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LAide-mémoire Du Psychologue. Métiers, Pratiques, Enjeux - Christian Ballouard (2009) (Psychologie, Intervention)

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© Dunod, Paris, 2009

ISBN 978 2 10 054234 5


L’Aide-mémoire du psychologue

Table des matières


Table des matières

Avant-propos IX

Introduction 1

PREMIÈRE PARTIE

LES FONDEMENTS

1. La spécificité d’une approche psychologique 7


1. De la pédagogie à la gestion en passant par la médecine : distinctions et frontières 7
L’enfant comme lumière des siècles, 7 • Distinctions entre les « psychistes », 9 • Les
« ni-ni » sont bien gentils, 13 • De l’usage suffisamment bon de la psychologie, 16 •

L’engagement social et scientifique du psychologue, 19


2. De la spécificité à la légitimité : définition d’une méthodologie d’approche 22
Quelle spécificité ?, 22 • Quelle place ?, 25 • Un passage à l’acte ?, 27 • Action ou
interaction ?, 30 • Que fait un(e) psychologue ?, 32 • Ouverture, 39

2. Les ancrages de la psychologie 43


3. Un tronc commun et des branches 43
De nombreux historiques pour une discipline, 43 • Accompagner les progrès
scientifiques, 48 • Les enjeux d’une nouvelle relation de soins, 50 • Clinique et cognitif, ne
pas prendre une cure culte pour une culture, 54 • Vers une nouvelle phénoménologie, 57
4. Le grand écart entre biologie et philosophie 61
Se vautrer ou se prendre les pieds dans un grand écart, 61 • Le corps dispose-t-il vraiment
d’un langage ?, 67 • Le cadre : un contenant au développement d’une relation, 71 •

V
L’Aide-mémoire du psychologue

Transferts primaire et secondaire : investissement et quiproquo à contretemps, 72 • Une


modélisation de l’action : le complexe d’Abraham, 75

DEUXIÈME PARTIE

LES MÉTIERS
Table des matières

3. L’exercice du métier 81
5. Les premiers pas : stage et mémoire 81
Le stage, un parcours essentiel, 81 • Le rapport de stage, un écrit fondateur, 85 • Le
mémoire, une expérience initiatique, 86 • La méthodologie, un suivi de plan, 87 • La
présentation orale, un exercice de style, 89 • À vot’ bon cœur m’sieurs-dames, le bénévolat
en question, 89
6. Les premières embauches : CV et carrière 92
Le curriculum vitae, 93 • La recherche d’emploi, 95 • Entretien, tu me tiens, 97 •

L’installation comme fonctionnaire, 101 • La fonction clinique et la fonction FIR, 103 • Les
conventions collectives, 104 • L’installation en activité libérale, 104 • Le portage
salarial, 109 • Les écrits du psychologue, 109
7. Liste des textes légaux régissant la profession 112
8. Enfin un rassemblement identitaire 113
Un Code pour les psychologues, 114 • Le Code de déontologie des psychologues, 116 • Une
avancée fondamentale dans la structuration de la profession, 123 • Le diplôme européen de
psychologue, 129 • L’heure ou leurre de l’ordre ?, 129

4. Les métiers de la psychologie 133


9. Des pratiques traditionnelles aux nouveaux défis 133
Le psychologue dans le vent, 133 Le psychologue dans l’espace, 135 Le psychologue sur
• •

les ondes, 136 • Le psychologue dans la rue, 137 • Les pratiques de la police, 139 • Le
permis de conduire un projet en ingénierie sanitaire et sociale, 140
10. Portrait du psychologue en santé surfaite 147
Psychologie et médecine : des regards croisés et des perspectives inverses, 148 • Guérir de
la médecine ou de la Sécurité sociale ?, 152 • Une psychologie adjuvante pour des patients
ou des victimes ?, 154 • Subversion ou régulation sociale ?, 155 • L’obligation de soins
est-elle viable ?, 157 • Le ticket psy, le ticket choque, 160
11. De « l’outilité » des psychologues dans le champ du travail : portrait 161
La gestion d’un dilemme, 162 • Une ambiguïté de la fonction entre les deux guerres, 163 •

Sciences de la nature et/ou sciences de l’homme, 165 • Fluctuations identitaires, 166 • Une

VI
L’Aide-mémoire du psychologue

fonction à défaut de statut, 167 • Unicité ou unification d’une intervention, 168 • Une
psychologie concrète, clinique de l’action, 169 • Du cœur à l’ouvrage, 171
12. Portrait tiré du psychologue de l’éducation 172
Les degrés de l’éducation, 172 La prévention comme aller-retour à la norme, 173 Quelle
• •

autonomie pour les personnes ?, 177 • Le médiusage, de l’usage des médias, 179

Table des matières


TROISIÈME PARTIE

LES INTERVENTIONS

5. L’évaluation psychologique 185


13. Valeur et évaluation 185
Souffrir de l’évaluation, 185 • Les classifications nosographiques, 188 • L’audit
social, 192 • L’accréditation, entre audit et auto-évaluation, 194
14. L’examen psychologique 201
15. L’expertise psychologique 204
Le psychologue dans le champ judiciaire, 204 • Cadre légal et agrément, 208 •

Caractéristiques de l’expertise psychologique, 210 • Types d’expertise et déroulement, 212 •

Crédibilité de fond et de forme, 214 De quelques précautions et écueils, 217 Le rapport :


• •

structuration de l’expertise, 222

6. L’accompagnement psychologique 225


16. Le psychologue face à la maladie chronique 225
Guérir ou... ou quoi ?, 225 • Cancer, sida, maladie mentale et autres fléaux :
la « guérissabilité », 227
17. Le psychologue face à la mort 230
L’enfant : pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?, 230 • Le vieux : attendre le soin
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

palliatif, 233
18. Le psychologue face au crime et au délit 236
Mensonge, déni ou dénégation agie ?, 236 • La simulation, objet d’expertise ?, 241
19. Le psychologue face à l’échec scolaire 245
Le jeu : une activité organisée et une fonction éternelle, 245 • Le prime adolescent,
l’adolescent, l’adulescent, 248
20. Le psychologue face à l’addiction 251
Le surendettement, une forme d’addiction ?, 251 • Assumer n’est pas jouer et manipuler
n’est pas addicter, 257

Conclusion 267

VII
L’Aide-mémoire du psychologue

Bibliographie 269

Liste des encadrés 283

Index des noms propres 285


Table des matières

Index des notions 289

VIII
L’Aide-mémoire du psychologue

Avant-propos

Avant-propos
AVIVER la mémoire, c’est rappeler l’ensemble des composantes d’un paysage
R social où se meuvent les psychologues, chacun avec son public, dans sa spécialité
contextuelle, pour renforcer l’appartenance à un groupe particulièrement bigarré,
susceptible même d’incompréhensions par la méconnaissance des environnements
professionnels des collègues travaillant dans d’autres champ d’intervention.
Soutenir la mémoire, c’est pointer les lignes de force des expériences passées où
ont évolué les générations précédentes, mais aussi avant elles, d’autres professionnels
cousins par leur approche, pour mettre en place l’appartenance à une structuration
attendue de l’organisation des acteurs de la discipline.
En effet, la palette des interventions psychologiques est si large et l’on y met tant
de couleurs en fonction des universités qui distillent les formations initiales que deux
psychologues se rencontrant issus du même lieu de formation, mais dans des cursus
distincts, sont susceptibles de ne pas jargonner de la même façon, voir sont capables
d’alimenter une hostilité qui les dépasse. L’insertion professionnelle, quant à elle,
est susceptible de présenter des incongruités quand un psychologue spécialisé dans
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

l’enfance trouve un emploi en gérontologie. Le jeune diplômé se doit d’avoir les clefs
de compréhension de sa discipline.
Une vraie famille est à promouvoir, mais une solidarité reste à développer. Celle-ci
est d’autant plus importante que l’évolution sociétale nous montre que la prise en
charge éducationnelle, sanitaire et sociale existe avec ou sans les psychologues, avant
et après leur apparition. Les frictions qui se sont déroulées aux différents confins et
légitimités, aux frontières d’avec les disciplines existantes depuis plusieurs siècles
ou en voisinage des nouveaux métiers ayant surgi récemment, nous montrent une
source d’éclairage et d’éclaircissements par l’histoire et pour l’histoire. Il ne s’agit pas
d’asséner qu’un devoir de mémoire donne des leçons, mais il est utile de s’approprier
une histoire pourvoyeuse d’une lecture constructive et d’une analyse qui autorise

IX
L’Aide-mémoire du psychologue

les résolutions de problèmes. Les « coordonniers » ne doivent pas être les plus mal
chaussés.
C’est bien cette mémoire plurielle qu’il s’agit d’aider à partir de cet index structuré.
Cet aide-mémoire permet un isolement des éléments pour une compréhension optimale
de leur combinaison. La différentiation d’avec une psychologie de loisirs insiste sur la
spécificité d’un métier aux multiples facettes. Les champs d’intervention représentatifs
Avant-propos

admis par l’INSEE sont également déterminants d’une position la plus globale possible
pour une meilleure appréhension de l’individu et de sa situation, avec ou sans problème.
Demeurer généraliste est un cap délicat à tenir face au vent des spécialisations à
outrance. Les notions essentielles sont à rappeler en fonction des différents risques
et situations sociales où le psychologue trouve sa légitimité. L’exercice de ce métier
nécessite des clefs pragmatiques pour une insertion professionnelle optimale. Ce sont
là des enjeux majeurs pour les psychologues et leur visibilité sociale. Ce guide est
judicieusement indiqué pour le jeune diplômé en psychologie, mais bien évidemment
à bien d’autres également.
Aussi, un étudiant, dans le cursus ou en dehors de lui, un psychologue, en activité
ou en attente d’un emploi, une personne, concernée ou susceptible de l’être, un
professionnel, curieux ou collègue, va pouvoir s’orienter dans une lecture qui pointe
l’essentiel par des entrées multiples, un renseignement précis (index), un concept
spécifique (fiche) ou une approche particulière (chapitre).

X
L’Aide-mémoire du psychologue

Introduction

Introduction
PÉCIALISTE du vécu des comportements humains, des conduites humaines, le
S psychologue les décrit, les comprend et les explique à partir des connaissances
scientifiques dont il dispose et de la démarche critique qu’il met en œuvre. Ce
savoir critique issu de l’université lui permet d’intervenir sur le fonctionnement
psychologique et la gestion de la dimension psychique des individus, ainsi qu’auprès
des organisations. La finalité de son exercice est la promotion de l’autonomie de la
personnalité dans la gestion des interférences entre intérêts individuels et intérêts
collectifs. Sa mission se centre sur les rapports entre vie psychique et comportements
et il examine particulièrement les relations entre les personnes. Le psychologue se
situe dans des fonctions de conception de ses méthodes et outils. Son travail sur le
vécu et la subjectivité développe les capacités d’adaptation de ce professionnel qui
innove dans la formulation de sa réponse à l’évolution de la demande sociale. Le
psychologue parle à l’imparfait du subversif.
La discipline a plus d’un siècle, mais le métier n’en a qu’un demi et le premier
diplôme universitaire date de 1947. En plus de soixante ans, la profession s’est dotée
d’un cursus en cinq ans – un DESS hier, un master aujourd’hui –, et d’un usage
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

protégé du titre de psychologue depuis la loi du 25 juillet 1985 et de ses décrets du


22 mars 1990. Ce n’est pas le titre, mais bien son usage professionnel qui est protégé,
il n’y a donc pas d’exercice illégal de la psychologie. La protection de l’usage du titre
et la législation sur son usurpation ne peuvent réellement s’appliquer que si le public,
l’usager, l’employeur ou le collègue peuvent se référer à une liste officielle existante
des personnes autorisées. L’article 57 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé est venu combler ce manque et la circulaire
DHOS/P 2/DREES n◦ 2003-143 du 21 mars 2003 relative à l’enregistrement des
diplômes des psychologues au niveau départemental met en place l’obligation (« ils
sont tenus ») d’une inscription auprès des correspondants des DREES (Directions
de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), généralement situées

1
L’Aide-mémoire du psychologue

dans les DDASS, sur une liste appelée Adeli 2 (Autonomisation des listes). Cette
inscription participe au processus de structuration de la profession en cours depuis le
Code de déontologie du 22 mars 1996, mais c’est encore une estimation qui prévaut au
dénombrement des psychologues. A priori, entre 35 et 45 000 psychologues exercent
en France : un quart dans l’Éducation nationale, la moitié dans le champ de la santé
et le dernier quart se répartissant entre l’entreprise, la justice, la recherche et le social.
Introduction

La structuration de la profession connaît un élan depuis la création de la Fédération


française des psychologues et de psychologie (FFPP), le 25 janvier 2003, rattrapant
ainsi son retard sur ses voisins européens. Une Europe – une ONG qui regroupe
37 pays et 200 000 psychologues sur les 270 000 qu’en compte le continent – en
avance en ce qui concerne la formation, puisqu’un diplôme européen en six ans est
en voie de délivrance. Un diplôme délivré pour une période donnée, reconduisant la
qualification sous condition, avec l’exigence notamment d’une formation continue.
Le psychologue est constamment pris dans une position inconfortable d’une assise
sur un trépied, dont il faut souvent construire le siège pour qu’il ne soit pas éjectable :
l’action, l’évaluation et la maintenance. Ce professionnel est en permanence à la
croisée des chemins de la guérison, du conseil et de l’accompagnement à partir de
son diagnostic. À tel point parfois que sa place suffisamment bonne pourrait être
ainsi le couloir des institutions qu’il fréquente. Il se situe en tout état de cause et de
causerie aux frontières de la médecine, de la pédagogie et de la gestion des situations
qui lui sont confiées en fonction de ses lieux d’intervention. Ces trois domaines
sont d’ailleurs déterminants de la visibilité sociale admise par l’INSEE que sont
les trois champs d’intervention représentatifs de l’activité du psychologue : la santé,
l’éducation et le travail. Ils sont également déterminants d’une position la plus globale
possible pour une meilleure appréhension de l’individu et de sa situation, avec ou
sans problèmes, dans toutes leurs complexités. Rappelons-nous que le psychologue
n’est ni médecin, ni enseignant, ni dirigeant. Il n’est pas non plus paramédical, ni
parapédagogue, ni paragestionnaire des ressources humaines. Le psychologue ne
soigne pas, il prend soin, y compris dans sa fonction psychothérapeutique car l’esprit
ne se soigne pas, il s’influence. Le psychologue n’est pas un technicien du soin, ça
se saurait, c’est un agent de changement. Certes, il apaise la souffrance, mais des
troubles mentaux ne peuvent guérir quand leurs mécanismes structurent la personnalité.
Seule une classification des troubles à partir de symptômes autorise cette perspective
dont se chargent le psychiatre et son arsenal thérapeutique ; le toc peut disparaître,
le délire s’estomper, mais les mécanismes de défenses et les ressorts du désir sur
lesquels intervient le psychologue sont à comprendre, se relaient et se gèrent. Nous
envisagerons la « guérissabilité » dans le secteur où ce professionnel est le plus connu,
la santé. Un secteur qui tantôt se dédouane du soin pour investiguer la prévention

2
L’Aide-mémoire du psychologue

jusqu’à laisser subsister la confusion entre celle-ci et le dépistage, tantôt se réjouit


de la médicalisation de problèmes sociaux. Le plus grand accès à la connaissance,
dont on peut se féliciter, amène aussi son lot de roueries lorsque des aliments sont
aujourd’hui équivalents à des médicaments et de mascarades quand le neuromarketing
brandit sa scientificité.
La société actuelle souhaite voir confiés au psychologue les plus grands maux et

Introduction
tend néanmoins à le confiner dans une place de tuteur du développement, de coach de
la vie. Le psychologue accompagne les événements, car l’on ne voit plus que par eux
dans la mesure où ils génèrent l’actualité sociétale médiatique, et particulièrement les
moments de crise. Il est temps de demander au psychologue comment, lui, compose
avec cette demande sociale, ce qu’il souhaite devenir et comment il définit sa position,
car c’est elle qui est primordiale en regard de sa culture. Le flou ambiant sur la
place du psychologue est lié à son occupation de plusieurs fonctions alors que la
priorité doit être accordée à un positionnement à la croisée des dimensions à la fois
clinique, technique et épistémologique. De plus, rassembler les psychologues dans
la reconnaissance de la diversité des pratiques, de la multiplicité des méthodes, de la
pluralité des modèles de référence et des spécialités des champs d’exercice, est un
souhait valeureux et louable, mais n’est pas chose aisée. Il s’agit pourtant de mieux
servir le public, mieux écouter les personnes, mieux analyser les situations, mieux
conseiller les groupes sociaux et les institutions, mais la rébellion juvénile de leur
métier et leur fonction subversive ne sont pas des atouts faciles à gérer. D’autant que
s’activer dans le contre-courant des spécialisations liées aux progrès techniques pour
affirmer un généralisme ne permet pas une position de tout repos. Cette approche
globale, qui le conduit à refuser une spécialité prêtant le flanc au réductionnisme,
favorise pourtant la pertinence de son analyse qui devient alors génératrice d’une
production économique que beaucoup aimeraient s’octroyer.
Souligner combien ce professionnel est mal connu et les difficultés qui peuvent
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

en résulter ne sont pas sans incidences sur le développement d’une réflexion éthique
du psychologue, amené à osciller entre humanisme et économique, tendance que
nous avons appelée « psy chic et psy choc ». Cependant, la maturation de cette
reconnaissance et de la responsabilité attenante conduit à insister autant sur la
déontologie que sur l’éthique. Une profession mal connue en raison d’une hétéro-
confusion avec d’autres professions d’une part – les psychiatres, les médecins, et les
psychothérapeutes, labellisés sans caution universitaire –, et une auto-confusion avec
un objet d’étude appartenant à tout le monde d’autre part – la psychologie est soluble
dans le discours social – génère un flou identitaire et une insertion professionnelle
singulière. Cette méconnaissance conduit de la part du psychologue à des mécanismes
de défense comme une peur d’être vécu comme intrusif – il est celui qui interprète tout

3
L’Aide-mémoire du psychologue

et à l’insu de la personne – et ainsi à donner des preuves de non-agression ou adopter


une attitude « dépressinogène » ou une méfiance qui conduit le psychologue du
travail à se dénommer consultant et ainsi à avancer masqué. Ces défenses conduisent
de la part du public à des attitudes irraisonnées de rejet, de bouc émissaire ou
d’illusion – notamment par les employeurs qui pensent utiliser des connaissances
inédites sur leurs salariés. De plus, l’attitude centrée sur un « entre-deux » (patient
Introduction

et équipe, client et institution) et la négociation, tant interne qu’externe, qu’elle


suppose, pour « travailler » la tension entre intérêts individuels et intérêts collectifs,
ne sont pas d’une gestion facile. La compréhension d’un des modèles implicites de
fonctionnement du psychologue, qui consiste à prôner l’autonomie de l’individu, prête
à des dysfonctionnements anomiques. La compréhension d’un fonctionnement ou d’un
dysfonctionnement, d’un individu ou d’une institution, reste au service d’une avancée,
d’une force de proposition. Les difficultés dans l’établissement des règles du métier
de psychologue surgissent dans la restitution de l’élaboration dont le psychologue se
porte garant, restitution différente selon le contexte notamment vis-à-vis de l’individu
et du commanditaire. Aux problèmes soulevés, il existe des solutions « pro-posées »,
nous allons certes souffler un peu dessus pour les dépoussiérer, voire les recaler, a
priori dans le bon sens, pour les guider dans l’air du temps.

Nota bene : l’ouvrage reprend des billets d’humeur publiés ces dernières années
dans la Revue Fédérer de la Fédération française des psychologues et de psychologie
(FFPP), un article de la revue Travailler (2008, n◦ 20), un autre du Bulletin de
psychologie (2007, n◦ 60) et des contributions relatives au corps issues des ouvrages
déjà parus aux éditions Dunod sous notre signature depuis 2003.

4
1
Les fondements

1 La spécificité d’une approche psychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7


2 Les ancrages de la psychologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Les fondements

1. La spécificité d’une approche psychologique


1

La spécificité d’une approche psychologique

1. De la pédagogie à la gestion en passant par la médecine :


distinctions et frontières

• L’enfant comme lumière des siècles


• Distinctions entre les « psychistes »
• Les « ni-ni » sont bien gentils
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• De l’usage suffisamment bon de la psychologie


• L’engagement social et scientifique du psychologue

 L’enfant comme lumière des siècles


L’histoire des sciences humaines, et particulièrement celle de la psychologie, nous
invite à danser sur les deux temps de l’éducation et de la médecine. Aujourd’hui,
c’est une valse à trois temps qui inclue la gestion. Ce pas de deux est d’un équilibre
d’autant plus difficile qu’une rivalité entre ces deux disciplines s’exerce au cours du
XXe siècle ; d’autant plus passionnant qu’un ensemble de connaissances nouvelles

7
Les fondements

surgit concernant surtout l’enfant ; d’autant plus voluptueux que la psychologie va en


1. La spécificité d’une approche psychologique

émerger singulière ; d’autant plus généreux qu’une famille se dessine avec la mère
éducation nouvelle, le père psychiatrie, le grand-père philosophie et la grand-mère
médecine, mais sans connaître le destin de pouvoir des ancêtres, ni l’assise filiale.
Le XXe siècle, dit siècle de l’enfant, est marqué par l’obligation scolaire de 1880.
C’est ainsi qu’Alfred Binet, créateur du premier laboratoire de psychologie de l’enfant,
met en place son célèbre test à la suite d’une demande de procédure de régulation des
enfants attardés à l’école. Les apories vont néanmoins apparaître et insister sur les
limites de l’Éducation nationale à vouloir prendre en charge les enfants à problèmes
lorsque ceux-ci montrent les contours d’un paysage pathologique. C’est du côté de la
médecine qu’il va falloir aller chercher les moyens de traiter les contextes déviants. La
réaction naturelle, quand l’enfant présente des difficultés, est de renforcer l’initiative
qui consiste à le faire bouger dans son corps pour qu’il soit bien dans sa tête. Le
modèle sportif issu d’une tradition militaire apporte ainsi les bienfaits d’une éducation
écologique. Les limites d’une telle approche résident dans la résistance que lui oppose
la pathologie du comportement présenté. Aussi, est-ce avec un pouvoir tout aussi
naturel que le modèle médical prend de l’ampleur en fonction des progrès scientifiques
réalisés au cours de ces époques. La prise en compte des difficultés de l’enfant émerge
dans le contexte de cette prise de conscience que l’infans n’est pas une miniaturisation
de « l’adulterie ». De plus, ce petit de l’homme ne doit pas errer dans la rue alors que
ses parents sont pris dans la tourmente de la révolution industrielle en marche et doit
donc ainsi être pris en charge.
Les fruits de ce siècle de l’enfant se récoltent essentiellement après guerre, lorsque
l’enfance inadaptée devient une réelle préoccupation politique et que des acteurs
nouveaux apparaissent, comme les psychologues et les éducateurs. La pédagogie
est naturellement dominante dans ce panorama où la médecine n’a pas encore
développé une pédiatrie et une psychiatrie performantes. Cependant, l’évolution de la
compréhension du monde de l’enfance et de sa prise en charge par la société, à partir de
la Seconde Guerre mondiale, permet de saisir comment, naturellement, la psychologie
va donner ses lettres de noblesse à la singularité du sujet. Des dilemmes parcourent
néanmoins encore cette discipline naissante : faut-il rester dans l’ombre quand on
s’occupe des faces les plus obscures des personnes ? Faut-il préférer la scène sociale ou
ses coulisses, mais comment y accéder et comment imposer des rôles de composition
ou de mise en scène ? Sur les deux versants décrits d’une intervention de qualité
orientée vers l’évaluation ou l’accompagnement des personnes et des situations, faut-il
se pencher d’un côté au détriment de l’autre ? En alternance, comme on danserait d’un
pied sur l’autre ? En conviction, au nom de la structuration de projets que l’évaluation
éclaire, mais dont le meilleur côtoie rapidement le pire ? En résistance, par crainte de

8
Les fondements

la destruction d’un système cohérent dont il faut maintenir la qualité ? Tenir les deux

1. La spécificité d’une approche psychologique


en lâchant un peu de chaque côté n’est pas facile et inconfortable. Si l’on ajoute un
pas en avant, un pas en arrière, cela devient une chorégraphie complexe. Celle-ci rend
néanmoins la psychologie vivante et lui procure une expérience unique, mais c’est
loin d’être de tout repos pour ses acteurs. Tous les rôles sont cependant ouverts au
psychologue puisque c’est sa formation universitaire et le titre qui le protège qui le
rendent adaptable et non des films ou des pièces qui lui sont spécifiques, estampillés
« psychologique ».

 Distinctions entre les « psychistes »


Le psychiatre est un médecin qui s’est spécialisé, il présente des garanties liées
à sa formation et son exercice est protégé par l’État. Il dispose d’un pouvoir de
prescription de médicaments par des ordonnances, mais aussi de séances d’une
discipline paramédicale. Spécialiste du traitement des troubles mentaux graves, le
psychiatre se situe avant tout du côté de la protection de la société. Il tient cette
place depuis Philippe Pinel et Jean-Étienne Esquirol et présente régulièrement tous
les atouts pour la défendre ardemment. Il est en revanche demandé au psychologue
une hypothèse sur le fonctionnement de la personnalité pour faire comprendre les
mécanismes et motivations d’un acte et une appréciation de la personnalité permettant
une individualisation du parcours social. Le psychologue est beaucoup plus centré
sur la compréhension de la conduite. Il offre un haut niveau de formation avec son
master, bac + 5, mais seul son titre est protégé. Il peut y avoir usurpation de titre,
mais pas d’exercice illégal. L’approche du psychologue est écologique. Il tend à se
spécialiser suivant en cela l’offre de formation initiale. Cependant, la trop grande
spécialisation de la recherche et de la praxis, si elle conforte l’enseignant-chercheur
et rassure le public, contrarie sa méthodologie d’intervention. Ce professionnel est
avant tout un généraliste et la saisie d’une situation globale est facilitante pour une
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

meilleure compréhension et une aide à la décision.


Le psychothérapeute, avec ou sans formation, offre un service de psychothérapie.
Quand celle-ci est une des fonctions du psychologue ou du psychiatre, il ne nous semble
pas utile d’instaurer une nouvelle activité, voire un nouveau métier, particulièrement
aux décours du contournement du titre de psychologue. Le psychothérapeute est dans
une position embarrassée actuellement, car il ne dispose pas d’une reconnaissance
légale dans l’attente du décret d’application d’une loi controversée du 9 août 2004 en
son article 52 (loi n◦ 2004-806) et aujourd’hui de l’article 22 de la loi de réforme de
l’hôpital HPST (hôpital, patients, santé, territoires). L’idée de départ était de confier
les psychothérapies aux seuls psychiatres et psychologues. Les remous provoqués par
ceux que l’on nomme les autoproclamés ou « ni-ni » – ni psychiatre, ni psychologue

9
Les fondements

–, ont conduit à un changement de la nature du premier article en question. L’exigence


1. La spécificité d’une approche psychologique

d’une formation en psychopathologie conduit ainsi à légiférer sur l’usage du titre de


psychothérapeute dont l’État ne garantit, pour l’instant, aucune des formations. La
vigilance perdure sur la « clause du grand-père », cet aménagement de l’existant à
partir des dispenses accordées aux personnes qui se réclament d’un exercice actuel
puisque la loi n’est jamais rétroactive. La polémique provoquée par le second article
souligne l’incongruité d’une formation des psychanalystes par un master.
Le psychanalyste, dont le titre n’est pas protégé non plus, n’est pas concerné
par la recherche d’un statut pour exercer la psychothérapie quand il se réclame de
la psychanalyse freudienne. Son dispositif, centré sur l’analyse du transfert et du
contre-transfert, l’amène à une supervision et à une formation continue dispensée
par ses pairs qui l’éloignent d’une validation par l’État, privilégiant la liberté et
une labellisation élitiste – y compris mondiale avec l’Association psychanalytique
internationale (IPA), créée en 1910. Il existe des écoles réputées, mais tous les
psychanalystes n’ont pas la même éthique. Certains ont changé le nom de leur
organisation pour figurer dans des annuaires, comme le prévoient désormais les
articles 52 et 22.
Cette tendance à la parcellisation se singularise avec le coaching, au point que
l’on distingue aujourd’hui le développement personnel, centré sur la recherche et
l’amélioration d’un équilibre, du coaching, obnubilé par celles d’une performance.
L’efficacité ne suffit plus, l’accroissement d’aptitudes ou le développement de
nouvelles ressources deviennent insuffisants. En effet, la compétition est engagée, d’où
l’emprunt du terme au monde sportif et sa gestion militaire du corps. La référence
au cocher peut demeurer qui ne choisit ni les personnes qu’il accompagne, ni la
destination, mais la place de leader est visée. L’extension de ce troisième type de
travail sur soi devrait conduire au repérage des limites de chacun, mais les frontières
restent floues. Certains veulent dessiner au développement personnel les contours
d’une psychothérapie préventive et justifier le règne du coaching par un égarement
de la transmission familiale des savoirs, mais nombre d’apories, de dynamiques
et de tentatives d’escroqueries sont transverses à ces pratiques. L’obsession de la
performance est bien une valeur soutenue par un libéralisme ambiant et l’intervention
guidée du coach dans la vie quotidienne, intrusive à tous les âges de la vie, n’étonne plus.
Personne ne se soucie de l’extrême disparité entre les formations, ni de l’autorisation
par soi-même d’exercer. D’autres souhaitent attribuer à ce développement personnel
ses lettres scientifiques et la dénommer psychologie positive.
La démocratisation d’un travail sur soi et le recours accentué au travail corporel,
qui lui est fréquemment attaché, demeurent des avancées sociales importantes, c’est
le réductionnisme concomitant qui est condamnable. La réduction du temps d’une

10
Les fondements

intervention consacrée à travailler à devenir soi n’est pas à dénoncer, en revanche

1. La spécificité d’une approche psychologique


les amalgames générés par une vulgarisation le sont. Des thérapies de la réussite
obligatoire et du bonheur garanti tournent aisément au mésusage d’une prise en charge
aidante, où le langage attribué au corps brouille les pistes. La qualité de la formation
est un garde-fou essentiel, l’éthique des personnes, une composante fondamentale de
la professionnalité d’une intervention et l’institution publique, une garantie d’un cadre
légitime de prise en charge. Le sens commun est également péjoratif dans l’acception
qu’il destine à l’expression « c’est psychologique », autrement dit, ce n’est pas sérieux
ou ce n’est pas viril. L’étiquetage « c’est psy » a tendance à classer l’affaire. Seul le
sérieux d’une réponse peut y faire face.
On confond quand même bien trop souvent le bon sens et la psychologie, comme
on peut le faire entre vitesse et précipitation, or l’un n’est pas la caution de l’autre.
Chercher la confirmation argumentée d’un jugement hâtif issu d’une perception
ne peut être confondu avec la confrontation d’un avis spécialisé sur une situation
avec des connaissances scientifiques et les associations idéiques qu’un professionnel
aguerri s’autorise dans une élaboration psychique. Dans un cas, quelques tableaux de
corrélations suffisent pour confirmer une « nosographie » psychologique, dans l’autre,
un travail de comparaison s’engage pour produire une analyse spécifique, nuancée et
pertinente. Il est certes admissible que la vie courante puisse se contenter d’à-peu-près,
elle n’a pas besoin de tout approfondir, encore que de bonnes bases soient d’une
gestion plus aisée, et la psychologie ne réclame pas une quête de la vérité absolue. La
réassurance procurée par une construction standard peut suffire à poursuivre chemin et
processus, quelle qu’en soit la véracité : j’ai vu ça, j’en déduis ça ; j’ai vécu ça, ça veut
dire ça. Après tout, une distribution de réponse ratisse large et il existe des propos qui,
même s’ils tombent à côté, n’en remplissent pas moins leur fonction et produisent des
effets complètement similaires à d’autres mieux ciblés. Une construction psychique,
donc sur-mesure, permet d’aller plus loin pour une équité qui constitue une clef de
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

sol, de celles qui fournissent le murmure d’un ton juste, résonnant au mieux chez les
protagonistes, car éloignée du « prêt-à-entendre » des connaissances et en écho avec
un raisonnement qui tient la note.
Le quiproquo est ténu et tient dans cette redondance du « fin psychologue ». Or
la personne fait preuve de finesse, le second terme intervient comme un pléonasme,
mais brouille l’identité d’un professionnel qui n’en demeure pas moins fin de surcroît.
La psychologie n’est pas seulement le service de « lénification » des confirmations
d’opinions que nous cherchons à faire en présence d’une personne ou d’une situation,
l’espace d’un instant, le premier, lors d’une saisie globale et immédiate. Il est
tellement plus rassurant de tendre à l’assimilation des deux sens du mot en instituant
un continuum entre la saisie perceptive et la saisie compréhensive. L’impression

11
Les fondements

retirée ou la réponse attrapée, qui mêle intuition et insight, à la rencontre d’une


1. La spécificité d’une approche psychologique

personne ou au questionnement d’une situation, constitue un phénomène naturel.


Si celui-ci relève bien de la psychologie, celle-ci ne s’arrête pas là et il n’est pas
possible de lui confier ce seul rôle de décrypteur. Elle est d’ailleurs beaucoup plus
volontiers « dé-cryptrice », elle déchiffre moins qu’elle ne fait sortir de l’ombre
quelques représentations. Il est normal de définir des règles, de chercher à comprendre
des mécanismes du fonctionnement mental qui ont d’ailleurs été les premiers à être
définis comme psychologiques lorsque la science s’en est emparée pour les étudier.
Il est moins légitime de ne pas appréhender l’après-coup, la rupture qui aide à un
ressaisissement, la réflexion à l’origine d’une analyse sérieuse.
Tout le monde est concerné par le développement des relations humaines, que
l’on en fasse un métier pour rechercher une compréhension des changements ou de
l’action sur l’environnement ou encore une curiosité. Lors de la première option,
le montant du salaire conduit à se demander pourquoi tant d’années d’études pour
apporter un éclairage aux relations. Cependant, le sens des conduites humaines
et la capacité d’écoute et de compréhension, essentiels à chacun et présents chez
tous, ne suffisent pas à prendre en compte les facteurs psychologiques d’un vécu
complexe, celui de l’enfant en situation scolaire et/ou familiale ou celui de l’adulte
en situation de travail et/ou de maladie, ainsi que des interrogations qui en découlent,
relatives aux dimensions psychologiques essentielles. Un avis spécialisé est donc
bien utile. La psychologie est une discipline en phase avec les changements de notre
société, le psychologue est d’ailleurs susceptible de les accompagner pour y faire
face, mais aussi en retrait, sur le côté, pour préserver un espace aux personnes devant
un bouleversement ou une pression. Une meilleure compréhension de soi va aider,
le psychologue rend ce service. La psychologie étudie certes la conduite humaine,
mais moins l’action que l’interaction des conduites, et se conjugue à la première
personne de la psychanalyse, au tutoiement de l’humanisme et à la troisième personne
du cognitivisme. En conceptualisant l’individu dans sa réalité sociale et son évolution
historique, la psychologie s’est éloignée de la philosophie tout en conservant son
doute, mais devant le paroxysme de la foi actuelle dans la science, elle en dessine une
nouvelle configuration, scientifique dans sa démarche, mais également intellectuelle.
Les disciplines se mêlent en « grandissant » ensemble, mais elles méritent néanmoins
d’être bien distinguées : la philosophie, la psychanalyse, la psychologie, la médecine
et au sein de celle-ci, particulièrement la psychiatrie, même si cette dernière, tout
comme la psychologie d’ailleurs, ne serait pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui sans
la psychanalyse.
Tout le monde est psychologue puisque chacun interprète ce qu’il voit et entend
par des commentaires à inscrire sur une échelle inversement proportionnelle entre

12
Les fondements

connaissance et projection, cette dernière venant en lieu et place d’un savoir reconnu

1. La spécificité d’une approche psychologique


puisqu’il s’agit alors d’un savoir méconnu. C’est le psychologue, formé à l’université
à se distancier de ce qu’il voit et entend, qu’on lui parle avec insistance d’objectivité
ou de contre-transfert, qui est le plus à même de disposer de connaissances validées par
le monde scientifique. Celles-ci n’en préfigurent pas moins une fonction de supposé
savoir qui a des effets. Ce prêt ou cet accès aux connaissances peut conduire à une
perception du psychologue comme intrusif et produire chez les personnes une frayeur
ou un effroi. Ce professionnel est alors vu comme celui qui perçoit à l’insu des
personnes, possédant ainsi une connaissance ignorée ou discriminant un savoir dont
on se méfie par nature. Ce supposé savoir se figure également sous les traits d’une
toute-puissance de la pensée et la façon d’y répondre génère une distinction essentielle
entre la manipulation mentale et l’intervention psychologique.
Ce qui distingue les adeptes du sens commun et les professionnels de la psychologie,
c’est bien une méthodologie d’approche des problèmes. Il est toujours surprenant
que la vocation soit aussi rapidement admise comme un bien-fondé, retrouvant en
cela l’amalgame toujours présent entre information et connaissance, comme si l’on
devenait avocat en lisant le Code pénal. L’accès à la connaissance est comme une
poussée alors que celui à l’information est une ouverture. Le psychologue est bien
un des premiers à savoir combien la sémantique est redoutable et l’importance du
sens des mots, fondamentale. Nous pourrons toujours nous étonner qu’un mot comme
« affection » désigne à la fois un lien puissant et une maladie, mais les mystères de
la parole ne sont pas si abscons si on laisse des professionnels formés s’en saisir. Or,
l’aspiration à devenir psychologue est trop souvent une attraction « dyssayante » et
certains courants ne manquent pas d’air dans les flux d’informations circulants.

 Les « ni-ni » sont bien gentils


 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Le grand horizon susceptible de se confondre et de se répandre en quiproquos


concerne les usagers. Pourtant, le champ de la santé est celui dans lequel le psychologue
est le mieux repéré : il ne prescrit pas, mais on peut lui parler et il est plus facile
d’accès que le psychiatre d’autant que « je ne suis pas fou, j’ai juste besoin de
parler de mes problèmes ». L’image d’Épinal le repère également plus aisément du
côté du soin écologique, mais la confusion apparaît avec l’ambiguïté entretenue par
des psychothérapeutes entre le normal et le pathologique. Le premier brouillage
apparaît dès que l’on dit « c’est psychologique » : non seulement personne n’entend
la même chose, mais tout le monde revendique légitimement ce « diagnostic ». Les
psychologues, eux, rament pour vulgariser ce qu’ils mettent tant d’années à intégrer,
ce dont on ne peut leur porter grief.

13
Les fondements

Pourtant, la « psychologie du personnage » n’a pas toujours grand-chose à voir


1. La spécificité d’une approche psychologique

avec sa personnalité, mais beaucoup avec son identité. La psychologie d’une œuvre
ou d’un paysage devient une métaphore identitaire encombrante. Les caractéristiques
identitaires d’une personnalité mettent l’accent sur l’image, c’est à travers elle que la
psychologie du quotidien surgit. Elle est alors tronquée et dévoyée comme l’usage de la
« guerre psychologique » qui est également péjorative en ce qui concerne cette dernière.
Elle est basée sur la rumeur et s’appuie initialement sur la crédulité captive d’une
population qui réagit aux ordres, privée des moyens d’une vérification des informations.
Cette utilisation du vraisemblable dans la description de phénomènes, collectifs pour la
guerre psychologique, ou individuels pour la psychologie du personnage, reste nuisible
à la psychologie par l’assimilation réalisée et la confusion engendrée en l’absence d’un
point de vue fictionnel. Les policiers qui ne se retrouvent pas dans les représentations
qui les figurent dans des films ou des romans, admettent néanmoins le dédoublement
d’une distance de création. Son utilité n’en profite pas moins à des secteurs comme la
publicité, les études de marché ou la politique, mais la communication n’est qu’un
aspect des ressources humaines. Il se trouve que cette dimension est fréquemment
suspecte dans l’usage que l’on en fait, notamment en entreprise. Cette communication
cosmétique revêt des vertus dissimulatrices au service d’un management « souché »
dans la peur qui ne correspond pas aux valeurs défendues par des psychologues.
En revanche, la rumeur demeure un phénomène des plus intéressants à étudier,
particulièrement par la fonction de contrepouvoir que revêt ce média le plus vieux du
monde.
Le partage de cette discipline et l’ubiquité des disciples n’aident pas au repérage
du bon grain d’autant plus que l’ivraie porte à la défensive. Comment distinguer bon
sens, intuition et mauvais présage, repérer les conseils avisés et avis professionnels
et puis où s’adresser ? Nous sommes tentés par la comparaison alimentaire : tout
le monde consomme de la psychologie comme des aliments, mais la qualité de vie
fait la longévité. Aux difficultés de choix d’un professionnel et de son orientation,
liées à une information claire et loyale, s’ajoute celle d’une résistance à engager un
travail pénible de sauvegarde. Il n’est pas facile de travailler sur soi et ses difficultés,
y compris avec l’aide de quelqu’un, et penser qu’il suffit de pleurer ou d’évacuer des
miasmes de l’esprit pour aller mieux est une duperie. Nous sommes ainsi amenés au
constat qu’une élaboration psychologique d’origine psychanalytique, quand elle est
digne de ce nom, est de plus en plus réservée à une élite prête à produire les efforts
soutenus nécessaires. La psychologie de monsieur tout le monde devrait entretenir
avec la psychologie professionnelle des rapports similaires aux liens que peuvent
nouer l’astrologie et l’astronomie, mais la centration sur l’homme en fait un obstacle
majeur.

14
Les fondements

Il n’est déjà pas aisé de se rendre chez un psychologue, la vulnérabilité peut nous

1. La spécificité d’une approche psychologique


conseiller une surséance. À quel moment y aller, faut-il attendre d’être prêt ? Non
seulement chacun juge avec ses facultés brouillées par la souffrance ou la pression
sociale, mais il se présente tant d’alternatives souvent plus accessibles qu’il n’est pas
facile de se décider. Si l’on écarte les recours aux ami(e)s, aux membres du club de
loisir ou de l’association de parents qui sont autant d’échappées belles, il existe un
autre type de miroir aux alouettes, le psychothérapeute formé sur le tas. Il est fort
d’une expérience, comme si certaines personnes pouvaient en être dépourvues, surtout
d’une expérience singulière, ici aussi très répandue, mais particulièrement de sortie
de galère. Toute sa motivation va se trouver concentrée sur cet événement qui oriente
désormais une vie professionnelle : il est expert en expérience car il dirige sa vie. Il
ne va pas tarder à se revendiquer de pouvoir venir en aide aux autres, les apaiser, les
soigner et plus si affinités.
Des personnes plus ou moins formées à la psychologie vont ainsi faire écran
entre l’usager et le psychologue, entre psychologie du sens commun et psychologie
scientifique, prenant la seconde en otage au nom de la première. Ces professionnels ne
sont ni psychiatres, ni psychologues, ils sont appelés les « ni-ni » pour cette raison. Ils
peuvent être bien gentils, c’est-à-dire pas forcément manipulateurs, et même souvent
plein de bonne volonté. Leur culture est tronquée car quelques week-ends par an
de formation ne peuvent suffire à se défaire de l’idée que pratiquer la psychologie,
c’est cultiver le bon sens, et qu’écouter, voire répéter en reformulant, permet de
diminuer la souffrance des personnes accueillies avec force coussins et mouchoirs.
Ils sont susceptibles de ne pas nuire, mais ils sont également leurrés par une carrière
exclusivement issue d’une activité libérale puisqu’ils ne disposent pas d’une formation
leur permettant d’intégrer une structure de soins publique. Or la souffrance liée à
une pathologie se trouve criée entre les murs de cette dernière et la confrontation à
celle-ci fournit au psychologue une épaisseur à son expérience professionnelle qui la
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

rend consistante. Le « ni-ni » se trouve ainsi confronté à un refus de soins orthodoxes,


amené alors à confirmer une opposition au système de soins classique, ou à un malaise
existentiel. Il est d’ailleurs tenté de tout ramener à ce dernier.
Croire que se rendre disponible avec de bons sentiments pourrait suffire pour exercer
la psychologie est une grande fourberie, car non seulement l’homme est doté d’une
complexité psychique, mais également d’une mobilité tout aussi psychique. L’individu
n’est pas que fragile avec des contradictions, il est à découvrir et à envelopper. Il
ne suscite pas que conflits et interrogations, il génère des incertitudes. L’exploration
du psychisme, ou plus prosaïquement des comportements et des conduites, se doit
d’offrir une analyse de l’inscription historique des troubles rencontrés et des moyens
de les transformer. Les attentes sociales peuvent être traitées de surcroît dans la mesure

15
Les fondements

où permettre à un sujet de se découvrir et de découvrir ses capacités mentales et


1. La spécificité d’une approche psychologique

psychiques est susceptible de l’amener à pouvoir répondre au socius. L’écoute et


l’entretien, y compris avec leur emphase de Jourdain, restent les procédés de l’étude
approfondie des situations de tous les secteurs de la conduite humaine, adaptée ou
non, mais nécessitent les prérequis d’une science appliquée. Une vigilance demeure
pour ne pas transmettre une « paradiscipline » particulièrement à l’endroit où advient
une culture là où une médicalisation échoue, advient une fiction là où une science est
refusée, advient un imaginaire scientifique là où un corpus scientifique ne prend pas
place. Il s’agit d’éviter ce qu’Octave Mannoni appelle un commencement qui n’en
finit pas.

 De l’usage suffisamment bon de la psychologie


Le cursus d’un professionnel est le garant fondamental de la spécificité d’une
approche. Reste qu’en psychologie, il n’est pas suffisant et doit être conforté de
l’assurance d’un usage non défaillant de la méthode enseignée, de la clinique rencontrée
et de la théorie offerte. Celle-ci fait régulièrement l’objet d’explosions au sein des
communautés de la discipline et l’on parle de scissions, mais elle est également
susceptible d’implosion ou tout du moins d’effet néfaste à retardement quand elle se
retrouve entre des mains inexpérimentées et des cerveaux déformés. Nous dirons que
le psychologue est un professionnel de la pensée, nous pouvons déjà avancer que des
personnes issues d’autres disciplines se mettent en position de faussaire de la pensée
en s’octroyant des parcelles de connaissances sans droit à l’usufruit. Il en est ainsi
spécifiquement du phénomène des souvenirs induits.
Ces derniers peuvent s’ancrer dans le terreau de la technique active de Sandor
Ferenczi, par exemple en oubliant la précaution première qu’il en donnait. Non
seulement il avertit des dangers des aménagements du cadre, rappelle que son travail
est un artifice technique destiné à contourner les difficultés, mais il revient avec vigueur
sur le rôle essentiel du fantasme dans le fonctionnement psychique. Ainsi, des auteurs
sont interprétés à contresens ou suivis dans un épisode transitoire de leur évolution
d’autant plus aisément qu’ils sont pointus sur des questions actuelles. Pour reprendre
cette référence à sieur Sandor pour toute personne attachée à l’approche corporelle,
l’idée du souvenir traumatisant d’une séduction effective est une question sensible
pour repérer le moment d’une répétition ou non, traumatique ou non et le statut de la
vérité en psychanalyse ou bien le juste dosage du silence de l’analyste. Cet « enfant
terrible » est déjà critiqué au sein de sa communauté, au moment où il est en position
de (re)découvrir le trajet freudien, par rapport à la crainte d’un retour de la suggestion
et de la séduction que la psychanalyse s’était donnée tant de mal à dépoussiérer, qu’il
n’est pas utile de donner du grain à moudre à des infiltrés et/ou des incultes par une

16
Les fondements

transparence des débats internes à une profession. Des précautions légitimes sont ainsi

1. La spécificité d’une approche psychologique


elles-mêmes dévoyées à la fois par des autodidactes qui s’emparent de notions qu’ils
ne maîtrisent pas et des professionnels qui se leurrent dans une spécialisation : à ne
s’occuper que de victimes d’abus sexuels, il y a de fortes probabilités pour que l’on ne
soit amené à ne rechercher qu’un type restreint de traumatismes. Cette place centrale
faite tant au fantasme qu’au jeu transféro-contre-transférentiel est mise en difficulté
par ce phénomène récent, dont on ne s’étonnera pas de l’origine états-unienne, les faux
souvenirs, que nous préférons appeler avec Delphine Guérard les souvenirs induits.
Ce phénomène est complexe et présente des distorsions qui brouillent les praticiens
entre eux, générant ainsi des difficultés supplémentaires à la préoccupation unitaire
de la discipline, mais l’enjeu essentiel reste la formation. La démonstration de son
utilité est ici pointée par son absence en creux, sa solidité avérée tant le manque est
crucial dans ses conséquences ravageuses. Les psychothérapies sont déjà un champ
d’investigation propice aux dérives par la compatibilité relative entre des résultats
satisfaisants, des démonstrations scientifiques et des politiques de santé hétérogènes.
Les méthodes et les thérapeutes soupçonnés interrogent les bases mêmes de la
psychothérapie et leur transmission. Au décours d’une psychothérapie, surgissent des
souvenirs d’inceste et des accusations génératrices de drames familiaux. Ils mettent
particulièrement l’accent sur la nécessité pour les professionnels d’être formés pour
prendre en charge les personnes en détresse. Le syndrome des faux souvenirs induits
met en évidence le manque de formation de psychothérapeutes, amenés à prendre au
pied de la lettre les plaintes des personnes, à encourager des scénarios de maltraitance,
à ignorer le fonctionnement de la mémoire et le rôle des souvenirs. Une autre
caractéristique essentielle est de demeurer fascinés par les souvenirs des personnes
qui viennent les voir, celles-ci étant séduites par un savoir prêt-à-porter et prêt-à-dire.
L’amalgame opéré entre décryptage et lecture intuitive conduit à un mépris du sujet
et à une « obération » des fantasmes des personnes, raptus falsificateur de l’intégrité
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

psychique des individus. Il peut s’agir également d’une compensation personnelle par
la génération de drames familiaux à travers ces accusations d’inceste envers des pères
qui ne les ont pas commis. Ces « psychodérapeutes » nous présentent les souvenirs
induits comme une manifestation majeure, voire qui constitue le soubassement d’une
démonstration d’un exercice illégal de la psychologie de notre point de vue, une
véritable contrefaçon de l’objet de la psychologie particulièrement éloignée d’un effet
placebo.
Les psychologues doivent rester prudents sur l’attrait de la mouvance des thérapies
corporelles susceptibles de les emporter sur les vagues du new age, bercé par cet
Eldorado d’un corps qui ne ment pas. La tentation de l’exemption du corps médical
pour une approche positiviste doit conduire à une réflexion. Les sirènes du « champ »

17
Les fondements

du développement personnel, en s’appuyant plus sur les solutions que sur les problèmes,
1. La spécificité d’une approche psychologique

font écho à l’éducation et rééducation corporelles en retrait du « chant » médical. Le


développement personnel tourne le dos à une approche psychothérapique et au passé
pour s’orienter vers l’avenir à partir de projets et non de symptômes. Les professionnels
les plus sérieux écartent d’ailleurs les cas cliniques de leurs stages pour finalement
ne recevoir que des personnes bien portantes. Ces dernières ont évidemment besoin
d’être aidées et éclairées pour mobiliser des ressources, actualiser un potentiel et ainsi
se réaliser. Relaxation et techniques corporelles sont particulièrement indiquées et le
psychologue peut être amené à choisir des références théoriques comme Abraham
Maslow, Carl Rogers, Wilhelm Reich ou Stanislav Grof, mais il ne doit pas pour autant
s’étourdir du sempiternel « nous n’utilisons que 10 % de notre potentiel cérébral ».
Ces références latérales le sont beaucoup par les psychologues originaires d’un champ
autre que la santé et qui sont amenés à s’intéresser à celui-ci. Voisin de cette mouvance,
un autre nom mérite d’être cité justement parce qu’il se trouve en position de paria
de l’université et ainsi caractéristique d’un enseignement privé, sans que l’on daigne
préciser de quoi : Carl Gustav Jung. Le mépris qu’il engendre, la souillure qu’il draine
diront certains, sont fortement liés à l’usage trop aisément diaphane et profane qu’il
est possible de faire de la psychologie. La centralité occupée par la place réservée aux
mythes joue comme un leurre dans la fonction que l’on souhaiterait leur voir attribuer
d’ailleurs. La concentration de mécanismes défensifs figurant dans leur usage et le
manque contigu d’analyse sérieuse contribuent au discrédit d’une approche originale.
La trop grande assimilation entre la formation et l’information, entretenue
particulièrement par les médias, contribue à la croyance d’une psychologie qui
n’a pas besoin de s’apprendre. Or l’accès à la connaissance ne fournit pas son
mode d’emploi, ni n’autorise à s’autoproclamer, y compris quand l’utilité devient
probante : un permis de conduire n’est pas un brevet de mécanicien. À l’inverse, une
formation, interminable par définition en psychologie, reste crédible en l’absence
d’une contribution à chacune des expériences de la vie. En effet, il n’est pas nécessaire
d’être parent pour comprendre un enfant, même si cela peut aider, ni d’être pauvre pour
comprendre la misère : c’est l’empathie, l’indice pensable à travailler et développer
un travail sur soi, qui constitue le critère majeur pour affûter celui-ci. Au centre est
la relation, c’est elle qui demeure à analyser, et une analyse à demeure de ses aléas
notre préoccupation. Ils sont systématiquement particuliers et la caractéristique de
cette relation est qu’elle est adressée. L’agilité de son maniement est contrainte par
la personnalisation du contexte, c’est d’ailleurs ce qui fait du psychologue un piètre
communiquant : l’anonymat réclame un autre type d’apprentissage.

18
Les fondements

 L’engagement social et scientifique du psychologue

1. La spécificité d’une approche psychologique


Le trépied praxique sur lequel repose l’exercice de la psychologie est constitué d’une
autonomie technique, d’une responsabilité éthique et d’un engagement institutionnel.
La première est à distinguer du désir d’indépendance, mais se montre farouchement
non négociable, tant l’enjeu d’une liberté reconnue d’emblée constitue un préalable à
toute activité. La responsabilité éthique d’une clinique est l’obligation des moyens
à mettre en œuvre pour qu’un vécu soit mis au travail, qu’il s’agisse du soucieux,
de l’insupportable, du malaisé ou de l’intolérable ; comme l’on peut mettre au
travail le rêve par les mécanismes qu’on lui reconnaît (condensation, déplacement...),
c’est-à-dire en s’abstenant surtout de prendre le rêve ou le vécu comme un signe
ou une création, et encore moins comme le signe d’un mystère. L’étude du vécu
doit être prise et entreprise comme un modèle d’élaboration et de perlaboration des
figures primordiales pour l’individu, le couple ou le groupe restreint. L’engagement
dans le jeu à maintenir dans l’articulation entre du psychique et du social, deux
dimensions irréductibles, fait du psychologue un professionnel de la citoyenneté
soucieux de la protection des plus faibles et d’une amélioration de nos institutions.
Notre connaissance des individus et des organisations constitue la première marche de
cet engagement. Dans cette perspective, nous pouvons admettre que la psychanalyse
fait partie de la psychologie dans les dimensions affective et relationnelle qu’elle laisse
investir, la psychologie y ajoutant un rapport au social que la psychanalyse néglige.
Un psychanalyste ne délivrera jamais une attestation, par exemple. Nous reviendrons
sur l’ingénierie psychosociale essentielle à l’exercice de la fonction du psychologue.
La place idoine de chacun dans une société s’entend par la distinction équitable
et fonctionnelle des aptitudes hier, des compétences aujourd’hui, et du sens attribué
en fonction du contexte personnel et social. La psychologie peut y apparaître comme
un précieux instrument d’organisation scientifique du travail et de justice sociale,
condition d’une prospérité. L’instrument utile va en être le test, que l’on élève en
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

batterie au rang de traceur du profil psychologique des personnes par sa standardisation.


La fonction régulatrice attendue doit jouer gagnant-gagnant : moins de souffrance
et plus d’argent, moins d’accident et plus de temps. L’épanouissement est au bout
du sentier si les indications de moyens pour développer des capacités repérées sont
suivies. L’adéquation de la personne en situation de travail – on ne dit plus travailleur
– à son emploi, par le diagnostic des aptitudes professionnelles, n’est pas la seule
préoccupation du psychologue, chargé également de l’étude des conditions de travail,
de la communication interne et de la critique institutionnelle pour désaliéner la
personne de son organisation.
Ce spécialiste des relations humaines se charge de la circulation de l’information, de
la facilitation des échanges et régule parfois leurs aléas par élucidation ou conciliation,

19
Les fondements

sauf quand il abuse du jargon, préfère la discrétion et renonce à cette fonction de


1. La spécificité d’une approche psychologique

facilitation de la communication interne entre les membres d’une équipe. S’il n’intègre
pas une tour d’ivoire et s’il est sollicité, son ouverture sera mise à profit pour former du
personnel sur la conduite et la relation et/ou superviser les conduites professionnelles
et relations institutionnelles. Il est également fréquent de demander au psychologue de
participer ou d’admettre de nouvelles recrues d’un établissement ou de les accueillir
dès l’admission prononcée. Il est ainsi désigné pour participer à l’édification d’une
microsociété la plus juste et la plus humaine possible dans laquelle chacun trouve
une place qui lui convienne et la satisfaction de ses besoins. La façon de s’y prendre,
adapter l’homme à son environnement ou le contraire, peut déchaîner des passions et
aliéner des discours : le psychologue est-il cet agent de l’ordre établi, « peaulissant »
la machinerie sociale ou un agent subversif qui distribue du sens, lève les obstacles à
la compréhension des individus et aux échanges entre les groupes ?
Il est produit d’un univers planifié tant qu’il est payé pour faire un travail et il
n’est pas le seul dans ce cas, mais dans sa fonction, l’enjeu chatouille les rouages
de la civilisation. Sa réputation de testeur l’a assigné un peu vite comme obstacle à
la liberté d’expression du désir. Or le psychologue est de gauche, c’est estampillé
sur son identité d’Épinal. Il a répété avec fierté qu’il n’aimait pas les mathématiques
pendant son enfance et il ne peut endosser cet office de policier des mœurs, c’est
offenser ses convictions. Il y a ainsi méprise sur son rôle de réalisateur des ressources
psychologiques des individus et des groupes, il est surtout surface projective d’obstacles
et d’aléas de la vie qui agissent comme des scotomes et des points aveugles. Il n’en
est pas moins un acteur judicieux du progrès et de l’évolution de la société. Celle-ci
serait pertinemment adroite de lui octroyer une place de choix pour son expertise utile
et son aide à la décision décisive. Sa propre aliénation est souvent le souci premier du
psychologue qui ne répare, ni ne soulage, mais amène l’individu à assumer pleinement
sa condition et à devenir libre et heureux. Il est ce miroir qui amène l’autre à réfléchir
sur ses problèmes. Il est « agent du changement individuel et social » comme nous
disait Didier Anzieu, catalyseur questionnant, mais soupçonné de vouloir normaliser
les comportements, il traque alors les fantasmes associés trop vigoureusement au
ternissement de son image et réfute tout conseil et recette.
Tenir une place décalée par l’attitude qui consiste à analyser des situations ne
sera jamais facile d’autant que cette prise de recul est susceptible de laisser penser
que l’on peut se situer à la traîne dans une société qui se presse de plus en plus et
où l’on est pressée par différentes contraintes. Le psychologue doit néanmoins, et
c’est ce qui rend sa position d’entre-deux constamment délicate, se résoudre à un
minimum d’engagement dans son action. Non seulement le patient n’est plus dans son
lit par une politique de soins ambulatoires, mais les nouvelles formes de souffrance

20
Les fondements

amènent à le suivre dans divers lieux, y compris dans la rue. L’approche clinique,

1. La spécificité d’une approche psychologique


qu’il s’agisse de soins, d’éducation ou de gestion, en devient élastique à suivre une
personne ou un groupe, et la rencontre singulière nécessite d’activer l’action de cette
approche. L’intervention du psychologue, y compris dans le secteur médico-social,
en devient plus gestionnaire des ressources humaines. La résolution de problèmes
en groupe autour d’un cas, appelée bien souvent synthèse, et la supervision des
personnels, notamment éducatif et technique, dans leur pratique auprès de personnes
vulnérables mais dont les difficultés dépassent leur entendement ou leur formation
initiale, sont considérées de plus en plus comme des démarches de formation continue.
Le psychologue devient sans ambiguïté un cadre sollicité sur des fonctions de
ressources humaines. Ceci d’autant plus aisément que la restriction de moyens et la
démographie des psychiatres conduisent des établissements à préférer un médecin
spécialiste pédiatre ou de rééducation fonctionnelle pour couvrir l’approche médicale
à côté du psychologue pour cerner la dimension psychologique des événements et des
situations.
La disponibilité est neutralité et devient plus contractuelle que bienveillante tant ce
caractère est marqué par le mystère d’antan du psychologue silencieux alors que la
prudence et la réserve se mettent également en mots ou peuvent se fondre dans le bruit
d’une convivialité. Or la mise à distance se dispense du légendaire silence anti-complice
dont le psychologue s’est vu trop longtemps affublé. C’est particulièrement lors des
premiers entretiens qu’une réserve prend garde à soutenir une demande, évaluer une
faculté de travail et une ambivalence, tant qu’une contractualisation ne s’établit pas
pleinement. Une prudence mesurée n’est cependant pas sans mots. Ce vestige est
d’autant plus à enterrer que les personnes pouvaient venir rencontrer une « oreille »
susceptible de rester silencieuse tandis qu’une « présence » répond beaucoup plus aux
attentes d’aujourd’hui et réclame de soutenir une demande, de valoriser l’expression
d’un monde interne, d’estimer les qualités du contact et du fonctionnement psychique.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Une personne vient souvent rencontrer une fonction avant de rencontrer une autre
personne qui est un acteur social. C’est dire qu’un jeune diplômé n’a pas à être
complexé de son âge face à l’expérience de vie des personnes qui viennent le consulter.
Devoir tenir une présence, être là, c’est-à-dire ne pas s’évaporer, ni se liquéfier, ni se
cristalliser. Même si la fonction est susceptible d’autoriser l’autre à se répandre, cette
position s’apprend car il faut être contenant quand l’autre vide « son sac » même s’il
ne vient pas seulement pour se soulager. Cette position humble est accompagnée d’un
entêtement à ne pas tout savoir, mais elle est couramment confondue avec une position
basse qui nous joue des tours et laisse le psychologue à la traîne des honneurs.
Le silence, l’obstruction et l’extrême confidentialité ne favorisent guère l’assise
d’une humilité productive. Le psychologue se place souvent en position paradoxale

21
Les fondements

et de mauvaise réputation en luttant contre une supposée puissance qui lui permet
1. La spécificité d’une approche psychologique

de rester « cotonné » dans un sentiment de toute-puissance. Or l’obstruction à une


transmission du savoir, ou une réticence au partage de données, ne confortent pas
l’éthique d’une confidentialité d’autant plus que la confrontation de ses connaissances
ne conduit pas directement à une position de gourou. La hantise du dérapage d’un
travail constamment co-construit, mais également l’ambivalence à l’égard du pouvoir,
amènent le psychologue à une réserve face à laquelle les membres d’une équipe
peuvent l’enfermer. Il est vrai qu’une position de chefferie permet de résoudre ce
paradoxe. Certes, les psychologues savent aussi depuis longtemps que le pouvoir
n’est pas de tout confort quand on l’occupe et peut même se montrer moins efficace,
mais le prix en vaut le jeu et l’enjeu le coût. Cette position éviterait la suspicion
sur les compétences des psychologues, réelles, mais faisant l’objet de méprises, de
mécompréhension et de mésusage de la part de collaborateurs.

2. De la spécificité à la légitimité :
définition d’une méthodologie d’approche

• Quelle spécificité ?
• Quelle place ?
• Un passage à l’acte ?
• Action ou interaction ?
• Que fait un(e) psychologue ?
• Ouverture

 Quelle spécificité ?
Entre le métier et la profession de foi, la psychologie assoit une place à part, elle
a aussi une position à défendre. L’intervention des psychologues est transverse à
de multiples secteurs d’activité, l’approche de la personne ou de l’organisation est
globale et les outils sont non spécifiques. La conduite d’entretien, la passation de tests,
l’écoute, l’observation, la formulation de conseils, la rédaction de questionnaires, pour
ne considérer que ces outils, ne constituent en rien l’apanage des psychologues. Ils font,
bien au contraire, l’objet d’un partage le plus large qui soit. Qui plus est, c’est toute la
discipline qui se répand entre les hommes : « nous sommes tous des psychologues ! »
Coiffeurs et secrétaires écoutent activement, médecins et journalistes font passer des
tests, infirmiers et policiers font des entretiens, femmes de ménage et ingénieurs

22
Les fondements

prodiguent des conseils, psychomotriciens et douaniers font de l’observation. Il s’agit

1. La spécificité d’une approche psychologique


en effet d’insister sur une formation, une méthodologie et une expérience acquises,
nécessaires à la définition de compétences qui passent par la connaissance fine du
travail dans lequel elles s’actualisent et d’exister par un statut et un cadre professionnels
donnés.
Quelle activité appartient en propre au psychologue, socialement repérable ? Les
tests, visiblement concrets ? Si le psychologue est indiscutablement l’acteur social le
plus pertinent sur cette question, non seulement pour en déterminer l’opportunité des
choix et la portée de l’analyse, mais aussi pour les construire et les valider, d’autres
professionnels s’arrogent la passation, quoi que puissent s’en défendre les éditeurs de
tests. Ce n’est pas une appellation contrôlée. Mais peut-on défendre à une personne
de se servir d’un tensiomètre avec ou sans opinion médicale et auto-diagnostic ou
d’une voiture même s’il n’est pas mécanicien ? La plus-value d’un psychologue va
bien au-delà de la passation d’un test. Une ombre surgit dans l’usage de l’évaluation
où les praticiens s’entendent mal sur les approches cliniques et expérimentales alors
que les enjeux d’une unification sont sous jacents et des stratégies gagnant-gagnant
possibles.
L’orientation et le conseil caractérisent l’activité du psychologue, avons-nous
entendu sur une radio publique, qui attribuait la prise en charge de la névrose au
psychanalyste et celle de la psychose au psychiatre. C’est un repérage minimaliste qui
ne peut satisfaire, mais évite de se fâcher même s’il est désolant et même si la visibilité
sociale s’en floute. À l’inverse, être ou ne pas être clinicien fâche et ne satisfait
pas alors que cette distinction commence à constituer un repérage auprès d’acteurs
sociaux. Des psychologues du travail revendiquent aussi de développer une clinique
tout comme des cognitivistes et des neuropsychologues. Aussi peu de discrimination
nuit dans une course au sujet, adopté ou adapté, osé ou « normosé », comme si
courir après la normativité entravait la personnalisation des modalités d’évaluation
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

et d’accompagnement. En revanche, il est fort probable de s’entendre sur ces deux


versants de l’activité du psychologue quoi qu’il fasse et où qu’il intervienne : il ou
elle évalue, il ou elle accompagne. Comme tous versants, ils s’étayent l’un l’autre,
mais n’obligent personne à s’exposer des deux côtés à la fois.
Le titre protège l’activité du psychologue, est-ce le seul espace d’autorisation à
exercer particulièrement lorsque l’embauche correspond à une fonction plus qu’à
un poste, la dévalorisation de la rémunération étant alors connexe ? La psychologie
est alors comme une fonction et celle-ci est mathématique, structurant questions
et réponses, mais les psychologues exercent une charge, remplissent une fonction.
Si le diagnostic psychopathologique, l’audit, la passation des tests, la conduite des
psychothérapies et des changements organisationnels se partagent aussi bien et avec

23
Les fondements

autant de concurrents, que fait le psychologue qui puisse le rendre essentiel à une
1. La spécificité d’une approche psychologique

régulation sociale ? Il pense plus qu’il ne panse, avec un e plus qu’avec un a, il prête
son psychisme et il analyse situation et comportement verbal et non verbal.
Autrement dit, écouter et analyser ne suffisent plus à définir un psychologue. Nous
pouvons être d’accord pour affubler ce professionnel de deux grandes caractéristiques
qui lui sont propres : l’analyse psychologique de la demande qui lui est faite et la
garantie d’une élaboration psychologique ou psychique des situations qui lui sont
confiées, mais est-ce suffisant ? La capacité d’élaboration du psychologue qu’il ou
qu’elle compose avec des connaissances acquises devient-elle aussi singulière pour
permettre à ce professionnel de se distinguer des autres ? Il est fondamental d’appliquer
à bon escient les méthodes d’analyse et particulièrement d’analyse du travail aux
fins d’explorer les confins de ce métier, mais aussi de repositionner l’ossature de
l’intervention psychologique par le maillage des compétences autour d’un noyau
commun pour enfin connaître ce qui relie un psychologue à un autre psychologue.
Définir un champ de compétences est essentiel pour cerner l’usage approprié qu’il
fait d’outils communs lui conférant cette place singulière dans le concert social d’une
vie économique, mais c’est aussi l’annonce d’un champ de bataille dans une guerre
des frontières avec des disciplines beaucoup plus fortement ancrées dans le paysage
intellectuel, économique et institutionnel. Elles sont connues pour un pillage étendu
de la psychologie et correspondent au repérage des trois grands secteurs d’intervention
dans lesquels le psychologue s’octroie une légitimité : la santé, l’éducation, le travail,
que l’INSEE va catégoriser en trois professions : « psychologues, psychanalystes et
psychothérapeutes non médecins » (3114), « psychologues spécialistes de l’orientation
scolaire et professionnelle » (3433) et « cadres spécialistes du recrutement et de la
formation » (3722). Chacun de ces trois secteurs est animé de disciplines qui ne
demandent qu’à empiéter sur le terrain de la psychologie quand elles ne s’emparent
pas du fruit de ses connaissances. La médecine dans le champ de la santé, la pédagogie
dans le champ de l’éducation et la gestion dans le champ du travail font obstruction au
plein épanouissement de la psychologie qui, en arrivant tardivement dans l’économie
et à l’université, rencontre des obstacles qui ne réduisent pas son éternelle dilution.
L’engagement social du psychologue est politique par le travail intellectuel
qu’il fournit. Les intellectuels sont toujours de gauche, nous rappellent volontiers
nos collègues neuropsychologues ! La latéralité se déplace car l’intellectualité du
psychologue n’est pas celle du producteur d’idées que l’on connaît, le psychologue
est surtout un « intellectuel d’en bas », car centré sur la vie personnelle, sociale ou
professionnelle. La subversion inhérente à sa posture, le sens critique que l’on attend
de son analyse le confine moins à une sorte de producteur d’avis au service de la liberté
des personnes qu’à une définition des conflits où se vit péniblement la domination

24
Les fondements

et où se forment révolte et espoir. La fonction essentielle du psychologue est de

1. La spécificité d’une approche psychologique


déranger les calculs, de « con-tester », y compris dans la perspective d’une meilleure
intégration sociale et adaptation personnelle. Trouble-fête sur la scène professionnelle
et sociale, à la fois bouffon et censeur, représentant d’un contrepouvoir par son travail
critique, parfois subversif, toujours de désengagement, parfois dissident, toujours en
phase avec la réalité, le psychologue doit tenir tête parfois, douter toujours. Rêveur
parasite parfois, gênant toujours, il n’est jamais dans la toute-puissance de la pensée.
Cependant, le psychologue comme gardien de l’ordre par cette remise en jachère
du désordre destinée à policer le désir, retrouve une contamination de l’injection
foucaldienne faite aux psychiatres. Or il n’y a pas lieu de jeter l’atmosphère sécuritaire
avec la gouvernance de l’individu à son insu. En revanche, le psychologue se doit
d’aller à contre-courant et persister à devenir l’élite à l’heure d’une diffusion très large
des connaissances et du fourvoiement de mécompréhensions.

 Quelle place ?
Le psychologue possède bien une expertise que lui confère une méthodologie
éprouvée qui rehausse l’usage d’outils communs, comme l’entretien ou l’observation.
Cette expertise est « déontologisée », mais ce professionnel n’est pas exposé à un
marché économique fermé. Pas d’inscription dans le Code de la santé qui ouvrirait à
un remboursement d’actes sur la base de la volonté de la Caisse nationale d’assurance
maladie. Il n’y a guère de segment de marché pour répondre à un potentiel aussi étendu
que celui de l’offre en psychologie, qui se retrouve d’ailleurs trop aisément retournée
automatiquement en une demande sociale, recto et verso étant alors confondus par
le manque de concrétisation des prestations supposées. La dimension préventive aux
inadaptations contribue à l’extension des applications en venant grossir le panier des
prestations possibles. Que la démarche soit utile ou de confort, la psychologie est
ainsi nécessaire dans tous les domaines où sont présentes des relations humaines,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

commerciales ou non. Les psychologues ont laissé dire cela ou l’ont encouragé.
Il est nécessaire de remarquer que l’intervention du psychologue durant les Trente
Glorieuses est une prestation que l’on offre. À tel point que cette gratuité l’empêche
d’apparaître dans des statistiques et des rapports d’activité jusqu’à l’assimiler à
un geste caritatif. Le choc pétrolier de 1973-74 est la secousse qui permet de se
rendre compte de cette aberration économique, mais, confortée par l’inscription d’une
dimension psychologique assimilée à un service public, elle continue sur son élan. La
libéralisation de l’offre prestataire pourrait autoriser une réinscription dans le tissu
social sans concessions éthiques sur une intervention d’un haut niveau d’analyse et de
production. Cependant, comme cette analyse concerne en premier lieu l’évolution de
la demande sociale, il est nécessaire de mettre en œuvre les moyens d’un choix entre la

25
Les fondements

demande actuelle totale, mais factice, et une demande probablement plus spécialisée,
1. La spécificité d’une approche psychologique

pas forcément en phase avec la spécialisation de l’actuelle offre. La spécialisation y


compris des cursus tend à discréditer une approche globale, garantie du discernement
d’un professionnel nécessairement en position d’une analyse pertinente qui ne peut
être biaisée par le petit bout de la lorgnette.
Ces professionnels ne peuvent certes être tenus responsables de la recomposition
des rôles sociaux contemporaine du déclin des institutions et de la fragilisation des
liens sociaux ou du mal-être grandissant déployé en société et qui conduisent à
expliquer la plus grande psychologisation des rapports sociaux. Ils ne peuvent que
témoigner de l’augmentation du nombre d’étudiants dans la discipline et de la fonction
« pompier » que l’on fait jouer au psychologue lors d’accidents et d’attentats. Mieux
organisés, ils pourraient cependant faire entendre leur réflexion et réagir. Le recours
au psychologue est ainsi constamment sollicité, mais fort souvent comme un vœu
pour ne pas dire comme un fantasme particulièrement maternel ou maternant, un peu
comme les valeurs éthiques peuvent être énoncées en préambule des grands discours
d’engagement et disparaître ensuite. La « pieuserie » des vœux ajoute d’ailleurs à
l’amalgame entre charité chrétienne et aide psychologique que la croyance en la
parole de l’autre « proximise » avec un petit ou un grand A. Cette polyvalence d’une
intervention psychologique susceptible de s’accrocher à toute situation rend imprécis
les contours de sa spécificité. L’extension d’un mandat qui transforme une offre, en
voulant créer un besoin, en un droit inaliénable – tout le monde doit être aidé quand
il en a besoin –, ne favorise guère l’unité d’une profession où l’application est alors
celle d’un onguent.
Cette reconnaissance politique de la psychologie à tout prix est un coup sur la
tête d’une praxis dont rien ne doit dépasser et est un coup dur pour le déploiement
de mesures protectrices de la profession. Le psychologue actuel est l’avaleur de ces
dépens car transformer le besoin en valeur côtoie parfois la démesure qui renforce
la fragilité de ces professionnels en position « individualistique », souvent solitaire,
rarement solidaire. Il ne s’agit pas de dénigrer cet éclatement patent depuis les années
1980 et la répartition tripartite du métier par l’INSEE dans ces mêmes années, mais
d’orienter autrement un avenir à la fragilité néanmoins radieuse parce que la force
est toujours en nous. Reste qu’il lui faut faire sa place et ce n’est pas le déficit en
curés, en psychiatres et en analystes, ni la recrudescence du mal-être et de la misère
sociale, qui suffisent à le légitimer. La tendance au développement des métiers de
l’indifférenciation à partir d’une situation autour de laquelle plusieurs professionnels
sont polyvalents et ne facilitent que la mise sur orbite d’une coordination (des
gestionnaires de cas au Québec), d’une chefferie ou d’une supervision comme moyen
de lutte contre le morcellement de modalités de prises en charge de plus en plus

26
Les fondements

spécialisées. Plus près de nous, la convention liée au plan Borloo prévoit que le

1. La spécificité d’une approche psychologique


psychologue n’intervienne qu’auprès des salariés et seulement ponctuellement auprès
des usagers. Les expériences de services de psychologues sont bien trop rares. Il
semble nécessaire de partir du principe que l’originalité du métier ne demande qu’à
s’exprimer, mais il semble tout aussi nécessaire de penser la singularité future.

 Un passage à l’acte ?
L’importance de la formation nous échappe parfois et ce sont les dérives des
psychothérapeutes non formés qui nous rappellent combien il est essentiel qu’elle soit
de haut niveau, un volume horaire conséquent sur plusieurs années étant la garantie
première d’une intervention utile, non nuisible. Quand une fascination métonymique
conduit au dévoiement de méthodes en prenant une partie de technique pour le tout
d’une approche, la priorité est de mettre l’accent sur le cadre avant de considérer toute
symptomatologie ou mal-être tant les dégâts en santé publique peuvent être prégnants.
Quand le fantasme domine, la psychologie régresse. Nous en arrivons à traquer
le psychologue et non la psychologie, omniprésente, toujours prête à combler un
déficit de connaissances ou de moyens, ce qui est particulièrement ostensible chez les
professionnels du sanitaire et du social, du diagnostic médical à la recherche d’emploi,
c’est-à-dire poursuivre le psychologue et son analyse y compris de la demande,
aussi bien individuelle que collective, dont nous savons bien qu’elle nécessite d’être
reformulée.
Comment n’a-t-on pu entamer la démonstration que l’impact d’une intervention
psychologique est plus rentable et meilleur marché qu’un autre type d’intervention ? Il
reste naturel d’être payé pour un travail, mais pas seulement en fin de mois, également
en retour d’une reconnaissance sociale publique. La démonstration intellectuelle ne
suffit pas, c’est un projet, une intention, l’apport économique direct ou différé passe
par des actes, mais des actes ou une activité ? Il existe des gros mots, le profit en est
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

un, d’ailleurs ne parle-t-on pas plutôt de retour sur investissement ? La rentabilité,


car l’efficacité ne suffit plus, se mesure à l’aune des alternatives à évaluer, mais
comment ces comparaisons sociales utiles peuvent-elles se faire et sur quel socle ?
Une prescription ? Une indication ? La première est a priori et non après coup et
semble configurer une relation qui alimente le mythe de la santé parfaite décrite
par Lucien Sfez1 en 1995, mais incarne une alternative écologique puissante quand
l’usage de la parole se substitue à la force de la molécule, estompe la distinction entre
traitement thérapeutique et traitement de confort et accentue le déplacement de la

1. Sfez L. (1995). La Santé parfaite. Critique d’une nouvelle utopie, Le Seuil.

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Les fondements

maladie vers la santé, du curatif vers le préventif. Le milieu de la santé lui-même,


1. La spécificité d’une approche psychologique

ainsi que le sommet, la Haute Autorité de santé, dénoncent la médecine de redondance


d’une course à l’acte contre-productive face à une codification en termes de missions.
L’économie est susceptible de nous proposer une aide pour l’évaluation de la
rentabilité des psychologues, il reste à la solliciter. De grands économistes ont détecté
l’importance de la confiance dans les résultats économiques d’un pays en travaillant
sur la mesure de l’immatériel. Après tout, l’on peut considérer que les psychologues
contribuent à la « mise en confiance » des personnes, mais aussi des groupes sociaux.
Cette approche nous semble intéressante, même si notre pays est mal placé, à voir
les derniers ouvrages sur le thème de la défiance sociale, et il nous faut l’explorer
cependant promptement.
Dans le parcours de soin du champ de la santé mentale dessiné par des collaborations
professionnelles, le psychologue est susceptible de proposer des solutions de prises
en charge avant qu’on ne les lui impose. Nous parlons d’un partenariat constructif
du parcours de soins qui ne peut revêtir les aspects d’une injonction. Une distinction
est de mise entre la psychothérapie, une fonction du psychologue, et le traitement
psychologique pour souligner la diversité des modalités de prises en charge. Nous
pensons également que le parcours de soins est à distinguer des modalités de
remboursement de l’activité du psychologue : si le financeur définit des règles,
il ne définit pas les conditions de collaboration. Plusieurs éléments du cadre de
l’activité du psychologue peuvent être examinés à cette occasion à partir de ses
spécificités : prestation, prestataire, indication, paiement et remboursement. La prise
en charge des victimes est privilégiée aux psychothérapies au long cours dans les
dispositifs similaires proposés et dans celui que nous envisageons l’espace d’un instant.
L’absence de bases réglementaires des consultations demeure. La demande sociale
actuelle privilégie une intervention psychologique courte, laissant à la personne la
liberté d’entreprendre une démarche psychothérapeutique plus longue, seule. Cette
attitude correspond aux attentes des psychologues qui reconnaissent au paiement des
vertus indispensables à un travail de qualité. Il reste cependant aberrant qu’aucune
facturation de l’activité de consultation du psychologue n’apparaisse nulle part ne
facilitant pas son accès par une prise en charge du transport par exemple, même si la
mission d’intérêt général du psychologue est tout à son honneur.
Le suivi psychologique pourrait ainsi prendre un nom distinct en fonction de son
nombre de séances : le soutien psychologique comprendrait moins de 10 séances, l’ac-
compagnement psychologique entre 10 et 20 séances, la psychothérapie intervenant
au-delà de 20 séances ou une année. Le contrôle du renouvellement d’une tranche
de 10 séances appartenant au psychologue, mais le passage d’un type de suivi à un
autre pouvant faire l’objet d’une prise en charge spécifique. En effet, le temps du

28
Les fondements

remaniement psychique est singulier, il ne peut être évalué d’emblée. Une information

1. La spécificité d’une approche psychologique


annuelle justifiant de la pérennité de la prestation serait alors envoyée au financeur
d’un remboursement partiel. Cette demande de remboursement se faisant à partir de
l’accord conjoint entre le psychologue et la personne. L’encadrement du diplôme
européen des psychologues venant régler la question de la formation professionnelle.
Comme celui-ci est soumis à un renouvellement conditionné par la justification d’une
formation continue, il est fort possible d’imaginer qu’une revalorisation tarifaire suive
les différentes tranches de ce renouvellement. En outre, ce diplôme présente l’avantage
de pouvoir mentionner deux des trois champs d’intervention du psychologue.
L’origine de l’indication peut être multiple par la diversité des acteurs présents lors
d’un parcours de soins. Elle ne peut s’effectuer sur prescription médicale puisque
le psychologue est professionnel de la santé, mais non professionnel de santé. Elle
est auto-prescription dans la mesure où le psychologue est expert sur ses outils et
indications. Si le diagnostic psychologique lui appartient, il ne peut lui être confié
le diagnostic médical. Le problème du diagnostic différentiel se pose, une demande
peut relever d’une symptomatologie psychique et/ou somatique. En conséquence, une
consultation médicale préalable, qui ne saurait donner lieu à une prescription ou à
un avis, est une protection du psychologue dégagé d’une part de sa responsabilité.
Le paiement doit être à hauteur du niveau d’études (master). Il doit faire l’objet
d’une réévaluation des bases actuelles. Celle-ci tient compte du tiers-temps accordé
dans les textes réglementaires. En effet, ce dernier a été accordé en compensation
d’un paiement. Il peut être demandé au psychologue de choisir entre deux options
pour une activité salariale. Les prestations soutien psychologique et accompagnement
psychologique ne pourraient se situer en dessous d’un seuil de 1 € la minute, soit
60 € de l’heure, une moitié restant à la charge de la personne, l’autre moitié pouvant
faire l’objet d’une prise en charge financière. Les conditions de ressources peuvent
moduler ces proportions ainsi que le statut, enfant ou adulte. Les personnes non
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

imposables et les enfants pouvant conserver un quart du prix à leur charge ou à celle
de la famille par exemple. Cette tarification est donc celle d’un psychologue débutant,
la progression pouvant être indexée sur le cadrage d’Europsy, à savoir tous les sept
ans et fort probablement tous les cinq ans à partir de l’été 2009, date du congrès de la
FEAP (Fédération Européenne des Associations de Psychologues) ou EFPA à Oslo.
La Sécurité sociale ne peut pas être l’organisme visé d’autant qu’actuellement se
développent des prises en charge par des mutuelles et des assurances, mais surtout
par une impossibilité structurelle : l’inscription dans le Code de la santé. Or, le
psychologue n’est pas un professionnel médical ou paramédical. De plus, la situation
des psychomotriciens nous montre que l’inscription dans ce code est une condition
nécessaire, mais non suffisante. La visibilité sociale est attendue, compatible avec

29
Les fondements

des remboursements privés, en venant fortifier la stabilité d’une image souvent floue
1. La spécificité d’une approche psychologique

d’une profession trop mal identifiée.

 Action ou interaction ?
L’autonomie des personnes est un objectif premier des psychologues, mais aussi
un écueil devant lequel se bousculent de nombreux mésusages. Prendre une norme
psychosociale comme tremplin suppose bien de la piétiner aux fins de s’en émanciper
car elle reste contre-productive par définition. De même, la compréhension de conduites
– solitude urbaine, souffrance au travail, crise du milieu de la vie –, en stabilisant
des modèles, ne doit pas produire derechef de nouvelles normes « conduictives ». Le
rapport à la norme est nécessairement à élucider dans un temps de cause-construction
et co-construction d’une expérience professionnelle. Le fantasme du « flicologue »
persiste alors que le rapport à la réalité que noue le psychologue est fondamentalement
plus embarrassant.
Notons à ce sujet que la psychologie ne prescrit pas la norme, elle est déjà
prescrite par l’organisation du travail pour certains, par les courbes de Gauss pour les
autres. Elle ramène encore moins les personnes à cette norme puisqu’elle part d’elle
pour une traçabilité de son éloignement. La fonction policière de la psychologie est
essentiellement fantasmagorique. Le terrain d’action du psychologue est bien celui
du hors normes, même s’il fait usage de référentiels pour recruter par exemple. Il
est au cœur de la description et de l’analyse de la nécessité de se singulariser et
de faire la démonstration que la vie se situe justement de l’autre côté de la norme,
qu’il s’agisse de santé ou d’identité, de prendre soin de la personne, de valoriser son
indépendance ou de conforter une reconnaissance. Il ne s’agit pas de nier la part
d’aliénation inhérente à toute activité professionnelle, mais de la circonscrire pour
pouvoir la travailler sous d’autres auspices. Répondre à l’autonomie des personnes par
celle du psychologue et son indépendance professionnelle ne doit pas constituer une
réponse du berger à la bergère, qui laisse filer l’indifférence, mais augure des marges
possibles d’action, même si l’autonomie est souvent réduite à ses aspects techniques
et l’indépendance confrontée à la légitimité des champs voisins. Reconnaître ses
propres dépendances reste l’audace nécessaire pour s’opposer à une influence et
une suggestion massives dans cette mise au travail de remaniement psychologique.
Le rôle émancipateur, thérapeutique de surcroît, éloigne le conseil et sa dimension
pédagogique ou s’en sert comme d’un détour car il est difficile et inutile de l’évincer
complètement.
La formation aussi répond d’une interaction nécessaire à la co-construction d’un
psychologue, car l’outil, c’est lui. L’inscription sociale du métier y est pourtant vague,
y compris et pour commencer par les étudiants qui vont s’inscrire par intérêt ou par

30
Les fondements

défaut, mais non pour apprendre un métier, encore moins par vocation. La mise en

1. La spécificité d’une approche psychologique


garde universitaire consiste à insister sur le caractère scientifique de la discipline
pour mieux heurter de plein fouet la quête personnelle de ces « adulescents » : mettre
l’accent sur les statistiques et la physiologie pour répondre à des conflits intrapsychique
ou relationnel reste dissuasif et nécessaire.
La reconnaissance légale d’une autonomie par la loi du 25 juillet 1985 implique
une responsabilité qui, tout comme l’autonomie d’ailleurs, se prend plus qu’elle
ne s’accorde. L’évolution de la problématique par un appui légaliste à l’expérience
conduit à cristalliser sur la responsabilité une part des enjeux de la profession. Elle
continue notamment à nous engager particulièrement avec l’institution auprès de
qui il est désormais nécessaire de penser avec ou malgré elle, plutôt que contre,
ou alors tout contre, d’une part la souffrance psychologique, des individus et des
organisations, d’autre part l’aliénation, toujours présente en « fond » sociétal. C’est
d’ailleurs pour cette raison que le psychologue doit « sortir du bois », expliciter ce
qu’il fait, nuancer les préceptes fondamentaux de sa praxis sans concéder pour autant
sur les valeurs qui la gouvernent. Or son goût pour le contrepouvoir l’entrave dans une
démarche de visibilité sociale. Nous aimerions que des psychologues soient présents
parmi les intellectuels français qui nourrissent les journaux nationaux, il apparaît
cependant difficile de se faire une place entre philosophes et médecins, psychanalystes
et sociologues.
Il en est ainsi notoirement de la frustration engendrée par une « réponse de
psychologue » qui ne semble pas avoir répondu à la question posée ou tout du moins
se trouve en décalage par rapport à l’attente suscitée. Il est régulièrement habillé de ce
costume critique et frileux. C’est certainement l’aspect le plus âpre contre lequel se
heurtent les personnes, clients ou usagers, alors qu’il s’agit pour le professionnel d’une
manifestation de l’observance de la garantie d’une co-construction « élaborantogène »,
autrement dit, d’un travail bien fait. Un de ceux qui se produit dans les règles de
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

l’art du respect de la personne dans sa dimension psychique, c’est-à-dire en veillant


particulièrement à ne pas émettre de parole aliénante dont elle ne pourrait pas disposer
à sa guise. Seulement, cette réponse, qui peut être considérée en suspend ou en
suspension, ne convient pas à quelqu’un qui cherche une réponse « prêt-à-panser »
et le surprend. Cette qualité de surprise qui aide à comprendre le bien-fondé de la
co-construction entretient le quiproquo chez une personne qui vient consommer de
la psychologie, « consumériser » un conseil et consumer son malaise. La méprise
peut surprendre en retour le psychologue, particulièrement s’il est jeune diplômé, qui
se trouve déçu de la réaction de son interlocuteur, alors qu’il était initialement ravi
d’avoir réussi à proposer une réponse interactive comme on lui a appris à bâtir, moitié
modelée, moitié modulée, et digne d’un professionnel qui met un point d’honneur à ne

31
Les fondements

pas entretenir la toute-puissance de son vis-à-vis et à se distinguer fondamentalement


1. La spécificité d’une approche psychologique

d’un gourou.
Cette réponse suffisamment bonne n’est pas plus la panacée que son pain quotidien
et le psychologue ne peut s’exonérer d’interprétations et de conseils, mais ces modalités
d’interventions émaillent sa pratique sans en constituer une posture. L’originalité
d’une telle attitude marginalise ce professionnel face à une demande sociale fervente
d’une rentabilité à court terme, jusques et y compris à transformer le cadre d’une
activité et appeler formation ce qui ce serait nommé supervision auparavant. Le
curseur du sur-mesure peut se déplacer en fonction de la rigueur d’une sollicitation
à tout percevoir comme des prestations évaluatives et des interventions ponctuelles.
Il est parfois bien délicat de faire entendre cette petite voix qui intervient à contre
chœur, car le psychologue est par nature réticent à s’emparer d’une position de
pouvoir établi, notamment parce cette place est un obstacle supplémentaire de cette
course à l’échalote anti-aliénante. L’un des critères marquants du déplacement de ce
curseur est le type d’interlocuteur, car il est plus aisé de se démarquer d’un surdosage
d’interprétations ou de conseils face à un individu que devant un groupe. Pour peu
que sa dynamique soit légère, le recours à la pédagogie et à la gestion en devient fort
légitime. La répartition d’une réponse « autonomiante » par le psychologue de santé
et de conseil par le psychologue du travail ne tient pas plus qu’une intervention de
soin pour le premier, de gestion pour le second et de pédagogie pour le psychologue
de l’éducation.

 Que fait un(e) psychologue ?


C’est à partir du trépied classique disciplinaire d’une théorie, d’une clinique
et d’une méthodologie que l’on peut lever le voile impudique des raisons pour
lesquelles le psychologue a bonne presse, mais fort mauvaise réputation. Le verbe de
la psychologie est éminemment social, il conduit la réinsertion, éconduit l’assertion,
consulte l’insertion, et insulte l’éviction. Il semble nécessaire pourtant de ne pas perdre
de vue qu’un repérage social opère des références savantes liées aux grands auteurs,
mais aussi des espaces institutionnels qui accueillent les pratiques. Le recours à la
théorie est organisateur, mais il remplit aussi une fonction défensive devant l’adversité
d’une clinique souvent violente. Entre pansement gastrique expérientiel et régulateur
du transit restitutif, la théorie occupe une place en tiers avec la méthodologie et la
clinique, mais ne doit pas obturer les canaux sensibles de l’empathie, ni toiser les
discours des disciplines voisines. Elle est organisatrice de l’expérience psychique au
sens fort que pouvait donner René Spitz à ses ancrages développementaux.
Définir l’intervention du psychologue comme celle d’un ingénieur de conduite, en
comportement ou « ingénieur social » pour reprendre l’expression de Paul Fraisse,

32
Les fondements

n’est pas une image péjorative pour ces cliniciens de toutes spécialités, mais elle

1. La spécificité d’une approche psychologique


l’est moins par métaphore libérale que par métonymie républicaine. Nous pouvons
ajouter : ingénieur psychosocial. Ne perdons pas de vue que la méthodologie de ce
cadre dans les secteurs d’activité où le vrai ingénieur intervient est d’autant plus
proche que la démarche scientifique leur est commune. Certaines images brouillent
la portée de métaphores, rappelons-nous en effet que l’intérêt pour le modèle de
l’ordinateur comme métaphore pour penser le cerveau est celui d’un temps dépassé,
même si les progrès de l’imagerie cérébrale prennent le relais, mais cette figure de
style, la métaphore, laisse parfois la place à celle de la métonymie. C’est surtout
la méthodologie de l’ingénieur qui est le facteur minimum commun à tous les
psychologues dispersés par ailleurs de par leur formation et la spécialisation de leur
exercice. Celui-ci trouve néanmoins la capacité à rassembler la diversité des pratiques
à partir d’une méthodologie unifiée que l’on pourrait qualifier de « rassembleresse ».
Le psychologue apparaît comme un ingénieur-technicien, quasiment obligé
d’intervenir de bout en bout d’un projet ou d’un accompagnement comme s’il
ne pouvait déléguer ou parce qu’il se retrouve isolé. Cette double dimension peut le
cantonner aux seuls aspects techniques de son approche originale lorsqu’il se heurte
à un environnement hostile ou inadéquat. Ainsi, à l’hôpital, l’accès direct empêché
à un colloque singulier par l’interposition malvenue ou mal justifiée d’un infirmier
ou d’un médecin, mais aussi l’octroi de la seule passation de tests de recrutement en
entreprise. Il est vrai également qu’une matière première comme la personne exige
des ménagements qui amènent à ce que la conduite du traitement d’une situation le
soit par un référent unique du début à la fin.
Si l’on admet l’aspect premier de l’ingénierie d’une intervention, il est nécessaire de
convenir qu’elle obéit à une démarche semblable quel que soit le champ d’application
du psychologue, qu’il ait affaire à un individu ou à un groupe restreint et quelle
que soit la technique privilégiée. La méthode est considérée comme caractéristique
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

de la démarche de gestion de la ressource humaine que celle-ci soit vulnérable ou


normale et ainsi plus vaste que la technique, toujours appliquée. Nous repérons
dans cette perspective plusieurs étapes dans lesquelles tout psychologue est censé
retrouver son activité d’ingénierie d’un processus psychosocial. Une configuration que
nous appelons « des quatre P » qui la composent pour problématisation, proposition,
protocolisation et psychosocialisation :

Méthodologie : la configuration des quatre P

• Problématisation, c’est-à-dire problématiser une situation : la penser comme base nécessaire à


une élaboration psychique qui amène à une proposition de réponse ou d’action psychosociale. Il ☞
33
Les fondements

☞ s’agit de faire un état des lieux pouvant aboutir à un diagnostic psychologique. Il s’agit également
1. La spécificité d’une approche psychologique

de rendre la situation suffisamment simple, et ainsi intelligible, pour permettre une comparaison
et dans le même temps rendre cette situation singulière en prenant en compte les éléments
du contexte qui conduiront à personnaliser une réponse. C’est l’histoire d’une personne ou de
ses aléas pour son orientation professionnelle ou une prise en charge thérapeutique. C’est le
répertoire des métiers et des fiches de poste d’une entreprise pour une gestion des carrières. Il
s’agit particulièrement de distinguer l’analyse de la situation, qu’elle soit individuelle ou celle d’un
dispositif, de l’analyse de la demande, qu’elle soit singulière ou institutionnelle.
• Proposition, c’est-à-dire être force de proposition : poser une hypothèse psychosociale ou proposer
un cadre psychosocial qui peut faire l’objet de négociation avec l’environnement, voire conduire
à une étude de faisabilité dans le cas d’un changement collectif. L’objectif visé est d’asseoir une
fonction contenante pour les personnes ou le groupe. Le travail psychique d’élaboration prend ici
toute sa dimension. La saisie, ce regard par l’écoute, conduit à une mise à l’épreuve de la pensée.
• Protocolisation, c’est-à-dire mettre en place un protocole psychosocial, qu’il soit processus ou
procédure : du plus précis au plus vaste selon la technique utilisée et la portée de l’articulation
entre réalité psychique et réalité sociale. Ce sont les caractéristiques d’un cadre de prise en soins
comme non-processus avec une rythmicité des séances, une durée et un tarif ou l’actualisation
d’un tableau de bord aux fins de contractualiser les 35 heures avec l’ensemble des salariés d’un
groupe.
• Psychosocialisation, c’est-à-dire être garant d’une analyse psychologique : qu’elle porte sur la
dimension transféro-contre-transférentielle d’une prise en charge à visée thérapeutique de surcroît
ou sur le suivi et les ajustements nécessaires à un projet organisationnel, elle comporte la
garantie d’une élaboration éthique et d’un retour d’informations aux acteurs concernés qui passent,
directement ou non, par une restitution écrite de résultats et/ou d’analyse. Elle est une restitution
éclairée qui remplit une fonction alpha du professionnel pour reprendre la terminologie de Wilfried
Ruprecht Bion et réalise une prise ou déprise de conscience témoin d’une élaboration jointe ou
conjointe. L’écrit du psychologue reprend d’ailleurs les étapes décrites qui ne sont que l’adaptation
d’une démarche rationnelle, voire scientifique, adaptée à l’exercice de ce professionnel aux terrains
d’intervention variés. Le rapport, l’article, l’expertise, la thèse sont autant d’écrits qui supportent la
même structure de construction.

Cette « méthodologisation » permet de générer la description de compétences


nécessaires à un exercice satisfaisant de la psychologie. Cette satisfaction visée est
avant tout celle des praticiens eux-mêmes et de leurs enseignants depuis que leur
engagement professionnel est devenu plus socialement affiché, particulièrement avec
l’écriture du Code de déontologie, même si celui-ci revêt encore les oripeaux d’un
code d’éthique privé. Nous reviendrons sur sa genèse, mais épinglons d’emblée sa
volonté de voir en son préambule une finalité qui « est avant tout de protéger le
public et les psychologues contre les mésusages de la psychologie et contre l’usage de
méthodes et techniques se réclamant abusivement de la psychologie ». Cette protection
du public est parfois vilipendée devant l’arbitraire d’un monopole d’activités que le

34
Les fondements

psychologue se rendrait coupable de ne pas décrire. La protection du public et de la

1. La spécificité d’une approche psychologique


pratique vont pourtant de pair quand le respect de l’un conduit au respect de l’autre,
puisque ce sont moins les techniques qui sont en cause que l’usage qui en est fait.
Certes, le refus de décrire des actes ou une activité est toujours suspect et insinue
un doute jusques y compris la capacité de description, mais le choix de répondre
par une méthodologie correspond bien mieux à l’envergure de l’intervention en
psychologie. Nous céderons néanmoins sur un détour par les compétences visées dans
le déploiement d’un cursus universitaire qui demeure notre fierté. Nous reprenons,
pour le conformer à nos hypothèses, le travail en cours rédigé avec Anne-Marie
Fontaine dans le cadre d’une commission de la Fédération française des psychologues
et de psychologie (FFPP) et avec l’Association des enseignants de psychologie des
universités (AEPU), dirigée par Christine Jeoffrion. Nous distinguons l’analyse de la
demande de l’intervention psychologique, la proposition étant le maillon qui relie les
deux à partir d’une hypothèse diagnostique. La réflexion ferme le ban à moins qu’elle
ne réinitie une analyse. Il est en effet nécessaire d’avoir à l’esprit que bon nombre des
mécanismes, procédures et ajustements se dupliquent entre niveaux et se croisent.
Un préambule est nécessaire sur les compétences génériques des psychologues,
distinctes de compétences spécifiques. Ils en disposent non parce que la psychologie
appartient à tout le monde, mais parce qu’ils sont porteurs d’un bagage de cinq années
d’études supérieures et d’une maturité qui s’est déclinée au fur et à mesure des mises
à l’épreuve rencontrées lors de leur cursus uni vers Cythère. Elles peuvent aller de soi,
mais les lister est utile pour cerner l’étendue des capacités de ce professionnel confronté
au fonctionnement psychique des personnes comme à celui psychosociologique d’une
organisation. Le psychologue sait prendre en charge une personne comme un groupe
ou piloter une activité. Empathique et préoccupé de sollicitude, il repère des indices
subtils sur l’état des autres. Sa créativité est aiguisée comme son analyse critique est
aiguë. Il a le sens de l’initiative, il est habile à développer des stratégies logiques
et détaillées, il est persévérant dans la poursuite de ses objectifs. Il a confiance en
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

lui et sait évaluer ses capacités et ses paroles comme il se montre en possession de
tous ses moyens lors de situations difficiles et notamment en demeurant calme. Si ces
façons de remplir une mission peuvent être répandues et ainsi non spécifiques tout
comme les outils du psychologue, le niveau d’intervention, lui, est caractéristique de
cet alliage entre une formation de haut niveau et une ingénierie sociale au sens large.
Une non-spécificité, trop aisément arguée pour justifier de la méfiance ou du mépris
des institutions à l’égard des psychologues, est fort souvent confondue avec les motifs
d’un isolement, de l’ambiguïté d’un positionnement et de la méconnaissance de leur
travail.

35
Les fondements

L’analyse de la demande passe par celle des situations qui suppose de recueillir des
1. La spécificité d’une approche psychologique

informations pertinentes, notamment par les moyens suivants :

Compétences de problématisation

– conduire des entretiens psychologiques, individuels ou en groupe, adaptés à différents publics ;


– écouter et observer selon une méthode adaptée à la situation étudiée ;
– utiliser des outils valides et adaptés à une situation (tests, questionnaires, échelles, mise en
situation) ;
– mener des enquêtes psychosociologiques ou des études de faisabilité ;
– programmer des études, des événements ou des projets ;
– établir un état de l’existant ;
– adapter sa conduite et sa pratique professionnelles à des situations critiques ;
– savoir identifier des besoins.

Elle passe également par le positionnement d’un diagnostic psychologique ou


psychosociologique à partir d’outils adaptés à la situation qui suppose de :

Compétences de proposition

– recueillir et analyser des besoins et/ou des demandes d’intervention ;


– analyser et évaluer la situation clinique d’une personne ou d’un groupe de personnes ;
– procéder à l’analyse psychologique des contextes, familiaux, environnementaux, professionnels,
sociaux, institutionnels et organisationnels ;
– choisir un ou des outils méthodologiques ;
– organiser et conduire un examen psychologique ou un bilan, adapté à l’âge et à la situation d’une
personne ou aux caractéristiques d’une situation et d’une organisation ;
– pratiquer des expertises psychologiques civiles et pénales ;
– auditer l’état général d’une situation, d’un système, d’une organisation ;
– analyser des fonctionnements et des dysfonctionnements ;
– analyser des situations de risque personnelles et professionnelles ;
– conduire l’analyse des conflits ;
– élaborer et formaliser un diagnostic de personne ou de situation ;
– s’inscrire dans une dynamique intra- et interinstitutionnelle.

Cette première étape n’est pas « satisfaisamment » complète et il y a lieu de


regrouper ce que nous avons appelé problématisation et proposition pour éclairer la

36
Les fondements

compréhension d’un raisonnement qui lie étroitement cadre et processus dans une

1. La spécificité d’une approche psychologique


dialectique essentielle de la psychologie. En effet, l’élaboration d’une analyse de l’état
des lieux conduit à l’établissement d’un diagnostic qui ne peut suffire en lui-même.
Des préconisations d’interventions sont attendues suite à la conception d’une synthèse
qui interprète les données recueillies en référence aux connaissances psychologiques et
au contexte pour construire un projet d’intervention ou d’orientation. Il est également
attendu une restitution faite avec tout le soin qu’impose la dimension psychologique
d’une situation privilégiant deux types de retour, l’un écrit, l’autre de visu. Rédiger
un rapport ou un compte-rendu clair, loyal et adapté aux destinataires, mais aussi
restituer une analyse et transmettre un compte-rendu oral, adapté à la compréhension
des destinataires.
Si nous concentrons dans une hypothèse diagnostique, et le cadre qui lui correspond,
et centrons sur la formalisation les compétences nécessaires pour y parvenir, nous
pouvons envisager de suite le troisième P. L’intervention psychologique en elle-
même se répartit traditionnellement entre deux versants comme nous le proposons :
l’évaluation et la prise en charge. Elles s’adossent l’une à l’autre, mais elles méritent
d’être distinguées non seulement car l’une est généralement privilégiée à l’autre dans
la praxis d’un psychologue, mais également parce qu’elles doivent se tenir séparées
auprès d’une même personne. Celui qui est particulièrement désigné pour évaluer
s’abstient d’une prise en charge, particulièrement quand ces dimensions relèvent
de procédures. La réciproque est moins vraie, mais s’insère dans un tout et relève
alors d’une dimension singulière, celle de la mise en place d’une prise en charge.
L’évaluation constitue alors les prolégomènes d’une relation. Une seconde évaluation
au bout d’un temps de soutien ou de psychothérapie est en revanche exclue dans cette
circonstance.
À la variabilité des objectifs d’accompagnement psychologique et psycho-
sociologique des personnes, des groupes restreints ou du travail institutionnel,
correspondent des outils adaptés d’intervention, de suivi et de coordination. Il s’agit
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

particulièrement de :

Compétences de protocolisation

– savoir accompagner, prendre en charge ou conduire un changement individuel et/ou organisationnel


et/ou la gestion de dilemme entre intérêts individuels et intérêts collectifs ;
– concevoir et mettre en œuvre des procédures d’évaluation psychologique et/ou psychosociologique
et de suivi de personnes, de situations et de dispositifs ;
– aider à la décision et conseiller les choix d’une personne ou d’un groupe ;
– définir, construire, organiser et mettre en œuvre un cadre thérapeutique singulier et adapté de
soins et d’activités thérapeutiques ou des dispositifs d’intervention à visée préventive ou curative ; ☞
37
Les fondements

☞ – organiser et animer des activités spécifiques pour des patients, des salariés, des élèves, des
1. La spécificité d’une approche psychologique

stagiaires, des groupes ;


– pratiquer des psychothérapies individuelles ou de groupe ;
– pratiquer des psychodrames individuels ou de groupe ;
– pratiquer des remédiations cognitivo-comportementales ou psychopédagogiques ou neuro-
psychopédagogiques ;
– accompagner des personnes dans des processus d’insertion ou de réinsertion sociale ou
professionnelle ;
– éclairer des personnes sur leurs décisions d’orientation scolaire et professionnelle ;
– mettre en œuvre une gestion prévisionnelle des carrières et leur suivi ;
– accompagner la gestion immédiate et à long terme de traumatismes psychologiques issus de
fléaux sanitaires et sociaux ainsi que des catastrophes naturelles, accidentelles et sociales ;
– concevoir et mettre en place un événement ;
– concevoir, rédiger et accompagner des projets d’équipe, éducatifs ou d’insertion, personnalisés ou
institutionnels, de recherche ou de recherche-action ou participer à leur élaboration ;
– assurer des entretiens de suivi psychologique, psychosocial ou professionnel, adaptés aux personnes
et situations rencontrées ;
– organiser et animer des groupes de paroles ou d’expression, et soutenir un travail d’équipe par la
conduite de réunions visant la circulation de la parole, l’expression des personnes, l’analyse des
pratiques ou la supervision, le fonctionnement institutionnel et ses projets ou sa régulation ;
– planifier et/ou participer à des actions de prévention de risques sanitaires, sociaux et psychosociaux ;
– organiser et mettre en œuvre des prestations psychosociologiques réglementées (bilan de
compétences, expertise judiciaire, audit social...) ;
– élaborer et réaliser une procédure de recrutement (de personnel ou de résidents) ;
– conceptualiser et mettre en œuvre un plan de formation ;
– concevoir et animer des actions de formation ;
– mettre en place une stratégie de communication ;
– ajuster une démarche d’organisation, thérapeutique ou de formation en fonction d’une personne,
d’un groupe et/ou de son environnement et de leur évolution ;
– rédiger, élaborer et mettre en forme des notes, des documents et des rapports ;
– formaliser et transmettre un savoir professionnel ;
– encadrer et « tutorer » des stagiaires psychologues.

Enfin, il est nécessaire de savoir évaluer les interventions psychosociales proposées


(thérapeutique, d’insertion, de soutien, d’orientation ou organisationnelle) sans méprise
sur la qualité de réflexion générée : une analyse pertinente comporte une dimension
évaluative par le résultat qu’elle engendre. Il s’agit également de rendre des comptes
dessus, notamment à partir de la conception des procédures d’évaluation et de suivi
de ces interventions. Par ailleurs, plus que tout autre professionnel, le psychologue

38
Les fondements

se démarque et doit se faire remarquer par un positionnement particulièrement

1. La spécificité d’une approche psychologique


professionnalisant dans une équipe généralement pluridisciplinaire. Il a plusieurs
atouts, au-delà des compétences que nous avons appelé génériques de cet ingénieur
psychosocial, mais il doit les développer notamment en :

Compétences de psychosocialisation

– faisant valoir une expérience professionnelle significative encadrée par la durée légale de stages
en lien avec l’intervention psychologique ;
– sachant se positionner professionnellement dans une équipe et situer son rôle par rapport aux
autres intervenants du secteur d’exercice (santé, social, éducation, travail, justice, sport, transport...) ;
– référant sa pratique au Code de déontologie des psychologues et à une éthique de la responsabilité ;
– se situant dans une démarche de formation continue (participation à des groupes de réflexion,
d’analyse des pratiques, de séminaires, etc.) ;
– exerçant la fonction de psychologue dans la connaissance et le respect des textes réglementaires
et de protection des personnes ;
– connaissant les fonctions et logiques du contexte d’insertion professionnelle ainsi que les enjeux
institutionnels ;
– étant capable d’analyser les politiques sociales et leur répercussion sur les pratiques profession-
nelles ;
– intégrant dans sa praxis la dimension du travail en réseau et en partenariat pour coordonner des
actions ;
– étant capable d’un travail sur soi et d’un ajustement de sa praxis auprès de pairs.

Ce n’est pas seulement un idéal que de proposer une réflexion, une hypothèse
diagnostique, un cadre et une analyse comme force de travail, c’est aussi ce que l’on
demande au psychologue avant tout. Certes, l’ambivalence de certains commanditaires
nuit gravement à son exercice, mais l’indépendance technique, non négociable, doit
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

pouvoir permettre de problématiser à partir de cette réflexion, de proposer à partir


d’une hypothèse préalable, d’agir à partir d’un cadre et de produire à partir d’une
analyse. Voici comment nous pouvons opérationnaliser notre processus professionnel
d’offre de service psychologique.

 Ouverture
La psychologie comme discipline aux champs multiples (social, clinique, psycho-
pathologique, cognitif, développemental, différentiel) et aux différentes méthodes
(expérimentation, étude de cas, entretien, enquête, étude longitudinale, recherche sur
le terrain) offre toutes les garanties d’une validité écologique, la véritable difficulté

39
Les fondements

se présentant lorsque la définition de la fonction du psychologue est incertaine. Il


1. La spécificité d’une approche psychologique

doit faire face à des obstacles économiques et de médiation sociale, mais il a aussi
des ennemis. Autrement dit, il a tout pour réussir, mais il n’y arrive pas. Son choix
de la discrétion sociale d’examiner particulièrement ce qui est caché ou reste dans
l’ombre ne lui facilite guère la tâche. Il a heureusement aussi du travail et beaucoup
de psychologues sont recrutés pour la qualité de leur formation, mais comme ils
sont pléthore, le marché de l’offre et de la demande conduit à des intitulés dévalués
conduisant à se prémunir du titre devant les manquements contractuels : combien de
psychologues exercent sous une fonction et non sous un statut par décence économique
plus que sociale ?
À côté des autoproclamés de la psychologie, puisque l’on pense que tout un chacun
est psychologue, il y a ceux qui remuent la solution ou plutôt soulèvent la dissolution
de la psychologie dans le corps social en mettant en questions et en équations sa
fluidité. Ils vont nous pousser à nous demander si la position d’où l’on parle crée
la fonction et l’activité du psychologue. Les changements de position qui mettent
en question l’identité et amènent un professionnel à mettre à profit la formation
qu’il a reçue sans en faire de publicité pourraient également éclairer cette boîte
noire, susceptible de renfermer le secret de l’activité du psychologue, y compris à
partir de l’hypothèse d’un mécanisme de défense, voire d’un défaut de symbolisation
concernant particulièrement psychanalyste et consultant.
L’ambiguïté de la demande sociale repérée depuis fort longtemps notamment
par Patrick Cohen avec une diminution des postes de psychologues alors que la
demande supposée grandit, constitue un des obstacles majeurs rencontrés par la
profession. Elle en semble désarmée comme si elle ne pouvait procéder à l’analyse de
cet apparent paradoxe, sidérée qu’elle apparaît être de se prendre les pattes dans le
tapis social. Nous pouvons néanmoins repérer d’autres difficultés, parmi lesquelles
nous pouvons citer une terrible bataille de frontières disciplinaires qui n’entrave
pas l’éternelle dilution conceptuelle de la psychologie, caméléon épistémique dont
les vertus adaptatives pèsent. Sur le terrain, les rapports les plus lourds sont issus
d’une paramédicalisation larvée. L’absence de segment de marché fermé n’arrange
pas nos affaires. Par ailleurs, nos conditions de travail sont devenues déplorables,
particulièrement depuis que beaucoup se demandent pourquoi payer un professionnel
quand l’activité est simple et à la portée de tous. Une opinion défensive car la
connaissance à l’insu des personnes que le psychologue pourrait débusquer plus que
décrypter effraie, mais fortement compatible avec une rémunération qui peut être des
plus quelconques puisque n’importe qui et surtout tout le monde peut prétendre au
partage d’un sens aigu de la psychologie. De plus, il existe toujours un amalgame
entre charité et aide psychologique. La confusion engendrée par la nébuleuse psy et les

40
Les fondements

mésusages qui peuvent se glisser dans cette faille d’une information claire et loyale au

1. La spécificité d’une approche psychologique


public ne fait rien à l’affaire. Plutôt que de maugréer, nous avons opté pour la diffusion
d’un repérage d’une démarche méthodologique commune à tous les psychologues
en quatre étapes œuvrant à son unité, que nous appelons la configuration des 4 P,
principe méthodologique commun à nous tous quel que soit le secteur d’intervention
dans lequel on évolue et la théorie à laquelle on adhère. Il s’agit ici de répondre,
une décennie après, au souhait d’Annick Ohayion1 réalisable à partir du démêlage
épistémique des démêlés historiques auquel elle a bien voulu se confronter et à celui
de René Kaës2 , plus récent, de voir se tisser une épistémologie historique et critique à
enseigner.
Bienvenue au fier monde de la psychologie !
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

1. Ohayion A. (1999). L’Impossible Rencontre : psychologie et psychanalyse en France. 1919 - 1969.


La Découverte.
2. Kaës R. (2008). « Quelques réflexions sur la crise de la psychologie clinique et la formation des
psychologues cliniciens », Filigrane, vol. 17, n◦ 1, p. 6-14.

41
Les fondements

2. Les ancrages de la psychologie


2

Les ancrages de la psychologie

3. Un tronc commun et des branches

• De nombreux historiques pour une discipline


• Accompagner les progrès scientifiques
• Les enjeux d’une nouvelle relation de soins
• Clinique et cognitif, ne pas prendre une cure culte pour une culture
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• Vers une nouvelle phénoménologie

 De nombreux historiques pour une discipline


La pratique gagne toujours à cette distanciation qu’offre l’histoire, mais celle-ci
est courte en ce qui concerne la psychologie. En revanche, son analyse permet de
déterrer quelques repères pour décoller des bases d’une réflexion avec prudence et sans
échafaudage, car une fois que l’histoire est passée, il reste la géographie. Nous sommes
amenés à tricoter ces repères dont le rôle est celui d’aide-mémoire dans l’analyse de
l’expression d’un engagement social des psychologues. Celui-ci ne peut demeurer
sous l’impression de rendez-vous ratés avec l’histoire sociale nationale. S’adapter à

43
Les fondements

l’évolution sociale ne consiste pas seulement à prendre position pour un mouvement


d’idées ou un autre, mais à réfléchir sur leur avènement, leurs conséquences et
leur gestion, pour produire une analyse psychosociologique pertinente au service
2. Les ancrages de la psychologie

de l’individu et du groupe restreint, susceptible de trouver un écho médiatique. Les


psychologues en sont capables et c’est probablement la meilleure démonstration
de la modernité de la discipline. Cependant, la discrétion politique intrinsèque du
psychologue, choisie ou obligée, alliée aux opinions bigarrées des différentes théories
existantes, génère un soupçon dont le psychologue a du mal à se départir. Que peut-il
en faire quand il souhaite défendre le respect de la dimension psychique des personnes,
mais également occuper une place politique sur la scène sociale ? Il s’expose à des
difficultés professionnelles s’il sort d’une neutralité, mais n’en demeure pas moins
homme porteur de valeurs. Il sera toujours délicat de le dissuader de les confronter
à un engagement citoyen. Le psychologue est aussi un intellectuel, il n’est pas que
clinicien, il est normal qu’il s’engage dans la cité. Chercher à savoir d’où il vient ne
peut que l’éclairer en évitant de lui faire prendre des messies pour des lanternes.
La psychologie présente la particularité d’avoir plusieurs dates de naissance et
plusieurs histoires autour de ses grandes figures. Toute science a une histoire, si la
psychologie est une science, elle a une histoire. Cependant, l’enseignement d’une
science rend inutile la connaissance de son passé. Si l’on considère la neurobiologie par
exemple, on ne commence pas par enseigner son histoire. Il est légitime de se demander
pourquoi la psychologie a constamment besoin de commencer par un historique surtout
lorsqu’elle se prétend une science. Une histoire qui varie d’ailleurs selon des adhésions
personnelles ou institutionnelles. La psychologie a cette particularité de commencer
avec un auteur qui ignore généralement les autres. C’est en tout cas ce qu’on leur
fait dire. C’est Wilhelm Wundt ou Sigmund Freud ou Jean Piaget ou Kurt Lewin,
même si Sigmund Freud lit Gustav Theodor Fechner et Jean Piaget, Sigmund Freud.
Reste qu’un consensus s’organise autour de la descente d’un niveau « méta ». En
effet, la psychologie trouve son émergence au départ, dans l’arbre de la connaissance,
d’une branche de la philosophie qui va devenir une branche de la science dans la
deuxième moitié du XIXe siècle. On va quitter la pensée, ou plutôt l’âme à l’époque,
pour le comportement. Ce mouvement est d’autant plus important que la psychologie
comprend rapidement que c’est le moyen d’avoir du crédit – avec la caution de la
démarche scientifique, siècle des lumières oblige – et des crédits – engrais nécessaires
pour le financement des recherches. La psychologie quitte la sphère de l’âme et des
métaphysiciens pour la sphère du cerveau et des physiciens ou des physiologistes,
à tel point d’ailleurs que l’on se demandera parfois où se situe la frontière entre le
physiologique et le psychologique. C’est l’introduction de l’inconscient qui autorisera

44
Les fondements

une indépendance conceptuelle en décalage avec l’histoire de l’institutionnalisation


de la psychologie.
La psychologie nous montre qu’elle est vivante quand elle se discorde sur son

2. Les ancrages de la psychologie


évolution sociale : c’était une fonction, c’est devenu un métier disent certains,
d’autres vont dire le contraire. La discussion sur les origines pose tant de questions
déstabilisantes que son existence même conduit à douter de la discipline. Certes, c’est
particulièrement le doute qui est fondateur de cette discipline, un grand nombre de nos
enseignants en ont fait le moteur d’une praxis. Par ailleurs, l’origine constitue toujours
une énigme que les psychologues ont envie de déchiffrer, mais le nombre de dates de
naissance étonne. Il est parfois si difficile d’en poser au moins une que la tentation
est grande de faire remonter la psychologie à la nuit des temps, ou tout du moins aux
Grecs, comme le propose d’ailleurs Charlotte Bulher en 1960. La date européenne
la plus répandue est cependant celle de la création du laboratoire de psychologie
expérimentale de Wilhelm Wundt en 1879 où il va étudier, à Leipzig, des sensations,
des perceptions, des réactions. La psychologie expérimentale va rechercher des lois,
essentiellement des relations de cause à effet, valables pour l’espèce humaine tout
entière. Ces lois s’adaptent, connaissent des variations selon les individus ou des
groupes d’individus : c’est la psychologie différentielle qui va se spécialiser dans
ces variations. Puis l’on va distinguer l’homme de l’enfant, c’est la psychologie
génétique qui naît, ou plutôt celle du développement quand le premier terme prête
aujourd’hui à amalgame. La distinction entre l’homme seul ou en groupe individualise
la psychologie sociale. Enfin, entre l’homme dit normal, non qu’il ne tombe pas malade
mais qui guérit, et le patient, la psychologie pathologique va tracer son chemin.
La démarche expérimentale issue de ce primat du comportement sur la pensée
présente le défaut de sa qualité. À être trop analytique, trop penchée sur le détail, un
risque persiste qui consiste à lui perdre de vue le synthétique ou le sens issu du contexte.
Nous aurons comme souci de réintroduire de l’âme, de la pensée autrement que sous
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

l’aspect du cognitif, quand il est prisonnier d’une boîte noire. Des risques demeurent
à penser que le sens éthique est une histoire de connexions neuronales ou à rétrécir
une situation jusqu’à valider une constance que l’on va chercher à généraliser par
une démarche statistique. Cependant, c’est sur elle que l’on s’appuie pour asseoir nos
connaissances scientifiques, comme c’est par les tests que la psychologie acquiert le
statut de discipline scientifique en se distinguant de la philosophie et de la physiologie.
Le succès connu par les tests n’a pas été sans occulter le danger qu’il y a à assimiler
psychologie et tests. Or le test n’est qu’un outil parmi d’autres, et comme tel, support
d’une relation. Henri Wallon mettait en garde à ce sujet en rappelant que « Le test
est une expérience ou un instrument d’expérience ». A l’aune de cette expérience se
mesure la fécondité professionnelle du psychologue. Cet auteur ajoutait d’ailleurs que

45
Les fondements

l’on pouvait retrouver dans l’emploi des tests « tous les degrés de la sagacité et tous
les degrés de la niaiserie. ».
En France, la première thèse de psychologie en 1873, par le premier enseignant de
2. Les ancrages de la psychologie

la psychologie à l’université en 1885, est soutenue par Théodule Ribot. Il accède à


une chaire au collège de France de 1888 à 1902 où va lui succéder Pierre Janet. Ce
dernier va incarner, avec Henri Bergson, la psychologie entre les deux guerres, en
héritier de Jean-Martin Charcot et de Théodule Ribot, chacun sur leur registre. Henri
Piéron aussi, mais moins compromis que Pierre Janet avec la médecine, va réussir une
œuvre d’institutionnalisation de la psychologie. C’est à Daniel Lagache que revient
le mérite d’une indépendance de la discipline à partir de l’obtention d’un diplôme,
une licence en 1947, qui ne soit pas sous la coupe du ministère de la Santé. Sur le
front de la psychanalyse, il se collettera avec Sacha Nacht sur cette indépendance
en considérant la psychanalyse comme intégrée à la psychologie et perpétuera une
psychologie de la conduite à l’œuvre chez Pierre Janet soucieux de socialisation. La
théorie des conduites de celui-ci, issue de ses recherches sur la compréhension des
troubles mentaux, et ses démêlés avec Sigmund Freud sont susceptibles d’éclairer
également d’autres clivages ultérieurs, que l’on pense à Jacques Lacan et Daniel
Lagache ou aux oppositions, menaces de rupture et réconciliations de Paul Fraisse
et Juliette Favez-Boutonnier. L’inconscient ou subconscient de Pierre Janet, présent
dans les activités automatiques, moins actif que dans la conception freudienne, semble
alimenter le quiproquo sur la valeur de ce mot en l’alignant sur celui des neurologues.
À l’autre bout du compagnonnage surgit la psychanalyse ou psycho-analyse
jusqu’en 1923, mal accueillie en France. C’est le texte d’Angelo Hesnard en 1914
avec les finalités pragmatiques qui sied à la psychiatrie et à la psychologie appliquée
de l’époque. C’est Georges Heuyer qui introduit les psychanalystes auprès des enfants
en accueillant Sophie Morgenstern en 1926. D’autres suivront : Serge Lebovici, René
Diatkine, Roger Misès, Jean-Louis Lang, Pierre Mâle, André Bergé, à Necker ou
à la Salpêtrière. Il offre à la psychanalyse d’enfant la place qu’elle occupe dans la
pédopsychiatrie et la psychologie aujourd’hui. On connaît le destin institutionnel de
chacun d’eux pour le bien des enfants, André Bergé créant, avec Georges Mauco et
Juliette Favez-Boutonnier, le premier centre médico-psychopédagogique en 1946 et
Pierre Mâle, le service d’enfants d’Henri Rousselle, grâce à Julian de Ajuriaguerra,
en 1948. Serge Lebovici et René Diatkine dans le 13e arrondissement de Paris, avec
le premier hôpital de jour pour enfants en 1960, Roger Misès à Gentilly avec la
Fondation Vallée, vont également fournir à la psychologie et à la psychanalyse des
lieux d’exercice modèles.
L’origine et la date de naissance de la psychologie, parce qu’elles sont précises et
symboliques, prêtent aux cautions des enjeux des positions défendues par chacun et la

46
Les fondements

diversité des points de vue est en extension constante. L’expansion et le développement


de la discipline, parce qu’ils s’inscrivent dans une société et répondent d’objectifs et
d’événements prévus par elle, conduit à une entente plus facile sur ses raisons. Des

2. Les ancrages de la psychologie


évolutions sociales et des progrès scientifiques sont ainsi particulièrement à repérer
dans leur fonction de starter et les conflits mondiaux sont à leur habitude désignés
comme des accélérateurs de progrès. La différentiation de l’enfant d’un adulte en
miniature et la révolution industrielle, conjuguées aux progrès technologiques et
scientifiques, nous aident à comprendre comment un métier prend corps, y compris
dans plusieurs directions en s’occupant de l’enfant puis de l’adulte et de leur sélection
avant de les accompagner dans les difficultés qu’ils traversent, sur un mode bienveillant,
puis contractuel.
La révolution industrielle qui déplace le lieu de travail des parents favorise
l’émergence du souci d’une scolarité de leurs enfants susceptibles de provoquer
quelques actes de nature délinquante dans leur « esseulement ». Les problèmes
rencontrés par la mise en place d’un enseignement à qui l’on demande de se
préoccuper de ceux qui ne peuvent pas suivre avec les autres, sont connus. Alfred
Binet travaille cette question pendant de longues d’années avant de présenter son
test de triage. Le premier conflit mondial s’empare des outils de sélection pour ses
besoins et des adultes en guerre. La paix revenue, c’est la sélection professionnelle
qui va bénéficier des progrès de ces techniques discriminantes entre les personnes,
tandis que les limites de l’éducation s’expriment dans l’appréhension des enfants en
difficulté. Les progrès scientifiques réalisés vont permettre à la médecine de prendre
un relais dans la compréhension de l’inadaptation des enfants, mais aussi sa prise en
charge. Le psychologue est un professionnel essentiellement repéré autour de l’enfant,
l’émergence conjointe d’intérêts les propulse sur le devant d’une scène sociale qui
viabilise leur importance et visibilise leur évolution. Ce siècle de l’enfant trouve son
apogée avec l’édiction des droits de l’enfant, mais avant cela, le second conflit mondial
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

apporte son lot de progrès, particulièrement centrés sur la communication entre les
hommes et les phénomènes de groupe. Reprendre des éléments de cette histoire récente
éclaire le développement politique de l’engagement d’un professionnel naturellement
citoyen dans son action, mais en rappelant combien les drames guerriers sont à
l’origine des impulsions nécessaires à l’épanouissement d’une discipline. L’insistance
sur les droits individuels, dans une volonté de rééquilibrage entre intérêts collectifs et
individuels après une vision insoutenable de l’être dans des recherches sur l’homme,
constitue également les soubassements de la validité d’une intervention psychologique.
Nuremberg, dans sa condamnation de la barbarie nazie, va contribuer au dévelop-
pement des droits individuels des personnes et d’une relation sociale contractualisée
dans un contexte de recherche médicale tout d’abord, puis au lit du malade et dans son

47
Les fondements

environnement ensuite. Le vieillissement de la population et l’évolution actuelle de la


société nous fournissent les éléments de configuration d’un exercice de la psychologie
constamment en mouvement depuis plus d’un siècle dans les laboratoires de recherche
2. Les ancrages de la psychologie

et depuis plus de soixante ans sur le terrain, comme métier. C’est une profession toute
jeune qui s’empare des difficultés de l’adulte comme celles de l’enfant, seul ou en
groupe, particulièrement dans les trois champs que sont le travail, l’éducation et la
santé. Elle commence à distinguer pour sa propre évolution l’infantile du juvénile.

 Accompagner les progrès scientifiques


Dans une oscillation entre compétences et désirs, dans leurs aspects comportemen-
taux et inconscients, l’approche psychologique est centrée sur une transformation des
représentations que se forge l’individu. Le changement visé n’est pas pour autant
normatif. Il est avant tout lénifiant, même si l’on conçoit que la diminution de
la souffrance soit devenue une norme prioritaire dans un monde où les avancées
technologiques laissent trop souvent à penser qu’elles génèrent un confort venant se
substituer à un bon état de santé. Or ce marché de dupes indique aux psychologues
un objectif majeur de leur action, l’accompagnement de ces progrès. La praxis
psychologique surgit particulièrement avec la nécessité d’accompagnement des
progrès scientifiques et intervient comme une individualisation des progrès de prises
en charge des humains en les distinguant notamment à partir de leur âge. C’est
l’enfant qui va en être la vedette depuis l’obligation scolaire, mais la modernisation
de l’organisation du travail amène également à des aménagements des situations.
Elle intervient comme une réflexion ayant pour objet de clarifier ou de résoudre des
questions à portée éthique suscitées par l’avancement et l’application des techniques
et des sciences, afin de faciliter l’adaptation des individus et des organisations lors de
cet accompagnement. Le psychologue puise son originalité dans la conjugaison de
la réflexion, de la concertation et de la méthode scientifique pour cerner les enjeux
des situations professionnelles des acteurs sociaux. Elle nécessite des ajustements
des langages entre cette réflexion, le niveau de compréhension des interlocuteurs et
les terrains d’intervention, le langage commun y laissant des parasites. Par ailleurs,
l’enseignement y est spécifique quand il s’agit d’une réflexion co-construite sur des
pratiques professionnelles ou des expériences personnelles. Assez étonnamment, la
psychologie se met en place doucement, sans scandales pour se forger les assises de ses
bases, si ce n’est en interne entre courants théoriques ou sur un positionnement pour
ou contre l’évaluation, privilégiant les postures de contrepouvoir. C’est la « saisine »
médiatique récente qui la sort de sa fausse torpeur car tous veulent figurer dans la
vitrine si bien que les psychologues sont encore en position décalée.

48
Les fondements

Face aux progrès et à l’amélioration des conditions de vie en société répondent des
textes fondamentaux de protection des droits individuels des personnes, à commencer
par la Déclaration des droits de l’homme en 1948. Devant la multiplication de

2. Les ancrages de la psychologie


ces déclarations destinées à protéger l’individu, il survient parfois une suspicion
à l’égard de la science, au-delà des constats de déshumanisation auxquels conduit
l’hyperspécialisation résultante de l’avancée de ces progrès. Pourquoi tant de textes
pour protéger l’individu contre la science ? L’intervention psychologique tous secteurs
confondus, centrée sur la recherche de solutions d’optimisation des bénéfices octroyés
par les améliorations techniques, sociales et scientifiques, trouve ainsi une légitimité
jamais démentie. Pourtant, l’adaptation à cette évolution n’est pas aisée et elle est
disputée par des disciplines plus anciennes, qui doivent s’y mettre à plusieurs tant
l’empan des interventions du psychologue est grand. C’est cependant la médecine
qui se trouve particulièrement mise en avant, proportionnellement au nombre de
psychologues, la moitié des effectifs a priori. C’est elle également qui est mise en
cause dans les interventions barbares sur l’homme au nom de l’avancée des progrès
scientifiques pendant le second conflit mondial. L’élaboration du Code de Nuremberg
en 1947 vient en témoigner, moins connu que celui de l’année suivante. Cette
revendication des droits individuels surgit après la découverte de l’expérimentation
humaine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit de protéger l’homme contre
les abus de pouvoir. Des dix règles de ce code, seule la première concernant le
consentement préalable des personnes reste en mémoire comme un slogan là où il ne
peut encore advenir comme concept.
L’expérimentation sans consentement des personnes durant la Seconde Guerre
mondiale par les nazis est un phénomène sans comparaison, puisque les médecins
allemands vont se montrer la catégorie socioprofessionnelle la plus adepte du nazisme :
69,2 % tandis que les enseignants y sont présents à hauteur de 2 % comme nous le
rappelle Benoît Massin en 1999. Cette noble déclaration d’intentions de Nuremberg
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

prend une valeur fondatrice dans le débat des idées et sa prise en compte est nodale
dans l’émergence du caractère politique de l’intervention de psychologie fondée sur
l’humanisation des pratiques de vie chargées de sens. Elle devrait en signer le renouveau
de son caractère transversal aux champs sociaux d’intervention du psychologue. En
tant que telle, elle fixe certaines choses, même si le débat persiste entre input et
output, entre une vision « victimologique » de l’intervention des psychologues et une
conception « responsabilisante » des personnes.
L’importance de Nuremberg est cependant indéniable par l’émergence des textes
internationaux que ce Code a suscitée – notamment la déclaration des Droits de
l’homme en 1948, d’Helsinki en 1964 repris en 1975 à Tokyo jusqu’à Helsinki

49
Les fondements

d’octobre 2008 –, mais ce symbole d’une contribution morale n’en est pas moins à
nuancer par deux sortes de faits :
• D’une part, l’éthique connaît des dates antérieures d’affirmation de principes
2. Les ancrages de la psychologie

semblables, y compris en Allemagne où les circulaires ministérielles du Reich en


1931 incorporent le consentement dans la législation en vigueur. Auparavant, Louis
Pasteur en son temps, parle de son angoisse du passage de l’expérimentation de
l’animal à l’homme à propos de la prophylaxie de la rage (lettre à l’Empereur
du Brésil du 22 septembre 1884 citée par Daniel Raischwarg en 1992 lors d’une
conférence).
• D’autre part, l’affirmation de ces principes ne va pas empêcher des dérapages
au nom du progrès scientifique ; 500 scientifiques nazis vont « éviter » le procès
de Nuremberg ou ses conséquences, être hébergés, blanchis pour raison d’état
(la guerre froide) et mis à contribution par les États-Unis. Seuls deux ou trois
d’entre eux vont être repérés par les lobbies juifs américains. Pendant la guerre, les
Américains « ergonomisent » des avions, améliorent des engins de guerre avec des
expérimentations sur l’homme. On compte 2 500 scientifiques partis avec la même
légitimité du côté de l’URSS, nous rappelle Benoît Massin lors d’une conférence.
Le code de Nuremberg n’en constitue pas moins le premier texte international à
traiter du sujet, même si la stigmatisation des nazis en restreint l’écho, notamment
états-unien. Ainsi, il va falloir attendre 1974, date à laquelle le Congrès américain
nomme une commission qui rendra en 1978 le rapport Belmont, texte fondateur qui
énonce quatre principes intellectuels sur la recherche scientifique.

 Les enjeux d’une nouvelle relation de soins


L’examen d’une double évolution sociale, celle des progrès scientifiques avec le
développement des technosciences et celle des droits individuels par l’émergence des
droits de la personne ainsi que par l’accès à la connaissance, conduit à un nouveau
contexte. L’engouement pour la recherche scientifique est particulièrement prospère
depuis la Seconde Guerre mondiale et, dans les années 60, les découvertes scientifiques
permettent de sauver ou de prolonger la vie comme jamais, mais ce n’est pas sans
susciter des craintes de dérives. Le progrès est également source de changement
social lorsque les critères de la détermination de la mort sont revus à la lumière des
transplantations, notamment cardiaques. Définie comme cessation permanente de
la respiration et de circulation sanguine, la mort entrave le bon déroulement d’une
transplantation puisque les organes destinés à celle-ci n’avaient plus aucune utilité
lors du prélèvement. La mort cérébrale devient en 1968 le nouveau critère de la
détermination de la mort.

50
Les fondements

En 1962, le scandale des malformations congénitales suite à l’ingestion d’un


médicament, la thalidomide, par des personnes incluses dans une recherche à leur
insu, contribue à l’adoption de la Déclaration d’Helsinki en 1964. Expérimentation et

2. Les ancrages de la psychologie


revendication sont liées puisque ces expérimentations se font généralement sur des
minorités : les Noirs – 400 d’entre eux, atteints de la syphilis, sont observés mais
non traités (l’affaire de Tuskegee en 1972) –, les pauvres, les prisonniers, les malades
mentaux. En 1966, une autre indignation surgit lorsque l’on apprend que l’on injecte
des cellules cancéreuses à des vieillards séniles et l’hépatite à des enfants malades
mentaux.
Historiquement, le rapport Belmont, en 1978, tire les leçons du Code de Nuremberg
et met en actes les fondements d’une protection de l’individu. Ce rapport, issu d’une
commission de 11 membres, dont 2 psychologues, désignés par le Congrès américain
quatre ans plus tôt, montre en quoi il n’est pas possible de tout faire dans la recherche
au nom des progrès scientifiques. Il énonce des principes privilégiant l’intérêt de
l’individu contre celui de la société, reprenant avec quelque retard ceux issus du
Code de Nuremberg qui affirmaient haut et fort que la personne est plus importante
que le collectif. Le rapport Belmont instaure quatre principes qui sont des principes
méthodologiques d’implication intellectuelle.

Les principes du rapport Belmont

• Le premier, c’est l’autonomie. Quand la personne est si faible qu’elle ne peut exprimer sa volonté
(coma, patient psychiatrique), des problèmes surgissent dans sa gestion à partir du paradoxe connu
qui consiste à dire à quelqu’un : sois autonome. Il s’agit alors de se substituer à elle. L’alternative
est la contractualisation de la relation. Le choix est éminemment culturel.
• Le deuxième principe est la bienfaisance. Elle fonde le paternalisme et défend la protection des
personnes les plus fragiles (enfant, vieillard, malade). Le problème est qu’elle vient en contradiction
avec l’autonomie. Il en résulte une forte tension entre les deux qui permet de comprendre que
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

ces deux principes vont entrer en rivalité et connaître un destin qu’il est important d’analyser en
fonction des cultures. Les modèles latin et anglo-saxon s’affrontent dans la conception et la gestion
de ces principes.
• Le troisième principe est la non-malfaisance. Corollaire du second, il affirme le principe
hippocratique, primum non nocere, qui consiste à ne pas nuire avant tout. Il prend toute son
ampleur devant le chant des souvenirs induits dans le champ de la psychothérapie.
• Le quatrième est celui de justice. Il affirme l’importance de celle-ci, mais une justice en termes
d’équité et non d’égalité, c’est-à-dire relative, en fonction des attributs des personnes, que l’on
appelle justice distributive : on donne la même chose à des gens, mais s’ils ont un même niveau.
On ne va pas donner forcément aux plus pauvres, on va mesurer à l’aune du besoin, mais c’est un
besoin en fonction du mérite.

51
Les fondements

Notons au passage que cette distinction entre égalité et équité est celle qui permet
de justifier que des personnes ou des groupes de personnes sont « plus égaux que
d’autres », qu’un droit ne s’applique pas de la même façon à tout le monde puisque la
2. Les ancrages de la psychologie

relativité intervient qui fait peser la décision en fonction d’un mérite dont les critères
sont repérables et font hurler certains lorsque la dominante économique n’échappe
plus désormais à personne.
Ces deux grandes évolutions, chacune émaillée de scandales, nous interpellent
lorsqu’il s’agit de se demander s’il faut greffer un rein à un alcoolique ou un poumon à
un fumeur en constituant des questions épineuses, récurrentes et amplifiées aujourd’hui
à l’heure où les restrictions budgétaires persistent à rester d’actualité. Cet examen
peut se poursuivre par celui des distinctions entre deux cultures pour réaffirmer à
quel point la psychologie est un métier d’aujourd’hui qui a son mot à dire, ancré
dans son siècle, éclairant le double sens du mot « valeur » au centre de l’évaluation.
Des principes qui nous semblent aller de soi – respect de la personne, demande d’un
consentement –, ne relèvent pas seulement d’une déontologie et d’une éthique. Ils
dictent la nature de notre inscription institutionnelle et dessinent un nouveau paysage
jusques et y compris pour les étudiants amenés à engager une démarche de recherche
sur les personnes.
Cette revendication des droits individuels est liée au mouvement des droits des
consommateurs et ainsi à la consommation des soins. Désormais, le paternalisme
médical va avoir maille à partir avec le droit à l’autodétermination. Celle-ci commence
en 1954 et aboutit en 1981 à la Déclaration des droits des malades par l’Association
médicale mondiale. La confiance qui rencontre une conscience laisse la place à une
relation contractuelle aux États-Unis tandis que le paternalisme prédomine encore
en France. La confiance s’émousse devant des progrès qui déshumanisent la relation
médecin-malade. La méfiance s’installe avec la démultiplication des spécialistes
concentrés sur une partie du corps au détriment de l’ensemble dans des hôpitaux de
plus en plus nombreux. Non seulement la méfiance liée aux progrès scientifiques
gagne l’exercice de la médecine et bientôt de la psychologie, mais le développement
de l’éducation et de la culture, notamment par le développement des médias de masse,
permet de contester une autorité sociale, légale et professionnelle.
En 1961, l’hémodialyse est la première technique à soulever le problème de la
sélection des malades. Aux États-Unis, pour près de 15 000 personnes, c’est la seule
chance de survie. Or le premier centre spécialisé, à Seattle, manque de matériel et de
personnel formé. Un comité de 9 personnes, dont seulement 2 médecins, se met en
place. C’est la première fois qu’une sélection échappe aux médecins puisque toutes les
personnes sont médicalement éligibles. Des critères sociaux tels que la productivité au
sein de la communauté et la bonne conduite sont retenus pour une décision impliquant

52
Les fondements

la vie et la mort. Dans les années 70, les progrès prolongent la vie par les deux bouts,
l’avortement et la technique de conservation du sperme polarisent alors les débats.
Dans les années 80, l’affaire de l’insémination de trois jeunes femmes américaines

2. Les ancrages de la psychologie


avec du sperme fourni par des lauréats de prix Nobel choque et réveille le spectre de
l’eugénisme. La question des mères porteuses déchaîne les passions et notamment
en 1982, lorsqu’une femme porte un enfant pour sa sœur jumelle. En 1978, Louise
Brown, le premier bébé-éprouvette, arrive en Grande Bretagne et Amandine en France
en 1982, mais Jacques Testart annonce qu’il arrête tout parce que la science avance
plus vite que la réflexion. Il existe ainsi à la fois de nouveaux questionnements –
peut-on intervenir sur les gènes ? Peut-on congeler les embryons humains ? –, mais
aussi d’anciennes questions qui se posent autrement avec les nouvelles technologies,
car l’euthanasie et l’avortement ont existé de tout temps.
En 1969, un enfant né avec une occlusion intestinale et un retard mental n’est
pas opéré : l’hôpital respecte le refus des parents, l’enfant meurt au bout de 15 jours.
Cette période où la décision médicale n’appartient plus au seul médecin se poursuit.
Dans les années 70, les parents de Karen Ann obtiennent du tribunal l’autorisation
de faire débrancher leur fille depuis plusieurs mois dans le coma : l’acharnement
thérapeutique est questionné. En 1984, Madame Parpalaix obtient du tribunal que le
CECOS lui remette le sperme de son mari décédé. Cela n’est plus possible depuis
1994. Aujourd’hui, toutes les questions deviennent encore plus cruciales lorsque
l’intérêt collectif est brandi à l’encontre des droits individuels. En Grande-Bretagne,
les personnes de plus de 65 ans n’ont pas accès à la dialyse rénale. En 1983, le
gouvernement de l’Oregon décide de limiter l’accès aux soins coûteux pour offrir des
soins de base à une plus vaste population. En 1987, le refus d’une greffe de moelle
osseuse à un enfant leucémique de 7 ans provoque un tollé général. L’argumentation
est alors la suivante : en ne couvrant pas les 34 transplantations prévues, on offre
des soins maternels et infantiles à plus de 3 000 femmes et enfants jusque-là sans
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

assurance.
En France, le fonctionnement du système des soins de santé est guidé par une
forte tradition de service public et repose sur un paternalisme médical important.
En effet, l’évolution de la société qui s’inspire du modèle américain se heurte à
son adaptation en France. On envie l’organisation optimum d’un système qui fait
correspondre à un motif d’hospitalisation une durée précise, mais on dénonce le
procès fait à l’obstétricien qui accouche d’une fille quand il a annoncé un garçon.
La logique commerciale qui conduit les avocats d’outre-Atlantique à recruter leurs
clients à la sortie de l’hôpital et la peur de l’inconnu qui pousse à craindre toutes les
modifications non prévues lors d’une contractualisation, n’est pas compatible avec le
crédit, aux deux sens du terme, qui conduit les personnes, en France, à faire confiance,

53
Les fondements

voire à donner un blanc-seing, aux personnes qui soignent. L’évolution qui consiste
à obtenir le consentement des personnes, avec une information préalable « claire,
loyale et appropriée », est inéluctable : le médecin, seul, ne peut plus décider de la
2. Les ancrages de la psychologie

thérapeutique d’un patient. Néanmoins, le terme « appropriée » dans la formule du


Code de déontologie médicale permet une souplesse indispensable au bon déroulement
de la mise en œuvre de soins.
Le corps médical a une obligation de soins qui va guider la relation contractuelle
et instaurer une distinction tout d’abord, une protection ensuite vis-à-vis de la dérive
américaine redoutée. La logique guidée par l’État dans le monde occidental n’engendre
pas les mêmes effets que celle conduite par l’intérêt de l’individu dans les pays
anglo-saxons. Ce devoir du soignant ne doit pas heurter le droit du patient. Notons
au passage que les logiques sous-jacentes nous indiquent les moyens optimaux pour
arriver à faire respecter la personne dans ce contexte. En effet, à la jurisprudence
américaine se substitue, en France, un droit du patient qui ne peut s’imposer que par
la loi, comme son nom l’indique. L’évolution qui imprime les prescriptions dessine
un paysage sanitaire qui nous est somme toute bien souvent familier quand notre
prise en charge est avant tout une prise en compte des contextes personnel, familial,
scolaire ou professionnel et social dans lesquels s’inscrivent les personnes que nous
recevons lorsque l’exercice de la psychologie s’inscrit dans le champ de la santé. Ce
qui prévaut dans celui-ci atteint également le secteur médico-social, soit par extension
des pans d’une culture, soit à retardement par application secondaire de mesures
réglementaires.
Ces deux évolutions récentes, celle des progrès technologiques de la médecine
et celle du développement des droits individuels, conduisent à mettre en avant
l’importance d’une prise en charge globale de la personne. En effet, d’une part,
l’hyperspécialisation de la prise en charge de santé issue de ces progrès conduit à une
déshumanisation des soins, d’autre part, la défense du droit de consommation aboutit à
une contractualisation de la relation et souligne la nécessité d’un consentement éclairé
à partir d’une information loyale sur les soins et les prises en charge. La comparaison
des cultures anglo-saxonne et latine ainsi que divers scandales historiques centrés
sur le dilemme intérêts individuels/intérêts collectifs nous aident à comprendre le
contexte actuel.

 Clinique et cognitif, ne pas prendre une cure culte pour une culture
C’est encore des frontières dont il s’agit quand on peut chercher à questionner deux
écoles qui se disputent un mépris culturel. On ne peut ignorer l’asepsie et la précaution
érigées en principes qui n’ont pas permis à « la peste » d’entrer aux États-Unis, on
peut regretter les mesures de rétorsion qui ont suivi, la psychologie ne mérite pas

54
Les fondements

ça. Il y a méprise de tête lorsque des approches s’affrontent sans être confrontées à
leur culture d’origine. L’unité de la psychologie prend alors figure d’amalgame et
peut toujours avoir bon dos d’endurer des conflits idéologiques, elle ne pourra aboutir

2. Les ancrages de la psychologie


qu’après des éclaircissements sur les épistémologies, les postulats et les bien-fondés
des approches respectives. Il n’est déjà pas aisé de concevoir le mariage heureux de
la psychologie et de la psychanalyse, y compris à la déprise de la médecine, il est
tout aussi confusionnant de penser que la psychologie française et la psychologie
états-unienne parlent de la même chose lorsqu’elles se rencontrent, sauf à établir
des recoupements. La traduction devant les tribunes du langage est sans appel, les
cultures sont dissemblables et les traçabilités conceptuelles divergent : on ne parle
pas de la même chose avec les mêmes vocables de part et d’autre de l’Atlantique.
Les disputes lors de conciliations sont vénérables, mais prononcer un divorce devrait
conduire à apaiser les esprits. Cela éviterait « d’intervenuire » pour confondre moi et
je, refoulement et oubli, inconscient et activité automatique, rêve et travail de rêve,
souvenir et traumatisme.
L’autonomie anglo-saxonne contractuelle, individuelle, indépendance négociée,
n’est pas comparable à la « raison législatrice universalisante », pour reprendre
l’expression de Suzanne Rameix1 en 1997, de l’autonomie occidentale, cette faculté
de se donner à soi-même la loi de son action. S’il s’agit de se libérer, c’est pour
se soumettre aux contraintes de la logique et du langage. L’identité non plus ne
répond pas de la même conception en France et aux États-Unis. L’identité personnelle
est pour nous le récit en cours d’une vie. Non seulement chacun est unique, mais
chacun a une histoire, une histoire jamais achevée avant la mort. Cette dimension
temporelle, dynamique, fait que la personne bien portante qui signe un testament de
vie n’est pas la même qui arrive en réanimation : son consentement peut varier. Aux
États-Unis, une vision statique de l’identité conduit à ne pas remettre en cause un
testament de vie, passé et présent qui se chevauchent comme un présent constant.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

L’individu n’a quasiment pas d’histoire, comme le continent qui l’abrite d’ailleurs.
Existence et possession vont également se répartir entre ces civilisations, où l’on a un
corps dans l’une et où l’on est un corps dans l’autre. En effet, le modèle autonomiste
suppose que l’on puisse vendre son sperme ou son sang, alors qu’en France, il faut
qu’un travail soit effectué sur le sang pour que l’on reconnaisse commercialisable les
médicaments dérivés du sang (MDS). Un dédommagement va être compatible avec

1. Rameix S. (1997). « Du paternalisme des soignants à l’autonomie des patients », Laënnec, p. 10-15.

55
Les fondements

le don affirmé dans la loi de 1952, non une rémunération1 . Le Parlement européen,
en date du 6 juillet 1998, affirme un principe similaire à propos du clonage puisque
n’est brevetable une matière biologique isolée de son environnement naturel. L’on
2. Les ancrages de la psychologie

peut ainsi breveter les propriétés, les qualités du gène et non le gène in vivo.
Le droit romain dont on dépend a oublié le corps et a inventé la personne : le corps
c’est la personne. Nous ne sommes que les usufruitiers d’un corps et l’on peut penser
qu’il fait partie d’un ensemble plus grand, que l’on peut appeler l’État. D’ailleurs,
les doubles sens du langage nous rappellent constamment l’analogie entre le corps
et le groupe : on parle des membres d’un groupe, du cerveau d’une organisation,
d’un organisme. Devant ces grandes divergences de fond mais derrière une évolution
incontournable, Anne Fagot-Largeault nous propose un « paternalisme tempéré » qui
tienne compte de l’histoire de nos institutions pour intégrer une conception nouvelle
du droit de l’homme. Néanmoins, il ne s’agit pas de dresser le principe de bienfaisance
contre celui de l’autonomie dans les pratiques de soins, mais de maintenir une tension
dialectique et constructive entre les deux, les intégrant l’un à l’autre.
Translation et importation conceptuelles sont d’autant plus vigoureusement
confondues que des coupables sont parfois désignés à la vindicte médiatique et que le
relaxé est toujours le même, car le corps ne ment pas. La régression prend des formes
mathématiques pour certains, dramatiques pour d’autres, tant la sidération est grande
devant le clivage perpétué d’une invention freudienne à renouveler incessamment. Il
est en effet aberrant pour la majorité des psychologues que le comportement puisse
être confondu avec la conduite et la réalité avec la réalité psychique. Un terrain de cette
confrontation éminemment riche de discordes nous pointe des cohérences culturelles :
la toute-puissance. C’est un terrain miné, mais il permet d’imaginer l’inimaginable
pour le maître en mots qu’incarne le psychologue. C’est ainsi une alliance, celle qui voit
se joindre la victimologie, le comportementalisme, la neurobiologie et l’éducation, qui
illumine notre « médusement ». Si l’URSS nous a révélé un grand retard d’évolution
par son isolement quand elle nous a montré sa conception de la psychiatrie, les avancées
du Nouveau Monde nous replongent dans des pratiques européennes du XIXe siècle.
Le rêve est cathartique, l’émotion un fixateur de la mémoire, la victimologie est
une épargne de la responsabilité. C’est dans cette perspective qu’un vécu d’inceste
peut s’inviter en mémoire chez des personnes sans aucun déguisement, comme une
madeleine de Proust, à partir de cauchemars et d’hallucinations.

1. Brassier N., Ballouard C., Leroux N., Descamps M.-A., Chast F., Hervé C. (2000). « Gratuité,
dédommagement, rémunération : questions éthiques soulevées par les dons de sang », Journal
international de bioéthique, vol. 11, n◦ 1, p. 89-96.

56
Les fondements

La complexité du comportement amène à ne pas réduire la psychologie aux


fonctions de celui-ci. Le fonctionnalisme est dépendant d’une immatérialité dont les
pulsions admises d’un ça freudien laissent filtrer des échantillons comme la mémoire

2. Les ancrages de la psychologie


et le langage. Le psychologique côtoie le psychique au point que l’un ne peut se
dispenser de l’autre. Les connaissances psychologiques des fonctions sont nécessaires
aux connaissances psychiques des esprits. Si le comportement est souvent réduit à
ses fonctions, la complexité psychologique de l’homme ne peut se résoudre dans ses
fonctions y compris supérieures sans l’intervention de l’autre dans son appréhension,
à partir du contre-transfert. De la même façon, l’identité des personnes intervient et
se met en place à partir du regard et du langage de l’autre. La trop grande adhésion de
la psychologie au structuralisme semble avoir masqué la capacité du langage à sortir
d’une fonction pour revêtir le rôle de dépositaire d’une connaissance de la subjectivité.
Or le hasard et la nécessité s’invitent en psychologie où l’aléatoire d’une phrase
ou d’un oubli n’en rend pas moins scientifique la démarche d’accès aux fonctions
supérieures de l’homme.

 Vers une nouvelle phénoménologie


La psychologie des fonctions mentales et sociales est une psychologie appliquée
aux fonctions, mais l’écart entre biologie et philosophie est si important que des
passerelles n’y suffisent pas, d’autant plus qu’un leurre permanent laisse à penser
qu’elles peuvent devenir des autoroutes. L’alternative est bien présente dans l’approche
phénoménologique, mais celle-ci empêche bien souvent une dialectique dont le
mouvement de balancier, tel un zoom, reste absolument nécessaire à la pensée, à
l’analyse et à la praxis psychologique. L’exploration d’une nouvelle phénoménologie
mérite toute notre attention. En effet, l’expérience, singulière par définition, fonde
l’intervention de la psychologie et la guide, c’est bien elle qui prend corps et nous
n’insisterons jamais assez sur l’impact de la dimension corporelle sur l’analyse et
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

la réponse psychologiques. Ce que nous pourrions résumer par le rappel immuable :


pas de corps, pas d’esprit. Cependant la psychologie ne se résume pas pour autant à
l’expérience comme tend à le penser le plus grand nombre et en toutes circonstances
ceux qui se réclament de la psychologie sans être psychologue. Cette dernière se
conjugue nécessairement avec la connaissance scientifique, délivrée par l’université,
que ponctue une analyse sérieuse et minutieuse, c’est-à-dire professionnelle, de la
situation.
Accompagner le progrès s’entend pour certains par la saisie opportune d’un
modèle théorique d’actualité translaté. L’importation conceptuelle plus ou moins
complète d’une discipline à une autre trouve moins de limites dans la réflexion
nécessaire à l’édification d’une discipline, mais invite à une prudence épistémologique

57
Les fondements

dont on ne peut faire l’impasse lorsque les emprunts tous azimuts génèrent des
dommages collatéraux dans la praxis psychologique. La psychologie baigne dans
la culture ambiante de son temps. De la même façon que Sigmund Freud raisonne
2. Les ancrages de la psychologie

avec des pulsions à l’époque de l’invention de la machine à vapeur, l’éducation de


la volonté vient à bout, pense-t-on, de l’enfant à problème. Plus tard, l’avancée des
connaissances sur l’intersubjectivité conduit à penser que non seulement un enfant seul,
ça n’existe pas, mais également qu’il réagit : il est une personne. La psychologie et la
prévention en santé se laissent encore emporter par cet interactionnisme. Une course
aux modélisations en psychologie à partir des disciplines émergentes à succès a lieu
depuis tous les temps. Les grands progrès scientifiques sont source de modélisations
en psychologie, avec des probabilités plus ou moins grandes d’assimilation entre
le mot et la chose. En effet, les progrès de l’intelligence artificielle ont boosté le
cognitivisme et ceux de la neurobiologie la démarche du connexionnisme, prêt à
modéliser des activités mentales supérieures et des interactions sociales en intégrant
émotions et motivations. La génétique, par exemple, devrait être en mesure de fournir
une matrice de réflexion. La génétique propose un mode de transmission, certes
d’informations, mais d’informations spécifiques concernant le patrimoine cellulaire
des personnes. Cela n’empêche nullement de penser cette discipline comme pouvant
servir de modèle susceptible d’éclairer une transmission d’informations beaucoup
plus horizontales et immédiates : pourquoi la communication, mais aussi la mémoire
et des mécanismes de défense psychologique, ne pourraient-ils pas bénéficier de ses
avancées pour éclairer la compréhension de leur propre fonctionnement par usage
de métaphores ? Ces dernières sont déjà utiles sur l’autre rive, celle de la pédagogie,
pour aider à comprendre codage et codons, particulièrement avec la linguistique. Les
unes et les autres ne sont pas à confondre, mais le recours à la métonymie est prégnant
dès qu’il s’agit de métaphoriser.
Pourtant, l’explication d’un mécanisme correspond à une description connue
quand l’activité de zones cérébrales s’emballe lors d’hallucinations auditives, la
personne entendant son langage intérieur comme s’il s’agissait d’une voix provenant
de l’extérieur. L’un est donné pour l’autre, le changement de registre aidant, mais
l’examen de l’activité cérébrale duplique la description connue. De la même façon
que l’instruction reçue pour effectuer des tâches qui en produisent d’autres, d’un
autre genre, en couleurs, n’est pas considérée comme une stimulation à laquelle il
est répondu. Or évoquer un souvenir ou prendre une décision lexicale réalisent des
stimulations, voir l’esprit fonctionner en temps réel et en liberté ne change rien à
l’affaire. La plasticité conceptuelle de la psychologie, sa capacité à produire des
modèles de compréhension de l’activité humaine gagnerait cependant à travailler
l’épistémologie de ces constructions tantôt ouvertes aux émotions, tantôt offertes à

58
Les fondements

l’environnement. Certains disent la même chose que d’autres, mais dans des langues
distinctes, tandis que d’autres encore placent des définitions différentes sous les mêmes
vocables. « L’appui mutuel » auquel Daniel Lagache peut destiner l’expérimentation

2. Les ancrages de la psychologie


et la clinique n’est pas à considérer comme un mariage forcé, mais bien comme un
étayage réciproque obligataire autant qu’obligatoire pour une approche psychologique
digne de ce nom. Si la caution solidaire de l’un ou de l’autre vient à manquer,
on retrouve la psychologie de Monsieur tout le monde, médicalement compatible.
Nous pouvons même dire qu’ils « s’incomplètent » mutuellement pour aboutir à cet
inachèvement du savoir fondamentalement nécessaire à la rencontre du psychologue
avec une personne ou un groupe. Ce n’est pas une analyse sauvage qui est prodiguée,
mais une analyse minutieuse, encadrée de connaissances scientifiques sérieuses. Ce
n’est pas un savoir sauvage qui est asséné, mais une « co-naissance » partagée,
« doutée » dans un processus de co-construction.
Le doute et la réalité entretiennent entre eux des relations semblables à celles de
l’œuf et de la poule, particulièrement quand domine un contexte de prise en charge.
C’est ainsi que l’on peut être malade du doute et pour peu qu’un système de réponses
soit disponible, la médicalisation des problèmes sociaux contamine un bon nombre
d’attitudes aux dérives toujours dommageables. Le syndrome de Knock n’est pas
loin : nous n’avons pas trouvé, mais vous avez certainement quelque chose. Des
expériences de dépistage en font état de façon magistrale en pointant l’iatrogénie
comme un vrai fléau, la dérive se situant alors dans les abus d’une interprétation
aux effets plus délétères que positifs. Des maladies génétiques à expression tardive,
par exemple, se voient proposer un dispositif précautionneux, un dépistage chez les
seuls adultes, un délai de réflexion obligé, un accompagnement pluridisciplinaire (un
généticien, un psychologue et un médecin spécialiste de l’organe). Le vocabulaire
lui-même y est puisqu’il est question de tests génétiques pré-symptomatiques plutôt
que de tests prédictifs. Des résultats inquiètent lorsqu’un diagnostic, qui sonne comme
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

un verdict, voire un abus de savoir, conduit des personnes prédisposées, mais non
malades, à se comporter dès les semaines qui suivent comme une personne malade.
Cette fabrication de la vulnérabilité interroge la prévention, questionne le risque, et
le plus grand demeure toujours celui qui consiste à vieillir, et renforce la vitalité du
doute. Le premier survient devant une information à la source d’une vulnérabilité et
celui de poursuivre un choix pour que le droit de savoir ne se transforme pas en un
devoir. Remarquons que les dépistages connaissent plus de succès lorsqu’il existe des
traitements à la maladie visée, confer le VIH depuis la trithérapie.
Nous travaillons constamment en incertitude, mais fonder une approche profession-
nelle sur elle constitue aussi bien une profonde originalité qu’un défi immense et une
source de complexité infinie. Seuls l’engagement du psychologue, ses connaissances

59
Les fondements

scientifiques et son cadre professionnel vont pouvoir limiter la mise en œuvre


conceptuelle d’un doute qui cheville la praxis au cœur de la psychologie. Tout à
la fois moteur et résistance, comme une sorte de transfert du professionnel sur son
2. Les ancrages de la psychologie

exercice, le doute est conceptualisable tant que la dimension intellectuelle prédomine,


le versant somatique étant susceptible de désorganisation. Sa valeur utilitaire est
essentielle, car c’est elle qui mène à l’aide à la décision, plus ou moins formulée dans
la rencontre avec un psychologue, plus ou moins énoncée dans la demande qui lui
est faite de sortir d’une perplexité ou d’une hésitation. À l’image du stress, il doit
rester modéré pour ne pas conduire à un piètre usage de ses aptitudes. Le scepticisme
généralisé dans lequel peuvent se réfugier ou s’enfermer certains psychologues reste
préjudiciable à la visibilité valorisée de la discipline. La position systématique qui
consiste à ne rien affirmer d’aucune sorte n’est guère tenable dans un contexte
professionnel où l’on doit rendre des comptes et travailler en bonne coopération avec
d’autres. La nature de la suspension qu’il peut légitimement infuser n’explique pas
pourquoi le psychologue échapperait au contrôle des uns et à la compréhension des
autres dans son activité de travail. On peut se situer en marge pour bien faire son
travail, celle-ci reste solidaire de la feuille qui met en valeur son existence. Douter de
la chaise sur laquelle on est assis revient de droit à des philosophes sans opinion sur
l’existence ou la non-existence des choses, ceux-ci ont déjà suffisamment de mal à
composer avec cette image d’Épinal tenace pour que le psychologue ne s’empare pas
d’une telle auto-gouvernance. Le doute comme nous l’entendons laisse à l’esprit sa
liberté et son initiative en reconnaissant la part d’ombre qui existe en chaque situation
ou organisation et chaque personne ou groupe. L’ombre du doute devient le cheval
de bataille du psychologue armé d’une triangulation et amené à éclaircir situations
et problématiques en termes de probabilités et de distribution de réponses revenant
à chacun. La crainte du psychologue se polarise beaucoup sur la récidive, celle qui
consiste à redouter tel ou tel phénomène, à se méfier de l’aléatoire et à chasser les
équivoques.
Le doute permet un mouvement d’oscillation cher à notre préconception d’une
dialectique nécessaire entre les éléments présentés aux dimensions accessibles
des personnes et des situations. Elle s’inscrit également dans le mouvement de
découverte d’un sens qui présente plusieurs pelures et laisse entendre les tensions
et les métamorphoses de la symbolisation, particulièrement quand le corps entre en
scène. C’est le doute encore qui nous tient éveillé dans une oscillation entre vigilance
critique et écoute bien(é)veillante pour un entendement renouvelé. Le psychologue
agit entre source et ressources sur un monde qui demeure autour de lui, présentant
ainsi des zones d’ombre mouvantes. S’il présente aussi des points aveugles, il n’y
a pas que ça, sinon nous pourrions penser que le monde est devant nous. Or il y a

60
Les fondements

du latent, de l’invisible et du perçu. La vision que ce professionnel déploie est celle


du rayonnement de la représentation qui suppose bien d’entrevoir et de percevoir.
C’est pour cette raison qu’il travaille avec autant de volupté et de vaillance avec ces

2. Les ancrages de la psychologie


constructions que sont les fantasmes et la psychobiographie des personnes. Le corps
de l’esprit constitué par les connaissances scientifiques rend incontournable cette
alliance au savoir dans l’analyse des situations présentées. L’approche individuelle
des problèmes partagés par un grand nombre, la mesure du cas par cas s’avère non
seulement un progrès humain, mais une avancée que beaucoup devraient nous envier
dans une société où l’effet en moyenne chez tout le monde contente la plupart. Cette
attitude génère moins de profits immédiats, mais suffit à des performances plus élevées
à plus long terme et offre surtout au professionnel avant tout, mais pas seulement, une
satisfaction incessamment renouvelée.

4. Le grand écart entre biologie et philosophie

• Se vautrer ou se prendre les pieds dans un grand écart


• Le corps dispose-t-il vraiment d’un langage ?
• Le cadre : un contenant au développement d’une relation
• Transferts primaire et secondaire : investissement et quiproquo à contretemps
• Une modélisation de l’action : le complexe d’Abraham

 Se vautrer ou se prendre les pieds dans un grand écart


Le sujet a surgi subrepticement sous hypnose avec les somnambules que l’action
autonome fit sortir du statut de disciple médical. Celui-ci se retrouve comme
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

paradoxalement dans l’émergence de la contractualisation de la relation, forme aboutie


de l’autonomie. Ce type de relation pense pouvoir se dispenser de la subjectivité,
mais il évince surtout l’inconscient qui ne peut que faire effraction dans du « prévu ».
« Ça » bouge et « ça » oriente fatalement vers des chemins de traverse. L’inconscient
n’est pas culturellement compatible avec la contractualisation, quand bien même
il fournit la démonstration de la supériorité du sens donné à ce qui arrive sur la
réparation de l’écart au prévu particulièrement lorsqu’elle est déresponsabilisante.
À la reprise épistémologique d’une question culturelle s’ajoute la question de la
compatibilité théorique. La psychanalyse ignore-t-elle la démarche scientifique comme
le béhaviorisme peut s’écarter du psychisme ? Il est parfois utile de renvoyer dos
à dos les frères ennemis pour « conformiser » environnement et pulsions d’autant

61
Les fondements

plus volontiers d’ailleurs que l’interactionnisme est conciliant à cet égard, mais dans
une certaine mesure seulement. Il ne s’agit pas non plus de chercher à réconcilier
des psychanalystes non conceptuellement compatibles entre eux, tandis que d’autres
2. Les ancrages de la psychologie

construisent des ponts entre la psychanalyse et les neurosciences. Il est nécessaire


en revanche de lever l’ambiguïté qui consiste à rapprocher un peu trop cognitivisme
et comportementalisme. Autant le premier reconnaît aujourd’hui la complexité de la
pensée et l’évaluation dynamique de l’intelligence, autant le second relève moins de
la psychologie que de l’éducation. Nous serions mieux avertis d’ailleurs de parler de
« cognitologues » plutôt que de cognitivistes pour reprendre l’expression de Bruno
Vivicorsi, aux fins d’évoquer les partisans d’une psychologie cognitive. La confusion
surgit dès que l’on pense que les thérapies cognitives relèvent de la psychologie
cognitive. Or les paradigmes sont distincts, les premières sont assimilables à des
thérapies comportementales peu psychologiques concernant donc encore moins la
psychologie cognitive. Rappelons que le cognitivisme se dispense de descriptions
neuronales. En revanche, le connexionnisme, s’il se situait bien lors de ses débuts au
niveau neuronal sans prétendre apporter une explication sur une production cognitive,
a présenté par la suite des ambitions qui suscitent toujours un débat houleux. La
prudence est de rigueur dans les glissements du traitement de l’information à la
construction de la signification, de l’interaction comme systémie intégrée et du
transfert comme gestion systémique de la relation. Un dictionnaire d’équivalences
conceptuelles reste à élaborer pour préciser et nuancer des rapprochements comme des
distinctions. Les marques de l’évolution d’une société structurant l’interdépendance
entre une personne et son milieu en termes de systèmes, puis de pouvoir d’action
entre contrôle et ressources, sont précieuses dans l’analyse de ces distinctions.
Les deux irréductibles que sont le social et le psychique ne peuvent être embrassés
d’un seul paradigme sans veiller aux effets dévastateurs de certaines métaphores,
que l’on soit porté par une explication ou une compréhension, une analyse ou une
synthèse, une balkanisation du savoir ou un paradigme interdisciplinaire. Les enjeux
institutionnels sous-jacents ne sont pas sans donner lieu à des conflits de territoires,
des querelles de prestige, des guerres de position et des luttes pour la reconnaissance.
Car la psychologie est aussi affaire de titres, de postes, de querelles de chapelle et
de foires d’empoigne. Se reconnaître ensemble comme professionnels d’une même
science humaine riche et complexe, mais aussi dans des fondamentaux communs
et indissociables, nécessite de s’organiser dans l’intelligence des cultures et des
références partagées. Cependant, l’exercice n’est pas usuellement aisé. Il valoriserait
pourtant et renforcerait sans aucun doute le cadre identitaire de cette profession jeune
et dont on pourrait dire qu’elle se cherche, mais elle déstabilise un ancrage social
rendu délicat par la confusion engendrée. Nous avons tenté de répondre à la question

62
Les fondements

que se posent clients et employeurs : que fait un psychologue ? Reste que sa façon
de le faire continue d’interroger au moins deux continuums sur son engagement :
se réfère-t-il à des techniques interventionnistes ou s’abstient-il de toute activité ?

2. Les ancrages de la psychologie


S’engage-t-il en parole jusqu’à suggérer conseils et diagnostics ou attend-il que cela
se passe ? Une des choses que l’on puisse assurer c’est qu’il s’engage, l’outil c’est
la personne du psychologue, il prête sa capacité de reformulation et de rêverie pour
métaboliser et donne son temps, car c’est la seule chose qu’il puisse donner.
En laissant au psychomotricien un bon nombre de techniques où l’engagement
corporel est important, le psychologue n’en demeure pas moins actif, particulièrement
avec les enfants avec lesquels il peut choisir de partager un jeu ou un dessin (squiggle).
Il intervient cependant peu, ce qui ne le dispense pas de questionner le rôle de la
médiation dans son activité. Celle-ci peut d’ailleurs prêter à des ersatz quand ce n’est
pas des dévoiements. Encore une fois, l’usage est primordial et avec lui l’objectif
poursuivi, le prêt-à-porter de la technique beaucoup moins. Des adaptations sont
possibles et le rôle de prétexte à la relation suffisamment bonne est tout à fait louable.
Il reste essentiel néanmoins de s’assurer du support d’outils validés scientifiquement.
Il ne faudrait pas se leurrer sur les bienfaits d’un jeu de tarot utilisé pour ses vertus
projectives. C’est bien la raison pour laquelle les dérives répréhensibles résident
dans le dévoiement de techniques honorables par ailleurs et sont à comprendre par
cette voie pour une prévention optimum, ce que nous montrent le déploiement et
la recrudescence des faux souvenirs ou plutôt des souvenirs induits. Ces derniers
sont favorisés par des techniques à l’engagement corporel manifeste telles que des
relaxations, des exercices respiratoires ou des sophrologies pour ne citer que le plus
répandu. C’est également le pont avec le questionnement primordial sur ce que peut
s’autoriser ou non un psychologue de suggestion dans ses relations avec ses patients
et clients.
Dans cet engagement par la parole, nous pourrions dire qu’elle est d’autant mieux
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

maîtrisée que nous prononçons peu de mots. Nous pouvons également nous pencher sur
le jeu, essentiel chez l’enfant, fort utile chez l’adulte dans sa forme psychodramatique,
car in fine c’est l’activité qui est médiatrice, l’espace de l’action, l’interface proposée.
Une modélisation de l’acte est susceptible d’éclairer la médiation, y compris et
particulièrement quand elle se donne les moyens de soigner ou de prendre soin et
d’embrasser une prise en charge autant sociale que psychique. L’usage de la parole doit
également être minutieusement examiné à travers le prisme du transfert et son alter
ego le contre-transfert, pour peu que ces termes ne soient pas non plus dévoyés. Le
premier n’est pas le seul plaisir qu’une personne prend à venir nous voir et le second
encore moins son déplaisir. Les accents portés sur le jeu et le transfert n’évincent
pas leur solidarité comme le jeu et la recherche du décryptage d’un langage du

63
Les fondements

corps n’empêchent pas leur conjugaison. Les différentes définitions des termes sont à
examiner. Elles éclairent le cheminement de chacun qu’il est difficile de répertorier
dans un catalogue des dissidences en psychologie. L’université est garante d’un haut
2. Les ancrages de la psychologie

niveau de formation, pas de ses usages.


Le son de cette parole produit des échos distincts selon les théories auxquelles le
psychologue adhère ou colle et le débat entre partisans de la neuropsychologie, de
la psychanalyse et des « comporte-mentaux » n’en finit pas de sonner les cloches
de round « inter-minables ». Les références à la biologie et à la philosophie se
bousculent. Cliniciens et cognitivistes s’agacent, comme si ces champs d’intervention
s’obligeaient à des ingérences humanitaires, comme si la paix n’était pas possible,
comme si tous n’étaient pas cliniciens à chaque instant et « cognitien » quelque part.
Seules des perspectives développementales permettent d’engager des négociations
en se réconciliant sur l’homme. Ce sont alors les grands champs sociétaux – santé,
éducation, travail, qui leur disputent des stratégies d’investigations des problèmes,
comme si les situations distinguaient une méthodologie d’approche commune, comme
si les publics cibles modifiaient fondamentalement l’analyse des mécanismes de
défense et la personnalité. Nous envisagerons les particularités de certains contextes et
les spécificités qui viennent moduler une approche psychologique des personnes et des
situations, mais pour l’heure il est fondamental de réconcilier tous ces psychologues
en mal de bien.
Chatouiller la diversité des psychologues sur la question de leur spécialisation
est le dernier carré sensible face à une conception du psychologue comme recours
premier devant une difficulté de la vie. Il est généraliste des aléas victimologiques et
des interrogations de l’existence et il peut orienter vers des collègues spécialisés par la
connaissance d’un contexte ou d’un public. Nous interrogeons néanmoins la légitimité
d’une telle structuration de l’offre de prestations en de multiples spécialisations au-delà
d’une répartition enfant-adulte. Ce professionnel est parfois trop facilement entraîné
à se « caméléoniser » dans une demande sociale qui réclame des spécialistes. Les
progrès de la science et de la société y conduisent, mais amenant également à une
déshumanisation des prises en charge. Il est dommageable que le psychologue ne s’en
démarque pas. Une compartimentation des solutions en vue évolue naturellement vers
un séquençage technique. Elle est favorisée par une répartition toujours plus affinée
des soins et conseils qui suivent les améliorations en cours, mais également vers une
« comportementalisation » des conduites. Il ne s’agit pas de réfuter ces progrès, ni de
les refuser, mais de montrer comment une appréhension globale est malaisée à manier
dans un contexte qui ne s’y prête guère, avec un zoom « organicisé » sorti dès que
quelque chose bouge : la posture en est fort inconfortable.

64
Les fondements

L’on ne s’étonne guère de trouver des correspondances et des corrélations entre des
saisies organiques « microscopées », contribuant à des liens de causalité entre tel lieu
biologique et telle conduite, reléguant des saisies psychologiques « macroscopées »

2. Les ancrages de la psychologie


en arrière-plan comme un vague décor. L’imagerie mentale y invite actuellement
ardemment. Aussi, est-il important de ne pas se laisser absorber par ce phénomène
au point d’en oublier les allers-retours nécessaires entre ces deux dimensions, le
petit et le grand. Elles permettent de prendre la distance d’une analyse tout en se
penchant âprement sur les détails d’une situation. L’émergence des changements
produits par le cheminement de tels allers-retours n’en offre pas moins une fascination
et la reconnaissance des personnes qui viennent nous consulter. La réponse est souvent
contenue dans la question, fait remarquer le psychologue à son interlocuteur. La sienne
n’en est pas moins présente dans la spécialisation qu’il affiche et qui trace fréquemment
sa conduite à tenir. La priorité donnée à l’intrapsychique ou à la dysfonction cérébrale
a minima, à l’identification d’une cause ou non et la tonalité du vocabulaire fournit des
indices sur le type de déterminisme et modèle privilégiés. L’émotionnel, le cérébral,
l’affectivo-relationnel, le neurocognitif sont autant de leviers sur la typologie des
questions posées, qui peuvent ainsi être ouvertes, fermées ou « cafétéria », avec
plusieurs réponses prédéterminées. La réalité se partage, mais le cerveau faisant
organiquement la sécrétion de la pensée, il est utile de ne pas se diriger vers une
dissociation de la réalité qui serait une dissociation de la pensée.
Les composantes neurologique, relationnelle, sociale et inconsciente sont étroite-
ment intriquées. Il en résulte une complexité qui ne peut se diluer dans une multitude
de spécialisations nocives pour la profession. Les formations spécifiques des uns et des
autres sur les aspects psychodéveloppementaux, psychoexpérimentaux, psychosociaux
et psychodynamiques, n’en demeurent pas moins complémentaires. Elles permettent
d’éclairer toute la profession sur cette complexité fondatrice et justificatrice de
l’intervention psychologique. Seule l’expérience cumulée auprès d’un public amène
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

une connaissance spécifique qui est toujours celle d’un contexte. C’est un abus de
langage que d’en faire une spécialisation. Le généraliste est doté d’une mauvaise
presse, c’est pourtant sur lui qu’il faut compter face aux experts de toutes sortes pour
intellectualiser a minima les dysfonctionnements cérébraux et autres misères de vie.
Le psychologue a du travail pour un bout de temps. Il faut juste lui laisser le temps
de voir le tout, mais sans donner un avis sur chacun des débats de société et devenir
un quêteur de sens. Être un ardent défenseur de l’intelligibilité globale ne doit pas le
conduire à s’essayer dans la fonction de moralisateur.
Le psychologue est toujours en mouvement entre soutien et évaluation comme il
oscille entre neurosciences et psychanalyse, « physiologisme » et « philosophisme ».
Il est prêt à créer son espace futile transitionnel. Ses théories de poche aidant, il

65
Les fondements

« dialectise » son action et sa pensée, compose avec des instances qui se confrontent et
s’opposent surtout par leurs méthodes, car leur but est le même, il s’agit du bien-être
des personnes et des groupes. La globalisation est certainement envahissante, mais
2. Les ancrages de la psychologie

elle est centrée sur le sujet et l’outil premier reste la dialectique. Il est fondamental
qu’elle ne connaisse pas d’entraves, or il est des atmosphères et des obédiences qui
semblent s’en dispenser, c’est toujours dommageable. Il n’y a pas que les sciences
qui ont l’oreille et la dent dures, la confusion des registres et un recours prononcé
à la loi peuvent également se joindre à des conduites répréhensibles pour atteinte à
la liberté de penser et tentative de normalisation psychique. Nous connaissons les
deux grandes tendances du mouvement psychanalytique en France, nous laissons les
humanistes de côté qui ne parlent pas de la même chose. L’un est happé par une
« paternalistique » confondante, l’autre par une « maternalistique » tout autant. Le
premier en devient « gourouesque » dans la gestion de sa dynamique en prenant la
loi plus à son mot que dans son esprit. Le second se montre parfois un peu trop
accueillant à en oublier les mécanismes de l’essentiel. Il n’y a pas lieu de médicaliser
la psychanalyse. L’ouverture à saluer se trouve alors chez les dissidents qui résistent à
la tentation universitaire de la transmission de la psychanalyse.
« C’est psychologique » intervient tantôt pour souligner l’insignifiance, tantôt pour
signifier la complexité, tantôt pour simplifier la stratégie. Ce diagnostic en creux est
une façon de faire référence à ce qui ne se voit pas et de dire, selon le contexte, que
ce n’est pas lésionnel, que ce n’est pas rendu compte par de l’observable et que l’on
ne voit pas directement. Aujourd’hui, le défaut de diagnostic est également rendu par
« c’est une maladie rare » prenant le relais des lésions cérébrales a minima, présentes
mais non décelables. Autrement dit, l’errance diagnostique masque ce que l’on ne
sait pas encore, reconnaissant des prérogatives au point de vue génétique. « C’est
psychologique », c’est dire aussi que ce n’est pas du discours, comme un regard qui en
dit plus que les mots. Dans cet interstice se glisse le doute générant le questionnement
adapté. Ce doute, dont on ne dira jamais assez combien il est fondateur de l’attitude
du psychologue quand il est agrégé de connaissances scientifiques, devenant ainsi un
guide de sa démarche. Cet héritage professionnalisé de la philosophie peut s’intégrer
dans un cercle vertueux qui fait osciller le doute au fur et à mesure que se balance
l’emprise scientifique. Ce processus en chaîne de périodes peut ainsi faire succéder
au doute, une conviction, puis une certitude, puis une euphorie, puis une réserve
qui permet de boucler ou plutôt de « spiraler » un processus par le questionnement
introduit. Le psychologue pourrait d’ailleurs constituer la preuve vivante que non
seulement on peut vivre dans le doute, mais qu’un travail incessant à partir de lui est
réalisable et réaliste.

66
Les fondements

 Le corps dispose-t-il vraiment d’un langage ?


Entre le long fleuve tranquille d’une neuropsychologie effervescente et la dérive

2. Les ancrages de la psychologie


des psychothérapies apaisées, certains psychologues optent pour les sirènes de la
communication. En effet, une troisième voix, celle qui appelle de tous ses vœux à
un langage du corps, se fait écho d’une psychologie humaniste scientifique. Cette
voie retrace l’épopée de la nouvelle communication comme elle a été appelée. Elle
présente des difficultés d’inscription dans une logique nationale des prises en charge
des personnes en situation de vulnérabilité, mais fournit l’occasion de laisser enfin
émerger l’opportunité du traitement de la question de l’existence ou non d’un langage
du corps. C’est une péripétie inévitable dans le parcours du psychologue, qu’il en
fasse l’hypothèse ou qu’on lui pose la question.
La démonstration est avant tout théorique, car l’application d’une telle reconnais-
sance dans le champ de la santé mentale ne s’y prête guère. Nous pouvons néanmoins
en repérer des traces fugaces. Des trucs et des recettes sont retenus pour leur efficacité.
Si l’on vous propose lors d’un entretien, non pas d’être en face à face, ni côte à
côte, mais en coin, en situation d’angle, c’est bien parce qu’il a été démontré que
la production verbale est plus importante dans ce cas. Elle suscite six fois plus de
conversation qu’une situation en face-à-face à un mètre de distance et deux fois plus
qu’une disposition où les interlocuteurs sont côte à côte. L’audience de ces applications
est encore moins répandue auprès de l’enfant tant les données culturelles sont mises
en avant et donc éminemment en prise avec le monde de l’adulte.
Nous constatons fréquemment combien le langage se montre insuffisant pour tout
exprimer. Dans certaines situations, le corps supplée au langage, la pathologie nous
le montre amplement, ce qui nous fait nous demander si le corps ne s’exprime pas
essentiellement quand il va mal ou du moins y prêtons-nous plus d’attention dans
ce cas. S’il ne se manifeste pas quand il est bien, il manifeste à tout moment.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Le souci quasi universel de mettre des mots sur le corps, de rechercher une
signification à des productions corporelles nous conduit à nous demander si l’on peut
qualifier l’expression corporelle de « langage du corps ». Le corps nous révèle-t-il un
vocabulaire, une syntaxe que l’on pourrait apprendre ? La kinésique, la proxémie, la
conversion, la somatisation possèdent-elles la structure d’un langage ?
Il n’est pas question pour autant de réduire la distance d’avec le langage verbal,
même si l’expressivité du corps nous conduit à conserver le terme de communication
corporelle et non celui de langage du corps. Il nous semble effectivement que le corps
ne présente pas, dans ses manifestations, un ensemble de données que l’on puisse
assimiler au langage. Quelle que soit la production corporelle, elle ne possède pas
la structure du langage, y compris le code des sourds. Ce dernier ne présente pas

67
Les fondements

de rétroaction complète, par exemple : lorsqu’on parle, on s’entend. En revanche,


les sourds n’ont pas de retour sur leurs mimiques. Ces lectures éparses ne peuvent
décoller du contexte et, en tant que telles, répondent à la mise en place de codes, mais
2. Les ancrages de la psychologie

pas de langages. Les efforts qui vont dans le sens d’une lecture des manifestations
corporelles laissent supposer qu’un langage, qu’un code partageable est sous-jacent.
Ray Birdwistell, dans son échec avec la kinésique, a bien perçu les difficultés de la
mise en place d’un arbitraire du signe au niveau physique. Par conséquent, chacun y
va de son code personnel.
L’école de Palo-Alto va décliner un modèle où toute communication est inter-
réagissante et circulaire. Gregory Bateson1 reste un pionnier à nous proposer la
communication comme une matrice où sont enchâssées toutes les autres activités
humaines. La formule est célèbre : « On ne peut pas ne pas communiquer. » Autrement
dit, le comportement comme synonyme de communication n’a pas de contraire, « il
n’y a pas de non-comportement » nous disent Paul Watzlavick, Janet Helmick Beavin
et Don D. Jackson. Donc, nous communiquons sans cesse. Ce postulat est partagé
par ce qu’Yves Winkin va appeler « le collège invisible »2 : Gregory Bateson, Don
D. Jackson, Paul Watzlavick, Ray Birdwistell, Albert E. Scheflen, Edward T. Hall,
Erving Goffman La communication est entendue par tous ces auteurs comme un
processus pluriel permanent. Nous obéissons en permanence à des règles de grammaire
d’une communication sans nous en rendre compte.
Nous retrouvons chez plusieurs de ces auteurs l’analogie avec un orchestre parlant
ainsi d’une « partition invisible ». Les individus ne communiquent pas, ils prennent
part à une communication. De la même façon, les personnes ne se croisent pas dans la
rue, ils « dansent » comme une chorégraphie. Toute communication comme processus
d’interaction présente deux aspects :
– le contenu, transmis sur un mode digital (relation arbitraire entre la chose et le
nom), le message ;
– la relation, essentiellement de nature analogique, c’est-à-dire toute la communication
corporelle, le commentaire sur le message.
Le deuxième aspect englobe le premier et, par conséquent, est une métacommuni-
cation.
La communication corporelle utilise trois types de supports : le corps et les
artefacts liés au corps (vêtements, tatouage) ; les artefacts liés au milieu et tous

1. Bateson G. (1981). La Nouvelle Communication, Le Seuil.


2. Ibidem.

68
Les fondements

les produits de l’artifice humain ; la dispersion dans l’espace. Jacques Cosnier et


Alain Brossard1 considèrent trois caractéristiques de la communication humaine :
multicanalité, plurifonctionnalité et conventionnalité – et non pas arbitraire – et

2. Les ancrages de la psychologie


distinguent deux catégories dans la communication corporelle, qu’ils nomment
communication non verbale :
– le non-verbal co-textuel : une partie du langage est non verbale. Le contexte est
alors particulier, vocal et mimogestuel dans une interaction conversationnelle. Il est
composé essentiellement d’éléments visuels cinétiques rapides (mimiques faciales,
gestes) ;
– le non-verbal contextuel : il existe du non-verbal qui n’est pas du langage. Il est
composé essentiellement de signes visuels statiques (morphotype, artifices, parures)
et cinétiques lents (faciès basal, rides, postures). Ils sont souvent utilisés comme
marqueurs sociaux et vont servir à la définition contextuelle de la situation par leur
fonction métacommunicative.
Concernant la mimogestualité, ces deux auteurs distinguent les gestes illustratifs
(en redondance avec le texte verbal) et les gestes connotatifs sur le contenu (attribution
et/ou redondance) ainsi que sur l’attitude du locuteur (métacommunication).
Il nous faut distinguer le code du langage. Ce dernier est remarquable par sa double
articulation de lettres en mots et de mots en phrases. Il reste caractérisé par les treize
propriétés qu’a dénommées Charles F. Hockett Tandis que le code répond d’une
logique et constitue un système qui reste dépourvu de sens en l’absence d’un contexte.
Par exemple, la couleur des feux tricolores perd sa signification en dehors du système
du code de la route. En revanche, un langage suppose une autonomie du sens qu’une
situation peut aider à comprendre, mais qui, en aucun cas, ne reste indispensable à
une compréhension minimum.
Nous pensons que les « lectures » des mouvements du corps, ou décryptages, ne
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

peuvent se faire en dehors du contexte dans lequel l’émission a lieu, pour fournir une
interprétation accessible à des gens issus d’une même culture. Les différents codes
ne peuvent être considérés comme autant de langues, car elles ne signifient pas la
même chose. Nous pourrions dire qu’il est plus question de « lecteurs » du corps
que de véritables lectures. Ceci permet de concevoir des angles de vue distincts qui
peuvent se compléter, mais non se traduire entre eux. S’il existe un langage du corps,
il est indéchiffrable pour le moment. Parler d’un tel phénomène relève d’un abus de
langage.

1. Cosnier J., Brossard A. (1984). La Communication non verbale, Delachaux et Niestlé.

69
Les fondements

Nous reconnaissons que le corps est susceptible de produire un code, mais non
partageable, tant cette communication au niveau infraverbal peut être empreinte de
parasitages. Comme tout ce qui n’est pas connu, il fait l’objet de mythes, constructions
2. Les ancrages de la psychologie

qui relatent une origine répondant au consensus d’un groupe. Ce langage présumé
peut répondre, dans une perspective scientifique, à un décryptement toujours futur,
tant l’incertitude des progrès témoigne d’une insuffisance actuelle. La science avance
cependant, en se révélant toujours supérieure à des connaissances passées et draine
un savoir ignoré du grand public, en avance sur lui. Le recours, très souvent défensif,
aux mythes pourrait rendre compte du succès des théories qui y font largement
référence, y compris avec une complaisance condescendante lorsqu’il s’agit de nier
en se dispensant d’argumenter telle ou telle souffrance, connaissance ou réalité.
Cette participation obligée à la communication évoquée plus haut trouve racine
dans les observations qu’il fait et qui lui font dire qu’il existe comme une « synchronie
interactionnelle » (le terme est de William S. Condon) où les participants d’une scène
semblent danser un ballet parfaitement mis au point. Par ailleurs, Ray Birdwistell1 parle
d’analyse de contexte et non de contenu. Pour lui, l’analyse porte non sur le contenu,
mais sur le système qui a rendu l’échange possible. Ce système est la communication.
Ce bref aperçu montre la complexité de l’entreprise qui consiste à promouvoir un
langage du corps et souligne l’importance de la contextualisation empêchant cette
tentative d’aboutir. La démonstration est encore plus aisée avec la proxémie que les
travaux d’Edward T. Hall2 ont mise en avant. Ce dernier jette une lumière nouvelle
sur la connaissance que nous pouvons avoir de l’espace en agitant le faisceau des
cultures. Il nous montre ainsi que chaque civilisation a sa manière de concevoir les
déplacements du corps, l’agencement des maisons, les conditions de la conversation
et les frontières de l’intimité. Il désigne sous le nom de « proxémique » l’ensemble
des observations et théories concernant l’usage que l’homme fait de l’espace en
tant que produit culturel spécifique. Les situations interculturelles présentent des
quiproquos qui sont alors pléthore par la méconnaissance de la culture de l’autre. Les
conséquences en sont plus ou moins fâcheuses par des interprétations réciproques
que la barrière de la langue peut étanchéifier, de l’absence de savoir-vivre au scandale
moral. Elles n’apparaissent cocasses que pour un tiers, interprète des langues ou des
cultures.

1. Birdwistell R. (1968). « L’analyse kinésique », Langages, n◦ 10.


2. Hall E. T. (1971). La Dimension cachée, Le Seuil.

70
Les fondements

 Le cadre : un contenant au développement d’une relation


La psychologie ne se contente pas de l’apparence et ne prend pas pour argent
comptant ce qu’elle voit, car elle opère une distinction précieuse entre le visible et

2. Les ancrages de la psychologie


l’observable. C’est une modalité professionnalisante du métier qui nous permet de
visiter un autre versant de la psychologie dessiné par le transfert, à savoir le cadre.
Il est généralement d’exercice dans le champ social, de soin dans le champ de la
santé et de conseil dans celui de l’éducation. Garantie de sérieux, c’est donc aussi
un critère discriminant de pratiques diverses et variées proposées dans un marché
de la démarche psychologique, ouvert à tous les vents, et certains représentants ne
manquent pas d’air.
Le cadre, comme enveloppe d’une organisation, suppose d’opérer une distinction
entre un dedans et un dehors et de repérer un invariant au sein d’un processus de
changement. Le « dehors » c’est l’institution, représentante d’un tiers symbolique,
et « l’invariant » protège sans gêner un processus de développement. Il est constitué
des règles de fonctionnement partagées. Il est ce qui demeure permanent pour que
le changement se produise. La capacité que nous avons à nous fier à un invariant
nous permet d’attribuer ce que nous repérons à un processus qui, à lui seul, pose
suffisamment de questions. Le cadre est un « non-processus » en ce sens qu’il est fait
de constantes. Une des caractéristiques du cadre est qu’il est muet.
Le cadre est avant tout une garantie de part et d’autre. Il permet à la personne de
trouver une place, c’est-à-dire un espace et un temps pour elle, qui lui est réservé.
Pour le psychologue, il octroie l’opportunité de laisser la possibilité et la disponibilité
à ce qui se passe, d’accueillir ce qui doit advenir et non d’attendre quelque chose de
prévu. Il est contenant au développement d’une relation. Ce cadre, qui ne dépend ni de
la personne, ni du professionnel, est garant d’une permanence : nous la verrons, quoi
qu’il arrive, pendant un certain temps, avec des règles à l’intérieur de cette relation.
Il est aussi solidité qui nous protège contre sa « folie », son angoisse, sa demande et
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

en la protégeant aussi des nôtres. Cette protection du psychologue par le cadre qui le
contient lui permet de s’impliquer dans une prise en charge. Le cadre ne s’arrête pas
aux modalités de la rencontre qui font l’objet d’un contrat relatif à l’espace, au temps
et à l’argent. C’est également l’interséance, ces moments où l’on met en mots, où l’on
élabore le non-dit et le non-verbal. Ici se situe une de nos difficultés principales, car il
faut se battre avec soi-même, s’obliger à repérer les choses pour mettre des signifiants
ou des significations en place. Cela demande une quantité d’énergie considérable,
mais nous sommes garants de cette élaboration, du fait « que ça ne tombe pas dans
l’oreille d’un sourd ». C’est condamner, dans le cas contraire, une personne à la
répétition, à ce que cela ne change pas. Et si le psychologue n’interprète pas au sujet
ses conduites, il demeure essentiel qu’il puisse les comprendre et les référer aux

71
Les fondements

siennes propres. C’est bien souvent par le contre-transfert qu’une élucidation peut
prendre forme. Cette interséance est également constituée par les réunions d’équipes
où certaines élaborations individuelles sont redistribuées au groupe.
2. Les ancrages de la psychologie

Le processuel est ce qui avance étymologiquement. Le processus se retrouve être


ce qui se passe entre deux cadres, nous faisant avancer de l’un à l’autre. Nous avons
fait l’hypothèse par le passé du repérage de plusieurs cadres, reliés entre eux par
des processus, et qui s’emboîtent à la manière des poupées russes. Un processus va
même jusqu’à en traverser plusieurs, lors de l’interséance notamment. Celle-ci nous
montre toute l’importance qu’il y a à « tricoter » du symbolique avec chaque niveau
de cadre. Si la psychologie consiste à chercher à mettre en place un processus avec
un grand « P » (celui des psychanalystes), celui-ci reste encore cerné par un cadre
plus grand (le langage). Nous avons ainsi posé que tout processus exige un cadre
supérieur. Il serait commode d’établir un tableau d’équivalence entre les processus et
leurs niveaux d’élaboration psychique. D’une part, des processus sont définis par leurs
cadres respectifs, dépositaires d’un matériel spécifique issu de la mise en œuvre de
mécanismes de défense, d’autre part, ces derniers, structurés chez le sujet en question,
révèlent une capacité méta et de coping de celui-ci. Ce souhait est reflété dans la
terminologie avancée dans nos travaux de surcadre, cadre idéal, idéal de cadre et
cadre. Le cadre représente la symbolisation et/ou la non-symbolisation et nous amène
à approfondir la modalité la plus représentative du surgissement de sens, le transfert.
Celui-ci peut d’ailleurs tout à fait être considéré comme un cadre bien particulier. Il
est en tout état de cause une des sources de questionnement intense des psychologues.

 Transferts primaire et secondaire : investissement et quiproquo à


contretemps
Le transfert commence-t-il avec le choix du psychanalyste, mais aussi du
psychologue, ou se met-il en place après des préliminaires ? Nous avons opté pour la
distinction de deux transferts pour décrire cette affection de longue durée : un transfert
primaire et un transfert secondaire. Nous allons les définir. Nous pouvons envisager
en effet, un transfert de base, ce lien spontané interhumain à tonalité positive (tandis
qu’un transfert positif ou négatif ne prend sa valeur qu’au regard de ses aspects de
moteur et de résistance) : c’est la relation. Elle est empreinte de transfert secondaire
comme elle l’est de parole, de fantasme ou de sexualité. Nous parlerons de transfert de
base dès qu’il y a des échanges affectifs. Nous pourrions aussi l’appeler prétransfert
ou transfert social.
Ce transfert de base, immédiat, n’est rien d’autre que l’investissement, la relation
qui répond à l’appel d’une rencontre. À propos de cet investissement, on se souvient
des difficultés de Sigmund Freud à le distinguer de l’identification primaire. Celle-ci

72
Les fondements

explique bien le transfert dans la mesure où ce qui est intériorisé n’est pas l’autre ou
son image, mais bien l’expérience de la relation à l’autre. Ce transfert de base peut
être ramené à toute relation, à la restriction près de retrouver une situation d’asymétrie

2. Les ancrages de la psychologie


dans cette rencontre qui rappelle celle de la position parent-enfant. Nous ne pouvons
pas séparer aisément la relation du transfert, car ce dernier est une situation totale
qui suppose de la part de la personne, non seulement une identification projective,
mais aussi l’identification à un rôle social. Ce transfert peut être dévisagé, en ce
qui concerne le psychologue, dans le champ de l’empathie, de la séduction et de la
suggestion. N’oublions pas l’ambiguïté de Sigmund Freud à propos de la constitution
du transfert que nous allons envisager dans un instant, où il s’agit d’emporter la
conviction de la personne par le transfert. Cette confiance avec laquelle et sur laquelle
on peut travailler va devenir un lieu de haute confiance.
Ce deuxième transfert que nous appelons secondaire ou « médiat » (pour reprendre
le terme de François Roustang, mais seulement celui-ci) demande un temps
d’installation. Ce transfert-ci n’est plus aussi spontané, ne demandant qu’à être
révélé, il est fabriqué par la situation, produit par celle-ci. Nous le concevons comme
une transformation du cadre. Ce transfert se met en place par construction, avec cette
double valence d’être moteur et résistance, et d’autant plus moteur que l’on s’attache à
travailler dessus, sur ce qu’il incarne de résistance. Nommer ou identifier la résistance
ne suffit pas pour produire un changement, nous dit en substance Sigmund Freud. Il
faut un travail d’élaboration interprétative de la résistance par la personne elle-même,
sorte de réappropriation qui est moins une maîtrise qu’une reconnaissance et une
désaliénation de son discours. Il nous dit aussi qu’il faut que le transfert soit installé
avant d’interpréter. Le transfert devient l’objet du traitement à partir du moment où il
s’est constitué en résistance. Il s’agit d’être pris dans cette méconnaissance provisoire,
cette illusion qui nous permet de nous enfoncer dans le brouillard de notre pathologie
ou de nos embrouillaminis, pour être prêt, voire apprêté. Cette prise dans la distance,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

dans le ciment de la relation, s’oppose à la prise de distance qui est plutôt une déprise.
Cette dernière est garantie par celui qui vient pointer ce qu’il nous est difficile de voir
à ce moment-là.
Cette confiance profonde, où l’on va jusqu’à confier notre façon de fonctionner, est
appréhendée au travers de ce double faux rapport que définit Sigmund Freud : faux
rapport temporel et faux rapport sur la personne, ce que Michel Neyraut1 reprend
comme un « quiproquo à contretemps ». Le transfert n’en fait pas moins cohabiter
les deux versions, les deux versants d’un transfert aussi invoqué que provoqué. Vous
aurez compris que la séparation entre deux transferts est artificielle. Il s’agit bien du

1. Neyraut M. (1974). Le Transfert, PUF.

73
Les fondements

même qui trouve un développement orienté par les conditions dans lesquelles on va
le travailler comme on le fait d’une capacité, d’une aptitude. Ce sont les contraintes
techniques qui vont canaliser le développement de cet amour qui devient amour
2. Les ancrages de la psychologie

impossible. Il n’est pas possible d’épouser son psychologue et nous allons le payer
pour ça. Ces deux transferts n’en sont pas moins des registres différents qui cohabitent.
L’effacement de l’un par la prééminence de l’autre ne l’exclut pas pour autant, il reste
simplement silencieux. Il est clair que la situation ne produit pas les affects qui y
apparaissent ; elle les accommode à sa sauce. Le cadre va être le temps de la cuisine
qui nous prépare un bon petit transfert, si le cuisinier est compétent.
Le transfert est processus, il est ce moteur qui permet d’avancer, qui produit des
effets. Parler des effets de transfert est une tautologie, un truisme. Aussi, la distinction
transfert-effet de transfert ne semble pas des plus pertinentes. Par définition, le
transfert n’est appréhendé que par ses effets comme peuvent l’être l’énergie, le corps
ou l’intelligence. Ça ne se mesure pas, on les met sur une échelle et on parle de
température. Par définition, l’unité de mesure est additive. Si le transfert est moins
« objectivable » que les autres, il n’en est pas moins caractérisé par une repérabilité
pour laquelle la température reste non seulement le qualificatif qui lui sied le mieux,
mais aussi un indice fiable. Il est difficile en effet de courir après la répétition d’une
distribution de réponses qui permettrait d’évoquer la preuve. La validité n’en est pas
moins présente, pour peu que l’on considère la mutualité de la compréhension entre
les deux protagonistes comme un critère de cette validité.
Nous aurons tendance à faire du transfert médiat une transformation du cadre et
à le voir agir comme un cadre notamment dans la fonction contenante, mais aussi
limitative et symboligène, qui le caractérise. Il s’y substitue et joue le rôle d’un cadre :
en effet, entre le psychologue, mais aussi le psychanalyste, et la personne qui le
consulte, tout est ramené sur le tapis de la réalité psychique, tout est ramené dans
le bain ou la baignoire du transfert. Il est lieu de ralliement par excellence. Nous
pourrions presque dire que le transfert est structuré comme un cadre, mais un cadre
plus évolué car « psychisé », métaphorique autant que métonymique, qui devient
ainsi le récepteur des parties névrotiques de la personnalité. Le cadre se psychise à
la rencontre l’un de l’autre par métonymie, tout comme la dérivation d’une fonction
psychique par rapport à une fonction biologique peut nous l’apprendre. Nous pensons à
l’identification primaire qui s’étaye sur l’allaitement par exemple. La métaphorisation
n’est pas absente quand le transfert vient « remplacer » le cadre comme support de
travail.
Le transfert est bien repérable comme cadre. C’est bien le repérage de manifestations
particulières qui nous fait envisager et dévisager le transfert. Sinon, nous pourrions
dire que tout est transfert. Comme tel, nous avançons qu’il est récepteur des parties

74
Les fondements

névrotiques de la personnalité, ce que beaucoup d’auteurs recouvrent par la notion


de névrose de transfert. Il est bien ce terrain contenant où se joue la « répétition de
prototypes infantiles vécue avec un sentiment d’actualité marqué » pour reprendre la

2. Les ancrages de la psychologie


définition de Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis1 . Nous ne pouvons cependant
pas affirmer qu’il parle. Il ne s’agit pas là de prendre position sur un transfert accessible
dans une seule parole, mais bien d’évoquer une caractéristique : il est muet comme
peut l’être un cadre, toujours défini selon la terminologie blégerienne. Il n’est, en effet,
perceptible que quand « il bouge », quand il est question de lui.
Le débat entre références idoines pour neuropsychologues en mal de représentations
et psychanalystes en mal d’imagerie ne sied pas à tous. Tailler des vestes aux collègues,
faire des effets de manches et se prendre des revers pour ne pas avoir été présents
ensemble au même endroit est toujours désolant pour les usagers qui souffrent alors
des guerres intestines des professionnels. Penser que la situation avec un public précis
et un contexte cible tend à dicter les références théoriques relève d’une gageure
similaire, que les personnes soient ainsi distinguées par leur âge, leur condition sociale
ou leur statut civil. Notre souci de réconciliation nous a conduits à imaginer un modèle
d’aide à la compréhension des situations compatible avec la singularité des groupes
et la pluralité des personnes.

 Une modélisation de l’action : le complexe d’Abraham


La dialectique de la gestion de la tension entre deux types d’intérêts, individuels
et collectifs, inhérente à une approche éthique des problèmes de santé publique,
d’éducation et de gestion des ressources humaines, peut avantageusement être traitée
à travers une compréhension guidée par ce que nous appelons pompeusement un
complexe d’Abraham, après avoir poursuivi les avancées théoriques de René Girard2 .
Ce dernier dénonce l’engouement pour la répétition des crimes sacrificiels efficaces
pour rétablir l’ordre social, les boucs émissaires se retrouvant au centre de la gestion
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

des crises sociales. Il nous semble important d’aller plus loin pour faire de la métaphore
du sacrifice le mécanisme propre de la régulation sociale non pas seulement lors des
crises que la société rencontre, mais telle qu’elle peut se vivre au quotidien. Nous
pouvons repérer les indices d’un changement instauré par la réflexion jusque dans les
gestes de cette métaphore, dans la description de cette conversion, de cette expérience
de la fidélité. En effet, dans le temps de suspension du bras sacrificateur par la parole
de Dieu, vient se loger une réflexion qui fournit un sens nouveau à la demande initiale

1. Laplanche J., Pontalis J.-B. (1967). Vocabulaire de la psychanalyse, PUF.


2. Girard R. (1972). La Violence et le Sacré, Grasset.

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Les fondements

de Dieu à Abraham. Il lui est demandé une preuve de fidélité sans faille, non le sacrifice
de son fils Isaac. Le bras, lorsqu’il s’abat dans les situations les plus dramatiques,
est bien celui d’un passage à l’acte. Celui-ci incarne alors un court-circuit de la
2. Les ancrages de la psychologie

pensée, évite la souffrance et préserve le narcissisme. Cette compréhension de l’acte


éclaire celle de l’action et fort probablement celle du psychologue à un moment où
celui-ci cherche sa place sociale, danse d’un pied sur l’autre entre préservation de
l’intimité et protection de la société et se retrouve dans une posture qui l’écartèle
parfois entre intérêts individuels et intérêts collectifs. C’est une mise en pensée qui est
ici proposée afin que la gesticulation socio-éparse du psychologue puisse prétendre à
une chorégraphie psychosociologique.
Notre intérêt pour le développement de la socialisation de l’enfant où le corps,
l’action, l’autre et les règles sont au cœur du processus, mais aussi la permanence
d’une préoccupation centrée sur les modalités de l’action, dont le passage par l’acte
et à l’acte, nous ont amenés à la description d’une métaphore opérationnalisable. Le
statut de l’acte mérite toujours que l’on avance sur son étude. Notre souci se porte
également sur une volonté d’intégrer le psychologue dans une dynamique sociétale
pour en faire un acteur social des politiques de santé, d’éducation et de gestion en
vigueur. C’est ainsi que nous avons été amenés à glisser du complexe d’Œdipe vers
ce complexe d’Abraham.
Les références à l’histoire d’Abraham illustrent parfaitement le passage à l’acte
envisagé comme rupture de sens et absence de mentalisation. Le bras armé qui s’abat
sur sa victime est l’expression d’une pensée éclatée ne pouvant contenir l’insupportable
d’une béance narcissique. La main de Dieu occupe bien une fonction de pare-excitation
de cette souffrance qui écrase Abraham. Abraham est sur le point de tuer son fils Isaac
en sacrifice à Dieu : Abraham tendit la main pour prendre le couteau et immoler son
fils. Alors l’ange du Seigneur l’appela du ciel et lui cria : « Abraham ! Abraham ! » Il
répondit : « Me voici. » Il reprit : « N’étends pas la main sur le jeune homme. Ne lui
fais rien, car maintenant je sais que tu crains Dieu, toi qui n’as pas épargné ton fils
unique pour moi. » (Genèse, 22, verset 10-12, TOB).
Dieu arrête ainsi le bras qui tient le couteau, Isaac est épargné. L’idée que se fait
Abraham de la volonté de Dieu change avec ce geste ou plutôt cette parole. Dieu
lui réclame une fidélité sans faille et non un sacrifice humain. Plus précisément, en
arrêtant le bras sacrificateur, Dieu permet à Abraham de dépasser l’idée qu’il se fait
de sa volonté et ainsi de transformer les représentations dans lesquelles il est plongé.
Dieu ne veut pas le sacrifice du « fils de la vieillesse », don de Dieu à Abraham comme
gage de son élection. Seule la fidélité inconditionnelle d’Abraham est ici demandée
et éprouvée, véritable saut radical dans la foi comme l’appelle Sören Kierkegaard en

76
Les fondements

1843. Abraham convertit son regard sur Dieu et une nouvelle relation naît de cette
épreuve.
Si la transgression est nécessaire à la conquête d’un espace pour penser, c’est-à-dire,

2. Les ancrages de la psychologie


permettre le choix dans la décision originelle d’un tri structurant du type « ça je le
garde, ça je le jette », elle mérite d’être distinguée du passage à l’acte. Abraham est
dans la transgression lorsqu’il s’apprête au sacrifice de son fils, un moment d’ailleurs
où il doute et pense qu’il y a quelque chose qui ne va pas, mais il ne passe pas à
l’acte. Sans le savoir, Abraham transgresse la loi de Dieu. Le passage à l’acte possible
d’Abraham est l’expression d’une légitimité de l’action qu’Abraham sait néanmoins
transgressive dans cette « crainte » et ce « tremblement ». Inutile de dire que sans
l’opportunité d’interrompre cet acte, Abraham n’aurait jamais pu faire l’expérience
de la fidélité. La fidélité se découvre pleine et entière parce que cette transgression
est offerte. La transgression réalisée et le passage à l’acte suspendu sont les éléments
qui semblent fondateurs d’une conversion et donc d’une conquête d’un espace pour
penser qui éclairent les enjeux mêmes de la transgression.
Une transgression n’est pas un passage à l’acte si le passage à l’acte est
une transgression puisqu’il commence par elle. Une différence de degré dans la
structuration de la prise de conscience impose l’autonomie à la transgression et oppose
le discernement au passage à l’acte. La transgression est l’élément initiateur d’une
pensée qui consiste bien à désobéir en quelque sorte. Le dilemme présent dans la
transgression est le choix entre obéir ou penser. Il n’y a pas de dilemme dans le passage
à l’acte puisque le clivage entre corps et langage, que traduit le court-circuit de la
pensée, évite toute souffrance, toute question et préserve le narcissisme. L’acte du
passage à l’acte est bien souvent hors la loi juridique et toujours hors la loi langagière,
symbolique, et se mesure à l’aune du conflit entre pulsion et pensée, trahissant et
traduisant un défaut de régulation pulsionnelle. Externalisation d’une tension interne,
exutoire temporaire de l’angoisse, l’absence de mentalisation empêche l’adresse, non
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

au sens physique du terme, mais au sens relationnel, d’un tel acte. L’après-coup revêt
une importance non négligeable lorsqu’il est susceptible de poser une signification,
un sens sur un acte de ce type.
À partir du modèle du développement psychosocial de la relation asymétrique
originelle parent-enfant, initiatrice d’un grand nombre de comportements sociaux
et d’une herméneutique du récit biblique du sacrifice d’Isaac, nous envisageons
une analyse des attitudes et comportements individuels et collectifs en jeu, dans
la relation psychologue-consultant. Acteur social, le psychologue compose avec la
personne qu’il rencontre un colloque singulier qui ne peut ignorer le travail de la
pensée. Nous proposons une réflexion sur une herméneutique et un paradigme du
fonctionnement social et psychique, susceptibles de décrypter, au-delà des évidences

77
Les fondements

premières, des comportements individuels et collectifs dans le prolongement des


travaux de René Girard sur le processus d’expulsion sacrificielle. Nous appelons
« complexe d’Abraham » la mise à l’épreuve d’une dialectique entre « sacrifice » et
2. Les ancrages de la psychologie

« fidélité » au cœur des relations dans les pratiques sociales, plus particulièrement à
l’œuvre dans l’exercice de la thérapie, mais aussi des conseils d’aide à la décision.
Les niveaux de symbolisation primaire et secondaire que nous intégrons à partir de
la fonction « re » spiralée, véritable métabolisme des mécanismes métonymique et
métaphorique, nous invitent à étendre une conceptualisation de la relation, au-delà
de la rencontre duelle liée à un cadre professionnel, thérapeutique ou social, pour
envisager l’action sociale du psychologue. Cette herméneutique et ce paradigme des
comportements et des discours permettent d’établir une grille de lecture heuristique
au-delà des discours institutionnels formalisés.
La portée d’une telle analyse est susceptible d’éclairer l’intermédiaire, cette sphère
médiationnelle de notre action personnalisée où des scènes se superposent, des
personnes se croisent, d’où une discrimination surgit. C’est aussi le lieu où une
relation trouve une consistance, la confiance que nous avons déclinée en transferts.
Cette fonction du psychologue, d’autant plus sociale qu’elle est individualisée, nous
balade du soin à l’éducation en passant par la gestion des groupes et des situations
personnelles, mais elle trace néanmoins un chemin clairvoyant qui s’exonère également
des registres de la santé, de l’éducation et des ressources humaines.

78
2
Les métiers

3 L’exercice du métier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
4 Les métiers de la psychologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Les métiers

3. L’exercice du métier
3

L’exercice du métier

5. Les premiers pas : stage et mémoire

• Le stage, un parcours essentiel


• Le rapport de stage, un écrit fondateur
• Le mémoire, une expérience initiatique
• La méthodologie, un suivi de plan
• La présentation orale, un exercice de style
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• À vot‘ bon cœur m’sieurs-dames, le bénévolat en question

 Le stage, un parcours essentiel


Le choix d’un stage est toujours important puisqu’il détermine bien souvent
le positionnement professionnel ultérieur. Que ce choix soit minutieux ou qu’une
occasion soit saisie, le stagiaire est amené à confirmer ses envies de travailler dans ce
secteur avec ce type de public et avec cette organisation du travail ou, au contraire,
à se prémunir d’un tel exercice pour s’orienter vers d’autres horizons. La place du
stagiaire présente l’opportunité unique d’une expérience de formation privilégiée qui
ne sera plus rencontrée par la suite.

81
Les métiers

Une situation est unique pour observer l’observation, il s’agit de la position


de stagiaire où l’éprouvé de la situation d’apprentissage amène progressivement
l’étudiant au ressenti d’un outil qu’il se forge au fur et à mesure de l’expérience.
Certains traduisent la position de l’observateur par le dilemme actif-passif. Ce sont
les mêmes qui ne supportent pas un observateur qu’ils disent passif, voyeur. En effet,
3. L’exercice du métier

une observation, le fait même de regarder, est une action, comme toute perception.
À la différence d’une caméra, ces yeux qui voient font partie d’un ensemble, d’un
corps qui ressent, réagit à ce qui se passe. C’est bien d’une présence dont il s’agit. Il
est important d’y porter attention, car cette présence peut être mal vécue s’il n’existe
pas de retour sur cette observation, donnant l’impression que la personne part avec
quelque chose. Cette présence apparaît bénéfique, quand elle offre la garantie que ce
qui se passe ou se dit produit un effet, est supporté par le regard et l’écoute d’autrui
et, à cet égard, faisable et viable, comme pouvant se reproduire hors les murs, ce qui
demeure un but à poursuivre dans nombre de situations. En ce sens, être présent sans
agir est une place non seulement enrichissante, mais structurante pour la personne ou
l’organisation considérée. Il va sans dire que la personne ou le groupe est concerné et
qu’après lui avoir expliqué, il faut qu’il puisse choisir, c’est-à-dire avoir la possibilité
de refuser, mais également revenir sur sa décision s’il le désire. Par ailleurs, nous
pouvons penser que le maître de stage demande à l’observateur de le conforter en tant
que thérapeute suffisamment bon, gestionnaire suffisamment alerte et/ou pédagogue
suffisamment averti.
Le psychologue fait un usage important de l’observation jusqu’à l’utiliser comme
une méthode. Lorsqu’il se trouve en formation sur le tas, cela fait de lui un stagiaire
performant puisque l’on accordera à cette place une prépondérance de l’observation
comme mode d’analyse, d’intégration et de connaissance. Que l’issue d’un stage soit
une embauche, c’est toujours ce que l’on peut souhaiter, mais là n’est pas l’essentiel.
Il n’est pas à négliger bien sûr qu’un stagiaire qui donne satisfaction soit un gain
de temps et de compétences pour le recruteur, même si l’insertion dans une équipe
et la prise de ses marques demandent une vigilance spécifique, le changement de
statut et le repositionnement hiérarchique n’étant jamais évident. Le choix peut se
réaliser par opportunité ou par intérêt, la performance de l’un pouvant compenser
l’enthousiasme de l’autre, les deux ne sont pas exclusifs. Une information judicieuse
permet cependant d’éclairer ses choix, il est important de gagner du temps, même si
les détours sont instructifs dans leurs méandres.
Le stage ne fournit pas seulement un thème de mémoire et l’occasion de s’essayer
dans la mise en œuvre des connaissances, techniques et savoir-faire auprès de personnes
et des organisations. Certes, les bienfaits d’un stage ne sont plus à démontrer concernant
la formation technique et la connaissance des arcanes institutionnels dans lequel on

82
Les métiers

évolue. Ce sont des compétences qui en seront issues, mais il est une dimension à
laquelle elles doivent beaucoup, quasi subversive en sa définition. Le stage revêt en
effet une fonction bien particulière par la position d’entre-deux dans laquelle il place
le stagiaire, à la fois dedans et dehors, inclus dans un travail d’équipe, y compris
dans la saisie de ses subtilités, mais exclu de responsabilités formelles, en l’absence

3. L’exercice du métier
d’un contrat de travail, y compris avec une convention de stage. Il se trouve qu’une
superposition des fonctions amène à des confusions lorsque le psychologue devient
un éternel stagiaire une fois en poste. La super-position n’est pas toujours celle de
celui qui est détaché de la réalité, encore moins « désattaché » des possibles. Une
distinction est donc à travailler entre la fonction du psychologue et celle du stagiaire
liée à son statut de temporaire de la formation en situation de travail.
La posture de ce dernier est parfois inconfortable, mais aussi protectrice et plus
qu’il n’y paraît. Cette position, voire cette « danse », un pied dedans, un pied dehors,
et l’on avance, est ainsi favorable à l’épanouissement d’une fonction critique dont on
ne peut se départir. Si des remontrances ont pu aiguiser le sens critique de l’adolescent
que nous avons tous été, la subversion inhérente à cette position temporaire continue
de forger une analyse critique de notre investissement social. Le stagiaire ne doit
pas se priver de poser les questions qui dérangent. L’engagement professionnel est
déterminant de notre identité sociale et l’activité de travail nous retient suffisamment
d’années pour ne pas errer, voire se tromper dans la nature de cet engagement.
Une réorientation professionnelle demeure toujours possible, mais un ajustement
du parcours opéré le plus tôt possible permet de faire l’économie d’une souffrance.
Colporter cette satisfaction de faire durer la fonction subversive de l’activité humaine
en situation de travail contribue à l’éternité de la jeunesse du psychologue, mais
faire un métier de la fonction « poil à gratter » de la situation de stagiaire suppose
un aguerrissement qui ne peut être exigé du stagiaire, même s’il éclaire mieux son
intrinsèque précarité.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Le stage permet de résoudre en partie le paradoxe de l’exigence d’une expérience


pour débuter lors d’un premier emploi, mais la nécessité d’une supervision qui prend
le relais d’un encadrement universitaire n’est pas résolue par l’équation entre ce besoin
et l’étendue de l’expérience. En effet, même si l’on admet que l’on a constamment
utilité d’une supervision, celle-ci est cruciale lorsque l’on démarre une activité, mais
les premiers temps sont les moments où l’on dispose le moins de moyens pour un
tel financement. Or si l’on peut dissocier les deux aspects stage et supervision, il est
nécessaire d’admettre que cette période d’expérimentation de la formation demande
une constante remise en question, un perfectionnement de celle-ci sans battre sa
coulpe trop souvent pour pouvoir asseoir une praxis sans rougeur.

83
Les métiers

Ce mouvement de recul qui permet d’affiner une analyse et affirmer un position-


nement oscille fréquemment entre épanouissement, contrariété, anxiété, découverte
et tristesse. Cette confrontation à une réalité de la pratique engage la personne et
l’oblige à penser sa place, puis sa position de travail d’autant que des débordements
peuvent surgir sans forcément prévenir, particulièrement par l’intensité des émotions
3. L’exercice du métier

suscitées. Des choix dans l’aménagement des distances sont à opérer et à ajuster aussi
bien dans la prise de risque des solutions à éprouver, les siennes ou celles des autres,
que des durées de stage à faire prévaloir. On reconnaît au stage long l’attractivité d’un
approfondissement des relations et au stage court la multiplicité des contextes pour
diversifier l’expérience.
La répartition du temps est opérationnelle à plusieurs niveaux, entre les stages,
entre les périodes de stage dans un travail d’intégration psychique et entre les temps
d’un même stage dans un travail d’intégration sociale auprès des équipes notamment.
C’est ainsi que l’on est amené à découvrir que notre activité, si elle peut être dévolue
à la personne, ne lui est pas forcément toute consacrée. Il n’y a pas que des séances
dans le quotidien d’un psychologue et les alentours peuvent allègrement occuper une
bonne partie du temps. Le fonctionnement institutionnel et administratif ne peut être
négligé, au risque de passer pour un touriste en n’ayant comme préoccupation et
occupation la relation duelle.
L’apprentissage par essais et erreurs est particulièrement valorisé, curiosité et
critique pouvant se concilier dans la monstration de ce que l’on comprend de ce que
l’on observe, tandis que l’arrogance peut conduire à une mise à l’écart : toucher les
points sensibles peut rendre nerveux les personnes et les équipes, des précautions de
bienséance sont indispensables. Se plier au fonctionnement rencontré est indispensable
à la compréhension, mais ne pas rompre peut permettre de mieux comprendre encore.
Conserver son sens critique est un objectif sur lequel il apparaît nécessaire de se
concentrer une durée certaine.
S’il est répandu que l’on doute des compétences d’un stagiaire, il est des situations
où le savoir actualisé et/ou un regard neuf s’avère plus percutant que l’avis de
professionnels confirmés. Le dosage de prudence sera alors toujours apprécié à l’aune
des enjeux et du respect d’une éthique personnelle. S’adapter et trouver des compromis
reste formateur et il est parfois utile d’attendre pour mieux saisir des pratiques que l’on
trouve initialement choquantes par exemple. Les désagréments de certaines situations
présentant des aberrations peuvent être éclairés et résulter de l’histoire institutionnelle
et de celle des personnes. Elles n’en renforcent pas moins, pour certaines d’entre
elles, des souffrances et des mécanismes de défense légitimes ainsi que des images
tumultueuses d’une profession, parfois moins glorieuses que honteuses susceptibles
d’obstruer la représentation d’un métier que se forgent les étudiants.

84
Les métiers

L’apprentissage peut également se révélé poussé, plus maximum qu’optimum, et


revêtir les aspects d’abus. Les vertus de l’apprentissage ont des limites et celles-ci sont
parfois floues avec l’exploitation des personnes, même si la contrepartie pédagogique
de cette dernière peut être bénéfique. Il est ainsi nécessaire de mesurer ses efforts
comme on prévoit un budget en estimant les coûts engagés pour se faire une idée

3. L’exercice du métier
des bénéfices à retirer. La position de stagiaire n’est pas étrangère à la pression
hiérarchique lorsque l’on peut estimer ne pas se sentir capable ou ne pas maîtriser des
outils et se sentir l’obligé de son maître de stage parce qu’il y a une évaluation à la
clef. Le stage rend bien compte d’une activité de travail même s’il n’en partage pas
les conséquences, ni le statut.

 Le rapport de stage, un écrit fondateur


L’appréciation du rapport de stage répond de quelques critères déterminants. Son
écriture est un exercice engageant, une occasion d’exposer un point de vue personnel
sur une situation professionnelle. Un exercice de style également, car la nécessaire
description de la structure d’accueil, avec ses caractéristiques et ses personnes, doit
être si claire que le lecteur doit pouvoir s’y voir, s’en configurer une représentation
comme s’il s’était rendu sur les lieux. La place que l’on y a trouvée ou que l’on
s’est faite, le rôle que l’on y a joué, son activité, ses apprentissages sont autant
d’éléments attendus. Leur formulation nous confronte à l’exercice de la mise en mots
de l’activité et cette tâche est loin d’être évidente. C’est aussi un entraînement aux
travaux d’écriture qui nous attendent lors de la rédaction d’écrits contraignants par
la traduction à laquelle nous obligent non seulement les non-dits et l’implicite, mais
l’action et l’effort de symbolisation nécessaires à la bonne avancée d’un processus
ou d’une énigme selon les situations. D’ailleurs, les études de cas ou les vignettes
cliniques y ont toute leur légitimité.
Il est également important de ne pas se méprendre sur les difficultés rencontrées,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

ni sous-estimer leur vertu pédagogique. Non seulement on apprend beaucoup d’elles,


leur compréhension par la mise à distance du travail d’écriture est éclairante, mais
le doute sur une supposée naïveté subsistera toujours face à une histoire idyllique.
L’enthousiasme et l’illusion ont leurs limites, les compétences attendues rendent
nécessairement constructif, réaliste et non dupe. Il est plus aisé de composer ce rapport
à partir de notes prises régulièrement au cours du stage et au fur et à mesure du
déroulement de ses temps forts. L’intérêt de celles-ci et de leur reprise peut varier au
fil du temps, mais leur élaboration est susceptible de fournir les traits saillants de cette
expérience constituant les thématiques ou rubriques de ce travail.
Des précautions sont à établir en ce qui concerne les études de cas, qui ne doivent
pas permettre l’identification des personnes. Cette anonymisation conduit à changer

85
Les métiers

des noms, à varier les caractéristiques et à transformer des détails sans affecter la
compréhension de la situation, mais en préservant la vie privée des individus. Dans cette
perspective, on évite de s’épancher sur la vie des personnes avec qui l’on a travaillé.
L’étude de cas, ou de situation s’il ne s’agit pas d’une seule personne, obéit quant à
elle à un plan généralement dicté par l’approche qui prévaut : comportementalisme,
3. L’exercice du métier

psychanalyse, systémie, humanisme. On va retrouver l’anamnèse de l’individu ou de


l’organisation et l’histoire de la souffrance, ou le contraire, et l’un des deux versants,
ou les deux, d’évaluation et d’accompagnement ainsi que la démarche des quatre
« P » que nous proposons pour qualifier la praxis psychologique (cf. supra).
Le rapport de stage peut être adressé au maître de stage, mais également à
l’institution d’accueil. C’est ainsi un retour vis-à-vis de l’apprentissage rendu possible
en ses lieux. L’hésitation peut surgir lorsque la critique institutionnelle s’avère sévère.
Cependant, un lieu qui reçoit des stagiaires sans les exploiter est a priori suffisamment
sain pour admettre un regard neuf, même décapant, voire accepter une remise en cause
constructive de son travail. À l’institution d’en disposer à son aise et de s’en saisir
pour avancer si elle le juge opportun. Les stages vont se succéder et apporter leurs
bonheurs, leurs désillusions, leurs désagréments et leurs regrets. Le dernier, le plus
long, sera plus ou moins chevillé au mémoire.

 Le mémoire, une expérience initiatique


La conduite du mémoire de fin d’études, par sa confrontation avec le terrain, et le
stage le plus long, les deux peuvent d’ailleurs aller de pair, constituent un tremplin
vers le premier emploi. La rédaction du mémoire, qui doit être encadrée par un mode
d’emploi et une personne aguerrie à cet exercice, peut effrayer au début. Son vécu
est cependant généralement celui d’une expérience d’autonomie quasi initiatique, en
tous les cas bien souvent inoubliable.
Le choix du sujet de mémoire doit tenir compte des préoccupations de l’intéressé,
de ses centres de « dividende », et répondre au plus près au compromis réalisé avec
la faisabilité de leur mise en œuvre. L’étudiant sera d’autant plus motivé que sa
curiosité est mise au profit de ses intérêts. Il n’est pas avantageux d’escompter régler
des problèmes personnels par ce travail, mais la désillusion a déjà fait son œuvre
lors des premiers enseignements de psychologie du cursus. Ce choix thématique est
l’aboutissement d’un processus de clarification. À partir d’un domaine et d’un objet
d’étude, il s’agit de sélectionner un sous-domaine qui permette d’énoncer une question
de recherche qui va être affinée au fur et à mesure. Ici aussi, le choix peut se réaliser par
opportunité ou par intérêt, la performance de l’un pouvant compenser l’enthousiasme
de l’autre, les deux n’étant toujours pas exclusifs. Les deux se mesurent à l’aune d’une
production écrite préalable présente dans la littérature. Il est en effet légitime, mais

86
Les métiers

également parfois dommageable, de penser que l’on est le premier à aborder un sujet
pointu avec une question actuelle. Les conseils d’un ancien sont alors judicieusement
appréciés pour mettre en place les stratégies nécessaires pour des gains de temps et
de pertinence. C’est la conjugaison d’une opportunité et d’un intérêt qui permet de
gagner en investissement pour prolonger celui-ci et le renouveler quand les efforts de

3. L’exercice du métier
rédaction commencent à se faire sentir.
Parmi les ressources disponibles, les problématiques saillantes du lieu de stage sont
favorables à un éclaircissement qui tienne compte du terrain et de sa clinique, évitant
l’étude trop documentaire et ainsi « intellectualiste » d’un phénomène. Une fois le
champ d’investigation retenu, la démarche scientifique attendue consiste à définir un
objet d’étude qui permette de clarifier ce sur quoi va porter la recherche. Des lectures
préalables sur le sujet ont permis de cerner les lignes de force déjà étudiées par d’autres
ou qui continuent de générer des questionnements. Une synthèse de ces lectures est
nécessaire pour décrire l’existant et le contexte dans lequel souhaite s’insérer cette
étude.

 La méthodologie, un suivi de plan


Un plan d’élaboration est indispensable ainsi qu’un calendrier. Ce dernier est établi
à rebours en fonction du temps estimé des différentes étapes, en concertation avec
le directeur de mémoire, en fonction de la date d’échéance prévue pour rendre le
document. Le temps de réalisation technique n’est pas à exclure de ce calendrier.
L’élaboration qui met en œuvre la construction d’un protocole de recherche conduit à
la formulation d’objectifs. La méthodologie nécessaire pour atteindre ces objectifs
amène des questions qui vont être autant d’occasions d’évaluer la faisabilité du
projet. On sera inspiré de suivre la conduite de projet préconisée précédemment (cf.
supra), un permis de se conduire est bien délivré à l’issue de la soutenance de ce
mémoire. L’évaluation est constante puisque des ajustements peuvent survenir dans le
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

déroulement de la recherche qui conduit à la rédaction du mémoire. La méthodologie


elle-même est évaluée en fonction de son opportunité à répondre aux objectifs assignés,
c’est dire qu’elle est retenue pour la pertinence de son aide à répondre à la question
initiale. Il n’y a donc pas de bonne ou de mauvaise méthode, mais la recherche d’une
méthode adaptée à partir d’une décision issue de la comparaison des points forts et
des points faibles des techniques pressenties.
Deux pôles méthodologiques majeurs s’offrent à l’étudiant s’il renonce à l’étude
livresque seule : l’expérience ou l’étude de cas. La première vise à établir une relation
de cause à effet entre des phénomènes par le contrôle d’une série de facteurs de
variabilité, des variables, la seconde vise l’analyse approfondie d’une situation, que
celle-ci soit présentée par une personne, un groupe ou une organisation. Le choix

87
Les métiers

méthodologique est approprié et fait écho à la détermination d’un objectif de recherche


en termes descriptifs ou explicatifs. Notons que l’étude d’interaction entre divers
phénomènes par des corrélations ne permet pas d’inférer l’existence de liens de cause
à effet. C’est l’application de ces principes aux techniques de recueil de données,
d’analyse et d’interprétation des résultats qui authentifient le processus scientifique
3. L’exercice du métier

de la recherche. Le résultat est susceptible de porter les caractéristiques d’une étude


telle qu’elle peut être sollicitée ou commandée dans certains cas et donc comporter
une valeur marchande. Elle en supporte alors le financement opportun adéquat, mais
à rechercher.
L’étayage d’un professionnel est fondamental pour la rédaction d’un projet de
mémoire, généralement le premier écrit auquel l’étudiant est confronté pour ce travail
de fin d’études. C’est également une base contractuelle et d’amélioration grâce à
une critique constructive. Marque d’une première étape, ce document est court, de
quelques pages, présente la ou les questions retenues, les procédures nécessaires pour
y répondre et énumère les différentes tâches afférentes à l’objectif privilégié et à la
vérification des hypothèses formulées. La communauté enseignante et praticienne
s’entend sur la nécessité d’un plan, de la définition des termes employés et l’étayage de
toute affirmation sur des données documentées ainsi que sur l’utilisation d’un langage
professionnel, mais cependant clair, et l’usage de références bibliographiques. Si la
création de documents est utile, telle une demande de consentement aux personnes
ou une grille d’entretien, ceux-ci figurent en annexes. Le plan agit comme un guide
récapitulatif de ce qu’il est nécessaire de faire. Il sera repris dans le mémoire et
complété par les étapes ultérieures et leur contenu, le recueil de données, l’analyse des
résultats, la discussion de ceux-ci en regard de la littérature existante sur le sujet. Il doit
faire l’objet de l’accord du responsable de l’encadrement de ce mémoire. L’aisance
du recours à Internet comme source documentaire se mesure parfois à l’aune de
l’économie de la réflexion. Or le maniement du copier-coller ne dispense pas d’un
travail d’élaboration.
Remettre un exemplaire de ce mémoire de fin de cursus, non seulement au maître de
stage et au directeur de mémoire, mais également à l’équipe d’accueil ou au responsable
de la structure constitue un minimum de restitution de son activité, comme nous l’avons
dit du rapport de stage. Véritable élaboration qui sort de l’ordinaire et confrontation à
l’écriture, la rédaction d’un mémoire de fin de cursus d’enseignement constitue une
expérience importante dont la valorisation se poursuit lors du premier emploi. Une
autre épreuve est liée au mémoire, expérimentée au préalable lors d’exposés, c’est sa
présentation orale.

88
Les métiers

 La présentation orale, un exercice de style


À l’occasion d’un exposé ou d’une soutenance, l’exercice de la présentation d’un
travail et d’une représentation de soi devant un jury et/ou un public est important à
perfectionner. Ce n’est plus une récitation, ce n’est pas encore un entretien d’embauche,

3. L’exercice du métier
mais l’aisance à l’oral peut devenir un atout. C’est aussi un minimum requis pour
incarner un métier qui met en avant la parole et l’expression. Les présentations orales
doivent donc être soignées autant dans leur contenu que dans leur forme.
C’est le temps d’une démonstration, le temps imparti va en structurer les étapes à
partir de mots posés comme repères. En effet, lire un texte est contre-productif, écrire
sur une feuille devant soi quelques mots comme jalons d’une pensée qui se déroule est
plus utile. Exposer, c’est poser une introduction et une conclusion, et présenter un plan
logique pour relier l’un à l’autre. Comme il s’agit de convaincre, la cohérence doit
être visible, l’anticipation sur les critiques possibles présente. C’est une performance
scientifique qui doit prouver un esprit de synthèse, démontrer la maîtrise de qui a été
écrit tout en s’écartant a minima du document à soutenir. Ce n’est pas seulement un
résumé, mais une présentation qui va s’attarder sur quelques points jugés importants.
Un support de présentation aide cette structuration du temps et de l’argumentation.
Le diaporama doit rester léger et dansant. Les diapositives reprennent quelques lignes
de texte avec un titre en chapeau et parfois un petit dessin, le tout soutenu des
mouvements d’une flèche et de lignes de texte. Il serait dommage de se priver des
possibilités de l’informatique, mais il faut veiller à ne pas trop charger les diapos, ni
disperser les mouvements d’apparition et de disparition. Si le temps de présentation
peut être préparé, les questions issues d’un jury sont difficiles à anticiper. Le grand
moyen de gagner un peu de temps pour organiser sa réponse est de faire répéter la
question.
Du cursus de formation du psychologue, on ne retient pas seulement des
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

connaissances issues des différentes disciplines qui parcourent ses cinq années.
C’est également une expérience vécue à partir de mises en situation sur le terrain,
toujours formatrices. C’est aussi la confrontation avec soi dans un travail d’écriture.
C’est heureusement le fruit d’une activité de collaboration avec des pairs et des aînés,
professionnels et enseignants, que le partage enrichit et fortifie pour une insertion
optimale lors d’un ou de plusieurs postes après la réussite aux examens des diplômes
qui conduisent au titre de psychologue.

 À vot’ bon cœur m’sieurs-dames, le bénévolat en question


L’insertion professionnelle n’est pas aisée et le nombre de diplômés par an trop
élevé par rapport au nombre de postes sur le marché, ce qui ne veut pas dire que

89
Les métiers

ceux-ci soient suffisamment nombreux en regard des besoins. De plus, il existe de


vraies difficultés à se faire payer décemment, sans compter cet avantage acquis ou
cette nécessité pour faire bien son travail, appelé tiers-temps et pouvant intervenir
comme une casserole ou un élément de négociation. Enfin, la tentation du bénévolat
subsiste, car être en activité demeure une garantie de maintenir des compétences
3. L’exercice du métier

actives, mais il est nuisible à la profession.


« Se payer sur le dos de la bête » : quelle drôle d’expression pour faire valoir
le bénévolat du psychologue. Elle est effrayante, mais peut-être aussi terriblement
vraie par ce qu’elle condense. Elle appelle quelques commentaires de bon sens et à
rebrousse-poil. S’emparer de ce sujet, c’est poser la question essentielle concernant le
bénévolat : comment se paient les personnes ? Plusieurs cas de figure sont à examiner
lorsqu’il s’agit de la situation des psychologues et plusieurs questions vont rester en
suspend.
Deux situations sont répandues chez les psychologues dans la sphère associative plus
particulièrement, car c’est le secteur qui côtoie le plus les bénévoles, toutes formations
confondues, non-formation comprise. Ils sont plutôt stagiaires en entreprise, mais aussi
précaires aidés dans le public. Une des caractéristiques situationnelles prépondérantes
concernant le milieu associatif est la négligence d’un recrutement. Il n’est pas inutile de
rappeler que le bénévolat ruine des postes. Bien souvent, comme une hémi-négligence,
une méprise en compte, mais surtout l’ignorance d’une alternative prive un autre
psychologue d’un emploi par l’empêchement de l’aboutissement d’un projet. Des
psychologues sont en effet capables de monter des projets et de les vendre, qu’ils en
soient gênés par des collègues qui n’ont pas cette compétence est fort dommageable.
Un tel préambule trop aisément posé conduit à contextualiser les deux situations les
plus fréquentes : les jeunes diplômés et les retraités. Nous préciserons donc quelques
points avant d’envisager les motivations les mieux repérées.
Il existe une inflation du nombre de psychologues sur le marché et pléthore
d’universitaires pour l’ignorer. Le combat pour un numerus clausus adapté et une
régulation des flux estudiantins est primordial pour la profession, la pétition lancée par
la Fédération française des psychologues et de psychologie en mars 2006 sur le sujet
est toujours d’actualité, même si l’écho tend à faire larsen actuellement. Il y a encore
quinze ans, nous étions offusqués qu’un psychologue accepte un contrat précaire
aidé, aujourd’hui nous ne sommes plus étonnés qu’un psychologue soit embauché
sur un poste d’éducateur. La déclination des conditions de travail et le déclin du
salaire des psychologues s’intègrent dans un marasme ambiant. Comment comprendre
cependant ce qui amène un psychologue à considérer son activité de travail et à la
faire valoir auprès d’autrui comme don de soi, de ses compétences et de son temps

90
Les métiers

sans contrepartie financière ? Quelle dévaluation prévaut alors aux réalisations d’un
psychologue susceptible de conduire à une dévalorisation de son activité ?
La stratégie qui consiste à proposer une activité bénévole dans l’attente d’une
rémunération ultérieure en poste ou en vacations n’est pas suffisamment payante
tant elle est embrumée des illusions qu’un jeune diplômé doit perdre. Aussi, est-il

3. L’exercice du métier
nécessaire d’évaluer les situations proposées pour que la création d’un emploi se fasse
dans un délai raisonnable. Une formation à bac + 5 devrait conduire à fortiori à ce
type d’analyse. Mais quels aspects peuvent masquer le repérage des critères fiables
d’une telle évaluation ? Certes, la visibilité sociale de la psychologie peut entraver
la démonstration d’une rentabilité sociale, mais peu en ce qui concerne les domaines
classiques d’intervention, d’accompagnement ou d’évaluation. Certes, l’expérience
peut bénéficier de stages, y compris répétés – merci les DU qui prorogent le statut
d’étudiant à la suite d’un master –, mais l’exploitation n’a jamais été démentie et la
grogne monte.
Le bénévolat devient d’ailleurs si répandu dans la gestion des ressources humaines
et les questions juridiques si épineuses qu’un statut à mi-chemin entre le bénévole et
le salarié apparaît avec la loi du 23 mai 2006 : le volontaire. Il touche une indemnité
mensuelle qui ne peut excéder, mais exaspère tout de même, la somme de 634,80 €
au 1er février 2007. Il n’en reste pas moins nécessaire que les psychologues se lancent
dans une réflexion pour que le bénévolat ne devienne pas toxique pour leur insertion
professionnelle. La récente loi qui permet la rémunération des stages de plus de
trois mois à 31 % du Smic se présente comme si radicale pour éradiquer ce fléau
des professionnels surnuméraires, qu’elle se contourne avec des stages de 2 mois et
29 jours tant les structures qui reçoivent des psychologues en stage dans le champ de
la santé n’ont pas de moyens. Le Salaire minimum interprofessionnel de croissance
horaire net est de 6,93 € au 1er juillet 2009.
Une toxicité narcissique est plus fragrante chez les personnes retraitées qui ont du
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

mal à clore une carrière, se divertissent avec un nouveau champ d’investigations et se


réparent de leur propre souffrance. Même si l’expérience n’est en rien proportionnelle
au nombre des années, il est toujours possible d’exercer en libéral et/ou mettre son
utilité au service des cadets. Qui peut cependant travailler gratuitement ? À moins
que d’analyser des situations, écouter la souffrance des personnes et résoudre des
problèmes soit un divertissement ou une activité interchangeable avec nombre d’autres
professionnels.
Une toxicité insidieuse surgit lorsqu’un jeune diplômé pousse l’ingratitude en
acceptant de ne pas être payé, venant ainsi conforter une dévalorisation sociale que
nombre d’employeurs potentiels sont prêts à cautionner tant est répandue une fonction
touristique de la psychologie : il est bien connu que nous sommes tous psychologues !

91
Les métiers

Pourquoi payer un professionnel quand l’activité est simple et à la portée de tous ? Une
opinion qui vient à la rencontre de l’altruisme bienveillant de tant d’autres bénévoles à
qui l’on demande seulement d’avoir « bon cœur ». L’irresponsabilité du psychologue
s’accroît par une posture si légère qu’il peut disparaître du jour au lendemain sans
rendre de comptes et par une position peu rassurante pour les personnes et dédaigneuse
3. L’exercice du métier

pour les situations suivies.


Les psychologues se débattent depuis fort longtemps avec des questions connexes,
comme la valeur de l’argent dans une prise en charge, pour les personnes qui ne paient
pas par exemple, et comme le cadre thérapeutique dans son élasticité et ses distorsions,
lors de nouvelles modalités pratiques d’exercice notamment, pour ne pas les évacuer
avec autant d’inconsistance au travers de ce phénomène du bénévolat. La déontologie
du psychologue de plus en plus inscrite dans son cursus doit absolument conduire à
une réflexion partagée sur le sujet avec l’ensemble de la profession, même en relevant
de l’éthique de chacun, pour que les conditions d’exercice soient vivables, leur
sérénité étant déjà suffisamment malmenée par les tentatives d’effectuer des missions
psychologiques sans psychologie et avec l’assentiment forcé des psychologues. Il n’est
donc pas sérieux d’encourager, soutenir ou cautionner le bénévolat des psychologues,
même si on peut en comprendre son usage comme stratégie d’embauche. Cependant,
non seulement cette dernière est désuète, mais elle ne saurait être privilégiée et ne
doit pas excéder le délai usuel d’une création de poste.

6. Les premières embauches : CV et carrière

• Le curriculum vitae
• La recherche d’emploi
• Entretien, tu me tiens
• L’installation comme fonctionnaire
• La fonction clinique et la fonction FIR
• Les conventions collectives
• L’installation en activité libérale
• Le portage salarial
• Les écrits du psychologue

Les diplômes en poche, ordinairement, on recherche un emploi. Nous devrions


dire des emplois en ce qui concerne le psychologue. Il est probable en effet qu’un

92
Les métiers

temps partiel permette de débuter, mais qu’il faille en accumuler plusieurs avant
de s’installer dans un temps plein ou deux mi-temps si l’on préfère partager son
exercice entre deux types de structure ou deux publics. Certains vont être tentés de
suivre les incitations liées à l’exercice libéral, or une solide expérience clinique et
une connaissance des réseaux institutionnels sont nécessaires avant de se lancer dans

3. L’exercice du métier
cette aventure. Si l’on y ajoute les contraintes afférentes et le nombre d’années pour
se constituer une patientèle, la dissuasion reste forte pour les débutants, sans compter
l’exposition de la crédibilité du métier. L’exercice salarié offert par des structures
publiques, semi-publiques, associatives ou des entreprises n’est pas si décourageant
au vu de la pénurie de professionnels formés, accessibles à si bas prix et dont les actes
ne sont remboursés que par des dispositifs spécifiques de santé. L’exigence légitime
du choix de son emploi pourrait paraître indécente en cette période de crise des trente
furieuses où la tendance est d’être choisi. Cependant, quand l’outil de travail est la
personne elle-même, quand bien même les ressources humaines glissent vers le capital
humain, il est fondamental de persister dans le respect de ce principe d’un choix pesé,
c’est-à-dire pensé.
En tout état de cause, quatre accès se présentent pour acquérir son premier
poste : la candidature spontanée, la réponse à un appel d’offres, la petite annonce,
et l’opportunité d’un réseau de relations. Il demeure néanmoins utile d’être prêt
avant même d’emprunter ces voies d’affrontement avec son avenir. Une réflexion
est nécessaire sur l’orientation professionnelle à privilégier, quand bien même les
stages, les options et les sujets d’études ont posé quelques jalons déterminants. Elle
sera à l’épreuve lors de la rédaction du CV et des lettres de motivation ainsi que
lors du choix des annonces d’emploi. Cette véritable élaboration d’un parcours de
vie sociale se poursuit avec les entretiens de recrutement, dont les premiers peuvent
revêtir l’aspect d’un entraînement pour la maîtrise de l’outil commercialisant, mais
dont les effets sont structurants. La représentation du métier que l’on continue de se
forger à cette occasion, la cohérence qu’elle endosse avec les projets que l’on souhaite
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

voir aboutir, incarnent la préparation qui fera sa place dans la construction de son
identité professionnelle.

 Le curriculum vitae
La rédaction du curriculum vitae (CV) est l’occasion de faire un premier bilan de
ce que l’on a travaillé et suivi pendant son cursus ou en dehors, et d’en structurer
une synthèse valorisante, dont l’apprentissage n’est pas toujours aisé. L’exercice se
complexifie avec le temps. Il permet en outre de se réconcilier, si besoin est, avec
certains des épisodes de sa vie, les fameux trous de CV. Il comporte les rubriques
suivantes : état civil, expérience et formation. Au nom et prénom, on ajoute l’âge

93
Les métiers

plutôt que la date de naissance, qui dissuade de faire un thème astral. La formation
est désormais positionnée après l’expérience, les diplômes pour l’obtention du titre
suffisent puisqu’ils supposent acquis ceux qui leur sont antérieurs, sauf à être très
distincts de la discipline. Un CV se présente sur une page, deux au maximum. Au
fur et à mesure que l’expérience s’étoffe, les détails concernant les stages laissent
3. L’exercice du métier

la place aux responsabilités plus percutantes dans l’actualisation de ce précieux


document. Un titre au CV va permettre de résumer en trois mots la candidature. Il est
idéalement centré sur la réponse à une candidature et doit lui être ajusté, cette fonction
d’adéquation est fort souvent dévolue à la lettre de motivation.
L’expérience est notifiée par année en commençant par la plus actuelle, puis, au fur
et à mesure de sa consistance, par période correspondante au lieu d’exercice ou au type
d’activité. Une brève description du poste ou du stage, activité et public notamment,
complète l’intitulé de la structure. Synthèse d’un parcours, le CV présente les activités
effectuées, les responsabilités assumées et permet que soient déduites facilement les
compétences, mais celles-ci peuvent aussi y figurer. Peuvent également apparaître
les participations à des colloques ou des journées d’étude. Rien n’empêche de noter
tout ce qui revient en mémoire, puis d’évaluer la pertinence de qui est à conserver.
Il ne faut pas négliger les activités para-professionnelles à l’origine de compétences
transférables. Cet inventaire est structuré et présente les ressources passées et à venir
avec pertinence. Il se pense, puis se rédige pour un décideur susceptible de connaître
les spécificités du métier, mais les ellipses restent dommageables. L’intitulé du type
de structure fournit des indices sur ce que l’on y fait, les redondances sont alors
superflues. Certaines omissions ou des sous-entendus sont commis de bon aloi, car le
document est avant tout une présentation avantageuse, mais un CV trop gonflé perd
de sa cohérence et devient difficile à défendre. C’est une patiente construction, un
cheminement qui demande du temps pour répondre d’exigences parfois contradictoires
et pour éclairer une carrière dont la cohérence peut se montrer subtile.
La nécessité d’un travail sur soi et sa mention sur le CV demeurent des questions
à traiter avec délicatesse. L’envie originelle de comprendre pourquoi on est comme
on est a évolué avec le cursus. Par ailleurs, le travail sur soi-même n’est pas toujours
suffisamment éclairé d’informations et laisse la place à un paternaliste « il faut en
baver par-là », prendre sa souffrance entre corps et âme afin de mieux développer son
sens clinique. Or cette démarche qui ne peut qu’être personnelle renoue toujours vite
avec une sensibilité à peur de flot et à fleur de peau. Paradoxe d’une obligation qui ne
dit pas son nom ou aide incontournable au repérage d’une distinction salvatrice entre
cadre et processus, le choix de l’issue de cette réflexion demeure au jeune professionnel
ou à l’étudiant. La pression reste importante de se conformer à la tradition qui incite
à éviter des interférences dommageables entre nos problèmes et ceux des personnes

94
Les métiers

qui viennent nous rencontrer. L’asymétrie de la relation mise en place en situation


professionnelle, constitutive du cadre ne doit pas être accentuée, ni le processus qui
en découle perturbé par des effets contre-transférentiels comme nous les appelons.
Ce travail sur soi se saisit et s’empoigne, il ne relève que de l’éthique des personnes

3. L’exercice du métier
et de recommandations de bonnes pratiques, la première est de rappeler la nécessité de
ne pas nuire avant tout. Sans préciser plus avant la nature de celui-ci, il est nécessaire
de le distinguer de l’expérimentation sur soi des fléaux sociaux. C’est bien souvent
des erreurs de jugement qui conduisent certaines personnes à se prémunir d’une
expérience de sortie de crise pour prétendre « sauver » d’autres personnes en situation
similaire. Cette attitude de substitution est potentiellement néfaste, particulièrement
quand elle ouvre aux dérives par mécompréhension et mésusage d’une part, par
collusion et dilution dans l’art du contact d’autre part. Cette connaissance préconisée
de sa façon d’être, notamment dans la relation, et particulièrement pour estimer la
distance suffisamment bonne, s’expérimente auprès d’un tiers dont c’est le métier.
Psychothérapie et supervision, mais aussi psychothérapie ou supervision quand les
moyens sont dissonants avec les intentions, un autre choix tend à se répandre en
situation de précarité, il s’agit de l’intervision. Plusieurs collègues se retrouvent par
affinités pour évoquer ensemble leurs difficultés, mais aussi leurs lectures.

 La recherche d’emploi
Chercher un travail est un vrai boulot, ces conventions demandent un réel
apprentissage et l’aisance pour se déterminer dans un choix satisfaisant s’améliore par
la confrontation avec l’exercice. Ainsi, est-il possible de s’entraîner pour des lettres de
motivation à partir de petites annonces et d’accepter des entretiens d’embauche pour
des postes qui ne conviennent pas de prime abord. Il est également judicieux de préparer
de petits topos, synthétiques et enlevés, sur son parcours, ses compétences et ses
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

motivations, son rapport à l’institution et au travail d’équipe ainsi que les particularités
propres qui vous rendent irrésistibles sur ce poste. Si le recruteur cherche une perle
rare, le salarié propose d’échanger sa force de travail. Il est donc fondamental de
s’informer sur le poste à pourvoir et de s’enquérir de toutes les informations utiles pour
motiver sa propre décision, indépendamment de la réponse fournie par l’institution
ou l’employeur. Le choix est réciproque et l’on ne peut accepter des contraintes
susceptibles d’engendrer une souffrance professionnelle ultérieure. C’est dire aussi
l’importance de l’authenticité lors de tels entretiens, ce qui n’exclue pas l’apport
d’autres stratégies de valorisation. Nous ne revenons pas sur notre méfiance à l’égard
du bénévolat trop souvent prônée comme l’alternative à la procrastination. Rechercher
des renseignements et des arguments, anticiper sur les questions d’un entretien sur

95
Les métiers

l’autre – la multiplicité de ceux-ci étant une spécialité nationale de recrutement –,


relancer des candidatures, bref, choisir son employeur permet de rester actif.
Le marché hégémonique est maltraitant avec une population captive, les demandeurs
d’emplois. Parce que les psychologues sont mal lotis, ils pensent devoir accepter
3. L’exercice du métier

un emploi sans en négocier les principales modalités d’autant plus aisément qu’on
leur pointe l’épée de Damoclès du nombre tranchant de candidats. Les comparaisons
sociales ne sont guère aidantes en ce moment et l’on accepte volontiers des postes en
abandonnant plusieurs contreparties notoires, le tiers-temps en tête. Il est des erreurs
de débutants qui peuvent se comprendre pour peu qu’elles ne soient pas reproduites par
la suite, mais une évaluation suffisamment bonne de la demande d’emploi présentée
par l’institution et le pronostic suffisamment fiable des compétences que l’on est
capable de mettre en œuvre pour y répondre, constituent les bases indispensables
d’une négociation la plus équilibrée possible. C’est parfois dans l’après coup d’un ou
de deux entretiens que l’on se rend compte de ce qui a cloché dans cette circonstance
pour cet emploi-là. C’est notamment pour cette raison qu’il est utile de multiplier les
rencontres et les situations d’embauche, pour améliorer la connaissance des arcanes
d’un dispositif social ou médical et préciser ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas.
Cette expérience est importante, car des questions cruciales n’attendent pas toutes
une surséance, des conditions de travail en dépendent qui ne pourront pas forcément
se rattraper par la suite et l’issue du départ en période d’essai relève toujours d’une
déception. Relever les ambiguïtés et faire préciser les sous-entendus, c’est le métier
qui rentre et l’on ne peut que souligner combien notre formation non seulement nous
rend performants pour cet exercice, mais nous autorise des choix.
Les psychologues de la santé sont formés pour intégrer un CMPP dans lequel ils
peuvent dispenser des consultations, prise en charge duelle, plutôt qu’individuelle,
en tête à tête, en séances, tandis que les psychologues du travail sont formés pour
devenir DRH. C’est un peu beaucoup les représentations que se sont forgées les
étudiants ou plutôt que les enseignants ont pris soin de transmettre, car ce sont
surtout eux qui diffusent ces types d’idéaux. Or aujourd’hui plus qu’hier, les prises
en charge classiques ne sont guère encouragées partout d’autant que la fonction est
également envisagée au quotidien des spécificités des institutions accueillantes. Nous
renvoyons aux chapitres qui traitent des portraits et des frontières pour éclairer choix
et exigences qui se doivent de rester dignes quel que soit l’état du marché de l’emploi.
Nos atouts demeurent probants, pas seulement quand ils sont jalousés même si cela
est un indice de fiabilité, mais parce qu’ils aident à structurer la présentation de
l’histoire de l’autre et décrypter nos propres réactions, parce qu’ils rendent viables et
dignes de transmission des (re)présentations « qui se tiennent » en se montrant moins
vaporeuses que rassurantes. Le renouvellement du regard ainsi porté sur une situation

96
Les métiers

ou un problème par l’un et par l’autre, chacun ayant à son secours et recours son corps
et son vécu doit perpétuer « l’outilité » des psychologues.
L’effort de recherche doit être dosé et il n’est pas nécessaire de se disperser. Aussi
est-il préconisé de favoriser la voie la plus propice à un résultat. Répondre aux petites
annonces et envoyer des candidatures spontanées conduisent à des opportunités bien

3. L’exercice du métier
inférieures aux effets d’un réseau de relations. Il est judicieux de rester en contact
avec ses collègues de promotion, voire de contribuer à leur rassemblement avec la
Fédération française des psychologues et de psychologie, à titre individuel ou via une
organisation ou un syndicat, et/ou une association d’étudiants et d’anciens proposant
des manifestations autour de la psychologie. Multiplier les contacts est une façon
essentielle de déployer les chances d’être tenu informé de la vacance d’un poste.

 Entretien, tu me tiens
Si un entretien de recrutement n’est pas prévisible, tout comme le passage devant
un jury, certains moments peuvent néanmoins être préparés. Le premier est une
présentation de soi de quelques minutes, de son parcours et de ses motivations,
y compris à partir des sempiternelles interrogations : « quels sont vos principales
qualités et vos principaux défauts ? », mais aussi envers des questions plus intrusives
qu’une réponse préparée peut esquiver. Les moments critiques de son parcours peuvent
être réexaminés avec soin, il est essentiel d’être au clair notamment sur les fins de
contrats antérieurs. Que l’on demeure le sujet sur lequel il n’est pas possible de sécher
est une chose, savoir communiquer sur son parcours et sa personnalité mérite une
attention toute particulière. C’est toujours d’un choix réfléchi dont il s’agit in fine et il
est à présenter comme tel. Des collègues psychologues du travail peuvent toujours se
dévouer pour donner un coup de main, c’est souvent leur job.
L’entretien de recrutement a comme finalité d’apprécier une capacité à occuper un
emploi proposé ou des aptitudes professionnelles. Les informations recueillies doivent
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

donc présenter un lien direct et nécessaire avec ces deux objectifs. À la légitimité
du choix de l’employeur, qui n’a pas à motiver un refus d’embauche, fait face la
liberté de conscience et d’opinion, la liberté syndicale et le respect de la vie privée,
mais l’absence de sanctions efficaces nous rappelle la réalisation difficile de cet
équilibre. La délibération n◦ 85-044 du 15 octobre 1985 de la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (CNIL) parue au Journal officiel le 27 novembre 1985,
rappelle ce respect de la vie privé, familiale et sexuelle des candidats ainsi que la
prohibition d’un profil et la préservation de la confidentialité des informations. De
l’audace des interrogations sur la santé ou le budget mensuel consacré aux loisirs, se
substitue aujourd’hui une subtilité des questions. On va demander une opinion sur
un aphorisme comme « une union fait la force » ou se renseigner insidieusement sur

97
Les métiers

une appétence à discuter du travail avec d’autres après celui-ci en lieu et place de la
traditionnelle question directe : êtes-vous syndiqué(e) ?
L’entretien est à double visée quand nous souhaitons l’explorer comme moment
de rencontre à la base d’un travail, il est alors la fondation de tout cet échange qui
occupe le devant de la scène psychologique. Il est aussi à la base du recrutement de
3. L’exercice du métier

tout professionnel, mais ici une attention plus particulière va lui être portée puisqu’il
incarne l’enjeu humain par définition. Bien évidemment, ce n’est pas de la même place
dont il s’agit et nous ne poussons pas l’ironie jusqu’à penser que l’entretien est un
outil de recrutement et de gestion de patients ou qu’une expérience de la dissymétrie
de l’entretien est formatrice. Le psychologue laisse émerger une singularité, il n’est
pas dans une procédure systématisée, il dispose de plusieurs orientations : ce n’est pas
de la même chose dont il s’agit. Selon chaque situation et en fonction de l’objectif,
l’entretien est pensé, mais il existe des similitudes pour lesquelles on est toujours
bien inspiré de profiter des retombées. Il s’agit avant tout de mettre en place les
conditions nécessaires au recueil de l’information que l’on souhaite jusques et y
compris celle à laquelle on ne s’attend pas, à la différence d’un questionnaire par
exemple. Occuper une place puis l’autre, celle de celui qui fait et de celui qui passe, est
toujours pédagogique, mais si les enjeux peuvent varier, les ressorts des mécanismes
de l’entretien ne sont peut-être pas si distincts en fonction des places occupées. Le
psychologue est un spécialiste de cet outil, même s’il n’est pas le seul. L’aisance du
maniement de l’outil est particulièrement aidante. Le psychologue peut également
postuler pour devenir recruteur, il est alors censé disposer de tous les atouts.
L’entretien, c’est un contrat de communication qui fait de la parole une construction
et l’on va en examiner les termes, car il supporte trop aisément l’adage qui laisse à
penser que tout le monde peut faire de l’entretien, tel Monsieur Jourdain. La formation
n’en devient que plus délicate, car l’expérience professionnelle, quelle qu’elle soit,
ne suffit pas pour poser les bonnes questions, il est nécessaire de disposer également
d’une expérience de l’entretien. Pire, on pense souvent qu’il suffit d’être soi-même, or
l’on se trouve en face d’une autre personne en situation professionnelle : l’authenticité,
essentielle, doit être épaissie d’une compétence. Il faut repérer deux axes dans un
dialogue qui recoupent, comme dans toute communication, le contenant et le contenu,
mais aussi le cadre et le processus, le second permis par le premier. C’est ainsi que
l’on distingue :
– la relation, c’est-à-dire la rencontre de deux personnes avec leur rôle (interviewé,
intervieweur), leur personnalité, leur statut, leur pression sociale (définie par la
situation). L’un questionne, reformule, relance et « empathise » pendant l’entretien :
il a préparé en amont et analyse en aval ; l’autre fournit la matière première, construit
son discours en énonçant et peut transformer sa position de départ ;

98
Les métiers

– l’information ou la parole, c’est-à-dire ce qui circule et peut faire l’objet d’une


élaboration puisque l’on vise le recueil d’une parole ou d’une information pertinente,
car toute parole est pertinente, une information qui répond aux objectifs donnés et
remplit la fonction attendue. L’information fait l’objet d’un travail : elle est triée ou
aléatoire, évaluée, pensée et adressée. Cette information passe par la parole, elle va

3. L’exercice du métier
donc impliquer les personnes et met aussi les facteurs de la relation au premier plan.
Une relation asymétrique ne suffit pas, des conditions pour obtenir de l’information
sont nécessaires. En tout premier lieu, être facilitateur, mettre à l’aise. Être neutre
également, mais bienveillant, ce qui conduit à une attitude qui oscille entre laisser-faire
et direction. La réussite d’un entretien est conditionnée par cette attitude qui consiste
à diriger tout en se laissant diriger. Reformuler nécessite de résumer, et non de répéter,
c’est-à-dire reprendre l’essentiel pour la personne et non pour le professionnel. C’est
comme un feedback de ce que l’on a compris, la reformulation est proposition d’un
accord comme pour dire : « c’est bien ce que vous voulez dire ? » Il est nécessaire aussi
de recentrer, de relancer et d’interroger à partir de questions ouvertes ou fermées. Alain
Blanchet donne la définition suivante de ce contrat de communication : « Ensemble
de savoirs partagés des interlocuteurs sur les enjeux et objectifs du dialogue. » Cette
relation centrée sur de l’information se caractérise par un effet, un changement, jusqu’à
assimiler les termes, sans pour autant se prononcer sur la nature de ce changement.
La plupart du temps, il est mobilisateur, stimulant, même temporairement. Ainsi,
l’entretien est efficace, il a des effets, il introduit un processus de changement, même
furtivement, meilleure connaissance et/ou perception de soi. L’usage va jusqu’à se
prononcer sur un impact positif dans 80 % des cas, négatif dans 10 % et une absence
d’impact dans 10 % des cas. Néanmoins, ce n’est pas parce qu’il semble que ça
marche à tous les coups que l’on peut faire n’importe quoi : l’efficacité systématique,
mais non mesurée, de l’entretien relève de la qualité de l’interaction. Celle-ci se
pense. Par ailleurs, on s’entend pour dire qu’il n’y a pas un modèle meilleur que les
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

autres parmi plus de 400 modèles répertoriés. Ça transforme quelqu’un et la coutume


va jusqu’à donner une répartition de la réussite de l’entretien, de ce changement,
expliqué ainsi : 65 % de cette réussite sont attribués à la personne interrogée, 25 %
au professionnel et 10 % reviennent à la technique. En ce qui concerne la personne,
ses ressources internes sont mises en avant, en particulier son aptitude à verbaliser,
sa conscience de soi et sa maturation affective. Ses ressources externes sont liées au
soutien social et à la nature des difficultés. En ce qui concerne le professionnel, sont
pointées sa personnalité, sa formation initiale, sa formation continue, son expérience,
ses capacités d’écoute et d’empathie.
La personne est si importante qu’elle guide la compétence principale mise en
jeu, l’écoute active ; l’atout principal de la réussite, l’authenticité ; le soubassement

99
Les métiers

de celle-ci, la connaissance de soi, véritable prérequis à la pratique de l’entretien.


L’entretien est une co-construction. L’information qui circule connaît un traitement
et c’est un processus qui s’appuie sur les deux interlocuteurs. La qualité de cette
construction est déterminée par les facteurs qui vont influer sur la relation entre les
deux et l’enjeu qui les relie. C’est un plaidoyer pour le respect de la personne et de
3. L’exercice du métier

la parole quand il s’avère plus utile qu’une autre modalité d’examen. On ne touche
pas, on écoute et on regarde. Cette conduite de retrait, doublée d’une mise à distance,
est un premier pilier de cette technique, le second étant la grille d’entretien, car une
préparation donne du poids : il y a un ou des objectifs à atteindre. Ce guide est plus
ou moins fort selon la structure de l’entretien. Trois types d’entretien décrits à cet
égard sont fournis par le dosage de l’interrogation.
• L’entretien dirigé : les questions sont précises, un questionnaire aurait autant de
valeur, l’entretien tourne court.
• L’entretien non directif, à l’opposé, met en avant la spontanéité de la personne et
ses préoccupations dominantes. Il est riche sur la personnalité, bénéfique pour la
personne, il oblige à être neutre et compréhensif. Il peut être long et fouillé. Il peut
surtout être inutile et distiller de la démagogie.
• L’entretien semi-directif, quant à lui, à privilégier dans la plupart des circonstances
professionnelles rencontrées par le psychologue, n’est pas une résolution de pro-
blèmes, ni une évaluation comparée. Il mêle une attitude d’enquête, particulièrement
au début, à une attitude d’exploration dès qu’apparaît un point important. La poussée
de l’exploration est soutenue d’une attitude de compréhension où l’on encourage la
personne à expliciter et analyser ce qu’elle dit. On évite les risques d’un sentiment
d’évaluation en posant des questions indirectes.

Pour en revenir à la grille d’entretien, elle est une garantie de fiabilité, elle permet
d’intérioriser la préparation de l’entretien et de ne pas induire les réponses. Elle
construit le champ d’investigation, permet d’homogénéiser une procédure, résume
les hypothèses et les variables retenues et, enfin, prépare l’analyse de contenu qui va
suivre l’entretien. Une fois la grille construite, il est possible de passer à l’élaboration
d’un canevas, plus souple et plus complet. Un repérage de trois temps et de quatre
mouvements peut être classiquement décrit. Trois temps, non linéaires, sont présents
dans l’entretien : l’exploration, la compréhension, l’action. Un entretien qui peut
s’inscrire dans un processus en quatre phases pour faciliter une mnémotechnie
qui évoque un « PIED » : j’accueille, c’est une Préparation, je dépiste, c’est une
Investigation, je pense, c’est une Exploitation, j’oriente, c’est une Décision. Le
psychologue de la santé avec la parcimonie de ses interprétations, le psychologue du
travail avec la pertinence de ses recrutements et le psychologue de l’éducation avec la

100
Les métiers

« judicieusité » de ses orientations, tous se retrouvent dans des processus concernant


leurs modalités d’approche.
La qualité des premiers contacts, au centre desquels se trouve l’entretien, est
déterminante de celle de la relation ultérieure, en termes d’investissement, mais aussi
d’intensité de l’interaction. Sans faire tout reposer sur le ou les premiers entretiens, il

3. L’exercice du métier
est nécessaire d’admettre l’oscillation de base de l’objectif le plus immédiat : accepter
la mise en place d’un cadre thérapeutique ou se dégager d’une impasse thérapeutique
prévisible. Les préoccupations diagnostique, pronostique et thérapeutique rythment
les entretiens au fur et à mesure du déroulement de ceux-ci dans le temps, y compris
après coup. Leur simultanéité aboutit rapidement à une décision après une phase
d’évaluation, de nature réciproque, même si les objectifs sont distincts, qu’elle
concerne l’analyse d’une psychopathologie individuelle ou des interactions familiales
et sociales. D’autres mots pourraient avancer la même chose dans un contexte de
travail pour recruter ou non une personne, l’accompagner dans un outplacement ou un
bilan de compétences, mais également dans un contexte scolaire pour une orientation
professionnelle.

 L’installation comme fonctionnaire


La titularisation est notoirement difficile pour plusieurs raisons même si l’on
constate une disparité régionale. Le temps plein est un critère nécessaire, mais non
suffisant, il semble que près de la moitié des contractuels remplissant ce prérequis
ne sont pas titularisés. Une autre condition majeure n’est pas remplie par la grande
majorité des établissements hospitaliers qui se mettent ainsi en non-conformité avec
la réglementation : ils n’organisent pas ou peu de concours. Or comme celui-ci est le
mode de recrutement par excellence des fonctionnaires traités ainsi avec la plus stricte
égalité, force est de constater la gestion à contre-courant des psychologues rencontrant
la plus aléatoire des intégrations. En effet, la plus grande des disparités apparaît
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

entre établissements et à l’intérieur même des structures hospitalières puisque ce sont


elles qui tiennent le haut du pavé des recrutements des psychologues intervenant
dans le champ de la santé publique. Le recrutement se fait pour la FPH (fonction
publique hospitalière) par un concours comportant une admissibilité sur titres et
une admission sur entretien en jury, pour la FPT (fonction publique territoriale)
par un concours comportant une admissibilité sur rédaction d’un rapport et une
admission en jury. Le concours sur titres constitue une reconnaissance d’un statut
de cadre comme la jurisprudence dans le privé de l’arrêt de la Cour de cassation du
28 avril 1994. L’absence de titulaires est bien présente dans une moitié des hôpitaux,
mais l’absence de l’avancement comme celle de l’octroi du temps FIR (formation,
information, recherche) sont également caractéristiques des statuts de ces contractuels

101
Les métiers

même en des proportions moindres. Choix éthique ou rationalisation des difficultés


rencontrées à une titularisation, certains psychologues ne veulent pas entendre parler
de devenir des agents de l’État. Cette qualité de fonctionnaire est fondée sur quatre
critères : une nomination administrative unilatérale, une intégration dans un emploi
permanent, une titularisation dans un grade de la hiérarchie administrative, une
3. L’exercice du métier

participation directe à un service public. Ce dernier est mu par des principes de


continuité, d’égalité, d’adaptation, de neutralité et de gratuité. Il existe trois fonctions
publiques : hospitalière, territoriale, d’État. Les conflits et contentieux relèvent du
tribunal administratif.
Cadre A, le psychologue est en position de direction, conformément à la
répartition en quatre catégories des fonctionnaires selon l’ordonnance n◦ 59-244
du 4 février 1959. C’est un cadre de conception et non un cadre hiérarchique. Il ne
décide pas des conditions de travail des autres, ni les sanctionne, mais dispose d’une
autonomie et d’un degré d’initiative attachés à sa fonction. Il dépend de l’autorité
qui l’a nommé, en l’occurrence le directeur de l’établissement quand il est titulaire,
beaucoup plus du chef de service lorsqu’il est vacataire. Il s’agit du directeur d’hôpital
pour la fonction publique hospitalière, du directeur de l’enfance du conseil général
pour la fonction publique territoriale, du directeur régional de la protection judiciaire
de la jeunesse pour la fonction publique d’État en ce concerne le ministère de la
Justice. Il est un officier lorsqu’il appartient au corps des militaires et ainsi subordonné
au directeur des ressources humaines de son arme, mais il dépend également de la
direction centrale du service de santé des armées pour son emploi de psychologue. Il
est un agent non titulaire de la fonction publique d’État du ministère de l’Intérieur.
Quelle que soit la fonction publique, le temps partiel ne peut excéder 49 % tandis
que le temps non complet s’échelonne entre 50 et 99 %. Le temps partiel ne peut
être occupé que par des agents contractuels. Pour devenir titulaire d’un emploi à
temps complet, le poste est mis au concours, alors qu’à l’issue de contrats à durée
déterminée pour un temps partiel dont la durée maximale ne saurait excéder six ans,
le CDI à temps partiel est prononcé. Un vacataire est un collaborateur occasionnel –
quelques heures hebdomadaires d’intervention –, régi par l’article 7 de la loi n◦ 84-16
du 11 janvier 1984 modifiée, portant les dispositions statutaires relatives à la fonction
publique de l’État. La jurisprudence reconnaît la qualité de vacataire aux agents dont
l’emploi répond au moins à trois conditions :
– spécificité de l’engagement : le vacataire est recruté pour une tâche précise ;
– discontinuité de l’engagement dans le temps : la vacation n’est pas assimilable à un
emploi permanent ;
– rémunération attachée à l’acte : autant d’actes, autant de vacations.

102
Les métiers

Si l’une des trois conditions manque, l’agent recruté n’est pas considéré comme un
vacataire, mais comme un agent non titulaire.

 La fonction clinique et la fonction FIR

3. L’exercice du métier
Réclamer un dispositif clinique n’est pas aisé pour autant dans une période où
il vient à l’encontre d’autres logiques issues d’autres priorités. À l’entrée d’une
institution ou sur son seuil, on connaît meilleure intégration que la « vindication »
d’une spécificité, mais c’est aussi une façon de faire sa place, de travailler à se
positionner dans l’organisation, une monstration de sa force de conviction également.
Le démarquage d’un espace propre n’est pas non plus un marquage du territoire privatif
où la communication n’aurait plus sa place, mais l’engagement sous conditions résiste
mal au chantage d’une docilité professionnelle sollicité ou exigée. Un juste milieu
est à trouver-créer. L’engagement est toujours questionné par les représentations
que l’on s’est forgées en compagnonnage ou à l’université, particulièrement parce
qu’il évolue avec les modalités de la fonction ou du poste, et se trouve interrogé à
partir de l’intervention directe que réclament de plus en plus les nouveaux profils de
psychologue. Les budgets ont raison de l’art et la seule action symbolique n’est plus
tenable dans le renouveau de l’organisation professionnelle, où la polyvalence dispute
sa prérogative au management par la peur. L’engagement mérite d’être distingué de
« l’engageation » comme l’on distingue l’activité de l’activisme, l’intervention de la
directivité et le retrait de l’inaction. À la négociation originale va succéder un espace
de négociation à créer pour maintenir un dispositif en adéquation avec ce que l’on a
appris et que l’on sait faire. La tentative doit en être établie et la démonstration tentée,
les rapports de force feront le reste, le contexte étant plus ou moins aidant. Il est
toujours possible d’aller chercher ailleurs, mais le cumul d’expérience professionnelle
est un bagage minimum pour un parcours donné. La demande de renoncer à une
activité de suivi ou de prise en charge se rencontre de plus en plus fréquemment
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

et à tout âge, dans les structures d’insertion des jeunes comme dans les services
d’évaluation des fonctions supérieures chez les personnes âgées. La rentabilité de
l’activité du psychologue se trouve penchée sur un accueil évaluatif ou d’orientation
au dédain du traitement des obstacles ou des problèmes rencontrés par les personnes,
jugé trop chronophage. Les arguments d’une suprématie qualitative ne manquent pas
là où l’éthique n’a pas de prise pour comparer une file active avec une réussite de
placements, mais il n’est pas toujours facile de les faire valoir.
L’identité du psychologue se construit à partir de la légitimité que lui confèrent ses
emplois, la reconnaissance des personnes qu’il rencontre et la plus-value qu’il fait valoir.
Or le cumul des postes et le morcellement d’un emploi du temps, ne permettent pas
toujours d’obtenir l’équivalent d’un temps plein. Seul, le nombre d’années permet de

103
Les métiers

transformer en CDI des vacations ou la reconduction de CDD. C’est dire l’inconfort de


l’avancée d’une carrière. L’employeur s’autorise néanmoins allègrement à supprimer
plus ou moins adroitement ce temps réglementairement revendiqué appelé FIR pour
« formation, information, recherche », notifié dans la circulaire DH/FH3/92 n◦ 23 du
23 juin 1992 relative à l’application du décret n◦ 91.129 du 31 janvier 1991 portant
3. L’exercice du métier

le statut particulier des psychologues de la Fonction publique hospitalière. Précisons


que le temps FIR, spécifique à la fonction publique, estimée à un tiers du temps de
travail, est appelé temps DIRES (documentation, information, recherche, élaboration,
supervision) dans le secteur privé conventionné, il est alors en général d’un cinquième
du temps. Réfléchir sur sa pratique en fait une pratique sociale, pas seulement parce
que le psychologue est amené à négocier sa place en institution et réclamer quand il
est en position de le faire des avantages mal à mener pourtant défendus par des textes,
mais de plus en plus mollement.

 Les conventions collectives


Une grossière estimation fait travailler un tiers des psychologues dans le secteur
privé et associatif régi par une trentaine de conventions collectives dont les plus
répandues sont apparues les 31 octobre 1951 et 15 mars 1966. Ces conventions
précisent les relations de salariat pour un groupe donné (de quelques centaines à
quelques milliers de personnes) sans contredire le Code du travail à partir d’un travail
de négociations paritaires. Les organisations syndicales représentatives amenées à
actualiser ces conventions par des avenants sont : CFDT, CFTC, CGC, CGT, FO.
L’inspecteur du travail est le garant de l’application de la convention, les litiges sont
portés devant la juridiction prud’homale, une par département. La conception du
travail du psychologue et la hauteur de son diplôme en font un cadre à part entière, ce
que lui reconnaissent la plupart des conventions collectives. Il n’a donc pas à rendre
compte de son travail au niveau technique, mais de son travail global, car il n’est pas
dispensé d’un lien de subordination civile, administrative, avec son employeur. Si les
psychologues ne figurent pas spécifiquement dans la convention collective qui les
régit, il est nécessaire de se référer aux dispositions des cadres.

 L’installation en activité libérale


Comme nous l’avons préconisé, ce mode d’exercice convient à un professionnel
expérimenté. Cette connaissance de la vie institutionnelle n’est pas seulement
indispensable pour un repérage du fonctionnement en réseau des diverses instances
éventuellement partenaires, c’est avant tout une immersion dans un contexte légiféré
dont s’excluent des associations non conventionnées se privant d’un cadre public de
leur action. Certaines professions susceptibles de s’installer en activité libérale sont

104
Les métiers

particulièrement privilégiées lorsque la Sécurité sociale prend en charge la majeure


partie des frais engagés auprès de ces professionnels. Le psychologue détient une
position originale même si elle demeure inconfortable. En effet, l’État reconnaît ce
professionnel comme digne de confiance quand une loi protège son titre et des décrets
encadrent son activité, mais il n’a pas encore obtenu l’aval des financeurs quand

3. L’exercice du métier
la Caisse primaire d’assurance-maladie ne codifie, ni ne rembourse des actes. Les
prestations et interventions du psychologue ne sont prises en charge par la Sécurité
sociale que lorsqu’ils sont intégrés à un traitement d’ensemble comportant d’autres
actes thérapeutiques ou de plus en plus fréquemment par des dispositifs assurantiels
tels que les mutuelles.
L’activité libérale est bien celle d’une entreprise individuelle, dont l’exercice
s’ajuste moins à un projet commun institutionnel et se mesure plus à l’aune des
revenus dont la stabilité reste primordiale. Elle se partage moins avec des collègues,
mais son efficacité est plus solitaire. La responsabilité augmente avec la liberté d’action
et la dépendance diminue avec une hiérarchie qu’une bonne aisance avec un réseau
doit savoir combler. Le Code de déontologie devient le texte de référence principal en
l’absence de textes ministériels d’encadrement. Les gains procurés par l’absence de
conflits institutionnels accompagnent celle d’une dilution de la responsabilité. Celle-ci
est pleine et entière, assumée à partir des choix cliniques retenus et des repères
plus aisés de nos propres conflits. La mixité des options, salariée et libérale, ne doit
cependant pas engendrer une confusion des registres qui conduirait à se comporter
dans l’un des lieux comme si l’on était dans l’autre.
La décision d’une installation est prise dans la perspective d’une étude préalable
qui répond aux soucis suivants : la motivation ; l’organisation de la mise en place et
particulièrement lors des débuts parce qu’ils sont peu rémunérateurs, mais également
à plus long terme, tant envers les aspects professionnels qu’administratifs, financiers
et communicationnels ; l’ancrage géographique, en regard des besoins locaux et de
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

la concurrence. L’écriture d’un projet permet d’ordonner les strates de l’organisation


en fonction des priorités et établit une hiérarchie des actions à la fois logique et
temporelle. On se reportera aux étapes de la conduite de projet décrites au chapitre qui
lui correspond où les psychologues du travail se trouvent privilégiés, mais qui ne reste
pas inaccessible pour autant aux collègues des autres champs d’intervention. Des listes
de démarches, d’obligations sociales et juridiques sont ainsi produites. Une formation
ou une recherche de renseignements sur la gestion, la fiscalité, la responsabilité peut
venir compléter l’arsenal des outils techniques que l’on commence à rassembler ou
une délégation peut leur être préférée par le recours à un professionnel chargé de ces
aspects ou à un dispositif de portage salarial.

105
Les métiers

Si le choix de se lancer dans une activité non salariée en faisant des bénéfices non
commerciaux – c’est leur appellation fiscale –, d’autres choix sont à programmer.
Trois critères sont constitutifs de la pratique d’une profession libérale : indépendance
juridique du travailleur, pratique personnelle d’une science ou d’un art, prépondérance
de l’activité intellectuelle. L’installation en activité libérale nécessite de se renseigner
3. L’exercice du métier

auprès de l’URSSAF (unions de recouvrement de cotisations de Sécurité sociale et


d’allocations familiales) et des centres des impôts. Les cotisations et frais occasionnés
sont relativement faciles à déterminer, mais une étude de marché s’avère nécessaire
pour cette aventure qui prend du temps et de l’énergie. La durée de constitution
d’une patientèle est de deux années environ, des revenus compensatoires sont donc à
prévoir. La protection sociale du créateur d’entreprise représente en effet un certain
coût. Elle est conditionnée par le choix du statut juridique pour l’exercice d’une
activité libérale et reste obligatoire, même si une activité salariée est exercée par
ailleurs. Trois types de cotisation doivent être versés, pour la famille à l’URSSAF,
pour la santé, à la caisse RSI (régime social des indépendants) et pour la retraite
à la CNAVPL (Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales).
L’URSSAF recouvre également trois contributions : la CSG (contribution sociale
généralisée), la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) et la CFP
(contribution à la formation professionnelle). Les cotisations sociales sont calculées
sur la base des revenus professionnels. Les deux premières années, elles le sont sur une
base forfaitaire et sont recalculées et donc régularisées. Les faibles charges amènent à
préférer les options forfaitaires de cotisations.

Informations pour une installation en libéral

Informations utiles
pour les cotisations :

• www.urssaf.fr
• www.le-rsi.fr
• www.cnavpl.fr

pour les aides au chômeur :


• www.assedic.fr
• www.pole-emploi.fr

pour les formalités administratives, fiscales et sociales :

• www.cfe.urssaf.fr

pour un projet d’installation : ☞


106
Les métiers

☞ • www.formapl.org
• www.apce.com

3. L’exercice du métier
Le choix du statut juridique et du régime fiscal réclame une information complète,
un repérage renseigné et perspicace sur les formalités et leurs conséquences. La
déclaration d’existence au centre des formalités des entreprises (CFE) de l’URSSAF
du lieu d’activité est d’autant plus simple qu’elle vaut pour l’ensemble des organismes
destinataires. Ainsi, l’INSEE attribue un numéro d’identification unique : le SIRET.
Ce numéro à 14 chiffres se compose du SIREN (identification de l’entreprise) et du
NIC (identification de l’établissement). L’INSEE attribue également un code d’activité
appelé code APE.
Les démarches peuvent être simples, mais les investissements peuvent aisément
grever un budget. Le local, le mobilier, le matériel et les nécessaires démarches de
communication autour d’une installation sont des charges qu’il est prudent de chiffrer.
Au choix du local, s’ajoutent les autorisations idoines, celle du propriétaire si l’on est
locataire, celle du service d’urbanisme si l’on est propriétaire. La question se pose
alors de changer le statut du local ou de lui conserver une mixité avec l’habitation. Le
centre des impôts répond aisément à ces préoccupations en regard de la taxe afférente.
Par anticipation sur les délais légaux, actuellement fixés au 1er janvier 2015, d’une
accessibilité aux personnes en situation de handicap, des travaux d’aménagements
sont bien souvent à prévoir. Si un usage stéréotypé admet une clandestinité pour « se
jeter à l’eau » et ainsi ne pas déclarer les premiers clients le temps d’une période
équivalente à un essai, non seulement elle n’est pas autorisée, mais elle constitue une
infraction : au premier patient dont on prend en charge la responsabilité d’une aide,
correspond une déclaration. L’immatriculation doit être faite au plus tard dans les huit
jours qui suivent le début d’exercice de l’activité.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

La préconisation collégiale à laquelle nous invitons les psychologues, nouvellement


diplômés ou en attente de l’être, par l’adhésion à la Fédération française des
psychologues et de psychologie et à des associations professionnelles ou thématiques,
labellisantes ou non, doit être déclinée pour servir ce renouveau professionnalisant.
Les réseaux à entretenir ne servent plus seulement pour obtenir un emploi ou à se
tenir au courant de l’évolution de sa profession et de l’actualisation des connaissances,
mais sont à orienter vers d’autres partenaires. La démarche est la même, mais elle est
moins tournée vers les autres psychologues que vers les autres collègues. Le bagage
institutionnel acquis a développé chez lui une compétence à travailler en équipe
pluridisciplinaire. C’est cette fibre qu’il va tisser dans ses relations avec les médecins
généralistes et les psychiatres, les paramédicaux, les directrices de crèche et d’école,

107
Les métiers

du quartier, de la commune et des environs lorsqu’il exerce dans le champ de la santé ;


les structures d’insertion professionnelle et sociale, d’état ou privées, ainsi que les
organismes de formation, pour viser les conseils et l’accompagnement aux adultes ;
des entreprises ou des organismes lorsque l’on exerce en free-lance sur des créneaux
bien précis de sous-traitance d’un aspect de la gestion des ressources humaines. Des
3. L’exercice du métier

visites de courtoisie et de présentation de son activité sont également de bon aloi


dans les différentes structures publiques de soins, d’éducation et d’insertion (CMP,
CMPP, PMI, CAMPS, CCAS, PLI...) et de prises en charge des fléaux sociaux (alcool,
cancer, chômage, exclusion, illettrisme...) ainsi que les associations centrées sur le
développement de l’enfant et son éducation, ou des organismes visant l’insertion
sociale ou professionnelle des personnes. Cette inscription sociale, particulièrement
locale, doit être étayée d’un document écrit facile à distribuer. Une plaquette de
présentation de son activité, des prestations proposées, du lieu d’exercice, de son
accès est aujourd’hui d’une composition aisée, à un moindre coût. Elle indique aussi
la formation et des références. Une imprimante couleur autorise des rectos versos
de qualité avec un contenu issu du CV, qui met en valeur le sérieux de l’entreprise
et de l’offre de collaboration aux partenaires multiples et à la patientèle ou clientèle
potentielle.
Une des particularités de cet exercice en activité libérale est l’avantage acquis
précisé dans le Code des impôts d’une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée
pour :

« .../... Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions
médicales et paramédicales réglementées, et par les psychologues, psy-
chanalystes et psychothérapeutes titulaires d’un des diplômes requis, à
la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la
fonction publique hospitalière ainsi que les travaux d’analyse de biologie
médicale et les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les
prothésistes .../... »

Le montant des revenus détermine l’activité principale lorsqu’il existe une mixité
entre salariat et libéral. Lorsque l’activité privée est faible, les cotisations seront dues
mais des réductions, remises ou exonérations sont possibles. Le cumul d’activités est
réglementé pour les fonctionnaires ou les salariés relevant de conventions collectives
et devient possible pour des activités dérogatoires telles que :
– la production d’œuvres littéraires, scientifiques, ou artistiques ;
– les expertises, consultations ponctuelles et enseignements effectués sur la demande
d’une autorité administrative ou judiciaire, avec l’accord du chef de l’administration
concernée ;

108
Les métiers

– l’exercice libéral des personnels enseignants ;


– les formateurs occasionnels, à raison d’un maximum de 30 jours par an et par
organisme de formation.
La libéralisation des activités professionnelles actuelles est un soutien pour une

3. L’exercice du métier
responsabilisation de son parcours professionnel aboutissant à une installation en
libérale. L’expérience acquise au préalable reste cependant un étayage fondamental,
la liberté d’action ne pouvant constituer le moteur essentiel de cette orientation, même
si l’absence de remboursement vient la renforcer, rejoignant ainsi d’autres exercices
comme la psychomotricité dans le champ de la santé, le coaching dans le champ du
travail ou la psychanalyse. L’indépendance revêt un prix, mais pour qu’un coût ne
nous écrase pas, il est indispensable de l’estimer.

 Le portage salarial
Un système mixte entre le salariat institutionnel et l’activité libérale, entre le
free-lance et l’intérim, voit le jour ou se fait connaître actuellement. Le choix de ce
système peut être retenu ou écarté après examen de ses caractéristiques. Le portage
salarial est une forme d’emploi permettant d’exercer son activité professionnelle
comme un consultant, comme un libéral, durablement ou momentanément, en
conservant son statut de salarié. La société de portage se charge de toutes les
déclarations et relations avec les organismes sociaux, tandis que le « porté » cherche ses
contrats, choisissant ainsi ses missions et son rythme d’activité. C’est un intermédiaire
qui prélève 10 à 15 % de commission du montant de la facture de celui qui travaille
en lui en reversant la moitié des honoraires puisqu’il aura réglé au passage toutes
les démarches administratives. L’intérêt d’un tel système est manifeste en période de
sortie de chômage, d’autant que le cumul avec l’allocation des Assedic est possible, en
phase d’étude de faisabilité d’une nouvelle activité avant de s’installer à son compte,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

enfin offert aux psychologues allergiques à la paperasse, phobiques des charges


administratives. Un syndicat national des entreprises de portage salarial existe depuis
1998, visible sur http://www.sneps.fr.

 Les écrits du psychologue


Ces dépôts de traces ne sont guère aisés quand les écrits obéissent à la conduite d’une
élaboration, facilitent une mise à distance réflexive et aident à surmonter certaines
situations de sidération psychique. Avant de penser communication et transmission,
le psychologue ne peut oublier la fonction que remplit l’écrit dans la garantie
première offerte pour son activité d’un accompagnement élaboré et d’une élaboration
accompagnée. Cette activité d’écriture ne peut négliger l’évolution sociétale des

109
Les métiers

contextes professionnels, non seulement à partir de leur judiciarisation, mais également,


en particulier, avec la loi du 4 mars 2002 et le droit d’accès au dossier de prise en
charge thérapeutique des personnes. Est-il nécessaire, par exemple, que le psychologue
conforte la méfiance médicale qui conduit à vider les dossiers de ce que les patients ne
sauraient lire ? Si l’on ne peut maîtriser la circulation d’un écrit, nous avons le devoir
3. L’exercice du métier

cependant d’apposer certaines précautions de lecture comme la datation en premier


lieu. À une époque où l’on demande au psychologue des attestations concernant des
personnes qu’il n’a pas rencontrées ou des devis, un certain nombre de précautions
élémentaires sont à énoncer. L’exercice de la rédaction du rapport d’expertise est à
cet égard source de vicariance et la connaissance du Code de déontologie une aide
précieuse. Les différents documents que le psychologue est susceptible de rédiger
sous divers formats (lettre, certificat, attestation, compte-rendu, rapport, avis, bilan
d’activité, expertise), peuvent être diffusables, consultables, transmissibles ou non.
Ils peuvent intéresser le sujet, une hiérarchie, un tiers demandeur et devoir respecter
des principes élémentaires du droit des personnes, à commencer par le respect de
leur vie privée. Ces écrits posent à la fois les questions du travail d’élaboration
théorico-clinique, de la transformation d’un matériau brut en éclairage d’une situation,
de la place de la subjectivité, de la demande sociale, mais aussi celles du respect de la
dignité de la personne, de la confidentialité et de la sécurisation des données et de la
responsabilité pénale des écrits. Le versant pédagogique d’un écrit ne demeure que
de surcroît de notre avis. Il est important que d’autres personnes soient sensibilisées
à une écoute singulière et réceptives à la prudence qui ne manque pas à ce qui est
restitué, mais ce privilège ne peut pas intervenir comme prioritaire. L’explication
intrinsèque à un écrit de psychologue est moins pédagogiforme qu’argumentaire. Il
écarte l’instrumentalisation d’une pratique ou d’une prestation, il évite que soient
commises des « erreurs psychologiques » comme il pourrait intervenir des erreurs
judiciaires. Il souligne la responsabilité du psychologue, cet artisan dont la vérité est
celle d’une position et non celle d’un contenu.
Commençons par la fin : les paroles s’envolent, les écrits restent. L’effet papillon
des premières ne doit pas faire oublier la protection des personnes concernées par les
seconds et la responsabilité du psychologue. Le psychologue est un intervenant de
parole et celle-ci a des effets parce qu’elle ne saisit pas complètement, qu’elle incarne
le symbole de l’échappée fondamentale, celle de l’essence du psychisme. Seulement,
les débats oraux ne dispensent pas de la nécessité de traces toutes aussi importantes
d’un ancrage dans la réalité. Cette trace écrite est contenante de la confrontation de
deux discours, celui du psychologue et celui de l’individu ou du groupe. Elle intervient
comme un contrepoint au discours initial prenant en compte ce que le consultant
est prêt à entendre et à recevoir. Le psychologue ne communique pour autant que

110
Les métiers

ce qu’il pense de ce qui lui a été dit. Cet écrit a été discuté avec le sujet pour faire
préciser notamment ce qu’il ne veut pas voir diffuser à d’autres ou les intéressés
ont été informés et ont eu accès à ces informations. Cependant, au-delà, lorsque le
professionnel quitte un lieu d’exercice ou un employeur, comment procéder pour
garantir la préservation de la vie privée des personnes ? Quelques précautions utiles à

3. L’exercice du métier
toute transmission de document aident à prendre une décision suffisamment bonne.
Le choix des éléments et arguments retenus dans une description, une analyse
et des conclusions le sont dans la perspective de répondre à une ou des questions
professionnelles posées, et à elles seules, par un commanditaire, qu’il soit collègue,
juge, médecin, employeur ou usager/client. La rédaction en vue d’une transmission,
au-delà d’une lisibilité naturelle recherchée, est généralement prudente, circonstanciée,
adaptée et anticipée sur les usages probables d’un compte-rendu. Une transmission
qui ne peut avoir lieu sans accord explicite ou obligé de l’intéressé. Celui-ci est parfois
soucieux d’obtenir des documents qui nous paraissent aberrants. Il est ainsi important
de préciser que la délivrance d’une attestation a lieu après des séances et non avant.
S’il est possible de donner les dates de rendez-vous passés, il n’est guère envisageable
de donner un nombre de séances prévues pour un suivi, pas davantage le nombre
d’heures pour un bilan dont on ne sait à l’avance quels sont les tests nécessaires, ni
à fortiori le coût total de notre prestation. Il est tout aussi étonnant de s’entendre
demander des certificats pour des personnes que nous n’avons pas vues, y compris de
la famille des personnes reçues.
À l’oral, le choix de ce qui est retenu tient compte de la confiance des personnes
qu’il s’agit de ne pas trahir pour bien distinguer ce qui doit être tu par respect
de la personne et ce qui relève d’une transmission nécessaire dans le cadre d’un
partenariat. Rappelons-nous par exemple que les notes personnelles doivent le rester,
elles appartiennent au psychologue et ne sont pas transmissibles y compris aux
collègues. Le dossier psychologique peut comporter des protocoles de tests ou
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

d’orientation, mais aussi des lettres et des dessins possiblement transmissibles à des
collègues, mais non à des tiers. Les conclusions de bilans et de synthèse, c’est-à-dire
les documents destinés à une transmission avec l’engagement de la responsabilité du
psychologue, obéissent au respect de quelques mentions :
– la présentation de la procédure choisie en fonction du problème posé ;
– la méthode et les outils utilisés ;
– une conclusion avec des explications et des préconisations ou des conseils.
L’explication de la démarche permet que les conclusions soient débattues.
La question est ouverte concernant le temps de conservation des documents.
L’étude de cas pose de plus en plus d’exigences éditoriales avec les questions éthiques

111
Les métiers

qu’elle soulevait déjà. S’il est facile d’anonymiser des données sociales, il est plus
problématique de transformer des données psychologiques au risque d’une perte de
sens : jusqu’où maquiller un rêve ou supprimer les détails d’une vie. Demander à une
personne son accord pour une publication demande à être réfléchi.
Respecter le principe fondamental qui autorise à ne pas révéler quelque chose sur
3. L’exercice du métier

soi, c’est-à-dire le respect de la liberté d’autrui se heurte parfois avec le but assigné
d’une intervention. Quand celle-ci est à la demande d’un tiers pour une personne
qui ne demande rien, il est particulièrement utile d’être clair et précis pour ne laisser
aucune demande floue. Une explication systématique pour éclairer le consentement
est indispensable, même si celui-ci est de pure forme, car il est difficile de refuser
un suivi ou une évaluation dans certaines circonstances. Parfois, il n’est pas possible
de faire comme si la personne était d’accord, comme si les techniques utilisées
étaient inoffensives, comme si les résultats étaient sans conséquences, comme si le
psychologue était constamment bienfaisant. La prudence est de mise et notamment
en ne restituant, non l’ensemble, mais juste ce qui est nécessaire au tiers demandeur
en l’ayant préalablement communiqué à l’intéressé si ce dernier le souhaite. La plus
grande prudence revêt la forme d’une argumentation, qu’il n’y ait ni méprise, ni
quiproquo, ne serait-ce que parce que toute évaluation doit pouvoir donner lieu à un
débat contradictoire entre psychologues.

7. Liste des textes légaux régissant la profession

• Protection et accès au titre de psychologue


• Statuts particuliers des psychologues et enseignants en psychologie
• Cumul d’activités des fonctionnaires

Les informations se trouvent sur les sites de psychologie dont celui de la Fédération :
http://www.psychologues-psychologie.net et sur le site www.legifrance.com.

Protection et accès au titre de psychologue


Loi n◦ 85-772 du 25 juillet 1985, titre premier, chapitre V, article 44,
modifiée par la loi du 4 mars 2002, article 57.
Décret n◦ 90-259 du 22 mars 1990.
Décret n◦ 90-255 du 22 mars 1990
modifié par le décret n◦ 93-536 du 27 mars 1993 ☞
112
Les métiers

☞ modifié par le décret n◦ 96-288 du 29 mars 1996.


Circulaire DHOS-DREES-2003-143 du 21 mars 2003.
Décret n◦ 2003-1073 du 14 novembre 2003.
Arrêté du 18 novembre 2003.
Arrêté du 19 mai 2006.

3. L’exercice du métier
Arrêté du 10 janvier 2008.
modifié par l’arrêté du 22 avril 2008
en application de l’article 3 du décret du 31 janvier 1991, modifié par l’article 1 du décret du
6 novembre 2008 et de l’article 2 de la loi n◦ 86-33 du 9 janvier 1986.
Statuts particuliers des psychologues et enseignants en psychologie
Décret n◦ 91-129 du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction
publique hospitalière.
Décret n◦ 91-290 du 20 mars 1991 relatif au statut particulier des directeurs de centre d’information
et d’orientation et conseillers d’orientation-psychologues.
Décret n◦ 92-853 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d’emplois des psychologues
territoriaux.
Décret n◦ 92-854 du 28 août 1992 portant échelonnement indiciaire applicable aux psychologues
territoriaux.
Décret n◦ 96-158 du 29 février 1996 portant statut particulier du corps des psychologues de la
protection judiciaire de la jeunesse.
Décret n◦ 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux
enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du
corps des maîtres de conférences.
Décret n◦ 2008-333 du 10 avril 2008 relatif aux comités de sélection des enseignants-chercheurs.
Décret n◦ 2009-460 du 23 avril 2009 modifiant le décret n◦ 84-431 du 6 juin 1984 fixant les
dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier
du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences et portant diverses
dispositions relatives aux enseignants-chercheurs.
Cumul d’activités des fonctionnaires
Décret n◦ 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires.

8. Enfin un rassemblement identitaire

• Un Code pour les psychologues


• Le Code de déontologie des psychologues
• Une avancée fondamentale dans la structuration de la profession
• Le diplôme européen de psychologue
• L’heure ou leurre de l’ordre ?

113
Les métiers

 Un Code pour les psychologues


Un double mouvement oriente les psychologues dans les années 80 à réécrire
les dispositions générales propres aux situations professionnelles qui sont les leurs.
En effet, à l’écart lié à l’évolution de l’exercice, s’ajoute un événement légal sur la
3. L’exercice du métier

protection de l’usage du titre de psychologue qui contraint à fonder les obligations qui
découlent de cet exercice professionnel ainsi que leur pertinence et leur force d’usage.
La refonte du Code de déontologie est donc un enjeu pour l’avenir des psychologues
en traitant la question de leur fonction sociale et leur utilité en regard de l’intérêt
collectif. Les repères collectifs destinés à servir de règles professionnelles visent à
protéger le public et les psychologues contre les mésusages de la psychologie, de la
demande de résolution magique de problèmes personnels à la volonté de maîtrise
technologique des êtres humains, et contre l’usage des méthodes et techniques se
réclamant abusivement de la psychologie.
À la différence des médecins, le Code de déontologie des psychologues n’est pas
un texte législatif, il n’a pour l’instant qu’une valeur jurisprudentielle dans les affaires
mettant en cause un(e) psychologue comme les avis émis par la Commission nationale
consultative de déontologie des psychologues (CNCDP), mise en place à l’issue de ce
Code pour traiter des problèmes relatifs à la déontologie des psychologues.

La Commission nationale consultative de déontologie des psychologues

La CNCDP est une commission de la Fédération française des psychologues et de psychologie,


FFPP, qui finance les frais occasionnés (8 000 €/an) et à qui elle rend compte de son activité.
Les psychologues peuvent la consulter à l’adresse suivante : CNCDP, 77 rue Claude Decaen, Hall
10, 75012 Paris, moyennant 30 € pour frais de fonctionnement. Installée en juin 1997 par les
organisations signataires du Code, la CNCDP est composée de 9 à 12 membres pour une durée
de trois ans. Ils siègent à titre individuel, travaillent bénévolement et en toute indépendance. La
Commission rend des avis aux requérants, publiés un an après, anonymisés, à partir d’une analyse
collective des informations transmises sans instruction et donc sans positions contradictoires.

Le Code de déontologie du 22 mars 1996 est signé par les plus grandes organisations
d’universitaires et de professionnels et a été mis en œuvre sous l’impulsion du
professeur Odile Bourguignon en 1994 et de Patrick Cohen, sans oublier l’apport
essentiel d’Alain Létuvé. C’est le rassemblement des trois plus grandes qui en permet
l’aboutissement : l’Association nationale des organisations de psychologues (ANOP),
née en 1983, membre de la Fédération européenne des associations de psychologues
(FEAP), fondée en 1981, l’Association des enseignants de psychologie des universités
(AEPU), crée en 1969 par Paul Fraisse, et la Société française de psychologie (SFP),
vieille dame de 1901. Cette démarche est le relais d’un projet de charte éthique

114
Les métiers

européenne de novembre 1992, proposé par un regroupement des psychologues


d’Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce et France) auquel a succédé la
signature d’une charte européenne adoptée en juillet 1995 à Athènes par 29 pays
membres de la FEAP, soit plus de 120 000 psychologues. L’enjeu princeps de notre
Code national est la reconnaissance du respect de la personne dans sa dimension

3. L’exercice du métier
psychique comme un droit inaliénable, celle-ci fondant l’action des psychologues ;
73 volontaires issus des organisations existantes produisent un document de travail
issu des commissions des différents champs d’intervention (éducation, enseignement,
formation, justice, recherche, santé, social, travail). La rédaction est déléguée à un
groupe de 7 personnes (3 praticiens, 3 universitaires et 1 juriste). Il s’agit d’Odile
Bourguignon, de Marie-Hélène Lavallard, de Claude Navelet, d’Annick Weil-Barais,
de Gérard Fourcher, de L. Grégoire et d’Alain Létuvé.
Le Code est ouvertement un outil de promotion de la discipline. Cette déclaration
publique d’engagement par rapport à des valeurs partagées est moins un exercice
de normalisation qu’une occasion historique d’un rassemblement de la profession.
C’est un exercice de relation publique de surcroît, car la population bénéficie de cette
préoccupation « protectionnelle ». Cette formulation de principes directeurs respecte
particulièrement notre culture latine qui s’oppose au rassemblement de conduites de
savoir-vivre jurisprudentiels. Ce Code rappelle en premier lieu que les compétences
des psychologues sont rares parce que spécifiées par une formation de haut niveau et
marque une étape importante du processus de professionnalisation de la psychologie
et une étape essentielle de la construction de l’identité des psychologues. Le Code
fait le psychologue puisqu’il ne s’adresse qu’à lui. L’activité ersatz de celle d’un
psychologue, proche ou qui en tiendrait lieu n’est pas concernée par ce Code. C’est
parce qu’il est psychologue qu’il observe en conscience les principes indiqués. Si la
valeur contraignante est absente par son manque d’inscription dans un texte juridique,
l’incitation est grande à le faire figurer dans un contrat de travail ou une convention
pour préciser les modalités de l’activité du psychologue.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Enregistrement sur les liste Adéli

Une autre inscription légale, et celle-ci est obligatoire, prend de l’ampleur comme garantie d’une
formation de référence, il s’agit des listes Adéli. Un numéro est attribué à tous les praticiens,
salariés ou libéraux, depuis la circulaire DHOS/P 2/DREES n◦ 2003-143 du 21 mars 2003 relative à
l’enregistrement des diplômes des psychologues au niveau départemental. Les inscriptions se font
dans les DRESS au sein des DDASS du département de l’activité ou celui qui en rassemble la majorité
si l’exercice se partage entre plusieurs départements. Pièce d’identité et originaux des diplômes sont
nécessaires : licence, maîtrise et DESS ou bien licence, maîtrise, DEA et certificat de validation de stage
ou licence, maîtrise et diplôme antérieur à l’appellation DESS (décret 96-288 du 29 mars 1996) ou
diplôme validant (décret 90-255 du 22 mars 1990) ou autorisation d’exercice délivrée par le Préfet ☞
115
Les métiers

☞ de Région ou autorisation ministérielle (diplômes européens et étrangers) délivrée par le Ministre


chargé de l’Enseignement Supérieur. La recherche d’emploi est considérée comme une situation
professionnelle et l’inscription se fait avec l’adresse personnelle, comme pour un remplacement, en
base provisoire.
3. L’exercice du métier

Jusque-là, les psychologues n’étaient guère organisés en groupe de pression, c’est


le moins que l’on puisse dire ; cette démarche est l’occasion d’une réconciliation avec
leur utilité sociale que la loi de 1985 leur reconnaît et d’une remise sur pied après les
attaques de Moscou en 1948, de Rome en 1958 et de Paris en 1968. La psychologie
du travail se trouve très tôt confrontée aux prises avec des dilemmes politiques et
existentiels qui impliquent des choix de valeurs et c’est l’Association professionnelle
des psychotechniciens diplômés qui monte la première au créneau. Leur texte paraît
en 1958 et sert de document de base pour la SFP (Société française de psychologie),
qui réfléchit à l’écriture d’un Code. C’est d’ailleurs un rassembleur positionné contre
une instance ordinale qui en rédige la première mouture en 1960, Robert Pagès. Il
dirige le laboratoire de psychologie sociale de la Sorbonne, créé par Daniel Lagache,
où se côtoient cliniciens et expérimentalistes. La version définitive de ce Code est
adoptée par la SFP en mai 1961. La conquête d’un statut en juillet 1985, et l’évolution
de la demande sociale, bousculent le questionnement déontologique, aussi est-ce un
nouveau Code qui est à l’origine de l’évolution actuelle de la profession. Le voici.

 Le Code de déontologie des psychologues


Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa
reconnaissance fonde l’action des psychologues.

Code de déontologie

Préambule
Le présent Code de déontologie est destiné à servir de règle professionnelle aux hommes et
aux femmes qui ont le titre de psychologue, quels que soient leur mode d’exercice et leur cadre
professionnel, y compris leurs activités d’enseignement et de recherche.
Sa finalité est avant tout de protéger le public et les psychologues contre les mésusages de la
psychologie et contre l’usage de méthodes et techniques se réclamant abusivement de la psychologie.
Les organisations professionnelles signataires du présent Code s’emploient à le faire connaître et
respecter. Elles apportent, dans cette perspective, soutien et assistance à leurs membres. L’adhésion
des psychologues à ces organisations implique leur engagement à respecter les dispositions du Code.
Titre I. Principes généraux ☞

116
Les métiers

☞ La complexité des situations psychologiques s’oppose à la simple application systématique de règles


pratiques. Le respect des règles du présent Code de déontologie repose sur une réflexion éthique et
une capacité de discernement, dans l’observance des grands principes suivants :
1. Respect des droits de la personne
Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne

3. L’exercice du métier
et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur
dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé
des personnes concernées. Réciproquement, toute personne doit pouvoir s’adresser directement et
librement à un psychologue. Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le
respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que
nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.
2. Compétence
Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une
formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension
d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres,
compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas
avoir les compétences requises.
3. Responsabilité
Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité
professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent
Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et
de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond
donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
4. Probité
Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde
l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser
ses méthodes et définir ses buts.
5. Qualité scientifique
Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation
raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat
doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

6. Respect du but assigné


Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses
interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but
assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent
éventuellement en être faites par des tiers.
7. Indépendance professionnelle
Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque
forme que ce soit.
8. Clause de conscience
Dans toutes les circonstances où le psychologue estime ne pas pouvoir respecter ces principes, il est
en droit de faire jouer la clause de conscience. ☞
117
Les métiers

☞ Titre II. L’exercice professionnel


Chapitre 1. Le titre de psychologue et la définition de sa profession
Article 1
L’usage du titre de psychologue est défini par la loi n◦ 85-772 du 25 juillet 1985 publiée au JO
du 26 juillet 1985. Sont psychologues les personnes qui remplissent les conditions de qualification
3. L’exercice du métier

requises dans cette loi. Toute forme d’usurpation du titre est passible de poursuites.
Article 2
L’exercice professionnel de la psychologie requiert le titre et le statut de psychologue.
Article 3
La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans
sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés
isolément ou collectivement.
Article 4
Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d’agent public. Il peut
remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la
psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. Ces missions
peuvent s’exercer dans divers secteurs professionnels.
Chapitre 2. Les conditions de l’exercice de sa profession
Article 5
Le psychologue exerce dans les domaines liés à sa qualification, laquelle s’apprécie notamment par sa
formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations
spécifiques, par son expérience pratique et ses travaux de recherche. Il détermine l’indication et
procède à la réalisation d’actes qui relèvent de sa compétence.
Article 6
Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte
celle des autres professionnels.
Article 7
Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique,
ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales
en vigueur.
Article 8
Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut
à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et
en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses
méthodes et de ses décisions. Il fait état du Code de déontologie dans l’établissement de ses contrats
et s’y réfère dans ses liens professionnels.
Article 9
Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou
participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des
objectifs et des limites de son intervention. Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers
ou des situations qui lui sont rapportés, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ☞
118
Les métiers

☞ ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. Dans toutes les situations d’évaluation, quel que
soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une
contre-évaluation. Dans les situations de recherche, il les informe de leur droit à s’en retirer à tout
moment. Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec
chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est

3. L’exercice du métier
posée et non d’apporter des preuves.
Article 10
Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son
intervention auprès d’eux tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en
vigueur. Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée
par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de
l’autorité parentale ou de la tutelle.
Article 11
Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation
d’autrui. Il ne répond pas à la demande d’un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui
fait acte d’autorité abusive dans le recours de ses services. Le psychologue n’engage pas d’évaluation
ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il serait déjà personnellement lié.
Article 12
Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels
il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver
le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible
des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires. Lorsque ces conclusions sont
présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments
d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.
Article 13
Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le
dispense pas des obligations de la loi commune. Conformément aux dispositions de la loi pénale
en matière de non-assistance à personne en danger, il lui est donc fait obligation de signaler aux
autorités judiciaires chargées de l’application de la loi toute situation qu’il sait mettre en danger
l’intégrité des personnes. Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel
qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à
tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à
personne en danger. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues
expérimentés.
Article 14
Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent
son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la
mention précise du destinataire. Le psychologue n’accepte pas que d’autres que lui-même modifient,
signent ou annulent les documents relevant de son activité professionnelle. Il n’accepte pas que ses
comptes-rendus soient transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son
courrier.
Article 15 ☞
119
Les métiers

☞ Le psychologue dispose sur le lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable,
de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel, et de moyens techniques
suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.
Article 16
Dans le cas où le psychologue est empêché de poursuivre son intervention, il prend les mesures
3. L’exercice du métier

appropriées pour que la continuité de son action professionnelle soit assurée par un collègue, avec
l’accord des personnes concernées, et sous réserve que cette nouvelle intervention soit fondée et
déontologiquement possible.
Chapitre 3. Les modalités techniques de l’exercice professionnel
Article 17
La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu’il met en œuvre.
Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces
techniques.
Article 18
Les techniques utilisées par le psychologue pour l’évaluation, à des fins directes de diagnostic,
d’orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées.
Article 19
Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de
conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment
lorsque ses conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
Article 20
Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive
et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur.
Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de recherche, de publication, ou
de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l’anonymat, par la
suppression de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes concernées,
ceci toujours en conformité avec les dispositions légales concernant les informations nominatives.
Chapitre 4. Les devoirs du psychologue envers ses collègues
Article 21
Le psychologue soutient ses collègues dans l’exercice de leur profession et dans l’application et la
défense du présent Code. Il répond favorablement à leurs demandes de conseil et les aide dans les
situations difficiles, notamment en contribuant à la résolution des problèmes déontologiques.
Article 22
Le psychologue respecte les conceptions et les pratiques de ses collègues pour autant qu’elles ne
contreviennent pas aux principes généraux du présent Code, ceci n’exclut pas la critique fondée.
Article 23
Le psychologue ne concurrence pas abusivement ses collègues et fait appel à eux s’il estime qu’ils
sont plus à même que lui de répondre à une demande.
Article 24 ☞
120
Les métiers

☞ Lorsque le psychologue remplit une mission d’audit ou d’expertise vis-à-vis de collègues ou


d’institutions, il le fait dans le respect des exigences de sa déontologie.
Chapitre 5. Le psychologue et la diffusion de la psychologie
Article 25
Le psychologue a une responsabilité dans la diffusion de la psychologie, auprès du public et des

3. L’exercice du métier
médias. Il fait de la psychologie et de ses applications une présentation en accord avec les règles
déontologiques de la profession. Il use de son droit de rectification pour contribuer au sérieux des
informations communiquées au public.
Article 26
Le psychologue n’entre pas dans le détail des méthodes et des techniques psychologiques qu’il
présente au public, et il l’informe des dangers potentiels d’une utilisation incontrôlée de ces techniques.
Titre III — La formation du psychologue
Chapitre 1. Les principes de la formation
Article 27
L’enseignement de la psychologie à destination des futurs psychologues respecte les règles
déontologiques du présent Code. En conséquence, les institutions de formation :
– diffusent le Code de déontologie des psychologues aux étudiants dès le début des études ;
– s’assurent de l’existence de conditions permettant que se développe la réflexion sur les questions
d’éthique liées aux différentes pratiques, enseignement et formation, pratique professionnelle,
recherche.

Article 28
L’enseignement présente les différents champs d’étude de la psychologie, ainsi que la pluralité des
cadres théoriques, des méthodes et des pratiques, dans un souci de mise en perspective et de
confrontation critique. Il bannit nécessairement l’endoctrinement et le sectarisme.
Article 29
L’enseignement de la psychologie fait une place aux disciplines qui contribuent à la connaissance de
l’homme et au respect de ses droits, afin de préparer les étudiants à aborder les questions liées à
leur futur exercice dans le respect des connaissances disponibles et des valeurs éthiques.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Chapitre 2. Conception de la formation


Article 30
Le psychologue enseignant la psychologie ne participe pas à des formations n’offrant pas de garanties
sur le sérieux des finalités et des moyens. Les enseignements de psychologie destinés à la formation
continue des psychologues ne peuvent concerner que des personnes ayant le titre de psychologue.
Les enseignements de psychologie destinés à la formation de professionnels non psychologues
observent les mêmes règles déontologiques que celles énoncées aux articles 27, 28, et 32 du
présent Code.
Article 31
Le psychologue enseignant la psychologie veille à ce que ses pratiques, de même que les exigences
universitaires (mémoires de recherche, stages professionnels, recrutement de sujets, etc.), soient
compatibles avec la déontologie professionnelle. Il traite les informations concernant les étudiants, ☞
121
Les métiers

☞ acquises à l’occasion des activités d’enseignement, de formation ou de stage, dans le respect des
articles du Code concernant les personnes.
Article 32
Il est enseigné aux étudiants que les procédures psychologiques concernant l’évaluation des individus
et des groupes requièrent la plus grande rigueur scientifique et éthique dans leur maniement
3. L’exercice du métier

(prudence, vérification) et leur utilisation (secret professionnel et devoir de réserve), et que les
présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et
du bien-être des personnes présentées.
Article 33
Les psychologues qui encadrent les stages, à l’université et sur le terrain, veillent à ce que les stagiaires
appliquent les dispositions du Code, notamment celles qui portent sur la confidentialité, le secret
professionnel, le consentement éclairé. Ils s’opposent à ce que les stagiaires soient employés comme
des professionnels non rémunérés. Ils ont pour mission de former professionnellement les étudiants
et non d’intervenir sur leur personnalité.
Article 34
Conformément aux dispositions légales, le psychologue enseignant la psychologie n’accepte aucune
rémunération de la part d’une personne qui a droit à ses services au titre de sa fonction universitaire.
Il n’exige pas des étudiants qu’ils suivent des formations extra-universitaires payantes ou non, pour
l’obtention de leur diplôme. Il ne tient pas les étudiants pour des patients ou des clients. Il n’exige pas
leur participation gratuite ou non, à ses autres activités, lorsqu’elles ne font pas explicitement partie
du programme de formation dans lequel sont engagés les étudiants.
Article 35
La validation des connaissances acquises au cours de la formation initiale se fait selon des modalités
officielles. Elle porte sur les disciplines enseignées à l’université, sur les capacités critiques et
d’auto-évaluation des candidats, et elle requiert la référence aux exigences éthiques et aux règles
déontologiques des psychologues.

Signataires du Code

Code signé par l’AEPU (Association des enseignants de psychologie des universités), l’ANOP
(Association nationale des organisations de psychologues), la SFP (Société française de psycho-
logie) le 22 mars 1996 et par les organisations suivantes : l’ACOP-F (Association des conseillers
d’orientation-psychologues-France), l’ADEN (Association du DESS de neuropsychologie de Paris
V), l’AEPP (Association des anciens diplômés de l’École des psychologues praticiens), l’AFPS
(Association française des psychologues scolaires), Age en âge (Association de psychologues en
gérontologie), l’ANPEC (Association nationale des psychologues de l’enseignement catholique),
l’AFPPC (Association française des psychologues psychanalystes cliniciens), l’ANAPS (Association
nationale des psychologues du sport), l’ANAPSY-pe (Association nationale des psychologues de
la petite enfance), l’ANREP (Association nationale pour la recherche et l’étude en psychologie),
l’APEA (Association des psychologues de l’enfance et de l’adolescence), l’APFC (Association des ☞
122
Les métiers

☞ psychologues de Franche-Comté), l’APHM (Association des psychologues de la Haute-Marne), l’APL


(Association des psychologues du Limousin), l’APFC (Association des psychologues de Franche Comté),
l’APsyG (Association des psychologues de la Guadeloupe), l’APPT (Association des psychologues
praticiens du Tarn), l’AREPT (Association régionale des psychologues du travail), l’ARP (Association
régionale des psychologues des pays de l’Adour), CFDT : Collège groupe fédéral des psychologues.

3. L’exercice du métier
Fédération santé sociaux, Collège des psychologues d’Eure-et-Loire, Collège des psychologues de
Franche-Comté, Collège des psychologues du Loire-et-Cher, Collège des psychologues territoriaux des
Bouches-du-Rhône, CORHOM (Communication ressources humaines organisation management),
CPCN (Collège des psychologues cliniciens spécialisés en neuropsychologie), Différences et
changements (association de thérapeutes familiaux), Ecosens (Association des psychologues
de l’environnement), Propsycli (Association pour la promotion des pratiques et recherches en
psychologie clinique), Psycas (Association de psychologues du Nord-Pas-de-Calais), EUROPSY-T
France (Association européenne de psychologie appliquée aux transports), PSY.CLI.HOS (Association
des psychologues cliniciens hospitaliers de l’AP-HP), Psycho Socio and Co (Association des étudiants
en psychologie de Dijon), PSYLIE (Association des psychologues cliniciens de Paris V), SNES (Groupe
des conseillers d’orientation-psychologues), SNP (Syndicat national des psychologues), SPEN (Syndicat
des psychologues de l’Éducation nationale), SPPN (Syndicat des psychologues de la police nationale),
SNPsy-EN (Syndicat national des psychologues de l’Éducation nationale), SNUipp (Syndicat national
unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d’enseignement général de collège),
UFMICT-CGT (Union fédérale des médecins, ingénieurs, cadres et techniciens), Confédération générale
du travail, branche de la santé et de l’action sociale.

 Une avancée fondamentale dans la structuration de la profession


La profession de psychologue ne peut suffisamment se défendre et se promouvoir
tant qu’elle est prise dans une identité bancale floutant son comportement médiatique,
obstruant une prise de parole sur la psychologie alors que d’autres s’en emparent
que trop aisément parce qu’ils ne sont pas psychologues. Il revient au mérite de
quelques-uns de se mobiliser pour mettre en œuvre l’engagement social de ce
professionnel même si l’on doit remarquer d’emblée le faible pourcentage de ces
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

partisans. C’est à Marie Santiago que nous devons notre orientation militante décisive
pour la profession au moment où le Code de déontologie des psychologues se
signe entre les principaux acteurs nationaux qui réussissent la gageure de rassembler
universitaires et praticiens. Cette union est fondamentale, Odile Bourguignon et Patrick
Cohen vont l’incarner avec panache comme le feront Marie-Jeanne Robineau et Roger
Lécuyer par la suite ainsi que Brigitte Guinot et Benoît Schneider aujourd’hui. Nous
animons à l’époque la plus ancienne organisation savante de l’université Paris V issue
du DESS de psychologie du travail que pilotait Claude Levy-Leboyer, CORHOM
(Communication ressources humaines organisation management). Le suivi du Code
est l’occasion de poursuivre cette riche collaboration à partir de deux instances,
l’une dédiée à la pédagogie, la CNCDP, (Commission nationale consultative de

123
Les métiers

déontologie des psychologues), la seconde, plus politique, consacrée à la recherche


de l’empreinte sociale la plus florissante pour les psychologues, la CIR, (Commission
interorganisationnelle représentative). La première délivre des avis à partir du Code
sur la demande d’usagers et de professionnels, l’autre porte les couleurs et les
espoirs des psychologues. Nous y découvrons des personnages et sommes surpris
3. L’exercice du métier

que l’analyse psychologique des groupes n’y ait pas plus d’audience. Les effets de
cet étonnement vont conduire une centrale syndicale à renoncer à poursuivre une
démarche paradoxale nuisible à l’avancée d’un collectif. La conception transverse
de la défense des personnes des grands syndicats empêche en effet une mobilisation
corporatiste.
C’est ainsi dans un contexte de négociations qui maintiennent le lien entre les
organisations que sont décidés les EGP (États généraux de la psychologie), qui
auront lieu en mars 2001 sous l’impulsion d’Odile Bourguignon et de Patrick
Cohen, co-animateurs de la CIR qui rassemble les organisations signataires du
Code. En sont membres le 2 mars 2002, à la sortie du Livre blanc de la psychologie
coordonné par Jean-François Camus : l’AAEPP (Association des anciens diplômés
de l’École des psychologues praticiens), l’ACOP-F (Association des conseillers
d’orientation-psychologues France), l’AEPU (Association des enseignants de Psycho-
logie des universités), l’AFPPC (Association française des psychologues cliniciens
psychanalystes), l’AFPS (Association française des psychologues scolaires), l’ANOP
(Association nationale des organisations de psychologues), l’ANPEC (Association
nationale des psychologues de l’enseignement catholique), l’APPEL (Association
des psychologues d’Eure-et-Loire), l’ARP (Association régionale des psychologues
des pays de l’Adour), le CO-Psy SNES (Groupe des conseillers d’orientation
psychologues du Syndicat national des enseignements du second degré), CORHOM
(Communication ressources humaines organisation management), l’Association des
psychologues du travail de Paris V, le CPCN (Collège des psychologues cliniciens
spécialisés en neuropsychologie), le CPT13 (Collège des psychologues territoriaux
des Bouches-du-Rhône), Europsy-T-France (Association européenne de psychologie
appliquée aux transports-France), la SFP (Société française de psychologie), le SNP
(Syndicat national des psychologues), le SPPN (Syndicat des psychologues de la
police nationale).
Lors de l’ouverture des États généraux de la psychologie des 23 et 24 mars 2001,
Claude Bastien nous rappelait :

« Tout au long, notre histoire a été marquée par de constantes oscillations


entre des tendances centrifuges que je considérerais volontiers comme
suicidaires et des tendances centripètes dont les bases œcuméniques n’ont
pas toujours été des plus limpides. »

124
Les métiers

Certes, il existe un marché à prendre sur lequel des non-psychologues lorgnent,


mais il y a aussi des revendications autonomistes, internes à la discipline, aux effets
catastrophiques pour la profession. Le problème n’est donc pas la diversité des
champs d’intervention susceptible de mettre en cause l’unité de la psychologie, il
est fondamentalement institutionnel. « Que nous le voulions ou non, nous sommes

3. L’exercice du métier
contraints à la solidarité », concluait-il. Ces signataires sont présents à la C.I.R. soit
pour faire avancer le processus de structuration de la profession, soit pour l’entraver
au nom d’une base qu’il s’agit parfois de consulter pour changer une phrase dans
un communiqué. Le principe de la consultation n’est pas à remettre en cause, c’est
son usage aléatoire qui est suspect. Entre l’attitude dictatoriale exprimant vertement
« tais-toi » et les prosélytes éclairés d’une démocratie susurrant « cause toujours », il
existe des passages à l’action qui secouent sans relever de passages à l’acte. « L’appel
des dix » en est un. Il est rédigé le 5 mars 2000 par Odile Bourguignon, Michèle
Carlier, Marie-Jeanne Robineau, Alain Blanchet, Jean-François Camus, Philippe
Grosbois, Jean-Marie Lecointre, Roger Lécuyer, Alain Létuvé, Patrick Cohen. L’une
de ses conséquences va permettre de nouer un point de butée au tissage de ce qui va se
mettre en œuvre et en place. En proposant d’écrire sur place ce qui s’exprime de bonne
volonté, nous déclenchons, sans concertation explicite avec l’auteur, la saisie d’une
opportunité d’écriture en séance qui constituera ultérieurement une griffe, signe de sa
rapidité d’esprit. Roger Lécuyer rédige ainsi un texte d’engagement minimal de tous,
la déclaration du 16 décembre 2000. C’est un homme d’expérience, profondément
respectueux des personnes et de leurs avis, amené à tenir un rôle décisif dans la création
et le développement de la Fédération française des psychologues et de psychologie,
FFPP, l’organe de la structuration de la profession engagée pour les psychologues. Ce
texte affirme des principes qui vont être reniés plus tard par certains, mais il présente
le mérite d’enclencher une dynamique :
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

« Dans la continuité de l’appel du 5 mars 2000, les organisations signataires


réunies le 16 décembre 2000 :
– Constatent leur accord pour engager un processus de restructuration de la
profession lui permettant de s’exprimer d’une seule voix sur des questions
communes à la discipline et à la profession sans préjuger des formes de
l’organisation à mettre en place.
– Manifestent leur volonté de poursuivre la réorganisation et de susciter un
débat le plus large possible auprès de l’ensemble des psychologues sur
les formes d’organisation à mettre en place pour atteindre les objectifs de
visibilité et d’efficacité dans la défense de la profession et de la discipline.
– Manifestent leur accord de principe à la logique d’une délégation des
compétences et des moyens pour les questions concernant la discipline et

125
Les métiers

la profession dans son ensemble, délégation dont les modalités seront à


définir en fonction du mode d’organisation retenu.
– Mettent en place un conseil provisoire constitué d’un représentant de
chaque bureau d’organisation signataire, destiné à faire des propositions
d’échange entre les organisations, des groupes de travail, et toute forme
3. L’exercice du métier

d’échanges souhaitables entre les organisations. »

Signataires : l’ACOP-F (Association des conseillers d’orientation-psychologues-


France), l’AEPP (Association des anciens diplômés de l’École des psychologues
praticiens), l’AEPU (Association des enseignants de psychologie des universités),
l’AFPS (Association française des psychologues scolaires), l’ANPEC (Association
nationale des psychologues de l’enseignement catholique), le CPT13 (Collège des
psychologues territoriaux des Bouches-du-Rhône), CORHOM (Communication
ressources humaines organisation management), la SFP (Société française de
psychologie), le SNP (Syndicat national des psychologues), autres organisations
de l’ANOP (Association nationale des organisation de psychologues).
Dans les moments qui suivent, la profession n’en reste pas moins partagée
entre deux orientations sur le type d’organisation à faire valoir, mais aussi à faire
prédominer. Les partisans d’une structure unitaire facilitatrice d’un rassemblement
porteur, particulièrement à partir d’une mutualisation des moyens, veulent faire
entendre les psychologues d’une seule voix, ce qui va de pair avec un débat interne
préalable. Par ailleurs, il existe ceux, plus réservés et soucieux des avantages acquis,
qui tiennent à voir se développer une fédération. Les militants de ce second groupe
ne partagent pas pour autant les mêmes motivations et se dessinent bientôt deux
tendances au sein de cette orientation : ceux qui souhaitent une fédération forte, se
donnant les moyens de ses ambitions, et ceux qui préfèrent une fédération que nous
qualifions de « douce ». Cette dernière est fort respectueuse du panorama actuel d’un
multipartisme obligé en cotisant à plusieurs associations pour se tenir au courant
de l’actualité de la profession. Les campagnes d’informations des uns et des autres
amènent à une réunion historique le 19 octobre 2002, où les deux camps se partagent
à égalité le nombre des voix et de voies. Nous devons à Roger Lécuyer de rédiger en
séance une motion qui permette de trouver un compromis acceptable par le plus grand
nombre. Entre Frontières Fratricides et Périphéries Potentielles dirait Bruno Vivicorsi,
l’espoir d’un centre que les marges rendent visibles.
Les bases d’une fédération forte sont posées et elles donneront lieu à la naissance,
le 25 janvier 2003, à la Fédération française des psychologues et de psychologie. Les
statuts sont déposés le 11 février. Le 18 février, nous étions en deuil de Jean-François
Camus, l’un des principaux artisans de sa création. La composition du bureau provisoire
dans l’attente du premier congrès est la suivante : Marie-Jeanne Robineau, présidente,

126
Les métiers

Odile Bourguignon, vice-présidente (VP) à la déontologie, Christian Ballouard, VP


à l’intérieur, Jean-Pierre Chartier, VP à la communication externe, Patrick Cohen,
VP à l’international, Jacques Garry, trésorier, Roger Lécuyer, secrétaire général,
Jérôme Lucas, VP à la publication et Jacques Py, VP à la formation, qui remplace
Richard Redondo. Nous y siégeons pour représenter les petites organisations non sans

3. L’exercice du métier
avoir fait remarquer que la répartition des partisans dessine un schéma connu, les
plus petites et la plus grande des organisations se montrant les fervents défenseurs
d’une organisation unitaire, tandis que les organisations moyennes de psychologues
(environ 1 000 adhérents), se rallient à un maintien de leur pré carré. Les combats
fratricides ne vont que s’amplifier et les rancœurs larvées s’exprimer à l’égard d’une
équipe de volontaires élue, mais présentant la particularité d’appartenir au courant de
l’organisation unitaire et ainsi suspecte de ne pas respecter leur engagement vis-à-vis
d’une organisation fédérative : il est confondu avec leur dynamisme. Faire un bilan
de son activité revient à établir une apologie de son action puisqu’elle est devenue la
première organisation de psychologues en peu de temps, incontournable malgré les
obstacles de ses adversaires qui se font de la publicité en se dressant contre elle et
reconnue par les pouvoirs publics comme par les instances européennes. La FFPP est
le membre français de l’EFPA (European Federation of Psychologist’s Association)
ou FEAP (Fédération européenne des associations de psychologues).
Pour éviter d’endosser le rôle du panégyriste de service et parce qu’elle dispose
d’un site, d’une revue où écrivent ensemble praticiens et universitaires, et de
documents, nous ne ferons que citer les personnes, car la dynamique de groupe
est essentielle pour concilier divers courants et secteurs. Il s’agit de : Stéphanie
Andru, Christian Ballouard, Jean-Pierre Chartier, Patrick Cohen, Mélanie Dupont,
Jacques Garry, Anne Gayral, Marie-Christine Gelly-Nargeot, Brigitte Guinot, Roger
Lécuyer, Madeleine Le Garff, Jérôme Lucas, Jacques Py, Aline Morize-Rielland,
Marie-Jeanne Robineau, Benoît Schneider, Dominique Szepielak, Michaël Villamaux,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Bruno Vivicorsi, pour les bureaux nationaux et du soutien notable de Michèle Carlier
et Robert Voyazopoulos ainsi que des présidents de région : Jean-Yves Baudouin,
Françoise Bissey, Dominique Boimare, Arnaud Calmus, Aline Chard-Hutchinson,
Jean-Michel Coq, Danièle Coste, Marie-Laure Dagobert, Sylvie Dauriac, Arnaud
Delmaëre, Dominique Fanni-Sauze, Hélène Frémaux, Carole Grasset, Véronique
Griffiths, Marie-Claude Guette-Marty, Christine Jeoffrion, Daniel Le Garff, Florent
Léonard, Robert Martin, Sébastien Mauffrey, Timothy Montoute, Vincent Perrier,
Marie-Annick Pierrot, Aline Morize-Rielland, Claude Sablé, Céline Thiétry. La FFPP
ne pourrait cependant pas s’épanouir sans la seule salariée dévouée, qui ne compte ni
son temps, ni son énergie, y compris militante, psychologue du travail de formation,
Jeannine Accoce, responsable du siège.

127
Les métiers

Juste un mot cependant sur l’organisation régionale, car elle est la respiration de
ce souffle nouveau sur la profession. La nécessité en est vitale puisque les régions en
place initient la dialectique indispensable au fonctionnement de notre fédération : le
niveau national et le niveau régional doivent se répondre, s’interpeller et échanger. La
Fédération française des psychologues et de psychologiea vocation à être présente
3. L’exercice du métier

sur tous les fronts, c’est-à-dire partout, de façon unitaire, sur ce mode dialectique,
seule condition de réussite avec son corollaire, le nombre d’adhérents. La nouveauté
réside à installer deux spécificités, une parité praticien/universitaire et un accent mis
sur la déontologie, dans une synthèse entre les deux types d’organisations existantes,
thématisée, d’ancrage local et généraliste, émanation d’instance nationale, sans
reproduire les erreurs passées par des organisations homologues : les asphyxier en
leur prenant de l’argent et/ou en leur confiant un pouvoir insuffisamment différencié.
On mise sur des personnes en souhaitant installer une structure, mais celle-ci repose
toujours sur des personnes. Non seulement le chemin est sinueux, mais il est vallonné,
les gains et regains de régions vont et viennent, montrent des hauts et des bas, il
est nécessaire de composer avec – on sait bien qu’après le passage de l’histoire,
il reste la géographie. Le recrutement se fait beaucoup par cooptation à partir des
réseaux disponibles, le management choisi est participatif, c’est-à-dire un soutien
sans substitution. La prudence consiste dans le dosage de l’appui sur des personnes
qui ont une expérience des organisations, celle-ci est nécessaire, et sur d’autres,
mais pour lesquelles la méfiance est grande vis-à-vis du passé organisationnel. La
nouvelle génération se reconnaît très bien dans les préoccupations nationales énoncées.
C’est d’ailleurs cette génération de psychologues qui nous répond sans compter les
nouvelles vagues de jeunes diplômés prises dans le désarroi d’un changement sociétal
non pris en mesure par nombre d’universitaires – de l’élargissement des tâches à la
restriction d’une prise en charge psychologique pour un seul conseil et orientation.
Le premier levier interactif, en continu, est donc une assistance sur-mesure, adaptée
à une situation locale par une disponibilité constamment affichée pour des réponses
qui mêlent informations, encouragements, conseils, avertissements et ajustements.
Le second levier en « alternatif » est l’organe de diffusion, Fédérer, véritable vitrine
d’une activité plurielle et diversifiée d’une part, versification vertueuse d’autre part à
partir de jalons qui sont autant de points de repère et de rappel. Une région est le terreau
dans lequel s’ancre la gestion des malaises de la profession, où se gèrent les grandes
questions sociétales qui s’emparent de la discipline et l’énergie pour promouvoir une
visibilité sociale de la psychologie. Il s’agit donc de s’investir dans les grandes actions
entreprises, notamment la situation difficile de l’emploi des psychologues, la procédure
de légalisation de l’usage du titre de psychothérapeute et nombre d’événements de
l’actualité qui amènent la Fédération française des psychologues et de psychologie

128
Les métiers

à une réflexion et à des actions auprès des pouvoirs publics, de la presse et des
organisations professionnelles.

 Le diplôme européen de psychologue

3. L’exercice du métier
EuroPsy, le diplôme européen

L’EFPA (European Federation of Psychologist’s Association) ou FEAP (Fédération européenne des


associations de psychologues) est une fédération de 37 associations nationales de psychologues. Les
associations membres regroupent des praticiens et des enseignants-chercheurs ou des chercheurs,
ce qui représente plus de 200 000 psychologues sur les 270 000 psychologues européens. Fondée
en 1981, son but est de promouvoir la psychologie en tant que profession et discipline. La revue
European Psychologist est l’organe officiel de l’association. Le membre français de l’EFPA est la FFPP.
La Fédération européenne souhaite une harmonisation et une élévation du niveau de formation dans
les pays où il est la plus faible. Elle a donc repris à son compte le projet EuroPsy d’une formation
des psychologues en cinq années d’études et d’une sixième année de pratique professionnelle
supervisée, réactualisé tous les cinq ans à partir d’une nécessaire formation continue. EuroPsy est
un projet mis au point par un groupe de travail international comprenant des membres de 12 pays
différents, dont la France. Il a ensuite été approuvé par l’EFPA. Depuis fin 2006, il a commencé à être
appliqué à titre expérimental dans six pays : l’Allemagne, l’Espagne, la Finlande, la Hongrie, l’Italie et
le Royaume-Uni. L’application de cette certification européenne dans les autres pays commence en
2009. En France, le texte « EuroPsy » a été traduit, le Comité français de délivrance de la certification
EuroPsy (CoFraDeC EuroPsy) est nommé. Les premières certifications, références pour la qualification
des psychologues au sein de l’Union européenne, vont bientôt être délivrées par la profession. Le
palier suivant est la spécialisation, délivrée en principe aux seuls titulaires du diplôme EuroPsy, par
champ – travail, santé, éducation. Roger Lécuyer, qui pilote actuellement le CoFraDeC EuroPsy, est
l’artisan principal de la conception et de la mise en œuvre en France depuis l’origine du projet avec
deux contrats Leonardo da Vinci jusqu’à son avènement. La démarche des personnes pour leur
cursus et des universités pour leurs programmes est volontaire, il n’existe aucune ambition ordinale
sous-jacente, ce n’est d’ailleurs pas le credo privilégié de nos voisins européens, qui rassemblent tous
leurs psychologues et rarement moins que les trois-quarts au sein d’organisations unitaires. C’est la
compatibilité des programmes des parcours et spécialités en psychologie des universités avec celui
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

d’EuroPsy qui est examinée, non leur évaluation, déjà faite par l’AERES (Agence d’évaluation de la
recherche et de l’enseignement supérieur). Ces cursus devront montrer des garanties de pluralité et
de centration sur le projet professionnel. Le site : http://www.europsy.fr

 L’heure ou leurre de l’ordre ?


La mise sous tutelle d’une profession par l’État doit conduire à une réflexion d’autant
plus collégiale qu’un des enjeux principaux de ce protectionnisme demeure la capacité
de penser par soi-même. L’ordre aux ordres, disent les opposants. Rassemblement
porteur, répondent les partisans. Grande illusion, insistent alors leurs adversaires
dans cette guerre de tranchées, où brandir des arguments est la seule réponse à

129
Les métiers

une adhésion idéologique pour ceux qui en manquent. Comment s’entendre dans ce
rapport de « farce » quand la seule proposition d’un ordre est un obstacle ralentissant
la structuration corporatiste en cours, une manœuvre politicienne opportuniste venant
colmater un manque de mobilisation, une « obération » de la crise identitaire des
psychologues que la conjoncture actuelle exacerbe et une aberration pour y répondre ?
3. L’exercice du métier

Le succès de ce mode d’organisation nationaliste est déterminé par un quiproquo


à contre-courant : une panacée glissée dans une croyance et un panache dans une
improbabilité. En effet, la structure ordinale est un mauvais pansement aux douleurs
du psychologue au quotidien. Elle ne réglera pas ses problèmes, loin de là et ne
pourra lutter sur tous les fronts puisqu’elle sera cantonnée à une mission précise. Par
ailleurs, la puissance dont font preuve d’autres ordres professionnels intervient à la
suite d’une implantation séculaire qui a déjà démontré sa force. Or en ce qui concerne
la psychologie, la conviction du bien-fondé de l’apport sociétal de cette discipline
n’est pas encore aboutie. C’est la grandeur de cette inscription sociale qui permet de
déployer les moyens de ses ambitions et non le contraire. Cette logique semble parfois
détournée de son sens par l’instrumentalisation du débat qui conduit certains à penser
que l’obligation du rassemblement est enchanteresse, elle est surtout contre-productive
en venant masquer les difficultés et les discordes. Plus grave encore, l’ordre ne figure
aucunement les failles identitaires des psychologues, ni ne leur permet de répondre à
l’urgence que ressentent certains à être écoutés. L’idée est particulièrement en vogue
dans un contexte d’emplois précaires, que la régulation des flux de jeunes diplômés
soit pérenne et les velléités ordinales s’égrèneront.
Reprendre la boutade de Georges Politzer est tentant devant ce choix entre la
préfecture et le Panthéon.
• S’agit-il en effet de cautionner un statut d’adepte aux fonctions policières de la
psychologie et sa sempiternelle course après la normalisation pour un aboutissement
de l’usage de calibrage social des élèves, des salariés et des malades ? Le rapport à
la norme et à l’évaluation doit être pensé par le psychologue qui doit distinguer la
nécessité de celle-ci de l’usage qu’il peut en être fait, mais l’idée d’un ordre tend à
court-circuiter l’élaboration impérative de cette question.
• S’agit-il de contribuer au soutien des professionnels confinés dans un flou identitaire
pour pallier le manque de visibilité sociale et faire face aux dérives d’usage d’un
exercice par des collègues que la protection du titre rend solidaires ? Ce travail
sur l’unité de la discipline et le maintien de sa cohérence, le rassemblement de la
profession et le renforcement de sa cohésion est déjà à l’œuvre dans l’action et les
actions de la Fédération française des psychologues et de psychologie et son ampleur
est fonction du nombre de personnes qui y participe. Non seulement l’équivalent de
mesures disciplinaires peut être élaboré, sans se substituer aux tribunaux dont la

130
Les métiers

fonction est de juger, évitant le corporatisme outrancier, car l’on ne peut ignorer les
pratiques dérivantes, mais d’autres voies sur le chemin qui cernent et délimitent les
champs d’intervention de la psychologie peuvent être dessinées pour améliorer un
soutien disciplinaire.

3. L’exercice du métier
Il n’est guère étonnant qu’une telle stratégie populiste de l’instance ordinale trouve
un écho plus que favorable dans les milieux de patients et de parents abusés ou
échaudés, militants et revendiquants, vulnérables. En revanche, il est inquiétant qu’un
argumentaire se saisisse de plus en plus d’un étayage sécuritaire particulièrement
répandu dans tous les médias et la vie publique actuelle. Le sécuritaire tue la sécurité
en l’évacuant, tous les psychologues dans une démarche de résistance à vouloir faire
valoir leur éthique savent cela. Le sécuritaire fait l’économie du sentiment de sécurité :
quelle idée de vouloir être compris et respecté. L’actualité devrait plutôt nous fournir
l’opportunité de formulations sur l’avènement de conditions d’exercice décentes pour
les psychologues en prise avec la réalité sociale en conservant, cette fois, ce décalage
qui nous est caractéristique et qui doit rester avant tout productif d’un meilleur avenir
pour la profession, le premier revenant à la régulation du nombre de diplômés mis sur
le marché chaque année.
Les apports historiques incontestables de la psychanalyse à l’exercice serein
de la psychologie conduit aujourd’hui à des ambiguïtés, quand la mise à distance
psychique est confondue avec la mise à distance sociale, y compris des équipes et
des dirigeants avec lesquels le psychologue travaille et qui se demandent toujours
ce que peut faire un psychologue particulièrement quand il n’est pas là. L’économie
se confond parfois dans ses acceptions et le retrait, qui ne doit pas passer pour de
l’inaction, amène à des situations de travail douloureuses pour les psychologues. On
lui reproche alors sa discrétion ou du moins sa visibilité floue, mais aussi celle de ses
compétences, jusques et y compris son manque de pouvoir. La médiation salvatrice
pour que le psychologue ne s’isole pas plus, notamment dans une mécompréhension
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

de son rôle par les instances gouvernantes, est incarnée par la Fédération française des
psychologues et de psychologie, promise à cette place tierce pour défendre l’originalité
du positionnement du psychologue, le faire reconnaître auprès des pouvoirs publics et
suggérer les améliorations sensibles de ses prérogatives. Cette posture originale du
psychologue, un peu à contre-courant sociétal, produisant une analyse permise par une
mise à distance, doit néanmoins s’inscrire valablement dans l’évolution sociale actuelle.
La transversalité des secteurs d’intervention y joue le rôle d’une aide structurelle de la
mise à distance comme modalité professionnelle primordiale du détenteur d’un titre.
Celle-ci est garantie par un ancrage en sciences humaines et ainsi par des universités
qui ne sont pas sous les tutelles des ministères des secteurs qui embauchent des
psychologues, comme la santé, la justice ou le travail. Il n’est pas sûr pour autant

131
Les métiers

qu’il faille voir dans les mesures dérogatoires du ministère de l’Éducation nationale
un pare-feu à l’aliénation des psychologues. À l’ère des nouveaux métiers du social
et d’ailleurs, le haut niveau de formation doit logiquement amener ce professionnel
à se voir confier une délégation de tâches, mais cette dernière doit respecter l’esprit
d’un décalage dans la conduite d’une régulation sociale efficiente. C’est bien une
3. L’exercice du métier

structure tierce qui peut garantir la pérennité de mesures qui vont à l’encontre de
l’aliénation professionnelle d’autant qu’elle est soucieuse de ses représentativités. La
tendance actuelle d’une employabilité plus spécialisée, mais moins diplômée, dans
un contexte où l’accueil hôtelier gagne du terrain sur l’accueil soignant, la chefferie
des psychologues et leur rassemblement en services se posent avec une grande acuité.
Le rôle fédérateur de la FFPP trouve ici le déploiement de ses capacités à adapter les
configurations, y compris futures, des modalités d’exercice des différents secteurs
d’intervention qui accompagnent les progrès scientifiques et ceux de la société. La
fonction subversive du psychologue doit perdurer et il est impératif qu’elle soit relayée
par les actions de la FFPP qui se fait un devoir de la conforter. L’asepsie est un principe
contraire à l’usage de la psychologie.

132
Les métiers

4. Les métiers de la psychologie


4

Les métiers de la psychologie

9. Des pratiques traditionnelles aux nouveaux défis

• Le psychologue dans le vent


• Le psychologue dans l’espace
• Le psychologue sur les ondes
• Le psychologue dans la rue
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• Les pratiques de la police


• Le permis de conduire un projet en ingénierie sanitaire et sociale

 Le psychologue dans le vent


Avant d’envisager l’évolution de la profession de psychologue, il n’est pas inutile
de rappeler la définition que le Bureau international du travail donnait des missions de
ce professionnel en 1968, afin de préciser le type d’évolution dont on parle et se rendre
compte que les pratiques s’adaptent au contexte social sans vieillir cette définition de
plus de quarante ans. Le psychologue :

133
Les métiers

Définition du BIT des missions du psychologue

« – Étudie le comportement humain et les mécanismes mentaux et procède à des recherches sur
les problèmes psychologiques qui se posent dans des domaines tels que la médecine, l’éducation,
4. Les métiers de la psychologie

l’industrie, et recommande des traitements pour résoudre ces problèmes.


– Prépare et fait des observations sur des êtres humains et des animaux, afin de déterminer leurs
caractéristiques mentales et physiques ; analyse les effets de l’hérédité, du milieu et d’autres facteurs
sur la mentalité et le comportement des individus ; prévient, diagnostique et traite les troubles
émotionnels et les troubles de la personnalité, ainsi que les cas d’inadaptation au milieu social et
professionnel ; met au point et applique des tests pour mesurer l’intelligence, les capacités, les
aptitudes et les attitudes et d’autres caractéristiques humaines, interprète les données obtenues et
fait des recommandations s’il y a lieu.
– Peut être spécialisé dans une application particulière de la psychologie, comme le diagnostic et le
traitement d’anomalies mentales, les problèmes psychologiques qui surgissent pendant l’éducation
et le développement social des enfants, les problèmes psychologiques d’ordre professionnel, tels
que ceux qui ont trait à la sélection, à la formation et à l’organisation professionnelle des travailleurs. »

Les fondements scientifiques des connaissances des psychologues croisent


l’expérience de leurs savoir-faire analytique et synthétique pour rendre compte de la
subjectivité des personnes. Ce sont des professionnels de la subjectivité, ce qui ne veut
pas dire bien évidemment que leurs propos comme leur approche soient subjectifs. Ils
sont ainsi en mesure d’adapter leurs outils et procédures issus de ce croisement pour
les adapter à diverses situations, d’y réfléchir de manière critique dans le contexte
de données sociales en évolution et de participer activement à leur perfectionnement
permanent. Cette recherche de solutions optimales au service de l’individu et de la
société, dans un esprit de compréhension et d’aide à la résolution de problèmes, trouve
aujourd’hui des extensions. Celles-ci renouvellent nos questionnements professionnels
quand l’intervention a lieu à distance, comme au téléphone ou par Internet, ou au plus
près de l’action, comme les interventions d’urgence.
L’absence de segment de marché fermé, caractéristique de l’intervention psycho-
logique comme nous l’avons dit, semble nous empêcher de développer une position
dominante à partir d’une hyper- professionnalisation. Face à cela, il ne reste qu’à
développer un corporatisme d’autant plus naturel que l’identité du psychologue a
du mal à s’affirmer. Une des questions est d’envisager comment se déploient les
positions professionnelles dans l’espace social : doit-on considérer chaque spécialité
de la psychologie comme une entité propre, ou la singularité provient-elle de la
combinaison des modalités d’application d’une praxis au sein d’une communauté
d’activités et de savoirs ? Sont-ce vraiment des compétences inédites qui se mettent
en place face à l’évolution sociale, voire des nouveaux « métiers » ? Ou se trouve-t-on
devant une adaptation combinée des références et des valeurs de la psychologie qui

134
Les métiers

s’exprime ? Nous y répondons quand nous prévoyons encore de beaux jours à cette
profession et à cette discipline qui ne disparaissent pas devant la pression sociale, tantôt
urgente, tantôt massive. Le choix de la défense d’un corporatisme plaide en faveur

4. Les métiers de la psychologie


d’une adaptation de la profession qui se fait et doit se poursuivre, particulièrement
en direction d’une aide plus médiatisée que directe et ainsi vers une coordination,
supervision ou chefferie en regard de nos caractéristiques disciplinaires et compatibles
avec le rapport au pouvoir du psychologue.
L’évolution de nos interventions doit tenir compte de trois sources de transformation
sociale : l’augmentation de la précarisation du public, le poids de la décentralisation
et l’emprunt à la logique libérale de l’intervention publique (appels d’offres,
contractualisation, globalisation budgétaire). Or la grande majorité des psychologues
sont concernés par cette dernière. Ils essuient de plus certains paradoxes : le
développement de service de proximité, de l’intervention à domicile, n’entraîne
pas une globalisation de la prise en charge tout comme le développement de la
décentralisation, des configurations locales, n’entraîne pas une globalisation du travail.
Pourquoi le travail à domicile qui se développe n’engendre-t-il pas une meilleure
mise en réseau des partenaires ? Pourquoi plus c’est local, plus on divise le travail en
séquences et du coup moins on personnalise, allant ainsi à l’encontre du but recherché,
une aide efficace ? La division du travail est-elle inéluctable devant le progrès lors de
l’évolution d’une société ? Elle conduit à une approche plus administrative ou avec des
protocoles de soins ou d’orientation. Elle amène aussi à se plier aux orientations des
financeurs, à des organigrammes de plus en plus détaillés, mais également à l’atteinte
de la relation de confiance. L’action en est toujours moins unitaire et globale.

 Le psychologue dans l’espace


À cette évolution dans le temps, s’en adjoint une autre dans l’espace, public
en premier lieu, urbain notamment. La psychologie environnementale est « l’étude
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

des interrelations entre l’homme et son environnement physique et social, dans


ses dimensions spatiales et temporelles » nous dit Laure Paris citant Gabriel
Moser sur le site d’Ecosens. Elle apparaît dans les années 60 sous l’impulsion
d’architectes, d’urbanistes et d’aménageurs interrogeant les psychologues sur l’impact
psychologique que peuvent avoir certains types d’aménagement sur les individus, à
un moment où l’usage de l’espace domestique est questionné dans ces différences
culturelles. Dans quelle mesure l’environnement physique et social peut-il aider à
comprendre nos attitudes ou nos conduites ? Quel est l’impact de l’environnement sur
l’individu ? Autant de questionnements à l’origine de l’identification des processus
et des facteurs qui médiatisent ou expliquent les interrelations entre perceptions et
contingences environnementales. La psychologie environnementale met l’individu et

135
Les métiers

sa relation à l’environnement au centre de ses analyses et fonctionne à partir d’études


de cas constituées des terrains d’étude. Le psychologue environnementaliste réalise
des études qualitatives et quantitatives sur le vécu de l’homme dans son cadre de vie
4. Les métiers de la psychologie

(bâti, naturel, professionnel, socioculturel), de ses espaces collectifs (transports, écoles,


hôpitaux...), de ses risques (technologiques, urbains et naturels), de ses pollutions
(eau, air, bruit et déchets). Il est en mesure de proposer, suite à ses analyses, des
aménagements, des typologies d’opinions ou d’attitudes, des indicateurs comme
des seuils d’adaptabilité ou de vulnérabilité, des outils pour sensibiliser, prévoir,
communiquer, mobiliser et se concerter.
Les transports ouvrent également la voie de nouveaux défis pour les psychologues.
La conduite et l’animation de chaque stage de récupération de points du permis
de conduire sont assurées par des formateurs reconnus aptes par le ministre chargé
des Transports. Ces formateurs doivent, pour certains d’entre eux, être titulaires
d’un diplôme spécifique de formateur à la conduite automobile et, pour d’autres,
être titulaires des diplômes permettant de faire usage du titre de psychologue pour
reprendre l’article R. 261 du décret n◦ 92-559 du 25 juin 1992 sorti au Journal officiel
du 28 juin 1992. L’usage, l’infraction, la prise de risque et l’accident sont également
autant de thèmes d’étude pour le psychologue, attiré par ces conduites doubles ou
troubles cumulant la prise d’un volant et d’une attitude, qu’elle soit naturellement
multisensorielle dans la perception du mouvement et ses interactions ou sous l’emprise
de l’alcool ou de la colère.

 Le psychologue sur les ondes


En se privant de l’image pour ne garder que le son, le psychologue intervenant
au téléphone tend à escamoter la dimension globale de la personne à laquelle sa
discipline aspire et retient. Il répond avant tout à l’urgence d’une demande, souvent
en situation d’assistance de risques victimogènes. Cependant, le rendez-vous pris au
cabinet libéral commence bien souvent dans des termes similaires. En répondant par
courriel, il se dispense alors des modulations de la voix de son interlocuteur qui lui
restait du fil spontané d’un discours téléphoné. Cette fois, par Internet, la dimension de
conseil de son intervention prédomine. L’absence physique de la personne n’empêche
pas l’action d’un psychologue inscrit de plus en plus dans une médiation de celle-ci.
Le dispositif technique peut cependant y suppléer, le rendez-vous de visu ne vient
combler qu’un type de distance. En revanche, il est utile de ne pas laisser de place à
l’ambiguïté sur la portée de la prestation. Le contexte le plus répandu de ce type de
pratique, l’assistance, urgente ou non, et la plainte, victimaire ou non, rendent utile de
préciser les précautions à remplir pour faire rejaillir les bienfaits d’une telle approche.

136
Les métiers

Internet présente l’avantage de pouvoir fournir la transparence d’une offre de


conseils psychologiques clairement présentée et accessible par l’identification du
prestataire, de ses coordonnées, de sa formation, de son parcours, de ses services,

4. Les métiers de la psychologie


des conditions de l’offre, coûts et délai de réponse en particulier, de ses objectifs
et limites, en regard de l’urgence notamment, des garanties proposées en terme de
confidentialité, de sécurité des données.

 Le psychologue dans la rue


L’intervention des psychologues dans l’urgence et la prise en charge des personnes
SDF sont des thématiques dans l’air de la rue. L’urgence est parfois de descendre
d’un ton sur la voix publique même si la vie nous montre le spectacle d’une scène
ordinaire des obstacles à la sortie d’une misère. La contrainte est porteuse, oui, mais
pas forcément dans toutes les situations, et obliger les personnes qui vivent dans la
rue à se protéger d’elles-mêmes et du froid semble une initiative généreuse dans la
tradition de la prise en charge de l’indigent. Seulement, les préoccupations sécuritaires
d’aujourd’hui et l’obligation adjacente éloignent ce souci d’un paternalisme un peu
vieillot, mais bien national. Oui, il y a beaucoup de psychoses dans la rue, mais un
retour au délit de vagabondage, abandonné en 1992, apparaît comme un recul. Il se
trouve que c’est un secteur où la psychologie comme la psychiatrie d’ailleurs, sont
quasi absentes. C’est probablement dommage car cela pourrait être une occasion
supplémentaire de se démarquer de cette dernière. C’est particulièrement elle qui a
à voir avec l’ordre public, nous ne sommes pas obligés de la suivre sur ce terrain,
d’autant que la loi de 1990 est là pour parer aux troubles de la sécurité publique que
peut occasionner un malade mental, même si laisser les personnes mourir de froid ne
reste pas humain, mais le chômage non plus. C’est l’occasion de créations de postes
pour des psychologues comme dans toutes les situations de prises de risques et de
relations d’aide, sur le terrain et dans une démarche itinérante du désir. Récentes,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

voire expérimentales, les missions des métiers de rue se fondent sur une fonction de
médiation et de régulation de proximité en comportant trois points : une médiation
pour traiter les problèmes de la vie quotidienne, un lien social entre les habitants par
une présence et une écoute, un service de proximité.
Cette médiation peut être l’occasion d’étudier un phénomène qui n’y est pas
fréquemment. Les objectifs d’une approche psychologique du traitement de l’étiologie
de la rupture consistent à chercher la dynamique psychique mais aussi l’économie
psychique des dyssocialisations comme nous avons eu l’opportunité de le réaliser il y
a quelques années dans une perspective de santé publique. La dynamique psychique
suppose un conflit entre des forces psychiques qui s’opposent. L’économie psychique
concerne les investissements dans leur mobilité, la circulation et la répartition de

137
Les métiers

l’énergie pulsionnelle. Nous disposons d’entretiens de personnes SDF accueillies au


Samu social de Paris pour cette analyse. Cette étude de l’Observatoire de la grande
exclusion et de la précarité du Samu social de Paris a bénéficié du financement de
4. Les métiers de la psychologie

Sanofi et de la Caisse des dépôts et consignations. Nous en reprenons un extrait.


D’un point de vue économique, l’ensemble des entretiens concernant les personnes
SDF nous montre qu’il existe des difficultés à gérer plusieurs « terrains » sociaux
de front, comme si l’énergie psychique nécessaire à la résolution d’un problème est
toute concentrée sur celui-ci, appelant au besoin, en renfort, des forces qui provoquent
l’abandon d’autres terrains. Ainsi, Gérard et José ont des soucis avec leur femme et
leur famille. Ceux-ci se répercuteront sur leur situation professionnelle respective qui
va se dégrader au fur et à mesure. Victor est à l’hôpital et laisse pendant ce temps
son loyer impayé et va se retrouver expulsé. Étienne se fait « virer » de son emploi à
cause de ses absences répétées.
Le point de vue dynamique est beaucoup moins accessible et rencontre plusieurs
obstacles. En effet, il n’est pas facile d’aller « gratter les boyaux de la tête » : nous
pouvons incriminer les conditions du recueil d’informations auprès des personnes,
propices aux interruptions des entretiens, mais les gens qui surviennent ou les prétextes
qui surgissent arrivent bien au moment les plus embarrassants d’un entretien. D’autres
esquives de la part de ces personnes consistent à vouloir rester dans un discours
uniquement positif – on ne parle pas de ce qui fâche – ou dans le présent – ça ne sert
à rien de revenir sur des événements qu’il faut oublier. À l’inverse, des informations
crues ou croustillantes sont livrées sur l’enfance malheureuse des personnes sans que
l’on puisse les exploiter plus à fond. D’une part, parce qu’elles sont suspectes livrées
ainsi en pâture, avec une violence dissimulée dans les premières minutes d’une relation
comme une carte d’identité sonore, plastifiée et figée. D’autre part, parce qu’elles
nécessitent un approfondissement pour repérer la fonction de ces traumatismes pour
la personne.
Néanmoins, à partir de l’ensemble de ces entretiens, nous avons questionné la valeur
et la fonction de ces récits et à travers eux, « l’étiologie » que les personnes présentent
de leurs difficultés. Leurs histoires sont connues de tout le monde. Ces histoires
semblent fabriquées, pour ne pas dire préfabriquées, à partir de lieux communs et
de stéréotypes – stéréotypes ou rendus comme tels par le manque d’affects –, les
personnes y apparaissent transparentes, voire superficielles. Les histoires sont bien
« interprétées » mais sans émotions. Deux fonctions peuvent être repérées :
– cette histoire a valeur d’échange, un moyen d’attirer l’attention et la bienveillance
des professionnels. Ces personnes sont démunies mais elles ont leur histoire à
partager ;

138
Les métiers

– cette histoire a valeur d’écran, de protection par rapport à l’autre, par rapport à soi
également – voire une protection de l’autre car il ne s’agit pas de le bouleverser non
plus.

4. Les métiers de la psychologie


On présente des faits, ce sont d’ailleurs eux qui auront raison de la situation : la
tendance est grande de trouver des facteurs explicatifs de la situation extérieurs à la
personne. Cette histoire est présentée avec distance mais comment survivre parfois
à sa propre histoire ? Une histoire qui semble relever à certains moments d’une
mélancolie froide, sans affects, d’une clinique de la carence qui ne leur appartiendrait
même pas. L’impression d’un discours dépressif est grande mais il est alors le reflet
d’une dépression sans tristesse, dont il ne persisterait que l’abattement et un fatalisme
énorme que l’on rencontre chez la plupart, même chez ceux qui se « battent » dans la
vie. Comme si une douleur inexprimable était encryptée et à ne pas dévoiler.
Ce « subissement », cette passivité, est une grande caractéristique de tous ces
entretiens. Elle semble fonctionner comme une modalité de rapport au monde. Il est
possible d’atteindre un deuxième niveau de discours, plus réaliste, plus proche d’une
remise en question. On est alors au bord d’un travail susceptible des velléités d’une
approche thérapeutique. Le discours est alors moins convenu, la responsabilité, nous
aurions dit la suggestion il y a quelques années, d’une prise en charge semble une
éventualité à laquelle s’agripper.
L’étude des différents facteurs intervenant dans la dyssocialisation nécessite un
approfondissement d’autant plus important que la diachronie du processus est ici mise
en évidence. La gestion du secret dans l’histoire de chacun mérite une analyse plus
importante comme l’étude d’un vécu de l’espace en bidimensionnel avec ou sans
logement. De même, le rapport à l’une des « étiologies » est fondamental, car elle
structure l’identité des personnes, nous voulons parler de la centralité du travail. Il
serait important d’explorer ce rapport au travail chez les personnes SDF quand il
pourrait être marqué du sceau d’un deuil pathologique du dernier emploi.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

 Les pratiques de la police


Les pratiques psychologiques sont diversifiées au sein de la police nationale en
fonction des cadres généraux de missions, mais moins bien payées qu’au sein de la
gendarmerie (2 100 contre 1 450 € nets/mois au départ ou plutôt à l’arrivée) :
– formation, initiale et continue, et recrutement (jury de sélection) depuis les
années 80 ;
– soutien et mission d’accompagner les fonctionnaires ou proches au décours de
situations personnelles difficiles ou traumatiques professionnelles : le service de
soutien psychologique opérationnel est créé en 1996 ;

139
Les métiers

– plus récemment, sur le terrain, dans le feu de l’action et les commissariats centraux
des grandes villes, avec une mission d’accueil des victimes et une autre d’orientation
des auteurs de crimes et de délits.
4. Les métiers de la psychologie

La psychologie n’est donc pas où l’imaginer pourrait nous emmener, c’est-à-dire


en soutien et aide à l’enquête et aux négociations : le profiler français n’est pas encore
engagé et ce sont des policiers que l’on envoie dans les écoles pour faire la prévention
des addictions. Cette récence est un progrès si l’on n’ajuste pas la précarisation de
l’emploi à l’aune d’une gestion injuste, celle d’un agent contractuel public, mais non
de droit public, c’est-à-dire sans les garanties des personnels titulaires.

 Le permis de conduire un projet en ingénierie sanitaire et sociale


Le chef de service et de projet tend à attirer le regard et les motivations des
psychologues ou devrait le faire dans un contexte où la rentabilité amène des
responsables à ne pas gaspiller les niveaux d’études et à lorgner vers ceux qui
in generis ont les capacités de mener à bien les interventions d’une organisation
sociale, celle-ci incluant les dispositifs sanitaires. Nous ne prenons pas fait et cause
pour le travail contre la santé, ni ne distinguons ici les dimensions sanitaire et sociale
de la prévention, la dimension générique du social ouvrant des perspectives dans tous
les secteurs. Cette professionnalisation de l’organisation sociale est caractérisée par
l’absence d’intervention opérationnelle directe auprès d’un public. Quatre composantes
se combinent :
– un encadrement ;
– une interface avec des décideurs (management) ;
– un pilotage ou un accompagnement de projets (expertise et développement) ;
– un contact direct avec les usagers (animation).

Les combinaisons de ces composantes conduisent à décrire quatre sous-catégories


à ces nouvelles fonctions que le psychologue peut s’octroyer ou que l’on peut lui
confier :
– les cadres managers de services avec une identité de cadre ;
– les cadres intermédiaires combinant une logique de direction et une logique
d’intervention ;
– les coordonnateurs de programmes combinant négociation et ingénierie sociale ;
– les accompagnateurs de projets combinant ingénierie et implication, le développe-
ment et le soutien de projets.

140
Les métiers

La méthode est un peu décapante pour l’obtention d’un permis de conduire les
projets tant par la mise à l’épreuve que par la compréhension. En effet, celle-ci,
en mise en abyme, en larsen visuel tel le moine qui tient une boîte de camembert

4. Les métiers de la psychologie


sur un couvercle de boîte de camembert, amène à faire le pari de ne comprendre
qu’au fur et à mesure au risque de décrocher si la maturation n’est pas suffisante. La
mise en pratique fait se jeter certains à l’eau avant d’avoir suffisamment d’éléments,
en se basant sur leur seule expérience qu’il s’agit de transformer. Si l’on ajoute la
déconstruction initiale nécessaire à un apprentissage qui se sert de l’existant tout en le
changeant, le désarroi des candidats peut être grand. Le psychologue est néanmoins à
même de piloter un projet ou d’en accompagner la conduite en ingénieur psychosocial
qu’il peut prétendre être. La dynamique de groupe en devient essentielle dès que
l’objectif est d’envergure, à l’image du montage d’un projet où le travail en équipe
est indispensable. La confiance dans l’intervenant également, pour se prémunir d’un
échec et garantir l’alternance entre des moments de visibilité intellectuelle où l’on
comprend, parce que l’on peut mettre à distance, et les moments d’intimité où l’on
nage parce que trop seul face à son expérience. Avant de se lancer dans une aventure
quelle qu’elle soit, le préambule peut ressembler à une épreuve. Il est alors demandé
un projet écrit comme validation terminale et un dossier d’opportunités de celui-ci
comme validation intermédiaire. Les critères suivants pourraient servir de base pour
accréditer ce permis de points :
– la connaissance du contexte et la stratégie (problématique) ;
– la mise en perspective par le projet en lui-même et l’adéquation des critères
d’évaluation (hypothèses) ;
– les outils méthodologiques et leur mise en œuvre (méthodologie) ;
– le style.

Ainsi, le psychologue-ingénieur psychosocial est capable d’accompagner ou de


 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

piloter un projet, ce changement qui permet de transformer l’environnement. L’aptitude


à s’extraire par la conscience de la routine est aujourd’hui devenue, avec la montée
de l’individualisme, des restrictions budgétaires et du retrait de l’état, une exigence
de lisibilité de l’utilité sociale. Le projet est de façon incontournable accompagné
de modalités d’évaluation, ce qui n’empêche nullement le professionnel de faire des
critères de mesure d’authentiques outils de promotion et de valorisation des services.
En somme, faire son travail en science et conscience, c’est-à-dire au mieux avec les
outils à disposition par les progrès scientifiques. Comme tout cadre, ce professionnel
peut se retrouver soit manager, soit expert. Le premier rappelle les contraintes, le
second apporte son éclairage. Son rôle n’est pas toujours clair et il peut être cantonné
dans celui de technicien.

141
Les métiers

Il a bien fallu construire des pyramides et rien n’a vraiment changé sur la façon de s’y
prendre depuis pour mener un projet. Il faut juste aller un peu plus vite. Tout le monde
est d’accord sur le principe : il existe trois phases à un projet (avant/pendant/après)
4. Les métiers de la psychologie

qui déterminent trois directives pour une conduite de projet : réfléchir en amont, être
dans l’action pendant et évaluer en aval. Selon le jargon en usage, la terminologie
change : stratégie/opération/évaluation ou selon l’habillage : la règle des trois C
(cadrer/conduire/conclure). Non seulement les étapes sont les mêmes, mais les objectifs
également (la qualité du résultat pour le plus court délai au budget moindre), et les
indicateurs aussi (atteinte des objectifs, respect des délais, consommation budgétaire).
Un projet implique donc toujours : un objectif, des actions à entreprendre avec des
ressources définies dans des délais donnés.
Il est nécessaire de préciser les précautions d’usage à prendre et de fournir une
méthodologie à suivre, mais rien ne remplace une mise en situation en la matière pour
l’accès à une qualification en regard d’une réalité qui se dispense bien souvent des
discours, mais aussi sur le plan pédagogique. Le besoin d’expérience est mû par un
raisonnement qu’il est nécessaire d’acquérir, ce qui évite de suivre un plan minutieux
à distordre dès la première règle. Il s’agit d’une lecture de l’envers du décor qui permet
de gagner du temps quoi que l’on puisse penser de la valeur d’une déconstruction avant
de mettre en place un savoir-faire. Le prérequis essentiel en est une activité de travail
qui fournit une connaissance d’un milieu sur lequel peut se greffer la perspective
d’un projet. En effet, un vécu sensori-moteur de l’activité et la connaissance fine des
arcanes d’un métier et de son environnement sont indispensables. Il peut s’y substituer
le pouvoir, qui ne garantit pas pour autant la réussite d’un projet, enlève quelques
étapes et tend à le dénaturer si l’on donne priorité à des ordres au détriment de la
recherche d’une adhésion, alors qu’un projet est vivant, grandit au fur et à mesure
qu’il fait l’objet d’une constitution. Somme toute, un projet s’aborde avec un savoir,
un savoir-faire et un savoir être, c’est-à-dire une culture générale, une expérience
acquise par des mises en situation réelles et une adaptation à chaque contexte. Un
projet mûrit pour prendre corps, sinon c’est une idée, de la littérature – mais lis tes
ratures. Les tiroirs sont pleins de projet qui n’ont pas vu le jour par manque de réussite
à faire advenir la dimension opportuniste du projet. Les exemples sont nombreux : huit
mois de travail de préparation balayé par la susceptibilité d’un supérieur hiérarchique
« indirect », d’une autre instance, qui fait barrage à un projet pour lequel il n’a pas été
consulté lors de la préparation. Autre exemple : le paradoxe qui conduit un cadre à
rédiger seul un projet d’établissement où la première règle consiste en la promulgation
d’un travail en équipe. Il n’y sera pas fait référence, aucune adhésion ne peut avoir
lieu devant cette contrainte.

142
Les métiers

La méthode ne peut se réduire à la gestion d’un outil, mais nécessite que l’on
se penche sur l’amont et l’aval pour anticiper des facteurs de risque et affiner une
connaissance du contexte. Il s’agit à la fois de se tenir prêt et répondre aux demandes

4. Les métiers de la psychologie


de subvention. La principale difficulté consiste à ronger son frein. Rien de plus
difficile que d’écouter ou de ne rien faire et de le faire bien. Garder un projet sous
le coude car le moment n’est pas favorable est aussi difficile que de rédiger un bon
projet en 15 jours parce qu’un appel d’offres surgit. Dans un autre contexte, dans
le cas du projet d’établissement par exemple, cette obligation peut conduire à une
révision de son fonctionnement pour améliorer un service rendu. À condition d’être
élaboré avec le personnel, une liste peut rendre compte d’une marche à suivre : la
mission poursuivie (la commande sociale), les services rendus (entre le prestataire et
le bénéficiaire), l’environnement (réseau relationnel dans lequel s’inscrit l’institution),
la méthodologie générale de son intervention, la nature et l’adéquation des moyens
adoptés, ses modes d’évaluation ainsi que la répartition des coûts.
Un calcul probabiliste est nécessaire pour estimer les chances de réussite qu’un
projet aboutisse. Ce n’est pas proportionnel à sa qualité, ça se saurait. Une bonne idée
comme une mauvaise ne passe pas, soit que des intérêts la rendent dangereuse, soit
que quelqu’un la prenne à son compte pour en tirer des bénéfices. Ce sont donc bien
souvent des idées moyennes qui sont à l’origine de projets. Le travail d’élaboration
à partir d’une situation connue – préférable au cas d’école et à la grille plaquée –
est l’exercice qui permet d’accéder à un permis de conduire les projets. Il s’agit de
se lancer sur les autoroutes de l’information avec ses intempéries et non rester dans
sa cuisine car il n’y a pas de recettes. La viabilité d’un projet répond ainsi de la
conjonction de plusieurs facteurs parmi lesquels la connaissance du contexte, l’analyse
explicite de la demande, mais aussi implicite, qui sont essentiels. Cette préoccupation
sur l’examen des conditions de réalisation pour connaître la perméabilité du contexte
à laisser émerger un projet peut se résumer à la recherche de l’information suivante :
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

à qui profite le crime ? Une analyse lucide est la garantie que se laissent dessiner
les contours d’une zone proximale de développement de projet. Dans une institution
qui héberge un adolescent pour six mois ou six ans, par exemple, l’établissement de
son propre projet professionnel est amorcé ou prend la forme d’une observation du
temps passé dans la structure. Autrement dit, c’est la sortie de l’individu qui déclenche
l’élaboration d’un projet qui participe de la suite à donner au séjour institutionnel. Le
projet individuel est ainsi surclassé par l’objectif institutionnel qui doit faire tourner
un établissement avec des résidents dont la gestion est prioritaire tant que la sortie de
l’individu ne se profile pas. Pour savoir ce qui peut bouger, il faut connaître le cadre
dans lequel le mouvement a lieu. Un critère nuance la portée d’un projet, son caractère
obligatoire, c’est alors une conduite de changement ou bien souhaitable, c’est alors

143
Les métiers

une initiative. La différence tient aussi dans le délai imparti, que l’échéancier soit
prévu et il faut respecter la succession des étapes, ou qu’il soit plus ouvert, à construire
et à inventer de façon à ce qu’il s’éloigne de la perspective d’un montage en kit. Un
4. Les métiers de la psychologie

échéancier ponctué des retours, feedbacks nécessaires en termes de production, de


performance ou de pertinence.
Le choix des outils méthodologiques obéit ainsi à :
– une volonté politique (en rapport avec l’objectif) ;
– une cible (en fonction des spécificités du contexte) ;
– un délai (ajustement d’un prêt à « méthodologiser » ou un investissement pour une
construction de sur-mesure).
La méthode vient mettre de la chronologie pour établir un travail afin d’atteindre un
but. La définition de celui-ci suppose de reconnaître le vrai problème. Il ne peut être
que réaliste, c’est-à-dire fondé sur une analyse qui tienne compte des contraintes qui
formulent la problématique : contraintes financières, techniques, juridiques et sociales
– parce que l’on ne fait rien contre le personnel ou sans lui. Faire émerger un projet
revient à le dégager d’un état des lieux pour un projet de structure (avec la direction),
des paroles des acteurs pour la déclinaison de celui-ci ainsi que sa consolidation. Un
projet s’adresse à quatre types de population qu’il s’agit de distinguer : la direction,
les acteurs, les usagers, les financeurs. Un cinquième peut être pris en compte lorsqu’il
est important dans l’environnement, les partenaires. La validation d’un projet peut
faire l’objet d’une étude de faisabilité, d’un test ou d’un site pilote.
Si nous détaillons les étapes, nous retrouvons le schéma suivant :
I. avant :
a. un état des lieux
b. un projet
c. une convention
II. pendant :
a. des tableaux de bord
b. un dossier de choix s’il y a du changement
c. des outils de ressources humaines
III. après :
a. une analyse en points forts/points faibles
b. des ajustements

144
Les métiers

Méthodologie du projet

I) Si l’on adopte le calendrier de l’avant, l’état des lieux comprend trois choses : une description
de l’existant, l’écart entre l’existant et le nécessaire, que l’on appelle le besoin, et le contexte. Cet

4. Les métiers de la psychologie


ensemble est résumé par une balance entre l’offre et la demande. Le projet en lui-même peut
également être dénommé dossier d’opportunités. Il présente :
– les objectifs - les enjeux - les prévisions (en termes de menaces et d’opportunités) ;
– les moyens - la méthodologie - le processus ;
– un calendrier - un délai ;
– un budget ;
– des acteurs ;
– des exigences.

Le résumé se présente par une balance risque/bénéfice sur trois points : la qualité, le délai, le budget.
Un accord de principe ou un encouragement nous amènent à rédiger une note de cadrage qui est
une synthèse des deux premiers points. Elle a une valeur contractuelle, d’engagement, de convention.
On y retrouvera :
– l’origine ;
– le contexte (court, moyen et long terme) ;
– le périmètre du projet ;
– les contraintes et les obstacles ;
– les ressources (matérielles et humaines, disponibles et à trouver) ;
– l’organisation ;
– le calendrier ;
– le budget.

Des outils sont essentiels à la pleine réussite de cette phase de cadrage en amont du démarrage.
Nous en retenons neuf.
1) La fiche d’expression des besoins. C’est aussi le simple compte-rendu de chaque entretien obtenu
auprès de personnes ressources (techniques ou politiques) lors d’un état des lieux. Des rubriques
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

doivent y figurer : le rédacteur – les personnes consultées – l’objet – les objectifs poursuivis – le
rappel de l’existant – les gains attendus – les contraintes – les risques.
2) Le dossier d’opportunités. C’est également l’étude de marché. S’il s’agit d’une réponse à un appel
d’offres ou une demande de subvention, les outils 2) et 3) sont à regrouper. Les rubriques du dossier
sont : l’objet – les objectifs et les enjeux – la description du changement envisagé – les impacts
organisationnels et humains – les exigences de qualité – les volumes prévus – les délais de mise en
œuvre envisagés. Le titre du projet y apparaît comme on titre un CV sur lequel on évite de mettre
l’intitulé « CV ».
3) La note de cadrage. Elle est plus concrète, ne serait-ce que parce que l’on est assuré d’une réponse,
ce n’est plus un ballon d’essai. Les rubriques de la note sont les suivantes : l’origine du projet – les
objectifs – le périmètre du projet – l’objet, ce qu’il concerne – les contraintes – la description de
l’équipe (nom, fonction, disponibilité en %) – le mode de pilotage (avec le calendrier des réunions) ☞
145
Les métiers

☞ – les moyens (on distingue le budget d’investissement et le budget de fonctionnement et parfois la


rémunération des personnes) – les dispositions particulières de l’organisation – le calendrier.
4) L’organigramme de projet. La définition du rôle de chacun permet de voir à la fois ce qui manque
et le style de management, figuré par des colonnes pour la hiérarchie et des lignes pour les collègues
4. Les métiers de la psychologie

et partenaires. Il permet en outre de présenter à chacun une vision globale.


5) Le tableau d’analyse des aléas. Les rubriques des intitulés de huit colonnes déroulées ci-dessous
et autant de lignes qu’il existe de tâches et d’aléas :
• tâche ;
• aléas ;
• probabilité (faible, moyenne, forte) ;
• gravité par rapport aux objectifs (en %) ;
• gravité par rapport aux délais (en nombre de jours) ;
• gravité par rapport aux moyens (en nombre de jours par homme et budget supplémentaire) ;
• action de prévention (pour limiter la probabilité de survenue) ;
• action de régulation (pour réduire les effets).

6) Le diagramme de PERT. Autrement dit, un enchaînement chronologique. Il s’agit de lister les tâches,
leur durée et leurs liens (avant, après, en parallèle). Il est reconnaissable à l’alternance de ses petits
symboles : –> pour la tâche et O pour l’étape.
7) Le diagramme de GANTT. Autrement dit, un planning, on pourrait également dire qu’il s’agit d’un
PERT avec un calendrier, à savoir un tableau à double entrée : les ressources en lignes et les délais en
colonnes (jour ou mois ou trimestre selon le cas). On peut déjà prévoir des délais supplémentaires.
Notons qu’il est rarement réussi du premier coup.
8) Les charges en jour/homme pour un meilleur budget.
9) Le plan de communication. Avec des messages ciblés en fonction des acteurs (un journal interne
suffit bien souvent). Ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent :
• Vers qui ? C’est-à-dire les cibles, les destinataires ;
• Pourquoi ? C’est-à-dire les objectifs, les résultats à atteindre ;
• Quoi ? C’est-à-dire les messages, les contenus ;
• Comment ? C’est-à-dire les supports, forme et moyens ;
• Qui ? C’est-à-dire le responsable ;
• Quand ? C’est-à-dire le bon moment.

II) La seconde phase que nous appelons de nos vœux le pendant.


1) Le tableau de bord : c’est un outil de suivi et de recueil de données qui permet de suivre l’action
à partir d’un journal de bord si l’on est littéraire, à partir d’un tableau de bord si l’on est plus concis.
Il permet de synthétiser l’avancée, de mettre en évidence les écarts entre les prévisions et l’action,
d’analyser ces écarts et de donner des informations aux commanditaires. On va le faire en fonction des
réunions d’un comité de pilotage. Une périodicité doit être choisie. Il s’agit de suivre la consommation
des ressources (budget consommé et cumul), l’avancée et ce qui reste à faire. Donc, on retient
souvent deux colonnes : ce qui est fait et ce qui reste à faire. Il est important d’en faire un outil ☞
146
Les métiers

☞ collectif, pas seulement à destination des commanditaires, mais aussi des acteurs. Il est fort utile de
s’en servir comme d’un outil de RH, il devient alors objet de réunions, il permet de faire comprendre
le rôle, la formalisation et la transmission des informations.

4. Les métiers de la psychologie


2) Les dossiers de choix : ils apparaissent lorsque des changements sont prévus. On procède à une
liste des avantages/inconvénients de chacune des propositions dans une comparaison synthétique,
avec :

• des éléments quantitatifs, calcul du retour sur investissement par exemple : si une solution coûte
50 000 € et qu’elle permet d’en rapporter 10 000/an, le retour sur investissement est donc de
cinq ans ;
• des éléments qualitatifs en termes de contraintes et de leviers.
• La validation des solutions peut faire l’objet d’une mini-étude de faisabilité, d’un test ou d’un site
pilote, tout comme le projet.

3) Des outils de ressources humaines : en effet, le traitement de la motivation, la conduite de réunions,


la présentation orale, la représentation graphique, l’écriture sont autant de points qui conduisent à
organiser des réunions d’avancement pour mesurer le projet et prendre les décisions nécessaires.
Elles sont programmées. Les réunions de validation doivent l’être sur le fond plutôt que sur la forme.
Des réunions de points d’étape également, il est nécessaire d’officialiser le franchissement d’étape et
permettre une vision collective. Organiser une fête pour la fin est toujours une bonne idée.
III) L’après, même si la fin n’est pas forcément repérable quand un projet est lancé. C’est une
échéance prévue.
L’analyse en points forts/points faibles fournit l’objet des mesures des indicateurs prévus et un recueil
de feedback et de performances. La définition des échéances par rapport aux effets qui accompagne
cette analyse va permettre de se déterminer et de conclure à une reconduction, un réajustement, un
changement d’orientation ou un abandon.

10. Portrait du psychologue en santé surfaite


 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• Psychologie et médecine : des regards croisés et des perspectives inverses


• Guérir de la médecine ou de la Sécurité sociale ?
• Une psychologie adjuvante pour des patients ou des victimes ?
• Subversion ou régulation sociale ?
• L’obligation de soins est-elle viable ?
• Le ticket psy, le ticket choque

147
Les métiers

 Psychologie et médecine : des regards croisés et des perspectives


inverses
4. Les métiers de la psychologie

Au contrat de confiance de la relation médecin-malade dans laquelle le client


délègue au professionnel une autorité pour résoudre son problème, se substitue,
chez le psychologue, une confiance contractuelle. Elle est professionnalisée et non
personnelle, personnalisée, mais non substitutive, substituante, mais non amoureuse.
Autrement dit, forgée autour d’une relation transférentielle. Ainsi, il ne s’agit pas de
résoudre par délégation un problème, mais d’une aide à la décision dans la perspective
d’aménager des solutions à des problèmes. Le contre-pied d’une relation traditionnelle
de soins, pour mieux saisir celle qu’entretient le psychologue avec les personnes qu’il
rencontre, se poursuit lorsque le consentement est fondateur de la relation et non un
aménagement récent devant une judiciarisation des relations professionnelles. Depuis
toujours, le psychologue réclame une demande ou un désir pour une intervention ou
une offre de service afin qu’un travail sérieux puisse se mettre en œuvre. Cela n’exclut
pas les vertus d’une obligation de suivi psychologique dans certaines circonstances et
ciblé pour des profils psychopathologiques et des personnalités précises, l’asymétrie
de la relation ne disparaissant pas pour autant. C’est l’autorité qui n’est pas jugée
comme un levier de travail suffisamment puissant pour le psychologue, puisque la
capacité d’autodétermination est centrale, encouragée et parsemée d’investissements.
De la même façon, nul besoin d’un consentement éclairé pour actualiser un partage
d’informations puisque le prérequis et supposé à la rencontre est que la personne
sache quelque peu ce qu’elle vient chercher en venant consulter un psychologue. Nous
n’oublierons pas non plus qu’une démarche de valorisation, parce que nous le valons
bien, co-construite lors d’un investissement réciproque de nature distincte cependant,
se distribue avec des vrais morceaux de soi dedans. Le 100 % naturel de la démarche
écologique du psychologue préserve l’authenticité de chacun et garantie l’avancée
d’un processus vrai.
Le sujet médical est celui que l’on dissèque. Comment pourrait-on soigner
autrement ? Une représentation incarnée parasite l’interprétation de signes considérés
comme des symptômes, révélateurs d’une maladie. Un médecin ne peut d’ailleurs pas
soigner sa famille s’il respecte sa déontologie. Le sujet psychologique est pensant et
penché sur son histoire : c’est une personne. Il est également objet de connaissance,
mais par sa parole et sa conduite, prises et comprises dans les nœuds et nouages d’une
relation. Interroger les personnes sur les faits ou sur l’être revient à privilégier de
façon univoque soit le symptôme, soit la parole. Or si l’individu prend conscience de
sa conduite pathologique, c’est toujours d’une réadaptation dont il s’agit avec un bien
(portant) et un mal (à l’aise), quasi coupable face à une préoccupation par l’action à

148
Les métiers

laquelle s’adjoint une sûreté théorique. Le contre-transfert se trouve masqué si l’on


n’appelle pas la personne à organiser les événements de son histoire, si l’on oublie
d’interroger le discours. C’est bien ce qui met dos à dos médecin et psychologue,

4. Les métiers de la psychologie


avec d’autant plus de ferveur que l’un met en perspective ce qui lui est rapporté pour
chercher à savoir d’où le sujet parle, à qui et pour qui, et que l’autre insiste sur une
situation relationnelle centrée par rapport à une nosographie. Le psychologue fait face
à des situations avant de voir des symptômes, ce qui lui évite le recours systématique
à une nosographie scientifique susceptible de calibrer les réactions. Ce qui ne veut pas
dire que le psychologue doit se dispenser d’un tel recours et l’on a vu que l’apport
essentiel et historique que représente la psychanalyse a été d’une aide précieuse pour
revisiter un point de vue nosographiste. Cependant, la catégorisation de référence
des psychologues reste encore à inventer semble-t-il. Une des nosographies possible
de la psychologie est celle du risque psychosocial avec ce qu’il draine d’extrême
hétérogénéité quand on pense qu’il va du handicap au crime en passant par la difficulté
scolaire. C’est ainsi plutôt une option nosologique que nosographique que nous
retiendrons, c’est-à-dire une certaine idée des rapports entre normal et pathologique,
le premier pouvant éclairer l’équilibre entre diverses possibilités du second, celui-ci
historiquement considéré comme une révélation de la structure cachée du normal.
Par ailleurs, l’évolution de la relation de soins rend compte d’un nombre croissant
de maladies chroniques qui psychologise la relation, reléguant le diagnostic et le
traitement de crise en arrière-plan. Une médicalisation de problèmes sociaux demeure
néanmoins tandis que la définition même de la santé que nous propose l’Organisation
mondiale de la santé avance. Désormais, elle est « un état de bien-être complet,
physique, psychologique et social ». La gestion d’un état devient prédominante. De
plus, une activité de travail devient de plus en plus compatible avec ce type d’atteinte, ce
qui oblige à repenser les liaisons dangereuses entre la santé et le travail. La contrepartie
comporte de plus en plus « d’arbitrages » des limites des états de santé et des états
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

limites de santé devant l’extension des définitions de la maladie et de la santé. C’est


ainsi que le psychologue se voit confier de plus en plus de missions d’évaluation, y
compris des conditions de vie, et s’ouvre à la guérissabilité comme nous le préciserons.
Une autre extension concerne les spécialités médicales dans l’approche desquelles le
psychologue trouve de plus en plus d’ancrage. Cependant, il en reste une qui occupe une
place majeure et essentielle à partir de laquelle ce professionnel s’est forgé une identité
historique avec une maladie spécifique, mentale. Le psychologue intervient dans le
champ de la santé particulièrement en psychiatrie, en santé mentale et dans le secteur
du médico-social en contribuant à l’organisation des parcours de soins en amont d’une
prise en charge, au cours de celle-ci et en aval. En effet, nous retrouvons le psychologue
à l’œuvre dans les dispositifs de prévention primaire, secondaire et tertiaire, dans les

149
Les métiers

procédures diagnostiques psychopathologique, médico-sociale, neuropsychologique,


ainsi que dans les protocoles de prises en charge psychothérapeutique et de réinsertion
sociale et professionnelle. Professionnel de la santé à part entière, le psychologue
4. Les métiers de la psychologie

travaille au sein des différents dispositifs de prises en charge en collaboration avec les
acteurs médicaux, paramédicaux, éducatifs et sociaux, sans pour autant exercer sur
prescription médicale.
La vision aussi bien synthétique que précise de la personne dans les relations
qu’elle entretient avec son environnement et le système de santé, que le psychologue
acquiert à partir de ses compétences, fait de lui un professionnel adaptable et reconnu
efficace à différentes étapes d’un parcours de soins : la coordination de celui-ci, le
soutien aux équipes impliquées et leur formation, la conception et la mise en œuvre
d’outils d’évaluation, de tests et bilans notamment, le suivi écologique de prises en
charge de personnes et groupes familiaux, psychothérapies et soutiens notamment.
L’étendue de ses compétences, de la palette de ses outils, de sa connaissance des
institutions et de la personnalité et de ses domaines d’intervention, à tous les âges
de la vie, alliée à une démographie prospère et un niveau de recherche disciplinaire
élevé, font du psychologue un professionnel incontournable de l’intervention en santé
mentale et publique. Il est formé sous les auspices de l’Éducation nationale et non
sous ceux du ministère de la Santé, une complexité salvatrice pour les uns, une erreur
de l’histoire pour les autres. Sa vie institutionnelle ne va pas en être facilitée. La
figure du scout a duré et perduré dans l’histoire courte des psychologues, il est temps
de se reprendre en mains et de se saisir de questions professionnelles existentielles
primordiales telles que : devons-nous choisir les personnes avec qui l’on travaille ?
Si le médecin a une obligation d’assistance et si l’avocat met un point d’honneur à
défendre une personne quoi qu’elle ait fait, pouvons-nous garantir l’efficacité d’un
travail psychologique sans le choix préalable de la part du psychologue ?
Nous pourrions stigmatiser deux ennemis de première ligne à la psychologie :
la médecine et l’éducation du sens commun. La première entrave son autonomie
professionnelle et l’autre nie la professionnalité autonome. Ainsi, tout le monde
est psychologue, particulièrement le médecin. La psychologie est prête à partager
le bon sens avec tous, mais réserve formellement à la convivialité cet adjectif de
psychologue. Partir ou arriver à une intuition en s’appuyant sur les données immédiates
de sa conscience, en se servant d’une attitude observatrice, distincte d’une aptitude à
l’observation, et en adhérant à son expérience pour en tirer le meilleur parti au gré des
stéréotypes sociaux circulants, des idées reçues et déçues issues des médias, participe
d’une sociabilité au mieux, d’une cuistrerie parfois, d’une malhonnêteté bien souvent.
L’historique de l’évolution de l’activité de ce professionnel permet de souligner
combien des éléments de compréhension de sa situation professionnelle délicate

150
Les métiers

doivent être décentrés ou recentrés en regard de deux objectifs, cible et but à la fois,
autant impartial qu’oculaire, l’un à destination des médecins, l’autre envers les patients.
En effet, il existe nombre de brouillages dans le cadre d’une collaboration, c’est-à-dire

4. Les métiers de la psychologie


d’un partenariat constructif du parcours de soins qui ne peut revêtir les aspects d’une
injonction. Ce parcours de soins est à distinguer des modalités de remboursement de
l’activité du psychologue : si le financeur définit des règles, il ne doit pas définir les
conditions de collaboration. L’évolution actuelle du système de soins, particulièrement
en termes de réseaux, contribue à heurter les susceptibilités des psychologues et des
psychiatres entre eux. On y ajoute les modalités d’une paramédicalisation plus ou
moins larvée des rapports entre médecin et psychologue et l’on atteste d’une première
impasse à cette collaboration. Le psychologue n’est pas au chevet de la personne,
il travaille avec, comme il échange avec d’autres professionnels. Il est dommage
qu’aucun texte n’attribue de place institutionnelle repérable pour les psychologues du
champ de la santé et particulièrement en hôpitaux, les médecins n’y veillent que trop.
L’institutionnalisation des psychologues ne peut cependant se faire aux dépens de leur
identité propre. La médecine pourrait endosser le rôle d’un garde-fou sécuritaire, et
l’on apprécie qu’une grossesse soit médicalisée quand elle présente des risques, mais
son auto-intronisation dans la sphère psychologique persiste à fonctionner comme un
abus quand le corps médical n’est pas formé à la psychologie tout en pensant y être.
La médecine reste ainsi au pied de la psychologie tant que le danger de ceux qui ne
sont pas formés du tout continue d’être menaçant. Entre deux maux, il est raisonnable
de choisir le moindre, même si l’on admet que les effets secondaires d’une emprise
ne sont guère soutenables.
Le remplacement des psychiatres par les psychologues : l’idée n’est pas neuve
et germe dans bon nombre des esprits de la psychologie en connaissance de la
démographie de ces médecins spécialistes et de celle plus prospère des psychologues.
Les arguments ne manquent pas, mais les bonnes volontés sont contrariées par cette
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

démographie qui ne devient plus insuffisante par une mauvaise prospective, mais
fort mal répandue sur le territoire. Elle est surtout bien présente dans les instances à
responsabilités ayant à donner leur avis sur la question. L’argumentation reste probante :
une approche écologique bien vue d’une tradition ancrée dans une prééminence du
verbe et de la parole ; des compétences recherchées en psychiatrie, que celles-ci
concernent le diagnostic psychopathologique ou l’évaluation des capacités mentales,
la conduite de psychothérapie, la supervision de groupes ou l’encadrement d’équipes ;
une capacité d’orientation lors de premières consultations où se trouvent mêlés trouble
psychiatrique et symptôme de malaise existentiel. La question non résolue est celle
de la prescription ou de son renouvellement à la manière de certains états américains,
mais la position anti-médicamenteuse n’empêche pas, bien au contraire, de passer

151
Les métiers

la main pour une indication vers un médecin. La question qui demeure est bien de
chercher comment faire entendre un glissement des fonctions pour que le traitement
de la souffrance psychique trouve ici des solutions dont les psychologues puissent
4. Les métiers de la psychologie

s’emparer et qu’ils puissent perpétuer.

 Guérir de la médecine ou de la Sécurité sociale ?


L’indépendance du psychologue conduit à se demander s’il faut penser prescription
ou auto-prescription des prestations psychologiques, à moins que l’instruction soit
à proscrire aux fins de privilégier l’activité sur l’acte et de préférer le forfait au
remboursement. L’absence de visibilité des actes du psychologue de la santé au sein
de bon nombre des structures où il exerce pose des problèmes cruciaux actuellement.
Le gestionnaire a recours à des actes qui ont une cote, mais ils sont médicaux.
Or comme le psychologue n’est pas professionnel de santé, s’il est professionnel
de la santé, il ne dépend donc pas du Code la santé, condition préalable pour un
remboursement de son activité par la Sécurité sociale. Condition nécessaire, mais
non suffisante si l’on pense aux psychomotriciens qui sont paramédicaux, mais ne
disposent pas pour autant d’actes remboursés par le dispositif social. Le dilemme
grandit néanmoins chez les psychologues qui souhaitent voir leur activité apparaître,
mais refusent l’allégeance médicale et défendent l’unicité du titre de psychologue
obtenu avec la loi du 25 juillet 1985.
Une prescription est-elle utile ou une simple indication suffit-elle ? La véritable
prescription médicale est bien l’observance d’un traitement par la personne, y compris
quand l’analyse des résultats d’une prise de tension artérielle se réserve auprès d’un
médecin en temps de vente libre de l’appareillage idoine. L’absence de prescription
ne suffit pas à rendre l’action du psychologue organisée autour du principe de
l’observance, c’est aussi l’interaction nécessaire à la croisée de l’empathie et du
transfert, quand elle se dispense d’être paternaliste pour se situer au plus près de
l’autonomie des personnes. Dans cette perspective, le conseil est plus proche de l’aide
à la décision que de la guidance. La prescription pose par ailleurs une hiérarchie.
Elle n’est pas qu’auto-prescription, garante d’une indépendance technique, elle est
aussi hétéro-prescription à l’encontre d’autres professions, notamment de santé. Elle
est aussi auto-prescription, posant une indication et une hiérarchie horizontale avec
orientation vers un collègue. L’indication est alors cette prescription soft qui coordonne
un parcours, oriente autant que de besoin sans se confronter pour autant à l’économie
du remboursement, mais en émettant un avis de compétence sur une décision qui,
in fine, n’appartiendra toujours qu’au sujet. Le remboursement actuel est largement
partagé par d’autres acteurs et depuis quelques années, des mutuelles et des assurances
s’engagent dans une participation aux frais de prises en charge psychologiques. Ce

152
Les métiers

sont essentiellement des dispositifs destinés aux victimes et à leur soutien plus que des
parcours d’accompagnement psychothérapique, même si celui-ci est reconnu comme
une alternative pécuniairement intéressante face aux médicaments.

4. Les métiers de la psychologie


La commande sociale concernant le psychologue est complètement compatible
avec une auto-prescription à partir d’une indication ou d’une orientation, tous champs
d’intervention confondus. Elle présente en outre l’avantage d’éviter ainsi la prescription
particulièrement médicale et sa stigmatisation. La récente intronisation du psychologue
comme traitant (loi n◦ 2008-174 du 25 février 2008, article 6) dans le dispositif de
suivi socio-judicaire, qui vise à protéger le champ social de la récidive, nous montre un
médecin coordonnateur qui oriente et choisit soit un psychologue, soit un médecin, soit
les deux. Le psychologue n’est pas un technicien du soin, ça se saurait, c’est un agent de
changement. Ce dégagement qu’il doit opérer vis-à-vis du corps médical doit pouvoir
également le conduire à s’en prémunir. Qu’il prenne la précaution d’accepter qu’un
diagnostic somatique intervienne indépendamment de sa prestation et l’on ne peut
qu’augmenter sa crédibilité d’un autre type de diagnostic. Le problème du diagnostic
différentiel se pose toujours, une demande peut relever d’une symptomatologie
psychique et/ou somatique. En conséquence, une consultation médicale préalable,
qui ne saurait donner lieu à une prescription ou à un avis, est une protection du
psychologue dégagé d’une part de sa responsabilité.
La psychologie ne connaît pas la disgrâce sociale de la médecine car elle n’est
jamais montée au pinacle de la renommée. De plus, elle s’est familiarisée avec le
mépris dévolu par les tenants du pouvoir institutionnel ou entrepreneurial que l’on peut
résumer par la maxime suivante : « c’est gentil ce que vous faites » et la justification
sociale qui l’accompagne : « ça ne peut pas faire de mal ». Il est utile de repérer
non seulement les formes d’une paramédicalisation larvée dans nos rapports avec les
médecins et la médecine, mais aussi combien celle-ci oriente la structuration de sa
professionnalisation à la façon dont se démènent les psychologues actuellement. Il est
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

ainsi nécessaire de reconnaître la facilitation de son adaptation quand le psychologue


renonce au pouvoir social. Il est ainsi vicariant de regarder ce que fait le voisin
quand les psychologues rechignent encore à leur unité et continuent de cautionner une
multiplicité garante d’une division utilisée par nos interlocuteurs, qui tue la synergie,
compromet l’intérêt collectif, nuit au transfert d’informations et au rapprochement
des individus, trouble les messages et favorise une illisibilité sociale.
La Haute Autorité de santé (HAS) a cinq ans d’existence, elle est créée par la
loi du 13 août 2004, mais cumule près de vingt ans d’expérience de l’évaluation et
de la recommandation. Elle succède en effet à l’Agence nationale d’accréditation
et d’évaluation en santé (ANAES) et à l’Agence nationale pour le développement
de l’évaluation médicale (ANDEM) en 1990. Cette institution incite désormais

153
Les métiers

les spécialités médicales à se fédérer afin de produire, à parité entre sociétés


savantes et structures d’exercice professionnel et/ou syndicats (d’exercice), des
évaluations et des programmes de formations représentatives de l’état scientifique
4. Les métiers de la psychologie

d’une sous-discipline. Une fédération des fédérations des spécialités devrait voir
le jour pour être l’interlocuteur privilégié de l’HAS. La configuration du champ
médical qui se dessine met hors-jeu le Conseil de l’Ordre, le contourne et le cantonne
au gardiennage de la déontologie médicale ou à devenir le gardien du temple s’il
rehausse l’usage qu’il en fait. Autrement dit, au moment où la profession médicale
se psychologise, il n’est pas utile de se médicaliser ni avec un ordre, ni avec une
codification en actes. C’est tout juste si les médecins ne soignent pas de surcroît
désormais devant leur évolution technique. C’est dire combien l’instauration d’une
structure ordinale pour les psychologues garantirait la paramédicalisation de leur
statut.

 Une psychologie adjuvante pour des patients ou des victimes ?


La psychologie médicale, quand elle est médicalisation de la psychologie, se
polarise autour de la relation médecin-malade, souvent dans une visée utilitaire,
pour optimiser la prescription. C’est ainsi l’étude des effets de la maladie sur la
personne qui sont visés, particulièrement sur un registre victimaire que viennent
parfois renforcer certains psychologues. Il est fort dommageable de restreindre la
psychologie à l’individualisation de la portée d’un diagnostic et d’un traitement sur le
versant d’une acceptabilité conforme aux attendus de la science et de l’art médicaux. Il
ne s’avère pas forcément toujours utile de s’appesantir sur le vécu de la maladie, encore
qu’il soit susceptible de nous conduire à une issue plus appropriée de la compréhension
des personnes pour une prise effective du traitement qui reste la prescription ultime. En
revanche, la tentation de la recette psychologique « pour faire avaler la pilule » d’une
suprématie ne peut recevoir nos suffrages pour un renouveau de l’image circulante
d’une psychologie qui sortirait d’un œcuménisme laïc. L’autonomie de la personne
prônée par une culture anglo-saxonne vient pourtant tailler des croupières à notre chère
bienveillance républicaine, mais elle se trouve empesée d’une prise de conscience,
qui voudrait aussi se faire discipline, la victimologie. Ce droit constant à accuser
l’autre présente la vertu du refuge statutaire, mais décline la responsabilité d’un
épanouissement. Des médecins peuvent compter sur des psychologues pour un appui
mutuel.
Cette réticence à reconnaître la psychologie comme une science constituée et
mouvante, que l’on peut réduire à un art après négociations, lorsqu’il s’agit de soi, de
son fonctionnement et de ses aléas, mais aussi de ses proches, participe d’une défense
et d’une crainte. Cette dernière peut dévêtir une aptitude offensive à la réduction

154
Les métiers

drapée dans une fascination pour la science ou le scientisme. La médecine reconnaît


des recoupements avec la psychologie quand elle passe du corps à la personne,
mais les connaissances qui lui sont nécessaires pour l’administration de la relation

4. Les métiers de la psychologie


humaine ne doivent en aucun cas prendre le pas sur l’action du psychologue qui
n’assimile jamais un examen psychologique à un examen de laboratoire. La nécessité
de ces connaissances psychologiques a conduit le corps médical à vouloir annexer la
psychologie pour en faire une discipline auxiliaire de la médecine. Parce que la pensée
est autonome, la garantie de la dimension psychique comme une valeur princeps est à
conserver telle qu’elle peut l’être dans les textes et les idées.

 Subversion ou régulation sociale ?


Quelle forme d’agir peut-on prêter au psychologue, lui qui ne passe pas à l’acte
et ne jure que par la parole ? Il malmène son image dès qu’il brandit son tiers-temps
destiné à penser puisque son employeur ne le juge pas suffisamment fiable par sa
disponibilité alors qu’il est victime de négociations professionnelles d’une époque
où l’on pouvait troquer du temps contre de l’argent. « Vous serez payé comme un
miséreux, mais vous pourrez bénéficier d’un temps statutaire pour vous former, y
compris à la recherche, et vous documenter », lui a-t-on dit à l’époque. La circulaire
du 7 août 1963 reconnaît aux psychologues un travail d’accompagnement support de
changement, mais sa rémunération est celle des professeurs certifiés qui enseignent
encore aujourd’hui 18 heures par semaine en lycée. Depuis, la formation est devenue
un droit en 1971 et l’accès à la documentation est facilité, mais une supervision reste
chère. Cercle vicieux du dévoiement d’un temps qui isole le psychologue encore
plus qu’il peut entretenir une ambiguïté entre apologie de l’autonomie et indifférence.
Ajoutez les restes d’une abjection contre une culture de l’évaluation et vous obtenez
des malentendus que le contexte de non-renouvellement des postes n’encourage guère
à dissiper, alors qu’il ne lui a pas été donné les moyens de ce qui lui a été promis. Pour
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

faire de la recherche, il est nécessaire d’être formé par exemple. Contrat de dupes
façonné sur celui des enseignants de l’école, mais magistère d’une aura à partir d’un
sujet supposé savoir. L’accès à la connaissance s’est démocratisé, mais avec lui un
fourvoiement s’est amplifié qui fait prendre le courrier des lecteurs pour des lettres de
noblesse. Non seulement le psychologue ne fait plus peur, encore que ce soit récent,
mais la rencontre avec la loi ne guérit plus, qu’elle soit parlée ou actée. Ce paradigme
des années 70 a changé.
Il n’est déjà pas facile de dire ce que l’on fait justement parce qu’on le fait, même
quand on le dit, mais le faire comprendre à des interlocuteurs aux demandes distinctes
l’est encore moins. L’employeur montre des contradictions, comme la demande d’être
présent sur site et produire de l’analyse sur ce qui se passe. Il dispose aussi de

155
Les métiers

ses embarras de gestionnaire au moindre coût alors que le psychologue ne parle


pas de la même économie. Il est cependant important de signifier une image du
psychologue à une patientèle, constituée de patients, compromis entre usagers et
4. Les métiers de la psychologie

clients. La place du psychologue est dans le couloir, nous enseignait un psychologue


dans notre jeune temps, Jérôme Taillandier. Slogan compatible avec une revendication
forte de la profession de contribuer à la circulation de la parole. Celle-ci produit
du lien social et de l’élaboration psychique. Il est toujours possible de penser cette
offre de régulation sociale comme l’objet du remplissage d’une fonction normative
de ressources humaines. Se centrer sur ce qui ne va pas, évoquer les difficultés des
personnes et les impasses des situations est une dimension restreinte et restrictive de
l’amélioration de la productivité des institutions, y compris quand elles produisent du
soin. Il s’agit également et avant tout de formuler l’originalité des personnes et des
situations en pointant leurs caractéristiques propres. Souligner les modalités d’entrée
en synergie n’exclut pas celles de l’éloignement des normes en circulation d’autant
plus que la création d’une spécificité dans une inscription sociale originale relève
moins d’un compromis que d’une réelle avancée de la bonne santé de l’un comme
de l’autre, de l’institution comme de l’individu. La dimension paradoxale, effrayante
pour certains, est la poussée plus ou moins paroxystique selon les moments, de l’usage
de la subversion comme outil de paix sociale. La subversion est l’usage, délibéré ou
non, direct ou indirect, pour une personne ou un groupe, du renforcement de l’intégrité
psychique et/ou identitaire de la ou des personnes.
Cette place du psychologue est aussi celle d’une fonction subversive. La bonne
tenue de la production d’un « poil à gratter » institutionnel n’est guère compatible
avec l’évanescence ténue d’un ancrage social aléatoire. Disposer du goût pour mettre
les pieds dans le plat, tendre à un équilibre entre pouvoirs, mettre des mots là où
ça fait mal, suppose le temps d’une réflexion susceptible de rendre des comptes.
La trop grande diplomatie de certains professionnels et l’insaisissable emploi du
temps d’autres contribuent à une image terne du psychologue. Il est certes gentil,
mais ce n’est pas forcément ce qu’on attend de lui. Il est autonome, mais ce n’est
pas pour autant qu’il ne doit pas rendre compte à son employeur. Il est mal payé,
mais son tiers-temps consacré à un autre travail nuit à l’image véhiculée. L’utilité
du psychologue est mal évaluée et n’est pas étudiée. Même si ce professionnel a des
comptes à régler avec l’évaluation, il n’est pas normal qu’il soit aussi ésotériquement
détaché d’une inscription sociale qui oscille en lettres de feu et encre sympathique,
jusqu’à connaître à ce point une suspension de sa reconnaissance. Que de préjugés
aux conséquences néfastes. Le prix à payer pour un travail psychique est toujours
important, néanmoins l’argument devient opinion en ce qui concerne le psychologue
en institution dont les actes psychologiques ne lui sont pas comptabilisés ou détournés

156
Les métiers

au profit d’autres, professionnels de santé. Une avancée surgit lorsque la prise en charge
est suivie comme un forfait, mais celui-ci dilue l’ensemble des prestations proposées.
Pourtant, le paiement signe un processus psychique avéré lorsqu’il intervient en face

4. Les métiers de la psychologie


précisément d’une offre psychique ou psychologique. Que le retrait du psychologue
derrière des positions de principe ne favorise pas sa rémunération est indéniable, mais
une voie de dégagement est toujours rendue possible par la mise en valeur d’une étude
clinique de qualité, par la complexité décrite, fait avancer une évaluation ultérieure et
reculer l’effroi de l’évaluation fascisante.
La crainte d’un savoir à l’insu de la personne effraie particulièrement dès que l’on
quitte le monde de la santé, et prédomine dans l’entreprise. Reste que le psychologue
fait fantasmer, il prête surtout aux remontrances de ce que l’on craint de lui. Non
seulement il devine ce que je pense, mais que va-t-il faire de mes fantasmes ? S’il me
réconforte comme peut le faire mon coiffeur, je suis rassuré par cette annulation de
ses compétences, mais cette intrusion maternelle projetée ou cette faille narcissique
d’une maîtrise obligée de mon comportement social me tétanise. Le psychologue a
bon dos, mais la tête sur les épaules. Autrement dit, il se sait surface projective des
maux des personnes et des organisations qui le consultent, mais ne se débarrasse pas
de l’encombrant fardeau en renvoyant à une vulgate interprétation, sauvage et inique,
à la « mords-moi le nœud » diraient les profanes de la masturbation intellectuelle. Il
prend le temps d’une élaboration pour formuler une analyse qui fasse avancer une
situation. C’est bien dans l’après-coup que se fait l’essentiel du travail du psychologue,
le conduisant à proposer des évaluations en plusieurs temps par exemple. Un bilan ou
une expertise sont ainsi à concevoir en deux parties. Il est donc toujours dommageable
que des conditions de travail fassent autant de pression pour laisser à penser, y compris
au psychologue lui-même, que son expérience puisse le dispenser de la gestion de cet
après-coup. Des bilans et des analyses des demandes se tiennent sur un rendez-vous à
l’aune d’une rentabilité qui n’affiche pas toujours l’autonomie de son activité. Il n’est
pas utile non plus de plaindre ce professionnel confronté à un contexte économique
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

insatisfaisant responsable d’une activité de travail non épanouie, il est important


en revanche de pointer les caractéristiques de son exercice méconnu pour mieux
s’épancher sur les améliorations à formuler sur son sort. Sa fonction de catalyseur
ne devrait pas lui amener pour autant les foudres des autres professionnels qu’une
éthique ne suffit pas à contenir.

 L’obligation de soins est-elle viable ?


Les méthodes ne peuvent être extractives, mais co-construites car non seulement
l’intervention psychologique produit des effets dont il faut tenir compte, mais l’accord
des personnes est un des facteurs principaux de fiabilité des résultats. Les informations

157
Les métiers

que l’on prélève à l’insu des personnes relèvent bien du fantasme, même si une méfiance
légitime se justifie par toute démarche non sollicitée par les acteurs eux-mêmes, qu’il
s’agisse d’une obligation de soins ou d’un audit. Démarche à l’origine de cette
4. Les métiers de la psychologie

négociation qui doit conduire à un accord faute de quoi les critères de validité
scientifique n’ont aucune portée, la validité écologique est absente et les résultats sont
biaisés. Du consentement éclairé à l’émergence de la demande, il existe parfois un
fossé et des nuances sont à prononcer pour ne pas confondre la méfiance et la défiance :
la situation de contrainte peut présenter des vertus comme lorsqu’elle intervient dans
le champ judiciaire, qu’elle concerne une évaluation, l’expertise judiciaire, ou une
prise en charge comme l’injonction de soins.
Dans le cas de cette dernière, la contrainte relève-t-elle d’un paradoxe logique du
type « soyez spontané » ? Non seulement ce n’est pas du tout aussi sûr, mais il semble
nécessaire de sous-estimer les effets de cette situation en pensant à d’autres lieux qui
empoignent la même problématique dans le champ de la santé, mais aussi ailleurs.
Après tout, l’hospitalisation d’office en psychiatrie, et même celle à la demande
d’un tiers, continue de générer une interrogation similaire vis-à-vis d’une offre plus
sournoise de l’intervention psychologique : « Il y a un psychologue dans le service
que vous pouvez aller voir quand vous en avez besoin. » L’obligation de soins est
alors administrative et non judiciaire. Sur un autre registre, l’invitation à rencontrer
un conseiller-psychologue pour mettre à jour, dévisager les obstacles à une insertion
professionnelle alors que la personne envisage une recherche d’emploi, peut conduire à
un mécontentement patent : « Je veux du boulot et on me tripote l’Œdipe. » Quels sont
les ressorts de l’émergence d’une demande d’ordre psychologique particulièrement
quand le dispositif d’accueil prévoit un passage obligé par le rendez-vous avec un(e)
psychologue plus ou moins réglementé et/ou plus ou moins vécu ? Ils ne dérogent pas
néanmoins à la nécessité de cette co-construction.
Il est ainsi possible de minimiser les effets polémiques de la contrainte judiciaire,
il est également probable de rencontrer de fervents défenseurs de la contrainte
comme opportunité à saisir dans un néant existentiel, au nom d’un droit d’ingérence
humanitaire. Des pédagogues du soin le tirent vers une éducation qui en rend
l’obligation similaire à l’école. Non seulement les circonstances offrent une possibilité
que l’individu n’est pas en mesure ou n’a pas la capacité de formuler, mais la fonction
contenante de ce qui peut advenir là, qui ne pourrait être encadré ailleurs, constitue un
bénéfice que le sujet ne peut connaître et reconnaître que dans l’après coup, une fois un
processus engagé dont il n’a pas pris l’initiative. Cette résurgence d’un paternalisme
institutionnel dans ces temps nouveaux de contractualisation de la demande sociale
nous rappelle les principes éthiques à la gouverne des soins des plus vulnérables qui
conduisent à leur offrir une prestation là où ils ne sont pas en mesure de le décider dans

158
Les métiers

un souci de bienfaisance, mais qui n’évincent pas le moins du monde une précieuse
interactivité.
C’est bien le pédophile qui est visé par l’injonction de soins, c’est lui qui cristallise

4. Les métiers de la psychologie


toute la hantise de la récidive, l’incestueux étant beaucoup moins concerné par ce
risque. On observe néanmoins que d’autres auteurs sont susceptibles d’être acteurs
de cette démarche, comme dans les violences conjugales par exemple. Le nombre
de séances est moindre, mais l’accroche demeure viable. Ne rêvons pas, la plupart
viennent chercher leur attestation de présence, mais à l’absence de demande du départ
et à la massivité des défenses présentées, de la honte au déni, peut se substituer l’amorce
d’un travail de liaison. Certes, des capacités de mentalisation peuvent faire défaut,
une pseudo-débilité peut masquer une vraie immaturité, mais une crainte d’abandon
peut surgir, une méconnaissance se lever. La récidive est tellement présentée comme
inéluctable qu’ils arrivent volontiers avec cette idée. Un détour par des séances en
groupe est particulièrement bénéfique à ces personnes tellement concernées par les
courts-circuits de la pensée et de la séduction. Cette situation où ils ne sont pas
obligés de parler tout de suite, où ils profitent de l’élaboration du groupe, où ils sont
susceptibles de repérer chez d’autres ce qu’ils ne voient pas chez eux, est du meilleur
effet. Cette clinique sur ordonnance judiciaire doit s’acquitter des doutes qui pèsent
sur elle, le psychologue y veille.
Rappelons brièvement qu’une peine de suivi sociojudiciaire, qui peut comprendre
une injonction de soins, après expertise, apparaît avec la loi du 17 juin 1998 relative à
la prévention et à la répression des atteintes sexuelles. Dans ce contexte, la mission
du médecin coordonnateur de la loi Guigou est d’inviter le condamné à choisir un
traitant, à conseiller ce dernier et lui fournir toutes les informations utiles ainsi que de
transmettre au juge d’application des peines les éléments nécessaires au contrôle de
l’injonction de soins. Il a un rôle d’évaluateur externe, il réalise un bilan annuel à partir
des informations de son suivi. L’injonction de soins ne doit pas amener à confondre
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

l’absence de demande et le refus de soins, ce dernier étant rédhibitoire. Elle instaure la


dimension judiciaire comme tiers obligé et nécessaire ainsi qu’un dispositif particulier
avec la prévisibilité d’un terme et deux incidences majeures sur le cadre : l’obligation
de venir et la délivrance régulière d’un certificat de présence. Depuis plus d’un an, le
médecin coordonnateur du dispositif de suivi sociojudiciaire avec injonction de soins
prévue par l’article 131-36-4 du Code pénal, peut choisir soit un médecin traitant,
soit un psychologue traitant, soit les deux, si la personnalité du condamné le justifie.
Le psychologue doit avoir exercé pendant au moins cinq ans au préalable. En effet,
la sortie de l’article 6 de la loi n◦ 2008-174 du 25 février 2008 met en valeur les
psychologues dans le champ judiciaire en poursuivant l’évolution des modalités du

159
Les métiers

suivi sociojudiciaire après les textes des lois des 17 juin 1998, 12 décembre 2005,
5 mars et 10 août 2007.
4. Les métiers de la psychologie

 Le ticket psy, le ticket choque


Entre la demande libérée et la contrainte, il existe des formes renouvelées de
l’incitation, en psychologie aussi. La santé au travail est suffisamment préoccupante
pour que le psychologue n’y dispose pas d’une place pleine et entière, celle d’un
acteur primordial de sa prise en charge. La récente mise en place de tickets de
consultation a nourri l’actualité en restaurant une image dans les torpeurs du temps.
La reconnaissance de la psychologie passe-t-elle par la valorisation d’une relation
consumériste ? Le succès médiatique de la mise en place de carnets de dix tickets
de 90 € chacun pour une heure, payés par l’employeur, afin qu’un salarié puisse
aller consulter un psychologue appartenant à un réseau, n’est pas forcément une si
mauvaise idée si l’indépendance du professionnel est respectée. Il est nécessaire de
s’assurer qu’elle renouvelle dans sa forme une idée fondamentale : quand on est
bien dans sa tête, on travaille mieux. Certes, ce type de prise en charge ne règle
pas deux points nodaux de l’activité du psychologue : le rapport à l’argent de celui
qui est pris en charge et le nombre de prestations de ce professionnel. Il est aisé de
penser que la gratuité, qui se fait toujours « payer quelque part » ne montre ici qu’une
surséance de l’essentiel. Il est facile par ailleurs de céder à la tendance de la priorité
accordée à la victimisation, reléguant ainsi à plus loin des résolutions de problèmes au
long cours par des dispositifs psychothérapiques. Par ailleurs, une question cruciale
pour le psychologue est bien au centre de cette gestion des dilemmes présentés
par les contradictions engendrées entre intérêts individuels et intérêts collectifs. Ce
professionnel a toujours œuvré pour ne pas vendre son âme au diable en préservant
les personnes et leur dignité psychique et ses ancêtres ont fourni les arguments pour
des améliorations sociales qui tiennent la route. Rappelons-nous que l’instauration
de la journée de huit heures a démontré la satisfaction de tous : moins de fatigue
pour les uns et une meilleure rentabilité pour les autres. Le tout à partir des études
de physiologie du travail rendues disponibles par les premiers psychologues. Des
garanties sont bien sûr à fournir pour l’optimisation d’une telle offre par un dispositif
de tickets. Tout d’abord, le sérieux de la constitution du réseau, ensuite, le respect de
la confidentialité des données, mais le recours à des psychologues devrait suffire. Le
suivi en cause ou l’accompagnement visé pourra certes être estimé trop court, mais il
est en concordance avec ce qui existe déjà dans certaines prises en charge de santé.
Il invite à une approche qui peut déboucher sur un autre type de prise en charge et il
restera toujours délicat de formuler à un employeur une demande de psychothérapie.
Il est cependant nécessaire de suivre l’évolution de telles prestations, ne serait-ce qu’à

160
Les métiers

l’issue d’une évaluation. Cependant, les critiques émises par le corps médical sont un
indice encourageant de la reconnaissance d’une bonne idée, celui qui le conduit à voir
s’échapper de son emprise un accompagnement psychologique. Pourtant, avoir confié

4. Les métiers de la psychologie


au médecin du travail la coordination de la procédure demeure une idée saine. S’il a
mauvaise presse parmi ses confrères, la fonction non « prescriptivante » faisant de lui
comme un « planqué », ce professionnel tient bien souvent des positions proches du
psychologue du travail dans cette posture inconfortable, pris entre le marteau de la
pluralité et l’enclume de la singularité à moins que ce ne soit le contraire. Cette image
consumériste de la psychologie convient au rationnement du partage de la psychologie
par tous et fait écho à des nécessités sociales actuelles, mais aussi individuelles car il
reste toujours difficile d’aller frapper à la porte d’un psychologue, lui aussi veut que
l’on travaille.

11. De « l’outilité » des psychologues dans le champ


du travail : portrait

• La gestion d’un dilemme


• Une ambiguïté de la fonction entre les deux guerres
• Sciences de la nature et/ou sciences de l’homme
• Fluctuations identitaires
• Une fonction à défaut de statut
• Unicité ou unification d’une intervention
• Une psychologie concrète, clinique de l’action
• Du cœur à l’ouvrage
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Nous retiendrons quelques repères historiques dans l’évocation de la « traçabilité »


de la psychologie du travail, car un état des lieux actuel ne peut être dissocié des
descriptions antérieures pour comprendre une spécificité nationale. Nous pointerons
des éléments de l’évolution socio-économique dans laquelle s’épanouit la psychologie
du travail, même si le recours aux données chiffrées restera restreint. Les auteurs
reprennent d’ailleurs au fil des ans les données antérieures en assurant qu’elles n’ont

161
Les métiers

pas beaucoup bougé, prédisant ainsi un avenir pérenne à des chiffres invariables depuis
plus de quinze ans (Onisep1 , 1995 ; Ghiglione2 , 1998 ; Paineau3, 2004).
Nous nous abstenons de nous appesantir sur le nombre de ces professionnels et
4. Les métiers de la psychologie

le détail de la répartition de celui-ci. Nous pouvons cependant rapporter ce qu’il fait


et pourquoi il le fait, dans les conditions de travail qui lui incombent en regard de
l’évolution historique française et des caractéristiques des enjeux de l’intervention du
psychologue dans l’action de travail. Une mise en abyme riche.

 La gestion d’un dilemme


Il y aurait ainsi 5 000 psychologues du travail (Paineau, 2004, Onisep, 2006), mais
il est plus réaliste de les estimer à 7 000 aujourd’hui (Le Bianic4 , 2005).
À écouter les associations d’anciens étudiants et les observatoires universitaires,
ils travailleraient pour une moitié dans le secteur public, un quart en secteur privé, un
quart en activité libérale. Ils se répartiraient bien souvent en tiers dans des fonctions
de gestion des ressources humaines, d’insertion socioprofessionnelle et de missions
en cabinets de conseils. Pour avoir suivi l’évolution de l’insertion de certains d’entre
eux, rassemblé des entretiens de micro-trottoir et récolté des rumeurs, nous constatons
depuis longtemps une très grande adaptabilité de ce professionnel. Il recrute beaucoup
lorsque le marché économique se porte bien et aide à l’insertion quand celui-ci devient
morose, allant jusqu’à se précariser. Nous reviendrons sur cette « caméléonisation ».
La spécificité première du psychologue du travail, à la différence prégnante des
autres psychologues, est la gestion médiatisée de l’interface, et parfois du dilemme,
entre intérêts individuels et intérêts collectifs en situation de travail. Le psychologue
est particulièrement vu, et résolument bien vu, du côté de l’individu et de son aide. Pour
prendre l’exemple du psychologue-expert, le rapport Burgelin5 (2005) nous rappelle
une distinction entre l’avis technique du psychiatre et celui du psychologue. Le premier
se situe du côté de la protection de la société. On lui demande une appréciation sur
des intentions, s’il y a une pathologie mentale et une atténuation de la responsabilité.

1. Onisep (Office national d’information sur les enseignements et les professions) (1995). « Psycho-
logues et sociologues », Avenirs, n◦ 467.
2. Ghiglione R. (1998). Les Métiers de la psychologie, Dunod.
3. Paineau A. (2004). « Métier : psychologue ou les métiers de la psychologie », www.sfp.org.
4. Le Bianic T. (2005). « Les "ingénieurs de l’âme". Savoirs académiques, professionnalisation et
pratiques des psychologues du travail de l’entre-deux guerres à nos jours », thèse de sociologie,
université d’Aix-Marseille II.
5. Burgelin J.-F. (2005). « Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive »,
rapport de la commission santé-justice.

162
Les métiers

Il est demandé en revanche au psychologue une hypothèse sur le fonctionnement de


la personnalité pour faire comprendre les mécanismes et motivations du délit. Une
appréciation de la personnalité permettant une individualisation de la peine.

4. Les métiers de la psychologie


Le psychologue du travail, et des organisations ajoutent aujourd’hui la plupart des
praticiens, dans les fonctions classiques de gestion des ressources humaines (recrute-
ment, gestion des carrières, évaluation, formation, communication), d’organisation du
travail, d’accompagnement du changement, se trouve dans une position qui l’amène à
situer l’individu dans l’intérêt du groupe et le groupe dans l’intérêt de l’individu. Cette
position peut être malmenée dans des situations d’abus lorsque des bilans deviennent
cautions de licenciement, par exemple. Une éthique forte est donc de rigueur, car la
caution première est toujours celle de celui qui paie le professionnel.

 Une ambiguïté de la fonction entre les deux guerres


Néanmoins, un recrutement consiste à trouver pour l’entreprise la perle rare
au service de la recherche de profit, mais il indique aussi qu’un profil de poste
ne correspond pas aux attentes d’un candidat. Un refus comme une orientation
doivent rester argumentés. Cette position d’entre-deux n’est pas sans faire reflet et
écho à une ambiguïté que Thomas Le Bianic1 (2005) souligne et raconte dans une
reprise de l’histoire de la sous-discipline. Jean-Maurice Lahy, le père fondateur de la
psychologie du travail, inscrit ses corrélations entre des épreuves et des indicateurs
de la réussite professionnelle dans une démarche politique ancrée à gauche et dans
la franc-maçonnerie. Elle était dans son émergence une psychologie appliquée, mais
aujourd’hui toute la psychologie est appliquée (plus de vingt sections à l’actuelle
Association internationale de psychologie appliquée). À une époque où le projet
d’organisation se fait par les aptitudes, la préoccupation sociale contribue à comprendre
pourquoi une majorité de femmes s’engage dans le cursus dès le départ des années 20.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

La psychotechnique, c’est son nom à l’époque, instrument de prophylaxie sociale,


évolue vers la sélection des personnes aptes et s’inscrit dans une logique planificatrice
de la main-d’œuvre : augmentation des qualifications, détection des compétences et
orientation des ouvriers spécialisés vers des formations professionnelles. Pourtant,
l’ambiguïté est au cœur de ces années de psychotechnique, où la sélection profession-
nelle est moins vue comme une déclinaison du taylorisme sélectionnant qu’un moyen
équitable de promotion sociale. Une répartition plus juste et plus efficace des individus
selon Édouard Toulouse. Cet objectif tourne le dos au taylorisme et au développement
du marché de la psychologie états-unienne en particulier.

1. Ibidem.

163
Les métiers

La métaphore de l’ingénieur fonctionne aux États-Unis à un moment où le pays


faire face à une immigration massive dans les années 1900. Elle met donc en avant
un meilleur rendement. En France, la métaphore du médecin et le traitement toujours
4. Les métiers de la psychologie

singulier des situations prévaut dans un souci d’équité et de justice sociale pris
dans une régulation démographique. La psychologie scientifique permet d’orienter
chacun vers la place en correspondance avec ses aptitudes, aujourd’hui nous dirions
compétences, et ses capacités pour une meilleure valorisation des individus et une
meilleure utilisation des forces sociales. Il s’agit d’attacher plus d’importance à
l’adaptation lamarckienne au milieu qu’à la sélection darwinienne des plus aptes.
La caution scientifique vient ainsi justifier des réformes sociales. Elle permet
notamment à Édouard Vaillant de s’appuyer sur les progrès des sciences du travail,
et en particulier sur la physiologie du travail, pour faire voter la journée de huit
heures, où tout le monde s’y retrouve : un meilleur rendement pour une fatigue
moindre. La sélection professionnelle va, dans une même dynamique, rechercher un
point d’équilibre entre les besoins de la société et les besoins des travailleurs. Le
souci des déclassés rejoint celui des inadaptés du système scolaire qu’Alfred Binet
cherchait à trier lors de la mise en place du système scolaire de Jules Ferry en 1880.
Le psychologue trouve ici sa raison sociale.
Cet engagement explique et justifie une prégnance du modèle public de la
psychologie du travail et un développement important de celle-ci sur le marché
public de l’orientation, de la formation professionnelle et du placement. Les
psychologues du travail « caressent l’espoir de résoudre par des voies scientifiques
la "question sociale" » (Le Bianic1 , 2005). L’évolution de l’évaluation par les
psychotechniciens n’est pas sans se heurter pour autant à une concurrence (graphologie,
morphopsychologie), et à une résistance des contremaîtres. Ceux-ci craignent d’être
dépossédés de leur pouvoir de recrutement, par le « coup d’œil » et la « main
chaude », et d’évaluation de leurs salariés. On peut leur imposer des salariés aux
aptitudes requises ou leur retirer leurs meilleurs ouvriers pour les orienter ailleurs.
La supériorité intrinsèque de la technique psychologique est déjà non seulement à
prouver, recherche de preuves toujours actuelle, mais aussi l’objet d’un combat contre
des charlatans obnubilés par les résultats. Il faut les relations d’un Henri Piéron pour
évincer la graphologie des recrutements dans l’administration à l’époque. Ce mode de
recrutement n’en demeure pas moins en très bonne santé actuellement, tout comme
les entretiens multiples, abandonnés dans la plupart des pays, mais restant chez nous
un sport national.

1. Ibidem.

164
Les métiers

 Sciences de la nature et/ou sciences de l’homme


La psychologie du travail française est plus ancienne que la psychologie clinique
ou plutôt la psychologie pathologique en santé car toute la psychologie tend à

4. Les métiers de la psychologie


être clinique désormais. Psychologie appliquée dans ses débuts et déboires, elle est
susceptible de devenir moins une psychologie clinique qu’une psychologie concrète.
Avec le développement d’une psychologie clinique à partir du second conflit mondial,
et bientôt sa suprématie, la psychologie du travail va retrouver deux conceptions
partagées avec les autres champs d’intervention que nous pourrions appeler centrifuge
et centripète. À la conception analytique, centrée sur l’adaptation de l’homme à son
environnement – la psychologie est alors du côté des sciences de la nature –, s’oppose
une conception « globaliste », centrée sur la réinscription de l’acte de travail dans
une totalité sociale ou psychique – la psychologie est alors du côté des sciences de
l’homme.
L’approche clinique, désormais dominante en psychologie, conduit à voir culminer
l’entretien clinique comme outil favori, l’aide à la décision par l’écoute se substituant
au soutien par les tests. La sélection par les tests s’essouffle, l’étude des conditions
de travail prend le relais, l’ergonomie surgit, et le conseil devient déterminant. Les
relations humaines font leur apparition. Le monopole de la parole technique contribue
à augmenter l’empan d’intervention du psychologue du travail que l’on retrouve
aujourd’hui à tous les instants de la vie professionnelle d’un adulte, quel que soit
le métier, avec ou sans emploi. Des psychologues du travail revendiquent ainsi de
développer une clinique, tout comme des cognitivistes et des neuropsychologues.
L’évolution sociétale a fortement incité à diffuser comme un droit à l’intervention
psychologique, ou tout du moins une possibilité d’être écouté pendant les moments
difficiles de la vie. L’offre, en voulant créer un besoin, se transforme comme en un
droit inaliénable, tout le monde doit être aidé quand il en a besoin. Les psychologues
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

ont laissé dire cela ou ont encouragé ce discours. Leur intervention en devient moins
protégée, le rassemblement de ces professionnels plus difficile. De ce « mandat »
s’exclut, par l’évolution économique, la problématique de la motivation au travail,
très présente pendant les années 60 jusqu’aux années 80, mais que la précarisation
de l’emploi rend superfétatoire. Il ne revient plus à l’entreprise de se soucier de
l’amélioration des performances de son personnel par la motivation, puisque la
menace de licenciement ou le renouvellement du contrat obère cette préoccupation et
opère une responsabilisation accrue vis-à-vis de l’occupation du poste. La négociation
pour la gestion des conflits connaît un destin similaire. Plus on s’approche du pouvoir,
moins il y a de place pour le psychologue. Il n’est d’ailleurs plus directeur des
ressources humaines comme dans les années 60 et 70, mais responsable de formation,

165
Les métiers

responsable de communication, gestionnaire des emplois et des carrières et spécialiste


du recrutement. Il est vrai que la fonction s’est aussi spécialisée.

 Fluctuations identitaires
4. Les métiers de la psychologie

La « psychologisation » de la vie professionnelle n’en comporte pas moins des


télescopages de demandes quand un chercheur d’emploi peut légitimement protester
devant une investigation des motifs aux obstacles à son insertion sur un marché saturé
en venant réclamer un emploi et non à se « faire tripoter l’Œdipe », comme nous en
consacrons l’expression, auprès d’un conseiller psychologue. Cette violence faite à la
complexité de l’individu, voire l’atteinte à la liberté individuelle, se retrouve dans les
contestations sur le choix des tests proposés en situation de recrutement devant une
investigation de la personnalité se substituant à celle de compétences, même si l’on
sait qu’à partir d’un certain niveau d’efficience, les caractéristiques personnelles sont
éminemment discriminantes.
Ce scrutateur d’âme devient alors symbole de l’oppression capitaliste et contribue
à expliquer les aléas de l’insertion du psychologue du travail qui peut être fort mal vu,
au point de dissimuler son identité professionnelle. Une identité malmenée au-delà
du désarroi provoqué par la représentation sociale « d’Épinal » d’un psychologue
intervenant hors du champ de la santé : le fantasme d’une introspection à l’insu
s’accroche à l’image du soutien salvateur. Le mouvement de méfiance au su de
l’intitulé de notre formation reste articulé à la sempiternelle remarque : « Mais alors,
tu analyses tout ce qui se passe en ce moment ! » Protégé, protectionniste ou protecteur,
le psychologue du travail dissimule son identité sous un vaste vocable, « consultant »,
« chargé de... », ou rassurant, « psychosociologue », tant la crainte des interlocuteurs
d’être « démasqué » dans leurs paroles ou leurs gestes est prégnante. Il est certes
confronté tôt à la circulation des poncifs entre étudiants en psychologie, qui diabolisent
le futur psychologue du travail, pourvoyeur de l’individualisme ambiant et au service
d’une normalisation liberticide. Le sceau de celle-ci est toujours plus visible dans un
contexte non enfermant à la différence de la prison ou de l’asile. De plus, le conseil
est dévalorisé par rapport aux soins.
Les ratés identitaires se potentialisent plus qu’ils ne s’ajoutent au désarroi d’un
contexte économique morose, dans lequel le psychologue du travail fait preuve
d’une adaptation hors du commun : il se précarise. Un rien caméléon, il recrutait
particulièrement dans un contexte économique serein et investissait le champ de
l’insertion dans un infléchissement de ce contexte. Aujourd’hui, il est de plus en plus
« retoqué » des ressources humaines. Il se prend de plein fouet l’errance identitaire du
clinicien qu’il retrouve dans le milieu associatif lors de l’aide aux exclus, on ne dit plus
exploités. Il partage avec le juriste ses galères statutaires et d’emploi car lui non plus

166
Les métiers

ne dispose pas d’un numerus clausus. La situation de l’emploi des psychologues du


travail s’est dégradée à partir de la crise initiée par le conflit du Golfe. Celle-ci entraîne
la baisse, la déclination des postes de ressources humaines et le déclin des salaires.

4. Les métiers de la psychologie


Le marché de l’insertion devient gonflé par la conjoncture, mais celui de la formation,
attenant, dégonflé par un ministère qui le supprime de son intitulé. La formation n’est
plus alors vraiment un droit, c’est surtout un co-investissement (Ballouard1 , 1995).
Ce professionnel est cependant toujours mieux loti que son comparse clinicien,
mais la « surnumération » n’infléchit guère un phénomène qui prend plus d’ampleur
que d’amplitude.

 Une fonction à défaut de statut


Pour s’emparer du problème des autoproclamés de la psychologie, il y a ceux
qui remuent la solution ou plutôt soulèvent la dissolution de la psychologie dans
le corps social en mettant en questions et en équations sa fluidité. Ils vont nous
pousser à nous demander si la position d’où l’on parle crée la fonction et l’activité
du psychologue ? Les changements de position qui mettent en question l’identité et
amènent un professionnel à mettre à profit la formation qu’il a reçue sans en faire
de publicité, peuvent éclairer cette boîte noire, susceptible de renfermer le secret de
l’activité du psychologue.
Ce flou de l’identité rencontre actuellement la souplesse adaptative de métiers
nouveaux en mesure de répondre rapidement à la demande sociale sous une dynamique
des plus entravées par un libéralisme débridé avec, cela va de soi, un empêchement
obligé d’une protection sociale et professionnelle correcte. Cette dynamique est
particulièrement à l’œuvre dans les métiers de services où la relation est au premier
plan qu’il s’agisse d’insertion sociale ou de soins. Ces secteurs sont également sinistrés
par l’emprise sectaire. Les psychologues du travail y ont gagné d’être les managers
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

de ces embauchés de l’expérience de la vie de quartier. Ceux-ci se heurtent de plein


fouet aux difficultés de la gestion de la relation auxquelles ils n’ont pas été formés.
Dans les situations les plus répandues, les psychologues du travail sont alors recrutés
pour la qualité de leur formation. Seulement, comme ils sont pléthore, le marché de
l’offre et de la demande aboutit à des intitulés dévalués conduisant à se prémunir du
titre devant les manquements contractuels : combien de psychologues exercent sous
une fonction et non sous un statut par décence économique plus que sociale ?

1. Ballouard C. (1995). « Débat autour de la profession », Psychologie du travail et des organisations,


vol. 1, n◦ 4, p. 86-87.

167
Les métiers

 Unicité ou unification d’une intervention


Revenons aux croisées des chemins et des initiatives entre psychologie clinique et
psychologie expérimentale aux fins de poursuivre les éléments unitaires avancés d’une
4. Les métiers de la psychologie

mise en tension qui traverse la profession depuis ses origines plutôt que d’œuvrer
au maintien d’une opposition. Il est possible de définir la notion de système comme
fédératrice entre psychologie cognitive du travail et psychologie sociale du travail,
comme le propose Christian Guillevic1 (1991). Nous pouvons aussi suivre Yves
Clot2 (1999a) dans son découpage en trois périodes pour éclairer l’application de
la psychologie à l’activité de travail. Une première période, de la Première à la
Deuxième Guerre mondiale, réunit les initiatives de la psychotechnique. Une seconde,
des années 50 aux années 70, élabore l’analyse du travail et la psychopathologie
du travail. La troisième constitue une psychologie clinique du travail. Par clinique,
nous entendons le terrain et les situations réelles de travail. Elle n’en demeure pas
moins appliquée et orientée vers la recherche d’une solution en sachant, comme
nous le rappelle Jacques Leplat3 (1980) que « le choix de la solution n’est pas de
nature psychologique ». Cette troisième période montre une emprise croissante de la
psychologie clinique et de la psychanalyse sur la psychologie du travail. L’ajustement
externe devient un problème individuel et la diversité professionnelle ne fait que
s’accroître en l’absence d’un lieu d’exercice type comme l’Éducation nationale ou
typique comme dans la santé.
Réfléchie et pragmatique, la psychologie du travail arpente ses champs d’interven-
tion et œuvre à alimenter la construction unitaire attendue dans la discipline, mais elle
est susceptible de prendre dans le même mouvement une autonomie paradigmatique,
voire épistémologique. Le fondement de l’interventionnisme du conseil social ou du
retrait bienveillant ne conduit pas toujours à servir la psychologie, car si une telle
action valorise son image, son inaction l’empêche de rassembler la profession.
Il s’agit de poser un continuum là où certains alignent une dichotomie parce que
les méthodes d’intervention sont fort proches, qu’une capacité d’analyse similaire est
sollicitée, qu’une empathie est nécessaire avec les personnes. De plus, les techniques
d’investigation sont transverses à l’écoute des individus comme des organisations
pour mettre en sens, évaluer, proposer et prendre en charge. Si la nécessaire
capacité d’élaboration des situations caractérise une méthodologie d’intervention

1. Guillevic C. (1991). Psychologie du travail, Nathan.


2. Clot Y. (ed) (1999a). Les Histoires de la psychologie du travail, Octarès.
3. Leplat J. (1980). « Psychologie du travail : un aperçu », Bulletin de psychologie, vol. 344, n◦ 23,
p. 195-200.

168
Les métiers

du psychologue, qui peut alors être assimilée à celle d’un ingénieur psychosocial
par la pertinence de l’analyse développée, seule la posture pourrait changer qui pose
l’individu comme sujet ou déplace le curseur vers l’organisation pour endosser la

4. Les métiers de la psychologie


position inconfortable de cet entre-deux, caractéristique fondamentale de l’approche
psychosociale du psychologue du travail. Après tout, ce repérage d’une démarche
méthodologique commune à tous les psychologues en quatre étapes et œuvrant à son
unité est aisé et peut être proposé à tous quels que soient le secteur d’intervention et la
théorie à laquelle on adhère. C’est la configuration en 4 P, dont nous avons parlé, pour :
problématisation (celle d’une situation donnée), proposition (être en mesure d’en
faire force), protocolisation (en capacité de mettre en place processus ou procédure),
et psychosocialisation (pour la garantie d’une analyse psychologique, de qualité cela
va de soi).

 Une psychologie concrète, clinique de l’action


L’inconfort d’un entre-deux qui se déploie conduit à bouger, c’est ce que la
psychologie du travail doit faire. Elle peut y être amenée en renversant approches
et points de vue. Elle est susceptible de retourner en effet l’application technique
à un milieu, le travail, par une démarche ascendante qui place le travail au centre
de la psychologie, comme la sexualité peut l’être en psychanalyse. L’ébauche d’une
tentative se profile avec la mise en perspective du jeu et du travail dans une psychologie
de fonction (Ballouard1 , 2006). Elle est alors moins une psychologie clinique du travail
qu’une psychologie concrète, ancrée dans les situations de terrain et y retournant à
partir d’un triptyque : le travail, le sujet et la normalité. C’est-à-dire une psychologie
clinique du travail qui est aussi une psychologie de l’action. Un double positionnement
disciplinaire susceptible de s’enrichir fortement au contact de la psychodynamique du
travail de Christophe Dejours. Au moment où surgit le mythe de la santé parfaite (Sfez2 ,
1995) que s’opère un glissement de la santé vers le bien-être au point de créer une
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

psychologie de la santé aux côtés de la psychologie pathologique, la psychologie du


travail s’ouvre à la psychodynamique du travail, laissant la psychopathologie comme
un chapitre d’une clinique désormais centrée sur la normalité. Ce renversement
s’effectue à partir d’une recherche vaine d’une psychopathologie propre au travail,
car l’organisation du travail évolue beaucoup plus que le corps auquel on emprunte le
paradigme de la maladie somatique, rendant « inopérationnel » le parallèle envisagé.
L’interrogation porte donc sur la façon dont les personnes s’arrangent pour ne pas
être folles devant les contraintes de travail plutôt que de chercher à savoir comment

1. Ballouard C. (2006). Le Travail du psychomotricien, Dunod, 2e éd.


2. Sfez L. (1995). La Santé parfaite. Critique d’une nouvelle utopie, Le Seuil.

169
Les métiers

le travail peut produire de la maladie mentale, d’autant plus que la sémiologie est
pauvre.
La psychodynamique du travail examine les mécanismes de défense individuels
4. Les métiers de la psychologie

et collectifs, ces derniers constituant une véritable découverte et avancée, de cette


formation jamais définitivement stable qu’est la normalité proposée comme compromis
entre souffrance et défense (Dejours1 , 1998).
La psychologie du travail est alors convoquée du côté de la mobilisation subjective
de la personnalité et de l’intelligence en situation de travail, action située, informée et
informante, coordonnée, normée, évaluée et exercée sous la contrainte (Freyssenet2,
1994).
La subjectivité dans ce nouveau paradigme de la productivité accordant une place
majeure à la capacité d’initiative de la personne, est considérée comme une œuvre de
l’activité (Clot3 , 1999) ou une production psychique de la lutte contre la souffrance
(Dejours4 , 1999).
Il est nécessaire de comprendre que le travail est alors conçu comme une énigme
dont la résolution passe par la mise en place d’une intelligence pratique (la métis) aux
caractéristiques spécifiées dont l’exercice préserve la santé et contribue à construire
l’identité sociale des personnes par la reconnaissance dont le travail peut faire l’objet.
Travailler est alors considéré comme une mobilisation permanente pour pallier les
manques de l’organisation prescrite du travail. Non seulement le travail prescrit n’est
pas suivi (sauf en cas de grève du zèle), mais il existe une interprétation constante de
la consigne et un bidouillage éternel pour bien faire son travail. Autrement dit, il n’y
a pas de travail d’exécution. Cette invention, cette intelligence rusée, demande une
intimité qui se noue dans une expérience sociale à partir d’un élément qui va permettre
l’alternance entre intimité et visibilité, c’est la confiance. Une confiance qui se construit
en particulier au travers de l’élaboration de règles et met en évidence la mise en œuvre
de défenses collectives. Ces dernières sont malmenées avec l’apparition de nouvelles
formes d’organisation du travail au centre desquelles « s’autopromeut » une logique
de la compétence qui supplante celle de la qualification, renouvellement d’une forme
de domination taylorienne sur-mesure. Celle-ci coïncide avec une recrudescence des
souffrances pathogènes, du stress au suicide en passant par le harcèlement. Cette

1. Dejours C. (1998). Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Le Seuil.


2. Freyssenet M. (1994). « Quelques pistes nouvelles de conceptualisation du travail » in Desmarez P.,
Freyssenet M. (eds) : « Les énigmes du travail », Sociologie du travail, n◦ hors série, p. 105-122.
3. Clot Y. (1999b). La Fonction psychologique du travail, PUF.
4. Dejours C. (1999). « Psychologie clinique du travail et tradition compréhensive », in Clot Y. (ed),
Les Histoires de la psychologie du travail, Octarès.

170
Les métiers

évolution exige tout le savoir et l’analyse des psychologues du travail, mais aussi leur
originalité de non dupes.

4. Les métiers de la psychologie


 Du cœur à l’ouvrage
La constante que nous avons présentée, dans cette régulation sociale centrée sur
le sujet ou le groupe, d’une interface de l’intime et du social, que celle-ci apparaisse
en termes de dilemme ou de gestion, constitue la caractéristique fondamentale de
l’activité du psychologue du travail.
Une confrontation obligée du métier est bien ce rapport à la norme, qu’il soit ancré
dans une histoire, accroché à un symptôme, pathologique ou social, ou éconduit par
les questionnements subversifs qu’il peut engendrer et la surséance à laquelle peut
mener l’investissement aveugle à court terme. Cependant, la psychologie ne prescrit
pas la norme, elle est déjà prescrite par l’organisation du travail pour certains, par
les courbes de Gauss pour les autres. Elle ramène encore moins les personnes à cette
norme puisqu’elle part d’elle pour une traçabilité de son éloignement. Il s’agit bien en
définitive de s’émanciper de la norme psychosociale contre-productive par définition.
La diversité des champs d’intervention (entreprise, établissement public ou
parapublic, association) et l’étendue des registres concernés (recrutement, diagnostic,
formation, communication, conception, conseil, changement organisationnel, tutorat,
ergonomie, ressources humaines) rendent le psychologue du travail aussi polyvalent
qu’il peut être spécialisé, que son métier soit de la gestion de l’emploi, de l’organisation
ou du conseil.
Le titre de psychologue est protégé, cette protection n’empêche pas le déploiement
d’une « fonction psychologue » s’incarnant dans des métiers, quand bien même les
psychologues font preuve d’une grande capacité d’adaptation sociale. Certes, les
bataillons surnuméraires sont incitatifs à épouser la cause d’une économie libérale
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

les conduisant à marcher au pas d’un salaire dévalué. Certes, cette uniformisation des
conditions de travail tirées vers le bas alimente une vision unitaire de la fonction. Or
le psychologue n’est pas qu’un ingénieur des comportements, n’importe quelle école
de ressources humaines y suffirait, il est amené à gérer une dimension beaucoup plus
suspecte aux yeux y compris de cette demande sociale, la subjectivité.
L’évolution actuelle d’une désutilité de l’engagement d’effort pour le « juste
nécessaire », autrement dit, une incitation pour tous les personnels à bâcler son travail,
génère souffrance et perte de repères identitaires. Augmenter la pression ne conduit
pas à faire son travail plus vite, mais à trier les urgences. Le stress au travail est
susceptible de donner du boulot aux psychologues, même s’ils ne peuvent s’emparer
de la contradiction majeure du constat d’une intensification du travail qui n’aboutit

171
Les métiers

pas à un meilleur rendement. Ils peuvent laisser aux économistes la déception sur
les résultats macroéconomiques et l’interrogation sur les modèles de croissance, ils
ont déjà de quoi faire avec les mutations du travail, leurs contraintes, leurs entraves
4. Les métiers de la psychologie

et leurs dévoiements, pour en extraire une activité de valeur, une capacité de liberté,
entre justice et efficacité, et une conscience professionnelle.
L’entreprise voue un culte aveugle à l’efficacité, gère des ressources (matières,
énergies, investissements) et des ressources humaines. Nous pouvons souhaiter qu’elle
sache tirer profit également en embauchant des psychologues qui veulent être payés
pour un travail, mais pas seulement en fin de mois, en retour aussi d’une reconnaissance
sociale publique. Une réflexion des psychologues eux-mêmes sur leur activité de
travail est assurément une aide de bon aloi.

12. Portrait tiré du psychologue de l’éducation

• Les degrés de l’éducation


• La prévention comme aller-retour à la norme
• Quelle autonomie pour les personnes ?
• Le médiusage, de l’usage des médias

 Les degrés de l’éducation


La psychologie de l’éducation semble s’être longtemps cristallisée dans le succès
de Rosenthal, appelé l’effet Pygmalion au point de ne pas s’apercevoir qu’elle est
une psychologie qui remplit les mêmes fonctions que les autres quand bien même la
spécificité du système d’organisation pourrait la cantonner sur un versant évaluatif
sur un degré et d’orientation sur le second, tout en pouvant également lui laisser une
vaste autonomie d’action. Une diversité des modèles est présente dans le panorama
de l’exercice de la psychologie au sein des structures de l’éducation selon qu’il
s’agisse du premier degré de l’enseignement, du second ou de l’enseignement privé,
catholique en l’occurrence. Les psychologues scolaires sont autorisés à faire usage
professionnel du titre de psychologue alors qu’ils exercent une profession réglementée
radicalement différente de la profession d’enseignant. Nous ne soulignerons jamais
assez cette contradiction majeure qui fait le ministère de l’Éducation nationale d’un
côté diplômer des psychologues avec un DESS et aujourd’hui un master, alors
qu’il embauche pour le système scolaire des psychologues de façon dérogatoire.
Cette incongruence conduit les psychologues de l’Éducation nationale à réclamer

172
Les métiers

la reconnaissance de leur profession par un statut conforme à leur formation et à


leurs missions. Si dans le secondaire, l’entrée est le concours, interne et externe, les
psychologues du premier degré exercent leur profession de psychologue sous le statut

4. Les métiers de la psychologie


d’une autre profession, professeur des écoles. Psychologues par leur formation, leur
titre et leurs missions, ils sont enseignants par leur statut. Ils n’en jouent pas moins
un rôle essentiel dans l’analyse des difficultés, l’élaboration des projets d’aide, ils
proposent des accompagnements psychologiques pour certains enfants, réalisent un
important travail de soutien à la parentalité, jouent un rôle d’interface entre l’école et
les services de soins extérieurs, participent à l’intégration des enfants handicapés. Ces
psychologues sont au plus près de la souffrance psychique exprimée au sein des écoles
et en première ligne pour désamorcer les conflits, favoriser les reprises évolutives,
soutenir les enseignants.
L’éducation affublée de sa psychologie tant elle était centrée sur l’élève, alors
qu’aujourd’hui elle raisonne sur la personne, s’est maintenue dans une attitude
ancestrale avec Rosenthal. L’effet Pygmalion rapporte les conséquences de la
suggestion faite à des institutions sur les capacités de leurs élèves. Certains sont
à la veille de progrès rapides, le pronostic étant établi sur la base d’un nouveau
test psychologique. Ce dernier est factice et la répartition des élèves sur deux listes
est aléatoire entre ceux dont on prédit une nette amélioration scolaire et les autres.
L’effet attendu est présent, le monde scolaire découvre les vertus de la suggestion et
invente l’effet pédagogique placébo. De la même façon que la psychologie médicale
à cherché à administrer un palliatif à l’observance d’un patient pour son traitement,
la psychologie éducative a pu se concentrer sur la digestion des savoirs et ses aléas.
Loin de l’auxiliariat ou l’extension pédagogiques auxquels cette institution souhaite
confiner ses psychologues, ceux-ci sont arrivés à faire valoir leurs prérogatives
professionnelles éthiques au cours du temps avec plus ou moins de bonheur selon les
endroits, mais avec la réussite qu’autorise une administration beaucoup plus contenante
que persécutrice. On lorgnera cependant avec bienveillance sur l’organisation de
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

l’intervention psychologique de l’enseignement catholique qui échappe au paradoxe


souligné d’un ministère qui forme tous les psychologues à l’université sauf les siens.

 La prévention comme aller-retour à la norme


La suprématie d’une voix(e) médico-pédagogique qui parle alors d’anomalie,
puis de maladie, donne du fil à tordre à une psychologie qui cherche la sienne
en dénouant l’écheveau du statut du sujet noyé dans la masse de l’éducabilité des
« malcomprenants ». Le psychopédagogique curatif intervient comme un retardateur.
Pour autant, l’autonomie de la personne, et particulièrement de l’enfant, ne conduit
pas à une mise en valeur de l’individualisme tel que le monde libéral amène à régir

173
Les métiers

des lois qui sont celles d’un marché. S’agirait-il de rentrer dans le rang et de placer
la psychologie comme un relais éducatif efficace ? De prôner une psychologie qui
gomme ce qui dépasse ? D’assimiler la punition au rectificatif du terme correction ?
4. Les métiers de la psychologie

De fournir au marché de très jeunes consommateurs ? La psychologie pourrait-elle


apparaître comme une soumission (ou sous mission) aux exigences d’une société qui
impose une vision et/ou un idéal ? L’évolution de la psychologie est-elle si marquée
par les bienfaits de son adaptation sociale ? La prévention peut-elle être vue autrement
qu’un retour à la norme ?
Le passage du registre éducatif au registre thérapeutique laisse du champ à
l’existence pour peu que l’on évite d’éradiquer les troubles psychiques. L’intérêt
pour la norme et son appel au collectif, sa priorité à l’environnement, offrent à la
situation des opportunités que les prédispositions ne sauraient trop amoindrir. Le
psychologue répond à une demande concernant la normalité par son contraire avant
de se « contrire » ou de poser des contraintes. Ce professionnel du singulier insiste sur
le pluriel de l’originalité des trajets personnels ou professionnels. C’est un paradigme
de la « lettre volée » qui fait tenir en équilibre cette mise en valeur de l’écart à la
norme, qui est originalité avant d’être incongruité, car le positivisme est nécessaire
au psychologue. Ce choix le mène à l’encontre des normes éducatives, sanitaires et
gestionnaires par des définitions négatives, amené ainsi à défendre des normes qui
sont hors normes, car il nous faut admettre in fine l’absence de norme comme une
norme et convenir que les normes de la psychologie restent à définir.
Contribuer à mettre en perspective ces trois types de normes, issues des champs de
l’éducation, de la santé et du travail, et « pro-céder » à du lien et du liant entre elles,
constituent bien là une singularité professionnelle. La difficulté est de maintenir un
positionnement trouvé-créé pour qu’une intervention ne soit pas jugée caution d’un
système dont la reconnaissance lucide permet d’évoluer. L’intérêt pour la fonction et
avec elle le développement, et avec elles la relativité des sciences humaines, combinent
différemment le débat sur les prédispositions à advenir. L’intégration d’une fonction
dans ses relations avec l’environnement et la compréhension avancée de celui-ci
va conduire à introduire le soin auprès de l’éducation. Cette dernière n’est plus le
seul levier d’action et de connaissance, mais ses limites ouvrent le champ de la
pathologie, même si les frontières ne vont pas toujours être bien claires dès qu’il s’agit
du psychisme et des aléas du développement psychologique. Prévention et dépistage
vont parfois se trouver confondus, la détection précoce des comportements envisagée
comme une entreprise de prévention alimentée par une association douteuse entre
troubles du comportement et délinquance. Or promouvoir la santé et non en prévenir
les troubles par des programmes adaptés, respectueux des individus et visant à réduire
les inégalités, témoigne d’une réelle prise en compte de la souffrance psychologique

174
Les métiers

exprimée par ces troubles en évitant de médicaliser des problèmes sociaux. Lorsqu’elle
est assimilée au dépistage, la prévention se présente dans une perspective d’évitement.
Cet empêchement d’une nuisance conduisant à améliorer une santé en intervenant

4. Les métiers de la psychologie


sur l’environnement retrouve ici la prévention secondaire de la classification de
l’Organisation mondiale de la santé. Elle perpétue cependant une vision incomplète
d’une approche médicale passée, celle des bienfaits de la vaccination. Aujourd’hui, la
conduite humaine est au-devant de la scène quand les effets de l’assimilation d’une
formation sur les risques pour modifier un comportement et améliorer une santé sont
au premier plan. Les choses ne sont pas pour autant faciles, car s’il suffisait de savoir
pour ne pas faire, cela se saurait. La prévention sur laquelle nous aimerions mettre
l’accent maintenant a bénéficié elle-même d’un environnement où la préoccupation
sécuritaire ne sévissait pas, son importance est indéniable et sa dimension historique
ne doit pas l’estomper.
C’est particulièrement la notion d’état qui va fournir les descriptions des étapes du
développement régies par des règles internes à ces « pré-dispositions ». La pédagogie
y compris curative va céder la place au soin parce qu’une modification, une lésion ou
un traumatisme pourra avoir atteint une personne dans son développement intellectuel,
organique ou affectif. La difficulté, ici d’éducation, ferment de symptôme(s), ne doit pas
lasser d’interroger la fonction de l’obstacle. L’éducation dépassée dans ses préceptes
pour comprendre la psychologie de l’enfant va être cantonnée, car ses prérogatives
vont être plus silencieuses, à la prévention des troubles psychiques, du comportement
ou mentaux. Reste que les appellations ont la vie longue et les consultations publiques
sous l’égide de l’hygiène mentale infantile, ainsi que l’accueil des enfants troublés
dans les instituts médico-pédagogiques, vont perdurer. La prévention rend compte
d’une sensibilité à l’environnement familial et social, mais ne peut se fonder sur
des conseils sur l’assouplissement des problèmes relationnels dans la famille ou à
l’école : la psychologie doit s’emparer de cette problématique pour l’éclairer des
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

mécanismes des interactions entre les personnes et les groupes. C’est d’ailleurs le
courant interactionniste autour de la relation mère-nourrisson qui va mettre l’accent
le premier sur les troubles précoces de cette relation jusqu’à initier des travaux en
amont de la naissance : le bébé est une personne, il n’est plus un tube digestif, il se
nourrit de l’attention et de la proximité de sa mère et pas seulement des aliments.
C’est un devoir pour les psychologues que de structurer ce champ de la prévention
ou plutôt des préventions avec l’ajustement social, le dépistage et l’évitement de la
rechute, appelés préventions primaire, secondaire et tertiaire. En effet, non seulement
parce qu’ils proposent une approche écologique, sans médicament, mais surtout parce
que celle-ci prend toute son ampleur à une époque où la médicalisation des problèmes
sociaux périclite dans une ère du soupçon. Non pas que la démonstration complète

175
Les métiers

d’une viabilité financière de l’intervention du psychologue soit établie, d’autant que


cette fiabilité concerne le long terme, mais parce que la démocratisation des moyens
de communication est confondue avec un syncrétisme médiatique qui prend pour
4. Les métiers de la psychologie

de la diffusion ce qui n’est que de la réduction, congédiant la simplification pour


le simplisme. Autrement dit, la psychologie apparaît à point nommé pour rappeler
combien sa méthodologie de recherche est beaucoup plus subtile que celle de la
recherche médicale par exemple – et l’INSERM en rend compte dans ses recrutements
sans pour autant confier des chefferies à des psychologues –, son analyse de la demande
sociale est fine, même dispersée, et son approche respectueuse de la complexité des
situations. Il reste à examiner les modalités de cette structuration de la prévention
par un professionnel qui a mis depuis fort longtemps au travail une réflexion sur le
normal et le pathologique, sur le concept d’anomalie, sur le traitement des facteurs de
risque et bien évidemment sur l’éducation, particulièrement pour la santé. L’exigence
de haut niveau qui sied si bien au psychologue, le desservant dans maintes situations
observées à travers le prisme économico-sociétal, trouve ici un terreau de déploiement
qui fait de ce professionnel un acteur incontournable de la prévention.
Si l’importance de grands progrès scientifiques est un frein au développement
d’une prévention, la maîtrise des dépenses de santé en motive sa renaissance tout
autant que l’apparition des infections nosocomiales ou les progrès de l’épidémiologie.
La prévention et l’éducation à la santé étaient déjà présentes, particulièrement à
l’école, lors des fléaux prioritaires précédents, l’alcoolisme avant la Première Guerre,
le tabagisme après la Seconde, la syphilis et la tuberculose entre les deux. Les
insuffisances de cette forme d’action collective qu’est la prévention sont palliées par
le principe de précaution. Il intervient pour combler les connaissances scientifiques
lacunaires sur les risques. Le statut du risque glisse ainsi avec l’émergence d’une
précaution qui le rend potentiel et non plus avéré. On cherche à anticiper sur un
risque, on recherche le risque du risque. La frontière entre les deux en devient ténue
lorsque l’on se penche sur la probabilité d’un accident ou sur celle que l’hypothèse
de celui-ci se révèle exacte. Le chevauchement des deux demeure dans la discussion
sur l’absence de certitudes scientifiques et la négociation d’une décision face au
risque. L’information à l’école, y compris sur la prise de risques comme composante
identitaire, ne suffit pas, même actualisée. La volonté est alors mise à contribution, la
médicalisation de la vie quotidienne aidant, c’est la responsabilisation des actes des
personnes qui est brandie en cas de non-conformisation aux informations fournies.
Elle n’est que très peu répandue par les psychologues, rarement sollicités sur cette
question, y compris dans les services de médecine préventive des universités. Il est

176
Les métiers

dommage que ceux-ci ne puissent vérifier les thèses de Jonathan Mann1 . concernant
le retentissement sur l’état de santé de la répartition à égalité entre les atteintes à la
dignité ainsi qu’aux droits et les atteintes virales et bactériennes. La vigilance dont

4. Les métiers de la psychologie


ces professionnels sont intrinsèquement porteurs permettrait d’écarter la suspicion
d’une honte intériorisée de ne pas être sain, de pointer l’illusion d’une sécurité par
le dépistage, même systématique, déresponsabilisant et discriminant de surcroît, ne
pouvant se substituer à une action éducative, et de souligner l’entretien d’une confusion
entre santé et bonheur en reposant la question de savoir si une bonne santé est un droit
ou un devoir. Que tous les prévenus se le tiennent pour dit.

 Quelle autonomie pour les personnes ?


L’autonomie que vise l’intervention du psychologue ne concerne pas que l’enfant,
loin de là. Cette conquête cruciale en bas âge se poursuit avec l’avancée de celui-ci. Si
l’on vieillit depuis la naissance, l’autonomie nous occupe tout au long de la vie jusques
et y compris l’éducation de la sénescence. L’ambiguïté de bon nombre de mésusages
de la psychologie est cependant en lumière à partir d’un éclairage pédagogique trop
soutenu. L’approche psychologique risque alors de se confondre avec une approche
pédagogique. La frontière est parfois ténue entre interprétation et conseil, analyse
psychologique et analyse pédagogique, particulièrement lorsque cette dernière est
interactive. Lister les mésusages devient pédagogiquement aidant pour repérer un
loupé dans l’approche psychologique, généralement visible à partir d’une lacune
méthodologique. Une relation de « permettre », plus qu’une relation d’aide, est une
caractéristique majeure de l’intervention du psychologue, mais le glissement vers
l’autorisation conduit trop aisément à considérer le conseil comme une guidance alors
qu’il devrait être avant tout une aide à la décision, un autoguidage. Le « coordonnier »
psychologue, malmené dans son autonomie professionnelle, mais promoteur de celle
des autres, quand il ne l’assimile pas à de l’indifférence, revendique et porte haut cet
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

objectif de conquête d’un dégagement.


L’autonomie des personnes est un objectif premier des psychologues, mais aussi
un écueil devant lequel se bousculent de nombreux mésusages :
• Le premier consiste à favoriser une autonomie qui devient synonyme d’incitation à
la rupture familiale par de trop grands « pragmatistes » aux relents de manipulation.
Ils prennent le corps des mots au pied de la lettre. Le phénomène des souvenirs

1. Mann J. (1994). « Sida, santé et droits de l’homme. La genèse de nouvelles responsabilités dans le
monde moderne », Revue française des affaires sociales, vol. 48, n◦ 2, p. 161-173.

177
Les métiers

induits à cet égard est à même de nous démontrer qu’un exercice illégal de la
psychologie pourrait exister.
• Un autre mésusage consiste à approuver le leurre d’une réponse en termes
4. Les métiers de la psychologie

d’adaptation négligeant le dynamisme des interactions dont l’épicentre est mouvant.


Les avis tranchés sont rassurants avant tout pour ceux qui les prodiguent.
• Négliger une analyse consistante préalable nécessaire à une intervention en termes
d’aide à la décision de l’homme en conflit, avec soi et/ou avec les autres. C’est
pourtant le véritable objet de la psychologie dont le champ d’application est avant
tout l’homme normal et le groupe restreint en situations.
• Perpétuer le repérage d’une norme comme objectif de substitution à l’aide aux
personnes au lieu de le voir comme point de départ à partir duquel une aide à la
décision, individuelle ou collective, peut intervenir pour singulariser l’approche
d’une situation, d’un avenir, d’une attitude, d’une conduite.
• Renforcer la demande de conseils en tout genre (élever mon enfant, garder mon mec,
vivre avec mes vieux, me développer sur un plan personnel) obère la compréhension
et institue des recettes y compris modelées par l’esprit ambiant d’un « aide-toi,
ton psy t’aidera ». Il ne s’agit pas seulement de résister à une pression ambiante
soufflée par les médias, même s’il est valorisant que des journalistes s’adressent à
nous comme à des experts. Le « médiusage » opéré par les médias mérite que l’on
y revienne plus loin.

Prendre une norme psychosociale comme tremplin suppose bien de la piétiner aux
fins de s’en émanciper car elle reste contre-productive par définition. De même, la
compréhension de conduites (solitude urbaine, souffrance au travail, crise du milieu
de la vie), en stabilisant des modèles, ne doit pas produire derechef de nouvelles
normes « conduictives ». Le rapport à la norme est nécessairement à élucider dans un
temps de cause-construction et co-construction d’une expérience professionnelle.
La psychologie réalise un savoir engagé non seulement dans le mouvement d’une
interaction, mais dans le discernement constructif entre une subjectivation utile à la
recherche d’une objectivité dans laquelle elle s’enracine. Un art de la science somme
toute. Il n’est pas pour autant question de répondre à la tentation du développement
d’un savoir objectif sur la subjectivité, car c’est ici d’un métier dont on parle avant de
disserter sur une discipline. Le psychologue sur le terrain met en place un processus
de savoir car l’analyse d’une situation permet de mettre en place les bases d’un savoir
constitué. Celui-ci relève d’un empirisme scientifique constamment renouvelé ou
d’une phénoménologie discursive. Le recueil de données, le traitement de celles-ci et
l’analyse qui en résulte tiennent la route et font donc leur chemin. En effet, la démarche
repose sur l’acquisition d’un haut niveau de connaissances et de culture qui rend

178
Les métiers

les personnes adaptables et assimilatrices d’une situation. La garantie universitaire


responsable d’une approche globale de la personne intervient ici pour empêcher un
savoir et un savoir-faire tronqués, pourvoyeurs d’usages dévoyés de méthodes aux

4. Les métiers de la psychologie


dégâts incommensurables dans leurs dérives auprès des plus vulnérables.

 Le médiusage, de l’usage des médias


La psychologie et les médias, et plus particulièrement les relations entre langage et
image conduisent à deux réflexions, l’une sur le trajet du corps à la pensée, l’autre à
partir du miroir, pour deux représentations, l’une mentale, l’autre scénique. Ce voyage
emprunte bien souvent des courts-circuits : les étincelles de l’insight laissent parfois
la place aux châtaignes de l’empathie. Quelle visibilité pour la psychologie et les
psychologues ? La psychologie semble tellement soluble dans le discours social qu’il
est plus aisé de s’accrocher avec les médias-acteurs lorsqu’ils croisent le micro avec
des psychologues.
Si la lecture d’autrui nous échappe par définition, ainsi que les conséquences qui
peuvent en émaner en termes d’interprétation ou de conduites, même à répondre de
mécanismes psychologiques, les propos que nous pouvons livrer à des journalistes
peuvent être transformés et déformés. L’échappée ne relève pas alors du même
registre et n’engendre pas les mêmes réactions. Que des connaissances soient
simplifiées ou réduites, ce sont toujours des bribes de savoirs profitables au plus
grand nombre. Que s’installe ce que Dominique Mehl a appelé, lors d’une intervention
aux Seconds entretiens de la psychologie organisés par la FFPP en 2006, une « culture
psychologique de masse » n’est pas une mauvaise chose en soi. C’est un bain culturel,
voire cultuel, qui ne nécessite pas que l’on s’approprie un corpus structuré, c’est une
extension de l’individualisme relationnel contemporain que l’on admet pour vivre
avec son temps. Mais que des journalistes s’emparent de nos propos pour les réduire,
les cuisiner, les retourner aux fins de les présenter frits et friands a le don de nous
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

exaspérer.
Notre première rencontre avec une caméra est à cet égard éloquente, alors que
nous étions jeune vacataire enseignant. Nous tenions bon pourtant, mais avons fini par
lâcher, au bout de dix minutes d’entretien, une banalité sur les raisons pour lesquelles
nos étudiants avaient dressé des tentes sur le campus pour que les cours s’y déroulent.
C’est bien sûr ce truisme qui a été retenu le soir au « 20 heures », dans les quinze
secondes imparties. Nous étions ébahis et furieux, même si les conséquences furent
mineures : une réflexion rapportée du président de l’université qui se demandait qui
était ce type qui n’avait rien compris. Et une remarque, plus amère, car sur l’écran
figurait « professeur de psychologie ». Or en général, un journaliste ne distingue pas
un professeur des écoles d’un professeur des universités. Il ne sait pas combien il en

179
Les métiers

coûte pour certains de courir toute une carrière après un titre. Nous n’avons toujours
pas pour autant de préconisations à formuler pour le traitement de cette information,
pour la gestion de cet usage du dégoût pour le simplisme. La psychologie est une
4. Les métiers de la psychologie

science et un art, or le partage est rendu inéquitable par le désarroi engendré, à l’origine
du cursus couronnant vocation et vacations. Peut-être faut-il choisir le type de relation
que l’on engage avec l’appareil médiatique. Mais au choix d’une élite, l’éventualité
nous échoit souvent sans préparation, sans demande ou sans expérience. Nous avons
saisi l’opportunité d’un débat d’une heure entre quatre invités et une animatrice, notre
grande satisfaction fut nuancée par le taux d’audience d’une chaîne parlementaire.
Jamais content.
La simplification, voire la simplicité, sur laquelle prospère le journaliste qui y
associe sa culture largement diffusée, conduit parfois à des quiproquos dans une
transposition. Ceux-ci peuvent se mettre en place particulièrement auprès d’étudiants
en psychologie, amenés à confondre travail universitaire et enquête d’investigation.
J’ai rencontré cette confusion chez mes propres étudiants, notoirement absents en
cours et rendant néanmoins un rapport d’étude, sollicités pour mettre à l’épreuve leur
capacité d’analyse naissante des situations en aiguisant leur réflexion sur une situation
de stage. Or ce n’est pas seulement la facilité qui est en jeu dans ce fourvoiement, mais
la compréhension d’une stratégie d’approche comme enjeu : la psychologie n’est ni
simple, ni facile. L’étudiant attrape une idée, se saisit d’une conviction pour traduire
une hypothèse dans un langage attendu. La littérature est alors superflue dans ce cas
d’autant plus que la nouveauté attractive représente l’intérêt principal, cette attraction
allant de pair avec une absence de références sur le sujet. Il mène donc une enquête
avec une méthodologie plaquée à partir d’un « Canada dry » de formalisation. Une
compréhension tronquée de la démarche scientifique est de bon aloi. Le journaliste
montre et ne démontre pas, il ne peut faire que de la psychologie de bazar y compris
lors d’un travail sérieux pour lui, il ne faudrait pas qu’un étudiant en psychologie
oublie qu’on lui demande le contraire.
Le psychologue n’est pas toujours en posture d’avoir le choix des modalités de
ses passages médiatiques ou des moments d’entretien, particulièrement quand il
intervient lors de situations d’urgence. Au-delà de l’effet lénifiant d’annonce d’une
cellule psychologique sur place comme moyen de gestion de l’émotion collective,
les journalistes recherchent auprès du « psychiste » comme nous l’appelons, qui
peut être psychologue, les éléments d’une catharsis par délégation. Il y a cependant
lieu non seulement de s’abstenir de livrer des impressions personnelles, mais de
refuser dans certains cas le sensationnel entretien proposé par un journaliste. En effet,
le psychologue a une responsabilité dans la diffusion de la psychologie auprès du
public et des médias, comme nous l’a rappelé Jean-Michel Coq, lors de ces mêmes

180
Les métiers

Entretiens de la psychologie de novembre 2006, en citant l’article 25 de notre Code


de déontologie. Ce d’autant plus qu’ici aussi, le journaliste dans sa réduction affuble
l’attitude du psychologue d’un contresens. Il n’y en a que pour le seul débriefing, il

4. Les métiers de la psychologie


faut mettre en mots l’événement, faire parler les personnes. Or il s’agit surtout d’être
à l’écoute des personnes et pas forcément dans l’insistance d’une verbalisation qui
peut conduire à un risque de déstructuration par une logorrhée qui vide la personne.
Le discours médiatique schématise et caricature. Il est binaire pour l’essentiel, ce
qui contribue à le rendre fort par une puissance de codage souveraine. Il fait et défait
coupables et victimes par exemple jusqu’à pousser la justice à composer avec de
nouvelles figures de ses acteurs et les juges avec l’instrumentalisation à laquelle ils
doivent faire face. Tous les reproches ne sont pas de leur côté. En ce qui concerne le
psychologue, s’il a bonne presse vis-à-vis du grand public car il défend en priorité les
intérêts individuels et qu’il se montre plus compréhensif et plus compréhensible que
le psychiatre, il présente souvent une grande surface de projection tellement on sait
peu ce qu’il fait. Or le journaliste sait très bien ce qu’il vient chercher chez l’autre :
la réponse est déjà contenue dans la question. Lorsqu’il s’adresse au psychologue, le
journaliste attend souvent une expertise et des conseils et si ces derniers ne sont pas
prodigués, il en est bien démuni. Or non seulement l’alternative est exigeante, mais
le rôle assigné aisé et l’argument imparable : « C’est mon métier de savoir ce que le
public attend. »
Nourrir une surabondance de repères est actuellement une tendance fort à la mode et
la multiplication des sources de production de ceux-ci un sport national. L’expérience
apparaît comme une source de repérage autant que les savoirs, et la vedette devient
le témoignage. Dans cette perspective, Dominique Mehl propose de distinguer deux
types de posture que le psychiste, pour la commode indifférenciation, est amené à
occuper depuis qu’il est dans l’espace public dans ce contexte de valorisation de la
parole sur soi. Il s’agit de l’expert et de l’accompagnateur. Les connaissances du
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

premier l’autorisent à asséner des conseils, distribuer des jugements et indiquer les
bonnes voies. Le second, qui s’en abstient, cherche à entendre l’évolution d’une société
dans ses délibérations, ce qui ne l’empêche pas d’intervenir dans le débat normatif.
Déroger au schéma avec lequel le journaliste agit rend le psychologue incompétent
à ses yeux. S’il ne repart pas avec des conseils, le journaliste ne comprend plus son
histoire et celle de la pionnière de l’intervention psy médiatique, Françoise Dolto.
Tenir un autre discours, élargir le débat pour ouvrir sur des éléments du contexte qui
donnent une vue d’ensemble sur les enjeux susceptibles d’éclairer la question et de
permettre d’en comprendre les tenants et les aboutissants, peut relever du défi. Que
nos doigts qui écrivent ne s’engouffrent pas dans un processus écrasant, est une bonne
façon de pouvoir serrer la main de son prochain la tête haute. Il n’est guère tenable en

181
Les métiers

effet de rester le moralisateur de service à qui l’on demande de calibrer intelligence


et comportement comme on le fait avec des œufs. Si la question de la norme est
fatalement à interroger pour et par le psychologue, sa discipline est à passer au crible
4. Les métiers de la psychologie

d’une mondialisation qui le fait la partager avec tout le monde.

182
3
Les interventions

5 L’évaluation psychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185


6 L’accompagnement psychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Les interventions

5. L’évaluation psychologique
5

L’évaluation psychologique

13. Valeur et évaluation

• Souffrir de l’évaluation
• Les classifications nosographiques
• L’audit social
• L’accréditation, entre audit et auto-évaluation
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

 Souffrir de l’évaluation
Le psychologue intervient bien souvent comme un contrepouvoir, mais aujourd’hui
plus particulièrement, comme un contrepoint du morcellement de l’offre de santé
en insistant sur la globalité de la personne dans le profond respect de celle-ci et de
son psychisme à partir d’interventions des plus écologiques. Nous laissons l’aspect
« thérapeutique » de côté pour l’instant afin de nous saisir de la question de l’évaluation
pour laquelle nous sommes de plus en plus sollicités. C’est à partir d’une réflexion
sur le travail actuel que nous pouvons questionner cette évaluation.

185
Les interventions

L’évolution sociétale doit éclairer le double sens du mot « valeur » au centre de


l’évaluation en venant mettre en lumière :
– que l’on peut faire parler les chiffres. Rappelons-nous cette étude, résumée en une
5. L’évaluation psychologique

moyenne, qui annonçait que les Noirs étaient moins intelligents que les Blancs aux
États-Unis. À regarder de plus près les résultats de cette étude et non plus un chiffre
global, il s’est avéré que la condition sociale était une clé de compréhension : les
personnes noires du Nord avaient ainsi un quotient intellectuel plus élevé que des
personnes blanches du Sud ;
– que l’on ne peut faire l’économie d’une distinction quantitative et qualitative, par :
– l’intégrité d’un travail bien fait qui conduit à ne pas donner des conclusions
chiffrées mais des conclusions cliniques, en termes de potentiel plus que
d’aptitudes,
– le respect de la personne dans la communication des écrits après une restitution
des résultats. L’usage de l’écrit amène à des précautions simples, comme faire
figurer une date à un bilan ou à un compte-rendu.
À cette évolution culturelle de la contractualisation de la relation sociale, et de travail
en particulier, y répond, voir correspond, une entrave de la relation professionnelle où
le psychologue, comme les autres acteurs en situation de travail, se trouve confronté
à un management au cœur duquel l’évaluation est prônée comme panacée, source
d’avancée quand il ne se fait pas menaçant.
L’évaluation n’est jamais contestée en soi, elle est même souhaitable car nous avons
toujours besoin d’un retour sur l’action que l’on mène. Cette légitimité est renforcée
par une attitude de suspicion à prendre position contre. En effet, chercher à se dérober
à cette procédure tend à évoquer une dissimulation ou une intention coupable de
protéger un secret sur la médiocrité, comme s’il pouvait être révélé un « secret »
sur la médiocrité. Il s’agit notamment de cette incompétence supposée à l’origine
d’une remise en question, source des dépassements de soi. Comme si l’esquive à une
évaluation dissimulait l’idée que l’on peut se forger sur sa propre médiocrité, alors
qu’il s’agit d’une confrontation aux difficultés à partager l’hésitation de nos réactions
de tâtonnements, particulièrement lorsqu’elles tiennent de l’essai-erreur, inventées à
tout moment pour justement faire au mieux son ouvrage. La culture du doute qui nous
habite ne facilite guère les choses. La démarche administrative de quantification des
interventions est généralement vécue comme suspecte, particulièrement quand une
politique de cotations ne peut mettre en avant l’essence même d’un travail d’écoute, de
parole et de réflexion singulière par nature non standardisable. Cependant, y compris
lorsqu’un diagnostic semble plus rémunérateur que d’autres, il est utile de se pencher
sur les mécanismes de l’attribution de budgets d’une part, sur ce qui est proposé

186
Les interventions

d’autre part. L’accueil ne saurait être réservé au recueil d’information médicalisée en


psychiatrie, révisé en février 2007, qui propose de codifier les actes en psychiatrie
par leur nature, aboutissant à l’acronyme d’Edgar (pour entretien, démarche, groupe,
accompagnement, réunion clinique). Il est en revanche particulièrement beaucoup plus

5. L’évaluation psychologique
essentiel de faire-valoir des actes de psychologie. Cependant, l’usage de l’évaluation
– et l’on serait plus averti de parler de mésusage –, vient bien souvent, dans nombre
de lieux de travail, renforcer des dysfonctionnements, censés être réduits par des
mesures visant à améliorer l’évaluation. Lorsqu’elle perd de vue l’aide qu’elle peut
apporter, l’évaluation se heurte à une déliquescence de la confiance nécessaire dans
des rapports de travail par la conservation du seul aspect sanction. Autre point, il est
essentiel que l’évaluateur soit lui-même évalué ou que les modalités auxquelles il se
réfère, les expertises sur lesquelles reposent des décisions en particulier, aient montré
ou démontré leur validité.
Il faut admettre que ce que l’on cherche à évaluer se dérobe à l’observation directe,
à plus d’un titre. D’une part, quand il s’agit de prendre de la distance avec son objet
d’étude, dans un mouvement de qualité du bilan. Il est en effet évident que l’on ne
peut prendre pour argent comptant ce que l’on voit ou entend, il y a nécessité d’un
décryptage. Quelle que soit la grille de lecture, il y a du sens à poser ou à « dé-couvrir »
en fonction du contexte et de ce qui n’est pas dit, mais s’écoute. D’autre part, insistons
sur l’étude de la nature même de l’activité de travail qui présente celle-ci comme
une énigme. Il est en effet difficile de parler de ce que l’on fait quand on le fait et
il est impossible de prétendre atteindre une qualité en respectant scrupuleusement
les prescriptions du travail. Le travail se nourrit de la subjectivité et de l’engagement
corporel. C’est lui qui permet de pressentir des solutions, de traduire cette intelligence
pratique et est à l’origine des ficelles du métier, de la production de trouvailles et de
l’ingéniosité. C’est dire à quel point des psychologues du travail pourraient soutenir
leurs collègues du champ de la santé en participant à des analyses de situations de
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

travail. C’est bien tout cela qui rend complexe la mesure du travail qui était jusqu’ici
paisiblement indexé sur sa durée, en ne tenant compte que de la charge physique liée
au travail. Aujourd’hui, les nouvelles technologies et le développement du secteur
tertiaire ont mis en évidence une charge mentale, voire pour certains, une charge
psychique et ainsi une nouvelle indexation pour son évaluation. La durée de travail
mise en crise, c’est la production et la productivité qui ont été mesurées. Or il n’y a
pas de relation de proportionnalité entre performance et travail. Les prestations de
service, particulièrement celles concernant la relation d’aide à la personne, ont bien
montré comment on travaille même une fois sorti du contexte professionnel. Le travail
est d’autant plus continu qu’il est psychique et le psychologue est loin d’être un cas
d’espèce.

187
Les interventions

Dire que le travail n’est pas visible n’est pas une position facile à tenir, puisque c’est
laisser entendre qu’il n’est pas connaissable et rémunérer un acte intellectuel n’est pas
gagné d’avance. La seule méthodologie qui permet un accès à cette « connaissabilité »
est la subjectivité et le seul moyen de parvenir à celle-ci est la parole. Il s’agit
5. L’évaluation psychologique

essentiellement de gagner la confiance des personnes à partir d’entretiens semi-directifs


sur une longue période, c’est ce que font les analystes du travail qui s’appuient sur la
psychodynamique du travail et la clinique de l’activité, suivant en cela l’expérience
initiée par Christophe Dejours et Yves Clot au Conservatoire national des arts et
métiers. L’évaluation est nécessaire pour avoir un retour de ce que l’on donne de
soi-même, mais il faut se faire à l’idée qu’il n’y a pas d’évaluation objective possible.
Seulement une évaluation équitable reste possible, celle qui est la plus juste et non
celle qui est la plus vraie. La mobilisation subjective relève d’une dynamique qui
repose également sur le couple contribution/rétribution. Cette dernière est bien sûr
matérielle, mais surtout symbolique, c’est la reconnaissance. Elle porte sur le travail et
non sur la personne, elle permet de tirer des bénéfices de son effort pour son identité,
elle passe par les jugements d’utilité et de beauté plutôt que par des mesurages.
La psychologie clinique de la santé a beaucoup à apprendre de la psychodynamique
du travail, l’analyse des situations de travail pouvant éclairer l’évaluation des personnes
et des situations qui nous sont proposées. Nous ne pourrons faire l’économie du
repérage des signes et symptômes à travers les classifications médicales internationales
et leurs descriptions avant de dresser un tableau des principales motivations qui
amènent petits et grands chez le psychologue. La santé n’en demeure pas pour autant
le seul point d’ancrage, même s’il est le plus couramment répandu ; l’orientation
scolaire, sociale et professionnelle, l’aménagement des situations professionnelles,
personnelles et familiales pour ne citer que ces motifs, conduisent également grands
et petits à consulter un psychologue. Il peut également les rencontrer dans un contexte
judiciaire dans le cadre d’une expertise ou être amené à contribuer à mettre en
œuvre une démarche collective, comme l’accréditation des établissements de santé et
médico-sociaux.

 Les classifications nosographiques


Nous venons de voir que l’évaluation n’est jamais remise en cause, mais seulement
les usages que l’on peut en faire. Eux seuls amènent des critiques. La classification
répond d’exigences similaires ne serait-ce qu’à partir du lien intrinsèque qui les
rassemble. Les enjeux semblent néanmoins moins ambigus, encore que, puisque le
fond pathologique est incontestable dès lors que l’on s’intéresse à la symptomatologie
et la nécessité de classer évidente, mais la façon de le faire va être déterminante de son
usage. La question se situe aussi ailleurs quand il est nécessaire d’explorer les frontières

188
Les interventions

de la médicalisation dans la mesure où parler de trouble évoque également la question


d’une souffrance sous-jacente qui n’est pas nécessairement d’ordre pathologique. Un
mal-être ou un malaise relève-t-il, dans cette perspective, d’une médicalisation de sa
prise en charge ? C’est ainsi le statut de la souffrance auquel cela renvoie et ce dont

5. L’évaluation psychologique
on a pu en dire.
Avant même d’évoquer une souffrance psychique et/ou mentale comme objet
essentiel de la psychologie s’intéressant à des fonctions supérieures, il nous faut
décrire le paysage médical, psychiatrique, classificatoire. Un préambule nous conduit
aussi à évoquer les difficultés d’une classification des troubles mentaux. Nous pouvons
repérer trois ordres de difficultés, liées aux incohérences des patients, des examinateurs
et des nosologies elles-mêmes, toujours fort nombreuses.
On peut relativement bien classer des données recueillies pendant une consultation,
encore que le fonctionnement mental suppose une grille complexe – le développement
ainsi que les facteurs biologiques et sociaux sont plus faciles d’accès –, mais la
relation ne peut pas être classée car elle fait appel à une contre-relation. En effet, le
psychologue, en se saisissant de la personne dans sa globalité et du fonctionnement
mental en particulier, s’éloigne à ce moment-là des références sociales et somatiques
ainsi que d’un raisonnement en termes de symptômes et d’antécédents tout comme la
médecine la plus classique.
En psychologie comme en psychiatrie pour l’occasion, on ne s’intéresse pas
seulement à une maladie, à une symptomatologie, mais au patient ou à la personne.
Ce n’est d’ailleurs pas qu’aux symptômes et à leur évolution que l’on s’attache, ce
sont aussi aux mécanismes du fonctionnement psychique de cette personne. Ce n’est
pas des antécédents que l’on cherche, mais une anamnèse que l’on reconstitue. La
recherche de symptômes est même un inconvénient si elle occupe trop de place par la
valeur de suggestion qu’elle peut prendre. De plus, l’activité d’examen psychologique,
particulièrement chez l’enfant, souvent présente dès les premiers rendez-vous, n’a
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

pas une seule visée diagnostique, mais constitue les prémices d’un traitement dans
la mesure où justement s’établit une relation entre le professionnel et la personne.
Certes l’emprunt d’un vocabulaire psychanalytique peut affadir ou dévoyer certains
concepts examinés ailleurs sur une plus longue échéance, leur usage n’en demeure
pas moins essentiel et il aide à isoler la psychologie clinique de la médecine comme
de la psychanalyse.
Chez l’enfant, la situation est encore plus complexe car il ne souffre pas forcément.
Ce n’est pas lui qui vient consulter, c’est l’inadaptation qu’il montre qui conduit
ses parents à venir consulter. Or l’inadaptation n’est pas synonyme de maladie et
réciproquement. Il faut de plus que cette inadaptation soit bruyante – l’instabilité
dérange plus que l’inhibition. Les difficultés d’apprentissage peuvent ainsi plus

189
Les interventions

renvoyer à des conditions familiales ou scolaires qu’à une maladie. C’est quasiment
l’enfant qui fait symptôme dans sa famille.
Par ailleurs, la classification en intervenant chez l’enfant, en développement par
définition, doit prendre en compte l’échelle d’un développement qui ne peut être
5. L’évaluation psychologique

linéaire. D’une part, un même enfant ne connaît pas un développement régulier,


mais, d’autre part, un développement varie d’un enfant à l’autre. Cette référence à
la norme doit être interrogée par une exploration des frontières entre le normal et le
pathologique.
Ainsi, d’emblée, la notion de maturation et de développement conduit à un repérage
fluctuant. Pour prendre l’exemple de la névrose, bien que celle-ci tende à disparaître des
classifications, une phobie se rencontre chez un enfant plus jeune alors qu’une atteinte
obsessionnelle est l’apanage d’un enfant plus âgé, sans compter qu’une organisation
telle que la phobie est conjoncturelle et qu’elle peut même être considérée comme
normale entre 4 et 5 ans.
Nous pouvons résumer les difficultés de l’usage d’une classification des troubles
mentaux du point de vue de la personne par les fluctuations du développement,
l’équilibre familial dans lequel s’insère le motif d’une consultation spécialisée, et
ainsi la dépendance de l’enfant à ses parents, ainsi que la référence à la normalisation
qui conduit à confondre pathologie et inadaptation sociale.
Aux difficultés présentées par la situation, à savoir la personne qui vient consulter
et son contexte que l’on cherche à appréhender, s’ajoutent celles inhérentes au
fonctionnement des professionnels. En effet, la tendance naturelle à vouloir établir
un diagnostic, à se forger une opinion dans les premières minutes d’un entretien que
l’on va chercher à confirmer, mais aussi infirmer, par la suite, répond de mécanismes
psychologiques bien connus et relève de tous les domaines et de toutes les rencontres
interpersonnelles. La particularité d’une prise en charge de santé qu’il ne faut pas
perdre de vue et que le recours à une classification pourrait laisser supposer, c’est
que ces jugements initiaux ne sont guère « sanctionnables » et une responsabilité
thérapeutique généralement peu engagée. Cependant, nombre d’études montrent que
des praticiens expérimentés, mêmes d’écoles théoriques différentes, peuvent avoir
des diagnostics concordants sur des mêmes cas. On éloigne ainsi le risque d’erreur
à partir du moment où le professionnel est expert. Le diagnostic immédiat peut
d’ailleurs revêtir la forme d’une exigence rédhibitoire : si vous ne reconnaissez pas
un psychotique dans les secondes de son entrée dans une pièce où vous vous trouvez,
vous ne ferez pas carrière.
Par ailleurs, le motif d’une classification peut être varié et explique le grand nombre
à disposition : comparaison enfant versus adulte ; opposition inné/acquis ; constitution
d’une nomenclature administrative ; justification d’une étiologie ou d’une théorie.

190
Les interventions

Les classifications sont aussi le reflet de leur temps et insister aujourd’hui sur des
configurations génétiques rend compte d’une obédience culturelle.
En 1967, l’OMS propose, à la suite d’un séminaire international qui a lieu à

5. L’évaluation psychologique
Paris, une classification triaxiale qui prévoit de prendre en compte la saisie d’un
syndrome psychiatrique, la description d’un niveau intellectuel et l’énumération
des facteurs associés et/ou étiologiques. C’est la Classification internationale des
maladies dans sa 8e version (CIM 8). La CIM 9 prendra en compte quatre axes :
le syndrome psychiatrique, le niveau intellectuel, les facteurs biologiques et les
influences psychosociales associées ou étiologiques. La CIM 10, qui date de 1993
et est en vigueur encore aujourd’hui, opère des changements et se rend compatible
notamment avec deux autres classifications que nous allons évoquer, la première pour
la critiquer, la seconde pour valoriser notre culture.
La classification américaine DSM, répertoriée dans le manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux, aujourd’hui DSM IV révisé – le DSM V ne
va pas tarder –, quitte le champ du symptôme pour celui des critères qui sont
présents ou absents. Elle est anti-nosographique et s’éloigne de toute perspective
d’études psychopathologiques du fonctionnement mental pour privilégier une approche
quantitative. Elle néglige la complexité des situations cliniques rencontrées. La
critique que l’on peut adresser au DSM est qu’il évacue la description des symptômes
névrotiques ou psychotiques, refuse de prendre en compte les difficultés du diagnostic
en psychiatrie de l’enfant (le développement et le caractère aléatoire des symptômes),
il ne juge pas des interactions familiales et n’étudie pas les conflits. Autrement dit, le
DSM IV, même révisé, n’est pas psychopathologique. Il est mis au point par carence
assurantielle, parce que l’on ne peut assurer quelque chose que l’on ne connaît pas,
les troubles mentaux à l’époque. Reconnaissons à cet outil une intention progressiste
incontestable quand il incarne le respect de la plupart des causes minoritaires.
L’autre classification compatible avec la CIM 10 est nationale, opérationnelle des
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent et a été élaborée par Roger Misès et un


groupe de travail composé de Jacques Fortineau, Philippe Jeammet, Philippe Mazet,
Alain Plantade, Nicole Quemada avec la collaboration de Jean-Louis Lang.
Cette classification est biaxiale. Un axe est consacré aux catégories cliniques, il
y en a neuf, et l’autre aux facteurs associés avec deux sous rubriques, les atteintes
organiques et les conditions d’environnement. Elle comporte en outre un glossaire qui
donne les définitions de chacune des sous-catégories, le plus souvent sous forme de
critères. Ce repérage parmi les grandes classifications permet de clarifier le paysage
nosographique, de simplifier l’approche d’un champ nouveau, de désencombrer
l’horizon du débutant, mais il reste utile de réitérer la précaution de l’usage.

191
Les interventions

Ce raisonnement ne tient pour beaucoup que dans le cadre d’une offre de santé et
d’une nosographie centrée sur elle. Elle est à repenser autrement dans des rapports
de vassalité distincts. Lorsque la justice fait appel au psychiatre et au psychologue,
elle ne peut leur demander d’évaluer la dangerosité des personnes avec un pronostic,
5. L’évaluation psychologique

car il existe des actes monstrueux, c’est eux que l’on juge, mais pas de monstres.
Quand au nom de la prévention d’une récidive, une loi du 25 février 2008 sur la
rétention de sûreté marque une rupture avec une présomption de culpabilité du fait
de la seule personnalité, les limites de la médicalisation des problèmes sociaux sont
dépassées. Il ne s’agit pas pour autant de jeter l’expertise adjuvante avec la justice
de jouvence, mais de penser la récidive autrement qu’en termes de prescription à
perpétuité. Le psychologue ne se défile pas des expertises de crédibilité, de dangerosité
ou de responsabilité, mais fournit les éléments de compréhension des limites de son
travail. La transition est toute trouvée pour évoquer l’expertise psychologique en
justice, nous y insisterons tant elle est paradigmatique de la démarche évaluative du
psychologue, cependant après une surséance pour évoquer l’évaluation collective.

 L’audit social
Le détour par une intervention typique de l’entreprise n’ironise qu’à peine sur
la façon dont les dirigeants du service public sanitaire sont tentés de considérer les
hôpitaux, non pas que des mobilisations ne soient pas nécessaires pour en améliorer
la gestion, mais qu’elles restent dissuasives de penser que le soin aux personnes peut
générer des bénéfices financiers, seules les prestations sont bénéfiques. La définition
que donne Pierre-Marc Denamiel, en 1985, de l’audit est la suivante : un ensemble de
techniques permettant d’analyser et d’évaluer les méthodes de l’entreprise.
Jusque dans les années 70, on réservait le terme pour les méthodes comptables et
financières. Avec l’apparition de l’obligation pour les entreprises de procéder à un
bilan social, c’est l’efficacité des politiques sociales que l’on mesure, la reconnaissance
d’une performance sociale, la mise sur un pied d’égalité de la dimension humaine et
de la dimension patrimoniale.
L’analyse sociale doit permettre, pour Jean-Marie Peretti (1981) de :
– détecter les points de friction et prédire leur évolution probable ;
– évaluer les conséquences sur les activités de l’entreprise ;
– déterminer si l’entreprise peut tirer avantage à satisfaire par anticipation les
réclamations ;
– comprendre les problèmes que soulèveront la mise en œuvre des transformations et
les coûts des solutions.

192
Les interventions

Les phases d’une analyse sociale

L’analyse sociale n’est qu’un préalable à une planification sociale qui comprend sept phases :
– le diagnostic social qui est le constat de l’état des ressources humaines à un moment donné ;

5. L’évaluation psychologique
– la stratégie sociale qui repose sur un ensemble de valeurs et aboutit à des orientations ;
– le plan social qui fixe à l’entreprise des objectifs pour l’année en cours ;
– le budget social qui énumère les moyens dégagés pour le plan ;
– le bilan social qui récapitule les principales données chiffrées avec des indicateurs précis (des
résultats) ;
– le tableau de bord social qui est un outil de gestion pour se situer par rapport aux objectifs. Il
permet de noter des écarts ;
– l’audit social qui permet la mise en œuvre des corrections nécessaires au niveau des orientations,
des objectifs ou des moyens lors d’écarts entre les objectifs et les résultats.

Si l’on s’arrête sur la première étape de cette planification, le diagnostic social, nous
pourrons dégager, à partir des neuf étapes qu’il suppose, une méthodologie de l’audit
social. La démarche qualité dans laquelle prétend s’inscrire l’accréditation s’appuie
sur ce socle et confie habilement à l’établissement le processus d’évaluation avec la
marche à suivre. L’auto-évaluation présente l’avantage de moindres coûts et critiques
tout en laissant du temps pour affiner les critères saillants et une marge de contrôle.
Entre deux vagues d’accréditation, les critères d’évaluation ont gagné en pertinence.
Confier à l’autre les outils de son évaluation avec la menace d’un contrôle aléatoire
permet d’intervenir sur le processus sans avoir à connaître d’emblée le contenu, évite
l’investissement temporel et financier nécessaire et gagne la conviction de celui qui
s’exécute. Difficile de ne pas y souscrire quand on est plongé dedans. Nous allons
retrouver dans ce parcours de l’audit la démarche familière d’une procédure usitée
par les psychologues ici et là. Les neuf étapes sont les suivantes :
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Les étapes d’un audit

– information et négociation préalables sans quoi rien n’est possible ;


– constitution d’un échantillon contraste, représentatif ;
– entretiens semi-directifs centrés ;
– analyse de contenu, toujours entre deux pôles, la rigueur de l’objectivité et la fécondité de la
subjectivité, la vérification prudente et l’interprétation brillante. Les indicateurs élaborés à partir des
indices repérés vont constituer une grille d’analyse catégorielle avec laquelle on balaye le contenu
manifeste du texte. Les catégories sont généralement thématiques ;
– construction d’un questionnaire « maison » et non standard. Les échelles de Thurstone, Likert,
Guttman sont particulièrement appréciées ; ☞
193
Les interventions

☞ – administration du questionnaire ;
– analyse des résultats, à trois niveaux :

• le tri à plat consiste à calculer des pourcentages de réponse pour chaque question mais on ne
peut pas distinguer les réponses en fonction des sous-populations par exemple,
5. L’évaluation psychologique

• les tris croisés vont permettre de croiser les questions et ainsi de mettre en relation des réponses
avec des caractéristiques,
• l’analyse multidimensionnelle par la méthode de l’analyse factorielle ;

– restitution des résultats ;


– plan d’action.

 L’accréditation, entre audit et auto-évaluation


Une sensibilisation à l’accréditation est importante car tout le monde est concerné
par la qualité des prestations d’un hôpital. Cette démarche transversale nécessite
une information de tous les acteurs. Elle évolue avec le temps et sa procédure se
perfectionne, mais en prendre une photo à l’origine de sa mise en place à renfort de
psychologues est utile pour questionner les changements culturels du champ de la santé.
On explique à l’époque qu’il est légitime de se demander : pourquoi parler maintenant
de qualité, comme si on n’avait attendu que les ordonnances Juppé d’avril 1996 pour
faire de la qualité dans son activité professionnelle à la fois individuellement, avec la
propension naturelle de chacun à s’améliorer, et collectivement, avec le système de
santé qui est le nôtre.
L’amélioration de la production en quantité et l’amélioration de la production
en qualité préoccupent l’industrie depuis plus d’un siècle. Les normes ISO 9000,
le meilleur rapport qualité/prix et la visée du zéro défaut font partie d’une culture
industrielle. Cette culture d’entreprise vient tardivement dans le secteur de la santé par
translation car l’industrie, depuis les années 50, a déplacé sa notion de qualité pour
faire des produits qui ne durent pas, d’où un renouvellement plus fréquent de ceux-ci.
Il est vrai qu’à l’hôpital, le produit est très particulier puisqu’il s’appelle un usager
de service public, voire un client. Des préoccupations de rentabilité envahissent le
domaine de la santé, l’hôpital tend à être vu comme une entreprise dans les années 80
avant que l’on se rende compte qu’une personne a des exigences particulières et
qu’une logique d’entreprise nouvelle doit être inventée. À cette libéralisation du soin
et au retrait de l’État dans sa gestion, s’ajoute une culture de la santé dominée par un
paternalisme qui achoppe devant le développement des droits individuels privilégiant
l’information et le consentement des personnes.

194
Les interventions

La qualité au sein du système de santé c’est la prestation de service, le soin, qui


va satisfaire des besoins. Il s’agit d’être en phase avec le besoin d’un usager. La
qualité est ainsi la réponse ajustée à un besoin donné – besoins explicites et implicites.
La qualité n’est pas un phénomène nouveau puisqu’il s’agit de faire mieux. Il ne

5. L’évaluation psychologique
s’agit pas pour autant de faire le maximum, mais l’optimum, c’est-à-dire créer un
rapport entre ce que l’on a et ce que l’on a à faire, à savoir adapter une prestation au
besoin de chacun. Les attentes d’une personne font qu’une prise en charge ne peut
pas être standardisée par définition. Si la propension à s’améliorer avec l’expérience
est naturelle, l’évolution à laquelle on cherche à se conformer n’est pas homogène et
nécessite quelques éclaircissements. Des outils sont nécessaires pour ajuster une prise
en charge de l’être humain à l’évolution d’une société.
Nous avons retenu une définition de la qualité : une réponse ajustée à un besoin
donné. L’accréditation se situe sur l’espace de cet ajustement d’une réponse qui
doit s’adapter à son époque (la restriction des budgets) et à l’évolution sociétale (le
développement des droits individuels) en prenant en compte les spécificités de son
objet : on travaille sur de l’humain donc sur une absence d’une standardisation de
la conduite d’une relation. Ajustement d’une réponse (on faisait de la qualité avant
l’accréditation) qui peut être perçu comme une menace (faire mieux avec moins
de moyens) ou une opportunité (participation à l’adaptation d’une structure ou le
développement d’un pôle d’excellence, voire une reconnaissance de son travail).
C’est en fait la réforme hospitalière de 1991 qui commence à évoquer la qualité et
l’évaluation. Deux éléments importants sont à noter :
• L’ajustement porte sur une démarche qui se veut globale. On essaye de suivre le
patient de son admission jusqu’à sa sortie. La prise en charge est souvent globale
dans le registre paramédical depuis l’introduction de notions comme la gestion du
dossier de soins (par le décret du 17 juillet 1984 relatif à l’exercice professionnel),
et l’apprentissage du diagnostic infirmier inclus dans la formation depuis 1992
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

repris dans le décret du 15 mars 1993. Les infirmiers vont être attentifs plus que
les autres intervenants aux données identitaires de la personne. Elle l’est beaucoup
moins dans la prise en charge médicale, plus technique. Il s’agit de renverser la
tendance d’une hyperspécialisation dont nous avons dit qu’elle avait contribué à
déshumaniser l’hôpital.
• On introduit la notion d’analyse du bilan d’activité. Le PMSI (Programme médicalisé
des systèmes d’information pour les uns, Petit machin sans importance pour d’autres)
fait son entrée : il s’agit de regarder ce qu’on fait pour pouvoir anticiper. La portée
des chiffres est restrictive et leur interprétation incomplète, voire tronquée.

195
Les interventions

Il faut attendre cinq ans pour voir se mettre en place cette réforme. Les ordonnances
Juppé du 24 avril 1996 instaurent la procédure d’accréditation et donnent cinq ans aux
établissements de santé pour s’y préparer. Elle est basée sur l’amélioration permanente
de la qualité. La définition que nous pouvons en donner est celle-ci : c’est une
5. L’évaluation psychologique

procédure d’évaluation externe faite sur la façon de travailler d’une structure et plus
précisément sur sa démarche qualité. Elle concerne l’ensemble de son fonctionnement
et de ses pratiques. Elle vise à s’assurer que les conditions de sécurité, de qualité
des soins et de prise en charge du patient sont prises en compte par l’établissement
de santé. Il s’agit de consacrer la conformité d’un établissement à un référentiel,
c’est-à-dire un ensemble d’exigences reprises dans un manuel sorti en février 1999.
Ce travail d’élaboration est confié à l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et
d’évaluation des établissements de santé) à l’époque.
L’établissement de ces normes se poursuit depuis 1996 notamment à partir d’une
phase expérimentale. La première version d’un manuel est établie en juillet 1998, à
la suite d’une opération pilote où 40 établissements se sont portés volontaires. Les
résultats nous montrent que les soins sont correctement réalisés en France, mais que
l’information au patient n’y est pas suffisante (manque d’affichage de la charte des
patients, par exemple).
Trois registres de cotation vont être retenus :
– l’existant ;
– la dynamique de l’amélioration de la qualité ;
– la gestion des risques.

La cotation elle-même repose sur quatre niveaux (ABCD). Cela évite le compromis
neutre que fournit une échelle à cinq niveaux où l’on peut se réfugier sur la moyenne.
Ici au moins, c’est bon ou ce n’est pas bon.
Pour la mise en place de cet audit qui aura lieu tous les cinq ans, c’est surtout la
forme qui est examinée plus que le fond. On ne va pas vérifier le bien-fondé d’un
protocole, c’est inaccessible, trop difficile pour l’instant. On peut supposer en revanche
que dans quelques années, les référentiels seront plus précis et l’évaluation plus fine.
Il s’agit au départ de voir s’il existe des procédures de travail et des protocoles centrés
sur les risques ou les difficultés rencontrées, de voir comment ils fonctionnent. Une
première évaluation est nécessaire pour ne pas se noyer dans un grand nombre de
protocoles, il faut les réserver pour les dysfonctionnements et les incidents critiques.
La « protocolite » aiguë guette les équipes et peut les épuiser, mais les exigences du
travail séparent généralement le bon grain de l’ivraie. Un protocole inopérant ou une
procédure trop légère ne sont pas repris dans les actes au quotidien. La pertinence de

196
Les interventions

cette formalisation questionne la formation nécessaire à une démarche d’organisation


et d’analyse du travail.
Cette référence à un travail réel est essentielle pour tenter de réduire l’écart entre
l’organisation prescrite du travail et ce qui se fait. On a mesuré que le lavage des

5. L’évaluation psychologique
mains d’une infirmière doit occuper plus de huit heures de son temps si elle veut
respecter toutes les consignes. C’est une aberration et chaque personne « hiérarchise »
au fur et à mesure d’une journée ce lavage de mains. Pourtant, la problématique est
grave, car le lavage des mains est à l’origine de 80 % des infections nosocomiales. Or
celles-ci équivalent aux accidents de la route, soit 10 000 morts par an. Un réel travail
de terrain au détriment d’un groupe de cadres en réflexion est nécessaire qui n’élude
pas la question de la formation des intervenants.
L’accréditation est dans cette perspective un cadre à partir duquel peut se dérouler
un processus d’amélioration basé sur la concertation des personnes et l’analyse de
l’activité quotidienne.
Les règles d’or du système d’assurance qualité doivent se retrouver au sein de cette
accréditation :
– écrivons ce que nous faisons ;
– faisons ce que nous avons écrit ;
– vérifions la conformité des actes et des écrits ;
– mettons à jour nos écrits chaque fois que cela est nécessaire.
Les étapes suivantes de cette accréditation vont alors être mises en place :
• Après avis des instances consultatives et délibératives, le directeur de l’établissement
adresse une demande d’engagement à l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et
d’évaluation des établissements de santé) à l’époque, ancêtre de la Haute Autorité de
santé (HAS), accompagné d’un dossier de présentation de l’établissement décrivant
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

ses activités, son organisation et sa stratégie qualité.


• L’instance évaluative propose un contrat et envoie les documents nécessaires à une
auto-évaluation. C’est la phase essentielle de l’accréditation : il s’agit de préparer
le travail des experts qui interviennent à l’étape suivante dans un délai inférieur à
trois mois après le retour de l’auto-évaluation.
• Un audit est effectué par une équipe d’experts-visiteurs si l’établissement donne
satisfaction sur son positionnement par rapport aux items – pas de visite tant que
l’établissement n’est pas à niveau. Il donne lieu à un rapport, lequel s’appuie sur
les résultats de l’auto-évaluation et fait l’objet des observations formulées par
l’établissement. Il s’agit de vérifier si les réponses au questionnaire rempli sont
exactes.

197
Les interventions

• Le collège d’accréditation de l’évaluateur valide le rapport, établit des recomman-


dations, fixe des modalités de suivi, arrête un délai ou n’accorde pas l’accréditation,
globalement ou partiellement (telle activité ou tel service) pour trois raisons :
5. L’évaluation psychologique

– manque d’une démarche participative : une large participation est nécessaire


pour que la qualité augmente. Une chaîne va toujours céder là où un maillon est
faible. Il faut augmenter la solidité de la chaîne. C’est une véritable éthique de la
discussion à laquelle nous sommes conviés pour mettre la concertation au centre
du processus d’amélioration ;
– manquements aux dispositions légales en vigueur. La conformité aux textes ne
supporte pas de dérogation (la sécurité incendie quand il existe des personnes
qui ne sont pas toutes valides pour une évacuation sans risques, les contrôles
sanitaires dans les cuisines...) ;
– manquements aux dispositions déontologiques dans la volonté de tromper les
experts-visiteurs, inadmissible par définition.

Les experts sont 400 en France quand les opérations commencent. Ce sont des
professionnels dont l’activité d’audit n’occupe qu’un tiers de leur temps, l’équipe
est pluridisciplinaire composée d’au moins 3 personnes (1 médecin, 1 paramédical
et 1 administratif ou 1 technicien). Ils sont indépendants de l’hôpital, font partie
d’une autre région, et des organismes de tutelle, notamment de l’Agence régionale
d’hospitalisation qui détermine les budgets hospitaliers.
Ils vont rédiger un rapport sur l’ensemble de l’activité de l’hôpital à partir des
référentiels proposés et procéder à une cotation au plus près de la précédente si
l’auto-évaluation est bien faite, au-dessus si l’établissement s’est sous-estimé et en
dessous s’ils ont dérapé. L’appréciation est sans recommandations (A) ou avec (B),
avec réserves (C et bilan de suivi à échéance déterminée) ou avec réserves majeures
(D et solutions avec visites ciblées).
Cette accréditation est rendue publique. L’accès à cette information est à considérer
avec la puissance que peut véhiculer une médiatisation (des listes en particulier). Ne
pas être accrédité, c’est perdre des clients.
La plus grande partie du travail se fait donc en interne : il s’agit de procéder
au diagnostic de l’établissement en matière de qualité, repérer les points forts, les
points faibles (appelés points à améliorer) et définir une politique d’amélioration de
la qualité à partir des points faibles constatés. Nous retrouvons ici une conduite de
projet classique.
Remarquons une caractéristique peu commune qui consiste à repérer les points forts
et la visée probable ainsi dévoilée d’une telle démarche : on compte sur un système

198
Les interventions

qui va induire l’obligation de faire des choix, notamment de centrer les moyens à
disposition sur les points dont la qualité est correcte. Repérer des points forts, c’est
permettre de développer des domaines d’excellence.
Ce diagnostic de l’existant n’est pas le plus facile à faire. L’organisation prévue est

5. L’évaluation psychologique
la suivante. Un responsable qualité est nommé sur l’hôpital. Il fait partie de l’équipe
de direction. Garant de la mise en place de la procédure, il délègue, à tous, la prise
en charge de la qualité. Il préside un comité de pilotage généralement composé de
l’équipe de direction, du président du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et
des conditions de travail), du président du CLIN (Coordination de la lutte contre les
infections nosocomiales), des instances représentatives.
Chacun des membres de ce comité va piloter et co-piloter un groupe des thématiques
retenues qui font chacune l’objet d’un groupe de travail. Ces thématiques sont
généralement calquées sur les référentiels proposés. Un référentiel est un ensemble
de 85 références couvrant l’activité d’un établissement de santé. Dix référentiels, qui
sont autant de domaines d’activité, sont retenus, regroupés en trois chapitres :
– le patient et sa prise en charge ; il comprend :
– les droits et l’information au patient,
– son dossier,
– l’organisation de sa prise en charge ;
– la gestion et le management au service du patient ; il comprend :
– le management de l’établissement,
– la gestion des ressources humaines,
– la gestion des fonctions logistiques,
– la gestion du système d’information ;
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

– la qualité et la prévention ; il comprend :


– la gestion de la qualité et la prévention des risques,
– les vigilances sanitaires et la sécurité transfusionnelle,
– la surveillance, la prévention et le contrôle du risque infectieux.
Une référence est l’énoncé d’une attente ou d’une exigence, elle détermine un
passage obligé permettant de satisfaire la délivrance de soins ou de prestations de
qualité. Exemple : la sortie du patient est planifiée et coordonnée, ou la tenue du
dossier du patient permet une gestion fiable des informations.
Comme les références peuvent rester vagues, des critères vont expliciter ces
références. Le critère est l’énoncé d’un moyen ou d’un élément plus précis permettant

199
Les interventions

de satisfaire la référence d’accréditation. Il doit être mesurable, précis et réalisable.


Lui aussi peut rester vague, mais il n’en pose pas moins des questions qui vont susciter
la réflexion. Les critères nécessaires pour remplir la référence « tenue du dossier » :
5. L’évaluation psychologique

– le dossier du patient comporte l’ensemble des éléments nécessaires à son


identification ;
– les responsabilités des différents intervenants sur la tenue du dossier du patient sont
établies par écrit ;
– les prescriptions médicales sont rédigées par le praticien prescripteur, datées, et
comportent le nom et la signature du praticien ;
– le dossier du patient est organisé et classé.

La composition des groupes thématiques se fait sur la base du volontariat bénévole.


De l’ordre d’une dizaine, puisqu’ils recouvrent les référentiels, ces groupes thématiques
vont désigner des équipes d’auto-évaluation qui vont descendre sur le terrain ou
s’auto-désigner, et trouver des personnes ressources, les correspondants qualité, pour
auditer les personnes et/ou les activités.
Cette procédure va optimiser la phase d’auto-évaluation : il s’agit de déblayer
le terrain pour poser un diagnostic, mais c’est aussi l’occasion d’une répétition de
l’intervention de l’évaluateur. Cet audit en blanc met en place les conditions de cette
semaine d’intervention (réunion d’ouverture, auditions, réunions de clôture, analyse)
de cet organisme. Il pourra ainsi demander à 23 heures le dossier d’une personne
sortie il y a trois jours et l’on mesure le délai nécessaire, qui doit être inférieur à
20 minutes
Il est nécessaire qu’une coordination entre les thèmes se mette en place, car il
y a des questions redondantes d’un thème à l’autre. Il s’agit aussi d’éviter qu’une
même personne-ressource soit auditée plusieurs fois. Un document de synthèse va
être rédigé et une démarche d’amélioration décrite qui prend en compte des étapes,
des indicateurs et des mesures. Retenir un indicateur comme le taux d’absentéisme
ne suffit pas, car ce n’est pas lui qui va nous dire comment passer de 10 à 8 % par
exemple.
Une fois que l’on en est arrivé là, tout reste à faire. La question de la motivation
va alors resurgir avec d’autant plus de force que certains ont connu les cercles de
qualité et leur déliquescence. La grande différence, c’est qu’il n’y avait pas de textes
officiels. Ceux-ci ont bien montré néanmoins comment il faut être vigilant et cohérent.
Si l’information remontée n’est pas prise en compte, les propositions non reprises et
les décisions non suivies, beaucoup vont se démobiliser. Comme dans le cas de toutes
les démarches formelles, les textes deviennent ce que les personnes en font.

200
Les interventions

L’accréditation s’inscrit dans une logique de progrès d’un établissement de santé.


Elle accorde une place centrale au patient, à son parcours, à la coordination des soins
qui lui sont apportés, à sa satisfaction. Près de 4 000 établissements sont concernés.
On peut regretter l’absence de l’avis des usagers (marque d’une tradition paternaliste),

5. L’évaluation psychologique
mais d’une part, ils ne sont pas les mieux placés pour une évaluation, c’est un sondage
d’opinion, et, d’autre part, leur avis nécessite une analyse, de croiser des informations.
Pensons à l’exemple de cette vieille personne satisfaite d’une aide-soignante qui la
laisse ne pas se laver, insultant celle qui lui demande de prendre une douche.

14. L’examen psychologique


Il est rare qu’une prise en charge psychologique ne se fasse sans avoir réalisé
au préalable un bilan global des possibilités de l’individu. Le bilan psychologique,
véritable incipit d’une démarche, est la spécificité de cette discipline, tiraillée entre
deux registres, le psychique et le social, et s’intéressant au trajet de l’un à l’autre. Aussi
allons-nous en faire un chemin, un entre-deux, un espace de transit, un lieu et un lien
transitionnel support d’une relation. Le bilan peut être considéré comme une médiation
de la rencontre organisée que représentent la consultation et son contexte social. Un
moteur de cette prise de contact qui pose les éléments de la relation, semblable à cet
égard à toute situation de test, se trouve dans le paradoxe, qu’il nous faut accepter
comme tel, du bilan : il s’agit globalement d’appréhender ce qui est cohérent chez le
sujet dans sa similarité, sa ressemblance et en même temps dans sa distinction aux
autres. Le bilan constitue la seule situation où le psychologue demande (« à voir et
à entendre »), tandis que par ailleurs c’est le sujet qui est demandeur (d’écoute et
de compétences). L’obligé de cette situation est la rencontre thérapeutique à venir
ou déléguée. « L’appel » de cette dernière répond à des contingences sociales et à la
souffrance d’un sujet, cela suppose qu’il a une petite idée de ce qu’il vient chercher.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Le bilan psychologique permet au sujet de montrer et/ou de signifier au professionnel


ses difficultés et ses possibilités, ses échecs et ses réussites. Cette évaluation a une
double fonction : d’une part, permettre au sujet de se présenter à l’autre et de s’ouvrir
à la relation, d’autre part, de participer à l’élaboration d’un diagnostic. Il est demande
d’avis direct de la part d’un tiers, l’institution scolaire, sociale ou médicinale, il est
alors outil de communication avec le mandataire et les parents. Il est moins sollicité
directement par la personne concernée quand il s’agit d’un enfant ou d’une personne
en situation de handicap ou âgée et que l’indication nécessite justement une demande
de formulation ou de reformulation de ce qui ne va pas.
Notons combien le sujet est actif dans ce qui se passe lors d’un examen
psychologique, celui d’un temps dont la personne, enfant ou adulte, puisse bénéficier

201
Les interventions

et qui lui soit propre. Cependant, il est trop souvent assimilé à la notion de mesure.
L’examen heurte souvent parce qu’il suggère une forme de sélection, de catégorisation
et semble faire écran, notamment, à une relation spontanée. L’étiquetage est alors
avancé comme un obstacle à une évolution non prévisible. Certes, toute nosographie,
5. L’évaluation psychologique

tout diagnostic est rassurant pour tous, y compris pour le psychologue, comme toute
parole peut l’être sur du non-visible ou du non-connu. C’est négliger l’ouverture
qu’offre un savoir que de courir à la relation qui revêt à ce moment-là un manteau
fusionnel. Il nous semble cependant que les contestations de l’examen psychologique
et de la situation de test en psychopathologie, essentiellement témoins d’une époque,
sont moins vives aujourd’hui. Soulignons à quel point, par l’interaction qu’il suppose,
le bilan se distingue d’un simple test référé à une standardisation. Les données
cliniques et psychométriques se complètent. Ces mots et ce savoir nous font dire, dans
notre perspective, qu’un bilan psychologique n’est pas un devis pour autant. Il n’est
pas seulement un répertoire des difficultés et des possibilités d’un sujet. Il remplit
une fonction de photographie dans la vie, y compris institutionnelle, d’un être par son
aspect transitoire. La composante affective fait aussi de l’examen le début d’une prise
en charge. Il nous apparaît ainsi inconcevable de procéder à une deuxième évaluation
pour mesurer les progrès réalisés.
S’il s’agit de ne pas se précipiter dans cette relation, encore moins à « corps
perdu », cette approche « prudencée » par un arsenal professionnel n’échappe pas
pour autant aux composantes affectives. Nous sommes en train de dire qu’il s’agit
d’une relation avec laquelle il faut prendre ses distances. Toutefois, quel que soit le
recul que l’on peut y mettre, cette rencontre reste toujours une relation spontanée,
mais d’une spontanéité contrôlée, « armée », réfléchie. Il sera d’ailleurs toujours
préférable de voir la personne en deux séances pour une meilleure reprise du fil de
l’élaboration dont nous sommes les garants. L’intervalle entre deux rendez-vous nous
bénéficie par l’effet d’après-coup, pour orienter la suite de l’investigation, à partir de
la formulation d’hypothèses. Il s’agit souvent de voir ce qui n’a pas été abordé ou ce
qui n’est pas congruent sur l’instant. C’est également une façon de respecter le rythme
d’une personne et une attention propre à la physiologie de l’humain dans un temps
imparti. En ce qui concerne les enfants, la présence des parents n’est pas forcément
nécessaire. Néanmoins, à chaque fois que cela apparaît utile, qu’une angoisse de
la séparation gêne le déroulement des événements, l’examen se fait en présence
de la mère ou des parents. Pour les plus petits, la prise en charge est celle de la
dyade mère-enfant de façon presque naturelle. L’évaluation, nécessaire, possède deux
aspects, l’un quantitatif, l’autre qualitatif que l’on ne peut confondre sans pour autant
chercher à les disjoindre. Même si les deux sont liés, il nous faut soulever le « voile »
des libertés pour ne pas tirer le « rideau » de la manipulation. Aux deux séquences

202
Les interventions

d’un bilan font écho les trois temps de la notoriété de la mesure qui vont et viennent
au fil des cultures sociétales et des craintes de faire parler les chiffres avant de donner
la parole aux personnes.

5. L’évaluation psychologique
Quand on parle d’évaluation, c’est souvent pour questionner la légitimité du
psychologue à faire passer des épreuves quand ce n’est pas pour interroger celle des
épreuves elles-mêmes. Il est bien sûr artificiel de séparer les épreuves de leurs usages
et ce d’autant plus que cet usage divise les psychologues eux-mêmes. Support d’un
conflit idéologique majeur et rageur, la normalisation sous-jacente, l’évaluation qui
passe par une batterie de tests peut être ramenée à un plus juste milieu. Comme si,
ceux-ci, pour prendre l’exemple des chiffres de la tension artérielle, soit mesuraient
la bonne santé, soit ne signifiaient rien du tout puisqu’ils peuvent être modifiés
par l’émotion. Dans la majorité des cas, les psychologues choisissent de pratiquer
les épreuves qu’ils jugent nécessaires mais entendent rester maître des résultats,
c’est-à-dire ne communiquent que des conclusions cliniques ou professionnelles, et
non pas les seuls chiffres pour éviter toute interprétation tronquée. Le psychologue,
cet artisan du temps, a pour vocation de défendre la désaliénation et l’épanouissement
des individus et des groupes. Il est le garant de l’expression de l’individualité dans
cette société qui traite les individus comme des produits et lui demande parfois de
calibrer un développement, comme on le fait pour les œufs. La psychologie insiste sur
la relativité des faits qui garde le souci constant de la question de départ et souligne
deux références fondamentales, à un critère de la réalité et à un groupe d’appartenance.
En psychologie, on ne fait pas que tester, on observe un comportement et on dialogue.
Observer, c’est percevoir et percevoir c’est sélectionner, c’est aussi reconstruire. Dire
qu’« observer c’est percevoir » pointe les limites de cette perception. En effet, en
regard de l’espace, une observation est forcément localisée. Une observation est
toujours partielle. Cette même « partielisation » existe également en regard du temps.
Les moyens sensoriels à notre disposition prêtent à une imprécision, particulièrement
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

en ce qui concerne le trop ténu et le trop fugitif ainsi que la fatigabilité. Ces limites
sont aussi celles de l’individu et de ses capacités, en termes de fatigue et d’orientation.
Plus l’attention est orientée (spontanément ou sur consigne), plus l’observation est
sélective. En regard de la mémoire enfin, qui exige que l’on prenne des notes. À
cette sélectivité naturelle, due à l’attention, à la sensorialité, à la localisation et
à la mémoire, s’ajoute une catégorisation spontanée. Percevoir, c’est catégoriser.
Cette catégorisation est simplificatrice, voire réductrice. Être observé implique des
réactions normales de défense sociales qui oscillent entre deux pôles, l’anxiété et
l’exhibitionnisme. Face à cela, l’observateur doit posséder deux qualités : l’attention
au comportement et l’empathie, c’est-à-dire une sympathie froide. C’est de la froideur
du raisonnement dont il est question en opposition à l’incandescence des affects.

203
Les interventions

Il s’agit de se mettre, métaphoriquement ou plutôt intellectuellement, à la place de


l’autre, de faire comme si l’on était l’autre sans jamais perdre de vue la condition
« comme si ». Le dialogue dont nous avons parlé, comme venant croiser l’observation,
est un contrat de communication. Il est nécessaire d’examiner les termes de ce contrat
5. L’évaluation psychologique

car il supporte aisément l’adage qui laisse à penser que tout le monde peut entrer en
dialogue comme Monsieur Jourdain. La formation n’en devient que plus délicate, car
l’expérience professionnelle ne suffit pas pour poser les bonnes questions, il faut aussi
une expérience de l’entretien. Pire, on pense souvent qu’il suffit d’être soi-même,
or on se trouve en face de quelqu’un d’autre et l’on est en situation professionnelle.
L’examen psychologique vise à poser un diagnostic et à dégager une compréhension
de la situation présentée. Il intervient également comme prologue d’une prise en
charge, à moins qu’elle ne soit déléguée à un autre, pour laquelle la psychologie met
l’accent sur la parole en relation, mais aussi en relation d’objet pour reprendre la
désignation de ce qui résulte d’une organisation complexe de la personnalité.

15. L’expertise psychologique

• Le psychologue dans le champ judiciaire


• Cadre légal et agrément
• Caractéristiques de l’expertise psychologique
• Types d’expertise et déroulement
• Crédibilité de fond et de forme
• De quelques précautions et écueils
• Le rapport : structuration de l’expertise

 Le psychologue dans le champ judiciaire


La psychologie est une discipline d’un siècle qui marque un métier clinique de
soixante ans. Contemporaine de l’intérêt pour l’enfant, la psychologie est organisée
schématiquement autour des tests pour la première moitié du siècle dernier, puis autour
de la psychanalyse en ce qui concerne la seconde moitié. Elle va ainsi bénéficier des
progrès issus des deux conflits mondiaux, pour l’évaluation lors du premier, pour
la communication et le groupe lors du second. Les psychologues du travail et de
l’éducation officient depuis les années 20, les premiers sont des psychotechniciens
à l’époque, ceux de la santé vont attendre le développement institutionnel de prises
en charge de l’enfant et de la pédopsychiatrie. Le secteur de la justice attend le

204
Les interventions

psychologue dans ce contexte. Le premier examen psychologique judiciaire est


proposé par Guy Sinoir, psychologue, directeur de l’éducation surveillée, en 1951,
pour que les psychologues puissent être payés et exister dans ces prémices de la
profession (premier diplôme, une licence, en 1947) et face au besoin d’examens

5. L’évaluation psychologique
utiles demandés par le Code. Il envisage trois sortes d’examens et trois taux de
rémunération :
– l’examen simple ;
– l’examen complémentaire (test projectif) ;
– et l’examen semi-collectif (un niveau mental pour 5/6 mineurs).

Il se heurte à Georges Heuyer, patron de la pédopsychiatrie à la Salpêtrière,


bienfaiteur de l’humanité par ailleurs en introduisant la psychanalyse et les techniques
corporelles dans les soins, mais gardien du temple médical en permettant une
médicalisation de l’examen psychologique et en arrivant à convaincre de garder
dans la réforme de 1958 le terme d’examen médico-psychologique pour désigner cette
investigation de la personnalité, c’est-à-dire un examen psychologique pratiqué par
un médecin, ce que reconnaissait Heuyer lui-même. C’est une caractéristique de la
profession que cette dilution sociétale jusqu’à appartenir à tout le monde, ce qui ne
facilite pas la structuration de la profession quand s’y ajoutent des enjeux de pouvoir.
Il faut attendre la seconde révolution de la psychologie, après celle de son
inscription intellectuelle, universitaire (en 1947), celle de la reconnaissance de son
autonomie et de son utilité, son inscription sociale (en juillet 1985, ou plutôt le
moment de la sortie des décrets de cette loi, cinq ans plus tard), pour que la situation
judiciaire des psychologues bouge. Entre-temps, l’unicité de l’expert devient la
règle (décembre 1985) et le binôme psychiatre/psychologue perd de sa prestance.
L’économie réalisée par Robert Badinter présente l’avantage de faire sortir de l’ombre
le psychologue, éminemment capable de procéder à des expertises de crédibilité, de
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

responsabilité et de dangerosité. Ce n’est qu’en 1993 que l’expertise psychologique


apparaît pour remplacer l’expertise médico-psychologique, avec la modification de
l’article 81 du Code de procédure pénale. C’est une opportunité pour la discipline d’une
réglementation spécifique que vont soutenir Jean-Luc Viaux et Bertrand Phesans et qui
va aboutir le 13 juillet 1998 à une tarification spéciale pour l’expertise psychologique
par l’article 120-2 du CPP en date de mars 1999. Une visibilité juridique et matérielle
apparaît avec ce décret du 18 mars 1999 qui codifie à K 90 et fixe à 172,80 € l’acte
de psychologie légale (K = 1,92 € aujourd’hui). L’affaire Outreau va venir briser
l’élan de l’inscription judiciaire de la discipline. Nous avons eu l’occasion d’être
auditionné par la Commission Viout pour faire valoir le bien-fondé de l’intervention
des psychologues tout en pointant les obstacles à son plein épanouissement, mais une

205
Les interventions

prise de parole pérenne devait se mettre en place. Geneviève Cédile, qui siège à cette
commission, prend l’initiative de rassembler les psychologues experts de renom, d’où
vont émerger les structures permettant aux psychologues de devenir des interlocuteurs
à part entière des pouvoirs politiques et administratifs. C’est ainsi que l’idée s’est
5. L’évaluation psychologique

installée de créer une Compagnie d’experts particulière aux psychologues aux côtés
des autres compagnies existant déjà pour bon nombre de professions. Bertrand
Phesans préside la Compagnie des experts psychologues près les cours d’appel de
la région parisienne (CEPCARP) depuis juin 2006 et Alain Dumez, la Compagnie
nationale des experts psychologues (CNEPSY) depuis octobre 2008 (parution au JO
du 28 mars 2009).
Son insertion institutionnelle est difficile car la jeunesse de la profession se heurte
au pillage par la discipline dominante, mais le point de vue théorique offre également
une chance historique dans l’approche de la criminologie, car celle-ci a en effet
changé. Dans l’éclairage des faits criminels, on est passé d’une criminologie de la
différence, expression d’une faille ou défaillance psychologique qui pourrait expliquer
le comportement ou la personnalité, à une criminologie centrée sur le processus. Or
celui qui constitue l’objet de la psychologie est bien le conflit, intrapsychique ou
interrelationnel. Certes, on assiste aujourd’hui à une régression avec le profilage qui
nous ramène à une phrénologie moderne, mais le recours aux recettes est peut-être
un symptôme du néolibéralisme triomphant dans un pangénétisme qu’une diffusion
du savoir peut probablement enrayer. C’est en tout cas ainsi le sujet qui est intégré
dans cette seconde conception. Poser le conflit au centre du processus dont va se
saisir le psychologue ne résout pas pour autant le questionnement connexe autour
de la norme qui peut ainsi surgir dans l’opposition au groupe social, créateur d’une
norme rappelons-le. Asseoir la position du sujet comme préoccupation essentielle
de la démarche du psychologue, c’est fournir l’occasion de mettre du sens plus ou
moins cohérent aux données internes et externes de l’individu. Il ne s’agit pas pour
autant d’éliminer ce qui peut relever des failles, mais celles-ci sont alors présentes
sous forme relationnelle. Un sujet, un conflit, un contexte : c’est le trépied d’une
approche psychologique de la criminologie. Le troisième élément est absolument
fondamental de l’action et de l’analyse du psychologue dans ce contexte. C’est lui qui
fournit la relativité nécessaire à l’empêchement d’erreurs grossières ou de fautes et
donc sources d’une injustice. Ainsi, tout est en place pour la construction des enjeux
entre psychologie et justice. Le dossier de personnalité pour les adultes délinquants
apparaît en 1959 dans les procédures pénales, l’ordonnance de 1945 avait généralisé
l’étude de la personnalité de l’enfant. C’est à partir de 1975 que les chambres de la
famille vont faire appel au psychologue lorsqu’il y a litige en matière d’attribution de
l’autorité parentale ou du droit de garde.

206
Les interventions

Pour prendre un peu de champ et regarder la profession un peu de haut, la perspective


nous offre des points communs à tous les psychologues et donc aux psychologues
quand ils sont experts, auxiliaires de justice dans cette circonstance. C’est l’expert
qui nous intéresse, mais nous ne pouvons pas nous priver de pointer le champ des

5. L’évaluation psychologique
possibles non exploité par les difficultés qu’il rencontre dans sa visibilité sociale,
particulièrement dès qu’on lui demande ce qu’il fait ou sait faire. Quand le fantasme
domine, la psychologie régresse. La discipline est utile et donc particulièrement non
nuisible au champ judiciaire. Elle dispose de compétences que certains verraient
bien beaucoup plus ancrées dans le paysage jusqu’à le justifier par des études. Ainsi,
c’est avant, pendant et après l’audience que le psychologue pourrait être présent. En
amont, par son repérage des facteurs de faillibilité des témoignages oculaires. Dans
son rôle d’expert sur les conditions qui entourent l’occurrence des faits reprochés. En
aval, aussi, auprès des auteurs au cours de la peine. Également auprès des victimes,
mais il pourrait aussi intervenir lors de débriefings auprès des jurés d’assises pour la
gestion des émotions fortes rencontrées ainsi que pour les former sur les fondements
du jugement individuel et collectif. En effet, non seulement les croyances intuitives
des jurés diffèrent beaucoup du savoir expérimenté des psychologues, mais des
études montrent que les jurés sont reconnus plus compétents pour tenir compte des
facteurs d’influence et de faillibilité du jugement lorsqu’ils ont entendu une expertise
psychologique en audience1. La validité écologique n’est pas à démontrer, elle est
bien présente, mais les difficultés apparaissent dès qu’il s’agit de définir la fonction du
psychologue-expert près des tribunaux : elle est incertaine et cette incertitude nuit à sa
visibilité sociale. Le psychologue a des circonstances atténuantes par l’ambiguïté des
prérogatives de sa fonction. Pour Frédéric Chauvaud, l’expert est un juge d’instruction :
il collecte, il s’attache aux analogies pertinentes, il lie ensemble constats et indices
pour livrer une conclusion. À l’instar du jury d’assises, il rend un verdict. En effet, il
doit être impartial, mais il rend un avis. Il est auxiliaire de justice s’il est extérieur au
rituel judiciaire. C’est aussi le problème des métaphores : « l’autopsie psychique »
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

de Serge Georges Raymond et autre « trajectoire (balistique) de la personnalité »,


celle-ci nous l’avons adoptée en nous inspirant de Jacques Leyrie pour insister sur la
nécessité de la minutie de l’examen de la trajectoire des personnes.

1. Durham M. D., Dane F. C. (1999). « Juror knowledge of eyewitness behavior : Evidence for the
necessity of expert testimony », Journal of social behavior and personality, vol. 14, n◦ 2, p. 299-308 ;
Kassin S. M., Ellsworth P. C., Smith V. L. (1989). « The "general acceptance" of psychological
research on eyewitness testimony : A survey of the experts », American psychologist.

207
Les interventions

 Cadre légal et agrément


L’expertise psychologique couvre un vaste champ qui s’étend de l’auteur au
plaignant et de l’enfant à l’adulte. Elle livre des données utiles au magistrat pour
5. L’évaluation psychologique

circonscrire le sujet déviant et comprendre des actes ou arbitrer un conflit. La première


des formalités est l’inscription nécessaire sur une liste ; comme elle se fait sur demande,
elle équivaut à l’acceptation de toutes les règles du jeu dont trois :
– un serment, au pénal seulement ;
– un rapport de ponctualité, remis tous les ans qui comporte le nombre de rapports
déposé en cours d’année, les dates de décision et les délais impartis ;
– une abstention de toute publicité de la qualité sous deux dénominations précises :
« expert agréé par la cour de cassation » ou « expert près la cour d’appel de... ».
Les titres ne peuvent figurer que sur le papier à en-tête et sur des cartes de visite.
La demande volontaire de solliciter une inscription sur une liste d’experts déclenche
une enquête moins menée par les renseignements généraux que par le commissariat
du domicile. Elle doit être adressée à Monsieur le procureur de la République en trois
exemplaires, chaque dossier comprenant :

Dossier de candidature à l’expertise psychologique

– une lettre de candidature ;


– un formulaire d’inscription ;
– une photo ;
– un CV détaillé avec la liste des publications éventuelles ;
– les photocopies des diplômes, même si le n◦ Adeli devrait suffire ;
– une autorisation de cumul pour les salariés fonctionnaires et/ou une attestation de l’employeur
autorisant à effectuer des expertises sur le temps de travail ;
– une attestation indiquant que l’activité professionnelle permet de mener à bien des expertises et
que tous changements de la situation professionnelle ou de coordonnées seront transmis ;
– un document justifiant d’une activité principale sur la juridiction ou un domicile.

Au fur et à mesure que la Compagnie nationale des experts psychologues


sera opérationnelle, elle sera amenée à donner son avis sur cette candidature. La
responsabilité des actes est importante quand on se prononce sur la responsabilité des
actes des autres : la responsabilité morale est-elle l’équivalent de la conviction intime
du juge ? La responsabilité du psychologue-expert relève de celle du droit commun,
il est donc nécessaire que trois conditions soient réunies pour qu’il y ait poursuites :

208
Les interventions

– des dommages subis, c’est-à-dire la preuve d’un préjudice – c’est particulièrement


la contre-expertise qui peut la montrer – ;
– une faute commise ;

5. L’évaluation psychologique
– un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Quatre types de fautes peuvent être reprochés :


– défaut de prudence ;
– défaut de vigilance ;
– défaut d’impartialité ;
– défaut de compétence.

L’acte psychologique n’est donc pas reconnu de suite et est payé illégalement
toutes ces années par alignement sur les tarifs des psychiatres, jusqu’au décret du
18 mars 1999 qui codifie à K 90 et fixe à 172,80 € l’acte de psychologie légale.
L’expertise psychiatrique est codifiée 6 C psy (205,81 €) et 6,5 C psy pour un délit
ou un crime à caractère sexuel. Ce tarif concerne le droit pénal, il est donc uniforme
sur tout le territoire, seuls les tarifs des kilomètres ou les carences, l’absence des
personnes aux expertises, changent d’une juridiction à l’autre. En droit civil, la
rémunération dépend de la consignation demandée aux parties, le minimum tournant
autour de 300 €. Une note détaillée remise au moment du rapport est nécessaire
pour le versement des honoraires. Une fonction donc plus honorifique que lucrative
pour cette obligation de résultats et non de moyens. Selon l’article 238 du Code de
procédure civile, le psychologue est un technicien spécialisé : « Il doit donner son
avis sur les points pour l’examen desquels il a été commis. » Selon l’article 117
du Code de procédure pénale, il est nécessaire que les expertises psychologiques
« soient pratiquées par un psychologue agréé ». Longtemps régie par la loi de 1971,
l’inscription de l’expert l’est aujourd’hui par celle du 11 février 2004 qui énonce
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

une période probatoire de deux ans et une inscription renouvelable sur les listes tous
les cinq ans. Depuis cette loi, il y a une suspicion sur l’usage qui peut en être fait
quand l’indépendance de ce professionnel peut être malmenée, l’expert pouvant être
incité à produire ce qui est attendu, d’où l’importance de critères pour contrôler les
expertises, mais lesquels ? La satisfaction du magistrat, celle de l’usager, celle des
pairs ? Question de compétence ? La cohérence du discours n’est pas la garantie
d’un travail scientifique : la différence entre scientisme et scientifique relève de la
méprise qui confond crédible et vrai. Le recours disciplinaire est la radiation ou la
non-réinscription. Ici comme ailleurs, seul le travail bien fait compte et un magistrat
préfère toujours un travail argumenté qui va à l’encontre de ce qu’il pouvait penser
initialement qu’un document qui abonde dans son sens au point qu’il aurait pu s’en

209
Les interventions

dispenser. Une ordonnance de commission d’expertise avec une mission précisée par
des questions et des pièces du dossier permet au psychologue d’exercer cette activité.
L’expertise reste une activité et non constitutive d’une profession.
5. L’évaluation psychologique

 Caractéristiques de l’expertise psychologique


C’est avant tout une mission d’évaluation qui n’a rien de thérapeutique. Ce n’est pas
non plus une audition, ni une enquête sociale. C’est « une autopsie psychologique »
pour reprendre l’expression de Serge Georges Raymond. Cela est une image, mais il est
nécessaire parfois de le préciser quand le plan Ménard en 2008, par exemple, conduit
à « muscler le cerveau » dans une démarche qui se passe d’ailleurs des psychologues.
Ce n’est pas un temps thérapeutique quoi qu’en disent certains, peut-être de surcroît,
et encore, peut-être un soulagement, mais l’on n’est pas vraiment concerné, quand
bien même on pose du sens. C’est une trajectoire de vie qui est examinée, avec
une minutie comparable à l’étude balistique en criminalistique. Ce pourrait être une
mesure balistique de la personnalité pour insister sur l’examen d’une trajectoire, mais
aussi sur la minutie avec laquelle on procède à l’examen. C’est une de nos grandes
spécificités que de relever le détail... qui tue, mais aussi chercher à savoir à qui profite
le crime, c’est-à-dire les enjeux psychiques et psychosociaux.
Qui plus est, le client n’a rien demandé, il est sous contrainte même s’il a le
choix de ne pas répondre, avec la relativité que nous pouvons y percevoir. C’est un
entretien semi-directif et une observation ainsi que des tests en recours ; concernant
ces derniers, avec du pour et du contre qui reprennent les réserves d’une caution
scientifique à tous crins, mais aussi l’évitement des critiques quand tout choix de test
est contestable par la partie adverse, quand c’est donner à l’adversaire un support de
contestation, mais aussi une position confortable du moindre effort. Le psychologue
est en mesure d’argumenter ses choix et il est particulièrement important qu’il le
fasse dans ce type de prestation. En pratique, nous allons avoir des avis divergents,
allant du respect scrupuleux du contradictoire qui conduit à produire toutes les traces
jusqu’à des résultats bruts de Rorschach pour répondre d’une contre-expertise jusqu’à
l’abstention ferme de ne produire rien des propos de la personne ou de ses productions
pour ne rendre compte que d’une compréhension du fonctionnement psychique du
sujet en rapport avec l’acte.
Une étude anamnestique, mais au-delà de la biographie, c’est une analyse des
moments-clés du développement de la personne et des choix retenus (formation,
parcours conjugal, nature de l’insertion sociale et professionnelle). Une analyse et
une synthèse des données recueillies centrées sur l’histoire personnelle du sujet. Les
caractéristiques du fonctionnement psychique vont ainsi être observées : le registre
des angoisses, le statut et l’efficience des défenses et des identifications ainsi que le

210
Les interventions

mode de relation d’objet pour aboutir à une discussion en fonction de la structure de


personnalité et la reconnaissance des potentiels réaménagements psychiques. Nous
sommes au plus près d’une application du « Bergeret ». Il s’agit d’entendre la vérité
d’une personne par rapport aux faits et non se prononcer sur la vérité des faits. C’est

5. L’évaluation psychologique
une enquête psychique, donc ne rien prendre comme une évidence, car il s’agit de la
construction d’une trame cohérente, voire une reconstruction de quelqu’un pour lui
redonner figure humaine, même avec des trous et des défaillances. Le secret de notre
réussite est véritablement ce sens de l’énigme psychique et non de la curiosité. Cette
nécessaire minutie ne peut pas avoir affaire avec les propos d’une concierge.
L’exercice psychologique est délicat en soi, la pratique de l’expertise y apporte
des particularités qui obligent à repenser l’activité du psychologue, en particulier les
places de la technique et du sujet, mais aussi le statut du secret professionnel ainsi
que la référence à l’écrit. En ce qui concerne la première, elle se tient dans l’ombre
naturellement, comme toute activité de travail, mais la méthode psychologique est
également dans la pénombre tant le discours est en avant. Nous n’insistons pas
d’avantage sur le partage de la psychologie par tous et de l’attente fréquente que le
psychologue confirme ou infirme ce que les acteurs de la justice pressentent ou veulent
entendre. Il est vrai que les données psychologiques s’appuient sur la subjectivité
des personnes et cette spécificité apparaît comme un handicap. La seconde place en
jeu est celle du sujet à qui l’on ne s’adresse pas directement comme dans les autres
secteurs d’activité du psychologue. L’expertise s’adresse en effet au président, si bien
que le sujet assiste à un discours sur lui sans en être l’interlocuteur. Comment lui en
faire part et nuancer en fonction de sa personnalité, normale, voire « normosée », ou
pathologique ?
La pratique du secret n’est pas du tout la même pour le psychologue, en situation
bien souvent de confident par fonction et pour l’expert, en situation d’auxiliaire de
justice. Le secret s’applique, dans ce dernier cas, à tous les éléments hors dossier, hors
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

expertise, actuelle et passées, puisque les expertises antérieures peuvent légalement


être utilisées. L’expert s’en tient aux déclarations de la personne. Le psychologue
est délié du secret professionnel vis-à-vis de l’autorité judiciaire, mais non envers la
société civile, notamment à l’encontre des médias. Dans une procédure pénale, s’y
ajoute le secret de l’instruction. Le secret va se mesurer à l’aune des questions posées
dans la mission, limitant ainsi les révélations. Le travail de l’expert s’apprécie sur
son écriture et elle seule, même si les jurés en assises doivent comprendre à partir du
seul exposé oral. C’est par l’écrit que le psychologue a l’opportunité de faire entendre
cette place de sujet en lieu et place de son rôle social d’accusé ou de victime. Pour
être plus précis, il s’agit d’un plaignant et d’un auteur, ce n’est qu’à l’issue du procès
que l’on saura si la personne est victime ou non, accusée ou non. C’est un plaignant

211
Les interventions

en procédure pénale, c’est un demandeur en procédure civile. De même, une personne


est un accusé s’il y a crime, elle est un prévenu s’il y a délit, elle pourra être relaxée ou
condamnée pour ce délit et acquittée en cour d’assises. Balisé par la déontologie de la
profession et produit à l’encre de l’éthique de ce professionnel, c’est sa responsabilité
5. L’évaluation psychologique

entière que le psychologue engage entre les lignes de son rapport. La pratique de
l’expert n’est pas sans risques puisqu’il ne peut en maîtriser les effets. Aussi, une
formation idoine est nécessaire et une expérience appropriée permet le dépassement
de certaines contradictions et confusions liées au cadre de l’expertise. L’enjeu en est
bien de répondre à la demande judiciaire, sans s’y soumettre, ni la contourner.

 Types d’expertise et déroulement


Le cadre mis en place est fondamental. Au-delà de la conventionnelle convocation
des individus non détenus, il est important de signifier par écrit à une personne sous les
verrous la rencontre prochaine. Voir la personne deux fois est une bonne chose, mais
pas forcément facile à mettre en œuvre comme la restitution que l’éthique de chaque
praticien ordonne. Selon toute procédure, face à la personne, il est naturel d’annoncer
le menu de l’entretien comme à chaque fois que l’on rencontre quelqu’un (but, motif et
rapport écrit). Une préconisation consiste à négliger l’invitation à l’adenum courant qui
consiste à énoncer « faire toutes observations ou remarques utiles... », véritable piège
à la perception des limites de l’exercice. L’écrit qui par ailleurs respecte cette double
contrainte d’une qualité technique accessible à la lecture de tous. Le psychologue en
position d’expert est amené en effet à répondre à des questions posées par le magistrat
dans une lettre de mission. Nous pourrions même dire : répondre aux questions, à
toutes les questions et rien qu’aux questions pour reprendre le serment des témoins. Il
est utile de rappeler qu’il n’y a d’expertise qu’un examen demandé par une autorité
judiciaire ou administrative en fonction d’un code ou un autre (Sécurité sociale, Code
de procédure pénale...). En dehors de ce cadre, l’examen n’est qu’un avis spécialisé.
Ici, il est demandé au psychologue reconnu spécialiste :
– d’évaluer un sujet ;
– d’expliquer les raisons de son comportement ;
– et de conseiller le magistrat.
Lorsqu’elle est demandée par le juge aux affaires familiales, la mission consiste
en général « après entretien avec chacun des parents, de faire toutes les observations
propres à apprécier les mesures à prendre dans le meilleur intérêt de l’enfant ». S’il y
a lieu de dépasser la situation de crise, il n’est pas question de concilier les parties,
ni de faire un bilan. En revanche, il est nécessaire d’écouter et de comprendre. On
observe une situation et on l’analyse avant de donner au magistrat une analyse en

212
Les interventions

fonction du questionnement. En général, il s’agit du choix de la résidence de l’enfant,


mais aussi du mode de garde ou du refus de l’enfant de voir un des parents. Il est utile
en fonction de l’âge de l’enfant de le voir lors d’un entretien clinique pour évaluer son
développement affectif, l’analyse de son discours, son niveau de maturité, le trauma

5. L’évaluation psychologique
éventuel. Chez les parents, il est examiné l’évolution de la famille, l’évaluation de leurs
capacités éducatives, leurs réactions par rapport à la situation en particulier avec les
nouveaux partenaires, l’influence des grands-parents. Il est important de voir comment
les parents se positionnent par rapport à l’enfant, quelle est la place de l’enfant dans
leur trajet de vie, dans la situation actuelle et les raisons de la modification de la
situation.
Lorsque l’expertise intervient en dommage corporel, le psychologue est souvent
présent comme sapiteur, c’est-à-dire sollicité par un expert principal qui a recours à
un spécialiste sur un domaine qu’il ne maîtrise pas suffisamment. La situation la plus
classique est celle d’une évaluation du degré de gravité des séquelles post-traumatiques
d’un blessé et la gêne fonctionnelle qui en découle. Le bilan neuropsychologique, le
plus souvent, permet de mettre en lumière les capacités conservées et les composantes
perturbées et éclaire l’état antérieur. Il s’agit de mettre en évidence les éléments qui
permettent de définir le lien de causalité entre les troubles et l’accident.
Lors d’une expertise de victime, il est nécessaire de respecter sa pudeur, gagner
sa confiance, de restituer sa parole et d’éviter toute sur-victimisation (toute suspicion
comme second trauma). Nous reviendrons ci-dessous sur la valeur de cette mission
pour le psychologue. L’entretien doit permettre d’aboutir à l’analyse de la structure
de la personnalité, de son mode de relation aux autres, de ses mécanismes de défense
et la nature de ses anxiétés ou angoisses. Il repère le contenu latent, des possibles
carences affectives et le caractère éventuellement pathogène de milieu.
La personnalité d’un mis en examen est étudiée ainsi que ses relations aux autres et
sa perception de l’acte, en cabinet ou en prison selon les circonstances. L’anamnèse
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

est retracée, les événements marquant de sa vie repérés, sa sexualité et son acceptation
de la loi sont abordés. Classiquement, quatre axes sont retenus : son histoire, son
environnement, son contexte social et culturel, son organisation de la personnalité.
Un exemple de mission parmi d’autres :
– analyser les dispositions de la personnalité de Monsieur XY ou de Madame XX
dans les registres de l’intelligence, de l’affectivité et de la sociabilité et apprécier
leurs dimensions pathologiques éventuelles ;
– faire ressortir les facteurs personnels, familiaux et sociaux ayant pu influer sur le
développement de sa personnalité ;
– déterminer les niveaux d’intelligence, d’habileté manuelle et d’attention ;

213
Les interventions

– préciser si des dispositions de la personnalité ou des anomalies mentales ont pu


intervenir dans la commission de l’infraction ;
– indiquer dans quelle mesure la personne est susceptible de se réadapter et préciser
quels moyens il conviendrait de mettre en œuvre pour favoriser sa réadaptation.
5. L’évaluation psychologique

Lorsque l’expert intervient aux assises, la prestation est orale, c’est dire l’importance
d’être compris de tous, mais également de pouvoir faire face à l’avocat de l’accusé
sans être déstabilisé.

 Crédibilité de fond et de forme


La compétence des experts engage la crédibilité d’une profession, mais au-delà
de cette évidence, il nous faut examiner ce concept quand il fait partie du paysage
expertal, des missions confiées et celui, plus douloureux, de l’actualité médiatique.
L’expertise est un avis technique mandaté et tant que tel, ne pouvant se substituer
à une fonction « jugeante » aussi tentante soit-elle. Elle y est déjà pour l’expert, il
apparaît nécessaire qu’elle ne soit pas incitée par la justice. Or l’établissement de la
vérité judiciaire s’est engouffré dans une demande croissante d’examens de crédibilité
jusqu’à l’affaire Outreau. Il est censé avoir disparu, mais son utilité demeure, c’est
un examen de victime. Il est vrai qu’en matière d’agressions sexuelles, les éléments
matériels sont souvent précaires, voire inexistants. Aussi, la tentation est-elle grande
de transmettre le fardeau de l’établissement de la preuve à l’expertise, alors qu’il
appartient au juge seul de décider si les faits sont établis ou non, certes en s’appuyant
sur différents éléments dont les expertises.
Au-delà du procès d’intention qui pèse sur la victime et sa moralité, de la
discrimination d’un tel examen, demandé pour les seules femmes et enfants, il y
a lieu d’examiner la portée d’une telle pratique. Deux premiers constats s’imposent
avant de voir comment le psychologue s’arroge de cet exercice et s’en arrange.
Si cet examen n’est pas obligatoire, ni même prévu par un texte, il est ordonné
dès qu’il est demandé pour ôter tout soupçon. Non seulement la victime connaît
cette suspicion lorsqu’elle le refuse, mais elle est si prégnante qu’elle envahit la
procédure. Par ailleurs, les experts considèrent presque toujours les victimes comme
crédibles, c’est-à-dire comme ne présentant pas de caractères psychopathologiques les
prédisposant au délire ou à la mythomanie. Devant ce systématisme, les interrogations
doivent porter sur la méthodologie des professionnels qui mettent en œuvre un art
aussi peu discriminant entre les personnes d’une part, sur la nécessité de la démarche
d’autre part. Au préalable, il est nécessaire de sonder la pertinence de la question
au-delà de la formulation – dire s’il s’agit d’une personne anormalement suggestible
ou influençable, vicieuse, perverse, portée à fabuler, à inventer, à mentir, dont les

214
Les interventions

déclarations sont dignes de foi... En effet, la crédibilité de la question se pose lorsque


l’on admet que l’on peut être mythomane ou délirant et avoir été agressé, mais aussi
avoir un mobile pour accuser sciemment un innocent. L’intérêt de cet examen est-il
patent ou la responsabilité trop lourde pour que la difficulté soit contournée, le rendant

5. L’évaluation psychologique
inopérant ? De plus, la fiction utile que constitue le mensonge vient troubler les esprits.
Cela est d’autant plus vrai que le mensonge présente une occurrence d’apparition
qui augmente avec la bonne santé psychique et diminue avec l’empêtrement dans
une symptomatologie lourde. Sa présence est d’ailleurs inversement proportionnelle
à la gravité de la symptomatologie : plus la pathologie mentale est grave, moins il y
a de place pour le mensonge. Nous avons montré ailleurs que l’apparition de cette
manifestation chez l’enfant est une preuve de son autonomie psychique : si l’on croit
mes petits mensonges enfantins, c’est bien que ma mère ne puisse pas « lire » dans
ma tête, ni deviner mes pensées.
Pour tenter d’apporter quelques éléments de réponse, il nous faut nous tourner
vers les paradigmes de la psychologie afin de situer cette crédibilité et ses modalités
d’une part, pour interroger la place du mensonge et de ses collatéraux que sont le
déni et la simulation d’autre part. Nous questionnerons la seconde part dans un autre
chapitre. Dans l’exercice de la psychologie lorsqu’elle est centrée sur les soins ou le
mieux-être des personnes par des entretiens centrés, eux, sur la parole, la crédibilité
des personnes non seulement va de soi, mais est devenue un postulat incontournable
des pratiques cliniques, notamment d’inspiration psychanalytique. En effet, parce
qu’il était vain de vérifier les dires de ses patients et que leur véracité ne changeait
pas les effets produits, notamment la souffrance, Sieur Freud en arrive à prendre pour
argent comptant, pourrait-on dire, tout ce qui est dit puisque ces personnes le croient. Il
invente ainsi la réalité psychique et transforme la notion de fantasme, fait de la parole
le seul matériel à travailler à partir de la situation qui va se vivre dans un transfert
pour le patient et un contre-transfert pour le thérapeute. Les intérêts à partir de ce
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

que les personnes racontent pour les amener à changer sont nombreux, à commencer
par l’efficience. Partir des trois lieux ainsi distingués, ici et maintenant, ailleurs et
maintenant et ailleurs et autrefois, permet repérages et élaborations des situations
de souffrance. Ce sont d’ailleurs les contradictions, les décalages, les dissonances,
les incohérences qui font l’objet des interventions du psychologue et de l’avancée
de la personne. La vérité psychique ainsi débusquée apparaît comme relevant d’un
autre registre conduisant à un quiproquo avec la recherche d’une vérité judiciaire que
le psychologue doit évincer de ses préoccupations. Le quiproquo est entretenu par
le questionnement sur une situation, celle des faits, alors que la dimension clinique
positionne le psychologue et ne lui permet de répondre que dans et par la situation
d’expertise.

215
Les interventions

La frontière entre le fond et la forme est ténue qui autorise le psychologue à évoquer
pourquoi la personne a commis l’acte qui lui est reproché ou pourrait l’être, mais non
de parler de ce qu’il a commis. Or il est important de ne pas prendre le reflet pour
l’image. Il n’est pas demandé au psychologue une explication de l’acte, mais de sortir
5. L’évaluation psychologique

de la représentation sociale d’un auteur ou d’un plaignant et de ce qu’il fait ou subi


pour mettre en questions la situation d’expertise afin de donner une place de sujet
à cette personne. En toutes circonstances, le sujet est sujet et c’est au psychologue
d’établir ce fait, voire de rétablir cette vérité. Aussi, pouvons-nous légitimement nous
demander si la justice et la psychologie parlent de la même crédibilité puisqu’ils
n’en font pas le même usage. Pour le psychologue en position de thérapeute, non
seulement toute personne est crédible, mais elle l’est encore plus lorsqu’elle est dans
ses symptômes. Pour l’expert, à qui l’on demande d’évaluer, par un acte à visée
non thérapeutique, un préjudice ou un état mental, dans un contexte biographique, il
n’existe que des facteurs psychopathologiques, en l’occurrence la mythomanie et le
délire, qui puissent mettre en doute une crédibilité. Pour le juge, la crédibilité apparaît
comme un moyen d’accès à la preuve ou à la présomption, voire à la vérité, parmi
d’autres.
À partir des connaissances que le psychologue a mises en évidence chez l’individu
en évolution, que ce soit dans son développement en ce qui concerne l’enfant ou
dans les changements qu’opère un traumatisme, chez l’enfant comme chez l’adulte, il
est nécessaire de penser le cadrage de cet examen en regard des questions de fond,
mais aussi de forme, aussi pragmatiques soient-elles comme l’âge auquel il doit
avoir lieu et le délai à prendre en compte par rapport aux faits et au dévoilement de
ceux-ci. Ces préoccupations interviennent à partir du moment où l’on répond par
l’affirmative à la nécessité de maintenir cet examen et à la conviction de réformer
celui-ci, particulièrement en fonction de cette dimension temporelle. L’évocation de
l’âge et du délai tend à rendre l’examen de crédibilité périssable et ainsi vulnérable
dans sa fiabilité, mais il est fondamental de reconnaître que le temps modifie la
perception d’un fait et son organisation dans la mémoire, tout comme la répétition
d’un récit transforme l’économie de celui-ci. La commission Viout n’a pas empêché
l’expertise de crédibilité, elle a préconisé de ne plus employer le terme tant celui-ci
est objet d’ambiguïtés. Cependant, gommer le mot n’efface pas la question de la
crédibilité qui est également celle de l’interface entre deux disciplines qui ne parlent
pas le même langage. L’incitation présente est aussi celle de l’examen du contexte
dans lequel se fait une révélation au-delà du questionnement psychopathologique
usuellement posé.
L’avènement d’un Code de déontologie des psychologues est structurant pour cette
jeune profession tournée vers l’harmonisation européenne. La réflexion éthique, dont

216
Les interventions

les développements historiques récents sont porteurs pour la psychologie, tient un


objet d’étude particulièrement intéressant avec la demande sociale de l’examen de
crédibilité et à travers lui un travail d’élaboration sur la question du mensonge et de
la vérité. La crédibilité des personnes, examinée par le psychologue- expert, pose

5. L’évaluation psychologique
de nombreuses questions éthiques et déontologiques sur l’exercice même de cette
pratique et ouvre de vastes interrogations sur ce qui se dit et ne se dit pas en expertise,
objet des préoccupations du psychologue en situation ainsi que sur sa position même
de professionnel. Cette appréhension scientifique de la preuve s’incarne désormais
sous un jour nouveau avec l’expertise du plaignant, car elle conduit le psychologue
sur le terrain du fond de l’affaire. Son rapport est susceptible d’ouvrir des procédures,
nous rappelle Alain Dumez1 . Définir un retentissement psychique chez une victime
présumée est utile à la poursuite d’une instruction. Ce type d’expertise intervient sur
la qualification des faits, voire le quantum. La justice demande plus qu’un avis dans
ces circonstances. Le psychologue travaille sur le lien avec le fond s’il n’intervient
pas sur les faits.

 De quelques précautions et écueils


La finalité de l’expertise consiste à donner du sens, mais non à prêter de l’intention,
il y a là un glissement vers l’intention auquel il faut faire attention. Si l’on prête, c’est
bien que c’est à soi et ça ressemble ainsi fort à de la projection. Une projection de pensée
que l’on attribue à l’autre et dont on se décharge par la même occasion. La construction
et les présupposés sont beaucoup plus intellectuels que lors d’une construction du sens
d’une situation. Celle-ci est par ailleurs le fruit d’une élaboration partagée ou tout du
moins partageable avec la personne concernée. Cette appropriation élaborative repose
sur notre capacité à faire des liens et des associations, qui repose certes sur une logique
interne, personnelle au psychologue, mais relève de sa compétence. La frontière n’en
demeure pas moins fine entre les deux démarches à certaines occasions ou plutôt chez
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

certains professionnels. Donner du sens, c’est rendre compréhensible une situation


qui est complexe par définition puisque c’est de la vie psychique d’une personne dont
il s’agit avec ses motivations, ses désirs et ses angoisses. C’est d’ailleurs parce qu’il
s’agit d’hypothèses qu’il est nécessaire d’être prudent.
On intervient sur des faits psychiques et non des faits réels. La version individuelle
de la perception de la réalité nous intéresse plus que la réalité. L’intégration,
l’interprétation, l’appropriation de la vie nous concerne, c’est le point de vue
de la personne qui nous légitimise, non ce qui s’est passé. La transgression est

1. Dumez A., cours 2009 de l’option « Expertise psychologique » du DU de réparation juridique du


dommage corporel, université Paris-Descartes.

217
Les interventions

épistémologique et c’est une intériorisation de la loi de la psychologie : on n’est pas


directement sur le registre de la preuve. C’est un avis technique, on n’intervient donc
pas pleinement sur le fond, c’est même une transgression pénale. Il y a un deuxième
niveau, car tous les psychologues n’entendent pas la même chose en fonction de leur
5. L’évaluation psychologique

bagage théorique derrière la réalité des faits, mais nous laissons pour le moment ce
débat épistémologique interne à la discipline. Sans même évoquer le dévoiement
conceptuel qui fait dire à Arthur Janov par exemple que le refoulement est visible
à l’électroencéphalogramme. Nous insistons avant tout sur la grande vigilance à
s’emparer d’une demande du magistrat qui n’est pas toujours sans ambiguïté et à
maintes occasions. Il est en effet prêt à se décharger du fardeau de la preuve, quand il
ne pousse pas à l’instrumentalisation, car non seulement l’avis technique n’est pas
une preuve, mais comme tout le monde fait de la psychologie, on peut se retrouver,
l’espace de quelques instants, comme contraint à « devoir » confirmer les intuitions
du magistrat.
Le psychologue est le roi du sens et il va en construire avec le sujet après-coup ;
cette construction d’un système explicatif, voire d’une théorie, qui fera sens pour
le sujet dans les règles de l’art : pas d’interprétation sans la personne comme il n’y
a pas d’interprétation de dessin d’enfant sans les commentaires en live de l’enfant.
Seulement, vis-à-vis des acteurs judiciaires, il est nécessaire de faire attention à ne pas
laisser entendre que la logique du psychisme est la réalité et de prêter le sens décelé
comme une intention préalable. Assumer n’est pas jouer. Renoncer à vouloir donner
du sens à tout prix, c’est éviter le glissement d’auxiliaire de justice à « auxiliaire
d’accusation » comme le dit Michel Dubec. Le psychologue est expert, il n’est pas
criminologue. Il prend le parti de l’individu et non celui de la société. En ce sens,
on pourrait laisser entendre qu’il n’intervient qu’à décharge, jusques et y compris à
reconnaître qu’il prend part à la construction de la vérité.
Non seulement une construction après-coup n’est pas l’intention d’avant le « coup »,
mais la clarté doit primer dans le discours tant la confusion des langues est prégnante.
Des termes polysémantiques, polysémiques et polémiques, se parasitent mutuellement
entre langage juridique et langage psychologique ou psychanalytique à commencer
par la loi : qu’elle soit symbolique ne veut pas dire qu’elle soit pénale, mais aussi la
transgression, le passage à l’acte, la culpabilité, la réparation... Dire que la maturité
psychique ne s’arrête pas au respect de la loi mérite des éclaircissements réservés aux
initiés des travaux de Lawrence Kolhberg par exemple, sur les stades du développement
moral chez l’enfant. Plusieurs facteurs ou signes d’alerte nous font nous méfier de la
culpabilité par exemple :
– sa mesure : il n’y a pas d’instrument de mesure ;
– son diagnostic : elle peut être masquée par une sidération ou une révolte ;

218
Les interventions

– son absence : la croyance que l’absence de remords est un signe de récidive ;


– sa simulation : elle peut être simulée et ne constitue en rien un pronostic de récidive ;
– sa légitimité : tout ça fait qu’il est légitime de se demander s’il est utile de la

5. L’évaluation psychologique
rechercher d’autant ;
– qu’elle est proportionnelle au degré de responsabilité que s’attribue la personne.

Comme la plupart des questions posées à l’expert, le magistrat l’interroge sur un


déterminisme psychobiographique de l’acte qui est reproché, il s’agit de ne pas prêter
le flanc à la confusion entre être socialement responsable et être psychologiquement
responsable. L’expertise du psychologue n’en soulève pas moins d’autres lièvres que
cette métaphore du juge d’instruction pour évoquer l’activité du psychologue-expert.
Il en va ainsi de la contrainte, du jargon, de la validité et de la discrimination auxquels
nous associons autant d’effets pernicieux si nous baissons notre vigilance.
Le traitement sous contrainte a déjà fait réfléchir les psychologues qui posent celui-ci
comme un cadre adapté à des pathologies limites où l’obligation est contenante et
permet qu’un processus se déroule. Il intervient alors comme un cadre particulier,
intrusif certes, mais aussi étayant des capacités d’autonomie réduite. Après tout, le
magistrat intervient comme un tiers qui marque à la fois une préoccupation – c’est
elle qui provoque la rencontre clinique –, et une référence à la loi – il y a des enjeux
derrière de sanction. Donc contrainte, oui, mais peut-être un choix inconscient de
l’acte inaugural qui conduit à cette rencontre non choisie. La contrainte est également
du côté de l’expert avec son statut d’auxiliaire de justice, même s’il peut choisir
d’accepter ou non une mission, avec des questions auxquelles il est nécessaire de
répondre. L’accepter, c’est pouvoir se dégager de cette obligation par un investissement
dans une position clinique qui permet l’émergence d’une subjectivité dans laquelle le
sujet est susceptible de se retrouver. Ce dégagement passe par une capacité à penser
qu’il faut déployer particulièrement à travers une suspension du jugement pour une
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

analyse clinique.
Le jargon est également une préoccupation. Comment écrire clair sans tomber
dans le sens commun, c’est-à-dire un détour obligé par une élaboration, soit une
complexification puis une « décomplexité » pour ne pas confondre sens commun
et langage commun. Le piège réside dans la nature du détour et particulièrement la
toute-puissance que nous offre une psychologie qui se présente comme une science.
Vient se greffer un second piège dans le risque de confusion qu’engendre un langage
qui paraît banal. Un jargon des plus abscons lève à cet égard toute ambiguïté, mais
nous ne sommes pas médecins. Or les règles du général et les données statistiques qui
les accompagnent ne vont pas coller à ce cas par définition particulier et qui nécessite
une investigation clinique. Pour autant, l’analyse du transfert et du contre-transfert

219
Les interventions

n’est pas exclusive d’une description de la dynamique du fonctionnement psychique,


c’est-à-dire un examen psychologique.
La validité est également au centre de notre crédibilité. Celle de l’instrument ne
5. L’évaluation psychologique

fait pas celle de l’interprétation qui est tirée de la situation. À l’inverse, l’absence
de validité de nos connaissances théoriques n’invalide pas l’opinion et la valeur de
l’analyse portée sur une situation. La psychologie n’est pas seulement une science,
c’est aussi un art. Les données statistiques ne font pas de nous des devins et jouer de
la prédiction normative reste une erreur fondamentale, pour ne pas dire une imposture.
Des descripteurs généraux ne seront jamais applicables tels quels à un sujet et nous
devons faire le deuil de la saisie d’une réalité objective passée comme d’une prédiction
juste du futur. Comme si les statistiques permettaient un clonage symbolique. C’est
bien cette faible prédictivité qui nous fait nous tourner vers la subjectivité parce que
l’on n’a pas oublié que Sigmund Freud a fort justement abandonné la réalité pour la
réalité psychique. C’est elle notre fonds de commerce. De plus, l’exactitude d’une
conclusion ne garantit pas celle des prémices. C’est dire combien la simple logique est
insuffisante. C’est l’interprétation de l’expérience qui conduit au sens des situations.
Nous avons à nous prononcer sur la réalité subjective d’un individu, c’est-à-dire une
construction qui comprend l’interprétation qu’un sujet se donne d’un événement vécu
y compris à son insu. Les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Cette
subjectivité, nous en faisons un instrument de connaissance de l’individu pour un
accès du passé sur le présent.
Comme tout le monde est pourvu d’une subjectivité, il y a un danger de collusion
des subjectivités, car il ne faut pas confondre la sienne et celle de l’autre, mais c’est
aussi un puissant moteur, car notre propre subjectivité va être un levier pour atteindre
celle de l’autre. C’est en restant à distance, qu’il est possible au psychologue de
conclure avec impartialité. Même s’il ne s’épanouit pas comme dans un processus
de prise en charge, il faut s’appuyer sur le contre-transfert et plus particulièrement
sur les « identifications contre-transférentielles éphémères » comme le suggère Diane
Casoni (2007), c’est-à-dire accepter ce léger vacillement identificatoire présent dans
chacune des situations proposées, un peu comme l’acteur se laisse pénétrer par
son rôle. C’est une erreur méthodologique que d’évacuer les effets que produisent
sur nous les situations d’expertise, qu’il s’agisse d’angoisse ou de compassion. Ne
pas évacuer ces manifestations contre-transférentielles est une garantie contre la
prématurité de la formulation d’un jugement. Il est nécessaire de comprendre le
contexte émotionnel de chacun des protagonistes pour mieux appréhender les liens
entre eux et les motivations sous-jacentes. L’expert peut ainsi proposer du sens à des
histoires d’actes qui interrogent le travail de symbolisation. « L’acte comme butée
dans le travail de symbolisation » nous propose Pascal Roman (2007). L’acte n’est

220
Les interventions

pas seulement le court-circuit de la pensée que l’on connaît, c’est aussi un soutien du
travail de symbolisation. Il suffit de se rappeler comment la pensée vient à l’enfant, le
passage par l’acte de Winnicott et de Wallon. Un acte qui n’évacue pas le transfert, on
en revient des psychosomatiques qui seraient des amputées de la pensée.

5. L’évaluation psychologique
L’effet discriminant est aussi une préoccupation quand on cherche à se distinguer
des autres et particulièrement du psychiatre. Certainement pas avec le recours à
une revendication concernant le diagnostic car, qu’elle concerne l’évaluation de
la capacité pénale ou l’individualisation de la peine, les deux expertises ne se
distinguent que par le manque de diagnostic à plus de 80 % nous rappelle Anne
Andronikov (2007) L’expertise psychiatrique est autant du côté de la société et de
sa protection que l’expertise psychologique est du côté de l’individu et de sa peine,
à savoir l’individualisation de celle-ci. Le psychiatre apprécie des intentions, on
lui demande se prononcer sur la question de la maladie mentale avérée et, à partir
de là, de cerner la capacité de discernement de la personne. Les questions sur la
pathologie, le traitement et l’atténuation de la responsabilité vont autoriser un avis
sur l’état mental et permettre de poser une imputabilité ou une capacité pénale.
L’expertise psychologique est une appréciation de la personnalité, une hypothèse
sur son fonctionnement. La responsabilité du psychologue repose sur l’aptitude
à faire comprendre les mécanismes et les motivations du crime et du délit. Les
caractéristiques personnelles, morales, sociales et intellectuelles du sujet vont permettre
d’individualiser la peine, les hypothèses vont réduire les incertitudes passées et futures
(la prédictibilité).

Distinctions entre expertises

Le rapport Burgelin de 2005 distingue bien les missions :

– expertise psychiatrique :
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• présence ou non de troubles mentaux et à partir de là, les relations avec les faits reprochés et les
conséquences sur le discernement (altération, abolition) ;
• la dangerosité ;
• l’accessibilité à la sanction ;
• la réadaptation sociale ;
• l’accessibilité à une démarche de soins et éventuellement à une injonction de soins.

– expertise psychologique :

• évaluation de la situation en fonction d’une composante pathologique éventuelle et en fonction


des faits ;
• description de la personnalité et des conditions qui l’ont forgée ; ☞

221
Les interventions

☞ • description des caractéristiques de la personnalité et les circonstances et conditions influentes à


travers l’histoire de la personne ;
• motivation et sens de l’acte, quotient intellectuel ;
• possibilité de réadaptation sociale.
5. L’évaluation psychologique

 Le rapport : structuration de l’expertise


L’expert ne détient pas la vérité, il la poursuit et contribue à la co-construire. Il est
entendu pour enrichir les débats. La rédaction d’un rapport sans jargon est nécessaire
pour être compris de tous. La répartition entre psychiatre et psychologue, au-delà des
objectifs que nous venons de souligner, obéit bien sûr aux conditions liées au cadre et
particulièrement aux questions posées :
– en position de sapiteur et le psychologue intervient avec un rapport complémentaire
qu’il remet à l’expert. C’est bien souvent d’un niveau intellectuel qu’il s’agit
d’évaluer ;
– en position de co-expert, les experts s’arrangent entre eux ;
– en position d’expert avec les questions y afférant – qu’il y ait une ou deux expertises
de demandé.
Plus prosaïquement, le rapport d’expertise comporte :

Le rapport d’expertise psychologique

– un préambule : avec l’énoncé des nom, titre et adresse de l’expert, la copie de la commission
d’expertise, la mention de la prestation du serment, date, lieu et énoncé des opérations effectuées,
mention des pièces jointes ;
– l’exposé de l’affaire ;
– la description des constatations faites avec en particulier l’état antérieur éventuel, l’anamnèse, les
doléances, les tests éventuels ;
– la discussion ;
– les conclusions : courtes, claires et précises, répondant aux questions posées par le magistrat ;
– date et signature.

L’expertise psychologique n’en demeure pas moins structurée dans sa description


en deux ou trois parties, la première pouvant se partager avec le psychiatre, parfois
avec redondance, mais le diagnostic est dans les attributions du psychologue, jamais
en rivalité puisqu’il y a une priorité du psychiatre sur la question diagnostique :

222
Les interventions

– la question psychopathologique ;
– la question psychologique ;
– la question sociale.

5. L’évaluation psychologique
La question psychopathologique

Elle suppose un diagnostic et une argumentation de celui-ci. Si une perturbation


psychique grave est présente, si une maladie mentale est avérée, on pousse
l’investigation pour savoir ce qu’il en était avant, ce que l’on appelle l’état antérieur :
la pathologie était-elle présente avant les actes ou s’agit-il d’une décompensation
survenue après ? À partir de ce moment-là, il s’agit de chercher à savoir quel est le
rapport entre les actes et la maladie si la pathologie était présente avant les actes :
c’est la question du discernement et de la responsabilité qui se pose ou qui se posait
puisque désormais la responsabilité tend de plus en plus à être acquise pour tous.

La question psychologique

Nous l’avons vu, elle consiste à :


– explorer ;
– comprendre ;
– décrire la personnalité ;
– tenter de donner sens aux actes accomplis ;
– reconstruire l’histoire psychique du sujet ;
– spécifier son mode de fonctionnement psychologique ;
– dégager ses zones de fragilités et de turbulence ;
– mettre en évidence les aspects positifs, mêmes potentiels.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

L’objectif est de comprendre la logique de l’acte : la motivation, le conflit


sous-jacent, la fonction dans l’économie psychique et le sens à lui attribuer. Il
s’agit ensuite de poser la question éventuelle de l’indication thérapeutique et du
pronostic. Ce travail minutieux suppose bien un travail d’analyse rigoureuse :
– des mécanismes en jeu dans le passage à l’acte ;
– des rapports entre personnalité et comportement ;
– des interactions entre l’individu et son environnement.

Cela pour aboutir à une interprétation cohérente et argumentée, communicable de


plus à des non-spécialistes.

223
Les interventions

La question sociale
C’est la question de la récidive et celle de la réhabilitation, c’est-à-dire le risque de
récidive et le potentiel de réinsertion sociale. La plus grande prudence est de rigueur.
5. L’évaluation psychologique

Il ne s’agit pas de proposer une thérapie à tout le monde, même si bien souvent
une psychothérapie ou une psychanalyse restent le moyen par lequel le sujet peut se
réconcilier avec lui-même, avec son acte et avec la société.
Si nous résumons les conditions préalables à l’exercice de l’expertise que nous
avons dégagé, nous trouvons indispensable que le psychologue soit muni :
– de solides connaissances sémiologiques ;
– d’une sérieuse expérience clinique et de l’évaluation ;
– d’une prudence dans l’interprétation ;
– d’une éthique à toute épreuve.

224
Les interventions

6. L’accompagnement psychologique
6

L’accompagnement psychologique

16. Le psychologue face à la maladie chronique

• Guérir ou... ou quoi ?


• Cancer, sida, maladie mentale et autres fléaux : la « guérissabilité »

 Guérir ou... ou quoi ?


 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Objectivable sur le plan somatique par inférence, subjectivable sur le plan mental
par enquête, la guérison apparaît comme une idée personnelle à chacun ou comme un
état propre à tous. Considérer toute maladie, en dehors de ses modalités de prises en
charge par un système social, sous l’angle du message qu’elle adresse, peut relever
d’une généralisation et donc être abusive. Il s’agit d’une lecture parmi d’autres, mais,
en tant que psychologue, il n’est pas étonnant que nous privilégiions un tel aspect.
Nous pourrions aller jusqu’à poser la question : « Mais de quoi, pour éviter de dire
de qui, s’agit-il de guérir ? » Ce raccourci n’évacue pas la maladie qui tient au
corps, médiation importante et nécessaire dans une relation incessamment renvoyée
à une autre, mais qui prétend évoquer, voire convoquer, celui ou celle qui est ainsi

225
Les interventions

concerné(e) par cette maladie. En effet, si la maladie est « impossibilité de » (et les
verbes restent au choix), travailler, tenir debout, continuer, symboliser, supporter,
mettre en mots, elle est également une expression adressée, comme tout acte, elle
6. L’accompagnement psychologique

a une ou des significations. L’adresse est parfois maladroite, en poste restante ou


illisible : le destinataire n’est pas toujours connu et n’est pas toujours celui que l’on
croit. Nous pouvons penser à un appel, mais pourquoi la maladie se réduirait-elle
à cette seule nature de message ? Si la maladie peut-être considérée comme une
régression et un retour en arrière, voire un retour sur les origines (via l’hérédité par
exemple), la guérison, dans une tentative licite et exprimée de re(de)venir comme
précédemment, se doit d’être un mouvement vers l’avant. On ne recommence rien, on
continue. C’est bien ici que débutent les aléas d’un quiproquo usuel dans la rencontre
clinique.
Le sujet est avant tout l’acteur essentiel de sa guérison. Nous pouvons ainsi nous
demander de quel droit d’ingérence il nous faut user pour guérir quelqu’un malgré
lui ? Il semble ainsi fort utile de considérer la guérison comme ce que vient chercher
le patient – et nous pouvons lui faire confiance, il sait où, quand, comment. Cependant,
on ne la lui donne pas : il la prend. Ce retour à l’envoyeur, soulevé par le sujet
acteur de sa guérison, nous signifie l’adresse dont il est question et les travaux sur
le transfert nous le rappellent. Ce dernier nous interdit de donner notre avis sur le
contenu, la problématique d’un sujet, mais nous fait nous intéresser à des modalités
de fonctionnement. De même, l’interprétation comme outil de maniement du transfert
n’est plus cette affirmation qui tranche. Au contraire, elle consiste de plus en plus à
faire des liens. Ce changement tend à rendre l’interprétation incomplète, pourrait-on
dire. Elle pointe des récurrences, des oppositions, des symétries, prenant bien soin
de laisser au sujet la part du travail qui lui revient. Certes le modèle psychanalytique
nous influence beaucoup pour penser ce que recouvre la guérison pour peu qu’il arrive
à se démettre d’une emprise médicale. Nous estimons cependant qu’il est susceptible
d’éclairer nombre de points forts tels le changement et la genèse de la modification,
l’étayage et la restauration, l’autonomie et la maturation, la suggestion, l’identification
et le transfert, mais surtout la guérison et l’idée de guérison.
La guérison suppose un terme, un délai à ou aux objectifs qui ne peuvent être
désignés que par la personne concernée. L’élaboration qui en est le témoin peut coller
au plus près d’un discours social alimenté d’un mythe ambiant et d’une efficacité
qui éloignent les questions et rendent le processus comme collectif. La guérison est
également énoncée par la personne quand le symptôme quitte son ancrage corporel
pour un substitut pas forcément mieux gérable et qui rappelle à quel point un symptôme
a sa raison d’être. Une limite au phénomène de guérison réside bien dans la répétition
qui rencontre l’ineffable du corps. Il est entendu qu’une seule partie du réel du

226
Les interventions

corps tend à se transformer. Le corps ne deviendra jamais essence, même par la


toute-puissance de la pensée. Dans la mesure où c’est la personne malade qui décide
ou accepte d’être guérie, nous nous attachons à sa demande. Celle-ci permet de

6. L’accompagnement psychologique
repérer une souffrance et un cadre pour la dire. Il s’agit de généraliser un processus
qui concerne essentiellement le changement et suppose donc un risque. Ce dernier,
toujours personnel, nous fait dire que la guérison ne peut être jugée que par le patient,
même si c’est l’histoire d’une interaction dont il s’agit. Il faut que le sujet s’approprie
les signes d’un mieux-être, d’un soulagement, au prix soit d’un long travail de deuil,
soit d’un court instant vécu comme contenant, comme magique, pour illustrer deux
possibilités extrêmes. Cette appropriation retentit des mythes environnants ou des
histoires de chacun. Nous préférons, somme toute, penser que l’on guérit plutôt que
l’on s’aguerrît.
Le privilège de la carte du rêve chez l’adulte estompe la dimension développe-
mentale bien repérée chez l’enfant pourtant si vive tout au long de la vie. L’emprise
culturelle des aménagements psychosociologiques du quotidien éloigne le soin d’une
reprise des ratés du développement. De plus, les convictions sur la nature de la réussite
dans l’idée de guérison conduisent à se défaire d’une médicalisation des problèmes
rencontrés. Ceux-ci sont ainsi situés ailleurs dans le cours de la vie, que ce soit dans le
champ des croyances ou le respect d’un mode de pensée. L’adulte est ou se reconnaît
comme beaucoup moins vulnérable et de plus en plus responsable et particulièrement
de son destin. Aussi, doit-il se prendre en mains en cohérence avec son expérience
et l’adéquation de celle-ci avec ses opinions. Dans cette perspective, la psychologie
devient marquée du sceau de la prévention. La pratique d’un « sport » cérébral ou
d’une activité intellectuelle facilite le maintien en forme et un vécu harmonieux.
Avec l’âge qui augmente, les soucis d’avancer en bonnes conditions mentales se
démultiplient.

 Cancer, sida, maladie mentale et autres fléaux : la « guérissabilité »


 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

La conciliation d’une pathologie, lorsque celle-ci devient chronique, avec une


activité de travail amène à repenser les liens entre santé et travail. Sont-ils disjonctifs ?
Sont-ils opposables ? Sont-ils conciliables ? Sont-ils alternatifs ? Nous ferons
l’économie des disputes de courants pour envisager le fait d’être malade et de
continuer à mener une vie sociale. À l’heure où la vulnérabilité se porte bien et est en
passe d’acquérir une noblesse victimaire, le statut de malade ne paie plus beaucoup
et les décideurs se montrent dissuasifs par une morale de la responsabilité : vous ne
pouvez pas rester malade aussi longtemps, d’ailleurs les progrès sont tels que vous
n’y êtes plus vraiment et qu’une compatibilité avec une activité vous rend une dignité
ou qu’une prestation hôtelière peut suffire à combler vos besoins. Le curseur de la

227
Les interventions

maladie se déplaçant ainsi de la crise à l’état de dépendance en passant par des enjeux
aussi sociaux que politiques, comment le psychologue peut-il se positionner, a-t-il
besoin de le faire s’il sait s’assurer de retomber sur « ses pattes » ?
6. L’accompagnement psychologique

Le jeu – si utile dans l’approche de l’enfant par le psychologue, particulièrement


en psychiatrie qui demeure le berceau de l’employabilité de ce professionnel et son
bassin d’emploi certainement encore le plus important –, nous permet également de
conceptualiser une spécificité de l’intervention psychologique. En effet, nous pouvons
envisager une proposition pour décrire et situer le processus de « guérissabilité », car
il est beaucoup plus souvent question de soigner et de prendre soin que de guérir,
particulièrement lorsqu’il s’agit d’une pathologie chronique, psychose et handicap
compris. Celui-ci, au point de jonction du transfert, de la maladie et de l’autonomie,
pourrait être considéré comme un espace transitionnel dans la mesure où il œuvre
à l’ouverture d’un espace de santé et à l’indépendance, vis-à-vis de symptômes, de
médecins et de traitements. La question demeure néanmoins de savoir si l’on est
guérissable de tout. Cette question est légitime quand une élaboration autonomisante,
pour qualifier la transformation opérée, tend à se répéter et à devenir infinie. Une
réponse appelle bien souvent une autre question comme un symptôme peut en
remplacer un autre, quand bien même il se psychise.
Nous pouvons considérer le temps mis à la guérissabilité, à partir d’une intervention
tierce, comme un espace transitionnel qui remplit sa fonction de passage de l’état de
maladie à l’état de santé, à condition qu’une ponctuation, le temps justement, puisse
s’y inscrire. L’inscription du temps signe l’avènement d’une élaboration consistante,
d’une symbolisation. En effet, l’espace transitionnel n’est pas seulement un espace,
mais un espace vectorisé, un espace-entre, le trait d’union venant marquer la flèche
du temps, non un espace-antre. Nous voici en train d’envisager le soin ou le prendre
soin et la guérissabilité dans le registre du jouer (playing), distinct du jeu de règle
(game) et du jeu d’expression fantasmatique (play), tels que Donald W. Winnicott les
a décrits. L’objet transitionnel pourrait apparaître alors comme le traitement ou plutôt
le cadre thérapeutique à ce traitement, dans son aspect le plus fonctionnel. L’objet
transitionnel pourrait également apparaître comme incarné par le thérapeute lui-même,
l’objet serait alors à entendre au sens psychanalytique du terme. Les deux peuvent
s’étayer mutuellement, mais leurs proportions, variables, répondent au principe des
vases communicants. En effet, si l’on « envisage » le type de trouble en question ou
si l’on « dévisage » la personne selon les moyens dont elle dispose à un moment
donné de son histoire, le recours au traitement médicamenteux ou à un traitement
par psychothérapie d’inspiration psychanalytique ou autre, répond alors aux besoins
du sujet et à ses capacités. En témoigne l’insistance sur les données du cadre ou sur
celles liées au processus.

228
Les interventions

Une guérissabilité envisagée comme ayant lieu dans un espace transitionnel


fonctionne aussi bien pour des rétablissements, où il s’agit de redresser un état
de santé provisoirement déstabilisé, que pour un soin qui tarde, un accès à l’autonomie

6. L’accompagnement psychologique
restreinte par des capacités et des aptitudes allant jusqu’à exiger un étayage de tous
les moments. Le prendre soin concerne aussi cette période antérieure à l’instauration
de cet espace transitionnel, ce qui n’est pas le cas de la guérison proprement dite, sauf
si nous le considérons dans son aspect interminable, l’inguérissabilité. Ainsi, le soin
n’est pas que thérapeutique, il comporte une dimension sociale de préservation et de
protection des personnes les plus vulnérables. Cet aspect d’une santé publique prend
d’autant plus d’ampleur que le travail sur l’autonomie sociale et psychique présente des
difficultés de mise en route. Le principe d’autonomie se heurte ainsi au paternalisme
hérité du principe de bienfaisance. Est-il donc raisonnable de penser que la temporalité
qui distingue le soin de la guérison, en générant des institutionnalisations distinctes,
permet de concilier ces deux principes ?
La guérissabilité peut être considérée comme un phénomène transitionnel
lorsqu’elle nécessite un étayage bien particulier, quand il s’agit d’un soutien qui vise
une « dérobée », c’est-à-dire une mise ou remise en marche qui laisse la possibilité
d’expérimenter l’équilibre et les aléas de la marche. Cette métaphore, « emprunte »
plus qu’« empreinte » de métonymie, à propos des premiers pas de l’enfant, peut
s’entendre, tant au plan physique que psychique, au sens d’un soutien et d’un lâchage,
aide provisoire vers l’autonomie qui ne s’apprend que par soi-même. Ce parallèle
avec le développement de l’enfant, ou plutôt ce rappel insistant tant du point de
vue de l’autonomie physique que psychique, laisse à penser qu’il n’est pas étranger
aux mécanismes à l’œuvre dans la guérissabilité. Il est cependant facile d’envisager
tout traitement comme la reprise d’un raté du développement, tant cette conception
est en vigueur dans de nombreux champs thérapeutiques. Nous sommes d’ailleurs
simplement en train de (re)découvrir cette hypothèse, dans un « trouvé-créé », mais
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

il reste à poser la question du mode sur lequel cette reprise a lieu, métaphorique,
métonymique ou métaphoro-métonymique.
Tous « prendre soin » prodigués dans le registre de cette guérissabilité peuvent
ainsi être considérés comme substituts ou comme renvoyant aux soins d’une mère
passablement bonne – autre traduction de « mère suffisamment bonne » – et le
processus de guérison comme réélaboration ou renvoyant à l’autonomie d’un individu.
C’est pointer combien le développement est perpétuel et l’enfant nous rappelle avec
insistance comment l’évolution de la personne humaine est constante. De façon
apparemment contradictoire, la psychologie de l’adulte et de la personne âgée tend à
nous faire oublier cette dimension et nous focalise sur une dimension intégrative du
soin qui éloigne la pathologie pour privilégier un développement appelé personnel.

229
Les interventions

L’autonomie de la personne s’émancipe ainsi d’un paternalisme médical pour vaquer


à la vie.
6. L’accompagnement psychologique

Le postulat sous-jacent à nos propositions concerne le principe du déterminisme


psychique. Nous considérons que le corps malade y est poussé par un conflit psychique
insalubre et insoluble pour un moment donné, ce qui fait déborder la coupe psychique.
Ce conflit renvoie toujours à des élaborations antérieures en un temps où corps
et psychisme s’étayaient l’un l’autre, via le corps et le psychisme d’une tierce
personne. Un des rôles principaux de ce tiers a été de digérer tout en dirigeant,
et réciproquement, des vécus bruts corporels en éléments psychiques assimilables
(fonction alpha de Wilfried R. Bion) en attendant que cette assimilation puisse être
réalisée par le sujet lui-même, déléguant un pouvoir au psychisme sur le corps
qui devient ainsi « ex-primé ». Les troubles psychomoteurs et psychologiques de
l’enfant, mais également les pathologies de l’adulte, signent ainsi un retour à ces états
désorganisateurs indescriptibles et le corps y est toujours un partenaire. Nous avons
bien souvent tendance à ne considérer que le caractère désorganisant de ces états, dont
nous regroupons l’expression sous le nom générique d’émotions. Nous négligeons
ainsi l’aspect réorganisateur de la maladie d’autant plus facilitateur que le corps s’est
socialisé d’une manière indélébile.
Ayant force d’autonomie – via un espace et un temps pour penser –, l’esprit se
réfugie dans le corps dès qu’il ne peut faire face à un vécu non assimilable directement.
Il fait alors appel à celui auquel il doit son émergence, le corps, tout en réclamant une
intervention tierce, en ayant recours aux bons soins d’un praticien de la santé physique
ou mentale. Le jeu y trouve une fonction d’interface essentielle, particulièrement avec
l’enfant, nous le développerons en situation de scolarité.

17. Le psychologue face à la mort

• L’enfant : pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?


• Le vieux : attendre le soin palliatif

 L’enfant : pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?


Les représentations et attitudes de l’enfant face à la mort varient selon qu’il fait
« face à la mort », depuis l’expression consacrée, quand elle le concerne directement
ou qu’il « lui tourne le dos », dans l’obligation de se représenter un absent, un

230
Les interventions

être cher disparu, ou une absence, un concept qu’il doit intégrer parmi d’autres.
Si cette représentation de l’être disparu est commune à tous, tel le partage d’une
mort « culturelle », enseignée par la disparition et la tristesse, balisées dans un

6. L’accompagnement psychologique
environnement, le concept qui traduit l’approche de sa propre mort est à l’opposé de
l’autre tant il est du côté de l’irreprésentable. Ce face à face est à ce point impensable
qu’il fonctionne comme un trou, une béance dans le fonctionnement psychique. La
mort est alors une présence qui empêche justement de se la représenter et en fait plutôt
des éléments bruts susceptibles du statut de pré-concept.
Ni opposées, ni incompatibles au regard de l’enfant, vie et mort se distinguent peu
à peu. Est vivant ce qui se meut. C’est ainsi que la mer est longtemps vivante. Est
mort ce qui est immobile. Ce concept de mort évolue entre 5 et 10 ans chez l’enfant,
qui acquiert le caractère d’irréversibilité de la mort vers 8 ans. Elle n’est qu’absence,
séparation provisoire auparavant. Le caractère d’irrévocabilité fait également l’objet
d’un cheminement et nous montre une mort sous l’angle de l’accident au préalable,
essentiellement brutal. Avant d’être inexorable, nécessité interne inscrite dans l’ordre
biologique, l’enfant suppose que l’on peut ne pas mourir en faisant bien attention,
voire en étant bien sage. Est mortel qui l’on peut tuer. Le caractère d’universalité, de
processus qui n’épargne personne, de même que l’idée de la décomposition et de la
dégradation corporelle sont sans doute les notions les plus difficiles à intégrer par
l’enfant et celles qui trouveront le plus tardivement leur place.
Le travail de la mort en l’enfant ne peut se réduire au seul aspect intellectuel, à
la seule élaboration d’un univers conceptuel de la mort. Cet univers est lui-même
soumis à l’influence de plusieurs facteurs, la manière dont l’entourage présente la
mort à l’enfant, les modalités du développement affectif, l’expérience que l’enfant
peut faire de la mort, le travail de deuil auquel il peut être confronté. Capacité de deuil
soumise à de multiples conditions, principe de réalité, possibilité de deuil, maîtrise de
l’ambivalence. Chez l’enfant qui affronte la mort parfois inéluctable, cette évolution
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

se précipite. Thérapeutes et soignants sont généralement frappés par la maturité dont


font preuve les enfants condamnés. Il semble démontré par de nombreux exemples
cliniques que l’enfant, même très jeune et même s’il ne le verbalise pas, a très souvent
conscience de la gravité de l’état qui met sa vie en jeu. L’irreprésentabilité dont nous
avons parlé est à distinguer de cette conscience. L’enfant malade ne demande pas
à mourir. On a déjà demandé pour lui, rétorquent certains. Il n’y a pas d’enfant en
danger sans vœux infanticides de son entourage à son égard. On pense à la mère tout
d’abord, mais la fratrie n’est pas exempte de fantasmes. Conformément au modèle
freudien, l’analyse de ces vœux de mort conduit insensiblement aux retrouvailles des
vœux de mort de la mère envers sa propre mère. Ces vœux reprennent vigueur, force

231
Les interventions

et déguisement à l’occasion d’événements douloureux de l’existence, dont la mort


réelle ou potentielle d’un enfant est l’exemple majeur.
6. L’accompagnement psychologique

Nombre de bouleversements surviennent lors d’une pathologie mortelle chez


l’enfant. D’une part, son identité sous ses aspects corporel (les douleurs, voire les
déformations), psychique (la question du sens) et, entre les deux, l’épreuve que cela
représente. Son identité sous ses aspects psychique, social (en regard de la scolarité
notamment) et, entre les deux, la régression que cela représente. D’autre part, sa
famille et la question de la responsabilité, tant du côté de la filiation que d’une carence
supposée d’amour et de soins. Ici encore, introduisons une distance entre une culpabilité
manifeste et des vœux inconscients qui ne relèvent pas du même travail psychique.
Entre ces bouleversements, deux grandes questions, posées aussi bien par l’enfant que
par la famille : « Pourquoi moi ? », « Pourquoi maintenant ? », et derrière celles-ci,
une interrogation sur la mort. Le psychologue dispose d’une approche particularisée
dans l’accompagnement d’une telle prise en charge et de plusieurs modes possibles
qui tiennent compte des différents paramètres de la situation. Le postulat est d’être un
interlocuteur qui accepte de s’engager dans le dialogue et ce, en regard des différents
protagonistes. Maillon d’une chaîne, relais dans une équipe, il ne s’agit pas de détenir
la façon de faire, d’incarner l’intervention du spécialiste, de se substituer à quiconque.
L’essentiel est d’être vigilant aux questions posées et dans l’authentique d’une relation.
Personne n’a la réponse, on partage la question.
Il existe différents niveaux d’interventions. Auprès du grand public, par l’infor-
mation, un article dans une revue par exemple : il s’agit de faire sortir l’enfant
d’images figées qui ne respectent pas la diversité (l’enfant-héros ou l’enfant-pitié).
Auprès des équipes soignantes, par la supervision : il s’agit de poser des repères
dans une situation déstabilisante. Auprès de la famille, par le soutien : il s’agit de
préserver le lien au monde qu’elle garantit et la place qui donne sens et valeur à sa
vie. Auprès de l’enfant, par le dialogue : il s’agit de préserver ses capacités au monde,
notamment par le développement des questions fondamentales qu’il se pose, cela dans
le respect de son propre rythme. Une réflexion sur la guérison nous permet d’insister
sur cette nécessité de mettre des mots là où il en manque, ce qui fait la spécificité
des différentes approches du registre psychologique. Autant d’éléments qui peuvent
contribuer à penser l’euthanasie ou l’accompagnement à la mort. Cette quête de sens
est indispensable à l’enfant qui se maintiendra en vie tant que le désir de ses proches,
qui donne sens à sa vie, est présent. L’enjeu d’un traitement devient dérisoire et risque
de ne pas le concerner s’il perd ce sens. Nous ne pouvons aborder la mort de front dans
un texte puisqu’elle s’interroge, et s’interroge essentiellement sur un mode interactif.
Les définitions sont toujours délicates, elles font écho aux champs à partir desquels
l’on émet. Objectivable sur le plan somatique par inférence, subjectivable sur le plan

232
Les interventions

mental par enquête, la guérison apparaît comme une idée propre à chacun ou comme
un état propre à tous.

6. L’accompagnement psychologique
La guérison est ainsi entendue au sens large qui va de la réparation à la recherche
du bonheur en passant par le travail d’un malaise existentiel. Elle est demande de
la part d’un patient, elle est réponse de la part d’un soignant. La spécificité d’une
approche psychologique nous rappelle que ce qui est visible n’est pas comparable à
ce qui est observable et qu’il existe un réel danger à prendre ce que l’on voit ou ce
que l’on entend au pied de la lettre. Aussi, lorsqu’une personne nous dit qu’elle veut
mourir, est-ce bien de cela qu’il est question ? D’autant plus qu’il s’agit d’un enfant
dont nous avons dit que sa représentation de la mort n’est pas comparable à celle
d’un adulte avant 8-10 ans. Il ne faut jamais oublier de se poser cette question. Être
capable de cette attitude ne relève pas seulement d’un courage, mais d’une capacité
de mise en cause quand toute demande est demande adressée à quelqu’un. Il est facile
de répondre à ce qui est demandé au sens littéral de ce qui est dit, d’autant plus qu’une
technique est à disposition, lorsqu’un discours adressé, assimilé à une interaction,
conduit à penser qu’il faut agir. Être partie prenante d’une situation parce que l’on ne
peut pas communiquer, c’est-à-dire être acteur, ne suppose pas d’être actif ou plutôt
activiste. Il est toujours facile d’agir pour penser que l’on pourrait mieux supporter
son impuissance devant une situation dramatique.
L’attitude éthique commence par une réflexion. Même si celle-ci se poursuit dans
l’action, il ne faut pas confondre activité et activisme. Une action peut très bien
consister à ne rien faire. La démarche psychologique, dans son essence, lors de
l’accompagnement d’un mourant, répond d’une école kantienne du devoir, devoir
d’écouter et de décrypter en ce qui concerne une telle approche. Celle-ci s’oppose à
une attitude plus pragmatique, de type anglo-saxon, qui juge sur les conséquences
et ne tient pas compte des intentions ; en caricaturant : « J’entends une douleur
insupportable, j’agis. » Il n’est pas facile de sortir des paradoxes d’une telle conduite.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Nous n’innovons guère à promouvoir un compromis entre ces deux philosophies,


dans la mesure où les extrêmes ne sont pas tenables, puisqu’il s’agit d’une position
bien française que d’être kantien au centre et aristotélicien sur les bords. Appliquée
à l’enfant, une telle conception devrait permettre aux soignants et à l’entourage de
penser l’autre, surtout enfant.

 Le vieux : attendre le soin palliatif


Une autre extension des indications institutionnelles de la psychologie dans
les services de médecine a fait ses preuves avec le temps, il s’agit de l’âge. Les
personnes vieillissantes, dont le nombre s’accroît, sont l’objet d’une sollicitude pour
préserver leurs aptitudes et éviter des conséquences fâcheuses de leur négligence d’un

233
Les interventions

laisser-aller des fonctions mentales. La psychologie entre alors dans une dimension
préventive qui lui sied bien, mais susceptible aussi de lui faire quitter le soin pour
prendre soin de personnes, d’équipes et d’institutions. La tangente peut conduire
6. L’accompagnement psychologique

alors le psychologue vers des fonctions d’animateur de groupes de conversation et de


professeur de consoles où l’entretien vise une gymnastique du cerveau. La nature du
lieu où professe le psychologue peut le mener vers le développement personnel et ses
objectifs, dont on a vu qu’ils s’éloignaient du champ de la santé quand bien même
celle-ci est décrite au plus près d’un bien-être.
Le plein essor de la gérontologie est certes lié à la part grandissante du pourcentage
des personnes âgées dans la population, au-dessus de 20 %, mais surtout de la plus
grande institutionnalisation de celles-ci, qui ne concerne plus seulement les personnes
indigentes. L’exclusion de la cellule familiale a conduit à renoncer à des lieux de
vie, même si la plupart des personnes âgées continuent de vivre à domicile. L’entrée
tardive en institution conduit à accueillir en établissements des personnes fortement
dépendantes. L’image du mouroir amène une angoisse de mort à circuler entre les
personnes, qu’elles soient hébergées ou salariées, ce qui suscite des mécanismes de
défense dont le psychologue peut se saisir. L’arrêté du 26 avril 1999 vient reconnaître
le rôle de ce professionnel dans les maisons de retraite.
Béquille institutionnelle des aides au personnel, au diagnostic et à la qualité de vie,
canne du réseau d’accompagnement de la personne âgée, le psychologue facilite le
parcours de l’information et maintient la circulation des liens familiaux. En effet, bon
nombre de difficultés surgissent dans ce soutien et la coopération des différents acteurs.
Le sens du contact du psychologue, sa compréhension de la conduite, ses propositions
de sortie de conflits relationnels en font un acteur central de la prise en charge.
Tous les aspects de cette vie institutionnelle appellent son intervention, qu’il s’agisse
de l’accueil, l’adaptation, la prévention d’une décompensation, l’accompagnement
psychologique d’une souffrance, psychique ou non, le maintien d’un lien avec les
proches, le soutien aux équipes, le diagnostic psychologique, la passation de tests dans
des contextes de suspicion d’état démentiel, l’encadrement de soins palliatifs, le contact
avec le réseau de proximité de bénévoles ou de libéraux. Que l’on qualifie cette prise
en charge de fonction de moi auxiliaire, d’un travail de trépas, qu’une fonction clinique
soit également de bon aloi en ce qui concerne la famille, l’intervention du psychologue
est multiple, aussi bien intra- qu’extra- et interinstitutionnelle. Une formation et/ou
une supervision du personnel peut être confiée à un second psychologue pour préserver
les genres.
Le renoncement le plus pénible reste moins le ralentissement qui donne l’occasion
de s’observer vieillir que l’admission dans une institution pour un long séjour, le
dernier. La confrontation au manque et à la mort est alors directe, régulière, plus ou

234
Les interventions

moins percutante, plus ou moins douloureuse. Les paratonies de fond, si fréquentes


qu’elles peuvent être considérées comme physiologiques, pourraient bien amener à
poser des indications légitimes de relaxation. Or la position allongée apparaît comme

6. L’accompagnement psychologique
incongrue, tant elle apparaît comme indélicate pour une prise en charge par la référence
qu’elle induit. Ce sont ainsi des modalités plus dynamiques de relaxation qui sont alors
proposées avec des déplacements du corps et des sollicitations à le mouvoir. L’intérêt
prêté au corps donne une portée stimulante aux capacités d’expression afin de chercher
à éviter le recours à la somatisation, à évincer la douleur et à faire reculer les limitations
corporelles. Le traitement de la douleur est également beaucoup plus présent ainsi
que l’angoisse et la dépression. Il s’agit alors de gagner du temps pour clore le passé
et assurer l’avenir de l’entourage familial. La présence du psychologue demeure
néanmoins méconnue comme acteur essentiel de la prise en charge de nos aînés à
l’occasion de la sortie du plan « Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012 »
du 1er février 2008. Le contenu du rapport Ménard de cette grande cause nationale
conforte ce professionnel dans son éviction.
Les 500 000 décès par an sur le territoire ne font pas tous l’objet d’un accom-
pagnement psychologique, le soin palliatif, y compris à domicile, demande à être
développé. Même si l’on meurt de plus en plus en institution, hospitalière notamment,
il y a peu d’unités de soins palliatifs avec des lits d’hospitalisation. Cependant, le
nombre d’équipes mobiles composées d’un médecin, d’une infirmière et d’un(e)
psychologue, va croître pour se mettre en place, particulièrement en direction des
personnes séropositives. Cette nécessité de santé publique est reconnue avec la
circulaire Laroque du 26 août 1986 et poursuivie avec la loi du 9 juin 1999 et la
circulaire du 19 février 2002. L’aide au bien mourir n’est pas sans difficulté puisqu’il
s’agit d’éviter de standardiser un événement, voire de prescrire un deuil ou de « lui faire
faire son deuil ». La « savanterie » sur l’intimité de l’autre n’est pas sans équivoque,
ni intrusion sur ce ministère de la mort. La remise en ordre et en forme des étapes,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

dans le bon sens, de cette acceptation éprouvée non seulement échappe au savoir,
mais doit conserver son mystère. Une fois la personne partie, c’est au tour et autour
de la famille que le recours aux services d’un psychologue peut sévir, qu’il y ait
traumatisme ou non, que les croyances soient envahissantes ou non, que la culture soit
omniprésente ou non. En revanche, les rites seront au rendez-vous, la souffrance du
personnel également.

235
Les interventions

18. Le psychologue face au crime et au délit


6. L’accompagnement psychologique

• Mensonge, déni ou dénégation agie ?


• La simulation, objet d’expertise ?

 Mensonge, déni ou dénégation agie ?


La psychologie est bien souvent shuntée et la démonstration de ses bienfaits fort
souvent ignorée, à partir d’une situation aux frontières de registres dans lesquels les
psychologues sont renvoyés dans leurs cordes, mais se prennent aussi les pieds dans
le tapis social d’une efficacité et rentabilité à court terme. L’usage du déni en justice
interroge l’espace privé des personnes destinées à perdre l’usage de la liberté, mais
une réflexion utile permet de distinguer des usages du mensonge et/ou du déni.
L’expertise à la conjonction de la psychologie et du social sous son aspect juridique
concentre plusieurs problématiques que ces deux registres interrogent chacun à
sa façon. Nous en retiendrons une, celle qui permet de croiser un mécanisme de
défense psychotique, le déni, dont on peut apprécier l’utilisation en psychiatrie, et
un soubassement de la preuve, l’aveu, questionnement incessant de toute infraction
en justice. Se répondent-ils d’un champ à l’autre quand il s’agit de nier ? Sont-ils
interchangeables, « importables » d’un registre dans l’autre ? De premier abord, on
ne demande pas à l’expert de s’emparer de l’aveu, qui n’a d’ailleurs aucune valeur
juridique lors d’une expertise, mais celui-ci module l’approche expertale : on ne
peut pas faire comme s’il n’existait pas. Nous pouvons nous demander cependant
si ce face à face est essentiel, si partir du déni nous amène à évoquer l’aveu sur
la base d’un binôme conceptuel nier-dénier ou s’il ne nous conduit pas plutôt sur
le terrain de la simulation, par le passage obligé de la prise de conscience avec la
méconnaissance et la reconnaissance des faits psychiques et comportementaux. C’est à
partir d’un travail définitionnel que nous pourrons avancer. C’est à partir de la prise de
conscience et de son observabilité que nous pourrions cerner la part de stratégie et/ou
de méconnaissance dans des propos mensongers ou de bonne foi d’une personne, mais
est-ce possible ? Utile ? Ne trace-t-on pas seulement les limites entre une intervention
psychosociale et le respect de l’intimité d’une personne ? Il n’est pas sûr que nous
puissions résoudre la question du mensonge en si peu de temps, nous espérons faire
avancer néanmoins une réflexion.
Le lien entre déni et simulation, au-delà de la divergence des registres qui nous oblige
à ne pas les amalgamer conceptuellement dans un souci de rigueur épistémologique,
nous interroge néanmoins sur l’intention de la personne, nous faisant entrer de

236
Les interventions

plain-pied dans une criminologie moins centrée sur le fait que sur la personne,
interrogeant ce qui l’anime en situation d’expertise. En effet, si l’on considère que la
simulation est consciente, le déni est-il une simulation inconsciente ? La simulation

6. L’accompagnement psychologique
est une préoccupation qui remonte à l’Antiquité (Galien, cité par Gourevitch, 1975),
mais elle a disparu de la nosographie psychiatrique actuelle. Elle a été évacuée
avec un changement de conception des manifestations hystériques à l’avènement
de la psychanalyse. Faut-il la réintroduire aujourd’hui dans l’appréhension des
troubles psychiatriques, mais avec quelle légitimité clinique ? Faut-il en faire une
maladie, au risque de médicaliser une problématique sociale, parce que son usage
est particulièrement utile dans le champ de l’examen psychologique de l’expert ? On
demande à ce dernier d’établir ou d’affirmer des troubles mentaux. Comment peut-il
s’en saisir si ce n’est en interrogeant l’intérêt de la personne au-delà de la rencontre
expertale, menant une quasi-enquête sur le mobile qui peut animer la personne ? En
faisant jouer ainsi l’élasticité du cadre de sa pratique, greffant sur le colloque singulier
de l’expertise une compréhension méta, exercice toujours délicat dans l’abord d’un
psychisme qu’il s’agit constamment de décrypter ? Ce décryptage est-il ici hors cadre
à moins que l’on ne fasse entrer une sortie du rôle d’expert comme une caractéristique
propre au concept même de simulation ?
Il nous faut examiner la place tenue par ce concept, satellite, voire parasite de la vie
sociale et le désintriquer d’avec le déni tel qu’il est décrit en psychopathologie, tant la
question de savoir si l’on peut simuler le déni devient primordiale. Dans l’affirmative,
il nous faudra nous demander si cette simulation du déni est un trouble psychique,
une erreur d’aiguillage, une revendication masquée, un manque de reconnaissance, un
facteur de victimogénie. D’autres questions vont être soumises à l’expert, à son cadre,
à commencer par celle-ci, basique, de la nécessité de la recherche de la vérité. Mais
aussi, quel type de réponse, pour ne pas dire quelle conduite à tenir, quand on imagine
mal a priori faire face à la simulation d’un trouble par une simulation d’expertise. Le
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

psychologue est formé pour lire entre les lignes, décrypter ce qui agite les personnes
à leur insu et, déformé par ce type d’écoute de ce qui ne se dit pas, doit-il faire entrer
la psychanalyse comme repère princeps de l’expertise ? Comme il ne peut pas faire
semblant de ne pas voir, le psychologue doit-il revoir ses critères jusqu’à inclure les
signes de la dissimulation sous les auspices d’un nouveau syndrome ? Doit-il mener
une enquête ou simplement recadrer en mettant des mots sur ce qui apparaît comme
une distorsion du cadre ? L’expertise peut alors devenir, mais seulement de surcroît, un
lieu thérapeutique ou du moins initiatique, passage qui fasse sens, qu’une hémorragie
de revendications y soit apaisée ou qu’au contraire, un point de cristallisation s’y
opère.

237
Les interventions

Le déni est « le refus par le sujet de reconnaître la réalité d’une perception


traumatisante... » (Laplanche et Pontalis, 1967). Dénier la réalité est une chose, mais
parce que la justice donne une importance considérable à l’intention, il apparaît
6. L’accompagnement psychologique

légitime de se poser la question de la bonne foi des sujets qui n’avouent pas ce
qu’on leur reproche. Se greffe bien évidemment la distinction entre coupable et
présumé coupable et tant qu’une personne n’est pas jugée, elle reste innocente. Les
statistiques ne peuvent pas nous faire oublier cela. La question de l’aveu n’est pas
celle de l’expertise. Ce thème pourrait être délaissé s’il n’avait pas une importance
fondamentale pour une situation précise d’intervention, celle des délits sexuels dans
l’hypothèse d’une obligation de soins. En effet, la reconnaissance est alors cruciale
dans la conduite ultérieure d’une prise en charge sur ce type d’infraction. Nous ne
pouvons pas manquer de souligner l’importance d’une discussion sur le déni en
justice concernant les infractions sexuelles en nous rappelant que cette notion de déni
élaborée par Sigmund Freud le fut en privilégiant l’exemple du fétichisme. Reprenons
les points de suspension de la définition du déni de la réalité : « Refus par le sujet
de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante, essentiellement celle de
l’absence de pénis chez la femme. »
Que Freud pose l’hypothèse d’un clivage du moi, car il étudie des mécanismes de
défense, peut éclairer la justice sans pour autant la satisfaire. Bien que notre rôle ne
consiste pas dans sa satisfaction, l’éclairage est double face à l’enjeu d’un aveu et de la
suspicion systématique d’une stratégie de défense, consciente celle-ci. Autrement dit,
comment Freud peut venir en aide à la justice ? Dénier la perception du manque de
pénis chez la femme et reconnaître ce manque pour en tirer les conséquences comme
peut le faire le fétichiste conduit à éclairer l’angoisse de ce dernier, mais éclaire-t-il la
responsabilité de celui-ci ? Il ne s’agit pas pour autant de discuter de l’importance du
déni, caractéristique d’un fonctionnement psychotique, dans la détermination d’une
altération ou d’une abolition du discernement. L’intérêt du déni est incontestable dans
la perspective d’une obligation de soins du délinquant sexuel quand il insiste sur le
prototype et peut-être l’origine même des autres dénis de la réalité que représente le
déni de la castration. Il n’en reste pas moins important de regarder ce concept dans
une perspective plus large pour se demander quel statut il peut prendre en quittant
le champ de psychopathologie pour celui de la justice. Avant de l’envisager dans ce
dernier, voyons de plus près comment l’on décrit ce déni en psychologie.
Nous restons au plus près d’une définition classique du déni, même si l’on accepte
des avancées comme celle de Serban Ionescu (1997). L’objet du déni reste une
perception ou une pensée, mais il ne peut concerner une personne dans la relation
entretenue avec elle. Dans cette perspective, rien ne distingue la perception d’une
personne, d’une partie de celle-ci ou d’un autre élément de la réalité, bien au contraire

238
Les interventions

puisque l’essentiel porte sur une chosification d’un être ou d’une de ces parties. Le
déni, convié par le processus de deuil, marque l’importance du traumatisme. Même
labile, son ancrage est important. Il s’agit d’un mécanisme de défense fort, car de

6. L’accompagnement psychologique
nature psychotique, même s’il peut se montrer transitoire. Son installation en revanche
est toujours préoccupante. Il peut y avoir un déni perceptif et un déni qui s’appuie sur
une construction fantaisiste. Serban Ionescu (1997) et Bertrand Cramer (1996) parlent
d’une « séquence développementale » du déni. L’évolution ontogénétique des deux
composantes du déni, en perception et en fantaisie, implique la construction d’un
scénario personnel. Il est toujours étonnant de constater qu’une personne qui a tous
les moyens physiologiques nécessaires pour le faire ne puisse pas voir. L’aveuglement
psychique montre l’intensité de la souffrance sous-jacente.
On distingue le déni en fantaisie et le déni perceptif. Le premier comporte quatre
phases. Lorsque le sujet vit une expérience de souffrance, de détresse psychologique,
l’appareil mental construit une réalité alternative qui est plus satisfaisante que la
réalité objective. C’est la satisfaction hallucinatoire, la variante la plus précoce, chez le
nourrisson à la naissance. C’est le jeu au cours de l’enfance. Pendant que l’enfant joue,
la fantaisie mise en scène est préférée à la réalité objective qui est ainsi temporairement
rejetée, écartée. Le sujet choisit son interprétation de la réalité. C’est la rêverie au
cours de l’adolescence, où l’impossible devient possible, l’échec devient réussite, la
faiblesse devient force. C’est l’idéalisation chez l’adulte. Elle constituerait la forme la
plus mature du déni. Elle est présente chez les adultes excessivement optimistes et
dans la phase du début de l’état amoureux, d’où l’expression « l’amour rend aveugle ».
Le déni perceptif, dont la fonction découle du fait que ce qui n’est pas là ne peut pas
faire souffrir, comprend cinq modalités. Le retrait d’attention, sous deux formes : avoir
énormément besoin de dormir ou de regarder et ne pas voir. Le déni par évitement
consiste à éviter activement, physiquement, la réalité, en tournant par exemple la
tête, pour éviter un stimulus nocif qui se trouve dans le champ visuel. La perception
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

erronée du stimulus perturbateur le change en quelque chose qui n’existe pas en réalité.
Les renversements, les aspects inquiétants, perturbateurs de la réalité sont changés en
leurs opposés. La (dé)négation peut être conçue comme une composante du déni qui
permet la perception de la réalité et le rejet rapide de celle-ci. La transformation par
l’addition des adverbes de négation, non ou pas, montre bien que le sujet y a pensé au
moins l’espace d’un instant, mais y renonce à celui d’après. Les stimuli, pensées ou
sentiments inquiétants, bien que perçus, sont ensuite rapidement transformés.
La situation de la dénégation est exemplaire comme concept candidat au transfuge
d’une discipline à une autre. En effet, lors d’un entretien psychologique, une phrase
du type « n’allez surtout pas penser que... » peut avoir valeur de dénégation. Elle est
même repérée comme telle par son caractère spontané ou associatif d’idées. Cependant,

239
Les interventions

cette même phrase, dans un contexte judiciaire, perd tout son sens par le poids d’une
accusation ou d’une présomption de culpabilité, plus que d’innocence tant le contexte
peut conduire à se culpabiliser quoi que l’on ait fait. Si l’importation conceptuelle
6. L’accompagnement psychologique

ne fonctionne pas autant que nous le voudrions, il reste des hypothèses de travail en
psychologie qui peuvent néanmoins faire avancer la compréhension du fonctionnement
psychique en situation judiciaire. Nous pensons particulièrement à la dénégation agie
que nous avons mise en évidence à propos d’un travail sur l’annonce du handicap et
plus particulièrement sur les effets psychiques chez la mère de la survenue d’un enfant
porteur d’une anomalie physique. Ce travail nous a permis de donner une importance
particulière à la notion décrite par Sigmund Freud de l’inquiétante étrangeté et aux
facteurs dont la conjonction conduit à cette réaction, au nombre de cinq (Ballouard,
2003).
L’inquiétante étrangeté est ainsi apparue dans nos situations cliniques comme une
réaction au traumatisme qui provoque une sorte de dénégation agie, vécue, comme une
dénégation en actes. La conjonction du familier et de l’étrange rapproche l’inquiétante
étrangeté du mécanisme de dénégation que le titre d’un article d’Octave Mannoni
(1969) résume très bien : « Je sais bien, mais quand même ». L’inquiétante étrangeté
fonctionne alors comme une dénégation dans sa faculté de laisser reconnaître sans
reconnaître complètement. Nous empruntons seulement la dynamique de ce mécanisme
dans le compromis qu’il réalise d’une semi-reconnaissance et l’inhibition qui lui est
attachée. L’inquiétante étrangeté, en tant que telle, opère au moins partiellement de
façon inconsciente. Le barrage mécanique, qui permet de filtrer l’excitation externe
que constitue l’annonce d’une anomalie, est représenté par la sidération ou le déni.
La première participe d’une inhibition qui est assimilable à une inertie qui évoque la
mort et l’inanimé du pantin. Le second participe d’une évocation magique par une
sorte de toute-puissance de la pensée qui souligne, en fait, une impuissance de celle-ci
à faire face.
La description de cette dénégation agie, que nous avons resituée dans le contexte
dans laquelle elle a été décrite, éclaire le lien entre déni et traumatisme à partir d’un
état décrit par Freud auquel nous fournissons une nouvelle consistance. La question
demeure du lien systématique entre déni et traumatisme et notre questionnement
dans un contexte judiciaire en renforce la pertinence. En effet, les lumières de la
psychanalyse sont limitées dans ce champ, mais le concept de dénégation agie évite
de renvoyer à un traumatisme initial qui ne nous intéresse pas en situation d’expertise,
tout en conservant une interrogation sur la valeur de l’acte d’infraction et l’intérêt de
la prise en compte du déni dans des situations extra-thérapeutiques. Le lien est ainsi
renforcé entre un traumatisme et un mécanisme de défense.

240
Les interventions

 La simulation, objet d’expertise ?


La simulation a un statut paradoxal puisqu’elle ne se voit pas quand elle est bien faite,

6. L’accompagnement psychologique
repérable uniquement lorsqu’il y a quelque chose qui cloche. Quel statut lui donner en
fonction de la réussite plus ou moins complète ? Si l’on pose l’hypothèse qu’elle est
repérable comme pathologique au fur et à mesure qu’elle présente des failles grossières
dans sa présentation. Autrement dit, existe-t-il une simulation normale et une autre
pathologique ? Suffit-il de déplacer un curseur d’intensité qui permettrait de repérer
des caractéristiques qui relèvent de la nosographie connue (pathomimie notamment) ?
La pathologisation doit-elle demeurer le seul critère d’émergence à considérer ce
phénomène comme transversal, c’est-à-dire adaptable, venant se greffer sur la plupart
des syndromes ou symptômes répertoriés comme fluctuants ? La simulation est-elle
pathologique ou le bénéfice escompté permet-il de changer de registre ?
Le prisme social est une nouvelle lecture de la situation de simulation si l’on prend
en compte la recherche du profit, de bénéfices primaires ou secondaires, la recherche
d’une issue échappatoire à une contrainte. Ces derniers éléments nous fournissent
les bases d’une réflexion autour de la transgression tant des règles de la médecine et
de la psychologie – à partir de critères diagnostics –, que des règles juridiques – à
partir d’une conduite sociale cherchant à s’exempter d’un devoir, d’une peine ou à
gagner un statut, une rémunération indue. Prétextes ou pré-texte d’un diagnostic, la
grille de lecture symptomatique suppose un décryptage particulièrement fin et une
prise de champ. Quelle place accorder à la simulation si ce n’est celle des confins de
l’expertise ? La simulation venant tracer les limites en deçà desquelles une expertise
se déroule dans les normes attendues et au-delà desquelles elle n’est pas l’objet
principal de la rencontre singulière, une orientation de substitution pouvant alors être
proposée. L’alternative de soins semble la plus fréquente. Elle est complémentaire,
mais nécessairement clivée en situation d’expertise, celle-ci restant dans le champ de
l’évaluation. Une réponse faisant un commentaire sur la situation est alors nécessaire
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

possédant non seulement une vertu sociale, mais aussi thérapeutique, même si cette
dernière l’est de surcroît.
La mission de l’expert est sociale par sa technique, elle est judiciaire, ce qui vient
distordre le colloque d’ordinaire singulier centré sur une relation dont l’ancrage est
l’évaluation. Il existe ainsi un champ limite entre ce qui répond pleinement d’une
expertise et ce qui la dévoie : la simulation vient le pointer. Cette dernière n’en
demeure pas moins complexe lorsqu’elle peut porter certes sur une pathologie, mais
aussi sur une partie de celle-ci, présumée clinique, non complètement vérifiable, mais
probable, pouvant surtout faire émerger du doute. Elle prend alors la forme d’une
accentuation, d’une sursimulation. Cette complexité vient interroger non seulement
les limites d’un champ de compétences, mais les compétences de l’expert lui-même.

241
Les interventions

Elle semble l’interpeller d’emblée sur des doutes et sur sa rigueur. Elle tend à produire
une réactivité plus personnelle que professionnelle, que ce soit de la désapprobation
par jugement, de la gêne par malaise ou de la complaisance par fuite. Elle renforce
6. L’accompagnement psychologique

l’outil de base du psychologue, lui-même dans sa saisie de contre-transfert.


La caractéristique essentielle de la simulation, pour le DSM III, concerne

« une production et une présentation volontaire de symptômes psychiques


ou psychologiques inauthentiques ou grossièrement exagérés. Les symp-
tômes sont produits avec un objectif identifiable à l’évidence grâce à la
connaissance du contexte plutôt qu’à celle de la psychologie du sujet ».

Le CIM 10 (1993) retient des mobiles externes dans la production intentionnelle de


symptômes ou d’incapacités, soit physiques, soit psychologiques (troubles factices)
pour

« chercher à échapper à des poursuites judiciaires ou au service militaire,


obtenir des drogues illicites, des indemnités, une pension ou de meilleures
conditions de vie ».

La simulation doit être distinguée du trouble factice où « il n’y a pas d’autre but
apparent que de jouer le rôle du malade » (Jean Guyotat, 1989), ce que le syndrome
de Munchaüsen vient illustrer même s’il y a également tromperie, mais sans recherche
de bénéfices apparents. Joseph Bieder , (1960) indique que le diagnostic de simulation
peut être fait :

« 1) par une exclusion reposant sur les informations, les lacunes psycholo-
giques, les incompatibilités, les invraisemblances ; 2) par identification
directe, soit par identification de l’ensemble (hybridité, incohérence
intrinsèque, absurdité ingénieuse, variations d’intensité et de caractère),
soit sur la seule qualité du plus prononcé des symptômes ».

Louis Gayral (1974) repère des formes habituelles (confusion mentale massive,
mutisme obstiné, attitude d’écoute), d’autres sont plus difficiles à diagnostiquer, telles
que les troubles de conversion à expression neurologique (Aimard, 1993). La discussion
autour du matériel essentiel à disposition reste au centre de nos préoccupations lorsque
l’on se demandera s’il faut se contenter du seul discours des personnes ou mettre en
œuvre une méfiance systématique à l’égard d’une tromperie potentielle.
Pour certains auteurs, la simulation n’existe pas ou quasiment pas (0,13 % pour
Jung, 1903 ; 2,3 % pour Karl Menninger, 1948 ; 0,28 % pour Plicker, 1948 ; 1 % pour
Gabriel Deshaies, 1955). La simulation n’existe pas quand on la prend en compte

242
Les interventions

paradoxalement. En lui attribuant un caractère signifiant, la conduite utilitaire ne


devient plus qu’apparente, révélatrice de signes qui méritent d’entrer en ligne de
compte dans l’opération expertale. La nature de ces signes doit être discutée. Notons

6. L’accompagnement psychologique
d’emblée que Roger Dorey et Lucien Israël orientent notre réflexion en évoquant des
motivations revendicatrices masquées. La simulation se caractérise par l’intentionnalité
de faire croire et, dans cette perspective, elle agite ce que des praticiens appellent
le contre-transfert. Cette intention ne peut être départie de la finalité : obtenir un
bénéfice. Un tel objectif cantonne la simulation à des circonstances particulières :
la vie militaire, la condition carcérale, la réparation juridique du dommage corporel
(Léon Derobert, 1974). À côté de son existence, ou de la négation de celle-ci – et
nous nous demanderons si la seconde relève d’un déni –, la simulation interroge une
mesure plus fine que la seule majoration, la minimisation qui semble poser beaucoup
moins de problèmes. Est-ce l’aspect moral de la simulation qui rend la dissimulation,
minimisante, moins dérangeante ? Est-ce que la simulation est à considérer comme un
prodrome ? L’énergie déployée et la mobilisation dans une mise en scène pendant les
« trois jours » préfigure-t-elle une inadaptation à la vie militaire par exemple ? Fuir la
prison en se réfugiant dans une maladie, nécessitant un enfermement de l’intérieur avec
des neuroleptiques, est-il une modalité d’un comportement révélateur d’une pathologie
en sommeil ? Le risque consiste bien à vider le concept pour penser avec Charles
Lasègue que l’on « ne simule bien que ce que l’on a ». La simulation fait-elle l’objet
d’un apprentissage lorsque, enfant, on peut déjà être confronté aux avantages sociaux
de l’exercice de la psychologie, mais surtout celui de la médecine de complaisance
par l’obtention de certificats pour être dispensé d’école ou de gymnastique ? Peut-on
parler de subsimulation dans ces situations ou devons-nous mettre l’accent sur une
similitude ?
L’expertise semble bien confrontée à cette problématique de régulation sociale des
activités professionnelles, comme l’arrêt de travail pour motif médical dans l’exercice
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

quotidien du médecin. La simulation vient alors remplir une fonction de traitement des
marges. Le service militaire en son temps fut l’objet de dispense, celle d’un quota, tant
que la marge de manœuvre n’était pas occultée. La COTOREP, lors de ces expertises
civiles de l’attribution de l’AAH, montre des critères qui ouvrent les portes à la
simulation en acceptant la substitution d’une vulnérabilité sociale à une vulnérabilité
médicale. C’est ainsi que, selon les départements, le versement de l’AAH répond d’un
dossier strictement médical ou d’une situation vis-à-vis de l’accès à l’emploi. Les
allocations adultes handicapés deviennent alors autant d’allocations ASSEDIC à ne
pas verser. Plus que la simulation, c’est l’accentuation, une simulation partielle que
l’on nomme sursimulation, qui interroge le plus la pratique de l’expert qu’elle soit
consciente ou moins consciente, pour éviter de dire inconsciente. Une comparaison

243
Les interventions

souhaitée est celle d’examens officiés en situation d’expertise et en situations de soins,


mais ces études comportent des biais, ne serait-ce que parce que l’on ne peut pas
rémunérer des cas témoins à la même hauteur que des indemnisations judiciaires. En
6. L’accompagnement psychologique

somme, la motivation n’est pas la même, ni les attentes, ni la défiance, ni l’émotion.


L’ensemble de ces difficultés peut nous conduire à appréhender l’exagération des
troubles comme un comportement adapté. Cette adaptation peut être une défiance
ancrée dans une auto-justice, la personne estimant que la fin justifie les moyens, la
simulation ou l’accentuation venant au service d’une compensation par rapport au
préjudice vécu. Le comportement adapté peut prendre les allures de ce raisonnement
qui consiste à penser qu’il est nécessaire de déclarer un dommage plus important pour
obtenir un dédommagement « juste », équitable. Ne sont repérables sur le curseur
de la simulation que les erreurs et les discordances entre ce qui est dit et ce qui est
observé, un manque de coopération évident et des traits de caractère qui montrent une
tendance à vouloir tromper l’autre. L’incongruence de comportement ou de résultat
d’examen, un test de mémoire en neuropsychologie par exemple, nous montre la
façon dont la personne se représente un déficit ou une pathologie, mais que penser
de la sous-performance d’un sujet qui connaît bien la physiologie, le psychisme, une
autre personne atteinte ou la situation d’expertise pour l’avoir déjà côtoyée ? Faut-il
privilégier l’expertise écologique, à domicile ou en situation ?
La conduite de simulation est-elle alors à considérer comme un comportement
adapté ? La mobilisation nécessaire étant au service d’un intérêt essentiel à défendre,
un moyen de fuir une réalité inacceptable ou de tirer bénéfice de son entourage.
Plusieurs pistes de réflexion s’offrent à nous si nous reprenons la dichotomie de Léon
Derobert (1974) que nous subdiviserons, entre attitudes répressive et compréhensive :
• Pathologiser la simulation en lui fournissant une légitimité par rapport à un contexte
donné, allant jusqu’à considérer qu’il n’existe des simulateurs que parce qu’il y
a un entourage qui se prête à ce jeu, comme il n’y a d’hystériques que dans la
mesure où il existe des personnes hystérisables. L’hystérie, cette « mauvaise herbe
de la médecine » disait Charles Lasègue, est aussi considérée comme simulation
pathologique en son temps (Jean Costédoat, 1935). Il serait trop long de reprendre les
rapports entre ces deux entités. Disons seulement qu’il pourrait exister une simulation
mi-consciente ne dupant que partiellement le sujet lui-même, où la revendication
sociale se substituerait, encore que, elle n’en constitue qu’une déclinaison, à la
revendication œdipienne.
• Fournir au simulateur un statut de victime. Nous avons vu où cela pourrait conduire.
La recherche d’un statut confortable dans la régression qu’offre un environnement
victimaire ou « victimisable », est renforcée par l’absolution juridique à laquelle
prête la loi du 5 juillet 1985 quand celle-ci écarte une faute grave de la victime. Par

244
Les interventions

ailleurs, les avantages sont inestimables tant par des indemnités financières que par
la valeur du rôle héroïsant d’un : « ce n’est pas moi le méchant ».

6. L’accompagnement psychologique
• Refuser d’intégrer la simulation comme un élément ordinaire de diagnostic, mais
interroger le cadre de l’expertise et l’expert lui-même, renvoyant au besoin à
l’expertisé du sens sur ce qui est décrypté.
• Prendre acte d’un délit en ne voyant dans la simulation qu’une escroquerie.

La simulation du déni permet de réintroduire le déni sur le terrain de l’intersub-


jectivité en quittant le champ du mécanisme de défense. Le déni n’interpelle pas
autant l’expert que peut le faire la simulation qui met ce dernier en cause dans ses
compétences ou dans son rôle. Le déni interroge plutôt l’auteur de l’infraction et met
l’accent sur le traumatisme sous-jacent qui devient l’infraction elle-même et l’auteur
une victime de ses propres actes.
Véritable trouble psychique ou comportement adapté à la recherche d’un bénéfice
escompté, légitime ou non, la simulation met en question l’expert et son cadre
d’intervention. Quelle place lui attribuer, absente de la nosographie psychiatrique :
celle d’un épiphénomène ou celle de la justification de la fonction sociale de l’expertise
confrontée en permanence à l’accentuation des troubles sur le mode de l’auto-justice ou
de la prise en compte de la comparaison sociale entre individus ? Si elle est considérée
comme une revendication sociale, aux relents œdipiens, faut-il la laisser se cristalliser
sur la situation qui donne lieu à judiciarisation ou en faire un commentaire qui ouvre
d’autres perspectives ? Le questionnement sous-jacent de la place du mensonge et de
ce qui n’est pas dit est loin d’être clos tant il traverse l’intervention du psychologue,
qu’il soit expert ou non.

19. Le psychologue face à l’échec scolaire


 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• Le jeu : une activité organisée et une fonction éternelle


• Le prime adolescent, l’adolescent, l’adulescent

 Le jeu : une activité organisée et une fonction éternelle


Lire et lier le somatique et le psychique dans l’optique d’une lecture psychologique
des troubles, voire des maladies, reste une tâche d’envergure. Nous composons en
attendant avec les possibilités psychomotrices et les dispositions intellectuelles de
nos usagers. Nous sommes tenus, quand il s’agit d’aborder l’enfant, là où confluent

245
Les interventions

l’émotion et la motricité, sans pour autant perdre de vue l’intellect, de regarder si


les réactions émotionnelles ne débordent pas l’activité motrice, psychomotrice, et de
travailler la configuration et le débit de ces émotions. Cette interface intervient bien
6. L’accompagnement psychologique

évidemment dans de nombreux contextes et face à la maladie mentale en premier


lieu, mais la scolarité étant destinée par définition à l’enfant, c’est ici que nous nous
focalisons sur le jeu.
Lors de séances d’entretien de prise en charge, il s’agit de contribuer à l’intégration
d’une fonction, de la plus motrice à la plus symbolique, en proposant une expérience
nouvelle qui joue sur l’apprentissage et la découverte, mais surtout sur l’intégration
en ce qui concerne l’enfant tout particulièrement. Nous insistons sur ce terme qui
souligne le mouvement d’appropriation, d’assimilation, de mise à l’intérieur pour
faire sien, d’appel aux forces du dedans. Il existe comme un paradoxe à contribuer à
la mise en place de quelque chose qui ne peut s’apprendre que par soi-même, mais il
est important de jouer avec ce paradoxe sans chercher à le résoudre. Le cadre d’une
thérapie tente de rassembler les conditions optimales pour qu’un cheminement, une
prise de conscience, une révélation puissent avoir lieu. Révélation s’entend au sens
photographique du terme, puisque ne peut apparaître que ce qui est potentiellement
présent, quelle que soit l’option retenue, potentiel génétique ou psychique, sous le
sceau de l’apparition ou de la co-construction.
Nous allons envisager ces deux registres dans des situations distinctes qui nécessitent
la prédominance de l’usage de certains outils par rapport à d’autres. En effet, si c’est
avec le même bagage que nous abordons les personnes, leurs réactions nous font
privilégier une modalité d’approche. Nous envisageons ici le jeu, très utilisé avec
des enfants, et l’analyse de nos propres réactions, toujours source d’enseignement,
particulièrement nécessaire lorsque nous nous retrouvons face à des patients qui
n’utilisent pas le langage. Nous distinguons ainsi dans les situations rencontrées,
une pathologie « légère », référée à des symptômes qui gênent le déroulement d’une
vie scolaire et familiale et une pathologie « lourde », référée à des symptômes qui
perturbent l’entourage familial et social. Les deux types de patients sont sensibilisés
à des médiations comme le jeu et peuvent être réceptifs et récepteurs de la mise à
jour de fantasmes et de processus complexes qui débordent parfois l’entendement. Ils
nécessitent alors le recours soit à des théories communes (lorsque nous retrouvons
des cas similaires dans notre littérature), soit à des théories « de poche ». Ce sont des
tentatives d’analyse lorsque nous nous retrouvons face à des références éparses qui vont
de la simple intuition à des phénomènes évoquant l’obscurité de la parapsychologie,
qu’ils fassent écho à notre histoire ou à celle des autres.
Parmi les techniques proposées, le jeu demeure capital auprès des enfants. Il est
à ceux-ci ce que le travail est à l’adulte. Ce n’est pas un simple loisir, mais bien

246
Les interventions

une activité dans laquelle ils s’investissent totalement. Une véritable base biologique
de l’imaginaire permet d’expliquer le jeu comme une activité qui permet de jouer
à vide des conduites appliquées plus tard à des objets réels. Il n’est pas seulement

6. L’accompagnement psychologique
une agitation, une dépense motrice incoordonnée, mais une véritable organisation
de mouvements et de séquences psychomotrices, mentales et comportementales qui
répondent à des scénarios plus ou moins élaborés, de l’image motrice à la fiction. Le
jeu, c’est sérieux pour l’enfant chez qui il existe de façon spontanée. L’entourage s’y
inclut naturellement, complexifiant le jeu source d’adaptation. Que la présence de
petits camarades soit de plus en plus insistante et la socialisation devient l’enjeu du
jeu.
La psychologie se devait d’utiliser cette conduite fondamentale chez l’homme et
l’envisager comme une technique de soins ou de formation. Il s’agit de partir de ce que
peut proposer l’enfant, qui n’a pas toutes les capacités pour s’exprimer par le langage
encore en développement chez lui ; à l’adulte, on proposera des situations simulées ou
à simuler. Il s’agit du psychodrame ou du jeu de rôle. Ce dernier est bien souvent usité
pour aborder des confrontations à des situations inhabituelles et/ou anxiogènes comme
peuvent l’être les entretiens d’embauche, par exemple. Conduite psychomotrice par
excellence, la propension naturelle à bouger apparaît comme la situation idéale pour
en exprimer une autre, plus difficile à gérer. Ces situations retrouvent par là une des
fonctions premières du jeu qui consiste à répéter une expérience, auparavant subie,
pour la dominer, la maîtriser et ainsi trouver un apaisement. Il s’agira de transformer
un acte spontané en une construction d’histoire, construction induite (et non l’histoire)
par le thérapeute ou le formateur, véritable création originale à deux. Celle-ci nécessite
de favoriser l’émergence des conditions qui rendront possible cette « aventure »,
à commencer par la mise en place d’un climat de sécurité. Ce dernier permet de
gérer une éventuelle angoisse, obstacle possible à toutes les étapes d’une élaboration
naissante, elle-même source de soulagement.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Le jeu remplit une fonction continue dans le développement de l’enfant et se


poursuit chez l’adulte, certes sous une forme ludique, mais surtout sous les auspices
de la sublimation que l’on rencontre en situation de travail. Il s’agit alors de résoudre
des problèmes, de les déjouer et de se jouer du désagréable pour le transformer
en supportable en mettant en œuvre cette intelligence pratique, rusée, que l’on
appelle métis. Chez le tout-petit, les jeux d’exploration dominent et les expériences
psychomotrices nouvelles sont au premier plan. Il s’agit d’exercer sa motricité et de
détourner ses peurs pour mieux les apprivoiser. Au ressenti des émotions succède la
symbolisation que jouer rend possible. Le terrain de jeu s’élargit, la simulation des
situations d’adulte prend le pas. Pour l’enfant plus âgé, le jeu devient indispensable au
développement des capacités de socialisation. Jeux de rôles et jeux de règles priment

247
Les interventions

et s’expriment. Tricher devient jouer avec les limites, contourner les règles pour mieux
les situer. Il aide l’adolescent à surmonter ses difficultés liées à la séparation ou à la
confrontation, à l’apprentissage et aux fantasmes. Les limites vont s’épuiser dans le
6. L’accompagnement psychologique

passage à l’acte violent, où le jeu du foulard, pour une prise de risque mortelle, et la
tournante, empruntée au ping-pong pour nommer un viol collectif, n’ont de jeu que
le nom. C’est tout au long de la vie que l’on retrouve le jeu, qu’il faille s’ouvrir à
l’inattendu ou mettre du jeu dans les relations pour qu’elles soient plus vivables. Son
utilité ne s’est jamais démentie tout au long des époques et dans toutes les sociétés.
Agent du développement social, moyen d’exprimer la nature de la relation avec
l’autre, le jeu permet de projeter dans le monde extérieur les conflits internes dont
l’enfant ou l’adulte souffrent. Ce mécanisme de défense permet de projeter, déplacer,
sublimer, s’identifier. À jouer et rejouer, ce dernier déjoue sa problématique, noue un
lien dans un plaisir partagé et renoue avec un investissement de l’expérience du corps en
action. Nous n’avons pas encore évoqué le plaisir inhérent au processus thérapeutique,
plaisir sensoriel dû à l’action, plaisir intellectuel résultant de l’élaboration. Rappelons
que le mouvement est naturellement source de joie, que le fonctionnement produit du
plaisir. Euphorie musculaire et jouissance intellectuelle sont des leviers thérapeutiques.
Le jeu joué est une activité symbolique, structurante, support d’un travail autant avec
l’enfant que l’adulte avec le psychodrame. Il est d’ailleurs susceptible de connaître le
même traitement qu’un rêve. Catalyseur, cathartique, il permet la rencontre avec le
psychologue.

 Le prime adolescent, l’adolescent, l’adulescent


La spécialisation scientifique ambiante conduit à décomposer la classique période
de l’adolescence en plusieurs tranches, il se trouve qu’elle correspond au mouvement
actuel d’une nouvelle composition de ce moment fort, mais aussi précoce sur certains
aspects et tardif sur d’autres. Il existe néanmoins des caractéristiques pérennes de ce
bouleversement de la vie qui met le corps au centre d’un mouvement dont on souhaite
toujours le moins d’à-coups pour une meilleure continuité du développement. Il n’y
a pas qu’un pas entre l’infantile et le juvénile, il y a aussi des figures de proue. Les
troubles chez l’enfant sont aisément répartis en fonction de l’âge par l’évolution des
problématiques au centre des expressions de sa souffrance.
Une première tranche de 0 à 2 ans met l’accent sur les aléas d’un dialogue tonique
à une période où l’essentiel est de réagir à temps en l’absence de langage.
La période suivante, que l’on pose de 2 à 6 ans, insiste sur l’expérience princeps
de la séparation à l’occasion de la première socialisation que représente l’école, mais
aussi et avant elle, la crèche. Les troubles de l’individuation sont alors au-devant de la
scène.

248
Les interventions

On accorde à la période suivante de 6 à 12 ans, par la prédominance des contraintes


scolaires, une prééminence des troubles de l’apprentissage auquel s’ajoute ou se
substitue le poids des inquiétudes parentales lorsque celles-ci se focalisent sur la

6. L’accompagnement psychologique
scolarité.
La confrontation avec les parents et les tensions engendrées vont culminer au
moment de la prime adolescence et de l’adolescence, voire se proroger ou se
transformer lors de l’adulescence, mais l’expression de la souffrance est alors moins
corporelle. Avec l’âge, les symptômes se psychisent, d’où l’importance d’une approche
psychologique tant que l’enfant ne dispose pas des moyens requis pour mentaliser
ce qui fait obstacle à son plein épanouissement. Les troubles appelés fonctionnels
ou instrumentaux vont être en première ligne et au centre des préoccupations et le
psychologue un partenaire judicieux auprès des enfants. L’adolescence, en augurant
une période tumultueuse, reste excessivement intéressante dans la mise en corps de la
souffrance, la flânerie sur bon nombre de limites en tous registres, ainsi qu’à l’occasion
des déclinaisons de problématiques où le possible joue un rôle majeur.
Le remaniement de l’image corporelle devant les modifications du corps qui
surgissent au moment de la puberté et l’interrogation anxieuse sur l’identité se
retrouvent à travers tous les conflits des adolescents. L’accession à une sexualité
génitale pour laquelle l’émergence pulsionnelle ravive des conflits fantasmatiques
amène à une rupture d’avec le monde de l’enfance et dans l’équilibre acquis
antérieurement. À l’absence de synchronie des progrès dans différents domaines,
que traduit une dysharmonie du développement, s’ajoute le tumulte de la perpétuelle
mobilité des attachements. Ceux-ci oscillent en des phases successives et contra-
dictoires : attachement/détachement, homosexualité/hétérosexualité, liberté/ascèse,
progrès/régression, culpabilité/agressivité. Ce tableau est celui d’une crise avec le
remaniement de la personnalité induit par la maturité selon deux polarités notoires :
l’importance des conflits avec le milieu extérieur, en particulier familial, sur les valeurs,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

l’orientation professionnelle et les fréquentations, d’une part, la tendance à l’agir par


la maîtrise de sa motricité d’autre part.
Le silence possible des organes de l’enfant cesse lorsque celui-ci est adolescent.
Pourtant, si le psychologue l’écoute, il va se faire entendre, mais bien avant encore à
son entourage sous forme de plaintes, premiers points d’ancrage d’une angoisse qui ne
demande qu’à surgir. Les transformations morphologiques qui conduisent à positionner
le corps au centre de l’étude de l’adolescence ne doivent pas éclipser d’autres facteurs
au travail tels que le deuil ou la recherche d’un nouvel équilibre psychique. Le corps
n’en demeure pas moins un objet d’investissement et l’image le concernant un produit
de cet investissement. Celle-ci est mouvante, car elle est travaillée par la question des
limites, d’où les sentiments d’étrangeté et les bouffées hypocondriaques, mais le corps,

249
Les interventions

lui, est bel et bien unique, irremplaçable, non interchangeable et à ménager, à aménager,
à maintenir intact. Toutes les conduites bruyantes de l’adolescent sont centrées sur
le corps, même si des discriminations plus fines sont nécessaires pour appréhender
6. L’accompagnement psychologique

les problématiques sous-jacentes. Le passage à l’acte, délinquant ou non, la fugue,


pathologique ou non, l’agressivité, destructrice ou non, la phobie, excessive ou non, la
tentative de suicide, aboutie ou non, la crainte hypocondriaque, révélatrice ou non, le
trouble alimentaire, instable ou non, l’anorexie, mineure ou non, la boulimie, nerveuse
ou non, l’insomnie, anxieuse ou non, la conversion hystérique ou non, sont autant
d’états qui interrogent chacun à leur façon le corps et son investissement. Le schéma
corporel et l’image du corps ne sont pas les seuls convoqués dans ce remaniement
vivant où le corps est le plus à même d’exprimer les difficultés rencontrées. Le corps
social constitue aussi un axe de compréhension essentiel. L’inscription sociale, y
compris cutanée, est fondamentalement un souci dans une comparaison constante avec
les autres et ce qu’ils pensent pour s’approcher de ce qui est annoncé comme normal
ou pour s’en singulariser. Les métaphores sociéto-corporelles prennent tout leur essor
à l’adolescence où les repères structurent et les repaires suturent. Les équivalences
s’auto-promeuvent, appartenir à un groupe, à un de ses organes ou à un organisme,
composé de membres, avec un leader à sa tête ou un cerveau, marque les esprits et les
habite.
Les points de vue conceptuels sur l’adolescence s’aménagent et leurs postulats
respectifs peuvent se concilier pour avancer et faire progresser une situation. En effet,
une cristallisation sur une adolescence en termes de crise, qu’elle soit normale ou
pathologique, pourrait conduire à attendre et voir venir, tandis que l’accent porté sur
une phase de développement est susceptible de polariser l’attention sur un objectif à
venir, celui de l’âge adulte. Or l’une s’intègre parfaitement à l’autre, et l’entrave au
développement comme le risque de banalisation, peuvent constituer des arguments
complémentaires. La crise étant alors celle d’un moment de réaménagement du
développement nécessitant de s’abstenir de se positionner comme simple témoin. Ici
aussi, il est nécessaire d’agir et la dramatisation de la situation doit au contraire favoriser
la mobilisation des acteurs et motiver une prise en charge de l’adolescent et de sa
famille, et plus particulièrement la mise en place d’un cadre thérapeutique concernant
le travail que sont amenés à faire ensemble un adolescent et un psychologue. Nous
sommes ainsi susceptibles d’accueillir cette seconde phase d’individuation-séparation
dans un contexte d’urgence ou avec une certaine massivité qui rend la relation d’emblée
intense quand bien même il est souvent nécessaire de pousser les parents à reconnaître
la gravité d’une situation qui a duré. Cependant, si le psychologue accueille volontiers
une dyade mère-enfant ou une famille lorsque l’enfant est plus jeune, il est nécessaire
de préconiser que le professionnel reçoive seul l’adolescent ou avec ses parents,

250
Les interventions

mais ceux-ci plus particulièrement dans un second temps, évitant ainsi une rencontre
préalable en l’absence du jeune perçue comme une coalition.

6. L’accompagnement psychologique
À l’ouverture des portes de la perception par des expériences en tout genre et au
moment où l’ensemble des possibles surgit, un vacillement peut apparaître. Dans la
grande majorité des situations, ce temps de déséquilibre ou de flottement précède
la reprise de son souffle ou d’une démarche sur le chemin de la vie. Les moments
d’éternité susceptibles de survenir à cette occasion ne sont pas forcément d’une gestion
facile, car chacun sait que l’éternité est longue surtout vers la fin. Mais après tout,
avancer un pas après l’autre suppose bien l’alternance d’instants d’équilibre et de
déséquilibre du corps. Une tempête peut souffler à cette époque, elle ne présage en
rien du règne du temps ultérieur. Une des situations à la mode consiste à prolonger
des aménagements entre folie douce et raison furieuse, la tendance aujourd’hui est
d’ailleurs d’en faire un état, c’est l’adulescence. Avec angoisse ou volupté, elle mêle
l’acidulé d’un temps révolu à l’essence d’un autre à venir. Petit à petit ou en un bond,
l’adulterie arrive.

20. Le psychologue face à l’addiction

• Le surendettement, une forme d’addiction ?


• Assumer n’est pas jouer et manipuler n’est pas addicter

 Le surendettement, une forme d’addiction ?


La question soulevée par le titre permet de confronter la médecine avec les problèmes
sociaux et de penser leurs intrications. Est-ce une illusion de croire que la société
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

peut régler ses problèmes sociaux par la médicalisation de ceux-ci ? L’extension de


la médecine à de nouvelles pathologies est-elle au contraire source de progrès ? Il
n’est pas dans notre intention de répondre à ces interrogations, mais de contribuer
à une réflexion sur une problématique actuelle dans un registre où peu de données
sont disponibles dans la mesure où le surendettement est essentiellement observé au
niveau des nations. À l’occasion d’une étude du rapport à l’emploi et au logement
de deux populations aux modes de précarisation distinct, financée par la Sanofi et la
Caisse des dépôts et consignations pour le Samu social, nous avons été amenés à nous
pencher sur le surendettement lors de l’analyse de nos entretiens avec des salariés.
Les études sur la précarité ne sont déjà pas nombreuses, celles sur le surendettement,
quasiment inexistantes en psychologie. Leurs quantités s’amenuisent encore si l’on

251
Les interventions

s’intéresse à un développement qualitatif de ces phénomènes même plus de dix ans


après cette étude. À partir de notre étude, le processus de surendettement suivant
peut être décrit. Les contraintes économiques et sociales sont ressenties comme
6. L’accompagnement psychologique

des pressions sociales qui deviennent insupportables au bout d’un certain temps et
donnent lieu à un lâcher prise et à une prise de risque qui évoquent une imitation de la
mélancolie.

« D’un côté, vous essayez de vous en sortir, de l’autre côté, on vous presse
de tous les côtés quels que soient les côtés, et puis vous arrivez à un
moment où vous vous dites : et puis m..., moi aussi, j’ai envie de vivre, et
là, vous laisser tout tomber, mais alors tout, vous ne payez plus rien. »

Cette décompression suicidaire énoncée suit un raisonnement du type : « je finis


ma vie en beauté », traduction d’une victoire sur une impuissance qui accable, mais
le passage à l’acte n’aura pas lieu, l’enjeu principal est ailleurs. Ce phénomène qui
présente les traits d’une addiction est paradoxal quand le sevrage n’est pas seulement
douloureux, mais à l’origine d’une dépendance spécifique. En effet, l’achat est moins
en cause que les conséquences des autres aspects d’une situation précaire sur plusieurs
plans. C’est particulièrement l’argent qui vient à manquer et sa gestion apparaît comme
déficitaire ou aliénante. De plus, l’environnement ne devient pas bienveillant dans
ces circonstances. Il est utile de rappeler que le système bancaire nous met devant le
fait accompli : moins l’on peut payer, plus on paie. Le « dealer » financier veille à
faire respecter des règles qui renforcent les frontières entre un monde à deux vitesses
et un vécu aux relents existentiels particulièrement douloureux. Le psychologue est
un recours précieux dans un dispositif de prise en charge, il peut être éclairé par la
vignette suivante :

« Vous vous dites, eh bien non, de toute façon, quoi que je fasse j’aurais
tort donc autant que... Et là, vous accumulez pendant quelques mois : vous
allez dans les magasins, vous vous payez ce que vous voulez, vous sortez...
parce que sinon, vous ne pouvez pas, vous restez enfermé chez vous,
et vous avez un besoin d’air... Et puis, après, au bout de quelques mois,
arrivent les lettres de relance, et puis c’est galère. Alors vous vous dites,
avant cette période-là : je m’éclate et après je me tire une balle dans la
tête. Ça, c’est vrai que vous vous le dites. Vous n’avez pas envie de mourir,
mais vous avez envie d’être tranquille.
– C’est-à-dire, vous craquez ?
– Non, ce n’est pas moral. Ce n’est pas que vous n’avez plus envie de vivre,
au contraire, vous avez vraiment envie de vivre et c’est même pour ça que

252
Les interventions

vous le faites mais vous vous dites, je m’éclate un bon coup et puis après,
terminé.
– Vous craquez par rapport à des contraintes qui sont trop importantes ?

6. L’accompagnement psychologique
– Voilà, vous vous dites, je les baiserai, comme ça, vulgairement, c’est ça.
Et vous le faites, et là vous accumulez tous les problèmes possibles et puis
finalement, vous n’avez pas du tout envie de vous tirer une balle dans la
tête, et vous ne le faites pas. Vous assumez. »

La réalité, même lorsque l’on tente de s’y soustraire, va rester un ancrage important
qui permet de sortir d’une phase maniaque tout à fait particulière et va procurer
une redécouverte du plaisir à vivre. Une période marquée par les éléments d’une
dépression qui n’a pas forcément lieu. Nous voyons combien le rapport à l’argent
mais aussi au risque, à la mort et à la symbolisation doit être examiné1.

« Ça vous apprend plein de choses, ça vous fait côtoyer plein de gens


tous différents et vous apprenez énormément d’eux comme vous apprenez
énormément de vous et puis quand même, vous appréciez également
les petites choses de la vie, parce que jusque-là, vous ne les avez pas
appréciées, vous ne les avez jamais vues, mais des petits détails, des
petites choses, parce qu’avant vous aviez tellement de grosses choses que
les petits détails... »

Le déterminisme d’une pathologie individuelle est loin d’être le seul ressort d’une
situation financière périlleuse puisque le mari peut également contribuer à la mise en
danger de la précarité.

« Oui, il a fait des dettes, par exemple, sur une voiture (bon, je n’ai pas eu
les moyens de me payer une voiture, mais j’en ai payé une). J’ai reçu un
jour (parce qu’on avait perdu le contact pendant des années), à mon travail,
il ne s’était pas gêné, il avait donné les coordonnées de mon employeur,
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

comme on était toujours mariés, j’ai dû payer ses dettes, je n’ai pas eu
le choix (saisie sur salaire pendant 8 mois)... Entre-temps, vous avez les
impôts qui vous réclament et qui n’en ont rien à faire que vous ne le saviez
pas, donc eux aussi vous assignent, ça vous fait des sommes monstrueuses
de tous les côtés qu’ils vous ressaisissent après ou pendant parce que
généralement ils passent avant. »

1. Ballouard C. (1988). « Corporéité et signifiance : les pistes et (les) mots », Bulletin du CERPP,
n◦ 1.

253
Les interventions

Cette nouvelle vision du monde où des instances de la société interviennent de


façon autoritaire mais aussi lénifiante, par un rappel au concret et à la loi, n’évince pas
la solitude générée que l’on peut assumer ou diluer dans le recours à une communauté
6. L’accompagnement psychologique

selon sa culture et son potentiel relationnel. Une situation qui n’est pas facilement
partageable, notamment dans la perspective de la réalisation d’une vie en couple.

« Il y a aussi le problème, qui est quand même un problème important et


grave, c’est ce problème de solitude parce que plus vous avez d’ennuis,
plus vous vous enfermez. Alors, il y ceux qui font le contraire, c’est-à-dire
toutes ces communautés, quelles que soient les races, qui, au contraire, se
réunissent parce que, bon, l’union fait la force, c’est souvent ça. Donc, eux,
au contraire, ils se soutiennent. Nous, on a une mentalité (parce que l’on
est élevé comme ça, diviser pour régner) donc un petit peu plus solitaire
ou au contraire, on se renferme sur nous-mêmes. On n’ose pas en parler
aux gens parce que les gens ne nous comprennent pas, la plupart. C’est
vrai que c’est très difficile à comprendre lorsque vous parlez, par exemple,
d’un ennui qui vous arrive : "Oh, tu t’es encore mis dans quelle galère",
vous vous faites engueuler, en plus.
– Oui, la compréhension n’est pas toujours au rendez-vous.
– Oui, ou alors, il y a ceux qui prennent pitié et ce n’est pas mieux parce
que ça ne sert absolument à rien et puis c’est plutôt dégradant... Oui,
c’est-à-dire, qu’on ne veut pas gêner les autres avec la situation dans
laquelle on s’est mis mais en même temps on est à l’affût de ces petits rien
qui font qu’on apprécie... »

Le rapport à l’argent renvoie au risque et à l’insécurité qu’il procure lorsqu’il


dysfonctionne. Une insécurité aux résonances et ancrage affectifs. Ainsi, une économie
renvoie à une autre, l’économie financière et l’économie psychique vont se répondre
mutuellement dans cette dynamique psychique ancrée dans une culture occidentale.
Sigmund Freud a déjà souligné l’analité du rapport à l’argent dans sa liaison au
caractère obsessionnel par l’analogie de traitement entre l’argent et les fèces. Il s’agit
aujourd’hui de préciser la relation à l’argent du point de vue de la compulsion d’une
conduite à risque au sein d’une structure nosographiquement appelée état-limite et
de traiter de l’analogie entre l’argent et les addictions, mais aussi du rapport entre
la persécution et la tristesse quand un clivage semble empêcher l’expression d’une
mélancolie. En effet, si l’on approfondit l’hypothèse du surendettement considéré
comme une addiction sans drogue, nous sommes devant une situation tout à fait
originale où l’acte d’acheter n’est pas illicite en soi. Ce sont les conséquences
financières qui sont en cause, voire les caractéristiques de l’achat lorsque celui-ci
peut-être qualifié d’achat pathologique. Ces derniers sont généralement inutiles et

254
Les interventions

répétitifs, plusieurs objets identiques vont être achetés et souvent délaissés dès l’achat
effectué. L’acte d’acheter n’en définit pas moins à la fois ce que l’on est et ce à quoi
l’on aspire. Cette revendication identitaire est revendication d’identité lorsque les

6. L’accompagnement psychologique
achats sont excessifs.
Il nous faut donc élargir le concept de dépendance pour supposer qu’un
comportement de la vie normale soit l’objet d’un besoin irrépressible qui donne lieu à
un état de tension qui ne se décharge que par l’accomplissement de l’acte d’acheter.
Nous laisserons la question du diagnostic toujours délicat lorsque l’addiction porte
sur un comportement normal socialement encouragé. Le surendettement ne peut être
réduit à l’une de ces causes, l’achat pathologique, celui-ci n’en mérite pas moins
que l’on se penche sur ces composantes tant la détermination des facteurs internes et
externes parait floue. Les achats pathologiques peuvent être définis :

« comme un comportement, permanent ou intermittent, impliquant l’achat


impulsif et irrépressible soit d’objets inutiles, soit d’objets utiles en plusieurs
exemplaires et ayant des conséquences financières significatives (crédits
de plus en plus difficiles à rembourser, surendettement, interdiction de
chéquier, situation de faillite personnelle) »1 .

L’incitation de la société de consommation rend le crédit comme « naturel » ou


tout du moins comme une habitude en cette fin de XXe siècle où le slogan « tout,
tout de suite » n’est ignoré de personne. Affublée d’un encadrement moindre de
ce crédit (depuis 1984 en France), cette incitation réalise un changement qu’il faut
prendre en considération. Néanmoins, tout le monde ne réagit pas de la même façon à
des situations identiques, c’est ce qui nous fait privilégier des facteurs internes à la
personne dans la compréhension du phénomène, mais dont le rôle passe inaperçu.
Reconnaissons que le crédit devient de plus en plus abstrait, l’apport personnel
n’étant plus nécessaire, et de moins en moins pensé, les achats intempestifs prennent
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

alors des allures de courts-circuits de la pensée dans l’immersion de ce « pourquoi


pas nous » martelé par la publicité. Une étude de Michel Le Joyeux et Jean Adès2
réalisée sur 143 sujets volontaires issus de la population générale montre à quel point
les achats excessifs ou impulsifs sont des phénomènes fréquents dans la population
générale et ne constituent pas systématiquement un élément psychopathologique. Si
l’achat peut être pathologique, l’addiction n’y est pas pour autant. Elle n’en possède
pas moins toutes les caractéristiques d’une dépendance telle que les a définies Griffith

1. Le Joyeux M., Hourtané M., Rondepierre C., Adès J. (1992). « Les conduites d’achats patholo-
giques », Dépendances, vol. 4, n◦ 3.
2. Le Joyeux M., Adès J. (1997). In Gardaz M. et coll., Le Surendettement des particuliers, Anthropos.

255
Les interventions

Edwards1 , envie irrésistible ou craving, signe de sevrage notamment. Le signe de


sevrage serait alors constitué par la réapparition de l’envie d’acheter. La formation
d’addiction sans drogue à l’instar des conduites de risque dans la tension avant le
6. L’accompagnement psychologique

comportement d’achat et la résolution de la tension par l’achat est un comportement


qui retrouve un équivalent du phénomène de la sexualité dans la description de ces
deux moments successifs.
Sous un autre prisme, la dialectique du maître et de l’esclave est également
intéressante à analyser dans l’incarnation d’un « collage au semblant social » à vivre
dans l’envie, dialectique ignorée du sujet lui-même2.
Comme dans les autres addictions, il doit être possible de repérer des traits de
personnalité comme l’immaturité affective, les carences narcissiques et l’impulsivité.
Il est également légitime de se demander, à l’instar du jeu pathologique, si l’argent
dépensé devient l’objet d’une préoccupation anxieuse et culpabilisée3 ; si la recherche
de sensations fortes et l’attrait pour le risque, même si la prise de risque n’est pas
consciente, sont susceptibles de rapprocher le surendettement du jeu lorsqu’il donne
lieu à des dettes ; si l’attente du rappel au réel retrouve le frisson du jeu ; si l’argent
vient en lieu et place du langage nous rappelle René Tostain4 . Le jeu assimilé à une
toxicomanie5 est étonnamment lié à l’addiction par son étymologie, à savoir « donner
son corps en gage pour une dette impayée (addictus, esclave pour dette) »6 .
Cet esclavage pour dette enchaîne-t-il jeu et surendettement ? Y a-t-il du jeu dans
le surendettement et de quel jeu s’agit-il ? Un type de jeu n’est-il d’ailleurs pas pris
pour un autre ? Une analyse plus approfondie aux références winnicottiennes serait
ici nécessaire7.
Dans la perspective que nous ouvrons ici, le surendettement, analysé en termes de
psychologie dynamique, peut être considéré comme une entité à part entière, mais
est-ce une nouvelle pathologie ? Comme une nouvelle version de l’expression d’un

1. Edwards G. (1986). « The alcohol dependance syndrom : a concept as stimulus to enquiry », British
Journal of Addiction, n◦ 81, p. 171-183.
2. Santiago-Delefosse M. (1997). « Le dépensier compulsif et son envers inconscient ou comment
perd-on son âme à crédit ? », in Gardaz M. et coll., Le Surendettement des particuliers, Anthropos.
3. Bergler E. (1984). Money and Emotional Conflicts, International Universities Press.
4. Tostain R. (1967). « Le joueur, essai psychanalytique », L’inconscient, n◦ 1.
5. Bucher C. (1993). « Le jeu pathologique, une conduite addictive : le jeu, le joueur et la loi »,
Nervure, vol. 6, n◦ 9, p. 15-26.
6. Bucher C. (1997). « Dette de jeu, dette d’honneur : des aléas de la perte au vertige de la dette », in
Gardaz M. et coll., Le Surendettement des particuliers, Anthropos.
7. Ballouard C. (1989). « Un tiers vaut mieux que deux tu l’auras », Bulletin du CERPP, n◦ 2.

256
Les interventions

état-limite qui flirterait avec le hors-la-loi, mais sans délinquance pour autant dans
la mesure où le passage à l’acte est centré, médiatisé par l’argent. L’hypothèse qui
surgit consiste à penser que cette entité représenterait ainsi une façon de ne pas

6. L’accompagnement psychologique
pouvoir éviter des situations à risques, situations qui génèrent de l’insécurité. Une
insécurité financière qui met en danger nombre de projets et conduit à ne réagir
qu’au présent, sur un mode quasi hystérique ou infantile. Le surendettement semble
néanmoins incarner une imitation de la mélancolie dans la persécution infligée à
soi-même et réaliser comme une mélancolie en faux-self, d’où son rattachement à la
structure état-limite. Une mélancolie sans culpabilité par l’intervention des instances
contentieuses et juridiques chargées de mettre de la réalité en place et fonction
de fantasmes persécuteurs dont la mission est de conduire la personne à un état
de punition. Une mélancolie où la tristesse est en projection, confiée à une sorte
d’addiction. « Canada dry » de la mélancolie, cet état d’attente d’une situation, enflée
par les retombées d’un non-paiement, procure fort probablement une satisfaction qui
s’apparente à une jouissance.
L’exaction de ce type de personnalité narcissique ne met pas directement le corps en
action, ne met pas la violence en avant tant elle est canalisée sur la conduite d’argent
et destinée à être retournée tôt ou tard contre l’individu. Exaction à double détente qui
rend l’acte premier d’achat non un délit ou un acte délinquant mais seulement dans
un second temps où cet achat devient exaction par non-paiement, mise en difficultés
subsidiaire qui déclenche une procédure légale et enclenche un processus légaliste.
Exaction secondaire, exaction différée qui contribue à donner un statut particulier
à cette pathologie qui singe la mélancolie, les exactions sont dirigées vers soi, et
signe un état-limite élaboré, en retenant le passage à l’acte pour un rappel à l’ordre
et à la loi. Le surendettement mérite à lui seul une étude pour en isoler moins les
enjeux sociétaux qu’individuels, jusqu’aux enjeux psychiques, les mécanismes et les
issues. Pour revenir à notre questionnement de départ, nous ne pouvons qu’ajouter les
questions éthiques soulevées par l’extension de la médecine à de nouvelles pathologies.
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Nous pouvons notamment nous demander jusqu’où va l’intérêt d’une prérogative


médicale dans le traitement des problèmes sociaux.

 Assumer n’est pas jouer et manipuler n’est pas addicter


Autant la pathologie peut aider à se repérer dans la saisie d’une problématique,
autant son envahissement doit pouvoir conduire à cerner ses limites. La sensibilité à
l’œuvre dans les enjeux de la dépendance que nous allons aborder peut accessoirement
aider à comprendre des aspects de la dépendance des psychologues aux médecins.
Ces derniers font d’ailleurs un amalgame courant sur un domaine dans lequel ils
n’interviennent que très peu, d’où la visibilité de leur erreur diagnostique lorsqu’ils

257
Les interventions

énoncent qu’une secte est à comprendre comme une drogue. Les psychiatres sont
absents des dispositifs d’accueil privés, la clinique des sortants de secte est éprouvée
par des psychologues au sein de ces structures non médicalisées. Or la dépendance
6. L’accompagnement psychologique

présente dans les identifications et les relations humaines n’est pas comparable à
celle d’une toxicomanie. Il est naturel de reconnaître une dépendance à ses parents,
ses enfants ou à son conjoint, mais étonnant d’évoquer une addiction, comme si le
lien pouvait être chosifié au point de donner lieux à des excès repérables comme une
expression addictive. L’aliénation n’est pas une addiction. Quand la neurobiologie
prend le relais d’une psychopathologie pour énoncer que l’amour est une drogue douce,
le parcours des circuits d’une réflexion éloigne des récompenses attendues. L’excès
d’un type de lecture empêche de penser une spécificité. À l’autre bout de l’échiquier,
des sociologues sont prêts à nier la manipulation mentale puisqu’une information suffit
à un consentement, justifiant ainsi le choix des personnes qui ne peuvent être aliénées.
Les psychologues sont au plus près d’une curiosité alimentée par les préoccupations
d’une recherche spirituelle, même si le champ d’intervention sectaire délaisse ce
registre traditionnel pour être présent sur le champ de la santé, de l’éducation, de
la formation et du développement personnel. Quand la psychothérapie est élevée
au rang d’une religion par certains, l’intérêt grandit pour distinguer une pratique de
culte d’une dérive sectaire. La co-incidence avec les débats sur la légalisation du
titre de psychothérapeute n’est guère en faveur d’un hasard du développement d’une
tendance marquée à la déqualification professionnelle depuis la loi du 9 août 2004. La
médicalisation des problèmes sociaux apparaît alors comme une garantie d’un niveau
d’intervention et de la saine transparence d’une intervention publique. La psychologie
possède bien ces atouts libertogènes, mais ne dispose pas des mêmes facilités du
pouvoir que l’État accorde au corps médical, plus ancien.
Dans un contexte où l’approche du phénomène sectaire est politisée et peu profes-
sionnalisée, il est important d’accorder une place d’importance à l’accompagnement
psychologique auprès d’ex-adeptes et de familles. Des éléments historiques des enjeux
qui y sont liés et de la prise en charge des personnes sont utiles à la compréhension
de la nécessaire professionnalisation de l’accueil. Une connaissance approfondie des
différents aspects de ce phénomène est d’autant plus essentielle que la manipulation
mentale potentielle est au centre des préoccupations et constitue la suspicion principale
à l’origine de la demande d’information ou de prise en charge : est-ce que ma fille est
dans une secte ? est-ce que Monsieur Machin est un gourou ? Des éléments historiques
sont en effet un préalable pour comprendre une néolibéralité de la « gestion » des
personnes vulnérables et admettre que l’on laisse seul un réseau de bénévoles accueillir
des sortants de sectes qui tentent de se libérer d’un abus de pouvoir. Le savoir-faire
du psychologue se révèle essentiel dans cette prise en charge à partir du moment

258
Les interventions

où l’on distingue deux fonctions remplies par ce phénomène sociologique, l’une


collective, l’autre individuelle. L’actualité concernant la légalisation de l’activité
des psychothérapeutes croise ces enjeux quand le souci de protection du public est

6. L’accompagnement psychologique
mis en avant face aux abus potentiels de personnes insuffisamment formées. Or la
psychothérapie est la voie de service royale des groupements sectaires. Elle intervient
comme une croyance et c’est bien l’objet du débat non seulement de ceux qui se
méfient des sectes, mais également des psychologues confrontés à ce qui ne représente
qu’une fonction dans leur univers.
Un éclairage historique de l’abus de pouvoir sur l’homme et l’avènement de la
défense de l’individu est utile pour expliciter une différence culturelle fondamentale
qui gouverne deux conceptions du phénomène sectaire et de la liberté de conscience
de part et d’autre de l’Atlantique. Nous l’avons spécifié avec le procès de Nuremberg
et le rapport Belmont. Précisons juste que la séparation de l’Église et de l’État de
1905 en France est une spécificité retentissante dans d’autres pays. La culture laïque,
qui ne saurait ignorer la prépondérance d’une ambiance éducative judéochrétienne
de l’approche de la vulnérabilité, se préoccupe du niveau de l’éducation d’une
population. Or lorsque l’État démédicalise certaines prises en charge de personnes
vulnérables pour « hôtelleriser » ses personnes handicapées par exemple, que devient
la marge de manœuvre de dispositifs que l’on ne peut garantir ? Certes, la dimension
psychologique inaliénable de la personne ne nécessite pas un label médical, mais
la reconnaissance d’une vulnérabilité mise à jour lors de dérives pourrait amener à
l’organisation d’une prise en charge salutaire publique. La caution médicale est surtout
une garantie publique contre les dérives, elle pourrait être psychologique. Ce sont des
initiatives politiques et religieuses qui se soucient le plus en France du phénomène des
sectes, à un moment où les États-Unis nous montrent clairement qu’en ne séparant pas
le clergé et l’État, il n’y a pas lieu de priver des initiatives de confisquer à la charge du
pays des personnes fragiles ou non. Il ne reste guère admissible dans une société où le
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

profit est convoité et les accès aux services à deux vitesses en voie d’aboutissement, de
confier au secteur privé la prise en charge des plus vulnérables sans une intervention
conséquente de l’État. Celui-ci doit remplir son devoir d’assistance des personnes à
protéger et non penser, y compris l’espace d’un instant, confier à des intérêts privés
la prise en charge de personnes à la rentabilité amoindrie. Ce sont aussi des drames
humains.
En France, la première Association de défense de la famille et de l’individu (ADFI),
apparaît en décembre 1974 à Rennes, sous l’impulsion de Claire Champollion, dont
le fils est happé par la secte Moon. Un réseau national, l’Union nationale de défense
de la famille et des individus (UNADFI), se met en place en 1982. La reconnaissance
d’utilité publique vient à ces organisations en 1996. Ces ADFI fonctionnent grâce

259
Les interventions

à des bénévoles qui tiennent des permanences. Leurs missions sont d’analyser le
phénomène sectaire, d’informer le public et d’aider les victimes. Dans ces lieux
d’écoute, les personnes bénévoles se trouvent face à la souffrance psychique des
6. L’accompagnement psychologique

victimes et au désarroi des familles. En France, ce sont les seuls lieux d’accueil et
d’écoute des victimes de sectes. Aucune structure professionnelle n’existe à ce jour,
pourtant et étonnamment, alors que nombre de difficultés sociales sont médicalisées
en France ; le phénomène sectaire reste appréhendé à partir d’initiatives privées,
d’obédience culturelle marquée, relayées par des instances territoriales. Nos églises
y sont particulièrement présentes. En 1983, Alain Vivien, député du Val-de-Marne,
met l’accent public sur cette problématique, avec son rapport sur les sectes. Un
observatoire se met en place qui pose l’intervention de l’État comme garante d’une
vigilance et ainsi d’une information sur les risques liés aux sectes. Lui succède la
Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), aujourd’hui Mission de
vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), que préside actuellement
le magistrat Georges Fenech. Outre-Atlantique, la contestation demeure sur le caractère
liberticide de la France à l’égard de l’étude des nouveaux mouvements religieux, alors
que bon nombre de mouvements sectaires ne se réclament en rien de convictions
religieuses. Ce sont les stratégies juridiques qui reposent sur le seul argument de la
liberté de conscience comme nous le rappelle Emmanuel Jancovici1 qui précise que
« cette qualification permet à ces groupes de se situer sur le plan du religieux pour
faire obstacle à la loi ». En 1995, une commission d’enquête parlementaire établit
une liste de 173 mouvements sectaires totalisant 160 000 adeptes. En 1999, un second
rapport parlementaire met en évidence l’emprise économique. Cette entrée dans la vie
économique n’est pas seulement destinée à une recherche d’adeptes et de notoriété,
mais motivée par le pouvoir financier visé. La MIVILUDES estime à 700 000 le
nombre d’adeptes2 . Cette structure interministérielle (Intérieur, Justice, Finances,
Jeunesse et Sports, Éducation nationale, Santé et Affaires étrangères) dispose de trois
organes : un comité exécutif, un conseil d’orientation et une équipe de 15 personnes
pour mettre en œuvre sa mission de prévention et d’information sur les risques.
Ses rapports annuels d’activité sont toujours autant d’armes à diffusion massive
(www.miviludes.gouv.fr).
La définition précise de la secte est délicate. Les caractéristiques déterminantes du
groupe sectaire nous semblent floues : la secte est une organisation autoritaire, qui
incite à diverses conduites de rupture et invite à des modes de vie excessifs auxquelles

1. Jancovici E. (1999). « Les difficultés d’approche du phénomène sectaire », in Denis P., Schaeffer J.
(eds), Sectes, PUF, p. 63-70.
2. Katz C. (2007). Communication orale, non publiée, mars.

260
Les interventions

s’ajoutent des croyances bizarres. La question est d’autant plus difficile qu’elle peut
être contaminée par les stratégies mises en place par ces groupes lorsque ceux-ci
cherchent une reconnaissance. Il ne s’agit alors plus seulement de rassembler les

6. L’accompagnement psychologique
critères qui font que tel ou tel groupe est une secte et que l’on peut appartenir à
celle-ci, mais d’étudier le rapport de l’offre et de la demande s’il s’agit d’obtenir un
agrément pour s’occuper de l’éducation d’enfants ou de la santé de personnes fragiles,
par exemple. Emmanuel Jancovici nous rappelle combien les stratégies juridiques
ne reposent que sur un seul argument : la liberté de conscience. La caractéristique
première et prépondérante, si ce n’est unique, mais plus nécessaire que suffisante,
pour repérer un mouvement sectaire est l’opposition à la loi ou plus précisément le
déni de cette loi, l’argument religieux étant utilisé à cette fin. Aussi présentons-nous
tout d’abord la liste de critères retenus par les parlementaires en 1995. Il s’agit de ceux
utilisés par la direction centrale des Renseignements généraux. Ils sont au nombre
de dix : la déstabilisation mentale, le caractère exorbitant des exigences financières,
la rupture induite avec l’environnement d’origine, l’atteinte à l’intégrité physique,
l’embrigadement des enfants, le discours plus ou moins antisocial, le trouble de l’ordre
public, l’importance des démêlés juridiques, l’éventuel détournement des circuits
économiques traditionnels, la tentative d’infiltration des pouvoirs publics.
Cette appartenance à un groupe exclusif et élitiste avec cependant une doctrine
plutôt pauvre montre une problématique avant tout sociologique, mais la rupture entre
un groupe désigné et le système social ne peut faire négliger les drames individuels
des ruptures familiales, suicides, abus sexuels et escroqueries qui suscitent autant
de révoltes par l’entourage contre l’aliénation. Les retentissements individuels de
ce déni de la loi nécessitent que l’on se penche sur la souffrance des sortants de
sectes, même si le questionnement de sa présence préalable à l’adhésion à ce type de
groupe doit être abordé. Si ce type de rapport à la loi ne peut que nous évoquer la
problématique perverse, l’accès à la symbolisation doit être examiné, y compris au
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

travers de ce que nous avons décrit ailleurs sous les termes de complexe d’Abraham.
Dispositif à deux niveaux, primaire et secondaire, aux nouages psychique et social,
ce paradigme des comportements et des discours propose la mise à l’épreuve d’une
dialectique entre sacrifice et fidélité au cœur des relations dans les pratiques sociales.
La définition est difficile quand l’oscillation entre religion et refus du droit peut nous
montrer partisans d’un pôle ou d’un autre. Néanmoins, la nécessité de considérer la
dimension individuelle, et plus particulièrement psychique, s’impose dès lors que
l’on s’intéresse au soutien de ces personnes. L’urgence à se pencher sur l’individu
et son psychisme est d’autant plus grande que la prétention sectaire d’exercer un

261
Les interventions

droit à échapper au droit1 et à refuser un jugement si ce n’est par Dieu ou soi-même


conduit à l’impossibilité d’accéder à une histoire personnelle. C’est bien ce qui fait
obstacle à une intervention psychologique durant le temps d’une emprise sectaire.
6. L’accompagnement psychologique

C’est également cette exclusion du tiers qui nous rapproche d’une référence obligée
à la psychopathologie : comment le choix divin s’occupe-t-il des relations entre les
hommes ?
À la définition du législateur de la secte :

« un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de
créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique
des personnes qui participent à ces activités par l’exercice de pressions
graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer leur jugement »2

nous mettrons en avant celle de Sonya et Jean-Pierre Jougla :

« La secte, quelle que soit sa taille, est une structure dogmatique de type
étatique hégémonique et totalitaire, refermée sur elle-même, en autarcie
ou en milieu ouvert, dirigée par une autorité absolue autoproclamée et
non contrôlée qui cumule à la fois les pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire, mue par le projet utopique de création d’un surhomme idéal
et d’une société fantasmée, dans lequel le temporel est subordonné à un
spirituel autoréférent et qui soumet par la manipulation mentale l’individu
adepte, le conduisant vers une déstructuration psychologique, intellectuelle,
émotionnelle et parfois physique, qui lui fait perdre sa dimension de
personne et de citoyen. »3

Cette « fabrique d’état de faiblesse »4 est aux mains d’une personne qui cumule
les trois pouvoirs et exerce sur les personnes à leur insu des pressions qui les
conduisent à des actes autopréjudiciables, dans un contexte où l’histoire groupale se
substitue à l’histoire personnelle. Les repères sont gommés et le discernement se perd,
la déréalisation et la dépersonnalisation s’inscrivent dans une désinsertion sociale.

1. Michel J. (1999). « L’attitude sectaire ou la négation du droit », in Denis P., Schaeffer J. (eds),
Sectes, PUF, p. 71-90.
2. About N., Picard C. (2001). Loi n◦ 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention
et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés
fondamentales.
3. Jougla S. et J.-P. (2003). « Les victimes de sectes », document de cours, université Paris 5, mars.
4. Ibidem.

262
Les interventions

Soyons donc vigilants car la liberté de subjectivité revendiquée ne doit pas nous faire
oublier que :

6. L’accompagnement psychologique
« Respecter ce subjectivisme avec un maximum très pervers de scrupules
pourrait revenir à ce que la société considère comme indifférent que ces
personnes aillent de leur propre volonté à leur perte, et il y a là peut-être
un idéal du libéralisme qui en prônant la tolérance entend bien en tirer
toutes les conséquences. »1

L’arsenal juridique est pauvre en dehors de la loi About-Picard du 12 juin 2001, qui
propose un élargissement de l’article 313-4 du Code pénal réprimant l’abus frauduleux
de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse. Elle vise les abus de faiblesse des
personnes amenées à un acte ou à s’en abstenir qui nuit à leurs intérêts propres, mais
la difficulté de prouver l’emprise mentale rend cette loi délicate d’application.
Soyons plus précis encore : personne n’entre dans une secte. En revanche, l’on
rencontre les membres d’un groupe, son leader puis, peu à peu, l’on va être amené à
participer, à s’engager, à s’adapter au fonctionnement d’un collectif pour en accepter
totalement les principes. Toute adhésion dans un tel groupe est le résultat d’un processus
complexe et progressif, nous rappelle Delphine Guérard2 . Certains vont l’expliquer
par le recours au lavage de cerveau ou à des techniques ultra-sophistiquées comme
l’hypnose. Abandonnons les techniques de lavage cerveau, une notion popularisée
avec la Guerre froide, car les sectes procèdent différemment. Elles n’ont pas recours
à la violence physique et ne s’adressent pas à un public de prisonniers de guerre,
victimes involontaires sous contrainte, alors que les adeptes de sectes sont ouverts
à des promesses salvatrices. D’autres imaginent qu’il s’agit de forces mystérieuses
insaisissables à l’œuvre dans le contrôle des esprits. Nous retiendrons quant à nous
la notion de manipulation mentale décrite par la psychologie sociale. Deux grands
types de techniques sont à distinguer : celles basées sur la persuasion, qui s’exercent
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

directement sur les attitudes ou la personnalité de la personne, et celles basées sur les
technologies comportementales, permettant d’extorquer des comportements que les
gens n’auraient pas émis spontanément.
S’il existe de véritables techniques conditionnant l’individu, poursuit cette auteure,
altérant son jugement et précipitant la destruction de sa personnalité, si tout est mis
en place pour l’anéantir et l’enfermer dans la doctrine prodiguée, les principes, les
exercices et le fonctionnement à respecter, l’individu ne peut-il pas être considéré

1. Michel J., op. cit.


2. Guérard D. (2000). « La manipulation mentale dans les groupes sectaires », Bulletin de liaison
pour l’étude des sectes, n◦ 67, p. 2-5, ainsi qu’un ouvrage à paraître.

263
Les interventions

comme pris par son propre fonctionnement interne ? Repérée à partir de ses dimensions
comportementales, la manipulation mentale ne permet pas d’expliquer à elle seule
l’adhésion sectaire. Pour rentrer dans un processus de transformation, comme le
6. L’accompagnement psychologique

proposent les sectes, l’individu doit être acteur et ne pas faire semblant. L’adepte a
une histoire, il est riche d’une vie psychique complexe, il est en recherche, il peut
ressentir un besoin de changement rapide. Attiré et séduit par ce qui lui est proposé et
promis, l’individu se montre curieux, il y croit, le discours sectaire fait écho en lui et
il s’investit sincèrement pour trouver enfin ce qu’il attend, pour vivre une satisfaction
au-delà de tout entendement.
Tantôt, l’on observe des pathologies préexistantes à l’intégration sectaire, les
troubles psychologiques sont alors à l’origine de l’adhésion, tantôt elles en découlent.
Dans toutes les situations, adhérer à une secte désingularise puisque tout est pensé
à partir du groupe et du projet, mais aider une personne à supporter la rupture avec
le groupe et son fonctionnement ne fait pas d’elle une toxicomane. Assimiler les
manques les uns aux autres dans une « panaddiction » conduit à une lecture par un
modèle d’éclairage plutôt qu’à un éclairage par un modèle de lecture. La réconciliation
d’avec soi, l’éventuel réapprentissage de la vie quotidienne interrogent une situation
aliénante que le psychologue est à même de comprendre, même s’il est d’ailleurs
difficile de connaître ce qui se passe dans ces groupes, car il s’agit d’un milieu qui
cultive le mystère, invite au secret, attise la curiosité et mobilise l’imagination. Il a le
pouvoir de séduire voire de fasciner. Pourtant, il s’agit d’un milieu qui exploite à tous
les niveaux l’individu, le dépossède, le déstructure et l’installe dans l’exclusion comme
nous le rappelle Delphine Guérard1 . Une telle expérience où l’être tout entier a été
profondément bouleversé a des répercussions graves sur le plan psychique, physique,
social et financier. Le glissement opéré entre la pensée et la croyance prive certaines
personnes d’un espace psychique d’élaboration, non que la croyance évince la relation,
c’est toujours d’elle dont il est question, comme nous le rappelle Paul Denis2 . Mais
elle court-circuite la perlaboration permise par un tiers qui occupe une telle place. À
côté de la gestion des liens interpersonnels qui permet d’isoler des groupes, il y a une
véritable souffrance psychique des personnes à prendre en compte. Autrement dit, la
mise en valeur des deux fonctions du phénomène sectaire, dont la première, sociale,

1. Dans son texte paru dans le rapport de la Miviludes remis au premier ministre en avril 2008 :
« Lorsque de fausses allégations d’abus sexuels surviennent au cours d’une psychothérapie : le
phénomène des souvenirs induits », rapport 2007 de la MIVILUDES, p. 159 à 169, la Documentation
française.
2. Denis D. (1999). « Sectes, croyance et vérité », in Denis P., Schaeffer J. (eds), Sectes, PUF,
p. 159-167.

264
Les interventions

est visible, mais dont la seconde, individuelle, est masquée par l’absence de prise
en charge ciblée dans le dispositif social français, permet de faire le constat suivant :
il est nécessaire que la fonction individuelle remplie par le phénomène sectaire soit

6. L’accompagnement psychologique
confiée à des professionnels de la santé psychique des personnes, autrement dit des
psychologues. Il est désormais utile de trouver les moyens de mettre des compétences
dans ce secteur d’intervention et d’introduire un travail clinique dans lequel l’apport
de la psychologie dans son usage de la psychanalyse est essentiel.

265
L’Aide-mémoire du psychologue

Conclusion

Conclusion
Le psychologue, professionnel de pensée,
est un ingenieur psychosocial

’EXPÉRIENCE, singulière par définition, fonde l’intervention de la psychologie,


L c’est elle qui prend corps et non pas seulement figure. Cependant la psychologie
ne se résume pas à l’expérience comme le pense tout le monde ou plutôt monsieur
tout le monde : elle se conjugue avec la connaissance scientifique que ponctue une
analyse sérieuse et minutieuse de la situation. Le psychologue cherche à résoudre
des questions sociales à partir de connaissances scientifiques. Il ne cherche pas de
solutions, il s’attache à reformuler le problème, car la recherche du sens va conduire
à laisser émerger une solution. Tirer à vue et à immédiat sur le psychologue est un
exercice facile, or le temps des éloges ne se tarit pas. Il est nécessaire de comprendre
pourquoi le psychologue a bonne presse, mais mauvaise réputation, sur le fil dérisoire
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

d’une médiatisation cosmétique. Dans notre stigmatisation de la médecine et de


l’éducation du sens commun, nous perdons un adversaire dans la mesure où c’est de la
même chose dont il s’agit : le réductionnisme d’une vulgarisation. Le psychologue doit
résoudre la difficulté qui consiste à se distinguer d’une appréhension de la psychologie
par le sens commun tout en se faisant comprendre du plus grand nombre pour parler
des conduites, ces faits qui ont un sens pour le sujet.
L’adoubement du psychologue, au-delà de sa réussite universitaire, passe par son
positionnement vis-à-vis de questionnements qui lui sont propres, comme la nécessité
de se former tout au long de la vie sans s’engouffrer dans les relents de l’achèvement
d’une sortie de crise personnelle. Que la psychologie soit complexe, même le sens
commun y consent, mais reconnaître que l’on estime cette complexité avec les

267
Les interventions

moyens, y compris intellectuels, à disposition, est plus difficile à accepter. Elle gagne
l’inscription sociale de cette discipline parce que son rapport avec les besoins sociaux
n’est pas simple et celui d’avec la science, ambigu. C’est sans parler des professionnels
eux-mêmes, parfois enclins à penser que la fonction fait le psychologue alors que
cette fonction doit être remplie. Il était temps de répondre aux préoccupations du plus
grand nombre : mais que fait un psychologue et que cherche-t-il dans l’isolement de
la relation ? Ce n’est pas seulement un idéal que de proposer une réflexion, un cadre et
Conclusion

une analyse comme forces de travail, c’est aussi ce que l’on demande au psychologue
avant tout. Les changements de la société doivent réactualiser la modernité de la
psychologie, nous pouvons compter sur les psychologues pour mettre au travail cette
conception dont nous ne soulignerons jamais assez le double sens d’intellectualité et
d’avènement. La fonction subversive que le psychologue revendique est compatible
avec un ancrage social constructif. Le psychologue est un ingénieur psychosocial.
Tout le monde a besoin d’un psychologue, puisque la plupart des personnes
s’adaptent mal au contexte dans lequel elles évoluent et les autres peuvent s’inquiéter
de ne pas présenter de troubles. Cependant, comme l’anormalité n’est pas à confondre
avec la pathologie, il est nécessaire que le psychologue consacre son énergie à savoir
comment font les personnes pour rester normales face aux contraintes. Ce point de
vue mérite d’autant plus notre attention que l’évolution sociale nous montre une
importance accrue des identités statutaires de personnes à prendre en charge, celle
de malades chroniques, par exemple, d’où se désengage l’activité soignante. La
phénoménologie proposée dans un renouvellement esquissé de ses bases repose sur
l’évolution d’une praxis qui s’inscrit dans un temps social sans perdre de vue l’horloge
d’une profession et son inscription sociétale. Les psychologues ont pour mission
d’accompagner le progrès scientifique, mais également l’errance sociale. C’est ainsi
l’accent mis sur les métiers de la psychologie émaillés de réflexions sur leur évolution
actuelle que la forme du portrait rend particulièrement bien. La constante que nous
avons présentée, dans cette régulation sociale centrée sur le sujet ou le groupe, d’une
interface de l’intime et du social, que celle-ci apparaisse en termes de dilemme ou
de gestion, constitue la caractéristique fondamentale de l’activité du psychologue.
L’aide à la professionnalisation de ce défi est impérieux, la décision de la relayer vous
appartient comme la nécessité de penser l’activité de travail.

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L’Aide-mémoire du psychologue

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281
L’Aide-mémoire du psychologue

Liste des encadrés

Liste des encadrés


• Méthodologie : la configuration des quatre P, page 33
• Les principes du rapport Belmont, page 51
• Informations pour une installation en libéral, page 106
• Liste des textes légaux, page 112
• La Commission nationale consultative de déontologie des psychologues, page 114
• Enregistrement sur les listes Adéli, page 115
• Code de déontologie, page 116
• Signataires du Code, page 122
• EuroPsy, le diplôme européen, page 129
• Définition du BIT des missions du psychologue, page 134
• Méthodologie du projet, page 145
• Les phases d’une analyse sociale, page 193
• Les étapes d’un audit, page 193
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• Dossier de candidature à l’expertise psychologique, page 208


• Distinctions entre expertises, page 221
• Le rapport d’expertise psychologique, page 222

283
L’Aide-mémoire du psychologue

Index des noms propres

Index des noms propres


A C
ACCOCE Jeannine 127 CALMUS Arnaud 127
ADÈS Jean 255 CAMUS Jean-François 124–126
ANDRONIKOV Anne 221 CARLIER Michèle 125, 127
CASONI Diane 220
ANDRU Stéphanie 127
CÉDILE Geneviève 206
ANZIEU Didier 20
CHAMPOLLION Claire 259
CHARCOT Jean-Martin 46
CHARD-HUTCHINSON Aline 127
B CHARTIER Jean-Pierre 127
CHAUVAUD Frédéric 207
BADINTER Robert 205
CLOT Yves 168, 170, 188
BALLOUARD Christian 127, 167, 169
COHEN Patrick 40, 114, 123–125, 127
BASTIEN Claude 124 CONDON William S. 70
BATESON Gregory 68 COQ Jean-Michel 127, 180
BAUDOUIN Jean-Yves 127 COSNIER Jacques 69
BERGÉ André 46 COSTE Danièle 127
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

BERGSON Henri 46 COSTÉDOAT Jean 244


BIEDER Joseph 242 CRAMER Bertrand 239
BINET Alfred 8, 47, 164
BION Wilfried R. 34, 230 D
BIRDWISTELL Ray 68, 70
DAGOBERT Marie-Laure 127
BISSEY Françoise 127
DAURIAC Sylvie 127
BLANCHET Alain 99, 125
DE AJURIAGUERRA Julian 46
BOIMARE Dominique 127 DEJOURS Christophe 169, 170, 188
BOURGUIGNON Odile 114, 123–125, 127 DELMAËRE Arnaud 127
BROSSARD Alain 69 DENAMIEL Pierre-Marc 192
BULHER Charlotte 45 DENIS Paul 264

285
L’Aide-mémoire du psychologue

DEROBERT Léon 243, 244 GROF Stanislav 18


DESHAIES Gabriel 242 GROSBOIS Philippe 125
DIATKINE René 46 GUÉRARD Delphine 17, 263, 264
DOLTO Françoise 181 GUETTE-MARTY Marie-Claude 127
DOREY Roger 243 GUILLEVIC Christian 168
Index des noms propres

DUBEC Michel 218 GUINOT Brigitte 123, 127


DUMEZ Alain 206, 217 GUYOTAT Jean 242
DUPONT Mélanie 127
H
E HALL Edward T. 68, 70
EDWARDS Griffiths 256 HELMICK BEAVIN Janet 68
ESQUIROL Jean-Étienne 9 HESNARD Angelo 46
HEUYER Georges 46, 205
HOCKETT Charles F. 69
F
FAGOT-LARGEAULT Anne 56 I
FANNI-SAUZE Dominique 127
IONESCU Serban 238, 239
FAVEZ-BOUTONNIER Juliette 46
ISRAËL Lucien 243
FECHNER Gustav Theodor 44
FENECH Georges 260
FERENCZI Sandor 16 J
FERRY Jules 164 JACKSON Don D. 68
FONTAINE Anne-Marie 35 JANCOVICI Emmanuel 260, 261
FORTINEAU Jacques 191 JANET Pierre 46
FRAISSE Paul 32, 46, 114 JANOV Arthur 218
FRÉMAUX Hélène 127 JEAMMET Philippe 191
FREUD Sigmund 44, 46, 58, 72, 73, 220, 238, 240, JEOFFRION Christine 35, 127
254
JOUGLA Sonya et Jean-Pierre 262
FREYSSENET Michel 170 JUNG Carl Gustav 18

G K
GARRY Jacques 127 KAËS René 41
GAYRAL Anne 127 KIERKEGAARD Sören 76
GAYRAL Louis 242 KOLHBERG Lawrence 218
GELLY-NARGEOT Marie-Christine 127
GHIGLIONE Rodolphe 162
GIRARD René 75, 78
L
GOFFMAN Erwing 68 LACAN Jacques 46
GOUREVITCH Michel 237 LAGACHE Daniel 46, 116
GRASSET Carole 127 LAHY Jean-Maurice 163
GRIFFITHS Véronique 127 LANG Jean-Louis 46, 191

286
L’Aide-mémoire du psychologue

LAPLANCHE Jean 75, 238 O


LASÈGUE Charles 243, 244
OHAYION Annick 41
LE BIANIC Thomas 162–164
LE GARFF Daniel 127
LE GARFF Madeleine 127 P

Index des noms propres


LE JOYEUX Michel 255 PAGÈS Robert 116
LEBOVICI Serge 46 PAINEAU Alain 162
LECOINTRE Jean-Marie 125 PARIS Laure 135
LÉCUYER Roger 123, 125–127, 129 PASTEUR Louis 50
LÉONARD Florent 127 PERETTI Jean-Marie 192
LEPLAT Jacques 168 PERRIER Vincent 127
LÉTUVÉ Alain 114, 125 PHESANS Bertrand 205
LEVY-LEBOYER Claude 123 PIAGET Jean 44
PIÉRON Henri 46, 164
LEWIN Kurt 44
PIERROT Marie-Annick 127
LEYRIE Jacques 207
PINEL Philippe 9
LUCAS Jérôme 127
PLANTADE Alain 191
POLITZER Georges 130
PONTALIS Jean-Bertrand 75, 238
M PY Jacques 127
MÂLE Pierre 46
MANN Jonathan 177 Q
MANNONI Octave 16, 240
QUEMADA Nicole 191
MARTIN Robert 127
MASLOW Abraham 18
MASSIN Benoît 49, 50 R
MAUCO Georges 46 RAISCHWARG Daniel 50
MAUFFREY Sébastien 127 RAMEIX Suzanne 55
MAZET Philippe 191 RAYMOND Serge Georges 207, 210
MEHL Dominique 179, 181
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

REDONDO Richard 127


MENNINGER Karl 242 REICH Wilhelm 18
MISÈS Roger 46, 191 RIBOT Théodule 46
MONTOUTE Timothy 127 ROBINEAU Marie-Jeanne 123, 125–127
MORGENSTERN Sophie 46 ROGERS Carl 18
MORIZE-RIELLAND Aline 127 ROMAN Pascal 220
MOSER Gabriel 135 ROSENTHAL Robert 172
ROUSTANG François 73

N S
NACHT Sacha 46 SABLÉ Claude 127
NEYRAUT Michel 73 SANTIAGO Marie 123

287
SCHEFLEN Albert E. 68 V
SCHNEIDER Benoît 123, 127
VAILLANT Édouard 164
SFEZ Lucien 27, 169
VIAUX Jean-Luc 205
SINOIR Guy 205
VILLAMAUX Michaël 127
SPITZ René 32 VIVICORSI Bruno 62, 127
SZEPIELAK Dominique 127 VIVIEN Alain 260
VOYAZOPOULOS Robert 127

T W
TAILLANDIER Jérôme 156 WALLON Henri 45, 221
TESTART Jacques 53 WATZLAVICK Paul 68
THIÉTRY Céline 127 WINKIN Yves 68
TOSTAIN René 256 WINNICOTT Donald W. 221, 228
TOULOUSE Édouard 163 WUNDT Wilhelm 44, 45
L’Aide-mémoire du psychologue

Index des notions

Index des notions


A changement 99
classification 191
accompagnement 23
internationale des maladies 191
acte psychologique 209
nosographique 188
activité libérale 104
co-construction 100
addiction 251
coaching 10
Adeli 2, 115
code 69
adolescent 248
de déontologie 114, 116
adulescence 248, 249, 251
de Nuremberg 50
Agence nationale d’accréditation et d’évaluation
cognitivisme 62
des établissements de santé 196
cognitologue 62
analyse sociale 192
collaboration 151
appel des dix 125
professionnelle 28
apprentissage 84
commission
aptitude 19
interorganisationnelle représentative 124
audit social 193
nationale consultative de déontologie des
autonomie 30, 51, 177 psychologues 114
aveu 236
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Viout 205, 216


communication corporelle 67, 68
B compagnie d’experts 206
compétence 34, 150, 157
bénévolat 90 complexe d’Abraham 75
bienfaisance 51 comportementalisme 62
bilan psychologique 201 confiance 170
bon sens 11, 14 contractuelle 148
connexionnisme 62
conseil 32
C
consentement 49
cadre 71, 74, 212 contractualisation 53
idéal 72 contrainte 158, 219

289
L’Aide-mémoire du psychologue

contrat de communication 98 entretien 98


conventions collectives 104 de recrutement 97
corporatisme 134 semi-directif 100
corporatiste 124, 130 équité 52
corps 17, 52, 56, 67, 230, 235, 248 espace transitionnel 228
crime 236 états généraux de la psychologie 124
Index des notions

criminologie 206 étude de cas 85, 87


culpabilité 218 Europsy 29, 129
culture 54 évaluation 23, 37, 185, 203
cumul d’activités 113 évolution sociale 45
curriculum vitae 93 examen
de crédibilité 214
psychologique 201
D expérience 15, 87, 267
expertise 214
demande 36, 158, 160
psychiatrique 221
sociale 3
psychologique 204, 205, 210, 241
démarche expérimentale 45
dénégation 239
agie 240 F
déni 236
Fédération
développement personnel 10
européenne des associations de psychologues
dévoiement 63
129
diagnostic psychologique 36
française des psychologues et de psychologie
DIRES 104 2, 90, 97, 107, 114, 125, 126, 128, 130, 131
discipline 39 fidélité 75
dommage corporel 213 fonction 20, 23, 57
doute 59, 60 fonction re spiralée 78
droits individuels 52 formation 27, 30
dyssocialisation 137

G
E
gérontologie 234
économie 28 grille d’entretien 100
écrits 109 guérison 225
éducation 7 guérissabilité 227
empathie 18, 203
emploi 92
enfant 7, 46, 47, 189, 230, 246
H
engagement 20, 63, 83, 164, 171 Haute Autorité de santé 153
social 19, 24, 43 histoire 44, 46
enseignants-chercheurs 113 hôpital (accréditation) 194

290
L’Aide-mémoire du psychologue

I métis 170
mission 1, 133, 212
identité 55, 166, 167
MIVILUDES 260
indication 29
modélisation 58
ingénierie 33
mort 230
ingénieur
motivation 165
psychosocial 33

Index des notions


social 32
inquiétante étrangeté 240 N
internet 136 naissance de la psychologie 46
interprétation 226 neutralité 21
interséance 71 ni-ni 15
intervention 2, 37, 49, 135, 168 non-processus 71
psychologique 24, 27 non-verbal
intervision 95 co-textuel 69
contextuel 69
J normalité 169
norme 30, 156, 174
jargon 219 nosographie 149
jeu 63, 245 nosologie 189
justice 204 nouvelle communication 67

K O
kinésique 68 obligation de soins 157
observation 82, 187, 203
L
langage 69
P
du corps 67, 70 passage par l’acte 76, 221
paternalisme médical 53
 Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

paternalistique 66
M
pathologies chroniques 227
manipulation mentale 258 phénoménologie 57
manuel diagnostique et statistique des troubles police 139
mentaux 191 portage salarial 109
marché économique 25 positionnement 2, 39, 40, 167
maternalistique 66 prescription 152, 154
médecine 7, 148 présence 21
médias 179 prestation 25, 28
mémoire 87 prévention 173, 192
de fin d’études 86 problématisation 33
mensonge 215 programme médicalisé des systèmes d’information
méthode 143 195

291
L’Aide-mémoire du psychologue

progrès scientifiques 48, 50, 57, 176 responsabilité 31


projet 140 éthique 19
proposition 34 rumeur 14
protection des droits 49
protocolisation 34
S
proxémie 70
Index des notions

psychanalyste 10 sacrifice 75
psychiatre 9, 151, 221 saisie 11
psychodynamique du travail 169 santé 149
psychologie 13, 66 SDF 137
appliquée 163 secret 211
concrète 169 secte 258
de l’éducation 172 secteurs d’intervention 24
du travail 161, 165 sens 217
environnementale 135 commun 13, 150
psychologisation 26 silence 21
psychologue simulation 236, 241
de la fonction publique hospitalière 113 soutenance 89
de la protection judiciaire de la jeunesse. 113 souvenirs induits 16, 17
territorial 113 spécialisation 64
stage 81, 91
psychosocialisation 34
structure ordinale 130, 154
psychotechnique 163
subjectivité 134, 188
psychothérapeute 9
subversion 83, 156
suivi psychologique 28
Q supposé savoir 13
surcadre 72
quatre P (configuration) 33 surendettement 251

R T
rapport temps FIR 104
Belmont 51 tests 23
Burgelin 162, 221 théorie 32, 64
d’expertise 222 thérapies corporelles 17
de stage 85 tickets de consultation 160
recherche d’emploi 95 tiers-temps 155
reconnaissance 3, 26, 188 titre de psychologue 1, 112
règles professionnelles 114 titularisation 101
régulation sociale 156 transfert 72
relations humaines 12, 19 primaire 72
remboursement 29, 152 secondaire 72
réponse 31 travail sur soi 10, 94

292
L’Aide-mémoire du psychologue

U
utilité sociale 116

V
validité 220

Index des notions


volontaire 91

293

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