A Propos Du Licenciement Des Délégués Du Personnel, Quelques Clarifications Utiles Et Justes (Mais Parfois Sanss Nuance) de La Cour Suprême
A Propos Du Licenciement Des Délégués Du Personnel, Quelques Clarifications Utiles Et Justes (Mais Parfois Sanss Nuance) de La Cour Suprême
REVUE SÉNÉGALAISE
Directeur de publication
Pr. Isaac Yankhoba NDIAYE
DE DROIT
SOMMAIRE.......................................................................................... ..................................................................................................................................................... 11
DOCTRINE.............................................................................................. .....................................................................................................................................................13
La crise de la démocratie
Aubrey ADOUA-MBONGO Sidney NGOUABI .............................................................................................................................. 15
DAKAR
ISBN : 978-2-336-46178-6
9 782336 461786
26 €
[email protected]
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ISBN : 978-2-336-46178-6
EAN : 9782336461786
Membres institutionnels
Ordre des avocats
Chambre des notaires
Ordre national des experts du Sénégal (ONES)
Ordre des huissiers
Ordre National des experts comptables et comptables
agréés du Sénégal (ONECCAS)
Ordre des Commissaires-priseurs
Cour Suprême
Cour des Comptes
Médiature de la République
Comité Sénégalais des Droits de l’Homme
7
Bureau de l’ASERJ
Ǧ Président : Pr. Isaac Yankhoba NDIAYE
Ǧ Vice-Président : Me Mahmoudou Aly TOURE, Notaire
Ǧ Secrétaire Général : Me Corneille BADJI, Avocat
Ǧ Secrétaire Général Adjoint : M. Isma Daddis SAGNA,
Expert maritime
Ǧ Trésorier Général : Pdt. Ibou SARR, Magistrat
Ǧ Trésorier Adjoint : Pr. Cheikh Abdou Wakhab
NDIAYE
8
Comité de direction de la Revue Sénégalaise de Droit
9
Dieunedort NZOUABETH, Agrégé de droit privé, Professeur
titulaire des Universités, Sénégal
Alain ONDOUA, Agrégé de droit public, Professeur titulaire des
Universités, Cameroun
Séni OUEDRAOGO, Agrégé de droit public, Professeur titulaire
des Universités, Burkina Faso
Alioune SALL, Agrégé de droit public, Professeur titulaire des
Universités, Sénégal
Samba THIAM, Agrégé d’histoire du droit et des institutions,
Professeur titulaire des Universités, Sénégal
Moussa THIOYE, Agrégé de droit privé, Professeur des
Universités, France
Rubriques :
Coordonnateur rubrique « Doctrine » : Pr. Abdoul Aziz DIOUF
Coordonnateur rubrique « Chronique de jurisprudence » : Pr.
Babacar NIANG
Coordonnateur rubrique « Chronique législative » : Pr. Jean
Louis CORREA
Coordonnateur rubrique « Chronique des professions
juridiques » : Pr. Cheikh Abdou Wakhab NDIAYE
10
Sommaire
Sommaire........................................................................................ 11
Doctrine .............................................................................................. 13
La crise de la démocratie ADOUA-MBONGO Aubrey Sidney
NGOUABI ..................................................................................... 15
OHADA, ZLECAF et harmonisation globale du droit des affaires
en Afrique : la nécessité d’une approche pluraliste Paul Francis
OHANDJA ..................................................................................... 61
Varia................................................................................................... 89
Doctrine juridique et pouvoir politique dans les États d’Afrique
noire francophone : cas du Cameroun Dénis Arnaud ESSOMBA
AKOUA.......................................................................................... 91
Chronique législative...................................................................... 141
L’accès au droit au renouvellement du bail en droit O.H.A.D.A.
Mouhamadou Moustapha TALL .................................................. 143
Chronique de jurisprudence.......................................................... 179
À propos du licenciement du délégué du personnel : Quelques
clarifications utiles et justes (mais parfois sans nuance) de la Cour
suprême Massamba GAYE........................................................... 181
Chroniques des professions juridiques......................................... 207
D’un pouvoir sous autorité : quelques réflexions sur le rôle et la
place du Garde des Sceaux dans l’organisation et le fonctionnement
de la justice au Sénégal El Hadji Birame FAYE,......................... 209
Le capital investissement dans la zone UEMOA : les défis de la
règlementation Yamar SAMB ...................................................... 231
11
Chronique de jurisprudence
179
À propos du licenciement du délégué du personnel :
Quelques clarifications utiles et justes (mais parfois sans
nuance) de la Cour suprême
Massamba GAYE
Agrégé des Facultés de droit
Maître de Conférences en droit privé
Université Cheikh Anta Diop de Dakar-Sénégal
La Cour suprême,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par arrêt du 23 février 2012, la
Cour suprême a annulé la décision confirmative autorisant le
licenciement du délégué du personnel I.-A. Dia ;
Qu’à la suite du refus de la Biscuiterie WEHBE de le réintégrer,
constaté par procès-verbal d’huissier de justice du 18 février 2014, I.-
A. Dia a saisi le tribunal du travail pour réclamer les indemnités égales
aux salaires pour la période de mars 2012 à juin 2016, les indemnités
de préavis et de licenciement, des dommages et intérêts pour non-
délivrance du certificat du travail et pour licenciement abusif ;
[…]
Mais sur le moyen soulevé d’office en vertu de l’article 73-4 de la
loi organique n° 2017-09 susvisée, tiré de la violation des articles L 214
et suivants du code du travail ;
Vu lesdits textes ;
1
Bulletin des arrêts de la cour suprême, année judiciaire 2020, n° 21-22, chambre
sociale, avril 2021, p. 187.
181
Attendu, selon ces textes, que la décision du ministre infirmant ou
confirmant celle de l'inspecteur du travail accordant ou refusant
l’autorisation de licenciement est susceptible de recours juridictionnel
en excès de pouvoir ; que l’arrêt de la Cour suprême, annulant tout ou
partie d’un acte administratif, a effet à l’égard de tous ;
Attendu que pour déclarer abusif le licenciement de I.-A. Dia, l’arrêt
relève qu’en refusant de le réintégrer à son poste malgré la décision de
la Cour suprême annulant l’autorisation de licenciement du Ministre du
travail et en lui interdisant d’accéder à son lieu de travail, l'employeur
a posé des actes qui ont pour effet immédiat de rompre le contrat de
travail qu’il avait conclu avec I.-A. Dia ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, d’une part, la décision de la Cour
suprême, annulant l’acte du ministre confirmant l’autorisation du
licenciement accordée par l’inspecteur du travail, rend nul le
licenciement du délégué du personnel opéré sur le fondement de cette
autorisation et maintient les relations de travail entre les parties et,
d’autre part, le refus par l’employeur de réintégrer le travailleur ne peut
être analysé comme un nouveau licenciement du délégué du personnel,
de sorte que ce dernier continue à bénéficier de son salaire, la cour
d’Appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
[…] ;
Par ces motifs :
Casse et annule, mais seulement en ce qu’il a déclaré abusif le
licenciement de I.-A. Dia, l’arrêt n° 777 du 28 novembre 2018 de la
cour d’Appel de Dakar ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi.
[..]
--------------------------------------------------
Le droit du travail est l’une des disciplines juridiques qui a donné au
droit prétorien l’alibi nécessaire pour se construire et s’interroger sur sa
place dans les sources du droit2. Il est l’occasion d’un travail important
2
Ch. ATIAS, « D'une vaine discussion sur une image inconsistante : la jurisprudence
en droit privé », RTD civ. 2007, p. 23 ; G. LYON CAEN, « L’état des sources du droit
du travail », Dr. soc., 2001, p. 1031 ; M. GOBERT, « La jurisprudence, source du
droit triomphante mais menacée », RTD civ.1992, p. 344 ; M. Bandrac, « La
jurisprudence ? », RTD civ. 1992, p. 40 ; G. CORNU, « La jurisprudence
182
des juges pour combler les lacunes, les insuffisances, les silences ou les
non-dits de la loi3. La délégation du personnel, représentation des
salariés au sein de l’établissement ou de l’entreprise, en donne certaines
illustrations.
La protection de ceux qui exercent la fonction est assurée par le Code
du travail. La disposition légale qui la porte était conçue de manière
restrictive avec sa limitation au seul droit du licenciement du délégué
du personnel4. Mais, interprétant la règle et son esprit, la jurisprudence
a procédé à son extension hors du champ d’application concédé par le
législateur en jugeant que cette protection ne s’appliquait pas seulement
au licenciement5, mais presque à toutes les mesures qui concernent
183
l’exécution, la modification6 ou la rupture du contrat de travail du
délégué du personnel7.
6
Sur la modification du contrat de travail du délégué du personnel, nous considérons
que la Cour suprême a utilisé à tort l’article 70 de l’ancienne CCNI alors que la
modification portait sur l’emploi même du salarié et donc sa classification
professionnelle (arrêt n° 04 du 25 janvier 2018, aff. C.-D. Thiaw c/. État du Sénégal,
Bulletin des Arrêts de la Cour suprême nos 15-16, année judiciaire 2018, p. 167 :
« Considérant qu’aux termes de l’article 70 alinéa 5 de la CCNI « le délégué du
personnel ne peut être muté contre son gré pendant la durée de son mandat, sauf
appréciation de l’inspecteur du travail du ressort » ; Considérant que, par décision du
11 mars 2016 du président directeur général de l’Hôtel King Fahd Palace, le requérant,
délégué du personnel dont le mandat était en cours, a été muté à un emploi
substantiellement différent de celui qu’il occupait, nonobstant son désaccord et sans
l’appréciation préalable de l’inspecteur du travail ; Que cette mesure ayant été prise
en violation des dispositions de l’article 70 susvisé encourt l’annulation ; »).
C’est certainement pour dissiper toute controverse sur ce point que la nouvelle CCNI
dispose en son article 36, remplaçant la disposition précitée, que : « Lorsque les
mutations ne sont pas prévues dans les conditions d'engagement, aucun travailleur ne
peut être muté dans un autre établissement de l'employeur situé dans une commune
ou une localité différente de celle de son lieu de travail habituel, sans son
consentement ». C’est nous qui soulignons. Nous sommes d’avis que sur la question
de la modification, le délégué ne peut être moins protégé que le salarié dit ordinaire
et que par conséquent s’il refuse la modification substantielle de son contrat de travail,
il ne peut y être contraint par l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale. Et même
si l’employeur peut résilier le contrat de travail du salarié en cas de refus d’une telle
modification, il ne pourra le faire pour celui du délégué du personnel que sur
autorisation de l’autorité administrative. Cette dernière, dans son appréciation doit
avoir en vue le mandat exercé et la pertinence de la modification envisagée pour
autoriser ou non le licenciement.
7
C’est spécialement vrai en droit français ; v° L. PÉCAUT-RIVOLIER, H. ROSE, Y.
STRUILLOU, « Représentants du personnel : statut protecteur », Répertoire de droit
du travail, juin 2013, § 429 à 432. En droit sénégalais, la généralité de la motivation
de l’arrêt M. c/ P.-M. Diop devait y conduire, mais la jurisprudence (Cour Supr., arrêt
n° 16 du 27 mars 2014, Société Matforce SA c/. État du Sénégal (agent judiciaire de
l’état)- M. Fall, Bulletin des arrêts de la Cour suprême, n° 8, Année judiciaire 2014,
p.129) semble y apporter des limites, spécialement dans le cas d’une modification
non substantielle où malgré le refus du salarié, elle considère que les autorités
administratives ont eu tort de ne pas autoriser son licenciement au motif que ce refus
« de participer aux opérations d’inventaire étant un acte d’insubordination
caractérisée constitutif d’une faute grave rendant impossible le maintien du lien
contractuel ». En ajoutant que « l’inventaire annuel dans une entreprise est un acte de
gestion courante qui relève des pouvoirs du chef d’entreprise, à l’instar des actes de
direction, d’organisation et d’utilisation du personnel.
[…], la participation […] à l’inventaire de l’entreprise pour une tâche d’opération de
saisie au niveau du magasin et pour une courte période ne pouvait être considérée
comme une modification substantielle de son contrat de travail telle que l’a retenue
184
L’œuvre de complétude de la norme légale par le juge social ne s’est
pas cantonnée à ce seul apport. En décidant que le délégué du personnel
ne pouvait être licencié que sur autorisation de l’inspecteur du travail et
de la sécurité sociale, la loi a aussi institué un recours administratif
hiérarchique et un autre juridictionnel pour excès de pouvoir. Toutefois,
dans l’articulation des décisions qui pouvaient émaner de cette
procédure, elle a oublié de préciser parfois leurs effets sur la mesure
prise par l’employeur et autorisée par l’inspecteur du travail et de la
sécurité sociale lorsque l’autorité hiérarchique ou le juge administratif
l’annule. Confrontée à cette difficulté, la chambre sociale de la Cour
suprême a eu l’occasion de clarifier les solutions à travers l’arrêt que
nous nous proposons de commenter.
En l’espèce, le licenciement d’un délégué du personnel avait été
initialement autorisé par l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale8.
185
La décision du ministre chargé du travail confirmant cette autorisation
avait fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Par arrêt en date
du 23 février 2012, la chambre administrative de la Cour suprême avait
annulé la décision confirmative.
Le délégué du personnel avait requis en conséquence de son
employeur sa réintégration dans l’entreprise pour la poursuite de
l’exécution de son contrat de travail. Il se heurta au refus de ce dernier
de faire droit à sa demande et saisit cette fois le juge judiciaire, en
l’occurrence le tribunal du travail, pour faire valoir ses droits, et
notamment pour réclamer les indemnités égales aux salaires pour la
période de mars 2012 à juin 20169, les indemnités de préavis et de
licenciement, des dommages et intérêts pour non délivrance du
certificat du travail et pour licenciement abusif.
Invitée à se prononcer après le jugement rendu par le tribunal du
travail, la Cour d’appel avait jugé « qu’en refusant de le réintégrer à son
poste malgré la décision de la Cour suprême annulant l’autorisation de
licenciement du Ministre du travail et en lui interdisant d’accéder à son
lieu de travail, l'employeur a posé des actes qui ont pour effet immédiat
de rompre le contrat de travail » du délégué du personnel.
Sur pourvoi, la chambre sociale, après avoir confirmé l’arrêt d’appel
sur beaucoup de points soulevés par le salarié en les déclarant
dessaisi dès qu’il notifie sa décision aux concernés. Mais ce recours gracieux demeure
possible à l’occasion du recours hiérarchique puisque le Code du travail n’a pas prévu
en l’espèce une disposition spéciale ; en ce sens, Cour de cassation (Sénégal), arrêt n°
58 du 27 juillet 1994, M. Ndiaye c/. Les assurances générales sénégalaises disponible
sur https://juricaf.org/arret/SENEGAL-COURSUPREME-19940727-58 : « attendu
qu'il est constant que le 9 Novembre 1988 les Assurances Générales Sénégalaises
(AG.S.) demandaient à l'Inspecteur du travail l'autorisation de licencier le travailleur
M. NDIAYE délégué du personnel; que cette autorisation accordée le 25 Novembre
1988 a été infirmée par décision n° 46645 du 14 Décembre 1988 du Ministre chargé
du travail; que par lettre des AG.S en date du 19 Décembre 1988 demandant au
Ministre de rapporter sa décision, celui-ci confirma par décision n°
0OO1/MFPT/CAB/CT2 du 2 Janvier 1989 sa première décision en ordonnant la
réintégration de NDIAYE […] ». C’est nous qui soulignons.
9
L’arrêt de la chambre administrative annulant l’autorisation de licenciement étant
intervenu le 23 février 2012, le délégué du personnel avait certainement aussitôt
sollicité sa réintégration dans son emploi à compter du mois de mars 2012. Le refus
de l’employeur avait été constaté par acte d’huissier le 18 février 2014. Ainsi, il
réclamait une indemnité égale aux salaires pour la période de mars 2012 (date de la
demande de réintégration) à juin 2016 (Aucune information n’a été donnée, mais
certainement cela correspond à la date de saisine du tribunal du travail).
186
irrecevables10, soulève d’office, en vertu de l’article 73-411 de la loi
organique n° 2017-0912, un moyen de cassation tiré de la violation des
articles L 214 et suivants du Code du travail.
Elle devait alors répondre à la question de savoir si le refus de
réintégration du délégué du personnel opposé par l’employeur suite à
l’annulation par le juge de l’excès de pouvoir de l’autorisation
administrative de licenciement constituait-il un nouveau licenciement ?
Cette question ne trouvait pas sa réponse directement dans le Code
du travail, et c’est en articulant une disposition de la loi organique sur
la Cour suprême qui n’est pas mentionnée expressément par le visa de
l’arrêt13, d’une part, et certaines règles du Code du travail14, d’autre
part, que la Cour suprême énonce que « la décision du ministre
infirmant ou confirmant celle de l'inspecteur du travail accordant ou
refusant l’autorisation de licenciement est susceptible de recours
juridictionnel en excès de pouvoir ; que l’arrêt de la Cour suprême,
annulant tout ou partie d’un acte administratif, a effet à l’égard de
tous », pour ensuite l’appliquer au cas d’espèce en jugeant que « la
décision de la Cour suprême, annulant l’acte du ministre confirmant
l’autorisation du licenciement accordée par l’inspecteur du travail, rend
nul le licenciement du délégué du personnel opéré sur le fondement de
10
Points qui n’intéressent pas ce commentaire, et à retrouver dans la version complète
de l’arrêt disponible au Bulletin des arrêts de la cour suprême, année judiciaire 2020,
p. 187.n° 21-22, précité.
11
L’article 73-4 relève des dispositions spécifiques en matière de cassation sociale. Il
dispose que « Si la Cour suprême relève dans la décision attaquée une violation de la
loi, qui n’a pas été invoquée, elle doit la soulever d’office ».
12
Loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi
organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême, JORS n° 6986 du 18
janvier 2008, p. 47.
13
C’est l’article 74-4 de la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et
remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême, en ses
dispositions spéciales en matière administrative qui dispose que : « L’arrêt de la Cour
suprême annulant en tout ou partie un acte administratif a effet à l’égard de tous » ;
Par contre, l’arrêt n° 31 du 13 mai 2020, (aff. B. Mbengue c/. Biscuiterie Wehbe
devenue Groupe Wehbe, Bulletin des arrêts de la cour suprême, année judiciaire 2020,
n° 21-22, avril 2021, p. 139), vise expressément l’article 74-1 de la loi organique
portant création de la Cour suprême n° 2008-35 du 8 août 2008, JORS n° 6420 du
8août 2008, p. 755, devenu article 74-4 de la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier
2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour
suprême précitée.
14
Article L 214 et suivants du Code du travail.
187
cette autorisation15 et maintient les relations de travail entre les
parties », pour enfin en tirer la conséquence que « le refus par
l’employeur de réintégrer le travailleur ne peut être analysé comme un
nouveau licenciement du délégué du personnel, de sorte que ce dernier
continue à bénéficier de son salaire »16.
Ainsi lorsque l’autorité administrative compétente autorise le
congédiement du délégué du personnel, l’annulation de sa décision par
le juge rend nul le licenciement opéré (I). L’employeur a alors
l’obligation de le réintégrer dans son emploi. Toutefois, s’il refuse de le
faire, ce refus ne pourra pas être analysé comme un nouveau
licenciement (II).
15
Dans le même sens, et validant la motivation de la Cour d’appel qui avait estimé
« d'une part, que l’annulation de la décision administrative entraîne l'annulation de
tous les actes subséquents et qu'en conséquence la décision du Conseil d'État précitée
a rendu le licenciement irrégulier et, d'autre part, que le droit pour les appelants d'être
réintégrés et de bénéficier des salaires ne peut être sérieusement contesté ;
Qu'en se déterminant ainsi elle n'encourt pas les reproches des moyens qui doivent
être rejetés ; » ; Cour de cassation (Sénégal), arrêt n° 38 du 08 juin 2005, disponible
sur https://juricaf.org/arret/SENEGAL-COURDECASSATION-20050608-038.
16
Dans le même sens, Cour supr., arrêt n° 31 du 13 mai 2020, B. Mbengue c/.
Biscuiterie Wehbe précité.
17
G. AUZÉRO, D. BAUGARD, E. DOCKÈS, Droit du travail, Précis Dalloz, 35e
édition, 2022, p. 1523.
188
A – La nullité rétroactive du licenciement18
18
N. ALIPRANTIS, « L'annulation de l'autorisation de licenciement et ses effets civils
à l'égard des travailleurs protégés ». Contribution à l'étude des interférences du Droit
public et du Droit privé », Dr. soc. 1976, p. 338, spéc., p. 345.
19
Article L 214 du Code du travail : « L'autorisation de l'inspecteur du travail et de la
sécurité sociale est requise avant tout licenciement d'un délégué du personnel envisagé
par l'employeur ou son représentant ».
20
Il faut toutefois préciser que le recours gracieux n’est pas possible en la matière
puisque le Code du travail attache un effet définitif à la décision de l’inspecteur du
travail et de la sécurité sociale (Article L216 al. 1 du Code du travail : « La décision
de l'inspecteur du travail et de la sécurité sociale accordant ou refusant l'autorisation
de licenciement du délégué du personnel a un caractère définitif. […] »).
21
G. RAIMBAULT, « Perrette et le pot au Sorelait », AJDA 2023, p. 1515.
22
Article L 216 al. 2 du Code du travail : « La décision de l'inspecteur du travail
accordant ou refusant l'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel n'est
susceptible d'aucun recours autre que le recours hiérarchique devant le ministre chargé
du travail ». Ainsi, seule la décision du ministre peut faire l’objet d’un recours pour
excès de pouvoir, celle de l’inspecteur ne pouvant faire l’objet que d’un recours
hiérarchique devant le ministre.
189
C’est ainsi que le salarié avait déféré cette dernière décision devant le
juge de l’excès de pouvoir. Par arrêt en date du 23 février 2012, la
chambre administrative de la Cour suprême avait annulé la décision
administrative.
À partir de cet instant, se posait la question de la réintégration du
délégué dans son emploi. Même si la loi ne le prévoit pas, se contentant
simplement de disposer que « le licenciement qui serait prononcé par
l'employeur sans que l'autorisation préalable de l'inspecteur ait été
demandée, ou malgré le refus opposé par l'inspecteur, est nul et de nul
effet »23, la chambre sociale de la Cour suprême juge que l’annulation
pour excès de pouvoir de l’autorisation administrative rejaillit de
manière rétroactive sur tous les actes posés lors de la procédure de
licenciement. Elle atteint non seulement la décision confirmative du
ministre et celle initiale de l’inspecteur du travail et de la sécurité
sociale, mais également le licenciement prononcé par l’employeur24. À
l’appui de sa position, le juge reprend dans sa motivation une
disposition de la loi organique sur la Cour suprême relative aux
particularités de la procédure devant sa chambre administrative. Selon
ce texte, que le juge reprend in extenso dans la motivation, « l’arrêt de
la Cour suprême, annulant tout ou partie d’un acte administratif, a effet
à l’égard de tous »25. Il s’impose donc non seulement à l’autorité
administrative, mais également aux parties à la relation de travail. De
sorte que l’on va considérer ce licenciement comme n’étant pas au final
autorisé puis être assimilé à une absence d’autorisation avec les
conséquences légales prévues pour celle-ci.
Le juge rappelle d’ailleurs, à propos d’un autre moyen du pourvoi
non exploité pour les besoins de cette réflexion, que le délégué du
personnel ne pouvait pas demander à l’employeur la délivrance de son
certificat de travail. À ce propos, il affirme « qu’au sens de l’article L
58 du Code du travail, l'employeur n’est tenu de délivrer un certificat
de travail au salarié qu’en cas d’expiration du contrat de travail ». Or,
le licenciement étant annulé, ses conséquences sont neutralisées, de
23
Article L 216 al. 1 du Code du travail, (deuxième phrase).
24
Sur la qualification de « nul » attachée au licenciement, une opinion contraire, v. B.
GAURIAU, « Licenciement nul et licenciement dont l'autorisation est annulée : une
distinction toujours nécessaire », Dr. soc., 2005, p. 277.
25
Article 74-4 de la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et
remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême, précité ;
190
sorte que le contrat de travail n’étant pas finalement rompu, le certificat
de travail n’a pas à être délivré.
L’annulation de la décision administrative est intervenue devant le
juge de l’excès de pouvoir, elle aurait pu intervenir à l’occasion du
recours hiérarchique. Dans ce cas, la même solution s’appliquerait,
celle d’une annulation rétroactive de l’autorisation accordée par
l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale26. Contrairement à la
situation d’espèce, cette hypothèse est expressément prévue par le Code
du travail lorsqu’il liste les cas où la réintégration du délégué du
personnel est de droit du fait de la violation de la procédure instituée ou
en raison du succès de son recours devant le supérieur hiérarchique de
l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale27.
On peut toutefois avoir des réserves par rapport à l’application pure
et simple de la règle en matière de relation de travail. Il est certain que
la disposition en question, conférant aux décisions de la Cour suprême
en matière administrative un effet à l’égard de tous, a une portée
générale. Mais l’on peut se demander si elle ne devrait pas rencontrer
une nuance en droit du travail dans l’intérêt du salarié. Ainsi, même si
la décision a effet à l’égard de tous, le juge du travail devrait être en
mesure d’en avoir une interprétation limitée en aménageant ses
conséquences au regard des spécificités de la matière, et cela au profit
du salarié. Cela se traduirait par la possibilité qui lui serait laissée de
renoncer à sa réintégration pour réclamer les conséquences
indemnitaires de la rupture de son contrat de travail comme le
travailleur a semblé le faire en l’espèce.
À titre de droit comparé, en France, cette possibilité est reconnue au
représentant du personnel28. Elle aura le mérite de s’inscrire dans le sens
26
Cour supr., 13 novembre 2013, arrêt n° 47, B. Pereira c/. Nestlé Sénégal, Bulletin
des Arrêts de la Cour suprême nos 6-7, Année judiciaire 2013, p. 110.
27
Article L.217 du Code du travail : « En cas de licenciement prononcé par
l'employeur, sans que l'autorisation préalable de l'inspecteur ait été demandée ou
malgré le refus opposé par l'inspecteur ou au cas d'annulation par le ministre de la
décision de l'inspecteur autorisant le licenciement, le délégué du personnel ainsi
licencié est réintégré d'office avec paiement d'une indemnité égale au salaire qu'il
aurait perçu s'il avait travaillé ». C’est nous qui soulignons.
28
V° L. PÉCAUT-RIVOLIER et alii, « Représentants du personnel : statut
protecteur », préc., § 447 et s. ; L. MILET, « Les indemnités dues aux représentants
du personnel licenciés sans autorisation administrative », Dr. soc., 2001, p. 1053 ; J.
SAVATIER, « Protection des conseillers prud'hommes contre le licenciement.
Sanction des licenciements prononcés sans autorisation administrative », Dr. soc.,
191
d’une meilleure prise en charge des intérêts des travailleurs qui sont les
bénéficiaires de la représentation. La rupture illicite de la relation de
travail a déjà installé les parties dans une forme de confrontation. Forcer
le délégué du personnel à réintégrer l’entreprise pourrait se révéler
néfaste à la mission qu’il exerce au profit de ses pairs. Un conflit latent
ou ouvert risque de l’opposer à l’employeur, avec un climat social
délétère qui ne convient pas à une bonne défense des intérêts des
salariés. À cela s’ajoute le fait que le contraindre à poursuivre la relation
de travail avec son employeur, en qui il a peut-être déjà perdu
confiance, risque de le démotiver au détriment de la fonction qu’il
incarne. À titre individuel, il pourrait ne plus avoir l’envie de retourner
au sein de l’entreprise en raison de ses rapports devenus difficiles avec
l’employeur, et surtout le temps du procès étant un temps long, il a pu
retrouver un autre emploi, peut-être plus favorable. Il en va autrement
des juges sénégalais qui ne semblent pas en l’occurrence aménager cette
possibilité et imposent le maintien de la relation de travail.
192
du personnel. En principe, il doit retrouver son emploi antérieur32, celui
précédemment occupé avant le prononcé du licenciement. Mais il peut
ne plus être disponible en raison de sa suppression ou de la cessation de
l’activité à laquelle le salarié était occupé. Dans ce cas, la réintégration
se fera sur un poste équivalent33. L’équivalence s’entendant du même
niveau de qualification professionnelle et par conséquent de la même
catégorie professionnelle, mais également du même niveau de
rémunération. L’indisponibilité du poste, par l’affectation antérieure à
la réintégration d’un autre salarié sur celui-ci, pose la question de savoir
si le délégué peut prétendre à une mutation de l’occupant pour assurer
son retour dans son emploi. L’on devrait estimer, sauf fraude de la part
de l’employeur, que le poste n'est plus éligible pour la mise en œuvre
du maintien des relations de travail.
La réintégration doit aussi en principe se faire dans l’établissement
où le délégué du personnel était antérieurement affecté si l’entreprise
en dispose plusieurs. À défaut, elle devrait pouvoir être accomplie dans
un autre.
Ces restrictions liées aux modalités de réintégration s’expliquent par
le fait que ces éléments sont en lien avec le mandat exercé. En effet, le
délégué du personnel représente en principe les salariés de sa catégorie
professionnelle, sauf s’il n’existe qu’un seul collège électoral 34, mais
également ceux de son établissement35. Le changement de catégorie
32
A. FABRE, Dalloz, Répertoire de droit du travail, avril 2020 (act. octobre 2023), §
480 et s., v* Contrat de travail à durée indéterminée : rupture – licenciement – droit
commun ; G. AUZÉRO, D. BAUGARD, E. DOCKÈS, Droit du travail, op. cit., p.
1533, § 1198.
33
PH. WAQUET, « L'employeur a-t-il le choix de réintégrer le salarié protégé « dans
son emploi » ou « dans un emploi équivalent » ? », Dr. soc., 1990, p. 328 ; M.
KELLER, « Conseil de prud'hommes. Annulation de l'autorisation de licenciement
d'un conseiller. Réintégration dans l'emploi », Obs. sous Soc. 12 mai 1998, Dr. soc.,
1998, p. 728.
34
M. GAYE, « L’élection en droit du travail », in le droit africain à la conquête de
son identité, Mélanges offerts au professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, pp. 587-631,
spéc., pp. 601-602 ; sur les collèges électoraux, v. G. AUZÉRO et alii, Droit du
travail, op. cit., p. 1451 et s.
35
L’élection du délégué du personnel a lieu en principe au niveau de l’établissement,
et exceptionnellement au niveau de l’entreprise si les établissements qui la composent
ne comportent pas séparément plus de dix travailleurs et qu’ils sont situés dans une
localité ou dans un cercle d’un rayon de 10 km (art. 1 al. 1 et 2 du décret n° 67-1360
du 9 décembre 1967 fixant les conditions et les modalités de désignation des délégués
du personnel dans les entreprises et définissant leur mission) ; cf. Friedrich Ebert
193
professionnelle36 comme de lieu de travail37 a pour conséquence la perte
du mandat de représentation.
La réintégration du représentant du personnel s’accompagne du
paiement des salaires échus du prononcé du licenciement jusqu’à la
réintégration effective du travailleur38, peu important d’ailleurs que le
licenciement fut autorisé par l’autorité administrative compétente, sa
nullité intervenant devant le supérieur hiérarchique ou le juge
administratif39 produira les mêmes effets.
Le maintien des relations de travail devrait en principe aussi rendre
possible la continuité de l’exercice du mandat de représentation. La
rupture illicite du contrat de travail du délégué du personnel n’a pas
pour conséquence immédiate la perte de sa fonction. Ce serait d’ailleurs
offrir une solution de facilité à l’employeur s’il en était ainsi. Il serait
tenté de se débarrasser d’un délégué du personnel en procédant à son
194
licenciement sans autorisation administrative s’il n’était pas prescrit
que ce dernier retrouve son mandat une fois sa réintégration ordonnée.
L’employeur de mauvaise foi pourrait céder à cette tentation pour
ensuite succomber à la demande de réintégration avec comme effet que
le délégué aura entre-temps perdu son mandat. En obtenant sa
réintégration, il doit aussi retrouver son mandat.
Concernant l’exercice du mandat de délégué du personnel, le
licenciement du titulaire investira dans la fonction son suppléant qui
devient par là le nouveau titulaire. Dès lors que la rupture est annulée
pour violation de la procédure substantielle et que le mandat est toujours
en cours, le retour du titulaire dans l’entreprise entraine le départ de son
remplaçant de la titularité du poste pour retrouver sa condition de
suppléant. Toutefois, l’on sait que la contestation de la rupture
intervenue sans observations de la procédure de licenciement du
délégué du personnel, en raison du dilatoire de l’employeur, ne sera
couronnée de succès que bien des années plus tard de sorte que le
mandat antérieurement exercé est peut-être arrivé à expiration, sauf si
le représentant le sollicite par voie de référé. La désignation d’autres
salariés dans la fonction de délégué du personnel à l’occasion d’une
élection de renouvellement lui fera perdre son mandat, il réintégrera en
étant désormais un ancien délégué du personnel et bénéficiera de la
protection contre le licenciement pour une durée de trois mois40 ; le
point de départ de ce délai devant être le jour de sa réintégration.
Le juge du fond ayant constaté la nullité du licenciement peut
ordonner la réintégration sous astreinte41. Il le peut au titre du Code des
obligations civiles et commerciales (COCC) qui donne au juge, ayant
constaté l’inexécution d’une obligation, le pouvoir de prononcer une
astreinte pour son exécution42. Il lui fixe ou non une durée, et au cas où
elle n’est pas limitée dans le temps, elle est due jusqu’à exécution
effective, de sorte que si l’employeur persiste dans son refus de
reprendre le délégué du personnel jusqu’à son départ à la retraite, il lui
40
Article L 216 al. 4 Code du travail.
41
Cour supr., 11 janvier 2017, arrêt n° 05, B. PEREIRA c/. Nestlé Sénégal, disponible
sur https://juricaf.org/arret/SENEGAL-COURSUPREME-20170111-05.
42
Article 196 COCC ; v. aussi J. MESTRE, « De l'astreinte », RTD civ. 1991, p. 534 ;
F. GUERCHOUN, Dalloz, Répertoire de procédure civile, nov. 2021 (act. juin 2023),
v* Astreinte.
195
doit le montant de l’astreinte calculé depuis la rupture illicite jusqu’au
départ à la retraite du salarié43.
La violation du statut protecteur étant constitutive d’une voie de fait,
le juge des référés peut également être saisi aux fins de faire cesser ce
trouble manifestement illicite44. Il est donc compétent pour ordonner la
réintégration du délégué du personnel en cas de refus de l’employeur45,
et au besoin sous astreinte.
Malgré les garanties imposées par la législation sociale pour
défendre la mission confiée aux délégués du personnel, le maintien des
relations de travail peut toujours se heurter au refus délibéré de
l’employeur de réintégrer le représentant du personnel. Cette résistance
aux prescriptions de la loi ou à la décision prononcée par le juge ne peut
s’analyser cependant comme un nouveau licenciement.
43
Cour supr., 24 août 2016, arrêt n° 34, Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) c/. B.
DIOP, disponible sur https://juricaf.org/arret/SENEGAL-COURSUPREME-
20160824-34.
44
Cour supr., 13 octobre 2010, arrêt n° 54, B. Pereira c /. Nestlé Sénégal, Bulletin des
Arrêts de la Cour suprême n° 2-3, années judiciaires 2010 et 2011, p. 182 ; A.
FABRE, Dalloz, Répertoire de droit du travail, op. cit., § 486 et s., v* Contrat de
travail à durée indéterminée : rupture – licenciement – droit commun.
45
Cour supr., 23 janvier 2019, arrêt n° 5, La Société de distribution de produits
Métalliques dite Diprom c/. I. Sèye & autres, Bulletin des arrêts de la Cour suprême
n° 17-18, année judiciaire 2019, p. 93.
46
L’intitulé aurait pu être libellé en lui ôtant le qualificatif de nouveau licenciement.
Il rendrait ainsi mieux compte de notre critique de la position du juge suprême. Il a
été maintenu comme tel pour rendre compte de ce que la Cour a disposé en déniant
au refus de réintégration opposé par l’employeur toute qualification de licenciement,
et à juste titre d’ailleurs, alors que la Cour d’appel y avait vu un licenciement abusif.
196
La nullité du licenciement du délégué du personnel pour violation de
la procédure exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée en
sa faveur47 fait naitre à la charge de l’employeur l’obligation de
poursuivre avec lui la relation de travail. Cette obligation se matérialise
par l’impérativité de sa réintégration au sein de l’entreprise. S’agissant
d’une atteinte à une liberté fondamentale48, par l’effet des nuisances
faites au mandat de représentation exercé par le délégué du personnel,
la remise en l’état est la solution consacrée pour préserver l’institution
et la liberté fondamentale qu’elle incarne.
La réintégration est une obligation de faire dont le débiteur est
l’employeur. Et selon le COCC, elle ne peut en principe faire l’objet
d’une exécution forcée dès lors que la personnalité du débiteur est
déterminante49. La relation de travail étant intuitu personae, la personne
du débiteur de l’obligation est alors déterminante, ce qui éloigne la
possibilité d’une exécution forcée.
Et il est clair qu’à partir du moment où il n’existe pas de licenciement, à plus forte
raison il n’existe pas de licenciement abusif. Mais elle aurait pu quand même dire que
ce refus produisait les effets d’un licenciement abusif, ce qui n’est plus du tout la
même affirmation.
47
C. supr. 8 décembre 1982 préc. : « Attendu que les dispositions de l’article 188
[devenu article L. 214] du Code du travail soumettant à autorisation administrative le
licenciement des délégués du personnel ont institué, au profit de tels salariés et dans
l’intérêt de l’ensemble des travailleurs, une protection exceptionnelle et exorbitante
du droit commun ; […] » ; Dans le même sens, Ch. Mixte (France) 21 juin 1974,
préc. : « Attendu que les dispositions législatives, soumettant à l'assentiment préalable
du comité d'entreprise ou à la décision conforme de l'inspecteur du travail le
licenciement des salaries légalement investis de fonctions représentatives, ont institué,
au profit de tels salaries et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils
représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun […] ».
48
Au titre des libertés publiques et de la personne humaine, des droits économiques
et sociaux et des droits collectifs, la Constitution du Sénégal consacre le droit pour
tout travailleur de participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination
des conditions de travail dans l'entreprise (art. 25 al. 5). Le Code du travail leur permet
ainsi d’être représentés par les syndicats pour la défense de leurs intérêts
professionnels et les délégués du personnel pour l’application effective de la
législation sociale.
49
Article 195 COCC ; v. aussi, W. JEANDIDIER, « L'exécution forcée des
obligations contractuelles de faire », RTD civ., 1976, p. 700 et s. ; sur les difficultés
de distinctions des types d’obligation et de leurs conséquences, et notamment par
rapport à l’exécution forcée, v. également, G. PIGNARRE, « À la redécouverte de
l'obligation de praestare », RTD civ., 2001, p. 41.
197
Le délégué du personnel peut alors se heurter au déni de l’employeur
de le réintégrer dans son emploi, et éventuellement dans ses fonctions.
En l’espèce, un tel refus lui avait été opposé. Confronté à un tel
comportement de son cocontractant, il avait pu considérer que son
contrat de travail était rompu définitivement et de manière abusive. Cela
explique sa saisine du tribunal du travail pour réclamer ses droits,
notamment les salaires non payés depuis la rupture, les indemnités de
préavis et de licenciement, et des dommages et intérêts pour non
délivrance du certificat du travail et pour licenciement abusif. La Cour
d’appel avait suivi le raisonnement du délégué du personnel pour
conclure en l’existence d’un licenciement abusif. Elle avait caractérisé
cette résistance de l’employeur en constatant non seulement son refus
de réintégrer le représentant à son poste malgré la décision de la Cour
suprême annulant l’autorisation de licenciement du Ministre du travail,
mais aussi en lui interdisant l’accès à son lieu de travail. Le salarié avait
également pris le soin de faire constater par voie d’huissier le
comportement délictuel de l’employeur. Pour toutes ces raisons, les
juges du fond avaient estimé que les actes de l’employeur avaient eu
pour effet immédiat de rompre le contrat de travail du délégué du
personnel.
Il est certain que cette bravade patronale constitue à la fois une
violation de la réglementation et de la décision de justice, une voie de
fait manifestement illicite et un manquement à ses obligations légales
et contractuelles. Mais le raisonnement comme la motivation de l’arrêt
d’appel n’agréent pas, à juste titre la Haute juridiction. La gravité du
comportement délictuel du débiteur de la réintégration ne peut pas être
assimilée à un nouveau licenciement. Le juge suprême l’affirme avec
force lorsqu’il juge que « le refus par l’employeur de réintégrer le
travailleur ne peut être analysé comme un nouveau licenciement du
délégué du personnel ». Cela est d’autant plus vrai que ce qui est rompu
une fois ne peut l’être à nouveau, or en l’espèce le contrat de travail
l’avait déjà été, ce qui rendait impossible une nouvelle rupture. C’est
seulement dans de rares cas que le retour en arrière est permis pour
renouer unilatéralement le lien50, mais le licenciement ne bénéficie pas
50
Par exemple en matière de démission du salarié où la rétraction est possible à
certaines conditions ; v. en ce sens G. AUZERO et alii, Droit du travail, op. cit., p.
520 ; B. GÉNIAUT, « Qualification de démission : entre jurisprudence et projet de
loi », RDT, 2022, p. 637. À l’inverse, elle ne semble pas possible pour la prise d’acte
de la rupture opérée par le salarié ; en ce sens, J. PÉLISSIER, « La prise d'acte :
rétractation et charge de la preuve », RDT, 2009, p. 712.
198
de cette faveur51. En refusant de réintégrer le délégué du personnel,
l’employeur ne prend pas une nouvelle mesure contre lui mais persiste
dans la violation de la loi après l’arrêt annulant l’autorisation
administrative qui lui avait été accordée. Jusqu’à cet arrêt de la chambre
administrative, il était encore dans la légalité en procédant au
licenciement du délégué du personnel. Mais à compter de la date de
celui-ci, il avait l’obligation d’en tirer les conséquences au profit du
délégué du personnel en procédant à la reprise de la relation
contractuelle.
Cette résistance de l’employeur ne se justifiait pas d’ailleurs. Dès
lors que le licenciement est nul, la réintégration du délégué du personnel
doit se faire le plus rapidement possible suite à la demande du délégué
du personnel évincé ou de l’injonction donnée par l’inspecteur du
travail et de la sécurité sociale. Le refus de poursuivre la relation de
travail l’expose d’ailleurs à des sanctions civiles et pénales. Si le déni
de réintégration persiste au-delà du délai maximum imparti de quinze
jours, il encourt une sanction pécuniaire. Il devra au délégué une
indemnité supplémentaire52 dont le versement ne le libèrera pas
toutefois de son obligation53. La défiance de l’employeur le rend
également coupable du délit d’entrave. L’infraction couvre l’atteinte
faite à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice
régulier de leurs fonctions. Le licenciement sans autorisation
administrative du représentant du personnel comme le refus de le
réintégrer après l’annulation de l’autorisation antérieurement accordée
qui atteint le licenciement lui-même consomment ce délit54.
L’on peut s’interroger encore sur l’absoluité de la motivation
avancée par la Cour suprême. Certes la loi organique sur la Haute
51
Pour être rompu à nouveau, faut-il encore que le lien ait été renoué à la suite du
premier licenciement. Or, le renouement de la relation de travail ne pourrait être
possible en l’espèce qu’avec le consentement des deux parties ; v. J. SAVATIER,
observations sous Soc. 28 juin 2000, AGS de Paris c/. Delehaye et Sté Vigneau et
Delehaye, Dr. soc., 2000, p. 1029 ; J.-J. SERRET, note sous Soc. 11 déc. 1991 JCP
92, E, II, 320 ; G. COUTURIER, observations sous Soc. 13 novembre 2001 Airporc
viandes c/. Pagnon, Dr. soc., 2002, p.115 ; Soc. 11 décembre 1991
Leck c/ Rambour et autres, Actualité jurisprudentielle, Dr. soc., 1992, p.190.
52
Cour supr., 13 mai 2020, arrêt n° 31 préc.
53
Art. L 217 al. 2 et 3 du Code du travail.
54
Il encourt alors une amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA et d'un emprisonnement
de 1 mois à 1 an ou de l'une de ces 2 peines seulement (art. L278 al. 1 du Code du
travail).
199
juridiction prévoit expressis verbis que les arrêts de sa chambre
administrative ont effet à l’égard de tous, mais n’est-il pas cependant
possible, en considération des finalités du droit du travail, de l’y adapter
en lui donnant une nuance dans son application ? Il ne s’agira pas de
dire que le refus de réintégration s’analyse en un nouveau licenciement,
ce qu’il ne peut pas évidemment être comme le rappelle le juge à juste
titre, mais de donner au seul délégué du personnel la possibilité de
renoncer à la poursuite de la relation de travail afin de déclencher le
bénéfice de ses conséquences indemnitaires. La Cour aurait pu opérer
simplement une substitution de motifs en écartant l’existence d’un
nouveau licenciement tout en reconnaissant le droit du représentant du
personnel d’y renoncer. Cela aurait permis de sauver la solution rendue
par le juge d’appel. Ainsi, le licenciement demeurerait nul, mais par
l’effet de la renonciation du créancier de l’obligation de réintégration,
il produira les suites d’un licenciement abusif. Ce qui ouvre la
possibilité au salarié d’obtenir les sommes réclamées en l’espèce au
premier juge.
La Haute juridiction ne semble pas disposée à faire produire au
licenciement nul les effets d’un licenciement abusif. Elle avait certes,
par le passé, semblé s’abstenir de contredire le juge du fond d’avoir
alloué des dommages et intérêts face au refus de réintégration en visant
l’article 51 b du Code du travail de 196155 devenu L56 b du Code du
travail de 199756 mais en le censurant seulement d’avoir tenu compte
du comportement des délégués du personnel pour atténuer le montant
de dommages et intérêts alloués57. La cassation de la décision portait
donc sur les modalités de l’indemnisation des salariés et non sur le
principe même d’allouer des dommages et intérêts. Or, justement les
dommages et intérêts constituent la sanction d’un licenciement abusif.
Elle avait même approuvé des juges du fond ayant décidé que le
licenciement du salarié sans autorisation administrative était abusif58.
55
Loi n° 61-34 du 15 juin 1961, JORS n° 3462 du 3 juillet 1961, p. 1015.
56
Loi n* 97-17 du 1er décembre 1997, JORS n° 5776 du 13 décembre 1997, p. 503.
57
C. cass. (Sénégal), 10 juillet 1996, arrêt n° 50, D.-G. Galixte et autres c/. Société
Industrielle Moderne des Plastiques Africains dite SIMPA, disponible sur
https://juricaf.org/arret/SENEGAL-COURDECASSATION-19960710-50.
58
Cour supr., 13 février 2008, arrêt n° 07, CESAG/BCEAO c/. Aa Ac X
(Pseudonymes) : « Mais attendu que la Cour d’appel qui, après avoir relevé que le
CESAG contestait la qualité de délégué du personnel de X et écarté ce moyen aux
motifs que la contestation de la régularité de l’élection n’a pas été portée devant le
juge compétent, en a tiré la conséquence que le licenciement de celui-ci, prononcé
200
Mais elle a semblé changer de posture par la suite dans un arrêt où elle
leur reproche une violation de la loi pour avoir estimé « qu’il ressort de
l’article L 217 que la réintégration est une prérogative reconnue dans
l’intérêt exclusif du salarié ; qu’elle n’est ainsi possible que si le
travailleur le demande ou ne s’y oppose pas ; qu’elle ne saurait par
conséquent lui être imposée », au motif que « la réintégration du
délégué du personnel ainsi licencié n’est pas laissée à l’appréciation des
parties parce qu’étant d’ordre public »59. L’on croyait la jurisprudence
définitivement assise sur la question mais par un arrêt des chambres
réunies, la Cour suprême décide que « le licenciement nul et le
licenciement abusif sont exclusifs l’un l’autre, de sorte que la requête
adressée le 14 juin 2004 au tribunal du travail pour licenciement abusif
par [la salariée], déléguée du personnel licenciée le 10 octobre 2003 et
non réintégrée dans le délai légal malgré l’annulation de l’autorisation
de licenciement par le ministre du travail, s’analyse en une renonciation
à son droit à réintégration60 », et elle ajoute que « les salaires échus et
les indemnités dues à celle-ci entre octobre 2003 et juin 2004 sur le
fondement de l’article L 217 du Code du travail, constituent dès lors
des droits acquis à prendre en compte, selon les dispositions de l’article
L 56 du code du travail, dans la fixation du montant des dommages-
intérêts pour licenciement abusif61 »62. Mais la jurisprudence semble
encore s’inverser dans l’arrêt commenté où elle affirme avec fermeté
l’effet erga omnes de la nullité du licenciement du délégué du personnel
en soulevant d’office le moyen de cassation pour censurer l’arrêt
d’appel. Ce qui indique désormais une position tranchée des juges
suprêmes concernant leur doctrine rejetant toute transformation du
licenciement nul en abus de droit63.
201
En notre sens, l’intransigeance de la Cour n’est justifiée et
acceptable qu’à l’encontre de l’employeur, mais sa persistance envers
le délégué du personnel n’est pas satisfaisante. Lui dénier le droit de
renoncer à sa réintégration favorisera un effet pervers, celui de la part
des employeurs qui laisseraient pourrir la situation en refusant le
maintien de la relation de travail pour le décourager. Il renoncera à
poursuivre de fait sa réintégration et engagera ses services auprès d’un
autre. Son ex-employeur aura violé alors la protection prévue par la loi
sans grandes conséquences pour lui, exceptées l’indemnité de salaires
échus et l’indemnité supplémentaire pour non réintégration. Les
salaires à échoir ne pouvant plus être dus dès lors que le travailleur est
entré au service d’une nouvelle entreprise, ce qui le rend désormais
indisponible pour la réintégration et ne pourra pas avoir la prétention de
cumuler deux salaires en même temps. Or, si la renonciation était
autorisée au délégué du personnel, elle aurait eu pour conséquence de
lui ouvrir droit aux indemnités citées mais également à des dommages
et intérêts et aux indemnités de licenciement.
En tout état de cause, le refus de réintégration fait peser sur
l’employeur les salaires du délégué du personnel qui l’exige.
202
contrat synallagmatique, naturellement les obligations des parties sont
interdépendantes de sorte qu’en l’absence de prestation de travail, point
de rémunération en principe64. Mais encore faut-il que l’inexécution des
obligations du travailleur lui soit imputable. Suite à l’annulation du
licenciement, si malgré l’offre de service du représentant du personnel,
l’employeur refuse de l’accueillir dans son emploi, l’inexécution ne lui
est pas alors imputable. Par conséquent, l’employeur devra lui verser
ses salaires, même si au final aucune prestation de travail n’a été
accomplie par le salarié.
En l’espèce, après avoir obtenu l’annulation par le juge administratif
de l’autorisation de licenciement accordée par les autorités
administratives compétentes, il prétendait à juste titre à la reprise de la
relation de travail, mais il s’était heurté à l’opposition de l’employeur
qui non seulement refusait de le réintégrer à son poste mais lui
interdisait même l’accès à son lieu de travail. À partir de ce moment, ce
dernier manquait à ses obligations légales et contractuelles, désobéissait
à la loi ainsi qu’au juge au regard des dispositions qui gouvernent le
licenciement des délégués du personnel, et par-là violait aussi ses
obligations de fournir du travail au salarié et de le rémunérer.
Le déni de réintégration obligera l’employeur, à titre de sanction, à
verser au délégué du personnel ses salaires à compter de ce refus. Ce
tribut n’est pas, à la vérité, et en l’occurrence, prévue par la législation
sociale. La jurisprudence a induit cette conséquence de la résistance de
l’employeur65. S’agissant d’une violation d’un droit fondamental, le
droit à la représentation des salariés, une telle sanction est logique dans
la mesure où le comportement du débiteur de l’obligation de
réintégration ne devrait pas prospérer. Elle est certes une obligation de
64
G. AUZÉRO et alii, Droit du travail, op. cit., p. 1232, § 982.
65
Cour supr., 13 mai 2020, arrêt n° 31 préc. : « Attendu qu’ayant relevé, par motifs
propres et adoptés, que si en vertu de l’ordonnance du 23 juillet 2013, le demandeur
a obtenu le paiement de ses salaires pour la période allant de son licenciement à la
décision de la Cour suprême le 23 février 2013, il n’en demeure pas moins que
l’employeur n’ a pas encore exécuté son obligation de le réintégrer, puis retenu que
tant que cette intégration n’est pas opérée, le délégué du personnel licencié à tort, a
droit aux salaires échus comme s’il avait travaillé, c’est à bon droit, que cour d’Appel
a alloué à B. Mb. des indemnités au titre de salaires couvrant la période de mars 2012
à juin 2016 ; ». C’est nous qui soulignons. Ces salaires échus, mis en gras, sont en
réalité les salaires à échoir puisque c’étaient ceux dus après le refus de réintégration,
les vrais salaires échus sont ceux dus entre la rupture sans autorisation et la
réintégration effective du délégué du personnel.
203
faire, non-susceptible d’une exécution forcée en raison du caractère
intuitu personae de la relation de travail, mais son refus va le rendre
débiteur des salaires du délégué alors même qu’il n’exécute plus la
prestation de travail dès lors que celui-ci brigue son retour dans
l’entreprise. L’inexécution d’une obligation de sommes d’argent
rentrant dans la catégorie de l’obligation de donner66, il sera possible
cette fois-ci au salarié de poursuivre l’exécution forcée des sommes qui
lui sont dues au titre de salaire en pratiquant des saisies sur les avoirs et
biens de l’employeur.
Le versement des salaires à échoir est une sanction adaptée à
l’inobservation de l’obligation de poursuivre la relation de travail.
L’employeur va s’appauvrir sans s’enrichir de la prestation de travail
due par le salarié dès lors qu’il lui refuse l’accès au lieu de travail. Ce
qui va certainement le pousser à interrompre sa défiance de la loi pour
donner effet au retour du salarié dans son emploi.
L’utilité de cette sanction a peut-être conduit le législateur à la
consacrer dans la récente loi relative à la non-discrimination67. Tout
comme le licenciement du délégué du personnel sans respect de la
procédure administrative d’autorisation, le licenciement
discriminatoire porte atteinte à des principes inscrits dans la
Constitution comme l’égalité et la non-discrimination. À ce titre, ils
portent tous les deux sur la violation de droit, liberté ou principe
garantis par la Charte fondamentale du Sénégal. Il est donc juste que le
sort subi soit le même, à savoir la nullité de l’acte pris en violation des
normes constitutionnelles. Empruntant ensuite à la jurisprudence, la loi
2022-03 mentionne expressément la sanction des salaires à échoir68 qui
devront être versés au salarié.
Il faut regretter cependant, aussi bien dans la jurisprudence que dans
la nouvelle loi, le silence noté sur le terme du versement des salaires à
échoir si l’employeur persiste dans sa volonté de priver le salarié de
réintégration. S’agissant de l’astreinte accompagnant la sanction, il a pu
être décidé qu’elle est due, en cas de refus de réintégration jusqu’à la
66
Y. Picod, Dalloz, Répertoire de droit civil, juin 2017 (act. jan. 2019), § 67, v*
Obligations.
67
Loi n* 2022-03 révisant et complétant certaines dispositions de la loi n° 97-17 du
1er décembre 1997 portant Code du travail, relative à la non-discrimination, JORS n°
7518 du samedi 23 avril 2022, p. 379.
68
Article 29-3 al. 3 du Code du travail, issu de la rédaction de la loi n* 2022-03 du 14
avril 2022 relative à la non-discrimination, précitée.
204
retraite du délégué du personnel69, certainement s’il ne retrouve pas de
travail entretemps. Mais pour les salaires à échoir, aussi bien la loi que
la jurisprudence ne se prononcent sur le dû au cas où l’employeur
persiste dans son déni de réintégration.
Il peut être proposé dans cette situation, que tant qu’il ne retrouve
pas de travail avant son départ à la retraite, les salaires à échoir lui seront
dus jusqu’à cet événement. Mais s’il décide de s’engager au service
d’un autre, alors le versement cessera, même s’il est possible de prévoir
comme en droit français qu’il lui devra également les salaires à échoir
jusqu’à la fin de la période de protection70.
Si l’on veut dissuader les employeurs de défier la loi et le juge, seules
ces contraintes financières, astreintes et salaires à échoir, permettront
leur retour à la raison et au respect de la législation sociale.
69
Cour supr., 24 août 2016, arrêt n° 34 préc.
70
L. MILET, « Les indemnités dues aux représentants du personnel licenciés sans
autorisation administrative », préc.
205
REVUE SÉNÉGALAISE DE DROIT • N° 38
REVUE SÉNÉGALAISE
Directeur de publication
Pr. Isaac Yankhoba NDIAYE
DE DROIT
SOMMAIRE.......................................................................................... ..................................................................................................................................................... 11
DOCTRINE.............................................................................................. .....................................................................................................................................................13
La crise de la démocratie
Aubrey ADOUA-MBONGO Sidney NGOUABI .............................................................................................................................. 15
DAKAR
ISBN : 978-2-336-46178-6
9 782336 461786
26 €