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L'Expédition Militaire en Tunisie 1881-1882 Bpt6k6472082k

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L'Expédition militaire en

Tunisie, 1881-1882

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


L'Expédition militaire en Tunisie, 1881-1882. 1881-1882.

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L'EXPÉDITION F

MILITAIRE

AVEC SEPT CARTES DANS LETEXTE

PARIS
HENRI CHARLES-LAVAUZELLE
Éditeur militaire
118, Boulevard Saint-Germain, Rue Danton, 10

(MÊME MAISON A LIMOGES)


L'EXPÉDITION MILITAIRE EN TUNISIE

1881-1882
DROITS DE REPRODUCTION ET DE TRADUCTION RÉSERVÉS
L'EXPÉDITION

MILITAIRE

PARIS
HENRI CHARLES-LAVAUZELLE
Éditeur militaire
118, Boulevard Saint-Germain,Rue Danton, 10

(MÊME MAISON A LIMOGES)


CARTES A CONSULTER

Carte de la Régence de Tunis, dressée au dépôt de la Guerre,


d'après les observations et les reconnaissance de M. FALRE,
capitaine de vaisseau danois, de M. PRICOT SAIXTE-MARIE, chef

Les 2

feuilles 1
d'escadron d'état-major français, et d'après les renseignements

50
franco1(>()
recueillis par eux; à l'échelle du 400,1000"' Paris 1857, 2 feuilles.

(Cette carte a été employée par les états-majors de l'Expédition fran-


çaise; elle est, pour ce fait, très intéressante à consulter.)

à l'échelle du
Les 4 feuilles
lOO.OO"


2
Itinéraire de Tunis à Bizerte et à la frontière d'Algérie,

50
franco 70
Colonel PÉRIER, 4 feuilles.

PUBLICATIONS DU SERVICE GÉOGRAPHIQUE DE L'ARMÉE

:
La feuille.

franco
Carte de la Tunisie, au

1 1
POSTÉRIEURES

10
A

800,1000"
,
L'OCCUPATION

2 feuilles.
1 »

Feuilles au
La feuille
lraneo.»
Sud-Est de la Tunisie

70
(RÉGION FRONTIÈRE DE LA THIPOLITAINE)


200.10()o-,

»
)
)

de l'édition provisoire.
u
au 400.000, ,
1 feUI
lIe (1893).
(1893)

franco»80
feuille 70
» 80

Feuilles au 200.1000"' carte de reconnaissance.
La

Feuilles au
La feuille


1
franco 6050
50.000* (en cours de publication).

TOUTES CES CAltTES SUNT EN VESTE


à la librairie militaire Henri tlIAItLES-LAVAUïEIiliE
118, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, RUE DANTON, 10, A PARIS
AVERTISSEMENT

Nous avons divisé ce volume sur l'expédition militaire en


Tunisie en deux tomes.
Le premier, à l'usage des gens du monde, si l'on peut s'ex-
primer ainsi, contient la relation simple et résumée des opé-
rations.
:
Il a été, pour la facilité de la lecture, scindé en trois parties
la première expédition, les événements entre le premier rapa-
triement et la seconde expédition, la seconde expédition.
Nous y avons relaté, autant qu'il nous a été possible, les
opérations dans leur ordre chronologique. Il était assez diffi-
cile, en effet, de présenter, sans lacune, des événements sou-
vent sans liaison entre eux et se déroulant sur des théâtres
d'opérations bien distincts, et il fallait éviter de donner du pre-
miercoup et dans le texte même, trop de détails dans lesquels
le lecteur aurait pu s'égarer.
Le tome second renferme des pièces annexes, pièces justi-
ficatives, observations et relations de détail, tant des opéra-
tions françaises que des diverses situations de la régence et
des principales actions des insurgés.
Les différentes pièces y sont données successivement sans
qu'on ait cherché à les lier les unes aux autres.
Ce tome est destiné plus spécialement aux militaires qui ont
pris part à l'expédition ou ont fait partie des différentes trou-
pes d'occupation. Nous espérons qu'il sera aussi accueilli favo-
rablement par les officiers des corps spéciaux actuellement en
Tunisie, et tous ceux qu'intéressent les affaires arabes.
Nous avons ajouté quelques croquis fort simples.
Ces dispositions, qui permettent de lire l'ensemble des opé-
rations en ayant à côté de soi les pièces complémentaires de
détail, faciliteront donc l'étude de l'ouvrage et nous gagne-
ront, sans doute, la bienveillance dulecteur.
TOME 1
Ire PARTIE
PREMIÈRE EXPÉDITION

ÉVÉNEMENTS A LA FRONTIÈRE. CONCENTRATION DE TROUPES.

LE PREMIER CORPS EXPÉDITIONNAIRE. OPÉRATIONS


EN KHOUMIRIE. TRAITÉ DE KASSARSAÏD. RAPATRIEMENT
CHAPITRE PREMIER

Préliminaires.

Engagements entre les Oulad-Cedra (Tunisiens) et les Nehed (Algériens), février


1881. — Premier envoi de troupes à la frontière. — Engagements des 30 et 31
mars (entrée en ligne de deux compagnies françaises, le 3t). — Renforcement
des troupes au contact par des détachements de la division de Constantine.
(Ordre est donné au général Ritter, commandant les troupes françaises, de ne
pas dépasser la frontière.)
Le 3 avril, le conseil des ministres décide l'expédition de Tunisie. — Des élé-
ments de renfort sont envoyés des divisions d'Alger et d'Oran. — Les troupes
d'Afrique (couverture) sont en position le 13 avril. (Le général Ritter, qui les

;
commande, a l'ordre de rester provisoirement sur la défensive.)
Envoi de troupes de France (7 avril, 20 avril) la concentration est terminée le
20 avril. Le corps expéditionnaireest mis sous les ordres du général Forgemol
de Bostquénard; il comprend deux colonnes (Delebecque et Logerot) et une
brigade de réserve (général deBrem).

Dans les premiers jours de février 1881, un indigène des Incidents


de frontière
Oulad-Cedra (Khoumir) l, surpris sur le territoire de la pro- (février 1881).
Engagements
vince de Constantine à un rendez-vous avec sa maîtresse, une lesOulad-Cedra
entre
jeune fille des Nehed (tribu algérienne), était tué par un parent et
(tunisiens)
lesNehed
de celle-ci. (algériens).

En représailles, les Oulad-Cedra vinrent brûler cinq tentes


aux Nehed.
Le chef du bureau arabe de la Calle2 se rendit aussitôt à
El-Aïoun et fit promettre auxnotables des Oulad-Cedra qu'ils


1. La confédération des Khoumir se subdivisait en trois groupes principaux
les Khoumir-Thademaka (Atatfa, Houamdia, Oulad-Cedra, Oulad-ben-Said,
:
Oulad-Amor); 2° les Khoumir-Slelma (Tebainia, Rekhaissia, Hamran, Debabsa);
3° les Khoumir-Selloul (Oulad-Hellel, Oulad-Ali-ben-Naceur-Selloul, Khemairia,
Gouaidia, Assinia).
2. Voir annexe n° II (Organisation du service des affaires indigènes dans la
division de Constantine).
I
CBOQIISN°

KHOUMIRIE
rembourseraient les dégâts que les leurs venaient de com-
mettre; mais les Oulad-Cedra refusèrent de tenir les pro-
messes faites par leurs représentants.
Les Nehed se jettent à leur tour sur les campements tuni-
siens et se vengent en tuant cinq Oulad-Cedra; ils perdaient
eux-mêmes trois hommes.
Premier
envoidetroupes.
L'autorité militaire française', pour rassurer les tribus
algériennes, dirigea sur la frontière la smalah de spahis du
Tarf2 et une compagnie du 59e d'infanterie (bataillon détaché
àBône)3.
Conférence Pendant ces incidents de frontière, le commandant supé-
de
Drâ-el-Keroum. rieur du cercle de Souk-Ahras, le chef de bataillon Vivensang,
du 3e tirailleurs, était en conférence à Drâ-el-Keroum, près de
Souk-Ahras, avec Si Hassouna Zouari, fonctionnaire tunisien,
pour obtenir l'extradition d'un certain nombre de réfugiés
algériens, la reddition de nombreux animaux volés à nos
tribus et des indemnités pour les incendiés de la Galle4.
Le général Ritter, commandant la subdivision de Bône, se
trouvait près de lui à Souk-Ahras.
A la suite de leur engagement malheureux avec les Nehed,

1. Voir annexe n° 1 (Composition du corps d'armée).


19e
2. L'escadron de smalah fut remplacé au Tarf par les spahis d'Ain-Guettar et
de Bou-Hadjar.
3. En plus des troupes spéciales d'Afrique, six bataillons d'infanterie de ligne
et une brigade de hussards étaient encore, au commencement de l'année 1881,
stationnés dans la 19e région. (Voir annexe n° I.)
4. Dès l'avènement de Si Mohammed es Saddok, la frontière algérienne avait été
le théâtre de désordres continuels (incursions des tribus tunisiennes,contestations
qu'elles soulevaient au sujet des limites de leur territoire).
De 1870 à 1881, les autorités algériennes avaient relevé 2.380 agressions, c'est-
à-dire plus de 200 par an.
Aux fréquentes entreprises des Khoumir, des Oucheteta, des Mrassen, des
Oulad-bou-Ghanem, des Fraichih, des Hammema et des Oulad-Yacoub,s'ajoutaient
les brigandages de bandits redoutables (Grella, Gour) que les autorités beylicales
ne songeaient pas à poursuivre et qui recevaient asile, les uns dans les environs
du Kef, les autres à Tameghza.
Quant aux contestations de frontière, elles n'avaient jamais pu être réglées.
En 1881, l'agitation et l'inquiétude étaient considérables sur la frontière.
Si Hassouna Zouari, le fonctionnaire tunisien, en conférence à DrA-el-Keroum, en
mars 1881, avec le commandant supérieur de Souk-Ahras, s'était montré disposé
à donner toutes les satisfactions possibles mais il s'était vu refuser par les tribus
les Oulad-Cedra avaient appelé à leur secours les autres frac-
tions Khoumir. Les Oulad-Amor, les Oulad-ben-Saïd, les
Oulad-Hellel et les Rekhaïssia prirent les armes et se portè-
rent à la frontière.
Le 30 mars 1881, au nombre de quatre à cinq cents environ Les Khoumir
franchissentla
et divisés en trois bandes, ils envahissent le territoire algé- frontière
(30 mars).
rien, à l'oued-Djenan, vers 7 heures du matin. Ils tirent
quelques coups de fusil pour se prévenir et attirer les gens de
nos tribus, puis ils commencent l'attaque. Après avoir tué un
homme des Nehed (qu'ils dépouillèrent et achevèrent à coups
de couteau) ils cessent le feu vers 9 heures, puis repassent la
frontière en promettant aux Nehed de revenir'.
Le commandant supérieur du cercle de la Calle, prévenu de
cette attaque, vers 1 heure de l'après-midi, envoie le capitaine
Barbier, chef de bureau arabe, avec les troupes de Remel-
Souk, pour soutenir les Nehed.
La compagnie du 59e n'arriva de Remel-Souk, sur le lieu de
l'engagement, qu'à 2 h. 30 et ne put être engagée.
Un bataillon du 3e zouaves était, à cette date du 30 mars, au
Tarf. Le commandant supérieur de la Calle télégraphie au
chef de bataillon Bounin, commandant ce bataillon, de faire
partir des renforts pour Remel-Souk.
Le commandant Bounin dirige à 6 heures du soir, sur
Remel-Souk, la compagnie Drouin, forte de 109 hommes, avec
le médecin du bataillon.
Le 31 mars, au matin, les Khoumir, au nombre de quinze Combat
du 31 mars.
cents au minimum, renouvellent leur attaque. (Entrée en ligne
de
La compagnie de zouaves Drouin est arrivée à temps pour deuxcompagnics
françaises.)

Khoumir la nourriture de ses chevaux et de ceux de son escorte, et avait demandé


l'appui d'un détachement français pour.le protéger pendant la réquisition qu'il
se proposait de faire.

;
Le gouverneur général de l'Algérie, informé de cet état de choses, avait
demandé des instructions à l'autorité supérieure les événements des 30 et 31 mars
vinrent précipiter le dénouement de l'affaire.
1. Le capitaine Barbier ne pensait pas que les Khoumir oseraient se repré-
senter après l'arrivée de la compagnie du 59" aux Aouaouecha.
soutenir la compagnie du 59e d'infanterie, amenant avec elle
le médecin du bataillon de zouaves.
Les attaques des Khoumir sont très vigoureuses'; nos
troupes perdent quatre tués et ont six blessés dont un mortel-
lement et un disparu'. Sans artillerie pour déloger l'ennemi
du pays très accidenté qu'il occupe, obligées de ménager
leurs munitions3, sans mulets de cacolets, elles ne peuvent
que difficilement maintenir leurs positions4.
Heureusement pour nos compagnies la nuit arrive et le
combat cesse.
Depuis longtemps les munitions pour les indigènes sont
épuisées; les cartouches pour fusil 1874 sont très réduites;
nos soldats auraient dû battre en retraite si la lutte n'avait
pris fin.
Le capitaine Barbier5, commandant les troupes engagées sur
l'oued-Djenan, a rendu compte par quatre télégrammes de sa

1. Le combat du 31 mars ne prit fin qu'à 6 heures du soir, après avoir duré
:
onze heures.
2. Pertes Merle, caporal, 59e, mort;
;
Rochelle, soldat, 59e, mort
59e, mort;
Eymeric, soldat,
;
Sujet, soldat, 59e, blessé et disparu
Bordes, soldat, 3e zouaves, mort;
Benck, sergent, 3e zouaves, blessé mortellement
Grenier, soldat, 3e zouaves, blessé.
;
Lagarderie, soldat, 3e zouaves, blessé;
Blanchard, soldat, 3e zouaves, blessé;
Delacroix, soldat, 3e zouaves, blessé.
3. Les munitions pour indigènes avaient manqué totalement avant la fin du
combat; à la fin de l'action, les cartouches pour fusil 1874 étaient presque entière-
ment consommées.
4. Elles n'ont pas eu à contrevenir aux ordres donnés par le général de divi-
sion, le 30 au soir, de ne pas dépasser la frontière.
Le général commandant la division de Constantine avait approuvé la mesure
prise par le commandant supérieur de la Calle de faire soutenir les Nehed par les
troupes de Remel-Souk. Il avait ajouté dans son télégramme expédié de Constan-
tine, le 30 mars à 5 h. 5 du soir:
« Ces troupes (de Remel Souk) ne devront être engagées que si cela est indis-
pensable pour soutenir les Nehed et faire respecter notre territoire.
« Si elles agissent, elles agiront énergiquement mais sans pousser au delà de la
frontière. Au besoin le bataillon de zouaves du Tarf enverra des renforts. »

:
5. Ancienneté du capitaine infanterie hors cadres Barbier, chef de bureau
arabe de 2e classe à la Calle 13 mai 1873.
Ancienneté du capitaine Drouin, du 3e zouaves : 29 mars 1879.
situation critique. Il demande instamment des renforts, du
canon, des munitions, des mulets de cacolets et du matériel
d'ambulance dont il manque complètement.
Il termine son dernier télégramme (oued-Djenan, 6 h. 30
soir) en annonçant qu'il lui sera même impossible de se main-
tenir dans son camp, s'il ne reçoit pas de munitions pendant
la nuit.
La place de la Galle, fort mal approvisionnée d'ailleurs
(elle n'a ni cantines médicales, ni tentes d'ambulance, presque
pas de brancards, aucun mulet) ne peut lui envoyer pendant
la nuit du 31 mars au 1er avril qu'un petit convoi de muni-
tions1 pour indigènes et pour fusil modèle 1874 sur mulets
réquisitionnés auprès du maire et escortés par le peu d'hom-
mes qui restent dans la place.
Le chef de bataillon Bounin, commandant le bataillon du
3e zouaves, qui a déjà envoyé du Tarf, dans la nuit du 30 au
31, la compagnie Drouin2 au secours de la compagnie du 59e,
sur la demande directe du commandant du cercle de la Calle,
télégraphie du Tarf, le 31, dès le matin, pour demander au
général commandant la subdivision de Bône d'emmener les
trois compagnies qui lui restent, à Remel-Souk, afin que son
bataillon puisse y être réunien entier le 1er avril.
Ce télégramme est transmis au général Ritter, qui est tou-
jours à Souk-Ahras. Le commandant Bounin est avisé par
Bône qu'il recevra directement la réponse du général Ritter.
Il est probable qu'il a été renseigné sur les différentes phases
du combat du 31, soit directement du théâtre de l'affaire, soit
par le commandant supérieur de la Calle.

1. La place de la Calle envoie 41.920 cartouches pour fusil modèle 1874 et


16.361 cartouches modèle 1862, pour contingents indigènes. Après cet envoi, il ne
reste plus dans la place que 60.000 cartouches pour fusil modèle 1874, 0 cartouches
pour indigènes.
La direction d'artillerie de Constantine doit lui faire parvenir 100.000 cartouches
le plus rapidement possible et de la poudre et du plomb pour 100.000 cartouches
de goum.
2. Arrivée heureusement à temps pour sauver la situation dans l'affaire du 31.
En tout cas, il se décide à envoyer, le 31, à 5 heures du soir,
une compagnie remplacer, à Remel-Souk, la compagnie
Drouin, comptant la suivre avec ses dernières compagnies,
le soir même ou le lendemain matin (suivant l'état des mulets
qu'il attend de Bône et de la Calle et qui n'arriveront, suppose-
;
t-il, que fort tard dans la soirée du 31) puis, les mulets étant
arrivés plus tôt qu'il ne croyait, dans l'après-midi du 31, il
faitpartir immédiatement deux compagnies au lieu d'une, ne
laissant qu'une compagnie au Tarf jusqu'au lendemain
1er avril à 4 heures du matin, à cause de la fatigue de ces mu-
lets; il rend compte, par télégramme, de ces mouvements.
Le chef de bataillon chargé de l'expédition des affaires à
Bône pendant l'absence du général Ritter, et le capitaine fai-
sant fonctions d'officier d'ordonnance, qui n'avaient pas pris
sur eux d'accorder au commandant Bounin la demande for-
mulée dans son premier télégramme, lui répondent, par télé-
gramme, d'attendre, pour partir, la réponse du général'.
Heureusement, les mouvements étaient en cours d'exécu-
tion.
Mouvements Le général commandant la division de Constantine, dans la
exécutés
sur l'ordre du nuit du 31 mars au 1er avril, prescrit par télégrammes les
général
commandant mouvements suivants pour soutenir les troupes en première
la division
de Constantine,
pour soutenir
:
ligne
les troupes
de
Une compagnie du 59e d'infanterie et une division de cin-
première ligne.
quante cavaliers du 4e régiment de hussards partiront de Bône
le 1er avril au matin et coucheront, le 1er avril, à Zérizer. Ces
troupes seront rejointes, dans la nuit du 1-2, par un bataillon
du 3e zouaves, fort de 500 hommes, sous les ordres du colonel
Cajard, qui, partant de Constantine par chemin de fer le
1er avril à 10 h. 25 du matin, doit débarquer à Mondovi et

;
aller coucher à Zérizer (ce bataillon de zouaves emmène avec
lui vingt mulets de cacolets l'hôpital de la Calle fournira le
matériel d'ambulance nécessaire) 2.

1. Voirannexe III.
2. La Calle n'a rien comme matériel d'ambulance.
Le 2 avril, le colonel Cajard emmènera le bataillon du 3e
zouaves, la compagnie du 596 d'infanterie et les cinquante
hussards de Zérizer à l'oued-Guergour. Là, il devra trouver
les ordres du général Ritter' pour la direction à prendre le
3 avril.
En réalité, les mouvements exécutés sont les suivants
La compagnie du 596 et la division de hussards arrivent le
:
1er avril au soir à Zérizer, le 2 à l'oued-Guergour;
Le colonel Cajard, avec son bataillon de zouaves, une sec-
tion d'artillerie de montagne et un petit détachement des ser-
vices administratifs, passe la nuit du 1er au 2 à Mondovi, est
le 2 à Zérizer, le 3 à l'oued-Guergour2.
A la date du 1er avril, soir, le général commandant le 19e Mouvements
ordonnés
corps d'armée croit suffisants, pour protéger efficacement nos
tribus de la frontière, les moyens d'action suivants
Deux bataillons de zouaves3, un bataillon du 346 régiment
: par le général
commandant
le 19*corps
pour renforcer
les troupes
de
d'infanterie" un du 59e5, un escadron de hussards6 et tous les première ligne.

spahis de la Calle et de Souk-Ahras, une section d'artillerie7;


mais il recommande de ne pas passer la frontière.
Le gouverneur général de l'Algérie ayant ensuite télégra-

deux choses :
phié que le ministre des affaires étrangères recommandait
1° faire, avec le moins d'éclat possible, les

1. Le 1" avril, le général Ritter rentre à Bône (il avait été invité par le général
commandant la division à se rendre le plus tôt possible, de sa personne, sur le
théâtre des opérations). N'ayant pas reçu, à Souk-Ahras, les télégrammes du géné-
ral de division relatifs aux mouvements des 1er et 2 avril, il avait ordonné à tout
l'escadron du 4e régiment de hussards de se mettre en route, le 1er avril, de Bône
sur le Tarf.
2. Le bataillon de zouaves ne débarqua qu'à 11 heures du soir, le 1er avril, à
Mondovi et dut y passer la nuit.
La section d'artillerie n'embarqua à Constantine, le 1", qu'à 4 heures du soir
le petit détachement des services administratifs, que le 2 avril, à 10 heures du
;
matin.
:
3. Deux bataillons du 3" zouaves le bataillon Bounin, déjà sur les lieux, et le
bataillon amené de Constantine, le 1er avril, par le colonel Cajard.
4. Stationné à Guelma (il envoie deux compagnies à Souk-Ahras pour en ren-
forcer la garnison).
5. Bataillon de Bône, en partie sur les lieux.
6. L'escadron du 4" régiment de hussards, parti le 1er avril de Bône.
7. La section partie de Constantine le 1er avril.
mouvements de troupes en Algérie; 2° prévenir immédiate-
ment l'agent du bey si on était amené à franchir la frontière,
le général en chef prescrit, le 2 avril, que si on est contraint,
à la suite d'une attaque, de franchir la frontière, on devra
lui rendre compte sans retard des circonstances qui auraient
rendu ce mouvement inévitable; mais il ajoute qu'il vaut
mieux pourtant l'éviter.
Le gouverneur ordonne la rupture de la conférence de Drà-
el-Keroum 1.
Le 2 avril, le général Ritter est enfin au Tarf.
Le 2 avril au soir, le général commandant le 19e corps se
décide, en. présence de l'attitude des Khoumir qui restent réu-
nis et menaçants, à faire partir pour la frontière le bataillon
de tirailleurs de Sétif et une deuxième section d'artillerie dè

zouaves ;
montagne; ce sera une réserve pour les deux bataillons de
elle pourra rester au Tarf.
Ces deux éléments doivent s'embarquer au Kroubs, en deux
trains, dans la matinée du 4 avril, et descendre à la station de
Mondovi dans la soirée du même jour.
Dans la nuit du 2 au 3 avril, le chef d'escadrons de spahis,
commandant du Tarf, fait parvenir au général Ritter, couché

:
à Aïn-Assel, un télégramme qui lui est arrivé à minuit et qui
est adressé au général « Dites-moi quelle force en infanterie,
cavaliers et artillerie vous paraîtrait nécessaire pour pénétrer
chez les Khoumir et les châtier vigoureusement en douze ou
quinze jours environ? Calculez qu'il faudrait être assez fort
pour éviter toute éventualité fâcheuse. »
Le général de division demande une réponse sommaire télé-
graphique et, de plus, un rapport donnant des renseigne-
ments sur les points d'accès dans le pays des Khoumir, leurs

1. Si Hassouna Zouari devait chercher à enlever le commandant supérieur de


Souk-Ahras dans l'entrevue qui devait avoir lieu le 2 avril. (Cet indigène qui,
depuis cette tentative d'enlèvement, avait ouvertement prêché la guerre sainte,
eût obtenu, en janvier 1882, le kaidat du Kef, à la place deDjellouli, sans l'oppo-
sition du colonel de la Roque et de M. Roy.)
points de défense probables, l'armement de ces tribus, leur
degré de résistance, etc.1
Ainsi donc, il a été ordonné au général Ritter, le 1er avril,
de ne pas passer la frontière; dans la nuit du 1er au 2, on a
admis la possibilité qu'il serait contraint à franchir cette fron-
tière, mais on lui prescrivait de l'éviter autant que possible;
dans la nuit du 2 au 3, on est tout décidé à pénétrer chez les
Khoumir, afin de les châtier vigoureusement en une campa-
gne de douze à quinze jours'.
Le 3 avril, dans la journée, le général Ritter est de sa per-
sonne à Oum-Theboul.
Il n'a avec lui, sur la frontière même, que le bataillon Bounin
du 3e zouaves, une compagnie et demie du 59e et les spahis;

;
une division de 50 hussards et une compagnie du 59e, qui ont
couché le 2 à l'oued-Guergour, le rallient le colonel Cajard,
avec un bataillon du 3e zouaves, une section d'artillerie de
montagne et un petit détachement de services, coucheront le 3
au soir à l'oued-Guergour, pour le rejoindre le lendemain.
Il sait qu'un bataillon du 3e tirailleurs algériens (colonel
Gerder) et une deuxième section d'artillerie de montagne dé-
barqueront le 4 avril au soir3 à la station deMondovipour être,
le 5 au soir, au plus tôt, à l'oued-Guergour'; il a été prévenu
que les goums des communes mixtes de la Séfia et de Guelma
vont être réunis et mis à sa disposition5; il peut requérir
cavaliers, fantassins et animaux sur les territoires civils de
Zérizer et de l'oued-Cham. Deux escadrons de chasseurs

1. Non seulement l'état-major de la division de Constantine n'a aucun rensei-


gnement sur les Khoumir, mais il est obligé de demander, par télégramme, des
renseignements sur la viabilité de l'ancienne route de Bône à la Calle, sur le fonc-
tionnement du bac de la Mafrag, sur les gîtes d'étapes ayant de l'eau sur l'an-
cienne et la nouvelle route.
2. Voir annexe n° IV.
3. Par suite de retard dans la marche des deux trains qui transportaient la
section d'artillerie et le bataillon de tirailleurs, ces deux éléments durent passer
la nuit du 4 à Mondovi; il y eut retard d'un jour.
4. Ces deux éléments n'arrivèrent à l'oued-Guergour que le 6 avril au soir.
5. Ordre donné le 3 avril par le préfet de Constantine.aux administrateurs de
ces deux communes mixtes.

:
Il est à remarquer que, dès le 4 avril, le service des affaires indigènes de la sub-
division de Bône télégraphia au général Ritter à Oum-Theboul « En prévision
d'Afrique et une troisième section de montagne arriveront
le 6 avril à Guelma, par voie de terre.
L'expédition
de Khoumirie Le 3 avril, le conseil des ministres décide l'expédition'.
est décidée
(3avril).
Dans la soirée du avril, le général Ritter est avisé que le
3
Le général
commandant général commandant le 19e
le 19*corps corps envoie 6 bataillons de zoua-
envoie
des troupes ves ou tirailleurs, 2 batteries de montagne, 200 mulets de bât
destinées qui débarqueront à Bône2, du 6 au 9 avril, pour se diriger
à couvrir
la concentration
du corps ensuite sur la frontière. Le général en chef prescrit de rester
expéditionnaire.
provisoirement sur la défensive.
Il ne s'agit pas d'un coup de main, mais d'une leçon sévère
à infliger aux Khoumir.
Le général Ritter est invité à envoyer le plus rapidement
possible des renseignements sur ces tribus, la topographie de
leur pays et à fournir un itinéraire pour le faire parcourir en
entier en douze ou quinze jours par nos colonnes; il est prié
de faire, par télégramme, des propositions pour la répartition
des troupes déjà arrivées ou en route.
La subdivision de Bône aura à faire parvenir des renseigne-
ments sur la nouvelle et la vieille route de Bône, les gîtes
d'étapes, les points d'eau, etc.
Le général Ritter fait ses propositions au sujet de la réparti-
tion des troupes. Le général commandant la division estime
;
qu'illes étend trop ill'invite à les concentrer davantage et à
placer ainsi les éléments qu'il a à sa disposition :
La Calle Une compagnie du 59e.
Oum-Theboul. Deux compagnies du 59e.
Deux bataillons du 3e zouaves.
El-Aïoun Deux compagnies de tirailleurs.
(le général Ritter).
Deux sections d'artillerie de montagne.
Remel-Souk Une compagnie de tirailleurs.
Tarf Une compagnie de tirailleurs.

d'emploi des goums de Séfia et de Guelma, je crois devoir vous faire remarquer
que je n'ai jusqu'à présent aucun renseignement sur leur esprit. Peut-être serait-il
bon de le connaître avant de les employer. »
1. Voir annexe V.
2. Venant, par mer, d'Alger et Oran.
Cette situation ne durera que jusqu'à l'arrivée des bataillons
d'Alger et d'Oran.
Le 4 avril, dans la soirée, le général Ritter reçoit l'ordre de Ordre

du
de répartition
répartir, de la façon suivante, toutes les troupes à l'arrivée destroupes
des fractions venant d'Alger et d'Oran : de couverture.

La Calle. (Unecompagnie Une compagnie et demie du 59e.

Oum-Theboul. ne I du 59c,
v9c
et demiefI

compagnie diu 33ezoua-


sous r
,les
commandant
commandant
0>Kell du 59e
res du
ordres
les ord, u
(
ves,
Deux bataillons du 3e zouaves (moins unecom-
i
pagnie).
El-Aïoun <Un bataillon du 1er tirailleurs.
Un bataillon du 3e tirailleurs.
Deux sections d'artillerie de Constantine.
Deux bataillons du 1er zouaves.
Batterie d'artillerie d'Alger.
Remel-Souk, quar- 1 Cavalerie.
tier général. j Ambulance.
Services.
\Réserves de munitions.
Tarf (avec détache- [ Un bataillon du 2e zouaves.
ment à Bou-Had- Deux bataillons du 2e tirailleurs.
jar,s'ilestnéces- j Batterie d'artillerie d'Oran.
saire). f
Deux escadrons de chasseurs d'Afrique.

Les éléments prélevés sur les divisions d'Alger et d'Oran


1
s'embarquent du 5 au 7 et débarquent à Bône du 6 au 10; là,
ils sont alignés à quatre jours de vivres de toute nature et se
rendent à destination par la vieille et la nouvelle route de
Bône à la Calle (suivant les renseignements fournis par la sub-
division de Bône).
Ils doivent se trouver tous, à l'emplacement assigné, le 13
avril.
Quatre cents outils (deux cents pelles, deux cents pioches et
des outils de pétardement) sont envoyés de Bône au général

1. Les troupes d'Alger et d'Oran vinrent par mei, la province d'Alger n'étant
pas encore reliée alors à celle de Constantine par une voie ferrée.
Ritter; le capitaine Herchet vient prendre le commandement
du train de la colonne; comme le train des équipages ne peut
fournir qu'un très petit nombre de mulets de bât et qu'il en
faut au moins deux mille pour la colonne, le général Ritter
exercera des réquisitions tant en territoire civil (les adminis-
trateursetadministrés sont prévenus) qu'en territoire militaire.
Dix mille francs sont envoyés pour payer les mulets de
réquisition; quinze cents francs pour les fonds secrets.
Cinq cent mille cartouches pour fusil modèle 1874 sont
expédiées à la Calle pour y former un parc que commandera
le capitaine Maréchal.

:»,
A une demande de cartes faites par le général Ritter, l'état-
major de la division de Constantine répond « Je n'ai malheu-
reusement pas de cartes de la Tunisie et il envoie cinq
exemplaires de la carte au 1/400.000e

Attitude Nous savons que le général Ritter avait reçu, à différentes


destribus
tunisiennes reprises, l'ordre de ne pas franchir la frontière. Cette attitude
voisines
de la frontière. de nos troupes fut habilement exploitée et l'agitation s'étendit
bientôt aux tribus voisines des Khoumir.
Ceux-ci, au contraire, voyant tous les jours nos troupes se
renforcer à la frontière, s'étaient d'abord inquiétés et avaient
manifesté l'intention de se soumettre à l'autorité française.
Mais, à ce moment, arrivaient à Bordj-el-Hamma2, Allala
Djouini, émir alaï, caïd des Djendouba (Souk-el-Arba) et You-
nès Dziri, émirellioua, gouverneur de Béja.
En même temps le ministre de la guerre, Si Sélim, venait
camper au djebel-Dinar3 avec mille cavaliers, huit cents fan-
tassins et six canons.

1. Ce ne fut qu'à la fin de mai que l'état-major du corps expéditionnaire de


Tunisie reçut des exemplaires, en assez petit nombre, d'une carte du pays des
Khoumir, dressée par renseignements à l'échelle approximative du 1/100.000e à
l'état-major de la division de Constantine.
Cette carte autographiée était fort incomplète et peu exacte.
2. A 4 kilomètres à l'est de Remel-Souk.
3. A 5 kilomètres au sud de Remel-Souk.
L'apparition de ces soldats, soi-disant destinés à rétablir
l'ordre, l'annonce de l'approche d'une colonne de troupes
régulières, commandée par le bey du camp, Si Ali Bey1,
remontant la vallée de la Medjerdah et marchant vers la fron-
tière, rendirent confiance aux Khoumir. Ils considéraient,
avec raison, ces troupes comme des renforts que le bey leur
envoyait et ils reprirent les armes.
Le 6 avril, les trois généraux tunisiens vinrent trouver le
général Ritter à Remel-Souk2. Le général Ritter avait reçu des
instructions formelles au sujet de cette entrevue :
« Ecoutez-les beaucoup; parlez peu vous-même; ne pronon-
cez aucune parole de nature à engager en quoi que ce soit le
gouvernement français. Faites en sorte, ajoutait le gouverneur
général, de gagner un jour ou deux, de façon que la concentra-
tion de vos troupes puisse s'effectuer jusqu'à l'arrivée du ren-
fort envoyé de France3. »
Les chefs tunisiens, dans cette entrevue, protestèrent auprès
du général français des bonnes intentions du gouvernement
beylical; en réalité, ils poussaient les tribus à nous combattre,
leur promettant aide et protection.
Ces excitations portèrent leurs fruits.
Le 7 avril, mille Khoumir vinrent tâter le terrain entre El-
Aïoun et Remel-Souk; mais, vigoureusement repoussés par
nos troupes, ils durent s'enfuir précipitamment.
Cette leçon leur servit; les cheiks et les notables se réuni-
rent. Ils convinrent qu'il fallait s'abstenir de toute démonstra-
tion sur le territoire algérien, mais décidèrent la résistance
dans leur pays', sans pouvoir toutefois s'entendre sur les

1. Frère du bey Mohammed es Saddok.


2. Voir annexe n° VIII.
3. Voir annexe n° VI.
4. Les Khoumir, défendus par leur sol et le climat, avaient conservé une cer-
taine indépendance; ils n'appartenaient que nominalement au gouvernement de
Béja; ils étaient arrivés, à force de résistance, à conserver une certaine autono-
mie reconnue tacitement par le bey. Les soldats beylicaux n'avaient jamais péné-
tré au cœur de la Khoumirie. Aussi les Khoumir pouvaient-ils croire leur pays
inaccessible.
moyens d'exécution, chaque cheik voulant, avant tout, con-
server son indépendance.
Le13avril, Le 13 avril, le général Ritter, dont le quartier général est
les troupes de
couverture
sont
toujours à Remel-Souk, a reçu toutes les troupes de renfort
en position. envoyées d'Alger et d'Oran; il a en ce moment avec lui une
force de dix bataillons, trois batteries et quatre escadrons de
cavalerie environ'.
Sous Les troupes venant de France commencent maintenant a
leur protection
commencent débarquer. Il faut leur faire de la place.
le
débarquement Le 19 avril, les troupes devant faire partie de la brigade
des troupes
venantde France Ritter qui occupent le Tarf, Remel-Souk et El-Aïoun serrent
etleur
concentration.
sur leur gauche et vont occuper Oum-Theboul.

;
El-Aïoun devient le point de concentration de la brigade
Vincendon (troupes de France) Remel-Souk devient le point
de concentration de la brigade Galland (troupes de France).
Ces trois brigades formeront la colonne Delebecque, quartier
général à Remel-Souk.
Les troupes d'Algérie destinées à entrer dans la composition
de la colonne Logerot appuient au contraire sur leur droite,
cette colonne devant opérer plus au sud, quartier général à
Souk-Ahras.
Omposilion Le corps expéditionnaire ainsi créé est mis sous les ordres
du corps
expéditionnaire. du général Forgemol de Bostquénard2.
La colonne Delebecque3, qui doit opérer dans le nord, en.
pays de montagnes, comprend trois brigades d'infanterie à
sept bataillons chacune, des canons de montagne exclusive-
ment et peu de cavalerie (deux escadrons seulement).
Les bataillons de la brigade Ritter'sont tous d'Algérie (dont
le bataillon du 59e d'infanterie); la brigade Vincendon' com-

1. Voir plus haut les emplacements de ces troupes.

:
2. Général Forgemol de Bostquénard, commandant la division de Constantine
(chef d'état-maior colonel du génie hors cadres de Polignac).

:
3. Général Delebecque, commandant la 13e division d'infanterie (Chaumont)
(chef d'état-major commandant Crétin).
4. Général Ritter, commandanMa subdivision deBône..
5. Général Vincendon, commandant la 58e brigade d'infanterie (loe corps), Mar-
seille.
prend surtout des troupes du 15e corps d'armée; celle du
général Galland1, surtout des troupes du 18e corps d'armée.
La colonne Logerot2, qui doit opérer plus au sud, dans un
terrain plus facile, comprend une brigade d'infanterie à sept
bataillons (cinq bataillons d'Algérie et deux bataillons de
France), sous les ordres directs du général Logerot; une bri-
gade de cavalerie forte de neuf escadrons (d'Algérie et de
France), sous les ordres du général Gaaime3; des canons de
campagne et de montagne4.
Il faut ajouter à ces deux colonnes une brigade dite de ré-
serve, forte de cinq bataillons d'infanterie venus du 16e corps,
sous les ordres du général de Brem5, et un groupe de trois
escadrons.
Le 20 avril, le général Forgemol adresse, de Bône, ses in-
structions générales pour le corps expéditionnaire sur la fron-
tière tunisienne6.
Le même jour, il communique à ses généraux « le projet
d'instructions pour les commandants de l'expédition fran-
çaise » qui vient de lui être envoyé par le ministre de la
guerre.
Ce document peut se résumer ainsi :
« L'expédition entreprise ne peut être considérée, ni comme
une guerre internationale (l'état de paix subsiste entre les
gouvernements français et tunisien), ni comme une guerre
civile (puisque nous allions combattre une rébellion armée,
en substituant en quelque sorte notre autorité à celle du sou-
verain territorial) 7.

1. GénéralGalland, commandantla 70e brigade d'infanterie (18e corps), Bordeaux.


2. Général Logerot, commandant la subdivision.deBatna.
3. Général Gaume, commandant la brigade de cavalerie du 1er corps d'armée.
4. Voir annexe n° VII.
5. Général de Brem, commandant la 61" brigade d'infanterie (16e corps), Mont-
pellier.
6. Voir annexe n° IX.
7. Cette note a été rédigée en avril (elle ne porte pas de date), probablement
avant que la réponse du bey Mohammed es Saddok, en date du 7 avril (voir
annexe n° VIII), ait été portée à la connaissance du conseil des ministres en
France.
» Il faut donc tenir compte de ce caractère mixte pour y
conformer sa conduite dans certaines éventualités'.
» On doit prévoir que l'armée française ne tardera pas à
rencontrer les troupes régulières de Régence. la
» Si elles se présentent en ennemies, pas d'hésitation
passer outre et repousser la force par la force; si elles se
:
présentent comme alliées, s'entendre avec elles pour opérer
de concert contre les tribus insoumises.
» L'autorité militaire devra d'ailleurs se borner aux dispo-
sitions qui auront pour but d'assurer le désarmement et la
soumission des tribus soulevées. Le règlement des questions
d'ordre politique est réservé exclusivement au gouvernement
de la République'. »

Le24avril, Le 24 avril3, le corps expéditionnaire, fort de 25.000 hom-


le corps
expéditionnaire mes4, est concentré.
est concentré.
Le général Forgemol est à El-Aïoun.
Dans la colonne du général Delebecque, dont le quartier
général est à Remel-Souk, les brigades occupent les points
suivants :
Brigade Ritter (camp de Demenet-Rebah)5, Oum-Theboul;
— Vincendon, à El-Aïoun;
Galland, à Remel-Souk.

;

Dans la colonne de droite, les brigades de Brem et Gaume
campent à Sidi-el-Hamissi, sur la Medjerdah la brigade Lo-
gerot à Sidi-Youcef.
Le bey, après sa vaine protestation du 7 avril, et bien

:
1. C'est assez vague
soldatfrançais.
c'est le système du « Débrouillez-vous! » bien connu du

2. Cette dernière phrase, seule, est bien nette.


3. Voir ordre de prise de commandement du général Forgemol (annexe n° X).
4. La première expédition employa 31.810 hommes (olliciers compris), dont
23.616 envoyés de France et 8.200 empruntés aux trois divisions d'Algérie.
Dans ce chiffre, il faut comprendre les effectifs de la colonne Bréart, qui n'opé-
rora que plus tard.
Restent donc, pour le corps de la frontière algérienne, plus de 2U.000 hommes.
5. Chabet-Dement-Arba, à l'est d'Oum-Theboul.
6. Pour la répartition de l'artillerie du corps expéditionnaire, voir annexe n° XI.
qu'abandonné par les puissances dont il avait sollicité le se-
cours1, s'était résolu à empêcher à tout prix l'entrée de nos
colonnes dans la Régence.
Il avait convoqué ses troupes régulières; il n'en fallait pas
davantage pour réveiller l'enthousiasme et le fanatisme de la
nation.
Hammema, Drid, Oulad-Ayar, Oulad-Aoun, Fraichich,
Zlass, Oulad-Saïd, habitants du Sahel, commencèrent à se
rassembler sur leur territoire pour marcher à la rencontre
des envahisseurs.
D'autres causes que les convictions religieuses venaient
encore ajouter un nouveau ferment à l'excitation générale.
La lutte devait offrir d'excellentes occasions de pillages, de
vengeances particulières, de désordre; elle allait également
permettre à certaines individualités compromises de se tirer
d'une situation difficile sans nuire à leur prestige et à leur
réputation de fortune et d'honorabilité'.

1. Voir annexe n° VIII.


2. Voir annexe n° XIII (Situation générale de la Régence au moment des événe-
ments de Tunisie).
CHAPITRE II

Première expédition.

Plan de campagne.
le
Le général Logerot franchit la frontière le 24 avril, entre au Kef 26 (M. Roy). —
Le même jour (26), la colonne Delebecque entre en Khoumirie (elle s'arrête), et
1.200 hommes (colonel Delpech), prennent pied sur la côte tunisienne à Tabarka.
Le 28 avril, le général Logerot arrive à Souk-el-Arba; la brigade de réserve a
prononcé son mouvement dans la vallée de la Medjerdah.
Engagement du colonel Hervé, le 30 avril, à Ben-Béchir. — 1er mai, occupation de
-3
Bizerte. mai, débarquement de la colonne Bréart (attitude du bey Mohammed
es Saddok; du bey du camp Ali Bey). — Le 8 mai, la colonne Bréart se met en
route sur Tunis; elle arrive le 12 mai à la Manouba. — Traité de Iîassar-Said.

Plan Le plan de campagne du général français a semblé se ré-


de campagne.
duire, dès que les troupes furent concentrées et prêtes à mar-
cher, aux opérations suivantes :
1° Isoler les Khoumir des tribus voisines;
2° Pénétrer avec des colonnes mobiles, se reliant entre
elles, dans le pays des Khoumir.
La saison était des plus favorables; les récoltes étant sur
pied, il était possible de punir sévèrement les tribus hostiles.
La colonne du sud, chargée d'exécuter la première partie
du plan, se met la première en mouvement.

Le Le 24 avril, le général Logerot quitte Sidi-Youcef et campe


général Logerot
franchit le soir sur les bords de l'oued-Mellègue.
la frontière
(24 avril). Le 25, les troupes franchissent l'oued-Mellègue et arrivent
en vue du Kef, à Foued-Remel, où elles s'arrêtent, couvertes
par des avant-postes à la koubba de Sidi Abdallah Sghir, à
moins de quatre kilomètres des remparts de la ville.
Le Le 26 avril, à midi, la colonne entre au Kef. Le gouverneur,
général Logerot
entre au Kef Si Réchid, influencé par M. Roy', notre agent consulaire,
t26 avril).

1. M. Roy était, en 1881, chef dela station télégraphique du Kef et agent consu-
avait ouvert les portes de la place réputée, dans la Régence,
comme imprenable'.
Occupation
Dans le nord, les opérations des troupes chargées de l'exé- de
Tabarka
cution de la deuxième partie du plan avaient été contrariées (25-26avril).

par le mauvais temps.


Laflottille2 chargée d'opérer contre Tabarka arrivait devant
cette place le 24 avril; la mauvaise mer l'empêcha d'agir.
Le 25, elle put bombarder le fort de l'île et y débarquer
1.200 hommes sous le commandement du colonel Delpech.
Le 29, nos troupes occupèrent, sans aucune perte, Bordj-
Djedid sur la côte tunisienne; l'artillerie l'arma de pièces de
90mm 3.
Le 25 avril, la division Delebecque devait franchir la fron-
tière4; des pluies torrentielles l'obligèrent àne commencer son
mouvement que le lendemain5.
La colonne
Le 26 avril, à 3 heures du matin, la brigade Ritter se mit Delebecque
entre
en marche en deux colonnes6. A 6 heures, elle occupe le col en Khoumirie
(26 avril).
de Bab-Abrik, sans avoir rencontré un ennemi. L'attaque pro-

laire de France; il est aujourd'hui consul de 1" classe et secrétaire général du


gouvernement tunisien.
2. Transports :
1.Voirannexen°XIV.
le Tourville, la Surveillante, la Corrèze, transportant
Deux bataillons du 88e régiment d'infanterie (colonel Delpech) ; :
Un bataillon du 143e régiment d'infanterie (commandant Dario);
Une section de la 8ebatterie du 12e, armée de canons deSomm (lieutenant Noël);

Joubaud) ;
Une section de la 1" batterie du 9°, armée de canons de 90mm (lieutenant

Une section du génie.


l'
Aviso:
Canonnières : Hyène, le Chacal, le Léopard.
la Corse.
3. Voir annexe n° XV.
4. Voir annexe n° XVI.

6. Colonne de droitç :
5. Voir annexes n08 XVII, XVIII et XIX.
colonel Cajard; deux bataillons du 3e régiment de

Colonne de gauche :
zouaves (commandants Bounin et Baudoin).
colonel Gerder (3e bataillon du 1er tirailleurs, comman-
dant Gay de Taradel, et 1er bataillon du 3e tirailleurs, capitaine Meaux).
Les hommes de ces deux colonnes laissent leur sac au camp que gardent un
bataillon du 2e zouaves et un bataillon du 1er tirailleurs. (Le général Delebecque
avait donné cependant l'ordre d'emporter dans le sac trois jours de vivres. Voir
annexes n08 XVI et XVII.)
noncéele 25 sur Tabarka avait dégarni complètement cette
région; les indigènes qui l'occupaient s'étaient portés à Ta-
barka'. L'artillerie tira cependant six obus sur un ennemi
invisible2. La brigade battit, sans y rencontrer un seul
Khoumir, les pentes du djebel-Addeda et la vallée de l'oued-
Djenan, se vit obligée de s'arrêter' (les chemins étaient deve-
nus impraticables et le général Ritter' avait été frappé d'une
attaque d'apoplexie) et rétrograda, le 27, sur Oum-Theboul.
Le même jour, 26, la brigade Vincendon, soutenue par la
brigade Galland, s'était dirigée sur Babouch, par le Fedj-Kahla.
Les Khoumir occupaient ce passage; ils le défendirent vi-
goureusement pendant plusieurs heures et ne se retirèrent
qu'après des pertes sérieuses. Les batteries de la brigade Vin-
cendon tirèrent 73 obus; l'artillerie de la brigade Galland tira
58 obus5.

1. Les Khoumir, qui avaient appris par leurs émissaires venus rôder autour
des camps que la colonne Delebecque allait entrer en Tunisie, avaient aussitôt
réparti leurs contingents le long de la frontière et avaient occupé les principaux
passages.
L'attaque prononcée sur Tabarka, en attirant les Oulad-bou-Said, les Houamdia
;
et les Oulad-Amor (voir annexe n° XV), avait eu pour résultat de dégarnir les
régions que devait parcourir le général Ritter mais les autres fractions étaient
restées à leurs postes, observant les troupes françaises.
Elles avaient eu l'intention d'occuper le passage deBab-Abrik, mais le 26 avril,
au matin, les trois brigades s'étant mises en marche, il n'avait plus été possible
de mettre ce projet à exécution.
2. Extrait du Résumé historique des marches et opérations de l'artillerie
pendant la campagne.de Tunisie.
3. A 8 h. 30 du matin, les troupes sont installées sur les sommets.
A 9 heures, ordre est adressé au camp de faire parvenir les sacs. Le convoi
qui les porte arrive à 3 heures du soir.
La colonne d'attaque passe la nuit du 26-27 au col de Bab-Abrik. Le 27, au
matin, elle redescend sur le camp de Demenet-Rebah; à 2 heures, la brigade
entière se porte à El-Aîoun, où elle arrive vers 6 heures du soir.
4. On dut l'évacuer sur La Calle (descendu en brancard du Kef Bab-Abrik
jusqu'à Oum-Theboul.) Le colonel Gerder, du 3e tirailleurs, prit à la date du
27 avril le commandement de la brigade.
5. Cette journée de début (26 avril) est celle où l'artillerie fut le plus engagée;
quatre batteries de 80 de montagne prirent part à l'action. La batterie de 4 rayé
de montagne (2e du 1er), seule, ne fut pas employée.

Brigade Ritter
8.••j -
91 obus ordinaires et 16 obus à balles furent tirés

Brigade Vincendon.
Brigade Galland. lre —
5",59
6",
14
:
2e batterie du 16", 6 obus ordinaires;
ge --
7e, 42 obus ordin. et 16 obus à balles.
Le général Vincendon occupa, dès le milieu de l'après-
midi, le Kef-Cheraga; le général Galland, le plateau de Had-
jar-Mkoura1.
Le mouvement rétrograde de la brigade Ritter arrêta la Lacolonne
Delebecque
marche en avant des brigades Vincendon et Galland. s'arrête
(27avril).
Cette marche en retraite de la brigade Ritter et l'arrêt des
brigades Vincendon et Galland firent cesser les inquiétudes
qu'avait causées aux Khoumir notre ingression du 26. Il
leur parut évident que nous n'oserions pas nous aventurer
plus loin; ils reprirent courage et décidèrent de se retrancher
dans le cœur du pays où, jusqu'à ce jour, n'avaient pu péné-
trer les soldats beylicaux.
Le 27 avril, le général Logerot, qui a laissé une garnison Marche
(83e régiment d'infanterie, colonel de Coulanges) au Kef, passe de la colonne
Logerot.
à Nebeur, puis, se rapprochant de l'oued-Mellègue, vient
camper à Bahirt-el-Morr.
Le 28, il arrive à Souk-el-Arba et établit son camp entre le
chemin de fer et la Medjerdah.
Pendant ces deux journées, la brigade de Brem, partie de La brigade de
Sidi-el-Hamissi, était venue occuper les gares de Ghardimaou réserve descend
lavallée
de la Medjerdah.
et de l'oued-Méliz, pour assurer les ravitaillements de la co-
lonne Logerot par l'Algérie.
Ali Bey2 se trouvait alors à Ben-Béchir avec ses contingents. Entrevue
Le 29 avril il vint trouver le général Logerotdans son camp, du général
Logerot
et d'Ali Bey.
à Souk-el-Arba. Il déclara que le gouvernement tunisien ne

;
Il y aune erreur dans ces chiffres donnés par le Résuméhistorique de l'artillerie.
Le tir fut fort difficile à apprécier les sections agissaient isolément et souvent
chaque pièce de la même section tirait sur un but différent.
La distance moyenne du tir a été de 1.500 mètres. (Extrait du Résumé histori-
rique des marches et opérations de l'artillerie, document déjà cité.)
1. Dans la journée du 26 avril, le 29e bataillon de chasseurs à pied reçut l'or-
dre de protéger la retraite des deux bataillons du 22, régiment d'infanterie engagés
avec les Khoumir et la marche des convois des brigades Vincendon et Galland
jusqu'à leur arrivée aux camps de ces brigades établis sur les crêtes du djcbel-
Oum-Skek.
Le bataillon prit position, repoussa victorieusement les attaques des Khoumir
et rentra au camp, sa mission accomplie.
2. Voir annexe n° XXI (Agissements d'Ali Bey et engagement de Ben-Béchir).
comptait mettre aucun obstacle à nos opérations et que, de
son côté, il faisait tous ses elîorts pour calmer l'agitation qui
régnait dans le pays.
Ali Bey mentait; il excitait les Khoumir contre les colon-
nes Vincendon et Galland, les Chiahia contre la colonne de
Brem.
Le général Logerot invita Ali Bey à s'éloigner dans le plus
bref délai de Béja et à porter son camp du côté de Tunis, vers
Téboursouk et Medjez-el-Bab.
Le lendemain, 30, Ali Bey se retira, dès le matin, dans la
direction de Tunis; mais chemin faisant il licencia, en leur
laissant leurs armes, les contingents originaires de la région,
qui s'empressèrent de rejoindre les Khoumir dans les mon-
tagnes.
Engagement Le général Logerot, avant de se remettre en marche, avait
ducolonel Hervé
àBen-Béchir
le
envoyé une reconnaissance, le 30, vers Ben-Béchir.
30avril. Legoumqui précédait cette reconnaissance, commandée par
le colonel Hervé (du 1er zouaves), fut accueilli par une vive
fusillade (Chiahia). Aussitôt, de nombreux groupes armés
descendirent les pentes environnantes (8 heures du matin).
Le colonel Hervé prit ses dispositions de combat et de-
manda, à Souk-el-Arba, des renforts qui arrivèrent vers midi.
A 6 heures du soir, l'ennemi était en déroute, ayant fait des
pertes sérieuses1.

Occupation Le 1er mai, le la Galissonnière (ayant à son bord le contre-


deBizerte
(1"mai). amiral Conrad), la Surveillante et YAima arrivaient dans les
eaux de Bizerte.
Après quelques pourparlers, le gouverneur tunisien rendait
la ville et, à midi, les fusiliers marins occupaient la kasbah.
Débarquement, Le 3 mai, d'autres bâtiments débarquaient le général Bréart
àBizerte,
de la colonne
Bréart (3mai).
et 6.000 hommes d'infanterie, cavalerie, artillerie et génie.
Le général Bréart avait pour mission de marcher, à la tête

batterie du 38e tira, dans cette affaire, 33 obus ordinaires (le deuxième
1. La 8e
obus tomba à trente mètres en avant des tirailleurs du 1" zouaves. — Voir an-
nexe n° XX).
de cette colonne, sur le Bardo et d'imposer de force à Moham-
med es Saddok un traité qui mit fin à la comédie que le gou-
vernement beylical jouait depuis si longtemps1.
Nous savons2qu'à la dépêche du 6 avril de notre ministre Attitude du bey
Mohammed es
des affaires étrangères, faisant connaître notre résolution de Saddok;
du bey du camp,
châtier les Khoumir avec l'aide des troupes tunisiennes, le AliBey.
bey avait répondu qu'il s'opposait formellement à l'entrée de
nos soldats dans son royaume; puis qu'ayant appris la con-
centration de notre corps expéditionnaire, il s'était décidé à
empêcher à tout prix son entrée dans la Régence et qu'il avait
convoqué ses troupes régulières.
Nous avons vu l'effet produit sur les tribus de la frontière et
de la vallée de la Medjerdah par l'arrivée de ces troupes dont
les chefs prêchaient la résistance.
Mais quand Mohammed es Saddok vit que ses protestations
restaient sans effet et que nos troupes franchissaient la fron-
tière, il se ravisa, chercha où était son intérêt et recommanda
à ses sujets la résignation et la soumission aux événements
présents3.
Il donna l'ordre aux chefs indigènes de licencier leurs trou-
pes; il recommanda de ne pas défendre le Kef, Tabarka et de
ne pas contrarier les opérations des troupes françaises.
Mais ces recommandations étaient balancées par la propa-
gande hostile d'Ali Bey, qui déclarait hautement tenir des in-
structions particulières de son frère.

1.Voir annexe n° XXII.


2. Voir annexe n° VIII.
es
3. Mohammed Saddok avait, en effet, tout intérêt, dans les circonstances présen-
énormes;c'était aussi favoriser
tes, à nepas envenimerla lutte. Essayer de nous résister, c'était s'exposer à des pertes
les projets de conquête qu'il nous attribuait.
Il avait adressé aux gouverneurs de la Régence une circulaire à peu près con-
çue en ces termes :
« Nous vous remercions des efforts que vous avez faits jusqu'à présent pour le
maintienne l'ordre dans votre commandement. Quelques troubles se sont pro-
duits dans certaines tribus au moment de l'arrivée des troupes françaises en
Khoumirie.
» Comme nous vous l'avons déjà fait savoir, la mesure prise par le gouverne-
ment français n'a pas sa raison d'être, car nous ne sommes pas en guerre avec
lui. Les difficultés survenues à cette occasion se termineront donc, sans aucun
Le premier mouvement de Mohammed es Saddok, à la nou-
velle de l'occupation de Bizerte, fut d'appeler ses sujets à la
guerre sainte; puis il se contenta de protester auprès de notre
chargé d'aflaires

Le 8 mai, La colonne Bréart fut immobilisée par le mauvais temps,


la
co'onne Bréart pendant plusieurs jours; enfin, le 8 mai, la pluie durant tou-
semet jours, elle se mit en marche sur Tunis.
en marche sur
Tunis;
La marche de cette colonne sur le Bardo enleva à Moham-
med es Saddok ses dernières illusions2.
elle arrive, Le 12 mai, à 4'heures du soir, nos troupes campent à la
le12mai,
àlaManouba. Manouba, près de la gare, à deux kilomètres du Bardo.
Le général Bréart, avec son état-major, se dirige aussitôt
vers Kassar-Saïd. Il y est reçu par le bey auquel il donna lec-
ture des propositions du gouvernement français. Mohammed

Traité
;
es Saddok demanda le temps de réfléchir et de consulter ses
ministres le général français lui accorda trois heures3.
A 8 heuresdu soir, letraité, dit du Bardo, établissant notre
de Kassar-Saïd.
protectorat, était signé.
Le bey, en prenant congé, demanda que nos troupes ne fissent
pas leur entrée dans Tunis4. Le gouvernement français, inter-
rogé par télégramme, envoya l'ordre de ne pas occuper Tunis.

doute, dans d'excellentes conditions, ce à quoi nous nous efforçons d'arriver avec
le concours de l'empire ottoman et de toutes les autres puissances voisines.
» Restez donc dans vos commandements afin d'empêcher vos administrés d'at-
tenter en quoi que ce soit à la paix et à la sécurité générale.
» Empêchez-les d'écouter les paroles des gens malintentionnés et menacez de
peines sévères ceux qui contreviendraient à mes ordres. »
C'est la dernière fois que Mohammed es Saddok devait faire allusion, dans ses
actes officiels, à une intervention étrangère et à l'appui de l'empire ottoman.
1. « Nous exprimons tout notre regret, disait le bey, de nous voir traiter ainsi
par un gouvernement ami pour lequel nous avons eu toujours les plus grands
égards et avec lequel nous nous sommes toujours efforcé de conserver de bons
rapports. »
2. Il comprit la faute qu'il avait commise en ne suivant pas la politique de ses
prédécesseurs; sous lecoup d'une irritation profonde, il reprocha amèrement aux
agents italiens de l'avoir poussé à la résistance lorsque leur gouvernement n'était
pas en état de le soutenir.
Le 10 mai, il avait réuni son entourage pour le consulter et déclaré qu'il pré-
férerait plutôt mourir que de soumettre son royaume à un protectorat.
3. Voir annexe n° XXIII.
4. Voir annexe n° XXIV.
CHAPITRE III

Première expédition (suite).

Le 2 mai, le général Forgemol ordonne la marche concentrique sur Fernana; la


brigade de Brem vient occuper Souk-el-Arba.
La colonne Delebecque se concentre, le 3 mai, à Djebabra, marche vers l'est (recon-
naissance de Sidi-Abdallah, 8 mai) et entre en relations avec la colonne Logerot,
le 14 mai, à Ben-Métir.
On est au centre du pays khoumir; l'insurrection de Khoumirie peut êtrecon-
sidérée comme terminée.
Le général en chef prescrit une conversion à gauche de la colonne Delebecque,
vers le nord-est, pour acculer ce qui reste de Khoumir à la mer, tandis que les
généraux Logerot et Maurand, passant par Béja et Mateur, les isoleront des
Mogod et leur couperont la retraite par l'est, la garnison de Tabarka opérant
de même pour l'ouest.
:
Les mouvements prescrits s'effectuent La colonne Delebecque exécute sa conver-
sion (affaire d'avant-postes du 19 mai à EI-Guemair); le 18 mai, le général
Maurand, parti de la Manouba, a fait sa jonction à Mateur avec une colonne
venue de Bizerte; le général Logerot entre le 20 mai à Béja et remonte vers le
nord.
Le 26 mai, le dernier coup de canon est tiré à la colonne Delebecque; le 29 mai,
elle se concentre à Berzigue et y reste jusqu'au jour où arrivent les ordres de
rapatriement (mi-juin).
Les troupes de France s'embarquent (pour la plupart à Tabarka); les troupes
d'Algérie descendent sur Souk-el-Arba d'où elles se dirigent, à pied, en remon-
tant la vallée de la Medjerdah, vers l'Algérie.
;
Le 1" juillet, le corps expéditionnaire est dissous
commandement du corps d'occupation.
le général Logerot prend le

La colonne Delebecque était arrêtée depuis le 27 avril; le


général Forgemol, le général Delebecque et la brigade Gerder
étaient à El-Aïoun; les brigades Galland et Vincendon étaient
en position à Hadjar-Mkoura et au Kef-Cheraga depuis le
26 avril.
Ces deux dernières brigades poussaient des reconnaissances
dans les environs de leur bivouac; la brigade Gerder protégeait
la ligne de communication entre elles et Remel-Souk, base
d'opérations 1. 0.
Le2mai, Le 2 mai, le général Forgemol ordonne la marche des
le
gén.Forgemol colonnes Delebecque et Logerot sur Fernana. Ce mouvement
ordonne
la marche
concentrique
concentrique a pour but de cerner les tribus khoumir rebelles
surFernana. signalées, par les reconnaissances, au djebel-Sidi-Abdallah.
La brigade de
réserve
En exécution de cet ordre, la brigade de Brem s'est portée à
vient occuper
Souk-el-Arba. Souk-el-Arba, afin de permettre au général Logerot de gagner
La colonne
Delebecque Fernana, et la colonne Delebecque se concentre à Djebabra2 (à
seconcentreà 3 kilomètres sud d'Aïn-Smaïn) dans la journée du 3 maP.
Djebabra
le3mai La brigade Gerder s'installe au camp de Djebabra à 10 heures
du matin en première ligne.
La brigade Galland s'installe au camp de Djebabra à 1 heure
du soir en deuxième ligne.
La brigade Vincendon s'installe au camp de Djebabra à
3 heures du soir.
Le général Forgemol est arrivé à 10 heures de Remel-Souk.
Dans l'après-midi du 3, les troupes complètent leurs munitions

1. Tous les jours, une compagnie de la brigade Gerder partait d'El-Aioun, à


6 heures du matin, pour le col de Fedj-Kahla où elle correspondait avec une com-
pagnie de la brigade Galland, venue en ce point. Les dépêches officielles, les isolés,
les convois, faisaient mouvement sous la protection de ces deux compagnies.
a. Par ordre du ministre de la guerre, une brigade topographique, com-
mandée par le lieutenant-colonel Mercier et composée de deux capitaines et de
deux lieutenants, est affectée à la colonne Delebecque.

un numéro :
A la date du 29 avril, les brigades de la colonne Delebecque prennent chacune

La brigade Ritter, le n° 1.
-- Galland, lele
Vincendon, n° 2.
n° 3.
2. Djebabra n'est pas sur la carte au 1/50.000.
Cepoint doit setrouver certainement un peu au nord d'El-Hammam, à3kilomètres
au sud d'Ain-Smain, laquelle est située à 4 kilomètres au sud-sud-ouest d'El-Aioun.
3. Pour l'exécution de ce mouvement, dans la colonne Delebecque, la brigade
Gerder (qui laisse deux compagnies du 59" à Oum-Theboul) se dirige tout
entière, le 3 mai, avec son convoi sur El-Hammam. Son convoi administratif, auquel
viennent se joindre les convois administratifs des brigades Vincendon et Galland,
la suit, le même jour (par un chemin plus praticable probablement).
Il est vraisemblable que les brigades Vincendon et Galland ont marché directe-
ment sur El-Hammam.
et s'alignent à trois jours de vivres de sac et cinq jours de
vivres de convoi.
Le 4 mai, le camp est porté à Sidi-Youcef La colonne

Le 5 mai, - à El-Mana'.
Le 6 mai, le général Forgemol va, sous la protection de deux
Delebecque
marche
vers l'est.

compagnies sans sacs de la brigade Gerder, à Fernana, con-


férer avec le général Logerot.
Une reconnaissance qui doit opérer ce même jour, sous la
direction du général Delebecque, est contremandée en raison
du mauvais temps3.
Le 7 mai, un convoi est envoyé à Remel-Souk chercher des
vivres de toute nature pour quatre jours; les malades sont
évacués sur les mulets partant à vide. Le convoi chargé doit
rentrer au camp d'El-Mana, le 8 mai.
Ce même jour, 7 mai, le général Cailliot prend le comman-
dement de sa brigade-l.
Le 8 mai, reconnaissance offensive5, dirigée par le général Reconnaissance
offensive
sur
Sidi-Abdallah-
ben-Djemel
(8 mai).
1. A moins de 3 kilomètres sud-est deDjebabra.
2. A 6 kilomètres sud-est de Sidi-Youcef ^sur le parallèle du camp de la Santé,
carte au 1/200.000').
Le 5 mai, la colonne Delebecque se porta en deux échelons de Sidi-Youcef à
Fedj-Mana.

dans l'ordre suivant:


Le premier échelon (brigades Gerder et Galland)

Une compagnie de zouaves, génie;


partit à 4 heures du matin

Trois bataillons de zouaves, trois bataillons de tirailleurs, le 7e bataillon de


chasseurs à pied, les deux bataillons du 22e de ligne, l'artillerie des deux brigades,
les bagages, le convoi administratif escorté par le 57e de ligne.
Le deuxième échelon (général Forgemol et la brigade Vincendon) arriva au
campde Fedj-Mana dans l'après-midi.
3. Chaque brigade devait fournir, pour la constitution de cette forte reconnais-
sance un détachement, commandé par un colonel ou lieutenant-colonel et fort de
trois ou deux bataillons, une batterie de combat, une section du génie, le goum
et cent convoyeurs arabes, avec leurs mulets (pour couper du vert).
4. Le général Cailliot avait été nommé, le29 avril, au commandement de la
brigade Ritter.
5. Chaque brigade, commandée par son général, fournit :
Quatre bataillons (les hommes sans sac, mais portant de quoi faire un
repas froid ou du café)
Sa compagnie du génie;
;
Toute son artillerie de combat;
Ambulance volante;
Mulets indigènes pour rapporter le fourrage.
Dans cette journée, l'artillerie tira onze obus sur des bois où on avait vu se
réfugier quelques Arabes.
de division Delebecque, vers Sidi-Abdallah-ben-Djemel,
signalé comme devant être le lieu de la résistance acharnée
des Khoumir. Ceux-ci n'essaient même pas de combattre et
prennent la fuite en laissant sous la protection du marabout
de Sidi-Abdallah, une quantité d'effets et d'objets de toute
nature'.
On ramène du bétail2 et on rapporte du fourrage.
Les 9 et 10 mai, les troupes de la colonne Delebecque restent
à El-Mana, retenues par des pluies torrentielles'.
Lacolonne Le 11 mai, les brigades se portent en avant; dans cette jour-
Delebecque re-
prend née, l'artillerie lança soixante projectiles environ sur les
sa marche
le11mai- pentes par où l'ennemi aurait pu venir et sur les bois où il
était supposé avoir opéré sa retraite4.
Le soir du 11 mai, le général Delebecque, avec les brigades
Vincendon et Galland, campe à Sidi-Abdallah; la brigade
Cailliot à Dar-el-Abidi, à proximité duFedj-el-Meridj, col don-
nant accès dans la plaine de Ben-Métir, que le général en chef
vient de choisir comme théâtre des opérations.

Engagement Le même jour, 11 mai, le général Logerot avait quitté Fer-


de la colonne
Logerot
à(11mai).
Ben-Métir
nana (où il était depuis le 5) pour se rendre à Ben-Métir. Il
était arrivé à El-Fedj, où il devait installer son camp, quand
ses goumiers, envoyés en avant dans la direction de Ben-
Métir, vinrent donner dans un parti d'insurgés qui occupait le

1. Voir annexe n° XXV.


2. 84 bœufs et 150 chèvres ou moutons.
3. Le temps, dans la journée du 9 mai, fut si mauvais que personne ne sortit.
Dans l'après-midi du 10 mai, une petite reconnaissance dirigée par le comman-
dant Crétin, chef d'état-major de la division, alla à quatre ou cinq kilomètres au
nord-est de Fedj-Manà chercher un nouvel emplacement de camp, dans la direc-
tion du djebel-Meridj.
Cette reconnaissance découvrit les cadavres de deux hommes du 16° escadron
du train des équipages; un brigadier et deux soldats du train, du convoi du géné-
ral Forgemol, étaient allés à trois kilomètres du camp faire du vert pour les
chevaux de l'état-major et avaient été massacrés par les Khoumir.

11 mai, dans le parcours du camp d'El-Mana au camp d'El-Meridj ;


Le cadavre du troisième (le soldat Benet-Philebert, du 8e escadron) fut trouvé le
il portait neuf
blessures (cinq par armes à feu, quatre par arme tranchante et piquante) et avait
été dépouillé.
i
4. Extrait du Résume historique des marches et opérations ae aruuemt.
khanguet-el-Hammam. Le goum se trouvait en présence des
Slelma, des Chiahia (repliés dans la montagne depuis l'affaire
de Ben-Béchir, 30 avril) et des premiers contingents des
Mekna qui se portaient au secours des Chiahia1.
Ces deux tribus faisaient leur jonction dans la plaine de
Ben-Métir quand les Khoumir, repoussés par la division Dele-
becque, y arrivaient.
Se sentant en forces, les indigènes résolurent de tenter une
action commune contre le général Logerot, occupèrent le
khanguet-el-Hammam et y résistèrent pendant trois heures2.
Les 12 et 13 mai, toutes les troupes restent en position3.
Dans la division Delebecque, des convois' sont envoyés à
Remel-Souk pour y évacuer les malades et en rapporter des

1. La tribu des Houamdia avait envoyé les cheiks des trois fractions EI-Koua-
mia, Oulad-Saad et Alaoua au colonel Delpech, à Bordj-Djedid (Tabarka) pour
faire leur soumission. La quatrième fraction, celle des EI-Bedjaibia, qui se trou-
vait au milieu des Mekna, restait seule rebelle.
Les Oulad-Cedra et les Oulad-ben-Said avaient également fait leur soumission.
2. Dans cette journée, les batteries de montagne Moll et Parriaud tirèrent, du
camp d'El-Fedj, sur les groupes d'Arabes aperçus dans la vallée de l'oued-Illil, de
1.500 à 3.400 mètres. Le lieutenant-colonel, commandant l'artillerie de la colonne,
fit remarquer, à propos de cette affaire, combien il est indispensable de faire cam-
per l'artillerie sur des emplacements d'où elle peut voir les terrains environnants.
(Extrait du Résumé historiquedes marches et opérationsdel'artillerie.)
3. Pluies torrentielles.
4. Le convoi de la brigade Cailliot, parti d'El-Abidi le 12 mai à 10 h. 30 du
matin, sous la protection d'une compagnie de tirailleurs, conduit par un guide
envoyé par la division, s'égara, descendit beaucoup trop au sud et passa à Sidi-
Youcef à 2 h. 30; il ne fit sa jonction qu'à 3 heures du soir avec les convois des
brigades Vincendon et Galland, partis de Sidi-Abdallah, qui se trouvaient en
arrière et sur sa droite. (Extrait du rapport du capitaine commandant la compa-
gnie d'escorte.)
Le convoi devait se rendre au pont construit sur l'oued-Melah pour les colonnes
Vincendon et Galland; en réalité, il fut conduit par le guide au gué de l'oued-
Melah, par où était passée la brigade G-erder, le 3 mai, en allant de Djebabra à
Sidi-Youcef.
A 2 h. 30 du soir, le capitaine, alors décidé à continuer et à conduire son convoi
jusqu'à Remel-Souk, fut prévenu par son arrière-garde qu'un parti de cavaliers,
que la distance et le brouillard empêchaient de distinguer clairement, suivait son
convoi. Il envoya reconnaître ce groupe; c'était la division de hussards qui mar-
chait avec les convois des brigades Galland et Vincendon.
Après avoir réuni son convoi à ceux des deux autres brigades, il fit demi-tour
et rentra avec sa compagnie au camp de Dar-el-Abidi à 6 heures du soir.
(En réalité, il fallait cinq quarts d'heure pour aller d'El-Abidi au pont et sept
quarts d'heure pour en revenir.)
vivres; la brigade Cailliot fait des reconnaissances dans la
direction de Ben-Métir et prépare le passage du col d'El-
Méridj1.
Lescolonnes Le 14 mai, la brigade Cailliot' marche sur Ben-Métir.
Delebecque.
etLogerotsont Le même jour, la colonne Logerot3 se porte vers le nord, en
en relations
(14 mai). remontant la vallée de l'oued-el-Lil, pour protéger le débouché
de la brigade Cailliot.
Les Khoumir, en fuyant devant les troupes de la brigade
Cailliot, viennent passer sous le feu des tirailleurs de la
colonne Logerot; ils n'engagent le combat que pour couvrir
leur retraite et protéger leurs troupeaux; ce but atteint, ils
abandonnent la lutte, en proie à un profond découragement.
Le soir, les brigades Cailliot et Logerot campent à Ben-
Métir. Les colonnes Delebecque et Logerot sont en relations;
on peut, à cette date du 14 mai, considérer l'insurrection de
Khoumirie comme terminée.
Ordres Il ne s'agissait plus que d'atteindre les fuyards dans leur
de manœuvre
donnés dernier refuge pour les empêcher de gagner d'autres régions.
aux généraux
Delebecque,
Logerot
Le général en chef décida que les brigades de la division
etMaurand. Delebecque manœuvreraient de façon à acculer à la mer les
tribus du nord-est, tandis que le général Logerot et le général
Maurand, après avoir occupé l'un Béja et l'autre Mateur,
s'avanceraient dans le pays des Mogod, pour s'opposer au pas-
sage des groupes rebelles.
La division Delebecque est campée, le 15 mai, à Ben-Métir
et à l'ouest de ce point4; elle aura donc à marcher vers le nord.
La colonne Logerot retourne le 15 à Fernana; (Je général

1. La reconnaissance de quatre bataillons (zouaves et tirailleurs) de la brigade


Cailliot partie du camp de Dar-el-Abidi, le 13 mai, à 10 heures du matin, aperçut,
après une marche de six kilomètres, les zouaves de la colonne Logerot, à trois
kilomètres en avant, et rentra au camp à 6 heures du soir.
2. Voir, annexe n° XXVI, les ordres donnés par le général Cailliot, pour la mar-
che du 14 mai.
3. Les deux batteries de montagne de la colonne Logerot tirèrent quarante-cinq
coups de canon.
4. La brigade Cailliot (avec le général Delebecque),
- --
a -IJen-Métir.
-—
Vincendon, au djebel-Bir.
Galland, à Ain-Draham,
Forgemol' marche maintenant avec elle). De là elle se dirige
vers l'est et entre à Béja, sans résistance, le 20 mai.

Dans la nuit du 27-28 avril, le bateau français Santoni fai- LesMogod.


sait naufrage sur la côte tunisienne, entre le cap Serrat et le
port de Bizerte; il fut aussitôt pillé par les Mogod qui retin-
rent l'équipage prisonnier.
Les Mogod étaient surtout excités par un nommé Smith,
sujet anglais, établi dans le pays depuis près de vingt ans et y
jouissant d'une grande influence.
Le 12 mai, toute la tribu était en insurrection; elle se répan-
dait dans la plaine de Mateur où elle fut rejointe par les con-
tingents des tribus voisines.
De concert, tous ces insurgés se mirent à piller.
Le 16 mai, en exécution des ordres du général en chef, le
général Maurand2 part de la Manouba (avec deux bataillons
d'infanterie, un escadron de cavalerie et une batterie de mon-
tagne) dans la direction du nord-ouest, pour aller faire sa
jonction avec les colonnes opérant en Khoumirie et dans la
vallée de la Medjerdah. Il a pour mission particulière de
pacifier d'abord le pays de Mateur. Une petite colonne3 com-
mandée par le colonel Périgord et forte d'un bataillon d'infan-
terie, une compagnie du génie et trois escadrons de cavalerie,
est prête à partir de Bizerte, vers le sud-ouest et doit l'aider à
obtenir ce résultat.
Le 17, au soir, la colonne Maurand est à Aïn-Ghellal; la

1. Voir, annexe n° XXVII, l'ordre général donné par le général Forgemol à


l'issue de ces premières opérations.
2. Débarqué avec le général Bréart et la 4" brigade de renfort.
Colonne du général Maurand :
30e bataillon de chasseurs à pied;
lur bataillon du 38° régiment d'infanterie;
;
10" batterie du 13e d'artillerie (801, de montagne)
1 escadron de hussards.
3. Colonne du colonel Périgord :
Un bataillon du 20e régiment d'infanterie ;;
Trois escadrons du 9e chasseurs à cheval
Une compagnie du génie.
colonne Périgord, partie de Bizerte dans la matinée, est à
l'oued-Tindja.
Les insurgés, en apprenant la marche concentrique de ces
deux colonnes, s'étaient réfugiés aussitôt dans le pâté monta-
gneux qui s'élève entre les deux routes qui, de Mateur, con-
duisent à l'oued-Tindja et à Aïn-Ghellal.
Le général
Maurand
Le 18 mai, à 10 heures du matin, les deux colonnes
eilecolonel françaises qui n'ont essuyé que quelques coups de feu dans
Périgoal
enlrelltàMateur leur marche en avant1, font leur jonction devant Mateur et y
(1Smai).
entrent sans résistance.

Conversion Pendant ce temps le général Delebecque' n'était pas resté


à gauche
de la colonne inactif.
Delebecque.
Le 16 mai, le général Cailliot se porte, avec ses troupes, à
10 kilomètres au nord-est3.
Le 17, le général Delebecque le rejoint à Medjel-Tebaïnia4.
Les journées des 17 et 18 mai sont employées par les troupes
du général Cailliot à faire des razzias et à améliorer les
chemins conduisant vers Aïn-Draham.
Le 19 mai, la marche vers le nord-est est reprise'.

:
Les brigades Cailliot et Vincendon marchent parallèlement,
à 2 ou 3 kilomètres l'une de l'autre la première (avec laquelle
marche le général Delebecque), à droite, suit la vallée; la
deuxième suit les crêtes. La brigade Galland séjourne à Aïn-
Draham pour assurer les communications avec Remel-Souk.
Affaire
à
d'avanl-postes
Le 19 mai, la
brigade Cailliot s'installe à El-Guemaïr (oued-
EMinemaïr Zeen)
(19 mai).
A 1 heure de l'après-midi, aussitôt après l'arrivée au

1. Quand la colonne Maurand fut attaquée dans ledjehel-Mellet, devant Mateur,


la 10e batterie du 13" (80mm de montagne, capitaine Naquet) tira sur des groupes
d'Arabes et sur la kasbah de Mateur 72 obus, dont 15 à balles.
2. Il avait passé la nuit du 15 mai a Ben-Métir.
3. Il envoie, le même jour, son convoi se ravitailler à Remel-Souk.
4. Ce camp fut appelé aussi camp « dAin-Métir ».
5. Pendant cette marche vers le nord-est, quelques coups de canon furent tirés -- -

;
sur des ennemis toujours invisibles, 17 coups par la 2e batterie du 16e (801, de mon-
tagne, de la brigade Cailliot) à des distances variant de 2.000 à 3.800 mètres aucun
point de chute ne put être observé. (Extrait du Résumé historique de l'artillerie.)
bivouac, le sous-lieutenant Lamy, du 1er tirailleurs, dont la
section est en petit poste, est, en faisant avec quatre hommes
une patrouille en avant de ses sentinelles, attaqué par des
indigènes. Le petit poste, la grand'garde s'engagent successi-
vement. Il faut deux compagnies de la réserve pour dégager
cette compagnie qui eut trois hommes tués dans cet engage-
ment1.
Du 19 au 24 mai, le général Delebecque reste à El-Guemaïr.
Ses troupes occupent un front de 17 kilomètres de longueur
orienté nord-ouest, sud-est, d'Ouldj-Souk à Fedj-Aïeck2.
(La brigade Galland s'est portée en ligne, ne laissant qu'un
détachement à Aïn-Draham. La colonne de munitions de
Remel-Souk s'est transportée à La Galle.)
Pendant cette période de cinq jours, les brigades envoyèrent
des reconnaissances pour se relier et pour explorer le pays.
Le 25 mai, la colonne Delebecque tout entière s'avance de
10 kilomètres vers le nord et vient occuper le front Fedj-el-
Asker (Vincendon); El-Khadouma (Delebecque et Galland);
Sidi-Khouider4 (Cailliot).
Son but est de repousser les derniers débris des Mekna vers
la mer.
Le 22 mai, la colonne Logerot a quitté Béja se dirigeant vers
le nord-ouest pour garder les défilés et couper toute ligne de
retraite aux fuyards. Le 23, elle est à Souk-el-Tenin; le 25 à
Feighou.
Le même jour, 25, la garnison de Tabarka a opéré vers le
sud-est un mouvement qui rejette sur la brigade Vincendon
des groupes d'Arabes quecanonne son artillerie5.

1. Voir annexe n° XXVIII.


2. Le 24 au soir, la brigade Cailliot campe au plateau de Fedj-Aieck (8 Idlomè-
tres au sud-estd'El-Guemair). Pourquoi?
3. Le 20 mai, le zouave Pérémon (lre compagnie du 4e bataillon du 3e zouaves),
d'un petit poste de quatre hommes aux avant-postes, fut atteint de deux coups
de feu (poumon gauche et cervelle du côté droit).
4. Le 25, la brigade Cailliot se porte vers le nord-est, à Sidi-Khouider (à 18 kilo-
mètres au nord-est de Fedj-Aieck).
5. Le 25 mai, la 8e batterie du 6e (80mm de montagne) tira 13 obus sur un groupe
Le 26 mai, la colonne Logerot remonte plus au nord, pour
empêcher la fuite des Mekna vers l'est.
Dans cette journée, et celle du lendemain 27, la division
Delebecque effectue une opération bizarre :
Le général Cailliot, sur l'ordre du général Delebecque, part
dès le matin du 26, dans la direction du nord, avec une co-
lonne volante de quatre bataillons, une batterie de combat et
une fraction d'ambulance1.
Quand il sera arrivé à hauteur du général Vincendon, posté
au col de Sidi-el-Asker (au nord-ouest de Sidi-Khouïder), il
doit accentuer son mouvement vers sa droite (nord-est); puis
les deux brigades se portant en avant refouleront les Mekna
dans les dunes et les acculeront à la mer.
Les hommes des quatre bataillons de la colonne volante du
général Cailliot partent sans sac, emportant dans leur musette
des vivres pour deux jours; ils ont leur toile de tente et leurs
bâtons; un seul mulet par compagnie, pour les officiers.
En même temps que se met en marche la colonne volante,
part pour Tabarka un convoi allant chercher des vivres et
composé de tous les mulets, 5 à 600 (du convoi administratif,
des corps, d'outils, du génie, d'artillerie et indigènes.)
Derniers conps Deux bataillons restent au bivouac à Sidi-Khouïder. L'opé-
decanon
de la colonne
Delebecque
ration du 26 réussit assez mal; quelques coups de canon2 (ce
(2ii ma)i. sont les derniers de l'expédition de Khoumirie) sont tirés sur
des groupes réunis sous bois. Les troupeaux que le général
Vincendon désirait vivement razzier3s'échappent vers l'est.

d'Arabes à 2.700 mètres et la 8e batterie du 5' (80°"" de montagne) tira 17 obus


sur des bois à 2.500 et à 3.500 mètres.
Le soir du même jour, à 4 h. 30, cette batterie, parvenue au camp de Fedj-cl-
Asker, battit de son feu un petit col, où passaient des Arabes1, à 1.800 mètres
vers l'est et, à la fin de la journée, elle tira à 4.000 mètres, d'après les ordres du
général Vincendon, sur des gourbis appartenant au douar des Oulad-Tugas qui ne
purent être atteints, se trouvant à 5.000 mètres. (Extrait du Résumé historique
des marches et opérations de l'artillerie.)
1. Voir annexe n° XXIX.
2. La 2e batterie du 16e envoya quelques obus à 850 mètres et à 1.400 mètres.
3. Désir bien compréhensible, puisque le général Vincendon est sans intendance
L'avant-garde de la colonne Cailliot, complètement déployée
cependant, ne peut s'emparer que d'une faible partie'.
Le soir du 26, la colonne volante Cailliot couche à Berzigue.
Entre temps le convoi de la brigade Cailliot a reçu l'ordre de
venir se décharger à Berzigue, le 27, au lieu de retourner
jusqu'à Sidi-Khouïder. Les mulets, une fois déchargés, par-
tiront à l'ancien camp pour y prendre les sacs des hommes,
les bagages des officiers et les impedimenta laissés2.

;
Le 27 au matin, le général Cailliot envoie deux compagnies
au devant du convoi, sur la piste de Tabarka deux compagnies
restent au bivouac de Berzigue pour le garder, avec la batterie
de 4.
Puis l'opération tentée la veille, avec le général Vincendon,
est reprise, sans plus de succès d'ailleurs3.
Dans la journée, Le général Delebecque, qui était resté au
bivouac de Sidi-Khouïder, rallie le bivouac de Berzigue avec
un demi-bataillon de la brigade Cailliot.
Le 29 mai, les trois brigades de la colonne Delebecque sont La colonne
Delebecque est
massées autour de Berzigue, sur un front de 3 kilomètres (gé- concentrée
néral Vincendon, à gauche, à Sidi-Asker; général Delebecque
à Rerzigue
(26mai).
et général Cailliot, à Berzigue; général Galland, en deuxième
ligne.)
Dans la journée, une reconnaissance de deux bataillons,
deux sections d'artillerie et un escadron de hussards descend
la vallée de l'oued-Zeen vers son embouchure.
En exécution d'ordres du général en chef, la brigade Cailliot
doit se tenir prête à entrer, le 2 juin, par l'ouest, sur le terri-

et sans argent. (Extrait d'une lettre du général Vincendon au général Cailliot,


en date du 26 mai.)
1. Voir notes 1 et a de l'annexe n° XXIX. page 156.
2. Voir note b de l'annexe n° XXIX, page 156.
3. La division donne encore une fois dans le vide.
La Khoumirie ne possédant ni chef-lieu, ni môme une agglomération impor-
tante, et les fractions khoumir ne s'étant pas réunies pour combattre, les opéra-
tions françaises ne pouvaient avoir d'objectif, ni géographique, ni de manœuvre.
Les populations indigènes se laissaient traverser par les colonnes françaises,
dont l'activité s'employa dans des razzias de quelques gourbis misérables et
clairsemés.
toire des Mogod, où elle doit opérer de concert avec les briga-
des Logerot et Bréart; elle doit partir avec deux jours devi-
vres de sac et huit jours devivres de convoi.
La soumission des Mogod paraissant assurée, ce mouvement
;
n'eut pas lieu la brigade Calliot reçut l'ordre de ne faire vers
l'est, quand la soumission des Mekna serait complètement ter-
minée, que des démonstrations à courtes distances deTabarka.
Dt-rniers Les Oulad-Yahia ayant fait leur soumission définitive, la
mouvements de
la brigade
Cailliot
(du 4au 11juin).
brigade Cailliot fit les mouvements suivants
Le 4 juin, elle va camper à Sidi-Moussa.
:
Le5, elle envoie de Sidi-Moussa des reconnaissances vers le
nord, dans la direction du cap Négro.
Le 6, elle va camper au nord de Sidi-Moussa.
Le 7, elle pousse de ce bivouac des reconnaissances vers
l'est.
Le 8, elle revient en arrière.
-
Le 9, elle rentre au camp de Berzigue.
Le 11, elle se rapproche de Tabarka et vient camper à l'est
de la brigade Vincendon.
Le 11 juin, le général Delebecque transporte son quartier
général à Hamil-el-Slema, où il reste jusqu'au 18 juin.
Le 13 juin, la brigade Cailliot remonte vers Aïn-Draham,
prend au passage tous les outils du génie de la brigade Vin-
cendon et vient camper au sud de cette dernière, sur la route
muletière de Tabarka à Aïn-Draham.
A cette date, le général Cailliot reçoit l'ordre de faire rétro-.
grader sur Tabarka les deux bataillons du 1er tirailleurs' qui
doivent se tenir prêts à être embarqués2.
Le reste de sa brigade (moins un bataillon et la compagnie
du génie) sera échelonné entre Aïn-Draham et le khanguet-el-

1. Le 2" régiment de tirailleurs (colonne LogeroD, avait été prévenu, dès le 9


juin, de s'embarquer à Bizerte.
2. Le rapatriement était décidé par le
- ministre
- dela guerre depuis le -11 mai.
1 OJ -
Les Chambres, rentrées le 12 mai, jour de la signature du traité de Kassar-
Said (heureuse coïncidence), avaient approuvé le traité, à une grande majorité.
Bientôt Clémenceau attaqua le gouvernement, l'accusant d'avoir violé la con-
Méridj pour travailler à la route muletière qui doit aller à Fer-
nana. Une réserve de vivres pour 2.500 hommes et 400 che-
vaux ou mulets doit être constituée à Aïn-Draham.
Le 15 juin, les deux bataillons du 96e passent sous les ordres
du général Cailliot, ainsi que la compagnie du génie du géné-
ral Vincendon et les fractions stationnées à Aïn-Draham (sec-
tion d'artillerie du capitaine Gradoz et peloton de spahis).
Acette date, parvinrent les instructions pour le rapatriement
des troupes : derapatriement.
Ordres

« Les troupes d'occupation laissées dans les diverses places


de la Tunisie, doivent être fournies par les troupes venues de
France au corps expéditionnaire. L'état-major de chaque régi-
ment ainsi que les cadres d'un bataillon rentreront en France
avec les hommes libérables en 1881 et les malingres. L'autre
bataillon du régiment restera en Tunisie après avoir reçu les
hommes valides et non libérables en 1881 du bataillon partant,
de façon à avoir un effectif moyen d'environ 600 hommesl.
» Les troupes venues d'Algérie, y rentreront toutes succes-
sivement,à l'exception des spahis de l'escadron mixte'. »

stitution en faisant la guerre sans l'assentiment du parlement, et d'avoir fait


l'expédition dans l'intérêt seul de quelques compagnies financières.
Puis la presse, et principalement Rochefortqui, amnistié, venait de rentrer, tour-
nèrent l'expédition en ridicule.
Le gouvernement eut la main forcée.
Ce rapatriement hâtif fut la plus grande faute de la campagne.
Résumons les opérations de la colonne Delebecque, depuis les journées sans
résultats des 26 et 27 mai.
trois kilomètres:
Le 29 mai, les trois brigades sont massées autour de Berzigue sur un front de

Général Vincendon, à Sidi-Asker, à gauche;


Général Delebecque et général Cailliot, à Berzigue;
Général Galland, en deuxième ligne a.
Puis les troupes se rapprochent de Tabarka et Ain-Draham; la brigade Cailliot
seule, fait quelques reconnaissances et démonstrations du 4 au 9 juin vers l'est
puis, le 11 juin, cette brigade se replie à son tour vers l'ouest.
;
1. L'effectif des bataillons fut même réduit à 500 hommes dès le 13 août.
2. L'escadron de marche de spahis (3erégiment), est composé de spahis des smalahs
d'El-Méridj et d'Ain-Guettar (5e escadron), de Bou-Hadjar et du Tarf (6e escadron).
a. On peut remarquer que cette brigade fut toujours en deuxième ligne (soit qu'elle fut
en réserve pendant les déploiements ou qu'elle convoyât pour les autres brigades, en station)
ou à l'aile la moins exposée (quand la division marchait).
Les mouvements commencèrent immédiatement'.
D'une façon générale, les bataillons de France descendirent
vers Tabarka, pour s'y embarquer'; les zouaves et tirailleurs
descendirent vers Fernana, pour y rejoindre le général Loge-
rot et à Souk-el-Arba pour y rejoindre le général ForgemoF et
rentrer avec eux en Algérie4.
La brigade Cailliot5 était ainsi complètement disloquée. Le
général s'installa, le 17 juin, à Aïn-Draham, siège de son
commandement; il y était presque seul avec son état-major.
On lui envoya immédiatement le 29e bataillon de chasseurs à

Dès le 13 juin, le commandant écrivait de Tabarka, au général en chef, pour lui


demander à ramener en Algérie tous ses spahis. Si un détachement était encore
nécessaire en Tunisie, il proposait de le réduire à un peloton. Dans ce cas, il ramè-
nerait immédiatement ses spahis en Algérie, formerait et équiperait à neuf un
peloton de spahis n'ayant pas encore fait partie de l'expédition, lequel viendrait
remplacer le peloton laissé en Tunisie et serait ensuite relevé tous les mois.
« Ces spahis, qui n'ont quitté leurs smalahs que depuis deux mois et demi, dési-
rent aller revoir leur famille et leurs récoltes, et régler leurs intérêts agricoles. »
Il est permis de remarquer qu'en 1871 l'escadron de Souk-Ahras, de ce même
régiment, s'était révolté, avait massacré ses officiers et que les spahis rebelles
s'étaient réfugiés en Tunisie.
1. Les troupes de la brigade Vincendon (40" et 141e au complet) s'embarquè-
rent le 15 juin (à l'exception de l'état-major et d'un bataillon du 96" qui étaient
à Ain-Draham et n'arrivèrent à Tabarka, que le 19. (Voir l'ordre du général Dele-
becque à la brigade Vincendon. Annexe n° XXX.)
2. 11 y eut un encombrement à Tabarka. Les bataillons destinés à être rapatriés
et quiattendent les bateaux, souffrent dela chaleur et de l'agglomération; la
fièvre typhoïde se déclare; le moral des troupes est très affecté.
3. Voir annexes n° XXXI et n° XXXIII, les ordres du général commandant le
corps expéditionnaire.
4. Ce rapatriement hâtif empêchait le bey de tenir ses engagements, au cas où
il aurait voulu les exécuter loyalement; notre expédition avait achevé de ruiner
son autorité.
Le départ de nos troupes laissait le pays abandonné à l'anarchie. Celles qui
,
restaient, environ 15.000 hommes a suffisaient à peine à maintenir la tranquillité
dans le nord (Tunis n'était pas occupé).
Les récoltes faites, mises en sûreté ou vendues, les indigènes n'avaient plus rien
à perdre.
Au même moment, les Oulad-sidi-Cheik dirigeaient le soulèvement du Sud
oranais.
Aussi, le général Forgemol n'était pas encore rentré à Constantine que l'insur-
rection, provoquée par notre retraite, éclatait dans le sud de la Régence.
5. Voir l'ordre du général Delebecquea la brigade Cailliot, annexe n° XXXII.

a. 23.616 hommes avaient été envoyésjie France; on en rappelle environ 10.003 du 10 au


28 juin. Des 8.200 venus d'Algérie, 7.010 y rentrent avec le général Forgemol. Restent donc
en Tunisie environ 15.003 hommes.
pied. Puis les bataillons des 57e, 88e et 96e vinrent successive-
ment occuper Béja, Fernana et Ghardimaou; les bataillons
des 18e et 22e, Aïn-Draham; le bataillon du 143° occupa Ta-
barka.
L'escadron de marche du 3e spahis rallia ses détachements
et se concentra à Aïn-Draham. -

La 13e batterie du 16e (brigade Galland) et la compagnie du


génie du capitaine Hugues (brigade Vincendon) vinrent égale-

ï(
ment à Aïn-Draham.
Le 18 juin, le général Delebecque quitta le commandement
de la colonne.
Le 1er juillet, toutes les troupes d'Algérie du corps expédi- Le corps
expé-
tionnaire ont repassé la frontière. Le corps expéditionnaire ditionnaire
est dissous
est dissous à cette date1. le1"juillet.
(Les généraux commandant les troupes d'occupation en
Tunisie doivent adresser leur correspondance au général com-

,
mandant la division de Constantine).
Restent en Tunisie 15 bataillons d'infanterie, 7 escadrons de
cavalerie, 6 batteries 1/3 d'artillerie, 4 compagnies du génie,
répartis en 8 points'.
Aïn-Draham,
LeManouba, Î Tabarka, Général
Général G^eneral,
Bizerte,
Maurand.
Maurand.
Fernana, Cailliot.
Cailliot.
Mateur. Ghardimaou,
]
LeKef.
Par décision ministérielle du 1er juillet, le général de divi-
sion Logerot' est appelé au commandement du corps d'occu-
pation de Tunisie, sous l'autorité du général commandant en
chef le 19e corps d'armée4.

1. Ordre général donné par le général Forgemol. le1er luillet, à Souk-Ahras.


2. Voir annexe n° XXXIV.
3. Le général Logerot a été promu au grade de général de division le 18 juin.
4. Le général Saussier a remplacé le général Osmont dans le commandement
du19ecorps.

Si on examine, au point de vue militaire, l'expédition de Khoumirie, il est per-


Le général Il s'embarque à Bône, arrive a la Manouba, siège de son
Logerot
prend le com- quartier général et prend le commandement de la division
mandement
ducorps
d'occupation.
d'occupation (brigades Cailliot et Maurand stationnées en
Tunisie) le 12 juillet.
Voyons la situation générale à cette date.

;
mis de dire que les opérations de la colonne furent sans résultats. Il n'existait
aucune ville, aucun village pouvant servir d'objectif capital il n'y avait eu au-
cun rassemblement d'indigènes dont la défaite eût frappé la défense d'un coup
décisif; les populations clairsemées s'étaient laissées traverser.
Pour cette expédition rien n'avait été préparé à la frontière; il n'y avait pas de
mulets, pas de matériel d'ambulance. Aucun renseignement sur la Khoumirie, sur
les tribus qui l'habitaient, n'avait été recueilli. On n'avait pas de cartes (ce
n'est que le 26 mai, les opérations terminées, que furent distribués quelques cro-
quis par renseignements).
IIe PARTIE

ÉVÉNEMENTS ET OPÉRATIONS ENTRE LE PREMIER RAPATRIEMENT


ET LA SECONDE EXPÉDITION

ALI BEN KHALIFA; DÉFENSE ET PRISE DE SFAX.


OPÉRATIONS CONTRE GABÈS. OCCUPATION DE DJERBA. LES ZLASS

A KAIROUAN. RÉUNION DES CHEFS INSURRECTIONNELS


A SBEITLA. LES ZLASS ET LA 5e BRIGADE.
ALI BEN AMMAR ET LES OULAD-AYAR; MASSACRE DE L'OUED-ZERGUA
ET COMBAT DE TESTOUR
CHAPITRE 1er

Opérations du colonel Jamais.

Situation générale de la Tunisie au 1" juillet 1881. Ali ben Khalifa, caid des Nef-
fet, se met à la tête du mouvement insurrectionnel et vient à Sfax organiser la
résistance.
15 juillet, bombardement de Sfax par la flotte française; 16 juillet, débarquement
et prise de la ville (colonel Jamais).
;
Opérations contre Gabès (lieutenant-colonel Mille) débarquement les 24 et 25
juillet.
Occupation de Djerba (lieutenant-colonel Bernet), 28-31 juillet.

Situation Pendant que le général Forgemol opérait dans le nord de la


léraledela
Tunisie
1"juillet.
Régence, la situation du pays s'était modifiée.
La convocation des contingents de certaines tribus avait
causé une première agitation qui, de proche en proche, avait
gagné toutes les populations. Des bandes de pillards, encore
peu nombreuses, commencèrent à battre le pays.
Notre entrée dans la Régence n'augmenta que très peu l'in-
quiétude générale; mais la nouvelle de la prise du Kef causa
un surcroît d'effervescence qui amena de nombreuses réu-
nions dans les tribus.
adesixettet" Un vieillard, le caïd des Neffet, Ali ben Khalifa, se faisait
benKhalifa,
netàlatète surtout remarquer par son activité1.
mouvement
l'rectionnel. Se mettant à la tête du mouvement insurrectionnel, il cher-
chait à grouper autour de lui le plus de monde possible ou,
tout au moins, à assigner aux tribus le rôle qu'elles devaient
jouer dans la lutte.
Cette entreprise d'Ali ben Khalifa devait d'ailleurs échouer

1. Voir note 1 de l'annexe XXXV, page 162.


CROQUIS N° Il

SUD DE LA RÉGENCE
fatalement en Tunisie, où les rancunes personnelles, les riva-
lités de race et les intérêts particuliers passent avant la reli-
gion et la patrie.
Il ne s'était encore produit aucun désordre grave quand les
gouverneurs reçurent du bey des instructions particulières
leur prescrivant de s'abstenir de tout acte d'hostilité contre
l'armée française. Ces nouvelles dispositions de Mohammed es
Saddok jetèrent le trouble dans tousles esprits. D'une part,
le gouvernement tunisien interdisait absolument de lutter;
d'autre part, Ali Bey, qui se disait investi de la confiance de
son frère Mohammed es Saddok, pressait le rassemblement
des contingents armés.
Les populations commencèrent à manifester leur mécon-
tentement; leur indignation s'accrut quand elles apprirent
(un courrier du Bardo à Ali Bey fut intercepté), que le bey
ordonnait à son frère de se replier devant les troupes fran-
çaises.
L'irritation gagna de plus en plus. Quelques tribus sommè-
rent leurs caïds de se prononcer pour l'insurrection; ceux-ci
partirent pour Tunis, soi-disant pour y chercher des instruc-
tions et ne revinrent pas.
Des bandes se mirent à attaquer les caravanes et piller les
douars; les soldats réguliers des garnisons du Sahel désertè-
rent et allèrent se mettre sous les ordres de bandits en renom
opérant dans les environs.
Cependant, ceux qui possédaient quelque chose ou qui

; :
n'avaient rien à gagner à la lutte, provoquèrent une réaction;
deux partis se dessinèrent nettement dans le pays l'un, de la
paix, l'autre, de la résistance ce dernier beaucoup plus nom-
breux que le premier, renfermant tous les mécontents et
comptant dans ses rangs de hauts personnages, particulière-
ment Ali Bey (entouré d'Italiens), qui continuait à semer le
désordre.
Sur ces entrefaites, la connaissance du traité de Kassar-
Saïd vint jeter un nouveau trouble dans les esprits. Les chefs
du parti de la résistance surent habilement profiter de ce mo-
ment d'indécision et d'étonnement; en même temps, ils repré-
sentèrent ce traité comme une capitulation de la France devant
les exigences des puissances européennes (on parlait égale-
ment de l'arrivée des armées du sultan), et ils soulevaient
l'opinion publique contre le bey, le disant rallié à la cause
française et traître à son pays.
Le désordre augmenta1.
Les tribus les plus puissantes (Fraichich, Zlass, Hammema)
forcèrent les tribus moins importantes.ou enclavées au milieu
d'elles à prendre les armes; mais celles-ci, redoutant les
bandes armées de leurs puissants voisins qui rôdaient autour
de leur territoire, hésitaient à se mouvoir; elles préféraient
défendre leurs biens contre leurs voisins que de s'opposer à
l'invasion française.
D'ailleurs, toutes ces tribus paraissaient peu disposées à

antipathies subsistaient2. -.
obéir à un chef unique; les anciennes inimitiés, les vieilles

Les premiers efforts d'Ali ben Khalifa échouèrent donc; il Ali ben Khalila
vientàSfax
ne se rebuta pas et partit à Sfax avec les cavaliers Neffet, pour organiser
la résistance:
y organiser la résistance. Il fut reçu avec enthousiasme par la
population, imposa son autorité à la ville et saisit la direction
générale des affaires3.
Le 20 juin, toutes les populations nomades de la Régence,
en dehors du rayon d'action de nos troupes, sont en insurrec-

1. Le gouvernement tunisien avait connaissance de ce qui se passait. Il rem-


plaça quelques chefs indigènes et envoya dans les tribus quelques personnages de

:
confiance pour arrêter les meneurs. Ils revinrent sans avoir accompli leur mis-
sion les uns n'avaient pas pu, les autres n'avaient pas voulu, un certain nombre
avait encouragé les populations à la désobéissance et à la révolte.
2. Le mouvement insurrectionnel était dirigé: chez les Zlass, par El Hadj Hassein
ben Messai, caid des Oulad-Iddir; chez les Fraichich, par El Hadj Harrat, caïd des
Oulad-Nadji; chez les Hammema, par Ahmed ben Youcef, caïd des Oulad-Redhouan.
Quant aux tribus voisines du Kef (la ville est presque bloquée), elles sont tout
aussi agitées; mais elles n'ont encore à leur tête personne capable de grouper
leurs éléments épars.
3. Les Zlass, eux, se dirigèrent sur Kairouan, bien décidés à mettre au pillage
cette ville tranquille et riche. Le gouverneur Mahmed el Mrabot, confiant dans
son autorité, les laissa pénétrer; immédiatement, ils se proclamèrent les maîtres
de la ville.
occasion :
tion. Le parti de l'insurrection n'attend, pour agir, qu'une
le rapatriement de nos troupes la lui fournit.

Prise de Sfax. Le consul général de France à Sfax' et des officiers de la


canonnière le Chacal, alors en rade de cette ville, avaient été
insultés et violentés par des indigènes ameutés. Des bâtiments
de l'escadre vinrent renforcer le Chacal et reçurent à leur bord
la population européenne et le gouverneur Hassouna Djellouli
menacés de mort par les habitants.
Le départ du gouverneur de Sfax fut le signal du pillage
complet du quartier européen par les insurgés tant de la ville
que du dehors. Un comité de défense s'organise dans la ville;
on construit des retranchements extérieurs.
Bombardement L'escadre de la Méditerranée, renforcée d'une division de
delaville
la
par flotte l'escadre du Levant, vint rejoindre le Chacal. Le débarquement
(15juillet).
sur la plage même de Sfax fut décidé. Le 15 juillet, la flotte2
étant réunie et la population européenne réfugiée à bord des
bâtiments, le bombardement de la ville par les cuirassés com-
mença.
Débarquement; Le 16 juillet, à 6 heures du matin, après une canonnade
prise
delaville. redoublée, commença le débarquement3. a.
(colonel Jamais,
16 juillet). Les fusiliers marins (1.200 hommes) débarqués les premiers,

:
1. Voir annexe n° XXXV.
2. Escadre vice-amiral Garnault, contre-amiral Conrad :
Colbert, Revanche, Friedland, lre division. Escadre de la Méditerranée.
Trident, Surveillante, Marengo, 20 —
Chacal, Hyène, LéopaTd, canonnières;
Alma, Galissonnière, Reine-Blanche, division de l'escadre du Levant
La Sarthe, l'Intrépide, transports.
;
3. Voir annexes n" XXXVI et XXXVII.

a. Nous avons vu l'opposition (Clémenceau) et la presse (Rochefort) forcer le


gouvernement à hâter le rapatriement des troupes.
Le 7 avril, quand la Chambre des députés avait voté les crédits pour l'expédi-
tion, le Cabinet avait eu 474 voix sur 476 votants; au 23 mai, quelques jours après
la signature du traité, il avait encore 430 voix en sa faveur; le 30 juin, 249 seule-
ment lui restaient.
Pour essayer de ne pas être en minorité, le cabinet veut annoncer aux Cham-
bres, avant leur séparation et l'ouverture de la période électorale, quelques suc-
cès. Il se décide à faire occuper les ports du littoral et à brusquer l'occupation de
attaquèrent la ville européenne, firent sauter la porte de la
plage et s'avancèrent vers la kasbah.

;
Quatre des cinq bataillons du colonel Jamais' débarquèrent
ensuite successivement et par petits paquets une partie péné-
tra dans la ville arabe, une partie combattit à l'extérieur les
indigènes sortant des jardins.
A 10 heures, le drapeau français était hissé sur la kasbah;
A 11 heures les troupes atteignaient la porte des champs.
La ville est parcourue en tous sens. A midi seulement
débarque le cinquième bataillon.
Le 18 juillet débarque un sixième bataillon2.
Le 25 juillet, le colonel Jamais s'embarque pour Gabès3.

Sfax et de Gabès pour pouvoir en faire connaître les résultats avant la fin de
juillet, et empêcher l'opposition d'aborder les élections générales sur la mauvaise
impression des derniers événements.
Pour l'exécution de ces opérations, le gouvernement ne peut envoyer que 8.364
hommes de renfort aux 15.000 hommes laissés en Tunisie.
Dans les dernières séances de juillet, malgré la prise de Sfax et le débarque-
ment à Gabès, le ministère n'a plus pour lui que 214 voix (201 lui sont défavora-
bles; sa majorité de 13 voix provient du vote des ministres).
Le 29 juillet les Chambres se séparent; la période électorale est ouverte.
Cette période s'écoulera sans qu'un seul bataillon puisse être embarqué pour Tu-
nisie. Les envois do troupes de renfort, commencés le 9 juillet, cesseront du 1er au
30 août.
1. Un bataillon du 71e régiment, nouveau.
Un bataillon du 92" régiment, a fait partie de la colonne Bréart, vient de la
Manouba.
Un bataillon du 93" régiment, nouveau.
Un bataillon du 136e régiment, nouveau.
Un bataillon du 137° régiment, nouveau.
Le bataillon du 92" qui a fait partie de la première expédition est seul à 500
hommes.
Les bataillons nouvellement venus de France n'ont même pas cet effectif ils
seront complétés à 500 par l'envoi ultérieur de renforts.
:
2. Un bataillon du 77" régiment, nouveau.
3. Nous savons que le gouvernement était décidé à brusquer les opérations.
Dès le 17 juillet, immédiatement après la nouvelle de la prise de Sfax, le mi-
nistre de la guerre télégraphiait au général Saussier, à Oran, et au général Loge-
rot, à la Manouba : « Le gouvernement a décidé que l'on occuperait Gabès et
Djerba. Prescrivez au colonel Jamais de laisser à Sfax garnison suffisante, deux
ou trois bataillons au plus et une demi-batterie, sous les ordres du lieutenant-co-
lonel, et de se mettre avec le reste de ses troupes à la disposition d'Amiral com-
mandant les forces navales qui prendra les mesures pour occuper de vive force
Gabès et Djerba. Dès qu'il sera établi sur ces deux points, la marine lui continuera
appui tant que besoin pour la sécurité de l'occupation, etc. »
Le 18 juillet, le ministre de la guerre télégraphie au général Saussier, Oran,
Deux bataillons sont embarqués, de Sfax, le 27 juillet, à
destination de Gabès et Djerba.
Le lieutenant-colonel Dubuche reste à Sfax avec quatre ba-
taillons (dont trois sont réunis en un régiment de marche,
n° 1, sous ses ordres directs); un de ces quatre bataillons s'em-
barque le 11 août pour la Goulette, un deuxième le 4 septem-
bre'.

Insurrection
de
L'Aarad' avait été relativement tranquille jusqu'au traité de
l'Aarad. Kassar Saïd. Mais à ce moment, où Ali ben Khalifa (qui pos-
sédait d'importantes propriétés à Chenini et qui y jouissait par
suite d'une grande influence) faisait sa propagande la plus
active, la confiscation de cinquante fusils par notre agent
consulaire, M. Sicard, provoqua le soulèvement de tous les
villages de l'Aarad, à l'exception du seul village de Djara.
Le 25 juin, la nouvelle de l'insurrection de Sfax se répandit
ii Gabès et augmenta encore l'effervescence. (M. Sicard, dont
la vie était menacée, dut s'embarquer le 30 juin.) Les gens de
Menzel et de Chenini se montraient les plus ardents (ils avaient

qu'il est à même d'envoyer au général Logerot, à très bref délai, des renforts en
infanterie et en artillerie.
Le 19 juillet, le général Logerot demande trois bataillons d'infanterie organisés
en régiment de marche, sous les ordres du lieutenant-colonel d'un des régiments
appelés à les fournir, l'organisation actuelle par bataillon ollrant de sérieux incon-
vénients.
Le 22 juillet, le ministre de la guerre télégraphie au général Saussier, à Saida :
« Les troupes de Sfax ne pouvant pas immédiatement être
pédition de Gabès et de Djerba, j'envoie au général Logerot le télégramme suivant
commandant l'escadre, à la disposition
:
disponibles pour l'ex-

« Entendez-vous avec M. Roustan et l'amiral


» duquel vous pourrez mettre les trois bataillons et la
batterie de montagne par-
à bord de l'Algésiras. Ces troupes seraient destinées à occuper
» tis hier de Toulonmais
» Gabès et Djerba; il est entendu qu'une fois établis à Sfax, on y laissera deux
» ou trois bataillons au plus et que vous
disposerez du surplus. »
Or, legénéral Logerot attendait ces troupes pour renforcer les postes du nord.
Il télégraphia, le 23 juillet, au général en chef à Saïda : les trois bataillons et la
« Je reçois du ministre l'ordre de diriger sur Gabès
batterie de montagne qui étaient destinés à renforcer la garnison de la Manouba :
dans ces conditions, je désirerais avoir le 7e chasseurs à cheval. «
1. Voir deuxième partie de l'annexe n° XXXYII.
2. Voir annexes nOS XXXVIII et XXXIX.
emmené leurs familles et conduit leurs biens dans le djebel-
Matmata pour pouvoir se consacrer sans faiblesse à la lutte).
Vers le 20 juillet, Mohamed ben Cherfeddine1, qui avait été
rejoindre (avec quelques cavaliers Beni-Zid, Hazem et Ha-
merna), Ali ben Khalifa à Sfax, revint à Gabès et annonça la
prise de la ville.
Cette nouvelle excita encore les esprits.
Quelques jours après, un navire de guerre français arrive
devant Gabès; le commandant du navire fait sommer les gens
del'Aarad de se soumettre; ils refusent énergiquement.

Le 24 juillet, la flotte française paraît dans le golfe de Gabès, Opérations


contre Gabès.
commence immédiatement le bombardement des villages Bombardement
et
qu'elle peut apercevoir et débarque ses fusiliers marins qui débarquements
(24,25juillet).
s'emparent de Menzel et l'évacuent le soir.
Le 25 juillet2, deux bataillons (14e et 107e) débarquent à Gabès
(lieutenant-colonel Mille); les marins rentrent à leur bord.
Deux sections de montagne débarquent le 26.
Les 29 et 30 juillet, débarque un troisième bataillon (137e).
Le faible effectif dont dispose le lieutenant-colonel Mille ne
lui permet pas d'occuper Menzel. De son camp, établi autour
de la maison du gouverneur, il opère à plusieurs reprises con-
tre Menzel, où s'est concentrée la résistance des rebelles, s'en
empare plusieurs fois, et dirige des reconnaissances dans les
environs.
;
L'activité des combattants faiblit petit à petit mais l'oasis
regorge de pillards qui en veulent surtout aux fruits arrivés
à maturité des jardins de Djara. (Les habitants de Djara,
que nous avons laissés armés, font d'ailleurs la police
de leurs jardins et ont journellement des engagements avec
ces maraudeurs.)
La nouvelle de la prise de Kairouan' éteint ce qui restait
d'ardeur chez les dissidents.

1. Voir annexe no XXXV, note 2, page 165.


2. Voir annexes n° XXXIX (2e partie, page 180), et n° XLI.
3. Voir note a, page 183 de l'annexe XXXIX.
Le refoulement sur l'oasis des groupes poussés vers le sud
par la colonne Logerot acheva la désorganisation des gens de
l'Aarad1.
Le 26 novembre, Mohamed ben Cherfeddine abandonne
Clienini (quartier général des insurgés) et se replie en toute
hâte, suivi de quelques cavaliers, sur El-Hamma des Beni-
Zid.

Occupation Du 28 au 31 juillet, débarquent à Houmt-Souk les troupes


del'ileDjerba.
(bataillons du 71e et du 78e et deux sections d'artillerie) qui,
sous les ordres du lieutenant-colonel Bernet, doivent occuper
Djerba'.
L'île est occupée sans incidents.

1. Voir plus loin, page 91.


2. Voir annexe n° XLII.
CHAPITRE II

Incursions des insurgés.

El Hadj Hassein ben Messai, avec les Zlass, occupe Kairouan. — Les Hammema,
conduits par Ahmed ben Youcef, viennent du sud, occupent la plaine du Sers
et ravagent les environs du Kef. — Ali ben Ammar (détenu jusque là à Tunis
et à qui le bey vient de rendre la liberté) prend la direction du mouvement
insurrectionnel chez les Oulad-Ayar.
;
Réunion des chefs insurrectionnels à Sbeitla (15 août) la conduite à tenir y est
décidée.

deux colonnes, sur Zaghouan et Hammamet ;


Incursions des Zlass jusqu'aux portes de Tunis. — Marche de la 5e brigade, en
le général Sabattier arrive à
Zaghouan le 26 août; le lieutenant-colonel Corréard à Hir-el-Hafaied (26 août)
et à EI-Arbain (nuit du 28-29). — Les Zlass observent la brigade Sabattier à
Zaghouan (l'aqueducest coupé, 12et13 septembre); ils se replient sur Kairouan,
puis, partagés en deux groupes, se mettent en observation sur les routes de
Kairouan à Zaghouan et à Sousse (qui vient d'être occupé par les troupes fran-
çaises).
Positions des insurgés le 20 septembre.
Opérations d'Ali ben Ammar dans le nord; massacre de l'oued-Zergua (30 sep-
tembre); combat de Testour (2 octobre) et surprise de Nebeur(2 octobre).

Dans la Régence, .la


nouvelle de la prise de Sfax avait encore Situation
générale de la
augmenté l'effervescence. Régence
dans les
La situation générale1, dans les premiers jours d'août, est premiers jours
la suivante :
El Hadj Hassein ben Messaï occupe, avec les Zlass, la ville
d'août.

LesZlass.
El Hadj Hassein
de Kairouan, et y dirige le mouvement insurrectionnel. benMessaï.
Les Hammema, conduits par Ahmed ben Youcef, se sont LesHammema.
Ahmed
répandus dans la plaine du Sers; ils razzient les douars établis benYoucef.
aux portes du Kef.
El Hadj Harrat, révoqué par le bey, n'ayant plus rien à ris- Les Fraichich.
El Hadj Harrat.

1. Voir,pour plus de détails sur la situation générale au commencement d'août,


l'annexe n" XLIII.
quer et complètement compromis, dirige l'action des Frai-
chich.
Les Oulad-Ayar. Ali ben Ammar, jusqu'alors interné à Tunis, vient d'être
Ali ben Ammar.
relâché par ordre du bey. Aussitôt arrivé dans sa tribu, il
avait convoqué les Oulad-Aoun, les Oulad-Ayar et les Drid.
Proclamé caïd insurrectionnel des Oulad-Ayar, il groupe
aussitôt ces trois fractions jusqu'alors indécises, et. décide
l'attaque du Kef1.
Reconstitution C'est à ce moment critique qu'il vint à l'idée du gouverne-
de
l'armée du bey. ment beylical de reconstituer l'armée du bey, et, pour cela,
d'appeler à Tunis tous les soldats tunisiens et la plus grande
partie des cavaliers de l'Oudjak.
La situation empira immédiatement2.
Réunion Puis, tout à coup, le désordre cesse comme par enchante-
des chefs insur-
rectionnels à ment; chacun se dirige sur Sbeitla à la réunion provoquée par
Sbeitla
(15 août.) Ahmed ben Youcef, qui veut créer l'entente entre les différen-
La résistance tes tribus du sud-ouest de la Régence.
est décidée.
Toutes les tribus de la région répondirent à cette convoca-
tion. La réunion eut lieu le 15 août3; elle ne fut présidée par
personne; chaque chef indigène émit librement son avis4.
L'assemblée se prononça pour l'insurrection.

1. El Hadj Hassein ben Messai proposa aux autres chefs une marche générale
sur Tunis. Les Hammema et les Fraichich, peu disposés à se lancer dans cette
aventure et surtout à se mettre sous l'autorité d'El Hadj Hassein, ne se rendirent
pas à son appel. Quant aux Oulad-Ayar, inquiétés par la présence, sur leurs con-
fins, des Hammema, ils répondirent que les circonstances présentes leur interdi-
saient de quitter leur territoire.
2. Les Chambres s'étaient séparées le 29 juillet (voir note a, page 54); à partir
de cette date et pendant la période électorale, il ne fut plus envoyé un homme
de renfort en Tunisie.

-.,.
Il n'était pas possible d'entamer des opérations sérieuses avec les faibles effectifs
àce moment en Tunisie; 23.000 hommes au plus (15.000 laissés après le premier
rapatriement, 8.000 envoyés du 9 juillet au 1er août, avant les élections).
Le gouvernement était obligé de remettre au mois de septembre la préparation
de la deuxième expédition qui devenait indispensable (voir annexe XLV le sys-
tème employé pour la formation de ce second corps expéditionnaire). Il écourta
la période électorale de plus d'un mois et, pour éviter l'augmentation de l'inquié-
tude et de l'énervement, fixa les élections au 21 août alors qu'il avait laissé pré-
voir qu'elles auraient lieu du 18 septembre au 2 octobre.
3. Voir annexe XLIV.
4. Le discours modéré de - -
- -Mohamed -
- Salan Denmcn et les paroles ûAU bgmr,
qui osa seul protester catégoriquement contre la résistance, causèrent un tumulte
Mais quand il fallut décider la conduite à tenir, l'entente de- La conduite à
tenir par
vint fort difficile, personne ne voulant abandonner son terri- les insurgés est
décidée.
toire qu'en cas de nécessité absolue.
Après de longs débats, on finit par décider que les tribus
menacées se porteraient à la rencontre des colonnes françaises
et que les autres feraient diversion en se portant vers le nord
de la Régence pour inquiéter les populations soumises, les
razzier et intercepter les communications.
Cette solution convenait parfaitement à Ahmed ben Youcef,
son territoire étant alors suffisamment éloigné de nos centres
d'opération. Il appartenait donc aux contingents Hammema
de faire incursion chez leurs voisins, rôle parfaitement en
concordance avec leurs goûts et leurs coutumes.
Le 18 août, l'assemblée se dispersa; tout le monde rentra Razzias faites
parles
sur son territoire, à l'exception des bandes Hammema qui se Hammema dans
laplaine
mirent immédiatement en campagne, se répandirent dans le du Sers et
sous les murs
Sers, vinrent razzier jusque sous les murs de Kef et firent un du Kef.

butin considérable'.
Les Fraichich firent une pointe de peu d'étendue sur l'oued-
Mellègue. -

Pendant ce temps, les Zlass étaient venus, vers le 5 août, Incursions


des
jusque sous les murs du Bardo, razzier un troupeau de cha- Zlass, jusqu'aux
portes
de Tunis.
meaux appartenant au bey.
El Hadj Hassein ben Messaï, sentant que ces agressions
allaient attirer des représailles augmenta le chiffre de ses par-
tisans et résolut d'agir immédiatement.
Il força les tribus voisines à lui envoyer leurs contingents
en les menaçant de les attaquer si elles ne faisaient pas cause
commune; les bandes de déserteurs et de réfractaires qui
répandaient la terreur dans le Sahel2, ainsi que les pillards

indescriptible; des coups de feu furent tirés. Mais les discours violents d'Ahmed
ben Youcef et d'El Hadj Harrat pesèrent sur la majorité.
1. Les Hammema oublièrent, d'ailleurs, d'accomplir la seconde partie de leur
programme (attaque du Kef et destruction de la voie ferrée) et s'en retournèrent
dans le sud, avec le produit de leurs razzias, dans les nremiers iours de aentemhrft.
2. Ces bandes étaient alors au nombre de quatre :
échappés de Sfax après la prise de la ville et qui avaient pré-
féré rester dans cette riche contrée que de suivre Ali ben Khalifa
dans sa retraite vers le sud, répondirent aux émissaires d'El
Hadj Hassein qu'ils étaient prêts à seconder ses efforts.
Les Zlass continuaient à razzier autour du Bardo; ils ve-
naient même rôder jusqu'autour du camp de la Manouba.
Leur audace, sans cesse croissante, nous força à sortir de
notre inaction.

Marche,en
Le 23 août, les troupes de la 5e brigade1 (général Sabattier)
deux colonnes, des camps de Carthage et d'Hammam-Lif se mirent en mouve-
dela 5"
brigade (général
Sabattier) ment en deux colonnes2 pour aller occuper Zaghouan et
surZaghouan Hammamet.
et Hammamet.

Kalaa-Kébira ;
Groupe de l'Embachi Sassi Souilem, 143 soldats déserteurs, 39 personnes de

Groupe de El Hadj Ali ben Khedidja, 300 soldats déserteurs, 50 personnes de


Djemal;
Groupe de Saad ben Hassin el Suem (dit El Bey de Benan), 200 soldats réfrac-
taires des villages du district de Monastir;
Groupe de Ould el Bahar, 200 soldats de Ksour-es-Sef et des environs.
Le général Baccouch, gouverneur du Sahel, avait en vain cherché, à plusieurs
reprises, à faire rentrer les soldats déserteurs dans le devoir. Vers le 14 juillet,
il avait une dernière fois intimé l'ordre au khalifa de Kalaa-Kébira, Abd el Kader
ben Ferradj, d'arrêter les déserteurs qui se trouvaient sur son territoire. Le
khalifa lui avait répondu qu'il n'avait plus aucune autorité sur eux et qu'ils
s'étaient réfugiés en armes dans les jardins.
Irrité de cette réponse, le général Baccouch suspendit le khalifa de ses fonctions.
Cette mesure livra complètement le village de Kalaa-Kébira à Sassi Souilcm, qui
parvint à entraîner 39 habitants du village dans sa bande.
;
Le général Baccouch s'aperçut aussitôt de la faute qu'il venait de commettre et
réintégra Abd el Kader dans ses fonctions il était trop tard; tout le village de
Kalaa-Kebira était en insurrection.
1. Les numéros donnés aux brigades avaient été, dans la première expédition :
:
1 (Ritter, Gerder), Cailliot; 2, Vincendon; 3, Galland; 4, Bréart.
; :
Dans la deuxième expédition ils furent d'abord 5, Sabattier puis 6, Phile-
bert; 7, Etienne.
2. 5e brigade, général Sabattier :
Colonne Corréard.
Colonne de Zaghouan.
Un bataillon du 6e d'infanterie;
25e
Un bataillon du 125° d'infanterie
128e
;
— — — —
65e Une section d'artillerie;
— —
Le 28e bataillon de chasseurs à pied; Un escadron du T de chasseurs à cheval.
Deux sections d'artillerie montée;
Deuxbatteries d'artillerie de montagne
Deux escadrons du 7° de chasseurs à
;
cheval.
Le 26 août, le général Sabattier arriva à Zaghouan avec sa Sabattier
Le général
arrive
colonne (4 bataillons, 2 escadrons, 16 pièces de canon) sans sa colonne avec
le
2(5aoùt
éprouver de résistance et établit son camp à Mograne. àZaghouan.
Les dissidents s'étaient portés vers Grombalia, à la rencon-
tre de la colonne du lieutenant-colonel Corréard, qu'ils sa-
vaient la moins forte (2 bataillons, 1 escadron, 2 canons) 1.
Le 26 août, avant le jour, tous les dissidents' se jettent sur Lacolonne
du
le camp du lieutenant-colonelCorréard, établi à Bir-el- colonel lieutenant-
Corréard
Hafaïed. est attaquée
le 26,
à Bir-el-Hafaïed,
Cette colonne bat en retraite sur El-Arbaïn. le29,
Dans la nuit du 28 au 29, elle est attaquée de nouveau très
à El-Arbaïn
etTurlii
ellesereplie.
;
vigoureusement3; elle continue son mouvement de retraite et
est attaquée encore près de Turki.
La poursuite des dissidents ne cessa que lorsqu'elle fut
à
arrivée Grombalia, à 6 heures du soir.
Le 30, la colonne Corréard put rentrer à Hammam-Lif sans
être inquiétée; elle s'y réorganisa et rejoignit dans la suite le
général Sabattier à Zaghouan4.
Les Zlass se replièrent sur Djebibina et s'y concentrèrent, LesZlass
observent la
brigade
Sabattier
àZaghouan.
1. Les bataillons envoyés de France en Tunisie, depuis le premier rapatriement
de renforts cessèrent du 1er au 30 août, pendant la période électorale) furent :
jusqu'au 30 août (c'est-à-dire en réalité, du 9 juillet au 1er août, puisque les envois
28, bataillon de chasseurs à pied et un bataillon de chacun des régiments d'infan-
le

terie, n° 6, 14,25,65, 71, 77,78, 93, 107, 125, 128, 136, 137.
2. Très approximativement 2.000 cavaliers et 4.000 fantassins.
3. La bande de Sassi Souilem (voir note 2, page 61) qui était partie de Kalaa-
Kebira, près de Sousse, le 27 au matin et avait rejoint les dissidents le 28 au soir,
prit une part active au combat de nuit, après ses fatigues (80 kilomètres à vol
d'oiseau); Sassi Souilem y fut tué. (Voir annexes nosXLVI et XVLI bis, détails sur
l'engagement d'El-Arbaïn.)
4. Le 30 août, le ministre de la guerre télégraphiait que trois bataillons, com-
mandés par le lieutenant-colonelBrault, et une batterie de montagne allaient être
embarqués à Toulon pour débarquer à Sousse.

:
Le 31 août, le général Logerot fait connaître par télégramme la retraite du
lieutenant-colonel Corréard (pertes de la colonne 16 blessés, 6 morts dont 1 offi-
cier), rend compte qu'il n'a plus qu'un seul bataillon disponible pour Carthage et
La Manouba et demande que les troupes du lieutenant-colonelBrault débarquent à
La Goulette pour servir à couvrir, au moins momentanément, Tunis menacé par
un soulèvement général.
Le 1er septembre, le ministre de la guerre répond par télégramme au général
Logerot qu'il estime, comme lui, qu'il faut avant tout couvrir Tunis et l'autorise
à disposer des trois bataillons du lieutenant-colonel Brault, destinés à Sousse.
sous les ordres d'El Hadj Hassein ben Messaï, pour observer la
colonne Sabattier. Ils la harcelèrent jusqu'au 11 septembre.
A cette date, ayant appris le débarquement de nos troupes à
Sousse1, la majeure partie des Zlass reprit le chemin de Kai-
rouan où ils avaient laissé un certain nombre des leurs pour
s'assurer de la possession de la ville.
Le 11 au soir arrive Youcef, fils aîné d'Ahmed ben Youcef,
avec 150 Hammema. (Après avoir razzié les douars du Sers, ils
ont été rejetés sur la Kessara par les Oulad-Aoun et battus
par les Oulad-Ayar qui leur ont enlevé leur butin.)
L'aqueduc Aussitôt arrivé, Youcef propose de couper l'aqueduc ame-
deZaghouan
est coupé
(12-13
nant les eaux de Zaghouan à Tunis. Dans la nuit même, pen-
septembre). dant qu'une partie des insurgés attaque le camp français pour
faire diversion, d'autres coupent l'aqueduc en trois endroits.
Les dégâts sont réparés le 12, mais le 13 une nouvelle sai-
gnée est faite dans l'aqueduc2. Le général Sabattier prend des
otages à Zaghouan; alors les insurgés se dispersent; les Zlass
retournent à Kairouan, les Hammema de Youcef repartent vers
le sud.
Les Le désordre reparaît dans Kairouan quand tous les Zlass
Zlass se replient
sur
Kairouan; y sont rentrés; des rixes sanglantes s'élèvent même dans
ils se divisent leur camp; à la suite de ces rixes, ils se divisent en deux
endeux groupes
qui se mettent
en observation
sur les routes
de
groupes :
L'un, commandé par El Hadj ben Messaï, se met en obser-
Kairouan
àZaghouan
et à
vation sur la route de Zaghouan à Kairouan;
Sousse. L'autre, commandé par Ali ben Amara, s'établit à Aïn-el-
Khazazia, entre Sousse et Kairouan (excellente position, eau

;
en abondance, ne pouvant être tournée, entre les lacs Kelbia
et Sidi-el-Hani) quelques douars se réunissent aussi à l'oued-
Laya.

1. Dans les premiers jours de septembre, le lieutenant-colonel Moulin avait


débarqué à Sousse avec trois bataillons de la 7e brigade (Etienne). (Voir plus loin,
page 71 et annexe n° XLVII, pages 213 et 214.)
2. Le 15 septembre, les ruptures de la conduited'eau ne sont pas encore répa-
rées. L'ingénieur chargé de ce service a refusé de se déplacer pour les rechercher
et les réparer, même sous la protection de nos troupes.
Vers le 20 septembre les positions des insurgés sont les des Positions

suivantes :
Les Zlass sont au nord et à l'est de Kairouan, surveillant
le 20
insurgés
septembre.

les débouchés de Zaghouan et de Sousse;


Les bandes de déserteurs et de réfractaires du Sahel battent
la campagne autour de Sousse ;
Ali ben Khalifa, avec les NefIet, est dans le bled Chaâl;
Mohamed ben Cherfeddine, avec son quartier général à
Chenini, lutte contre la colonne de Gabès ;
Les Hammema, qui avaient ramené dans le sud le butin fait
dans la plaine du Sers pendant le mois d'août et le commen-
cement de septembre, avaient appris la formation d'une
colonne à Tébessa. Dans ces conditions, ils jugeaient prudent
de ne pas s'éloigner de leur territoire. Ahmed ben Youcef
assurait ses lignes de retraite sur Gafsa et envoyait demander
des secours à Tripoli;
Les Fraichich sont sur leur territoire, prêts à s'opposer à la
marche d'une colonne venant de l'ouest;
Ali ben Ammar a réuni un groupe assez considérable de
combattants à Ellez (Oulad-Ayar, Drid, Madjeur1, quelques

;
contingents des Fraichich). Il se prépare à agir, mais la
retraite des Hammema l'inquiète il craint qu'ils viennent
piller les biens des Oulad-Ayar quand il sera engagé avec les
troupes françaises ou beylicales.
(Une colonne beylicale récemment formée et commandée
par Ali Bey venait d'arriver à Testour).
Le 24 septembre, Ali ben Ammar se met en marche vers le Opérations
(TAtibenAmmar
vers le nord2.

1. Le colonel de la Roque demanda, à plusieurs reprises, l'occupation par un


détachement fort au moins de un bataillon d'infanterie, deux pelotons de cava-
lerie et une section d'artillerie, du point de Calaat-es-Senam (à 16 kilomètres
environ à l'est d'El-Méridj). « L'occupation de ce point pèserait considérablement

proximité (Oulad-ben-Ghanem, Madjeur, Khememsa, Zeghalma) ;


sur les tribus comprises entre le Kef et la frontière, et sur celles campées à
; ce poste limite-
rait les incursions des Fraichich vers le nord les groupes hésitants, se sentant
appuyés et soutenus d'une façon efficace, ne passeraient probablement pas dans
leparti de l'insurrection. » (Voir croquis n° VI.)
2. Voir pour le détail des opérations l'annexe n" XLVIII.
nord1, dans le but de détruire la voie ferrée. « Nous ne faisons

Nazaréens :
pas la guerre à notre bey, disait-il, mais seulement aux
que Dieu les brûle » !
Il laissa dans le djebel-Bahara, entre l'extrémité du Dyr et
le khanguet-el-Gueddim, un contingent nombreux sous les
ordres de Salah ben Hamouda, destiné à masquer la place du
Kef et à opérer, suivant les circonstances, sur les routes qui
conduisent de cette ville à Tunis et à Souk-el-Arba.
Le colonel de la Roque2, commandant la place du Kef, avait
sous ses ordres une force mobile trop faible pour attaquer Ali
ben Ammar dans sa marche de flanc. La ville était complète-
ment isolée, les communications ne se faisaient plus que par
l'oued-Meliz. Les tribus de l'Ounifa attendaient lesévénements
pour se joindre aux insurgés si les Français étaient débordés,
ou rester en paix si nous avions le dessus.
Le colonel de la Roque se garda bien, dans ces conditions,
d'attirer Ali ben Ammar vers le Kef; l'arrivée de ses contin-
gents eût été le signal de la levée en masse des tribus hési-
tantes; il le laissa s'éloigner.
Le 29, Àli ben Ammar arrive à Aïn-Tunga, à 9 kilomètres
de Testour, où est campé Ali Bey.
Dans l'après-midi, l'attaque de la voie ferrée est décidée
pour le lendemain.
Massacre de Le 30 septembre, une bande de six cents hommes quitte
l'oued-Zergua
(30 septembre). Aïn-Tunga; au confluent de la Medjerdah et de la Silianah,
elle se divise en trois groupes marchant sur les kilomètres 98,
97 et la station de l'oued-Zergua.
L'agression eut lieu après le passage des trains qui se croi-
sent à la station de l'oued-Zergua (depuis le 27 septembre, il y

1. Ali ben Ammar n'a avec lui ni femmes ni enfants; il n'a que des combat-
tants.
2. Le colonel de la Roque a, au Kef, deux bataillons (83e et 124e), un escadron
(du 13" chasseurs à cheval) n'ayant plus que 60 hommes montés, une batterie
montée de 90mm et une section de 80mm de montagne.
Il a affecté à la défense de la place un bataillon et la batterie de 90 de campagne,
Il a donc comme colonne mobile un bataillon (de 400 fusils au maximum).
60 cavaliers et 2 pièces de 80 de montagne.
avait un officier et vingt-cinq hommes d'escorte dans chaque
train)
Au kilomètre 98, trois Européens sont tués et brûlés au
kilomètre 97, cinq ouvriers italiens surpris sont écharpés; à
;
la station de l'oued-Zergua, le chef de gare, M. Raimbaud, est
tué et brûlé, la gare et le matériel incendiés1.
L'attaque de la station de l'oued-Zergua avait été dirigée par
le frère d'Ali ben Ammar. 1

Le 2 octobre, Ali ben Ammar, voulant profiter de l'impres- Combat de Tes-


tour
sion produite par les événements de l'avant-veille, se porta (2 octobre),

contre le bey du camp qui ne put refuser le combat.


L'action durait depuis une heure (avec plus de bruit que de
mal), et était indécise quand les Drid, à la remorque d'Ali ben
Ammar, l'attaquèrent en queue et le mirent en complète
déroute.
Cette défection des Drid avait été vraisemblablement amenée
par les intrigues d'Ali Bey.
Le même jour, Salah ben Hamouda harcelait vivement une et surprise de
Nebeur
colonne, commandée par le commandant Gerboin, dans sa (2 octobre).

montée au Kef.
Le lieutenant qu'Ali ben Ammar avait laissé avec 1.200 fan-

1. La nouvelle du massacre fut connue à la Manouba dans l'après-midi du


30 septembre.
Le lieutenant-colonel Debord fut envoyé avec deux compagnies du 73e de la

,
Manouba et partit, par chemin de fer, à 11 heures du soir.
Ce détachement descendit du train à l'oued-Zergua, le matin du 1er octobre,
marcha jusqu'à Beja en travaillant à la voie, puis il remonta à Beja dans le train
venant de la frontière algérienne qui portait à Tunis des malades, des chevaux
de remonte et les cadavres des Européens massacrés (qui avaient été ramenés
à Beja).
train dérailla; il fut attaqué. Il y eut moment de pani-
Vers 5 h. 30 du soir, ce

perdu).
que chez les hommes du 73e, depuis huit jours seulement en Tunisie. Mais le
lieutenant-colonel Debord put ramener son monde à pied à Medjez-el-Bab (32 kilo-
mètres) où il arriva le 2 octobre, à 9 heures du matin (on avait, pendant un certain
temps, cru tout ce monde
Le 2 octobre, à la nuit, le lieutenant-colonel Vinciguerra partit de Beja relever
et ramener les dix-neuf voitures du train déraillé et ramena les cadavres à Beja-
garea,où illes enterra. (Ces cadavres avaient déraillé deux fois; une première fois
quand ils furent ramenés à Beja, puis quand le lieutenant-colonel Debord les
remportait.)
a Béja-gare est maintenant dénommé « Pont de Trajan. »
tassins et 400 cavaliers pour le couvrir sur son flanc gauche,
dans la direction du Kef, avait essayé de surprendre la gar-
nison de la place, le 28 septembre, en l'attaquant par les crètes
du Dyr; il avait été repoussé.
Le 2 octobre, il faillit réussir dans son entreprise contre la
colonne Gerboin.
Un bataillon du 80° régiment d'infanterie était envoyé par le
général Cailliot, commandant à Aïn-Draham, renforcer la gar-
nison du Kef.
Pour aider ce bataillon à traverser le terrain entre Souk-el-
Arba et le Kef, où il pouvait être attaqué par les rebelles, le
général Cailliot le faisait escorter par le 29e bataillon de chas-
seurs à pied (pris à Aïn-Draham), une compagnie du 96e
(Ghardimaou), une compagnie du 88e et un peloton du 136
chasseurs à cheval (Fernana).
La concentration de ces différents éléments eut lieu*le
1er octobre au matin à Souk-el-Arba1.
Le 1er octobre, à 2 heures de l'après-midi, la colonne (dix
compagnies d'infanterie et un peloton de cavalerie) sous les
ordres du chef de bataillon Gerboin (29e bataillon de chasseurs),
quitte Souk-el-Arba.
Elle couche à l'oued-Mellègue, suivant les ordres du général
Cailliot au 29e bataillon de. chasseurs :
« Se rendre dans l'après-midi du 1er octobre à l'oued-Mel-
lègue et y coucher; partir le 2 pour Nebeur et-rétrograder le
même jour après que le bataillon destiné au Kef aura rejoint
les troupes venues de cette place au devant de la colonne. »
Le 2, le commandant Gerboin laisse la compagnie du 96e à
Bahirt-el-Morr (à 3 kilomètres de l'oued-Mellègue)pourassurer
sa ligne de retraite, continue sa route; arrivé à 10 heures à
Nebeur, Hy fait une grand'halte.

i. La compagnie du 96e (capitaine Thibaut), vient de Ghardimaou à Souk-el-


Arba, le 1er octobre, par le train du matin. La compagnie du 88e (Durazzo), vient
du camp de Fernana; le peloton d'escorte du 13" chasseurs à cheval (lieutenant
Dopf), est tiré du 4e escadron (capitaine de Reinach), à Fernana.
Il a envoyé au devant de lui un officier des renseignements
à la rencontre de la colonne qui doit venir du Kef.
Cet officier (sous-lieutenant Delval) ne rencontre aucune
troupe; il poursuit et arrive au Kef à 10 heures; il pré-
vient le colonel de la Roque de la présence de la colonne à
Nebeur.
Le colonel de la Roque s'était trompé d'un jour et croyait
l'opération commune fixée au 3 octobre.
A11 heures, au moment où la colonne Gerboin va reprendre
sa marche, les vedettes sont attaquées.
Les neuf compagnies s'avancent, en prenant des positions
successives, dans la direction du Kef, vivement harcelées,

;
principalement en queue et sur le flanc gauche. Les hommes
sont fatigués la chaleur est forte. « Les capitaines sont obligés
d'attarder leurs compagnies pour les reposer et les distraire
ppr le feu contre les Arabes 1 ».
La situation est critique pour la colonne française.Heu-
reusement apparaît, à 3 heures, à l'extrémité nord-est du
Dyr, la portion mobile de la garnison du Kef, partie de cette
place à 11 h. 30. Le feu de ses deux pièces de montagne,
dirigé sur le flanc gauche de l'ennemi, permet à la colonne
Gerboin de remonter la vallée qu'elle traversait à ce moment,
de dépasser la colonne du Kef déployée et, après s'être
reformée; de poursuivre sa route a.
Les contingents de Salah ben Hamouda, après avoir tenté
une dernière attaque au moment où les deux colonnes faisaient
leut jonction, se replièrent vers l'est, dans le khanguet-el-
Gueddim.
La compagnie laissée à Bahirt-el-Morr ne fut pas inquiétée
et, prévenue, put rentrer le 3 au matin à Souk-el-Arba.

1. « Qui cherchaient à
s'emparer de quelques vivres et quelques sacs qui avaient
été abandonnés ». (Extrait du rapport du chef de bataillon Dudon, commandant
lebataillondu80e.)
a. Voir annexe XLVIII, page 234.
Les Fraichich qui étaient avec Salah ben Hamouda, appre-
nant qu'une colonne française se formait à Tebessa, rega-
gnèrent en toute hâte leur pays. Salah ben Hamouda se retira

ben Ammar l
personnellement de la lutte; le reste de sa bande rejoignit Ali
qui, à force d'activité, put reconstituer un groupe
d'environ 2.700 combattants vers le 18 octobre, au klianguet-
el-Gueddim.

Pendant que ces événements se passaient entre le Kef et

;
Le général
Sabattier
à Zaghouan
(du 14septembre
Testour, le général Sabattier2 exécutait des reconnaissances
au 21 octobre). dans les environs de Zaghouan il occupe le Fahs, puis El-
La 5* brigade.
Oukanda; il fait travailler, malgré les attaques d'El Hadj
Hassein ben Messaï, au défilé de Karrouba, pour le rendre pra-
ticable3.

1. A la suite du massacre de l'oued-Zergua et de la surprise de Nebeur, les


Djendouba (vallée de la Medjerdah, confluent de l'oued-Mellègue et de l'oued-
Tessaa) avaient été sommés, par Ali ben Ammar, sous peine d'être attaqués, de
prendre les armes.
LesDjendouba étaient fort inquiets. [Les gares avaient été abandonnées (l'exploi-
tation ne pouvant plus être assurée par suite de dégâts aux travaux d'art), les
employés repliés sur Ghardimaou.] Leur caid était à Tunis et y restait, sous
prétexte qu'il n'avait plus de train pour revenir.
Le 29° bataillon de chasseurs à pied revint du Kef par l'oued-Meliza, arriva à
Souk-el-Arba le 5 octobre, y resta, s'y retrancha et demanda des renforts.
Le général Cailliot descendit d'Ain-Draham, le 10, avec un bataillon et quatre
pièces, fit venir trois pelotons de cavalerie de Ghardimaou et constitua à Souk-el-
Arba une colonne légère qui opéra du 12 au 15 pour protéger les opérations du
colonel de la Roque sur le khanguet-el-Gueddim et Nebeur. (Le 16, le général
Cailliot remontait à Ain-Draham.)
L'apparition de cette petite colonne et la mise en état de défense de toutes les
gares et stations de la voie ferrée suffirent à maintenir les Djendouba. (Voir
détails, annexe LVIII, page 309.)
2. 5e brigade, général Sabattier :
28" bataillon de chasseurs à pied;
1 bataillon de chacun des régiments nos 6, 25, 55, 65, 125, 135;
2 batteries de montagne;
1 batterie montée;
3 escadrons du 7e chasseurs à cheval;
Goum, commandé par le colonel Allegro (qui a marché avec la brigade
Cailliot, pendant la première expédition).
3. Voir annexe n° XLIX.
a Voir annexe XLVIII, page 237.
Le lieutenant-colonel Moulin, avec les trois bataillons dé- Débarquement
àlieuten'-col.
Sousse.
barqués àSousse, le 11 septembre1, luttait contreles bandes Le Moulin.
du Sahel et les Zlass d'Ali ben Amara (combats de Kalaa-Kebira leta le7e général
brigade

le 15 septembre, de Sahaline le 20 septembre). Etienne2.


(du 11 septembre
Le 1er octobre, le général Etienne débarqua à Sousse avec le au 8 octobre).
;
reste de sa brigade (7e) combats de Msaken, 7 et 8 octobre'.

1. Bataillons des 48e, 660 et 116e. (Voir annexe n0 XLVII, page 214.)
2. 7e brigade, général Etienne : ;
23° bataillon de chasseurs à pied
1 bataillon de chacun des régiments nos 19, 48, 62, 66, 116, 138;
1 batterie de 95
90 montées ;
--

80
80 de montagne;
3 escadrons du 6e régiment de hussards.
3. Voir annexe n° L.
3e PARTIE

SECONDE EXPÉDITION

"OCCUPATION DE-KAIROUAN. OPÉRATIONS CONTRE ALI BENAMMAR.


POURSUITE DES INSURGÉS
(COLONNES DE GABÈS ET DE GAFSA).

LES DISSIDENTS SE RÉFUGIENT EN TRIPOLITAINE


D'OU ILS FONT DES INCURSIONS
AUXQUELLES METTENT FIN LES COLONNES DU NEFZAOUA,
DE MÉDENINE ET DE L'OUED TATAHOUIN.
LES OPÉRATIONS ACTIVES SONT TERMINÉES ET LES DISSIDENTS
NE PEUVENT PLUS QUE POUSSER QUELQUES DJ1CH.
CHAPITRE 1er

Seconde expédition; Kairouan

Le 14 octobre, le général Saussier prend le commandement du second corps ex-


péditionnaire. — Préparation de la marche de trois colonnes sur Kairouan
colonne Etienne venant de l'est (Sousse); colonne Logerot venant du nord;
:
colonne Forgemol venant de l'ouest (Tebessa).
Positions des troupes françaises le 16 octobre.
Marche concentrique sur Kairouan. — Entrée du général Etienne à Kairouan, le
26 octobre; du général Saussier et de la colonne Logerot le 28 octobre. — En-
gagements de la colonne Forgemol sur la Rouhia (22 octobre) et au koudiat-el-
Halfa (25 octobre), pendant sa marche sur Kairouan.

La marche sur Kairouan était prévue, dès le 22 juillet, par le Préparation


de la marche sur
général Logerot. Kairouan.
Le général croyait une expédition nécessaire, mais la jugeait
;
hasardeuse en plein été de plus, par suite du petit nombre de
troupes dont il disposait à ce moment, il n'eût pu envoyer à
Kairouan que quelques bataillons1 en les faisant partir de
Sousse; puis il aurait été obligé de les ramener à Sousse après
une courte occupation de la ville sainte.
Aussi le général Logerot propose de ne faire cette opération
qu'à lafin de septembre. Il estime qu'il faut une forte colonne
pour cette expédition; toutes les troupes devraient, au préala-
ble, être réunies a Sousse par voie de mer (de l'avis du général,
la cavalerie même ne peut voyager par voie de terre; elle trou-
verait difficilement l'eau nécessaire à ses besoins et elle serait
exposée, si elle n'était appuyée par des troupes des autres
armes, à un terrible échec).
Il faut au minimum 9 à 10.000 hommes d'infanterie, 800

1. L'effectif des bataillons d'occupation fut même, dès le 13 août, réduit de


GOO à 500 hommes (voir 1,
page 45.)
sabres, 3 batteries de campagne de 80, 2 batteries de montagne
de 80, 2 compagnies du génie, des services, etc.

Le gouvernement admet cette idée.


Le général Saussier, qui avait été nommé, par décret du
4 juillet, au commandement du 19e corps d'armée, en rempla-
cement du général Osmont, et qui avait pris, le 15 juillet, le
commandement de toutes les troupes d'Afrique, se rend à
Tunis après avoir parcouru la province d'Oran.
Il arrête aussitôt, dans son ensemble, un vaste plan qu'il
soumet, dès le 3 septembre, au ministre de la guerre, et qui
consiste à prendre simultanément l'offensive sur toute l'éten-
due de la Régence, jusqu'aux chotts, en même temps que dans
le Sud oranais jusqu'à Figuig exclusivement.
Le général Farre approuva ce plandont les détails d'exécution
consistaient, en Tunisie, en un grand mouvement concentrique
(analogue à celui qui nous avait rendus maîtres presque sans
coup férir de la Khoumirie) et dont l'objectif serait Kairouan.
Le général Logerot est invité à faire connaître les moyens
dont il peut disposer pour l'exécution de cette manœuvre en
ce qui concerne son commandement.
Il répond, dès le 14 septembre, qu'il pourra disposer de 17 à

;le
18 bataillons, 5 batteries et 1 section, 8 escadrons (fournis par
les 5e et 6e brigades et les troupes de Sousse) il demande un
régiment pour assurer ses communications, car mouvement
doit se faire par terre en prenant comme base d'opérations de
la colonne du nord la place de Zaghouan.
Il commence à faire concentrer des approvisionnements à
Sousse et à Zaghouan; mais les moyens de transport par terre
lui manquent presque complètement; il lui faudrait au moins
1
1.500 arabas en plus des mulets du train qu'il a demandés
et il n'a pu faire réunir que quelques-unes de ces voitures.
Il ne pourra donc pas se mettre en route avant le 10 ou 12
octobre.

1. Espèce de charrette à deux roues, en usage en Tunisie.


Mais le ministre de la guerre s'impatiente. Dès le 15 septem-
bre il envoie au général Saussier une succession de télégram-
mes pour presser les préparatifs.
« Les opérations du côté de Kairouan sont extrêmement
urgentes, il ne faut pas perdre un moment. »
« Il y a un très
grand intérêt à commencer les opérations sans délai. Le gou-
vernement y tient essentiellement1 ».
Il émet l'idée de faire concourir à la marche concentrique sur
Kairouan, non seulement les colonnes de Zaghouan, deSousse
et de Tébessa, mais même la colonne du Kef2, accompagnée
de goums.
Il envoie tout ce qu'il peut trouver de troupes disponibles3,
en Tunisie pour la colonne de Sousse, et en Algérie pour la
colonne deTebessa; il recommande même au général com-
mandant le 19e corps de ne pas attendre l'arrivée de ces der-
niers bataillons pour terminer l'organisation de la colonne de
Tébessa; ils serviront à remplacer ceux qui auront été pris
par ailleurs pour la constitution de la colonne.
Il propose l'envoi immédiat de généraux de division et de
brigade.
Le ministère semble pris d'affolement.
Pour sortir de cette situation difficile, il ne compte plus que
sur l'habileté, l'activité et l'énergie du général Saussier.
Il l'invite à partir immédiatement et directement d'Alger
pour Tunis par mer.
Arrivé à Tunis, il hâtera les préparatifs et jugera la situation.
« Il faut agir avec la plus grande énergie et la plus grande
promptitude, tant au point de vue politique qu'au point de vue

1. Il faut que le cabinet apporte une bonne nouvelle à sensation à la première


réunion de la nouvelle Chambre des députés.
2. A ce moment, on peut considérer la place du Kef comme bloquée et sa gar-
nison est trop faible pour pouvoir former une colonne.
3. Même plus que n'osait en demander le général Logerot.
Les éléments que l'on envoie sont réduits par suite de la nécessité où s'est
trouvé le ministre de la guerre de ne pas y comprendre les hommes de la classe
1876 (voir fin de l'annexe n° XLV), « ce qui ne doit pas empêcher, télégraphie le
ministre à ce sujet, de conserver tous les hommes de cette classe actuellement en
Afrique ».
militaire ». Quant au point de vue militaire, ajoute le ministre
de la guerre dans son télégramme du 16 septembre, « deux
:
objectifs doivent surtout attirer votre attention 1° les opéra-
tions autour de Tunis auxquelles vous donnerez la plus vigou-
reuse impulsion et 2° l'expédition de Sousse sur Kairouan qui
semble la plus facile à hâter et qui est de nature à faire le plus
d'impression'. »
Et quand le général Saussier s'est rendu à Tunis pour quel-
ques jours, afin de juger les événements sur place et hâter les
préparatifs, le ministre de la guerre lui télégraphie encore
« Il paraît extrêmement désirable au gouvernement qu'une
:
marche de Sousse sur Kairouan puisse avoir lieu en même
temps que la marche des colonnes de Zaghouan et de Tebessa:
quand ces deux dernières colonnes opéreront, les forces de
Soussepeuvent se porter surKairouan et en brusquerl'attaque.))
Et il termine par l'offre de fournir tous les moyens d'action.

Reconstitution Nous avons vu que l'armée beylicale avait été reconstituée.


de l'armée
beylicale. Nous savons comment les détachements du kaïmakam Taïeb
ben el Hadj Absen Mesmouri et du kaïmakam Nasef se com-
portèrent les 26, 27, 28 et 29 août à El-Arbaïn, pendant la
retraite du lieutenant-colonel Corréard 2.
L'armée d'Ali Bey venait d'être envoyée à Testour.
Par l'attitude qu'avait déjà eue son chef à Sidi-Roumani,
près de Souk-el-Khemis, le 30 avril, pendant l'engagementdu
colonel Hervé à Ben-Béchir, on pouvait prévoir les services
que rendrait la nouvelle colonne envoyée dans la vallée de la
Medjerdah4.
Dans le nord, le général Logerot avait songé à utiliser les
détachements tunisiens pour la garde de ses communications
avec la 5e brigade.

1. En France surtout.
2. Voir note 2 de l'annexe XLVI (page 206) et l'annexe XLVI bis.
3. Voir tome I, page 30 et annexe n° XXI, page 144.
4. Voir tome I, page 67 et annexe nO XLVIII, pages 226 et 230.
Les Zouaouas qui sont à Mohamédia n'assurent pas les
communications de la Manouba à Zaghouan. Legouvernement
tunisien reste sourd à toutes les plaintes que porte le général
français, tant sur l'attitude de l'armée que sur celle de divers
chefs indigènes.
«Tous ceux qui nous ont servi pendant l'expédition sont
impitoyablement révoqués et remplacés par des agents qui
nous sont ouvertement hostiles. Il est indispensable que le
gouvernement tunisien adopte une ligne de conduite franche
et correcte, surtout à la veille de notre expédition sur Kai-
rouan, afin que nous sachions bien que nous ne laissons pas
d'ennemis derrière nous' ».
Le général sait de source certaine que les populations des
régions du nord n'attendent que le moment où nous nous met-
trons en marche sur Kairouan pour se soulever.
La situation à Tunis et aux environs devient de plus en plus
mauvaise. Le général Logerot est dans l'impossibilité d'arrêter

côté:
ces méfaits si le gouvernement tunisien ne fait rien de son
ses soldats (beylicaux) regardent et laissent faire; ils
sont respectés par les insurgés, preuve de connivence. Tout
le monde est contre nous; les armes et la poudre sortent
journellement de Tunis'.

Avant de s'avancer vers le sud il était donc de toute pru- Occupation de la


ville de Tunis
dence de s'assurer de la ville de Tunis2 et de l'armée d'Ali Bey. (10 octobre.)

Dans la matinée du 6 octobre, le général Logerot fit occuper


la position du Belvédère, qui domine immédiatement Tunis,
par un bataillon français et une section d'artillerie; le 10 octo-
bre, la ville elle-même et les forts furent occupés.
Quant à Ali Bey, il reçut de son gouvernement l'instruction
formelle de marcher de concert avec nous.

1. Extraits de télégrammes des 14, 15 septembre du général Logerot au minis-


tre de la guerre et au général Saussier.
2. Où l'effervescence a augmenté à la nouvelle des opérations d'Ali ben Am-
mar.
3. Nous verrons plus loin (page 82, notes 3 et 5, et annexe LVI) la mauvaise'
L'intention du général Logerot était, si l'attitude des troupes
tunisiennes n'était pas satisfaisante, de demander leur rappel
à Tunis, après l'occupation des forts.
Le 12 octobre, les préparatifs de l'expédition étant presque
terminés, le général Saussier s'embarque à Alger pour Tunis 1.
Il débarque le 14 octobre à la Goulette et donne immédiate-
ment son ordre n° 12.
A partir du 16 octobre, les commandements sont ainsi répar-
tis :
:
Commandant en chef du corps expéditionnaire général SAUSSIER.
1° Commandant supérieur de Tunis, de la région nord de la Régence,
et de la Medjerdàn, général de division JAPPY :
Troupes des généraux de brigade Maurand, Cailliot, d'Aubigny.

division LOGEROT :
2° Commandant supérieur de la région sud de la Régence, général de

Troupes des généraux de brigade Sabattier, Philebert, Etienne, et du


colonel Jamais.
Régiments de cavalerie du général DE SAINT-JEAN (T chasseurs, 1" et
11ehussards).
3° Commandant de la colonne de Tebessa, général de division FORGE-
MOL DE ROSTQUÉNARD 3

Trois colonnes vont marcher sur Kairouan4 :


Venant de l'est, la brigade Etienne.

;
Venant du nord, la colonne Logerot (brigade Sabattier et
Philebert) le général en chef marche avec elle.

volonté que mit AliBey, à Zaghouan (quand le général d'Aubigny eut obtenu son
renvoi de Testour), à garder notre ligne d'opérations.
Il fallut immobiliser la plus grande partie de la 6e brigade française pour cette
mission.
1. Il emmène avec lui un bataillon du 1er zouaves (464 hommes), trois pelotons
d'escorte du 1er chasseurs d'Afrique (82 chevaux) et un détachement du train (65
mulets).
2. Voir annexe n° LI.
3. D'une façon générale, on peut dire que les troupes des trois généraux de la
région nord sont des troupes d'occupationa, tandis que les troupes des trois géné-
raux de la région sud de la Régence vont marcher sur Kairouan en deux colonnes
pendant que que la colonne de Tebessa marchera sur le même objectif.
à
et avoir briser une résistance acharnée.
i
4. On croyait, paraît-il, rencontrer a Kairouan tous les ianatiques ae isiam

(Voir les lettres de notre consul à Tripoli, M. Féraud, dans l'ouvrage de M. le


général Philebert : La 6e brigade en Tunisie pages 42 et 43).
a. Voir annexe n° LU.
Venant de l'ouest, la colonne Forgemol (troupes d'Afrique).

Le 16 octobre, les positions des troupes françaises qui vont


marcher sur Kairouan sont les suivantes :
La brigade Etienne se prépare à marcher de Sousse vers
Positions
des troupes
françaises
le 16 octobre.

l'ouest1;
La brigade Sabattier campée à El Oukanda (biscuit-ville au
Fahs) prépare le passage de Foum-el-Karrouba';
La brigade Philebert, qui a quitté La Goulette et Carthage le
28 septembre, est en marche entre Birine et Bou-Hamida pour
venir rejoindre la brigade Sabattier3;
La colonne Forgemol concentrée à El-Aïoun (nc-d-est de
Tebessa) est prête à franchir la frontière.

A la même date, Ali ben Amara, avec les Zlass campés à desPositions
insurgés,
face
Aïn-Kazezia et à l'oued-Laya, fait face au général Etienne; El aux colonnes
françaises
Hadj Hassein ben Messaï, avec les Zlass qui l'ont suivi à Djebi- qui
bina, observe le
général Sabattier; El Hadj Harrat a concentré
vontdéboucher.

les Fraichich pour s'opposer à la marche du général Forge-


mol; il a un poste au khanguet-Slouguia qu'il suppose être le
point de pénétration de la colonne de Tebessa.
Quant à Ahmed ben Youcef, avec les Hammema, il attend
les événements, ayant préparé sa ligne de retraite vers le sud -
Ali benKhalifa, avec les Neffet, enhardi par notre inaction,
est remonté vers le nord du bled Chaâl, à la koubba d'El Hadj
Kacem (à la fin du mois il se rapprochera encore de Kairouan,
venant jusqu'à la retba de Sidi Ali ben Abid, à 70 kilomè-
tres de cette ville).
Ali ben Ammar déploie la plus grande activité pour réunir
les partisans qui lui sont restés fidèles dans le khanguet-el-
Guedim.

1. Voir annexe n° LIV, les opérations préliminaires du général Etienne pour se


donner de l'air dn côté de l'ouest et préparer son débouché de Sousse vers Kai-
rouan.
2. Voir annexe n° XLIX.
3. Voir note 3, page 82.
Marche
concentrique
Le 17 octobre, le ministre de la guerre envoie par télé-
sur
Kairouan. gramme l'ordre général du départ.
Entrée Le 7e brigade' (général Etienne), après avoir lutté, le 22 oc-
du général tobre, à l'oued-Laya, contre les Zlass d'Ali ben Amara (tué
Etienne
à Kairouan,
le dans cette affaire), arrive le 26 octobre devant lec murs de
26 octobre.
la
Kaïrouan et entre dans ville le jour même2.
La colonne Logerot3 (le général Saussier4 marche avec elle),
partie d'El-Oukanda le 22 octobre, arrive sans combat, le 28,
à Kairouan".

1. Voir annexes nOS LIV et LV.


2. Voir note 4, page 80.
3. La colonne Logerot comprend la 5e brigade Sabattier, un groupe de deux ba-
taillons, un escadron et une section de montagne pris à la brigade Philebert, un
bataillon et les trois pelotons de chasseurs d'Afrique, escorte du général en chef.

:
Le général Saussier était venu de La Manouba avec le général Logerot (ils
avaient suivi l'itinéraire suivant Birine, Bir-Mecherga, le Fahs et El-Oukanda).
La 5e brigade l'attendait à El-Oukanda.
La 6e brigade de renfort avait quitté, le 28 septembre, La Goulette et Carthage,
et avait campé le même jour à Rades; le 29, elle vient (moins le 2e régiment)
s'installer à Mohammédia (mise en main de la brigade); le 7 octobre, la brigade
s'installe à Birine, où elle reste jusqu'au 15 octobre. Puis elle vient se concentrer,
par petites fractions se succédant à un jour d'intervalle, à Bou-Hamida, où elle
remplace la brigade Sabattier: elle y arrive le 19. Le 20 octobre, le groupe du
lieutenant-colonel Travailleur rejoint le général Philebert et toute la brigade est
concentrée à Bou-Hamida (rive droite de l'oued-Miliane). Le même jour, le général
Saussier et le général Logerot arrivent à Bou-Hamida.
Le 21 octobre, toutes les troupes se portent sur El-Oukanda.
Le général Logerot prend le commandement des deux brigades réunies.
Le 22 octobre, le général Saussier, le général Logerot, la brigade Sabattier et
l'escadron du 1er hussards, la section d'artillerie et les deux bataillons (33e et 43e.
lieutenant-colonel Frayermuth) pris à la 6" brigade, se mettent en route sur
Kairouan, laissant le général Philebert à EI-Oukanda avec mission de couvrir la
route de Tunis et de rayonner avec des colonnes légères. (Voir plus loin, note 4,
page 86).
(Voir l'ouvrage du général Philebert : La Ge brigade en Tunisie, Lavauzelle,
1895.)
27"bataillon de chasseurs à pied.
6e brigade
1 bataillon de chacun des régiments d'infanterie nos 33, 43, 46,
de renfort 61,110 et IIIe.
(général
3 escadrons du 1er régiment de hussards
Philebert).
2 batteries d'artillerie (une montée, une de montagne).
4. Le jour même où le général Saussier entrait à Kairouan, se réunissait, pour
la première fois, la nouvelle Chambre des députés. Cette heureuse coïncidence ne
sauva pas cependant le ministère Jules Ferry, qui fut obligé de donner sa démis-
sion quelques jours plus tard.
5. Les communications de cette colonne sont gardées par une partie des troupes
(Les Zlass ont abandonné la lutte' :
ils ont essayé de piller
Kairouan avant l'arrivée des troupes françaises; cette fois, le
gouverneur avait fermé les portes et ils ne peuvent que piller

du général Philebert et par l'armée tunisienne (unepartie avec Si Ali Bey, à


Zaghouan, l'autre partie à Hammam-Lif).
Ali Bey. sur la demande du général d'Aubigny (voir annexe LVI, page 253),
avait quitté Testour le 18 octobre, couché le 18 à Slouguia et était arrivé le 19 à
Medjez-cl-Bab; il devait en partir le 20 pour Zaghouan. Mais le 19, il y eut dans
le camp de Medjez une rébellion des soldats qui dirent ne pas vouloir aller à
Zaghouan. Le colonel Noëllat, en mission près du bey du camp, obtint cependant
quela colonne reprendrait sa route le lendemain, ce qui fut fait. La colonne par-
tit le 20, arriva le 21 à Bou-Hamida, le 22 à Mograne.
Le général Saussier avait prescrit d'occuper Bir-Bouita, près d'Hammamet, pour
le couvrir vers l'est. Le ministre de la guerre tunisien, Si Selim, envoya, le 25,
un détachement de 1.200 Coulouglis et Zaouaoua à Hammam-Lif; ils ne servirent
à rien (ils rentrèrent d'ailleurs, parait-il, presque immédiatement à Tunis).
Le 26 octobre, Ali Bey installa son camp à Zaghouan.
L'armée tunisienne, qui reste à Zaghouan, ne comprend que 1.500 fantassins
vieux (il y a 800 à 900 indisponibles), 200 cavaliers, 300 artilleurs. Officiers et
hommes ne reçoivent ni vivres ni argent.
« Les soldats ont reçu 5 réaux (3 francs) pour le mois de septembre, rien pour
le mois d'octobre. Ils mangent, soir et matin, une grande cuillerée de soupe faite
avec l'huile et le blé moulu. C'est là toute leur nourriture. »
L'autorité militaire voudrait cependant que cette petite armée ne se désorgani-
;
sât pas. Si elle reste constituée, elle peut, telle qu'elle est, rendre encore quelques
petits services en occupant Zaghouan mais si elle se débande, il faudra mettre à
sa place des troupes françaises et nous pourrons avoir à craindre l'action contre
nous des soldats déserteurs, action qui n'est pas à dédaigner, telle celle que four-
nit la bande de Sassi Souilem, à El-Arbain, dans la nuit du 28 au 29 août.
Un convoi de petits vivres est envoyé par l'intendance de Tunis. Ali Bey fait mille
difficultés pour l'accepter. Le trésor français envoie 20.000 francs. Le 2 novembre,
jour de la fête de l'Aid-el-Kebir, le lieutenant-colonel Noellat donne 3 francs aux
soldats, 25 aux capitaines, 33 aux commandants; le mois d'octobre est payé.
Le gouvernement français voulait donner ensuite 50 centimes par jour à chaque
soldat, en remplacement de viande (les petits vivres continuant à être fournis en
nature).
Ali Bey objecte que «
;
le soldat tunisien n'a jamais mangé de viande qu'une fois,
deux au plus, chaque semaine lui donner plus serait lui donner des besoins que,

;
sous peu, le gouvernement tunisien serait impuissant à satisfaire. Le trésor tuni-
sien ne pourrait continuer une pareille solde il s'ensuivrait des désertions en
masse; d'ailleurs, toute la solde mise dans la main du soldat ira à la famille de
celui-ci et n'améliorera en rien l'état des troupes, » On continue donc la solde de
cinq réaux.
:
En résumé, la mauvaise volonté d'Ali Bey est flagrante révolte, probablement
suscitée par lui, pour ne pas quitter la vallée de la Medjerdah; envoi du détache-
ment à Hammam-Lif au lieu d'Hammamet; difficultés pour recevoir argent et
vivres, vraisemblablement pour amener les désertions.
Aussi, le 22 novembre, le camp tunisien fut-il levé. Ali Bey rentra à Tunis, le
farik Si ben Turki demanda « un carta » et le lieutenant-colonel Noëllat com-
-
manda la colonne de Zaghouan.
1. Voir annexe n° LIV, page 247.
les faubourgs; puis ils battent en retraite vers le sud, seule
ligne qui leur reste pour s'échapper'.)
La colonne Forgemol2, qui avait franchi la frontière le 17 oc-
tobre, eut un engagement avec les Fraichich d'El Hadj Harrat,
au koudiat-Remila. Le 22, elle se heurta de nouveau, sur la
Rouhia, aux contingents d'El Hadj Harrat, renforcés par les
bandes d'Hammema qu'Ahmed ben Youcef avait amenées. (La
jonction des Fraichich et des Hammema avait eu lieu le jour
même de la rencontre; l'effectif total des combattants était de
3.000).
Les insurgés se replièrent sur le koudiat-el-Halfa où ils
furent rejoints par trois cents Oulad-Ayar qu'amenait Ali ben
Ammar (c'était tout ce qui restait à ce chef après sa défaite à
Testour et les échecs successifs infligés à ses contingents par
le colonel de la Roque sur la Tessaâ3). Le 25 octobre, la
colonne Forgemol fut attaquée pendant sa marche sur le
koudiat-el-Halfa.
Les insurgés furent battus et la plus grande partie se dis-
persa après cette défaite.
Ahmed ben Youcef et les Hammema rentrèrent sur leur ter-
ritoire pour se préparer à émigrer vers le sud; El Hadj Har-
rat, abandonné des Fraichich, suivit Ahmed ben Youcef avec
quelques partisans qui lui étaient restés fidèles; Ali ben Am-
mar, avec les Oulad-Ayar qu'il put entraîner à sa suite,
remonta vers la hamada.
Le général Forgemol arrive à Kairouan le 29 octobre.

1. Voir annexe n° LIV, page 247.


2. Voir annexe n° LVII.
3. Le colonel de la Roque, renforcé de 800 hommes d'Algérie arrivés le 13 octo-
bre au Kef, avait fait une première sortie de trois jours (14, 15, 16 octobre; trois
notables de Nebeur fusillés le 15); le 19 octobre il était reparti de nouveau, avait
franchi le khanguet-el-Gueddimle 20 et battu, les 21 et 22, au djebel-Gahzouan et
au djebel-Bou-Kohil, les bandes d'Oulad-Ayar qui s'étaient réfugiées près de
Bordj-Messaoudi. (Reconnaissance sur Bordj-Messaoudi, le 21 octobre, du lieute-
nant Vincent, du service des renseignements, avec un goum de Djendouba et une
section montée de la 1" compagnie de discipline.) Voir annexe n° LVIII. Note A,
page 277.
CHAPITRE II

Opérations contre Ali ben Ammar a.

Le colonel de la Roque au Kef. — Opérations des colonnes de la Roque et d'Aubi-


gnyautour de Bordj-Messaoudi.
Marche concentrique des colonnes delà Roque (ouest), d'Aubigny (nord) et Phile-
bert (est), sur la hamada des Oulad-Ayar.
Ali ben Ammar s'échappe (19 novembre).

Ali ben Ammar, après sa défaite à Testour1, s'était replié Ali ben Ammar
après
dans le Ghorfa. Il déployait la plus grande activité pour le combat
de Testour.
reconstituer son armée avec les bandes qui erraient près de
Bordj-Messaoudi, dans le Ghorfa et dans le Sers, et avec le petit
nombre de fidèles, provenant de la bande de Salah ben Ha-
mouda, qui étaient venus la rejoindre, quand son lieutenant
s'était retiré de la lutte2.
Pendant ce temps la garnison du Kef était renforcée. La colonne
mobile du Kef
Huit cents hommes, venant d'Algérie, arrivèrent dans la prend
l'oflensive
place le 13 octobre3. Aussitôt qu'il eut reçu ces renforts, qui (14 octobre).

lui permettaient de prendre l'offensive, le colonel de la Roque


fit une première sortie de trois jours (14,15 et 16 octobre —le
15, il fusilla trois notables de Nebeur4).
Le 19 octobre, il repart de nouveau, franchit le khanguet-el-
Gueddim le 20, et bat, les 21 et 22 octobre, au djebel-Ghazouan

a. Voir croquis n° V.
1. Voirpage67.
2. Voir 1, page 70.
Un bataillon du 2e régiment d'infanterie de ligne,
3. Deux compagnies du 3° régiment de tirailleursalgériens,
150 goumiers de Souk-Ahras.
(Voir annexe LVIII, note 3, page 274.)
4. Voir annexe LVIII, pages 274 et suivantes.
et au djebel bou-Kohil, les bandes d'Oulad-Ayar qui s'étaient
réfugiées près de Bordj-Messaoudi 1.
La colonne Le général d'Aubigny, avec une colonne, vint de Testour à
de
Testour. Bordj-Messaoudi faire sa jonction avec le colonel de la Roque
(24 octobre) 2.
La route de Tunis était rouverte.
Opérations Par de petites opérations combinées, prenant comme base
autour de Borj-
Messaoudi. Bordj-Messaoudi, les deux commandants de colonne nettoient
le pays au nord de la route3; puis la colonne d'Aubigny
reprend le chemin de Testour où elle rentre le 10 novembre4.
Ali ben Ammar Ali ben Ammar, après la défaite des Fraichich et des Ham-
dans
leMassouge. mema, le 25 octobre, au koudiat-el-Halfa, était revenu dans la
hamada des Oulad-Ayar.
Il essaie de grouper de nouveaux contingents; mais la pré-
sence des deux colonnes du général d'Aubigny et du colonel
de la Roque à Bordj-Messaoudi et l'arrivée de la reconnaissance
du général Philebert à la zaouïa de Sidi Abd el Melek ont
démoralisé ses derniers partisans; ils déclarent qu'ils ne veu-
lent plus se battre.
Cependant le retour du général d'Aubigny à Testour, la
retraite inexpliquée du général Philebert sur El-Oukanda, le
séjour du colonel de la Roque à Bordj-Messaoudi, permirent à
Ali benAmmar de
réunir environ un millier d'hommes (Oulad-
Ayar et Oulad-Aoun les plus compromis).

1. Voir annexe n° LVIII, A, page 277, la reconnaissance du lieutenant Vincent


du service des renseignements, le 21 octobre, sur Bordj-Messaoudi, avec ungoum
de Djendouba et une section montée de la 1" compagnie defusiliers de discipline.
2. D'après les instructions formelles du général Logerot, puis du général Japy,
le but à atteindre par les deux colonnes d'Aubigny et de la Roque est de couvrir
le chemin de fer au lieu de suivre Ali ben Ammar et l'achever. Aussi perd-on le
contact.
3. Voir annexe n° LVIII, page 281.
4. Pendant ces opérations autour de Bordj-Messaoudi, le général Philebert, lais-
sant un bataillon au Fahs et un bataillon à El-Oukanda, faisait une première
reconnaissance avec trois bataillons, du 24 au 27 octobre, et une seconde, avec le
même effectif, du 31 octobre au 7 novembre.
Dans le cours de cette dernière, il vint jusqu'à la zaouia de Sidi Abd el Melek
(3 novembre).
La retraite de cette reconnaissanceétonna fort les indigènes et rendit confiance
aux Oulad-Ayar et aux Oulad-Aoun. (Voir annexe LVI, pages 263 et suivantes.)
Pendant cette période, Ali ben Ammar, bien que sentant la
partie perdue, n'avait cessé de déployer la plus grande activité ;
il projetait de défendre le Massouge jusqu'à la dernière extré-
mité.
L'attaque parles colonnes françaises des dernières positions Marche
concentrique
de trois colonnes
des Oulad-Ayar est décidée'. françaises
La colonne de la Roque, qui a repris le contact d'Ali ben sur la hamada
des
Oulad-Ayar.
Ammar le 12 novembre, refoule dans la hamada les dissi-
dents qui tenaient le Sers.
La colonne d'Aubigny qui, partant de Testour le 12, a
remonté le cours de la Silianah et qui a traversé le Massouge,
refoule dans la hamada les insurgés qui occupaient ce massif.
Le général Philebert, avec toute sa brigade (moins les deux
bataillons détachés à la colonne du général Saussier), se dirige
par le pays des Oulad-Aoun vers le djebel-Belota2.
Le 20 novembre, la colonne de la Roque est à Ellez, la
colonne d'Aubigny est devant Megaraoua3, la 66 brigade est à
Maktar4.
La hamada est entourée de trois côtés (ouest, nord et est) ;
mais elle n'est pas cernée, le sud restant ouvert.
L'attaque simultanée est convenue pour le 213. Attaque
de la hamada
(21 novembre).
Ali ben Ammar
s'est échappé.
1. Il n'y a pas dp plan d'ensemble, pas d'unité de direction (voir annexe LVIII,
notes 1 et 2, page 292) et une colonne qui devait venir du sud, pour couper la
seule ligne de retraite possible d'Ali ben Ammar et des Oulad-Ayar, n'est pas mise
en mouvement. (Voir annexe LVIII, note 2, page 301.)
2. Le djebel-Belota est à l'est de la hamada. L'envoi d'une colonne sur ce point
était d'une utilité fort contestable, car il était à supposer que les dissidents ne
chercheraient pas à s'échapper par l'est, direction qui les eût menés vers Kai-
rouan à travers une population de montagnards résolus et qu'ils savaient leur
être hostiles.
3. Le 18 novembre, le général d'Aubigny a pris Bordj-Messaoudi comme base
de ravitaillement, ses relations avec Testour, par la Silianah, étant devenues trop
difficiles.
4. La 6e brigade a envoyé une partie de ses chameaux à la colonne Logerot qui
marche sur Gabès; obligée de se faire suivre d'arabas et emmenant avec elle sa

;
batterie montée, elle n'a pu marcher directement sur Maktar par la montagne et
a fait un long détour par le nord-ouest
lons.
elle a été contrainte à marcher par éche-

A partir du 20, le général Philebert prend Sousse comme base et envoie un


bataillon se poster entre Kairouan et Maktar.
o. Depuis la reprise des opérations actives, et l'issue de la luLté étant désormais
Dans la nuit du 20, la hamada paraît tout en feu.
Le 21, au point du jour, ainsi qu'il a été convenu, la
hamada est abordée par l'est, le nord et l'ouest.
Elle est complètement déserte'.
Le général Philebert découvre, vers 10 heures seulement,
la trace de la fuite des insurgés vers le sud2 Avec les trois
bataillons qui lui restent dans la main, il marche à leur suite
et atteint leur camp, à la tombée de la nuit, au Kef-Erraï. Il
fait tirer sur cette foule pour ne pas avoir à lui accorder
l'aman et s'empare des troupeaux3.
L'insurrection des Oulad-Ayar se termine faute d'insurgés.
Le 24, le général Philebert est de retour à Maktar; les trois
colonnes restent autour de la hamada jusqu'au 1er décembre.
A cette date, le général d'Aubigny se rend à Medjez-el-Bab
(sa colonne, placée sous les ordres du colonel Menessier de la

certaine, des goums de plus en plus nombreux étaient venus se mettre à la dis-
position des commandants des colonnes françaises, principalement du général
Philebert et du colonel delà Roque qui marchaient aux ailes.
Depuis quelques jours, au contraire, Ali ben Ammar n'avait plus avec lui qu'une
foule aflolée; il ne s'y trouvait plus, au maximum, qu'un millier d'hommes armés,
tous des Oulad-Ayar, traînant maintenant avec eux femmes, enfants et troupeaux,
et ne songeant plus qu'à s'échapper.
1. AlibenAmmar, avec une petite troupe de fidèles, s'était échappé dans la nuit
du 19. Le caïd des Oulad-Ayar, Mohamed Salah ben Ali Debbich, qui voltigeait de
l'une à l'autre des colonnes françaises, protestant de son dévouement, était celui
qui, vraisemblablement, avait fait fuir son ancien compagnon de prison. (Voir
annexe LVIII, page 301.)
Quant aux autres Oulad-Ayar, ils avaient caché leur fuite, dans la nuit du 20,
par l'incendie des plateaux.
2. Cependant, il semble que si lescommandants des deux ailes avaient envoyé
leurs goums nombreux, connaissant bien le pays et ne désirant que piller les
Oulad-Ayar (ils s'étaient fait suivre, dans ce but, de tous les moyens de transport
qu'ils avaient pu trouver) surveiller le sud de la hamada, seule ligne de retraite
laissée aux dissidents, ceux-ci n'auraient pu s'échapper aussi facilement.
3. Le 21 au matin (c'eûtété déjà bien tard) au lieu de mettre à sa gauche tout
son goum d'Oulad-Aoun, connaissant par conséquent le pays, et de lui donner
l'ordre de se relier au goum du colonel de la Roque dans le cas où celui-ci aurait
envoyé le sien sur sa droite, le général Philebert n'en envoya qu'une partie avec
le bataillon de chasseurs sur son flanc extérieur; de sa personne et avec le gros
de ses forces, il se porta sur son flanc intérieur.
Quand il vit que la hamada était vide, il fit encore un nouveau détachement
vers sa droite et, par suite, ne put se lancer à la poursuite des Oulad-Ayar
qu'avec les trois cinquièmes de ses forces; les deux détachements ne rejoignirent
que dans la nuit, après une marche de quarante kilomètres.
;
Lance, du 11e hussards, reste encore quelques jours à Ellez,
pour recevoir les soumissions) la colonne de la Roque part
vers le Ksour, chez les Ouartan, avant de rentrer au Kef; la
6ebrigade se dirige vers le sud-est (Sidi Mohamed ben Ali, où
le général Philebert avait envoyé un bataillon dès le 20 no-
vembre).
CHAPITRE III

Poursuite des dissidents a.

Marche de la colonne Logerot sur Gabès (arrivée à Ras-el-Oued le 29 novembre).


— Mohamed ben Cherfeddine et les Beni-Zid. — Rentrée de la colonne à
Sousse.
Marche de la colonne Forgemol sur Gafsa (entrée à Gafsa le 20 novembre). —
Marche de la colonne de Négrine (colonel Jacob) sur Tameghza et Gafsa; de la
colonne d'El-Oued (lieutenant-colonel Le Noble) sur Nefta.
à
Le colonel Jacob reste à Gafsa (4 décembre); la colonne Forgemol rentre Tebessa
(12 décembre).
Les dissidents se sont réfugiés en Tripolitaine.

Le 11 novembre, le général Forgemol quitte Kairouan et se


dirige sur Gafsa pour atteindre et refouler les Hammema1.
Marche Le 12 novembre, une colonne sous les ordres du général
dela
colonne Logerot Logerot et précédée du goum de Youcef Allegro, quitte aussi
surGabès;
Kairouan, se dirigeant sur Gabès2.
ellearrive Elle arrive à Ras-el-Oued le 29 novembre, sans avoir eu à
à
Ras-el-Oued tirer un coup de fusil; le pays qu'elle avait traversé était com-
(29 novembre).
plètement désert.
Retraile Ali ben Khalifa3, en apprenant la destination de la colonne
d'Aliben
Khalifa. Logerot, s'était replié à grandes journées, suivi des Neffet, sur
Telman, à l'est du chott-Fedjej.
Là, il avait été rejoint par les Zlass, ses complices du pillage
d'El-Djem et quelques Hammema de l'est, voisins des Neffet.
Pendant ce temps les Souassi et les Metellit s'étaient repliés

a. Voir croquis n° II.


1. Voir plus haut, page 84 et plus loin, page 92.
2. Voir annexe n° LIX.
3. Ali ben Khalifa, depuis la prise deSfax, n'avait à son actif, comme action de
guerre, que le pillage d'El-Djem, le 30 octobre, avec les Zlass, les Souassi et les
Metellit. (Voir anneve n° LIX, note A, page 314).
sur El-Hamma et les Hammema qui s'étaient groupés à Gafsa,
autour d'Ahmed-ben-Youcef, traversaient le chott.
Le 12 novembre, une réunion des chefs eut lieu à El-Hamma.
Il fut reconnu qu'il était urgent de passer en Tripolitaine et
nécessaire d'y arriver en force pour résister aux tribus tripo-
litaines et il fut décidé qu'Ali ben Khalifa passerait par la
plaine pour gagner le Mokta, tandis que les Hammema,apr ès
avoir été rejoints à Bir-Zoumit par les douars établis à El-
Hamma, s'y porteraient par Bir-Sultan et la montagne.
L'approche de la colonne Logerot força Ali ben Khalifa à
le
continuer sa retraite vers sud. Il gagna rapidement l'oued-
Oum-Es-Zessar, au nord-est de Médenine, y resta jusqu'au
moment où il apprit l'arrivée des troupes française à Ras-el-
Oued, puis, par petites journées, prenant après chaque étape
deux ou trois jours de repos, afin de conserver son monde bien
groupé, il se porta sur le Mokta qu'il atteignit versle 10 dé-
cembre, à El-Djedlaouin1.
La nouvelle de l'arrivée de la colonne française, le passage L'arrivée
dela
des tribus refoulées par elle, qui pillaient et ravageaient tout colonne Logerot
fait tomber
sur leur passage, avaient désorganisé la résistance autour de la résistance
àGabès.
Gabès2. Les insurgés s'étaient dispersés et Mohammed ben
Cherfeddine s'était replié sur El-Hamma avec quelques Beni-
Zid.
Le surlendemain de son arrivée à Ras-el-Oued, c'est-à-dire
Le 31 novembre, le général Logerot dirige une reconnaissance

sur Chenini, quartier général abandonné des chefs insurgés et


y fait brûler la maison d'Ali ben Khalifa.
Le 1er décembre, il se porte avec sa colonne sur El-Hamma; il Soumission
des
y arrive le 3 et le trouve abandonné des dissidents. La colonne Souassi
et des
se dirige alors vers le sud et, le 5 décembre, le goum d'Alle- (5
Metellit.
décembre).
gro, appuyé par notre cavalerie, surprend près de Sidi-Gue-
naou le camp des Souassi et Metellit que le mauvais temps a
empêchés de gagner Bir-Zoumit.

1. Voir suite, plus loin, page 97.


2. Voir plus haut, 1, page 58.
Les dissidents ne font aucune résistance; ils sont désarmés
et dirigés sur leur territoire d'origine.
Soumission Le 6, Mohamed ben Cherfeddine vint faire sa soumission.
de
Mohamed L'aman fut accordé aux Beni-Zidà condition qu'ils rentreraient
ben
Cherfeddine
(6 décembre). sur leur territoire et qu'ils fourniraient un goum.
Seconde
La colonne rentra le 8 décembre à Ras-el-Oued. Comme la
tournée. région paraissait pacifiée, le général se préparait à faire reve-
nir ses troupes à Sousse1. Mais l'annonce de leur départ détrui-
sit presque l'effet de leur arrivée; l'indécision, l'hostilité même
se manifestèrent dans les fractions qui avaient semblé se
rallier à nous et le général Logerot, au lieu de se diriger vers le
nord comme il en avait eu l'intention, dut entamer une nou-
velle marche vers le sud.
Il partit le 12 de Ras-el-Oued, visita successivement les vil-
lages des Beni-Zid, Zeraoua, Tamezert, Bou-Dafer, contourna
les Matmata et rentra à Gabès en passant par Mareth et Kéte-
nah.
Cette fois, le calme se rétablit dans la région et, le 26 décem-
bre, le général Logerot put mettre sa colonne en route sur
Sousse. Elle suivit la côte, passa par Sfax et arriva à Sousse le
17 janvier 1882.

Marche Le 11 novembre, le général Forgemol avait quitté Kairouan


de la colonne
Forgemol
surGafsas.
pour se porter contre les Hammema.
Elle arrive à La colonne (le général Saussier marchait avec elle) arriva
Gafsa
le 20 novembre. le 20 novembre à Gafsa, sans autre incident pendant la route
que la prise, par la cavalerie, de tous les troupeaux des Oulad-
Ayar qui avaient abandonné Ali ben Ammar et qui avaient pu
s'échapper avant l'arrivée du général Philebert au Kef-Erraï.
Le pays traversé était complètement désert, mais portait les
traces du passage récent des insurgés.
Des reconnaissances envoyées vers l'est à El-Guettar, Oum-
Ali, El-Ayacha (canonnade du général de Gislain sur les gens

1. Voir plus loin, note 1, page 94.


2. Voir annexe n° LX.
du village qui venaient faire leur soumission) du 22 au 29 no-
vembre, permirent de constater que les dissidents avaient
quitté le pays.
Dès les premiers jours de novembre, en effet, les Hammema
s'étaient groupés pour la plus grande partie autour d'Ahmed
ben Youcef; d'autres, longeant la rive nord du chott-el-Fedjej,
avaient été rejoindre Ali ben Khalifa à Telnlan1.
Ahmed ben Youcef se mit en relations avec le khalifa de
Kebilli, Chaouch Ahmed ben Belkassem; celui-ci le laissa
passer sur son territoire quand l'approche de la colonne For-
gemol força les Hammema à franchir le chott et à se diriger
en toute hâte sur Bir-Zoumit où devaient les rejoindreles dis-
à
sidents alors El-Hamma2; puis le khalifa de Kebilli, une fois
que cette migration fut passée, écrivit au général Forgemol
pour lui affirmer ses bonnes intentions3.
Tous les nomades n'avaient pas émigré. Un assez grand nom- Colonnes
bre de douars qui, pendant qu'Ahmed ben Youcef combattait de Négrine et
d'El-Oued.
sur la Rouhia et au koudiat-el-Halfa, étaient restés dans le sud,
rançonnant les paisiblespopulations des ksour et faisant même

:
des incursions en Algérie, demeuraient sur leur territoire.
Ces pillards avaient deux points d'appui les oasis du Djérid
et le groupe des villages de Tameghza, Chebika et Midès.
Pour arrêter leurs razzias en Algérie, des troupes avaient
été échelonnées sur la frontière; cette mesure n'avait pas
r
suffi et deux colonnes4 avaient été organisées pour refouler du
Djérid ces maraudeurs et en même temps appuyer le mouve-
ment du général Forgemol vers le sud.
Ces deux colonnes s'étaient mises en marche le 19 novembre.

1. Voir plus haut, page 90.


2. Nous savons (voir plus haut, page 91) que ceux-ci furent surpris plus tard,
par le général Logerot, à Sidi-Guenaou.
3. Voir annexe LX, 2, page 323.
;
4. Colonne de Négrine (colonel Jacob, du 3" tirailleurs) 2 bataillons d'infanterie,
1 escadron de hussards, spahis et goums.
;
Colonne d'El-Oued (lieutenant-colonel Le Noble, spahis) 1 bataillon mixte (3°
tirailleurs et 3" bataillon d'Afrique), spahis et goums.
Le colonel Jacob arriva le 20 à Tameghza puis gagna Gafsa
sans incident.
Le lieutenant-colonel Le Noble s'était mis également en
marche le 19 novembre. Il arriva à Nefta le 24 novembre, à
Touzeur le27 novembre. Puis, le 1er décembre, ayant désarmé
les gens de Nefta, El-Hamma, Touzeur et El-Oudiane, et
perçu les contributions qu'il avait fixées, il s'en retourna à
Débila, ramenant un certain nombre d'otages.

Lacolonne Le 5 décembre, le général Forgemol quitte Gafsa et rentre


Forgemol rentre
enAlgérie. à Tebessa le 12 décembre, sans incident; une colonne d'obser-
vation est formée à Tebessa.
Quant au colonel Jacob il a été laissé à Gafsa avec une co-
lonne mobile1 (4 bataillons, 2 escadrons, 2 sections d'artillerie,
génie) jusqu'au moment où elle pourra être relevée par des
troupes de la division Logerot.
Quelques douars rentrèrent sur leur territoire; mais des
bandes de maraudeurs remontèrent, après le départ de la co-
lonne du général Forgemol, jusqu'aux environs de Gafsa; elles
allaient ensuite mettre leur butin en sûreté dans les centres
qu'elles s'étaient constitués au sud du Nefzaoua.

C'est au général Philebert qu'il appartiendra d'opérer con-


tre ces bandes.

1. Cette colonne mobile (qui reçut le nom de colonne de Gafsa et dépendait de


Constantine) fut formée par le général Saussier, le 4 décembre, la veille de son
départ de Gafsa.
Elle avait pour mission de contenir, avec celle de Gabès, les rebelles au delà des
chotts et de les empêcher de revenir dans leurs terrains de labour jusqu'à ce qu'ils
eussent fait leur soumission.
Ces dispositions prises, le général Saussier avait ordonné aux colonnes Forge-
mol et Logerot de remonter vers le nord, traversant les territoires nouvellement
soumis et achevant la pacification.
;
La première, seule, putexécuter le mouvement prescrit; elle quitta Gafsa le 5
décembre, rentra en Algérie par Feriana et Tebessa et fut dissoute une colonne
d'observation fut formée à Tebessa.
Nous savons (voir 1, page 92), que la seconde fut forcée par les événements
d'entreprendre une deuxième tournée, avant de pouvoir aller reprendre ses em-
placements de Sousse et de Kairouan.
CHAPITRE IV

La poursuite (suite). — Incursions des dissidents a.

La 6° brigade (général Philebert) à El-Aàla (7 décembre 1881), à Djilma (12 janvier


1882), à Gafsa (14 février). — La colonne Jacob rentre en Algérie.
Les dissidents sur le Mokta. — Les Ouarghamma. — Premières incursions.
Opérations du général Logerot : le général Philebert au Nefzaoua et chez les
Aouaya, le général Jamais à Médenine.
tions sur l'oued-bou-Hamed (7 mai 1882) :
- la colonne Philebert sur l'oued-Ta-
Les deux colonnes entrent en rela-

tahouine, la colonne Jamais sur l'oued-Fessi. Elles ne peuvent atteindre les dis-
sidents.
Fin des opérations actives.

La 6e brigade (sept bataillons, deux escadrons et deux bat- La 6" brigade


à Sidi-Mohamed-
teries), était concentrée, le 25 novembre, à Maktar'. Ben-Ali1.
Le 1er décembre, le général Philebert avait dirigé ses
troupes, par échelons successifs, sur le bled Aala.
Le 7 décembre, la 6e brigade est réunie en entier à Sidi-
Mohamed-ben-Ali, sur la rive gauche de l'oued Merg-el-Lil.
Le général Philebert organise le camp; y laisse, sous les
ordres du lieutenant-colonel Frayermuth, deux bataillons, la
batterie montée, l'ambulance et les services; envoie, le 17 dé-
cembre, le lieutenant-colonel Travailleur, avec deux batail-
lons, un escadron, deux pièces de montagne, douze jours de
vivres, pour se mettre en relations avec le lieutenant-colonel
Moulin, vers la Trozza et part, le 18, avec trois bataillons, un

a. Voir croquis n° II.


1. Voir La 6e brigade en Tunisie, chapitre V, pages 77 et suivantes, et annexe
noLXI.
2. Le détachement du lieutenant-colonel Frayermuth (deux bataillons, un esca-
dron, deux pièces), qui avait marché avec la colonne Logerot d'El-Oukanda sur
Kairouan, venait de rejoindre sa brigade.
escadron, quatre pièces de montagne et dix-huit jours de
vivres dans la direction du sud.
Le 27, le général Philebert est rejoint à Redir-el-Hallouf
par le lieutenant-colonel Travailleur; le 28, les deux colonnes
réunies vont camper à Sidi-Ali-ben-Aoun (oued-Cehela).
Le même jour, un convoi (un bataillon, un escadron, inter-
prète Vallet), est envoyé sur Gafsa pour en rapporter des ap-
provisionnements.
Le général Philebert reçoit l'ordre de se concentrer à Djilma
et d'y attendre l'ordre de se porter sur Gafsa.
Pendant que le général Philebert attend à Sidi-Ali-ben-Aoun
le retour de son convoi, les troupes du camp de Sidi-Mohamed-
ben-Ali gagnent Djilma en deux échelons.
Le convoi étant rentré à Sidi-Ali-ben-Aoun, le 5 janvier
1882, le général Philebert se met en route, le lendemain 6,
avec ses cinq bataillons, vers Djilma.
La 6e brigade La brigade y est concentrée en entier le 12 janvier 1882, et
àDjilma1
(12janvier1882). les troupes commencent la construction d'un caravansérail.
Le 28 janvier, le général Philebert reçoit l'ordre de se porter
sur Gafsa avec quatre bataillons, deux escadrons et la batterie
de montagne pour y remplacer les troupes de la division de
Constantine.
Le lieutenant-colonel Frayermuth est laissé à Djilma avec
trois bataillons.
I.e général Le général Philebert met en route, le 5 février, le lieute-
Philebert
àGafsa2 nant-colonel Travailleur, avec toutes les voitures et les impe-
(14 février).
dimenta et un bataillon d'escorte; le 8 février, il part avec le
reste de la brigade (trois bataillons, cavalerie, canons), et
entre à Gafsa le 14 février3.

1. Voir La 6e brigade en Tunisie, chap. VI, pages 94 et suivantes.


2. Voir La 6e brigade en Tunisie, chap. VII, pages 109 et suivantes.
3. Le 16 février, le colonel Jacob quitta Gafsa, remmenant ses troupes en Algérie.
Le mois de février s'acheva sans incident.
Une colonne légère alla châtier Sened, qui donnait asile aux djich qui s'aventu-
raient jusqu'à Kairouan.
Le général Philebert préparait une opération sur Mcch quand il reçut l'ordre
Nous avons vu2 qu'Ali ben Khalifa, avec les Neffet et les Les dissidents
sur le Mokta 1.
Zlass, était arrivé sur le Mokta, aux oglet-Djedlaouin, vers le
10 décembre.
Le vieux caïd avait traversé le pays des Ouarghamma à
petites journées, laissant à sa colonne des repos nombreux
qui lui permirent de rester concentrée.
Le vue de cette émigration s'opérant lentement et dans de
bonnes conditions de cohésion changea la disposition des es-
prits des Ouarghamma3.
Les premiers événements, l'occupation même de Gabès, ne Les
Ouarghamma
leur avaient causé aucun mécontentement. Ils étaient plutôt
satisfaits de cet état de choses qui leur permettait de vivre
indépendants et de s'affranchir des redevances exigées par le
gouvernement tunisien; ils espéraient bien que nos colonnes
n'iraient pas jusque chez eux. Mais quand ils apprirent le
passage du général Logerot chez les Matmata4, ils se déci-
dèrent à entrer dans la lutte; ils étaient d'ailleurs travaillés
depuis longtemps par des émissaires du pacha de Tripoli et ils
comptaient sur l'appui des émigrants qu'ils venaient de voir
traverser leur pays.
Ils se mirent donc à faire des razzias, à petite distance, il
est vrai, sur les tribus soumises (Hazem, Hamerna, Beni-Zid,
Matmata)
Ahmed ben Youcef, avec les Oulad-Redhouan, était resté Les Hammema

un certain temps à Bir-Sultan, attendant l'arrivée des dissi-


dents d'El-Hamma (la plus grande partie, retardée par les
pluies, avait été surprise par le général Logerot, le 5 dé-
cembre, à Sidi-Guenaou) et tâchant de ramener à lui les
autres fractions des Hammema qui, après la traversée du
chott, marquaient une grande hésitation à la suivre dans
son exil et étaient échelonnées du Nefzaoua à Bir-Zoumit.

1. Voir annexe n° LXII.


2. Voir plus haut, 1, page 91.
3. Voir annexe n° XXXVIII, l'organisation de la confédération des Ouarghamma.
Sur ces entrefaites, le caïd des Oulad-Redhouan avait été
avisé par Ali ben Khalifa de la marche, vers les Matmata, de
la colonne Logerot qui allait menacer sa ligne de retraite.
Il se remit immédiatement en marche vers la Tripolitaine
ayant décidé, par la communication de cette nouvelle, les
autres fractions des Hammema à suivre son mouvement 1.
La tête de colonne des Hammema arriva sur l'oued-Mokta,
à Aïn-Steil; leur retraite rapide (ils se croyaient poursuivis

un temps très mauvais, les avait désorganisés les premiers:


par nos colonnes) à travers un pays difficile et pauvre et par

s'enfoncèrent assez avant en Tripolitaine pour mettre à l'abri


leurs familles et leurs troupeaux; les derniers ne purent
même pas atteindre le Mokta et restèrent derrière l'oued-
Fessi, presque tout le mois de janvier, occupés a se reconsti-
tuer.
Les dissidents Une misère terrible s'abattit sur les exilés3.
en
Tripolitainé2. Resserrés sur un espace trop restreint, ils n'en pouvaient
sortir, étant donné leur état actuel de désorganisation, pour
tenter des razzias soit sur les Tripolitains, soit sur les Ouarg-
hamma qui étaient devenus méfiants depuis qu'ils avaient vu
arriver, par la montagne, les nombreuses bandes d'Hammema
désagrégées et affamées.
Cette crise provoqua bientôt des idées de soumission. Quel-
ques douars se mirent même en mouvement vers l'oued-Fessi;
mais des cavaliers Neffet et Zlass, lancés à leur poursuite par
Ali ben Khalifa, les razzièrent impitoyablement et ramenèrent
hommes, femmes et enfants aux campements des dissidents.
Cet exemple rigoureux fit cesser immédiatement les
plaintes. La situation s'était d'ailleurs améliorée. Les tribus

1.Pour les entraîner, il leur assura également que les troupes turques qui
devaient venir à leurs secours, retardées jusqu'ici par le mauvais temps, allaient
arriver.
2. Voir annexe n° LXIII.
3. La canonnière l'Aspic stationnait en face de Zarzis et surveillait la côte aun
de prévenir tout débarquement clandestin sur le rivage, entre l'île Djerba et la
frontière tripolitaine.
tripolitaines étaient entrées en relations avec les dissidents
les campements avaient pu s'étendre et les groupes reconsti-
tués sous les ordres de leurs chefs pouvaient se mettre en
campagne.
Aussitôt les razzias commencèrent; les djich s'aventurèrent
jusqu'à Gafsa, Kairouan et Sfax pendant que les Ouarghamma
brigandaient dans l'Aarad.

Il devenait indispensable d'empêcher ces incursions qui se Opérations


dans
montraient de plus en plus audacieuses. l'extrême sud.
La situation était délicate car, si d'un côté il fallait agir rapi-
dement et énergiquement pour protéger les tribus soumises et
les maintenir dans le devoir, d'un autre côté il était nécessaire
d'opérer avec prudence et ménagements pour attirer à nous
les populations qui étaient hésitantes et faciliter les défections
dans le camp dissident.
Cette mission fut confiée au général Logerot, commandant
là division sud; il était chargé d'atteindre ce double but en
utilisant les troupes des généraux Philebert et Jamais.
Le général Logerot arriva à Gabès dans les premiers jours
de mars pour diriger les opérations qu'allaient avoir à exécu-
ter ces deux généraux pendant le mois d'avril.

Le général Philebert était à Gafsa depuis le 14 février3. Il La fil brigade au


avait envoyé une colonne légère châtier Sened et il préparait Nefzaoua 2.
une opération contre Mech, coupable, comme Sened, d'aider
les opérations des djich, quand il reçut l'ordre de réunir sa
brigade et de se préparer à marcher sur le Nefzaoua.
Le lieutenant-colonel Frayermuth rallia, le 23 mars, avec

1, On dut bientôt constater que le blocus tenté par la canonnière l'Aspic (voir
note 3, page 98) restait sans effets; les populations tripolitaines et les autorités
turques ravitaillaient les dissidents.
2. Voir La 6e brigade en Tunisie, chap. IX, pages 138 et suivantes, et l'annexe
no LXIV, page 349.
3. Voir plus haut, 2, page 96.
deux de ses bataillons'1; le même jour le général commandant
la 6e brigade recevait l'ordre d'être le 31 à Oum-Smaâ (nord-
ouest de Kebilli). Ordre fut envoyé au dernier bataillon laissé
à Djilma de rallier directement la colonne d'opérations.
Le 25 mars, le général Philebert, laissant un bataillon à
Gafsa, se met en route. Il traverse le défilé d'Oum-Ali le 29,
le chott El-Fedjej le 30 et arrive à Oum-Smaâ le 31 mars.
Le 3 avril, le général détruit le bordj de Negguâ; il est rejoint
le 4, à Tembar, par le dernier bataillon de Djilma et arrive le 5
à Kebilli.
Le 6, le général Philebert commence la construction d'une
redoute et envoie le lieutenant-colonel Travailleur (avec deux
bataillons, deux pièces de montagne et un peloton de hus-
sards) à Gabès, y chercher des vivres.
Le 14 avril, le général se rend à Douz; il y reçoit les protes-
tations d'amitié des Merazigue. Avec l'aide de ces derniers, il
propose de marcher sur Rhadamès quand il reçoit l'ordre de
se porter vers l'est, à Bir-Sultan.
La colonne du général se met en route le 15 avril, dans cette
direction et arrive le 18 à Bir-Zoumit2. Le général s'y'arrête et
décide de ne pas pousser plus loin. Il fait restaurer le bordj,
combler l'ancien puits à un kilomètre et creuser un nouveau
mais il reçoit de nouveau l'ordre de se porter sur Médenine,
;
pour se relier au général Jamais.

Le général Le général Jamais avait quitté Gabès le 30 mars et était


Jamais
à(2Médenine
avril).
arrivé le 2 avril à Médenine; le ksar était abandonné. Des
colonnes légères envoyées dans les environs constatèrent que
le pays était désert; les Touazine s'étaient retirés sur l'oued-
Fessi.
Le 18, une colonne légère avait été détruire les plantations
autour de Ksar-Djouana, sur le territoire des Aouaya.

1* Le général Philebert, quand il était venu à Gafsa, avait laissé à Djilma le


lieutenant-colonelFrayermuth, avec trois bataillons.
2. Voir La6e brigade en Tunisie, chapitre X, pages 1G2 et suivantes.
Bir-Zoumit avait été confiée par le général Philebert aux
;
Le 1ermai, la 6e brigade se porte sur Bir-Sultan1 (un batail- LaBir-Sultan
6' brigade à
mai) etchez
lon et le génie y avaient été envoyés le 25 mars) la garde de (1"les Aouaya.

gens de Tamezert.
L'occupation de Bir-Zoumit et de Bir-Sultan avait eu pour
résultat de rendre de plus en plus rares les incursions des
djich; la traversée du Dahar leur devenait presque impos-
sible'.
Le 3 mai, le général Philebert arrive à Ksar-beni-Khedach;
ainsi qu'il en a reçu l'ordre du général Logerot, il détruit les
récoltes sur pied, coupe les arbres fruitiers et détériore les
citernes des Aouaya.

Le mai, la 6e brigade arrive aux Oglet-Ababsa sur l'oued-


7 Jonction des
colonnes
bou-Ahmed, à 4 kilomètres du camp de la colonne Jamais Philebert et Ja-
mais, sur
établi sur l'oued-Néfetia. lo'ued-
bou-Ahmed,
Le général Logerot venait d'arriver à Ksar-Médenine pour le7mai.
imprimer une direction unique aux opérations des généraux
Jamais et Philebert.

Les Touazine n'étant venus faire aucune offre de soumission,


la destruction impitoyable de leurs récoltes fut décidée. La
colonne Philebert se porta sur l'oued-Tatahouine, la colonne
Jamais sur l'oued-Fessi. Ces deux colonnes détruisirent à fond
sur leur route et razzièrent tout ce qu'elles rencontrèrent.

L'expédition était terminée, mais son but était manqué. A Fin des
opérations ac-
la suite de conventions passéespar un ambassadeur envoyé tives(14mai
1882).
directement de Paris à Tripoli, ordre avait été donné à nos
troupes de ne pas dépasser l'oued-Fessi.
Les insurgés, réfugiés entre l'oued-Fessi et la frontière tri-
politaine réelle, n'avaient pas été atteints. Il eût fallu marcher
1

1. Voir La 6e brigade en Tunisie, chapitre XI, pages 178 et suivantes.


2. Voir annexe n° LXIV, note 3, page 351.
jusqu'au contact du rassemblement des dissidents et les forcer
soit à combattre (ce qu'ils ne voulaient pas); à passer réellement
en Tripolitaine (d'où ils auraient été rejetés fatalement, en peu

;
de temps, par les populations jalouses de leur sol qui suffit à
peine à leurs besoins) à sejeter dans le Sahara (où une pareille
agglomération n'aurait pu faire vivre ses troupeaux).

Les Ouarghamma ne firent aucune offre de soumission.


Tout ce qu'ils possédaient au nord de l'oued-Fessi avait été
détruit; n'ayant plus rien à risquer, trouvant sur la rive droite
de l'oued des terrains de pâturage et de culture suffisants, ils
ne rentrèrent pas sur leur territoire.

La présence de nos troupes ne pouvait plus avoir d'autre


but que de couvrir les tribus récemment soumises et de leur
permettre de se réorganiser pour faire face aux tentatives des
bandes rebelles.
La colonne Jamais était suffisante pour cette mission; elle
resta donc en observation sur la frontière, tandis que la Gebri-
gade se repliait sur Gabès où elle arriva le 24 mai (elle fut dis-
loquée et une partie de ses éléments alla occuper Gafsa).
La colonne Jamais rentra elle-même à Gabès, le 18 juin,
pour échapper aux trop fortes chaleurs dans l'extrême sud.
CHAPITRE V

Expansion des dissidents. — Leurs djieh. —


Colonnes
de Zarzis et de Gabès a.

Djich poussés jusqu'à Kairouan, Djilma, El-Djem, etc., dans le Djérid; nos colon-
nes ne peuvent les atteindre; on occupe les points de passage obligés.
Le mouvement d'expansion des dissidents est devenu presque impossible; pre-
mières soumissions.
Colonnes du colonel de la Roque et du lieutenant-colonelCorréard, de Gabès et de
Zarzis, dirigées par le général Guyon-Vernier (décembre 1882 et janvier 1883).

La présence de nos colonnes1 dans la région de l'oued- Nouvelle crise


chez les
Fessi avait provoqué une nouvelle crise dans le camp des dissidents.
émigrés; la misère s'accentua et le mouvement d'expansion
des dijch ne pouvant se produire du côté de la Régence, les
maraudeurs Zlass et Hammema tentèrent quelques coups de
main sur les troupeaux et sur les récoltes des Tripolitains. Un
conflit grave et sanglant se serait inévitablement produit sans
l'intervention des autorités turques et le commencement du
ramadan qui amena une trêve.
Entre temps, la désunion s'était mise entre les chefs des Dissentiments
entre les chefs.
émigrés2.
Pendant qu'Ahmed ben Youcef et Hassein ben Messaï fai-
saient un voyage à Tripoli pour s'y entendre avec le pacha,
Ali ben Khalifa s'était réfugié au milieu des Nouail tripo-
litains.
Ali ben Khalifa invita Ahmed ben Youcef et Hassein ben

a.Voircroquisn°II.
1. Les colonnes Philebert et Jamais. Voir plus haut, page 102.
2. Voir annexe LXIII, page 346.
Messaï à venir lui parler. Il voulait imposer son autorité à tous
les rebelles et devenir le chef unique du parti de la protesta-
tion. Cette deuxième tentative devait échouer comme la pre-
mière et pour les mêmes raisons1.
Ahmed ben Youcef et Hassein ben Messaï, voyant dans ce
procédé une atteinte à leur indépendance, refusèrent de se
rendre à cette invitation; Ali ben Khalifa vint donc les trouver
à leur camp.
Il lui fut reproché de n'être qu'un intrigant ambitieux,
poussant les autres à la lutte sans s'être jamais exposé dans
aucun combat. A la fin de cette réunion orageuse il fut décidé
que chacun, à l'avenir, opérerait pour son propre compte dans
une région bien déterminée.
Afin de rendre ces opérations plus fructueuses, il convenait
que les maraudeurs se rabatissent sur les pays qu'ils avaient
précédemment habités, dont ils connaissaient les points de
passage, les ressources et les habitudes des populations.
C'est d'aprèscette idée que furent déterminés les futurs
théâtres d'opérations2.

-
LES DJICH. 3 A la fin du ramadan, dans les premiers jours du mois
Le djich d'août 1882, un groupe de 250 cavaliers environ (Zlass, Oulad-
des Zlass
et Hammema Redhouan, Oulad-Aziz) quitta l'oued-Fessi, passa à Douiret,
vers le nord.
Bir-Sultan, Bir-Zoumit (où il culbuta les gens de Tamezert
chargés de la garde du puits), Limagués et traversa le chott.
Le 28 août, au soir, il est dans les collines à 8 kilomètres
au sud de Gafsa guettant les chameaux de la colonne mobile
qui viennent chaque jour pâturer dans cette direction.
Cette surprise n'échoua que grâce au dévouement du caïd
d'El-Ayacha qui vint dans la nuit, à franc étrier, prévenir

1. Voir plus haut, page 51.


2. Il faut remarquer que le principal but poursuivi par les bandes qui allaient
opérer était plutôt de razzier, pour améliorer leur situation matérielle, que de
lutter contre nos troupes dont elles connaissaient maintenant l'écrasante supé-
riorité.
3. Voir annexe n° LXVII.
l'état-major deGafsa; (le service des renseignements n'avait
rien éventé).
Le lendemain matin, le capitaine chef d'état-major, avec le
-
maghzen disponible, la cavalerie et deux compagnies d'infan-
terie se porta contre cette bande qui fut obligée de se rejeter
vers l'est.
Arrivée à El-Guettar, elle se divisa en deux pour gagner le
bled Thala, passa ainsi au nord et au sud du poste d'El-Ayacha,
dévalisa les bergers de Mech et de Sened et se réunit dans les
premiers jours de septembre dans le Regab1.
De là, chaque groupe reprenant son indépendance s'élance
sur le théâtre qu'il s'est réservé.

Les Zlass prennent l'offensive les premiers. Les Zlass


Le 5 septembre, à la pointe du jour, ils arrivent devant
Kairouan, dépouillent des indigènes, dévastent des jardins et
razzient cinq douars des Oulad-Khalifa. Le soir, ils se sont
repliés à 100 kilomètres dans le sud.
-Le18septembre, le djich, que l'on croyait rentré, serencontre
inopinément avec la compagnie mixte de Kairouan; malgré les
pertes qu'iléprouve, il continue sa marche en avant, razzie com-
plètement, le lendemain matin 19, Djemalia (à 40 kilomètres
environ sud-ouest de Kairouan, sur l'oued-Zeroud), reprend
le chemin du Regab, et enlève, le 20 au matin, les chameaux
de la compagnie détachée a Sidi-Amor-bou-Adjeba; le 22, atta-
qué par la compagnie mixte de Kairouan qui s'est portée au
djebel-Mettelègue pour l'attendre, il lui tue un officier, un sous-
officier et trois cavaliers français et poursuit vigoureusement
les débris du peloton qui sont recueillis par l'infanterie2.

1. Les abris que renfermait le Regab, les silos, les figues et les pâturages qui
s'y trouvaient et qui permettaient d'y faire vivre hommes et animaux, avaient fait
choisir cette zone comme centre d'opérations.
2. A la suite de cet engagement malheureux, il fut rappelé aux commandants
des compagnies mixtes que les cavaliers adjoints à leur infanterie avaient pour
mission d'éclairer la marche à faible distance et que, sous aucun prétexte, ils ne
devaient engager l'action isolément ni charger l'ennemi avant que celui-ci ait été
mis en déroute par l'infanterie.
Les Les Oulad-Redhouan, qui avaient quitté le Regab postérieu-
Oulad-
Redhouan. rement, font preuve d'une égale activité.
Du 14 au 25 septembre, ils exécutent les opérations sui-
vantes :
1° Surprise d'un douar des Oulad-Redhouan campé par
ordre à Sidi-Ali-ben-Aoun pour assurer le service de la
correspondance; pillage des tentes, enlèvement des trou-
peaux; les silos sont vidés, le courrier porteur des dépêches
de Djilma est tué;
2° Razzia des troupeaux des gens du Majoura, d'Oum-Saâd
et de Rou-Amran, à Sbeitla;
3° Pillage de caravanes a Bir-Mrabot, dans la plaine de Lalla
(aux portes de Gafsa), à Sidi-Aïch ;
4° Razzia de 35 chameaux, sous le feu d'une compagnie du
43e, à Lalla; de 36 chameaux d'un convoi du 4e zouaves
5° Engagementsprès de la Zaouïa-Ceddaguia avec une recon-
;
naissance1 venue de Djilma et conduite par un officier de ren-
seignements.

Les Oulad-Aziz. Les Oulad-Aziz montrèrent beaucoup moins d'audace que les
autres Hammema. Ils rayonnèrent assez timidement autour

;
du Regab. Ils ne pouvaient d'ailleurs s'attaquer aux leurs
restés dans le devoir la seule fraction qui n'avait pas émigré
avait été mise à l'abri sur le territoire des Fraichich.

L'extrême mobilité des djich empêchait de les poursuivre;


il fallait couper leur ligne de retraite vers la Tripolitaine.
Les points de Chenchou et d'El-Hamma furent occupés par
des détachements deGabès; les Beni-Zid donnaient la main
aux gens du Nefzaoua pour garder les passages du chott; au
nord du chott nous occupions Sidi-Mohamed-Nogguès, leBou-
Hedma, EI-Haffey, El-Ayacha,GafsaetGourbata.

1. Les hussards n'ont point de cartouches.


Une reconnaissance semblable, qui s'était lancée à la poursuite du djich, avait
crevé quatre chevaux sans pouvoir l'atteindre.
Les dissidents comprirent notre plan. Retraite
dudjich.
Aussi, dès le 25 septembre au soir, ils prirent leurs disposi-
tions pour rétrograder vers la frontière tripolitaine.
S'ils passaient par l'est, ils seraient attaqués par Allegro et
Cherfeddine.
En passant par l'ouest et le Djerid, ils s'engageaient dans le
Sahara.
Ils se décidèrent à reprendre le chemin qu'ils avaient suivi
dans leur marche vers le nord et à forcer un des passages à
proximité de Gafsa.
Le 27 au matin, le djich (200 chevaux environ) paraît au Mad-
joura : le soir il traverse au galop le col de Lalla, à 3 kilomètres
de Gafsa, sous le feu de la garde indigène placée en ce point1.
Le 30 septembre, il est à Bir-Zoumit2; le 3 octobre il repa-
raît au milieu des campements de l'oued-Fessi3.
Vers le 10 septembre, un djich de cavaliers Neffet avait
traversé les Beni-Zid et était venu piller quelques caravanes
près d'El-Djem.

Les efforts des dissidents ne s'étaient pas portés seulement Djichdansle


Djérid.
vers le nord de la Régence. Pendant les mois de septembre et
d'octobre le Djérid avait été sillonné de nombreuses bandes,
opérantd'une façon indépendante de celles qui razziaient dans
les environs de Gafsa, Sbeitla et Kairouan.
Bien qu'ils fussent signalés, pour la plupart, par le poste
de Bir-Zoumit et malgré ]a présence d'une compagnie mixte
à Touzeur, ces djich razziaient au passage les Merazigue, ra-
vageaient les oasis d'El-Oudiane, de Nefta, poussaient même
jusqu'à Chebika et pillaient les caravanes du Souf4.

1. L'autorité militaire lut encore prévenue, comme au premier passage, par le


caïd d'El-Ayacha.
2. Cette fois la garde défend le puits; le djich est obligé de poursuivre sa route
sans avoir pu boire et laisse un homme mort sur le terrain.
3. Soit au minimum 450 kilomètres, - dont la traverséedu chott, parcourus en
sept jours.
4. Ils razzièrent même une caravane dans laquelle se trouvait le marabout
El Haffnaoui de Tameghza.
Un des djich les plus importants (250 chevaux) et qui four-
nit le plus long parcours fut celui qui, signalé a son passage à
Bir-Zoumit le 10 octobre, gagna Nefta par le sud du chott,
ravagea et pilla l'oasis en plein jour, se porta sur Touzeur et y
bouscula le fezza mené à sa rencontre par le capitaine du ser-
vice des renseignements commandant l'annexer abreuva ses
chevaux à El-Hamma, passa à El-Oudiane (en vue du fezza de
cette localité qui n'osa l'attaquer) et s'en revint sur l'oued-
Fessi.

Des groupes Les djich poussés au nord du chott revenaient avec d'assez
d'émigrés
cherchent à
rentrer dans la
maigre butin. La misère augmentait chez les émigrés. Les
Régence2. secours turcs, si souvent annoncés, ne paraissaient pas. Le
découragement se mit dans un certain nombre de groupes qui
vinrent s'installer entre l'oued-Fessi et Ksar-Médenine, tant
pour sonder les intentions de l'autorité militaire française que
pour s'éloigner du parti violent des dissidents.
Le mouvement vers le nord de ces groupes, de plus en plus
considérables, eut pour conséquence de pousser de nouvelles
bandes de maraudeurs dans l'Aarad.
Pour faire cesser cetteagitation il fallait montrer des troupes
dans le sud de la subdivision de Gabès. Leur présence aurait
pour effet de soumettre les tribus encore hostiles et de com-
battre ou, tout au moins, de forcer à s'éloigner de notre fron-
tière les dissidents et de permettre aux groupes qui voulaient
rentrer sur leur territoire et qui stationnaient hésitants près de
Médenine, de se détacher' des fractions qui persistaient dans
leur hostilité.

Deux colonnes mobiles furent organisées sous la direction


Colonnes
deGabèsetde du général Guyon-Vernier, commandant la division sud
Zarzis,
:
1. Abandonné par ses gens, le capitaine dut fuir et s'enfermer dans la kasbah
de Touzeur.
2. Voir annexe n° LXVIII.
3. Il avait fallu que le plus grand nombre des groupes qui désiraient rentrer
dans la Régence livrassent de vrais combats aux fractions qui ne voulaient pas se
soumettre pour pouvoir quitter l'oued-Fessi.
La colonne de Gabès (3 bataillons, une compagnie mixte,
un escadron de cavalerie, 2 sections d'artillerie), *sous les
ordres du colonel de la Roque, devait pacifier et ensuite réor-
ganiser le pays.
La colonne de Zarzis (3 bataillons, un escadron, 2 sections
d'artillerie), sous les ordres du lieutenant-colonel Corréard,
devait venir prendre position entre les tribus dissidentes et les
groupes qui désiraient rentrer, pour forcer les premières à la
lutte ou à la retraite et permettre aux seconds d'accentuer leur
mouvement de retour.
Ali ben Khalifa, prévenu dès les premiers jours de décembre,
de la prochaine sortie de ces colonnes, ne les attendit pas et se
replia sur la frontière tripolitaine.
Il ne restait plus, sur le territoire tunisien que les Toudjane,
les Rebeten, les Aouaya et des Matmata qui n'avaient fait
aucune démarche de soumission.
La seule présence de la colonne de la Roque, partie de
Gabès le 15 décembre 1882, amena leur soumission. La colonne
rentra à Métameur le 31 décembre.
Le débarquement de la colonne Corréard à Zarzis, le 11 dé-
cembre, permit aux douars rassemblés autour de ce point par
Youcef-Allégro de remonter vers le nord 4.
Le général Guyon-Vernier, avec la colonne Corréard, poussa
ensuite jusqu'à l'oued-Fessi, protégeant, par cette marche vers
le sud, la rentrée d'un certain nombre de douars. Le 1er jan-
vier 1883, il se rabattit sur Métameur où le colonel de la Roque
lui présenta les mihad des tribus soumises par ses premières
opérations.
;
La mission de la colonne Corréard était terminée les troupes
gagnèrent Gabès, puis la Skira où elle s'embarquèrent pour
rentrer à Sousse le 21 janvier 1883.
Quant au colonel de la Roque, resté à Métameur, il employa

1. Le 18 décembre 1882, 2.900 tentes environ des Zlass, Hammema, etc., ont
remonté à Ras-el-Oued.
la première quinzaine de janvier à faire des reconnaissances
dansles environs. Lel6 janvier il se miten marche vers l'oued-
Fessi (facilitant la rentrée par Tatahouine de 3.000 Zlass ou
Souassi) et assura la soumission des Ouderna et des Bou-Zid
à
(Touazine); puis il revint Ras-el-Oued, le 9 février 1883.
TOME II
2" rég. de zouaves.. Colonel Swiney. à Oran.
2" rég. de tiraill. Colonel O'Neill. à Mostaganem.
1er bat. d'inf. légère
d'Afrique Command. Pyot. à Tlemcen.
3ecomp. de fusil. de
discipline. Capit. Stocker. à Tiaret.
Troupes
T roupes L..
Légion étrangère..
, , 1 de
Col.
C d Mallaret.
M Il à
S'd' b 1 Abb'
Sidi-bel-Abbès.

d'Afrique. Pitray.
2e rég. de chasseurs Col. de Simard de
à Tlemcen.
4° rég. de chasseurs
d'AfriqueCol.Innocenti à Mascara.
2e rég. de spahis.L.-col. Gaillard. à Sidi-bel-Abbès.

:
Division de Constantine Général FORGEMOL DE BOSTQUÉNARD.
(Chef d'état-major : Colonel du génie hors cadres DE POLIGNAC.)

ConstantineGén.deGislain àConstantine.
Subdivision de
-- deBône.
Batna. GénéralRitter àBône.
Logerot.
deSétif.
de Général à Batna.
- Gén. de laSoujeole. à Sétif.
3" rég. de zouaves.. Colonel Cajard.à Constantine.
3e rég. de tiraill. à
Colonel Gerder. Constantine.
3e bat. d'inf. légère
d'Afrique. Command. Gallet.. à Batna.
2ecomp. de fusil, de
Troupes discipline. à
Capit. Cellarié. Souk-Ahras.
Comp. de pionniers
de discipline. Capit. Thieulent. à Guelma.

d'Afrique.
3" rég. de chasseurs
à Constantine.
3" rég. de spahis. L.-col. Masson. à Batna.

Troupes stationnées dans la 19e :


région

Un bataillon du 50e rég. d'inf. de ligne à Milianah.


-- -- àDellys.
u, à„atna
,
108e
Infantene. 7e àSétif.
{
-- à - a a na.

(â0
I Guelma.
34° —
- àBône.
°treg.e
59e —

n^ s.
d,eh,ussardj )[4e rég. de hussards.
ussar s. Colonel
olonel de
de Bonne. à Orléansville.
r eansvllle.
debussaras. rég. de hussards. Colonel de Poul. àSétif.
N° II
Organisation du service des affaires indigènes dans la division
de Constantine (au 1er avril 1881).

Chef de section des affaires indigènes de la division de Constantine


commandant PONT.
:
1" subdivision :
Premier adjoint: Capitaine DIDIER.
Constantine. Cercle de Tebessa.
! Cercle de Souk-Ahras :
Com. supér. Com. Vivensang, chef
de bat. au 3etiraiil.
Heymann, capit. h. c.,
chef de bur. arabe.

: Baras, lieut., adjoint


de2eclasse.

2"dasse. :
2" subdivision Bône. Séris, lieut., adjoint
Mouline, capit., h. cad., chef de bu- de 2e classe.
reau arabe, près du général com-

CercledelaCalle
Richomme, lieut., sLa-
mandant la subdivision. giaire.
Louvet, capit., h. cad., adjoint de Meyer, lieut., stag.

classe, command. la force sup- Com. supér. Lac de Bosredon, cap.


2"
plétivedes Beni-Salah. de caval. h. cad.
Barbier,cap. inf.,h.c.
(L'état de la subdivision de Bône est chefde bur. arabe de
seul donné en détail.) 2e classe
Jeckel, lieut. inf., ad-
joint de 1" classe.
Eynard,cap.inf.,h. c.,
adj.de 2eclasse.


.,. : Batna
subdivision

subdivision :
- 7
i
< Chollat-Traquet, 1. c.,

Cercle de Batna.
Annexe
deBiskra.
adj. de 2" classe.

— de Khencela.

Sétif. Annexe de M'sila.


de Barika.
N°III

Le bataillon du 3e zouaves du Tarf, le 31 mars 1881.

Le commandant Bounin, commandant le bataillon de


zouaves, envoie du Tarf un premier télégramme, le 31 mars,
à 8 h. 10 du matin, pour demander au commandant de la sub-
division de Bône de faire les mouvements nécessaires à la
concentration de son bataillon, le 1er avril, à El-Aïoun.
Le commandant chargé de l'expédition des affaires a Bône
transmit cette dépêche au général Ritter, à Souk-Ahras, et
informa, par télégramme, le commandant Bounin, que le
général Ritter lui répondrait directement.
C'était une idée bizarre que de prévenir le commandant
Bounin que le général lui répondrait directement. Il est proba-
ble que la transmission de Souk-Ahras au Tarf devait passer
par Bône.
Cette façon de faire a causé les incertitudes du commandant
chargé de l'expédition des affaires et du capitaine faisant fonc-
tions d'officier d'ordonnance, à la réception des deux télé-
grammes suivants du commandant Bounin.
En tout cas, si le général Ritter a autorisé directement le
commandant Bounin à faire le mouvement proposé, il aurait
dû en aviser la subdivision de Bône.
Il n'a été trouvé aucune trace de cette autorisation du géné-
ral et de cet avis, s'ils ont été donnés.

:
A 10 h. 45 du matin, le commandant Bounin expédie à la
subdivision de Bône un second télégramme
Je partirai demain matin (avec les trois compagnies qui me res-
tent) pour RemelSouk, car je n'aurai mes mulets de la Calle eL de
Bône que ce soir tard.

Puis, à 11 h. 45 du matin (ayant éLé probablement avisé de


la gravité de l'engagement sur l'oued-Djenan), il télégraphie
de nouveau :
Une compagnie de zouaves, au moins, partira ce soir à 5 heures

;
remplacer compagnie Drouin à RemelSouk. Bataillon partira ou
ce soir ou demain matin cela dépendra de l'état des mulets de Bône.
Le commandant Bounin était donc décidé à faire partir le
31, à 5 heures du soir, une compagnie sans attendre l'arrivée
des mulets. Il est presque certain qu'au moment (11 h. 45) où
il expédiait ce troisième télégramme à Bône, il n'avait pu
encore recevoir ni la réponse de la subdivision de Bône, l'in-
formant que le général Ritter lui répondrait directement, ni
cette autorisation venant de Souk-Ahras, la durée de la trans-
mission télégraphique entre le Tarf et Bône étant, à ce
moment, d'environ deux heures, ce qui nécessitait au moins
quatre heures pour recevoir une réponse.
Les deuxième et troisième télégrammes du commandant
Bounin furent transmis de Bône au général Ritter, le troisième
à 2 heures de l'après-midi.
Ce troisième télégramme du commandant Bounin fut remis,
à Bône, au capitaine faisant fonctions d'officier d'ordonnance.
Celui-ci écrivit au commandant chargé de l'expédition des
affaires:
Aucune dépêche de Bône n'a été envoyée à M. le commandant
Bounin lui prescrivant de partir. Peut-être a-t-il reçu une dépêche
directement du général?
Je crois qu'il y aurait lieu d'envoyer à M. le commandant Bounin
une dépêche lui disant d'attendre pourpartir ou faire partir ce soir
une compagnie, d'avoir reçu la réponse du général à cet égard, et
j'ai l'honneur de prier M.le commandant chargé de l'expédition des
affaires de me faire connaître sa décision à ce sujet.
Ce télégramme et la demande du capitaine faisant fonctions
d'officier d'ordonnance ne furent envoyés au commandant
chargé de l'expédition des affaires qu'a 2 heures de l'après-
midi.
Le commandant chargé de l'expédition des affaires répondit
par écrit de télégraphier au commandant Bounin d'attendre.
Il est étrange de voir à Bône, à 2 heures de l'après-midi,
quand la situation est relativement grave, le capitaine faisant
fonctions d'officier d'ordonnance transmettre les télégrammes
au commandant chargé de l'expédition des affaires, lui faire
des propositions par écrit et le commandant y répondre par
écrit.
Cette perte de temps eut un résultat heureux :
le comman-
dant Bounin ayant reçu ses mulets plus tôt qu'il supposait,
pût adresser à Bône, du Tarf, à 3 heures du soir (c'est-à-dire

:
avant d'avoir reçu la réponse à son troisième télégramme), ce
quatrième télégramme
Je fais partir ce soir deux compagnies au lieu d'une. J'ai bien fait
1
d'envoyer cette nuit compagnie Drouin qui est arrivée à temps; la
quatrième compagnie partira demain matin à 4 heures; mulets
fatigués m'empêchent de l'emmener ce soir.
Le commandant du bataillon de zouaves put donc faire
marcher ses soldats vers la fusillade bien qu'un camarade
moins ancien que lui dans le grade et seulement chargé de
l'expédition des affaires de la subdivision, lui eût télégraphié
d'attendre.

N° IV

Les incursions des Khoumir.

Certains auteurs ont affirmé que les incursions en grandes


bandes des Khoumir, les 30 et 31 mars, avaient été préparées
par le gouvernement français.
Il est difficile d'admettre cette hypothèse. Les états-majors,
les services ont été surpris. Le général commandant la subdi-
vision n'est pas au siège de son commandement au début des

1. Cette phrase permet de supposer que le commandant Bounin était en rela-


tions directes avec le capitaine Barbier et qu'il était renseigné sur la situation
critique de nos troupes engagées sur l'oued-Djenan.
;
hostilités les deux compagnies engagées ont presque complè-
tement épuisé leurs munitions dans la première journée de
combat et c'est à grand'peine qu'elles peuvent être réappro-
visionnées en cartouches pendant la nuit; il n'y a, sur la fron-
tière, ni mulets, ni matériel d'ambulance; on
n'a recueilli
aucun renseignement sur les tribus tunisiennes voisines de
la frontière, on n'en possède même pas sur les lignes et gîtes
d'étapes sur le territoire algérien; les moyens de transport
par voie ferrée ne sont pas préparés, de petits bataillons de
500 hommes, sans matériel, éprouvent une journée complète,
de retard, dans un déplacement très court; un bataillon, dési-
gné par télégramme pour venir d'urgence à la frontière, est
prévenu alors qu'il exécute tranquillement une marche mili-
taire. (Le bataillon du 34e reçut son ordre de mouvement alors
qu'il faisait une marche militaire et ne put exécuter cet ordre
dans les conditions prévues.)
Une telle sécurité dans les états-majors, une telle impré-
voyance dans les services ne sont excusables que s'il y a eu
surprise.
Les incertitudes du gouvernement général et du commande-
ment militaire dans la direction à donner aux opérations,
prouvent que les incidents qui venaient de surgir étaient ou
imprévus ou trop précipités, ce qui caractérise encore la sur-
prise.

N° V

Le cabinet Jules Ferry et la préparation de l'expédition.

Le conseil des ministres était présidé par Jules Ferry


(ministre de l'instruction publique); Barthélemy-Saint-Hilaire
avait le portefeuille des affaires étrangères, le général Farre
avait la guerre, l'amiral Cloué la marine.
4
Le avril, le président du conseil et le ministre de la guerre
rendent compte des événements au Parlement et annoncent
la concentration de troupes sur la frontière.
- Le 7 avril, deux demandes de crédits sont soumises à la

Chambre des députés (quatre millions pour la guerre, un peu


plus d'un million et demi pour la marine).
Les crédits sont votés par la Chambre; le lendemain 8, par
le Sénat.
Les crédits demandés sont trop faibles; on ne peut expli-
quer la modicité de la somme demandée par le Cabinet que
par l'intention qu'il voulait en finir très vite (avant la rentrée
des Chambres qui allaient se séparer pour un mois à l'occa-
sion des vacances de Pâques).
Le 11 avril, Jules Ferry déclara à la Chambre que le gouver-
nement poursuivrait la répression militaire de manière à pro-
téger d'une façon sûre et durable notre colonie d'Algérie, et
qu'il ferait part aux membres du parlement, quand ils revien-
draient dans un mois, des incidents survenus -pendant les
vacances.
La droite protesta en déposant un ordre du jour limitant
l'action du gouvernement à la seule expédition de Khoumirie.
Le ministère refusa d'accepter cette rédaction, affirmant ainsi
qu'il voulait une latitude plus grande, et fit adopter un ordre
du jour de confiance dans sa prudence et son énergie.
L'expédition va commencer par un malentendu, le gouver-
nement n'ayant fait connaître de ses projets que la dépense
de moins de six millions suffira pour les mener à bonne fin.
N°VI

Recrutement du corps expéditionnaire.

L'expédition était à peine décidée que la presse commençait


à blâmer la lenteur des préparatifs du ministre de la guerre.
Le général Farre n'était pas populaire. Dès le 9 avril (les cré-
dits avaient été votés le 7 avril) des journaux demandaient

sage plan qu'il avait conçu :


déjà son renvoi. Il poursuivit cependant avec sang-froid le
ne pénétrer en Tunisie que
lorsque les forces françaises seraient assez nombreuses pour
espérer abattre l'insurrection, d'un coup et sans combat, par
une imposante démonstration.
Pour exécuter ce plan il fallait au ministre trente mille
hommes. La presse émit l'avis de mobiliser un corps d'armée
dans le midi. Beaucoup de journaux, à l'exception de ceux du

:
midi, bien entendu, appuyaient leur opinion des raisons sui-

;
vantes le midi n'a pas souffert de l'invasion allemande, à lui
de donner maintenant c'est une excellente occasion de faire

;
l'essai de notre nouvelle organisation militaire qui n'a pas
encore été expérimentée un exemple de mobilisation partielle
avait d'ailleurs été donné, peu de temps auparavant, par
l'Autriche-Hongrie quand elle avait occupé la Bosnie et
l'Herzégovine.
Mais les populations du midi n'étaient pas du tout de cet
avis; l'exécution de ce système eût vraisemblablement com-
promis l'existence de la République elle-même.
Pour ne pas aller contre l'opinion des régions du midi, le
ministre dut recruter le corps expéditionnaire de façon à peu
près égale dans tous nos corps d'armée. Comme il ne pouvait
songer, à cause de la mobilisation des réservistes dans le cas
d'une guerre européenne imprévue, à prendre des régiments
de France complets, il fut obligé de recourir à l'expédient
suivant: prendre des moitiés de régiment de France (deux
bataillons complétés à cinq cents hommes) et quelques
bataillons des régiments d'Afrique.
Ces mesures furent critiquées toutes deux; on reprocha au
ministre de n'avoir laissé en France, dans chaque corps de
troupe auquel il avait fait des emprunts, qu'un demi-régiment
squelette (il n'en pouvait être autrement) et on le rendit res-
ponsable de l'insurrection du Sud oranais, ce qui était un tort
puisque les troupes d'Afrique (trois bataillons et une batterie)
détachées de la division d'Oran en Tunisie furent remplacées
sur le territoire algérien par des troupes de France et que,
plus tard, quand on préleva sur l'armée d'Afrique, pendant
l'expédition du Tonkin, des détachements beaucoup plus
forts, il n'y eut aucun trouble en Algérie.

N° VII

la colonne Logerot.
Objectif de

La colonne Logerot avait un objectif important que la


presse ne connut pas (car le plan du ministre de la guerre ne
fut pas divulgué et ce fut encore un des griefs de l'opinion
publique contre le général Farre).
Le général Logerot devait séparer les tribus du sud de celles
du nord, maintenir les tribus hésitantes et tenir en respect
l'armée du bey si elle se montrait hostile, pendant que la
colonne Delebecque, où le général Forgemol avait établi son
quartier général, agirait contre les Khoumir. Puis il devait
remonter le plus rapidement possible vers le nord pour
prendre les rebelles à revers et compléter l'investissement de
la contrée en combinant ses mouvements avec ceux du
général Delebecque.
NoVIII

Déclaration de M. Barthélemy-Saint-Hilaire au bey. — Protestation


dubey.

Le 6 avril, M. Barthélemy-Saint-Hilaire avait adressé à


M. Roustan, notre chargé d'affaires à Tunis, la dépêche
suivante :
Veuillez déclarer au bey que nous faisons fond sur l'amitié fidèle
dont il nous a si souvent donné l'assurance et dont nous avons à
réclamer aujourd'hui des marques effectives. Un péril menace l'in-
tégrité de notre territoire et la sécurité des populations qui y vivent
sous la protection de nos lois. Le péril vient des tribus insoumises
qui occupent une partie des Etats du bey et contre lesquelles un
devoir impérieux de défense légitime nous oblige d'opérer avec
rigueur. Nous ne pouvons malheureusement pas compter sur
l'autorité du bey pour réduire ces tribus avec l'énergie et la
promptitude qui sont indispensables à un état de soumission qui
les rende désormais inonensives, mais nous avons le droit de
compter sur les forces militaires du bey pour nous prêter main-forte
dans l'œuvre de répression nécessaire.
Nos généraux reçoivent en conséquence l'ordre de s'entendre
amicalement avec les commandants des troupes tunisiennes et de
les avertir au moment où les besoins des mouvements stratégiques
les amèneront à emprunter pour leurs opérations le territoire

nôtre.*
tunisien, soit près de la Calle, soit dans la vallée de la Medjerdah.
C'est en alliés et en auxiliaires du pouvoir souverain du bey que
les soldatsfrançais poursuivront leur marche; c'est aussi en alliés et
auxiliaires que nous espérons rencontrer les soldats tunisiens avec
les renforts desquels nous voulons châtier définitivement les auteurs
de tant deméfaits, ennemis communs del'autorité du bey et de
la
BARTIIÉLEMY-SAINT-HILAIRE.

Le bey répondait le lendemain, 7 avril, àM. Roustan :


L'agitation qui s'était manifestée dans nos tribus de la frontière
n'avait pour cause que la crainte des préparatifs militaires faits
contre elles sur la frontière algérienne. Les troupes que nous avons
envoyées aujourd'hui et celles qui partiront incessamment suffiront
à rétablir la tranquillité.
L'entrée des troupes françaises sur le territoire de la Régence est
une atteinte à notre droit souverain, aux intérêts que les étrangers
ont confiés à nos soins, et sur-tout aux droits de l'empire ottoman.
Nous n'acceptons donc pas les propositions de votre gouverne-
ment de faire entrer ses soldats dans notre royaume. Nous nous
y opposons formellement, et s'il ne tient pas compte de notre
volonté, il assumera la responsabilité de tout ce qui peut arriver.

MOHAMMED ES SADDOK.

7 avril 1881.

Le bey entretenait, d'une part, une volumineuse correspon-


dance avec notre représentant, dans l'espoir de gagner du
temps, et, d'autre part, adressait des appels désespérés à l'em-
'pire ottoman et aux puissances qui l'avaient poussé dans la
voie où il s'était engagé. Mais ni la Sublime-Porte, ni l'Angle-
terre, ni même l'Italie n'étaient en situation d'intervenir; elles
se contentaient de donner des réponses évasives peu en
rapport avec la situation critique de la Régence.

N° IX

Instruction générale pour le corps expéditionnaire sur la frontière


tunisienne et composition de ce corps. -

1
Les troupes chargées des opérations sur la frontière tunisienne
sont organisées en deux colonnes sous les ordres des généraux
Delebecque et Logerot.
La colonne Delebecque a été concentrée à Remel-Souk.
La colonne Logerot a été concentrée à Souk-Ahras.
Ces colonnes sont composées ainsi qu'il suit :
3''
I-régiment


aalons.
-
7 bataillons.

Brigade GALLAND,
7bataillons.
1°COLONNE DELEBECQUE

40
3e
39e

(96°
{ 296 -
INFANTERIE

12erégiment de zouaves


-
de
-- d'infanterie. -'
71 bataillon de chasseurs à pied.
2° Brigade VINCENDON, 141, régiment d'infanterie

-.
-.
bataillon de chasseurs à pied.
régiment d'infanterie.,
57 -
18'

226 -
-

tiTailleurs.2

-.
1
1
1
1
2
2
2
1
2
2
2
bataillon.
-

--

--

--
-
-

ARTILLERIE

2"
8e
ire
8e

--
batterie du

16e
6e
T
5e
1"
régiment d'artillerie


- (2 sections seulement)
80min

4

de montagne.

-rayé -



— —

GÉNIE

2e compagnie du 12" bataillon.


3e
3e

12e
-
16e—

4e régiment de
de
hussards.
spahis
CAVALERIE

1 1 escadron.
escadron mixte.

1" -.
3e —

2° COLONNE LOGEROT

INFANTERIE

1" Brigade LOGEROT, ) 4e


régiment de zouaves. 2 bataillons.
1
j — —
7 bataillons. 2e — detirailleurs. 2 —
( 83e
— d'infanterie. 2 —
CAVALERIE

Brigade GAUME, (
v) 3° régiment de chass. d'Afrique 3 escadrons.
9 escadrons.
escadrons 11e
7
-

- cheval.
de hussards.
3
3
-

ARTILLERIE

2e batterie du 38e régiment d'artillerie90n,m de campagne.


3e — 26e — — —
8" 38e 80mm de montagne.
— —
13c
- 30e — —
Une section de munitions (dite n° 5).
-
GÉNIE

4e compagnie du 17e bataillon.


4e — 18e—
2e
- 18e—
A
ainsi composée :
ces colonnes, il faut ajouter la brigade DE BREM (dite de réserve),

Brigade DE BREM
(dite de réserve),
5 bataillons.

13e
I27e (

régiment de chasseurs à
142e
INFANTERIE

cheval.
CAVALERIE
-.
bataillon de chasseurs à pied 1 bataillon.
122" régiment d'infanterie. 2
2

3

escadrons.

Chacune des colonnes est pourvue de tous les services nécessaires


pour vivre et opérer isolément.
Les mouvements de concentration de ces troupes, sur les points
indiqués, ont été effectués avec ordre et rapidité. Pour beaucoup de
la
corps, ils ont été rendus pénibles par longueur du trajet parcouru
avant le débarquement et par les chaleursqu'ils ont rencontrées
pendant leurs étapes sur le territoire d'Algérie.
Ces premières épreuves ont été courageusement supportées.

1. Cette batterie, provenant d'Algérie et commandée par le capitaine Parriaud,


se composait en réalité de deux sections, de 80mm de montagne, de la 3e batterie
du 30, d'artillerie, et d'une section, de sOmm de montagne, de la 2e batterie du 28e
d'artillerie.
Le général commandant le corps expéditionnaire est heureux de
le constater.
Au moment où commencent les opérations, il croit utile d'indi-
quer quelques mesures qui s'appliquent dans un pays difficile, peu
connu, et à un genre de guerre avec lequel quelques-unes, peut-
être, des troupes réunies sont peu familiarisées.

Suivent des instructions sur l'hygiène et la tenue, les mar-


ches, le service de sûreté, l'installation au camp et la police,
le service intérieur, le service de police, l'emplacement des
munitions.

NoX

19' CORPS D'ARMÉE 23 avril 1881.


El-Aioun,

CORPS EXPÉDITIONNAIRE
dela Ordre général.
frontièretunisienne.

OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS ET SOLDATS,


m'adresser, en me conférant
M. le Ministre de la guerre vient de
le commandement du corps expéditionnaire de la frontière tuni-
sienne, la dépêche suivante:
« GÉNÉRAL,

»Au moment où cette dépêche vous sera remise, vous serez sur le
point d'entreprendre les opérations sur les frontières de la Tunisie,
dont le gouvernement de la République vous confie la direction.
» Je compte sur votre énergie et votre prudence pour obtenir tous
les fruits qu'on doit en attendre. Il faut mettre un terme aux dépré-
dations incessantes des Khoumir, trop longtemps tolérées par un
excès de longanimité. Il faut châtier et mettre dans l'impuissance
de nuire, ces tribus turbulentes, ne reconnaissant aucune loi, et qui
ont poussé l'audace jusqu'à attaquer nos troupes. Il faut, au besoin,
faire respecter les personnes et les droits de nos concitoyens éta-
blis sur le territoire de la Régence.
» Les troupes sous vos ordres sauront se dévouer à cette œuvre de
réparation et de justice. L'Europe entière a les yeux sur elles, le
Président de la République compte sur leur valeur, leur constance
et leur discipline. Cette campagne aura pour résultat, j'en ai la
profonde conviction, de mettre glorieusement en relief toutes les
qualités de notre armée. Vos collaborateurs, inspirés parles senti-
ments les plus élevés, seconderont vaillamment vos patriotiques
efforts et, par leur courage eL leur sagesse, ils élèveront à la hau-
teur où il doit être porté le drapeau de la République. »
Je ne saurais faire un appel plus élevé à votre patriotisme.
Chacun, dans le corps expéditionnaire, sera jaloux, j'en ai la
ferme conviction, de justifier la confiance que le gouvernement de
la République et le pays mettent dans nos efforts et notre dévoue-
ment.
FORGEMOL.

N°XI

Répartition de l'artillerie, le 24 avril 1881.

Commandant de l'artillerie du corps expéditionnaire


Lieutenant-colonel BRUGÈRE I.
:
COLONNE DELEBECQUE
Camp d'Oum- J
Theboul. 2e batterie du 16e.. 80" de mont. Cap. Cardé. A2
Brigade RITTER. I Deux sections de la
Commandant > 2ebatterie du1". 4 de mont. Cap.Pertus A
de l'artillerie:Un échelon de mu-
Commandant 1 nitions.
Nussbaum.

1. Le lieutenant-colonel Brugère (qui, au moment de sa nomination au com-


mandement de toute l'artillerie du corps expéditionnaire, était attaché à la per-
sonne du Président de la République) avait débarqué à Bône le 11 avril.
Quoique commandant l'artillerie de tout le corps expéditionnaire, il devait
marcher avec la colonne Logerot et quand le colonel Putz eut pris le commande-
ment de toute l'artillerie, le lieutenant-colonel Brugère resta auprès du général
Logerot comme commandant de l'artillerie de cette colonne.
Par décision ministérielle du 18 avril (mise à l'ordre du corps expéditionnaire
le 29 avril) le colonel d'artillerie Putz, du 32°, classé à l'état-major particulier de
l'artillerie et nommé directeur de l'artillerie à Constantine, reçut le commande-
ment de l'artillerie du corps expéditionnaire en remplacement du lieutenant-
colonel Brugère.
Le colonel Putz prit son commandement le 3 mai à Djebabra. Il avait l'ordre
de marcher avec l'officier général chargé d'opérer contre les Khoumir.
2. A indique une batterie venant dAlgérie.
F indique une batterie venant de France.
8"
Brigade8ebatteriedu
Brigade
batterie du 5e 801, de mont. Cap. Berthaut. F
!:Se. 80mm
VINCENDON. f 8e batterie du 6. — Cap. Bourgois. F

:
Commandant Un échelon de mu-

N.
de l'artillerie 1 nitions.

Camp
deRemel-Souk. 1

Brigade F" batterie du 7° 80°"° de mont. Cap. PetIau A


GALLAND.
113ebatterie du 16e.
— Cap: Faure. F1
Commandant
de l'artillerie
Commandant
: 1
]
Un échelon de mu-
nitions.

Reynaud. )
la
l
section de munitions tirée de la
Un dépôt d'appro-
[ 13ebatterie du 2e (capitaine Bas-
En dehors I visionnement de set).
des brigades J munitions formé ] un détachement de la section de
munitions tirée de la 10e du 36°

J
il y a, par [
à
à Remel-Souk ff (lieutenant Leclerc).
Une section de 4 de montagne de la 2e batterie du 28e
(capitaine Gradoz).

COLONNE LOGEROT

groupe.12e8ebatterie
1er
Commandant
DECREUZE
du 16'.
batteriedu38e
3e J„qnc
Deux sections de la

U section
Une
du 28e
de la 2e
2


I
80" de mont. Cap.Cohadon

]
Cap. Moll.
Parnaud.
Parriaud. A
Cap. Parriaud"
Cap-

Fil
F

2groupe. !y batterie 26e..90mm de camp. Cap. Lennuyeux..


Commandant
C 5 du
2,batteriedu38« About. FCap.
A
DUCHATEAU.
Une section de munitions tirée de
groupe,
3e groupe.
I
)
Une
( U d..
la batterie du 6\
2" Cap. Blanc. F
demi-section dde munitions
tirée de la 10e batterie du 36e.
Les dépôts de munitions des différentes colonnes sont éta-
blis à Sidi-Youcef et Remel-Souk avec Souk-Ahras et La Calle
pour places d'approvisionnements, Bône restant parc de ravi-
taillement pour tout le corps expéditionnaire.

1. Cette batterie n'arrivera que le 25 avril.


2. Cette batterie ne rejoignit le groupe qu'à Souk-el-Arba (voir annexe n° XX).
N°XII

Organisation administrative de la régence de Tunis en mars 1881.

:
Tunis, président de la municipalité
Caïdatdel'ArianaAmel.
El Arbi Zerrouk, émir ellioua.
El Hadj Mohamed el Branessi,
bach bouab.
delaMarsa. -

— Cebala.
de
Tebourba.
SiChakir.
Si Mohamed Eddouik.
— de -
delaManouba—AlielAchi.


Djellouli.

-esla•
— Hassouna
— de Mornag
— Outhan-el-Guebli — Taharben Hassein, émir ellioua.
avec le Fahs,
d- R.desRiah
hTestour,
ghouan
et
Za-

— de
Medjez
Bizerte., - —
Mostepha ben Cherif Ali.
SiMourad.
Bejaoua.
— des
des Mogod.
Mateur.

Si Sliman el Khabitani.
Si Ali ben Ismaïl.



de
des
Trabelsia —

— --
Gouverne-
ment
de l'Ounifa. I Embrassant Le Kef, les Arrouch-Sendjak, les Zeghalma,
- 1
les Touaba, les Gouazine, les Oulad-Yacoub, les Khe-
Gouverneur: f mensa et Doufan, les Ouagha, les Cheren et les Oulad-
l'émir I bou-Ghanem.
el Amara
J
Si Réchid.
Caïdat des Ourtan.
des Gherabas
Amel. El Abidi Esbouaï, émir alaï.
Hamouda Ech Chergui.
— —
Gouverne- ¡
ment J
des Drid. r
-
Gouverneur: !
(Beni-Rezg, Oulad-Djouni, Oulad-Mennâa, Oulad-Arfâ).
Si Mérad, ]
émirellioua.
Caïdat des Arab-Meijour. Amel. Si Mérad, émir el lioua.
deTeboursouk.

nia. —
HassounabenBrahimedDjouini,

émir alaï.
desArrouch-Regag-Etta-


Mohamed es Sfar. émir ellioua.
Caïdat des Ouceltia Amel. Mohamed bou Harem, kaïmakam.
— des Arrouch-Regag-el-
Aoulà
desOulad-Aoun.
-ChadlielDjellouli.
edDjouini.
Brahim
— —
—des Oulad-Ayar. — Ahmed Abou.
Gouverne-
ment
de laRebka.
dela Rebka.
(Ghazouan, Oulad-Sedira, Hakim, Oulad-Ali, Oulad-Soltan,
Gouverneur: Khezara, Massen, Ouchteta, Beni-Mazzen).
Ahmed 1
ben Amara ]
El Hamissi.
Caïdat des Djendouba. Amel. Allala Djouini, émir alaï.
Gouverne-
ment I]

deBéja.
Gouverneur:(Béja-Ville, Amdoun, Nefza, Mekna, Chiahia et Khoumir).
Younés 1
Dziri, émir 1
ellioua.
Caïdat des Oulad-bou-Salem. Amel. Ali ben Salah.
r Drid-Badia
- de Kouka et Oulad-
( Khiar — Hassouna ed Djouini.
Gouverne-
ment I]
du Sahel.

Gouverneur: Monastir.
Sousse. Khalifa. Mohamed Righi, alaï amin.
— Salah Mezali, alaï amin.
l'émir Mahédia Mohamed ben Mahmoud Khodja.
el Amara 1 —
Mohamed el ]
Bacouch.

Sfax.
Caïdat des Oulad-Saïd (Enfida). Amel. El Hafleïd ben Chikh.
— des Souassi., — Ahmed ben Sliman, alaï amin.
de Hassouna Djellouli, émir ellioua.

— des Metellit—Mohamed

Djellouli,émirellioua.
Gouverne-
ment j
desZlass. j
I Oulad-Sendacen.
Gouverneur: Oulad-Iddir
— -- Mohamed el AfH.
El Hadj Hassein ben Messaï.
l'émir
el Amara
Mahmed el
l Oulad-Khalifa
J
- Mostepha ben Gaddoum.

Mrabot.

Kairouan.
Caïdat des Arrouch-es-Sendjak
de
Caïdat des Koobs et Gouazine..
— Si Amor bel Ounis.
Mohamed Chaïb ben Ferdjani.

Gouverne-
ment
de Kairouan J
etde
la Kessera.
Gouverneur:
Mahmed

I
> neur.
KaIrouan,
KTrai.rouan, sous-gouver-

- La Kessera. Khalifa. Mohamed elMrabot, émir alaï.


Mohamed el
Borni,yous-bachi.
el Mrabot,
émir

.,
el Amara.

des Madjeur.
Caïdat des Chéketma et Fouad

Caïdat des Oulad-Mehenna des


Amel. Hassouna Zouari.

Madjeur. — Ahmed ben Belkassem.


Caïdat des Oulad-Redhouan et
Oulad-Slama. — Ahmed ben Youcef.
Caïdat des Oulad-Maamar. — Chihiben Ali.


Azir).
des Oulad-Abd-el-Krim (Oulad-

des Oulad-Ben-el-Hadi
Caïd. Ahmed ben Ali el Hamami.

(Oulad-Azir) — Ahmed ben Amar.


— des Oulad-Sidi-Abid. — Emir el amara Mahmed el Mrabot.
— des Oulad-Ouzzez (Frai-

l
chich) — Ali Sghir.
— des Oulad-Nadji (Frai-
chich) — El hadj Harrat ben Mohamed.

)
— desOulad-Ali(Fraichich) — ElhadjGaïd.

Feriana et Oulad-Tlil. — Belkacem ben Sassi.

nemeivfdu
G
Touzeur. Khalifa. Salah ben Athman Ezz Beidi.
Abidi ben el Hadj Ahmed el
Nefta. | Alguemi et Si Mohamed ben el

:
j
Djérid. —
-
Gouverneur
f
V
El-Oudiane. --
(
Ghazem ben Nacer Allah chérit.
Si Tahar ben el Hadj Ahmed.
Mahmed
eraot, El-Hamma.
]Tameghza.
Tameghza.
Mohamed ben Youcef.
]wNpefiz7flamouiaa
émir — Ahmed ben Messaoud.
Aara
el Amara. Nefzaoua
1 Ahmed ben Hamadi, alai amin

et Ali bou Allégue.


Gouverne- Ksar-el-Lalla..
ment Gafsa. Ahmed ben Abid.

rdned-etMeeh.

deGafsa. AthmanbenAssen.

Mah
ned,ettMe'ch.
Gouverneur: (> El-Guettar,Se-
,

Mabrouk
AM.ab,rouk ben Rezg„ui..
b,en Rezgui.
el Mrabot, El-Aaïacha et
émir 1
Bou-Saâd. BrahimbenSoucy.
el Amara
N°XIII

Situation générale de la régence de Tunis au commencement


de l'année 1881.

Les populations, ruinées par des gouverneurs insatiables et


agissant sans contrôle, indignement exploitées par les juifs
installés dans la Régence et qui trouvaient, grâce à leur argent,
de puissants protecteurs parmi les autorités tunisiennes, se
voyaient encore accablées d'impôts écrasants, perçus d'une
façon odieuse, sans qu'il fût possible aux contribuables de
trouver recours et appui auprès d'un tribunal intègre et désin-
téressé.
Ajoutons à cela les luttes de tribu à tribu, les redevances
prélevées parles nomades sur les groupes sédentaires, l'insé-
curité des pistes, l'impunité où vivaient quelques assassins de
profession qui jouissaient même parfois de l'admiration géné-
rale, l'immigration de tous les malfaiteurs algériens.
L'organisation administrative du pays existait (voir annexe
n° XII), mais le commandement des tribus passait à tout
instant dans de nouvelles mains, suivant le bon plaisir du bey
ou du favori du jour. Tout fonctionnaire arrivant au pouvoir
n'avait d'autre souci que d'augmenter sa fortune personnelle,
avant d'être atteint par la disgrâce qu'il considérait comme
inévitable.
Un pareil état de choses avait amené plusieurs soulèvements
chez les indigènes; ces soulèvements avaient été réprimés avec
la plus grande cruauté. Quelques tribus seules, mieux défen-
dues par leur sol, par le climat et par l'aridité de leur pays,
avaient pu conserver une certaine indépendance qui les met-
tait à l'abri des exactions des fonctionnaires tunisiens.
C'est ainsi que les Ouarghamma1 et les Khoumir n'apparte-
naient que nominalementaux gouvernements de l'Aarad et de
Béja; ils étaient arrivés, à force de résistance, à conserver une
certaine autonomie reconnue tacitement par le bey qui se
contentait d'intervenir lorsqu'il s'agissait de percevoir des
impôts ou de réprimer les incursions et les rapines de ces po-
pulations remuantes sur les territoires voisins.
Quant à la situation financière, elle était déplorable. La ma-
jeure partie des revenus avaient été concédés à la commission
chargée de sauvegarder les intérêts des créanciers de l'Etat.
Les autres impôts, perçus à un taux exagéré, restaient fort
souvent entre les mains des agents collecteurs, et dans tous les
cas, arrivaient considérablement amoindris dans le trésor tu-
nisien. Là, ils devenaient la propriété du bey qui en disposait
à peu près à sa guise et se gardait bien de les consacrer aux
besoins innombrables du pays ou au développement de l'in-
dustrie et du commerce de la Régence.

1. Voir annexe n° LXII, page 340, l'attitude des Ouarghamma pendant l'expé-
dition française.
N°XIV

Occupation du Kef, le 26 avril 1881, par le général Logerot.

Le 25 avril au soir, la colonne Logerot bivouaquait à l'oued-


Remel, en vue du Kef, couverte par des avants-postes placés
à moins de 4 kilomètres de la ville, à hauteur de la koubba
de Sidi-Abdallah-Sghir.
Le lendemain, 26 avril, à 6 heures du matin, la colonne
quitte son camp et entre à midi au Kef, sans pertes.
La population, sous l'influence des excitations du marabout
Sidi Ali ben Aïssa (des Rahmania), s'était d'abord décidée à la
défense à outrance. (Le Kef passait, dans la Régence, pour une
place forte inabordable et les tribus environnantes, répondant
aux instances du gouverneur Si Rechid, avaient promis de
concourir à la défense de la place, soit en contrariant notre
marche, soit en envoyant des contingents pour protéger direc-
tement la ville.)
Mais lorsque, le 25, les habitants virent arriver la colonne à
l'oued-Remel, sans qu'elle eût eu à combattre les tribus sur la
résistance desquelles ils comptaient, l'enthousiasme fit place à
la stupeur. Le marabout Si Kaddour el Mizouni (des Quadria)
profita de ce changement pour émettre l'avis de renoncer à la
résistance. L'attitude de Si Kadour détermina, le 26 au matin,
les habitants à se rendre, malgré les protestations de Sidi Ali
ben Aïssa. Quand l'artillerie fut arrivée à mille mètres de la
kasbah, Sidi Ali ben Aïssa, lui-même, vint demander la pro-
tection de M. Roy, l'agent consulaire de France.
Le 25 au soir, M. Roy avait décidé le gouverneur Si Rechid
à traiter de la capitulation.
Lorsque, le lendemain matin, le parlementaire du général
Logerot se présenta, le farik fit cependant encore quelques
difficultés; il prétendit avoir égaré les clefs; finalement il s'en-
gagea à les remettre à M. Roy qui fit ouvrir la porte Bab-el-
Hannin par un de ses janissaires.
Le parlementaire quitta la ville sans encombre et, un peu
après midi, nos troupes se présentèrent simultanément aux
portes Bab-el-Hannin et Bab-el-Aouareth.
M. Roy, accompagné de quelques indigènes, était allé à la
rencontre du général Logerot.
Au moment où il arrivait près de Bab-el-Hannin, des coups
de feu retentirent dans les jardins environnants; le bruit se
répandit aussitôt que les Ouargha venaient d'attaquer les der-
rières de la colonne; notre agent consulaire fut mis en de-
meure de rétrograder et, comme il insistait pour faire ouvrir
la porte, il fut mis en joue par un indigène; il dut donc
reprendre le chemin du consulat.
Cet incident ne retarda que fort peu l'entrée de nos troupes
qui occupèrent, quelques instants après, la kasbah et les
remparts.
Si Rechid se présenta au général Logerot.
Les Charen, les Ouargha et une partie des Oulad-bou-Gha-
nem envoyèrent aussitôt leurs notables au général Logerot
pour lui offrir leur soumission et recevoir ses ordres.
Les Charen et les Ouargha furent rendus responsables de la
sécurité de la route du Kef à Sidi-Youcef; ils installèrent aus-
sitôt des postes de cavaliers; ils se chargèrent, de plus, du
transport des dépêches et mirent la meilleure volonté dans
l'exécution de ces services.
Quant auxOulad-bou-Ghanem, plus éloignés du Kef, ils pri-
rent une attitude moins accentuée. (Ils avaient d'ailleurs com-
mis déjà un acte d'hostilité qui leur inspirait maintenant des
inquiétudes. Le 21 avril, deux des leurs avaient attaqué sur
le territoire algérien, près d'El-Meridj,un homme et une

;
femme qui voyageaient sans crainte, conduisant un mulet
chargé de marchandises ils avaient blessé l'homme, violé la
femme et s'étaient enfuis, emmenant le mulet et son charge-
ment.)
N°XV

Occupation de Tabarka (25-26 avril 1881).

A l'annonce de l'arrivée de la flottille française, les contin-


gents des Oulad-bou-Saïd, des Haoumdia et des Oulad-Amor
étaient accourus pour s'opposer au débarquement; ils avaient
renoncé à défendre l'île, le mauvais état de la mer en rendant
l'accès difficile et pouvant les empêcher de battre en retraite,
en cas d'insuccès; ils attendaient sur la plage.
Le fort de Tabarka était commandé par le kaïmakam Taïeb
ben el hadj Ahsen Mesmouri'
Au premier coup de canon tiré par la flottille, le 25, quand
le vent fut un peu tombé, les soldats tunisiens prirent la fuite,
laissant à leur chef le soin de hisser le drapeau blanc.
(La veille, un courrier, envoyé du Bardo, pour engager
Taïeb ben el Hadj à ne pas résister, était arrivé en vue de Ta-
barka. Saisi d'effroi à la vue de la flotte, il était revenu sur
ses pas.)
Le colonel Delpech occupa le fort avec 1.200 hommes. Le
lendemain, 26 avril, nos troupes occupèrent le bordj-Djedid,
sur lacôte tunisienne, sans aucuneperte, bien qu'elles eussent
essuyé quelques coups de fusil. Les Khoumir prirent la fuite,
malgré l'arrivée des renforts que leur envoyaient les Atatfa,
les Debabsaet les Tebaïnia.

1. Nous le retrouverons plus tard (25-29 août) à El-Arbaïn, commandant une


colonne tunisienne (voir annexes nos XLVI et XLVI bis).
Instructions N° XVI
du général De-
lebecque
pourfranchir
lafrontière.
CORPS EXPÉDITIONNAIRE Oum-Theboul, le 24 avril 1881.
de Tunisie.

Colonne Delebecque. Le général Delebecque à M. le général Ritter,


N°20. à Demanet-Rebah.

"MON CHER GÉNÉRAL,

Conformément aux dispositions arrêtées hier par le général com-


mandant le corps expéditionnaire, vous franchirez la frontière de-
main 25, au petit jour, par le col voisin du Kef-Radjela.
Au même moment, le général Vincendon, partant d'El-Aïoun,
abordera les crêtes à l'est de son camp, et le général Galland, par-
tant d'AïnSmaïn, le suivra de près par derrière.
Ces deux généraux doivent s'emparer des hauteurs de la rive
droite de l'oued-Djenan.
Vous avez pour mission de couronner les crêtes de la rive gauche
de la même rivière, de vous rapprocher le plus rapidement possi-
ble des généraux Vincendon et Galland, après le passage du col.
Vous devez donc vous rabattre immédiatement vers le sud, de
façon que nos trois colonnes soient liées entre-elles de la façon la
plus étroite.
Vous laisserez deux compagnies du 59e au bordj de Oum-Theboul
et vous enverrez dès aujourd'hui à Roum-el-Souk la division de
hussards qui est à votre camp après en avoir prélevé les cavaliers
nécessaires à la constitution de votre escorte.
Les troupes que vous porterez en avant emporteront dans le sac
les vivres du jour et deux jours de vivres de réserve. Elles seront
accompagnées d'un convoi portant quatre jours de vivres.
Vous mettrez en œuvre tous les moyens dont vous pouvez dispo-
ser pour emmener avec vous la plus grande quantité d'eau.
Je suivrai votre mouvement le premier jour.
Le général Forgemol reste à Roum-el Souk jusqu'à nouvel ordre.
N°XVII L'opération
ordonnéepour
le 2.>-
est remise.
CORPS EXPÉDITIONNAIRE Oum-Theboul, le 24 avril 1881.
deTunisie.
Colonne Delebecque. Le général Delebecque à M. le généralliitter,
o21. au camp de lJemanet-llebah.

MON CHER GÉNÉRAL,


En raison du mauvais temps et de l'état du.terrain, le mouve-
ment ordonné pour demain, 25, est ajourné.
Tenez vous prêt à l'exécuter au premier ordre et ravitaillez jour-
nellement vos troupes, de manière qu'elles puissent se mettre en
marche avec le nombre de jours de vivres fixé par ma lettre no 20,
de ce jour.
Le général commandant le corps expéditionnaire m'informe que
1
le camp de Si Sélim a reçu aujourd'hui son infanterie (environ
1.000 à 1.200 hommes) et que Si Ali Bey2, frère du bey, est arrivé
à Manâ, à deux petites journées de Roum-el-Souk, avec deux ou
trois mille cavaliers. Il a écrit au général Forgemol qu'il vient ré-
gler les difficultés pendantes entre les Khoumir et nos tribus3.
DELEBECQUE.

N° XVIII Elle est fixée au


26avril.

COUPS EXPÉDITIONNAIRE Oum-Theboul, le 25 avril 1881.


deTunisie.
Colonne Delebecque. Le général Delebecque à M. le général liitter,
N* 20. au camp de Demanet-llebah.

MON CHER GÉNÉRAL,


Vous voudrez bien exécuter demain, au petit jour, le mouvement
qui avait été arrêté pour le 25 avril.
DELEBECQUE.

1. Si Sélim, ministre de la guerre tunisien.


2. Si Ali Bey, frère du bey régnant Mohammed es Saddok et, selon l'usage, bey
du camp; est actuellementsur le trône de Tunisie.
3. Le lendemain, 25 avril, le général commandant le corps expéditionnaire re-
N° XIX

BRIGADE RITTER.

N° 19. Ordre pour la journée du 26 avril.

Demain, 26 avril, les troupes de la brigade franchiront la fron-


tière et s'empareront du col de Kef-Baba-Brik.
:
L'attaque sera faite par deux colonnes l'une, celle de droite,
composée de deux bataillons du 1er régiment de marche1, sous les
ordres du colonel Cajard; l'autre, celle de gauche, formée de deux
bataillons du 2e régiment de marche, sous les ordres du colonel
Gerder.
La colonne de gauche sera chargée de l'attaque directe du col et
suivra le chemin qui y conduit en passant par le douar qui est placé
au pied du contre col2.
La colonne de droite tournera par le sud la position à enlever et
s'emparera, à cet effet, du contre col2 qui l'avoisine.
Chacune de ces colonnes sera conduite par des guides arabes.
Celle de droite, ayant moins de chemin à faire que l'autre, atten-
dra, pour prononcer son attaque, le signal qui lui sera donné parle

çut de Si Ali Bey, toujours à Manâ, une nouvelle lettre dans laquelle il déclare
qu'il ne s'opposera pas à la marche de nos troupes, mais qu'il nous laisse la res-
ponsabilité des faits que notre entrée sur le territoire tunisien pourrait amener.
Le ministre de la guerre français fait savoir, par télégramme, que d'après une
convention avec le bey, les troupes tunisiennes doivent nous livrer passage où
nous les rencontrerons et se retirer vers les points que nous leur indiquerons, et
prescrit d'agir rigoureusement dans ce sens.
(Extraits de la lettre n° 27, en date du 25 avril, du général Delebecque au géné-
ral Ritter.)
1. Les sept bataillons de la brigade Ritter avaient été groupés en deux régi-
ments de marche.
1er rég. de marche. Un bataillon (le 2e) du 2e régi-
Colonel CAJARD (du j ment de zouaves
3e zouaves),
trois bataillons. I de zouaves
Commandant Leschères.
(
j Deux bataillons du 30 régiment Commandant Baudouin.
Bounin.
Commandant (

i

Deux
( -Deux
bataillons11,tirailleurs de
du Gay Ta-
Wasmer.
2e rég. de marche. (lieutenant-colonel
.batai.l,l,ons
radel.
(lieutenant-colonel Rousset ) j
Rousset) radel. a
Colonel GERDER (du bataillon du 3e tirailleurs Capitaine Maux.
3e
31 tirailleurs)
tirailleurs) ,
Un bataillon (le 59' régi-
31) du 59,
3e)
quatre bataillons.
ment d'infanterie. Commandant O'Kelly.
2. ?
général de brigade qui appréciera le temps nécessaire à la colonne
de gauche pour arriver devant son objectif.
Chaque colonne prendra la formation d'attaque suivante
Un bataillon en première ligne marchant en deux échelons de
:
deux compagnies chacun, destinés à se relever successivement pen-
dant la marche, et séparés par une distance d'autant moindre que
l'on se rapprochera davantage du col;
Un bataillon en seconde ligne, servant de réserve, prêt au besoin
à relever le premier, et marchant à la distance et dans la formation
que le colonel commandant la colonne jugera les plus opportunes.
A la colonne de droite, seront affectées une section de trois pièces
de 30 de montagne et une section de 4 de montagne; à la colonne
de gauche, deux sections de 80 de montagne et deux sections de !
de montagne'.
Dans les deux colonnes, l'artillerie marchera avec l'avant-garde,
de façon à prendre position le plus tôt possible sur les points
reconnus à l'avance et préparera l'attaque du col et du contre col3
par une canonnade qui devra se prolonger jusqu'au moment où
elle pourrait inquiéter nos troupes de première ligne.
Les mulets porteurs des cartouches de baLaillon marcheront
groupés avec le bataillon de résqrve de chaque régiment.

:
La compagnie du génie de la brigade sera partagée ainsi qu'il
suit entre les deux régiments soixante hommes avec la colonne de
gauche et quarante avec celle de droite.
Elle créera ou améliorera le chemin des colonnes, au fur et à
mesure des progrès de l'attaque.
Dans chaque colonne, vingt mulets de cacolet marcheront en
arrière du deuxième échelon, entre les bataillons de première et de
seconde ligne.
Ces mulets devront être amenés tout bâtés, à 3 heures du matin,
au point de rassemblement de chacune des colonnes.
L'ambulance restera au camp.
Les troupes laisseront leurs sacs au camp. Elles emporteront la
musette, le capuchon, les outils de compagnie et deux jours de
vivres dont un de réserve2.
Le bataillon de chacun des régiments de marche qui devait pren-
dre aujourd'hui le service d'avant-postes, restera demain à la garde
du camp. Les grand'gardes seront relevées ce soir à 3 heures.

1. Iln'y a pas concordance avec les effectifs d'artillerie pris dans le Résumé
historique des marches et opérations de l'artillerie.
D'après ce document officiel, il n'y a à la brigade Ritter qu'une batterie de 8011
de montagne et deux sections de 4 de montagne. (Voir annexe n° XI.)
2. Voir, annexes nO' XVI et XVII, les instructions du général Delebecque au sujet
du transport des vivres de sac.
3. ?
Le général de brigade se tiendra de sa personne entre les deux
colonnes sur le mamelon placé en face du col où sera l'artillerie de
la colonne de gauche.
Les troupes de la colonne de gauche, qui ont un détour à faire,
se mettront en marche demain à 3 heures du matin, et la colonne
de droite se rassemblera à 3 h. 30.
Des ordres ultérieurs fixeront les mesures à prendre pour s'in-
staller et se fortifier sur les hauteurs du Kef-Baba-Brik.
Deux cent soixante outres serviront au transport de l'eau pour
les troupes parvenues au col et à leur approvisionnement, en cas
de besoin, lorsqu'elles parcourront et fouilleront le pays des
Oulad-Cedra (Khoumir).
Dès que le général trouvera le moment opportun, le grand camp
se transportera au pied de l'Adeda et traversera cette chaîne, si des
emplacements favorables sont trouvés en pays ennemi.
Un mulet du train, porteur de deux tonnelets d'eau, marchera,
dans chaque colonne, avec le détachement de mulets de cacolet.
Camp de Demenet-Rebah, le 25 avril 1881.
Le général de brigade,
Général RITTER.

N° XX

L'artillerie de la colonne Logerot.

L'artillerie de la colonne Logerot était sous les ordres


directs du lieutenant-colonel Brugère. (Voir note 1 de l'an-
nexe n° XI.)
Le 26 avril, les batteries avaient été habilement disposées
pour une attaque sérieuse de la place du Kef qui aurait été
bombardée si elle n'avait capitulé.
Deux batteries (3e du 266 et 2e du 38e) entrèrent dans la
ville; les deux de montagne restèrent en dehors de l'enceinte.
Le lendemain, 27 avril, la 3e du 36e rentrait à Souk-Ahras,
la 2e du 38erestait au Kef qu'elle ne devait plus quitter.
Le capitaine était charge d'étudier la défense et de recon-
naître l'état du matériel tunisien.
Ce dernier se composait de :
30 canons, couleuvrines et mortiers en bronze;
31 canons en fonte ou en fer.
C'est donc avec une artillerie réduite à deux batteries de
montagne que la colonne Logerot se dirigea, le 27, vers Souk-
el-Arba.
Pendant que la colonne séjournait en ce point, le comman-
dant de l'artillerie reconnaissait l'importance de Ghardimaou,
station extrême du chemin de fer de Tunis, et en même temps
la nécessité d'y établir un dépôt d'approvisionnements, plus
rapproché que Sidi-Youcef, de la colonne expéditionnaire qui
s'éloignait de sa base primitive d'opérations.
Il y fit venir, de Souk-Ahras, un million de cartouches mo-
dèle 1879 et 2.000 coups de canon de 80 de montagne.
Sidi-Youcef fut désigné comme dépôt de munitions pour la
place du Kef.
Enfin, l'artillerie de la colonne fut complétée par l'arrivée
de la 12e batterie du 16e, capitaine Cohadon, et le retour de
Souk-Ahras à Ghardimaou de la 3e du 26e, capitaine Len-
nuyeux.
Il y a lieu de signaler la marche de cette batterie qui, avec
un matériel de 90, parvint à franchir en soixante-sept heures
une distance de 64 kilomètres en pays jusqu'alors considéré
comme impraticable aux voitures et fut citée, pour cette mar-
che, à l'ordre du corps expéditionnaire.
Pendant l'engagement du 30 avril, à Ben-Béchir, la 8e bat-
terie du 38e (80mm de montagne) capitaine Moll, tira 33 obus
ordinaires sur les Chiahia qui avaient attaqué le 1er zouaves
en reconnaissance.

:
Le lieutenant-colonel commandant l'artillerie signala dans
cet engagement un fait intéressant la distance fut mal appré-
ciée; le deuxième obus tomba à trente mètres en avant des
tirailleurs du 1er zouaves. D'où la nécessité de munir les bat-
teries de montagne d'un télomètre dans des pays et des cli-
mats où la pureté de l'air rapproche les distances et peut cau-
ser de grandes erreurs d'appréciation. (Extrait du Résumé
historique des marches et opérations de l'artillerie.)
N°XXI

Ali Bey. — Combat de Ben-Béchir.

Le 28 avril, quand la colonne Logerot arriva à la station de


Souk-el-Arba, Ali Bey se trouvait à Ben-Béchir.
Il envoya aussitôt un de ses officiers au général Logerot, à
Souk-el-Arba, pour lui annoncer sa visite.
Le général ne voulut pas recevoir l'officier, mais se rendit
immédiatement à Ben-Béchir, au camp d'Ali Bey.
Celui-ci crut devoir faire quelques difficultés, sous prétexte
qu'il était le frère du souverain de la Régence (il voulait pro-
bablement se donner une certaine importance et maintenir
son prestige parmi les populations de la région et espérait que
le général français insisterait pour être reçu).
Le général Logerot reprit aussitôt le chemin de Souk-el-
Arba, en faisant signifier à Ali Bey qu'ille recevrait le lende-
main au camp français, à 2 heures de l'après-midi.
Le 29, à l'heure fixée, Ali Bey arrivait en grand apparat au
camp français.
Il déclara que le gouvernement tunisien ne comptait mettre
aucun obstacle à nos opérations et que, de son côté, il avait
fait tous ses efforts pour calmer l'agitation qui régnait dans le
pays.
Ali Bey mentait. Nous savions qu'il excitait les populations
contre nous (les Khoumir contre les colonnes Vincendon et
Galland, les Chiahia contre la colonne de Brem) et qu'il avait
fait tous ses efforts pour persuader au gouverneur du Kef, Si
Rachid, de défendre la place à outrance.
L'entrevue fut froide. Le général Logerot invita Ali Bey à
s'éloigner dans le plus bref délai de Béja, et à porter son
camp du côté de Tunis, vers Téboursouk et Medjez-el-Bab.
Le lendemain matin, 30, à la première heure, Ali Bey partait
dans la direction de Tunis; mais, chemin faisant, il licenciait,
en leur laissant leurs armes, les contingents des Oulad-bou-
Salem, des Chiahia et des Amdoun. Ceux-ci gagnèrent les
montagnes pour rejoindre les Khoumir.
Le même jour, 30, le général de Brem recevait, à l'oued-
Méliz, la soumission, sans combat, des Ouchteta et entrait en
relations avec les Mrassen, les Oulad-Ali et les Oulad-Soltan
de la Rekba.
Nos troupes, en arrivant à Souk-el-Arba, avaient trouvé
le pays complètement désert. Quelques heures après, les
indigènes des environs (Djendouba) s'aventurèrent à proxi-
mité du camp, pour vendre leurs produits. Dans le courant
de la journée, complètement rassurés, ils affluaient de tous
côtés.
Le 30 avril, le général Logerot, avant de se remettre en
marche, avait envoyé une reconnaissance vers Ben-Béchir.
Le détachement, commandé par le colonel Hervé, du 1er
zouaves, était précédé par un goum dirigé par un officier des
affaires indigènes.
En arrivant à l'oued-Boul, près de la gare de Ben-Béchir,
l'officier commandant le goum fut accueilli par une vive fusil-
lade : c'étaient les Chiahia qui attaquaient; aussitôt on vit
descendre des pentes environnantes les groupes armés des
Oulad-bou-Salem et des Amdoun qui venaient successive-
ment soutenir les Chiahia. Il était 8 heures du matin.
Le colonel Hervé prit immédiatement ses dispositions de
combat et demanda des renforts à Souk-el-Arba. A midi ces
troupes arrivaient et à 6 heures du soir l'ennemi était en
complète déroute.
La reconnaissance française avait eu à lutter contre les
Oulad-bou-Salem, les Chiahia et les Amdoun.
Ces tribus avaient entendu répéter, par les soldats origi-
naires de la région qu'Ali Bey avait licenciés le 29 au soir avec

adressées avant leur départ de sa colonne :


leurs armes, les paroles que le frère du souverain leur avait
« Les Français
arrivent; allez chez vous et recevez-les. » Connaissant les dis-
positions d'Ali Bey à notre égard, elles avaient interprété ces
mots dans le sens qu'Ali Bey avait voulu leur donner.
Les Oulad-bou-Salem, qui avaient laissé une vingtaine des
leurs sur le terrain de l'engagement, envoyèrent, le 30 au soir,
au camp de Souk-el-Arba, implorer la protection du général
français.
Quant aux Chiahia et aux Amdoun, pleins du désir de ven-
ger leurs morts, il s'étaient retirés vers le nord, demandant
des secours aux tribus de la Rekba. Celles-ci, empêchées par
la présence de nos colonnes, ne pouvaient répondre à leur
appel.
Pendant cette rencontre, les troupes tunisiennes campées à
Sidi-Roumani, près de Souk-el-Khemis, avaient pu assister de
loin au combat qui se livrait dans la plaine des Oulad-bou-
Salem.
Ali Bey, dépité de notre succès et cédant aux inspirations
haineuses des agents italiens attachés à sa personne, écrivit
aussitôt à son frère pour lui annoncer le combat de Ben-Bé-
chir.

à peu près en ces termes :


Pour soulever l'opinion publique contre nous, il s'exprimait
« On m'a raconté que le géné-
ral commandant la colonne de Souk-el-Arba a voulu réqui-
sitionner trois cents chevaux et deux mille mulets chez les
Oulad-bou-Salem, les Djendouba et les Chiahia. Les Oulad-
bou-Salem et les Djendouba ont répondu que leur misère ne
leur permettait pas de satisfaire à cette demande. Quant aux
Chiahia, ils ont refusé de se soumettre aux exigences du géné-
ral. A la suite de ce refus, les Français sont venus les attaquer;
ils ont incendié les gourbis et ont tué tous ceux qui tombaient
sous leur main, sans distinction de sexe ni d'âge. Les blessés
étaient amenés au commandant en chef qui les faisait déca-
piter, et on ouvrait le ventre aux femmes enceintes pour en
arracher l'enfant 1 »
Le général Logerot, dans une dépêche adressée à notre
chargé d'affaires à Tunis, protesta avec indignation contre les
accusations portées par Ali Bey.
Celui-ci ne répondit pas.
Il s'occupait, d'ailleurs, à soulever les Mogod (entre Bizerte
et Mateur), région que nous devions fatalement traverser, en
marchant sur la capitale de la Régence; et il réussit.

N° XXII

Résumé succinct des principales causes de l'expédition française.

Dès l'avènement de Si Mohammed es Saddok, la frontière


algérienne avait été le théâtre de désordres continuels.
Aux nombreuses réclamations adressées par notre chargé
d'affaires à Tunis, le gouvernement beylical répondait par
l'envoi de commissions d'enquête (sans résultats), par l'em-
prisonnement de quelques coupables (aussitôt relâchés), par
des protestations d'amitié et d'attachement et par le rare
payement de quelques faibles indemnités.
Au début, et comme ses prédécesseurs, le bey s'était montré
animé de bonnes intentions à notre égard; mais bientôt,
poussé par son entourage, encouragé peut-être par notre
longanimité qu'il finissait par prendre pour de l'impuissance,
son attitude se modifia sans devenir ouvertement hostile.
Fidèle aux traditions orientales, il continuait à répondre
aux observations de nos agents avec le plus grand empresse-
ment et se confondait en regrets et en promesses. Mais les
autorités tunisiennes ne réprimaient pas les excès de leurs
administrés et même elles les provoquaient, en soulevant à
chaque instant des contestations de toute nature; le gouver-
nement beylical invoquait les prescriptions du Coran pour
refuser l'extradition des Algériens condamnés pour crimes
et délits de droit commun; il offrait des terres à nos tribus de
l'Aurès et du Souf pour les engager à quitter l'Algérie; il
accueillait avec empressement nos déserteurs et même il
encourageait les prédications hostiles des marabouts.
Nos désastres de 1870-71 avaient sans doute ébranlé notre
autorité en Tunisie. Mais, de plus, notre influence qui, depuis
la prise d'Alger, n'avait cessé de régner en maîtresse souve-
raine à la cour de Tunis, avait vu surgir une rivale que nous
avions créée vingt ans auparavant.
En 1862, la presse du royaume naissant désignait déjà la
Tunisie comme une future Algérie italienne.
Les spéculateurs de la péninsule commencèrent à jeter les
yeux sur la terre promise qui leur était indiquée; on les vit
bientôt établir un système postal, solliciter des concessions
de mines et d'entreprises de toute nature.
Ces tentatives, qui eurent généralement peu de succès,
furent ardemment soutenues par les consuls italiens (M. Mac-
cio principalement).
Les consuls des autres puissances mirent, de leur côté, un
véritable point d'honneur à maintenir l'influence de leur
pays et à défendre les intérêts de leurs nationaux contre les
empiétements et les prétentions exorbitantes des brasseurs
d'affaires venus en masse d'Italie.
Le gouvernement tunisien voyait de l'œil le plus favorable
les difficultés surgissant à toute occasion entre les représen-
tants européens..
L'entourage du bey, de son côté, ne s'était jamais trouvé
dans une situation plus heureuse et plus prospère. Il distri-
buait les concessions et les privilèges au plus offrant, et se
créait ainsi des revenus faciles et considérables.
Le gouvernement français avait été informé, à plusieurs
reprises, de cet état de choses; mais comme il ne s'agissait
en réalité que d'intérêts particuliers, il n'avait pas encore
jugé urgent d'intervenir.
Cependant les entreprises des spéculateurs italiens com-
mençaient à péricliter; de nombreuses faillites venaient,
coup sur coup, ébranler leur crédit.
C'est alors que le gouvernement du Quirinal, espérant sau-
vegarder son influence en Tunisie, résolut de soutenir ses
nationaux et de leur accorder le concours financier de l'Etat.
En même temps, il arrivait à faire admettre ses agents au
Bardo comme interprètes, médecins ou même conseillers
intimes et à y dominer en maître.
La France ne pouvait demeurer plus longtemps indiffé-
rente. Outre les intérêts particuliers que nous avions en
Tunisie, nous avions encore à assurer la sécurité de nos
possessions algériennes qui eût été fortement compromise
par le voisinage d'une puissance européenne rivale et hostile.
La lutte se localisa donc entre la France et l'Italie.
La tâche qui incombait à notre représentant dans la Régence
était des plus lourdes; mais heureusement ses adversaires,
malgré leurs dispositions innées à l'intrigue, se montrèrent
peu avisés et surtout très maladroits dans la nouvelle cam-
pagne qui venait de commencer.
Ne doutant plus du succès, ils prétendirent immédiatement
s'emparer de toutes les concessions disponibles et, bientôt,
celles-ci ne suffisant plus à leur avidité, ils essayèrent d'enle-
ver aux compagnies françaises les avantages qui leur avaient
été accordés par des contrats conclus précédemment.
C'est ainsi que la compagnie des chemins de fer Bône-
Guelma, qui avait obtenu la concession de la voie de Tunis à
Sousse, se voyait contester la validité de ses titres au profit
d'une compagnie italienne fondée en 1869 et qui avait fait
faillite en 1871, avant d'avoir commencé ses travaux.
On interdisait à cette même compagnie française de con-
struire une gare à Radès, sous prétexte que le traité conclu
avec la compagnie italienne Rubattino s'opposait à l'installa-
tion d'un établissement de ce genre à proximité de la Gou-
lette. La compagnie Rubattino, de son côté, fortement soute-
nue, réclamait le droit de construire une ligne télégraphique
le long de la voie de Tunis à la Goulette, contrairement au
traité conclu entre le bey et Napoléon III qui avait obtenu, en
1861, l'exploitation des réseaux télégraphiques de la Régence.
Enfin, la société marseillaise qui avait acheté la propriété
de l'Enfida au général Kheireddine, se voyait menacée d'ex-
propriation au bénéfice d'un nommé Lévy, israélite, protégé
anglais, mais commandité, paraît-il, par des financiers ita-
liens.
Loin de s'opposer à ces abus, le bey semblait au contraire
les approuver en se ralliant de plus en plus au parti anti-
français qui les commettait. L'attitude des consuls et agents
de l'Angleterre, qui appuyaient de toute leur influence les
prétentions de nos adversaires, ne faisait qu'encourager Mo-
hammed es Saddok dans la voie où il s'était engagé.
Enfin, l'opinion publique, fortement travaillée par les exci-
tations des émissaires italiens et par les articles de la presse
antifrançaise (le journal italo-arabe LeMoscatel), commençait
à nous devenir contraire à Tunis, à Sousse et, en général, dans
les contrées où paraissaient les Européens.
Cette hostilité se traduisait extérieurement par de nom-
breux attentats contre nos nationaux et, tout particulièrement,
contre les employés des exploitations essentiellement françai-
ses (employés de la compagnie Bône-Guelma.)
Mais les réclamations qu'adressait, à cette occasion, notre
chargé d'affaires, obséquieusement accueillies par le Bardo,
donnaient lieu à des correspondances interminables, suivies
d'objections sans nombre qui aboutissaient a des fins de non-
recevoir adroitement déguisées.

N° XXIII

Résumé de la circulaire de M. Barthélemy-Saint-Hilaire


aux agents diplomatiques.

Le 9 mai 1881, notre ministre des affaires étrangères, M.


Barthélemy-Saint-Hilaire, adressait une circulaire aux repré-
sentants français à l'étranger, dans le but de faire connaître
les vues et les intentions du gouvernement de la République
dans l'expédition qu'il avait entreprise sur le territoire tuni-
sien.
Dans ce long document diplomatique il expose les causes

:
de l'expédition et les résultats que la France en attend.
En résumé la France est obligée d'assurer la sécurité de sa
colonie algérienne; or, à l'est, du côté de Tunis, le désordre est
permanent; le premier objet de l'expédition est donc la pacifi-
cation complète de la frontière orientale de l'Algérie.
'L'ordre et le calme rétablis, il est indispensable que la Tu-
nisie, d'hostile et menaçante qu'elle est maintenant, devienne
une alliée loyale et bienveillante.
Le ministre signale, d'une façon discrète, les agissements
de l'Italie. (Le livre jaune adressé à nos agents diplomatiques
les édifiera d'ailleurs.) Le second motif de l'expédition est de
soustraire le gouvernement beylical à l'influence de la puis-
sance étrangère qui nous est si hostile.
Puis il établit l'indépendance du royaume de Tunis à l'égard
du sultan et par conséquent la responsabilité directe du bey.
C'est donc au bey qu'il faut imposer un traité qui garantisse
l'Algérie sur sa frontière et le gouvernement français contre
les menées déloyales du Bardo. Enfin, après avoir rappelé ce
que la France a fait jusqu'alors pour la Tunisie, il conclut en
montrant l'avantage que le bey trouvera dans notre alliance,
les bienfaits que la Tunisie, placée sous la protection de la
France, retirera des travaux qui seront exécutés et des réformes
qui seront faites, et le profit que toutes les nations civilisées
tireront, aussi bien que la France, des progrès apportés par
nous dans la Régence.

N° XXIV

Tunis à la signature du traité.

La capitale de la Régence, à l'arrivée de la colonnedu général


Bréart, était sous le coup d'une profonde émotion. Les souks
étaient fermés et les juifs, retranchés dans leurs maisons, s'y
barricadaient dans la crainte d'être attaqués par les indigènes,
venus du dehors, avec des intentions très équivoques1.
El Arbi Zerrouk, le président de la municipalité et Ahmed
ben el Khodja, le cheick el Islam, entretenaient l'agitation;
ils s'adressaient surtout aux chefs indigènes venus de l'inté-
rieur en quête de nouvelles et qui, retournant auprès de leurs
administrés, allaient leur rapporter ce qu'ils avaient entendu
et les promesses qui leur étaient faites.
Pendant toute la soirée du 12, Kassar-Saïd fut assiégé par
les notables qui désiraient avoir des nouvelles. Ahmed ben
el Khodja, qui était venu lui-même demander une entrevue,
fut éconduit. Mohammed es Sacldok désirait tenir secrètes,
pendant quelques jours encore, les clauses du traité.
Ali Bey, qui était arrivé de son camp de Medjez-el-Bab, où
il s'était retiré après l'incident de Souk-el-Arba, eut avec son
frère une longue conférence à la suite de laquelle il partit im-
médiatement pour la Marsa'.
Il s'agissait cependant de détourner l'attention publique des
excitations malsaines des fauteurs de désordres qui se multi-
pliaient de plus en plus à Tunis. La tâche était difficile; le gou-
vernement beylical sut néanmoins se tirer d'affaire très habi-
lement.
D'une part, il donna satisfaction au parti de la résistance en
faisant répandre une dépêche qu'il avait adressée à Saïd Pacha,
premier ministre de Constantinople et où il exposait qu'un
général français, suivi d'une troupe de cavaliers, était arrivé
au Bardo et l'avait obligé à signer un traité par lequel il se sou-
mettait au protectorat de la France.
D'autre côté, il rassurait le pays, en faisant publier, dans le

1. En vain les zaptiés et les gendarmes beylicaux avaient-ils été chargés d'an-
noncer qu'il ne serait porté atteinte ni à la vie, ni aux biens des habitants. Ces
déclarations, contredites par des personnages intéressés à voir le désordre s'ac-
centuer, restaient sans effet.
2. Cette retraite qui, du reste, dura fort peu de temps, fut vivement commen-
tée sur le moment. On attribuait à Mohammed es Saddok l'intention d'éloigner du
théâtre des événements la personnalité gênante d'Ali Bey, et cette opinion pouvait,
à bien des titres, être considéréecomme fondée.
Raïd el Tounsi, un récit, très adroitement présenté, de l'en-
trevue du Bardo, et d'après lequel la mission du général
Bréart n'avait eu d'autre but que de renouer les anciennes
relations d'amitié qui avaient existé entre la France et la
Tunisie.
« Son Altesse le Bey, disait le Journal officiel, a prié le géné-
ral de repartir avec son armée, et elle a reçu l'assurance que
les troupes françaises reprendraient le chemin par lequel elles
étaient venues. »
Tpnis reprit bientôt son aspect accoutumé.

N° XXV

Reconnaissance offensive dirigée par le général Delebecque,


le 8 mai 1881, sur Sidi-Abdallah-ben-Djemel.

Le 8 mai, à 6 heures du matin, les troupes sont réunies (à


droite du col) :
;
A droite, le détachement Cailliot au centre, le détachement
Galland; à gauche, le détachement Vincendon.
L'infanterie est en colonnes de compagnie; l'artillerie et les
ambulances en deuxième ligne. )

Les hommes mettent baïonnette au canon et toute la ligne

;
se met en marche au commandement du général Delebecque.
La marche s'exécute ainsi pendant 5 kilomètres les troupes
couronnent le faîte en face du marabout. Le détachement
Galland s'établit à droite, dans une forêt de chênes-liègei)e
détachement Cailliotreste en position. Le détachement Vin-
cendon se porte en première ligne, descend dans le ravinjH
traverse l'oued et fait halte en attendant le résultat de la
pointe de cavaliers envoyés sur le marabout.
Pendant ce temps tous les convoyeurs, protégés par le déta-
chement Vincendon, font du fourrage dans la vallée.
A 8 h. 30, la cavalerie s'empare du marabout (il y était resté
seul un vieux brave homme
;
1). A 9 heures, l'infanterie Vin-
cendon en prend possession les fantassins font le café. La
cavalerie s'est portée en avant pour razzier. A 1 heure de
l'après-midi, le détachement Vincendon redescend dans la
vallée et se replie par échelons, protégeant le retour du trou-
peau pris par les spahis.
A 3 heures, les détachements des trois brigades se replient
(les troupes du général Cailliot en tête de colonne) et rentrent
au camp de Fedj-el-Mana à 4 heures.
»

Marche N° XXVI
de Dar-el-Abidi
sur
Ben-Mélir.
No 44. Ordre pour la journée du 14 mai 1881 (donné par
M. le général Cailliot).

Le camp sera levé aujourd'hui (l'heure exacte sera donnée ulté-


rieurement pour chaque fraction). La brigade ira camper à Ben-
Métir en passant par le col d'El-Méridj. Un bataillon du 1er régi-
ment de marche partira à 6 h. 30, ainsi que la compagnie du génie,
;
ne laissant au camp que les hommes strictement nécessaires pour
charger leur convoi dix mulets de cacolets les accompagneront. La
compagnie du génie a pour mission de préparer la route du camp
de Dar-el-Abidi au col, et ensuite du col au nouveau camp de Ben-
Métir. Le bataillon du 1er régiment de marche a pour mission de
protéger ce travail jusqu'au marais qui est à l'entrée du col et de
fournir cent travailleurs au génie. Quand cette première partie
du travail sera exécutée, le 2e bataillon du 1er régiment de
marche sera mis en route pour protéger le flanc gauche du défilé.
En même temps un bataillon du 2e régiment de marche sera mis en
route pour protéger le flanc droit. Ces bataillons prendront position
à flanc de coteau. Le 2e bataillon du 2e de marche ira occuper
la crête du flanc droit (que les tirailleurs ont occupée dans la
première partie de la reconnaissance du 13 mai). Le convoi sera
chargé vers 9 heures et massé en avant de la première face.
Le général de brigade mettra ensuite en route le 1er bataillon
du 33 de marche avec l'artillerie et les bagages des corps, et enfin
le 2e bataillon du 3e de marche qui fera l'arrière-garde et dont la
lrecompagnie, séparée en quatre sections, encadrera-leconvoi admi-
nistratif divisé lui-même en quatre fractions.
Dix hommes du goum partiront avec le 1er bataillon du 1er
de marche pour l'éclairer; dix avec la compagnie du génie pour
communiquer avec.le général de brigade; vingt hommes du goum
;
partiront avec le 2? bataillon du 2e de marche pour le couvrir en
avant du défilé le restant du goum se mettra en marche en même
temps que le général de brigade.
Les heures de départ de chaque bataillon seront données au fur et
à mesure. Les chefs de bataillon viendront prendre les ordres du
général en se mettant en marche.

N° XXVII

No 18. Ordre général.

OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS ET SOLDATS,

Après trois semaines pendant lesquelles vous avez eu à lutter


contre les circonstances atmosphériques les plus défavorables et, à
plusieurs reprises, contre un ennemi résolu, vous êtes arrivés au
cœur du pays des Khoumir en surmontant, le fusil et la pioche à la
main, les plus rudes difficultés.
Vos colonnes ont successivement occupé les hauteurs réputées
inaccessibles de Sidi-Abdallah, d'El-Méridj, d'Aïn-Draham. Aujour-
d'hui, vous avez fait flotter le drapeau de la République sur les som-
mets de Ben-Métir, où aucune nation n'avait encore déployé le sien ;
nos airs nationaux, nos refrains et nos sonneries se sont répétés
de l'un à l'autre des trois camps qui dominaient ce site grandiose.
Je me fais un devoir de signaler à M. le Ministre de la guerre ce
résultat dû à votre persévérance, à votre énergie et à votre dévoue-
ment.
Vous montrerez, j'en suis certain, les mêmes qualités dans la
continuation des opérations.
Au quartier général, camp de Fernana, le 14 mai 1881.

Le Général commandant le corps expéditionnaire,


4
FORGEMOL.
N° XXVIII

Attaque d'avant-postes par les Khoumir, le 19 mai, à Djebibia.

La 4e compagnie du 2e bataillon du 1er régiment de tirail-


leurs fut envoyée en grand'garde (n° 2), le 19 mai, à 1 heure
de l'après-midi, à l'arrivée au camp de Bled-el-Guemaïr, en
avant de la face nord-est du camp de la brigade Cailliot. Le
sous-lieutenant Lamy y commandait un petit poste.
Le sous-lieutenant Lamy, après avoir placé ses sentinelles
d'une façon provisoire faisait, protégé par une patrouille de
trois hommes et un caporal, une reconnaissance à environ
300 mètres de la position, quand il fut assailli par des coups de
feu.
Les Khoumir, peu nombreux d'abord, se renforçaient rapi-
dement. Le sous-lieutenant Lamy ne pouvait ni marcher en
avant, ni battre en retraite. Défilant ses hommes derrièréde
gros arbres, il se défendit par un feu ajusté. Sa section, préve-
nue par un des hommes de la patrouille, vint heureusement
le secourir; puis la grand'garde, seulement après deux heures
de combat.
Vers 4 heures, deux compagnies du 4e bataillon du 1er tirail-
leurs, conduites par le commandant Wasmer, vinrent dégager
la compagnie de grand'garde n° 2, fort compromise. Ce groupe
de deux compagnies dirigea sa droite sur la gauche de la
chaîne de la compagnie engagée, puis fit une conversion à
droite.
Les Khoumir s'enfuirent en passant sous les feux de la
compagnie de grand'garde n° 2, puis devant la compagnie de
grand'garde no 1 qui leur envoya deux feux de salve. (Leur
nombre était de 300 environ; ils durent éprouver des pertes
assez sérieuses.)
La 4° compagnie du 2e bataillon (de grand'garde n° 2) eut
trois tués (deux sur place; un mort à l'ambulance dès son
arrivée) et un blessé. Elle avait brûlé dans cet engagement
250 paquets de cartouches. (Extraits des rapports du sous-
lieutenant Lamy, du commandant de Taradel et du comman-
dant Wasmer.)

N° XXIX

Dernières opérations de la 1rc brigade contre les Mekna, 26-27 mai.

Le 26 mai, à 4 h. 30 du matin, la colonne volante du général


Cailliot quitte le camp de Sidi-Khouïder, traverse l'oued-Zeen,
passe devant le camp du général Galland et s'engage sur les
pentes de la rive gauche.
L'infanterie et l'artillerie se massent derrière la crête pen-
dant que la cavalerie fait la reconnaissance du plateau.
A 7 h. 30, les troupes se remettent en mouvement pour fran-
chir la crête.
La marche va s'effectuer en trois colonnes :
1° Adroite, le colonel Gerder (avec un bataillon du 3e tirail-
leurs et un bataillon du 2e zouaves), doit longer la crête du
djebel-Dkeria;
20 Au centre, le général Cailliot (avec le bataillon de
zouaves du colonel Cajard et l'artillerie), doit traverser l'oued-
Moula;
3° A gauche, le colonel Colonna d'Istria (avec le 4e batail-
lon du 1er tirailleurs) doit brûler tous lesdouars et razzier les
moissons.
Les trois colonnes doivent ensuite converger vers le djebel-
Berzigue et s'y réunir entre 11 heures et midi.
La colonne de droite, seule, fit une razzia assez impor-
tante1a.
Pendant ce temps, tous les mulets vont en ravitaillement à
Tabarka'.
La colonne volante passe la nuit du 26-27 au djebel-Berzi-
gue. Dans la journée du 27, le général Cailliot reprend, avec
trois bataillons, l'opération manquée la veille.
Il envoie, dès le matin, deux compagnies au devant du con-
voi qui a dû se charger et laisse le camp de la colonne volante
à Berzigue, sous la protection de deux compagnies et de la
batterie.
Ce même jour, le général de division, qui était resté le 26 au
camp de Sidi-Khouïder, vient au camp de Berzigue, sous
l'escorte de deux compagnies prises dans ce camp c.
Si nous examinons la répartition, dans la journée du 27
mai, de la 1re brigade forte de sept bataillons, nous trouvons
1° Un bataillon sur la ligne d'opérations (perdu depuis long-
:
temps pourles opérations actives;

:
1. Un fort troupeau, qui avait été cerné par une compagnie de zouaves, échappa
par l'effet d'une rue originale Deux Arabes présentèrent au commandant de la
compagnie française « un carta » au crayon, sans date, signé du capitaine d'état-
major de la brigade, certifiant que ces deux hommes avaient fait leur soumission

;
et que leurs propriétés devaient être respectées. 1
Les zouaves laissèrent donc aller le troupeau on s'aperçut ensuite qu'il n'appar-
tenait pas aux indigènes qui avaient montré le carta et qui lui avaient servi de
sauvegarde.
a. Une compagnie de tirailleurs algériens en razzia n'eut à son tableau que
1° un petit poulain de 6 mois; 2° une ânesse; 3° un petit bourriquot de 1 mois
:
environ; 4° deux pots de beurre; 5° une botte de couscouss; 6° un pot d'huile;
7° un petit sac de farine; 8° dix galettes; 9° un fusil assez mauvais; 108 un pis-

; ;
tolet sans batterie; 11" six tellis; 12° deux couvertures; 13° une mauvaise car-
touchière khoumir 14° un poignard 15° deux petits poulets.
b. Le convoi, qui devait primitivement revenir à Sidi-Khouider, d'où il était
parti le 26, reçut l'ordre de venir se décharger à Berzigue, le 27.
On supposait que les animaux, après avoir été déchargés de leurs vivres à
Berzigue, pourraient repartir à 2 heures de l'après-midi pour aller chercher les
sacs et les bagages des officiers.
En réalité, le 28 au matih, à 8 heures, les six compagnies de Sidi-Khouider at-
tendent encore, tentes pliées, l'arrivée des mulets qui auraient dû arriver la veille
dans l'après-midi et qui ne sont même pas signalés.
c. Le 27 au soir, quand le général de division voulut faire tirer des fusées, à
Berzigue, pour correspondre avec les autres brigades, on s'aperçut que les artifi-
ces de la 1" brigade étaient restés à Sidi-Khouider!
2° Un groupe de 6 compagnies, à Sidi-Khouïder (gardant les
sacs de la colonne volante, les impedimenta) complètement
immobilisé;
30 Un groupe de deux compagnies, à Berzigue (gardant le
camp de la colonne volante), immobilisé;
40 Un groupe de deux compagnies, entre Sidi-Khouïder et
Berzigue (escortant le général de division) ;
5° Un groupe de deux compagnies, entre Berzigue et Ta-
barka (au-devant du convoi) ; ;
6° Trois bataillons en opération
7° Un groupe (convoi) renfermant tous les mulets (du con-
voi, des corps, d'outils, du génie, d'artillerie, indigènes), à
Tabarka en chargement, ou en route pour revenir.

N° XXX

CORPSEXPÉDITIONNAIRE
DE TUNISIE.
Ordre général à la brigade Vincendon.
Colonne Dclebecque.

OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS ET SOLDATS,

Il y a deux mois le gouvernement de la République vous appelait


de France et vous réunissait aux vieilles troupes d'Algérie pour
venger les insultes faites à notre frontière.
Aujourd'hui votre tâche est terminée et vous allez regagner vos
garnisons.
Sans guides, sans cartes, avec un temps constamment mauvais,
dans un pays inconnu de tous, coupé de ravins et couvert de bois
inextricables, vous n'avez pu vous avancer que la pioche à la main,
en construisant chaque jour les sentiers que vous deviez suivre le
lendemain.
Entraînés par l'exemple de votre brillant général, chaque fois
que l'ennemi a osé vous attendre, vous l'avez abordé avec la vail-
lance de soldats éprouvés.
Maintenant tout le pays est rentré dans l'ordre,
La France doit à votre bravoure, à votre esprit de discipline, à
l'expérience et'à l'énergie de vos officiers, à votreabnégation, un
résultat si rapide et obtenu au prix de si peu de sang versé elle le
doit aussi au concours actif de toutes les armes et de tous les ser-
;
vices.
Emportez dans vos garnisons, avec la noble fierté de l'expérience
acquise et du devoir accompli, l'assurance de la gratitude de la Ré-
publique et la confiance la plus ferme dans l'avenir de l'armée.
Au quartier général, à Hamil-el-Slema, le 13 juin 1881.

Le général de division,
DELEBECQUE.

N° XXXI

Ordre général n° 22.

OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS ET SOLDATS DU CORPS EXPÉDITION-


NAIRE DE TUNISIE,

Nous sommes arrivés au terme de nos plus difficiles opérations.


Au moment où les brigades et les corps vont se séparer, je tiens
à vous féliciter de l'esprit de discipline qui vous a toujours animés,
du dévouement et de l'entrain que vous avez montrés au milieu des
plus dures fatigues, et de l'énergie avec laquelle vous avez, en tou-
tes circonstances, abordé l'ennemi.
Sous la conduite de chefs dont je ne saurais trop reconnaître
l'habileté et la constante sollicitude, vous avez rivalisé d'ardeur et
répondu au chaleureux et patriotique appel que le ministre de la
guerre vous adressait au début de l'expédition.
Partez donc avec la satisfaction d'avoir dignement rempli votre
tâche et avec la conviction d'avoir soutenu vaillamment l'honneur
des jeunes drapeaux que vous avez reçus du gouvernement de la
République.
Au camp de Béja, le 16 juin 1881.

Le général commandant le corps expéditionnaire,


FORGEMOL.
N° XXXII

CORPS EXPÉDITIONNAIRE
DETUNISIE. Ordre général n° 16 adressé aux troupes
Colonne Delebecque de la brigade Cailliot.

OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS ET SOLDATS,

Le gouvernement de la République vous a fait venir des trois


provinces de l'Algérie pour venger les insultes faites à notre fron-
tière.
Sans cartes, sans guides, dans une région inconnue et plus diffi-
cile que toutes celles parcourues jusqu'alors parles plus vieux d'entre
vous, dans des circonstances atmosphériques épouvantables et sans
précédent en Afrique, vous avez marché, la pioche à la main, avec
la vaillance des anciens zouaves et tirailleurs dont vous perpétuez
la tradition.
Sous l'habile direction d'un chef qui a longtemps servi dans vos
rangs, avec le concours empressé de toutes les armes et de tous les
services, vous avez culbuté l'ennemi partout où il a osé vous atten-
dre.
Et maintenant, le pays étant rentré dans l'ordre, vous commen-
cez à regagner vos provinces, prêts à donner à la France et à la
la plus belle de ses colonies de nouvelles preuves de votre disci-
pline, de votre courage et de votre abnégation.
Partez avec l'orgueil du devoir accompli, et avec l'ambition de
courir à de nouveaux combats si la République, dont la gratitude
vous est acquise, fait encore appel à votre dévouement.
Au camp de Hamil-el-Slema, le 16 juin 1881.

Le général de division,
DELEBECQUE.
N°XXXIII
CORPS EXPÉDITIONNAIRE.

Quartier général. Ordre général no 25.

Le général en chef porte à la connaissance des troupes du corps


expéditionnaire la dépêche suivante de M. le Ministre dela guerre
« Au moment où les troupes du corps expéditionnaire de la fron-
:
tière de Tunisie cessent leurs opérations, je suis heureux de recon-
naître les services qu'elles ont rendus, de leur témoigner toute ma
satisfaction et de les féliciter sur les résultats obtenus. Elles ont jus-
tifié pleinement la confiance que le pays avait en elles et que M. le
Président de la République leur exprimait solennellement, il y a
moins d'une année, en remettant leurs drapeaux à tous les corps de
l'armée. Dans tous les rangs on a rivalisé de patriotisme et d'ardeur
pendant cette laborieuse campagne; les soldats ont supporté avec
courage les épreuves les plus dures, dans une contrée inextricable,
sous un climat pénible et au milieu d'incessantesintempéries. Leurs
efforts surtout ont surmonté tous les obstacles. C'est avec joie que
je les en félicite; mais je ne dois pas moins féliciter leurs chefs, les
officiers de tous grades, les fonctionnaires de tout ordre, dont le
zèle, l'intelligence, l'ardeur et l'habileté ont su tirer un si bon parti
de nos jeunes troupes. Leurs soins incessants et leur paternelle
vigilance ont maintenu un état de santé véritablement surprenant,
eu égard aux difficultés et aux circonstances que présentaient les
opérations.
M J'adresse
aussi des félicitations toutes spéciales au général For-

sagesse;
gemol dont le commandement supérieur a élé exercé avec une rare

;
au général Delebecque, qui commandait la colonne prin-
cipale d'opérations au général Logerot, qui a su donner une éner-
gique impulsion à ses troupes; au général Bréart, qui a si dignement
représenté notre pays dans des circonstances difficiles, ainsi qu'aux
généraux et chefs de corps sous leurs ordres.
» Ces services ne seront pas oubliés; la reconnaissance de la
République est acquise à tous ceux qui ont pris part à cette cam-
pagne. »
Au camp de Souk-el-Arba, le21 juin 1881.

Le général commandant le corps expéditionnaire}


FORGEMOL.
N° XXXIV

Etat, au larjuillet 1881, des troupes restant en Tunisie,


après le premier rapatriement.

INFANTERIE (15 bataillons).


Un bataillon du96e. provtdelabrig. Vincendon,àGhardimaou.

Un bataillon du
àpied.
Le29,bat.dechass.
18e. - Galland, à Aïn-Draham.
Galland, à Aïn-Draham.
-- 22e.
7e.

Galland, à Aïn-Draham.

—8o3oee—LTogerot. auKjr

, ,3comp.auauKef,
Galland, à Béja.
laSidi-Youceî.
ef,(3comp.

Kef,
t
à
or,, L, ,, K
Le27°bat.dechass.àpied. — deBrem.
Un bataillon du 122e de Brem, au Kef.
-- 142" de Brem.

- 143e
à

88° avantàTabarka,à Fernana.
Tabarka.
Le30ebat.dechass. pied,prov'delabrig.Bréart, Mateur. à
Un bataillon du 20"
38e. Bréart.
-- 92"



Bréart, à Bizerte.
Bréart, à la Manouba.

CAVALERIE (7 escadrons).
1 escadron au Kef (le 2e).
Trois escadrons du 13e chass. à cheval 1 — à Fernana (le 4").
1
— àGhardimaou(le3e).
Trois escadrons du 11e hussards.
L'escadron mixte fourni par le 3e spahis.
compagnies).
GÉNIE (3

rég.
Compagnies 12/2, 18/2 et 16/3.
ARTILLERIE (6 batteries 1/3.)

.,
10e bat. du 9e 80mm de camp., à la Manouba.
8e
— 12e
- (1sect.seul1).. 80mm demont.,àTabarka.
1 sect.,Kef.
(1
9e
— 13e - 801, — 1
Ghardimaou.

Fernana.

111 sect., La Manouba.
10°
— 13e — 80mm

1 — Mateur.
— Béja.
- à Aïn-Draham.

38e—gO"
13e 16e 80mm
— —
1" — 19e —
,
à
batterie à pied, servantdu90, Bizerteet Tabarka. à
2e — de camp., au Kef.
N° XXXV

Insurrection de Sfax.

Dès les débuts des opérations de Khoumirie, la population


de Sfax et des environs avait été en proie à une vive agitation.
A cette époque, les caïdats des Metellit et de Sfax étaient
réunis entre les mains de Hassouna Djellouli, homme déjà
âgé, et gouverneur depuis de longues années.
Dans les premiers jours de juin, Ali ben Khalifa' (tête du
mouvement insurrectionnel), arriva avec les Neffet au mara-
bout de Sidi-el-Ouaïchi et de nombreuses députations accou-
rurent le saluer.
Hassouna Djellouli, voyant cette affluence et craignant des
désordres, demanda au gouvernement tunisien l'appui d'un
détachement de soldats réguliers. Ce détachement fut envoyé;
mais, menacé par la foule irritée, il ne put occuper la kasbah
et les bastions de la ville; il dut se rembarquer sans avoir rem-
pli sa mission et retourner à son point de départ.
le

1. Ali ben Khalifa, le vieux caïd des Neffet, avait affirmé, dès le début, son in-
tention de se mettre à la tête du mouvement insurrectionnel; il se faisait remar-
quer par son activité.
Il avait envoyé un de ses fils en Tripolitaine, soi-disant pour demander des
secours à l'empire ottoman et il affirmait hautement que cinq armées turques
avaient débarqué à Tripoli et allaient incessamment se mettre en route pour venir
au secours de la Tunisie.
Il serait difficile de préciser le mobile qui avait poussé Ali ben Khalifa à se lan-
cer dans le parti de la protestation. Etait-ce l'ambition, le mécontentement ou les
?
convictionspolitiques et religieuses Redoutait-il de perdre, par le fait de notre
protectorat, la considération et l'influence dont il jouissait dans le pays, ou bien
rêvait-il, peut-être, de substituer son autorité à celle du bey et de se créer une
puissance avec laquelle nous consentirions à traiter? Il y avait certainement un
peu de tout cela dans les motifs qui le faisaient agir. Ajoutons que depuis quel-
que temps il voyait son crédit diminuer à la cour du Bardo et qu'il désirait vive-
ment ressaisir la haute situation qu'il avait occupée jusqu'alors dans la Régence.
Son fils Rached, ardent et fanatique, aux passions vives et d'une ambition sans
bornes, entraîné par son caractère vers les émotions et les aventures de la vie
guerrière, avait une grande influence sur l'esprit, déjà affaibli par l'âge, de son
père Ali ben Khalifa.
Au même moment, les Metellit' refusaient d'obéir à Has-
souna Djellouli.
Sur ces entrefaites, le consul de France d'une part et les
officiers de la canonnière le Chacal mouillée en rade de Sfax,
furent l'objet de violences et d'insultes de la part des indi-
gènes ameutés qui dirigèrent même des coups de feu sur les
marins venus au secours de notre représentant et de leurs
chefs.
Le surlendemain et les jours suivants, des bâtiments de
l'escadre vinrent renforcer le Chacal. La population euro-
péenne, menacée par les insurgés, dut se réfugier à bord de
nos vaisseaux.
Un comité de défenses'organisa dans la ville sous la prési-
dence du cheik El Hadj Mohamed Kamoun (la direction des
travaux était confiée à l'amin des maçons, Mohamed ben Zid ;
le commandement de l'artillerie à Mohamed Mahtoug).
Des contingents des Souassi, des Oulad-Iddir et des Zlass
arrivèrent, répondant à l'appel d'Ali ben Khalifa.
Les Souassi (cent cavaliers) s'en retournèrent bientôt chez
eux. Les Oulad-Iddir séjournèrent quelques jours dans la ville ;
ils y commirent tant de désordres qu'Ali ben Khalifa les ren-
voya honteusement2.
Cette intervention accrut encore l'influence d'Ali ben Kha-
lifa sur la population de Sfax.
Dès lors il imposa complètement son autorité à la ville et
saisit la direction générale des affaires.

1. Ils voulaient un autre caïd de leur choix. Celui qu'ils voulaient c'était Moham-
med Djellouli récemment nommé gouverneur du Kef et de l'Ounifa, en remplace-
ment de Rechid (celui qui avait livré la place au général Logerot). Cette préfé-
rence mérite d'être remarquée et se passe de commentaires.
Le Bardo avait été informé des événements survenus à Sfax. Espérant donner
satisfaction, dans une certaine mesure, aux exigences des Metellit, illeur envoya
comme caïd Saddok ben Abd el Ouahab bach amba. Ce personnage ne put que se
présenter devant la ville; l'attitude de ses administrés lui parut si peu rassu-
rante qu'il jugea prudent de retourner immédiatement à Tunis.
2. Ils allèrent rejoindre, sous la conduite d'Ali ben Amara et d'Ali, fils de leur
caïd El Hadj Hassein ben Messai, les Oulad Sendassen et les Oulad Khalifa des
Zlass à Sidi-Amor-bou-Hadieba.
Hassouna Djellouli était, par ce fait, mis à l'écart. Comme il
évitait prudemment de faire parler de lui, personne ne son-
geait à l'inquiéter. Mais tout à coup le bruit se répandit qu'il
favorisait les étrangers et leur confiait les secrets de la
défense. Aussitôt la foule se porte devant sa maison et le me-
nace de mort; il n'eut que le temps de se réfugier dans l'asile
de la zaouïa de Sidi-el-Karraï, d'où il put gagner clandestine-
ment un des bâtiments de la flotte.
Le départ du gouverneur de Sfax fut le signal du pillage du
quartier européen, auquel se livrèrent, avec une égale ardeur,
les habitants de la ville et les Metellit accourus du dehors.
Le 13 juillet, Mohamed el Baccouch, gouverneur de Sousse,
envoya aux notables une lettre pour les inviter à respecter les
volontés du bey et à ne pas prendre part à la révolte.
Les notables se réunirent chez le cadi. La majeure partie
désirait vivement la paix; mais la minorité turbulente fit pré-
valoir son avis et réussit, par ses menaces et ses violences, à
intimider les instigateurs du mouvement de réaction.
Pendant que l'on commentait, dans le plus grand tumulte,
les termes de la lettre du gouverneur du Sahel, arrivent deux
cavaliers Neffet, qui, sans plus de cérémonie, arrachent ce
document des mains du cadi qui venait d'en donner lecture
et vont le porter à Ali ben Khalifa.
Dès le lendemain, Ali ben Khalifa fait venir les notables
à son camp, leur reproche amèrement leur faiblesse et leur
déclare que, dans ces conditions, il va se rendre à Gabès
où il a des biens et des propriétés à défendre; tant pis pour
eux si, après son départ, les Métellit et les autres tribus
mettent leur ville au pillage. Il donne, devant eux, l'ordre
du départ et de la marche sur la route de Si-el-Aguerba et
les congédie..
Les Neftet lèvent immédiatement le camp et commencent
leur mouvement de retraite; mais dans la soirée les notables
de la ville vinrent supplier Ali ben Khalifa de ne pas les aban-
donner, lui promettant de se défendre jusqu'à la dernière
extrémité.
Le chef insurgé consentit à arrêter la marche rétrograde de
sa tribu.
Peu de temps après, le bombardement régulier de la place

vigueur;
commença. Les habitants de Sfax résistèrent d'abord avec
la nuit, ils réparaient les dégâts causés à leurs murs
pendant le jour et remettaient en batterie les canons démon-
tés. Le commandant de l'escadre française mit fin à ces tra-
vaux en faisant continuer le tir à l'aide de la lumière élec-
trique.
Le 16 juillet au matin, la majeure partie des insurgés,
effrayés par le redoublement de la canonnade et par les pré-
paratifs de débarquement, s'enfuit dans les jardins; quelques
groupes de fanatiques seuls restèrent dans l'intérieur de l'en-
ceinte pour faire face à notre attaque. Abrités derrière les
débris de leurs murailles ou derrière des retranchements im-
provisés, ils soutinrent courageusement la lutte, jusqu'à la
dernière extrémité, malgré de fortes pertes.
Les Neffet et les autres nomades s'étaient chargés de la
défense extérieure. Ils combattirent d'abord sur le rivage;
mais bientôt, chassés par le feu del'artillerie, ils prirent fuite la
pour se réfugier dans les jardins. Presque aussitôt Ali ben
Khalifa donna le signal de la retraite.
Laissant son frère El Hadj Salah ben Khalifa3 repartir pour
Chenini, il alla reporter son camp dans la vallée de l'oued-
Chaffar, au lieu dit Marouga, à 60 kilomètres à l'ouest de
Sfax; plus tard il devait aller s'établir avec ses fils et ses
neveux à Oglat-el-Foumi, dans la vallée de l'oued-Rann.
Les combattants de Sfax qui échappèrent au désastre allè-
rent, pour la plupart, se joindre à Ali ben Khalifa; quelques-

1. Voir annexe n° XXXVI.


2. En quittant son frère, El Hadj Salah. ben Khalifa se rendit à Gabès avec
Mohamed cl Midassi, le khalifa des flazcm, Belkassem ben Said et Mohamed ben
Cherfeddine. Il était suivi de quelques cavaliers des Hazem et des Beni-Zid qui,
vers la fin du mois de juin, était venus au marabout de Sidi-el-Ouaïchi mettre
leurs services à la disposition du caid des Neffet.
uns partirent immédiatement pour la Tripolitaine', d'autres,
enfin, restèrent cachés dans les jardins.
Le groupe qui se disposait à suivre la fortune du vieux caïd
des Neffet était composé des Aguerba et de plusieurs fractions
des Metellit, qui devaient se réunir à lui, quelques jours
après, à Marouga ou, dans la suite, sur l'oued-Rann.
Aussitôt maîtresse de la ville, l'autorité française entra en
pourparlers avec la population réfugiée dans les jardins et,
avec l'aide d'Hassouna Djellouli, elle parvint à les décider, en
grande partie, à rentrer chez elle et à reprendre ses travaux
habituels. Un certain nombre de douars revinrent de Marouga
faire leur soumission.
Les Metellit et les Aguerba dissidents devaient encore tenir
la campagne, jusqu'au mois de novembre, partie aux abords
de Kairouan, partie entre Sfax et Gabès.
On les retrouvera dans la suite menaçant, avec les bandes
de Ksour es Sef, les villages du Sahel et combattant les troupes
de la 7e brigade à Kalaa-Sghira et à Msaken, et semant la ter-
reur dans toute la contrée avoisinant la ville de Sfax.

N° XXXVI

Bombardement et prise de Sfax 2.

Sfax a la forme d'un carré un peu allongé dans la campa-


gne; la ville arabe est entourée de fortifications en maçon-
nerie composées de bastions carrés et de courtines, les bas-
tions très rapprochés les uns des autres et d'une hauteur de
.15 à 18 mètres, crénelés pour la mousqueterie et couronnés
de larges créneaux.

1. Voir annexe n° LXIII. 1, page 342.


2. Extrait du rapport adressé, le 17 juillet, par le colonel Jamais, commandant
le corps expéditionnaire de Sfax, au ministre de la guerre.
Il y a, en outre, des batteries couvertes armées d'artillerie
de 16 et18 centimètres, surtout du côté de la mer.
Il n'y a que deux portes, l'une vers l'ouest, donnant sur la
campagne, l'autre vers l'est communiquant avec la plage.
De ce côté se trouve, à l'angle sud-est, le fort ou kasbah; à
l'angle nord-est, un bastion très puissant. La sortie sur la
campagne est couverte par des ouvrages avancés; celle de la
plage est masquée par le quartier européen qui s'avance vers
la mer. En somme la place est très forte.
Lacampagne est découverte vers le sud. Vers l'ouest, les
jardins et les habitations se rapprochent; au nord, ils se trou-
vent à 300 mètres de la plage et s'étendent au loin sur plu-
sieurs kilomètres, le bord se rapprochant quelquefois jusqu'à
moins de 200 mètres de la plage.

;
Cette masse de jardins, tous garnis de murs ou de haies de
cactus, forme un ensemble presque inabordable les arbres y
cachent les mouvements de l'ennemi.
La plage n'est abordable que sur un très petit espace, au
débarcadère ordinaire; partout elle est très vaseuse. Il n'y a
d'autre point abordable qu'à 11 kilomètres au sud ou à 2 kilo-
mètres au nord.
L'ennemi avait renforcé sa position par une redoute carrée
en terre renfermant un chantier d'alfa; des ballots d'alfa en-
combraient les environs.
La flotte arriva au mouillage, le 14 juillet, à 10 h. 30.
A 4 heures, il y eut conseil chez le vice-amiral Garnault. On
y proposa le débarquement soit à 11 kilomètres au sud, soit
à 2 kilomètres au nord; dans le premier cas, il fallait faire une
longue marche de flanc, dans un terrain assez découvert,
mais par une température élevée, avec des soldats fatigués de
la vie à bord; le deuxième projet présentait des difficultés
moindres, mais le terrain était plus couvert et la ligne de
marche enserrée entre les jardins et la plage.
La colonel Jamais préférait tenter le débarquement de vive
force après bombardement. Il fit accepter son projet par le
vice-amiral et il fut décidé que les préparatifs seraient faits
le lendemain dans tous leurs détails, que le bombardement
serait entretenu avec régularité pendant ce temps et que
le 16, au point du jour, le bombardement le plus intense
écraserait la ville pendant que les troupes descendraient dans
les embarcations et seraient remorquées vers la plage.
Le colonel Jamais, qui prenait le commandement de l'opé-
ration dès que les troupes étaient à terre, régla ainsi les dis-
positions de l'attaque :
L'attaque du quartier européen fut donnée aux compagnies
de débarquement de la marine (1.200 hommes) elles devaient ;
être appuyées par un bataillon du deuxième voyage (bataillon
du 136e) ;
L'attaque de droite était donnée au bataillon du 92e (500
hommes), déjà habitué au climat1; il devait être soutenu par
le bataillon du 93e;
L'attaque de gauche devait être exécutée par le bataillon
du 71e, soutenu par le bataillon du 137e.
Le côté droit était certainement le plus menacé.
Pendant l'attaque, les flancs devaient être balayés par les
canonnières et les canots armés.

;
On devait commencer à toucher terre à 6 heures du matin.
Les choses suivirent d'abord leur cours mais les marins de
débarquement gagnèrent de vitesse et débarquèrent seuls et
avec entrain au quartier de la marine. Une batterie rasante,
qui s'y trouvait, n'avait pas été complètement démontée; son
tir n'eut pas d'effet. Une tranchée établie à sa droite contenait
une douzaine de fantassins qui firent feu sans résultat et
furent tués sur place. Le quartier européen put être abordé
et tourné sur la droite.
Les marins s'étendirent vers le chantier d'alfa mais pres- ;
que aussitôt arriva le convoi de l'Alma portant le 92e, qui
débarqua aussi à la marine et remplaça les marins à droite.

1. Lebataillon du 92e avait débarqué avec le général Bréart; il venait de la


Manouba.
La ville était muette ou à peu près, sauf quelques coups de
fusil.
Dans la plaine, les Arabes accouraient en foule de leurs
jardins, se jetant dans la redoute de l'alfa et dans quelques
petites levées de terre faites sur le rivage. Les cavaliers tour-
noyaient.
Les canons-revolvers et ceux des canonnières tiraient vive-
ment et ralentissaient l'ardeur de l'ennemi.
Cependant la fusillade fut vive sur ce point. Deux compa-
gnies du 92e se jetèrent dans la redoute, en chassèrent les
défenseurs, pendant que des marins y arrivaient par le bord
de la mer, et poursuivirent l'ennemi vers les jardins. Là, elles
trouvèrent une résistance sérieuse et firent des pertes assez
1
sensibles (2 officiers, adjudant, 25 caporaux et soldats bles-
sés). Ces compagnies durent se replier sur la ligne de la
redoute à la plage; elles firent ce mouvement avec le plus
grand calme.
Une compagnie du 93e vint renforcer le 92e.
Pendant ce temps, le gros convoi avait pu atterrir. Les

:
marins avaient occupé le quartier européen et avec la torpille
faisaient sauter la porte de l'enceinte des coups de fusil par-
taient d'une maison sur la gauche; ils y firent plusieurs
pertes.
Les deux portes successives étant brisées, les fusiliers
marins se dirigèrent sur la kasbah. Le 93earrivant enfin, le
colonel Jamais le fit entrer dans la ville arabe. Conduit par le
lieutenant-colonel Dubuche, ce bataillon devait gagner, le
plus vite possible, par le chemin de droite, le bout de la ville;
il fut renforcé dans ce mouvement par deux compagnies
du 71e, suivies plus tard des deux autres.
Deux compagnies de marins, avec trois batteries de 65,
étaient à gauche.
Le débarquement continuant avec assez de lenteur, le
colonel Jamais dut diriger les groupes à mesure qu'ils étaient
formés. C'est ainsi qu'il fit passer le 136e près de la kasbah
pour renforcer les fusiliers marins puis envoya à l'alfa deux
des trois batteries de 65 qui n'étaient pas nécessaires à
gauche.
Cependant, en ville, les marins gagnaient la kasbah; le
lieutenant-colonel Dubuche faisait le tour des remparts à
droite.
A l'alfa, les Arabes disparaissaient, puis revenaient; les
cavaliers tournoyaient en tiraillant. Nous y faisions quelques
pertes et nos munitions commençaient à s'épuiser. Le colonel
Jamais en fit envoyer de la marine et demanda au capitaine
de vaisseau de Marquessac, commandant au débarquement,
de faire passer au nord des canonnières et des cahots armés
de canons-revolvers pour flanquer de leurs feux la droite de
la ligne d'attaque.
:
Leur effet ne se fit pas attendre les Arabes, déjà fatigués de
leurs pertes antérieures, rentrèrent dans les oliviers et n'en
sortirent plus ensuite qu'en petit nombre.
Le combat était en réalité terminé; il était environ 11 heu-
res. En ville, les marins avaient aussi continué leur marche
vers l'ouest et s'étaient rencontrés avec les compagnies d'in-
fanterie. On sillonnait les rues. A la mosquée, il y eut des
coups de fusil et des blessés.
Le drapeau français flottait à la kasbah à 10 heures;
à 11 heures il était planté à la porte de la campagne.
A la porte de la plage, il fallut faire avancer un canon de 65
pour mettre le feu à la maison d'où l'ennemi nous avait blessé
et tué des marins.
Le 137e ayant pu débarquer un deuxième convoi à midi, le
colonel Jamais lui fit relever le 92e. Les fusiliers marins
rentrèrent à bord et les bataillons prirent leurs positions
d'occupation et de défense.
Le 92e, rentré dans Sfax, occupa la moitié est de la ville,
dont le 93e occupait la moitié ouest; le 137e s'installa dans la
redoute de l'alfa; le 136e prit position au pied de la kasbah, en
dehors et le 71e dans le quartier européen, prêts à se porter
où il serait nécessaire.
Puis on continua à fouiller les maisons. Les Arabes qui s'y
défendaient encore furent exécutés; à la mosquée il fallut
employer la torpille, une douzaine d'Arabes y furent écrasés.
Nos pertes dans la journée du 16 furent de dix tués (dont sept
marins) et vingt-cinq blessés (le lendemain un fantassin fut
tué fouillant une maison).
encore en
On trouva sur place 43 pièces de 16 et 18 centimètres, puis
19 de calibres très variés 12, 4, etc; des boulets de tous les
modèles, 2.200 kilogrammes de poudre à la kasbah et beau-
coup de munitions de fusils de guerre de précision portant
sur l'enveloppe des paquets l'indication de leur origine, suisse,
américaine, anglaise, italienne, Venise1.
Un bataillon du 77e et des détachements de renfort arrivè-
rent en rade de Sfax, le 17 juillet dans l'après-midi.

N° XXXVII

La prise et l'occupation de Sfax.

A la suite durapport officiel du colonel Jamais, il ne sera


pas inutile de consulter le résumé des « Rapports hebdoma-
dàires » des opérations des troupes depuis le jour de l'occupa-
tion de la ville de Sfax.
Ce document (dont l'établissementfut prescrit par l'instruc-.
tion n° 19, en date du 31 juillet 1881, du général de division)
a pu être rédigé posément, d'après les comptes rendus des
troupes.

1. La circulaire par laquelle le gouvernement tunisien fit part à ses agents et à


la population musulmane de l'entrée des troupes françaises à Sfax, constitue un
document curieux à citer à cause des réticences qu'il renferme, de sa tournure
oblique et des biais employés pour fausser l'opinion que les indigènes doivent
avoir touchant la nature des relations existant entre les deux gouvernements.
En voici la copie :
informons
« Vous que les troupes françaises qui étaient allées à Sfax contre
les rebelles sont entrées et ont occupé avec la force nécessaire la susdite ville de
Sfax, afin qu'on ait à reconnaître l'autorité de notre souverain comme parle passé,
de sorte qu'il ne reste plus aux rebelles aucun espoir de révolte. »
En ce qui concerne la prise de Sfax, il ne concorde pas pour
les détails avec le rapport du colonel Jamais.
Ce dernier, fort long d'ailleurs et écrit entièrement par le
général, ayant été fait très rapidement (puisqu'il fut adressé
au ministre de la guerre le 17 juillet) et probablement avant
que le colonel eût eu connaissance de tous les mouvements
réellement exécutés, il semble préférable de s'en rapporter,
pour les faits, aux a Rapports hebdomadaires
résumé
»
dont suit un
:

Résumés des « Rapports hebdomadaires »des opérations des troupes


depuis le jour de l'occupation de la ville de Sfax.

16 juillet. — Le 14, au conseil de guerre tenu à bord du Colbert,


le débarquement avait été préparé de la manière suivante
Les compagnies de débarquement de la marine, formant un
:
corps spécial, devaient débarquer à la marine. Le bataillon du 926
devait, en même temps, profiter d'un chenal plus au nord, débar-
quer en face de l'établissement de l'alfa, s'en emparer et poursuivre
son action sur les huileries qui lui font face. Le 93° venant en
deuxième ligne, devait débarquer aussitôt que possible, appuyer
l'action du 92e et tenter l'escalade de la brêche visible au front
nord-est. Le 71e, débarquant derrière les marins, devait filer au
sud et dégager les abords extérieurs de ce côté; il avait pour objec-
tifs des huileries très visibles de loin. Enfin le 136e et le 137e for-
mant un troisième convoi, devaient former réserve et se porter où
besoin serait.
*
L'influence de la marée, les bas-fonds de la plage, l'insuffisance
des moyens de remorque ne permirent pas d'exécuter ce plan.
La marine, débarquée la première, occupa la ville européenne et
tâta la ville arabe complètement fermée.
Le 92e débarqua vingt minutes après, se jeta sur l'enceinte palis-
sadée de l'alfa, s'en empara, escalada fort difficilement, avec quel-
ques hommes, la brêche indiquée et prolongea son mouvement
assez en avant dans la direction des jardins.
Le 93e, constituant le premier convoi de l'Intrépide, débarqua
une demi-heure après avec le colonel et le lieutenant-colonel. Le
colonel se rendit compte des mouvements opérés. Les marins
avaient fait sauter les portes de la ville arabe et se dirigeaient sur
la kasbah. Il ordonna au lieutenant-colonel de pénétrer dans la
ville par le front opposé à la kasbah et de chercher à gagner
l'extrémité opposée, vers la porte dite « des champs ».
Le 136e, débarquant en même temps que le 93e, reçut l'ordre de se
porter à l'extérieur, vers le front sud-ouest, et de dégager les abords.
Ces mouvements s'exécutèrent promptement; la marche dans
l'intérieur fut lente et pénible, plus par la difficulté des voies
d'accès, des éboulements, que par le feu des maisons encore occu-
pées. Sur ces entrefaites, le 71e avait débarqué et était dirigé sur la
ville, entre les marins de la kasbah et le 93e. La ville fut parcourue
dans tous les sens pendant trois ou quatre heures malgré de nom-
breux coups de feu sans effet.
Le 137e débarqua beaucoup trop tard pour prendre part à l'action.
La ville occupée, les centres sérieux de résistance étaient rompus.
Le colonel Jamais répartit les troupes, vers 2 heures de l'après-
midi, dans les positions suivantes :
Les marins se retirèrent et le 92e occupa, avec deux compagnies,

;
la kasbah et ses abords; avec deux compagnies le bastion blanc et
ses abords le 93e occupa tout l'intervalle entre ces deux postes,
vers la porte des champs; le 71e fut cantonné dans la ville euro-
péenne; le 136e dans la partie ouest de ce quartier avec une com-
pagnie de grand'garde sur la face de la kasbah, en avant de laquelle
elle commença une tranchée-abri et une compagnie en soutien
gardant la porte de l'ouest; le 137e occupa l'enceinte palissadée de
l'alfa, prolongée jusqu'au rempart par des balles de cette plante.
La nuit se passa sans incidents bien notables; il y eut quelques
coups de feu et beaucoup de bruit à l'extérieur, surtout du côté
nord-est; de nombreux coups de feu également dans la ville arabe,
ce qui tint les troupes en alerte une partie de la nuit.
Le service de sûreté avait été aussitôt organisé partout.

Résumé très sommaire des événements postérieurs au 16 juillet.


17 juillet. — Les bataillons s'organisent dans leurs cantonnements.
Arrivéeenrade d'un bataillon du 77e et de détachements de renfort.
18 juillet. — Débarquement du bataillon du 77e et des détache-
à
ments d'autres corps destinés compléter les bataillons à 500
hommes. Le bataillon du 77° est installé dans la grande mosquée
de la ville arabe. Construction d'un retranchement en avant de la
compagnie de grand'garde du 136e, à l'ouest de la kasbah.
25 juillet. — Le colonel Jamais, commandant le corps expédi-
tionnaire de Sfax, remet le commandement des troupes au lieute-
nant-colonel Dubuche, du 83e, et s'embarque pour Gabès1.
26 juillet. — Le bataillon du 93e quitte ses cantonnements de la
ville arabe pour aller camper dans la redoute de l'alfa.

1. Le colonel Jamais embarqué sur la Pique, débarque à Houmt-Souk le 28


27 juillet. — Les bataillons du 71e et du 137e quittent Sfax pour
s'embarquer à bord de l'Intrépide1, à destination de Gabès et de
Djerba.
Le bataillon du 77e quitte ses cantonnementsde la ville arabe pour
aller camper sur la place des Consulats, dans le quartier européen.
28juillet.
— Le gouverneur tunisien de la ville de Sfax, Si Has-

;
sounaDjellouli, réfugié à bord de l'Alma, descend à terre et reprend
possession de son poste il avait attendu, sur le bâtiment français,
de pouvoir rentrer chez lui en toute sûreté.
Arrivée en rade de Sfax du général Logerot, commandant
sion d'occupation.
la
divi-

29-30 juillet. — Le général Logerot visite la ville. Avant de s'em-


barquer pour Gabès, le général de division décide la réunion en un
régiment de marche portant le n° 1 et placé sous les ordres du lieu-
tenant-colonel Dubuche des bataillons du 77e, 93e et 136e.
3 août. — Débarquement à Sfax d'une demi-compagnie du
génie; l'autre moitié de la compagnie poursuit sa route sur Gabès
et Djerba.
5 août. — Le général Logerot (arrivé à Sfax revenant de Gabès)
visite l'ambulance et le fondouk du quartier européen destiné à
servir de magasin de subsistances.
11 août. — Le bataillon du 92e s'embarque pour La Goulette.
Le bataillon du 136e quitte la ville européenne pour occuper,
dans la ville arabe, les cantonnements laissés par le 92e. Le 77e
élargit ses cantonnements dans le quartier européen.
21 août. — Le colonel Jamais rentre de Gabès.
3 septembre. — Le bataillon du 93e s'embarque à destination de
La Goulette (il part le 4 septembre); deux compagnies du 77e
quittent la ville européenne pour aller occuper le camp de l'alfa
laissé vacant par le départ du bataillon du 93e.
9 septembre. — Le bataillon du 136e, dont l'état sanitaire laisse un
peu à désirer, élargit ses cantonnements en installant une partie
de ses hommes sur les bordjs des remparts de la ville arabe.
15 septembre. — Le colonel Jamais se rembarque pour Gabès.

Des reconnaissances, fortes, le plus souvent, de quatre compa-


gnies et d'une section d'artillerie, partent de la place presque jour-
nellement depuis l'occupation de Sfax et opèrent dans les environs

et
juillet, en même temps que le bataillon du 78e, venu sur l'Algésiras qui, avec
le bataillon du 71e, formera le groupe commandé par le lieutenant-colonel Bernet,
chargé de l'occupation de l'île Djerba.
1. L'Intrépide arrive le 29 juillet en rade de Gabès, y débarque le 137e (une
compagnie le 29 au soir, trois compagnies le 30 au matin), puis file sur Djerbaoù
il débarque, le 31 juillet, le bataillon du 71e.
N° XXXVIII

Organisation de la province de l'Aarad, en 1881.

1°Oasis de Gabès (Djara, Menzel, Nahal, Es-Souaïdia de Sidi-bou-el-

i
Baba, Chenini, Bou-Chemma, Methouïa, Oudref, Grennouch, Teboulbou,
Zarat)

;El-Hamerna, possédant les oasis de Mareth, Ketena, Zrigue el Ber-
rania, Aram,El-Medouc, El-Ghendri, El-Mnara;
3° El-Aleya;
4° Oulad-Mansour;
5° El-Hazem. Les Hazem possèdent Zrigue-el-Daklania et ;
Meterech;
6° El-Gheraïria, possédant les oasis de Sidi-Salem et Gheraïri
7° Benid-Zid et El-Hamma;
8° Matmata (El-Achach, Taoudjout, Guelaat-beni-Aïssa, Tamezeght,
Oulad-Sliman, Beni-Zelten, El-Braouka, Zmerten, Zraoua, etc.).
Hararza,
Rebeten noirs,
Rebeten blancs,
1° Khezour. Oulad-Aoun-Allah,

a
Rebaïa,
Mestoura,
Haouaïa;

;
u| [
20 Accara;
30 Oulad-Medenin
9° Confédération 40 Temera;
des
Ouarghamma.
<]5°TouazineOulad-M hamed,
I Oulad-Bou-Zid J;(
Oulad-Hamed
Mhamed<(~Oulad-Hamed;
ameOulad-Khalila;
;
l
F
707°
;
Ouderna nomades

Djelidat;
Djelidat;
dudjebel. ,
I Ghoumerassen, Beni-Barka, Guet-

du djebel.
Hdu Je
toula, Beni-Khezer, Cedra, Che-
nenni, Douiret.

N° XXXIX

Insurrection de l'Aarad.

Jusqu'au traité de Kassar-Saïd aucun désordre ne s'était


produit dans l'Aarad.
1" Partie. Mais la nouvelle de l'établissement de notre protectorat1,
coïncidant avec un redoublement d'activité dans la propa-
gande d'Ali ben Khalifa, provoqua une première agitation,
surtout dans les villages de Chenini et de Menzel.
Ce surcroît d'effervescenceétait tout naturel à Chenini, où le
caïd des Neffet était représenté par son frère ElHadj Salah ben
Khalifa2 et où il possédait lui-même une maison et d'impor-
tantes propriétés et s'expliquait, à Menzel, par les nombreux
rapports d'amitié qui liaient les deux villages.
Un événement, insignifiant en lui-même, vint aggraver la
situation et augmenta le mécontentement général.
Un habitant de Menzel ayant fait débarquer, à Gabès, deux
caisses d'apparence suspecte, notre agent consulaire, M. Si-
card, qui était en même temps représentant de l'admi-
nistration des revenus concédés, exigea qu'elles fussent ouver-
tes malgré la déclaration faite par l'expéditeur sous la rubrique
« marchandises diverses ».
On y découvrit cinquante fusils qui furent saisis, confor-
mément aux prescriptions d'un décret récemment édicté par
le bey et interdisant dans la Régence le commerce des armes
et des munitions de guerre.

1. Personne, en Tunisie, hormis, bien entendu, les classes élevées de la société,


ne pouvait se rendre compte de ce qu'était le protectorat imposé à la Régence. On
ne comprenait pas qu'il fût possible d'obéir à deux gouvernements dont les inté-
rêts étaient évidemment opposés.
« Il y aura donc deux autorités, disait un indigène à un de nos
officiers, quelque

;
temps après la signature du traité; nous devons continuer à obéir au bey, tout en
?
vous obéissant comment cela pourra-t-il se faire Une femme ne saurait être à
deux maris. »
Ces paroles étaient bien l'expression des sentiments qui animaient la foule.
2. Voir la note 2 de l'annexe n° XXXV, page 165.
La mesure, dont M. Sicard avait pris l'initiative, causa chez
les Beni-Zid et les Hazem aussi bien qu'à Menzel et à Chenini,
une très vive irritation qui se traduisit par des menaces de
mort à l'adresse de notre agent consulaire et des rares Euro-
péens établis dans la région.
Tous les villages de l'Aarad, à l'exception du seul village de
Djara, résolurent de prendre les armes.
Cette abstention de Djara était due à El Hadj Ahmed ben
Djerad, oukil des habbous à Djara, vieillard de 80 ans, qui
persista jusqu'au bout, malgré les menaces de ses ennemis
et les malheurs qui vinrent le frapper, dans la voie qu'il s'était
tracée.
Il avait compris que toute immixtion dans les affaires de la
Régence devait nécessairement mettre un terme aux abus qui
écrasaient son pays et il désirait pour les siens la civilisation,
la paix et la prospérité.
Ali ben Khalifa qui, quelques semaines avant, campait au-
près de Chenini, sur la lisière de l'oasis, avait remarqué la
tiédeur des sentiments qui animaient les habitants de Djara. Il
avait fait appeler El Hadj Ahmed ben Djerad; celui-ci avait
refusé de se rendre à cet appel.
Les événements du nord avaient attiré Ali ben Khalifa vers
l'oued-Rann; il avait oublié d'inquiéter l'homme qui lui avait
résisté.
Les gens de Chenini et de Menzel apprirent avec colère la
défection des habitants de Djara; ils leur envoyèrent M'hamed
elMidassipour tâcher de les entraîner; une dizaine de mes-
kines ou de voyous de Djara se rallièrent seuls à sa cause.
Vers le 15 juin 1881, les Menzeli affirmaient leurs intentions
séditieuses en assassinant un juif de Ksar-Moudeninequi était
venu se réfugier dans leur village, et en détruisant le fil télé-
graphique. Le premier pas était fait.
Le lendemain, Mohammed ben Cherfcddine1, El Hadj Salah

1. Mohamed ben Cherfeddine, khalifa des Beni-Zid, se décidait à entrer franche-


ben Khalifa et M'hamed el Midassi, avec quelques cavaliers
des Beni-Zid, des Hamerna et des Hazem, se mettaient en
marche pour rejoindre Ali ben Khalifa qui, depuis quelque
temps déjà, avait quitté son camp de l'oued-Rann pour re-
monter vers Sfax1.
Quelques jours après, le bach-muphti de l'Aarad, Ali el
Habib ben el Hadj Habib ben Aïssa, voulut renouveler la dé-
marche tentée par M'hamed el Midassi auprès des gens de
Djara; il les invita à venir délibérer à Menzel.
El Hadj Ahmed ben Djerad, l'yous-bachi Moustapha Tourki,
qui commandait le bordj de Menzel et quelques autres Dja-
riens répondirent à son invitation.
D'autre part, les habitants de Menzel et de Chenini étaient
venus en foule.
Le bach-muphti commença à déclarer qu'il avait reçu de
Tripolitaine des lettres lui annonçant l'arrivée des troupes
turques, puis il reprocha à El Hadj Hamed son attitude et
l'adjura de faire revenir ses concitoyens sur leur décision;
enfin, il somma Moustapha-Tourki de lui livrer les armes et
les munitions qui se trouvaient dans le bordj de Menzel.
El Hadj Hamed dit qu'il devait consulter les Djariens et se
retira; quant à Moustapha Tourki, il se contenta de répondre
que son devoir était de se conformer aux ordres du bey.
Aussitôt rentré à Djara, El Hadj Hamed en convoqua les
habitants qui commençaient à s'inquiéter et à hésiter. Il
exposa la situation nettement, se déclara hautement contre
toute idée de résistance et entraîna ainsi la masse de l'assem-
blée. La détermination de se soumettre à l'autorité française
fut religieusement consacrée par la lecture du Fatha. Une cin-
quantaine de personnes, cependant, voulurent suivre les con-
seils des gens de Menzel. Elles quittèrent Djara avec leurs

;
ment dans l'insurrection aux premières excitations d'Ali ben Khalifa il avait
répondu, tout en lui promettant son concours, qu'il regrettait de ne pouvoir quitter
son territoire menacé par les Ouarghammaet les bandits tripolitains.
1. Voir 1, annexe n° XXXV, page 162.
familles; elles devaient y revenir plus tard en fugitives et en
vaincues.
Le 25 juin, la nouvelle de l'insurrection de Sfax se répand à
Gabès.
Aussitôt les Beni-Zid manifestent ouvertement l'intention
de massacrer les étrangers établis à Gabès.
Malgré les protestations des notables de Djara qui promet-
,
taient de le défendre jusqu'à la dernière extrémité, notre
agent consulaire jugea prudent de s'éloigner; il s'embarqua
le 30 juin avec sa famille, quelques Européens et deux em-
ployés tunisiens.
Le khalifa de l'Aarad, Si Zerrouk ben Bou Ali, s'empresse
de rendre les armes confisquées quelque temps auparavant et
qu'il n'avait pas envoyées à Tunis, malgré les ordres du gou-
vernement beylical. Cet acte de Zerrouk (le représentant offi-
ciel du gouverneur de l'Aarad Si Haïder, qui était à Tunis et
se gardait bien de revenir dans son commandement), fut con-
sidéré comme la reconnaissance de l'insurrection.
Dès lors ceux qui, en dehors du village de Djara, pouvaient
encore pencher en notre faveur, nous abandonnèrent.
Les gens de Menzel et de Chenini, voulant se consacrer sans
arrière-pensée et sans faiblessé à la lutte qu'ils sentaient pro-
chaine, conduisirent leurs familles et transportèrent leurs
biens dans le djebel-Matmata. Ils revinrent ensuite à Gabès,
plus arrogants encore.
Vers le 19 juillet, El Hadj Salah ben Khalifa, M'hamed el
Midassi, khalifa des Hazem et Mohamed ben Cherfeddine
revinrent de Sfax1. Leur arrivée provoqua un redoublement
d'irritation.
A force de travailler sur les événements du 16 juillet, les
imaginations voient déjà les troupes françaises en marche sur
Gabès; bientôt on raconte couramment qu'elles sont à Metouïa
et qu'elles se portent sur Chenini.

1. Voir la note 2 de l'annexe XXXV, page 165.


Les Chenaoui se replient aussitôt sur Menzel qui prend les
armes.
(Personne ne songe à chercher à contrôler la véracité de ces
racontars. )
Le lendemain, on se porte à la rencontre des infidèles.
Les contingents de Chenini et de Menzel, renforcés par
quelques Hazem sous la conduite de M'hamed el Midassi, par
une centaine de cavaliers des Beni-Zid et par les Djariens
rebelles, se dirigent vers Metouïa, en suivant le bord de la mer.
Chemin faisant, ils détruisent le magasin de la Compagnie
transatlantique, puis, apprenant qu'ils ont été trompés par
une fausse alerte, ils font demi-tour.
Le surlendemain, un navire de guerre français arrivait en
rade de Gabès et débarquait un domestique indigène de notre
agent consulaire, porteur d'une lettre invitant les gens de
l'Aarad à faire connaître l'attitude qu'ils désiraient prendre
vis-à-vis des troupes françaises; la réponse devait être rap-
portée dans la journée.
Réunion tumultueuse dans la maison du cadi de Menzel.
Tout à coup on y voit arriver des cavaliers couverts de pous-
sière, qui annoncent que les armées du sultan ont débarqué en
Tripolitaine et sont en marche sur Gabès (c'était une comédie
imaginée par Mohamed Cherfeddine). On reproche aux habi-

à prendre part à la lutte :


tants de Djara leur faiblesse et leur défection; on les forcera
on menace de mort Ahmed ben
Djerad. Enfin on répond au commandant du navire que les
populations de l'Aarad ne se soumettront pas.

2"Partie. Le 24 juillet, un dimanche, la flotte française parut dans le


Opérations. golfe de Gabès et, sans entamer de nouvelles négociations,
commença à bombarder le bordj de Moustapha Tourki,
Menzel, Sidi-Boul-Baba, et les différents villages qu'elle pou-
vait découvrir.
Mohamed ben Cherfeddine et Salah ben Khalifa essayèrent
un instant d'attirer les feux del'escadre sur Djara, en plaçant
leurs contingents derrière les maisons de ce village; mais
craignant d'être pris à revers par les partisans d'Ahmed ben
Djerad, ils prirent le parti de se retirer dans Menzel.
Les fusiliers marins débarquèrent et dépassèrent rapidement
le Kechla-Mta-el-Bahar inoccupé. Au moment où les éclai-
reurs de la colonne arrivaient près de Djara-Kébira, Ahmed
ben Djerad se présenta à eux et les assura de son dévouement.
Les marins se rabattirent alors sur Menzel. L'yous-bachi
Moustapha Tourki s'empressa de hisser le drapeau blanc; les
marins pénétrèrent dans le bordj et, garnissant les murs, ils
répondirent au feu qui partait de Menzel.
Cependant un groupe d'une trentaine d'hommes, entraînés
par l'ardeur du combat, fait irruption dans le village. Parvenus
à la place du marché, ils sont accueillis de toutes parts par
une vive fusillade qui les arrête. Le muphti de Menzel, qui
s'était précipité sur eux à cheval, tombe raide mort d'une
balle en pleine poitrine. Nos marins se retirent sur le bordj.
Vers 3 heures de l'après-midi, nos troupes, qui n'avaient
reçu aucune instruction pour occuper Menzel, se replient sur
le camp établi au bord de la mer.
Les insurgés s'empressent d'occuper le fort; mais leur mou-
vement est aperçu et l'escadre leur envoie quelques coups de
canon. Un des projectiles tombe sur un dépôt de munitions;
une formidable explosion bouleverse de fond en comble le
bordj de Menzel et ensevelit une soixantaine d'indigènes sous
ses décombres.
Dès le soir, les notables de Djara se rendent auprès de l'ami-
ral, pour affirmer de nouveau leurs bonnes dispositions à
notre égard.
Le 25 juillet commence le débarquement des troupes de la
guerre; elles s'installent à Kechla-Mta-el-Bahar; l'opération
est terminée le 30

1. Voir annexe n° XL, composition du « corps expéditionnaire » du colonel


Jamais
[Le colonel janiais après la prise de Sfax dirige l'ensemble des opérations
sur la côte sud :
Le 31 juillet, le lieutenant-colonel Mille, commandant d'ar-
mes de Gabès, ordonne une reconnaissancesur Djara et Menzel.
Menzel est enlevé par nos troupes; le lieutenant-colonel en
fait la reconnaissance et constate qu'il lui faudrait trop de
monde pour occuper ce village d'une façon solide. Il se décide
à évacuer Menzel et à faire occuper Djara 1, village ami, par
un bataillon.
Mais le soir, en se repliant, nos soldats laissaient trois2 des
leurs entre les mains des insurgés. Ces trois malheureux fu-
rent brûlés vifs sur la place de Chenini en présence de M'ha-
med el Midassi, Salah ben Khalifa-et Mohamed ben Cherfed-
dine, dont les contingents avaient pris part au combat.
Quelques jours auparavant, cinq juifs avaient été égorgés à
Menzel.
Cependant l'enthousiasme baissait chez nos adversaires;
revenus à Menzel, ils se contentaient maintenant de tirer sur
tous ceux qui s'aventuraient autour de Djara; ils se mainte-
naient sur la défensive.
Dans les premiers jours d'août, Menzel fut le théâtre d'un
nouveau crime, aussi affreux que celui qui avait été commis
précédemment à Chenini.
Deux soldats, voulant se rendre à Djara, avaient fait fausse
route et s'étaient dirigés sur Menzel; ils furent pris par les
insurgés qui, après les avoir fait mourir avec des raffinements
de cruauté inouïs, jetèrent leurs cadavres dans l'oued-Gabès
qui servait à approvisionner en eau le camp français.
Le 7 août, le lieutenant-colonel Mille fait détruire les mai-
sons des principaux chefs et la grande mosquée de Menzel.
Après avoir accompli leur œuvre, nos troupes se retirent.


2° (
opérations à Gabès Mille)
;
occupation de Sfax (lieutenant-colonel Dubuche)
;
— —
3° prise de possession de Djerba (lieutenant-colonel Bernet) ; ]
et annexe n° XLI. Résumé des rapports hebdomadaires du commandant d'armes
de Gabès.
1. L'audace des insurgés rendait intolérable la situation des habitants de Djara-
Kebira.
2. Trois soldats du 14e régiment d'infanterie.
Peu de temps après les insurgés reviennent et brûlent la
maison du télégraphe et les habitations des juifs.
Jusqu'alors, Si Haïder, gouverneur de l'Aarad, n'avait pas
quitté Tunis. Ayant appris que nos opérations étaient en bonne
voie, il s'embarque et arrive le 12 août à Gabès.
Dès le 13, il se mettait en relations avec le cadi de Menzel,
Si Abd el Aziz; celui-ci, en homme pratique et voyant que la
balance penchait de notre côté, répondit favorablement à ses
ouvertures.
Abd el Aziz n'obtint d'abord aucun succès auprès des siens;
le ramadan venait de finir et les excitations du mois sacré
avaient rallumé l'ardeur générale; mais, surtout, certaines
récoltes arrivées à maturité dans les jardins de l'oasis de Ga-
bès, tentaient les voleurs et les pillards.
L'oasis de Gabès regorgeait alors d'indigènes, venus de
presque tous les villages de l'Aarad, dans l'intention de piller
les jardins de Djara. Quelques-uns avaient commencé leur
besogne et ne voulaient pas l'abandonner; les ouvertures
d'Abd el Aziz ne pouvaient donc réussir auprès d'eux.
La situation ne se modifia pas sensiblement jusqu'à la fin
d'octobre. Les dissidents inquiétaient les gens de Djara et nos
avant-postes, reculant devant la marche de nos troupes, re-
venant à leurs positions quand celles-ci retournaient à leurs
quartiersa.
Le 31 août, le lieutenant-colonel Mille conduit une forte re-
connaissance vers Métrech et Zerigue; quelques coups de
fusils à Ménara.
Le 17 septembre, un bataillon secondé par les gens de Djara
continue la destruction de Menzel; les jours suivants l'artil-
lerie fouille les oasis des environs pendant que le Chacal

a. Les opérations autour de Gabès présentant peu d'intérêt au point de vue mi-
litaire (elles se bornèrent, presque dès le début, à des sorties du petit corps fran-
çais, s'appuyant sur un camp fortifié, contre un ennemi qui reste sur la défensive,
actions qui ont surtout pour but de lui donner de l'air) et ne se liant pas aux opé-
rations poursuivies ultérieurement par les colonnes françaises, nous avons ter- ,

miné d'un coup l'étude de l'insurrection dans l'Aarad, jusqu'au moment où l'ap-
proche de la colonne Logerot sur son flanc en désorganisa la résistance.
concentre son feu sur Chenini, Bou Chemma, Menzel et l'oasis
de Gabès.
Le 27 septembre, trois indigènes de Ghennouch, faits pri-
sonniers près de Djara, sont passés par les armes.
A la suite de cette exécution et de la canonnade des jours
précédents, les maraudeurs commencent à abandonner l'oa-
sis de Gabès pour rentrer chez eux.
La nouvelle de la prise de Kairouan (26 octobre) achève de
jeter le trouble dans le camp dissident.
Mohamed ben Cherfeddine et M'hamed el Midassi manifes-
tent l'intention de se retirer sur El-Hamma, tandis que Salah
ben Khalifa et le bach muphti Ali el Habib prétendent conti-
nuer la résistance sur place. Les moins compromis parlent
même de soumission.
Bientôt on apprend qu'une colonne française doit partir de
Kairouan pour venir donner la main aux troupes de Gabès.
Aussitôt les habitants d'Oudref et de Métouïa viennent faire
leur soumission.

;
Ceux des Djariens qui avaient suivi les conseils des gens
de Menzel, regagnent clandestinement leur village l'autorité
française, afin d'encourager ces tendances, ne paraît pas
s'apercevoir de leur retour.
Dès le 23 novembre, des groupes d'indigènes de différentes
tribus, refoulés vers le sud par la colonne Logerot, commen-
cent à affluer dans l'Aarad, ravageant les jardins, ruinant et
détruisant ce qui avait été épargné jusqu'alors.
Le 26 novembre, la. colonne française étant arrivée sur
l'oued-Akarit, les chefs insurgés se décidèrent à abandonner
Chenini, dont ils avaient fait leur quartier général, pour se
retirer sur El-Hamma des Beni-Zid.
Le désordre était arrivé à son comble. Mohamed ben Cher-
feddine et le bach muphti Ali el Habib avaient en vain essayé
de le prévenir et d'empêcher les forces insurrectionnelles de
se disperser. Ils avaient été débordés et ils se retiraient en
toute hâte, accompagnés seulement de quelques cavaliers
qu'ils avaient pu encore grouper autour d'eux.
U
Un
U

n
du

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nbataillon
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(
débarqué à Sfax le

on}.
présent
presentàa
che
était présent à
N°XL

L'infanterie du corps expéditionnaire du colonel Jamais est

U|b 11
forte de neuf bataillons.
Elle est ainsi répartie, le 1er août 1881 :

Unbataillon)
17 juillet.
Sfax le 16 JulIlot.
n"1,sous
Sfax le 16juillet.
Ces
à SFAX.
trois batail-
Ions ont formé, à la
datedu31juillet,
les
le reglment de mar-
che n° 1, sous les
ordres du lieute-
nant-colonel DUBU-
CHE, du 83e.
présent à Sfax, le 16 juillet. Ce bataillon ancien,
U bataillon provenant de la Manouba, reste à Sfax jusqu'au 11 août,
u date à laquelle il s'embarque pour la Goulette.
était présent à Sfax, le 16 juillet. Em-
Un bataillon barque le 27 juillet (avec le 71e) à
du 137e j bord de l'Intrépide.
V débarqué à Gabès les 29 et 30 juillet.
embarqué le 21 juillet à Toulon à bord I
l de l'Algésiras, à destination de la à GABÈS.
Un bataillon ) Manouba, dirigé directement sur le Sous les ordres
du 14e j sud par ordre du ministre de la du lieutenant-colo-
r guerre. nel MILLE, du 143'',
débarqué le 25 juillet à Gabès. L
commandant d'ar-
l
!I embarqué le 21 juillet à Toulon à bord mes de Gabès.
de l'Algésiras, à destination de la
Un bataillon Manouba; dirigé directement sur le
du 107e sud par ordre du ministre de la
I
guerre.
débarqué le 25 juillet à Gabès.
embarqué le 21 juillet à Toulon à bord
l de l'Algésiras, à destination de la ]
Un bataillon lanouba; dirigé directement sur le t à DJERBA.
du 78
f guerre.giment
j sud par ordre du ministre de la Forment un ré-
de marche
débarqué le 28 juillet à Houmt-Souk. sous les ordres du

Un bataillon
-
était présent à Sfax le 16 juillet. Em- lieutenant colonel
barqué le 27 juillet (avec le 137e) à BERNET, du 55e.
du 71' bord de l'Intrépide. j
débarqué le 31 juillet à Houmt-Souk.
De ces neuf bataillons, huit sont des bataillons envoyés de
France depuis le premier rapatriement.

Le 24 juillet, est passé devant Sfax l'Algésiras, parti le 21 de


Toulon et ayant à bord les trois bataillons et la batterie desti-
nés aux opérations contre Gabès et Djerba.
Le colonel Jamais s'embarque à Sfax le 25 juillet au soir, à
bord de laPique, pour aller installer ces troupes.
Il passe les journées des 26 et 27 à Gabès, rembarque sur
YAlgésiras, qui, après avoir débarqué à Gabès les bataillons du
14e et du 107e et deux sections d'artillerie, continue sur Djerba
avec le bataillon du 78e et une section d'artillerie.
Il débarque le28 à Houmt-Souk.
Le 2 août, il se rembarque à Houmt-Souk, a bord du Volti-
geur, pour Gabès.
Le 21 août, il s'embarque à Gabès, à bord du Chacal, pour
Sfax.
Le 15 septembre, il s'embarque à Sfax, à bord de la Vienne,
pour Gabès.

XLI

Résumés des « Rapports hebdomadaires » établis par le lieutenant-


colonel commandant d'armes de Gabès (lieutenant-colonel Mille,
du 143e).

OPÉRATIONS DEPUIS LE JOUR DU DÉBARQUEMENT DES TROUPES


DE LA GUERRE

25 juillet 1881. — A 9 heures du matin, les deux bataillons du 14e


et du 107e sont débarqués à Kechla-Mta-el-Bahar; les marins, qui
avaient passé la nuit du 24-25 dans la maison du gouverneur, ral-
lient leur bord à midi, laissant à terre quatre pièces de petit cali-
bre.
26juillet. —
;
Débarquement de deux sections du 35e régiment
d'artillerie (9e batterie) les quatre pièces de la marine laissées à
terre sont rembarquées.
L'infanterie organise défensivement les faces ouest et sud de son
camp.
27-28 juillet. —Des groupes de fantassins et de cavaliers ennemis
s'étant montrés sur la lisière orientale de l'oasis de Menzel, les deux
sections d'artillerie prennent position à 200 mètres au sudouest de
la maison du gouverneur; quelques obus suffisent pour disperser
ces groupes.
29juillet.
— Arrivée en rade de YIntrépide, portant un bataillon du
137e; une compagnie débarque à 5 heures du soir.
,
30 juillet. — Le 137e achève son débarquement. Quelques groupes
ennemis, qui s'étaient encore montrés du côté de Menzel, sont dis
persés par l'artillerie.
31 juillet. — Le lieutenant-colonel commandant d'armes, ordonne
une reconnaissance dans la direction des villages de Djara et de
Menzel:
Le 137e occupera le village de Djara avec deux compagnies et lan-
cera deux compagnies à l'attaque du village de Menzel, du côté de
l'ouest, afin d'attirer de ce côté les forces ennemies et de faciliter
l'attaque que le 14e doit faire du côté de l'est et du sud. Le 107e res-
tera en réserve en avant de la maison du gouverneur et servira de
soutien à l'artillerie.
Le mouvement commence à 5 heures du matin.
Le 137e occupe, sans coup férir, le village de Djara, y laisse deux
compagnies qui s'y organisent défensivement et lance les deux
autres à l'attaque de Menzel.Ces deux compagnies pénètrent dans
le village, après une vive résistance de l'ennemi, s'y établissent et
réussissent à éteindre le feu de mousqueterie dirigé des palmiers,
sur la rive gauche de l'oued-Gabès.
Pendant cetemps, le 14e, en formation de combat, attaque le vil-
lage à l'est etau sud, y pénètre et lance une compagnie dans l'oasis,
à la poursuite de l'ennemi qui oppose, sur tous les points, une très
énergique résistance.
Le lieutenant-colonel opère la reconnaissance de Menzel; il con-
state que l'occupation de ce village ne peut être solidement assurée
que par deux bataillons au moins. Il renonce dès lors à s'y établir,
sa colonne ne comprenant au total que trois bataillons et la néces-
sité s'imposant de ne pas trop dégarnir la maison du gouverneur
où sont installés les magasins, l'ambulance et l'artillerie. Menzel
sera donc évacué. Le 107e porte en avant une compagnie pour cou-
vrir le mouvement rétrograde; le 137e va s'établir à Djara, village
ami, qui, une fois organisé défensivement, peut être tenu par un
seul bataillon; le 146 bat en retraite.
A 10 h. 15, les bataillons du 14e et du 107& et l'artillerie se réin-
stallent à Kechla-Mta-el-Bahar.
.,sés,
Pertes de la journée.
(
14e
137e 3 disparus1.
:
régiment d'infanterie 1 tué, 7 bles-

:
régiment d'infanterie
dont un mortellement.
5 blessés,
,

Munitions consommées.
!

1
24 -
i 10.615 cartouches mle 1879.
derevolver.
43 obus ordinaires.
5 — à balles. -
7 août. — Les habitants de Menzel inquiétant chaque jour les
s

;
habitants de Djara et nos avant-postes, le lieutenant-colonel décide
une expédition contre Menzel il se propose de faire détruire les
maisons des principaux chefs et la grande mosquée. Deux lieute-
nants de vaisseau, à la tête de quelques marins porteurs de fulmi-
coton sont chargés de l'opération. L'un d'eux a mission de détruire
ces bâtiments; le second, couvert par une compagnie du 137e,
pénètre dans l'oasis et essaie d'abattre les palmiers.
Le 107e se relie au 137e et couvre le village; les hauteurs qui
dominent Menzel, du côté du sud, sont occupées par une compagnie
du 107e.
Le travail de destruction réussit pleinement dans le village, mais
non dans l'oasis où cinq arbres seulement ont pu être abattus (le
bois de palmier est trop élastique). L'opération, commencée à 5

paru;
heures du matin a été terminée à 8 heures; l'ennemi n'a point
les hommes rapportent une petite provision de bois.
10, 11,12 août. — Les habitants de Menzel tiraillent contre Djara;
les gens de Djara, autorisés à conserver leurs armes, font le coup
de feu contre eux; les démonstrations contre nos avant-postes sont
dispersées par nos feux de salve.
Le 12, vers midi, les habitants de Menzel semblent évacuer com-
plètement ce village après avoir brûlé la maison du télégraphe et
celle d'un juif.
31 août.
— Reconnaissance des oasis de Métrech, deMénara et de
Zérigue dirigée par le lieutenant-colonel.
Y prennent part 6 compagnies (2 du 107e, 4 du 14e), la section du
génie, les 2 sections d'artillerie et le détachement du train des
équipages.
[Le bataillon du 137e fournit entièrement le service des avant-
postes (2 compagnies à Djara, 2 compagnies à la garde du camp);
les 2 compagnies restantes du 107e, en réserve, surveillent le village
de Menzel.]
La colonne, partie à 5 heures du matin, trouve Métrech inoccupé,

1. Voir 2, annexe n° XXXIX, page 182.


est assaillie à Ménara par une fusillade assez vive, mais inoffensive
(l'ennemi ne tente aucune résistance sérieuse), canonne avec son
artillerie des groupes de cavaliers qui s'étaient montrés en plaine,
fouille l'oasis de Zérigue qu'elle trouve inoccupée et rentre au camp
à 8 heures du matin, ayant essuyé, à son retour, quelques coups de
feu.
:
14s d'infanterie 54 cartouches )
35emIe, 1879
Munitions consommées. 107e d'infanterie
mIe 1879.
: 931 cartouches
)
985

d'artillerie : 8 obus ordinaires.


6, 7 et 8 septembre. — Les dissidents étant venus, en nombre
considérable, piller les jardins et attaquer le village de Djara-Srira,
les pièces de montagne et la canonnière le Chacal fouillent l'oasis
et bombardent les villages de Chenini, de Boul-Baba, Menzel.
Les deux sections de montagne ont tiré :
40 obus dans la journée du 6,
68
40
-- -- 7,
8.
Les insurgés n'ont osé, dans aucune de ces journées, attaquer nos
avant-postes.
17 septembre. — Opération contre Menzel. — But : destruction

par la dynamite de la partie de l'enceinte nord du village, contiguë
à la rivière (cette partie d'enceinte, distante de 4 à 500 mètres de
nos avant-postes de Djara, servait d'abri aux dissidents qui, de là,
fusillaient journellement et en toute sécurité nos sentinelles);
2° l'incendie etla destruction des maisons les plus importantes du
village.
Deux compagnies du 137e pénètrent à 4 h. 30 du matin dans
Menzel dont elles bordent la lisière du côté de l'oued-Gabès; elles
trouvent le village complètement évacué. Pendant que le génie
prépare son opération, les hommes d'infanterie incendient les
principales habitations.
Les deux autres compagnies du 137e sont maintenues extérieu-
rement en réserve.
Quelques groupes de dissidents se glissent dans les jardins jus-

;
qu'à la rive gauche de l'oued-Gabès et ouvrent le feu contre nos
sentinelles établies sur les terrasses celles-ci ripostent vigoureu-
sement.
L'artillerie fouille de ses projectiles les jardins qui s'étendent à
l'ouest de Menzel.
A 7 heures, l'explosion se produit. -
(La section du génie avait disposé un chapelet de dynamite, sur
les murs à détruire, à raison de 2k,500 par mètre courant; la lon-
gueur totale du chapelet était de 18 mètres; il était amorcé en 5
points au moyen de cartouches munies de un mètre de cordeau
Bikford. A 7 heures, toutes les mèches furent allumées à la fois,
et, quelque temps après, une explosion unique déterminait la chute
de 20 mètres de murs).

: :
La colonne rentra aussitôt au camp, sans aucune perte.
137e d'infanterie 531 cartouches mle 1879.
Munitions consommées. artillerie 28 obus ordinaires, 8 à balles;
total 36.

Dès lors, il n'y a plus riend'intéressant à signaler.


Presque journellement des dissidents pénètrent en armes dans
les jardins de Djara. Le but principal de leurs incursions est l'en-
lèvement des récoltes des Djariens. Ceux-ci se défendent énergi-
quement. L'artillerie française les aide, en fouillant l'oasis, ce
qui détermine presque toujours la retraite de l'ennemi. Quand ses
attaques sont trop vives, des pelotons de grand'garde exécutent
des feux de salve, qui suffisent à les repousser.

N° XLII.

Extraits du « Journal des marches et opérations D


du groupe d'opérations de Djerba (lieutenant-colonel Bernet, du 55e
d'infanterie ).

Ce groupe est constitué, par ordre, en date du 30 juillet, du colo-


nel Jamais, commandant la colonne expéditionnaire de Sfax.
Il se compose d'un régiment de marche (un bataillon du 71e, un
bataillon du 78e), de deux sections d'artillerie du 13e et du 35e,
d'une section du 4e génie, d'un détachement de 12 hommes du
train.
Il est commandé par le lieutenant-colonel Bernet, du o">e.
Les troupes arrivent successivement à Houmt-Souk, point de dé-
barquement.
28juillet. — Débarquement du bataillon du 78e, dela section du
35e d'artillerie
venant de France.
t,du train des équipages amenés par VAlgésiras

1. Deux sections de cette batterie ont débarqué le 26 juillet à Gabès.


31 juillet. — Débarquement du bataillon du 71e, de la section du
13e d'artillerie venant de Sfax par l'Intrépide.
2 août. — Les troupes reçoivent les affectations suivantes :
Le lieutenant-colonel et demi-bataillon du 78" Houmt-Souk.

tion du 13e d'artillerie.


Demi-bataillon du 78°, avec le commandant et sec-

Demi-bataillon du 71".
Bordj-Marsa.
Bordj-Tarbella.

tion du 359 d'artillerie.


Demi-bataillon du 71% avec le commandant, et sec-
Bordj-Castel.

Le mouvement général est fixé au 6 août.


4 août. — Débarquementd'une section du 4e génie1.
6 août. — Le mouvement s'exécute; les détachements occupent
leurs emplacements, Je 7, de bonne heure.

N° XLIII

Situation générale de la Régence, au commencement du mois


d'août 1881.

Les Zlass n'avaient pas pris part à la défense de Sfax un


des groupes de la tribu, les Oulad-Iddir, qui avait répondu à la
; LesZlass
(el Hadj Hassein
ben Messaï)
convocation d'Ali ben Khalifa, avaitété renvoyé honteusement
àKairouan
et dans le nord
de la Régence.
de Sfax par ce chef.
Les Oulad-Iddir, ayant à leur tête Ali ben Amara3, Ali, fils
de leur caïd El Hadj Hassein benMessaï, et Naçeur ben Ali ben
Aïssa, s'étaient rendus à Sidi-Amor-bou-Adjeba.
Là, vinrent les rejoindre les Oulad-Sendacen et les Oulad-
Khalifa. Réunis, ils se mettent en marche sur Kairouan, bien
décidés à mettre cette ville au pillage et à substituer leur
autorité à celle du bey.

1. La compagnie, embarquée sur un bateau de la Compagnie Transatlantique, a


débarqué le capitaine et deux sections à Sfax le 3 août; une section est ensuite
débarquée à Gabès, la quatrième à Djerba.
2. Voir 2, annexe XXXV, page 163.
3. Tué le 22 octobre à Kalaa-Sghira. Voir annexe n° LIV, page 246.
Jusqu'alors Kairouan avait été relativement calme. La nou-
velle de la prise du Kef avait provoqué quelques désordres;
mais le farik Si M'ahmed el Mrabot, gouverneur de Kairouan,
avait promptement rétabli l'ordre en faisant bâtonner, puis
emprisonner, les meneurs,
Survinrent les Zlass.
M'ahmed el Mrabot, confiant dans son autorité et son in-
fluence, les laissa entrer dans la ville; mais aussitôt entrés, les
Zlass se proclament les maîtres de Kairouan; ils s'emparent
de Si Ahmed benSliman, caïd des Souassi, de Si Mustapha ben
Gaddoum, caïd des Oulad-Khalifa, et de Si el Hafif ben Smida,
caïd des Oulad-Sendacen, qui s'étaient réfugiés en ville; ils les
conduisent à la zaouïa de Sidi Saheb el Rassoul (la mosquée
du barbier) et, là, les mettent en demeure, sous peine de mort,
de signer devant le tombeau du marabout la déclaration for-
melle d'embrasser, sans arrière-pensée, la cause de l'insurrec-
tion. (Les trois caïds jurèrent, mais ils ne reprirent pas le com-
mandement de leurs tribus.)
Le gouverneur, épouvanté de la tournure que prenaient les
événements, s'était réfugié dans sa maison. Dès le lendemain,
les insurgés lui envoyèrent les nommés Salah ben Saïdan et
Kinani ben Ghorissa, des Oulad-Sendacen, pour l'inviter à
accepter l'insurrection et à signer la convention qui avait été
présentée aux caïds des Souassi, des Oulad-Khalifa et des
Oulad-Sendacen.

;
M'ahmed el Mrabot reçut les délégués avec beaucoup d'é-
gards il les combla de bonnes paroles et, finalement, il les
congédia sans leur avoir fait aucune concession.

:
Après être sorti de la maison du gouverneur, Salah ben
Saïdan, s'apercevant qu'il avait été joué, s'écria « Si nous
ne menaçons ce chien-là de mort, nous n'obtiendrons rien de
lui. »
;
Cependant l'émeute grossissait dans la ville des groupes
de Fathnassa, de Koobs, de Gouazine, en quête d'aventures,
étaient venus se joindre aux Zlass et participer à leurs désor-
dres.
Les Zlass avaient imposé aux habitants de Kairouan, gens

;
tranquilles et pacifiques, comme caïd, un des leurs, Hassein
ben Brénis personne n'avait protesté contre cette mesure qui
mettait la ville à la merci des pillards qui faisaient partie des
bandes insurgées.
Le 17 juillet, Salah benSaïdan se rend, à la tête de quelques
hommes armés, à la maison du gouverneur, sous prétexte de
lui demander de la poudre, en réalité pour s'emparer de sa
personne. Mais il trouva porte close et une garde bien résolue
et bien armée; il fut forcé de rebrousser chemin; grand tu-
multe dans la ville.
Le lendemain 18, le bruit se répand que Sfax a été bombardé
et pris d'assaut; les émeutiers inquiets s'attendent à voiries
troupes françaises marcher sur Kairouan. Cette diversion
sauva le gouverneur.
Le ramadan venait de commencer

:
:
l'observation des pra-
tiques religieuses obligeait un grand nombre d'indigènes à
l'inaction mais si la lutte brutale était suspendue, la propa-
gande se poursuivait active et incessante.
El Hadj-Hassein ben Messaï, caïd des Oulad-Iddir, avait pris
récemment la direction du mouvement insurrectionnel à
Kairouan (il projetait une marche sur Tunis pour fêter la fin
du mois sacré et il assignait comme point de rendez-vous
général la plaine de Kasseb, au nord de Kairouan).
Ses émissaires allèrent partout porter sa parole
Les Oulad-Ayar, encore inquiétés par la présence, sur leurs
:
confins, des Hammema et des Madjeur, répondirent que les
circonstances présentes ne leur permettaient pas de se rendre
à son appel.
Les Oulad-Aoun' et les habitants de la Kessera déclarèrent
qu'ils étaient liés aux Oulad-Ayar.

1. Pendant les mois de juin et juillet, les Oulad-Aoun s'étaient maintenus dans
la neutralité la plus absolue. Un chef habile, bien intentionné et courageux, eût pu
profiter avantageusement de ces bonnes dispositions pour maintenir ses adminis-

:
trés dans le devoir. Mais le caïd de la tribu, Brahim ben Djouini, habitait Tunis.
Au milieu du désordre général, il n'eut qu'un souci nuire à la réputation et aux
Les Hammema, les Fraichich et les Madjeur paraissaient peu
disposés à s'engager dans l'aventure proposée par El Hadj
à
Hassein ben Messaï et se mettre sous son autorité.
Les Zlass se lancent donc seuls vers le nord.
El Hadj Hassein, comprenant que ces djich vont lui atti-
rer des représailles, veut des alliés. Aussitôt il envoie des
cavaliers chez les Oulad-Saïd pour les prévenir qu'il va les
attaquer s'ils ne font pas cause commune avec lui. Le caïd El
Hadj Ouâar ne fait aucune opposition; il entraîne presque
toute sa tribu qu'il groupe à El-Agaïr, au nord du lac Kelbia
et à l'est du fort de Sidi-Ghouï. (Les Oulad-Abderrahman et les
Oulad-Abdallah, seuls, restent fidèles au bey et vont camper
à Settah, près de Sidi-Bou-Ali.)
Il procède de même à l'égard des Souassi. Le khalifa Salah
ben el Hafsi, resté seul à la tête de la tribu, depuis la fuite du
caïd, lui amène immédiatement à Kairouan 150 cavaliers et
300 fantassins.
Les bandes de déserteurs et de réfractaires qui font la loi
dans le Sahel et sèment la terreur dans les environs de
Sousse, Mahédia et Monastir, répondent aux émissaires d'El
Hadj Hassein qu'elles sont prêtes à seconder ses efforts'.

Les Zlass seront donc aidés, dans les incursions qu'El Hadj
Hassein ben Messaï projette de faire dans le nord de la
Régence, par la plus grande partie des Oulad-Saïd, les Souassi
et les bandes du Sahel.
Les Fraichich.
Les Fraichich et les Hammema avaient été les premiers à se
El Hadj Harrat.

intérêts du marabout Sidi Ahmed ben Abd el Melek, avec lequel il était en mau-
vais termes.
Comme toujours, les petites rivalités et les vengeances particulières passaient
avant le bien public.
Dès le début,'Brahim ben Djouini avait accusé le marabout de prêcher le désor-
dre ; puis il avait révoqué le khalifa, parent du marabout, et l'avait remplacé par

malveillantes.
Mohamed el Bouiri, dont les sentiments hostiles à notre égard étaient connus.
Brahim ben Djouini préparait donc l'insurrection par ses mesures maladroites,
sinon
1. Voir note 2, tome I, page 61.
jeter, sans hésitation, dans le parti de l'insurrection; les Frai-
chich surtout, qui avaient depuis longtemps de vives contes-
tations de limites de territoire avec les tribus algériennes dans
la zone avoisinant Tébessa.
L'instigateur du mouvement était le caïd des Oulad-Nadji
(Fraichich), El Hadj Harrat.
Ce chef indigène devait 70.000 piastres au bey, et il ne pou-
vait s'acquitter; il avait également contracté, chez les juifs de
Tébessa et de Tunis, d'assez forts emprunts qui l'avaient forcé
à recourir aux derniers expédients.
El Hadj Harrat, dans sa situation désespérée, profita des
circonstances pour donner un prétexte grand et honorable
à sa détermination de se proclamer le défenseur de son pays
et de la religion de Mohamed.
Le caïd des Oulad-Nadji avait cherché à attirer dans ses
vues le caïd des Oulad-Ouzzez, Ali Sghir, et le caïd des Oulad-
Ali, El HadjGaïd1.Ces tentatives furent vaines. L'entente ne
parut cependant pas troublée entre les trois chefs des Fraichich.
Mais au mois de juillet, quand l'insurrection gagnait toute
la Tunisie, le gouvernement tunisien, voulant donner un point
d'appui au parti de l'ordre dans le sud-ouest de la Régence,
confia le commandement des Oulad-Nadji à Ali Sghir, espé-
rant que ce chef pourrait maintenir dans le devoir toute la
tribu des Fraichich. (Le bey avait mis El Hadj Harrat en
mesure de le rembourser et, n'ayant pu obtenir satisfaction
immédiate, il l'avait révoqué.)
El Hadj Harrat refusa de résilier ses fonctions et de fait il
resta le caïd de sa tribu jusqu'à son départ pour la Tripoli-
taine. Dès lors il mit tout en œuvre pour détacher d'Ali Sghir

1. Ali Sghir mit un certain temps à se prononcer; mais bientôt voyant la tour-
nure que prenaient les événements dans le nord de la Régence, n'ignorant pas du
reste, en homme intelligent qui avait vécu un peu à notre contact, que la lutte
serait inévitablement fatale pour sa tribu, il finit par déclarer qu'il ne voulait
pas prendre part au mouvement insurrectionnel.
Quant à El Hadj Gaid, homme déjà âgé, il désirait la paix par tempérament et
se souciait fort peu, à la fin de sa carrière, de tenter une aventure aussi péril-
leuse.
les fractions des Oulad-Ouzzez qui étaient restées fidèles jus-
qu'alors à leur caïd.
Ali Sghir entra en relations avec l'autorité militaire de
Tébessa et lui demanda son appui.

Le ramadan venait de commencer.


Les Hammema. De fortes bandes dé Hammema arrivaient sur la Rouhia.
Ahmedben Cette marche vers le nord était le résultat des conciliabules
Youcef.
qui s'étaient tenus depuis deux mois, soit à la zaouïa de Sidi
Bou Zid, soit à la smalah d'Ahmed ben Youcef, caïd des Oulad-
Redhouan. Ce chef indigène avait acquis une telle influence
sur les Oulad-Aziz et les Oulad-Maamar (dont les caïds s'étaient
placés sous sa dépendance absolue) ne relevant pas de son
commandement, qu'il pouvait être considéré comme le chef
du mouvement insurrectionnel chez les Hammema.
En s'installant sur les bords de la Rouhia, les Hammema
venaient peser sur les déterminations des Madjeur.
L'insistance pressante des Hammema ne put vaincre les
hésitations des Madjeur, qui, riches et laborieux, sentaient
qu'ils n'avaient qu'à perdre dans la lutte.
Les Hammema ne se sentaient pas encore en forces pour
imposer leur autorité; ils remontaient du reste vers le nord,
avec l'intention bien arrêtée de faire ample récolte de butin et
ils évitaient avec.soin de se créer des inimitiés pouvant, à un
moment donné, inquiéter leur mouvement de retraite.
Bientôt ils se répandaient par bandes dans le Sers, dans la
plaine de Zouarine et dans le Ghorfa; ils poussaient l'impu-
dence jusqu'à aller razzier les douars établis aux portes du
Kef et tentaient un coup de main sur le ksar des Ourtan.
Les Oulad-Ayar avaient répondu aux avances des Hammema
en prenant les armes pour défendre leurs biens contre les
maraudeurs qui les convoitaient.
Ahmed ben Youcef voulut créer l'entente entre les diffé-
rentes tribus du sud-ouest1.

1. Voir, annexe n" XLIV, réunion de Sbeitlà.


Dans les premiers jours du mois de juin, le commandant Oulad-Ayar.
1
supérieur du Kef, justement inquiété par les bruits qui circu- AlibenAmmar.
laient dans la région, manda dans cette ville les chefs et les
notables des tribus environnantes. Ils obéirent, pour la plu-
part, à cette invitation, en protestant deleurs bons sentiments.
L'autorité militaire arrêta, révoqua et conserva comme
otages quelques-unes de ces personnalités que l'agent consu-
laire, M. Roy2, désignait comme les plus hostiles.
Cette mesure n'empêcha pas le désordre de se propager
1° les halga se succédaient sans interruption dans tout le sud-
:
ouest du Kef et devenaient de plus en plus tumultueuses;
2° à cette source d'agitation s'ajoutait la propagande des prin-
cipaux chefs de l'insurrection dans les autres contrées de la
Régence, El Hadj Hassein ben Messaï (Zlass), Ahmed ben You-
cef (Hammema), Ali ben Khalifa (Neffet). Les lettres qu'ils
adressaient à tout instant, soit pour appeler aux armes, soit
pour annoncer l'arrivée des troupes turques et l'intervention
des puissances européennes, soit encore pour faire part de
prétendues victoires remportées sur nos armes, provoquaient
un vif enthousiasme qui devenait aussitôt le signal d'actes de
violences et de brigandages souvent assez graves 3.

1. Le colonel de Coulange du 83" d'infanterie.


2. Le colonel de la Roque, du 13, chasseurs à cheval (qui a fait une grande
partie de sa carrière en Algérie dans le service des affaires indigènes), comman-
dant du Kef depuis le 25 juin, rend compte qu'il n'a pas besoin d'officier des affai-
res indigènes; le consul, M. Roy, lui suffit.
3. La situation de la place du Kef est la suivante:
Le colonel de Coulange (83e) a quitté Le Kef, le 25 juin, emmenant les officiers
et hommes de troupe à rapatrier. A cette date le colonel de la Roque (13e chas-

:
seurs à cheval) prend le commandement du Kef (il est arrivé au Kef depuis
trois jours). Les troupes présentes au Kef sont 3 compagnies du 83" (la quatrième
est détachée à Sidi-Youcef) ; une batterie de 90mm; un escadron du 13e chasseurs
à cheval.
Aussitôt après avoir pris possession de son commandement, le colonel de la
Roque rend compte que l'installation des troupes est des plus précaires, que l'état

;
sanitaire et l'état moral sont mauvais (deux artilleurs se suicident dans la soi-
;
rée du 26 juin) la fièvre typhoidc règne dans la population indigène (un tiers
a péri du choléra en 1845-46 la moitié de ce qui restait avait succombé au typhus
de 1867); la ville est d'une saleté repoussante.
Le colonel demande deux cents grandes tentes pour faire camper les troupes à
Le 16 juillet, le collecteur des droits du marché du Sers était
expulsé dans de pareilles circonstances. Les jours suivants,
des juifs étaient dévalisés, des boutiques de marchands mises
au pillage sur différents marchés du territoire.
Les Oulad-Ayar prenaient une large part à tous ces désor-
dres. Dans les premiers jours de juillet, leur caïd, Ahmed
Abou, se voyant en péril au milieu de ses administrés, avait
demandé au bey et obtenu l'autorisation d'aller à Tunis pour
y chercher des instructions. Il était parti avec l'intention bien
arrêtée de ne plus reparaître dans son commandement.
L'éloignement d'Ahmed Abou devait faciliter notable-
ment le jeu d'Ali ben Ammar, qui, de Tunis où il était encore
détenu, engageait les Oulad-Ayar à persévérer dans leurs dis-
positions, leur promettant de venir sous peu se placer à leur
tête pour prendre la direction du mouvement insurrection-
nell
Le parti de la protestation avait besoin d'un chef énergique;
ses éléments épars agissaient isolément, sans ordres, obéissant
aux impressions du moment, aux sentiments et aux désirs de
quelques individualités intéressées qui les entraînaient à leur
suite.
Une telle situation, en se prolongeant, eût inévitablement
provoqué, sinon un revirement complet dans l'opinion publi-
que, tout au moins une certaine lassitude dans les esprits qui
eût fortement compromis l'existence des groupes dissidents
de la région.
Sauf Ali ben Ammar, il ne s'était trouvé aucune personna-
lité assez entreprenante pour chercher à imposer son autorité
aux bandes qui parcouraient le pays.

l'extérieur de la ville, des outils (il n'yen a que dix par bataillon), des médica-
ments (il n'yen a pas).
Le bataillon du 122" qui était à Ghardimaou vient, le 27 juin, renforcer la gar-
nison du Kef; il n'a pas 400 hommes valides.
1. Ali ben Ammar, détenu à Tunis par ordre du bey, faisait prêcher l'insurrec-
tion chez les Oulad-Ayar par son frère Amor ben Ammar et par quelques per-
sonnagesttarés, anciens cheikhs ou khalifas révoqués pour concussions, abus de
pouvoir ou détournement de fonds du gouvernement.
Salah ben Hamouda, cheikh des :Oulad-Medine, des Ar-
rouch-Regag, essaya un instant d'étendre son autorité et son
influence aux tribus voisines, mais sans grand succès. A ce
moment, d'ailleurs, l'attention générale se portait avec inquié-
tude du côté de la Rouhia où les Hammema arrivaient en
foule avec l'intention, disaient-ils, d'aller attaquer le Kef et
de couper la voie ferrée.
Dès le 22 juillet, de fortes bandes de pillards Hammema
cherchaient à pénétrer sur le territoire des Oulad-Ayar; mais,
effrayés par l'attitude résolue de ces derniers, ils se rabattaient
vers le pays des Ourtan, le Sers et la région du Kef, razziant
indistinctement douars amis et ennemis, partisans de l'ordre
et dissidents, en compagnie de bandits appartenant aux tribus
de la contrée, qui les guidaient dans leurs opérations1.
Pendant quinze jours, désordre inimaginable.
Mohamed Djellouli2, qui avait remplacé Si Rachid Mameluck
dans ses fonctions de gouverneur du Kef, paraissait peu
s'émouvoir de cet état de choses.

1. Dans la nuit du 22-23 juillet, des rôdeurs viennent tâter les avant-postes du
122e, campé sous Le Kef.
Dans l'après-midi du 23, un djich de onze cavaliers (trois Oulad-Ayar, deux
Hammema, six Madjeur) vient à l'oued-Zaafran; il est, peu après, capturé à Bahra.
Le 24, d'autres cavaliers sont vus à l'oued-Remel.
Le 26, un douar des Klà, sur l'oued-Souani, à 18 kilomètres du Kef, est pillé.
2. Mohamed Djellouli est arrivé au Kef le 13 juillet (il avait été choisi par le
résident général, M. Roustan, parmi les meilleursadministrateurs de la Régence).
Il ne suit pas les conseils que lui donne le colonel de la Roque, de faire rentrer
immédiatement dans leur tribu les chefs indigènes qui résident au Kef et de par-
courir lui-même le pays. « C'est un caractère faible, écrivait le colonel de la
Roque; il demeurera tout au moins inerte au milieu de gens que je soupçonne
fort d'être en connivence avec nos ennemis. »
Si Djellouli ne quitte pas le Kef. Il ne va pas dans les tribus; il laisse ainsi
passer le moment où il pourrait encore faire usage de ce puissant moyen
d'action.
Les caida ne sont pas dans leurs tribus; ils sont dans les villes, heureux d'y
rester pour avoir, quand la révolte éclatera, un alibi à leur service.
Les autorités tunisiennes ne font rien de sérieux pour le maintien de l'ordre
elles adressent quelques lettres banales aux personnages influents pour leur
;
vanter les avantages de la paix et de la tranquillité, font quelques discours, dans
le même sens, aux caïds et aux cheikhs qu'elles mandent auprès d'elles, et tout
se borne là.
De temps en temps il envoyait des cavaliers de l'Oudjak1
pour arrêter les malfaiteurs qui lui étaient signalés ces agents
revenaient régulièrement sans avoir pu accomplir leur mis-
;
sion, après s'être fait dépouiller, le plus souvent, de leurs
chevaux, de leurs armes et de leurs vêtements2.

A ce moment, le gouvernement beylical, invité à mettre


tout en œuvre pour pacifier le pays, désireux lui-même d'évi-
ter de plus grands malheurs à la Régence, eut la malencon-
treuse idée d'accorder le pardon de leurs fautes passées aux
chefs indigènes révoqués et non révoqués alors internés à
Tunis3. Quelques-uns même reçurent des commandements.
C'est ainsi que Mohamed Salah ben AliDebbich arriva dans les
derniers jours de juillet, chez les Oulad-Ayar, avec le titre de
caïd des Oulad-Mehenna des Madjeur; Ali ben Ammar, son
ancien compagnon d'infortune, revint également dans sa tribu,
mais sans fonctions.

1. « Le maghzen du Kef se compose de deux cents cavaliers assez bien montés,


ayant l'habitude de se faire obéir, écrivait le colonel de la Roque avant les évé-
nements quenous citons maintenant. C'est une force que l'on pourrait employer
utilement, le cas échéant. Les cavaliers sont dans leur douar; on les commande
quand on en a besoin. »
2. Quatre cavaliers de l'Oudjak, envoyés à El-Ksour le 26 juillet, y sont dé-
pouillés de leurs chevaux, de leurs armes et de leurs burnous par des cavaliers
des Hammema.
Le 30 juillet, un cavalier de l'Oudjak est dépouillé au Sers.
3. Il existait alors, à Tunis, un certain nombre de personnages influents, caids
ou cheikhs révoqués ou en fonctions, que l'autorité beylicale avait internés dans
la capitale, soit pour les punir de leurs exactions ou des détournements commis
au préjudice du Trésor, soit pour les écarter d'un pays où leur présence devenait
une source d'agitation et de désordre.
Dans les premiers jours de juillet, Mohamed es Saddok, pensant rallier à sa
cause un certain nombre de personnalités influentes et donner satisfaction à la
majorité des mécontents, avait rendu la liberté aux indigènes de quelque impor-
tance détenus à Tunis. Il avait même confié certains commandements ou réintégré
dans leurs fonctions ceux qui s'étaient le moins compromis.
C'est ainsi que Mohamed Salah bon Ali Debbich avait été nommé caïd des
Oulad-Mehenna (Madjeur), et que Chiahi bon Ali ben Youcef, frère du caïd des
Oulad-Redhouan, avait été replacé à la tète des Oulad-Maamar. D'autres inter-
nés, tels qu'Ali ben Ammar, auxquels il eût été dangereux de confier un com-
mandement, avaient été renvoyés simplement dans leurs tribus, après avoir pro-
mis de mettre tout en œuvre pour hâter la soumission de leur pays; ils avaient
souscrit à tous les engagements que l'autorité beylicale avait exigés d'eux. Nous
verrons, plus tard, comment ils devaient les tenir.
A leur départ de Tunis, ils avaient promis tous deux de
tout faire pour rétablir l'ordre; trois jours après, ils prêchaient
la guerre sainte et la résistance aux autorités du pays.
En arrivant chez les Oulad-Ayar, Ali ben Ammar convoqua,
dans la plaine du Sers, les Oulad-Aoun, les Oulad-Ayar et les
Drid. L'entente fut parfaite et on décida, d'un commun
accord :
1°Que chaque tribu nommerait des chefs insurrectionnels;
2° Que les tribus voisines du Kef, qui étaient encore en
dehors du mouvement, seraient contraintes d'y prendre part;
30 Que Le Kef serait attaqué1
Puis on se sépara.
;
Cependant le gouvernement beylical reconstituait l'armée
d'Ali Bey; il appelait à Tunis les soldats tunisiens' et les ca-
valiers de l'Oudjak.
L'exécution de cet ordre enlevait au gouverneur et aux autres
chefs de la région les derniers moyens de coercition qui leur
restaient; cette mesure produisit en outre un fâcheux effet aux
yeux de la population, toujours disposée à interpréter dans un
sens hostile à notre cause les actes de Mohamed Es Saddok.
La situation empira immédiatement.

Ali ben Ammar déployait une activité remarquable; il se

;
mettait en relations avec ses voisins Ahmed ben Youcef (Ham-
mema) et El Hadj Harrat (Fraichich) le 3 août, il faisait
répandre le bruit que Sfax avait été repris par Ali ben Khalifa ;
d'où surcroît d'effervescence.

1. Plan d'attaque du Kef:


1° Une concentration aurait lieu à EI-Mohr, entre les plateaux de Nebeur et le
gué de l'oued-Mellègue inférieur, pour couper les communications entre le Kef et
Souk-el-Arba.
2° Une concentration plus nombreuse que la précédente aurait lieu à EI-Haouaz,
à 40 kilomètres environ du Kef, au sud-ouest de la route de Sidi-Youcef et à 12
kilomètres de cette route, pour menacer les communications avec Souk-Ahras.
2. Les soldats de la Régence, présents au Kef, refusent de concourir à la forma-
tion d'une colonne tunisienne, mais donneraient leur concours à l'action des
troupes françaises et combattraient avec elles (d'après le colonel de la Roque).
Le 5 août, un juif campé au djebel-Massonge est dévalisé
par les Oulad-Aoun et les Drid.
Dans la nuit du 5-6, la ligne télégraphique est coupée à
Aïn-Hedja, entre Bordj-Messaoudi et Teboursouk.
Le 8, des bandes de dissidents occupent les gorges de
Khalled et se dirigent vers la Medjerdah.
Le 10, d'autres bandes sont signalées entre Nebeur etSouk-
el-Arba.
Le 15 août, le désordre cesse comme par enchantement.
Chacun se dirige vers Sbeitla à la réunion provoquée par
Ahmed ben Youcef. Ali ben Ammar et Mohamed Salah ben
Ali Debbich se rendent tous deux à Sbeitla, l'un en qualité de
caïd insurrectionnel des Oulad-Ayar, l'autre comme caïd des
Oulad-Mehenna, quoiqu'il n'eût encore jamais paru au milieu
de ses administrés.

N° XLIV

Réunion de Sbeitla (vers le 15 août).

Dans les derniers jours du ramadan (c'est-à-dire vers


le 15 août), Ahmed ben Youcef, caïd des Oulad-Redhouan,
chef du mouvement insurrectionnel chez les Hammema,
voulant créer l'entente entre les différentes tribus du sud-
ouest de la Régence, convoqua à Sbeitla les Fraichiçh, les
Madjeur, les Oulad-Ayar, les Ourtan, les Zeghalma et les tribus
de l'Ounifa à une grande réunion où l'on discuterait la con-
duite à tenir et les mesures à prendre d'après le but qu'on se
proposerait.
Jamais, pendant toute la période insurrectionnelle, on ne vit
halga plus nombreuse et aussi passionnée.
Toutes les tribus de la région avaient répondu à l'appel
du caïd des Oulad-Redhouan et elles s'étaient fait repré-
senter à la réunion par de fortes députations conduites par
leur chef1.
Cette réunion générale, qui n'avait d'autre but que de
décider de la paix ou de la guerre, ne fut présidée par per-
sonne. Chaque chef indigène y était venu au même titre et
put, en conséquence, émettre librement son avis.

;
Mohamed Salah Debbich, obscur et embrouillé, parut pen-
cher pour la soumission mais le caïd des Oulad-Ouzzez, Ali
Sghir, osa seul protester catégoriquement contre toute idée de
résistance. Son discours provoqua le plus grand tumulte;
des coups de feu furenttirés, et, si des gens de sa fraction
n'étaient arrivés à temps pour le dégager, il eût couru les plus
grands dangers.
Après un certain temps de désordre indescriptible, la dis-
cussion reprit son cours.
Les autres personnalités qui prirent la parole, les unes par
conviction comme Ali ben Ammar, les autres par prudence,
se prononcèrent pour l'insurrection.

:
Ahmed ben Youcef et El Hadj Harrat s'étaient montrés des
plus violents leurs menaces et l'influence prépondérante
qu'ils exerçaient naturellement comme représentants des
deux tribus les plus puissantes parmi celles qui s'étaient
rendues à Sbeitla, avaient pesé sur la détermination de la
majorité de l'assemblée.

1. On remarquait à la réunion de Sbeitla, parmi les personnalités dirigeantes,


outre Ahmed ben Youcef :
Mohamed Ech Chiahi, caïd des Oulad-Maamar ;
Ahmed ben Ali El Hammami, caïd des Radadia (Oulad-Aziz);
Ahmed ben Mohamed, caïd des Bdour et des Oulad-ben-el-Hadi (Oulad-Aziz);
El Hadj Harrat (caid révoqué des Oulad-Nadji);
Ali Sghir, caïd des Oulad-Ouzzez et des Oulad-Nadji;

:
Mohamed Salah Debbich, caïd des Oulad-Mehenna (il n'était pas encore entré

;
en fonctions peu de temps après il devait céder à Ali Sghir son commandement
pour prendre celui des Oulad-Ayar)
Le caïd des Ourtan;
Ali ben Ammar, caïd insurrectionnel des Oulad-Ayar;
Enfin un grand nombre de cheikhs, de notables et de cavaliers qui avaient
accompagné leurs chefs, plus le khalifa des Madjeur et la majorité des gens de
cette tribu (Sbeitla est sur le territoire des Madjeur.)
:
Il restait encore une question à élucider Quelle conduite
?
tenir à la suite des décisions prises par l'assêmblée L'entente
devait être fort difficile sur ce point, personne ne voulant
abandonner son territoire qu'en cas de nécessité absolue.
Après de longs débats, on finit par décider que les tribus
menacées se porteraient à la rencontre des colonnes fran-
çaises et que les autres feraient diversion en se portant par
bandes vers le nord de la Régence, pour inquiéter les popula-
tions soumises, les razzier et intercepter les communications.
Cette solution convenait parfaitement à Ahmed ben Youcef;
son territoire était alors suffisamment éloigné denos centres
d'opération pour qu'il pût se croire, au moins pendant un
certain temps, à l'abri d'une attaque.
Il appartenait donc aux contingents Hammema de faire
incursion chez leurs voisins, rôle tout à fait en concor-
dance avec leurs goûts et leurs coutumes et qui devait être
une cause de profits considérables.
Le 18 août, l'assemblée se dispersa.
Les Fraichich, les Madjeur, les Oulad-Ayar, les Zeghalma et
les Ourtan reprirent le chemin de leur territoire, et Ahmed
ben Youcef partit pour le Guemonda où il avait installé sa
smalah.
Les contingents Hamemma seuls se mirent aussitôt en
campagne.

N°XLV

Recrutement du 2e corps expéditionnaire.

Pour la premïère expédition, le Ministre de la guerre avait


dédoublé les régiments d'infanterie, envoyant en Tunisie un
demi-régiment de mille hommes, laissant en France un demi-
régiment squelette. (Voir annexe n° VI.)
-
La deuxième expédition demandait des effectifs plus nom-
breux; les opérations semblaient devoir être plus longues et
plus difficiles. -

Le premier système, du dédoublement des régiments,


présentait, dans ce cas, de grands dangers.
Le Ministre décida de prendre dans les bataillons disponibles
(les quatrièmes bataillons) pour former le corps expédition-
naire. « Ainsi, disait le général Farre, nous conservions sur le
continent tous les éléments de la mobilisation absolument
complète de nos dix-huit corps d'armée, et nos 144 régiments
d'infanterie, avec leurs chefs de corps, leurs états-majors et
leurs cadres, étaient prêts à recevoir, s'il avait fallu, leurs
réservistes. »
Le deuxième corps expéditionnaire allait comprendre
bientôt, sans compter les 8,364 hommes envoyés avant les
élections, du 9 juillet au 1er août, 22.057 hommes, soit en tout
30.421 hommes, lesquels, ajoutés à la fraction du corps d'oc-
cupation maintenu en Tunisie après le rapatriement et
complétés par 11 bataillons,6 escadrons et 3 batteries d'Algérie,
portèrent le chiffre total des effectifs de la deuxième expédi-
tion à 50.000 hommes environ.
Le général Farre maintint sous les drapeaux la classe 1876,
mesure impopulaire qui dut être rapportée presque aussitôt.

N° XLVI

Le lieutenant-colonel Corréard à Bir-el-Hafaïed (26 août),


à El-Arbaïn (nuit du 28-29), à Turki (29 août) a.

Le 23 août 1881, les troupes de la 5e brigade (général


Sabattier), du camp de Carthage et du camp d'Hammam-
Lif, se mettent en mouvement en deux colonnes pour aller
occuper Zaghouan et Hammamet.
Le 26 août, le général Sabattier ( avec 4bataillons, 2 esca-
drons, 16 pièces) arrive à Zaghouan sans avoir éprouvé de

a. Voir croquis n° III.


résistance, et établit son camp à Mograne, à 5 kilomètres à
l'ouest du village.
Les dissidents se portent vers Grombalia, à la rencontre de
la colonne du lieutenant-colonel Corréard, qu'ils savent la
moins forte.
Le 26 août, avant le jour, touslies contingents insurgés se
précipitent sur le camp du lieutenant-colonel Corréard, établi
à Bir-el-Hafaïed, à l'entrée dukhanguet-Hammamet. (Chemin
faisant, des cavaliers Zlass et Souassi pillent le bordj de Bir-
el-Hafaïed. )
Dans la nuit du 28 au 29, les troupes françaises, qui avaient
battu en retraite sur El-Arbaïn, sont attaquées de nouveau
et le combat commencé à minuit ne cessa qu'à 4 heures du
matin'.
(La bande de Sassi-Souïlem 3qui
était partie de Kalaa-
Kebira le 27 au matin seulement et avait rejoint les dissidents
le 28 au soir, prit, malgré ses fatigues, une part activeau
combat de nuit4.)

1. Zlass etFathnassa.
Hafsi).
Souassi (Salah ben el
1.500 cavaliers, 2.500 fantassins;
150 300 —

Oulad-Said(caïdElHadjOuaâr) 100 — 250 —
Plus les Riah et les Trabelsia.
2. Pendant les opérations du lieutenant-colonel Corréard, une colonne tunisienne,
oommandée par le kaimakam Taieb ben el Hadj Ahsen Mesmouri, était campée à
EI-Arbain.
Tandis que les troupes françaises subissaient des pertes et se repliaient, la
colonne tunisienne restait sur ses positions, sans combattre.
L'attitude de Si Taieb el Mesmouri, l'ancien commandant du fort de Tabarka
(voir annexe n° XV), et celle de son second, le kaimakam Nasef ayant paru dou-
teuses, le général Logerot demanda ultérieurement une enquête.
Nous pourrons lire plus loin le rapport de Si Taieb el Mesmouri (annexe n*
XLVI bis).
3. La bande de Sassi Soullem est fortede182 combattants (voir tome I, page fal,
note 2).
4. Un soldat déserteur, blessé au combat de nuit d'EI-Arbain, racontait quelque
temps après, de la façon suivante, ce sanglant épisode :
« Je faisais partie de la bande de Sassi Souilem. Dans la soirée du
28, nous
rejoignîmes à EI-Arbain les contingents dissidents qui avaient décidé d'attaquer
la colonne française dans la nuit même. Vers minuit, Sassi-Souilem nous fit
prendre position derrière un pli de terrain, pendant que la cavalerie des dissi-
dents, en tête de laquelle marchaient les Zlass, allait ouvrir le feu sur la colonne
qui était au repos. Les troupes françaises, mises immédiatement sur pied, répon-
Les insurgés, voyant la colonne continuer son mouvement
de retraite, la poursuivent et l'attaquent encore dans la jour-
née du 29, à son passage dans une forêt d'oliviers, près du
village de Turki. L'engagement, qui avait commencé à 2
heures, cesse à 6 heures du soir, à l'arrivée de la colonne à
Grombalia.

;
Les Zlass et les Fathnassa avaient été les plus éprouvés dans
ces différents combats (70 morts) les Souassi, les Oulad-
Saïd, les Riah et les Trabelsia s'étaient prudemment tenus
à l'écart.
La bande de Kalaa-Kebira avait bravement donné son chef,
Sassi Souïlem, était tombé courageusement sur le champ de
;
bataille.
Le 30 août, la colonne Corréard arriva à Hammam-Lif sans
être inquiétée.
Les Zlass et les Fathnassa se replient sur Djebibina, où ils se
concentrent, sousles ordres d'El HadjHasseinbenMessaï,pour
observer la colonne Sabattier.
Les Souassi et les Oulad-Saïd regagnent leurs campements.
Les Riah et les Trabelsia prennent le chemin du Djoukar et
du Zaghouan.

dirent par une fusillade des plus nourries et forcèrent la cavalerie à se replier.
Puis elles se mirent à tirer sans interruption sur les contingents à pied.
» Les balles nous passaient sur la tête comme une averse de grêlons; mais nous
étions abrités et elles ne nous faisaient aucun mal. A un moment donné, notre
chef, voyant que nous perdions de notre assurance, nous donna l'ordre de nous
porter en avant sur un terrain découvert, non loin de la colonne, en nous laissant
combattre couchés. C'est dans cette position que j'ai été atteint par une balle qui
m'a traversé la poitrine après m'avoir cassé le menton.
» Nous ne pûmes tenir longtemps dans la position que nous occupions ; à chaque
instant le nombre des tués et des blessés augmentait. Tout à coup Sassi Souilem
tomba la face contre terre pour ne plus se relever; il venait d'être frappé d'une
balle à la tête. »
Le jour commençait alors à poindre. N'ayant plus ni chef, ni munitions, épuisée
d'ailleurs par les pertes qu'elle venait de subir, la bande de Kalaa-Kebira retourna
chez elle, emportant ses morts et ses blessés. Elle ne prit aucune part au combat
livré dans la journée du 29 août.
N°XLVIbis.

Résumé du rapport dressé en choual 1298 (septembre 1881) par le


kaïmakam Taïeb ben el Hadj Ahsen Mesmouri, en réponse aux faits
que lui avait reprochés le général Logerot.

La colonne tunisienne campée à El-Arbaïn depuis quelques jours


vit passer près de son camp, le 25 août, la colonne du lieutenant-
colonel Corréard qui, partie d'Hammam-Lif, avait couché le 24 à
Grombalia. Les soldats tunisiens lui rendirent les honneurs habi-
tuels; les troupes françaises allèrent camper à Bir-Hafidh1, distant
du camp tunisien d'environ deux milles, pour y passer la nuit.
Les Arabes ayant appris son arrivée accoururent en foule à Bir-
Bouita, se massèrent dans la Khanga et résolurent d'attaquer le
camp français à la fin de la nuit.
Deux espions m'ayant fait part de cette résolution à 10 h. 1/2 du
soir, je m'empressai d'envoyer un oda-bachi et 3 mkhaznias pré-
venir le colonel français afin qu'il prît ses dispositions en consé-
quence; mais les grand'gardes du camp leur barrèrent le passage
et ils retournèrent sans avoir pu le prévenir. Je renvoyai une

:
autre fois ces émissaires en leur recommandant d'attendre que
l'on sonnât la diane ils s'approchaient pour la deuxième fois du
camp français (le 26 au matin) quand ils entendirent une fusillade
échangée entre le camp et les Arabes. Ils revinrent en toute hâte
me prévenir. Je m'attendais à être instruit par le colonel français
de ce qui se passait; il ne me fit rien dire.
Les Arabes augmentant toujours de nombre, le camp français
battit peu à peu en retraite en faisant feu de ses pièces (les
boulets atteignirent jusqu'à mes avant-postes devant Bach-Chadir
et les balles tuèrent deux de mes zouaves). Le camp français recu-
lait toujours et il atteignit enfin, à un demi-mille de mon camp,
une élévation où il se retrancha. Nous étions en face l'un de l'autre,
mais les Arabes ne l'attaquaient pas de mon côté, mais du côté de
la Khanga. En battant en retraite, le camp français fit tout son
possible pour se rendre maître des puits qui se trouvent là, mais
il ne le put pas. J'envoyai un détachement pour s'en emparer.
Le colonel m'envoya demander de l'eau, attendu que ses soldats

1. Bir-el-Hafaied.
:
souffraient beaucoup de la soif je fournis d'eau le camp français
jusqu'à satiété, puis je me rendis de ma personne auprès du
colonel pour m'informer de son état et de celui de ses troupes. Je
lui dis que la veille, 25, je lui avais expédié des émissaires pour le
:
prévenir de l'attaque projetée contre lui il me répondit qu'il l'avait
su, mais que ses soldats n'avaient pas compris l'arabe. Il me
remercia pour l'eau que je venais de lui envoyer et me dit même
« Vous nous avez rendus à la vie avec cette eau. » Comme je lui
:
parlais ensuite du tir de ses pièces qui avaient atteint jusqu'à Bab-
Cbadir et lui disais que deux soldats zouaouas avaient été frappés
par des balles de ses soldats, il s'excusa. Il me demanda de lui
organiser un service d'eau tant qu'il occuperait la même position;
j'y consentis; sur sa demande, je lis aussi escorter, par quelques-
uns de mes soldats, ses chevaux qui allaient boire au puits. Je
revins ensuite à mon camp et chacun de nous garda sa position.
Le lendemain, 27 août, le. colonel m'ayant fait demander, je me
rendisàson appel. Il demanda de lui procurertrente bœufs, de l'orge
:
et de la paille j'y consentis. Il vint ensuite me voir à mon camp;
là, il me fit observer que les deux camps se trouvant rapprochés
l'un de l'autre, il convenait que les deux côtés du camp les plus
rapprochés l'un de l'autre ne tirassent pas de coups de fusil, si les
Arabes les attaquaient pendant la nuit, pour ne pas nous blesser
mutuellement; quant aux autres côtés, ils devaient tirer si les
Arabes les attaquaient.
Le lendemain 28 août, une reconnaissance françaises'empara d'un
troupeau de bœufs paissant près des oliviers de Turki et apparte-
nant à des Trabelsia de l'endroit; elle essuya quelques coups de
feu pendant qu'elle ramenait ces animaux au camp; celui-ci tira
quelques coups de canon.
Peu après, deux espions venaient à mon camp et m'apprenaient
que les Arabes s'étaient réunis de tous côtés dans IaKhanga, que
c'étaient des Zlass, Hammema, Beni-Zid, Metellit, Ouarghamma,
Riah et Oulad-Saïd et quelques soldats du Sahel.
Ils s'étaient promis, disaient les espions, d'attaquer le camp fran-
çais. J'envoyai du monde afin de vérifier la véracité de cette nou-
velle et, après en avoir reconnu le fondement, j'allai en personne
trouver le colonel afin de lui en faire part. Il me remercia et chacun
de nous revint garder son camp.
Vers la fin de la nuit (matin du 29) les Arabes assaillirent les
Français. Ils arrivaient du côté de la Khanga, surles derrières du
camp, et l'engagement se poursuivit jusqu'au jour. Moi et mes
officiers étions près de nos soldats, leur recommandant de ne pas
tirer du côté du camp français, pour observer l'accord intervenu
entre nous, et pour éviter toute erreur fatale.
Pendant que les deux côtés se trouvaient aux prises, une bande
d'Arabes se rua de mon côté, en poussant ses cris d'usage. Je leur
envoyai quelques boulets et ils se sauvèrent sur la montagne, pour-
suivis également par le feu français. A ce moment, le colonel me
fit appeler et me demanda s'il pouvait se rendre à Hammamet. Je
lui dis qu'il ne le pouvait pas, car la Khanga était pleine d'Arabes
et que leur nombre ne ferait que s'accroître. Il apprécia ce bon

:
conseil et il me dit : « Si je quitte cet endroit, lèverez-vous le camp
vous aussi? » Je lui dis « Je n'ai pas d'ordres pour me déplacer»
et je revins à mon camp. Peu après, des espions vinrent m'annoncer

:
que les Arabes ne faisaient que s'amasser. J'allai en informer le
colonel français il se décida à se retirer sur Grombalia; je lui don-
nai, sur sa demande, trois Mekhaznias pour lui servir de guides. Le
colonel opérait sa retraite quand, arrivé à Oued-Eddefeli, il se ren-
contra avec les Arabes. Et nous, nous restâmes à garder notre camp.
Je ne sais pas ce qui est arrivé ensuite.

Le lieutenant-colonel Corréard, non satisfait de ce rapport,


persista à accuser Si Taïeb de connivence avec les insurgés.
Le lieutenant-colonel français reprochait au kaïmakam tuni-
sien de n'avoir pas attaqué les insurgés quand ils passaient
près de son camp, disait que les zouaouas tunisiens suivis de
deux cents cavaliers avaient déserté le camp de Si Taïeb pour
aller renforcer les insurgés; et il était convaincu que l'attaque
de son aile gauche avait été exécutée par ces transfuges,
qui avaient d'ailleurs à leur tête un drapeau ressemblant au
drapeau des zouaouas tunisiens, et accusait le colonel tuni-
sien d'avoir refusé de marcher en avant, avec lui, si cela
devenait nécessaire, sous prétexte qu'il n'avait pas confiance
dans son armée.
Si Taïeb el Mesmouri, interrogé par le ministre de la guerre
tunisien, répondit point par point aux accusations du lieute-
nant-colonel.Corréard; que les Arabes n'étaient pas passés
près de son camp mais dans le lointain, qu'il avait néanmoins
tiré des coups de canon sur eux et qu'ils s'étaient enfuis
vers la montagne; que ses hommes n'ont pas abandonné son
camp et qu'aucun zouaoua n'a attaqué l'aile gauche française,
ni avec un drapeau ni sans drapeau, et qu'il avait répondu
au colonel français, quand celui-ci lui avait demandé s'il
avait confiance dans son armée, que les zouaouas n'étaient
pas disciplinés comme des soldats réguliers et qu'il était
possible qu'ils se débandassent si un engagement venait à
se produire.

N° XLVII

Situation générale des tribus du Sud-Ouest à la fin de septembre.

Nous savons qu'à la suite des combats de Bir-el-Hafaïed, LesZlass


devant
El-Arbaïn et Turki, les Zlass et les Fathnassa s'étaient repliés Zaghouan.
sur Djebibina où ils se concentraient, sous les ordres d'El Hadj
Hassein ben Messaï, pour observer la colonne Sabattier, et que
les Riah et les Trabelsia avaient pris le chemin du Djoukar
et du Zaghouan.
Le 1er septembre on apprendque les Zlass se dirigent vers le
pont du Fahs, où doivent les rejoindre les contingents des
Riah et des Trabelsia.
Le 9, une forte reconnaissance chargée de vérifier les res-
sources du village de Lala-bent-Saïdan et l'état de la route de
Tunis à Kairouan dans la traversée du défilé de Foum-el-Kar-
rouba, est vivement attaquée à son retour et harcelée jusqu'au
camp de Zaghouan.
Le 11, les insurgés (1.000 cavaliers, 1.200 fantassins, Zlass,
Riah et Trabelsia) attaquent mollement le camp et se retirent.
(Ils ont appris le débarquement de nos troupes à Sousse.)
La majeure partie des Zlass reprend le chemin de Kairouan
où ils ont laissé un certain nombre des leurs pour s'assurer
de la possession de la ville.
Vers le 11, au soir, 150 Hammema conduits par Youcef ben
Ahmed ben Youcef, fils aîné du caïd des Oulad-Redhouan,
viennent se joindre aux Riah, aux Trabelsia et aux quelques
Oulad-Iddir qui continuent à observer le camp de Zaghouan.
Ces Hammema viennent de faire une campagne malheu-
reuse 1; après avoir razzié les douars du Sers, ils ont été
repoussés d'abord par les Oulad-Aoun qui les ont forcés à se
rabattre sur la Kessera, puis attaqués, dès qu'ils eurent fran-
chi l'oued-Ouzafa, par des Oulad-Ayar qui leur enlevèrent les
troupeaux qu'ils poussaient devant eux. Youcef ben Ahmed
s'inquiète peu de ces échecs. Dès son arrivée, il propose de

:
couper le canal de Zaghouan pendant la nuit. Sa motion est
accueillie entre minuit et une heure quelques insurgés font
diversion en attaquant le camp pendant que d'autres coupent
l'aqueduc en trois endroits.
Le lendemain 12, les troupes françaises réparent les dégâts.
Le 13, les insurgés font une nouvelle saignée dans la con-
duite d'eau, non loin des sources; elle est réparée le 14, après
une lutte assez sérieuse dans laquelle Youcef ben Ahmed est
blessé.
Un bataillon d'infanterie (25e) installe son camp à quelques
centaines de mètres de la prise d'eau.
La facilité avec laquelle les insurgés avaient pu accomplir
leur œuvre à deux reprises différentes permettait de supposer
que les habitants de Zaghouan et le khalifa Khemis bén
Aroussi étaient de connivence avec eux.
Le 14, le général Sabattier fit arrêter, comme otages, 15
notables de Zaghouan et imposa à cette ville une contribution
de 200 cafis d'orge, 100 bœufs et 200 moutons. Il exigea du
khalifa l'engagement formel de prévenir le commandant de
la colonne de tous les mouvements des dissidents et lui fit
connaître que les otages seraient fusillés si le camp de la
prise d'eau ou celui de l'embranchement du canal du Djoukar
étaient attaqués sans que l'autorité militaire en fût prévenue 2.
Alors les insurgés se dispersent; les Riah et Trabelsia
retournent chez eux; les Oulad-Saïd vont rejoindre les Souassi
à Bir-Gedef, près du lac de Sidi-el-Hani, et les Zlass retournent

1. Voir plus loin, 2, page 217.


2. Voir tome I, page 70, et tome II, annexe XLIX, la suite des opérations du
général Sabattier.
à Kairouan avec les quelques Fathnassa, Koobs et Gouazine
qui se sont attachés à leur fortune.
Quant aux Hammema de Youcef ben Ahmed, ils repartent
vers le sud en quête de nouvelles aventures.

Kairouan entre alors dans une nouvelle période de désordres LesZlass


à Kairouan.
quand les Zlass y sont retournés en foule. Bientôt la désunion Ils se divisent.
éclate même dans leur camp. Le cheikh chortia Naceur ben
Ali ben Aïssa, des Oulad-Iddir, tue d'un coup de fusil en plein
jour, dans une rue des plus fréquentées de Kairouan, le
nommé AhmedbenLahmar, desOulad-Khalifa, à la suite d'une
discussion au sujet de la possession d'un cheval de razzia.
A la suite de cet événement, les dissidents se séparent en
deux groupes :
Les Oulad-Sendacen,les Oulad-Khalifa, lesFathnassa et quel-
ques Oulad-Iddir vont, sous la conduite d'El Hadj Hassein ben
Messaï, se mettre en observation sur la route de Zaghouan
à Kairouan.
Le gros des Oulad-Iddir, les Oulad-Saïd, les Souassi et les
contingents Neffet qui viennent d'arriver, vont s'établir, sous
les ordres d'Ali ben Amara, dans le pays situé entre Sousse et
Kairouan, à Aïn-el-Khazazia, où se trouvent des sources
abondantes. Cette position est très bien choisie; elle permet
de surveiller tout le terrain compris entre le lac Kelbia et celui
de Sidi-el-Hani et elle ne peut être tournée.
Quelques douars se réunissent aussi à l'oued-Laya.
C'est de ces deux points que partiront en septembre et octo-
bre 1881 les incursions des dissidents vers le Sahel.
(Malgré toutes ces dispositions, la lutte touchait à sa fin.)
Les troupes du camp de Zaghouan et celles qui venaient de
débarquer à Sousse devaient incessamment marcher sur la
ville sainte1, pendant que trois colonnes, alors en formation à
Tebessa, à Négrineet à
El-Oued, pénétreraient dans la Ré-
gence par la frontière algérienne.

1.Voir tome I, page 75.


Les bandes Au moment où le général Sabattier commençait ses opéra-
duSahel.
tions autour de Zaghouan, c'est-à-dire vers la fin du mois
d'août, le désordre régnaiL dans les districts de Sousse, Mo-
nastir et Mahédia. Les soldats réfractaires, après avoir fait
cause commune avec les dissidents, et principalement avec
leurs voisins, lesMettellit, tenaient le pays.
La ligne télégraphique de Sousse à Mahédia avait été entiè-
rement détruite par les insurgés; les israélites des loca-
lités de la côte s'étaient réfugiés, par voie de mer, à Sousse et
à Monastir restées fidèles toutes deux au parti de l'ordre.
Le 2 septembre, la bande de Sassi Souïlem1, revenant du
à
combat d'El-Arbaïn, étaitrentrée Kalaa-Kebira, y rapportant
ses morts et ses blessés. Le khalifa essaya de ramener ses ad-
ministrés, mais ses efforts restèrent sans succès comme le
mois précédent2. Loin de paraître découragés par leurs pertes

;
dans l'engagement avec la colonne Corréard, les insurgés
brûlaient du désir de venger leurs morts ils remplacèrent
Sassi Souïlem par le nommé Ali ben Mabrouk et recommen-
cèrent à porter la terreur jusqu'aux portes de Sousse.
Les Européens habitant les trois grandes villes du Sahel
commençaient à perdre confiance; la peur gagnait surtout la
population juive. L'arrivée de nos troupes vint heureusement
ramener le calme dans les esprits.

Débarquement Dans les premiers jours de septembre, les bataillons des 48°,
àSousse
dulieutenant- 666 et 116e, sous les ordres du lieutenant-colonel Moulin,
colonel
Moulin. débarquèrent à Sousse3.
Opérations
contre
les bandes du
Le lieutenant-colonel fit prévenir les insurgés, par le gou-
Sahel.
verneur du Sahel, Mohamed el Baccouch, qu'il ne leur serait
fait aucun mal s'ils rentraient dans l'obéissance. Ces avis ne
produisirent aucun effet.

1. Voir plus haut annexe n° XLVI, fin de la note de la page 207.


2. Voir tome I, note 2, page 61.
3. Le débarquement des troupes à Sousse devait avoir lieu plus tôt. La retraite
de la colonne Corréard retarda cette opération. Les troupes destinées à l'exécuter
furent employées, par le général Logerot, à couvrir Tunis. (Voir tome I, note 4,
page 63.)
Le 14 septembre, les navires de l'escadre embossés dans le
port de Sousse envoient dans le village de Kalaa-Kebira une
quinzaine de projectiles; les habitants s'enfuient dans les
jardins.
Le lendemain, nos troupes marchent sur le village. Après
un combat d'une demi-heure, la bande d'Ali ben Mabrouk
est dispersée; l'artillerie ouvre son feu sur les principales
maisons du village; un drapeau blanc est hissé sur le minaret
de la grande mosquée.
La colonne se reforme, traverse Kalaa-Kebira, détruit deux
magasins et rentre à Sousse le soir même.
A ce moment les contingents d'Ali ben Amara, les Metellit
et les déserteurs de Saâd el Guem et de El Hadj Ali ben
Khedidja1, qui avaient été prévenus tardivement du mouve-
ment que les troupes françaises allaient opérer sur Kalaa-
Kebira, arrivaient dans ce village. Ils y passèrent la nuit et
retournèrent chez eux dès le lendemain.
Le 19 septembre, les ins.urgés, apprenant que le lieutenant-
colonel Moulin doit faire une sortie sur Djemmal, vont se

Ils sont au nombre de trois mille et appartiennent


aux Zlass ;
:
poster dans les bois d'oliviers situés au sud-est de Sahaline.

aux Souàssi (commandés par Salah ben el Hafsi) ;


aux Metellit (commandés par les cheikhs Ferdjani et El
Hadj Srir);
aux Oulad-Saïd (commandés par Ali bou Zian) ;
aux bandes de Djemmal et de Saâd el Guem, auxquelles se
sont joints quelques indigènes des villages du Sahel amenés,
par intimidation, à prendre part à la lutte.
Le 20, au matin, la colonnefrançaise débouche du côté de
Sousse. Après une fusillade de quelques instants, les contin-
gents à pied des villages de la région s'enfuient; les cavaliers
essaient, en vain, de prolonger le combat; ils sont bientôt
dispersés.

1. Voir tome I, note 2, page 61.


Les Souassi et les Metellit avaient, à eux seuls, supporté
presque tous les efforts de nos troupes.
Après l'engagement la colonne française effectua son retour
sur Sahaline et, le lendemain, elle rentra à Sousse.
Le 25, la ligne télégraphique de Sousse à Monastir est
réparée sans incidents.
L'occupation de Sousse, les combats de Kalaa-Kebira de et
Sahaline, la connaissance de l'insuccès des différentes attaques
tentées contre le camp de Zaghouan et de la marche du général
Sabattier vers le sud1 font tomber l'enthousiasme des insurgés
dans le Sahel.
Du 25 au 27 septembre, 1.500 déserteurs viennent se cons-
tituer prisonniers à Sousse; ils sont dirigés sur Tunis. Seuls,
les compagnons du sergent Ould el Bahar2, de Ksour-es-Sef,
refusaient de faire leur soumission. Le 28, ils allaient à Mok-
nine et à Djemmal et réussissaient à entraîner à leur'suite
quelques insoumis de ces deux villages; puis ils rejoignirent
El Hadj Srir, le chef des Metellit insurgés de cette région, au
lieu ditHanichad, sur le territoire des Oulad-Naçeur (Metellit)
et à environ 20 kilomètres de Mahédia3.

LesOulad-Aoun. Nous avons vu, jusqu'ici, les Oulad-Aoun persister à se


tenir en dehors du mouvement insurrectionnel4.
Nous savons comment ils répondirent aux invitations des
Zlass en leur disant qu'ils étaient intimement liés par leurs
engagements aux Oulad-Ayar; ils avaient également essayé
d'échapper aux démarches d'Ali ben Ammar en lui faisant
remarquer qu'ils se trouvaient naturellement en relations
avec les Zlass et qu'ils ne pouvaient agir que de concert avec
ces derniers.
Ali ben Ammar ne s'était pas contenté de ces explications et

1. Voir plus loin, annexe n° XLIX, page 237.


2. Voir tome I, note 2, page 61.
3. Voir la suite des opérations autour de Sousse, annexe n° LIV.
4. Voir note 1, annexe XLIII, page 193.
il s'était avancé à la tête de 5 ou 600 cavaliers jusqu'à Aïn-el-
Guenah; il n'intimida pas les Oulad-Aoun 1.
Vers la fin d'août, un parti de Zlass et de Hammema, qui
venait de piller les environs du Kef et du Sers, pénétra sur le
territoire des Oulad-Aoun. Repoussés par les contingents de
la tribu, les pillards avaient voulu se rejeter sur la Kessera;
mais, traqués par les montagnards de la région, ils avaient dû
fuir, abandonnant les troupeaux qu'ils poussaient devant eux.
Peu de temps après on les retrouvait, en compagnie de
Youcef ben Ahmed, tiraillant sur le camp de la 5e brigade,
à Zaghouan'.

Aoun;
Cette agression éveilla cependant les craintes des Oulad-
ils se dirent que la neutralité absolue dans laquelle ils
s'enfermaient devait donner aux dissidents un excellent pré-
texte de razzias et de pillages.
Les fauteurs de désordres mirent à profit ce sentiment.
Mohamed bou Kris, chez les Oulad-Yahia, Mohamed el Bouiri
et le cheikh Bou Abena,.chez les Oulad-Aoun, recommen-
cèrent avec ardeur leur propagande. Bientôt ils purent réunir
des contingents assez nombreux qui choisirent pour caïd
insurrectionnel Bou Abena, lequel prit Mohamed bou Kris
pour khalifa.
L'exemple des Oulad-Aoun et des Oulad-Yahia encouragea
les gens de la Kessera. A leur tour, obéissant aux instigations
du nommé El Hadj Mohamed ben Ramdan, ils manifestèrent
hautement leur intention de se joindre au parti de la résis-
tance et dénoncèrent à Bou Abena leur khalifa Mohamed el
Borni qui refusait d'embrasser avec eux la cause de l'insur-
rection.
Le caïd chortia envoya aussitôt une trentaine de cavaliers à
la Kessera pour arrêter le khalifa récalcitrant, qui obtint
cependant, en raison de son état de santé, qu'on lui permît de
vivre tranquille.

1. Voir plus loin, 2, page 225.


2. Voir plus haut, 1,page 212.
Dans les premiers jours de septembre, Bou Abena, ayant pu
grouper autour de lui huit cents cavaliers ou piétons des
Oulad-Aoun et dela Kessera, s'installa Aïn-Mezeta, chez les
à
Oulad-Yahia qui lui fournirent des renforts que vinrent gros-
sir, peu après, les gens du Bargou.
D'Aïn-Mezeta, il se mit en marche vers Zaghouan, pour
faire sa jonction avec El Hadj Hassein ben Messaï; mais le caïd
des Oulad-Iddir s'était replié brusquement sur Kairouan à
l'annonce du débarquement des troupes françaises à Sousse
et il ne devait reparaître, devant la 7e brigade, que trois
semaines plus tard.
Nous verrons plus loin' que Bou Abena, culbuté en deux
rencontres, se replia en toute hâte. Ses contingents, rentrés
dans leur pays, se dispersèrent, bien décidés à ne plus tenter
pareille aventure, si les circonstances ne les y obligeaient pas
d'une façon absolue.

Les Hammema
depuis
Les Hammema, aussitôt après la réunion de Sbeitla, s'étaient
la réunion de mis en campagne pour aller inquiéter et surtout razzier les
Sbeitla.
populations soumises.
Ils se dirigèrent d'abord sur Sbiba et de là se répandirent
vers le Sers, où vinrent les rejoindre les contingents des.
Oulad-Ayar et quelques Beni-Rezg.
Bientôt le pays fut sillonné par leurs coureurs.
Leurs opérations furent aussitôt fructueuses, car, dès le
25 août, ils se réunirent au Sers pour procéder au partage du
butin rapporté par les pillards. Les Hammema se firent la
part du lion; ils s'adjugèrent les chevaux et les chameaux,
laissant aux Oulad-Ayar les bœufs et les mulets, et le menu
bétail aux groupes des différentes tribus qui étaient venus
leur prêter leur concours.
Le partage donna lieu naturellement à une rixe; l'entente
ne fut pas longtemps troublée, car, dès le 27, les coureurs
reparurent dans la plaine du Kef; mais ils trouvèrent le pays

1. Voir annexe XLIX, page 239.


à peu près évacué et, après avoir opéré quelques razzias peu
importantes, ils reprirent le chemin du Sers.
On était alors dans les premiers jours de septembre. Les
Hammema venaient d'apprendre la marche de la 5e brigade
sur Zaghouan; la majorité manifestait l'intention de se porter
à la rencontre des troupes françaises; mais il était, avant tout,
indispensable de mettre le butin en sûreté.
Dès le 3 septembre, les Hammema commencèrent leur
mouvement de retraite vers le sud, poussant devant eux les
troupeaux volés pendant le mois précédent. Un groupe de cent
cinquante cavaliers, commandé par Youcef ben Ahmed s'était
seul dirigé vers le territoire des Oulad-Aoun pour tenter
encore quelques coups demain. Nous avons vu2comment il fut
accueilli et comment, rejeté sur la Kessera, il fut razzié à son
tour par une bande de gens des Oulad-Ayar.
Youcef ben Ahmed put néanmoins gagner avec les siens le
pays des Zlass et de là se porter sur Zaghouan, où il contribua
pour une large part aux attaques du camp français les 12 et 13
septembre3.

El Hadj Harrat, de son côté, était entré dans la période LesFraichich


après la réunion
d'action. Après avoir pénétré sur le territoire des Zeghalma de Sbeitla.

non insurgés, il avait poussé une pointe chez les Khememsa,


tandis que ses coureurs arrivaient jusque dans la vallée de
l'oued-Mellègue. El Hadj Harrat ne devait pas donner plus
d'extension au mouvement qu'il avait prononcé vers le nord.
Les besoins de sa cause lui interdisaient de prolonger son
absence; il lui importait d'empêcher Ali Sghir de ressaisir
l'influence qu'il avait perdue depuis les derniers événements.
En partant de Sbeitla, Ali Sghir s'était retiré près de la
source de l'oued-Derb, entre Kasserine et Feriana. Il avait
essayé degrouper en ce point tous les Oulad-Ouzzez; mais,

1. C'est le fils aîné de Ahmed ben Youcef, caid des Oulad-Redhouan et chef du
mouvement insurrectionnel chez les Hammema. -
2. Voir 2, page 217.
3. Voir 2, page 217, et 1, page 212.
sous la pression d'El Hadj Harrat, la débandade avait déjà
commencé parmi ces derniers.
Les Oulad-Asker, proches voisins des Hammema et, comme
eux, toujours en l'air, avaient donné le signal de la débâcle et
leur exemple avait été suivi par les Zaaba et les Forda, qui
n'hésitèrent pas, quelques jours plus tard, le 10 septembre, à
razzier, à 4 kilomètres de notre camp de Tenoucla1, le douar
Zeghalma appartenant à la tribu des Oulad-Sidi-Abid algé-
riens.
Leur but était de compromettre le caïd Ali Sghir et d'activer
la défection des autres cheikhs des Oulad-Ouzzez.
Leurs espérances ne furent pas complètement déçues; plu-
sieurs fractions, sans entrer ouvertement dans la lutte, prirent
aussitôt des campements séparés et refusèrent de se soumettre
aux ordres de leur caïd.
Vers le 20 septembre, Ali Sghir, dont le commandement
officiel comprenait, outre les Oulad-Azzez, les Oulad-Nadji, les
Cheketma et les Fouad des Madjeur récemment placés sous
ses ordres (ce qui constituait un ensemble d'environ 10.000
tentes), n'en avait plus auprès de lui que 500 appartenant aux
Baaça, aux Forda, aux Oulad-Moussa, aux Afiaf et aux Hanei-
dra, des Oulad-Ouzzez.
Les Cheketma et les Fouad, sur lesquels il n'avait pu étendre
son autorité, ne s'étaient pas prononcés cependant pour
l'insurrection; ils étaient campés, les uns au djebel-Maïza,
près dela Rouhia, et les autres au djebel-Hanech2, attendant
anxieusement la fin des désordres qui les environnaient.
Les Oulad-Nadji étaient restés étroitement attachés à leur
caïd El Hadj Harrat.
A cette époque (vers le20 septembre), on pouvait considérer
comme acquis à l'insurrection, dans cette région :
1° tous les Ourtan;
20 la moitié des Zeghalma;

1. Ain-Tenoucla, à 10 kilom. sud-est de Tébessa.


2. Djebel-Bou-el-Hanêcbe (1.231 mètres), à 15 kilom. au nord de Thala.
30 tous les Oulad-Nadji;
40
des Oulad-Ouzzez ;
les Oulad-Asker, les Ksarnia, les Haneidra et les Zaaba

50 les Zemala des Oulad-Ali;


60 les Oulad-Mehenna des Madjeur;
70 les Oulad-Tlil.

Les forces insurgées du sud-ouest de la Régence étaient


alors réparties de la façon suivante :

Amran des Mehenna ;
au djebel Semmama', les Oulad-Nadji et les Oulad-

2° entre Sbeitla et Kasserine, les Zemala des Oulad-Ali;


3° à Sbeitla, les Oulad-Asker, les Ksarnia, les Haneidra des
Oulad-Ouzzez, les Oulad-Tlil, une partie des Oulad-Maamar,
les Harakra, et les Oulad-Bou-Nouma des Madjeur.
4° à Sbiba, quelques tentes des Mehenna ;
5° à El-Abaïd', les Oulad-Khalifa et les Nemahlra des
Mehenna;
6° dans le Guemonda', les Oulad-Aziz et les Oulad-Re-
dhouan;
7° à l'oued-Oum-el-Ksob, les Zaaba des Oulad-Ouzzez une et
partie des Oulad-Slama.
Les Ourtan et la moitié des Zeghalma, qui s'étaient pronon-
cés pour l'insurrection, étaientrestés sur leurs territoires.
Il en était de même des Oulad-Slama résidant dansleFaouar,
au sud de Gafsa, des Oulad-bou-Yahia (Oulad-Maamar) et
des Oulad-Yahia(Oulad-Aziz), qui campentlesunsetlesautres
aux abords des oasis du Djerid, d'El-Guettar, de Gafsa, de
Tamerza et près de Gourbata.
Sauf la fraction des Zemala, les Oulad-Ali s'étaient tenus en
dehors de l'agitation générale.
Les Oulad-Ali (Haouafed, Oulad-Rhida, Guemata, Aiachera)

i. Djebel-Semmama (1.313 mètres), à 20 kilom. au nord de Kasserine.


2. El-Abaid, au nord du djebel-Halouk-el-Mekhila.
3. Rive droite de l'oued-Fekka, à 40 kilom. au sud-est de Sbeitla.
s'étaient retirés au djebel-Chaar1, montagne boisée située à
l'est de Heydra; leur attitude était bonne, mais il était évident
qu'ils succomberaient sous peu aux instances pressantes d'El
Hadj Harrat2.
(El Hadj Harrat, ayant avec lui les contingents des Oulad-
Asker et des Haouafed, occupe El-Breck, localité voisine du
territoire des Madjeur).
Le 22 septembre, Ali Sghir, voyant que la situation s'aggra-
vait de plus en plus, écrivait au commandant supérieur du
cercle de Tébessa, pour mettre à sa disposition les cavaliers
qui lui étaient restés fidèles, et les moyens de transport que
pouvaient fournir les 500 tentes des Oulad-Ouzzez qu'il avait
pu maintenir dans le devoir.
Il demandait, en même temps, l'autorisation de se réfugier
sur le territoire algérien dans le cas où il serait attaqué par les
dissidents, chose qui lui paraissait imminente.
Cette dernière faveur fut accordée à Ali Sghir, et elle
acheva de l'attacher à notre cause.
Ahmed ben bou Rougâa (nommé plus tard caïd des Oulad-
Sidi-Abid, en récompense des services rendus à la tête des
goums de la colonne de Tebessa et de la 6° brigade) avait été
chargé par Ali Sghir de porter son message; il donna au com-
mandant supérieur de Tébessa de nombreux renseignements
qui nous furent d'un grand secours dans la suite.
Cependant les Oulad-Ali commençaient à se laisser influen-
cer par El Hadj Harrat; un événement inattendu vint tout à
coup hâter leur évolution.
Ahmed el Hafnaoui Ould si Mustapha ben Azouz, de Nefta,
revenant de Tunis où il avait perdu un procès devant le re-
présentant de l'autorité française, contre Si el Haouçin Ould Si

1. Djebel-Char. Kef-Chguega (1.319 mètres) à 4 kilom. au sud de Thala.


s
2. Ali Sghir avait essayé, à plusieurs reprises, de entendre avec M Had] Uaid

;
pour le maintien de l'ordre; ses démarches étaient restées sans résultat, le caid
des Oulad-Ali regardant avec une méfiance égale les partis en présence il dési-
rait la paix et prétendait ne se mêler en rien aux questions qui divisaient les Ou-
lad-Ouzzez et les Oulad-Nadji (voir annexe n° XLIII, note 1, page 195).
Ali ben Amor, de Tolga (Sidi-Okba), s'arrêta à Tala, chez les
Fraichich, et y prêcha la révolte.
Les Oulad-Ali l'écoutèrent et quelques jours après rappro-
chèrent leurs campements d'El Hadj Harrat.
Vers le 10 octobre, Ali Sghir fit
encore une vaine tentative
pour les dégager des mains de l'ex-caïd des Oulad-Nadji; le
16, menacé de toutes parts, il quitta Ras-Oued-ed-Derb et se
réfugia sur le territoire algérien1.

Nous savons qu'Ali ben Ammar, le 15 août, à la réunion de Les Oulad-Ayar


depuis
Sbeitla, s'était rallié avec enthousiame à toutes les propositions laréunion
Sbeitla.
de
d'Ahmed ben Youcef Ali ben Ammar
réunitles
Dès le lendemain, Ali ben Ammar reprit le chemin de son combattants.

territoire.
Son voyage se fit sans incident; mais en arrivant chez lui
il trouva un ouda-bachi et 6 hambas, venus de Tunis avec
mission du gouvernement du Bardo de l'arrêter ainsi que les
perturbateurs des Oulad-Ayar. Les agents du bey furent bien
accueillis; ils reçurent une large hospitalité et, finalement,
furent invités à retourner à Tunis. L'ouda-bachi, généreuse-
ment payé, dit-on, mais certainement peu rassuré par ce qu'il
avait vu, obéit sans hésitation à l'injonction d'Ali ben Ammar.
Peu après, Ahmed Abou était remplacé dans son comman-
dement des Oulad-Ayar par Mohamed Salah ben Ali Debbich.
Il est difficile de dire sous quelle influence se fit cette nomina-
tion ; peut-être Mohamed es Saddok espérait-il séparer les deux
anciens internés qui s'étaient étroitement liés l'un à l'autre
dans l'adversité et amener ainsi la division chez les Oulad-
Ayar.
Mais Mohamed Salah comprit son infériorité vis-à-vis d'Ali
ben Ammar et l'accepta avec d'autant plus de facilité qu'il ne

1. Nous avons étudié l'évolution et les progrès du mouvement insurrectionnel


chez les Fraichich jusqu'au moment où ils se divisent nettement en deux camps
;
La plus grande partie, insurgée, avec El Hadj Harrat
:
Un petit nombre de fidèles se réfugiant, avec Ali Sghir, sur notre territoire.
2. Voir annexe n° XLIV, page 203.
désirait pas entrer en lutte avec son ancien compagnon d'in-
fortune.
Pendant ce temps, les contingents des Hammema1étaient
revenus dans la région duKef, toujours avec l'intention avouée
d'attaquer la place, de l'isoler de Tunis et de couper la voie
ferrée.
En passant au khanguet-Effras, vers le 29 août, ils avaient
été rejoints par de forts partis d'Oulad-Ayar et de Beni-Rezg,
et par des groupes isolés appartenant à différentes tribus
de l'Ounifa.
A la même époque on signalait une incursion des Fraichich
chez les Zeghalma2
Comme nous l'avons vu précédemment, les razzias se succé-
dèrent à peu près sans interruption jusqu'aux premiers jours
de septembre, époque à laquelle les Hammema, satisfaits du
butin qu'ils avaient récolté3, rentrèrent sur leur territoire,
oubliant d'accomplir la tâche qu'ils s'étaient imposée4.
Ali ben Ammar avait été vivement contrarié par le mouve-
ment de retraite des Hammema, non seulement parce qu'il
avait espéré mettre leur concours à profit, mais encore parce
qu'il les voyait échapper complètement à sa surveillance et à
son action. Il se demandait avec inquiétude si ces dangereux
voisins, dont il connaissait la mobilité de caractère et d'hu-

1. Voir page 218.


2. Voir page 219.
3. Voir page 219.
4. Le 24 août, Si Mohamed Djellouli (voir note 2, annexe n° XLIII, page 199)
avait quitté Le Kef pour se rendre à Tunis où l'appelaient, disait-il, de graves in-
térêts.
Malgré les brigandages commis par les dissidents et les indices qui dénotaient
de toutes parts un état de choses des plus alarmants, Si Djellouli n'avait cessé de
montrer, jusqu'à son départ, un optimisme que rien ne pouvait ébranler. Il ac-
cueillaitmême fort malles personnes quine partageaient pas son opinion àcet égard.
C'est ainsi que les cheikhs et les notables des tribus voisines du Kef et de la ville
même lui ayant exposé leurs alarmes, au moment où ils venaient lui faire leurs

:
adieux, il leur imposa brusquement silence en leurdisant avec une grossièreté
qui contrastait avec son urbanité habituelle « Vous mentez. »
La veille de son départ, appelé une dernière fois à formuler son appréciation
surla situation du pays, il avait déclaré que tout était en bonne voie et que l'a-
gitation ne tarderait pas à se calmer.
meur, ne profiteraient pas du moment où ses forces seraient
engagées avec les troupes françaises pour faire incursion sur
leurs derrières et mettre les biens des Oulad-Ayar au pillage.
Mais il n'était plus temps d'hésiter. Le gouvernement
beylical venait d'envoyer vers Testour la colonne d'Ali Bey,
récemment formée.
Ali Bey f,
qui avait disparu un moment de la scène politique,
après une campagne malheureuse, reparaissait alors, bien
amoindri, soigneusement surveillé et contraint d'agir confor-
mément à notre volonté et à celle de son frère, Mohamed es
Saddok.
Ali ben Ammar apprit l'arrivée de la colonne tunisienne
pendant qu'il était au Sers, où il faisait tous ses efforts pour
augmenter le nombre de ses partisans que le départ des Ham-
mema avait fortementréduits. Le 6 septembre, il se rendit chez
les Oulad-Aoun avec lesquels il eut une entrevue à Aïn-
Medheja; il leur demanda instamment de se joindre à lui; les
Oulad-Aoun lui firent beaucoup de promesses et restèrent
chez eux3.
Le 8 septembre, Ali ben Ammar écrivit aux Madjeur, aux
Fraichich, aux Ourtan, aux Zeghalma et aux tribus voisines
du Kef, pour les inviter à se porter avec lui contre le bey du
camp. Il put réunir, vers le 10 septembre, à Ellez, environ
douze cents combattants3.
Dans la deuxième quinzaine du mois, des Khememsa, des
Doufan, des Oulad-Yacoub, des Touaba et des Gouazine vin-
rent encore grossir les forces des dissidents.
A cette même époque, un ancien cheikh nommé Sliman el
Azar convoquait les Drid. La lettre de convocation ne conte-
nait aucune indication sur le but de cette prise d'armes4.

1. Voir, note 2, annexe XXIV,page 150.


2. Voir plus haut, 1, page 217.
3. Aliben Ammar n'a avec lui ni femmes ni enfants; il n'a que des combat-
tants.
;
4. Il est possible, écrivait le colonel de la Roque, le 14 septembre, à ce sujet,
que la convocation soit faite en vertu des ordres du gouvernement tunisien si
Les Drid réunissent cependant leurs cavaliers et leurs fan-
tassins.
Quant à Ali ben Ammar, il attendait impatiemment la venue
des renforts promis par les Fraichich et les Madjeur.1
Ces derniers, qui s'étaient rassemblés à Sidi-Megherine,
près de la Rouhia, ne se mirent en marche que dans la
deuxième quinzaine de septembre; ils rallièrent le 18, à Ellez,
le caïd insurrectionnel des Oulad-Ayar.
Le 20, les forces réunies sous le commandement d'Ali ben
Ammar pouvaient être évaluées à plusieurs milliers d'hommes.
A ce moment, toutes les tribus voisines du Kef, moins les
Charen et les Ouargha, peuvent être considérées comme étant
en plein état d'insurrection. Les communications de la ville
avec Tunis ne se font plus que par la route de l'oued-Meliz, la
seule restée sûre1.

N° XLVIII

Opérations d'Ali ben Ammar vers le nord. a

Le 21 septembre, Ali ben Ammar reçut, à la Ghorfa2, la


visite de deux personnages que lui envoyait Ali Bey. Après un
long entretien, qui n'a pas été divulgué, les deux délégués du
bey du camp repartirent pour rejoindre leur maître.
Selon toute probabilité, Ali Bey avait tenté d'ébranler les
résolutions d'Ali ben Ammar en lui reprochant son attitude

la colonne du bey reprend sa marche, les Drid se joindront à elle; mais si cette
colonne, comme on le prétend, se désagrège par la désertion, il est probable qu'ils
iront grossir, avec leurs contingents, le groupe commandé par Ali ben Ammar,
qui, peut-être, attend cette éventualité.
1. Voir, annexe n° XLVIII, les opérations d'Ali ben Ammar.
a. Voir le croquis n° V.
2. Ali ben Ammar est à El-Ghorfa. Il envoie fréquemment de fortes reconnais-
sances vers le khanguet El-Gueddin, à l'entrée orientale duquel il a un poste
de garde. Des groupes de 150 à 200 chevaux vont souvent à El-Bahara et jusqu'à
la route de Nebeur. Des vigies sont postées sur des pitons du Dyr, de façon à voir
vis-à-vis du souverain de la Régence et enlui dépeignant toute
l'horreur de la lutte fratricide qu'il allait entreprendre.
C'est du moins ce que tendraient à prouver les paroles que
le chef insurgé répéta à plusieurs reprises les jours suivants,
en proclamant qu'il ne faisait pas la guerre au bey, mais qu'il
se révoltait contre les Français
Le 24 septembre, il quitta la Ghorfa3 pour aller camper à
Aïn-Hedja, près deTeboursouk, laissant dans le djebel-Bahara
un contingent nombreux, sous les ordres de Salah ben Ha-
mouda.
Le 29, il arrivait à Aïn-Tunga, à 9 kilomètres de Testour, où
se trouvait le camp d'Ali Bey.
On était à la veille du massacre de l'oued-Zergua. Massacre
de
Dans l'après-midi, les principaux chefs de la bande qui de- l'oued-Zergua
(30 septembre).
vait exécuter cette lâche agression se présentaient à Ali ben
Ammar et lui exposaient leur projet de détruire la voie ferrée
et de porter la dévastation, l'incendie et la mort de Béja à
Medjez-el-Bab, si les circonstances le permettaient.
Ali ben Ammar promit d'appuyer cette opération de son
concours.
Le lendemain, 30 septembre, un groupe d'environ 600 hom-
mes quittait Aïn-Tunga et se dirigeait, par la Silianah, sur la

cette route; elles ont l'ordre d'allumer des feux au cas où une petite troupe s'enga-
gerait dans cette direction.
Son but est évidemment de chercher, dans la surprise d'un convoi, un de ces
succès faciles qui n'en ont pas moins un grand prestige aux yeux des indi-
gènes.
1. Voir, tome I, page 65.
2. En se mettant en route, Ali ben Ammar avait annoncé qu'il se portait vers
la. voie ferrée, pour la détruire.
Le colonel dela Roque a eu immédiatement connaissance de ce mouvement et
de son but.
Le plan du colonel de la Roque est d'attendre qu'Ali ben Ammar se soit éloigné
d'une ou deux journées encore, afin de ne pas attirer vers Le Kef le gros de ses
contingents dont l'arrivée serait le signal de la débâcle générale.
En même temps, le colonel voudrait que les tribus de l'Ounifa, après avoir
replié leurs troupeaux, occupent chacune un bon point de défense. Cet ensemble
formerait autour du Kef, vers le sud, un demi-cercle sur lequel il pourrait sou-
tenir le point menacé (par les Fraichich et les Madjeur).
gare de l'oued-Zergua, de façon à n'y arriver qu'après le départ
des deux trains qui s'y croisent dans la matinée1.

:
Au confluent de la Silianah et de la Medjerdah, la bande se
divisa en deux fractions l'une, sous les ordres du frère d'Ali
ben Ammar, Ahmed, continua à marcher sur l'oued-Zergua;
l'autre, qui devait se grossir en route d'une grande partie des
Mezougha et des gens de la région qui avaient été les promo-
teurs du massacre, prit la route de Testour à Béja.
Le crime devait se consommer sur trois points le kilomètre :
98, le kilomètre 97 et la gare de l'oued-Zergua.
Il y avait au kilomètre 98 deux maisons :
l'une habitée par
M. Morisseau, piqueur, l'autre par son chaouch et le nommé
Touati, son domestique.
A 10 h. 30, M. Morisseau, qui venait de descendre du train,
se dirigeait vers sa demeure quand les cris de ses gens lui
signalèrent le danger. Les Arabes, en effet, à peine le train
disparu dans les gorges de Mezougha, s'élançaient à l'assaut
des deux habitations.
Le piqueur put heureusement gagner la maison de garde
n° 30, où se trouvaient deux conducteurs de travaux, et à
l'aide de vagonnets, tous se replièrent sur Béja où ils arrivèrent
à midi, ayant recueilli sur leur trajet une trentaine d'ouvriers
de divers chantiers.
Quatre Européens se trouvaient encore dans les deux habi-
tations du kilomètre 98: le domestique du piqueur, son frère
Salvator, un Maltais nommé Faruggia et un Français nommé
Guibramente.
Le premier, gravement blessé, échappa comme par miracle
à la mort; le deuxième fut tué raide; quant aux deux autres,
couverts de blessures, ils furent achevés dans un brasier
qu'allumèrent les forcenés.

1. A partir du 27 septembre, par ordre du général Logerot, un détachement


de 25 hommes, commandé par un officier, monte chaque jour dans le train partant
à 5 heures du matin de Ghardimaou, va jusqu'à Souk-el-Arba et rentre à Ghar-
dimaou à 12 h. 24; il assure la sécurité de la voie. Un service analogue est orga-1
nisé entre Souk-el-Arba et la Manouba.
Leur œuvre terminée, les assassins craignant sans doute
l'arrivée d'un train qui pouvait amener des troupes de Béja,
se replièrent vers la gare où se trouvait Ahmed ben Ammar.
En même temps, cinq ouvriers qui travaillaient sur la voie,
au kilomètre 97, avaient été surpris etécharpés.
A l'oued-Zergua, les assaillants avaient attaqué d'abord la
maison de garde n° 26, où se trouvait un Français, M. Grand,
qui, prévenu à temps par un employé indigène de la voie, Mo-
hamed Chaouch, avait pu se jeter dans une citerne voisine et
s'y blottir. Il demeura dans cette retraite toute la journée sans
que personne songeât à le chercher dans ce refuge. Mohamed
Chaouch fut insulté, frappé, dépouillé de ses vêtements, puis
conduit au camp d'Ali ben Ammar. Il eutla vie sauve et devait
devenir plus tard un témoin à charge bien gênant pour beau-
coup d'indigènes qui niaient toute participation au massa-
cre.
Ahmed ben Ammar avait dirigé lui-même l'attaque de la
station de l'oued-Zergua. Après l'assassinat du chef de gare,
M. Raimbaut, il fit déposer le cadavre sur un bûcher auquel
les meurtriers mirent le feu en même temps qu'aux bâtiments
et aux vagons rangés devant la gare; ils employèrent pour
cela le pétrole qu'ils avaient trouvé dans les magasins de la
compagnie.

La nouvelle de l'incendie et du massacre avait été connue à


Tunis dans l'après-midi. A onze heures du soir, le lieutenant-
colonel Debord partait de la Manouba avec 2 compagnies du
73e pour opérer une reconnaissance du côté de l'oued-
Zergual.

1. Le lieutenant-colonelet les deux compagnies descendirent du train, le 1er octo-


bre au matin, à l'oued-Zergua, — remontèrent la voie jusqu'à Beja, la réparant;
ils ramenaient avec eux les cadavres des employés qui déraillèrent une première
fois.
Dans l'après-mdi, ils reprirent à Beja un train qui devait les ramener à la
Manouba; à 5 h. 30 du soir, ce train (qui portait le détachement, une quinzaine

;
de malades, les cadavres transportés d'abord à Béja et des chevaux de remonte)
dérailla aussitôt, accoururent de toutes parts des indigènes armés qui, profitant
du désordre, tiraillèrent vivement sur le convoi en détresse. Il y eut un moment
Le train qui les ramenait le 1er octobre de Béja à la Manouba
dérailla vers 5 heures et demie du soir; le détachement, aussi-
tôt en butte à une vive fusillade, dut se replier par une longue
marche de nuit sur Medjez-el-Bab.
Ahmed benAmmar était retourné dès la veille auprès de son
frère; les deux compagnies du 73e n'avaient été inquiétées que
par les contingents des Mezougha et des différentes fractions
établies aux environs de l'oued-Zergua.

Combat de Le 2 octobre, Ali ben Ammar, jugeant ses forces suffisantes


Testeur
(2 octobre). et comptant sur l'impression produite par les derniers événe-
ments qu'il avait représentés comme une éclatante victoire, se
dirigea sur Testour, où se trouvait la colonne du bey du camp.
Ali Bey avait été prévenu de sa marche et l'attendait.
La lutte ne tarda pas à s'engager entre les deux partis en
présence, au milieu d'un tumulte indescriptible, des cris des
combattants, des insultes qu'ils se prodiguaient; toutefois ils
se faisaient peu de mal.
L'action durait depuis une heure environ, sans que le
dénouement se fût encore dessiné, lorsque tout à coup les Drid
de l'amelat de Téboursouk, faisant défection, attaquèrent en
queue les contingents insurgés et les mirent en complète
déroute.

de panique chez les hommes du 73e (arrivés depuis huit jours en Tunisie). Le
lieutenant-colonel Debord put cependant ramener son monde à pied à Medjez-el-
Bab, où il arriva le 2 octobre, à 9 heures du matin, après avoir fait une marche
de 32 kilomètres sans nouvel incident.
Le 2 octobre, à la tombée de la nuit, le lieutenant-colonel Vinciguerra (du 121e
d'infanterie), commandant supérieur deBéja, monta en train spécial avec 8 hom-
mes, alla chercher les 19 wagons du train déraillé le 1er octobre, ramena les
cadavres et les inhuma à la gare de Béja a.
(Les documents consultés, concernant les événements survenus sur la voie fer-
rée les 1er et 2 octobre, bien qu'ils aient été établis par le lieutenant-colonel Vinci-
guerra, commandant supérieur de Béja, le commandant Abria, commandant à
Fernana, et le chef de gare de Souk-el-Arba, sont confus et contradictoires.)
La voie est coupée à de nombreux endroits, entre les kilomètres 99 et 69. Les
ouvrages d'art sont partiellement détruits. L'exploitation devient impossible et,
pour ne pas exposer inutilement la vie des employés depuis Béja, ils sont repliés
sur Ghardimaou.
a. La station de Béja-gare est maintenant dénommée « Pont de Trajan P.
L'attitude des Drid, en cette circonstance, a donné lieu à bien
des suppositions qui n'ont jamais pu être suffisamment justi-
fiées. Leur évolution fut-elle spontanée, ou, comme on le pré-
tend généralement, fut-elle le résultat des intrigues d'Ali Bey?
Cette dernière hypothèse paraît la plus vraisemblable.
Le frère de Mohamed es Saddock eût vivement désiré ne
pas combattre Ali ben Ammar. Les démarches qu'il avait fai-
tes auprès du caïd insurrectionnel des Oulad-Ayar quelques
joursavant l'engagement de Testour, et sa conduite antérieure,
ne laissent aucun doute à ce sujet.
Mais il avait auprès de lui, comme soutien, deux bataillons
d'infanterie française placés sous les ordres du colonel Menes-
sier de la Lance1; il s'était donc vu dans la nécessité absolue
de faire bonne contenance, quels que fussent ses sentiments et
ses sympathies.
Ne pouvant refuser le combat, il ne lui restait qu'à s'assurer
du succès en subissant le moins de pertes possible. Il avait eu
recours alors à une manœuvre de guerre toute orientale, qui
consiste à faire battre ses adversaires par leurs propres parti-
sans.
C'est ainsi qu'il avait sollicité la défection des Drid en leur
promettant, selon toute probabilité, de leur accorder l'aman
sans leur imposer de conditions. L'insistance qu'ilmit plus
tard à recevoir les demandes de soumission des Drid malgré
les observations que lui adressaient à ce sujet les autorités
militaires, son empressement à recommander au général d'Au-
bigny quelquespersonnalités manifestement reconnues comme
ayant participé aux faits insurrectionnels les plus graves,
prouvent qu'il avait pris, envers ceux qui trahirent Ali ben
Ammar, des engagements qu'il avait à cœur de tenir pour évi-
ter des indiscrétions qui eussent considérablement nui à sa
popularite.

:
1. Colonel du 11e
2. Voir plus loin
régiment de hussards.
Annexe LVI, page 252, et annexe LVIII, page 285, note 2.
Opérations Salah ben Hamouda, qui avait été laissé dans le djebel-Ba-
de
Salah
benHamouda.
hara pour masquer le mouvement des dissidents vers la
Medjerdah, n'avait pas été plus heureux.
Dans la matinée du 28 septembre, il s'était avancé avec 400
cavaliers et 1.200 piétons environ sur les pentes du Dyr, dans
l'intention, sans doute, de tourner la ville du Kef par le nord-
est et de surprendre le camp français.
Le colonel de la Roque, prévenu à temps de la marche des
insurgés, se porta à leur rencontre et les repoussa sans peine
(les rebelles perdirent 28 hommes dans cet engagement).

Surprise Le colonel de la Roque avait demandé des renforts pour la


deNebeur
(2 octobre). garnison du Kef.
Pour lui donner satisfaction, un bataillon du 80e fut dirigé
sur le Kef.
Ce bataillon (commandant Dudon) arriva à Souk-el-Arba
par voie ferrée, le 30 septembre, à 9 heures du soir..
La montée de Souk-el-Arba au Kef pouvait être dangereuse
pour ce petit bataillon, par suite de la présence de grosses
bandes d'insurgés qui tenaient la campagne. Pour protéger

:
le bataillon du 80e dans sa marche, le général Cailliot prit les
dispositions suivantes le bataillon du 296 bataillon de chas-
seurs à pied (d'Aïn-Draham), une compagnie du 96e (de
Ghardimaou), une compagnie du 88e et un peloton du 13e
chasseurs à cheval (de Fernana) reçurent l'ordrede se réunir
à Souk-el-Arba au bataillon du 80e qu'ils devaient escorter.
Les ordres donnés par le général Cailliot étaient simples et
:
bien nets toute la colonne (dix compagnies et le peloton de
cavalerie) devait quitter Souk-el-Arba le 1er octobre dans
l'après-midi, coucher à l'oued-Mellègue, et partir le 2 au
matin pour Nebeur. Le colonel de la Roque devait envoyer sa
colonne mobile au devant de la colonne montant de Nebeur,
le 2 octobre. Quand ces deux colonnes se rencontreraient, le
bataillon du 80e passerait de la colonne de Souk-el-Arba à la
colonne mobile du Kef et continuerait avec celle-ci, qui ferait
demi-tour, sa route vers sa nouvelle garnison; les six compa-
gnies et le peloton de cavalerie d'escorte du bataillon du 80e
devaient faire demi-tour après avoir remis ce bataillon à la
colonne venue du Kef et rétrograder le même jour, 2, vers
Souk-el-Arba.
Le colonel de la Roque, prévenu le 28 septembre du mouve-
ment combiné, avait rendu compte le 30 septembre au général
Cailliot qu'il se porterait, avec sa colonne mobile et deux
pièces de montagne, au devant de la colonne venant de Souk-
el-Arba.

L'opération se déroula d'abord comme il avait été ordonné;


le 296 bataillon de chasseurs à pied, parti d'Aïn-Draham le
28 septembre, coucha le même soir à Fernana; il en repartit le
29, emmenant avec lui le peloton du 13e chasseurs à cheval
et arriva le même jour à Souk-el-Arba; ils y firent séjour
le 30.
Le 30 septembre, arrivent à Souk-el-Arba : à midi 30 la lre
compagnie du 3e bataillon du 88e partie de Fernana à 5 h. 30
du matin; à 9 h. 30 du soir, par voie ferrée, le bataillon du
à
80e destiné renforcer la garnison du Kef.
Le 1er octobre au matin, arrive, par voie ferrée, une compa-
gnie du 96e venant de Ghardimaou.

Ce même jour, les divers éléments de la colonne étant


réunis, le commandant Gerboin en prenait le commandement
et la mettàit en marche à 2 heures de l'après-midi. Elle était
précédée d'un goum de quarante cavaliers des Djendouba; la
plupart de ces cavaliers sont fort hésitants'.
La colonne arrive sans incident à 6 h. 30 à l'oued-Mellègue;
elle y passe tranquillement la nuit du 1 au 2.
Le 2, à 6 heures du matin, elle quitte son bivouac; le com-
mandant Gerboin, au débouché dans la plaine de Bahirt-el-

1, note 1, page70.
1. Voir, tome
Morr, laisse la compagnie du 96e 1 dans une forte position
avec ordre de la conserver jusqu'au retour du 29e bataillon de
chasseurs.
Le 80e, la compagnie du 88e et le 29e bataillon de chasseurs
continuent vers Nebeur, où ils arrivent sans encombre à 10
heures du matin. A Nebeur, grand'halte en formation de halte
:
gardée au lieu dit sources de Nebeur.
L'officier de renseignements qui marchait avec la colonne
(sous-lieutenant Delval) avait été envoyé en avant pour cher-
cher à découvrir la position occupée par les troupes du Kef; il
avait emmené avec lui une dizaine de cavaliers du goum; ceux
qu'il avait laissés à Nebeur ont disparu.
Ail heures, au moment où la colonne va se remettre en
marche, les vedettes, qui occupent le défilé de Nebeur, sont
attaquées.
La colonne prend les armes et le commandant Gerboin
ordonne les dispositions pour forcer le défilé de Nebeur au Kef.
Aussitôt que les mouvements prescrits s'exécutent, les insur-
gés, qui n'avaient attaqué la colonne que sur ses deux flancs
et en tête, la menacent aussi en queue.
N'apercevant pas les troupes du Kef au sommet de la pente
qui aboutit à l'extrémité nord du Dyr, le commandant Gerboin
se décide à pousser, coûte que coûte, aussi loin qu'il le faudra
(sauf à aller jusqu'au Kef et à ne pouvoir rétrograder dans la
journée jusqu'à l'oued-Mellègue, ainsi qu'il lui avait été pres-
crit), pour éviter l'effet désastreux qu'un arrêt ou un mouve-
ment de recul produiraient dans l'esprit de la population
indigène.
Il songe bien à prévenir la compagnie du 96e laissée en posi-
tion à Bahirt-el-Morr de se replier sur Souk-el-Arba, pour
éviter une attaque à la tombée de la nuit, mais cela lui est

1. Le bataillon du 96e est un bataillon ancien de la brigade Vincendon; il avait


été laissé à Ghardimaou après le 1er rapatriement.
Le bataillon du 88e est un bataillon ancien de la brigade de
laissé à Fernana.
;
Brem il avait été
impossible; il est entouré et n'a, du reste, aucun cavalier indi-
gène sous la main.
C'est dans ces conditions que la colonne s'engage sur les
pentes aboutissant au plateau du Kef. Elle est toujours atta-
quée en queue et sur les deux flancs; mais l'attaque de droite
cesse peu après et brusquement. Elle gravit les pentes du pla-
teau en répondant par des feux de salve à la fusillade des
insurgés et arrive à 3 heures du soir près du Dyr, où elle
rencontre les troupes du Kef venues à sa rencontre.
Au premier coup de canon tiré par l'artillerie venue du Kef,
la poursuite cesse et la colonne arrive au Kef, après s'être
reposée, à 6 h. 30 du soir; elle a eu 3 blessés (1 chasseur du
296 bataillon et 2 soldats du 96e).

Le colonel de la Roque avait été prévenu au Kef, le 2 octo-


bre à 10 heures du matin, par le sous-lieutenant Delval, que
le commandant Gerboin arrivait, à la même heure, à Nebeur.
La portion mobile de la garnison du Kef prit rapidement
les armes (un cavalier indigène envoyé immédiatement au
commandant Gerboin ne put passer et revint rendre compte,
presque aussitôt, que la colonne venant de Souk-el-Arba était
aux prises avec les insurgés au col de Nebeur).
A11 h. 30 la portion mobile (3 compagnies du 122e, un déta-
chement de 40 hommes du 83e, l'escadron du 13e chasseurs,
2 pièces de 80mm de montagne) se met en route'; à 12 kilomètres
du Kef elle se déploie (vers 3 heures). A ce moment, la colonne
Gerboin, alors engagée dans la vallée qui aboutit au Dyr et

1. Dispositif de :
marche de la fraction mobile
;
Un peloton de cavalerie, une compagnie du 122" formant l'avant-garde
A 300 mètres en arrière, une compagnie du 122", le détachement du 83e, les

;
2 pièces de 801, de montagne ayant pour soutien deux pelotons de cavalerie qui
encadrent les flancs pendant la marche
Un peloton de cavalerie forme l'arrière-garde;
Sur la crôte du Dyr, protégeant le flanc gauche, marche une compagnie du
122e;
La colonne est éclairée à distance par une trentaine de cavaliers indigènes et
une vingtaine de piétons armés.
essuyant les coups de feu tirés de la crête boisée à 600 mètres
de^sonflanc gauche, arrivait en vue de la crête.
Les deux pièces ouvrent alors leur feu à 1.200 mètres et
allongent leur tir jusqu'à 2.500 mètres (15 projectiles).
Les contingents qui harcelaient la colonne Gerboin étaient
les mêmes comme force (400 cavaliers, 1.200 piétons environ)
et composition que dans l'engagement du 28 septembre. La
cavalerie ennemie ne fut pas engagée; elle se contenta de
garder les débouchés qui, du plateau de Bahara, mènent au
khanguet, en prévision d'un mouvement tournant.
Au moment où les deux colonnes françaises allaient opérer
leur jonction, l'ennemi accusa un retour offensif sur l'arrière-
garde de la colonne Gerboin; les deux pièces se portèrent alors
au nord de leur première position et tirèrent 12 projectiles à
1.400 mètres.
Pendant ce temps la colonne Gerboin put croiser et dépasser
les troupes du Kef qui formèrent dès lors l'arrière-garde.
Ces derniers coups de canon amenèrent la retraite de
l'ennemi (les rebelles perdirent 30 hommes dans la journée).
La colonne Gerboin s'étant un peu reposée, les deux colonnes
se remirent en marche et arrivèrent au Kef à 6 h. 30 du soir;
la colonne Gerboin avait 3 blessés : un chasseur du 2ge batail-
lon et 2 soldats du 96e1.

Le 3 octobre, le 296 bataillon de chasseurs et la compagnie du

1. Le colonel de la Roque jugea très sévèrement l'opération dirigée par le com-


mandant Gerboin : « Il a fait doubler l'étape sous le feu de l'ennemi; ses troupes
» sont harassées; il a laissé à Bahiret-el-Mohr une compagnie dont la situation est
» très critique (a). »
Il est certain que la situation dela colonne Gerboin, fut à un moment, très cri-
tique; mais le commandant du Kef en était la cause tout au moins principale; il
s'était trompé d'un jour.
Le commandant Gerboin (il ne lui est pas donné de savoir que le colonel de
(a) A 3 heures et quelques minutes, aussitôt la jonction des colonnes opérée, le colonel de
la Roque avait expédié, par un cavalier indigène, l'ordre à la compagnie du 96* de se re-
plier immédiatement sur Souk-el-Arba.
Cet ordre ne parvint à la compagnie que le 3, à 6 h 30 du matin.
Elle avait d'ailleurs passé la nuit du 2 au 3, à Bahiret-el-Mohr,fort tranquillement, et ren-
tra sans aucun incident à Souk-el-Arba dans la matinée du 3.
88e séjournent au Kef. (Ce même jour, le 3e escadron du 13°
chasseurs à cheval s'était porté de Ghardimaou au marché de
l'oued-Melizoù régnait une certaine agitation. Quand l'esca-
dron arriva, à 1 heure de l'après-midi, les indigènes avaient
commencé la destruction de la voie ferrée; ils se dispersèrent
aussitôt. )
Le 4, le 29e bataillon de chasseurs et la compagnie du 88e
partent du Kef pour regagner Souk-el-Arba par Aïn-Touireuf
etl'oued-Meliz.
1
La petite colonne couche le 4 à l'oued-Meliz et part pour
Souk-el-Arba, le 5 au matin, par Sidi-Meskine; un peu au
delà de ce point, elle est rejointe par un train envoyé pour elle
de Ghardimaou, y monte et arrive à midi à Souk-el-Arba.
Le 29e bataillon de chasseurs reste à Souk-el-Arba' avec
une compagnie du 96e et occupe la gare; la compagnie du 88e
retourne à Fernana. L'autre compagnie du 96e qui se trouve à
Souk-el-Arba, rétrograde en chemin de fer vers Ghardimaou
et va occuper la gare de l'oued-Meliz et celle de Sidi-Meskine3.

N° XLIX

Opérations du général Sabattier au sud et au sud-ouest de Zaghouan a.


Nous avons laissé à Zaghouan le général Sabattier avec sa 5e

la Roque croit que l'opération combinée est pour le lendemain, 3), n'avait rien de
mieux à faire que continuer sa marche.
Il ne pouvait reculer; le bataillon du 80e avait un peu manqué de sang-froid au
début de la surprise; dans ces conditions la marche en retraite aurait pu amener
un désastre; en tout cas, il ne voulait pas rétrograder pour ne pas exalter le mo-
ral des insurgés.
Attaqué dans la cuvette de Nebeur, il y aurait probablement subi un échec s'il y
était resté sur la défensive au lieu de se porter en avant.
Une fois en mouvement vers le Kef, il ne pouvait que continuer, car il devait sup-
poser que d'un moment à l'autre il serait secouru. S'arrêter entre Nebeur et le
Kef? Il fallait que les insurgés le permissent et qu'iltrouvât de l'eau.
1. Les effectifs ne sont pas forts, à en juger par la situation de la compagnie du 88e
qui, au départ de Fernana, le 30 septembre, n'avait que 2 officiers et 59 hommes.
2. Voir tome I, page 70, note 1.
3. Voir la suite des opérations dans les environs du Kef, annexe n° LVIII, page
273, et spécialement, pages 309 et suivantes, les opérations chez les Djendouba.
a. Voir croquis n° III.
brigade1 au moment où se dispersent, vers le 15 septembre,
les bandes d'insurgés qui le harcelaient depuis la fin du mois
d'août'.
Le 21 septembre, reconnaissance envoyée par le général
Sabattier sur Foum-el-Karrouba; elle rentre le 23.
Le 27, le général se dirige lui-même, avec 3 bataillons, 6
pelotons de cavalerie et une batterie d'artillerie, vers le Fahs;
au marabout deSidi bou Hamida, le 28e bataillon de chasseurs
à pied culbute les Riah, appuyés parles Oulad-Aoun, les Oulad-
Yahia et les gens du Bargou qui cherchaient à nous disputer le
passage.
C'est le premier acte d'hostilité des Oulad-Aoun, des Oulad-
Yahia- et des gens de la Kessera, qui venaient de céder aux
instances d'El Hadj Hassein ben Messaï et d'Ali ben Khalifa3.
Le 27 au soir, la reconnaissance installe son camp sur la
rive droite de l'oued-el-Kebir, à environ 3 kilomètres du pont
du Fahs. Youcef ben Mosbah, khalifa des Riah de la région, y
vient faire sa soumission.
Le 28, le général Sabattier s'avance vers le sud pour châtier
les vaincus de la veille qui se sont établis à 9 kilomètres du
camp. Ceux-ci se replient dans le massif du djebel-Souk-el-
Arba et nos troupes arrivent au camp de l'oued-el-Kebir en
razziant les douars et les troupeaux des Trabelsia.

Zaghouan ;
Le lendemain, la reconnaissance rentre au camp de
elle est suivie de près par les khalifas des Riah
-Guebollat et des Trabelsia qui viennent se soumettre.

1. 5° brigade, général Sabattier :


28e bataillon de chasseurs à pied;
Un bataillon de chacun des régiments nos 6, 25, 55, 65, 125, 135;
2 batteries de montagne;
1 batterie montée;
3 escadrons du 7e chasseurs à cheval;
Le goum est commandé par le colonel Allegro (qui a marché avec la brigade
Cailliot dans la première partie de la campagne).
2. Voir annexe XLVII, page 211.
3. Voir annexe XLVII, page 218.
Le 3 octobre, la 5e brigade se transporte sans encombre sur
la rive gauche de l'oued-el-Kebir, à hauteur du Fahs.
Les Riah et les Trabelsia rentrent pacifiquementdans leurs
douars et commencent les labours; ils venaient de quitter les
Oulad-Yahia, les gens du Bargou et les Oulad-Aoun qui étaient
retournés dans leur campements, décidés à ne plus intervenir
que lorsque les circonstances les y obligeraient'.
Afin de couvrir plus efficacement Lalla-bent-Saïdan, sans
cesse menacée par les incursions des bandes pillardes qui
s'appuient sur Kairouan, le général Sabattier se porte, le
11 octobre, avec 3 bataillons, 2 escadrons et une section
d'artillerie, à El-Oukanda, laissant au Fahs un bataillon pour
garder le biscuit-ville établi en cet endroit.
El Hadj Hassein ben Messaï veut arrêter ce mouvement; il
est repoussé avec pertes et se replie sur Djebibina. De là il
dirige quelques attaques contre nos travailleurs occupés à
rendre praticable le défilé de Karrouba.

N° L

La 7e brigade (général Etienne) à Sousse du ler au 14 octobre.

Nous avonsvu2 les opérations du lieutenant-colonel Moulin


depuis son débarquement à Sousse, le 11 septembre, avec les
bataillons des 48e, 666 et 116e.
Le 1er octobre, le général Etienne débarqua à Sousse avec
les dernières troupes de sa brigade (7° brigade) 3.

1. Voir annexe n° XLVII, page 218.


2. Voir annexe n° XLVII, page 214.

3. 7" brigade, général Etienne:;


23" bataillon de chasseurs à pied
Un bataillon de chacun des régimants d'infanterie n" 19, 48, 62, 66, 116, 138
Une batterie de 95.
— de 90. montées.
— de 80.
Une batterie de 80 de montagne;
Trois escadrons du 6° régiment de hussards.
Il laisse six jours de repos aux troupes. Le 7, il se porte avec
toute sa brigade sur Msaken. La colonne n'éprouve aucune
résistance; mais le soir, une reconnaissance envoyée sur la
route par laquelle doit s'effectuer le retour à Sousse se heurte,
près de Moureddin, à un fort parti de Souassi, de Zlass et de
Metellit, commandés par Salah ben el Hafsi et le cheikh
Ferdjani des Oulad-Zid (Metellit).
Néanmoins le camp de Msaken n'est pas attaqué et le lende-
main la brigade revient à Sousse.
A peine en marche, le lieutenant-colonel Moulin, comman-
dant l'arrière-garde, est assailli de toutes parts, mais sans
éprouver aucun mal, par les contingents rencontrés la
veille.
Les insurgés, considérant la marche rétrograde de la 76 bri-
gade comme un mouvement de retraite, reprennent aussitôt
confiance. Ils se groupent en forces à l'oued-Laya et à Aïn-
Khazezia. El Hadj Mustapha Serradj, un des chefs de l'insur-
rection de Djemal, cherche à ramener les habitants du Sahel;
ceux-ci, se souvenant de l'affaire de Sahaline et de nature peu
guerrière, ne bougent pas.
Les nomades seuls tiennent alors la campagne et viennent,
jusque sous les murs de Sousse, braver nos avant-postes et
nos patrouilles.
Pendant ce temps, les insurgés de Ksour-es-Sef, qui étaient
allés rejoindre El Hadj Srir à Hanichet, jetaient le désordre
dans les environs de Mahédia, de concert avec les Metellit.
Ils avaient attaqué le villagede Réjish; mais Mohamed Khodja,
khalifa de Mahédia, ayant réuni les gens des environs, se
porta à leur rencontre et les dispersa, aidé par la canonnière
l'Aspic, qui lança quelques obus'.

1. Voir suite des opérations du général Etienne, annexe n° LIV.


N°LI

CORPS D'ARMÉE ORDRE N°1


de
TUNISIE
Organisation du corps expéditionnaire
de Tunisie.

Chef d'état-major.
Commandant en chef Général SAUSSIER.
Colonel BOUSSENARD.

(1 u
renseignements.
Chef du bureau des Capitaine SANDHER.
Commandant de l'artillerie.
génie. Général POIZAT.

Troupes
rTp.
pe0ons
Chef du service du
Chef des services
3
roup~es du q^uartier °général,

Commandant supérieur de Tunis, de la


1 t
Lieutenant-colonel DRESSEL.
administratifs. Ss-intendant milit. TAQUAIN.
bataillon du 1" zouaves.
1er chasseurs
d 1.e.r h dd'Af
Afri.que.

Medjerdah.
région nord de la Régence et de la

d'état-major.
-.
Général de division JAPY.
Chef Commandant ROBERT.
Troupes des généraux de brigade. MAURAND, CAILLIOT, D'Au-

gence.
BIGNY.
Commandant de la région sud de la Ré-
Général de division LOGEROT.
Chef d'état-major Lieutenant-colonelHAREL.
des
Troupes de généraux brigadeSABATTIER, PHILEBERT,
ETIENNE et du colonel JA-
MAIS.
:
Régiments de cavalerie du général DE SAINT-JEAN T chasseurs, 1ER et
11e hussards.
Commandant de la colonne de Tebessa : général de division FORGEMOL
DE BOSTQUÉNARD.
La présente répartition des différents commandements aura son effet à
compter du 16 octobre.

Au quartier général, à La Goulette, ce 14 octobre 1881.

Le Général commandant en chef,


SAUSSIER.
NOLII

COMMANDEMENT
SUPÉRIEUR Ordre no 1 du général Japy, en date du 15 octobre,

Jt
deTunjs et ordre no 3 du général Japy, en date du 26
et de la région nord octobre, modifiant l'ordre no 11.
de Tunis.

Le général de division JAPY, commandant supérieur de Tunis et


de la région nord, a son quartier général à Tunis.
Le commandement supérieur de la région nord est partagé en
quatre commandements territoriaux de brigade qui comprennent
également les troupes stationnées sur leur territoire.

d,u genera
du ral,
gé,né,
àTunis.
L [
21
Camp
e-
Commandement Place1-
ITroupes
ville stationnées dans la
de Tunis.. assem
,
AMBERT eaaasab h Filfil,
de Tunis, aux forts
Sidi-bel-Hasseinet Filfil,'

du Belvedère;
LaGoulette.
-.
- 1 K
e;
La Manouba;
Commandement Bizerte;
du général MAURAND, < Mateur,
à la Manouba. et le chemin de fer jusqu'à Medjez-el-Bab exclu-
sivement.
Testour;
CommandementMedjez-el-Bab;
du
omman emen L gj.
dugénéral
général
à
Teb e,
d'AUBIGNY,
d'AuBIGNY,
Testour [ Teboursouk, k
et la portion de chemin de fer entre Medjez-el-
Bab et le 100e kilomètre.

1. Extraits.
2. Le général Lambert, 'commandant le département de la Seine et la place de
Paris, fut mis, le 16 octobre, à la disposition du général commandant le 19e corps
et commandant en chef du corps expéditionnaire de Tunisie.
Il prit, le 26 octobre, le commandement de la place de Tunis et des troupes
stationnées dans Tunis, les forts de Sidi-ben-Hassein, de la Kasbah, deFilfil et au
camp du Belvédère.
Le général Maurand, dont le quartier général fut transporté à la Manouba, prit
le commandement des autres troupes de la subdivision de Tunis.
Tabarka;
Aïn-Draham ;
Commandement
du général CAILLIOT,
Fernana;
Ghardimaou ;
à
Aïn-Draham.
Béja;
Souk-el-Arba,
et la ligne de chemin de fer du 100e kilomètre à
Ghardimaou.
La place du Kef, qui jusqu'ici avait dépendu d'Aïn-Draham, est
rattachée à la subdivision de Testour; celle de Béja est rattachée à
la subdivision d'Aïn-Draham.

N° LUI Emplacements
àlafin
d'octobre 1881.

Répartition des troupes du corps expéditionnaire1. Troupes


des généraux
Japy et Logerot.

GÉNÉRAL COMMANDANT EN CHEF: GÉNÉRAL SAUSSIER

Région nord : général JAPY.

ll
Artillerie.
LaGoulette
11er,
s
Tum.
Compagme
101°' j
Commandement du général LAMBERT, à Tunis.

118e; ,
Parcn-3.
Infanterie..
(

franche
(le 2.
118eestauBelvedère).
(lT"<,«nt.eri.e
lranehe,
j
114e.

Compa nie

1. Ce tableau ne donne que les emplacements de l'infanterie et de la cavalerie


(avec les numéros des corps) et de l'artillerie (par unité). N'y sont pas compris le
génie, le train, les services, etc.
Pour l'infanterie, le numéro désigne un bataillon du régiment de ce numéro.
Au début, des bataillons avaient été groupés en régiment de marche (ex. le
régiment de marche n" 1, du lieutenant-colonel Dubuche, à Sfax); plus tard, ils
prirent tout simplement la dénominationde « Groupe du lieutenant-colonel
trois former
X.
».
Les bataillons furent le plus souvent groupés par pour un groupe
sous les ordres d'un lieutenant-colonel. C'est ainsi que les brigades de renfort
nOS 5,6 et 7 devaient comprendre chacune, en infanterie, un bataillon de chasseurs
et deux groupes de trois bataillons de ligne chacun.
Dans les subdivisions territoriales, les groupes eurent une composition variable.
Il a semblé peu intéressant et même inutile de donner les noms des groupes; cer-
tains bataillons, surtout dans les subdivisions du nord, changèrent fréquemment
degroupe; dans les brigades de renfort, des groupes furent souvent diminués ou
renforcés; ou bien même un groupe destiné à une brigade (6", Philebert) ne la
rejoignit pas et fut ultérieurement remplacé par un autre.
Dans ces conditions la désignation par groupe n'aurait pu apporter que confu-
sion et même erreur.
2.Crééele23octobre1881.
Tunis (Cavalerie.
Artillerie.
11e hussards : peloton.
1
batterie (au Belvédère) et 1 section

e
( 1
d'artillerieàpied.
:
B. Subdivision de Tunis général MAURAND, à la Manouba.

La Manouba

B lzert
Mateur.
(Infanterie

j
Artillerie.
Infanterie
38e.
1
:
87e, 92e, 115e, 117e, 119".
Cavalerie. 11e hussards 1 escadron.
( Artillerie. 2 batteries.
Infanterie
section d'artillerie à pied.
30" bataillon de chasseurs à pied.

Subdivision de Testour : général D'AUBIGNY.

:1 :
(Infanterie 8e, 20e,73e,84e.
Testour. Artillerie.
Cavalerie.
(
] 11e hussards 2 escadrons.
une batterie de montagne.
Medjez-el-Bab. Infanterie..127e.

sards
! Infanterie 2e, 80e, 83e, 122e, 128e, 3" tirailleurs

Le Kef
Cavalerie.
algériens (2 compagnies).
13e chasseurs : 1 escadron
peloton.
4" hus- ;
Artillerie. une batterie de 90 de campagne et
une section de montagne.
Subdivision d'Aïn-Draham : général CAILLIOT.'

Tabarka.
Tabarka
Artillerie.
Infanterie 143e.
une section d'artillerie à pied.

Aïn-Draham < Cavalerie. 13e


22e,93e.
Infanterie 29" bataillon de chasseurs à pied, 18°,
chasseurs (détachement); 3e spa-
I his (un peloton).
[
Artillerie. une batterie de montagne.
Fernana., Artillerie.
Cavalerie. Infanterie 88e.
13e chasseurs : 1
une section d'artillerie.
escadron.

[Infanterie.. 96e.
Ghardimaou
Ghardimaou
(Infanterie..
Beja. t
£
Cavalerie. 13e chasseurs : 1 escadron.
57e, 142e.
Artillerie.. une section de montagne.
Souk-el-Arba Infanterie lre compagnie de fusiliers de disci-
pline.
Région sud
GénéralSABATTIER.Infanterie
: général LOGEROT.
28e bataillon de chasseurs à pied, 6e,
51 brigade. 25e, 55e, 65e, 125e, 135e.

Cavalerie. 7echasseurs à cheval : 3 escadrons.
Artillerie. 2 batteries de montagne, 1 batterie
montée.
J 61

Général

Jas
brigade.
Général DPmLEBERT.

T brigade.

Cfov
i
i
u co one

Un
Un
-
CorpsSfax
ETIENNE.

Quatre
Trois

;-
e.
!Infanterie..

<

|
Cavalerie.
Artillerie.
Infanterie

Infanterie
Artillerie.
Artillerie.
27" bataillon de chasseurs à pied,
33e,43°,46% 61e, 110%IIIe.
1er régiment de hussards
drons.

terie montée.

Cavalerie. 6"régimentdehussards
Artillerie.
(Infanterie
Jnji.pri„js( Artillerie..,

Infanterie..71-,78\
tées, 80 de
77",
,
136'
7' 136".

14e, 107e, 137e.


montagne..
une batterie de montagne.
deux sections d~e

Deux bataillons du 1er régiment de zouaves.


Deux
Trois


du 3e
du 4e




de montagne.

deux sections de montagne.

Colonne du général Forgemol de Bostquénard.


TROUPES D'ALGÉRIE

du 100e régiment d'infanterie de ligne.


escadron du 1er régiment de chasseurs d'Afrique.


du 3e
du 4e

Une batterie du 38"


Une — mixte.
Une section de munitions.


Une section du 16e régiment d'artillerie.


-
-
-

-
:
3 esca-

une batterie de montagne, une bat-


23" bataillon de chasseurs à pied,

:3
19% 48e, 62e, 66e, 116e, 138".
escadrons.
quatre batteries de 95, 90, 80 mon-
Opérations N°LIV
pour
préparer
un débouché
deSousse Opérations du général Etienne
versl'ouest.

Le 16 octobre, le général Saussier2, commandant en chefdu


corps expéditionnaire, prescrit au général commandant la 7e
brigade d'établir son camp à une journée de marche delà ville,
dans une position lui permettant à la fois de surveillerl'ennemi
et de protéger la construction du chemin de fer Decauville
entre Sousse et Kairouan.
Le lieutenant-colonel Lanes reçoit alors l'ordre de se porter
avec 10 compagnies sur Kalaa-Sghira qu'il doit occuper
pendant que la 7e brigade s'apprête à quitter le camp de
Sousse.
Du 19 au 22, le lieutenant-colonel Lanes supporte jour-
nellement les attaques de tous les dissidents qui s'étaient
concentrés précédemment à Aïn-Khazezia et à l'oued-Laya3.
Il a devant lui environ 1.800 cavaliers et 2.000 fantassins
appartenant aux Zlass (Ali ben Amara), aux Oulad-Saïd
(cheikh Ben Bouzian), aux Souassi (Salah ben el Hafsi), aux
Métellit (cheikh Ferdjani des Oulad-Bou-Zid et El Adj Srir
des Oulad-Naçeur), aux Hammema, Fathnassa, Sobra et
Oulad-Moussa, et aux Neffet.
Tous ces contingents obéissent à Ali ben Amara, des Oulad-
Iddir, et combattent en désespérés, voulant à tout prix arrêter
notre marche sur Kairouan.
Le 22 octobre, leurs efforts redoublent; mais Ali ben Amara
tombe frappé à la tête et à la poitrine et expire entre les bras
de ses serviteurs (quelques instants auparavant Ahmed ben
Rehouma, personnage influent des Souassi, avait été tué).

1. Voir, plus loin, Rapport sur les opérations de la 7e brigade, annexe n° LV.
2. Débarqué le 14 octobre à La Goulette.
3. Voir annexe n° XLVII, page 213.
La mort d'Ali ben Amara démoralise les insurgés, qui,
apercevant tout à coup de nouvelles troupes françaises — la
colonne principale qui vient de quitter Sousse — sur la route
de l'oued-Laya, prennent la fuite dans toutes les directions.
Vers 2 heures de l'après-midi, la 7e brigade forme son camp
sur la rive droite de la rivière'.
Le vide se fait devant nos colonnes2. Les dissidents démora- Les dissidents
se replient sur
lisés se replient sur Kairouan, qu'ils veulent mettre au pillage Kairouan
(22 octobre);
avant l'arrivée des troupes françaises.
El Hadj Hassein ben Messaï paraît le premier sous les murs mais le farik
Mohamed el
de la ville; mais il trouve les portes fermées; pendant qu'il Mrabot
ne les laisse
parlemente avec le gouverneur, surviennent les contingents plus entrer.
mis en déroute par la
7e brigade. Mohamed el Mrabot ne se
laisse pas effrayer par le nombre et il déclare qu'il est prêt à
faire usage de ses armes. Les dissidents se contentent alors
d'occuper les faubourgs; ils volent les animaux, pillent, puis

Les troupes françaises approchent :


montent sur les terrasses voisines pour tirer sur la ville.
les Zlass proposent de
se rabattre vers l'ouest. El Hadj Hassein ben Messaï leur
Ils sont obligés
de battre en
retraite vers le
Sud.
objecte que la colonne Forgemol, qui a culbuté les Fraichich,
les Madjeur et les Hammema3, n'est plus qu'à quelques
journées de marche sur Kairouan.
Ilne reste plus qu'une ligne de retraite, celle du sud; la
masse des dissidents se jette en désordre dans cette direction
et se porte vers Sidi-Amor-bou-Hadjéba où elle peut attendre
les événements4.

1. Le même jour, le général Saussier était arrivé au centre du défilé de Foum-


el-Karrouba, en repoussant devant lui quelques partisans appartenant aux bandes
d'El Hadj Hassein ben Messaï.
Il avait laissé aucamp d'El-Oukanda la 6e brigade moins deux bataillons, un
escadron et une section d'artillerie.
Le général Philebert devait, quelques jours plus tard, parcourir le pays des
Oulad-Aoun et donner la main aux colonnes d'Aubigny et de la Roque, qui opé-
raient alors dans la vallée de la Tessaâ et dans celle de la Silianah contre les
contingents d'Ali ben Ammar.
2. Devant la colonne Logerot et devant la colonne Etienne.
3. Voir annexe n° LVII, pages 269 et suivantes.
4. Voir annexe n° LIX, note A, page 314.
Cependant, la 7e brigade poursuit sa marche.Le 25, elle
arrive à Sidi-El-Hani. Le 26, vers midi, les éclaireurs de
cavalerie s'arrêtent; ils sont à quatre kilomètres de Kairouan
et ils viennent d'arrêter un Arabe, sorti de la ville le matin
même, qui leur dit que les derniers Zlass ont quitté la place
le 25 et que les habitants sont prêts à se soumettre.
Entrée de la Le lieutenant-colonel Moulin, commandant l'avant-garde,
brigade Etienne
à Kairouan fait investir la ville par des cavaliers qui en font le tour au
(26 octobre).

;
galop. Kairouan ne donne pas signe de vie; personne sur les
terrasses des maisons la plaine environnante est déserte. Le
drapeau blanc est hissé sur la grande mosquée de Sidi-Okba et
lefarik Mohamed elMrabot sort, par Bab-el-Djeladine, à la
rencontre des troupes françaises. Il est présenté au général
Etienne. L'entrée des troupes est immédiatement décidée, et à
2 heures de l'après-midi le bataillon du 48e va prendre posses-
sion de la kasbah.
Le surlendemain, 28, la colonne Logerot arrivait également
sous les murs de Kairouan après avoir reçu, dans les environs
de Djebibina, la soumission des Oulad-Hahia.
Le général Logerot prend le commandement de la division
Sud et le général Etienne celui de la région Sousse-Kairouan.

N° LV

CORPS EXPÉDITIONNAIRE Kairouan, le 2 novembre 1881.


de Tunisie.
Rapport d'ensemble sur les opérations de la
7*brigade de marche. 7e brigade dans sa marche de Sousse sur
Kairouan.

Le général en chef a prescrit, le 16 octobre, à la 7e brigade


de s'établir dans une position solide et bien choisie, à la dis-
tance d'une petite étape de Sousse, avec mission de protéger la
construction du chemin de fer Decauville, de surveiller, de
harceler et d'inquiéter l'ennemi et de se porter en avant, le 25
octobre, pour marcher surKairouan.
En exécution de ces ordres, le général commandant la bri-
gade a pris les dispositions suivantes :
Une reconnaissance composée de 3 bataillons, 2 escadrons
et 2 sections de 80 de montagne, sous les ordres du lieutenant-
colonel Moulin, a été dirigée sur Kalaa-Sghira, le 19, pour
choisir et protéger, à 7 kilomètres de Sousse, l'installation
d'un camp à occuper par une colonne avant-garde commandée
par le lieutenant-colonel Lanes et composée de 10 compa-
gnies, 1 escadron, 1 batterie de 90, 1 section de 80 de monta-
gne, 1 détachement d'ambulance et 1 convoi de 400 chameaux.
La colonne Lanes y fut installée le 19 au soir. Ce détache-
ment a favorisé l'établissement du chemin de fer, éloigné les
maraudeurs et permis à la colonne principale de s'organiser
sans préoccupations.
Du 19 au 22, jour du départ de Sousse du gros de la brigade
pour l'oued-Laya, le camp Lanes a eu à supporter les attaques
journalières des dissidents Zlass, conduits par Ali ben Amara,
leur caïd le plus influent. Les reconnaissances et les corvées
d'eau ont eu à lutter constamment. Cette colonne a eu 6 blessés
dont le capitaine du génie Travers, mort îe 26 de sa blessure
reçue le 21.
L'engagement du 22 a pris fin, à 8 h. 30 du matin, au moment
où Ali ben Amara, mortellement blessé à la tête et à la poitrine,
tombait entre les bras de ses serviteurs qui ont emporté son
cadavre à Kairouan où il a été enterré le 24 en un point dit la
Manoubia.
L'influence morale de la marche concentrique des colonnes
françaises et cette mort inespérée ont mis fin aux attaques des
insurgés.
La colonne principale (4 bataillons, 3 batteries, 2 escadrons,
l'ambulance, le convoi administratif et le convoi de 1.000
chameaux) a quitté Sousse le 22 et a campé le jour même à
l'oued-Laya.
La journée du 23 a été utilisée pour accumuler des vivres
au camp.
Le 24, la colonne Lanes a rallié le gros de la brigade, et, le
soir du 24 octobre, la première partie des instructions du gé-
néral en chef avait été observée.
La 7e brigade, laissant 2 bataillons et la batterie de 80 mon-
tée à l'oued-Laya, partit le 25 pour Kairouan avec 11 jours de
vivres et un approvisionnement de 375.000 cartouches; elle a
campé à Sidi-el-Hani, le 25 au soir, sans avoir rencontré la
moindre résistance.
La marche du 26, de Sidi-el-Hani à Kairouan, s'est exécutée
dans des conditions aussi favorables; le passage de l'oued-
Bagla a, seul, occasionné des.travaux pour faciliter le mouve-
ment de la grosse artillerie.
Le 26, à midi, les éclaireurs de cavalerie prenaient position
à 4 kilomètres de la ville. Les renseignements fournis par un
Arabe, sorti le matin même de Kairouan et interrogé par le
général, faisaient connaître que les habitants étaient disposés
à se rendre à merci et que les derniers Zlass insurgés avaient
quitté la place, dans la journée du 25, pour rejoindre dans la
montagne leurs femmes et leurs troupeaux.
Le lieutenant-colonel Moulin, accompagné du capitaine
Canton de l'état-major de la brigade et d'un interprète, se sont
approchés sous les murs de la ville dont la cavalerie venait de
faire le tour au galop sans avoir essuyé un seul coup de feu.
Toutes les portes étaient fermées, pas un seul habitant sur les
terrasses; la vie semblait interrompue dans la ville sainte; le
drapeau blanc flottait sur la grande mosquée de Sidi-Okbaet
sur Bab-el-Sahed. L'interprète, suivi d'un goumier, frappa à
l'une des portes, qui lui fut ouverte, et, quelques minutes
après, le général Mohamed el Mrabot, en grande tenue de
général tunisien, suivi d'une nombreuse escorte et des nota-
bles de la ville,sortit par Bab-el-Djiladin et se porta à la ren-
contre du lieutenant-colonel Moulin.
Interrogé sur ce qu'il comptait faire à l'arrivée des troupes
françaises, il manifesta le"désir de se présenter au général
Etienne qui l'attendait à 2 kilomètres de la ville et, au nom de
la ville de Kairouan, se rendit à merci.
Il fut procédé immédiatement à la reconnaissance des lieux
et des magasins par un officier d'état-major, un du génie et un
d'artillerie, accompagnés d'otages.
A 2 heures, le bataillon du 486 occupait la kasbah et les
portes de la ville qui fut successivement traversée par les
autres bataillons de la colonne. Le pavillon du général Etienne
fut arboré sur la tour de la kasbah.
Du 26 au 31 octobre, presque toutes les troupes de la
76 brigade ont été employées a l'escorte des convois pour le
ravitaillement de la place. L'occupation de la ville et sa mise
en état de défense se poursuivent activement. Le général
Etienne, nommé gouverneur militaire de Kairouan, de Sousse

les
Dar-el-Bey
et du territoire compris entre ces deux villes, a établi son
quartier général à *
Le 2 novembre, pour tenir la ligne d'eau et assurer Répartition
communications, destroupes
les troupes de la 7e brigade sont ainsi de la 7* brigade
échelonnées : le21881.
novembre

Deux compagnies du 19e;


Sousse. I

Les indisponibles;
[
Le parc d'artillerie n° 2.
r Bataillon du 138e;
Oued-Laya1. < Demi-escadron du 6e hussards
( Dépôt de vivres.
;
S'd' 1 H
(
Sidi-el-Haiii.
Bataillon du 62e;
Demi-escadron du 6ehussards.
i Etat-major et divers services de la brigade;
23ebataillon de chasseurs à pied;
Groupe de bataillons des 48e,66e et 116" d'infanterie;
Deux escadrons du 6ehussards;
Kairouan
K
Demi-batteriede95
Une batterie de 90;
;
Une compagnie du génie;

— de 80 montée;
— de 80 de montagne;
Ambulance et convoi de 1.000 chameaux.
Le Général commandant la 70 brigade,
ETIENNE.

1. Le chemin de fer Decauville arrivera à l'oued-Laya le 7 ou 8 novembre.


Le ravitaillement de ce poste se fait au moyen de chameaux, de mulets et
d'arabas envoyés de Sousse.
N°LVI

Garde des communications de la colonne Logerot en marche


sur Kairouan 1.

Intrigues o'Ali Le général d'Aubigny, commandant de la subdivision de


Bey à Teslour
aprèsle combat
du2octobre.
Testour, nouvellement créée, avait résolu,après avoir fait sa
jonction avec le colonel de la Roque, à Bordj-Messaoudi2, de
liquider la situation des Drid et des petites tribus du terri-
toire de Teboursouk qui avaient pris part, soit au massacre de
l'oued-Zergua, soit au combat de Testour, soit encore à celui
de laTessaa3, et qui venaient de se séparer d'Ali ben Ammar
pour rentrer chez elles.
La soumission des Drid devait rencontrer des difficul-
tés inattendues. Déjà, le caïd Ahmed ben Mustapha ben
Goltan, agissant à l'instigation d'Ali Bey4,qui n'avait pas
oublié ses anciens alliés de Testour, avait fait tout son
possible pour entraver les efforts tentés par l'autorité mili-
taire pour attirer les Drid auprès d'elle. Malgré les déclara-
tions de l'autorité militaire française, qui avait fait connaître
au Bardo sa volonté detraiter seule de la soumission des in-
surgés, le bey du camp voulait absolument intervenir dans
cette circonstance. Il fit d'abord répandre le bruit que tous
ceux qui se présenteraient à lui obtiendraient l'aman, à des
conditions infiniment plus douces que celles imposées par
les Français. Ce moyen ne donnant que fort peu de résultats,
il envoya le caïd Ahmed ben Mustapha auprès du comman-

1. Nous donnerons ici, d'un seul coup, le résumé des dispositions prises pour
la protection de la ligne d'étapes de la colonne française descendue vers le sud.
2. Voir plus loin, annexe n° LVIII, page 281 (opérations contre Ali ben Am-
mar).
3. Voir plus loin, annexe n° LVIII, page 277 (opérations contre Ali ben Am-
mar).
4. Voir plus haut, annexe XLVIII, page 231.
dant militaire de Testour,sous prétexte de lui servir d'inter-
médiaire, mais en réalité pour faire le vide autour de lui.
Le commandant des troupes françaises renvoya cet impor-
tuna; en même temps il demandait qu'Ali Bey s'éloignât sans
tarder de la région.
La réponse ne se fit pas attendre 1;
le frère de Mohamed Es
Saddok recut l'ordre de se rendre à Zaghouan2 pour couvrir
les lignes de ravitaillement des troupes opérant dans la direc-
tion de Kairouan.
Il leva donc son camp de Testour le 18 octobre, « affectant de Ali Bey se rend
de Testour
se désintéresser des événements politiques et semblant aban- àZaghouan.
donner sans regretles négociations d'aman avec les Drid ».
Il aurait dû arriver le même jour à Medjez-el-Bab; mais il
s'arrêta et coucha à Slouguia, sous prétexte d'attendre des
animaux de réquisition pour ses nombreux malades3.
Le 19, il vint camper à Medjez-el-Bab. Mutinerie au
camp d'Ali Bey.
Dans la soirée, vers 8 heures, eut lieu au camp d'Ali Bey une à Medjcz-el-Bab,
le 19 octobre.
manifestation tumultueuse de 3 à 400 soldats. Cette mutinerie
débuta par un rassemblement des compagnies, en bon ordre,
mais sans leurs officiers, et criant le mot de réclamation
!
arabe « El Hamed L'Alla » (gloire à Dieu !)
Ces hommes
demandaient la grâce des prisonniers faits le 2 octobre et qui
devaient être dirigés le lendemain sur Tunis. Puis, en quel-
ques minutes, le tumulte augmenta autour de la tente d'Ali
Bey; les soldats protestaient contre l'ordre de marcher sur
Zaghouan et ajoutaient qu'ils ne se battraient pas contre les
musulmans.
Les chaouch du bey du camp dispersèrent la manifestation,
mais Ali Bey déclara au colonel Noellat4qu'en présence de
cetterévolte, ilne pouvaitplus songer à marcher surZaghouan.

a. Voir annexe n° LVIII, page 285, note 2, la suite des importunes recomman-
dations d'Ali Bey, alors qu'il fut à Zaghouan.
1. Voir tome 1, page 79, note 3.
2. Il v avait déià à Zaehouan un netit camp tunisien.
3. Il promit, malgré ce retard, d'être à Zaghouan le 23, avant midi.
4. Colonel Noellat, du 18e d'infanterie, en mission au camp tunisien.
Le colonel français représenta au prince tunisien que sa
soumission aux caprices des mutins lui ferait perdre tout pres-
tige dans son armée, qui le tiendrait dès lors à sa discrétion, et
qu'elle causerait un effet déplorable dans les tribus voisines
enfin que les
mouvements delacolonne françaisesurKairouan
;
allaient commencer et que le général en chef comptait sur lui
pour couvrir les derrières des corps en marche; Si Ali Bey fut
inébranlable; il dit qu'il ne pouvait réprimer militairement
cette mutinerie et ajouta que s'il se portait sur Zaghouan, il y
arriverait seul, sans un soldat.
Le colonel Noellat obtint d'interroger, devant le bey, tous
les officiers, puis un soldat par compagnie, tribu ou groupe.
Les officiers eurent une contenance plus que douteuse; ils

;
assurèrent le bey de leur dévouement, mais déclinèrent toute
possibilité de répondre de leurs soldats ceux-ci se montrèrent
plus dévoués, ils protestèrent contre la mutinerie et se décla-
rèrent prêts à marcher sur Zaghouan
Le colonel mit alors Ali Bey en demeure d'exécuter les
ordres qu'il avait reçus; celui-ci finit par y consentir.
La colonne de Si Ali Bey quitta donc Medjez-el-Bab le 20 au
matin2.

1. La mutinerie eut lieu le soir même de l'arrivée au camp tunisien du colonel


français; les officiers ont laissé leurs soldats se réunir, crier et entourer la
tente d'Ali Bey sans intervenir en quoi que ce fût; celui-ci ne s'est rendu qu'à la
dernière extrémité à l'ordre d'aller à Zaghouan, ce qui donne de singuliers doutes
sur les auteurs réels de-la manifestation.
Il est évident, dès à présent, qu'on ne saurait donner à une pareille troupe une
mission tant soit peu importante et qu'il faudra immobiliser des troupes fran-
çaises pour couvrir les derrières de la colonne qui va se diriger sur Kairouan. Le
colonel Noellat estime que le mieux serait de dissoudre cette armée tunisienneen
la fractionnant d'abord et en la mettant en petits détachements à côté des trou-
pes françaises. Si on laisse subsister de gros groupes, il faut mettre à côté d'eux
des bataillons français.
2. Le départ des troupes du bey, de Medjez-el-Bab, fut terminé à 9 heures du
- matin. Elles couchèrent à Gab-el-Hat, après une marche de 30 kilomètres.
« Pendant cette étape les figures sont mornes et peu sympathiques
quand le
colonel français passe dans les rangs; les officiers détournent la tète, les soldats
se taisent complètement à une distance considérable; il est visible que le passage
de l'officier supérieur français est signalé de groupe à groupe.
» Si Ali Bey proteste d'ailleurs de son dévouement et reste
irréprochable comme
accueil. »
Elle campa le 20 à Gab-el-Hat, le 21 à Bou-Hamida1 elle ar-
riva le 22 à Mograne2, à 6 kilomètres de Zaghouan. Elle com-
;
prenait à ce moment environ 1.500 fantassins, 200 artilleurs et
1.500 cavaliers.
Le 22, le ministre de la guerre tunisien, Si Sélim, vint au
camp d'Ali Bey. Malgré les prescriptions du général Saussier
désignant Bir-Bouitacomme pointextrême àfaire occuper vers
l'est par les troupes d'Ali Bey, il ordonna l'occupation d'Ham-
mam-LiP.
Le 26 octobre Ali Bey transporte son camp de Mograne à Le camp
d'Ali-Bey à
Zaghouan; il s'installe à 1 kilom. 500 de Zaghouan, au nord, à Zaghouan
(26 octobre-
cheval sur la route de Tunis. 22 novembre)

Le camp tunisien et la colonne du général Philebert se con-


certent pour assurer la sécurité dans la région du djebel-
Zaghouan 4.
Les désertions ne s'accentuent pas. Ce qui reste au beyest
en-majorité composé de vieux soldats; ils feront ce que l'on
voudra, mais c'est une troupe fatiguée qui, sur 1.500 fantas-
sins, n'a guère que 6 ou 700 disponibles; avec les 300 artilleurs

1. Cette marche, forte de 30 kilomètres, eut lieu sans autre incident qu'un peu
d'émotion à l'avant-garde à la vue, au loin, dans la plaine de Cedrata, de quel-
ques cavaliers que l'on supposa être des Oulad-Ayar. La colonne arriva à Bou-
Hamida à 2 heures de l'après-midi. (Le camp du 46e de la 6e brigade s'y trouvait
encore installé, gardant 360 malades à évacuer.)
2. Marche sans incidents. — Aussitôt la colonne arrivée à Mograne, des postes
furent placés le long de la conduite d'eau.
Le 23, 150 arabas de la colonne beylicale furent envoyés de Mograne à Bou-
Hamida, pour l'évacuation des 360 malades gardés par le 46".
3. Le 25 au matin, en exécution de l'ordre de Si Selim, 1.200 Coulouglis, Zaoua-
oua et Mokrasni partirent du camp de Mograne pour Hammam-Lif (qu'ils aban-
donnèrent d'ailleurs bientôt pour rentrer à Tunis). En l'état présent des choses,
le colonel Noellat aurait préféré voir tout le corps tunisien réuni à Zaghouan,
éclairant au loin vers le Fahs et Bir-Bouita, au moyen de sa nombreuse cavalerie,
toujours prêle à se porter sur les points qui seraient menacés.
Ali Bey, tout en reconnaissant qu'Hamman-Lif était bien excentrique, a exé-
cuté strictement l'ordre donné parle ministre Si Selim, et Bir-Bouita, point par
lequel on aurait tenu solidement la route de Tunis à Hammamet et couvert le
flanc gauche de la colonne française, ne fut pas occupé par un détachement tuni-
sien.
4. Il fut convenu que, pour le moment, on se bornerait à des reconnaissances
envoyées par les détachements français et tunisiens et pouvant se recontrer.
c'est tout le camp du bey. Ce camp est bien tranquille. « Les
questions politiques et religieuses paraissent préoccuper assez
peu les soldats tunisiens; ils ont appris avec beaucoup de
calme les épisodes de la marche du général en chef sur Kai-
rouan. Un peu de solde et de bien-être affermiraient ces bonnes
dispositions. »
Le colonel Noellat demande d'urgence des vivres; SiAliBey
n'en a plus que jusqu'au 28 et les patrouilles Vne pouvant plus
que difficilement être pourvues de 2 jours de vivres, sont dans
l'impossibilité de s'écarter; il demande, d'une façon encore
plus urgente, de l'argent. Les charretiers qui font nos convois
et ceux d'Ali Bey n'ont rien reçu depuis un mois; aussi bon
nombre de voitures disparaissent-elles chaque jour; quant
aux officiers et soldats, ils n'ont rien touché depuis le mois de
septembre.
Si Ali Bey essaie d'obtenir de Zaghouan des céréales et de
la viande que la population s'efforce de son côté de ne pas
fournir.
Le service de l'intendance envoie 40 voitures de petits

,
pour :
vivres à Zaghouan; Ali Bey fait les plus grandes difficultés
les accepter il fait avec ces vivres des distributions extra-
ordinaires et insiste pourqu'on ne lui en envoie plus d'autres.
Le gouvernement français, consulté, ayant autorisé le géné-
ral commandant la région nord à requérir le payeur de Tunis
de fournir une avance de fonds au gouvernement tunisien
pour la colonne de Zaghouan, vingt mille francs sont aussitôt
envoyés à Zaghouan.
Bien qu'il ait été convenu entre le colonel français2 et le

1. Cespatrouilles sont, d'ailleurs, faites généralement par l'infanterie, la pres-


que totalité de la cavalerie étant partie à Hammam-Lif.
2. Le colonel Noellat était presque obligé d'approuver cette réserve du bey du
camp
«
:
Pour parler franchement, écrivait*il à ce sujet au général Japy, les besoins de
cette troupe seraient formidables, et dès qu'elle saurait qu'il y a quelque argent
ici, ces besoins deviendraient par trop exigeants, sinon menaçants.
» On a fait marcher hommes et bêtes, réguliers et irréguliers en ne donnant
vivres et argent que contraint. La plupart du temps les tribus et villages ont
bey du camp que si l'argent prêté au gouvernement tunisien
arrivait à Zaghouan, on donnerait 3 fr. aux soldats, 25 fr. aux
capitaines et 33 fr. aux commandants, pour régler le mois
d'octobre, et qu'on donnerait ensuite au soldat 0 fr. 50 tous les
5 jours, le colonel Noellat éprouve de vraies difficultés de la
part de Si Ali Bey à lui faire accepter cette avance.
Cependant, le 30 octobre, quand l'argent est au camp, ap-

:
porté par le lieutenant de Sailly du 11e hussards, ils tombent
d'accord sur ceci le 31 octobre ou le 1er novembre sera
payée à chaque soldat la somme de 3 fr., représentant la
solde échue pour tout le mois d'octobre :
on pourra ensuite
donner 0 fr. 50 tous les 5 jours; en outre Ali Bey consent à
faire donner à ses troupes un jour de viande 1 en plus chaque
semaine, soit en tout 3 jours sur 7.
Enfin, le 1er novembre, le colonel put remettre entre les
mains du prince tunisien la solde des officiers (aussi pauvres
que leurs hommes) et celle des soldats, pour le mois d'octobre,
10.000 fr. environ. Ali Bey avait choisi ce jour afin qu'il pût
lui-même faire distribuer cette solde le lendemain, en raison
de la coutume toujours observée de payer officiers et troupe
le jour de la fête musulmane de l'Aïd-el-Kebir, qui tombait
cette année le 2 novembre.

fourni alfa et diffa, c'est-à-dire orge, paille, viande et couscouss, sans compter
leurs bêtes de somme. Les goums et mokrasni nourrissent eux et leurs bêtes par
des procédés qui me sont inconnus, mais où le gouvernement tunisien n'entre
certainement que pour fermer les yeux.
;
» Les soldats ont reçu 5 réaux (a) (3 fr.) pour le mois de septembre rien en-
;
core pour ce mois-ci. Ils mangent soir et matin une grande cuillerée de soupe faite
avec l'huile et le blé-moulu c'est là toute leur nourriture.
;
;
» Malgré cela, grâce aux diffas des villages, aux commerces multiples que font
les soldats (les uns vendent du tabac les autres des légumes, des fruits d'autres
des cotonnades, etc.), on arrivé à vivre. Les chevaux sont même en bon état.
Mais parler d'argent serait toucher à une corde si sensible que je ne crois pas que
le moment en soit venu, à moins que ce ne soit le beylik tunisien qui paye. Alors
il donnera 3 fr. aux soldats, 33 fr. aux commandants, 25 aux capitaines, et le mois
d'octobre sera censé payé.
» Lorsqu'on voudra réorganiser, le gouvernement français pourra fructueuse'
ment parler de la solde qu'il veut assurer. Avec 2 réaux par jour (1 fr. 20) déga
gés de toute autre allocation, on aurait autant de soldats qu'on en voudrait. »
(a) Le réal ou piastre tunisienne valait environ Ofr. 63.
1. Voir note 1 de la page 258.
Le 2 novembre il paya la solde des détachements du djebel-
Ressas, de Mohammédia et d'Hammam-Lif.
Mais il ne put faire accepter au bey le principe de l'alloca-
tion journalière de 0 fr. 50 pour chaque soldat
Comme l'objet de la mission du colonel français consistait
surtout à assurer le service et le bon ordre pendant la durée
des opérations du général en chef, il lui parut que le mieux
était d'innover le moins possible, et de déférer aux désirs de
Si Ali Bey et aussi du Bardo en laissant subsister toutes les
allocations comme par le passé, mais en payant ce qui était dû.
Les dépenses restèrent donc bien au-dessous des autorisations
ministérielles. Le colonel Noellat employa le surplus des fonds
envoyés à d'autres besoins urgents, ceux des officiers, ceux des
charretiers, estimant, avec raison, que le sens des instructions
ministérielles devait être surtout visé et que si, le ministre
allouant 0 fr. 50 comme aide aux troupes du bey, celles-ci se
trouvaient satisfaites avec un peu moins, il pouvait utiliser le
reste pour le bien de l'armée tunisienne.
Quand Ali Bey réunit, le 1er novembre, tout ce qu'il avait de
présent à son camp de Zaghouan, pour que le colonel français
pût en faire le dénombrement, afin de dresser ses états pour la

1. Le gouvernement français voulait faire allouer à chaque soldat une indem-


nité journalière de 0 fr. 50 en remplacement de viande.
Le colonel Noellat ne put faire admettre cette disposition à Si Ali Bey, quirépon-
dit que le soldat tunisien n'avait jamais de viande plus d'une fois, deux au plus,
chaque semaine, et que lui donner plus, ce serait lui donner des besoins que sous
peu le gouvernement-tunisien serait impuissant à satisfaire.
Et lorsque, le 1er novembre, il lui remit la somme nécessaire au payement de la
solde, il se heurta de nouveau à une résistance insurmontable quand il essaya de
lui faire accepter l'allocation ministérielle de 0 fr. 50 par jour et par soldat; et
cela à la suite de lettres venues le 31 octobre du Bardo.
La plus sérieuse objection qui lui ait été faite fut que le trésor tunisien se trou-
verait dans l'impossibilité de continuer une pareille solde dès que le trésor fran-
çais cesserait ses allocations et qu'alors les désertions se produiraient en masse.
Cette raison paraissait vraie.
Les généraux et officiers supérieurs ajoutaient que toute la solde mise dans la
main du soldat irait à la famille de celui-ci et n'améliorerait en rien l'état des
troupes.
En somme, tous demandaient la continuation des errements du passé et se dé-
claraient satisfaits si la faible allocation de cinq réaux par mois au soldat et la
solde encore plus faible des officiers étaient régulièrement payées.
solde à payer, les effectifs étaient, avec les recrues faites dans
les derniers temps :
Infanterie
Artillerie. 1.700 hommes. j Mais il y avait, au

Goums. 350 —
j moins, 5 ou 600 indis-
130 ponibles.
:
]

En réalité le camp tunisien rendait peu de services l'auto-
rité militaire songea bientôt à le faire relever par des troupes
françaises et à rappeler les soldats beylicaux sur Tunis1.
Avant de renvoyer l'armée d'Ali Bey sur Tunis, le colonel
Noellat fit prélever dans le camp tunisien 2 officiers, 100 fan-
tassins et 10 cavaliers pour l'organisation d'une deuxième
compagnie franche2.
Ces 110 soldats étaient prêts, le 21 novembre, à commencer
leur service. Le colonel Noellat n'avait aucun fonds pour pour-

;
voir à la solde de ces hommes dès qu'ils ne seraient plus nour-
ris au camp tunisien il les garda cependant quelques jours
et, n'ayant aucun moyen pour les payer, il les nourrit comme
il put en attendant des ordres.
(L'ordre fut envoyé postérieurementde se débarrasser deces
soldats en les renvoyant à Tunis.)
Un bataillon français du 92e étant venu de la Manouba et Constitution
delacolonne
arrivé à Zaghouan le 21, le camp tunisien fut levé le 22 novem- française
deZaghouan.
bre et se dirigea sur Tunis. 22novembre.
Le farick Si ben Turki reçut du colonel Noellat, de la part du

1. Non seulement la colonne tunisienne rendait peu de services, mais ses


goums se livraient à de graves exactions qui donnèrent lieu à de vives et nom-
breuses plaintes dans la région de Zaghouan.
Aussi le colonel Noellat avait demandé la rentrée à Tunis ou aux environs des
troupes tunisiennes, dont la majeure partie serait licenciée.
Si Ali Bey avait quitté Zaghouan de sa personne dès le 15 novembre; le géné-
ral Japy, commandant la région nord, ordonna la formation d'une petite colonne
de deux bataillons à Zaghouan, et en donna le commandement au colonel Noellat,
en même temps qu'il l'investissait de l'administration de la région, entre l'oued-
Miliane et la mer.
2. En exécution des ordres du général Saussier, une compagnie franche avait
été formée le 23 octobre à la Manouba. (132 fantassins français provenant des bri-
gades Maurand et d'Aubigny, 60 fantassins réguliers de l'armée beylicale, 5 spahis
du bey, 20 mulets de bât.)
(Voir annexe n° LXIX.)
général Japy, « un carta » attestant les bons services de sa
troupe.
Un bataillon du 87e fut encore envoyé de la Manouba; la
compagnie franche, qui avait été créée le 23 octobre à la Ma-
nouba, et qui se trouvait à ce moment à Tunis, fut dirigée sur
Bir-Bouita.
La colonne de Zaghouan, mise sous les ordres du colonel
Noellat, se compose donc de deux bataillons (du 876 et du 92e),
dela compagnie franche, d'une section d'artillerie et d'un pelo-
ton de hussards.
Aussitôt le colonel choisit l'emplacement de Mograne (près
dela maison du beylik, dite l'embranchement des aqueducs)
pour établir les baraquements destinés à sa colonne.
De ce point la surveillance des aqueducs du Zaghouan et du
Djoukar est plus facile; l'emplacement est vaste, sain et bien
pourvu en eau et en bois, à cheval sur les routes duFahs, d'El-
Oukanda et de Tunis.
Le camp de Zaghouan doit être conservé provisoirement
pendant l'érection des baraques de Mograne.
Mais, comme il semble impossible de recevoir les baraques
assez à temps pour qu'elles puissent être montées et utilisées
cet hiver, les troupes restent comme elles sont. « Elles ne sont
pas bien; mais leur santé se maintient jusqu'ici. Elles ont
aménagé de leur mieux le camp contre les pluies diluviennes
de ces huit derniers jours (compte rendu du 9 décembre). Le
moral est bon, — les hommes sont gais; l'emplacement est
sain et le colonel-eroit que cela pourra aller ainsi assez long-
temps. »
Après la reconnaissance des environs, qui présentent fort
peu qe ressources en cantonnements 1, la colonne de
Zaghouan est ainsi répartie, par ordre du général Japy :

1. La ville de Zaghouan est une ruine empestée; Bir-Bouita, brûlé et détruit,


vient d'être à peu près réparé par le gouvernement tunisien et pourrait loger
80 hommes; àHammamet, la kasbah n'a jamais été achevée et ne peut contenir
qu'une section de 50 hommes*
Un bataillon d'infanterie, la section d'artillerie, le peloton
de hussards, le magasin, l'infirmerie, les ouvriers indigènes
restent sous la tente dans le camp occupé depuis le 23 novem-
bre. 1
Le second bataillon fournit le camp du djebel-Zaghouan ou
du télégraphe 2par une compagnie, a une deuxième compa-
gnie et l'état-major cantonnés à Mograne 3; les deux autres
compagnies occupent le pont du Fahs. 4
(Le bataillon du camp de Zaghouan alternera tous les mois
avec le bataillon du Fahs, Mograne, Télégraphe. Dans ce der-
nier bataillon, le chef de bataillon fera alterner ces compagnies
entre elles, par quinzaine.)
Le 13 décembre, le colonel Noellat remet le commande-
ment de la colonne de Zaghouan au chef de bataillon du 92e,
puis il part sur Tunis après avoir réglé toutes les affaires in-
digènes.
Le 14 décembre, dans la nuit, de 9 à 11 heures, un orage
épouvantable s'abat sur Zaghouan. « Par une pluie diluvienne
et un développement d'électricité remarquable, toutes les
tentes ont été saisies par le tourbillon et jetées bas en moins
de cinq minutes. Les hommes ont beaucoup souffert du froid.
Dès le jour on travaille avec ardeur à remonter les tentes, à
refaire les gourbis des bêtes, les abris des feux de bivouac et
de sentinelles. Mais les outils manquent complètement. »
Le moral des troupes, qui se savent condamnées à un ser-

1. L'emplacement du camp est bon, bien abrité, avec forte pente permettant
l'écoulement des eaux. L'eau à proximité est excellente. Les travaux d'installa-
tion sont déjà très avancés vers le 10 décembre; avec le secours des outilspromis,
ils donneraient vite une bonne somme de bien-être relatif.

;
2. Cette compagnie achève la construction du télégraphe optique et doit pro-
téger ensuite ce poste elle serait baraquée sur son emplacement actuel qui est
excellent comme salubrité, proximité de l'eau et du poste télégraphique et comme
position militaire.
3. Le caravansérail de Mograne peut recevoir une forte compagnie avec de gros
approvisionnements. Il est facile à organiser défensivement; il a sur toutes ses
faces un champ de tir de deux kilomètres; sans canon, il est imprenable. Les
deux aqueducs du Djoukar et du Zaghouan se réunissent à son angle nord-ouest-.
4. Baraquées quand ce sera possible.
vice d'étapes quand leurs camarades font colonne, semble
atteint par ce dernier coup, surtout dans le bataillon du 92e1.
« Nous serions bien heureux aussi de savoir, écrit au géné-
ral de brigade le chef de bataillon du 92e à la fin de son rap-
port sur l'orage, combien de temps doit durer notre détache-
ment, non pas que le moral soit affecté, mais une indication
à ce sujet serait la bienvenue. »
Le nouveau commandant supérieur voudrait bien partir
avec son bataillon. Le général commandant la division nord
les fixa l'un et l'autre, en leur faisant répondre que le chef de
bataillon s'acquittait trop bien de ses fonctions de comman-
dant supérieur de Zaghouan pour pouvoir être remplacé, et
que le bataillon du 92e, bien qu'il fût depuis longtemps en
Tunisie r, était en trop bonne santé pour qu'il y eût lieu de le
relever de Zaghouan.

1. Le bataillon du 92" (P. P. Lyon, D. Aurillac) avait débarqué à Bizerle le 3 mai


1881 avec le général Bréart; il était resté à la Manouba après le premier rapatrie-
ment, et avait été embarqué sur l'Aima; seul bataillon ancien du corps expé-
ditionnaire du colonel Jamais, il avait pris la plus grande part à l'assaut de Sfax
:
(débarqué le premier, après les fusi!iers marins, il avait enlevé la redoute de
l'Alfa il eut, dans ses engagements du 16 juillet, 28 blessés :2
officiers,
MM. Marchand, lieutenant, et d'Hailly, sous-lieutenant, 1 adjudant et 25 caporaux
ou soldats). Rembarqué à Sfax le 11 août, à bord de la Sarthe, il était venu à
La Goulette, d'où il avait été immédiatement dirigé sur Hammamet (il y avait
beaucoup souffert de son installation sur un terrain sablonneux, mais soulevé
continuellement par le vent, à tel point que tous les officiers du bataillon préfé-
raient passer l'hiver tout entier sous la tente à Zaghouan plutôt que de retour-
ner à Hammamet). D'Hammamet, il était retourné, à la fin de septembre à la Ma-
nouba, d'où il fuîdirigé sur Zaghouan pour y relever les troupes d'Ali Bey. Il y
arriva le 21 novembre et y resta jusqu'au 10 octobre 1882, date à laquelle il fut
envoyé à Béja.
Avec le retour du beau temps et après l'infusion d'un sang nouveau [229 hom-
mes de renfort étaient venus de France renforcer les 408 hommes de troupe qui
lui restaient (a)] son moral s'était complètement relevé et nous le voyons, pen-
dant l'hiver de 1882-83, organiser un théâtre au camp de Béja.
(a) Une circulaire ministérielle du 22 mars 1882 (voir annexe n° LXV, A, page339) prescrivit
de porter à 650 hommes, absents compris, ceuxdes bataillons qui devaient rester en Tunisie
après la deuxième expédition. Le 92" avait été désigné pour resler.
Son effectif (présents et absents compris) était :
Au 1" mai 1882. 408 hommes de troupe;
Au 12 mai 1882. 637 — après l'arrivée de 229 hommes de renfort.
Son effectif, qui est dejà de 13 hommes inférieur à la fixation ministérielle, n'est plus que
de 589 hommes (absents compris) le 9 septembre 1882, c'est-à-dire en déficit de 61 hommes.
Les deux bataillons qui constituaient la colonne de Za-
ghouan continuèrent donc leur service d'étapes et restèrent
dans la région (le 92e jusqu'au 10 octobre 1882, le 87° jusqu'au
mois de février 1883).

Le général Saussier, en se mettant en marche d'El-Oukanda Legénéral


Philebert
vers le sud, avait emmené avec lui, dans la colonne Logerot, à
El-Oukanda'
deux bataillons (33e et 43e), un escadron de hussards et une
section d'artillerie de montagne prélevés sur la 6e brigade2
Le général Philebert,laissé à El-Oukanda, a pour mission de
couvrir les derrières de la colonne qui marche sur Kairouan
et de rayonner avec des colonnes légères autour d'El-
Oukanda.
Restent avec lui le 27e bataillon de chasseurs, les bataillons
des 46e, 61e, 110e et IIIe, deux escadrons du 1er hussards et
dix pièces (4 de montagne et 6 d'artillerie montée).
Le général Philebert ne reste pas inactif.
Laissant le 46e3 à la garde du biscuit-ville du Fahs, et le 110e
à la garde du camp d'El-Oukanda, il dirige vers l'oued-el-
Kébir, dès le 24 octobre4, une colonne de trois bataillons.
(27e chasseurs à pied, 61e et IIIe de ligne), deux escadrons et

Henni;
quatre pièces de montagne. Cette colonne arriva le 24 à Sidi-
le 25 elle remonta l'oued-el-Kébir et campa au-dessus
de Sidi-Henni; le 26, elle traversa le massif montagneux et

Naoui;
campa à Sidi-bou-Beker, à 3 kilomètres au-dessus de Sidi-
le soir, elle traversa de nouveau la montagne en sens
inverse par le chemin des crêtes et vint camper à la koubba
de Sidi-Abd-el-Kerim : le 27 elle rentra à El-Oukanda.

2. Voir l'ouvrage du général Philebert La 6" brigade en Tunisie.


2. Voir tome I, page 82, notes 3 et 5.
3. Le bataillondu 46e, laissé à Bou-Hamida, pour la garde des 360 malades de
la brigade Philebert, rejoignit des que les malades purent être enlevés par les
arabas dela colonne beylicale et dirigés sur Tunis. (Voir note 2, page 255.)
4. Aussitôt qu'il a été débarrassé de ses malades et rallié par le bataillon du
466 et que la colonne tunisienne d'Ali Bey se fut rapprochée (le 22 à Mograne, le
26 à Zaghouan).
Le général Philebert reçut l'ordre d'exécuter une opération
dans la direction de la zaouïa de Sidi-Abd-el-Melek (Oulad-
Aoun).
Le 31 octobre, trois bataillons (27e chasseurs à pied, 61e et
110e), un escadron de hussards et quatre pièces de montagne
quittent El-Oukanda où restent le IIIe et la batterie montée.
La colonne passe à Mlouta, traverse le défilé de Foum-el-
Karrouba et campe sur l'oued-Sadi (étape de 24 kilomètres) 1;

;
le 1er novembre, la colonne campe sur l'oued-Nebhan (étape
de 12 kilomètres) le 2 novembre, traversée du défilé de Foum-
el-Guefel et camp sur les pentes du djebel-Bargou' (étape de
31 kilomètres). Le 3 novembre, la colonne traverse la rebah
silianah des Oulad-Aoun et campe sur la rive gauche de
l'oued-Hakmès (affluent de l'oued-Silianah), près de la
zaouïa de Sidi-Abd-el-Melek'; le 4, la colonne marche paral-
lèlement et au nord du djebel-Bargou et campe à Aïn-

1. Le général
;
Philebert tomba vers Saidan sur un millier de tentes des Oulad-
Menna (Drid), des Trabelsia (Oulad-Taleb) et des Zlass (Oulad-Khalifa) ces der-
niers appartenaient aux deux fractions qui n'avaient pas suivi la tribu dans son
émigration vers le sud.
Il reçut leur soumission.
2. Le général accorde l'aman aux gens du Bargou.
3. Abd-el-Melek (Zaouià) est sur la rive droite de la Silianah, sur le territoire
des Oulad-Aoun.
Les Oulad-Aoun, qui avaient lutté contre la 5e brigade (voir annexe n° XLVII,
page 216), avaient vu avec inquiétude approcher les troupes françaises; leur
premier mouvement avait été de fuir, mais les émissaires du général Philebert
étant venus les rassurer, les cheikhs et les notables de la tribu se présentèrent
au général, au camp de Sidi-Abd-el-Melek.
Le général accorda l'aman à tout le groupe, mais en réservant au général
d'Aubigny, qui allait incessamment remonter le cours de la Silianah (voir an-
nexe LVIII, page 284), le droit de leur imposer telles conditions qu'il voudrait.
Pour lui, il exigea des moyens de transport et le concours de goums.
Les Oulad-Aoun étaient trop heureux d'en être quittes à si bon compte. (Voir
l'évolution de l'insurrection chez les Oulad-Aoun, annexe n° XLIII, page 193, et
annexe XLVII, page 216.)
Depuis une quinzaine de jours, Ali ben Ammar les pressait plus vivement de se
joindre à lui pour résister aux colonnes d'Aubigny et de la Roque, qui opéraient
autour de Bordj-Messaoudi.
Un fort parti d'Oulad-Ayar s'avançait même vers le campement des Oulad-
Aoun pour les punir de leur interminable hésitation; chemin faisant ils avaient
eu connaissance de la marche de la 6e brigade et s'étaient empressés de rétro-
grader.
Fourna1 ; le 5 novembre, elle descend la vallée de l'oued-el-
Kébir et campe, le 5, près de la koubba de Sidi-Amora, le 6,
près de Sidi-Henni.
Le 7 novembre, la colonne rentre à El-Oukanda, au grand
étonnement des gens du pays qui s'attendaient à la voir mar-
cher immédiatement vers la région occupée par les Oulad-
Ayar.

N° LVII

Marche de la colonne Forgemol sur Kairouan o.

Depuis leur retour du Sers (commencement de sep-


tembrer, les Hammema montraient une modération inac-
coutumée. Ils avaient paru décidés, à un certain moment,
sur les instances d'El Hadj Hassein ben Messaï, à se porter à la
rencontre de la 5e brigade; mais le bruit qu'une armée,nom-
breuse et abondamment pourvue de canons, allait faire irrup-
tion dans la régence, du côté de Tebessa, leur était parvenu
ils avaient jugé prudent de ne pas s'éloigner de leur pays. Ils
;
apprenaient de plus que les affaires des insurgés dans l'Aarad
n'étaient pas en bonne voie. Ahmed ben Youcef comprit qu'il
ne pouvait espérer le succès qu'avec le concours d'une puis-
sance étrangère à la régence.
Ce secours lui était annoncé à grand bruit, depuis deux mois,
par Ali ben Khalifa et par El Hadj Hassein ben Messaï; mais
on attendait toujours les six colonnes turques qui étaient
parties de Tripoli pour venir à Gabès! Ahmed ben Youcef
conservait cependant à cet égard une lueur d'espoir (cette
intervention des Tripolitains lui semblait toute naturelle).

1. Ain-Fourna (R. R. Oppidum Furnitanum), à 4 kilomètres au nord de


l'oued-el-Kebir, est sur le territoire des Oulad-Yahia.
a. Voir croquis n° VI.
2. Voir annexe n° XLVII (page 219).
C'est dans ces dispositions qu'il envoya en Tripolitaine son
deuxième fils, El Hachemi, pour sonder les intentions du Pacha
et pour voir si le gouvernement de la Porte était bien disposé
à intervenir dans la Régence.
El Hachemi fit son voyage très rapidement (on ne sait s'il
put se rendre à Tripoli et obtenir une audience du Pacha;
mais en revenant, dans les premiers jours d'octobre, à la
smalah de son père, il raconta que le Pacha avait promis, non
seulement son concours, mais encore celui de la Porte, et
qu'il avait déclaré, après lui avoir fait visiter l'arsenal de la
ville, que les Turcs expulseraient les Français de la Tunisie et
même de l'Algérie).
Les Hammema écoutèrent et crurent ce qu'on leur rappor-
;
tait et reprirent confiance, mais sans enthousiasme ils savaient
que la colonne de Tebessa allait se mettre en marche, que des
officiers étaient venus reconnaître les routes jusqu'à la fron-
tière tunisienne et que les tribus algériennes avaient envoyé
de nombreux moyens de transport au camp français.
Quant à Ahmed Ben Youcef, son attitude personnelle dans
la suite et son peu d'acharnement à nous combattre permet-
tent de supposer que les nouvelles rapportées par son fils
n'étaient pas des plus satisfaisantes.
Ahmed ben Youcef, renseigné sur tous ces préparatifs,
assura ses lignes de retraite dans la direction de Gafsa. En
même temps il rappela en toute hâte les Madjeur, les Fraichich
et les Ourtan, qui avaient suivi Salah ben Hamouda dans le
djebel-Bahara, pour lutter contre les troupes du Kef
Positions De son côté El Hadj Harrat veillait'.
des Fraichich
le 15 octobre. Il avait établi un poste de 150 hommes de garde au khan-
guet-es-Slouguia, passage par où il supposait que nos troupes
pénétreraient en Tunisie, et il s'était transporté avec les
contingents des Oulad-Ali et des Oulad-Nadji à Koheul, pour
être prêt à se porter à notre rencontre.

1. Voir annexe n° LVIII, page 273.


2. Voir annexe n° XLVII, page 219, et tome I, page 81.
Le 16 octobre 1881, la colonne française, placée sous les La colonne
Forgemol
ordres du général Forgemol, était définitivement constituée à se met
en mouvement
(17 octobre).
El-Aïoun1; elle était renforcée d'un goum de 743 auxiliaires
indigènes (Oulad-Sidi-Yahia, Brarcha, Alhouna et Haractar).
Le 17, la brigade de cavalerie, accompagnée des goums, Combat du
koudiat-Remila
pousse une reconnaissance vers Haydra. Arrivée au koudiat- (engagement
de cavalerie),
Remila, elle rencontre les insurgés et les disperse. 17 octobre.

(En apprenant ledépart de la brigade de cavalerie d'El-Aïoun,


El Hadj Harrat s'était porté à sa rencontre; il avait résolument
attaqué les troupes françaises vers 2 heures de l'après-midi et
ne s'était retiré du champ de bataille que vers 6 heures du soir,
ayant subi des pertes sensibles.)
Aussitôt après le combat, les Madjeur rentrent chez eux,
pour diriger leurs tentes et leurs troupeaux vers le sud, par
les routes de Sbeitla, du Foum-el-Guelta et le khanguet-
Segalas. Les Oulad-Ali se rabattent sur Tala, qu'ils mettent au
pillage. Le 18 au soir, les Oulad-Nadji, commandés par Moha-
med ben el Hadj Harrat, viennent rejoindre les Oulad-Ali et
achèvent de dévaliser les boutiques de Tala. Leur opération
terminée, ils retournent au djebel-Semmama2 pour mettre
leur butin en sûreté.
Aussi la colonne de Tebessa put-elle, le 18 octobre, se porter
à Haydra3sans être inquiétée.
Le 19, les goums vont jusqu'à Hanout-el-Hadjem et visitent
le village de Tala et la mosquée d'El-Hadj-Chafaï ils ne ren-
;
contrent pas âme qui vive le pays est complètement désert.
;
Le 20, la colonne se rend à Hanout-el-Hadjem4sans rencon-
trer l'ennemi.

1. Voir annexe n° LI et annexe n° LUI, page 245.


2. Djebel-Semmama (1.313 mètres), à 20 kilomètres au nord de Kasserine.
3. Elle resta à Haydra le 19 octobre, manquant absolument d'approvisionnement
de vin que le général dut aller faire chercher en arrière.
4. A Hanout-el-Hadjem (20 octobre) (Henchir-Souitir?), les Oulad-bou-Ghanem
vinrent installer aussitôt, au camp français, un marché où ils firent des ventes
de moutons et de céréales. L'intendance leur acheta 120 quintaux d'orge, et les
Oulad-bou-Ghanem s'engagèrent à en apporter encore sur les divers points où
Mais, le lendemain 21, tandis qu'elle arrive à Aouinet-el-
Ghenem, la cavalerie indigène qui a poursuivi sa marche vers

;
l'est signale dans le lointain de nombreux groupes armés qui
se dirigent vers rhenchir-Rouhia ils surprennent même un
parti composé de gens des Ourtan qu'ils culbutent et mettent
en fuite.
Le 22, la colonne française se porte à l'henchir-Rouhia; la
fin de la marche fut rendue très pénible par la chaleur et les
difficultés du terrain.
Les Cheketma viennent faire leur soumission mais le
khalifa Mohamed ben el Hadj Ahmed ben Rezgui avait séparé
;
sa cause de celle des siens pour se joindre aux insurgés;
quelques jours après, il partait pour la Tripolitaine 1.
L'ennemi n'attaque pas encore; mais on sait qu'il observe
la colonne française, attendant une occasion favorable pour
l'assaillir de toutes parts.

devait stationner la colonne. Des délégués des Zeghalma se présentèrent le même


jour pour connaître les conditions de soumission qui leur seraient imposées (on
leur imposa deux moutons par tente).
Le 21, à Ras-Aouinet-el-Ghenem, les Zeghalma acceptèrent ces conditions
d'aman, et s'engagèrent à faire le service de la correspondance et ù fournir le
lendemain un ravitaillement gratuit de 400 moutons pour la colonne.
(La correspondance de la colonne Forgemol avec le général Saussier se fait par
télégrammes portés à Tebessa et envoyés de là à La Goulette.
Les communications entre le général Forgemol et Tébessa devinrent bientôt
très difficiles; un indigène faisant le courrier de la colonne Forgemol, parti le 23
du camp du général, n'arrivait que le 25, après avoir été attaqué par un groupe
de dissidents!)
1. Plusieurs chefs indigènes se présentèrent aussi au général Forgemol. dès
son arrivée à l'henchir-Rouhia, affirmant que la majeure partie de leurs tribus
n'avaient pas bougé. Le fils du caïd Mohamed Salah ben Ali Debbich, qui s'était
présenté aussi, dit que son père était au camp de Si Ali Bey et que les contin-
gents fidèles étaient avec lui.
Le général Forgemol, avant de statuer à l'égard deces fractions, télégraphia à
Tunis afin d'être renseigné sur la véracité des déclarations de leurs chefs ou
représentants; il ne lui était pas possible, en passant rapidement, comme il le

:
faisait, dans les tribus, d'examiner les questions à fond.
Au sujet de Mohamed Salah ben Ali Debbich, le général Japy répondit aussitôt
de Tunis par télégramme « Le caid Ben Debbich était en effet au camp de Si
Ali Bey; mais tous les Oulad-Ayar et Cheketma étaient révoltés et ont composé
les contingents d'Ali ben Ammar, auteur assassinat Oued-Zergua. Mon avis est :
méritent conditions très dures et surtout nombreux otages. »
Le 23, en se dirigeant vers l'oued-Sbiba, la colonne se
heurte aux contingents insurgés, près du marabout de Sidi-
Megherni. Les dissidents occupent une ligne qui s'étend de
l'oued-Rouhia jusque sur les crêtes du djebel-Sidi-Ali-ben-
Oum-Ezzin et du djebel-Sidi-Amor-Essemati, barrant ainsi
toute la vallée de la Rouhia.
Il ya là 3.000 combattants appartenant d'une façon générale
aux Oulad-Mehenna, aux Fouad, aux Fraichich, aux Ourtan,
aux Zeghalma et aux Hammema. Il y a aussi parmi eux quel-
ques Zlass et quelques Oulad-Ayar, sous la conduite du frère
d'Ali ben Ammar 1.
Aussitôt qu'il avait appris le départ de la colonne française
de Tebessa, Ahmed ben Youcef avait appelé les Hammema aux
armes, en leur fixant comme lieu de rassemblement Kasserine,
sur le territoire des Fraichich.
Quatre jours après, ses contingents étaient réunis au point Les Hammema
indiqué et il avait pu transporter ses campements dans le lesrejoignent Fraichich
(23 octobre)
djebel-Sidi-Amor-Essemati. Le lendemain, il descendait dans
la plaine de la Rouhia et il faisait sa jonction avec les combat-
tants d'Haydra que El Hadj Harrat avait amenés avec lui, et
avec les Ourtan, les Zeghalma et les différents groupes qui
avaient répondu à la convocation lancée par l'ex-caïd des
Oulad-Nadji, quelques jours auparavant.
L'artillerie de la colonne, qui s'était mise en batterie, dès la Combat
delaRouhia
pointe du jour, sur le koudiat-el-Hameïma, lança quelques (23 octobre).
projectiles contre le marabout de Sidi-Megherni et sur les
crêtes du djebel-Sidi-Amor-Essemati et du djebel-Sidi-Ali-
ben-Oum-Ezzin où apparaissaient les dissidents.
Ceux-ci, après avoir tenté quelques mouvements en avant,
se replièrent sur le koudiat-el-Halfa, laissant une vingtaine
de morts sur le terrain,
Le même jour, la colonne arrivait à Sbiba, sans autre inci-
dent.

1. Voir 2, annexe n° LVIII, page 274.


Trois cents Tandis que les dissidente se repliaient sur le koudiat-el-
cavaliers
des Oulad-Ayar, Halfa, ils avaient été rejoints par Ali ben Ammar. Le chef de
amenés
par
Ali ben Ammar,
l'insurrection chez les Oulad-Ayar venait d'être battu succes-
arrivent
au
koudiat-el-Halfa
;
sivement à Testour par l'armée d'Ali Bey1 et sur la Tessâa par
le colonel de la Roque2 il arrivait sur la Rouhia avec 300
cavaliers, les seuls qui lui restaient des 1.500 qu'il avait pu
grouper autour de lui au début de ses opérations.
Selon toute apparence, Ali ben Ammar n'avait d'autre but
que de chercher les Oulad-Ayar qui s'étaient joints aux Ham-
mema et aux Fraichich et de les ramener avec lui pour recom-
mencer la lutte contre les troupes du Kef. Il s'annonçait néan-
moins comme un auxiliaire tout disposé à disputer pied à pied
le terrain à la colonne de Tébessa et à suivre la retraite des
dissidents.
Le 24, la colonne française reste au camp de l'henchir-Sbiba.
Combat Le 25, les troupes françaises, suffisamment reposées, partent
du koudiat-el-
Halfa
(25 octobre).
pour l'oued-el-Hateuf, à côté du koudiat-el-Halfa.
Emploi Vers 8 heures du matin, le goum aperçoit de nombreux
de la cavalerie.
contingents qui prennent d'abord une direction parallèle à
notre colonne, mais qui viennent ensuite converger vers nous
pour arrêter notre marche. Le combat s'engage (vers 9 heures)
et dure jusqu'à midi et demi environ.
L'ennemi est mis en pleine déroute3; il perd environ 150
hommes, et emporte avec lui de nombreux blessés.

1. Voir annexe n° XLVIII, page 230.

3. Télégramme :
2. Voir annexe n° LVIII, pages 279 et 280.

«Général Forgemol à Ministre guerreParis ; gouverneur général Alger;


commandant en chefLa Goulette, Alger, Constantine.
»Du camp de Koudiat-el-Halfa, 25 octobre.
))La division a fait aujourd'hui, sans être inquiétée, et par des chemins faciles,
les deux tiers de sa route. Arrivée dans des terrains très difficiles, sa cavalerie,
qui formait l'avant-garde, s'est trouvée en présence de rassemblements assez
considérables de fantassins et de cavaliers des Madjeur et des Zlass, à hauteur du
piton qui domine la série de collines désignées sous le nom du koudiat-el-Halfa.
Malgré les obstacles du terrain, les escadrons de tête ont résolument abordé
l'ennemi et l'ont poursuivi pendant plusieurs kilomètres; un escadron combattit
à pied et a protégé leur ralliement, pendant que l'infanterie et l'artillerie se por-
C'est une dure leçon aux insurgés; aussi, à l'issue de la Les dissidents

journée, presque tous les combattants se dispersent


Ahmed ben Youcef et la grande majorité des Hammema
: se
dispersent.

rentrent chez eux pour se disposer à émigrer vers le sud. Il


ne reste guère, de cette tribu, qu'une cinquantaine de cavaliers
dont Amor el Khadri, troisième fils d'Ahmed ben Youcef,
El Azouzi, fils du caïd Ech Chihi, Ali benDhô et ses frères. Ces
cavaliers devaient aller ainsi jusqu'à Kairouan avec mission
d'observer la colonne française et de l'inquiéter par de brus-
ques apparitions sur ces derrières et sur ses flancs ;
El Hadj Harrat, abandonné par les Fraichich et les Madjeur,
se met à la remorque des Hammema avec la fraction des
Oulad-Asker des Oulad-Ouzzez1;
Les Fraichich regagnent en toute hâte leur territoire2; un
certain nombre de Madjeur les imite. Les autres prennent la
fuite par le khanguet-Segalas pour aller rejoindre leurs tentes
(environ 250) sur le territoire des Oulad-Messaoud-el-Horchan
Les Ourtan rentrent furtivement chez eux, tandis que les
;
Zeghalma dissidents, terrifiés, s'enfuient à Kasserine;

taient vivement à leur soutien. Assailli alors par le feu de l'infanterie et les
obus qui battaient avec une grande justesse tous les ravins où il se dissimulait,
l'ennemi a cessé sa résistance contre notre tête de colonne. Ill'a continuée quel-
que temps encore sur sa droite et sur sa gauche, où les feux du 100e de ligne et
du 3e zouaves, celui du 3" zouaves notamment, paraissent leur avoir fait éprouver
des pertes sensibles. Un assez grand nombre de cadavres a été trouvé sur le ter-
rain. De notre côté nous avons eu un chasseur tué et six blessés parmi nos cava-
liers et les goums. Le combat, commencé vers 9 heures, a cessé vers midi et demi
Toutes les troupes et le convoi étaient au camp à 4 heures, sans que l'arrière-
garde ait été inquiétée autrement que par le feu de quelques cavaliers.
» La division ira camper demain à l'oued-el-Foul.
» Depuis le 18, je n'ai reçu aucune dépêche soit du Ministre, soit du comman-
dant le corps expéditionnaire (a). Le moral des troupes est toujours parfait. Le
nombre des hommes à l'ambulance est de 75, y compris les blessés. »
1. Il s'enfuit en Tripolitaine. Voir annexe LX, 1, page 330.
2. Voir annexe n° LX, pages 329 et suivantes, la suite de l'insurrection des Frai-
chich et leur soumission.
(a) Si on en juge par ce télégramme qui, expédié par courrier du camp du koudiat-el-Halfa,
4
le 25 octobre, à heures du soir, ne fut déposé à Tébessa que le 4 novembre, à 4 h. 03 du soir
(c'est-à-dire dixjours après), on est fixé sur la rapidité des communications entre le géné-
ral Forgemol elle Ministre, et surtout le général Saussier, car, pour ce dernier, la dépêche
une fois arrivée à Tunis (dans ce cas, la présente dépêche arriva à Tunis le 4 novembre à
8 heures soir) devait lui être expédiée sur la route de Kairouan.
Enfin Ali ben Ammar, suffisamment édifié sur la situation
des dissidents du sud-ouest de la régence, remonte vers la
hamada' avec les différents contingents des Oulad-Ayar qu'il
a pu entraîner à sa suite. Il remarque avec satisfaction que le
général Forgemol se dirige sur Kairouan, laissant complète-
ment libre le pays qu'il vient de traverser.
Le 26, la colonne française arrive sans encombre à l'oued-
Foul.
On lui signale quelques vedettes ennemies qui se sont reti-
rées à son approche. Ces vedettes appartiennent aux Oulad-
Sendacen (Zlass) sur le territoire desquels on a pénétré.
Les Le 27, au matin, après une fusillade de toute la nuit, les
Oulad-Sendacen
attaquent
la colonne
troupes sont attaquées, au départ, sur leurs flancs et sur leurs
le27octibre. derrières, par les contingents des Oulad-Sendacen qui, après
la prise de Kairouan, n'ont pas suivi la retraite d'El Hadj Has-
sein ben Messaï.
Le combat ne se prolonge pas et la marche se poursuit, sans
difficultés, jusqu'à El-Haouareb.
Le 29 octobre, Le 28, la colonne campe à Bir-Zlass et, le 29, elle arrive à
la colonne
Forgemol fait KairDuan où elle opère sa jonction avec les troupes placées
sa jonction
àKairouan, sous le commandement du général Saussier.
avec
les troupes
du général La mission d'Amor el Khadri ben Ahmed était terminée; il
Saussier. rebroussa chemin aussitôt avec ses partisans et retourna sur
le territoire des Oulad-Redhouanqui commençaient leur mou-
vement d'émigration dans la direction de Gafsa.
Les Oulad-Sendacen, au contraire, complètement décou-
ragés, se disposaient à faire leur soumission2.

1. Voir annexe n° LVIII, page 282.


2. Voir suite annexe n° LX, page 320.
N°LVIII
Opérations contre Ali ben Ammar a.
Salah ben Hamouda le lieutenant qu'Ali ben Ammar, avant Ali ben Ammar
reconstitue
de commencer ses opérations vers le nord, avait détaché pour son armée.
le couvrir sur son flanc gauche et masquer la place du Kef,
avait essuyé deux échecs successifs2.
Découragé, il s'était replié jusqu'au khanguet-el-Gueddim,
où il espérait trouver des renforts des Madjeur et des Frai-
chich, conduits par El Hadj Harrat.
Mais, arrivé dans le khanguet, il avait appris, à son grand
désappointement, qu'une forte colonne se formait à Tebessa
pour marcher dans une direction inconnue et que les tribus
du sud ne pouvaient se porter à son secours.
A cette nouvelle, les Madjeur, les Fraichich et les Ourtan,
qui se trouvaient avec Salah ben Hamouda, regagnèrent en
toute hâte leur pays'. En même temps arrivait une lettre
d'Ali ben Ammar à son lieutenant, faisant connaître qu'il
venait d'être battu4 etqu'il avait subi de grandes pertes. Il
demandait instamment que les Fraichich et les Madjeur se
hâtassent de venir le rejoindre (nous savons qu'ils se reti-
raient au contraire vers le sud').
Cette lettre augmenta les défections, et bientôt il ne resta
plus que quatre cents hommes environ au khanguet-el-Gued-
dim.
Les Khememsa, les Ouladyacoub et les Zeghalma, qui

et se déclarèrent pour nous ;


étaient restés sur leur territoire, mirent fin à leur hésitation
comme ils redoutaient encore
les incursions des Fraichich, des Madjeur et des Hammema,

a. Voir croquis n" V.


1. Voir annexe n° XLVIII, p. 232.
2. Mouvement offensif sur le Kef, par les pentes du Dyr, le 28 septembre, et
attaque de la colonne Gerboin, le 2 octobre. (Voir annexe n° XLVIII, p.232.)
3. Voir annnexe n° LVII, p. 266.
4. Le 2 octobre, à Testour. (Voir annexe n° XLVIII, p. 230.)
5. Voir plus haut, et annexa n° LVII, p. 266.
ils demandèrent de la poudre et des munitions et firent appel
aux Charen pour réclamer leur assistance.
Tout ce qu'il y avait de pillards dans les environs du Kef
disparut comme par enchantement, et l'autorité française
commença à recevoir enfin des demandes d'aman.
Le 10 octobre, Salah ben Hamouda, accablé et jugeantla
partie perdue, rentrait sans bruit chez lui pendant que les
insurgés qu'il commandait évacuaient le khanguet-el-Gued-
dim 1pour aller rejoindre Ali ben Ammar à la Ghorfa.

heur :
Le vaincu de Testour ne s'était pas laissé abattre par le mal-
après avoir passé plusieurs jours à reconstituer ses
forces au moyen des bandes qui erraient dans les environs de
le
Bordj-Messaoudi, dans le Ghorfa etdans Sers, ilrevint occu-
per le khanguet-el-Gueddim, où il arriva avec 2.700 hommes
vers le 18 octobre'.
Il envoyait en même temps son frère vers la Rouhia avec
une cinquantaine de cavaliers pour se faire renseigner exacte-
ment sur la marche de la colonne française qui devait partir
deTebessa et dont on ignorait encore l'objectif; Ahmed ben
Ammar, pour ne pas se rendre suspect à Ahmed ben Youcef,
allait se présenter à lui comme un auxiliaire2.
La A cette époque, la garnison du Kef, considérablement ren-
colonne mobile
duKef forcée par des troupes venues d'Algérie', avait déjà commencé
prenll. l'offen-
sive. ses opérations
14 octobre.

1. Le khanguet-el-Gueddim fut donc complètement libre du 10 au 18 octobre,


c'est-à-dire depuis le départ des insurgés de Salah-ben-Hamouda vers l'est, pour
rallier Ali ben Ammar à la Ghorfa, jusqu'au retour de celui-ci vers l'ouest avec
sa nouvelle armée.
2. Voir 1, annexe n° LVII, p. 269.
3. Un bataillon du 2e régiment d'infanterie de ligne, deux compagnies du 3e ré-
giment de tirailleurs algériens et 150 goumiers de Souk-Ahras arrivèrent au Kef,
le 13 octobre, venant de Sidi-Youcef.
Le colonel de la Roque alla avec 3 compagnies et deux pièces de 80 du Kef
au-devant de cette colonne de renfort, qui amenait avec elle un convoi de 35.000
rations; la jonction des deux colonnes eut lieu sur l'oued-Mellègue supérieur et
l'ensemble des troupes arriva au Kef le 13.
(Ces troupes de renfort, arrivées le 13 octobre au Kef, rentrèrent en Algérie
quand le colonel de la Roque fut revenu au Kef, ses opérations contre les Ouartan
terminées, le il décembre.)
4. Le général Saussier avait ordonné au colonel.de la Roque (par le meme leic-
Le 14 octobre, à 4 heures du matin, le colonel de la Roque
se porte vers le khanguet-el-Gueddim1avec une colonne légère
de 14 compagnies (4 çestant au Kef), deux pièces de 80 attelées,
un fort escadron et le goum de Souk-Ahras; les troupes ne
portent que deux jours de vivres et n'ont pas de convoi.
L'entrée occidentale du défilé n'est pas défendue; ]a colonne
campe et les cavaliers explorent le khanguet-el-Gueddimjus-
qu'à l'oued Tessaâ; le défilé est complètement libre2.
Sur la rive droite de l'oued Tessaâ, ils voient de forts con-
tingents dissidents3; un camp indigène est signalé sur le
Bahara, à 12 kilomètres au nord4.
Le 15 au matin, le camp du Gueddim est levé. Tandis que
la colonne se dirige directement sur Nebeur par la vallée du
Mrassen, le colonel de la Roque monte avec quatre compa-
gnies, un escadron et deux pièces sur le plateau de Bahara,
qu'il trouve entièrement évacué5par les contingents de Salah
ben Hamouda qui l'avaient occupé pendant un mois, reliant

gramme, en date du Õ octobre, qui lui annonçait l'envoi de troupes et de rations)


de constituer, dès qu'il aurait reçu les renforts, une colonne qui aurait pour
mission de ne laisser aucun rassemblement d'insurgés entre le Kef, Teboursouk
et la ligne du chemin de fer, et lui avait recommandé la plus grande rigueur dans
la répression.
1. Le colonel de la Roque aurait donc dû marcher immédiatement sur Tebour-
souk, ainsi que le prescrivaient les directives données par le général en chef du
19° corps et des ordres précis et fréquemment répétés du général Logerot, com-

;
Mais il voulait auparavant
évacué)
:
mandant la division d'occupation de Tunisie.
;
1° faire évacuer le khanguet-el-Gueddim (il était
2° balayer le plateau de Bahara (il le trouvera vide d'insurgés) 3° châ-
tier Nebeur (il tenait sous les verroux, au Kef, depuis le 11 octobre, le cheikh et le
chef des soldats) et faire rentrer cette bourgade dans le devoir.
Et il fit son opération.
2. Voir plus haut note 1, p. 274.
3. Ce sont des contingents d'Ali ben Ammar; ils se montrent sur des pitons
-
inaccessibles. -
4. Dans cette première journée, le goum de Souk-Ahras a très bien marché;
aussi, profitant de ce goum qu'il a retenu un jour tout exprès pour cette première
opération, le colonel de la Roque « travaille consciencieusement; il brûle tout sur
son passage et fait une petite prise de 70 bœufs qui sont donnés, sous le burnous,
au goum de Souk-Ahras pour l'encourager ».
5. Les dissidents n'ont pu emporter leurs biens. Aussi le commandant de la
petite colonne fait-il, en passant sur le Bahara, piller ou détruire par les Charen
soumis, maisons, récoltes et biens.
Nebeur au Gueddim et coupant complètement la route de
Souk-el-Arba au Kef; il le traverse dans toute sa longueur,
parallèlement à la colonne, et arrive à Nebeur sans avoir
éprouvé de résistance1
Il y établit son camp, fait fusiller les cheikhs et le chef des
soldats'qui avaient appelé les dissidents, préparé la surprise
du 2 octobre contre la colonne Gerboin et coupé pendant un
mois les communications entre Le Kef et Souk-el-Arba, dés-
arme la population et prend des otages.
Les communications entre Le Kef et Souk-el-Arba ainsi ré-
tablies, le colonel de la Roque organise un relais de poste à
Nebeur, puis le 16 octobre, à midi, il quitte ce village, emme-
nant avec lui tous les moyens de transport qu'il y a trouvés,
et rentre au Kef3.
Le 19 octobre (2 jours après le combat du koudiat-Remila
chez les Fraichich), le colonel de la Roque quitte Le Kef à la
tête d'une colonne de 14 compagnies, 100 chevaux du 13echas-

1. L'artillerie de la colonne du plateau tire, dans la matinée du 15 octobre, vers


8 heures, deux obus à 3.000 mètres, sur une queue d'émigration qui cherchait
refuge vers l'est dans des gorges inaccessibles.
2. Le cheikh actuel, l'ancien cheikh et le chef des soldats. (Le cheikh et le chef
des soldats étaient venus au Kef le 11 octobre; ils avaient aussitôt été arrêtés :
ils furent donc reconduits à Nebeur pour y être fusillés le 15 ?i
3. Dès qu'il est de retour au Kef, son expédition faite, le colonel de la Roque
en explique le plan et le but, démontrant l'impossibilité où il se trouvait de mar-
cher directement sur Teboursouk en laissant sur son flanc gauche le Bahara et
Nebeur aux mains de l'insurrection, et la nécessilé de rentrer au Kef, ses deux
jours de vivres épuisés.
Or, nous avons vu que le Bahara était évacué et que Nebeur était prêta rentrer
dans le devoir (le cheikh et ls chef des soldats étaient venus au Kef dès le 11 oc-
tobre, envoyés par la population, et le commandant de la place les avait fait
immédiatement arrêter).
Dans ces conditions et trouvant le khangueL-el-Gueddim évacué (la sortie orien-
tale du défilé était même inoccupée, les premiers postes d'Ali ben Ammar étaient
sur la rive droite de la Tessaâ), le colonel de la Roque aurait pu brusquer le
mouvement vers l'est qui lui était ordonné et qui débutait si facilement.
Il semble que le colonel dela Roque ait trouvé précisément cette opération trop
facile et qu'il ait voulu laisser le temps à Ali ben Ammar de réunir des combat-
tants et de les amener dans le khanguet-el-Gueddim, afin d'avoir une affaire,
quelques jours plus tard, à l'attaque de ce point de passage.
Bien que la deuxième colonne, partie le 19 du Kef, s'avançât doucement, nous
verrons qu'elle ne put avoir d'engagement sensationnel à l'attaque du défilé.
seurs et 3 ;
pièces de 80 attelées cette fois il se dirige, mais
doucement, sur Teboursouk, et emmène avec lui un goum de
125 hommes (des Charen, des Oulad-bou-Ghanemetdesdouars
des environs du Kef et de Nebeur), sur lesquels il ne compte
en aucune façon.
Il est suivi d'un convoi porté surtout sur chameaux.
Il atteignit, vers le soir même, sans être attaqué, l'entrée
occidentale du khanguet-el-Gueddim et campa.
Le lendemain 20, la colonne se met en mouvement à 7 h. 30,
laissant le convoi parqué au camp; elle franchit le défilé,
inquiétée seulement par quelques Oulad-sidi-Younèset Oulad-
bou-Beker que l'artillerie délogea facilement; elle attend à la
sortie Est que son convoi l'ait rejointe et le soir elle campe sur
les bords de la Tessaâ, à cheval sur la route de Tunis; Ali ben
Ammar s'était replié avec ses contingents vers Bordj-Mes-
saoudi.
Le 21, la colonne de la Roque se porte sur le djebel-Gha-
zouan, au nord de Bordj-Messaoudi. Quand, son convoi enca-
dré, elle débouche dans la plaine, elle est attaquée, à deux
reprises, sur son flanc droit, par une cavalerie nombreuse et
entreprenante qu'elle disperse par le feu de ses 3 pièces de
80 mm, qui lui fait subir des pertes sensiblescA). Le soir, elle
installe son bivouac à Henchir-Béji, au nord du bordj.

A.Le môme jour, 21 octobre, à 5 h. 45 du matin, une reconnaissance partait Reconnaissance


de Souk-el-Arba dans la direction de Bordj-Mcssaoudi. defusiliers
montés.
Elle était commandée par le lieutenant Vincent, du service des renseignements.
et se composait d'un goum de cent cavaliers des Djendouba et de trente fusiliers
de la 1" compagnie de discipline (sous-lieutenant Delater commandant la sectionj
montés sur des chevaux et mulets de réquisition.
Vers 10 h. 15, la reconnaissance arrivait sur la rive gauche de l'oued Tessaà
(ayant parcouru 30 kilomètres environ dans un terrain accidenté en quatre heures
et demie); le lieutenant, voulant reposer un peu hommes et animaux, ordonna
une halte gardée et fit faire le café. Vers midi 30, il allait faire remonter à
cheval pour parcourir les quatre heures et demie de chemin qui lui restaient à
faire pour atteindre Bordj-Messaoudi, quand il entendit des coups de feu près
d'un gros douar situé en plaine sur la rive droite de l'oued Tessaà, à 3 kilomètres
de la halte; c'était des goumiers battant les environs pendant la halte gardée qui
étaient attaqués.

:
Le lieutenant Vincent se porta aussitôt dans cette direction à la tête de 40gou-
miers; il reconnut la position c'était un douar de 15 à 18 gros gourbis, entourés
de fortes haies de cactus, adossés à une colline très raide. Il envoya l'ordre au
Les insurgés, après cet engagement du 21 octobre, où ils
eurent 200 morts, dont un grand nombre d'abandonnés, se
retirèrent vers la Ghorfa et le Sers 1.
Le 22 octobre, la colonne de la Roque se mit à la poursuite
des dissidents en fuite, les atteignit près du djebel-bou-
Kohil, au sud de la route de Tunis et de Bordj-Messaoudi, les
attaqua vigoureusement et les mit en déroute; puis elle revint
à Bordj-Messaoudi2.
Ali ben Ammar n'avait pas assisté à ces deux derniers en-
gagements; il était allé à la Ghorfa afin de surveiller la marche
du général d'Aubigny 3 qui venait d'arriver à Teboursouk pour
rallier les troupes du colonel Ménessier de la Lance, et qui
devait ensuite se diriger vers la colonne de la Roque a.

sous-lieutenant Delater .de. venir le. soutenir avec sa section de fusiliers en se gar-
dant sur ses flancs avec les 60 goumiers qu'il lui avait laissés.
Cet officier arriva au galop avec ses trente fusiliers, leur fit mettre pied à terre
et commença aussitôt un feu bien ajusté qui abattit 3 rebelles (les défenseurs
étaient environ 80). Le lieutenant Vincent pénétra dans le douar avec ses 40 ca-
valiers et les insurgés prirent la fuite et disparurent dans les rochers, poursuivis
par le feu des fusiliers qui abattirent encore quelques-uns des fuyards. (La section
tira en tout 45 cartouches.)
L'action avait duré une heure. Il était près de 2 heures quand la razzia et
l'incendie des gourbis furent terminés. Comme le lieutenant avait reçu l'ordre de
rentrer à Souk-el-Arba et qu'il n'aurait pu atteindre Bordj-Messaoudi qu'après la
nuit close, dans un terrain inconnu et montagneux, il fit reprendre le chemin
de la gare de Souk-el-Arba où la reconnaissance arriva à 7 heures du soir, après
avoir parcouru environ 66 kilomètres.
1. Le soir de l'engagement du 21, le colonel de la Roque demandait encore
instamment à ne pas marcher sur Teboursouk, estimant que ce mouvement n'était
pas indispensable, mais à être autorisé à aller vers le Sers poursuivre l'ennemi.
Cette demande était bien rationnelle; il fallait poursuivre l'ennemi pour le
détruire complètement, ou tout au moins le suivre d'assez près pour le retarder
et le tenir en échec dans la Gada, afin de donner le temps à d'autres colonnes de
converger vers cet objectif tactique et de l'envelopper.
Mais l'ordre qu'avait donné le général Logerot était formel
Teboursouk.
: se diriger sur

2. Le 22, la plus grande partie des contingents d'infanterie dissidents avaient


été rejetés au nord de la route de Tunis, cherchant à abriter leurs douars et
leurs troupeaux en des points inaccessibles, et les campements d'Ali ben Ammar
avaient quitté le Ghorfa. Dans ces conditions, le colonel de la Roque demandait,
cette fois, à rester quelques jours à Bordj-Messaoudi et avouait ne pouvoir avoir
la prétention de poursuivre Ali ben Ammar avec des troupes fatiguées par trois
jours d'opérations et de combats.
3. Voir plus loin, p. 280.
a. De même, le général d'Aubignyla[recevait du général Japy des ordres inces*
sants et impératifs de se porter vers colonne de la Roque.
On apprit à la fois dans la région du Kef la défaite des con-
tingents d'Ali ben Ammar et le succès remporté par la colonne
Forgemol au koudiat-Remila.
Le parti de l'opposition se désagrège. Toutes lestribusde
l'Ounifa se mettent aussitôt en devoir de réunirdes goums
pour les envoyer au colonel de la Roque. Elles avaient hâte de
se venger de la crainte que leur avaient causée les. dissidents
et de faire oublier par leur ardeur à nous servir maintenant le
peu de sympathie qu'elles avaient montrée jusqu'alors pour
notre cause; elles devinaient surtout que l'heure du pillage
était arrivée.
Les Gouazine, les Touaba et les quelques Ouartan qui avaient
fait le coup de feu contre nous à B&dj-Messaoudi rentrent
chez eux; les Beni-Rezg accompagnèrent encore Ali ben
Ammar jusqu'au Sers; mais, arrivés chez eux; ils l'abandon-
nèrent en apprenant que la colonne Forgemol s'avançait vers
la Rouhia.
Le 23 octobre 1, il ne restait plus au caïd chortia des Oulad-

Le but du général Logerot (alors qu'il commandait la division d'occupation de


la Tunisie) puis du général Japy (après sa prise de possession du commandement
de la région nord de la régence) fut constamment et uniquement de couvrir le
chemin de fer.
C'était vraisemblablement pour satisfaire l'opinion publique. (Il est à remarquer
que, dans la plupart des expéditions coloniales, il arrive un moment où, pour
donner satisfaction à l'opinion, le commandement est obligé de poursuivre ins-
tamment un but que les intérêts militaires, s'ils étaient seuls considérés, feraient
négliger ou tout au moins reléguer au second plan. Mais qui, du gros public,
connaissait Ali ben Ammar et son activité? Tout le monde en France, au con-
traire, pouvait avoir entendu parler de la ligne de chemin de fer de la frontière
algérienne à Tunis. La dégager et la rendre à la circulation était donc de bonne
politique.)
Pour atteindre ce but, on ordonna la réunion à Bordj-Messaoudi des colonnes
de la Roque et d'Aubigny, au lieu de s'attacher à Ali ben Ammar, et on perdit
le contact.
1. Le 23 octobre, pendant qu'Ali ben Ammar, suivi des quelques cavaliers
fidèles qui lui restaient, se dirigeait franchement vers le sud, le colonel de la
Roque était persuadé qu'il s'était dirigé dans la direction sud-est vers la Silianah
pour tenter, en descendant cette rivière, ce qu'il avait essayé par la vallée de
l'oued Tessaâ, l'invasion dela vallée de la Medjerdah; il espérait même que le
chef indigène viendrait se mettre entre sa colonne et celle du général d'Aubigny,
alors à Ain-Hcdja, et se promettait de profiter de l'occasion pour le prendre entre
deux feux!
Il était également persuadé que la journée du 22 avait été décisive et que l'en-
Ayar que 300 cavaliers avec lesquels il alla rejoindre les
Hammema qui cherchaient à contrarier la marche de la
colonne de Tébessa.
.On sait 1 qu'il trouva les Hammema en retraite sur le
koudiat-el-Halfa, après l'échec de Sbiba, et qu'il reprit le che-
min de la Kessera, après avoir assisté à un nouveau succès
remporté par la colonne de Tébessa.
La colonne Le général d'Aubigny, nommé au commandement de la
de
Testour. subdivision territoriale de Testour2 (Medjez-el-Bab, Testour,
Teboursouk, Le Kef et le chemin de fer entre Medjez-el-Bab et
le centième kilomètre), était arrivé le 18 octobre à Testour, où
le colonel Ménessier deila Lance 3lui avait remis le comman-
dement du camp de Testour4.
Le 22 octobre, une colonne légère formée sur l'ordre du
5

nemi, « coupé en deux par la route de Tunis », était à sa merci!! Il lui suffirait
avec sa colonne de prendre par le sud le plateau du Sers, la Ghorfa et le revers
:
des montagnes qui bordent la route pour rejeter les dissidents sur le général
d'Aubigny, qui les achèverait du même coup il reconnaîtrait les abords et les
'positions « formidables » du plateau central des Oulad-Ayar.

:
Nous verrons plus loin (note 4, p. 298) que l'attaque de ces positions formidables
coûta un homme aux trois colonnes un goumier qui, voulant violenter une
femme, fut tué dans une maison de Dar-el-Caid.
1. Voir annexe n° LVII, p. 270.
2. Nommé le 14 octobre. (Voir annexes n°. LI, LU et LUI.)
3. Du 11e régiment de hussards.
4. Le camp de Testour était situé à 800 mètres à l'ouest de Testour, entre la
Medjerdah à 1 kilomètre au nord, la ceinture des hauteurs de la Silianah à 2 ki-
lomètres à l'ouest, des hauteurs à 1.200 mètres au sud et le village de Testour
à l'est.
Se trouvaient au camp de Testour, le 18 octobre
un bataillon du 8e de ligne.
une
:
Intanterie
Intanterle
i
— 20e—
73e
compagnie du 808
-
r1erie
Cavalerie.
A l'Il
une

sept pelotons du 11e de hussards.
batterie de montagne;
une section de campagne.
:
5. Colonne légère, général d'AUBIGNY; capitaine Oudard, chef d'état-major
;;
Bataillon du 8e d'infanterie
Bataillon du 20e d'infanterie
Une compagnie du 80e ;
6 pelotons du 11e hussards;
1 section d'artillerie de campagne;
2 sections d'artillerie de montagne.
général Japy se porte vers Bordj-Messaoudi pour appuyer le
colonel de la Roque'.
Elle campe le 22 à Teboursouk (étape de 26 kilom.) le 23 elle
campe à Sidi-Rharsallah 2à 3 kilomètres au nord-est d'Abder-
;
Rebbou, après avoir fait une grand'halte au bordj d'Aïn-Hedja.
L'étape de ce jour fut de 20 kilomètres 3.
Le 24 octobre, la colonne d'Aubigny opère sa jonction avec Jonction
des colonnes
la colonne de la Roque4, du Kef
et de Testour
La route de Tunis était rouverte. (24 octobre)
et
Les douars réfugiés au nord de cette route, dans le djebel- opérations
autour
Ghazouan, sont affolés; leur décomposition est complète; ils de
Bordj-Messaoudi

;
ne feront plus de résistance nulle part. Les gens fuient, aban-
donnant tentes et troupeaux aussi les goums vont-ils se lancer
sur eux.
Quant àAli ben Ammar, comme il n'a pas attaqué la colonne

1. Nous avons vu plus haut que le général Japy (après le général Logerot) ne
cherchait d'autre but à ces opérations combinées que la protection de la voie
ferrée.
Les communications par chemin de fer venaient d'être rétablies entièrement
et chaque matin un train partait de Tunis et de Ghardimaou pour arriver le soir
à l'extrémité de la ligne. Le télégraphe avait été rétabli le 21 vers l'oued Zergua
et fonctionnait le 22 octobre. Le général Japy voulait fermer aux dissidents la
zone entre le Kef et Tcstour pour les empêcher de chercher à couper encore
une fois le chemin de fer. (Voir plus loin, p. 311.)
2. Ce bivouac prit le nom de bivouac d'Abdcr-Rebbou.
3. Cette marche du23 fut fort pénible; la colonne marcha dix heures et demie
sans trouver d'eau,- les sources avaient été bouchées.
Le général d'Aubigny, d'après les renseignements envoyés par le colonel dela

;
Roque, croyait être attaqué, pendant cette marche, sur son flanc gauche et ses
derrières Ali ben Ammar, au contraire, s'éloignait vers le sud.
(Les dépêches envoyées par le colonel de la Roque au général d'Aubigny étaient
écrites sur de petits bouts de papier enroulés sur des fétus de paille et portés
par des cavaliers arabes.)
4. Comme le colonel de la Roque a à peine de l'eau pour sa colonne a Bordj-Mes-
saoudi, la colonne d'Aubigny s'arrête à Ain-Guersa et s'y installe le 24 au matin,

Les camps sont donc-établis le 24 octobre de la façon suivante:


ayant fait une étape rendue fort pénible par suite d'une pluie torrentielle.
Le camp de la colonne d'Aubigny sur la hauteur d'Henchir-el-Alamia (Ain-
Guersa) ;
Le camp de la colonne de la Roque à Henchir-Béji (3 kilom. au sud-ouest);
Les deux compagnies de tirailleurs algériens du colonel de la Roque sont in-
stallées sur la montagne au nord, le djebel-Ghazouan, surveillant de cet observa-
toire toute la plaine.
d'Aubigny, on commence à supposer qu'il s'est replié dans le
sud.1
Aussi le général d'Aubigny s'occupe-t-il d'abord des tribus
au nord. Les camps des colonnes principales restant dressés à
Aïn-Guersa et à l'henchir Béji, des colonnes légères combinées
opèrent tous les jours dans les environs deBordj-Messaoudi,
faisant dans les premières journées des razzias assez considé-
rables2
Les razzias des goums enlevant les troupeaux, vidant les
silos et saccageant les douars, même dans les tribus restées
fidèles, provoquèrent immédiatement les demandes d'aman de
toutes les tribus au nord de la route de Tunis3.
Mais au sud de la route de Tunis, les tribus ne faisaient
aucune offre de soumission. -
Ali ben Ammar4 était revenu dans la hamada des Oulad-
Ayar le 27 octobre5; il avait aussitôt convoqué ses anciens

1. Ali ben Ammar est au koudiat-el-Halfa. (Voir annexe LVII, p. 270.)


Comme le lieutenant-colonel de Puymorin est arrivé au camp de Testour, le 23,
avec les bataillons du 84e et du 128e, le général d'Aubigny donne l'ordre au ba-
taillon du 73e, qu'il avait d'abord laissé à la garde du camp de Testour, de venir
le rejoindre à AIn-Guersa.
Le même jour 24, la compagnie du 80e et la section d'artillerie de campagne
venues avec le général d'Aubigny passent au camp de la colonne de la Roque dont
elles font normalement partie.

; :
2. Pendant ces opérations les goumiers de la colonne de la Roque razzient les
goumiers du général d'Aubigny ils vont aussi razzier les Djendouba restés fidèles.
Ces faits s'expliquent naturellement une partie des goumiers étaient des ban-
dits etdes pillards qui avaient fait d'abord partie des bandes dissidentes et qui,
voyant plus tard la fortune se tourner de notre côté, étaient venus s'enrôler dans
nos colonnes.
C'est ainsi qu'un certain nombre de goumiers attachés à la colonne d'Aubigny
étaient notoirement connus comme ayant pris part au massacre de l'oued Zergua;
ils étaient cependant, quoique surveillés, conservés dans ce goum.
3. Pendant ce temps le général Philebert, prenant El-Oukanda comme base,fai.
sait une petite opération de trois jours (du 24 au 27 octobre. Voir annexe n° LVI,
p. 263).
4. Après le combat du 25 octobre au koudiat-el-Halfa. (Voir annexe n° LVII,
p.272.)
elle ne trouva personne ni dans ce massif, ni dans la plaine du Ghorfa ;
5. Le 28, la colonne du Kef opéra dans la partie occidental du djebel-bou-Kohil;
elle
brûla les habitations et les récoltes de quelques fractions insurgées des Drid qui
avaient appelé Ali ben Ammar.
Elle apprit que ce dernier venait d'arriver à EI-Guelia, près de la hamada,
partisans à une halga, espérant encore rallumer leur enthou-
siasme.
La réunion eut lieu le 29 octobre; Ali ben Ammar s'y pré-
senta, dit-on, couvert d'un sac, et, dans un discours fanatique,
supplia ses compatriotes de ne pas le laisser continuer seul la
guerre sainte.
Il put encore réunir quelques combattants.
Le 27 octobre, le généralJapy avait prescrit, partélégramme,
au colonel de la Roque de marcher vers le sud, mais sans
dépasser le Sers et sans s'engager dans la hamada des Oulad-
Ayar, et au général d'Aubigny de remonter lentement vers
Testour avec sa colonne1.
Pendant que le colonel de la Roque fait continuer ses razzias La colonne
du
au sud de Bordj-Messaoudi2 , le général d'Aubigny prépare son général
d'Aubigny
mouvement de retour3 retourne àTes-'
tour.
Dès le 1er novembre, au matin, il a envoyé une première
avant-garde de deux compagnies du 20e, la section du génie et
un peloton de hussards pour améliorer les sources et les pas-
sages difficiles sur la route de Testour.
Le 2 novembre, à midi, il fait partir un deuxième détache-

ayant avec lui environ 300 fusils, et que son frère avait, dans la journée du 27,
fait appel aux armes sur le marché des Oulad-Ayar et le 28, sur le marché d'El-
Ksour.
1. Le 1" novembre, le général de division fit connaître de nouveau qu'il fallait
attendre, pour commencer l'expédition sur la hamada des Oulad-Ayar, que la co-
lonne Forgemol fût en état d'y prendre part. Le général d'Aubigny devait, pour
le moment, se borner à prendre ses dispositions pour cette opération combinée et
à étudier les itinéraires en vue de ce mouvement.
2. A la suite de ces razzias, des fractions de Drid viennent successivement se
présenter pour faire leur soumission; le général d'Aubigny leur donne rendez-
vous, pour le 6 novembre, à Ain-Hedja.
3. Le 28 octobre, le bataillon du 73" (parti de Testour le 26) avait rejoint le gé-
néral d'Aubigny, apportant deux jours de vivres.
Le 29 octobre était arrivé à Bordj-Messaoudi le lieutenant-colonel de Puymorin
avec le bataillon du 128e (partis de Testour le 27 octobre escortant un convoi de
vivres de cinq jours destiné au colonel de la Roque).
Le lieutenant-colonel et le bataillon du 1283 avaient été immédiatement camper
près de la colonne de la Roque, à laquelle ils étaient attachés.
Le bataillon du 848 est resté à Testour où va être établi un dépôt d'approvision-
nement en vivres (fours roulants), ambulance et munitions pour deux mois pour
un effectif de 4.000 hommes.
ment commandé par le lieutenant-colonel Debord et compre-
nant les deux autres compagnies du 20e, un peloton de hussards
et une section d'artillerie; ce détachement rejoindra la pre-
mière avant-garde à Abder-Rebbou, puis le groupe réuni sous
les ordres du lieutenant-colonel Debord se rendra le 3 à Aïn-
Hedja où il attendra la colonne principale qui doit y arriver
le 4.
Le 3 novembre, à heures du matin, le général d'Aubigny,
7

avec les bataillons du 8e et du 73e, un escadron de hussards,


une section d'artillerie, le train et le convoi, quitte Aïn-Guersa,
et le 4 novembre il campe à Aïn-Hedja1.
Dès que le camp français est installé à Aïn-Hedja2, les tribus
qui doivent faire leur soumission commencent à arriver; elles
dressent leurs tentes au nord-est et en dehors des grand'gardes.
Le 5 novembre, à 2 heures du soir, arrive au camp d'Aïn-
Hedja lecapitaine O'Connor de l'état-major-de ladivision3 Cet
officier est porteur des instructions du général de division
pour une marche prochaine dans le sud vers la hamada des
Oulad-Ayar4.
L'attaque
de la hamada
des
Oulad-Ayar
est
décidée.
la hamada :
Leprojet est de faire concourir trois colonnes à l'attaque de
une colonne (général Forgemol) partant de Kai-

1. Le 3 novembre, le général d'Aubigny vint camper avec sa colonne à Abder-


Rebbou (ou plus exactement à Aln-Kharsallah, qui avait été aménagée la veille
par la section du génie).
Pendant ce temps, le détachement du lieutenant-colonel Debord, qui précédait
la colonne d'une marche, arrangeait le gué de l'oued Remel et les sources d'Ain-
Hedja.
2. Quatre sources abondantes aménagées par le génie.
Le général d'Aubigny reste à Ain-Hedja du 4 novembre au 10 novembre au
matin.
Le 5 novembre, l'état sanitaire de la colonne devient subitement mauvais. La
colonne qui a environ 1.600 hommes à l'effectif, compte, le 5 novembre, 132 mala-
des; on établit une ambulance dans le Bordj. (Testour envoie un peu de quinine;
mais il est impossible d'avoir du thé; il faut en demander à la Manouba.)
3. Le capitaine O'Connor arrive de la Manouba avec un peloton du 11e hussards
qui l'escorte depuis Testour.
4. Le 4 novembre, le général d'Aubigny avait reçu une lettre du 3 novembre du
généralPhilebert.
Le général Philebertlui annonçait qu'il avait quitté EI-Oukanda le 31 octobre
pour se porter sur Sidi-Abd-el-Melek où il était arrivé le 3 novembre, recevant
sur son passage la soumission d'une partie des Trabelsi, des Oulad-Riah, des Ou-
rouan l'aborderait par le sud pendant que les colonnes de la
brigade d'Aubigny l'aborderaient par le Sers et la Silianah'
(Aussitôt des itinéraires du cours de la Silianah sont dressés
par renseignements demandés aux otages.)
Le 6 novembre, les tribus qui étaient arrivées à Aïn-Hedja, Soumission
des Drid.
pour demander l'aman, l'avant-veille et la veille, avec tentes,
femmes, enfants et troupeaux, envoyèrent leurs chefs au camp
français. Ils représentaient320 tentes, la plus grande partie des
Oulad-Djouin. Le général d'Aubigny2leur imposa les condi-
tions suivantes de soumission prescrites par le général de di-
vision :Contribution de
1° guerre de 120 fr. par tente (payement en
argent ou en nature, bœufs, moutons, etc. immédiat ou le 15
novembre à Testour);
2° Livraison des hommes qui avaient pris part au massacre
de l'oued- Zergua et des anciens spahis algériens déser-
teurs ;

lad-Aoun, et les offres de soumission des Oulad-Ayar qu'il renvoyait à Tebour-


souk. (Voir annexe n° LVI, p. 264, note 3.)
Il ajoutait qu'il reprendrait, le 4 novembre, le chemin d'El-Oukanda par Sidi-
Naoui et Sidi-Abd-el-Krim.
1. Remarquons dès maintenant que le général d'Aubigny (commandant des
troupes et du territoire de Testour dont dépend la place du Kef et par suite la
colonne du colonel de la Roque) est sous les ordres du général de division Japy,
commandant la région nord ;
Que le général Philebert, commandant la 6e brigade, reçoit ses ordres du géné-
ral de division Logerot, commandant la région sud,
Et que le général Forgemol dépend directement du général en chef Saussier.
2. Ali Bey continuait encore, depuis son camp de Zaghouan, l'envoi de recom-
mandations importunes concernant des indigènes; ces nombreuses recommanda-
tions étaient transmises directement au général d'Aubigny par le colonel Noellat
en mission auprès du bey du camp. (Voir annexe n° LVI, p. 253.)
L'audace d'Ali Bey allait jusqu'à recommander des indigènes dont l'autorité mi.
litaire française avait acquis la preuve de la participation à l'insurrection et au
massacre de l'oued-Zergua. Le porteur d'une de ces missives recommandant qua-
torze chefs de tentes des Drid, Hassan ben el Hadj Mohamed, était même notoi-
rement connu comme un caïd chortia investi par Ali ben Ammar au début de
l'insurrection.
Le général d'Aubigny le fit retenir et dut écrire au colonel Noellat (29 octobre,
Ain-Guersa) pour l'inviter à lui faire parvenir dorénavant de semblables recom-
mandations signées d'Ali Bey lui-même et en les faisant passer par le général
de division.
3° Livraison des armes rayées, d'otages, de mulets, de cha-
meaux et de moyens de transport;
4° Formation d'un goum.
5° Obligation de rentrer immédiatement dans leurs campe-
ments, le Gaâfour, et d'envoyer les troupeaux dans la plaine
d'Aïn-Hedja.
Comme garantie, les Drid durent fournir quatre otages et don-
ner un goum de 50 cavaliers (dont 20 le 7 novembre et 30 le 10
novembre) commandés par cinq jeunes gens de grande tente.
Les 7 et 8 novembre, le général d'Aubigny envoie des recon-
naissances dans les environs du camp d'Aïn-Hedja1
Le lendemain 9, le bataillon du 8e et un peloton de cavalerie
escortant les malades et le convoi, quittent Aïn-Hedja pour
rentrer à Testour.
Ce même jour, 9 novembre, le général d'Aubigny reçut à
9 h. 30 du matin un télégramme du général Japy lui faisant
connaître que le général Philebert avait reçu l'ordre de se
trouver le 16 à Bordj-Sidi-Abd-el-Melek; mais il ne recevait
aucun ordre pour lui-même et le commandement ne parlait
plus de l'attaque par le sud, par la colonne Forgemol.
A 3 heures du soir, il reçut une lettre du général Philebert
datée du 8, El-Oukanda, l'informant aussi de son arrivée à
Bordj-Sidi-Abd-el-Melek le
162.
Aussitôt le général d'Aubigny télégraphia au général Japy
pour lui rendre compte de la réception de ces avis, lui faire
connaître qu'il rentrerait le 10 à Testour, en repartirait le 12 et
pourrait être le 15 à Sidi-Djaber, et lui demander ses ordres
pour coopérer au mouvement d'ensemble contre les Oulad-
Ayar.

1. Le 8 au soir le général d'Aubigny adresse au général Japy l'itinéraire établi


par renseignements (1 tableau et 1 croquis) qui lui avait été demandé.
L'état sanitaire des hommes de la colonne est, nous le savons, peu satisfaisant;
les chevaux commencent à être dépourvus de fers et il n'y a pas de forge de
campagne à la colonne.
2. Le général Philebert avait trouvé, à sa rentrée, le 7 novembre, à EI-Oukanda,
des lettres du général de division Logerot lui prescrivant de porter le plus vite
possible la 6e brigade tout entière vers le djebel-Belota.
Puis il écrivait au général Philebert pour lui demander de
lui faire part de ses projets et au colonel de la Roque pour lui
dire d'attendre pour prononcer son mouvement afin que les
trois colonnes pussent arriver ensemble1.
Le 10 novembre, les troupes du général d'Aubigny quittent
le camp d'Aïn-Hedja en deux colonnes :
La première colonne [deux bataillons (20e et 73e), un pelo-
ton de cavalerie, l'artillerie, tous les bagages sans exception],
sous les ordres du lieutenant-colonel Debord, quitte le camp
à 7 heures, prend la route directe de Tunis (sud-est de Tebour-
souk) et arrive à Testour à 4 heures du soir.
La deuxième colonne (le général et son état-major, le colonel
et le premier escadron du 11e hussards) quitte Aïn-Hedja à
7 h. 15, pique droit vers le sud-est pour reconnaître la route de
la Silianah vers Testour; elle arrive à Testour à 6 h. 30 du soir.
Aussitôt rentré à Testour2, le général d'Aubigny télégra-

1. Le colonel de la Roque cherche à gagner à la main.

;
Il a reçu cependant l'ordre du général d'Aubigny de rester entre le Ghorfa et
le Sers où il se trouvait le 8 novembre mais à ce moment déjà le colonel de la
Roque a obtenu du général de division Japy toute liberté d'action et ce ne
sera que le 11 au soir que le général d'Aubigny sera avisé de cette liberté de ma-
nœuvres donnée à son srbordonné. (Voir plus loin, note 1, p. 288.)
Ainsi, le 9 novembre, le général d'Aubigny apprend que le général Philebert a
reçu l'ordre de coopérer au mouvement combiné, mais il attend des ordres de
son général de division pour l'exécution de ce mouvement et il est obligé d'é-
crire à son camarade pour lui demander connaissance de ses projets; il est en
relations avec son lieutenant, le colonel de la Roque, mais, quand même celui-ci
n'aurait pas reçu directement du général de division sa liberté de manœuvres il
ne pourrait s'entendre avec lui sur les positions à occuper, les noms que lui cite
son subordonné ne se trouvant sur aucune carte.

:
Au moment donc où se prépare une marche concentrique de trois colonnes il

;
n'y a pas de plan d'ensemble établi un des généraux de brigade reçoit des or-
dres de son général de division qui est à Kairouan l'autre brigadier attend des
ordres de son divisionnaire qui est à Tunis (il ne les recevra pas d'ailleurs et il
partira sans les avoir reçus).
Quant au chef de la troisième colonne qui dépend du général de brigade com-
mandant la deuxième, il reçoit directement du général de division et au mo-
ment même du commencement des opérations, sa liberté d'action sans que son
chef direct en soil prévenu.
Nous verrons par la suite les résultats d'une opération débutant de cette façon.
2. Le général d'Aubigny, en descendant la Silianah avait pu reconnaître que la

:
ligne de marche que suivrait sa colonne serait très difficilc.
(Nous ne donnerons pas tous les noms de détail il serait fort difficile d'ailleurs
phia au général Japy pour lui demander des ordres; il lui
écrivit le lendemain, 11 novembre, pour lui rendre compte
de sa reconnaissance, et fit partir de Testour, à 9 heures du
matin, sa section du génie et une compagnie d'infanterie pour
préparer le passage de la colonne qu'il devait mettre en route
le 12 (principalement rocs à faire sauter au col du djebel
Lassioud et gués à aménager; travaux dont il avait reconnu la
nécessité). Puis, dans la soirée, tout étant prêt pour le départ,
et n'ayant reçu encore aucun ordre, il rendit compte par télé-
gramme qu'il partirait néanmoins vers le sud le lendemain 121.
Opérations du Pendant que le général d'Aubigny rentrait a Testour, le colo-
colonel
la
de Roque nel de la Roque avait poursuivi ses opérations en s'appuyant
autour deBordj-
Messaoudi,
après sur Bordj-Messaoudi.
le départ
delacolonne Le 2 novembre, au matin, il avait quitté son camp avec six
de Testour.
compagnies d'infanterie et son goum pour se porter sur
l'oued-Tessaâ, à 10 kilomètres au nord, à El-Biadha, où il
avait donné rendez-vous à trois petites tribus faisant partie
du sandjak du Kef et qui s'étaient refugiées là.
Il était revenu le 4 novembre à Bordj-Messaoudi, ayant été
jusqu'à Guécla, sans rien trouver; les gens qui lui avaient
donné rendez-vous avaient été rejoindre Ali ben Ammar à
Ellez.

de les retrouver sur la carte actuelle au 1/200.000". Le plus grand nombre, em"
pruntés à la carte d'itinéraire du lieutenant-colonel Périer et à la carte au
1/400.000" deFalbe, n'ont pas été reproduits sur la carte nouvelle.)
1. Le général d'Aubigny télégraphia les 9, 10 et 11 et écrivit le 11 au général

:
Japy pour lui dire qu'il attendait ses ordres. Il ne reçut que ce télégramme le 11
au soir « Le colonel de la Roque se trouve en face de forces sérieuses. Je lui
ai laissé sa liberté d'action. Tenez-vous en communication avec lui et agissez
suivant la situation. »
graphia aussitôt à 10 heures du soir, du camp de Testour, au colonel de la Roque
Je crois qu'une action commune de nos deux colonnes avec celle du géné-
:
Le général d'Aubigny,auquel on laissait le soin de se débrouiller tout seul, télé-

«
ral Philebert, même sans le concours de celle du Sud dont nous n'avons pas de
nouvelles, pourra amener des résultats meilleurs que si vous êtes obligé d'at-
taquer seul. Par conséquent, s'il n'y a pas nécessité absolue, attendez-nous encore
quelques jours. »
Quand le général Japy eut connaissance de la marche du général Philebert
sur la Silianah, il prescrivit au général d'Aubigny de rester à Testour ; mais la
lettre parvint trop tard au général d'Aubigny et celui-ci continua sa marche.
Il organisa Bordj-Messaoudi défensivement pour en faire un
dépôt de vivres, y laissa le bataillon du 128e avec le lieutenant-
colonel de Puymorin1 et se porta le 5 à El-Ghorfa; le 6, il vint
à Henchir-Mosbah, au col qui sépare la Ghorfa du Sers; il
avait reçu l'ordre de ne pas dépasser ce point2.
Il assure ses derrières en faisant la soumission de la Ghorfa.
..Tous les jours il voit les dissidents paraître sur le djebel
Massouge par groupes d'environ 25 cavaliers.
Il est au contact.
Ali ben Ammar, avec 70 tentes de guerre, est sur les hautes
pentes d'Ellez (koubba de Sidi-Abdallah-Cheikh.)
- Le colonel de la Roque
se porte dans la journée du 12 sur la
rive droite de la Tessaâ, sur le versant nord du djebel-Tricha3,
près du douar au nord des Oulad-Sahel, pour se rapprocher
du Sers et être en mesure de protéger plus vite et plus effica-
cement les tribus qui veulent se soumettre et qui peuvent
être inquiétées par Ali ben Ammar.
Il voudrait tomber dans le flanc d'Ali ben Ammar, qui fait
une reconnaissance avec 200 chevaux sur la Silianah, ou lui
couper sa ligne de retraite.
Le général Philebert avait reçu l'ordre de porter toute sa La brigade.

:
6*

brigade vers le djebel-Belotaafin de concourir avec les colonnes


d'Aubigny et de la Roque à la répression des Oulad-Ayar mais
enmême temps il avait été invité à envoyer au général Loge-
rot cent chameaux de charge dont celui-ci avait besoin pour
sa marche sur Gabès.
La 6e brigade, ainsi désorganisée au point de vue des

1. Bordj-Messaoudi était lui-même approvisionné par Souk-el-Arba. (Le général


Japy avait envoyé le 23 octobre, au début des premières opérations du général
d'Aubigny, un bataillon d'infanterie avec le lieutenant-colonel Robillard pour as-
surer par cette place les ravitaillements de la colonne de la Roque.)
Le 5 novembre, le lieutenant-colonel de Puymorin, chargé de former à Bordj-

:
Messaoudi un dépôt de quinze jours de vivres, se plaignait déjà que Souk-el-Arba
lui envoyait des denrées sans garder de proportions entre elles c'est ainsi qu'il
manquait de riz, tandis qu'il avait déjà un approvisionnement considérable de sel.
2. Le colonel de la Roque rend compte que les cartes sont mal faites.
3. Le djebel-Tricha (carte au 1/400.000" de Falbe) serait la partie sud-ouest du
massif djebel Massouge.
moyens de transport, ne pouvait plus marcher réunie; elle se
mit donc en route par fractions successives. Le mouvement
commença le 8 novembre. La présence d'arabas et de voitures
régimentaires força à passer par la plaine du Fahs-el-Riah, au
lieu de marcher directement par la montagne.
Le 12 novembre, le général Philebert est à Medjez-Sfa.
Ali ben Ammar
dans
laHamada.
A la l,
suite de la halga du 29 octobre Ali ben Ammar avait
encore réuni une petite armée.
Le 4 novembre il était revenu à Ellez et s'y préparait à
défendre la région des Hamada. Mais le 5, ses partisans avaient
appris que le général Philebert était campé à la zaouïa de Sidi-
Abd-el-Melek2. Cette apparition inattendue des troupes fran-
çaises qui, selon toutes probabilités, se dirigeaient sur Maktar,
sema l'épouvante dans les rangs des derniers insurgés ils
déclarèrent à Ali ben Ammar qu'ils ne voulaient plus se battre.
:
Ali ben Ammar ne conserva plus auprès de lui que des
Oulad-Ayar et quelques Oulad-Aoun dissidents trop com-
promis pour oser espérer lepardon.
Cependant, quoique ne pouvant plus avoir aucune illusion
sur l'issue fatale de la lutte, Ali ben Ammar n'avait cessé de
déployer une activité extraordinaire pour organiser la résis-
tance et faire croire à sa force.
Le 9, il était allé faire une ghazzia chez les Oulad-Aoun
pour les punir de s'être soumis au général Philebert; le 10, il
avait poussé une pointe dans la vallée de la Silianah.
Le 12 novembre, il se portait enfin avec toutes ses forces,
un millier d'hommes, vers le Massouge dont il projetait la
défense. (Le nombre de ses partisans s'était légèrement accru
depuis quelques jours par suite de la retraite, inexpliquée
pour les indigènes, du général Philebert qui avait quitté brus-
quement la zaouïa de Sidi-Abd-el-Melek3, et de la lenteur des
marches des colonnes de la Roque et d'Aubigny.)

1. Voir plus haut, p. 282.


2. Le général Philebert étaitarrivé
- - le
- -- -. --
d- novembre a :::iidi-Abd-el-Melek
sa deuxième reconnaissance. (Voir annexe LVI, p. 264.)
avec

3. Voir annexe LVI, p. 265.


Dans la soirée du 11, les quarante mille cartouches deman- La colonne
de
dées à Medjez-el-Bab pour la colonne de Testour étaient Testour
se dirige
arrivées à destination. vers
le sud.
Aussi le lendemain 12, à 7 heures du matin, le général
d'Aubigny avec une colonne mobile de trois bataillons (8e, 206
et 73e), sept pelotons du 11e hussards, deux sections du 33e
d'artillerie, une section du génie, un détachement du train et
un convoi de 10 jours de vivres, quitte-t-il Testour.
Il n'a pas d'ordres.
Le 84e reste à Testour pour garder le camp.
Le soir, le général d'Aubigny campe sur la rive gauche et
près de la Silianah, non loin d'EI-Guénouat l,
à 3 kilomètres au
sud du confluent de laSilianah et de l'oued-Remil.

Ainsi, le soir du 12 novembre, Ali ben Ammar est avec Positions


le 12 novembre
un millier de partisans dans le Massouge; le colonel de la au soir.
Roque est en position sur la rive droite de la Tessaâ, sur le
versant nord du djebel-Tricha2; le général Philebert est à
Medjez-Sfa; le général d'Aubigny à El-Guénouat.

Le 13 novembre, la colonne d'Aubigny continue à remonter


la vallée de la Silianah et vient camper à Harara-Kramet3.
Le général d'Aubigny y reçut, à 2 heures du soir, une lettre

1. Le camp est non loin de Guénouat, à peu près sur El de Kefel-Arrak, sur la
carte au 1/400.000. de Falbe.
: ;
(Les noms cités par le général d'Aubigny figurent sur la carte au l/400.000c de
Falbe : cette carte était inexacte en bien des endroits; exemple Ellez le cours de
la Tessaâ dont la large boucle vers l'est n'était pas représentée, etc.)
2. Le djebel-Tricha (carte au 1/400.000" de Falbe) serait la partie sud-ouest
du massif du djebel Massouge,
3. Harara-Kramet est sur la rive gauche de la Silianah. (Le camp fut établi
un peu au-dessous du D d'Oulad-Riah de la carte au 1/400.000° entre un marabout,
les douars, un cimetière arabe et des ruines romaines.)
La marche de la colonne d'Aubigny dans la journée du 12 avait été d'abord assez
facile (le col du djebel-Lassioud et le premier gué de la Silianah avaient été
aménagés la veille par Igénie); mais, vers 9 heures du matin, la pluie ayant com-
mencé-à tomber, la marche était devenue pénible. La tête du convoi n'était arrivée
au camp qu'à 6 h. 30 et il avait fallu déjà consommer une demi-journée de vivres
de réserve.
;
Pendant toute la nuit tomba une pluie violente la route fut cependant assez
bonne pour la marche du lendemain ; mais il fallut envoyer des chevaux du con-
voi pour faire passer à la compagnie d'arrière-garde, en face du camp, le gué
de la Silianah devenu infranchissable par suite d'une crue subite de la rivière.
écrite par le général Philebert le 12 à 2 heures du soir. Le
général Philebert, en annonçant qu'il serait le 18 au djebel-
Belota, proposait à son camarade de commencer seulement à
cette date les opérations d'ensemble
Le général d'Aubigny lui répondit aussitôt qu'il acceptait de
grand cœur cette date du 18, au lieu de celle du 16 qui avait
été primitivement convenue (il regrettait de ne pouvoir entrer
immédiatement en relations avec lui de façon à pouvoir, de
vive voix, mieux combiner leurs opérations ultérieures2), et il
écrivit au colonel de la Roque pour lui indiquer la nouvelle
date du 18 et l'inviter à ne pas précipiter les choses et à atten-
dre que les deux autres colonnes fussent en ligne; il craignait
l'impatience de la colonne de la Roque, installée depuis plu-
sieurs jours à 6 kilomètres de l'ennemi.
Le 14 novembre, la colonne d'Aubigny quitte son bivouac
d'Harara-Kramet à 7 h. 30 du matin et arrive à Aïn-Nagueur3
à 1 heure de l'après-mid'.
Le général d'Aubigny reçoit du général Philebert une lettre
lui annonçant qu'il sera le 15, à Ksar-el-Hadid et
lui donnant
rendez-vous le 15, à 2 heures du soir, au confluent de l'oued-
Massouge et de la Silianah, sur la rive gauche de cette dernière
rivière; il ne pourra arriver que le 20 au djebel-Belota4.

1. Le général Philébert avait reçu de son général (le général Logerot) des ins-
tructions lui prescrivant d'opérer au sud et.à l'est, sur le Sers, de se concerter
avec les chefs des colonnes du Kef et de Testour opérant par l'ouest et parle nord
sur le même plateau, et de se tenir en communication avec la colonne Etienne de
Kairouan, afin de pouvoir lui donner un secours immédiat si cela était nécessaire.
2. Quant au général d'Aubigny, il n'avait reçu aucun ordre de son général (le gé-

:
néral Japy) Aussi ne pouvait-il qu'écrire, dans sa lettre du 13au général Philebert:
« Les seules instructions que j'ai reçues du général Japy sont les suivantes
Leco-
lonel de la Roque se trouve en face de forces sérieuses; je lui ai laissé sa liberté
d'action; tenez-vous en communication avec lui et agissez suivant la situa-
tion. «
3. Ain-Nagueur, à 10 kilomètres Est de la Silianab, dans le GaAfour (vers Ain-
Berla, territoire de Batem-Reallah, à égale distance environ de l'H d'Oued-Riah
et du D de Djebel-Tella-es-Silianahsur la carte au l/400.000c de Falbc).
La Silianah avait baissé pendant la nuit: le passage en fut facilele 14etla route
était belle sur les plateaux du Gaàfour.
4. Il faut entendre que le général Philebert ne pourra avoir son monde concen-
tré que le 20.
La colonne, forte en infanterie de 5 bataillons seulement (nous savons que la 6e
Le 15, la colonne d'Aubigny quitte Aïn-Nagueur 7 heures du à
matin et, traversant les plateaux, va s'installer à Sidi-Djaber l
où elle arrive à midi.
Le général fait commencer aussitôt l'installation d'un bis-
cuit ville qui sera gardé par trois compagnies 2.
Le général Philebert escorté par sa cavalerie vient de Ksar- Entrevue
des généraux
el-Hadid à Sidi-Djaber conférer avec le général d'Aubigny. Philebert
etd'Aubigny
Les deux généraux arrêtent là les conditions dans lesquelles àSidi-
Djaber,
le 13 novembre.
aura lieu l'opération contre les Oulad-Ayar. Il est convenu que
le
le 21 colonel de la Roque attaquera au nord-ouest, le géné-
ral d'Aubigny au nord, et que la 6e brigade, qui d'ici là se sera
portée à Maktar, attaquera au sud et a l'est3.
Le 16 novembre, la colonne d'Aubigny stationne à Sidi-
Djaber; elle pousse une reconnaissance dans la vallée de
l'oued-Massouge.
Le même jour, le colonel de la -
Roque se porte d'Henchir-
Mosbah à Henchir-Farik et la tête de colonne du général Phi-
lebert arrive à la zaouïa de Sidi-Abd-el-Melek.
Pendant que le colonel de la Roque venait s'établir à Hen-
chir-Farik, quatre cents de ses.goumiers attaquaient les

brigade a détaché 2 bataillons à la colonne de Kairouan), occupe une profondeur


de marche de trois journées, embarrassée qu'elle est de son convoi sur voitures.
La date d'arrivée sur un point du général Philebert est donc la date d'arrivée
de sa tête de colonne.

;
1. Le camp est installé sur une croupe au sud du marabout de Sidi-Djaber,
rive droite de la Silianah eau de source bonne et abondante.
2. Le biscuit ville de Sidi-Djaber, garié par trois compagnies du 8e (commandant
de Cantillon), doit être retranché; on demande des bâches, à la division, pour
couvrir les approvisionnements. La garnison du biscuit ville fournira les escortes
entre Sidi-Djaber etla colonne; le 84e, à Testour, devant fournir les escortes entre
Testour et Sidi-Djaber.

:
3. Le général d'Aubigny, frappé des difficultés et des lenteurs de marche du
convoi sur roues de la 6e brigade, écrivait après cette entrevue «Le général Phi-

:
lebert a un convoi très complet, mais par cela même très difficile à mouvoir et
qui retarde considérablement sa marche quatre cents arabas escortées par 3
bataillons qui le suivent à une ou deux journées de marche en arrière. Le général
n'a avec lui que deux bataillons; il en attend deux de Kairouan; il ne sera que le
22 ou le 23 en mesure de commencer sa marche sur la Hamada. Je crains que ce
retard forcé nous fasse tomber dans la saison des pluies et peut-être môme de la
neige. Dans le cas de neiges, le colonel dela Roque sera obligé de gagner la plaine,
vers les Ouartana, pour ne pas perdre son convoi de chameaux. »
;
dissidents dans le haut du Massouge ils purent s'avancer
jusqu'à Touat-Zouamel et s'assurer que la vallée de la Silianah
était absolument libre.
Quant au général Philebert, aussitôt arrivé à la zaouïa de
Sidi-Abd-el-Melek, il s'empresse d'y laisser ses charrettes et
ses impédimenta. Il a pu ramasser assez d'animaux pour
porter son convoi et il constitue un goum de cent cavaliers
des Oulad-Aoun, qui venaient d'obtenir l'aman définitif du
général d'Aubigny
-
Le 17 novembre, pendant que la tête de colonne de la 66
brigade se porte de Sidi-Abd-el-Melek à Mebrouka-el-Tueggia,
dans le djebel Belota, la colonne d'Aubigny, réduite de trois
compagnies laissées à Sidi-Djaber, pénètre dans la vallée de
l'oued Massouge et va camper à M'zen-el-Nour2.
Des reconnaissances de cavalerie sont envoyées dans l'après-
midi de M'Zen-el-Nour vers Touat-Zouamel (route du lende-
main) et le djebel Massouge; elles ne signalent rien.
Dès le 17 novembre le général d'Aubigny est déjà fort
inquiet au sujet de ses ravitaillements. Il n'a plus que 3
jours de vivres de convoi et 2 de sac. Il a demandé 6 jours de
vivres à Testour le 13 novembre; mais le commandant de
cette place lui a fait connaître, le 16, qu'il ne pouvait lui
envoyer qu'un jour de vivres au lieu des six demandés; les

1. On sentait que la lutte touchait à sa fin. Les goums qui s'attachaient à nos
colonnes s'augmentaient au fur et à mesure que nos succès s'affermissaient; ils
s'attendaient à trouver des richesses considérables dans le pays des Oulad-Ayar
et ils s'étaient munis, pour emporter le butin qu'ils comptaient faire, de tous les
moyens de transport dont ils pouvaient disposer.
Quant au caïd Mohamed Salah ben Ali Debbich, il ne cessait de courir d'une
colonne à l'autre, manifestant le plus grand empressement à nous seconder et
s'occupant à négocier la soumission des Oulad-Ayar et même celle des Madjeur,
quoique son autorité sur les uns comme sur les autres fût nulle en réalité.
2. Le camp est installé sur un éperon à 2 kilomètres au sud de Sidi-Embarek
(carte au 1/400.000e) et en bordure de l'oued Massouge.
L'étape du 17, de la colonne d'Aubigny, longue de 10 à 12 kilomètres seulement,
se fit à travers un pays facile et beau où tous les douars étaient intacts; les
insurgés avaient cependant quitté le pays depuis peu, mais ils s'étaient bien
gardés de détruire des douars amis, y compris ceux de Sidi-Zerrouk, ministre
de la marine du bey, qui se trouvait au camp de Si Ali Bey à Zaghouan.
Drid ne lui ont pas encore amené leurs chameaux de réqui-
sition et les moyens de transport lui font défaut.
Le général ne peut, lui non plus, trouver d'animaux dans
le pays, car le général Philebert prend tous les animaux
disponibles, son convoi ne pouvant plus avancer avec ses
arabas.
Le général d'Aubigny est obligé d'envoyer des animaux de
sa colonne vers Testour pour former les convois de ravitaille-
ment; « il est fort inquiet; un rien peut le mettre dans un
grand embarras ».
D'un autre côté, le colonel de la Roque, qui est à Henchir-
Farik, s'impatiente; il craint que le retard apporté dans la
marche du général Philebert ne fasse manquer les opérations
et qu'Ali ben Ammar s'échappe.

du soir :
Le général d'Aubigny lui écrit, à ce sujet, le 17, à 7 heures
« Il est possible que les dissidents s'éloignent;
mais comme la porte sud-est leur sera entièrement ouverte,
c'est par là qu'ils fileront si nous n'attendons pas le général
Philebert. »
Le 18 novembre, le général d'Aubigny se porte de M'Zen-el-
à
Nour Touat-Zouamel1.
Une reconnaissance de cavalerie partie du camp de Touat-
Zouamel, à midi, rencontre une forte reconnaissance con-
duite par le colonel de la Roque, qui vient camper à 3 kilomè-
tres sud-ouest de Touat-Zouamel (le reste de la colonne de la
Roque restant campé à Henchir-Farik).
Les dissidents qui restaient encore dans le Sers et le Mas-
souge avaient été ainsi refoulés dans les hamada.
Le général d'Aubigny et le colonel de la Roque confèrent
ensemble. Pendant qu'ils sont réunis arrive une lettre du

1. Le 18 au matin, le général d'Aubigny est encore obligé de faire rétrograder


vers Sidi-Djaber ce qu'il a d'animaux disponibles pour lui rapporter des vivres.
L'état sanitaire à Testour est très mauvais.
2. Les renseignements parvenus le 18 au matin assurent de la présence d'Ali
ben Ammar à Magueraoua et de son intention de s'y défendre vigoureusement.
général Philebert', campé à Mebrouka-el-Tueggia, renfermant
les projets pour l'attaque de la hamada.
Conventions Les propositions du général Philebert sont adoptées'. Le
d'attaque
pourle21. général d'Aubigny le fait connaître au général Philebert par
lettre du 18 novembre, 9 heures soir.
Le 19 novembre, la colonne d'Aubigny vient camper à Hen-
chir-Sebba-Biar2, à 6 kilomètres sud-ouest de Touat-Zouamel.
Elle se trouve ainsi à environ 12 kilomètres de Magueraoua.
Le contact est pris avec les cavaliers insurgés.
Le général Philebert est campé aux ruines d'Usupa'; il
propose de faire les ghazzias avec le plus grand ordre, d'en
mettre le produit en commun et de partager ensuite par parts
égales entre les trois colonnes4.
Le colonel de la Roque est à 12 kilomètres environ au nord
d'Ellez; il se portera le lendemain au col d'Ellez afin d'être
prêt à entrer tout de suite en action le 21. Des renseignements
paraissant dignes de foi lui confirment qu'Ali ben Ammar
s'échappera de son côté, vers les Ouartan qui sont d'ailleurs
eux-mêmes insurgés.
La base de ravitaillement de la colonne d'Aubigny est mo-

1. Le général Philebert fait connaître qu'il se dispose à abandonner le djebel


Belota pour porter son biscuit ville à EI-Aàla. Il sera, le 21, en mesure d'attaquer
Maktar et Dar-el-Caid avec 4 bataillons, un escadron et demi et 6 pièces d'artil-
lerie.
Le mouvement combiné des 3 colonnes sera le suivant :
A l'est, la colonne Philebert attaquera, le 21 au matin, Dar-el-Caid et Maktar;
Au nord, — d'Aubigny — — Magueraoua, de front;
A l'ouest, — de la Roque — — les hauteurs ouest de Ma-
gueraoua (en partant d'Ellez).
La mise en marche des colonnes doit avoir lieu à 7 heures s'il n'y a pas de
brouillard et s'il ne fait pas très mauvais temps. S'il y a du brouillard on at-
tendra qu'il soit levé, c'est-à-dire 9 ou 10 heures. Si le brouillard se lève à midi
seulement ou s'il fait très mauvais temps, l'opération sera remise au 22.
2. Sebba-Biar, henchir appartenant au frère d'Ali ben Ammar, se trouve a la
pointe ouest du mamelon qui suit les mots Bahirt-es-Sers, carte de Falbe.
3. Ruines d'Usupa; El-Kessour de la carte au 1/200.000e.
4. Il est entendu que pour l'attaque du 21 et pour éviter des confusions, les
goumiers porteront au turban un morceau d'étoile, bleue pour les colonnes d'Au-
bigny et de la Roque, rouge pour la colonne Philebert (les goumiers de la colonne
d'Aubigny portent déjà, sur le burnous, sur la poitrine, deux morceaux d'étoffe
bleue et rouge).
difiée; la ligne de ravitaillement par la Silianah devenant
chaque jour plus difficile et les pluies pouvant la couper tout
à fait, Sidi-Djaber sera évacué et Bordj-Messaoudi sera hase
de ravitaillement commune aux colonnes d'Aubigny et de la
Roque.
Dès le 19, les deux généraux s'occupent de savoir qui rece-
vra la soumission des Oulad-Ayar1.
C'était vendre un peu tôt la peau de l'ours !
Mais les goums des trois colonnes correspondaient entre
eux et les commandants des troupes françaises croyaient
avoir cerné Ali ben Ammar.
Le cercle qui s'était formé autour de l'énergique chef des La Hamada
est entourée
insurgés s'était en effet resserré petit à petit. Il ne restait plus
:
de
3côtés
aux dissidents qu'un seul passage, celui du sud-ouest. Mais ouest, nord
et est,
cette direction les conduisait sur le territoire des Madjeur et 19 novembre.
des Ouartan; ceux-ci, quoique en état d'insurrection, étaient
capables de les ghazzier et de s'en faire un mérite pour obte-
nir, pour eux-mêmes, l'aman à de meilleures conditions. Ali
ben Ammar n'avait plus autour de lui qu'une foule affolée,
composée uniquement d'Oulad-Ayar; il s'y trouvait au plus
un millier d'hommes armés traînant à leur suite femmes,
enfants et troupeaux, ne songeant plus à se défendre, mais
ne pensant qu'aux moyens d'échapper au péril.
Ali ben Ammar lui-même se préparait à fuir il avait fait
main basse sur tous les moyens de transport qu'il avait pu
;
trouver pour emporter avec lui ses biens et ceux des fidèles
qui devaient le suivre dans l'exil. Cette conduite avait soulevé
un vif mécontentement dans son entourage, qui avait agité la
question de le livrer ou de le tuer comme gage d'une sou-
mission pour laquelle les généraux d'Aubigny et Philebert
avaient entamé des pourparlers quelques jours auparavant.

1. Chacun écrit ou télégraphie à son général de division pour savoir qui des
deux doit recevoir la soumission des Oulad-Ayar et de quelle région, nord ou
sud, dépendront le Sers et les Hamada.
Voir plus loin, note 2, page 303, la décision prise à ce sujet.
Le général L'intention du général d'Aubigny était de ne pas bouger de
d'Aubigny,
ayant appris
la fuite son camp de Sebba-Biar pendant la journée du 20 et de s'oc-
d'Aliben
Ammar cuper de placer son convoi dans un endroit favorable pour
dans la nuit être complètement libre et sans inquiétude pendant l'opéra-
du 19,
attaque seul
le 20. tion du 21.
Mais, dès le matin du 20, il. reçut des renseignements lui
assurant qu'Ali ben Ammar était parti la veille au soir avec
25 cavaliers fidèles, sa femme, ses enfants et ses tentes,
et qu'il aurait pris le chemin du sud-est passant devant
Maktar.
Sur ces renseignements1, le général d'Aubigny donne
l'ordre de lever le camp à 11 h. 30 pour se porter à Mage-
raoua2
La plaine qui sépare Henchir-Sebba-Biar de Mageraoua est
traversée sans difficulté. La colonne s'engage ensuite dans la
montagne, en suivant la rive droite de l'oued-Zitoun. L'avant-
garde arrive sans incident, à Mageraoua, à 2 heures.
Pendant l'installation au camp, le goum, soutenu par quel-
ques pelotons de hussards et quelques compagnies d'infan-
terie, razzie tout ce qu'il trouve. (Un goumier, reconnu plus
tard pour être de la colonne de la Roque et venu probablement
d'Ellez se mêler au goum de la colonne d'Aubigny, est tué a
bout portant dans une maison de Dar-El-Caïd3 par un Arabe
qui se tue ensuite4.)
4

1. Le général d'Aubigny fit connaître la fuite d'Ali ben Ammar :


au colonel de la Roque, le 20 novembre, par lettre d'Henchir-Sebba-Biar,
10heures matin;
au général Japy, le même jour, par dépèche de Mageraoua. 5 heures soir;
au général Philebert, le 20 novembre également, par lettre de Mageraoua,
8 heures soir.
2. A 10 h. 30' étaient arrivés au camp de Sebba-Biar une compagnie du 3e ti-
railleurs et un goum des Charen envoyés par le colonel de la Roque.
3. Dar-el-Caïd, Souk-el-Djemaâ actuel.
4.)). Un homme du goum, qui a dû se détacher seul d'Ellez, a été tué à
bout portant, dans le village Dar-ci-Caïd, au moment où les troupes du général
d'Aubigny y entraient sans éprouver de résistance, puisque son cadi, venu au
camp, marchait avec la pointe de tirailleurs.
» L'Arabe qui l'a tué dans sa maison s'est tué immédiatement
après. Histoire
de femme, probablement. »
Pendant cette opération de la colonne d'Aubigny, la colonne
Philebert est devant Maktar', à l'est de ce point; la colonne
de la Roque au col d'Ellez, dans la vallée de l'oued Zaarour.
Dans la soirée du 20, la hamada des Oulad-Ayar apparaît
toutenfeu.
Le 21 novembre, à 7 h. 30 du matin, trois colonnes légères Attaques
du 21 novembre.
quittent le camp du général d'Aubigny à Mageraoua pour
La colonne
parcourir les crêtes et gorges à l'ouest et au sud-ouest2. d'Aubigny.
A mesure que les colonnes s'avancent elles reçoivent quel-
ques coups de feu tirés par des Arabes isolés ou en petits
groupes qui se sont attardés; il ne reste que peu d'hommes;
ceux qui sont pris les armes à la main sont fusillés3. Les
douars, gourbis et villages sont incendiés, les troupeaux (en-
viron 4.000 têtes de bétail) ramenés au camp.
Les petites colonnes rentrèrent aucamp vers 5 heures, rame-
nant une trentaine de prisonniers3.
Le même jour, dès le matin, et suivant les conventions La colonne
Philebert.

1. Le 20 novembre au soir, le général Philebert a, concentrés à Maktar : le 27°


bataillon de chasseurs à pied, les bataillons des 61e, 110" et IIIe de ligne, deux
escadrons du lor hussards, 4 pièces de montagne, une batterie montée et le goum
des Oulad-Aoun.
[Le détachement du lieutenant-colonel Frayermuth (33° et 43e, un escadron du
1er hussards et 2 pièces de montagne) parti de Kairouan est en route pour rallier
la 6e brigade.
Le bataillon du 46e a.été envoyé le matin même à Bled-Aâla, où va être
construit, pour la 6e brigade, un biscuit ville intermédiaire entre Maktar et
Kairouan.
(Un bataillon avait été envoyé le 19 travailler à la route qui passe au-dessous
de la Kessera pour la rendre praticable aux voitures.)
Le bataillon du 46e doit construire une redoute, y mettre en sûreté les impedi-
menta et attendre la brigade qui viendra l'y rejoindre quand les opérations contre
les Oulad-Ayar seront terminées.1
2. « La Hamada est un massif montagneux, tourmenté à l'infini: succession de
hauts pitons, séparés par de profonds ravins à pentes raides, crevasses à parois
verticales. Les vallées qui séparent les montagnes sont d'une richesse extrême,
couvertes d'oliviers, de mûriers et arrosées par de petits cours d'eau trèslimpide
et très claire. Le pays est riche et doit être, en temps ordinaire, très bien cul-
tivé; les villages respirent une aisance inaccoutumée.
» Les montagnes sont couvertes de bois de différentes sortes, genévriers, chê-
nes verts etc., mais le faîte des montagnes est aride et inculte etprésente l'as-
pect d'immenses tables de pierre. »
3. Sept Arabes pris les armes à la main, tirant sur la colonne d'Aubigny, sont
faites avec le général d'Aubigny, la 6e brigade séparée en 2
fractions se porte sur les Oulad-Ayar : à gauche le comman-
dant Malaper, avec le 27e bataillon de chasseurs, 2 pelotons de
cavalerie et une fraction du goum, doit marcher à la rencontre
du colonel de la Roque; à droite, le généralPhilebert, avec
le reste de la brigade, se porte à la rencontre du général d'Au-
bigny.
Les Oulad-Ayar En arrivant sur le plateau le général Philebert s'aperçoit
se
sont échappés
dans la nuit que le pays est complètement vide (les Oulad-Ayar ont allumé
du 20-21. l'incendie dans la soirée du 20 pour cacher leur mouvement
de retraite).
Le général Philebert envoie sur la droite le lieutenant-colo-
nel Travailleur avec un bataillon, un peloton de hussards et
2 pièces; puis, avec le reste de la brigade, il se rabat à gauche,
à la recherche des fuyards.
A 10 heures du matin, ayant reconnu que les Oulad-Ayar
se sont dirigés vers le sud, il fait prévenir le lieutenant-colo-
nel Travailleur et le commandant Malaper qu'il va s'enfoncer
dans le sud et les invite à le suivre aussitôt que possible.
Après avoir marché toute la journée, la colonne conduite
par le général Philebert se trouve, un peu avant la nuit, en
face d'un rassemblement considérable de tentes et de trou-
peaux groupés près du bordj du caïd DebbieWl, dans la forêt
et sur les pentes du djebel-Skarna.
Le Sans attendre l'arrivée du lieutenant-colonel Travailleur et
gaiphileberl
s'empare du commandant Malaper, il attaque immédiatement. Après un
d'une partie
destroupeaux. engagement insignifiant, les Oulad-Ayar viennent faire leur
soumission.
Le bivouac est installé; les détachements Travailleur et
Malaper y arrivent pendant la nuit (les troupes ont fait dans
la journée de 35 à 42 kilomètres) 2.

; ;
fusillés sur place six autres le sont au retour au camp puis un certain nombre
d'Oulad-Ayar étant venus se rendre à ses grand'gardes, le général d'Aubigny fit,
le 22 novembre, fusiller 19 des plus importants.
1. Le Fondouk-Debbich de la carte actuelle au 1/200.000e.
2. Voir La 6e brigade, du général Philebert, pages 65 et suivantes.
Ali ben Ammar s'était échappé. Ali ben Ammar
s'était enfui
Le 19 au soir il était encore à Mageraoua et, s'il n'était pas dans la nuit
du 19-20.
encore parti, c'est que la foule qui l'entourait, le considérant
comme le gage de sa soumission, le surveillait activement;
les Oulad-Ayàr, fortement irrités contre lui, voulaient le livrer
ou le tuer; ses parents et sa fraction, les seuls à prendre
sa défense, faisaient bonne garde autour de lui.

l
Dans la soirée du 19, les goums du général d'Aubigny
avaientfait 4 prisonniers; l'un d'eux était porteur d'une lettre
adressée par le cadhi des Oulad-Ayar au caïd Mohamed Salah
benAli Debbich, au nom d'un groupe de notables qui dési-
raient se soumettre.
Le général d'Aubigny fit appeler le caïd et lui communiqua
ce document en lui signifiant, devant les prisonniers, qu'avant
d'entreprendre tout pourparler avec les insurgés, il voulait
qu'Ali ben Ammar lui fût livré mort ou vif. Le caïd avait trans-
mis au groupe qui s'était adressé à lui la réponse du général
d'Aubigny.
Quelques heures après, Ali ben Ammar partait de Mage-
raoua, avec quelques cavaliers, par la route du sud, se diri-
geant sur le djebel-Berberou.
Le lendemain matin1, 20, Mohamed Salah ben Ali Debbich
venait annoncer à grand bruit le départ du chef insurgé, ajou-
tant qu'il avait mis son frère, Salem ben Ali, à la poursuite du
fuyard.
Salem ben Ali rentra le soir sans ramener Ali ben Ammar2.
Mohamed Salah ben Ali Debbich avait certainement trompé
le général d'Aubigny et favorisé l'évasion d'Ali ben Ammar.

1. Si le général d'Aubigny ne fut avisé que le 20 au matin d'une façon certaine


et, si nous pouvons dire, presque officielle, que Aliben Ammar s'était échappé,
il est vraisemblable qu'il avait dû être prévenu, le 19 au soir, par les 4 prison-
niers qu'il avait faits, des tentatives de fuite du chef insurgé.
2. Les résultats des mouvements des trois colonnes sont assez faibles. Si les
troupes de la 6° brigade ont pu arrêter une émigration, Aliben Ammar a réussi
à s'échapper et les troupes françaises n'ont trouvé aucune occasion de s'engager.
Il n'en pouvait être autrement d'une telle expédition où personne en réalité ne
Il semble de même avoir préparé et facilité, deux jours après,
la retraite des Oulad-Ayar dont l'émigration fut surprise près
de son bordj dans un endroit par lequel elle ne pouvait passer
à son insu.
Ce rôle s'imposait du reste à Mohamed Salah. Il appartenait
au même sof qu'Ali ben Ammar et, depuis des années, ces deux
personnages intriguaient de concert, passant ensemble des
honneurs et des profits du commandement aux restitutions et
à la prison. Les événements les mettaient en face l'un de l'au-
tre, mais ne pouvaient effacer ce souvenir d'anciennes rela-
tions et d'une communauté d'intérêts qui avait existé pendant
une longue période d'années.
Razzias. La fuite des Oulad-Ayar, qui n'ont pas attendu la colonne
de Testour, et l'évasion d'Ali ben Ammar semblent avoir dés-
orienté le général d'Aubigny.
Le 21 novembre, à 8 heures du soir, de retour à son camp

;
de Mageraoua, il écrivait au colonel de la Roque pour lui de-
mander des conseils il ne savait plus que faire le lendemain,

commandait, les commandants de colonne ayant élé seulement invités, par leurs
généraux respectifs, à se concerter. (Voir plus haut, notes 1 et 2, page 292.)
De plus la ligne de retraite la plus probable des dissidents n'avait pas été oc-
cupée.
Dès le 6 novembre, le général Japy, commandant la région nord, prévoyait cet
insuccès et, à cette date, il écrivait au général Saussier qu'une attaque de la ha-
mada par le sud s'imposait et que les tribus cernées seraient forcées de mettre
bas les armes; que si, au contraire, le sud leur restait ouvert, elles pourraient
s'échapper.
Le 8 novembre, quand il eut apprisque le général Philebert avait reçu l'ordre
du général Logerot de se rendre avec toutes ses forces au djebel Bclota, le gé-
néral Japy écrivit de nouveau au général Saussier. Il savait qu'Ali ben Ammar
avait déjà pris des dispositions pour se retirer dans le sud avec ses principaux
adhérents et il estimait que la marche d'une colonne française au sud des hamada
:
devenait de jour en jour plus urgente, si l'occasion favorable n'était même pas
déjà passée il insistait de nouveau pour qu'une colonne fût dirigée dans la ré-
gion sud des hamada et faisait remarquer que la colonne Philebert prenait, pour
se rendre au djebel-Belota, un chemin trop long et trop au nord (nous savons
pourquoi; obligé, après avoir donné ses chameaux au général Logerot, de traîner
son convoi sur roues, le général Philebert avait dû renoncer à l'idée de marcher
directement a travers la montagne et faire le tour par la plaine). Il ajoutait que
la colonne Philebert allait parcourir un pays où la colonne d'Aubigny faisait sen-
tir son action et où par conséquent sa présence ferait double emploi et demandait
que la 6e brigade fût dirigée plus au sud.
maintenant que les dissidents lui avaient échappé, et ne trou-
vait autre chose à proposer à son Lieutenant qu'un rendez-vous
près d'un arc de triomphe oùils viendraient, en colonne légère,
déjeuner et convenir de leurs projets ultérieurs; si cependant
le colonel de la Roque avait d'autres intentions, -il
ferait cè
qu'il pourraitpour coopérer à ses opérations!
Le 22 novembre, en effet, les deux commandants de colonne
se rencontrent à la Kalaa-Kebira (à Hamman-Zouguera, sur
l'oued-Hammam, à côté des ruines romaines indiquées).
Pendant qu'ils déjeunent, une colonne légère, sous les ordres
du commandant de Cantillon, va razzier entre Mageraoua et
Maktar et ramène environ 1.500 têtes de bétail1. Les silos sont
vidés, tous les villages et douars sont razziés et incendiés et
des détachements armés vont brûler les oliviers qu'on n'a pas
pu couper.
Le général d'Aubigny reçoit du général Japy une dépêche
l'informant qu'il est chargé de recevoir la soumission des
Oulad-Ayar2, et l'invitant à en prévenir le général Philebert
dont le bon esprit militaire saura lui faciliter sa tâche3.

1. Le total des prises des deux colonnes d'Aubigny et de la Roque est, le 22


novembre, de 9.000 têtes de bétail environ (250 chameaux, 1.000 bœufs, 60 che-
vaux, le reste en moutons et chèvres).
La vente de ce bétail produisit 30.600 francs (1/3 aux goumiers, 1/3 à l'Etat,
1/3 aux troupes présentes).
2. En réponse aux lettres et télégrammes que le général d'Aubigny lui avait
adressés, dès le 19 novembre, au sujet de la soumission des Oulad-Ayar (voir 1,
page 297), le général commandant la division nord répondait que la soumission
des Oulad-Ayar devait être faite au général d'Aubigny parce qu'il était depuis
plus longtemps dans la région et qu'il commandait (?) la colonne du Kef qui avait
été plusieurs fois aux prises avec Ali ben Ammar et lui avait infligé plusieurs
échecs successifs.
Il décidait en même temps et de sa propre autorité que la tribu des Oulad-
Ayar relevait naturellement de la région nord; mais comme il ne savait pas si les
instructions données par le général Logerot au général Philebert concorderaient
avec les siennes, il demandait, après coup, au général Saussier de décider que
l'arête du prolongement de l'Aurès entre Tébessa et le cap Bon (par le Zaghouan
:
et Bir-Bouita) formât la séparation entre la division du nord et celle du sud.
Les conditions de soumission prescrites par le général Japy étaient 250 francs
par tente, désarmement, livraison d'otages, des hommes ayant pris part à l'affaire
de l'oucd-Zergua, des armes et la rentrée dans les campements.
3. Le général Philebert (24 juillet 1880) est en effet plus ancien, dans le grade
de général de brigade, que le général d'Aubigny (30 mars 1881.)
Les projets ultérieurs du général d'Aubigny, à la suite de
son déjeuner-conférence avec le colonel de la Roque, sont les
suivants :
Renvoyer sa colonne, placée sous les ordres du colonel
Menessier de la Lance, à petites journées vers Testour par Aïn-
Hedja et Bordj-Messaoudi, en parcourant la zone comprise
entre l'oued-Massouge, la Tessaâ et le Khalled où aucune co-
lonne française n'est encore passée; se porter de sa personne
avec la colonne de la Roque chez les Ouartan' , pendant une
huitaine de jours, puis revenir sur Ellez (où le colonel de la
Roque recevra la soumission des Oulad-Ayar vers le 5 décem-
bre) et laisser ensuite une garnison à Ellez (entre le Kef et
Kairouan) quand la colonne de la Roque s'en retournera au
Kef.
Le 22, le caïd des Oulad-Ayar, Salah ben Debbich, est tou-
jours au camp du général d'Aubigny; la colonne de la Roque
campe à Ellez; le général Philebert est au Kef-el-Raï2.
- Le 23 novembre, on continue à saccager, couper et brûler
les oliviers dans la
hamada.
Le 24, le général Philebert rentre avec ses troupes à Maktar
où le rejoignent, le 25, les troupes qui, sous le commandement
du lieutenant colonel Frayermuth, reviennent de Kairouan3.
Le 25 novembre, le général d'Aubigny, accompagné du
colonel de la Roque, se rendit au camp du général Philebert à -
Maktar.

chez les Ourtan;


1. Voir plus loin page 305. (Le
voir page 307.)
général d'Aubigny n'alla pas de sa personne

2. Le général Philebert ne pouvait ni garder les nombreux troupeaux qu'il


avait pris à la tombée de la nuit, ni les emmener en lieu sûr. Pour s'en débarras-
ser et pour éviter de les revendre à vil prix aux mercantis, il traita immédiate-
ment de leur rachat avec les Oulad-Ayar eux-mêmes.
Après avoir réservé les troupeaux ramassés la veille par la cavalerie et par la
colonne du commandant Malaper pour être distribués en partie aux hommes, en
partie vendus aux bouchers, le général Philebert se débarrassa, le 22. de son bélail
en le rendant aux indigènes sous condition qu'ils verseraient à son camp une
somme de 150.000 francs avant le 27 novembre; il prit des olages pour assurer
l'exécution de cet engagement.
3. Voir annexe LXI, note 3, page 334.
Dans cette entrevue il fut convenu :
1° que, les Oulad-Aoun et Oulad-Ayar relevant de la divi-
Convention
entreles
commandants
de colonne
sion nord, conformément aux prescriptions du général Japy, pour
la soumission
des
le général d'Aubigny resterait chargé de traiter avec eux les Oulad-Ayar.
25 novembre.
questions de soumission;
2° en présence même des Oulad-Ayar, que la somme de
150.000 fr. imposée le 22 par le général Philebert et payable le
27, serait considérée comme une simple razzia et n'entrerait
aucunement en déduction des sommes que le général d'Aubi-
gny fixerait pour l'aman;
3° que le général Philebert quitterait la région le 28 novem-
bre pour se rendre à El-Aâla;
4° que ce même jour il remettrait au général d'Aubigny
tous les Oulad-Ayar et tous les Oulad-Aoun1 qu'il détenait
alors à son camp de Maktar;
5° que si, à cette époque, il n'avait pas recouvré la totalité
des 150.000 fr., le général d'Aubigny en poursuivrait la ren-
trée, mais seulement après avoir assuré celle des sommes
qu'il aurait imposées comme condition d'aman.
La période insurrectionnelle peut alors être considérée
comme terminée dans la région; les Oulad-Ayar écrasés et
ruinés vont faire leur soumission.
Les Ouartan seuls conservaient une attitude incertaine; peu LesOuarlan.
braves, ils tenaient surtout à leurs biens. Ils s'étaient, il est
vrai, dès le début, montrés nos ennemis déclarés, envoyant
des notabilités à presque toutes les halgas, nommant un caïd
insurrectionnel, Mohamed elAouani ben Menasseur, et faisant
de la propagande; mais ils étaient restés chez eux, pour la

1. En raison du concours que les Oulad-Aoun lui.avaienl fourni (chameaux et


bêtes de somme quand, à son arrivée sur la Silianah, son convoi ne pouvait plus
le suivre), le général Philebert demanda l'indulgence pour les Oulad-Aoun : ils
furent taxés à 120 francs par tente au minimum.
Après le départ de la colonne Philebert les otages devaient être remis au ba-
taillon d'Ellez; le général d'Aubigny supposait que les Oulad-Ayar et les Oulad-
Aoun seraient rentrés, vers le 8 ou 10 décembre, sur leur territoire, et qu'il pour-
rait alors leur dicter les conditions d'aman.
plupart, se contentant de fournir des subsides en argent et en
nature aux combattants. Néanmoins une centaine d'Ouartan
prirent part aux opérations de Salah bon Hamouda dans le
djebel-Bahara.
Mohamed el Aouani put également entraîner quelques
groupes sur le territoire des Madjeur pour combattre la co-
lonne Forgemol.
Dans les premiers jours de septembre, les Ouartan avaient
encore tourné en dérision une lettre du bey qui leur offrait
l'aman, et ils avaient repoussé de même les ouvertures que
leur faisait le général Forgemol, au moment de pénétrer chez
les Fraichich.
Mais, après le combat de Sbiba et surtout pendant les der-
niers jours de la lutte chez les Oulad-Ayar, leur attitude sè
modifia radicalement; ils firent tous leurs efforts pour démon-
trer qu'ils n'avaient pris part que par nécessité au mouve-
ment insurrectionnel, espérant ainsi adoucir les conditions
qui allaient leur être imposées.
Les Les trois colonnes conservèrent leurs camps autour des
trois colonnes
restent
autour de la
hamada jusqu'à la fin de novembre, pour achever la réorga-
hamada. nisation des Oulad-Ayar sous le commandement de Mohamed
Salah ben Ali Debbich.
Le 27 novembre, le commandant d'Amboix, avec le bataillon
du 20e, un peloton de hussards, une section d'artillerie de mon-
tagne et la section du génie, quitte le camp de Mageraoua
pour aller s'installer au col d'Ellez', au sud-est du camp du
colonel de la Roque.
Le 28, le général d'Aubigny se rend au camp de la colonne
de la Roque avec laquelle il va commencer les opérations
contre les Ouartan.
Le 29, lacolonnemobile de Testour, placée sous les ordresdu

w
1. Cette garnison doitassurer les communications de la colonne de la Roque
qui va se porter au sud, sur les Sra-Ouartan et les Zcghalitlfl.
Le camp du 20e est organisé défensivement; une redoute est construite sur la
hauteur qui domine Ellez et le camp; un chemin d'accès muletier du camp à la
redoute est entrepris.
colonel Menessier de la Lance, quitte Mageraoua à 10 heures
du matin et vient camper à 12 h. 20 dans la plaine d'Ellez,
près de Menzel1.
Le 30 novembre, le général d'Aubigny, avisé par dépêche
de l'envoi de baraques à Medjez-el-Bab, qui sera le siège de sa
subdivision2, revient au camp deMenzel-Ellez, décidé à laisser
le colonel de la Roque diriger seul l'expédition contre les
Ouartan.
Le même jour, il rend compte au général de division que les
chefs des Oulad-Ayar et des Oulad-Aoun étant restés au camp
Philebert, les négociations se trouvent suspendues 3.
Le 1er décembre, les 3 colonnes se séparent, laissant une Le 1" décembre,
les colonnes
garnison à EUez4. se
séparent.
Le général d'Aubigny avec son état-major et un peloton de
hussards se rend directement à Medjèz-el-Bab5. -

1. Le camp dela colonne Menessier de la Lance est installé sur une croupe a
demi-distance entre Ellez et Menzel (source à l'est de Menzel).

;
2. Le 29 novembre, le général d'Aubigny avait demandé au général Japy l'en-
voi de baraques à Medjez-cl-Bab il avait aussi demandé que le siège de sa sub-
division fût fixé à Medjez-el-Bab au lieu de Testour, qui était fort malsain et en4
core infecté par suite du séjour prolongé du camp d'Ali-Bey; le bataillon de
Testour viendrait à Ain-Tunga où se trouve de bonne eau.
3. Il se plaint amèrement au général Japy de la présence à côté de lui du gé-
néral Philebert, qui, restant aux confins des Oulad-Ayar et des Oulad-Aoun pour
y poursuivre la rentrée des 150.000 francs de sa razzia, garde à son camp les
cheikhs et les otages.
Le général d'Aubigny ne peut ainsi traiter aucune question de soumission ; il

;
craint que les Oulad-Ayar ne puissent plus que difficilement ensuite solder
l'amende qu'il leur imposera pour la soumission il affirme que tous les Oulad-
Ayar habitant à côté do la hamada ont été et sont traités fort doucement par le
général Philebert, tandis que ceux de son côté l'ont été fort durement, ce qui ex-'
plique que ces tribus cherchent à rester le plus longtemps possible à l'abri de la
6" brigade, espérant améliorer les conditions qui leur seront imposées.
Il avait été convenu que cette situation cesserait le 27 et que le général Phile-
bert partirait le 28. Si les cheikhs ne viennent pas le 1er décembre à Ellez faire acte
de soumission, il donnera l'ordre à la colonne de Testour de se porter immédia-
tement chez les Oulad-Aoun et les Oulad-Ayar pour les razzier,
Le même jour, 30, il écrit également au général Philebert, pour lui faire con-
nattre qu'il ne peut accepter plus longtemps une telle situation et lui signifier
qu'il reprendra immédiatement ses opérationscontre les Oulad-Ayar
qui sont au camp de Maktar ne viennent pas à son camp d'Ellez.
si les cheikhs

4.Voirplushaut.1,page306.
5. Il arrive à Medjez-el-Bab le 2 décembre; il choisit immédiatement l'empla-
cement du camp près de la gare (on évite ainsi les transports à 4 kilomètres on;
La colonne mobile de Testeur, placée sous le commande-
ment du colonel Menessier de la Lance, reste à Menzel-Ellez
pour régler la soumission des Oulad-Ayar.
La 6e brigade se dirige vers le sud'
Le colonel de la Roque se rend au Ksour pour en finir avec
les Ouartan.
Le colonel Le 2 décembre, la colonne de la Roque arriva à destina-
dela Roque
chez
lesOuartan, tion; les Ouartan firent immédiatement leur soumission,
du acceptant des conditions très dures (450 francs par tente), en
2 au 9 décembre.
rapport du reste avec leur conduite antérieure. Le 9, le calme
paraissant suffisamment rétabli, la colonne reprit le chemin
d'Ellez, laissant à Si Khadder ben el Hadj Ali, nommé caïd, le
soin de faire remplir à ses nouveaux administrés les engage-
ments qu'ils avaient pris.
Elle arriva le 10 à Ellez2, y laissa le bataillon du2e3 pour y
remplacer le bataillon du 20e4 et rentra au Kef le 11.

reçoit l'eau par chemin de fer et on assure plus facilement la surveillance de la


voie ferrée). Puis il fait adopter, à Tunis, l'établissement de postes à Ain-Tunga,
Testour, Medjez et la fabrique de Tebourba pour l'hiver (2 bataillons et un esca-
dron).
Le 6, on commence à Medjez-el-Bab la construction de baraques pour le 127e.
(Ces baraques furent enlevées, dans la nuit du 14 au 15, par une très violente
tempête qui sévit sur la vallée de la Medjerdah et emporta les tentes et les bara-
ques de l'ambulance de Testour. Cette toprmente renversa, au poste du kilomè-
tre 98, un mur contre lequel était une tente conique renfermant 15 hommes du
127°: 5 furent tués sur le coup et 7 blessés dont 4 grièvement.)
1. Elle se transporte par échelons successifs dans le Bled-Aàla..
Le 7 décembre, la 61 brigade tout entière est réunie sur l'oued-Marg-el-Lil, à
Sidi-Mohamcd-ben-Ali, sur les pentes boisées du djebel-Ousselet. (Monument

;
de la 6° brigade. Voir La 6" brigade, page 77.)
2. Il n'y restait que la garnison la colonne mobile de Testour était partie de
Menzel-Ellez le 8.
Le colonel Menessier de la Lance avait reçu, le 6, les dernières soumissions des
Oulad-Ayar; il aurait donc pu rentrer à Medjez-el-Bab,mais il fut retenu à

;
Ellez par des pluies torrentielles jusqu'au 8; à cette date, la colonne mobile se
mit en route vers le nord elle revint par Bordj-Messaoudi, Ain-Hedja et Ain-
Tunga.
Le bataillon du 73e un peloton de hussards et une section d'artillerie furentlais-
sés le 13 à Ain-Tunga; le reste de la colonne continua jusqu'à Testour puis Te-
bourba.
(Le 16, le poste d'Ain-Tunga fut coupé de ses communications avec Testour

la page suivante.
8-4.Voir les notesà
La période insurrectionnelle dans la région du Kef était
terminée.

La lutte d'Ali ben Ammar n'avait eu que fort peu de reten-


tissement chez les populations du nord de la Medjerdah.
Vers la fin de septembre, les Djendouba1avaient reçu une Les Djendonba.
lettre de Salah ben Hamouda leur enjoignant, sous peine d'être La colonne
Cailliot.
razziés, de faire défection et devenir le rejoindre à El-M'horfa, (10 au 16 octo-
bre).
à 5 kilomètres de Souk-el-Arba.
Mais, bien que leur caïd (ainsi que celui dela Rekba) fût à
Tunis, ils étaient restés dans le devoir'

par suite d'une crue considérable de la Silianah; une traille fut confectionnée
avec des poteaux télégraphiques, des poulies de noria et des cordes en poil de
chameau pour lui passer ses vivres.)
Le 16, l'état-major de la subdivision vint s'installer provisoirement à Tebourba
avec la plus forte garnison (le siège de la subdivision venait d'être fixé au Kef).
Le 18, la colonne mobile revenue avec le colonel Menessier de la Lance arrive
à Tébourba ; le bataillon du 8e s'installe dans l'usine. Le 118 hussards, laissant
un peloton à Tébourba, se rend le 19 à la Manouba où se trouve son petit dépôt.
3. Ce bataillon du 2e, ayant reçu l'ordre de rentrer en Algérie, fut lui-même
relevé cinq jours après (le 15 novembre) par le bataillon du 80e. (Le bataillon du
2e était arrivé au Kef le 13 octobre. Voir note 3, page 274.)

;
4. Le 11 novembre, le détachement d'Amboix (bataillon du 20e et peloton de
hussards) quitte Ellez remontant vers le nord-est la section d'artillerie de mon-
tagne qui était à Ellez y resta avec le bataillon du 2e, le colonel de la Roque
n'ayant pas de pièces de montagne disponibles.
Le 16, le détachement d'Amboix qui venait d'Ain-Tunga fut arrêté par la crue
de la Silianah : il fut obligé de camper sur la rive gauche et traversa, le 17, sur
des radeaux faits avec des poteaux télégraphiques.
Le bataillon du 20e s'installa, le 21, à la fabrique de Tebourba.

I,
1. Voir tome note 1, page 70.
2. Le colonel de la Roque avait soutenu que d'assez bons contingents Djen-
douba marchaient avec Salah ben Hamouda à l'attaque duDyr-Kef le 28 septem
bre, que c'étaient eux qui lui fournissaient sa musique et qu'il avait vu les tam-
bours djendouba avec le drapeau de Salah ben Hamouda.
Il avait taxé de manque de surveillance le lieutenant chef du service des ren.
seignements de la place de Fernana, lequel n'admettait pas que les Djendouba
eussent participé à l'attaque du 28 (ce jour-là, le marché de Souk-el-Arba, au
centre des Djendouba, était très animé; un grand nombre de chefs indigènes y
étaient et aucun bruit n'avait circulé).
Quelques jours plus tard (12 octobre), quand il fut descendu dans la plaine, le

:
général Cailliot donna au colonel de la Roque l'explication de l'histoire des Djen..
douba avec leur fameuse musique il y vivait le 28, avec Salah ben Hamouda,
une trentaine de Drid, installés depuis 20 ans chez les Djendouba, dont 2 tam-
bours et 2 clarinettes.
Les Djendouba sont de nouveau sommés par Salah ben
Hamouda et par les Ouartan et les Madjeur (alors campés au
khanguet-el-Frass) de venir se joindre aux insurgés a El-Mras-
sen, entre Nebeur et
Le Kef; les Madjeur et les Ouartan vont
venir camper dans le Bahara. Les Djendouba sont prévenus
à
ques'ils ne viennent pas rallier les dissidents El-Mrassen, ils
seront prochainement attaqués par Salah ben Hamouda.
Cette fois, grand émoi chez les Djendouba, sollicités par
Ali ben Ammar et Salah ben Hamouda.
L'abandon des gares par les employés est loin de les rassu-
rer1.
Leur caïd est touj ours à Tunis et y reste sous prétexte que
a
la ligne de fer coupé ne lui permet pas de revenir chez lui.
Le commandant Gerboin2se décide à se retrancher àSouk-
el-Arba3, craignantl'attaque annoncée parSalahbenHamouda
(le commandant a saisi trois lettres adressées aux Djendouba),
et demande des renforts pour pouvoir protéger les tribus au
sud du chemin de fer.
Le général Cailliot prescrivit à trois pelotons de l'escadron
du 13e chasseurs à cheval de Ghardimaou de serendre Souk- à
el-Arba.
Puis, le général descend lui-même d'Aïn-Draham avec le
bataillon du 18e et deux sections d'artillerie de montagne.
Il quitte Aïn-Draham le 10 octobre à midi, est à Fernana le
10 et arrive à Souk-el-Arba le 11 octobre.
Le 12 octobre, le général Cailliot fait une marche dans la

1. A la suite des destructions de la voie ferrée du 30 septembre, il avait fallu


supprimer les trains; le personnel des gares depuis Beja avait reçu l'ordre de
se replier sur Ghardimaou.
« Les Arabes d'ici sont mécontents de voir qu'on évacue les gares et croient à
un mouvement de recul des Français. » (Extrait d'une lettre, en date du 3 octo-
bre, du chef de gare de Souk-el-Arba au lieutenant chef du bureau des rensei-
gnements à Fernana.)
2. Le commandant Gerboin, rentré le 5 octobre à Souk-el-Arba, en occupait la
gare avec le 29e bataillon de chasseurs et une compagnie du 98e. (Voir annexe
n" XLVIII, page 237.)
3. Le comptable de Ghardimaou, qui gérait administrativement Souk-el-Arba,
protesta parce que le commandant d'armes de Souk-el-Arba avait pris, sans en
donner des reçus, des caisses, des sacs et. des tonnelets pour barricader la gare.
direction de l'oued-Mellègue; il emmène avec lui toute sa
cavalerie, le 29e bataillon de chasseurs à pied, deux compa-
gnies du 18e et quatre pièces de montagne.
Le reste des troupes, sous le commandement du chef de
bataillon du 18e, reste à la garde du camp et de la gare de
Souk-el-Arba.
La présence à proximitédu djebel-Baharade lapetite colonne
du général Cailliot, les 14 et 15 octobre, facilite au colonel de
La Roque ses opérations 1vers le khanguet-el-Gueddim.
Le 16 octobre, le général Cailliot reprend le chemin d'Aïn-
Draham.
Les mouvements de cette petite colonne suffirent à ramener
le calme dans le pays des Djendouba2.
Dans le courant d'octobre, quelques émissaires des Oulad
Ayar se présentèrent dans la Rekba et provoquèrent cer-
tain désordre sur les marchés des Ghazouan et des Chiahia;
l'arrestation des principaux meneurs mit fin à l'effervescence
qui troublait les esprits.
Quant aux tribus de l'amelet de Béja, elles s'étaient abste-
nues de toute manifestation, même pendant lesjournées des
30 septembre, 1er et 2 octobre.
Nous savons3 que, dès le 27 septembre, le général Logerot, Le
chemin de fer
non content de faire occuper les gares les plus importantes, laMedjerdah
de

avait fait escorter les trains de chemin de fer, et nous avons (septembre
et
octobre).
vu4que ces mesures avaient été insuffisantes pour protéger la
voie et le personnel.
Le 15 octobre, le général de division Japy avait reçu le
commandement supérieur de Tunis, de la région nord et de la
Medjerdah en remplacement du général Logerot qui prenait le
commandement de la région sud.

1. Voir pages 274 et suivantes.


2. Nous avons vu l'attitude du goum de cent cavaliers des Djendouba appuyé

---
d'une section montée de la 1" compagnie de fusiliers de discipline dans la recon-
naissance exécutée, le 21 octobre, dans la direction de Bordj-Messaoudi, par le
lieutenant Vincent, du service des renseignements. (Annexe n° LVIII, A, p. 277.)
3. Voir annexe n° XLVIII, note 1, page 228.
4. Voir, annexe n° XLVIII, massacre de
- I - -
-. oued-Zergua.
La principale préoccupation du nouveau commandant supé-
rieur fut, comme avait été celle de l'ancien commandant de
la division d'occupation, la protection de la voie ferrée.
Non seulement il subordonna les mouvements des colonnes
de la Roque et d'Aubigny à la protection de la vallée de la
Medjerdah et du chemin de fer contre les opérations que les
bandes actives de dissidents auraient pu tenter, princi-
palement par la vallée de la Silianah, mais, dès sa prise de
commandement, en même temps qu'il faisait réparer la voie
entre Béja et l'oued-Zergua par les compagnies 12/2 et 16/3 du
génie, il fit occuper militairement toutes les gares et stations1
et fit escorter tous les trains par un détachement commandé
par un officier.
Pour arriver à réprimer immédiatement et d'une façon
exemplaire tout attentat, le général de division déléguait ses
pouvoirs à tous les commandants militaires des gardes (postes
des gares et stations) et des escortes des trains.
« Tout individu, quelle que soit sa nationalité, pris en
flagrant délit de tentative contre la sécurité du chemin de fer,
sera exécuté sur place et séance tenante. Son cadavre sera
placé en dehors de la voie et à côté des objets qui auront servi
à accomplir le crime. »
Ces prescriptions pratiques produisirent leur effet.

1. Les gares et stations devaient être mises en état de défense sans dégrada-
tion!
N°LIX

Une colonne, sous les ordres du général Logerot, va de Kairouan à


Gabès, pacifie l'Aarad, reçoit la soumission des Beni-Zid et revient
à Sousse. — Retraite d'Ali ben Khalifa A.

Le 12 novembre, le lendemain du départ de la colonne La colonne


Logerot
Forgemol pour Gafsa', le général Logerot, précédé par les partdeKairouan
le
goumiers de Youcef Allegro, quitte Kairouan; 12 novembre,
arrive le 29
Sa colonne arriva le 29 à Ras-el-Oued de Gabès sans qu'elle à
Ras-el-Oued a.
ait eu à tirer un seul coup de fusil.
Le pays était désert. Aliben Khalifa avait entraîné avec lui, Retraite
d'AlibenKhalifa
vers laTripolitaine, toute la population.

A.Consulter le croquis n° II pour les annexes n° LIX à n° LXIV.


1.Voir plus loin, annexe n° LX.
2. Itinéraire détaillé de la colonne Logerot :
12 et 13 novembre Redir-el-Ouiba. (Un orage qui a sévi
le 12 a rendu les chemins si mau-
vais que la colonne doit séjourner
le 13 à El-Ouiba.)
14 — Si-Amor-bou-Hadjeba
15 —
Oglet-ben-Zallouch.
16 — Oglet-bou-Hadjeba.
17 Ali-ben-Aabda.
18
19

-- Oglet-Metnen.
Oglet-Si-Ali-ben-el-Taieb.
20 au 23 El-Founia.
24
25
-- , , , ,. Si-Naceur-en-Nogueuss.
Sidi-Meheddeb.
26
27
-- Oued-el-Akarit.
Metouia.
29 - Ras-ci-Oued.
a) La marche de Kairouan à El-Founi fut assez pénible; les dissidents avaient fait le vide
devant la colonne qui ne trouvait aucune,ressource. L'état sanitaire resta cependant assez
bon. Le 20, à El-Founi, le général Logerot est en relations avec Gabès. Le goum d'Allegro
razzie G.000 moutons appartenant aux Hammema. Le général de Saint-Jean est envoyé dans la
nuit du 20 au 21, sur le djebel-Douara, avec une colonne légère de quatre escadrons de cava-
lerie, deux bataillons d'infanterie et une section d'artillerie de montagne. Il tomba à l'impro-
:
viste, le matin du 21, sur 7 fractions des Oulad-Khalifa (Zlass), qui remontaient vers le nord
elles ne cherchèrent pas à se défendre et déposèrent leurs armes. Le général de Saint-Jean prit
500 tentes, 500 chameaux, 1.380 bœufs, 2.000 moutons, 145 chevaux et une grande quantité de
grains; le tout fut ramené à El-Founi.
:
A partir du 25, à la suite de pluies, l'état sanitaire devint plus mauvais
évacués de l'oued-Akarit sur Gabès.
les malades furent
Après la prise de Sfax, le caïd des Neffet s'était établi à
Marouga, dans la vallée de l'oued-Chanar. Un mois plus tard,
redoutant une attaque de la part des troupes de Sfax, il avait
reporté ses campements à Oglet-el-Founi; dans la deuxième
quinzaine de septembre, cette position lui paraissant trop
voisine de la mer, situation qui pouvait nous permettre de
tomber inopinément sur sa smalah, il remonta vers le nord
et alla s'établir à Hassian-Chaâl, dans le Bled-Chaâl, arrosé
par un affluent de droite de Foued-Chanar.
Après y avoir passé une dizaine de jours, il poursuivit sa
marche dans la direction de Kairouan et ne s'arrêta que près

;
de la koubba de El-Hadj-Kaçem. Il passa quelques jours en
cet endroit mais, vers la fin d'octobre, enhardi par notre
inaction, il osa pousser jusqu'à 70 kilomètres de Kairouan et
s'installa à la retba de Sidi-Ali-ben-AbidA
Dans les premiers jours de novembre (après le pillage d'El-
Djem), ayant appris la destination de la colonne du général
Logerot, il se décida à s'enfoncer immédiatement dans le sud.
à
Il gagna grandes journées Telman, situé à l'extrémité du
chott Fedjej, en passant par Aarig-es-Sebth, Oglet-Nouhail et
Oglet-Ouhali.
Toute sa tribu, à l'exception des Neffet établis dans le nord
de la régence, le suivait.
En quittant la retba de Sidi-Ali-ben-Abid, il avait donné le
signal du départ aux tribus rebelles. Il fut bientôt rejoint à

Les Zlass qui avaient évacué Kairouan les 24 et 25 octobre (voir 2, annexe
LesZlass
après
l'occupation
A.

Les Oulad-Iddir (accompagnés par la


:
LIV, page. 247) avaient pris différentes directions
majeure partie des Fathnassa) s'étaient
de
Kairouan. repliés sur l'oued-Leben où ils devaient trouver les Oulad-Aziz; les Oulad-Kha-
lifa (moins 2 fractions) avaient pris également le chemin du sud pour rejoindre
Ali ben Khalifa ;
Mais les Oulad-Sendacen avaient préféré ne pas abandonner leur pays et étaient
allés tirailler les 25, 26 et 27 octobre contre la colonne Forgemol venant de Te-
bessa.
Dans la journée du 30, Souassi, Metellit, Nefïet et Zlass allèrent piller le vil-
lage d'El-Djem (ils se battirent ensuite entre eux pour le partage du butin).
De là ils se précipitèrent sur les douars des Souassi qui manifestaientl'intention
de faire leur soumission; puis, rencontrant les Oulad-Said en marche vers l'oued-
Leben, ils prirent la même direction qu'eux.
Telman par les Oulad-Iddir de Hassein ben Messaï, trente
tentes des Oulad-Saïd, quarante-cinq tentes des Metellit et
quelques groupes des Oulad-Aziz1 campant à proximité des
NefIet.
Vers le 12 novembre, les Mehedba, les Aguerba, les Souassi
et le reste des Metellit et des Oulad-Saïd vinrent s'établir aux
environs d'El-Hamma.
Pendant ce temps les Hammema prononçaient aussi leur
mouvement de retraite.
Les Oulad-Redhouan, les Oulad-Aziz et les Oulad-Maamar,
quoique marchant avec une indépendance absolue, se diri-
geaient vers Bir-Sultan, Bir-Zoumit et Biar-Abdallah.
Le 16 novembre, à la nouvelle du départ du général Logerot,
les Kebar se réunirent à El-Hamma et convinrent d'un
commun accord qu'il était urgent de fuir en Tripolitaine.
Il fut décidé qu'Ali ben Khalifa suivrait la route passant
par Ksar-Médenine, tandis que les autres dissidents se concen-
treraient vers Bir-Zoumit et marcheraient ensuite en forces
vers la frontière3.
Ali ben Khalifa quitta Telman vers le 22 novembre, quand
la colonne Logerot fut arrivée à Oglet-el-Founi il marcha
d'abord rapidement, sans séjourner sur aucun point, et arriva
;
le 25 sur l'oued-Oum-es-Zessar où il séjourna une quinzaine
de jours.
Là, il fut rejoint par son frère El Hadj Salah qui lui apprit
que les tribus qui devaient suivre la route de la montagne
n'avaient pas encore quitté les environs d'El-Hamma4, mais
que quelques douars commençaient à se mettre en route pour
Bir-Zoumit.

1. Voir annexe n° LX, 3, page 323.


2. Voir annexe n° LX, page 322.
3. Il importait en effet que les dissidents fussent en forces pour passer sur la
terre étrangère, afin de pouvoir faire face aux attaques des tribus pillardes de
Tripolitaine qui, sans aucun doute, guettaient avec impatience l'arrivée des im-
migrants tunisiens.
4. Voir plus loin, 1, page 317.
Aliben Khalifa voulut profiter du moment de répit que lui
laissait la lenteur de la marche de la colonne française pour
entraîner en Tripolitaine les Hazem et les Hamerna, dont il
venait de traverser le territoire; il ne put y réussir. Ces deux
tribus sont attachées à leur sol; trop faibles pour résister par
les armes au chef de l'insurrection elles firent de vagues pro-
messes, commencèrent même à se rassembler pour ne pas
laisser deviner leurs intentions et, finalement, n'émigrèrent
pas.
Le général Logerot étant arrivé le 29 novembre à Ras-el-
Oued, Ali ben Khalifa se remit en route par petites journées,
prenant un repos de deux ou trois jours après chaque étape.
Il campa successivement sur l'oued-Saâdan, à Aïn-Maider, à
Oglet-el-Ouhamia, à Oglet-Saïdan, et atteignit le Mokta à El-
Djedlaouin, vers le 10 décembre.
Là, il attendit l'arrivée des tribus qui se concentraient alors
près deBir-Zoumit et qui devaient pénétrer avec lui sur le ter-
ritoire tripolitain1.
Dès le surlendemain de son arrivée à Ras-el-Oued, le géné-
ral Logerot dirige une reconnaissance sur le village de Chenini
et fait incendier la maison d'Ali ben Khalifa.
Le gai Logerot Le 1er décembre, il quitte avec sa colonne2les campements
à
El-Hamma. qu'il occupe depuis le 29 novembre et. marche sur El-Hamma
3 décembre.
où il arrive le 3.
Les dissidents ont évacué ce point.
Les habitants de Debdaba rentrent dans leur village l'aman
leur est accordé ainsi qu'aux gens du ksar qui s'étaient déjà
;
présentés au général Logerot à Metouïa.
La colonne se dirige ensuite vers les Oglet-Meretba, au sud

1. Voir annexe LXII, 1, page 338.


2. Composition de la colonne LOGEROT (depuis Ras-el-Oued jusqu'à El-Hamma)
;
23e bataillon de chasseurs à pied (tiré de la 7e brigade, Etienne)
Bataillons des 65e, 125e, 135e (tirés de la 5e brigade, Sabaltier);
:

;
Bataillons du 107e et du 137e (provenant de Gabcs) ;
Deux escadrons du 6e hussards
;
Une batterie d'artillerie
Le goum d'Allegro.
d'El-Hamma. Cette marche la conduit non loin de Sidi-Gue-
naou, où campent les Metellit, les Souassi, les Oulad-Saïd et
les Aguerba qui n'ont pas encore pu s'enfuir en Tripolitaine, à
cause du mauvais temps1. Les dissidents, surpris le 5 décem-
bre par le goum d'Allegro et par notre cavalerie, se rendent à
discrétion. Après avoir été désarmés, ils sont dirigés vers-
leurs territoires d'origine.
Le 5 décembre, au soir, arrivait aux Oglet-Meretba le fils Soumission
de
aîné de Mohamed ben Cherfeddine, Amar, envoyé par son Mohamed ben
Chcrfeddine.
père pour entrer en pourparlers au sujet de la soumission des 6 décembre.

Beni-Zid. Le général Logerot exigea la venue de Cherfeddine.


Celui-ci, qui suivait son fils de près, rejoignit la colonne, le
lendemain 6, à Dahar-el-Guendoul. Le concours des Beni-Zid
pouvant nous être d'une grande utilité, le général Logerot
leur accorda l'aman absolu, à la seule condition que dans un
délai de quatre jours ils seraient rentrés sur leur territoire et
les habitants d'El-Hamma dans leur oasis.
Mohamed ben Cherfeddine parvint, non sans peine, au bout
de huit jours, à les amener à composition2 Quelques tentes
seulement allèrent rejoindre les émigrants des autres tribus à
Bir-Zoumit,
Le 7 décembre, le général Logerot reçut la soumission des
gens des Matmata, des Hazem et de la majeure partie des habi-
tants des ksour de Gabès qui, dans les derniers jours de
novembre, s'étaient enfuis pour aller rejoindre leurs familles
qu'ils avaient mises en sûreté dès le début des hostilités3.
La colonne rentra le 8 décembre à Ras-el-Oued'.

1. Voir plus haut, 4, page 315.


2. Voir plus loin, 1, page 319.
3. Voir annexe n° XXXIX, page 179.
4. Le 11 décembre le général Logerot installa à Gabès Youcef Allegro comme
gouverneur de l'Aarad. (Il avait rendu de grands services, conduisant d'abord le
goum du général Cailliot en Khoumirie, puis celui du général Logerot dans sa
marche sur Kairouan et sur Gabès.)
Le général Logerot ordonna de la façon suivante l'occupation de Gabès :
Gabès-port, deux compagnies du 77e; au camp d'observation de Ras-el-Oued, éta-
à

bli sur des collines élevées ayant vue par dessus l'oasis, deux compagnies du 77e,
La région paraissant pacifiée, le général Logerot fit ses pré-
paratifs pour ramener sa colonne à Sousse, en passant par
Sfax.
L'arrivée de la colonne Logerot dans le sud avait produit le
meilleur effet; sa marche surEl-Hammam avait impressionné
les tribus. L'annonce de son départ détruisit presque complè-
tement l'effet de l'arrivée; les indécis ne vinrent pas; quel-
ques-uns, qui avaient demandé l'aman, firent leurs réserves
et manifestèrent des prétentions nouvelles à leur présentation
au général le 10 décembre.
,
;
Ali ben Khalifa n'ignorait rien il avait fait prévenir les
tribus que la colonne française allait se retirer pour ne plus
revenir, parce que la Turquie en avait intimé l'ordre, et
qu'aussitôt après son départ les troupes turques entreraient
en Tunisie1

les bataillons des 14e, 107e, 137e, une batterie d'artillerie, deux escadrons et une
demi-compagnie du génie.
(L'arrivée de la colonne Logerot à Ras-el-Oued, sur les derrières des insurgés
qui tenaient l'oasis de Gabès, et entre cette oasis et El-Hamma des Beni-Zid, avait
eu pour résultat immédiat de faire évacuer la région et de dégager les troupes
françaises de Gabès qui étaient comme bloquées depuis quatre mois.
On s'imagina que Ras-el-Oued était « une position » et on l'occupa d'une façon
définitive.
C'était une erreur qui fut rectifiée plus tard.)
Le commandant de Marquessac, parti de Gabès le 11 au soir avec la Reine-
Blanche, seul vaisseau alors disponible dans les eaux du sud, embarqua le 12 à
Sfax le bataillon du 77e destiné à renforcer la garnison de Gabès (portée à 4 ba-
taillons au lieu de 3), et le débarqua le 13 au matin à Gabès. Il fallait prendre
encore à Sfax une batterie d'artillerie avec ses chevaux pour Gabès; il n'y avait
plus de moyens de transport.

:
1. « Les mensonges d'Ali ben Khalifa étaient malheureusement basés sur le dé-
part des troupes que les indigènes allaient voir comment aurait-on voulu qu'ils
ne crussent pas le reste?
Ils commencèrent à hésiter.
Il y avait dans ce pays, contre nous, un sentiment bien net d'opposition.
Les populations du sud sont habituées à une grande indépendance et préfé-
reront toujours les exactions du bey à la régularité de notre administration;
quels que soient les avantages que nous leur promettions, elles préféreront tou-
jours suivre la loi de leurs pères et ne prendre de notre civilisation que ce qui
convient à leur caractère.
Quant aux villes, elles ont des libertés municipales fort étendues et n'aspirent
à aucune amélioration.
Avec de pareils éléments il est difficile de réussir à accomplir une mission
civilisatrice. »
Etant données l'indécision de certaines tribus et même les
hostilités marquées sur certains points, il eût été imprudent
de ramener vers le nord la colonne qui se préparait à y retour-
ner.
Aussi, le 12 décembre, le général Logerot quitte-t-il le La
colonne Logerot
camp de Ras-el-Oued, mais conduisant sa colonne vers le sud chez
les Beni-Zid
au lieu de la mettre en marche vers le nord. et dans
les Matmata.
Il visite successivement les villages des Beni-Zid, Zeraoua,
Tamezert, Bou-Dafer.
(Le 14, avant d'arriver au village de Zeraoua, et pendant
que sa colonne est engagée dans un défilé difficile, il est atta-
qué, mais mollement, par les dissidents dont il a facilement
raison; il leur met 70 hommes hors de combat, dont 21 tués
laissés sur le terrain, mais ne peut les poursuivre en raison
du mauvais temps et de la difficulté du terrain. — Le 15, à
Tamezert, il reçoit tous les cheikhs des Beni-Zid1.)
Il contourne les Matmata en passant par Djouali et Oglet-
Saadoù il reçoit la soumission de tous les Matmata, et rentre à
Gabès en passant par Mareth et Kétenah et faisant remonter
vers le nord environ 7.000 tentes des Souassi, des Metellit, des
Oulad-Saïd et des Gouassem.
Le calme revint dans le pays à la suite de cette colonne et,
le 26 décembre, le général Logerot put avec ses troupes pren-
dre le chemin de Sousse.
La colonne suivit la côte2, trouvant partout un excellent Elle revient
à
accueil, et arriva à Sousse le 17 janvier 1882. Sousse.

i.Voir plus haut, 2, page 317.


2. Itinéraire de retour de la colonne Logerot partant de Ras-el-Oued le 26 dé-
cembre :
1881
Métouia, oued-Akarit, Bou-Said, Oglct-el-Kclba, EI-Melah, Maharess, Guergour,
El-Aguerba, Sfax, Maçera-el-Bey, El-Djem, Si-Messaoud, Sousse (17 janvier
1882).
N°LX

La colonne Forgemol va de Kairouan à Gafsa. — Colonnes de Negrine


et d'El-Oued. — Le colonel Jacob à Gafsa. — La colonne Forgemol
rentre en Algérie.

Marche Le général Forgemol ne resta que quelques jours sous les


du
général Logerot
vers le sud.
murs de Kairouan 1.
11 novembre. Dès le 11 novembre il se mit en marche vers le sud pour
atteindre les Hammema2.
Le 14, il arrivait à Djilma; il avait reçu, chemin faisant, la
soumission des Oulad-Sendacen2. Il ne restait plus alors que
deux fractions de cette tribu en dissidence, les Oulad-Aziz et
les Megagta, qui, quelques semaines plus tard, devaient reve-
nir à Kairouan pour demander l'aman sans avoir passé la
frontière tripolitaine.
Le 15, la cavalerie de la colonne razziait dans le Guemonda
environ 20.000 moutons, des chameaux et des bœufs apparte-
nant aux douars des Drid, des Oulad-Sidi-Abid3 et des Oulad-
Ayar qui avaient abandonnéAli ben Ammarvers le
11 novem-
bre et qui avaient pu s'échapper par la Rouhia, avant l'arrivée
du général Philebert au Kef-Erraï.
Le 16, les mêmes troupes enlevaient le reste des troupeaux,
environ 4.000 moutons qu'elles trouvaient abandonnés près
d'Oglet-oum-El-Adham.
Ilentre La marche de la colonne se poursuivit alors sans incident.
à
Gafsa. Le 19, elle arriva à Oglet-Meretba, et le 20 elle entrait à Gafsa,
20 novembre.
ayant traversé, pendant les derniers jours, un pays complète-
ment désert, mais où de nombreuses traces révélaient le pas-
sage récent des insurgés.

1. Il y était arrivé le 29 octobre.


2. Voir annexe n° LVII, page 272.
3. Oulad-Sidi-Abid indépendants de la région du Kef.
En approchant de Gafsa, le général Forgemol vit venir à lui
El Hadj Hassein Longo commandant des forces militaires de
la ville, qui, dès la veille, l'avait informé par courrier que les
Hammema s'étaient repliés vers le sud et qu'il n'éprouverait
aucune résistance.
Ils'agissait maintenantd'atteindre les Hammema quiavaient
quitté les environs de Gafsa depuis plusieurs jours et qui
s'étaient retirés dans la direction d'El-Guettar et d'Oum-Ali.
Le 22 novembre, le général de la Soujeolle se portait avec
une colonne mobile à El-Guettar; il en repartait le 23 pourBir-
Mrabot et Oum-Ali où il arrivait le 24 dans la soirée. Il avait
été impossible de tirer du khalifa d'El-Guettar le moindre ren-
seignement sur la direction prise par les dissidents. A Oum-Ali,
le général de la Soujeolle ayant appris que la majeure partie
des insurgés avait traversé le chott et que d'autres groupes en
avaient longé la rive nord et se trouvaient à 50 kilomètres
d'Oum-Ali, jugea inutile de suivre plus longtemps les traces
des fuyards et revint à Gafsa.
Le 27, les généraux Bonie et de Gislain, commandant,
l'un la brigade de cavalerie, l'autre une colonne légère, quittè-
rent Gafsa pour s'assurer des dispositions des villages d'El-
Aïacha, de Bou-Saad et de Sened, situés à l'est de Gafsa, au

1. El Hadj Hassein Longo attendait impatiemment notre arrivée.


Au mois de mai, il avait essayé de ramener le calme dans les esprits.. Voyant
l'apathie du khalifa Ahmed ben Abid, il s'était substitué à lui et avait pris en
main la direction des affaires. Ses tentatives échouèrent; il fut contraint de se
réfugier, avec quelques amis dévoués, dans la kasbah, pour échapper aux me-
naces de la population et des 300 artilleurs du bey, formant la garnison de la
ville, qui s'étaient mutinés à l'instigation de leurs officiers et de leurs sous-
officicrs.
Pendant 6 mois, El Hadj Hassein Longo résista sans défaillance aux prières et
aux menaces du soff Hammema; (il fut admirablement secondé par son fils aîné,
Ahmed, jeune homme de vingt ans, qui, la nuit, s'aventurait bravement hors de
la kasbah, avec un serviteur, pour chercher ce qui était nécessaire au groupe
resté fidèle). Il put ainsi conserver intact le bordj et les approvisionnements
d'armes et de munitions qui avaient été confiés à sa garde.
;
bah
Dès son arrivée, le général Forgemol prit possession de la ville et de la kas-
il révoqua le khalifa Ahmed ben Abid, qui s'était du reste complètement
effacé, et confia son commandement à El Hadj Hassein Longo, en récompense de
sa belle conduite.
sud du Makenassi et en plein territoire du parcours des Oulad-
Aziz.
Le 27 au soir, les deux généraux étaient à El-Guettar.
Le 28, ils se séparent à hauteur de Bou-Amran qui fait sa
soumission; le général Bonie se dirige sur Bou-Saâd et
Sened, le général de Gislain vers El-Aïacha où il arrive le soir
même; il occupe immédiatement le village1.
De son côté, le général Bonie avait été de Bou-Amran à
Bou-Saad et, après quelques coups de fusil, avait razzié des
troupeaux aux Oulad-Aziz.
Le 29 novembre, les deux colonnes se remettaient en
marche pour Gafsa, ramenant avec elles les notables d'El-
Aïacha et de Sened qui venaient se présenter au général
Forgemol. Peu de temps après, les gens de Mech envoyaient
une députation pour demander qu'il ne leur fût fait aucun
mal.
Ces différentes reconnaissances permirent de constater que
les dissidents avaient quitté le pays.
Préparatifs Ils avaient, en effet, fui à marches forcées vers le sud.
de
retraite Dès la fin d'octobre, les Oulad-Redhouan avaient commencé
des dissidents.
à se grouper au nord de Gafsa et dans le Hamra, avec la majeure
partie des Oulad-Slama et des Oulad-Maamar, tandis que les
Oulad-Aziz se réunissaient dans le Makenassi et dans le Bled-
Talah.
Nous savons2 que ce fut Ali ben Khalifa qui donna, le pre-
mier, le signal de la retraite. Ayant appris, dans les premiers
jours de novembre, qu'une colonne se dirigeait de Kairouan
sur Gabès et les Beni-Zid, il avait pris précipitamment le che-
min du sud, indiquant comme point de ralliement, aux diffé-

1.A l'arrivée de nos troupes devant El-Alacha, les gens du village se portè-

; ;
rent à notre rencontre pour affirmer leurs bonnes intentions. Ils s'avancèrent
avec leurs armes on crut à une manifestation hostile notre artillerie envoya
quelques projectiles dans les premières maisons du village. On reconnut presque
aussitôt la méprise; les dégâts n'étaient que matériels et tout à fait insigni-
fiants.
2. Voir plus haut, annexe LIX, page 315,
rents chefs insurgés, Hammema et autres, le Mokta, sur la
frontière tripolitaine'.
Ahmed ben Youcef fit immédiatement ses préparatifs de
départ; mais, avant de quitter Gafsa, il écrivit au khalifa de
Kebilli, Chaouch Ahmed ben Belkassem, pour le prier de se
joindre à lui avec ses gens et de le suivre dans sa marche vers
le sud.
Ahmed ben Belkassem pouvait fort bien contrarier le pas-
sage d'Ahmed ben Youcef à travers le chott
passer2.
;
il le laissa

Aussitôt après le passage des dissidents, Ahmed ben Bel-


kassem écrivit au général Forgemol pour lui affirmer ses
bonnes intentions et le prévenir que l'ordre n'avait pas été
troublé dans son commandement.
Ahmed ben Youcef, après avoir rassemblé autour de lui lés Ahmed ben
Youcef,
fractions qui devaient le suivre, partit de Gafsa vers le 11 ou avec
les Hammema,
12 novembre. Il gagna aussitôt Oum-Ali, traversa le chott et quitte Gafsa
le11
se dirigea à marches forcées ver Bir-Sultan' où il devait être ou 12 novembre
pour
rejoint plus tard par les Oulad-Aziz, les Souassi, les Mehedba, se diriger
le
sur Mokta.
les Aguerba, les Gouassem, les Metellit et les Oulad-Saïd.
Quant aux Oulad-Aziz, ils avaientpour la plupart suivi la
rive nord du chott et étaient allés se joindre aux dissidents
fuyant devant la colonne Logerot, qui s'étaient rassemblés à
Telman, à l'extrémité orientale du chott Fedjej4.

1. Voir annexe n° LIX, note 3, page 315.


2. Il eût été difficile, impossible même, il Chaouch Ahmed ben Belkassem de
prendre une autre attitude; se trouvant, comme les Beni-Zid, sur un point où
devaient fatalement passer les dissidents de la région sud-ouest, il était dans la
nécessité d'agir à leur égard avec les plus grands ménagements.
Sans se prononcer nettement, Ahmed ben Belkassem avait cependant maintenu
l'ordre chez ses administrés, d'humeur fort peu guerrière d'ailleurs, tandis que le
khalifa de Telmine, Ali bou Allègue, avec lequel il était depuis plusieurs années
en rivalité d'intérêts et d'influence, s'était lancé à corps perdu dans le parti de
la protestation. Sans aucun doute, les motifs qui faisaient agir le khalifa de
Kebilli étaient tous intéressés; il espérait surtout profiler de l'occasion pour
supplanter son rival, asseoir son autorité et augmenter sa fortune personnelle.
(Voir suite, 1, page 333, et annexe LXIV, 5, page 349.)
3. Voir annexe n, LXII, 3, page 338.
4. Voir 1, annexe LIX, page 315.
Les pillards Lorsque les troupes françaises entrèrent dans Gafsa, le pays
du
Djerid,
deTameghza, était à peu près évacué par la population nomade. Il restait
deMidès cependant encore, aux environs du Djerid, un assez grand
et de Chebika.
nombre d'Oulad-Yahia (Oulad-Aziz); au sud de Gafsa, dans le
djebel-Asker, une trentaine de tentes des Oulad-Slama; entre
Stah et Tameghza, les Oulad-bou-Yahia, des Oulad-Maamar;
enfin une dizaine de douars des Oulad-Abd-el-Krim (des Ou-
lad-Aziz), fixés à Mech et à Sened.
Ces différents groupes n'avaient pas pris part aux opérations
des dissidents contre la colonne Forgemol (c'est pourquoi ils
ne suivaient pas le mouvement de retraite vers la Tripoli-
taine).
Tandis que les autres insurgés se faisaient écraser sur la
Rouhia et au koudiat-el-Halfa, ils rançonnaient les popula-
tions pacifiques de la région (habitants des ksour et Oulad-
Sidi-Abid). Entre temps, ils pénétraient sur le territoire algé-
rien en compagnie des Oulad-Yagoubd'Ali-bou-Allègue et de
la bande des Gour (Algériens réfugiés) de Midès, razziant les
troupeaux des Troud, tuant les bergers et attaquant les cara-
vanes qui suivaient les routes de la frontière.
Les pillards avaient deux points d'appui d'où ils tiraient
leurs ressources et où ils emmagasinaient leur butin les
Oulad-Yahia et les Oulad-Slama avaient les oasis du Djerid
:
comme base; les Oulad-bou-Yahia et les Gour, les villages de
Tameghza, de Midès et de Chebika.
Formation Les autorités algériennes s'étaient vivement émues de cet
des
colonnes état de choses. Des troupes avaient été d'abord réparties le
de Négrine
et
d'El-Oued.
long de la frontière; mais, dans la suite, la situation ne se
modifiant pas, il avait été décidé que deux colonnes parti-
raient l'une de Négrine et l'autre d'El-Oued, vers le Djerid1.
Ces deux colonnes, tout en purgeant le pays des marau-

1. Ilavait été question, pendant le mois d'octobre, de pousser les tribus algé-
qui s'étaient réfugiés dans le sud de la régence
suite.
;
riennes, et notamment les Troud, à tomber sur les campements des dissidents
ce projet était resté sans
deurs qui l'infestaient, devaient en même temps contribuer à
rendre plus efficace le mouvement vers le sud prononcé par
le général Forgemol.
La colonne de Négrine fut placée sous les ordres du colonel
Jacob, du 3e régiment de tirailleurs algériens; la colonne
d'El-Oued sous le commandement du lieutenant-colonel Le
Noble, des spahisl. -
Le 14 novembre, le colonel Jacob, ayant reçu l'ordre de se Marche
delacolonne
mettre en marche le 19, entra en relations avec les Oulad- deNégrine.
Sidi-Abid2qui habitent la zone frontière de la régence entre
le parallèle de Tameghza et celui de Fériana.
Les kebar de la tribu se rendirent à l'invitation du colonel
Jacob et vinrent se présenter le 15 novembre, à Zarif-el-Ouar,
à l'officier des affaires indigènes délégué à cet effet. Ils décla-
rèrent qu'ils désiraient la paix et qu'ils se tenaient à la dispo-
sition de l'autorité française.
Il leur fut alors demandé, comme gage de leurs bonnes
intentions, de fournir un convoi de huit cents chameaux
payés de la même façon que ceux des tribus algériennes, de
camper sur des points déterminés et d'assurer le service des
courriers.
Les kebar devaient se présenter au camp de Négrine le 17

1. Colonne de Négrine, colonel JACOB


Deux bataillons d'infanterie.
:
Un escadron de hussards,
Les spahis de Négrine et de Zribel-el-Oued,
Une section de munitions,
Le goum de Biskra.
Colonne d'El-Oued, lieutenant-colonel LE
Un bataillon mixte (3° tirailleurs et
NOBLE
3e
:
bataillon d'Afrique),
Les spahis d'El-Oued,
Le contingent à pied et à cheval des Trouds,
Quelques cavaliers du goum de Biskra.
2. Les Oulad-Sidi-Abid n'avaient pas pris part au mouvement insurrectionnel.
Depuis plusieurs mois ils allaient du nord au sud de leurs terrains de parcours.
fuyant les attaques des Hammema et cherchant à échapper à l'action d'Ahmed
ben Youcef et d'El Hadj Harrat qui les pressaient vivement de venir les rejoindre.
Dans les derniers jours d'octobre, ils avaient môme manifesté l'intention de se
réfugier sur le territoire algérien; la retraite des dissidents vers le sud ne les
força pas de recourir à cette dernière extrémité.
pour rendre compte de l'exécution des conditions imposées
mais, dans la soirée, on apprit que la tribu avait reporté ses
;
campements plus au sud et s'était dirigée vers Bir-el-Haouch.
Le 19, le colonel Jacob se mit en marche. En arrivant au
koudiat-el-Maïza, il trouva le khalifa de Tameghza et le
cheikh de Midès, qui venaient demander l'aide et la protec-
tion des Français1.
Elle arrive
le 20 novembre
Le colonel Jacob arriva le 20 novembre à Tameghza. Il
à Tameghza.
reçut aussitôt la visite d'El Hafïnaoui ben Abd el Afid, qui vint
lui demander de vouloir bien recevoir les délégués des Oulad-
Sidi-Abid, qui désiraient faire leur soumission. Le colonel
refusa d'abord de recevoir ces indigènes qui avaient une pre-
mière fois manqué à leur parole; ce ne fut que le lendemain,
sur les instances du marabout de Tameghza, qu'il consentit
à les recevoir au camp de Djouama-er-Rechig.
Il leur imposa avant tout les conditions suivantes
1° envoi au camp de Ras-el-Aïoum de 400 chameaux;
:
2° envoi de 400 moutons;
3° fourniture de 200 guerbas pour le transport de l'eau;
4° remise de 3 otages et organisation du service de corres-
pondance.
Ces différentes conditions furent intégralement remplies.

1. Midès avait bien donné asile à certains réfugiés algériens, voleurs, assas-
sins, qui avaient commis, dans les derniers temps, nombre de méfaits sur notre
territoire. Mais les deux chefs indigènes avaient été réellement impuissants à
éloigner de leur territoire ces dangereux malfaiteurs et on ne pouvait user de
rigueur à leur égard. C'était, du reste, de petites personnalités, ayant fort peu
d'action et d'influence sur leurs administrés, et ils ne pouvaient être rendus res-
ponsables des faits et gestes de ces derniers.
Toute l'influence était entre les mains d'El Haffnaoui ben Abd el Afid. cheikh
des Rahmania, qui jouissait dans toute la région d'une autorité incontestée et de
toute la considération des adeptes de son ordre, très répandus dans le sud-ouest
de la régence; il avait été cependant obligé lui-même, malgré la puissance de sa
parole et de ses conseils, de céder et de temporiser devant les violences des gens
en maraude et des malfaiteurs qui étaient passés à Tameghza.
El Haffnaoui était en relations avec les autorités militaires de Tebessa, avant les
incidents qui motivèrent notre intervention en Tunisie. Dès la concentration des
troupes à Nègrine, il s'était empressé de fournir au commandant du poste des
renseignements qui nous furent très utiles (les Hammema l'avaient, pour ce fait,
menacé et surveillé).
La colonne d'El-Oued s'était également mise en marche le Marche
dela colonne
19 novembre. d'El-Oued.

On ignorait les intentions des habitants du Djerid.


Au début des hostilités, tant qu'ils se sentaient à l'abri de
nos atteintes; ils s'étaient déclarés hautement partisans de
l'insurrection1.
Mais la période d'excitation dura peu.
Les habitants du Djerid sont gens fort intéressés; ils s'aper-
çurent bientôt que toutes ces démonstrations n'étaient d'au-
cune utilité et pouvaient fort bien les compromettre à nos
yeux. Ils ressentaient du reste vivement les exigences et les
déprédations des Hammema, qui étaient campés autour de
leurs oasis et qui commençaient à piller les jardins où les
dattes et les autres fruits d'automne arrivaient à maturité.
Enfin ils n'ignoraient pas que des troupes se concentraient à
El-Oued.
Il se produisit alors un revirement dans les esprits2.
Le lieutenant-colonel Le Noble, qui s'était mis en marche le
19, précédé à un jour de distance par les contingents indi-
gènes commandés par un officier du service des affaires indi-
gènes, arriva le soir même à Debila.
Le 20, il passa à Bir-Bou-Ksessia, le 21 à Liberess, le 22 à
Bir-Bou-Khiala, le 23 à Bir-el-Asseli.
En arrivant à Bir-el-Asseli, le lieutenant-colonel trouva au
camp des contingents indigènes qui l'avaient attendu en ce
point, tous les notables de Nefta, qui venaient assurer que
la ville nous recevrait avec satisfaction.

1. Ce fut à Nefta que l'opinion publique, dirigée par Mohamed ben Brahim, nous
fut le plus franchement hostile.
Mohamed ben Brahim, cheikh de la zaouia des Kadria, ne cessait de propager
les nouvelles les plus invraisemblables et les plus propres à jeter le trouble dans
le pays. (Dans les premiers jours de septembre, il était allé faire un voyage dans
l'Aarad et, à son retour, il n'avait pas manqué d'annoncer que les Turcs mar-
chaient sur la Tunisie, que la ville de Sfax avait été reprise et que les Français
n'étaient jamais entrés à Kairouan.)
2. Vers le 10 novembre, d'ailleurs, les maraudeurs Hammema commençaient
à marquer une certaine hésitation; leurs incursions devenaient de plus en plus
rares. Le bruit courait aussi qu'un nombre assez considérable d'Oulad-Sidi-Yahia
avaient franchi le chott pour aller rejoindre Ahmed ben Youcef.
- les invita.à apporter le
Le lieutenant-colonel lendemain,
comme preuve d'obéissance, une diffa pour toute la colonne,
et leur déclara que la ville de Nefta aurait à verser une
amende de guerre.
Elle entre
à
Le lendemain, la colonne atteignit Nefta, après une marche
Nefta
le 24 novembre.
de 28 kilomètres. L'installation du camp se fit sans incident.
Les indigènes s'approchèrent sans crainte de nos soldats,
cherchant à vendre leurs produits et demandant avec insis-
tance s'il y avait des canons dans la colonne, notre artillerie
leur causant une grande terreur.
Le 25 novembre, le lieutenant-colonel Le Noble imposa aux
habitants de Nefta les conditions suivantes
livraison immédiate de 1.000 fusils;
:
paiement, dans la journée du lendemain, d'une contribu-
tion de guerre équivalant à 50.000 fr;
livraison de 16 otages.
Puis il reçut les djemmaâ de Touzeur et d'El-Oudiane, qui
s'étaient déjà présentées la veille, 24, se portant garantes de la
soumission de leurs compatriotes.
A Le 27 novembre, nos troupes entrèrent à Touzeur; elles y
Touzeur
le 27 novembre. furent bien accueillies.
Le 28, au matin, le lieutenant-colonel Le Noble réunit les
khalifas de Touzeur, d'El-Oudiane et d'El-Hamma; il demanda
à chacun des deux premiers le versement de 2.000 fusils et de
150.000 fr., et au troisième les quelques armes qu'il avait
dans son village et une contribution de 10.000 fr.
Ils ne firent aucune objection et se mirent en devoir de
remplir les conditions qui leur étaient imposées.
Vers le soir, sept indigènes appartenant aux Oulad-Bou-
Yahia (Oulad-Maamar) vinrent faire connaître que leur frac-
tion, réfugiée dans le djebel-Cherb et le Tarfaoui, désirait faire
sa soumission. Ils annonçaient que les Oulad-Yahia avaient
passé le chott et se trouvaient, selon toute probabilité, au sud
du Nefzaoua.
Le 1er décembre, la paix paraissant suffisamment rétablie
dans le Djérid et les conditions imposées ayant été remplies,
la colonne française reprit le chemin de Debila, emmenant
avec elle un certain nombre d'otages.
Le 5 décembre, le général Forgemol quitta Gafsa pour re- Le 5 décembre,
lacolonne
tourner à Tebessa'; la colonne arriva à Tebessa le 12 décem- quitte Forgemol
Gafsa
bre, sans aucun incident, après avoir passé successivement et rentre à
par Sidi-Aïch, Fériana, Kasserine, Foussana et le khanguet- Tebessa
le 12 décembre.
es-Slouguia.
La colonne Forgemol fut dissoute aussitôt rentrée en Algé-
rie, et une colonne d'observation fut formée à Tebessa.
Le 4, la veille de son départ de Gafsa avec la colonne For- Lacolonne
de
gemol, avec laquelle il était venu de Kairouan, le général (colonel Gafsa
Jacob).
Saussier2avaitconstitué une colonne mobile sous les ordres
du colonel Jacob3,qui prenait le commandement supérieur
de la région et le soin de recevoir les demandes d'aman.

La colonne Forgemol, dans sa marche de retour en Algérie, LesFraichich


depuis
avait traversé le territoire des Fraichich. les combats
d'octobre4.
Ils étaient alors complètement rentrés dans le devoir.
Après les combats malheureux qu'ils avaient soutenus au
mois d'octobre ils étaient revenus sur leur territoire et Ali
Sghir leur avait aussitôt conseillé de se soumettre sans re-
tard.
En même temps, Mustapha ben Gaddoum, ancien caïd des
Oulad-Ali et des Zlass, s'était présenté au général Forgemol
à Kairouan, lui proposant d'aller chez les Oulad-Ali pour les

i,
1. Voir tome I, note page 94.
2.
3. Colonne mobile de Gafsa, colonel JACOB
Un bataillon du 340 d'infanterie,
:
Le général Saussier rentra ensuite à Alger par Ain-Beida et Constantine.

Un bataillon du 3e zouaves,
Deux bataillons du 30 tirailleurs,
Un escadron du 40 hussards,
Un escadron'du 3e spahis,
Deux sections de la2e batterie du 1" d'artillerie,
Un capitaine et 20 sapeurs du génie,
Services.

:
Cette colonne, constituée sous le nom de colonne de Gafsa, le 4 décembre, rele-
vait de Constantine elle devait rester à Gafsa jusqu'au moment.où elle pourrait
être relevée par les troupes de la division Logerot.
4. Voir annexe LVII, 1, page 271.
rallier au parti de l'ordre, et demandant à être nommé au
commandement de sa fraction, dans le cas où il réussirait.
-
Le général accepta; Mustapha ben Gaddoum partit aussitôt
pour le djebel-Semmama où se trouvait encore El Hadj Gaïd.
Soumission Ali Sghir et Mustapha ben Gaddoum n'eurent pas de peine
desFraichich
(fin novembre). à persuader aux Fraichich dissidents de se soumettre. Dès le
19 novembre, les délégués des Oulad-Ali, des Oulad-Nadji et
des Oulad-Ouzzez, auxquels s'étaient joints ceux des Mehenna
et des Fouad (Madjeur), vinrent se présenter à Méritba au
général Forgemol, se rendant de Kairouan à Gafsa, pour solli-
citer l'aman.
Il leur fut accordé à condition qu'ils livreraient 40 otages
et qu'ils paieraient une amende de 50 francs par tente.
Les Oulad-Ali et les Oulad-Nadji furent désarmés, ainsi que
deux cents tentes des Oulad-Ouzzez qui avaient pris fait et
cause contre nous; les autres tentes de la même fraction, cinq
cents environ, qui s'étaient ralliées à nous avec Ali Sghir, ne
furent l'objet d'aucune mesure de rigueur.
Le délai de dix jours, accordé pour le paiement de la contri-
bution, ayant été dépassé, une nouvelle amende de 50 francs
par tente fut imposée.
El Hadj Harrat Le promoteur de l'insurrection chez les Fraichich, El Hadj
se réfugie
en
Tripolitaine.
arrat 1, avait fui en Tripolitaine aussitôt après le combat du
koudiat-el-Halfa, avec son fils aîné, 6 serviteurs et environ
70 tentes des Oulad-Asker et des Beassa (Oulad-Ouzzez 2), et
250 tentes des Madjeur.
Aussitôt l'aman accordé aux Fraichich, le général Forgemol
avait révoqué El Hadj Gaïd et confié le commandement des
Oulad-Nadji à Mustapha ben Gaddoum.
Quant à Ali Sghir, il conserva encore pendant quelque
temps le commandement des Oulad-Ouzzez, des Otilad-Ali et
des Madjeur. Ce nefut que quelques mois plus tard qu'il obtint,

1. Abandonné des Fraichich (voir annexe LVII, 1, page 271), il a fui à la suite
d'Ahmed ben Youcef.
2. L'émigration des Fraicbich avait donc été insignifiante.
sur la demande du général Philebert, le commandement de
tous les Fraichich, cédant à Mustapha ben Gaddoum ses droits
sur les Madjeur, en compensation du caïdat des Oulad-Nadji.
Lors de son passage à Fériana, le général Forgemol réunit Le général
Forgemol
sous le commandement de Belkassem Sassi, caïd des Oulad- (7décembre.)
à Fériana
Sidi-Tlill, les Ferainya qui dépendaient alors des Beni-Rzeg.
Toute la petite tribu de Fériana réside dans l'oasis; trop
faible pour prendre une attitude:agressive, elle était restée
confinée dans ses murs, résistant aux sollicitations des Ham-
mema qui voulaient l'entraîner vers la Rouhia.
Belkassem ben Sassi avait fait tous ses efforts pour main- LesOulad-Sidi-
Tlill.
tenir les Oulad-Tlill dans le devoir; mais il ne put empêcher
leur départ pour la Tripolitaine. Dispersés sur tous les points
de la régence par petits groupes, les Oulad-Tlill devaient
nécessairement suivre la fortune des tribus près desquelles ils
vivaient, et c'est ainsi qu'ils avaient pris le chemin de l'exil.

Le départ de la colonne de Tebessa ne produisit aucun effet Le


colonel Jacob
fâcheux dans la région de Gafsa. Les habitants des ksour con- à Gafsa.

tinuèrent à exécuter ponctuellement les ordres donnés et à se


soumettre sans murmurer aux corvées qu'on leur imposait.
Dans une zone plus écartée, au Nefzaoua et au Djerid, notre
influence progressait également.
Le kahia du Nefzaoua, délivré des craintes que lui inspiraient
les dissidents, était entré en relations suivies avec le colonel
Jacob, lui fournissant de précieux renseignements sur la
situation des insurgés et promettant de faire tous ses efforts
pour les pousser à se soumettre 1.
Le 8 décembre, les khalifas d'El-Hamma, de Nefta et d'El-
Oudiane et les principales pérsonnalités religieuses du Djerid
vinrent se présenter à Gafsa, faisant des protestations de fidé-
lité et demandant en même temps l'autorisation de tenter

1. Voir plus loir), 2, page 333, et annexe LXII, 4, page 338. --


auprès des dissidents des démarches analogues à celles que
s'était proposé de faire le kahia du Nefzaoua.
Mais, si notre action progressait dans les centres habités,
elle n'avait pas encore pu s'étendre aux régions désertes et
difficiles qui s'étendent autour de Gafsa.
Des bandes de pillards parcouraient le pays, compromettant
la sécurité des routes de Fériana, de Négrine et du Djérid,
pillant les caravanes et arrêtant les indigènes chargés du
transport des dépêches.
Le colonel Jacob fit placer dix tentes des Oulad-Ouzzez à
Sidi-Aïch et au Nador, occuper Gourbata par cent fantassins
d'El-Aïacha et de Bou-Saad et charger les Oulad-Sidi-Abid et
les gens de Tameghza de surveiller les passages de leurs mon-
tagnes donnant sur le Sahara.
Ces mesures donnèrent un certain résultat, mais elles ne
purent cependant assurer entièrement la sécurité du pays
Le mouvement de retour des dissidents, un moment inter-
rompu, reprit son cours peu de jours après le départ de la
colonne de Tébessa.

1. Le 19 décembre, dix à douze maraudeurs vinrent jeter le trouble parmi les


tentes des Arabes qui labouraient aux environs deKairouan; ils tuèrent deux
Arabes et en blessèrent deux autres.
Ces cavaliers appartenaient aux tribus des Zlass, des Hammema et des Neffet,
d'après le témoignage d'un officier tunisien qui labourait son champ dans la
plaine de Kairouan, à 3 kilomètres de la ville, et qui fut complètement mis à nu
par eux.
Aussitôt qu'il eût été informé, vers 2 heures, de cette pointe de maraudeurs,
qui avait pris en quelques instants dans l'esprit de la population de Kairouan des
proportions on ne peut plus exagérées (on parlait d'abord de 700 cavaliers, puis
de 400, enfin de 100), le général Etienne, commandant la 7e brigade, fit monterà
cheval quelques cavaliers du goum et un escadron de hussards appuyés par de
l'infanterie.
3
Les maraudeurs, qui se trouvaient à 2 ou kilomètres de la ville, apercevant
nos troupes, se sauvèrent en se divisant et en abandonnant les quelques cha-
meaux qu'ils avaient volés. Serrés de près, d'un côté par un peloton de hussards,
de l'autre par quelques goumiers, ils se débarrassèrent, pour alléger leurs mon-
tures, des vêtements dérobés aux gens qu'ils avaient mis à nu. Sur ces entre-
faites la nuit étant venue, les maraudeurs purent se sauver grâce à l'obscurité.
Le général Etienne prescrivit aux caïds des fractions soumises des Sendacen,
des Oulad-Khalifa et des Oulad-Djaouda d'établir leurs contingents sur les pas-
sages qui, du sud, permettaient de se porter sur Kairouan.
Le 11 décembre, 30 tentes des Oulad-Slama obtiennent
l'aman moyennant le versement de 1.500 francs et de 15 fusils.
Le 13 décembre, 60 tentes des Oulad-bou-Yahia et, le 17 dé-
cembre, 30 tentes des Oulad-Maamar (Khmaïlia).obtiennent
l'aman moyennant le versement de 100 francs par tente et des
deux tiers de leurs fusils.
Le khalifa de Kebilli 1,
entièrement rassuré sur les disposi-
tions des dissidents qui avaient prononcé nettement leur
mouvement de retraite vers le sud, put se rendre à Gafsa le
24 décembre. Après avoir donné au colonel un aperçu de la
situation malheureuse des insurgés, après lui avoir décritjes
luttes intestines qui divisaient le camp dissident, il annonça
que 150 douars des Oulad-Slama et des Oulad-Redhouan,
fatigués de menerune vie aussi misérable et aussi tourmentée,
s'étaient détachés du groupe d'Ahmed ben Youcef et étaient
venus camper entre Seftimi et Oum-Semaâ, avec l'intention
de se soumettre 2.
Ahmed ben Belkassem demandait que leurs kebar fussent
autorisés à venir à Gafsa pour y traiter de leur soumission;
cette autorisation accordée, le khalifa de Kebilli repartit pour
le Nefzaoua 3.
Les douars annoncés ne purent pas immédiatement traver-
ser le chott. Des pluies torrentielles, survenues tout à coup,
les immobilisèrent près de Kebilli jusqu'au 15 janvier. A cette
date, ils se portèrent en grand nombre sur la rive nord, par
le passage de Redir-Mouila, et se dirigèrent sur Gafsa où ils
firent leur soumission. C'étaient des Oulad-Redhouan, des
Oulad-Sellama, des Megagta, des Oulad-Saïd (Oulad-Senda-
cen), des Oulad-Tlill, des Oulad-Maamar, des Fathnassa.
Ces différents douars regagnèrent ensuite leur territoire.
Quelques-uns furent disposés entre les deux chotts pour cou-
vrir la route du Djérid, d'autres pour garder celle de Tebessa.

1. Voir plus haut, note 2, page 323.


2. Voir plus haut, 1, page 331, et annexe LXII, 4, page 338.
3. Voir suite annexe LXIV, 5, page 349.
Malgré tout, on signalait à chaque instant de nouvelles
bandes de maraudeurs qui, revenant du sud, razziaient dans
les environs de Gafsa et allaient mettre en sûreté le produit de
leurs rapines dans les centres qu'ils s'étaient créés au sud du
Nefzaoua.
Il appartenait au général Philebert, qui opérait alors dans le
djebel Sidi-Ali-ben-Aoun, et qui devait incessamment pour-
suivre sa marche vers le sud, de mettre fin, au moins mo-
mentanément, à cettesituation dangereuse, qui menaçait
encore de s'aggraver.

N°LXI
La 6e brigade à Sidi-Mohamed-ben-Ali, à Djilma et à Gafsa.

La En quittant Maktar, le 1er décembre2, la 6e brigade3 se diri-


6*brigade
àSidi-Mohamed-
ben-Ali
gea par échelons successifs vers la plaine d'Aâla.
7décembre1881. Le 6 décembre,legénéral Philebert arrivait à Sidi-Mohamed-
ben-Ali
1
après avoir passé à Saâd ou Saïd4 et franchi l'oued-
Zabbès; la région était calme et la marche n'avait présenté
aucun incident.
Le 7 décembre, la brigade tout entière est réunie à Sidi-
Mohamed-ben-Ali (rive gauche de l'oued Marg-el-Lil), à 280
mètres d'altitude, sur les pentes boisées du djebel-Ousselet.
Le général Philebert organise son camp et constitue son
petitdépôt à Sousse.
Il laisse le camp à la garde du lieutenant-colonel Frayermuth
(les bataillons du 43e et du IIIe, la batterie montée, l'ambu-
lance et les services); envoie, le 17 décembre, le lieutenant-

1. Voir La 6e brigade en Tunisie, chap. V, pages 77 et suivantes.

-
2. Voir plus haut, annexe n° LVIII, note 1, p. 308.
3. Le détachement du lieutenant-colonel Frayermuth (2 bataillons, 1 escadron,
2 pièces), qui avait marché avec la colonne Logerot, d'El-Oukanda à Kairouan,
avait rejoint sa brigade, à Maktar, le25 novembre. (Voir annexe n° LVIII, note 3,
p. 304.) -
4. Sidi-Saadou-Seid, de la carte au 1/200.000'.
colonel Travailleur avec un détachement approvisionné à
douze jours de vivres (bataillons des 46e et 61e, un escadron
de hussards et 2 pièces de montagne) se mettre en relations
avec le lieutenant-colonel Moulin opérant alors dans la région
sud-ouest de Kairouan,vers la Trozza; le 18 décembre, il part
lui-même à la tête de trois bataillons (27e bataillon de chas-
seurs à pied, 33e et 110e de ligne), un escadron de hussards,
4 pièces de montagne.
Cette colonne, qui a dix-huit jours de vivres, gagne direc-
tement Redir-el-Hallouf1. Elle passa, au Redir-el-Hallouf,
deux jours pendant lesquels elle fut rejointe par le lieutenant-
colonel Travailleur2.
Le 28 décembre, les deux colonnes réunies allèrent camper
à Sidi-Ali-ben-Aoun(oued Cehela), et le jour même de l'instal-
lation un convoi de ravitaillement, conduit par M. l'interprète
Vallet (bataillon du 110e et un escadron), partit pour Gafsa y
chercher huit jours de vivres.
Le général Philebert reçut du général Saussier l'ordre de
à
transporter son camp dEl-Aâla Djilma et d'y attendre l'ordre
du départ pour Gafsa; il prescrivit aussitôt au lieutenant-colo-
nel Frayermuth de se transporter en deux échelons sur Djilma
et, le 6 janvier 1882, le lendemain du retour de Gafsa de son
convoi de ravitaillement, il remonta lui-même, avec ses cinq
bataillons, dans la direction de Djilma.
Le 12 janvier, toute la brigade est concentrée à Djilma4. La 6* brigade
à Djilma1.
Le 28 janvier, le général Philebert reçut l'ordre de se porter 12 janvier 1882.

sur Gafsa avec quatre bataillons, deux escadrons et la batterie

1. :
Oued-Zabbès, 18; Oued-Tseledja, 19et20;
Itinéraire de la colonne Philebert
Hadjeb-el-Aloun, 22; Rcdir-Zoubès, entre l'oued-Djilma et l'oued-Fckka, 25;
Redir-Rakmate, Oued-Fekka au pied du djebel-Rakmate, 26; Oued-Hallouf.
2. Le 27 décembre, à Redir-el-Hallouf, le lieutenant-colonel Travailleur rejoignit
le général Philebert; il avait contourné le Trozza, n'ayant eu qu'un engagement
sans importance avec un djich d'une centaine de cavaliers qui était venu se
heurter contre ses troupes, par mégarde.
3. Voir la 60 brigade en Tunisie, chap. VI, pages 94 et suivantes.
4. Le général Philebert resta à l'oued-Djilma pendant près de trois semaines
maintenant ses troupes en haleine en leur faisant exécuter des reconnaissances
dans les environs et en les occupant aux travaux d'installation du camp.
de montagne, pour y remplacer les troupes de la division de
Constantine.
Marche Le lieutenant-colonelFrayermuth fut laissé à Djilma avec
sur Gafsa'.
trois bataillons (33e, 43e et IIIe); le 5 février 1882, le lieute-
nant-colonel Travailleur partit de l'oued-Djilma avec un ba-
taillon (46e), toutes les voitures et les impedimenta, et, le
8 février, le général Philebert partit de Djilma avec trois
bataillons (27e chasseurs à pied, 61e et 110e de ligne), la cava-
lerie et les canons.
Il suivit la ligne d'eau jalonnée par les points de Redir-el-
Hallouf, Majen-Smaoui2, Oglet-Mretba.
Le général Le 14 février, le général Philebert entra à Gafsa au milieu
Philebert
à Gafsa'.
14 février.
des acclamations de la population.
Elle avait en effet beaucoup à se faire pardonner et espérait
que sa réception enthousiaste pèserait sur les déterminations
du général.
L'illusion fut de courte durée.
A peine arrivé à la maison d'Ahmed-ben-Youcef, laquelle
servait de siège au commandement, le général Philebert fit
venir les principales personnalités de la ville. Il leur exposa,
avec une netteté et une précision qui les remplit à la fois de
terreur et d'étonnement, les nombreux griefs qu'il avait à leur
reprocher: tout en paraissant se soumettre au nouvel ordre de
choses, ils n'avaient cessé, depuis bientôt trois mois, de nous
faire une sourde opposition, cherchant à créer le vide autour
de nous, entretenant des relations avec les dissidents et favo-
risant leurs entreprises dans lesenvirons de l'oasis.
Quelques-uns des indigènes présents s'étant récriés, le
général désigna nominativement, et à leur grande stupéfac-
tion, les personnages dont la conduite méritait les plus grands
reproches.

1. Voir La 6e brigade en Tunisie, chap. VII, pages 109 et suivantes.


2. La citerne Smaoui (Majen-Smaoui) fut reconnue au passage; sur l'ordre du
général Philebert, deux compagnies vinrent de Djilma pour la remettre en état.
3. Voir La 6" brigade en Tunisie, chapitres VII et VIII.
Il prévint ensuite les notables assemblés qu'il les rendait
responsables de l'opposition qu'il rencontrerait dans les
ksour de Gafsa, des désordres qui pourraient se produire et de
la sécurité du pays dans la zone avoisinant l'oasis.
Puis, sans écouter leurs promesses et leurs prières, il les
fit conduire à la kasbah, sous bonne escorte.
Cette mesure de vigueur produisit son effet; les incursions
des maraudeurs se firent plus rares, et les marchés se réap-
provisionnèrent.
La colonne Jacob, qui avait attendu à Gafsa l'arrivée de la La
colonne Jacob
6e brigade, partit le 16 février pour rentrer en Algérie. retourne
en Algérie
Le mois de février s'acheva sans nouveaux incidents; mais,
dans les premiers jours de mars, le général Philebert, ayant
appris que les villages de Sened et de Mech donnaient asile
aux dissidents, Oulad-Aziz et autres, qui venaient razzier les
tribus soumises autour de Kairouan, organisa une opération
sur Majoura-Sened1.
Le général Philebert préparait une opération sur Mech
quand il reçut l'ordre de réunir sa brigade et de se préparer à
marcher sur le Nefzaoua2.

1. Le 278 bataillon de chasseurs à pied se rend d'abord à Feriana, au devant


d'un convoi de ravitaillement venant de Tebessa.
Puis trois colonnes marchent concentriquement sur Majoura :
Colonne 1, partant deDjilma le 15 mars (commandantForget avec 3compagnies
du 33e et 2 pelotons de hussards), arrive à Majoura le 18 mars;
Colonne 2, partant de Gafsa le 16 mars (commandant Malaper avec 3 compagnies
du 27° bataillon de chasseurs à pied et un peloton de hussards), arrive àSenedle
18 mars;
Colonne 3, partant de Gafsa le 17 mars (1 compagnie du 27e bataillon de chas-
seurs et un peloton de hussards), arrive à Sened le 18 mars.
Les colonnes 2 et 3 firent leur jonction à Sened, le 18 mars, et se mirent en
relations avec la colonne 1. Il y eut à Sened un petit engagement et la colonne
réunie du commandant Malaper revint à Gafsa, ramenant quelques troupeaux et
des otages.
2. Voir annexe n° LXIV, pages 349 et suivantes.
N°LXII

dans la lutte.
;
Les dissidents sur le Mokta. — Les Ouarghamma ils entrent

AlibenKhalifa. Vers le 10 décembre 1881, les dissidents étaient répartis


dans toute la zone s'étendant du Mokta au Nefzaoua. Ali ben
Khalifa venait d'arriver aux oglet-Djedlaouin1 avec les Neffet,
les Zlass et quelques tentes des Oulad-Saïd et des Metellit.
Le reste des Oulad-Saïd etdes Metellit, les douars Mahadba,
Souassi, Aguerba et tous ceux qui, ayant quitté El-Hamma le
27 novembre, avant le mauvais temps, avaient échappé à la
colonne Logerot2, étaient en marche vers le Mokta et traver-
saient le pays des Aouaya et des Ghoumerassen.
Ahmed ben Ahmed ben Youcef était toujours à Bir-Sultan3, cherchant à
Youcef
et
les Hammema.
grouper autour de lui toutes les tribus Hammema qui avaient
suivi son mouvement de retraite et qui se trouvaient alors
dispersées et campées autour des points d'eau qui jalonnent
la route du Nefzaoua à Bir-Zoumit.
Les Oulad-Maamar étaient encore à proximité du Nefzaoua;
ils étaient entrés en relations avec le kahia Ahmed ben Bel-
kassem, et manifestaient l'intention de se soumettre4.
Les Oulad-Aziz montraient également une certaine ten-
dance à séparer leur cause de celle des Oulad-Redhouan; les
deux groupes n'avaient sympathisé que devant le danger
commun; aussitôt après la traversée du chott, les anciennes
haines et les rivalités de races avaient reparu, suivies de
rixes sanglantes5.

1. Voir annexe LIX, 1, p. 316.


2. Voir annexe LIX, 1, p. 317.
3. Voir annexe LX, 3, p. 323.
4. Voir annexe LX, 1, p. 331, et 2, p. 333.
5. Voir annexe LX, 3 et 41 p. 33.
Ahmed ben Ali el Hammami et Ahmed ben Amar repro-

:
chaient ouvertement à Ahmed ben Youcef de les avoir trompés
en leur promettant le secours des troupes turques au lieu
d'une armée prête à les recueillir ils n'avaient trouvé que la
faim, les maladies et la mort.
Ahmed ben Youcef sentait son influence décliner; déjà plu-
sieurs douars de son propre commandement (des Oulad-
Redhouan et des Oulad-Slama) l'avaient abandonné et avaient
rétrogradé sur Gafsa. Il lutta encore de toutes ses forces pour
combattre ce découragement. Il assura de nouveau que les
colonnes turques, qui avaient été retardées par les pluies,
s'approchaient à grandes journées de la frontière; il donna
jusqu'aux noms des commandants des colonnes, montra les
lettres qu'ils lui adressaient !
Cette propagande réussit encore. Ahmed ben Amar se
rapprocha de Bir Sultan, et Ahmed ben Ali el Hammami resta
hésitant sur ce qu'il devait faire, ébranlé dans ses premières
convictions.
Sur ces entrefaites, le caïd des Oulad-Redhouan reçut d'Ali
ben Khalifa l'invitation pressante de le rejoindre sur les bords
du Mokta et en même temps l'avis des mouvements des trou-
pes de Gabès1 qui semblaient, à son avis, devoir se continuer
jusqu'à la frontière de la Tripolitaine.
Ahmed ben Youcef, craignant de voir sa ligne de retraite
coupée, fit aussitôt ses préparatifs de départ. Il transmit aux
Oulad-Aziz et aux Oulad-Maamar l'avertissement adressé par
Ali ben Khalifa et leur insinua que l'autorité française ne
consentirait plus à recevoir leur soumission trop tardive.
Les Oulad-Aziz et les Oulad-Maamar se décidèrent alors à
prendre le chemin de l'exil. Ils suivirent à deux ou trois jour-
nées de distance les Oulad-Redhouan, les Oulad-Slama et les
douars d'origine diverse qui marchaient avec Ahmed ben
Youcef, passant successivement à Bir-Zoumit, à Bir-Sultan, à

1. Voir annexe LIX, p. 319.


l'oued-el-HalIouf, à Negueb, chez les Ghoumerassen, à Aïn-
Recheb, dans la vallée de l'oued-Fessi et à la roudha de Sidi-
Touï. Ils gagnèrent ensuite, en compagnie des autres Ham-
mema, Aïn-Steil, sur les bords du Mokta.
Les émigrants, croyant toujours à une action immédiate des
troupes françaises, s'enfoncèrent en assez grand nombre sur le
territoire tripolitain, pour mettre à l'abri leurs troupeaux et
leurs familles; d'autres, complètement désorganisés par la
marche rapide qu'ils venaient de faire, par un temps excep-
tionnellement mauvais, restèrent entre l'oued-Fessi et le
Mokta, presque tout le mois de janvier, occupés à se
reconstituer.
Les tribus soumises, les Hazem, les Hamerna, les Beni-
Zid, les Matmata, ne furent donc pas inquiétées par les incur-
sionsdes maraudeurs Hammema, Neffet ou Zlass; elles eurent
néanmoins à supporter quelques agressions des tribus de
l'extrême sud de la régence.
Les Ces tribus (saufles habitants de Toudjane qui appartiennent
Ouarghamma.
aux Matmata) faisaient toutes partie de la confédération des
Ouarghamma1, embrassant les grandes agglomérations des
Ouderna, des Touazine et des Khezour.
Les Ouarghamma, qu'ils fussent sédentaires ou nomades,
d'abord
indifférents; avaient appris sans aucun mécontentement les événements
du nord de la régence.
Vivant en opposition continuelle avec les autorités beylica-
les2, le nouvel état de chosesne faisait au contraire queles satis-
faire. Depuisl'entrée des troupes françaises en Tunisie, en effet,
ils avaient pu vivre dans la plus complète indépendance,
choisissant leurs chefs, s'affranchissant des redevances exi-
gées par le gouvernement tunisien et faisant la loi sans
contrôle dans toute la région avoisinant la frontière tripoli-
taine; ils n'en demandaient pas davantage3.

1. Voir, annexe n° XXXVIII, l'organisation des Ouarghamma.


2. Voir annexe n° XIII, 1, p. 132.
3. Ce qu'ils venaient d'acquérir, par le fait de notre intervention, avait été
Le débarquement des troupes françaises à Gabès ne les fit
pas sortir de leur inaction; ils espéraient que leur éloignement
et leur pauvreté les mettraient à l'abri de nos entreprises.
Mais, lorsqu'au mois de décembre ils apprirent que le
général Logerot avait passé au Matmata1, que des colonnes
françaises parcouraient le territoire des Hammema, des
Hazem, des Beni-Zid et s'avançaient de plus en plus vers le
sud, leur attitude changea.
La vue des longues colonnes d'émigrants' qui se dirigeaient
vers la frontière tripolitaine, défilant pendant plusieurs jours,
leur avait inspiré confiance. Ne se rendant compte qu'impar-
faitement de notre force et de nos moyens d'action, ils
pensaient qu'avec le concours des contingents qui suivaient
Ali ben Khalifa et ceux que le vieux caïd des Neffet promettait
d'amener incessamment sur l'oued-Fessi, ils pourraient encore
opposer une résistance sérieuse et nous arrêter aux limites
que les colonnes tunisiennes, depuis bien longtemps, n'avaient
plus osé franchir3.
C'est dans ces dispositions qu'ils entrèrent dans la lutte4. ils entrent
dans
A la fin de janvier, ils hasardèrent quelques razzias peu im- lalutte
(janvier 1882).
portantes sur les territoires soumis; mais au mois de février,
lorsque les autres dissidents se remirent en campagne5, ils
tentèrent des coups de main plus hardis, sans cependant
s'aventurer bien loin. Ils commençaient alors à douter des
bonnes intentions des Hammema, des ZIass et des Nefiet, qui,
loin de préparer une action commune contre nous, remon-
taient par bandes vers le nord pour commettre leurs brigan-
dages habituels6.

l'objet de toutes leurs revendications et la seule cause de leur conflit avec les
souverains de la régence.
1. Annexe n° LIX, p. 319.
2. C'étaient les bandes qui, avec Ali ben Khalifa, battaient en retraite lente-
ment et en bon ordre. (Voir annexe n° LIX, p. 316.)
3. Voir annexe n° XIII, 1, p. 132.
4. Il faut ajouter qu'ils avaient été aussi travaillés par les émissaires turcs.
(Voir annexe n° LXIII, 2, p. 343.
5. Voir plus loin, annexe LXIII, 1, p. 345.
6. Voir suite, annexe LXIV.
N°LXIII

Situation des dissidents en Tripolitaine et attitude des autorités


turques.

Le gouverneur Dès le début du conflit franco-tunisien, le gouverneur de


deTripoli,
Nazif Pacha, Tripoli, Nazif Pacha, nous avait été hostile.
Il promettait aux rebelles l'intervention de l'armée otto-
mane; il avait reçu avec les plus grandes marques d'intérêt
les députations envoyées à Tripoli par Ali ben Khalifa et les
autres chefs du parti dela protestation.
L'arrivée des premiers émigrants tunisiens venus de Sfax1,
après le bombardement de cette place, fournit à Nazif Pacha
une nouvelle occasion de manifester ses sympathies pour la
cause des rebelles, et, en cette circonstance, sa conduite eut un
caractère tellement agressif que, sur les instances du consul
général de France à Tripoli, notre ambassadeur à Constan-
tinople demanda et obtint du gouvernement turc le rempla-
cement de ce personnage dans ses fonctions de gouverneur.
révoqué En novembre, Rassim Pacha vint remplacer Nazif Pacha
et remplacé
par révoqué. Le nouveau gouverneur, homme de relations agréa-
Rassim Pacha.
novembre 1881. bles et en apparence fort conciliant, cachait sous ses dehors
affables et empressés les mêmes dispositions que son prédé-
cesseur2.
Les émigrés tunisiens, encore peu nombreux, continuèrent
à être reçus avec le plus grand empressement et les députa-
tions envoyées par les chefs du mouvement insurrectionnel
reçurent, comme du temps cfe Nazif Pacha, les promesses les

1. Voir annexe XXXV, 1, p. 166.


2. Il est probable qu'il obéissait aux mômes ordres reçus de Constantinople,
mais qu'il avait été invité à dissimuler ses actes et ses démarches derrière une
attitude plus réservée et moins provocante que celle de Nazif Pacha.
plus encourageantes et les plus propres à développer le désor-
dre dans la régence
Puis la propagande faite par les autorités turques de Tripo-
litaine devint plus active. Des émissaires furent envoyés chez
les tribus tunisiennes de ]a frontière, dès le mois de novembre,
pour pousser les indigènes à la résistance et les assurer qu'ils
seraient les bienvenus si la nécessité les obligeait à passer
sur la terre étrangère.
Les Ouarghamma accueillirent favorablement ces avances
mais comme ils étaient méfiants, ils envoyèrent quel-
;
ques personnages de confiance à Tripoli. Ces délégués
revinrent peu de temps après, éblouis par les manifestations
provoquées adroitement sur leur passage et certains de
trouver appui et protection chez leurs voisins de l'est.
La présence des dissidents et l'amour de l'indépendance ne
furent donc pas les seules causes qui poussèrent dans la voie
de la résistance les populations tunisiennes habitant la zone
frontière2.
Elles avaient cependant vu d'abord un spectacle peu ras-
surant. El Hadj Harrat' et, à la fin de novembre, Ali ben
Ammar4, qui n'avaient avec eux que quelques partisans,
étaient passés rapidement, se hâtant de gagner la terre de
l'exil. Chaque jour, des douars isolés arrivaient à l'oued-Fessi,
fuyant affolés un ennemi qui était encore bien loin d'eux,
mais que leur imagination leur représentait comme les pour-
suivant avec une rapidité extraordinaire.
Mais, vers le 10 décembre, Ali ben Khalifa avait paru à la
frontière avec les Neffet, les Zlass, quelques Souassi et Metel-
lit5. Sa marche s'était effectuée dans d'assez bonnes condi-

1. En annonçant l'intervention prochaine de l'Empire ottoman, Ali ben Khalifa,


Ahmed ben Youcef, El Hadj Harrat, Ali ben Ammar et les autres agitateurs
n'étaient donc pas entièrement de mauvaise foi, au moins au commencement de
la lutte.
2. Voir annexe n° LXII, 4, p. 341.
3. Voir annexe LX, 1, p. 330.
4. Voir annexe LVIII, pages 297 et 301.
5. Voir annexe LIX, 1, p. 316.
tions; n'avançant qu'à petites journées, laissant aux hommes
et aux troupeaux un repos suffisant pour ne pas compromet-
tre leur vigueur et leur santé, il avait pu prévenir la désorga-
nisation des collectivités qu'il commandait.
Les autres colonnes d'émigrants, obéissant à une impulsion
moins vigoureuse et, surtout, obligées de traverser à la hâte
des pays plus difficiles et plus pauvres par des pluies torren-
tielles, furent loin de présenter le même ordre et la même
cohésion. Les groupes qui en formaient le noyau prin-
cipal étaient déjà en dehors du Mokta depuis trois semaines
que l'on voyait encore arriver des douars isolés qui n'avaient
pu suivre le mouvement de retraite.
Pendant la première quinzaine le désarroi fut à son comble
dans le camp dissident.
Les dissidents Resserrés sur un espace trop restreint d'où ils n'osaient pas
traversent
d'abord sortir avant de s'être reconstitués, ne pouvant s'approvision-
une
crise terrible
(ils sont ner en Tunisie1 et se trouvant dans l'impossibilité absolue, à
trop
désorganisés cause de leur état de désorganisation, de razzier soit les tribus
pour
pouvoir tenter
tripolitaines, soit les Ouarghamma qui veillaient attentivement
des razzias).
sur leurs biens, ils traversèrent une crise terrible qui eut pour
résultat d'ébranler les résolutions les plus affermies.
En peu de jours les idées de soumission firent de rapides
progrès. Le mouvement deretour commença bientôt à se des-
siner. Il était indispensable, pour les chefs du parti de la pro-
testation, de prendre des mesures énergiques pour couper
court à ces défections.

1. Nous nous efforcions de peser sur les déterminations des émigrés tunisiens
en leur enlevant la faculté de se ravitailler par la régence.
Le lieutenant-colonel Bernet, qui commandait les troupes de Djerbah depuis
le mois d'août 1881, c'est-à-dire depuis l'occupation de l'Ile, avait interdit d'une
façon absolue l'exportation à destination de Zarzis et des ports tripolitains qui
servaient de centre d'approvisionnement aux rebelles.
Une canonnière, l'Aspic, stationnait en face de Zarzis et surveillait la côte, afin
de prévenir tout débarquement clandestin sur le rivage, entre l'île de Djerbah
et la frontière tripolitaine.
L'application de cette mesure, qui, au début, avait soulevé les réclamations
des Accara, fut continuée aussi rigoureusement que les circonstances le permet-
taient jusqu'au jour où nous dûmes constater qu'elle restait sans effet et sans
résultats sensibles, les autorités turques de Tripolitaine ne nous secondant pas.
Une vingtaine de douars ayant voulu se diriger sur l'oued- Quelquesdouars
semettent
Fessi, des cavaliers Zlass et Nefiet se mirent à leur poursuite, en route
pour venir
les razzièrent impitoyablement et ramenèrent de force les faire
leur soumission,
hommes, les femmes et les enfants aux campements des in- ils
sont ramenés
de force.
surgés.
Cet exemple produisit un effet radical; les plaintes cessèrent.
La situation d'ailleurs s'améliorait sensiblement. Les collecti-
vités s'étaient reconstituées sous les ordres de leurs chefs, les
campements avaient pu être notablement élargis, enfin les
tribus de la Tripolitaine étaient entrées en relations avec les
dissidents.
En même temps des bandes s'organisaient pour aller en raz- Les razzias
commencent.
zia sur le territoire de la régence. Elles se mirent en campagne
au commencement de février et s'aventurèrent jusqu'aux envi-
rons de Gafsa, de Kairouan et de Sfax 1. (Elles devaient pour-
suivre leurs brigandages jusqu'au départ de la 6° brigade de
Gafsa2.)
Aussitôt qu'ils avaient été débarrassés des soucis que leur
avait causés leur installation, El Hadj el Ouar, Hassein ben
Messaï et
Ahmed ben Youcef s'étaient rendus à Tripoli; ils y
furent l'objet de grandes marques de bienveillance de la part
des autorités turques.
Lorsqu'ils revinrent, vers le 15 mars, à la frontière tuni-
sienne, ils trouvèrent certaines modifications dans la réparti-
tion des campements tunisiens.
Les Oulad-Saïd, les Zlass, les Metellit, les Hammema et les
Souassi étaient toujours sur la rive nord du Mokta, mais Ali
ben Khalifa s'était retiré avec sa smalah personnelle et un
certain nombre de douars Neffet au milieu des campements

1. Ilest à remarquer que, des cette époque, les razzias opérées chez les Hazem,
les Hamerna et les Matmata furent le fait exclusif des Ouarghamma (Voir plus
haut, annexe LXII, 5, p. 341). Par la force naturelle des choses, il s'était établi
une sorte de convention tacite entre les dissidents et les populations insoumises,
convention reconnaissant à ces dernières leurs droits de pillage sur le territoire
de l'Aarad.
2. Voir annexe LXIV, p. 349.
des Nouail tripolitains dans la plaine de Djefara, au sud du
village de Zouara.
Dissentiments Ali ben Khalifa poursuivait alors le rêve qu'il avait caressé
entre
AlibenKhalifa
et les au début de l'insurrection, celui d'imposer son autorité à tous
autres chefs
réfugiés. les rebelles et de devenir le chef unique du parti de la protes-
tation. Les mêmes causes qui l'avaient fait échouer dans ses
démarches antérieures devaient s'opposer une seconde fois à
la réalisation de son désir2.
Au retour de Tripoli d'El Hadj El Ouar, de Hassein ben
Messaï et de Ahmed ben Youcef, Ali ben Khalifa leur avait
envoyé des cavaliers pourles inviter à venir lui parler. Les
trois chefs indigènes, voyant dans ce procédé une atteinte à
leur indépendance, refusèrent d'un commun accord d'aller à
ce rendez-vous. Ali ben Khalifa, par prudence, dut encore
temporiser et il vint lui-même les trouver; la réunion eut lieu
sous la tente d'Ahmed ben Youcef.
L'omnipotence qu'Ali ben Khalifa prétendait s'arroger, l'in-
sistance marquée des journaux de Constantinople qui ne
citaient que son nom et le désignaient comme le champion de
la résistance, les louanges que lui adressaient les mêmes
feuilles qui n'hésitaient pas à faire entrevoir son élévation au
trône de Tunis, enfin l'habitude prise par les autorités turques
de lui adresser toutes leurs communications officielles ou
officieuses, constituaient autant de faits qui blessaient vi-
vement l'humeur jalouse, envieuse et indépendante de ses
collègues.
A la fin de la réunion on s'entretint du partage du butin;
cette question souleva un échange de mots violents et d'invec-
tives grossières; on reprocha à Ali ben Khalifa de n'être qu'un
intrigant ambitieux, poussant les autres à la lutte, mais ne
s'étant jamais exposé dans aucun combat; il n'avait droit, par
conséquent, à aucun bénéfice.
L'assemblée se retira après avoir décidé qu'à l'avenir cha-

1. Voir plus loin, 1, p. 347.


2. Voir annexe n° XXXV, note 1, p. 162.
cun opérerait pour son propre compte dans la région qu'il
déterminerait.
Ali ben Khalifa patienta; il attribuait aux chefs tunisiens
qui s'étaient compromis avec lui l'intention de l'arrêter et de
le livrer aux autorités françaises pour obtenir le pardon de
leurs fautes, et c'est, selon toute apparence, ce qui l'avait
poussé à se réfugier au milieu des Nouail tripolitains1.
Les Turcs n'étaient pas sans s'apercevoir des dissentiments
qui commençaient à diviser les personnalités dirigeantes du
parti de la protestation; aussi jugèrent-ils indispensable de
donner un dérivatif aux préoccupations des esprits des rebelles
qui commençaient à se décourager; ils eurent alors recours
aux grands moyens.
Dans les premiers jours de mars, le pacha et le farik, avec
une nombreuse escorte, se rendirent à quelques kilomètres à
l'ouest de Tripoli, sur la route qui conduit à la frontière,
reconnaître l'emplacement d'une batterie à construire. Ils
avaient fait annoncer la veille que ces travaux de défense
avaient pour but d'empêcher l'approche des colonnes fran-
çaises dont on annonçait la marche à la poursuite d'Ali ben
Khalifa.
Au retour du pacha, les musiques qui l'avaient accompagné
parcoururent les rues de la ville et, entraînant à leur suite une
foule de gens de bonne volonté, les conduisirent à l'ancien
fort, pour travailler aux terrassements de la batterie du
phare. (On racontait dans la foule qu'une escadre française
était à la veille de bombarder la ville et que le farik devait
incessamment convoquer tous les goum des tribus.)
A la même époque, tandis que les troupes turques endu-
raient toutes sortes de privations et vivaient dans la misère, le
maire de Tripoli faisait distribuer chaque semaine et avec une
grande ostentation des secours en argent aux mendiants tuni-
siens. « Voilà les secours que le Sultan — que Dieu lui donne

1. Voir plus haut, 1, p. 346.


la victoire sur ses ennemis — envoie à ses sujets tunisiens,
victimes de l'oppression française. »
Malgré les justes observations que lui adressait notre consul
général, Rassim Pacha ne faisait rien pour empêcher ces pro-
vocations; il tolérait même que les maraudeurs, obligés de
rétrograder vers la Tripolitaine par suite des mouvements en
avant des brigades Philebert et Jamais1, vendissent ostensi-
blement, sur le marché de Tripoli, le butin considérable qu'ils
avaient recueilli sur le territoire de la régence2.

N° LXIV

Opérations du général Logerot dans l'extrême sud. — La colonne du


général Jamais à Ksar-Médenine; la 60 brigade sur l'oued-Tata-
houine. — Fin des opérations actives.

Si les Ouarghamma ne sortaient pas d'une zone très res-


treinte3, les autres dissidents s'étaient donné un champ d'opé-
rations des plus vastes.
Non contents d'inquiéter les Beni-Zid et les populations
soumises de l'Aarad, ils s'aventuraient jusqu'aux portes de
Kairouan, de Sfax et de Gafsa, traversant le chott à l'est du
Nefzaoua, passant même à proximité des oasis de Gabès, grâce
à la connivence des habitants de Chenini et de Menzel.
Dans les premiers jours de mars ils exécutèrent, sans inter-
ruption, des coups de main d'une audace inouïe, à quelques
kilomètres des points occupés par nos troupes.
Le khalifa de Zarzis, qui s'était soumis dès la première
heure, demanda instamment à être protégé par des troupes,
déclarant que les Accara étaient impuissants à se défendre.

1. Voir annexe n° LXIV.


2. Voir suite, annexe n° LXVII, page 376.
3^ Voir plus haut, annexe LXII, 4, p. 341.
Dans la région plus rapprochée de Gabès, les populations
directement exposées aux coups des insurgés commençaient
à marquer une certaine hésitation qui pouvait faire redouter
leur défection prochaine.
On apprenait enfin que quelques groupes d'émigrants ayant
voulu revenir dans la régence, pour faire leur soumission,
avaient été razziés par leurs anciens compagnons et obligés de
rétrograder1
La situation était délicate.
D'une part, elle exigeait une action prompte et énergique
pour rassurer les tribus soumises et les maintenir dans le
devoir; d'autre part elle nécessitait des ménagements et des
précautions afin d'attirer.à nous les populations qui n'étaient
pas encore entrées en relations avec les autorités françaises et
afin de faciliter les défections dans le camp insurgé.
Le général Logerot, commandant la division sud, fut chargé Opérations
danslesud
de la direction des opérations à entreprendre pour atteindre des brigades
Philebert
ce double but. et
Jamais,
Dans les premiers jours de mars il se rendit à Gabès. C'est sous la direction
du général
de ce point qu'il devait, pendant le courant du moisd'avril, Logerot.

régler la marche des troupes placées sous ses ordres, la bri-


gade Philebert'et la brigade Jamais.
Le général Philebert, après l'opération du 18 mars sur La 6" brigade
dans
Sened, préparait une expédition sur Mech4, quand il reçut le Nefzaoua 3.
l'ordre de se préparer à marcher sur le Nefzaoua5.
Il rappela aussitôt le lieutenant-colonel Frayermuth avec

1. Voir plus haut, annexe n° LXIII, p. 345.


2. Voir annexe LXI, 2, p. 337.
3. Voir La 60 brigade en Tunisie, chapitre IX, pages 138 et suivantes.
4. Voir plus haut, annexe LXI, 2, p. 337.
5. Le kahia Ahmed ben Belkassem (Voir plus haut, annexe n° LX, 3, p. 333) avait
continué à renseigner l'autorité française avec la plus grande exactitude sur
tous les faits et gestes des dissidents et sur la situation de la région qu'il habitait.
Son activité et ses violences avaient maintenu dans le devoir presque tous ses
administrés, malgré leur contact de plusieurs semaines avec les émigrants qui
fuyaient devant nos colonnes.
Ahmed ben Belkassem ne cessait de se plaindre des villages dépendant du
khalifalik de son compétiteur Ali ben bou Allègue; les Oulad-Yacoub et les
deux de ses bataillons. Le 23 mars, le lieutenant-colonel arri-
vait de Djilma avec les bataillons du 33e et du IIIe.
Le même jour, le général Philebert reçut l'ordre de prépa-
rer son mouvement de façon à être le 31 mars à Oum-Smaâ
(nord-ouest de Kebilli.)
Le 25 mars, la colonne partit de Gafsa1. Elle passa successi-
vement à Lalla, El-Guettar, Bir-Mrabot et
Bir-oum-Ali (traver-
sant le 28 mars la plaine cultivée du Bled-Ceguï), franchit le
29 mars le défilé d'Oum-Ali, passa à Redir-Mouila, traversa le
chott El-Fedjej et arriva le 30 mars à Seftimi.
Le 31 mars, le général se porte sur le village d'Oum-Smâa,
le principal repaire des Oulad-Yacoub; il fait tirer quelques
coups de canon sur cette localité, y pénètre et la trouve dé-
serte 2.
Le 3 avril, une colonne légère qu'accompagnait le génie se
rendit à Negguâpour y détruire le bordj, propriété particulière
d'Alibou Allègue3.
La6"brigade Le 4 avril, la 6e brigade se porte d'Oum-Smaâ à Tembar', et
àKebilli.
5avril. le 5 elle arrive à Kebilli, lieu de résidence d'Ahmed ben Bel-
kassem.
Le lendemain, 6, le général Philebert fait commencer la
construction d'une redoute; il envoie le lieutenant-colonel

Oulad-Yahia (Oulad-Aziz) y trouvaient un refuge assuré et un abri pour leur


butin, au retour de leurs courses sur les territoires algérien et tunisien.
Le khalifa de Kebilli. réclamait instamment notre intervention pour détruire
ce foyer de désordre.
Par suite de l'ordre donné par le général Logerot au général Philebert, les
démarches d'Ahmed ben Belkassem allaient recevoir satisfaction.
1. Le bataillon du 46e reste à Gafsa; le bataillon du 43, qui était reste seul a
Djilma, après le départ du lieutenant-colonel Frayermuth quelques jours avant,
reçut l'ordre de marcher directement sur Oum-Ali et Oum-Smaâ.
2. Les dissidents ont complètement évacué le pays et le gênerai Pllilenert peui
se mettre en relations avec la colonne de Debila qui vient d'arriver pour la
seconde fois à Touzeur afin d'appuyer les opérations de la 6" brigade au Nefzaoua.
Le Djerid est calme; le meilleur accueil a été fait au lieutenant-colonel Le Noble.
3. Negguâ est à 6 kilomètres au sud d'Oum-Smaâ.
(Les cartouches de dynamite du génie ratèrent. Le général Philebert dut faire
abattre le bordj par les indigènes. Voir La 60 brigade, p. 152.)
4. Elle y est rejointe par le bataillon du 43e, le dernier laissé à Djilma.
-
Travailleur (avec le 61e, le ille, une section de montagne et
un peloton de hussards) à Gabès, y chercher des vivres.
Puis, laissant un bataillon dans la redoute de Kebilli, le
général Philebert descend (avec deux bataillons, deux sections
d'artillerie et le génie) vers Douz 1.
Le 14 avril, le général accompagné de la cavalerie se rend à Le général
Philebert
Douz2. àDouz.
14 avril.
Le général Philebert propose de marcher, avec les Mera-
zigue, sur Rhadamès; il reçoit l'ordre de se porter dans l'est
à Bir-Sultan3.
La colonne du général Philebert se met donc en marche, le
15 avril, pour se porter vers l'est4.
Elle campe le soir du 15 à Guerrah-el-Ma (après avoir fait La 6"brigade
à Bir-Zoumit.
18avril.

1. La confiance que le général et ses troupes avaient su inspirer aux gens de


Kebilli et aux habitants du Nefzaoua gagna bientôt les régions plus éloignées.
Les Merazigue, qui, jusqu'alors, n'avaient désiré que vivre indépendants de
toute autre autorité que celle de leurs marabouts, avaient envoyé une députation
à Kebilli pour assurer le général de leurs bonnes dispositions à notre égard.
Bien que les Merazigue eussent acheté et recélé le produit de leurs razzias aux
pillards, le général leur avait promis la paix et assuré qu'il ne les inquiéterait
pas si, dans la suite, leur conduite vis-à-vis de nous répondait à leurs protesta-
tions.
2. La députation avait dû être favorablement impressionnée par ce qu'elle avait
vu et entendu à Kebilli, car lorsque le général Philebert arriva à Douz, le 14 avril,
plusieurs notables vinrent renouveler les protestations de dévouement.
Le reste de la tribu devait faire acte de soumission, quelques jours plus tard,
à Bir-Zoumit.
3. Depuis que la 6e brigade s'était avancée dans le Nefzaoua, la situation des

;
pays situés au nord du chott s'était améliorée. Les incursions des djich devenaient
de plus en plus rares on ne signalait plus que, par-ci par-là, quelques brigan-
dages commis, selon toute apparence, par des malfaiteurs étrangers au parti
dissident.
La cause de cette accalmie était bien évidente pour qui connaissait les régions Importance
sahariennes et les besoins des bandes armées en ghzzou. Celles-ci, quelles que soient des points d'eau.
la sobriété et la force d'endurance des hommes et de leurs animaux, sont astreintes etBir-Zonmit
Bir-Sultan.
à certains itinéraires fixes, déterminés invariablement parles rares points d'eau.
Si les dissidents, remontant vers le nord, trouvaient de nombreux passages
après avoir traversé le chott, il n'en était pas de môme dans le Dahar où ils
devaient successivement venir boire à Bir-Zoumit et à Bir-Sultan.
La 6e brigade, en s'enfonçant dans le sud, menaçait ces deux points, et les forts
partis insurgés qui opéraient aux environs de Kairouan et de Sfax, redoutant de
voir leur ligne de retraite coupée, avaient jugé prudent de se retirer en toute
hâte vers l'oued-Fessi.
4. Voir La 6e brigade en Tunisie, chapitre X, pages 162 et suivantes.
une grande halte à Biar-Abdallah, 18 kilomètres de Douz);
le 16, elle campe à l'oued-Zalim (à l'est du koudia-Bereslim),
le 17 à Redir-Mehella, et arrive le 18 à Bir-Zoumit.
Le général décide de rester là et de ne pas pousser jusqu'à
Bir-Sultan. Il fait restaurer le bordj tombé en ruines, creuser
un puits au pied de la colline du bordj et combler l'autre puits
situé à un kilomètre.
Le 20, il reçoit l'ordre de se préparer à marcher sur Médenine1
pour se relier au général Jamais.
ABir-Sultan Le 25 avril'un bataillon d'infanterie et la section du génie
(11,mai).
se rendent à Bir-Sultan' et, le 1er mai, la 6e brigade, munie de
quinze jours de vivres, quitte Bir-Zoumit et se porte à Bir-
Sultan'.
Lacolonne Le général5Jamais avait quitté Gabès le 30 mars 1882, avec
du
général Jamais
à Ksar-
la mission de s'installer à Ksar-Médenine et de rayonner
Médenine
(2avril).
autour de ce point, à une ou deux journées de marche, au
moyen de colonnes légères, afin d'attirer à lui les tribus ou
fractions de tribus qui demanderaient à remonter vers le nord.
La colonne, en arrivant au ksar, le 2 avril, le trouva com-
plètement abandonné. Le 5, le général Jamais dirigea une

1. Le général Philebert devait prendre pour premier objectif Ksar-Beni-Khe-


dach, chez les Aouaya. « Cette fraction des Ouarghamma, écrivait le général
Logerot en parlant des Aouaya, s'est montrée jusqu'à présent la plus récalcitrante,
et le général Jamais, dans sa pointe sur Ksar-Jouema, ne leur a infligé qu'une
leçon insuffisante. Je prescris en conséquence au général Philebert, s'ils viennent
à lui, de prendre des otages et de me les amener, me réservant de leur imposer
moi-même les conditions de leur soumission, et s'ils font le vide devant lui,
ainsi que cela est présumable, ou s'ils tentent de résister, ce que je ne crois pas,
de brûler leurs gourbis, de razzier leurs moissons et de couper leurs arbres. Ils
sont d'ailleurs prévenus et agiront en connaissance de cause. »
2. Le 21 avril, le goum avait ete envoye parle générai ijniienertvers mr-suitan
avec mission de garder ce point et de combler les quatre puits de Sidi-Mansour.
3. Le génie a pour mission defaire un bassin et de le remplir d'eau qui servira
aux animaux quand la colonne passera à Bir-Sultan, le puits restant affecté aux
hommes. (6eBrigade, p. 176.)
4. En quittant Bir-Zoumit, le général laissa aux gens de Tamezert le soin de
garder le puits et d'en interdire l'accès aux insurgés. (Les habitants de Tamezert
avaient été de tout temps chargés de ce service moyennant une certaine solde
que leur allouait le gouvernement tunisien.)
5. Le colonel Jamais avait été promu général de brigade le 27 décembre 1881.
reconnaissance sur Ksar-Métameur. Les gens de ce village,
composés en partie de Hararza avec lesquels on était entré en
relations précédemment, ne firent aucune résistance.
Les jours suivants, des reconnaissances parcoururent les
environs immédiats de Ksar-Médenine et le territoire qui

:
s'étend jusqu'à la mer et la Sebkha-el-Mellah. Le pays était
désert les Touazine s'étaient retirés vers l'oued-Fessi.
Le 18, une colonne légère pénétra chez les Aouaya, détruisit Chez
lesAouaya
les plantations autour de Ksar-Djouama et rentral. (18 avril).

Le 20, Allégro 3, récemment nommé gouvernenr de l'Aarad


en remplacement de Si Haïder, apprit au général Jamais qu'un
certain nombre de ksour Ghoumerassen, Beni-Barka, Guer-
messaâ, Douiret, Cedra et Chenini demandaient à faire leur
soumission; le 30 avril, d'autres groupes de même origine,
les Zourgan, les Oulad-Mehiri et les Beni Akhzger sollicitèrent
également l'aman.
Toutes ces démarches furent accueillies favorablement.
Dans les premiers jours de mai, le général Logerot se rendit Le
général Logerot
à Ksar-Medenine pour imprimer une direction unique aux vient
àMédenine.
colonnes Jamais et Philebert, qui n'étaient plus séparées que
par quelques jours de marche et qui devaient dorénavant opé-
rer de concert.
2
Le mai, le général Philebert avait quitté Bir-Sultan3 après La 6e brigade
chez
en avoir fait boucher le puits unique afin d'interdire aux djich lesAouaya.
l'accès de la route du Nefzaoua par le Dahar. Il traversa, dans
la journée, un pays complètement dépourvu d'eau et arriva
le 3 au matin devant Ksar-beni-Khedach, le premier village
des Aouaya4.
Trois goumiers avaient été blessés mortellement par des

1. Voir plus haut, note 1, p. 352.


2. Nommé le 11 décembre. Voir annexe n° LIX, note 4,p. 317.
3. Voir La 60 brigade en Tunisie, chapitre XI, pages 178 et suivantes.
4. Les Aouaya avaient été informés de ce qui les attendait. (Voir plus haut,
note 1, p. 352.) Le 3 mai, ayant fait des ouvertures de soumission au commandant
de Ksar-Médenine, celui-ci avait répondu que leur démarche était trop tardive,
que le général commandant la 6" brigade avait reçu l'ordre de les razzier et que
c'était à ce chef militaire qu'il leur fallait s'adresser.
indigènes, mais la résistance ne se prolongea pas;les habitants
évacuèrent proniptément Ksar-beni-Khedach, Ksar-Demmeur
et Ksar-Djouama où nos troupes pénétrèrent coup sur coup
sans incident.
Les récoltes sur pied furent dévastées, les oliviers coupés et
les citernes détériorées.
Jonction Ce travail de destruction achevé, la 6e brigade partit pour
des
colonnes Jamais
etPhilebert,
le7mai. mai;
Bir-El-Ameur sur l'oued el Khil, où elle passa la journée du 5
le 6 mai elle campa à Talah et le 7 elle arriva sur l'oued-
bou-Ahmed, au lieu dit Oglet-Ababsa, à 4 kilomètres de la
colonne du général Jamais campée sur l'oued-Nefetia.
Les Touazine n'ayant fait aucune ouverture de soumission,
la destruction impitoyable de leurs récoltes fut décidée.
La 6" brigade Le 8, le général Philebert1 repartait pour le djebel-Abiod,
sur
l'oued- afin de s'assurer des bonnes dispositions des habitants des
Tatahouine.
ksour Ouderna qui avaient obtenu l'aman trois semaines au-
paravant. Il fut très bien reçu par les habitants de Douiret, de
Ksar-Beni-Barka et des autres localités environnantes.
Le 13, la 6e brigade reprenait sa marche vers le nord-est
par Argoub-el-Kaïd et arrivait le 14 à Oglet-Néfétia, après
avoir dévasté les cultures des Touazine qu'elle avait rencon-
trées sursa route.
De son côté, la colonne Jamais avait razzié le 8, sur l'oued-
Néfétia, un troupeau de moutons appartenant aux dissidents,
s'était avancée le 9 jusqu'à TOglet-bou-Djernel d'où elle avait,
les jours suivants, poussé des reconnaissances sur l'oued-Fessi,
El-Hanich, Bou-Guerra et
Sidi-bou-Hamida'.

1. Le 8 mai, la 6e brigade, d'après les ordres du général Logerot, se porte sur


l'oued-Tatahouine; elle campe le 8 au soir à Aït-el-Zoum (13 kilom.) et atteint
le 9 mai l'oued-Tatahouine entre Ksar-Beni-BarkaetKsar-Men-Guebla (40 kilom.).
(Voir La 60 brigade, p. 185.)
Les 10 et 11, la 6" brigade séjourne sur l'oued-Tatahouine, poussant des recon-
naissances dans les environs et faisant des razzias.
Le 12, le général Philebert reçoit du général Logcrut l'ordre de se reporter
vers le nord, sur l'oued-Nefetia.
Le 13, la 6" brigade quitte l'oued-Tatahouine, couche à Argoub-el-Caïd (26
kilom.), et arrive le 14 à l'oued-Nefetia (35 kilom.).
2. Pendant les opérations du général Philebert et du général Jamais dans le
Sud, d'autres colonnes avaient été mises en mouvement autour de Kairouan et
du Kef (Voir annexe n° LXVI).
Le général Logerot avait fait ce qu'il lui était possible de Fin

;
des opérations
faire1; il avait obtenu la soumission d'une notable partie des actives.
14 mai ls82.
Ouarghamma sédentaires quant aux groupes dissidents de la
confédération qui s'étaient réfugiés de l'autre côté de l'oued-
Fessi, ils n'avaient plus aucune raison de changer de ligne de
conduite, au moins pendant un certain temps. Ce qu'ils pos-
sédaient au nord de la ligne que nous nous étions assignée
comme frontière avait été détruit; tous leurs intérêts se trou-
vaient donc sur la rive droite de l'oued-Fessi, où ils avaient
des terrains de culture assez vastes et où ils avaient pu abriter
leurs troupeaux.
La présence de nos troupes ne pouvait donc avoir d'autre
résultat que de couvrir les tribus récemment soumises et de
leur permettre de se réorganiser pour faire face aux tentatives
des bandes rebelles.
La colonne Jamais était suffisante pour remplir ce but; elle
devait continuer à explorer la région voisine de la frontière
tripolitaine aussilongtemps que la température le permettrait,
sans trop de souffrances pour nos soldats2.
Quant à la 6e brigade, dont la présence était devenue inu- La fi* brigade
revientàGabès
tile, elle reprit aussitôt le chemin de Gabès3 où elle arriva
le 24 mai, en passant par l'oued-Bou-Hamed, Oglat-Senem,
Ksar-Métameur, Ksar-Medenine, Oum-es-Zessa, Mareth et
Ketenah.

1. En réalité, le but de l'expédition était manque. (La 6e brigade, p. 194.)


Les insurgés réfugiés entre l'oued-Fessi et la frontière tripolitaine réelle,
n'avaient pas été atteints. Il eût fallu marcher jusqu'au contact du rassemblement
des dissidents et les forcer soit à combattre (ils ne le voulaient pas), soit à se réfu-
gier réellement en Tripolitaine (ils en auraient été bientôt rejetés par les popula-
tions jalouses de leur sol, qui les nourrit à peine), soit à se jeter dans le Sahara
(ils n'auraient pu, en aussi grand nombre, y faire vivre leur troupeaux).
Mais l'ordre avait été donné (à la suite de conventions passées par un ambas-
sadeur envoyé de Paris à Tripoli) de ne pas dépasser l'oued-Fessi.
2. Le général Jamais, avec les troupes de la subdivision de Gabèsa, resta donc
en observation près de la frontière, vers Ksar-Médcnine.
3. La 6e brigade (avec le général Logerot) quitte l'oued.bou-Hamed le 17 mai
1882 et se rend par petites journées à Gabès où elle arrive le 24 mai. Elle campe
sur le bord de la mer, et est passée en revue par le général Forgemola, com-
mandant le corps d'occupation, en tournée de commandement dans l'Aarad et
débarqué le 26 mai.
a) Voir annexe n° :
LXV « Organisation u.
elle Quelques jours après, laissant une partie de ses éléments
est disloquée.
constitutifs à Gabès1, elle repartit pour Gafsa, avec le général
Logerot commandant la division sud.
Il restait à déterminer au nord du chott une ligne de défense
permettant de protéger le nord de la Tunisie contre les incur-
sions des dissidents.
Aux extrémités, les deux points de Gabès et de Gafsa s'impo-
saient; l'un s'appuyait à la mer, l'autre à l'Algérie. Ilfallait un
point intermédiaire permettant, de plus, la surveillance des
débouchés du chott en face du Nefzaoua.
Installation
du poste
Le général Logerot choisit le village d'El-Ayacha qui commu-
d'El-Ayacha
(7 juin).
niquait d'une part au bled-Ceguï par EI-Haffey, et d'autre part
avec Gafsa, soit par Bir-Mrabot, soit par Bou-Amran; le 7 juin
il installa lui-même le nouveau poste.
Le 1er juillet, la 6e brigade était définitivement dissoute à
Gafsa et le général Logerot regagnait Sousse, le centre du com-
mandement de la division sud. A cette date, la situation de la
région de Gabès ne s'était pas modifiée.
Depuis le 17 mai, les tribus soumises avaient persisté dans
leurs bonnes intentions, mais les dissidents qui avaient passé
l'oued-Fessi, au moment de l'arrivée de nos troupes/à Méde-
nine, n'avaient fait aucun pas pour venir à nous.
La La brigade Jamais, après avoir stationné pendant dix-sept
brigade Jamais
àrentre
Gabès
à
jurs Bou-Gueraâ, d'où elle avait envoyé des reconnaissances
(18 juin). dans toutes les directions, était rentrée à Gabès le 18uin. Un
de ses bataillons envoyé en colonne volante à Sidi-Makhlouf
avait eu, quelques jours auparavant, un engagement heureux
avec un parti d'insurgés qui venait de razzier des gens de Ma-
reth et deKsar-Métameur.

1. Elle fut en partie disloquée. Le lieutenant-colonel Frayermuth ramena à

Gafsa.
Gafsa les troupes destinées à l'occupation de ce poste et de la zone voisine; le
général de division Logerot, commandant la division sud, se rendit avec elle à
(La subdivision de Gafsa avait été créée le 22 avril et le général Philebert
nommé à son commandement le 9 mai.
Le général Philebert, qui avait un congé pour France, retourna par bateau à
Tunis, avec le général Forgemol; il revint en Tunisie au commencement d'octobre
et rentra à Gafsa le 30 octobre.)
N°LXV

Organisation des troupes d'occupation.

Les bataillons d'infanterie de France, faisant partie des Aperçu


rétrospectif
demi-régiments du 1er corps expéditionnaire, avaient été com- sur les effectifs
plétés à cinq cents hommes, avant leur embarquement pour
la Tunisie1.
Les quinze bataillons qui restèrent, après le premier rapatrie-
ment, avaient été complétés à six cents hommes {parter&s&e^
ment d'hommes valides, effectué par le bataillon partant, pour
combler les vides faits au bataillon restant par le rapatriement
des malingres et des hommes libérables et pour renforcer
son effectif).
Mais l'effectif de ces bataillons d'occupation diminua bien
vite, et un mois ne s'était pas écoulé que le général Logerot,
commandant la division d'occupation, était obligé de deman-
der que les déficits fussent comblés.
Le Ministre répondit3que le chiffre de 600 hommes par
bataillon d'occupation n'avait été arrêté, dans le principe,
qu'en raison de la facilité qu'on avait alors pour constituer sur
place ces effectifs avant le rapatriement des éléments qui
devaient rentrer en France et pour ne pas avoir de longtemps
de renforts à leur envoyer.
Il fixa à cinq cents hommes le chiffre maximum de l'effectif
des bataillons d'infanterie destinés à être envoyés en Afrique
(Algérie ou Tunisie').

1. Voir annexe n° VI.


2. Décision ministérielle du 26 mai 1881. (Voir tome 1, p. 45.)
3. Lettre ministérielle du 13 août.
4. Le général Logerot ne reçut donc pas les renforts qu'il demandait pour
compléter à 600 hommes l'effectif de ses bataillons, lequel était descendu, d'une
façon moyenne, à 522 hommes.
La seconde expédition se fit donc avec des bataillons d'in-
fanterie de ligne comptant 500 hommes, au maximum, à leur
effectif.
Le général Farre avait maintenu sous les drapeaux la
classe 18761 ; il dut rapporter bientôt cette mesure impopu-
laire; mais les hommes de cette classe, présents en Tunisie,
devaient rester à leur corps jusqu'à nouvel ordre.
Dès le 3 décembre 1881, le Ministre de la guerre décida que
les hommes de la classe 1876 qui se trouvaient à ce mo-
ment en congé en France, à un titre quelconque, passeraient
immédiatement dans la disponibilité et que cette mesure serait
appliquée aux hommes de la classe 1876 qui seraient ultérieu-
rement envoyés de Tunisie en congé en France.
A cette date, les circonstances actuelles n'obligeant plus à
tenir à des effectifs aussi élevés que précédemmentles trou-
pes envoyées de France en Tunisie et en Algérie, et, d'autre
part, les opérations actives étant sur le point de se terminer,
il estimait qu'il y aurait lieu de désigner prochainement celles
de ces troupes qui devraient être rapatriées et décidait qu'il
ne serait plus envoyé de France, à ces troupes, aucun déta-
chement ou isolé.
Le corps Par décret en date du 25 janvier 1882, le général de division
d'occupation.
Forgemol de Bostquénard est nommé au commandement du
corps d'occupation de Tunisie2.
Son état-major est ainsi composé :
MM. SENAULT, lieutenant-colonel d'infanterie, H. C.,chef d'état-
major.
DANÈS, chef d'escadrons de cavalerie, H. C.
ROÎDOT, chef de bataillon d'infanterie, H. C.
BESSON, capitaine d'infanterie, H. C.
MOUREY, - -
1. Voir fin de l'annexe n° XLV.
2. Le général Forgemol était rentré en Algérie le 12 décembre.

;
Le général Japy, commandant supérieur de Tunis et de la région nord exerça
lé commandement provisoire du corps d'occupation du 3 février au 3 mars le
général Forgemol prit possession de son commandement le 4 mars.
BABIN, capitaine d'infanterie, H C.
SCHMITZ, - —
DE VALORI RUSTICHELLI, lieutenant de réserve.

Le 23 février 1882, le Ministre de la guerre ordonne le ren-


voi dans leurs foyers de tous les hommes de la classe 1876
encore présents en Tunisie.
Le 22 mars, le Ministre décide que les 26' bataillons1 de
France, destinés à faire partie du corps d'occupation de Tuni-
sie\ seront portés à 650 hommes, présents et absents compris.
Pour combler les vides faits dans cesbataillons par le ren-
voi de la classe 1876, ordonné par la lettre collective du 23
février 1882, et porter leur effectif au chiffre prescrit, il faut
leur envoyer des renforts sérieux.
Afin de ne pas appauvrir outre mesure les régiments qui
détachent ces bataillons en les faisant concourir seuls à la
formation des détachements de renfort, les hommes de troupe
entrant dans la composition de ces détachements sont pré-
levés sur les régiments de ligne de leurs corps d'armée respec-
tifs et sur un certain nombre de bataillons de chasseurs à
pied.

Par décision ministérielle en date du 22 avril 18822, le terri-


toire de la régence forme deux divisions et six subdivisions
sous les ordres du général commandant le corps d'occupa-
tion :

1. Vingt-quatre bataillons de ligne et deux bataillons de chasseurs à pied.


(Nous savons que chacun des bataillons de ligne dépend d'un régiment différent.)
A) En 1881, le 4e zouaves était dans la province d'Alger. A la mi-avril 1882,
ses quatre bataillons sont en Tunisie. A la même époque sont créées en Tunisie
six compagnies franches. (Voir annexe n° LXIX, 1, p. 402.)
Ces quatre bataillons et ces six compagnies sont donc à ajouter aux bataillons
d'occupation provenant- de France.
2. Cette décision ministérielle ne fut portée à l'ordre général du corps d'occu-
pation que le 20 mai.
j(
CORPS D'OCCUPATION (GÉNÉRAL FORGEMOL) :

Division nord,Subdivision de Tunis


àTunis.
genéralJAPY, — du Kef. général Lambert..
— d'Aubigny.
d'Aïn-Draham— Sabattier..
Division sud, ( deSousse. Etienne.
général LOGEROT,) -—
de Gafsa. —
— Philebert..
àSousse. (
— deGabès — Jamais.
Les subdivisions sont divisées en cercles et annexes.
L'organisation en brigades et groupes de bataillons d'infan-
terie cesse d'exister.
Chaque général de division ou de brigade exerce son auto-
rité sur toutes les troupes stationnées dans l'étendue de la
circonscription qu'il commande.
Les troupes de l'une de ces circonscriptions en colonne dans
une autre circonscription sont considérées comme détachées
momentanément dans cette dernière.
Les lieutenants-colonels commandant les groupes attendent
et
une nouvelle affectation2 les chefs de bataillon commandant
les bataillons détachés de France relèvent du général com-
mandant la subdivision.

1. Le général Cailliot avait été relevé, sur sa demande, de son commandement


dela subdivision d'Ain-Draham le 25 février, et remplacé, par décision ministérielle
du 5 mars, par le général Guyon Vernier, commandantla 15e brigade de cavalerie.
2. Ils furent, presque tous, affectés au commandementd'un cercle, par décision
du général Forgemol en date du 1er juin.

CORPS D'OCCUPATION. — GÉNÉRAL FORGEMOL.

j Subdivision I Cercle de Tunis Général Lambert.

: Bizerte.

I
'a de I Lieutenant-colonel Vinciguerra.
— de
I
Tunis | — de Zaghouan Lieutenant-colonel Barberet.
-< l Gal LAMBERT. [ Annexe
de Mateur.
1 Subdivision

: Kef.
j Cercle des Hamada.
Commandant Dudon.

o
17 Général d'Aubigny (lieutenant-co-
J du 1 — du
<3 Kef ) lonel de Puymorin, adjoint).
o? J Gal D'AUBIGNY. [ — de Teboursouk. Lieutenant-colonel Debord.
u
= Subdivision
IVIsIon
GaISABATTIER.
I
Cercle
¡Cercle d'Ain-Draham..G
d'Ain-Draham.. Général Sabattier(lieutenant-
énéralSabattier (lieutenant-

-- Beja
colonel Wattringue, adjoint).
>> m- ra am. d B j
de d t M
Commandant
C 't
Maritan.
ABATTIER. |
Q deGhardImaou. Commandant Cabuche.
C'est là une organisation tout à fait territoriale.
Nous connaissons la composition de l'état-major du géné-
ral commandant le corps d'occupation'.

<
Les états-majors des deux divisions du nord et du sud com-
prenaient chacun un officier supérieur chef d'état-major etdeux
capitaines; chaque subdivision avait un capitaine breveté2

Subdivision
S d
Subdivision
S„
uubd IVlSIOn
1 Cercle de Sousse. Général Etienne (lieutenant-co-
lonel Corréard, adjoint).

de:
- a
";
.::1
..;;
- de
de -
ousse
CercledeGafsa
a
sa -D.1 a.
-G
Gafsa.
dfe
GaIPHILEBERT. f
d
deKairouan. Lieut.-colonel de Faucomberge.
ETIENNE. Sfax Mahédia

¡ Cercle de
,
'(
b
d'EI-Ayacha
Lieutenant-colonel
Commandant Juffé.
LIeutenant-coonel Dubuc
Dubuche.
Général Philebert (lieutenant-co-
lonelFrayermuth, adjoint).
Lieutenant-colonel
Lieutenant-colonel Quinemant.
de Djilmab Commandant Forget.
rb~ PPHiLEBERT. Annexes de Feriana et du Djerid
e.

J5 Subdivision Cercle de
de l
Gabès.
C
(
Général Jamais Lieutenant-co-
lonel Mille, adjoint).
g

¡=:¡
Gabès
GaI JAMAIS.
j
[ -- de Maharès. Commandant Gillet.
de Djerba. Commandant Martin.
Le lieutenant-colonel Brault fut maintenu dans ses fonctions de commandant
d'armes à La Goulette.
Le lieutenant-colonel de Reinach fut maintenu dans ses fonctions de major de
la garnison de la place de Tunis.
Le lieutenant-colonel Robillard fut maintenu dans ses fonctions de commissaire
rapporteur près le conseil de guerre de La Goulette.
Le lieutenant-colonelTravailleur, seul des anciens chefs de groupe d'infanterie,
rentra en France.
1. Voir plus haut, page 358.
Le service des renseignements à l'état-major du corps d'occupation était assuré
par MM. Pont, chef de bataillon d'infanterie h. c., chef du service central;
;
Durand, capitaine du train des équipages militaires h. c. Coulombon, lieutenant
d'infanterie.

2. Composition des états-majors de division et de subdivision.


ÉTAT-MAJOR SERVICE DES RENSEIGNEMENTS

DIVISION DU NORD
MM. MM.
Robert, chef de bataillon d'infanterie Cauchemez, capitaine d'infanterie, h. c.,
h.c.,chef. - chef.
O'Connor, capitaine de cavalerie, h. c. Peiro, lieutenant d'infanterie.
Aubin, capitaine d'infanterie, h. c.
a) Ne fut installé que le 7 juin (annexe n° LXIV, page 356).
b) Nouvelle création.
c) Un capitaine du service de renseignementsétait chef de l'annexe de Touzeur (sans gar-
nison française).
Ils étaient complétés par les officiers d'ordonnance et les
officiers chargés du service des renseignements1.

2
La cavalerie du corps d'occupation devait se réduire à
douze escadrons (6 du 4e de chasseurs d'Afrique et 2 esca-
drons de chacun des 1er, 6e et 11e de hussards).
Chacun de ces régiments de hussards devait laisser en

Subdivision de Tunis.
M. Lande, capitaine d'artillerie, h. c. M. Poupelier (Amand), capitaine d'in-
| fanterie,h.c.
Subdivisiond'Àin-Draham.
M. Cléric (de), capitaine de cavalerie, I
M. Chollat-Traquet, lieutenant de ca-
h.c. t
valerie.
Subdivision du Kef.
M. I
Oudard, capitaine d'infanterie, h. c. M. Poupelier (Edme), capitaine d'infan-
l
terie,h.c.
DIVISION DU SUD
MM. MM.
Pellieux (de), chef de bataillon d'in- Dubreuil, capitaine d'infanterie h. c.,
fanterie, h. c., chef. chef.
Latour-d'Anaure (de), capitaine d'in- Frolisch, lieutenant d'infanterie.
fanterie, h. c. Leguen, sous-lieutenant d'infanterie.
Meunier, capitaine d'infanterie, h. c.
Subdivision de Sousse.
M. I
Canton, capitaine d'infanterie, h. c. M. Jacobé de Haut, capitaine d'infan-
I
terie,h.c.
Subdivision de Gafsa.
I
Lebrun, capitaine de cavalerie, h. c. M. Champsoin (de), lieutenant d'infan-

,-.
M.
I
terie.
Subdivision de Gabès.
M. Bougon, capitaine de cavalerie, h. c. M. Morris, capitaine de cavalerie, h. c.

(Nous n'avons pas cité les officiers du service de renseignements des cercles et
annexes. )
1. Le service des renseignements fut organisé par le Ministre de la guerre le
8 juin.
- Organisation
2. - -
de la cavalerie (Lettres ministérielles des 11 et ld mai).
Les 1", 6e et 11e hussards, 7e et 130 chasseurs à cheval avaient chacun en Tu-
nisie un état-major et 3 escadrons.
-
Dans chacun de ces 5 régiments, il fut formé un groupe (commandé par un
chef d'escadrons) de deux escadrons, chaque escadron à l'effectif de 150 hommes
Tunisie un groupe de deux escadrons commandé par un chef
d'escadrons.
Chaque escadron devait être complété à 150 hommes et 141
chevaux de selle de troupe.
Le commandement de l'artillerie et du train des équipages
militaires fut donné au lieutenant-colonel de Condé1.
L'artillerie ne comprenait plus que 9 batteries (7 batteries
de 80mm de montagne, une batterie montée de 80mm et une
batterie à pied) et un parc à la Goulette2.
Le train des équipages militaires allait comprendre sept
compagnies (cinq étaient déjà en Tunisie, deux furent créées
sur place).
Le chef d'escadrons Litschfousse reçut le commandement
de l'artillerie et du train de la division nord; le chef d'esca-
drons Parriaud, celui de la division sud.
Le général Goury fut nommé au commandement du génie
du corps d'occupation 3,
le colonel Dressel directeur du génie

;
et 141 chevaux de selle de troupe. Cet effectif fut atteint par prélèvements sur
l'escadron qui devait être rapatrié ce qui restait de cet escadron fut renvoyé en
France (Marseille, Bordeaux, Valence, Moulins et Auch).
Des cinq groupes de 2 escadrons ainsi reconstitués, 3 restent en Tunisie (hus-
sards), 2 passent en Algérie (7e et 13e chasseurs) pour tenir garnison à Bone et
Sétif (province de Constantine) et y remplacer le 4e régiment de hussards qui
passe dans la province d'Oran pour y prendre la place du 40 chasseurs d'Afrique
(Mascara) envoyé en Tunisie.
Les 6 escadrons du 40 chasseurs d'Afrique arrivèrent en Tunisie de fin mai à
mi-juillet 1882.
(Le 4e chasseurs d'Afrique et le 4e hussards firent leur mouvement simultané-
ment; les groupes des 7e et 13e chasseurs furent dirigés sur la province de Cons-
tantine dès que le 4echasseurs d'Afrique fut arrivé en Tunisie.)
1. Décision ministérielle du 30 mai.
2. A partir du mois de décembre 1882, un détachement du 1er pontonniers vint
tous les ans d'Alger en Tunisie, en automne, pour installer et manœuvrer des
trailles sur l'oued-Medjerdah et l'oued-Mellègue (routes de Souk-el-Arba à Ain-
Draham et au Kef), puis repartait de Souk-el-Arba pour Alger, au milieu de l'été
suivant, après avoir replié son matériel. Ce service dura jusqu'à l'établissement
des ponts sur les deux rivières.

;
3. Deux des cinq compagnies du génie du corps expéditionnairefurent rapatriées.
Il ne resta donc au corps d'occupation que trois compagnies une de celles-ci
fut renvoyée en France à la fin de 1883, une seconde au commencement de 1884, ce
qui réduisit les troupes du génie de la division à une seule compagnie.
territoire fut divisé en quatre chefferies, 1Tunis,
à Tunis, et le
Aïn-Draham, Ghardimaou et Sousse, chacune avec des an-
nexes.
Le service de la télégraphie militaire fut organisé le 7 août
1882.
Une décision ministérielle du 15 juin avait constitué le
service de la force publique du corps d'occupation.
Après le renvoi de la classe 1877 (octobre 1882), seuls les
24 bataillons de ligne et les 2 bataillons de chasseurs à pied,
faisant normalement partie du corps d'occupation, reçoivent
des renforts pour les maintenir à 650 hommes (160 hommes
par compagnie de chasseurs); les autres bataillons sont
laissés à l'effectif de 350 hommes prévu par la loi des cadres
(4 compagnies à 85 hommes).

ALes opérations actives étant terminées, et le corps d'occu-


pation constitué, nous donnerons rapidement les transforma-
tions principales qui furent ordonnées dans l'organisation
des troupes d'occupation2 et
les mouvements dans le person-
nel de leur haut commandement.
Le général Forgemol fut bientôt invité à faire des propo-
sitions pour la réduction des troupes du corps d'occupation et
sa transformation en division.
Dès le 23 mai 1883, le général Forgemol avait proposé, sur

1. Une cinquième chefferie fut créée à Gabès, le 8 août 1882.


A) Le bey Mohamed Es Saddock était mort le 28 octobre 1882, à 4 heures du
matin.
Son frère, Si AliBey, l'ancien bey du camp de Ben-Béchir, Testour et Zaghouan,
lui succéda; il est encore actuellement possesseur du royaume de Tunis.
L'avènement de Si Ali et les funérailles de Mohamed Es Saddok laissèrent
Tunis et la Tunisie dans une tranquillité parfaite.
2. Nous ne parlerons plus que des troupes faisant normalement partie du corps
d'occupation, les autres éléments étant rapatriés successivement.
Les premiers bataillons rapatriés (en novembre 1882) furent les trois bataillons
de chasseurs à pied non renforcés, nos 23, 28 et 30, puis tous les bataillons de
ligne ne faisant pas partie du corps d'occupation. Le rapatriement de cette pre-
mière catégorie de bataillons fut terminé en mai 1883.
la demande qui lui en avait été faite par le Ministre, de ne
conserver dans la future division d'occupation que douze
bataillons (dont deux de chasseurs à pied).
Le 1er juillet, il n'avait plus 18.000 hommes1;l'infanterie
était déjà réduite à 20 bataillons, six des bataillons renforcés
ayant été rapatriés pendant le mois de juin.
Le rapatriement de quatre bataillons au mois d'août et de
deux au mois de décembre était prévu.
Mais les nécessités budgétaires obligeaient à ramener le
plus tôt possible à 15.000 hommes l'effectif des troupes sta-
tionnées en Tunisie.
Le Ministre ordonna que deux bataillons d'infanterie et
une compagnie du génie, dont le rapatriement n'était prévu
que pour 1885, seraient renvoyés en France dans le courant
de décembre 18832.
Ilne resterait donc que douze bataillons en 1884.
Le Ministre décida, en outre, que chacun des bataillons
restant en Tunisie serait ramené a 600 hommes au lieu de
650. D'où il résulterait, pour 12 bataillons, une nouvelle ré-
duction de 600 hommes.

1. Le 1er juillet 1883, il ne restait déjà plus au général Forgemol que 20 batail-
lons d'infanterie; des 26 affectés à son corps d'occupation, 6 avaient été embarqués
au mois de juin; les effectifs des bataillons restants étaient tombés de 650 à 600 et
le corps d'occupation ne comprenait plus que
Vingt bataillons d'infanterie.
:
à600hommes. 12.000
Dixescadronsdecavaleric. à 150 1.500 1

Une batterie montée.


Quatre batteries de --
montagne. à 248
à 160

1.000
160
Une batterie à pied -- à 150 150

Infirmiers.
Trois compagnies du génie à 180 540
Quatre compagnies du train -
d'administration.
Commis et ouvriers
à 260 1.040
600
17.870

Gendarmes.
Secrétaires d'état-major.
Télégraphistes.
hommes.
Plus (pour mémoire) 12 compagnies mixtes à 250
600
100
100
80
3.000°

2. L'effectif de 18.000 hommes se trouvait ainsi diminué, pour 1884, de 1.480


hommes (2 bataillons à 650 et une compagnie du génie à 180).
a. A dater du 1" avril 1883, existaient 12 compagnies mixtes. (Voir annexe LXIX, p. 404.)
Les deux sections d'infirmiers et ouvriers d'administration
furent réduites chacune de 600 à 500 hommes, et chaque
compagnie du train subit une diminution de 50 hommes.
Du 26 octobre au 17 novembre, 5.528 hommes libérables
de la classe 1878 furent rapatriés'.
Un décret du 16 octobre 1883 appela le général Forgemol au
commandement du 11e corps d'armée.
Division
d'occupation
Aussitôt après le départ du général Forgemol, le corps
d'occupation fut transformé en division'.
Au lieu de 2 divisions, il y eut 3 subdivisions, et les
anciennes subdivisions devinrent de simples cercles.
Le commandement de la division fut donné au général
Logerot.
Le 21 février 1884, le général Logerot ayant été nommé au
commandement du 8e corps, le général Boulanger vint le
remplacer à la tête de la division d'occupation.
Du mois d'avril 1884 au 1er janvier 1886, trois bataillons
d'infanterie de ligne seulement furent rapatriés.
Le général Boulanger fut appelé au commencement de
janvier 1886 aux fonctions de ministre de la guerre. Le général
de division Leblin de Dionne, désigné par décision ministérielle

1 En résumé les troupes d'occupation se trouvèrent réduites de :

Deuxbataillonsd'infanterie1.300 Hommes.

Cinquante hommes par bataillon maintenu en Tunisie. 600


Unecompagniedugénie 180

Ce qui ramena la
2. A dater du 1er
Soitau total.
Cent hommes par section d'ouvriers et d'infirmiers.
Cinquante hommes par compagnie du train des équipages.

future division à 15.000 hommes.


200
250
2.530

décembre 1883, le corps d'occupation de Tunisie est transformé


en division d'occupation.
:
Cercle
DIVISION D'OCCUPATION

d.eTunis,
VdJi-vi•si•onde
Subdivision
^c
général de division LOGEROT.
de Tunis,
d'Ain-Draham
général de brigade BOUSSENARD. )
Subdivision de Sousse,
-
Cercle
(
du Kef.
de Sousse,
général de brigade Riu. — de Kairouan.
Subdivision de Gabès, 1Cercle de Gabès,
colonel de la ROQUE (13e chasseurs). — de Gafsa.
du 18 janvier 1886 pour commander la division de Tunisie,
vint prendre possession de son poste le 27 janvier.
Le 17 avril 1886, le Ministre de la guerre ordonne le
rapatriement de deux escadrons du 66 hussards et de sept
bataillons d'infanterie de ligne1
Les embarquements furent échelonnés du 25 avril 1886 au
10 juin.
En 1885, l'installation du 2e régiment étranger avait été
prévue à Gabès, Gafsa et Sfax; mais, le 22 avril 1886, le
Ministre décida que ce régiment ne serait pas transféré en
Tunisie et qu'il serait maintenu en Algérie.
Le 4e bataillon d'infanterie légère d'Afrique vint à Ras-el-
Oued.
Le 15 juin 1886, la division fut transformée en une brigade Brigade
d'occupation
d'occupation dont le général de brigade Gillon prit le com-
mandement2
Trois commandements militaires (Tunis, Sousse et Gabès)
et un cercle3 (Gafsa dépendant de Gabès) furent créés, et les
cercles d'Aïn-Draham, Le Kef et Kairouan supprimés.

1. Le dernier bataillon d'infanterie de ligne rapatrié fut le bataillon du 836 (10


juin 1886).
Restent seuls en Tunisie, en plus de l'infanterie spéciale, les 27° et 29e batail-
lons de chasseurs à pied.
Le groupe du 6e hussards, embarqué le 29 avril à Sfax, était le dernier élément
de cavalerie de France restant en Tunisie.
La cavalerie de Tunisie restait constituée par le 4e chasseurs d'Afrique, à 6 esca.
drons, venu d'Algérie et débarqué en Tunisie de mai à juillet 1882, et par les
trois escadrons de spahis tunisiens (voir annexe n° LXIX, page 408).
2. A cette date du 15 juin 1886, les troupes d'occupation se composent de :
Quatre
( Quatre bataillons du 4e zouaves.

Onze bataillons
bataillons du 4e tirailleurs (formé en 1885, avec
I l'infanterie des 12 compagnies mixtes supprimées
et une compagnie < voir annexe n° LXIX, page 408).
;
d'infanterie. j Les 27e et 29e bataillons de chasseurs à pied.
[ Le 4e bataillon d'Afrique.
La 1" compagnie de fusiliers de discipline.
Neuf escadrons j Six escadrons du 4' chasseurs d'Afrique.
de cavalerie. ) Trois escadrons de spahis tunisiens.
Quatre batteries d'artillerie.
Quatre compagnies du train.
Une compagnie du génie.
3. Plus tard, le 10 mai 1889, un emploi de commandant supérieur est créé à
Les généraux commandant en Tunisie furent successive-
ment, après le général Gillon, les généraux Saint-Marc,
Swiney et Leclerc\
Rétablissement
de la division.
Par décision ministérielle du 19 décembre 1894, la brigade
d'occupation fut transformée en une division.
Cette mesure reçut son exécution à la date du 1er janvier
1895, et le général Leclerc, promu divisionnaire, conserva le
commandement des troupes de Tunisie.
En même temps un général de brigade d'infanterie et un
général de brigade de cavalerie étaient envoyés en Tunisie le
premier à Tunis, le second à Sfax.
:
Enfin, une note ministérielle du 24 avril 1897 changeait
l'organisation de la division d'occupation de Tunisie. Le terri-
toire alors divisé en 3 commandements militaires (Tunis, Sfax
et Gabès) ne devait plus comprendre à l'avenir que deux
commandements, celui de Tunis et celui de Gabès.
Le commandement militaire de Sfax était supprimé et son
territoire rattaché à celui de Gabès.

Médenine; il dépend de Gabès et exerce son autorité sur Médenine, Tatahouine


etZarzis.
A. Les escadrons de spahis tunisiens formèrent un régiment à 5 escadrons
4e régiment de spahis;
: le

Deux compagnies du 1" bataillon d'infanterie légère d'Afrique, fortes chacune


de 3 officiers et 400 hommes, partirent du Kreider le 13 juin 1888 pour venir
remplacer en Tunisie le 27" bataillon de chasseurs qui allait rentrer en France
(embarqué le 27 juin); elles allèrent tenir garnison à Gabès.
Le 21 février 1889, le 29e bataillon de chasseurs à pied s'embarque à Gabès
pour être rapatrié. C'est le dernier bataillon rentrant en France.
A la fin de février 1890, l'état-major et quatre compagnies actives du 3e batail-
lon d'infanterie légère d'Afrique, revenant du Tonkin, débarquent directement
en Tunisie et vont s'installer au Kef.
Comme ces compagnies sont très faibles, un détachement de 600 hommes leur
est envoyé immédiatement de la portion centrale qui est à Batna.
Quand deux compagnies du 2e bataillon d'infanterie légère d'Afrique, revenant
du Tonkin, se furent complétées à Médéah (novembre 1890), elles furent dirigées
sur Biskra et Khenchela pour y relever les compagnies du 3e bataillon d'Afrique,
lesquelles, se concentrant avec leur dépôt venu de Batna, le 2 janvier 1891, à
Tébessa, passèrent en Tunisie et arrivèrent au Kef le8 janvier 1891.
:
Le 3e bataillon d'Afrique se disloqua alors de la façon suivante
Etat-major, portion centrale et trois compagnies et demie au Kef;
Une compagnie à Souk-el-Djemaâ;
Une compagnie et demie à Téboursouk.
Le commandement militaire de Gabès devait être exercé
par un général de brigade aux lieu et place d'un colonel.
Le siège de la brigade de cavalerie de Tunisie fut transféré
de Sfax à Tunis.
Actuellement, l'état-major général de la division d'occupa-
tion de Tunisie est donc constitué de la façon suivante
Un général de division, à Tunis ; : Organisation
actuelle du
commandement
enTunisie.

Un général de brigade d'infanterie et commandant militaire


de Tunis, à Tunis ;
Un général de brigade de cavalerie, à Tunis;
Un général de brigade commandant militaire de Gabès.

N° LXVI

Colonne du général d'Aubigny de Tébourba à la Kessera a.

Les nouvelles des opérations dans l'extrême sud parvenaient


dans le centre et dans le nord de la Tunisie, et troublaient la
tranquillité des populations.
Pour éteindre immédiatement ce commencementd'agitation
et mettre fin aux bruits qui circulaient chez les indigènes
annonçant l'arrivée des Turcs et notre prochain départ de
Tunisie, des démonstrations devenaient nécessaires.
Elles furent ordonnées par le général en chef1
Le 29 mars 1882, deux colonnes reçurent l'ordre de parcourir Colonne
d'Aubigny
les tribus des Oulad-Aoun, des Oulad-Ayar et de la Kessera de Tebourba
chez lesquelles on signalait quelques symptômes de fermenta- (6àavril
laKessera.
-10mai 1882).
tion2.

a. Voir croquis n,, III et V.


1. Les, colonnes qui firent ces démonstrations exécutèrent de véritables mar-
ches militaires. L'étude de ces marches n'étant que d'un intérêt relatif, nous ne
donnerons qu'un rapide résumé de l'itinéraire de la colonne du général d'Aubi-
gny. la plus importante comme effectif et qui marcha, tout au moins, sur un ob-
jectif géographique.
On trouvera peut-être instructifs deux passages de rivière qu'elle effectua.
2. Colonne du général d'Aubigny, partant de Tébourba et forte de 3 batail-
Le départ fut remis au 6 avril par suite de pluies torren-
tielles.
La colonne d'Aubigny', concentrée le 4 avril àTebourba,
campa le 5 près de la caserne du Battan et se mit en route le 6,
à 6 heures du matin, vers le sud.
Elle marche Le 6 au soir, la colonne campe à Sbab-il-Djemel, le 7 à Bled-
vers le sud.
Goubellat à côté de redirs d'eau de pluie2. Le 8 elle s'arrête à
Aïn-Naga3.
Dans l'après-midi une reconnaissance est envoyée dans la
direction de Medjez-Sfa sur lequel on doit marcher le 9. Elle
constate que la vallée de l'oued-Remil et la plaine entre la
Sebkha-Koussia et Medjez-Sfa, complètement inondées, sont
infranchissables.
Le général se décide à changer de direction et à marcher
vers l'ouest pour prendre la route déjà connue de Maktar
par le gué de la Silianah, Ain-Tunga, Aïn-Hedja et Bordj-
Messaoudi.
Elle change
de
Dans la nuit du 8 au 9, la pluie tombe torrentielle; elle cesse
direction le 9 à 4 heures du matin, mais reprend à 10 heures du matin
vers
l'ouest.
assez violente.
Le 9, la colonne est arrêtée dans sa marche, à l'oued-Lo-
gueur\ à 1 kilomètre en avant de Bou-Gèlida.

Ions d'infanterie, 1 escadron de hussards, une section d'artillerie de montagne


et services.
Colonne de la Roque, partant du Kef, forte de 2 bataillons d'infanterie, 50 cava-
liers, et une section d'artillerie de montagne.
1. La colonne d'Aubigny est composée du bataillon du 20e (pris dans la garni-
son deTébourba), des bataillons des 88e et 119e (venant d'Hammam-Lif), d'un es-
cadron du 11e hussards, d'une section d'artillerie de montagne (prise à Medjez-
bela-B), génie et services.
;
Son effectif, le 6 avril, est de 49 officiers, 1.339 troupe, 149 chevaux et 94 mulets
il faut ajouter l'état-major, 40 cavaliers de goum et 250 chameaux portant 8 jours
de vivres.
1. L'intention était de camper aux trois puits de Sidi-Nadji, mais on en avait
trouvé deux à sec et le troisième fétide.
3. Le but de la marche du 8 était Si-Smaln ; la colonne, fatiguée par la pluie

:
et la traversée d'un sol marécageux,dut s'arrêter à Ain-Naga, à 6 kilomètres du but.
4. Le torrent est infranchissable le camp est établi sur la rive gauche.
Dans l'après-midi du 9, une compagnie d'infanterie et le génie vont reconnaî-
tre le gué de la Silianah : elle est infranchissable. Les Arabes qui ont tenté le
passage à la nage ont dû y renoncer à cause du courant.
Fatiguée, elle fait séjour le 1.0à1;oued-Logueur. Le général
se décide à se rapprocher le lendemain de la Silianah, pour
la passer dès que ce sera possible.
Le 11 avril, la colonne quitte l'oued-Logueur à 6 heures
du matin. A 8 heures elle arrive au gué d'El-Aroussa. La Silia-
nahest infranchissable (2 mètres d'eau et courant rapide). La
colonne campe sur la rive droite.
Dans la nuit du 11 au 12, la Silianah n'a baissé que de 12
;le
centimètres général renonce à toute idée de passage qui con-
duirait la colonne dans des régions non encore parcourues; le
mois d'avril est pluvieux, les torrents deviennent rapidement
infranchissables et les troupes pourraient éprouver de grandes
difficultés de marche et de sérieux embarras de ravitaillement
en pays inconnu. Il arrête définitivement l'itinéraire par Tes-
tour et Aïn-Tunga.
Il faut donc reprendre la direction du nord. Elle reprend
la
Le 12, la colonne descend le long de la rive droite de la direction
du nord.
Silianah et vient camper à Kheneg-Mourou (rive droite).
Le 13, elle quitte Kheneg-Mourou à 6 heures du matin, re-
descend encore la Silianah et arrive à 8 heures à Testour. Elle
s'arrête, se masse (de 8 heures à 9 h. 30) à hauteur du camp
du 84e et fait le repas du matin.
Pendant ce temps est faite la reconnaissance de la rivière. Passage
de la Silianah,
« Le gué de la route a Offi,70 d'eau, le fond est excellent, au gué
de Testour,
mais le courant est rapide. La direction à suivre, très oblique le 13 avril.

par rapport aux rives, est repérée avec soin.


» A 11 h. 30 l'eau n'a baissé que de 3 centimètres et les indi-
gènes assurent que la décroissance de la rivière sera très lente.
Il faudrait attendre deux ou trois jours pour avoir, le beau
temps persistant, une diminution appréciable.
» Ordre est alors donné à la colonne de venir s'établir près
du gué (à 2 kilom. du camp du 84e). Elle y arrive à midi; les
faisceaux sont formés, le passage doit commencer à 1 h. 30.
Les hommes se mettent en pantalon de toile, quittent leurs
souliers pour la plupart et arriment leurs effets et leurs car-
touches sur le sac, pour éviter de les mouiller.
Pendant ce temps un câble d'alfa de 0ro,08 de diamètre est
»
apporté de Testour. Des indigènes réquisitionnés le transpor-
tent de l'autre côté de la rivière, puis s'échelonnent de 3 en 3
mètres pour le soutenir à hauteur d'appui. Une dizaine decava-
liers du goum sont placés au milieu de la rivière, à 10 mètres
de la corde, pour rompre le courant assez fort en ce point.
» A 1 h. 15 le passage commence; les hommes passent en
file par un, à 2 ou 3 mètres de distance, et en se tenant à la
corde. Sous les pas des hommes le sol se creuse. Néanmoins
le premier bataillon passe en 25minutes'. La corde est alors
déplacée et le deuxième bataillon s'écoule en 1 h. 15 cette fois.
L'eau semble avoir monté; quelques hommes sont pris de
vertige au milieu de la rivière, mais les Arabes leur viennent
en aide, et la traversée a lieu sans accident. Le 3e bataillon
passe en une heure.
» A 4 heures, l'artillerie commence à défiler, les mulets en
file par un, à dix mètres de distance; puis l'ambulance, un
Arabe àla tête de chaque mulet, plusieurs autour descacolets;
enfin, le trésor et les bagages'des corps.
» Tous les officiers montés passent au delà de la corde. A
5 h. 15, les 40 chameaux chargés des bagages, des tentes,
arrivent au gué et le franchissent en un instant. La cavalerie
et le général passent en dernier.
» Au fur et à mesure de leur traversée, les troupes se mas-
sent sur la rive gauche, s'essuient, reprennent le pantalon de
drap et marchent sur Aïn-Tunga où elles arrivent successive-
ment.
» Le général y arrive à 6 h. 15.
» Le convoi administratif (200 chameaux) commence à
5 h. 35 son passage qui est terminé à 6 heures; à 7 heures, il
arrive au camp.

1
:
1. Les effectifs ne sont cependant pas élevés.
Ils étaient, le 6 avril, au départ
20e de ligne, 14 officiers, 360 hommes de troupe.
88e — 12 — 375 —
119 — 13 — 394 —
» Il n'y eut aucun accident, au passage, dans toute la co-
lonne.»
Le 14, la colonne fait séjour à Aïn-Tunga (rive gauche). La colonne
-
à
Le 15, elle se porte Aïn-Hedjà par la route du Khaled (passe
reprend
la marche
vers le sud.
sept fois l'oued et suit son cours pendant une centaine de mè-
tres); le 16, elle vient camper à Bordj-Messaoudi1.
Le 17, elle se porte au djebel-Tricha, et le 18 à Seba-Biar2.
Le 19, la colonne vient aux ruines de M'Djouffa3.
Elle y fait séjour le 20; le général d'Aubigny avec le colonel
la
de la Roque va visiter position du Dyr-Attaff.
Le 21, la colonne vient camper sur la rive gauche de l'oued- Réunion
des2colonnes
Ouzafa; elle y reste le 22, pendant que le général reconnaît les (d'Aubigny
et dela Roque)
pentes sud-est de la Hamada-el-Kessera. au pied
delaKessera.
Le 23, tandis que les camps de l'oued-Ouzafa et de l'oued-
Daoud4restent dressés, la plus grande partie des troupes des
deux colonnes5vont camper en un seul bivouac à 1.500 mètres
au sud des deux villages de la Kessera.
Dans l'après-midi du 23, le général d'Aubigny, le colonel
de la Roque et quelques officiers montent aux villages de la
Kessera. L'attitude des indigènes n'est que correcte l'unifor-
mité de leurs manifestations de respect sent la consigne; on
:
voit que le caïd Mohamed el Borni aFœil sur eux. Leur accueil
est réservé; on les devine dans le fond animés de dispositions
malveillantes.
Le 24, les camps de l'oued-Ouzafa, de l'oued-Daoud et de Reconnaissance
de la Hamada
la Kessera restant dressés, le général, l'état-major, 2 compa- EL-Kessera
(24avril).
gnies par bataillon (sans sacs) et un peloton du 11e hussards

1. A côté du camp des 2 compagnies du 83".


A cette date la colonne de la Roque est installée il 10 kilomètres d'Ellez.
2. L'appareil optiqueinstallé au milieu du campdeSeba-Biar entre immédiate-
ment en communication avec le colonel de la Roque à Dyr-Attaf (Ellez).
3. Le colonel de la Roque vient au camp du général d'Aubigny.
Depuis le 17, comme il n'y a pas même de brousse dans la région, le général
d'Aubigny se fait suivre de 20 chameaux portant du bois.
4. Camp de la Roque.
5. Deux bataillons de la colonne d'Aubigny (88e et 119") allégés le plus possible,
2 pelotons de hussards, la section d'artillerie, le génie, un -convoi de deux jours
(les chevaux allégés) gravissent, à11 heures du matin, les
pentes situées à l'est des villages par un chemin facile et qui
serait aisément rendu praticable à l'artillerie de montagne.
L'ascension dure trois quarts d'heure.
Arrivée au sommet, l'infanterie fait une pause; puis les
compagnies envoyées dans des directions différentes s'avan-
cent jusqu'aux falaises qui bordent le plateau.
Le général, suivi du peloton de hussards, parcourt le pla-
teau, la Hamada-el-Kessera.
A 5 heures, les troupes qui ont pris part à cette marche
militaire redescendent au camp de la Kessera.
:
Le but que l'on se proposait était rempli les indigènes de-
vaient être convaincus de notre maintien en Tunisie, et ils
avaient vu la facilité avec laquelle nos troupes pénétraient

Le 25, les deux colonnes se séparent ;


dans leurs montagnes qu'ils croyaient inaccessibles.
les troupes de la co-
lonne d'Aubigny, qui ont été à la Kessera, rejoignent le camp
del'oued-Ouzafa1.
Dans l'après-midi, le généralreconnaîtlapositiondeMaktar.
La colonne Le lendemain 26, la colonne se rend à Ellez; elle y fait séjour
retourne
vers le nord. le 27, tandis que le général avec son chef d'état-major, le chef
du service des renseignements, les officiers topographes et un
peloton et demi de hussards se rend au Kef (50 kilom.) par la
plaine duSers et l'oued-Lorbeus2.
Le 28, la colonne, sous le commandement du lieutenant-
colonel Debord, reprend le chemin d'Aïn-Tunga; elle campe

(60 chameaux) quittent à 6 heures du matin le camp de l'oued-Ouzafa où reste le


bataillon du 20" avec un peloton de hussards, l'ambulance et le gros du convoi.
A 8 h. 30' la colonne arrive à hauteur du camp du colonel de la Roque, qui, avec
le 128e, une section d'artillerie et un peloton du 13" chasseurs à cheval, prend la
gauche de la colonne d'Aubigny.
A 10 h. 30, les 2 colonnes, après avoir traversé l'oued-Jenan-Sultan, campent
en un seul bivouac à 1.500 mètres au sud des deux villages de la Kessera.
1. Le colonel de la Roque, avec sa colonne, gagna le haut de l'oued-Ouzafa.
2. Le général dAubigny rentrera directement du Ket a Tebourba, par Nebeur,
Pont-Romain, Bordj-Messaoudi, Ain-Hedja (par le Korib), Enchir-Chett (R. R.),
Dougga,et Ain-Tunga.
le 28 au sud de l'henchir-Mosbah, le 29 à Bordj-Messaoudi,
à
le 30 avril à Aïn-Hedjà, et le 1er mai Aïn-Tunga.
Le 1er mai1, en arrivant à Aïn-Tunga, le général d'Aubigny Elle stationne
à
reçut avis du colonel de la Roque, toujours sur la rive droite Ain-Tunga
du 1"au10 mai.
de l'Ouzafa, que les populations souffraient d'une grande
appréhension devant des indices menaçant du sud et que la
situation (au 30 avril) était incertaine.
Le soir, en rentrant à Tebourba, il reçut un télégramme de
la division prescrivant le maintien de
la colonne d'Aubigny à
,
Aïn-Tunga et celui de la colonne de la Roque sur l'oued-
Ouzafa, jusqu'à ce que l'inquiétude dans le sud fût calmée.
Dès le lendemain, on apprend, par des renseignements
venus de Kairouan, que le pays est tranquille.
Mais la colonne Debord restera encore quelque temps à
Aïn-Tunga.
« Le 3 mai, un demi-peloton de hussards et 20 travailleurs Exercice
de
d'infanterie vont jeter un pont d'arabas sur la Silianah. Treize pont.
;
arabas sont placées roues contre roues, en file le tablier est
formé par des planchs du génie. Le pont est jeté en douze
minutes; il est replié en dix minutes.
» La hauteur de l'eau n'est que de 30 centimètres, mais il est
constaté que le pont est possible avec une hauteur n'excé-
dant pas 0m,80. La colonne pourra donc, en cas de marche
sur Testour, passer à pied sec. »
Le 8 mai, une dépêche de la division prononce la disloca-
tion de la colonne à la date du 10. Le lieutenant-colonel
Debord et le 20e resteront à Aïn-Tunga, les autres corps et
services partiront le 10 pour rentrer dans leurs garnisons
respectives.
Le 9 mai, un détachement de travailleurs va établir un
pont d'arabas sur la Silianah pour le passage du lendemain.
Les roues des voitures sont calées et brêlées, les planches qui

1. A
Medenine. »
cette date du 1er mai, le général Philebert arrivait à Bir-Sultan et le gé-
néral Jamais opérait autour de
forment tablier sont maintenues par des cordes. L'établisse-
ment du pont exigea trois quarts d'heure.
La colonne
,est disloquée
Le 10 mai, la colonne, qui est à Aïn-Tunga depuis le 1er,est
le 10 mai. disloquée. A 5 h. 30 du matin, le 88e ,.le 119e, les hussards,
l'artillerie et les services quittent Aïn-Tunga sous les ordres
du commandant Danès, chef d'état-major.

N° LXVII'

Expansion des dissidents; leurs DJICH (août, septembre


et octobre 1882). Premières soumissions (octobre et novembre).

Les opérations Les opérations de nos colonnes' dans la région de l'oued-


descolonnes
Philebert Fessi avaient provoqué une nouvelle crise dans le camp des
et
Jamais
provoquent
une"nouvelle
crise
chezles
dissidents.
émigrés; mais il ne se produisit aucune défection.
Les insurgés se surveillaient réciproquement ;
ils sentaient
la nécessité de ne pas diminuer leurs forces pour être à même
de maintenir en respect les tribus tripolitaines et les Ouar-
ghamma entre lesquels ils se trouvaient englobés.
quitentent Le mois d'avril se passa sans incidents remarquables. Mais
quelques
coups de main
sur au mois de juin, la misère se faisant sentir plus vive et le
-

les douars
tripolitains.
mouvement d'expansion des djicji ne pouvant se produire du
côté de la régence, à cause de la présence de nos colonnes, les
maraudeurs Zlass et Hammema tentèrent quelques coups de
main sur les troupeaux et les récoltes des Tripolitains.
Un conflit grave et sanglant se fût produit sans l'interven-
tion des autorités turques.
De plus, le mois du ramadan approchait et tout bon musul-
man le considère comme une période de trêve et d'apaise-
ment.
Ramadan. Fidèles à leurs anciennes traditions, les émigrés tunisiens

1. Suite à l'annexe n° LXIII, page 348.


2. Colonnes Philebert et Jamais. Voir annexe n° LXIV.
s'abstinrent d'une façon à peu près générale, pendant le mois
sacré, de toute manifestation violente et de tout acte d'hosti-
lité.
Mais dans les premiers jours d'août, pendant les fêtes qui
suivirent la clôture du ramadan, on apprit que de fortes ban-
des armées se groupaient sur les bords de l'oued-Fessi et étaient
prêtes à entrer sur le territoire de la Régence.
Au Nefzoua, dans l'Aarad, les indigènes racontaient que 90,0 Préparation
des
cavaliers et 1.400 fantassins se réunissaient entre l'oued-Fessi djich.
et Ksar-Medenifie et n'attendaient que l'ordre d'Ali ben Khalifa
pour remonter vers le nord.
Tous ces bruits se rapportaient aux faits suivants :
Quelques centaines de dissidents, en partie voleurs de pro-
fession, s'étaient donné rendez-vous sur les bords de l'oued-
Fessi pour aller en rezzou sur le territoire tunisien.
Il est vrai qu'ils allaient se mettre en campagne sous le
patronage d'Ahmed ben Youcef, d'Ali ben Khalifa et d'El Hadj
Hassein ben Messaï; mais il n'avait été nullement question de
les réunir en un seul groupe et de les soumettre à une impul-
sion unique; cette entente était impossible.
Il convient également de remarquer que le principal but
- que poursuivaient les chefs indigènes en poussant les bandes
de maraudeurs vers le nord, était plutôt d'améliorer leur
situation matérielle que de lutter contre nos troupes dont ils
connaissaient maintenant l'énorme supériorité.
Les cavaliers rassemblés près de l'oued-Fessi ne devaient
pas opérer en commun. Le partage du butin fait pendant les
mois de février et de mars avait soulevé des réclamations sans
nombre, aggravées par l'état de dénuement où se trouvaient
les dissidents.
Afin d'éviter le retour de pareilles contestations, pour con-
server leur liberté d'allures et pour échapper aux exigences
d'Ali ben Khalifa, à qui l'on reprochait de vouloir s'arroger la
part du lion, les chefs indigènes avaient décidé que chaque
tribu opérerait pour son compte; ce système répondait beau-
coup mieux au caractère, aux besoins et aux intérêts de la
majorité. Les chefs indigènes exigeaient, en retour de leur
-protection.. une partie du produit des razzia; le reste était
laissé aux capteurs qui se recrutaient un peu dans toutes les
classes, chez les brigands de profession et les coureurs d'aven-
tures, aussi bien que parmi les gens paisibles réduits à la
misère.
Les groupes Avant de se mettre en route, et pour ne pas se contrarier
se partagent
les
théâtres
dans leurs futures opérations, les groupes déterminèrent les
d'opérations.
zones dans lesquelles chacun d'eux pourrait manœuvrer. Ces
différents théâtres d'opérations s'imposaient- naturellement.
Le succès des entreprises de partisans dépend non seulement
de leur audace et de leur vigueur, mais encore de leurs con-
naissances sur les ressources du pays, les habitudes des popu-
lations et les points de passage forcés. Les maraudeurs avaient
donc tout avantage à se rabattre sur le pays qu'ils avaient
habité précédemment.
DjichdesZlass Dans les premiers jours du mois de choual (c'est-à-dire vers
et des
Hammema le 16 août), un premier groupe d'insurgés, composé de Zlass,
dans
le nord. d'Oulad-Redhouan et d'Oulad-Aziz (environ 250), quitta l'oued-
Fessi; il passa successivement à Douiret, Bir-ech-Cheteb et Bir
Sultan sans être inquiété; mais en arrivant à Bir-Zoumit, il
se heurta aux gens de Tamezert qui gardaient le puits; après
un court engagement, le poste lâcha pied, ayant perdu quel-
ques hommes.

Le 26, il est à Zaouiet-Limaguès;


Le djich poursuit sa route vers le nord-ouest.
le 28 au soir, il est dans
les collines situées à 8 kilomètres au sud de Gafsa, guettant
les chameaux de la colonne mobile qui chaque jour viennent
pâturer dans cette direction.
(Il avait sans doute aussi l'intention de forcer le passage de
Lalla, pour arriver dans le Hamra-Majoura.)
Ce coup de main n'échoua que grâce au dévouement du
caïd d'El-Ayacha, Brahim ben Souissi, qui, ayant quelques
indications sur le dessein des insurgés, partit à franc étrier la
nuit et arriva à temps à Gafsa pour prévenir le capitaine
Lebrun, chef d'état-major.
Celui-ci, aussitôt, sortit avec le maghzen disponible, de la
cavalerie et 2 compagnies d'infanterie qui firent échouer la
tentative après un petit combat1.
Après cette tentative infructueuse, le djich se rejeta vers
l'est. Arrivé à El-Guettar il se scinda en deux fractions pour
gagner le Bou-Hedma : l'une prit le chemin de Bou-Amran,
Bir-Saâd et Bir-Bokko; l'autre gagna Bir-Mrabot, Zelloudja,
d'où elle remonta brusquement vers le nord pour atteindre
le bled-Talah.
Le 31 août, les dissidents signalèrent leur présence au Bou-
Hedma en dévalisant les bergers de Mech et de Sened.
Quelques jours après ils étaient tous réunis dans le Begab
et le djebel-Arthouma, contrée qu'ils avaient choisie comme
-centre de leurs opérations, non seulement parce qu'ils y
trouvaient des abris sûrs, des figues et de l'herbe, mais encore
parce qu'il existait dans les environs un certain nombre de
silos d'où ils tiraient leurs principaux moyens d'existence.
A partir de cette époque, l'action commune des Zlass, des
Oulad-Redhouan et des Oulad-Aziz cessa. Chaque groupe
reprit son indépendance pour aller exercer sur le territoire
qu'il s'était réservé.
Les Zlass prirent les premiers l'offensive. LesZlass.
Le 5 septembre, à la pointe du jour, ils arrivaient devant
Kairouan, dépouillaient plusieurs indigènes, dévastaient un
jardin et enfin razziaient à Abida cinq douars des Oulad-
Khalifa. Poursuivis par les cavaliers de la compagnie mixte
de Kairouan, ils reprenaient en toute hâte le chemin du Regab,
abandonnant une partie de leur butin. Le soir même, ils cou-
chaient à Si-el-Amara, au sud des oglet-ben-Zellouch, après
avoir franchi plus de 100 kilomètres en vingt-quatre heures.
Pendant une dizaine de jours, ils nefirent plus parler d'eux.
On les croyait en marche vers le sud, lorsque le 14 septem-
bre on apprit qu'ils avaient reçu un renfort de cinquante

1. Le djich fut attiré sous le feu d'une compagnie d'infanterie postée en avant
de l'oasis de Lalla.
cavaliers. Ces derniers avaient pu passer entre Ras-el-Oued et
Gabès, dans la nuit du 12 au 13, grâce à la complicité des gens
deMenzeletdeChenini.
Le 18 septembre, le groupe des Zlass, en quête de pillage,
se rencontra inopinément avec la compagnie mixte de Kai-
rouanqui campait aux environs du djebel-Mehari. Malgré les
pertes qu'iléprouve, il n'en continue pas moins son mouve-
ment en avant; le 19 au matin, il razzie compltèement à
Djemalia la fraction des Fouedh, des Oulad-Khalifa, puis il
reprend le chemin du Regab.
Le 20, à 7 heures du matin, il enlève en passant les cha-
meaux de la compagnie détachée à Sidi-Amor-bou-Adjeba.
Le 22 septembre, attaqué vivement par la compagnie mixte
de Kairouan quis'est postée au djebel-Mettelègue pour l'atten-
dre, il lui tue un officier, un sous-officier et 3 cavaliers fran-
çais et se lance à la poursuite des débris du peloton de cavale-
rie qui s'était engagé inconsidérément sans être soutenu;
L'approche de l'infanterie peut seule décider les dissidents à
se retirer.

Les
Oulad-Re-
Pendant ce temps les Oulad-Redhouan font preuve d'une
dhouan. égale activité.
Dans la nuit du 13-14, ils surprennentun douar des Oulad-
Redhouan campé par ordre à Sidi-Ali-ben-Aoun pour assurer
le service de la correspondance; ils pillent les tentes, vident
les silos, enlèvent les troupeaux et tuent le courrier porteur
des dépêches de Djilma.
Le lendemain matin, ils razzient les troupeaux des gens
de Majoura.
Le même jour (15), on apprend que 40 cavaliers des Oulad-
Redhouan, commandés par Aij ben Dhô 1ont passé en vue
d'Oum-Saâd et de Bou-Amran, se dirigeant vers le sud.

1. Aliben Dhô n'était qu'un vulgaire assassin, et les opérations de la bande


qu'il conduisait consistaient surtout en brigandages. Quand Ali ben Dhô eut
fait sa soumission il n'hésita pas à nous demander un commandement dans la
tribu des Oulad-Redhouan (voir La 6e brigade, pages 226 et suivantes).
Le 15 au matin, des muletiers se rendant à Gafsa sont déva-
lisés à Bir-Mrabot par la bande d'Ali ben Dhô.
Le 17, à l'aube, le même djich tombe dans la plaine située
au nord de Lalla sur une caravane de Sened, lui enlève 8 cha-
maux et 8 ânes chargés et dépouille les conducteurs sans leur
*

faire aucun mal. — Vers 11 heures du matin, il razzie, sous le


feu d'une compagnie- du 43e d'infanterie, 35 chameaux allant
au pâturage et appartenant au convoi de ce détachement
à 3 heures de l'après-midi le djich surprend à Sidi-Aïch trois
;-
marchands qu'il dévalise et tue à coups de fusil.
Le 18, à 6 heures du matin, il attaque un convoi du 4e régi-
ment de zouaves, lui prend 36 chameaux et se retire sans
avoir éprouvé de pertes.
,
A la suite de ces derniers coups de main un officier du ser-
vice des renseignements, appuyé par un détachement du 1er
régiment de hussards, fut lancé à la poursuite du djich.
Parti à 9 heures du matin le 18 septembre, il rentrait le soir
à 7 heures après avoir fourni une course de 70 kilomètres.
il avait retrouvé en passant les cadavres des gens assassi-
nés et deux chevaux abandonnés par le djich qui fuyait, mais
n'avait pu atteindre le djich. (Le détachement de hussards
perdait 4 chevaux morts de congestion pulmonaire.)
Le 25 septembre, on retrouve la même bande à la zaouïa
Ceddaguïa où elle força à la retraite une reconnaissance de
Djilma et à Sbeitla où elle vola quelques moutons.

Les Oulad-Aziz montrèrent beaucoup moins d'audace que Les


Oulad-Aziz.
les autres Hammema. Ils se contentèrent de rayonner assez
timidement autour du Regab et ne récoltèrent qu'un maigre
butin enlevé en partie aux gens des villages du djebel. Ils ne

1. Cette reconnaissance était dirigée par le lieutenant de Fleurac du service


des renseignements de Djilma, appuyé par un peloton de hussards.
Au moment d'engager l'action par le feu des carabines, l'officier s'aperçut que
les hussards n'avaient pas de cartouches et ils se replièrent après un engagement
où le lieutenant de Gélis du 6" de hussards eut un cheval tué sous lui en déga-
geant le lieutenant de Fleurac, qui venait d'ôtre blessé.
pouvaient songer à s'attaquer aux leurs restés dans le devoir;
la seule fraction qui n'avait pas suivi l'émigration en Tripoli-
taine avait été mise à l'abri sur le territoire des Fraichich

En présence de l'extrême mobilité des djich, il ne restait


qu'un parti à prendre : renoncer à les poursuivre et couper
leur ligne de retraite vers la Tripolitaine.
Les points de Chenchou et de la Hamma avaient été occupés
par des détachements de Gabès; les Beni-Zid donnaient la
main aux gens du Nefzaoua pour garder les passages du chott;
au nord de celui-ci nous tenions Sidi-Mohamed-Nogguès sur
la route de Gabès à Kairouan, le bou Hedma, les oglet El-
Haffey, El-Ayacha (occupé par le 6e de ligne), Gafsa et Gour-
bata.
Retraite Les dissidents se rendirent compte de nos intentions. Aussi,
dudjich.
dès le 25 septembre au soir, prirent-ils leurs dispositions pour
rétrograder vers la frontière. Ils ne pouvaient suivre qu'une
seule direction pour rejoindrel'oued-Fessi, celle qu'ils avaient
prise précédemment pour remonter vers le nord. En se rabat-
tant plus vers l'est, ilseussent été trop exposés aux attaques
de Cherfeddine et d'Allegro; ils ne devaient pas songer à pas-
ser par le Bou Hedma et les oglet EI-Haffey qui étaient gardés
par nos troupes. Ils se trouvaient donc réduits soit à se rejeter
vers l'oued-Oum-el-Ksob, au nord-ouest de Gafsa, pour gagner
ensuite les défilés du Sahara, vers le Djerid, soit à forcer un
des passages situés à proximité de Gafsa; c'est à cette der-
nière résolution qu'ils s'arrêtèrent.
Le27 septembre, au matin, ils parurent au nombre de 200
chevaux environ au Madjoura. Le soir ils traversaient à fond
de train le col de Lalla, situé à 3 kilomètres de Gafsa, sans se

Les environs de Sfax n'eurent que peu à souffrir pendant cette période :
;
1.
quelques cavaliers Neffet, qui avaient pu traverser le territoire des Beni-Zid sans
être inquiétés, passèrent vers le 10 septembre à Sidi-el-Aguerba de là ils se di-
rigèrent sur El-Djem et dévalisèrent coup sur coup, à environ 12 kilomètres de
ce point, deux petites caravanes qui se rendaient de Tebessa à Sfax; puis ils dis-
parurent et on ne les revit plus dans la suite.
préoccuper des coups de fusil tirés par la garde indigène
placée en ce point.
L'autorité militaire, prévenue encore par le caïd d'El-Aya-
cha, ne put que lancer à la poursuite des dissidents les quel-
ques cavaliers des Fraichich et des Oulad-Redhouan qui se
trouvaient alors à son service. (Un seul prisonnier fut fait; il
fut fusillé le lendemain à Gafsa.)
Le gros du djich et le convoi prirent immédiatement la
direction du Cherb-Dakkelani1, traversèrent successivement
le khanguet-oum-Djaâf et le khanguet-Zitoun, parurent à
Zaouït-Limaguès et vinrent se heurter une seconde fois, dans
la journée du 30 septembre, au poste de Bir-Zoumit. Contrai-
rement à'leur attente, les dissidents trouvèrent ce point bien
gardé; ils durent poursuivre leur retraite sans avoir pu boire
et en laissant un homme mort sur le terrain. Le 3 octobre ils
reparaissaient au milieu des campements de l'oued-Fessi'.
Les efforts des dissidents ne s'étaient pas portés seulement Incursions
dansleDjerid
vers le nord de la régence.
Pendant tout le mois de septembre, les habitants du Djerid
avaient vu passer et repasser des groupes de pillards qui les
avaient mis à contribution, malgré la présence d'une compa-
gnie mixte à Touzeur3. Ces partis insurgés (complètement
indépendants de ceux qui opéraient dans les régions de Gafsa,
de Kairouan et de Djilma) comprenaient d'une façon générale
les Oulad-Yahia (Oulad-Aziz), ayant habité précédemment les
ksour.du Djerid ou tout au moins les environs, des Oulad-
Yagoub d'Ali ben bou Allègue, et, disait-on, quelques Tripo-
litains.

1. Dans la nuit du 27-28 septembre,tandis que le convoi atteignait le Cherb-


Dakkelani, quelques maraudeurs s'étaient détachés de la colonne principale et
avaient attaqué à l'improviste un petit poste d'un détachement du 48e qui cam-
pait à El-Guettar; ils avaient blessé mortellement deux de nossoldats et leur
avaient enlevé leurs armes.
2. Soit, au minimum, 450 kilomètres, dont la traversée du chott, parcourus
en sept jours.
3. Lors de la création de l'annexe de Touzeur (annexe n° LXV, note 1, c. page
361), le capitaine du service des renseignements y avait d'abord été laissé seul.
Leur composition était identique à celle des djich qui, avant
notre entrée dans la régence, désolaient cette même contrée;
la majeure partie des cavaliers qui étaient alors en campagne
ne faisaient que reprendre leurs habitudes, momentanément
interrompues par la présence des colonnes Philebert et Le
Noble.
Dans la nuit du 5-6 septembre, une première bande de cin-
quante chevaux traverse l'oasis d'El-Oudiane, surprend à
Naklet-el-Mengoub le poste des gens de Nefta et se dirige sur

:
Bir-el-Asseli; à cet endroit elle rencontre une caravane des
Souafa, la razzie; puis elle se divise une partie prend la
route de l'est par Djebil; l'autre repasse par El-Oudiane dans
la nuit du 8-9.
Le 14 septembre, un djich d'une certaine importance, dont
le passage avait été signalé à Bir-Zoumit, attaque à Tarafi,
dans le chott, au nord de Seftimi, une caravane de Merazigue,
lui tue sept hommes et lui enlève 400 chameaux.
Le 17, vingt-six cavaliers des.Oulad-Aziz, appartenant selon
toute probabilité au même groupe, surprend au khanguet-
oum-Ennass, à 6 kilomètres de Chebika, une caravane des
Oulad-Sidi-Abid allant au Djerid.
Quelques heures après, à Bir-el-Haouch, rencontrant une
autre caravane dans laquelle se trouvait le marabout El
Hafïnaoui1, de Tameghza, ils s'approprient chargement et
animaux, sans respect pour le caractère sacré du pieux voya-
geur.
-
Vers la même époque, un fort parti d'Oulad-Yacoub de et
Hammema (celui qui avait paru le 14 à Tarafi), razzie des
troupeaux des Messaaba du Souf, à Bir-Youcef.
Après ce coup de main, ils se replient sur l'oued-Fessi en
passant par Djemma et Akelia; leur retraite s'effectua sans
incident. Ils rendirent aux Merazigue les troupeaux razziés à

ben Abd el Afid, cheikh de l'ordre des Rahmania (voir annexe


1. El Hafïnaoui
n°LX, note i, page 326).
Tarafi afin d'obtenir le libre passage à travers leur territoire
pour retourner en Tripolitaine.
Pendant une quinzaine de jours, jusqu'au 8 octobre, le
calme le plus complet règne au nord du chott, dans le Dahar,
le Nefzaoua et le Djerid.
Mais, le 10 octobre, la garde du poste de Bir-Zoumit signa-
lait le passage d'un djich d'environ 250 chevaux, semblant se
diriger vers le sud du Nefzaoua. Cette troupe (Hammema
ayant habité le Djerid, Oulad-Yacoub, etc )
prenait bien
la direction indiquée. Le 12 octobre, elle arrivait a Nouïl,
après avoir passé au nord d'EI-Goraâ; — le 13, elle razziait
quelques troupeaux des Merazigue près de Charaâ; — le 14,
elle s'arrêtait plusieurs heures à Bir-Lahmar, puis elle se
dirigeait vers Bir-bou-Adjila, où elle pillait une caravane —
le 17, elle s'avance à plusieurs kilomètres à l'ouest de Nakhlet-
;
Mengoub, croyant enlever des troupeaux des Troud; mais,
n'ayant rien trouvé, elle se rabattit brusquement vers Nefta et
dépouilla en plein jour et tout à son aise une quinzaine de
personnes campées dans l'oasis; — le
19,au matin, elle paraît
en vue de Touzeur1, bouscule le fezza de cette localité qui
s'était porté à sa rencontre, puis va coucher, une partie à
Oudian-Droumès, l'autre à Gouiffa ou à El-Hachana, après
avoir abreuvé ses chevaux à El-Hamma2.
Le 25 octobre, on apprit que les dissidents fractionnés en
trois bandes avaient franchi le djebel-Cherb par le khanguet-
Taferna et le khanguet-Zitoun et avaient pris la direction du
Nefzaoua pour regagner leur campement de l'oued-Fessi.

1. Le capitaine du service des renseignements commandant l'annexe de Tou-


zeur avait voulu faire une sortie pour protéger les oasis du Djerid. Ses gens
l'avaient abandonné, et il avait été forcé de fuir et d'aller s'enfermer dans la
kasbah de Touzeur.
Quand il apprit cet incident, dans la nuit du 27 octobre, le général Philebert
envoya immédiatement le goum des Fraichich, appuyé par la compagnie mixte
de Gafsa, pour dégager le capitaine. Le djich n'avait évidemment pas attendu l'ar-
rivée de ce détachement.
(Voir La6e brigade en Tunisie, page 211.)
2. Le khalifa Si Tahar, prévenu de son arrivée, avait fait sortir le fezza dEl-
Oudiane : mais lorsqu'il vit la force de l'ennemi, il se contenta de conserver la
défensive et de l'observer.
Cette incursion marque la fin des opérations des insurgés au
nord du chott; l'ordre ne fut plus troublé dans cette région.
Mais la situation était loin d'être aussi satisfaisante dans
l'Aarad. 1

Incursions Pendant les mois d'août et de septembre, les tribus soumises


dans l'Aarad.
de l'Aarad n'avaient pas été inquiétées; mais dans le courant
du mois d'octobre,elles avaient été constamment tenues en
éveil par une série de coups de main tentés par les Ouar-
ghamma dissidents auxquels s'étaient joints d'autres pillards
Zlass,NefïetetTripolitains.
Cet accroissement d'agitation était dû à la présence de nom-
breux douars insurgés qui venaient de remonter vers le nord
et se trouvaient alors entre Ksar-Medenine et l'oued-Fessi.

Découragement
;
chez les
dissidents
premiers
;
Depuis la fin du ramadan, le découragement s'était encore
accru dans le camp des émigrés ils ne voyaient pas arriver

;
les secours turcs tant promis et leur misère augmentait tou-
rapatriements
jours1 les maraudeurs n'avaient rapporté de leurs incursions
qu'un butin insignifiant, mais ils comptaient dans leurs rangs
de nombreux vides. Les dissidents apprenaient en outre que

;
les populations soumises étaient heureuses; que la religion,
les biens et les femmes avaient été respectés que l'argent y
abondait. Ils regrettèrent de s'être exilés. Bientôt, plusieurs
groupes manifestèrent l'intention de revenir sur leur territoire
d'origine. Ils vinrent d'abord s'installer entre Ksar-Medenine
et l'oued-Fessi, tant pour sonder nos intentions que pour s'é-
loigner de la partie violente des rebelles.
Le gouverneur de l'Aarad, Youcef Allégro, s'était établi à
Zarzis pour poursuivre les négociations qu'il avait entamées
depuis quelques mois déjà avec certaines personnalités in-
fluentes qui s'étaient mises à la tête du parti de la soumission.

1. Il fallut, quand une partie fut repassée sur le territoire de la régence, leur
distribuer,surl'ordre du général en chef et dans la mesure du possible, du bis-
cuit et de la farine pris sur les approvisionnementsmilitaires, pour leur permet-
tre de continuer leur marche vers leur territoire.
En même temps, notre consul à Tripoli s'efforçait de déta-
cher de l'opposition les chefs insurgés réfugiés à Tripoli; il
cherchait à rompre l'unité de la famille d'Ali ben Khalifa pour
atteindre le parti de la protestation dans ses principes vitaux.
Cette action combinée amena le rapatriement, pendant le
mois d'octobre, d'environ 300 familles (Drid, Oulad-Ayar,
Hammema, Zlass et Sahel).
Ce mouvement fut bientôt suivi d'un plus important.
Le 6 novembre, la canonnière la Vipère amenait à Gabès,
avec le consul de Tripoli, M. Féraud, Ali ben Ammar et El Hadj
Salah ben Khalifa.
Le même jour, un groupe1 considérable de dissidents quit-
tait l'oued-bou-Hamed; le 8 novembre ils arrivaient sur la
ligne de Mareth à Oum-Es-Zessar, et le 10 ils atteignaient Ras-
el-Oued'.
Les Touazine et les Khezour, après être rentrés en relations
avec le gouverneur de l'Aarad pour traiter de leur soumission,
s'étaient brusquement ravisés et avaient continué à harceler
les tribus voisines des Hararza et des Matmata3.
Le 1er décembre, on signalait une incursion des gens de
Toudjane jusqu'à 24 kilomètres de Ras-el-Oued; le 4 décem-
bre, on apprenait que les bandes de maraudeurs étendaient le
rayon de leurs opérations et menaçaient le Nefzaoua.

,.
1. Ce groupe, au moment de son départ, avait été vivement attaqué par des

:
contingents conduits par Ali ben Dhô, opérant alors, parait-il, pour le compte
d'Ali ben Khalifa. Ce n'est qu'après avoir tué dix de leurs adversaires, parmi
lesquels se trouvait le père d'Ali ben Dhô, que les émigrants purent continuer
leur route vers Gabès.

Zlass.
suivants
.-.,
2. Le 1U novembre loez, le dénombrement des groupes campes a fias-el-Uued

Oulad-Redhouan.
donnait les résultats

(Radadia).,.
Oulad-Aziz
Tentes.
2.600
310
Drid 245

NefIet. , ,
Le 13 novembre, ces différcntes collectivités
250
45
repartaient pour gagner leur pays
d'origine.
11 restait encore environ 70.000 individus en état d'insurrection.

3. Dans le courant du mois de novembre, les Oulad-Khalifa (des Touazine)


avaient enlevé 4.000 moutons aux Mâtmata.
Cette agitation était la conséquence naturelle de la présence
des dissidents à proximité dela frontière tunisienne. Il impor-
tait donc de détruire le groupe insurgé qui pesait comme une
menace sur nos tribus du sud.
Le gouverneur de l'Aarad venait du reste d'appeler notre
attention sur un fait à prendre en considération de nombreux
douars s'étaient rapprochés de Ksar-Medenine dans le but de
:
se soumettre; mais ils nepouvaient entièrement se détacher
des fractions qui persistaient dans leur hostilité sans notre
aide et notre appui.
Dans ces conditions il devenait indispensable de montrer
des troupes dans le sud de la subdivision de Gabès, autant
pour faciliter le mouvement de retour qui se préparait que
pour obliger les dissidents, sinon à se soumettre, au moins à
s'éloigner du territoire de la régence.

N° LXVIII

Les colonnes de Zarzis et de Gabès1.

But Les opérations à entreprendre dans le sud de la subdivision


des opérations
dirigées
le de Gabès consistaient à :
Guyon-Vernier.
par général
1° Prendre le plus rapidement possible une position telle,
entre les tribus dissidentes et celles qui désiraient rentrer,
qu'il fût possible à ces dernières de mettre leur projet à exé-
cution ;
2° Pacifier les Aouaya, les Rebeten, Toudjane et les Chaa-
bet-Semala; peser en même temps sur les déterminations
des nomades Touazine, Khezour et Ouderna ;
1. Nous relaterons brièvement les opérations de ces deux colonnes qui, au point
de vue militaire, présentent peu d'intérêt. Nous ne donnerons en détail que le
passage de l'oued-Sebègue par la colonne de Zarzis (voir plus loin, page 391) et
l'opération du colonel de la Roque contre les Oulad-Khalifa (voir complément à
l'annexe LXVIIIt page 397) : le premier comme exemple d'un passage de lit de
;
rivière dans le sud la seconde comme relation d'une marche rapide.
3° Faire échec aux insurgés irréconciliables et les obliger
soit à la lutte, soit à la retraite à une distance assez grande
- pour qu'ils ne pussent dans la suite jeter le désordre dans
nos tribus soumises.
Deux colonnes mobiles furent organisées, l'une à Gabès et
l'autre à Zarzis, pour opérer de concert mais avec des missions
distinctes. Celle de Gabès (colonel de la Roque) devait assurer
la pacificationdu pays et procéder ensuite à sa réorganisation;
celle de Zarzis (lieutenant-colonel Corréard) n'avait d'autre but
que de faciliter et d'encourager par sa présence le mouvement
de retour des insurgés.
La haute direction des opérations fut confiée au général
Guyon-Vernier, commandant la division sud.
Ali ben Khalifa, prévenu de la prochaine sortie des troupes
françaises, n'attendit pas leur arrivée dans la région avoisi-
nant la frontière tripolitaine. Dès les premiers jours de dé-
cembre il reporta ses campements au sud de l'oued-Fessi,
vers le djebel-Fissatou1.
Cette colonne2, sous les ordres du lieutenant-colonel Cor- Colonne
deZarzis.
réard, débarqua à Zarzis du 11 au 13 décembre 1882. 1 décembre
Du 15
1882-
Le 13 au soir, elle campe à la zaouïa (à 1.500 mètres au au
16 janvier 1883.
nord du bordj de Zarzis).
Le général Guyon-Vernier, qui allait marcher avec la
colonne, avait débarqué le 11 à Zarzis3.

1.Le frère d'Ali bon Khalifa, El Hadj Salah ben Khalifa sut profiter de ce mou-
vement de recul pour ramener avec lui 14 douars Neffet sous la protection de
300 cavaliers envoyés par les Ouderna soumis sur l'invitation du gouverneur de
l'Aarad.
2. La colonne du lieutenant-colonel Corréard est la colonne mobile de Sousse.
Elle est forte de 3 bataillons d'infanterie, un escadron de cavalerie, 2 sections
d'artillerie de montagne, une section du génie et services, savoir :
Le 27e bataillon de chasseurs à pied, embarqué à Sousse, le 6 décembre
Un bataillon du 33" de ligne, — Sfax, le 6 —
;
— 138° — — Sousse, le 6 —
Unescadrondu11ehussards, — Sousse, leo —
Deux sections d'artillerie i 1 section Sousse, le 5
de montagne 1 — —

Sfax, le 8
Sousse, le 9

Les états-majors et services, — —


3. Le 10, dès son arrivée dans les eaux de Zarzis, il avait reçu a bord la visite
Le général Allegro lui présenta les 12, 13 et 14 décembre les
groupes qui demandaient à rentrer sur leur territoire et qu'il
tenait rassemblés autour de Zarzis (4.407 tentes obtinrent
l'aman).
(Dès le 15, ces groupes commencèrent leur mouvement vers
le nord pour marcher sur Gabès où ils devaient se scindera)
La colonne de Zarzis est divisée en deux parties2 :
Une partie mobile (avec laquelle marcheront le général
commandant la division sud et son état-major et le lieutenant-
colonel commandant la colonne et son état-major); une partie
fixe destinée à stationner à Zarzis.
La La partie mobile se met en marche le 15 décembre. Elle
partiemobile
marche
verslesud,
quitte le camp de la zaouïa à 1 heure de l'après-midi et va
camper le 15 à l'henchir-el-Hamadi, à 7 kilomètres de Zarzis;
le 16 elle campe à Biar-el-Begra 3;
le 17 elle arrive à El-
Ouamhia' (rive droite del'oued-Fessi).

du général Allegro; il était descendu à terre avec lui pour se faire présenter les
principaux chefs des groupes qui voulaient se soumettre, puis était remonté à
bord pour y passer la nuit du 10-11.
1. Le 28 décembre on constatait à Ras-el-Oued qu'il était rentré depuis le 15
du même mois : 320 tentes des Madjeur,
335 — desZlass,
700 — desOulad-Aziz,
100 — des Oulad-Sidi-Tlil,
400 — des Oulad-Redhouan.
Au total. 1.855 tentes.
2. L'effectif total de la colonne de Zarzis, au débarquement, est de 60 officiers,
1.916 hommes de troupe, 181 chevaux, 263 mulets.
La partie mobile (état-major, 27" bataillon de chasseurs et bataillon du 33°,
l'escadron de cavalerie, une section d'artillerie, l'ambulance mobile et le convoi)
a un effectifde 41 officiers, 1.535 hommes de troupe, 163 chevaux, 203 mulets et
467 chameaux) ; la partie fixe (bataillon du 138e, une section d'artillerie, les ser-
vices et l'ambulance fixe) a un effectif de 19 officiers, 381 hommes de troupe,
18 chevaux, 60 mulets.
3. Le général Allegro, avec un goum de 30 cavaliers, rejoint la colonne à Biar-
el-Begra; il était resté le 15 à Zarzis pour la mise en route des groupes soumis.
4. La colonne traversa l'oued-Fessi (lit de 15 mètres de largeur et de 3 mè-
tres de profondeur) et campa à El-Ouamhia, à 6 kilomètres sur la rive droite.
Le camp fut installé à 150 mètres au sud d'un aiguelet de 50 puits maçonnés seu-
lement à la margelle. 3 de ces puits contenaient de l'eau excellente; la nappe
était à 4 mètres du sol et' elle montait de 0m,50 par nuit.
La colonne reste à El-Ouamhia du 18 au 26, envoyant des s'arrêteàEl-
Ouamhia,
reconnaissances dans les environs; par sa présence elle pro- y séjourne
et retourne
tège la rentrée sur le territoire tunisien de quelques douars1 vers
le nord-ouest.
Puis, le 27, la colonne se met en marche pour se rabattre au
nord-ouest vers Ksar-Médenine.
-
Le 26, le goum avait reconnu le passage de l'oued-Fessi en
aval de son confluent avec l'oued-Sébegue; mais le 27 au ma-
tin un guide indiqua une direction qui permettrait de se rendre
à El-Ksar sans rencontrer d'eau2, en passant les rivières plus
en amont que le point reconnu la veille par le goum.
« La'colonne marche dans cette direction; à 8 kilomètres Elle marche
vers l'ouest,
d'El-Ouamhia elle rencontre l'oued-Sebègue, affluent de traverse
l'oued-Sebègue,
droite de l'oued-Fessi. L'oued-Sebègue a des berges d'un res-
saut de 3 mètres; il n'a que 2 mètres de large et 0,m40 d'eau;
-
le courant est faible; le lit est formé d'un fond de sable résis-
tant. Mais, sur une étendue de 25 mètres sur la rive droite et
de 300 mètres sur la rive gauche, les abords de l'oued sont
fangeux et glissants.
» La colonne fait une grand' halte sur la rive droite pendant
que des travailleurs (4 compagnies et génie) aménagent le
passage. On fait une chaussée de 10 mètres de largeur sur la
rive droite avec des touffes d'alfa et de tamarin; on aménage
les berges; on comble le fond de l'oued avec des broussailles;
on fait une chaussée sur la rive gauche.
» A 1 heure, le passage commence; le passage des troupes
s'exécute facilement, mais tous les mulets s'abattent; il faut
les décharger et porter leur chargement à bras d'hommes. Le
passage des chameaux se fait plus facilement. Le passage de
l'oued-Sebègue est terminé à 4 h. 30 par les deux compagnies
d'arrière-garde.

Voir plus loin, 5, page 392.


1.
2. Des pluies continuelles pendant la nuit du 20 et les journées des 21 et 22
avaient inondé presque complètement les parties basses. C'est ainsi que, le 23,

;
une compagnie du 27e chasseurs, escortant un convoi, avait trouvé la sebka El-
Makada couverte de 70 centimètres d'eau elle avait dû abandonner le convoi et
faire un détour pour n'avoir que 3 kilomètres de sebka à franchir, et à la fin
de la journée elle n'avait pu franchir l'oued-Fessi.
» kilomètres de l'oued-Sebègue, la colonne traverse en
A 8
pleine nuit (6 h. 30 du soir) l'oued-Fessi (60 mètres de large,
sans eau) et s'installe à El-Ksar, à 200 mètres sur la rive
gauche del'oued-Fessi. »
Le 28, la colonne fait séjour à El-Ksar.
marche Le 29, elle se remet en marche, suivant la rive gauche de
vers le nord,
séjourne
l'oued-Fessi1, campe le 29 à Tabiat-el-Ferdjane', le 30 à El-
à Métameur, Mahahir'; le 31 décembre 1882 elle marche directement sur
se
rendàGabès le nord et vient camper à Bir-el-Ahmeur, et le 1er janvier 1883
elle arrive à Ksar-Métameur, où se trouve alors la colonne de
Gabès.
et à la Skirra, Le colonel de la Roque présente au général d'Aubigny les
oùelle
s'embarque
pourSousse.
mihad des tribus et fractions qu'il a récemment soumises4,
Toudjane, Rebeten, Aouaya; la colonne de Zarzis séjourne
les 2, 3 et 4 au camp de Métameur, puis, sa missionremplies,
elle se remet en mouvement le 5 pour remonter vers le nordG.
Elle arrive à Gabès le 8 janvier, y séjourne.les 9 et 10, reprend
sa marche le 117, arrive à Sidi-Meheddeb le 13, y séjourne
les 14 et 15, et arrive à la Skirra le 16 janvier.
La colonne est disloquée à cette date8; les troupes de la

:
I. L'oued-Fessi est fort encaissé ses berges atteignent jusqu'à 20 mètres de
hauteur: il est couvert d'une abondante végétation de tamarins.
2. Trois redirs dans le lit de l'oued-Fessi.
3. Le camp est établi à 200 mètres sur la rive gauche de l'oued-Fessi-redirs.
4. Voir plus loin,3, page 393.
5. Si on excepte les principaux chefs dissidents « présentés » le 10 décembre,
c'est-à-dire avant le débarquement de la colonne, au général Guyon-Vernier par
Allegro (voir plus haut, note 3, page 389) et qui avaient ramené 4.407 tentes, les
seules soumissions reçues pendant la colonne furent celles des cheikhs Saoula et
Bou Becker avec 30 tentes des Beni-Zid, de 4 douars des Mctellit, de 5 douars
des Souassi et des douars d'Ali-el-Kibeni et d'Ali-ben-Touanni des Mehedba, qui
vinrent se présenter, le 22 décembre 1882, au camp d'El-Ouamhia.
Les résultats obtenus par la colonne semblent donc insignifiants.
6. La colonne campe, le 5, à 1oued-Zeuss; le 6,- à Mareth; le 7, à --
Kétenah;
- -les
8. 9, 10, à Gabès-port
7. La colonne campe, le 11, à Ouderef; le 12 à l'oued-Akarit; les 13, 14 et 15,
à Sidi-Meheddeb, et arrive le 16 janvier à la Skirra.
8. La partie mobile de la colonne de Zarzis avait fait dans une période de
trente-trois jours (du 15 décembre 1882 au 16 janvier 1883) un total de 272 kilo-
mètres, ce qui ferait une moyenne de 8 kil. 200 par jour.
Le point le plus méridional qu'elle ait atteint fut El-Ouamhia, à moins de 50
kilomètres de Zarzis.
Elle n'eut aucune perte à déplorer.
partie mobile s'embarquent' les 17, 18 et 19 et rentrent à
Soussele21.

De son côté, la colonne 2 de la Roque s'était mise en mouve- La colonne


deGabès
ment le 15 décembre. (du 15 décembre
1882
Elle arrive à Mareth le 16 décembre. au 9 février
1883).
Le bataillon du 119e reste à Mareth pendant qu'une colonne Opérations
chez
légère se porte, le 17, vers Toudjane, par Dar-Tounine. les Matmata

Ksar-Toudjane et les Matmata de Chabet-Semala font leur


soumission, et, le 20, la colonne légère rentre à Mareth.
Les 21 et 22, toute la colonne est retenue à Mareth par le
mauvais temps.
Le 23 elle se met en marche vers le sud-est, et arrive à
Métameur le 24.: elle y séjourne le 25.
Le colonel reçoit la soumission des Rebeten noirs (Khezour)
et installe un biscuit ville.
Le bataillon du 101e avec une section d'artillerie reste à chez
les Aouaya
Métameur, 3 pelotons de chasseurs d'Afrique et le peloton
de cavalerie de la compagnie mixte escortent les convois de
ravitaillement de Gabès, pendant que le colonel de la Roque
parcourt avec une colonne légère les villages des Aouaya. —
Le colonel, parti le 26, rentre le 31 décembre 1882.
Le 2 janvier 1883, le colonel de la Roque présente au géné-
ral Guyon-Vernier3 les
Toudjane, les Rebeten et les Aouaya.

1. L'embarquement est fort lent. Les moyens d'embarquement à bord du Tarn,


de la Guadeloupe et du Lavalette, sont limités à huit mahonnes, le chaland et

;
la chaloupe à vapeur du Tarn. Il faut faire 100 mètres dans l'eau pour aborder
les mahonnes ou le chaland pour les animaux, il faut construire, au moyen de
sacs remplis de sable, une ramne Dour leur faciliter l'accès du chaland.
2. La colonne de la Roque comprend un bataillon du 101e, un bataillon du 119",
un bataillon du 4e zouaves, 2 sections d'artillerie de montagne, un escadron du 4*
chasseurs d'Afrique, la 6" compagnie mixte et des services.
Son effectif total au départ est de 60 officiers, 2.032 hommes de troupe, 254 che-
vaux, 270 mulets et 857 chameaux.
Trois bataillons He, 77e et 107") restent à Ras-el-Oued, Gabès, sous le comman-
dement du lieutenant-colonel d'Arragonès d'Orcet.
3. Arrivé le 1er janvier avec la colonne de Zarzis (voir plus haut, 4, page 392).
La colonne reste réunie à Métameur jusqu'au 3 janvier
Le 4 janvier (le biscuit ville de Métameur étant laissé à la
garde du bataillon de zouaves, d'un peloton de chasseurs
d'Afrique et de 12 cavaliers de la compagnie mixte), le colonel
de la Roque, avec une colonne légère, se porte à Aïn-Smar.
Recherche Il n'y trouve aucun campement de Touazine, contrairement
des Touazine.
Soumission
des aux dires d'un certain nombre de personnages3 de cette
Bou-Zid. tribu qui s'étaient présentés, le 3 janvier, au camp de Méta-
meur.
Le 5, la colonne légère se porte à Aïn-Maider; on n'y trouve
aucun campement; mais les reconnaissances indigènes dé-
couvrent les traces toutes fraîches d'une migration nom-
breuse; ce sont les Touazine, qui, pour la plupart3, se sont
portés sur l'oued-Fessi4.
Le 7 janvier, la colonne légère se rend à Bou-Grara; les Bou-
Zid, qui sont réellement campés à Gourine5, font leur sou-
mission6.
Le 9 janvier, la colonne légère revient à Aïn-Smar et rentre
le 10 janvier à Métameur.
La colonne réunie passe la journée du 11 à Métameur.
Colonne légère 7 Le 12, une colonne légère se dirige chez les Ghoumrassen
chezles
Ghoumrassen ; (le biscuitville de Métameur est gardé par le bataillon du 119e

1. La colonne de Zarzis séjourne à Métameur du 31 décembre au 4 janvier, à


côté de la colonne de Gabès.
En partant le 5, la colonne de Zarzis remmène avec elle une des deux sections
d'artillerie du colonel de la Roque, laquelle doit rentrer à Ras-el-Oued.
2. D'après ces personnages, les Oulad-bou-Zid étaient campés à Gourine à l'em-
bouchure de l'oued-Mezessar, et les Oulad-Khalifa à l'est de Médenine, à l'oued-
Smar, à l'oued-Maider et à l'oued-bou-Hamed.
3. Ce sont les Oulad-Mahmoud (Oulad-Ahmed et Oulad-Khalifa) qui se dirigent

-
a
vers l'oued-Fessi pour être prêts à passer, s'il y lieu, en Tripolitaine.
4. Le 5.janvier, 500 tentes des Oulad-Redhouan campés à Hassi-Sultan, à 15 ki-
lomètres du camp d'EI-Maider et conduits par Ahmed ben Youcef, font leur sou-
mission. Ils avaient été razziés, à leur passage de l'oued-Fessi, en sortant de

;
1
Tripolitaine, par les Oulad-Khalifa (Touazine) et les Nouail.
5. Ainsi que l'avait dit leur chef Hassi ben Nadji, le3, à Métameur.
legere _L
o. -La compagnie mixte qui marene avec la coionne- '11_- !_-_:.1.
ie o0 janviei
part, 1-
Bou-Grara pour aller à Zarzis chercher un convoi de six jours de vivres pour
toute la colonne elle le ramène lo 12 à Métameur.
uu

7. Composition de la colonne légère chez les Ghoumrassen et les Ouderna :


;
et un peloton de chasseurs d'Afrique) elle passe par Bir-El-
Ahmeur, où sont campés les Hababsa.
Aucun incident chez les Ghoumrassen1.
Le 16 janvier elle se porte sur l'oued-Tatahouine pour opé- chez
les Ouderna.
rer chez les Ouderna'.
La colonne légère séjourne du 16 au 22 janvier à Tatahouine.
Les nomades Ouderna sont campés dans le Bahira, à une
trentaine de kilomètres au sud du camp de Tatahouine. Leur
-chef, Si Salem bou Hadjila, ne s'étant pas présenté, malgré
ses promesses, une colonne volante3est dirigée contre eux; (Colonnevolante
chez
elle part de Tatahouine le 23 janvier (le camp de Tatahouine les Ouderna
nomades).
est gardé par deux compagnies du 101e et un peloton de chas-
seurs d'Afrique) et arrive le 24, vers 10 h. 30, à Bir-Remta, à
12 kilomètres des campements Ouderna.
Si Salem bou Hadjila fait sa soumission, et la colonne vo-
lante rentre à Tatahouine le 25 janvier.
Le 27 janvier, le colonel dela Roque quitte Tatahouine avec
toute la colonne légère pour opérer contre les Oulad-Khalifa
et les Oulad-Hamed (Touazine) 4.

Bataillon du 101°.
Bataillon du 4e zouaves.
Trois pelotons de chasseurs d'Afrique.
Une section d'artillerie.
La 6e compagnie mixte (ne rejoint que le 15 à Foum-Ghoumcrasscn).
210 chameaux de convoi.
1. Le 15 janvier, la 6e compagnie mixte rejoint la colonne légère au camp de
Foum-Ghoumerassen. Elle amène huit jours de vivres.
2. Le 17 janvier, se présentent au colonel des chefs des Zlass (Oulad-Iddir) des

;
Beni-Zid et des Metellit, en tout 3.000 personnes, campés à l'oucd-bou-Hamed et
à l'oued-Maider ils rentrent de Tripolitaine et ont été razziés par les Nouail, en
passant la frontière.
3. La colonne volante est forte de 7 compagnies (bataillon de zouaves, 2 compa-
gnies du 101e, la compagnie mixte), d'une section d'artillerie, de 2 pelotons de

Le 23 janvier, la colonne de la Roque est ainsi échelonnée


Métameur : 4 compagnies, 1 peloton de cavalerie.
:
chasseurs d'Afrique). Elle emporte 5 jours de vivres, dont 3 sur chameaux.

:
Tatahouine : 2 compagnies, 1 peloton de cavalerie.
Colonne volante 7 compagnies, 2 pelotons de cavalerie, 2 pièces.
4. A la date du 25 janvier les Oulad-Khalifa sont campés entre l'oued-Fessi et
l'oued-Sabègue, près du confluent de ces deux rivières; les Oulad-Hamed sont plus
au sud, près de Saiden et au delà de la frontière, dans la plaine de Mirta.
Nos troupes se trouvaient donc à bonne portée des Oulad-Khalifa, qui, suivant
Le 28 janvier, par une marche forcée (un camp intermé-
diaire a été établi le 28 à Kerchaou; le bataillon de zouaves le
garde) il surprend les campements et les troupeaux des Oulad-
Khalifa (les cavaliers de cette fraction sont absents) sur
l'oued-Fessi et les razzie1.
Puis la colonne revient directement à Métameur.
Les Oulad-Hamed, plus au sud, n'ont pu être atteints.
La colonne légère rentre le 3 février à Métameur2.
La colonne, Le 5 toute la colonne se remet en route sur Ras el Oued-
rentrée
le 9 février 1883 Gabès où ellearrive le 9 février; elle est disloquée à cette
à
Ras-El-Oued,
est
date'.
disloquée.

Les résultats que l'on attendait de nos dernières opérations


avaient été atteints en partie. Toutes les tribus du sud de la
subdivision de Gabès s'étaient soumises, sauf deux fractions

l'exemple des Ouderna, n'avaient donné aucune suite aux démarches de soumis-
sion qu'ils avaient faites dans les premiers jours de décembre.
Nos griefs contre cette fraction étaient nombreux. Depuis plusieurs mois elle
nous amusait avec ses promesses, parlementant avec le gouverneur de l'Aarad.
Peu de jours auparavant un courrier envoyé à la colonne par le commandant de
Ksar-Métameur avait été assassiné par les Oulad-Khalifa. On venait d'apprendre
enfin que tout le groupe s'apprêtait à fuir en Tripolitaine pour échapper à notre
action et conserver son indépendance.
Le colonel ne pouvait laisser échapper les Oulad-Khalifa, sans essayer au moins
de les châtier, s'il ne pouvait les ramener de gré ou de force.
(Il avait d'ailleurs reçu, le 24, un télégramme du général de division lui pres-
crivant de pousser rapidement et vigoureusement les opérations contre les
Touazine, de lancer contre eux le goum des Beni-Zid et d'être rentré à Gabès le
10 février.)
1. Les opérations contre les Oulad-Khalifa pouvant seules présenter un certain
ntérêt, nous donnons plus loin (page 397, complément à l'annexe n° LXVIII) le
détail des journées des 27, 28 et 29 janvier).
2. Le colonel de la Roque laisse la 6e compagnie mixte à Métameur quand il
en renart le 5 février.
3. La colonne de Gabès a, en 57 journées, parcouru 538 kilomètres, ce qui ferait
une moyenne d'un peu plus de 9 kilom. 400 par jour. Les résultats obtenus ne
paraissent pas considérables, car si l'on excepte la soumission des Toudjane, des
Rebeten et des Aôuaya, qui ne firent aucune résistance, et celle des Ouderna de
Si-Salem-bou-Hadjila, qui, surpris par la marche des 23-24 janvier, ne se défen-
dirent pas, il reste l'affaire contre les campements et les troupeaux des Oulad-
Khalifa (Touazine) pendant que les cavaliers étaient absents.
Les autres dissidents qui firent leur soumission s'étaient déjà mis spontané-
ment en marche vers le nord.
des Touazine, les Oulad-Hamed et les Oulad-Khalifa (Oulad-
Mahmoud)
Plusieurs douars dissidents purent encore rentrer dans la

;
régence par le pays des Ouarghamma pendant la première
quinzaine de janvier à partir de cette époque le mouvement
de retour par terre cessa brusquement; il ne devait plus
ensuite s'effectuer que par mer.

COMPLÉMENT A L'ANNEXE N° LXVIII

Surprise des campements des Oulad-Khalifa (Touazine)


sur l'oued-Fessi. — 28 janvier 1883.

Le 25 janvier, les Oulad-Khalifa sont campés entre l'oued-


Fessi et l'oued-Sabègue, près du confluent de ces deux ri-
vières.
l
Le 27 janvier, la colonne légère du colonel de la Roque se 27 janvier.
porte de l'oued-Tatahouine sur l'oued-Zamaz.
Le but de l'opération consiste à se porter ensuite de Zamaz,
par une marche rapide, sur les campements des Oulad-Khalifa,
à les séparer de la frontière en longeant l'oued-Sabègue et les
rejeter dans l'oued-Fessi, avec le concours du goum des Beni-
Zid.
L'oued-Zamaz est un affluent de l'oued-Tatahouine; il des-
dend des montagnes des Oulad-Cheïda et coule presque paral-
lèlement à Foued-Fessi; son cours est défendu par plusieurs
tours établies pour garder les points d'eau et les cultures
(Zamaz, Drinah).

1. Nous savons qu'il y a à la colonne légère, le bataillon du 101", un bataillon


du 4e zouaves, la 6e compagnie mixte, 2 pièces de montagne et 3 pelotons du 4"
chasseurs d'Afrique, et que le biscuit ville de Métameur est occupé par le batail-
lon du 119e et un peloton de chasseurs d'Afrique.
D'après des renseignements recueillis, les Oulad-Khalifa
sont toujours au confluent de l'oued-Sabègue et de l'oued-
Fessi, à 36 kilomètres del'oued-Zamaz; les Oulad-Hamed,'se
trouvant à plus d'une journée de marche au sud de l'oued-
Fessi, sont en dehors du champ d'action de la colonne. A
demi-distance entre Zamaz et le campement des Oulad-Khalifa
est le point d'eau d'Oglet-Kerchaou où se trouve la retba
(grenier) d'une partie des Touazine.
Le colonel décide de se porter par une marche de nuit sur
Oglet-Kerchaou, d'y laisser les impedimenta sous la garde
d'un bataillon et d'appuyer l'action du goum avec les autres
troupes de la colonne.
28 janvier La colonne part à 3 heures du matin pour Oglat-Kerchaou,

;
dans l'ordre suivant : le goum des Beni-Zid sous les ordres du
général Allegro1 avant-garde, la cavalerie; gros, compagnie
mixte, 101e, artillerie.
Le convoi suit sous la garde spéciale du bataillon du 46
zouaves.
La colonne, par un beau clair de lune, suit le cours de
l'oued-Zamaz jusqu'à son confluent avec l'oued-Fessi, puis
celui-ci jusqu'à Oglet-Kerchaou; distance 18 kilomètres. Le
camp est établi à 500 mètres au sud des oglet, sur un mamelon
près duquel se trouve la retba, sous la garde de la tribu des
Medenine campés sous la tente.
A 8 h. 40, le goum se remet en marche, suivi à 9 heures par
les troupes de la colonne. Cavalerie; avant-garde, compagnie
mixte; bataillon du 101e en carré encadrant la section d'artil-
lerie.
Les hommes ont laissé leurs sacs à Kerchaou ils empor-
tent la couverture en sautoir et une journée de vivres le
; ;
camp est laissé sous la garde du bataillon du 4e zouaves.

Gabès. C'est le cinquième goum dont il prend le commandement :


1. Le général Allegro est passé à Métameur de la colonne de Zarzis à celle de
il a déjà com-
mandé le goum de la brigade Cailliot en Khoumirie, ceux du général Sabattier à
Zaghouan et du général Logerot dans sa marche sur Kairouan, puis sur Gabès et
chez les Beni-Zid, et celui de la colonne de Zarzis.
:
Le pays situé entre l'oued-Fessi et l'oued-Sabègue est une
vaste plaine légèrement mamelonnée au confluent des deux
rivières se trouvent des terrains de culture près desquels sont
établis des campements. Ce point est à 18 kilomètres envi-
ron de Kerchaou et à 7 d'El-Ouamhia.
L'oued-Sabègue reçoit à gauche un affiuent, l'oued-bou-
Goufla, qui, venant des montagnes, forme une dépres-
sion parallèle à l'oued-Fessi, à 15 kilomètres environ au sud
de ce dernier; le confluent de l'oued-bou-Goufïa et de l'oued-
Sabègue est un peu au sud du campement des Oulad-Khalifa.
C'est par cette dépression que le goum s'engage, suivi à
courte distance par la colonne; il peut ainsi arriver, sans être
vu, jusqu'aux campements et couper aux troupeaux toute
retraite vers le sud.
A midi, après avoir parcouru 15 kilomètres en suivant la
rive gauche de l'oued-bou-Gouffa, l'avant-garde signale des
coups de fusil tirés par le goum, sur la rive droite. La colonne
se porte dans cette direction et recueille quelques troupeaux
saisis par les Beni-Zid. Les coups de feu ont été tirés par ces
derniers sur les bergers des troupeaux. La plus grosse partie
du goum se trouve engagée dans les douars mêmes, sur la
rive gauche de l'oued-Sabègue.
La cavalerie se porte au trot sur la rive droite de l'oued-bou-
Gouffa, pour soutenir le goum, sans se désunir. L'infanterie
suit le mouvement et vient s'établir en position à 1.800 mètres
derrière le goum et la cavalerie.
Les Oulad-Khalifa, ne s'attendant pas à une agression aussi
rapide d'une colonne française campée à 40 kilomètres
s'étaient, la veille, laissé entraîner à la poursuite d'un djich
tripolitain; les cavaliers n'étaient pas encore rentrés.
Les douars sont complètement surpris et les fantassins seu-
lement résistent, blessant deux hommes et un cheval aux
Beni-Zid. Eux-mêmes perdent une dizaine d'hommes.
Le goum, se sentant appuyé par notre cavalerie, brise rapi-
dement cette faible résistance, s'établit au milieu des campe-
ments et envoie des cavaliers isolés ramasser les troupeaux
dans la plaine.
Les troupeaux1 sont conduits directement au camp des
;
Ogbt-Kerchaou (10 heures du soir) quant à la colonne elle se
replie à 4 h. 30 et, ne pouvant rejoindre le soir même Ker-
chaou, vient passer la nuit à Oglet-bou-Zrida, point d'eau
situé sur l'oued-Fessi, à 7 kilomètres.
29 janvier. La colonne volante rentre au camp de Kerchaou'
Le 30 janvier la colonne légère revient a Zamaz; elle y
séjourne les 31 janvier et 1er février, puis le 2 février elle
reprend la direction du nord et arrive le 3 à Métameur.

N° LXIX

Les compagnies mixtes.

Compagnie Le 23 octobre 1881, une compagnie franche est formée à la


franche.
Manouba, sur l'ordre du général commandant le 19e corps.
Elle comprend 132 fantassins français (provenant des bri-
gades Maurand et d'Aubigny), 60 fantassins réguliers de
l'armée beylicale, 5 spahis du bey et 20 mulets de bâe.
Projet Dès le 6 mars 1882, le Ministre de la guerre adressa au
de formation
de troupes général commandant le corps d'occupation des instructions
indigènes.
pour la formation, à bref délai, de troupes indigènes avec des
éléments choisis dans l'armée tunisienne, afin de pouvoir
réduire le nombre des bataillons français employés en Tunisie.

1. La razzia faite le 28 fut de un millier de chameaux environ, 1.300 moutons,


1.600 chèvres et 8 chevaux en mauvais état qui furent abandonnés au goum, et
une centaine de fusils.
:
2. A la suite de l'affaire du 28, deux partis se dessinèrent chez les Touazine
l'un, désireux de la paix, se décida à rejoindrevers Médcnine les Oulad-bou-Zid;
il comprenait une grosse partie des Oulad-Khalifa et les douars de Médenine qui
avaient suivi leur fortune; l'autre, au contraire, fuyant notre voisinage, alla re-
joindre vers Saiden la fraction des Oulad-Hamed qui s'y trouvait déjà.
3. Le 3 avril 1882, le général Forgemol porta a 100 le nombre des fantassins
indigènes et à 14 celui des cavaliers.
Le 3 avril, le généralForgemolfaisait en conséquence les
propositions suivantes :
Former d'abord des groupes d'un effectif restreint composés
par moitié de soldats indigènes et de soldats français. Ces
groupes pourront être ensuite réunis pour former des batail-
lons, puis le régiment (on diminue la proportion des Français
au fur et à mesure que les indigènes sont disciplinés et in-
struits)
:
Pour former ces groupes, deux systèmes créationdecompa-
gnies formant corps ou incorporation des indigènes dans une
compagnie d'un bataillon d'infanterie français.
Ce dernier système semble mauvais (quand la compagnie
sera en tournée, le bataillon sera réduit à 3 compagnies;
quand elle sera réunie à son bataillon, elle jurera auprès des
autres par sa tenue et sa composition).

;
L'essai de la compagnie franche formant corps a déjà donné,
au contraire, d'excellents résultats après une expédition de
cinq mois, ses éléments se sont complètement amalgamés; il
s'est créé un excellent esprit de corps.
Le général propose donc de conserver la compagnie franche
et de créer cinq nouvelles compagnies.
L'uniforme des recrues tunisiennes (il faut le rapprocher
le plus possible de celui des tirailleurs, puisque les compa-
gnies sont destinées à former un régiment de tirailleurs) serait
le pantalon rouge de l'infanterie, que porte déjà l'armée tuni-
sienne, la veste, le gilet et la ceinture des tirailleurs et le fez.
Les cavaliers auraient le même uniforme mais avec le pan-
talon rouge basané des chasseurs d'Afrique et l'équipement
des cavaliers1.

1. (C'est l'uniforme que porte actuellement la garde beylicale; mais elle a la


veste et le gilet bleu foncé, comme les zouaves.)
L'uniforme proposé par le général Forgemol fut arrêté, d'une façon provisoire,
par une décision ministérielle du 25 juillet 1882. Les officiers portèrent la tenue
des officiers de tirailleurs algériens, sans patte à numéro au collet et sans écus-
son au képi.
:
Le 24 avril 1883, le Ministre de la guerre modifia encore cet uniforme de la
façon suivante officiers, tenue des officiers de tirailleurs algériens avec écussons
Le 4 avril, le Ministre de la guerre télégraphia de préparer
la constitution d'une force indigène de 3.000 hommes.
Organisation Le 19 avril1, le général commandant le corps d'occupation
de 6 nouvelles
compagnies. décide l'organisation de 6 compagnies franches (3 dans la
;
division nord, 3 dans la division sud) le point de stationne-
ment de chaque compagnie franche sera ordinairement le
chef-lieu de sa subdivision2.
La compagnie franche qui existe déjà devient la compagnie
franche de la subdivision de Tunis.
Les compagnies sont composées d'abord par moitié de sol-
dats indigènes et de soldats français3.
Chaque compagnie a un dépôt et un lieutenant trésorier (type
des compagnies de discipline); tous les officiers sont montés4.

spéciaux (numéro au centre d'un soleil brodé); troupe, tenue des tirailleurs
algériens et des spahis.
1. En conformité d'une autorisation ministérielle du 14 avril.
2. Tunis, Le Kef, Ain-Draham, Sousse, Gafsa et Gabès.
3. Les Chambres n'ayant pas encore voté les crédits nécessaires, le personnel
du cadre français est simplement détaché. En attendant l'organisation de dépôts-
magasins, les indigènes faisant partie des compagnies conservent l'uniforme de
l'armée du bey.
4. Composition de la compagnie franche (autorisation ministllc du 14 avril 1882) :
Français..(Capitaine
(Sous-lieutenant
jgous.lieutenant
Lieutenant.
TIndigè,nes.
4 1
commandant
Lieuteants(dont
2 trésorier).
1

)
.,..,
il 2
j
6 officiers.

1
d'officiers., D
Chevaux
Adjudant sous-officier., 1
Sèrgent-major 1

l
Sergents.,.,
.,
Sergent-fourrier.1 8

F Caporal-fourrier
1301

Clairons. 1 Ij

Sergents.
Caporaux",
Soldats.
Caporaux.8 4~g4 100
16
ani-
maux.
49

bât.
144hommes
1d.
TIndji.è 80
nes. Clairons
n 19 gènes. CI
detroupe.
2
290
b 1

dats (dont 30 muletiers). 130 /j

Cavaliers indigènes (dont 1 sous-officier et 1 brigadier).. 14


Chevaux de troupe 14 a
Mûlets de 30
a). Les chevaux des cavaliers indigènes sont harnachés avec des harnachements arabes
achetés dans le commerce.
b). Les mulets de-bât sont harnachés avec des bâts arabes.
Malgré les avantages faits, le recrutement des cadres-troupe
et soldats français est assez difficile, et on est obligé de
de demander des hommes aux bataillons qui sont destinés à
rentrer en France.
Quant aux indigènes, leur recrutement est encore plus diffi-
cile : il faut racoler1.
En juin 1882, le titre de compagnie mixte remplace celui de
compagnie franche.
On prescrit aux capitaines de faire précéder tout enrôlement
d'un engagement provisoire, même de courte durée.
La compagnie mixte de la subdivision de Tunis reçoit un
détachement du 11e hussards (juin) et une section d'artillerie
de montagne2 (27 juillet).
Une forge de montagne est attribuée à chaque compagnie
mixte 3.
Un certain nombre de sous-officiers, caporaux et soldats,
tous indigènes, provenant des régiments de tirailleurs algé-
riens, sont envoyés aux compagnies mixtes à titre d'instruc-
teurs et d'interprètes. (Décision ministérielle.)
Les déserteurs indigènes des compagnies mixtes seront
recherchés et arrêtés. On n'a pas encore le droit de les tra-
duire en conseil de guerre, mais en vertu de l'amra du bey en
date du 2 juillet, on peut leur infliger une punition discipli-
naire (60 jours de prison).

1. On alla même jusqu'à inscrire, contre leur gré, sur les contrôles de compa
gnie, d'anciens soldats beylicaux. Les indigènes protestèrent contre cet enrôle-
-
ment forcé, et l'autorité militaire fut obligée de les renvoyer, sans leur dire pour-
quoi.
2. Cette section d'artillerie a rejoint la compagnie à Hammamet le 30 juillet
1882; elle fut licenciée le 12 décembre 1883. Elle paraît, durant ces dix-sept mois,
rête toujours restée stationnée à Hammamet pendant les tournées de la compagnie.
La compagnie mixte de Tunis, n'ayant pas assez d'artilleurs français, employa
des indigènes comme auxiliaires. Le Ministre de la guerre consulté, répondit que
« la Chambre des députés, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'orga-
nisation des compagnies mixtes, s'était formellement opposée à l'admission de
l'élément indigène dans les sections d'artillerie ». Le capitaine commandant la
compagnie mixte de Tunis conserva cependant ses auxiliaires indigènes qu'il
avait pris avant le vote en question.
La compagnie mixte de Tunis fut la seule qui reçut de l'artillerie.
3. Décision ministérielle du 21 août 1882.
Instruction Le 25 octobre 1882, le général Forgernol, commandant le
du général
Forgemol corps d'occupation, donne une instructionpour les compagnies
pour
les compagnies
mixtes.
mixtes1 se résumant ainsi :
Les compagnies mixtes ont été instituées pour mettre à la

;
disposition du commandement une force sérieuse toujours
prête à marcher2 et à combattre préparer des officiers et des
sous-officiers aux fonctions de guides de colonnes et de chefs
de partisans; concourir à la surveillance des tribus.
En un mot, on doit pouvoir considérer ces compagnies
comme un moyen d'action toujours disponible et comme un
instrument de surveillance et de renseignements.
Chaque compagnie est autorisée a avoir un fanion du modèle
de ceux en usage dans les compagnies de tirailleurs algériens;
elle reçoit une paire de cantines médicales.
Dédoublement Le 1er avril 1883, les premières compagnies mixtes sont
des
compagnies: dédoublées et les compagnies « bis » sont formées.
douze
compagnies Deux états sont dressés, comprenant les Français par
mixtes.
ancienneté de service (afin qu'après le dédoublement chaque
compagnie possède un nombre égal de militaires de chaque
classe) et les indigènes divisés en deux groupes (cette dernière

1.
Gafsa, Sfax, Gabès, Kairouan (sud).
:
Il y a à cette date 7 compagnies mixtes Tunis, Le Kef, Ain-Draham (nord);

Une instruction complémentaire fut donnée le 15 avril1883 par le général For-


gemol, après le dédoublement des six premières compagnies.
L'instruction du 25 octobre 1882 fut abrogée le 10 janvier 1884 par le général
Logerot, commandant la division d'occupation. (Voir plus loin, 5, page 406)..
2. Le 10 décembre 1882, le général commandant le corps d'occupation, qui
assiste au départ d'une compagnie mixte, remarque que ses mulets sont très
fatigués et chargés de huit jours de vivres. Il est obligé de rappeler que les ani-
maux de bât ont été donnés aux compagnies mixtes pour les rendre plus légères
et plus mobiles, pour porter les bagages et alléger les hommes, et non pas pour
porter une grande quantité de vivres.
Les compagnies mixtes doivent marcher avec deux jours de vivres sur les
hommes et deux sur les animaux seulement.
Une compagnie bis, bien qu'étant organisée complètement et ayant pris livrai-
son de tous ses moyens de transport, n'est pas prête à marcher cinquante Jours
après sa formation. Il lui faudra encore au moins vingt jours pour essayer de se
mouvoir, en admettant que le ramadan qui Va commencer ne l'en empêche pas.
Ces deux exemples suffisent pour montrer quelle était la mobilité de certaines
compagnies mixtes; nous avons vu, dans l'étude des opérations, l'attitude de
certaines autres en présence des djicb.
mesure était vicieuse; les indigènes admis sur leur demande
dans la compagnie mère et passant à une autre compagnie
ayant pour poste permanent un point éloigné de leur pays
d'origine désertèrent en grand nombre; il eût fallu affecter aux
compagnies « bis» tous les soldats venus d'office de l'armée
beylicale1).
Puis les listes d'affectation furent tirées au sort.
Ce dédoublement et l'organisation budgétaire des 12 com-
pagnies mixtes étaient l'application de la loi du 31 décembre
1882, relative à l'entretien de compagnies mixtes en Tunisie.
Cette loi peut se résumer ainsi :
Création de 12 compagnies mixtes en Tunisie par dédouble-

pes des trois armes :


ment des 6 existantes. Chaque compagnie comprend des trou-
infanterie, cavalerie, artillerie 2. Les
éléments des compagniesmixtes pourront être ultérieurement
groupés en bataillons, escadrons et batteries et même en régi-
ments.
La composition des 6 premières compagnies est déterminée
par l'état A.
ÉTAT A. Composition d'une des six premières compagnies mixtes.
Officiers (dont un lieutenant français faisant fonctions de trésorier et

français.
commandant le dépôt et 4 indigènes. 10
Fantassins
>
1441
132A

français 18
Mulets55] français..52
— indigènes (dont 30 muletiers) Total:
Cavaliers
indigènes. 33 379,troupe.

d'officier.

Artilleurs
Chevaux
— troupe.
de
10 j
57 j 122,animaux.

Après le dédoublement, chacune des 12 compagnies aura la


composition fixée par l'état B.

1. Pour remédier à cet inconvénient, le général commandant le corps d'occupa-


tion a l'idée (juin 1883) de grouper les familles des indigènes incorporés dans les
compagnies mixtes autour des lieux de résidence deces compagnies et de former
des espèces de smalah.
2. Voir plus haut, note 2, p. 403.
ÉTAT B. Composition d'une compagnie mixte après le dédoublement
dessixpremières.
Officiers10(ou9,s'iln'y pasdetrésor") a68j

Cavaliers
indigènes.
Fantassins français
français10
indigènes.
tilleursfrançais.
v 144

44/
33
Total:
299, troupe.
Ar

d'officier.
troupe.
Mulets.
Chevaux
— de
101
58
53 ]
121, animaux.

Vingt soldats des tirailleurs algériens, susceptibles d'être


nommés immédiatement caporaux, sont encore envoyés aux
compagnies mixtes1.
Un mulet porteur d'outils, quatre paires de cacolets, un
mulet porteur de litières, deux appareils de télégraphie op-
tique, sont délivrés à chaque compagnie.
Les militaires tunisiens servant dans les compagnies mix-
tes sont soumis au Code de justice militaire français dans
toutes ses dispositions, pendant la durée de leur service2.
Les Tunisiens doivent souscrire un engagement de 2 ans3.
Dans le 2e semestre de leur 2° année de service les engagés
volontaires4pourront être autorisés à remplacer.
Le Le 10 janvier 1884, le général Logerot, commandant la
général Logerot
abroge
l'instruction
division d'occupation, abroge l'instruction spéciale du 25 oc-
spéciale
donnée
tobre 1882 du général Forgemol5. Les compagnies mixtes, en
parle station ou en tournée, n'auront aucune mission spéciale à
gaI Forgemol.
remplir; elles seront, au même titre que les autres troupes, à
la disposition des commandants de subdivision.
A la suite de son inspection, en août 1884, des 6 compagnies

1. Décision ministérielle du 29 mai 1883.


2. Décret beylical (Amra du 28 Dou-Elkada 1300) inséré au Journal officiel
tunisien le 25 octobre 1883.
d.bîevrier1884.
Dès le 27 décembre 1883, on avait voulu faire contracter un engagement régu-
lier de deux ans aux indigènes algériens servant dans les compagnies mixtes,
afin de régulariser leur situation militaire.
Presque tous les Algériens avaient refusé de signer l'engagement.
4. Algériens aussi bien que Tunisiens.
5. Voir plus haut, 1, p. 404.
mixtes de la région nord, le général Boulanger prescrit de
rechercher les moyens d'augmenter, autantquepossible, leur
valeur militaire.
Sur la proposition du général Boussenard, commandant la Réunion
d'instruction
subdivision de Tunis, le général Boulanger autorise la con- de quatre com-
pagnies
centration à Souk-el-Arba des 4 compagnies mixtes de la mixtes
à
subdivision de Tunis. Souk-el-Arba
(octobre 1884)
Ces quatre compagnies sont concentrées le 19 octobre à
Souk-el-Arba.
Le 22 octobre 1884, le général0
Boulanger se rend à Souk-
el-Arba; il voit à midi les 4 compagnies réunies sur le terrain
de manœuvres (elles lui sont présentées par le plus ancien
capitaine), les fait manœuvrer et défiler.
Les exercices de bataillon furent exécutés d'une façon assez
satisfaisante; on ne pouvait guère être exigeant puisque les
compagnies n'étaient réunies que depuis trois jours; mais la
cavalerie formée en escadron manœuvra mal.
Quant au tir, il semblait peu pratiqué dans les compagnies
et peu en honneur dans la cavalerie.
Une médaille d'argent, 3 cors de chasse-épinglettes en
argent doré, 4 cors de chasse-épinglettes en argent avaient
été attribués à l'infanterie du groupe de 4 compagnies mixtes
de la subdivision de Tunis, et 2 cors de chasse avec épin-
glette (1er prix de tir de l'année) au groupe des pelotons de
cavalerie de ces 4 compagnies.
Le concours de tir eut lieu le 23 octobre, à Souk-el-Arba,
en présence du général Boussenard.
Le sergent qui eut le prix de tir de l'année (92 points)
ne fit qu'une balle 2 points au tir de concours; dans la cava-

;
lerie, un seul sous-officier était dans les conditions pour
prendre part au tir de concours il ne mit aucune balle dans
la cible.

La Chambre ayant voté des crédits pour la formation d'un


4e régiment de tirailleurs, un décret du 14 décembre 1884 pro-
nonce la création de ce régiment.
Formation La formation de chacun des 4 bataillons du 4e tirailleurs
du 4° régiment
de
tirailleurs
donne lieu au licenciement de 3 compagnies mixtes de Tu-
(commen-
cement
nisie.
de 1885.) Les pelotons de cavalerie de ces compagnies conservent
provisoirement la composition déterminée par la loi du 31
décembre 1882 et s'administrent séparément jusqu'à ce qu'il
ait été statué sur leur sort.
Le 11 janvier 1885, les fantassins des 3 compagnies mixtes
dé la subdivision de Tunis qui doivent former le 1er bataillon
du 4e tirailleurs sont à Zaghouan, où est déjà arrivé l'état-
major du nouveau régiment (lieutenant-colonel Jouneau).
Le 1er bataillon est formé (15 janvier) à Zaghouan'.
Le 15 avril, les 2e et 3e bataillons sont formés à Sousse et
à Sfax. (L'état-major du régiment a quitté Zaghouan et est à
Sousse1.)
Le 4e bataillon est formé au mois de juin à Gabès'

Quant aux pelotons de cavalerie ils reçurent les destina-


tions suivantes :
Les pelotons des compagnies 1, 1 bis, 2 et 2 bis (subdivision
de Tunis) furent d'abord envoyés à laManouba, où ils furent
placés sous les ordres du colonel commandant le 4e régiment
de chasseurs d'Afrique (janvier 1885).
Escadrons Le 1er avril 1885, les quatre pelotons de cavalerie réunis à la
de
spahistunisiens Manouba furent licenciés et formés en un seul escadron
portant le titre de 1er escadron de spahis tunisiens2 cet esca-
dron, qui resta stationné à la Manouba, fut placé, d'après les
;
;
1. Le 1" bataillon du 4e
mixtes1,2et2bis
Puis le 2e bataillon du 4e
tirailleurs fut formé à Zaghouan avec les compagnies
tirailleurs fut formé à Sousse avec les compagnies
mixtes1bis,3bis 4; et
3,4biset6bis
Enfin le 4e
;
Et le 3e bataillon du 4e tirailleurs fut formé à Sfax avec les compagnies mixtes

bataillon du 4e tirailleurs fut formé à Gabès avec les compagnies


mixtes5,5biset6.
2. Chaque escadron de spahis tunisiens doit avoir le même effectif en chevaux
qu'un escadron de chasseurs d'Afrique. (Dépêche ministérielle du 19 mars 1885.)
instructions ministérielles, sous l'autorité directe du colonel
commandant le 4e chasseurs d'Afrique et sous la surveillance
administrative du major de ce régiment.
Quand eut lieu en avril le licenciement de six autres compa-
gnies, leurs pelotons furent versés dans les trois compagnies
conservées provisoirement'.
Puis eut lieu la formation du 2e escadron de spahis tunisiens
à Sfax:
Enfin, au mois de juin, quand les trois dernières compa-
gnies conservées provisoirement furent licenciées (pour for-
mer le 4e bataillon de tirailleurs), le 3e escadron de spahis
tunisiens fut formé à Gabès'.
Le général Saint-Marc remit, le 16 avril 1888, son étendard Le
4"régiment
au 4e régiment de spahis constitué à Sfax. de spahis.

1. En avril, 9 compagnies mixtes ayant été supprimées (l'infanterie a formé

ces 9 compagnies ont reçu les destinations suivantes :


les 3 premiers bataillons du 4e tirailleurs algériens), les pelotons de cavalerie de

Pelotons des 1, 1 bis, 2 et 2 bis à la Manouba (forment le 1er escadron de spahis


tunisiens) ;

— pelotons des compagnies 4 et 4 ;


Pelotons des compagnies 3 et 3 bis versés à la 6e compagnie mixte (Métameur);
bis versés à la 5e compagnie bis (Gafsa) —
peloton de la 6e compagnie bis versé à la 5e compagnie mixte (Touzeur), (ces 3
compagnies étant conservées provisoirement.)
2. En résumé, de janvier à juin 1885 furent successivement organisés les quatre
bataillons du 4° régiment de tirailleurs (chaque bataillon recevant les fantassins
de 3 compagnies mixtes) et trois escadrons de spahis tunisiens (chaque escadron
étant formé avec les cavaliers de 4 compagnies mixtes).
POSTFACE'

Dans notre,avertissement, nous disions que notre tome


d'annexes était plutôt destiné aux officiers.
Nous n'insisterons pas et chacun pourra en tirer les en-

Il nous sera cependant permis de nous résumer :


seignements qu'il voudra et les conclusions qu'il lui plaira.

Considérant, comme nous l'avons fait, l'expédition de


Tunisie au seul point de vue militaire, on peut dire que les
deux expéditions proprement dites (lre et 3e parties de notre
étude) se sont bornées, l'une à un enveloppement de la
Khoumirie, l'autre à une marche concentrique sur Kairouan.
Toutes deux, presque exclusivement stratégiques, réussirent
sanscoup férir. Iln'en pouvaitêtre autrement; touterésistance
devait disparaître devant de si imposantes démonstrations
militaires.
Les opérations qui se déroulèrent, d'abord entre les deux
expéditions, alors que les effectifs laissés en Tunisie après le
premier rapatriement pouvaient à peine être renforcés, puis,
après l'occupation de Kairouan, dans la poursuite des dissi-
dents, présentent quelques exemples tactiques intéressants à
étudier.
Le bombardement et la prise de Sfax, la défense de l'oasis
de Gabès nous montrent des ennemis sachant et voulant se
défendre, empêchant une colonne européenne de déboucher
du camp qu'elle a organisé à son débarquement.
la
Les opérations dirigées contre colonne française marchant
sur Hammamet, à la fin du mois d'août, nous font voir des
bandes presque sans cohésion tentant avec succès des attaques
de nuit et sachant profiter du malaise qu'elles causèrent à de
jeunes troupes encore novices à la guerre d'Afrique.
Elles mettent surtout en relief la résistance à la marche, la
connaissance de l'emploi du terrain au combat et le sang-
froid, après qu'elle eût perdu son chef et la plus grande
partie de son effectif, d'une troupe de soldats tunisiens ré-
fractaires.
Les manœuvres d'Ali ben Ammar nous décèlent un capi-
taine qui, à l'encontre des autres chefs indigènes insurrec-
tionnels se contentant, pour la plupart, de diriger les razzia
de bandes de pillards, sut réunir des combattants, concevoir
des mouvements et les exécuter. Nous le voyons, en effet,
menacer notre ligne de communications du moment; puis,
masquant sa marche de flanc aventureuse à proximité d'une
place forte et se couvrant par un détachement d'observation
contre la colonne mobile qui aurait pu sortir de cette place, se
diriger vers son objectif de manœuvre, l'armée d'Ali Bey, et
la combattre. Nous avons vu comment son lieutenant se porta
à l'attaque de la place que nous occupions pour donner toute
liberté d'action à son chef, comment il prit une seconde fois
l'offensive contre une forte colonne française en rase campa-
gne et l'emploi du canon que nous dûmes faire pour le forcer à
lâcher prise; de quelle façon judicieuse il employa dans cette
affaire sa nombreuse cavalerie pour garder ses flancs et obser-
ver, au lieu de la lancer, dans un terrain difficile, sur des
fusils à tir rapide. Et enfin nous nous rappelons qu'il fallut
plus tard mettre en mouvement trois colonnes contre le caïd
des Oulad-Ayar, pour lui faire évacuer la région théâtre de
sa résistance, et qu'il parvint à s'échapper.
Après la prise de Kairouan, nos colonnes ne purent joindre
la masse des dissidents qui se repliaient dans le sud, et les
compagnies mixtes ne purent, malgré leur organisation spé-
ciale, empêcher les djich dont nous sommes obligés d'admirer
la hardiesse aussi bien que la vitesse et l'endurance. Nos
colonnes ne furent pas assez alertes1 et
elles étaient trop
lourdes.
Ceci paraît une vérité de la Palisse; il semble que l'on tourne
dans un cercle vicieux.
Rien n'est plus vrai cependant.
Les hommes n'étant pas assez alertes, il leur faut un temps
plus long pour parcourir un certain espace. De gros appro-
visionnements leur sont donc nécessaires, et par suite il
devient indispensable de les faire suivre d'un convoi qui les
gêne.
Alourdies par ce convoi qu'elles sont obligées de traîner à

:
leur suite et de protéger, les colonnes ne peuvent plusse mou-
voir que lentement elles deviennent fonction de leur convoi,
De plus, elles se divisent en nombreux échelons qui gardent
les biscuit villes et font la navette entre la base de ravitaille-
ment et les dépôts de vivres; les effectifs réellement utili-
sables diminuent et leur rendement décroît rapidement.

géographique ;
Le temps ne presse pas trop si l'on marche sur un objectif
on pourra toujours l'atteindre dans des condi-
tions plus ou moins favorables. Mais si l'on vise un objectif
mobile, il devient impossible de l'atteindre2
Si l'on veut nous objecter que quelques dissidents ont été
rejoints par nos - colonnes, nous répondrons qu'ils étaient
empêtrés eux-mêmes de femmes, d'enfants et de troupeaux;
c'étaient des migrations. Des combattants n'auraient jamais
été atteints.
Le seul exemple de marche assez rapide que nous puissions
enregistrer nous montre une colonne forte, au départ, de
13 compagnies d'infanterie, amenant seulement cinq compa-

1. Cependant nous avions à ce moment des soldats de cinq ans et les hommes
étaient choisis puisqu'ils étaient tries, non seulement dans le régiment qui déta-
chait un bataillon, mais encore dans le corps d'armée dont faisait partie le régi-
ment.
2. Nous nous souvenons qu'une colonne obligée de charrier son convoi a été
forcée de marcher lentement par échelons et de changer d'itinéraire-pour pouvoir
se faire suivre de ses arabas.
gnies, soit 600fusils au màximun, sur le terrain où aurait pu
se produire un engagement.
Ces fantassins étaient sans sacs; ils n'avaient qu'un jour de

;
vivres. Ils tombèrent, il est vrai, sur des troupeaux non dé-
fendus mais ilest permis de se demander ce qu'il serait advenu
s'ils avaient eu à engager un vrai combat et à le poursuivre,
séparés qu'ils étaient de leur deuxième échelon, qui était com-
plètem.eli.t,,"iai'mobilisé,
par unedistance de plus de 15 kilomè-
tres..
Une colonne forte au départ de 60 officiers, de plus de
2.000 hommes et de près de 1.400 animaux, n'arrive donc à
mettre enligne que 600 fusils.
Il estcertain qu'en pratique deux compagnies montées,
fortes chacune de 5 officiers et 250 hommes, auraient, s'il avait
fallu agir, produit un meilleur résultat. Les fantassinsauraient
été moins fatigués et ils auraient eu avec eux leurs sacs, des
vivres et des cartouches.
Il faudrait donc, dans les grosses colonnes, rendre les fan-
tassins plus alertes et les cavaliers plus vite, et pour cela débar-
rasserles premiers soitde leurs lourds effets de France, soit des
costumes historiques d'Afrique (l'esprit de corps des troupes
spéciales n'y perdrait rien, croyons-nous) et alléger les che-
vaux en simplifiant leur harnachement et la tenue de leurs
cavaliers
Quant aux colonnes véritablement rapides que l'on voudrait
former, il nous semble indispensable de les constituer avec
des compagnies montées d'infanterie, c'est-à-dire des fantas-
sins choisis avec, pour deux soldats, un mulet portant tou-
jours les deux sacs et alternativement l'un des deux hommes.

1. Les personnes qui ont un peu voyagé en Orient ont pu remarquer que les
soldats beylicaux, turcs et égyptiens ont une tenue simple et certainement plus
pratique que les uniformes fantaisistes de nos spahis, tirailleurs et zouaves.
Dans l'armée égyptienne principalement, dont les troupes marchent actuelle-
ment de Dongola sur Khartoum, les soldats portent, à part le tarbouche natio-
nal, un uniforme européen; les cavaliers même ont la culotte, les bandes moIIc
tières et les souliers; les chevaux ont des harnachements anglais.
La compagnie montée des régiments étrangers a fait ses
preuves d'endurance et de vitesse.
L'inefficacité des compagnies mixtes, où se trouvaient mé-
langés fantassins et cavaliers, a été démontrée; il faut que
les fantassins des compagnies mixtes restent des fantassins,
n'employant leurs animaux que pour se mouvoir rapidement
TABLE DES MATIÈRES

TOME I
Pages.
AVERTISSEMENT 5

I" PARTIE
PREMIÈRE EXPÉDITION

; ;
Événements à la frontière concentration des troupes le premier corps ex-
péditionnaire. —Opérations en Khoumirie ; traité de Kassar-Said; rapatrie-
ment.
CHAPITRE I. — Préliminaires.
Engagements entre les Oulad-Cedra (Tunisiens) et les Nehed (Algériens), fé-
9

vrier 1881. — Premier envoi de troupes à la frontière; engagements des


30 et 31 mars (entrée en ligne de deux compagnies françaises le 31). —
Renforcement des troupes au contact par des détachements de la division
deConstantine.
Le 3 avril, le Conseil des Ministres décide l'expédition de Tunisie. — Des élé-
ments de renfort sont envoyés des divisions d'Alger et d'Oran. — Les trou-
;
pes d'Afrique (couverture) sont en position le 13 avril.
Envoi de troupes de France (7 avril-20 avril) la concentration est terminée
le 20 avril. — Le corps expéditionnaire du général Forgemol de Bostqué-
nard.
CHAPITRE II.

Première expédition 26
Plan de campagne.
Le général Logerot franchit la frontière le 24 avril, entre au Kef le 26; le
même jour (26) la colonne Delebecque entre en Khoumirie (elle s'arrête),
et 1.200 hommes (colonel Delpech) prennent pied sur la côte tunisienne, à
Tabarka.
Le 28, le général Logerot, arrive à Souk-el-Arba; engagement du colonel
Hervé, le 30 avril, à Ben-Béchir.
Le 3 mai, la colonne Bréart débarque à Bizerte (attitude du bey Mohamed

;
es Saddok et du bey du camp Ali Bey). — Le 8 mai, la colonne Bréart se

(suite).
met en route sur Tunis elle arrive le 12 mai à la Manouba. — Traité de
Kassar-Said.
CHAPITRE III.
— Première expédition
;
Concentration de la colonne Delebecque, le 3 mai, à Djebabra marche vers
l'est (reconnaissance de Sidi-Abdallah, le 8 mai).
33
Pages.
La colonne Delebecque et la colonne Logerot en relations à Ben-Métir, le 14
mai.
Conversion à gauche, vers le nord-est, de la colonne Delebecque. — Dernier

(Le général Maurand


Rapatriement.
à
coup de canon (26 mai). — Concentration à Berzigue (29 mai).
-le
Mateur, 18 mai général Logerot à Bcja, 20 mai).

Le 1er juillet, le corps expéditionnaire est dissous; le général Logerot reçoit


le commandement du corps d'occupation.

IIe PARTIE
ÉVÉNEMENTS ET OPÉRATIONS ENTRE LE PREMIER RAPATRIEMENT
ET LA SECONDE EXPÉDITION

Ali ben Khalifa; défense et prise de Sfax. — Opérations contre Gabès. — Oc-
cupation de Djerba.
Les Zlass à Kairouan. — Réunion des chefs insurrectionnels à Sbeitla. — Les
Zlass et la 5e brigade.
Ali ben Ammar et les Oulad-Ayar; massacre de l'oued-Zergua et combat de
Testour.
CHAPITRE I. — Opérations du colonel Jamais 51
Situation générale de la Tunisie au 1er juillet.
Ali ben Khalifa, caïd des Neffet, se met à la tête du mouvement insurrec-
tionnel et vient à Sfax organiser la résistance.
Bombardement de Sfax (15 juillet); débarquement et prise de la ville (16
juillet).
:
Opérations contre Gabès débarquement les 24 et 25 juillet.
Occupation de Djerba (28-31 juillet(.
CHAPITRE II. — Incursions des insurgés 59
El Hadj Hassein ben Messai, avec les Zlass, occupe Kairouan. — Les Ham-
mema, avec Ahmed ben Youcef, dans le Sers et autour du Kef. — Ali ben
Ammar chez les Oulad-Ayar.
Réunion des chefs insurrectionnels à Sbeitla (15 août).
Les Zlass et la 5e brigade française; le lieutenant-colonel Corréard à Bir-el-
Hafaied (26 août) et à El-Arbain (nuit du 28-29); le général Sabattier à
Zaghouan.
Position des insurgés le 20 septembre.

; ;
Opérations d'Ali ben Ammar dans le nord massacre de l'oued-Zergua (30 sep-
tembre) combat de Testour et surprise de Nebeur, le 2 octobre.

IIIe PARTIE

SECONDE EXPÉDITION

Occupation de Kairouan; opérations contre Ali ben Ammar; poursuite des


insurgés; les dissidents se réfugient en Tripolitaine.
CHAPITRE I. — Seconde expédition; Kairouan 75
Le 14 octobre, le général Saussier prend le commandement du second corps
expéditionnaire; préparation de la marche en 3 colonnes sur Kairouan.
Position des troupes françaises le 16 octobre.
; :
Marche concentrique sur Kairouan Entrée du général Etienne à Kairouan, le
26 octobre du général Saussier et de la colonne Logerot, le 28 octobre.
Pages

Engagements de la colonne Forgemol, sur la Rouhia (22 octobre) et au Kou-


diat-el-Halfa (25 octobre), pendant sa marche sur Kairouan.
CHAPITRE II.
— Opérations contre Ali ben Ammar.,.
Le colonel de la Roque au Kef. — Opérations des colonnes de la Roque et
85

d'Aubigny autour de Rordj-Messaoudi.


Marche concentrique des colonnes de la Roque, d'Aubigny et Philebert sur
la hamada des Oulad-Ayar.
Ali ben Ammar s'échappe (19 novembre).
CHAPITRE III. — Poursuite des dissidents 90
Marche de la colonne Logerot sur Gabès; Mohamed Cherfeddine et les Reni-
Zid; rentrée de la colonne à Sousse.
;
Marche de la colonne Forgemol sur Gafsa la colonne de Négrine et la co-
lonne d'El-Oued; la colonne Forgemol rentre à Tébessa (12 décembre).
Les dissidents se sont réfugiés en Tripolitaine.

La
CHAPITRE IV.
6" brigade (général Philebert) à El-Aâla
1882).
;
— La poursuite (suite); incursions
des
à Djilma; à
dissidents
Gafsa (14 février
95

Les dissidents sur le Mokta; les Ouarghamma; premières incursions.


Opérations du général Logerot : le général Philebert au Nefzaoua et chez les
Aouaya; le général Jamais à Medenine.
La colonne Philebert sur l'oued-Tatahouine ;
la colonne Jamais sur l'oued-
Fessi; elle ne peuvent atteindre les dissidents.
Fin des opérations actives (14 mai 1882).
-Expansion ;
des dissidents leursdjich. — Colonnes de Zar-

,
CHAPITREV.
zis et de Gabès 103
Djich poussés jusqu'à Kairouan, Djilma, El-Djem, etc dans le Djerid.
Nos colonnes ne peuvent les atteindre; on occupe les points de passage
obligé.
Le mouvement d'expansion des dissidents est devenu presque impossible
premières soumissions.
:
Colonnes de Gabès (colonel de la Roque) et de Zarzis (lieutenant-colonel Cor-
réard) dirigées par le général Guyon-Vernier (décembre 1882 et janvier
1883).

NOTA. — La suite des sommaires en tête de chaque chapitre dans le texte peut
servir de résumé de l'expédition.

TOME II

1881.
1881.
ANNEXES
Annexes.
I.

1881.
Le 19" corps d'armée, au 1er avril
II. Organisation du service des renseignements dans la division de
Constantine, au 1" avril
III. Le bataillon du 3" régiment de zouaves du Tarf, le 31 mars
113
111

114
Annexes. Pages.
Annexes.
XLV.

août.
Recrutement du second corps expéditionnaire.
Arbain (nuit du 28 au 29) et à Turki (29 août).
XLVI. Le lieutenant-colonel Corréard à Bir-el-Hafaied (26 août), à El-

1881.
XLVI bis. La colonne tunisienne du kalmakam Taieb ben el Hadj Ahsen
Mesmouri, à El-Arbain, pendant les ailaires des 26, 28 et 29

.,nord.
XLVII. Situation générale des tribus du sud-ouest de
de septembre
Pages.

205

la régence, à la fin
211
204

208

Nord.
XLVIlI. Opérations d'Ali ben Ammar vers le 226

ghouan.,
XLIX. Opérations du général Sabattier au sud et au sud-ouest de Za-

L. La 7" brigade (général Etienne) à Sousse, du 1er au 14 octobre.. 239


237

LI. Organisation du second corps expéditionnaire de Tunisie 241


LU. Organisation du commandement supérieur de Tunis et de la ré-
gion

expéditionnaire.
2421

Etienne.
LIII. Répartition, à la fin d'octobre 1881, des troupes du second corps
243

LV.

Kairouan.
LIV. Opérations du général
Marche du général Etienne de Sousse sur Kairouan.
LVI. Garde des communications delà colonne Logerot en marche sur

Kairouan.
LVII. Marche de la colonne Forgemol sur
LVIII. Opérations contre Ali ben Ammar
LIX. Une colonne, sous les ordres du général Logerot, va de Kai-
246
248

252
265
273

rouan à Gabès, pacifie l'Aarad, reçoit la soumission des Beni-


Khalifa.

lutte.
Zid et revient à Sousse. — Retraite d'Ali ben 313

Forgemol rentre en Algérie.


LX. La colonne Forgemol va de Kairouan à Gafsa. — Colonnes de
Négrine et d'El-Oued. Le colonel Jacob à Gafsa. — La colonne

; 320

turques.
LXI. La 6e brigade à Sidi-Mohamed-ben-Ali, à Djilma et à
LXII. Les dissidents sur le Mokta. Les Ouarghammma
dans la
Gafsa.
il entrent
LXI1I. Situation des dissidents en Tripolitaine et attitude des autorités

LXIV. Opérations du général Logerot dans l'extrême sud. La colonne

actives.,.
du général Jamais à Ksar-Médenine; la 6" brigade sur l'oued-

d'occupation.
Tatahouine. — Fin des opérations
Organisation des troupes
348
334

338

342

mixtes.
LXV. 357
LXVI. Colonne du général d'Aubigny, de Tebourba à la Kessera. 369
LXVII. Expansion des dissidents; leurs djich; premières soumissions. 376
LXVIII. Les colonnes de Zarzis et de Gabès 388

POSTFACE.,
LXIX. Les compagnies 400.
411

CROQUIS
N" N"
I. Khoumirie. V. Théâtre d'opérations d'Ali ben
II. Sud de la Régence. Ammar.
III. CentredelaRégence(partieest). VI. CentredelàRégence (partieouest).
Librairie militaire Henri CHARLES-LAVAUZELLE

toile 1 50
Paris et Limoges.
L'armée des Pays-Bas, notices militaires et géographiques. — 2 volumes

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in-32, brochés 1 »; reliés
L'armée suédoise. — Vol. de 62 pages, broché D 50: reliétoile.
» 75

in-8°de52pages125
»
L'armée ottomane contemporaine, par Ch. LEBRUN-RENAUD. — Volume
in-32 de 88 pages, broché 50; relié » 75
L'armée et la marine japonaises, par Pierre LEHAUCOURT. — Brochure

pages125
La guerre sino-japonaise, par le commandant breveté BUJAC, du 144e
-
pages.
d'infanterie. Vol.in-8° de 328 pages avec 18 croquis ou cartes. 5 JI
La guerre sino-japonaise et ses conséquences pour l'Europe, par

pages»toile50
F. DE VILLENOISY. — Brochure in-8° de 48 1 25
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Brochure in-8° de 5i
La guerre de Sécession, avec une carte du théâtre des opérations, par
L. AUGEIl, capitaine du génie. — Volume in-8° de 252 pages.
La révolution et l'armée du Brésil (15 novembre 1889). — Fascicule
4 «

in-Su de 16 part,lePérou et
»75
Précis de la guerre du Pacifique (entre le Chili d'une part, le Péroî& et

l'atlas.
la Bolivie de l'autre), avec une carte et un plan des principales batailles.
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de tactique et d'histoire à l'Ecole militaire d'infanterie. — Volume grand
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Campagnes d'un siècle, par le capitaine Ch. ROMAGNY, professeur de
tactique et d'histoire à l'Ecole militaire d'infanterie
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1805. 1 volume '2 cartes). — 1809. 1 volume (3 cartes). — 1812. 1 vol.
(5 cartes). — 1813. 1 volume (4 cartes). — 1814. 1 volume (1 carte). —
1815. 1 volume (1 carte). — Crimée. 1 volume (3 cartes). — 1859. 1 vol.
(1 carte). 1866. 1 volume (4 cartes). — 1877-78. 1 volume (3 cartes).
— 12 vol. in-32 hrochés, l'un.. 50; reliés pleine toile gaufrée, l'un. »75

Memento chronologique de l'histoire militaire de la France, par le
litaire d'infanterie. — Volume in-18 de 316 pages.,..
capitaine Ch. ROMAGNY, professeur de tactique et d'histoire à l'Ecole mi-
4 »

lieutenant d'infanterie. — Volume in-18 de 144 paes.


Tableaux d'histoire, à l'usage des sous-officiers candidats aux écoles de
Saint-Maixent, Saumur, Versailles et Vincennes, par Noël LACOLLE, U,
Histoire militaire de la France depuis les origines jusqu'en 1643
2 50

»
112
par Emile SIMOND, capitaine au 28J d infanterie. — 2 volumes in-32 de
et 102 pages, brochés, l'un. »50; reliés pleine toile gaufrée, l'un. » 75

l'un
Histoire militaire de la France, de 1643 à 1871, par Emile SIMONU,
capitaine au 28e d'infanterie (3e édition). — 2 vol. in-32 de 96 et 104 pages,
brochés, l'un. »50; reliés pleine toile gaufrée,

cartes.
75
Précis historique des campagnes modernes, avec 36 cartes du théâtre
des opérations (2e édition). — Volume in-18 de 224 pages.
L'Armée de Metz, 1870, par le colonel THOMAS. — Vol. in-8ode 252 pages,
3 50

orné d'un portrait et de deux 3 »


GUERRE DE 1870. — La première armée de l'Est, reconstitution exacte
et détaillée de petits combats, avec cartes et croquis, par le commandant
Xavier EuvHARD, chef de bataillon breveté, professeur de tactique à l'Ecole
supérieure de guerre. — Volume grand in-8o de 268 pages.?
Le maréchal Bazaine pouvait-il, en 1870, sauver la France
6 »
par
Ch. KUNTz, major (11. S.), traduit par le colonel d'infanterie E. GIHArtD.
— Vol. in 8° de 248 p., 1 carte hors texte du théâtre des opérations. 4 »
La légende de Moltke, par Karl BLEInTREU. Contributioncritique à l'his-
toire de la guerre de 1870, traduit de l'allemand avec l'autorisation de l'au-
teur, par V.-A. VÉLING, capit. au 26, bat. de chass. — Vol. de 224 p. 3 »
Librairie militaire Henri CHARLES-LAVAUZELLE
-

Paris et Limoges.

— Volume in-32 de 128 pages, broché. » 50; relié toile.


L'armée anglaise, son histoire, son organisation actuelle, par A. GARÇON.
» 75
A. GARÇON. — Volume in-32 de96 pages. » 50; relié toile.
La marine anglaise, histoire, composition, organisation actuelle, par
» 75
Les expéditions anglaises en Afrique. Ashentee (1873-1874), Zulu (1878-
1879),Egypte (1882), Soudan (1884-1885), Ashantee (1895-1896) par le lieu-
tenant-colonel SEPTANS, de l'infanterie de marine. — Fort volume grand
in-8° de 500 p., avec 29 cartes et croquis, couverture en couleurs. 7 50
Les expéditions anglaises en Asie. Organisation de l'armée des Indes
(1859-1895), Lushai Expédition (1871-1872), les trois campagnes de lord
Roberts en Afghanistan (1878-1880), expédition du Chitral (1895), par le
lieutenant-colonel breveté SEPTANS, de l'infanterie de marine. — Volume

toile.
grand in-8o de 350 pages, avec 17 cartes et croquis, couvert, en coul. 7 50
LA VIE MILITAIRE A L'ÉTRANGER. — Un congé au Queen's-Royal-South-
Surrey-Regiment, lettres d'un engagé-volontaire, par George TRICOCHE,
ancien officier d'artillerie. — Volume in-18 de 184 pages, avec couverture
imprimée en couleurs

pàges.
3 »
Le Soudan, Gordon et le Mahdi, par le lieutenant-colonel HEUMANN, *,
O. I. U, ex-directeur des études à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr,
avec 2 cartes et 4 plans. — Volume in-32 de 96 pages,
Relié
broché. » 50
» 75
Guerre du Soudan (le Mahdi), avec carte du théâtre de la guerre, par
de 32
: :
L'armée espagnole (aperçu historique et :
A. GARÇON, professeur à l'Association polytechnique. — Brochure in-32
organisation
» 60

;
composition de

relié.
l'armée recrutement et mobilisation établissements militaires, comités
instruction, service intérieur, alimentation; grades et uniformes; système
défensif de la Péninsule; colonies: retraites et pensions militaires). —
Vol. in-32 de U8 pages, broché. » 50;
L'Espagne et l'armée espagnole. Brochure in-8J de 16 pages.
La garde civile espagnole, traduction par E. TAILHADES, capitaine de
»
gendarmerie. — Vol. -in-32 de 128 pages, broché
» 75
» 50

50; relié toile. D 75


Relation de l'insurrection des troupes espagnoles détachées dans
l'ile de Séeland sous les ordres du général Fririon en 1808, avec les
capitaine au 8e de ligne. — Brochure in-81 de 93 piges.,
pièces justificatives destinées à compléter la relation, par E. FRIRION,
La-guerra del Riff. Brochure in-8° de 84 pages, avec 3 croquis. 1 75
2 »

L'armée portugaise, par A. GARÇON. — Volume de 108 pages, br. » 50


relié toile, » 75
Une campagne des Portugais en Guinée (île de. Bissau) avec croquis
du théâtre des opérations. — Brochure m-8° de 16 pages.., » 50
L'armée belge (composition, recrutement, mobilisation, écoles militaires,
institut cartographique, armement, manufacture d'armes de Liège, ré-
gime intérieur, alimentation, uniformes, système défensif). — Volume
in-32 de 90 pages, relié toile a 75
Histoire de la participation des Belges aux campagnes des Indes
orientalesnéerlandaises sous le gouvernementdes Pays-Bas (1815-1830),
par EugèneGRUYPLANIS,capitaine aide de camp du commandant de la
garde civique de Gand, officier de l'ordre de Takovo de Serbie, avec trois
cartes et un portrait du général Lahure. — Vol. gr. in-8° de 402 p.. 5 »
L'armée suisse, son histoire, son organisation actuelle, par le lieutenant-
colonel HÇUMANN^ efc, O. I. U, ex-directeur des études à l'Ecole spéciale
broché
militaire de Saint Cyr(2J édition). — Volume in-32 de 136 pages,
» 50; relié toile
) 75
Le Catalogue général de la Librairie militaire est enyoyé gra-
tuitement à toute personne qui en fait la demande à l'éditeur
ouri riH«RLV;S.IiA¥AIJZELLE.

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