu dans le chapitre précédent que des


fournitures considérables de blé avaient été faites à la

France par la régence d'Alger [tendant La première


révolution. Les guerres continuelles que la république
et l'empire eurent à soutenu' firent ajourner la liquida-

tion et le remboursement de cette dette pendant plus


de vingt ans.
La négociation , reprise quelque temps après la res-

tauration, amena enfin une convention signée à Paris

le 2S octobre 1819, qui lixait à sept millions de francs


la créance algérienne, réclamée au nom de deux Juifs,
sujets du dey (Jacob-Coen Bacri et Michel Busnach
ou Busnachi), dont le payement devait être opéré par
douzièmes, à compter du 1 er mars 1820, saut réserve
des droits des sujets français qui se trouveraient avoir
eux-mêmes des réclamations à faire valoir contre les
Algériens.
dette convention semblait mettre fin à la querelle;
mais l'article des réserves amena de nouvelles dilti-

culté>. Des négociants français de Marseille créancii


des sujets algériens firent opposition au payement eu
question jusqu'à concurrence de deux millions cinq
cent mille francs, montant de leurs réclamations. Le
trésor royal paya aux Juifs algériens quatre millions
cinq cent mille lianes qui restaient sur le total reconnu
,

DE L'ALGÉRIE 143

de la dette, et il versa l'autre partie, les deux millions


cinq cent mille francs réclamés, à la caisse des dépôts
et consignations, où cette somme devait rester en
dépôt jusqu'à ce que la validité des réclamations eût
été reconnue par les tribunaux.
Mais la marche suivie par le gouvernement français
indisposa vivement le dey Hussein, qui avait lui-même
une part considérable dans la créance des juifs Bacri
et Busnach. Il prétendait que les tribunaux français

n'avaient pas le droit de juger la validité des opposi-


tions faites par les négociants marseillais ;
que c'était

lui qui devait être l'arbitre de la justice de ces récla-


mations, et que la somme en litige aurait dû être
préalablement déposée entre ses mains. Il adressa
dans ce sens des réclamations réitérées à M. Deval,
consul général de France à Alger, l'accusant des re-
tards et des obstacles apportés à la remise des fonds.
N'en obtenant que des réponses évasives, il résolut de
s'adresser directement au roi de France, auquel il
écrivit en effet.

Au fond, les plaintes et la mauvaise humeur du dey


contre le consul général n'étaient pas sans quelque
fondement ', l'historien impartial est forcé de le re-
connaître; mais y joignit des outrages que la dignité
il

d'un souverain, que l'honneur national, ne pouvaient


pas laisser impunis.
Le 27 avril 1827, M. Deval s'étant présenté, suivant
l'usage, avec les autres résidents européens, pour
complimenter le dey à l'occasion des fêtes du Beïram
Hussein lui demanda s'il avait une réponse à lui

1
Voir l'ouvrage intitulé Considérations sur la régence d'Alger, par
M. le baron Juchereau de Saint-Denis, ainsi que l'ouvrage publié par
M. Shaler, consul général des États-Unis près de la régence d'Alger.
144 HISTOIRE

remettre de la part du roi de France ; là-dessus il


y
eut entre eux une discussion à la suite de laquelle le

dey entra dans une telle colère, qu'il frappa de son


chasse-mouche M. Deval au visage. Hussein- Pacha
accompagna ce geste brutal de paroles offensantes
pour le roi de France, et pour les chrétiens en
général.
Une insulte si grossière, faite en présence des
consuls étrangers, exigeait une réparation éclatante.
Elle fut immédiatement demandée, mais en vain. Le
consul eut ordre de cesser tout rapport officiel avec la

régence, et s'embarqua quelque temps après (11 juin


1827) sur un des bâtiments envoyés pour le prendre
avec tous les Français établis à Alger. Après leur
départ, le dey envoya l'ordre d'arrêter tous les Fran-
çais qui se trouvaient encore dans la régence, et de
détruire de fond en comble Le9 établissements appar-
tenant à la France, notamment le fort de la Calle,
qui fut dépouillé et ruiné complètement, (les actes
d'hostilité furent suivis d'une déclaration de guerre,
à laquelle le gouvernement français répondit en en-
voyant une escadre devant Alger, sous les ordres du
contre-amiral Collet, pour y établir d'abord un blocus
rigoureux.
On espérait que ce blocus, en restreignant Le com-
merce ou les pirateries d'Alger, y exciterait des mé-
contentements, ou même un mouvement populaire,
qui forceraient le dey à donner quelque satisfaction
dont le ministère franc da se serait aisément contenté :

m lis Hussein-Dey, retiré dans son fort de la Kjasbab,


qui domine Alger, avait considérablement augmenté
sa garde personnelle, commandée par son gendre
Ibrahim- Agha, et mis sa capitale à L'abri de toute
DE L ALGERIE 145

attaque maritime par les travaux ajoutés depuis 1816 à


la défense du port. Ainsi le blocus entretenu durant
trois annéesmoins nuisible aux Algériens qu'à la
fut
France, à laquelle il coûta plus de vingt millions,
plusieurs bâtiments perdus dans ces parages où ils
n'avaient aucun abri un grand nombre de marins et
, ,

entre autres le brave commandant de cette escadre le ,

contre-amiral Collet, qui succomba aux fatigues d'un


blocus difficile et dangereux.
« Au mois de juillet 1829, dit le ministre de la
marine dans un discours adressé à la chambre des
députés en avril 1830, le gouvernement du roi, recon-
naissant l'inefficacité de ce système de répression,
etpensant à prendre des mesures plus décisives pour
terminer la guerre, crut cependant devoir, avant d'ar-
rêter sa détermination, faire une dernière démarche
vis-à-vis du dey. M. de la Bretonnière fut envoyé
à Alger; il porta au dey, jusque dans son palais, nos
justes réclamations. Le dey refusa d'y faire droit... »
Dans une dernière audience, tenue en présence du
divan (2 août 1829), M. de la Bretonnière, après avoir
employé tous les moyens de persuasion pour amener
Hussein-Dey aux satisfactions qu'il était chargé de lui
demander, et surtout la délivrance des prisonniers
français , finit par déclarer que le roi de France ayant
,

épuisé tous les moyens de conciliation, emploierait les


forces que Dieu avait mises entre ses mains pour
défendre ses droits et la dignité de sa couronne. « J'ai

de la poudre et des canons, répliqua Hussein-Dey, et


puisqu'il n'y a pas moyen de s'entendre, vous êtes
libre de vous retirer. Vous êtes venu sous le sauf-

conduit (amanitle), je vous permets de sortir sous la

même garantie. »
10
l'ifi HISTOIRE

Le lendemain, lorsque le vaisseau la Pro que


montait M. de la Bretonnière, sortit de la baie cou-
vert du pavillon parlementaire, les batteries les plus

un signal parti de
voisines tirent feu toutes à la fois, à
la Kasbah. Le feu dura une demi-heure, jusqu'à ce

que le bâtiment se trouvât hors de la portée du ca-


non. Aucun homme ne fut atteint; mais le bâtiment
éprouva de graves avaries.
Après cette violation atroce du droit des gens, la
guerre contre Alger fut résolue, et les préparatifs

d'une expédition formidable, destinée à aller venger


la France et détruire la piraterie, furent commun
sur-le-champ et poussés avec la plus vigoureuse ac-
tivité. Le port de Toulon, désigné comme point de
départ, devint le centre d'un mouvement prodigieux.
Les meilleurs bâtiments de la marine fuient armés
dans les ports de Brest, de Cherbourg et de Rochefort,
de manière à être réunis sur la rade «le Toulon vers
la lin de mai; indépendamment de ces bâtiments de
guerre, on nolisa plus de quatre cents bâtiments de
transport, français, sardes, autrichiens, italiens, espa-
gnols, pour les tnaipes qui ne pourraient trouv. 1

place à bord des vaisseaux de guerre. En même temps


Les troupes de toutes armes qui devaient taire partie

de L'expédition se mettaient en mouvement sur toute


la surface du pays, et venaient s'échelonner dans i

provinces méridionales.
La presse de L'opposition, si puissante alors sur Les
i sprits, s'attacha à décrier Le projet du gouvernement,
démontrer Les inconvénients et Les périls; mais,
;i

malgré ses efforts, les instincts aventureux de notre


nation QC s en ('veillèrent pas moins tout-puissants a
L'idée d'une expédition hasardeuse, entreprise pour la
DE L'ALGÉRIE 147

défense de la dignité nationale, de l'honneur de notre


pavillon, des intérêts de notre commerce.
Quant aux puissances étrangères à qui le gouver-
nement français fit part de ses projets sur Alger, une
seule en témoigna quelque inquiétude. Le cabinet
britannique demanda des explications, et exprima le
désir de savoir ce que la France serait disposée à faire
de la régence d'Alger après l'avoir conquise. Le prince
de Polignac répondit avec énergie que la France in-
sultée ne demandait le secours de personne pour
venger son injure, et qu'elle n'avait de compte à
rendre à personne de ce qu'elle aurait à faire de sa
nouvelle conquête.
Le vice -amiral Duperré, dont le nom jouissait
parmi les marins d'une brillante réputation , fut chargé
du commandement de Le général de Bour-
la flotte.

mont, ministre de la guerre, prit lui-même le com-


mandement des troupes de débarquement. Parmi les
généraux placés sous ses ordres, on citait les lieute-
nants généraux Berthezène, Loverdo, des Cars; les
maréchaux de camp Achard, Damrémont, Munk
d'Uzer, Tholozé Valazé, du génie; Lahitte, de l'ar-
:

tillerie.

Le duc d*Angoulème, en sa qualité de grand amiral


vint à Toulon présider lui-même à l'embarquement
et au départ. Arrivé dans cette ville le 3 mai 1830, il

visita l'arsenal de la marine, les chantiers de construc-


tion, tous les travaux du port, et se rendit le lende-
main en rade à bord du vaisseau amiral la Provence,
d'où il jouit du spectacle le plus imposant qu'il soit
possible d'imaginer. Sur cette rade ne se trouvaient
pas moins de cent bâtiments de guerre, et quatre à
cinq cents navires de transport, tous pavoises : d'au-
148 HISTOIRE

très bâtiments de commerce faisaient flotter au loin


leurs différentes couleurs, et les rivages de la rade
étaient couverts de troupes et d'une multitude im-
mense qui mêlaient leurs acclamations aux salves de
l'artillerie.

Le prince assista ensuite, de la hauteur du tertre


du polygone, à un exercice du débarquement tel qu'il

devait être opéré sur la côte d'Afrique à L'aide de


bateaux plats et de radeaux d'une construction nou-
velle, chargés d'artillerie ou montés par des trou]
de différentes armes avec leur- ba et leurs che-
vaux débarquement qui s'exécuta de manière que les
:

troupes furent rangées en bataille et les canons mis en


batterie sur le rivage en moins de six minute
Rien ne manquait à cette fête militaire. Jamais
expédition, pas même celle d'Egypte, n'avait été pré-
parée avec tant de célérité, de puissance et de luxe
militaire; jamais la marine française n'avait paru si

riche de talents et de moyens matériels. L'armée de


terre aussi brillait de jeunesse et d'ardeur: et quoi
que l'esprit de parti ait dit temps de ses dispo-
dans le

sitions , et surtout du peu de confiance et de sympa-


thie que lui inspirait sod chef, toute- les craintes et

les préventions, tous les souvenirs et les pressenti-

ments sinistres parurent céder aux illusions de la

victoire et de la conquête, ha population, témoin de


gnifique revue des forces de L'expédition,
dont le succès pouvait avoir une si grande influence
Burla prospérité de ses provinces, secondait de tous
ses vœux cette entreprise intesque, et les opi-
nions politiques se taisaient devant de >i puissants
intérêt
Il faudrait encore, pour donner une juste idée do
,

DE L'ALGERIE 149

l'importance qui y était attachée décrire l'abondance ,

des approvisionnements et des munitions, le luxe des


équipages, et surtout de ce nombreux et brillant état-
major auquel on avait adjoint, sous différents grades,
des ingénieurs géographes, des interprètes, des pein-
tres dessinateurs, des ouvriers imprimeurs, et jusqu'à
des journalistes historiographes chargés de faire d'a-
bord un journal (Y Estafette d'Alger) consacré à donner
les détails de l'expédition. Une foule de jeunes gens
des plus nobles familles et d'étrangers, un prince de
Schwartzenberg, un aide de camp du grand- duc
Michel, le colonel Philosophof, un capitaine de la
marine anglaise, M. Mansell, avaient sollicité et obtenu
l'honneur de faire cette campagne ; et ce qu'on peut
regarder comme un dévouement héroïque,
acte de
c'est que le général en chef emmenait ses quatre fils
engagés avec lui clans la gloire ou les périls de son
commandement.
Le 25 mai, l'armée entière et son immense matériel
étaient embarqués. A midi, par une faible brise de
nord -est, l'amiral donna l'ordre du départ. Toute
immense mouve-
l'escadre appareilla aussitôt, et cet
ment, opéré avec un ordre, avec un ensemble mer-
veilleux, offrit un imposant spectacle. Les hauteurs
qui entourent la rade de Toulon étaient couvertes
d'une foule innombrable. Des cris, des signes d'adieu
saluaient au passage chacun de ces vaisseaux qui por-
taient une portion de la puissance, de la richesse et
de la gloire de notre patrie ; tout le monde, soit sur le

rivage , soit à bord de la Hotte , sentait battre également


son cœur sous l'impression d'une vive émotion , dans
cette journée solennelle où la France, aventurière
sublime, allait joyeuse à la conquête d'un monde nou-
190 HISTOIRE

veau, à l'accomplissement d'un des plus grands actes


de ce siècle.

A la nuit, l'escadre entière avait gagné le large,


et s'était rangée en colonne dans Tordre et suivant

les distances que les instructions de L'amiral avaient


prescrits.
Séparées par un coup de vent, les trois divisions

de la ilotte se rallièrent à Palma I


Majorque ), où les

vents contraires Les retinrent jusqu'au 10 juin. Enfin,


ce jour-là, l'escadre, favorisée par un temps magni-
fique, quitta les eaux de Palma, et reprit la mer dans
l'ordre habituel. Le 13, à La pointe du jour, on aperçut
la terre; bientôt les maisons, les arbres . les moindj
accidents de terrain se dessinèrent nettement, et de
tous les navires s'élevèrent des cris d'allé.

Arrivé à une assez faible distance de la côte, l'amiral


rallia la division de blocus, forma sa Ligne de bataille,
défila en vue des torts et des batteries d'Alger, et lit

le signal à toute la tlotte qu'il se dirigeait sur Le cap

Sidi- Ferruch.
A la lin du jour, tous Les navires étaient à Tanne
dans la baie formée par La presqu'île ,1c ce nom. Si le

dépari de Toulon avait eu un caractère majestueux,


Ce ne lut pas un spéciale moins -olennel et moins
(''mouvant que celui de cette tlotte formidable, paisi-
blement échelonnée en présence «le ce sol étran
qu'elle venait Conquérir, et où le lendemain elle allait
planter pour toujours le drapeau «le La civilisation.

Pendant toute la nuit, mut splendide et étoilée,


«lit un témoin oculaire, les troupes se préparèrent an
débarquement, qui devait s'effectuer dès le Lende-
main La pointe «lu jour. La mer, douce
1 1 .
:'»
el calme,
care--, nt le- flancs de nos vaisseaux ; La brise était
,

DE L'ALGERIE J51

tiède ; ce beau ciel, que nous admirions pour la pre-


mière fois, était si pur, si clément, si radieux! De
temps à autre un chant de fête, un cri de joie s'échap-
paient de l'un des navires, et de toutes parts aussitôt
d'autres cris et d'autres chants répondaient. Bien peu
dormirent pendant cette veillée des armes, pendant
cette nuit qui parut si longue pourtant , car on atten-
dait le jour avec impatience ; on l'appelait, on le dési-

rait, comme on désire toujours l'inconnu 1


. »

Le 14, à trois heures du matin, le débarquement


commença. On s'était attendu à trouver la presqu'île
de Sidi-Ferruch, ou du moins la pointe du promon-
toire fortifiée , et, dans l'opinion de plusieurs officiers,

quelques batteries de grosses pièces auraient rendu


le débarquement difficile et périlleux. Tous les prépa-
ratifs d'attaque avaient été conçus dans cette idée ;

mais l'ennemi fit dans cette circonstance une faute


grave, qui le perdit et assura le succès de l'expédition :

dans la persuasion de battre l'armée française et de


s'emparer de tout ce qu'elle avait avec elle , il la laissa

débarquer sans l'inquiéter; il se borna à placer en


arrière, sur des hauteurs parallèles à la côte, quatre
batteries composées chacune de deux ou trois canons
de quelques obusiers et d'un mortier.
Le débarquement s'effectua donc dans le plus grand
ordre. En quelques heures, grâce à la prodigieuse
activité de nos marins, la première division et l'état-

rnajor furent à terre, chaque régiment rangé en ba-


taille, et une batterie de campagne montée par l'ar-

tillerie et prête à manœuvrer; en même temps quel-

ques matelots ou soldats de marine, bientôt suivis


1
Algérie, par MM. les capitaines du génie Hozet el Caret te. — Uni-
i pittoresque, vol. XLIV, p. 260.
152 HISTOIRE

d'une compagnie de mineurs, -'emparaient de la


tour ou marabout de Sidi-Ferruch (appelé rorrc-
Chica par les Espagnols), et y arboraient le dra-
peau blanc, aux applaudissements, aux vivats de
toute l'armée, de toute l'escadre, transportées d'en-
thousiasme.
La première division, à peine débarquée, se forn
en colonne et marcha sur L'ennemi, qui commençait à

tirer de ses redoutes et des broussailles où Les Aral


étaient embusqués. Les i doutes occupées par les

batteries arabes turent tournées, attaquées et enlevi


dans un instant. Les Arabes, abordés à la baïonnette,

se retirèrent précipitamment dans le plus grand dé-


sordre, abandonnant leur artillerie et cette position,
d'où ils pouvaient Inquiéter le reste du débarquement,
qui continua sans opposition.
Pendant ce mouvement de la première division, de
nombreuses embarcation croisant en tous sens,
mettaient à terre de nouveaux soldats, impatients de
prendre part à la gloire de leurs camarades. A midi,
toute L'infanterie et l'artillerie de campagne étaient
débarquées; le reste de la journée, le débarquement
du matériel, des vivre-, des chevaux, continua ave-
une rapidité el un ensemble admirables. Le succès de
l'entreprise dépendait du Buccès de cette opération;
car d'un moment à L'autre, but ces parages si difficiles,
et surtout dans une haie ouverte à tOUS les \vut>
la mer du Large, L'escadre pouvait être obligée de Lever
L'ancre aûn de ne pas être jetée à La côte, et U était
Indispensable que L'armée eût au moins les vivras et

Les munitions n aa défense; les désasti i


-

nombreux essuyés par L'Espagne dans ces mêmes pa-


rages justifiaient toutes les appréhensions.
,

DE L'ALGERIE 153

Le débarquement n'était pas encore achevé, que


déjà les troupes du génie traçaient, sous la direction
du général Valazé, une ligne de retranchements qui
devaient fermer et garantir, du côté de la campagne,
la presqu'île de Sidi-Ferruch, dont on voulait faire

le dépôt général de l'armée pendant les opérations


du siège d'Alger. Ces immenses travaux furent ter-
minés et armés de vingt -six pièces de marine en cinq
à six jours.
Dans la soirée du débarquement , le général en chef
alla s'établir avec tout son état-major dans les bâti-
ments dépendants du marabout de Sidi-Ferruch. Les
deux premières divisions furent échelonnées en avant
de la presqu'île, sur les collines d'où les Arabes
avaient été débusqués. La troisième (division des Cars)
campa les premiers jours, avec l'artillerie et le génie
dans l'intérieur de la presqu'île.

Le 15, à la pointe du jour, un feu de tirailleurs

s'engagea sur toute la ligne d'avant-postes ; dans cette


première escarmouche nos soldats purent reconnaître
l'ennemi qu'ils auraient à combattre désormais, et
apprécier les difficultés et les dangers de cette guerre.
Des masses d'Arabes se montraient de tous côtés mais ,

le plus souvent à de longues distances, hors de la


portée des fusils d'Europe. Les leurs, d'une longueur
prodigieuse, portaient très loin et très juste, et ils

s'en servaient avec une adresse meurtrière. Abrités


derrière les broussailles ou montés sur des chevaux
rapides, et changeant continuellement de place, ils

échappaient à toute attaque régulière et mutilaient

d'une manière atroce les soldats qui tombaient entre


leurs mains. Plus tard, il nous a fallu créer des corps
spéciaux, et les armer de carabines à grande portée,
154 HISTOIRE

pour détruire ce genre de supériorité que Les A bea


avaient sur nous.
Dans la matinée du 16, une tempête épouvantable
éclata tout à coup: Le vent souillait du large avec vio-
lence, et tous les vaisseaux chassaient sur leurs ana
Quelques heures de plus, et c'en était t'ait de notre
belle Hotte, de L'expédition elle-même peut-être; car
ce grand désastre et le spectacle de nos vaisseaux
brisés sur la côte eussent certainement démoralisé
l'année, comme le fut autrefois celle de Charles-Quint
en pareille circonstance, et eussent redoublé l'aud
de nos ennemis , qui comptaient sur un événement «le
cette nature plus que sur Leurs armes pour nous
vaincre. Dieu ne le permit [tas : la tempête s'apaisa,
la houle devint moins violente, et nous en lin.

quittes pour quelques avaries et la perte de deux ou


trois pc'its bâtiments de transport et de quelques
chaloupes de débarquement; mais ce fut une rude
leçon qui ne fut pas perdue. L'amiral pi [avan-
tage encore Le débarquement, et en pou de jours la

plage de Sidi-Ferrucb fut transformée en une ville,

en un vaste parc, où toutes Les ressources de L'armée


étaient classées el emmagasinées. Les divers servi

v étaient organisés, et une route tracée au fur et à


mesure .les mouvements les troupes mettait en rela-
tion ce quartier général de nos opération- avec L'état-

major de L'expédition. C'était une féerie que de i

une ville française parfaitement organi ette

place, déserte quelques jours auparavant.


Jusqu'au 19, L'armée fran s'était bornée à faire

des reconnaissant es et à garder ses positions. En p


9ence d'un ennemi qu'elle pouvait croire bien plus
nombreux , elle s'était toujours tenue sur la défensive,
,

DE L'ALGERIE 155

ce qui est toujours dangereux avec les Arabes. M. de


Bourmont, à qui on ne saurait faire un crime de cette
inaction apparente , car elle avait surtout pour but de
rendre complète l'organisation des ressources du et

matériel de l'armée, ne pouvait deviner ce qu'une


longue expérience a appris plus tard; et le succès de
la vaste et difficile entreprise qu'il dirigeait lui faisait
une loi de la prudence même excessive.
Les Arabes attribuèrent notre inaction à l'impuis-
sance. Ibrahim-Agha, qui commandait en chef l'armée
algérienne, avait réuni dans son camp de Staouéli, à
quatre kilomètres de nos avant-postes , ses janissaires,
les contingents des beys d'Oran, de Tittery et de
Constantine, et une multitude de Kabyles et d'Arabes
bédouins, attirés par l'espoir du pillage, le tout mon-
tant à plus de quarante mille hommes. Il crut le mo-

ment venu d'anéantir l'armée française.


Le 19, à la pointe du jour, la première colonne des
Turcs descendit le plateau en poussant des cris affreux

et s'élança de front sur les positions occupées par les


2e et 3 e brigades (Clouet et Achard), tandis que la

seconde colonne, formée des contingents de Constant


Une et d'Oran, se portait sur la droite comme pour
envelopper la l re brigade et la division Loverdo.
L'attaque fut impétueuse, et nos troupes furent un
moment surprises ; des janissaires vinrent planter
leurs drapeaux jusqu'au milieu de nos bivouacs. Mais
bientôt nos troupes reprirent l'offensive, et, marchant
en colonnes serrées, repoussèrent les assaillants sur
tous les points; puis les deux divisions, précédées
de l'artillerie de nouveau modèle, qui vomissait les

obus et la une célérité prodigieuse,


mitraille avec
; -
s'élancèrent avec un enthousiasme impossible à <lt
156 HISTOIRE

crire sur les redoutes construites en avant du camp


de Staouéli et sur leurs batteries, qui furent enlevi
en un instant.
La retraite des Turcs et des Arabes n'avait été
jusque-là qu'un combat continuel et acharné; mais
quand ils virent l'infanterie française s'emparer de
leurs batteries et franchir Le dernier retranchement
qui défendait leur camp, La peur et Le découragement
les saisirent, ils se rompirent et se dispersèrent de
toutes parts, abandonnant successivement leur- posi-
tions, leur artillerie, leur camp avec leurs Lent
leurs approvisionnements et pins de cenl chameaux.
Les Français les poursuivirent plus de quatre kilomè-
tres au delà du champ de bataille, el revinrent s'éta-
blir sur Le plateau de Staouéli, dans les tente- que
L'ennemi n'avait pas eu temps d'enlever, el dont
le

quelques-unes, celles de L'agha et des deux be


étaient d'une grande magnificence.
Les Français eurent, dans cette glorieuse journée,
appelée la bataille de staouéli , cinquante-sept hommes
tués el quatre cent soixante -seize blessés plus ou
moins grièvement. Leur perte, considérable au com-
mencement de l'action, devint presque nulle du mo-
ment où Leurs colonnes, ayant repris L'offensive,
renversèrent dans leur marche rapide tous les ennemis
qui se trouvèrent devant elles. Celle des Algérien
été évaluée à quatre à cinq mille hommes, dispropor-
tion qui n'a pas de quoi surprendre, à raison du rava
que faisait L'artillerie dans Leurs masses profondes. Le
résultat moral Put pins Important encore; car dès
jour le succès de L'expédition et La prise de La ville ne
lurent plus douteux.
Los doux premières divisions s'établirent â Staouéli
DE L'ALGÉRIE 157

et s'y fortifièrent; la route stratégique de Sidi-Ferruch


fut prolongée jusqu'à ce point.
L'armée resta dans ces positions jusqu'au 24 juin.
Le général attendait, pour marcher en avant, l'arrivée
du convoi qui portait la grosse artillerie , le train et les

équipages de siège. Mais cette immobilité ranima la

confiance des Arabes; Ibrahim-Agha, pensant que


nous n'osions ou que nous ne pouvions pas avancer,
recommença, dans la matinée du 24, une attaque plus
sérieuse encore que la première.
Cette fois, la division Berthezène, appuyée par une
partie de la division Loverdo et par tout ce que nous
avions de cavalerie, marcha contre l'ennemi avec le

même ordre, la même assurance, la même rapidité


de mouvement, et avec le même succès que dans la

journée du 19. Les Algériens ne résistèrent pas un


instant au choc de nos bataillons; on les poursuivit

jusqu'à huit kilomètres d'Alger, à l'extrémité du pla-


teau qui se lie au mont Boudjariah, l'une des hauteurs
les plus voisines de Le général en chef donna
la ville.

l'ordre à ses troupes de s'arrêter, au grand mécon-


tentement des soldats, ivres de leur victoire.

Cette affaire, qui reçut le nom de combat de Sidi-


Khalef, ne nous coûta que très peu de monde. Un
seul officier fut blessé mortellement dans cette jour-
née, Amédée de Bourmont, un des quatre fils que le

général en chef avait emmenés avec lui. Il reçut le

coup mortel à la tète de sa compagnie de grenadiers,


au moment où il s'élançait pour chasser l'ennemi d'un
jardin dans lequel il était embusqué '.

1
IImort deux jours après la prise d'Alger, le "juillet, des suites
est
« heureux peut-être, dit un de ses camarades
de sa blessure, M. de
Quatrc-Barbes Souvenirs de ta campagne d'Afrique, heureux de
158 HISTOIRE

Heureusement les raisons très graves qui impo-


saient a M. -le Bourmont une prudence que L'ennemi
prenait pour de la faiblesse allaient ne plus exister.
Des le lendemain même du combat de Sidi-Khalef,
le eonvoi chargé du matériel de L'artillerie mouilla
devant Sidi-Ferruch. Mais il fallait plusieurs jours
pour que ce matériel put être débarqué et rejoindre
l'armée.
La troisième division, qui jusque-là n'avait pu
donner, reçut l'ordre de prendre position sur le fient
de l'année. Les Arabes ne rent de nous harceler,
soil par leurs tirailleurs, suit par leurs batteri
qui des hauteurs voisines faisaient un feu presque
continu. La position que nos troupes occupaient
était désavantageuse; car elle était dominée par des
points importants, et il y avait bâte pour nous de
reprendre l'offensive, qui seule pouvait imposer
aux Arabes. Cinq jours pourtant se passèrent ainsi.

Enfin, le 28 au soir, l'année, les pai L'artillerie

et du génie turent réunis à Sidi-Abd-er-llbaman le ;

léral en chef donna pour le Lendemain l'ordre de

L'attaque.
Le 29, à la pointe du jour, année se mit en
1

marche, la première division en tête, la deuxième au


centre, la troisième à droite; L'artillerie et le génie
marchant dans les intervalles. Les troupes gravirent
avec ardeur le lioudjariab . et débusquèrent les Tin
qui Laissèrent en notre pouvoir Leur artillerie ap
un .anent tié- court. Le généra] en chef, qui
avait suivi les divisions lîerlbe/ène et des Cai
tout sod état-major, eut La satisfaction d'occuper dès

raoui ateodu i
ranl
d'être témoin
DE L'ALGÉRIE 159

le matin le point culminant du Boudjariah, d'où se


déployaient au-dessous de lui le fort l'Empereur, la

ville d'Alger, la Kasbah, tous les forts et les batteries


de la rade, le cap Matifou et la grande plaine de la

Métidja. Avant la fin du jour nos divisions cernaient


le terrain.
( ——

CHAPITRE II

ri l'Empereur. — Armement
batteri - l :
-- II [ue de la marine contre le port el
maritimes. — Erreur des Pures. — du for! l'Empereur. —
LLtT.t de n"~ batteries. — Lesjani >nt Bauter le fort l'Empereur,
et l'abandonnent. — t. —D sespoir du dey.
l 'i >; isilions incro] ablea qu'il t I

de ce dernier. — Nouveaux parlementaires. — Capitulation. — 1

de :
r par l'armée française. — Tributs i i ger
par les divers Etala de l'Europe l à A
— l'an imniea inventées par l'espril de parti. — I i

L'ex-dey. — Dépari lleurtrans Vburta. —


tioo d'une l reurs i omn
imissiou apparente d
de
Constantin* imellre. — l ncui siou du -

mont à Blidah. — Bon accueil qu'il


des Kabj les de l'Atl
— Poursuite acharnée des Kabyles. Mauvais effet produit — i


Mécontentement dans la viil
retraite. r. — Met
entre l'armée de terre et l'armée de mer. Sympl rolte —
dans la population iodi a ville. M pour la — - ;

venir. —
Le bey de ni clare dey d'Alg :;i une lettre :

*
de m. \l. de Bourmont. Inquiétudes du nouveau maréchal. —
— Relâchement dan- la discipline de armée. — Interruption des com- I

munications avec la Frai i


ne coi r< Ite de I
la

nouvelle de la Le dra|
révolution de juillet —
bore. — Evacuation de l'Oran.— Arrii
I luael

mme remplaçant de M. de Bourmont Départ du maréchal. —


liant spectacle.

On re< onnut bientôt que pour compléter L'investis-

sement de la place il fallait Be rendre maître du for!


DE L'ALGÉRIE 161

l'Empereur, situé à huit cents mètres de la ville, sur


une élévation qui domine les pentes et le plateau de
Mustapha. En conséquence il fut décidé qu'on s'em-
,

parerait de cette position avant de songer à attaquer


le corps de la place.
Le 30, de grand matin, les travaux de tranchée
commencèrent sous le feu très vif et très soutenu
des assiégés. Du 1
er
au 4 juillet, le travail des tran-
chées et des batteries fut quelquefois ralenti par le

feu de l'ennemi, qui mettait journellement hors de


combat une centaine d'hommes. Les Turcs tentèrent
aussi plusieurs sorties, mais sans succès, et ils ne
purent empêcher que les trois batteries de siège
(vingt-six pièces de gros calibre) ne fussent con-
struites et toutes armées, sous la direction du général
la Hitte, dans la nuit du 2 au 3 juillet, de manière
à pouvoir ouvrir le feu le lendemain 4, dès la pointe
du jour.
Pendant qu'on faisait ces préparatifs, le vice-amiral
Duperré faisait faire, par une division de sa flotte aux
ordres du contre-amiral Rosamel, une attaque sur les
batteries du port et des forts maritimes, pour attirer
du côté de la mer une partie des canonniers algériens.
Lui-même se chargea de diriger en personne une
autre attaque dans la journée du 3, pendant l'arme-
ment des batteries de la tranchée, et tous h s bâti- j

ments armés y prirent part ils défilèrent à demi- :

portée de canon, sous le feu des batteries algériennes,


où se trouvaient environ trois cents pièces d'artillerie,

depuis celles du fort des Anglais jusqu'à celles du


mole, en ripostant par des bordées qui jetèrent l'épou-
vante dans la partie basse de la ville. Cette canonnade
dura deux heures sans occasionner de graves dom-
n
161 HISTOIRE

mages de part ni d'autre; mais cette diversion utile


permit à l'armée de terre d'achever avec moins d'op-
position l'armement de sea battent
Jusque-là les Français n'ayant employé que quel-
ques petites pièces contre les sorties de L'ennemi
pendant la duréi des travaux de tranchée, la garnis
du fort L'Empereuf s'imaginait qu'ils n'avaient a.

eux que de l'artillerie de campagne, et Bemblait at-

tendre avec sécurité l'issue d'une pareille attaque


contre des remparts solides garni- de cent pi(

du plus fort calibre. Elle ne tarda pas à être tirée de


son erreur.
Le 4 juillet, aux premières lueurs de l'aurore, une
fusée volante donna le signal de L'attaque; à l'instant
toutes les batteries françaises turent démasquées, et

commencèrent à la fois le feu le plus terrible. La


oison du fort, à laquelle Le feu du fort Bab-Azoun
et celui de la Kasbab venaient en aide, tint bon, et

pendant quatre heures riposta vivement. Cependant


nus boulets de vingt-quatre et de Beize foudroyaient
les remparts et les terre-pleins des batteries ennemies
avec une rapidité et un effet inouïs. ( ni voyait à iliaque
instant des pans de murailles , des merlons
disparaître, des pièces renversées, des canonni
tués à nie-ure qu'ils se succédaient derrière le- ein-
brasures en ruines, pen tant que Les bombes el

i liais, toi ni tant coi unie la grêle dans l' intérieur du toit,

portaient La destruction el la mort, par Leur chute,


par leurs ricochets et leur explosion , parmi les bra
entassés dans ce petit réduit.
Malgré le feu épouvantable des bail. aies han.
le l'eu du château ne cessa tout à fait de leur répondre
que vers neiit hein- i. fous Les canons des remparts
DE L'ALGÉRIE 163

étaient renversés, les affûts brisés, les canonniers tués


ou dispersés, les casemates enfoncées; des monceaux
de cadavres couvraient les terre-pleins et le fossé du
réduit. Les faibles débris de la garnison s'étaient ré-
fugiés dans la tour avec la résolution d'y mourir. Mais
le dey , apprenant ces tristes détails , en fut effrayé ;

son orgueil opiniâtre céda enfin à la terreur, et il or-


donna de faire évacuer et sauter le fort, dans l'espoir
d'écraser les Français sous ses débris.
Nos artilleurs continuaient à battre en brèche et nos
soldats se préparaient à monter à l'assaut, quand une
détonation épouvantable se fit entendre, et couvrit le

bruit de notre artillerie une colonne épaisse


; et noire
qui s'élevait à près de deux cents mètres dans les airs,
s'élargissant dans sa base, enveloppa bientôt tout
l'horizon. Des pièces d'artillerie, des bombes, des
boulets, des poutres, des pierres énormes et des ca-
davres couvrirent en un instant les environs du châ-
teau, dont on n'aperçut les ruines qu'après que toutes
les matières pulvérisées par l'explosion eurent jonché
le sol. La partie supérieure de la tour avait disparu ;

les murailles des deux faces de l'enceinte étaient pres-


que entièrement renversées , les autres entr'ouvertes

de toutes parts.
Loin d'être intimidés par ce terrible spectacle, les
soldats français employés à la garde de la tranchée,
ayant à leur tête le général Hurel, se précipitèrent à
travers les débris fumants du château pour en prendre
possession. Mais les Algériens l'avaient abandonné,
ainsi que tout l'espace qui le sépare de la Kasbah.
Une immédiatement parmi les dé-
batterie dressée
combres du château lit taire le feu du fort Bab-Azoun
et de la Kasbah.
16-i HISTOIRE

Dès cet instant la ville. Livrée à la plus grande con-


fusion, était à nous.
Hussein -Dey, qui s'était imaginé, dit- on, que le

fort l'Empereur arrêterait Les Français jusqu'à la

saison des pluies, et qu'alors leur destruction sciait


facile, passa tout à coup d'une folle confiance au plus
grand abattement. Cependant il ue croyait pas que
tout fût fini pour lui alors même que nos canons domi-
naient la ville et la mettaient on ootre pouvoir. 11 ne
fallut moins que Les cris et les menaces de la
rien
population pour le décider à envoyer un de ses mi-
nistres (Sidi-Moustapha) auprès du général en chef
avec des propositions incroyables. Le de] offrait sérieu-

sement d'abandonner toutes ses créances sur la

France, de rembourser les irais de la guerre, de faire

^\c> excuses au roi, de rendre au commerce ais

tous ses privilèges et même de augmenter, si


les

les Français consentaient à quitter le pays. M. de


Hourmont répondit avec beaucoup de dignité qu'il

ne pouvait admettre aucune négociation avant L'oc-

cupation de la ville, qui devait se rendre à dis-

crétion.
Tandis que l'envoyé du dey Lui rapportait cette
réponse, les travaux de siège se poursuivaient avec
activité. Bientôt arrivèrent deux nouveaux parlemen-
taires, un Turc nommé Sidi- Mahmoud et un Maure
nommé Bouderba, qui, ayant habité Longtemps Mar-
seille, parlaient parfaitement la Langue française. Celui-
ci repi mie de BourOQOUt que
dre à discrétion seraient mal connu Ls par les Tui
qu'ils les regarderaient connue un sacriûce volontaire
qu'on exigeait de Leurs personnes, de Leurs les

et de leurs propriétés; que, dans opinion, Us


DE L'ALGÉRIE 16o

aimeraient mieux périr que de se soumettre, et que la


raine d'Alger et des richesses qui s'y trouvaient en
serait la suite inévitable.
Ces considérations déterminèrent le général français
à se relâcher un peu de la rigueur de ses conditions.
Après quelques pourparlers, le général arrêta les bases
d'une capitulation, dont nous croyons devoir repro-
duire ici les termes; car ce document mémorable a
ouvert à la France une ère nouvelle d'activité et de
richesses dont elle comprend aujourd'hui toute la gran-
deur et l'importance.

CONVENTION ENTRE LE GÉNÉRAL EN CHEF DE L ARMÉE


FRANÇAISE ET S. A. LE DEY D' ALGER

1° Le fort de la Kasbah, tous les autres forts qui


dépendent d'Alger et les portes de la ville seront remis
aux troupes françaises ce matin (5 juillet), à dix heures.
2° Le général de l'armée française s'engage envers

S. A. le dey d'Alger à lui laisser la libre possession de


ses richesses personnelles.
3° Le dey sera libre de se retirer avec sa famille et
ses richesses dans le lieu qu'il fixera, et tant qu'il
restera à Alger, il sera, lui et sa famille, sous la pro-
tectiondu général en chef de l'armée française une :

garde garantira la sûreté de sa personne et celle de


sa famille.
4° Le général assure à tous les membres de la milice

les mêmes avantages et la même protection.


5° L'exercice de la religion mahométane restera
libre ; la liberté de toutes les classes d'habitants, leur
religion, leurs propriétés, leur commerce et leur in-
166 HISTOIRE

dustrie ne recevront aucune atteinte; leurs femn


seront respectées; le général en chef on prend l'en-
_ement d'honneur.
G L'échange de cette convention sera faite avant
dix heures du matin, et les troupes Iran entreront
aussitôt après dans la Kasbah, el s'établiront dans Les

forts de la ville et de la marine.

Hussf.in- Tacha.

Comte de Bourmont.

A l'heure dite, les troupes entrèrent , en effet , dans


la ville, et nul désordre, nulle violence, ne signalèrent
oette prise de pu- m. L'escadre, qui croisait

devant Alger, vint mouiller dans la rade dès qu'elle vit

(lutter sur le- forts de la ville le pavillon Iran.


Ainsi tombait la Buperbe i
-'< sa <
. cette puis-
sance monstrueuse fondée sur la piraU rie ,
après trois
siècles de brigandages impunément exercés sur les

nations chrétiennes; ainsi L'épée de la France venait


do briser le joug honteux qu'elles subissaient et cou-
raient par des tributs, un des présents consu-
laires non moins humiliants que les tributs. La na-
vigation de la Méditerranée était rendue libre, et
l'aurore de la civilisation du christianisme renaissait
[jour l'Afrique -.

1

lire les II t le nom qui
le quelq qui ût ranl la rille, 1
1 «jm
ont élë réunis A la lerre f'-rm i<m naei le i

> Voici la li-!'- des Iributa i r lee div< bu


l'Alger* — i un tribut annuel d<
DE L'ALGÉRIE 167

Le premier soin du général en chef, en entrant


dans la Kasbah, fut de faire reconnaître par une
commission l'existence du trésor public, contenu
dans une suite de cinq ou six pièces soigneusement
fermées et voûtées. Cette commission, composée de
trois membres, MM. le général Tholozé, le baron
Denniée, intendant en chef, et Firino, payeur gé-
néral, fit l'inventaire des diverses sommes et valeurs
en or, argent et bijoux, qui composaient ce trésor,
et qui se montaient au chiffre de 48,684,527 fr.

94 centimes.
En ajoutant à ce trésor la valeur des laines et des
denrées trouvées dans les magasins de la régence,
portée à trois millions de francs , et celle de sept cents
bouches à feu en bronze, estimése comme métal brut
à quatre millions de francs, il résultait un total de
55,684,527 fr. pour premier fruit de cette glorieuse
conquête, somme supérieure d'environ sept millions
aux dépenses qu'elle avait occasionnées, et qui s'é-

piastres fortes, et fournissaient des présents évalués à 20,000 piastres


fortes. — La Sardaigne devait à l'Angleterre de ne pas payer de tribut;
mais à chaque changement de consul elle donnait une somme considé-
rable. — Les Etats de l'Eglise, protégés par la France, ne payaient ni
tribut ni présent consulaire. —
Le Portugal subissait les mêmes condi-
tions que les Deux-Siciles. —
L'Espagne donnait des présents à chaque
renouvellement de consul. —
L'Autriche, par la médiation de la Porte,
était affranchie du tribut et des présents. —
L'Angleterre devait 600 liv.
sterling à chaque changement de consul, malgré la convention obtenue
en 1816 par lord Exmouth. —La Hollande devait, comme l'Angleterre,
un présent. —
Les Etals-Unis, le Hanovre et Brème avaient adopté le
même arrangement. —
La Suède et le Danemark fournissaient annuel-
lement des matériaux de guerre et des munitions pour une valeur de
4,000 piastres fortes. ('.<> États payaient es outre tous les dix ans 10,000
piastres fortes et un présent à chaque renouvellement de consul. La —
France elle-même faisait des cadeaux au dey à l'occasion de la nomi
nation de chaque nouveau consul. —
La piastre forte, ou d'Espagne,
vaut un peu plus de 5 fr. de notre monnaie.
HISTOIRE

taicnt élevées, d'après les documents officiels, à


48,500,000 fr. A quoi Ton pouvait ajouter le prix esti-
matif de huit cents autres pièces de canon en fonte,
celui d'une immense quantité de projectiles, de poudre
de guerre et de munitions, ainsi que la valeur
propriétés publiques, qui dans la capil repre-
naient la moitié des maisons, moitié estimée à plus
de cinquante millions de lianes. Une gran le partie du
or, à peine inventoriée, fut expédiée en France
sur les vaisseaux de L'escadre.
Ce serait peut-être ici le lieu de relever la faus-
seté des accusations odieuses dû contre l'ar-

mée d'Afrique et ses chefs, qui auraient, disait- on,


dilapidé une partie de ce trésor; mais une enquête
sévère, faite postérieurement à L'époque où M. de
lîourmont avait » L'exercer l'autorité de
néral en chef, a démontré jusqu'à la dernière évi-
nce la fausseté - allégations, inventées par
l'esprit de parti, et depuis Longtemps tombées dans
l'oubli.

Alger conquis, la présence de Hussein- Dey et de


la milice turque ou des janissaires y devenait embar-
ssante pour les vainqueurs. La vie de l'ex-dey
n'était pas en sûreté au milieu même des janis
irrités, qui attribuaient leurs malheurs, les uns
opiniâtre orgueil, les autres i faibl el l'on

tit ju^ é prudent


r
de lui donner poui le une
compagnie de grenadiers. On Le pressait donc dte

partir, en lui laissant le choix de 3a retraite. A;


quelque hésitation, il se décida pourNaples, Le
neral en chef y consentit. L'amiral Duperrémit .

disposition la frégate la Jeanne d'A et il lut em-


barqué Le 10 juillet avec ^<»n trésor particule due
DE L ALGERIE 169

à plusieurs millions), son harem, qui se composait de


trois femmes, avec Ibrahim -Agha, son gendre, sa

famillle, et une suite d'environ cent personnes des


deux sexes !
.

Le départ de l'ex-dey fut suivi de celui d'une grande


partie des janissaires non mariés qui occupaient les
casernes d'Alger, et qui furent embarqués au nombre
d'environ quinze cents. On leur fit délivrer à chacun,
au moment de leur départ, cinq piastres d'Espagne.
La même faveur fut accordée aux hommes mariés
qui demandèrent à partir, ainsi qu'à chacun de leurs
enfants, et ils furent, aux frais de la France, con-
duits d'Alger jusqu'à Vourla, près de Smyrne, sur
les côtes de l'Asie Mineure, où ils portèrent à la fois

la nouvelle de la conquête et le témoignage de la

générosité du vainqueur. Ils ne purent se défendre


d'en manifester leur étonnement et leur reconnais-
sance. Les autres furent autorisés à rester jusqu'à ce
qu'ils pussent se défaire de leurs meubles et de leurs
biens-fonds. On les désarma, ils promirent de rester
tranquilles, et tout reprit dans Alger l'aspect de la
confiance et de la paix.
Le premier M. de Bourmont
acte administratif de
fut la création d'une commission de gouvernement.

Cette commission était chargée, sous l'autorité immé-


diate du général en chef, de pourvoir provisoirement
aux exigences des divers services, d'étudier et de
proposer un système d'organisation pour la ville et le
territoire d'Alger. Un arrêté créa en même temps une
sorte de conseil municipal, composé de Maures et

1
Après avoir habité Xaples quelque temps, Hussein-Dey vint ?•

fixer à Livourne; puis il alla habiter Alexandrie en Egypte, où il esl

mort en 1
170 HISTOIRE

de Juifs, sous la direction d'un Lieutenant généra] de


police, qui était en même
temps membre du conseil
du gouvernement (M. d'Aubignosc). Ces mesui
lurent loin de produire les effets avantageux qu'on
en avait espérés. L'ignorance où Ton était des mœurs
et des préjugés de La population, ou plutôt d< - popu-
lations diverses qu'il s'agissait de gouverner, lit com-
mettre do graves erreurs, d'où résultèrent de grands
désordres administratifs et L'amoindrissement de notre
influence.
On que la prise et La pacification d'Al-
s'était flatté

ger entraîneraient la soumission des tribus arabes qui


étaient retournées dans leurs montagnes, et Burtout
celle des chefs ou beys des trois provinces. Le bey <\r

Tittery fut le premier à venir l'aire la sienne : i

rendit de sa personne à la Kasbah; il jura solennelle-


ment d vaut Le cadi turc obéissance et fidélité à la

France, et, malgré Les avis qui Le représentaient


comme un homme fourbe et sans foi, on Le confirma
dans Le gouvernement de sa provint
Le bey d'Oran ne refusait peint de faire sa sou-
mission, ni CÛÔme de remettre la place d'Oran et BOS
dépendances aux Français; mais, sens prétexte de
son grand âge, il ne voulait pas consentir à garder
le gouvernement de La provin ;e au nom de bos con-
quérants. Le généra] en cbef Lui envoya son ûls aîné

pour recevoir Ba soumission. Le vieux Turc, pour


donnerune preuve de sa franchise, remit Le fort de
Mers-el- LCébir un détachement de marins pris dans
à

Le équipages des deux bricks de guerre qui avaient


amené Le Ois du général, et il offril de recevoir
rnison française dans La ville môme d'Oran; on
mvoya, en effet , Le 24 êgiment de Ligne, dont
DE L'ALGÉRIE 171

le colonel (Goutefrey) remplit les fonctions de gou-


verneur.
Pendant que le fils aîné du général remplissait heu-
reusement cette mission, une division de la flotte,
sous les ordres du contre- amiral Rosamel, portait du
côté de Bone une brigade d'infanterie, accompagnée
d'une batterie de campagne et d'un détachement de
sapeurs du génie. Cette expédition, commandée par
le maréchal de camp comte Damrémont, eut tout
le succès qu'on en espérait elle avait été demandée
:

par les habitants de la ville, souvent victimes du bri-


gandage des Kabyles, qui habitent les montagnes
Le peuple de Bone accueillit les Français
voisines.
comme des libérateurs. Le général Damrémont fit
aussitôt réparer la citadelle (kasbah), et élever des
retranchements armés de canons sur les points les

plus abordables de la ville. Ces précautions ne furent


point inutiles ; car il eut à soutenir plusieurs attaques
de la part des Kabyles, excités par le bey de Constan-
tine, qui, loin de se soumettre, restait toujours en
armes et ne daignait pas répondre aux lettres écrites
par le général en chef pour qu'il imitât les beys d'Oran
et de Tittery.
Celui-ci, qui, comme nous l'avons vu, avait le pre-
mier fait sa soumission, avait engagé le général de
Bourmont à faire une tournée jusqu'au pied de l'Atlas

et à visiter la ville de Blidah assurant que


, la présence
du chef de l'armée française aurait pour effet immé-
diat la soumission de toute la province.
Plusieurs notables d'Alger représentèrent à M. de
Bourmont que le bey de Tittery, reconnu dans le pays
comme le plus fourbi' 'les hommes, travaillait à l'at-

tirer dans un piège, et ils le conjurèrent de ne pas


172 HISTOIRE

s'aventurer aussi loin de la capitale avant de s'être


nré des dispositions amicales de toutes les peu-
plades environnantes; mais le comte de Hourmont
avait promis d'aller à Blidah pour voir par lui-même
l'étatdu pays et prévenir les troubles dont on le
menaçait. Le 23 juillet, il sortit d'Alger à quai
heures du matin, accompagné de plusieurs généraux,
d'une foule d'officiers d'état-major, avec quinze cents
hommes d'infanterie, un escadron de chasseurs et une
demi-batterie de campagne. On ne croyait avoir à
faire qu'une promenade militaire, et la marche ne fut.

en effet, interrompue que par d oupes d'Aral


qui venaient apporter au général l'hommage de leur
soumission. On traversa -ans obstacle les hauteurs
qui s'élèvent en amphithéâtre au-dessus d'Alger, sur
une mauvaise route, où se distinguaient encore
tes d'une ancienne voie romaine : et Ton se trouva,
après avoir franchi un des affluents de l'Habrach,
dans cette vaste plaine de la Méiidja. plane comme la

surface de la mer, s'étendant à perte de vue dans le

son- de sa longueur, bornée au sud par le petit Atlas,


et au nord par la ligne de coteaux qui la séparent de
la mer et de Sidi-Ferruch. Ces plaines, incultes à

coite époque, offraient des pâturages abondants, et

des bouquets d'arbres en rompaient l'uniformité.

Niais à mesure qu'on approchai! de l'Atlas, le paya


s'embellissail de vastes champs de lauriers-ros
:

des haies tontine- de huit i-<pios , .l'olivier-, d'OÛ Sor-


taient de larges feuilles d'aloés et le ues
de Barbai le, des champs de tabac et de maî
hlés COUpéS et dos vi léjà

mûres, annonçaient un pays fertile, cultivé, et nue


population civilisée. Les troupe- marchaient depuis
DE L'ALGERIE 173

douze heures par une chaleur brûlante, mais tem-


pérée par une brise légère, lorsqu'on aperçut, au
travers des jardins qui environnent la ville, les mi-
narets de Blidah. Toute la population mâle en était
sortie pour venir au-devant des Français, et leur offrir
des rafraîchissements et des fruits de toute espèce,
qu'ils payèrent généreusement. Ils furent reçus dans

la ville avec de grands témoignages de satisfaction , et

une nuit tranquille leur fit oublier les fatigues de la


veille.

La journée du lendemain se passa encore dans la


plus parfaite tranquillité ; cependant des groupes de
Kabyles descendus de l'Atlas se montrèrent vers le

soir, en assez grand nombre, jusque dans la ville, où


leur présence semblait donner de l'inquiétude aux
habitants eux-mêmes. A onze heures du soir, quelques
coups de fusil se firent entendre autour de la maison
occupée par le général en chef. M. de Trelan, son
premier aide de camp, ayant voulu sortir pour voir ce
qui se passait, fut bientôt rapporté blessé mortelle-
ment d'une balle, et les bivouacs français furent
inopinément attaqués une fusillade assez vive s'en-
:

gagea sur toute la ligne; on n'eut que le temps de se


mettre en défense et d'opérer un mouvement de re-
traite. Les Kabyles arrivaient de tous côtés et atta-

quaient partout avec audace, sans se laisser intimider


par les décharges de l'artillerie. Cependant on se
forma ; on se mit en marche pour retourner à Alger,
avec des tirailleurs pour avant-garde et la cavalerie

sur les lianes. Cette marche fut longue et périlleuse ;

des nuées de Kabyles harcelaient nos troupes avec


une audace et un acharnement qu'ils n'avaient jamais
montrés. Plusieurs fois on fut obligé de se former en
17', HISTOIRE

carré et d'employer l'artillerie pour les éloigner. I

Kabyles ne cessl renl leurs attaques et ne s'éloignèrent


<ju'à la vue des avant-postes d'Alger, près du pont de
L'Habrach.
Cette excursion, dont le but était manqué, donna
la triste certitude que la population arabe ou kabyle
était loin d'être soumise, commeon s'en était flatté;

Les négociations commencées avec quelques cbeiks


ou cbefs de tribu furent rompues. Cette retraite
précipitée, quoiqu'elle eût encore montré L'immense
supériorité des troupes françaises sur o
n'en détruisit pas moins Le prestige dont elles avaient
joui jusqu'alors. Le bruit courut rapidement, dans
toutes les tribus arabes, que les Français avaient t''té
cbassés honteusement de Blidah; et comme on né-
gligea de tirer une prompte vengeance de icte

d'hostilité, les environs d'Alger se couvrirent bientôt


de brigands audacieux qui pillaient Les cultivateu
arrêtaient les caravanes qui apportaient des subsis-
tances dans la ville, et venaient macérer jusqu'à
portes les malheureui Français qui s'éloignaient un
peu de leurs cantonnements.
Dans AJger même. L'harmonie qui avait régné d'a-
bord entre les vainqueurs et les naturels du p
diminuait et se détruisait visiblement de jour en jour.
I. 3 uns L'attribuaient à L'importance trop grande
ordée aux Juifs; Les autres, à des infidélités, dans
Le commerce avec les arabes, sur la valeur des mon-
naies; quelques observateurs plus . à la Fai-

blesse de L'administration et à La mésintelli qui


régnait entre les états-majors de terre et de mer,
qui contribua à exciter cette mésintelligence fut

L'inégalité qu'on crut remarquer dans I


tmpen
DE L'ALGERIE 175

accordées aux deux chefs de l'expédition : tandis que


M. de Bourmont était élevé à la dignité de maréchal
de France (ordonnance du 14 juillet), le vice-amiral
Duperré était seulement nommé pair de France. D'un
autre côté, on avait chicané dans le cabinet sur les
récompenses à accorder à l'armée ; on les avait trou-
vées trop nombreuses, et ces propositions avaient été
renvoyées à M. de Bourmont pour être réduites. Ce
fut pour un chagrin réel, et pour beaucoup d'offi-
lui

ciers un sujet de vif mécontentement. Le maréchal se


vit, bien malgré lui, obligé de refaire un nouveau

travail ; mais lorsque les dépêches qui le contenaient


arrivèrent à Paris, Charles X n'était plus sur le

trône.
Ce fut au milieu de ces contrariétés que de graves
symptômes de révolte se manifestèrent à Alger. Une
partie des habitants de cette ville, et les Turcs qu'on
avait autorisés à y rester, commençaient à montrer
ouvertement leur haine contre les Français; ils entre-
tenaient des intelligences avec le bey de Tittery et
les chefs de plusieurs tribus kabyles. Leur projet était
d'exterminer en une nuit toute l'armée. Une bande
de Turcs osa même attaquer à force ouverte la porte
Bab-Azoun, et massacra plusieurs soldats du poste.
Elle fut cernée, et bientôt contrainte de se rendre.
Un de ceux qui la composaient lit des aveux sur le

complot, sa nature et son étendue. La découverte de


dépôts d'armes justifia la vérité de ces révélations.
Quelques individus furent arrêtés, jugés par une com-
mission militaire et pendus. En même temps tous les
Turcs qui se trouvaient encore dans Alger furent em-
barqués, et conduits à Smyrne avec leurs femmes et
leurs enfants.
i7o HISTOIRE

Ces mesures rétablirent un peu le calme et la

uité dans la ville : mais les Arabes continuèrent à


infester les dehors, de manière à empêcher Les

de culture que l'on commençait à faire. Le bey de


Tittery, dont la participation au complot était évi-
':
dente, leva lemasque; il prit le titre de dey d
et écrivit au comte de Bourmont une lette insolente en
forme de déclaration de guerre, dans laquelle il lui

annonçait qu'il rompait avec lui, et qu'il serait bientôt


sous les murs d'Alger avec une armée de deux cent
mille bomim
3 menaces n'étaient pas de nature à inquiéter
le nouveau maréchal; mais. - parler de ba- :
\
-

. d'autres sujets d'alarmes venaient


le troubler et lui rendre amers les fruits
toire. La conquête ne datait que d'un mois; mais déjà
l'enthousiasme des premiers succès avait fait p!

au découragement, le pi de la confl lux


inquiétudes de l'avenir, l'élan g m de la frai

uité militaire à des querelles de corps et d'individus.


L'année, bl( lu retard apporté aux récompen
qu'elle croyait avoir si bien acquises et de L'indiffé-

rence qu'elle supposait en être la eau- . mmei.


a se relâcher dans sa discipline; elle était en outre
ravi par des lièvres dysentériques, qui en -

nt en quelqir maines pins de deux mille


bomme
A tour i d'inquiétudes vint s'ajouter l'in-
terruption des nouvelles de France. 1 tnmuni -

lions, bî actives jusqu'alors entre la métropole et la

nouvelle colonie, avaient i tout à coup; pendant


les dix premiers jours d'août, pas un navire n'ari

France. Cette interruption extraordinaire donna


DE L'ALGERIE 177

lieu à mille conjectures vagues à mille bruits sinistres


,

qui circulaient dans l'armée.


Enfin, le 11 août, on aperçut un navire à l'horizon ;

toutes les lunettes braquées dessus cherchaient le


signe de sa nationalité. Bientôt on reconnut une cor-
vette de guerre ; mais le pavillon tricolore flottait à
sa poupe et en tête de ses mâts. On eut quelques
instants de doute ; bientôt il fut éclairci. Le bâtiment
approchait, et les couleurs devenaient de plus en plus
visibles; on ne pouvait plus hésiter : c'était un navire
français.
On peut facilement imaginer les sentiments divers
qui agitèrent cette population, depuis trois mois ab-
sente de lamère patrie. La corvette, avant de mouiller
sur rade, amena son pavillon elle apportait au mare- ;

chai de Bourmont des dépèches qu'il essaya d'abord


de tenir secrètes; mais déjà la grande nouvelle s'était

répandue sur la flotte, et circula bientôt dans tous les

rangs de l'armée de terre.


Une révolution venait d'éclater en France ; la

branche ainée des Bourbons avait été renversée du


trône, et l'on avait élevé au pouvoir le chef de la

branche cadette avec le titre de lieutenant général


du royaume. L'amiral Duperré descendit à terre; il

eut avec le maréchal de longues conférences et ; le

surlendemain, d'un commun accord, le pavillon trico-

lore fut hissé sur toutes les batteries de la ville, à bord


de tous les navires de l'escadre, et salué de salves
d'artillerie.

Le maréchal de Bourmont se résigna à reconnaître


l'autorité du lieutenant général du royaume, comme

gouvernant au nom de Henri V, et, en attendant de


nouvelles dépèches, il fit évacuer Bone et Oran, où
12
17€ HISTOIRE

la du peu de troupes qu'on y avait en-


situation
voyées était devenue périlleuse. La nouvelle de
l'avènement du roi Louis - Philippe redoubla l'em-
barras de sa position; la défiance de l'année acheva
d'y relâcher tons les liens de la discipline ; mais
l'arrivée du général Qausel, envoyé pour le rem-
placer, vint mettre un terme à ces angoi il à ces
désordi
Le maréchal de Bourmont, qui n'avait consenti
à conserver le pouvoir que jusqu'à l'arrivée de
successeur, se hâta de lui remettre les papiers de
l'expédition, et une lettre pour le ministre de La

guerre, auquel il annonçait l'intention de pi-


quelque temps à L'étranger. L'amiral Duperré lui

ayant refusé un bâtiment de l'État pour le conduire


autre part qu'en France, M. de Bourmont fréta un
petit bâtiment autrichien qui se rendait à Mal
avec huit hommes d'équipage. 11 >'y embarqua
avec deux de ses fils et deux domestiques pour toute
escorte. Les honneurs militaires dus à son
lui furent rendus au moment du départ. Ce fut un
spectacle touchant «pie celui de ce vieux soldat ab
donnant pour jamais le sol qu'il venait de con-
quérir, et quittant avec si peu d'éclat la ville dans la-

quelle il était entré peu de jours auparavant en triom-


phateur.
« Le maréchal et ses deux fils, dit un témoin ocu-
laire, jetaient en partant un dernier regard sur cette
terre, théâtre de tant de gloire et d'inconsolables
douleurs. Deux matelots avaient pour transporter suffi

les bagages du généra] qui moins de trois mois aupa-


,

ravant, avait traversé C6S mers à la tête de mille


Vaisseau*. Des cent millions delà conquête il n'em-
DE L'ALGÉRIE 179

portait qu'un seul trésor : le cœur embaumé de son


malheureux fils
!
. »

1
Théodore de Quatrebarbes, Souvenirs de la campagne d'Afrique.
On que le maréchal de Bourmont, après avoir tenté inutilement de
sait
relever la cause royale en armant la Vendée (1832), se mit au service
de don Miguel, en Portugal, mais sans obtenir plus de succès. Ayant
enfin renoncé à tout rôle politique, il put rentrer en France et y finir
ses jours; il est mort en 1846, dans son château de Bourmont.
CHAPITRE III

Population imli^ène au moment de la conquête. — I


•- Maîtres. -

Turcs. —
Les koulouglii. Les Juifs. —1. •- — I.— Arabes.
— Les Kabyles vu. Berbères. — Organisation des tni'U.-. - Différt

des tribus arabes et des tribus kabyles. — Costun

Avant de poursuivre Le récit des diverses phases de


notre conquête de l'Algérie, il est à propos de parler
des populations indigènes que UOUS trouvâmes éta-
blies à notre arrivée dans cette contrée.
-
populations >e composaientcomposent et Be

encore d'Arabes, de Berbères ou Kabyles, de Main


de koulouglis, de Turcs, de. Unis et de nègres.
L'Arabe et le Kabyle sont les deux éléments fonda-
mentaux de la population indigène. Les antres n'occu
pent qu'une place secondaire.
Le Maine est L'habitant des villes, et surtout des
villes du littoral. Le koulougli, dont Le nom est turc,

et Bigniûe Littéralement fils d'esclave, est Le produit dea

unions contractées par Les Turcs de L'odjac avec Les

femmes de L'Algérie. Nous allons dire en peu de mots


quelle est La position d différentes classes dans la

population algérienne.
HISTOIRE DE L'ALGÉRIE 181

Maures. — Les Maures de nos jours ne descen-


dent point, comme leur nom pourrait le faire sup-
poser, des anciens habitants de la Mauritanie; ils

n'ont de commun avec eux que d'habiter la même


contrée que les anciens Mauritaniens, dont la race
a disparu dans les invasions qu'a subies l'Afrique.
Quant au Maure actuel, il constitue une de ces
espèces indéterminées et bâtardes qui se définissent
négativement. Ce n'est ni l'Arabe, ni le Kabyle, ni
le koulougli, ni le Turc, ni le Juif, ni le nègre;
c'est le résidu de la population des villes quand on
en a La plupart
extrait ces six classes d'habitants.
d'entre eux ignorent leur origine; un grand nombre
proviennent des Andalous, ou musulmans chassés
d'Espagne; d'autres se prétendent issus de quelque
tribu de l'intérieur, et rentreraient à ce titre dans
l'une des deux catégories arabe ou kabyle, ou peut-
être même descendraient-ils réellement des anciens
habitants de la Mauritanie. Mais la plus grande partie
descend de ces renégats de toutes les nations qui,

sous la domination des corsaires, venaient chercher


dans les ports ou sur les navires barbaresques un
refuge contre les lois de leur pays. Au reste, la classe
des Maures est peu nombreuse; c'est à peine si dans
toute l'Algérie on parviendrait à en réunir dix mille ;

elle est d'ailleurs peu recommandable et générale-


ment méprisée; dans le contact des Européens, elle
a pris presque tous les vices de la civilisation, sans
perdre aucun de ceux qu'elle devait à la barbarie.

Turcs. — Les Turcs, qui formaient la milice algé-

rienne ou l'odjac, ne tiraient, pour la plupart, pas


plus leur origine de la Turquie que les Maures des
182 HISTOIRE

anciens habitants de la Mauritanie. Il y avait «L'-


Albanais, des Circassiens, des Épirotes, et jusqu'à
des Maltais et des renégats siciliens ou grecs. Noua
avons vu qu'une des premières mesures prises |

l'autorité française en L830 fut de se débarrasser de


la plus grande partie des janissaires établis à Alger.
Mus tard, presque tous ceui qui restaient dans Les

provinces, et notamment à Bone, à Oran et à Gon-


stantine, à Mostaganem, ont pris du service dan»
l'armée française et ont formé le noyau des premi
corps indigènes que nous avons organisés. D'auta
vieux et infirmes, sont restés dans nos villes du litto-

ral, et aujourd'hui le nombre en est tellement réduit,

qu'il est insignifiant.

Knri.ni «.us. — Les races en Afrique restent Long-


temps distinctes. Les koulouglis, qui, comme nous
l'avons dit, descendent des Turcs et des femmes in-
digènes, auraient dû, à ce qu'il semble, se mêler à

la race d'où sortaient leurs mères, puisque L'odjac


refusait de les admettre dans ses rangs. Il n'en a pas
été ainsi, et les koulouglis forment une race à part,

qui compose aujourd'hui plusieurs groupes intéres-


sants. Mn 1830, Us occupaient la ville de Tlemcen;
ils occupent encore plusieurs quartiers de Biskra et

de quelques autres villes; ils composent la popula-


tion de deux tribus COnsidérabl lie de Xauiiimra.
située sur la limite méridionale de La ELabylie, et
celle des Xouatu a ,
établie BUr les 1 LVOS de L'Isser et de
L'Oued-Zitoun, un de ses affluents, à quarante kilo-
mètres sud-est d'Alger. Au moment de La déchéance
des Turcs, les koulouglis se virent en butte aux at-
taques des tribus arabes et berbères qui Les entou-
DE L'ALGERIE 183

raient. Ils n'eurent d'autre ressource que de se jeter


dans les bras de la France. C'est ainsi que la garni-
son de Tlemcen et la colonie de TOued-Zitoun se
sont les premières détachées du massif indigène, et
sont venues se ranger sous nos lois , alors que l'auto-
rité française en Algérie ignorait leur existence. De-
puis cette époque, les koulouglis ont toujours fait
cause commune avec nous, et beaucoup d'entre eux
ont pris du service dans notre infanterie indigène,
où ils se sont toujours conduits en braves et fidèles
soldats.Dans notre armée on les désigne générale-
ment sous le nom de Turcos. Le nombre des koulou-
glis en Algérie peut s'élever à environ vingt mille.

Juifs. — Les Juifs, qui furent nos premiers mé-


diateurs et nos premiers interprètes en Algérie, y
avaient obtenu dès longtemps le droit de cité, malgré
larépugnance prononcée que les musulmans et sur-
tout les barbaresques leur ont toujours témoignée.
Fidèles à la loi de leur grande et mystérieuse des-
tinée, ils sont là, comme partout, comme toujours,
les agents et souvent les martyrs d'un rapproche-
ment providentiel entre des peuples et des cultes
rivaux.
Il une seule ville de l'intérieur qui ne
n'est pas
compte des Israélites parmi ses habitants. Il y en a
dans toutes les cités éparses du Sahara, à Tuggurt, à
Bou-Sada, dans l'Oued -Mzab, etc.
Beaucoup de familles juives se sont même éta-
blies dans les tribus, où elles vivent à l'état nomade,
se conformant aux usages de la localité, et habitant
la tente ou le gourbi comme les peuples au milieu
desquels elles vivent. Quelquefois les Juifs des tribus
r84 EflSTOIRE

se livrent à l'agriculture; mais leur industrie de pré-


dilection est le colportage ou l'orfèvrerie.
La plupart des tribus ne font pas difficulté de les
admettre, excepté les tribus kabyles qui habitent
vers le sommet des versants nord du Djurjura : celles-

ci se montrent inexorables pour les Juifs, tandis que


le montre facile envers eux.
reste de la Kabylie se
Mais ces tribus n'ont elles-mêmes d'autres moyens
d'existence que les industries de colporteur et d'or-
fèvre; l'exclusion prononcée par elles contre Les Juifs

tient donc moins à une antipathie religieuse qu'à une


rivalité de professions.
Le peuple israélite a pénétré jusque dans les pro-
fondeurs -le l'Afrique centrale. On rencontre des Juifs
parmi les trafiquants nègres qui font le commerce
de la poudre d'or. Ils correspondent, pour les inté-

rêts de leur négoce, avec Leurs coreligionnaires éta-


blis à Timienoun, dans L'oasis de Touât, et à Metlili,

sur les confins de L'Algérie.


D'après le recensement de 1851 ,
publié en 185 I

par le ministère de la guerre, la population juive


h\ée dans les villes de L'Algérie B'élevait à *J1 i>i s

individus. Celle qui était éparse dans les tribus, et


dont le chiffre ne peut être déterminé d'une main
>st évaluée environ à quarante nul!- . qui
port «Tait à un peu plus d< 4
soixante mille la totalité

dos Israélites algériens.

\ s, Les ! de L'Algél Le proviennent


des i aravanes qui amenaient dans les Etats barba-
re les esclaves achetés dans L'intérieur, pour
les vendiv musulmans du nord de l'Afrique.
;iu\

L'esclavage chez Les musulmans ne ressemble ou


DE L'ALGÉRIE 185

rien à ce qu'il était dans les colonies d'Amérique, et


à ce qu'il est encore dans plusieurs parties de cette
contrée, notamment aux États-Unis l'esclave, chez :

les musulmans, est traité avec la plus grande dou-


ceur; il fait partie de la famille, et s'y incorpore
souvent par les liens du sang.
Aussi gouvernement français avait-il sagement
le

agi dans le principe en s'abstenant de toute mesure


violente pour supprimer un usage que la force des
choses devait faire disparaître; seulement, partout
où le drapeau français était arboré , sa présence suf-
fisait pour faire cesser la vente des esclaves aux en-
chères. C'était comme un hommage spontané rendu
par la population conquise aux mœurs, aux prin-
cipes et aux répugnances du peuple conquérant.
La république de 1848 s'est hâtée de proclamer
l'abolition de l'esclavage; mais cette mesure a jeté
la perturbation dans un grand nombre de familles
musulmanes; « et nous avons vu, dit M. Carette plus ,

d'un esclave regretter, en face de la misère, la chaîne


légère et douce qui lui assurait chaque jour son pain
du lendemain » 1
.

« Depuis 1839, les importations de nègres en Al-


gérie, continue le même écrivain, étant devenues
chaque jour plus rares, la population esclave avait
encore diminué par le départ des grandes familles
turques et par l'appauvrissement des autres. Le
temps n'était pas éloigné où elle ne devait plus se
renouveler que par les naissances. »

Le recensement de 1844 a constaté qu'il existait,


au 31 décembre 1843, dans le ressort de l'adminis-

1
Algérie, par M. Carette, capitaine du génie.
I£ HISTOIRE

tration civile, 1,505 nègres Libres, et 1.-77 esclav<


D'après le recensement de 1851 , la population nèg
s'élevait à 3,488, ce qui accuserait une augmenta-
tion de G1G Individus de cette classe sur le recense-
ment précédent; mais c'est le contraire qui existe, et

cette prétendue augmentation ne vient que de ce que


le territoire civil s'est accru lui-même depuis 1844,
et que le dernier recensement a porté sur un bien
plus grand nombre de localités que le premier. Du
reste, on évalue approximativement à quinze mille
le nombre total des nègres répandus but toute la
surface de l'Algérie.

ARABES. —
Les diverses classes dont nous venons
de parler habitent principalement les villes, et ne
sont, comme nous l'avons «lit, que la partie secondaire
de la population du pays. Le peuple campagnes
<les

est bien autrement important, bi< n autrement nmn-


breux, il forme la base de la population algérienne.
Cette population se divise en deux grandes cl

Les Arabes e| les Kabyles.


Quelques échantillons de ces deux races se ren-
contrent même dans le sein des villes. Ils y paraissent
à divers titre- : l.-s uns viennent y vendre Les pro-
duits de la campagne, et y acheter quelques 1
1
Mes

et des mercerie-: le- autres viennent y chercher du


travail, et y séjournent même plusieurs années, dan-

L'espoir d'amasser un petit pécule, et .l'acheter du


produit de Leurs économies une maisonnette et un
jardin, soi! dans L'oasis, soit dans la montagne na-
tale; c'est cet <•
poir qui fait accepter au Berbère
do i;i ILabylie, à L'Arabe du Sahara, la résidence
temporaire de dos villes.
DE L'ALGÉRIE 181

Les Arabes de l'Algérie sont les descendants de


ceux que nous avons vus envahir l'Afrique dans le
premier siècle de l'islamisme. Ils sont encore au-
jourd'hui ce qu'ils étaient alors, ce qu'ils étaient
quinze siècles avant Jésus -Christ, quand Moïse,
dans la Genèse, indiquait leur caractère avec cette

admirable précision : « Ismaël sera un homme lier

« et farouche. Sa main sera levée contre tous, et la

« main de tous contre lui; il plantera ses tentes en


« face de ses frères. » En d'autres termes, il leur
fera la guerre, il se lèvera contre eux, il se placera
en adversaire.
Moïse avait remarqué dans la race d'Ismaël, c'est-

à-dire dans la race arabe qui descend d'Ismaël, une


disposition native à attaquer tout le monde. Le bri-
gandage était son état normal. Longtemps avant la
naissance de Moïse, ils étaient déjà devenus les

pirates de la terre. Sans déclaration de guerre et

à l'improviste, ils se ruaient sur une contrée, la

pillaient, tuaient ou enlevaient les habitants, et

rentraient dans le désert chargés de butin. (Job,


xix e siècle av. J.-G.)
Leurs caravanes allaient revendre dans les pays
étrangers les individus dont ils s'étaient emparés
par achat ou par vol. Joseph fut vendu à des Is-
maélites, qui le revendirent à Putiphar. (Genèse.)
Lorsque les peuples voisins de l'Arabie , les Assy-
riens, les Égyptiens, les Hébreux, furent devenus
assez puissants pour se faire respecter, les Arabes
se livrèrent plus exclusivement au commerce. Alors
leurs caravanes pénétraient, du littoral du golfe
Persique, de la mer des Indes, de la mer Rouge, de
l'Yémen, de l'Hedjaz, jusqu'aux rives de la Méditer-
18« HISTOIRE

ranée, de L'Euphrate, et aux chaînes méridionales du


Caucase.
L'époque la plus florissante du commerce arabe
commença vers le VIe siècle avant Jésus-Christ,
lorsque les Phéniciens ne purent plus envoyer leurs
flottes dans la mer Rouge, et que Tyr eut succombé
sous les coups de Nabuchodonosor.
Alors les marchandises de L'Inde, d«>s contrées de
l'Asie orientale et méridionale, de L'Afrique cen-
trale et méridionale, et de l'Europe, passèrent par
leur territoire, transportées parles caravanes. Saba,
Pétra, Macoraba et autres villes, soit de L'intérieur,
soit de la bordure maritime, lurent des entrepôts im-
portants, et donnèrent de grandes richesses à leurs
habitants.
Eratosthène et Arthémidore, qui vivaient deux
siècles avanl Jésus-Christ, disent que Les Arabes, en
or, argent e1 pierreries, étaient plus riches que tout
autre peuple de la terre. Pline dit aussi que l'Arabie,
chaque année, enlevait des Bommes énormes à l'em-

pire romain.
Leurs richesses tentèrent La cupidité des Romains :

Auguste envoya contre eux /Elius Câlins, dans l'in-

tention de B'enrichir des dépouilles d'un ennemi


opulent, ou, s'il faisait alliance, de mettre à profit
les ressources d'un allié. Ce double but ne fut peint
attend : L'armée romaine tut décimée par les maladies
et les Fatigues, Buite de la perfidie des arabes alliés.

Leur religion Be ressentait de leur origine abraha-


mique. L'idée d'un Dieu unique a toujours ier-

parmi Leurs tribu-; quelques-unes cependant


(''taient idolâtres; d'autres avaient adopté le sabéisme,
l 'est- à- dû e le culte des asti
DE L'ALGÉRIE 189

L'influence de Salomon convertit grand nombre


de tribus arabes à la foi hébraïque ; les rapports
commerciaux des gens de l'Yémen avec la Palestine
devaient entretenir cette religion. Ce qui augmenta
surtout le nombre de ses sectateurs, ce fut la dis-
persion des Juifs après la prise de Jérusalem par
Titus. Peu de temps avant gouvernement de Maho-
le

met, elle avait en Arabie plus de partisans que toute


autre secte.
Le christianisme y lit peu de prosélytes. La pureté
de sa morale, la rigidité de sa discipline, ne pou-
vaient convenir à des peuples turbulents et sensuels
comme les fils d'Ismaël.
De toute antiquité, les rapports des Arabes avec
les autres nations n'ont jamais été des rapports de
bonne et franche amitié, et n'ont pas modifié leurs
principes et leurs .usages. Ils ont vécu de brigandage
et de commerce depuis l'enfance de leur race jus-
qu'à Mahomet. Quand un peuple était puissant et
riche, commerçaient avec lui; s'affaiblissait- il, ils
ils

le pillaient: telle est, en un mot, l'histoire de leurs

rapports internationaux pendant toute l'antiquité.


Divisés par tribus, ils étaient gouvernés, comme
aujourd'hui, par des cheiks et des émirs, et em-
ployaient en luttes et en discordes intestines le temps
qu'ils ne consacraient pas au commerce ou à leurs
razzias contre leurs voisins.
Avant Mahomet, ils ne purent se constituer en
unité nationale. Favorisés par la constitution phy-
sique de leur territoire, ils ont su, depuis Ismaël,
conserver leur indépendance. Les plus célèbres
conquérants, Sésostris, Sémiramis, Nabuehodonosor,
Alexandre et les Romains, assujettirent, il est vrai,
190 HISTOIRE

les tribus de l'Arabie septentrionale et celles de la


Syrie; quant à celles de L'intérieur, del'Hedjai et de
l'Yémen, elles restèrent totalement en dehors de L'in-

fluence étrangère.
L'islamisme imprima au caractère arabe de puis-
santes modifications, de telle sorte que pendant
quelques siècles ils formèrent un peuple tout dif-

férent de lui-même. A la voix des califes, Leurs


haines héréditaires disparaissent, Leurs divisions in-
testines s'éteignent; de toutes les partie- de La pé-
ninsule arabique ils fraternisent et accourent
ranger sous même drapeau. Ils
le n'ont plus qu'une
même foi, qu'une même Loi les : voilà prêts à agir
comme un seul homme. Lis sont constitués en unité
nationale.
Autrefois ils avaient borné leur ambition à taire

des razzias heureuses un commerce Lucratif; main-


et

tenant les voilà animés d'un désir ardent de la


conquête. Ils se répandent dans toutes les du- -

lions du monde connu. Au pas de course, ils abat-


tent les empires et soumettent les nations. En peu
d'années la Syrie, la Perse, la Palestine, l'Inde,
plus de la moitié de l'Asie, de L'Egypte, les Etats bar-
baresques leur obéissent. Sans aucun doute, Le cercle
«le leurs victoires aurait englobé toute l'Europe mé-
ridionale, en passant par L'Espagne, la Frai
l'Allemagne et Constantinople, h, dans les plaines
entre 'l'ours et Poitiers, ils n'avaient rencontré les
hommes «b* la race franco celtique. Les lils de
L'Orient, au coursier rapide et ;'i l'arme légère, vin-
rent briser leurs Ilots innombrables contre les pha-
langes Immobiles et bardées de 1er de L'héroïque
Charles Martel.
DE L'ALGERIE 191

Le prosélytisme religieux a remplacé l'indifférence


qu'ils avaient montrée jusque-là. Partout où ils por-

tent leurs pas, ils proclament la parole du Prophète.


Ils enlèvent les enfants pour en faire des musulmans.

Là où ils trouvent de la résistance, ils convertissent


par la force du sabre. Ils ne se donnent pas la peine
de convaincre. Il faut accepter ce qu'ils annoncent,
sans examen et sans discussion. « Crois, ou je te
tue ! » tel est leur invincible argument.
Dans le cours de leurs conquêtes, ils ont pour
système d'avilir les vaincus qui n'adoptent pas la

religion nouvelle. Ils interdisent aux chrétiens les


cérémonies pompeuses du culte; ils leur défendent
l'usage des armes, du cheval et de certains vête-
ments. Ils les soumettent à des marques apparentes
de servilité; ils s'appliquent à les mettre en tutelle
et en subalternité.
Cependant leurs rapides succès paraissent un
instant les transformer en hommes nouveaux. Jadis
barbares et demi -sauvages, ils se montrent pendant
quelque temps civilisés. Ils fondent des bibliothèques,
des académies, des observatoires; leurs savants sont
honorés; ils ouvrent des cours publics à la jeu-
nesse. Ils sont les héritiers de la science grecque et
romaine. Ils perfectionnent les arts et les sciences.
Nomades autrefois, ils veulent avoir maintenant
des habitations fixes ; ils bâtissent des mosquées et
des villes, percent des routes, creusent des ports et
des canaux, élèvent de magnifiques palais, et créent
un nouveau genre d'architecture, dont les restes
sont encore aujourd'hui l'objet de notre admiration.
Mais la race arabe ne persista pas longtemps dans
cette route du progrès, où des circonstances excep-
192 HISTOIRE

tionnelles l'avaient lancée, circonstances qui étaient


en quelque sorte contraires à son organisation phy-
sique , morale et religieuse. Ce mouvement ;

sionnel vers les arts de la civilisation parait avoir


été intimement lié à L'existence de la dynastie d
Ommiades. Lorsque cette famille s'est éteinte, la

décadence des enfants d'Ismaël a commencé, et sa

chute a été plus rapide que n'avait été son ascen-


sion.
Il n'y eut bientôt plus d'unité nationale. Des débris
du forma une multitude de petits États in-
califat se

dépendants. Lu Asie, en Afrique, connue en Espagne,


lesArabes redevinrent ce qu'ils avaient été avant
Mahomet, pillards, ennemis perpétuels des autres
races, épuisant le reste de leur énergie en rivalités
de tribus à tribus, en querelles religieuses et en
guerres civiles. Tels sont encore aujourd'hui les

arabes que nous avons trouvés en Algérie.


Les Aral nt de haute taille. Ils ont la peau
brune, les cheveux noirs, la barbe noire et clair-
semée, les yeux enfoncés sons L'orbite et noirs ou
d'un brun foncé. Les ar< id ircilières sont pro-
éminentes. Le front est découvert, convexe, -aillant
en avant, étroit a la partie Inférieure. Ils ont le ne/
aquilin, les narines 1 . la bouche bien fendue.
les Lèvres minces, les dents bien rai .
blanches
et de belle dimension.
Le système musculaire est sec et tendineux. Ils ont
le pied gros et Large , la main petite et effilée* i
l'est là

une conséquenc •
de Leurs habitudes : Lis marchent
beaucoup el wuvent pieds dus, tandis que rarement
ils B'occupenl de travaux manuels.
Quoique tonnant une des plus belles variétés de
DE L'ALGÉRIE 193

l'espèce caucasienne , ils n'ont pas cependant cette


régularité de proportions qu'on trouve dans les va-
riétés occidentales. En prenant pour type de l'espèce
caucasienne l'Apollon du Belvédère , on voit qu'ils
ont les jambes et le cou trop longs par rapport à la

longueur du torse, et la poitrine trop étroite pour


leur taille.

L'Arabe résiste merveilleusement à la douleur, à la


fatigue, aux privations de tout genre. Il vit de peu.
Quelques onces d'un pain grossier ou de farine délayée
dans l'eau, quelques tasses de café ou de lait, voilà
leur ordinaire. Ce qui servirait à aiguiser l'appétit
d'un Européen est pour eux une alimentation suf-
fisante. Cette sobriété ne doit pas toutefois leur être

imputée comme vertu ; elle est le plus souvent le ré-


sultat de leur paresse originelle. Ils aiment mieux
s'imposer des privations que de se procurer des jouis-
sances ou satisfaire des besoins par le travail. Don-
nez-leur des aliments à discrétion et à leur goût, ils

en engloutiront des quantités incroyables. Un méde-


cin français, qui a eu souvent occasion de faire l'au-
topsie d'Arabes morts accidentellement peu de temps
après un repas copieux, dit que leur estomac conte-
nait une masse de liquides ou d'aliments solides que
les plus forts mangeurs d'Europe auraient eu peine à
digérer '.

L'enfant d'Ismaël est un être à deux physionomies,


selon les lieux et les circonstances. En public, il se
pose d'une façon théâtrale : il se drape avec majesté ;

tous ses gestes sont calculés, ses paroles sont mesu-


rées; son regard, sa démarche, toute sa personne
i Considérations sur l'Algérie, par M. le docteur Bodichon , méd<
à Alger.
13
194 III. -TOI HE

indique l'énergie et la dignité. Voyez-le, au contraire,


dans les rapports de la vie intime, dépouillé de son
masque d'emprunt, de son appareil scénique; il est

criard, gesticulateur, il vocifère plutôt qu'il ne parle.


Sa démarche est irrégulière et sautillante comme
celle de l'animal sauvage ; son regard est inquiet :

l'expression de son visage, la j


générale de tout
son corps, vous révèlent l'existence des instio
brutaux c'est l'homme pastoral, se rapprochant, par
:

une ressemblance intime, des animaux avec lesquels


il vit.

Le peuple arabe est. de nos jours comme aux époques


antérieures, pillard et voleur plus que tout autre
rameau de la famille caucasienne parvenu au même
degré de civilisation. Plusieurs causes impriment une
énergie nouvelle à ce penchant inné pour le vol et l \

rapine.
Ce sont la pai la cupidité, l'état social dans
lequel il vit, et ses idées religieuses. En effet , le <
îoran
leur dit que les biens de 1 1 terre appartiennent aux
musulmans; ils ne [ont donc que reprendre leur bien
quand ils volent les chrétiens ou les indivi lus d'une
autre religion que la leur. Leur religion ne leur re-

comman le pas le mépris des richesses, au contraire :

t donc mettre en jeu leur cupidité naturelle. La


paresse les empêche de se procurer par le travail les

choses dont ilsont besoin ou qu'ils désirent, l


1

plus,
par la vie en tribus n mu i les ,
de b eme heu: ha-

bituent mal au respect de la propriété d'autrui; car


l'état nom ide garantit peu la leur.

En exécutant leurs razzias, Lis font preuve d'une


audace, d'un génie d'invention, d'une
a Iresse, d'un.'

spontanéité de jugement extraordinaires. Plus d'une


DE L'ALGÉRIE 195

fois ils ont enlevé des armes et des chevaux , non


seulement au milieu des soldats, mais encore sous
les tentes du quartier général. Aux alentours d'Alger,
pendant les premières années de l'occupation, ils

ont souvent percé les murs d'une maison ou d'une


caserne sans éveiller les habitants, pénétré dans nos
lignes les mieux surveillées , en ayant soin d'endormir
les chiens de garde avec de l'opium ou de les étran-
gler sans bruit, et tout cela avec tant de précautions,
qu'ils n'ont presque jamais été surpris en flagrant délit.

Dans leurs divers rapports avec les peuples d'une


autre souche ou d'une autre religion que la leur, les
Arabes ne se font aucun scrupule d'employer la fraude,

la fourberie et le mensonge. On ne peut se fier ni à


leurs promesses ni à leurs serments. Ces vices tiennent
à leur orgueil exclusif et à des instincts de haine hé-
réditaire à l'égard des étrangers. Vu l'isolement dans
lequel ils vivent depuis des milliers d'années, vu la
persistance de leurs mœurs, de leurs penchants na-
tionaux, vu surtout une certaine prééminence de faits

sur les nations près desquelles ils ont vécu, ils en sont
arrivés à se croire supérieurs aux autres hommes. De
là est née l'habitude de considérer comme chose due
toute faveur qu'on leur accorde, et de se placer au-
dessus des règles communes de la justice et du droit
public.
Ils sont généralement braves, quoique prudents.
Toutefois leur courage n'est plus celui des hommes
du Nord et de l'Occident; il a besoin de l'exaltation de
l'àme et de l'excitation des sens. Donnez-leur le mou-
vement, le bruit ou toute autre excitation physique,
ils seront aussi braves que les meilleures troupes eu-
ropéennes. Placez-les en silence, l'arme au bras, sous
496 HISTOIRE

un feu de mousqueterie ou d'artillerie , leur énergie


s'évanouira.
En étudiant les Arabes dans l'ensemble de leur être
moral, on voit qu'ils offrent de nombreux défauts, qui
ont atténué ou étouffé les qualités réelles dont ils

sont doués. Ainsi ils ont à un degré remarquable le

sentiment religieux, l'amour de la famille et de la

tribu, celui de l'indépendance; de plus, leurs facultés


intellectuelles, si elles étaient développées, les ren-
draient aptes à l'étude des sciences, et les initie-
raient à toutes les connaissances qui distinguent ac-
tuellement les nations civilisées, (le sera là la tâche
de la France, dont la mission providentielle doit être
de rendre cette terre d'Afrique à la culture, et les
peuples qui l'habitent à la civilisation et à la véritable

religion.

Berbères ou Kabyles. — Une autre race princi-


pale, et qu'on peut même regarder comme la i

primitive de l'Algérie, est la race berbère, qui forme


un contraste remarquable avec les Arabe
Cette race, en Algérie, habite surtout les mon
lagnes, tandis que la race arabe habite principale-
ment les plaines.
La première porte deux noms différents : elle s'ap-

pelle Kabyle dans le massif méditerranéen, et Cbaouia


dans le massif intérieur. Les groupes
remar- les plus

quables formés par L'élément berbère sont, dans le


massif intérieur, les montagnes de TAurès, et dans
le massif méditerranéen, la Kabylie proprement dite.

Voit i le Kabyle type :

Il a la peau brune et bistrée, les yeux noirs ou


DE L'ALGÉRIE 197

roux, les paupières médiocrement fendues, la tête


arrondie, les os du crâne épais. Le front est peu dé-
couvert, le menton est arrondi, le nez est droit et
rond par le bout, les lèvres plus grosses que chez les
autres variétés de la race caucasienne. Il est de taille

moyenne, a l'ensemble du corps exactement propor-


tionné, et surtout la jambe parfaitement faite.
Il aime le travail de la terre, préfère l'habitation
fixe à la tente, et l'agriculture à l'état pastoral. Il

apprend facilement les professions européennes, sur-


tout celles qui ont rapport à la mécanique, aux arts
industriels et au travail des métaux.
possède à un haut degré l'amour de la localité;
Il

c'est pour cela qu'il est impropre aux lointaines expé-

ditions militaires ou commerciales, et qu'en revanche


il défend son pays avec une indomptable énergie. S'il

consent à passer quelques années hors du foyer natal,


ce n'est jamais sans espoir de retour; ce n'est pas
non plus sans y faire de temps à autre quelques appa-
ritions.
Quoique grossiers et ignorants, les Kabyles ont un
fonds d'honneur et de probité inconnu des Arabes.
Gomme ces derniers et comme les Maures, ils ne de-
viennent pas vils et flatteurs pour obtenir une faveur;
sans avoir l'orgueil déplacé de ces deux races, ils con-
servent une dignité personnelle qui prend sa source
dans le sentiment d'une fière indépendance. Ils ne
pratiquent pas la ruse et le mensonge. Ils sont francs
d'actions et de paroles, ils tiennent à la foi jurée, et
sont fidèles à leurs traités d'alliance.
Leur réunion en villes et villages montre qu'il y a
entre eux des éléments de sociabilité et d'association
que la civilisation n'aurait pas de peine à développer.
198 HISTOIRE

Le petit nombre de villes que L'Algérie poss en


dehors de la Kabylie ont été élevées par les K ibyles.

Alger lui-même, ce gracieux spécimen de l'art mau-


resque, est sorti de leurs mains. Ce les usines

berbères qui fabriquent les plus belles armes indi-

gènes, et particulièrement ces sabres longs et pointus


appelés yatagans ou jUcas, de la tribu kabyle spécia-
lement adonnée à celte industi i

Le Kabyle a des défauts qui coi ndent à -

qualités. Comme tout homme dont L'intellig

concentre dans des ouvrages matériels, il est âpre,

entêté, hargneux; après la pioche, la scie et le mar-


teau, il ne connaît plus rien (pue son fusil.

Cependant ses qualités le prédisposent bien plus


que l'Arabe à comprendre et à adopter la civilisation
européenne. Ajoutons que, quoique mahométan, il
est loin du fanatisme de L'Arabe pour la religion du
Prophète et les préceptes du Coran. 11 a le sentiment
religieux, et il sera plutôt disposé que L'Arabe à em-
brasser la religion chrétienne, et par conséquent à
entrer dans les véritables voies de la civilisation. In
faitremarquable vient à L'appui de ce que nous avan-
çons. Après li dernière expédition de 1857, qui a
achevé la soumis-ion de la grande Kabylie, un de
leurs émirs ou chefs a déclaré qu'il se proposait de
faire élever ses enfants dan- la foi chrétienne. I 11 y a

longtemps, dit-il, avant le Prophète, les aïeux de


aïeux avaient la religion de la ci imme les Francs
d'Europe; nos enfants reprendront la religion de
pères'. » Ainsi le souvenir île la religion des Cyprien
et des Augustin n'est pas encore entièrement effacé
DE L'ALGÉRIE \93

de mémoire de ces peuples, et ils savent que le


la

mahométisme leur a été apporté par les conquérants


arabes, à la place de cette religion plus ancienne que
professent les Francs et que professaient les aïeux de
leurs aïeux. Qui saurait prévoir les résultats qu'un
telexemple pourra produire?
Les Kabyles ont une langue qui diffère complète-
ment de l'arabe. Cependant la plupart d'entre eux
connaissent et parlent l'arabe mais aucun Arabe ne
;

connaît la langue berbère.


On voit, par tout ce qui précède, qu'il existe entre
lesdeux races des dissemblances considérables. Il est
un point cependant par lequel elles se ressemblent,
c'est l'élément d'agrégation adopté par l'une et par
l'autre. Cet élément est la tribu, et encore existe-t-il
de notables différences dans la manière dont cette
unité sociale est composée dans les deux races.
Chez les peuples stables, qui ne font pas usage de
la tente, la tribu se présente comme une aggloméra-
tion de villages; elle offre alors la plus grande ana-
logie avec nos communes de France; c'est la forme
caractéristique de la race berbère.
Chez les peuples qui n'ont pas d'habitations fixes,
la tribu se présente comme une agglomération de
tentes rangées en cercle. Chaque cercle de tentes
forme un douar; c'est la forme caractéristique de la

race arabe.
Le village pour les uns, le douar pour les autres,

tels sont les éléments principaux de la tribu.


Entre cette unité constitutive de la tribu, qui est
l'unité constitutive de la société, il existe une division
intermédiaire, qui réunit un certain nombre soit de
villages, soit de douars, et qu'on appelle la ferlai.
•200 HISTOIRE

mot qui signifie fraction. La somme de ces fractions


produit l'unité, c'est-à-dire la tribu.

Parmi ces tribus, les unes sont sédentaires, les


autres nomades; les premières ne se déplacent jamais,
comme les villages de la Kabylie et du Sahara; les se-
condes, habitant sous la tente, se meuvent entre des
limites fixes, comme les Arabes du Tell; ou bien enfin
celles qui habitent sous la tente se meuvent autour
de points fixes, comme cela a lieu pour quelques
tribus du Sahara.
Il ne faut pas prendre les peuples nomades pour
des peuples errants; car il n'existe pas de tribus er-
rantes en Algérie. Les plus mobiles obéissent dans
leurs mouvements à certaines lois qui limitent d'une
manière presque invariable le champ de l'habitation,
de la culture et du parcours.
Tels sont les traits dominants des deux principales
races qui composent la population de l'Algérie. D'après
le dernier recensement officiel, ces deui gran
races formaient à elles seules, au 31 décembre 1851,
un nombre de deux millions trois cent vingt-trois mille

huit cent cinquante -cinq Individus; el en y ajoutant la


population musulmane et juive, résidant dans les

villes et dans les centres occupés par les Européens,


le chiffre total de la population indigène pouvait être
porté, en nombre rond, à deux millions cinq cent
mille âmes.
Nous terminerons ce chapitre par quelques détails
sur le costume des différentes classes indigènes de
l'Algérie.

Costumes. — « L'Européen qui débarque pour la


première fois dans une ville d'Algérie n'estjirappé, au
DE L'ALGERIE 201

premier abord, que de l'étrangeté des costumes indi-


gènes. A la vue de ces populations dont les usages
diffèrent tant des nôtres, il éprouve une sorte d'é-
blouissement qui l'empêche de reconnaître les signes
caractéristiques propres aux diverses classes de cette
société, devenue française par la conquête, demeurée
étrangère par ses habitudes. Il prend le Juif pour le

Maure, Maure pour le Turc; quelquefois même il


le

confond le Maure et le Turc avec l'Arabe et le Ber-


bère. Cette première révélation du monde musulman
ne laisse dans l'esprit que des impressions con-
!
fuses . »

Et cependant toutes les classes de la population al-

gérienne, soit des villes, soit des campagnes, observent


dans la forme et la couleur de leurs vêtements cer-
tains usages particuliers qui les distinguent peut-être
encore plus que leurs habitudes , leurs mœurs et leur

langage. Commençons, comme nous avons déjà fait,

par la population urbaine.


Le Maure Turc sont deux types similaires
et le :

aussi diffèrent-ils entre eux beaucoup moins par la


taille de l'habit que par la manière de le porter. Leur

coiffure consiste dans la calotte rouge de Tunis, le


chachia, autour duquel s'enroule un turban de couleur
claire. Une double veste couvre le haut du corps ;

l'une se ferme sur la poitrine, l'autre reste ouverte;


le séroual, culotte bouffante, descend jusqu'aux ge-
noux ; il est maintenu sur les hanches par une ceinture
de laine rouge, et laisse ordinairement découverte la

partie inférieure des jambes.


Sous ce costume, commun aux deux classes cita-

1
L'Algérie, par M. Carette, capitaine du génie.
202 HISTOIRE

dines de la population musulmane, Turc se recon- le

naît à la fierté de la démarche, à l'arrogance du main-


tien. Jusque dans le fond d'une boutique, il conserve
sa prestance militaire; tandis que le Maure reste bour-
geois, môme sous les armes.
Ils dilTèrent aussi dans la manière de placer le tur-

ban sur la tète du Maure, il couvr<


: ment les
deux côtés de la tète; sur la tète du Turc, il incline
un peu à droite, laissant a découvert le IS de la

tempe gauche.
Il existe encore entre les deux types quelques dif-

férences de détail. Ainsi l'usage d< t plus


pan lu parmi les Turcs que parmi les Maure-.
Mais c'est surtout dans le jeu de la physionomie,
dans l'ensemble du maintien, que les deux natures se
dessinent. Deux formules locales expriment le carac-

et les rapports de l'une et de l'antre.
Le Maure définit nciens maîtres par quatre
mots turcs : « Fantasia (</(<>/;. para iok; beaucoup
d'orgueil, et pas d'argent. »
Le Turc désigne le produit de son alliance avec les
Maures par ces deux mots non moins exj - : haut
OUgli , « entant d'esclave. >

Le costume des Juifs ne diffère pas par sa ferme de


celui des Turcs et des Maures, en diffère seulement il

par la couleur. Le chaehia violet, le lui Lin neir. la

le et le pantalon de couleur terne «mi -ombre dis-


tinguent la famille Israélite de toutes les autres ra

indigènes.
I Les Juifs m'ont paru, «lit M. Larette, à .pu nOUS
empruntons ces détails, se faire remarquer pai la

blancheur générale de leur teint; malgré l'influence


du ("limât, on rencontre parmi eux très peu de peaux
DE L'ALGERIE 203

brunes ; aussi forment-ils avec les nègres un double


contraste. Tandis que l'Israélite porte sur sa peau
blanche un vêtement de couleur sombre , monument
de son ancien ilotisme, le nègre, cet autre ilote, montre
une prédilection marquée pour les couleurs claires.
Il porte presque invariablement le turban et le séroual
blanc, et presque toujours aussi une veste blanche.
Jusque dans les industries qui le font vivre, il semble
rechercher des oppositions à la couleur de jais luisant
dont la nature Ta couvert. marchand de
Il se fait
chaux, et sa compagne marchande de farine. Dans
presque toutes les villes , il exerce la profession de ba-
digeonneur. On le voit promener son pinceau à long
manche sur la coupole des minarets, sur les façades
et les terrasses de tous les édifices. C'est à ces mains
noires qu'Alger doit le voile blanc qui l'enveloppe, et
qui dessine de loin sa forme triangulaire encadrée
dans la verdure de ses coteaux et de ses campagnes. »

Les koulouglis ne se distinguent en rien des Turcs ou ,

du moins la nuance est presque insaisissable pour un


Européen.
Tel est l'extérieur des classes citadines ; il nous reste
à parler du peuple des campagnes du peuple des ,

tribus, soit sédentaires, soit nomades, c'est-à-dire


des Arabes et des Berbères.
Le Kabyle, dans la plus grande simplicité de son
costume national ,
porte pour coiffure la calotte rouge
commune à toutes les classes indigènes, pour vête-
ment un derbal ou chemise de laine serrée au corps
par une ceinture de même substance et un tablier de
cuir; pour chaussure la torbaga, espèce de sandale
grossière que la neige et les rochers rendent néces-
saire dans la montagne , et qui laisse à découvert les
204 HISTOIRE

formes musculeuses de la jambe. A cet accoutrement


il manteau à capuchon appelé tournons,
ajoute le
pièce principale du costume africain, que la conquête
de l'Algérie a déjà popularisé en France, et que nos
dames ont adopté récemment comme pardessus.
tout
Mais il est probable que cette mode passera promp-
tement chez nous, et qu'elle sera bientôt oubli
tandis qu'en Afrique elle subsistera encore, comme
elle a déjà subsisté pendant des Le boumous
siècles.

du Kabyle se fabrique chez les Béni -Aubes et chez


les Béni-Ourtilan, deux tribus industrieuses situées
dans les montagnes de
grande Kabylie. la

La coiffure de l'Arabe se compose de deux ou trois

chachias superposés, qui en voyage lui servent de


portefeuille. Lui donne -t- on des dépèches à porter
au loin, il les place entre deux de ces calottes de
laine, et il ne s'en inquiète plus jusqu'au tenue de
mission; il est sûr de ne pas les perdre, car sa coif-

fure ne le quitte jamai>, ni le jour ni la nuit. Sur le

chachia extérieur, qui est rouge, s'applique une long


pièce d'étoffe de laine Légère, Qxée par une corde en
poil de chèvre ou de chameau, qui s'enroule plu-
sieurs fois autour de la tète, où elle s'étend en spi-
rale. La pièce d'étoffe s'appelle hatk, et se fabrique
surtout dans le Djerid, ris tunisienne. La corde de
chameau s'appelle khèti ou brima, suivant qu'elle est
ronde ou plate. Une gandoura couvre le corps el les
épatdes; c'est un. autre chemise de laine plus longue
4

que le derbal du Kabyle, et sur laquelle descendent


1 (S du haïk. Enfin l'habillement se complète par
plis

l'inévitable bournous, qui est pour l'Arabe une bo-


. , ni.

Nous aurons encore d'autres remarques à faire SUT


DE L'ALGÉRIE 205

les mœurs, les coutumes et le caractère des indi-


gènes; mais elles trouveront naturellement leur place
dans la suite de ce récit , et surtout quand nous
parlerons de l'histoire de la colonisation et de ses
progrès.
CHAPITRE IV

Difficultés que rencontre bou début. — Sea prena


le général Clause] à

travaux administratifs. —
zouaves et des chasseurs
Création des
d'Afrique. —
Eléments dont se composait primitivement le corpe
zouaves. —
Anarchie dans la e. Expé lilion contre le — I

Tittery. —
Occupation de Blidah. Passage du col de MouzaTa. — —
Occupation de Médéah. —
Soumission du bey de Tittery. Retour de —
l'armée Alger. .1 —
Massacre d'Arabes i Blidah. — I .1

\1 léah est obligée de rentrer à Alger. e gi aérai Clause! se pro- — l

pose de céder la province de Conslantine et d'Oranaubey de le.


— 11 est rappelé en France. Le général Berthezèi —
aérai Clausel. —
L'armée d'Afrique prend le aom d D
cupcUion. —
Le général Boyer esl envoyé i Oran. Étal déplorable
de ectto province. Négociations d —
partisans à la France. —
Vaste coalition pour chasser les i

l'Algérie. —
Le général Berlhezène la fait échouer. Établis! —
util rai. Séparation >tu gouvernement nulii. —
et de l'administration civile. — On n oonce bientôt i li. Le —
duc de Rovigo succède au général Berlhezène. Calme momenl —
dans les provinces d'Alj I Iran. — Insulte fail di 1
utéa
d'un cheik du Sahara par la tribu d'El-OufDa. Châtiment infl -

ette tribu. — Condamnation el exécution de son chef. Nouv< —


alition. - I ml défail
— Attaque de Bone par le bey de Conslantine.— Les habitants
Bone implorent le Becours des Français. — Nouvel d «le

cette ville par les i


— Situation des 1 ra au
mmencemenl .
— 1 e 'lue d<- I.

de quitter l'Afrique.
t forcé Commandement inlérimi
i général Avisant.
1 —
Création du bureau arabe.— Le général Voiroli
nouveau commandant par intérim. Bonne administrai —
aérai. Il eal mu; parle général Monck- d'User.- 1

tivea d'Ahmed - Bey poui irerde Bougie et «le v Elles


avortent Premii — trilion d'Abd al-Kadei rince
d'( 'i .1:1.
HISTOIRE DE.L'ALGÉRIE 207

— Il est nommé calife de l'empereur du Maroc. — Extension de son


pouvoir. — 11 veut s'emparer de Mostaganem et Le gé-
d'Arzeu. —
néral Desmichels, successeur du général Boyer, met une garnison
française dans ces deux villes. — Les Douaïrs et lesZmélas entrent en
pourparlers avec nous. — Abd-el-Kader est battu deux fois de suite.
— Les Douaïrs et les Zmélas se détachent de sa cause. Occupa-—
tion de Bougie par les Français. — Amélioration de notre situation
en 1834.

Le successeur du maréchal de Bourmont avait une


tâche bien difficile à remplir. Le nouveau gouverne-
ment, issu de la révolution de juillet, incertain du
maintien de la paix avec l'Europe et de la tranquillité
intérieure, ne pouvait guère s'occuper des affaires de
l'Algérie, et cette conquête lui paraissait plutôt un
embarras qu'un avantage laissé par la succession de
l'ancien gouvernement. Delà des tâtonnements, des
incertitudes sur ce qu'on ferait d'Alger, des réductions
dans l'armée d'occupation, et par suite des craintes
sur l'avenir de notre conquête ; ce qui jeta la défiance
et la division dans l'administration militaire et civile,

et le discrédit de la puissance française dans l'esprit

de la population. C'est au milieu de ces complications


et de ces difficultés de toute nature qu'arrivait le

général Clausel; il ne se laissa point décourager, et


bientôt son expérience et sa fermeté donnèrent une
nouvelle face aux affaires.
A peine installé dans ses nouvelles fonctions, il

s'occupa d'abord de rétablir la discipline de l'armée,


relâchée, comme nous l'avons dit, depuis les derniers
événements, puis de poser les principales bases pour
le gouvernement de la conquête. 11 avait amené avec

lui quelques administrateurs et employés habiles ;


il

en forma un comité de gouvernement chargé de rem-


208 HISTOIRE

placer l'ancienne commission; puis il recomposa


l'état- major de l'armée, et travailla à L'organisation
des divers services publics, tels que la justice, la

douane, l'établissement de la ferme modèle, la for-

mation de la garde nationale algérienne, sous le nom


de milice africaine, etc. L'énumération seule des
actes administratifs et des créations exécutées pen-
dant la courte administration du général Clause] nous
entraînerait trop loin; d'ailleurs le temps et l'expé-

rience ont dû modifier ou changer la plupart des i

sures prises par suite des néce>>ités du moment. Nous


mentionnerons toutefois la création de deux corps
indigènes, qui ont rendu de grands services et dont
le nom est désormais inscrit glorieusement dans les

rangs de l'armée française; nous voulons parler de-


zouaves et des chasseurs d'Afrique, qu'il créa par un
er
arrêté du 1 octobre 1830.
Les zouaves, ainsi nommés parce qu'ils étaient
recrutés principalement dans une tribu guerrière de
la Kabylie appelée Zouaouia, avaient formé la garde
particulière des deux derniers deys; ils étaient re-
nommés pour leur fidélité envers leurs maîtres, et

«1rs l'origine de l'occupation ils se montrèrent dis

posés à prendre parti pour les Français. Le général


Clause] divisa 1rs zouaves en deux bataillons, sons le

commandement d'officiers et de Bous-officiers français;


on lit aussi entier dans ce corps quelques koulouglis,
et un assez grand nombre de Français qui avaient
fait partie des volontaires de la Charte, volontaires
avaient été enrôlés parmi les combattants de juillet,
et comme leur présence était inquiétante à Pans, on
avail env< i
Alger, où la plupart furent incor-
porés dans Les divers régiments de l'ain. Ces deux
DE L'ALGÉRIE 209

premiers bataillons de zouaves eurent pour comman-


dants, l'un le capitaine Maumet, l'autre le capitaine
Duvivier, un des officiers les plus distingués de cette
pépinière d'officiers illustres qui se sont formés en
Algérie. Le capitaine Duvivier, dont nous retrouve-
rons souvent le nom sous notre plume, devenu gé-
néral, a été blessé mortellement dans les funestes
journées de juin 1848, et a succombé peu de temps
après.
Cependant l'anarchie existait par toute la régence.
Presque partout avaient surgi dans les villes et au sein
des tribus des chefs ambitieux aspirant au pouvoir.
Le bey de Tittery se montrait le plus audacieux; il

inquiétait sans cesse nos avant -postes, et ses


marau-
deurs massacraient nos soldats isolés. Pour en finir,
après avoir publié un arrêté qui destituait ce bey et
lui donnait pour successeur un Arabe nommé Mus-

tapha-ben-Ornar, le général Glausel résolut d'aller


l'attaquer jusque dans ses montagnes.
Le 17 novembre, une colonne de huit mille hommes,
composée de trois brigades commandées par les géné-
raux Achard, Monck-d'User et Hurel, partit d'Alger
sous les ordres du général en chef lui-même. Les
zouaves nouvellement créés et les chasseurs d'Afrique
en faisaient partie on emmena aussi une batterie de
;

campagne, une batterie de montagne et une compa-


gnie du génie.
La saison était tout à fait défavorable. Les pluies
contrarièrent la marche de l'expédition. L'armée tra-
versa la Métidja, s'empara de Blidah, le 18, après un
engagement assez mais de peu de durée. L'armée
vif,

se reposa à Blidah pendant la journée du 19, et, après


y avoir laissé une garnison sous les ordres du colonel
14
.

210 HISTOIRE

Rullière, elle se dirigea le lendemain sur M


capitale de la province et résidence «lu bey de Tittery.
Le 21 au soir, on campa à Mouzaïa, et le lendemain
on franchit le col deTéniah, p ssage étroit et dang -

reux devenu célèbre dans les fastes de notre ara


d'Afrique. Le bej de Tittery avait fait placer à l'en-
trée deux petites pièces d'artillerie, et toutes les hau-
teurs étaient garnies de fantassin- kabyles ou arab
Cette position, que l'ennemi regardait i inex-
pugnable, fut tournée et enlevée av< \ une rare intré-
pidité par le rr et le 37 régiment de ligi l fut

une glorieuse journée, mais chèrement achetée; noua


n'eûmes pas moins de deux cent vingt hommes mis
hors de combat.
La brigade Monck- d'User resta pour garder le

passage du col, et l'arm I


'

>ah
dont les habitants lui ouvrirent les portes le 22 au
soir; le général en cher entra dans la ville, et y ins-
nouveau bey. On s'y r<
talla le quelques jou
pendant lesquels l'ancien bey, qui s'était enfui à

l'approche de nos colonnes, se voyant abandonné des


siens, et craignant de tomber entre les mains
tribus kabyles qui lui avaient t ujours été bostil<

vint se rendre lui-même à la discrétion du général;


il fut emmené à Uger, et on l'autorisa à j faire

venir ses femmes et le reste de sa famille.


Le 26, l'armée quitta Médéah, api lissé

une garnison, et revint à Mouzaïa par le col, -

coup férir. I le môme jour, Blidah était le théâtre d'un


drame sanglant. Notre garnison y était attaquée par
Ben-Samoun; et l'attaque tut >i inopinée, si rapide,
que les Arabes pénétrèrent par plusieurs points dans
la ville. Par un heureux stratagème, le colonel Elut-
DE L'ALGÉRIE 211

lière sauva garnison d'un massacre général, qui


la

aurait certainement porté le coup le plus funeste à


notre domination. Deux compagnies sortirent par une
des portes de la ville, et vinrent tomber sur les der-

rières des Les Arabes, persuadés que


assaillants.
c'était le corps d'armée qui revenait de Mouzaïa, se
débandèrent, et là il une scène de carnage
se passa
dont le récit est impossible. Le fait est que, le len-
demain 27 , le général Clausel , rentrant à Blidah à
la tête des troupes, trouva la ville jonchée de cada-
vres. ne jugea pas devoir y laisser de garnison, et
Il

il rentra à Alger le 29 après avoir soutenu quelques


,

petites escarmouches insignifiantes. La garnison lais-


sée à Médéah fut obligée elle-même de rentrer à
Alger dans les premiers jours de janvier 4831.
Le général Clausel, voyant l'impossibilité, avec si
peu de ressources, d'occuper toute la régence, vou-
lait, moyennant une reconnaissance de vasselage et

un tribut annuel, garanti par le bey de Tunis, céder


les deux beylicks de Constantine et d'Oran à deux
princes de la famille de ce souverain. Déjà même
un traité était signé avec les envoyés tunisiens, les
deux bevs d'Oran et de Constantine étaient désignés,
le général Damrémont avait pris possession d'Oran
nouveau bey, lorsque le général
ut y avait installé le

Clausel fut rappelé en France. Le gouvernement


français refusa de ratifier le traité passé avec le bey
de Tunis.
Le 20 février 1831 , M. Clausel quitta Alger, em-
portant avec lui les regrets de l'armée, et surtout de
la population européenne ,
qui s'élevait déjà à près de
trois mille âmes.
Le général Berthezène . successeur du général
212 HISTOIRE

( llausel , avaitcommando une division pondant la cam-


pagne de 1830. A son arrivée, Tannée d'Afrique,
dont plusieurs régiments avaient été successivement
rappelés en France, prit le nom de division
potion.Ce n'était plus en effet, qu'une Faible division
,

composée de neuf mille trois cents hommes au plus.


Avec de si faibles moyens, on était obligé de faire
face à de nombreux besoins. Le fils de L'ancien !

de Tittery, favorisé par des amis puissants et l»


1
sou-
venir de son père, attaquait Médéah, qui n'avait pins
de garnison française. Notre bey, Mustapha ben-
Omar, allait succomber; fallut Le llrir et Le ra-
il

mènera Alger. Cette opération nous coûta trois cents


hommes hors de combat.
Des troubles Burvenus aussi à Oran, lors du départ
du bey tunisien que nous y avions installé, nous
obligèrent à y envoyer le généra] Boyer, avec t

hommes, pour s'y établir. La situation de la province


d'Oran à cette époque était déplorable. Aucun des
liens qui assuraient autrefois la dépendance des tribus
n'avait survécu à la dissolution de L'ancien gouverne-
ment. A Tlemcen, Les Arabes occupaient li ville, les

koulouglis Dans quelques villes, comme


la citadelle.

Mascara, ils B6 partageaient Le gouvernement. Le


père d'Abd-el-Kader, Le marabout Mahi-ed-Din,
préparait déjà dans la province L'avènement futur de
son fils, et faisait servir son influence religieuse à la

fondation d'une puissance purement arabe. Le gé-


néral Boyer s'occupa d'abord d'entrer en relations
ave< Les g nuisons turques et koulouglies éparses dans
la province. Celle de M avait capitulé, «'t les

Arabes, violant leurs engagements, La massacrèrent


en entier. Mascara devint pour eui une place de
DE L'ALGERIE 213

guerre et un centre d'action contre les forces fran-


çaises. Le même sort menaçait les milices de Mosta-
ganem et de Tlemcen. A. cette crainte qui maintenait
les garnisons turques et koulouglies dans nos intérêts,
le général Boyer ajouta l'appât d'une solde mensuelle,
et leur résistance continua. Le général Boyer établit

également des rapports avec Arzeu, port situé à qua-


rante kilomètres à l'est d'Oran, qui lui procurèrent
du blé, des fourrages et des bestiaux, et, après avoir
mis la ville en état de défense et réparé en partie
les fortifications, qui avaient été presque entièrement
détruites, il entama des négociations avec les Douaïrs
et les Zmélas, afin de les attacher à notre cause.
A cette époque une vaste coalition se formait pour
chasser les Français de l'Algérie ; un Maure nommé
Sidi-Sadi, récemment arrivé de Livourne, où se trou-
vait l'ancien dey Hussein, avait concerté avec le

pacha dépossédé un plan de soulèvement général,


qui, n'ayant pas été exécuté avec ensemble par toutes
les tribus confédérées, permit au général Berthezène
de les battre séparément au gué de l'Habrach et à la

Ferme-Modèle. Ces embarras surmontés pouvaient


renaître chaque jour et épuiser lentement nos forces ;

car les Arabes, bien que vaincus, n'étaient pas


soumis.
Presque toujours occupé à repousser l'ennemi, le
général Berthezène eut peu de temps à donner à l'ad-
ministration intérieure de la colonie; on lui doit ce-
pendant quelques établissements utiles, parmi lesquels
il faut citer de belles casernes, construites au delà
du faubourg Bab-Azoun, un abattoir, la place du
Gouvernement, la réparation de la jetée, etc.
Dès le mois de mai 1831 Casimir Périer, président
,
214 HISTOIRE

du conseil «les ministres, voulant se réserver une


large part dans la direction des affaires de PA1|
lit prendre au gouvernement la résolution de séparer,
à Alger, l'autorité civile de L'autorité militaire,
la création d'un intendant civil indépendant du g

Qéral en chef. L'application de ce nouveau système


n'eut lieu cependant que quelques mois après. 1. -

fonction- séparées du gouvernement militaire et de

l'administration civile furent confiées au général S

vary, duc de Rovigo, ancien ministre de la police


sous L'empire, et à M. Pichon, conseiller d'Etat, qui
avait déjà rempli plusieurs missions diplomatiques
importantes, dette séparation des deux autorités fut
nn essai malheureux, et il fallut y renoncer ap
quelques mois d'expérience. Une ordonnance du
12 mai L 832 abrogea celle du mois de décembre pré-
cédent, et rétablit l'unité gouvernementale dans la

colonie.
La situation de L'Algérie semblail plus favorable
lu moment où le duc de r> \ général
Berthezène. D'abord, il avail amené avec Lui ><

mille hommes de troupes pour satisfaire aui besoins


de L'occupation e1 ramener les indigènes au respect
de notre autorité. D'un autre côté, peu de temps
avant 800 départ, le général Berthezène avail nomme
agha des Arabes Sidi-Ali-M'barek, marabout vén
de Coleab, qui, moyennant un traitement élevé,
s'était engagé à non- faire respecter dans nos i

tonnements par Les Arabes, que non- nous i . ons


a ne plus inquiéter. Cette mesure avail amené quel-
que sécurité dois la Métidja; en même temps les

tribus, qui se ressentaient encore du rude échec


qu'elles avaient éprouvé récemment dans la province
DE L'ALGÉRIE 215

d'Alger, semblaient disposées à la tranquillité. A


Oran, le général Boyer contenait les tribus, toujours
menaçantes, qui travaillaient avec une infatigable
ardeur à former des coalitions pour venir attaquer la

ville.

Sur ces entrefaites , un événement regrettable vint


troubler la paix.Des envoyés d'un cheik de Sahara
de Constantine, nommé El-Farhat, ennemi d'Hadj-
Ahmed, bey de Constantine, vinrent à Alger offrir

le concours de leur maître pour l'expédition qu'ils


croyaient projetée contre Constantine. Après avoir
été accueillis gracieusement par le commandant en
chef, ces députés partirent d'Alger chargés de pré-
sents pour retourner dans leur pays. Arrivés sur le

territoire de la tribu d'El-Ouffia, ils furent dépouillés


par les habitants. Pour venger cette violation odieuse
des devoirs de l'hospitalité, qui était aussi une insulte
faite à la France, une expédition nocturne fut dirigée

contre les coupables. La tribu, surprise à la pointe du


jour, un châtiment des plus rigoureux son
subit ;

chef, fait prisonnier, fut amené à Alger, mis en juge-


ment, condamné et exécuté. Un très grand nombre
d'indigènes périrent dans cette affaire.
A la suite de cet acte de rigueur, une nouvelle coa-
lition se forma. Sidi-Sadi, aidé par des marabouts
fanatiques, mit en circulation des prophéties qui
annonçaient la prochaine et infaillible extermination
des Français. Notre agha, Sidi-Ali-M'bareek, fit

d'abord tous ses efforts pour ramener le calme dans


les esprits et éviter la guerre. Mais le mouvement
devint tellement général, qu'il se laissa entraîner
lui-même, et depuis cette époque il est resté notie
ennemi. Le commandant en chef sembla pendant
216 HISTOIRE

quelque temps vouloir se contenter d'observer les

mouvements des insurgés; mais lorsqu'il les vit


rassembler et s'enhardir jusqu'à menacer nos p
il adopta des dispositions vigoureuses pour les dis-

perser. Ils furent complètement défaits dans deux ou


trois rencontres par les généraux Faudoas et Bi
sard, qui forcèrent bientôt los tribus à implorer la

paix.
Mone, occupée une première fois en l
s :'>'>. avait

été précipitamment évacuée, lorsque la nouvelle


journées de juillet était parvenue eu Afrique; les habi-
tants n'y avaient point rappelé le bey, Hadj-Ahmed,
dont ils redoutaient la tyrannie ; toutefois la quiétude
dont ils jouissaient ne fut pas de Longue durée. Ahmed,
sentant sa puissance raffermie, dirigea tous ses efforts
contre Bone, commerciale qui était pour
position
lui de la plus haute importance. Apre- le départ
troupes fran< 1rs habitants de Bone avaient reçu
quelques Becours; mais la ville «tait étroitement blo-
quée, du côté de terre, par les troupes d'Hadj-Âhmed
ou par les tribus qui lui obéissaient. Vers la lin «le

1831, le chef de bataillon Houdor arriva à Doue avec


cent vingt-cinq zouaves. Bien accueilli d'abord, et

ensuite trompé par [brahim, ancien bey deConstan-


tine, qui se saisit pour Bon compte Kasbab, <l<
i
la

ce malheureux officier fut tué au moment où Be il

rembarquait.
Cependant Bone, serrée chaque jour de plu- près
par les soldats d'Hadj-Âhmed, implorait toujours le

>urs de la France, il «''tait dangereui de laisser le


bey «le Constantine reprendre ce port; l'occupation
en fut décidée. En mars 1832, Le capitaine d'artillerie
d'Ârmandy, et Jousouf, alors capitaine aux chasseurs
DE L'ALGERIE 217

indigènes, durent aller aider les assiégés de leurs


conseils et leur prêter main- forte. Mais, avant leur
arrivée, Bone, forcée d'ouvrir ses portes à Ahmed,
subit dans toute leur horreur les calamités de la
guerre. Quelques braves se maintinrent cependant
dans la Kasbah, et les Français, ayant eu l'audace
d'y pénétrer la nuit, arborèrent aussitôt le drapeau
tricolore, qui n'a plus cessé d'y flotter depuis. Un
bataillon d'infanterie, et plus tard deux mille hommes,
partis de Toulon avec le général Munck- d'User, vin-
rent s'établir sur les ruines de la place ,
qu'on s'oc-
cupa de déblayer et de reconstruire immédiatement.
Ibrahim-Bey en proie au dépit de l'ambition trompée,
,

essaya bien de nous en disputer la conquête; mais il

fut repoussé et poursuivi par les indigènes eux-mêmes.


Peu de temps après deux tribus, lassées de la ty-
rannie d' Ahmed- Bey, vinrent s'établir sous le canon
de la place , et fournirent des cavaliers pour la police

de la plaine.

Notre occupation embrassait donc Alger, la ville et

la banlieue, renfermées presque entièrement dans la


ligne de nos avant-postes; nous dominions sur tout
le territoire compris entre l'Habrach, la Métidja, le

Mazafran et la mer; à Oran, nous possédions quatre


kilomètres autour de la place et le fort Mers-el-Kébir.
Tlemcen Mostaganem occupés par les Turcs et les
et ,

Koulouglis, commençaient à vivre en bonne intelli-


gence avec nous. A Bone, bien que l'établissement ne
s'étendit qu'à portée de canon des murailles, nos
relations avec les tribus voisines se formaient d'une
manière satisfaisante.
Telle était notre situation en Afrique au commen-
cement de 1833. Ajoutons qu'au dehors d'Alger des
.ils HISTOIRE

routes militaires étaient ouvertes; des camps retran-


chés, établis dans des positions bien choisies, multi-
pliaient les moyens de défense, et prouvaient aui
indigènes la tenue volonté de la France de garder
cette terre conquise par la bravuine de ses soldats.
Les sentiments hostiles paraissaient s'affaiblir ; la

tranquillité et Le besoin de La paix faisaient chaque


jour des |
Encouragé par ces premii
grès. aul-

tats, le généra] duc de Rovig ppliquait avec per-


sévérance à les développer, Lorsqu'il fut atteint
la maladie à Laquelle il ne devait pas tarder à <ue-
comber. 11 rentra eu France au mois de mars, après
avoir remis le commandement an général A\ isard,
le plus ancien des maréchaux de camp de l'arm
pour le garder pendant son al> OU jusqu'à 1

rivée de son suc ur.

e fut sous La comte administration du _

Â.visard que lut institué Le bureau arabe, cette utile

création qui devait donner à dos relations avec U -

tribus une régularité et une extension dont elles

avaient manqué jusqu'alors, et qui a lait plus pour


notre domination que vingt ans de combats '. Le pu -

i Les I elle Unj oriente cr elion l'avaienl in

comme 1 ; le plus effli des rappoi le entre l

l.-iiic>ii> arabes el nou pulations, Que leur nature, leurs mœurs,


leur religion, semblent avoir formées pour la . d suraieal pu i

ionnaire cm il . fonctionnaire <


] u i n\ i

a. ni ils ne pourraient comprendre ni i r l'autorité. Mail ce qu'ils


u i bi ju'ila él ut 'li-|" ' lait un>

istral guerrier, chargé tout à la fois d'une mission •! •


guerre 1 1
a
justice i el es! l'espril qui < i
i la formation des bur<

li - mœurs des \i sb< i, el "ii l<> établi)


les i»
'ini- du lerritoire militaire divisé en ublc
mi ision donl ,
DE L'ALGERIE 219

mier chef de ce bureau fut le capitaine de Lamori-


cière, dont le nom devait plus tard se rattacher aux
plus beaux faits d'armes de notre armée d'Afrique.
Au commencement d'avril, le lieutenant général
Voirol vint prendre le commandement de l'armée

a obtenus ont dépassé tout ce qu'on pouvait espérer. Le respect et la

confiance sont entrés facilement chez les Arabes par cette sorte de ma-
gistrature à cheval, qui se transporte, franche, décidée et expéditive.
partout où un méfait a été commis. Les Arabes aiment et comprennent
la justice mais la légalité telle qu'on l'entend chez les nations mo-
;

dernes pour eux chose à la fois répugnante et inconnue. Cet homme


est
de guerre, qui entend leurs réclamations à toule heure, et, quand
il le peut, donne une suite immédiate à toute affaire qu'on porte

devant lui, représente la seule autorité qu'ils puissent accepter. Les


rapports journaliers qui se sont établis entre les indigènes et les
officiels desbureaux arabes exercent maintenant sur les tribus une
action des plus intéressantes à étudier, et que chaque jour on voit se
développer.
L'officier du bureau arabe n'est plus seulement, pour les tribus com-
prises dans son cercle, un chef militaire qui veille à la répression des
délits, au maintien de l'ordre et au recouvrement des impôts; c'est un
homme d'un caractère éprouvé et d'une intelligence reconnue, qu'en
mainte occasion et sur maint objet d'utilité publique on se l'ait une loi
de consulter. Ainsi ces progrès que maintenant on remarque parmi les
indigènes, ces maisons qui, sur quelques points, remplacent les tentes
des kaïds, ces travaux d'agriculture, ces plantations d'oliviers, ces con-
structions de moulins qui changent déjà l'aspect de certaines tribus,
sont dus aux officiers des bureaux arabes. Rien n'est entrepris sans leur
conseil, rien ne s'opère sans leur concours.
L'habile direction qui dans ces derniers temps a communiqué à l'Al-
gérie un mouvement dont ne s'est pas assez occupée l'attention pu-
blique, trouve à l'heure qu'il est d'énormes ressources dans un com-
mandement que chaque jour elle fait agir organise
avec plus de force, et

avec plus de régularité dans le commandement indigène. Toutes les

tribus qui reconnaissent notre autorité sont sous-gouvernées en noire


nom par des aghas, des bachagas, des kaïds, que nous choisissons avec
et que nous surveillons avec vigilance. Ces chefs, dont la puis-

était d'abord une sorte de concession faite à la nation conquise
par la politique de la nation conquérante, ont pris maintenant un rang
important parmi les agents les plus utiles, et l'on peut même dire les
plus dévoués, de notre domination. Ce commandement indigène, si

utile, si important, mais si délicat à manier, est surveillé par les ofli-

ciers desbureaux arabes.


L'organisation des bureaux arabes a dû Bes premiers BUCcès aux 1
220 HISTOIRE

par intérim. Ce nouveau chef marcha avec activité


et avec bonheur dans la voie ouverte par le duc de
Rovigo; il apporta même dans les affaires un esprit
plus conciliant, des formes moins acerbes; et, tout
en se montrant énergique à L'égard des indigènes,
il s'efforça de leur faire sentir les bienfaits d'une
administration protectrice et bienveillante. Au com-
mencement du mois de mai, deux tribus «le la M -

tidja, les Bouyagueb et les Gruerouaou, dont l'in-

solence et les agressions continuell- Itèrent le

juste courroux du général, furent rudement châ-


tiées, et cet exemple d'une juste sévérité accrut
encore les bonnes dispositions de la population
arabe envers nous.
A Bone, le général Monck- d'User, suivant la

même conduite (pie le général Voirol, sut se faire


craindre et respecter des Arabes, et (il r la

urité dans sa province, la 4


hey de Constantine,
Badj-Ahmed, voyant que Bone lui avait échappé
sans retour, convoita Bougie pour en far

port. Mais les populations kabyles, peu empi


es de se donner un maître, repoussèrent toutes
ses intrigues et tout avances. Ne pouvant
prendre pied sur le littoral, il voulut du moins
r «le Médéah, afin de se rapprocher d'Al-
ger, impatient de B'arroger le litre de pacha, qu'il

faisait solliciter à Constantinople. Cette espérance


fut encore déçue; gens de Médéah, divisés par
les

les factions, se réunirent pour résister au bey de

néraoi de i

remanient <iu maréchal Bugeaud par no dai bommee que de I i

éludât ont le plai profondément initié eux mmu i( par le


DE L'ALGÉRIE 221

Gonstantine. L'horreur qu'inspirait aux tribus la do-


mination turque était si grande ,
qu'elles réclamèrent
des secours auprès du général en chef; on ne put
leur en accorder, mais l'assurance de la sympathie
de la France les encouragea; Hajd- Ahmed, attaqué
dans son camp , fut battu , et rentra en fugitif dans
son beylik. A
Bone, nos progrès ne se ralentissaient
pas; les tribus, attirées dans notre cercle d'action,
commençaient à résister d'elles-mêmes aux entre-
prises des agents et des troupes du bey de Gonstan-
tine.

A Oran, le général Boyer avait eu de fréquents


combats à soutenir contre les Arabes, dirigés par
Mahi-ed-Din et par son jeune lils Abd-el-Kader.
Quoique leurs attaques n'eussent eu aucun succès,
le sang -froid et la bravoure que montra Abd-el-

Kader en cette circonstance augmentèrent encore la


confiance des siens.
Gomme le nom de cet homme célèbre tiendra
une place remarquable dans ce récit, disons en
passant quelques mots de son origine et de ses an-
técédents avant ce jour où nous le voyons paraître
en scène.
Abd-el-Kader (el-Hadj, nom qu'on donne aux
musulmans qui ont fait le voyage de la Mecque)
appartient à une très ancienne famille de mara-
bouts, qui fait remonter son origine aux califes
fatimites. Il est né vers la fin de 180G ou au com-
mencement de 1807, à la ghelna de son père, Mahi-
ed-Din, située à seize kilomètres ouest de Mascara sur
l'Oued-el-lIaman (rivière des bains). Cette ghetna (lieu
de retraite, séminaire, hôtellerie, université) des Oule-
Sidi-Kada-ben-Mokhtar, fraction de la grande tribu
222 HISTOIRE

des Hachems, •'•tait La plus riche de La contrée, el y


avait une importance immense depuis le wr
de notre ère. En L830, elle se composait encore de

cinq cents maisons, tentes on cabanes, renfermant


cinq cents familles, serviteurs, disciples ou infirm<
nourris el hébergés par le chef de la gnetna. Tous
les marabouts, talebs, docteurs et auto as in-

fluents de La province d'Oran, venaient depuis ti

siècles y faire haïr éducation. Le père d'Abd-el-


Kader, Sidi-el-Hadj-Mahi-ed-Din ( rin

ificateur de la religion), mort en 1834, jouissait


comme marabout d'une grande réputation de sain-
teté, et, par suite, (hune grande influence sur Les

gens de sa tribu, et il transmit l'une et l'autre à


son fils. Abd-el-Kader n'avait que buil ans lorsqu'il
lit avec son père Le pèlerinage de la Mecque, ce qui
lui valut le surnom dV/-//</'//. le pèlerin, qui précède
son nom (Sidi-el Hadj -Âbd-el-Kader, le seign

pèlerin, serviteur du Tout- Puissant),


En 1827, Abd-el-Kader accompagna son père en
Egypte, et le séjour qu'il eut alors occasion de faire
au Caire et à Alexandrie Le mit p<>ur la première
fois en contact avec les éléments de La civilisation
européenne. Il profita de son séjour en Egypte pour
perfectionner Bon éducation; il se livra avec zèle à

l'étude de L'éloquence et de L'histoire; celle du


Coran Lui était familière; dés Bon enfance aucun
passage de ce Livi i
é ne l'embarrassait , et

explications devançaient celles des plus hal >m-


tnentateurs. Il ne négligea pas non plus Les exen :

du corps, dans lesquels excella bientôt; il paa il

éralement peur Le meilleur cavalier de l'Algérie,


où Les bons cavaliers ne Bont paa Enfin, peu-
DE L'ALGÉRIE 223

dant qu'il se trouvait en Egypte, il alla une seconde


fois visiter le tombeau du Prophète, à la Mecque,
pieux pèlerinage qui ajouta encore à la réputation de
sainteté dont il jouissait dès lors, et qui ne pouvait
que préparer sa future omnipotence parmi ses com-
patriotes.
Au retour d'Abd-el-Kader et de son père en Al-
gérie, Alger était au pouvoir des Français, et la

puissance des Turcs sur la contrée à jamais dé-


Les tribus arabes des environs d'Oran virent
truite.

dans cette révolution si peu prévue une occasion


favorable pour recouvrer leur indépendance. Mahi-
ed-Din prêcha la guerre sainte, et vit accourir sous
son goura (drapeau) une masse considérable de
partisans , à la tête desquels il s'empara de Mas-
cara, après avoir battu la garnison turque qui occu-
pait cette place. Les habitants de Mascara et toutes
les tribus voisines voulurent l'élire pour leur sou-

verain; mais Mahi-ed-Din déclina cet honneur sous


prétexte de son grand âge, et il présenta, comme
plus capable que lui de remplir ces fonctions, son
lîls Abd-el-Kader. Celui-ci fut accueilli avec en-
thousiasme et salué aussitôt du titre d'émir par
toutes les populations soulevées au nom de l'in-

dépendance nationale. Les tribus voisines devaient


acclamer, l'une après l'autre, le chef que l'islamisme
et la nationalité arabe venaient de se donner; et le

jour vint où, de proche en proche, l'autorité d'Abd-


el-Kader, d'abord limitée aux environs de Mascara,
devait être reconnue jusqu'aux limites du Grand
Désert.
La première tentative de quelque portée qu'es-
sayèrent les tribus rangées sous les ordres d'Abd-
224 HISTOIRE

el-Kader fut dirigée contre Oran, occupé par nos


troupes, que commandait le général Boyer. 1

Arabes, comme nous L'avons dit, n'eurent aucun


succès dans ces attaques; ils furent même si vi-

goureusement repoussés, qu'ils Be virent forcés de


battre en retraite, et de cesser pendant quelque
temps les hostilité-; les chefs des diverses tribus
ralliées contre la domination française comprirent
la nécessité d'organiser la guerre, et de centraliser
les efforts communs bous une direction unique. Ils

songèrent d'abord à se mettre sous la protection de


l'empereur du Maroc, Muley-Abd-el-Rhaman, qui
ne demandait pas mieux que d'étendre Bon pouvoir
sur la province d'Oran; mais Carnations éner- 1

giques de la France le forcèrent à s'abstenir de


toute intervention en Ugérie; seulement il délégua
pouvoirs, comme chef des croyants, au jeune
émir Abd-el-Kader, en donnant le titre de kha-
Lui

lii'a. dette nouvelle dignité augmenta son crédit Bur


les tribus; il organisa Lmmédiatemeut celles qui
L'avaientreconnu d'abord, et, agrandissant peu
peu le cercle du pays assujetti à ses lois, il soumit,
au commencement de bs :»:>, les tribus de la Mina et
du I Shélif.

Sur ces entrefaites, Le généra] Desmichels avait


remplacé Le général Boyer au commandement d'O-
ran. Les tribu-, BOUS l'inspiration de leur jeune

chef, vinrent souvent nous provoquer jusque BOUS


les murs de cette ville. Le général Desmichels ne
voulut pas BUppOrter plus longtemps C6fl indolente»
bravades; il prit vigoureusement L'offensive. Dès
qu'il apprenait qu'un rassemblement s'était formé,
il sortait de la ville, se portait à B8 rencontre et Le
DE L'ALGÉRIE 225

dispersait. Les 7 et 27 mai 1833, les tribus arabes,


réunies en grand nombre, subirent ainsi de graves
échecs. Obligé de se tenir à distance d'Oran, Abd-
el-Kader marcha Mostaganem pour s'emparer
sur
de cette ville, qui, après Mascara et Tlemcen, déjà
en son pouvoir, était la plus importante du beylik.
La petite ville d'Arzeu située entre Oran et Mosta-
,

ganem, fut enlevée par les Arabes, et son kadi, qui


avait traité avec les Français, fut décapité. Le gé-
néral Desmichels, craignant avec raison que Mos-
taganem ne fût obligée de se rendre, et que l'oc-
cupation de ces deux places ne compromit gravement
notre domination, se détermina à établir des garni-
sons françaises dans ces deux places. Il prit posses-
sion d'Arzeu le 3 juillet; la ville avait été abandonnée
par les Arabes. Le 29 du môme mois, il entra à
Mostaçanem.
Chaque pas en avant que les circonstances nous
forçaient de faire pour mieux asseoir notre autorité
produisait sur les tribus un effet salutaire, et les
disposait à se rapprocher; ainsi, après l'occupation
d'Arzeu et de Mostaganem, les importantes tribus
des Douaïrs et des Zmélas entrèrent en pourparlers
pour faire leur soumission à la France. Abd-el-
Kader voulut tenter encore contre nous la fortune
des armes; il fut battu dans la plaine de Mélata, à
er
Aïn-Bedha, le 1 octobre, et à Tamzouat le 3 dé-
cembre. Après ce dernier combat, les Douaïrs et les
Zmélas se détachèrent tout à fait de sa cause.
Vers cette même époque, une expédition orga-
nisée à Toulon se présenta devant Bougie (29 sep-
tembre). Après une attaque audacieuse de la part
de nos troupes et une très vive résistance de la part
15
HISTOIRE DE L'ALGÉRIE

des Kabyles, Bougie tomba en notre pouvoir et de-


vint une ville française.

Cet acte de vigueur releva le courage d<

qui commençaient à affluer en Algérie, et rendit


l'espoir aux Indigènes qui avaient embrassé noire
parti.

L'année 1834 sembla donc -'annoncer sous .les


auspices favorables. Sur tous les points notre situa-
tion B'était améliorée. Des hakems (gouverneui
nommés par l'autorité française, maintenaient sur
les villes de Blidah et de Coléah une souveraineté
nominale. Les tribus du beylik de Tïttery conti-
nuaient à repousser les tentatives d'Ahmed B
celles des environs de Bone se tenaient également
prêtes à le combattre. Tuggurt, ville des confins du
désert, avail envoyé des députés à Alger, pour pro-
mettre à la France son concours et ses sympathies bj

elle marchait contre le bey de Constantine.


Enfin, à Oran, le général Desmichels, après de
nouveaux avantages remportés sur Abd-el-Kad
avait signé la paix avec lui le
W
V> février 1834, et m .

d'une part, la cessation des hostilités permettait à


l'émir détourner ses efforts contre ses rivaux, de
l'autre, elle donnait à la France le temps de B'afifer-

mir sur tous les pointa occup


CHAPITRE V

Commission nommée pour l'examen des affaires d'Afrique. —


Ordon-
nance du 24 juillet 1834 sur l'organisation politique des possessions
françaises dans le nord de l'Afrique. —
Institution d'un gouverneur
gém rai. —Ses attributions. —
Le général Drouet d'Erlon premier
gouverneur général. — Création des spahis. —
Le g néral Trézel
nommé commandant d'Oran. — Ses difficultés avec Abd-el-Kader. —
Celui-ci s'empare de Médéah et de Mélianah. —
Traité du général
Trézel avec les Douaïrs et les Zmélas. —
Abd-el-Kader veut forcer
ces tribus à rompre leur alliance avec les Français. —Le général
Trézel s'y oppose. — Abd-el-Kader appelle les tribus à la guerre. —
Le général Trézel marche contre elles. —
Combat de Muley - Ismaël.
— Défaite du général Trézel à la Macta. —
Le général d'Arlange nui-
place le général Trézel à Oran. —Le comte d'Erlon est rappelé, et
le maréchal Clausel est nommé gouverneur général de l'Algérie. —
Le maréchal Clausel occupe Mascara et l'abandonne. —Il s'empare

de Tlemcen et y laisse une garnison. —Etablissement d'un camp re-


tranché à l'embouchure de la Tafna. — Dangers que court le camp
de la Tafna. — Le général Bugeaud est envoyé directement de France
pour le secourir. — Bataille de la Sikak, où le général Bugeaud dé-
fait complètement L'émir Abd-el-Kader. —
Retour du général Bugeaud
en France. —Le général de l'Estang est nommé au commandement
de la province d'Oran. —Première expédition contre Constantine,
sous les ordres du maréchal Clausel. —
Arrivée sous les murs de cette
place. — Impossibilité reconnue de remporter de vive force. Re-—
traite de l'armée. — Dangers et fatigues de celte retraite. —
Le ma-
réchal Clausel est rappelé. —
Le général Damrémont est nommé
gouverneur général. —
Travaux exécutés pendant le commandement
intérieur du général Rapatel. —
Le général Bugeaud est chargé du
commandement do la province d'Oran. —
11 fait la pai\ avec Abd-el-

Kader. — Traité de la Tafna. — Principales conditions de ce traité.


— Les premiers résultats de ce traité sont avantageux. —
Préparatifs
d'une nouvelle e.\| édition contre Constantine. —Départ et marche
de l'armée expéditionnaire. — Attaque de Constantine. — Mort du
-

228 •
HISTOIRE

général Damrén* —
l'ii--' de la rille.
ot. 5 umission d'un grand —
nombre de tribus. —
Retour de l'armée victorieuse à Bone. I. —
aérai Vallée est nommé gouverneur général de l'AL bal
de France. Organisation el pacification <!-• la rovince i\<- - |
«
*
.
. 1
1
1 . 1 1
1

tfue. —Reconnaissance de la route de Constantine


dation de Philippeville. —
Érection d'un sièg pisco] (Alger. —
; Idition !

Au mois de juillet 1833, une commission spéciale


composée de pairs el <l< députés avait été i

cl

do se rendre eu Afrique, afin de recueillir tous les

faits propres à éclairer la France sur les inconvénients


et les avantages de sa conquête, et sur les mesu
que réclamait son avenir.
Les travaux de cette commission fournirent sur
l'Algérie des renseignements précieux, qui permi-
renl «le constituer sur de meilleures bases le gouver-
nement et l'administration de noire conquête. I
e

22 juillet 1834, parul l'ordonnance sur l'organisation


politique «le l'ancienne régence, à laquelle on donna
le nom significatif de possessions françaises dans le

nord de l'Afrique, nom qui excluait désormais toute


idée d'abandon de la nouvelle colonie.
Le gouvernement ne fut plus la conséquence du
gouvernement militaire, mais le domina. Jusque-là
le pays obéissait au général commandant les trou]
il fut confié au commandement d'un gouverneur
général, qui eut sous se- ordres un lieutenant
généra] commandant les troupes; toute l'adminis-
tration rentra sous la domination immédiate du mi-
nistre de la guerre. Les différents services civils et

militaires furent confiés au général commandant les


troupes, à un intendant civil, au commandant de
la marine, à un procureur général, à un directeur
DE L'ALGÉRIE 229

des finances et à un intendant militaire, lesquels


composèrent un conseil de gouvernement auprès du
gouverneur général.
Le général Drouet d'Erlon fut nommé à ce poste
éminent, et en prit possession le 26 septembre. En
même temps M. Lepasquier, préfet du Finistère,
fut désigné pour les fonctions d'intendant civil. Le
général Voirol, ayant refusé le commandement des
troupes qui lui était offert, le remit au général Ra-
patel.
Par du vœu qu'avaient exprimé les chambres
suite
de voir réduire les dépenses de l'occupation le nou- ,

veau gouverneur dut, à défaut d'un déploiement


de forces considérable, donner à la composition de
l'armée une valeur plus grande et en rendre l'effectif

plus réel. Dans cette vue, il créa, sous le titre de


spahis réguliers, un corps de cavaliers indigènes,
afin d'utiliser ces derniers, et de pouvoir en même
temps réduire les corps venus de France.
Outre la création des spahis, les trois actes les
plus marquants de l'administration du comte d'Er-
lon furent l'établissement du régime municipal dans
la régence, la division de la banlieue d'Alger en
communes , et la création d'un collège dans cette
ville.

Les événements militaires furent peu importants


dans la province de Bone et dans celle d'Alger, bien
que les hostilités fussent continuelles avec les Had-
joutes. Il n'en fut pas de même dans le beylik d'Oran,
où la puissance d'Abd-el-Kader prenait chaque jour
de nouveaux accroissements.
Le général Trézel, envoyé à Oran pour remplacer
le général Desmichels, eut pour mission de conti-
HISTOIRE

Duer les rapports pacifiques établis avec Abd-el-


K iu 1er; mais la tâche était difficile. Les conditions
du dernier traité n'étaient pas exécutées; Abd-el-
Kader exerçait sur les Arabes de la province d'Oran,
et même de la province de Tittery, une Lnfluei
prépondérante. Le besoin d'ordre et de gouverne-
ment régulier {toussait les populations, à défaut de
la France, trop éloignée et souvent invoquée en
vain, vers L'émir, représentant de la nationalité

Médéah, toujours menacée par Le bev de


be.
Constantine, après avoir vainement demandé des
secours au gouverneur général, se jeta dans
parti. Abd-el-Kader entra en souverain dan- Mé-
déah, et reçut la soumission de Mélianah.
Cependant Les Douaïrs et les /mêlas, B'étant dé-
cidés â Be -''parer de L'émir, vinrent se mettre sous
la protection du général Trézel, qui Bigna un traité
d'alliance avec leur chef, Mustapha l»eii- lsmaël. Al »<1-

el-Kader, craignant que ces rapports nouveaux entre


L'autorité française et les tribus ne tussent d'un
cheux exemple dans la contrée la plus rapprochée
.1 »ran prescrivit aux Douaïrs et aux /mêlas de quit-
(
,

ter le territoire qu'ils occupaient, et d'aller -'établir

dan- L'intérieur de la province. Les deux tribus refu-


sèrent d'obéir, et invoquèrent la protection du
néral Trézel. Celui-ci B'empressa de rassembler les

dont il pouvait disposer, et du


arriva au milieu

campement des Douaïrs et des /mêlas au moment où


les gens d'Abd-el-Kader saisissaient les principaux
chefs de ces tribus, et commençaient à taire opérer
le i: ouvement de retraite vers L'intérieur. Gel événe-
ment devint le Bignal de la -lierre.
Abd-el-Kader la désirait, et s'y préparait depuis
,

DE L'ALGÉRIE 231

longtemps. A son appel, les tribus lui fournirent de


nombreux contingents. Le général ïrézel voulut mar-
cher à la rencontre de l'ennemi avant qu'il eût réuni
toutes ses forces; le 26 juin 1835, il mit sa colonne
en mouvement, et parvint, sans rencontrer d'enne-
mis, jusqu'à un défilé dans la forêt de Muley-Ismaël
sur la route de Mascara. Là il trouva l'infanterie arabe
embusquée, et la cavalerie occupant la route et tous
les espaces un peu découverts. Les troupes françaises

abordèrent ces positions difficiles avec élan, et, malgré


les efforts désespérés des Arabes, ils finirent parles
enlever et par rester maîtres du champ de bataille.
Cette victoire nous coûta cher; bon nombre de soldats
et d'officiers furent mis hors de combat, et le brave
colonel Oudinot. fils du maréchal duc de Reggio, y
trouva la mort. Le général Trézel établit son camp sur
le Sig, et y fit reposer ses troupes pendant un seul
jour. Ce temps suffit à l'émir pour rallier ses soldats
dispersés. Le général pressentit, de son côté, qu'il
s'était engagé trop avant, et résolut de se retirer sur

Arzeu, en suivant les rives du Sig, qui prend le nom


de Macta après sa jonction avec l'Habrach. On se mit
en marche le 28; bientôt l'armée se trouva resserrée
dans un passage étroit, formé à droite par les bords
marécageux de la Macta, à gauche par des collines
très boisées ; c'était là le point choisi par Abd-el-Kader
pour nous assaillir. Les Arabes nous attaquèrent de
tous côtés avec fureur, atteignirent plusieurs voitures
de blessés, et massacrèrent nos malheureux soldats.
En un instant nos troupes se débandèrent, le désordre
fut à son comble, et dès ce moment la marche de la

colonne devint une véritable déroute. On ne parvint


à rallier nos soldats que dans la plaine qui s'étend au
232 H13T0IRE

bord de la mer; les corps se reformèrent difficile-

ment, et à sept heures du soir la colonne, épuisée de


fatigue, arriva à Ai /vu. Nos pertes, dans cette fatale
journée, avaient été de six cents hommes hors de
combat, but dix -huit cents.
Le général Trézel, au milieu de uihles cir- i

constances, B€ montra noble et digne; dans Bes rap-


ports et dans son ordre du jour, il assuma sur lui seul
la responsabilité d< léplorable événement, et
résigna à en accepter toutes les ^quena -

A la nouvelle de la défaite de la Macta, le comte


d'Erlon rappela le êral Trézel, en lui donnant
Tordre de remettre son commandement au général
dWrlai,
Le gouvernement français, de son côté, frappé de
1 atteinte funeste reçue par notre puissance aux yeux
- Indigent &upa promptement de réunir les

moyen- d'obtenir une éclatante revanche. Le géné-


ral d'Erlon lut rappelé, et remplacé par le maréchal
Clausel.
Le maréchal arriva à AJger 1-' 1<> août 1835; il lut
avec des transports do joie. Sa haute réputation
i

militaire donnait la garantie que L'échec éprouvé par


nos armes à la Macta s.T.ut glorieusement réparé.
Telle était, en effet, l'intention du nouveau gouver-
neur; mais, L'apparition du choléra dan- U colonie
ayant BUSpendu l'envoi des renforts qu'il attendait,
l'expé Lition fut retardée jusqu'au mois de novembre.
\ cette époque, !<• gouverneur Be rendit à Oran,
«• le prince royal due d'Orléans, et \ rassembla Lee

troupes destinées à faire la campagne. Le 25 no-


vembre, l<' «'oi|)> expéditionnaire, forl de onze nulle
hommes, divisés en quatre brigades, Bemit en marche
,,

DE L'ALGÉRIE 233

et arriva le 6 décembre, après plusieurs combats avec


l'ennemi, à Mascara, que la population musulmane
avait complètement abandonné.
Après avoir reconnu que cette position ne pouvait
être gardée, on se décida à évacuer la ville, et à re-
prendre la route d'Oran où l'armée arriva le 18
,

suivie de la population juive de Mascara.


Le 8 janvier 1836, le maréchal rentra en campagne
et se porta sur Tlemcen, toujours occupée par les
koulouglis, commandés par Mustapha- ben-Ismaël,
notre fidèle allié. Abd-el-Kader, qui assiégeait la ville,

ou plutôt la citadelle où se trouvait Mustapha, se


retira à l'approche de nos troupes ,
qui entrèrent
le 13 dans la ville. Frappé de la belle position de
Tlemcen, le gouverneur se décida à y laisser une
garnison composée d'un bataillon de volontaires
,

sous les ordres du capitaine de génie Cavaignac. Puis,


pour assurer les communications de cette place avec
Oran, le maréchal établit un camp retranché près de
l'embouchure de la Tafna. Le 7 février, il reprit la
route d'Oran, où il arriva le 12, après une affaire
assez chaude avec les Arabes, commandés par Abd-
el-Kader en personne.
De retour à Alger, le gouverneur entreprit, au delà
de l'Atlas, une nouvelle expédition, après laquelle il

partit pour la France, afin de défendre à la tribune


les intérêts de nos possessions d'Afrique, que des
projets de réduction sur le budget de la guerre mena-
çaient sérieusement; il chargea le général Rapatel du
commandement intérimaire. A la même époque, le

général d'User fut rappelé de Bone, et remplacé par


le colonel Duverger, qu'accompagnacommandant le

Jousouf, récemment nommé bey de Gonstantine. In


23-'. HISTOIRE

camp fut aussitôt établi à Dréan, comme un jalon jeté


sur la route de Constantine; et la Galle, notre an-
cienne possession française, fut occupée pai >uf.

Cependant le camp établi à L'embouchure de la

Tafna, et défendu par deux mille hommes au plus,


était étroitement bloqué par plus de vingt mille Vrai
et Marocains, bous les ordres d'Abd-el-Kader. Le
néral d'Arlange, qui commandait le camp, se h

faire connaît» ituation périlleuse et de deman :

du secours.
Dès que ces nouvelles arrivèrent en France,
ordres furent donnés pour que la division d'Oran reçût
sur-le-champ un renfort de trois régiments. Le maré-
chal de camp Bugeaud fut désigné pour prendre le
commandement de ces troup 3.
Arrivé, le 6 juin à La Tafna, après avoir abondam-
,

ment pourvu Le camp de vivres et de munitions, se il

mit en campagne, et ravitailla Tlemcen. Attaqué, Le

G juillet ,
par toutes 1rs forcée de L'émir, sur Les bords
de La Sikkak, complètement L'ennemi, Lui tua
il battit

douze à quinze cents Arabes , et mit en fuite un de


bataillons de réguliers, dont nue partie furent faits
prisonniers el emmenés en France. Jamais, depuis
notre conquête, notre armée n'avait livré une bataille
si importante, ni fait un aussi gran 1 nombre de pri-

sonniers musulmans. L'émir, découragé, se retii

N Lrona, où il rallia les débris »le son armée, «'.'était

une glorieuse revanche de La défaite de la Ma. ta. Le


généra] Bugeaud, ayant rempli sa mission, qui était
toute militaire, Laissa Le commandement de la pro-
vince au général de l'Esl el s'embarqua pour la
uee, où L'attendait Le le de lieutenant géné-
ral. Le général de L'Ëstang sut tuer parti de L'abat-
DE L'ALGÉRIE 235

tement momentané des tribus pour parcourir le pays,


et recueillir les soumissions passagères de plusieurs
d'entre elles. Aucun événement important n'eut lieu
dans la province d'Oran jusqu'à la fin de l'année 1836.
A son retour de France, le maréchal Clausel songea
à mettre à exécution un projet qu'il méditait depuis
longtemps: c'était l'occupation de Constantine, et

l'installation du nouveau bey qu'il avait nommé. Mal-


heureusement tout sembla conspirer contre ce projet,
conçu trop légèrement, et mis à exécution dans une
mauvaise saison, avec des moyens incomplets, et sur
la foi d'un homme brave et fidèle, mais qui ne méri-
tait pas cependant une confiance aussi entière.
Le corps expéditionnaire, fort de 9,137 hommes,
partit de Bone le 8 novembre. Il était commandé par
le maréchal Clausel, accompagné du duc de Nemours,

qui n'exerçait dans cette expédition aucun comman-


dement militaire. Le 15, on campa sur les ruines
d'une ancienne ville romaine, située au bord de la

Seibouse, appelée Ghelma par les Arabes, et que les


R.omains nommaient Calama. L'enceinte d'une forte-
resse en assez bon état de conservation permit d'y
établir une garnison. Le 21, l'armée prit position
sous les murs de Constantine, défendue par Ben-
A'ïssa, lieutenant du bey Ahmed, qui avait quitté la

ville. Après quelques tentatives infructueuses pour

l'emporter de vive force, le maréchal reconnut l'im-


possibilité de réussir de cette manière. D'un autre
côté, le temps devenu affreux la grêle la neige,
était : ,

ne cessaient de tomber; le froid était aussi rigoureux


que dans les contrées du Nord; les approvisionne-
ments et les munitions de guerre étaient épuisés il :

n'y avait plus d'autre parti à prendre qu'une prompte


«

236 IIISTÛ1BE

retraite. Le maréchal L'ordonna, et toute Tarn


s'ébranla dans la matinée du 24 novembre. On sait

Y acharnement des indigènes de L'Afrique contre u

troupe qui bat en retraite; nous n'en avion- pas ren-


contré un seul, dans notre marche en avant, qui i
-

sayât de nous arrêter; maintenant des milliers se

ruaient sur notre arrière- g u le, et à chaque instant


leur noml ablait grossir ei Leur exaltation sauv; _

s'accroître. Dans ces circonstances périlleuses, L'armée


dut peut-être Bon salut au sang-froid et à L'habileté
du commandant Changarnier, et au cou
braves du 2e léger. Du reste, La retraite, sous la di-
rection du maréchal, se lit avec calme, sans que
L'ennemi pût se flatter d'avoir inquiété sérieusement
la marche de notre colonne. L'armée arriva à Ghel
le 28 novembre, et se replia lentement sur Bone.
Le imp de Ghelm cupé par Le colonel
vivier avec deux bataillons.
La fortune avait donné tort au maréchal Claus
il fut rappelé. Il s'embarqua Le L2janviei . et, le

L2 février suivant, Le général Damrémont fut nommé


à gouverneur général des
sa plate >^u> fran- \

çaises dans le nord de L'Afrique; il n'arriva à A


qu'au commencement d'avril.

pendant malheureuse de L'expédition de


L'issue

astantine n'eut pas une influence aussi fâcheuse


SUT Q08 relation- avec Les tribus qu'on aurait pi,

craindre, •
aux habiles dispositions du généi .1

Rapatel, qui avait exercé Le commandement i nt

maire pendant l'ai uverneur général. Le


développement de nos établissements militaires, l'o-

rnent de Grhelma, les travaux de route, de


canalisation, I iculture, qui s'exécutaient de tou
DE L'ALGERIE 237

parts, imposaient aux Arabes, et leur prouvaient que


l'insuccès d'une opération contrariée par le mauvais
temps n'abattait pas notre courage.
L'opinion publique était unanime sur ce point, que
nous étions loin de renoncer à notre entreprise, et
l'arrivée du nouveau gouverneur général confirmait
cette idée.
Pendant qu'il prenait possession de son gouverne-
ment, le général Bugeaud arrivait à Oran, avec une
autorité assez vaguement définie, mais, par le fait,
indépendante de celle du général Damrémont. La
mission de M. Bugeaud était de combattre l'émir à
outrance, ou de faire avec lui une paix définitive et
convenable. Il débuta par un manifeste qui, s'adres-
sant aux Arabes, avait pour but de les effrayer par
la menace d'une guerre d'extermination; mais à peine

l'eut -il lancé, qu'il entama avec Abd-el-Kader des

négociations dont le résultat fut le fameux traité de


la Tafna. Par ce traité, l'émir reconnaissait la souve-

raineté de la France en Afrique on lui accordait ;

l'administration des deux provinces d'Oran et de Tit-


tery, et d'une partie de celle d'Alger, à l'exception
d'Oran, Mostaganem, Mazagran, Arzeu et leurs ter-
ritoires, Alger, le Sahel et la plaine de la Métidja,
qui restaient territoires français. Aucune partie de la
province de Constantine n'était mentionnée <lans ce
traité. Cette convention fut signée le 30 mai 1837.
Cet acte diplomatique temps l'objet des
fat dans le

plus violentes attaques de l'opposition; nous n'avons


pas à nous occuper i de ces critiques,
i< dont la plus
sérieuse, sans contredit, était le blâme porté sur
rétablissement d'une autorité autour de laquelle les
Arabes pouvaient se rallier, et qui devait être pour
238 HISTOIRE

nous une source d'embarras et de désastres; mais


reste à savoir si le gouvernement était libre d'agir au-
trement en présence des dispositions des chambi
qui lui refusaient, sous prétexte d'économies, les
moyens de poursuivre vigoureusement la guerre et
d'affermir notre conquête.
Quoi qu'il en soit, les premiers effets de ce traité

eurent pour nous des résultats avantageux. La paci-


fication de L'ouest de la régence permit de reporter
toute L'attention sur la province de Constantine, et
d'employer une partie des troupes de la division
d'Oran pour reconquérir nos armées tout leur pi s-
à

tige. Rien ne fut donc épargné pour que la question


depuis si Longtemps indécise entre Ahmed- Bey et

nous fût enfin tranchée par la guerre. Bone, Dréan,


Ghelma, Nechmeya, Hamman-Berda, et tous Les

postes échelonnés sur La route de Constantine, se


remplirent de troupe- et d'approvisionnements. Oi
rapprocha encore d< cette ville en occupant fortement
la position de Me«ljez el-Amar. >ur Laquelle dix mille
Arabes ne tardèrent pas à se mer, mais sans suc
Vois la lin de septembre, tout Le personnel et tout

le matériel de l'expédition se trouvèrent réunis à


Medjez- el-Amar. Le corps expéditionnaire était di-

vi>é en quatre brigades, sous les ordres du duc de


Nemours, du général Trézel, du général Rulhère et

du colonel Comités; l'artillerie était commandée par


ênéral Vallée, et le génie par le général Fleury.
Le l* octobre, L'année B'ébranla; elle arriva Le 6
en vue de Constantine. I><' môme qu'en 1836, Ben-
\ tsa défendait la ville, et Ahmed-Bey tenait la cam-
p tgne. I
e jour même de l'ari ivée, la reconnaissant ô
• le la place lut faite, et l'emplacement des batterî
DE L'ALGÉRIE 239

déterminé; le 12, la brèche fut ouverte. Le chef de


l'armée, jaloux d'éviter l'effusion du sang, fit alors
sommer les assiégés de se rendre, en les éclairant
sur les dangers de leur position. « Les Français, ré-
pondirent-ils, ne seront maîtres de Constantine qu'a-
près avoir tué jusqu'au dernier de ses défenseurs. »

A cette réponse, le général s'écria : Ce sont des


«

gens de cœur : eh bien ! l'affaire n'en sera que plus


glorieuse pour nous. » Peu d'instants après, comme
il se dirigeait, avec le duc de Nemours et son chef
d'état- major, vers le dépôt de tranchée pour y exa-
miner les travaux de la nuit, un boulet parti de la
place l'atteignit au flanc gauche il tomba mort sans
;

proférer une parole. Le général Perregaux , en se


penchant sur lui, reçut une balle au front, et tomba
mortellement blessé sur le corps de celui qui avait
été son chef et son ami.
La fin glorieuse du général en chef ne fit qu'en-
flammer le courage de l'armée. Le général Vallée,
comme plus ancien de grade, fut appelé à la direc-
tion des opérations. La batterie continua à tirer et à
compléter la brèche pendant toute la journée du 12.
Le 13, à sept heures du matin, la première colonne
d'attaque, sous les ordres du lieutenant colonel de
Lamoricière, s'élança au pas de course, et atteignit
bientôt le sommet de la brèche. L'explosion d'une
mine fortement chargée blessa grièvement son com-
mandant, mais sans arrêter l'élan des soKlats. La
deuxième colonne, dirigée par le colonel Combes,
arriva bientôt sur le théâtre où le combat était le plus
acharné. La lutte fut meurtrière; mais la valeur de
nos troupes en assura bien vite le succès. Bientôt le
drapeau français ilotta sur ces murailles, devant les-
1

HISTOIRE

quelles, pendant l'expédition de L836, nos sold


avaient enduré tant de fatigues et de souffrances. La
victoire fut chèrement achetée. 1. Damré- éral

mont, 1.' généra] Perregaux, le colonel Combes,


commandants Vieux et une foule de
de Sérigny, et

vaillants officiers et soldats trouveront la mort bui

champ de bataille.

La prise de Constantine était La ruine du pouvoir


d'Ahmed- Bey. Abandonné de ses troupes, repous

par les populations que sa domination cruelle avait


écrasées, il se retira vers le désert, suivi de quelq
centaines de cavaliers. Trente et une tribus firent im-
médiatement leur soumission.
Après avoir pourvu à L'administration et à la «1»

de la ville, dont il commandement au colonel


confia Le

Eternelle avec une garnison de trois mille hommes, le


téral Vallée se mit en route, le 2 I
ictobre, pour
Bone, avec le reste de L'armée. 11 arriva sans obstacle
dans cette ville, où il reçut Ba nomination de gouver-
neur généra] de L'Algérie, et peu de temps après Le

bâton de maréchal de France.


In nouveau mode d'organisation administrative fut

introduit dans la province de Constantine; un roseau


d'autorités émanées de la puissance française B'éten-
dit sur tout le pays. A l'aide de Ces interniédiaii
choisis parmi Les notabilités indigènes, nous eûm
notre disposition des loi. essives <•! répressives
pour subjuguer nos ennemis et protéger nos ami-; et
notre domination fut rendue plus l.u de par l'emploi
de ces forces lai>-ée> bous Le commandement de leurs

chel

i
1 ii pour l«' Sthol . le Firdjona .
i v
DE L'ALGÉRIE 241

A partir de cette époque, la province de Constan-


tine est restée la plus soumise et la plus paisible des
trois provinces de l'ancienne régence. Dès les pre-
miers temps de notre occupation, la sécurité était
telle, que le général Négrier, qui avait remplacé le
colonel Bernelle dans le commandement de Constan-
tine , voulant faire une reconnaissance de la route qui
conduit de Constantine à la rade de Stora, trouva
sur son passage, dans une étendue de soixante -dix
kilomètres, tous les Arabes paisibles et adonnés au
travail des champs. On avait voulu, dans cette excur-
sion, s'assurer de la possibilité d'établir de Constan-
tine à la mer une voie de communication beaucoup
plus courte que celle qui existe par Bone; en effet, de
Constantine à la baie de Stora, il n'y a en ligne droite
que soixante -dix kilomètres, tandis que la distance
de la même ville à Bone est de cent soixante-dix kilo-
mètres. Dès le mois d'avril 1838, une route carros-
sable fut commencée et terminée en peu de mois, de
sorte que les transports de l'armée ne tardèrent pas à
la parcourir en toute sécurité. Bientôt une ville fran-

çaise, sous le nom de Philippeville , s'éleva auprès


de l'ancienne Stora, sur romaine
les ruines d'une cité
appelée Rusicada. Sa position heureusement choisie
lui a procuré une rapide prospérité; elle compte au-
jourd'hui dix mille habitants, dont huit mille sont
Européens. Elle sert de transit au commerce d'Europe
avec Constantine et le Sahara.
Du côté d'Alger et d'Oran, des difficultés s'élevèrent

jana, trois kaïds ( administrateurs] pour les puissantes tribus des lin—
ractas, des Amer-Cheragas el des Hanenchas, un cheik-el-Arab pour
le Sahara, un hakem (gouverneur) pour la ville même de Constantine :

telles furent les autorités instituées par un arrêté du 30 septembre l

16
2.2 HISTOIRE

pour l'interprétation du traité de la Tafna : une con-


vention supplémentaire destinée à les aplanir fut

signée, le \ juillet, à Alger, par L'agent d'Abd-el-


Kader; mais ce dernier refusa de la ratifier. Il fut

facile i\r> lors de prévoir que la paix n'était qu'une


trêve, dont plus d'un symptôme faisait j

h rupture. Cependant elle ne fut pas ouvertement


troublée jusqu'à La lin de 1839, et Le gouvernement
profita de ce répit pour b'o cuper des progrès des
différents établissements déjà formés, et en créer de
nouveaux.
Parmi mesures importantes pi
les ette année

par le gouvernement pour hâter le développement de


la puissance française dans l'Algérie, et faire entra

pays dans La véritable voie de la civilisation, nous


mentionnerons l'érection d'un siège épis* opa] à AL
Deux ordonnances loyales du 25 août 1838, approu-
vées par S. S. le pape Grégoire XVI, constituèrent
cet évêcbé et y nommèrent l'abbé Dupuch, l'un

grands vicaires de Bordeaux 1


.

Divers événements, tels que les approvisionne-


ments de Millah et de Gbelma, une reconnaissance
outre Bone et Pbilippeville ayant pour objet une com-
munication plus prompte entre leux points im-
portants, reliés ainsi a ( '.onstanline , L'oCCUpatiOD de
Millah, de Djemillah et du port de Djidjelli, l'expédi-

tion de Sétif (l'ancienne Sitifi, capitale de la Mauri-


tanie Sitifienne ), et Lasoumission de plusieurs tribup,
ipèreût laborieusement dos armées jusqu'au mois
d'octobre 1839.

i
En 1
'
"
Dupuch . dont l >
lanta* s'étail ruin
niblm fonoli< |
iaei pat, donna ea démiaaion, « t fui n
par Ma* I
DE L'ALGERIE 243

Le duc d'Orléans étant en Afrique avec la


arrivé
mission de porter à l'armée le témoignage de satis-
faction du roi et du gouvernement pour ses travaux et
pour ses souffrances, maréchal Vallée profita de
le

cette circonstance pour faire la reconnaissance de la


route qui relie Alger à Constantine , et de toute la

partie de la province de Constantine qui s'étend de


cette capitale au Biban, et du Biban au Oued-Kadara,
en passant par le fort de Hamza.
Le 6 octobre, le prince, accompagné du maréchal,
s'embarqua à Alger pour Philippeville; il visita, en
passant, Bougie et Djidjelli, et débarqua le 8 à
Stora. Le 12, il fit son entrée à Constantine, où il
reçut de la population indigène un accueil cha-
leureux.
Le corps expéditionnaire quitta Constantine le 16 oc-
tobre. Il était partagé en deux divisions, commandées,
l'une par le duc d'Orléans, l'autre par le général
Galbois, et toutes deux sous les ordres du maréchal
Vallée. Après avoir traversé Millah et Djemillah, le

corps expéditionnaire arriva le 21 à Sétif, où il se


reposa jusqu'au 25. En quittant cette station, la co-
lonne prit la direction de l'ouest; c'était la route
d'Alger. Après trois jours de marche, elle atteignit

les premières gorges du Biban, par lesquelles s'ouvre


lefameux défilé connu sous le nom de Portes-de-Fer.
Le 28, la division Galbois se sépara de la division
d'Orléans, et reprit la route de Constantine. L'autre
colonne, forte de trois mille hommes, sous les ordres

du gouverneur général du duc d'Orléans, s'en-


et

gagea dans le redoutable passage que les Turcs


n'avaient jamais franchi sans payer un tribut aux po-
pulations kabyles de ces montagnes, et où n'étaient
HISTOIRE DE L'ALGÉRIE

jamais parvenues les liions romaines. On mil quatre


heures à traverser ce défilé, resserré entre des r hen
formant des murailles verticales hautes de plus de
cinquante mètres. A l'endroit le plus étroit de i

portes, les sapeurs du génie gravèrent cette simple


inscription: Armée française! 1839. La colonne dé-
boucha dans la vallée île marche,
Hain/.a, et prit sa
sans être sérieusement inquiétée, vers Alger, où elle
arriva le 2 novembre, après avoir fait la veille sa jonc-
tion avec les troupes qui l'attendaient au camp de
Fondouck.
Le corps expéditionnaire, en rentrant dans Ai

fut l'objet, de la part de la population tout entière,


d'une réception enthou>iaste. Mais cette expédition
toute pacifique et ce paisible triomphe «levaient être
bientôt >uivis d'une longue <'i Banglante guerre.
CHAPITRE VI

Impression causée sur les indigènes par le passage d'une armée fran-
çaise aux Portes-de-Fer. —
Symptômes de guerre. —
Hostilités com-
mencées par les Hadjoules. —
L'émir proclame la guerre sainte. —
Attaques des Arabes sur tous les points. —
Renforts considérables en-
voyés de France à l'armée d'Afrique. —
Divers combats dans les pro-
vinces d'Alger et d'Oran. — Héroïque défense de Mazagran. Prise —
de Cherchell par les Français. — contre Médéah.
Expédition —
— Combat au col de Mouzaïa. —
Prise de Médéah. Combat des —
Oliviers. — Occupation de Mélianah. —
Vains ellbrts d'Abd-el-Kader
pour reprendre ces trois villes. —
Tranquillité de la province de Con-
stantine pendant ces hostilités. —
Amélioration de notre situation. —
Manière de faire la guerre des Arabes. —
Le général Bugeaud est
nommé gouverneur général à la place du maréchal Vallée. Nouveau —
plan formé par le général Bugeaud pour la guerre d'Afrique. Sa —
mission. — Augmentation considérable de l'effectif de l'armée. Ra- —
vitaillement de Médéah. —
Premier engagement de cette campagne
avec l'émir. — Pris*- el destruction de Tekedempt. —
Occupation de
Mascara. — Le général Bugeaud y laisse une garnison. Opérations —
du général Baraguay-d'Hilliers. —
Destruction de Boghar et de Thaza.
— Echange de prisonniers opéré par Mf Dupuch. —
Opérations mi-
litaires en 1842. — Occupation de Tlemcen. —
Destruction de Saïda
et de la ghelna d'Abd-el-Kader. —
Soumission de plusieurs tribus.
— Prise de Sebdou. —Opérations du général Bugeaud sur le Chélif.
— Construction de routes. —
Rassemblement de troupes sur Mascara.
— L'émir s'enfuit dans le désert. —
Abd-el-Kader s'établit dans les
montagnes de l'Ouarensenis. —
Campagne d'hiver. Son succès. —

Expédition du général Changarnier contre Ténès. —
Situation de l'Al-
gérie a la fin de l'année 1842. —
Réapparition de l'émir dans la vallée
du Chélif. — Nouveau soulèvement des tribus. —
Rapides opérations
pour les réprimer. —Fondation d'établissements permanents A Or-
léansville, à Ténès et à Tiaret. —
Prise de la Bmalah d'Abd-el-Kader
par le duc d'Aumale. —
Les généraux de Lamoricière et Mustapha
achèvent la défaite de la Bmalah. —
Mort du généra] Mustapha. —
246 HISTOIRE

Les débrie de la Bmalah, retirée dans le Maroc, i


rennent le nom d *

<{nra. — ( '.omb.il ci il Colonel GéfJ •••litlV A b< i-f - K


I ;» i--r. -|Ul a'écbap| .•

prea pie seul de la déroute d . — ( Ipéralio .eau


-•t du colonel Tempoure; — «lu général Baragnay-d'Hilliers dam
province d - ntinp. — Le rolonel Tempour»' défait lea régul
d'Abd-el-Kader, command d khalifa. —
— Résultats de la campagne de 1843.

Le passage d'une armée Française à travers les


Portes-de-Fer causa une immense impression parmi
!,--. Cet acte hardi frappa d'abord n

ennemis de stupeur; mais bientôt L'orgueil L'em-


porta; ils nous reprochèrent d'avoir surpris Le pays
par le mystère de notre marche; et excités par Les
prédications des marabouts, ils réclamèrent haute-
ment de L'émir la reprise des hostilité
Déjà pendant L'expédition, le 29 octobre, on avait
saisi sur un Arabe des lettres d'Abd-el Kadër pro-
i
[uant à la guerre Bainte et annonçant la rupture
de la paix avec les Français, qu'il espérait chasser
promptement de L'Algérie. Bientôt les Hadjoutes
passèrent la Chiffa, et vinrent exercer des razzias
meurtrières contre La tribu de Beni-Kalib, notre
alliée. Le commandant du camp de l'Oued-el-Àl<
accouru pour Les repousser, tomba mortellement
blessé.NOS soldats, furieux, se précipitent sur l'en-
nemi, et, malgré leur infériorité numérique, le re-
foulent au delà de la Chiffa. Enfin, après desact
répétés d'hostilité, L'émir, mettant de côté toute dis-
1 les
simulation, proclama La guerre sainte . Aussitôt

1
Voici i« traduction de la lettre par laquelle l'émir dénonçait au
in.tr.i bal \ allée la re| rise dea boatilil Ire première et rolre
nière lettn rrenuea. J
Arabea de la :
laienl d'à
,

DE L'ALGÉRIE 247

établissements français furent attaqués sur toute la


ligne, et, malgré le courage de nos soldats, les co-
lons, contraints d'évacuer la plaine, vinrent cher-
cher un asile dans Alger; les coureurs de l'ennemi
pénétrèrent jusque sur quelques points du massif,
et les tribus alliées se réfugièrent sous la protection
des camps.
A première nouvelle de l'agression des Arabes
la

et des malheurs qui en avaient été la suite, toutes


les mesures nécessaires furent prises en France pour
mettre le gouverneur général en état de reprendre
bientôt l'offensive. Des ordres rapidement expédiés
poursuivirent et hâtèrent la marche de l'embarque-
ment de vingt mille hommes, de trois mille huit
cents chevaux et de quinze cents mulets : ce qui
porta l'effectif de notre armée d'Afrique à près de
soixante mille hommes, et douze mille chevaux et
mulets.
Les bornes de cet ouvrage ne nous permettent
pas d'entrer dans tous les détails de cette guerre
pendant laquelle de si belles pages ont été ajoutées
à notre histoire militaire. Nous dirons seulement
qu'en attendant les renforts qui allaient arriver de
France les troupes des divisions d'Alger et d'Oran
eurent à soutenir de glorieux combats. Le 10 dé-
cembre, mille à douze cents Hadjoutes, rencontrés

paroles que la guerre sainte. J'ai employé mes efforts pour changer

« ('•in- mais personne n'a voulu de la durée de la paix: ils ont


idée;
tous ct>'' d'accord pour faire lu guerre sainte, <H je ne trouve pas
< d'autre moyen (/ne ci: les écouter, pour être fidèle à notre chère loi
qui commande. Ainsi je ae voua trahis pas,
le vous avertis de ce
>'t

,1111 Renvoyez mon oukil d'Oran pour qu'il rentre .lanssa famille.
est
i Tenez-vous prêta ce que tous les musulmans vous tassent la guerre
sainte. »
HISTOIRE

entre le camp de l'Arba et le cours de L'Habrach


par une colonne formée du 62e de li^ne et d'un
escadron du 1 de chasseurs, furent culbutés et

forcés à une prompte retraite, après avoir Bubî des

pertes considérables. Peu de temps après, un con-


voi parti de Bouffant pour Blidab rencontra au delà
de Méred les bataillons réguliers de l'émir, auxquels
s'étaient joints un grand nombre de kabyles. Une
er
• •haï-,-.' vigoureuse du 1 régimenl de chasseurs les

jette dans un ravin, et décime par un feu


les

plus meurtriers; à peine arrêté dans sa marche, le

convoi gagna tout entier le camp de B Ldah.


Los hostilités éclataient en même temps dans la

division d'Oran.Le khalifa de Mascara, àla tête de


plus de trois mille hommes, dirigea, le 13

cembre, une attaque contre Mazagran, situé à proxi-


mité de Mostaganem. Le poste, quoique très faible,
se défendit avec une grande bravoure el donna le

temps à la garnison de Mostaganem de venir le dé-


ger. I le poste préludait ainsi au brillant fait d'armes
qui devait quelques semaines api es illustrer le nom
de Mazagran.
Un succès important Bignala dans la province
d'Alger le dernier jour de l'année 1839, Le 31 dé-
cembre, toutes les forces des kbalifas de Médéah et

de Mélianah étaient réunies entre le camp supérieur


de Blidah et la Chiflah. Le 2" léger, inaugurant alors

l'éclatante renommée qu'il allait conquérir sous les

ordres du colonel Ghangarnier, et le 1" chasseurs


d'Afrique Be précipitèrent sur l'ennemi avec impé-
tuosité, et l<
1

mirent dans une déroute complète


Trois drapeaux, une pièce de canon et quatre
cents fusils restèrent en notre pouvoir. L'ennemi
DE L'ALGÉRIE 2'»9

laissa plus de trois cents cadavres sur le champ de


bataille.

Si la lin de l'année 1839 avait été signalée par


une action marquante, le commencement de 1840
devait l'être par un des plus héroïques combats de
notre histoire; combat qui rappelait les souvenirs
de la république et de l'empire.
Ce fut à Mazagran 7
du 2 au 6 février : cent vingt-
trois hommes de la 10 e compagnie du 1 er
bataillon
d'infanterie légère d'Afrique, protégés parune faible
muraille en pierres sèches, soutinrent pendant quatre
jours les attaques incessantes de plus de douze mille
Arabes : un contre cent! Privés de munitions, ils

étaient décidés, plutôtque de se rendre, à mourir


sous les débris du réduit qu'ils défendaient; mais
devant cette héroïque résistance les Arabes se re-
tirèrent, emmenant une partie de leurs morts et
de leurs blessés, dont on porta le nombre de cinq
à six cents. Du côté de la garnison, trois hommes
seulement furent tués, et seize blessés.

Mais ces combats isolés n'étaient que l'annonce


de la campagne que le maréchal préparait contre
l'émir. Il commença par s'emparer de Cherchell
(16 mars), l'ancienne Julia Ca^sarea. Cette opéra-
tion avait été exécutée par deux colonnes, sorties
l'une de Blidah, et l'autre de Coléah ; elles parcou-
rurent pendant deux jours le territoire des Had-
joutes, et détruisirent tous leurs établissements.
Au mois d'avril, une expédition fut résolue contre
Médéah, capitale de la province de Tittery, et centre
des opérations d'Abd-el-Kader. Le duc d'Orléans et

son jeune frère le duc d'Aumale, arrivés récemment


à Alger, devaient faire partie de cette expédition.
250 HISTOIRE

L'armée ,
qui comptait dix à douze mille hommes
différentes arme-, se mit en mouvement le 25 avril.

Après différentes escarmouches qui retardèrent -


marche, elle arriva le 11 mai devant le col de Mou-
zaîa. Le 12 mai, à quatre heures du matin, la pre-
mière division, commandée par le due d'Orléans,
franchissait ce p difficile, dont les bataillons de
L'émir et un grand nombre de Kabyles garnissaient
les hauteurs, défendues par des retranchements en
pierres. Nus troupes abordèrent l'ennemi avec un
élan irrésistible, et, malgré le feu meurtrier qu'elles
curent à essuyer, malgré le courage opiniâtre
réguliers et des Kabyles, tous les retranchements
furent rapidement enlevés. Duvivier, récemment
nommé maréchal de camp, les colonels de Lai
ricière et Changarnier, se distinguèrent particulière-
ment dans cette glorieuse affaii
Le 17, le corps expéditionnaire entra a Médéah.
On y laissa une garnison de deux mille quatre cents
hommes, sous Les ordres du général Duvivier; Le S
L'armée reprit La route de La Métidja; elle eut à

soutenir une action très vive en tra ..t Le 1

des Oliviers; l'honneur en rota au 17'' léger et à son


colonel, M. Bedeau, dont La belle conduite fut re-

marquée de toutes Les troup<


Après avoir donne quelques jours de repof à
troupe-, le maréchal Vallée entra en campagne le

5 juin, à La tête de dix mille hornn •

lanl

sur Mélianah. Les Kahvles inquiétèrent sa route,


s m- en venir cependant à un engagement sérieux.
Mélianah lut occupé, Le s
«
. Bans résistance. M. us la

chaleur ne permettant pas de continuer Les op<

tions dans La province de Tittery, Le gouverneur


DE L'ALGÉRIE 251

ramena ses troupes dans le territoire d'Alger, après


avoir châtié sévèrement les Kabyles de Mouza'ïa et
les Béni-Salah, qui depuis le commencement de la

guerre s'étaient montrés très hostiles et avaient


constamment inquiété nos convois.
Cherchell, Médéah et Mélianah occupés, le terri-

toire des Hadjoutes balayé et l'ennemi repoussé


partout où il avait tenté la résistance, tels furent
les résultats matériels de cette glorieuse campagne.
Abd-el-Kader essaya plusieurs fois, soit par lui-même,
soit par ses lieutenants, de reprendre ces trois villes
importantes : tous ses eiïbrts échouèrent devant le cou-
rage de nos soldats. Deux fois il fallut ravitailler Mé-
lianah, et deux fois les colonnes parties de Blidah, har-
celées par les Kabyles, ne purent arriver qu'à travers
mille obstacles. Le trajet de Blidah à Médéah fut

moins difficile, par suite des routes construites pour


tourner le col de Mouzaïa; le passage de la chaîne de
l'Atlas s'opéra sans qu'aucun engagement de quelque
importance arrêtât l'armée dans sa marche. Toutefois
une affaire assez meurtrière eut lieu au bois des Oli-
viers le 29 et le 30 octobre; le camp <TAbd-el-Kader,

établi sur la Chilfa, fut livré aux flammes. Le 29 no-


vembre, une nouvelle expédition arriva sans difficulté

à Médéah, et la garnison de cette ville fut approvi-


sionnée pour six mois. Le ravitaillement de Cherchell,
se faisant par mer, était le plus facile de tous.
Pendant que la guerre était allumée sur tous
les points dans les provinces d'Alger, de Tittery et
d'Oran, celle de Constanline continua à jouir, sauf
quelques exceptions insignifiantes, d'une tranquil-
lité que ne parvinrent à troubler ni les émissaires
d'Abd-el-Kader, ni l'émir lui-même.
2.;-2 histoiri:

Du reste, la situation pendant cette année s'a-


méliora d'une manière sensible. Le tribut prél<
sur une grande partie du pays commençait a offrir
quelques ressources; [es marchés se peuplaient d'in-
digènes, les Arabes cultivaient les terres, et la

cause française gagnait chaque jour de nouveaux


défenseurs; près de sept mille musulmans, cavali
ou fantassins, s'étaient rangés sons nos drapeaux.
Les villes d'Alger, Oran et Bone, sorties de leurs
ruines, prenaient un rapide développement; la po-
pulation européenne, qui s'accroissait dans une pro-
portion croissante, atteignait, au 31 décembre 1840,
le chiffre de vingt-huit mille âmes, dont treize
mille Français, neuf mille Espagnols, six mille Ita-
liens, Maltais ou Allemands. Du côté des Aral
la guerre continuait connue d'habitude, sous fon
d'escarmouches, de déprédations, de dévastations
et d'attaques contre les individus isolés et les fail

détachements. L'émir ne défendait ni pays, ni vil]

ni camps, ni positions; il fuyait les rencoiiti

rieuses, les engagements décisifs, et, malgré «le

fréquentes défaites, il conservait encore des foi

imposantes : il était loin de s'avouer vaincu. I

gouvernement pensa que pour réduire un ennemi


aussi insaisissable il fallait lui faire une guerre plus

active et moins méthodique que celle dont le ma-


réchal Vallée avait formulé le plan. Ces considi
lions déterminèrent le rappel dr ce maréchal, et

le général Bugeaud fut nommé gouverneur général


de l'Algérie.
Le rai Bugeaud arriva à Alger le 29 fé-

vrier 1841
La gloire Incontestable d(^ Bugeaud sera d'avoir
DE L'ALGÉRIE 253

compris la guerre d'Afrique mieux que ne l'avaient


fait ses prédécesseurs, et d'avoir tracé la marche à
suivre à ceux qui sont venus après lui. Reconnais-
sant que nous n'avions pas devant nous une véri-
table armée, mais la population elle-même, il en
conclut qu'il fallait pour se maintenir dans un tel
pays que nos troupes y restassent presque aussi
nombreuses en temps de paix qu'en temps de guerre;
il découvrit en même
temps que les populations
qui repoussaient notre domination n'étaient pas
nomades dans le sens ordinaire de ce mot, comme
on l'avait cru longtemps, mais seulement beau-
coup plus mobiles que celles d'Europe. Chacune
avait son territoire limité, d'où elle ne s'éloignait
pas sans peine et où elle était toujours obligée de
revenir. Si l'on ne pouvait occuper les maisons des
habitants, qui n'en avaient pas, on pouvait du moins
s'emparer des récoltes, prendre les troupeaux et
arrêter les personnes. Dès lors les véritables con-
ditions de la guerre d'Afrique lui apparurent. Il ne
s'agissait plus, comme. en Europe, de rassembler
de grandes armées destinées à opérer en masse
contre des armées semblables, mais de couvrir le

pays de petits corps légers qui pussent atteindre


les populations à la course, ou qui, placés près
de^ leur territoire, les forçassent d'y rester et d'y
vivre en paix. Il renonça d'abord à tout ce qui
encombre la marche des soldats en Europe. Il
supprima presque entièrement le canon; à la voi-
ture il substitua le chameau ou le mulet. Des
postes-magasins permirent de n'emporter avec soi
que peu ou point de vivres ; nos officiers apprirent
l'arabe, étudièrent le pays, et y guidèrent les co-
HISTOIRE

lonnes Bans hésitation et sans détour. Comme la

rapidité Taisait bien plus que le nombre, un ne


composa les colonnes elles-mêmes que de soldats
choisis et déjà faits à la fatigue. On obtint ainsi

une rapidité de mouvements presque incroyable.


Aujourd'hui nos troupes, aussi mobiles que l'Arabe
armé , vont plus vite que la tribu en marche.
La mission expresse du général Bugeaud était de
détruire la puissance d'Ahd el- kader pour cela - ;

L'effectif de l'année fut porté à soixante -dix -huit


mille hommes et treize mille cinq cents chevaux. La
grande guerre à L'européenne allait r en Afrique.
On renonçait enfin à cette ceinture de posti

lés qui ne protégeaient rien, et à cette occupa-


tion restreinte qui compromettait plus qu'elle ne
garantissait notre complète. Le général Bugeaud
avait compris qu'en Algérie nous devions être par-
tout, bous peine de n'y être en Bécurité nulle part.
Ed conséquence on commença par occuper les vil!

et à mettre en pratique le système qui COnsisb


rayonner autour de soi eu partant d'une position
permanente. De cette manière L'ennemi, toujours)
maintenu à dislance, incessamment menacé dans
troupeaux et dans ses moissons, était loué de
tenirconstamment mit une défensive fatigante et rui-

neuse qui L'appauvrissait chaque jour davai I

Avant de commencer la guerre offensive contre


U)d-ei-Kader, le gouverneur général Qt une rapide
irsion dans la province de Constantine, où il

séjourna à peine quelques jours. Le duc de N


moUTS et h' duc d' \umale vinrent encore pari i

les fatigU< s et dangers de l'armée.


le-

A la tin du mois de mars, Médeah fut ravitaillé


DE L'ALGÉRIE 255

de manière à pouvoir fournir des vivres aux co-


lonnes qui agiraient dans le pays. Un convoi parti
de Blidah le 27 avril 29 à Mélianah.
pénétra le

Le 3 mai, la colonne française revenant de Mélia-


nah, commandée par le général Bugeaud, eut un
premier engagement très sérieux avec une grande
quantité de Kabiles. Abd-el-Kader y prit part avec
une cavalerie nombreuse et trois bataillons de reçu-
liers. L'ennemi laissa quatre cents hommes sur le

terrain. Les réguliers de l'émir furent vivement


poursuivis, et plusieurs tribus qui s'étaient toujours
montrées hostiles furent rudement châtiées.
A son retour de Mélianah, le général Bugeaud
confia au général Baraguay-d'Hilliers le comman-
dement de la division d'Alger, qui devait agir dans
la vallée du Chélif, pendant que lui-même dirigerait

l'expédition projetée dans la province d'Oran. Le


maréchal de camp de Bar reçut le commandement
de la ville d'Alger et de son territoire.
Le 18 mai, l'armée réunie à Mostaganem, sous
les ordres du gouverneur général se mit en mou- ,

vement. Elle était divisée en deux colonnes, l'une


sous les ordres du général de Lamoricière, l'autre
sous le commandement du duc de Nemours. L'ar-
mée se dirigea sur Tekedempt, établissement formé
par Abd-el-Kader sur les limites du Tell, pour
s'y réfugier en cas de revers dans l'intérieur du
Tell. Après quelques engagements insignifiants, nos
troupes entrèrent dans la place le 25 mai. Le ma-
gasin, la fabrique d'armes, la scierie et d'autres
constructions élevées par l'émir étaient encore in-
tacts. Le gouverneur général donna ordre de faire

sauter le fort; tous les autres établissements furent


25C HISTOIRE

dément détruits. Abd-el-Kader assista des hau-


teurs voisines à la ruine de Tekedempt, sans (M
venir nous attaquer.
A partir de cette époque, une suite non inter-
rompue de revers vint accabler le Ois de Mahi-ed-
Din. En quittant Tekedempt, Le corps expédition-
naire se dirigea sur Mascara, entra dan- la ville

sans résistance, et la trouva complètement déserte.


L'armée y laissa une garnison, et rentra à Mosta-
aem, après avoir repoussé vigoureusement l'en-

nemi, qui voulut attaquer notre arrière-garde au


délilé d'Abd-el-Kredda. Dans le même temps, le

léral Baraguay-d'Hilliers, qui agissait dans le bas


Chélif, contraignait l'émir à brûler ses places fortes
de Bogar et Thaxa, et infligeait un châtiment sé-

vère à la tribu des Ouled-Ourah, qui nous était

bostile. Clés rapides échecs, ayant ébranlé la puis-


sance d'Abd-el-Kader, le ramenèrent à d ali-

ments plus doux <pie par le passé; beaucoup de


prisonniers lurent épargnés, et plusieurs échanj
curent lieu par L'intervention de M Dupuch, évèque
d'Alger, (les négociations se firent en dehors de 1

tion du gouvernement, et dan- cette circonstance la

religion lit plus que nos armes victorien-


NOUS regrettons que L'espace ne nous permette
de reproduire ici le récit tombant de oes ^li-

verses négociations, tel qu'il a été publié dan- le-


Annales de la propagation de la lui, par M Dupuch
Lui-même et par M. l'abbé Suchet, Bon grand vi-

caii

Pendant la première campagne de 1842, la guerre


marcha avec une rapidité incroyable dans les pro-
vinces d'Alger et de Tittery, Les émigrations, les
DE L'ALGÉRIE 257

alarmes continuelles, les pertes énormes occasion-


nées par les razzias, les femmes et les enfants en-
levés ou morts de fatigue et de faim , la nécessité

de vivre pendant tout l'hiver sur les montagnes les

plus âpres, dont les sommets étaient couverts de


neige, décidèrent des soumissions multipliées, et

un grand nombre de tribus firent marcher leurs


cavaliers avec les nôtres pour combattre l'ennemi.
Malgré cette tendance générale à la paix, les opéra-
tions militaires ne manquèrent, en 1842, ni d'activité

ni d'importance.
Le 30 janvier, le général Bugeaud occupa Tlemcen.
Abd-el-Kader avait évacué cette ville la veille au soir,

emmenant, selon son habitude, toute la population à


sa suite. On y trouva une fonderie, des canons, des
boulets, des obus, essais encore imparfaits récem-
ment une partie des habitants de la
tentés. Bientôt
ville, échappés des mains de l'émir pendant la
marche rentrèrent dans leurs maisons ils annon-
, ;

çaient que les tribus étaient plus que jamais fatiguées


de la guerre, et que le nombre des partisans d'Abd-
el-Kader diminuait. Dans cette situation, le gouver-
neur général se détermina à occuper Tlemcen d'une
manière permanente, pour donner un point d'ap-
pui au parti de la paix parmi les Arabes, et pour
empêcher l'ennemi de rétablir une autre fois sa
puissance après le départ de la colonne expédition-
naire.
A soixante -douze kilomètres au sud de Mascara,
se trouvait le fort de Saïda, que sa position rendait
précieux à Abd-ei- Kader; il lui servait à contenir
le pays de la Yacoubia, impatient de sa domina-
tion. Ce fort fut pris et rasé; le village de la Ghetna,
17
- a HISTOIRE

berceau de la famille de L'émir, subit le même >oit,


et aussitôt six tribus vinrent faire alliance avec
L'armée irai. . à laquelle elles ont depuis
laminent servi d'auxiliaires dans les attaques dni-
rotre 1 1 grande tribu de- 1 1 ichems.
Le fort de Sebdou, unique place de la seconde
Ligne qui restât encore à L'émir, situé à cinquante-
deux kilomètres au sud-ouest de Tlemcen, fut
levé par dos troupes, et quinze tribu- nous tirent
leur soumission. LesBéni-Menaur, des environs de
Cherchell, furent Bévèrement châtiés. Plus de vingt
tribus implorèrent L'aman du général Bugeaud. Le
iverneur se dirigea ensuite vers Le Chélif; en-
veloppant dans un mouvement concentrique Les

montagnes qui servaient de refuge aux tribus insou-


mises, il délivra La plaine d'Alger, par cette im-
mense razzia, des incursions des montagnards, et

assura les communications entre Médéah, Mélianah


et Cherchell. Le général de Lamoricière emplis-
sait, de son côté, une brillante expédition, et Ab i-

«l-Kader était forcé de se rejeter de nouveau dans le

désert.
Les colonnes expéditionnaires étant de retour,
on les employa à des travaux plus pacifiques : on
poussa la construction de la roule qui lie Médéah
à Blidah; on s'occupa d'un fossé d'enceinte de la

Métidja. En même temps on réglait les différents

effectifs de iw ou contingents fournis par nos


allié

Le mois de septembre B'ouvrit par une grande


concentration Mascara et à Ifosta-
de troupes à
em; ait de porter un coup décisif à Abd-
il

el -Kader, qui avail encore obtenu m de 1,


DE L'ALGERIE 259

quelques tribus. Mais, ayant reconnu le cercle dans


lequel on voulait l'enfermer, l'émir se jeta dans les
défilésdu petit Atlas, et se dirigea vers le désert
sur Tu™urt.
L'hiver était arrivé; mais Abd-el-Kader s'était

établi dans les montagnes de l'Ouarensenis, d'où


il dominait tout le pays entre le Chélif et la Mina;
une campagne d'hiver fut organisée. Le résultat
des opérations répondit parfaitement à l'attente du
général en chef, et en vingt-deux jours presque
toute la chaîne de l'Ouarensenis jusqu'à l'Oued-Ri-
bou, toute du Chélif, plusieurs tribus en-
la vallée

tières et la plus grande partie de celle des Flissas,


se trouvèrent soumises. Le général Changarnier
dirigea ensuite une expédition contre les popula-
tions qui environnent Ténès, où nous n'avions pas
encore porté nos armes.
A la lin de l'année 1842, voici quelle était la

situation de l'Algérie.
Tout le pays était soumis et organisé depuis le

Jurjura jusqu'à la frontière du Maroc. Les villes

du littoral , relevées comme celles de l'intérieur,


s'environnaient alors de villages presque aussitôt
peuplés que construits; on essayait tous les moyens
pour favoriser la colonisation; des casernes, des
hôpitaux, des magasins, des églises, des écoles,
des marchés, des fontaines, des édifices publics et
privés surgissaient sur tous les points. Des chambres
de commerce, des entrepôts réels s'ouvraient sur
nos ports aux marchandises étrangères; des phares
éclairaient tous les ports; des routes nouvelles rayon-
naient sur le sol, toutes couvertes de soldats, de
marchands, même de voyageurs isolés circulant avec
260 HISTOIRE

sécurité; des ponts étaient jetés sur L'Isser, Le Rio-


Salado et la Mina; on conr dt môme à exploi-
ter ces vastes forets dont L'existence avait été si

longtemps conl L'industrie, le cornu . la

culture, s'accroissaient en proportion de la popula-


tion, qui de vingt-huit mille âmes, en 18 tait

montée à'quarante- quatre mille cinq cent trente et


un. Les grains, les bestiaux, Les huiles, cires, lait:

fruits,légumes et volailles qui nous étaient fournis


pendant la guerre par le commerce maritime, et à
des prix excessifs, nous Eurent alors vendus à meil-
leur compte par les indigènes, et Les colons virent
enfui cesser leurs privation-. Tels furent I
sul-
tats politiques et administratifs qui signalèrent à l'ad-
miration et à la reconnaissance de la France le gou-
vernement «le L'Algérie à la tin de cette campagne.
Cependant A.bd-el-Kader, toujours infatigable, ci
ne se tenant pas pour vaincu, habile à tourner à son
profit ce qu'il y avait de peu sincère dans la SOUmis-

sion des Héni-Menaur et de quelques tribus voisii


reparut au mois de janvier 1843 dan- la vallée du
Chélif, et parvint à recruter trois mille Kabyles. Vu
mois d'avril, l'insurrection -'étendait jusqu'aux portes
• le Cherchell; tout le Dahra, sauf la grande tribu des
Béni-Zérouels, subissait encore L'influence de l'émir,
ainsi que Les tribus riveraines du Chélif et celles de

l'Ouarensenis. Une vigoureuse offensive pouvait seule


ramener ces populations au calme et à l'obéissan
aussi le gouverneur général résolut-il d'étouffer sur-
le champ dan- Leurs germes ces nouveaux symptôi

de désordre et de rébellion
La marche simultanée de tTOÎS colonnes Irai:

dont l'une, dirigée par le gouverneur en personne,


,

DE L'ALGÉRIE 261

pénétra au cœur des tribus insurgées et brûla la ville

d'Haïnda, promptement échouer les projets de


fit

l'émir. Pendant ce temps le général Changarnier,


commandant la seconde colonne, créait les postes
provisoires de Teniet-el-Haad et de l'Oued- Rouina,
et ses bataillons, avant de pénétrer dans la chaîne
orientale del'Ouarensenis, exécutaient chez les Béni-
Férebls une manœuvre qui les rendait maîtres d'un
riche butin ; ils parcouraient le pays en tout sens
incendiant les douars, coupant les arbres fruitiers,
détruisant les moissons, et réussissant par ces moyens
extrêmes à soumettre eniin lesmontagnards terrifiés.
D'un autre côté, le duc d'Aumale, dirigeant la troi-
sième colonne, s'empara, du côté de Boghar, du trésor
de Ben-Allal-Ould-Sidi-M'barek, dont la majeure
partie fut distribuée aux troupes alliées. Le général
Bugeaud dans cette expédition, jeta les bases des
,

établissements permanents d'Orléansville sur le Ghélif


central, de Ténès sur le littoral entre Mostaganem
et Cherchell, et de Tiaret sur les confins du désert.
Une razzia énergique poussée sur les Sbeih lui livra
deux mille prisonniers, quinze mille têtes de bétail et
un immense butin. Mais de toutes ces opérations,
exécutées avec audace et habileté, aucune n'eut un
résultat aussi important et un aussi grand retentisse-
ment que la prise de la smalah d'Abd-el-Kader.
La smalah était une population nomade composée
de la famille de l'émir et de celles des principaux per-
sonnages attachés à sa fortune. Cette réunion, grossie
d'un grand nombre d'émigrés appartenant à toutes
les tribus de l'Ouest, et particulièrement aux Ila-
chems, renfermait de douze à quinze mille personnes.
Elle était protégée par quelques centaines de fantassins
.

262 HISTOIRE

réguliers. Cette agrégation essentiellement ambulante


s'enfonçait tantôt vers le sud, tantôt revenait vers Le

Tell, selon les circonstances de La guerre : elle repré-


sentait le foyer et le centre des forces d'Abd-el-Kader,
et devenue en quelque sorte la capitale de
était -

puissance nomade. La tâche de poursuivre et d'enle-


ver La smalah fut confiée au duc d'Auma]
Le jeune prince partit Le 9 mai de Boghar, où il avait

réuni sa colonne et organis convoi d'approvi-


sionnements. 11 emmenait dix-huit cents fantassins
<inq cents cavaliers, dont deux cents Fraie dé-
ment (chasseurs d'Afrique), et trois cents spahis.
Après une marche forcée de plusieurs jours, on apprit
Le 15, que la smalah était campée sur les sources du

Tanguin. La cavalerie prit immédiatement la pour-


suite, et, après trente heures de marche, elle se trouva.

Le 1<> à dix heures du matin, en présence de la sma-


lah, dont les nombre de
tentes, au plus de quatre
mille, couvraient un espace Lmmens D pouvait
évaluer les : des défenseurs à deux mille
liers environ et trois mille fantassins, en dehors du
petit bataillon de réguliers. Notre cavalerie n'avait
«[lie cinq Cents chevaux, et L'infanterie ne devait ar-
river que plusieurs heures après sur le champ de :

taille. La circonstance était critique. Attendre l'infan-


teri tait donner à L'ennemi le temps de plier

tentes et d'oi - aniser une vigoureuse La


prude: Allait d'être hardi et de se précipiter

au milieu des tentes, malgré L'infériorité du nombre,


de jeter le trouble dans cette population mêléi
triompher par surpris parti fut adopté, et le

le plus complet en fut le résultat Le ti.

d'Abd-el-Kadei spondance, quatre drapeaux,


DE L'ALGERIE 263

un canon, des armes de toute espèce, un butin im-


mense, des troupeaux innombrables, les [familles des
lieutenants les plus illustres de l'émir, tombèrent
entre nos mains. Sa mère et sa femme faillirent elles-

màmes subir le même sort.

Quelques jours après , l'émir fut rejoint par les gé-


néraux de Lamoricière, Mustapha-Ben-Ismaïl et le
colonel Géry; deux mille cinq cents Hachems et leurs

troupeaux devinrent noire proie , et le brillant succès


du duc d'Aumale fut ainsi complété. Mais une cata-
strophe inattendue vint troubler la joie de l'armée.
Notre fidèle allié, le général Mustapha, fut tué dans
un guet-apens en traversant la forêt des Cheurfas. Ses
cavaliers, chargés de butin, se voyant attaqués, son-
gèrent plutôt à fuir qu'à défendre leur chef, qui périt
lesarmes à la main. Les Cheurfas portèrent sa tête à
Abd-el-Kader comme un trophée.
Les débris de la smalah errèrent pendant quelque
temps encore dans le sud puis se dirigèrent vers le
,

Maroc. Cette réunion , reconstituée sur des bases


moins importantes, prit le nom de deïra.
Pour protéger la retraite des siens et recueillir quel-
ques-uns des fugitifs, Abd-el-Kader se tenait au sud
de Mascara avec cinq cents cavaliers réguliers et six
cents fantassins environ. Le colonel Géry, instruit de
sa présence dans le voisinage de Mascara, se dirige ta

sa rencontre par une marche de nuit, qui n'est trahie


par aucun des habitants de la contrée, et, chargeant
sur lui à l'improviste, renverse son camp tout entier.
Dans le butin, on trouva les éperons et la selle de
l'émir, qui ne s'était sauvé que par miracle sur le

cheval d'un de ses khiaias.


Le général Bedeau et le colonel Tempoure n'étaient
264 HISTOIRE

>s inactifs dans cotte brillante campagne. La


colonne de Tlemcen avait aussi Ba pari de fal e!

de glorieuses actions, tant à L'ouest qu'à Test du pays


des DjafTras; enfin la division de Constantine, bien
que sur un théâtre tout à fait indépendant de l'in-

lluence d'Abd-el-Ka 1er, n'en rivalisait pas moins d'é-


nergie avec celles d'Oran et d'Alger. A pe ne investi
du commandement de la province, le général Bara-
guay-d'Hilliers avait concentré ses principales foi

dans grand triangle, entre Bone, Philippeville et


le

Constantine, où, à très peu d'exceptions prés, on


n'avait jamais reconnu l'autorité de la France : par
des combats meurtriers et des courses incessantes, il

parvint à soumettre toutes les montagnes de Collo à


la frontière «le Tunis, força l'Edhoug à nous obéir, et

renversa ainsi le seul pouvoir qui dans l'Est ne lût

pas encore subjugué.


événement militaire de la plus haute importance
l'u

marqua la lin de l'année 1843 dans la province d'Oran.


Le 11 novembre, une colonne partie de M i, soû-

les ordres du colonel Tempoure, atteignit le camp

du khalifa Ben-Allal-Ould-Sidi-M'barek, qui renl


mail le reste de l'infanterie régulière de l'émir. Ce
corps fut complètei nei il anéanti les cavaliers les mieui
;

montés purent seuls échapper, plus de quatre cents


mort- restèrent sur la place; les drapeaux de trois ba-

taillons, trois cent soixante prisonniers, toute- les


armes, les b de Bomme restèrent en
notre pouvoir. Ben -Allai lui-même fut tué dans le

combat : il était l«
i
premier lieutenant d'Abd-el Kader,
et exerçait une très grande influence sur les popula-
tions arabes de Mélianah, de la Mélidja, du Sébaou
et de Médéah. «
>mbat trancha définitivement la
DE L'ALGERIE 265

question de guerre. Dans les tribus de l'intérieur,


nous devînmes définitivement les véritables posses-
seurs du pays et ceux qui nous combattirent désor-
;

mais n'étaient plus des ennemis, mais des sujets en


rébellion, toujours facilement ramenés à l'obéissance.
L'émir fut rejeté dans le Maroc. Il avait encore un
de ses lieutenants à Biskara, dans la province de
Gonstantine ; mais il n'existait plus aucun rapport
régulier entre ce chef et son maître.
La campagne de 1843, dirigée avec autant d'habi-
leté que de courage et de persévérance, donna, comme
on le voit, d'immenses résultats. Sur tous les points,

les grands intérêts de la colonisation obtinrent sécu-


rité et protection; l'agriculture, le commerce, l'indus-
trie, se développèrent rapidement dans nos principaux
centres de population, qui, tous ensemble, formaient
à la fin de cette année un total de soixante-cinq mille
habitants, tandis qu'à la fin de 1842 ce total n'était,
comme nous l'avons vu, que de quarante-quatre mille
cinq cent trente et un.
ciiaimtui: Vil

i aérai Bugeaud aommé maréchal de I i tnce. — !


aale
gouverneur de la provin nline. — Situatioi
et de — Le maréchal gouverneur B'occupe des Iravaui d
la ilcïra.

colonisation. — Expédition >ur Biskara ou Biskra. — Résultats de


campagne. —
Le d'Abd-el-Kader.— Soulèvemenl I
-

Plissas. — Leur châtiment Abd-el-Kader cherch lire

sa puissance dans le Riff, province du Maroc. — Plaintes 'lu

aemenl français à l'empereur du Maroc. -- i

— ViolatioD <lu len itoii -• — l


maréchal gouverneur franchit la frontière du Maroc. I

d'Isly. — Défaite de l'armée marocaine.— 1 ipéditions maritii


— Bombardement d< i

le prince de Joinville. — Traité de paix avec 1" Maroc. — Inilu-

sur la tranquillité <!<• l'Algérie. -


h. il -iiAbd-el-Kader pendant al
i
du i

maréchal. Fermentation dans les tribus. —


Nouveau plan d'Abd- —
el-Kader.— Explosion de l'insurrection dans les Dahra i i

et de L'Ouarenaenis. — Apparition d'un nouvel imposteur aommé B

Maxa. ' fail —de Bou- Maza. I table épia


Bou M _ . le. — il eal battu

le commandant Maurt Ion. - I *i m khalifa bV •

relie insurrection. Guel apenade Sidi Ibrahim, —


de nos soldats. Retour du ud, duc i
d'Ial] iî\

— Opérations des généraux de Lamori pnierdai

i
rovince d*( Iran, Abd el-Kader n atre dans l'A —
bal gouverneur l< :
Nouvelle \n\ i


i

\i..i- i K.i.i. r. — lls'eofuitei intl< maréchal. 11 revient


i bei li i I liaaaa. - Il en eal imm< diate al chasa< .
— Cl
de la. •
dans la lutte. -• Vigoureus ire du maréchal
m . i
tter

ootre frontièn 1 1 de l'inlei d

nui. r- li
HISTOIRE DE L'ALGERIE 267

Bou-Maza se rend prisonnier. —


Soumission de Ben -Salem, khalila
d'Abd-el-Kader; —de Ben Kassem-Oukassi, et d'autres chefs. Ex- —
pédition contre la grande Kabylie. —
Son succès. —
Le maréchal
Bugeaud donne sa démission.

Au commencement de l'année 1844, le général


Bugeaud fut nommé maréchal de France. Le duc
d'Aumale reçut le commandement de la province de
Constantine, et MM. de Lamoricière et Chargarnier
furent promus au grade de lieutenants généraux.
L'ex-émir, car on le désigna ainsi dès lors, parais-
sait tout à fait impuissant à troubler la paix. Au mois
de janvier 1844, il campait, avec trois cents chevaux,
dernier débris de son armée, à une journée au sud
d'Ouchda; sa deïra occupait une vallée au delà du
Chot-el-Gharbi; puis Bouka-Cheba, sur
elle vint à

l'extrême frontière. Son dénuement était affreux; les


maladies, la lassitude, la faim, la misère, éclaircis-
saient encore chaque jour les rangs de ses fidèles. A
chaque marche nouvelle, la deïra marquait son passage
par un nouveau cimetière.
Le gouverneur général mit à profit cette situation
favorable pour activer les travaux de colonisation.
Dans la province d'Alger, un système de rayonne-
ment, comprenant la Métidja, le Sahel et le revers
septentrional de l'Atlas, était en pleine voie de pro-
spérité. Des routes étaient tracées, des ponts reliaient
entre elles les rives jusque-là séparées des cours d'eau.
Enfin des villages nombreux s'élevaient comme par
enchantement.
Cependant le khalifa d'Abd-el-Kader, dont nous
avons parlé à la fin du précédent chapitre, occupait
toujours BUkara, ville d'entrepôt pour les caravanes
268 HISTOIRE

du désert, et capitale du Zab, réunion de petits vil-

is sur du Sahara algérien. Une colonne


la frontière

expéditionnaire, sous les ordres du duc d'Aumale,


prit possession de cette place; après y avoir Lais

une faible garnison composée d'indigènes et de quel-


ques Français, elle se porta rapidement sur tous Les

points occupés par Ahmed, L'ancien bey de Constan-


tine, et faillit même le faire prisonnier. Les résultats
de cette campagne, qui dura jusqu'au > juin, et dont
détails nous entraîneraient trop Loin, turent L'oc-

cupation permanente de Batna et de Biskara, L'or-

ganisation des tribus du Sahara, du Bélezma et de la

Houdna. Cette partie de la province de Constantine


ne donna plus par la suite aucun sujet d'inquiétude.
Abd-el- Kadcr n'avait pas reparu; mais ses émis-
saires agissaient pour lui: l'un d'eux, Ben-Salem, qui
avait une grande influence sur les tribus kabyles de
L'Est, soulevait les Plissas. Le maréchal leur livra

c imbat à Ouarezzivin. L'ennemi lai>si plus de mille


morts.Une quarantaine de villages turent Lncendi
Ben-Zamoun, leur chef, lit sa - lumission.
Le général Marey-Monge obtenait, sur un autre
point de la province, un résultat également impor-
tant, l.i soumission du marabout Tedjini, rival d'Ah l-

el BLader.
Le maréchal Bugeaud apprit enfin qu'Abd-el-Kader
"ait réfugié sur le territoire de la province du BUT

dans le Maroc, où cherchait à reconstruire le noyau


il

de sa puissance. Le gouvernement français se plaignit


à L'empereur Abd-er-Rhaman, qui déclara «pie
autorité était a peine reconnue chez les Ri (Tains, i

qu'il ne pouvait obtempérer a demande de La


la

France, lai môme temps il nommait AJ)d-el-Kader


DE L'ALGÉRIE 269

son khalifa de la province du Riff. Cette nouvelle


dignité exalta l'ambition d'Abd-el-Kader, qui se flat-

tait de devenir bientôt plus puissant que jamais. Pour


préparer les voies à ses projets, il excitait par tous
les moyens possibles les populations marocaines contre
nous, et par son influence soulevait entre la France et
le Maroc une question de frontière qui amena les
troupes d'Abd-er-Rhaman à Ouchda, en face du camp
et du fort français de Lalla-Magbrnia. Le territoire

français fut violé. Le général de Lamoricière re-


poussa l'attaque avec un grand succès. Les hostilités
étaient donc ouvertes. Des renforts arrivaient de
France. Le maréchal gouverneur prit le commande-
ment supérieur. Après un engagement sans consé
qûence à Mouïla, le maréchal posa un ultimatum qui
resta sans réponse; le 19, il franchit la frontière du
Maroc et entra à Ouchda sans coup férir; les troupes
marocaines s'étaient retirées dans le plus grand dés-
ordre.
Le gouvernement français comprit la nécessité de
joindre aux opérations militaires sur les frontières du
Maroc une expédition maritime sur les côtes de l'em-
pire. Une division navale fut réunie, et le comman-
dement en fut donné au prince de Joinville. Aussitôt
Tanger fut bombardé tous ses forts démantelés et
,

ruinés.
Cependant les sévères leçons données aux Maro-
cains ne paraissaient devoir porter aucun fruit. De
nouvelles levées en masse s'effectuaient à Fez et dans
les environs. Les négociations entamées furent rom-

pues, et le fils de l'empereur vint lui-môme, avec une


vingtaine de mille hommes, prendre le commande-
ment des troupes rassemblées sur la frontière. Le
270 HISTOIRE

gouverneur général résolut alors de prendre l'initia-

tive, redoutant les suites de toute lenteur qui pourrait


donner aux tribus de la province d'Oran le ten
léclarer contre nous. En conséquence, le 13 août,
â heures après midi, nos troupes se mirent en
trois

mouvement, en simulant un grand fourrage; le i. 1

deux heures du matin, elles se remirent en marche.


A huit heures, on aperçut les camps maro s qui
couvraient plus de quatre kilomètres sur la ri

de llsly. L'ennemi tenta de nous disputer le p -

de la rivière ; il hit repoussé par les tirailleurs d'in-

fanterie. A peine notre armée avait pris son ordre


de combat sur la rive opp . qu'elle fut assaillie sur
- - . ux lianes et sur ses derrières par d<

considérables de cavalerie. Mais partout l'attaque

éch ntre la solidité de notre infanterie; bientôt


notre artillerie mit le désordre dans in-

fuses, qui se retirèrent devant o .


I. i an-
se, voyant l'effort de l'ennemi brisé sur ses tlai.

continua sa marche en avant, et, après une


ré is tante ^ enleva la hutte ou le Blé de l'empereur
tait établi dès le commencement du combat. A
le maréchal se dirif ûtre les camj ». N >tre l»i

cavalerie se montra digne de sa renommée; elle enl<

dans une charge vigoureuse, la batterie qui défeo


Les tentes du fils de l'empereur, l
inonniers furent
sabrés sur leurs pièces, et un Immense butin tomba
en notre pouvoir. Les M u tins, vivement poursui-
vis, se dispersèrent dans toutes les directions, et nous
restâmes maîtres du champ de bataille. Onze pié

de canon , Beize drapeauz ,


près de ats tenl
v compris «-elle du Bis de l'empereur, >n para
de commas lement, restèrent en notre pouvoir. Cette
DE L'ALGÉRIE 271

victoire signalée valut au maréchal Bugeaud le titre

de duc d'Isly.

Le soir du même jour, et sans qu'il eût été possible


à la flotte de se concerter avec l'armée de terre, le

prince de Joinville bombardait Mogador, et le lende-


main les fortifications de cette place n'offraient qu'un
monceau de ruines.
L'orgueil du Maroc était humilié, et ses popula-
tions fanatiques commençaient à comprendre la né-
cessité de faire la paix. Elle fut accordée aux condi-
tions suivantes rassemblements extraordinaires
: les
de troupes marocaines formés sur notre frontière et
dans les environs d'Ouchda seraient immédiatement
dissous; un châtiment exemplaire serait infligé aux
auteurs des agressions commises sur notre territoire;
Abd-el-Kader serait expulsé du territoire marocain
ou interné et ne recevrait plus désormais des popu-
,

lations soumises à l'empereur ni secours ni appui


d'aucun genre. Une délimitation complète et régulière
des frontières serait arrêtée et convenue.
L'issue favorable de la campagne contre le Maroc
exerça la plus salutaire influence sur la tranquillité de
toute l'Algérie. Cette tranquillité parut au gouverneur
général si bien assurée, qu'il crut pouvoir en profiter
pour aller se reposer quelque temps en France, après
un séjour de quatre ans en Afrique, si laborieusement
et si glorieusement employés. Il partit le 16 novembre,
en laissant le gouvernement par intérim de l'Algérie
au général de Lamoricière.
La clause du traité de Tanger par laquelle l'empe-
reur du Maroc s'obligeait à expulser ou à interner
Abd-el-Kader ne fut pas exécutée. Notre dangereux
ennemi resta longtemps campé sur la rive gauche de
HISTOIRE

la Malouïa, dans la partie du territoire du M u la

plus voisine de nos po >ns. De là il envoyait i

émissaires pour prêcher la révolte; il faisait circuler

'les lettres nombreuses dans Lesquelles annonçait il

aux tribus que l'empereur du Maroc devait bientôt


joindre à lui, pour nous attaquer par le sud et par
l'ouest. Ces sourdes menées, encours par l'ab-
sence du gouverneur général, ne tardèrent pas à
porter un coup funeste à la tranquillité du pays. Une
tentative exécutée parune ban Le de fanatiques contre
le camp de Sidi-Bel-Abbès fut Le signal d'une lutte
nouvelle. La fermentation devint bientôt générale. La
tribu des Béni-Amer nous abandonna la première, et
il fallut adopter -les mesures de surveillance et de ré-
pression très vigoureuses pour arrêter la défection
«l'un grand nombre de tribus qui voulaient émigrer
afin de se joindre à Abd-el-Kader dans Le Maroc. En
el-Kader avait formé un nouveau plan.
effet, Al»d

voyant entouré dos sympathies les plus vives de la

part dos populations marocaines, au point que les

nts de L'empereur envoyés pour exécuter Le traité

dr Tanger durent renoncer à l'expulser du Tell, il

songea à faire venirauprès de Lui le plus grand nombre


qu'il pourrait de partisans de L'Algérie, et ai
Leur aide il fonderait un nouvel État, ou peut-être
même pourrait -il bien b' élever jusqu'au trône d'Ad-
er-Rhaman. Car les rêves de l'ambition n'ont pas de
bornes, et d'ailleurs celui que faisait Abd-el Kader
étal! entretenu par Les témoi I sympathie
qu'il recevait de tous Les points dé L'empire, témoi-
gnages accompagnés de Becours et ^^ subsides de
toute nature, Plus tard, comme nous Le verroi
prétentions vraies ou supposées d'Abd-el-Kader exci-
DE L'ALGÉRIE 273

tèrent la jalousie et la défiance de l'empereur, qui


voulut enfin se défaire d'un compétiteur dange-
reux.
En attendant, les émissaires d'Abd-el-Kader par-
couraient sans cesse l'Algérie, au moyen des rami-
fications nombreuses qui existent dans les tribus,
parmi les membres des confréries religieuses; ils

entretenaient le fanatisme, et cherchaient à persua-


der aux tribus d'émigrer, de fuir un- sol souillé par la

présence des infidèles, et de venir grossir le peuple


nouveau que l'émir réunissait dans le Maroc.
Ces prédications exaltèrent partout les esprits, et
l'insurrection, un moment comprimée dans l'Ouest,
fit tout à coup explosion dans les montagnes du Dahra

et de l'Ouarensenis. Ici l'instigateur de la révolte se


présenta non en partisan, mais en compétiteur d'Abd-
el-Kader. Il s'annonçait comme issu de la famille du
Prophète, et envoyé de Dieu pour expulser les chré-
tiens de l'Algérie. Il prit le nom de Mohammed-ben-
Abdallah, annoncé par les prophéties; mais il n'est
connu que par le sobriquet de Bou-Maza (le Père de
la chèvre , ou Homme à la clièvre), par lequel les
populations le désignèrent. Il obtint d'abord quelques
succès sur de faibles détachements isolés; il n'en fal-

lut pas davantage pour lui attirer un grand nombre


de partisans. Aux yeux de beaucoup d'Arabes, le rôle

d'Abd-el-Kader était fini; la fortune avait prononcé


contre lui; il avait été vaincu, et depuis longtemps
aucun succès n'avait relevé le prestige de son nom:
tandis que Bou-Maza venait de tenir en échec les
forces françaises. Mais Bou-Maza n'avait ni les talents
ni la capacité de son rival, et il ne devait pas soute-

nir longtemps le prestige du rôle qu'il avait adopté.


18
HISTOIRE

Battu par une colonne française, il se vit bientôt fo

.le fuir <le tribu en tribu . int , mais


soulever encore sur son passage les fanatiques et cré-
dules habitants «lu Sahara. Ces! alors qu'eut lieu un
rrettable épisode de celte guerre, épisode qui eut

le plus ràcheui retentissement. Une partie des popu-


lations rebelles des Oulecl-Riah avait cherché un re-
.'
dans des grottes profon înexpugnabli
les somma vainement de se ren Ire en leur je

tant la vie sauve. Elles rep( at tout - pro-


fitions, et accueillirent même n - parlementaii
a coups -11' fusil. Alors, pour les obliger à quitter
leurs retraites, on jeta des fascines enflammées à

l'entrée des grottes, et tout ce qui s'y trouvait fut

uffé. Dan- celte triste journé 2 juin) périrent à

peu près cinq cent trente Aral châtiment ter-


rible, désavoué par si curs, i et qui n'avait

été calculé par le chef des troupes fra [rappa


.l'épouvante titilles les tiiluis, et mit lin à la résis-

tance Dabra. Sur un autre point, A.bd-el-Kader,


«lu

encouragé par la nouvelle prise (Tannes, rCj


sur notre territoire, mais rentrait presque immédia-
tement sur le sol marocain. Dans la province «le

( kmstanline ,
!«' général B tdeau , qui avait remplac
due d'Aumale, obtenait la soumission des monta-
gnards oie l'Ain es et leur faisait payer des impôts de
guerre,
Bou-Maza errait toujours avec un petit i

|i irtisans, tantôt dans les mont;!- nés «le la rive dn


du Chélif, tantôt dans celles «le la i
( he, lorsque

la trahison d'une fi uled-Sbéah, qui n

-.h rèrenl n<>tiv agha «lu Sandjeh et sa suite, lui four-

nirent l'oc«casion d*< ir «le repren I po-


DE L'ALGÉRIE 275

litique. Il vint se placer au milieu de la population


coupable pour la diriger dans sa défense contre nous,
et s'en faire un levier avec lequel il put soulever de
nouveau le pays. Mais il se fit battre dans les douars
des Sbéah par le chef de bataillon Maurelon, du 1 er ré-
giment de la légion étrangère; et, quelques jours
après, son khalifa Mohammed -ben- Aï cha, ancien
porte -drapeau d'Abd-el-Kader, fut pris et tué par
notre agha Ghobrini. Cette capture importante fitune
grande sensation parmi les tribus, sur lesquelles Ben-
Aïcha avait plus d'influence que Bou-Maza lui-même.
Ce dernier fait d'armes fut suivi d'une tranquillité
plus apparente que réelle; car bientôt une insurrec-
tion nouvelle et plus terrible vint montrer sur quel
fond peu solide reposait la sécurité générale.

Déjà, depuis quelques jours, l'effervescence qui


accompagne toujours chez les musulmans le mois de
ramazan se faisait sentir dans nos rapports avec cer-
taines populations éloignées du centre. Quelques ré-
voltes partielles avaient été aussitôt étouffées que
nées; mais ce n'était que le prélude du guet-apens
qu'on nous préparait.
Le 21 septembre, un chef indigène, Muley-Cheik,
qui jusqu'alors s'était montré très dévoué à la France,
vint prévenir le lieutenant- colonel de Montagnac,
commandant le camp de Djemmà-Ghazouat, petit port
sur la frontière du Maroc, que deux cents hommes
commandés par Abd-el-Kader allaient venir pour
enlever un douar voisin. M. de Montagnac partit avec
trois compagnies du 8 e bataillon de chasseurs d'Or-
léans, commandées par M. Froment-Coste, et soixante
hussards du 2e commandés par le chef d'escadrons
,

Courby de Cognor.
.

HISTOIRE

Le 2*2 au matin, la colonne marchait -

un peloton de hussards à L'avant-garde, la gnie


de carabiniers à l'arrière-garde, le reste «1rs troupes
au centre, lorsque tout à coup, pi oucherdu
ravin qui mène dans la plaine, elle se trouva en -

loppée par des forces dix lois supérieures, qui l'as-

saillirent avec fureur. Après une défense achan


lous les officiers furent tués, ou pris a\ les!

qui les mettaient hors de combat. Quatre cent cin-


quante hommes furent ainsi 1
j, ou I

rent, couverts de blés . au pouvoir des Aral


Quatre-vingts hommes avaient été laissés dans le

marabout de Sidi- Ibrahim ;


ils s'v retranchèrent,
tardèrent pas à être attaqués à leur tour a]

la destruction de la première troupe. Pen lant qua-


rante-huit heui jnée de bravi au
sans vivr< i à toutes les attaques des Aral
I'i essés par la faim et surtout par la soif, voyant leurs
muniti épuiser, ils prirent la résolution
faire jour à travers l'ennemi pour
Ghazouat. Parvenue, api forts prodigieux, à
quatre kilomètres environ du camp, cette petite
troupe dut trai un ravin rempli de Kabyles,
de dos soldats étaient épuisé is. I
e seul
officier <{ui restait pour l< nmander, le capitaine
Géraux, tu t tué; les ennemis se ruèrent sur eux et

;nit, à l'exception de quatorze qui par-


vinrent camp : quati dernii
11 uront de leurs blessui
A la nouvelle 'le ce malheur, l'émotion publique
(ut grande on France. Le gouverneur général, «pu
s'y trouvait encore '

l'ordre do partir immédia-


tement pour l'Algérie. Abd-el-K tder, après la ftini
DE L'ALGÉRIE 277

journée du 22 septembre, avait fait irruption vers


l'Est; il passa la Tafna, et parvint, sans rencontrer
d'obstacles, jusqu'à quarante-huit kilomètres d'Oran.
Déjà même ses agents commençaient à entraîner les
Douaïrs jusque-là si fidèles, lorsque le directeur des
affaires de la division d'Oran arrêta la marche de
l'émigration par son énergie.
Dès que ces nouvelles parvinrent à Alger, le géné-
ral de Lamoricière, sans attendre le retour du maré-
chal gouverneur, se rendit en toute hâte dans la pro-
vince d'Oran avec des renforts. Le 2 octobre , il partit
d'Oran pour aller se réunir au général Cavaignac à
Tlemcen. Toutes les populations avaient été enlevées
du pays par l'ennemi, et s'étaient dirigées vers la
déïra dans le Maroc. Le général Cavaignac s'était
porté à Bab-Taza avec dix-huit cents hommes pour
s'opposer à ces émigrations ; mais il ne put empêcher
qu'un petit nombre de fugitifs de gagner la frontière.

Le 8 octobre, le général de Lamoricière rejoignit


Cavaignac avec cinq mille cinq cents hommes; nos
troupes étaient impatientes d'en venir aux mains
pour venger le guet-apens de Sidi-Ibrahim. Ils joi-

gnirent enfin l'ennemi dans les montagnes des Tra-


ras; mais Abd-el-Kader esquiva le combat, et s'enfuit

avec ses cavaliers au delà de la frontière, laissant


écraser les insurgés, qui le poursuivaient de leurs
malédictions.
Lorsque le maréchal Bugeaud arriva à Alger, il

trouva le rôle agressif d' Abd-el-Kader déjà réduit à


une position défensive. Néanmoins il se mit en cam-
pagne avec sept bataillons, quatre escadrons, une
batterie de montagne un détachement de sapeurs
et
du génie, en tout quatre mille hommes.
. .

278 HISTOIRE

La pointe faite par Abd-el-Kader sur le Maroc


après les victoires du généra] de Lamoricière n'était

qu'une ruse nouvelle. Après avoir traversé li

et l'Oued- Mouïlah , il passa par Brigdi, entre Lalla-


Maghrnia et Tlemcen, contourna par le

sud, et prit enfin la direction de Si li-Bel AI


Mascara. 11 fallut lui abandonner toute la partie e
trique de la province d'Oran, et tous les efforts
Taux de Lamoricière et l jnac durent -

ner à préserver d'incursions et à maintenir dans le

devoir la contrée d'Oran à Mostaganem, ainsi que


celle du Chélif, d'Orléansville à Mélianah, pour que
le trouble ne s'éten lit pas jusque dans la plaine
d'Oran et la Métidja d'Alger.
A la suite des mouvements opé ir le :

chai gouverneur, le général Jou oel

de S il t-Ai naud f(
' \' l-el K iur-

ner au t. 11 en sortit bientôt et vint n r la

province de Tittery. Son intention était d'inquiéter


le centre ions, de pénétrer, en ai i

de Mélianah et de Médéah, jusque dans la pi

d'Alger, et d'y exécuter une invasion soudaine et ra-


pide, non pas sans doute dans l'espoir de s'y main-
tenir, mais en vue de Frapper un coup qui ébranlerait
notre domination, et ranimerait encore pour loi

temps les espérances des Arabes.


Mais il se vit bientôt arrêté dans pche par
l'arrivée du i bal Bugeaud sur le territi ire de la

puissante tribu :
- Ouled-Nails, chez lesquels il avait
trouvé un refuge. Sur un autre point, le chéi
M i, B'étant avancé jusqu'à Tadjena pour parai
l'effet de nos su atraint de di de-
vant le lieutenant- colonel Canrobert.
DE L'ALGÉRIE 279

Tout à coup Abd-el-Kadcr renonça à son plan


d'invasion de l'Est dans la direction du cercle de
Sétif. Il remonta rapidement vers le nord- ouest;
puis, tournant le Djebel- Dira, il traversa la plaine
d'Hamza, et prit position sur le versant occidental
du Jurjura, chez les Flissas, tribu kabyle du cercle
de Dellys, à cent vingt kilomètres seulement d'Alger.
De là il menaçait de franchir Tisser et d'exécuter une
subite incursion dans la Métidja. Son khalifa, Ben-
Salem, l'avait précédé sur Tisser avec des contingents
nombreux des Kabyles du Jurjura. Mais le général
Gentil, établi sur TOued-Corso, n'eut pas plus tôt ap-
pris la marche en avant du lieutenant d'Abd-el-Kader,
qu'il le surprit, le 7 février 184G, dans son camp, lui

tua beaucoup de monde, et prit position à Djar-


Djouhala, sur la rive droite de Tisser. Abd-el-Kader
lui-même assistait à ce combat. Le 16, le général
Gentil opéra sa jonction avec la colonne du maréchal
gouverneur.
Le 17, le maréchal envahit les montagnes des Flis-
sas insoumis; il les balaya facilement; mais il ne put
atteindre la colonne de Tex-émir, qui, suivant sa tac-
tique ordinaire, avait abandonné ses alliés, et profitait

de l'insurrection qu'il avait excitée pour couvrir sa


retraite.

De ce jour, la lutte eut une autre face, et les rôles


se trouvèrent changés. A son tour, le maréchal Bu-
geaud une vigoureuse offensive; ses colonnes
prit
mobiles pénétrèrent profondément dans le Sud, et
le sillonnèrent en tous sens. Les tribus rebelles pas-
sèrent de nouveau sous notre drapeau, et celles qui
avaient émigré du Tell demandèrent à revenir sur
leur territoire. Dans les premiers jours d'avril, Tex-
280 HISTOIRE

émir ne trouvant plus aucun appui, suivi seulement


• l'une poL cavaliers montés sur des chevaux
exténués, se jeta vers l'ouest du désert. Dans le même
temps, les dernier- foyers de L'insurrection du Tell
étaient vivement attaqués d ms le Pâlira et dans l'Oua-
rensenis. L'action de nos troupes y fut puissamment
par L'influence morale des désastres que
l'émir avait essuyés dan- le désert. La soumission
complète de s'obtint presque s up
férir.

Cependant la deïra d'Abd-el-Kader était toujours


campée sur la frontière marocaine près «le La Ma-
louïah. Le généra] Cavaignac franchit la frontière, et
força le khalifa d'Abd-el-Kader, Bou-Hamdi,à K
son camp et a se diriger dans L'intérieur. L'empereur
du Mai oc Lui-même avait aidé a ee sueeès par «les

manifestations années. Une affreuse nouvelle vint


tout à coup troubler La joie causée par les demi
événements. Réduit avec sa deïra à la misère la pins
profonde, et voulant d'ailleurs compromettre davi
tage l«
i
> tribus qui L'avaient suivi «1 ms sa défaite, A1>«1-

el-Kader avait ordonné Le massacre de trois cents


Français laits prisonniers pendant La dernière cam-
pagne. Onze seulement furent épa étaient la

plupart des officiel entre autres M. Courby de


w r
:, chef d'escadrons du J hussards. Lin- tard
Abd-el-Kader !<- rendit moyennant une rançon en
argent; ce traité excita L'indignation des Arabes; Us
lui reprochèrent avec amertume «l'avoir vendu s

prisonniers pour de L'or, tandis qu'il pouvait les échan-


pour un certain nombre de -««s ii«lèl< a serviteurs
qui étaient captifs des Frani ais,

L i grande insurrection de L845- LM


DE L'ALGÉRIE 281

fin. Chose remarquable! pendant cette lutte la con-


fiance de notre conquête s'était plus affaiblie en
France qu'en Algérie même. Les capitaux de la mé-
tropole s'étaient retirés de l'Algérie, et pourtant
l'effet réel de cette insurrection suprême avait été
de consolider la domination française par une grave
mais brillante épreuve. En Afrique, sauf un seul
jour de panique sans motif à Alger, la confiance n'a-
vait pas cessé de régner. Au milieu de la guerre, les
transactions de tout genre avaient suivi leur cours
habituel; les travaux de colonisation, les construc-
tions n'avaient pas été un instant interrompus. En
effet, grâce à l'ardente activité de l'armée, les hosti-
lités avaient été éloignées des établissements euro-
péens, et aucun intérêt n'avait été atteint par les
maux de la guerre.
Enfin l'année 4847 était destinée à voir s'accomplir
notre œuvre de conquête et de pacification si hardi-
ment entreprise, si énergiquement conduite par notre
armée d'Afrique à travers la bonne et la mauvaise for-
tune.
Quelques combats furent encore nécessaires pour
assurer ce résultat depuis si longtemps attendu. Un
engagement meurtrier eut lieu, le 10 janvier, entre
le général Herbillon et les Ouled-Djellal, que Bou-
Maza venait de visiter; un village fortifié fut enlevé
par nos soldats. D'un autre côté, le général Marey-
Monge, qui commandait à Médéah, tombait sur les
Ouled-Naïls, qui avaient reçu Bou-Maza et lui avaient
fourni des secours en hommes et en denrées. Quelques
jours après, Bou-Maza lui-même était poursuivi entre
Teniet-el-Haad et Tiaret; son escorte était disper-
sée, et son trésor enlevé. Cet échec fut sans doute
2S2 HISTOIRE

pour Hou- Mazala cause d'une résolution extrême.


chérif fameux qui avait été un des plus ardents pro-
moteurs de la révolte de 1845, cet imposteur habile
qu'Abd-el-Kader lui-même redoutait comme un rival,

se rendit, le 13 avril, au colonel : ut-Arnaud.


Bou-Maza fut amené à Paris, où le gouvernement le

traita avec [dus de distinction que sa vie et ses anté-


cédents ne 1 méi itaient
!
.

Une soumission peut-être plus importante que celle


de Bou-Maza eut lieu à cette le. Ce fut celle de

Si-Ahmed-ben-Salem-ben-Thaïeb ancien khalifa ,

d'Abd el-Kader dans Le Sébaou et sur les pentes du


Jurjura. Ce chef, l'un des plus influents des mon-
tagnes de la Kahylie ,
après plusieurs en trevuei
un ofGcier français chargé des affaires arabes en-
dit le Sou) l
rhozlan , Le 27 févi ter, et

connut solennellement l'autorité Iran l'u autre


chef kabyle, Bel-Kassem ou Rassi, qui s'était fait un
nom pendant la dernière insurrection, des p<

nages importants réfugiés dans la Kahylie, et tous


les chefs notables de la vallée du Sébaou el des i e\

oue>t et sud du Jurjura turent entraînés par L'exemple


de Ben Salem, (les heureux événements portèrent le

dernier coup à L'influence d'Abd el K 1er dans 1 La

partie orientale de la province d'Alger, et ouvrit


des débouchés nouveaux pour notre eommei
Le maréchal gouverneur jugea Le moment favorable

v
1
Bou Mata habitait I de ! I

i
ne lut arrêté q t . iu m m
ch< rchail .1
-
,1 iurerni m< ni pi
v
fort de 11.1111. Remit eu liberté le 22 juillet l I ta déflni
la li 1 1
mda un cor| 1 de 1 a< lu -
bouzou ml la

guerre d'( h i nt, < 1 n çut au lana


l'armée olloman
DE L'ALGERIE 283

pour obtenir soumission complète de la Kabylie.


la

La grande insurrection de 1845 -1846 avait révélé le


péril d'une enclave indépendante à soixante kilo-
mètres de la capitale. Dans le mois de mai, deux
colonnes françaises, parties de points différents, par-
coururent les montagnes, et enlevèrent de vive force
les positions qui tentèrent de se défendre; le mois
n'était pas fini qu'après combats seulement
trois

tout le territoire montagneux compris dans le grand


triangle formé par Hamza, Sétif et Bougie, était sou-

mis. Ce territoire est habité par cinquante- cinq tri-

bus , ayant plus de trente-trois mille hommes armés.


Le 24 mai, le maréchal Bugeaud réunit sous les murs
de Bougie tous les principaux personnages des tribus
qui venaient de faire leur soumission, et leur donna
une organisation administrative en rapport avec le

caractère indépendant de ces montagnards.


Pendant cette opération principale, le gouverneur
général avait envoyé vers le sud sept colonnes lé-

gères avec mission de raffermir notre autorité dans


le petit désert, et d'enlever à Abd-el-Kader et aux
autres perturbateurs les appuis et les ressources
qu'ilspouvaient y trouver. Nos forces se montrèrent
dans le Ziban, dans l'Aurès, dans la Houdna, chez
les Ouled-Naïls et dans le Djebel- Amour; enfin la

colonne de Mascara et celle de Tlemcen poursuivi-


rent nos ennemis jusque chez les Amian-Gharabas
et chez les Ouled-Sidi-Cheik , et obtinrent partout
des garanties réelles de fidélité et d'obéissance. Ainsi,
à la fin du mois de mai 1S47, depuis la frontière du
Maroc jusqu'à celle de Tunis, depuis le littoral jus
qu'au désert, l'autorité française était partout accep-
tée sans contestation.
HISTOIRE DE L'ALGÉRIE

Le maréchal Bugeaud rentra à Alger \c 26 mai.


Regardant sa mission comme accomplie, il demanda
au ministre de la guerre de pourvoir à son rempla
cernent. La durée de son commandement, qui fut
marqué par une si prodigieuse activité, et pendant
lequel s'accomplirent des faits de la plus haute im
portance pour l'Algérie, avait été de six ans et demi.
CHAPITRE VIII

Le duc d'Aumale nommé gouverneur général de l'Algérie. — L'empe-


reur du Maroc veut chasser Abd-el-Kader de ses États. Résistance —
de celui-ci. —Il attaque les troupes marocaines. L'empereur en- —
voie contre lui des forces considérables. —
Tentative d'Abd-el-Kader
pour échapper ennemis.
à ses —
Sa deïra se rapproche de l'Algérie.
— Abd-el-Kader cherche à gagner le désert. —
11 est poursuivi par

nos troupes. —11 demande à se rendre au général de Lamoricière. —


Il est conduit auprès du duc d'Aumale. —
Il s'embarque pour la

France avec sa famille. —


Il est retenu en captivité malgré la parole

du duc d'Aumale. —
11 est délivré de sa captivité par le prince Louis-

Napoléon. —
Résultats de la soumission d'Abd-el-Kader. — Révolution
de février. —
Départ du duc d'Aumale. —
Effets de la révolution de
février sur la colonie. — Tranquillité des indigènes. — Expédition
contre Zaatcha. — Expédition contre les Béni-Immel. — Expédition du
général de Saint-Arnaud contre la petite Kabylie. — Le comte Randon.
gonverneur général de l'Algérie. — Caractère des dernières expédi-
tions. — Expédition et occupation de Laghouat. — Résultat de cet évé-
nement dans le Sahara. — Soumission complète
du Sahara d'Alger et
d'Oran. —Occupation de Tuggurt et d'Ouargla. Etendue de notre —
domination. — Expédition contre la tribu du Zegdou. Troubles —
dans le Jurjura. —
Soumission définitive de la grande Kabylie. —
Construction du fort Napoléon.

Le maréchal Bugeaud quitta Alger le 5 juin, et


laissa le commandement par intérim au général de
Bar. Celui-ci n'exerça ce commandement que jusqu'au
18 juillet, époque à laquelle il fut remplacé par le

général Bedeau, nommé aussi gouverneur par inté-


HISTOIRE

rim. Déjà on savait que la nomination du duc d'Au-


male comme gouverneur général était arrêtée dans Le

conseil. Ce ne fut que le 5 octobre iSiT qu niveau


gouverneur g
I débarqua à Alger. Pendant tout

le temps qu'avait duré l'intérim, la tranquillité n'avait


pas été troublée dans l'Algérie.
Le duc d'Àumale, à son arrivée à è s'occupa
d'abord de discuter, avec les généraux et les direc-
tes affaires civiles, les principales mesun
•mire pour favoriser le développement de la colo-

ition, et donner des garai] tes u >u lui p<

lations mes.
ci: de Lamoricière con-
I l

ait Le gouvernement de la province d'Oran


. le ,

général Bedeau celui de la province astantine,


et le général Cavaignac fut nommé au commandement
La province d'Alger. Avec le concours de tels lien-

tenant-, le jeune prince était as

péricliter les bons résultais obtenus par son ;

îr.

Mais tout n'était pas fini pour L'Algérie tant qu'Ab 1-

ei-Kader campait sur la frontière du Mai


n'était plus vers nos possessî >ns qu'il tournait
nement franc ii> ne pouvait pour-
tant sans inquiétude le voir - à fonder un
pire sur les ruines de l'empire de M
Hbaman. Le su L'une telle entreprise pour
nous Li il d'une Lutte nouvelle et terrible, et D

eût imposé la i. .té d'une .aie et oi.

conque
La position de l'émir avait surtout augmenté d'im-
portance depuis que le ptiaee Al> 1 -er - Kliaman, fils

iliman, préd iur d. 1


Mul< y-Ah I

rlhaman, dont celui-. il le neveu, B'était i


DE L'ALGERIE 287

auprès de Les craintes de l'empereur du Maroc,


lui.

au moment d'entrer en lutte avec l'émir, étaient faciles


à comprendre. Abd el-Kader, secondé par l'alliance
de celui qui se regardait comme l'héritier légitime du
trône du Maroc, avait de nombreux partisans dans
toutes les villes de l'empire et jusque dans les rangs
de l'armée impériale.
Cependant Muley-Hachem, neveu de l'empereur
régnant, et son kaïd El-Hamar, se rendirent parmi
les tribus encore indécises pour les engager dans
un mouvement qu'ils préparaient contre l'émir. Mais
celui-ci, instruit de ces tentatives, se résolut à porter
un coup qui frappât de terreur ses nombreux enne-
mis. Deux cents cavaliers marocains étaient assem-
blés à quelque distance de son camp il courut à leur
;

rencontre et les culbuta. En même temps un de ses


aghas, Ben-Jabia, attaquait un camp marocain, et
l'enlevait avec une grande vigueur le khaïd marocain
:

El-IIamar fut pris et eut la tète tranchée.


L'empereur sentit alors qu'un grand déploiement
de forces était indispensable. A la fin de novembre,
trois camps marocains se dirigèrent de Fez contre la
deïra d'Abd-cl-Kader, fixée depuis plusieurs mois à
Kasbah-Zélouan (non loin de Melilla et de la mer);
deux fils de l'empereur étaient à la tête de ces opé-
rations. Ces colonnes châtiaient sur leur passage les
tribus qui entretenaient des relations avec Abd- el-
Kader, et déterminaient les populations marocaines
à cesser tout rapport avec la deïra. Cette situation
jeta l'alarme parmi les amis de l'émir; on changea de
campement, et l'on s'établit à Zaïou, pays difficile,

où avaient été formés des dépôts de grains. En même


temps, pour relever le courage des siens, Abd-el-
.

288 HISTOIRE
%
K.ader envoya 110 agent à Djemmâ-Ghazouat, pour
Faire d< itions de paix à La Fran<

saire fut reconduit à La frontière sai ase. Rebuté


de ce côté, dépécha son khalifa, Bou-Hamdi, aup
il

de L'empereur pour offrir sa soumission. Son Lieu


nant fut à Fez. A mesure que ces faits si

grai - développaient, le général de Lamorici


avait réuni un corps d'observation but la frontière «lu
Maroc pour Beconder au besoin Les mouvements
l'armée impériale. Bientôt La deîra se trouva
de tous côtés, et une solution parut imminente. Le
duc d'Aumale partit d'Alger le 18 '
embre, pour
se rapprocher du théâtre Eléments impor-
tants.

Àbd-el-Kader jugea alors qu'un coup de vigueui


désespoir pouvait seul le sauver. Méprisant la

cohue de combattants qui se trouvait «levant Lui


deux mille honni. lite, il tomba à L'imj

viste pendant la nuit sur un des camps marocains


i empara. Mais, le Lendemain, tout» la de 4

a hersai: lui, il fut

retirer vers la Malouïa; toutes les hauteurs étaient


['ennemis. Dans la matinée .lu 12

cembre, les divers camps marocains se réunirent

enveloppèrent la deîra .Uns une sorti inte

vivant
Quelques jours se passèrent d ma cette position cri-

tique, et dans l'attente d'un événement décisif. I

1
plus fidèles serviteurs d Vb 1-el-Ka 1er perdaient con-
fiance en sa fortune. Son frère aine. Si Mustapha,
parvint à s'enfuir de la i not

ritoire , où il obtint l'aman du 1 in

eié:
DE L'ALGÉRIE 289

Le 21, la deïra ayant commencé à traverser la Ma-


louïa pour se rapprocher de l'Algérie, les troupes et
les Kabyles marocains se précipitèrent à la fois contre
elle; Abd-el-Kader courut au-devant des assaillants
à la tête de ses fantassins et de ses cavaliers régu-
liers, et, au prix de la vie de plus de la moitié de ses
soldats, il réussit à protéger le passage de la rivière
et à ramener tout son monde au delà des limites du
Maroc. 11 forma alors le projet d'abandonner sa deïra
à la générosité de la France, et de tenter de sa per-
sonne la route du désert avec ses plus dévoués parti-
sans; c'était la seule que les troupes marocaines avaient
laissée libre. Cherchant son chemin au milieu de
l'obscurité, il interrogea, sans soupçonner la méprise,
un cavalier arabe placé par nous pour surveiller ses
mouvements, et demanda des renseignements pour
gagner le pays des Béni-Snassen, en traversant le

col de Kerbous. Ces indications, transmises aussitôt


au général de Lamoricière, le portèrent à marcher en
diligence vers le col désigné; des dispositions rapides
furent prises pour fermer cette voie.
Un olficier indigène envoyé en reconnaissance dis-
tingua, au milieu de l'obscurité de la nuit et de la
pluie, quelques cavaliers qu'il chassa à coups de fusil;
au bruit de la fusillade, un peloton de renfort accou-
rut en sonnant la charge. Abd-el-Kader, car c'était
lui-même qui tentait de franchir le col, reconnut
au son des trompettes la présence d'une troupe fran-
çaise , et demanda à parlementer avec le général.
La nuit et la pluie ne permettant pas d'écrire, l'ex-
émir apposa son cachet sur un papier blanc, le remit
à l'ullicier et le chargea d'être son organe. 11 oilrait

de se mettre entre les mains des Français sous l'en-


19
290 HISTOIRE

gageraient d'être conduit, avec sa famille, à Saint-


Jean- d'Acre ou à Jérusalem. Le général de Lamori-
cière ne pouvait pas donna son
non plus écrire; il

sabre et le cachet du bureau arabe de Tlemcen comme


gage de sa parole. l>e> Incertitudes d'Abd-el-Kader
lurent longues; toute la journée s'écoula sans solu-
tion. Enfin, à onze heures du soir, il écrivit au géné-
ral; il sollicitait une parole française pour se livrer
sans défiance et se soumettre à sa destinée. L'enj

rient fut pris immédiatement, et le lendemain,


'1\décembre, notre redoutable adversaire se rendit à
une troupe française qui L'attendait au marabout de
Si li-lbrahim, théâtre d'un de ses plus importants
succès.
Le même jour, à six heures, il arriva à IVemmà-
Gyhazouat (qui venait de changer son nom pour celui

de Nemours), où il fut introduit devant Le ducd'Au-


male. Le prince confirma promesse du général de La

Lamoneière. Le 24 décembre, il B'embarqua pour


Oran. Là, ayant été rejoint par tons les membres de
sa famille et par sa suite, montant à quatre-vingt-douze
personnes, B'embarqua sur VAsmodée, bateau
il à

vapeur de L'État, qui le transporta à Toulon, où il

arriva le 1" janvier 1848. NT Le gouvernement de


Louis-Philippe, ni la république qui Lui succéda, ne
ratifièrent L'engagement pris par Le général de Lamo-
iT ièiv et le duc d'Aumale. Abd-ei-Kader, enfermé
d'abord au Lamalgue à Toulon, puis transféré au
fort

château de Pau, fut amené, dan- lèS premiers JOUTS


de novembre 1848, au château d'Amboise, où est il

resté jusqu'au ira ornent où le prince I lis-Napo-


Léon, alors président de La république frara alla

lui-môme Lui annoo en \\\^' I la


DE L'ALGÉRIE 291

permission de se rendre dans une ville de Tur-


quie.

Nous avons voulu raconter les phases principales


de ce grand drame, qui termina, si heureusement
pour les intérêts français, la lutte que la nationalité

arabe soutenait depuis dix-sept ans contre notre do-


mination. La soumission d'Abd-el-Kader donna une
consécration définitive aux succès si brillants et si
nombreux obtenus par notre armée; désormais la
tâche à remplir par nous pour affermir notre autorité
en Algérie cessait d'être exclusivement militaire et
guerrière pour devenir civile et administrative. Sans
doute la prudence commandait de prévoir qu'on
aurait encore à réprimer des insurrections partielles
sur quelques points isolés; mais, les chefs manquant
à ces révoltes, nous n'avions plus à craindre un sou-
lèvement général semblable à celui de l'année 1845.
Les tribus elles-mêmes, d'ailleurs, semblèrent com-
prendre la position nouvelle que leur faisait la soumis-
sion du plus infatigable athlète de leur indépendance
religieuse et politique; elles étaient avides de repos;
les dernières années avaient été désastreuses pour
leurs récoltes : elles se tournèrent, pour ainsi dire,
unanimement vers les choses et les travaux de la

paix. Sous L'active et intelligente inspiration des bu-


reaux arabes , elles entreprirent la construction de
maisons qu'elles groupèrent en villages, elles plan-
tèrent des arbres, s'essayèrent à des associations in-
dustrielles, pour immobiliser leurs intérêts sur le sol.

C'était la meilleure preuve de la confiance qu'elles


accordaient à notre administration; et c'était en même
temps pour nous une garantie réelle de la durée de
292 HISTOIRE

la tranquillité. Cette réaction contre la guerre el les


troubles, qui maintenaient les habitudes nomades,
se déclara d'abord dans la province d'Oran, parmi
les tribus qui avaient pris la plus large part aux
agitations et qui avaient le plus souffert pendant la

lutte.

L'année l
s »
s -ouvrait sous les auspices les plus
favorables. La soumission d'Abd-el-Kader avait amé-
lioré notre situation de la manière la plus heureu
Tout le monde prenait confiance. La banque de
France, après de longues hésitations, venait
décider enfin à fonder un comptoir à Alger. l>es insti-
tutions municipales venaient d'être accordées à un
grand nombre de localités; les autorités civiles, dont

l'action avait été simplifiée et fortifiée par des ordon-


nances royales du 1
er
septembre l«s iT. commençaient
à donner dos [trouves d'une activité jusqu incon-
nue. On se sentait de toutes pari-, et pour tous los
intérêts, arrivé sur le terrain des améliorations et du
progrès.
C'est au milieu de ces impatiences qui semblaient
toucher déjà à l'avenir tant souhaité, qu'arriva comme
un coup do foudre la nouvelle de la révolution de
février. Le duc d'Aumale, en apprenant la chute du
trône de Bon père, remit sans hésiter ses pouvoirs au
général Changarnier, en attendant que le général I

vaignac,qui en était Investi, fût arrivé. Le prince de


Joinvilie se trouvait aussi en Afrique. L«'s deui frôi

quittèrent noblement ces rn com- ieul

battu avec d - armées, et protestèrent encore une


de leur dévouement à la Pran
Ainsi, comme la prise d'Alger et la chute d'IIus-
Bein-Dey, en 1830, avaient été suivies d parla
DE L'ALGÉRIE 293

révolution de juillet et la chute de Charles X, la pa-


cification générale de l'Algérie et la soumission d'Abd-
el -Kader furent suivies presque aussi prompte ment
de la révolution de février et de la chute de Louis-
Philippe. Quoique ces événements n'aient entre eux
aucune corrélation, le rapprochement n'en est pas
moins extraordinaire.
La révolution de février eut un contre -coup plus
fort sur la population européenne que sur les Arabes.
Le découragement s'empara des esprits dans toute la
colonie; le mouvement des affaires fut subitement
arrêté; le personnel administratif, menacé dans son
existence, n'accorda plus qu'une attention distraite
aux intérêts dont il était chargé; l'effectif de l'armée
d'Afiique fut diminué de trente mille hommes envi-
ron, pour la formation du corps d'observation des
Alpes; la population civile européenne diminua tout
à coup de près de vingt mille âmes; on conçut dans
les trois provinces des inquiétudes sérieuses sur le

maintien de la tranquillité.

Dans ces conjonctures si graves, on reconnut


combien il était important pour notre domination
que les principaux chefs de la résistance se trou-
vassent hors de l'Algérie Abd-el- Kader et Bou-
:

Maza étaient en France, Ben-Salem en Syrie; Ahmed-


Bey lui-même était réduit à faire sa soumission.
Du reste, les indigènes n'étaient pas encore remis
des rudes secousses des années précédentes; puis ils

ne se rendaient pas compte des événements qui ve-


naient de se passer en France, et ils n'en compre-
naient pas la portée. A peine s'étaient-ils aperçus de
la diminution de l'effectif de notre armée; car les
postes les plus importants n'avaient pas été dégarnis.
294 HISTOIRE
x 'r
Ils ne songèrent donc pas en 1
à organiser une
insurrection.
Les premiers mois de l'année L840 Furent assez
paisibles, sauf quelques expéditions de peu d'impor-
tance dans le Sahara du sud-ouest et sur les fron-

tières du Maroc. H n'en fut pas de même de celle


qui eut lieu contre Zaatcha, ville ou plutôt oasis qui
fait partie d'une région d'oasis appelée leZiban,dont
Biskara est Un marabout très vénéré,
le chef-lieu.
nommé Bou-Zian, commença, au mois de juin, à
prêcher la guerre sainte à Zaatcha et dans les oasis

du voisinage. Le colonel Carbuccia expédia à Zaatcha


un officier avec quelques cavaliers du beik-el-Arab I

pour arrêter Bou-Zian. Le marabout fut enlevé, et

on remmenait déjà, lorsque son fils souleva le peuple


et le délivra. La colonel Carbuccia vint attaquer
l'oasis de Zaatcha avec une colonne de douze cents
hommes; mais il lut repoussé avec perte. Cet échec
pouvait compromettre la renommée des armes tiran-

tes. L'audace des Kabyles s'en accrut, et une


petitearmée descendit des montagnes, marchanl sur
Biskara, sous la conduite du marabout Si-Afid. 11 fut
vigoureusement repoussé par le commandant Saint-
Germain. Cependant l'agitation augmentait toujours,
propagée par l'association religieuse de Sidi-Abd-
er-Rhaman, espèce de vaste Bociété société qui

embrassa presque toutes los populations kabyles.


Depuis trois mois Zaatcha bravait l'autorité française,
et Bou-Zian fomentait au loin la révolte. Une expé-

dition commandée par 'aiéraux lloii.illon et

Canrobert B'empara de oette place , après un bH


meurtrier qui dura cinquante et un jour-. I s
se rendirent alors sans conditions. Le re te ^^ l'in-
DE L'ALGÉRIE 298

surrection s'éteignit dans le Houdna, dans l'Aurès,


et sous les décombres de Narah, dont les habitants
furent passés par les armes. Le Ziban fut dès lurs
pacifié, et n'a plus donné depuis le moindre signe de
rébellion.
En 1850, l'ouverture d'une route de Bougie à Sétif,
à travers la Kabylie, rencontra une vive opposition
de la part des Béni-Immel, tribu kabyle sur le ter-
ritoire de laquelle il fallait passer. Le général de
Barrai, après d'inutiles négociations, voulut s'ouvrir
le passage par la force. 11 fut tué dans une première
attaque (1Q mai); mais le colonel de Lourmel, qui
prit le commandement, mit en pleine déroute les
Béni-Immel, détruisit leurs villages, et procéda pai-
siblement à la construction de la route, qui fut ter-
minée le 24 juin.
Depuis longtemps l'attention du gouvernement se
portait sur les montagnes qui bordent le littoral entre
Dellys et Philippeville, et qu'on nomme la Petite-
Kabylie. Cette partie de pays était restée en dehors
de notre autorité, et pouvait d'un jour à l'autre nous
menacer; en môme
temps plusieurs villes du littoral
étaient comme bloquées par une population ennemie.
Au commencement de 1851, le gouvernement résolut
de mettre un terme à cet état de choses. Une expé-
dition fut résolue. Dans les premiers jours du mois
de mai, le général de Saint- Arnaul parcourut les
environs de Une insurrection conduite par
Djidjelli.

un imposteur surnommé Bou-Baghla (l'homme à la


mule) amena le général Camou aux environs de
Bougie, qu'il délivra, et enfin l'expédition se termina
par des opérations dans le cercle de Collo. Dans cet!.'

campagne brillante, nos troupes, avec leur valeur


296 HISTOIRE

et leur courage ordinaire, supportèrent des fatigues


inouïes. Ils avaient été arrêtés presque à chaque pas
par des difficultés qu'on ne saurait comprendre bî

Ton n'a apprécié par ses yeux la configuration tour-


mentée de la Kabylie. Ravins profonds, cols élevés,
pentes abruptes, rochers escarpés, sentiers rendus
praticables, la pioche à la main, sous le feu de
l'ennemi, pluies torrentielles, chaleurs accablantes,
nuits glacées : telles avaient et.'
1

les conditions de cette


rude et glorieuse expédition , si rapidement termim
Six cent quarante kilomètres avaient été parcourus
en quatre-vingts jours, et dans vingt-six rencont]
victorieuses la colonne du général de Saint-Arnaud
avait eu treize officiers tués, quarante -d< ux bl<

cent soixante-seize sous-officiers el Boldats tués, sept


cent quarante et un blessés, un homme tourné sur
huit. Pendant toutes ces opérations, le reste de l'Al-
gérie jouissait d'une tranquillité parfaite. A la fin de
l'année, l'expédition dans la Kabylie commençait à
porter ses fruits. L'est de la province d'Alger était com-
plètement dégagé de craintes, et chacun y avait repris
ses habitudes commerciales ou agricoles. Les tribus
elles-mêmes, châtiées avec rigueur, reconnaissaient
l'inutilité de la lutte.

M. le général ceinte Randon, nommé gouverneui


généra] de l'Algérie, poursuivi! avec activité et intel-

ligence les expéditions militaires dans les divei


parties du pays qui se dérobaient à notre obéissance.
Nous ne mentionnerons pas toutes expéditions,
qui ont «Mitre elles tant de ressemblance que le récit

en deviendrait monotone. D'ailleurs notre p lion

du nord de l'Afrique était entrée définitivement, i

cette époque (1852), de la phase belliqueuse <\m~- la


DE L'ALGÉRIE 297

phase de colonisation. La conquête était désormais


assurée, et les expéditions militaires n'avaient plus
ce caractère d'impérieuse nécessité qui les distin-
guait dans les années précédentes. Il ne s'agissait
plus désormais que de faire respecter le drapeau
français sur les points les plus éloignés du territoire,
ou de défendre les tribus soumises contre les acres-
sions de peuplades hostiles qui n'avaient pas encore
subi notre ascendant. Tel a été le caractère des ex-
péditions entreprises les années suivantes; nous ne
ferons que les indiquer sommairement, et nous men-
tionnerons seulement les principaux faits d'armes.
Après une campagne longue et pénible, nous avions
rétabli la paix sur toutes nos frontières; un seul en-
nemi restait dont l'opiniâtreté courageuse menaçait
la tranquillité de notre domination : c'était le chérif

d'Ouargla, Mohammed-ben- Abdallah. N'osant plus


rien tenter sur les populations du Tell, il s'était porté
vers le sud, du côté de Laghouat (El-Aghouat), et
étaitparvenu à soulever plusieurs tribus placées en
dehors de notre action directe.
Deux colonnes, commandées l'une par le général
Pélissier, l'autre par le général Jousouf , se portèrent
vers le sud. Ce dernier, à la suite d'une marche de
nuit, atteignit le chérif, lui tua trois cents hommes,
enleva quinze à dix -huit cents chameaux et quinze
à vingt mille moutons; Mohammed parvint à s'échap-
per et à gagner Laghouat, où il fut accueilli avec em-
pressement. Sous l'inspiration de ce fanatique, les

habitants de l'oasis jurèrent de défendre leur ville

jusqu'à la dernière extrémité.


Le général Jousouf se présenta devant la ville le
2 novembre, et il eut sur ce terrain un engage-
298 HISTOIRE

ment assez vif; toutefois il n'essaya pas d'emporter


la place, dans la crainte que la faiblesse numérique
de sa colonne ne lui assurât qu'un succès incomplet
Il se décida à attendre l'arrivée du général Pélissier.

Celui-ci, qui se trouvait à deux cents kilomètres de


Laghouat, ne put rejoindre le général Jousouf que
le "l décembre: mais il amenait avec lui des moyens
suffisants pour réduire la place. Le - ommença
immédiatement; les murailles fuient battues en
brèche, et la ville emportée d'assaut le 4 déceml
Lagbouat est devenu dès Lus un poste important
pour nous dans le Sahara; il a été relié, par une
route garnie de caravansérails, à Boghar et à l'inté-
î ieur du Tell.
Cet événement eut un grand retentissement dans
le Sahara. Dés le commencement de 1853, une con-
fédération puissante, celle des liéni-M/ab, >e soumit
et paya l'impôt; le chént Mohammed* ben- Abdallah,
qui exerçait depuis longtemps une influence coi

dérable dans ces contrées, et qui avait Inquiété si

Souvent les tribus soumises à la fiance, tut obligé de


cher, her un refuge loin du Sahara algérien; Melhli,
N ,
Ou '.a et ses dépendances, ainsi que les

tribus nomades qui vivent ordinairement entre i

oasis, firent leur soumission, et les provinces d'AI


et d'Oran n'eurent plus d'ennemis dans le sud.
Cependant, dans le Sahara de Constanline, Sel-
iiKin, cheik de Tuggurt, cherchait avec les popula-
tions de l'Oued- IV ir et de l'Oued-Souf, et avec les

nomades des environs, (happer à la domination


française. Il ne devait pas tarder a avoir le même
Bort que le chérit Mohammed-ben-Abdallah.
lai effet, dans l'hiver de 1854, une nouvelle e\p.
DE L'ALGÉRIE 299

dition fut dirigée contre Selman. Après un glorieux


combat à Meggarin, le cheik prit la fuite, et Tug-
gurt, les oasis et les populations situées entre Bis-
kara et le désert furent obligées de se soumettre.
Pendant que le colonel Desveaux réglait l'organi-
sation de Tuggurt, le capitaine Colomb arrivait dans
Foasis d'Ouargla vers les premiers jours de dé-
cembre 1854, et, malgré la faiblesse de son escorte,
y rétablissait facilement notre autorité.
La restauration de notre pouvoir à Ouargla, la

soumission de Tuggurt et du Souf, nous donnèrent


désormais dans le sud une position excellente; jamais
nous n'avons dominé dans de pareilles conditions
jusqu'aux limites méridionales indiquées par la na-
ture pour noire Algérie. /Vu delà des limites que nous
avions atteintes commence le véritable désert, que
les Arabes, dans leur langage pittoresque, appellent
le pays de la soif; il y a encore des oasis, sans doute,
mais à de grandes distances, où notre influence ne
devra arriver que par le commerce , et que les inté-

rêts mercantiles nous rattacheront, sans que nous


ayons à nous en occuper. Elles sont trop éloignées
pour servir de bases aux agitateurs du Sahara.
Malgré la situation critique que" événements
les

d'Orient semblaient devoir créer à l'Algérie, malgré


la diminution de l'effectif de l'armée et le retrait

des troupes les plus habituées à la guerre d'Afrique,


le pays a joui, en 1855, du calme le plus profond.
Rien ne saurait mieux prouver l'état de notre do-
mination que cette tranquillité dans un moment où
l'esprit des agitateurs pouvait être réveillé par la

guerre d'Orient.
Une seule expédition mérite d'être mentionnée. Au
t

300 HISTOIRE

mois de janvier 1855, une colonne de mille hommes


environ, sous les ordres du capitaine Colomb, com-
mandant du cercle de Gériville, poussa une recon-
naissance contre la tribu des Zegdou, qui avait attaqué
plusieurs tribus alliées dépendantes de ce cercle. Il

suffit d'un combat assez vifZegdou en


pour mettre les

pleine déroute, et rétablir la tranquillité la plus com-


plète dans cette partie de L'Algérie. Au mois de dé-

cembre, bien qu'il ne se fût produit dans le cours de


l'année aucun symptôme alarmant, le gouverneur
néral pensa qu'il ne serait pas inutile d'ordonner une
marche militaire dans la région du Sud ; et il fit partir

de Biskara, Bouçada, Laghouat et Gériville, quatre

colonnes expéditionnaires, qui furent accueillies sur


leur route par des démonstrations sympathiques des
indigènes, et rentrèrent dans leurs campements sans
avoir tiré un seul coup de fusil. Enfin ce qui prouve
à quel point la domination française était dès !

consolidée, c'est la démarche inopinée faite parla


tribu des Touaregs, qui habite grand désert ei
le

nos possessions, le TombouctOU et le Soudan. Cette


tribu envoya, en décembre 18X5, une dépntalion à

Alger jour proposer au gouverneur général d'ouvrir


des relations régulières de commerce et d'amitié avec
les tribus du grand déseï
v ">. dan- toute Y \l
l
e calme rétabli, en I

jusqu'aux points les plus éloignés du Sud, fut troublé


en 1836, au centre même de nos possessions, par les

tribus kabyles du Jurjura, toujours restées UlSOU-


mises; une partie de cette année fut employée en
expéditions partielles qui circonscrivirent l'insum
bon, mais ne ['étouffèrent pas encore.
En 1857. M le maréchal Randon voulut en finir une
DE L'ALGÉRIE 301

pour toutes avec ces incorrigibles montagnards.


fois

La rentrée en Afrique des troupes de l'expédition de


Crimée mettait à sa disposition une armée aguer-
rie et propre à une expédition de cette nature. Pour

écraser l'insurrection et dompter définitivement ces


,

peuples qui se croyaient invincibles dans les sommets


inaccessibles de leurs montagnes, il fit usage d'un
déploiement de force considérable, et, après une cam-
pagne de deux mois, la grande Kabylie fut entière-
ment soumise. Cette fois, on ne se contenta pas de
parcourir le pays, et d'obtenir ces engagements sou-
vent violés quand nos troupes s'étaient retirées; on
éleva des établissements permanents, on construisit
des routes et des ponts; une forteresse, et une ville

déjà importante, le fort Napoléon, devenu plus tard


le fort National, ont été bàlis au centre du pays et de
manière à le dominer. Dès ce moment, les Kabyles
paraissent avoir accepté avec résignation notre au-
torité.

On écrivait d'Alger le 6 mars 1858 : « Tout ce


qu'on publie de la soumission de la Kabylie est on
ne peut plus exact. Les Béni-R.aten et autres, sou-
mis les derniers, paraissent être les plus assimilables,

grâce à la sagesse du maréchal gouverneur général,


qui leur a laissé leurs usages et leurs terres. Nous
exerçons sur eux une sorte de protectorat, sans tou-
cher à l'autorité municipale à laquelle ils sont habi-
tués. Leur défaite, au surplus, accomplie par une
masse de forces qui sauvait leur amour- propre, n'a
eu d'autre résultat que de leur ouvrir le pays et de
donner à leur travail toute la sécurité désirable. Aussi
ne montrent-ils ni haine ni esprit de résistance. Ils
ont l'air et l'attitude de vieux Romains, un peu dé
HISTOIRE DE L'ALGÉRIE

milles, il est vrai; du reste, de la gaieté dans les


relations privées, la manière d'agir et de parler
d'hommes familiarisés avec les affaires, sans affi

talion de dignité extérieure et sans excès d'humilité.


« Dés le premier jour, leur venue à nous a été
cordiale et a paru être sans arrière-pensée. Pendant

la construction de la route, il est arrivé souvent à

quelque otiieier isolé cherchant, sur L'invitation du


maréchal, d'autres tracés, de se rencontrer sans
aimes, et très loindu camp, avec des Béni-Raten,
qui t'accueillirent mieux que n'auraient tait peut-être
des indigènes do la capitale du monde civilisé.

Dès 1858 l'Algérie était complètement soumise, on


le croyait du moins, et, selon l'expression d'un écri
vain de cette époque, un homme isolé pouvait la

parcourir, des frontières do Tunis à celles du Mai


sans courir plus de danger qu'il n'en trouverait a
traverser la France de Toulon à Dunkerque.
I.a période de conquête était, en effet, achevée mais :

des insurrections locales sans cesse renaissantes vont


encore prouver plus d'une lois que les indij ont
toujours besoin d'être surveillés et contenus, et «pie

lVllertil de 1 armée ne peut être diminué sans dang(


CHAPITRE IX

Organisation administrative de l'Algérie de 183i à 18 v>8. Création —


d'un ministère de l'Algérie en 1858. —
Reconstitution du gouvernement
général en 1860. —
Le maréchal Pélissier, gouverneur général de 1860
à 1864. —
Voyages de l'empereur Napoléon 111 en Algérie, 1860 et
186o. — Le maréchal de Mac-Mahon, gouverneur général de 1864
à 1870. — Réformes administratives. —
Faits militaires troubles dans :

l'Aurès et l'Oued-el-Kébir en 1858 et 1859. —


Campagne dans le Maroc
contre les Beni-Snassen , 1859; — contre Mohmamed-ben-Abd-Allah
en 1861. — Traité de commerce avec Touaregs, 1862. — Insurrec-
le-
tion des Ouled-Sidi-Chfikh en In'û. — Mort du colonel Beauprèlre. —
Si-Mohammed-ben-Hamza, et son oncle Si-Lala, chefs arabes.
Années néfastes de 1866 à 1868: invasion de sauterelles, tremblement
de terre, famine. — Nouvelles révoltes des Ouled-Sidi-Cheikh en 1869
et 1870.

Avant de continuer le récit des faits survenus en


Algérie depuis 1858, il sera bon de un coup d'œil
jeter
rapide sur l'organisation administrative du pays de-
puis la conquête; car nous sommes à la veille de ré-
formes importantes, qui vont tenir une grande place
dans cette histoire à côté des expéditions militaires.
Ainsi que nous l'avons vu dans les chapitres pré-
cédents, une ordonnance du 22 juillet 1S34 avait
établi en Algérie un gouvernement général sous le

contrôle du ministre de la guerre, et avait placé à


côté du gouverneur un conseil composé d'un inten-
dant civil, du commandant de la marine, du procu-
HISTOIRE

reur général, du directeur des finances et d'un in-


tendant militaire. Le régime inauj ette
ordonnance demeura en vigueur jusqu'en 1845. A
celte époque, L'Algérie fut divisée en trois pro-
vinces, et chacune de ces trois provinces en u
zones ou territoires : territoire civil, où les servi

administratifs étaient complètement i . terri-


toire mixte, où L'autorité militaire remplissait
fonctions civiles; territoire arabe enfin, exclusivement
soumis au régime militaire. On institua en môme
temps une direction g île des allaites civiles, un
conseil supérieur d'administration et un conseil du
contentieux. Une ordonnance du 1 septembre l
v

inaugura la décentralisation en instituant d


chaque province un directeur des affaires civiles et
un conseil de direction. De nombreux conflits avaient
provoqué ces modifications suça qu'on
put parvenir à en tarir la soin
La république de 1848 tenta une assimilation
plus complète de L'Algérie à la mère patrie. LU de
premiers actes fut de conférer Le droit I ion
aux habitants de L'Algérie nés ou naturalisés fran-
çais. Le nombre des représentants de la colonie à
s n
la constituante de 1 i était de quatre; d était de
trois à la 1 ive. Mais L'Algérie u'eut pas de
représentants bous L'empire, Le nombre de ses él<

Leurs n'étant que de vingt-neuf mille et n'atteignant


pas Le chiffre de ti cinq mille pour consti-
tuer un gi électoral.
I
lécret du (
.
(
décembre 1>'» S vint ensuite sup-
primer la direction générale des ail el

créer dans chaque province un préfel un conseil


et

de préfecturt , J Lvii i «eut une . I


DE L'ALGÉRIE 305

extension. Le gouvernement militaire fut maintenu,


ainsi que la double suprématie de l'autorité mili-
taire, représentée à Alger par un gouverneur, à
Paris par le ministre de la guerre. Les conflits entre
les pouvoirs civils et les pouvoirs militaires conti-
nuèrent.
Survint l'empire : l'article 27 de la constitution
chargeait le sénat du soin de régler l'administration
de l'Algérie. Au lieu d'élaborer un projet complet
d'organisation, on crut remédier aux difficultés sans
cesse renaissantes en créant, par décret du 24 juin
1858, un ministère spécial de l'Algérie et des colo-
nies. Le gouverneur général était remplacé par un
ministre résidant à Paris; du gouverne-
le conseil
ment était supprimé; des conseils généraux étaient
institués; les préfets en territoire civil, les généraux
en territoire militaire, obtenaient une extension de
leurs attributions administratives; le chef de l'armée
d'Afrique prenait le titre de commandant supérieur des
forces de terre et de mer; de nouvelles sous-préfec-
tures étaient créées et le territoire civil était agrandi.
Le prince Jérôme- Napoléon, nommé ministre de
l'Algérie et des colonies, le 24 juin 1838, n'occupa
ces fonctions que jusqu'au 7 mars de l'année sui-

vante. donna alors sa démission et fut remplacé


Il

par M. le comte de Chasseloup-Laubat. D'un autre


côté, le général de Mac-Mahon, nommé commandant
supérieur des forces militaires de terre et de mer dès
le 31 août 185S, avait dû quitter ce poste pour aller
prendre le commandement de la deuxième division
de l'armée d'Italie. Le général Gueswiler lui succéda
le 24 avril, et fut remplacé lui-même par le général
de Martimprey le 15 août suivant.
20
306 HISTOIRE

Ces changements successifs et à brève échéance


n'étaient pas de nature à assurer le calme de notre
colonie; les tribus marocaines campées près de notre
frontière, convaincues que nos forces étaient affai-

blies par la guerre d'Italie, s'efforcèrent de susciter


des troubles, et ce ne fut pas sans peine, «pie dans le

second semestre de 1850, le généra] de Martimprev


réduisit les Béni-Snassen, soulevés par le marabout
Mohammed- ben-Abd- A llali.
L'année suivante, au mois de septembre, l'em-
pereur, accompagné de L'impératrice et suivi d'uni'
cour nombreuse, entreprit le voyage de l'Algérie
pour se rendre compte par Lui-môme de L'état du
pays. Ce voyage eut pour résultat immédiat la sup-
pression du ministère sjéiial de L'Algérie, dont les

attributions furent remises augouvernement général


reconstitué Le 10 décembre 1860. De nouveaux dé-
crets des 30 avril et 22 mai L861 vinrent régler les
attributions des conseils placés pi Os du gouverneur.
Un homme énergique bien connu «les Arabes, contre
lesquels il avait dépensé seize années de
militaire, le maréchal Pélissier, due de Malakoff, fut

appelé au poste important de gouverneur général de


L'Algérie, qu'il devait occuper jusqu'à sa mort, arrh

le ?2 mai 1864.
Cependant les discussions continuaient entre l'ad-
ministration Arabes et les colons. L'empereur
,
les

crut le moment venu d'intervenir personnellement


dans le débat et de se Concilier les sympathies des
Arabes, « cette race intelligente, fière, guerri
et agricole, i ainsi qu'il se plaisait à la définir.
Dans un» 1
lettre adressée le Février 1883 au ma-
réchal de Mal.ikdii, il exprima la volonté bien arW
DE L'ALGÉRIE 307

de rendre les tribus <( propriétaires incommutables


des territoires qu'elles occupaient à demeure fixe, et
dont elles avaient la jouissance traditionnelle à quel-

que titre que ce fût. » Le sénatus- consulte du


22 avril 1863 vint réaliser en partie ce programme,
en décidant qu'il serait procédé dans le plus bref
délai à la délimitation des territoires des tribus, à
leur répartition entre les différents douars de chaque
tribu, à l'établissement de la propriété individuelle
entre les membres de ces douars, partout où cette
mesure serait reconnue possible et opportune.
On avait voulu mettre un terme aux querelles tou-
jours renaissantes au sujet des propriétés, se con-
cilier les Arabes : on n'atteignit ni l'un ni l'autre but.
En affranchissant la propriété individuelle des indi-
gènes, on réduisait sensiblement les attributions des
chefs, on leur enlevait dans les périmètres consti-
tués en communes le recensement et la perception
des impôts, la justice répressive et une partie de
leurs pouvoirs administratifs; il ne leur restait plus
que le pouvoir politique, haute administration et
la

le commandement militaire dans le cas de mobilisa-


tion des contingents indigènes. Ces chefs, blessés
dans leurs intérêts les plus chers, avaient tout lieu

d'être mécontents. Quant aux Européens, ils étaient


atteints au plus vif de leurs espérances d'obtenir
pour eux-mêmes les terres dont la propriété était
ainsi confirmée ou restituée aux indigènes !
.

Aussi l'application de ce sénatus-consulte rencon-


tra- 1 elle de nombreuses dillicultés. En cinq ans, de

1
Voir, pour les détails relatifs ù ces diverses mesures et aux faits de
celle période, les Tableaux statistiques officiels et le rapport de M. de
la bicolière sur les événemenls de 1«70 et 1871.
308 HISTOIRE

1863 à 1868, on n'avait accompli que la preml'


opération pour cent deux tribus; mais au 1 er oc-
tobre 1S79, la délimitation des tribus et leur répar-
tition en douars étaient terminées pour deux cent
quatre-vingt-quinze tribus, divisées en cinq cent
quinze douars-communes. Pour obtenir ce résultat il

avait fallu réprimer des insurrections formidables,


qui éclatèrent sur divers points au commencement
de l'année 1864, et dont le sénatus- consulte avait
été l'occasion uu le prétexte. Le maréchal Pélissier
élait mort le 22 mai, au moment même où l'Algérie

était en proie à ces révoltes, et avait été remplacé


après un intérim dequelques mois par le maréchal de
Mac Mahon.
Les troubles une fois apaisés, l'empereur se décida
à entreprendre un nouveau vu en Algérie pour
étudier sur place les besoins de la colonie, et

rendre un compte exact de la situation. Parti de


Paris le 20 avril, il débarquait à Alger le 3 mai
suivant. Du 3 mai au 7 juin, date de son rembar-
quement, il visita successivement les trois provii.

d'Alger, d'Oran et de Constantine, s'arrêtant dans


les principaux centres, interrogeant sur son }>

les colons, les Européens, les indigènes, prodiguant


les déclarations, et promettant de donner satisfaction
à ton»; partout du reste accueilli chaleureusement, s'il

faut en croire les rapports officiels.

Quelques jours après son retour en France, le


20 juin 1865, il adressait des Tuileries au gouverneur
de l'Algérie une lettre-manifeste contenant les obser-
vations faites sur l'état de notre colonie et les
loin..- administratives à introduire. La natt.

lion des Juifs indi; conditionnelle toi; fut


DE L'ALGÉRIE 309

décidée à la suite de ce voyage. La lettre impériale


proposait en outre de réduire le nombre des sous-
préfectures, qui, de dix. en 18G5, fut abaissé à cinq
en 18G7 ; en 1863 on ne devait plus en maintenir
qu'une seule par province. Par contre, un décret
de janvier 1SG7 créa un évêché par province, et
l'église épiscopale d'Alger fut érigée en métropole.
Les bulles qui consacraient ces grandes institutions
catholiques avaient été délivrées à Rome le 25 juil-
let 1866, et les trois nouveaux prélats purent prendre
possession de leurs sièges dans le courant de l'an-
née 1867.
Voici du reste, d'après M. Ch. du Bouget, com-
missaire extraordinaire en Algérie en 1S70, quelle
était l'organisation administrative de l'Algérie pen-
dant la dernière période de l'empire, de 1860 à 1870.
« Un gouverneur général réunit en ses mains le

commandement des forces de terre et de mer, le

gouvernement et l'administration en Algérie. Il cor-


respond directement avec le chef de l'Etat. Il pré-
pare le budget, qui sera approuvé et présenté aux
chambres par le ministre de la guerre, comme une
annexe du budget militaire et il ordonnance les
,

crédits alloués. Il prépare les décrets que le ministre


de la guerre soumettra à la signature du chef de
l'État et contresignera. 11 nomme à certains emplois;
mais la justice et l'instruction publique françaises,
les cultes et les douanes, les postes, le trésor, res-

sortissent chacun à son ministère spécial.


« Sous l'autoritédu gouverneur général , deux
hauts fonctionnaires, un sous -gouverneur et un
directeur des affaires civiles, indépendants l'un de
l'autre, se partagent l'administration en Algérie.
310 HISTOIRE

« Le bous- gouverneur, outre ses fonctions de chef


d'état-major de L'armée d'Afrique, administre le ter-

ritoire militaire par les mains de trois généraux île

division, de généraux de brigade ou colonels com-


mandant les subdivisions, et de commandants su

rieurs de cercle. Chacun de ces officiera continue à


avoir sous ses ordres un de ces bureaux qui sont de-
venus si célèbres sons le nom générique de bureaux
arabe», et <jui s'appellent, Buivant le degré, en allant
du sous- gouverneur au commandant de cercle bu- :

reaux politiques, bureaux divisionnaires, bureaux


subdivisionnaires et bureaux de cercle.
Le directeur des affaires civiles administre le terri-

toire civil par l'entremise de trois préfets, de sous-


préfets et de commissaires civils; ceux-ci réunissent,
dans les parties du territoire civil OÙ la commune
n est pas encore organisée, les fonctions de maire,
de BOUS-préfet, et, sur certains points, de juge de
paix. Enfin un conseil supérieur, dont tout partie BIX

délégués des trois conseils généraux, prépare le

projet de budget du gouvernement général et la ré-

partition des Impôts, L'n consed consultatif donne


son avis sur toutes les affaires à lui renvoyées par le

gouverneur.
« Dans cette organisation, l'autorité civile et l'auto-

rité militaire étaient indépendantes l'une de l'an


et libres chacune BUT son territoire.
« Par le décret du 7 juillet 1864, l'autorité civile
fut, au contraire, partout subordonnée à l'autorité
militaire. Les généraux commandant les trois divi-

sions prirent le titre «le commandants de provii


les préfets turent plat i8 leur autorité , reçurent
leur- instructions <
i
t leur adressèrent de- rapport!
DE L'ALGERIE 311

« L'Algérie était soumise à un gouvernement pu-


rement militaire ayant sous ses ordres un certain
nombre d'agents civils. »

Ce régime purement militaire et la direction donnée


à l'administration des indigènes soulevaient de toutes
parts les réclamations et les critiques les plus vives.
Pour donner satisfaction à l'opinion publique, l'en-
quête agricole de 1868, dirigée en Algérie par M. le
comte le lion, comprit non seulement les questions
relatives à la mise en culture du sol, mais encore
celles concernant la sécurité des personnes et des
biens et les diverses branches de l'administration.
A la suite de cette enquête, M. le lion, voulant
faire connaître son opinion personnelle sur l'état des
choses en Algérie, déposa dans la session de 1S69
un amendement dont les piincipales dispositions,
réalisées aujourd'hui, parurent contenir des inno-
vations dangereuses ou tout au moins prématurées.
Cet amendement, combattu par les ministres, fut
repoussé à une assez forte majorité : cent vingt-neuf
voix contre quatre-vingts.
Le gouvernement, cependant, pour donner à l'Al-
gérie un gage de sa sollicitude, nomma, le 5 mai 1869,
sous la présidence du maréchal Randon, une com-
mission chargée de préparer un projet de constitution
pour l'Algérie.
Le projet élaboré par la commission avait pour
base l'établissement en Algérie d'un pouvoir auto-
nome et politiquement responsable, confié à un chef
indifféremment choisi dans l'ordre militaire ou dans
l'ordre civil. Cette concession ne put calmer les in-

quiétudes du pays, qui par ses organes même les

plus modérés demandait l'assimilation complète à la


312 HISTOIRE

France, la suppression du pouvoir militaire, et réta-


blissement d'un régime de droit commun. Une dis-

cussion au corp -datif, en mars 1870, mani-


festa dans toute leur vivacité les sympathies de l'opi-

nion pour la substitution du régime civil au régime


militaire. Tous les orateurs en proclamèrent la i
-

cessité, et un ordre du jour motivé, adopté à l'una-


nimité à la séance du mars, vint affirmer devant

l'Algérie attentive l'avènement du nouveau régime.


L'effet produit par ce vote l'ut consî lérable. S'il fut

bien accueilli par la population européenne et la p

il causa une grande émotion parmi les Arabes. Plu-


sieurs chefs indigènes parlèrent de se retirer; le gou-
verneur général voulut donner sa démission.
La déclaration de guerre à l'Allemagne vint dé-
nouer cette situation critique; le maréchal de Ma<-
Mahon fut appelé à un commandement, et un
du 27 juillet nomma le général Punieu gouverneur
général par intérim de l'Algérie.
Cependant depuis 1858 notre colonie n'avait pas

joui de la paix la plus parfaite; les discussions ad-


ministratives et politiques n'avaient pas été seul»
l'agiter, de nombreux soulèvements avaient eu lieu

sur différents points et à différentes époques, et

nous devons en signal» î i< i les principales péripéties

avant d'entrer dans le récit des événements d'une


N 7n
dernière période historique qui B'étend depuis l

jusqu'à nos jours.


Deux expéditions de peu d'importance signalèrent
le premier Bemestre de l'année 1858. ha première,
sous les ordres .lu général Desvaux, commandant
de la subdivision de Batna, fut dirigée contre les

tribus du Sont, où la présence du cheikh Grhouma, à


,

DE L'ALGERIE 313

la tête d'une émigration d'Arabes tripolitains, avait


causé une certaine agitation. Parti de Biskra le 27 fé-

vrier, le général visita successivement les principales

villes de l'Oued- Souf et rétablit l'autorité de nos


agents. Le cheikh Ghouma n'avait fait partout qu'une

courte apparition sur le territoire algérien, et s'était


dirigé surGhadamès, où il devait trouver la mort
dans une embuscade dressée par les cavaliers de la
régence de Tripoli.
La seconde expédition fut dirigée par le général
commandant la subdivision de Sétif contre les tribus
de Babors, soulevées contre leurs chefs. Les rebelles
attaquèrent vainement le poste de Takitount et fai-

saient leur soumission le 14 mars.


Mais ces révoltes étaient de peu d'importance rela-
tivement à celles qui devaient avoir lieu pendant la

seconde partie de l'année.


Vers le mois d'août 1858, Si-Saddok-bel-lIadj
fanatique marabout de l'Ahmar-Khaddou, réunissait
les membres de la confrérie religieuse dont il était

le chef, parcourait l'Aurès en répandant de fausses


nouvelles, et attendait le retour des nomades, que
le mois d'octobre ramène du Tell dans le Sahara,
pour prêcher la guerre sainte. Au commencement
de novembre, une fraction de Lakbdar s'établit dans
les jardins de Sidi-Okba, et, d'accord avec les Ouled-
Salah de cette oasis, se déclara en pleine révolte.
Il était urgent d'arrêter ces désordres : le général
Desvaux, commandant la subdivision de Batna, se
rendit avec toute la cavalerie disponible à Biskara,
dont on renforça la garnison de deux compagnies
d'infanterie.
Sur ces entrefaites, diverses tribus de l'Oued -el-
314 HISTOIRE

Kébir refusèrent de payer les amendes qui leur


avaient été imposées à l'occasion d'incendies de
forêts, et se retirèrent dans les montagnes comprises
entre Djidjelly, Collo et El-Miliah, dans la Kabylie
orientale. Le 13 et le 1 i novembre, notre kaid Hou-
Elenan ben-Azzedin fut attaqué à plusieurs reprises
par les rebelles, à qui il fut obligé d'abandonner son
ut, ses tentes et ses Le général com- 1» .

mandant La division de Constantine envoya immédia-


tement dans L'Oued-el-Kébir une colonne de quatre
mille bommes environ.
La révolte était moins dirigée contre notre domi-
nation que contre L'administration du kaid Bou-
Renan. Les tribus, qui avaient refusé de payer les
amendes entre les mains du kaid, s'empressèrent
d'envoyer des députations pour assurer de leur sou-
mission et renouveler Leurs réclamations. Le général
GûStU reçut leur BOUmissiOn; mais il eût été impoli-
tique et dangereux de céder aux prétentions tles re-
belles. 11 fallait apprendre aux Kabyles à respecter

les agents de L'autorité, et punir en même temps


Les attaques dirigées contre Bou- Renan. En consé-
quence, il tut notifié aux tribus qu'elles eussent à
apporter dans 1»'- quarante-huit heures, à litre de
contribution de guerre, une BOmme égale aux amen
dont elles étaient frappées.
Le 2\) novembre au matin, toutes les députations
des tribus él lait au camp apportant la Contribution
demandée. Le général Gastu Leur lit connaître
ordres et Les mesures qu'il avait prescrites. L'admi-
nistration de Cefl tribus devait être soumi-e désor-
mais à notre contrôle direct; un officier resterait à

El-Miliah poui iter Leurs réclamations ti


DE L'ALGÉRIE 315

cheikhs, créatures de Bou-Renan, et en partie cause


des désordres, étaient remplacés par des hommes
influents dans leur tribu.
Jusque-là les douze à quinze cents Kabyles réunis
applaudissaient aux mesures annoncées; mais à la
déclaration du maintien de Bou-Renan à leur tête,
tous se récrièrent et protestèrent par des cris et des
menaces. Devant cette attitude, le général renvoya
les députations, leur donnant jusqu'au lendemain
pour se conformer à ses ordres. Le lendemain elles

venaient, aussi nombreuses que la veille, faire leur


soumission, assurant qu'elles acceptaient les mesures
prises par le général, dont la fermeté avait fait réflé-
chir les plus obstinés.
L'installation de notre autorité dans l'Oued -el-
Kébir était un fait accompli; l'occupation d'El-Miliah
était désormais une garantie pour la tranquillité de
cette partie de la Kabylie orientale.
Ces opérations avaient détourné momentanément
de l'Aurès l'attention du général commandant la di-

vision. Si-Saddok, exploitant habilement cette situa-


tion, répand le bruit que les troupes françaises sont
occupées en Kabylie et que le moment est propice
pour l'insurrection. Mais le prompt apaisement des
troubles de l"Oued-el-Kébir permit de réunir dès le
3 janvier 1859 une colonne de trois mille hommes
dans le camp du général Desvaux, près de Batna.
Ces troupes étaient suffisantes pour maintenir dans
l'obéissance les tribus qui n'étaient pas encore ou-
vertement compromises, et aussi pour prendre l'of-

fensive.
La colonne partit de Chetna le 10 janvier, et le 13
elle se dirigeait sur Teniet-ben-Ahmar, où se trou-
316 HISTOIRE

aient les avant-postes de Sî-Saddok. Nos trou;


mparent de celte position et d'Hamman-Bessouf.
Les atingents de Si-Saddok nous attendaient à
i

quelques kilomètres plus loin, dans une position qu'ils

avaient renforcée par des retranchements en pierre


scelie.

L'ennemi fut bientôt culbuté dans les ravins par


une ch du 2" bataillon du
urge zouaves une chai .">
;

de spahis acheva sa défaite, et les rebelles se réfu-


tent dans les mont d'Kl-K'sar.
11 fallait frapper un dernier coup. Le village était
montagnes, mais dominé par
situé au pied de hautes

des groupes rocheux. Le général Desvaux occupa les


points culminant, et se rabattit ensuite sur le villa)

'ait de là qu'étaient partis les appels à la guei


sainte; les habitations de Si-Saddok furent incen-
diées. Mais L'ennemi s'était enfui en remontant \

Guelaa-Djedida; il fallut l'y poursuivre. Dès le len-


demain, les goums étaient maîtres des magasins de
Si-Sadd k et en rapportaient un butin considéra!
Bientôt la soumission était complète, et l'auteur de
la révolte livré avec toute sa famille parles indi
eiix-méu.
Cette guerre, qui menaça un instant d'envahir tout
le sud de la province de Con8tantine, eut pour
sultai de désabuser les populations de l'Âurès, et

d'affermir l'autorité française dans L'Amhar-Khaddou,


où elle n'avait jamais pénétré jusqu'alors.
i
'expédition dan- l'Aurès «'lut à peine terminée,
lorsqu'au mois d'août 1SÔ .) (
la tranquillité dont la

frontière du Maroc jouis- ait depuis 1857 fut troublée


tout à coup. I.. \ Maia, tiihus maro-
cai: tnvahirent le territoire algérien, attaquant
DE L'ALGERIE 317

et pillant les convois. Tous les Marocains étaient con-


vaincus de l'affaiblissement de nos forces, occupées
par la guerre d'Italie; et on signala bientôt dans la

plaine de Trifa, chez les Béni-Snassen, l'arrivée du


marabout Mohammed-ben-Abd-Allah, qui prêchait la

guerre au nom de l'empereur du Maroc.


Rien cependant n'annonçait un danger imminent,
lorsqu'une première rencontre eut lieu le 31 août
près de Zouia. Les Marocains furent repoussés, mais
ils revinrent le lendemain attaquer Sidi-Saher. Le
2 septembre, un autre goum ennemi assiégeait les
villages de Maziz et de Leaou, incendiant tout sur
son passage; le 3, il pillait Sidi-Aziz. Enfin, sur
toute notre frontière, de Gar-R.ouban aux mines de
Maziz, apparaissaient des bandes indigènes révol-
tées, tuant ou pillant les hommes, brûlant les gour-
bis et les habitations; la guerre sainte était com-
mencée toutes ,
les tribus marocaines y prenaient
part. Nos tribus, saisies d'épouvante, nous appelaient
pour les protéger; la situation était des plus graves.
Des troupes furent aussitôt envoyées à Maghrnia
et à Nemours. Le général commandant la subdivi-

sion de Tlemcen se rendit sur les lieux. Ces renforts


rassurèrent les tribus restées fidèles, intimidèrent
les Marocains, et le calme se rétablit.

Pendant ce temps, le général de Martimprey, com-


mandant supérieur des forces de terre et de mer en
Algérie, réunissait au camp de Kiss un corps d'armée
composé de deux divisions d'infanterie et une di-
vision de cavalerie, et destiné à châtier les rebelles.
Le 20 octobre, tous les préparatifs étaient terminés,
et dès le 22 une première division avait pris position

à Sidi-Mohammed ou Berkan, situé à trente-deux kilo-


318 HISTOIRE

mètres de la redoute du Ky>> et à proximité du


plateau d'Aïn-Taforalt, où l'ennemi s'était retran-
ché, Lorsque le choléra se mit dans L'armée et en
cinq jouis enleva t rois mille hommes, Le cinquième
de l'effectif. N'importe, il fallait achever la campag
N ia troupes reçurent le 27 l'ordre «le se mettr<

marche et l'accueillirent avec joie. 1. téraux de


division Esterhazy et Yusuf conduisaient Leurs bri-
d'attaque, tandis que la cavalerie opérait une
diversion dans la direction de Moulouya.
Le plateau d'Aïn-Taforalt fut enlevé au prix d'hé-
roïques efforts. Le cheikh Kl-lladj-Mimoum, chel
de la montagne, s'empressa de faire -ion
et d'accepter les conditions imposées par le généra]
aux Béni- Snassen : il livra des jes et s'ei
à payer un impôt de guerre considérable.
I. s Béni -Snassen ainsi réduits, il - rit d'at-

teindre les Maia, les An. et autres tnluis de la

frontière qui avaient pris part aux hostilités. La cam-


pagne continua: le général Desvaux et le généra]
Durrieu se Lancèrent à la poursuite des rebelles, les

atteignirent, et leur enlevèrent leurs douars et leurs


troupeaux.
La campagne était terminée; le 11 novembre, les

troupes i' .eut la frontière el regagnaient leurs


garnisons respectivi
En 1860, la paix fut une première fois troublée par
une insurrection locale dans le Elodna, chez
Ouled-Sidi-llabab, dont le général Desmarest et le

colonel Pein eurent facilement raison. Ou résolut


ensuite de mettre fin aux actes de pillage et de vol

dont les Uibus de la kaltylie orientale se rendaient


encore Bouvent coupables. Les troupes de la division
DE L'ALGÉRIE 319

de Constantine furent réunies le 13 mai à Millah et


rejointes sur ce point par une brigade de la division

d'Aller.
Cette colonne, placée sous le commandement du
général Desvaux, s'avança jusqu'à Fedj-el-Arba sans
rencontrer de résistance, lorsque les Béni-Khettad
vinrent tout à coup attaquer pendant la nuit les avant-
postes du camp. Repoussés avec perte, les rebelles

se jetèrent alors sur la concessionBock et Delacroix,


dans la basse vallée de FOued-el-Kébir. La maison
fut pillée et incendiée; M. Bock et son ouvrier furent

tués; M. Delacroix, blessé, fut rapporté à El-Miliah


par les soins de quelques Kabyles restés fidèles.

A la suite de cette attaque, la révolte s'étendit, et


la colonne, campée à Tafertas, eut successivement
à combattre les Béni-Mimoun, les Béni-Yahia et les
Béni Ameur. Elle se porta ensuite chez les Béni-
Flah, les Béni-Rizelli, descendit vers la vallée basse
de l'Oued-el-Rébir, et rétablit l'ordre partout.
Restait une fraction insoumise, les Arb-Tesquif,
de la tribu des Oulad-Aïdoun. Habitant des grottes
dans des rochers et gardant un défilé très difficile à
aborder, ils tenaient depuis un an tout le pays en
échec. Une colonne les obligea à se rendre. Avec
eux tombait la dernière résistance du pays kabyle,
et la colonne expéditionnaire rentrait à Constantine à
la (in d'août.

Voyant toute tentative d'insurrection sévèrement


réprimée, les indigènes, éclairés par l'expérience et
conduits par une saine appréciation de notre
elle à
force, ne donnèrent en 1862 aucun sujet de plainte
contre eux, et dénoncèrent même à l'autorité mili-
taire les fanatiques qui les excitaient au désordre.
HISTOIRE

Aussi, à défaut d'expédition militaire, noussig


lerons une expédition toute pacifique, entreprise but
les ordres du maréchal 1 et qui eut pour
sullat d'assurer dans les profondeurs du Sahara la

prépondérance de la France et la sécurité des voya-


geurs. Nous voulons parler des relations non
en 1SG2 entre le gouverneur général et les princi-
paux chefs des Touaregs, relati >ns qui ont déterminé
quelques-uns de rendre à Paris, et ont

abouti à un traité de commerce signé à Ghadai


par les représentants de la France et ceux des
Touaregs.
L'année suivante ne fut pas moins calme, et l'em-
pereur Crut devoir en profiter poui fer de mettre
un terme aux inquiétudes excitées par les discus-
sions sur la propriété arabe. Pans une lettre au gou-
verneur, il lit connaître que le projet de cantonner
les Arabes était définitivement abandonné; et le

natus- consulte du 22 avril 1863 vint bientôt faire

Bavoir à tous dans quelles conditions cette propriété


allait être définitivement constitué
Nous avons déjà signalé les hases fondamentales
de ce Bénatu9- consulte et l'« (Tel qu'il produisit en
Algérie. Les chefs arabes, voyant leur autorité di-
minuée, en appelèrent aux armes, et l'année 1864
va se trouver ensanglantée par des insurrecti<

formidables Bur presque tous les points de l'Al-

gérie.
I
i premiers symptômes de défection se mani
louait dès le mois de février dans les tribus saha-
riennes de la province d'Oran. Le bach-agha des
Ouled-Sidi-Cheikh, Si-Seliman- ben- Hamza, quitta
i, appelant les Arabes a la guerre Bainte, et
DE L'ALGERIE 321

annonçant qu'il allait marcher sur Géryville. Aussitôt


la garnison de cette place est renforcée, et le colonel
Beauprêtre, commandant supérieur du cercle de
Tiaret , reçoit l'ordre d'aller surveiller le Djebel-
Amour. Trop confiant dans la fidélité des Harar, qui
formaient la majeure partie de son goum, le colonel
se laissa tenter par l'espoir de frapper quelque coup
vigoureux rapprocha de Géryville. Assailli dans
et se
son camp d'Aïounet-ben-Beker, le 8 avril, à quatre
heures du matin, par les contingents des insurgés,
auxquels s'étaient joints les goums des Harar et ceux
du Djebel-Amour, il périt avec tout son détachement,
mais en vendant chèrement sa vie et en faisant su-
bir à l'ennemi des pertes énormes. Le chef des
rebelles, Si-Seliman, fut tué dans le combat, et aus-
sitôt remplacé par son jeune frère, Si-Mohammed-
ben-Hamza.
Il était impossible de se méprendre sur la gravité

du mouvement insurrectionnel. Une colonne fut


immédiatement organisée à Saïda sous les ordres
du général Martineau et chargée d'aller ravitailler
Géryville. D'autres colonnes étaient également orga-
nisées et envoyées contre différentes tribus du Boghar
qui faisaient défection à la même époque.
Parti de Saïda le 17 avril, le général Martineau
livrait combat quelques jours plus tard, à Saïn-Legta,
à cinq mille cavaliers arabes, parvenait le 27 avril à
Géryville, ravitaillait cette place, et reprenait ensuite
la route du nord pour opérer sa jonction avec le

général Deligny. Les deux colonnes réunies parcou-


rurent alors le pays pendant douze jours, disper-
sèrent les Arabes en plusieurs rencontres, particu-
lièrement près de Chab-el-Ameur et à El-Terachi, et
21
322 HISTOIRE

firent rentrer dans le devoir toutes les tribus insou-


mises.
Pendant <jue cesdeux généraux étaient aux prises
avec les insurgés du sud, l'insurrection gagnait
d'autres tribus. Les Flittas de La subdivision de M --

taganem, soulevés par le marabout Si-Lazareg-bel-


Hadj, attaquaient une petite colonne de huit cents
hommes qui, s<>us la conduite du colonel Lapasset,
se rendait de Tiaret à Kelizane. 11 ne restait aucune
troupe de réserve ni à Alger ni à Oran; il fallut de-
mander des renforts en France, et DOS généraux
durent opérer un mouvement de retraite. Ils n'en
reprirent pas moins L'offensive peu après, et le :>1 mai
le général Jousouf se portait avec une colonne lég<

jusqu'à El-Gricha, principal village du Djebel-Amour,


et par cette marche audacieuse terrifiait les popu-
lations rebelles ,
qui B'empressaient d'implorer leur
pardon.
A cette même époque, 1»' 23 mai, Le maréchal Pé-
lissier mourait, et le général de Martimpn y était

chargé de L'intérim du gouvernement général. 11 reçut


de France de nouveaux renforts qui devaient bientôt
trouver leur utile emploi, car L'insurrection gagnait
toujours.
Si-Lazareg, retiré chea Les Flittas, taisail parcourir
le pays par ses émis i, appelait aux armes les

populations, annonçant que les Français étaient en


guerre avec tous les peuples, et que Le moment était

venu de chasser les chrétiens. Une partie des tribus


du cercle d'Ammi- Moussa Le suivit dans la révolte. A
la tète de ces nouveaux contingents, le marabout
rue sur le caravansérail de Rahouia, en massacre :

les défenseurs, et le 26 mai vient mettre Le si<


DE L'ALGÉRIE 323

devant le poste d'Ammi-Moussa. Pendant trois jours


la redoute fut attaquée avec fureur; mais au bout de
ce temps l'apparition de la colonne Martineau fit aban-
donner le siège. Le marabout, toutefois, ne renonçait
pas à l'offensive, et faisait irruption dans la plaine de
Relizane, brûlant les fermes et détruisant les poteaux
télégraphiques. Le général R.oze rétablit les commu-
nications, dégagea la plaine et refoula dans la mon-
tagne les bandes d'insurgés. Posté à Dar-ben-Abd-
Allah , où il fit construire une redoute , le général
repoussa deux jours de suite les attaques des re-
Dans un dernier combat, livré le 5 juin, le
belles.
marabout fut tué et les trois mille dissidents qui
,

s'étaient rangés sous son drapeau dispersés.


Pendant que le général Roze réprimait ainsi l'in-

surrection des Flittas, et que le général Liébert et


le colonel Lapasset faisaient rentrer dans le devoir
d'autres tribus également soulevées, le général Deli-
gny poursuivait ses opérations dans le sud de la pro-
vince d'Oran, et, après avoir renforcé Géryville, re-
cevait la soumission des Harar. Le généralJousouf de ,

son côté, rentré à Laghouat le 8 juin, avait regagné


Boghar le 30 juin après avoir rétabli l'ordre dans cette
région.
Dans la province de Constantine, malgré la révolte
qui agitait alors la Tunisie, il avait suffi au général
Desvaux de renforcer les postes des frontières, la

Galle, Soukharas et Tébessa, pour maintenir nos


tribus dans le devoir.
Certaines tribus, plus compromises que les autres,
opposaient encore quelque résistance. Le général de
Martimprey, prenant la direction des colonnes Roze,
Liébert, Martineau et Lapasset, organisa une battue
HISTOIRE
'

générale dans le sud des provinces d'Oran et d'

Les tribus se rendirent à merci, et, le 29 juin, le

général de Marlimprey s'embarquait â Mostaganem


pour rentrer à Alger, laissant au général Deligny Le

soin de régler les conditions «le l'aman.


La première partie de l'année 1864 était écoulée;
mais la seconde partie de cette même année allait

être encore plus féconde en insurrections que la pre-


mière.
Le .gouverneur général par intérim, mandé à Pari-,

partit d'Alger le 5 juillet, laissant le commandement


au général de division Morris. Aussitôt de nouveaux
troulilo- se manifestent dans les provinces de Con-
«tantine et d'Oran, et gagnent bientôt tout le sud de
l'Algérie.
Le marabout Si-Mohammed-ben-Hamza, fugitif

quelques jours auparavant, Be présentait le 12 juillet


devant Irendah, et de gré ou de force entraînai! dans
la réyolte toutes les tribus des Elarar, et Be dirigeait
avec eux vois Le sud. De son côté, Si-Lala entraînait
la plupart dos tribus du Djebel-Amour. Les LarJ
du cercle de Boghar faisaient
«'
et toutes les tribus

lement défection el se portaient vers le sud-<


pillant et luïilant tout sur leur pa

La situation devenait critique: il fallait à tout prix

maint nir L'ennemi dans Le sud, en attendant que la

lin dos grandes chaleurs permit de pousser activement


les opérations. Dans la province de Constantine, quel
ques colonnes envi dans les tribus qui mena-
. a -ni de faire défection avaient bùHî pour Les main-
tenir; cependant le colonel Séroka avait eu à soutenir
le 8 sept imbre à Baniou un violent combat d'an ière-
garde contre les < >uled Madhy revoit
DE L'ALGÉRIE 325

Sur ces entrefaites, le 19 septembre, le maréchal


de Mac-Mahon, duc de Magenta, récemment nommé
gouverneur général de la colonie, arriva à Alger.
Après avoir pris connaissance de la situation, le
nouveau gouverneur résolut d'en finir d'abord avec la
révolte des OulecUMadhy, qui menaçait de gagner
tout le sud de la subdivision d'Aumale.
Toutes les colonnes en mouvement durent se con-
certer.
Le colonel de Lacroix, qui venait de prendre le

commandement des troupes réunies à Bou-Saada, vint


s'établir le 30 septembre à Aïn-Dermel, faisant couvrir
l'entrée de la gorge Teniet-el-Rihh. Là eut lieu un
combat de trois heures, à la suite duquel l'ennemi
dut évacuer la plaine ; ce qui ne l'empêcha pas de
revenir trois jours après attaquer encore le colonel de
Lacroix, toujours posté au même endroit. Repoussés
de nouveau, les Ouled-Madhy se jetèrent dans l'ouest
pour tacher de rejoindremarabout Si-Mohammed-
le

ben-Hamza. Surpris dans ce mouvement, le 7 oc-


tobre, à Aïn-Malakoff, par les colonnes réunies des
généraux Jousouf et Liébert, ils furent complètement
défaits : chameaux, trente mille moutons,
trois mille

quinze cents bœufs et un énorme butin tombèrent en


notre pouvoir.
L'effet produit par ce combat, qui mit fin à la ré-
volte de l'est, fut si grand que les Ouled-Madhy et la

plupart de ceux qu'ils avaient entraînés retournèrent


sur leurs pas et allèrent faire leur soumission au co-
lonel de Lacroix.
Pendant que la situation se dégageait dans l'est, de
nouvelles complications survenaient au centre et à
l'ouest.
320 HISTOIRE

Le marabout Si-Mohammed-ben-Hamia concertait

avec son oncle, Si-Lala, un double mouvement offensif

et simultané sur Les deux provinces d'Alger et d'Oran.


Tandis que, dans la province d'Alger, Si -Mohammed
soulevait les Ouled-Nayl et la majeure partie du cercle
de Laghouat, Si-Lala se portait dans Les demi
jours de de septembre vers les tribus établies entre
Kreider et Saïda, et les entraînait dans la direction de

Bedrous.
Après avoir battu le général Jolivet à Ei-Bedia et lui

avoir enlevé Bes bagages, Si Lala se porta rapidement


sur Daya, entraînant les Béni-Mathar et la plupart
des tribus voisines. Le 8 octobre il vouait brûler les

fermes européennes de Sidi-Ali-ben-Youb. Bientôt


repoussé à Touten-Yaga par !

général Jolivet, il

décidait à reprendre La route du sud.


Dans la province d'Alger, Le général Jousouf, à la

suite d'un engagement qui avait eu Lieu 1»' 19 octobre

sur L'Oued-Mzi, était parvenu à Be placer entre les


contingents de Si- Mohammed et les tribus Insu
du cercle ^\r Boghar; et, après avoir poursuivi le

marabout jusqu'à Daya-Tinsafoun, avait reçu la sou-

mission de toutes Les tribu- de la province d'Alger qui


avaient suivi la loi tune de ce fanatique.
11 se porta ensuite à la rencontre du il Deli-
gny, avec Lequel il opéra sa jonction le 19 novembre à

Tadjerouna, puis regagna Laghouat.


Chargé de poursuivre Le marabout, Le général Deli-
gny, parti dr Tadjorouna Le 20 novembre, arrivait à
ElMenia après deux jours d'une marche pénible sur
un terrain accidenté par des dunes alternant avec la
roche nue. Laissant à El -Menia Bes malades et

approvisionnements, il gagni une i olonne lég^


DE L'ALGÉRIE 327

Tahar et Habehi, où il comptait trouver les gens du


marabout; mais, en arrivant sur ce point, il apprit
que les tribus insoumises avaient mis entre elles et la

colonne d'immenses espaces sans eau. 11 dut s'arrê-


ter et recevoir les offres de soumission qui lui étaient
faites par quelques tribus. La colonne revint à Tadje-
rouna, où elle séjourna jusqu'au 9 décembre afin de
couvrir la rentrée dans leur pays des populations
d'Oran et d'Alger.
Pendant que le général Deligny s'enfonçait ainsi
dans le sud à la poursuite de Si-Mohammed-ben-Hamza,
Si-Lala essayait un nouveau mouvement dans le Tell

de la province d'Oran; et les Ouled-Nahr, soutenus


par les Maïa de du Maroc, commençaient
la frontière

à s'agiter. Le général Legrand marcha aussitôt contre


les insurgés, les atteignit le 29 novembre à Sahh-

Ahmed-Annoual, et les mit en complète déroute. Ils

se hâtèrent de se réfugier sur le territoire marocain


en laissant entre nos mains la majeure partie de leurs
troupeaux et de leurs tentes.
La campagne de 1864 était terminée : la presque
totalité des tribus insurgées étaient soumises. Seuls,
les Ouled-Sidi-Cheikh, les Trafis et quelques frac-
tions plus compromises d'autres tribus s'étaient réfu-
giées dans les vallées qui descendent vers le sud. La
poursuite de ces tribus, la soumission de quelques-
unes d'entre elles, fut l'œuvre des premiers jours de
lacampagne de 1865.
Ce fut à la suite de cette insurrection formidable
que l'empereur Napoléon se décida à entreprendre
un nouveau voyage en Algérie et parcourut successi-
vement les trois provinces du 3 mai au 7 juin 1805.
Nous avons déjà vu quel fut le résultat de ce voyage
328 HISTOIRE

sous le rapport de l'administration de la colonie: il

ne nous reste plus par conséquent qu'à signaler Les

malheurs qui vinrent fondre sur L'Algérie pendant Les

dernières années de L'empire.


L'année 18GG fut particulièrement néfaste. Une in-
vasion de sauterelles telle qu'il ne s'en était jamais
vu, avait dévoré les moissons et réduit à la i

les populations du Tell. Le produit des souscriptions


ouvertes en France vint en partie réparer ce désasl
et la situation était moins sombre vers la lin de
Tannée. On
ensemencé, au milieu d'une paix
avait

profonde, des étendues considérables. Malheureu


ment toutes les espérances furent bientôt déçu
Dans la province d'Alger, un tremblement de terre
anéantit, le 2 janvier 1867, en moins de vingt second
plusieurs villages de la Métidja, et des plus prospèi
Peu après, le choléra envahissait les trois provin
et enlevait les indigènes par milliers. Quand l'été vint,

une sécheresse persistante détruisit sur pied tout


les récolles; plus tard enfin, les neiges abondanl
qui couvrirent le Tell et les hauts plateaux amenèrent
des inondations sur les pâturages, et le bétail mourut
d'inanition.
Tant de calamités devaient amener les conséquences
les plus lamentables. En 1868, les habit ints des Bteppes
et des hauts plateaux descendirent dans la plaine,
espérant trouver du blé; unis les habitants de La
plaine étaient eux-mêmes aux prises avec la disette,
et l'on vit des ma ompactes d'Arabes déserter
leurs douais et venir implorer la pitié des colons.
dette famine fut pour la population indigène un dé-
sastre immense, et .m évalue à plus de trois cent mille
le nombre des victimes.
DE L'ALGÉRIE 329

Des souscriptions furent ouvertes en France. Le


gouverneur général fit venir des grains que l'on dis-
tribua dans les tribus ; les indigènes valides furent
employés aux travaux publics; ou essaya enfin de
tous les moyens pour soulager une pareille misère;
et partout ledévouement fut à la hauteur duiléau.
Le gouvernement, les particuliers, le clergé riva-
lisèrent de zèle en ces douloureuses circonstances.
Dans chaque province on ouvrit des asiles où furent
abrités et nourris plus de cinquante mille indigènes. A
Alger, M
mc la maréchale de Mac-Mahon dirigeait elle-

même les distributions quotidiennes de vivres et de


vêtements. Dans les trois diocèses d'Alger, de Con-
stantine et d'Oran, des orphelinats étaient ouverts, où
étaient accueillis par centaines les enfants des tribus;
et M gr de Lavigerie, archevêque d'Alger, entreprenait
peu après le voyage de France afin d'implorer la pitié
de la métropole en faveur de ces malheureux aban-
donnés.
Enfin le corps législatif votait deux millions quatre
cent mille francs pour le soulagement de toutes ces mi-
une nouvelle crise, décidait que
sères, et, afin d'éviter
l'enquête agricole prescrite pour la France en 1866
serait étendue à l'Algérie.
Notre colonie se relevait à grand'peine de ses ruines
que de nouvelles insurrections éclataient. Les Ouled-
Sidi-Cheikh, tribus nomades dissidentes, refoulées
en 4864 au delà de nos frontières du sud, osaient
en 1869 faire de nouveau irruption sur notre territoire
et attaquer les tribus restées fidèles. Diverses co-
lonnes, au commandement desquelles prirent part
les généraux de Wimpffen et Chanzy, les colonels de
Sonis et de Colomb, furent dirigées contre les rebelles,
330 HISTOIRE DE L'ALGÉRIE

les battirent en plusieurs rencontres, les poursuivirent


jusque dans le Maroc, sur les bords de l'Oued-Guir, et

reçurent Leur soumission, ('/en était fait de ces révoltes


jusqu'au moment où la -uerre contre la Prusse allait

de nouveau réveiller les idées d'indépendance des


indigènes.
CHAPITRE X

L'Algérie sous le gouvernement de la défense nationale. Décrets —


du 24 octobre 1870 réorganisation administrative et politique.
:

M. du Bouzet, commissaire extraordinaire en Algérie; remplacé —
par M. Alexis Lambert. —
Le général Lallemand, commandant su-
périeur des forces de terre et de mer. —
Soulèvement général des
Arabes en 1871. —
Le vice- amiral comte de Gueydon, gouverneur
général de l'Algérie, 29 mars 1871. — Mokrani et Si-Aziz, chefs
arabes. — Combats de l'Oued-Soufflat, d'Icheriden, de Bou-Taleb.
— Le général Chanzy, gouverneur général civil et commandant supé-
rieur des forces de terre et de mer, 1873 à 1879. — Programme du
nouveau gouverneur. Faits — militaires, 1873 à 1878. — M. Albert
Grévy, gouverneur général.

Une dépêche télégraphique ,


parvenue à Alger dans
la nuit du 4 septembre, annonça à notre colonie la

chute de l'empire et la proclamation de la répu-


blique.
Le lendemain, le général Durrieu, gouverneur par
intérim, faisait afficher une proclamation invitant
la population à attendre avec calme les décisions de
la mère patrie. Il était difficile aux Algériens de
conserver le calme que leur recommandait l'autorité;

les esprits s'échauffèrent, et il fut bientôt évident que


la colonie ressentirait le contre -coup violent des
événements qui se passaient en France. La situa-
HISTOIRE

tion, du reste, présentait un caractère tout particu-


lier.

L'empire comptait en Algérie de nombreux et

redoutables adversaires, parmi Lesquels figuraient


de nombreux proscrits politiques de L848 et de
1851. Des promi de réorganisation politique
et administrative n'ayant servi qu'à discréditer le

\istant ^ans aboutir encore à des résul-

tats réels, une légalité incertaine en beaucoup de


points, le dualisme des pouvoirs, tout portait

L'exagération de L'individualisme dans les situations


comme dans les esprits ', »

Aussi ne faudra- 1- il pas s'étonner de rencontrer


partout, dès le début, Les conseils municipaux et

les comités de défense en lutte avec les représen-


tants militaires ou civils du gouvernement central,
de voir ensuite des dissentiments s'élever en'
conseils et ces comités, et produire L'anarchie la

plus complète; enfin, pour compléter Le au,


une insurrection formidable éclater sur divers points
ci menacer L'existence de notre colonie.
Les populations européennes de L'Algérie -alliè-

rent avec joie L'avènement de la république; Les

indigènes, au contraire. L'accueillirent avec une sur-


prise mêlée d'inquiétude, mai- restèrent paisibles.

Déjà la pins grande partie des troupe


qui garnissaient L'Algérie avaient été en\ en
France pour combattre L'armée allemande ai-

dant on B'empressa de Lever l'état de et de


déclarer applicables à la colonie les décrets rendus
par I'
1

gouvernement de la défense nationale.

-

\1. .!.• la
DE L'ALGÉRIE 333

Aussitôt des comités de défense s'organisent sur


divers points, et, non contents de s'occuper des
mesures relatives à la sûreté publique, s'empressent
de revendiquer une partie du pouvoir exécutif,
envoient à Tours des délégués chargés de presser
la substitution du régime civil au régime militaire.
Les conseils municipaux réorganisés les suivent dans
cette voie.
Les nouveaux préfets d'Alger, d'Oran et de
Constantine, MM. Warnier, du Bouzet et Lucet,
avaient pris possession de leurs fonctions en fai-

sant appel aux idées de conciliation : l'appel n'avait


pas été entendu; et le général Esterhazy, nommé
en remplacement du général Durrieu, gouverneur
général par intérim, était accueilli à Alger, le 27 oc-
tobre, par des cris et des injures, obligé de don-
ner sa démission et de s'embarquer pour la France.
Le préfet d'Alger essaye vainement de s'interposer,
de calmer l'irritation de la population ; elle se tourne
contre lui et l'oblige à se retirer (29 octobre). Le
général Lichtlin, qui devait remplacer le général
Esterhazy, ne put prendre possession de ses fonc-
tions, et dut se réfugier à l'Amirauté en attendant
son remplacement.
Partout, dans les villes, des scènes de désordre
auxquelles les étrangers prennent la plus grande
part. Dans les campagnes, les tribus arment les
unes contre les autres; les impôts commencent à
se recouvier difficilement: les meubles et les ani-
maux émigrent dans les montagnes; les élèves in-
digènes ne rentrent pas dans les collèges.
Pendant ce temps, le gouvernement de Tours
élabore et fait paraître le 24 octobre de nombreux
334 HISTOIRE

décrets destinés à transformer l'Algérie : décrets


sur l'organisation politique «le l'A . sur la na-
turalisation des Israélites indigènes, sur la natura-
lisation conditionnelle des étr ï, sur l'organi-
sation du jury, etc. etc. D'après le premier de
décrets 1»* gouverneur général de l'Algérie devait ôtre
désormais gouverneur civil ayant sous ses ordres un
léral de division commandant les forces de terre
et de mer. La division des départements en trois

territoires, civil, militaire et mixte, était abolie;


chaque département ne formait plus qu'un seul ter
ritoire, le territoire néanmoins, jusqu'à
civil :

qu'il en fût autrement ordonné, les populations eu-


ropéenne et indigène établies dans les territoires
militaires continueraient à être administrées par un
officier supérieur; les chefs «le- différents Bervî
civils et financiers de ces territoires étaient pla
SOUS les ordres du préfet.
,
connus à Alger le M octobre, fu-
ient accueillis avec défaveur: un ne pouvait prendre
au sérieux nomination de M. Henri Didier, ren-
la

fermé dans Pari-, au poste de gouverneur général


civil.

Débarrassé du gouverneur généra] intérimaire


ié à l'Amirauté, du préfet d'Alger qui vient de
donner sa démission, le conseil municipal de cette
ville, réuni au comité de défense, s'arroge une vé-
ritable dictature. M. Vuillermoz, d avec le

comité -conseil, s'investit lui-môme des fonctions d"


commissaire extraordinaire par intérim (8 novembre),
pins fait appel à ton- les roinités .le défense pour les
engagei à approuver ces mesures révolutionnaire
Beaucoup de comités et plusieurs municipalités \
DE L'ALGÉRIE 335

adhèrent en effet; mais une résistance énergique se


produit sur plusieurs points: à Bone, sous l'impul-
sion de M. Lambert, sous-préfet; à Constantine et
dans tout ce département, sous celle de M. Lucet,
préfet. Le mouvement avorte.
L'arrivée du général Lallemand (10 novembre),
nommé commandant supérieur des forces de terre et
de mer, et bientôt la nomination de M. du Bouzet
(17 novembre), ancien rédacteur du Temps, préfet
d'Oran au 4 septembre, aux fonctions de commis-
saire extraordinaire, chargé provisoirement des at-
tributions de gouverneur général civil, calment un
peu l'opinion publique.
Mais de nouvelles difficultés surgissent peu après
au sujet des officiers capitules de Metz et de Sedan,
à qui l'on prodigue des avanies de toutes sortes,
tandis que les Arabes, toujours calmes en appa-
rence, font leurs préparatifs de guerre. La lutte

s'engage plus vive que jamais entre le commissaire


gouverneur et le comité- conseil d'Alger, et après de
nombreuses péripéties se termine, d'une part par la
dissolution du conseil bientôt réélu d'autre part par
,

la révocation de M. du Bouzet (8 février), immédia-

tement remplacé par M. Alexis Lambert.


C'était à ce moment même, pendant ces luttes dé-
plorables et stériles, qu'éclataient les premiers symp-
tômes de l'insurrection arabe.
Déjà sur beaucoup de points les tribus étaient
prêtes à en venir aux mains entre elles. Le géné-
ral Lallemand Augeraud, qui comman-
et le général

dait à Sétif, voulant à tout prix éviter une prise


d'armes dans un moment où il ne leur restait plus
aucune troupe régulière, eurent alors la pensée
HISTOIRE

«l'opérer un rapprochement entre les principaux


chefs militaires de la Me Ijana et les chefs religieux
de la Kabylie. Des entrevues eurent lieu au moi-
dé décembre à Ahbou, entre le bach-agha Ifokrani
et le vieux cheikh Haddad et leurs enfants. les

auspices de l'autorité français* résulta- 1- il de


cette entrevue? On ne sait, mais la trêve sur la-
quelle comptaient nos généraux fut de Lien courte
durée.
I.' s Ouled-Sidi- Cheikh, tribus nomades que nous
avions repous à plusieurs reprises dans M le

en 1864, 1869 et 1870, essayèrent de recommencer


la lutte en janvier 1871, SOUS la conduite de Si-kal
dour, leur chef. Si-Kaddour envahit à l'improvise
notre territoire. Vaincu au combat de Magoura et

poursuivi par nos troupes, il regagna précipitamment


le -M :

dette première expédition eut pour résultat d'em-


pêcher les tribus de l'Ouest de prendre part à la

formidable insurrection qui se préparait.


Nos revers, le départ des derniers régiments de
ligne, leur remplacement par des mobiles dépour-
vus d'instruction militaire, l'armement des mili

algériennes et l'incorporation dans leurs rangs des


étrangers, des Israélites et des musulmans, avaient
persuadé les arabes de notre complet aflaiblissem< ut.

La chute de Paris ne leur laissa bientôt plus aucun


doute sur notre ruine prochaine : ils n'avaient qu'à
lever pour nous chasser du pa
L'insurrection débuta le 23 janvier 1.^71 par la

olte d( dus d'Ain Guettar, qui refusèrent de


partir pour la France et regagnèrent leurs tribus.
Ce lui un signal; diverses tribus de l'Est se nie-
DE L'ALGÉRIE 337

vèrent aussitôt; Souk-Ahrras, El-Miliah sont bloqués,


et l'agitation gagne le cercle de Tebessa. Cependant
ce premier mouvement ne tardera pas à être ré-
primé; mais l'insurrection renaîtra bientôt dans les

portions de la province de Constantine qui continent


à celle d'Alger, puis finira par les envahir toutes
les deux. La province d'Oran, qui paraissait la
plus menacée après le 4 septembre, échappera
seule.
Des pillages, des assassinats préludent au soulè-
vement général. La conclusion de la paix avec la
Prusse ("IQ février — 2 mars 1874) ne pourra le con-
jurer; seulement elle rendra disponible pour l'Algé-
rie une partie des troupes occupées par la guerre
contre l'Allemagne; mais ces troupes n'arriveront
qu'à la lin d'avril, lorsque déjà le mal sera à son
comble.
A la voix de Mohammed- Mokrani, back-agha de la
Medjana, la révolte éclate à la fois dans les deux
provinces d'Alger et de Constantine (15 mars 1871),
et se répand comme une traînée de poudre à tra-
vers la Kabylie tout entière. Tous
kouans de les

l'association religieuse de Sidi-Abderrahman et Go-


brini se lèvent au premier signe de leur chef, le

vieux marabout El-Haddad, et la lutte prend dès


lorsun caractère essentiellement religieux. Le mou-
vement s'étend sur une longueur de plus de trois
cents kilomètres, et couvre de sang et de ruines les
territoires de Collo, Batna, Djijelli, El-Miliah, .Bou-
gie et Tuggurt.
Jamais, depuis la conquête, une insurrection aussi
formidable, attisée par le fanatisme religieux, par
les craintes et les intérêts des grands chefs, eneuu-
22
338 HISTOIRE

ragée par le retrait des trou] ar les récits de nos


désastres en France, n'aura mis l'Alg aissi pi

de sa perte.
Vers cotte époque, le 29 mars, M. le vice-amiral
de Gueydon était nommé gouverneur généra] de
l'Algérie; M. Tassin, directeur général des allai

civiles et financières; le général Lallemand, maintenu


au poste de commandant militaire.
A peine avait-on eu le temps à Alger de réunir
quelques bataillons, que 1
- K menaçaient déjà
la plaine delaMétidja; arrêté- le 22 avril prèsdel'Alma,
ils s'enfuirent après quelques heures de combat. Le
.'rai Lallemand put alors réunir quelques tTOUJ
dans la province d'Alger, débloquer sir rement
Tizi-Ouzou et Dellys, pacifier la vallée de l*Oued-
Sebaou ri reconquérir les hauteurs de la Djurdjunt.
D'autres colonnes moins importantes opéraient en
même temps sur le liane droit, délivraient Béni-
Mansour, et livraient, le 13 mai, à l'Oued -Soufflât,
un brillant combat dans lequel lut tué le bach-agha
Mokrani. Après avi Dra-el-Mizan, complè- •

tement soumis l'Oued- Sahel et le versant sud des


colonnes venaient se réunir
à la colonne Lallemand pour débloquer Fort-Natîo-
nal, et écraser l'insurrection kabyle à Scheriden, le

24 juin 1871. Cette bataille fut décisive et assura le


3 de campagne. L'état de siège qui avait été
la

établi dans un grand nombre put enfin


être levé. colonm I trèrent
ea à Scheriden et

entreprirent chai une de leur côté m d'opé-


- ayant pour but de chàlier les tribus lies

et o.i--!.: < i '.i i entrée de l'impôt de gu< i I

questre lut mis -m- K - 1 qui ren-


DE L'ALGÉRIE 339

dirent quatre -vingt mille fusils et payèrent trente


millions de francs, dont dix -neuf furent répartis
entre les colons comme indemnité. Ces opérations
durèrent jusqu'au mois de septembre.
On croyait la révolte vaincue, quand un nouveau
soulèvement éclata dans l'ouest de cette même pro-
vince d'Alger, chez les Beni-Menasser. En un seul
jour Cherchell était bloqué, une partie de la plaine
dévastée, et la ligne du chemin de fer entre Adelia
et Bou-Medfa sérieusement menacée. Grâce à l'acti-
vité déployée par les deux colonnes envoyées contre

les rebelles , ils furent bientôt en complète dé-


route.
Tandis que ces événements se passaient dans la

province d'Alger, la province de Constantine n'était


pas moins éprouvée. Au lendemain de sa déclaration
de guerre notifiée au général Augeraud le 14 mars,
Mokrani était venu mettre le siège devant Bou-Ar-
reridj. La lutte fut acharnée; mais, au bout de douze
jours, les Kabyles s'enfuirent à l'approche d'une co-
lonne de quinze cents hommes. Rencontrés quelques
jours après par une autre colonne, ils furent battus à
Bordj-Medjana, et rejetés dans la province d'Alger,
où Mokrani alla se faire tuer le 13 mai au combat de
l'Oued-Soufflat.
Si-Aziz, fils du cheikh El-Haddad, et le kaïd d'Aïd-

Tagrount levèrent alors l'étendard de la révolte et


fournirent un nouvel aliment à l'insurrection ,
qui à
la fin d'avril embrassait les cercles de Boussaada,
Bou-Arreridj, Bougie, Sétif, Djidjelli et Batna. Six
colonnes mobiles furent aussitôt organisées. Elles
partent de points opposés , s'avancent contre les

rebelles, les écrasent en diverses rencontres et finis-


HIST01

sent par les rassembler et les accoler auBou-Taleb,


où lut livré Le dernier et le plus sanglant combat de la

campagne.
La K domptée; mais, dans
. il >y lie orientale était

L'extrême sud, Bou-Choucha s'était emparé de Tou-


h et \A Mokran, conduits par Bou-Mezi
ii t ,

li ère et successeur de Mokrani, étaient allés l'y

rejoindre.
Le général de la Croix, envoyé à leur poursuite,
ai rive à Tougourth à la lin de décembre, si- porto

aussitôt à Ouargla, où les Oulad-Mokran s'étaient


réfugiés, met en Bou-Choucba, disperse
fuite

partisans et s'empare de Bou Mezi


Ainsi s'éteignit cette insurrection formidable de
1874, qui laissera dans les annales de l'Algérie un
long mglant souvenir. La gloire de L'avoir vaincue
appartient aux généraux Lallemand, de la Croix et

Gérez. Il était nécessaire d'achever le îé^it de i

expéditions avant de reprendre L'histoire chronolo-


gique des événements remarquables qui -o passèrent
alors dans notre colonie et modifièrent plus on moins
sa constitution.

Après réunion de l'assemblée nationale et lors. pic


la

le gouvernement de la métropole lut régulièrement


constitué, l'attention du ministère tut naturellement
appelée sur L'Algérie, OÙ les Kabyles s'in-ur-caicnt ,
I t

dont tous les semees administratifs étaient dé


m- .

I
e Cabinet du 1S lévrier, tenant compte des laits

accomplis, approuva la substitution du régime civil

au régime militaire, et nomma le vice-amiral coi


de OueydoD gouverneur général civil de L'Algérie

l mais is^Ti). u devait avoir sons Bel ordres le


DE L'ALGERIE 3*41

commandant des forces de terre et de mer, le di-


recteur général des affaires civiles et financières et
en général tous les services administratifs concernant
les Européens et les indigènes. Cinq mois plus tard,
les fonctions de commandant supérieur des forces
de terre et de mer allaient être supprimées, et les
troupes de chaque province placées sous les ordres
d'un général de division.
La nomination d'un vice -amiral au poste de gou-
verneur général civil ne fut pas très favorablement
accueillie en Algérie; on parut la considérer comme
un retour vers le régime militaire, mais les événe-
ments commandaient cette mesure.
Le premier devoir du nouveau gouverneur fut de
réduire l'insurrection arabe. Sur sa demande l'effectif
de l'armée fut graduellement augmenté, nos troupes
purent reprendre l'offensive, et, après une année de
combats, rétablir le calme et la tranquillité dans la

colonie.
Quand la révolte fut comprimée, on procéda à une
nouvelle organisation administrative, à la reconsti-
tution des conseils de gouvernement créés par les
décrets du 24 octobre 1870. Le comité consultatif du
gouvernement fut appelé à donner son avis sur les
affaires administratives au sujet desquelles les préfets

n'avaient point à statuer. Le conseil supérieur de


gouvernement, qui devait se réunir chaque année
après la session des conseils généraux pour discuter
le budget général de l'Algérie, fut régulièrement et

définitivement établi. L'Algérie nomma les six dépu-


tés, deux par province, que lui accordait la loi,

connue elle nommer un peu


devait plus lard un sé-
nateur et un député par province On s'occupa ensuite
3i2 HISTOIRE

de la formation des circonscriptions cantonnai


L'organisation administrative du Tell, en exécul
des décrets du 24 octobre, enfin de l'installation sur

le sol algérien des ém _ de l'Alsace et de la

Lorraine. Telles furent les principales j


réoccupations
du vice-amiral comte de Grueydon.
11 fut relevé de ses fonctions le 11 juin 1
ST3 et

remplacé par M. le général de division y,


membre de l'assemblée nationale, qui avait com-
mandé en chef la seconde armée de la Loire d
la guerre contre la Prusse. In décret du même jour

décidait que le gouverneur général civil, Lorsqu'il

remplirait les conditions voulues pour exercer li

mandement militaire, pourrait recevoir, par délégation

spéciale, le commandement supérieur des forces de


terre et de mer. Le général Chanxy était investi en
me temps de ces deux foncti iette nomination
fut le signal d'une nouvelle direction donnée à L'ad-

ministration de notre colonie. L'expérience avait dé-


montré que l'application des d s des M dé-
cembre 1870 et 20 février L873, sur l'extension du
territoire civil et la division du Tell en circonscrip-
tions cantonales, n'était possible qu'à la condition,
pour l'administration et la justice, de dû de
moyens d'action suffisants; or, ces moyens taisant

défaut, l'organisation nouvelle avait engendré, dans


la plupart des territoires où elle était appliqu
des embarras et des difficultés considérables. Pour
remédier à cet état de choses , un décret du
11 septembre l
s T.'» autorisa le nouveau gouverneur
à suspendre L'exécution des d< dan- ton
Les parties du territoire où il jugerait leur appli-
cation prématurée, et à replacer transitoirem<
DE L'ALGÉRIE 343

ces territoires sous l'action du commandement mi-


litaire.

Le 8 octobre, un nouveau décret avait porté de cinq


à six le nombre des délégués des conseils généraux
au conseil supérieur de gouvernement. La réunion
de ce conseil, le 3 décembre suivant, fournit au gé-
néral Chanzy l'occasion de produire devant les délé-
gués du pays le programme qu'il avait arrêté. « On
ne réalise pas le progrès en le décrétant, disait-il,
mais on l'obtient par des mesures sages et efficaces.

Je rendraimieux ma pensée, continuait le général


Chanzy, en vous citant une de mes premières im-
pressions en arrivant en Algérie, il y a trente ans,
au début de ma carrière militaire. On lisait alors, sur
le poteau à l'angle nord-ouest du champ de manœuvre
de Mustapha, ces mots qui me frappèrent : a Route
« d'Alger à Laghouat. » Ce n'était alors qu'un pro-
gramme que nous avons réalisé successivement par
la conquête. Cette même impression je l'ai ressentie
en lisant les décrets de 1870 : eux aussi n'étaient que
le programme de ce qui nous reste à faire pour as-
surer l'œuvre de colonisation qui doit justifier notre
implantation sur le sol algérien. Les décrets indiquent
bien le but à atteindre; ils ont formulé ce qui, con-
stamment, a été le fond de la pensée de tous ceux
qui se sont voués à ce pays. Mais que sont -ils par
le fait? l'étiquette du poteau de Mustapha. C'est bien

là le programme ; il faut l'accomplir, sans se dissi-


muler les difficultés qui peuvent naître sur la route,
mais en tenant compte des écueils et des dangers
qui compromettraient le résultat. »

Assimilation de l'Algérie à la métropole « en tenant


compte transitoirement des conditions exceptionnelles
HISTOIRE

que erre la différence dans les origines des divei


populations qu'il s'agissait de transformer et d'ag
ger », tel fut le programme que le général Chanzy
opposa sans cesse « aux théories dangereuses qui,
se dissimulant sous le titre d'une autonomie favorable
aux intérêts particuliers de ce pays, ne tendent qu'à
briser sucessivement les liens qui doivent nous ratta-
cher constamment à la patrie commune dans ses mal-
heurs comme dans sa prospérité
Toutefois le général Chanzy ne fut pas unique-
ment occupé de l'exécution des décrets sur l'exten-
sion du territoire civil; nos rapports avec les tribus
arabes donnèrent lieu à quelques événements qu'il

importe de signaler.
L'année 1873 ne marquée dans la province fut

d'Alger que par les démarebes laites par Si-Eddin,


frère de Kaddour-ben-Hamza, pour négocier de la
soumission des Ouled -Sidi- Cheikh -Cheraga, ces im-
mortels ennemis de La domination française. Venu à
Laghouat, puis à Alger, il y reçoit L'assurance que
les i onditions déjà portées à la connaissance des Ou-
ted-Stdi- Cheikh ne seront pas modifiées : ceux-ci
recevront l'aman complet, mais ils n'exerceront plus
de commandements et accepteront la résidence qui
leur sera imposée, en un membre de la
Laissant
famille Ben ll.un/i en Otage SUr un des points du
Tell choisi a <•• t effet, i i
-
conditions ne furent |

acceptées, et après de nouvelles démarches, en 1874


e! en 1875, quelques bandes des Ouled Sidi Cheikh,
alli« des tribus marocaines, vinrent, de temps
autre, tenter quelques coups de main sur nos fron
tières «'"litre qos tribus restées fidèles. Celles ci,

ayant réuni Leurs contingents à Coléafa au mois


DE L'ALGÉRIE 345

d'août, se portèrent jusque dans le voisinage de


Touat, et enlevèrent aux Marocains la plus grande
partie de leurs troupeaux. D'autres troubles de même
nature éclatèrent près de Laghouat; mais cette effer-
vescence, qui n'avait pour cause aucun motif hostile
à la France mais seulement des compétitions entre
,

tribus, se calma d'elle-même.


Dans la province d'Oran, nos frontières furent
attaquées, dès le commencement de l'année 1873,
par les Ouled-Sidi-Cheikh-Gharaba, commandés par
Si-Mammar-Oued-Cheikh-Taied, auquel vint se joindre
son cousin Seliman-ben-Kaddour. Ce dernier, ex-
agha des Halmyans, interné depuis quelques années
à Aïn-Temouchent, avait réussi à tromper notre sur-
veillance et à s'échapper. L'envoi de quelques troupes
suffit pour rétablir la tranquillité.

Sur ces septembre 1873, l'empereur


entrefaites, le 11
du Maroc, Moulah-Abderahman, vint à mourir au mo-
ment où, cédant à nos instances, il allait éloigner de
nos frontières les Ouled-Sidi-Cheikh et les interner
dans l'intérieur de son empire. L'avènement de son
successeur fut le signal de troubles qui s'étendirent à
tout le Maroc , et nous obligèrent à maintenir nos
troupes sur la frontière.
Dès les premiers mois de l'année 1874, la récon-
ciliation des deux fractions rivales des Ouled-Sidi-
l
heikh vint de nouveau menacer nos populations du
sud et du sud-ouest, qui, en effet, étaient attaquées
et pillées en février 1874. En avril, Si-Mamma? et

Seliman-ben-Kaddour se disposent à faire une pointe


dans l'intérieur de notre territoire pour nous enlever
les Rezaïna, serviteurs religieux «les Oûled-Sidi-
Cheikh, retombés en notre Douvoir en 1871 el can-
,

346 HISTOIRE

tonnés dans le cercle de Saida. Ils s'avancent jusqu'au


bord du Choot-Chergui et détruisent quelques douars
des Trafis; mais le goum de cette tribu se rassemble
les poursuit et les atteint à Neûch, au nord de Chel-
lala. Les Ouled-Sidi-Cheikh furent complètement dé-
faits, Si-Mammar tué, et Seliman blessé.
Cette victoire nous débarrassa pour quelque temps
des entreprises des tribus dissidentes.
Cependant les troubles continuèrent pendant toute
Tannée sur la frontière marocaine sans atteindre
notre territoire; ce fut seulement en 1875 que les
Ouled-Sidi-Cheikh recommencèrent leurs incursions
dans le sud de la province d'Oran, cherchant à ame-
ner la défection des tribus fidèles à la France. Plu-
sieursengagements eurent lieu enlre les contingents
des tnbus -ans amener d'incidents remarquables. La
lutte se passait de L'autre côté de noire frontière, et

l'empereur du Maroc était obligé d'intervenir Bans


pouvoir apaiser complètement les troubles.

Le général ( '.hanzy eut encore à réprimer, en 1876,


l'insurrection des gens d'El-Amri, dans le Lab-Dab-
raoui, contre lesquels fut envoyé li ret.

Vint encore une insurrection dans l'Aurès, également


réprimée.
Sous l'administration du général Chanzy, la colo-

nisation lit de grands progrès, L'Algéi i


tuvritde
chemins de fer, et son commerce avec l'Europe ait i-

gnit le chiure de trois cent quatre -> Lngts millions.


Le 18 février 1870, Le général Chamy ayant été
nommé ambassadeur à Saint-Pétersbourg, M. Ubert
I êvy fut nommé gouvei ne ir général ivil le 15 m
«i <

suivant, el le géûi pal S lussiercommand intdu l9*corps


d'armée.
DE L'ALGÉRIE 347

La nomination de M. Albsrt Grévy fut le signal


d'une application plus large du régime civil, en at-
tendant que la commission d'enquête nommée par
le corps législatif pour se rendre en Algérie ait pu
se rendre un comple exact de la situation, et qu'une
organisation nouvelle et plus complète puisse être
votée et appliquée.

CHAPITRE XI

Histoire de la colonisation en Alg puis la conquAte d*Alger. —


État dea conceaaîona Faites car rnement. — Population auto-
I

mne et indigène. — L'inaufBsanoe de population |">ur Pexplot-


la

tadon de la contrée. — L'Algérie aui divert — Ren-


gnementa Btatiatiquea sur lea principalea culturea '•- l'Algérie :

i, -.m, labac, ooton, soie, lin et chanvre, fourra ,

Voies de communication , routea cl chemina de fer.—- El


d'instruction publique

Uger était depuis peu en Dolre pouvoir : le pi id

de nos soldats avait à peine touché les premiers con-


treforts de l'Atlas, et déjà do hardis colons Tenaient
s'établir dans les plaines de la Méti 1 a. Nous ne
parlons pas de ces spéculateurs moins courageui
et moins reçommandables qui l'ont achetée tout
entière, Bans la voir; d'Arabes aussi peu Bcrupul
qui vendaient ce qui ne leur appartenait pas. Nous
rappelons les efforts de quelques vrais propriétair
qui, dès lea premières années, ont eu foi dans l'avenir
de l'Afrique, qui lui ont porté leurs familles et leurs
fortunes; e! il en est quelques-uns qui onl vu plus
tard tous ses déa - Bans laisseï ébranler un insl
leui
HISTOIRE DE L'ALGÉRIE 349

En même temps des populations agglomérées com-


mençaient à former des villages nouveaux.
En 1832, des familles alsaciennes arrivèrent du
Havre à Alger; le duc de Rovigo les plaça dans le

sahel d'Alger, à Déli- Ibrahim et à Kouba. En 1836,


sous l'administration du maréchal Clausel, un centre
de population fut créé à Bouffarik. Ses habitants
eurent beaucoup à souffrir de la guerre et de l'in-

salubrité du territoire qui les entourait. La ville de


Cherchell, ayant été complètement abandonnée, fut
repeuplée, en 1840, parles soins du maréchal Vallée.
Des groupes s'établissaient spontanément, sans in-
tervention de l'autorité, dans la banlieue d'Alger, en
choisissant de préférence les lieux où se trouvaient
des camps ou des stations militaires, comme Hus-
sein-Dey, Birkadem, Birmadrais, Texerain. D'autres
avaient élevé leurs habitations plus avant, au cœur
du Sahel, près des camps de Douera et de Machena.
Cependant les premiers essais de colonisation, à
proprement parler, ne remontent pas au delà de
1841. On était au milieu de la guerre, les hostilités
s'étendaient jusqu'à la banlieue d'Alger. On songea
à faire de la colonisation où l'élément militaire pré-
dominait. On pensait qu'il fallait l'enfermer dans des
fossés, dans des enceintes continues. On commença
l'obstacle, cet immense retranchement qui devait
entourer la plus grande partie de la Métidja, et on
créa les grands villages militaires de Fouka et de
Méred, entourés de murailles, à l'abri desquelles
étaient les maisons des colons, bâties sur un plan
uniforme par le génie militaire. Elles devaient être
peuplées par des sol.lats libérés, organisés en com-
pagnies, et commandés militairement.
350 HISTOIRE

Fouka seul fut peuplé de cette manière: mais on


ne tarda pas à reconnaître les difficultés et les dé-

penses excessives propres à un système qui faisait

de la colonisation avec des célibataires Bans i

sources, qu'il fallait marier pour leur donner une


famille, doter, loger, nourrir et habiller, et qui tra-
vaillaient en commun.
Afin de peupler Iféred, on employa des soldats
encore attachés au drapeau, résolus à se fixer en
Algérie, et ayant des habitudes agricoles. Une com-
pagnie ainsi recrutée fut installée dans ce village, et
une autre dans le camp de Maelma.
On voulut ensuite faire de la colonisation civile.
Un arrêté du 18 avril 1841 en fixa les conditions I
'est

d'après ce système que furent créés et constitués, du


12 janvier 1848 au 24 décembre s l » >, douze cent
nouveaux, savoir Drariab, l'Achour, : ( Sheraga, Douera,
Saoula, Ouled-Fayet, Baba*IIassan, Montpensier,
Join ville, Kreciya, Douaouda et une annexe de
Méred; en 1845, Sourna et Notre- Haine de Fouka,
Sidi-Chami, Mazagran, Saint-Denis du Sig, Ai/eu,
Amsilia. Trois autres anciennement créés ont été
complétés selon le même mode, Déli-Ibrahim, Bouf-
farik, Cherchell.

Plusieurs villages ont été établis dans les parties


extrêmes du sahel par des lamnés militain
qui, énergiquement conduits, sont, comme on le

sait, d'excellents travailleurs. Faisant vite et à bon


marché. Nous citer as Saint-Ferdinand et Sainte-
Ai .. Lie, et, en 1841, les villages de Maelma et Zé-
ralda, dan- le sahel d'Alger; de Dalmatie, à l'est

de Blidah et du Foudouk, au pied de l'Atlas; de


Damrémont, Vallée et Saint -Antoine, auprès de
DE L'ALGÉRIE 351

Philippeville, ainsi que plus tard Gastonville, Ro-


bertville, etc.
D'autres villages ont été créés par les grands pro-
priétaires du sol, entre autres : Saint- Jules et Caus-
sidou, sur le revers méridional du sahel, en face de
la Métidja, à gauche de la route d'Alger à Blidah par
Douera.
Une société renommée par ses habitudes agricoles
et ses austérités religieuses, les trappistes, forma le

projet, à la fin de 1842, de fonder en Algérie une


vaste exploitation. Ses propositions, appuyées chaleu-
reusement par plusieurs membres des deux chambres,
furent favorablement accueillies par le gouvernement.
On leur concéda l'ancien camp de Staouéli, d'une
contenance de mille vingt hectares, limitée au nord
par la mer, au sud par l'Oued- Bridia, à l'est par
l'Oued-Bakara et la plaine, à l'ouest par la plaine.
Ces religieux se sont mis aussitôt à l'œuvre, ensei-
gnant aux autres colons et aux Arabes la manière
de cultiver la terre et de gagner le ciel. Ils ont planté
plus de dix mille arbres d'essences variées, défriché six
cents hectares de terre, dont partie est semée en cé-
réales, partie convertie en prairies. Ils ont une vigne
de cent hectares en plein rapport, de grands jardins
potagers et une magnifique pépinière, qui contient
plus de cinq mille sujets; ils ont essayé un grand
nombre de cultures, parmi lesquelles il faut compter
celle du tabac, qui a réussi complètement; outre les

travaux agricoles, ils ont exécuté des constructions


considérables.
Indépendamment de ces concessions faites par la

direction de l'intérieur à titre gratuit, la direction


des finances a opéré la concession d'un grand nombre
352 HISTOIRE

d'immeubles ruraux appartenant au domaine. L -


concessionnaires de ces immeubles sont tenus d'y
construire des bâtiments d'exploitation, «l'y fane
travaux d'assainissement, de mettre les terres en
culture dans un délai tixé, de luire des plantations,
de greffer des oliviers, etc., de payer, en outre, au
domaine une redevance annuelle fixée ordinairemi nt

à un franc par hectare.


Après la révolution de février, l'Algérie joua un
grand rôle dans les utopies gouvernementales. I

milliers de bras étaient inoccupés, on résolut de s'en


servir pour bâter la colonisation de L'Afrique fran-
çaise. L'assemblée nationale mit une grande pré* 1-

pitation à voter un crédit de cinquante millions | our


rétablissement de eoloni* : nouvelle expé-
rience qui a coûté quelques milliers d'hommes et

quelques millions de francs.


L'échec subi par Les colonies qu'un avait voulu fon-
der en L848, plutôt pour débarrasser Paris <'t Les
grandes villes de la partie la plus turbulente de leur
population, a exercé une influence funeste Bur L'im-
migration européenne dans notre colonie. L'admi-
nistration se vit dés lors obligée d'agir très prudem-
ment, et de ne reprendre Le travail de la colonisation
qu'avec la certitude de réussir. Elle se livra a

longues études sur le sol , et sur le mode qu'il cou


nait d'adopter pour constituer la propri I pour
établir les futurs immigrants. Cette période d'études

préparatoires terminée, on s'est nus définitivement


à l'u'UV! 8.

Jusqu'alors les vil h; picoles avaient été l'œuvre


exclusive de L'administration, qui les avait fond-
des crédit alloués au budget de l'État. C'est L'admi-
DE L'ALGERIE 353

nistration seule qui, indépendamment des travaux pu-


blics qu'exigent les créations de ce genre, avait dû
aider les colons dans leur période d'installation, sub-
venir en grande partie à leurs besoins par des secours
de toute espèce, souvent même construire elle-même
les maisons destinées à abriter les premiers habitants
de ces centres. Mais cette charge, si lourde au point
de vue des dépenses publiques, ne pouvait se per-
pétuer. Il fallait que désormais l'industrie privée
vînt largement en aide à l'État pour continuer l'œuvre
qu'il a entreprise : l'avenir de la colonisation dépen-
dait de ce concours; mais, pour l'obtenir, il fallait

que le gouvernement encourageât de tous ses efforts

en Algérie, pour y
l'esprit d'association à se porter

appliquer ses forces au repeuplement du pays et au


développement des cultures.
Au lieu de donner des terres et même des maisons
à des gens ne possédant rien, et ne pouvant faire les
avances nécessaires pour la mise en valeur, on fit

des concessions gratuites à tous ceux qui offraient des


garanties de moralité, de capacité et de fortune suf-
fisantes. On mesura les concessions non plus aux
demandes des colons, mais aux ressources de ceux
qui les feraient valoir. On confia à de riches conces-
sionnaires, à des compagnies disposant de capitaux
importants, la création de villages étudiés et préparés
par l'administration. C'est ainsi que la compagnie
genevoise des colonies de Sétif constituée par , le dé-
cret du 26 avril 1853, put créer plusieurs villages à
l'aide de familles recrutées en Suisse, dans le Pié-
mont et en France.
D'après le Tableau de la situation des établissements
français en Algérie publié par le gouvernement en
23
HISTOIRE

1856, le total des concessions, tant urbaines que


rurales, fait ipuis L'occupation jusqu'au di dé-
cembrel854, -tait de 17,046 pour les trois provin
et comi>renait une superficie de 10 fc,023 hectai i s. I tans
ce tableau étaient comprises les concessions faites de-
puis la législation de 1853 sur cette matière et donl le
chiffre s'élevait à 1.771. formant une superficie de
i
hectares, dont 20,0 klés à La compagnie
genevoise.
Malheureusement ce régime des concess
tuiles amena des abus. Le trafic des concessions était

devenu si ordinaire, qu'il n'était pas rare de voir


individus ne démander des concessions que Lorsqu'ils
avaient trouvé un acquéreur. Il fut même question de
restreindre 1 - illimités que les Arabes par-
couraient avec leurs troupeaux . de cantonner les

Arabes afin de livrer à la culture européenne des


espaces plus considérables. Mais il ne fut pas donné
suite à ce projet, qui avait soulevé parmi tes Ai a!

les plus vives inquiétudes; et le sénatus- consulte du


-J-_! avril 1863 inaugura un nouveau système de colon*
sation basé principalement sur la libre transmission
des bieris entre Européens et Lndigèm ,

Dès lors le régime de La concession gratuite d<

t"i res n'avait plus sa raison d'être : donner pour rien

que d'autres pouvaient vendre, c'était, en effet,

déprécier la valeur desempêcber les trans


iei res el

lions sérieuses; un décret du 31 décembre 18G4 sub-


stitua à la concession gratuite le système des \.

pn\ fixe et à bureau ouvei t pour l'aliénation des tei ;

domaniales en Algéi ie. Toutefois la gratuité était main-


tenue exceptionnellement pour le cas où les besoins
de la défense, ou tout autre motif d'ordre public, né-
DE L'ALGERIE 355

cessiteraient, sur un point avancé du pays, la création

de nouveaux centres de population.


Ainsi réduite à ses propres forces, l'initiative indi-

viduelle ne produisit, jusqu'en 1869, que des résultats


peu importants sous le rapport du peuplement et de
la colonisation.Le gouvernement résolut alors de lui
venir en aide de nouveau, et de créer lui-même des
centres de population. Onze villages ou hameaux, com-
prenant 437 feux et 15,382 hectares, allaient être instal-

lés par les soins de l'administration, quand la guerre


contre la Prusse lit ajourner ces projets à des temps
meilleurs.
Aussitôt après la signature du traité qui enlève à la
France deux de ses plus belles provinces, l'assemblée
nationale par deux lois successives prit les mesures
, ,

nécessaires pour que les habitants de l'Alsace et de la


Lorraine qui voudraient quitter leur pays et passer en
Algérie, y trouvassent de bonnes terres mises à leur
disposition par l'État.
Enfin le décret du 16 octobre 1871 vint jeter les nou-
velles bases de la colonisation qui ont persisté jusqu'à
nos jours. Les principales dispositions de ce décret ont
pour but d'assurer peuplement par l'obligation de la
le

résidence; d'empêcher le retour de la cédée aux indi-


gènes; de favoriser l'élément d'origine française pour
laisser à notre colonie sa physionomie nationale; d'évi-
ter enfin le gaspillage des ressources mises à la dispo-

sition des nouveaux colons.


Les modifications apportées à ces dispositions par
le décret du 15 juillet 1874 ont pour but de réduire de
neuf à cinq le nombre des années de location impo-
sées au concessionnaire avant La remise du titre déli-

nitif de propriété, et de lui faciliter l'exploitation de


HISTOIRE

oncession en lui permettant de transporter ses


droits à titre de garantie des prêts qui pourraient lui
être consentis.
Depuis le décret du 16 octobre 1< S 71 jusqu'au mois

de mars 1874, 877 ramilles, comprenant 1,205 p


sonnes reçurent «les concessions, et lurent Lnstalli
,

sur le sol algérien.


Plusieurs sociétés sollicitèrent et obtinrent «les ood
cessions de terres en Be conformant aux prescriptions
du décret de lNT'r, c'est-à-dire en s'engageanl à
construire et à peupler un ou plusieurs villages, et de
consentir la rétrocession des terres au profit de fa-

milles d'ouvriers ou de cultivateurs d'origine française.


C'est ainsi que la société d'Haussonville, dite des Alsa-
ciens-Lorrains, a pu créer deui villages : A/il> Zai-

noun, aujourd'hui Haussonville et Bou-Khalfa. Une


autre société, à la tète de laquelle ><• trouvent plusieurs
iseillers généraux du département d'Algei de-
menl obtenu des c ncessions de terres et créé plu-
sieurs \ mages.
De 1*71 au 1 septembre 1875, il a été affecté à la

colonisation 247,190 hectares; il a été créé 113 vil-

lages ou hameaux, savoir : 33 dans la pi e d'Al-


.;l dans la province d'Oran, et 19 dans celle de
Constantine; enfin, pendant cette même périod
18 centres anciens avaient re< u un accroissement de
territoire. Depuis cette époque, Le mouvement conti-
nue dans les mêmes proportions.
D'après le dénombrement de 1876, La population de
r Algérie s'élevail à 2,816,575 habitants , Européens et

indigènes, qod compris L'effectii des troupes, qui était

de 54 ,051 hommes. I Jette population de


trois < lasses ou principales : les Kabyles ou B
DE L'ALGÉRIE 357

bères, qui sont les aborigènes, les premiers ha-


bitantsdu pays; les Arabes, issus de la conquête
musulmane; les colons français et autres Euro-
péens. A ces trois classes il convient d'ajouter quel-
ques classes secondaires relativement peu impor-
tantes.
La population coloniale, en 1839, ne comptait guère
que 23,000 individus environ. En six années, sous le

gouvernement du maréchal Bugeaud, le nombre des


colons s'éleva presque subitement de 23 à 96,000. En
4863, la population européenne de l'Algérie n'est pas
moindre de 210,000. Et l'on peut déjà remarquer en
passant que le doublement de la population coloniale
a eu lieu, en Algérie, en moins de dix -huit ans, au
lieu qu'en Amérique le doublement de cette même
population n'a lieu que tous les vingt-cinq ans. De-
puis cette époque, les colons algériens ont continué
de s'accroître à peu près dans les mêmes proportions.
En 1876, la population européenne (Français, étran-
gers et Israélites naturalisés) était de 344,749, non
compris les troupes ni la population en bloc. Dans ce
total, les Français figurent pour 156,365; les Israélites
naturalisés sont au nombre de 33,312; les étrangers

enfin, au nombre de 157,072, répartis en différentes


nationalités; de telle sorte que la population euro-
péenne présente la proportion suivante : les Français
et les Israélites naturalisés, 57 pour 100; les Espa-
gnols, 25 pour 100; les I'aliens, 6 pour 100; les Anglo-
Maltais, 4 pour 100; les autres nationalités, Allemands,
Suisses, Portugais, Belges, etc., 8 pour 100.
On voit que l'élément français, qui, dans les pre-

mières années de l'occupation, était bien inférieur à


l'élément étranger, le domine aujourd'hui.
358 HISTOIRE

Pour donner une idée de La marche progressive de


La population à partir de La conquête, nous allons
mettre sous les yeux du Lecteur Le chiffre qu'elle a
atteint de cinq ans en cinq ans, depuis cette époque
jusqu'à la fin de 1876.
An :il décembre 1830, 602; — en 18 S, 7,812; —
en -1840, 27,865; - en 1845, :!: — en 1851,
131,283; — en 1856, 159,252; — en L861, 192,746;
— enl866, 218,000; - en 1872 I : —en 18*3

enfin, 344,749.
Malgré cet accroissement, le chiffre de la population
européenne est encore loin de ce qu'il déviait être
pour l'exploitation de cette vaste contrée. La popu-
lation indigène elle-même est insuffisante pour les

nécessités de la production agricole. Qu'est-ce que


deux millions huit cent mille h ibitantspour quarante
millions au moins d'hectari LJ un habitant pour
seize hectares environ V
Aussi la main-d'œuvre est-elle chère, el une partie
de l;i récolte, les fourragea notamment, se perd faute

de bras.
Le seul remède à cette situation est L'accroissement

de la population européenne par L'émigration; aussi


L'émigration ne saurait être trop encourag
Le second élément de La population de L'Algérie
L'élément indigène. Il devient de pair en jour plus dif-

ficile de bien distinguer Les Kabyles des Arabes, ps


qu'un grand nombre de tribus ou de tractions de tri-

bus d'origine berbère ont adopté la Langue arabe.


Aussi les derniers dénombrements de la population
m Algérie ne distinguent ils plus Les Kabyles ou Ber-
bères des Arabes. Le recensement de 1861, Wl par
Les bureaui arabes, donnai! pour résulta! le chiure de
DE L'ALGÉRIE 359

2,732,851 âmes pour l'ensemble de la population in-


digène ou non européenne, y compris 358, 7G0 Arabes
fixés dans les villes. Dans cecbilïre, les deux grandes
classes d'indigènes n'étaient pas distinguées, et il

faut recourir au recensement de 1857 pour trouver des


renseignements précis sur l'importance de chacune
de ces clas-es. En 1857, les Arabes étaient au nombre
de 1,385,432, non compris les Arabes des villes, ce qui
eût pu donner 1,500,000 en chiffre rond; on ne comp-
tait, au contraire, que 959,381 Kabyles ou Berbères.
Ces derniers étaient donc aux Arabes à peu près comme
deux est à trois. Mais le dénombrement de 1872, fait

à la suite delà terrible épidémie cholérique de 1807, de


la grande famine de 1808 et de la sanglante insurrec-
tion de 1871 une notable diminution de la
, accusait
population indigène; on ne comptait plus alors que
2,125,052 musulmans, Arabes ou Kabyles. Cette di-
minution portait presque exclusivement sur l'élément
arabe, de telle sorte que, depuis cette époque, on
peut dire que les deux éléments de la population in-
digène sont d'une égale importance. Le dénombre-
ment de 1870 a permis de constater un accroissement
notable de la population musulmane : ce dénombre-
ment porte, en effet, à 2,402,930 le nombre des
Arabes et des Berbères répandus sur toute la surface
de l'Algérie.
A côté de ces trois races principales, les Arabes,
les Kabyles et les Européen^, qui comprennent la

plus grande partie de la population algérienne, il faut


signaler quelques races secondaires de moindre im-
portance : ce sont les Maures, les Koulouglis, les
Juifs et les nègres. Le Maure est l'habitant indigène
des villes, et surtout des villes du littoral. Les Kou-
HISTOIRE

du mélange des Turcs avec


lou;Ji> proviennent
femmes mauresques; cette race est à peu près dis:
rue. Les Juifs sont nombreux en Algérie 34,000 , envi-
ron ; ils se livrent généralement à de petites industrii
niais beaucoup, comme banquiers et négociants, ont
acquis des fortunes i râbles, et depuis qu*un
décret de 1870 les a naturalisés en bloc, ils ont les
mêmes droits civils et politiques que les Franc
eux-mèiii
Malgré les obstacles qui retardent son développe-
ment, les progré omplis dans l'œuvre de la colo-
nisation algérienne sont manifestes. Le développe
ment des cultures y marche de pair avec celui de
la population; les cultures industrielles y prennent
chaque année une extension nouvelle, et les grandes
industries qui tendent à -établir dans le pays con-
tribueront puissamment au progrés de la civilisation.

Déjà on a pu constater les progrés accomplis aux


grandes expositions organisées depuis trente ans,
tant en France qu'à L'étrangi i . km
une ne s'est pas
3 ins que l'Algérie ait tenu à honneur d'y figure] ,

A l'exposition universelle de 1855, l'Algérie comp-


tait déjà cinq cent vingt- deux exposants et obtenait
deux cent cinquante récompenses, l.e nombre des
exposants <'t des récompenses ni. tenues n'a lait que
s'accroître depuis cette époque. Partout, à l'exp
lion universelle de Vienne de 1873 • >

position universelle .le Paris de 1878, les produits


nombreux et variés de l'Algérie attiraient un grand
concours de visiteurs qui les examinaient avec le plus
\it intérêt.

Nous avons déjà énuméré dans notre premier «lia-

pitre quelles et. lient le- productions du bo!


DE L'ALGÉRIE 361

rien; nous ajouterons seulement ici quelques ren-


seignements statistiques sur les principales d'entre
elles.

Autrefois l'Algérie était le grenier de Rome. A


l'époque de l'occupation française, elle était bien
déchue de cette antique gloire et allait chercher au
dehors des quantités considérables de grains et de
farinepour son alimentation. Aujourd'hui, non seu-
lement elle se nourrit elle-même, mais elle exporte
l'excédant de ses récoltes.
La superficie cultivée en céréales (blé, orge et
avoine) était, en 1876, de 2,959,069 hectares; la ré-
colte était de 18,319,707 quintaux métriques. La récolte
pour cinq années, 1872 à 1876, avait été de 78,561,682
quintaux métriques. L'Algérie livra, pendant cette
même période, 8,929,692 quintaux à l'exportation,
représentant une valeur de 207,178,692 francs. Ces
quelques chiffres suffisent pour montrer les dévelop-
pements pris par la culture des céréales.
La vigne a trouvé en Algérie un sol et un climat
qui lui conviennent à merveille. Dans le principe,
chaque colon importait en Algérie les cépages et les
procédés de fabrication de son pays d'origine. L'ex-
périence a aujourd'hui démontré que les cépages qui
réussissent le mieux sont ceux du Languedoc. En 1876,
la superficie des terrains plantés en vignes était de
12,868 hectares; le rendement moyen, de 50 hecto-
litres par hectare : ce qui donne, à raison de 25 à
30 francs l'hectolitre, un produit annuel de 12 à
1,500 francs.
Indépendamment des vins rouges des environs
d'Oran, de Mascara et de Tlemcen, qui sont très
appréciés, on peut signaler certains vins blancs des
.

3C2 HISTOIRE

territoires de Boue et de Douera , et les vins de


dessert, secs et doux, des vignobles de Médéab et de
Pélissier.

Une autre culture d'importation fi le est celle


du tabac, qui a pris des développements considé-
rables. Introduite en l
N ii par trois colons sur une
superficie de 1 hectare VI ares, elle donnait une ré-

colte de 2,007 kilogrammes. Dès 1856, la récolte était


de plus de 3,000,000 de kilogrammes. En bs 77, la

culture du tabac s'était étendue sur 7.1 il heetan i,

et donnait un
rendement total de 5,105,929 kilo-
grammes; en moyenne, on peut estimer de 1,000 à
1,500 francs le revenu brut de 1 bectare de terre
[liante en tabac, et de 8 à 900 francs le revenu net.
Le rapport officiel de l'exposition de Vienne
en 1873, constate que l'art de préparer le tabac est
arrivé, en Algérie, à une ti inde perfection, <
i
t

que nulle part ailleurs on ne fabrique mieux et à mcil


leur marché.
La culture et la préparation du tabac y sont com-
plètement libres. L'Etat n'intervient que par les achats
qu'il fait aux producteurs. Sur les 5,000,000 de lùlo-

de tabac produits chaque année, L'État, par


L'intermédiaire de la régie, en achète en moyenne
'. représentant une valeur de 3,000,000 de
francs environ.
Le rote de la production coloniale trouve son pla-
cement soi! dans la consommation algérienne, Boil

dans L'exportation, qui, en bs 7:'>, atteignait Le chiffre


de 776,000 kilogramme te trouvait réduite en l< s 7r>

.. 171,000.
La production de la soie et du coton n'a pai suivi
les mêmes développements.
DE L ALGERIE 363

La culture du coton en Algérie n'est pas d'impor-


tation française. Les historiens arabes parlent avec
admiration des magnifiques plantations de cotonniers
qui couvraient autrefois le sol algérien; mais cette
culture avait presque entièrement disparu au moment
de l'occupation française. Depuis lors, plusieurs essais
ont été faits dans les départements d'Alger et d'Oran,
et furent l'objet d'encouragements tout particuliers.
L'empereur Napoléon donna pendant cinq ans,
III

sur sa cassette particulière, une somme de vingt mille


francs pour cet objet. Aussi cette culture, à laquelle
douze ans auparavant quelques hectares à peine
étaient consacrés, occupait -elle en 1855 près de
4,000 hectares. Mais une étude attentive de la nature
de la plante et des conditions dans lesquelles elle
peut prospérer a fait reconnaître que les Algériens,
impuissants à lutter avantageusement avec les pays
producteurs des cotons à bon marché, doivent con-
centrer leurs efforts sur la production du coton de
luxe dit longue soie, qu'ils peuvent obtenir de qualité
très supérieure. La vérité est que l'exportation des co-
tons de l'Algérie, qui était encore enl870 de 347,900 ki-
logrammes, représentant une valeur de 700,000 francs,
est tombée en 1876 à 75,300 kilogrammes, valant
150,000 francs. On peut toutefois évaluer à 400,000 hec-
tares l'ensemble des terres susceptibles, en Algérie,
de produire le cotonnier dans de bonnes condi-
tions.

La production de la soie, au lieu de suivre une


marche ascendante, a donné des résultats de moins
en moins satisfaisants. En 1853, L'Algérie comptait
335 éducateurs du ver à soie, qui livrèrent à la pépi-
nière centrale 13,000 kilogrammes de cocons; en L855,
1

36 HISTOIRE

le nombre des éducateurs c'était plus que de 430, qui


fournirent seulement 2,544 kilogrammes de cocons
Cette industrie a Bubi un nouvel arrêt pendant i

dernières années par suite du manque de déboucb


et surtout de la maladie qui a sévi sur le ver el la

graine. Les primes accordées et la subvention donnée


aux filatures ont amélioré la situation. A la lin de 1870,
le nombre -l<
i
s éducateurs était de 150, ayant récolté
6,156 kilogrammes de cocons.
Le lin et le chanvre Bont maintenant cultivés en
Algérie, et leur culture tend à s'étendre «le jour en
jour davantage, tout en étant encore loin d'atteindre
le développement qu'elle prendra le jour où les colons
auront trouvé un débouché assuré pour leurs pro-
duits.

En 1867, la culture du lin B'étendait, en Algérie,


but une superficie de 3,000 hectares. Pendant l'an-
née 1876, 1.177 planteurs ont cultivé 5,555 hectares
de lin, qui ont rapporté 3,700,000 kilogrammes de
ines et 16,900 kilogrammes de filasse. Le com-
merce de -raines de lin a donné lieu depuis 1867 ï

une exportation régulièrement croissante.


Les quatre variétés de chanvre dont la culture a
éf.
;
tentée endonné des résultats n-Algérie ont «
i

courageants. Le chanvre donne un rendement moyen


de 1,000 à 1,200 kilogrammes de filasse par hec-
tai i

11 est un autre produit du sol algérien, produit pour


ainsi dire spontané , et qui ne coûte d'autre travail que
celui de la récolte : ce sont les foun les

premiers jours de pluie, en novembre, les plaines, l«


i
-

vallées, les coteaui et les plateaux se couvrent d'une


abondant tation, qui, au printemps, atteint de
DE L'ALGÉRIE 365

un mètre à un mètre cinquante de hauteur. » Aussi


l'Algérie, qui a eu le mérite, pendant la guerre de
Crimée de fournir aux armées de la mère
, patrie de
larges approvisionnements en orges, farines, biscuits,
bois, chevaux même, leur a également fourni des
quantités énormes de fourrages. Chaque année l'Al-

gérie en exporte encore d'assez grandes quantités,


et en exporterait même davantage, si, faute d'ar-
gent, faute de bras, faute de routes, faute de dé-
bouchés, les colons n'avaient pas tous les ans la
douleur de laisser sécher sur pied la presque totalité

des foins qui au printemps couvrent les terres de


l'Algérie.
Si l'on consulte le tableau du commerce général de
l'Algérie, on peut voir que les exportations ont pris
depuis la conquête une marche ascendante régulière,
en rapport avec l'augmentation de la population, et
que mouvement des importations au contraire se
le , ,

ralentit de plus en plus. En 1876, sur un chiffre total


de 380,062,977 francs, les importations figurent pour
une somme de 213,352,396 , et les exportations pour
166,538,580; c'est-à-dire que les importations forment
environ les 57 centièmes, et les exportations les 43 cen-
tièmes du total général.
Pour faciliter les transactions du commerce et l'écou-
lement de tous les produits algériens, il était néces-
saire que l'administration s'occupât activement de
leur procurer des débouchés en reliant par de bonnes
voies de communications les régions de l'intérieur
au littoral. « Les centres colonisés, dit la notice pu-
bliée par les commissaires délégués à l'exposition de
l'Algérie en 1878, sont généralement échelonnés sur
les routes, ou placés tout au moins à leur proxi-
3C6 HISTOIRE

mité, de manière à faciliter Les relations quotidien]


de la vie, les échangea et L'écoulement des pro-
duits. »
Cinq grandes routes nationales, vingt routes départe-
mentales s'embranchant sur les premières, d ent
les principaux centres; cinquante chemins vicinaux
inde communication, et autant de chemina vicinaux
et ruraux qu'il en tant pour satisfaire aux besoins
communes et des propriétaires ioniens: tel est l'en-

semble des moyen- d.' communication qui relient I


-

tuellement entre eux les différents points de l'Algérie.


Le développement total de ees routes est de 7,267 ki-

lomètre
L'Algérie ne tardera pas à posséder en outre un
réseau complet de chemins «le fer, dont le principal
i
relié au Maroc et à la Tunisie; but cette 1L
centrale et parallèle à la Méditerranée viendi em-
brancher de nombreuses Lignes allant du littoral au
Sud des trois provinces; Nous pouvons donner dès
maintenant la nomenclature des Lignes exploitées ou
qui le seront prochainement: Ligne d'Alger à Oran,
ouverte en lcST I ;
— de la Maison -(lance à Méo
ville, ouverte en 1879; — du Tlelat à Sidi-BeA-
Abl nverte en bs 77; d'Arzeu à Saida, ou-
verte en l.s 7 .>;
l
— de Phiiippevilie à Constantine,
ouverte en 1870;-* de Constantine à Sétif, ouverte
en 1879; — de Bone à Aïn-Mokhra, ouverte en
1862; — de Bone à Gueln iverte en 1877; —
de (inclina au ELhroub, par Hamman-Meskbroulin,
ouverte en partie en 1
-
de Bône à Souk*
Ahrras,pa] Duvivier, ouverte en 1879 lilTéren

lignes forment un dôveloppemenl total de 1,323 kilo-

mètres.
DE L'ALGÉRIE 367

Bien encore des travaux considérables à


qu'il reste

exécuter pour compléter le réseau définitif des voies


de communication, on ne saurait méconnaître que
l'Algérie est déjà, sous ce rapport, un pays des mieux
dotés, et que l'État a fait dans le passé et fait encore
chaque jour des sacrifices considérables pour cet
objet.
Les intérêts moraux et intellectuels de la colonie

ont été et sont encore l'objet d'une vive sollicitude.


On peut suivre, dans le tableau général de la popula-
tion scolaire en Algérie, de 1836 à 1877, dressé par
M. de Salve, recteur de l'académie d'Alger, la pro-
gression croissante qu'a suivie la fréquentation de
nos diverses écoles. Elles réunissaient déjà en 1850
les dix centièmes de la population européenne; et
en 1855 l'enseignement primaire comptait 178 écoles
de garçons, 119 écoles de filles, et 67 salles d'asile.

Aujourd'hui toutes les communes de l'Algérie pos-


sèdent au moins une école publique. Le nombre des
écoles primaires est de 662, dont 232 de garçons,
229 de filles et 201 mixtes. Le nombre des élèves est
de 51,592, non compris les salles d'asile et les orphe-
linats; ce qui fait que les écoles ouvertes pour l'ensei-
gnement des Européens réunissent un peu plus du
cinquième, presque le quart de la population euro-
péenne. Aucun État de l'Europe n'est, à cet égard,
aussi avancé.
L'ensugnement secondaire donné en Algérie
est
dans onze établissements publics, dont deux lycées,
ceux d'Alger et de Constantine, neuf collèges com-
munaux et quatre libres.

L'enseignement supérieur comprend l'école prépa-

ratoire de médecine et de pharmacie d'Alger et les


368 HISTOIRE DE L'ALGÉRIE

cours publics d'arabe établis à Alger, à Oran et à

Constantine.
Eu résumé, la situation de L'Algérie B'amél
chaque aimée. L'œuvre de la conquête est entière-

ment terminée; celle de la eolunisati . et

les résultats déjà obtenus permettent de compter BUT


L'avenir le pins prospère de la France africaine.

FIN
TABLE

PREMIERE PARTIE

CHAPITRE I

— Limites de l'Algérie. — Ses divisions naturelles po-


Introduction. et

— Montagnes; leur constitution géologique; vallées et plaines.


litiques.
— Rivières et principaux cours d'eau. — Lacs. — Description de la
zone maritime, ou Sahel. — Climat de l'Algérie. — Fertilité du sol;
ses productions. — Richesses forestières. — Règne animal. . . 5

CHAPITRE II

Période àntéhistorique. — Premiers habitants de l'Afrique. — Opinion


— Tradition rapportée par Procope. — Numides, Maures,
de Salluste.
Libyens, — Période carthaginoise. — Etendue nature de
etc. et la
domination carthaginoise en Afrique. — Période romaine. — Con-
quêtes des Romains. — Division en provinces. — Des possessions
romaines de l'Afrique. — Révolte de Tacfarinas. — Accroissement de
lapopulation romaine en Afrique. — Elévation de Gordien à l'empire.
— Sa mort. — Administration de Probus. — A quelle occasion la ville

de Cirla changea son nom pour celui de Constautine. — L'Afrique


devenue plus romaine que — Période vandale. — Durée de
l'Italie.

cette domination. — Ses succès; sa rapide décadence. — Période


byzantine. — Eiïets de domination byzantine. — Conduite tyran-
la
nique des exarques. — Révoltes qu'elle occasionne. — Tranquillité
rétablie. — Conjectures sur ce que serait devenue l'Afriqu-' bj elle
n'eût pas été envahie par les Arabes -1

Histoire d-: l'Algérie, . - I


370 FABLE

CHAI'l 1 RE 111

LAFRUjL't CIIHLT1ENNE

Introduction du christianisme en Afrique. — — -.

Persécution ereuri romains. — Les douze martyrs


bcj llitains. —
pera cutioos. — Mari
Effel des tinte Perpétu
de — Tertullien; bôs écrits; son
eai ute Félicité. pie. — Ana- il;

lyse extrait de cet ouvrage. — Jug< ment Bur tes ouvrages de


el r- 1-

tullien; reure. — Schiso l'Eglise d'Afrique. — Bainl


ien pison origine si conversion. —
: élu wè rue
: Il <-.-t •
.!•• ( lartfa

— Persécution de l'empereur Déctos. — Rell bernent dam ferveur la

des chrétiens.— Schisme dan- de Carthage. — A quelle


casion. — île.— Nouveau concile;
Saint Cypriei
nouveau schisme. Martyre de saint Cyprien. — Nouvelles peu —
entions; nombreux martyrs. Héi manichéens. — — 1

persécution soufl Dioctétien. Les traditeu i 3ohisme dea dont- — —


tistes. —
Graves diMudiv» r ~i. -n n- par ce schisme. Vains Sorti < ( -.i '.- — •

de L'empereur Constantin pour s'opposer à ce schisme. Concile de —


Latran concile d'Arles.
; Les donitistes refusent —
imettre
aux déoisions d L'empereur confirme l'arrêt porté —
itistt b. — 1 ru; leui — N
de saint Augustin. — Lee premières anm m rie,—
oon?ersion. — ^><u baptême. — Son retour en Afin; i
re-
tirée, — Bei premien ouvrages. —
Il est ordonné pi nommé
coadjuteur de l'évêque d'Hippone. Sei travaux — <: uni iiu-
nistère. — Fondation d'une communauté religieuse. — Son i

piété, sa foi. — Nombre considérable d'ouvragée qu'il a publies. —


i i
</• de Dieu. — Cause qui détermine saint Augu-im
livre. — Objet d.' cet ouvrage. — non». — Ses lettres. —
Mort d.' saint Augustin pendant l<* siège d'Hippone par las Vandales.
— Par» iition - outre Les catholiques.
Impuissance de la domination byzantine à ranimer le catholicisme
expirant. — Dispersion dei catholiq mite de l'invaaion sr
— Liste des ôvéquei de quelques-unes dei villes qui font aujour-
d'hui partie de l'Ai

CHAP1 RE I IV

Pur raient les Arabei '<


l'invasion
d;; l'Afrique.— Nom
psr ls géogrsphi donné j
-

— radition snoienne sur l'origine » mmune du peuple


i
leui
«•i du peuple envshi, —
Analogie du mosun <-\ dei bibitudes de l'un
et '!•' l'antre. — Etal d.- ls domination byzantine à l'époque de I
1

TABLE 371

vasion arabe. — Le prosélytisme religieux pousse les Arabes hors de


leur pays. — Pourquoi doctrine de Mahomet lui adoptée facilement
la

par Arabes. — L'islamisme ne peut vivre que par


les guerre la et la
conquête. — Invasion soumission du Maghreb. — Résistance des
et
Berbères. — Changements apportés par l'invasion arabe. — Habile
administration de Mouça-ben-Noçaï. — Secte hérétique musulmane
en Afrique. — Révolte contre domination arabe. — Dynasties des
la
Edrissites des Aghlabites. — Elles sont renversées par
et Fathimiles. les
— Secte des Chiites; son origine ses croyances. — Les Fathimites se
;

fixent en Egypte. — Dynastie des Zirites. — Invasion des Normands


de Sicile. — Dynastie des Almoravides. — Dynastie des Almohades.
— Conquêtes d'Abd-el-Moumen, plus illustre des Almohades. le

Abou-Jacoub el-Mansour, son — Ses succès contre les chrétiens


fils.

en Espagne.— Mohammed-Abou-Abdallah, fils du précédent, perd la


grande bataille de Tolosa contre Alphonse IX, roi de Cueille. Suites —
de cette bataille. —
Chute de la dynastie des Almohades. Trois —
dynasties, les Béni-Mérin, les Béni-Afez et les Béni-Zian, se partagent
leur empire eu Afrique. Royaume de Tlemcen.— Son état floris- —
sant sous les Béni-Zian. —
Décadence des trois nouvelles dynasties.
Conquêtes des Espagnols sur le littoral de l'Afrique 72

CHAPITRE V

Période turque (de 1516 à 1830). —


Origine d'Aroudj (Barberousse).
— Ses premières entreprises. —
Il s'établit à Tunis. 11 est rejoint —
par son frère Kaïr-ed-Din. —
Aroudj est blessé en voulant s'emparer
de Bougie. — Les deux frères Barberousse se rendent maîtres de Dji-
— Leur politique à cette occasion à l'égard du sultan de Cons-
djelli.

lantinople. — Nouvelle et inutile tentative d'Aroudj contre Bougie.


— est appelé à Alger par Salem-ben-Toumi pour l'aider à délivrer
Il

cette ville des Espagnols. — Accueil qu'il reçoit des Algériens. —


Aroudj fait mourir Salem et se proclame roi d'Alger. 11 appelle son —
frère auprès de lui. —
Il s'occupe de l'administration et se place sous

la protection du Grand Seigneur, dont il se déclare vassal. Accrois- —


sement de sa puissance.— Tentative de l'Espagne contre Alger. Elle —
échoue complètement. —
Aroudj s'empare de Tlemcen, et s'en fait
proclamer sultan. Ses cruautés.— —
Les Espagnols reprennent Tlem-
cen. — Aroudj s'enfuit et est tué sur les bords du Rio-Salado. Por- —
trait d'Aroudj-Barberousse. — Organisation de l'Odjac. — Khaïr-ed-
Din, Barberousse II, est proclamé roi ou bey d'Alger. — Nouvelle
expédition des Espagnols, dirigée par Hugues de Moncade. — Elle
échoue comme la première. — Cruauté de Barberousse II envers les
prisonniers. — 11 est élevé à la dignité de pacha. — Ses projets sur
Tlemcen. — Il fait monter sur le trône de cette ville un prince qui lui
est dévoué. — Il s'empare de Mostaganem, de Tenès et de Mazouua.
— 11 résiste •< la fois au bey de Tunis et aux Algériens révoltés. Ses —
372 TABLE
succès sur mer. — 11 attaque et prend dfl vive force le Penon d'Alger.
— Destruction de cette fort instruction de la cha -

Khaïr— ed-Din. — Btrberouiee 11 est appelé à Constantinoplc par te

sultan, qui le nomme ca pi tan -pacha. — Il ttisi

son lieutenant, pour commamier pendant s.»n abseoce. — Expédition


de Barberouase contre Tunis. — Il s'empare de celte rille. — 11 dé-
clare qu'il en prend possession au nom du grand sultan. — Son acti-
vité dans le gouvernement. —
Ouverture du canal de la Goulette. —
Ses projets sur Tunis et sur le Maghreb. Intervention de Char) —
Quint. —
Expédition du monarque contre Tunis. 11 s'empare du —
fort de la goulelle. — Défaite de BarberoUBSe. — Il s'enfuit à Boue.
— Charles-Quint s'empare de Tunis et rétablit l'ancien souverain. —
A quelles conditions. —
Barberouase gagne Alger. Son expédition —
sur Manon. 11 retourne à— Coustantiuople. Sa mort. Sou — —
portrait M

CHAPITRE VI

Suite de la période turque. —


Expédition de Charles-Quint contre Alger.
— Débarquement de l'armée. Investissement de la plane. —
La —
flotte eet assaillie par une nouvelle tempête. Lee musulmans atta- —
quent Pennée chrétienne. —
Belle conduite dea chevaliers de Malte,
— Trait de de Pon aguer. Dsnger que ^ur.-nt les — i

chevaliers. — lia sont délivrés i


tr Charles-Quint — Désastre d

flotte. — Retraite de l'armée. — Pertes éprouvées par les Espagnole


dans cette expédition. Conséquent — istre. — Extension et

consolidation de la domination turque. — Le tils du second Barbe-


rousse succède rlassan-Agha. à Etablissement dea b rila dai — i

royaume de Maroc. —
Leur tentative -outre Tlemcrn. Ils sont —
re| ar le fils de Kbeir-ed-Din. Salah-Reïs, au de — i

Hassan, s'empare déflnitivemenl de Tlemoen. Fin de le dynai —


des Béni-Zian. —
Priée de Bougie par lea Turcs. Haaaan-ben—Kfc —
ed-hin revient su pouvoir. Il —
les Espagnols devant Moi * i
<

• i . * i t

ganem. —
L'histoire delà peu d'intérêt jusqu'à Is lin
;

du xvi» siècle el pendant le avir", Rapporta de la la — I

.•née d'Alger. Étal —


el du oommi :

rince de Constanline l'W

IAPI1 RE Vil

ri h un m. i.a n'iuoDF. TVRQUI. — Modification dans les bases du


i\' moment algérien. — Révolution de 1639. — Dépoeition du pacha
turc. — L'cgha de La milice est » barge du gouvernement. — M
velie révolution i» 71 . — Suppression du |
i aghas.
TABLE 373

— Institution d'un dey. —


Sédition et massacre à l'occasion de l'élec-
tion des deys. — Tentative du pacha pour ressaisir l'autorité. —
Baba- Aly- Dey renvoie pacha à Conslanlinople.
le Les deys gou-—
vernent sans partage. —
Les Espagnols perdent toutes leurs possessions
dans la régence. —
Augmentation du nombre et de l'audace des
pirates. —
Causes qui empêchent les puissances chrétiennes de les
réprimer. —
Initiative de la France. —
Expédition sous Louis XIII. —
Première expédition de Louis XIV, commandée par le duc de Beaufort.
— Nouvelle expédition du duc de Beaufort. —
Occupation de Djid-
jelli. — On est forcé d'abandonner celte conquête. Baba- Hassan- —
Dey déclare la guerre à Louis XIV. —
Expédition de Duquesne et de
Tourville. —
Bombardement d'Alger en 1682. —
Nouveau bombarde-
ment en — Le dey demande à traiter. Conditions imposées
1683. —
par Buquesne. —
Le dey y consent. —
Révolte du peuple et de la milice.
— Le dey eA assassiné. —
Mezzomorto est nommé pour le remplacer.
— Nouveau bombardement. —
Ses effets. — Cruelles représailles des
Turcs. —Nouvelle expédition. —
Les Algériens demandent et obtien-
nent la paix. —
Nouveau bombardement en 1688. Nouvelle paix,—
qui dure jusqu'en 1830. —
Reprise dOran par les Espagnols. Elec- —
tion et assassinat de cinq deys dans la journée. —
Expédition du Da-
nemark en 1770 contre Alger. —
Expédition des Espagnols en 1775. —
Elle échoue complètement. — Nouvelle tentative de l'Espagne. La —
paix avec Alger. —
Longue durée du règne de Mohammed-Dey.— Les
Espagnols cèdent Oran et Mers-el-Kébir à Baba-Hassan-Dey. —Four-
nitures de blé faites à la France en 1793. — Crainte qu'inspiraient
la France et surtout le général Bonaparte à Baba-Hassan.
Traité de —
paix avec Napoléon en 1801. — régence pendant les
Prospérité de la

guerres d'Europe au commencement du xix e siècle. Expédition des —


Etats-Unis. —
Bombardement d'Alger par lord Exmoulh, en 1816. —
Traité de l'Angleterre avec Alger. —
Le dey Mohammed est étranglé.
— Son successeur Ali-Kodja se propose de détruire l'odjac. Sa —
mort. —
Hussein-Dey, dernier souverain d'Alger 121
— 1

374 TAT-LK

SECONDE PARTIE

I H A PITRE 1

Causée de la rupture entre le dey tion


entre le Franoe et i

la Frai fournitures de blé en-


caiao. — Réclamati >ur-
niac
menl H ut «lu d< •
.
— S

sujet — Ses pi M. Deval, consul - de Franoe. — 11

.. — Insulte publ • au
consul de Franco. — Interruption des relations !:-ul

ot la !••
g
- Départ du con8ul. — Le dey tait détruin
tnenta frai
guerre au r<>i d(

— i '-
qu'on avail •
- qu'il a
en réalité.— Mission de M. de la Bretonni ^ue.
— ! i irlementaire de M. de la Bretonnière esl

Lie du poii d'Alger. — I


'•

para tif8 de cette expédition. — 1 ri -amiral D
commandemenl de la flotte. — l urmont, ministn
la guerre, prend le comman lemenl de i

la Botte et de Cannée par l

l'armés.— Appareillage •
— An
en rue d'Alger. — L'escadre jette l'ao -
ich.
— Débarquement de Para ri de
l'ennemi. — Installation «l'un camp
Sidi-Ferruch. — Prem
de combattre de — Tempéfc dn 16 juin. 'elle

oasionns. — La tem] Imo. — i



Inaotion apparente de l'armés pendant l<

la nielle Arabea l'attribuent


lea — i icnl l'an .

ll> -ont r-'| Lot Françaia a'em| • leur camp. — l

luitaparla bataille d li. — oml « al de Sidi-Knalif. — i

ire mortelle do jaune Am< d


— I rn •
arrive • . . .
I il
TABLE 375

CHAPITRE II

Ouverture de tranchée devant


la fort l'Empereur. — Armement des
le

batteries.— Fausse attaque de marine contre port les batteries


la le et

maritimes. — Erreur des Turcs. — AI laque du fort l'Empereur. —


Effet de nos batteries. — Les janissaires sauter fort l'Empereur,
l'ont le

et l'abandonnent. — Nos soldats s'en emparent. — Désespoir du dey. —


Propositions incroyables qu'il adresse au général eu chef. — Réponse
de ce dernier. — Nouveaux parlementaires. — Capitulation. — Prise
de possession d'Alger par l'armée française. — Tributs payés à Alger
par les divers Etats de l'Europe. — Trésors valeurs trouvés à Alger.
et
— Fausseté des calomnies inventées par l'esprit de parti. — Départ de
l'ex-dey. — Départ des janissaires, leur transport à Vourla. — Créa-
et
tion d'une commission de gouvernement. — Erreurs commises par
cette commission. — Soumission apparente du bey deTittery. — Prise
de possession d'Oran. — Prise de possession de Bone. — Le bey de
Constantine refuse de se soumettre. — Excursion du général de Bour-
mont à Blidah. — Bon accueil qu'il reçoit des habitants. — Attaque
des Kabyles de l'Atlas contre nos bivouacs. — Retraite de colonne. la
— Poursuite acharnée des Kabyles. — Mauvais produit par cette
elFet

retraite. — Mécontentement dans ville d'Alger. — Mésintelligence


la

entre l'armée de terre et l'armée de mer. — Symptômes de révolte


dans la population indigène de — Mesures prises pour pré-
la ville. la

venir. —
Le bey de Tittery se déclare dey d'Alger, et écrit une lettre
de menaces à M. de Bourmont. —
Inquiétudes du nouveau maréchal.
— Relâchement dans la discipline de l'armée. Interruption des com-—
munications avec la France. —
Une corvette de l'Etat apporte la
nouvelle de la révolution de juillet. —
Le drapeau tricolore est ar-
boré. —
Évacuation de Bone et dOran. —
Arrivée du général Clausel
comme remplaçant de M. de Bourmont. —
Départ du maréchal. —
Touchant spectacle 160

CHAPITRE III

Population indigène au moment de la Les Maures.


conquête. Les — —
Turcs. —Les koulouglis. —
Les Juifs. —
Les nènres.— Les Arabes.
— Les Kabyles ou Berbères. —
Organisation des tribus. Différence —
des tribus arabes et des tribus kabvles. Costumes — ISO

CHAPITRE IV

Difficultés que rencontre le général Clausel à son début. — Ses premiers


travaux administratifs. — Création des zouaves et des chasseur-
376 TABLE
d'Afrique. — Elément- dont m oom| osait primitivement le «

zouave-. — A iiarchi
dana la régence.— Exp< ii lion contre le bey .le

Tittery. — Occupation de Blidah. Paeaage du col de Mouzaîa. — —


Occupaiion de Médéah. —
Soumission «lu bey de Tittery. Retour de —
l'armée à Alger. —
Massacre d'Arah - I Blidah. La garniaon de —
Médéah est obligée de rentrer à Alger. !.•' général Cli pro- —
pose de céder la province d d'I Iran au bey de Tunis.

— Il est rappelé en France. Le général Berlfa — le au gé-

néral Clause!. —
L'armée d'Afrique prend le nom de Divim
eupation, Le — Boyer asl envoyé i Oran. — Étal déplorable
I

de cette province. Négociations d — M Boyer pour gagner des


partisans 4 la France. Vai —
ion pour chasser les Francaii
l'Algérie. —
Le général Berthezène la fait échouer. Etabli-- —
utiles créés par ce général. —
S< paralion du gouvernement milil
rt de l'administration civile. — On i .
— Le
duc de Ro vitro Boccède ;iu général Berthezène. (".aime momentané —
dans les provinces d'Alger et d'Oran. Inculte foil dépotés — -

d'un cheik du Sahara par la tribu d'El-Ouffia. Châtiment ii — :

à cette tribu. —
Condamnation el exécution de Bon chef. Nouvelle —
coalition. Les c< — q| défaits el foi la paix.

— Attaque de Bone par le bey de Constantine. — Les habitante de


Bon-.- implorent le secours des Français. N" ivel ation de —
cette ville par les Français. Situation des —
en Algérie au
commencement de 1833. — Le duc de I l'étal de
saaantéi est forcé de quitter l'Afriqu amendement inlérin
du général Avisant. —
Création du bureau arabe.— 1. Voirai, I

nouveau commandant par intérim.— Bonne administration


aérai. — il es! imité à Bone pai rai Monck-d'Uaer. — Tenta-
tive- d'Ahmed - Bey pour s'emparer d Méé
avortent. — Première apparition d'Abd-el-Kadcr dana la |

d'Oran. — Détaila sur l'origine et les antécédent!


— Il e-t nommé calife de l'empereur du v .
— Extension de BOB
pouvoir. — 11 veut s'emparer d irzeu. — l

néral DesmiohelSi ir du général Boyer, mel un»' garniaon


française dana ces deux villes. — La trenten
pourparlera avec nous.— Abd-el Kader aal battu deux die. :

— Les Douairs et les Zmélaa as détaohenl Occupa- —


tion de Bougie par les Français. Amélioration de notre situation —
"
en 1834

CHAI'I 1 RE V

Commission nommée pour l'examen d'Afrique* — OffdOBY-


nanoe du 24 juillet 1834 sur l'organiaatioo politi ione
fr i
| >if f Afrique. — Institution d'un gouverneau?
général.— Boa attributions. — l

a néral Drouel d'Erloa premier
TABLE 377

gouverneur général. — Le général Trézel


Création des spahis. —
nommé commandant d'Oran. —
Ses difficultés avec Abd-el-Kader. —
Celui-ci s'empare de Médéah et de Mélianah. Traité du général —
Trézel avec les Douaïrs — Abd-el-Kader veut forcer
et les Zmélas.
ces tribus à rompre leur alliance avec les Français. — Le général
Trézel s'y oppose. — Abd-el-Kader appelle les tribus à guerre. — la
Le général Trézel marche contre elles. — Combat de Muley-Ismaël.
— Défaite du général Trézel à — Le général d'Arlange rem-
la Macta.
place général Trézel à Oran. — Le comte d'Erlon est rappelé, et
le

le maréchal Clausel est nommé gouverneur général de l'Algérie. —


Le maréchal Clausel occupe Mascara l'abandonne. — s'empare
et 11

de Tlemcen y laisse une garnison. — Établissement d'un camp


et re-
tranché à l'embouchure de Tafna. — Dangers que court
la camp le

de Tafna. — Le général Bugeaud est envoyé directement de France


la

pour secourir. — Bataille de


le Sikak, où général Bugeaud dé-
la le

faitcomplètement l'émir Abd-el-Kader. — Retour du général Bugeaud


en France. — Le général de l'Estang est nommé au commandement
de province d'Oran. — Première expédition contre Constantine,
la

sous ordres du maréchal Clausel. — Arrivée sous


les murs de cette les
place. — Impossibilité reconnue de l'emporter de vive force. — Re-
traite de l'armée. — Dangers et fatigues de celte retraite. — Le ma-
réchal Clausel est rappelé. — Le général Damrémont est nommé
gouverneur général. —
Travaux exécutés pendant le commandement
intérieurdu général Rapatel. —
Le général Bugeaud est chargé du
commandement de la province d'Oran. —
11 fait la paix avec Abd-el-

Kader. — Traité de Tafna. —laPrincipales conditions de ce traité.


— Les premiers résultats de ce traité sont avantageux. — Préparatifs
d'une nouvelle ex| édition conlre Constantine. — Départ et marche
de l'armée expéditionnaire. — Attaque de Constantine. — Mort du
général Damrémont. — Prise de — Soumission d'un grand
la ville.

nombre de tribus. — Retour de l'armée victorieuse à Bone. — Le gé-


néral Vallée est nommé gouverneur général de l'Algérie et maréchal
de France. — Organisation pacification deetprovince de Constan- la

tine. — Reconnaissance de route de Constantine à Stora. — Fon-


la
dation de Philippeville. — Érection d'un siège épiscopal à Alger. —
Expédition des Portes -de -Fer 227

CHAPITRE VI

Impression causée sur les indigènes par le passage d'une armée fran-
çaise aux Portes-de-Fer. —
Symptômes de guerre. Hostilités com- —
mencées par les Hadjoutes. —
L'émir proclame la guerre sainte. —
Attaques des Arabes sur tous les points. —
Renforts considérables en-
voyés de France à l'armée d'Afrique. —
Divers combats dans les pro-
vinces d'Alger et d'Oran. — Héroïque défense de Mazagran. Prise —
de Cherchell par les Français. Expédition —contre Médéah. —

378 TABLE
— Combat au col de Mouzaïa. — I — Coin bal des
Olivier?. — Occupation de Mélianab. — Vain- effortl d'Abd-el-K
pour reprendre ces trois vill.-.— l'ranquillité do II provil on-
stantine pendant ces hoftilitës. — Amélioration de notre situation.
Manière de faire la guerre des Aral..--. — Le général Bugeaud
nommé gouverneur général à la place du maréchal Vallée. — Nouveau
plan formé par le général Bugeaod pour la guerre d'Afrique. —
mission. —
Augmentation considérable de l'effectif de Parmce, Ra- —
vitaillement de Médéah. Premiei —
tnenl de cette camp?
avec l'émir. —
Prise et destruction de Tekedempt. Occupation de —
Mascara. —
Le général Bugeaud y laisse une garnison. — Opéralî
du général Baraguay-d'Hilliers.— Destruction de Bogharef de l'baza.
— Échange de prisonniers opéré par M* Dupuch. Opérations mi- —
litaires en 1842. —
Occupation de Tlemcen. Destruction de Saïds —
et de la ghetna d'Abd-el-Kader. —
Soumission de plusieurs tribus.
— Pria S bdou. —
Opérations du général Bugeaud sur le Chélif.
— Construction de routes. —
Rassemblement de troupes sur Mascara.
— L'émir s'enfuit dani le désert. Abd-el- Kader — dans
s'établit l< b

montagnes de rOuarensenis. Campagne d'hiver. — — Son succès. —


Expédition du général Changarnier conti I
-. — Situation de l'Al-

gérie à la fin de l'année 1842. —


Réapparition de l'émir dans la vallée
du Chélif. — Nouveau soulèvement des tribus. Rapides opérations —
pour les réprimer. —
Fondation d>établiaaementa permanenta à Or-
léansville, rênes et à Tiaret. — Prise de la smalah d'Abd-el-Kader
par le duc d'Anmale. —
Les généraux de Lamoricière et Ifoatapha
achèvent la défaite de la smalah. —
Mort «lu général Mustapha. —
Les débrifl de la smalah, retirés dan- le klaroo, prennent le nom de
•n. —
Combat du colonel Géry contre Abd-el-Kader, qui -
presque seul de la déroule des aiens. —
opérations du général Bedeau
I

-
du colonel Tempoure;
1
— du général Baraguay-d'Hilliers dam
province de Constantine. — Le colonel Tempoure détail les régul
d'Abd-el-Kader, commandés psr son khalifs. — Elletade <

— Résullsts de la campagne de 1843

CHAPITRE vu

Le général Bugeand nommé- maréchal d< — duc d'Aumale I

gouverneur de la province d< intine. — situation d'Abd-el-Kader


et de la deïra. — Le maréchal gouverneur s'occupe des travaux de la
oloniaation. — Expédition sur Biskara ou Biskra. Résultats de —
t.- campagne —
Lesémissairet d'Abd-cl-Ksdcr. Soulève — :

Plissas.— Leur châtiment. —


Abd -el - Kadef Chef S* I rSjSjl nsiruire
puissance dani le Riff, province du Maroc. Plaintes de —
du Maroc.
osent français à l'empereur ' ivetain.
— Violation du territoire français par 1 s marocaine-.. — i

maréchal gouverneur franchil la frontière du Maroc — Bataille


TABLE 379

d'Isly. — Défaite de l'armée marocaine. — Expéditions maritimes sur


les côtes du Maroc. — Bombardement de Tanger et de Mogador par
le prince de Joinville. — Traité de paix avec le Maroc. — Influence
de cette campagne sur la tranquillité de l'Algérie. — Voyage du ma-
réchal en France. — Menées d'Abd-el-Kader pendant l'absence du
maréchal. — Fermentation dans les tribus. — Nouveau plan d'Abd-
el-Kader. — Explosion de l'insurrection dans les montagnes du Dahra
et de l'Ouarensenis. — Apparition d'un nouvel imposteur nommé Bou-
Maza. — Défaite fuite de Bou-Maza. — Regrettable épisode de cette
et
guerre. — Bou-Maza essaye de reprendre son rôle. — est battu par 11

lecommandant Maurelon. — Prise de son khalifa Ben-Aïcha. — Nou-


velle insurrection. — Guet-apens de Sidi-Ibrahim. — Massacre de 450
de nos soldats. — Retour du maréchal Bugeaud, duc d'Isly, en Afrique.
— Opérations des généraux de Lamoricière Changarnier dans et la
province d'Oran. — Abd-el-Kader rentre dans l'Algérie. — Le maré-
chal gouverneur force de retourner au désert. — Nouvelle invasion
le

d'Abd-el-Kader. — s'enfuit encore devant


11 maréchal. — revient
le 11

chez les Flissas. — en est immédiatement chassé. — Changement


Il

de face dans lutte. — Vigoureuse offensive du maréchal gouver-


la
neur. — Le général Cavaignac force deïra d'Abd-el-Kader de quitter
la
notre frontière et de s'interner dans Maroc. — Massacre de 300 pri-
le

sonniers français à deïra.


la— Effets de l'insurrection de 184b-46. —
Bou-Maza se rend prisonnier. — Soumission de Ben-Salem, khalifa
d'Abd-el-Kader; — de Ben Kassem-Oukassi, d'autres chefs. — Ex-et
pédition contre grande Kabylie.
la — Son succès. — Le maréchal
Bugeaud donne sa démission 266

CHAPITRE VIII

Le duc d'Aumale nommé gouverneur général de l'Algérie. — L'empe-


reur du Maroc veut chasser Abd-el-Kader de ses Etats. Résistance —
de celui-ci. —
Il attaque les troupes marocaines. L'empereur en- —
voie contre lui des forces considérables. —
Tentative d'Abd-el-Kader
pour échapper ennemis.
à ses —
Sa deïra se rapproche de l'Algérie.
— Abd-el-Kader cherche à gagner le désert. Il est poursuivi par —
nos troupes. —
Il demande à se rendre au général de Lamoricière.

Il est conduit auprès du duc d'Aumale. Il s'embarque pour la —


France avec sa famille. —
Il est retenu en captivité malgré la parole

du duc d'Aumale. — 11 est délivré de sa captivité par le prince Louis-


Napoléon. — Résultats de soumission d'Abd-el-Kader. — Révolution
la

de février. — Départ du duc d'Aumale. — Effets de révolution de la

février sur colonie. — Tranquillité des indigènes. — Expédition


la

contre Zaatcha. — Expédition contre Béni-Imniel. — Expédition du


les

général de Saint-Arnaud contre petite Kabylie. — Le comte Randon,


la

gouverneur général de l'Algérie. — Caractère des dernières expédi-


tions. — Expédition occupation de Laghoual.— Résultat de
et cet

380 TABLE
nemenl dans le Sahara, — Soumission complot-* «lu Sahara d'Alger et
— Occupation de Tuggurl d*Ouargla. — Etendue de n^tre
d'Oran. < t

domination. — Expédition contre tribu Zegdou. — Troubles la «lu

dans Jurjura. — Soumission définitive de


Le grande Kabylie. — la

Construction du fort Napoléon

CHAPITRE IX

Organisation administrative de l'Algérie de s ^» à 1888. Création l —


d'un ministère de PAlgérie en 1858, Reconstitution dn gouvernement —
aérai en 1860. —
Le maréchal Pélissier, gouverneui de 1800
«i 1864, — - de Pempereur Napoléon 111 en Algérie, 1800 <-t

1865. — Le maréchal Mac-Manon, gouverneur général de


<!- I

à 1*7(1. — Réformes administratives. — Kaits militaires troubles dans :

l'Aurai et Kébir en v
IV lued-el '.— Campagne dans le M i

contrôles Beni-Snassen 1889; contre Mohmamed-ben-Abd-Allab


, —
en |s»>i. —
Traité de commerce avec les Touan gs, 1882. Insun —
lion des Ouled-Sidi I du colonel Beeuprétre.
h< ikfa en 1864. — Mort —
Si-Mohammed-ben-Hamza, et bob oncle Si-Lala, chefi arabes.
Années néfa-ti^ <!• \^'><;\ 1868: invasion -le sauterelles, tremblement
de terre , famine. —
Nouvelles révoltes des Ouled-Sidi-Cheikh en
'

et 1870

CHAPITRE \

L'Algérie sous le gouvernement de in défense nationale. Décréta —


du 2 / octobre 1870
i réorganisation administrative et politique.
:

M. du Bouzet, oommiaaaire extraordinaire en Algérie; rem| —
par M. Alexii Lambert.— Le général Lallemand, oommandant su-
périeur des fbroi i de terre et de mer. Soulèvement générai —
Arabes .h 1871. —
Le vice-amiral comte de Gueydon, gOUVSfMW
général de PAlgérie, 20 mars isti. — Mokrani et Si»Asis, oheft
arabes. —
Combats de l'Oued-Soufllat d'Icheriden de Bou-Taleb. , ,

— Le général Chansy, gouverneur général civil et oommandant iu|


rieur des forces de terre et de mer, 1873 à 187'J. — Programme du
nouveau gouverneur. Faits — nnlilair- I 1878. — M. Albert
«'irévy, gouverneur général 8W

CHAPITRE XI

Hiatein do la r,.lnnisation en Algérie depuis la conquête d'Alfjer. —


i
ta| <b>s oonoessioni taite* par lie gouvernement. — Population *
TABLE 381

péenne et indigène. — L'insuffisance de population pour l'exploi-


la

tation de la contrée. — L'Algérie aux diverses expositions. — Ren-


seignements statistiques sur les principales cultures de l'Algérie :

céréales, vin, tabac, coton, soie, lin et chanvre, fourrages, etc. —


Voies de communication, routes et chemins de fer. — Établissements
d'instruction publique 348

FIN DE LA TABLE

9939. — Tours, impr. Marne.


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DT Roy, Just Jean Etienne


284. Histoire de l'Algérie
Ko
1880
ii

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