0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
54 vues21 pages

Le Colloque Du Caire 1974

Transféré par

oniangueongania
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
54 vues21 pages

Le Colloque Du Caire 1974

Transféré par

oniangueongania
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 21

Le Colloque du Caire, 1974

Le peuplement de l'Egypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique

I. Introduction

Les travaux de Cheikh Anta DIOP, dès 1954 — il y a 40 ans — avec Nations nègres et
Culture, puis avec L'unité culturelle de l'Afrique noire et L'Afrique noire précoloniale en
1959-1960, inaugurent une nouvelle approche de l'histoire de l'humanité. Il s'agit de rompre
avec la vision ahistorique et ethnographique de l'Afrique qui repose, entre autres, sur des
présupposés hégéliens [G. W. F. HEGEL, La Raison dans l'histoire - Introduction à la
philosophie de l'histoire] et gobinistes [J. A. GOBINEAU, Comte de, Essai sur l'inégalité des
races] hérités du XIXe siècle.

C'est une nouvelle méthodologie en matière d'histoire africaine qu'il préconise et met en
œuvre dans ses propres travaux. Il lui consacre le chapitre X de son livre Antériorité des
civilisations nègres – Mythe ou vérité historique ? paru en 1967 aux Éditions Présence
Africaine. Parmi les axes de cette méthodologie on peut retenir :

- l'analyse des "phases d'évolution politico-sociales" des sociétés,

- "l'ethnonymie et la toponymie",

- l'analyse des "faits linguistiques",

- l'établissement "des corrélations entre des évènements intérieurs et extérieurs",

- les faits archéologiques : "Elle [l'archéologie] introduit la certitude brutale là où il n'y avait
que doute, scepticisme ou supputation. Ses résultats ruinent chaque jour les dogmes fondés
sur les notions peu scientifiques de vraisemblance historique…".

En outre, ce chapitre dresse un bref inventaire des méthodes des sciences exactes :

- datations,

- analyses chimiques,

- techniques de détection,

- photographie aérienne, etc.


qui peuvent être mises au service de l'histoire africaine, comme lui-même s'y employait dans
le laboratoire de datation par le carbone 14 qu'il avait créé à Dakar.

On peut donc affirmer que Cheikh Anta DIOP a "réinventé" l'histoire africaine en lui donnant
une assise temporelle, une perspective diachronique qui lui faisaient cruellement défaut. Ce
faisant, il a mis en évidence la nécessité d'une réécriture de l'histoire de l'humanité.

On comprend dès lors que l'UNESCO l'ait sollicité, en 1970, à devenir membre du Comité
scientifique international pour la rédaction d'une Histoire générale de l'Afrique.

II. L'Histoire générale de l'Afrique - Préalables méthodologiques

Son exigence d'objectivité le conduit à poser trois préalables à la rédaction des chapitres
consacrés à l'histoire ancienne de l'Afrique [cf. L'Antiquité africaine par l'image, Dakar,
IFAN-NEA, Notes africaines n° 145-146, p. 6]. Les deux premiers consistent en la tenue d'un
colloque international, organisé par l'UNESCO, réunissant des chercheurs de réputation
mondiale, pour d'une part, débattre de l'origine des anciens Égyptiens, et d'autre part faire le
point sur le déchiffrement de l'écriture méroïtique.

Le projet envisagé par l'UNESCO rend primordial de traiter la question de savoir à quelle
aire culturelle et à quel univers anthropologique appartient l'Égypte ancienne compte tenu de
l'état des connaissances. Une confrontation des travaux de spécialistes du monde entier lui
apparaît indispensable pour faire avancer la science historique.

Le troisième préalable concerne la réalisation d'une couverture aérienne de l'Afrique.

C'est dans ce contexte, que se tient au Caire du 28 janvier au 3 février 1974, organisé par
l'UNESCO dans le cadre de la Rédaction de l'Histoire générale de l'Afrique, le colloque
intitulé : "Le peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique".

III. Les participants au colloque du Caire

Vingt spécialistes, cinq observateurs et deux représentants de l'UNESCO appartenant à


quatorze nations différentes.
Spécialistes :

- A. M. ABDALLA, Department of History, University of Khartoum, Soudan

- A. Abu BAKR, Université du Caire, Égypte

- N. BLANC, École Pratique des Hautes Études, Paris, France

- F. DEBONO, expert UNESCO, Centre de documentation sur l'Égypte ancienne, Malte

- J. DEVISSE, Université Paris VIII, Paris

- C. A. DIOP, Université de Dakar, Sénégal

- G. GHALLAB, Institute of African Research and Studies, Université du Caire, Égypte

- L. HABACHI, Oriental Institute, University of Chicago, États-Unis

- R. HOLTOER, University of Helsinki, Finlande

- S. HUSAIN, Egyptian Organization of Antiquities, Le Caire, Égypte

- J. GORDON-JACQUET, c/o Institut français d'archéologie orientale du Caire, États-Unis

- W. KAISER, German Institute of Archaeology du Caire, République Fédérale d'Allemagne

- J. LECLANT, Université Paris-Sorbonne, Paris

- G. MOKHTAR, Direction du Service des Antiquités, Égypte

- R. EL NADURI, Faculty of Arts, Alexandria, Égypte,

- T. OBENGA, Professeur Université Marien NGouabi, Brazzaville, Congo

- S. SAUNERON, Institut français d'archéologie orientale du Caire, France

- T. SÄVE-SÖDERBERG, Université d'Uppsala, Suède

- P. L. SHINNIE, Department of Archaeology, University of Calgary, Canada

- J. VERCOUTTER, Institut de papyrologie et d'égyptologie de l'Université de Lille

Observateurs :
- V. L. GROTTANELLI, Institut d'ethnologie, Université de Rome, Italie

- S. HABLE SELASSIE, Department of History, Haile Selassie I University, Éthiopie

- F. H. HUSSEIN, Department of Physical Anthropology, National Research Center, Le Caire,


Égypte

- L. KAKOSY, Department of Ancient Oriental History, Université de Budapest V, Hongrie

- P. A. DIOP, journaliste du quotidien sénégalais Le Soleil, Dakar, Sénégal

Représentants de l'UNESCO :

- M. GLÉLÉ, Division des études des cultures

- Mme MELCER, Division des études des cultures

Les Actes de ce colloque, dont le professeur Jean DEVISSE est le rapporteur, sont publiés
par l'UNESCO dans Le peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture
méroïtique, Histoire générale de l'Afrique, Études et documents 1, Paris, UNESCO, 1978. Le
lecteur trouvera également un rapport de synthèse en annexe du Volume II de l'Histoire
générale de l'Afrique, Paris, Jeune Afrique/Stock/UNESCO, 1980, pp. 795-823.

Le journaliste Papa Ameth DIOP couvre, pour le quotidien sénégalais Le Soleil, l'ensemble
du colloque (grand reportage en six parties dans les numéros 1128, 1145, 1146, 1148, 1149,
1151 du Soleil des mois de janvier et février 1974).

On ne fera, ici, que rappeler très brièvement les principaux thèmes de discussions, les
points durs ainsi que les avancées apparus au fil des divers exposés et discussions, tout en
conviant vivement le lecteur à se reporter aux comptes rendus sus-mentionnés.

IV. Le Peuplement de l'Égypte ancienne

(1ère partie du colloque du 28 au 31 janvier 1974)

Les communications
Les discussions se sont articulées autour de thèmes développés dans les trois
communications écrites.

- Le peuplement de l'Égypte ancienne, par Jean VERCOUTTER (cf. Le peuplement de


l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique, Histoire générale de l'Afrique,
Études et documents 1, Paris, UNESCO, 1978, pp. 15-36).

Le professeur J. VERCOUTTER recense quatre types de sources disponibles pour l'étude


du peuplement de l'Égypte ancienne :

. anthropologiques (étude anthropologique physique des restes humains)

. iconographiques (dessins, peintures, bas-reliefs, statues)

. linguistiques : "le langage et l'écriture d'un groupe humain pouvant fournir des
renseignements sur l'origine et la nature ethnique de ce groupe"

. ethnologiques : "grâce à la comparaison des sources précédentes avec les caractéristiques


des groupes ethniques ou culturels de l'Antiquité".

Il fait un état du matériel anthropologique mis au jour par les fouilles menées dans la vallée
du Nil tout en mentionnant les lacunes existantes dans le temps et l'espace.

Il s'attache ensuite à présenter les différentes thèses sur l'origine ethnique des anciens
Égyptiens. Deux thèses s'opposent, considérées comme absolues par l'auteur :

. "… la majorité des égyptologues (VANDIER, 1952, p. 22) estime que la population primitive
qui occupe la vallée du Nil égyptienne et nubienne, dès le Prédynastique (Badarien et
Amratien ou Nagada I) et jusqu'à la première dynastie, appartient à une race brune,
"méditerranéenne" ou encore "euro-africaine", souvent improprement appelée "hamite", ou
encore "khamite". Cette population serait leucoderme, donc blanche, même si sa
pigmentation est foncée pouvant aller jusqu'au noir ; […] Ce type [humain] serait donc
d'origine africaine, sans être "nègre" au sens où on l'entend habituellement. Au demeurant
même les égyptologues convaincus du caractère africain essentiel de la civilisation
égyptienne insistent sur le fait que la population qui a créé cette civilisation n'était pas
"nègre" (NAVILLE, 1911, p. 199 ; BISSING, 1929 ; FRANKFORT, 1950]."

. "Sous l'impulsion du Cheikh Anta DIOP, à l'appartenance caucasoïde (l'expression est de


CORNEVIN, 1963, p. 103-104 et 152) de la population de l'Égypte, généralement acceptée
jusqu'en 1955, une appartenance "négroïde" de cette même population a été substituée
(DIOP, 1955, p. 21-253 ; 1959, p. 54-58 ; 1960, p. 13-15 : 1962 a, p. 449-541). On trouvera
dans un récent ouvrage un résumé fidèle et développé de la thèse de Cheikh Anta DIOP
(OBENGA, 1973), qui est formulée avec vigueur : "en fait, les habitants néolithiques et
prédynastiques de la vallée égyptienne et nubienne étaient des Nègres … Ce sont des
Nègres qui ont bâti les civilisations égypto-nubiennes préhistoriques … et historiques
(OBENGA, 1973, p. 102)."

Il dégage enfin, après avoir exprimé son propre point de vue sur la question, thèmes de
discussion et axes de recherches portant sur :

. les contacts entre l'Égypte et le reste de l'Afrique (Libye, Sahara oriental et sud-oriental,
Darfour, Soudan oriental et méridional, Éthiopie actuelle), une telle étude devant être
précédée par des précisions terminologiques des termes "nègre" et "négroïde",

. la définition des Hamites,

. le réexamen de l'origine du néolithique égyptien, suscité par les résultats de travaux


récents en Basse-Nubie, au Soudan et en Asie,

. en connexion avec le thème précédent, le "rôle du Croissant fertile africain dans le


peuplement de l'Égypte",

. la région du delta du Nil : "la lacune la plus grave dans nos connaissances est celle qui
concerne le delta égyptien. […] La recherche est d'autant plus importante dans ce domaine
que l'on fait souvent du delta le foyer d'origine des populations ayant porté la civilisation à la
Haute-Égypte",

. "la nature et la situation géographique des différentes ethnies africaines dans l'Antiquité
[…] … le problème des pygmées en Égypte qui est lié à celui des rapports ethniques de
l'Égypte et de l'Afrique au sud du Sahara, mériterait d'être approfondi",

. les fouilles dans les régions périphériques de la vallée du Nil au sud de la seconde
cataracte qui sont zones archéologiques "sous-explorées".
- Le peuplement de la vallée du Nil au sud du 23e parallèle, par Nicole BLANC (cf. Le
peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique, Histoire
générale de l'Afrique, Études et documents 1, Paris, UNESCO, 1978, pp. 37-64).

Elle constate en premier lieu que :

"L'importance d'une histoire du peuplement de la vallée du Nil sur toute sa longueur, et non
plus seulement dans sa partie égyptienne, n'a été reconnue que ces toutes dernières
années. Il était généralement admis auparavant par la tradition historique classique que le
passé des contrées riveraines du Nil s'était écrit à contre-courant du fleuve, que celui-ci avait
joué le rôle d'une grande artère de communication, mais uniquement dans le sens inverse
du cours naturel des eaux, conduisant peuples et cultures des rives civilisées de la
Méditerranée aux obscures régions d'Afrique noire, à travers les zones arides de la
Haute-Nubie et les marécages du cours méridional du Nil blanc."

L'auteur rappelle l'ensemble des travaux de fouilles effectuées au sud de la seconde


cataracte, en particulier ceux de l'Américain G. A. REISNER , "l'un des fondateurs de
l'archéologie du Soudan", F. GRIFFITH, le déchiffreur de l'écriture méroïtique, des directeurs
successifs du Service des antiquités du Soudan : A. J. ARKELL, P. L. SHINNIE, J.
VERCOUTTER, T. H. THABIT) et indique que "les résultats des fouilles amenèrent les
chercheurs à s'interroger sur la part africaine dans les civilisations riveraines du Nil et à
envisager, sur des bases scientifiques sérieuses, l'existence d'un contre-courant, de l'Afrique
noire à la Méditerranée".

Au plan méthodologique, elle est amenée à insister sur le fait que les faibles chances de
conservation de vestiges archéologiques en raison de la nature du sol et du climat et le
caractère récent des sources écrites rendent nécessaire le recours à d'autres sources qu'il
est possible d'exploiter dans une perspective historique : la tradition orale, la linguistique
africaine, et enfin l'anthropologie, les données de l'une pouvant remédier, dans une
approche synthétique, à l'insuffisance des données des autres.

Ces préliminaires d'ordre à la fois historique et méthodologique étant posés, N. BLANC


propose une approche géographique du thème du colloque qui la conduit à esquisser "les
principales caractéristiques géographiques et écologiques du bassin du Nil au sud du 23e
parallèle jusqu'à la source du fleuve, en Ouganda".
L'une des conclusions qui se dégagent est que le Nil constitue l'une des plus anciennes
voies navigables intérieures connues. "[…] Certes il n'est pas navigable sur toute la longueur
de son cours, notamment dans sa partie soudanaise". Cependant "… le relief peu accusé
dans l'ensemble du Nord Soudan n'a nulle part constitué un obstacle sérieux aux
mouvements de population, à la diffusion culturelle, et au commerce …".

Un autre aspect qualifié de très important par l'auteur, est celui d'une "relative ouverture vers
l'extérieur" de cette partie de la vallée du Nil située entre le 10e et le 23e parallèle :
ouverture d'une part vers l'Afrique occidentale et subsaharienne et de l'autre vers l'Asie
(Sinaï, mer Rouge, golfe d'Aden).

L'auteur est alors en mesure d'identifier les grands axes de communications ou "les grandes
routes" dont le réseau s'est tissé au fil de l'histoire et sous la pression géographique reliant
une région de la vallée du Nil à une autre ou bien connectant la vallée du Nil à des régions
périphériques.

C'est dans cette même logique qu'elle aborde le peuplement de la vallée du Nil, mais en
remontant le cours du temps : la pénétration arabe est d'abord décrite, suivie de l'exposé
des différentes thèses relatives à l'origine des populations présentes au Nord Soudan avant
l'arrivée des Arabes. Cet exposé fait ressortir, qu'à l'instar de l'Égypte ancienne,
l'appartenance anthropologique des bâtisseurs des civilisations du Soudan fait aussi l'objet
d'un débat entre spécialistes. L'auteur précise cependant que "De toute manière, et ceci
paraît généralement admis aujourd'hui, il faut considérer très sérieusement l'hypothèse
d'une importante contribution de cultures africaines antérieures à ces civilisations".

Enfin, une dernière section est consacrée au peuplement de la vallée du Nil au sud du 10e
parallèle qui marque une brusque "rupture" naturelle à l'intérieur de l'actuel Soudan. Les
conditions géoclimatiques apparaissent défavorables à l'existence de grandes voies de
communication et aux activités sédentaires, un mode de vie pastoral nomade et
semi-nomade en petits groupes s'y étant développé. Les fouilles archéologiques sont
inexistantes. L'auteur rappelle toutefois qu'il existe des travaux de linguistes et
d'anthropologues sur les différents groupes nilotes (Nuer, Dinka, Shilluk, Anuak, etc.) vivant
dans cette région du sud Soudan. Des hypothèses diverses sont émises quant à leur origine
et leurs déplacements.

Un nouveau changement, se traduisant par des conditions naturelles jugées comme


positives, s'amorce lorsque l'on se déplace en direction du sud vers la région des Grands
Lacs. Aucune réponse positive ne peut être apportée à la question de savoir s'il y a eu, par
le Nil, des liens entre la région des Grands Lacs et l'Égypte ancienne. N. BLANC indique là
encore que l'insuffisance de données archéologiques laisse sans réponse satisfaisante les
questions relatives à l'histoire du peuplement dans cette région.

En conclusion, N. BLANC :

. réaffirme l'importance d'une approche géographique pour saisir l'histoire des peuples
nilotiques. Elle fournit un élément d'explication au contraste offert entre par exemple l'Égypte
et la région située entre le 23e parallèle et les Grands Lacs.

. suggère de multiplier les études régionales pluridisciplinaires mais celles-ci devant se faire
dans la perspective de l'ensemble de la vallée du Nil.

. met en garde le chercheur : "Il est dangereux de laisser peser sur la formulation
d'hypothèses de travail le déséquilibre de l'historiographie classique ou les préjugés hérités
du siècle dernier. La présence d'une rupture géographique et de peuplement au niveau du
10e parallèle a notamment véhiculé l'idée de l'existence de deux vallées du Nil, l'une
blanche civilisée, l'autre noire primitive. Un tel stéréotype est particulièrement redoutable,
car, fruit d'une péripétie historique relativement récente (migrations arabes nord-sud) dont
l'origine est externe à la région, il tend à oblitérer la possibilité de migrations antérieures de
populations africaines vers le nord."

- Parenté linguistique génétique entre l'égyptien (égyptien ancien et copte) et les langues
négro-africaines modernes, par Théophile OBENGA. (cf. Le peuplement de l'Égypte
ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique, Histoire générale de l'Afrique, Études
et documents 1, Paris, UNESCO, 1978, pp. 65-71).

Avant d'aborder la démonstration de la parenté linguistique génétique entre l'égyptien


ancien, le copte et les langues négro-africaines modernes, le professeur Théophile
OBENGA pose trois préliminaires :

. Sa communication s'inscrit dans la troisième catégorie des sources inventoriées par le


professeur Jean VERCOUTTER pour l'étude de l'origine culturelle des anciens Égyptiens.

Mettant en cause au plan scientifique les travaux du professeur GREENBERG qui a créé la
famille linguistique afro-asiatique, tout en négligeant "une règle méthodologique capitale",
celle qui veut que soient établies les correspondances phonétiques entre les langues d'une
même famille, il est logiquement conduit à formuler les préliminaires méthodologiques qui
suivent.

. Le but visé est de démontrer l'existence d'une parenté linguistique génétique entre
l'égyptien ancien, le copte et les langues négro-africaines modernes : "Depuis Ferdinand de
SAUSSURE, il est acquis que pour relier deux ou plusieurs peuples culturellement, les
preuves linguistiques sont les plus évidentes, les plus pertinentes, les plus irrécusables".

Il convient toutefois de bien préciser la différence qui existe entre "une parenté linguistique
typologique qui se fonde sur la concordance structurale des mots et des catégories
grammaticales" sans pour autant renseigner sur l'existence "d'un ancêtre pré dialectal
commun" entre les langues comparées, et une parenté linguistique génétique qui restitue
"les formes antérieures communes à partir de correspondances et de comparaisons
morphologiques, lexicologiques et phonétiques".

. Le troisième préliminaire méthodologique est énoncé de la manière suivante :

"Est-on en droit de comparer l'égyptien ancien et les langues négro-africaines modernes ?

Il est parfaitement légitime de le faire, précisément pour démontrer l'identité d'origine des
langues en question. Et ce, même si nous n'avons pas, sous les yeux, tous les états
successifs des langues négro-africaines. La langue a une tradition orale indépendante de
l'écriture. Le lituanien, connu par des documents écrits depuis seulement le XVIe siècle
(1540), n'offre-t-il pas néanmoins, dans l'ensemble, une image aussi fidèle de
l'indo-européen que le latin du IIIe siècle avant notre ère ?

Mais la comparaison doit reposer sur des critères sûrs.

Les concordances morphologiques, phonétiques et lexicologiques établies, selon la


méthode comparative et inductive, entre l'égyptien (ancien égyptien et copte) et les langues
négro-africaines modernes ne peuvent être fortuites, mais doivent renvoyer à une identité
originelle commune, parce que :

a) les critères de la comparaison sont garantis par l'égyptien pharaonique qui est le plus
ancien témoin des langues comparées ;
b) la discontinuité géographique milite en faveur de l'exclusion de l'emprunt dans ces temps
anciens ;

c) la séparation très ancienne de la souche commune élimine également l'emprunt sur


l'ensemble des faits morphologiques (grammaticaux), phonétiques et lexicologiques."

Théophile OBENGA établit ensuite les concordances morphologiques (grammaticales)


existant entre l'égyptien (égyptien ancien et copte) et les langues négro-africaines
modernes. Elles concernent les catégories de genre sexuel, la formation du pluriel, les
formes complètes, les morphèmes négatifs, le futur emphatique et enfin les particules de
liaison. Les langues africaines sollicitées sont le kanuri (Kanem Bornou), l'ewe (Togo,
Ghana), le bambara (Mali), le dyula (dialecte mandé), l'azer (soninké médiéval), le dogon
(Mali), les langues bantu (mbosi, kongo, téké, etc.), le valaf (Sénégal).

Les débats

(cf. Le peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique, Histoire


générale de l'Afrique, Études et documents 1, Paris, UNESCO, 1978, pp. 73-125).

En accord avec les thèmes et les axes de réflexion précédemment dégagés, le processus
de peuplement de l'ancienne Égypte, le degré d'homogénéité ou d'hétérogénéité de sa
population, l'appartenance anthropologique des anciens Égyptiens ont été abordés au
travers d'exposés oraux et de discussions sous divers angles d'attaque : celui de
l'archéologie, de la chronologie, des témoignages des Anciens, des migrations, de
l'anthropologie physique, de l'iconographie.

Le professeur SÄVE-SÖDERBERG fait état des fouilles scandinaves au Soudan établissant


les inter-relations entre la vallée du Nil et l'Afrique septentrionale et saharienne. Il récuse la
possibilité de fonder une étude du peuplement ancien de l'Égypte ou tout autre similaire sur
des définitions raciales … Il indique sa préférence pour des études sur les relations des
civilisations et des cultures".

Le professeur Cheikh Anta DIOP, rappelle d'abord que les découvertes du professeur
LEAKEY conduisaient à admettre que l'humanité a pris naissance en Afrique, dans la zone
des sources du Nil, impliquant un premier peuplement humain de la Terre ethniquement
homogène et négroïde. Il inscrit le peuplement de la vallée du Nil dans un mouvement
progressif allant du sud vers le nord et qui s'est échelonné du Paléolithique supérieur à la
Protohistoire. Pour lui le fond de la population égyptienne prédynastique était nègre.

Il passe en revue l'ensemble des arguments étayant la thèse d'une origine nègre des
anciens Égyptiens :

- l'examen des peaux de momies : "Soucieux d'apporter des preuves positives, le professeur
DIOP avait étudié un ensemble de préparations faites en laboratoire à Dakar. Il s'agissait
d'échantillons de peau prélevés sur les momies provenant des fouilles de MARIETTE. Ils
révélaient tous — et le professeur DIOP a soumis ces échantillons aux spécialistes
participant au colloque — la présence d'un taux de mélanine considérable entre l'épiderme
et le derme. Or la mélanine, absente des peaux des leucodermes, se conserve,
contrairement à ce qui est souvent affirmé, des millions d'années, comme l'ont révélé les
peaux des animaux fossiles. Le professeur DIOP a souhaité pouvoir effectuer le même type
de recherche sur les peaux des pharaons dont les momies sont conservées au Caire."

- les données archéologiques de la protohistoire

- les mensurations ostéologiques et les groupes sanguins,

- l'iconographie,

- les témoignages des auteurs grecs et latins, ceux des voyageurs tels que le philosophe
VOLNEY, ou encore celui constitué par le dessin du SPHINX exécuté par Vivant DENON
lors de l'expédition d'Égypte dirigée par BONAPARTE, (voir reproduction à la fin du texte),

- les traditions biblique et coranique,

- la comparaison des faits linguistiques,

- les termes par lesquels les Égyptiens se sont eux-mêmes décrits dans leur langue

Le professeur DEBONO fait le point sur ses propres recherches archéologiques et


anthropologiques : "Pour le paléolithique supérieur, ses travaux dans la montagne thébaine
ont livré la preuve de l'existence de l'homme le plus primitif".

Il fournit des informations sur les découvertes de restes humains intéressant le paléolithique
supérieur, l'épipaléolithique, le néolithique et le prédynastique.
Ses recherches dans la montagne thébaine ont permis de prouver l'existence de l'homme le
plus primitif. Il rappelle qu'un fragment de calotte crânienne découvert en 1962 au Gebel
Silsileh (nord de Kom-Ombo) datant probablement du paléolithique moyen "constituait la
plus ancienne trace humaine découverte en Égypte."

Il précise que ce même site avait livré d'autres vestiges humains se rapportant
respectivement au paléolithique supérieur et à l'épipaléolithique. Les restes humains relatifs
à l'épipaléolithique attestent, selon le professeur AGUIRÉ qui les a étudiés, "la présence
d'un cromagnoïde apparenté peut-être à la race de Mekta el Arbi en Afrique du Nord et
Asselar."

S'agissant enfin du néolithique et du prédynastique, les fouilles menées à El Omari (dans le


nord de l'Égypte), fournissent "de nombreux restes humains en bon état de conservation."
Référence est faite à l'étude du professeur DERRY sur les différences raciales entre le nord
et le sud aux époques concernées. "Contrairement à ceux du sud, les ossements d'El Omari
s'apparentaient nettement à la prétendue race nouvelle des constructeurs de la pyramide.
Elle montrait des affinités sans doute libyco-asiatiques. La civilisation meadienne, dont on a
retrouvé les cimetières, l'un à Méadi et l'autre à Héliopolis, a prouvé, par les témoignages
dégagés, l'existence d'une race assez semblable à celle d'El Omari."

Dans le domaine de l'iconographie, il pense qu'il doit être possible de tirer des informations
sur les contacts et les déplacements entre peuples à partir de comparaisons faites avec :

. les représentations iconographiques humaines (figurines ou dessins sur les vases)


trouvées dans la région nord de l'Égypte (Fayoum, Mérimdé, El Omari), en Haute-Égypte et
en Nubie.

. les nombreux dessins rupestres découverts en Haute-Égypte, en Nubie et dans d'autres


régions de l'Afrique.

S'agissant de l'aspect linguistique, il affirme l'utilité d'une reconstitution du langage


préhistorique égyptien.

Il aborde enfin la question du peuplement de la vallée du Nil par l'étude des industries
lithiques : leurs caractéristiques typologiques, leur répartition géographique.
Le professeur LECLANT a insisté sur le caractère africain de la civilisation égyptienne. Mais
selon lui, il convenait de bien distinguer "race" et culture, comme l'avait fait le professeur
VERCOUTTER".

Il considère que "l'anthropologie physique, en Égypte, n'en est qu'à ses débuts" et "que le
problème du peuplement de l'Égypte ancienne était considérable et ne pouvait être résolu,
pour le moment, par une approche synthétique encore très prématurée".

Pour le professeur GHALLAB, ce n'est qu'au "paléolithique tardif que la race noire s'est
manifestée de l'Atlantique à la mer Rouge". "Une culture nègre n'est apparue vraiment qu'au
néolithique".

Le professeur ABDALLAH considère pour sa part qu'il est "peu important de savoir si les
Égyptiens étaient des noirs ou des négroïdes : le plus remarquable était le degré de
civilisation auquel ils étaient parvenus. Il existait a-t-il dit des indices importants fournis par
l'anthropologie physique concernant la présence de Noirs dans le peuplement ancien, mais il
était abusif de généraliser et de dire que ce peuplement étaient entièrement noir ou
négroïde".

Il aborde ensuite le volet linguistique en indiquant qu'il n'a pas été convaincu par les
démonstrations effectuées par le professeur DIOP : "les similarités signalées étaient
accidentelles […] Les preuves fournies de parenté plaideraient bien plus en faveur de la
dispersion de l'égyptien ancien en Afrique que de sa parenté avec les langues africaines
actuelles". Pour lui "la langue égyptienne n'est pas une langue africaine directe ; elle
appartenait à un groupe proto-sémitique, et de nombreux exemples pouvaient être cités à
l'appui de cette définition".

Le professeur SAUNERON intervient au cours d'un vif échange entre les professeurs
ABDALLA et DIOP portant sur la traduction du terme égyptien km : il en confirme la
signification, noir, récusée initialement par le professeur ABDALLA.

Le professeur OBENGA poursuit la démonstration linguistique commencée par le professeur


DIOP et montre à partir de toute une série de démonstrations comment il serait possible
dans le futur de "dégager un "négro-égyptien" comparable à l'"indo-européen"".
Mme GORDON-JAQUET souligne l'intérêt d'une approche toponymique pour "étayer
l'assertion suivant laquelle il ne s'est produit en Égypte aucune immigration ou invasion
massive de populations étrangères depuis l'époque néolithique au moins".

Le professeur Jean DEVISSE communique aux participants les résultats d'une enquête
iconographique relative à trois manuscrits (nouvelles acquisitions de la Bibliothèque
nationale française) témoignant de la représentation des Égyptiens libres sous les traits et la
couleur des Noirs.

En résumé, les débats ont révélé la persistance de désaccords importants sur l'origine
anthropologique des anciens Égyptiens :

"La conclusion des experts qui n'admettaient pas la théorie d'un peuplement uniforme de la
vallée du Nil des origines jusqu'à l'invasion perse, énoncée par les professeurs Cheikh Anta
DIOP et OBENGA, a été que le peuplement de base de l'Égypte s'était mis en place au
Néolithique, en grande partie en provenance du Sahara et qu'il avait uni des hommes venus
du nord et du sud du Sahara et différenciés par leur couleur. À cette théorie, les professeurs
DIOP et OBENGA ont opposé la leur, qui soulignait l'unité du peuplement de la vallée par
des Noirs et les progrès de ce peuplement du sud au nord."

Par contre dans le domaine linguistique, le rapporteur écrit qu'un large accord s'est établi
entre les participants". "Les éléments apportés par les professeurs DIOP et OBENGA ont
été considérés comme très constructifs. (…) Plus largement, le professeur SAUNERON a
souligné l'intérêt de la méthode proposée par le professeur OBENGA après le professeur
DIOP. L'Égypte étant placée au point de convergence d'influences extérieures, il est normal
que des emprunts aient été faits à des langues étrangères ; mais il s'agit de quelques
centaines de racines sémitiques par rapport à plusieurs milliers de mots. L'égyptien ne peut
être isolé de son contexte africain et le sémitique ne rend pas compte de sa naissance ; il
est donc légitime de lui trouver des parents ou des cousins en Afrique."

S'agissant de la culture égyptienne : "Le professeur VERCOUTTER a déclaré que, pour lui,
l'Égypte était africaine dans son écriture, dans sa culture et dans sa manière de penser. Le
professeur LECLANT a reconnu ce même caractère africain dans le tempérament et la
manière de penser des Égyptiens."
Le rapporteur, dans sa conclusion générale indique que "La très minutieuse préparation des
communications des professeurs Cheikh Anta DIOP et OBENGA n'a pas eu, malgré les
précisions contenues dans le document de travail préparatoire envoyé par l'UNESCO, une
contrepartie toujours égale. Il s'en est suivi un véritable déséquilibre dans les discussions."

Il insiste enfin sur le bilan "incontestablement positif" du colloque.

Les recommandations

(cf. Le peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique, Histoire


générale de l'Afrique, Études et documents 1, Paris, UNESCO, 1978, pp. 101-103).

Les experts ont clos leurs travaux par une série de recommandations concernant quatre
domaines dans lesquels les recherches devraient être prioritairement poursuivies :

- l'anthropologie physique : fixer des normes très précises et aussi rigoureuses que possible
relativement à la définition de races et à l'identification raciale des squelettes exhumés,
examen du matériel humain disponible dans le monde entier (études ostéologiques, études
des peaux de momies), création d'un département spécialisé d'anthropologie physique en
Égypte,

- les migrations des populations : série d'enquêtes archéologiques systématiques portant sur
l'ancienneté de l'occupation humaine du delta, les gravures et peintures rupestres, les
cultures matérielles anciennes, les sépultures non pharaoniques de l'ensemble de la vallée
du Nil, les vestiges paléo-africains dans l'iconographie égyptienne et leur signification
historique,

- la linguistique :"la coopération des spécialistes de linguistique comparée devrait être mise
à contribution sur le plan international pour établir toutes les corrélations possibles entre les
langues africaines et l'égyptien ancien",

- la méthodologie inter et pluridisciplinaire : études interdisciplinaires intéressant en


particulier les régions périphériques à la vallée du Nil comme le Darfour, la région entre Nil
et mer Rouge, la bordure orientale du Sahara, la région nilotique au sud du 10e parallèle,
etc.

V. Le déchiffrement de l'écriture méroïtique


(Du 1er au 3 février 1974)

Ce thème est introduit par le professeur Jean LECLANT dans sa communication intitulée :
"Le déchiffrement de l'écriture méroïtique : état actuel de la question". Il signale qu' "A la
suite des recherches […] c'est un total de 900 textes environ dont le rassemblement et la
publication sous la forme d'un répertoire d'épigraphie méroïtique (REM) est actuellement en
cours au Groupe d'études méroïtiques (GEM) de Paris". (cf. Le peuplement de l'Égypte
ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique, Histoire générale de l'Afrique, Études
et documents 1, Paris, UNESCO, 1978, pp. 110-111).

Il souligne aussi l'intérêt présenté par l'utilisation de l'informatique tant du point de vue de
l'enregistrement des textes que de celui de certaines analyses pouvant dès lors être rendues
automatiques.

Le professeur SHINNIE rappelle les trois méthodes d'approche possibles : la découverte


d'un texte bilingue, l'analyse interne de la structure de la langue, l'étude comparée avec
d'autres langues africaines.

Le professeur LECLANT se rallie à la procédure proposée par le professeur DIOP et qui


s'inspire de la méthode, recourant à l'ordinateur, mise en œuvre à Léningrad par le
professeur KNOROSSOV pour le déchiffrement des hiéroglyphes maya : combiner le
plurilinguisme à la puissance de l'ordinateur, en postulant une parenté du méroïtique avec
les langues négro-africaines.

Le professeur SÄVE-SÖDERBERG insiste sur l'importance de l'étude des langues du


Soudan.

Le professeur OBENGA propose que soient recensées les caractéristiques grammaticales


du méroïtique actuellement connues.

Les participants expriment leur satisfaction pour les travaux réalisés par le Groupe d'études
méroïtiques de Paris.
Des recommandations précises ont été faites pour poursuivre les travaux de recherches qui,
s'ils ont permis de déchiffrer l'écriture méroïtique, n'ont pas encore permis de comprendre la
langue méroïtique.

VI. Les acquis

Le colloque du Caire marque une étape capitale dans l'historiographie africaine. Pour la
première fois des experts africains confrontent, dans le domaine de l'égyptologie, les
résultats de leurs recherches avec ceux de leurs homologues des autres pays, sous l'égide
de l'UNESCO.

La légitimité scientifique de rechercher systématiquement les liens, quels qu'ils soient,


pouvant exister entre l'Égypte ancienne et le reste de l'Afrique noire a été reconnue au plan
international.

Le fait que l'Égypte ancienne soit traitée dans le cadre de l'Histoire générale de l'Afrique, la
rédaction par Cheikh Anta DIOP dans le Volume II du chapitre I intitulé "L'origine des
anciens Égyptiens" (cf. l'Histoire générale de l'Afrique op. cit. pp. 39-72), constituent deux
exemples des retombées directes du colloque du Caire.

Par ailleurs, dans l'éditorial inaugural de la revue Ankh (cf. n°1, février 1992, pp. 5-22) nous
avions recensé tout un ensemble de travaux (d'archéologie, de linguistique, de philosophie,
d'anthropologie physique, …) se rapportant à l'Égypte ancienne et à ses liens avec l'Afrique
subsaharienne. En s'y reportant, le lecteur constatera que plusieurs des travaux cités
répondent à l'une ou l'autre des recommandations faites au colloque du Caire et qu'ils
apportent des éléments de réponse décisifs sur certaines questions, comme celle, par
exemple, de l'antériorité de la Haute-Égypte sur le delta du Nil dans la genèse de la
civilisation égyptienne ; signalons à ce sujet l'information donnée par le Bulletin d'Information
Archéologique (BIA) dans son n° 5 couvrant la période janvier - juin 1992 :

" Abou Simbel - Une mission archéologique mixte égypto-américaine a mis au jour une ville
archéologique préhistorique dans la région d'El-Nabta à l'ouest d'Abou Simbel. L'histoire de
cette ville remonte à neuf mille ans et démontre que le désert occidental au sud de l'Égypte
fut le berceau de la civilisation égyptienne. Dirigée par le Dr. Fred WENDORF, professeur
d'anthropologie à l'Université de Dallas, cette équipe scientifique poursuit ses travaux de
fouilles depuis sept ans avec la collaboration de quelques archéologues et géologues. Le
géologue égyptien, le Dr. Mohamed ELBAHY, a déclaré que les résultats enregistrés par la
mission font probablement d'El-Nabta la plus vieille ville habitée par les anciens Égyptiens.
Furent également découverts des bâtiments gigantesques en pierre qui seraient sans doute
les restes d'un temple. [EL-SAYED EL-NAGGAR, "Découverte d'une ville antique remontant
à neuf mille ans à Abou Simbel", Al-Akhbar du 20 avril 1992]."

Ce thème de recherche Égypte-Afrique noire se développe tout en faisant l'objet d'ouvrages


scientifiques nouveaux, parmi lesquels on peut citer à titre simplement indicatif (d'autres
références sont proposées au lecteur dans la section bibliographie de ce numéro) :

- Egypt and Africa, Nubia from Prehistory to Islam, Ouvrage collectif [Edited by W. V.
DAVIES, British Museum Press in association with the Egypt Exploration Society, 1991,
second impression 1993, London]. Dans cet ouvrage, très riche de résultats de recherches
archéologiques, le professeur Jean VERCOUTTER est l'auteur d'un article intitulé
L'archéologie nubienne et soudanaise, Passé, Présent et Futur. Il y écrit :

"Les récents travaux au Ouadi Kubanieh et dans les "Playas" du désert occidental comme
ceux entre Ve et VIe Cataractes : de Kadero, SaggaI, Kadada, el-Ghaba, devraient être
étendus aux déserts ouest et est, si l'on veut discerner l'une des composantes essentielles
de la civilisation pharaonique naissante, celle qui est venue du Sud" (op. cit., p. 4),

- De l'origine égyptienne des Peuls, de Aboubacry Moussa LAM [Paris, Khepera/Présence


Africaine, 1993],

- L'origine commune de l'égyptien ancien, du copte et des langues négro-africaines


modernes - Introduction à la linguistique historique africaine, de Théophile OBENGA [Paris,
L'Harmattan, 1993],

- L'apport de l'Éthiopie et de la Libye à l'élaboration de la civilisation pharaonique, de


Babacar SALL, thèse de doctorat d'État, Univ. Dakar, oct. 1992],

- Le Sahara ou la Vallée du Nil ? Aperçu sur la problématique du berceau de l'unité culturelle


de l'Afrique noire, Les chemins du Nil de Aboubacry Moussa LAM [Dakar,
IFAN-Publifan/Khepera, 1994].
VII. Conclusion

A l'issue du colloque du Caire, Cheikh Anta DIOP appelle de ses vœux une réorientation
des études égyptologiques qui doit s'accompagner d'un dialogue avec les chercheurs
africains.

"Ce colloque peut-être considéré comme un tournant qui a permis à l'égyptologie de se


réconcilier avec l'Afrique et de retrouver sa fécondité. […] Le dialogue scientifique sur le plan
international est instauré et l'on peut espérer qu'il ne sera pas rompu. A la suite des débats
des participants n'ont pas manqué d'exprimer leur volonté de réorienter leurs travaux vers
l'Afrique et d'intensifier leur collaboration avec les chercheurs Africains ". [Le Soleil n° 1128,
janvier 1974].

Depuis 1974, les découvertes archéologiques, les études linguistiques, les études
génétiques, l'examen de la culture matérielle, l'analyse de la pensée philosophique, etc. ne
font que confirmer chaque jour davantage la fécondité de cette voie de recherche conforme
aux recommandations des spécialistes internationaux réunis au Caire.

Cheikh Anta DIOP démontrant la concordance absolue de la conjugaison du verbe kef,


"saisir" en égyptien ancien, en copte et en wolof (langue du Sénégal) au colloque du Caire
(1974). "Le professeur SAUNERON, après avoir noté l'intérêt de la méthode utilisée puisque
la parenté en égyptien ancien et en wolof des pronoms suffixes à la troisième personne du
singulier ne peut être un accident, a souhaité qu'un effort soit fait pour reconstituer une
langue paléo-africaine à partir des langues actuelles", (Actes du colloque du Caire sur Le
peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique, Histoire
générale de l'Afrique, Études et documents 1, Paris, UNESCO, 1978, pp. 100 ; cf. aussi
Ankh n° 2, avril 1993, pp. 125-163). (Source : Le Soleil).

Une vue du colloque international du Caire sur Le peuplement de l'Égypte ancienne et le


déchiffrement de l'écriture méroïtique (1974). De droite à gauche les professeurs : W.
KAISER (Allemagne), J. LECLANT (France), R. EL NADURI (Égypte), T. OBENGA (Congo),
S. SAUNERON (France), T. SÄVE SÖDERBERGH (Suède), P. L. SHINNIE (Canada), J.
VERCOUTTER (France). Les autres participants, parmi lesquels Cheikh Anta DIOP étaient
placés en face de ceux figurant sur cette photo.

Vous aimerez peut-être aussi