IIe Concile Œcuménique Du Vatican - Wikipédia
IIe Concile Œcuménique Du Vatican - Wikipédia
Vatican
concile œcuménique de l'Église catholique tenu au Vatican de
1962 à 1965
Le IIe concile œcuménique du Vatican, plus couramment appelé concile Vatican II, est le XXI e concile œcuménique de l'Église cat holique. Il est
ouvert le 11 oct obre 1962 par le pape Jean XXIII et se t ermine le 8 décembre 1965 sous le pont ificat de Paul VI.
IIe concile œcuménique du Vatican
On le considère généralement comme l'événement le plus marquant de l'hist oire de l'Église cat holique au xxe siècle, symbolisant son ouvert ure au
monde moderne et à la cult ure cont emporaine, prenant en compt e les progrès t echnologiques, l'émancipat ion des peuples et la sécularisat ion
croissant e. Des réponses sont cherchées dans un ret our aux racines du christ ianisme [1] : la Bible (sur la base de nouvelles recherches bibliques), la
pat rist ique et la longue t radit ion de l'Église par-delà les posit ions souvent sclérosées hérit ées de la Cont re-Réforme [2]. Il met également en valeur
l'originalit é des Églises locales et la diversit é des cult ures que le monolit hisme romain avait fait perdre de vue [2]. On a pu décrire le concile comme une
réact ion cont re « l'immobilisme myope » et la « prépondérance des préoccupat ions juridiques sur l'inspirat ion évangélique » qui avaient de plus en plus
caract érisé le cat holicisme depuis le concile de Trent e (1545-1563)[3].
Le concile connut un déroulement inat t endu : le programme préét abli par des cardinaux de la curie romaine, avec des t ext es quasi prêt s à êt re vot és,
est rejet é [4] et les pères conciliaires prennent alors leur ordre du jour en main. On débat not amment de la lit urgie, du rapport que l'Église cat holique doit
ent ret enir avec les aut res confessions chrét iennes, avec les aut res religions, et avec la sociét é en général, mais aussi de t hèmes plus spécifiquement
t héologiques, comme la libert é religieuse et la Révélat ion.
Enjeux
Le premier concile œcuménique du Vat ican est int errompu le 20 sept embre 1870 lors de la prise de Rome par Vict or Emmanuel II, permise par le
ret rait des t roupes françaises de Napoléon III, prot ect eur du pape, en raison de sa guerre cont re les Ét at s allemands. Les débat s menés à t erme
port ent , avec la const it ut ion Dei Filius , sur l'art iculat ion ent re foi et raison et , avec la const it ut ion Pastor Æternus , sur le rôle de la papaut é, avec la
proclamat ion du dogme de l'infaillibilit é pont ificale. Tout efois, nombre de quest ions past orales et dogmat iques concernant le magist ère de l'Église
sont laissées en suspens.
La reprise du concile est évoquée en 1922 par le pape Pie XI dans sa première encyclique Ubi Arcano Dei Consilio, où il exprime son « hésit at ion » [5]. Il
confie à quat re t héologiens, dont Édouard Hugon et Alexis Lépicier, la t âche d'ét ablir l'invent aire des t ext es préparat oires du précédent concile qui
sont rest és inexploit és et , en 1924, il charge discrèt ement une commission de suggérer des t hèmes de t ravail pour un prochain concile [6]. Ces
proposit ions sont communiquées en secret à des t héologiens et professeurs d'universit és pont ificales chargés de les comment er, t andis que les
évêques du monde ent ier sont invit és, par une let t re du 22 oct obre 1923, à communiquer au pape leur sent iment sur l'opport unit é de rouvrir le
concile [6]. Une écrasant e majorit é de réponses (900 sur 1 165) y sont favorables. Si l'inst abilit é polit ique européenne des années 1930 se prêt e peu à
l'ouvert ure d'un nouveau concile et pose à la papaut é des quest ions nouvelles, les t ravaux qui ont cont inué sont consignés dans un rapport du cardinal
Cost ant ini, remis en 1939, durant l'int érim avant l'élect ion de Pie XII [6].
En février 1948, Pie XII reçoit l'archevêque de Palerme Ernest o Ruffini, qui lui suggère un concile qui « aurait aut ant de sujet s à t rait er qu'en avait eu le
concile de Trent e », puis le cardinal Ot t aviani, qui en reprend l'idée et crée peu après une commission rest reint e de sept consult eurs[6]. En juillet 1948 il
est prévu de créer dans le fut ur cinq commissions préparat oires : t héologique et spéculat ive, t héologique et prat ique, juridique et disciplinaire,
missionnaire, pour la cult ure et l'act ion chrét ienne et 36 t héologiens sont pré-sélect ionnés pour les const it uer, t andis qu'une commission cent rale
dirigée par le cardinal Borgongini-Duca est créée, puis se réunit six fois de 1949 à 1951[6]. Le pape Pie XII, qui a suspendu en 1949 l'envoi de la let t re
préparée par la commission pour demander leur avis aux évêques du monde ent ier, met un t erme au projet de concile en 1951 lorsque la commission lui
demande de t rancher ent re un concile court ou un concile long[6].
En réalit é, d'après Gérard Philips, un des rédact eurs de la const it ut ion Lumen gentium, l'idée de fixer le programme d'un évent uel concile en fonct ion de
l'inachèvement du précédent avait ét é abandonnée dès 1948. Le projet consist e plut ôt à prendre en compt e les 40 encycliques publiées depuis et le
code de droit canonique de 1917[7].
Mouvement liturgique
Le mouvement lit urgique est issu de la pensée de Dom Lambert Beauduin, fondat eur de l'Abbaye de Chevet ogne en Belgique, et de Romano Guardini,
t héologien allemand, en liaison avec des abbayes bénédict ines comme celles de Solesmes (France), Maredsous (Belgique) et Maria Laach (Allemagne).
Il recommande que les fidèles soient « part icipant s » lors des offices communaut aires, plut ôt que de s'isoler dans des prat iques de piét é individuelle. Il
demande également qu'on rompe avec l'usage de ne dist ribuer la communion qu'en dehors de la messe [8]. Le mouvement reçoit une reconnaissance
officielle dans l'encyclique Mediator Dei de Pie XII en 1947. Des réformes voient le jour : rest aurat ion de la vigile pascale en 1951, assouplissement du
jeûne eucharist ique, simplificat ion du missel. En revanche, Pie XII refuse la concélébrat ion et l'int roduct ion des langues vulgaires dans la lit urgie [9].
Mouvement œcuménique
Le mouvement œcuménique est d'origine prot est ant e et anglicane. Du côt é cat holique, il est sout enu not amment par Yves Congar, o.p., qui publie
Chrétiens désunis, principes d'un œcuménisme catholique (1937), et le prêt re lyonnais Paul Cout urier, fondat eur du groupe des Dombes en 1937. Le
Vat ican t endait à s'y opposer, considérant que l'union ne pouvait se faire que par le ret our des « dissident s » à l'Église cat holique [12].
Pendant les mois qui suivent , le pape explicit e son int ent ion dans de nombreux messages, not amment au sujet de la forme que devrait revêt ir le
concile.
Le 17 mai 1959, jour de la Pent ecôt e, le pape annonce la créat ion d'une commission ant é-préparat oire présidée par le cardinal secrét aire d'Ét at
Domenico Tardini[19]. Les universit és cat holiques, les Sacrées congrégat ions et t ous les évêques sont alors invit és à exprimer leurs conseils et leurs
vœux (consilia et vota ) sur les sujet s à aborder lors du concile. En un an, 76,4 % d'ent re eux répondent (soit 2 150 réponses)[20]. Les principales
demandes sont celles d'une meilleure définit ion du rôle des évêques, d'une clarificat ion du rôle des laïcs dans l'Église et de la place que doit y t enir
l'Act ion cat holique. Beaucoup de réponses réclament la condamnat ion du marxisme, de l'exist ent ialisme et du relat ivisme doct rinal et moral[21]
[réf. incomplète]
.
La phase préparat oire est inaugurée à la Pent ecôt e 1960 (5 juin). La préparat ion du concile, qui dure plus de deux ans, implique dix commissions
spécialisées, ainsi que des secrét ariat s pour les relat ions avec les médias, pour l'unit é des chrét iens (confié au cardinal Bea), et une commission
cent rale présidée par le pape (avec Pericle Felici comme secrét aire général), pour coordonner les effort s de ces différent s organismes. Ces
commissions, composées en majorit é de membres de la Curie romaine, produisent 70 schémas (schemata ), dest inés à servir de base de t ravail pour les
pères conciliaires. Giovanni Bat t ist a Mont ini, cardinal archevêque de Milan et fut ur pape Paul VI, écrit quelques semaines après l'ouvert ure de la
première session : c'est un « mat ériel immense, excellent , mais hét érogène et inégal […] qui aurait réclamé une réduct ion et un classement courageux
[…] si une idée cent rale, archit ect urale, avait polarisé et « finalisé » ce t ravail considérable » [22]. Jean XXIII convoque officiellement le concile le
25 décembre 1961 par la bulle d'indict ion Humanae salutis [23], et fixe le 2 février 1962 la dat e de la première session au 11 oct obre [24].
Au cours de l'ét é 1962, Jean XXIII énonce la list e des sept premiers schémas qui seront discut és. Des évêques hollandais se rassemblent pour les
examiner et décident d'en publier un comment aire. Rédigé par le P. Edward Schillebeeckx, il est publié sans le nom de son aut eur[25]. Ce t ext e
largement diffusé auprès des évêques préconise de début er en examinant le schéma sur la lit urgie, le seul auquel il décerne des louanges. Par ailleurs,
cert ains expert s comme Yves Congar, crit iquent le manque d'organisat ion et de réel dialogue de la première phase du concile : de fait , l'éloignement
géographique des consulteurs de ces commissions, l'omniprésence de la Curie romaine, ont pu nuire à l'expression des différent s point s de vue et à la
qualit é de ces échanges préparat oires. La diffusion du t ext e du P. Schillebeeckx permet ainsi aux différent s épiscopat s de prendre connaissance des
opinions de leurs pairs.
Participants
2 908 pères conciliaires sont convoqués : t ous les évêques, ainsi que de nombreux supérieurs d'ordres religieux masculins. 2 540 d'ent re eux prennent
part à la session d'ouvert ure, ce qui en fait le plus grand rassemblement de t out e l'hist oire des conciles de l'Église cat holique. À t it re de comparaison,
le concile de Trent e ne rassembla que de 64 à moins de 300 part icipant s dont 60 à 90 % d'It aliens[26]. La part icipat ion varie, en fonct ion des sessions,
de 2 100 à 2 300 pères présent s.
On not e aussi la présence d'un grand nombre d'expert s, appelés periti, par qui les évêques se font conseiller. Par exemple, le conseiller t héologique du
cardinal Frings est le jeune Joseph Rat zinger, élu pape en 2005 sous le nom de Benoît XVI, ainsi que Hans Küng, qui avec Rat zinger sera le plus jeune
expert t héologien. Les periti sont nommés par le pape [27]. Ils assist ent au concile sans vot er et ne prennent la parole que si on les int erroge [27]. Ils
jouent un rôle croissant à mesure que progresse le concile.
Au début des t ravaux, 53 « observat eurs chrét iens » non cat holiques représent ant dix-sept Églises ou fédérat ions d'Églises assist ent aux t ravaux sans
droit de parole ni de vot e. Le nombre de ces représent ant s s'élève à 106 pour 28 Églises à la fin du concile. À l'except ion de l'Église ort hodoxe russe,
les Églises ort hodoxes refusent d'envoyer des observat eurs à la première session du concile [28]. L'Église ort hodoxe russe, craignant les représailles du
pouvoir soviét ique, n'accept e de s'y rendre qu'après confirmat ion, lors d'une réunion informelle à Paris en août 1962, que le concile n'abordera pas de
quest ions polit iques. En out re, t reize laïcs pouvant assist er aux congrégat ions générales, également sans droit de vot e ni de parole — les
« audit eurs » —, se joignent aux t ravaux à part ir de la deuxième session et voient progressivement leur nombre mont er à quarant e [29].
Majorité et minorité
Selon l'Histoire du christianisme dirigée par J.-M. Mayeur, le concile met face à face deux groupes d'évêques, que l'on a pris l'habit ude de bapt iser
respect ivement « majorit é » et « minorit é ».
Les membres de la majorit é désirent voir l'Église ent rer en dialogue avec le monde moderne et pour cela préconisent , ent re aut res, une plus grande
libert é pour la recherche t héologique et exégét ique, une plus grande confiance dans le laïcat chrét ien, un st yle de gouvernement moins administ rat if
et plus évangélique et une part icipat ion effect ive des évêques diocésains à la direct ion de l'Église [33]. Ses leaders sont les cardinaux Giacomo Lercaro,
Léon-Joseph Suenens, Julius Döpfner, Joseph Frings, Franz König, Bernard Jan Alfrink et le pat riarche Maximos IV. La majorit é a fini par compt er 80 %
de l'assemblée [34]. Même si Jean XXIII laisse le concile agir en t out e libert é, ses sent iment s suivent ceux de la majorit é [35].
Les membres de la minorit é sont davant age soucieux de conserver le dépôt de la foi dans son int égrit é. Ils sont t rès sensibles aux dangers que font
courir à celle-ci les « erreurs modernes » que sont le marxisme, l'évolut ionnisme et le laïcisme. Ils dénoncent une t endance au relat ivisme dans le
mouvement œcuménique et dans les invit at ions à accept er la légit imit é du pluralisme dans l'Église [33]. Ses leaders sont les cardinaux Alfredo Ot t aviani,
Giuseppe Siri, Ernest o Ruffini, Michael Browne. Il faut aussi ment ionner l'évêque de Segni, Carli, et le supérieur des Spirit ains, Marcel Lefebvre [34]. Les
membres de la minorit é se ret rouvent au sein du Coet us Int ernat ionalis Pat rum.
L'act ion de la minorit é a donné lieu à des crit iques, not amment pour cert aines prat iques d'obst ruct ion. Mais il faut not er qu'il s'agissait pour ses
membres d'une quest ion de conscience. Dans la mesure où les membres du concile ont t oujours souhait é parvenir à un consensus général, de
nombreux t ext es présent ent des formules de compromis, dont l'ambiguït é nuit à la qualit é [36].
Organisation
Le règlement du concile, élaboré discrèt ement de novembre 1961 à juin 1962 par une sous-commission de la commission cent rale [37], est promulgué
par le pape le 5 sept embre 1962, avec le mot u proprio Appropinquante Concilio. Il fixe une majorit é des deux t iers pour l'adopt ion d'un t ext e,
cont rairement à Vat ican I où une simple majorit é de 50 % suffisait [38]. Les bullet ins de vot e se présent ent sous la forme de cart es perforées, et font
l'objet d'un compt age mécanographique [27].
Dix commissions qui t ransposent les dix commissions préparat oires sont inst it uées, ainsi que des st ruct ures annexes dont le secrét ariat pour les
affaires ext raordinaires chargé de filt rer les requêt es des Pères pour qu'ils n'ajout ent pas leurs propres projet s à ceux abordés pendant la phase
préparat oire [38], et le secrét ariat pour l'unit é des chrét iens[27]. Les commissions se composent de 24 membres dont 8 sont nommés par le pape et 16
par les pères[27]. Les président s des commissions sont ceux des commissions préparat oires, nommés par le pape, et les secrét aires des commissions
sont choisis par les président s des commissions parmi les perit i du concile [27].
Les « schémas » sont les proposit ions de t ext es discut ées par le concile. Ils se présent ent sous la forme de livret s anonymes, est ampillés sub
secreto, ce qui indique leur caract ère secret , et comport ent généralement un ét at de la quest ion, suivi de proposit ions numérot ées, et de not es
explicat ives, le t out reflét ant les vœux (en lat in vota ) exprimés par les évêques durant la phase ant é-préparat oire [39].
Les débat s sont présidés par dix président s parmi lesquels les cardinaux Frings, Liénart et Alfrink. En dehors des périodes de session plénière, des
commissions revoient et compilent les t ravaux des évêques afin de préparer la session suivant e. Les sessions ont lieu dans la basilique Saint -Pierre, en
lat in, et le secret des débat s doit êt re gardé. Les int ervent ions sont limit ées à dix minut es. En fait , la majeure part ie des t ravaux du concile prend la
forme de réunions de commissions (qui peuvent avoir lieu en langue vernaculaire), ainsi que de réunions plus informelles et de conversat ions ent re
évêques en dehors du concile à proprement parler. Les Pères du concile peuvent proposer des amendement s, appelés en lat in modi, aux t ext es
préparés par les commissions, en vot ant placet juxta modum et en joignant un amendement à leur vot e, mais la majorit é use de cet t e facult é avec
parcimonie à cause de la doct rine qui considère comme rejet é un t ext e recevant plus d'un t iers de modi[40].
Déroulement
Quat re sessions plénières du concile se t iennent de 1962 à 1965.
Une fois le concile ouvert , d'aut res commissions doivent êt re const it uées, chargées de t rier et de revoir les différent s schémas, réduit s à 17 pour en
t irer la subst ance, puis de les présent er au concile pour qu'ils soient approuvés et évent uellement amendés. En fait , les schemata sont écart és dès la
première session du concile, et d'aut res sont créés.
Ouverture
Le 11 oct obre 1962, les 2 400 pères conciliaires (cardinaux, évêques, pat riarches, supérieurs d'ordres et expert s)[41], revêt us de leurs insignes
épiscopaux, coiffés de mit res blanches commencent dès 8 h 30 du mat in à s'avancer en procession, six de front . Ils t raversent la place Saint -Pierre, au
milieu de la foule, avant de pénét rer dans la basilique où des gradins se faisant face ont ét é aménagés dans la nef. Jean XXIII, coiffé de la t iare, fait
son ent rée solennelle sur la sedia gestatoria sur le chant du Veni creator spiritus (« Viens Esprit créat eur »)[42]. Cet t e cérémonie publique réunit les
représent ant s de 86 gouvernement s et organismes int ernat ionaux, expert s et invit és (environ 200 t héologiens, canonist es, observat eurs non
cat holiques, audit eurs et audit rices laïques).
Après la messe, le pape lit une allocut ion aux évêques rassemblés, int it ulée Gaudet Mater Ecclesia (« Not re mère l'Église se réjouit … »). Lors de ce
discours, il repousse les « prophèt es de malheur, qui ne font qu'annoncer des cat ast rophes » pour l'avenir du monde et de l'Église. Le pape insist e sur le
« caract ère surt out past oral » — plut ôt que doct rinal — de l'enseignement du concile : l'Église n'a pas besoin de répét er ou de reformuler les doct rines
ou les dogmes exist ant s, mais plut ôt de chercher à enseigner le message du Christ à la lumière de l'évolut ion const ant e du monde cont emporain. Il
exhort e les pères conciliaires à « ut iliser les remèdes de la miséricorde plut ôt que les armes de la sévérit é » dans les document s qu'ils seraient
amenés à produire : cet t e exhort at ion s'inscrit dans un mouvement de vérit é, marqué par une at t it ude de miséricorde, et non dans la volont é de
condamner des erreurs[43].
Le cardinal Tisserant.
Le 13 oct obre la première « congrégat ion générale » (réunion plénière de l'Église universelle) est présidée par le cardinal Tisserant , doyen du Sacré
Collège. Se produit alors un «coup de t héât re», préparé par des échanges ent re plusieurs archevêques représent at ifs d'épiscopat s européens,
choqués par la mainmise des bureaux romains sur l'assemblée des évêques : les cardinaux Achille Liénart , de Lille, et Joseph Frings, de Cologne,
cont est ent vigoureusement la composit ion des commissions préparat oires et les mét hodes de t ravail prévues par la curie romaine, qui conduisent à un
simple enregist rement de t ext es préfabriqués : ils exigent que le concile puisse délibérer librement . À une immense majorit é, les évêques décident
alors par un vot e de ne pas procéder comme prévu par les commissions préparat oires, mais de se consult er par groupes nat ionaux et régionaux, ainsi
que dans des réunions plus informelles.
Pour débloquer le concile, les cardinaux Léon-Joseph Suenens, Giacomo Lercaro, et Julius Döpfner, t rois des quat re modérat eurs, semblent avoir ét é à
l'origine d'un changement de procédure immédiat ement accept é par Jean XXIII [44].
Le 16 oct obre les commissions conciliaires sont élues à part ir des list es proposées par les conférences épiscopales. La plus import ant e d'ent re elles
est celle présent ée par « l'alliance européenne », const it uée aut our de la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Aut riche, les Pays-Bas et la Suisse [45] : 80 %
de ses candidat s sont élus. Le même jour il est annoncé que le schéma sur la lit urgie sera le premier mis en débat [46].
Le 20 oct obre 1962, les pères conciliaires publient un « message au monde » qui exprime la sollicit ude de l'Église à l'égard de l'humanit é souffrant e [47].
Le programme des t ravaux du concile pour les sessions fut ures inclut la lit urgie, la communicat ion de masse, les Églises de rit e orient al, et la nat ure de
la révélat ion. Le schéma sur la révélat ion, repoussé par une majorit é d'évêques, est revu à la demande de Jean XXIII, qui int ervient en
personne [réf. nécessaire]. Seul le schéma sur la lit urgie est examiné sans êt re approuvé par un vot e [réf. nécessaire].
Dans son discours de clôt ure, le 8 décembre, Jean XXIII exprime le vœu de voir le concile achevé pour Noël 1963. La préparat ion des sessions
ult érieures commence et le nombre de schémas réduit de 70 à 17[48].
Le 11 avril 1963, Jean XXIII publie l'encyclique Pacem in terris , qui ut ilise la not ion de signes des t emps, compris comme signes de la présence
cont inue et efficace de Dieu dans l'hist oire des hommes. Cet t e not ion se ret rouvera dans la const it ut ion Gaudium et Spes .
Jean XXIII meurt le 3 juin 1963. Le 21 juin 1963, le cardinal Giovanni Bat t ist a Mont ini est élu pape sous le nom de Paul VI. Il annonce aussit ôt qu'il
souhait e voir le concile se poursuivre.
Pendant cet t e session, les pères conciliaires approuvent la const it ut ion Sacrosanctum Concilium sur la lit urgie (par un vot e de 2147 voix cont re 4)
ainsi que le décret Inter Mirifica sur les moyens de communicat ions de masse. Les t ravaux avancent sur les schemata t rait ant de l'Église, des évêques
et des diocèses, et de l'œcuménisme. Le 8 novembre 1963, le cardinal Joseph Frings crit ique l'inst it ut ion du Saint -Office (qui port ait avant 1908 le
nom de Saint e Inquisit ion romaine et universelle), ce qui suscit e une réponse passionnée de son secrét aire, le cardinal Alfredo Ot t aviani[49]. Cet
échange est souvent considéré comme l'un des plus int enses du concile. La deuxième session s'achève le 4 décembre : dans son discours de clôt ure,
Paul VI annonce son int ent ion de se rendre à Jérusalem. C'est en janvier 1964, sur les lieux supposés de la Passion du Christ , qu'il rencont re le
pat riarche At hénagoras.
Ent re la deuxième et t roisième session, les schemata proposés sont à nouveau révisés, en t enant compt e des remarques formulées par les pères
conciliaires : les 17 schémas sont réduit s à six auxquels il faut ajout er sept proposit ions. Sur cert ains sujet s, les projet s ne ret iennent que quelques
principes fondament aux devant êt re approuvés pendant la t roisième session, mais que des commissions post -conciliaires développeront par la suit e.
Quinze femmes (huit religieuses et sept laïques) ainsi que d'aut res laïcs cat holiques s'ajout ent au nombre des observat eurs.
Au cours de cet t e session, qui début e le 14 sept embre 1964, les pères conciliaires font progresser un grand nombre de proposit ions. Les schemata au
sujet de l'œcuménisme (Unitatis Redintegratio), sur les Églises de rit e orient al (Orientalium Ecclesiarum) et sur l'Église (Lumen Gentium) sont
approuvés par l'assemblée des évêques et promulgués par le pape.
De nombreux évêques proposent un schéma au sujet du mariage, prévoyant une réforme du droit canon ainsi que de nombreuses quest ions d'ordre
juridique, cérémonial et past oral, en exprimant le souhait de le voir êt re rapidement approuvé par un vot e. Mais le pape ne le soumet pas aux suffrages
des pères conciliaires. Paul VI demande également aux évêques de déléguer la quest ion de la cont racept ion art ificielle à une commission d'expert s
religieux et laïcs qu'il a formée.
Les schemata au sujet de la vie et du minist ère des prêt res, de l'act ivit é missionnaire de l'Église, sont renvoyés aux commissions pour êt re
profondément remaniés. Le t ravail cont inue sur les schemata rest ant s, en part iculier ceux sur la place de l'Église dans le monde moderne et la libert é
religieuse. Une cont roverse se déroule à propos des amendement s au décret sur la libert é religieuse, le vot e ne peut avoir lieu au cours de la t roisième
session, mais Paul VI promet que ce décret sera le premier à êt re examiné au cours de la session suivant e.
Il clôt la t roisième session le 21 novembre 1964, en réduisant à une heure au lieu de t rois la durée du jeûne eucharist ique [50] et en déclarant
formellement Marie Mater Ecclesiae (mère de l'Église), conformément à la t radit ion cat holique.
Onze schemata sont inachevés au t erme de la t roisième session, et les commissions t ravaillent à leur donner une forme définit ive dans la période qui
sépare les deux sessions. En part iculier, le schéma 13, qui t rait e de la place de l'Église dans le monde moderne, est revu par une commission qui inclut
des laïcs.
Paul VI ouvre la quat rième et dernière session du concile le 14 sept embre 1965, et inst it ue le Synode des évêques. Cet t e st ruct ure, dest inée à se
rassembler à int ervalles réguliers, doit poursuivre la coopérat ion ent re les évêques et le pape après la fin du concile.
La première quest ion débat t ue lors de la quat rième session est le décret sur la libert é religieuse, sans dout e le plus cont roversé des document s
conciliaires. La première mout ure est vot ée par 1 997 voix cont re 224. L'organisat ion de l'Église cat holique, qui ne fonct ionne pas par majorit é simple,
rend le chiffre des opposant s t rès import ant . Après de nouvelles révisions, il est vot é à une majorit é de 2 308 pour et seulement 70 voix cont re. La
principale t âche qui occupe les pères pendant le rest e de la session est le t ravail sur t rois document s, qui sont t ous approuvés à une large majorit é. La
const it ut ion past orale sur la place de l'Église dans le monde moderne, Gaudium et spes , rallongée et revue, suivie par deux décret s, sur l'act ivit é
missionnaire (Ad Gentes ) et sur la vie et le minist ère des prêt res (Presbyterorum Ordinis ).
Le concile approuve également d'aut res document s, examinés lors des sessions précédent es, en part iculier le décret sur la charge past orale des
évêques (Christus Dominus ), la vie des membres des ordres religieux (Perfectae Caritatis , document not ablement rallongé et révisé), la format ion des
prêt res (Optatam Totius ), l'éducat ion chrét ienne (Gravissimum Educationis ), et le rôle du laïcat (Apostolicam Actuositatem).
La déclarat ion Nostra Ætate fait l'objet de longs débat s. Elle affirme, dans la lignée du concile de Trent e, que ni les Juifs du t emps du Christ ni les Juifs
d'aujourd'hui ne peuvent êt re considérés comme plus responsables de la mort de Jésus que les Romains ou les chrét iens eux-mêmes.
L'événement marquant des derniers jours du concile est la visit e à Rome du pat riarche grec-ort hodoxe de Const ant inople At hénagoras I er. Paul VI et le
pat riarche expriment dans une déclarat ion commune leur regret des act ions qui ont conduit au Grand Schisme ent re les Églises orient ales et
occident ales, et lèvent solennellement l'excommunicat ion et l'anat hème que leurs prédécesseurs s'ét aient lancés lors de celui-ci.
Paul VI, dans la foulée, crée une commission pont ificale pour les médias, annonce un jubilé du 1er janvier au 26 mai 1966, change le nom du « Saint -
Office » en « Congrégat ion pour la doct rine de la foi » et rend permanent s les secrét ariat s pour la promot ion de l'unit é des chrét iens, pour les religions
non chrét iennes et pour les non-croyant s.
Sujets abordés
Vue d'ensemble
Selon le discours d'inaugurat ion du concile par Jean XXIII, la doct rine de l'Église est immuable et doit êt re fidèlement respect ée. Tout efois la t âche du
concile est de la présent er « de la façon qui répond aux exigences de not re époque (ea ratione quam tempora postulant nostra ) » [51]. Paul VI, quant à
lui, assigne quat re object ifs au concile dans son discours d'ouvert ure de la seconde session : l'approfondissement de la doct rine de l'Église, le
renouveau de l'Église à t ravers un ret our à ses t radit ions les plus « aut hent iques et fécondes » ; la recomposit ion de l'unit é ent re t ous les chrét iens ;
l'ouvert ure d'un dialogue avec le monde cont emporain[52]. Dans sa première encyclique, Ecclesiam suam (1964), il propose une formule appelée à la
célébrit é : « L'Église se fait conversat ion » [53].
D'après le cardinal Garrone, un caract ère not able du concile est son unit é au service d'une mission provident ielle, même si en première analyse elle
peut êt re masquée par « le dét ail des discussions souvent laborieuses, la mult iplicit é elle-même des document s émanés du concile » [54]. Pour le
prélat , cet t e unit é ne peut êt re saisie qu'à la lumière de la mission du concile, qui veut nouer le dialogue avec le monde :
« À cette mission le concile n'aurait pas répondu s'il ne s'était pas demandé par quel côté il allait aborder ce monde, quel
serait le point de contact qui lui permettrait, en rejoignant ce monde, de lui faire entendre ce que l'Église voulait lui
apporter au nom de sa foi. Et c'est ainsi que le concile a choisi pour aborder le Monde le problème qui est si évidemment
le centre de tout ce qui touche le Monde : le problème de l'homme[54]. »
Pour Hervé Legrand, o.p., le programme de Vat ican II n'est pas celui d'une « adapt at ion de l'Église au monde » mais celui d'une « adapt at ion de l'Église à
l'Évangile » « pour pouvoir mieux en t émoigner dans un monde changé et changeant » [55].
L'Église
Le document issu du concile Vat ican II qui eut la plus grande port ée est sans dout e la const it ut ion dogmat ique sur l'Église Lumen Gentium (lumière
des peuples), promulguée par Paul VI le 21 novembre 1964. Le t ext e rompt avec une concept ion inst it ut ionnelle de l'Église cent rée sur la quest ion de
l'aut orit é monarchique du pape. La quest ion du pouvoir dans l'Église est évoquée, cert es, mais seulement à part ir du chapit re III.
Selon J. O'Malley, la concept ion principalement inst it ut ionnelle de l'Église, née au xvie siècle dans un climat d'opposit ion au prot est ant isme, servait
depuis le xixe siècle de base aux manuels dest inés aux séminaires. L'Église y ét ait décrit e comme une « sociét é parfait e », cont repoids sacré aux
pouvoirs publics séculiers. Cet t e concept ion inspirait encore la première version du schéma sur l'Église. L'évêque de Bruges, Émile-Joseph De Smedt ,
avait dénoncé cet t e version dans un discours célèbre, lui reprochant son « t riomphalisme », son « cléricalisme » et son « juridisme » [56].
Le t ext e explore les diverses images ou concept s bibliques qu'on peut appliquer à l'Église : le bercail, le champ de Dieu, le t emple saint … (§ 6) Les
not ions privilégiées sont celles du corps du Christ et de la communion (§ 7).
Alors que Pie XII affirmait dans Mystici Corporis (1943) que « le corps myst ique et l'Église cat holique sont une seule et même chose », Lumen
gentium dist ingue « l'Église du Christ », confessée dans le symbole de Nicée-Const ant inople comme une, saint e, cat holique et apost olique, de
« l'Église cat holique » gouvernée par le successeur de Pierre, la première subsist ant (subsistit in) dans la seconde (§ 8)[57]. Cet t e dist inct ion ent re
deux plans fonde la nécessit é d'une rénovat ion et d'une réforme const ant es ainsi que le dialogue œcuménique [58].
En vert u du sens de la foi (sensus fidei), « la collect ivit é des fidèles, ayant l'onct ion qui vient du Saint Esprit , ne peut se t romper dans la foi » (§ 12).
Selon J.-M. Vezin et L. Villemin, Lumen Gentium ent end ici que l'infaillibilit é du magist ère se déduit de l'infaillibilit é de l'Église en t rain de croire et non
l'inverse [59].
Selon le t ext e, Dieu ne veut pas que les hommes soient sanct ifiés et sauvés séparément , hors de t out lien mut uel. Il veut , bien plut ôt , que les
hommes soient const it ués en « peuple ». On voit cela déjà dans le choix d'Israël pour êt re son peuple, en une Alliance qui préfigure l'Alliance nouvelle
conclue dans le Christ avec l'ensemble de l'humanit é (§ 9).
Pour Lumen Gentium, nul ne peut êt re considéré comme ét ranger à l'Église du Christ : cat holiques « incorporés pleinement à la sociét é qu'est l'Église
[cat holique] » ; chrét iens séparés, que leur bapt ême et l'union dans l'Esprit saint cont inuent à associer à l'Église ; non-chrét iens enfin, puisque t ous les
hommes sont rachet és par le sang du Christ (§ 13-16).
La structure de l'Église
Le chapit re III de Lumen Gentium, sur la const it ut ion hiérarchique de l'Église, valorise considérablement la fonct ion épiscopale. C'est un changement
import ant par rapport aux présent at ions ant érieures, qui faisaient de l'évêque un prêt re aux pouvoirs plus ét endus. Désormais c'est par rapport à
l'évêque, successeur des apôt res, que sont définis les aut res minist ères[60]. Le § 21 écrit ainsi : « En la personne des évêques assist és des prêt res,
c'est le Seigneur Jésus-Christ , Pont ife suprême, qui est présent au milieu des croyant s. » Il est par ailleurs rappelé que la consécrat ion épiscopale
correspond à la plénit ude du sacrement de l'Ordre.
Cependant la fonct ion épiscopale est liée à son exercice collégial et non pas individuel. Et le Pape est à la t êt e du collège des évêques. Lumen
Gentium s'at t ache à préciser l'art iculat ion du pouvoir pont ifical et du pouvoir épiscopal. D'un côt é, les évêques ne t iennent pas du pape le fondement
de leur pouvoir collégial, mais de leur ordinat ion épiscopale. Et « l'ordre des évêques » est « le sujet d'un pouvoir suprême et plénier sur t out e l'Église »
(§ 22). Il y a donc un pouvoir épiscopal dist inct du pouvoir pont ifical. D'un aut re côt é, le collège épiscopal n'a d'aut orit é que dans la mesure où il est uni
au pape comme à son chef. C'est pourquoi, le pouvoir du collège épiscopal « ne peut s'exercer qu'avec le consent ement du Pont ife romain » (ibid. ).
Alors que l'Église issue de Vat ican I t endait à considérer les évêques comme de simples délégués locaux du pape, le t ext e souligne que les évêques
ne sont pas les « vicaires » du pont ife romain, « car ils exercent un pouvoir qui leur est propre » (§ 27). En même t emps, Lumen Gentium rappelle le
principe de l'infaillibilit é pont ificale (§ 18). Les formulat ions cont ournées du chapit re III reflèt ent , en réalit é, le conflit ent re la minorit é et la majorit é
conciliaire. La rédact ion finale du chapit re, qui visait à cont ent er t out le monde, obt int de fait le consensus quasi unanime des pères[61].
Les § 25-27 définissent le minist ère épiscopal à part ir des t rois munera (charges) t radit ionnellement reconnus : l'enseignement , la sanct ificat ion et le
gouvernement . Parmi les charges de l'évêque, la prédicat ion de l'Évangile est la première (§ 25). Pour ce qui est de la sanct ificat ion, l'évêque a un rôle
clé par rapport aux sacrement s du bapt ême, de la confirmat ion, de l'ordre et de la pénit ence (§ 26). Enfin, le § 27 insist e sur le fait que l'évêque doit
servir et non pas se faire servir.
En prat ique, le pape cont inue après le concile Vat ican II d'accomplir des act es significat ifs — par exemple la publicat ion d'Humanae Vit ae — sans
consult er l'épiscopat , et les synodes des évêques créés après le concile n'ont qu'une fonct ion consult at ive [62].
Des conférences régionales t elles que le Conseil épiscopal lat ino-américain peuvent également avoir lieu afin de promouvoir des act ions communes à
une échelle régionale ou cont inent ale, mais n'ont pas de pouvoir législat if [réf. nécessaire].
Les laïcs
Le chapit re 4 présent e une concept ion nouvelle des laïcs. Ceux-ci ne sont plus définis seulement négat ivement , par le fait de n'êt re ni prêt res ni
religieux(ses). D'une part , en t ant que bapt isés, ils part icipent à la fonct ion prophét ique, royale et sacerdot ale du Christ . D'aut re part ils ont pour
spécificit é d'exercer cet t e fonct ion dans le monde. Leur vocat ion est de « t ravailler comme du dedans à la sanct ificat ion du monde » (§ 31), ils
« consacrent à Dieu le monde lui-même » (§ 34). Le t ext e insist e sur la dignit é des laïcs comme membres du peuple de Dieu et sur l'égalit é de t ous au
sein de l'Église (§ 32).
Le § 37 cont ient l'évocat ion d'une « opinion publique » dans l'Église : « Dans la mesure de leurs connaissances, de leurs compét ences et de leur
sit uat ion, [les laïcs] ont la facult é et même parfois le devoir de manifest er leur sent iment en ce qui concerne le bien de l'Église. »
La Vierge Marie
Le chapit re 8, au sujet de Marie, fut sujet à débat . Le premier projet prévoyait un document séparé sur le rôle de Marie, laissant ainsi Lumen Gentium
pleinement adressée à l'Église « œcuménique », sans rien qui puisse choquer les prot est ant s, qui pour la plupart jugent excessif le cult e que l'Église
cat holique voue à Marie. Cependant , les pères conciliaires insist èrent pour qu'un chapit re qui lui fut consacré apparût dans la const it ut ion sur l'Église,
arguant que la place de Marie ét ait auprès de l'Église ; Paul VI les sout int en cela.
La liturgie
Jusqu'à Vat ican II, le plus souvent , les fidèles lisaient en silence des prières privées en français dans leur missel pendant que le prêt re célébrait , le dos
t ourné au peuple et avec des prières en lat in, des rit es difficilement visibles[64]. Par ailleurs, les règles du jeûne eucharist ique avaient pour effet que, le
dimanche mat in, ceux qui souhait aient communier le faisaient au cours d'une messe à laquelle ils avaient le droit de n'assist er que part iellement , puis
rent raient chez eux prendre un pet it déjeuner, avant d'assist er à une nouvelle messe, au cours de laquelle ils ne communiaient pas[65].
Le premier chapit re de Sacrosanctum Concilium expose les principes de la « rest aurat ion » et du « progrès » de la lit urgie : l'œuvre du salut accomplie
par le Christ se cont inue au sein de l'Église et se réalise dans la lit urgie (§ 5-6). La lit urgie est à la fois rencont re du Christ agissant dans l'Église et
at t ent e act ive de sa venue dans la gloire (§ 7-8). Dans la vie lit urgique, l'Eucharist ie occupe la première place, elle est le sommet vers lequel t end
l'act ion de l'Église et la source d'où découle t out e sa vert u (§ 10).
Dans Sacrosanctum Concilium, l'aut orisat ion de la langue vernaculaire est énoncée en mode mineur. Le § 36 not e, en son premier alinéa, que « l'usage
de la langue lat ine, sauf droit part iculier, sera conservé dans les rit es lat ins ». Mais il ajout e, au second alinéa, que « l'emploi de la langue du pays peut
êt re souvent t rès ut ile pour le peuple », de sort e qu'« on pourra […] lui accorder une plus large place ». Il est précisé que t out e décision en mat ière de
langue lit urgique revient aux assemblées d'évêques compét ent es sur le t errit oire concerné.
S'agissant de la st ruct ure de la messe, le concile ent end donner t out e sa place à la Parole de Dieu. L'homélie, désormais obligat oire le dimanche, doit
port er sur les t ext es lus pendant la célébrat ion, et non pas seulement sur les normes de la vie chrét ienne (§ 52). Il est également précisé que la
part icipat ion à la messe n'est réelle que si le fidèle est présent du début à la fin (§ 56), alors qu'avant le Concile, il suffisait d'arriver avant le début de
l'offert oire et de part ir après la bénédict ion finale.
Le t ext e rend également possible la concélébrat ion par plusieurs prêt res ou évêques d'une même messe, alors que la messe « privée » ét ait de règle
auparavant (§ 57).
Sacrosanctum Concilium supprime des anomalies qui s'ét aient greffées au cours du t emps, par exemple l'exist ence de classes t arifées de
cérémonies : ainsi les funérailles de première classe avaient lieu au maît re-aut el t andis que les funérailles de classe inférieure ét aient célébrées dans
une chapelle lat érale (§ 32).
Le t ext e insist e sur la nécessaire unit é du rit e. Néanmoins, il admet des adapt at ions à la diversit é des assemblées, des régions et des peuples, surt out
dans les missions (§ 38).
La mise en applicat ion des direct ives du concile sur la lit urgie est ent reprise sous l'aut orit é de Paul VI, par une commission pont ificale présidée par le
cardinal Giacomo Lercaro : le Consilium ad exsequendam Constitutionem de Sacra Liturgia . Les conférences épiscopales nat ionales jouent également
un grand rôle, en part iculier pour donner une t raduct ion commune des t ext es lit urgiques pour les pays qui leur sont confiés.
Les premières décisions about issent à la mise en place de la « messe de 1965 » qui rest e en vigueur jusqu'en 1970. Pour la messe chant ée, on
conserve le grégorien (gloria , credo…) et le lat in pour les prières du prêt re et en part iculier la prière eucharist ique. La langue parlée, en revanche, est
admise pour les lect ures, les chant s, la prière universelle (qui est rest aurée, après des siècles d'absence [N. 1]). Malgré l'absence de nouvelles normes en
la mat ière, dans les fait s, la célébrat ion se fait face au peuple. La proclamat ion de la Parole a lieu à l'ambon (et non plus à l'aut el). De nouvelles prières
eucharist iques sont publiées, qui renouent avec de t rès anciennes formulat ions (la t radit ion apost olique de saint Hippolyt e de Rome dat ant du
iiie siècle pour la prière eucharist ique II, des élément s des t radit ions lit urgiques gallicanes et hispaniques pour la prière eucharist ique III, et la prière de
Saint Basile (ive siècle) pour la prière eucharist ique IV[67].
En 1969 est publié un nouveau missel romain, dont l'usage devient obligat oire, sauf pour les prêt res âgés ou handicapés : c'est la Messe de Paul VI.
Quelques changement s sont apport és à la messe de 1965. Le lect ionnaire s'enrichit considérablement . Pour les dimanches et fêt es, il y a désormais
t rois lect ures (au lieu de deux), répart ies sur un cycle de t rois ans (au lieu d'un cycle annuel). La permission de dist ribuer la communion est accordée
aux laïcs, on peut dorénavant communier dans la main (ce dernier point ne dat e pas précisément de la promulgat ion du nouveau missel, mais d'un indult ,
donc d'une dispense, promulgué ult érieurement ) et , dans cert aines circonst ances, sous les deux espèces[68].
Selon J. O'Malley, si Vat ican II s'inscrit dans la ligne de Trent e pour affirmer que l'Eucharist ie représent e un sacrifice d'union avec celui du Christ sur la
Croix, il va cependant plus loin en y associant explicit ement la résurrect ion comme plénit ude du myst ère pascal. Le concile encourage les modèles de
piét é cent rés sur la messe, la lit urgie des heures et la Bible, plut ôt que sur les prat iques de dévot ion t elles que les neuvaines, en proliférat ion dans
l'Église cat holique depuis le Moyen Âge [69].
Tradit ionnellement , l'Église cat holique considérait que la révélat ion avait deux sources : la Tradit ion et l'Écrit ure. Mais le lien ent re les deux sources
n'ét ait guère précisé, et leur dissociat ion permet t ait de présent er comme révélés des dogmes sans fondement script uraire (par exemple les dogmes
de l'immaculée concept ion et de l'assompt ion de Marie)[70]. Dei Verbum s'efforce de sort ir de cet t e difficult é en insist ant sur l'unit é des deux sources,
moment s indissociables de l'aut o-révélat ion de Dieu aux hommes (§ 9). La révélat ion de Dieu ne se réduit pas à une série de dogmes fournis soit par
l'Église, soit par les Écrit ures : elle est la rencont re du Christ , verbe fait chair (§ 2). Dei Verbum présent e la révélat ion non pas comme la t ransmission de
savoirs ou de normes de comport ement , mais comme le don que Dieu fait de lui-même avec l'offre d'une relat ion d'amit ié. La révélat ion divine est
conçue comme l'act e de bienveillance grat uit e par lequel le Dieu Trinit é se fait connaît re lui-même et t ransmet sa propre vie en vue d'une alliance (§
2)[71].
Dei Verbum affirme que la charge d'int erprét er aut hent iquement la parole de Dieu est « confiée au seul Magist ère vivant de l'Église ». Il not e
cependant que le magist ère n'est pas au-dessus de la parole de Dieu mais à son service (§ 10). Le t ext e souligne l'int érêt de l'exégèse hist orico-
crit ique, mais demande aussi aux exégèt es de considérer le sens profond de l'Écrit ure, en lien avec la t radit ion de l'Église (§ 12).
Le concile ent reprend de ranimer le rôle cent ral de l'Écrit ure dans la vie religieuse et plus précisément t héologique de l'Église, en s'appuyant sur
l'œuvre des premiers papes, et t ravaille à une approche moderne de l'analyse script uraire et de l'int erprét at ion. Une nouvelle approche de
l'int erprét at ion est approuvée par les pères conciliaires : l'Église cont inue à fournir aux fidèles des t raduct ions de la Bible en langue vernaculaire, et
religieux et laïcs poursuivent l'ét ude de la Bible, en t ant que part cent rale de leurs vies. L'import ance de l'Écrit ure saint e, t elle qu'elle ét ait at t est ée
par Léon XIII dans Providentissimus Deus et dans les écrit s des saint s, doct eurs et papes t out au long de l'hist oire de l'Église, est confirmée. Le
concile approuve également l'int erprét at ion de l'Écrit ure à la lumière de l'hist oire présent ée dans l'encyclique Divino afflante Spiritu de Pie XII, en 1943.
Selon Christ oph Theobald, le concile Vat ican I (à t ravers const it ut ion dogmat ique Dei Filius ) conçoit la Révélat ion sur le modèle d'une inst ruct ion : Dieu
informe les hommes des vérit és qu'ils ne peuvent découvrir par eux-mêmes. Dei Verbum, quant à lui, privilégie le modèle de la communicat ion. La
relat ion ent re Dieu et les hommes a davant age la forme d'un dialogue [72].
L'Église et le monde
La relat ion de l'Église au monde moderne est l'objet de la const it ut ion past orale Gaudium et Spes , promulguée le 7 décembre 1965. Durant sa longue
préparat ion, le t ext e est désigné sous le nom de « schéma 13 » puis de « schéma 17 ».
Gaudium et Spes marque un t ournant dans la vie de l'Église. Celle-ci passe d'une relat ion avec le monde moderne fait e essent iellement de méfiance
(Syllabus de Pie IX, condamnat ion du modernisme sous Pie X) à une relat ion de solidarit é avec les hommes « de ce t emps ».
Les premières lignes du t ext e sont célèbres : « Les joies et les espoirs, les t rist esses et les angoisses des hommes de ce t emps, des pauvres surt out
et de t ous ceux qui souffrent , sont aussi les joies et les espoirs, les t rist esses et les angoisses des disciples du Christ , et il n'est rien de vraiment
humain qui ne t rouve écho dans leur cœur » (§ 1).
Selon Jean Daniélou, le t ext e a un double enjeu : la part icipat ion que les chrét iens doivent prendre à la const ruct ion de la civilisat ion t emporelle et ce
que le monde d'aujourd'hui est en droit d'at t endre de l'Église [73].
La première part ie t rait e des fondement s de la pensée sociale de l'Église. La seconde part ie examine des quest ions plus circonst ancielles : le mariage
et la famille, la cult ure, la vie économico-sociale, la polit ique et les relat ions int ernat ionales.
Gaudium et Spes s'efforce de discerner les « signes des t emps », c'est -à-dire la présence de Dieu dans les événement s significat ifs de l'hist oire
présent e (§ 4-1). Le t ext e insist e sur la dignit é inaliénable de l'homme créé à l'image de Dieu (§ 12-22). Il souligne l'aspect social de l'exist ence
humaine : la dignit é de l'homme ne peut êt re assurée qu'au sein d'une communaut é d'échange et d'amour mut uel (§ 25). Gaudium et Spes affirme enfin
la nécessit é du développement : l'homme doit renforcer sa maît rise sur la créat ion, et il faut inst it uer un ordre polit ique, économique et social, qui soit
au service de l'homme (§ 9).
Gaudium et Spes fait une allusion au cas de Galilée, en faisant référence à l'ouvrage de Pie Paschini (it), Vita e opere di Galileo Galilei (1964) :
« À ce propos, qu'on nous permette de déplorer certaines attitudes qui ont existé parmi les chrétiens eux-mêmes,
insuffisamment avertis de la légitime autonomie de la science. Sources de tensions et de conflits, elles ont conduit
beaucoup d'esprits jusqu'à penser que science et foi s'opposaient. »
Le cardinal Rat zinger dit du concile Vat ican II, auquel il part icipe comme t héologien : « Il s'agissait d’une t ent at ive pour une réconciliat ion officielle de
l’Église avec le monde t el qu’il ét ait devenu depuis 1789 » [74].
L'œcuménisme
Par ailleurs, l'encyclique Humani generis du 12 août 1950 avait condamné les « nouveaux t héologiens » (parmi lesquels Yves Congar) qui, sous prét ext e
d'unit é, t endent à « assimiler au dogme cat holique t out ce qui plaît aux dissident s ». Enfin, la proclamat ion par Pie XII du dogme de l'Assompt ion de la
Vierge Marie (1er novembre 1950), dépourvu d'appui biblique explicit e, créait un conflit supplément aire avec les prot est ant s[77].
Prenant le cont re-pied de cet t e at t it ude, le décret Unitatis redintegratio, promulgué le 21 novembre 1964, affirme que la rest aurat ion de l'unit é ent re
t ous les chrét iens est l'un des but s principaux du concile Vat ican II. Il présent e le mouvement œcuménique comme un aspect essent iel de la vie
chrét ienne (§ 1). Le but du concile, dit le t ext e, n'est pas seulement de réunir les croyant s pris un à un, c'est -à-dire par la conversion individuelle au
cat holicisme, mais d'unifier les communaut és, ce qui implique leur reconnaissance [78].
Le t ext e énonce les moyens de favoriser le ret our à l'unit é : renoncer à t out e at t it ude de médisance et d'agressivit é envers les « frères séparés » ;
mener des dialogues ent re expert s bien informés, par lesquels chaque communaut é pourra apprendre à connaît re les aut res ; organiser t out es sort es
d'ent reprises communes ; prier ensemble ; chercher à se rénover et à se réformer soi-même (§ 4).
L'ambit ion du t ext e rest e cert es limit ée. Il ne programme pas un ret our à l'unit é aisé ou rapide, mais se cont ent e de promouvoir ce ret our en
demandant aux cat holiques de s'engager résolument en sa faveur. Il rappelle également la place unique de l'Église cat holique dans l'œuvre du salut .
Tout efois, faisant implicit ement référence au § 8 de Lumen gentium, le décret reconnaît que « plusieurs et même beaucoup d'élément s de grande
valeur peuvent exist er en dehors des limit es visibles de l'Église cat holique », « élément s qui appart iennent de droit à l'unique Église du Christ » (§ 3).
Dans son discours d'ouvert ure de la deuxième session du concile, le 29 sept embre 1963, Paul VI formule une demande de pardon : « Si, dans les
causes de cet t e séparat ion, une faut e pouvait nous êt re imput ée, nous en demandons humblement pardon à Dieu, et nous sollicit ons aussi le pardon
de nos frères… » [79].
La fin du concile est marquée par la levée des excommunicat ions mut uelles par le pape et le pat riarche ort hodoxe de Const ant inople.
Enfin, deux mesures concrèt es qui ent rent direct ement en applicat ion après le concile concernent l'œcuménisme.
La première est le lect ionnaire œcuménique, que les cat holiques et les lut hériens appliquent t oujours aujourd'hui, malgré quelques divergences
d'int erprét at ion. Des voix s'élèvent aujourd'hui pour demander sa révision, not amment en incluant plus de t ext es de l'Ancien Test ament , surt out
représent é act uellement par les Psaumes.
La seconde est la t raduct ion commune de la Bible en langue vernaculaire. Bien que le t ravail de t raduct ion ait ét é commencé avant l'ouvert ure du
concile Vat ican II (première rencont re des t raduct eurs le 19 décembre 1961, ouvert ure du concile en 1962) la Traduct ion œcuménique de la Bible
(TOB), qui est t oujours en usage chez les cat holiques et une grande part ie des prot est ant s. Cependant , les ort hodoxes se sont vit e dét achés du
projet , le jugeant t rop modernist e. Cert ains regret t ent l'absence de not es de cult ure biblique. Depuis, les ort hodoxes ont rejoint l'équipe de la TOB
pour la révision édit ée en 2010. Les not es sont abondant es dans les édit ions d'ét ude.
La liberté religieuse
La libert é religieuse est l'objet de la déclarat ion Dignitatis Humanae, vot ée le 7 décembre 1965. Le t ext e ne t rait e pas de la libert é dans l'Église mais
du libre exercice de la religion dans la sociét é civile. Il affirme que les pouvoirs publics ne doivent pas imposer ou int erdire une opt ion religieuse [80]. La
déclarat ion énonce not amment qu'« en mat ière religieuse nul ne [peut êt re] forcé d'agir cont re sa conscience » (§ 2) et que « personne ne doit êt re
cont raint à embrasser la foi malgré lui » (§ 10).
Il est à not er que l'Église a t radit ionnellement condamné les conversions forcées au cat holicisme [81], de sort e que, de ce point de vue, le concile
n'innove pas. En revanche, avant le concile, l'Église n'exigeait la libert é que pour elle-même, se réservant la possibilit é, lorsqu'elle ét ait majorit aire,
d'int erdire les aut res confessions, ou, au mieux, de les « t olérer », comme dans le concordat espagnol de 1953[82]. Cet t e exigence de libert é pour elle-
même associée à une « int olérance » [83] pour les aut res confessions const it uait un « double st andard » [83]. Désormais l'Église se pose en défenseur de
t out es les libert és religieuses[84],[85].
Selon l'Histoire du christianisme dirigée par Jean-Marie Mayeur, c'est ce t ext e qui a provoqué les t ensions les plus fort es au cours du concile. Aucun
document n'a rencont ré aut ant d'host ilit é de la part de la minorit é conciliaire [86].
Le t ext e avait d'abord ét é conçu comme un chapit re du décret sur l'œcuménisme, dest iné à régler le problème des t racasseries ant i-prot est ant es
dans les pays t radit ionnellement cat holiques comme l'Espagne et la Colombie. La version finale a une aut re perspect ive : répondre aux reproches
d'int olérance adressés à l'Église cat holique, et revendiquer, face aux Ét at s t ot alit aires marxist es, la libert é de cult e pour les chrét iens[86].
Dignitatis humanae fonde la libert é religieuse sur la dignit é de la personne. La déclarat ion est fort ement influencée par Pacem in terris , qui reprend les
point s les plus import ant s de la Déclarat ion universelle des droit s de l'homme de 1948[87].
La première part ie du t ext e s'adresse à t out homme et ut ilise surt out le langage de la raison. La deuxième part ie, qui relève davant age du regist re
t héologique, mont re que cet t e doct rine de la libert é est impliquée par la foi chrét ienne. Le § 11, en part iculier, propose une médit at ion sur la
prédicat ion de Jésus et des apôt res, qui ne repose aucunement sur la cont raint e.
Les deux principaux aut eurs de Dignitatis humanae sont le t héologien it alien Piet ro Pavan et le jésuit e américain John Court ney Murray. C'est ce
dernier qui donna au t ext e sa fort e dimension juridique [88].
Tout efois, la déclarat ion n'évoque pas la « libert é de conscience » [89]. Cet t e dernière avait en effet ét é qualifiée par Grégoire XVI de « délire » dans
l'encyclique Mirari vos en 1832, expression reprise dans l'encyclique Quanta cura de Pie IX en 1864. La nat ure de l'art iculat ion ent re libert é de
conscience et libert é religieuse fait l'objet de débat s. Selon Mart in Rhonheimer, de l'Opus Dei, le rapport ent re l'enseignement de Vat ican II et celui de
la t radit ion pré-conciliaire est celui de la réforme dans la cont inuit é. Selon Basile Valuet , de l'abbaye Saint e-Madeleine du Barroux, c'est la cont inuit é
qui prévaut [90].
En 1966, John Court ney Murray regret t e que Dignitatis Humanae s'en t ienne à une définit ion « ét roit ement limit ée » de la seule libert é religieuse et ne
met t e pas mieux en valeur que « la dignit é humaine consist e en l'usage responsable de la libert é » [91],[92].
Relations avec les autres religions
La déclarat ion a ét é adopt ée le 15 oct obre 1965. Elle rompt avec des siècles d'indifférence ou d'host ilit é à l'égard des aut res religions. La déclarat ion
affirme que l'Église ne rejet t e rien de ce qui est « vrai et saint » dans les religions non chrét iennes et qu'elle respect e sincèrement les règles et les
doct rines de ces religions qui « reflèt ent souvent un rayon de la vérit é qui illumine t ous les hommes » (§ 2). Les religions nommément cit ées sont
l'hindouisme, le bouddhisme, l'islam et le judaïsme. Le t ext e se garde néanmoins de t out syncrét isme. Il rappelle que les cat holiques sont t enus — par
le dialogue — d'annoncer le Christ (§ 2).
Ce sont surt out les rapport s ent re le cat holicisme et le judaïsme qui sont bouleversés par Nostra Ætate. La déclarat ion récuse t out e responsabilit é du
peuple juif en t ant que t el dans la mort du Christ et condamne les persécut ions ant isémit es. Elle recommande de faire disparaît re t out ant ijudaïsme
de la cat échèse et de la prédicat ion (§ 4).
Nostra Ætate a profondément renouvelé l’enseignement de l’Église sur le judaïsme et condamné sans ambiguït é l’ant ijudaïsme chrét ien t radit ionnel[93].
Sa nouveaut é réside surt out dans la reconnaissance des racines juives du christ ianisme. La t héologie de la subst it ut ion (l'Église comme verus Israel et
l'« ancien Israël » Vetus Israel ét ant déchu et banni) laisse la place à une t héologie de la filiat ion et de l'enracinement : deux religions et non une seule
élue de Dieu[94]. Jules Isaac, par ses écrit s et ses int ervent ions, avait not amment fait avancer la prise de conscience de l’Église sur cet ant ijudaïsme
syst émique dès la conférence de Seelisberg en 1947 mais il a fallu at t endre Jean-Paul II pour « l'act e de repent ance pour l’ant ijudaïsme des chrét iens
au cours des siècles » [93].
Le décret Ad Gentes évoque les « semences du Verbe », semina Verbi, qui se t rouvent cachées dans les différent es « t radit ions nat ionales et
religieuses », et dont la reconnaissance doit êt re art iculée avec l'exigence d'évangélisat ion[95].
Cet t e vision renouvelée du rapport aux différent es t radit ions religieuses s'est illust rée dans les rencont res d'Assise, init iées par Jean-Paul II et
poursuivies par Benoît XVI.
Le 6 août 2000, la déclarat ion Dominus Iesus , signée par le cardinal Rat zinger et approuvée par Jean-Paul II, prend posit ion sur les relat ions avec les
aut res religions et l'œcuménisme. Elle affirme qu'aux yeux du Magist ère l'Église cat holique est « l'unique Église du Christ » et que les Églises nées de la
Réforme « ne sont pas des Églises au sens propre du mot » (§ 17). Cet t e déclarat ion a pu choquer un large évent ail de chrét iens et de membres
d'aut res religions[96], en semblant ignorer voire annuler les progrès accomplis dans les rapprochement s œcuméniques des décennies précédent es[97].
Jean-Arnold de Clermont , président de la Fédérat ion prot est ant e de France, y voit une « lect ure figée des t ext es de Vat ican II » [98]. Du côt é
cat holique, Claude Geffré regret t e que « le jugement posit if de Vat ican II sur les aut res religions [soit ] réint erprét é dans un cont ext e de
christ ianocent risme et d'ecclésiocent risme qui rappelle à bien des égards une t héologie préconciliaire » [99].
Plusieurs quest ions furent également écart ées de l'agenda conciliaire par Paul VI, qui les considérait de sa seule aut orit é : la réforme de la curie et le
mécanisme dest iné à donner une place cent rale à la collégialit é [101], le célibat des prêt res[102]… En part iculier, son refus de laisser le concile débat t re
de la cont racept ion et le cont rôle des naissances correspond à une volont é de ne pas faire évoluer la morale sexuelle cat holique, à une heure ou les
mœurs se libéralisent et où les lois civiles changent (en France, loi Neuwirt h en 1967)[101],[102].
Par ailleurs, les vœux pour le concile exprimés par l’At hénée pont ificale salésienne, proposant l'excommunicat ion latæ sententiæ (i.e. aut omat ique) des
agresseurs sexuels, clercs ou religieux, ont ét é écart és lors des débat s préparat oires sur deux argument s : laisser les évêques en juger et évit er un
scandale préjudiciable à l'Église et au célibat ecclésiast ique [103].
Le concile a approuvé 4 const it ut ions, 9 décret s et 3 déclarat ions. Les document s sont donnés ici dans l'ordre chronologique de leur approbat ion par
les pères du Concile. Bien que t ous officiels, ils n'ont pas nécessairement t ous la même import ance t héologique et canonique dans la vie de l'Église. Le
t it re qui leur est donné (Const it ut ion, Décret ou Déclarat ion) donne une cert aine idée de leur import ance.
Signature et promulgation
Chaque document se t ermine par le t ext e,
«Tout l'ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans
cette Constitution (Décret, Déclaration) ont plu aux pères du
Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que nous
tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les
approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous
ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué
pour la gloire de Dieu». Signé : Moi, Paul, évêque de l'Église
catholique.
Suivent les signat ures des pères conciliaires.
L'après-concile se caract érise par une crise du cat holicisme : recul des vocat ions sacerdot ales, remise en quest ion des formes classiques de la vie
religieuse, diminut ion de la prat ique dominicale, rejet des posit ions t radit ionnelles en mat ière de morale sexuelle… Pour les adversaires du concile, c'est
là une conséquence direct e de Vat ican II. Les réformist es, quant à eux, ont t endance à expliquer cet t e crise par la lent eur mise par la curie romaine à
appliquer les nouvelles orient at ions conciliaires[105].
Vat ican II n'a pas empêché le développement de la crise des décennies suivant es. S'il n'est pas à l'origine de l'effondrement des courbes enregist rées
depuis le milieu des années 1960 concernant la prat ique et les vocat ions, il en a fixé le calendrier et l'int ensit é [107]. Ainsi, il a pu dést abiliser cert ains
cat holiques dans leur foi et dans leur prat ique. Mais il a pu au cont raire, pour d'aut res, at t énuer les conséquences de la t endance générale à la
déchrist ianisat ion sur le long t erme, en engageant l'Église dans les voies de l'avenir par un redressement past oral, spirit uel et int ellect uel[108].
Réactions
Le traditionalisme
Le refus qui aura le plus de conséquences est celui émanant de Marcel Lefebvre, ancien archevêque de Dakar. Après avoir accept é librement de signer
les déclarat ions du concile, il les rejet t e publiquement en 1974. Il est alors frappé d'une suspense a divinis. La Frat ernit é sacerdot ale Saint -Pie-X, qu'il
avait fondée en 1970, est déclarée dissout e en 1976 ; elle poursuit néanmoins son exist ence et s'oppose aux réformes. Elle ut ilise la messe t rident ine
(ou messe de saint Pie V) comme ét endard de sa cont est at ion du concile. De cet t e façon, Marcel Lefebvre indique vouloir sauver l'Église cat holique
de la sit uat ion t rès grave dans laquelle elle se serait mise en dét ruisant la lit urgie t radit ionnelle ainsi que d'aut res élément s qu'il juge essent iels à sa
survie.
Paul VI déclare en privé : « En apparence ce différend port e sur une subt ilit é. Mais cet t e messe dit e de saint Pie V., comme on le voit à Ecône, devient
le symbole de la condamnat ion du concile. Or, je n'accept erai en aucune circonst ance que l'on condamne le concile par un symbole. Si cet t e except ion
ét ait accept ée, le concile ent ier sera ébranlé. Et par voie de conséquence l'aut orit é apost olique du concile » [110].
Sous l'aut orit é de Jean-Paul II, des négociat ions de rapprochement sont menées avec le mouvement lefebvrist e. En 1988, alors qu'un prot ocole
d'accord avait ét é accept é, Marcel Lefebvre se rét ract e et sacre sans aut orisat ion pont ificale quat re évêques de sa mouvance. Pour Rome, il s'agit
d'un act e schismat ique [N. 2], qui provoque l'excommunicat ion aut omat ique des quat re évêques et de leur chef.
En juillet 2007, Benoît XVI, par son motu proprio Summorum Pontificum, assouplit les condit ions de célébrat ion de la messe selon le rit e t rident in.
L'object if affiché de ce mouvement d'ouvert ure vers les lefebvrist es est de modifier leur at t it ude de rejet des décisions du concile Vat ican II [111]. Le
21 janvier 2009, Benoît XVI lève l'excommunicat ion qui frappait les quat re évêques ordonnés par Marcel Lefebvre.
En juillet 2021, le pape François publie le motu proprio Traditionis custodes , qui abroge le Summorum Pontificum de 2007. Ce t ext e est accompagné
d'une let t re aux évêques cat holiques du monde.
Bref examen critique du nouvel Ordo Missae
Pour le dominicain Christ ian Duquoc, dans Lumen gentium, le pouvoir « sacré » du minist re ordonné n'a pas de sens en lui-même, mais est ordonné au
« peuple de Dieu ». Le sacerdoce et l'épiscopat sont des services rendus à la communaut é, et le prêt re n'est maît re d'aucun pouvoir. Il déplore que
Lumen gentium en rest e à l'exhort at ion, et que le pouvoir ecclésiast ique rest e sans régulat ion communaut aire [115].
La hiérarchie de l'Église
L'Assemblée ext raordinaire du synode des évêques convoquée en 1985 par Jean-Paul II sur le t hème des vingt ans du concile a not é que la
const it ut ion Dei Verbum avait ét é encore t rop négligée [116], et n'a pas permis de résoudre la quest ion de la collégialit é [117].
L'interprétation de Jean-Paul II
Jean-Paul II résume ainsi l'enseignement du concile dans son encyclique Redempt oris Missio de 1990 :
« L'Esprit se manifeste d'une manière particulière dans l'Église et dans ses membres ; cependant sa présence et son action
sont universelles, sans limites d'espace ou de temps. Le Concile Vatican II rappelle l'œuvre de l'Esprit dans le cœur de tout
homme, par les « semences du Verbe », dans les actions même religieuses, dans les efforts de l'activité humaine qui
tendent vers la vérité, vers le bien, vers Dieu[118]. »
Le pape François déclare dans une homélie : « Quelques voix demandent à ret ourner en arrière. Cela s'appelle « êt re ent êt é », cela s'appelle « vouloir
apprivoiser l'Esprit -Saint », cela s'appelle « devenir sot et lent du cœur » » [122].
Selon Jean Picq, l'at t it ude du pape François « est à rebours du repli ident it aire : c'est ici le souffle de Vat ican II qui est repris » [123].
Autres réactions
À la fin de l'ét é 1968, le général de Gaulle, président de la République française, affirme au nouvel archevêque de Paris, le cardinal François Mart y, que
« le concile de Vat ican II est l'événement le plus import ant du siècle, car on ne change pas la prière d'un milliard d'hommes sans t oucher à l'équilibre de
t out e la planèt e » [124].
Notes et références
Notes
Références bibliographiques
clin-qui-le-precedait-et-non-linverse/) [archive])
ligne (https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Qu-est-ce-que-la-liberte-r
l-eglise-primitive-est-nee-une-doctrine-qui-a-genere-des-siecles-de-souffranc
es-pour-les-juifs-dans-le-monde-chretien_6209496_6038514.html) [archive],
(https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2010-v66-n2-ltp3955/044852a
e-fervents-considerent-que-l-eglise-n-a-pas-a-mettre-son-nez-dans-le-lit-conj
ieres-historienne-le-silence-de-vatican-ii-sur-les-violences-sexuelles-question
ne-la-capacite-de-reforme-de-l-eglise_6196392_6038514.html) [archive],
Voir aussi
Bibliographie et vidéographie
: document ut ilisé comme source pour la rédact ion de cet art icle.
: aut eur présent au concile
Papes
(de) Ralf van Bühren: Kunst und Kirche im 20. Jahrhundert. Die
Rezeption des Zweiten Vatikanischen Konzils
(Konziliengeschichte, Reihe B: Untersuchungen), Paderborn:
Ferdinand Schöningh 2008 (ISBN 978-3-506-76388-4)
René Brouillet, « Témoignage sur le deuxième concile du
Vatican », dans Le deuxième concile du Vatican (1959-1965),
Rome, École française de Rome, 1989 (ISBN 9782728301881, lire en
ligne (http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-
0000_1989_act_113_1_3358) [archive]), p. 17-29.
Philippe Chenaux, Les enseignements de Jean XXIII, Saint
Maurice, Saint Augustin, 2000, 344 p. (ISBN 978-2-88011-193-9, lire
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M-P
df) [archive]).
Article connexe
Histoire de la papauté
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