NUTRITION
CHAPITRE 1
INTRODUCTION À LA NUTRITION
POURQUOI SE NOURRIR ?
1 PERTE DE MATIÈRE
Nos tissus se renouvellent chaque jour : ils se désintègrent pour se reconstituer avec des
nouveaux composés. C’est le cas pour la peau, le sang, les muscles…
Afin de pouvoir se re-fabriquer au cours du temps ils nécessitent donc de la matière
première (acides aminés, sucres, enzymes, vitamines…).
Chaque jour, l’organisme perd de l’eau par voie urinaire, pas sudation et par la respiration.
Des pertes en eau représentent plus de 2,5L, et elles entraînent avec elles une perte
importante d’électrolytes et de minéraux.
2 PERTE D’ ÉNERGIE
Tous les métabolismes de l’organisme nécessitent de l’énergie pour fonctionner :
l’appareil respiratoire, l’appareil digestif, l’appareil cardio-vasculaire, l’appareil urinaire et
gynécologique…
Il en est de même pour la thermorégulation, la fabrication des tissus, le travail musculaire
ou encore les synthèses impliquées par un état physiologique spécifique : croissance,
gestation, allaitement…
Ces pertes en eau, électrolytes, matière et énergie doivent donc être compensées chaque
jour par un apport équivalent.
19
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE
NUTRITION
DE LA NUTRITION À L’ ALIMENTATION
1 LA NUTRITION
La nutrition est une science qui définit l’ensemble des processus d’assimilation et
de dégradation des aliments dans l’organisme, lui permettant croissance et bon
fonctionnement.
En d’autres mots, cela traduit le passage de l’aliment au statut de nutriment.
Parmi ces nutriments, se trouvent les nutriments énergétiques et les nutriments non
énergétiques.
Les nutriments énergétiques
Les nutriments dits énergétiques (ou caloriques) apportent de l’énergie à l’organisme.
Ils sont au nombre de 4 :
• Les protéines
• Les lipides
• Les glucides
• L’alcool
Tous les autres nutriments n’apportent pas d’énergie.
Les nutriments non-énergétiques
Les nutriments non-énergétiques (ou acaloriques) n’apportent pas d’énergie mais sont
tout autant nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme.
Ils sont très nombreux :
• L’eau
• Les fibres
• Les minéraux et les oligo-éléments
• Les vitamines
2 L’ ALIMENTATION
Les nutriments, énergétiques ou non, sont puisés dans les aliments qu’on peut regrouper
par familles en fonction de leur composition : aliments riches en protéines, riches en gras,
riches en sucres etc... Ainsi, on distingue 7 familles d’aliments :
• Les fruits et légumes
• Les féculents : céréales, légumes secs et tubercules
• Les viandes, poissons et œufs (VPO)
• Les produits laitiers : lait, yaourt, fromages…
20
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE
NUTRITION
• Les matières grasses : beurre, huile, crème…
• Les produits sucrés : sucre, miel, chocolat, bonbons…
• Les boissons
À ces familles, nous pouvons ajouter les oléagineux (noix, noisettes, amandes, cacahuètes…)
, que l’ANSES classe en sous-famille des fruits et légumes, et les algues, de plus en plus
consommés en France.
Le détail sera vu dans le cours d’alimentation.
Les rôles, sources et apports conseillés de chacun des nutriments seront détaillés dans ce
présent ouvrage.
LES BESOINS NUTRITIONNELS
Fin 2016, l’ ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’ Alimentation, de
l’ Environnement et du Travail, 2010) a publié les nouvelles recommandations relatives à
la nutrition humaine. Cette actualisation du PNNS (Plan National Nutrition Santé) a pour
but de mettre à jour les repères nutritionnels, en cohésion avec l’ avancée de la recherche
dans ce domaine, tout en veillant à l’ harmonisation des nombreuses recommandations
proposées par les différents organismes référents, nationaux ou internationaux (AFSSA,
EFSA, IOM, FAO, OMS…).
Depuis cette date, de nouveaux termes sont utilisés :
• Le Besoin Nutritionnel Moyen (BNM) : « C’ est le besoin moyen au sein de la
population, tel qu’ estimé à partir de données individuelles d’ apport en relation
avec un critère d’ adéquation nutritionnelle lors d’ études expérimentales ». ANSES
2016. Cette définition, un peu complexe, traduit en fait le besoin d’ un petit groupe
d’ individus, estimé à partir de plusieurs études physiologiques. Il ne sera en général
pas utilisé puisqu’ il ne permet pas de couvrir le besoin nutritionnel d’ un groupe
important de personnes (variabilité interindividuelle).
• La Référence Nutritionnelle de Population (RNP) : « C’ est l’ apport qui couvre
le besoin de presque toute la population considérée, tel qu’ estimé à partir des
données expérimentales ». ANSES 2016. Afin de couvrir le besoin de toute une
population, les RNP (en énergie, macro ou micro nutriments etc…) sont en fait
les BNM auxquels on ajoute deux écart-types, pour permettre de couvrir le besoin
de 97.5% de la population. Ce terme de RNP correspond à l’ ancien terme « ANC »
(Apport Nutritionnel Conseillé), maintenant abandonné.
• L’ Apport satisfaisant (AS) : « C’ est l’ apport moyen d’ une population ou d’ un sous-
groupe pour lesquels le statut nutritionnel est jugé satisfaisant ». ANSES 2016. Ce
terme est utilisé lorsque les méthodes d’ estimation du BNM et donc de la RNP ne
sont pas certaines, fautes de données suffisantes.
• L’ Intervalle de référence (IR) : « Intervalle d’ apports considérés comme satisfaisants
pour le maintien de la population en bonne santé ». ANSES 2016. Cet intervalle définit
21
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE
NUTRITION
une fourchette (haute et basse) de recommandations d’ apports en nutriments
énergétiques. Il s’ exprime en pourcentage par rapport à l’ apport énergétique total
de la journée. (Cf plus loin).
• La Limite Supérieure de Sécurité (LSS) : « C’ est l’ apport journalier chronique
maximal d’ une vitamine ou d’ un minéral considéré comme peu susceptible de
présenter un risque d’ effets indésirables sur la santé de toute la population ». ANSES
2016.
DÉTERMINATION DES BESOINS
Plusieurs approches permettent d’appréhender les besoins de l’organisme. Bien que
chaque méthode donne des résultats sensiblement différents, elles permettent néanmoins
de proposer des valeurs considérées comme justes et applicables pour l’ ensemble de la
population.
1 ÉTUDES PHYSIOLOGIQUES
Ces études permettent de déterminer les besoins en énergie et en nutriments d’un
individu à part entière. Les résultats obtenus à partir de plusieurs individus sont ensuite
extrapolés pour la population générale.
Méthode factorielle
Cette méthode prend en compte divers paramètres de façon isolée et les relie ensuite
entre eux pour déterminer le besoin :
• Besoin net d’ entretien (E) : dépense physiologique nette pour le fonctionnement et
l’ entretien de l’organisme, en prenant en considération les pertes inévitables (pertes
endogènes, fécales, urinaires et cutanées).
• Besoin net de croissance (C) : rétention d’énergie et de matière liée au gain de poids
qu’implique la croissance.
• Besoin net de gestation (G) : énergie et matière utilisées pour le développement du
fœtus et des tissus maternels (placenta, utérus, sang…).
• Besoin net de lactation (L) : quantité d’énergie et de matière exportée dans le lait.
• Coefficient d’absorption réelle (CAR) : rend compte de la différence entre l’énergie
ou la matière ingérée et celle réellement absorbée.
Lorsque tous ces éléments sont mesurés, le besoin nutritionnel est défini comme suit :
BN = E + C + G + L
CAR
22
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE
NUTRITION
Méthode du bilan
Cette méthode étudie l’équilibre entre les entrées et les sorties.
Lorsque les besoins sont satisfaits, le bilan est équilibré.
Méthode déplétion-réplétion
Souvent utilisée pour les vitamines, cette méthode propose de carencer le sujet en un
nutriment puis de l’introduire à nouveau petit à petit afin de pouvoir estimer les besoins.
Méthode isotopique
Utilisation de marqueurs isotopiques qui permet de mesurer la synthèse, le stockage,
l’oxydation et l’élimination d’un nutriment. Cette technique fiable est de plus en plus
utilisée.
2 ÉTUDES NUTRITIONNELLES
Apports spontanés
Cette méthode consiste à étudier les apports spontanés d’une population spécifique
sur une longue durée. En l’absence de maladie, elle permet de déterminer des apports
recommandables. Néanmoins, de nombreuses limites la rendent peu fiables : estimation
des quantités, conversion en nutriments ou encore biodisponibilité de chacun.
Marqueurs biologiques
Les marqueurs biologiques permettent de mesurer la composition des tissus, du sang ou
des organes en un nutriment spécifique.
3 ÉTUDES CLINIQUES
Pour certains nutriments, l’étude clinique ou biologique permet de déterminer les besoins.
Mais cette méthode reste difficilement extrapolable.
4 ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
Les études épidémiologiques sont réalisées sur de grandes populations et bien qu’elles ne
permettent pas de quantifier de façon précise les besoins, elles permettent de mettre en
exergue des liens intéressants entre la nutrition et la santé.
En général, elles se réalisent sur un groupe d’individus ayant des caractéristiques proches
(poids, taille, pathologie…) qui sera séparé en deux. L’un sera traité d’une façon et l’autre
groupe témoin sera traité avec des substances placebo. Les résultats obtenus permettront
de tirer des conclusions sur l’effet bénéfique ou non de la substance testée.
23
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE
NUTRITION
ÉVALUATION DU STATUT NUTRITIONNEL
Afin d’assurer le bon fonctionnement de l’organisme, le statut nutritionnel de chaque
individu doit être satisfaisant et entretenu. Plusieurs méthodes permettent aux
professionnels de santé et donc aux diététiciens-nutritionnistes d’étudier le statut
nutritionnel de leurs patients.
1 ÉVALUATION DE LA DÉPENSE ÉNERGÉTIQUE
Plusieurs méthodes permettent d’estimer la dépense énergétique d’un sujet sur un temps
donné.
Calorimétrie directe
Mesure de la chaleur émise par un sujet dans une enceinte close.
L’énergie dépensée par le sujet est déduite de la chaleur libérée par celui-ci.
Calorimétrie indirecte
Mesure de l’O2 consommée par un sujet.
L’énergie dépensée est ensuite calculée grâce à l’équation suivante : 1L d’ O2 = 4,825kcal.
Eau doublement marquée
Méthode identique à la calorimétrie indirecte.
Enregistrement de la fréquence cardiaque
Permet de déduire la consommation en O2 et CO2.
2 ÉVALUATION DE L’APPORT ÉNERGÉTIQUE
Par l’ enquête alimentaire (cf Apports spontanés), l’ estimation précise de toutes les
consommations alimentaires d’ un sujet permet de quantifier l’ énergie apportée à
l’ organisme.
24
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE
NUTRITION
3 ÉVALUATION DE LA COMPOSITION CORPORELLE
L’ indice de masse corporelle (IMC)
L’IMC se calcule comme suit : P / T² (P : poids en kg, T : taille en mètres).
Il permet d’appréhender le rapport du poids et de la taille et donc de mettre en évidence
un éventuel état de dénutrition, de surpoids ou d’obésité selon les classes suivantes :
• IMC < 18,5 : Déficit pondéral à risque de dénutrition
• 18,5 ≤ IMC < 25 : Poids souhaitable*
• 25 ≤ IMC < 30 : Surpoids
• 30 ≤ IMC < 35 : Obésité modérée
• 35 ≤ IMC < 40 : Obésité sévère
• IMC ≥ 40 : Obésité morbide
* l’IMC considéré comme «idéal» est de 22kg.m-2
Même si l’IMC donne une idée de l’état nutritionnel d’une personne, il n’est pas toujours
à considérer avec sérieux car il ne peut s’appliquer à certaines populations : enfants,
personnes âgées ou sportifs à musculature développée.
La répartition de la masse grasse
Il s’agit ici du rapport taille (cm) / hanche (cm).
Image tirée de global-sport.fr Image tirée de global-sport.fr
Répartition de la masse Gynoïde Androïde
graisseuse (graisse fémorale) (graisse abdominale)
Tour de taille idéal < 80 cm < 94 cm
Rapport T / H idéal 0,65 à 0,85 0,85 à 1
25
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE
NUTRITION
Au-delà des mesures évoquées ici, on parle d’obésité gynoïde ou androïde. La répartition
androïde est plus dangereuse car la graisse est viscérale alors que la graisse de l’obésité
gynoïde est sous-cutanée. En revanche, la graisse viscérale est plus facile à perdre mais
non opérable, contrairement à la graisse sous-cutanée.
Les compartiments corporels
Le corps peut être divisé en deux « compartiments » : la masse grasse et la masse non-
grasse (muscles, tissus, os, eau…).
Le calcul de ces pourcentages par rapport au poids total renseigne bien du statut
nutritionnel de l’individu. Les valeurs souhaitées sont les suivantes :
Masse grasse Masse musculaire
15 à 20% du poids corporel
30 à 40% du poids corporel
Homme 10 à 14kg pour une pers. de 70kg
21 à 28kg pour une pers. de 70kg
≤ 5 % : danger pour la santé
20 à 25% du poids corporel
20 à 30% du poids corporel
Femme 12 à 15kg pour une pers. de 60kg
12 à 18kg pour une pers. de 60kg
≤ 10 % : danger pour la santé
L’étude des compartiments corporels peut se faire via différentes méthodes :
• Densitométrie : hydrodensitométrie (pesée sous l’eau) ou pléthysmographie
(déplacement de l’air).
• Impédance bioélectrique.
• Absorptiométrie biphotonique : DEXA (appareil qui mesure l› absorption de rayons
X par les différents compartiments).
• Mesure des plis cutanés (pince à plis).
4 ÉVALUATION DE L’ ÉTAT GÉNÉRAL
L’ enquête alimentaire
L’ enquête alimentaire (cf. Evaluation de l’apport énergétique) permet aussi, lorsqu’ elle est
réalisée avec soin par un professionnel compétent, de détecter une éventuelle carence ou
au contraire un excès en certain(s) nutriment(s).
EXEMPLE
Un dégoût pour les produits laitiers pourra suspecter une carence en calcium si aucun
autre aliment riche en calcium n’ est consommé.
26
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE
NUTRITION
Bilans sanguins
Réalisables pour les principaux nutriments (P, L, G) mais aussi pour les minéraux (Na, Ca,
P, Mg) et les oligoéléments (Fe, Zn, Cu, Se…) ainsi que les vitamines, les bilans sanguins
permettent de faire le point sur l’ état général d’ un individu.
w À RETENIR
Il existe de nombreuses méthodes permettant d’estimer les besoins ou le statut
nutritionnel d’un individu. Certaines de ces méthodes nécessitent un matériel
important alors que d’autres outils permettront au diététicien-nutritionniste
d’étudier ces paramètres de façon plus directe. C’est le cas par exemple de l’enquête
alimentaire, du calcul de l’IMC, de l’estimation des plis cutanés ou la répartition de la
masse grasse. Autant de techniques qui permettront au professionnel de poser un
diagnostic diététique précis et de conseiller l’individu en conséquence.
27
1 • INTRODUCTION GÉNÉRALE