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PDF of L Appel Du Mal 1St Edition Sandra Isabel Full Chapter Ebook

Le document décrit une initiation mystérieuse dans les bois où un adepte subit un rituel marquant son entrée dans un nouveau monde. Par la suite, une jeune femme nommée Sarah se réveille en sueur après un cauchemar et ressent une douleur au cœur. Le document semble lier ces deux événements d'une manière surnaturelle.

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Le document décrit une initiation mystérieuse dans les bois où un adepte subit un rituel marquant son entrée dans un nouveau monde. Par la suite, une jeune femme nommée Sarah se réveille en sueur après un cauchemar et ressent une douleur au cœur. Le document semble lier ces deux événements d'une manière surnaturelle.

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L appel du mal 1st Edition Sandra

Isabel
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L’appel du mal

Les Éditions Triskell


Les Éditions Triskell
www.editionstriskell.com
Courriel : [email protected]

L’appel du mal © Les Éditions Triskell 2022


Image de couverture © Studio Kinos
Tous droits réservés

ISBN papier : 978-2-925210-00-9


ISBN EPUB : 978-2-925210-02-3
ISBN PDF : 978-2-925210-01-6

Dépôt légal
Bibliothèque et Archives nationales du Québec 2022
Bibliothèque et Archives du Canada 2022

Tous droits de traduction et d’adaptation réservés ; toute reproduction d’un


extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment
par photocopie ou microfilm, est strictement interdite sans l’autorisation écrite
de l’éditeur.

Auteure : Sandra Isabel


Correction : Corinne De Vailly
Photographie : Sébastien Sauvage
Conception graphique de la page couverture: Éric Robillard
Consultante en édition : Chantal Blanchette de Mini Génie
À tous ceux qui ont cru en moi et
m'ont encouragée à poursuivre mon rêve littéraire.
1
L’initiation

Aux confins de la forêt se dessinait un sentier presque vierge,


seulement visible aux yeux de ceux qui en connaissaient la
destination.
Le chemin était boueux et jonché d’imposantes racines d’arbres
centenaires tentant de faire obstacle aux intrus désirant s’aventurer
plus loin.
Ce jour-là, un épais brouillard sortant des entrailles de la Terre se
forma et monta le long des troncs s’élargissant jusqu’à emplir tout
l’espace environnant, aveuglant même les plus habitués de cet
endroit obscur. Sous la menace sévissant, la faune s’agitait. On
pouvait entendre ses hurlements au cœur du site. Les animaux
épiaient de leurs yeux féroces quiconque osait en briser l’harmonie.
Marchant d’un pas de velours, le regard fixé au sol pour ne pas
trébucher, l’adepte, accompagné de deux jeunes adultes, avançait
tant bien que mal en essayant de faire le moins de bruit possible. Il
ne fallait pas réveiller les esprits anciens peuplant cette terre sacrée,
l’avait-on prévenu.
L’angoisse s’empara peu à peu de chaque fibre de son être à
mesure que le trio s’enfonçait dans les bois. Cette initiation
longtemps souhaitée représentait l’étape ultime pour devenir un vrai
membre de la confrérie. Très peu avaient la chance de faire leur
entrée dans ce monde offert à une certaine élite.
Voilà que se présentait ce moment d’y accéder. Malgré sa gorge
nouée et ses muscles tendus par la nervosité, son désir
d’appartenance était si intense, presque palpable, que rien au
monde ne l’empêcherait d’atteindre son objectif, pas même la peur
de l’inconnu face à ce rite de passage.
Quand l’adepte arriva sur les lieux, son regard s’illumina à la vue
d’une clairière éclairée par un clair de lune dont la lueur céleste
projetait ses rayons sur un immense cercle composé de pierres
néolithiques.
En son centre, des êtres vêtus de longues tuniques sombres avec
un masque en verre sur le visage se tenaient dans un silence
presque mortuaire. Chacun tenait dans ses mains une torche d’où
jaillissait et frémissait une flamme, au gré d’une brise frivole.
Il jeta furtivement un œil à chaque personne sur les lieux. Le
regard intense de l’un deux croisa le sien au point de lui faire baisser
les yeux en signe de respect. Un frisson lui parcourut l’échine
lorsqu’il vit l’homme, colossal, s’avancer en sa direction, avec un
majestueux sceptre en bois à la main. Il était vêtu d’une longue cape
noire et d’une capuche recouvrant sa tête ; son visage dissimulé
sous son masque vitreux était à peine visible et ne laissait entrevoir
que des yeux perçants d’un noir profond et un filet de lèvres peu
charnues.
— Nous t’attendions. Le moment est venu de prendre ta place
parmi nous, clama le maître des lieux en lui posant une main sur
l’épaule et en l’entraînant au milieu du cercle.
Une certaine fierté semblait percer ce regard énigmatique du
grand chef pour ce fervent disciple.
Puis, il fit un signe de tête, proclamant ainsi en silence un ordre
connu de ses disciples et leva les yeux au ciel. Des chants anciens
remplirent aussitôt l’air ambiant. Formant un cercle autour de l’initié,
ils unirent leur voix comme si une seule personne chantait.
C’est alors que le maître se pencha vers un petit autel trônant au
milieu du groupe pour y prendre un bol marqué de symboles d’un
autre temps. De l’autre main, il s’empara d’un flacon de verre rempli
d’une substance brunâtre. Il les brandit haut en direction de la lune
et prononça ensuite des incantations que seuls les élus pouvaient
comprendre. Il fit alors signe au nouveau venu de s’agenouiller à ses
pieds.
Le moment était arrivé pour l’adepte de vivre l’ultime sacrifice
consacrant sa nouvelle appartenance à cette société mystique. Le
maître versa l’étrange substance dans le bol et lui tendit. L’initié but,
puis déposa le calice vide au sol et retira son chandail, tel qu’on le
lui avait enseigné lors de sa préparation à cet événement.
D’un geste cérémonial, avec un silex, le seigneur des lieux traça
sur la poitrine de l’initié, à l’endroit du cœur, un symbole marquant
l’entrée de ce dernier dans ce nouveau monde. Pour être digne de
ce clan, aucun son ne devait être émis par le nouveau disciple,
malgré la douleur de la chair se déchirant sous le trait du couteau de
silex. L’homme ne put réprimer un hoquet et se mordit la langue
jusqu’à en sentir le goût ferreux du sang dans la bouche. Puis, un
filet de fumée translucide se forma devant son visage et tout
doucement, s’infiltra par ses narines.
Les incantations reprirent de plus belle en cette nuit sombre.
Engourdi par la douleur irradiant de sa poitrine, il se laissa bercer
par cette mélopée qui enveloppait ses oreilles et cette mixture
ingurgitée plus tôt qui lui fit bientôt perdre tous ses repères.

***

Sarah sentit une décharge enserrer sa poitrine. Elle se réveilla en


sueur, le cœur battant la chamade. Elle voulut se lever de son
hamac, mais se ravisa. Une sensation de brûlure lui causait une si
vive souffrance qu’elle en eut le souffle coupé.
Le vent s’était levé. Rapidement, de gros nuages gris recouvrirent
le ciel au-dessus de sa tête. Les hautes herbes l’entourant se plièrent
telle une révérence sous le vent qui les balayait. Les longs cheveux
de Sarah se soulevèrent et s’entremêlèrent. Puis soudain, plus rien.
La douleur se dissipa. Même le chant des oiseaux s’était tu. Le
silence total. Comme si le temps s’était figé. Elle regarda autour
d’elle et une certaine appréhension l’envahit. Rien ne semblait
bouger.
Elle tenta alors de s’extirper de son hamac lorsque la douleur vive
la happa de nouveau en plein cœur et la fit basculer hors de la
couchette. Elle atterrit durement sur les genoux et les mains. Tête
baissée, elle haleta, essayant tant bien que mal de ne pas
s’effondrer.
Que m’arrive-t-il ? Ce n’était pourtant qu’un cauchemar.
Elle se redressa avec peine et jeta un coup d’œil aux alentours.
Elle entendit de nouveau les piaillements des oiseaux et le frôlement
des feuilles des chênes dans la cour arrière de leur nouvelle
demeure. Tout semblait avoir repris le cours normal de l’existence
comme si rien ne s’était passé.
Est-ce le fruit de mon imagination ? se demanda Sarah perplexe.
Son mal avait cessé, mais il n’en demeurait pas moins qu’elle
ressentait encore les empreintes de son passage.
Après qu’elle eut fait quelques pas en direction de la maison, une
grande fatigue l’enveloppa alors, et elle eut tout juste le temps de
franchir les quelques marches du perron avant de s’effondrer.
2
Le jour du départ

Les chauds rayons du soleil levant commencèrent à se faufiler


furtivement à travers les volets de la fenêtre, s’allongeant tels de
longs doigts afin de caresser ce doux visage encore endormi. Les
paupières closes s’agitèrent alors légèrement sous ces reflets de
lumière matinale. Puis, un vent d’automne sifflant sur les carreaux
vitrés couplé à une forte agitation au rez-de-chaussée vint à bout de
son sommeil. Sarah marmonna quelques mots inintelligibles avant de
reprendre contact avec la réalité. Son esprit lui rappela vivement
l’urgence de se réveiller. Ce fameux jeudi tant appréhendé, celui du
grand départ vers la prestigieuse université d’Oxford était enfin
arrivé.
Fébrile, Sarah se leva d’un bond et parcourut attentivement sa
chambre du regard.
Il ne me reste plus que mon peigne, ma brosse à dents et ma
veste en jeans à emporter.
Elle fit son lit en un tournemain, saisit sa lourde valise et la
balança sur son couvre-lit fleuri. Heureusement qu’elle avait pensé
faire le plus gros de ses bagages, hier soir. Car ce matin, son
agitation l’empêchait de réfléchir efficacement. Pour calmer un peu
cette tempête intérieure, elle se dirigea vers la fenêtre de sa
chambre, l’ouvrit et huma longuement l’air frais de l’automne.
Une semaine s’était écoulée depuis son terrible cauchemar ayant
marqué son arrivée à Burford, une petite ville au sud de l’Angleterre.
Sarah avait mis cela sur le compte de la fatigue qu’avait entraînée le
déménagement et du décalage horaire.
Elle referma sa fenêtre un peu contre son gré. Elle venait tout
juste de s’établir dans ce petit nid douillet, une jolie maison
ancestrale dans le décor pittoresque des Cotswolds, qu’elle devait
déjà quitter ce havre de paix vers une autre destination. Elle se
tourna alors vers un grand miroir sur pied. Soupirant à la vue des
mèches rebelles lui couvrant une partie du visage, elle essaya tant
bien que mal de les replacer. La nature l’avait dotée d’une belle
chevelure rousse, ondulée avec des reflets cuivrés. Mais c’était
surtout ses yeux d’un vert profond, presque félins qui lui donnaient
tout son charme et sa beauté.
Tout en continuant à s’observer dans le miroir, elle songea à sa
nouvelle vie quand une voix féminine rugit du premier étage,
l’interpellant : SARAAAAH !
Après avoir enfilé à la hâte un jeans bleu foncé et un pull rouge,
elle s’élança dans l’escalier tout en s’affairant à regrouper ses longs
cheveux avec un élastique en une grossière queue de cheval. Émy,
sa sœur aînée, se tenait dans l’entrée les bras chargés d’une
montagne de paquets, le résultat probable d’une matinée entière à
magasiner.
— Où est papa ? Il n’aurait pas pu t’aider, lui ? lança Sarah.
— Il est reparti, répondit Émy en tentant de reprendre son souffle.
Il devait récupérer un colis au bureau de poste.
Sarah observa sa sœur, passionnée de mode, déballer avec
frénésie ses sacs remplis de vêtements. La différence entre les deux
sautait aux yeux.
Très sociable et extravertie, Émy attirait facilement les gens autour
d’elle. En plus, la nature l’avait choyée d’un physique d’enfer.
Cheveux blonds, yeux bleu clair, mince et élancée, elle ne passait
pas inaperçue auprès de la gent masculine.
Émy n’aura sûrement pas de difficulté à s’adapter à l’université,
soupira intérieurement Sarah.
Après réflexion, Sarah songea que l’idée d’être le centre
d’attraction ne lui aurait pas plu, étant plutôt du genre réservé et
discret. Après avoir passé un moment à contempler les trouvailles de
son aînée, elle s’attarda sur un géranium reposant aux côtés d’une
dizaine de plantes alignées sur la table, acquises la veille au marché
de Burford. S’emparant du pélargonium, elle se dirigea vers l’évier
quand, soudain, la porte d’entrée s’ouvrit.
Un homme dans la mi-quarantaine, cheveux châtains parsemés de
fils d’argent, yeux du même bleu qu’Émy et fort bel homme, fit son
apparition. Robert Manseau, le père des deux filles, fronça les
sourcils en voyant la table de la cuisine remplie de linge et de
plantes. Émy se dépêcha à ramasser ses trouvailles alors que Sarah
continuait à s’affairer à nettoyer son géranium.
— Doux Jésus, Sarah ! Fallait-il que tu en achètes autant ? protesta
le père en déplaçant une plante sur le vaisselier afin d’y glisser à son
tour, une boîte en carton.
— Bonjour, papa ! Ça va bien ? demanda la jeune fille faisant fi du
commentaire.
— Oui, ça va. Excuse-moi, mais je suis dépassé par tout cela !
Des dizaines de vases reposaient un peu partout sur l’îlot, le
vaisselier, la table jusqu’au rebord de la fenêtre au-dessus de l’évier.
— Ne t’en fais pas. Tu n’auras qu’à les arroser, tout au plus, une
fois par semaine. Puis, je vais en emporter la moitié, le rassura
Sarah.
— Je l’espère bien parce que tu risques de ne plus les voir aussi
verdoyantes à ton retour.
Depuis sa tendre enfance, Sarah avait toujours été passionnée par
la nature et vouait presque un culte aux végétaux. Elle s’amusait à
remplir les pièces de la maison de plantes de toutes sortes.
Personne n’a le pouce aussi vert que toi ! Je me demande bien de
qui tu tiens cela, lui disait souvent son père.
— Je vous laisse ranger vos achats pendant que je fais un ou deux
appels, lança-t-il en regardant l’heure sur sa montre. Ensuite, je
serai prêt pour notre départ pour Oxford.
— Il ne me reste plus qu’à arroser ces plantes et à les disposer sur
les étagères, répondit Sarah qui s’empressa de regrouper celles
qu’elle avait choisi d’emporter.
Robert leva les yeux au ciel avant de filer dans l’escalier menant
au sous-sol.
— T’aurais pu l’épargner pour une fois ! reprocha Émy à sa
cadette.
— Rien de mieux que des végétaux pour s’oxygéner et chasser les
impuretés dans l’air. Papa en aura grandement besoin. Tu le connais,
il ne met presque jamais le nez dehors !
Émy acquiesça et saisit les pots de fleurs.
— Tu vas vraiment emporter tout ça ? demanda-t-elle à sa sœur
en l’aidant à les transporter dans la voiture.
— J’en ai même prévu quelques-unes pour toi.
— C’est trop gentil, plaisanta Émy.
Sarah riposta en tirant la langue.
Puis, dans un regard complice, elles se bousculèrent avant
d’éclater de rire.
— Ne change pas, petite sœur. Je t’adore ainsi. Allons !
Dépêchons-nous, car on doit partir.
3
Le collège Christ Church

Oxford était reconnue comme une ville universitaire. Son


économie relevait d’ailleurs de la vie intellectuelle. Émerveillée,
Sarah contempla avec minutie chaque bâtiment défilant sous ses
yeux. Tout son être s’animait devant ce décor intemporel l’accueillant
à bras ouverts. Elle avait l’impression d’être soudainement plongée
dans un univers surnaturel. Le style gothique prédominant donnait à
la ville des allures mythiques, presque surréalistes.
Robert emprunta la rue Queen’s Lane et passa sous le pont des
Soupirs.
— C’est magnifique ! s’exclama Sarah.
— Ce pont date de 1914. Il s’agit d’une charmante copie du
fameux pont de Venise, commenta le paternel, amusé devant les
visages ébahis de ses princesses.
Robert avait visité cette ville plus d’une fois avant de prendre la
décision de s’établir définitivement en ces lieux. Chaque monument
parlait à ce mordu d’histoire. Il bifurqua ensuite rue Magdalen. C’est
alors que Sarah remarqua à sa gauche une très ancienne tour ornée
de pilastres et d’ogives.
— Voici le Mémorial des Martyrs, continua Robert. Cette tour de
1841 commémore le martyre de trois protestants, Latimer, Ridley et
Cranmer, qui furent condamnés au bûcher pour hérésie en 1555.
Sarah eut un frisson à l’énoncé de ces mots. Puis, des
bourdonnements emplirent ses oreilles, masquant progressivement
les voix d’Émy et de son père, devenues soudain lointaines. Ses
mains toutes moites agrippèrent le bord de la fenêtre de l’habitacle
comme si elle craignait de tomber. Les yeux toujours rivés sur ce
pilier architectural de style victorien, elle porta son regard sur les
trois statues des fameux martyrs incrustées au cœur du monument.
Pendant un court instant, lui ayant paru une éternité, elle fut
plongée hors du temps. L’image des trois hommes brûlant sur le
bûcher et hurlant de douleur lui apparut telle une vision. L’un d’eux
tourna la tête en sa direction et se mit à la fixer avec intensité.
Soudain, sa bouche s’agrandit jusqu’à se déformer sous l’action
féroce des flammes. D’un cri ultime sorti tout droit de l’enfer, tout en
ne cessant de la regarder, il s’écria : Libera Me !
Sarah sursauta. Ces mots, surgis de son imagination, ne les avait-
elle pas déjà entendus ? Mais où ? Elle se frotta le front, tentant de
reprendre ses esprits.
— Ça va ? demanda Émy devant l’attitude déconcertante de sa
cadette.
— Euhhh ! Oui. J’étais simplement perdue dans mes pensées.
— Tu réfléchis trop, lui reprocha sa grande sœur.
Sarah n’arrivait pas à expliquer pourquoi, heureusement en de très
rares occasions, elle perdait contact avec la réalité, submergée
d’images irréelles et parfois troublantes.
— Regarde comme c’est majestueux ! s’écria Émy alors qu’ils
arrivaient à la hauteur du collège Christ Church, situé rue St Aldate’s.
Refoulant ce mystérieux rêve éveillé dans un des recoins de son
esprit, Sarah oublia sa vision et s’accorda le droit de profiter
pleinement de l’accueil que lui offrait Oxford. Elle s’étira le cou pour
observer de ses grands yeux verts le décor enchanteur. Elle en eut le
souffle coupé.
C’était le plus grand des collèges d’Oxford avec son clocher
dominant toute la ville : Le Great Tom !
Et que dire de ses multiples voûtes surplombant les longues
fenêtres à carreaux ornant la façade, sans oublier les gargouilles
dissimulées ici et là. Ces dernières semblaient veiller jalousement sur
les toits de ce monde fermé, accueillant les nouveaux venus au cœur
même de ses entrailles. Sarah tressaillit devant toute cette ampleur
et eut une vague impression que cet univers l’attendait depuis
longtemps.
— C’est encore plus beau en vrai ! avoua-t-elle.
— J’ai peine à croire que nous allons étudier ici toutes les deux,
renchérit Émy surexcitée.
— J’ai bien hâte de voir aussi nos résidences, ajouta Sarah.
— Je crois que vous allez les découvrir très bientôt, car nous y
sommes, les avisa Robert en arrêtant le moteur. Voilà les filles votre
demeure royale, plaisanta-t-il.
Sarah descendit aussitôt du véhicule. Subjuguée par l’architecture
gothique du Christ Church, elle crut un moment atterrir à une tout
autre époque.
À l’image de la ville, mais avec un caractère plus austère, l’édifice
s’imposait avec ses immenses portes ouvrant le passage sur une
vaste cour arrière. C’était à en donner le tournis tellement l’ampleur
des lieux était démesurée.
Armée de bagages et de plantes, la famille Manseau se dirigea
vers les gigantesques portes entrouvertes du Christ Church. Le
chemin ouvrait sur une somptueuse cour arrière gazonnée au centre
de laquelle était érigée la statue de Mercure, le dieu romain, trônant
au milieu d’un bassin de jets d’eau et de nénuphars. De cette
fontaine naissaient quatre chemins orientés tels les rayons d’un
cercle dont chacun suivait les points cardinaux. Ces derniers
débouchaient sur un sentier dont la circonférence se confinait dans
l’enceinte carrée des murs du collège.
Sarah s’arrêta un moment pour admirer la beauté des lieux tandis
qu’Émy venait de repérer une enseigne sur laquelle on pouvait lire
The Junior Common Room. Un comité d’accueil avait été mis en
place afin d’orienter les nouveaux venus.
Un jeune homme portant une épinglette gravée JCR les aborda
gaiement.
— Puis-je vous aider ?
— Nous devons nous rendre aux résidences du Christ Church,
l’informa Émy.
— Vous parlez du Meadow ?
Les deux sœurs acquiescèrent en même temps. Ce qui fit sourire
le garçon.
— Ce n’est pas bien loin. C’est le bâtiment situé juste à côté du
collège, expliqua-t-il en montrant du doigt le chemin à prendre.
— Qu’attendons-nous pour aller voir cela ? s’empressa de dire
Robert.
— L’aventure commence maintenant ! s’exalta l’aînée impatiente
de se rendre au Meadow.
Sarah se contenta de sourire malgré une légère appréhension
l’empêchant de partager la même exaltation que sa sœur.
4
Une ombre au tableau

Après le départ de son père, Sarah entreprit d’explorer un peu les


environs en commençant par le Great Hall, le réfectoire du collège.
Une odeur de boiserie s’infiltra dans ses narines. Mais ce n’était rien
à côté du spectacle s’offrant à ses yeux. Une véritable galerie d’art
reposait en ce lieu. Cette gigantesque salle à manger était ornée de
multiples tableaux représentant des personnages d’importance.
Ceux-ci garnissaient l’ensemble des murs en chêne. On aurait dit
que leurs regards se déposaient sur les longues tables en bois massif
qui semblaient s’allonger à l’infini au centre de la pièce. Et que dire
du plafond si haut que Sarah en avait le vertige. Et ces vitraux aux
mille et une couleurs réfléchissant la lumière diurne créant ainsi sur
la surface lisse des tables de magnifiques formes stroboscopiques.
Étourdie par tout ce décor, elle continua sa visite en empruntant le
long couloir de pierre menant à la cathédrale du Christ Church
annexée à la Grande Salle. Son regard s’attarda sur de superbes
sculptures décorant un des murs extérieurs. Une ambiance mystique
flottait en ces lieux bénis. D’autant plus qu’à cette heure, peu
d’âmes y circulaient. Le silence était tel qu’on pouvait entendre une
mouche voler. D’un pas presque hésitant, elle s’avança vers les
portes closes de la chapelle et tira sur l’imposante poignée de l’une
d’elles. Le battant s’ouvrit. Sarah jeta un coup d’œil à l’intérieur.
Personne. J’imagine que si c’est débarré, c’est qu’on peut entrer.
À cette réflexion, elle s’y aventura.
Fascinée par ce lieu de culte et également, ses nombreux vitraux,
dont une magnifique et gigantesque rosace surplombant l’autel, elle
continua d’avancer à pas feutrés. Du bout des doigts, elle effleura
les bancs tout en humant l’odeur d’encens embaumant l’air ambiant.
Ça relève presque de l’imaginaire. C’est féerique ! Tant de beauté
en un seul endroit, songea-t-elle.
Sarah sentit une certaine quiétude apaiser l’onde d’appréhension
l’ayant subjuguée plus tôt à la vue du Mémorial des Martyrs. Ayant
cherché sur son téléphone intelligent la signification de : Libera Me,
elle découvrit la traduction de ces mots latins : délivrez-moi.
Pourquoi une telle vision m’a-t-elle affligée ? Délivrez-moi… de
quoi ?
Un bruit sourd résonna soudain au fond de la chapelle. Sarah
décida de ne pas trop s’attarder et rebroussa chemin en longeant les
murs où étaient disposés quelques tombeaux en pierre.
Après une bonne heure de promenade dans les dédales de ce
collège gothique, elle décida de regagner sa chambre. Mais avant,
son désir de prendre l’air l’amena à faire un arrêt à l’extérieur de
l’enceinte.
Elle traversa la cour intérieure recouverte d’un gazon fraîchement
tondu. La lumière du jour commençait à décliner. Les journées
devenaient de plus en plus courtes. Sarah remonta le col de son
manteau pour protéger son cou de l’air frisquet. Une volée d’oiseaux
noirs surgit, s’élançant vers le ciel zébré de rais orangés. Puis, elle
aperçut au loin, à l’angle opposé, un jeune homme à la chevelure
d’ébène s’infiltrer par l’une des multiples portes du collège.
À cet instant, elle ressentit un léger pincement à la poitrine, là où
la douleur l’avait déjà happée. Brusquement, sorti de nulle part, un
énorme corbeau la rasa de près en émettant des croassements
stridents avant d’atterrir sur la tête de Mercure. Les yeux perçants
de l’oiseau la toisèrent sans broncher. Sarah, prise de panique,
s’enfuit vers les résidences.
5
Le début des classes

Sarah se réveilla avant la sonnerie de son réveil. Sa première nuit


en résidence avait été assez mouvementée. Le souvenir du corbeau,
telle une ombre lugubre, l’ayant attaquée le jour de son arrivée,
l’avait quelque peu déstabilisée. Son image était venue à quelques
reprises la hanter dans ses rêves durant la fin de semaine. Cette nuit
en fut une de répit ouvrant la voie sur un lundi inédit.
Agitée à l’idée de rencontrer les autres étudiants de la faculté de
médecine, elle se leva d’un bond et se prépara en vitesse. Ce choix
d’étude avait toujours résonné en elle comme un appel, une
vocation répondant à son désir d’aider son prochain. Son père l’avait
grandement encouragée, étant lui-même actif dans le domaine
médical.
Elle saisit au vol, dans son minifrigo, une barre tendre et un jus de
fruits en boîte en guise de petit-déjeuner, et jugea préférable de
manger en chemin afin de prendre un peu d’avance avant son
premier cours.
Sac en bandoulière, elle sortit dans le corridor, évitant de justesse
un groupe de filles passant tout près. Après quelques minutes à
essayer de verrouiller tant bien que mal sa porte, mais en vain, elle
commença à désespérer lorsqu’une originale aux lunettes rondes
s’avança.
— C’est ça qui arrive lorsqu’on fréquente de vieux collèges ! Tu
n’as qu’à tourner de cette façon et voilà ! lui expliqua la jeune fille en
insérant à nouveau la clé dans la serrure et tirant la poignée vers
elle.
Sarah entendit le déclic.
— Merci de m’aider.
La brunette se retourna et lui sourit. Elle mesurait à peine un
mètre cinquante. Chaussée d’escarpins, elle gagnait quelques
centimètres, pour arriver ainsi au menton de Sarah. Derrière ses
lunettes ambrées se cachait un visage moins laid qu’il n’y paraissait
avec cette monture un peu trop voyante au goût de Sarah.
— Je ne me suis pas présentée. Karen McBean, lança la brunette
en lui tendant la main.
— Sarah. Sarah Manseau, répondit-elle en se libérant
maladroitement la main de son sac.
— Je crois qu’on n’aura pas fini de se croiser. Je suis ta voisine
d’en face.
— Comme c’est drôle ! Je ne t’ai pas remarquée depuis mon
arrivée ici.
— Je sais. Je ne suis pas bien grande… admit l’autre en baissant
les yeux au sol.
— Oh ! Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, se reprit Sarah mal à
l’aise.
Karen éclata alors de rire.
— Je plaisante. En fait, je ne suis arrivée que hier soir. J’avais
obtenu une dérogation me le permettant, car j’étais partie en voyage
avec ma mère.
Les étudiants avaient le devoir de se présenter au collège le jeudi
précédent, le temps de prendre connaissance des lieux et des
règlements de l’établissement pour ensuite entamer une session de
huit semaines assez intensives.
— Je vois. Fais-tu partie également du programme de médecine ?
— Oui ! Ce serait amusant que nous soyons dans le même groupe.
À ce propos, on ferait mieux d’y aller, si on ne veut pas être en
retard le premier jour, s’empressa d’ajouter Karen.
— Ouin… Ça paraîtrait un peu mal.
Karen s’esclaffa à nouveau.
— Toi, tu ne viens pas d’ici avec ton fort accent.
Sarah sourit. Elle aimait bien cette fille enjouée.
Elles empruntèrent le couloir les conduisant à la cour extérieure et
traversèrent le Tom Quad du Christ Church. Une magnifique journée
ensoleillée pointait à l’horizon. Les feuilles commençant à rougir
offraient un spectacle charmant sur le campus. Des groupes
d’étudiants s’entassaient ici et là sur les pelouses du collège.
Tout en marchant, Karen, vêtue d’un manteau feutré d’un rouge
flamboyant, gesticulait en relatant les avantages d’étudier au Christ
Church. Sans oublier de mentionner que ce lieu avait servi de scènes
de tournage au très célèbre film Harry Potter.
— J’avoue que j’ai une chance inouïe d’être ici, renchérit Sarah en
ne manquant pas de jeter à la dérobée des coups d’œil furtifs à la
recherche d’Émy.
Aucune trace d’elle. Ni même un texto de sa part depuis ce matin.
Elle était toutefois heureuse d’avoir fait la connaissance de Karen et
chassa bien vite ce désagrément de son esprit. L’idée de se
retrouver seule pour affronter une foule de gars et de filles la
dévisageant la terrifiait. Surtout qu’elle n’était pas du genre à
entreprendre la première une conversation.
À mi-chemin en direction du centre d’enseignement de médecine
situé à environ vingt minutes du collège, Karen s’arrêta net. Elle se
mit à fouiller frénétiquement dans son porte-document.
— Ah non ! Je n’ai vraiment pas de veine. J’ai oublié mon
portefeuille dans ma chambre. J’avais prévu passer à la librairie
après le cours, soupira-t-elle.
— Je devais m’y rendre aussi, car je n’ai encore rien acheté sur la
liste des livres recommandés. Si tu veux, je t’avancerai les fonds.
— Vraiment ? Tu sais, ce n’est pas dans mes habitudes de
quémander de l’argent surtout que tu me connais à peine, se
défendit la brunette en se mordillant la lèvre inférieure.
— Je n’aurai pas de difficulté à te retrouver si tu tentes de
m’escroquer, plaisanta Sarah. Sérieusement, ça me fait plaisir.
— Tu es trop gentille ! Je te revaudrai cela.
Elles continuèrent leur chemin vers le pavillon de médecine et
passèrent devant de gigantesques grilles métalliques ornées en leur
sommet d’un blason bleu et or où figuraient trois têtes de griffons et
quatre fleurs de lys.
Sarah s’avança plus près des portes grillagées. Celles-ci s’ouvraient
sur un immense espace vert traversé par un long chemin aboutissant
à un bel édifice de la même architecture que Christ Church.
— C’est le collège Trinity, l’informa Karen en traversant la rue
Parks.
— Tout est magnifique dans cette ville ! s’émerveilla Sarah en
rejoignant son amie de l’autre côté.
— En passant, tu ne m’as toujours pas dit d’où tu viens?
— Du Québec, plus précisément de Montréal.
— Ah ! Au Canada. Il me semblait bien que tu avais un petit air
étranger bien que tu aurais pu passer pour une Écossaise avec ta
chevelure rousse.
Sarah fit la moue en écrasant davantage son béret couleur crème
sur sa tête. Karen roula des yeux.
— Arrête ! Tu es magnifique. J’aimerais tant avoir ta couleur et tes
yeux verts.
— Je vais le prendre pour un compliment.
— Si ce n’est pas trop indiscret, pourquoi avez-vous décidé de
vous installer en Angleterre ?
— Mon père a eu une excellente offre d’emploi dans la région.
— Il fait quoi ton père ?
— Il travaille en tant que chercheur-neurologue pour le laboratoire
Renec. Tu connais ?
— Renec ? Ah oui ! Cet immense édifice situé à Burford. Là où se
trouve le laboratoire de recherche médicale affilié à l’université
d’Oxford.
Sarah se contenta d’acquiescer.
— Tu n’as pas dû trouver cela facile de tout abandonner là-bas
pour te retrouver ici sans repères.
— J’avoue qu’au début, je me sentais bien perdue. Mais
heureusement, ma sœur est là. Nous sommes très proches l’une de
l’autre.
— Elle étudie aussi à Oxford ?
— Oui, elle est en biochimie.
— Il faudra que tu me la présentes un de ces quatre. Tu en as de
la chance d’avoir une sœur.
Karen sembla soudain perdue dans ses pensées.
— Est-ce que tu as des frères ou des sœurs ? demanda Sarah.
— Non. Je suis fille unique. Mon père est décédé, il y a de cela
trois ans maintenant. C’est ma mère qui a repris le flambeau dans sa
compagnie. Elle est souvent en voyage d’affaires.
Karen marqua une pause.
— Désolée. Je ne voulais pas t’embêter avec mes questions, se
reprit Sarah. Je sais aussi c’est quoi de vivre avec un seul parent
pour avoir perdu ma mère lorsque j’étais bébé.
— Pour ma part, il y a quand même du bon à cela. J’ai beaucoup
de liberté et peu de comptes à rendre. En plus, à Oxford, le fait de
résider au collège durant la session ne me laisse jamais seule.
Devant cette optimiste pleine d’humour, Sarah convint qu’elle ne
s’ennuierait pas en sa compagnie.
Un immense édifice en briques beiges, à l’architecture plus
moderne, se dressait devant les filles arrivées rue South Parks. Il
s’agissait du Sherrington Building, là où se donnait la majorité des
cours de médecine. D’énormes portes en bois au-dessus desquelles
on pouvait y lire PHYSIOLOGY s’ouvraient sur le hall d’entrée.
Une fois à l’intérieur, Sarah sortit son horaire de son sac et y jeta
un coup d’œil. Karen en voyant sa feuille, s’exclama :
— Hé ! Nous avons le même tuteur !
— Le Dr Allen Clark ! Génial !

Oxford était reconnu pour son système de tutorat en éducation


dont Sarah appréhendait quelque peu l’approche puisqu’il s’agissait
d’une nouvelle méthode d’apprentissage pour elle.
Karen prit les devants.
— Suis-moi. Je crois savoir où se trouve le local de physiologie.
— Tu es déjà venue ici ? demanda Sarah intriguée.
— L’an dernier, je suis venue visiter l’établissement avec ma mère
avant de faire ma demande en médecine.
Sarah continua d’écouter Karen lui raconter sa joie de se retrouver
ici tout en portant une attention particulière à ce nouvel
environnement. Deux étudiants vêtus de longues blouses blanches
les dépassèrent et empruntèrent un petit couloir menant à un
laboratoire. Intriguée, Sarah ralentit et les observa par la fenêtre de
la porte qui s’était refermée sur leur passage. Une odeur de produit
d’aseptisation filtrait de l’endroit. De longues tables métalliques
entourées de tabourets garnissaient la pièce. À intervalles réguliers,
des microscopes y étaient disposés. Déjà, quelques étudiants
s’affairaient à observer les mystères du corps humain sur des
lamelles grossies de plusieurs dioptries.
— Sarah ! Tu viens ? demanda soudain Karen quelques pas plus
loin.
— Oui, j’arrive !
Les deux filles s’infiltrèrent dans un petit amphithéâtre et
tentèrent de repérer deux places libres côte à côte. La salle
commençait déjà à être comble malgré leur avance d’une vingtaine
de minutes. Sarah balaya l’endroit du regard. Certains étudiants la
dévisageaient avec un drôle d’air.
Plusieurs bancs en bois ressemblant à ceux des églises s’alignaient
les uns à la suite des autres en gradins. Cela permettait ainsi à tout
un chacun de bien voir l’énorme lutrin en bois sculpté trônant sur
une plateforme légèrement surélevée à l’avant. Derrière, deux
grands tableaux sur pied s’adossaient au mur latté en bois foncé.
Sarah suivit Karen entre les rangées. Une fois assises, elles allaient
se mettre à discuter lorsqu’un homme d’une cinquantaine d’années,
vêtu d’un veston gris-bleu, portant des lunettes dénotant une forte
myopie, monta sur l’estrade. Plutôt bien portant, il ne semblait
toutefois pas incommodé par son surplus de poids.
Le Dr Clark se présenta avec une note d’humour. Puis il enchaîna
en leur expliquant le fonctionnement du système d’enseignement. Il
agirait en tant que tuteur pour certains d’entre eux, mais aussi
comme enseignant de physiologie et d’anatomie humaine.
— Cette semaine, vous allez recevoir une convocation de la part
de votre tuteur pour vous guider dans cette formation. Donc, si on
commençait, suggéra le professeur en allumant le projecteur.
Sarah se mit à prendre des notes au fur et à mesure qu’il parlait.
C’est alors qu’elle entendit des rires étouffés autour d’elle et des
commentaires désobligeants.
Avez-vous vu celle-là ? Elle doit sûrement sortir de sa campagne
natale avec cette jupe-là !
Sarah fulminait et s’apprêta à répliquer lorsque Karen lui saisit le
bras.
— Ignore-les ces pétasses ! Elles n’en valent pas le coup, lui
souffla-t-elle en réajustant ses lunettes.
Karen se retourna et fusilla de ses yeux noisette les filles
responsables des moqueries. Sarah réalisa qu’elle détonait parmi les
étudiants avec sa longue jupe paysanne, son chemisier décontracté,
sans parler de ses cheveux descendant en cascade sur ses épaules.
Tous étaient richement vêtus dans un style classique et la plupart
portaient des vêtements griffés.
La voix imposante du professeur questionnant l’assistance la
ramena à ses notes. Elle évita son regard, de peur qu’il la choisisse
pour répondre à la question.
Les minutes s’étaient enfin écoulées et la fin du cours arriva. Sur
les derniers mots du Dr Clark, les étudiants se levèrent dans un
joyeux brouhaha et s’attroupèrent dans le long corridor.
— On va toujours à la librairie ? C’est sur notre chemin du retour,
lui rappela la jeune fille du haut de son mètre cinquante.
— Certainement. J’ai apporté la liste des livres recommandés pour
la session, ajouta Sarah en la sortant de son sac. Dis-moi, qui
étaient les filles qui se sont moquées de moi ?
— Deux d’entre elles allaient au même collège que moi l’an
dernier. Oublie-les ! Elles n’en valent pas le coup, lança-t-elle en
poussant sur la lourde porte débouchant sur South Parks.
Tout en marchant, Karen parcourait la liste des livres à se procurer
pendant que Sarah jetait des regards ici et là, contemplant les
édifices et les rues bordées d’arbres matures si denses qu’ils
donnaient l’illusion d’une immense tonnelle s’allongeant à l’infini. Elle
n’avait pas beaucoup voyagé dans sa vie, et tout ce nouveau décor
la fascinait. De plus, la vue des espaces verts ceinturant les collèges
et les bâtisses de ce village universitaire la faisait sourire de joie. La
nature l’avait réconfortée plus d’une fois.
Tandis qu’elles atteignaient l’angle des rues Broad et Parks, Sarah
crut apercevoir au loin un homme derrière un arbre en train de les
photographier. Leurs regards se croisèrent un instant, puis l’inconnu
cacha vite son appareil et partit en direction opposée. Elle aurait
voulu graver dans sa mémoire les traits de son visage.
Malheureusement, la distance les séparant l’empêcha de les
distinguer nettement. L’homme se fondit dans la foule. Ses yeux
n’arrivèrent pas à se détacher de l’endroit où elle l’avait vu
disparaître.
Qui peut-il bien être ?
Elle aurait juré qu’il la prenait en photo délibérément.
Ce doit être mon imagination un peu trop fertile, conclut-elle.
Mais pourquoi avoir caché si promptement son appareil comme s’il
avait été pris en flagrant délit ?
Cet étrange comportement continua de la turlupiner jusqu’à son
arrivée devant la légendaire librairie Blackwell de la rue Broad.
6
La librairie Blackwell

La librairie occupait deux édifices mitoyens aux allures de maisons


anglaises à étages. La partie inférieure arborait deux grandes
enseignes bleu royal où l’on pouvait y lire Blackwell en grosses
lettres dorées. Ses vitrines illuminées étaient garnies de bouquins et
d’affiches de tout genre. Plus qu’une simple détaillante en manuel
scolaire, elle offrait des milliers de livres ainsi qu’un petit café bistro
à même l’établissement.
— Cet endroit est vraiment génial, s’exclama Sarah, ébahie par
l’ampleur du lieu.
Une multitude de livres s’étalaient sur différents paliers à aire
ouverte remplis d’étagères en bois, disposées au travers de
colonnades blanches. Ces dernières étaient surplombées de
panneaux sur lesquels apparaissaient en grosses lettres :
PSYCHOLOGIE, PHYSIOLOGIE, ÉDUCATION ET SOCIOLOGIE…
— Voyons voir ce dont nous avons besoin, reprit Karen ayant
toujours la liste entre les mains.
Ross and Wilson Anatomy and Physiology in Health and Illness
Vander’s Human Physiology
Oxford Handbook of Medical Sciences
Mark’s Basic Medical Biochemistry
Medical Sociology de Hannah Bradby
Essential Medical Genetics de MF Smith
— Je m’occupe de nous procurer les trois premiers titres. Et toi,
les trois derniers. Ça te va ? suggéra Sarah.
— Bonne idée ! Je crois que les manuels de médecine se trouvent
à l’étage, affirma Karen en montrant une enseigne indiquant la
section Médecine. Mais qui vois-je ?
À peine eut-elle prononcé ces mots que Sarah la vit gravir
l’escalier conduisant à l’étage et se diriger vers deux personnes la
saluant. Puis d’un geste de la main, Karen lui fit signe de les
rejoindre.
— Quelle coïncidence de tous se retrouver ici ! s’exclama Karen en
faisant une accolade à ses amis. Je vous présente Sarah. Elle étudie
en médecine avec moi.
— Bonjour ! Moi, c’est Judith. Une amie de longue date de Karen.
Judith avait un style plutôt garçon, avec ses cheveux bruns courts
et elle était peu maquillée. Elle n’était pas non plus représentative de
la gent féminine d’Oxford. Sarah se consola de ne pas être la seule
dans ce milieu à être différente. Puis, il y avait ce mec aux cheveux
presque aussi roux que les siens, et dont les yeux bleus brillaient
d’intensité.
— Je m’appelle Kevin, se présenta-t-il en lui offrant à son tour une
poignée de main.
Sarah rougit sous son regard et replaça nerveusement une mèche
de cheveux derrière l’oreille.
— Heureuse de vous rencontrer. Vous étudiez aussi la médecine ?
demanda Sarah en s’adressant à tous les deux.
— Oh non ! La vue du sang est suffisante pour me faire tourner de
l’œil. J’étudie en histoire de l’art antique, répondit la jeune femme.
— Et toi, Kevin, toujours aussi inventif ? Il adore créer des
prototypes de toutes sortes. Lorsqu’on était enfant, il faisait partie
d’un club de petits génies, ajouta Karen.
— Eh bien, je me suis finalement inscrit en ingénierie. En passant,
ça vous dirait de dîner avec nous ? On s’apprêtait à aller au Turf
Tavern, place Bath, à trois minutes de marche d’ici.
Karen hésita avant de répondre. Sarah se rappela que son amie
avait oublié son portefeuille et souffla à son oreille :
— Je paierai ta part. Tu n’auras qu’à me le remettre plus tard.
Karen réfléchit et accepta finalement.
— Je te rembourserai tout dès notre retour.
Puis elle s’adressa à ses amis :
— C’est d’accord. On vous rejoint là-bas après nos achats,
conclut Karen.
Ils se laissèrent sur cette discussion, Judith entraînant Kevin vers
la sortie.
— Ces deux-là sont inséparables, émit Karen avec le sourire.
— Et ils sont très gentils, ajouta Sarah en les regardant quitter les
lieux.
— Allons-y ! La première qui a terminé retrouve l’autre, suggéra
Karen en remettant à Sarah la liste d’achats après avoir pris soin de
la prendre en photo avec son téléphone portable.
Sarah acquiesça et partit en direction opposée. Elle longea les
allées en promenant ses mains sur les nombreux livres, lisant au
hasard quelques titres l’interpellant. Elle adorait ces endroits où on
n’avait qu’à ouvrir un livre pour y découvrir les mots cachés d’une
histoire ou d’une connaissance n’attendant plus qu’à être lue. Et que
dire de cette odeur d’encre émanant des pages fraîchement
imprimées et enivrant tous ses sens. Sarah repéra assez vite
l’étagère regroupant les livres de physiologie. Plusieurs exemplaires
de Vander’s Human Physiology s’y trouvaient. Elle s’en empara, en
deux exemplaires.
Au moment où elle allait changer d’allée, son attention se porta
sur un garçon aux cheveux noirs mi-longs, et très grand. Il se tenait
non loin d’elle, un dictionnaire médical entre les mains. Sarah se
figea. Il lui semblait l’avoir déjà croisé. Puis un malaise indescriptible
s’empara d’elle. Toujours le regard fixé sur lui, elle reculait d’un pas
pour repartir lorsque par mégarde, son coude fit tomber un livre
posé sur une table ronde juste derrière elle. Il leva la tête au fracas
et, pendant une fraction de seconde, qui parut une éternité à Sarah,
ses yeux plongèrent dans les siens comme s’il la sondait au plus
profond de l’âme. Il les avait aussi verts qu’elle. Ni l’un ni l’autre ne
bougèrent comme s’ils avaient été transformés en statues de sel.
Plus rien autour d’elle n’existait. Seul cet inconnu. Son regard était si
pénétrant qu’elle sentit ses jambes presque défaillir sous son poids.
Mais cette sensation s’effaça aussitôt. Une voix féminine la sortit
de sa transe. Une jeune fille élancée, aux longs cheveux bouclés, se
pencha vers le gars et l’enlaça par la taille en jetant un regard de
défi à Sarah. Gênée, celle-ci tourna la tête et fut sauvée de cette
situation par l’arrivée de Karen, les bras chargés de livres.
— Tu n’as trouvé qu’un livre depuis tout ce temps ? lui demanda-t-
elle en l’apercevant.
Sarah se pencha pour ramasser le bouquin au sol.
— Pour être honnête, j’ai perdu la notion du temps en me
plongeant dans la lecture de ce livre, mentit-elle.
— Vraiment ? ironisa Karen en apercevant le couple non loin
d’elles. Il devait être vraiment passionnant pour t’avoir glissé des
mains !
Elle avait reconnu l’une de celles qui s’étaient moquées de Sarah
plus tôt dans le cours du Dr Clark.
— Elle t’a causé du trouble ? s’informa-t-elle en lui indiquant du
regard la blondinette.
— Non, pas du tout. J’ai juste été distraite par leur arrivée, voilà
tout, éluda Sarah.
Des éclats de rire s’ajoutèrent aux bavardages du couple. Une
autre fille venait de faire son apparition. Sarah feint de s’en
désintéresser, mais sa fascination était telle qu’elle ne put la cacher à
Karen. Cette dernière s’en aperçut.
— J’ai fait tout mon cours élémentaire avec ces deux filles-là,
enchaîna son amie. Celle qui vient tout juste de se joindre à eux
s’appelle Bridget. C’est une vraie snobinarde.
Au ton de la voix de son amie, Sarah sentit que celle-ci
n’appréciait guère cette fille. Bien plus intriguée par celui qui l’avait
déstabilisée, elle se mourait d’envie de la questionner davantage à
son sujet, mais se retint. Tout en observant le trio s’éloigner, sa
curiosité l’amena à tâter le terrain autrement.
— Ces filles n’étaient-elles pas avec nous tout à l’heure dans le
local ? demanda-t-elle tout en saisissant sur une étagère le Ross and
Wilson Anatomy and Physiology figurant dans leur liste.
— Hélas, oui. On n’a malheureusement pas fini de les côtoyer. Et
ce n’est certainement pas ses notes scolaires qui ont permis à
Bridget de rentrer en médecine.
— Pourquoi dis-tu cela ?
— Parce que ce n’est pas la fille la plus studieuse en ville, étant
bien plus préoccupée par son équipe de meneuses de claque et sa
popularité. Mais grâce à son père, le recteur de cette université et
propriétaire de presque tous les édifices de cette ville, Bridget n’a
sûrement eu aucune difficulté à être admise en médecine ici.
Tout en empruntant de nouveau l’escalier, accompagnée de Karen,
Sarah repéra le trio non loin de la sortie. Elle ne put s’empêcher de
poser la question lui brûlant les lèvres en suivant du regard le jeune
homme.
— Qui sont les deux autres personnes ?
— Le gars s’appelle Derek. C’est son frère.
Sarah avait en effet remarqué une forte ressemblance entre le
garçon et la fille.
— Il est en deuxième année de médecine. Contrairement à sa
sœur, il est plutôt du genre discret bien qu’il ne passe pas inaperçu,
si tu vois ce que je veux dire, enchaîna Karen tout en reluquant ce
bel adonis.
Il portait un jean noir et une chemise bleu pâle ; les manches
retroussées sur ses avant-bras lui donnaient un air décontracté.
Sarah se sentit rougir, espérant que son amie ne s’en aperçoive pas.
— J’avoue qu’il a belle allure, balbutia-t-elle.
— Malheureusement pour nous, il n’est pas célibataire. Il n’a le
béguin que pour cette blondinette pendue à son bras.
— Je vois.
— Elle s’appelle Dahlia. Cette chipie ne le quitte jamais d’une
semelle. En plus, c’est la meilleure amie de Bridget. Cette dernière
veille jalousement à ce que son frère demeure accroché à sa douce.
Un conseil, oublie ce mec !
Ses yeux n’arrivaient pas à se détacher de lui. Juste au moment
où il ouvrit la porte à sa copine et à sa sœur vers la sortie, il se
retourna légèrement et croisa le regard de Sarah. Elle crut
apercevoir un bref sourire se dessiner sur ses lèvres. Puis il disparut
hors de sa vue.
7
L’arrivée de Darcy Williams

L’ombre de la colonnade près de laquelle était assise Sarah


s’allongeait de plus en plus sur son livre Vander’s Human Physiology,
étalé sous ses yeux. La lumière diurne s’était inclinée depuis peu face
à la lune brillant à présent sur un fond de ciel étoilé.
Déjà près d’une heure s’était écoulée depuis le départ de Karen,
partie rejoindre Judith aux résidences. De son côté, Sarah avait
préféré rester pour terminer son devoir sur l’étude de la
régulation et de l’organisation structurale et fonctionnelle de la
cellule. Cette avance lui permettrait de profiter davantage de son
week-end en famille. La veille, Robert avait insisté pour qu’elle et sa
sœur viennent faire un tour à la maison. Elle avait d’ailleurs tenté de
joindre Émy par texto à plusieurs reprises pour l’en informer, mais
sans succès.
Sarah jeta une fois de plus un œil à son portable. Toujours aucun
message de sa sœur.
Elle doit sûrement avoir une bonne raison de ne pas me répondre,
soupira la cadette.
N’empêche qu’elle aurait bien aimé avoir un petit signe de sa part.
Une pointe d’inquiétude la submergea malgré tout.
Elle essaya de se replonger dans son devoir. Malheureusement,
son esprit divagua vers d’autres champs d’intérêt. Elle ne cessait de
se remémorer l’étrange rencontre avec Derek à la librairie. Jamais
elle n’avait ressenti une telle attirance envers quelqu’un. Mais c’est
surtout son regard énigmatique qui l’avait troublée. Incapable de se
concentrer davantage, elle finit par abdiquer.
Les aiguilles de sa montre affichaient déjà vingt et une heures.
Ramassant ses livres et crayons, elle enfila son coupe-vent et sortit à
la hâte du Radcliffe Science Library. Un vent frisquet lui balaya le
visage. Heureusement, sa jolie écharpe rouge enroulée autour du
cou la gardait au chaud. Marchant d’un pas rapide, elle scruta les
environs nerveusement. Très peu de passants sillonnaient les rues en
cette heure tardive. Seul un homme vêtu de noir, ressemblant
drôlement au mystérieux photographe, semblait aller dans la même
direction qu’elle.
Bientôt, elle aperçut le collège Christ Church. Elle emprunta un
raccourci vers le Meadow. Soulagée, elle osa se retourner. L’inconnu
avait disparu.
Tout en gravissant l’escalier menant à sa chambre, elle était en
pleine cogitation, lorsqu’une voix l’interpella.
— Bonjour, Sarah ! Tu nous ignores ou quoi ? plaisanta Karen qui
se tenait au sommet des marches.
Trop absorbée par ses réflexions, elle était passée à côté de ses
amies sans les remarquer.
— Désolée ! répondit Sarah en revenant sur ses pas.
Judith s’empressa de prendre sa défense.
— Ne fais pas attention à elle. Depuis un moment, elle n’arrête pas
de déblatérer des sottises, reprit Judith en assénant un coup de
coude amical à son amie aux lunettes rondes.
— Très drôle ! répliqua Karen avant de se retourner vers Sarah et
de lui adresser la parole :
— Tu as finalement terminé le travail du Dr Clark à remettre lundi
prochain ?
— Presque. Je vais finaliser les derniers détails en fin de semaine
chez moi.
— Tu ne restes pas ici ? demanda quelque peu surprise Judith.
Contrairement à la coutume qui veut que les étudiants demeurent
au collège même les week-ends, Sarah et sa frangine avaient pu
obtenir l’autorisation de rendre visite à leur père.
— Je sais. Ce n’est pas dans les mœurs d’ici de quitter les lieux,
mais mon père tenait absolument à nous revoir, expliqua Sarah.
— En passant, tu savais que ta copine de chambre arrivait ce soir ?
éluda Karen.
Depuis son arrivée au collège, Sarah séjournait seule dans une
pièce abritant deux lits et deux bureaux de travail. Toutefois, on
l’avait prévenue de l’arrivée éventuelle d’une autre étudiante.
— Pas vraiment. En fait, j’avais fini par croire que je serais seule
dans ma chambre.
— Pas de chance ! lança Judith.
— Quand je pense que c’est Darcy Williams ! Jamais je n’aurais cru
que cette fille se retrouverait en médecine avec nous. Et en plus,
dans la même chambre que Sarah ! ajouta Karen d’un ton grave, tout
en ajustant ses lunettes.
— Qu’est-ce qu’elle a de si spécial, cette fille ? l’interrogea Sarah
intriguée par l’étrange attitude de son amie.
Comme si elle ne l’avait pas entendue, celle-ci poursuivit sur sa
lancée :
— J’espère pour toi qu’elle ne va pas transformer votre chambre
en un lugubre sanctuaire prêt pour une messe noire, pensa tout haut
Karen le regard perdu.
— Arrête ! Tu vas lui foutre les jetons, intervint Judith. Elle a peut-
être changé depuis le lycée. Après tout, on ne la connaît pas
vraiment cette fille.
— Assez pour ne pas vouloir être seule sur son chemin, commenta
Karen le plus sérieusement du monde.
— Pouvez-vous bien me dire ce qu’elle vous a fait, cette Darcy ?
s’interposa Sarah qui commençait à craindre le pire.
— Tu veux vraiment le savoir, soutint son amie en remontant à
nouveau sa monture sur son nez.
Sarah lui fit de gros yeux insistants.
— Très bien, tu l’auras voulu.
Karen s’approcha plus près de Sarah, puis afficha un air sombre.
Elle se mit à parler à voix basse :
— Il y a quelques années de cela, Darcy a été arrêtée parce qu’on
la soupçonnait d’avoir tué sa mère. Les policiers avaient découvert le
corps mutilé de la pauvre femme dans le sous-sol de leur
somptueuse demeure. Elle gisait nue dans son sang et ses membres
étaient disposés en croix. Mais ce n’est pas tout.
Karen marqua une pause.
— C’est horrible ! Tu me fais marcher, là ?
— Non, pas du tout. Tu veux vraiment que je continue ?
— Oui, insista Sarah malgré son dégoût.
— Un pentacle avait été dessiné sur le sol à l’endroit du meurtre.
On fit alors le lien avec Darcy.
— Pourquoi ? demanda la rouquine plutôt inquiète.
Judith qui écoutait aussi fit signe à Karen de poursuivre.
— Les mois précédents la mort de sa mère, Darcy avait beaucoup
changé de comportement. Même Bridget qui se tenait avec elle à
l’époque avait commencé à l’éviter. Je crois que ça n’a fait que
plonger Darcy encore plus dans la noirceur. Les enquêteurs ont
trouvé dans sa chambre plusieurs livres sur le vaudou, les sacrifices
humains et des dessins de pentacles tels que celui retrouvé sur le
lieu du crime.
— Mais pourquoi aurait-elle voulu sa mort ?
— Je n’en sais trop rien. Darcy est restée muette tout au long de
l’enquête. Personne n’a jamais vraiment su ce qui s’est réellement
passé. Hormis peut-être les enquêteurs ! Mais disons que l’affaire a
curieusement été étouffée. Depuis, de toutes les suppositions ayant
été colportées, l’une a retenu davantage l’intérêt : soit celle où l’on
raconte que sa mère avait un amant. Darcy aurait ainsi voulu venger
son père.
— Ce n’est pas un peu fort toute cette histoire, non ?
— Peut-être, mais bon, n’empêche qu’elle a été suspectée et
qu’aucun coupable n’a été retrouvé, reconnut Karen.
— Enfin, tout cela ne prouve pas qu’elle l’ait tuée, raisonna Sarah.
Ç’aurait aussi bien pu être son père rongé de jalousie ou sous le
coup de la colère pour avoir été trompé.
— On ne le saura jamais. Il est mort d’une crise cardiaque peu de
temps après. Et comme Karen le disait plus tôt, l’affaire a vite été
classée, conclut Judith.
Sarah soupira, ne sachant trop que penser. Puis elle dévisagea
Karen :
— Vous me faites marcher ?
Ses copines, tout aussi sérieuses l’une que l’autre, hochèrent la
tête en signe de dénégation. Sarah avait peine à les croire.
— Et c’est moi l’heureuse élue qui dois partager ma chambre avec
cette fille ! Je n’en ai vraiment pas envie, affirma-t-elle tout en
frottant nerveusement ses mains sur ses hanches.
Voyant son amie perturbée, Karen intervint :
— Excuse-moi. Je ne voulais pas t’apeurer, mais c’est toi qui as
insisté pour savoir. Darcy n’y est probablement pour rien. La preuve,
c’est qu’elle n’est pas en prison.
— Comme c’est rassurant ! grommela Sarah.
Puis, elle se reprit :
— Voilà un magnifique portrait de ma future colocataire. À bien y
penser, je me demande si je n’aurais pas mieux fait de ne rien savoir.
Vivre aux côtés d’une possible meurtrière, je ne suis pas certaine de
le vouloir.
— Ne t’en fais pas avec cette Darcy. Je suis certaine qu’elle est
innocente. Autrement, elle ne serait pas entrée en médecine avec
vous, la rassura Judith.
— J’imagine, soupira Sarah plus ou moins convaincue.
Judith regarda sa montre et fit la moue.
— Je dois y aller. Il commence à se faire tard. Je vous rejoins
demain à l’heure du dîner ? proposa la grande brunette.
— À midi à l’entrée du Grand Hall, proposa Karen.
Judith les quitta en les saluant, puis dévala les escaliers qui leur
avaient tenu lieu de point de rencontre. Muettes, Sarah et Karen
empruntèrent le couloir devenu désert.
— Ça va aller ! Je ne suis pas loin de toi, l’encouragea Karen
devant l’hésitation de Sarah à entrer dans sa chambre.
— T’inquiète ! J’assure. À demain !
Sur ces mots, Karen s’engouffra dans son dortoir tandis que Sarah
demeura sur le seuil de sa porte un instant.
Allez ! Fais comme si de rien n’était.
Puis elle finit par mettre la clé dans la serrure et tout doucement
ouvrit dans l’espoir de retrouver sa colocataire déjà endormie.
Un frisson lui parcourut l’échine devant le spectacle qui s’offrit à
ses yeux.
8
L’ombre et la lumière

Des bougies rouges et noires étaient alignées sur une tablette


fixée au mur près du lit de Darcy. À travers les ombres dansantes
créées par les flammes, on pouvait entrevoir trois croix gothiques
suspendues au-dessus du lit.
Au moins, elles sont à l’endroit, pensa ironiquement Sarah.
Ce nouvel aménagement contrastait étrangement avec le sien
beaucoup plus zen avec ses plantes et ses tableaux aux paysages
sauvages.
Puis son regard s’arrêta sur l’étrange fille allongée sur le dos, les
yeux clos, les écouteurs de son iPhone sur les oreilles. Elle était
vêtue tout de noir. Même ses ongles étaient peints en noir tout
comme ses lèvres et ses paupières. Un piercing à son sourcil gauche
agrémentait son visage fin. On pouvait facilement se l’imaginer
étendue dans un cercueil tellement elle était immobile, les mains
jointes sur son ventre.
Un sifflement attira l’attention de Sarah. Elle vit alors les rideaux se
mouvoir.
C’est sûrement la fenêtre qui est mal fermée, jugea Sarah quelque
peu incommodée par l’ambiance macabre de la chambre.
Alors qu’elle se dirigeait vers la source du bruit, elle trébucha
contre un obstacle dur.
Merde !
Elle vit alors des yeux féroces la fixer. Elle recula d’un pas. Puis
réalisa qu’une gargouille de plâtre avait été déposée au sol. Elle
semblait veiller sur le repos de sa maîtresse.
Il ne manquait plus que cela, gémit Sarah en grimaçant de dégoût.
Elle décida d’enjamber la bête et atteignit enfin la fenêtre. Celle-ci
était en effet légèrement entrouverte. Elle entendit une fois de plus
le sifflement. Le vent tentait de s’infiltrer par l’étroite fente,
gémissant selon son bon gré. Elle saisit la lourde penture et poussa
dessus de toutes ses forces pour refermer. Un bruit sourd résonna
sous l’impact.
— C’est toi la nouvelle ? lança tout de go la gothique.
Sarah sursauta à ces mots.
— Je t’ai fait peur ? s’enquit la fille aux yeux de jais.
— Je te croyais endormie.
— Disons que je sommeillais, ronchonna-t-elle plutôt mécontente.
— Excuse-moi si je t’ai réveillée.
Elle se sentait mal à l’aise en présence de cette fille. Les histoires
racontées plus tôt par ses amies n’aidaient en rien à lui procurer de
l’assurance. Elle entreprit de détendre l’atmosphère.
— Je ne me suis pas présentée, reprit-elle en lui tendant la main.
Je m’appelle Sarah Manseau.
— Je sais, lâcha Darcy sans prêter attention au geste amical de
Sarah.
Elle n’a vraiment pas de manières. Elle laissa retomber son bras.
— Toi, c’est Darcy, je crois.
— On ne peut rien te cacher, répondit celle-ci avec peu
d’enthousiasme.
Décidément, cette fille n’est pas très bavarde. En plus, elle est
arrogante. Un dernier petit effort, Sarah, pour sympathiser,
s’encouragea-t-elle.
— Je suis contente de faire ta connaissance. En passant, je suis du
genre tranquille alors je ne devrais pas être trop dérangeante comme
colocataire.
— Tant mieux parce que je déteste être importunée sans raison.
Sur ce, elle remit ses écouteurs ne se souciant plus de Sarah.
Elle ne s’arrange pas pour que l’on puisse croire en son innocence.
Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi déplaisant. Comment a-t-
elle pu être acceptée en médecine ?
La regardant à nouveau, Sarah se dit :
Quel choc elle aura lorsqu’elle devra se vêtir de blanc pour
travailler dans les hôpitaux. Peut-être aura-t-elle l’air plus
sympathique.
Sarah enleva son sac encore en bandoulière sur son épaule et le
déposa sur son lit. Elle fut alors attirée par le livre reposant sur la
table de chevet de Darcy.

« Comment faire appel aux forces surnaturelles »

Décidément, ce n’était rien de très sécurisant. Sans compter que


depuis son arrivée en terre britannique, Sarah ressentait un certain
malaise intérieur sans toutefois pouvoir le définir. De jour en jour, il
semblait grandir en elle subtilement, mais sûrement.
Comment pouvait-elle à présent dormir sereinement dans une
ambiance pareille et, de surcroît, aux côtés d’une meurtrière
potentielle ? Sarah soupira, puis tenta de faire fi de ses impressions.
Elle se changea et se glissa enfin sous ses couvertures.
Une demi-heure s’était écoulée lorsque Darcy finit par se lever
pour se dévêtir et enfiler une chemise de nuit. Son corps svelte
montrait quelques courbes discrètes et surtout une peau d’une
blancheur presque cadavérique. Ses cheveux noirs et fins coupés à la
hauteur de sa nuque laissaient entrevoir d’étranges tatouages dans
son dos, à la hauteur des omoplates.
Qui est vraiment cette fille se cachant sous cette carapace
gothique ? Aurait-elle pu être capable d’un geste aussi ignoble que
celui de tuer sa propre mère ? songea Sarah.
Il fallait qu’elle cesse de réfléchir à cette histoire si elle voulait
réussir à dormir. Elle se tourna sur le côté tout en ramenant sa
couverture jusqu’au menton : le sommeil finit par la gagner sans
toutefois effacer les images des tatouages de Darcy dansant dans sa
tête.
9
De retour à Burford

Une semaine s’était écoulée depuis son arrivée à Oxford. Sarah


avait réussi à passer à travers sans trop d’embuches. Elle apprit à
connaître davantage Karen, Judith et Kevin. Une belle amitié s’était
formée entre eux. Par contre, sa nouvelle camarade de chambre
plutôt bizarroïde ne l’enchantait guère. L’attitude de Darcy ne
l’encourageait pas à sympathiser avec cette fille, bien qu’elle l’ait très
peu côtoyée. Tristement, l’harmonie régnant en début de semaine
dans son dortoir avait fait place à une atmosphère plutôt tendue.
C’est avec soulagement qu’elle avait quitté la veille sa chambre
devenue funeste depuis l’arrivée de sa colocataire gothique. Comble
de malheur, la rencontre avec sa sœur n’avait eu rien de réjouissant.
Cette dernière s’était confondue en excuses d’avoir ignoré ses
textos, prétextant avoir été trop occupée.
En plus, de retour à Burford, Émy s’était aussitôt enfermée dans
sa chambre, le cellulaire à la main, textant et ricanant en même
temps et ainsi, ne portant aucune attention à Sarah.

Toujours allongée dans son lit douillet de leur maison du Cotswald


en ce samedi après-midi, Sarah avait décidé de faire la grasse
matinée. Elle songea à sa mystérieuse rencontre faite à la librairie
Blackwell. L’image du garçon à la chevelure noir corbeau hantait
souvent son esprit. Une impression de déjà-vu l’avait envahie au
moment où son regard avait croisé le sien et son cœur avait cessé
de battre le temps d’un instant.
Il s’agissait plus qu’un simple coup de foudre ; cette rencontre
l’avait déstabilisée. Baignée par une pluie d’émotions indescriptibles,
sa raison peinait à la maintenir les deux pieds sur terre. Juste à y
repenser, elle eut un frisson. Il fallait qu’elle le chasse de ses
pensées. De toute façon, il était pris. Seule son imagination de lui
coller des sentiments qu’il n’éprouvait sûrement pas à son égard,
entretenait cette idylle, en vain. Elle avait déjà assez de se
familiariser avec son nouvel environnement universitaire et cette
Darcy !
Au moment où elle se levait pour enfiler sa robe de chambre,
quelqu’un cogna à sa porte. Une main se glissa dans
l’entrebâillement et le battant s’entrouvrit tout doucement.
— Excuse-moi, je ne voulais pas te déranger. Est-ce que ça va ? lui
demanda Robert.
— Oui, bien sûr. Je viens tout juste de me réveiller.
— C’est Émy. Elle aimerait bien qu’on l’accompagne à Oxford.
— Aujourd’hui ? Ça ne peut pas attendre ?
— Elle a un travail d’équipe à faire et doit absolument y être.
— Je n’étais pas au courant.
Sarah trouva étrange qu’Émy ne lui en ait pas fait part. En plus, sa
sœur savait pourtant que ce week-end, elles séjournaient à Burford.
Pourquoi ne pas avoir reporté son entretien, dimanche soir, à leur
retour au collège ?
— Elle n’en a que pour une heure. Pendant ce temps, j’avais prévu
me rendre au centre d’enseignement médical de l’université,
rencontrer M. Clark. Tu aurais pu m’accompagner.
— Le Dr Allen Clark ? répéta-t-elle.
— Tu le connais ?
— C’est mon tuteur attitré. Quelle coïncidence !
— Il fait partie de notre équipe de recherche. Allen est très
respecté dans le milieu médical. Je suis heureux d’apprendre qu’il
supervisera tes études. Alors, tu nous accompagnes ? reprit-il en
levant les sourcils à la vue du linge éparpillé un peu partout sur le
bureau et le lit.
Sarah ignora ce regard de découragement de son paternel face à
son désordre.
— Je préfèrerais plutôt rester ici et en profiter pour prendre l’air
dans notre beau quartier paisible.
Elle n’avait visiblement pas envie de faire des allers-retours sans
but précis. Elle avait surtout un grand besoin de s’oxygéner, loin de
la ville. Son père semblait déçu.
— Tu en es certaine ? insista-t-il la main toujours posée sur la
poignée de porte.
— Plus que certaine ! On aura plein d’autres occasions de se
reprendre. De mon côté, je vais aller courir. La nature me manque.
— Oh pour ça, je n’en doute pas. Le grand air a toujours été un
besoin vital chez toi. Alors, sois prudente. On revient pour le souper
dans ce cas. Avant que j’oublie, il se peut que quelqu’un passe pour
me livrer un colis. Tu n’auras simplement qu’à signer pour moi et le
prendre. C’est pour le travail.
Puis il referma doucement la porte avant de s’éclipser.
Aussitôt que son père et sa sœur eurent franchi la porte d’entrée,
Sarah s’empressa d’enfiler un t-shirt avec son pantalon de jogging et
sortit à son tour. Elle huma à pleins poumons l’air frais de ce début
d’automne. Quel plaisir de se retrouver enfin dans cet
environnement ! Leur cour, sans voisin arrière, très distancée des
autres maisons avoisinantes, était également bordée par un
magnifique boisé. Elle sourit puis, s’élançant au pas de course, elle
s’engouffra dans l’étroit sentier menant à la forêt.
Le bruissement de ses pas sur le sol couvert de feuilles mortes et
de branchages résonnait tel un métronome à ses oreilles. Chaque
fibre de son corps vibrait sous l’effort déployé par ses muscles. Tous
ses sens en éveil, elle se laissa enivrer par la fraîcheur automnale
caressant ses joues rosies par la course, par l’odeur de la terre
humide qui lui chatouillait les narines et par les rayons du soleil
transperçant le feuillage dense des arbres géants de ce paysage
montagneux presque féerique de Burford. Tout son être en symbiose
avec cette nature était devenu si léger, si fluide que cela lui donnait
l’agréable sensation de connaître là, l’essence même de la vie. Mais
bientôt, la soif et la fatigue la ramenèrent à la réalité. S’adossant à
un arbre, elle prit sa gourde d’eau pour se désaltérer.
Tout doucement, la luminosité du jour s’estompa et le sentier
parcouru par Sarah semblait s’effacer sous la pénombre naissante.
Elle devait faire vite et rebrousser chemin pour ne pas se faire
prendre par cette noirceur. Le trajet ne comportait pas trop de
routes possibles, mais elle avait quand même dû à quelques reprises
décider entre deux voies. Même avec son bon sens de l’orientation,
sa capacité à retrouver le trajet parcouru dans le noir, surtout pour
une première fois dans cet endroit, avait ses limites. Un frisson lui
parcourut l’échine. Était-ce l’humidité qui l’avait transie ou
l’inhospitalité soudaine de cette forêt revêtant son manteau
nocturne ? Elle se ressaisit, chassant de son imagination parfois trop
fertile les images de films d’horreur ayant peuplé son adolescence.
Elle reprit sa course de plus belle et, après un moment lui ayant
paru une éternité, la toiture en pierre rustique de sa maison lui
apparut enfin, à travers les arbres. Sur un dernier élan, elle s’élança
et franchit les quelques mètres la séparant de la véranda.
Un bruissement attira soudain son attention. Elle s’arrêta net et
scruta l’endroit où elle avait cru apercevoir du mouvement.
Rien ne semblait perturber l’harmonie des lieux. Hésitante, Sarah
renonça finalement à s’aventurer dans les bosquets et rentra chez
elle, laissant derrière elle ce fantôme sûrement imaginaire.
10
L’étrange découverte

Le jet chaud de la douche ruisselait sur son corps depuis déjà une
bonne dizaine de minutes. Sarah tentait de détendre ses muscles
endoloris par le manque d’exercice et l’effort qu’elle avait fourni en
courant les derniers mètres.
Après un moment, elle coupa l’eau et étira le bras pour attraper sa
serviette. L’humidité flottant dans l’air avait embué le miroir. Tout en
s’essuyant, elle effleura du bout des doigts la peau au creux de sa
poitrine, légèrement sur la gauche. Elle ressentait encore, à
l’occasion, une sensibilité à cet endroit, depuis le cauchemar de ce
premier jour ici alors qu’elle sommeillait dans son hamac.
Étrangement, cette sensibilité se faisait aussi sentir à la base de son
cou, du même côté. Elle soupira ne sachant si elle devait s’en
inquiéter ou, au contraire, n’y porter aucune attention.
Elle enfila son peignoir et s’apprêtait à démêler ses cheveux
mouillés lorsque la sonnerie d’entrée résonna dans toute la maison.
Elle retentit non pas une fois ou deux, mais trois fois de suite.
— Ça va. J’ai compris. J’arrive, maugréa Sarah.
Elle s’épongea rapidement et descendit en vitesse alors que la
sonnerie se faisait entendre de nouveau.
Au moment d’ouvrir, elle aperçut par la fenêtre, un homme, d’à
peine son âge, vêtu d’un pantalon et d’une chemise bleu marine qui
tournait les talons.
Ça doit être pour le colis, se rappela Sarah.
— Attendez !
Surpris, le garçon pivota vivement sur lui-même.
— Bonjour ma-de-moi… selle, bégaya-t-il visiblement gêné à la
vue de Sarah.
Il ne savait plus où regarder. Cette fille le troublait drôlement avec
ses grands yeux verts et ses longs cheveux mouillés en cascade
autour de son visage. Il tenta de se ressaisir.
— Est-ce que le docteur Manseau habite bien ici ? se reprit-il.
Son visage vira du rose au rouge tandis que Sarah le dévisageait.
— Je dois lui remettre ce colis et j’ai besoin d’une signature,
enchaîna le jeune homme.
Sarah jeta un coup d’œil à la boîte en question. Le garçon
toussota de nervosité, incommodé par le silence qui s’était installé.
Sarah intervint :
— Désolée ! Oui, vous êtes à la bonne adresse, mais il n’est pas là.
Je suis sa fille. Où dois-je signer ?
Il lui remit le colis et partit en coup de vent. Sarah souriait à l’idée
de l’avoir déstabilisé.
Elle déposait la boîte sur le comptoir de la cuisine lorsque le
téléphone sonna.
— Pas moyen de finir ma toilette tranquille !
Le téléphone sans fil n’était pas à sa place habituelle sur le bahut.
Deux sonneries distinctes en provenance du sous-sol résonnèrent de
nouveau. Dans la pièce servant de bureau à Robert, elle finit par
trouver un des combinés sur une petite étagère ; l’autre reposait sur
un imposant bureau en chêne. Sarah répondit.
— J’aimerais parler à monsieur Manseau, s’il vous plaît ! demanda
une voix grave.
Elle informa son interlocuteur que Robert devait rentrer sous peu
et prit le message. Elle s’assit ensuite dans le fauteuil derrière le
bureau et observa la pièce avec une certaine nostalgie. Son père
avait su rendre cet endroit similaire à celui qu’il possédait jadis dans
leur ancienne demeure à Montréal. Il aimait y garder des objets de
valeur et ceux-ci une fois leur place déterminée, y trônaient telles
des œuvres d’art, comme dans un sanctuaire. Il avait même fait
venir par bateau du Québec cet énorme bureau en chêne massif
dont il n’arrivait pas à se défaire, un cadeau de noces de sa défunte
épouse.
Un souvenir vint à l’esprit de Sarah : son père les réprimandant,
elle et sa sœur lorsqu’elles étaient plus jeunes. Il les avait surprises
à jouer dans son sanctuaire. C’était strictement défendu d’y entrer
au risque d’être sévèrement puni. C’était la seule chose qui pouvait
vraiment mettre son père hors de lui. Aujourd’hui encore, bien
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infere-se com facilidade que extraordinaria força taes medidas
dariam á nova clientella cabralista.
Procedia o ministro movido apenas pela ambição pessoal de se
consolidar, fomentando-a? Não o acreditemos, porque, para além
d’esta consequencia, taes factos teem maior alcance. Pois não era
verdade, confessada, reconhecida por todos, a incapacidade do
povo, e o mallogro das experiencias democraticas e localistas? Que
havia pois a fazer, de que recurso lançar mão: senão centralisar o
poder, chamar o governo a uma minoria consistente e forte;
deixando de pé, para não aggravar questões, todas as fórmulas que
podendo ser viciadas não prejudicassem o plano? Encerrado um
circulo da sua existencia, o liberalismo vinha caír n’uma oligarchia
de facto, revestida de fórmulas e garantias ficticias. Na Hespanha e
em França acontecia outro tanto; e lá e cá, depois das reacções que
o absolutismo novo, illustrado, provocou, o liberalismo cedeu o lugar
ao scepticismo politico mais ou menos cesarista do imperio francez,
e da Regeneração portugueza.
Conhecemos, pois, nos seus traços essenciaes, o novissimo
systema, e como não póde haver politica sem uma base de
elementos e forças positivas a que se apoie, resta-nos saber quaes
eram as do cabralismo. No decurso do nosso estudo achámos duas
já: a aristocracia nova do propriedade e da finança, e a burocracia.
Mas estes dois elementos, preponderantes e decisivos na paz, não
bastavam para resistir á força material das numerosas plebes
agitadas pela democracia setembrista. O governo, desarmando e
dissolvendo as guardas nacionaes, eliminára a melhor arma de que
ellas dispunham nas cidades; mas restavam os campos, com os
habitos de guerrilha, enraizados por annos de guerra e anarchia.
Contra esses tinha o governo o exercito: porque todos os
commandos estavam nas mãos de generaes fieis e a officialidade
fôra depurada.
A restauração consummada por uma porção de tropa, tinha, de
facto, nos soldados o mais firme apoio, porque a adhesão decidida
do throno valia menos em uma nação a que per vim se impozera
uma dynastia nova, discutida desde a origem e atacada,
escarnecida, humilhada muitas vezes. A rainha era, comtudo, o
primeiro funccionario da nação, e não valia mais nem menos do que
a burocracia toda, com a qual se inscrevera na nova clientella
cabralista. Se lhe não succedeu como a Luis-Philippe, ou a Isabel ii,
caír com o systema, foi porque a Hespanha, a Inglaterra e as França
vieram juntas defendel-a em 47.
Burocracia, riqueza, exercito: eis os tres pontos de apoio da
doutrina; centralisação, oligarchia: eis o seu processo; mas nem as
fórmas nem as forças bastam para constituir um systema: são
apenas consequencias subsidiarias d’elle. Que era, no fundo, a
idéa? Seria o racionalismo espiritualista do seculo xviii que prégava,
contra o catholicismo, pela bocca da maçonaria, uma religião nova?
Não; a doutrina reconhecia o catholicismo, lavrára já a sua
concordata com Roma, e via nos padres excellentes instrumentos
de governo. A maçonaria perdera havia muito o caracter
revolucionario, e a revolução perdera tambem as ambições
religiosas. Como os casulos do bombyx ficam depois que a
borboleta voou, assim ficavam as lojas, rede de sociedades secretas
subsidiarias das sociedades politicas visiveis, a que o segredo e o
mysterio, porém, seductores dos simples, augmentavam até certo
ponto a força. Costa-Cabral afeiçoara tambem essa machina ao
serviço dos seus designios e ambições.

Se elle se propunha defender os ricos para consolidar a ordem, á


maneira do religioso Guizot, ou se, menos idealista nas suas vistas,
queria a ordem apenas como instrumento de enriquecimento do
paiz, é o que nos não sentimos habilitados a dizer; pensando,
comtudo, mais provavel a segunda hypothese. Como quer que seja,
era por esta que a sociedade opinava, já começada a converter ao
materialismo, sob a primeira fórma com que elle modernamente
appareceu; era para o materialismo pratico que a sociedade,
desilludida das chimeras liberaes, começava a pender.
Isso a que depois veiu a chamar-se melhoramentos-materiaes,
isto é, a construcção das obras publicas e o fomento da riqueza, eis
o que nós vemos como essencia do novo cartismo. A do antigo,
sabemol-o bem, fôra aristocratica. E, singular energia da realidade!
Costa Cabral, o percursor da nova edade portugueza, veiu a ser a
victima da Regeneração que, por outras palavras e com outros
meios, havia de executar-lhe o programma. A antiga educação
jurista e liberal do ex-tribuno dos Camillos compromettia com
doutrinas um movimento que, para vingar, exigia apenas
scepticismo: assim em França, tambem acontecia a Guizot, e os
regeneradores foram o nosso Segundo Imperio.
Mas, além d’estes defeitos de educação, o plano do Costa-Cabral
falhava por outro lado. José da Silva Carvalho antes, Fontes depois,
comprehenderam que a melhor finança para um paiz exhausto era
importar do fóra o dinheiro. Costa-Cabral, seguindo n’este ponto os
erros setembristas, pensou que os numeros, calculos e operações
phantasticas dos agiotas bastavam para inventar uma riqueza que
não existia. D’ahi veiu uma banca-rota precipitar a ruina do systema,
batido tambem por outros inimigos.
Costa-Cabral foi o iniciador dos caminhos-de-ferro, principal
instrumento com que depois se operou a restauração da riqueza
nacional; e a sua idéa de construir uma linha entre o Porto e Lisboa
e outra de Lisboa a Badajoz era considerada pelos politicos da
opposição a doidice de um vidente. O conde de Lavradio, na
camara, (Sess. de 3 de fevereiro 1846) assegurava que entre Lisboa
e Porto não haveria, ao anno, mais de seis mil passageiros; e
Cabral perguntava-lhe: «E se forem trezentos mil?—Isso não é
possivel, porque não ha no paiz viajantes para tanto movimento».
Qual dos dois via mais claro no futuro? Os caminhos-de-ferro
rematariam o systema de estradas macadamisadas, contratadas
com a companhia das obras-publicas; e regularisada a questão do
Thesouro—hoc opus!—estaria completo o programma da
regeneração economica do paiz.
O estadista que com tamanha audacia e tão variadas artes
pretendia chamar á industria uma nação que fôra desde seculos o
emporio ou a dependencia de um systema colonial, agora
abandonado e caduco na parte que se não perdera, esquecia que
no reino extenuado e doente, costumado á protecção e á preguiça,
não havia os capitaes moveis necessarios para realisar as obras
projectadas. Havia, sim, grossas quantias dispersas e infructiferas;
mas a maxima parte d’ellas, ou a parte de que o Estado podia dispôr
sem ir atacar a propriedade individual, pertencia ainda ás
corporações de mão-morta que tinham escapado ao cutello liberal:
ás misericordias e confrarias, instituições religiosas de beneficencia,
cujos fundos o povo não estava ainda costumado a vêr mobilisar.
Fazel-o, parecia um roubo. E o governo, atrevendo-se a tanto, e
propondo ao mesmo tempo augmentos de impostos, tornava facil
aos seus inimigos um ataque apoiado em instinctos de populações
vexadas já por uma administração oppressora.
Não está porém n’isso a causa particular da ruina do edificio
cabralista, mas sim na essencia do seu plano de restauração da
riqueza nacional. Implantando entre nós o systema seguido lá por
fóra de enfeodar os serviços publicos a companhias de
especuladores, o cabralismo obedecia no principio da sua formação:
era uma clientela dos ricos. Confiando a aventureiros o encargo de
realisar o plano das obras-publicas, o governo chamava em seu
auxilio a intervenção da agiotagem. Isto não era original, nem
particularmente nosso: tambem Guizot dizia aos seus: enrichessez-
vous! Mas uma nação como Portugal, ainda commovida pelos odios
pessoaes e partidarios, demasiadamente afastada da Europa
central, quer geographica, quer economica, quer scientifica e
religiosamente, para ter solidariedade com ella, nem podia contar
com a paz indispensavel ás regenerações economicas, nem esperar
que os capitaes europeus viessem encher os cofres das
companhias de agiotas portuguezes. Nem a formação de
companhias estrangeiras, nem a importação de muito dinheiro por
emprestimos successivos, eram possiveis ainda, como depois o
foram; e sem elles as combinações eram chimeras.
D’ahi resultou que as companhias, formadas apenas com os
recursos de que a nação dispunha, não viram o ouro a authorisar os
numeros; e mirradas, seccas, encastellando algarismos e trapaças,
sem conseguirem bater moeda, voltavam-se implorantes para o
governo que as creara com o fim de o auxiliarem a elle. E,
entretanto, vencidas por fas ou por nefas, as eleições de 45, o
governo apparece como triumphador, patenteando um plano largo e
vasto de administração e fomento. (V. Diario de 2 de janeiro, 46)
Tres annos de paz e trabalho haviam permittido já desembaraçar o
terreno dos obstaculos praticos; e organisados os serviços, cumpria
realisar o pensamento. A divida externa converter-se-hia n’um typo
unico de 4 por cento, equilibrava-se o orçamento, e a companhia
das Obras-publicas apparecia para restaurar a viação d’onde viria a
fortuna ulterior. Havia esperança e fé. O 5 por cento estava a 70; o 4
a 57; e as companhias (Confiança, banco, etc.) solidariamente
ligadas á situação cartista, viam na conservação do governo e na
victoria do seu systema futuros de riquezas douradas. Nunca a
emissão do banco fôra tão longe: passava de 9:000 contos.
Mas a victoria politica do governo dava lugar a uma derrota do
systema, como veremos; a prosperidade do edificio financeiro
encobria mal a sua falta de alicerce. Um vento de desordem que
soprasse, e ficaria feito em pó. Era um amalgama de supposições
de valores, tendo como realidade unica um vasio absoluto. As
companhias pediam a protecção do Thesouro; e o Thesouro
sacava-lhes todo o dinheiro disponivel, para com elle poder
apparentar abundancia. 5:000 contos se deviam ao banco; 6:000 á
Confiança. E como não havia dinheiro e só esperanças; e como as
companhias não passavam afinal de agentes do governo, ao qual
iam entregar fielmente o pouco que obtinham; e como o governo
não poderia, ainda que o quizesse, encobrir as fraudes, os roubos,
dos agiotas cujo representante era—o systema alluia-se por todos
os lados, quando parecia ter chegado á sua perfeição.
Bastou uma revolução para deitar por terra os castellos de cartas
dos Laws cabralistas; mas houve fomes e sangue derramado,
porque a doutrina não tinha outra base além do ouro e o ferro.
Agiotas e soldados a defendiam; acabou com uma guerra e uma
falcatrua.

A sua grande falta, a sua fraqueza invencivel eram a ausencia de


um principio moral, porque nem a ordem imposta pela força, nem a
riqueza creada contra a justiça chegam a ser principios; nem o é a
idéa de que uma nação obedeça ao pensamento exclusivo de se
enriquecer. Quando isto se préga, succedem casos analogos aos
que succederam aos jesuitas: pervertem-se os ouvintes e logo se
corrompem os prégadores. Ou se criam monstros, como as missões
do Brazil e do Paraguay[27] e as companhias cabralinas, ou se cáe
na profunda atonia portugueza do seculo xviii ou na singular, chatin
regeneração.
Enriquecer é bom, indispensavel até; mas a riqueza é um meio e
não um fim.[28] Errando n’este ponto, dando á força bruta um papel
excessivo, confiando de mais no entorpecimento do povo e na
fraqueza dos inimigos: o cabralismo tinha na sua doutrina a causa
fatal da sua ruina, e o motivo necessario dos erros e do descredito
de chefes que precipitaram a queda inevitavel do systema.
Levantavam-se contra homens e systema elementos de varias
ordens: era a repugnancia instinctiva do caracter setembrista pelas
trapaças agiotas, eram os odios pessoaes, eram as resistencias do
povo contra os ataques a restos de instituições historicas e
costumes religiosos, era o bandidismo guerrilheiro fervendo por
voltar a uma existencia de aventuras, era a tradição democratica do
setembrismo que se não convertera, eram a resistencia e o protesto
contra a tyrannia da administração e as violencias das eleições, era
finalmente a existencia de numerosos officiaes expulsos das fileiras
por opiniões politicas.
Eis os elementos positivos da reacção que vamos vêr erguerem-
se, para condemnar a ultima tentativa de liberalismo doutrinario;
para lançar ao ostracismo o seu defensor; para concluir por fim o
periodo propriamente liberal, abrindo uma éra nova de scepticismo
politico, em que o velho idolo da liberdade, apeiado, cede o altar
ao deus novo: o utilitarismo, pratico, positivo, conciliador e moderno,
ou antes, actual.

NOTAS DE RODAPÉ:

[26] V. O Brazil e as colon. port. l. ii, 1.


[27] V. O Brazil e as colon. port. I, 4-5.
[28] V. O Regime das Riquezas, introd.
II
A REACÇÃO
1.—A COALISÃO DOS PARTIDOS

No decreto (10 de fevereiro) em que a rainha declarara adherir á


revolta armada em Coimbra dizia-se que a carta seria reformada,
mas logo que o gabinete se constituiu, quinze dias depois, com
Costa-Cabral, viu-se que a promessa ficava em cousa nenhuma: era
a carta, tal qual existia antes de 1836; pares hereditarios, eleições
indirectas. Mousinho d’Albuquerque, reconhecendo que apenas
passára pelo governo para preparar a entrada de Costa-Cabral,
abandonava o seu duque e collocava-se em opposição.
Ia haver eleições, porque o novo systema não era nem pretendia
ser uma dictadura, mas apenas a maneira de fundar uma legalidade
que servisse de escudo a um absolutismo de facto. E na vespera
d’essas eleições ligaram-se todas as clientelas ou partidos contra o
inimigo declaradamente commum. Eram os velhos setembristas da
gemma, com a geração nova ainda mais radical; eram os ordeiros,
antigos cartistas, expulsos do poder; eram cartistas não cabralistas,
e por fim miguelistas. No seio do constitucionalismo via-se
exactamente o mesmo que a Edade-media, com o seu feodalismo,
apresentára. A sociedade, dividida em bandos rivaes o inimigos
unidos em volta de um chefe, existia á mercê dos pactos, allianças e
rivalidade dos barões. Contra o feliz, vencedor temporario, eram
todos alliados, para se formarem combinações novas, assim que o
ramo da victoria passasse a mãos diversas. Nos seculos passados,
comtudo, não havia as mais das vezes por motivo declarado senão
a ambição pessoal, ainda que não fosse raro vêr-se, como agora,
servirem principios de capa aos despeitos e interesses. Nos seculos
passados, os debates eram campanhas, e agora pretendia-se que
fossem comicios e discussões e votos; mas como isso não bastava
muitas vezes, logo se appellava para a ultima ratio, a revolta.
A coalisão dos partidos preparou a batalha das eleições com um
Manifesto (30 de março de 42): «Haverá um simulacro de
representação nacional, dizia. A universalidade da nação
portugueza, fraccionada pelas diversas opiniões politicas, verá
passar pelo meio d’ella um bando pequeno de homens compactos e
ligados por seus interesses pessoaes, e obter um falso triumpho,
devido não só á sua força, mas á divisão dos seus contrarios.» Mau
prenuncio para quem desenhava tão realistamente uma situação
que pretendia dominar. Como esperava a coalisão vencer, se o
disparatado das ambições congregadas obrigava a declarar a
independencia dos credos politicos, e se a alliança tinha por fim
unico a batalha? Se ganhasse a victoria, de quem seria o ramo?
Novas contendas surgiriam sem duvida, o com ellas o estado
anterior de desordem.
Costa-Cabral venceu, e devia ser assim. Quem o havia de matar
não podia ser a opposição, mas sim a desorganisação e o
descredito do seu novo e tambem ephemero liberalismo. Agora,
porém, começava apenas a viagem e tudo eram confianças e
esperanças. Havia adhesões numerosas, e trabalhava-se. Palmella,
convertido depois da sua triste entrudada, dava ceremoniosamente
a mão ao governo, e ia a Inglaterra negociar o novo tratado que
congraçaria de novo comnosco a nossa protectora, coarctando as
temeridades proteccionistas do setembrismo. Publicára-se o codigo
administrativo. (18 de março de 42) Reconstituia-se a ordem, por
dentro e por fóra; e confiava-se que tivesse chegado o momento de
pensar no futuro. Por isso se legislava sobre a Instrucção, se
levantava o theatro romantico, se projectavam estradas e pontes.
Tinham-se, porém, liberal, constitucionalmente, convencido os
colligados da adhesão do reino ao seu novo regime? Não, nunca:
pois que cada qual possuia uma verdadeira traducção de
liberdade, a questão era para todos radical, e viciosa qualquer
legalidade que não fosse a propria. O principio da anarchia
constitucional desvairava, assim, os simples, servindo os
programmas de capa aos habeis para esconderem os seus motivos
particulares. Batidos na urna, appellaram para a guerra. Uma lucta
desabrida de improperios, na camara em discursos e fóra d’ella nos
jornaes e folhetos avulso, preparava o terreno para a desejada
insurreição em armas.
A coalisão dizia que «Palmella, por mandado do vil e infame
governo, fôra negociar o tratado de commercio: por patriotismo, os
fabricantes deviam fechar durante quinze dias as suas officinas.»
(Circular de 9 de agosto) Duas semanas sem pão, ociosos nas ruas
os operarios de Lisboa, repetir-se-hiam as scenas de 38 e caíria o
governo. Planeava-se a revolta, a que Passos chamou
«bambochata». E, com effeito, era tal a desorganisação, que os
miguelistas começavam já a esperar e por isso a abster-se, vendo
circumstancias opportunas para se effectuar uma restauração
nacional.» (Circ. de Saraiva, 24 de junho de 43)
A revolta declarada ia precipitar o ministro no campo das
repressões violentas, forçando-o a desmascarar a sua legalidade
que, no fundo, era de facto a brutalidade da força; levando-o a
mostrar com franqueza o genio duro e secco, esse genio que em
outros tempos e com outra estabilidade de instituições, teria levado
os inimigos ao mesmo caes de Belem, onde Pombal conduziu os
que lhe resistiram.[29]
Como o ministro de D. José, tambem o novo Pombal do
constitucionalismo era abocanhado e discutido na sua honra. Não
era credor, ou affigurava-se a muitos não ser, do respeito com que
uma reputação limpa ampara a força. Era temido, mas nem era
venerado, nem chegava a ser tomado a sério pelos antigos
companheiros que o tinham conhecido humilde, esbaforido, a
declamar nos Camillos. Vêl-o assim erguido sobre todos,
desesperava os que, por lhe não terem ouvido phrases pomposas e
poeticas, lhe negavam um talento que para romanticos estava
principalmente no estylo e na imaginação. Não era admirado: pelo
contrario. E o peior era que a sua honestidade não deixava de ser
discutida. Valiam mais e iam mais fundo esses ataques, do que as
investidas declamatorias e os protestos contra a tyrannia. Á força de
as ouvir, os ouvidos estavam saciados d’esse genero de esgrima;
mas quando se dizia que o ministro se vendia, conciliavam-se todas
as attenções.
Usar do dinheiro como instrumento liberal fel-o do certo. «Dêem-
me dinheiro e deixem o resto por minha conta», parece que disséra
ao entrar no governo, nas vesperas das eleições de 42. (Costa
Cabral em relevo) E os seis contos—oh modestia spartana!—que
recebeu e gastou, foram o ponto de partida para as accusações da
venalidade. Vendera um pariato, dizia-se, recebendo como prenda
um palacete. Quem do Ultramar queria commendas, mandava o
pedido acompanhado por uma ordem de dois contos para um
banqueiro. (Ibid.) E sem duvida, á sombra do ministro que
governava com o dinheiro, formara-se um batalhão de gente,
especulando com tudo: contractos, empregos e graças. No norte do
reino parece que havia um intimo, outr’ora preso por falsario e
ladrão, a quem os pretendentes se dirigiam para resolver as
pendencias que tinham em Lisboa, discutindo-se, não o direito, mas
sim a quantia. (Ibid.)
A propagação de taes accusações mostrava o calcanhar do novo
Achilles. Quando todas as fontes de authoridade politica se
estancam, resta apenas a authoridade pessoal: e nada ha melhor,
para a destruir, do que o uso da arma acerada que fere um homem
com o labéo de venal. O povo crê sempre, porque é pessimista:
tinha Portugal motivos para ser outra cousa? E para destruir uma tal
crença, não raro illusoria, nem provas bastam. O politico é como a
mulher de Cesar: além de honrada, (quem sabe? até não o sendo) é
mister que o pareça.
O nosso ministro não conseguia parecel-o, e soffria as
consequencias do seu plano de governo: «Enriquecei!» era o
conselho se Guizot, a quem ninguem taxou de deshonesto. Em
Portugal, os costumes eram mais soltos, a virulencia maior; e se
ninguem fôra ainda atacado de um modo tão cruel, isso prova que
ninguem, tampouco, ainda mostrára uma força e um genio tão
superiores. Outro Pombal, repetimos, o novo ministro ficaria tão
celebre como o antigo, se achasse ainda de pé uma qualquer
authoridade social. Nas ruinas universaes não tinha com que
construir, e os elementos que iam rebellar-se contra elle obrigal-o-
hiam a empregar, francamente a força núa como instrumento de
conservação.
2.—TORRES NOVAS E ALMEIDA

O melhor d’essa força era a tropa, mas usar d’ella na defeza de


um governo e de um systema cuja origem era discutida, tornava
logo o exercito em instrumento partidario, roubando-lhe esse
caracter mudo e passivo, sem o qual vem a ser um perigo
permanente. As condições da nossa historia, o abatimento caduco
do nosso povo, tinham feito com que, desde 20, as revoluções
portuguezas—sem excluir a de 32-4—fossem emprezas militares.
Os chefes de partido, Silveiras, Terceira, D. Pedro, Saldanha, Sá-da-
Bandeira, eram invariavelmente generaes; e agora, com Costa-
Cabral, pela primeira vez se via o governo positivo nas mãos de um
paisano, mas sob a presidencia de Terceira, com a adhesão de
Saldanha, marechaes do exercito.
Educado desde largos annos na tradição dos pronunciamentos, o
exercito era, portanto, como que uma prolação dos partidos: uma
parte, armada, das clientelas. Vê-se que desordem isto produziria. A
parcialidade vencedora dispunha em proveito proprio do material de
guerra: soldados, espingardas, canhões, etc., expulsando os
officiaes hostis para o quadro da inactividade, e mantendo, assim,
uma como que emigração dentro do reino, constantemente
preocupada de politica e tramando a victoria dos seus, a queda dos
contrarios. Com a exaltação de Costa-Cabral, as cousas tinham
chegado ao ponto de os coroneis pedirem aos officiaes
arregimentados palavra d’honra de se não bandearem; e os officiaes
davam-n’a e faltavam por dinheiro que recebiam, e quando a não
davam eram riscados do effectivo. (Apont. hist. cit.)
De tal situação nasceu a revolta de Torres-Novas, a que Passos-
Manuel chamou bambochata. Commandava ahi cavallaria 4 o
coronel Cesar de Vasconcellos, (depois feito conde do lugar da
façanha) que se pronunciou contra o governo (4 de fevereiro de 44),
e ao regimento foram juntar-se os militares inactivos. No dia
seguinte, Costa-Cabral pediu ás camaras a suppressão de garantias
e as leis marciaes, e obteve-se no meio dos clamores da opposição:
Mousinho d’Albuquerque, Aguiar, Gavião e Silva-Sanches, Garrett,
nos deputados; Lavradio, Taipa, Sá-da-Bandeira, Fonte-Arcada, nos
pares. Clamando, os opposicionistas encobriam mal, sob
expressões juridicas, a sua cumplicidade na sedição militar;
appellando em gritos violentos, exclamações dirigidas ás galerias,
para um motim popular.
Bomfim, o ordeiro antigo, pozera-se á frente da desordem, e a
praça de Almeida pronunciara-se tambem: ahi se achavam o
coronel Passos e José-Estevão que deixára a camara pelo campo.
(Oliveira, Esboço hist.) A coalisão dava de si uma revolta militar, e o
governo via os miguelistas a levantar a cabeça no meio da anarchia.
Beirão que viera á camara, eleito por elles, alliciava os estudantes
realistas em Coimbra, recrutando soldados para Almeida, d’onde lhe
escreviam que mandasse o Rebocho, para Minzella, agitar-se.
(Disc. de Cabral, 18 de outubro de 44) Para Almeida foram de
Torres-Novas as tropas, e sem poderem arrastar comsigo nenhuma
parte do paiz, acharam-se ahi encerradas em abril. O exercito fiel ao
governo cercava-as. Em vão saíu José-Estevão, romantica,
aventureiramente, a revolucionar Traz-os-Montes, passando a
fronteira e indo entrar em Moncorvo; em vão bateu ás portas de
Chaves, de Bragança e de Murça: ninguem respondeu; mas
ninguem tampouco entregou o estouvado romantico, pelo qual
Costa-Cabral offerecera, ao que se affirma, o premio de dois contos.
(Oliveira, Esboço hist.) Almeida capitulou, os vencidos emigraram, o
governo venceu; mas a victoria obrigava-o á crueldade e a derrota
exasperava os animos dos submettidos á tyrannia de um homem
que desprezavam.

Das ruinas da revolta renasceu mais firme a coalisão, para as


eleições de 45. Havia uma guerra declarada contra o governo, cujo
existencia era um incessante combate. Todos os chefes e clientelas
apertavam as mãos, esquecendo odios antigos no ardor do odio
novo contra o aventureiro que os batia a todos. O calor era tal que o
povo como que accordava, interessando-se e intervindo nos
debates dos politicos, emittindo opiniões e pareceres. «A mania
politica tem acommettido todos os habitantes da capital, desde o
fidalgo e o par do reino até ás fezes da plebe. Apenas os pobres
pretos de Africa que passeiam aos milhares pelas ruas de Lisboa
não discutem politica». (Lichnowsky, Record.) A rede de sociedades
secretas, que minavam o reino, estabelecia um sub-solo á politica
apparente. Costa-Cabral era chefe de uma maçonaria sua,
herdando o malhete que fôra de Silva-Carvalho e de Miranda: o
centro cartista. Saldanha perdera o posto supremo da maçonaria
opposta, desde que se bandeara em 35, deixando o grão-mestrado
a Manuel Passos, que dirigia tambem outros conventiculos:
templarios, vendas-carbonarias, etc. (Macedo, Traços)
A alliança das opposições já tinha um jornal, a Coalisão que,
francamente, accusava tanto o governo pela sua tyrannia, como o
povo pela sua indolencia.
Ha no paiz muito homem que não sabe lêr. Ha muito
homem que sabe lêr, mas não lê. Ha muito homem que lê,
mas não entende. Ha muito homem que lê e que entende,
mas que tem medo, que é vil como um porco e cobarde como
um veado. Ha muito homem que vê as desgraças publicas,
mas não as quer remediar; ou porque treme de susto, ou
porque ganha com a carrapata. Aos que vivem da sopa
gorda, da olha podrida do orçamento não ha que dizer ...
Folgam com as listas de côr, de carimbo e de tarja, morrem
pelas transparentes. Fingem que vão coactos, mas vão
contentes. Votam pela comezana: gostam da boa fatia do pão
do nosso compadre Povo.—Ó Costa-Cabral! quantas vezes
terás tu dito como Tiberio, vendo estes poltrões, estes
sanchopansas da liberdade: ó homines ad servitutem
paratos! (Coalisão, 10 de janeiro)
Mas este tom, de uma sinceridade triste, não era o que convinha
na vespera da batalha: «Á urna! á urna! abaixo todos os ladrões e
comedores! Empregados, ladrões, falsarios e prevaricadores, votae
com o governo: não vos queremos. Tratantes! pertenceis de corpo e
alma ao ministerio». (Coalisão, 15 de janeiro.)
Costa-Cabral ainda confiava, ainda esperava dominar a tormenta
que todos os dias crescia. Tinha o exercito, tinha a burocracia, via-
se apoiado pelas nações alliadas; o balão da finança entumescia-se,
e o proprio Tojal, da Fazenda, mettera tudo quanto tinha n’uma
operação de fundos, de sociedade com banqueiros de Londres. A
rainha entregara-se nas mãos do seu homem-novo, no qual via uma
coragem e uma força! ella que, se fosse homem, faria exactamente
o mesmo, ou mais ainda por ser monarcha.
O ministro plebeu não podia resistir ás tentações da vaidade
palaciana: não via que as honras com que a rainha o exalçava, o
diminuiam no espirito commum. A sinceridade democratica do povo
e a inveja dos ambiciosos juntavam-se para ridicularisar o parvenu.
A fortuna que juntára no poder, alvo de tantas accusações,
permitira-lhe comprar as terras de Thomar, com o velho castello
templario, onde o moderno burguez afidalgado, occupando as salas
historicas povoadas de sombras romanticas de cavalleiros, as
enchia de festas banaes por occasião da visita da sua liberal
soberana:

Na cathedral de Lisboa
Sinto sinos repicar:
Serão annos de princeza?
D’algum santo o festejar?
É a rainha que se parte
Té ás terras de Thomar.
..............................
Em vez das armas antigas
Dos nobres valentes Paes,
Na fachada, sobre o portico,
Vêem-se hoje as dos Cabraes
Que em seu campo ensanguentado
Por brazão tém tres punhaes.

(Xacara da visita da rainha, etc.)


O romantismo vingava-se, e as formulas da nova arte-poetica
mostravam servir para muito. Era um romance á imitação dos da
collecção de Garrett, e em que a mais desbragada calumnia não
perdoava a ninguem. Já não bastava a honra do ministro, exigia-se-
lhe a da esposa e a da propria rainha. Os dois casaes, o das
Necessidades e o de Thomar, viviam n’uma indecente
promiscuidade. A castellan dizia á rainha:

Mas não venhas tu sósinha


Traz tambem o teu esposo
Lá das terras d’Allemanha
Esse moço tão formoso,
De louros, finos, cabellos
Gentil, nobre, valoroso.

E ao castellão «todo vestido de gala—cinge-lhe a fronte a


armadura», ao mesmo tempo que «praticava mui de manso» com a
rainha «recostada em molle sophá.» Um temporal interrompe as
festas, e vem o mendigo-povo cantar a lenda que termina:

E o Senhor decretou
Exterminio á geração
Sobre essa raça maldita!

Assim, em artigos e trovas, se tirava a desforra de uma revolta


suffocada, infiltrando no animo do povo um desprezo e um odio
condemnadores do ministro e da rainha, do systema e das pessoas.
A colera politica subia de grau, e a liberdade na imprensa—tão
verberada por Passos!—invadia as alcovas principescas,
mostrando-as ás plebes. Onde conduziria um tal systema? Não
tinham os miguelistas razão para se prepararem e esperar?
Batidas por fim de frente, por um homem superior e forte que
lançára mão dos elementos ainda resistentes da sociedade
portugueza, as parcialidades politicas, relativamente tolerantes entre
si, não podiam admittir a invasão e o imperio d’esse intruso
importuno; mas elle proprio, que não se atrevia, nem poderia, nem
pensaria, em rasgar a carta, mandar á fava o liberalismo, e voltar
ao governo pessoal, puro: que lhe restava senão curvar a cabeça á
tyrannia das fórmulas? E se as influencias de todos os chefes
politicos, alliados contra elle; se a acção de um ataque incessante á
sua pessoa e á sua honra, tinham concitado uma tempestade que o
faria ser batido na urna: que remedio lhe restava, senão esse
expediente da violencia sob a capa de legalidade? o processo de
mentira descarada, em vez de hypocrita como d’antes? esse
processo que o mantinha, desacreditando-o, arruinando-o cada vez
mais?
Vencer, por fas ou por nefas, as eleições, n’esse anno de 45 da
decisiva batalha, era para Costa Cabral o mesmo que viver ou
morrer. Lançou, pois, mão de tudo, e foi ás do cabo. Tres camaras-
municipaes protestaram, vindo a Lisboa os vereadores implorar a
rainha: á de Evora voltou-lhe ella as costas, a de Villa-Franca foi
presa, e ambas, com a de Faro, dissolvidas. A opposição estava
inteira a postos; o programma era o antigo Manifesto da coalisão,
com o discurso de Manuel Passos, em 18 de outubro anterior. Em
Lisboa reuniam-se Mousinho de Albuquerque, Aguiar, Sá-da-
Bandeira, Herculano, José Maria Grande, Marreca, Rio-Maior,
Jervis, Garrett; José Passos tinha o Porto; Bertiandos, o Minho;
Povoas, não annuindo á abstenção ordenada por D. Miguel, da
Guarda mandava na Beira; o conde de Mello em Portalegre; Manuel
Passos e o barão de Almeirim em Santarem. (Macedo, Traços)
Nenhuma das conhecidas tricas para levar a Urna a dizer o que
se deseja—como nos velhos oraculos sagrados!—fôra esquecida
pelo governo. Os recenseamentos eram taes que não incluiam
nomes como os do marquez de Niza, da Fonte-Arcada, do
Felgueiras juiz no supremo tribunal, de Garrett, etc. Incluiam, porém,
mendigos e lacaios, aguadeiros e defunctos; incluiam nomes
imaginarios, e soldados e marinheiros. As listas eram marcadas:
transparentes, pautadas, carimbadas, tarjadas, numeradas. Os
individuos influentes e perigosos eram presos arbitrariamente: assim
aconteceu a Rezende em Aveiro, a Balsemão em Penafiel. Os
governadores-civis distribuiam aos galopins mandados de captura
em branco. E onde as tricas não bastavam, apparecia a força bruta.
Em Alvarães e Porto de Moz houve descargas cerradas de fusilaria.
D. João de Azevedo foi espancado no Porto, onde as assembleias
se reuniam cercadas de tropa, junto dos quarteis. O visconde da
Azenha teve de emigrar de Guimarães; o de Andaluz, em Pernes,
bateu a tropa com um bando de gente armada. Para Villa-Franca foi
maruja e artilheria. No Sardoal a tropa de bayoneta calada impediu
a entrada dos eleitores na assembleia. Por toda a parte houve
prisões, mortes em muitos lugares. A violencia vinha rematar o
systema de perseguições fiscaes: iniquidade na repartição do
imposto, crueldade com os devedores das misericordias e
irmandades, denegações de justiça, etc. (Macedo, Traços) Para
forjar um simulacro de parlamento, para aguentar a sophismação da
doutrina, chegava á maxima tyrannia, atacando-se as mais
necessarias garantias dos cidadãos.
Costa-Cabral venceu: se victoria se póde chamar a empreza que
o precipitou n’uma revolução.
No seio da sua camara unanime de clientes e funccionarios expoz
então o vasto plano dos seus projectos; mas na outra camara, os
pares protestavam clamorosos, erguendo-se acima de todas a voz
sibilante de Lavradio, e dominando a scena a figura de Palmella
que, moderado sempre, inclinava outra vez para o lado da
opposição.
Cá por fóra os protestos corriam soltos e sem piedade:
Que podemos nós esperar, quando a nossa vida, a nossa
fazenda, a nossa liberdade estão á mercê de um punhado de
devassos? Se esta nossa terra, se os nossos fóros e
liberdades são enphyteose dos Braganças ou fateosim dos
Cabraes? (Souto-Mayor, Cartas de Graccho a Tullia)
Os ministros são «doutores do pinhal d’Azambuja», que illudem a
nação com «tretas vís»; são «ladrões cadimos, salteadores,
assassinos, traficantes, ratoneiros, corsarios, bandoleiros»; e o povo
não ouve? não se mexe?
Povo! meneia tres vezes a cabeça, reflecte. Não tens um
pulso para a espada, um hombro onde encostes a
espingarda, olhos para a pontaria, dedos para o gatilho? (Id.
Ultimos adeus, 44)

3.—A MARIA-DA-FONTE

Accudiu o povo aos clamores dos que se apresentavam como


seus procuradores? Elles disseram que sim: á historia parece
comtudo que o povo era indifferente ás doutrinas e systemas da
opposição; porque nem ellas tornaram completamente a vencer,
nem o povo se levantou para as defender, quando a rainha por um
acto de absolutismo expulsou do governo os homens que ali tinham
entrado sob pretexto da Maria-da-Fonte. Como espontaneo
movimento das populações, a revolução do Minho tem apenas um
caracter negativo. É contra os Cabraes, de quem a propaganda
activa fizera uns monstros mais que humanos, que appareciam á
imaginação popular como réus de todas as desgraças:

Comem as cearas os pardaes?


É por culpa dos Cabraes.

É contra os impostos, contra os enterramentos em cemiterios ao


ar livre, contra a mobilisação dos bens das Misericordias, contra o
systema de leis que tendiam a consolidar o novo Portugal, a acabar
de arruinar um Portugal antigo que ainda para as populações ruraes
era o verdadeiro, o ditoso, o bom. Tal caracter se observa no
movimento espontaneo das populações, confiscado á nascença
pelos setembristas como se fôra seu, e apresentado sempre como
um documento da vitalidade e raizes das suas doutrinas no seio da
nação ...
Quando na camara dos pares os ataques sibilantes de Lavradio
ao conde de Thomar zuniam como o vento nas cordagens do navio
ameaçado; quando a eloquencia apopletica de José-Bernardo se
entornava para defender o irmão, ameaçando terra, mar e mundo;
quando a batalha parecia decisiva e final—chegou a Lisboa,
subitamente, a noticia de motins populares no Minho. (15 de abril) O
governo assustou-se e os inimigos esperaram.
Entre clamores e protestos, votaram-se as leis marciaes usadas
em taes casos, porque nos momentos de crise o constitucionalismo
liberal vê-se forçado a abdicar: tal é a sua consciencia positiva.
Suspenderam-se os debates para irem começar os tiros. A
opposição tinha organisado por todo o reino a sua machina eleitoral
coalisada: os embryões das Juntas revolucionarias estavam
formados, a postos todo o pessoal dos partidos, para accudir ao
levantamento das populações, dirigindo-o, interpretando-o. Por seu
lado o governo mandou para o Porto José-Cabral, a quem o odio da
cidade do Douro chamára o José dos Conegos, e agora dava por
escarneo o titulo de Rei-do-norte. Levava, com effeito, o rei poderes
descricionarios e a alma cheia de coleras, a bocca vomitando
ameaças, o braço levantado para esmagar tudo com a sua força. E
assim que desembarcou, passou dos planos ás obras, perseguindo,
prendendo, ameaçando, aterrorisando, até que o obrigaram a voltar,
fugindo para salvar a vida.
E a tropa? Mais que podia a tropa contra uma sublevação de facto
popular, levantando a cabeça por toda a parte, oscillando, fugaz, e
movediça, lavrando e minando, com a vastidão e mobilidade dos
fogos fatuos no vasto cemiterio de um reino? O governo não tinha
cem mil bayonetas, e tantas ou mais seriam necessarias para pôr
guarnição em todas as aldeias, uma sentinella ao lado de cada
minhoto. O caso era diverso de 44, quando uns batalhões se tinham
pronunciado: outros batalhões mais numerosos foram ter com elles,
encerraram-nos em Almeida, obrigando-os a capitular. Que praça ou
curral havia, sufficientemente grande para encerrar meia população
do reino e obrigal-a a render-se pela fome? Praça ou curral era o
reino inteiro, e dentro da fortaleza a propria guarnição levantava-se.
Que fazer? Onde accudir? A força ensarilhava as armas por não
achar alvo de pontaria; e do mesmo modo que a tropa reconhecia a
sua impotencia, via-se em Lisboa a manada dos agiotas correr,
sumir-se, apertados uns contra os outros, furando como os bandos
de carneiros acossados por um aguaceiro a trotar miudinho. Ai!

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