LAide-mémoire Du Psychologue. Métiers, Pratiques, Enjeux - Christian Ballouard (2009) (Psychologie, Intervention)
LAide-mémoire Du Psychologue. Métiers, Pratiques, Enjeux - Christian Ballouard (2009) (Psychologie, Intervention)
Avant-propos IX
Introduction 1
PREMIÈRE PARTIE
LES FONDEMENTS
V
L’Aide-mémoire du psychologue
DEUXIÈME PARTIE
LES MÉTIERS
Table des matières
3. L’exercice du métier 81
5. Les premiers pas : stage et mémoire 81
Le stage, un parcours essentiel, 81 • Le rapport de stage, un écrit fondateur, 85 • Le
mémoire, une expérience initiatique, 86 • La méthodologie, un suivi de plan, 87 • La
présentation orale, un exercice de style, 89 • À vot’ bon cœur m’sieurs-dames, le bénévolat
en question, 89
6. Les premières embauches : CV et carrière 92
Le curriculum vitae, 93 • La recherche d’emploi, 95 • Entretien, tu me tiens, 97 •
L’installation comme fonctionnaire, 101 • La fonction clinique et la fonction FIR, 103 • Les
conventions collectives, 104 • L’installation en activité libérale, 104 • Le portage
salarial, 109 • Les écrits du psychologue, 109
7. Liste des textes légaux régissant la profession 112
8. Enfin un rassemblement identitaire 113
Un Code pour les psychologues, 114 • Le Code de déontologie des psychologues, 116 • Une
avancée fondamentale dans la structuration de la profession, 123 • Le diplôme européen de
psychologue, 129 • L’heure ou leurre de l’ordre ?, 129
les ondes, 136 • Le psychologue dans la rue, 137 • Les pratiques de la police, 139 • Le
permis de conduire un projet en ingénierie sanitaire et sociale, 140
10. Portrait du psychologue en santé surfaite 147
Psychologie et médecine : des regards croisés et des perspectives inverses, 148 • Guérir de
la médecine ou de la Sécurité sociale ?, 152 • Une psychologie adjuvante pour des patients
ou des victimes ?, 154 • Subversion ou régulation sociale ?, 155 • L’obligation de soins
est-elle viable ?, 157 • Le ticket psy, le ticket choque, 160
11. De « l’outilité » des psychologues dans le champ du travail : portrait 161
La gestion d’un dilemme, 162 • Une ambiguïté de la fonction entre les deux guerres, 163 •
Sciences de la nature et/ou sciences de l’homme, 165 • Fluctuations identitaires, 166 • Une
VI
L’Aide-mémoire du psychologue
fonction à défaut de statut, 167 • Unicité ou unification d’une intervention, 168 • Une
psychologie concrète, clinique de l’action, 169 • Du cœur à l’ouvrage, 171
12. Portrait tiré du psychologue de l’éducation 172
Les degrés de l’éducation, 172 La prévention comme aller-retour à la norme, 173 Quelle
• •
autonomie pour les personnes ?, 177 • Le médiusage, de l’usage des médias, 179
LES INTERVENTIONS
palliatif, 233
18. Le psychologue face au crime et au délit 236
Mensonge, déni ou dénégation agie ?, 236 • La simulation, objet d’expertise ?, 241
19. Le psychologue face à l’échec scolaire 245
Le jeu : une activité organisée et une fonction éternelle, 245 • Le prime adolescent,
l’adolescent, l’adulescent, 248
20. Le psychologue face à l’addiction 251
Le surendettement, une forme d’addiction ?, 251 • Assumer n’est pas jouer et manipuler
n’est pas addicter, 257
Conclusion 267
VII
L’Aide-mémoire du psychologue
Bibliographie 269
VIII
L’Aide-mémoire du psychologue
Avant-propos
Avant-propos
AVIVER la mémoire, c’est rappeler l’ensemble des composantes d’un paysage
R social où se meuvent les psychologues, chacun avec son public, dans sa spécialité
contextuelle, pour renforcer l’appartenance à un groupe particulièrement bigarré,
susceptible même d’incompréhensions par la méconnaissance des environnements
professionnels des collègues travaillant dans d’autres champ d’intervention.
Soutenir la mémoire, c’est pointer les lignes de force des expériences passées où
ont évolué les générations précédentes, mais aussi avant elles, d’autres professionnels
cousins par leur approche, pour mettre en place l’appartenance à une structuration
attendue de l’organisation des acteurs de la discipline.
En effet, la palette des interventions psychologiques est si large et l’on y met tant
de couleurs en fonction des universités qui distillent les formations initiales que deux
psychologues se rencontrant issus du même lieu de formation, mais dans des cursus
distincts, sont susceptibles de ne pas jargonner de la même façon, voir sont capables
d’alimenter une hostilité qui les dépasse. L’insertion professionnelle, quant à elle,
est susceptible de présenter des incongruités quand un psychologue spécialisé dans
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
l’enfance trouve un emploi en gérontologie. Le jeune diplômé se doit d’avoir les clefs
de compréhension de sa discipline.
Une vraie famille est à promouvoir, mais une solidarité reste à développer. Celle-ci
est d’autant plus importante que l’évolution sociétale nous montre que la prise en
charge éducationnelle, sanitaire et sociale existe avec ou sans les psychologues, avant
et après leur apparition. Les frictions qui se sont déroulées aux différents confins et
légitimités, aux frontières d’avec les disciplines existantes depuis plusieurs siècles
ou en voisinage des nouveaux métiers ayant surgi récemment, nous montrent une
source d’éclairage et d’éclaircissements par l’histoire et pour l’histoire. Il ne s’agit pas
d’asséner qu’un devoir de mémoire donne des leçons, mais il est utile de s’approprier
une histoire pourvoyeuse d’une lecture constructive et d’une analyse qui autorise
IX
L’Aide-mémoire du psychologue
les résolutions de problèmes. Les « coordonniers » ne doivent pas être les plus mal
chaussés.
C’est bien cette mémoire plurielle qu’il s’agit d’aider à partir de cet index structuré.
Cet aide-mémoire permet un isolement des éléments pour une compréhension optimale
de leur combinaison. La différentiation d’avec une psychologie de loisirs insiste sur la
spécificité d’un métier aux multiples facettes. Les champs d’intervention représentatifs
Avant-propos
admis par l’INSEE sont également déterminants d’une position la plus globale possible
pour une meilleure appréhension de l’individu et de sa situation, avec ou sans problème.
Demeurer généraliste est un cap délicat à tenir face au vent des spécialisations à
outrance. Les notions essentielles sont à rappeler en fonction des différents risques
et situations sociales où le psychologue trouve sa légitimité. L’exercice de ce métier
nécessite des clefs pragmatiques pour une insertion professionnelle optimale. Ce sont
là des enjeux majeurs pour les psychologues et leur visibilité sociale. Ce guide est
judicieusement indiqué pour le jeune diplômé en psychologie, mais bien évidemment
à bien d’autres également.
Aussi, un étudiant, dans le cursus ou en dehors de lui, un psychologue, en activité
ou en attente d’un emploi, une personne, concernée ou susceptible de l’être, un
professionnel, curieux ou collègue, va pouvoir s’orienter dans une lecture qui pointe
l’essentiel par des entrées multiples, un renseignement précis (index), un concept
spécifique (fiche) ou une approche particulière (chapitre).
X
L’Aide-mémoire du psychologue
Introduction
Introduction
PÉCIALISTE du vécu des comportements humains, des conduites humaines, le
S psychologue les décrit, les comprend et les explique à partir des connaissances
scientifiques dont il dispose et de la démarche critique qu’il met en œuvre. Ce
savoir critique issu de l’université lui permet d’intervenir sur le fonctionnement
psychologique et la gestion de la dimension psychique des individus, ainsi qu’auprès
des organisations. La finalité de son exercice est la promotion de l’autonomie de la
personnalité dans la gestion des interférences entre intérêts individuels et intérêts
collectifs. Sa mission se centre sur les rapports entre vie psychique et comportements
et il examine particulièrement les relations entre les personnes. Le psychologue se
situe dans des fonctions de conception de ses méthodes et outils. Son travail sur le
vécu et la subjectivité développe les capacités d’adaptation de ce professionnel qui
innove dans la formulation de sa réponse à l’évolution de la demande sociale. Le
psychologue parle à l’imparfait du subversif.
La discipline a plus d’un siècle, mais le métier n’en a qu’un demi et le premier
diplôme universitaire date de 1947. En plus de soixante ans, la profession s’est dotée
d’un cursus en cinq ans – un DESS hier, un master aujourd’hui –, et d’un usage
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
1
L’Aide-mémoire du psychologue
dans les DDASS, sur une liste appelée Adeli 2 (Autonomisation des listes). Cette
inscription participe au processus de structuration de la profession en cours depuis le
Code de déontologie du 22 mars 1996, mais c’est encore une estimation qui prévaut au
dénombrement des psychologues. A priori, entre 35 et 45 000 psychologues exercent
en France : un quart dans l’Éducation nationale, la moitié dans le champ de la santé
et le dernier quart se répartissant entre l’entreprise, la justice, la recherche et le social.
Introduction
2
L’Aide-mémoire du psychologue
Introduction
tend néanmoins à le confiner dans une place de tuteur du développement, de coach de
la vie. Le psychologue accompagne les événements, car l’on ne voit plus que par eux
dans la mesure où ils génèrent l’actualité sociétale médiatique, et particulièrement les
moments de crise. Il est temps de demander au psychologue comment, lui, compose
avec cette demande sociale, ce qu’il souhaite devenir et comment il définit sa position,
car c’est elle qui est primordiale en regard de sa culture. Le flou ambiant sur la
place du psychologue est lié à son occupation de plusieurs fonctions alors que la
priorité doit être accordée à un positionnement à la croisée des dimensions à la fois
clinique, technique et épistémologique. De plus, rassembler les psychologues dans
la reconnaissance de la diversité des pratiques, de la multiplicité des méthodes, de la
pluralité des modèles de référence et des spécialités des champs d’exercice, est un
souhait valeureux et louable, mais n’est pas chose aisée. Il s’agit pourtant de mieux
servir le public, mieux écouter les personnes, mieux analyser les situations, mieux
conseiller les groupes sociaux et les institutions, mais la rébellion juvénile de leur
métier et leur fonction subversive ne sont pas des atouts faciles à gérer. D’autant que
s’activer dans le contre-courant des spécialisations liées aux progrès techniques pour
affirmer un généralisme ne permet pas une position de tout repos. Cette approche
globale, qui le conduit à refuser une spécialité prêtant le flanc au réductionnisme,
favorise pourtant la pertinence de son analyse qui devient alors génératrice d’une
production économique que beaucoup aimeraient s’octroyer.
Souligner combien ce professionnel est mal connu et les difficultés qui peuvent
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
en résulter ne sont pas sans incidences sur le développement d’une réflexion éthique
du psychologue, amené à osciller entre humanisme et économique, tendance que
nous avons appelée « psy chic et psy choc ». Cependant, la maturation de cette
reconnaissance et de la responsabilité attenante conduit à insister autant sur la
déontologie que sur l’éthique. Une profession mal connue en raison d’une hétéro-
confusion avec d’autres professions d’une part – les psychiatres, les médecins, et les
psychothérapeutes, labellisés sans caution universitaire –, et une auto-confusion avec
un objet d’étude appartenant à tout le monde d’autre part – la psychologie est soluble
dans le discours social – génère un flou identitaire et une insertion professionnelle
singulière. Cette méconnaissance conduit de la part du psychologue à des mécanismes
de défense comme une peur d’être vécu comme intrusif – il est celui qui interprète tout
3
L’Aide-mémoire du psychologue
Nota bene : l’ouvrage reprend des billets d’humeur publiés ces dernières années
dans la Revue Fédérer de la Fédération française des psychologues et de psychologie
(FFPP), un article de la revue Travailler (2008, n◦ 20), un autre du Bulletin de
psychologie (2007, n◦ 60) et des contributions relatives au corps issues des ouvrages
déjà parus aux éditions Dunod sous notre signature depuis 2003.
4
1
Les fondements
7
Les fondements
émerger singulière ; d’autant plus généreux qu’une famille se dessine avec la mère
éducation nouvelle, le père psychiatrie, le grand-père philosophie et la grand-mère
médecine, mais sans connaître le destin de pouvoir des ancêtres, ni l’assise filiale.
Le XXe siècle, dit siècle de l’enfant, est marqué par l’obligation scolaire de 1880.
C’est ainsi qu’Alfred Binet, créateur du premier laboratoire de psychologie de l’enfant,
met en place son célèbre test à la suite d’une demande de procédure de régulation des
enfants attardés à l’école. Les apories vont néanmoins apparaître et insister sur les
limites de l’Éducation nationale à vouloir prendre en charge les enfants à problèmes
lorsque ceux-ci montrent les contours d’un paysage pathologique. C’est du côté de la
médecine qu’il va falloir aller chercher les moyens de traiter les contextes déviants. La
réaction naturelle, quand l’enfant présente des difficultés, est de renforcer l’initiative
qui consiste à le faire bouger dans son corps pour qu’il soit bien dans sa tête. Le
modèle sportif issu d’une tradition militaire apporte ainsi les bienfaits d’une éducation
écologique. Les limites d’une telle approche résident dans la résistance que lui oppose
la pathologie du comportement présenté. Aussi, est-ce avec un pouvoir tout aussi
naturel que le modèle médical prend de l’ampleur en fonction des progrès scientifiques
réalisés au cours de ces époques. La prise en compte des difficultés de l’enfant émerge
dans le contexte de cette prise de conscience que l’infans n’est pas une miniaturisation
de « l’adulterie ». De plus, ce petit de l’homme ne doit pas errer dans la rue alors que
ses parents sont pris dans la tourmente de la révolution industrielle en marche et doit
donc ainsi être pris en charge.
Les fruits de ce siècle de l’enfant se récoltent essentiellement après guerre, lorsque
l’enfance inadaptée devient une réelle préoccupation politique et que des acteurs
nouveaux apparaissent, comme les psychologues et les éducateurs. La pédagogie
est naturellement dominante dans ce panorama où la médecine n’a pas encore
développé une pédiatrie et une psychiatrie performantes. Cependant, l’évolution de la
compréhension du monde de l’enfance et de sa prise en charge par la société, à partir de
la Seconde Guerre mondiale, permet de saisir comment, naturellement, la psychologie
va donner ses lettres de noblesse à la singularité du sujet. Des dilemmes parcourent
néanmoins encore cette discipline naissante : faut-il rester dans l’ombre quand on
s’occupe des faces les plus obscures des personnes ? Faut-il préférer la scène sociale ou
ses coulisses, mais comment y accéder et comment imposer des rôles de composition
ou de mise en scène ? Sur les deux versants décrits d’une intervention de qualité
orientée vers l’évaluation ou l’accompagnement des personnes et des situations, faut-il
se pencher d’un côté au détriment de l’autre ? En alternance, comme on danserait d’un
pied sur l’autre ? En conviction, au nom de la structuration de projets que l’évaluation
éclaire, mais dont le meilleur côtoie rapidement le pire ? En résistance, par crainte de
8
Les fondements
la destruction d’un système cohérent dont il faut maintenir la qualité ? Tenir les deux
9
Les fondements
10
Les fondements
sol, de celles qui fournissent le murmure d’un ton juste, résonnant au mieux chez les
protagonistes, car éloignée du « prêt-à-entendre » des connaissances et en écho avec
un raisonnement qui tient la note.
Le quiproquo est ténu et tient dans cette redondance du « fin psychologue ». Or
la personne fait preuve de finesse, le second terme intervient comme un pléonasme,
mais brouille l’identité d’un professionnel qui n’en demeure pas moins fin de surcroît.
La psychologie n’est pas seulement le service de « lénification » des confirmations
d’opinions que nous cherchons à faire en présence d’une personne ou d’une situation,
l’espace d’un instant, le premier, lors d’une saisie globale et immédiate. Il est
tellement plus rassurant de tendre à l’assimilation des deux sens du mot en instituant
un continuum entre la saisie perceptive et la saisie compréhensive. L’impression
11
Les fondements
12
Les fondements
connaissance et projection, cette dernière venant en lieu et place d’un savoir reconnu
13
Les fondements
avec sa personnalité, mais beaucoup avec son identité. La psychologie d’une œuvre
ou d’un paysage devient une métaphore identitaire encombrante. Les caractéristiques
identitaires d’une personnalité mettent l’accent sur l’image, c’est à travers elle que la
psychologie du quotidien surgit. Elle est alors tronquée et dévoyée comme l’usage de la
« guerre psychologique » qui est également péjorative en ce qui concerne cette dernière.
Elle est basée sur la rumeur et s’appuie initialement sur la crédulité captive d’une
population qui réagit aux ordres, privée des moyens d’une vérification des informations.
Cette utilisation du vraisemblable dans la description de phénomènes, collectifs pour la
guerre psychologique, ou individuels pour la psychologie du personnage, reste nuisible
à la psychologie par l’assimilation réalisée et la confusion engendrée en l’absence d’un
point de vue fictionnel. Les policiers qui ne se retrouvent pas dans les représentations
qui les figurent dans des films ou des romans, admettent néanmoins le dédoublement
d’une distance de création. Son utilité n’en profite pas moins à des secteurs comme la
publicité, les études de marché ou la politique, mais la communication n’est qu’un
aspect des ressources humaines. Il se trouve que cette dimension est fréquemment
suspecte dans l’usage que l’on en fait, notamment en entreprise. Cette communication
cosmétique revêt des vertus dissimulatrices au service d’un management « souché »
dans la peur qui ne correspond pas aux valeurs défendues par des psychologues.
En revanche, la rumeur demeure un phénomène des plus intéressants à étudier,
particulièrement par la fonction de contrepouvoir que revêt ce média le plus vieux du
monde.
Le partage de cette discipline et l’ubiquité des disciples n’aident pas au repérage
du bon grain d’autant plus que l’ivraie porte à la défensive. Comment distinguer bon
sens, intuition et mauvais présage, repérer les conseils avisés et avis professionnels
et puis où s’adresser ? Nous sommes tentés par la comparaison alimentaire : tout
le monde consomme de la psychologie comme des aliments, mais la qualité de vie
fait la longévité. Aux difficultés de choix d’un professionnel et de son orientation,
liées à une information claire et loyale, s’ajoute celle d’une résistance à engager un
travail pénible de sauvegarde. Il n’est pas facile de travailler sur soi et ses difficultés,
y compris avec l’aide de quelqu’un, et penser qu’il suffit de pleurer ou d’évacuer des
miasmes de l’esprit pour aller mieux est une duperie. Nous sommes ainsi amenés au
constat qu’une élaboration psychologique d’origine psychanalytique, quand elle est
digne de ce nom, est de plus en plus réservée à une élite prête à produire les efforts
soutenus nécessaires. La psychologie de monsieur tout le monde devrait entretenir
avec la psychologie professionnelle des rapports similaires aux liens que peuvent
nouer l’astrologie et l’astronomie, mais la centration sur l’homme en fait un obstacle
majeur.
14
Les fondements
Il n’est déjà pas aisé de se rendre chez un psychologue, la vulnérabilité peut nous
15
Les fondements
16
Les fondements
transparence des débats internes à une profession. Des précautions légitimes sont ainsi
psychique des individus. Il peut s’agir également d’une compensation personnelle par
la génération de drames familiaux à travers ces accusations d’inceste envers des pères
qui ne les ont pas commis. Ces « psychodérapeutes » nous présentent les souvenirs
induits comme une manifestation majeure, voire qui constitue le soubassement d’une
démonstration d’un exercice illégal de la psychologie de notre point de vue, une
véritable contrefaçon de l’objet de la psychologie particulièrement éloignée d’un effet
placebo.
Les psychologues doivent rester prudents sur l’attrait de la mouvance des thérapies
corporelles susceptibles de les emporter sur les vagues du new age, bercé par cet
Eldorado d’un corps qui ne ment pas. La tentation de l’exemption du corps médical
pour une approche positiviste doit conduire à une réflexion. Les sirènes du « champ »
17
Les fondements
du développement personnel, en s’appuyant plus sur les solutions que sur les problèmes,
1. La spécificité d’une approche psychologique
18
Les fondements
19
Les fondements
facilitation de la communication interne entre les membres d’une équipe. S’il n’intègre
pas une tour d’ivoire et s’il est sollicité, son ouverture sera mise à profit pour former du
personnel sur la conduite et la relation et/ou superviser les conduites professionnelles
et relations institutionnelles. Il est également fréquent de demander au psychologue de
participer ou d’admettre de nouvelles recrues d’un établissement ou de les accueillir
dès l’admission prononcée. Il est ainsi désigné pour participer à l’édification d’une
microsociété la plus juste et la plus humaine possible dans laquelle chacun trouve
une place qui lui convienne et la satisfaction de ses besoins. La façon de s’y prendre,
adapter l’homme à son environnement ou le contraire, peut déchaîner des passions et
aliéner des discours : le psychologue est-il cet agent de l’ordre établi, « peaulissant »
la machinerie sociale ou un agent subversif qui distribue du sens, lève les obstacles à
la compréhension des individus et aux échanges entre les groupes ?
Il est produit d’un univers planifié tant qu’il est payé pour faire un travail et il
n’est pas le seul dans ce cas, mais dans sa fonction, l’enjeu chatouille les rouages
de la civilisation. Sa réputation de testeur l’a assigné un peu vite comme obstacle à
la liberté d’expression du désir. Or le psychologue est de gauche, c’est estampillé
sur son identité d’Épinal. Il a répété avec fierté qu’il n’aimait pas les mathématiques
pendant son enfance et il ne peut endosser cet office de policier des mœurs, c’est
offenser ses convictions. Il y a ainsi méprise sur son rôle de réalisateur des ressources
psychologiques des individus et des groupes, il est surtout surface projective d’obstacles
et d’aléas de la vie qui agissent comme des scotomes et des points aveugles. Il n’en
est pas moins un acteur judicieux du progrès et de l’évolution de la société. Celle-ci
serait pertinemment adroite de lui octroyer une place de choix pour son expertise utile
et son aide à la décision décisive. Sa propre aliénation est souvent le souci premier du
psychologue qui ne répare, ni ne soulage, mais amène l’individu à assumer pleinement
sa condition et à devenir libre et heureux. Il est ce miroir qui amène l’autre à réfléchir
sur ses problèmes. Il est « agent du changement individuel et social » comme nous
disait Didier Anzieu, catalyseur questionnant, mais soupçonné de vouloir normaliser
les comportements, il traque alors les fantasmes associés trop vigoureusement au
ternissement de son image et réfute tout conseil et recette.
Tenir une place décalée par l’attitude qui consiste à analyser des situations ne
sera jamais facile d’autant que cette prise de recul est susceptible de laisser penser
que l’on peut se situer à la traîne dans une société qui se presse de plus en plus et
où l’on est pressée par différentes contraintes. Le psychologue doit néanmoins, et
c’est ce qui rend sa position d’entre-deux constamment délicate, se résoudre à un
minimum d’engagement dans son action. Non seulement le patient n’est plus dans son
lit par une politique de soins ambulatoires, mais les nouvelles formes de souffrance
20
Les fondements
amènent à le suivre dans divers lieux, y compris dans la rue. L’approche clinique,
Une personne vient souvent rencontrer une fonction avant de rencontrer une autre
personne qui est un acteur social. C’est dire qu’un jeune diplômé n’a pas à être
complexé de son âge face à l’expérience de vie des personnes qui viennent le consulter.
Devoir tenir une présence, être là, c’est-à-dire ne pas s’évaporer, ni se liquéfier, ni se
cristalliser. Même si la fonction est susceptible d’autoriser l’autre à se répandre, cette
position s’apprend car il faut être contenant quand l’autre vide « son sac » même s’il
ne vient pas seulement pour se soulager. Cette position humble est accompagnée d’un
entêtement à ne pas tout savoir, mais elle est couramment confondue avec une position
basse qui nous joue des tours et laisse le psychologue à la traîne des honneurs.
Le silence, l’obstruction et l’extrême confidentialité ne favorisent guère l’assise
d’une humilité productive. Le psychologue se place souvent en position paradoxale
21
Les fondements
et de mauvaise réputation en luttant contre une supposée puissance qui lui permet
1. La spécificité d’une approche psychologique
2. De la spécificité à la légitimité :
définition d’une méthodologie d’approche
• Quelle spécificité ?
• Quelle place ?
• Un passage à l’acte ?
• Action ou interaction ?
• Que fait un(e) psychologue ?
• Ouverture
Quelle spécificité ?
Entre le métier et la profession de foi, la psychologie assoit une place à part, elle
a aussi une position à défendre. L’intervention des psychologues est transverse à
de multiples secteurs d’activité, l’approche de la personne ou de l’organisation est
globale et les outils sont non spécifiques. La conduite d’entretien, la passation de tests,
l’écoute, l’observation, la formulation de conseils, la rédaction de questionnaires, pour
ne considérer que ces outils, ne constituent en rien l’apanage des psychologues. Ils font,
bien au contraire, l’objet d’un partage le plus large qui soit. Qui plus est, c’est toute la
discipline qui se répand entre les hommes : « nous sommes tous des psychologues ! »
Coiffeurs et secrétaires écoutent activement, médecins et journalistes font passer des
tests, infirmiers et policiers font des entretiens, femmes de ménage et ingénieurs
22
Les fondements
23
Les fondements
autant de concurrents, que fait le psychologue qui puisse le rendre essentiel à une
1. La spécificité d’une approche psychologique
régulation sociale ? Il pense plus qu’il ne panse, avec un e plus qu’avec un a, il prête
son psychisme et il analyse situation et comportement verbal et non verbal.
Autrement dit, écouter et analyser ne suffisent plus à définir un psychologue. Nous
pouvons être d’accord pour affubler ce professionnel de deux grandes caractéristiques
qui lui sont propres : l’analyse psychologique de la demande qui lui est faite et la
garantie d’une élaboration psychologique ou psychique des situations qui lui sont
confiées, mais est-ce suffisant ? La capacité d’élaboration du psychologue qu’il ou
qu’elle compose avec des connaissances acquises devient-elle aussi singulière pour
permettre à ce professionnel de se distinguer des autres ? Il est fondamental d’appliquer
à bon escient les méthodes d’analyse et particulièrement d’analyse du travail aux
fins d’explorer les confins de ce métier, mais aussi de repositionner l’ossature de
l’intervention psychologique par le maillage des compétences autour d’un noyau
commun pour enfin connaître ce qui relie un psychologue à un autre psychologue.
Définir un champ de compétences est essentiel pour cerner l’usage approprié qu’il
fait d’outils communs lui conférant cette place singulière dans le concert social d’une
vie économique, mais c’est aussi l’annonce d’un champ de bataille dans une guerre
des frontières avec des disciplines beaucoup plus fortement ancrées dans le paysage
intellectuel, économique et institutionnel. Elles sont connues pour un pillage étendu
de la psychologie et correspondent au repérage des trois grands secteurs d’intervention
dans lesquels le psychologue s’octroie une légitimité : la santé, l’éducation, le travail,
que l’INSEE va catégoriser en trois professions : « psychologues, psychanalystes et
psychothérapeutes non médecins » (3114), « psychologues spécialistes de l’orientation
scolaire et professionnelle » (3433) et « cadres spécialistes du recrutement et de la
formation » (3722). Chacun de ces trois secteurs est animé de disciplines qui ne
demandent qu’à empiéter sur le terrain de la psychologie quand elles ne s’emparent
pas du fruit de ses connaissances. La médecine dans le champ de la santé, la pédagogie
dans le champ de l’éducation et la gestion dans le champ du travail font obstruction au
plein épanouissement de la psychologie qui, en arrivant tardivement dans l’économie
et à l’université, rencontre des obstacles qui ne réduisent pas son éternelle dilution.
L’engagement social du psychologue est politique par le travail intellectuel
qu’il fournit. Les intellectuels sont toujours de gauche, nous rappellent volontiers
nos collègues neuropsychologues ! La latéralité se déplace car l’intellectualité du
psychologue n’est pas celle du producteur d’idées que l’on connaît, le psychologue
est surtout un « intellectuel d’en bas », car centré sur la vie personnelle, sociale ou
professionnelle. La subversion inhérente à sa posture, le sens critique que l’on attend
de son analyse le confine moins à une sorte de producteur d’avis au service de la liberté
des personnes qu’à une définition des conflits où se vit péniblement la domination
24
Les fondements
Quelle place ?
Le psychologue possède bien une expertise que lui confère une méthodologie
éprouvée qui rehausse l’usage d’outils communs, comme l’entretien ou l’observation.
Cette expertise est « déontologisée », mais ce professionnel n’est pas exposé à un
marché économique fermé. Pas d’inscription dans le Code de la santé qui ouvrirait à
un remboursement d’actes sur la base de la volonté de la Caisse nationale d’assurance
maladie. Il n’y a guère de segment de marché pour répondre à un potentiel aussi étendu
que celui de l’offre en psychologie, qui se retrouve d’ailleurs trop aisément retournée
automatiquement en une demande sociale, recto et verso étant alors confondus par
le manque de concrétisation des prestations supposées. La dimension préventive aux
inadaptations contribue à l’extension des applications en venant grossir le panier des
prestations possibles. Que la démarche soit utile ou de confort, la psychologie est
ainsi nécessaire dans tous les domaines où sont présentes des relations humaines,
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
commerciales ou non. Les psychologues ont laissé dire cela ou l’ont encouragé.
Il est nécessaire de remarquer que l’intervention du psychologue durant les Trente
Glorieuses est une prestation que l’on offre. À tel point que cette gratuité l’empêche
d’apparaître dans des statistiques et des rapports d’activité jusqu’à l’assimiler à
un geste caritatif. Le choc pétrolier de 1973-74 est la secousse qui permet de se
rendre compte de cette aberration économique, mais, confortée par l’inscription d’une
dimension psychologique assimilée à un service public, elle continue sur son élan. La
libéralisation de l’offre prestataire pourrait autoriser une réinscription dans le tissu
social sans concessions éthiques sur une intervention d’un haut niveau d’analyse et de
production. Cependant, comme cette analyse concerne en premier lieu l’évolution de
la demande sociale, il est nécessaire de mettre en œuvre les moyens d’un choix entre la
25
Les fondements
demande actuelle totale, mais factice, et une demande probablement plus spécialisée,
1. La spécificité d’une approche psychologique
26
Les fondements
spécialisées. Plus près de nous, la convention liée au plan Borloo prévoit que le
Un passage à l’acte ?
L’importance de la formation nous échappe parfois et ce sont les dérives des
psychothérapeutes non formés qui nous rappellent combien il est essentiel qu’elle soit
de haut niveau, un volume horaire conséquent sur plusieurs années étant la garantie
première d’une intervention utile, non nuisible. Quand une fascination métonymique
conduit au dévoiement de méthodes en prenant une partie de technique pour le tout
d’une approche, la priorité est de mettre l’accent sur le cadre avant de considérer toute
symptomatologie ou mal-être tant les dégâts en santé publique peuvent être prégnants.
Quand le fantasme domine, la psychologie régresse. Nous en arrivons à traquer
le psychologue et non la psychologie, omniprésente, toujours prête à combler un
déficit de connaissances ou de moyens, ce qui est particulièrement ostensible chez les
professionnels du sanitaire et du social, du diagnostic médical à la recherche d’emploi,
c’est-à-dire poursuivre le psychologue et son analyse y compris de la demande,
aussi bien individuelle que collective, dont nous savons bien qu’elle nécessite d’être
reformulée.
Comment n’a-t-on pu entamer la démonstration que l’impact d’une intervention
psychologique est plus rentable et meilleur marché qu’un autre type d’intervention ? Il
reste naturel d’être payé pour un travail, mais pas seulement en fin de mois, également
en retour d’une reconnaissance sociale publique. La démonstration intellectuelle ne
suffit pas, c’est un projet, une intention, l’apport économique direct ou différé passe
par des actes, mais des actes ou une activité ? Il existe des gros mots, le profit en est
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
27
Les fondements
28
Les fondements
remaniement psychique est singulier, il ne peut être évalué d’emblée. Une information
imposables et les enfants pouvant conserver un quart du prix à leur charge ou à celle
de la famille par exemple. Cette tarification est donc celle d’un psychologue débutant,
la progression pouvant être indexée sur le cadrage d’Europsy, à savoir tous les sept
ans et fort probablement tous les cinq ans à partir de l’été 2009, date du congrès de la
FEAP (Fédération Européenne des Associations de Psychologues) ou EFPA à Oslo.
La Sécurité sociale ne peut pas être l’organisme visé d’autant qu’actuellement se
développent des prises en charge par des mutuelles et des assurances, mais surtout
par une impossibilité structurelle : l’inscription dans le Code de la santé. Or, le
psychologue n’est pas un professionnel médical ou paramédical. De plus, la situation
des psychomotriciens nous montre que l’inscription dans ce code est une condition
nécessaire, mais non suffisante. La visibilité sociale est attendue, compatible avec
29
Les fondements
des remboursements privés, en venant fortifier la stabilité d’une image souvent floue
1. La spécificité d’une approche psychologique
Action ou interaction ?
L’autonomie des personnes est un objectif premier des psychologues, mais aussi
un écueil devant lequel se bousculent de nombreux mésusages. Prendre une norme
psychosociale comme tremplin suppose bien de la piétiner aux fins de s’en émanciper
car elle reste contre-productive par définition. De même, la compréhension de conduites
– solitude urbaine, souffrance au travail, crise du milieu de la vie –, en stabilisant
des modèles, ne doit pas produire derechef de nouvelles normes « conduictives ». Le
rapport à la norme est nécessairement à élucider dans un temps de cause-construction
et co-construction d’une expérience professionnelle. Le fantasme du « flicologue »
persiste alors que le rapport à la réalité que noue le psychologue est fondamentalement
plus embarrassant.
Notons à ce sujet que la psychologie ne prescrit pas la norme, elle est déjà
prescrite par l’organisation du travail pour certains, par les courbes de Gauss pour les
autres. Elle ramène encore moins les personnes à cette norme puisqu’elle part d’elle
pour une traçabilité de son éloignement. La fonction policière de la psychologie est
essentiellement fantasmagorique. Le terrain d’action du psychologue est bien celui
du hors normes, même s’il fait usage de référentiels pour recruter par exemple. Il
est au cœur de la description et de l’analyse de la nécessité de se singulariser et
de faire la démonstration que la vie se situe justement de l’autre côté de la norme,
qu’il s’agisse de santé ou d’identité, de prendre soin de la personne, de valoriser son
indépendance ou de conforter une reconnaissance. Il ne s’agit pas de nier la part
d’aliénation inhérente à toute activité professionnelle, mais de la circonscrire pour
pouvoir la travailler sous d’autres auspices. Répondre à l’autonomie des personnes par
celle du psychologue et son indépendance professionnelle ne doit pas constituer une
réponse du berger à la bergère, qui laisse filer l’indifférence, mais augure des marges
possibles d’action, même si l’autonomie est souvent réduite à ses aspects techniques
et l’indépendance confrontée à la légitimité des champs voisins. Reconnaître ses
propres dépendances reste l’audace nécessaire pour s’opposer à une influence et
une suggestion massives dans cette mise au travail de remaniement psychologique.
Le rôle émancipateur, thérapeutique de surcroît, éloigne le conseil et sa dimension
pédagogique ou s’en sert comme d’un détour car il est difficile et inutile de l’évincer
complètement.
La formation aussi répond d’une interaction nécessaire à la co-construction d’un
psychologue, car l’outil, c’est lui. L’inscription sociale du métier y est pourtant vague,
y compris et pour commencer par les étudiants qui vont s’inscrire par intérêt ou par
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Les fondements
défaut, mais non pour apprendre un métier, encore moins par vocation. La mise en
31
Les fondements
d’un gourou.
Cette réponse suffisamment bonne n’est pas plus la panacée que son pain quotidien
et le psychologue ne peut s’exonérer d’interprétations et de conseils, mais ces modalités
d’interventions émaillent sa pratique sans en constituer une posture. L’originalité
d’une telle attitude marginalise ce professionnel face à une demande sociale fervente
d’une rentabilité à court terme, jusques et y compris à transformer le cadre d’une
activité et appeler formation ce qui ce serait nommé supervision auparavant. Le
curseur du sur-mesure peut se déplacer en fonction de la rigueur d’une sollicitation
à tout percevoir comme des prestations évaluatives et des interventions ponctuelles.
Il est parfois bien délicat de faire entendre cette petite voix qui intervient à contre
chœur, car le psychologue est par nature réticent à s’emparer d’une position de
pouvoir établi, notamment parce cette place est un obstacle supplémentaire de cette
course à l’échalote anti-aliénante. L’un des critères marquants du déplacement de ce
curseur est le type d’interlocuteur, car il est plus aisé de se démarquer d’un surdosage
d’interprétations ou de conseils face à un individu que devant un groupe. Pour peu
que sa dynamique soit légère, le recours à la pédagogie et à la gestion en devient fort
légitime. La répartition d’une réponse « autonomiante » par le psychologue de santé
et de conseil par le psychologue du travail ne tient pas plus qu’une intervention de
soin pour le premier, de gestion pour le second et de pédagogie pour le psychologue
de l’éducation.
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Les fondements
n’est pas une image péjorative pour ces cliniciens de toutes spécialités, mais elle
☞ s’agit de faire un état des lieux pouvant aboutir à un diagnostic psychologique. Il s’agit également
1. La spécificité d’une approche psychologique
de rendre la situation suffisamment simple, et ainsi intelligible, pour permettre une comparaison
et dans le même temps rendre cette situation singulière en prenant en compte les éléments
du contexte qui conduiront à personnaliser une réponse. C’est l’histoire d’une personne ou de
ses aléas pour son orientation professionnelle ou une prise en charge thérapeutique. C’est le
répertoire des métiers et des fiches de poste d’une entreprise pour une gestion des carrières. Il
s’agit particulièrement de distinguer l’analyse de la situation, qu’elle soit individuelle ou celle d’un
dispositif, de l’analyse de la demande, qu’elle soit singulière ou institutionnelle.
• Proposition, c’est-à-dire être force de proposition : poser une hypothèse psychosociale ou proposer
un cadre psychosocial qui peut faire l’objet de négociation avec l’environnement, voire conduire
à une étude de faisabilité dans le cas d’un changement collectif. L’objectif visé est d’asseoir une
fonction contenante pour les personnes ou le groupe. Le travail psychique d’élaboration prend ici
toute sa dimension. La saisie, ce regard par l’écoute, conduit à une mise à l’épreuve de la pensée.
• Protocolisation, c’est-à-dire mettre en place un protocole psychosocial, qu’il soit processus ou
procédure : du plus précis au plus vaste selon la technique utilisée et la portée de l’articulation
entre réalité psychique et réalité sociale. Ce sont les caractéristiques d’un cadre de prise en soins
comme non-processus avec une rythmicité des séances, une durée et un tarif ou l’actualisation
d’un tableau de bord aux fins de contractualiser les 35 heures avec l’ensemble des salariés d’un
groupe.
• Psychosocialisation, c’est-à-dire être garant d’une analyse psychologique : qu’elle porte sur la
dimension transféro-contre-transférentielle d’une prise en charge à visée thérapeutique de surcroît
ou sur le suivi et les ajustements nécessaires à un projet organisationnel, elle comporte la
garantie d’une élaboration éthique et d’un retour d’informations aux acteurs concernés qui passent,
directement ou non, par une restitution écrite de résultats et/ou d’analyse. Elle est une restitution
éclairée qui remplit une fonction alpha du professionnel pour reprendre la terminologie de Wilfried
Ruprecht Bion et réalise une prise ou déprise de conscience témoin d’une élaboration jointe ou
conjointe. L’écrit du psychologue reprend d’ailleurs les étapes décrites qui ne sont que l’adaptation
d’une démarche rationnelle, voire scientifique, adaptée à l’exercice de ce professionnel aux terrains
d’intervention variés. Le rapport, l’article, l’expertise, la thèse sont autant d’écrits qui supportent la
même structure de construction.
34
Les fondements
lui et sait évaluer ses capacités et ses paroles comme il se montre en possession de
tous ses moyens lors de situations difficiles et notamment en demeurant calme. Si ces
façons de remplir une mission peuvent être répandues et ainsi non spécifiques tout
comme les outils du psychologue, le niveau d’intervention, lui, est caractéristique de
cet alliage entre une formation de haut niveau et une ingénierie sociale au sens large.
Une non-spécificité, trop aisément arguée pour justifier de la méfiance ou du mépris
des institutions à l’égard des psychologues, est fort souvent confondue avec les motifs
d’un isolement, de l’ambiguïté d’un positionnement et de la méconnaissance de leur
travail.
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Les fondements
L’analyse de la demande passe par celle des situations qui suppose de recueillir des
1. La spécificité d’une approche psychologique
Compétences de problématisation
Compétences de proposition
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Les fondements
compréhension d’un raisonnement qui lie étroitement cadre et processus dans une
particulièrement de :
Compétences de protocolisation
☞ – organiser et animer des activités spécifiques pour des patients, des salariés, des élèves, des
1. La spécificité d’une approche psychologique
38
Les fondements
Compétences de psychosocialisation
– faisant valoir une expérience professionnelle significative encadrée par la durée légale de stages
en lien avec l’intervention psychologique ;
– sachant se positionner professionnellement dans une équipe et situer son rôle par rapport aux
autres intervenants du secteur d’exercice (santé, social, éducation, travail, justice, sport, transport...) ;
– référant sa pratique au Code de déontologie des psychologues et à une éthique de la responsabilité ;
– se situant dans une démarche de formation continue (participation à des groupes de réflexion,
d’analyse des pratiques, de séminaires, etc.) ;
– exerçant la fonction de psychologue dans la connaissance et le respect des textes réglementaires
et de protection des personnes ;
– connaissant les fonctions et logiques du contexte d’insertion professionnelle ainsi que les enjeux
institutionnels ;
– étant capable d’analyser les politiques sociales et leur répercussion sur les pratiques profession-
nelles ;
– intégrant dans sa praxis la dimension du travail en réseau et en partenariat pour coordonner des
actions ;
– étant capable d’un travail sur soi et d’un ajustement de sa praxis auprès de pairs.
Ce n’est pas seulement un idéal que de proposer une réflexion, une hypothèse
diagnostique, un cadre et une analyse comme force de travail, c’est aussi ce que l’on
demande au psychologue avant tout. Certes, l’ambivalence de certains commanditaires
nuit gravement à son exercice, mais l’indépendance technique, non négociable, doit
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
Ouverture
La psychologie comme discipline aux champs multiples (social, clinique, psycho-
pathologique, cognitif, développemental, différentiel) et aux différentes méthodes
(expérimentation, étude de cas, entretien, enquête, étude longitudinale, recherche sur
le terrain) offre toutes les garanties d’une validité écologique, la véritable difficulté
39
Les fondements
doit faire face à des obstacles économiques et de médiation sociale, mais il a aussi
des ennemis. Autrement dit, il a tout pour réussir, mais il n’y arrive pas. Son choix
de la discrétion sociale d’examiner particulièrement ce qui est caché ou reste dans
l’ombre ne lui facilite guère la tâche. Il a heureusement aussi du travail et beaucoup
de psychologues sont recrutés pour la qualité de leur formation, mais comme ils
sont pléthore, le marché de l’offre et de la demande conduit à des intitulés dévalués
conduisant à se prémunir du titre devant les manquements contractuels : combien de
psychologues exercent sous une fonction et non sous un statut par décence économique
plus que sociale ?
À côté des autoproclamés de la psychologie, puisque l’on pense que tout un chacun
est psychologue, il y a ceux qui remuent la solution ou plutôt soulèvent la dissolution
de la psychologie dans le corps social en mettant en questions et en équations sa
fluidité. Ils vont nous pousser à nous demander si la position d’où l’on parle crée
la fonction et l’activité du psychologue. Les changements de position qui mettent
en question l’identité et amènent un professionnel à mettre à profit la formation
qu’il a reçue sans en faire de publicité pourraient également éclairer cette boîte
noire, susceptible de renfermer le secret de l’activité du psychologue, y compris à
partir de l’hypothèse d’un mécanisme de défense, voire d’un défaut de symbolisation
concernant particulièrement psychanalyste et consultant.
L’ambiguïté de la demande sociale repérée depuis fort longtemps notamment
par Patrick Cohen avec une diminution des postes de psychologues alors que la
demande supposée grandit, constitue un des obstacles majeurs rencontrés par la
profession. Elle en semble désarmée comme si elle ne pouvait procéder à l’analyse de
cet apparent paradoxe, sidérée qu’elle apparaît être de se prendre les pattes dans le
tapis social. Nous pouvons néanmoins repérer d’autres difficultés, parmi lesquelles
nous pouvons citer une terrible bataille de frontières disciplinaires qui n’entrave
pas l’éternelle dilution conceptuelle de la psychologie, caméléon épistémique dont
les vertus adaptatives pèsent. Sur le terrain, les rapports les plus lourds sont issus
d’une paramédicalisation larvée. L’absence de segment de marché fermé n’arrange
pas nos affaires. Par ailleurs, nos conditions de travail sont devenues déplorables,
particulièrement depuis que beaucoup se demandent pourquoi payer un professionnel
quand l’activité est simple et à la portée de tous. Une opinion défensive car la
connaissance à l’insu des personnes que le psychologue pourrait débusquer plus que
décrypter effraie, mais fortement compatible avec une rémunération qui peut être des
plus quelconques puisque n’importe qui et surtout tout le monde peut prétendre au
partage d’un sens aigu de la psychologie. De plus, il existe toujours un amalgame
entre charité et aide psychologique. La confusion engendrée par la nébuleuse psy et les
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Les fondements
mésusages qui peuvent se glisser dans cette faille d’une information claire et loyale au
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Les fondements
43
Les fondements
44
Les fondements
l’aspect du cognitif, quand il est prisonnier d’une boîte noire. Des risques demeurent
à penser que le sens éthique est une histoire de connexions neuronales ou à rétrécir
une situation jusqu’à valider une constance que l’on va chercher à généraliser par
une démarche statistique. Cependant, c’est sur elle que l’on s’appuie pour asseoir nos
connaissances scientifiques, comme c’est par les tests que la psychologie acquiert le
statut de discipline scientifique en se distinguant de la philosophie et de la physiologie.
Le succès connu par les tests n’a pas été sans occulter le danger qu’il y a à assimiler
psychologie et tests. Or le test n’est qu’un outil parmi d’autres, et comme tel, support
d’une relation. Henri Wallon mettait en garde à ce sujet en rappelant que « Le test
est une expérience ou un instrument d’expérience ». A l’aune de cette expérience se
mesure la fécondité professionnelle du psychologue. Cet auteur ajoutait d’ailleurs que
45
Les fondements
l’on pouvait retrouver dans l’emploi des tests « tous les degrés de la sagacité et tous
les degrés de la niaiserie. ».
En France, la première thèse de psychologie en 1873, par le premier enseignant de
2. Les ancrages de la psychologie
46
Les fondements
apporte son lot de progrès, particulièrement centrés sur la communication entre les
hommes et les phénomènes de groupe. Reprendre des éléments de cette histoire récente
éclaire le développement politique de l’engagement d’un professionnel naturellement
citoyen dans son action, mais en rappelant combien les drames guerriers sont à
l’origine des impulsions nécessaires à l’épanouissement d’une discipline. L’insistance
sur les droits individuels, dans une volonté de rééquilibrage entre intérêts collectifs et
individuels après une vision insoutenable de l’être dans des recherches sur l’homme,
constitue également les soubassements de la validité d’une intervention psychologique.
Nuremberg, dans sa condamnation de la barbarie nazie, va contribuer au dévelop-
pement des droits individuels des personnes et d’une relation sociale contractualisée
dans un contexte de recherche médicale tout d’abord, puis au lit du malade et dans son
47
Les fondements
et depuis plus de soixante ans sur le terrain, comme métier. C’est une profession toute
jeune qui s’empare des difficultés de l’adulte comme celles de l’enfant, seul ou en
groupe, particulièrement dans les trois champs que sont le travail, l’éducation et la
santé. Elle commence à distinguer pour sa propre évolution l’infantile du juvénile.
48
Les fondements
Face aux progrès et à l’amélioration des conditions de vie en société répondent des
textes fondamentaux de protection des droits individuels des personnes, à commencer
par la Déclaration des droits de l’homme en 1948. Devant la multiplication de
prend une valeur fondatrice dans le débat des idées et sa prise en compte est nodale
dans l’émergence du caractère politique de l’intervention de psychologie fondée sur
l’humanisation des pratiques de vie chargées de sens. Elle devrait en signer le renouveau
de son caractère transversal aux champs sociaux d’intervention du psychologue. En
tant que telle, elle fixe certaines choses, même si le débat persiste entre input et
output, entre une vision « victimologique » de l’intervention des psychologues et une
conception « responsabilisante » des personnes.
L’importance de Nuremberg est cependant indéniable par l’émergence des textes
internationaux que ce Code a suscitée – notamment la déclaration des Droits de
l’homme en 1948, d’Helsinki en 1964 repris en 1975 à Tokyo jusqu’à Helsinki
49
Les fondements
d’octobre 2008 –, mais ce symbole d’une contribution morale n’en est pas moins à
nuancer par deux sortes de faits :
• D’une part, l’éthique connaît des dates antérieures d’affirmation de principes
2. Les ancrages de la psychologie
50
Les fondements
• Le premier, c’est l’autonomie. Quand la personne est si faible qu’elle ne peut exprimer sa volonté
(coma, patient psychiatrique), des problèmes surgissent dans sa gestion à partir du paradoxe connu
qui consiste à dire à quelqu’un : sois autonome. Il s’agit alors de se substituer à elle. L’alternative
est la contractualisation de la relation. Le choix est éminemment culturel.
• Le deuxième principe est la bienfaisance. Elle fonde le paternalisme et défend la protection des
personnes les plus fragiles (enfant, vieillard, malade). Le problème est qu’elle vient en contradiction
avec l’autonomie. Il en résulte une forte tension entre les deux qui permet de comprendre que
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
ces deux principes vont entrer en rivalité et connaître un destin qu’il est important d’analyser en
fonction des cultures. Les modèles latin et anglo-saxon s’affrontent dans la conception et la gestion
de ces principes.
• Le troisième principe est la non-malfaisance. Corollaire du second, il affirme le principe
hippocratique, primum non nocere, qui consiste à ne pas nuire avant tout. Il prend toute son
ampleur devant le chant des souvenirs induits dans le champ de la psychothérapie.
• Le quatrième est celui de justice. Il affirme l’importance de celle-ci, mais une justice en termes
d’équité et non d’égalité, c’est-à-dire relative, en fonction des attributs des personnes, que l’on
appelle justice distributive : on donne la même chose à des gens, mais s’ils ont un même niveau.
On ne va pas donner forcément aux plus pauvres, on va mesurer à l’aune du besoin, mais c’est un
besoin en fonction du mérite.
51
Les fondements
Notons au passage que cette distinction entre égalité et équité est celle qui permet
de justifier que des personnes ou des groupes de personnes sont « plus égaux que
d’autres », qu’un droit ne s’applique pas de la même façon à tout le monde puisque la
2. Les ancrages de la psychologie
relativité intervient qui fait peser la décision en fonction d’un mérite dont les critères
sont repérables et font hurler certains lorsque la dominante économique n’échappe
plus désormais à personne.
Ces deux grandes évolutions, chacune émaillée de scandales, nous interpellent
lorsqu’il s’agit de se demander s’il faut greffer un rein à un alcoolique ou un poumon à
un fumeur en constituant des questions épineuses, récurrentes et amplifiées aujourd’hui
à l’heure où les restrictions budgétaires persistent à rester d’actualité. Cet examen
peut se poursuivre par celui des distinctions entre deux cultures pour réaffirmer à
quel point la psychologie est un métier d’aujourd’hui qui a son mot à dire, ancré
dans son siècle, éclairant le double sens du mot « valeur » au centre de l’évaluation.
Des principes qui nous semblent aller de soi – respect de la personne, demande d’un
consentement –, ne relèvent pas seulement d’une déontologie et d’une éthique. Ils
dictent la nature de notre inscription institutionnelle et dessinent un nouveau paysage
jusques et y compris pour les étudiants amenés à engager une démarche de recherche
sur les personnes.
Cette revendication des droits individuels est liée au mouvement des droits des
consommateurs et ainsi à la consommation des soins. Désormais, le paternalisme
médical va avoir maille à partir avec le droit à l’autodétermination. Celle-ci commence
en 1954 et aboutit en 1981 à la Déclaration des droits des malades par l’Association
médicale mondiale. La confiance qui rencontre une conscience laisse la place à une
relation contractuelle aux États-Unis tandis que le paternalisme prédomine encore
en France. La confiance s’émousse devant des progrès qui déshumanisent la relation
médecin-malade. La méfiance s’installe avec la démultiplication des spécialistes
concentrés sur une partie du corps au détriment de l’ensemble dans des hôpitaux de
plus en plus nombreux. Non seulement la méfiance liée aux progrès scientifiques
gagne l’exercice de la médecine et bientôt de la psychologie, mais le développement
de l’éducation et de la culture, notamment par le développement des médias de masse,
permet de contester une autorité sociale, légale et professionnelle.
En 1961, l’hémodialyse est la première technique à soulever le problème de la
sélection des malades. Aux États-Unis, pour près de 15 000 personnes, c’est la seule
chance de survie. Or le premier centre spécialisé, à Seattle, manque de matériel et de
personnel formé. Un comité de 9 personnes, dont seulement 2 médecins, se met en
place. C’est la première fois qu’une sélection échappe aux médecins puisque toutes les
personnes sont médicalement éligibles. Des critères sociaux tels que la productivité au
sein de la communauté et la bonne conduite sont retenus pour une décision impliquant
52
Les fondements
la vie et la mort. Dans les années 70, les progrès prolongent la vie par les deux bouts,
l’avortement et la technique de conservation du sperme polarisent alors les débats.
Dans les années 80, l’affaire de l’insémination de trois jeunes femmes américaines
assurance.
En France, le fonctionnement du système des soins de santé est guidé par une
forte tradition de service public et repose sur un paternalisme médical important.
En effet, l’évolution de la société qui s’inspire du modèle américain se heurte à
son adaptation en France. On envie l’organisation optimum d’un système qui fait
correspondre à un motif d’hospitalisation une durée précise, mais on dénonce le
procès fait à l’obstétricien qui accouche d’une fille quand il a annoncé un garçon.
La logique commerciale qui conduit les avocats d’outre-Atlantique à recruter leurs
clients à la sortie de l’hôpital et la peur de l’inconnu qui pousse à craindre toutes les
modifications non prévues lors d’une contractualisation, n’est pas compatible avec le
crédit, aux deux sens du terme, qui conduit les personnes, en France, à faire confiance,
53
Les fondements
voire à donner un blanc-seing, aux personnes qui soignent. L’évolution qui consiste
à obtenir le consentement des personnes, avec une information préalable « claire,
loyale et appropriée », est inéluctable : le médecin, seul, ne peut plus décider de la
2. Les ancrages de la psychologie
Clinique et cognitif, ne pas prendre une cure culte pour une culture
C’est encore des frontières dont il s’agit quand on peut chercher à questionner deux
écoles qui se disputent un mépris culturel. On ne peut ignorer l’asepsie et la précaution
érigées en principes qui n’ont pas permis à « la peste » d’entrer aux États-Unis, on
peut regretter les mesures de rétorsion qui ont suivi, la psychologie ne mérite pas
54
Les fondements
ça. Il y a méprise de tête lorsque des approches s’affrontent sans être confrontées à
leur culture d’origine. L’unité de la psychologie prend alors figure d’amalgame et
peut toujours avoir bon dos d’endurer des conflits idéologiques, elle ne pourra aboutir
L’individu n’a quasiment pas d’histoire, comme le continent qui l’abrite d’ailleurs.
Existence et possession vont également se répartir entre ces civilisations, où l’on a un
corps dans l’une et où l’on est un corps dans l’autre. En effet, le modèle autonomiste
suppose que l’on puisse vendre son sperme ou son sang, alors qu’en France, il faut
qu’un travail soit effectué sur le sang pour que l’on reconnaisse commercialisable les
médicaments dérivés du sang (MDS). Un dédommagement va être compatible avec
1. Rameix S. (1997). « Du paternalisme des soignants à l’autonomie des patients », Laënnec, p. 10-15.
55
Les fondements
le don affirmé dans la loi de 1952, non une rémunération1 . Le Parlement européen,
en date du 6 juillet 1998, affirme un principe similaire à propos du clonage puisque
n’est brevetable une matière biologique isolée de son environnement naturel. L’on
2. Les ancrages de la psychologie
peut ainsi breveter les propriétés, les qualités du gène et non le gène in vivo.
Le droit romain dont on dépend a oublié le corps et a inventé la personne : le corps
c’est la personne. Nous ne sommes que les usufruitiers d’un corps et l’on peut penser
qu’il fait partie d’un ensemble plus grand, que l’on peut appeler l’État. D’ailleurs,
les doubles sens du langage nous rappellent constamment l’analogie entre le corps
et le groupe : on parle des membres d’un groupe, du cerveau d’une organisation,
d’un organisme. Devant ces grandes divergences de fond mais derrière une évolution
incontournable, Anne Fagot-Largeault nous propose un « paternalisme tempéré » qui
tienne compte de l’histoire de nos institutions pour intégrer une conception nouvelle
du droit de l’homme. Néanmoins, il ne s’agit pas de dresser le principe de bienfaisance
contre celui de l’autonomie dans les pratiques de soins, mais de maintenir une tension
dialectique et constructive entre les deux, les intégrant l’un à l’autre.
Translation et importation conceptuelles sont d’autant plus vigoureusement
confondues que des coupables sont parfois désignés à la vindicte médiatique et que le
relaxé est toujours le même, car le corps ne ment pas. La régression prend des formes
mathématiques pour certains, dramatiques pour d’autres, tant la sidération est grande
devant le clivage perpétué d’une invention freudienne à renouveler incessamment. Il
est en effet aberrant pour la majorité des psychologues que le comportement puisse
être confondu avec la conduite et la réalité avec la réalité psychique. Un terrain de cette
confrontation éminemment riche de discordes nous pointe des cohérences culturelles :
la toute-puissance. C’est un terrain miné, mais il permet d’imaginer l’inimaginable
pour le maître en mots qu’incarne le psychologue. C’est ainsi une alliance, celle qui voit
se joindre la victimologie, le comportementalisme, la neurobiologie et l’éducation, qui
illumine notre « médusement ». Si l’URSS nous a révélé un grand retard d’évolution
par son isolement quand elle nous a montré sa conception de la psychiatrie, les avancées
du Nouveau Monde nous replongent dans des pratiques européennes du XIXe siècle.
Le rêve est cathartique, l’émotion un fixateur de la mémoire, la victimologie est
une épargne de la responsabilité. C’est dans cette perspective qu’un vécu d’inceste
peut s’inviter en mémoire chez des personnes sans aucun déguisement, comme une
madeleine de Proust, à partir de cauchemars et d’hallucinations.
1. Brassier N., Ballouard C., Leroux N., Descamps M.-A., Chast F., Hervé C. (2000). « Gratuité,
dédommagement, rémunération : questions éthiques soulevées par les dons de sang », Journal
international de bioéthique, vol. 11, n◦ 1, p. 89-96.
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Les fondements
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Les fondements
dont on ne peut faire l’impasse lorsque les emprunts tous azimuts génèrent des
dommages collatéraux dans la praxis psychologique. La psychologie baigne dans
la culture ambiante de son temps. De la même façon que Sigmund Freud raisonne
2. Les ancrages de la psychologie
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Les fondements
l’environnement. Certains disent la même chose que d’autres, mais dans des langues
distinctes, tandis que d’autres encore placent des définitions différentes sous les mêmes
vocables. « L’appui mutuel » auquel Daniel Lagache peut destiner l’expérimentation
un verdict, voire un abus de savoir, conduit des personnes prédisposées, mais non
malades, à se comporter dès les semaines qui suivent comme une personne malade.
Cette fabrication de la vulnérabilité interroge la prévention, questionne le risque, et
le plus grand demeure toujours celui qui consiste à vieillir, et renforce la vitalité du
doute. Le premier survient devant une information à la source d’une vulnérabilité et
celui de poursuivre un choix pour que le droit de savoir ne se transforme pas en un
devoir. Remarquons que les dépistages connaissent plus de succès lorsqu’il existe des
traitements à la maladie visée, confer le VIH depuis la trithérapie.
Nous travaillons constamment en incertitude, mais fonder une approche profession-
nelle sur elle constitue aussi bien une profonde originalité qu’un défi immense et une
source de complexité infinie. Seuls l’engagement du psychologue, ses connaissances
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Les fondements
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Les fondements
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Les fondements
plus volontiers d’ailleurs que l’interactionnisme est conciliant à cet égard, mais dans
une certaine mesure seulement. Il ne s’agit pas non plus de chercher à réconcilier
des psychanalystes non conceptuellement compatibles entre eux, tandis que d’autres
2. Les ancrages de la psychologie
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Les fondements
que se posent clients et employeurs : que fait un psychologue ? Reste que sa façon
de le faire continue d’interroger au moins deux continuums sur son engagement :
se réfère-t-il à des techniques interventionnistes ou s’abstient-il de toute activité ?
maîtrisée que nous prononçons peu de mots. Nous pouvons également nous pencher sur
le jeu, essentiel chez l’enfant, fort utile chez l’adulte dans sa forme psychodramatique,
car in fine c’est l’activité qui est médiatrice, l’espace de l’action, l’interface proposée.
Une modélisation de l’acte est susceptible d’éclairer la médiation, y compris et
particulièrement quand elle se donne les moyens de soigner ou de prendre soin et
d’embrasser une prise en charge autant sociale que psychique. L’usage de la parole doit
également être minutieusement examiné à travers le prisme du transfert et son alter
ego le contre-transfert, pour peu que ces termes ne soient pas non plus dévoyés. Le
premier n’est pas le seul plaisir qu’une personne prend à venir nous voir et le second
encore moins son déplaisir. Les accents portés sur le jeu et le transfert n’évincent
pas leur solidarité comme le jeu et la recherche du décryptage d’un langage du
63
Les fondements
corps n’empêchent pas leur conjugaison. Les différentes définitions des termes sont à
examiner. Elles éclairent le cheminement de chacun qu’il est difficile de répertorier
dans un catalogue des dissidences en psychologie. L’université est garante d’un haut
2. Les ancrages de la psychologie
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Les fondements
L’on ne s’étonne guère de trouver des correspondances et des corrélations entre des
saisies organiques « microscopées », contribuant à des liens de causalité entre tel lieu
biologique et telle conduite, reléguant des saisies psychologiques « macroscopées »
une connaissance spécifique qui est toujours celle d’un contexte. C’est un abus de
langage que d’en faire une spécialisation. Le généraliste est doté d’une mauvaise
presse, c’est pourtant sur lui qu’il faut compter face aux experts de toutes sortes pour
intellectualiser a minima les dysfonctionnements cérébraux et autres misères de vie.
Le psychologue a du travail pour un bout de temps. Il faut juste lui laisser le temps
de voir le tout, mais sans donner un avis sur chacun des débats de société et devenir
un quêteur de sens. Être un ardent défenseur de l’intelligibilité globale ne doit pas le
conduire à s’essayer dans la fonction de moralisateur.
Le psychologue est toujours en mouvement entre soutien et évaluation comme il
oscille entre neurosciences et psychanalyse, « physiologisme » et « philosophisme ».
Il est prêt à créer son espace futile transitionnel. Ses théories de poche aidant, il
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Les fondements
« dialectise » son action et sa pensée, compose avec des instances qui se confrontent et
s’opposent surtout par leurs méthodes, car leur but est le même, il s’agit du bien-être
des personnes et des groupes. La globalisation est certainement envahissante, mais
2. Les ancrages de la psychologie
elle est centrée sur le sujet et l’outil premier reste la dialectique. Il est fondamental
qu’elle ne connaisse pas d’entraves, or il est des atmosphères et des obédiences qui
semblent s’en dispenser, c’est toujours dommageable. Il n’y a pas que les sciences
qui ont l’oreille et la dent dures, la confusion des registres et un recours prononcé
à la loi peuvent également se joindre à des conduites répréhensibles pour atteinte à
la liberté de penser et tentative de normalisation psychique. Nous connaissons les
deux grandes tendances du mouvement psychanalytique en France, nous laissons les
humanistes de côté qui ne parlent pas de la même chose. L’un est happé par une
« paternalistique » confondante, l’autre par une « maternalistique » tout autant. Le
premier en devient « gourouesque » dans la gestion de sa dynamique en prenant la
loi plus à son mot que dans son esprit. Le second se montre parfois un peu trop
accueillant à en oublier les mécanismes de l’essentiel. Il n’y a pas lieu de médicaliser
la psychanalyse. L’ouverture à saluer se trouve alors chez les dissidents qui résistent à
la tentation universitaire de la transmission de la psychanalyse.
« C’est psychologique » intervient tantôt pour souligner l’insignifiance, tantôt pour
signifier la complexité, tantôt pour simplifier la stratégie. Ce diagnostic en creux est
une façon de faire référence à ce qui ne se voit pas et de dire, selon le contexte, que
ce n’est pas lésionnel, que ce n’est pas rendu compte par de l’observable et que l’on
ne voit pas directement. Aujourd’hui, le défaut de diagnostic est également rendu par
« c’est une maladie rare » prenant le relais des lésions cérébrales a minima, présentes
mais non décelables. Autrement dit, l’errance diagnostique masque ce que l’on ne
sait pas encore, reconnaissant des prérogatives au point de vue génétique. « C’est
psychologique », c’est dire aussi que ce n’est pas du discours, comme un regard qui en
dit plus que les mots. Dans cet interstice se glisse le doute générant le questionnement
adapté. Ce doute, dont on ne dira jamais assez combien il est fondateur de l’attitude
du psychologue quand il est agrégé de connaissances scientifiques, devenant ainsi un
guide de sa démarche. Cet héritage professionnalisé de la philosophie peut s’intégrer
dans un cercle vertueux qui fait osciller le doute au fur et à mesure que se balance
l’emprise scientifique. Ce processus en chaîne de périodes peut ainsi faire succéder
au doute, une conviction, puis une certitude, puis une euphorie, puis une réserve
qui permet de boucler ou plutôt de « spiraler » un processus par le questionnement
introduit. Le psychologue pourrait d’ailleurs constituer la preuve vivante que non
seulement on peut vivre dans le doute, mais qu’un travail incessant à partir de lui est
réalisable et réaliste.
66
Les fondements
Le souci quasi universel de mettre des mots sur le corps, de rechercher une
signification à des productions corporelles nous conduit à nous demander si l’on peut
qualifier l’expression corporelle de « langage du corps ». Le corps nous révèle-t-il un
vocabulaire, une syntaxe que l’on pourrait apprendre ? La kinésique, la proxémie, la
conversion, la somatisation possèdent-elles la structure d’un langage ?
Il n’est pas question pour autant de réduire la distance d’avec le langage verbal,
même si l’expressivité du corps nous conduit à conserver le terme de communication
corporelle et non celui de langage du corps. Il nous semble effectivement que le corps
ne présente pas, dans ses manifestations, un ensemble de données que l’on puisse
assimiler au langage. Quelle que soit la production corporelle, elle ne possède pas
la structure du langage, y compris le code des sourds. Ce dernier ne présente pas
67
Les fondements
pas de langages. Les efforts qui vont dans le sens d’une lecture des manifestations
corporelles laissent supposer qu’un langage, qu’un code partageable est sous-jacent.
Ray Birdwistell, dans son échec avec la kinésique, a bien perçu les difficultés de la
mise en place d’un arbitraire du signe au niveau physique. Par conséquent, chacun y
va de son code personnel.
L’école de Palo-Alto va décliner un modèle où toute communication est inter-
réagissante et circulaire. Gregory Bateson1 reste un pionnier à nous proposer la
communication comme une matrice où sont enchâssées toutes les autres activités
humaines. La formule est célèbre : « On ne peut pas ne pas communiquer. » Autrement
dit, le comportement comme synonyme de communication n’a pas de contraire, « il
n’y a pas de non-comportement » nous disent Paul Watzlavick, Janet Helmick Beavin
et Don D. Jackson. Donc, nous communiquons sans cesse. Ce postulat est partagé
par ce qu’Yves Winkin va appeler « le collège invisible »2 : Gregory Bateson, Don
D. Jackson, Paul Watzlavick, Ray Birdwistell, Albert E. Scheflen, Edward T. Hall,
Erving Goffman La communication est entendue par tous ces auteurs comme un
processus pluriel permanent. Nous obéissons en permanence à des règles de grammaire
d’une communication sans nous en rendre compte.
Nous retrouvons chez plusieurs de ces auteurs l’analogie avec un orchestre parlant
ainsi d’une « partition invisible ». Les individus ne communiquent pas, ils prennent
part à une communication. De la même façon, les personnes ne se croisent pas dans la
rue, ils « dansent » comme une chorégraphie. Toute communication comme processus
d’interaction présente deux aspects :
– le contenu, transmis sur un mode digital (relation arbitraire entre la chose et le
nom), le message ;
– la relation, essentiellement de nature analogique, c’est-à-dire toute la communication
corporelle, le commentaire sur le message.
Le deuxième aspect englobe le premier et, par conséquent, est une métacommuni-
cation.
La communication corporelle utilise trois types de supports : le corps et les
artefacts liés au corps (vêtements, tatouage) ; les artefacts liés au milieu et tous
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Les fondements
peuvent se faire en dehors du contexte dans lequel l’émission a lieu, pour fournir une
interprétation accessible à des gens issus d’une même culture. Les différents codes
ne peuvent être considérés comme autant de langues, car elles ne signifient pas la
même chose. Nous pourrions dire qu’il est plus question de « lecteurs » du corps
que de véritables lectures. Ceci permet de concevoir des angles de vue distincts qui
peuvent se compléter, mais non se traduire entre eux. S’il existe un langage du corps,
il est indéchiffrable pour le moment. Parler d’un tel phénomène relève d’un abus de
langage.
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Les fondements
Nous reconnaissons que le corps est susceptible de produire un code, mais non
partageable, tant cette communication au niveau infraverbal peut être empreinte de
parasitages. Comme tout ce qui n’est pas connu, il fait l’objet de mythes, constructions
2. Les ancrages de la psychologie
qui relatent une origine répondant au consensus d’un groupe. Ce langage présumé
peut répondre, dans une perspective scientifique, à un décryptement toujours futur,
tant l’incertitude des progrès témoigne d’une insuffisance actuelle. La science avance
cependant, en se révélant toujours supérieure à des connaissances passées et draine
un savoir ignoré du grand public, en avance sur lui. Le recours, très souvent défensif,
aux mythes pourrait rendre compte du succès des théories qui y font largement
référence, y compris avec une complaisance condescendante lorsqu’il s’agit de nier
en se dispensant d’argumenter telle ou telle souffrance, connaissance ou réalité.
Cette participation obligée à la communication évoquée plus haut trouve racine
dans les observations qu’il fait et qui lui font dire qu’il existe comme une « synchronie
interactionnelle » (le terme est de William S. Condon) où les participants d’une scène
semblent danser un ballet parfaitement mis au point. Par ailleurs, Ray Birdwistell1 parle
d’analyse de contexte et non de contenu. Pour lui, l’analyse porte non sur le contenu,
mais sur le système qui a rendu l’échange possible. Ce système est la communication.
Ce bref aperçu montre la complexité de l’entreprise qui consiste à promouvoir un
langage du corps et souligne l’importance de la contextualisation empêchant cette
tentative d’aboutir. La démonstration est encore plus aisée avec la proxémie que les
travaux d’Edward T. Hall2 ont mise en avant. Ce dernier jette une lumière nouvelle
sur la connaissance que nous pouvons avoir de l’espace en agitant le faisceau des
cultures. Il nous montre ainsi que chaque civilisation a sa manière de concevoir les
déplacements du corps, l’agencement des maisons, les conditions de la conversation
et les frontières de l’intimité. Il désigne sous le nom de « proxémique » l’ensemble
des observations et théories concernant l’usage que l’homme fait de l’espace en
tant que produit culturel spécifique. Les situations interculturelles présentent des
quiproquos qui sont alors pléthore par la méconnaissance de la culture de l’autre. Les
conséquences en sont plus ou moins fâcheuses par des interprétations réciproques
que la barrière de la langue peut étanchéifier, de l’absence de savoir-vivre au scandale
moral. Elles n’apparaissent cocasses que pour un tiers, interprète des langues ou des
cultures.
70
Les fondements
en la protégeant aussi des nôtres. Cette protection du psychologue par le cadre qui le
contient lui permet de s’impliquer dans une prise en charge. Le cadre ne s’arrête pas
aux modalités de la rencontre qui font l’objet d’un contrat relatif à l’espace, au temps
et à l’argent. C’est également l’interséance, ces moments où l’on met en mots, où l’on
élabore le non-dit et le non-verbal. Ici se situe une de nos difficultés principales, car il
faut se battre avec soi-même, s’obliger à repérer les choses pour mettre des signifiants
ou des significations en place. Cela demande une quantité d’énergie considérable,
mais nous sommes garants de cette élaboration, du fait « que ça ne tombe pas dans
l’oreille d’un sourd ». C’est condamner, dans le cas contraire, une personne à la
répétition, à ce que cela ne change pas. Et si le psychologue n’interprète pas au sujet
ses conduites, il demeure essentiel qu’il puisse les comprendre et les référer aux
71
Les fondements
siennes propres. C’est bien souvent par le contre-transfert qu’une élucidation peut
prendre forme. Cette interséance est également constituée par les réunions d’équipes
où certaines élaborations individuelles sont redistribuées au groupe.
2. Les ancrages de la psychologie
72
Les fondements
explique bien le transfert dans la mesure où ce qui est intériorisé n’est pas l’autre ou
son image, mais bien l’expérience de la relation à l’autre. Ce transfert de base peut
être ramené à toute relation, à la restriction près de retrouver une situation d’asymétrie
dans le ciment de la relation, s’oppose à la prise de distance qui est plutôt une déprise.
Cette dernière est garantie par celui qui vient pointer ce qu’il nous est difficile de voir
à ce moment-là.
Cette confiance profonde, où l’on va jusqu’à confier notre façon de fonctionner, est
appréhendée au travers de ce double faux rapport que définit Sigmund Freud : faux
rapport temporel et faux rapport sur la personne, ce que Michel Neyraut1 reprend
comme un « quiproquo à contretemps ». Le transfert n’en fait pas moins cohabiter
les deux versions, les deux versants d’un transfert aussi invoqué que provoqué. Vous
aurez compris que la séparation entre deux transferts est artificielle. Il s’agit bien du
73
Les fondements
même qui trouve un développement orienté par les conditions dans lesquelles on va
le travailler comme on le fait d’une capacité, d’une aptitude. Ce sont les contraintes
techniques qui vont canaliser le développement de cet amour qui devient amour
2. Les ancrages de la psychologie
impossible. Il n’est pas possible d’épouser son psychologue et nous allons le payer
pour ça. Ces deux transferts n’en sont pas moins des registres différents qui cohabitent.
L’effacement de l’un par la prééminence de l’autre ne l’exclut pas pour autant, il reste
simplement silencieux. Il est clair que la situation ne produit pas les affects qui y
apparaissent ; elle les accommode à sa sauce. Le cadre va être le temps de la cuisine
qui nous prépare un bon petit transfert, si le cuisinier est compétent.
Le transfert est processus, il est ce moteur qui permet d’avancer, qui produit des
effets. Parler des effets de transfert est une tautologie, un truisme. Aussi, la distinction
transfert-effet de transfert ne semble pas des plus pertinentes. Par définition, le
transfert n’est appréhendé que par ses effets comme peuvent l’être l’énergie, le corps
ou l’intelligence. Ça ne se mesure pas, on les met sur une échelle et on parle de
température. Par définition, l’unité de mesure est additive. Si le transfert est moins
« objectivable » que les autres, il n’en est pas moins caractérisé par une repérabilité
pour laquelle la température reste non seulement le qualificatif qui lui sied le mieux,
mais aussi un indice fiable. Il est difficile en effet de courir après la répétition d’une
distribution de réponses qui permettrait d’évoquer la preuve. La validité n’en est pas
moins présente, pour peu que l’on considère la mutualité de la compréhension entre
les deux protagonistes comme un critère de cette validité.
Nous aurons tendance à faire du transfert médiat une transformation du cadre et
à le voir agir comme un cadre notamment dans la fonction contenante, mais aussi
limitative et symboligène, qui le caractérise. Il s’y substitue et joue le rôle d’un cadre :
en effet, entre le psychologue, mais aussi le psychanalyste, et la personne qui le
consulte, tout est ramené sur le tapis de la réalité psychique, tout est ramené dans
le bain ou la baignoire du transfert. Il est lieu de ralliement par excellence. Nous
pourrions presque dire que le transfert est structuré comme un cadre, mais un cadre
plus évolué car « psychisé », métaphorique autant que métonymique, qui devient
ainsi le récepteur des parties névrotiques de la personnalité. Le cadre se psychise à
la rencontre l’un de l’autre par métonymie, tout comme la dérivation d’une fonction
psychique par rapport à une fonction biologique peut nous l’apprendre. Nous pensons à
l’identification primaire qui s’étaye sur l’allaitement par exemple. La métaphorisation
n’est pas absente quand le transfert vient « remplacer » le cadre comme support de
travail.
Le transfert est bien repérable comme cadre. C’est bien le repérage de manifestations
particulières qui nous fait envisager et dévisager le transfert. Sinon, nous pourrions
dire que tout est transfert. Comme tel, nous avançons qu’il est récepteur des parties
74
Les fondements
des crises sociales. Il nous semble important d’aller plus loin pour faire de la métaphore
du sacrifice le mécanisme propre de la régulation sociale non pas seulement lors des
crises que la société rencontre, mais telle qu’elle peut se vivre au quotidien. Nous
pouvons repérer les indices d’un changement instauré par la réflexion jusque dans les
gestes de cette métaphore, dans la description de cette conversion, de cette expérience
de la fidélité. En effet, dans le temps de suspension du bras sacrificateur par la parole
de Dieu, vient se loger une réflexion qui fournit un sens nouveau à la demande initiale
75
Les fondements
de Dieu à Abraham. Il lui est demandé une preuve de fidélité sans faille, non le sacrifice
de son fils Isaac. Le bras, lorsqu’il s’abat dans les situations les plus dramatiques,
est bien celui d’un passage à l’acte. Celui-ci incarne alors un court-circuit de la
2. Les ancrages de la psychologie
76
Les fondements
1843. Abraham convertit son regard sur Dieu et une nouvelle relation naît de cette
épreuve.
Si la transgression est nécessaire à la conquête d’un espace pour penser, c’est-à-dire,
au sens physique du terme, mais au sens relationnel, d’un tel acte. L’après-coup revêt
une importance non négligeable lorsqu’il est susceptible de poser une signification,
un sens sur un acte de ce type.
À partir du modèle du développement psychosocial de la relation asymétrique
originelle parent-enfant, initiatrice d’un grand nombre de comportements sociaux
et d’une herméneutique du récit biblique du sacrifice d’Isaac, nous envisageons
une analyse des attitudes et comportements individuels et collectifs en jeu, dans
la relation psychologue-consultant. Acteur social, le psychologue compose avec la
personne qu’il rencontre un colloque singulier qui ne peut ignorer le travail de la
pensée. Nous proposons une réflexion sur une herméneutique et un paradigme du
fonctionnement social et psychique, susceptibles de décrypter, au-delà des évidences
77
Les fondements
« fidélité » au cœur des relations dans les pratiques sociales, plus particulièrement à
l’œuvre dans l’exercice de la thérapie, mais aussi des conseils d’aide à la décision.
Les niveaux de symbolisation primaire et secondaire que nous intégrons à partir de
la fonction « re » spiralée, véritable métabolisme des mécanismes métonymique et
métaphorique, nous invitent à étendre une conceptualisation de la relation, au-delà
de la rencontre duelle liée à un cadre professionnel, thérapeutique ou social, pour
envisager l’action sociale du psychologue. Cette herméneutique et ce paradigme des
comportements et des discours permettent d’établir une grille de lecture heuristique
au-delà des discours institutionnels formalisés.
La portée d’une telle analyse est susceptible d’éclairer l’intermédiaire, cette sphère
médiationnelle de notre action personnalisée où des scènes se superposent, des
personnes se croisent, d’où une discrimination surgit. C’est aussi le lieu où une
relation trouve une consistance, la confiance que nous avons déclinée en transferts.
Cette fonction du psychologue, d’autant plus sociale qu’elle est individualisée, nous
balade du soin à l’éducation en passant par la gestion des groupes et des situations
personnelles, mais elle trace néanmoins un chemin clairvoyant qui s’exonère également
des registres de la santé, de l’éducation et des ressources humaines.
78
2
Les métiers
3 L’exercice du métier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
4 Les métiers de la psychologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Les métiers
3. L’exercice du métier
3
L’exercice du métier
81
Les métiers
une observation, le fait même de regarder, est une action, comme toute perception.
À la différence d’une caméra, ces yeux qui voient font partie d’un ensemble, d’un
corps qui ressent, réagit à ce qui se passe. C’est bien d’une présence dont il s’agit. Il
est important d’y porter attention, car cette présence peut être mal vécue s’il n’existe
pas de retour sur cette observation, donnant l’impression que la personne part avec
quelque chose. Cette présence apparaît bénéfique, quand elle offre la garantie que ce
qui se passe ou se dit produit un effet, est supporté par le regard et l’écoute d’autrui
et, à cet égard, faisable et viable, comme pouvant se reproduire hors les murs, ce qui
demeure un but à poursuivre dans nombre de situations. En ce sens, être présent sans
agir est une place non seulement enrichissante, mais structurante pour la personne ou
l’organisation considérée. Il va sans dire que la personne ou le groupe est concerné et
qu’après lui avoir expliqué, il faut qu’il puisse choisir, c’est-à-dire avoir la possibilité
de refuser, mais également revenir sur sa décision s’il le désire. Par ailleurs, nous
pouvons penser que le maître de stage demande à l’observateur de le conforter en tant
que thérapeute suffisamment bon, gestionnaire suffisamment alerte et/ou pédagogue
suffisamment averti.
Le psychologue fait un usage important de l’observation jusqu’à l’utiliser comme
une méthode. Lorsqu’il se trouve en formation sur le tas, cela fait de lui un stagiaire
performant puisque l’on accordera à cette place une prépondérance de l’observation
comme mode d’analyse, d’intégration et de connaissance. Que l’issue d’un stage soit
une embauche, c’est toujours ce que l’on peut souhaiter, mais là n’est pas l’essentiel.
Il n’est pas à négliger bien sûr qu’un stagiaire qui donne satisfaction soit un gain
de temps et de compétences pour le recruteur, même si l’insertion dans une équipe
et la prise de ses marques demandent une vigilance spécifique, le changement de
statut et le repositionnement hiérarchique n’étant jamais évident. Le choix peut se
réaliser par opportunité ou par intérêt, la performance de l’un pouvant compenser
l’enthousiasme de l’autre, les deux ne sont pas exclusifs. Une information judicieuse
permet cependant d’éclairer ses choix, il est important de gagner du temps, même si
les détours sont instructifs dans leurs méandres.
Le stage ne fournit pas seulement un thème de mémoire et l’occasion de s’essayer
dans la mise en œuvre des connaissances, techniques et savoir-faire auprès de personnes
et des organisations. Certes, les bienfaits d’un stage ne sont plus à démontrer concernant
la formation technique et la connaissance des arcanes institutionnels dans lequel on
82
Les métiers
évolue. Ce sont des compétences qui en seront issues, mais il est une dimension à
laquelle elles doivent beaucoup, quasi subversive en sa définition. Le stage revêt en
effet une fonction bien particulière par la position d’entre-deux dans laquelle il place
le stagiaire, à la fois dedans et dehors, inclus dans un travail d’équipe, y compris
dans la saisie de ses subtilités, mais exclu de responsabilités formelles, en l’absence
3. L’exercice du métier
d’un contrat de travail, y compris avec une convention de stage. Il se trouve qu’une
superposition des fonctions amène à des confusions lorsque le psychologue devient
un éternel stagiaire une fois en poste. La super-position n’est pas toujours celle de
celui qui est détaché de la réalité, encore moins « désattaché » des possibles. Une
distinction est donc à travailler entre la fonction du psychologue et celle du stagiaire
liée à son statut de temporaire de la formation en situation de travail.
La posture de ce dernier est parfois inconfortable, mais aussi protectrice et plus
qu’il n’y paraît. Cette position, voire cette « danse », un pied dedans, un pied dehors,
et l’on avance, est ainsi favorable à l’épanouissement d’une fonction critique dont on
ne peut se départir. Si des remontrances ont pu aiguiser le sens critique de l’adolescent
que nous avons tous été, la subversion inhérente à cette position temporaire continue
de forger une analyse critique de notre investissement social. Le stagiaire ne doit
pas se priver de poser les questions qui dérangent. L’engagement professionnel est
déterminant de notre identité sociale et l’activité de travail nous retient suffisamment
d’années pour ne pas errer, voire se tromper dans la nature de cet engagement.
Une réorientation professionnelle demeure toujours possible, mais un ajustement
du parcours opéré le plus tôt possible permet de faire l’économie d’une souffrance.
Colporter cette satisfaction de faire durer la fonction subversive de l’activité humaine
en situation de travail contribue à l’éternité de la jeunesse du psychologue, mais
faire un métier de la fonction « poil à gratter » de la situation de stagiaire suppose
un aguerrissement qui ne peut être exigé du stagiaire, même s’il éclaire mieux son
intrinsèque précarité.
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
83
Les métiers
suscitées. Des choix dans l’aménagement des distances sont à opérer et à ajuster aussi
bien dans la prise de risque des solutions à éprouver, les siennes ou celles des autres,
que des durées de stage à faire prévaloir. On reconnaît au stage long l’attractivité d’un
approfondissement des relations et au stage court la multiplicité des contextes pour
diversifier l’expérience.
La répartition du temps est opérationnelle à plusieurs niveaux, entre les stages,
entre les périodes de stage dans un travail d’intégration psychique et entre les temps
d’un même stage dans un travail d’intégration sociale auprès des équipes notamment.
C’est ainsi que l’on est amené à découvrir que notre activité, si elle peut être dévolue
à la personne, ne lui est pas forcément toute consacrée. Il n’y a pas que des séances
dans le quotidien d’un psychologue et les alentours peuvent allègrement occuper une
bonne partie du temps. Le fonctionnement institutionnel et administratif ne peut être
négligé, au risque de passer pour un touriste en n’ayant comme préoccupation et
occupation la relation duelle.
L’apprentissage par essais et erreurs est particulièrement valorisé, curiosité et
critique pouvant se concilier dans la monstration de ce que l’on comprend de ce que
l’on observe, tandis que l’arrogance peut conduire à une mise à l’écart : toucher les
points sensibles peut rendre nerveux les personnes et les équipes, des précautions de
bienséance sont indispensables. Se plier au fonctionnement rencontré est indispensable
à la compréhension, mais ne pas rompre peut permettre de mieux comprendre encore.
Conserver son sens critique est un objectif sur lequel il apparaît nécessaire de se
concentrer une durée certaine.
S’il est répandu que l’on doute des compétences d’un stagiaire, il est des situations
où le savoir actualisé et/ou un regard neuf s’avère plus percutant que l’avis de
professionnels confirmés. Le dosage de prudence sera alors toujours apprécié à l’aune
des enjeux et du respect d’une éthique personnelle. S’adapter et trouver des compromis
reste formateur et il est parfois utile d’attendre pour mieux saisir des pratiques que l’on
trouve initialement choquantes par exemple. Les désagréments de certaines situations
présentant des aberrations peuvent être éclairés et résulter de l’histoire institutionnelle
et de celle des personnes. Elles n’en renforcent pas moins, pour certaines d’entre
elles, des souffrances et des mécanismes de défense légitimes ainsi que des images
tumultueuses d’une profession, parfois moins glorieuses que honteuses susceptibles
d’obstruer la représentation d’un métier que se forgent les étudiants.
84
Les métiers
3. L’exercice du métier
des bénéfices à retirer. La position de stagiaire n’est pas étrangère à la pression
hiérarchique lorsque l’on peut estimer ne pas se sentir capable ou ne pas maîtriser des
outils et se sentir l’obligé de son maître de stage parce qu’il y a une évaluation à la
clef. Le stage rend bien compte d’une activité de travail même s’il n’en partage pas
les conséquences, ni le statut.
85
Les métiers
des noms, à varier les caractéristiques et à transformer des détails sans affecter la
compréhension de la situation, mais en préservant la vie privée des individus. Dans cette
perspective, on évite de s’épancher sur la vie des personnes avec qui l’on a travaillé.
L’étude de cas, ou de situation s’il ne s’agit pas d’une seule personne, obéit quant à
elle à un plan généralement dicté par l’approche qui prévaut : comportementalisme,
3. L’exercice du métier
86
Les métiers
également parfois dommageable, de penser que l’on est le premier à aborder un sujet
pointu avec une question actuelle. Les conseils d’un ancien sont alors judicieusement
appréciés pour mettre en place les stratégies nécessaires pour des gains de temps et
de pertinence. C’est la conjugaison d’une opportunité et d’un intérêt qui permet de
gagner en investissement pour prolonger celui-ci et le renouveler quand les efforts de
3. L’exercice du métier
rédaction commencent à se faire sentir.
Parmi les ressources disponibles, les problématiques saillantes du lieu de stage sont
favorables à un éclaircissement qui tienne compte du terrain et de sa clinique, évitant
l’étude trop documentaire et ainsi « intellectualiste » d’un phénomène. Une fois le
champ d’investigation retenu, la démarche scientifique attendue consiste à définir un
objet d’étude qui permette de clarifier ce sur quoi va porter la recherche. Des lectures
préalables sur le sujet ont permis de cerner les lignes de force déjà étudiées par d’autres
ou qui continuent de générer des questionnements. Une synthèse de ces lectures est
nécessaire pour décrire l’existant et le contexte dans lequel souhaite s’insérer cette
étude.
87
Les métiers
88
Les métiers
3. L’exercice du métier
mais l’aisance à l’oral peut devenir un atout. C’est aussi un minimum requis pour
incarner un métier qui met en avant la parole et l’expression. Les présentations orales
doivent donc être soignées autant dans leur contenu que dans leur forme.
C’est le temps d’une démonstration, le temps imparti va en structurer les étapes à
partir de mots posés comme repères. En effet, lire un texte est contre-productif, écrire
sur une feuille devant soi quelques mots comme jalons d’une pensée qui se déroule est
plus utile. Exposer, c’est poser une introduction et une conclusion, et présenter un plan
logique pour relier l’un à l’autre. Comme il s’agit de convaincre, la cohérence doit
être visible, l’anticipation sur les critiques possibles présente. C’est une performance
scientifique qui doit prouver un esprit de synthèse, démontrer la maîtrise de qui a été
écrit tout en s’écartant a minima du document à soutenir. Ce n’est pas seulement un
résumé, mais une présentation qui va s’attarder sur quelques points jugés importants.
Un support de présentation aide cette structuration du temps et de l’argumentation.
Le diaporama doit rester léger et dansant. Les diapositives reprennent quelques lignes
de texte avec un titre en chapeau et parfois un petit dessin, le tout soutenu des
mouvements d’une flèche et de lignes de texte. Il serait dommage de se priver des
possibilités de l’informatique, mais il faut veiller à ne pas trop charger les diapos, ni
disperser les mouvements d’apparition et de disparition. Si le temps de présentation
peut être préparé, les questions issues d’un jury sont difficiles à anticiper. Le grand
moyen de gagner un peu de temps pour organiser sa réponse est de faire répéter la
question.
Du cursus de formation du psychologue, on ne retient pas seulement des
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
connaissances issues des différentes disciplines qui parcourent ses cinq années.
C’est également une expérience vécue à partir de mises en situation sur le terrain,
toujours formatrices. C’est aussi la confrontation avec soi dans un travail d’écriture.
C’est heureusement le fruit d’une activité de collaboration avec des pairs et des aînés,
professionnels et enseignants, que le partage enrichit et fortifie pour une insertion
optimale lors d’un ou de plusieurs postes après la réussite aux examens des diplômes
qui conduisent au titre de psychologue.
89
Les métiers
90
Les métiers
sans contrepartie financière ? Quelle dévaluation prévaut alors aux réalisations d’un
psychologue susceptible de conduire à une dévalorisation de son activité ?
La stratégie qui consiste à proposer une activité bénévole dans l’attente d’une
rémunération ultérieure en poste ou en vacations n’est pas suffisamment payante
tant elle est embrumée des illusions qu’un jeune diplômé doit perdre. Aussi, est-il
3. L’exercice du métier
nécessaire d’évaluer les situations proposées pour que la création d’un emploi se fasse
dans un délai raisonnable. Une formation à bac + 5 devrait conduire à fortiori à ce
type d’analyse. Mais quels aspects peuvent masquer le repérage des critères fiables
d’une telle évaluation ? Certes, la visibilité sociale de la psychologie peut entraver
la démonstration d’une rentabilité sociale, mais peu en ce qui concerne les domaines
classiques d’intervention, d’accompagnement ou d’évaluation. Certes, l’expérience
peut bénéficier de stages, y compris répétés – merci les DU qui prorogent le statut
d’étudiant à la suite d’un master –, mais l’exploitation n’a jamais été démentie et la
grogne monte.
Le bénévolat devient d’ailleurs si répandu dans la gestion des ressources humaines
et les questions juridiques si épineuses qu’un statut à mi-chemin entre le bénévole et
le salarié apparaît avec la loi du 23 mai 2006 : le volontaire. Il touche une indemnité
mensuelle qui ne peut excéder, mais exaspère tout de même, la somme de 634,80 €
au 1er février 2007. Il n’en reste pas moins nécessaire que les psychologues se lancent
dans une réflexion pour que le bénévolat ne devienne pas toxique pour leur insertion
professionnelle. La récente loi qui permet la rémunération des stages de plus de
trois mois à 31 % du Smic se présente comme si radicale pour éradiquer ce fléau
des professionnels surnuméraires, qu’elle se contourne avec des stages de 2 mois et
29 jours tant les structures qui reçoivent des psychologues en stage dans le champ de
la santé n’ont pas de moyens. Le Salaire minimum interprofessionnel de croissance
horaire net est de 6,93 € au 1er juillet 2009.
Une toxicité narcissique est plus fragrante chez les personnes retraitées qui ont du
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
91
Les métiers
Pourquoi payer un professionnel quand l’activité est simple et à la portée de tous ? Une
opinion qui vient à la rencontre de l’altruisme bienveillant de tant d’autres bénévoles à
qui l’on demande seulement d’avoir « bon cœur ». L’irresponsabilité du psychologue
s’accroît par une posture si légère qu’il peut disparaître du jour au lendemain sans
rendre de comptes et par une position peu rassurante pour les personnes et dédaigneuse
3. L’exercice du métier
• Le curriculum vitae
• La recherche d’emploi
• Entretien, tu me tiens
• L’installation comme fonctionnaire
• La fonction clinique et la fonction FIR
• Les conventions collectives
• L’installation en activité libérale
• Le portage salarial
• Les écrits du psychologue
92
Les métiers
temps partiel permette de débuter, mais qu’il faille en accumuler plusieurs avant
de s’installer dans un temps plein ou deux mi-temps si l’on préfère partager son
exercice entre deux types de structure ou deux publics. Certains vont être tentés de
suivre les incitations liées à l’exercice libéral, or une solide expérience clinique et
une connaissance des réseaux institutionnels sont nécessaires avant de se lancer dans
3. L’exercice du métier
cette aventure. Si l’on y ajoute les contraintes afférentes et le nombre d’années pour
se constituer une patientèle, la dissuasion reste forte pour les débutants, sans compter
l’exposition de la crédibilité du métier. L’exercice salarié offert par des structures
publiques, semi-publiques, associatives ou des entreprises n’est pas si décourageant
au vu de la pénurie de professionnels formés, accessibles à si bas prix et dont les actes
ne sont remboursés que par des dispositifs spécifiques de santé. L’exigence légitime
du choix de son emploi pourrait paraître indécente en cette période de crise des trente
furieuses où la tendance est d’être choisi. Cependant, quand l’outil de travail est la
personne elle-même, quand bien même les ressources humaines glissent vers le capital
humain, il est fondamental de persister dans le respect de ce principe d’un choix pesé,
c’est-à-dire pensé.
En tout état de cause, quatre accès se présentent pour acquérir son premier
poste : la candidature spontanée, la réponse à un appel d’offres, la petite annonce,
et l’opportunité d’un réseau de relations. Il demeure néanmoins utile d’être prêt
avant même d’emprunter ces voies d’affrontement avec son avenir. Une réflexion
est nécessaire sur l’orientation professionnelle à privilégier, quand bien même les
stages, les options et les sujets d’études ont posé quelques jalons déterminants. Elle
sera à l’épreuve lors de la rédaction du CV et des lettres de motivation ainsi que
lors du choix des annonces d’emploi. Cette véritable élaboration d’un parcours de
vie sociale se poursuit avec les entretiens de recrutement, dont les premiers peuvent
revêtir l’aspect d’un entraînement pour la maîtrise de l’outil commercialisant, mais
dont les effets sont structurants. La représentation du métier que l’on continue de se
forger à cette occasion, la cohérence qu’elle endosse avec les projets que l’on souhaite
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
voir aboutir, incarnent la préparation qui fera sa place dans la construction de son
identité professionnelle.
Le curriculum vitae
La rédaction du curriculum vitae (CV) est l’occasion de faire un premier bilan de
ce que l’on a travaillé et suivi pendant son cursus ou en dehors, et d’en structurer
une synthèse valorisante, dont l’apprentissage n’est pas toujours aisé. L’exercice se
complexifie avec le temps. Il permet en outre de se réconcilier, si besoin est, avec
certains des épisodes de sa vie, les fameux trous de CV. Il comporte les rubriques
suivantes : état civil, expérience et formation. Au nom et prénom, on ajoute l’âge
93
Les métiers
plutôt que la date de naissance, qui dissuade de faire un thème astral. La formation
est désormais positionnée après l’expérience, les diplômes pour l’obtention du titre
suffisent puisqu’ils supposent acquis ceux qui leur sont antérieurs, sauf à être très
distincts de la discipline. Un CV se présente sur une page, deux au maximum. Au
fur et à mesure que l’expérience s’étoffe, les détails concernant les stages laissent
3. L’exercice du métier
94
Les métiers
3. L’exercice du métier
et de recommandations de bonnes pratiques, la première est de rappeler la nécessité de
ne pas nuire avant tout. Sans préciser plus avant la nature de celui-ci, il est nécessaire
de le distinguer de l’expérimentation sur soi des fléaux sociaux. C’est bien souvent
des erreurs de jugement qui conduisent certaines personnes à se prémunir d’une
expérience de sortie de crise pour prétendre « sauver » d’autres personnes en situation
similaire. Cette attitude de substitution est potentiellement néfaste, particulièrement
quand elle ouvre aux dérives par mécompréhension et mésusage d’une part, par
collusion et dilution dans l’art du contact d’autre part. Cette connaissance préconisée
de sa façon d’être, notamment dans la relation, et particulièrement pour estimer la
distance suffisamment bonne, s’expérimente auprès d’un tiers dont c’est le métier.
Psychothérapie et supervision, mais aussi psychothérapie ou supervision quand les
moyens sont dissonants avec les intentions, un autre choix tend à se répandre en
situation de précarité, il s’agit de l’intervision. Plusieurs collègues se retrouvent par
affinités pour évoquer ensemble leurs difficultés, mais aussi leurs lectures.
La recherche d’emploi
Chercher un travail est un vrai boulot, ces conventions demandent un réel
apprentissage et l’aisance pour se déterminer dans un choix satisfaisant s’améliore par
la confrontation avec l’exercice. Ainsi, est-il possible de s’entraîner pour des lettres de
motivation à partir de petites annonces et d’accepter des entretiens d’embauche pour
des postes qui ne conviennent pas de prime abord. Il est également judicieux de préparer
de petits topos, synthétiques et enlevés, sur son parcours, ses compétences et ses
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
motivations, son rapport à l’institution et au travail d’équipe ainsi que les particularités
propres qui vous rendent irrésistibles sur ce poste. Si le recruteur cherche une perle
rare, le salarié propose d’échanger sa force de travail. Il est donc fondamental de
s’informer sur le poste à pourvoir et de s’enquérir de toutes les informations utiles pour
motiver sa propre décision, indépendamment de la réponse fournie par l’institution
ou l’employeur. Le choix est réciproque et l’on ne peut accepter des contraintes
susceptibles d’engendrer une souffrance professionnelle ultérieure. C’est dire aussi
l’importance de l’authenticité lors de tels entretiens, ce qui n’exclue pas l’apport
d’autres stratégies de valorisation. Nous ne revenons pas sur notre méfiance à l’égard
du bénévolat trop souvent prônée comme l’alternative à la procrastination. Rechercher
des renseignements et des arguments, anticiper sur les questions d’un entretien sur
95
Les métiers
un emploi sans en négocier les principales modalités d’autant plus aisément qu’on
leur pointe l’épée de Damoclès du nombre tranchant de candidats. Les comparaisons
sociales ne sont guère aidantes en ce moment et l’on accepte volontiers des postes en
abandonnant plusieurs contreparties notoires, le tiers-temps en tête. Il est des erreurs
de débutants qui peuvent se comprendre pour peu qu’elles ne soient pas reproduites par
la suite, mais une évaluation suffisamment bonne de la demande d’emploi présentée
par l’institution et le pronostic suffisamment fiable des compétences que l’on est
capable de mettre en œuvre pour y répondre, constituent les bases indispensables
d’une négociation la plus équilibrée possible. C’est parfois dans l’après coup d’un ou
de deux entretiens que l’on se rend compte de ce qui a cloché dans cette circonstance
pour cet emploi-là. C’est notamment pour cette raison qu’il est utile de multiplier les
rencontres et les situations d’embauche, pour améliorer la connaissance des arcanes
d’un dispositif social ou médical et préciser ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas.
Cette expérience est importante, car des questions cruciales n’attendent pas toutes
une surséance, des conditions de travail en dépendent qui ne pourront pas forcément
se rattraper par la suite et l’issue du départ en période d’essai relève toujours d’une
déception. Relever les ambiguïtés et faire préciser les sous-entendus, c’est le métier
qui rentre et l’on ne peut que souligner combien notre formation non seulement nous
rend performants pour cet exercice, mais nous autorise des choix.
Les psychologues de la santé sont formés pour intégrer un CMPP dans lequel ils
peuvent dispenser des consultations, prise en charge duelle, plutôt qu’individuelle,
en tête à tête, en séances, tandis que les psychologues du travail sont formés pour
devenir DRH. C’est un peu beaucoup les représentations que se sont forgées les
étudiants ou plutôt que les enseignants ont pris soin de transmettre, car ce sont
surtout eux qui diffusent ces types d’idéaux. Or aujourd’hui plus qu’hier, les prises
en charge classiques ne sont guère encouragées partout d’autant que la fonction est
également envisagée au quotidien des spécificités des institutions accueillantes. Nous
renvoyons aux chapitres qui traitent des portraits et des frontières pour éclairer choix
et exigences qui se doivent de rester dignes quel que soit l’état du marché de l’emploi.
Nos atouts demeurent probants, pas seulement quand ils sont jalousés même si cela
est un indice de fiabilité, mais parce qu’ils aident à structurer la présentation de
l’histoire de l’autre et décrypter nos propres réactions, parce qu’ils rendent viables et
dignes de transmission des (re)présentations « qui se tiennent » en se montrant moins
vaporeuses que rassurantes. Le renouvellement du regard ainsi porté sur une situation
96
Les métiers
ou un problème par l’un et par l’autre, chacun ayant à son secours et recours son corps
et son vécu doit perpétuer « l’outilité » des psychologues.
L’effort de recherche doit être dosé et il n’est pas nécessaire de se disperser. Aussi
est-il préconisé de favoriser la voie la plus propice à un résultat. Répondre aux petites
annonces et envoyer des candidatures spontanées conduisent à des opportunités bien
3. L’exercice du métier
inférieures aux effets d’un réseau de relations. Il est judicieux de rester en contact
avec ses collègues de promotion, voire de contribuer à leur rassemblement avec la
Fédération française des psychologues et de psychologie, à titre individuel ou via une
organisation ou un syndicat, et/ou une association d’étudiants et d’anciens proposant
des manifestations autour de la psychologie. Multiplier les contacts est une façon
essentielle de déployer les chances d’être tenu informé de la vacance d’un poste.
Entretien, tu me tiens
Si un entretien de recrutement n’est pas prévisible, tout comme le passage devant
un jury, certains moments peuvent néanmoins être préparés. Le premier est une
présentation de soi de quelques minutes, de son parcours et de ses motivations,
y compris à partir des sempiternelles interrogations : « quels sont vos principales
qualités et vos principaux défauts ? », mais aussi envers des questions plus intrusives
qu’une réponse préparée peut esquiver. Les moments critiques de son parcours peuvent
être réexaminés avec soin, il est essentiel d’être au clair notamment sur les fins de
contrats antérieurs. Que l’on demeure le sujet sur lequel il n’est pas possible de sécher
est une chose, savoir communiquer sur son parcours et sa personnalité mérite une
attention toute particulière. C’est toujours d’un choix réfléchi dont il s’agit in fine et il
est à présenter comme tel. Des collègues psychologues du travail peuvent toujours se
dévouer pour donner un coup de main, c’est souvent leur job.
L’entretien de recrutement a comme finalité d’apprécier une capacité à occuper un
emploi proposé ou des aptitudes professionnelles. Les informations recueillies doivent
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
donc présenter un lien direct et nécessaire avec ces deux objectifs. À la légitimité
du choix de l’employeur, qui n’a pas à motiver un refus d’embauche, fait face la
liberté de conscience et d’opinion, la liberté syndicale et le respect de la vie privée,
mais l’absence de sanctions efficaces nous rappelle la réalisation difficile de cet
équilibre. La délibération n◦ 85-044 du 15 octobre 1985 de la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (CNIL) parue au Journal officiel le 27 novembre 1985,
rappelle ce respect de la vie privé, familiale et sexuelle des candidats ainsi que la
prohibition d’un profil et la préservation de la confidentialité des informations. De
l’audace des interrogations sur la santé ou le budget mensuel consacré aux loisirs, se
substitue aujourd’hui une subtilité des questions. On va demander une opinion sur
un aphorisme comme « une union fait la force » ou se renseigner insidieusement sur
97
Les métiers
une appétence à discuter du travail avec d’autres après celui-ci en lieu et place de la
traditionnelle question directe : êtes-vous syndiqué(e) ?
L’entretien est à double visée quand nous souhaitons l’explorer comme moment
de rencontre à la base d’un travail, il est alors la fondation de tout cet échange qui
occupe le devant de la scène psychologique. Il est aussi à la base du recrutement de
3. L’exercice du métier
tout professionnel, mais ici une attention plus particulière va lui être portée puisqu’il
incarne l’enjeu humain par définition. Bien évidemment, ce n’est pas de la même place
dont il s’agit et nous ne poussons pas l’ironie jusqu’à penser que l’entretien est un
outil de recrutement et de gestion de patients ou qu’une expérience de la dissymétrie
de l’entretien est formatrice. Le psychologue laisse émerger une singularité, il n’est
pas dans une procédure systématisée, il dispose de plusieurs orientations : ce n’est pas
de la même chose dont il s’agit. Selon chaque situation et en fonction de l’objectif,
l’entretien est pensé, mais il existe des similitudes pour lesquelles on est toujours
bien inspiré de profiter des retombées. Il s’agit avant tout de mettre en place les
conditions nécessaires au recueil de l’information que l’on souhaite jusques et y
compris celle à laquelle on ne s’attend pas, à la différence d’un questionnaire par
exemple. Occuper une place puis l’autre, celle de celui qui fait et de celui qui passe, est
toujours pédagogique, mais si les enjeux peuvent varier, les ressorts des mécanismes
de l’entretien ne sont peut-être pas si distincts en fonction des places occupées. Le
psychologue est un spécialiste de cet outil, même s’il n’est pas le seul. L’aisance du
maniement de l’outil est particulièrement aidante. Le psychologue peut également
postuler pour devenir recruteur, il est alors censé disposer de tous les atouts.
L’entretien, c’est un contrat de communication qui fait de la parole une construction
et l’on va en examiner les termes, car il supporte trop aisément l’adage qui laisse à
penser que tout le monde peut faire de l’entretien, tel Monsieur Jourdain. La formation
n’en devient que plus délicate, car l’expérience professionnelle, quelle qu’elle soit,
ne suffit pas pour poser les bonnes questions, il est nécessaire de disposer également
d’une expérience de l’entretien. Pire, on pense souvent qu’il suffit d’être soi-même, or
l’on se trouve en face d’une autre personne en situation professionnelle : l’authenticité,
essentielle, doit être épaissie d’une compétence. Il faut repérer deux axes dans un
dialogue qui recoupent, comme dans toute communication, le contenant et le contenu,
mais aussi le cadre et le processus, le second permis par le premier. C’est ainsi que
l’on distingue :
– la relation, c’est-à-dire la rencontre de deux personnes avec leur rôle (interviewé,
intervieweur), leur personnalité, leur statut, leur pression sociale (définie par la
situation). L’un questionne, reformule, relance et « empathise » pendant l’entretien :
il a préparé en amont et analyse en aval ; l’autre fournit la matière première, construit
son discours en énonçant et peut transformer sa position de départ ;
98
Les métiers
3. L’exercice du métier
donc impliquer les personnes et met aussi les facteurs de la relation au premier plan.
Une relation asymétrique ne suffit pas, des conditions pour obtenir de l’information
sont nécessaires. En tout premier lieu, être facilitateur, mettre à l’aise. Être neutre
également, mais bienveillant, ce qui conduit à une attitude qui oscille entre laisser-faire
et direction. La réussite d’un entretien est conditionnée par cette attitude qui consiste
à diriger tout en se laissant diriger. Reformuler nécessite de résumer, et non de répéter,
c’est-à-dire reprendre l’essentiel pour la personne et non pour le professionnel. C’est
comme un feedback de ce que l’on a compris, la reformulation est proposition d’un
accord comme pour dire : « c’est bien ce que vous voulez dire ? » Il est nécessaire aussi
de recentrer, de relancer et d’interroger à partir de questions ouvertes ou fermées. Alain
Blanchet donne la définition suivante de ce contrat de communication : « Ensemble
de savoirs partagés des interlocuteurs sur les enjeux et objectifs du dialogue. » Cette
relation centrée sur de l’information se caractérise par un effet, un changement, jusqu’à
assimiler les termes, sans pour autant se prononcer sur la nature de ce changement.
La plupart du temps, il est mobilisateur, stimulant, même temporairement. Ainsi,
l’entretien est efficace, il a des effets, il introduit un processus de changement, même
furtivement, meilleure connaissance et/ou perception de soi. L’usage va jusqu’à se
prononcer sur un impact positif dans 80 % des cas, négatif dans 10 % et une absence
d’impact dans 10 % des cas. Néanmoins, ce n’est pas parce qu’il semble que ça
marche à tous les coups que l’on peut faire n’importe quoi : l’efficacité systématique,
mais non mesurée, de l’entretien relève de la qualité de l’interaction. Celle-ci se
pense. Par ailleurs, on s’entend pour dire qu’il n’y a pas un modèle meilleur que les
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
99
Les métiers
la parole quand il s’avère plus utile qu’une autre modalité d’examen. On ne touche
pas, on écoute et on regarde. Cette conduite de retrait, doublée d’une mise à distance,
est un premier pilier de cette technique, le second étant la grille d’entretien, car une
préparation donne du poids : il y a un ou des objectifs à atteindre. Ce guide est plus
ou moins fort selon la structure de l’entretien. Trois types d’entretien décrits à cet
égard sont fournis par le dosage de l’interrogation.
• L’entretien dirigé : les questions sont précises, un questionnaire aurait autant de
valeur, l’entretien tourne court.
• L’entretien non directif, à l’opposé, met en avant la spontanéité de la personne et
ses préoccupations dominantes. Il est riche sur la personnalité, bénéfique pour la
personne, il oblige à être neutre et compréhensif. Il peut être long et fouillé. Il peut
surtout être inutile et distiller de la démagogie.
• L’entretien semi-directif, quant à lui, à privilégier dans la plupart des circonstances
professionnelles rencontrées par le psychologue, n’est pas une résolution de pro-
blèmes, ni une évaluation comparée. Il mêle une attitude d’enquête, particulièrement
au début, à une attitude d’exploration dès qu’apparaît un point important. La poussée
de l’exploration est soutenue d’une attitude de compréhension où l’on encourage la
personne à expliciter et analyser ce qu’elle dit. On évite les risques d’un sentiment
d’évaluation en posant des questions indirectes.
Pour en revenir à la grille d’entretien, elle est une garantie de fiabilité, elle permet
d’intérioriser la préparation de l’entretien et de ne pas induire les réponses. Elle
construit le champ d’investigation, permet d’homogénéiser une procédure, résume
les hypothèses et les variables retenues et, enfin, prépare l’analyse de contenu qui va
suivre l’entretien. Une fois la grille construite, il est possible de passer à l’élaboration
d’un canevas, plus souple et plus complet. Un repérage de trois temps et de quatre
mouvements peut être classiquement décrit. Trois temps, non linéaires, sont présents
dans l’entretien : l’exploration, la compréhension, l’action. Un entretien qui peut
s’inscrire dans un processus en quatre phases pour faciliter une mnémotechnie
qui évoque un « PIED » : j’accueille, c’est une Préparation, je dépiste, c’est une
Investigation, je pense, c’est une Exploitation, j’oriente, c’est une Décision. Le
psychologue de la santé avec la parcimonie de ses interprétations, le psychologue du
travail avec la pertinence de ses recrutements et le psychologue de l’éducation avec la
100
Les métiers
3. L’exercice du métier
est nécessaire d’admettre l’oscillation de base de l’objectif le plus immédiat : accepter
la mise en place d’un cadre thérapeutique ou se dégager d’une impasse thérapeutique
prévisible. Les préoccupations diagnostique, pronostique et thérapeutique rythment
les entretiens au fur et à mesure du déroulement de ceux-ci dans le temps, y compris
après coup. Leur simultanéité aboutit rapidement à une décision après une phase
d’évaluation, de nature réciproque, même si les objectifs sont distincts, qu’elle
concerne l’analyse d’une psychopathologie individuelle ou des interactions familiales
et sociales. D’autres mots pourraient avancer la même chose dans un contexte de
travail pour recruter ou non une personne, l’accompagner dans un outplacement ou un
bilan de compétences, mais également dans un contexte scolaire pour une orientation
professionnelle.
101
Les métiers
102
Les métiers
Si l’une des trois conditions manque, l’agent recruté n’est pas considéré comme un
vacataire, mais comme un agent non titulaire.
3. L’exercice du métier
Réclamer un dispositif clinique n’est pas aisé pour autant dans une période où
il vient à l’encontre d’autres logiques issues d’autres priorités. À l’entrée d’une
institution ou sur son seuil, on connaît meilleure intégration que la « vindication »
d’une spécificité, mais c’est aussi une façon de faire sa place, de travailler à se
positionner dans l’organisation, une monstration de sa force de conviction également.
Le démarquage d’un espace propre n’est pas non plus un marquage du territoire privatif
où la communication n’aurait plus sa place, mais l’engagement sous conditions résiste
mal au chantage d’une docilité professionnelle sollicité ou exigée. Un juste milieu
est à trouver-créer. L’engagement est toujours questionné par les représentations
que l’on s’est forgées en compagnonnage ou à l’université, particulièrement parce
qu’il évolue avec les modalités de la fonction ou du poste, et se trouve interrogé à
partir de l’intervention directe que réclament de plus en plus les nouveaux profils de
psychologue. Les budgets ont raison de l’art et la seule action symbolique n’est plus
tenable dans le renouveau de l’organisation professionnelle, où la polyvalence dispute
sa prérogative au management par la peur. L’engagement mérite d’être distingué de
« l’engageation » comme l’on distingue l’activité de l’activisme, l’intervention de la
directivité et le retrait de l’inaction. À la négociation originale va succéder un espace
de négociation à créer pour maintenir un dispositif en adéquation avec ce que l’on a
appris et que l’on sait faire. La tentative doit en être établie et la démonstration tentée,
les rapports de force feront le reste, le contexte étant plus ou moins aidant. Il est
toujours possible d’aller chercher ailleurs, mais le cumul d’expérience professionnelle
est un bagage minimum pour un parcours donné. La demande de renoncer à une
activité de suivi ou de prise en charge se rencontre de plus en plus fréquemment
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
et à tout âge, dans les structures d’insertion des jeunes comme dans les services
d’évaluation des fonctions supérieures chez les personnes âgées. La rentabilité de
l’activité du psychologue se trouve penchée sur un accueil évaluatif ou d’orientation
au dédain du traitement des obstacles ou des problèmes rencontrés par les personnes,
jugé trop chronophage. Les arguments d’une suprématie qualitative ne manquent pas
là où l’éthique n’a pas de prise pour comparer une file active avec une réussite de
placements, mais il n’est pas toujours facile de les faire valoir.
L’identité du psychologue se construit à partir de la légitimité que lui confèrent ses
emplois, la reconnaissance des personnes qu’il rencontre et la plus-value qu’il fait valoir.
Or le cumul des postes et le morcellement d’un emploi du temps, ne permettent pas
toujours d’obtenir l’équivalent d’un temps plein. Seul, le nombre d’années permet de
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Les métiers
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Les métiers
3. L’exercice du métier
la Caisse primaire d’assurance-maladie ne codifie, ni ne rembourse des actes. Les
prestations et interventions du psychologue ne sont prises en charge par la Sécurité
sociale que lorsqu’ils sont intégrés à un traitement d’ensemble comportant d’autres
actes thérapeutiques ou de plus en plus fréquemment par des dispositifs assurantiels
tels que les mutuelles.
L’activité libérale est bien celle d’une entreprise individuelle, dont l’exercice
s’ajuste moins à un projet commun institutionnel et se mesure plus à l’aune des
revenus dont la stabilité reste primordiale. Elle se partage moins avec des collègues,
mais son efficacité est plus solitaire. La responsabilité augmente avec la liberté d’action
et la dépendance diminue avec une hiérarchie qu’une bonne aisance avec un réseau
doit savoir combler. Le Code de déontologie devient le texte de référence principal en
l’absence de textes ministériels d’encadrement. Les gains procurés par l’absence de
conflits institutionnels accompagnent celle d’une dilution de la responsabilité. Celle-ci
est pleine et entière, assumée à partir des choix cliniques retenus et des repères
plus aisés de nos propres conflits. La mixité des options, salariée et libérale, ne doit
cependant pas engendrer une confusion des registres qui conduirait à se comporter
dans l’un des lieux comme si l’on était dans l’autre.
La décision d’une installation est prise dans la perspective d’une étude préalable
qui répond aux soucis suivants : la motivation ; l’organisation de la mise en place et
particulièrement lors des débuts parce qu’ils sont peu rémunérateurs, mais également
à plus long terme, tant envers les aspects professionnels qu’administratifs, financiers
et communicationnels ; l’ancrage géographique, en regard des besoins locaux et de
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
105
Les métiers
Si le choix de se lancer dans une activité non salariée en faisant des bénéfices non
commerciaux – c’est leur appellation fiscale –, d’autres choix sont à programmer.
Trois critères sont constitutifs de la pratique d’une profession libérale : indépendance
juridique du travailleur, pratique personnelle d’une science ou d’un art, prépondérance
de l’activité intellectuelle. L’installation en activité libérale nécessite de se renseigner
3. L’exercice du métier
Informations utiles
pour les cotisations :
• www.urssaf.fr
• www.le-rsi.fr
• www.cnavpl.fr
• www.cfe.urssaf.fr
☞ • www.formapl.org
• www.apce.com
3. L’exercice du métier
Le choix du statut juridique et du régime fiscal réclame une information complète,
un repérage renseigné et perspicace sur les formalités et leurs conséquences. La
déclaration d’existence au centre des formalités des entreprises (CFE) de l’URSSAF
du lieu d’activité est d’autant plus simple qu’elle vaut pour l’ensemble des organismes
destinataires. Ainsi, l’INSEE attribue un numéro d’identification unique : le SIRET.
Ce numéro à 14 chiffres se compose du SIREN (identification de l’entreprise) et du
NIC (identification de l’établissement). L’INSEE attribue également un code d’activité
appelé code APE.
Les démarches peuvent être simples, mais les investissements peuvent aisément
grever un budget. Le local, le mobilier, le matériel et les nécessaires démarches de
communication autour d’une installation sont des charges qu’il est prudent de chiffrer.
Au choix du local, s’ajoutent les autorisations idoines, celle du propriétaire si l’on est
locataire, celle du service d’urbanisme si l’on est propriétaire. La question se pose
alors de changer le statut du local ou de lui conserver une mixité avec l’habitation. Le
centre des impôts répond aisément à ces préoccupations en regard de la taxe afférente.
Par anticipation sur les délais légaux, actuellement fixés au 1er janvier 2015, d’une
accessibilité aux personnes en situation de handicap, des travaux d’aménagements
sont bien souvent à prévoir. Si un usage stéréotypé admet une clandestinité pour « se
jeter à l’eau » et ainsi ne pas déclarer les premiers clients le temps d’une période
équivalente à un essai, non seulement elle n’est pas autorisée, mais elle constitue une
infraction : au premier patient dont on prend en charge la responsabilité d’une aide,
correspond une déclaration. L’immatriculation doit être faite au plus tard dans les huit
jours qui suivent le début d’exercice de l’activité.
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
107
Les métiers
« .../... Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions
médicales et paramédicales réglementées, et par les psychologues, psy-
chanalystes et psychothérapeutes titulaires d’un des diplômes requis, à
la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la
fonction publique hospitalière ainsi que les travaux d’analyse de biologie
médicale et les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les
prothésistes .../... »
Le montant des revenus détermine l’activité principale lorsqu’il existe une mixité
entre salariat et libéral. Lorsque l’activité privée est faible, les cotisations seront dues
mais des réductions, remises ou exonérations sont possibles. Le cumul d’activités est
réglementé pour les fonctionnaires ou les salariés relevant de conventions collectives
et devient possible pour des activités dérogatoires telles que :
– la production d’œuvres littéraires, scientifiques, ou artistiques ;
– les expertises, consultations ponctuelles et enseignements effectués sur la demande
d’une autorité administrative ou judiciaire, avec l’accord du chef de l’administration
concernée ;
108
Les métiers
3. L’exercice du métier
responsabilisation de son parcours professionnel aboutissant à une installation en
libérale. L’expérience acquise au préalable reste cependant un étayage fondamental,
la liberté d’action ne pouvant constituer le moteur essentiel de cette orientation, même
si l’absence de remboursement vient la renforcer, rejoignant ainsi d’autres exercices
comme la psychomotricité dans le champ de la santé, le coaching dans le champ du
travail ou la psychanalyse. L’indépendance revêt un prix, mais pour qu’un coût ne
nous écrase pas, il est indispensable de l’estimer.
Le portage salarial
Un système mixte entre le salariat institutionnel et l’activité libérale, entre le
free-lance et l’intérim, voit le jour ou se fait connaître actuellement. Le choix de ce
système peut être retenu ou écarté après examen de ses caractéristiques. Le portage
salarial est une forme d’emploi permettant d’exercer son activité professionnelle
comme un consultant, comme un libéral, durablement ou momentanément, en
conservant son statut de salarié. La société de portage se charge de toutes les
déclarations et relations avec les organismes sociaux, tandis que le « porté » cherche ses
contrats, choisissant ainsi ses missions et son rythme d’activité. C’est un intermédiaire
qui prélève 10 à 15 % de commission du montant de la facture de celui qui travaille
en lui en reversant la moitié des honoraires puisqu’il aura réglé au passage toutes
les démarches administratives. L’intérêt d’un tel système est manifeste en période de
sortie de chômage, d’autant que le cumul avec l’allocation des Assedic est possible, en
phase d’étude de faisabilité d’une nouvelle activité avant de s’installer à son compte,
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
109
Les métiers
110
Les métiers
ce qu’il pense de ce qui lui a été dit. Cet écrit a été discuté avec le sujet pour faire
préciser notamment ce qu’il ne veut pas voir diffuser à d’autres ou les intéressés
ont été informés et ont eu accès à ces informations. Cependant, au-delà, lorsque le
professionnel quitte un lieu d’exercice ou un employeur, comment procéder pour
garantir la préservation de la vie privée des personnes ? Quelques précautions utiles à
3. L’exercice du métier
toute transmission de document aident à prendre une décision suffisamment bonne.
Le choix des éléments et arguments retenus dans une description, une analyse
et des conclusions le sont dans la perspective de répondre à une ou des questions
professionnelles posées, et à elles seules, par un commanditaire, qu’il soit collègue,
juge, médecin, employeur ou usager/client. La rédaction en vue d’une transmission,
au-delà d’une lisibilité naturelle recherchée, est généralement prudente, circonstanciée,
adaptée et anticipée sur les usages probables d’un compte-rendu. Une transmission
qui ne peut avoir lieu sans accord explicite ou obligé de l’intéressé. Celui-ci est parfois
soucieux d’obtenir des documents qui nous paraissent aberrants. Il est ainsi important
de préciser que la délivrance d’une attestation a lieu après des séances et non avant.
S’il est possible de donner les dates de rendez-vous passés, il n’est guère envisageable
de donner un nombre de séances prévues pour un suivi, pas davantage le nombre
d’heures pour un bilan dont on ne sait à l’avance quels sont les tests nécessaires, ni
à fortiori le coût total de notre prestation. Il est tout aussi étonnant de s’entendre
demander des certificats pour des personnes que nous n’avons pas vues, y compris de
la famille des personnes reçues.
À l’oral, le choix de ce qui est retenu tient compte de la confiance des personnes
qu’il s’agit de ne pas trahir pour bien distinguer ce qui doit être tu par respect
de la personne et ce qui relève d’une transmission nécessaire dans le cadre d’un
partenariat. Rappelons-nous par exemple que les notes personnelles doivent le rester,
elles appartiennent au psychologue et ne sont pas transmissibles y compris aux
collègues. Le dossier psychologique peut comporter des protocoles de tests ou
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
d’orientation, mais aussi des lettres et des dessins possiblement transmissibles à des
collègues, mais non à des tiers. Les conclusions de bilans et de synthèse, c’est-à-dire
les documents destinés à une transmission avec l’engagement de la responsabilité du
psychologue, obéissent au respect de quelques mentions :
– la présentation de la procédure choisie en fonction du problème posé ;
– la méthode et les outils utilisés ;
– une conclusion avec des explications et des préconisations ou des conseils.
L’explication de la démarche permet que les conclusions soient débattues.
La question est ouverte concernant le temps de conservation des documents.
L’étude de cas pose de plus en plus d’exigences éditoriales avec les questions éthiques
111
Les métiers
qu’elle soulevait déjà. S’il est facile d’anonymiser des données sociales, il est plus
problématique de transformer des données psychologiques au risque d’une perte de
sens : jusqu’où maquiller un rêve ou supprimer les détails d’une vie. Demander à une
personne son accord pour une publication demande à être réfléchi.
Respecter le principe fondamental qui autorise à ne pas révéler quelque chose sur
3. L’exercice du métier
soi, c’est-à-dire le respect de la liberté d’autrui se heurte parfois avec le but assigné
d’une intervention. Quand celle-ci est à la demande d’un tiers pour une personne
qui ne demande rien, il est particulièrement utile d’être clair et précis pour ne laisser
aucune demande floue. Une explication systématique pour éclairer le consentement
est indispensable, même si celui-ci est de pure forme, car il est difficile de refuser
un suivi ou une évaluation dans certaines circonstances. Parfois, il n’est pas possible
de faire comme si la personne était d’accord, comme si les techniques utilisées
étaient inoffensives, comme si les résultats étaient sans conséquences, comme si le
psychologue était constamment bienfaisant. La prudence est de mise et notamment
en ne restituant, non l’ensemble, mais juste ce qui est nécessaire au tiers demandeur
en l’ayant préalablement communiqué à l’intéressé si ce dernier le souhaite. La plus
grande prudence revêt la forme d’une argumentation, qu’il n’y ait ni méprise, ni
quiproquo, ne serait-ce que parce que toute évaluation doit pouvoir donner lieu à un
débat contradictoire entre psychologues.
Les informations se trouvent sur les sites de psychologie dont celui de la Fédération :
http://www.psychologues-psychologie.net et sur le site www.legifrance.com.
3. L’exercice du métier
Arrêté du 10 janvier 2008.
modifié par l’arrêté du 22 avril 2008
en application de l’article 3 du décret du 31 janvier 1991, modifié par l’article 1 du décret du
6 novembre 2008 et de l’article 2 de la loi n◦ 86-33 du 9 janvier 1986.
Statuts particuliers des psychologues et enseignants en psychologie
Décret n◦ 91-129 du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction
publique hospitalière.
Décret n◦ 91-290 du 20 mars 1991 relatif au statut particulier des directeurs de centre d’information
et d’orientation et conseillers d’orientation-psychologues.
Décret n◦ 92-853 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d’emplois des psychologues
territoriaux.
Décret n◦ 92-854 du 28 août 1992 portant échelonnement indiciaire applicable aux psychologues
territoriaux.
Décret n◦ 96-158 du 29 février 1996 portant statut particulier du corps des psychologues de la
protection judiciaire de la jeunesse.
Décret n◦ 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux
enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du
corps des maîtres de conférences.
Décret n◦ 2008-333 du 10 avril 2008 relatif aux comités de sélection des enseignants-chercheurs.
Décret n◦ 2009-460 du 23 avril 2009 modifiant le décret n◦ 84-431 du 6 juin 1984 fixant les
dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier
du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences et portant diverses
dispositions relatives aux enseignants-chercheurs.
Cumul d’activités des fonctionnaires
Décret n◦ 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires.
113
Les métiers
protection de l’usage du titre de psychologue qui contraint à fonder les obligations qui
découlent de cet exercice professionnel ainsi que leur pertinence et leur force d’usage.
La refonte du Code de déontologie est donc un enjeu pour l’avenir des psychologues
en traitant la question de leur fonction sociale et leur utilité en regard de l’intérêt
collectif. Les repères collectifs destinés à servir de règles professionnelles visent à
protéger le public et les psychologues contre les mésusages de la psychologie, de la
demande de résolution magique de problèmes personnels à la volonté de maîtrise
technologique des êtres humains, et contre l’usage des méthodes et techniques se
réclamant abusivement de la psychologie.
À la différence des médecins, le Code de déontologie des psychologues n’est pas
un texte législatif, il n’a pour l’instant qu’une valeur jurisprudentielle dans les affaires
mettant en cause un(e) psychologue comme les avis émis par la Commission nationale
consultative de déontologie des psychologues (CNCDP), mise en place à l’issue de ce
Code pour traiter des problèmes relatifs à la déontologie des psychologues.
Le Code de déontologie du 22 mars 1996 est signé par les plus grandes organisations
d’universitaires et de professionnels et a été mis en œuvre sous l’impulsion du
professeur Odile Bourguignon en 1994 et de Patrick Cohen, sans oublier l’apport
essentiel d’Alain Létuvé. C’est le rassemblement des trois plus grandes qui en permet
l’aboutissement : l’Association nationale des organisations de psychologues (ANOP),
née en 1983, membre de la Fédération européenne des associations de psychologues
(FEAP), fondée en 1981, l’Association des enseignants de psychologie des universités
(AEPU), crée en 1969 par Paul Fraisse, et la Société française de psychologie (SFP),
vieille dame de 1901. Cette démarche est le relais d’un projet de charte éthique
114
Les métiers
3. L’exercice du métier
psychique comme un droit inaliénable, celle-ci fondant l’action des psychologues ;
73 volontaires issus des organisations existantes produisent un document de travail
issu des commissions des différents champs d’intervention (éducation, enseignement,
formation, justice, recherche, santé, social, travail). La rédaction est déléguée à un
groupe de 7 personnes (3 praticiens, 3 universitaires et 1 juriste). Il s’agit d’Odile
Bourguignon, de Marie-Hélène Lavallard, de Claude Navelet, d’Annick Weil-Barais,
de Gérard Fourcher, de L. Grégoire et d’Alain Létuvé.
Le Code est ouvertement un outil de promotion de la discipline. Cette déclaration
publique d’engagement par rapport à des valeurs partagées est moins un exercice
de normalisation qu’une occasion historique d’un rassemblement de la profession.
C’est un exercice de relation publique de surcroît, car la population bénéficie de cette
préoccupation « protectionnelle ». Cette formulation de principes directeurs respecte
particulièrement notre culture latine qui s’oppose au rassemblement de conduites de
savoir-vivre jurisprudentiels. Ce Code rappelle en premier lieu que les compétences
des psychologues sont rares parce que spécifiées par une formation de haut niveau et
marque une étape importante du processus de professionnalisation de la psychologie
et une étape essentielle de la construction de l’identité des psychologues. Le Code
fait le psychologue puisqu’il ne s’adresse qu’à lui. L’activité ersatz de celle d’un
psychologue, proche ou qui en tiendrait lieu n’est pas concernée par ce Code. C’est
parce qu’il est psychologue qu’il observe en conscience les principes indiqués. Si la
valeur contraignante est absente par son manque d’inscription dans un texte juridique,
l’incitation est grande à le faire figurer dans un contrat de travail ou une convention
pour préciser les modalités de l’activité du psychologue.
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
Une autre inscription légale, et celle-ci est obligatoire, prend de l’ampleur comme garantie d’une
formation de référence, il s’agit des listes Adéli. Un numéro est attribué à tous les praticiens,
salariés ou libéraux, depuis la circulaire DHOS/P 2/DREES n◦ 2003-143 du 21 mars 2003 relative à
l’enregistrement des diplômes des psychologues au niveau départemental. Les inscriptions se font
dans les DRESS au sein des DDASS du département de l’activité ou celui qui en rassemble la majorité
si l’exercice se partage entre plusieurs départements. Pièce d’identité et originaux des diplômes sont
nécessaires : licence, maîtrise et DESS ou bien licence, maîtrise, DEA et certificat de validation de stage
ou licence, maîtrise et diplôme antérieur à l’appellation DESS (décret 96-288 du 29 mars 1996) ou
diplôme validant (décret 90-255 du 22 mars 1990) ou autorisation d’exercice délivrée par le Préfet ☞
115
Les métiers
Code de déontologie
Préambule
Le présent Code de déontologie est destiné à servir de règle professionnelle aux hommes et
aux femmes qui ont le titre de psychologue, quels que soient leur mode d’exercice et leur cadre
professionnel, y compris leurs activités d’enseignement et de recherche.
Sa finalité est avant tout de protéger le public et les psychologues contre les mésusages de la
psychologie et contre l’usage de méthodes et techniques se réclamant abusivement de la psychologie.
Les organisations professionnelles signataires du présent Code s’emploient à le faire connaître et
respecter. Elles apportent, dans cette perspective, soutien et assistance à leurs membres. L’adhésion
des psychologues à ces organisations implique leur engagement à respecter les dispositions du Code.
Titre I. Principes généraux ☞
116
Les métiers
3. L’exercice du métier
et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur
dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé
des personnes concernées. Réciproquement, toute personne doit pouvoir s’adresser directement et
librement à un psychologue. Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le
respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que
nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.
2. Compétence
Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une
formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension
d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres,
compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas
avoir les compétences requises.
3. Responsabilité
Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité
professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent
Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et
de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond
donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
4. Probité
Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde
l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser
ses méthodes et définir ses buts.
5. Qualité scientifique
Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation
raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat
doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux.
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
requises dans cette loi. Toute forme d’usurpation du titre est passible de poursuites.
Article 2
L’exercice professionnel de la psychologie requiert le titre et le statut de psychologue.
Article 3
La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans
sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés
isolément ou collectivement.
Article 4
Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d’agent public. Il peut
remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la
psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. Ces missions
peuvent s’exercer dans divers secteurs professionnels.
Chapitre 2. Les conditions de l’exercice de sa profession
Article 5
Le psychologue exerce dans les domaines liés à sa qualification, laquelle s’apprécie notamment par sa
formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations
spécifiques, par son expérience pratique et ses travaux de recherche. Il détermine l’indication et
procède à la réalisation d’actes qui relèvent de sa compétence.
Article 6
Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte
celle des autres professionnels.
Article 7
Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique,
ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales
en vigueur.
Article 8
Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut
à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et
en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses
méthodes et de ses décisions. Il fait état du Code de déontologie dans l’établissement de ses contrats
et s’y réfère dans ses liens professionnels.
Article 9
Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou
participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des
objectifs et des limites de son intervention. Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers
ou des situations qui lui sont rapportés, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ☞
118
Les métiers
☞ ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. Dans toutes les situations d’évaluation, quel que
soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une
contre-évaluation. Dans les situations de recherche, il les informe de leur droit à s’en retirer à tout
moment. Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec
chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est
3. L’exercice du métier
posée et non d’apporter des preuves.
Article 10
Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son
intervention auprès d’eux tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en
vigueur. Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée
par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de
l’autorité parentale ou de la tutelle.
Article 11
Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation
d’autrui. Il ne répond pas à la demande d’un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui
fait acte d’autorité abusive dans le recours de ses services. Le psychologue n’engage pas d’évaluation
ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il serait déjà personnellement lié.
Article 12
Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels
il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver
le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible
des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires. Lorsque ces conclusions sont
présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments
d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.
Article 13
Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le
dispense pas des obligations de la loi commune. Conformément aux dispositions de la loi pénale
en matière de non-assistance à personne en danger, il lui est donc fait obligation de signaler aux
autorités judiciaires chargées de l’application de la loi toute situation qu’il sait mettre en danger
l’intégrité des personnes. Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel
qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à
tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à
personne en danger. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues
expérimentés.
Article 14
Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent
son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la
mention précise du destinataire. Le psychologue n’accepte pas que d’autres que lui-même modifient,
signent ou annulent les documents relevant de son activité professionnelle. Il n’accepte pas que ses
comptes-rendus soient transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son
courrier.
Article 15 ☞
119
Les métiers
☞ Le psychologue dispose sur le lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable,
de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel, et de moyens techniques
suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.
Article 16
Dans le cas où le psychologue est empêché de poursuivre son intervention, il prend les mesures
3. L’exercice du métier
appropriées pour que la continuité de son action professionnelle soit assurée par un collègue, avec
l’accord des personnes concernées, et sous réserve que cette nouvelle intervention soit fondée et
déontologiquement possible.
Chapitre 3. Les modalités techniques de l’exercice professionnel
Article 17
La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu’il met en œuvre.
Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces
techniques.
Article 18
Les techniques utilisées par le psychologue pour l’évaluation, à des fins directes de diagnostic,
d’orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées.
Article 19
Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de
conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment
lorsque ses conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
Article 20
Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive
et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur.
Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de recherche, de publication, ou
de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l’anonymat, par la
suppression de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes concernées,
ceci toujours en conformité avec les dispositions légales concernant les informations nominatives.
Chapitre 4. Les devoirs du psychologue envers ses collègues
Article 21
Le psychologue soutient ses collègues dans l’exercice de leur profession et dans l’application et la
défense du présent Code. Il répond favorablement à leurs demandes de conseil et les aide dans les
situations difficiles, notamment en contribuant à la résolution des problèmes déontologiques.
Article 22
Le psychologue respecte les conceptions et les pratiques de ses collègues pour autant qu’elles ne
contreviennent pas aux principes généraux du présent Code, ceci n’exclut pas la critique fondée.
Article 23
Le psychologue ne concurrence pas abusivement ses collègues et fait appel à eux s’il estime qu’ils
sont plus à même que lui de répondre à une demande.
Article 24 ☞
120
Les métiers
3. L’exercice du métier
médias. Il fait de la psychologie et de ses applications une présentation en accord avec les règles
déontologiques de la profession. Il use de son droit de rectification pour contribuer au sérieux des
informations communiquées au public.
Article 26
Le psychologue n’entre pas dans le détail des méthodes et des techniques psychologiques qu’il
présente au public, et il l’informe des dangers potentiels d’une utilisation incontrôlée de ces techniques.
Titre III — La formation du psychologue
Chapitre 1. Les principes de la formation
Article 27
L’enseignement de la psychologie à destination des futurs psychologues respecte les règles
déontologiques du présent Code. En conséquence, les institutions de formation :
– diffusent le Code de déontologie des psychologues aux étudiants dès le début des études ;
– s’assurent de l’existence de conditions permettant que se développe la réflexion sur les questions
d’éthique liées aux différentes pratiques, enseignement et formation, pratique professionnelle,
recherche.
Article 28
L’enseignement présente les différents champs d’étude de la psychologie, ainsi que la pluralité des
cadres théoriques, des méthodes et des pratiques, dans un souci de mise en perspective et de
confrontation critique. Il bannit nécessairement l’endoctrinement et le sectarisme.
Article 29
L’enseignement de la psychologie fait une place aux disciplines qui contribuent à la connaissance de
l’homme et au respect de ses droits, afin de préparer les étudiants à aborder les questions liées à
leur futur exercice dans le respect des connaissances disponibles et des valeurs éthiques.
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
☞ acquises à l’occasion des activités d’enseignement, de formation ou de stage, dans le respect des
articles du Code concernant les personnes.
Article 32
Il est enseigné aux étudiants que les procédures psychologiques concernant l’évaluation des individus
et des groupes requièrent la plus grande rigueur scientifique et éthique dans leur maniement
3. L’exercice du métier
(prudence, vérification) et leur utilisation (secret professionnel et devoir de réserve), et que les
présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et
du bien-être des personnes présentées.
Article 33
Les psychologues qui encadrent les stages, à l’université et sur le terrain, veillent à ce que les stagiaires
appliquent les dispositions du Code, notamment celles qui portent sur la confidentialité, le secret
professionnel, le consentement éclairé. Ils s’opposent à ce que les stagiaires soient employés comme
des professionnels non rémunérés. Ils ont pour mission de former professionnellement les étudiants
et non d’intervenir sur leur personnalité.
Article 34
Conformément aux dispositions légales, le psychologue enseignant la psychologie n’accepte aucune
rémunération de la part d’une personne qui a droit à ses services au titre de sa fonction universitaire.
Il n’exige pas des étudiants qu’ils suivent des formations extra-universitaires payantes ou non, pour
l’obtention de leur diplôme. Il ne tient pas les étudiants pour des patients ou des clients. Il n’exige pas
leur participation gratuite ou non, à ses autres activités, lorsqu’elles ne font pas explicitement partie
du programme de formation dans lequel sont engagés les étudiants.
Article 35
La validation des connaissances acquises au cours de la formation initiale se fait selon des modalités
officielles. Elle porte sur les disciplines enseignées à l’université, sur les capacités critiques et
d’auto-évaluation des candidats, et elle requiert la référence aux exigences éthiques et aux règles
déontologiques des psychologues.
Signataires du Code
Code signé par l’AEPU (Association des enseignants de psychologie des universités), l’ANOP
(Association nationale des organisations de psychologues), la SFP (Société française de psycho-
logie) le 22 mars 1996 et par les organisations suivantes : l’ACOP-F (Association des conseillers
d’orientation-psychologues-France), l’ADEN (Association du DESS de neuropsychologie de Paris
V), l’AEPP (Association des anciens diplômés de l’École des psychologues praticiens), l’AFPS
(Association française des psychologues scolaires), Age en âge (Association de psychologues en
gérontologie), l’ANPEC (Association nationale des psychologues de l’enseignement catholique),
l’AFPPC (Association française des psychologues psychanalystes cliniciens), l’ANAPS (Association
nationale des psychologues du sport), l’ANAPSY-pe (Association nationale des psychologues de
la petite enfance), l’ANREP (Association nationale pour la recherche et l’étude en psychologie),
l’APEA (Association des psychologues de l’enfance et de l’adolescence), l’APFC (Association des ☞
122
Les métiers
3. L’exercice du métier
Fédération santé sociaux, Collège des psychologues d’Eure-et-Loire, Collège des psychologues de
Franche-Comté, Collège des psychologues du Loire-et-Cher, Collège des psychologues territoriaux des
Bouches-du-Rhône, CORHOM (Communication ressources humaines organisation management),
CPCN (Collège des psychologues cliniciens spécialisés en neuropsychologie), Différences et
changements (association de thérapeutes familiaux), Ecosens (Association des psychologues
de l’environnement), Propsycli (Association pour la promotion des pratiques et recherches en
psychologie clinique), Psycas (Association de psychologues du Nord-Pas-de-Calais), EUROPSY-T
France (Association européenne de psychologie appliquée aux transports), PSY.CLI.HOS (Association
des psychologues cliniciens hospitaliers de l’AP-HP), Psycho Socio and Co (Association des étudiants
en psychologie de Dijon), PSYLIE (Association des psychologues cliniciens de Paris V), SNES (Groupe
des conseillers d’orientation-psychologues), SNP (Syndicat national des psychologues), SPEN (Syndicat
des psychologues de l’Éducation nationale), SPPN (Syndicat des psychologues de la police nationale),
SNPsy-EN (Syndicat national des psychologues de l’Éducation nationale), SNUipp (Syndicat national
unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d’enseignement général de collège),
UFMICT-CGT (Union fédérale des médecins, ingénieurs, cadres et techniciens), Confédération générale
du travail, branche de la santé et de l’action sociale.
partisans. C’est à Marie Santiago que nous devons notre orientation militante décisive
pour la profession au moment où le Code de déontologie des psychologues se
signe entre les principaux acteurs nationaux qui réussissent la gageure de rassembler
universitaires et praticiens. Cette union est fondamentale, Odile Bourguignon et Patrick
Cohen vont l’incarner avec panache comme le feront Marie-Jeanne Robineau et Roger
Lécuyer par la suite ainsi que Brigitte Guinot et Benoît Schneider aujourd’hui. Nous
animons à l’époque la plus ancienne organisation savante de l’université Paris V issue
du DESS de psychologie du travail que pilotait Claude Levy-Leboyer, CORHOM
(Communication ressources humaines organisation management). Le suivi du Code
est l’occasion de poursuivre cette riche collaboration à partir de deux instances,
l’une dédiée à la pédagogie, la CNCDP, (Commission nationale consultative de
123
Les métiers
que l’analyse psychologique des groupes n’y ait pas plus d’audience. Les effets de
cet étonnement vont conduire une centrale syndicale à renoncer à poursuivre une
démarche paradoxale nuisible à l’avancée d’un collectif. La conception transverse
de la défense des personnes des grands syndicats empêche en effet une mobilisation
corporatiste.
C’est ainsi dans un contexte de négociations qui maintiennent le lien entre les
organisations que sont décidés les EGP (États généraux de la psychologie), qui
auront lieu en mars 2001 sous l’impulsion d’Odile Bourguignon et de Patrick
Cohen, co-animateurs de la CIR qui rassemble les organisations signataires du
Code. En sont membres le 2 mars 2002, à la sortie du Livre blanc de la psychologie
coordonné par Jean-François Camus : l’AAEPP (Association des anciens diplômés
de l’École des psychologues praticiens), l’ACOP-F (Association des conseillers
d’orientation-psychologues France), l’AEPU (Association des enseignants de Psycho-
logie des universités), l’AFPPC (Association française des psychologues cliniciens
psychanalystes), l’AFPS (Association française des psychologues scolaires), l’ANOP
(Association nationale des organisations de psychologues), l’ANPEC (Association
nationale des psychologues de l’enseignement catholique), l’APPEL (Association
des psychologues d’Eure-et-Loire), l’ARP (Association régionale des psychologues
des pays de l’Adour), le CO-Psy SNES (Groupe des conseillers d’orientation
psychologues du Syndicat national des enseignements du second degré), CORHOM
(Communication ressources humaines organisation management), l’Association des
psychologues du travail de Paris V, le CPCN (Collège des psychologues cliniciens
spécialisés en neuropsychologie), le CPT13 (Collège des psychologues territoriaux
des Bouches-du-Rhône), Europsy-T-France (Association européenne de psychologie
appliquée aux transports-France), la SFP (Société française de psychologie), le SNP
(Syndicat national des psychologues), le SPPN (Syndicat des psychologues de la
police nationale).
Lors de l’ouverture des États généraux de la psychologie des 23 et 24 mars 2001,
Claude Bastien nous rappelait :
124
Les métiers
3. L’exercice du métier
contraints à la solidarité », concluait-il. Ces signataires sont présents à la C.I.R. soit
pour faire avancer le processus de structuration de la profession, soit pour l’entraver
au nom d’une base qu’il s’agit parfois de consulter pour changer une phrase dans
un communiqué. Le principe de la consultation n’est pas à remettre en cause, c’est
son usage aléatoire qui est suspect. Entre l’attitude dictatoriale exprimant vertement
« tais-toi » et les prosélytes éclairés d’une démocratie susurrant « cause toujours », il
existe des passages à l’action qui secouent sans relever de passages à l’acte. « L’appel
des dix » en est un. Il est rédigé le 5 mars 2000 par Odile Bourguignon, Michèle
Carlier, Marie-Jeanne Robineau, Alain Blanchet, Jean-François Camus, Philippe
Grosbois, Jean-Marie Lecointre, Roger Lécuyer, Alain Létuvé, Patrick Cohen. L’une
de ses conséquences va permettre de nouer un point de butée au tissage de ce qui va se
mettre en œuvre et en place. En proposant d’écrire sur place ce qui s’exprime de bonne
volonté, nous déclenchons, sans concertation explicite avec l’auteur, la saisie d’une
opportunité d’écriture en séance qui constituera ultérieurement une griffe, signe de sa
rapidité d’esprit. Roger Lécuyer rédige ainsi un texte d’engagement minimal de tous,
la déclaration du 16 décembre 2000. C’est un homme d’expérience, profondément
respectueux des personnes et de leurs avis, amené à tenir un rôle décisif dans la création
et le développement de la Fédération française des psychologues et de psychologie,
FFPP, l’organe de la structuration de la profession engagée pour les psychologues. Ce
texte affirme des principes qui vont être reniés plus tard par certains, mais il présente
le mérite d’enclencher une dynamique :
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
125
Les métiers
126
Les métiers
3. L’exercice du métier
avoir fait remarquer que la répartition des partisans dessine un schéma connu, les
plus petites et la plus grande des organisations se montrant les fervents défenseurs
d’une organisation unitaire, tandis que les organisations moyennes de psychologues
(environ 1 000 adhérents), se rallient à un maintien de leur pré carré. Les combats
fratricides ne vont que s’amplifier et les rancœurs larvées s’exprimer à l’égard d’une
équipe de volontaires élue, mais présentant la particularité d’appartenir au courant de
l’organisation unitaire et ainsi suspecte de ne pas respecter leur engagement vis-à-vis
d’une organisation fédérative : il est confondu avec leur dynamisme. Faire un bilan
de son activité revient à établir une apologie de son action puisqu’elle est devenue la
première organisation de psychologues en peu de temps, incontournable malgré les
obstacles de ses adversaires qui se font de la publicité en se dressant contre elle et
reconnue par les pouvoirs publics comme par les instances européennes. La FFPP est
le membre français de l’EFPA (European Federation of Psychologist’s Association)
ou FEAP (Fédération européenne des associations de psychologues).
Pour éviter d’endosser le rôle du panégyriste de service et parce qu’elle dispose
d’un site, d’une revue où écrivent ensemble praticiens et universitaires, et de
documents, nous ne ferons que citer les personnes, car la dynamique de groupe
est essentielle pour concilier divers courants et secteurs. Il s’agit de : Stéphanie
Andru, Christian Ballouard, Jean-Pierre Chartier, Patrick Cohen, Mélanie Dupont,
Jacques Garry, Anne Gayral, Marie-Christine Gelly-Nargeot, Brigitte Guinot, Roger
Lécuyer, Madeleine Le Garff, Jérôme Lucas, Jacques Py, Aline Morize-Rielland,
Marie-Jeanne Robineau, Benoît Schneider, Dominique Szepielak, Michaël Villamaux,
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
Bruno Vivicorsi, pour les bureaux nationaux et du soutien notable de Michèle Carlier
et Robert Voyazopoulos ainsi que des présidents de région : Jean-Yves Baudouin,
Françoise Bissey, Dominique Boimare, Arnaud Calmus, Aline Chard-Hutchinson,
Jean-Michel Coq, Danièle Coste, Marie-Laure Dagobert, Sylvie Dauriac, Arnaud
Delmaëre, Dominique Fanni-Sauze, Hélène Frémaux, Carole Grasset, Véronique
Griffiths, Marie-Claude Guette-Marty, Christine Jeoffrion, Daniel Le Garff, Florent
Léonard, Robert Martin, Sébastien Mauffrey, Timothy Montoute, Vincent Perrier,
Marie-Annick Pierrot, Aline Morize-Rielland, Claude Sablé, Céline Thiétry. La FFPP
ne pourrait cependant pas s’épanouir sans la seule salariée dévouée, qui ne compte ni
son temps, ni son énergie, y compris militante, psychologue du travail de formation,
Jeannine Accoce, responsable du siège.
127
Les métiers
Juste un mot cependant sur l’organisation régionale, car elle est la respiration de
ce souffle nouveau sur la profession. La nécessité en est vitale puisque les régions en
place initient la dialectique indispensable au fonctionnement de notre fédération : le
niveau national et le niveau régional doivent se répondre, s’interpeller et échanger. La
Fédération française des psychologues et de psychologiea vocation à être présente
3. L’exercice du métier
sur tous les fronts, c’est-à-dire partout, de façon unitaire, sur ce mode dialectique,
seule condition de réussite avec son corollaire, le nombre d’adhérents. La nouveauté
réside à installer deux spécificités, une parité praticien/universitaire et un accent mis
sur la déontologie, dans une synthèse entre les deux types d’organisations existantes,
thématisée, d’ancrage local et généraliste, émanation d’instance nationale, sans
reproduire les erreurs passées par des organisations homologues : les asphyxier en
leur prenant de l’argent et/ou en leur confiant un pouvoir insuffisamment différencié.
On mise sur des personnes en souhaitant installer une structure, mais celle-ci repose
toujours sur des personnes. Non seulement le chemin est sinueux, mais il est vallonné,
les gains et regains de régions vont et viennent, montrent des hauts et des bas, il
est nécessaire de composer avec – on sait bien qu’après le passage de l’histoire,
il reste la géographie. Le recrutement se fait beaucoup par cooptation à partir des
réseaux disponibles, le management choisi est participatif, c’est-à-dire un soutien
sans substitution. La prudence consiste dans le dosage de l’appui sur des personnes
qui ont une expérience des organisations, celle-ci est nécessaire, et sur d’autres,
mais pour lesquelles la méfiance est grande vis-à-vis du passé organisationnel. La
nouvelle génération se reconnaît très bien dans les préoccupations nationales énoncées.
C’est d’ailleurs cette génération de psychologues qui nous répond sans compter les
nouvelles vagues de jeunes diplômés prises dans le désarroi d’un changement sociétal
non pris en mesure par nombre d’universitaires – de l’élargissement des tâches à la
restriction d’une prise en charge psychologique pour un seul conseil et orientation.
Le premier levier interactif, en continu, est donc une assistance sur-mesure, adaptée
à une situation locale par une disponibilité constamment affichée pour des réponses
qui mêlent informations, encouragements, conseils, avertissements et ajustements.
Le second levier en « alternatif » est l’organe de diffusion, Fédérer, véritable vitrine
d’une activité plurielle et diversifiée d’une part, versification vertueuse d’autre part à
partir de jalons qui sont autant de points de repère et de rappel. Une région est le terreau
dans lequel s’ancre la gestion des malaises de la profession, où se gèrent les grandes
questions sociétales qui s’emparent de la discipline et l’énergie pour promouvoir une
visibilité sociale de la psychologie. Il s’agit donc de s’investir dans les grandes actions
entreprises, notamment la situation difficile de l’emploi des psychologues, la procédure
de légalisation de l’usage du titre de psychothérapeute et nombre d’événements de
l’actualité qui amènent la Fédération française des psychologues et de psychologie
128
Les métiers
à une réflexion et à des actions auprès des pouvoirs publics, de la presse et des
organisations professionnelles.
3. L’exercice du métier
EuroPsy, le diplôme européen
d’EuroPsy qui est examinée, non leur évaluation, déjà faite par l’AERES (Agence d’évaluation de la
recherche et de l’enseignement supérieur). Ces cursus devront montrer des garanties de pluralité et
de centration sur le projet professionnel. Le site : http://www.europsy.fr
129
Les métiers
une adhésion idéologique pour ceux qui en manquent. Comment s’entendre dans ce
rapport de « farce » quand la seule proposition d’un ordre est un obstacle ralentissant
la structuration corporatiste en cours, une manœuvre politicienne opportuniste venant
colmater un manque de mobilisation, une « obération » de la crise identitaire des
psychologues que la conjoncture actuelle exacerbe et une aberration pour y répondre ?
3. L’exercice du métier
130
Les métiers
fonction est de juger, évitant le corporatisme outrancier, car l’on ne peut ignorer les
pratiques dérivantes, mais d’autres voies sur le chemin qui cernent et délimitent les
champs d’intervention de la psychologie peuvent être dessinées pour améliorer un
soutien disciplinaire.
3. L’exercice du métier
Il n’est guère étonnant qu’une telle stratégie populiste de l’instance ordinale trouve
un écho plus que favorable dans les milieux de patients et de parents abusés ou
échaudés, militants et revendiquants, vulnérables. En revanche, il est inquiétant qu’un
argumentaire se saisisse de plus en plus d’un étayage sécuritaire particulièrement
répandu dans tous les médias et la vie publique actuelle. Le sécuritaire tue la sécurité
en l’évacuant, tous les psychologues dans une démarche de résistance à vouloir faire
valoir leur éthique savent cela. Le sécuritaire fait l’économie du sentiment de sécurité :
quelle idée de vouloir être compris et respecté. L’actualité devrait plutôt nous fournir
l’opportunité de formulations sur l’avènement de conditions d’exercice décentes pour
les psychologues en prise avec la réalité sociale en conservant, cette fois, ce décalage
qui nous est caractéristique et qui doit rester avant tout productif d’un meilleur avenir
pour la profession, le premier revenant à la régulation du nombre de diplômés mis sur
le marché chaque année.
Les apports historiques incontestables de la psychanalyse à l’exercice serein
de la psychologie conduit aujourd’hui à des ambiguïtés, quand la mise à distance
psychique est confondue avec la mise à distance sociale, y compris des équipes et
des dirigeants avec lesquels le psychologue travaille et qui se demandent toujours
ce que peut faire un psychologue particulièrement quand il n’est pas là. L’économie
se confond parfois dans ses acceptions et le retrait, qui ne doit pas passer pour de
l’inaction, amène à des situations de travail douloureuses pour les psychologues. On
lui reproche alors sa discrétion ou du moins sa visibilité floue, mais aussi celle de ses
compétences, jusques et y compris son manque de pouvoir. La médiation salvatrice
pour que le psychologue ne s’isole pas plus, notamment dans une mécompréhension
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
de son rôle par les instances gouvernantes, est incarnée par la Fédération française des
psychologues et de psychologie, promise à cette place tierce pour défendre l’originalité
du positionnement du psychologue, le faire reconnaître auprès des pouvoirs publics et
suggérer les améliorations sensibles de ses prérogatives. Cette posture originale du
psychologue, un peu à contre-courant sociétal, produisant une analyse permise par une
mise à distance, doit néanmoins s’inscrire valablement dans l’évolution sociale actuelle.
La transversalité des secteurs d’intervention y joue le rôle d’une aide structurelle de la
mise à distance comme modalité professionnelle primordiale du détenteur d’un titre.
Celle-ci est garantie par un ancrage en sciences humaines et ainsi par des universités
qui ne sont pas sous les tutelles des ministères des secteurs qui embauchent des
psychologues, comme la santé, la justice ou le travail. Il n’est pas sûr pour autant
131
Les métiers
qu’il faille voir dans les mesures dérogatoires du ministère de l’Éducation nationale
un pare-feu à l’aliénation des psychologues. À l’ère des nouveaux métiers du social
et d’ailleurs, le haut niveau de formation doit logiquement amener ce professionnel
à se voir confier une délégation de tâches, mais cette dernière doit respecter l’esprit
d’un décalage dans la conduite d’une régulation sociale efficiente. C’est bien une
3. L’exercice du métier
structure tierce qui peut garantir la pérennité de mesures qui vont à l’encontre de
l’aliénation professionnelle d’autant qu’elle est soucieuse de ses représentativités. La
tendance actuelle d’une employabilité plus spécialisée, mais moins diplômée, dans
un contexte où l’accueil hôtelier gagne du terrain sur l’accueil soignant, la chefferie
des psychologues et leur rassemblement en services se posent avec une grande acuité.
Le rôle fédérateur de la FFPP trouve ici le déploiement de ses capacités à adapter les
configurations, y compris futures, des modalités d’exercice des différents secteurs
d’intervention qui accompagnent les progrès scientifiques et ceux de la société. La
fonction subversive du psychologue doit perdurer et il est impératif qu’elle soit relayée
par les actions de la FFPP qui se fait un devoir de la conforter. L’asepsie est un principe
contraire à l’usage de la psychologie.
132
Les métiers
133
Les métiers
« – Étudie le comportement humain et les mécanismes mentaux et procède à des recherches sur
les problèmes psychologiques qui se posent dans des domaines tels que la médecine, l’éducation,
4. Les métiers de la psychologie
134
Les métiers
s’exprime ? Nous y répondons quand nous prévoyons encore de beaux jours à cette
profession et à cette discipline qui ne disparaissent pas devant la pression sociale, tantôt
urgente, tantôt massive. Le choix de la défense d’un corporatisme plaide en faveur
135
Les métiers
136
Les métiers
voire expérimentales, les missions des métiers de rue se fondent sur une fonction de
médiation et de régulation de proximité en comportant trois points : une médiation
pour traiter les problèmes de la vie quotidienne, un lien social entre les habitants par
une présence et une écoute, un service de proximité.
Cette médiation peut être l’occasion d’étudier un phénomène qui n’y est pas
fréquemment. Les objectifs d’une approche psychologique du traitement de l’étiologie
de la rupture consistent à chercher la dynamique psychique mais aussi l’économie
psychique des dyssocialisations comme nous avons eu l’opportunité de le réaliser il y
a quelques années dans une perspective de santé publique. La dynamique psychique
suppose un conflit entre des forces psychiques qui s’opposent. L’économie psychique
concerne les investissements dans leur mobilité, la circulation et la répartition de
137
Les métiers
138
Les métiers
– cette histoire a valeur d’écran, de protection par rapport à l’autre, par rapport à soi
également – voire une protection de l’autre car il ne s’agit pas de le bouleverser non
plus.
139
Les métiers
– plus récemment, sur le terrain, dans le feu de l’action et les commissariats centraux
des grandes villes, avec une mission d’accueil des victimes et une autre d’orientation
des auteurs de crimes et de délits.
4. Les métiers de la psychologie
140
Les métiers
La méthode est un peu décapante pour l’obtention d’un permis de conduire les
projets tant par la mise à l’épreuve que par la compréhension. En effet, celle-ci,
en mise en abyme, en larsen visuel tel le moine qui tient une boîte de camembert
141
Les métiers
Il a bien fallu construire des pyramides et rien n’a vraiment changé sur la façon de s’y
prendre depuis pour mener un projet. Il faut juste aller un peu plus vite. Tout le monde
est d’accord sur le principe : il existe trois phases à un projet (avant/pendant/après)
4. Les métiers de la psychologie
qui déterminent trois directives pour une conduite de projet : réfléchir en amont, être
dans l’action pendant et évaluer en aval. Selon le jargon en usage, la terminologie
change : stratégie/opération/évaluation ou selon l’habillage : la règle des trois C
(cadrer/conduire/conclure). Non seulement les étapes sont les mêmes, mais les objectifs
également (la qualité du résultat pour le plus court délai au budget moindre), et les
indicateurs aussi (atteinte des objectifs, respect des délais, consommation budgétaire).
Un projet implique donc toujours : un objectif, des actions à entreprendre avec des
ressources définies dans des délais donnés.
Il est nécessaire de préciser les précautions d’usage à prendre et de fournir une
méthodologie à suivre, mais rien ne remplace une mise en situation en la matière pour
l’accès à une qualification en regard d’une réalité qui se dispense bien souvent des
discours, mais aussi sur le plan pédagogique. Le besoin d’expérience est mû par un
raisonnement qu’il est nécessaire d’acquérir, ce qui évite de suivre un plan minutieux
à distordre dès la première règle. Il s’agit d’une lecture de l’envers du décor qui permet
de gagner du temps quoi que l’on puisse penser de la valeur d’une déconstruction avant
de mettre en place un savoir-faire. Le prérequis essentiel en est une activité de travail
qui fournit une connaissance d’un milieu sur lequel peut se greffer la perspective
d’un projet. En effet, un vécu sensori-moteur de l’activité et la connaissance fine des
arcanes d’un métier et de son environnement sont indispensables. Il peut s’y substituer
le pouvoir, qui ne garantit pas pour autant la réussite d’un projet, enlève quelques
étapes et tend à le dénaturer si l’on donne priorité à des ordres au détriment de la
recherche d’une adhésion, alors qu’un projet est vivant, grandit au fur et à mesure
qu’il fait l’objet d’une constitution. Somme toute, un projet s’aborde avec un savoir,
un savoir-faire et un savoir être, c’est-à-dire une culture générale, une expérience
acquise par des mises en situation réelles et une adaptation à chaque contexte. Un
projet mûrit pour prendre corps, sinon c’est une idée, de la littérature – mais lis tes
ratures. Les tiroirs sont pleins de projet qui n’ont pas vu le jour par manque de réussite
à faire advenir la dimension opportuniste du projet. Les exemples sont nombreux : huit
mois de travail de préparation balayé par la susceptibilité d’un supérieur hiérarchique
« indirect », d’une autre instance, qui fait barrage à un projet pour lequel il n’a pas été
consulté lors de la préparation. Autre exemple : le paradoxe qui conduit un cadre à
rédiger seul un projet d’établissement où la première règle consiste en la promulgation
d’un travail en équipe. Il n’y sera pas fait référence, aucune adhésion ne peut avoir
lieu devant cette contrainte.
142
Les métiers
La méthode ne peut se réduire à la gestion d’un outil, mais nécessite que l’on
se penche sur l’amont et l’aval pour anticiper des facteurs de risque et affiner une
connaissance du contexte. Il s’agit à la fois de se tenir prêt et répondre aux demandes
à qui profite le crime ? Une analyse lucide est la garantie que se laissent dessiner
les contours d’une zone proximale de développement de projet. Dans une institution
qui héberge un adolescent pour six mois ou six ans, par exemple, l’établissement de
son propre projet professionnel est amorcé ou prend la forme d’une observation du
temps passé dans la structure. Autrement dit, c’est la sortie de l’individu qui déclenche
l’élaboration d’un projet qui participe de la suite à donner au séjour institutionnel. Le
projet individuel est ainsi surclassé par l’objectif institutionnel qui doit faire tourner
un établissement avec des résidents dont la gestion est prioritaire tant que la sortie de
l’individu ne se profile pas. Pour savoir ce qui peut bouger, il faut connaître le cadre
dans lequel le mouvement a lieu. Un critère nuance la portée d’un projet, son caractère
obligatoire, c’est alors une conduite de changement ou bien souhaitable, c’est alors
143
Les métiers
une initiative. La différence tient aussi dans le délai imparti, que l’échéancier soit
prévu et il faut respecter la succession des étapes, ou qu’il soit plus ouvert, à construire
et à inventer de façon à ce qu’il s’éloigne de la perspective d’un montage en kit. Un
4. Les métiers de la psychologie
144
Les métiers
Méthodologie du projet
I) Si l’on adopte le calendrier de l’avant, l’état des lieux comprend trois choses : une description
de l’existant, l’écart entre l’existant et le nécessaire, que l’on appelle le besoin, et le contexte. Cet
Le résumé se présente par une balance risque/bénéfice sur trois points : la qualité, le délai, le budget.
Un accord de principe ou un encouragement nous amènent à rédiger une note de cadrage qui est
une synthèse des deux premiers points. Elle a une valeur contractuelle, d’engagement, de convention.
On y retrouvera :
– l’origine ;
– le contexte (court, moyen et long terme) ;
– le périmètre du projet ;
– les contraintes et les obstacles ;
– les ressources (matérielles et humaines, disponibles et à trouver) ;
– l’organisation ;
– le calendrier ;
– le budget.
Des outils sont essentiels à la pleine réussite de cette phase de cadrage en amont du démarrage.
Nous en retenons neuf.
1) La fiche d’expression des besoins. C’est aussi le simple compte-rendu de chaque entretien obtenu
auprès de personnes ressources (techniques ou politiques) lors d’un état des lieux. Des rubriques
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
doivent y figurer : le rédacteur – les personnes consultées – l’objet – les objectifs poursuivis – le
rappel de l’existant – les gains attendus – les contraintes – les risques.
2) Le dossier d’opportunités. C’est également l’étude de marché. S’il s’agit d’une réponse à un appel
d’offres ou une demande de subvention, les outils 2) et 3) sont à regrouper. Les rubriques du dossier
sont : l’objet – les objectifs et les enjeux – la description du changement envisagé – les impacts
organisationnels et humains – les exigences de qualité – les volumes prévus – les délais de mise en
œuvre envisagés. Le titre du projet y apparaît comme on titre un CV sur lequel on évite de mettre
l’intitulé « CV ».
3) La note de cadrage. Elle est plus concrète, ne serait-ce que parce que l’on est assuré d’une réponse,
ce n’est plus un ballon d’essai. Les rubriques de la note sont les suivantes : l’origine du projet – les
objectifs – le périmètre du projet – l’objet, ce qu’il concerne – les contraintes – la description de
l’équipe (nom, fonction, disponibilité en %) – le mode de pilotage (avec le calendrier des réunions) ☞
145
Les métiers
6) Le diagramme de PERT. Autrement dit, un enchaînement chronologique. Il s’agit de lister les tâches,
leur durée et leurs liens (avant, après, en parallèle). Il est reconnaissable à l’alternance de ses petits
symboles : –> pour la tâche et O pour l’étape.
7) Le diagramme de GANTT. Autrement dit, un planning, on pourrait également dire qu’il s’agit d’un
PERT avec un calendrier, à savoir un tableau à double entrée : les ressources en lignes et les délais en
colonnes (jour ou mois ou trimestre selon le cas). On peut déjà prévoir des délais supplémentaires.
Notons qu’il est rarement réussi du premier coup.
8) Les charges en jour/homme pour un meilleur budget.
9) Le plan de communication. Avec des messages ciblés en fonction des acteurs (un journal interne
suffit bien souvent). Ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent :
• Vers qui ? C’est-à-dire les cibles, les destinataires ;
• Pourquoi ? C’est-à-dire les objectifs, les résultats à atteindre ;
• Quoi ? C’est-à-dire les messages, les contenus ;
• Comment ? C’est-à-dire les supports, forme et moyens ;
• Qui ? C’est-à-dire le responsable ;
• Quand ? C’est-à-dire le bon moment.
☞ collectif, pas seulement à destination des commanditaires, mais aussi des acteurs. Il est fort utile de
s’en servir comme d’un outil de RH, il devient alors objet de réunions, il permet de faire comprendre
le rôle, la formalisation et la transmission des informations.
• des éléments quantitatifs, calcul du retour sur investissement par exemple : si une solution coûte
50 000 € et qu’elle permet d’en rapporter 10 000/an, le retour sur investissement est donc de
cinq ans ;
• des éléments qualitatifs en termes de contraintes et de leviers.
• La validation des solutions peut faire l’objet d’une mini-étude de faisabilité, d’un test ou d’un site
pilote, tout comme le projet.
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Les métiers
travaille au sein des différents dispositifs de prises en charge en collaboration avec les
acteurs médicaux, paramédicaux, éducatifs et sociaux, sans pour autant exercer sur
prescription médicale.
La vision aussi bien synthétique que précise de la personne dans les relations
qu’elle entretient avec son environnement et le système de santé, que le psychologue
acquiert à partir de ses compétences, fait de lui un professionnel adaptable et reconnu
efficace à différentes étapes d’un parcours de soins : la coordination de celui-ci, le
soutien aux équipes impliquées et leur formation, la conception et la mise en œuvre
d’outils d’évaluation, de tests et bilans notamment, le suivi écologique de prises en
charge de personnes et groupes familiaux, psychothérapies et soutiens notamment.
L’étendue de ses compétences, de la palette de ses outils, de sa connaissance des
institutions et de la personnalité et de ses domaines d’intervention, à tous les âges
de la vie, alliée à une démographie prospère et un niveau de recherche disciplinaire
élevé, font du psychologue un professionnel incontournable de l’intervention en santé
mentale et publique. Il est formé sous les auspices de l’Éducation nationale et non
sous ceux du ministère de la Santé, une complexité salvatrice pour les uns, une erreur
de l’histoire pour les autres. Sa vie institutionnelle ne va pas en être facilitée. La
figure du scout a duré et perduré dans l’histoire courte des psychologues, il est temps
de se reprendre en mains et de se saisir de questions professionnelles existentielles
primordiales telles que : devons-nous choisir les personnes avec qui l’on travaille ?
Si le médecin a une obligation d’assistance et si l’avocat met un point d’honneur à
défendre une personne quoi qu’elle ait fait, pouvons-nous garantir l’efficacité d’un
travail psychologique sans le choix préalable de la part du psychologue ?
Nous pourrions stigmatiser deux ennemis de première ligne à la psychologie :
la médecine et l’éducation du sens commun. La première entrave son autonomie
professionnelle et l’autre nie la professionnalité autonome. Ainsi, tout le monde
est psychologue, particulièrement le médecin. La psychologie est prête à partager
le bon sens avec tous, mais réserve formellement à la convivialité cet adjectif de
psychologue. Partir ou arriver à une intuition en s’appuyant sur les données immédiates
de sa conscience, en se servant d’une attitude observatrice, distincte d’une aptitude à
l’observation, et en adhérant à son expérience pour en tirer le meilleur parti au gré des
stéréotypes sociaux circulants, des idées reçues et déçues issues des médias, participe
d’une sociabilité au mieux, d’une cuistrerie parfois, d’une malhonnêteté bien souvent.
L’historique de l’évolution de l’activité de ce professionnel permet de souligner
combien des éléments de compréhension de sa situation professionnelle délicate
150
Les métiers
doivent être décentrés ou recentrés en regard de deux objectifs, cible et but à la fois,
autant impartial qu’oculaire, l’un à destination des médecins, l’autre envers les patients.
En effet, il existe nombre de brouillages dans le cadre d’une collaboration, c’est-à-dire
démographie qui ne devient plus insuffisante par une mauvaise prospective, mais
fort mal répandue sur le territoire. Elle est surtout bien présente dans les instances à
responsabilités ayant à donner leur avis sur la question. L’argumentation reste probante :
une approche écologique bien vue d’une tradition ancrée dans une prééminence du
verbe et de la parole ; des compétences recherchées en psychiatrie, que celles-ci
concernent le diagnostic psychopathologique ou l’évaluation des capacités mentales,
la conduite de psychothérapie, la supervision de groupes ou l’encadrement d’équipes ;
une capacité d’orientation lors de premières consultations où se trouvent mêlés trouble
psychiatrique et symptôme de malaise existentiel. La question non résolue est celle
de la prescription ou de son renouvellement à la manière de certains états américains,
mais la position anti-médicamenteuse n’empêche pas, bien au contraire, de passer
151
Les métiers
la main pour une indication vers un médecin. La question qui demeure est bien de
chercher comment faire entendre un glissement des fonctions pour que le traitement
de la souffrance psychique trouve ici des solutions dont les psychologues puissent
4. Les métiers de la psychologie
152
Les métiers
sont essentiellement des dispositifs destinés aux victimes et à leur soutien plus que des
parcours d’accompagnement psychothérapique, même si celui-ci est reconnu comme
une alternative pécuniairement intéressante face aux médicaments.
153
Les métiers
d’une sous-discipline. Une fédération des fédérations des spécialités devrait voir
le jour pour être l’interlocuteur privilégié de l’HAS. La configuration du champ
médical qui se dessine met hors-jeu le Conseil de l’Ordre, le contourne et le cantonne
au gardiennage de la déontologie médicale ou à devenir le gardien du temple s’il
rehausse l’usage qu’il en fait. Autrement dit, au moment où la profession médicale
se psychologise, il n’est pas utile de se médicaliser ni avec un ordre, ni avec une
codification en actes. C’est tout juste si les médecins ne soignent pas de surcroît
désormais devant leur évolution technique. C’est dire combien l’instauration d’une
structure ordinale pour les psychologues garantirait la paramédicalisation de leur
statut.
154
Les métiers
faire de la recherche, il est nécessaire d’être formé par exemple. Contrat de dupes
façonné sur celui des enseignants de l’école, mais magistère d’une aura à partir d’un
sujet supposé savoir. L’accès à la connaissance s’est démocratisé, mais avec lui un
fourvoiement s’est amplifié qui fait prendre le courrier des lecteurs pour des lettres de
noblesse. Non seulement le psychologue ne fait plus peur, encore que ce soit récent,
mais la rencontre avec la loi ne guérit plus, qu’elle soit parlée ou actée. Ce paradigme
des années 70 a changé.
Il n’est déjà pas facile de dire ce que l’on fait justement parce qu’on le fait, même
quand on le dit, mais le faire comprendre à des interlocuteurs aux demandes distinctes
l’est encore moins. L’employeur montre des contradictions, comme la demande d’être
présent sur site et produire de l’analyse sur ce qui se passe. Il dispose aussi de
155
Les métiers
156
Les métiers
au profit d’autres, professionnels de santé. Une avancée surgit lorsque la prise en charge
est suivie comme un forfait, mais celui-ci dilue l’ensemble des prestations proposées.
Pourtant, le paiement signe un processus psychique avéré lorsqu’il intervient en face
157
Les métiers
que l’on prélève à l’insu des personnes relèvent bien du fantasme, même si une méfiance
légitime se justifie par toute démarche non sollicitée par les acteurs eux-mêmes, qu’il
s’agisse d’une obligation de soins ou d’un audit. Démarche à l’origine de cette
4. Les métiers de la psychologie
négociation qui doit conduire à un accord faute de quoi les critères de validité
scientifique n’ont aucune portée, la validité écologique est absente et les résultats sont
biaisés. Du consentement éclairé à l’émergence de la demande, il existe parfois un
fossé et des nuances sont à prononcer pour ne pas confondre la méfiance et la défiance :
la situation de contrainte peut présenter des vertus comme lorsqu’elle intervient dans
le champ judiciaire, qu’elle concerne une évaluation, l’expertise judiciaire, ou une
prise en charge comme l’injonction de soins.
Dans le cas de cette dernière, la contrainte relève-t-elle d’un paradoxe logique du
type « soyez spontané » ? Non seulement ce n’est pas du tout aussi sûr, mais il semble
nécessaire de sous-estimer les effets de cette situation en pensant à d’autres lieux qui
empoignent la même problématique dans le champ de la santé, mais aussi ailleurs.
Après tout, l’hospitalisation d’office en psychiatrie, et même celle à la demande
d’un tiers, continue de générer une interrogation similaire vis-à-vis d’une offre plus
sournoise de l’intervention psychologique : « Il y a un psychologue dans le service
que vous pouvez aller voir quand vous en avez besoin. » L’obligation de soins est
alors administrative et non judiciaire. Sur un autre registre, l’invitation à rencontrer
un conseiller-psychologue pour mettre à jour, dévisager les obstacles à une insertion
professionnelle alors que la personne envisage une recherche d’emploi, peut conduire à
un mécontentement patent : « Je veux du boulot et on me tripote l’Œdipe. » Quels sont
les ressorts de l’émergence d’une demande d’ordre psychologique particulièrement
quand le dispositif d’accueil prévoit un passage obligé par le rendez-vous avec un(e)
psychologue plus ou moins réglementé et/ou plus ou moins vécu ? Ils ne dérogent pas
néanmoins à la nécessité de cette co-construction.
Il est ainsi possible de minimiser les effets polémiques de la contrainte judiciaire,
il est également probable de rencontrer de fervents défenseurs de la contrainte
comme opportunité à saisir dans un néant existentiel, au nom d’un droit d’ingérence
humanitaire. Des pédagogues du soin le tirent vers une éducation qui en rend
l’obligation similaire à l’école. Non seulement les circonstances offrent une possibilité
que l’individu n’est pas en mesure ou n’a pas la capacité de formuler, mais la fonction
contenante de ce qui peut advenir là, qui ne pourrait être encadré ailleurs, constitue un
bénéfice que le sujet ne peut connaître et reconnaître que dans l’après coup, une fois un
processus engagé dont il n’a pas pris l’initiative. Cette résurgence d’un paternalisme
institutionnel dans ces temps nouveaux de contractualisation de la demande sociale
nous rappelle les principes éthiques à la gouverne des soins des plus vulnérables qui
conduisent à leur offrir une prestation là où ils ne sont pas en mesure de le décider dans
158
Les métiers
un souci de bienfaisance, mais qui n’évincent pas le moins du monde une précieuse
interactivité.
C’est bien le pédophile qui est visé par l’injonction de soins, c’est lui qui cristallise
159
Les métiers
suivi sociojudiciaire après les textes des lois des 17 juin 1998, 12 décembre 2005,
5 mars et 10 août 2007.
4. Les métiers de la psychologie
160
Les métiers
l’issue d’une évaluation. Cependant, les critiques émises par le corps médical sont un
indice encourageant de la reconnaissance d’une bonne idée, celui qui le conduit à voir
s’échapper de son emprise un accompagnement psychologique. Pourtant, avoir confié
161
Les métiers
pas beaucoup bougé, prédisant ainsi un avenir pérenne à des chiffres invariables depuis
plus de quinze ans (Onisep1 , 1995 ; Ghiglione2 , 1998 ; Paineau3, 2004).
Nous nous abstenons de nous appesantir sur le nombre de ces professionnels et
4. Les métiers de la psychologie
1. Onisep (Office national d’information sur les enseignements et les professions) (1995). « Psycho-
logues et sociologues », Avenirs, n◦ 467.
2. Ghiglione R. (1998). Les Métiers de la psychologie, Dunod.
3. Paineau A. (2004). « Métier : psychologue ou les métiers de la psychologie », www.sfp.org.
4. Le Bianic T. (2005). « Les "ingénieurs de l’âme". Savoirs académiques, professionnalisation et
pratiques des psychologues du travail de l’entre-deux guerres à nos jours », thèse de sociologie,
université d’Aix-Marseille II.
5. Burgelin J.-F. (2005). « Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive »,
rapport de la commission santé-justice.
162
Les métiers
1. Ibidem.
163
Les métiers
singulier des situations prévaut dans un souci d’équité et de justice sociale pris
dans une régulation démographique. La psychologie scientifique permet d’orienter
chacun vers la place en correspondance avec ses aptitudes, aujourd’hui nous dirions
compétences, et ses capacités pour une meilleure valorisation des individus et une
meilleure utilisation des forces sociales. Il s’agit d’attacher plus d’importance à
l’adaptation lamarckienne au milieu qu’à la sélection darwinienne des plus aptes.
La caution scientifique vient ainsi justifier des réformes sociales. Elle permet
notamment à Édouard Vaillant de s’appuyer sur les progrès des sciences du travail,
et en particulier sur la physiologie du travail, pour faire voter la journée de huit
heures, où tout le monde s’y retrouve : un meilleur rendement pour une fatigue
moindre. La sélection professionnelle va, dans une même dynamique, rechercher un
point d’équilibre entre les besoins de la société et les besoins des travailleurs. Le
souci des déclassés rejoint celui des inadaptés du système scolaire qu’Alfred Binet
cherchait à trier lors de la mise en place du système scolaire de Jules Ferry en 1880.
Le psychologue trouve ici sa raison sociale.
Cet engagement explique et justifie une prégnance du modèle public de la
psychologie du travail et un développement important de celle-ci sur le marché
public de l’orientation, de la formation professionnelle et du placement. Les
psychologues du travail « caressent l’espoir de résoudre par des voies scientifiques
la "question sociale" » (Le Bianic1 , 2005). L’évolution de l’évaluation par les
psychotechniciens n’est pas sans se heurter pour autant à une concurrence (graphologie,
morphopsychologie), et à une résistance des contremaîtres. Ceux-ci craignent d’être
dépossédés de leur pouvoir de recrutement, par le « coup d’œil » et la « main
chaude », et d’évaluation de leurs salariés. On peut leur imposer des salariés aux
aptitudes requises ou leur retirer leurs meilleurs ouvriers pour les orienter ailleurs.
La supériorité intrinsèque de la technique psychologique est déjà non seulement à
prouver, recherche de preuves toujours actuelle, mais aussi l’objet d’un combat contre
des charlatans obnubilés par les résultats. Il faut les relations d’un Henri Piéron pour
évincer la graphologie des recrutements dans l’administration à l’époque. Ce mode de
recrutement n’en demeure pas moins en très bonne santé actuellement, tout comme
les entretiens multiples, abandonnés dans la plupart des pays, mais restant chez nous
un sport national.
1. Ibidem.
164
Les métiers
ont laissé dire cela ou ont encouragé ce discours. Leur intervention en devient moins
protégée, le rassemblement de ces professionnels plus difficile. De ce « mandat »
s’exclut, par l’évolution économique, la problématique de la motivation au travail,
très présente pendant les années 60 jusqu’aux années 80, mais que la précarisation
de l’emploi rend superfétatoire. Il ne revient plus à l’entreprise de se soucier de
l’amélioration des performances de son personnel par la motivation, puisque la
menace de licenciement ou le renouvellement du contrat obère cette préoccupation et
opère une responsabilisation accrue vis-à-vis de l’occupation du poste. La négociation
pour la gestion des conflits connaît un destin similaire. Plus on s’approche du pouvoir,
moins il y a de place pour le psychologue. Il n’est d’ailleurs plus directeur des
ressources humaines comme dans les années 60 et 70, mais responsable de formation,
165
Les métiers
Fluctuations identitaires
4. Les métiers de la psychologie
166
Les métiers
167
Les métiers
mise en tension qui traverse la profession depuis ses origines plutôt que d’œuvrer
au maintien d’une opposition. Il est possible de définir la notion de système comme
fédératrice entre psychologie cognitive du travail et psychologie sociale du travail,
comme le propose Christian Guillevic1 (1991). Nous pouvons aussi suivre Yves
Clot2 (1999a) dans son découpage en trois périodes pour éclairer l’application de
la psychologie à l’activité de travail. Une première période, de la Première à la
Deuxième Guerre mondiale, réunit les initiatives de la psychotechnique. Une seconde,
des années 50 aux années 70, élabore l’analyse du travail et la psychopathologie
du travail. La troisième constitue une psychologie clinique du travail. Par clinique,
nous entendons le terrain et les situations réelles de travail. Elle n’en demeure pas
moins appliquée et orientée vers la recherche d’une solution en sachant, comme
nous le rappelle Jacques Leplat3 (1980) que « le choix de la solution n’est pas de
nature psychologique ». Cette troisième période montre une emprise croissante de la
psychologie clinique et de la psychanalyse sur la psychologie du travail. L’ajustement
externe devient un problème individuel et la diversité professionnelle ne fait que
s’accroître en l’absence d’un lieu d’exercice type comme l’Éducation nationale ou
typique comme dans la santé.
Réfléchie et pragmatique, la psychologie du travail arpente ses champs d’interven-
tion et œuvre à alimenter la construction unitaire attendue dans la discipline, mais elle
est susceptible de prendre dans le même mouvement une autonomie paradigmatique,
voire épistémologique. Le fondement de l’interventionnisme du conseil social ou du
retrait bienveillant ne conduit pas toujours à servir la psychologie, car si une telle
action valorise son image, son inaction l’empêche de rassembler la profession.
Il s’agit de poser un continuum là où certains alignent une dichotomie parce que
les méthodes d’intervention sont fort proches, qu’une capacité d’analyse similaire est
sollicitée, qu’une empathie est nécessaire avec les personnes. De plus, les techniques
d’investigation sont transverses à l’écoute des individus comme des organisations
pour mettre en sens, évaluer, proposer et prendre en charge. Si la nécessaire
capacité d’élaboration des situations caractérise une méthodologie d’intervention
168
Les métiers
du psychologue, qui peut alors être assimilée à celle d’un ingénieur psychosocial
par la pertinence de l’analyse développée, seule la posture pourrait changer qui pose
l’individu comme sujet ou déplace le curseur vers l’organisation pour endosser la
169
Les métiers
le travail peut produire de la maladie mentale, d’autant plus que la sémiologie est
pauvre.
La psychodynamique du travail examine les mécanismes de défense individuels
4. Les métiers de la psychologie
170
Les métiers
évolution exige tout le savoir et l’analyse des psychologues du travail, mais aussi leur
originalité de non dupes.
les conduisant à marcher au pas d’un salaire dévalué. Certes, cette uniformisation des
conditions de travail tirées vers le bas alimente une vision unitaire de la fonction. Or
le psychologue n’est pas qu’un ingénieur des comportements, n’importe quelle école
de ressources humaines y suffirait, il est amené à gérer une dimension beaucoup plus
suspecte aux yeux y compris de cette demande sociale, la subjectivité.
L’évolution actuelle d’une désutilité de l’engagement d’effort pour le « juste
nécessaire », autrement dit, une incitation pour tous les personnels à bâcler son travail,
génère souffrance et perte de repères identitaires. Augmenter la pression ne conduit
pas à faire son travail plus vite, mais à trier les urgences. Le stress au travail est
susceptible de donner du boulot aux psychologues, même s’ils ne peuvent s’emparer
de la contradiction majeure du constat d’une intensification du travail qui n’aboutit
171
Les métiers
pas à un meilleur rendement. Ils peuvent laisser aux économistes la déception sur
les résultats macroéconomiques et l’interrogation sur les modèles de croissance, ils
ont déjà de quoi faire avec les mutations du travail, leurs contraintes, leurs entraves
4. Les métiers de la psychologie
et leurs dévoiements, pour en extraire une activité de valeur, une capacité de liberté,
entre justice et efficacité, et une conscience professionnelle.
L’entreprise voue un culte aveugle à l’efficacité, gère des ressources (matières,
énergies, investissements) et des ressources humaines. Nous pouvons souhaiter qu’elle
sache tirer profit également en embauchant des psychologues qui veulent être payés
pour un travail, mais pas seulement en fin de mois, en retour aussi d’une reconnaissance
sociale publique. Une réflexion des psychologues eux-mêmes sur leur activité de
travail est assurément une aide de bon aloi.
172
Les métiers
173
Les métiers
des lois qui sont celles d’un marché. S’agirait-il de rentrer dans le rang et de placer
la psychologie comme un relais éducatif efficace ? De prôner une psychologie qui
gomme ce qui dépasse ? D’assimiler la punition au rectificatif du terme correction ?
4. Les métiers de la psychologie
174
Les métiers
exprimée par ces troubles en évitant de médicaliser des problèmes sociaux. Lorsqu’elle
est assimilée au dépistage, la prévention se présente dans une perspective d’évitement.
Cet empêchement d’une nuisance conduisant à améliorer une santé en intervenant
mécanismes des interactions entre les personnes et les groupes. C’est d’ailleurs le
courant interactionniste autour de la relation mère-nourrisson qui va mettre l’accent
le premier sur les troubles précoces de cette relation jusqu’à initier des travaux en
amont de la naissance : le bébé est une personne, il n’est plus un tube digestif, il se
nourrit de l’attention et de la proximité de sa mère et pas seulement des aliments.
C’est un devoir pour les psychologues que de structurer ce champ de la prévention
ou plutôt des préventions avec l’ajustement social, le dépistage et l’évitement de la
rechute, appelés préventions primaire, secondaire et tertiaire. En effet, non seulement
parce qu’ils proposent une approche écologique, sans médicament, mais surtout parce
que celle-ci prend toute son ampleur à une époque où la médicalisation des problèmes
sociaux périclite dans une ère du soupçon. Non pas que la démonstration complète
175
Les métiers
176
Les métiers
dommage que ceux-ci ne puissent vérifier les thèses de Jonathan Mann1 . concernant
le retentissement sur l’état de santé de la répartition à égalité entre les atteintes à la
dignité ainsi qu’aux droits et les atteintes virales et bactériennes. La vigilance dont
1. Mann J. (1994). « Sida, santé et droits de l’homme. La genèse de nouvelles responsabilités dans le
monde moderne », Revue française des affaires sociales, vol. 48, n◦ 2, p. 161-173.
177
Les métiers
induits à cet égard est à même de nous démontrer qu’un exercice illégal de la
psychologie pourrait exister.
• Un autre mésusage consiste à approuver le leurre d’une réponse en termes
4. Les métiers de la psychologie
Prendre une norme psychosociale comme tremplin suppose bien de la piétiner aux
fins de s’en émanciper car elle reste contre-productive par définition. De même, la
compréhension de conduites (solitude urbaine, souffrance au travail, crise du milieu
de la vie), en stabilisant des modèles, ne doit pas produire derechef de nouvelles
normes « conduictives ». Le rapport à la norme est nécessairement à élucider dans un
temps de cause-construction et co-construction d’une expérience professionnelle.
La psychologie réalise un savoir engagé non seulement dans le mouvement d’une
interaction, mais dans le discernement constructif entre une subjectivation utile à la
recherche d’une objectivité dans laquelle elle s’enracine. Un art de la science somme
toute. Il n’est pas pour autant question de répondre à la tentation du développement
d’un savoir objectif sur la subjectivité, car c’est ici d’un métier dont on parle avant de
disserter sur une discipline. Le psychologue sur le terrain met en place un processus
de savoir car l’analyse d’une situation permet de mettre en place les bases d’un savoir
constitué. Celui-ci relève d’un empirisme scientifique constamment renouvelé ou
d’une phénoménologie discursive. Le recueil de données, le traitement de celles-ci et
l’analyse qui en résulte tiennent la route et font donc leur chemin. En effet, la démarche
repose sur l’acquisition d’un haut niveau de connaissances et de culture qui rend
178
Les métiers
exaspérer.
Notre première rencontre avec une caméra est à cet égard éloquente, alors que
nous étions jeune vacataire enseignant. Nous tenions bon pourtant, mais avons fini par
lâcher, au bout de dix minutes d’entretien, une banalité sur les raisons pour lesquelles
nos étudiants avaient dressé des tentes sur le campus pour que les cours s’y déroulent.
C’est bien sûr ce truisme qui a été retenu le soir au « 20 heures », dans les quinze
secondes imparties. Nous étions ébahis et furieux, même si les conséquences furent
mineures : une réflexion rapportée du président de l’université qui se demandait qui
était ce type qui n’avait rien compris. Et une remarque, plus amère, car sur l’écran
figurait « professeur de psychologie ». Or en général, un journaliste ne distingue pas
un professeur des écoles d’un professeur des universités. Il ne sait pas combien il en
179
Les métiers
coûte pour certains de courir toute une carrière après un titre. Nous n’avons toujours
pas pour autant de préconisations à formuler pour le traitement de cette information,
pour la gestion de cet usage du dégoût pour le simplisme. La psychologie est une
4. Les métiers de la psychologie
science et un art, or le partage est rendu inéquitable par le désarroi engendré, à l’origine
du cursus couronnant vocation et vacations. Peut-être faut-il choisir le type de relation
que l’on engage avec l’appareil médiatique. Mais au choix d’une élite, l’éventualité
nous échoit souvent sans préparation, sans demande ou sans expérience. Nous avons
saisi l’opportunité d’un débat d’une heure entre quatre invités et une animatrice, notre
grande satisfaction fut nuancée par le taux d’audience d’une chaîne parlementaire.
Jamais content.
La simplification, voire la simplicité, sur laquelle prospère le journaliste qui y
associe sa culture largement diffusée, conduit parfois à des quiproquos dans une
transposition. Ceux-ci peuvent se mettre en place particulièrement auprès d’étudiants
en psychologie, amenés à confondre travail universitaire et enquête d’investigation.
J’ai rencontré cette confusion chez mes propres étudiants, notoirement absents en
cours et rendant néanmoins un rapport d’étude, sollicités pour mettre à l’épreuve leur
capacité d’analyse naissante des situations en aiguisant leur réflexion sur une situation
de stage. Or ce n’est pas seulement la facilité qui est en jeu dans ce fourvoiement, mais
la compréhension d’une stratégie d’approche comme enjeu : la psychologie n’est ni
simple, ni facile. L’étudiant attrape une idée, se saisit d’une conviction pour traduire
une hypothèse dans un langage attendu. La littérature est alors superflue dans ce cas
d’autant plus que la nouveauté attractive représente l’intérêt principal, cette attraction
allant de pair avec une absence de références sur le sujet. Il mène donc une enquête
avec une méthodologie plaquée à partir d’un « Canada dry » de formalisation. Une
compréhension tronquée de la démarche scientifique est de bon aloi. Le journaliste
montre et ne démontre pas, il ne peut faire que de la psychologie de bazar y compris
lors d’un travail sérieux pour lui, il ne faudrait pas qu’un étudiant en psychologie
oublie qu’on lui demande le contraire.
Le psychologue n’est pas toujours en posture d’avoir le choix des modalités de
ses passages médiatiques ou des moments d’entretien, particulièrement quand il
intervient lors de situations d’urgence. Au-delà de l’effet lénifiant d’annonce d’une
cellule psychologique sur place comme moyen de gestion de l’émotion collective,
les journalistes recherchent auprès du « psychiste » comme nous l’appelons, qui
peut être psychologue, les éléments d’une catharsis par délégation. Il y a cependant
lieu non seulement de s’abstenir de livrer des impressions personnelles, mais de
refuser dans certains cas le sensationnel entretien proposé par un journaliste. En effet,
le psychologue a une responsabilité dans la diffusion de la psychologie auprès du
public et des médias, comme nous l’a rappelé Jean-Michel Coq, lors de ces mêmes
180
Les métiers
premier l’autorisent à asséner des conseils, distribuer des jugements et indiquer les
bonnes voies. Le second, qui s’en abstient, cherche à entendre l’évolution d’une société
dans ses délibérations, ce qui ne l’empêche pas d’intervenir dans le débat normatif.
Déroger au schéma avec lequel le journaliste agit rend le psychologue incompétent
à ses yeux. S’il ne repart pas avec des conseils, le journaliste ne comprend plus son
histoire et celle de la pionnière de l’intervention psy médiatique, Françoise Dolto.
Tenir un autre discours, élargir le débat pour ouvrir sur des éléments du contexte qui
donnent une vue d’ensemble sur les enjeux susceptibles d’éclairer la question et de
permettre d’en comprendre les tenants et les aboutissants, peut relever du défi. Que
nos doigts qui écrivent ne s’engouffrent pas dans un processus écrasant, est une bonne
façon de pouvoir serrer la main de son prochain la tête haute. Il n’est guère tenable en
181
Les métiers
182
3
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
5
L’évaluation psychologique
• Souffrir de l’évaluation
• Les classifications nosographiques
• L’audit social
• L’accréditation, entre audit et auto-évaluation
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
Souffrir de l’évaluation
Le psychologue intervient bien souvent comme un contrepouvoir, mais aujourd’hui
plus particulièrement, comme un contrepoint du morcellement de l’offre de santé
en insistant sur la globalité de la personne dans le profond respect de celle-ci et de
son psychisme à partir d’interventions des plus écologiques. Nous laissons l’aspect
« thérapeutique » de côté pour l’instant afin de nous saisir de la question de l’évaluation
pour laquelle nous sommes de plus en plus sollicités. C’est à partir d’une réflexion
sur le travail actuel que nous pouvons questionner cette évaluation.
185
Les interventions
moyenne, qui annonçait que les Noirs étaient moins intelligents que les Blancs aux
États-Unis. À regarder de plus près les résultats de cette étude et non plus un chiffre
global, il s’est avéré que la condition sociale était une clé de compréhension : les
personnes noires du Nord avaient ainsi un quotient intellectuel plus élevé que des
personnes blanches du Sud ;
– que l’on ne peut faire l’économie d’une distinction quantitative et qualitative, par :
– l’intégrité d’un travail bien fait qui conduit à ne pas donner des conclusions
chiffrées mais des conclusions cliniques, en termes de potentiel plus que
d’aptitudes,
– le respect de la personne dans la communication des écrits après une restitution
des résultats. L’usage de l’écrit amène à des précautions simples, comme faire
figurer une date à un bilan ou à un compte-rendu.
À cette évolution culturelle de la contractualisation de la relation sociale, et de travail
en particulier, y répond, voir correspond, une entrave de la relation professionnelle où
le psychologue, comme les autres acteurs en situation de travail, se trouve confronté
à un management au cœur duquel l’évaluation est prônée comme panacée, source
d’avancée quand il ne se fait pas menaçant.
L’évaluation n’est jamais contestée en soi, elle est même souhaitable car nous avons
toujours besoin d’un retour sur l’action que l’on mène. Cette légitimité est renforcée
par une attitude de suspicion à prendre position contre. En effet, chercher à se dérober
à cette procédure tend à évoquer une dissimulation ou une intention coupable de
protéger un secret sur la médiocrité, comme s’il pouvait être révélé un « secret »
sur la médiocrité. Il s’agit notamment de cette incompétence supposée à l’origine
d’une remise en question, source des dépassements de soi. Comme si l’esquive à une
évaluation dissimulait l’idée que l’on peut se forger sur sa propre médiocrité, alors
qu’il s’agit d’une confrontation aux difficultés à partager l’hésitation de nos réactions
de tâtonnements, particulièrement lorsqu’elles tiennent de l’essai-erreur, inventées à
tout moment pour justement faire au mieux son ouvrage. La culture du doute qui nous
habite ne facilite guère les choses. La démarche administrative de quantification des
interventions est généralement vécue comme suspecte, particulièrement quand une
politique de cotations ne peut mettre en avant l’essence même d’un travail d’écoute, de
parole et de réflexion singulière par nature non standardisable. Cependant, y compris
lorsqu’un diagnostic semble plus rémunérateur que d’autres, il est utile de se pencher
sur les mécanismes de l’attribution de budgets d’une part, sur ce qui est proposé
186
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
essentiel de faire-valoir des actes de psychologie. Cependant, l’usage de l’évaluation
– et l’on serait plus averti de parler de mésusage –, vient bien souvent, dans nombre
de lieux de travail, renforcer des dysfonctionnements, censés être réduits par des
mesures visant à améliorer l’évaluation. Lorsqu’elle perd de vue l’aide qu’elle peut
apporter, l’évaluation se heurte à une déliquescence de la confiance nécessaire dans
des rapports de travail par la conservation du seul aspect sanction. Autre point, il est
essentiel que l’évaluateur soit lui-même évalué ou que les modalités auxquelles il se
réfère, les expertises sur lesquelles reposent des décisions en particulier, aient montré
ou démontré leur validité.
Il faut admettre que ce que l’on cherche à évaluer se dérobe à l’observation directe,
à plus d’un titre. D’une part, quand il s’agit de prendre de la distance avec son objet
d’étude, dans un mouvement de qualité du bilan. Il est en effet évident que l’on ne
peut prendre pour argent comptant ce que l’on voit ou entend, il y a nécessité d’un
décryptage. Quelle que soit la grille de lecture, il y a du sens à poser ou à « dé-couvrir »
en fonction du contexte et de ce qui n’est pas dit, mais s’écoute. D’autre part, insistons
sur l’étude de la nature même de l’activité de travail qui présente celle-ci comme
une énigme. Il est en effet difficile de parler de ce que l’on fait quand on le fait et
il est impossible de prétendre atteindre une qualité en respectant scrupuleusement
les prescriptions du travail. Le travail se nourrit de la subjectivité et de l’engagement
corporel. C’est lui qui permet de pressentir des solutions, de traduire cette intelligence
pratique et est à l’origine des ficelles du métier, de la production de trouvailles et de
l’ingéniosité. C’est dire à quel point des psychologues du travail pourraient soutenir
leurs collègues du champ de la santé en participant à des analyses de situations de
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
travail. C’est bien tout cela qui rend complexe la mesure du travail qui était jusqu’ici
paisiblement indexé sur sa durée, en ne tenant compte que de la charge physique liée
au travail. Aujourd’hui, les nouvelles technologies et le développement du secteur
tertiaire ont mis en évidence une charge mentale, voire pour certains, une charge
psychique et ainsi une nouvelle indexation pour son évaluation. La durée de travail
mise en crise, c’est la production et la productivité qui ont été mesurées. Or il n’y a
pas de relation de proportionnalité entre performance et travail. Les prestations de
service, particulièrement celles concernant la relation d’aide à la personne, ont bien
montré comment on travaille même une fois sorti du contexte professionnel. Le travail
est d’autant plus continu qu’il est psychique et le psychologue est loin d’être un cas
d’espèce.
187
Les interventions
Dire que le travail n’est pas visible n’est pas une position facile à tenir, puisque c’est
laisser entendre qu’il n’est pas connaissable et rémunérer un acte intellectuel n’est pas
gagné d’avance. La seule méthodologie qui permet un accès à cette « connaissabilité »
est la subjectivité et le seul moyen de parvenir à celle-ci est la parole. Il s’agit
5. L’évaluation psychologique
188
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
on a pu en dire.
Avant même d’évoquer une souffrance psychique et/ou mentale comme objet
essentiel de la psychologie s’intéressant à des fonctions supérieures, il nous faut
décrire le paysage médical, psychiatrique, classificatoire. Un préambule nous conduit
aussi à évoquer les difficultés d’une classification des troubles mentaux. Nous pouvons
repérer trois ordres de difficultés, liées aux incohérences des patients, des examinateurs
et des nosologies elles-mêmes, toujours fort nombreuses.
On peut relativement bien classer des données recueillies pendant une consultation,
encore que le fonctionnement mental suppose une grille complexe – le développement
ainsi que les facteurs biologiques et sociaux sont plus faciles d’accès –, mais la
relation ne peut pas être classée car elle fait appel à une contre-relation. En effet, le
psychologue, en se saisissant de la personne dans sa globalité et du fonctionnement
mental en particulier, s’éloigne à ce moment-là des références sociales et somatiques
ainsi que d’un raisonnement en termes de symptômes et d’antécédents tout comme la
médecine la plus classique.
En psychologie comme en psychiatrie pour l’occasion, on ne s’intéresse pas
seulement à une maladie, à une symptomatologie, mais au patient ou à la personne.
Ce n’est d’ailleurs pas qu’aux symptômes et à leur évolution que l’on s’attache, ce
sont aussi aux mécanismes du fonctionnement psychique de cette personne. Ce n’est
pas des antécédents que l’on cherche, mais une anamnèse que l’on reconstitue. La
recherche de symptômes est même un inconvénient si elle occupe trop de place par la
valeur de suggestion qu’elle peut prendre. De plus, l’activité d’examen psychologique,
particulièrement chez l’enfant, souvent présente dès les premiers rendez-vous, n’a
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
pas une seule visée diagnostique, mais constitue les prémices d’un traitement dans
la mesure où justement s’établit une relation entre le professionnel et la personne.
Certes l’emprunt d’un vocabulaire psychanalytique peut affadir ou dévoyer certains
concepts examinés ailleurs sur une plus longue échéance, leur usage n’en demeure
pas moins essentiel et il aide à isoler la psychologie clinique de la médecine comme
de la psychanalyse.
Chez l’enfant, la situation est encore plus complexe car il ne souffre pas forcément.
Ce n’est pas lui qui vient consulter, c’est l’inadaptation qu’il montre qui conduit
ses parents à venir consulter. Or l’inadaptation n’est pas synonyme de maladie et
réciproquement. Il faut de plus que cette inadaptation soit bruyante – l’instabilité
dérange plus que l’inhibition. Les difficultés d’apprentissage peuvent ainsi plus
189
Les interventions
renvoyer à des conditions familiales ou scolaires qu’à une maladie. C’est quasiment
l’enfant qui fait symptôme dans sa famille.
Par ailleurs, la classification en intervenant chez l’enfant, en développement par
définition, doit prendre en compte l’échelle d’un développement qui ne peut être
5. L’évaluation psychologique
190
Les interventions
Les classifications sont aussi le reflet de leur temps et insister aujourd’hui sur des
configurations génétiques rend compte d’une obédience culturelle.
En 1967, l’OMS propose, à la suite d’un séminaire international qui a lieu à
5. L’évaluation psychologique
Paris, une classification triaxiale qui prévoit de prendre en compte la saisie d’un
syndrome psychiatrique, la description d’un niveau intellectuel et l’énumération
des facteurs associés et/ou étiologiques. C’est la Classification internationale des
maladies dans sa 8e version (CIM 8). La CIM 9 prendra en compte quatre axes :
le syndrome psychiatrique, le niveau intellectuel, les facteurs biologiques et les
influences psychosociales associées ou étiologiques. La CIM 10, qui date de 1993
et est en vigueur encore aujourd’hui, opère des changements et se rend compatible
notamment avec deux autres classifications que nous allons évoquer, la première pour
la critiquer, la seconde pour valoriser notre culture.
La classification américaine DSM, répertoriée dans le manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux, aujourd’hui DSM IV révisé – le DSM V ne
va pas tarder –, quitte le champ du symptôme pour celui des critères qui sont
présents ou absents. Elle est anti-nosographique et s’éloigne de toute perspective
d’études psychopathologiques du fonctionnement mental pour privilégier une approche
quantitative. Elle néglige la complexité des situations cliniques rencontrées. La
critique que l’on peut adresser au DSM est qu’il évacue la description des symptômes
névrotiques ou psychotiques, refuse de prendre en compte les difficultés du diagnostic
en psychiatrie de l’enfant (le développement et le caractère aléatoire des symptômes),
il ne juge pas des interactions familiales et n’étudie pas les conflits. Autrement dit, le
DSM IV, même révisé, n’est pas psychopathologique. Il est mis au point par carence
assurantielle, parce que l’on ne peut assurer quelque chose que l’on ne connaît pas,
les troubles mentaux à l’époque. Reconnaissons à cet outil une intention progressiste
incontestable quand il incarne le respect de la plupart des causes minoritaires.
L’autre classification compatible avec la CIM 10 est nationale, opérationnelle des
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
191
Les interventions
Ce raisonnement ne tient pour beaucoup que dans le cadre d’une offre de santé et
d’une nosographie centrée sur elle. Elle est à repenser autrement dans des rapports
de vassalité distincts. Lorsque la justice fait appel au psychiatre et au psychologue,
elle ne peut leur demander d’évaluer la dangerosité des personnes avec un pronostic,
5. L’évaluation psychologique
car il existe des actes monstrueux, c’est eux que l’on juge, mais pas de monstres.
Quand au nom de la prévention d’une récidive, une loi du 25 février 2008 sur la
rétention de sûreté marque une rupture avec une présomption de culpabilité du fait
de la seule personnalité, les limites de la médicalisation des problèmes sociaux sont
dépassées. Il ne s’agit pas pour autant de jeter l’expertise adjuvante avec la justice
de jouvence, mais de penser la récidive autrement qu’en termes de prescription à
perpétuité. Le psychologue ne se défile pas des expertises de crédibilité, de dangerosité
ou de responsabilité, mais fournit les éléments de compréhension des limites de son
travail. La transition est toute trouvée pour évoquer l’expertise psychologique en
justice, nous y insisterons tant elle est paradigmatique de la démarche évaluative du
psychologue, cependant après une surséance pour évoquer l’évaluation collective.
L’audit social
Le détour par une intervention typique de l’entreprise n’ironise qu’à peine sur
la façon dont les dirigeants du service public sanitaire sont tentés de considérer les
hôpitaux, non pas que des mobilisations ne soient pas nécessaires pour en améliorer
la gestion, mais qu’elles restent dissuasives de penser que le soin aux personnes peut
générer des bénéfices financiers, seules les prestations sont bénéfiques. La définition
que donne Pierre-Marc Denamiel, en 1985, de l’audit est la suivante : un ensemble de
techniques permettant d’analyser et d’évaluer les méthodes de l’entreprise.
Jusque dans les années 70, on réservait le terme pour les méthodes comptables et
financières. Avec l’apparition de l’obligation pour les entreprises de procéder à un
bilan social, c’est l’efficacité des politiques sociales que l’on mesure, la reconnaissance
d’une performance sociale, la mise sur un pied d’égalité de la dimension humaine et
de la dimension patrimoniale.
L’analyse sociale doit permettre, pour Jean-Marie Peretti (1981) de :
– détecter les points de friction et prédire leur évolution probable ;
– évaluer les conséquences sur les activités de l’entreprise ;
– déterminer si l’entreprise peut tirer avantage à satisfaire par anticipation les
réclamations ;
– comprendre les problèmes que soulèveront la mise en œuvre des transformations et
les coûts des solutions.
192
Les interventions
L’analyse sociale n’est qu’un préalable à une planification sociale qui comprend sept phases :
– le diagnostic social qui est le constat de l’état des ressources humaines à un moment donné ;
5. L’évaluation psychologique
– la stratégie sociale qui repose sur un ensemble de valeurs et aboutit à des orientations ;
– le plan social qui fixe à l’entreprise des objectifs pour l’année en cours ;
– le budget social qui énumère les moyens dégagés pour le plan ;
– le bilan social qui récapitule les principales données chiffrées avec des indicateurs précis (des
résultats) ;
– le tableau de bord social qui est un outil de gestion pour se situer par rapport aux objectifs. Il
permet de noter des écarts ;
– l’audit social qui permet la mise en œuvre des corrections nécessaires au niveau des orientations,
des objectifs ou des moyens lors d’écarts entre les objectifs et les résultats.
Si l’on s’arrête sur la première étape de cette planification, le diagnostic social, nous
pourrons dégager, à partir des neuf étapes qu’il suppose, une méthodologie de l’audit
social. La démarche qualité dans laquelle prétend s’inscrire l’accréditation s’appuie
sur ce socle et confie habilement à l’établissement le processus d’évaluation avec la
marche à suivre. L’auto-évaluation présente l’avantage de moindres coûts et critiques
tout en laissant du temps pour affiner les critères saillants et une marge de contrôle.
Entre deux vagues d’accréditation, les critères d’évaluation ont gagné en pertinence.
Confier à l’autre les outils de son évaluation avec la menace d’un contrôle aléatoire
permet d’intervenir sur le processus sans avoir à connaître d’emblée le contenu, évite
l’investissement temporel et financier nécessaire et gagne la conviction de celui qui
s’exécute. Difficile de ne pas y souscrire quand on est plongé dedans. Nous allons
retrouver dans ce parcours de l’audit la démarche familière d’une procédure usitée
par les psychologues ici et là. Les neuf étapes sont les suivantes :
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
☞ – administration du questionnaire ;
– analyse des résultats, à trois niveaux :
• le tri à plat consiste à calculer des pourcentages de réponse pour chaque question mais on ne
peut pas distinguer les réponses en fonction des sous-populations par exemple,
5. L’évaluation psychologique
• les tris croisés vont permettre de croiser les questions et ainsi de mettre en relation des réponses
avec des caractéristiques,
• l’analyse multidimensionnelle par la méthode de l’analyse factorielle ;
194
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
s’agit pas pour autant de faire le maximum, mais l’optimum, c’est-à-dire créer un
rapport entre ce que l’on a et ce que l’on a à faire, à savoir adapter une prestation au
besoin de chacun. Les attentes d’une personne font qu’une prise en charge ne peut
pas être standardisée par définition. Si la propension à s’améliorer avec l’expérience
est naturelle, l’évolution à laquelle on cherche à se conformer n’est pas homogène et
nécessite quelques éclaircissements. Des outils sont nécessaires pour ajuster une prise
en charge de l’être humain à l’évolution d’une société.
Nous avons retenu une définition de la qualité : une réponse ajustée à un besoin
donné. L’accréditation se situe sur l’espace de cet ajustement d’une réponse qui
doit s’adapter à son époque (la restriction des budgets) et à l’évolution sociétale (le
développement des droits individuels) en prenant en compte les spécificités de son
objet : on travaille sur de l’humain donc sur une absence d’une standardisation de
la conduite d’une relation. Ajustement d’une réponse (on faisait de la qualité avant
l’accréditation) qui peut être perçu comme une menace (faire mieux avec moins
de moyens) ou une opportunité (participation à l’adaptation d’une structure ou le
développement d’un pôle d’excellence, voire une reconnaissance de son travail).
C’est en fait la réforme hospitalière de 1991 qui commence à évoquer la qualité et
l’évaluation. Deux éléments importants sont à noter :
• L’ajustement porte sur une démarche qui se veut globale. On essaye de suivre le
patient de son admission jusqu’à sa sortie. La prise en charge est souvent globale
dans le registre paramédical depuis l’introduction de notions comme la gestion du
dossier de soins (par le décret du 17 juillet 1984 relatif à l’exercice professionnel),
et l’apprentissage du diagnostic infirmier inclus dans la formation depuis 1992
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
repris dans le décret du 15 mars 1993. Les infirmiers vont être attentifs plus que
les autres intervenants aux données identitaires de la personne. Elle l’est beaucoup
moins dans la prise en charge médicale, plus technique. Il s’agit de renverser la
tendance d’une hyperspécialisation dont nous avons dit qu’elle avait contribué à
déshumaniser l’hôpital.
• On introduit la notion d’analyse du bilan d’activité. Le PMSI (Programme médicalisé
des systèmes d’information pour les uns, Petit machin sans importance pour d’autres)
fait son entrée : il s’agit de regarder ce qu’on fait pour pouvoir anticiper. La portée
des chiffres est restrictive et leur interprétation incomplète, voire tronquée.
195
Les interventions
Il faut attendre cinq ans pour voir se mettre en place cette réforme. Les ordonnances
Juppé du 24 avril 1996 instaurent la procédure d’accréditation et donnent cinq ans aux
établissements de santé pour s’y préparer. Elle est basée sur l’amélioration permanente
de la qualité. La définition que nous pouvons en donner est celle-ci : c’est une
5. L’évaluation psychologique
procédure d’évaluation externe faite sur la façon de travailler d’une structure et plus
précisément sur sa démarche qualité. Elle concerne l’ensemble de son fonctionnement
et de ses pratiques. Elle vise à s’assurer que les conditions de sécurité, de qualité
des soins et de prise en charge du patient sont prises en compte par l’établissement
de santé. Il s’agit de consacrer la conformité d’un établissement à un référentiel,
c’est-à-dire un ensemble d’exigences reprises dans un manuel sorti en février 1999.
Ce travail d’élaboration est confié à l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et
d’évaluation des établissements de santé) à l’époque.
L’établissement de ces normes se poursuit depuis 1996 notamment à partir d’une
phase expérimentale. La première version d’un manuel est établie en juillet 1998, à
la suite d’une opération pilote où 40 établissements se sont portés volontaires. Les
résultats nous montrent que les soins sont correctement réalisés en France, mais que
l’information au patient n’y est pas suffisante (manque d’affichage de la charte des
patients, par exemple).
Trois registres de cotation vont être retenus :
– l’existant ;
– la dynamique de l’amélioration de la qualité ;
– la gestion des risques.
La cotation elle-même repose sur quatre niveaux (ABCD). Cela évite le compromis
neutre que fournit une échelle à cinq niveaux où l’on peut se réfugier sur la moyenne.
Ici au moins, c’est bon ou ce n’est pas bon.
Pour la mise en place de cet audit qui aura lieu tous les cinq ans, c’est surtout la
forme qui est examinée plus que le fond. On ne va pas vérifier le bien-fondé d’un
protocole, c’est inaccessible, trop difficile pour l’instant. On peut supposer en revanche
que dans quelques années, les référentiels seront plus précis et l’évaluation plus fine.
Il s’agit au départ de voir s’il existe des procédures de travail et des protocoles centrés
sur les risques ou les difficultés rencontrées, de voir comment ils fonctionnent. Une
première évaluation est nécessaire pour ne pas se noyer dans un grand nombre de
protocoles, il faut les réserver pour les dysfonctionnements et les incidents critiques.
La « protocolite » aiguë guette les équipes et peut les épuiser, mais les exigences du
travail séparent généralement le bon grain de l’ivraie. Un protocole inopérant ou une
procédure trop légère ne sont pas repris dans les actes au quotidien. La pertinence de
196
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
mains d’une infirmière doit occuper plus de huit heures de son temps si elle veut
respecter toutes les consignes. C’est une aberration et chaque personne « hiérarchise »
au fur et à mesure d’une journée ce lavage de mains. Pourtant, la problématique est
grave, car le lavage des mains est à l’origine de 80 % des infections nosocomiales. Or
celles-ci équivalent aux accidents de la route, soit 10 000 morts par an. Un réel travail
de terrain au détriment d’un groupe de cadres en réflexion est nécessaire qui n’élude
pas la question de la formation des intervenants.
L’accréditation est dans cette perspective un cadre à partir duquel peut se dérouler
un processus d’amélioration basé sur la concertation des personnes et l’analyse de
l’activité quotidienne.
Les règles d’or du système d’assurance qualité doivent se retrouver au sein de cette
accréditation :
– écrivons ce que nous faisons ;
– faisons ce que nous avons écrit ;
– vérifions la conformité des actes et des écrits ;
– mettons à jour nos écrits chaque fois que cela est nécessaire.
Les étapes suivantes de cette accréditation vont alors être mises en place :
• Après avis des instances consultatives et délibératives, le directeur de l’établissement
adresse une demande d’engagement à l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et
d’évaluation des établissements de santé) à l’époque, ancêtre de la Haute Autorité de
santé (HAS), accompagné d’un dossier de présentation de l’établissement décrivant
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
197
Les interventions
Les experts sont 400 en France quand les opérations commencent. Ce sont des
professionnels dont l’activité d’audit n’occupe qu’un tiers de leur temps, l’équipe
est pluridisciplinaire composée d’au moins 3 personnes (1 médecin, 1 paramédical
et 1 administratif ou 1 technicien). Ils sont indépendants de l’hôpital, font partie
d’une autre région, et des organismes de tutelle, notamment de l’Agence régionale
d’hospitalisation qui détermine les budgets hospitaliers.
Ils vont rédiger un rapport sur l’ensemble de l’activité de l’hôpital à partir des
référentiels proposés et procéder à une cotation au plus près de la précédente si
l’auto-évaluation est bien faite, au-dessus si l’établissement s’est sous-estimé et en
dessous s’ils ont dérapé. L’appréciation est sans recommandations (A) ou avec (B),
avec réserves (C et bilan de suivi à échéance déterminée) ou avec réserves majeures
(D et solutions avec visites ciblées).
Cette accréditation est rendue publique. L’accès à cette information est à considérer
avec la puissance que peut véhiculer une médiatisation (des listes en particulier). Ne
pas être accrédité, c’est perdre des clients.
La plus grande partie du travail se fait donc en interne : il s’agit de procéder
au diagnostic de l’établissement en matière de qualité, repérer les points forts, les
points faibles (appelés points à améliorer) et définir une politique d’amélioration de
la qualité à partir des points faibles constatés. Nous retrouvons ici une conduite de
projet classique.
Remarquons une caractéristique peu commune qui consiste à repérer les points forts
et la visée probable ainsi dévoilée d’une telle démarche : on compte sur un système
198
Les interventions
qui va induire l’obligation de faire des choix, notamment de centrer les moyens à
disposition sur les points dont la qualité est correcte. Repérer des points forts, c’est
permettre de développer des domaines d’excellence.
Ce diagnostic de l’existant n’est pas le plus facile à faire. L’organisation prévue est
5. L’évaluation psychologique
la suivante. Un responsable qualité est nommé sur l’hôpital. Il fait partie de l’équipe
de direction. Garant de la mise en place de la procédure, il délègue, à tous, la prise
en charge de la qualité. Il préside un comité de pilotage généralement composé de
l’équipe de direction, du président du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et
des conditions de travail), du président du CLIN (Coordination de la lutte contre les
infections nosocomiales), des instances représentatives.
Chacun des membres de ce comité va piloter et co-piloter un groupe des thématiques
retenues qui font chacune l’objet d’un groupe de travail. Ces thématiques sont
généralement calquées sur les référentiels proposés. Un référentiel est un ensemble
de 85 références couvrant l’activité d’un établissement de santé. Dix référentiels, qui
sont autant de domaines d’activité, sont retenus, regroupés en trois chapitres :
– le patient et sa prise en charge ; il comprend :
– les droits et l’information au patient,
– son dossier,
– l’organisation de sa prise en charge ;
– la gestion et le management au service du patient ; il comprend :
– le management de l’établissement,
– la gestion des ressources humaines,
– la gestion des fonctions logistiques,
– la gestion du système d’information ;
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
199
Les interventions
200
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
mais d’une part, ils ne sont pas les mieux placés pour une évaluation, c’est un sondage
d’opinion, et, d’autre part, leur avis nécessite une analyse, de croiser des informations.
Pensons à l’exemple de cette vieille personne satisfaite d’une aide-soignante qui la
laisse ne pas se laver, insultant celle qui lui demande de prendre une douche.
201
Les interventions
et qui lui soit propre. Cependant, il est trop souvent assimilé à la notion de mesure.
L’examen heurte souvent parce qu’il suggère une forme de sélection, de catégorisation
et semble faire écran, notamment, à une relation spontanée. L’étiquetage est alors
avancé comme un obstacle à une évolution non prévisible. Certes, toute nosographie,
5. L’évaluation psychologique
tout diagnostic est rassurant pour tous, y compris pour le psychologue, comme toute
parole peut l’être sur du non-visible ou du non-connu. C’est négliger l’ouverture
qu’offre un savoir que de courir à la relation qui revêt à ce moment-là un manteau
fusionnel. Il nous semble cependant que les contestations de l’examen psychologique
et de la situation de test en psychopathologie, essentiellement témoins d’une époque,
sont moins vives aujourd’hui. Soulignons à quel point, par l’interaction qu’il suppose,
le bilan se distingue d’un simple test référé à une standardisation. Les données
cliniques et psychométriques se complètent. Ces mots et ce savoir nous font dire, dans
notre perspective, qu’un bilan psychologique n’est pas un devis pour autant. Il n’est
pas seulement un répertoire des difficultés et des possibilités d’un sujet. Il remplit
une fonction de photographie dans la vie, y compris institutionnelle, d’un être par son
aspect transitoire. La composante affective fait aussi de l’examen le début d’une prise
en charge. Il nous apparaît ainsi inconcevable de procéder à une deuxième évaluation
pour mesurer les progrès réalisés.
S’il s’agit de ne pas se précipiter dans cette relation, encore moins à « corps
perdu », cette approche « prudencée » par un arsenal professionnel n’échappe pas
pour autant aux composantes affectives. Nous sommes en train de dire qu’il s’agit
d’une relation avec laquelle il faut prendre ses distances. Toutefois, quel que soit le
recul que l’on peut y mettre, cette rencontre reste toujours une relation spontanée,
mais d’une spontanéité contrôlée, « armée », réfléchie. Il sera d’ailleurs toujours
préférable de voir la personne en deux séances pour une meilleure reprise du fil de
l’élaboration dont nous sommes les garants. L’intervalle entre deux rendez-vous nous
bénéficie par l’effet d’après-coup, pour orienter la suite de l’investigation, à partir de
la formulation d’hypothèses. Il s’agit souvent de voir ce qui n’a pas été abordé ou ce
qui n’est pas congruent sur l’instant. C’est également une façon de respecter le rythme
d’une personne et une attention propre à la physiologie de l’humain dans un temps
imparti. En ce qui concerne les enfants, la présence des parents n’est pas forcément
nécessaire. Néanmoins, à chaque fois que cela apparaît utile, qu’une angoisse de
la séparation gêne le déroulement des événements, l’examen se fait en présence
de la mère ou des parents. Pour les plus petits, la prise en charge est celle de la
dyade mère-enfant de façon presque naturelle. L’évaluation, nécessaire, possède deux
aspects, l’un quantitatif, l’autre qualitatif que l’on ne peut confondre sans pour autant
chercher à les disjoindre. Même si les deux sont liés, il nous faut soulever le « voile »
des libertés pour ne pas tirer le « rideau » de la manipulation. Aux deux séquences
202
Les interventions
d’un bilan font écho les trois temps de la notoriété de la mesure qui vont et viennent
au fil des cultures sociétales et des craintes de faire parler les chiffres avant de donner
la parole aux personnes.
5. L’évaluation psychologique
Quand on parle d’évaluation, c’est souvent pour questionner la légitimité du
psychologue à faire passer des épreuves quand ce n’est pas pour interroger celle des
épreuves elles-mêmes. Il est bien sûr artificiel de séparer les épreuves de leurs usages
et ce d’autant plus que cet usage divise les psychologues eux-mêmes. Support d’un
conflit idéologique majeur et rageur, la normalisation sous-jacente, l’évaluation qui
passe par une batterie de tests peut être ramenée à un plus juste milieu. Comme si,
ceux-ci, pour prendre l’exemple des chiffres de la tension artérielle, soit mesuraient
la bonne santé, soit ne signifiaient rien du tout puisqu’ils peuvent être modifiés
par l’émotion. Dans la majorité des cas, les psychologues choisissent de pratiquer
les épreuves qu’ils jugent nécessaires mais entendent rester maître des résultats,
c’est-à-dire ne communiquent que des conclusions cliniques ou professionnelles, et
non pas les seuls chiffres pour éviter toute interprétation tronquée. Le psychologue,
cet artisan du temps, a pour vocation de défendre la désaliénation et l’épanouissement
des individus et des groupes. Il est le garant de l’expression de l’individualité dans
cette société qui traite les individus comme des produits et lui demande parfois de
calibrer un développement, comme on le fait pour les œufs. La psychologie insiste sur
la relativité des faits qui garde le souci constant de la question de départ et souligne
deux références fondamentales, à un critère de la réalité et à un groupe d’appartenance.
En psychologie, on ne fait pas que tester, on observe un comportement et on dialogue.
Observer, c’est percevoir et percevoir c’est sélectionner, c’est aussi reconstruire. Dire
qu’« observer c’est percevoir » pointe les limites de cette perception. En effet, en
regard de l’espace, une observation est forcément localisée. Une observation est
toujours partielle. Cette même « partielisation » existe également en regard du temps.
Les moyens sensoriels à notre disposition prêtent à une imprécision, particulièrement
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
en ce qui concerne le trop ténu et le trop fugitif ainsi que la fatigabilité. Ces limites
sont aussi celles de l’individu et de ses capacités, en termes de fatigue et d’orientation.
Plus l’attention est orientée (spontanément ou sur consigne), plus l’observation est
sélective. En regard de la mémoire enfin, qui exige que l’on prenne des notes. À
cette sélectivité naturelle, due à l’attention, à la sensorialité, à la localisation et
à la mémoire, s’ajoute une catégorisation spontanée. Percevoir, c’est catégoriser.
Cette catégorisation est simplificatrice, voire réductrice. Être observé implique des
réactions normales de défense sociales qui oscillent entre deux pôles, l’anxiété et
l’exhibitionnisme. Face à cela, l’observateur doit posséder deux qualités : l’attention
au comportement et l’empathie, c’est-à-dire une sympathie froide. C’est de la froideur
du raisonnement dont il est question en opposition à l’incandescence des affects.
203
Les interventions
car il supporte aisément l’adage qui laisse à penser que tout le monde peut entrer en
dialogue comme Monsieur Jourdain. La formation n’en devient que plus délicate, car
l’expérience professionnelle ne suffit pas pour poser les bonnes questions, il faut aussi
une expérience de l’entretien. Pire, on pense souvent qu’il suffit d’être soi-même,
or on se trouve en face de quelqu’un d’autre et l’on est en situation professionnelle.
L’examen psychologique vise à poser un diagnostic et à dégager une compréhension
de la situation présentée. Il intervient également comme prologue d’une prise en
charge, à moins qu’elle ne soit déléguée à un autre, pour laquelle la psychologie met
l’accent sur la parole en relation, mais aussi en relation d’objet pour reprendre la
désignation de ce qui résulte d’une organisation complexe de la personnalité.
204
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
utiles demandés par le Code. Il envisage trois sortes d’examens et trois taux de
rémunération :
– l’examen simple ;
– l’examen complémentaire (test projectif) ;
– et l’examen semi-collectif (un niveau mental pour 5/6 mineurs).
205
Les interventions
prise de parole pérenne devait se mettre en place. Geneviève Cédile, qui siège à cette
commission, prend l’initiative de rassembler les psychologues experts de renom, d’où
vont émerger les structures permettant aux psychologues de devenir des interlocuteurs
à part entière des pouvoirs politiques et administratifs. C’est ainsi que l’idée s’est
5. L’évaluation psychologique
installée de créer une Compagnie d’experts particulière aux psychologues aux côtés
des autres compagnies existant déjà pour bon nombre de professions. Bertrand
Phesans préside la Compagnie des experts psychologues près les cours d’appel de
la région parisienne (CEPCARP) depuis juin 2006 et Alain Dumez, la Compagnie
nationale des experts psychologues (CNEPSY) depuis octobre 2008 (parution au JO
du 28 mars 2009).
Son insertion institutionnelle est difficile car la jeunesse de la profession se heurte
au pillage par la discipline dominante, mais le point de vue théorique offre également
une chance historique dans l’approche de la criminologie, car celle-ci a en effet
changé. Dans l’éclairage des faits criminels, on est passé d’une criminologie de la
différence, expression d’une faille ou défaillance psychologique qui pourrait expliquer
le comportement ou la personnalité, à une criminologie centrée sur le processus. Or
celui qui constitue l’objet de la psychologie est bien le conflit, intrapsychique ou
interrelationnel. Certes, on assiste aujourd’hui à une régression avec le profilage qui
nous ramène à une phrénologie moderne, mais le recours aux recettes est peut-être
un symptôme du néolibéralisme triomphant dans un pangénétisme qu’une diffusion
du savoir peut probablement enrayer. C’est en tout cas ainsi le sujet qui est intégré
dans cette seconde conception. Poser le conflit au centre du processus dont va se
saisir le psychologue ne résout pas pour autant le questionnement connexe autour
de la norme qui peut ainsi surgir dans l’opposition au groupe social, créateur d’une
norme rappelons-le. Asseoir la position du sujet comme préoccupation essentielle
de la démarche du psychologue, c’est fournir l’occasion de mettre du sens plus ou
moins cohérent aux données internes et externes de l’individu. Il ne s’agit pas pour
autant d’éliminer ce qui peut relever des failles, mais celles-ci sont alors présentes
sous forme relationnelle. Un sujet, un conflit, un contexte : c’est le trépied d’une
approche psychologique de la criminologie. Le troisième élément est absolument
fondamental de l’action et de l’analyse du psychologue dans ce contexte. C’est lui qui
fournit la relativité nécessaire à l’empêchement d’erreurs grossières ou de fautes et
donc sources d’une injustice. Ainsi, tout est en place pour la construction des enjeux
entre psychologie et justice. Le dossier de personnalité pour les adultes délinquants
apparaît en 1959 dans les procédures pénales, l’ordonnance de 1945 avait généralisé
l’étude de la personnalité de l’enfant. C’est à partir de 1975 que les chambres de la
famille vont faire appel au psychologue lorsqu’il y a litige en matière d’attribution de
l’autorité parentale ou du droit de garde.
206
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
possibles non exploité par les difficultés qu’il rencontre dans sa visibilité sociale,
particulièrement dès qu’on lui demande ce qu’il fait ou sait faire. Quand le fantasme
domine, la psychologie régresse. La discipline est utile et donc particulièrement non
nuisible au champ judiciaire. Elle dispose de compétences que certains verraient
bien beaucoup plus ancrées dans le paysage jusqu’à le justifier par des études. Ainsi,
c’est avant, pendant et après l’audience que le psychologue pourrait être présent. En
amont, par son repérage des facteurs de faillibilité des témoignages oculaires. Dans
son rôle d’expert sur les conditions qui entourent l’occurrence des faits reprochés. En
aval, aussi, auprès des auteurs au cours de la peine. Également auprès des victimes,
mais il pourrait aussi intervenir lors de débriefings auprès des jurés d’assises pour la
gestion des émotions fortes rencontrées ainsi que pour les former sur les fondements
du jugement individuel et collectif. En effet, non seulement les croyances intuitives
des jurés diffèrent beaucoup du savoir expérimenté des psychologues, mais des
études montrent que les jurés sont reconnus plus compétents pour tenir compte des
facteurs d’influence et de faillibilité du jugement lorsqu’ils ont entendu une expertise
psychologique en audience1. La validité écologique n’est pas à démontrer, elle est
bien présente, mais les difficultés apparaissent dès qu’il s’agit de définir la fonction du
psychologue-expert près des tribunaux : elle est incertaine et cette incertitude nuit à sa
visibilité sociale. Le psychologue a des circonstances atténuantes par l’ambiguïté des
prérogatives de sa fonction. Pour Frédéric Chauvaud, l’expert est un juge d’instruction :
il collecte, il s’attache aux analogies pertinentes, il lie ensemble constats et indices
pour livrer une conclusion. À l’instar du jury d’assises, il rend un verdict. En effet, il
doit être impartial, mais il rend un avis. Il est auxiliaire de justice s’il est extérieur au
rituel judiciaire. C’est aussi le problème des métaphores : « l’autopsie psychique »
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
1. Durham M. D., Dane F. C. (1999). « Juror knowledge of eyewitness behavior : Evidence for the
necessity of expert testimony », Journal of social behavior and personality, vol. 14, n◦ 2, p. 299-308 ;
Kassin S. M., Ellsworth P. C., Smith V. L. (1989). « The "general acceptance" of psychological
research on eyewitness testimony : A survey of the experts », American psychologist.
207
Les interventions
208
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
– un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
L’acte psychologique n’est donc pas reconnu de suite et est payé illégalement
toutes ces années par alignement sur les tarifs des psychiatres, jusqu’au décret du
18 mars 1999 qui codifie à K 90 et fixe à 172,80 € l’acte de psychologie légale.
L’expertise psychiatrique est codifiée 6 C psy (205,81 €) et 6,5 C psy pour un délit
ou un crime à caractère sexuel. Ce tarif concerne le droit pénal, il est donc uniforme
sur tout le territoire, seuls les tarifs des kilomètres ou les carences, l’absence des
personnes aux expertises, changent d’une juridiction à l’autre. En droit civil, la
rémunération dépend de la consignation demandée aux parties, le minimum tournant
autour de 300 €. Une note détaillée remise au moment du rapport est nécessaire
pour le versement des honoraires. Une fonction donc plus honorifique que lucrative
pour cette obligation de résultats et non de moyens. Selon l’article 238 du Code de
procédure civile, le psychologue est un technicien spécialisé : « Il doit donner son
avis sur les points pour l’examen desquels il a été commis. » Selon l’article 117
du Code de procédure pénale, il est nécessaire que les expertises psychologiques
« soient pratiquées par un psychologue agréé ». Longtemps régie par la loi de 1971,
l’inscription de l’expert l’est aujourd’hui par celle du 11 février 2004 qui énonce
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
une période probatoire de deux ans et une inscription renouvelable sur les listes tous
les cinq ans. Depuis cette loi, il y a une suspicion sur l’usage qui peut en être fait
quand l’indépendance de ce professionnel peut être malmenée, l’expert pouvant être
incité à produire ce qui est attendu, d’où l’importance de critères pour contrôler les
expertises, mais lesquels ? La satisfaction du magistrat, celle de l’usager, celle des
pairs ? Question de compétence ? La cohérence du discours n’est pas la garantie
d’un travail scientifique : la différence entre scientisme et scientifique relève de la
méprise qui confond crédible et vrai. Le recours disciplinaire est la radiation ou la
non-réinscription. Ici comme ailleurs, seul le travail bien fait compte et un magistrat
préfère toujours un travail argumenté qui va à l’encontre de ce qu’il pouvait penser
initialement qu’un document qui abonde dans son sens au point qu’il aurait pu s’en
209
Les interventions
dispenser. Une ordonnance de commission d’expertise avec une mission précisée par
des questions et des pièces du dossier permet au psychologue d’exercer cette activité.
L’expertise reste une activité et non constitutive d’une profession.
5. L’évaluation psychologique
210
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
une enquête psychique, donc ne rien prendre comme une évidence, car il s’agit de la
construction d’une trame cohérente, voire une reconstruction de quelqu’un pour lui
redonner figure humaine, même avec des trous et des défaillances. Le secret de notre
réussite est véritablement ce sens de l’énigme psychique et non de la curiosité. Cette
nécessaire minutie ne peut pas avoir affaire avec les propos d’une concierge.
L’exercice psychologique est délicat en soi, la pratique de l’expertise y apporte
des particularités qui obligent à repenser l’activité du psychologue, en particulier les
places de la technique et du sujet, mais aussi le statut du secret professionnel ainsi
que la référence à l’écrit. En ce qui concerne la première, elle se tient dans l’ombre
naturellement, comme toute activité de travail, mais la méthode psychologique est
également dans la pénombre tant le discours est en avant. Nous n’insistons pas
d’avantage sur le partage de la psychologie par tous et de l’attente fréquente que le
psychologue confirme ou infirme ce que les acteurs de la justice pressentent ou veulent
entendre. Il est vrai que les données psychologiques s’appuient sur la subjectivité
des personnes et cette spécificité apparaît comme un handicap. La seconde place en
jeu est celle du sujet à qui l’on ne s’adresse pas directement comme dans les autres
secteurs d’activité du psychologue. L’expertise s’adresse en effet au président, si bien
que le sujet assiste à un discours sur lui sans en être l’interlocuteur. Comment lui en
faire part et nuancer en fonction de sa personnalité, normale, voire « normosée », ou
pathologique ?
La pratique du secret n’est pas du tout la même pour le psychologue, en situation
bien souvent de confident par fonction et pour l’expert, en situation d’auxiliaire de
justice. Le secret s’applique, dans ce dernier cas, à tous les éléments hors dossier, hors
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
211
Les interventions
entière que le psychologue engage entre les lignes de son rapport. La pratique de
l’expert n’est pas sans risques puisqu’il ne peut en maîtriser les effets. Aussi, une
formation idoine est nécessaire et une expérience appropriée permet le dépassement
de certaines contradictions et confusions liées au cadre de l’expertise. L’enjeu en est
bien de répondre à la demande judiciaire, sans s’y soumettre, ni la contourner.
212
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
éventuel. Chez les parents, il est examiné l’évolution de la famille, l’évaluation de leurs
capacités éducatives, leurs réactions par rapport à la situation en particulier avec les
nouveaux partenaires, l’influence des grands-parents. Il est important de voir comment
les parents se positionnent par rapport à l’enfant, quelle est la place de l’enfant dans
leur trajet de vie, dans la situation actuelle et les raisons de la modification de la
situation.
Lorsque l’expertise intervient en dommage corporel, le psychologue est souvent
présent comme sapiteur, c’est-à-dire sollicité par un expert principal qui a recours à
un spécialiste sur un domaine qu’il ne maîtrise pas suffisamment. La situation la plus
classique est celle d’une évaluation du degré de gravité des séquelles post-traumatiques
d’un blessé et la gêne fonctionnelle qui en découle. Le bilan neuropsychologique, le
plus souvent, permet de mettre en lumière les capacités conservées et les composantes
perturbées et éclaire l’état antérieur. Il s’agit de mettre en évidence les éléments qui
permettent de définir le lien de causalité entre les troubles et l’accident.
Lors d’une expertise de victime, il est nécessaire de respecter sa pudeur, gagner
sa confiance, de restituer sa parole et d’éviter toute sur-victimisation (toute suspicion
comme second trauma). Nous reviendrons ci-dessous sur la valeur de cette mission
pour le psychologue. L’entretien doit permettre d’aboutir à l’analyse de la structure
de la personnalité, de son mode de relation aux autres, de ses mécanismes de défense
et la nature de ses anxiétés ou angoisses. Il repère le contenu latent, des possibles
carences affectives et le caractère éventuellement pathogène de milieu.
La personnalité d’un mis en examen est étudiée ainsi que ses relations aux autres et
sa perception de l’acte, en cabinet ou en prison selon les circonstances. L’anamnèse
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
est retracée, les événements marquant de sa vie repérés, sa sexualité et son acceptation
de la loi sont abordés. Classiquement, quatre axes sont retenus : son histoire, son
environnement, son contexte social et culturel, son organisation de la personnalité.
Un exemple de mission parmi d’autres :
– analyser les dispositions de la personnalité de Monsieur XY ou de Madame XX
dans les registres de l’intelligence, de l’affectivité et de la sociabilité et apprécier
leurs dimensions pathologiques éventuelles ;
– faire ressortir les facteurs personnels, familiaux et sociaux ayant pu influer sur le
développement de sa personnalité ;
– déterminer les niveaux d’intelligence, d’habileté manuelle et d’attention ;
213
Les interventions
Lorsque l’expert intervient aux assises, la prestation est orale, c’est dire l’importance
d’être compris de tous, mais également de pouvoir faire face à l’avocat de l’accusé
sans être déstabilisé.
214
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
inopérant ? De plus, la fiction utile que constitue le mensonge vient troubler les esprits.
Cela est d’autant plus vrai que le mensonge présente une occurrence d’apparition
qui augmente avec la bonne santé psychique et diminue avec l’empêtrement dans
une symptomatologie lourde. Sa présence est d’ailleurs inversement proportionnelle
à la gravité de la symptomatologie : plus la pathologie mentale est grave, moins il y
a de place pour le mensonge. Nous avons montré ailleurs que l’apparition de cette
manifestation chez l’enfant est une preuve de son autonomie psychique : si l’on croit
mes petits mensonges enfantins, c’est bien que ma mère ne puisse pas « lire » dans
ma tête, ni deviner mes pensées.
Pour tenter d’apporter quelques éléments de réponse, il nous faut nous tourner
vers les paradigmes de la psychologie afin de situer cette crédibilité et ses modalités
d’une part, pour interroger la place du mensonge et de ses collatéraux que sont le
déni et la simulation d’autre part. Nous questionnerons la seconde part dans un autre
chapitre. Dans l’exercice de la psychologie lorsqu’elle est centrée sur les soins ou le
mieux-être des personnes par des entretiens centrés, eux, sur la parole, la crédibilité
des personnes non seulement va de soi, mais est devenue un postulat incontournable
des pratiques cliniques, notamment d’inspiration psychanalytique. En effet, parce
qu’il était vain de vérifier les dires de ses patients et que leur véracité ne changeait
pas les effets produits, notamment la souffrance, Sieur Freud en arrive à prendre pour
argent comptant, pourrait-on dire, tout ce qui est dit puisque ces personnes le croient. Il
invente ainsi la réalité psychique et transforme la notion de fantasme, fait de la parole
le seul matériel à travailler à partir de la situation qui va se vivre dans un transfert
pour le patient et un contre-transfert pour le thérapeute. Les intérêts à partir de ce
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
que les personnes racontent pour les amener à changer sont nombreux, à commencer
par l’efficience. Partir des trois lieux ainsi distingués, ici et maintenant, ailleurs et
maintenant et ailleurs et autrefois, permet repérages et élaborations des situations
de souffrance. Ce sont d’ailleurs les contradictions, les décalages, les dissonances,
les incohérences qui font l’objet des interventions du psychologue et de l’avancée
de la personne. La vérité psychique ainsi débusquée apparaît comme relevant d’un
autre registre conduisant à un quiproquo avec la recherche d’une vérité judiciaire que
le psychologue doit évincer de ses préoccupations. Le quiproquo est entretenu par
le questionnement sur une situation, celle des faits, alors que la dimension clinique
positionne le psychologue et ne lui permet de répondre que dans et par la situation
d’expertise.
215
Les interventions
La frontière entre le fond et la forme est ténue qui autorise le psychologue à évoquer
pourquoi la personne a commis l’acte qui lui est reproché ou pourrait l’être, mais non
de parler de ce qu’il a commis. Or il est important de ne pas prendre le reflet pour
l’image. Il n’est pas demandé au psychologue une explication de l’acte, mais de sortir
5. L’évaluation psychologique
216
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
de nombreuses questions éthiques et déontologiques sur l’exercice même de cette
pratique et ouvre de vastes interrogations sur ce qui se dit et ne se dit pas en expertise,
objet des préoccupations du psychologue en situation ainsi que sur sa position même
de professionnel. Cette appréhension scientifique de la preuve s’incarne désormais
sous un jour nouveau avec l’expertise du plaignant, car elle conduit le psychologue
sur le terrain du fond de l’affaire. Son rapport est susceptible d’ouvrir des procédures,
nous rappelle Alain Dumez1 . Définir un retentissement psychique chez une victime
présumée est utile à la poursuite d’une instruction. Ce type d’expertise intervient sur
la qualification des faits, voire le quantum. La justice demande plus qu’un avis dans
ces circonstances. Le psychologue travaille sur le lien avec le fond s’il n’intervient
pas sur les faits.
217
Les interventions
bagage théorique derrière la réalité des faits, mais nous laissons pour le moment ce
débat épistémologique interne à la discipline. Sans même évoquer le dévoiement
conceptuel qui fait dire à Arthur Janov par exemple que le refoulement est visible
à l’électroencéphalogramme. Nous insistons avant tout sur la grande vigilance à
s’emparer d’une demande du magistrat qui n’est pas toujours sans ambiguïté et à
maintes occasions. Il est en effet prêt à se décharger du fardeau de la preuve, quand il
ne pousse pas à l’instrumentalisation, car non seulement l’avis technique n’est pas
une preuve, mais comme tout le monde fait de la psychologie, on peut se retrouver,
l’espace de quelques instants, comme contraint à « devoir » confirmer les intuitions
du magistrat.
Le psychologue est le roi du sens et il va en construire avec le sujet après-coup ;
cette construction d’un système explicatif, voire d’une théorie, qui fera sens pour
le sujet dans les règles de l’art : pas d’interprétation sans la personne comme il n’y
a pas d’interprétation de dessin d’enfant sans les commentaires en live de l’enfant.
Seulement, vis-à-vis des acteurs judiciaires, il est nécessaire de faire attention à ne pas
laisser entendre que la logique du psychisme est la réalité et de prêter le sens décelé
comme une intention préalable. Assumer n’est pas jouer. Renoncer à vouloir donner
du sens à tout prix, c’est éviter le glissement d’auxiliaire de justice à « auxiliaire
d’accusation » comme le dit Michel Dubec. Le psychologue est expert, il n’est pas
criminologue. Il prend le parti de l’individu et non celui de la société. En ce sens,
on pourrait laisser entendre qu’il n’intervient qu’à décharge, jusques et y compris à
reconnaître qu’il prend part à la construction de la vérité.
Non seulement une construction après-coup n’est pas l’intention d’avant le « coup »,
mais la clarté doit primer dans le discours tant la confusion des langues est prégnante.
Des termes polysémantiques, polysémiques et polémiques, se parasitent mutuellement
entre langage juridique et langage psychologique ou psychanalytique à commencer
par la loi : qu’elle soit symbolique ne veut pas dire qu’elle soit pénale, mais aussi la
transgression, le passage à l’acte, la culpabilité, la réparation... Dire que la maturité
psychique ne s’arrête pas au respect de la loi mérite des éclaircissements réservés aux
initiés des travaux de Lawrence Kolhberg par exemple, sur les stades du développement
moral chez l’enfant. Plusieurs facteurs ou signes d’alerte nous font nous méfier de la
culpabilité par exemple :
– sa mesure : il n’y a pas d’instrument de mesure ;
– son diagnostic : elle peut être masquée par une sidération ou une révolte ;
218
Les interventions
5. L’évaluation psychologique
rechercher d’autant ;
– qu’elle est proportionnelle au degré de responsabilité que s’attribue la personne.
analyse clinique.
Le jargon est également une préoccupation. Comment écrire clair sans tomber
dans le sens commun, c’est-à-dire un détour obligé par une élaboration, soit une
complexification puis une « décomplexité » pour ne pas confondre sens commun
et langage commun. Le piège réside dans la nature du détour et particulièrement la
toute-puissance que nous offre une psychologie qui se présente comme une science.
Vient se greffer un second piège dans le risque de confusion qu’engendre un langage
qui paraît banal. Un jargon des plus abscons lève à cet égard toute ambiguïté, mais
nous ne sommes pas médecins. Or les règles du général et les données statistiques qui
les accompagnent ne vont pas coller à ce cas par définition particulier et qui nécessite
une investigation clinique. Pour autant, l’analyse du transfert et du contre-transfert
219
Les interventions
fait pas celle de l’interprétation qui est tirée de la situation. À l’inverse, l’absence
de validité de nos connaissances théoriques n’invalide pas l’opinion et la valeur de
l’analyse portée sur une situation. La psychologie n’est pas seulement une science,
c’est aussi un art. Les données statistiques ne font pas de nous des devins et jouer de
la prédiction normative reste une erreur fondamentale, pour ne pas dire une imposture.
Des descripteurs généraux ne seront jamais applicables tels quels à un sujet et nous
devons faire le deuil de la saisie d’une réalité objective passée comme d’une prédiction
juste du futur. Comme si les statistiques permettaient un clonage symbolique. C’est
bien cette faible prédictivité qui nous fait nous tourner vers la subjectivité parce que
l’on n’a pas oublié que Sigmund Freud a fort justement abandonné la réalité pour la
réalité psychique. C’est elle notre fonds de commerce. De plus, l’exactitude d’une
conclusion ne garantit pas celle des prémices. C’est dire combien la simple logique est
insuffisante. C’est l’interprétation de l’expérience qui conduit au sens des situations.
Nous avons à nous prononcer sur la réalité subjective d’un individu, c’est-à-dire une
construction qui comprend l’interprétation qu’un sujet se donne d’un événement vécu
y compris à son insu. Les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Cette
subjectivité, nous en faisons un instrument de connaissance de l’individu pour un
accès du passé sur le présent.
Comme tout le monde est pourvu d’une subjectivité, il y a un danger de collusion
des subjectivités, car il ne faut pas confondre la sienne et celle de l’autre, mais c’est
aussi un puissant moteur, car notre propre subjectivité va être un levier pour atteindre
celle de l’autre. C’est en restant à distance, qu’il est possible au psychologue de
conclure avec impartialité. Même s’il ne s’épanouit pas comme dans un processus
de prise en charge, il faut s’appuyer sur le contre-transfert et plus particulièrement
sur les « identifications contre-transférentielles éphémères » comme le suggère Diane
Casoni (2007), c’est-à-dire accepter ce léger vacillement identificatoire présent dans
chacune des situations proposées, un peu comme l’acteur se laisse pénétrer par
son rôle. C’est une erreur méthodologique que d’évacuer les effets que produisent
sur nous les situations d’expertise, qu’il s’agisse d’angoisse ou de compassion. Ne
pas évacuer ces manifestations contre-transférentielles est une garantie contre la
prématurité de la formulation d’un jugement. Il est nécessaire de comprendre le
contexte émotionnel de chacun des protagonistes pour mieux appréhender les liens
entre eux et les motivations sous-jacentes. L’expert peut ainsi proposer du sens à des
histoires d’actes qui interrogent le travail de symbolisation. « L’acte comme butée
dans le travail de symbolisation » nous propose Pascal Roman (2007). L’acte n’est
220
Les interventions
pas seulement le court-circuit de la pensée que l’on connaît, c’est aussi un soutien du
travail de symbolisation. Il suffit de se rappeler comment la pensée vient à l’enfant, le
passage par l’acte de Winnicott et de Wallon. Un acte qui n’évacue pas le transfert, on
en revient des psychosomatiques qui seraient des amputées de la pensée.
5. L’évaluation psychologique
L’effet discriminant est aussi une préoccupation quand on cherche à se distinguer
des autres et particulièrement du psychiatre. Certainement pas avec le recours à
une revendication concernant le diagnostic car, qu’elle concerne l’évaluation de
la capacité pénale ou l’individualisation de la peine, les deux expertises ne se
distinguent que par le manque de diagnostic à plus de 80 % nous rappelle Anne
Andronikov (2007) L’expertise psychiatrique est autant du côté de la société et de
sa protection que l’expertise psychologique est du côté de l’individu et de sa peine,
à savoir l’individualisation de celle-ci. Le psychiatre apprécie des intentions, on
lui demande se prononcer sur la question de la maladie mentale avérée et, à partir
de là, de cerner la capacité de discernement de la personne. Les questions sur la
pathologie, le traitement et l’atténuation de la responsabilité vont autoriser un avis
sur l’état mental et permettre de poser une imputabilité ou une capacité pénale.
L’expertise psychologique est une appréciation de la personnalité, une hypothèse
sur son fonctionnement. La responsabilité du psychologue repose sur l’aptitude
à faire comprendre les mécanismes et les motivations du crime et du délit. Les
caractéristiques personnelles, morales, sociales et intellectuelles du sujet vont permettre
d’individualiser la peine, les hypothèses vont réduire les incertitudes passées et futures
(la prédictibilité).
– expertise psychiatrique :
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
• présence ou non de troubles mentaux et à partir de là, les relations avec les faits reprochés et les
conséquences sur le discernement (altération, abolition) ;
• la dangerosité ;
• l’accessibilité à la sanction ;
• la réadaptation sociale ;
• l’accessibilité à une démarche de soins et éventuellement à une injonction de soins.
– expertise psychologique :
221
Les interventions
– un préambule : avec l’énoncé des nom, titre et adresse de l’expert, la copie de la commission
d’expertise, la mention de la prestation du serment, date, lieu et énoncé des opérations effectuées,
mention des pièces jointes ;
– l’exposé de l’affaire ;
– la description des constatations faites avec en particulier l’état antérieur éventuel, l’anamnèse, les
doléances, les tests éventuels ;
– la discussion ;
– les conclusions : courtes, claires et précises, répondant aux questions posées par le magistrat ;
– date et signature.
222
Les interventions
– la question psychopathologique ;
– la question psychologique ;
– la question sociale.
5. L’évaluation psychologique
La question psychopathologique
La question psychologique
223
Les interventions
La question sociale
C’est la question de la récidive et celle de la réhabilitation, c’est-à-dire le risque de
récidive et le potentiel de réinsertion sociale. La plus grande prudence est de rigueur.
5. L’évaluation psychologique
Il ne s’agit pas de proposer une thérapie à tout le monde, même si bien souvent
une psychothérapie ou une psychanalyse restent le moyen par lequel le sujet peut se
réconcilier avec lui-même, avec son acte et avec la société.
Si nous résumons les conditions préalables à l’exercice de l’expertise que nous
avons dégagé, nous trouvons indispensable que le psychologue soit muni :
– de solides connaissances sémiologiques ;
– d’une sérieuse expérience clinique et de l’évaluation ;
– d’une prudence dans l’interprétation ;
– d’une éthique à toute épreuve.
224
Les interventions
6. L’accompagnement psychologique
6
L’accompagnement psychologique
Objectivable sur le plan somatique par inférence, subjectivable sur le plan mental
par enquête, la guérison apparaît comme une idée personnelle à chacun ou comme un
état propre à tous. Considérer toute maladie, en dehors de ses modalités de prises en
charge par un système social, sous l’angle du message qu’elle adresse, peut relever
d’une généralisation et donc être abusive. Il s’agit d’une lecture parmi d’autres, mais,
en tant que psychologue, il n’est pas étonnant que nous privilégiions un tel aspect.
Nous pourrions aller jusqu’à poser la question : « Mais de quoi, pour éviter de dire
de qui, s’agit-il de guérir ? » Ce raccourci n’évacue pas la maladie qui tient au
corps, médiation importante et nécessaire dans une relation incessamment renvoyée
à une autre, mais qui prétend évoquer, voire convoquer, celui ou celle qui est ainsi
225
Les interventions
concerné(e) par cette maladie. En effet, si la maladie est « impossibilité de » (et les
verbes restent au choix), travailler, tenir debout, continuer, symboliser, supporter,
mettre en mots, elle est également une expression adressée, comme tout acte, elle
6. L’accompagnement psychologique
226
Les interventions
6. L’accompagnement psychologique
repérer une souffrance et un cadre pour la dire. Il s’agit de généraliser un processus
qui concerne essentiellement le changement et suppose donc un risque. Ce dernier,
toujours personnel, nous fait dire que la guérison ne peut être jugée que par le patient,
même si c’est l’histoire d’une interaction dont il s’agit. Il faut que le sujet s’approprie
les signes d’un mieux-être, d’un soulagement, au prix soit d’un long travail de deuil,
soit d’un court instant vécu comme contenant, comme magique, pour illustrer deux
possibilités extrêmes. Cette appropriation retentit des mythes environnants ou des
histoires de chacun. Nous préférons, somme toute, penser que l’on guérit plutôt que
l’on s’aguerrît.
Le privilège de la carte du rêve chez l’adulte estompe la dimension développe-
mentale bien repérée chez l’enfant pourtant si vive tout au long de la vie. L’emprise
culturelle des aménagements psychosociologiques du quotidien éloigne le soin d’une
reprise des ratés du développement. De plus, les convictions sur la nature de la réussite
dans l’idée de guérison conduisent à se défaire d’une médicalisation des problèmes
rencontrés. Ceux-ci sont ainsi situés ailleurs dans le cours de la vie, que ce soit dans le
champ des croyances ou le respect d’un mode de pensée. L’adulte est ou se reconnaît
comme beaucoup moins vulnérable et de plus en plus responsable et particulièrement
de son destin. Aussi, doit-il se prendre en mains en cohérence avec son expérience
et l’adéquation de celle-ci avec ses opinions. Dans cette perspective, la psychologie
devient marquée du sceau de la prévention. La pratique d’un « sport » cérébral ou
d’une activité intellectuelle facilite le maintien en forme et un vécu harmonieux.
Avec l’âge qui augmente, les soucis d’avancer en bonnes conditions mentales se
démultiplient.
227
Les interventions
maladie se déplaçant ainsi de la crise à l’état de dépendance en passant par des enjeux
aussi sociaux que politiques, comment le psychologue peut-il se positionner, a-t-il
besoin de le faire s’il sait s’assurer de retomber sur « ses pattes » ?
6. L’accompagnement psychologique
228
Les interventions
6. L’accompagnement psychologique
restreinte par des capacités et des aptitudes allant jusqu’à exiger un étayage de tous
les moments. Le prendre soin concerne aussi cette période antérieure à l’instauration
de cet espace transitionnel, ce qui n’est pas le cas de la guérison proprement dite, sauf
si nous le considérons dans son aspect interminable, l’inguérissabilité. Ainsi, le soin
n’est pas que thérapeutique, il comporte une dimension sociale de préservation et de
protection des personnes les plus vulnérables. Cet aspect d’une santé publique prend
d’autant plus d’ampleur que le travail sur l’autonomie sociale et psychique présente des
difficultés de mise en route. Le principe d’autonomie se heurte ainsi au paternalisme
hérité du principe de bienfaisance. Est-il donc raisonnable de penser que la temporalité
qui distingue le soin de la guérison, en générant des institutionnalisations distinctes,
permet de concilier ces deux principes ?
La guérissabilité peut être considérée comme un phénomène transitionnel
lorsqu’elle nécessite un étayage bien particulier, quand il s’agit d’un soutien qui vise
une « dérobée », c’est-à-dire une mise ou remise en marche qui laisse la possibilité
d’expérimenter l’équilibre et les aléas de la marche. Cette métaphore, « emprunte »
plus qu’« empreinte » de métonymie, à propos des premiers pas de l’enfant, peut
s’entendre, tant au plan physique que psychique, au sens d’un soutien et d’un lâchage,
aide provisoire vers l’autonomie qui ne s’apprend que par soi-même. Ce parallèle
avec le développement de l’enfant, ou plutôt ce rappel insistant tant du point de
vue de l’autonomie physique que psychique, laisse à penser qu’il n’est pas étranger
aux mécanismes à l’œuvre dans la guérissabilité. Il est cependant facile d’envisager
tout traitement comme la reprise d’un raté du développement, tant cette conception
est en vigueur dans de nombreux champs thérapeutiques. Nous sommes d’ailleurs
simplement en train de (re)découvrir cette hypothèse, dans un « trouvé-créé », mais
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
il reste à poser la question du mode sur lequel cette reprise a lieu, métaphorique,
métonymique ou métaphoro-métonymique.
Tous « prendre soin » prodigués dans le registre de cette guérissabilité peuvent
ainsi être considérés comme substituts ou comme renvoyant aux soins d’une mère
passablement bonne – autre traduction de « mère suffisamment bonne » – et le
processus de guérison comme réélaboration ou renvoyant à l’autonomie d’un individu.
C’est pointer combien le développement est perpétuel et l’enfant nous rappelle avec
insistance comment l’évolution de la personne humaine est constante. De façon
apparemment contradictoire, la psychologie de l’adulte et de la personne âgée tend à
nous faire oublier cette dimension et nous focalise sur une dimension intégrative du
soin qui éloigne la pathologie pour privilégier un développement appelé personnel.
229
Les interventions
230
Les interventions
être cher disparu, ou une absence, un concept qu’il doit intégrer parmi d’autres.
Si cette représentation de l’être disparu est commune à tous, tel le partage d’une
mort « culturelle », enseignée par la disparition et la tristesse, balisées dans un
6. L’accompagnement psychologique
environnement, le concept qui traduit l’approche de sa propre mort est à l’opposé de
l’autre tant il est du côté de l’irreprésentable. Ce face à face est à ce point impensable
qu’il fonctionne comme un trou, une béance dans le fonctionnement psychique. La
mort est alors une présence qui empêche justement de se la représenter et en fait plutôt
des éléments bruts susceptibles du statut de pré-concept.
Ni opposées, ni incompatibles au regard de l’enfant, vie et mort se distinguent peu
à peu. Est vivant ce qui se meut. C’est ainsi que la mer est longtemps vivante. Est
mort ce qui est immobile. Ce concept de mort évolue entre 5 et 10 ans chez l’enfant,
qui acquiert le caractère d’irréversibilité de la mort vers 8 ans. Elle n’est qu’absence,
séparation provisoire auparavant. Le caractère d’irrévocabilité fait également l’objet
d’un cheminement et nous montre une mort sous l’angle de l’accident au préalable,
essentiellement brutal. Avant d’être inexorable, nécessité interne inscrite dans l’ordre
biologique, l’enfant suppose que l’on peut ne pas mourir en faisant bien attention,
voire en étant bien sage. Est mortel qui l’on peut tuer. Le caractère d’universalité, de
processus qui n’épargne personne, de même que l’idée de la décomposition et de la
dégradation corporelle sont sans doute les notions les plus difficiles à intégrer par
l’enfant et celles qui trouveront le plus tardivement leur place.
Le travail de la mort en l’enfant ne peut se réduire au seul aspect intellectuel, à
la seule élaboration d’un univers conceptuel de la mort. Cet univers est lui-même
soumis à l’influence de plusieurs facteurs, la manière dont l’entourage présente la
mort à l’enfant, les modalités du développement affectif, l’expérience que l’enfant
peut faire de la mort, le travail de deuil auquel il peut être confronté. Capacité de deuil
soumise à de multiples conditions, principe de réalité, possibilité de deuil, maîtrise de
l’ambivalence. Chez l’enfant qui affronte la mort parfois inéluctable, cette évolution
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
231
Les interventions
232
Les interventions
mental par enquête, la guérison apparaît comme une idée propre à chacun ou comme
un état propre à tous.
6. L’accompagnement psychologique
La guérison est ainsi entendue au sens large qui va de la réparation à la recherche
du bonheur en passant par le travail d’un malaise existentiel. Elle est demande de
la part d’un patient, elle est réponse de la part d’un soignant. La spécificité d’une
approche psychologique nous rappelle que ce qui est visible n’est pas comparable à
ce qui est observable et qu’il existe un réel danger à prendre ce que l’on voit ou ce
que l’on entend au pied de la lettre. Aussi, lorsqu’une personne nous dit qu’elle veut
mourir, est-ce bien de cela qu’il est question ? D’autant plus qu’il s’agit d’un enfant
dont nous avons dit que sa représentation de la mort n’est pas comparable à celle
d’un adulte avant 8-10 ans. Il ne faut jamais oublier de se poser cette question. Être
capable de cette attitude ne relève pas seulement d’un courage, mais d’une capacité
de mise en cause quand toute demande est demande adressée à quelqu’un. Il est facile
de répondre à ce qui est demandé au sens littéral de ce qui est dit, d’autant plus qu’une
technique est à disposition, lorsqu’un discours adressé, assimilé à une interaction,
conduit à penser qu’il faut agir. Être partie prenante d’une situation parce que l’on ne
peut pas communiquer, c’est-à-dire être acteur, ne suppose pas d’être actif ou plutôt
activiste. Il est toujours facile d’agir pour penser que l’on pourrait mieux supporter
son impuissance devant une situation dramatique.
L’attitude éthique commence par une réflexion. Même si celle-ci se poursuit dans
l’action, il ne faut pas confondre activité et activisme. Une action peut très bien
consister à ne rien faire. La démarche psychologique, dans son essence, lors de
l’accompagnement d’un mourant, répond d’une école kantienne du devoir, devoir
d’écouter et de décrypter en ce qui concerne une telle approche. Celle-ci s’oppose à
une attitude plus pragmatique, de type anglo-saxon, qui juge sur les conséquences
et ne tient pas compte des intentions ; en caricaturant : « J’entends une douleur
insupportable, j’agis. » Il n’est pas facile de sortir des paradoxes d’une telle conduite.
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
233
Les interventions
laisser-aller des fonctions mentales. La psychologie entre alors dans une dimension
préventive qui lui sied bien, mais susceptible aussi de lui faire quitter le soin pour
prendre soin de personnes, d’équipes et d’institutions. La tangente peut conduire
6. L’accompagnement psychologique
234
Les interventions
6. L’accompagnement psychologique
incongrue, tant elle apparaît comme indélicate pour une prise en charge par la référence
qu’elle induit. Ce sont ainsi des modalités plus dynamiques de relaxation qui sont alors
proposées avec des déplacements du corps et des sollicitations à le mouvoir. L’intérêt
prêté au corps donne une portée stimulante aux capacités d’expression afin de chercher
à éviter le recours à la somatisation, à évincer la douleur et à faire reculer les limitations
corporelles. Le traitement de la douleur est également beaucoup plus présent ainsi
que l’angoisse et la dépression. Il s’agit alors de gagner du temps pour clore le passé
et assurer l’avenir de l’entourage familial. La présence du psychologue demeure
néanmoins méconnue comme acteur essentiel de la prise en charge de nos aînés à
l’occasion de la sortie du plan « Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012 »
du 1er février 2008. Le contenu du rapport Ménard de cette grande cause nationale
conforte ce professionnel dans son éviction.
Les 500 000 décès par an sur le territoire ne font pas tous l’objet d’un accom-
pagnement psychologique, le soin palliatif, y compris à domicile, demande à être
développé. Même si l’on meurt de plus en plus en institution, hospitalière notamment,
il y a peu d’unités de soins palliatifs avec des lits d’hospitalisation. Cependant, le
nombre d’équipes mobiles composées d’un médecin, d’une infirmière et d’un(e)
psychologue, va croître pour se mettre en place, particulièrement en direction des
personnes séropositives. Cette nécessité de santé publique est reconnue avec la
circulaire Laroque du 26 août 1986 et poursuivie avec la loi du 9 juin 1999 et la
circulaire du 19 février 2002. L’aide au bien mourir n’est pas sans difficulté puisqu’il
s’agit d’éviter de standardiser un événement, voire de prescrire un deuil ou de « lui faire
faire son deuil ». La « savanterie » sur l’intimité de l’autre n’est pas sans équivoque,
ni intrusion sur ce ministère de la mort. La remise en ordre et en forme des étapes,
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
dans le bon sens, de cette acceptation éprouvée non seulement échappe au savoir,
mais doit conserver son mystère. Une fois la personne partie, c’est au tour et autour
de la famille que le recours aux services d’un psychologue peut sévir, qu’il y ait
traumatisme ou non, que les croyances soient envahissantes ou non, que la culture soit
omniprésente ou non. En revanche, les rites seront au rendez-vous, la souffrance du
personnel également.
235
Les interventions
236
Les interventions
plain-pied dans une criminologie moins centrée sur le fait que sur la personne,
interrogeant ce qui l’anime en situation d’expertise. En effet, si l’on considère que la
simulation est consciente, le déni est-il une simulation inconsciente ? La simulation
6. L’accompagnement psychologique
est une préoccupation qui remonte à l’Antiquité (Galien, cité par Gourevitch, 1975),
mais elle a disparu de la nosographie psychiatrique actuelle. Elle a été évacuée
avec un changement de conception des manifestations hystériques à l’avènement
de la psychanalyse. Faut-il la réintroduire aujourd’hui dans l’appréhension des
troubles psychiatriques, mais avec quelle légitimité clinique ? Faut-il en faire une
maladie, au risque de médicaliser une problématique sociale, parce que son usage
est particulièrement utile dans le champ de l’examen psychologique de l’expert ? On
demande à ce dernier d’établir ou d’affirmer des troubles mentaux. Comment peut-il
s’en saisir si ce n’est en interrogeant l’intérêt de la personne au-delà de la rencontre
expertale, menant une quasi-enquête sur le mobile qui peut animer la personne ? En
faisant jouer ainsi l’élasticité du cadre de sa pratique, greffant sur le colloque singulier
de l’expertise une compréhension méta, exercice toujours délicat dans l’abord d’un
psychisme qu’il s’agit constamment de décrypter ? Ce décryptage est-il ici hors cadre
à moins que l’on ne fasse entrer une sortie du rôle d’expert comme une caractéristique
propre au concept même de simulation ?
Il nous faut examiner la place tenue par ce concept, satellite, voire parasite de la vie
sociale et le désintriquer d’avec le déni tel qu’il est décrit en psychopathologie, tant la
question de savoir si l’on peut simuler le déni devient primordiale. Dans l’affirmative,
il nous faudra nous demander si cette simulation du déni est un trouble psychique,
une erreur d’aiguillage, une revendication masquée, un manque de reconnaissance, un
facteur de victimogénie. D’autres questions vont être soumises à l’expert, à son cadre,
à commencer par celle-ci, basique, de la nécessité de la recherche de la vérité. Mais
aussi, quel type de réponse, pour ne pas dire quelle conduite à tenir, quand on imagine
mal a priori faire face à la simulation d’un trouble par une simulation d’expertise. Le
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
psychologue est formé pour lire entre les lignes, décrypter ce qui agite les personnes
à leur insu et, déformé par ce type d’écoute de ce qui ne se dit pas, doit-il faire entrer
la psychanalyse comme repère princeps de l’expertise ? Comme il ne peut pas faire
semblant de ne pas voir, le psychologue doit-il revoir ses critères jusqu’à inclure les
signes de la dissimulation sous les auspices d’un nouveau syndrome ? Doit-il mener
une enquête ou simplement recadrer en mettant des mots sur ce qui apparaît comme
une distorsion du cadre ? L’expertise peut alors devenir, mais seulement de surcroît, un
lieu thérapeutique ou du moins initiatique, passage qui fasse sens, qu’une hémorragie
de revendications y soit apaisée ou qu’au contraire, un point de cristallisation s’y
opère.
237
Les interventions
légitime de se poser la question de la bonne foi des sujets qui n’avouent pas ce
qu’on leur reproche. Se greffe bien évidemment la distinction entre coupable et
présumé coupable et tant qu’une personne n’est pas jugée, elle reste innocente. Les
statistiques ne peuvent pas nous faire oublier cela. La question de l’aveu n’est pas
celle de l’expertise. Ce thème pourrait être délaissé s’il n’avait pas une importance
fondamentale pour une situation précise d’intervention, celle des délits sexuels dans
l’hypothèse d’une obligation de soins. En effet, la reconnaissance est alors cruciale
dans la conduite ultérieure d’une prise en charge sur ce type d’infraction. Nous ne
pouvons pas manquer de souligner l’importance d’une discussion sur le déni en
justice concernant les infractions sexuelles en nous rappelant que cette notion de déni
élaborée par Sigmund Freud le fut en privilégiant l’exemple du fétichisme. Reprenons
les points de suspension de la définition du déni de la réalité : « Refus par le sujet
de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante, essentiellement celle de
l’absence de pénis chez la femme. »
Que Freud pose l’hypothèse d’un clivage du moi, car il étudie des mécanismes de
défense, peut éclairer la justice sans pour autant la satisfaire. Bien que notre rôle ne
consiste pas dans sa satisfaction, l’éclairage est double face à l’enjeu d’un aveu et de la
suspicion systématique d’une stratégie de défense, consciente celle-ci. Autrement dit,
comment Freud peut venir en aide à la justice ? Dénier la perception du manque de
pénis chez la femme et reconnaître ce manque pour en tirer les conséquences comme
peut le faire le fétichiste conduit à éclairer l’angoisse de ce dernier, mais éclaire-t-il la
responsabilité de celui-ci ? Il ne s’agit pas pour autant de discuter de l’importance du
déni, caractéristique d’un fonctionnement psychotique, dans la détermination d’une
altération ou d’une abolition du discernement. L’intérêt du déni est incontestable dans
la perspective d’une obligation de soins du délinquant sexuel quand il insiste sur le
prototype et peut-être l’origine même des autres dénis de la réalité que représente le
déni de la castration. Il n’en reste pas moins important de regarder ce concept dans
une perspective plus large pour se demander quel statut il peut prendre en quittant
le champ de psychopathologie pour celui de la justice. Avant de l’envisager dans ce
dernier, voyons de plus près comment l’on décrit ce déni en psychologie.
Nous restons au plus près d’une définition classique du déni, même si l’on accepte
des avancées comme celle de Serban Ionescu (1997). L’objet du déni reste une
perception ou une pensée, mais il ne peut concerner une personne dans la relation
entretenue avec elle. Dans cette perspective, rien ne distingue la perception d’une
personne, d’une partie de celle-ci ou d’un autre élément de la réalité, bien au contraire
238
Les interventions
puisque l’essentiel porte sur une chosification d’un être ou d’une de ces parties. Le
déni, convié par le processus de deuil, marque l’importance du traumatisme. Même
labile, son ancrage est important. Il s’agit d’un mécanisme de défense fort, car de
6. L’accompagnement psychologique
nature psychotique, même s’il peut se montrer transitoire. Son installation en revanche
est toujours préoccupante. Il peut y avoir un déni perceptif et un déni qui s’appuie sur
une construction fantaisiste. Serban Ionescu (1997) et Bertrand Cramer (1996) parlent
d’une « séquence développementale » du déni. L’évolution ontogénétique des deux
composantes du déni, en perception et en fantaisie, implique la construction d’un
scénario personnel. Il est toujours étonnant de constater qu’une personne qui a tous
les moyens physiologiques nécessaires pour le faire ne puisse pas voir. L’aveuglement
psychique montre l’intensité de la souffrance sous-jacente.
On distingue le déni en fantaisie et le déni perceptif. Le premier comporte quatre
phases. Lorsque le sujet vit une expérience de souffrance, de détresse psychologique,
l’appareil mental construit une réalité alternative qui est plus satisfaisante que la
réalité objective. C’est la satisfaction hallucinatoire, la variante la plus précoce, chez le
nourrisson à la naissance. C’est le jeu au cours de l’enfance. Pendant que l’enfant joue,
la fantaisie mise en scène est préférée à la réalité objective qui est ainsi temporairement
rejetée, écartée. Le sujet choisit son interprétation de la réalité. C’est la rêverie au
cours de l’adolescence, où l’impossible devient possible, l’échec devient réussite, la
faiblesse devient force. C’est l’idéalisation chez l’adulte. Elle constituerait la forme la
plus mature du déni. Elle est présente chez les adultes excessivement optimistes et
dans la phase du début de l’état amoureux, d’où l’expression « l’amour rend aveugle ».
Le déni perceptif, dont la fonction découle du fait que ce qui n’est pas là ne peut pas
faire souffrir, comprend cinq modalités. Le retrait d’attention, sous deux formes : avoir
énormément besoin de dormir ou de regarder et ne pas voir. Le déni par évitement
consiste à éviter activement, physiquement, la réalité, en tournant par exemple la
tête, pour éviter un stimulus nocif qui se trouve dans le champ visuel. La perception
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
erronée du stimulus perturbateur le change en quelque chose qui n’existe pas en réalité.
Les renversements, les aspects inquiétants, perturbateurs de la réalité sont changés en
leurs opposés. La (dé)négation peut être conçue comme une composante du déni qui
permet la perception de la réalité et le rejet rapide de celle-ci. La transformation par
l’addition des adverbes de négation, non ou pas, montre bien que le sujet y a pensé au
moins l’espace d’un instant, mais y renonce à celui d’après. Les stimuli, pensées ou
sentiments inquiétants, bien que perçus, sont ensuite rapidement transformés.
La situation de la dénégation est exemplaire comme concept candidat au transfuge
d’une discipline à une autre. En effet, lors d’un entretien psychologique, une phrase
du type « n’allez surtout pas penser que... » peut avoir valeur de dénégation. Elle est
même repérée comme telle par son caractère spontané ou associatif d’idées. Cependant,
239
Les interventions
cette même phrase, dans un contexte judiciaire, perd tout son sens par le poids d’une
accusation ou d’une présomption de culpabilité, plus que d’innocence tant le contexte
peut conduire à se culpabiliser quoi que l’on ait fait. Si l’importation conceptuelle
6. L’accompagnement psychologique
ne fonctionne pas autant que nous le voudrions, il reste des hypothèses de travail en
psychologie qui peuvent néanmoins faire avancer la compréhension du fonctionnement
psychique en situation judiciaire. Nous pensons particulièrement à la dénégation agie
que nous avons mise en évidence à propos d’un travail sur l’annonce du handicap et
plus particulièrement sur les effets psychiques chez la mère de la survenue d’un enfant
porteur d’une anomalie physique. Ce travail nous a permis de donner une importance
particulière à la notion décrite par Sigmund Freud de l’inquiétante étrangeté et aux
facteurs dont la conjonction conduit à cette réaction, au nombre de cinq (Ballouard,
2003).
L’inquiétante étrangeté est ainsi apparue dans nos situations cliniques comme une
réaction au traumatisme qui provoque une sorte de dénégation agie, vécue, comme une
dénégation en actes. La conjonction du familier et de l’étrange rapproche l’inquiétante
étrangeté du mécanisme de dénégation que le titre d’un article d’Octave Mannoni
(1969) résume très bien : « Je sais bien, mais quand même ». L’inquiétante étrangeté
fonctionne alors comme une dénégation dans sa faculté de laisser reconnaître sans
reconnaître complètement. Nous empruntons seulement la dynamique de ce mécanisme
dans le compromis qu’il réalise d’une semi-reconnaissance et l’inhibition qui lui est
attachée. L’inquiétante étrangeté, en tant que telle, opère au moins partiellement de
façon inconsciente. Le barrage mécanique, qui permet de filtrer l’excitation externe
que constitue l’annonce d’une anomalie, est représenté par la sidération ou le déni.
La première participe d’une inhibition qui est assimilable à une inertie qui évoque la
mort et l’inanimé du pantin. Le second participe d’une évocation magique par une
sorte de toute-puissance de la pensée qui souligne, en fait, une impuissance de celle-ci
à faire face.
La description de cette dénégation agie, que nous avons resituée dans le contexte
dans laquelle elle a été décrite, éclaire le lien entre déni et traumatisme à partir d’un
état décrit par Freud auquel nous fournissons une nouvelle consistance. La question
demeure du lien systématique entre déni et traumatisme et notre questionnement
dans un contexte judiciaire en renforce la pertinence. En effet, les lumières de la
psychanalyse sont limitées dans ce champ, mais le concept de dénégation agie évite
de renvoyer à un traumatisme initial qui ne nous intéresse pas en situation d’expertise,
tout en conservant une interrogation sur la valeur de l’acte d’infraction et l’intérêt de
la prise en compte du déni dans des situations extra-thérapeutiques. Le lien est ainsi
renforcé entre un traumatisme et un mécanisme de défense.
240
Les interventions
6. L’accompagnement psychologique
repérable uniquement lorsqu’il y a quelque chose qui cloche. Quel statut lui donner en
fonction de la réussite plus ou moins complète ? Si l’on pose l’hypothèse qu’elle est
repérable comme pathologique au fur et à mesure qu’elle présente des failles grossières
dans sa présentation. Autrement dit, existe-t-il une simulation normale et une autre
pathologique ? Suffit-il de déplacer un curseur d’intensité qui permettrait de repérer
des caractéristiques qui relèvent de la nosographie connue (pathomimie notamment) ?
La pathologisation doit-elle demeurer le seul critère d’émergence à considérer ce
phénomène comme transversal, c’est-à-dire adaptable, venant se greffer sur la plupart
des syndromes ou symptômes répertoriés comme fluctuants ? La simulation est-elle
pathologique ou le bénéfice escompté permet-il de changer de registre ?
Le prisme social est une nouvelle lecture de la situation de simulation si l’on prend
en compte la recherche du profit, de bénéfices primaires ou secondaires, la recherche
d’une issue échappatoire à une contrainte. Ces derniers éléments nous fournissent
les bases d’une réflexion autour de la transgression tant des règles de la médecine et
de la psychologie – à partir de critères diagnostics –, que des règles juridiques – à
partir d’une conduite sociale cherchant à s’exempter d’un devoir, d’une peine ou à
gagner un statut, une rémunération indue. Prétextes ou pré-texte d’un diagnostic, la
grille de lecture symptomatique suppose un décryptage particulièrement fin et une
prise de champ. Quelle place accorder à la simulation si ce n’est celle des confins de
l’expertise ? La simulation venant tracer les limites en deçà desquelles une expertise
se déroule dans les normes attendues et au-delà desquelles elle n’est pas l’objet
principal de la rencontre singulière, une orientation de substitution pouvant alors être
proposée. L’alternative de soins semble la plus fréquente. Elle est complémentaire,
mais nécessairement clivée en situation d’expertise, celle-ci restant dans le champ de
l’évaluation. Une réponse faisant un commentaire sur la situation est alors nécessaire
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
possédant non seulement une vertu sociale, mais aussi thérapeutique, même si cette
dernière l’est de surcroît.
La mission de l’expert est sociale par sa technique, elle est judiciaire, ce qui vient
distordre le colloque d’ordinaire singulier centré sur une relation dont l’ancrage est
l’évaluation. Il existe ainsi un champ limite entre ce qui répond pleinement d’une
expertise et ce qui la dévoie : la simulation vient le pointer. Cette dernière n’en
demeure pas moins complexe lorsqu’elle peut porter certes sur une pathologie, mais
aussi sur une partie de celle-ci, présumée clinique, non complètement vérifiable, mais
probable, pouvant surtout faire émerger du doute. Elle prend alors la forme d’une
accentuation, d’une sursimulation. Cette complexité vient interroger non seulement
les limites d’un champ de compétences, mais les compétences de l’expert lui-même.
241
Les interventions
Elle semble l’interpeller d’emblée sur des doutes et sur sa rigueur. Elle tend à produire
une réactivité plus personnelle que professionnelle, que ce soit de la désapprobation
par jugement, de la gêne par malaise ou de la complaisance par fuite. Elle renforce
6. L’accompagnement psychologique
La simulation doit être distinguée du trouble factice où « il n’y a pas d’autre but
apparent que de jouer le rôle du malade » (Jean Guyotat, 1989), ce que le syndrome
de Munchaüsen vient illustrer même s’il y a également tromperie, mais sans recherche
de bénéfices apparents. Joseph Bieder , (1960) indique que le diagnostic de simulation
peut être fait :
« 1) par une exclusion reposant sur les informations, les lacunes psycholo-
giques, les incompatibilités, les invraisemblances ; 2) par identification
directe, soit par identification de l’ensemble (hybridité, incohérence
intrinsèque, absurdité ingénieuse, variations d’intensité et de caractère),
soit sur la seule qualité du plus prononcé des symptômes ».
Louis Gayral (1974) repère des formes habituelles (confusion mentale massive,
mutisme obstiné, attitude d’écoute), d’autres sont plus difficiles à diagnostiquer, telles
que les troubles de conversion à expression neurologique (Aimard, 1993). La discussion
autour du matériel essentiel à disposition reste au centre de nos préoccupations lorsque
l’on se demandera s’il faut se contenter du seul discours des personnes ou mettre en
œuvre une méfiance systématique à l’égard d’une tromperie potentielle.
Pour certains auteurs, la simulation n’existe pas ou quasiment pas (0,13 % pour
Jung, 1903 ; 2,3 % pour Karl Menninger, 1948 ; 0,28 % pour Plicker, 1948 ; 1 % pour
Gabriel Deshaies, 1955). La simulation n’existe pas quand on la prend en compte
242
Les interventions
6. L’accompagnement psychologique
d’emblée que Roger Dorey et Lucien Israël orientent notre réflexion en évoquant des
motivations revendicatrices masquées. La simulation se caractérise par l’intentionnalité
de faire croire et, dans cette perspective, elle agite ce que des praticiens appellent
le contre-transfert. Cette intention ne peut être départie de la finalité : obtenir un
bénéfice. Un tel objectif cantonne la simulation à des circonstances particulières :
la vie militaire, la condition carcérale, la réparation juridique du dommage corporel
(Léon Derobert, 1974). À côté de son existence, ou de la négation de celle-ci – et
nous nous demanderons si la seconde relève d’un déni –, la simulation interroge une
mesure plus fine que la seule majoration, la minimisation qui semble poser beaucoup
moins de problèmes. Est-ce l’aspect moral de la simulation qui rend la dissimulation,
minimisante, moins dérangeante ? Est-ce que la simulation est à considérer comme un
prodrome ? L’énergie déployée et la mobilisation dans une mise en scène pendant les
« trois jours » préfigure-t-elle une inadaptation à la vie militaire par exemple ? Fuir la
prison en se réfugiant dans une maladie, nécessitant un enfermement de l’intérieur avec
des neuroleptiques, est-il une modalité d’un comportement révélateur d’une pathologie
en sommeil ? Le risque consiste bien à vider le concept pour penser avec Charles
Lasègue que l’on « ne simule bien que ce que l’on a ». La simulation fait-elle l’objet
d’un apprentissage lorsque, enfant, on peut déjà être confronté aux avantages sociaux
de l’exercice de la psychologie, mais surtout celui de la médecine de complaisance
par l’obtention de certificats pour être dispensé d’école ou de gymnastique ? Peut-on
parler de subsimulation dans ces situations ou devons-nous mettre l’accent sur une
similitude ?
L’expertise semble bien confrontée à cette problématique de régulation sociale des
activités professionnelles, comme l’arrêt de travail pour motif médical dans l’exercice
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
quotidien du médecin. La simulation vient alors remplir une fonction de traitement des
marges. Le service militaire en son temps fut l’objet de dispense, celle d’un quota, tant
que la marge de manœuvre n’était pas occultée. La COTOREP, lors de ces expertises
civiles de l’attribution de l’AAH, montre des critères qui ouvrent les portes à la
simulation en acceptant la substitution d’une vulnérabilité sociale à une vulnérabilité
médicale. C’est ainsi que, selon les départements, le versement de l’AAH répond d’un
dossier strictement médical ou d’une situation vis-à-vis de l’accès à l’emploi. Les
allocations adultes handicapés deviennent alors autant d’allocations ASSEDIC à ne
pas verser. Plus que la simulation, c’est l’accentuation, une simulation partielle que
l’on nomme sursimulation, qui interroge le plus la pratique de l’expert qu’elle soit
consciente ou moins consciente, pour éviter de dire inconsciente. Une comparaison
243
Les interventions
244
Les interventions
ailleurs, les avantages sont inestimables tant par des indemnités financières que par
la valeur du rôle héroïsant d’un : « ce n’est pas moi le méchant ».
6. L’accompagnement psychologique
• Refuser d’intégrer la simulation comme un élément ordinaire de diagnostic, mais
interroger le cadre de l’expertise et l’expert lui-même, renvoyant au besoin à
l’expertisé du sens sur ce qui est décrypté.
• Prendre acte d’un délit en ne voyant dans la simulation qu’une escroquerie.
245
Les interventions
246
Les interventions
une activité dans laquelle ils s’investissent totalement. Une véritable base biologique
de l’imaginaire permet d’expliquer le jeu comme une activité qui permet de jouer
à vide des conduites appliquées plus tard à des objets réels. Il n’est pas seulement
6. L’accompagnement psychologique
une agitation, une dépense motrice incoordonnée, mais une véritable organisation
de mouvements et de séquences psychomotrices, mentales et comportementales qui
répondent à des scénarios plus ou moins élaborés, de l’image motrice à la fiction. Le
jeu, c’est sérieux pour l’enfant chez qui il existe de façon spontanée. L’entourage s’y
inclut naturellement, complexifiant le jeu source d’adaptation. Que la présence de
petits camarades soit de plus en plus insistante et la socialisation devient l’enjeu du
jeu.
La psychologie se devait d’utiliser cette conduite fondamentale chez l’homme et
l’envisager comme une technique de soins ou de formation. Il s’agit de partir de ce que
peut proposer l’enfant, qui n’a pas toutes les capacités pour s’exprimer par le langage
encore en développement chez lui ; à l’adulte, on proposera des situations simulées ou
à simuler. Il s’agit du psychodrame ou du jeu de rôle. Ce dernier est bien souvent usité
pour aborder des confrontations à des situations inhabituelles et/ou anxiogènes comme
peuvent l’être les entretiens d’embauche, par exemple. Conduite psychomotrice par
excellence, la propension naturelle à bouger apparaît comme la situation idéale pour
en exprimer une autre, plus difficile à gérer. Ces situations retrouvent par là une des
fonctions premières du jeu qui consiste à répéter une expérience, auparavant subie,
pour la dominer, la maîtriser et ainsi trouver un apaisement. Il s’agira de transformer
un acte spontané en une construction d’histoire, construction induite (et non l’histoire)
par le thérapeute ou le formateur, véritable création originale à deux. Celle-ci nécessite
de favoriser l’émergence des conditions qui rendront possible cette « aventure »,
à commencer par la mise en place d’un climat de sécurité. Ce dernier permet de
gérer une éventuelle angoisse, obstacle possible à toutes les étapes d’une élaboration
naissante, elle-même source de soulagement.
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
247
Les interventions
et s’expriment. Tricher devient jouer avec les limites, contourner les règles pour mieux
les situer. Il aide l’adolescent à surmonter ses difficultés liées à la séparation ou à la
confrontation, à l’apprentissage et aux fantasmes. Les limites vont s’épuiser dans le
6. L’accompagnement psychologique
passage à l’acte violent, où le jeu du foulard, pour une prise de risque mortelle, et la
tournante, empruntée au ping-pong pour nommer un viol collectif, n’ont de jeu que
le nom. C’est tout au long de la vie que l’on retrouve le jeu, qu’il faille s’ouvrir à
l’inattendu ou mettre du jeu dans les relations pour qu’elles soient plus vivables. Son
utilité ne s’est jamais démentie tout au long des époques et dans toutes les sociétés.
Agent du développement social, moyen d’exprimer la nature de la relation avec
l’autre, le jeu permet de projeter dans le monde extérieur les conflits internes dont
l’enfant ou l’adulte souffrent. Ce mécanisme de défense permet de projeter, déplacer,
sublimer, s’identifier. À jouer et rejouer, ce dernier déjoue sa problématique, noue un
lien dans un plaisir partagé et renoue avec un investissement de l’expérience du corps en
action. Nous n’avons pas encore évoqué le plaisir inhérent au processus thérapeutique,
plaisir sensoriel dû à l’action, plaisir intellectuel résultant de l’élaboration. Rappelons
que le mouvement est naturellement source de joie, que le fonctionnement produit du
plaisir. Euphorie musculaire et jouissance intellectuelle sont des leviers thérapeutiques.
Le jeu joué est une activité symbolique, structurante, support d’un travail autant avec
l’enfant que l’adulte avec le psychodrame. Il est d’ailleurs susceptible de connaître le
même traitement qu’un rêve. Catalyseur, cathartique, il permet la rencontre avec le
psychologue.
248
Les interventions
6. L’accompagnement psychologique
scolarité.
La confrontation avec les parents et les tensions engendrées vont culminer au
moment de la prime adolescence et de l’adolescence, voire se proroger ou se
transformer lors de l’adulescence, mais l’expression de la souffrance est alors moins
corporelle. Avec l’âge, les symptômes se psychisent, d’où l’importance d’une approche
psychologique tant que l’enfant ne dispose pas des moyens requis pour mentaliser
ce qui fait obstacle à son plein épanouissement. Les troubles appelés fonctionnels
ou instrumentaux vont être en première ligne et au centre des préoccupations et le
psychologue un partenaire judicieux auprès des enfants. L’adolescence, en augurant
une période tumultueuse, reste excessivement intéressante dans la mise en corps de la
souffrance, la flânerie sur bon nombre de limites en tous registres, ainsi qu’à l’occasion
des déclinaisons de problématiques où le possible joue un rôle majeur.
Le remaniement de l’image corporelle devant les modifications du corps qui
surgissent au moment de la puberté et l’interrogation anxieuse sur l’identité se
retrouvent à travers tous les conflits des adolescents. L’accession à une sexualité
génitale pour laquelle l’émergence pulsionnelle ravive des conflits fantasmatiques
amène à une rupture d’avec le monde de l’enfance et dans l’équilibre acquis
antérieurement. À l’absence de synchronie des progrès dans différents domaines,
que traduit une dysharmonie du développement, s’ajoute le tumulte de la perpétuelle
mobilité des attachements. Ceux-ci oscillent en des phases successives et contra-
dictoires : attachement/détachement, homosexualité/hétérosexualité, liberté/ascèse,
progrès/régression, culpabilité/agressivité. Ce tableau est celui d’une crise avec le
remaniement de la personnalité induit par la maturité selon deux polarités notoires :
l’importance des conflits avec le milieu extérieur, en particulier familial, sur les valeurs,
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
249
Les interventions
lui, est bel et bien unique, irremplaçable, non interchangeable et à ménager, à aménager,
à maintenir intact. Toutes les conduites bruyantes de l’adolescent sont centrées sur
le corps, même si des discriminations plus fines sont nécessaires pour appréhender
6. L’accompagnement psychologique
250
Les interventions
mais ceux-ci plus particulièrement dans un second temps, évitant ainsi une rencontre
préalable en l’absence du jeune perçue comme une coalition.
6. L’accompagnement psychologique
À l’ouverture des portes de la perception par des expériences en tout genre et au
moment où l’ensemble des possibles surgit, un vacillement peut apparaître. Dans la
grande majorité des situations, ce temps de déséquilibre ou de flottement précède
la reprise de son souffle ou d’une démarche sur le chemin de la vie. Les moments
d’éternité susceptibles de survenir à cette occasion ne sont pas forcément d’une gestion
facile, car chacun sait que l’éternité est longue surtout vers la fin. Mais après tout,
avancer un pas après l’autre suppose bien l’alternance d’instants d’équilibre et de
déséquilibre du corps. Une tempête peut souffler à cette époque, elle ne présage en
rien du règne du temps ultérieur. Une des situations à la mode consiste à prolonger
des aménagements entre folie douce et raison furieuse, la tendance aujourd’hui est
d’ailleurs d’en faire un état, c’est l’adulescence. Avec angoisse ou volupté, elle mêle
l’acidulé d’un temps révolu à l’essence d’un autre à venir. Petit à petit ou en un bond,
l’adulterie arrive.
251
Les interventions
des pressions sociales qui deviennent insupportables au bout d’un certain temps et
donnent lieu à un lâcher prise et à une prise de risque qui évoquent une imitation de la
mélancolie.
« D’un côté, vous essayez de vous en sortir, de l’autre côté, on vous presse
de tous les côtés quels que soient les côtés, et puis vous arrivez à un
moment où vous vous dites : et puis m..., moi aussi, j’ai envie de vivre, et
là, vous laisser tout tomber, mais alors tout, vous ne payez plus rien. »
« Vous vous dites, eh bien non, de toute façon, quoi que je fasse j’aurais
tort donc autant que... Et là, vous accumulez pendant quelques mois : vous
allez dans les magasins, vous vous payez ce que vous voulez, vous sortez...
parce que sinon, vous ne pouvez pas, vous restez enfermé chez vous,
et vous avez un besoin d’air... Et puis, après, au bout de quelques mois,
arrivent les lettres de relance, et puis c’est galère. Alors vous vous dites,
avant cette période-là : je m’éclate et après je me tire une balle dans la
tête. Ça, c’est vrai que vous vous le dites. Vous n’avez pas envie de mourir,
mais vous avez envie d’être tranquille.
– C’est-à-dire, vous craquez ?
– Non, ce n’est pas moral. Ce n’est pas que vous n’avez plus envie de vivre,
au contraire, vous avez vraiment envie de vivre et c’est même pour ça que
252
Les interventions
vous le faites mais vous vous dites, je m’éclate un bon coup et puis après,
terminé.
– Vous craquez par rapport à des contraintes qui sont trop importantes ?
6. L’accompagnement psychologique
– Voilà, vous vous dites, je les baiserai, comme ça, vulgairement, c’est ça.
Et vous le faites, et là vous accumulez tous les problèmes possibles et puis
finalement, vous n’avez pas du tout envie de vous tirer une balle dans la
tête, et vous ne le faites pas. Vous assumez. »
La réalité, même lorsque l’on tente de s’y soustraire, va rester un ancrage important
qui permet de sortir d’une phase maniaque tout à fait particulière et va procurer
une redécouverte du plaisir à vivre. Une période marquée par les éléments d’une
dépression qui n’a pas forcément lieu. Nous voyons combien le rapport à l’argent
mais aussi au risque, à la mort et à la symbolisation doit être examiné1.
Le déterminisme d’une pathologie individuelle est loin d’être le seul ressort d’une
situation financière périlleuse puisque le mari peut également contribuer à la mise en
danger de la précarité.
« Oui, il a fait des dettes, par exemple, sur une voiture (bon, je n’ai pas eu
les moyens de me payer une voiture, mais j’en ai payé une). J’ai reçu un
jour (parce qu’on avait perdu le contact pendant des années), à mon travail,
il ne s’était pas gêné, il avait donné les coordonnées de mon employeur,
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
comme on était toujours mariés, j’ai dû payer ses dettes, je n’ai pas eu
le choix (saisie sur salaire pendant 8 mois)... Entre-temps, vous avez les
impôts qui vous réclament et qui n’en ont rien à faire que vous ne le saviez
pas, donc eux aussi vous assignent, ça vous fait des sommes monstrueuses
de tous les côtés qu’ils vous ressaisissent après ou pendant parce que
généralement ils passent avant. »
1. Ballouard C. (1988). « Corporéité et signifiance : les pistes et (les) mots », Bulletin du CERPP,
n◦ 1.
253
Les interventions
selon sa culture et son potentiel relationnel. Une situation qui n’est pas facilement
partageable, notamment dans la perspective de la réalisation d’une vie en couple.
254
Les interventions
répétitifs, plusieurs objets identiques vont être achetés et souvent délaissés dès l’achat
effectué. L’acte d’acheter n’en définit pas moins à la fois ce que l’on est et ce à quoi
l’on aspire. Cette revendication identitaire est revendication d’identité lorsque les
6. L’accompagnement psychologique
achats sont excessifs.
Il nous faut donc élargir le concept de dépendance pour supposer qu’un
comportement de la vie normale soit l’objet d’un besoin irrépressible qui donne lieu à
un état de tension qui ne se décharge que par l’accomplissement de l’acte d’acheter.
Nous laisserons la question du diagnostic toujours délicat lorsque l’addiction porte
sur un comportement normal socialement encouragé. Le surendettement ne peut être
réduit à l’une de ces causes, l’achat pathologique, celui-ci n’en mérite pas moins
que l’on se penche sur ces composantes tant la détermination des facteurs internes et
externes parait floue. Les achats pathologiques peuvent être définis :
1. Le Joyeux M., Hourtané M., Rondepierre C., Adès J. (1992). « Les conduites d’achats patholo-
giques », Dépendances, vol. 4, n◦ 3.
2. Le Joyeux M., Adès J. (1997). In Gardaz M. et coll., Le Surendettement des particuliers, Anthropos.
255
Les interventions
1. Edwards G. (1986). « The alcohol dependance syndrom : a concept as stimulus to enquiry », British
Journal of Addiction, n◦ 81, p. 171-183.
2. Santiago-Delefosse M. (1997). « Le dépensier compulsif et son envers inconscient ou comment
perd-on son âme à crédit ? », in Gardaz M. et coll., Le Surendettement des particuliers, Anthropos.
3. Bergler E. (1984). Money and Emotional Conflicts, International Universities Press.
4. Tostain R. (1967). « Le joueur, essai psychanalytique », L’inconscient, n◦ 1.
5. Bucher C. (1993). « Le jeu pathologique, une conduite addictive : le jeu, le joueur et la loi »,
Nervure, vol. 6, n◦ 9, p. 15-26.
6. Bucher C. (1997). « Dette de jeu, dette d’honneur : des aléas de la perte au vertige de la dette », in
Gardaz M. et coll., Le Surendettement des particuliers, Anthropos.
7. Ballouard C. (1989). « Un tiers vaut mieux que deux tu l’auras », Bulletin du CERPP, n◦ 2.
256
Les interventions
état-limite qui flirterait avec le hors-la-loi, mais sans délinquance pour autant dans
la mesure où le passage à l’acte est centré, médiatisé par l’argent. L’hypothèse qui
surgit consiste à penser que cette entité représenterait ainsi une façon de ne pas
6. L’accompagnement psychologique
pouvoir éviter des situations à risques, situations qui génèrent de l’insécurité. Une
insécurité financière qui met en danger nombre de projets et conduit à ne réagir
qu’au présent, sur un mode quasi hystérique ou infantile. Le surendettement semble
néanmoins incarner une imitation de la mélancolie dans la persécution infligée à
soi-même et réaliser comme une mélancolie en faux-self, d’où son rattachement à la
structure état-limite. Une mélancolie sans culpabilité par l’intervention des instances
contentieuses et juridiques chargées de mettre de la réalité en place et fonction
de fantasmes persécuteurs dont la mission est de conduire la personne à un état
de punition. Une mélancolie où la tristesse est en projection, confiée à une sorte
d’addiction. « Canada dry » de la mélancolie, cet état d’attente d’une situation, enflée
par les retombées d’un non-paiement, procure fort probablement une satisfaction qui
s’apparente à une jouissance.
L’exaction de ce type de personnalité narcissique ne met pas directement le corps en
action, ne met pas la violence en avant tant elle est canalisée sur la conduite d’argent
et destinée à être retournée tôt ou tard contre l’individu. Exaction à double détente qui
rend l’acte premier d’achat non un délit ou un acte délinquant mais seulement dans
un second temps où cet achat devient exaction par non-paiement, mise en difficultés
subsidiaire qui déclenche une procédure légale et enclenche un processus légaliste.
Exaction secondaire, exaction différée qui contribue à donner un statut particulier
à cette pathologie qui singe la mélancolie, les exactions sont dirigées vers soi, et
signe un état-limite élaboré, en retenant le passage à l’acte pour un rappel à l’ordre
et à la loi. Le surendettement mérite à lui seul une étude pour en isoler moins les
enjeux sociétaux qu’individuels, jusqu’aux enjeux psychiques, les mécanismes et les
issues. Pour revenir à notre questionnement de départ, nous ne pouvons qu’ajouter les
questions éthiques soulevées par l’extension de la médecine à de nouvelles pathologies.
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
257
Les interventions
énoncent qu’une secte est à comprendre comme une drogue. Les psychiatres sont
absents des dispositifs d’accueil privés, la clinique des sortants de secte est éprouvée
par des psychologues au sein de ces structures non médicalisées. Or la dépendance
6. L’accompagnement psychologique
présente dans les identifications et les relations humaines n’est pas comparable à
celle d’une toxicomanie. Il est naturel de reconnaître une dépendance à ses parents,
ses enfants ou à son conjoint, mais étonnant d’évoquer une addiction, comme si le
lien pouvait être chosifié au point de donner lieux à des excès repérables comme une
expression addictive. L’aliénation n’est pas une addiction. Quand la neurobiologie
prend le relais d’une psychopathologie pour énoncer que l’amour est une drogue douce,
le parcours des circuits d’une réflexion éloigne des récompenses attendues. L’excès
d’un type de lecture empêche de penser une spécificité. À l’autre bout de l’échiquier,
des sociologues sont prêts à nier la manipulation mentale puisqu’une information suffit
à un consentement, justifiant ainsi le choix des personnes qui ne peuvent être aliénées.
Les psychologues sont au plus près d’une curiosité alimentée par les préoccupations
d’une recherche spirituelle, même si le champ d’intervention sectaire délaisse ce
registre traditionnel pour être présent sur le champ de la santé, de l’éducation, de
la formation et du développement personnel. Quand la psychothérapie est élevée
au rang d’une religion par certains, l’intérêt grandit pour distinguer une pratique de
culte d’une dérive sectaire. La co-incidence avec les débats sur la légalisation du
titre de psychothérapeute n’est guère en faveur d’un hasard du développement d’une
tendance marquée à la déqualification professionnelle depuis la loi du 9 août 2004. La
médicalisation des problèmes sociaux apparaît alors comme une garantie d’un niveau
d’intervention et de la saine transparence d’une intervention publique. La psychologie
possède bien ces atouts libertogènes, mais ne dispose pas des mêmes facilités du
pouvoir que l’État accorde au corps médical, plus ancien.
Dans un contexte où l’approche du phénomène sectaire est politisée et peu profes-
sionnalisée, il est important d’accorder une place d’importance à l’accompagnement
psychologique auprès d’ex-adeptes et de familles. Des éléments historiques des enjeux
qui y sont liés et de la prise en charge des personnes sont utiles à la compréhension
de la nécessaire professionnalisation de l’accueil. Une connaissance approfondie des
différents aspects de ce phénomène est d’autant plus essentielle que la manipulation
mentale potentielle est au centre des préoccupations et constitue la suspicion principale
à l’origine de la demande d’information ou de prise en charge : est-ce que ma fille est
dans une secte ? est-ce que Monsieur Machin est un gourou ? Des éléments historiques
sont en effet un préalable pour comprendre une néolibéralité de la « gestion » des
personnes vulnérables et admettre que l’on laisse seul un réseau de bénévoles accueillir
des sortants de sectes qui tentent de se libérer d’un abus de pouvoir. Le savoir-faire
du psychologue se révèle essentiel dans cette prise en charge à partir du moment
258
Les interventions
6. L’accompagnement psychologique
mis en avant face aux abus potentiels de personnes insuffisamment formées. Or la
psychothérapie est la voie de service royale des groupements sectaires. Elle intervient
comme une croyance et c’est bien l’objet du débat non seulement de ceux qui se
méfient des sectes, mais également des psychologues confrontés à ce qui ne représente
qu’une fonction dans leur univers.
Un éclairage historique de l’abus de pouvoir sur l’homme et l’avènement de la
défense de l’individu est utile pour expliciter une différence culturelle fondamentale
qui gouverne deux conceptions du phénomène sectaire et de la liberté de conscience
de part et d’autre de l’Atlantique. Nous l’avons spécifié avec le procès de Nuremberg
et le rapport Belmont. Précisons juste que la séparation de l’Église et de l’État de
1905 en France est une spécificité retentissante dans d’autres pays. La culture laïque,
qui ne saurait ignorer la prépondérance d’une ambiance éducative judéochrétienne
de l’approche de la vulnérabilité, se préoccupe du niveau de l’éducation d’une
population. Or lorsque l’État démédicalise certaines prises en charge de personnes
vulnérables pour « hôtelleriser » ses personnes handicapées par exemple, que devient
la marge de manœuvre de dispositifs que l’on ne peut garantir ? Certes, la dimension
psychologique inaliénable de la personne ne nécessite pas un label médical, mais
la reconnaissance d’une vulnérabilité mise à jour lors de dérives pourrait amener à
l’organisation d’une prise en charge salutaire publique. La caution médicale est surtout
une garantie publique contre les dérives, elle pourrait être psychologique. Ce sont des
initiatives politiques et religieuses qui se soucient le plus en France du phénomène des
sectes, à un moment où les États-Unis nous montrent clairement qu’en ne séparant pas
le clergé et l’État, il n’y a pas lieu de priver des initiatives de confisquer à la charge du
pays des personnes fragiles ou non. Il ne reste guère admissible dans une société où le
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
profit est convoité et les accès aux services à deux vitesses en voie d’aboutissement, de
confier au secteur privé la prise en charge des plus vulnérables sans une intervention
conséquente de l’État. Celui-ci doit remplir son devoir d’assistance des personnes à
protéger et non penser, y compris l’espace d’un instant, confier à des intérêts privés
la prise en charge de personnes à la rentabilité amoindrie. Ce sont aussi des drames
humains.
En France, la première Association de défense de la famille et de l’individu (ADFI),
apparaît en décembre 1974 à Rennes, sous l’impulsion de Claire Champollion, dont
le fils est happé par la secte Moon. Un réseau national, l’Union nationale de défense
de la famille et des individus (UNADFI), se met en place en 1982. La reconnaissance
d’utilité publique vient à ces organisations en 1996. Ces ADFI fonctionnent grâce
259
Les interventions
à des bénévoles qui tiennent des permanences. Leurs missions sont d’analyser le
phénomène sectaire, d’informer le public et d’aider les victimes. Dans ces lieux
d’écoute, les personnes bénévoles se trouvent face à la souffrance psychique des
6. L’accompagnement psychologique
victimes et au désarroi des familles. En France, ce sont les seuls lieux d’accueil et
d’écoute des victimes de sectes. Aucune structure professionnelle n’existe à ce jour,
pourtant et étonnamment, alors que nombre de difficultés sociales sont médicalisées
en France ; le phénomène sectaire reste appréhendé à partir d’initiatives privées,
d’obédience culturelle marquée, relayées par des instances territoriales. Nos églises
y sont particulièrement présentes. En 1983, Alain Vivien, député du Val-de-Marne,
met l’accent public sur cette problématique, avec son rapport sur les sectes. Un
observatoire se met en place qui pose l’intervention de l’État comme garante d’une
vigilance et ainsi d’une information sur les risques liés aux sectes. Lui succède la
Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), aujourd’hui Mission de
vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), que préside actuellement
le magistrat Georges Fenech. Outre-Atlantique, la contestation demeure sur le caractère
liberticide de la France à l’égard de l’étude des nouveaux mouvements religieux, alors
que bon nombre de mouvements sectaires ne se réclament en rien de convictions
religieuses. Ce sont les stratégies juridiques qui reposent sur le seul argument de la
liberté de conscience comme nous le rappelle Emmanuel Jancovici1 qui précise que
« cette qualification permet à ces groupes de se situer sur le plan du religieux pour
faire obstacle à la loi ». En 1995, une commission d’enquête parlementaire établit
une liste de 173 mouvements sectaires totalisant 160 000 adeptes. En 1999, un second
rapport parlementaire met en évidence l’emprise économique. Cette entrée dans la vie
économique n’est pas seulement destinée à une recherche d’adeptes et de notoriété,
mais motivée par le pouvoir financier visé. La MIVILUDES estime à 700 000 le
nombre d’adeptes2 . Cette structure interministérielle (Intérieur, Justice, Finances,
Jeunesse et Sports, Éducation nationale, Santé et Affaires étrangères) dispose de trois
organes : un comité exécutif, un conseil d’orientation et une équipe de 15 personnes
pour mettre en œuvre sa mission de prévention et d’information sur les risques.
Ses rapports annuels d’activité sont toujours autant d’armes à diffusion massive
(www.miviludes.gouv.fr).
La définition précise de la secte est délicate. Les caractéristiques déterminantes du
groupe sectaire nous semblent floues : la secte est une organisation autoritaire, qui
incite à diverses conduites de rupture et invite à des modes de vie excessifs auxquelles
1. Jancovici E. (1999). « Les difficultés d’approche du phénomène sectaire », in Denis P., Schaeffer J.
(eds), Sectes, PUF, p. 63-70.
2. Katz C. (2007). Communication orale, non publiée, mars.
260
Les interventions
s’ajoutent des croyances bizarres. La question est d’autant plus difficile qu’elle peut
être contaminée par les stratégies mises en place par ces groupes lorsque ceux-ci
cherchent une reconnaissance. Il ne s’agit alors plus seulement de rassembler les
6. L’accompagnement psychologique
critères qui font que tel ou tel groupe est une secte et que l’on peut appartenir à
celle-ci, mais d’étudier le rapport de l’offre et de la demande s’il s’agit d’obtenir un
agrément pour s’occuper de l’éducation d’enfants ou de la santé de personnes fragiles,
par exemple. Emmanuel Jancovici nous rappelle combien les stratégies juridiques
ne reposent que sur un seul argument : la liberté de conscience. La caractéristique
première et prépondérante, si ce n’est unique, mais plus nécessaire que suffisante,
pour repérer un mouvement sectaire est l’opposition à la loi ou plus précisément le
déni de cette loi, l’argument religieux étant utilisé à cette fin. Aussi présentons-nous
tout d’abord la liste de critères retenus par les parlementaires en 1995. Il s’agit de ceux
utilisés par la direction centrale des Renseignements généraux. Ils sont au nombre
de dix : la déstabilisation mentale, le caractère exorbitant des exigences financières,
la rupture induite avec l’environnement d’origine, l’atteinte à l’intégrité physique,
l’embrigadement des enfants, le discours plus ou moins antisocial, le trouble de l’ordre
public, l’importance des démêlés juridiques, l’éventuel détournement des circuits
économiques traditionnels, la tentative d’infiltration des pouvoirs publics.
Cette appartenance à un groupe exclusif et élitiste avec cependant une doctrine
plutôt pauvre montre une problématique avant tout sociologique, mais la rupture entre
un groupe désigné et le système social ne peut faire négliger les drames individuels
des ruptures familiales, suicides, abus sexuels et escroqueries qui suscitent autant
de révoltes par l’entourage contre l’aliénation. Les retentissements individuels de
ce déni de la loi nécessitent que l’on se penche sur la souffrance des sortants de
sectes, même si le questionnement de sa présence préalable à l’adhésion à ce type de
groupe doit être abordé. Si ce type de rapport à la loi ne peut que nous évoquer la
problématique perverse, l’accès à la symbolisation doit être examiné, y compris au
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
travers de ce que nous avons décrit ailleurs sous les termes de complexe d’Abraham.
Dispositif à deux niveaux, primaire et secondaire, aux nouages psychique et social,
ce paradigme des comportements et des discours propose la mise à l’épreuve d’une
dialectique entre sacrifice et fidélité au cœur des relations dans les pratiques sociales.
La définition est difficile quand l’oscillation entre religion et refus du droit peut nous
montrer partisans d’un pôle ou d’un autre. Néanmoins, la nécessité de considérer la
dimension individuelle, et plus particulièrement psychique, s’impose dès lors que
l’on s’intéresse au soutien de ces personnes. L’urgence à se pencher sur l’individu
et son psychisme est d’autant plus grande que la prétention sectaire d’exercer un
261
Les interventions
C’est également cette exclusion du tiers qui nous rapproche d’une référence obligée
à la psychopathologie : comment le choix divin s’occupe-t-il des relations entre les
hommes ?
À la définition du législateur de la secte :
« un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de
créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique
des personnes qui participent à ces activités par l’exercice de pressions
graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer leur jugement »2
« La secte, quelle que soit sa taille, est une structure dogmatique de type
étatique hégémonique et totalitaire, refermée sur elle-même, en autarcie
ou en milieu ouvert, dirigée par une autorité absolue autoproclamée et
non contrôlée qui cumule à la fois les pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire, mue par le projet utopique de création d’un surhomme idéal
et d’une société fantasmée, dans lequel le temporel est subordonné à un
spirituel autoréférent et qui soumet par la manipulation mentale l’individu
adepte, le conduisant vers une déstructuration psychologique, intellectuelle,
émotionnelle et parfois physique, qui lui fait perdre sa dimension de
personne et de citoyen. »3
Cette « fabrique d’état de faiblesse »4 est aux mains d’une personne qui cumule
les trois pouvoirs et exerce sur les personnes à leur insu des pressions qui les
conduisent à des actes autopréjudiciables, dans un contexte où l’histoire groupale se
substitue à l’histoire personnelle. Les repères sont gommés et le discernement se perd,
la déréalisation et la dépersonnalisation s’inscrivent dans une désinsertion sociale.
1. Michel J. (1999). « L’attitude sectaire ou la négation du droit », in Denis P., Schaeffer J. (eds),
Sectes, PUF, p. 71-90.
2. About N., Picard C. (2001). Loi n◦ 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention
et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés
fondamentales.
3. Jougla S. et J.-P. (2003). « Les victimes de sectes », document de cours, université Paris 5, mars.
4. Ibidem.
262
Les interventions
Soyons donc vigilants car la liberté de subjectivité revendiquée ne doit pas nous faire
oublier que :
6. L’accompagnement psychologique
« Respecter ce subjectivisme avec un maximum très pervers de scrupules
pourrait revenir à ce que la société considère comme indifférent que ces
personnes aillent de leur propre volonté à leur perte, et il y a là peut-être
un idéal du libéralisme qui en prônant la tolérance entend bien en tirer
toutes les conséquences. »1
L’arsenal juridique est pauvre en dehors de la loi About-Picard du 12 juin 2001, qui
propose un élargissement de l’article 313-4 du Code pénal réprimant l’abus frauduleux
de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse. Elle vise les abus de faiblesse des
personnes amenées à un acte ou à s’en abstenir qui nuit à leurs intérêts propres, mais
la difficulté de prouver l’emprise mentale rend cette loi délicate d’application.
Soyons plus précis encore : personne n’entre dans une secte. En revanche, l’on
rencontre les membres d’un groupe, son leader puis, peu à peu, l’on va être amené à
participer, à s’engager, à s’adapter au fonctionnement d’un collectif pour en accepter
totalement les principes. Toute adhésion dans un tel groupe est le résultat d’un processus
complexe et progressif, nous rappelle Delphine Guérard2 . Certains vont l’expliquer
par le recours au lavage de cerveau ou à des techniques ultra-sophistiquées comme
l’hypnose. Abandonnons les techniques de lavage cerveau, une notion popularisée
avec la Guerre froide, car les sectes procèdent différemment. Elles n’ont pas recours
à la violence physique et ne s’adressent pas à un public de prisonniers de guerre,
victimes involontaires sous contrainte, alors que les adeptes de sectes sont ouverts
à des promesses salvatrices. D’autres imaginent qu’il s’agit de forces mystérieuses
insaisissables à l’œuvre dans le contrôle des esprits. Nous retiendrons quant à nous
la notion de manipulation mentale décrite par la psychologie sociale. Deux grands
types de techniques sont à distinguer : celles basées sur la persuasion, qui s’exercent
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
directement sur les attitudes ou la personnalité de la personne, et celles basées sur les
technologies comportementales, permettant d’extorquer des comportements que les
gens n’auraient pas émis spontanément.
S’il existe de véritables techniques conditionnant l’individu, poursuit cette auteure,
altérant son jugement et précipitant la destruction de sa personnalité, si tout est mis
en place pour l’anéantir et l’enfermer dans la doctrine prodiguée, les principes, les
exercices et le fonctionnement à respecter, l’individu ne peut-il pas être considéré
263
Les interventions
comme pris par son propre fonctionnement interne ? Repérée à partir de ses dimensions
comportementales, la manipulation mentale ne permet pas d’expliquer à elle seule
l’adhésion sectaire. Pour rentrer dans un processus de transformation, comme le
6. L’accompagnement psychologique
proposent les sectes, l’individu doit être acteur et ne pas faire semblant. L’adepte a
une histoire, il est riche d’une vie psychique complexe, il est en recherche, il peut
ressentir un besoin de changement rapide. Attiré et séduit par ce qui lui est proposé et
promis, l’individu se montre curieux, il y croit, le discours sectaire fait écho en lui et
il s’investit sincèrement pour trouver enfin ce qu’il attend, pour vivre une satisfaction
au-delà de tout entendement.
Tantôt, l’on observe des pathologies préexistantes à l’intégration sectaire, les
troubles psychologiques sont alors à l’origine de l’adhésion, tantôt elles en découlent.
Dans toutes les situations, adhérer à une secte désingularise puisque tout est pensé
à partir du groupe et du projet, mais aider une personne à supporter la rupture avec
le groupe et son fonctionnement ne fait pas d’elle une toxicomane. Assimiler les
manques les uns aux autres dans une « panaddiction » conduit à une lecture par un
modèle d’éclairage plutôt qu’à un éclairage par un modèle de lecture. La réconciliation
d’avec soi, l’éventuel réapprentissage de la vie quotidienne interrogent une situation
aliénante que le psychologue est à même de comprendre, même s’il est d’ailleurs
difficile de connaître ce qui se passe dans ces groupes, car il s’agit d’un milieu qui
cultive le mystère, invite au secret, attise la curiosité et mobilise l’imagination. Il a le
pouvoir de séduire voire de fasciner. Pourtant, il s’agit d’un milieu qui exploite à tous
les niveaux l’individu, le dépossède, le déstructure et l’installe dans l’exclusion comme
nous le rappelle Delphine Guérard1 . Une telle expérience où l’être tout entier a été
profondément bouleversé a des répercussions graves sur le plan psychique, physique,
social et financier. Le glissement opéré entre la pensée et la croyance prive certaines
personnes d’un espace psychique d’élaboration, non que la croyance évince la relation,
c’est toujours d’elle dont il est question, comme nous le rappelle Paul Denis2 . Mais
elle court-circuite la perlaboration permise par un tiers qui occupe une telle place. À
côté de la gestion des liens interpersonnels qui permet d’isoler des groupes, il y a une
véritable souffrance psychique des personnes à prendre en compte. Autrement dit, la
mise en valeur des deux fonctions du phénomène sectaire, dont la première, sociale,
1. Dans son texte paru dans le rapport de la Miviludes remis au premier ministre en avril 2008 :
« Lorsque de fausses allégations d’abus sexuels surviennent au cours d’une psychothérapie : le
phénomène des souvenirs induits », rapport 2007 de la MIVILUDES, p. 159 à 169, la Documentation
française.
2. Denis D. (1999). « Sectes, croyance et vérité », in Denis P., Schaeffer J. (eds), Sectes, PUF,
p. 159-167.
264
Les interventions
est visible, mais dont la seconde, individuelle, est masquée par l’absence de prise
en charge ciblée dans le dispositif social français, permet de faire le constat suivant :
il est nécessaire que la fonction individuelle remplie par le phénomène sectaire soit
6. L’accompagnement psychologique
confiée à des professionnels de la santé psychique des personnes, autrement dit des
psychologues. Il est désormais utile de trouver les moyens de mettre des compétences
dans ce secteur d’intervention et d’introduire un travail clinique dans lequel l’apport
de la psychologie dans son usage de la psychanalyse est essentiel.
265
L’Aide-mémoire du psychologue
Conclusion
Conclusion
Le psychologue, professionnel de pensée,
est un ingenieur psychosocial
267
Les interventions
moyens, y compris intellectuels, à disposition, est plus difficile à accepter. Elle gagne
l’inscription sociale de cette discipline parce que son rapport avec les besoins sociaux
n’est pas simple et celui d’avec la science, ambigu. C’est sans parler des professionnels
eux-mêmes, parfois enclins à penser que la fonction fait le psychologue alors que
cette fonction doit être remplie. Il était temps de répondre aux préoccupations du plus
grand nombre : mais que fait un psychologue et que cherche-t-il dans l’isolement de
la relation ? Ce n’est pas seulement un idéal que de proposer une réflexion, un cadre et
Conclusion
une analyse comme forces de travail, c’est aussi ce que l’on demande au psychologue
avant tout. Les changements de la société doivent réactualiser la modernité de la
psychologie, nous pouvons compter sur les psychologues pour mettre au travail cette
conception dont nous ne soulignerons jamais assez le double sens d’intellectualité et
d’avènement. La fonction subversive que le psychologue revendique est compatible
avec un ancrage social constructif. Le psychologue est un ingénieur psychosocial.
Tout le monde a besoin d’un psychologue, puisque la plupart des personnes
s’adaptent mal au contexte dans lequel elles évoluent et les autres peuvent s’inquiéter
de ne pas présenter de troubles. Cependant, comme l’anormalité n’est pas à confondre
avec la pathologie, il est nécessaire que le psychologue consacre son énergie à savoir
comment font les personnes pour rester normales face aux contraintes. Ce point de
vue mérite d’autant plus notre attention que l’évolution sociale nous montre une
importance accrue des identités statutaires de personnes à prendre en charge, celle
de malades chroniques, par exemple, d’où se désengage l’activité soignante. La
phénoménologie proposée dans un renouvellement esquissé de ses bases repose sur
l’évolution d’une praxis qui s’inscrit dans un temps social sans perdre de vue l’horloge
d’une profession et son inscription sociétale. Les psychologues ont pour mission
d’accompagner le progrès scientifique, mais également l’errance sociale. C’est ainsi
l’accent mis sur les métiers de la psychologie émaillés de réflexions sur leur évolution
actuelle que la forme du portrait rend particulièrement bien. La constante que nous
avons présentée, dans cette régulation sociale centrée sur le sujet ou le groupe, d’une
interface de l’intime et du social, que celle-ci apparaisse en termes de dilemme ou
de gestion, constitue la caractéristique fondamentale de l’activité du psychologue.
L’aide à la professionnalisation de ce défi est impérieux, la décision de la relayer vous
appartient comme la nécessité de penser l’activité de travail.
268
L’Aide-mémoire du psychologue
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281
L’Aide-mémoire du psychologue
283
L’Aide-mémoire du psychologue
285
L’Aide-mémoire du psychologue
G K
GARRY Jacques 127 KAËS René 41
GAYRAL Anne 127 KIERKEGAARD Sören 76
GAYRAL Louis 242 KOLHBERG Lawrence 218
GELLY-NARGEOT Marie-Christine 127
GHIGLIONE Rodolphe 162
GIRARD René 75, 78
L
GOFFMAN Erwing 68 LACAN Jacques 46
GOUREVITCH Michel 237 LAGACHE Daniel 46, 116
GRASSET Carole 127 LAHY Jean-Maurice 163
GRIFFITHS Véronique 127 LANG Jean-Louis 46, 191
286
L’Aide-mémoire du psychologue
N S
NACHT Sacha 46 SABLÉ Claude 127
NEYRAUT Michel 73 SANTIAGO Marie 123
287
SCHEFLEN Albert E. 68 V
SCHNEIDER Benoît 123, 127
VAILLANT Édouard 164
SFEZ Lucien 27, 169
VIAUX Jean-Luc 205
SINOIR Guy 205
VILLAMAUX Michaël 127
SPITZ René 32 VIVICORSI Bruno 62, 127
SZEPIELAK Dominique 127 VIVIEN Alain 260
VOYAZOPOULOS Robert 127
T W
TAILLANDIER Jérôme 156 WALLON Henri 45, 221
TESTART Jacques 53 WATZLAVICK Paul 68
THIÉTRY Céline 127 WINKIN Yves 68
TOSTAIN René 256 WINNICOTT Donald W. 221, 228
TOULOUSE Édouard 163 WUNDT Wilhelm 44, 45
L’Aide-mémoire du psychologue
289
L’Aide-mémoire du psychologue
G
E
gérontologie 234
économie 28 grille d’entretien 100
écrits 109 guérison 225
éducation 7 guérissabilité 227
empathie 18, 203
emploi 92
enfant 7, 46, 47, 189, 230, 246
H
engagement 20, 63, 83, 164, 171 Haute Autorité de santé 153
social 19, 24, 43 histoire 44, 46
enseignants-chercheurs 113 hôpital (accréditation) 194
290
L’Aide-mémoire du psychologue
I métis 170
mission 1, 133, 212
identité 55, 166, 167
MIVILUDES 260
indication 29
modélisation 58
ingénierie 33
mort 230
ingénieur
motivation 165
psychosocial 33
K O
kinésique 68 obligation de soins 157
observation 82, 187, 203
L
langage 69
P
du corps 67, 70 passage par l’acte 76, 221
paternalisme médical 53
Dunod – La photocopie non autorisée est un délit
paternalistique 66
M
pathologies chroniques 227
manipulation mentale 258 phénoménologie 57
manuel diagnostique et statistique des troubles police 139
mentaux 191 portage salarial 109
marché économique 25 positionnement 2, 39, 40, 167
maternalistique 66 prescription 152, 154
médecine 7, 148 présence 21
médias 179 prestation 25, 28
mémoire 87 prévention 173, 192
de fin d’études 86 problématisation 33
mensonge 215 programme médicalisé des systèmes d’information
méthode 143 195
291
L’Aide-mémoire du psychologue
psychanalyste 10 sacrifice 75
psychiatre 9, 151, 221 saisie 11
psychodynamique du travail 169 santé 149
psychologie 13, 66 SDF 137
appliquée 163 secret 211
concrète 169 secte 258
de l’éducation 172 secteurs d’intervention 24
du travail 161, 165 sens 217
environnementale 135 commun 13, 150
psychologisation 26 silence 21
psychologue simulation 236, 241
de la fonction publique hospitalière 113 soutenance 89
de la protection judiciaire de la jeunesse. 113 souvenirs induits 16, 17
territorial 113 spécialisation 64
stage 81, 91
psychosocialisation 34
structure ordinale 130, 154
psychotechnique 163
subjectivité 134, 188
psychothérapeute 9
subversion 83, 156
suivi psychologique 28
Q supposé savoir 13
surcadre 72
quatre P (configuration) 33 surendettement 251
R T
rapport temps FIR 104
Belmont 51 tests 23
Burgelin 162, 221 théorie 32, 64
d’expertise 222 thérapies corporelles 17
de stage 85 tickets de consultation 160
recherche d’emploi 95 tiers-temps 155
reconnaissance 3, 26, 188 titre de psychologue 1, 112
règles professionnelles 114 titularisation 101
régulation sociale 156 transfert 72
relations humaines 12, 19 primaire 72
remboursement 29, 152 secondaire 72
réponse 31 travail sur soi 10, 94
292
L’Aide-mémoire du psychologue
U
utilité sociale 116
V
validité 220
293