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Le Semeur Du Kasai No 1 Semestre 1 2006

Volume 1

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LE SEMEUR DU KASAÏ

Revue pluridisciplinaire
Numéro 1, Premier semestre 2006

Bakole wa Ilunga
Une vie pour le Kasaï et le Congo

Numéro thématique dirigé par André KABASELE Mukenge,


Jean-Adalbert NYEME Tese, Boniface BEYA Ngindu et
Lambert MUSEKA Ntumba.
LE SEMEUR DU KASAÏ
ISRD-TSHIBASHI ET ISDI(ISSR)
B.P.70
KANANGA/KASAI OCCIDENTA
REPUBLIQUE DEMCRATIQUE DU CONGO

La publication de cette revue est un des résultats escomptés du projet «Leadership


en développement coopératif» financé par l’Agence canadienne de développement
international, dans le cadre du Programme de partenariat des Collèges canadiens
(PPCC). Le Collège Boréal en est le maître d’œuvre.
WWW.KUETU.COM
« Quia ego servus »

S.E. Mgr Martin-Léonard Bakole wa


Ilunga,
Archevêque émérite de Kananga

IN MEMORIAM : 3 février 2000 - 3 février -2006


LIMINAIRE
LE FRÈRE AÎNÉ

Faire mémoire de Son Excellence Mgr Martin-Léonard


Bakole wa Ilunga c’est me souvenir de celui que j’ai connu
alors que j’étais tout petit dans ma première année du Petit
Séminaire, et que j’ai retrouvé au Grand Séminaire de Kabwe
comme un frère aîné, dynamique et bien apprécié. Il est aussi
celui qui fut mon père durant mes dix ans de formateur au
Grand Séminaire et pour qui je fus un collaborateur direct en
tant que Recteur du Grand Séminaire de Kabwe et ensuite de
Malole, après avoir transféré le cycle de théologie dans
l’actuel Centre Thabor pour nous fixer enfin dans la brousse de
Malole, pleine de serpents ntoka.
Durant vingt-cinq ans, il fut notre frère aîné dans
l’épiscopat en tant que Métropolitain de Kananga. Nous avons
eu la joie de vivre et de travailler avec lui dans la collégialité
effective et affective. Devenu son successeur sur le siège
épiscopal de Kananga à partir de sa retraite, il fut pour moi un
fils évêque émérite parmi les autres fils prêtres, et un père
expérimenté. Dans sa maladie comme dans sa mort, j’ai
toujours vu en lui un père, un frère, un fils. Faire mémoire de
lui est pour moi un service fraternel, filial et paternel. C’est
dans cet esprit que je suis heureux de donner cette préface à
l’ouvrage dédié à sa mémoire.

FAIRE MÉMOIRE

A partir d’un petit silex frappé avec une petite pierre


pour produire l’étincelle qui tombait sur la poudre de palmier,
nos ancêtres produisaient le feu qui pouvait brûler les forêts et
les savanes. Ainsi fit le Créateur. D’un petit silex ramassé sur
le bord de la rivière Kasaï, au village Pamba près d’Ilebo, Dieu
a fait jaillir un feu qui a brillé dans l’archidiocèse de Kananga,
dans la province ecclésiastique du Kasaï, dans la République
Démocratique du Congo notre pays, et dans le monde.
Célébrer la mémoire de cette personnalité forte, riche et
féconde, est une gageure, car elle est comme un arbre planté
au bord du cours d’eau, qui, tout en vieillissant, fructifie
encore, plein de sève et de verdeur (cf. Ps 92,15) : même après
sa mort, son esprit et ses œuvres parlent avec éloquence.
Célébrer Mgr Bakole c’est parler de ce chrétien qui se
trouvait à l’aise dans sa foi et qui a opéré une symbiose
heureuse entre sa culture ancestrale et l’évangile du Christ.
Appelé au service de l’Eglise comme prêtre et comme évêque,
il a su allier, dans sa vie pastorale, l’évangélisation et la
promotion intégrale de l’homme.
Faire mémoire de Mgr Bakole c’est s’engager pourtant
dans une oeuvre périlleuse, comme dans ce village des
aveugles, où un éléphant a été tué et chaque aveugle veut
décrire le pachyderme. Chacun le réduit au membre qu’il
touche. Qui vient à toucher la grande patte dit que l’éléphant
est une énorme colonne ! Qui touche le ventre affirme que
l’éléphant est un grand mur ! Qui touche l’oreille dit que
l’éléphant est une grande natte ! Pour parvenir à saisir la
réalité entière, il faut un témoignage unifié de la mémoire
plurielle. L’accumulation des souvenirs fragmentaires nous
lance dans une vision aussi fragmentaire. La multitude et la
diversité de témoignages doivent être dépassées pour rendre
vivant aujourd’hui le personnage appartenant au passé. En
effet, transmettre le souvenir seul ne peut satisfaire le cœur de
l’homme. Il faut le rendre présent et vivant aujourd’hui par les
actes et les oeuvres accomplis selon son esprit et son
enseignement. La mémoire est ainsi une lutte qui veut sauver
l’être aimé du spectre de l’oubli, lequel deviendrait chez nous
une ingratitude. Car ceux qu’il a servis sont devenus le
monument édifié auquel les générations reconnaîtront le
bâtisseur.
Réactiver le souvenir seul ne suffit pas. Il s’agit de
relancer le tissu des relations encore vivantes par-delà la mort.
Il ne s’agit ni d’inventaire de ce qui n’a pas été fait, ni
d’invention de ce qui n’a pas existé, ni même d’interprétation
de ce qui a été fait. Il importe pour nous, en faisant mémoire
de ce personnage attachant, de donner le passé pour l’ouvrir au
présent et à l’avenir de notre vie et de notre action. Car c’est
en ouvrant ces relations dans le présent et en leur donnant un
avenir dans notre vie que nous pouvons proclamer la pérennité
de l’esprit et de l’œuvre du défunt : il faut que le mystère de sa
personne ne s’enferme pas dans le passé, mais qu’il se
prolonge et se perpétue.
Faire mémoire dans cet ouvrage est donc notre combat
commun pour maintenir vivant parmi nous ce personnage
bien-aimé. C’est affirmer notre choix de rester branchés sur le
courant vital issu de sa vie et de son action comme une source
d’impulsion pour nous. Ainsi sa mémoire deviendra notre
héritage à nous ses contemporains et à ceux qui viennent
après. La mémoire que nous voulons faire de Mgr Bakole est
le grand voyage que nous accomplissons en suivant son
chemin dans les méandres de sa vie et de son action, et cela en
lisant avec attention le livre de sa vie, en écoutant avec sérieux
sa parole, et en suivant son itinéraire avec ses stations, ses
arrêts et ses tournants.

LE PRÊTRE ET LE PASTEUR

Faire mémoire de Mgr Bakole c’est rencontrer l’homme,


le chrétien, le prêtre et le pasteur à travers le système des
valeurs de son temps, c’est-à-dire en remontant jusqu’à la
dernière période de la colonisation et au temps de
l’indépendance du pays.
Ayant été façonné aux valeurs de l’époque coloniale, il a
fait l’expérience des valeurs et d’anti-valeurs du temps de
l’indépendance et des transitions renouvelées vers des régimes
de type démocratique toujours promis et jamais arrivés
jusqu’aujourd’hui. Il a goûté à la douceur des unes (valeurs) et
à l’amertume des autres (anti-valeurs).
L’action pastorale de l’évêque est fonction tant de son
génie et de son zèle pastoral que du discours théologique et
des options pastorales fondamentales de la Conférence
épiscopale nationale et provinciale. C’est dans cette lumière
qu’elle doit être mieux saisie quand nous en faisons mémoire.
Loin de poursuivre une fin apologétique, la mémoire d’une vie
passée comme une comète traversant l’atmosphère terrestre en
laissant un sillon lumineux, veut plutôt contempler
l’avènement de cet homme comme une histoire dans l’histoire
des hommes, et la vie chrétienne de ce chrétien comme un
événement dans la vie de l’Eglise, et l’action de ce pasteur et
homme d’Eglise non seulement comme une impulsion qui a pu
marquer le cercle de ceux avec qui et pour qui il a oeuvré,
mais aussi comme un impact sur l’histoire du Kasaï, du pays et
du monde.
La mémoire renonce donc à tout procès et ne recherche
pas tant de porter le jugement de valeur que de se délecter dans
l’intimité de la personne. Car la mémoire veut garder le
souvenir pour provoquer à l’action, fournir une référence à
l’action et fortifier le lien particulier avec le personnage. Il
appartient enfin à la mémoire de faire jaillir du brouillard du
temps surtout les moments promontoires qui pointent dans la
brume du passé comme les sommets de la vie.
LE SERVITEUR DE DIEU ET DE L’EGLISE

Son Excellence Mgr Bakole ayant été appelé à


l’existence en dehors de son choix et uniquement par le bon
vouloir divin, a accepté par son choix libre, l’appel divin au
service de l’Eglise et des hommes. Il a pris comme devise
épiscopale Quia ego servus ! Désormais c’est une vie de
serviteur qu’il veut mener. Tout devient pour lui service de
Dieu et de l’homme. Et quand le temps de sa retraite sonne
pour abandonner le gouvernement de l’archidiocèse de
Kananga, il l’accueille avec la sérénité de la foi et de
l’abandon à Dieu. Et quand la cloche sonne enfin l’heure
suprême de la souffrance et de la mort, le serviteur de Dieu
contemple et accueille, toujours dans une grande tranquillité,
la volonté de Dieu en prononçant son engagement définitif :
quia ego servus, à l’exemple de son Maître sur la croix, qui dit
à son Père avoir accompli toute sa mission : Consummatum est
- „Tout est achevé“ (Jn 19,30).
Mgr Godefroy MUKENG’a KALOND
PREMIÈRE PARTIE

RETOUR AUX SOURCES


Mgr M.- L. BAKOLE Wa Ilunga
Notice bio-bibliographique
NAISSANCE

Né près de Pamba ex Port Francqui, actuel Ilebo, le 24


avril 1920, fils de Joseph Ilunga et Madeleine Keyi, Bakole est
originaire de la chefferie de Muamba Mbuyi, à 20 km de
Kananga. Ses parents s’étaient établis à Port Francqui, une
station ferroviaire et fluviale pour la B.C.K., actuelle S.N.C.C.
et l’OTRACO devenu ONATRA. A cette époque, Port
Francqui est un centre extra-coutumier qui se présente comme
un carrefour en extension après la 1ère guerre mondiale avec
les débuts des travaux d’aménagement du territoire du Congo
belge.

EDUCATION FAMILIALE

C’est l’éducation familiale et traditionnelle qui


déterminera d’abord les premiers pas de Bakole dans la
découverte du monde et la connaissance des principes de la
vie. L’éloignement de sa famille par rapport à ses origines
ancestrales, va marquer les premières années de son existence.
Le paysage des peuples Kuba, Kete, Lele… de la contrée est
celui d’un métissage culturel dans lequel évoluera ainsi
Bakole. Il y a lieu de noter que le reste de sa vie est marqué
par cet appel de deux mondes. Ainsi, pas à pas, le futur prêtre,
recteur d’une université africaine, archevêque et grand
bâtisseur, sera devant des choix déterminants : appel de Jésus
Christ comme source de vie et pratiques de Bilumbu.
Education ancestrale et école coloniale. Vie publique et civile
ou état consacré dans le sacerdoce.
DÉCOUVERTE DE JÉSUS-CHRIST ET ÉTUDES
PRIMAIRES

En souvenir de cette période de sa vie, et du choix opéré,


il témoigne « j’avais alors 8 ans quand un homme blanc est
venu pour la première fois dans mon village éloigné. C’était
un missionnaire catholique c’est à travers lui et plusieurs
autres prêtres que j’ai fait la profonde connaissance de Jésus-
Christ, qui m’a enthousiasmé, qui m’a appelé à le suivre pour
me conduire finalement au sacerdoce et à l’épiscopat ». La
rencontre émouvante s’est réalisée au petit village de Pamba
dans la forêt entre Mweka et Ilebo, où Bakole entame son
catéchisme qu’il poursuivra à Brabanta, actuel Mapangu, où il
débute ses études primaires. Ici pour survivre dans le semi-
internat « Mbesa » de l’époque, il réalise de petits travaux de
débrouille. Il offre des noix de palme à la Société des huileries
UNILEVER, il est danseur de troupe musicale traditionnelle,
« Boy » (domestique) dans des familles des Européens
résident la contrée…
C’est en mai 1934 déjà en 2e primaire qu’il quitte
Brabanta pour rejoindre ses parents retournés déjà à Malandji
wa Nshinga actuel Kananga. Heureuse coïncidence : le 1er
juillet 1934, abbé Charles Mbuya Mukwa Mbumba sera
ordonné. Il s’agit du premier prêtre du Kasaï. Bakole est
informé et brûle d’envie d’être le témoin privilégié de ce grand
événement. Dans la cité de Brabanta et à l’école des
Missionnaires où il étudiait, cette nouvelle de l’ordination du
1er prêtre noir galvanise les discussions. Dans le secret de son
cœur, Bakole a déjà fait son choix. Il veut aussi devenir prêtre.
Aller proclamer la Bonne Nouvelle. Evangéliser à l’exemple
des pères missionnaires qu’il a connus : les R.P. Vermeillen,
Alidor Samain, Jef Timmermans, Bracq, Oscar Van Coste. Ce
dernier, directeur de son école à Brabanta-mission lui avait
parlé du sacerdoce, et Bakole vivait dans l’esprit, cet état de
vie à son bas âge.
De retour à Malandji wa Nshinga, Bakole poursuit le
voyage. Il sera présent le 1er juillet 1934 à Mikalayi St Joseph
Mfuki pour voir Charles Mbuya ordonné premier prêtre du
Kasaï. Un grand événement qui annonçait une nouvelle ère
dans l’évangélisation des populations autochtones. Bakole
vivait ainsi les joies de l’âge d’or de la proclamation de
l’Evangile. En assistant à cette grande cérémonie d’ordination,
Bakole ne savait pas que lui aussi deviendrait prêtre, et même
évêque de Kananga !
Fort de l’ambiance qui a prévalu à Mikalayi, Bakole se
voit marqué par l’appel su Seigneur et cherche aussi à marcher
sur les sentiers de Jésus-Christ. Il se fait de promesses. Il
reprend alors ses études primaires à l’actuelle paroisse St
Clément. En 1935, il est inscrit en 3e primaire de cette école de
la mission St Clément en construction. Il y poursuit sa
formation à la grande satisfaction de ses enseignants parce
qu’intelligent et déterminé à aller de l’avant. Il est justement
motivé car il a des aspirations profondes. Malgré le décès de
son père en avril 1936, Bakole a ses études comme unique
préoccupation.
ETUDES SECONDAIRES
A la fin de son cycle primaire, il choisit d’aller au
Séminaire pour devenir prêtre. Le 28 décembre 1937, il arrive
au séminaire de Kabue où il entame les études anciennes des
humanités gréco-latines jusqu’en 1943. C’est un autre monde
qui forge petit à petit sa personnalité qui s’épanouit aux côtes
d’autres condisciples.
FORMATION SACERDOTALE
C’est à partir de 1944 que Bakole entame sa formation
sacerdotale avec des brillantes études de Philosophie et de
Théologie au Grand Séminaire de Kabue pendant 9 ans de vie
sans visite en famille. Après une année de probation et
d’apostolat comme professeur à l’école Normale St Joseph de
Mikalayi, il sera ainsi ordonné prêtre à Kabue, le 19 mars
1953. Il est utile de noter qu’après l’ordination de l’abbé
Charles Mbuya, beaucoup de vocations sacerdotales et
religieuses se sont manifestées chez les jeunes du Kasaï. Des
promotions de prêtres sont ordonnées dans la ferveur
chrétienne parce que l’on note aussi une augmentation de
baptisés et de foyers chrétiens. Des nouvelles missions sont en
extension par des œuvres sociales de santé et d’enseignement.
50 ans après l’érection de l’Eglise en terre du Kasaï, avec la
célébration de l’eucharistie par le R.P.Cambier le 8 décembre
1891, la graine de l’évangélisation est en train de porter des
fruits et l’abbé Martin-Léonard Bakole est aussi parmi ces
ouvriers du Seigneur de la première génération du clergé
autochtone.
VIE SACERDOTALE ET PROFESSIONNELLE
Quand l’Abbé Martin-Léonard se consacrait à la vie
sacerdotale, son imaginaire était quelque peu limité aux
activités passionnantes de prêtre routier, d’évangélisateur des
peuples sortis de nuits ancestrales et des pratiques païennes.
Mais hélas ! C’était sans compter avec les voies de Dieu en
train de bouleverser les événements et les attentes des
hommes. Quand on regarde derrière les 50 ans de vie
sacerdotale de l’abbé Martin-Léonard Bakole décédé au rang
d’Archevêque Emérite de Kananga, on jubile d’admiration
pour cette vie débordante, cette existence de pasteur, cette
carrière de bâtisseur d’un peuple nouveau dans une
communauté d’espérance.
Après son ordination, abbé Martin-Léonard Bakole est
nommé par son évêque Mgr Bernard Mels, abbé routier ou
prêtre itinérant dans la région entre Tshikapa-Kamonia vers
l’Angola, où vivent en majorité les Tchokwe. Son bâton de
pèlerin lui permet de parcourir les villages, connaître les
hommes et comprendre les peuples. C’est ainsi qu’il
commence des études anthropologiques dans cette région. En
cette période, les études de Père Placide Tempels, des Abbés
Alexis Kagamé, Vincent Mulago ont des échos auprès des
intellectuels Noirs, des prêtres surtout, Abbé M.L. Bakole dans
ses débuts s’inscrit dans cette problématique. Cette expérience
sera interrompue parce que en 1954, abbé M.L. Bakole est
nommé professeur au collège saint Jean Berchmans de
Kamponde par où sont passées de grandes personnalités du
pays telles que Etienne Tshisekedi, Dr Kalala Kizito, Paul
Kapita…
A l’année scolaire 1955-1956, abbé Martin Léonard
Bakole est nommé directeur d’école centrale à la mission
catholique Saint Pierre Claver de Kabuluanda fondée en 1940.
En dehors de ses charges professionnelles, il consacre son
temps pour organiser le développement communautaire, le
mouvement de jeunesse Patros tout en découvrant sa dévotion
mariale lui qui est aumônier de la légion de Marie.
ETUDES UNIVERSITAIRES
En octobre 1956, abbé M.L. Bakole est envoyé aux
études à l’université Lovanium de Léopoldville, actuel
Kinshasa où il décrochera avec brio sa licence en Sciences
Pédagogiques en 1960. Il faudra noter aussi qu’il participa
encore étudiant en 1959 à Bruxelles à la commission
gouvernementale de la Réforme de l’Enseignement au Congo-
Belge et au Ruanda-Urundi.
VICE-RECTEUR À L’UNIVERSITÉ LOVANIUM
Avec l’accession de notre pays à sa souveraineté,
Monsieur l’abbé Martin-Léonard Bakole restera jusqu’à sa
mort, le témoin privilégié de l’histoire de notre pays dans ses
mutations socio-politiques et l’évolution de l’Eglise.
En 1960, nommé Président du Bureau de
l’Enseignement Catholique (BEC), il sera vite rappelé au
diocèse où il est Vicaire Général pour quelques temps parce
qu’il retournera à Léopoldville pour y occuper les fonctions de
Vice-Recteur de l’Université Lovanium de 1961-1966. Il
faudra signaler entre autre que le 29/06/1961, il est élevé à la
dignité de Monseigneur, Prélat domestique du saint Siège par
la Bulle de sa Sainteté le Pape Jean 23 et son mandat sera alors
validé pour participer au Concile Vatican II.
A l’université Lovanium, Mgr Martin-Léonard Bakole
déploie d’intenses activités académiques, scientifiques et
pastorales. Il prend à cœur les charges importantes qui sont les
siennes et la valeur du travail qu’il doit réaliser pour son
peuple. A cet effet, il prend part active aux différentes
rencontres internationales, régionales ou nationales sur les
problèmes de l’éducation, de la science, de la culture, de la
technologie et du développement qui déterminent les
perspectives et les engagements de la vie future.
A ce titre, il participe aux rencontres telles que :
- Commission de la réforme de l’Enseignement du
Congo Léopoldville sous l’égide de l’UNESCO ;
- Commission de l’éducation et de la culture dans le
cadre de l’OUA ;
- Premier Festival mondial des Arts Nègres à Dakar.
Ces contacts importants et sa forte personnalité lui
permettent d’être :
- Administrateur de l’Institut Pédagogique National
(Léopoldville) ;
- Administrateur de l’Association des Universités
entièrement ou partiellement de langue française
(AUPELF) ;
- Membre du Comité directeur de International
African Institute (Londres)
- Vice-Président du Congrès mondial des Africanistes
- Membre du Conseil Scientifique de la Société
africaine de Philosophie (Dakar)
- Président du Comité National pour l’Encyclopédie
africaine
- Président de la Commission de l’ONU relative à la
Conférence sur le progrès par la coopération en
Afrique.
Dans son expérience à l’Université Lovanium, Mgr M.-
L. BAKOLE a été longtemps perçu comme le témoignage
d’un premier africain noir, autorité académique de grande
valeur intellectuelle et dont la compétence professionnelle a
été appréciée sans oublier ses qualités d’un homme engagé
pour la construction d’une nation aux lendemains d’espoir.

EPISCOPAT de Mgr Martin L. BAKOLE WA ILUNGA

En juillet 1966, le Pape Paul VI nomme Mgr M.L.


Bakole Evêque titulaire de Sallets et auxiliaire de Luluabourg.
Il sera sacré évêque le 18 septembre 1966 avec comme
devise : « Quia ego servus ».C’est le 26 novembre 1967 qu’il
est nommé Archevêque Métropolitain de Kananga le 4
novembre 1967 pour être intronisé le 10 décembre 1967.
Quand aujourd’hui on observe le mandat épiscopal de
Mgr Bakole à la tête de l’archidiocèse de Kananga, on exprime
des sentiments de fierté pour ce grand homme d’Eglise, ce
pasteur des Communautés humaines et ce bâtisseur dont le
travail pastoral a été tout voué à la libération d’un peuple et au
développement intégral d’une Nation au cœur de l’Afrique. Il
a traduit ces préoccupations en répondant aux attentes de son
peuple par son dynamisme apostolique doublé de son
engagement patriotique avec des initiatives audacieuses et
édifiantes. Ce n’est pas pour rien que Mgr Bakole n’a cessé de
prononcer ces paroles : « Evangéliser, c’est développer … »
parce qu’il a laissé derrière lui des œuvres, des structures mais
surtout des femmes et des hommes pour la vie d’un peuple en
marche vers le Salut.
Depuis son intronisation jusqu’à sa retraite, combien de
prêtres n’a-t-il pas ordonné dans son diocèse ? Combien de
missionnaires n’ont-ils pas accepté de venir œuvrer à
Kananga. On n'oubliera pas la boutage de la décennie 70-80 :
« Avec Mgr Bakole, on décolle. Il a été celui qui a compris la
place et la promotion d’un laïcat adulte et responsable devant
ainsi faire rayonner la foi en Jésus-Christ dans le vécu
quotidien des communautés chrétiennes et des centres
pastoraux qui participent de façon positive à l’évangélisation
en profondeur dans les milieux villageois et les paroisses de la
ville de Kananga.
Tout l’épiscopat de Mgr Martin-Léonard Bakole a été
celui du développement intégral où « le genre humain a pu
renforcer sans cesse sa maîtrise sur la création et a institué un
ordre politique, social et économique qui soit toujours plus au
service de l’homme » dans une Eglise enracinée dans le monde
de ce temps et devant répondre positivement aux questions
d’une société en proie aux multiples et incessantes mutations.
Il n’est pas nécessaire de compter le nombre de ponts érigés,
d’écoles construites dans des villages reculés ou des
dispensaires et centres de santé. Combien d’églises et
chapelles ont poussé dans des savanes perdues pour des
fidèles… Tout cela est le témoignage d’une œuvre pastorale
qui a placé l’homme au centre de l’action. Néanmoins, Bakole
en tant que grand pasteur de notre Eglise du Congo n’a pas
ménagé ses efforts pour consigner ses réflexions par écrit. La
liste de ses publications est importante.
Mgr Martin léonard Bakole wa Ilunga est aujourd’hui
identifié surtout à son œuvre devenue classique et traduite
dans plusieurs langues à travers le monde et intitulée Chemins
de libération. Il s’agit sans nul doute d’un chef d’œuvre de
pastorale et de conscientisation dont les écrits non moins
majeurs constituent une constellation bibliographique riche sur
des sujets divers en rapport avec le destin de l’homme. Quand
il s’adresse aux chrétiens de l’archidiocèse de Kananga, le 11
février 1975 dans son livre au titre prometteur Paroles de Vie,
il exprime son profond désir d’être près du peuple de Dieu afin
de répondre ensemble aux questions que pose la situation de
crise que connaît le pays afin que les hommes et les femmes ne
soient désemparés et tristes comme si le souffle de l’Esprit
n’avait pas annoncé la Bonne Nouvelle qui donne courage et
espoir. Cette publication porte déjà les thèmes qui seront
amplifiés au cours d’autres écrits sur les fléaux de notre pays,
la responsabilité des citoyens chrétiens dans la nation, la
libération à travers le message de Jésus-Christ…
En 1976, Mgr Bakole publie l’Eglise locale de Kananga
et le développement intégral et aussi Assassinat de l’amour. Si
dans le premier document l’ordinaire du lieu présente la
physionomie de l’Eglise locale qui est à Kananga, le lecteur se
rend bien compte que la préoccupation pour le développement
intégral devient un leitmotiv dans cette expression dense qui
montre bien que Kananga a choisi de prendre ses sentiers de
libération. C’est ici que l’auteur interroge les fils et les filles de
cette Eglise : Comment êtes-vous appelés là où vous êtes à
répondre aux défis de notre temps de crise mais dans la foi en
Jésus Christ ?
Assassinat de l’amour publié la même année est avant
toute une lettre pastorale qui donne le tableau sombre dans
lequel évolue notre peuple. A la lecture, la situation
préoccupante observée dans notre pays est conséquente de
refus de l’amour, message libérateur apporté par Jésus Christ.
A cette époque le pays traverse un calvaire et aussi le précipice
n’est pas si loin pour des hommes et des femmes pris dans
l’engrenage des dérives de ce monde. C’est face à cette
interpellation, que l’auteur propose la voie de l’amour qui doit
galvaniser les cœurs.
La publication de Chemins de libération 1978 est
l’expression des préoccupations d’un pasteur qui a travaillé
pour son peuple et avec son peuple pour comprendre à la
lumière de Pape Paul VI que « le développement est le
nouveau nom de l’évangélisation. Il s’agit de s’engager en
faveur de la promotion intégrale de toute personne humaine,
individuellement et collectivement. » Le lecteur de ce texte,
est passionné par le style ample et réaliste d’un auteur qui a su
mettre la main à la charrue et appeler la multitude pour tracer
les chemins de libération, indiquant dans toute circonstance de
notre vie au Congo, qu’à travers les tempêtes et les secousses,
tâtonnements et désespoirs, les hauts et les bas, il y a toujours
la parole de Jésus Christ, centre de l’histoire humaine et
Homme de Dieu qui conduit son peuple vers la libération
totale.
Quand nous prenons l’ensemble des écrits après
Chemins de Libération, le ton pédagogique est centré sur la
conscientisation- responsabilisation des citoyens zaïrois
devenus congolais, à prendre à cœur les aspirations profondes
d’un peuple, de répondre positivement aux préoccupations
quotidiennes des hommes et des femmes de notre pays dans
leur recherche du salut. Il faudra noter dès le départ que toute
la démarche de Mgr Bakole wa Ilunga a été « celle d’un
pasteur qui essaie, poussé par l’appel du Seigneur et aidé par la
lumière des sciences du développement de s’interroger sur la
façon dont le commandement de l’amour s’incarne dans la
situation concrète de notre société »
C’est ainsi qu’en 1980 quand on pose le diagnostic des
décennies de développement, il dresse : Les Conditions et
voies du développement intégral au Zaïre. Dans sa vision, le
problème de mentalité et des comportements de l’homme dans
une situation en crise devient la question fondamentale sur
laquelle il faut se baser pour réaliser les efforts vers le
développement.
En effet, à partir des années 80, Mgr Bakole multiplie
ses voyages à travers le monde pour répondre aux
sollicitations qui sont faites pour témoigner son expérience
d’homme de terrain et partager ses idées au cours des
conférences, des rencontres et ateliers de débat et échanges. A
la face du monde, au Kasaï et à Kananga, il montre comment il
est en train de tracer ses chemins de libération. A la première
décennie de l’indépendance congolaise, Mgr Bakole a
l’expérience de notre pays. Intellectuel universitaire et dans
ses charges de recteur à l’université Lovanium, il comprend le
monde nouveau qui se bâtit sous ses yeux.
A partir des années 1970, évêque à Kananga, il tente de
lier la théorie des sciences du développement aux réalités
vécues dans une praxis qui porte le souffle d’un combat
véritable. Il s’agit de ce pasteur d’un peuple, au milieu des
hommes et des femmes partageant avec eux les mêmes
conditions. Ce bâtisseur à l’œuvre bravant l’épouvante des
pluies torrentielles ou la chaleur d’un soleil des tropiques,
maçonnait avec les maçons à chantier de construction d’une
école, d’une chapelle ou d’un pont. Avec les femmes dans les
champs de soja, il expliquait et montrait comment piquer en
ligne en respectant les techniques culturales adaptées. Il était
au milieu de jeunes pour les édifier comme futurs responsables
de l’Eglise et de la nation. Tout son discours révélait le souci
pour comprendre l’homme et connaître son milieu afin de se
lever ensemble et marcher.
En dehors des communications tenues sous d’autres
cieux, ses activités au pays sont contenues dans la collection
« Ponts » des éditions de l’archidiocèse, cadre de vulgarisation
d’une pensée sur le développement rural. Il tient une
conférence dont la publication prendra le titre Université et
Développement rural (1982) qui montre combien l’université
et l’universitaire doivent se préoccuper et consacrer leurs
recherches au développement rural qui reste le cadre indiqué
pour le décollage socio-économique de notre pays.
En 1984, Signification et pratique chrétienne des droits
de l’homme reprend le titre d’une conférence tenue à Zurich
(Suisse) en même temps qu’il publie sous forme de brochure
sa conférence tenue à la Paroisse Universitaire St Marc de
Kananga sous le titre : « Intellectuel face au développement du
pays ». Cette interpellation adressée à la catégorie des
intellectuels montre combien Mgr Bakole a mis en exergue
une dynamique dans son action pastorale en identifiant les
catégories spécifiques appelées à la vigne du Seigneur.
Dans les efforts d’évangélisation en profondeur, Mgr
Bakole a eu des approches pédagogiques qui marquent tout
son mandat. Il a superbement allié la culture de l’écrit avec
l’oralité de nos ancêtres. Si ce relevé bibliographique doit être
complété par d’autres textes, il faudra archiver les lettres
pastorales, les discours et allocutions de circonstance mais
surtout les exhortations apostoliques lors de journées
pastorales, des rencontres catégorielles et réflexions de vie.
Durant tout son mandat, 43 lettres pastorales sur des sujets
divers écrits parfois en français, parfois en ciluba mais aussi,
dans les deux à la fois, complètent une pensée consacrée à la
recherche des voies pour sortir de la crise persistante et
multiforme dans laquelle est plongé le pays.
La thématique des journées pastorales comme cadre
d’évaluation et d’orientation de l’action pastorale, révèle un
souci de vivre l’Eglise comme un temps de marche vers des
horizons d’espoir. Ces grands moments de vie accordaient aux
différents membres de l’Eglise locale de Kananga de vivre la
fraternisation des expériences et réalités dans l’œuvre
quotidienne d’évangélisation.
A côté de cette documentation riche et diversifiée
s’ajoute son service apostolique de prédicateur marqué par
l’annonce infatigable de la parole de Dieu. « Il était
intarissable surtout quand il le faisait agréablement et
admirablement dans sa langue maternelle, le ciluba : langage
proverbial, anecdotes et images accrochaient des auditeurs qui
se passionnaient d’écouter leur pasteur. » Toute cette
pédagogie pastorale marque de son empreinte l’action
épiscopale de Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga.
Quand on regarde derrière, plus de trois décennies à la
tête de l’archidiocèse de Kananga, on note avec admiration
que Mgr Bakole a mené le vrai combat, lui qui avait pris la
ferme détermination de servir le développement intégral de
l’Eglise de Kananga. Le Seigneur fit pour lui des merveilles.
Le projet pastoral de développement intégral est celui
qui a déterminé la promotion humaine dans les communautés
ecclésiales vivantes de base par l’éducation de la conscience
sociale des hommes et femmes de l’archidiocèse de Kananga.
Mgr Bakole s’est véritablement investi à cette tâche par des
œuvres telles que les centres Mpandilu pour enfants
handicapés, institutions d’enseignement primaire, secondaire,
supérieur et universitaire, les expériences de l’industrie Bisoka
ou de l’électrification de Kananga. La promotion des femmes
ou l’éducation des jeunes ont contribué aux efforts de respect
des droits de la personne humaine. Il y a lieu de comprendre
que : « le développement intégral nous est confié comme une
tâche du Très Haut. C’est de Lui que nous attendons au bout
du chemin. Car nous le savons : ce que nous faisons, avec nos
mains d’hommes n’est finalement qu’une préparation de
l’avènement de cette terre nouvelle. »
Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga prenait sa retraite
en la célébration eucharistique d’adieux, le 11 mai 1997 à la
suite de sa renonciation à l’office comme Archevêque de
Kananga auprès du saint Siège, présentée depuis 1995. En son
temps de retraite, Mgr Bakole vivait retiré en la résidence
épiscopale à Muamba Malole. Il écrivait ses mémoires en
même temps qu’il effectue des voyages. Son capital de
confiance auprès de nombreuses personnes de conditions
diverses, acquis par son œuvre et de publication, lui consacrait
des titres honorifiques, des consécrations dans différents
secteurs de la vie au plan local, national ou international. Cet
homme a béni son Dieu pour la protection lui réservée de 80
ans, lui qui gérait sa santé précaire depuis plusieurs années.
A partir du 14 janvier 2000, pour Mgr Bakole, la
situation de sa santé s’empirer. Des soins intensifs lui sont
administrés à Kananga ensuite à l’hôpital Bondeko de
Kinshasa, puis à St Raphaël à Milan (Italie) où il rendra son
âme, pour entrer dans la paix éternelle du Seigneur le 3 février
2000. Que son âme repose en paix mais que son exemple nous
aide à vivre avec espoir.
Boniface BEYA NGINDU
Dernière interview
de Mgr Bakole wa Ilunga
Le 21 décembre 1999 à 11h00, Monseigneur Martin-
Léonard Bakole wa Ilunga, Archevêque émérite de Kananga, a
accordé une interview à l’occasion de l’ouverture et de la
célébration de l’Année Jubilaire 2000. Reçu dans le cadre de
l’émission „Société et perspectives“, animée par l’abbé Bruno
Ntumba Muipatayi à la RTKM (Radio Télé Kananga
Malandji), Mgr Bakole - cette bibliothèque vivante qui a
traversé presque tout le 20e siècle et présidé aux destinées de
l’Archidiocèse de Kananga pendant 30 ans - nous a ouvert son
cœur.
Abbé Bruno Ntumba :
Mgr l’Archevêque émérite, la nuit du 24 décembre 1999,
nous célébrons l’ouverture de l’Année Jubilaire, nous avons
voulu vous interroger car vous représentez toute une histoire
qui a conduit l’Eglise Catholique de Kananga au seuil du
jubilé de l’an 2000. Beaucoup de gens parlent de vous, que
dites-vous de vous-même ? Qui êtes-vous ?
Mgr Bakole :
Merci Monsieur l’abbé. D’abord vous touchez mon cœur
au soir de ma vie, parce que je suis un „ Mujika Ngondo“
(retraité), au crépuscule de la vie. Que vous soyez venu
m’interroger, cela me touche et je vous en remercie. Bien qu’il
soit difficile de parler de soi-même et de se rendre témoignage,
je remercie Dieu de fournir cette occasion de vous parler cœur
à cœur, parce que vous avez touché mon cœur.
Ce que je suis, vous le connaissez parce que vous me
voyez. Moi, Bakole wa Ilunga, je me suis converti sciemment
et librement au christianisme sous le nom de Martin-Léonard.
Il s’agit de Saint Martin de Tours dont j’ai admiré la vie et
dont j’ai voulu imiter l’exemple. Je suis né aux environs de
l’année 1920, le 24 avril, dans une bourgade de la forêt
équatoriale, près de Mushenge, chez Lukengu roi des Bakuba,
dans le Territoire de Mweka, où mes parents, Ilunga et Keyi,
étaient descendus avec la grande campagne de caoutchouc
comme effort de guerre, la grande guerre mondiale de 1914-
1918. Et c’était dans cette bourgade Pamba que j’ai vu le jour,
au sein de la forêt équatoriale, dans l’Afrique profonde où j’ai
passé les débuts de ma vie.
Abbé Bruno Ntumba :
Monseigneur, quand avez-vous senti l’appel pour
devenir prêtre du Seigneur ?
Mgr Bakole :
Comme je l’ai dit, dans l’Afrique profonde dès le
premier âge et selon la tradition de mes ancêtres, on m’a appris
l’existence d’un seul Dieu Tout-Puissant, Créateur de tout,
Maweja Nangila, Diba katangila cishiki, wa kutangila dia
mosha nsesa, kafukela muena bantu, muena bakaji muena
bana, Musangana muenapu. Et c’est Dieu qui est
rémunérateur des bons et qui punit les méchants au-delà (mu
kala kakomba). Le christianisme que j’ai embrassé a confirmé
l’unité que tous les hommes sont des frères, enfants d’un
même père, qui donne sans distinction et qui enrichit sans
aucun mérite de notre part. C’est cette communion - cette
solidarité fraternelle - qui m’a toujours marqué et même
poussé à comprendre que nous devrions travailler pour cette
cause. Puisque nous sommes d’un même père, nous devons
être solidaires pour le même destin. Quand j’étais tout jeune,
c’est cela qui m’a poussé, qui m’a rendu conscient. En outre,
on me disait que j’étais sans doute marqué d’une empreinte
spéciale. Je l’ai compris plus tard. Maintenant, quand je revois
ma vie, je trouve que j’étais mis à part dès le sein de ma mère,
que Dieu voulait de moi quelque chose. En fait, je suis allé à
l’école d’abord pour apprendre, car en ce moment-là, savoir
lire et écrire était considéré comme la magie des Blancs. Alors,
très tôt, j’ai senti le désir de connaître cette magie et je voulais
savoir lire et écrire. J’ai d’abord rencontré un catéchiste que le
Père avait envoyé dans notre village. Je ne connaissais pas le
Père, je n’avais jamais vu un missionnaire blanc et, à l’âge de
huit ans, voilà que le catéchiste nous apprend le catéchisme et
la Bible dans lesquels la première prière était le Notre Père.
Quand le Père vint pour choisir les catéchumènes, il
nous demanda de réciter le Notre Père et je lui ai posé la
question sans détour : « vous parlez de Notre père, est-il Votre
Père et Mon Père aussi » ? Il répondit que Dieu était aussi
Mon Père. Je poursuivis : « Alors, s’il est votre Père et mon
Père, sommes - nous frères » ? « Assurément », dit-il. J’ai
compris que dans cette mystique de Notre Père, Blancs et
Noirs, nous devrions travailler pour sa gloire.
Un beau jour, alors que j’étais déjà parti à l’école à
Brabanta, une Mission dirigée par les Pères de Scheut et qu’on
appelle actuellement Mapangu, et où la société Unilever avait
déjà construit une grande usine d’huile de palme, le Père
Directeur nous apporte le journal Nkuruse qui était le
périodique de l’époque. Mgr De Clercq y annonçait, sous
forme de lettre pastorale, l’ordination sacerdotale d’un Noir,
l’abbé Mbuya, le 1er janvier 1934, en la fête du Saint Sang. Il
disait : Muanenu Charles Mbuya neatambule bunsaserdose
(« votre frère Mbuya sera ordonné prêtre »). C’était une
nouvelle fulgurante. L’évêque voulait solenniser cet
événement à Mikalayi. Avec un compagnon nous avons
demandé au Père : « qu’est-ce que devenir prêtre comme vous
? Va-t-il changer de peau » ? Nous ne savions pas. De toutes
les façons, cette nouvelle nous a poussés à lui demander ce
qu’il fallait faire pour devenir prêtre comme lui. Et il nous a
répondu : « Pour devenir prêtre, il faut étudier, apprendre le
latin, les mathématiques et cela demande de longues études ».
Cette réponse n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd.
C’est ainsi que je me suis décidé, à l’occasion de la visite de
ma maman, d’aller assister à cette ordination dont on parlait
tant à Mikalayi. J’ai fait le trajet de Brabanta à Mikalayi St
Joseph à pieds. Arrivé à Mikalayi, j’ai vu la pancarte où il était
écrit : Lelu, Mvidi Mukulu wakunutuishila mesu.
(« Aujourd’hui Dieu a posé sur vous son regard“), un peu
comme Isaïe disait : „le peuple qui marchait dans les ténèbres
a vu se lever une grande lumière » (Is 9,1).
Tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai entendu à cette
occasion ne faisait que raviver en moi le désir de devenir un
jour comme Charles Mbuya. C’est ainsi que je suis entré au
Séminaire et j’ai continué au Grand Séminaire.
Abbé Bruno Ntumba:
La formation au Séminaire était pour vous un chemin
obligé pour devenir prêtre au sein de notre Eglise Catholique.
Comment avez-vous apprécié cette formation ? Est-ce que
vous êtes déçu ou c’est quelque chose de très bien pour vous ?
Mgr Bakole :
Eh bien, si j’étais déçu, vous ne seriez pas venu me voir.
C’est un signe que cette formation était pour moi comme une
perle pour laquelle j’ai vendu tout ce que je pouvais et Dieu
sait pourquoi je le dis en ce moment-ci. Donc j’ai apprécié
cette entrée au Séminaire, la formation y donnée est une chose
voulue et acceptée, et je dois dire que la vie du Séminaire m’a
marqué.
On ne vivait pas dans la crainte d’être renvoyé, non ! Je
suis allé pour devenir prêtre et les autres l’ont dit quand
j’entrais au Séminaire : le Père Directeur de mon école
primaire, Père Bolland ici à Kananga, parce que c’est à St
Clément que j’ai terminé mes études primaires en 1937. Le
Directeur qui me voyait aller au Séminaire disait Bakole udi
nsaserdose kashidi (« Bakole, tu es prêtre pour toujours »). Et
il est venu me le rappeler plusieurs fois : « vous avez la
vocation » ; et moi je lui disais : « oui ». Evidemment, j’ai fait
tout pour ne pas démériter. Et je remercie Dieu de cette grâce,
car la formation qui m’était donnée, je l’ai appréciée et elle
m’a imprégné. Je crois que c’est une bonne chose et on doit y
revenir malgré la sévérité de l’époque.
Abbé Bruno Ntumba :
Excellence, tout tourne, si vous le voyez bien, autour de
la grandeur du Sacerdoce. Quand est-ce que vous êtes devenu
Prêtre ?
Mgr Bakole :
Je suis devenu prêtre en 1953, le 19 mars, jour de St
Joseph. Vous voyez que je garde toujours l’image-souvenir de
mon ordination (il brandit l’image) qui est encore ici. Nous
étions quatre : Munzombo Sylvain, Tshibuabua Léon,
Tshibamba Louis et moi-même. Nous avons placé notre
sacerdoce sous la guidance de la Vierge en disant : „à Jésus
par Marie“, qui est le chemin pour pouvoir mener à bien notre
apostolat. Ça je l’ai fait en ce moment-là et, plus tard pour
l’épiscopat et pour le reste jusqu'à maintenant : „Infirma mundi
eligit Deus“, Dieu choisit les plus humbles pour confondre les
sages. Je suis allé dans l’abandon total dans les mains de Dieu
et de la Vierge-Marie.
Abbé Bruno Ntumba :
Vous êtes devenu évêque dans un Congo Indépendant;
qu’attendiez-vous de l’Indépendance du Congo ?
Mgr Bakole :
Vous avez dit „dans un Congo Indépendant“ ?
Abbé Bruno Ntumba :
Oui.
Mgr Bakole :
En rapport avec l’Indépendance, je n’étais pas un
spectateur indifférent ni un juge acerbe, mais j’étais un engagé
de la première heure. La providence a fait qu’à l’approche de
cette Indépendance, j’étais parmi les premiers étudiants à
l’Université Lovanium. En fait, après mon ordination
sacerdotale, j’ai exercé le ministère pendant quelques années,
entre autres au Collège de Kamponde où j’ai eu parmi les
premiers élèves Tshisekedi wa Mulumba devenu célèbre
aujourd’hui; et puis j’étais à Kabuluanda. Dès 1954-1955, on a
ouvert l’Université, malgré les préjugés qui prétendaient que le
Noir n’était vraiment pas capable d’entreprendre des études
supérieures. Je fus parmi les premiers étudiants de Lovanium
et j’en suis sorti en 1960, juste au moment de l’Indépendance
du Congo. Quand on dit qu’il y avait seulement dix diplômés à
l’Indépendance, je suis parmi ces dix diplômés-là. A
Lovanium qui était considéré comme le milieu privilégié parce
que nous étions des élites, des influents, j’ai côtoyé tous les
grands, j’étais leur familier, tous ceux qui ont pesé de leur
poids pour arracher l’Indépendance. J’étais avec eux à
Bruxelles en 1959 pour demander le gouvernement provisoire,
j’étais avec eux le jour de l’Indépendance, le 30 juin 1960. En
voyant tout ce qui se passait, je me suis dit que l’oiseau noir ne
fait qu’occuper le nid abandonné par l’oiseau blanc, sans
aucune mystique du donner et du recevoir et cela est vrai : à
l’Indépendance, nous avons pris un nid que nous n’avions pas
construit, que nous n’avions pas choisi, il n’y avait rien qui
était sorti de notre terroir.
Mais nous avons voulu seulement embrasser l’écorce.
De cette manière, nous n’avons pas travaillé en profondeur.
D’où mon grand effort pour que nous puissions arriver à la
conscientisation par nous-mêmes , pour que nous puissions
réaliser quelque chose qui soit sorti de nous-mêmes. Voilà
pour l’Indépendance que j’ai vécue. Alors, j’étais nommé
Vice-Recteur de l’Université Lovanium en 1961 et en même
temps Administrateur de toutes les Universités de langue
française dans le monde. Ce qui m’a fait beaucoup voyager :
j’ai fait deux fois et demi le tour du monde. J’ai rencontré des
sommités, en diverses circonstances. Finalement, je fus
nommé Archevêque de Kananga, au bord du fleuve Lulua.
C’est ainsi que je revins à Luluabourg.
Abbé Bruno Ntumba :
Si je regarde bien les armoiries qui se trouvent sur votre
mitre, on dirait que vous êtes habité par une passion, laquelle ?
Mgr Bakole :
Ah vous avez lâché le mot, parce que je suis un
passionné et vous l’avez compris. J’ai dit que l’oiseau noir
n’avait fait qu’habiter le nid abandonné par l’oiseau blanc. Je
suis un passionné du développement de l’homme noir. Lors de
mon sacre, Mobutu venait de prendre le pouvoir et le slogan
était : „Retroussons les manches“. Alors j’ai dit : le Seigneur
me prend et me place dans son champ au bord de la Lulua
pour pouvoir donner de la nourriture en abondance comme
fidèle serviteur. C’est pourquoi j’ai pris comme devise : Quia
ego servus - „je suis serviteur“.
J’ai compris que j’étais serviteur au bord de la Lulua, le
champ était l’archidiocèse de Kananga (Luluabourg) et je
devais planter la nourriture. Ce travail était un service, servir
comme le Christ, comme la Vierge Marie le demandent. C’est
pourquoi, j’ai mis la Vierge Marie de la Sagesse sur mes
armoiries d’autant plus que je venais de l’Université où nous
parlions de la lumière radieuse. C’est dans cet esprit que je
suis venu pour travailler avec mes frères, collaborer pour
construire un monde où il fait bon vivre. Le pays est
fantastique ; il ne reste que nous-mêmes, que nous mettions du
nôtre. Monsieur l’abbé, je suis donc un passionné au vrai sens
du terme, passionné du développement et du développement
intégral de l’homme du Congo.
Abbé Bruno Ntumba:
Monseigneur, vous avez écrit beaucoup de livres et de
messages. Je vois quelques ouvrages devant vous. Est-ce que
vous pouvez nous les présenter ?
Mgr Bakole :
Eh bien, comme je vous l’ai dit, je suis venu pour
collaborer avec mon peuple, j’ai vu que mon peuple
m’écoutait, mais chez les responsables j’ai constaté une sorte
d’indifférence, une sorte d’inertie, alors que nous pourrions
conjuguer nos efforts. En outre, j’ai vu un recul ; la richesse
dont nous avions hérité en monnaie ou en autre chose était
continuellement anéantie. Je me suis alors dit qu’il fallait non
seulement parler, mais aussi faire quelque chose. Comme les
dirigeants se perdaient dans la voie de controverses inutiles,
d’enfantillages alors que nous avions une noble cause à
défendre, la cause que Jésus-Christ nous a apprise, j’ai pris la
plume.
Mon premier ouvrage a été pour mes chrétiens en 1975
au moment où on parlait de tout. C’était Paroles de vie, un
ouvrage de 45 pages. Si vous le lisez, vous verrez que j’ai pu y
écrire toutes sortes de choses à partir de notre authenticité. Ce
livre a été l’ancêtre, si je peux dire, de mon ouvrage le plus
célèbre, Chemins de libération, réédité quatre fois et traduit en
plusieurs langues. La traduction anglaise de cet ouvrage de
360 pages ajoute un sous-titre significatif : A Third World
Spirituality (« Une spiritualité du Tiers-Monde »). Ce livre a
été lu et apprécié.
Ces « chemins de libération » une fois tracés, le reste ce
sont des applications que je voulais toujours mettre par écrit.
Appelé à Kinshasa pour une conférence, j’ai parlé des
Conditions et voies de développement au Zaïre, ce qui a été
publié sous forme d’une brochure. A ce développement dont je
rêvais, j’ai tracé les voies et les conditions en croyant que nous
allions tous emboîter le pas, car nous avions détaché une
pirogue sur une rivière agitée et que nous ne savions pas
pagayer, ce qui expliquait que nous étions à la dérive. C’est un
proverbe Barega que j’avais utilisé pour dire le contraire. En
tant que pèlerin à travers le monde, j’ai eu à faire une
intervention sur La signification et la pratique chrétiennes des
droits de l’homme, ce qui a conduit à une autre brochure. En
effet, la pratique chrétienne des droits de l’homme est une
interpellation pour tous ceux qui ont le pouvoir et ceux qui
font l’histoire sur le plan de l’économie. Après, j’ai été appelé
à Lubumbashi où j’ai pu parler aux Intellectuels et à
l’Université que je considère toujours comme un lieu de
réflexion. Mon propos est contenu dans cette brochure :
Université et développement rural. Je constatais que même
dans ma région où nous avons beaucoup de diplômés et
universitaires, nous n’avions pas d’Université. J’ai écrit
également beaucoup de lettres pastorales, à l’occasion de
sessions et de circonstances de tous genres, toujours dans la
même optique de passionné pour le développement intégral de
l’homme qui est basé sur la loi de l’amour.
Abbé Bruno Ntumba :
Excellence, l’Afrique a connu la traite négrière et puis la
colonisation et des Indépendances de drapeau comme on dit et
vers les années 1990, il y a eu le processus de démocratisation,
des Conférences Nationales un peu partout et surtout vers ces
années-là, on parlait de l’explosion du Congo et de l’Afrique
Centrale. Aujourd’hui nous vivons cette situation
catastrophique où tous les maux se conjuguent : guerre,
maladies, massacres, famine, Sida, génocides... Est-ce que
vous avez quelques perspectives d’avenir en lisant les
événements du Congo et de l’Afrique Centrale ?
Mgr Bakole :
Monsieur l’abbé, vous posez la question et vous prêchez
à un converti et je vous dis, si vous lisez tous mes écrits, tous
mes sermons et si vous les regardez de plus près, vous verrez
que nous sommes dans ce qu’on appelle en ciluba cimvundu
cidikebela. C’est nous-mêmes qui sommes à la fois cause,
objet et victime de notre propre situation. Dans Chemins de
libération, j’ai toujours lutté pour que nous puissions prendre
conscience. Si nous prenions conscience de la lourdeur de la
question que vous me posez, si nous prenions conscience du
mal dans lequel nous vivons ! Devant ce refus de voir la réalité
en face, devant ce désir de se laisser tromper, de chercher des
mirages, il n’y a rien à faire. Vous ne pouvez nier l’existence
du soleil parce que vous cachez sa clarté de la paume de la
main ! Devant l’apathie, la misère, devant l’inertie, toutes ces
situations de guerre... Il y a un moment où je regardais et je
disais : « Pleure ô pays bien-aimé »; cela parce que ce pays a
tout, mais n’arrive pas à décoller. J’entendais une voix comme
dans les Lamentations, „la ville qu’on disait la plus belle, voilà
ce qu’elle est devenue“. Regardez ce qu’est devenue la ville de
Kananga qu’on disait « ville de lumière ». Et on dit qu’on a
changé notre danse en deuil, mais j’ai gardé courage. J’ai
regardé chez Ezéchiel : « Fils d’homme, je t’ai fait le guetteur
d’Israël mon peuple, si tu ne parles pas, si tu ne dis pas au
méchant de changer sa conduite, le méchant mourra de sa
faute, mais moi je demanderai à toi de rendre compte de son
sang » (cf. Ez 3,18). Et moi durant toute ma vie d’évêque je
me suis dit : Dieu m’a fait par sa providence pasteur de son
peuple ; si je ne parle pas, si je ne dis rien de tout ça, alors il
me demandera compte du sang de son peuple. C’est pourquoi
tout ce que je vous ai dit et tout ce que j’ai produit, je l’ai fait
dans cette conception de ma responsabilité. Et on ne pourra
pas m’accuser de m’être tu. Nous mourrons parce que nous ne
connaissons pas le chemin.
Abbé Bruno Ntumba :
Excellence, nous arrivons à la fin de notre entretien,
avez-vous un message pour les générations à venir du XXIe
siècle ?
Mgr Bakole :
Le message, je ne fais que le ressasser peut-être. Mon
message, mon souhait, mon rêve, le voici : il faut que les gens
cherchent et découvrent les chemins de libération, qu’ils se
tournent vers l’évangile de Jésus-Christ. Cet évangile rend
neuve l’humanité. Qu’ils cherchent dans l’évangile de Jésus-
Christ l’énergie et un nouveau souffle pour que nous bâtissions
notre maison sur le roc. J’en reste convaincu, et le Pape Paul
VI l’avait dit : l’évangile rend neuve l’humanité. Les luttes
mesquines, les guerres, les tueries, etc. ne peuvent pas nous
arriver si nous suivons le juste chemin. Et donc c’est inutile
qu’on fasse maintenant des guerres; la guerre ne fait pas
aboutir à la paix. La véritable paix, la civilisation de l’amour,
c’est à cela que Dieu nous appelle. Un monde sans paix, sans
amour n’est pas le monde voulu par Dieu. Ce que nous faisons
maintenant, à l’aube du troisième millénaire et du grand jubilé,
moi je le regarde avec un œil d’espérance et de foi. Maintenant
vous êtes venu me voir dans ma solitude ; l’humanité entière
se trouve maintenant comme Lazare dans le tombeau de la
mort. Alors que tout semblait perdu, Jésus arrive devant le
tombeau de Lazare à Béthanie et Jésus, fils du Dieu vivant, lui
le Messie envoyé, il crie d’une voix forte : « Lazare, sors ». Et
Lazare sortit. Moi aussi je dis maintenant que dans la situation
de mort que traversent notre peuple et notre société; que nous
puissions nous aussi sortir et entendre cette voix qui dit :
« peuple du Congo, peuples du monde, sors, sortez ». Et nous
devons sortir et marcher. Nous devons espérer que le troisième
millénaire pourra nous faire ouvrir les oreilles pour écouter et
rechercher le véritable chemin qui nous mène au bonheur, à la
paix et pas ailleurs comme nous sommes en train de le
rechercher vainement. C’est mon souhait le plus ardent, mon
souhait le plus cher et aussi mon rêve. Je ne suis pas un
désespéré. Je suis un homme de foi et d’espérance et que cette
espérance nous conduise. Amen.
DEUXIÈME PARTIE

TEMOIGNAGES
Mgr MARTIN L. BAKOLE WA ILUNGA
UN PASTEUR ET PROPHETE DU GRAND KASAYI

Un grand monument, une figure de proue, un don


précieux aux peuples du Kasaï, a été rappelé dans la maison
céleste le 03 février 2000. A l’occasion du sixième
anniversaire de sa mort, nous voudrions revenir sur son
parcours de pasteur, prophète, bâtisseur et grand intellectuel
de notre pays afin de rallumer la flamme de l’espoir de vivre
dignement dans notre monde d’aujourd’hui et de demain.
Et d’abord, quand et comment avons-nous connu Son
Excellence Monseigneur Martin-Léonard Bakole wa Ilunga ?

1. KABWE : LES PREMIÈRES RENCONTRES

En ce qui me concerne, j’étais encore étudiant en


philosophie au Grand Séminaire Interdiocésain Christ-Roi de
Kabwe, en 1966, lorsque Monsieur l’Abbé Martin-Léonard
Bakole à peine nommé Evêque Auxiliaire, est venu nous
rendre visite dans cette maison de formation où je me trouvais.
La deuxième rencontre a eu lieu lors de son ordination
épiscopale à la Pro-cathédrale Saint Clément à Kananga le 18
septembre 1966 alors je faisais partie de la chorale qui animait
cette ordination. Après mes études de théologie à Rome en
1975, j’ai eu l’occasion de rencontrer plus d’une fois ce grand
homme d’Eglise que j’ai trouvé toujours aussi dynamique et
aussi présent dans l’histoire de notre pays.

2. A LA DÉCOUVERTE D’UNE GRANDE PERSONNALITÉ

Lors de ces rencontres et d’autres encore de ce grand


Prélat, ce qui m’a le plus frappé, c’était le fait que ce Fils du
Kasaï avait encore toujours beaucoup d’idées, de bonnes
idées, de visions d’avenir et de grands projets pour notre
Eglise et notre pays. J’ai retenu de lui ces paroles en quelque
sorte prophétiques de notre première rencontre de Kabwe :
« Quand je serai assis sur vous, je ferai ceci, cela, pour le plus
grand bien de notre communauté chrétienne et congolaise ». Il
était plein de rêves. Voyant grand et loin. Et effectivement, ce
Pasteur a su faire preuve de sa détermination de réaliser ses
ambitions initiales.
A son actif, nous pouvons épingler :
- La construction d’églises, d’écoles primaires et
secondaires, d’écoles spécialisées ou de centres de
récupération communément appelés Centres
« Mpandilu » ou Centre de libération, de salut, … ;
- L’aménagement des routes et la construction des
ponts reliant différents villages et postes de mission
perdus ;
- L’usine de Bisoka à Ntambwe Saint Bernard, une
œuvre de taille et de portée industrielle ;
- La promotion des femmes rurales (PROFER) et les
« Bamamu Tabulukayi » (Nos mères, nos mamans,
réveillez-vous ! » ;
Homme de grandes visées, il figure d’abord parmi les
initiateurs d’une structure bien connue au Kasaï, à savoir la
Conférence pour le Développement Social du Kasaï
Occidental (Codesko). Il a conscientisé ainsi tous les Kasaïens
à travailler pour le développement durable et vrai de cette
partie du Congo. A l’instar de cette initiative, une autre
structure de développement a été mise sur pieds au Kasaï
Oriental. Il s’agit de la Conférence pour le Développement
Social du Kasaï Oriental (Codekor).
Un des projets qui lui tenaient tant à cœur dans ce
domaine du développement était celui de l’électrification de
l’ensemble de cette région du Kasaï. En effet, il s’est investi
personnellement dans la construction du barrage
hydroélectrique de Katende, quoique de son vivant ce projet ne
soit pas parvenu à son achèvement. Dieu merci qu’après lui, ce
projet se révèle actuellement un des plus urgents du grand
Kasaï.
Compté parmi les premiers universitaires du Congo
indépendant, nommé Président du Bureau de l’Enseignement
Catholique (BEC) à Léopoldville ; plus tard il fut désigné
comme premier Vice-Recteur noir de l’Université Catholique
Lovanium en 1961. Comme il ne cessait de le dire lui-même,
c’est grâce à ces fonctions qu’il a su nouer beaucoup de
relations nationales et internationales. En ce qui concerne sa
fonction de Vice-Recteur, il a eu « de très nombreux contacts
avec le monde universitaire et scientifique dans de nombreux
pays où » il devait «assister à des réunions d’universités, à des
congrès scientifiques ou culturels ». Ces contacts et voyages
lui ont appris ce qui peut se réaliser, et ce à quoi notre pays
pouvait être appelé à son tour ». (Cf. L’archidiocèse de
Kananga, Collection « Ponts », n°11, Editions de
l’Archidiocèse, Kananga, 1988, p.22).
Muni de cette expérience, Monseigneur Bakole rêvait
d’implanter une Université digne de ce nom dans le grand
Kasaï, une université appelée à former de hauts cadres au
service de l’Eglise et de la Nation. Lui et ses pairs ayant
entendu le cri des chrétiens réunis à Malandji Makulu le 8
décembre 1991, à l’occasion de la célébration du premier
centenaire de l’évangélisation du Kasaï, leur demandant la
fondation d’une Université catholique dans cette contrée,
couronnement de l’œuvre missionnaire en matière de
l’enseignement et de l’éducation de la jeunesse, se sentir
fortement interpellés. Et de fait, ensemble avec les autres
évêques du Kasaï, ils ont accepté l’idée de création d’une
université. Par la suite, ils ont mis une structure d’étude qui a
abouti au décret d’érection de l’université catholique au Kasaï
en date du 27 juillet 1996, décret signé par les évêques de huit
diocèses du Kasaï.
Comme premier Grand Chancelier de cette université
naissante, il lui assignait la mission et les finalités suivantes :
«C’est principalement pour élever l’âme, le cœur et le corps
de l’homme et de la femme au Kasaï que cette Université doit
travailler. L’U.KA. doit se distinguer par son respect des
repères éthiques et écologiques ». C’est lui qui, le premier, a
procédé à l’ouverture solennelle de la première année
académique de l’U.KA. le 15 octobre 1996. Et c’est encore lui,
tout acquis à la noble cause de l’U.KA., qui nous a indiqué le
site de Kambote devenu définitif pour la construction de la cité
universitaire actuelle en pleine expansion. Sur cette colline
devenue la colline sacrée, l’U.KA. lui a réservé une place
d’honneur dénommée « Place Monseigneur Bakole wa
Ilunga ».
Monseigneur Bakole a été pour moi un intellectuel
exemplaire. En effet, il avait participé au premier colloque du
Centre d’Etudes sur les Cultures Africaines de l’U.KA.
organisé à Luluafilm, du 26 avril au 1er mai 1998. Ce qui
m’avait le plus frappé à ces assises : c’était sa participation
assidue à ces journées scientifiques en tant que conférencier et
intervenant sur un thème d’actualité : « L’Université au
Congo : hier et aujourd’hui » et, c’était ensuite sa présence
remarquée, régulière et attentive à tous les travaux, du début à
la fin. Compte tenu de leur attachement à l’U.KA., lui et
Monseigneur Paul Mambe Mukanga, l’U.KA. leur a dédié en
hommage posthume l’ouvrage intitulé « Les défis de
l’intellectuel kasayen au troisième millénaire » (328 p.).
Monseigneur Bakole a toujours tenu à l’U.KA. comme
symbole de la consolidation de l’unité des peuples du Kasaï,
unité de foi et unité de savoirs scientifiques mis au service du
développement. Contre vents et marées, il m’a toujours
soutenu et encouragé dans ma lourde mission de donner forme
et vitalité à cette Université en devenir, partie de nulle part et
promise aujourd’hui à des destinées radieuses. Aussi donc, à
moi, Recteur de cette jeune Université, m’avait-il légué le
testament suivant : « Adalbert, jamais, mais jamais ne laisse
tomber l’U.KA., espoir de tous les peuples du Kasayi ! ».
Tout bien considéré, l’U.KA. me paraît être une de ses
grandes réalisations décisives et, pourquoi pas ?, le
couronnement de son œuvre pastorale au Kasaï ?

3. LES GRANDS HOMMES NE MEURENT PAS TOUT


ENTIERS : ILS LAISSENT DES TRACES DERNIERE EUX

Les chemins de Libération, titre du premier ouvrage cité


ici, nous livre ses visées prophétiques. Les prophètes, on le
sait, devancent et défient leurs temps, ainsi en est-il de
Monseigneur Bakole. Ce livre représente pour moi une mine,
une mosaïque d’informations et d’éléments dont nous nous
rendons de plus en plus compte qu’ils sont incontournables si
nous voulons réellement nous développer aujourd’hui. Le
développement ne nous viendra ni par enchantement ni par
procuration ! Il requiert et requerra toujours un engagement de
soi, une implication personnelle, un choix des techniques et
des partenariats. Il exige surtout ténacité, entêtement, travail
rationnel et persévérant. Cheminer méthodiquement vers un
développement vrai et durable dans le grand Kasaï et dans
l’ensemble de la République Démocratique du Congo et,
pourquoi pas ?, dans l’Afrique tout entière, n’est-ce pas là faire
honneur à ce grand pasteur qui a consacré toute sa vie au
service du peuple kasaïen, congolais et africain !
De tous temps, Dieu aime son peuple du Kasaï. Il lui
envoie des pasteurs dignes et zélés. La question qui se pose est
celle de savoir : quel accueil réservons-nous à ces pasteurs, à
ces prophètes que le Seigneur nous envoie ? Et aussi quel
souci de suivi avons-nous fait de leurs œuvres ? En effet, il y a
un danger de n’avoir rien compris à ces grandes visées
prophétiques, de les refuser purement et simplement, de faire
du sur-place ou de faire de grands pas en arrière. Ce grand fils
du Kasaï a aimé du fond de son cœur et nous a appris à aimer
de nos cœurs le Kasaï natal, la chère République
Démocratique du Congo et l’Afrique qu’il rêvait nouvelle,
prospère et libérée. Faisons-lui honneur en bâtissant un Kasaï,
un Congo et une Afrique meilleurs, plus justes, plus solidaires
et plus libres !

Jean-Adalbert NYEME Tese


J’ai connu Mgr M.L. Bakole WA ILUNGA
Témoignage et réflexions
En laissant dans l’ombre ce qui appartient au strict secret
de la relation interpersonnelle, je considère comme une grâce
et une interpellation d’avoir pu connaître, pendant
pratiquement 35 ans de vie, S.E.Mgr M.L. Bakole Wa Ilunga
dans son existence comme dans sa mort. Et je voudrais en dire
un mot pour l’histoire.
1. TÉMOIGNAGE : L’HISTOIRE AU PASSE
L’histoire passée remonte pour moi aux années 1965,
lorsque, à l’intersection des études au petit et au grand
séminaire de Kabue, j’ai commencé à voir arriver, de temps en
temps, au séminaire un visiteur pas comme les autres, le
Prélat Mgr Bakole, alors Vicaire général à distance, de
l’archidiocèse de Kananga, puisqu’il était, en même temps,
Vice-Recteur de l’Université Lovanium à Kinshasa…Prélat
que j’observais avec admiration pendant qu’il priait son
bréviaire en déambulant dans la cour du séminaire, au terme
de la messe matinale, alors qu’il était le premier prêtre noir
universitaire qu’il m’était donné de connaître…Prélat dont
j’entendais de loin la voix puissante et chaude égayer la table à
manger de nos professeurs
Lorsqu’un jour, déjà devenu, en 1966, évêque auxiliaire
de Kananga, à l’occasion d’une de ses visites à Kabue, il me
prit à bord de son véhicule, sur sa route de retour, pour me
laisser à l’hôpital de Mikalayi, je découvris en lui un
conducteur casse-cou, qui roulait à tombeau ouvert, signe d’un
dynamisme et d’un enthousiasme presque inconscients du
danger et de l’obstacle. C’est une des images fortes que j’ai
gardées de lui et qui ne s’est pas démentie jusqu’à sa mort, si
je me réfère, par exemple, à l’héroïsme avec lequel il a
effectué, cinq heures durant, son dernier pèlerinage au
Sanctuaire de Malandji Makulu, le 5 décembre 1999, à
l’occasion du 28è anniversaire d’ordination épiscopale de son
successeur, Mgr G. Mukeng, ou si je me réfère encore au
même héroïsme avec lequel il a tenu à vivre, sur l’esplanade
de la Pro-Cathédrale St Clément, l’ouverture de l’année
jubilaire 2000, le 25 décembre 1999, provoquant peut-être par-
là une aggravation fatale du mal qui le rongeait.
L’histoire au passé c’est, de manière encore plus
personnelle, mon envoi, en 1968, aux études de Théologie à
Rome, encore grand séminariste, comme premier
ecclésiastique de son mandat archiépiscopal à partir aux études
à l’étranger, en compagnie de deux jeunes confrères alors
finalistes du petit séminaire, Zacharie Beya et Bruno
Kabemba, pour leur cycle de Philosophie, sans avoir demandé,
comme je l’entendais souvent dire de lui, à quelle tribu et clan
j’appartenais.
J’en ai gardé cette leçon que Mgr Bakole était
profondément, à la fois, un homme d’Eglise à la vision large et
un stratège lucide qui savait comment forger et utiliser les
instruments nécessaires à la promotion de son diocèse.
Sur ce point, non plus, je n’ai pas connu de démenti,
depuis le jour de mon ordination sacerdotale, en 1972, jusqu’à
ce mois de juillet 1997 où il a quitté ses fonctions, moi qui,
tout au long de ces années, excepté la parenthèse de mes
nouvelles études en Belgique, me suis considéré comme un
des collaborateurs les plus réguliers de sa plume, en
particulier, pour l’enseignement des choses de la foi qu’il a
abondamment prodigué à son peuple par le discours et l’écrit.
Et j’ai découvert, à ce sujet, un pasteur qui aimait le partage
d’idées justes et fortes ; un homme amoureux de l’art et du
beau style en toutes choses, bref, un homme soucieux de la
grandeur et de l’excellence, à côté de toutes les ambiguïtés
dont notre condition humaine se trouve affligée.
Le dernier maillon de cette histoire au passé concerne la
brève période de son éméritat, de 1997 à 2000, où ses vertus
de foi chrétienne et d’intérêt passionné pour l’homme ont
brillé d’un éclat renouvelé. En effet, ayant participé à ses
adieux, comme archevêque, au peuple de Kananga qui avait
été confié à ses soins pastoraux 31 ans durant, et à l’accueil
qu’il avait réservé à son successeur, passé le premier moment
de surprise, j’ai admiré la grandeur d’âme et l’aimante
soumission à la volonté de Dieu avec lesquelles il a assumé ce
dernier virage de son cheminement.
Suivi alors la paisible et chaleureuse retraite d’un
véritable homme de Dieu que l’on vit, tour à tour, faire le
simple curé à la quasi-paroisse de Malole-Oasis, au Noviciat
des Pères serviteurs des pauvres, prendre part, aux côtés de son
successeur, aux grandes célébrations liturgiques diocésaines,
réconforter de sa présence ses anciens co-diocésains frappés
par le deuil ou par la maladie, accueillir à bras ouverts et avec
reconnaissance la moindre visite et le moindre signe d’amitié
qu’il recevait à sa résidence de Muamba-Malole.
Je n’oublierai jamais les deux dernières visites que je lui
ai rendues de son vivant. D’abord, dans les premiers jours du
mal qui allait l’emporter, lorsqu’il me répétait la joie intérieure
et extérieure avec laquelle il vivait cette maladie, entouré des
meilleurs soins médicaux à domicile et des services
attentionnés de ses Sœurs du Cœur Immaculé de Marie, des
visites nombreuses et empressées de son successeur comme de
son peuple, toutes catégories confondues, ainsi que de la prière
unanime de tous, au point qu’il disait ne pas souhaiter être
déménagé vers quelque hôpital que ce soit. Ensuite, la toute
dernière visite, lorsque à la veille de son transfert obligé vers
Kinshasa et Milan, ayant perdu l’usage de la parole à la suite
d’une chute nocturne de son lit et les yeux fermés, il me serra
longuement les deux mains, quand je murmurai à ses oreilles
mon nom, dans un véritable geste silencieux d’adieu, ainsi
qu’il le faisait avec toutes les personnes accourues à son
chevet.
Quand, enfin, à l’annonce de son décès, à Milan, le 3
février 2000, je me rendis à Muamba Malole pour présenter
mes condoléances et réconforter sa vieille grande sœur qui
vivait dans sa compagnie depuis de longues années, c’est
l’horrible sensation de vide qui m’envahit devant ce vaste et
magnifique domaine qu’il avait rempli de beauté esthétique et
de chrétienne humanité.

2. REFLEXIONS

a) Une interpellation
Si avoir été mêlé à une histoire aussi chargée est un point
d’honneur, cela est sûrement aussi une forte interpellation. Je
l’ai lue, pour ma part, cette interpellation que m’ont lancée la
vie et la mort de Mgr Bakole, dans le sens suivant : la réussite
et la grandeur d’une vie d’homme se trouvent dans le contraste
positif de ses valeurs consciemment intégrées. Ainsi, le
chrétien le découvre-t-il, en premier, dans la personne de
Jésus-Christ, le Dieu qui ne dédaigna pas de prendre la
condition humaine, excepté le péché, le Tout-Puissant qui se
fit faible, par amour, jusqu’à la crucifixion, l’Immortel qui
embrassa librement la mort pour donner aux mortels
l’immortalité…
Ainsi, de même, le familier de feu Mgr Bakole a-t-il
observé combien l’enfant de la forêt équatoriale initié au
mysticisme dit païen s’est radicalement converti à la foi
chrétienne ; combien l’universitaire chevronné et le
fonctionnaire ecclésiastique de renommée internationale est
resté, en même temps, l’homme du peuple, parlant son
langage, vivant de sa sagesse ancestrale, mêlé à ses problèmes
de société, partageant ses tristesses et ses joies, ses échecs et
ses succès ; combien le pasteur et le pédagogue a été capable
de se dévouer sans calculer, de punir sans blesser, d’encaisser
les coups sans haïr, d’imposer une ligne de conduite sans se
fermer aux suggestions d’autrui, et d’écouter les conseillers
sans renoncer à sa propre inspiration, de prêcher l’idéal sans
cesser de comprendre la faiblesse de l’homme, de lutter avec
acharnement sans se laisser écraser par l’échec, de souffrir
dans son corps avec héroïsme sans perdre la bonne humeur ni
l’espérance, de mourir avec sérénité et sans rien regretter…
« Qu’ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les
suivent » Ap. 14,13
Si l’on voulait embrasser d’un regard synthétique ces
« œuvres » de Mgr Bakole qui l’ont suivi dans l’au-delà,
frappées de sa marque propre que je viens d’évoquer, on
pourrait s’arrêter sur les suivantes parmi toutes celles que
d’autres contributions de ce « In Memoriam » auront
développées :
b) L’homme de foi et de prière
Lorsque Mgr Bakole écrit, dans son fameux
livre « Chemins de libération » : J’ai eu la chance – la plus
grande de ma vie- de rencontrer quelqu’un qui m’a montré le
chemin du bonheur, au-delà de ce que je soupçonnais : Jésus
de Nazareth, le Fils de Dieu… J’ai trouvé, en lui, le sens d’une
vie fondée en Dieu et partagée avec les autres… Je me suis
alors laissé prendre par ce Jésus pour être, auprès de mes frères
et sœurs, le témoin de son Evangile de vie1 ». Il livre, là, le
secret intime de l’esprit de prière et de foi qui l’ont
caractérisé : c’est son attachement enthousiaste et
inconditionnel à la personne de Jésus-Christ
Ceux qui l’ont fréquenté dans sa prière savent que celle-
ci était comme partagée en deux pôles corrélatifs : du Fils à sa
Mère Marie et de Marie nécessairement à son Fils Jésus.
L’Eucharistie, comme il se doit, était manifestement au
cœur de sa prière. Il tenait à la célébrer quotidiennement, avec

1
Bakole wa Ilunga (Archvêque de Kananga), Chemins de
Libération). Edition de l’Archidiocèse. B.P. 70 Kananga, 1978, p. 10
la solennité des grands jours et du grand public ou dans la
simplicité de sa chapelle privée, toujours aux premières places
dans ses résidences épiscopales, aussi bien de la Paroisse
Notre Dame que de Muamba-Malole. Qu’on se rappelle
comment il aimait présenter, avec autant de plaisir que
d’esprit, les quatre pièces occupant les quatre coins de la cour
carrée de sa résidence de Muamba-Malole. A l’entrée
principale de la résidence : la salle d’attente ou le lieu du
dialogue avec l’homme, qu’il venait accueillir toujours avec
une bonhomie exemplaire ; au coin suivant : la chapelle ou le
lieu du dialogue avec Dieu qu’il ornait, à son goût raffiné, des
plus belles pièces d’art africain, lieu où il aimait rassembler
son personnel ouvrier tout comme les visiteurs de passage à
l’heure de l’Eucharistie, lieu qu’il remplissait de sa voix
puissante et convaincue, à travers les prières communes ou le
chant liturgique, le tout, avec une dévotion presque d’enfant de
chœur ; au troisième coin : la bibliothèque privée ou le lieu du
dialogue avec l’esprit, qu’il nourrissait par des lectures
continuelles, même lorsque le diabète avait commencé à
attaquer sa vue ; au quatrième coin, enfin : la salle à manger ou
le lieu du dialogue avec le ventre, occupant avec raison la
dernière place qu’il lui concédait par nécessité, ayant été
conduit par une longue vie de malade à exclure de sa table
toute boisson alcoolisée et tout excès, en même temps qu’il
s’était éduqué, depuis toujours, à ne jamais réclamer à propos
de la nourriture, mais à manger simplement tout ce qui venait à
table. Peu de personnes pourraient croire, à moins d’y avoir
assisté, que la table du prestigieux archevêque était
généralement frugale et que durant son éméritat, il lui arrivait
même d’y manquer le nécessaire !
L’amour du dialogue avec son Dieu amenait Mgr Bakole
à y tourner spontanément les esprits de ses interlocuteurs dans
les diverses circonstances de la vie. Aux raisonnements
humains était de plus en plus substitué, chez lui, surtout avec
l’âge et la nette perception de la fugacité des choses présentes,
l’argument évangélique avec ses exigences. Le mot
« transcender » était fréquent sur ses lèvres pour inviter à aller
au-delà des contingences et de leurs contrariétés. Une autre de
ses idées-force, dans le même sens, était qu’il fallait
s’accrocher à Dieu » à travers tout, par delà tout malgré tout ».
Et lorsque, comme il est propre à tout mortel, ses
collaborateurs lui faisaient parfois reproche de tel ou tel
défaut, il répliquait promptement : « Et pourquoi ne
considérez-vous pas plutôt mon exemple de vie de foi ? »
Il ne fait pas de doute que, pour lui, aller vers son Dieu
reposait, comme jadis pour les Douze, sur « un choix
obligatoire » : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles
de la vie éternelle… ? » (Jn. 6,68).
Ces « Paroles de vie », Mgr Bakole ne les aimait pas
seulement pour lui-même, mais aussi pour son peuple. C’est la
raison pour laquelle il en fit le titre d’une de ses publications
pastorales en 1975. C’est aussi la raison pour laquelle il s’en
fit le héraut passionné par des prédications aussi prolixes
qu’inculturées, afin, aimait-il à « blaguer », de « fatiguer son
peuple avec la Parole de Dieu ».
c) Le Prédicateur « inculturé »
« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ». (I
Co 9,16)
Voilà ce qui fut certainement le fil conducteur du
ministère épiscopal de Mgr Bakole. En plus de la conviction
profonde qu’il devait en avoir retirée de sa longue formation
sacerdotale et de son travail de prêtre, il doit avoir intériorisé,
à ce sujet, l’enseignement de ce concile Vatican II auquel il
avait personnellement pris part en tant que prélat domestique
du Saint-Père. « Parmi les charges principales des évêques, dit
Lumen Gentium, 25, la prédication de l’Evangile est la
première. Les évêques sont, en effet, les hérauts de la foi, qui
amènent au Christ de nouveaux disciples ; et les docteurs
authentiques, c’est-à-dire pourvus de l’autorité du Christ, qui
prêchent au peuple à eux confié la foi qui doit régler sa pensée
et sa conduite, faisant rayonner cette foi sous la lumière de
l’Esprit-Saint, dégageant du trésor de la Révélation le neuf et
l’ancien, faisant fructifier la foi, attentifs à écarter toutes
erreurs qui menacent leur troupeau ».
Qui a eu l’occasion d’entendre prêcher Mgr Bakole a
acquis la nette certitude que pour lui était évident et fort le lien
établi par Paul entre la prédication et la foi- « la foi vient de la
prédication et la prédication, c’est l’annonce de la Parole du
Christ » (Rm 10,17) – cette foi où le prélat découvrait la piste
de toutes les solutions aux problèmes fondamentaux de
l’homme comme de sa société. En effet, ayant compris
qu’ « évangéliser, c’est faire retentir la Parole au milieu de
l’histoire », d’après l’heureuse expression d’Olivier de la
Brosse2 , l’évêque défunt peut être situé en bonne place dans la
lignée de ces Pères de l’Eglise antique pour qui Olivier de la
Brosse, dit encore que : « la prédication reflète très exactement
les soucis pastoraux des chefs de communautés à l’égard de
leur peuple3 » : un Saint Jean Chrysostome, évêque de
Constantinople en 398, qui a « laissé six cents homélies et plus
de cent sermons dans lesquels transparaît la vie mouvementée
de sa communauté orientale ; un Saint Ambroise de Milan
(374), défenseur de son Eglise contre les ingérences du
pouvoir civil et adversaire de l’hérésie arienne, auteur d’une
« œuvre toute marquée de ces préoccupations pastorales,
exprimées dans la forme du commentaire biblique » ; un Saint
Augustin, évêque d’Hippone (392), qui « demeure le type
achevé du chef du diocèse, fondateur de communautés
sacerdotales et religieuses, infatigable lutteur contre les
hérétiques, laissant près de 500 sermons reflétant une

2
O. de la Brosse, ‘’ La prédication’’. In Initiation à la pratique de
la théologie. T.V. Cerf, Paris. 1983, p. 114.
3
Ibid, p. 122
prédication doctrinale, enracinée dans l’Ecriture, au service
direct de la formation religieuse de ses nombreux auditeurs ;
un Saint Grégoire le Grand (604), » dont les quarante
‘Homélies sur l’Evangile’ et les vingt-deux commentaires ‘sur
Ezéchiel’ témoignent d’une clarté d’esprit directement mise au
service d’un apostolat auprès des fidèles les plus simples ainsi
que d’une grande expérience des hommes de son temps… Sa
prédication est à la fois spirituelle et pratique, affrontée sans
illusions aux situations humaines les plus concrètes.4 »
Pour s’en convaincre, rien n’aurait valu, si c’en était ici
le lieu, la publication – certainement à venir – des quarante
trois lettres pastorales et autres allocutions et homélies écrites
laissées par feu Mgr Bakole . Il n’est vraiment pas exagéré de
reprendre à son compte ce que de la Brosse affirme de l’abbé
Henri Lacordaire : « Rares ont été, dans la vie de l’Eglise,
écrit-il, les hommes qui ont su à un tel degré comprendre de
l’intérieur les aspirations d’une époque et les confronter à
l’Evangile. ‘Apôtre de son siècle’, partageant avec lui son
besoin de liberté, de certitude, de justice, homme de son temps
jusque dans l’emploi d’une langue romantique et
passionnée… »5 « Mgr Bakole ne semblait-il pas, des fois,
avoir été à l’école du « De Doctrina christiana », de Saint
Augustin qui donne à la prédication chrétienne les trois
caractéristiques suivantes héritées de Cicéron et ainsi
exprimées ; « Parler de manière à Instruire, à charmer et à
toucher », car « Instruire est une nécessité, charmer, un
agrément ; toucher, une victoire »6 ?
Mais au-delà de toutes les techniques de la prédication
dont Mgr Bakole pouvait être doté, c’est surtout sa profonde
connaissance de son peuple, sa totale « complicité » avec lui

4
Ibid, pp. 123-124
5
Ibid, p. 136
6
Ibid, p. 139
qui assurait l’impact de sa parole sur son auditoire. C’est qu’il
avait, en psychologue et pédagogue de formation qu’il était,
intégré à son art cette recommandation attribuée aux anglais :
Pour enseigner le latin à John, ce qu’il faut d’abord connaître,
c’est …John.
« Les habitudes de pensée et de langage d’un auditoire
conditionnent sa capacité à comprendre, recevoir et admettre
ce qui lui est proposé, affirme encore avec raison de la Brosse
(à la suite du vieil adage latin : Quidquid recipetur ad modum
recipientis recipitur). On ne peut pas dire tout l’Evangile à tout
le monde d’une seule et même manière. Chaque prédication
est une nouvelle Pentecôte, dans laquelle chacun doit pouvoir
« accueillir dans sa propre langue les merveilles de Dieu »
(Ac.2,11)7
Vous avez dit : « sa propre langue » ? Voilà où se situe
la pointe originale de la prédication inculturée de feu Mgr
Bakole. Si l’inculturation – ce néologisme tant utilisé et tant
incompris, à la fois se définit, ainsi que l’a fait avec bonheur le
Pape Jean II, comme « l’incarnation de l’Evangile dans les
cultures autochtones et, en même temps, l’introduction de ces
cultures dans la vie de l’Eglise »8 et si la langue d’un peuple,
comme on le comprend aisément, est la porte d’entrée de sa
culture, alors il est permis de tenir Mgr Bakole pour un
véritable champion de cette prédication inculturée de la Parole
de Dieu qui signifie, dans notre contexte, proclamation du
message évangélique par un africain pour des africains et en
langage africain. C’est, d’ailleurs, l’unique façon
d’évangéliser, selon la pittoresque expression du Pape Paul VI,
« non pas de façon décorative, comme par un vernis

7
Ibid, p. 147
8
Jean-Paul II, Slavorum Apostoli
superficiel, mais de façon vitale, en profondeur et jusque dans
leurs racines, la culture et les cultures de l’homme »9
En cela également notre prélat se place dans le droit fil
de l’enseignement de Vatican II qu’il importe de rappeler ici
comme une espèce de justification posthume et autoritaire de
sa pratique si appréciée dans ce domaine :
- « Les évêques, dit Christus Dominus, n° 13, doivent
proposer la doctrine chrétienne d’une façon adaptée aux
nécessités du moment, c’est-à-dire en répondant aux
difficultés et questions qui angoissent le plus les
hommes » ;
- « Entre le message de salut et la culture, déclare Gaudium
et Spes, n° 58, il y a de multiples liens. Car Dieu, en se
révélant à son peuple jusqu’à sa pleine manifestation dans
son Fils incarné, a parlé selon des types de culture propres
à chaque époque. De la même façon, l’Eglise, qui a connu
au cours des temps des conditions d’existence variées, a
utilisé les ressources des diverses cultures pour répandre et
exposer par sa prédication le message du Christ à toutes les
nations, pour mieux le découvrir et mieux l’approfondir,
pour l’exprimer plus parfaitement dans la célébration
liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté
des fidèles ». ;
- « Dès les débuts de son histoire, affirme le même document
conciliaire, au n° 44, en ciblant particulièrement le
problème de la langue, (l’Eglise) a appris à exprimer le
message du Christ en se servant des concepts et des langues
de divers peuples et, de plus, elle s’est efforcée de le mettre
en valeur par la sagesse des philosophes : ceci afin
d’adapter (ce mot aujourd’hui dépassé qui appartenait à son
temps) l’Evangile, dans les limites convenables et à la
compréhension de tous et aux exigences des sages. A vrai
9
Paul VI, Evangelii Nuntiandi, N° 20
dire, cette manière appropriée de proclamer la parole
révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation ».
« Exigences des sages », : les plus grands sages de
chez nous, aussi anonymes qu’éternels, sont nos Ancêtres, nos
Maîtres de vie, de morale, de religion, de savoir-vivre, de vie
communautaire, etc.
Mgr Bakole les a fréquentés avec assiduité et brio,
notamment dans leurs dictons, proverbes, mythes et récits
fondamentaux dont il faisait, avec une maîtrise rare, le
véhicule de sa prédication. Qui douterait que, même étant un
parfait bilingue – français et ciluba – il n’était jamais aussi
bon, aussi captivant, aussi persuasif, dans une homélie, que
lorsqu’il passait de la langue française à la langue ciluba, se
détachant alors de tout papier et nouant avec son public un
interminable dialogue vibrant ?
En véritable pionnier de ce genre d’éloquence sacrée à
l’africaine, il a entraîné derrière lui une file de prêtres et
d’autres prédicateurs de l’Evangile qui ne cesse de s’allonger
pour le plus grand bénéfice du peuple de Dieu qui vit chez
nous.
Rien d’étonnant, dans cette ligne, qu’il ait désiré
ardemment, pendant de longues années, et considéré comme le
plus beau cadeau du premier centenaire de l’évangélisation du
Kasaï, la parution, en 1994, du « Mukanda wa Mvidi Mukulu
», traduction en ciluba de la Bible.
Ne déclarait-il pas, avec raison, dans sa préface à cette
parution : « Bakubi ba tshisa tshia Maweja, badiambike
balume ne bakaji, batatu ne bamamu ba nzubu, bansonga ne
bana, bena midimu mishilangane ya panu, badi ne bukole bua
mudibi ne babedi, bena biuna ne bapele, baludiki ba misoko ne
bena ditunga babo, bonso buetu tunyemenayi kudi Muaku wa
Mvidi Mukulu, « Musungu wetu wa lupandu » « Mpokolo
wetu wa muoyo, »tshiamu tshietu tshia mudimu, bua
tukudimune nawo mpala wa buloba buetu ne tufike ku
diakalenga dia tshiendelele, »,
Prêtres, religieux et religieuses, pères et mères de
famille, jeunes et enfants, hommes de toutes les professions,
bien-portants et malades, riches et pauvres, pouvoirs publics et
citoyens, recourons tous à la Parole de Dieu « notre bâton de
sauvetage », « notre source de vie », notre outil de travail pour
changer la face de notre terre et parvenir au bonheur éternel.
Peut-on juger cette œuvre de prédicateur de la Parole
de Dieu aux résultats obtenus en trente quatre ans
d’épiscopat ? Quelqu’un a raconté, par mode de boutade, que
lorsque le talentueux Père Lacordaire prêchait, les gens
montaient sur les confessionnaux (pour le voir et l’admirer),
tandis qu’à la prédication de son contemporain Abbé Jean-
Marie Vianney, le saint et peu brillant curé d’Ars, les gens
entraient dans les confessionnaux (pour se convertir et se
réconcilier avec Dieu). Feu Mgr Bakole a-t-il laissé son peuple
chrétien plus saint, plus converti à Dieu et à l’homme qu’il ne
l’avait trouvé ? Question à réponse difficile dans une matière
aussi mystérieuse que délicate, aussi complexe que
personnelle, aussi invisible que manifeste, qui peut dépendre
autant du cœur des auditeurs de la Parole et des structures
conditionnantes qui les enserrent que de la sainteté du
prédicateur lui-même, selon cette image saisissante du ‘’bassin
et du canal’’ émanant de Saint Bernard. « Il en est, dit-il, qui
montrent une telle ardeur pour communiquer aux autres les
biens célestes, qu’il leur semble pouvoir les répandre avant de
les avoir reçus… Si vous voulez agir avec discernement, ayez
soin d’être un bassin avant de devenir un canal ; car celui-ci a
pour office tout à la fois de recevoir et de répandre tandis que
l’autre attend d’être rempli pour verser au dehors de sa
surabondance »10.
Souhaitons seulement qu’à son départ de ce monde vers
le Maître du « troupeau », l’évêque défunt ait pu dire, pour sa
part dans son cœur, comme Saint Paul dans ses adieux aux
anciens d’Ephèse : « Vous savez vous-mêmes de quelle façon,
depuis le premier jour où j’ai mis le pied en Asie, je n’ai cessé
de me comporter avec vous, servant le Seigneur en toute
humilité, dans les larmes et au milieu des épreuves que m’ont
occasionnées les machinations des Juifs. Vous savez comment,
en rien de ce qui vous était avantageux je ne me suis dérobé
quand il fallait vous prêcher et vous instruire, en public et en
privé, adjurant Juifs et Grecs de se repentir envers Dieu et de
croire en Jésus notre Seigneur… Je n’attache aucun prix à ma
propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le
ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage
à l’Evangile de la grâce de Dieu » (Ac 20,18…24).
Il n’y pas de meilleur vœu à formuler pour lui en faisant
mémoire de son ministère épiscopal de la prédication.
Mais n’a-t-il été qu’un prédicateur installé dans la chaire
de vérité, sans descendre dans l’arène de l’action au service de
son peuple ?
d) L’homme des rêves et d’action
S’il y a un qualificatif qui ferait l’unanimité parmi ceux
qui ont connu, de près ou de loin, Mgr Bakole, c’est bien
celui-ci : il fut un homme des rêves les plus ambitieux, ceux-là
précisément qui cessent d’être simple poésie pour devenir le
moteur de l’action.

1 0
Saint Bernard, sermon 13 sur le Cantique des Cantiques. Cité par
O. de la Brosse, op. cit, p. 148
Son rêve peut se résumer en un seul mot : la vie. C’est le
mot qui ouvre l’introduction de son fameux livre « Chemins de
libération. »
« Vivre, écrit-il, vivre pleinement, augmenter et
renforcer la vie, voilà notre désir le plus profond. Car la vie est
le plus beau cadeau que nous ayons reçu de nos parents et, à
travers eux, de Dieu, source de toute vie. Dès lors, le premier
devoir qui s’impose est que cette vie soit développée,
renforcée, rendue plus belle, plus heureuse. Et nous devons
aussi la transmettre aux enfants, aux membres de famille, aux
amis et à tous les hommes avec qui nous formons ensemble la
grande famille « zaïroise ». Ainsi, la vie est un grand cadeau
mais une tâche difficile ; nous en sommes réciproquement
responsables. »11
La responsabilité d’œuvrer pour la vie, Mgr Bakole l’a
prise pour sa part, à bras le corps, aidé certainement par ce
tempérament dynamique déjà mentionné, mais aussi par sa
formation universitaire spécifique. En effet, alors que la
tradition romaine allait dans le sens du choix des évêques de
préférence parmi les anciens étudiants en Droit Canonique et
autres sciences sacrées des universités pontificales, Mgr
Bakole provient de l’Université Lovanium de Kinshasa,
porteur d’une forte sensibilité aux problèmes de l’homme
reçue de sa formation en sciences psycho- pédagogiques.
Mais son inspiration fondamentale dans l’action, comme
cela doit l’être pour tout chrétien, se trouve dans les deux
niveaux précédents de la prière et de la foi ainsi que de la
prédication de la Parole de Dieu dont nous venons de parler.
Car, comment évoquer le Dieu libérateur d’Israël « à main
forte et à bras étendu » (Deut. 7,19), et son Fils Jésus-Christ
qui « a passé en faisant le bien » (Ac.10,38), sans se laisser
provoquer à l’action, non pas de manière facultative,

11
Bakole wa Ilunga, op. cit. P. 9
volontariste et extérieure, mais par une exigence interne à cette
évocation-invocation elle-même ?
Dans ce contexte, on a l’habitude de citer, à l’actif de
Mgr Bakole, les dizaines d’églises construites et de ponts jetés
sur des cours d’eau de son diocèse pour raccourcir les
distances, sans oublier son action en faveur d’une riche
alimentation, par la fabrication du biscuit de soja, ni celle de la
dernière tranche de sa vie en faveur du projet d’électrification
de la ville de Kananga et au-delà, projet qu’il vaudrait
vraiment la peine de poursuivre et d’achever en mémoire de
lui.
De même, on aime à rappeler combien cet évêque
passionné du développement intégral de l’homme et qui fut
appelé par ses pairs à présider, pendant de longues années, la
commission du Développement de la Conférence épiscopale
nationale du Congo, à l’instar des organisations du même
genre qu’il avait montées avec succès dans son diocèse, fut en
même temps préoccupé d’y éduquer son peuple, et notamment
son élite intellectuelle, décideur du sort de ce peuple. En font
foi des publications de sa plume comme celles reprises ci-haut
dans sa notice bio-bibliographique en cet « In memoriam » :
Vraiment son clergé, en lui offrant des Mélanges à
l’occasion de son jubilé épiscopal d’argent, en 1991 ne pouvait
pas choisir un autre titre qui reflète fidèlement ses convictions
de foi, son ministère de la Parole et son engagement social que
celui-ci : « Evangéliser, c’est développer »12 avec, en
épigraphe, ces paroles de l’intéressé lui-même qui se passent
de tout commentaire : « Pour moi, la passion pour le
développement est inséparable de la passion pour l’Evangile
de Jésus-Christ. Elle en est l’incarnation concrète dans la

12
Evangéliser, « ’c’est développer ». Mélanges en l’honneur de Mgr
Bakole wa Ilunga, Archevêque de Kananga. Edités par A. Kalamba Nsapo.
Edition de l’Archidiocèse. Kananga/Zaïre 1993.
situation qui est la nôtre. Si l’évangile nous est donné comme
une source de vie, de liberté, de bonheur, il ne saurait rester
planer au-dessus de nos réalités économiques, politiques,
sociales, culturelles »13
Oui, feu Mgr Bakole a su marcher fermement parmi
nous et à notre tête sur ses deux pieds de la foi et de l’action,
conjuguant avec bonheur ce principe de vie chrétienne attribué
à saint Ignace de Loyola : « prier comme si tout ne dépendait
que de Dieu et agir comme si tout ne dépendait que de nous ».
Nul doute que de l’au-delà, où il ne saurait oublier ceux
et celles à qui il avait consacré son long ministère épiscopal, il
ne cesse de nous répéter ces paroles engageantes du Seigneur
Jésus au paralytique de l’évangile : « lève-toi et marche » (Lc
5,23), comme il avait lui-même beaucoup marché vers les
autres à servir sans ménager ses forces.
Conclusion : « Une personnalité complexe et chatoyante »14
C’est encore Olivier de la Brosse qui caractérise le prélat
français du 17è siècle, Fénélon, de cette manière qui semble
aller à Mgr Bakole comme un gant, ce par quoi je clôturerai ce
témoignage et réflexions.
Complexe, la personnalité de Mgr Bakole le fut jusqu’au
bout des ongles, dans ce sens du dictionnaire qui signifie : Qui
contient plusieurs idées, plusieurs éléments à la fois.
Rien là de surprenant pour un être humain, dira-t-on.
Mais il y a de ces êtres humains chez qui le phénomène atteint
des degrés impressionnants. Ce fut le cas de notre prélat,
parfois jusque dans la manière de parler en phrases inachevées
qui rendaient insaisissable sa pensée. Qui a côtoyé Mgr Bakole
n’a pas manqué d’être parfois dérouté par un homme à qui il
arrivait de préférer à une planification rigoureuse ce qu’il

13
Ibid.
14
O. de la Brosse, op. Cit, p. 134
appelait « saisir la balle au bond », avec tout ce que cela
pouvait comporter de volte-face et d’improvisation. Il a déjà
été suffisamment dit précédemment du contraste positif des
valeurs consciemment intégrées dans une personnalité pour
qu’on se passe d’y revenir ici, qu’on l’exalte ou qu’on le
déplore.
Et chatoyante, la personnalité de Mgr Bakole le fut
également, ne pouvant pas passer inaperçu, ne laissant
personne indifférent, qu’on l’aime ou non. C’est sa mort qui en
a administré la plus belle preuve. En effet, même attendue
confusément par ceux qui l’ont approché dans les dernières
semaines de sa vie, depuis Kananga jusqu’à Milan, en passant
par Kinshasa, la nouvelle fulgurante de son décès, le 3 février
2000, a fait l’effet d’une bombe et le vide ressenti par tous,
dans le décor habituel, signifiait la grande place qu’il y
occupait. Qui a vécu l’événement de ces funérailles, en direct
ou par les ondes et l’image, aux différentes étapes de Milan, de
Bruxelles, de Kinshasa, de Kananga et de Mikalayi, doit avoir
été impressionné par l’affluence des foules comme si de
partout, parents, confrères, amis, connaissances et badauds
faisaient une haie autour de lui pour l’empêcher de nous
quitter,…
Que Mgr M.L. Bakole wa Ilunga repose en paix, et que
ses œuvres l’accompagnent au paradis, par la miséricorde de
Dieu.

Lambert MUSEKA
Hommage à Son Excellence Monseigneur Martin-Léonard
BAKOLE wa ILUNGA
Archevêque Emérite de Kananga
In Memoriam : 3 février 2000 – 3 février 2006

Je suis parmi ceux qui ont pu jouir du privilège de faire


connaissance avec Son Excellence Monseigneur Martin
BAKOLE non seulement parce que j’ai passé toutes mes
études secondaires au Petit Séminaire de Kabue, mais aussi et
surtout parce que c’est lui qui m’a admis au Grand Séminaire
de Kabue et que c’est sous son autorité que j’ai évolué au sein
de cette institution jusqu’au jour où, pour des raisons
personnelles, j’ai librement décidé de réorienter le parcours de
mon existence.

Et aujourd’hui, c’est à plus d’un titre que je suis


heureux de participer à cet hommage posthume adressé à cet
Homme universel.

Je lui rends donc hommage d’abord en tant qu’ancien


séminariste. C’était lui « le supérieur spirituel » et le dernier
rempart pour tout problème qui pouvait surgir dans ma vie de
séminariste durant mon parcours.

Ensuite, en ma qualité de fils de Kananga et du Kasaï,


je rends hommage à ce monument inébranlable. BAKOLE wa
ILUNGA a toujours fait la fierté des natifs de cette Province et
son influence s’est manifestée, directement ou indirectement,
sur chacun de ceux qui l’ont côtoyé.

Enfin, comme Ministre de la Culture et des Arts, je


rends des honneurs mérités à cet opérateur culturel. En effet,
ainsi que l’atteste sa notice biographique, Martin BAKOLE wa
ILUNGA a travaillé pour la promotion de la Culture et des
Arts, aussi bien au Congo qu’en Afrique et dans le monde.
Déjà en 1959, encore étudiant à l’Université de
Lovanium, Monsieur l’Abbé Martin-Léonard BAKOLE a
participé aux travaux de la commission gouvernementale de la
réforme de l’enseignement au Congo-Belge et au Ruanda-
Urundi, tenus à Bruxelles.

Devenu Vice-Recteur de la même Université, il a pris


une part active aux différentes rencontres nationales,
régionales et internationales sur les problèmes relatifs à
l’éducation, à la science, à la culture, à la technologie et au
développement. En effet, on l’a vu à la commission de la
réforme de l’enseignement du Congo-Léopoldville sous
l’égide de l’UNESCO, à la commission de l’éducation et de la
culture dans le cadre de l’OUA, au Premier Festival Mondial
des Arts Nègres à Dakar, etc.

Homme multidimensionnel, Mgr BAKOLE mérite, de


ma part, un hommage multivarié, tentant de cerner certaines de
ses facettes qui nous ont été accessibles.

C’est ainsi qu’en premier lieu, je rends hommage à


l’intellectuel. Nul n’ignore que Monseigneur Martin BAKOLE
compte parmi les premiers intellectuels du Congo et qu’il n’a
pas été des moindres. Séminariste de Kabue et universitaire de
Lovanium bien formé, l’homme nous a légué une œuvre
abondante et une pensée solide.

Pour lui, « évangéliser » signifiait « développer ». En


d’autres termes, il ne pouvait pas concevoir l’évangélisation en
dehors de l’épanouissement intégral de l’homme.

Partisan de l’inculturation évangélique, il prônait que la


Parole de Dieu devait s’incarner, c’est-à-dire rencontrer les
aspirations profondes de la population pour le bien-être de
chacun et de la communauté.
En deuxième lieu, c’est à l’éducateur que va mon
hommage. Prêtre, plutôt que de se spécialiser en philosophie
ou en théologie, Monseigneur BAKOLE embrassera, à
l’Université, les Sciences Pédagogiques. Nommé Vice-Recteur
de Lovanium, il déploiera d’intenses activités académiques et
scientifiques, prenant à cœur les charges qui étaient les siennes
et la valeur du travail qu’il avait à réaliser pour les fils de son
peuple. Il était un véritable « pater ».

Et, c’est pour avoir manifesté ses qualités d’éducateur


qu’il fut, le premier, à être nommé, en 1960, Président du
Bureau de l’Enseignement Catholique (BEC).

Mon hommage s’adresse, en troisième lieu, au prélat.


C’est à 8 ans, alors qu’on lui apprenait à peine à balbutier le
catéchisme, que le petit Martin BAKOLE sèmera en lui la
graine de la foi qui ira grandissant jusqu’à embrasser les
études sacerdotales, aux Petit et Grand Séminaires de Kabue,
avant d’être ordonné prêtre le 19 mars 1953.

Il mena passionnément ses activités de prêtre routier,


d’évangélisateur des peuples « sortis de nuits ancestrales et des
pratiques païennes » et ce, jusqu’à sa mort, mort qui l’a
rencontré au rang d’Archevêque Emérite de Kananga.

Quel parcours que celui d’une « vie débordante, d’une


existence de pasteur, d’une carrière de bâtisseur d’un peuple
nouveau dans une communauté d’espérance. »

Bien que nommé Recteur à l’Université, il ne négligea


nullement ses tâches pastorales et, en dépit de tous ses
déplacements dans les sphères des intellectuels, il demeura
avant tout Prêtre à la foi inébranlable.

En quatrième et dernier lieu, je rends hommage à un


homme de culture. Profondément prêtre, intellectuel avéré,
Martin BAKOLE wa ILUNGA est resté pétri de culture,
enraciné dans la tradition. Ses conversations, ses homélies, ses
conférences, ses conseils étaient empreints de riches proverbes
et adages du terroir. Prêtre, Evêque, il n’avait jamais négligé
les cultures traditionnelles où il puisait pour une inculturation
pastorale réussie.

Pour terminer cet hommage, disons que Monseigneur


Martin-Léonard BAKOLE wa ILUNGA mérite d’être cité en
exemple à tous les jeunes, à tous les Congolais, comme
exemple de Prêtre et, surtout, comme modèle d’intellectuel
engagé, pour le développement total, global et harmonieux de
notre peuple.

Philémon MUKENDI
DE LA MALADIE A LA MORT
DE Mgr BAKOLE WA ILUNGA

Depuis plus de dix ans, je me suis occupée de la santé de


Mgr Martin-Léonard Bakole, qui souffrait de l’hypertension
artérielle et du diabète insulino-dépendant depuis une
vingtaine d’années. Ces deux maladies étaient surveillées,
soignées chaque jour et contrôlées dans des hôpitaux
spécialisés tous les deux ans au début et ces derniers temps
chaque année à l’hôpital Saint Raphaël de Milan.

Mgr Bakole, un homme de foi, une âme pieuse, simple,


charitable et disponible, un travailleur infatigable, ne tenait pas
toujours compte de sa santé lorsqu’il était plongé dans un
travail de développement intégral de l’homme. Pour justifier
son dévouement, il nous disait qu’à trop s’occuper de sa santé,
on risquait d’en devenir esclave et de ne pas faire grand’chose
dans sa vie. Homme d’endurance et de patience, il m’a appris
à supporter les souffrances avec joie et à éviter des plaintes
inutiles.

Le dernier contrôle de sa santé a eu lieu le 14 octobre


1999 à l’hôpital Saint Raphaël de Milan. Ses médecins
traitants étaient contents de lui ; ils admiraient sa joie, sa
capacité de communication et sa souplesse dans l’application
des conseils médicaux prodigués.

Comment la situation s’est-elle dégradée, jusqu’à


conduire à la mort ? Tout a commencé le 25 décembre 1999, à
la messe solennelle d’ouverture de l’année jubilaire, une
longue cérémonie qui a duré cinq heures trente minutes
environ. Tatu Bakole wa Ilunga étant une personne de foi ne
pouvait rater un événement de cette importance. Mais une
position fixe et prolongée, avec des souliers fermés, n’a pas
arrangé sa situation; elle a plutôt bloqué la circulation
périphérique. Conséquence : une inflammation très prononcée
de la jambe accompagnée des douleurs intenses dans le mollet.
Après la messe, Mgr Bakole, complètement fatigué, est rentré
sans tarder à sa résidence de Muamba-Malole.

Au terme de deux jours de repos strict et de soins de la


jambe, nous avons remarqué de multiples bulles qui se sont
éclatées rapidement, donnant l’aspect d’ulcères superficiels à
la jambe. J’ai fait intervenir le Docteur Kabuya Willy pour que
les idées soient partagées dans la thérapeutique. Au bout de
dix jours, les plaies se sont cicatrisées et une amélioration
rapide a été constatée : Mgr Bakole a alors commencé à
marcher tout doucement avec sa canne, même si la jambe était
encore légèrement gonflée. Le mercredi 14 janvier, il était
content de sa jambe, il a marché tout seul et a bien mangé. Le
soir, avant d’aller au lit, il a demandé de regarder un film pour
se distraire. Christine Kapinga, l’infirmière de garde chargée
de la surveillance et du suivi des soins en mon absence, lui
tenait compagnie. Vers 22h30, Monseigneur est allé se
coucher. Le matin, à 6h30, l’infirmière Kapinga, venue pour
les soins comme d’habitude, a trouvé Monseigneur par terre.
Elle m’a fait venir d’urgence. A mon tour, j’ai averti aussitôt
le Dr Kabuya qui n’habite pas loin de chez nous. Nous avons
tout tenté pour le récupérer, mais Monseigneur est resté privé
de parole, entendant tout, mais ne répondant qu’avec des
gestes. Cet état s’est prolongé toute la journée du vendredi
jusque samedi soir. C’est alors qu’à la satisfaction de tous, il a
prononcé sa première phrase : „Loué soit Jésus-Christ à
jamais. Amen“. Quel soulagement ! Déjà samedi matin, Mgr
Godefroy Mukeng avait pris la décision d’envoyer Mgr Bakole
sans tarder en Europe dans un hôpital spécialisé.

Depuis le 27 décembre 1999, Mgr Mukeng et de


nombreux chrétiens venaient voir le malade pour prier avec
lui. Même le Gouverneur de la Province, A. Claudel Lubaya et
plusieurs autorités civiles lui ont rendu visite dans sa maladie.
Tatu Bakole était très content de ces multiples visites. Quand
j’ai voulu savoir si ces visites n’étaient pas fatigantes pour lui,
il m’a répondu : « Mama, l’isolement tue; je suis heureux de
prier et de partager avec l’Archevêque, les prêtres, religieuses,
religieux et laïcs sur l’Eglise-famille de Dieu et le
développement de l’homme. C’est important pour moi ».

Dimanche, le 16 janvier 2000, nous avons embarqué


pour Kinshasa à trois : le malade, l’abbé Gustave Tshilumba
chargé des formalités et d’autres démarches du voyage et moi-
même l’infirmière soignante. A Kinshasa, Mgr fut interné à la
Clinique Bondeko, soigné par le Dr Kalonji, Directeur de la
Clinique et par l’équipe soignante qui a pensé alors à un
diagnostic trombo-phlébite de la jambe. Le Père Lido,
responsable de l’Hôpital, était continuellement présent pour
s’entretenir avec Monseigneur. De nombreux médecins sont
également passés le voir, sans compter les autorités
ecclésiastiques, civiles, les amis et connaissances.
Monseigneur s’est particulièrement réjoui de la visite de son
ancien étudiant, le professeur Kanjingu, premier diabétologue
congolais.

Pendant les sept jours passés à Bondeko, dans l’attente


des formalités du voyage, la sœur Rosalie Odie Beya,
infirmière aux études à Kinshasa, m’a prêté main forte dans les
soins et la garde du malade.

Samedi le 22 janvier, à bord d’un vol régulier de la


Sabena, nous sommes partis pour Milan, en transitant par
Bruxelles où nous avons passé la nuit chez les Pères de Scheut.
Les sœurs Félicitas Malu et Victorine Bafuafua m’ont aidée
dans les soins à porter au malade. Le lendemain, nous étions
accueillis, à l’aéroport de Milan, par l’abbé Clément Mutamba
et la Sœur Françoise Kalengele. A notre arrivée à l’hôpital
Saint Raphaël, nous avons trouvé la sœur Jacqueline
Tshiendenda qui s’était déjà occupée de toutes les formalités
au service d’urgence et d’hospitalisation. Le Dr Sylvain
Mukenge, médecin congolais travaillant à Saint Raphaël, ainsi
que d’autres médecins nous ont reçus à bras ouverts pour les
examens et les soins d’urgence. Ils ont fait un bilan sanguin
complet qui était peu inquiétant, à part l’élévation légère de la
créatinine et l’urée ainsi que des transaminases qui se sont
d’ailleurs régularisées après six jours de soins. Les examens
radiologiques réalisés en urgence, tels que
l’électrocardiogramme, l’échographie hépato-rénele et la
radio-thorax ont donné des résultats normaux. Même le
doppler fait pour vérifier le diagnostic trombo-phlébite de la
jambe suspectée à la clinique Bondeko s’est montré négatif.
En revanche, la TAC (tomographie axiale computérisée) a fait
suspecter une ischémie cérébrale probablement responsable de
la chute du 14 janvier à Kananga, ainsi qu’une lésion
hémorragique, dangereuse d’après les neurologues.

Trois jours plus tard, la résonance magnétique était


réalisée pour mettre en évidence cette lésion cérébrale
ischémique dépistée par le scanner. Au bout de six jours, le
prélèvement sanguin a montré une anémie brusque d’origine
inconnue, ce qui a induit à administrer deux unités de sang et à
procéder à un grand nombre d’examens : biologiques,
hématologiques, urologiques et écho-abdominaux, pour
détecter la cause de cette anémie. Tous les résultats étaient
négatifs.

Mardi le 1er et mercredi le 2 février étaient deux jours


d’espoir pour les médecins et pour nous tous : Monseigneur a
parlé à l’aise et mangé sans problème. Aux médecins qui
venaient s’enquérir de la situation, il répondait que tout allait
bien. Espoir.

Il faut signaler que pendant son séjour à l’hôpital,


Monseigneur a eu plusieurs visites qui le réconfortaient. Déjà,
le Responsable de la communication et des relations sociales
de l’hôpital, Mgr Charles Vella, lui avait souhaité la bienvenue
par ces mots : « Monseigneur, ici à saint Raphaël, vous êtes
chez vous ». Ces mots l’ont mis tellement à l’aise qu’il se
sentait en famille. Nos deux sœurs étudiantes à Rome,
Angélique Odie et Jacqueline Nkaya, les abbés de Kananga
séjournant en Europe, Bruno Kabemba, Crispin Bakadisula,
Jean Mabundi, ainsi que l’abbé José Muamba de Luebo ont
fait le déplacement pour lui rendre visite, sans compter de
nombreux laïcs. Tous repartaient avec l’espoir d’une guérison
prochaine et lui se sentait fort réconforté par ces visites.

Mercredi matin, j’ai trouvé Monseigneur, joyeux,


causant avec l’abbé Clément Mutamba. Il avait bien mangé.
Après le départ de l’abbé, nous sommes restés à deux, parlant
de beaucoup de choses et même de certaines propositions à
réaliser après sa guérison. A chaque proposition, il me
répondait : "oui, mama, si Dieu le permet encore, car nous
devons compter beaucoup sur Lui, les yeux fixés sur son Fils
Jésus sur la croix et sur sa Sainte Mère aux pieds de la croix ".
Cette réponse m’étonnait. Vers 11h45, il en vint aux
remerciements : « Mama, merci beaucoup pour tout ce que
vous avez fait pour me maintenir en vie jusqu’aujourd’hui.
Que le Seigneur qui voit tout vous rende autant. Merci à Mgr
Godefroy Mukeng’a Kalond et toute la population kanangaise
et kinoise pour leur assistance et leur union intense de prières.
Mgr Godefroy a été toujours présent pendant ma maladie, lui
et les chrétiens de Kananga. J’en suis vraiment reconnaissant.
Cela m’a beaucoup encouragé car je ne me suis pas senti isolé,
au contraire, je suis comblé. Merci à tous nos prêtres et
religieuses étudiants qui se sont dérangés jour et nuit pour moi,
surtout ceux de Milan qui ont perturbé leur programme
pendant cette période des examens. Que seul le Seigneur
daigne les consoler dans leurs études ». J’écoutais
attentivement, mais surprise et angoissée par ces
remerciements. Quand il a terminé de parler, j’ai posé
spontanément une question : « Tatu, pourquoi notre dialogue
change – t - il d’un coup des propositions d’avenir aux
remerciements comme pour mettre fin à tout ? ». Il m’a
répondu avec sourire : « Mama, il faut que je vous dise ces
remerciements. Je peux aussi les mettre par écrit après ma
guérison, si Dieu le veut ». Puis il ajouta : « Mvidi Mukulu
mmuena kuenza muende mudiye musue, soyons toujours
attentifs à sa volonté. Toute la population de Kananga
demande que Dieu opère le miracle pour ma guérison, mais
n’oubliez pas qu’Il peut vous répondre dans le sens de son
choix. Dans tout ceci, soyons des hommes de foi, car c’est la
foi qui sauve ».

A 12 h 30’, il a bien mangé, puis il est allé au lit pour la


sieste. A 16 h 30’, il demanda de s’asseoir et, une heure plus
tard, alors que nous étions de nouveau en train de causer, j’ai
remarqué qu’il s’était effondré dans la chaise avec une
respiration très rapide - 46 à la minute - et une pulsation de
126 à la minute. Il était fort fatigué. Avec deux infirmières,
nous l’avons remis au lit. Le médecin accouru à son chevet a
constaté qu’il avait fait un malaise cardiaque brusque mis en
évidence par l’électrocardiogramme. Une heure plus tard, j’ai
pris de l’eau bénite, j’ai aspergé dans la chambre; quelques
gouttes sont tombées sur lui. Il s’est alors réveillé et a
demandé : « Mama, c’est quoi qui tombe comme la pluie ? ».
Je lui ai répondu que c’était de l’eau bénite que Mgr Godefroy
Mukeng nous avait donnée à Kananga pour utiliser au moment
de la prière. Il a ouvert les yeux et dit : « merci beaucoup, alors
prions ». Nous avons prié 10 Ave Maria, un Notre Père et la
célèbre prière à la Vierge « Sous votre garde nous nous
réfugions, Sainte Mère de Dieu... » Après cette prière qu’il
aimait réciter jour et nuit, il a dit : « En tes mains Seigneur, je
remets mon esprit ».

A 18h00, la sœur Françoise Kalengela nous trouve en


train de parler comme d’ordinaire. Nous avons alors proposé à
Monseigneur de manger. Mais, après avoir mangé la moitié de
la soupe, il a tout rendu, ce qui m’a fort inquiétée, car Mgr
Bakole me disait souvent qu’il n’avait jamais vomi et que le
jour où il vomirait serait le jour de son départ. Beaucoup plus
tard, vers 22h00, l’abbé Clément Mutamba est arrivé pour
nous relayer: Je lui ai transmis ce qui s’était passé dans la
journée afin que lui et l’abbé Gustave Tshilumba soient
attentifs en restant avec lui. Vers 1h00 du matin, tandis que ces
abbés veillaient sur le malade, le malaise cardiaque s’est
reproduit, cette fois avec la chute de la tension artérielle
jusqu’à 9/5. Après la réanimation hydrique, la tension est
redevenue normale à 12/8.

Jeudi le 3 février, à mon arrivée, j’ai trouvé l’abbé


Clément triste et Monseigneur endormi de fatigue. L’abbé m’a
fait le rapport de ce qui s’était passé la nuit. Nous avons appelé
le Dr Mukenge et le Neurologue. Ce dernier décida de refaire
la TAC pour voir si l’ischémie cérébrale ne s’était pas répétée.
Je voyais, pour ma part, que Tatu Bakole s’enfonçait dans le
coma. Avec l’abbé Clément, nous l’avons lavé et habillé. Vers
10 h 00’, j’ai demandé à l’abbé Clément, Don Louis et l’abbé
Benjamin qui travaillent comme aumôniers de l’hôpital de
réadministrer le sacrement des malades à Monseigneur. Ce qui
fut fait aussitôt. Alors tout s’est précipité. Le Neurologue est
venu chercher le malade pour la résonance magnétique qui a
confirmé le diagnostic de vasculopathie cérébrale déjà dépistée
dès les premiers examens. L’abbé Clément est allé
communiquer avec Mgr Godefroy qui se trouvait à Kinshasa
pour lui annoncer la dégradation brusque de l’état de santé de
Mgr Bakole.

Ramené dans la salle vers 12 h 15’ après l’examen, Tatu


Bakole aura encore à subir une intubation pour pouvoir mieux
respirer car il avait une insuffisance respiratoire discrète. Etant
une infirmière expérimentée, j’ai vu qu’il partait dans la
discrétion et j’ai commencé l’accompagnement des mourants
en récitant le chapelet qu’il aimait tant. Vers 12 h 50’, j’ai
remarqué qu’il s’éteignait tout doucement, sans ronflement.
J’ai pris ses mains dans les miennes et j’ai récité la prière à la
Vierge « Sous votre garde nous nous réfugions... » Ensuite j’ai
commencé le Notre Père. Je n’avais pas encore terminé que je
l’ai vu expirer paisiblement comme pour dire oui. Il est parti
dans le calme, sans agitation, les yeux bien fermés comme s’il
dormait. J’ai dit au Seigneur : « entre tes mains je remets son
âme, comme il l’a toujours dit ». Les médecins et infirmiers
sont venus tout de suite pour dresser le procès-verbal de décès.
Alors, j’ai appelé l’abbé Clément pour qu’il communique la
triste nouvelle à Mgr Godefroy Mukeng qui se trouvait encore
à Kinshasa, ainsi qu’à tous nos prêtres, religieux et laïcs qui
séjournent en Europe. Avec les sœurs Françoise et Jacqueline
Tshiendenda, nous avons commencé à réciter le rosaire, larmes
aux yeux, jusqu’au moment où les agents des pompes funèbres
sont venus pour descendre le corps dans le funérarium, vers
16 h 00’.

Ainsi s’acheva la vie de notre père Martin-Léonard


Bakole wa Ilunga, Archevêque émérite de Kananga, à l’hôpital
Saint Raphaël de Milan au nord de l’Italie, emporté par une
vasculopathie cérébrale et un arrêt cardio-respiratoire. Il m’a
beaucoup édifiée par sa patience, sa vie de prière et sa foi
profonde. Que son âme repose en paix et qu’il intervienne
pour nous auprès du Seigneur.

Thérèse ODIE KATALA


Mgr BAKOLE, HOMME DE FOI DANS LA
SOUFFRANCE ET LA MORT

Dans le rite ambroisien, les lectures de la messe des


funérailles pour diacre, prêtre ou évêque sont des récits tirés de
trois évangiles différents. Il s’agit de Lc 22,7-20.24-30; Mt
27,45-52 et Jn 20,19-23. Le premier récit parle de l’institution
eucharistique que l’on considère en même temps comme
moment de l’institution du sacerdoce ministériel
néotestamentaire. Jésus en donne l’esprit, à savoir le service
jusqu’au don de sa vie en rançon pour la multitude. Mt 27,45-
52 décrit la mort de Jésus dans une grande déréliction,
paradigme de la nuit de la foi. Par contre, en Jn 20,19-23, le
Christ, vainqueur de la mort, envoie les disciples en mission
après le don de son Esprit pour la promotion de la vie par la
rémission des péchés.

Son Excellence Mgr Angelo Mascheroni, Vicaire


épiscopal chargé de la pastorale sanitaire au diocèse de Milan,
qui a présidé la messe des funérailles de Mgr Martin Bakole
wa Ilunga, a fait allusion dans son homélie, à ces trois lectures
en les appliquant à la vie pastorale du défunt dans ses axes les
plus importants, notamment son dévouement au service de
l’Eglise et de son peuple, ses épreuves, entre autres sa maladie
et sa mort qui, en Christ, débouchent sur la vie sans couchant.
Pour notre part, nous voulons nous arrêter sur le témoignage
de foi de Mgr Bakole wa Ilunga dans l’épreuve de la
souffrance et de la mort.

Certes, il faut, comme dit St Jean (cf. 1 Jn 1,1-3), avoir


entendu, vu de ses yeux, contemplé, touché de ses mains,
c’est-à-dire avoir pénétré le secret d’une vie aux multiples
péripéties comme celle de Mgr Bakole pour en rendre
témoignage adéquatement, surtout dans ses moments cruciaux
et intimes tels que la souffrance et la mort. Les derniers
événements, à savoir la maladie de Mgr Bakole suivie de son
hospitalisation à Milan qui s’est terminée avec sa mort le 03
février 2000, nous ont contraint à survoler sa vie de pasteur à
la recherche de la source d’énergie spirituelle et de force
d’âme dont il a fait montre jusqu’au bout. Dans cette
recherche, on ne peut passer outre aux motifs, c’est-à-dire aux
convictions religieuses dont cet illustre disparu a vécu,
comme, par exemple, celles exprimées dans sa devise
épiscopale « Quia ego servus » et sa foi indéfectible dans la
résurrection. Notre témoignage porte sur la manière dont Mgr
Bakole wa Ilunga a affronté la souffrance et la mort sous ce
double aspect.

MGR BAKOLE, SERVITEUR DE DIEU DANS LA SOUFFRANCE


ET LA MORT

Nous soulignons, en guise de prémisse, qu’on ne peut


pas réduire la souffrance à l’état de maladie qui a conduit Mgr
Bakole à la mort. Il faut y inclure les épreuves de sa vie
d’homme et de pasteur pour essayer de comprendre son
comportement au moment de l’épreuve finale. On pourrait
citer parmi ces épreuves, les soucis et problèmes de son Eglise
en croissance, l’insuccès dans certaines entreprises de grande
importance à ses yeux, la maladie et la mort de ses proches et
de ses agents pastoraux. Autant de tribulations qui, comme St
Paul (cf. Rm 8,18-24.31-35), au lieu d’ébranler sa foi dans la
bonté et l’amour de Dieu, n’ont fait que lui procurer, selon le
parcours tracé par l’apôtre pour la maturité de la foi (cf. Rm
6,3-4), constance, persévérance et espérance. Foi et
psychologie qui se dégagent clairement de différents
documents qu’il nous a laissés, dont Chemins de libération et
la lettre pastorale du 08 décembre 1993 intitulée Le temps de
l’épreuve, lettre écrite à l’occasion des pillages de la Procure-
Economat de l’Archidiocèse de Kananga, avec assassinat de
l’abbé Jean de Dieu Mukoma du diocèse de Lwiza.
Chemins de libération est un livre publié en 1978,
pendant la période du culte et de la presque déification de
l’autorité politique suprême, période qui marque en même
temps le début de notre débâcle sociétaire. En réaction à la
tentation du culte de la personne, l’auteur proclame sa foi en
Jésus-Christ. En plus, en tant que pasteur soucieux du bien-
être de son peuple, il stigmatise le mal social du pays et
propose comme voie d’issue la foi au Christ et la conversion à
son évangile.

Quant à la lettre pastorale de décembre 1993, elle ne se


limite pas à dénoncer les crimes de la violence, à interpeller les
différentes catégories sociales. C’est aussi un message de foi et
d’espérance qu’on lit à travers le psaume introductoire - la
recherche de Dieu et de sa volonté (cf. Ps 25,4-6) -, une
exhortation aux agents pastoraux pour ne pas sombrer dans le
désespoir, mais chanter sans cesse l’amour de Dieu (cf. Rm
8,35-39) : „nous sommes terrassés, mais pas anéantis“ (2 Co
4,9),

Il faut noter une chose : formé à ce qu’il appelait „la


pédagogie de l’effort“ doublée d’une foi inébranlable dans la
providence, Mgr Bakole wa Ilunga ne s’est jamais laissé aller
au découragement dans l’épreuve de l’insuccès. Il ne lui a
jamais manqué non plus d’imagination pour envisager d’autres
solutions aux problèmes, lancer de nouvelles initiatives et
projets. Fidèle à sa devise épiscopale „ Quia ego servus“ et
comme la Vierge Marie, il s’employait à méditer les
événements à la recherche de la volonté de Dieu. Sans
récriminer, il finissait par considérer avec St Paul, que tout
concourrait au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qu’il a
appelés selon son dessein (cf. Rm 8,28). De là, sa soumission
en toute circonstance à la volonté de Dieu, à ses desseins
insondables. N’est-ce pas le message qui se dégage de
l’anecdote de „ Muamba ne mpanga“ toujours présente dans
ses propos sur la providence et sur l’imprévisibilité de la
pensée et de l’action de Dieu ? En voici le contenu : „
Muamba ne mpanga, tatuende wa Muamba ne yende. Muamba
ne pajika budimi nenye kuetu. Tatuende wa Muamba ne pajika
budimi nemmupane“. Autrement dit, „ l’homme propose, Dieu
dispose“.

Aussi Mgr Bakole wa Ilunga réussissait-il à amortir les


chocs, s’effaçant devant Dieu sans trahir le dynamisme et la
créativité qui lui étaient caractéristiques. On pourrait lui
appliquer, surtout dans la dernière période de sa vie, cette
tension entre la vie et la mort que Paul décrit en ces termes :
„pour moi, vivre, c’est Christ, et mourir m’est un gain. Mais si
vivre ici-bas doit me permettre un travail fécond, je ne sais que
choisir. Je suis pris dans un dilemme, j’ai le désir de m’en aller
et d’être avec Christ et c’est beaucoup préférable, mais
demeurer ici-bas est plus nécessaire à cause de vous. Aussi, je
suis convaincu, je sais que je resterai, que je demeurerai près
de vous tous, c’est pour votre progrès et la joie de votre foi,
afin que grandisse grâce à moi, par mon retour auprès de vous,
la gloire que vous avez en Jésus-Christ“ (Ph 1,21-26). Tension
qu’il a su gérer harmonieusement. En effet, il était aussi bien
disposé à partir de ce monde qu’à vivre parmi les hommes
surtout pour continuer son programme de développement
intégral qui est resté jusqu'à la fin un motif, une passion de son
existence. Ne faut-il pas prendre en compte cette tension pour
expliquer aussi bien l’optimisme et les énergies spirituelles qui
ne l’avaient jamais quitté un seul instant que la sérénité, la
tranquillité dans sa maladie suivie d’une mort, on ne peut plus
paisible ?

QUI VIT ET CROIT EN MOI NE MOURRA JAMAIS (JN 11, 26)

Comme dit St Paul, „s’il n’y a pas de résurrection des


morts, Christ non plus n’est pas ressuscité, et si Christ n’est
pas ressuscité, notre prédication est vide et aussi notre foi... Si
nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie
seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les
hommes“ (1 Co 15,13-14.17). En effet, sans perspective du
futur heureux en Dieu, combien se seraient libérés de
l’angoisse de la mort ? Comment sortir de la fameuse crise
vétérotestamentaire au sujet de la doctrine de la rétribution
terrestre dès lors que l’on voit le méchant progresser et le juste
sombrer dans la misère et la persécution ? Autrement dit, à
quoi bon être serviteur de Dieu si son sort est identique si pas
pire que celui des autres humains ? Mais à la lumière de la foi
dans la résurrection, la vie revêt un sens nouveau. Les
épreuves et la mort prennent une autre signification (cf. Rm
8,18-24.31-35; Col 1,24). La vie vaut la peine d’être vécue.

Il y a plus pour le chrétien. Il ne s’agit pas seulement de


la résurrection au dernier jour qui n’a pas empêché Marthe de
récriminer contre Jésus (cf. Jn 11,21-22.24). Il y a aussi et
surtout une espèce de résurrection hic et nunc, une naissance à
la vie nouvelle, à laquelle accède Marthe dans sa confession de
foi en Jésus comme résurrection et vie (cf. Jn 11,25-27). Selon
la logique du texte, on pourrait dire que cette „résurrection“ de
Marthe, non seulement a précédé celle de Lazare, mais a
présidé à celle-ci (cf. Jn 11,40.43-44).

L’attitude de Mgr Bakole face à la mort renverrait plutôt


à cette seconde Marthe. Celle-ci a cru que celui qui croit en
Jésus, même s’il meurt, vivra et que quiconque vit et croit en
lui ne mourra jamais (cf. Jn 11,27). Elle jouissait déjà par cette
foi, de la vie éternelle que la mort ne pouvait entamer. C’est
cette même foi que Mgr Bakole wa Ilunga a toujours confessée
devant la mort de tout homme, en particulier de ses proches
par le sang et par la foi. Du reste, l’on connaît le refrain :
Mfumu atumbishibue (« Dieu soit loué »), avec lequel il
accueillait les annonces de décès. Ainsi, a-t-il toujours prêché
avec conviction la résurrection du Christ et de celle de qui
meurt en Lui, exhorté, comme St Paul, à ne pas pleurer comme
ceux qui n’ont pas d’espérance (cf. 1 Th 4,13), jusqu'à se
déclarer un « anti-deuil ». Sans cependant verser dans
l’indifférence et l’apathie. En fait, c’était avec humanité et
compassion qu’il s’employait à consoler les affligés par la
mort. Il savait trouver les mots appropriés pour réconforter les
cœurs meurtris. Moi-même, j’en ai bénéficié à la mort de mon
père en octobre 1995. En plus, il n’oubliait pas de visiter et
d’assister ses prêtres malades. On se rappellera des visites
rendues aux Abbés Jean Mashala, mort en 1990 et Jonas-Pierre
Kabasele qui a d’ailleurs rendu l’âme presque dans ses bras en
1991.

C’est fort de cette foi que Mgr Bakole wa Ilunga a


affronté sa propre épreuve finale de maladie et de mort. On ne
l’a pas vu s’agiter ou se préoccuper de son sort. Plus méditatif
qu’expressif, il est resté tranquille jusqu'à son dernier souffle
qui, selon sa foi, marquait l’entrée dans la vie nouvelle avec
Dieu.

CONCLUSION
Il est vrai que la situation générale de notre société et de
nos Eglises offre plus de motifs de découragement et de
démission que des raisons pour espérer et s’engager. Mgr
Bakole wa Ilunga, qui n’a jamais cessé d’être optimiste, nous
laisse une arme pour affronter la vie, à savoir la foi dans la
providence suivie d’un engagement concret pour écrire nous-
mêmes notre histoire, transformer notre société. Il est question
de promouvoir la vie et de réduire la souffrance et la mort.
Ainsi, célébrer sa mémoire ne va pas sans croire en
Dieu, accueillir son souffle créateur, en l’occurrence l’Esprit
du Christ. Foi qui va de pair avec l’esprit de créativité et
d’entreprise qui ne seront que l’exécution de ce qui, dans
Chemins de libération est l’ordre que Christ intime à tout
croyant tenté de désespoir et de paralysie : « lève-toi et
marche. » (cf. Mc 2,11-12).
Mgr Bakole wa Ilunga nous laisse aussi un exemple
d’humilité devant Dieu. Cette attitude n’est-elle pas la clé
d’accès à la sagesse divine ? Il nous faudra, comme la Vierge
Marie, laisser sans cesse un espace à Dieu dans notre vie pour
que notre action devienne une contribution à la réalisation de
ses desseins. Méditer les épreuves à la lumière de la foi dans la
providence ne peut qu’aider à ne jamais être anéanti, même
lorsqu’on est terrassé. C’est la condition pour reprendre le
chemin de la vie. Car, dit Jésus, « C’est par votre persévérance
que vous gagnerez la vie. » (Lc 21,19).
Clément MUTAMBA NGALAMULUME
L’Archevêque Martin-Léonard Bakole wa Ilunga,
digne successeur de ses prédécesseurs

A l’occasion de la mort de l’Archevêque Mgr Bakole wa


Ilunga plusieurs homélies et discours ont été prononcés,
mettant en lumière les qualités exceptionnelles de ce Pasteur
de l’Eglise particulière de Kananga, les réalisations opérées
par lui et l’influence extraordinaire qu’il a eue sur le cours des
choses et les habitants de son diocèse et même en dehors de
celui-ci. Mais la personnalité de Mgr Bakole était si vaste et si
riche en qualités et talents, qu’il n’est pas possible d’en
donner, en quelques pages, une description exhaustive.

J’ai eu le bonheur de pouvoir travailler, pendant de


longues années, dans l’ombre de Mgr Bakole, de parler
souvent avec lui, d’entendre et d’écouter ses pensées et ses
réflexions, de suivre ses indications pour rédiger des textes ou
de la correspondance. Souvent j’ai même dû contenir mon
impatience devant le flot intarissable de ses paroles et les
explications tirées de son expérience qui était comme une
bibliothèque volumineuse.

En entendant Mgr Bakole, je constatais toujours la


richesse de ses vues, la droiture de ses opinions et le souci du
bien commun et de l’Eglise. En toutes circonstances et pour
toutes les décisions à prendre il voulait agir en évêque ayant le
sens et le souci de l’Eglise. En agissant ainsi il se plaçait dans
la ligne des grands évêques du Kasaï, ses prédécesseurs.

Mgr Bakole a été à la base de très nombreuses


réalisations durant la période de son épiscopat dans
l’Archidiocèse de Kananga de 1967 à 1997. Il a été le
promoteur de nombreuses constructions qui devaient améliorer
le bien-être spirituel et matériel de la population : églises,
dispensaires, hôpitaux, ponts, écoles, etc. Il a travaillé
beaucoup pour le développement et pour l’amélioration de la
santé. Il a fait des efforts sans nombre dans tous les domaines
de la vie de la population afin que celle-ci vive mieux. La
dégradation progressive de la situation générale l’attristait
énormément ; il essayait de la combattre par tous les moyens
possibles, par des actes aussi bien que par la parole, mais il
devait constater son impuissance devant les négligences et le
désintéressement de la part des pouvoirs publics.

En tant qu’évêque, Mgr Bakole avait comme premier


devoir évangéliser la population, c’est-à-dire faire connaître,
aimer et suivre Jésus-Christ. Mais il était convaincu que la
seule action de l’évangélisation proprement dite était
insuffisante. Pour lui, l’évangélisation devait être comprise
comme une libération de l’homme complet ; par conséquent
elle devait aller de pair avec des actions dans le domaine du
développement humain sous tous ses aspects. L’amélioration
de l’agriculture, la construction des ponts pour désenclaver des
régions entières, la structuration de la médecine préventive,
l’introduction de la farine soja dans la nourriture, la formation
de l’esprit communautaire dans les villages, tout cela était,
pour Mgr Bakole, des aspects de l’évangélisation qui devaient
être réalisés de concert avec l’enseignement de la Bonne
Nouvelle. C’est pourquoi il parlait toujours du développement
intégral. Il disait : « évangéliser, c’est développer et
développer, c’est évangéliser ». Il a expliqué cette conception
dans son livre Chemins de Libération, paru d’abord en français
à Kananga et traduit ensuite en anglais (Paths of Liberation).

Proclamer la Bonne Nouvelle du salut tout en laissant la


population dans la pauvreté et le dénuement, n’est pas
conforme à la volonté et aux intentions de Jésus-Christ. Celui
qui évangélise doit également et en même temps faire des
efforts et entreprendre des actions afin de promouvoir le bien-
être temporel et matériel des évangélisés. Mais
l’évangélisateur doit aussi savoir que le développement stable
ne peut être obtenu que s’il émane de la population elle-même.
Le rôle de l’évangélisateur, dans le domaine du
développement, commence toujours par des actions de
sensibilisation de la population afin que celle-ci comprenne
qu’elle doit elle-même se mettre à l’œuvre pour obtenir ou
réaliser ce qu’elle veut avoir. Une assistance et une aide
données par d’autres personnes ou organisations ne sont
souhaitables que pour ce qui dépasse les possibilités de la
population qui s’est mise à l’œuvre.

L’évangélisation conçue de cette façon est en même


temps une marche vers le développement et vers la libération
de la population. Quand pendant une visite à une communauté
chrétienne, à une mission ou une autre entité, la population
demandait un dispensaire, une église, un pont ou autre chose,
Mgr Bakole répondait toujours de la même façon :
„commencez vous-mêmes“. Quand plus tard il se rendait
compte que la population s’était effectivement mise au travail
de façon organisée, il promettait et donnait de l’aide.

L’Eglise du Kasaï est née quand le Père Emery Cambier


célébra pour la première fois l’eucharistie sur la colline de
Mikalayi le 8 décembre 1891. Par l’évangélisation, cette jeune
Eglise allait prendre un essor extraordinaire et le nombre de
chrétiens et de nouvelles missions allait augmenter d’année en
année. Jusqu’en 1913 le responsable de cette Eglise était le
Père Cambier, un pionnier, un bâtisseur, un fonceur, un
pragmatique, porté plutôt sur l’action que sur la réflexion. Il
était devenu Préfet Apostolique en 1904, mais n’était pas
investi de la dignité épiscopale.

En 1917 cette jeune Eglise du Kasaï devint un Vicariat


Apostolique. Pour le diriger il fallait un homme sage et
pastoral, capable d’organiser la vie chrétienne de l’Eglise.
Rome désigna Mgr Auguste De Clercq qui était arrivé à
Mikalayi comme jeune missionnaire en 1894. Comme Vicaire
Apostolique, il était investi de la dignité épiscopale et dirigea
l’Eglise du Kasaï pendant 20 ans, jusqu’en 1938. C’était un
homme de valeur et de piété exceptionnelles, très érudit,
connaisseur de la théologie, spécialiste en langues et
ethnologie africaines. C’est surtout par ses Lettres Pastorales -
il en écrivit 62 - qu’il dirigea et organisa son Eglise. En même
temps il forma ses missionnaires par une série de conférences
sur les dix commandements, éditées en 1930 dans un recueil
intitulé : Recueil d’Instructions Pastorales.

Après Mgr De Clercq, Mgr Georges Demol dirigea


l’Eglise du Kasaï de 1938 à 1948. C’était un homme
intelligent, mais très humble et très simple. Il se contenta de
diriger son Vicariat selon les directives et les usages laissés par
son prédécesseur.

L’évêque suivant était Mgr Bernard Mels, de 1949 à


1967. Pendant son épiscopat plusieurs nouveaux diocèses
furent érigés au Kasaï : Kabinda (1953), Mueka (1953), Luebo
(1959), Mbujimayi (1963) et Luiza (1967). En 1959 la
hiérarchie fut érigée et les vicariats devinrent des diocèses ou
archidiocèses. Mgr Mels était un homme d’une grande
intelligence et d’une force exceptionnelle de travail. Il a fait
beaucoup pour l’enseignement et les institutions de santé ; il a
fondé une série de nouvelles paroisses et missions et a
grandement amélioré l’infrastructure matérielle de celles-ci.
Comme Mgr De Clercq, il donnait ses directives et instructions
par la voie de Lettres Pastorales ; il en a publié une
quarantaine.

En 1966 Mgr Martin-Léonard Bakole fut nommé


évêque. D’abord Auxiliaire de Mgr Bernard Mels ; il devint
son successeur à la tête de l’archidiocèse de Kananga en
décembre 1967. Cette charge était lourde et comprenait une
grande responsabilité, car il devait porter la succession des
évêques de la valeur de Mgrs De Clercq et Mels. Martin-
Léonard Bakole s’en acquitta avec brio.
Il avait une grande admiration pour ses prédécesseurs,
surtout pour Mgr Auguste De Clercq qu’il avait encore connu.
En effet, quand le jeune Bakole fut admis au Petit Séminaire
de Kabue en janvier 1938, Mgr De Clercq était encore à
Mikalayi et ne quitta le Kasaï définitivement qu’en octobre
1938 pour des raisons de maladie qui allait le conduire à la
mort. Mgr Bakole parlait souvent de Mgr De Clercq et de son
Recueil d’Instructions Pastorales dont il a fait rééditer une
partie en 1985 dans la Collection Ponts, sous les numéros 9 et
10 : Les chrétiens devant les Manga, Bakishi, Mikiya ; Les
chrétiens devant le Mupongo-Buloji.

Comme ses prédécesseurs, Mgr Bakole communiqua ses


directives et conseils à ses prêtres et ses chrétiens par la voie
de Lettres Pastorales. Il en a écrit une cinquantaine. Certaines
d’elles sont de vrais petits traités : L’assassinat de l’amour ;
L’année mariale ; L’Eucharistie, etc. D’autres sont plutôt des
lettres communiquant des directives ou des conseils.
Ensemble, elles donnent un bel aperçu et un résumé de l’action
pastorale et humaine de Mgr Bakole dans son diocèse.
Mgr Bakole voyait trois grandes priorités pour le bien de
son diocèse : la formation 1) de prêtres, 2) de religieux et 3) de
laïcs engagés. Quand il devint Archevêque de Kananga en
1967, il n’y avait que huit prêtres séculiers incardinés dans le
diocèse et seulement quelques religieux et religieuses. A la fin
de son épiscopat, il y avait dans son diocèse 120 prêtres
séculiers et environ 250 religieuses africaines. En même temps
de nombreux laïcs avaient été formés soit par l’œuvre des
Balami soit par l’Institut de Sciences Religieuses, fondé par
lui.
Ce que j’admirais le plus chez Mgr Bakole, c’était son
sens de l’Eglise, sa préoccupation pour l’Eglise au Kasaï. Dans
les décisions qu’il devait prendre, dans les nominations ou les
choix qu’il devait faire, il se laissait conduire par ce souci pour
l’Eglise. Je suis convaincu que l’esprit clanique ou tribal ne
jouait jamais un rôle dans ses actions, ses choix et l’exercice
de ses responsabilités. Ce qui comptait pour lui était le bien de
l’Eglise et des chrétiens ; aucune autre considération n’entrait
en ligne de compte.
Mgr Bakole a été Archevêque de Kananga pendant
environ 30 ans. Quand nous pensons aux changements qui se
sont opérés pendant cette période dans le domaine politique,
économique et dans la vie de la population, nous voyons que la
fonction épiscopale a exigé de lui un dévouement de tous les
jours. Il s’en est acquitté de façon exemplaire : il a été un
grand évêque qui a continué très dignement la lignée des
évêques du Kasaï.

Joseph VAN KEERBERGHEN


Témoignage de Gérard Bulcke
J’ai eu la joie d’être missionnaire au Kasaï de 1956 à
1994. Dans les années difficiles qui ont suivi l’indépendance,
il était devenu clair qu’il fallait une nouvelle approche de
l’engagement missionnaire, qu’il fallait inventer de nouvelles
méthodes pour le travail pastoral, aussi bien en ville qu’en
milieu rural. Le contexte colonial dans lequel l’Eglise avait
vécu et fleuri n’existait plus. Beaucoup de missionnaires ne se
retrouvaient plus dans le nouveau Congo.
Deux faits historiques, mieux deux dons du ciel, ont fait
tourner la marée. D’abord le Concile Vatican II et puis la
venue de Mgr Martin-Léonard Bakole comme archevêque de
Kananga, succédant à Mgr Bernard Mels. Mon témoignage
comprend deux volets dans la mesure où, avec Mgr Bakole,
j’ai dû travailler d’abord en tant que responsable de l’œuvre
des Balami, ensuite comme Provincial des missionnaires de
Scheut.
1. L’œuvre des Balami est née à Tshikula. La nouvelle
compréhension de l’Eglise nous poussait à aller vers les
chrétiens avec un message clair et simple : « Vous êtes le
peuple de Dieu, vous êtes l’Eglise. Il faut que parmi vous, il y
ait des hommes et des femmes qui prennent soin de cette
Eglise; des responsables dans chaque village... Que dans
chaque village, avec l’aide du Saint Esprit, les chrétiens se
constituent en communauté chrétienne encadrée par un
Mulami mandaté par la hiérarchie ».
Tout n’a pas été si clair au début. Je crois qu’une bonne
vision théologique et une sérieuse expérience pastorale ont
permis de cheminer. De temps en temps nous étions comme
les disciples d’Emmaüs, déçus, désorientés, jusqu’au moment
où le nouvel Archevêque venu de Lovanium est venu se
joindre à nous et nous a ouvert les yeux.
Dès le premier contact que j’ai eu avec Mgr Bakole au
sujet des Balami, j’ai su que nous allions réussir. Il n’était pas
seulement enthousiaste, il ne m’a pas envoyé sur le terrain
avec une bonne bénédiction et la promesse de l’aide
nécessaire; mais il voulait tout savoir : ce que je faisais, ce en
quoi consistait cette oeuvre des Balami, le but poursuivi, les
moyens de formation et ce que j’avais sur mon agenda pour les
mois à venir.
Pendant toutes les années que j’ai travaillé avec lui, Mgr
Bakole n’a jamais manqué de montrer son intérêt pour cette
oeuvre. Partout où il arrivait, il encourageait les Balami. Il a
présidé lui-même presque toujours la cérémonie des promesses
et de l’envoi. Il était préoccupé de la formation intégrale de
l’homme et de tout homme et il avait vite compris que le
Mulami dans les communautés rurales était appelé à jouer un
grand rôle. Il ne voyait pas le Mulami comme prolongement
du Père ou de l’Abbé routier, mais comme animateur de la
communauté, issu de la communauté et se dévouant
simplement pour elle. C’est ainsi que Mgr Bakole a toujours
plaidé pour le bénévolat : le Mulami devait avoir un gagne-
pain soit comme agriculteur, soit comme artisan, infirmier ou
enseignant. C’est le mérite de l’archevêque Bakole d’avoir
institutionnalisé et officialisé pour ainsi dire la vocation du
Mulami.
Il est évident que l’œuvre des Balami a évolué et connu
des hauts et des bas. Fort heureusement la formation des
Balami s’est intensifiée au cours des années. Apprendre
aujourd’hui que l’Institut de Sciences Religieuses pour Balami
en chef devient un Institut supérieur pour former des gradués
en Sciences Religieuses, est un signe que l’Eglise du Kasaï a
résolument choisi pour la diversification des ministères
pastoraux. Là encore nous devons remercier Mgr Bakole qui,
dans sa grande lucidité, a créé l’infrastructure nécessaire pour
cette évolution heureuse.
Pour conclure ce point, je peux dire qu’en relation avec
l’œuvre des Balami je n’ai jamais eu la moindre difficulté avec
lui. C’était toujours l’encouragement, la confiance. Il aimait
bien être informé de ce qui se passait, des réussites et des
difficultés. J’ai toujours apprécié qu’il ait mis cette oeuvre
dans un cadre plus large, notamment dans sa pastorale de
développement intégral du milieu rural, tout en insistant sur les
tâches simplement pastorales comme le service de la prière
dominicale, la catéchèse, les soins des malades, les cérémonies
de deuils, etc.
2. J’arrive à mon deuxième point : mes relations comme
Provincial de Scheut avec Mgr l’archevêque Bakole wa
Ilunga, de 1972 à 1980.
C’est durant son épiscopat que l’Eglise de Kananga est
devenue une Eglise vraiment locale, avec des cadres et des
structures propres. L’Archevêque n’y allait pas à toute vitesse,
il ne prenait pas ses décisions à la hâte; une authenticité bon
marché ne l’intéressait pas. C’est dans cette même période
que, à mon avis, Scheut au Kasaï a retrouvé son identité,
notamment celle d’être un groupe missionnaire au service de
l’Eglise locale, sensible aux besoins concrets de cette Eglise et
soucieux de la rendre autonome. Je n’aurais pas pu écrire cela
il y a vingt ans. C’est à la lumière de l’histoire que je peux
maintenant dire que nous avons retrouvé notre place dans une
Eglise kasaïenne devenant chaque année plus adulte et plus
africaine.
Avant tout je tiens à souligner que Mgr Bakole avait une
grande confiance dans les missionnaires. Il nous aimait. Il
connaissait chacun de nous. Comme il avait une vision claire
et qu’il avait stipulé le chemin à suivre, il insistait aussi qu’on
le suive sur cette voie. Tout en laissant une grande marge de
créativité, il demandait de le suivre.
Quand j’ai commencé mon mandat de Provincial de
Scheut, j’avais déjà travaillé cinq ans avec lui comme Tatu wa
Balami. C’était en 1972. J’avais l’habitude d’être ouvert avec
lui et vice versa. Mgr Bakole était un homme d’accueil, un
homme de dialogue. On pouvait toujours exposer son point de
vue.
Les tensions entre l’Archevêque et la congrégation de
Scheut qui constituait la grande majorité de ses prêtres ne
pouvaient pas surprendre. Nous, moi-même ainsi que la
plupart de mes confrères, n’avions pas encore intériorisé toute
la richesse de ce qu’est une Eglise locale. Souvent, nous nous
comportions comme des prêtres diocésains, mais avec un
propre supérieur religieux. Je crois que là était la source de
tensions. Comme fondateurs de cette Eglise nous nous
comportions souvent inconsciemment en maîtres de cette
Eglise. Que cela énervait l’Archevêque ne peut surprendre ; il
devait lui aussi être fidèle à sa mission et prendre sa
responsabilité de pasteur.
Lentement on a appris à dialoguer, à écouter, à
relativiser et souvent à se pardonner. Au fur et à mesure que le
clergé local grandissait, le groupe de Scheut diminuait. Parfois
nous étions pressés ou trop lents pour céder certaines
responsabilités clés. Toute cette transition d’une congrégation
qui a tout en mains dans l’archidiocèse à une congrégation qui
connaît son terrain et ses limites, s’est réalisée pendant
l’épiscopat de Mgr Bakole.
Moi-même j’ai quitté la scène comme Provincial de
Scheut en avril 1980. L’Archevêque est resté un grand ami.
Tout le cheminement que j’ai fait avec lui m’a formé, m’a
enrichi, m’a aidé à faire confiance dans l’avenir de l’Eglise du
Kasaï. Les dernières années, j’ai souvent rencontré Mgr
Bakole à Scheut-Bruxelles. Quelle joie de rencontrer un
homme si simple, si cordial, si joyeux, si paisible et ouvert.
Notre relation continue, et un jour, dans l’au-delà, nous allons
rire beaucoup en nous racontant les souvenirs du passé.
Gérard BULCKE
TROISIÈME PARTIE

MESSAGES
Message de Claudel André LUBAYA

Dituku dia lelu, tudi basangile bonso muaba ewu bua


kuvuluka muntu munene ewu uvua muyishi munene, uvua
musadidi wa bantu.
Mu dina dia Mfumu wa ditunga dietu dia Kongo, tudi
tunuela mioyo ya dibungama.
Excellence Monseigneur l’Archevêque,
Il est de ces occasions, comme celle d’aujourd’hui, où
les mots à eux seuls ne suffisent pas pour exprimer ce que du
fond du cœur on ressent. Car en ce jour, la ville de Kananga, la
Province du Kasaï Occidental, la République Démocratique du
Congo, nous tous, nous avons perdu.
En Monseigneur Bakole, nous avons perdu un homme,
en Monseigneur Bakole, nous avons perdu une idée, en
Monseigneur Bakole, nous avons perdu une pensée, en
Monseigneur Bakole, nous avons perdu un esprit.
Il nous faudra, certes, beaucoup de mots, beaucoup de
jours, beaucoup de temps et beaucoup d’années pour accepter
ce qui n’est d’autre que la volonté de Dieu. Il nous faudra
beaucoup de temps, beaucoup de jours, beaucoup de mois et
beaucoup d’années pour avoir encore la copie ou sinon
l’original de Monseigneur Bakole.
J’ai rencontré Monseigneur Bakole le jour où il se
rendait à Kinshasa à destination de l’Europe pour aller se faire
soigner.
Dans sa chambre à coucher à Muamba Malole, il m’a dit
ceci : « Gouverneur, merci d’être venu me visiter, en ce temps
où je dois partir. Je dois me rendre en Europe pour me faire
soigner. Mais, je sais que tout est fini pour moi ».
Je lui dis : Monseigneur, vous ne pouvez pas parler ainsi,
allez en Europe et revenez-nous en bonne santé.
Il m’a dit : « Gouverneur, tshintu mmmakumi a
Nzambi ». J’ai parlé avec Monseigneur Bakole. Il m’a dit :
« J’ai consacré toute ma vie à la prière pour la prospérité de
cette province, pour la prospérité de ce pays, pour la prospérité
de ce peuple. Je ne regrette rien, je dois partir. Et maintenant
que je dois partir, Gouverneur, je ne vous demande qu’une
chose : Gardez ce peuple, gardez cette province, gardez cette
voie que vous avez commencée ».
Evidemment, c’est difficile en des jours pareils
d’exprimer ce que l’on peut ressentir du fond du cœur.
Evidemment, c’est difficile en ces jours pareils de dire des
mots, d’adresser des mots à Monseigneur Bakole Martin.
Tout ce que nous pouvons dire c’est : A Dieu
Monseigneur ! A Dieu, parce que Dieu a demandé que vous
alliez chez Lui, A Dieu et à bientôt Monseigneur. Merci.
Claudel André LUBAYA
Message de Paul Kapita Shabangi

C’est sur mon lit d’hôpital en Belgique où je viens de subir


une opération chirurgicale au Centre Hospitalier du Bois de
l’Abbaye de Hesbaye à Liège, que j’ai douloureusement appris le
décès de Son Excellence Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga.
Cette triste nouvelle a eu sur mon être l’effet d’une bombe. C’est
avec beaucoup de peine que j’adresse ce message par personne
interposée. J’aurais voulu être physiquement aux obsèques
jusqu'à Mikalayi, en passant par Kananga, mais hélas.
Mgr Bakole wa Ilunga est une grande personnalité
historique de notre pays et de notre Province, le Kasaï
Occidental. Si je dois laisser aux autres qui sont plus compétents
que moi le soin de présenter en profondeur ses multiples facettes,
j’aimerais par contre, en ce moment précis, évoquer quelques
souvenirs personnels.
D’abord, un souvenir d’enfance. En 1953, alors que j’étais
à ma première année primaire à Kamonia, lui y était Abbé
vicaire, quelques mois avant son ordination. Chaque fois lors de
ses tournées, il ne manquait jamais de passer chez mes parents. A
ma mère, il disait souvent : „Mua Paulo, ngenzela kawulu“
(entendez le bidia avec une boîte de sardines, car pour lui, ça se
préparait à la vitesse et la rapidité d’un train) ; tandis qu’à mon
père, il disait en me fixant dans les yeux : „Muana eu yeye kayi
mulue mukalenge Abbé nealue mukalenge munene wa bantu“.
Paroles toutes prophétiques.
Ensuite, il y a ce souvenir d’âge mûr. En 1982, pendant que
j’étais en prison à Osio (Province Orientale) pour des raisons
d’opinion politique, j’ai appris, par indiscrétion d’un
missionnaire que Mgr Bakole comptait parmi les grands pasteurs
en Afrique Centrale, en raison de ses oeuvres, de son envergure.
Saisissant cette opportunité, je lui adresserais une lettre par
laquelle, je lui demanderais de peser de tout son poids pour que
l’Eglise Catholique accepte de nous soutenir dans notre combat
politique contre la dictature. A la lecture de cette lettre, Mgr
Bakole était bouleversé jusqu'à laisser couler des larmes, m’a-t-
on appris dans ma prison. La suite, nous la connaissons tous.
Encore un autre souvenir : à l’intronisation de Mgr
Tshibangu Tshishiku en 1992 à Mbuji Mayi, où je représentais le
Gouvernement de Transition, Mgr Bakole, qui était du nombre
des intervenants, avait prononcé un discours d’une profondeur
qui tranchait nettement avec d’autres discours précédents. En un
mot, Mgr Bakole était une personnalité marquante de notre
histoire, d’une énergie incommensurable et l’un des modèles de
notre société.
Enfin, pas plus tard que samedi le 22 janvier 2000, nous
avions pris ensemble le même vol de Sabena, mais sans nous
rencontrer. C’est à la descente d’avion à l’Aéroport de Zaventem
en Belgique que Mgr Bakole me reconnaîtra, au grand
étonnement de la Mère Générale Odie Katala qui l’accompagnait
et de l’abbé Tshilumba Washara qui poussait sa chaise roulante.
A cette occasion, Mgr Bakole m’a lancé : „Mukalenge Kapita,
mukalenge Ministre, nunteke mu masambila, Nzambi amfuile
luse“. Et je lui ai répondu : „Monseigneur, wewe udi muenzele
Nzambi mudimu mupite bunene, Nzambi akufuile luse“. Depuis
lors, mon épouse et moi-même, n’avions cessé, dans nos prières,
de le recommander à la miséricorde du Tout-Puissant.
A la famille de l’illustre disparu, aux fidèles de
l’archidiocèse de Kananga, à l’ensemble du clergé de la
République Démocratique du Congo, aux amis et connaissances,
je présente mes condoléances les plus attristées. Que l’âme de
Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga repose en paix.
Paul KAPITA SHABANGI
Hommage du Président National de la Conférence pour
le Développement Socio-économique du Kasaï
Occidental ( CODESKO) aux obsèques de Mgr Martin-
Léonard BAKOLE wa ILUNGA,
Archevêque Emérite de Kananga.

- Excellence Monseigneur l’Archevêque de


Kananga, Godefroid Mukeng’a Kalond
- Excellence Monseigneur le Vice-Président de la
Conférence Nationale des Evêques du Congo,
Monseigneur Emery KABONGO
KANUNDOWI, Archevêque – Evêque de
Luebo,
- Leurs Excellences Nosseigneurs,
- Révérends Abbés, Révérends Pères, Révérendes
Sœurs, Révérends Frères,
- Peuple bien aimé de Dieu ;

C’est avec les larmes aux yeux que j’ai suivi


l’émouvante homélie de Monseigneur l’Archevêque de
Kananga ainsi que les différents messages prononcés en
hommage au Prélat qui gît ici inanimé, Monseigneur Martin
BAKOLE wa ILUNGA.

De tout ce que j’ai entendu, j’ai retenu une seule chose,


et c’est là mon hommage au grand serviteur de Dieu que nous
pleurons tous aujourd’hui : il nous faut poursuivre et
parachever l’œuvre titanesque commencée par Monseigneur
BAKOLE wa ILUNGA. Nous devons réhabiliter et
reconstruire les églises, les écoles, les centres de santé, les
routes, les bacs et les ponts que cet infatigable animateur du
développement intégral a réalisés durant plus de trente ans
d’épiscopat.
Nous devons prolonger sa réflexion et faire vivre ses
nombreux écrits. Nous devons sauvegarder la BISOKA (
Biscuiterie de soja du Kasaï ) pour laquelle un brevet
d’inventeur a été décerné à l’Archevêque émérite.
Pour ma part, en ma qualité de Président de la
Codesko, je tiens à remercier spécialement Monseigneur
BAKOLE pour son implication sans réserve dans la réalisation
du barrage hydroélectrique de Katende. Avec lui, nous avons
commencé le projet qui a pris corps et a connu un début
d’exécution.
C’est pourquoi, par amour pour Monseigneur
BAKOLE, par amour pour notre peuple, nous avons le devoir
sacré de poursuivre cette œuvre grandiose jusqu’au jour où le
Kasaï Occidental va voir s’allumer dans chaque ville, dans
chaque Bureau, dans chaque usine et dans chaque case une
ampoule électrique provenant de notre source d’énergie
autonome.
Nous avons déjà cotisé beaucoup d’argent, le
Gouvernement a donné sa contribution. Tout cela est logé dans
un compte bancaire avec une comptabilité rigoureuse et
transparente.
Continuons nos collectes des fonds et travaillons en
partenariat Eglise-Etat-Peuple souverain, pour terminer la
centrale hydroélectrique de Katende.
C’est là le grand hommage bien mérité que nous avons
le devoir de rendre à ce grand et digne fils du Kasaï, du Congo
et de l’Eglise Universelle.

Que l’âme de Monseigneur Martin Léonard BAKOLE


repose dans la paix du Seigneur Jésus Christ qui a vaincu la
mort par sa résurrection.

Le Président de la CODESKO
Gilbert TSHIONGO TSHIBI NKUBULA wa NTUMBA
Message du diocèse de Kabinda
Bena Maweja, muoyo wenu au ! Sangayi wabo !
Badyanoo ! Badyaano !
Bena diiku dya Maweja didi mu diocèse dya Kabinda
badi ne cinyongapelu cinene bwa lufu lwa Taatu Bakole wa
Ilunga, mwarkepiskopo mubikuke wa Kananga.
Madilu adi manukwate aa mmatukwate twetu bonso. Ke
bwalu kaayi, nansha mutudi ku luseke ludi mvita, tudi
baditacishe bwa kuvwa kunusamba nwenu baana beetu bonso
beena Kananga pamwe ne mukubi wenu mukulu Taatu
Mukeng’a Kalond.
Tudi bavwe ne baasaserdose banaayi ne ba-mansele
babidi. Tusambila ne tulomba kudi Mwena Kuulu bwa
afikishe mu diikisha dya kashidi mumusadidi wende udiye
mubikile, ne abweje bupole mu Kasayi wetu, mu ditunga
dyetu dijima dya Kongo.
Taatu Bakole Martin, waya bimpe !
Mgr Valentin MASENGO NKINDA
Evêque de Kabinda
Message du diocèse de Lwiza

Excellence Monseigneur l’Archevêque,


C’est avec consternation et douleur que l’Eglise sœur
de Lwiza a appris le vendredi 04/02/2000 le décès de Son
Excellence Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga,
Archevêque émérite de l’archidiocèse de Kananga, décès
survenu à Milan un jour plus tôt.
Le diocèse de Lwiza représenté par son pasteur et
quelques-uns de ses membres partage votre douleur et vient
rendre un hommage bien mérité à l’illustre disparu. Il vous
accompagne de sa sympathie et de sa prière.
S.E. Mgr Martin Léonard Bakole wa Ilunga dont la mort
nous réunit en ce jour a joué un rôle très important dans
l’évangélisation de notre Kasaï. De lui, nous gardons dans nos
cœurs le souvenir d’un Pasteur et Homme de foi profonde en
celui qui a dit voici 2000 ans : « Je suis la résurrection et la
vie, qui croit en moi, même s’il meurt vivra » (Jn 11,25). De
lui, nous gardons également le souvenir d’un acteur très actif
et toujours engagé dans le développement.
A vous son successeur sur le siège métropolitain, au
clergé local, aux religieux et religieuses, à toute la famille de
Dieu qui est à Kananga et particulièrement à sa famille, nous
présentons nos condoléances les plus attristées. Qu’il repose
en paix dans la cité céleste où, nous en sommes sûrs, il
intercédera pour tous ceux qu’il a servis jusqu’au bout.

René KALUME KAMWE


Message du diocèse de Mbuji Mayi
Son Exc. Mgr Bakole wa Ilunga, maintenant disparu à
nos yeux, fait partie sans conteste du nombre des évêques les
plus remarquables de la génération des évêques africains du
XXe siècle. Il constituait une personnalité très dynamique, en
même temps que très attachante.
Personnellement ; je suis entré en rapport avec lui, alors
que j’avais encore 16-17 ans. C’est lorsque, avec Célestin
Mubengayi, le Petit Séminaire de Lubumbashi, nous autorisait
à aller passer un séjour d’une dizaine de jours au Kasaï. Nous
ne manquions pas d’aller alors saluer les grands séminaristes à
Kabue. Spécialement, nous allions dire bonjour en particulier à
l’abbé Martin Bakole qui était dans ses dernières années de
théologie. Le geste que personnellement je n’ai pas oublié,
c’était celui qui manifestait beaucoup de respect et de foi au
sacerdoce. Spontanément, avant de nous séparer, nous nous
mettions à genoux devant le Grand Séminariste Bakole Martin
pour qu’il nous donne sa bénédiction de voyage. Plus tard,
l’abbé Martin Bakole, alors prêtre, fut de la première
promotion des prêtres envoyés aux études universitaires, en
Psychopédagogie.
En 1957, je fus pour ma part l’un des deux premiers
séminaristes envoyés à l’Université Lovanium de Kinshasa
pour poursuivre les études théologiques. L’abbé Martin se
comporta toujours devant moi et les autres comme bon grand
aîné qu’il était. A la fin de ses études universitaires, il reçut
presque immédiatement de grandes responsabilités pour
l’Eglise et pour la société : celle de la première organisation du
système de l’enseignement catholique, au début de
l’Indépendance du Congo ; celle d’être Vice-Recteur de
l’Université Lovanium.
C’est en 1966, qu’il fut élu Evêque Auxiliaire de S. Exc.
Mgr Bernard Mels, alors Archevêque de Luluabourg/Kananga.
Je ne sais qui en fut l’auteur principal, mais ce fut comme par
un miracle véritable, que je pus, comme j’y tenais, assister à
l’ordination épiscopale de Mgr Martin Bakole à Kananga en
1966. Jusqu'à l’après-midi de la veille à 16h00, je me trouvais
encore à Londres où je venais de prendre part à un grand
congrès scientifique. A l’Aéroport de Londres, on m’informa
que la correspondance Sabena que je devais prendre pour
arriver à Kinshasa avant 8h00 du matin le lendemain, était en
train de quitter Bruxelles. Ce qui m’empêcherait de prendre à
Kinshasa à 8h00 la correspondance pour Kananga. Il était donc
impossible de pouvoir me rendre à Kananga. Mais avec une
foi profonde, j’ai fait des supplications auprès du personnel de
Sabena (c’était des hôtesses) pour tout tenter. Finalement, il
me fut obtenu que le vol Bruxelles-Kin, fut retardé d’une
heure à Bruxelles. Je pus ainsi me rendre à Bruxelles où
l’avion m’attendait sur le tarmac et, dès mon arrivée de
Londres, je montai directement avec ma valise dans la cabine.
L’avion arriva à Kinshasa, et trente minutes après, je partis
pour Kananga, arrivai juste au moment où la cérémonie
commençait. Je rends grâce à Dieu. Ceci est relativement
secondaire. Ce qui est le plus important, ce sont les grands
axes de l’épiscopat de Mgr Bakole, qu’il s’est efforcé de bien
accomplir, suivant sa devise épiscopale „Quia ego servus“ -
Service de Dieu, service de l’Eglise, service des hommes.
Mgr Bakole fut éminemment Serviteur de Dieu, par la
prédication et l’annonce infatigable de la Parole de Dieu. Et
aussi par son zèle apostolique. Lorsqu’il avait l’occasion de
prêcher, il était intarissable. Il savait surtout prêcher
admirablement et agréablement, lorsqu’il le faisait dans sa
langue maternelle, le ciluba, s’appuyant sur sa riche
connaissance des proverbes et recourant à des particularismes
qui étaient bien compris par tous. Par ailleurs, il était d’un
dynamisme apostolique à toute épreuve, surtout à l’époque de
ses pleines forces physiques.
Mgr Bakole fut un grand Serviteur de l’Eglise. Nous
n’avons pas à comptabiliser le nombre de sacrements qu’il a
conférés, ni à énumérer toutes les oeuvres touchant les
structures ou les personnes qui sont maintenant léguées à
l’archidiocèse.
Mgr Bakole a été reconnu et félicité par les observateurs
et les hommes de bonne foi qui l’ont vu à l’œuvre au service
du peuple et des communautés. Par sa préoccupation d’assurer
l’énergie électrique à Kananga, en promouvant notamment les
travaux sur la Lulua à Katende, et ces dernières années, l’appui
qu’il donna sur un grand projet de tirage électrique sur la ligne
d’Inga, c’était des grands projets pour le grand développement
du Kasaï, avec les prolongations et retombées positives sur les
Provinces avoisinantes.
Aux yeux de l’Episcopat et aux yeux de tous, Mgr
Bakole était devenu une grande référence pour le
développement : il était consulté et sollicité. Sa grande Lettre
Pastorale Chemins de Libération (libération signifiant en
même temps développement) est devenue un classique. Du
haut du ciel où il est maintenant, dans la communion des
Saints, il interviendra pour la réalisation au mieux de ses
souhaits.
Cher Mgr Bakole, soyez dans la Paix de Dieu, après
avoir accompli pour votre part l’amour que Dieu nous destinait
sur cette terre. Nous restons unis.
A l’Archevêque de Kananga, Mgr G. Mukeng, j’exprime
encore une fois nos condoléances personnelles et fraternelles,
tout en vous assurant de la communion totale à votre deuil, de
toute la communauté chrétienne de Mbuji Mayi, ici
représentée par la présence de notre Evêque Auxiliaire et de la
grande délégation qui l’entoure.
Mgr Tharcisse TSHIBANGU TSHISHIKU
Evêque de Mbuji Mayi
Message du clergé diocésain de Kananga

Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga et cher Père,

Vous avez été et vous restez pour l’Eglise de Dieu qui


est à Kananga, son Père Fondateur. Car une Eglise locale n’est
réellement fondée que lorsque son fonctionnement, sa vie et sa
destinée sont assumées par ses propres fils.
Après le travail louable réalisé par nos vaillants
Missionnaires, vous avez été appelé par Dieu, comme vos
aînés dans l’épiscopat, Joseph Nkongolo Kabua ka Ntanda et
Joseph Albert Malula, à présider à la destinée de cette Eglise
de Kananga. Vous vous y êtes pris avec beaucoup de
dévouement et de zèle apostolique. D’un petit noyau de six
prêtres séculiers dont vous-même faisiez partie lors de votre
élévation à la dignité épiscopale, vous avez formé un
Presbyterium imposant par son effectif en ordonnant plus
d’une centaine de prêtres. Mais vous vous étiez en même
temps suffisamment engagé pour l’épanouissement de la vie
religieuse dans notre archidiocèse.
Vous avez aimé beaucoup cette Eglise de Kananga. Et
vous vous êtes dépensé corps et âme pour la promotion de la
vie et du bonheur de toute notre population.
Votre action pastorale était fondée sur une vision holiste
de l’évangélisation, visant une libération totale de l’homme
dans sa dimension individuelle et sociétaire. Aussi le
développement socio-économique du Kasaï était-il au cœur de
vos préoccupations quotidiennes. Votre réputation d’évêque
constructeur des ponts et des Eglises, des écoles et des centres
de Santé, a dépassé les limites du Grand Kasaï et de notre
pays, le Congo. Vous nous quittez aujourd’hui avec la soif qui
vous a habité depuis longtemps : celle de voir électrifiée notre
ville de Kananga et notre Province du Kasaï.
Monseigneur, Nous, vos prêtres, nous vous remercions
de tout cœur de la confiance que vous nous faisiez en tant que
vos plus proches collaborateurs dans la tâche pastorale. Vous
aviez une affection remarquable pour chacun de nous. Nous
gardons de vous le souvenir d’un père toujours aimant, qui
savait trouver des mots pour relever, encourager et réconforter.
Tuasakidila, Tatu.
Vous laissez derrière vous une Eglise de Kananga
debout et fière de son clergé nombreux, de ses nombreux
religieux et religieuses, de son laïcat engagé et responsable, de
ses vaillants pères et mères de familles ; tous tournés vers
Jésus-Christ, leur unique et véritable libérateur. Que ce Jésus
que vous avez servi avec beaucoup de zèle et de passion vous
introduise dans le Royaume de son Père. Que sa bienheureuse
Mère, la Sainte Vierge Marie, Mère de l’Eglise et notre Mère,
intercède pour vous. Waya bimpe Tatu Martin-Léonard Bakole
wa Ilunga et merci pour tout ce que vous avez été pour tous
vos Prêtres Séculiers de Kananga.

Pierre TSHIMBOMBO MUDIBA


Message des missionnaires
Excellence Mgr Bakole,
C’est en tant que missionnaire et au nom de tous et de
toutes les missionnaires ayant œuvré dans votre archidiocèse,
que j’ai le bonheur de m’adresser à vous. Et dans l’espoir que
les missionnaires ici présents puissent se retrouver tant soit
peu dans mes paroles, je vous livre ces quelques réflexions.
En arrivant pour la première fois auprès de vous, le jeune
missionnaire que j’étais se trouvait devant un évêque
dynamique et plein de foi, un homme fier de sa propre identité
africaine et chrétienne et très ouvert à toutes les cultures. Votre
accueil était cordial et vous sembliez heureux de toutes ces
nouvelles forces, de quelle origine, de quelles congrégations,
de quelles organisations qu’elles soient, ces nouvelles forces
qui désiraient s’engager pour le Royaume du Seigneur dans
votre Eglise particulière. Cette attitude mit le jeune
missionnaire en confiance et l’encouragea dès le départ.
Vous désiriez de lui beaucoup de disponibilité, de
générosité et l’insertion dans la pastorale d’ensemble du
diocèse. Mais une fois nommé, vous lui donniez carte blanche
pour bien concevoir et réaliser la mission à lui confiée. Ce fut
un nouveau stimulant pour bien travailler, car votre confiance
le confirmait dans sa tâche.
Ensuite ces missionnaires vous voyaient à l’œuvre et
votre exemple de zèle apostolique ne pouvait que les toucher
profondément. Quel travail n’avez-vous pas abattu, quels
programmes chargés et surchargés dans vos visites pastorales
aux paroisses et missions et, en vous taquinant un peu, à quelle
vitesse vous traversiez l’ensemble de l’archidiocèse ! Quels
soucis aussi pour le développement intégral de l’homme, le
respect de sa dignité et vos initiatives sociales répétées, sans
que le courage vous manque. Votre écoute inlassable des
personnes où se dévoilait une grande simplicité; votre sens de
coopération avec les autorités et les hommes de bonne volonté
aussi longtemps que cette coopération s’avérait juste et qu’elle
respectait la personne et le projet de Jésus-Christ sur les
hommes; votre exemple d’ardeur évangélique avaient une
force incisive et se transmettaient à nous comme une
contagion bienfaisante. Et puis vous nous connaissiez chacun
par son nom, comme un Bon Pasteur et vous nous protégiez
contre menaces et dangers.
Merci, Monseigneur, pour votre attention particulière à
chacun de nous et pour votre ouverture à tout un éventail de
congrégations missionnaires ayant œuvré avec vous. Tous et
toutes ont coopéré avec vous pour le bonheur et le
développement de votre et de notre peuple. Quelques-unes de
ces congrégations ont envoyé des missionnaires dans des
régions diverses du monde entier. Des sœurs de Charité
annoncent la Bonne Nouvelle en Afrique du Sud, au Mali et en
Centre Afrique. Des missionnaires de Scheut oeuvrent au
Cameroun, au Nigéria, en Zambie, en Amérique (U.S.A.), au
Brésil, au Guatemala, en République Dominicaine et Haïti, en
Belgique, en Mongolie et au Japon. Parmi eux, plusieurs
dizaines de ressortissants de l’archidiocèse de Kananga. Vous-
même, Monseigneur, avez envoyé quelques Abbés, prêtres
fidei donum, pour renforcer l’action pastorale dans d’autres
diocèses de l’Eglise. Cet envoi et tout votre travail
d’évangélisation accompli dans la force de l’Esprit Saint, sont
une preuve de votre engagement missionnaire. Ainsi,
Monseigneur, nous reconnaissons en vous un grand apôtre des
temps présents.
Puisse le Maître de la Moisson vous accueillir comme
vous avez si bien accueilli vos missionnaires. Nous vous
souhaitons plénitude de vie auprès du Seigneur et nous prions
avec gratitude pour vous. Mgr Léonard-Martin Bakole wa
Ilunga, nous tous et tous vos missionnaires vous remercions du
fond de notre cœur.
Jacques MEVIS
Message des Auxiliaires de l’apostolat

Comme tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune l’ont


fait, je voudrais, moi aussi, rendre hommage à notre illustre
disparu, Mgr Bakole wa Ilunga, Archevêque Emérite de
Kananga. Je soulignerai la disponibilité à l’Esprit du Seigneur
qui le caractérisait comme Evêque et Pasteur.
En effet, dans notre Eglise ouverte au laïcat depuis le
Concile Vatican II, Mgr Bakole est l’un des premiers évêques
du Congo et du Kasaï à avoir désiré et accepté que soit
implantée à Kananga une vocation laïque particulière, à savoir
la vocation d’Auxiliaire d’apostolat. C’est une vocation
diocésaine, par laquelle l’évêque fait participer à sa mission
apostolique des jeunes filles, en les laissant vivre et évoluer
dans leur milieu de vie ordinaire, avec ses valeurs humaines,
culturelles, spirituelles et intellectuelles. L’apôtre laïc est ainsi
appelé à être une semence de vie évangélique dans le monde.
Défiant toutes les résistances et se laissant guider par la
seule volonté de Dieu, Mgr Bakole fit confiance à la jeune fille
du Kasaï, en dotant notre archidiocèse, dès l’année 1971, de
cette nouvelle vocation qui n’est ni un institut séculier ni une
association non plus ; mais simplement un appel spécifique de
l’évêque à une jeune fille qu’il fait un instrument de sa mission
apostolique dans son diocèse.
Mgr Bakole Martin wa Ilunga, Tatu wa Kua Muamba !
Pour votre foi profonde et solide, pour cette marque de
confiance à la fille du Kasaï, nous ne saurons jamais assez
vous remercier. Nous comptons sur vos prières pour la
continuité de cette vocation que vous avez tant désirée.
Que la terre de nos ancêtres où vous reposez vous soit
douce et accueillante et que la Vierge Marie, Mère de Dieu et
Mère de l’Eglise, Notre-Dame du Kasaï, que vous avez si
souvent invoquée, intercède pour vous auprès de son Fils bien-
aimé. Amen.
Marie-Jeanne TUDIMUENE MUNDA
Hommage des Sœurs C.I.M.K à MGR BAKOLE
Cher Père BAKOLE, Archevêque Emérite de Kananga
et Fondateur de notre congrégation, à l’occasion de vos
funérailles, nous sœurs du Cœur Immaculé de Marie de
Kananga, voulons faire vôtres ces paroles de St Paul à
Timothée « Quant à moi, l’heure est arrivée où je vais être
offert en sacrifice, le moment est venu pour moi de mourir.
J’ai mené le bon combat, je suis allé jusqu’au bout de la
course, j’ai gardé la foi. Et maintenant, le prix de la victoire
m’attend : c’est la couronne de justice que le Seigneur
m’accorde, lui, le juste juge… » (j’ai cité, 2 Tim 4,6-8).
Certes, vous avez vécu avec nous, nous vous avons
connu comme un père et voulons en ce moment providentiel,
rendre grâce à Dieu, le véritable artisan de toute histoire, celle
de l’Eglise de Kananga et de manière particulière, celle de
notre congrégation de CIMK.
Cher papa, votre vie parmi nous a été marquée d’un
sceau profondément religieux. Vous avez en tout et pour tout
œuvré pour que l’évangile s’enracine dans la vie du peuple de
Dieu et ce travail, vous l’avez accompli dans la prière et la
dévotion particulière à la Vierge, Mère du Rédempteur. Notre
mère, Vierge au Cœur Immaculé, que nous avons apprise à
connaître et à aimer grâce à vous.
Par « Quia Ego servus », votre devise, vous avez montré
que vous étiez cet apôtre de l’évangile parcourant jusqu’au
bout tout notre diocèse de Kananga sans aménager votre
propre santé, sans tenir compte du mauvais état de nos routes,
pour que l’évangile arrive dans tous nos villages.
Comme véritable berger, votre vie d’apôtre nous a
marquées par votre dynamisme, votre dévouement, votre
combativité et votre assiduité. Vos nombreuses œuvres en sont
la preuve pour toutes les générations.
Oui, père, à travers cette œuvre grandiose et multiforme,
nous recueillons encore l’écho de cette riche sagesse de chez
nous qui dit : « Kashinguke kuna nsanga, nsanga ashala
tshimuenu tshia ne : ke mua kashinguke muamua. »
Papa Bakole wa Ilunga ne Keyi, vous avez été le
promoteur de la vie religieuse consacrée en créant des
structures solides d’animation pour la promotion et la maturité
de la vie religieuse.
Cher Papa, vous avez été le père de cette congrégation
des filles de CIMK, congrégation pour laquelle vous n’avez
épargné aucune de vos énergies dans l’unique souci de nous
voir grandir, prospérer et nous épanouir.
De votre vivant, ces expressions venaient sans cesse sur
vos lèvres témoignant de votre affection à notre endroit.
Ramassons-en au passage quelques-unes : « Mes chères filles,
bien aimées, vous êtes la prunelle de mes yeux ; ba mudingi
kubalotshi, biwalota badingi kuyi kuenda. Ba muena muabo,
bana ba pa malaya ;… »
Papa Martin Léonard, que vous soyez au diocèse ou en
déplacement, vous aviez toujours une pensée pour vos filles.
Que de nombreuses lettres d’exhortation n’avons- nous pas
reçues ! En toute circonstance, vous avez assumé
courageusement votre paternité.
Oui, cher papa, vous connaissiez chacune de nous
particulièrement et nos parents, mêmes nos frères et sœurs.
Plein de tendresse et d’amour, compatissant, simple et toujours
disponible. Assurément, vous avez rempli votre devoir de
père.
Homme social, que vous étiez, vous avez pleuré avec
ceux qui pleuraient et vous vous êtes réjoui avec ceux qui
étaient dans la joie.
Papa, vous avez été pour nous un vrai consolateur dans
les durs moments et un conseiller averti dans nos multiples
difficultés.
Tatu muena Muamba, vous étiez un homme de culture
éclairée, soucieux du développement intégral de vos ouailles.
Et combien d’honneurs académiques n’avez-vous pas
récoltés ? Vous avez matérialisé ce noble binôme :
« Evangélisation et développement », traduit par un ouvrage
en hommage bien connu : « Evangéliser, c’est développer »,
qui vous a été dédié en hommage par votre clergé. Votre livre
« chemins de libération » et de nombreux articles de votre
main sont une véritable interpellation dans notre apostolat.
Aujourd’hui vous nous quittez en homme de foi, homme
d’église et homme d’espérance.
Notre cher papa, vous avez été le grand combattant pour
l’unité de notre famille religieuse du CIMK, à l’occasion de
nos différends. Devant nos multiples égarements, votre cœur
de père n’avait qu’une ambition : nous rappeler avec tendresse
à l’ordre pour nous ramener à l’essentiel qu’est l’évangile du
Christ. « Tshiena nnulongesha tshintu tshikuabo to, amu
evangelio wa Yezu Kilisto. »
Eyi ! Tatu wa kua Muamba ! Katuikadi nansha bana ba
tshiteya matshio !
Papa, pardon pour tes filles,
Pardon pour tous nos manquements,
Pardon pour l’endurcissement de nos cœurs,
Pardon pour toutes les fois que nous n’avons pas suivi
vos sages conseils.
Ushale mutuakuidi kudi Mfumu ;
Cher papa, en définitive, votre mort crée un vide et en
même temps une dette morale et spirituelle pour notre
congrégation. Bien sûr, vous nous laissez physiquement mais
votre pensée nous guidera pour toujours. Nous vous
promettons père, qu’avec la grâce de Dieu, nous nous battrons
pour que cette pensée s’enracine dans nos vies.
Bakole wa Ilunga ne Keyi, anyisha bana bakutue mena a
bukole :
- Udi muena Muamba wa mu masangu mua ba
Kashala Ntoyi ;
- Mbuyi luanyi luipi bi wamumona watua
panshi ;
- Mbuyi luanyi lule biwamumona wasokoma ;
- Bakole mubadiate bonso mudie bukalenga ne
buana ;
- Mukua Mbuyi wa tshiasa muitu patuka asa
munkuanga bakumonyi bakutula milongo ;
- Wa ku lubulu baluenza mushete ;
- Wa ku bianga ni nyoka ya ntoka ;
- Ntambue nyama, katu bualu tshiadi utu
wabumana mpata ;
- Bakole wa ba moyo ne bafue ;
- Wa ba Declercq kele katue ne Mels ;
- Wa ba Kabangu wa Mutela ne Nkongolo Kabua
ka Ntanda ;
- Wa ba Yungu, mutetela muana ngongo ;
- Wa ba Mukeng’a Kalond ne Tshibangu
Tshishiku ;
- Wa ba Mulumba ne Kabongo;
- Wa ba Djomo ne Masengu Kinda ;
- Wa ba Kasanda Lumembu ne Lukumuena ;
- Wa ba Bernard Kasanda kafu mutekete utu
wafua pakulakajaye, pasaye minyengu pa
matama;
- Waya bimpe, tatu muena muabo ;
- Waya bimpe, mulume a tshimpanga ;
- Waya bimpe, wa ba Tuabile Muambuyi ;
- Maweja akubueje mu tshisombelu tshiende.

Christine MUANJI
Disparition d’un guide

Homélie aux obsèques de S.E.Mgr Bakole wa Ilunga


à Kinshasa

Excellences Nosseigneurs les Evêques, Chers frères dans


le sacerdoce,
Chers membres de la famille de Mgr Bakole,
Vous tous membres du clergé, Religieux et Religieuses
du diocèse de Kananga,
Frères et Sœurs, distingués membres du peuple de Dieu
de Kinshasa,
Nous sommes heureux de vous saluer. L’homme que
voici couché pour l’éternité devant vous, dans son cercueil, en
ces premiers jours de l’an 2000, c’est l’Archevêque Martin-
Léonard Bakole wa Ilunga. Sa vie durant, depuis les premiers
pas de son sacerdoce, il a essayé de vivre cette spiritualité :
« le chrétien est un homme à qui Dieu a confié d’autres
hommes» - « Nul n’a le droit d’être heureux tout seul ». Ces
deux sentences illustrent, mettent merveilleusement en relief la
vie sacerdotale et l’exercice de la charge pastorale de Son
Excellence Mgr Bakole wa Ilunga. Nous avons eu la chance et
la grâce de vivre à ses côtés : il nous parlait comme s’il
communiquait son testament spirituel.
La mort de Mgr Bakole est la disparition d’un guide.
Peuvent le dire : les membres de sa famille, sa grande famille,
les innombrables laïcs qui furent ses élèves au Collège de
Kamponde ou des jeunes de la mission catholique de
Kabuluanda, qui fut en son temps honorée de la visite du
Délégué Apostolique, Mgr Brugnera, et qui, à cette occasion,
bénéficia de l’Indulgence Plénière du Pape de Rome.
Fondateur d’une école de comptabilité en pleine brousse
de Kabuluanda, Mgr Bakole se révéla homme de foi intrépide
et inébranlable. La foi est une force spirituelle de créativité.
Elle nous inspire d’entreprendre toute bonne action qui
favorise le progrès et le développement intégral de l’homme,
de tout l’homme et de tout homme. Ce fut la mystique de la
vie de Mgr Bakole wa Ilunga dans et par l’engagement total de
lui-même. Sans reculer quand il s’agissait du bien du peuple
de Dieu, à la manière de Saint Paul pour les chrétiens
d’Ephèse (Ac 20,24-35), Mgr Bakole manifestait sa foi dans sa
capacité d’épouser les vues de l’Eglise et dans le respect du
plan de Dieu sur son parcours. Il avait une foi qui lui donnait
la force de marcher sur les répugnances naturelles et sur ses
sentiments, pour le triomphe de l’amour. Répugnances, il en
avait fait des expériences parfois lancinantes. Dans une lettre
du 19 octobre 1956, il me confia que toutes ces difficultés de
parcours, il les supportait comme sacrifices librement
consentis pour moi, pour ma persévérance : j’étais déjà en 3e
année de théologie au Grand Séminaire Saint Thomas d’Aquin
à Baudouinville (Moba), au Katanga. J’étais donc porté par lui
comme un père porte son enfant.
Oh, revirement de l’histoire ! Dans la même lettre du 19
octobre 1956, Monseigneur m’annonce une nouvelle :
Bamfumu bakufunda bua nye kulonga malonga a université ku
Kimwenza (ku Lovanium) - („Les Supérieurs de l’Eglise ont
décidé que je dois aller faire des études universitaires à
Kimwenza-Lovanium“). Il poursuit : „Ce changement brusque
m’attriste, quand je pense que je dois encore me mettre sur les
bancs de l’école après tant d’années de ministère dans la
pastorale. Cependant, que la volonté de Dieu soit faite ; Ditaba
ndipite mulambo („ l’obéissance vaut mieux que le sacrifice“).
De l’obéissance, Mgr Bakole en connaissait les deux
significations théologiques : obéissance comme sacrifice et
renoncement, obéissance comme communion avec l’Eglise. Il
nous a donc guidés plus par son exemple que par des théories,
afin que nous agissions de même. Loué soit Dieu pour celui
dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire et dont nous
respectons religieusement le témoignage de chrétien, de prêtre
et d’évêque.
L’amour de l’homme que l’on voit a toujours été la
constante de l’activité pastorale de Mgr Bakole wa Ilunga. A
force de sillonner son grand diocèse de Kananga, il voyait la
misère du peuple pour y apporter un peu de soulagement.
Ainsi, il voulait raccourcir les distances, donc construire des
ponts pour relier des villages et des groupements isolés ou
enclavés. La population locale s’impliquait avec enthousiasme
dans la réalisation de ces travaux comme dans „les chemins de
sa libération“. Jusqu'à ce jour, je n’ai jamais compris pourquoi
certaines gens, par ailleurs „intellectuels“, reprochaient au
pasteur Mgr Bakole d’entreprendre des actions sociales qui,
selon eux, relèveraient uniquement de l’autorité municipale.
Un jour, un Gouverneur est allé jusqu'à rembourser le ciment
que l’Archevêque avait utilisé pour réparer le tronçon d’une
route. Alors, dans ma fougue de disciple, j’ai dit ceci à
l’Archevêque : „devant un tel aveuglement et une telle
ingratitude, Monseigneur, cessez tout simplement ce genre
d’activités“. Mgr Bakole m’a répondu comme pour me
remettre sur les pas du Christ : „si je cesse ce genre d’activités,
je ne suis plus chrétien“. J’ai saisi son enseignement. Jusqu'à
ce jour de sa nouvelle naissance au ciel, j’en ai fait un grand
principe de ma vie sacerdotale et pastorale : savoir marcher sur
les répugnances et sur certaines critiques sans fondement.
Chemins de libération est une autre brèche de
l’enseignement pastoral de Mgr Bakole. Il a voulu donner du
pain coupé à ceux qui ont faim et soif de la justice, à ceux qui
désirent panser les plaies qui minent la société, notre société,
les plaies qui empêchent les hommes de croître et de se
construire eux-mêmes dans l’amour. D’abord conçu comme
lettre pastorale, c’est finalement un grand volume qui est mis
sur le marché. Cet ouvrage déjà traduit dans plusieurs langues
étrangères, se veut un „guide pratique“ pour une analyse d’une
société qui se recherche, qui recherche à tâtons son chemin,
afin d’éviter une mort spirituelle plus ou moins prévisible.
Chemins de libération est „ une voix qui crie dans le désert“ et
qui appelle à la conversion et au changement des mentalités :
„Aplanissez les montagnes, comblez les ravins pour tracer le
chemin de Seigneur“. Ce faisant, Mgr Bakole wa Ilunga s’est
en somme adressé à toutes les catégories des hommes et des
femmes qui peuplent le grand Congo Démocratique. Sans
ambages, il a indiqué à chacun les exigences de son état de vie,
de la fonction qu’il exerce dans la société, en vue de la
rétribution à venir, selon la justice de Dieu. C’est pourquoi,
Mgr Bakole a écrit une autre lettre pastorale comme corollaire,
intitulée Assassinat de l’Amour, et que nous avons traduit
laconiquement en Ciluba : Mbashipe Dinanga, deux mots
percutants qui crient et interpellent à la fois. On a tué l’amour,
dans ce sens que la permissivité érigée et sciemment
entretenue, entame inévitablement des valeurs fondamentales
qui doivent conserver l’éthique socio-familiale. Mgr Bakole ,
guide, a ainsi offert aux populations congolaises un Code de
Bonne conduite. C’est tout un chapitre du livre de l’éducation
à la vie pour les jeunes, adultes de demain.
Cher Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga, merci pour
ce que vous avez été pour nous : un frère, un pasteur, un guide.
Si, avant d’expirer, de rendre votre âme entre les mains du
Seigneur, si, à cette heure suprême, on vous avait tendu un
micro, vous auriez pu nous dire votre dernier mot de cette
façon : „Pour vous, soyez prudents en tout, supportez
l’épreuve, faites œuvre de prédicateur de l’Evangile, acquittez-
vous à la perfection de votre ministère. Quant à moi, je suis
déjà répandu en libation et le moment de mon départ est venu.
J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma
course, j’ai gardé la foi. Et maintenant, voici qu’est préparée
pour moi la couronne de justice qu’en retour le Seigneur me
donnera ce jour-là, lui le juste Juge, et non seulement à moi,
mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son
apparition“ (2 Tim 4,5-8).
Célestin MUBENGAYI LWAKALE
Homélie aux obsèques de S. E. Mgr Bakole wa
Ilunga dans la Pro-Cathédrale Saint Clément Kananga
Par S.E.Mgr G. Mukeng’a Kalond, Archevêque de
Kananga

“Je suis le chemin, la vérité et la vie“(Jn 14,6); „Là où je suis,


là aussi sera mon serviteur“ (Jn 14,3).
Excellences Messieurs les Ministres,
Excellence M. le Gouverneur de la Province du Kasaï
Occidental,
Excellence Mgr le Vice-Président de la Conférence
Episcopale Nationale du Congo,
Excellences et chers frères dans l’Episcopat,
Toutes les Autorités Civiles, militaires et coutumières,
Messieurs les Représentants des Institutions
Internationales,
Révérends Représentants des Confessions religieuses,
Toutes les Délégations venues de Kinshasa,
Lubumbashi, des diocèses du Kasaï et de toutes les Eglises-
Sœurs,
Chers Prêtres de l’Archidiocèse de Kananga, Révérends
Pères, Révérends Frères, Révérendes Sœurs et tous les
Consacrés,
Peuple bien-aimé de Dieu qui est à Kananga et au Kasaï,
Chers frères en Christ et dans la foi, Hommes et femmes de
bonne volonté, Chers amis,
1. Qui était cet homme ?
Il y a 34 ans, le 18 septembre 1966, ici à Kananga, sur
l’esplanade de cette Pro-Cathédrale de St Clément, une grande
assemblée en liesse acclamait son Evêque Auxiliaire dans la
personne de S.E. Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga dans
la célébration eucharistique de son ordination épiscopale.
Aujourd’hui, 34 ans après, au même endroit, nous voilà
rassemblés dans la tristesse et la douleur ! Ce jour-là, on était
rassemblé autour de l’Evêque plein de vie, aujourd’hui, nous
sommes autour de l’Evêque qui gît là, inanimé, dans un
cercueil ! L’Eglise de Kananga pleure celui qui fut, durant de
nombreuses années, son pasteur bien-aimé. Car il n’est plus !
Il s’est éteint !
Appelé par le Père céleste, le 3 février courant à Milan,
il a répondu comme un bon et fidèle serviteur : „Me voici !
Quia ego servus - Car je suis ton serviteur“. C’était sa devise
qui l’a conduit tout au long de sa vie de pasteur. Pour lui, toute
sa vie était un service rendu à Dieu et aux hommes ses frères.
Il était un serviteur vigilant, avisé et dévoué ; passant
partout en faisant le bien et en semant la semence de
l’Evangile avec zèle. Même sa mort est pour lui un service
d’obéissance à Dieu et une offrande pour son salut et celui des
hommes qu’il aimait tant servir ! Aujourd’hui son Maître peut
l’accueillir dans sa demeure céleste lui disant : „C’est bien,
bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur
beaucoup, je t’établis, viens te réjouir avec ton Maître“ (Mt
25,21).
Chers frères et sœurs, Oui, un grand homme est parti !
L’homme de Dieu ! L’homme de foi profonde, de grande
envergure a disparu ! Cet homme connu et apprécié du monde
de science, de culture, de développement et de toutes
confessions religieuses ! Cet homme aimé des petits et des
grands n’est plus ! Un grand arbre, le baobab du Kasaï, est
tombé ! Sa chute s’est fait entendre aux quatre coins du
monde ! Une figure de proue, un monument de culture et de
sagesse ancestrales ; le grand livre de proverbes Luba a fini
de tourner ses pages ; il s’est fermé ! Une personnalité forte et
talentueuse qui a su mettre tous ses talents au service de Dieu
et des hommes nous a quittés ! La richesse de cette
personnalité ne pouvait se confiner à Kananga et au Kasaï, elle
s’est répandue dans notre pays et dans le monde. Le
combattant valeureux que rien n’arrêtait sur le chemin de la
foi, de l’évangélisation et du développement de son peuple, a
terminé sa course ! Ce grand Cœur qui a su aimer son peuple,
n’épargnant rien pour lui assurer son développement intégral,
a cessé de battre sur terre ! L’Educateur attitré de son peuple ;
de la jeunesse et des adultes, des intellectuels, du laïcat adulte
nous a quittés. Oui, l’homme comblé d’années, à quatre-vingts
ans, le fil de ses jours s’est subitement rompu ; la navette de la
machine s’est arrêtée ! Il est parti pour être comblé au ciel,
d’une éternité bienheureuse et recevoir une couronne de
gloire ! C’est dans la joie qu’il s’est envolé en chantant avec le
psalmiste : „Quelle joie quand on m’a dit: Allons dans la
maison du Seigneur“ (Ps 122,1).
Ce Pasteur intrépide, de la trempe de ses prédécesseurs,
les fondateurs de l’Eglise du Kasaï, les pionniers de
l’évangélisation et du développement des peuples du Kasaï, il
convenait, dans le dessein de Dieu, qu’il aille rejoindre ceux
qui ont donné leur sueur et leur vie pour la fondation de cette
Eglise de Kananga et du Kasaï : à savoir les serviteurs de Dieu
Mgr Auguste DE CLERQ - „ Kele Katue“-, Georges DEMOL
et Bernard MELS. L’enfant de Marie qu’il aimait tant
invoquer, est allé voir la Mère et la Reine des Apôtres. Voilà
l’homme qui nous rassemble aujourd’hui.
2. Notre devoir
Cher peuple de Kananga, vous êtes les fruits vivants de
son travail apostolique et de son œuvre socio-pastorale. Est-il
besoin de lettres de recommandation pour cet homme de
Dieu ? En vous regardant, il peut dire fièrement comme
l’Apôtre Paul : „Notre lettre, c’est vous ; lettre écrite dans vos
cœurs, connue et lue par tous les hommes. De toute évidence,
vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère ; une
lettre écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu
vivant ; lettre écrite non sur des tables de pierre, mais sur des
tables de chair, sur vos coeurs“ (2 Co 3,2-3). Vous êtes le
document vivant laissé par l’illustre disparu. Il vous appartient
d’être ce qu’il a fait de vous ! Et voici comment nous pouvons
lui témoigner notre reconnaissance !
Peuple bien-aimé de Kananga, votre reconnaissance,
c’est votre prière et votre effort commun pour promouvoir
cette œuvre immense que le vaillant pasteur a pu réaliser
ensemble avec vous tous, ainsi qu’avec les missionnaires
infatigables et toujours à l’œuvre. Oui, votre reconnaissance
doit s’exprimer par l’ardeur commune pour parachever ce qu’il
a commencé, réhabiliter ce qui a été endommagé, reconstruire
ce qui a été détruit et continuer la créativité en vue de la
croissance et de la maturité de toute notre vie chrétienne. Car
l’œuvre de l’évangélisation qui est la mission de l’Eglise est
toujours actuelle. Elle se poursuit jusqu'à la fin des temps, en
se renouvelant en profondeur et en ardeur à chaque époque et à
chaque génération, selon les signes des temps et sous la
mouvance de l’Esprit-Saint.
3. L’énigme de la mort
Frères et Sœurs bien-aimés ! La mort vient d’arracher cet
homme illustre à notre affection. L’énigme de la mort
désoriente l’esprit, secoue le cœur de l’homme et défie son
imagination. Mais la foi nous relève, nous réconforte et nous
rassure. Car la mort qui nous frappe aujourd’hui nous conduit
à celle d’il y a 2000 ans, à cette mort glorieuse, qui a sauvé le
monde de tout péché et de tout mal et qui s’est transformée en
victoire. Il s’agit de la mort du Pasteur Suprême, Jésus-Christ,
qui a donné sa vie pour que les hommes aient la vie et l’aient
en abondance. Par sa mort et sa résurrection, il donne un sens
nouveau à la mort. Car, par lui, „la mort a été engloutie dans la
victoire“, la victoire du Christ ressuscité (1 Co 15,54-55).
Le Christ a vaincu la mort par sa résurrection. C’est cette
résurrection qui illumine la mort du serviteur de Dieu, Mgr
Martin-Léonard Bakole wa Ilunga.
Ainsi, frères et sœurs bien-aimés, „Soyez fermes,
inébranlables dans la foi“ (1 Co 15,57). Oui, chers frères et
sœurs, comme dit S. Braulion : „Il serait trop long de rappeler
tout ce qui, dans les Saintes Ecritures, devaient nous apporter à
tous de la consolation. Qu’il nous suffise d’espérer en la
résurrection. Si nous sommes morts avec le Christ, nous
croyons que nous vivrons aussi avec lui. Car le Christ
ressuscité des morts ne meurt plus. La mort n’a plus aucun
pouvoir sur lui“ (Rm 6,8). „Et nous, nous ne nous appartenons
pas à nous-mêmes, mais à lui qui nous a rachetés, lui dont la
volonté doit régler notre volonté. Si nous vivons, nous vivons
pour le Seigneur, si nous mourrons, nous mourrons pour le
Seigneur : soit que nous vivions, soit que nous mourrions,
nous sommes au Seigneur“ (Rm 14,8). (Cfr Lettre de S.
Braulion de Saragosse, v. 590-651 : Lettre 19, PL 80, 665-
666).
4. La mort dans la communion ecclésiale
Frères et sœurs bien-aimés, en cette Année Jubilaire, que
nous avons consacrée à l’édification de l’Eglise-Famille
rassemblée autour de la Trinité Sainte, la mort du serviteur de
Dieu Mgr Martin-Léonard Bakole wa Ilunga nous rassemble
dans la communion de toute la famille diocésaine de Kananga
ainsi que de l’Eglise du Kasaï tout entière.
En ses derniers jours de souffrances, le serviteur
disparu ne cessait d’exprimer sa gratitude pour le soutien
moral et spirituel qu’il trouvait dans cette communion
ecclésiale quand tous les enfants de cette Eglise se pressaient
autour de lui pour lui manifester leur affection et leur
sympathie et l’entourer de leurs prières en ces moments
difficiles. Il recevait avec reconnaissance tout visiteur en lui
serrant longtemps la main pour lui exprimer sa gratitude pour
le réconfort qu’il trouvait dans la communion ecclésiale. Ainsi,
après avoir participé aux grâces divines de l’ouverture
solennelle de l’Année Jubilaire du Seigneur, le voilà parti pour
aller célébrer le Grand Jubilaire du ciel, Jésus-Christ, ensemble
avec toute la famille triomphante qui habite les demeures
célestes.
Chers enfants de la famille ecclésiale de Kananga, Mgr
Martin-Léonard Bakole était un don précieux, une perle
donnée par Dieu à notre Eglise. Que sa disparition renforce
davantage nos liens fraternels par-delà les clivages de clans, de
tribus ou de confessions religieuses.
A vous, chers membres de la famille de l’illustre
disparu, que sa mort, loin de provoquer le désarroi et la
division, vous rapproche davantage et rende vos liens
familiaux encore plus forts que de son vivant. Vivez dans la
foi, dans l’harmonie et la paix du Dieu consolateur.
Et vous tous, chers frères et sœurs, je vous invite à
continuer de faire monter nos suffrages vers le Père de
miséricorde, afin qu’il accueille son serviteur dans sa lumière
éternelle et le fasse asseoir sur le siège lui préparé depuis
l’éternité. Amen.

Mgr Godefroy MUKENG’a KALOND


Tusala

Luendu lua ndekelu


Ku ntuadijilu kua tshidimu tshia 2000,
Tuetu kumvua mukenji mu Kananga kajima :
Bakole wa Ilunga udi ne kusama kukole.
Mbamuambule baye nende ku Kinshasa bua
kumondapabu.
Bafika ku, bamuna bikole.
Bambula mu ndeke, baya nende too ne ku mputu.
Bafika ku mputu kubangabo kumuondapu.
Bena Kananga ne Kongo mujima
Bakashala balomba Mulopo.
Mvidi Mukulu wa Tshiame, Tshitundu muenapu,
Ambuluisha musadidi webe, apete bukole.
Tuetu kushala ne ditekemena divule.
Kadi Mvidi Mukulu mudiye wamba bantu kabena
bamanye.
Mu matuku a ngondo muibidi,
Tuetu kumvua dikubakuba dikole:
Bakole wa Ilunga wakuya kua Mulopo.
Bena Kananga bumvua nanku, kudila bikole.
Balume ne bakaji kunyingalalabu.
Bulelela tuakujimija muntu mukole,
Mulela ne lungenyi ne meji matue.
Tuetu kushala bindile difika dis mubidi wa tatu Bakole,
Ne binsonji ku mesu tuenda ne mitshima mifue.
Eyi muledi wa bana wakuya, tuakushala bitupu.
Mu ditanu dia matuku 9, ngondo mubidi,
Pa diba dia dikumi ne dimwe wa mu munya,
Ndeke wa Cal kufikaye ne mubidi wa musadidi wa
Mulopo,
Mumisha bua bidimu lukama bijima, ushala anu muawu
amu too ne ku ndela.
Ndeke ufika mu tshipalu tshia Kananga,
bantu bavua baye bungi bu lusega lua mu mbuwu.
Bena nkristo ne banene ba Mbulamatadi,
Badiambike balume ne bakaji bambule
Mubidi wa tatu Bakole,
Badila miadi badiela maloba mu mitu :
Eyi, Tatu muledi waakutushiya nkayetu mu bula.
Bena bitendelelu bionso kulejabo dinanga divule,
Basalayi betu ne bampulushi,
Bena A.N.R, ne D.G.M.
Mashinyi a mishindu ne mishindu
Kaayi ende bikole,
ntukutuku ne makalu bilonda munyima
Bumbuka ku Tshipalu, bakaya ne Tatu mu
Mwamba Malole muakadiye musombe bua kuikishaye.
Bumbuka mu Muamba Malole, bakuya
Ne Tatu mu nzumbu wa Clément Munsantu bua kuenza
misa.
Mubidi wa Tatu wa buneme kushalawu panshi
Matuku asatu majima.
Munyungulula kudi Tatu Mukeng’a Kalond
Pamue ne Bakulu ba Kasayi mujima ,
Badiambike balume ne bakaji ne
Bena nkridto bavule,
Ne Mulombondi wa Kasayi ketu ne banene bonso
Ba bitendelelu ne ba Mbulamatadi.
Mu dialumingu, misa munene e kuenzekaye
Misoko ya pa mpenga yonso ne
Benamu badila bonso bakupa mitu.
Bulelela tuakujimija muadiamvita.
Amu dituku adio, kuangatabo mubidi
Wa Tatu Martin Léonard Bakole,
Kuwelabu mu mashinyi, baya
Batangile ku Mikalayi bua kumujikabo
Bafika mu Notre Dame e kuimanabo,
muaba waakadiye musombe bidimu bivule.
Bumbuka mu Notre Dame, bafika mu Bena Mande
kuimanabo.
Bapueka too ne ku maayi a Lulua,
Basabuka, ekuyabo too ne
Ku Malandji Makulu, muaba wa tshivulukilu tshia difika
dia Mukenji
Mulenga mu Kasayi.
Bumbuka aku, baya ku Mikalayi Joseph MUNSANTO
Muaba wakatuadija Buena Yezu mu buloba buetu ebu.
Mu nzubu wa Mvidi Mukulu wa Mikalayi
Mmuakujikabo Tatu Bakole wa Ilunga.
Bangabanga ne dimujika bakamuenzela
Misa wa ndekelu, bantu musumba biimane bakatshila
bualu.
Tatu Martin Léonard Bakole,
Yaku wikishe kua Mulopo.
Eyi bana betu, tudilayi tunyingalale :
Lufu wetu lufu, tushala ne tshipawu
Buanga buye !
Lufu, nkufuanyikije ne tshinganyi ?
Lufu, ndi, nkufuanyikija ne kapia wa losha ntanda,
Kaakosha ntanda ya Bakalenge,
Kapia wetu, koshi tshisuku nansha budimi,
Kapia, waya kutubumbuila diyeba
Dituakadi bateke nkunde bateke ne tumbele!
Lufu, kushipi kapumbu, kushipi mbowa,
Waya kushipa tshitala uvua utubisha ku tulu!
Mputa bunene nenku waa kumtapila tshinyi ?
Kuntapi ku tshibelu nansha pa nyima,
Waya kuntapa mu dimi, nkadi
Mpanga mua kunua maayi nyota minshipe!
Musadibi wa Mulopo, diba dibi
Ngondo ubala mitoto ikadi mimanye.
Dia lufu luebe Mulopo ukavua mumone,
Ukavua mumanye; mmukumbushe mu buloba
Bua makenga ne ntatu mivule,
Yaku mu diulu uye kuikishamu,
Ulale pa lusala kaluvi luenza lu mpeku.
Waya bimbe, muana wa Mariya,
Dituku diadia netumonangane.
Tudisange ne bena mu diulu bonso,
Tuikale tutumbisha Mulopo.
Kadi Bakole wa Ilunga wakadi nganyi ?
Muntu wa lungenyi ne meji matue,
Muntu wa dikima ne moyo mukole,
Katende ka nteletente
Katshinyi muele nansha tshingoma,
Buakadi bulua buakadi bumusangana.
Bakole wakadi mole uvua utapila meshi,
Umena bowa, bana ne bakole baya kuboya.
Bakole wakadi mutshi wa mupatu
Ukuama mpatu minyikile,
Kamu kamonya kakayi kajima.
Bakole wakadi nzubu wa buyanga
Muakadi bantu babuela bua kupeta meji.
Bakole wa Ilunga wakadi tshidime
Munene, dituku dionso wangata
Kasuyi, wangata lukasu, ukuna
Biakudia, ukuna biseki bia kudisha
Bana bua bapete bunene .
Bakole wakadi nkala wa ku mobo,
Tshienda ne bana ku mapangu.
Bakole wakadi muntu wa meji matue,
Ufunda mikanda yenda buloba bujima,
Yeye kakadi upingana kunyima,
Nansha tshisangilu muaba kayi,
Uvua uya kufila ngenyi mivule.
Bakole waakadi, bushuwa, musadidi mujima,
Bilondeshile disangu diakadiye musungule bua
kuendelamu :
‘’quia ego servus ‘’ : ke meme munusadidi ewu
mulue.
Tatu, Muena kulu akufute,
Pa mudimu muimpe uwakamuenzela.

Honoré TSHIYOYO Wa Muleba ne Tshiela


Tshibungu/Kananga
Dia mufikilu wa mvula isambombo bulubulu

Wa Ilunga tuitabe !
Bakuetu wanyi !
Bakuetu wa yaya !
Banyananyi !

Wa Ilunga utu kunyi, bena dianyi ?


Kua ba muta ne mbua anyi, bena Kananga wa yaya ?
Muena Muamba utu penyi,
Bena Yezu ba mu Kananga ?
Kua ba katende mutoke mu tshiadi anyi,
Bana ba Lulua wa bidila ?
Kua ba tubuluku tukosa mikila anyi,
Bana ba mutuala kulu ?

Katutshiyi tumvua diiyi dinene,


Dia tshiondo wa mbisha balale,
Dia Bakole wa Ilunga muena Mbuyi, diamba ne :
« Bana bananga ba Tatu Mvidi Mukulu,
Muoyo wenu !
Analengo moyanyu !
Sangayi, badiano ! »
Katutshiyi tumvua nsumuinu misheme
Ya mpanda njila wa mu Kasaï ka banyinka :
« Muendenda lupenzu nzolo kamusuele ! »
« Bintu kulengela pa kupa muana wa muanenu
e kuanji kukenketa »
« Kapepe ka mushipu
kadi kanjula mashika,
kiyi kawakangamba
ku kale kadi kantua ku mutshima. »

Wa Ilunga wakaya biende


Ku ba kalukidi ne mu mvula ne mu mushipu
Wakaya biende
Kuakaya Keyi ne Ilunga muena Mbuyi
Kuakaya mua Mbuyi wa bana
Ne Matata muena diende
Kuakaya Kabangu wa Mbombo ne Mutela
Ne Kapanga Luanyi Mukua Kasanzu
Kuakaya Mukeng’a Tunsele
Ne Tshingeji Mulopo
Kuakaya Mashala wa Tshibola
ne Jorissen Kabata
Kubala umue nkudibala.

Wa Ilunga wakaya
Mu ngondo wa luishi
Tshitupa bowa ne meshi
Mu matuku asatu,
Dituku dia dinayi,
Dishiya dia mayi.
Kumona bu tshilota,
Eku muena Muamba muye lonso,
Muakaya Mbala ku Basonge.

Bakuetu wa yaya !
Wa Ilunga se mmulume wa tshinkandi
Tshitua malu tshiadi !
Wakatushila diiyi,
Diiyi dia mushinga ne munga :
Kuamba Mukenji Mulenga, nkukeba biakudia bua bana,
Kuamba Mukenji Mulenga, nkulengeja kua misoko yonso,
Kuamba Mukenji Mulenga,
Nkushidimuna kua muntu mu bionso.
Tuasakidila Nshandi’a bana !

Bilaamba pa maayi
Bieyela buebe wewe !
Bena ngendu basabuka
Ne lubilu lonso !
Nzubu ya Nzambi
Miasa mu misoko yonso !
Batendeledi batumbisha Nzambi,
Bakuvuluka ne wewe.

Muenji wa bimpe katu wafua tshiendelele


Muenji wa bimpe, bimpe ne bimuakuile !
Muenji wa bimpe muoyo wa kashidi utu wandi !
Tatu Bakole wa Ilunga tuakuile bietu
Kudi Nzambi tshipapayi,
Ngongo wakafuila pa muanandi.

Waya bimpe, kuakaya banyinka...

Mamu NYASHI Ntambue


MOT DE LA FIN

Le peuple s’honore en honorant ses dignes fils. Le


défunt Monseigneur Martin Léonard BAKOLE wa ILUNGA,
Archevêque émérite de l’Archidiocèse de Kananga, dans la
Province du Kasaï Occidental, est un des fils les plus méritants
du terroir.
Six ans après sa mort, il vit encore, de manière
intensive dans la mémoire collective du peuple Ouest-Kasaien
en particulier, du peuple congolais en général et de l’Eglise
Universelle qu’il a servie avec foi, espérance et charité durant
toute sa vie.
C’est pourquoi, en ma qualité de Gouverneur de la
Province du Kasaï Occidental, je joins ma voix à celle des
prêtres, religieuses, religieux et laïcs, tant nationaux
qu’étrangers, qui ont bien voulu rendre un hommage bien
mérité à ce grand homme de l’Eglise catholique, à ce grand
patriote et nationaliste, à ce héraut de l’Evangile et du
développement intégral, que j’ai bien connu et aimé, et avec
qui j’ai œuvré, dans le cadre de la Conférence pour le
Développement du Kasaï Occidental ( CODESKO) pour
l’électrification de notre Province.
En cette période décisive, où notre pays s’est engagé
dans la véritable démocratie pour doter toutes les institutions
de dirigeants élus du peuple, je formule le vœu le plus ardent
de voir la mémoire de Monseigneur Martin Léonard BAKOLE
WA ILUNGA se perpétuer par la réalisation des œuvres de
développement de plus en plus nombreuses, sans oublier la
réhabilitation du riche patrimoine qu’il a légué à
l’Archidiocèse de Kananga grâce au partage et à la solidarité.
Puisse l’ouvrage « Chemins de libération » de feu
l’Archevêque émérite de Kananga inspirer non seulement les
professionnels de la prière et de l’évangélisation, mais aussi
les opérateurs politiques pour qu’ils placent l’essor
économique et social de notre Province au centre de leurs
préoccupations, convaincus qu’en définitive, notre grand Parti
c’est le Kasaï que nous devons tous aimer et développer
ensemble.
Que l’âme de Monseigneur Martin BAKOLE wa
ILUNGA repose en paix.

Gilbert TSHIONGO TSHIBI NKUBULA wa NTUMBA


SOMMAIRE

Liminaire..................................................................................... I
Mgr Godefroy Mukeng’a Kalond
Notice bio-bibliographique de Mgr Bakole.................................. 8
Boniface Beya Ngindu
Dernière interview de Mgr Bakole .............................................. 23
Bruno Ntumba
Mgr Bakole, un pasteur et prophète du Grand Kasaï ................. 36
Jean-Adalbert Nyeme Tese
J’ai connu Mgr M.L. Bakole, témoignage et réflexions ............... 42
Lambert Museka
Hommage à Mgr Martin Léonard Bakole wa Ilunga ................... 61
Philémon Mukendi
De la maladie à la mort de Mgr Bakole wa Ilunga ...................... 65
Thérèse Odie Katala
Mgr Bakole, homme de foi dans la souffrance et la mort ........... 74
Clément Mutamba Ngalamulume
L’archevêque Bakole, digne successeur .................................... 81
Joseph Van Keerberghen
Témoignage de Gérard Bulcke................................................... 87
Gérard Bulcke
Message de Claudel André Lubaya ......................................... 93
Message de Paul Kapita Shabangi ............................................ 95
Hommage du Président du CODESKO...................................... 97
Message des diocèses de Kabinda, Luiza et Mbuji Mayi ........... 99
Message du clergé diocésain de Kananga................................. 105
Message des missionnaires ....................................................... 107
Message des auxiliaires de l’apostolat ....................................... 110
Hommage des Sœurs C.I.M.K. .................................................. 112
Homélies de Célestin Mubengayi Lwakale................................. 117
Homélie de Mgr G. Mukeng’a Kalond......................................... 122
Luendu lua ndekelu .................................................................... 129
Honoré Tshiyoyo wa Muleba ne Tshiela
Dia mufikilu wa mvula isambombo bulubulu............................... 136
Mamu Nyashi Ntambue
Mot de la fin................................................................................ 139
Gilbert Tshiongo Tshibinkubula wa Ntumba

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