Jda 2499
Jda 2499
Jean Copans
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/jda/2499
DOI : 10.4000/jda.2499
ISSN : 2114-2203
Éditeur
Association française des anthropologues
Édition imprimée
Date de publication : 1 décembre 2007
Pagination : 337-370
ISSN : 1156-0428
Référence électronique
Jean Copans, « Les frontières africaines de l’anthropologie », Journal des anthropologues [En ligne],
110-111 | 2007, mis en ligne le 01 décembre 2008, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://
journals.openedition.org/jda/2499 ; DOI : https://doi.org/10.4000/jda.2499
Jean Copans
1 À fréquenter les études africaines depuis plus de quarante ans, une évidence malheureuse
s’est imposée à moi depuis déjà longtemps qui n’a pu faire l’objet d’aucune
reconsidération positive de ma part. Que l’on adopte une définition disciplinaire étroite
ou large, traditionnelle ou postmoderne, occidentale, africaine ou afro-centrée,
francophone, anglophone ou encore lusophone, il faut reconnaître que l’on n’arrive pas à
repérer, sur près d’un siècle, de tradition scientifique et professionnelle en matière
d’anthropologie sociale ou culturelle dans un quelconque pays d’Afrique noire à
l’exception de l’Afrique du Sud où il en a existé deux, anglophone et afrikaneer, mais dont
la troisième, (sud)africaine proprement dite, tarde à venir. Le contraste est parfois
saisissant avec les autres sciences sociales (sociologie, démographie, science politique)
sans parler des disciplines voisines de la géographie, du droit, de la critique littéraire, des
sciences économiques et bien entendu de l’histoire1.
2 Non pas qu’il n’y ait pas de chercheurs isolés se réclamant explicitement ou
implicitement, partiellement ou totalement de l’anthropologie sociale et culturelle ou
d’une certaine forme d’ethnologie voire d’ethnographie. Mais d’institution, vivante,
confortée par des publications et des périodiques, ayant en quelque sorte pignon sur rue,
je n’en vois point. Certes il est impossible de se tenir informé de tout ce qui se fait en
sciences sociales en Afrique noire composée, faut-il le rappeler, d’une cinquantaine de
pays. Mais cette inexistence est corroborée par ailleurs par de nombreux textes, débats et
colloques où se perpétue et se cultive le point de vue anticolonialiste traditionnel2, encore
vivace malgré le changement de la conjoncture historique d’une part et la démonstration
indiscutable des apports concrets de l’anthropologie à la compréhension des sociétés, y
compris « ethniques », africaines contemporaines, d’aujourd’hui3.
des préalables professionnels et méthodologiques d’une forme ou d’une autre qui faisait
défaut. Il y eut bien le projet d’une anthropologie réciproque (avec des Maliens et des
Sénégalais) dans les années 1980 mais ce fut une tentative mort-née (Le Pichon, 1991).
13 En fait le moment de l’apprentissage concret de la distanciation n’eut pas lieu d’autant
que plusieurs phénomènes ont contrarié l’idée même d’une telle épreuve. Sans tomber
dans l’occidentalocentrisme on peut noter la nécessité pour les sciences sociales de passer
par une phase de modernité philosophique et peut-être de sécularisation idéologique
qu’elle soit antérieure à leur invention pratique et institutionnelle ou éventuellement
postérieure comme nous l’avons déjà évoqué dans un article (2000b). Ce moment n’est
que balbutiant selon les pays. L’objectivation (intellectuelle) de la société est encore
hypothétique d’autant que règne toujours le mot d’ordre du développement et du
rattrapage de l’Occident. La remise en cause de la familiarité culturelle avec soi, moteur
de la culturologie pseudo-ethnologique, n’a pas eu lieu13.
14 Mais il existe une cause peut-être plus concrète et qui peut paraître anecdotique. En effet
c’est la reproduction mimétique de ce qu’on pourrait appeler la perdiemisation
bureaucratique de l’idée même de mission sur le terrain. Ce dernier fut d’abord rural, y
compris pendant les premières décennies des indépendances, et impliquait moyens de
déplacements et défraiements. Les expertises de développement ne firent qu’aggraver ce
symptôme au point que s’enclencha un effet pervers qui fit de la mission d’abord une
source de revenus puis éventuellement un processus de connaissance. Les organismes de
recherches néocoloniaux incitaient donc à penser la recherche et le terrain rural non pas
comme un espace social national et intime (situation d’autant plus paradoxale que la
plupart des intellectuels africains des premières générations avaient des origines
familiales peut-être plus « rurales » que leur homologues européens) mais un espace
réputé difficile d’accès et répulsif. Assimilée aux tournées administratives et d’inspection,
la mission de terrain perdit alors toutes ses qualités intrinsèques de rupture
épistémologique voir émotionnelle14.
15 Il n’est pas surprenant dans ce cas que l’argument publicitaire de l’avantage comparatif
de l’anthropologie sur la sociologie (la construction volontaire, méthodique, intime et
critique d’un rapport avec la population d’accueil) n’eut aucun effet pratique puisque
d’une part il renvoyait au sens commun de la fréquentation sociale ordinaire et de l’autre
à un comportement bureaucratique (la mission – scientifique – relève avant tout d’un
ordre de mission) puis financier (la mission comme complément salarial de plus en plus
conséquent). Malheureusement, au-delà de l’anthropologie, ce sont toutes les sciences
sociales qui subirent les conséquences négatives de cet effet pervers typique.
18 Toutes les demandes sociales, toutes les formes idéologiques, et même jusqu’aux derniers
des aspects de la vie sociale courante sont considérés comme des questions de
développement. Il n’y a pas une configuration sociologique qui ne soit contaminée, pour
une raison ou pour une autre, par le principe que la société « africaine » est une société
de/en développement et que c’est cette dernière caractéristique qui détermine
fondamentalement la nature de la sociologie qui l’étudie et la décrit. Cette conception des
choses surdétermine a priori et sans aucune autoréflexion les influences et
l’interprétation des courants sociologiques venant de l’Occident. Certes les théories de la
modernisation, notamment américaines, de l’après-guerre, se consacraient au
développement et par conséquent au sous-développement. Mais elles désignaient par cela
autant les projets de reconstruction (ou de développement) des sociétés occidentales
(Europe/États-Unis) que la confrontation montante des modèles sociétaux centraux
(capitalisme et socialisme) ou encore (mais en dernier lieu seulement) le développement
proprement dit du tiers-monde.
19 Certaines théories se prêtent mieux que d’autres à ce dernier exercice, ou pour le dire
autrement, certains sociologues se sentent plus concernés que d’autres par cette dernière
sollicitation. Visiblement les fondateurs universitaires de la sociologie française,
G. Gurvitch et R. Aron, n’y réfléchissaient guère. Toutefois, comme G. Balandier et P.
Mercier se présentaient comme les élèves du premier, G. Gurvitch pouvait apparaître
comme le parrain (involontaire) des études développementalistes16. Quant à R. Aron ses
réflexions géostratégiques évoquaient parfois le sous-développement sans susciter de
programme plus empirique. À passer en revue quelques autres grandes figures tutélaires
on singularisera A. Touraine, à cause de ses attaches et relations latino-américaines, R.
Boudon très partiellement17 ou encore P. Bourdieu pour ses premiers travaux
remarquables et prometteurs sur l’Algérie18. M. Crozier19, l’initiateur de la sociologie de
l’organisation, tout comme les animateurs des thématiques centrales de la sociologie
française des années 1960-1980, à savoir les sociologies de l’éducation et du travail, s’en
tiendront à l’écart. Que des thématiques centrales de la sociologie du développement ne
fussent l’objet que d’une considération marginale de la part des promoteurs et initiateurs
de ces sous-secteurs disciplinaires, en dit long sur les conditions d’universalisation des
paradigmes de la sociologie française20. Il y a fort à parier qu’il en fut de même au sein des
traditions anglo-saxonnes, moins contraintes pourtant, me semble-t-il, par une intimité
des relations politiques néocoloniales comme celles qui ont présidé au fonctionnement du
« pré carré » à la française.
20 Pendant des décennies (jusque dans les années 1990) sociologie et anthropologie vivent
en France des vies largement séparées ; par ailleurs la sociologie du développement est de
moins en moins présente dans les panoramas disciplinaires. L’a-ethnologisme de cette
tradition française est encore des plus vivaces aujourd’hui, je puis en témoigner par mon
expérience actuelle à l’université Paris 5. Cet a-ethnologisme ne peut donc que conforter
en fin de compte l’antiethnologisme « africain » dont nous avons parlé plus haut.
21 Pourtant l’anthropologie sociale se pratique de manière invisible sur le terrain car, tant
par ses méthodes d’enquête que par son patrimoine de connaissances sur les sociétés
non-occidentales, elle s’avère incontournable et comme consubstantielle à l’exercice de
l’étude du développement. Certains pourraient faire remarquer alors que ce qui sortait de
manière polémique par la porte rentrait en catimini par la fenêtre. Peut-être, mais cette
anthropologie sans nom est une anthropologie sans référentiel, sans histoire ; c’est une
anthropologie-technique, c’est une anthropologie-traductrice, indigène avant la lettre,
qui sait parler de et aux autres, aux « locaux », exclus des réflexions centrales et
dominantes des sciences sociales occidentales mais sans plus. Il existe pourtant des
versions nobles de ce détournement paradoxal : je pense ici aux traditions, justement
françaises et francophones, de l’anthropologie du développement, qui s’inspirent pour
partie de G. Balandier et de M. Gluckman ou encore du sociologue M. Cernea de la Banque
mondiale. Bref la sociologie ne semble pleinement sociologique (c’est-à-dire généraliste et
comparatiste) que lorsqu’elle se présente comme une anthropologie. Mais
malheureusement en s’identifiant au développement, qu’il soit local ou institutionnel,
cette anthropologie s’enferme sans le vouloir dans le développementalisme : pour elle
tous les terrains sont lus au travers de ce contexte21. Par ailleurs, un second effet, tout
aussi involontaire, fait en sorte que, l’approche plus macro, et pour parler d’une manière
plus imagée, plus sociologique ou sociétale, se trouve exclue de ces recherches. Bref
malgré ses très grandes qualités cette orientation véhicule également une image en creux
des sciences sociales occidentales et africaines qui ne valorise pas vraiment
l’anthropologie comme une approche originale et indispensable de la globalité sociale et
culturelle. Ce n’est pas parce que notre sociologie du développement est plutôt une
anthropologie du développement que s’impose aux yeux de ses pratiquants et de ses
lecteurs africains un besoin d’anthropologie qui subvertisse les problématiques,
réductrices, du développement22. Les traditions anglo-saxonnes, que je connais peu, sont
probablement plus sociologiques d’une part et plus respectueuses du projet
anthropologique général de l’autre. Mais les chercheurs africains anglophones, plus
sensibles semble-t-il, aux radicalismes nationalistes et néomarxistes, ne semblent même
pas vouloir s’aventurer à pratiquer une anthropologie qui n’ose dire son nom.
(et même pendant le quart de siècle suivant) pour se libérer des biais de la formation
historienne traditionnelle (agrégation, désintérêt notoire pour l’histoire non-européenne,
y compris pour la période partagée de la colonisation, concrétisée par l’absence de postes)
24.
24 Bref l’anthropologie fait œuvre de pionnier mais alors qu’elle aurait pu s’attendre à être
payée de retour, du moins en France où l’anthropologie existe institutionnellement, c’est
le phénomène contraire qui se produit : passés les temps difficiles de la gestation
institutionnelle les historiens s’emparent unilatéralement de leurs territoires du passé et
qui plus est occupent ceux de la contemporanéité immédiate. Non seulement
l’anthropologie serait inutile pour comprendre le passé mais l’histoire anthropologique
serait meilleure que l’anthropologie historique (ce qui évidemment devrait être objet de
confrontations objectives et sereines). Non content de réaffirmer ce corporatisme
dangereux (les autres historiens n’en sont pas plus accueillants pour autant à
l’historiographie africaniste) certains vont jusqu’à reprendre le discours désuet de
l’équivalence ethnologie =colonialisme (et par conséquent histoire =anticolonialisme)
pour déconsidérer définitivement la discipline. C. Coquery-Vidrovitch s’est illustrée par
au moins trois articles (dont deux dans la revue Le débat,en 1996 et 2002, qui n’a rien
d’une revue professionnelle et dont la culture africaniste des lecteurs doit être proche du
zéro absolu) et d’autres interventions publiques25. J.-P. Chrétien procédera de manière
plus subtile en ne débattant que très rarement de manière directe sur ces questions avec
les anthropologues26.
25 Cette guerre larvée ou ouverte de la part de certains historiens à l’égard des
anthropologues renvoie encore une fois à la place très minoritaire de l’anthropologie
dans le panthéon des sciences sociales africaines et elle permet aux premiers de se
positionner de manière dominante et exclusive dans la mesure où ils n’ont pas à affronter
les dilemmes plus brûlants de la lecture du présent à l’exception des cas extrêmes des
génocides du Rwanda et du Burundi et des conflits des régions orientales du Congo 27.
26 Cette confrontation unilatérale est tout à fait ridicule mais elle se surajoute à toutes les
analyses précédentes portant sur les autres sciences sociales car il est certain que la
disqualification brutale et sans nuances de l’anthropologie ne peut que contribuer, au-
delà de la corporation des historiens, au maintien de l’ethnologie et de l’anthropologie
dans une espèce de camp d’extermination (coloniale et colonialiste) peu propice à sa
reconnaissance disciplinaire et institutionnelle.
dont des politistes emmenés par J.-F. Bayart et J.-F. Médard avaient fondé la revue
Politique africaine, qui allait s’efforcer d’imposer la lecture du politique « par le bas »
(Copans, 2003). Cette cooptation disciplinaire (tout à fait pacifique) marqua, selon moi,
comme une démission de fait de l’anthropologie. Certes cette dernière allait se consacrer
un peu, ce qu’elle n’avait presque jamais fait jusque-là, à l’examen des mécanismes de la
représentation politique au cœur des institutions françaises et européennes. C’est
d’ailleurs G. Balandier lui-même qui en avait donné le signal en publiant Le pouvoir sur
scène en 1980. L’animateur principal de cette nouvelle orientation était M. Abélès 28,
africaniste reconverti dans la modernité occidentale. J’expliquai que cette réorientation,
bien que tout à fait compréhensible29, contribua, bien involontairement peut-être, à un
éloignement de l’anthropologie des terrains exotiques habituels, notamment africains. En
fait les plus beaux travaux d’anthropologie politique africaniste relevaient toujours de
l’anthropologie historique, les acculturations, les innovations « coloniales » puis
« postcoloniales », le développement politique de la démocratie étant plus ou moins
abandonnées aux sciences politiques devenues pluridisciplinaires et ne se rapprochant de
l’anthropologie que sur le seul plan méthodologique.
29 Évidemment la définition des perceptions scientifiques du champ du politique devrait
comprendre la sociologie mais en France celle-ci s’est retrouvée fort peu autonome sur ce
point, la dynamique des facultés de droit et de sciences politiques, des instituts d’études
politiques prenant le dessus dans l’organisation des études empiriques de terrain. De son
côté la sociologie de l’organisation n’aborda que très brièvement la construction
institutionnelle des États issus des indépendances. L’effet drastique de ce désintérêt fut
que l’objet central de la modernité africaine, l’État, ses appareils et ses fonctionnaires, ne
fut jamais abordé empiriquement. Une littérature considérable, rhétorique et
typologique, expliquait bien les mécanismes de perpétuation de l’État et des catégories
dirigeantes (néopatrimonialisme, clientélisme, corruption, etc.) mais aucune enquête de
terrain ne venait conforter la fondation d’une approche constructiviste de l’intérieur.
C’est dans ce cadre qu’apparut « le politique par le bas » qui transforma fortement
l’optique et le champ de l’étude du politique.
30 Les mouvements « démocratiques » ou au contraire militaires des années 1990
(conférences nationales, guerres « civiles » de toutes natures, alternances politiques et
expériences de démocratisation électorale) mobilisèrent tous les chercheurs de cette
nébuleuse où malheureusement les anthropologues restaient au second rang30. Du coup
l’étude du politique local ne renvoie plus à l’anthropologie comme au temps glorieux des
années 1960-1980. Quant aux ensembles nationaux, déjà peu évoqués par les sciences
sociales, à l’exception récente du cas ivoirien, ce n’est que sous l’angle de l’ethnicité, une
ethnicisation le plus souvent historique ou symbolique, qu’ils ont été abordés.
31 Pourtant il existe une anthropologie politique implicite, ou même explicite, qui se
consacre à l’étude des modes d’organisation et de fonctionnement du développement. Les
travaux des chercheurs regroupés autour de J.-P. Olivier de Sardan et de G. Blundo ont
ainsi mené tout un ensemble inédit et convainquant de recherches sur la corruption, sur
l’organisation locale de certains services publics, sur les associations paysannes, sur les
courtiers, travaux qui mettent en lumière les rapports de pouvoir et la place des
administrations et des fonctionnaires. Enfin les nouvelles élites locales, induites par les
interventions des ONG et de la décentralisation, suscitent des recherches prometteuses et
l’anthropologie se trouve ici en pointe (avec le renfort de quelques sociologues faut-il
ajouter !)31.
32 Nous avons déjà noté la situation de ghetto des études du développement dans le cadre
des sciences sociales en France et cette relégation sous-disciplinaire ne contribue guère à
mettre en lumière le socle anthropologique d’une partie très minoritaire de ces travaux.
Ils s’imposent d’autant moins aux yeux de la plupart des lecteurs africains, que ceux-ci
ont peu de points de repères en anthropologie, et qu’ils ne la considèrent au mieux que
comme une sociologie de terrain plus fine et plus subtile alors que les critères de
l’immersion réflexive au sein des populations étudiées, de la maîtrise de la langue ou
encore de la longue durée du séjour d’enquête sans parler de ceux des modalités
théoriques de construction de l’objet nous rappellent que nous avons affaire à un
programme scientifique global et spécifique, à un projet disciplinaire original.
33 Encore une fois il ne s’agit pas d’avoir une définition étroite des disciplines des sciences
sociales et de s’interroger inutilement sur des (fausses) barrières ou frontières
disciplinaires. Mais l’image de marque des disciplines joue toujours un certain rôle, et
pour ce qui concerne l’objet de cet article, la perception de l’anthropologie reste
finalement plus négative que celle de la sociologie ; dans le meilleur des cas elle n’est
qu’une méthode adaptée aux terrains et non un projet analytique et totalisant spécifique.
36 Il paraît évident que les traditions historiques et intellectuelles des sciences sociales ne
doivent pas se répéter mais l’anthropologie doit tant aux sociétés africaines pour sa
maturation et sa formulation qu’il semble possible, et tout à fait nécessaire, de réfléchir à
son africanisation. Celle-ci doit passer au moins par une triple autonomisation :
1. Tout d’abord il s’agit d’une autonomie disciplinaire. L’anthropologie sociale et culturelle est
une discipline importante à l’échelle internationale, de nombreux pays du tiers-monde ont
des écoles, plus ou moins nationales, d’anthropologie et par conséquent tout dénigrement
disciplinaire mérite d’être interrogé quant à ses raisons profondes qui se résument
probablement aux craintes d’une nouvelle concurrence professionnelle au sein d’un marché
des sciences sociales de plus en plus malmené. Il est évident que les réticences sérieuses que
l’anthropologie doit affronter sont fondées à la fois sur l’ignorance des apports concrets,
internationaux et actuels de la discipline (une actualité renouvelée de manière permanente
depuis près d’un demi-siècle !) et sur un cloisonnement institutionnel rétrograde que l’on
retrouve dans tous les pays du monde. Il existe une ethnologie du monde contemporain dans
la tradition occidentale, sous des variantes nationales ; il n’y a pas de raison pour que cette
posture (nous ne parlons pas ici du contenu) ne puisse pas s’appliquer aux sociétés et
cultures africaines (Copans, 2006).
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NOTES
1. Ce texte ne prétend pas à l’exhaustivité informative et résulte de mes fréquentations directes
d’un certain nombre de centres de recherche en sciences sociales dans une quinzaine de pays
africains sur un quart de siècle et de nombreux chercheurs africains de passage en France. Ma
direction d’un des instituts du ministère des Affaires étrangères (jadis CREDU, aujourd’hui IFRA,
de Nairobi au Kenya) au cours des années 1980 m’a confronté de très près à ce désintérêt dans
l’Afrique orientale et australe de l’époque. Que je sache les choses ne se sont pas améliorées
depuis dans cette région malgré plusieurs tentatives de relance régionale ou panafricaine. Pour
une réflexion plus générale sur l’évolution de l’anthropologie africaniste occidentale et africaine
d’il y a une quinzaine d’années voir J. Copans notamment page 70 de La longue marche de la
modernité africaine (1998a). Notons toutefois la fondation en septembre 1989, lors d’une
conférence tenue à Yaoundé, d’une Association panafricaine de l’anthropologie. Je ne sais
absolument pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui.
J’ai également abordé la question d’une anthropologie africaine et de l’attitude des historiens
(européens) à l’égard de l’anthropologie (avec notamment une polémique avec C. Coquery-
Vidrovich, voir plus loin le point III) dans un article (1998b). J’y évoquai également la polémique
très violente de A. Mafege, anthropologue d’origine sud-africaine, à l’encontre de Sally Falk
Moore, anthropologue américaine, auteure d’une étude synthétique et historique où elle met en
lumière les apports positifs de l’anthropologie africaniste (notamment occidentale).
2. Qui voulait qu’ethnologie et anthropologie fussent par définition des sciences coloniales ou
impériales. Perspective que nous avons partagée d’une certaine façon pendant un temps au cours
des années 1960-1970 : voir entre autres Copans (1974, 1975, 2006a). Pour un dépassement
constructif de ce point de vue voir P. Pels et O. Salemink (1994).
3. La situation me paraît tout à fait différente en Amérique latine et centrale (je pense au Brésil
et au Mexique pour ce qui me concerne) et en Asie du Sud (Inde, Bangladesh) notamment. Voir
les contributions au thème central de ce numéro.
4. La contextualisation développementaliste incontournable des sciences sociales dans les pays
africains surdétermine ces dernières de manière largement négative. Un autre paradoxe veut
qu’aujourd’hui en France la sociologie du développement prenne essentiellement la forme d’une
anthropologie sociale (J.-P. Olivier de Sardan, J.-P. Chauveau, J.-F. Baré) ! Nous évoquerons ce
problème plus loin au point II.
5. On pourrait ajouter, selon les pays ou les ensembles « coloniaux », la critique littéraire et la
linguistique. Il semble que l’économie politique africaine ait été soumise de manière absolue aux
orthodoxies de l’économie classique ou de sa critique marxiste radicale, c’est-à-dire nationaliste,
stalinienne ou maoïste et que par conséquent elle n’ait jamais eu voix au chapitre dans les débats
que nous allons évoquer. Le poids écrasant de la consultance internationale dans la pensée
économique produite en Afrique semble la disqualifier d’emblée. Quant au marxisme de ses
critiques il est plus exégétique et incantatoire qu’analytique et empirique.
6. Ai-je besoin d’insister sur l’origine d’un point de vue qui vise tout simplement à adapter et à
reformuler, un demi-siècle plus tard, le fameux paradigme dynamiste d’une sociologie actuelle de
l’Afrique noire.
7. Voir par ailleurs les textes programmatiques de Cl. Lévi-Strauss dans Anthropologie structurale
publiée en 1958.
8. Sans approfondir une comparaison qui peut sembler problématique, notons que la
revendication culturelle indienne des États-Unis devra attendre les années 1960 pour prendre
véritablement consistance alors que cela fait déjà trois quarts de siècle que les anthropologues
américains fréquentent et étudient ces populations ! Certes la marginalisation totale dans les
réserves explique assez facilement ce « gâchis » ethnologique.
9. Bien que l’ouvrage de Kenyatta ait été traduit en français on n’y trouve pas cette préface,
remplacée par une préface de Balandier. Il faut donc se reporter à l’édition originale en langue
anglaise. Cette coquetterie balandieresque a dû conforter en Afrique francophone, selon moi, une
perception plus idéologique qu’académique de ce texte (après tout Malinowski est encore en 1960
la seule référence centrale du modèle idéal-typique de l’enquête de terrain).
10. N’oublions pas qu’il existe dès 1957 avec le Ghana toute une série d’États se réclamant d’une
forme ou une autre du socialisme (après 1960 on peut évoquer les cas de la Guinée-Conakry, du
Mali, de la Tanzanie).
11. J’ai déjà décrit l’attitude antianthropologique des militants tiers-mondistes, par ailleurs
spécialistes de sciences sociales, voire même anthropologues, qui vantaient la sociologie comme
seul instrument d’intervention en faveur de la modernité sociale (socialiste et autoritaire) et qui
récusaient l’utilité de toute connaissance ethnographique et ethnologique, notamment des
milieux paysans et ruraux. Le summum de cette attitude fut atteint au Mozambique dans les
années 1975-1985 (voir C. Geffray, 1988) et l’un des protagonistes les plus virulents de cette
critique était une anthropologue marxiste américaine ! Cl. Meillassoux et moi-même en avons
fait l’expérience commune lors d’une mission en 1983 à Maputo.
12. Il va de soi que chaque pays possède sa ou ses configurations dynamiques, ses imaginaires
culturels propres, des ressources institutionnelles et intellectuelles plus ou moins importantes et
professionnelles. Je n’aime pas parler de l’Afrique comme d’une entité signifiante, surtout aux
plans scientifiques et culturels, mais la dénégation pratique totale de l’anthropologie et de
l’ethnologie me paraît tellement généralisée et universelle dans tous les États africains actuels
que pour une fois, et malheureusement, on peut évoquer le continent comme une entité, à
l’exception notable mais de plus en plus problématique aujourd’hui, de l’Afrique du Sud. Après
tout, ce dernier État est le seul où un certain type d’ethnologie a pu se transformer en idéologie
politique dominante, réactionnaire et ségrégative, pendant près d’un siècle.
13. Pour mesurer les particularités historiques du continent africain sous le rapport de la
modernité de l’analyse sociale, rappelons pour les autres continents que l’Amérique latine a
connu une très ancienne occupation coloniale et administrative et que l’indépendance politique
de ses États a plus d’un siècle d’antécédence sur celle des États africains. Quant à l’Asie, berceau
de plusieurs hautes civilisations aux traditions philosophiques, théologiques et bureaucratiques
écrites plus que millénaires, certains de ses États ont su intégrer dès le XIXe siècle certaines
formes de l’analyse sociale à leurs modes de fonctionnement. N’oublions pas que Lévi-Strauss
enseignait la sociologie française dès 1936 à São Paulo et qu’il existait en Indochine française dès
la fin des années 1930 un groupe d’ethnologues vietnamiens (Nguyen, 2004) !
14. Combien de collègues africains m’ont avoué leur impossibilité à aller sur le terrain comme
s’ils étaient étrangers à leur propre société et du coup m’interrogeaient sur la nature d’une
réalité sociale dont ils connaissaient pourtant beaucoup mieux que moi les rouages intimes ! La
reconnaissance d’une espèce de dépendance des chercheurs nationaux envers les recherches de
terrains conduites par des Occidentaux reproduisait ainsi au second degré la position
d’enquêteur ou d’informateur privilégié que construisaient ces derniers avec leurs
interlocuteurs, subalternes, locaux.
15. Rappelons qu’outre l’invention de l’étude des sociétés africaines modernes au cours des
années 1950, G. Balandier s’impose également pendant la même décennie comme le sociologue et
l’enseignant de la sociologie du développement en France. Voir notre bibliographie en annexe de
Sociologie des Brazzavilles noires (Balandier, 1985 : 303-305). Sur les problèmes de fond portant sur
la nature de la sociologie du développement on pourra se reporter à notre ouvrage Développement
mondial et mutations des sociétés (2006b).
16. Il faudrait bien entendu examiner de très près leur sociologie pour voir en quoi elle est
précisément redevable de la pensée de Gurvitch.
17. Il est l’auteur d’un article dans un numéro de L’Année Sociologique consacré au
développement dont l’éditeur est Claude Rivière (1992) qui peut être considéré comme un
disciple de Balandier mais l’éditeur de la revue, B. Valade, lui, est plutôt disciple de Boudon. Ce
dernier a collaboré avec F. Bourricaud sur des études de la modernisation de l’Amérique latine.
18. 30 ans plus tard il manifestera un come-back antimondialiste et anti-impérialiste mais sans
aucun rapport méthodologique avec ses premières œuvres.
19. Voir nos réflexions sur les raisons (probables) de cette non-rencontre dans notre article sur
la sociologie des fonctionnaires africains (Copans, 2001 : 11-26).
20. La généralisation doit être distinguée de l’universalisation qui implique que sous sa forme
générale, une discipline ou une orientation théorique soit capable d’être appliquée à toutes les
formes de société.
21. Voir les thèmes des numéros du Bulletin de l’ APAD.
22. J.-P. Olivier de Sardan parle de socio-anthropologie, ce qui pose un autre problème : existe-t-
il une discipline autonome, fruit du meilleur ( ? !) des deux disciplines ? D’autant qu’il existe
d’autres traditions plus conceptuelles de cette conception des sciences sociales, comme chez
P. Bouvier. Mon opinion personnelle est très négative à l’égard de cette pseudo-solution
pragmatique de mélange disciplinaire.
23. Voir nos commentaires sur ce point dans nos publications portant sur les classes ouvrières
d’Afrique noire (Agier et al., 1987).
24. Voir par exemple tous les débats récents sur la fracture coloniale et les apports positifs de la
colonisation.
25. Dois-je souligner que je suis probablement l’anthropologue le plus critiqué dans ces articles
alors que 25% au moins du texte de La longue marche de la modernité africaine développe des
considérations historiographiques favorables à cette discipline (1998a) ! Il est vrai que je cite bien
plus les anglophones que les francophones à cause de la très grande qualité de leurs travaux
d’histoire sociale coloniale, une spécialité quasiment inconnue dans les études françaises et
francophones. Le rôle très positif, bien qu’indirect, du grand historien E.P. Thompson y est
sûrement pour quelque chose.
26. C’est un secret de polichinelle de noter que celui-ci, plus que persona grata au département
d’Histoire de l’université de Bujumbura au Burundi, s’est toujours refusé à aider à la création
d’un département des Sciences Sociales (pourtant réclamé par les collègues burundais dispersés
dans différents départements) prétextant que l’histoire s’acquittait parfaitement des tâches de
ces disciplines. J’ai débattu ailleurs de la rigueur méthodologique des anthropologues en matière
RÉSUMÉS
La longue expérience africaniste de l’auteur le conduit à constater l’absence de toute tradition
institutionnelle et intellectuelle enracinée dans un quelconque pays africain (à l’exception
notable de l’Afrique du Sud) d’une anthropologie sociale et culturelle au sens moderne du terme,
au contraire d’autres aires régionales du Sud. La démonstration porte d’abord sur les réflexes
anticolonialistes de la réinterprétation culturologique de la pratique et des objectifs de
l’ethnologie puis sur les influences convergentes des disciplines voisines quant à la
marginalisation ou à la simple instrumentalisation méthodologique et technique de la discipline.
Sont ainsi passées en revue les démarches aussi bien internationales (mais surtout françaises)
que nationales africaines de cooptation/collaboration de la sociologie (une sociologie qui se
réduit à celle du développement), de l’histoire et enfin de la science politique. L’auteur esquisse
en conclusion les conditions possibles (mais peut-être utopiques) d’une indigénisation et d’une
autonomisation africaine de l’anthropologie en période de mondialisation.
The author’s Africanist experience for many years has led him to note the absence of any
institutional and intellectual African tradition in modern anthropological studies (South Africa
being of course the one and only exception). This situation seems quite different from other
cultural and academic areas of the South. The demonstration starts with the anti-colonial
attitude transforming ethnology into some kind of cultural study: influences from neighbouring
disciplines (sociology, history, political science) contribute in marginalizing anthropology viewed
as a simple fieldwork technique. This survey takes into account international (but especially
French) as well as national African modalities of cooptation and collaboration between
anthropology and the other social sciences. The conclusion spells out the necessary and probable
conditions conducive to an indigenisation and an autonomous Africanisation of anthropology in
this era of globalisation.
INDEX
Keywords : anti-colonialism, cultural studies, development, ethnology, globalisation, history,
institutional and theoretical autonomy, political science, sociology
Mots-clés : anticolonialisme, autonomie institutionnelle et théorique, culturologie,
développement, ethnologie, histoire, mondialisation, science politique, sociologie
AUTEUR
JEAN COPANS
Université René-Descartes Paris-V