Histoire Des Institutions Publiques
Histoire Des Institutions Publiques
INTRODUCTION GÉNÉRALE
L’histoire n’intéresse le juriste que dans la mesure où elle à laisser des traces dans les
règles juridiques contemporaines.
Il est souvent rappelé que toutes analyses qui ne prend pas en compte l’évolution historique
n’est pas scientifique. C’est pourquoi, les programmes officiels FSJP de L’UCAD prévoient pour
la première année de licence un enseignement qui, l’objet d’un cours annuel assorti de TD
intitulé introduction historique au droit ou histoire des institutions publiques.
L’histoire incarne en elle-même le changement.
Elle renvoie à une série d’évolution complexe qui ne peut être analysée qu’au sein de
quelques grandes périodes appelées à leur servir de cadres.
Les problèmes que posent la vie en société ne datent pas d’aujourd’hui.
Nombre d'entre eux ont épousé le cours successif des civilisations. L’attachement concret du
droit à son lieu de naissance légitime laisse une place importante aux enseignements
historiques dans les facultés de droit. Ainsi, la culture juridique mérite une approche
historique permettant d’identifier les fondements du droit en précisant sa vraie image dans un
contexte social déterminé pouvant éclairer le passé.
Le professeur Garrison, enseigne que le droit est tout à la fois un élément formel (ensemble de
règles) et un élément matériel (c'est-à-dire le contenu de ses règles).
Il appartient à la discipline d’histoire des institutions d’apporter un témoignage à l’évolution
des phénomènes juridiques.
Notre discipline contribue à la formation des juristes en les dotant d’une arme nécessaire au
jugement, la prise de conscience du relativisme des institutions.
En effet, les institutions qui régissent la société et quoique destinées à durer ne sont pas
immuables.
Malgré leur permanence, les institutions se transforment sous la pesée des mêmes facteurs
politiques, économiques, idéologiques, voire culturels.
En tout état de cause, le droit et ses institutions sont pliés à l’impératif du mouvement qui
dépend lui-même des circonstances vécues.
Il n’existe pas donc de règles définitives. C’est cette évolution que l’étudiant doit saisir.
Pour le professeur Bernard Durant, le contenu du droit, les solutions institutionnelles, ses
assises, ne sont pas partout identiques même si partout se fait sentir le besoin d’organiser les
rapports des individus entre eux et de résoudre les problèmes qui touchent au gouvernement
des hommes.
Cela est d’autant plus vrai que les systèmes juridiques différents selon les civilisations, les
cultures et les nations et que la discipline d’histoire du droit permet de rendre compte des
réformes des évolutions et des changements puisque tout événement historique trouve sa
source dans un événement antérieur qui tout à la fois l’explique et prépare déjà la chaîne des
événements ultérieurs.
Par conséquent, un recul est nécessaire à toute volonté de changer l’ordre juridique en
vigueur.
Par ailleurs, les institutions publiques visent essentiellement l’organisation et la conception
du pouvoir politique , les structures administratives et juridiques.
Traditionnellement, l’enseignement de l’histoire des institutions publiques commence par la
période de l’antiquité avec principalement deux chapitres. Au premier semestre, l’Égypte
pharaonique et l’empire romain. Au second semestre, avec deux chapitres les institutions
politiques de l’Arabie puis les institutions administratives et politiques du moyen âge
africain.
INDICATION BIBLIOGRAPHIQUE
Les sociétés antiques possèdent des traits communs. En général, elles apparaissent
fortement hiérarchisées, et cette hiérarchie est une condition essentielle de leur devenir.
Toutes ses sociétés reconnaissent le rôle éminent d’un chef charismatique spécialement
investi par les dieux. Souvent placé à la limite du surhomme, le chef incarne l’État. C’est
dans l’intimité directe du chef que Dieu donne la loi aux hommes. Le droit se forme à l’écart
de toutes entremises humaines autres que celle du dieu qui initie la loi et du chef qui la reçoit.
C’est le cas de l’Égypte pharaonique.
L’Égypte antique est une ancienne civilisation d’Afrique du Nord concentrée sur le long de la
vallée du Nil. Son histoire se caractérise par la longévité des institutions mises en place dès
son commencement et qui, bien que n’étant pas restées totalement figées, ont résisté aux
périodes les plus sombres.
Cette civilisation vieille de trois millénaires avant l’ère chrétienne est caractérisée par
l’omnipotence d’un personnage central appelé Pharaon. Ce souverain égyptien a été regardé
par les populations comme un dieu sur terre. C’est pourquoi, tous les secteurs de la vie active
(justice, armée, administration, économie) sont qualifiés de pharaoniques, du fait que le souverain
égyptien se voit être le moteur du bien-être de la population.
L’histoire de l’Égypte pharaonique est intimement liée à son régime politique, qui se définit
autant par ses institutions monarchiques que par son cadre géographique et chronologique.
Pour parcourir cette histoire de la civilisation égyptienne, nous insisterons sur les grandes
périodes de l’histoire de la monarchie (section 1) sur les différents secteurs de l’Etat (section 2)
et sur les fondements idéologiques du pouvoir pharaonique (section 3).
Cette période très mal connu, est caractérisée par l’effacement du roi de la scène politique
au profit des nomarques, (des fonctionnaires qui administraient les nomes au nom du
pharaon) des chefs de provinces à l’origine désigné par le souverain et dont le titre est devenu
héréditaire avec le temps.
Cette boulimie de pouvoir des élites locales se serait surtout faite sous le règne Pépi II, dont
l’âge avancé empêchait de contrôler toute la monarchie. Le règne d’une femme, la reine
Nitocris (VIème dynastie) portera un coup fatal à la crédibilité de la monarchie, permettant aux
fonctionnaires locaux solidement implantés dans leurs nomes de s’émanciper de l’autorité
royale. Ces fonctionnaires locaux ont refusé de payer l’impôt, refusé de reverser à l’armée
pharaonique leurs contingents militaires, mais encore ils se font enterrer dans leurs propres
principautés, érigeant des cultes locaux, leur permettant de remplacer le pharaon dans leurs
localités.
L’instabilité politique est illustrée sous le règne des pharaons de la XVIIème dynastie (Manéthon)
avec le morcellement de l’Égypte en trois régions: le Delta aux mains des asiatiques, la
moyenne Égypte sous l’autorité des nomarques d’Héracléopolis, la haute Égypte gouvernée par
les rois de Thèbes. Au cours de l’an 2040, les forces thébaines sous la conduite du pharaon
(Montouhotep II) avaient pour mission de reconstituer l’unité de la nation, l’unité territoriale en
éliminant les chefs locaux qui avaient pris leurs indépendances (la rébellion interne).
Ainsi, s’ouvre une période de renaissance politique, économique et culturelle appelée le
moyen empire.
Il ne s’agit plus cette fois-ci de l’agitation des fonctionnaires locaux, mais l’arrivée de
nombreuses populations qui ont quitté la Syrie et la Palestine.
Appelées Hyksos, ses étrangers écrasent les troupes égyptiennes grâce à une armée beaucoup
plus performante.
Les pharaons abandonnent la totalité du Delta ainsi que le centre de l’Etat, pour se réfugier à
Thèbes. Ces Hyksos s’emparent de Memphis et fondent dans le nom du royaume une
nouvelle capitale appelée Avaris.
Ayant apporté leurs divinités asiatiques, ils veulent les imposer, les habitants d'Égypte, ce qui
suscite un profond mécontentement au sein de la population autochtones. C’est finalement
qu’ils se sont conformés à la tradition égyptienne, en se considérant comme de véritables
égyptiens fondateurs de la XV et XVIème dynastie, ces Hyksos se font appelées fils de Rê.
Pendant près d’un siècle, ses asiatiques règnent sur le Delta et la moyenne Égypte et font
payer des impôts aux rois de Thèbes. Vers la même époque, les nubiens se révoltent et
fondent le royaume de Koush, gouvernés par des princes soudanais qui s'allient avec les
Hyksos contre les rois de Thèbes. Ces derniers, pourtant ont pris le dessus sur leur ennemi et
ont réussi à expulser les asiatiques et à refaire l’unité des deux royaume du nord et du sud.
C’est le début du nouvel empire
C’est par l’expulsion des Hyksos hors d’Égypte et l’unification de la haute et de la basse
Égypte d’Ahmôsis I, fondateur de la XVIIIème dynastie, que commence le nouvel empire, dont le
centre administratif reste fixé à Thèbes.
La politique d’expansion vers l’Est, marque alors profondément la civilisation égyptienne par
des apports culturels étrangers, un luxe très oriental et une évolution de la pensée religieuse.
Les conquêtes asiatiques seront donc au premier plan de leur préoccupation; entreprises par
Ahmôsis I, Thoutmôsis I, et Thoutmôsis II, elles sont arrêtées sous le règne de la fameuse reine
Hatchepsout de 1505-1483 qui succède à son époux Thoutmôsis II.
Malgré ses réalisations, son neveu et beau fils Thoutmôsis III, cherche à l’effacer vers la fin de
son règne, peut-être en guise de représailles pour avoir usurpé le trône. Il en est suivi de
nombreux bouleversements politiques et sociaux avec l’avènement des pharaons Amenhotep IV
et Ramsès II. L’impact des menaces extérieures est aggravé par les problèmes internes tels que
la corruption et les troubles civils. Vers 1070, sous le règne de Ramsès XI, le clergé d'Amon,
devenu une véritable dynastie, prend le pouvoir en haute Égypte. C’est la fin du nouvel
empire.
Après la mort de Ramsès XI en 1078, l’Égypte entre dans une période de décadence qui
dure VII siècles et au cours de laquelle le pouvoir royal s’affaiblit tandis que les gouverneurs
des nomes s’émancipent et reprennent leur indépendance et que les prêtres d’Amon
deviennent plus puissants que jamais.
De la XXIème à la XXXème dynastie, lutte sociale, guerre civile et invasion se succèdent
presque sans interruption; des souverains libyens cèdent la place à des rois d’origines de
Perses ou d’Abyssinie et les Assyriens envahissent par trois fois l’Égypte ou le sud s’oppose
au nord dans des luttes interminables.
Le roi de Koush, Piankhy envahit le nord de l’Égypte et prend le contrôle de Thèbes, les
nubiens seront vaincus plus tard par les Assyriens qui occupent la ville de Memphis.
La monarchie ne se relèvera plus et ne sera plus jamais libérée entièrement de la domination
étrangère. Elle sera Grecque pendant 05 siècles avant de devenir en l’an 30 province de
l’empire Romain.
Ils sont nombreux, mais notre attention portera sur l’organisation administrative et le
système juridique et judiciaire pharaonique.
Au sommet de la hiérarchie administrative, existe une seule autorité: le pharaon. Il est roi
et seul intermédiaire entre les hommes et les dieux. Il tire directement son pouvoir des dieux.
Rappelons que des théories de légitimation de la filiation divine du pharaon ont été
soutenues: la filiation solaire et la filiation osirienne.
Ainsi, dans le souci de conserver la pureté du sang royal, le mariage du roi avec l’une de ces
sœurs consanguines était admis. Bien plus qu’un roi, le pharaon est à la fois l’administrateur
principal, le chef des armées, le premier magistrat et le prêtre suprême de l’Égypte.
C’est ce qui fait que l’institution monarchique devient le symbole de l’unité nationale et la
condition essentielle de la stabilité du pays.
Pour exercer son contrôle sur les terres et les ressources, le roi s’appui sur ses collaborateurs,
composé de fonctionnaires, de scribes et de prêtres qui gèrent ses affaires au quotidien.
Cette administration est dirigée par son homme de confiance, le vizir, sorte de premier
ministre (Tati), il agit comme le représentant du roi et coordonne l’arpentage des terres, les
trésors, les projets de construction, le système juridique et les archives. Au niveau local,
l’Égypte est divisée en provinces appelées Nomes ((42) nomes: (20) Nord et (22) au Sud)
assujettie aux services centraux et dont les administrateurs ont été mis en place par le
pharaon. Au départ, les charges importantes étaient réservées à la famille du souverain, mais
la spécialisation des métiers et le développement croissant de l’administration poussa le roi a
délégué le pouvoir à des personnes qui n’étaient pas de sang royal.
Les nomes sont constitués de plusieurs villages dirigés par des nomarques.
Le droit égyptien vise formellement à exprimer l’équité et la justice prescrite par Maât.
Bien qu’étant une théocratie protégeant l’ordre établi sur la base de la reconnaissance du droit
divin du souverain, le système pharaonique initie une sorte d'État de droit pour que nul ne fut
à l'abri de la sanction de Maât. Les lois de l’Égypte ancienne paraissent se diviser en deux
groupes:
– Le premier est celui des lois proprement dites, entendues au sens large, de normes
destinées à réguler l’administration, l’économie ou la justice de l'État.
– Le second, couramment désigné sous le nom de décrets royaux, semble
l’expression d’un pouvoir réglementaire.
La loi voulue par le pharaon est la loi de dieu. Quelle que soit sa nature, l’écrit, lorsqu’il
témoigne des actes indispensables à la vie de l'État et relève à ce titre du département des
décrets royaux, est toujours l’expression du sacré.
L’application des lois se fait selon l’origine des justiciables. Ainsi, quand un syrien se
présentait devant les tribunaux égyptiens pour régler un litige l’opposant à un de ses
compatriotes, on appliquait les lois syriennes en vigueur. A l'inverse, quand il s’agit d’un
étranger en conflit avec un égyptien, l’emportait évidemment l’application des lois
égyptiennes.
Selon Pierre Legendre, toute société est amenée à construire l’univers fonctionnel de sa
référence, sur laquelle puisse se fonder une indestructibilité, non pas matérielle ni physique,
mais symbolique. Parce que toutes sociétés représentent pour les sujets humains de sa
mouvance, la figure de l’espèce. Autrement dit, la vie et la reproduction de la vie. Cela
implique pour nous, que nous interrogeons « pourquoi l’homme ne peut vivre sans être légitimé
pour vivre ».
En Égypte, cette référence est appelée le principe de Maât. Cette référence à la divinité est en
même temps le socle qui légitime son pouvoir, mais aussi ses freins ou limites en ce sens que
le pharaon peut-être sanctionné s’il ne remplit pas cette fonction.
Les pharaons de l’antiquité parlaient d’une vie après la mort, ils parlaient d’enfer et de
paradis, du salut de l’âme. Ainsi, ils faisaient la distinction entre le Kâ et le Bâ.
Le Kâ étant l’aspect matériel de l’humain et le Bâ, l’âme. C’est ce Bâ qui sera jugé par le
tribunal divin.
La Justice divine est composée de (42) juges et présidée par Osiris, cette justice avait pour rôle
de statuer sur la gestion du pouvoir pharaonique sur terre, de voir si le pharaon respecte le
principe de Maât en se gardant de commettre tout acte contraire aux recommandations de la
Déesse.
En déclarant, selon une énumération bien claire, n’avoir commis aucun manquement aux
règles sociales et morales qui s’imposent à tous, l’âme du pharaon sera déclaré Maâty,
c’est-à-dire positif.
C’est-à-dire, conforme à la Maât et pourra faire la navette entre le monde céleste et le monde
terrestre.
Dans le cas contraire, lorsque le Bâ du pharaon est déclaré non conforme aux principes de
Maât, le tribunal Osirien donnera une sanction négative, consistant à condamner l’âme du
pharaon dans le monde des morts.
Rome n’était à l’origine que l’une des nombreuses citées de l’Italie centrale et d’après la
tradition légendaire, la ville aurait été créée en 753 av. JC et l’on a coutume d’arrêter son
histoire et celle du droit romain à la mort de l’empereur Justinian en 565 av. JC.
Au cours de cette longue histoire, Rome a connu trois régimes politiques :
– la royauté qui selon la légende commence avec la fondation de Rome et cesse par
l’expulsion des rois Étrusques en 509 av. JC.
– La République de 509 à l’an 27 av. JC.
– L’empire, subdivisé en haut empire de l’an 27 à 284 av. JC et le bas empire de
l’empire 284 à 565 après JC.
La royauté romaine n’étant connue que par des sources imparfaites et fragmentaires, notre
attention va porter essentiellement sur la République en tant que première expérience
démocratique fondée sur le culte de l’État et de la citoyenneté.
Cette République de l’an 509 av. JC s’est voulu le contraire de la royauté étrusque en mettant
le peuple au centre du jeu politique. Elle s’est voulue également performante, dans la manière
dont les différents pouvoirs ont été articulés. Ces pouvoirs ont été séparés théoriquement
même s’ils restent complémentaires dans leur fonctionnement. Dans l’histoire de la Res
publica, il s’est produit beaucoup de bouleversements politiques qui ont fini par plonger la
République dans une profonde cris, laquelle aboutira à la restauration de la monarchie.
Si la cité est formée par le peuple, le pouvoir n’y est pas détenu par celui-ci. Le
gouvernement n’est pas l’affaire du peuple. Il n’est pas res-publica au sens littéral du terme,
parce que contrôlé par la minorité patricienne. Ce qui pousse le peuple à se révolter contre
l’aristocratie et rejette le pouvoir.
Une crise politique et économique pousse le gouvernement à adopter le régime impérial.
L’année 509 av. JC marque l’avènement de la République. Comme chez les grecs, les
romains considèrent la Res publica comme la chose publique. Seulement, cette conception fut
mise en pratique dans la cité, sur un petit territoire à population réduite.
La Res publica n’est pas seulement un régime politique qui se différencie de la monarchie
mais une construction juridique proche de l’État qui a servi de base avec d’autres concepts à
la construction de la notion d’États modernes.
Elle est formée de la somme des droits et des intérêts du peuple romain, considéré comme un
tout; intérêts qui sont gérés collectivement.
Dans la Res publica, la communauté des citoyens forme le populus romanus. Et donc la
qualité de citoyen détermine l’appartenance au peuple romain. De ce point de vu, trois
fonctions essentielles reviennent à ce peuple:
– élire les magistrats
– voter les lois
– prononcer la peine de mort.
Dans le gouvernement républicain, des anciennes familles descendant des patrès, dès
l’époque royale se sont attribués le statut de sénateur, avec comme principale mission de
conseiller la République et de contrôler les décisions prises par les autres organes.
Cette République de l’an 509 a vu l’émergence d’un autre organe de gouvernement, détenteur
de l’administration et du commandement de la cité appelées Magistrature. En théorie, ils ont
pris la place des rois étrusques, ce qui explique l’importance des pouvoirs qui leurs sont
dévolus (potestas, impérium).
Cette manière de séparer et d’articuler les trois pouvoirs a poussé un prisonnier de guerre
grecque des romains, Polybe, à considérer que la constitution de l’an 509 allie à la fois la
monarchie, si on se réfère au pouvoir des magistrats, à la démocratie, si on fait allusion aux
assemblées et à l’aristocratie, eu égard aux pouvoirs alloués au Sénat. Ce qui nous amène à
étudier successivement les Assemblées, la Magistrature et le Sénat.
Les assemblées sont multiples du fait de leur apparition chronologique. En général, elle
rassemble toutes les personnes qui ont la qualité de citoyens et répartis en fonction de leurs
fortunes et de leurs tribus.
Les origines sont encore une voie obscure. La répartition des citoyens est faite selon les
lieux d’exploitation des terres et des résidences. Ils ont été créés à l’initiative des magistrats
d’origine plébéienne et sont répartis en tribus urbaine et en tribus Rustique (rural).
Ils étaient chargés d’élire les magistrats inférieurs et plus tard ils seront appelés à voter des
lois et a fixé le taux pour les fortes amendes.
Les assemblées sont ouvertes à tous les citoyens.
En sont exclus, les femmes, les enfants, les esclaves et les étrangers. Mais, dans la pratique,
tous ne participent pas à la vie de ses regroupements du fait des longues distances, de
l’indifférence des ruraux et des habitants des cités créés par Rome qui sont plus soucieux de
leurs intérêts que ceux de la cité-mer.
Ce désintéressement des citoyens par rapport à l’activité, a eu comme conséquences la
direction des affaires publiques par une certaines minorités qui occupent les magistrats et sont
élus par leurs clientèles.
L’organisation des magistratures romaines prévoit une pluralité dans laquelle on trouve
des magistrats ordinaires et des magistrats extraordinaires.
S’agissant des magistrats ordinaires, elles sont capables progressivement, au fur et mesure
que Rome sent le besoin de les créés.
Elles ont été d’abord contrôlées par les patriciens et ultérieurement les fonctions de Tribun et
d’Édile de la plèbe ont été étendues aux magistratures de la cité sans changer de noms. Ces
magistratures sont en réalité :
– le consulat: créé en l’an 509 av. JC, constitue la magistrature la plus puissante. Ses
membres, les consuls sont détenteurs d'imperium. Même soumis au contrôle du Sénat, ils
conduisent la guerre, nomment les officiers et exercent le droit de répression sur les troupes.
Ils président les Assemblées et proposent les lois. Au nombre de (02), les consuls sont les
gardiens de l’ordre public.
– La préture: les prêteurs sont spécialisés dans le domaine judiciaire. Détenteur
d'imperium, il existait dès prêteurs urbains pour les procès entre citoyens romains et des
prêteurs pérégrins pour des procès entre étrangers. Il convient toutefois de préciser que ces
prêteurs avaient simplement le pouvoir de déterminer les actions de justices nécessaires de la
revendication d’un droit devant le juge. Le rôle du juge est attribué à une autre personne, un
citoyen réputé pour son honneur et sa connaissance du droit.
– La censure: créée en 443 av. JC, les censeurs avaient à la fois des fonctions
politiques et des fonctions morales. Pour ce qui est des fonctions politiques, les censeurs ont
pour mission de classer les citoyens dans différents groupes (comices centuriates et comices
tributes). Ils procèdent aux inscriptions et aux radiations des citoyens dans ses groupes en
fonction de leurs fortunes et de leurs résidences. Cette opération a lieu tous les 05 ans et le
censeur dispose d’un délai de 18 mois pour ses opérations. Leur deuxième fonction est la
police des mœurs, le contrôle des bonnes mœurs des citoyens de la cité. Ils peuvent infliger
des sanctions en cas d’adultère et de maltraitance.
– La questure: les questeurs avaient pour rôle de verser l’argent sur ordre d’une autre
autorité. Élus par les comices tributes, ils étaient spécialisés dans les questions financières.
– L’Édilité: les édiles sont élus par les comices tributes et disposent de la potestas.
Leurs fonctions se limitent à la police des marchés, à l’hygiène et à la salubrité des rues et
aux jugements des petites infractions (les contraventions).
Par ailleurs, s’agissant des magistratures extraordinaires, elles ont été créées en période de
crise et qui dérogent aux règles habituelles de l’annualité, de l’élection et de la collégialité.
Elles visent à faire face à des difficultés et à ramener au plus vite la paix. Il s'agit de la
dictature et de l'inter-roi.
– La dictature est une magistrature extraordinaire. Sa nomination par les consuls
pour 06 mois, a lieu en cas de périls intérieurs ou extérieurs graves dans l’intérêt de la cité.
Tous les magistrats supérieurs lui sont subordonnés.
Quand les magistrats supérieurs (cum impérium) disparaissent ou quand l’un meurt et l’autre
meurt, le Sénat choisit en son sein un inter-roi qui va exercer une magistrature de 05 jours au
terme desquels il doit désigner un autre sénateur qui doit prendre sa place. Ses fonctions ont
pour unique objet de réunir le plus vite possible les comices centuriates afin d’élire (02)
nouveaux consuls.
Les romains ont également prévu pendant la Res Publica, un Sénat ayant un droit de regard
sur l’activité des magistrats.
Cicéron écrivait « nos ancêtres ont fait du Sénat le tuteur, le défenseur de la res publica.»
Les sénateurs forment un pouvoir collectif, une sagesse politique, un organe consultatif qui
regroupent les anciens magistrats ayant épuisé leurs carrières.
Le Sénat a un rôle officiel de Conseil, les consuls, les consultes.
Il a un pouvoir illimité d’inspiration de la politique de la cité, par sa prudence et par sa
sagesse. Il surveille ou supervise l’autorité des magistrats et a souvent un rôle de direction
politique effective. Ces décisions constituent les sénatus consultes, c’est-à-dire des avis relatifs
à toutes les activités de la cité.
Ainsi, pour être efficace, pour avoir une force indiscutable, toutes décisions concernant la vie
de la cité doivent revêtir l’auctoritas sénatoriale encore appelé auctoritas patrum.
En particulier, l’auctoritas patrum donne au Sénat le pouvoir de sanctionner une loi ou de
valider les élections.
Le Sénat romain a des compétences très variées.
Son premier domaine d’activité est lié aux finances publiques. Gardiens du trésor public, il
fixe le budget civil, contrôle les recettes et les dépenses de l’État.
Il a ensuite une fonction de politique extérieur.
En effet, il dirige la diplomatie en recevant et en nommant les ambassadeurs.
En matière militaire, le Sénat exerce un contrôle étroit sur les opérations militaires. Il ratifie
les déclarations de guerre signées par les Assemblées et fixe la durée des campagnes et des
recrutements militaires.
A cela s’ajoute ses prérogatives en matière foncière, puisque c’est lui qui gère le domaine
public et il lui revenait de demander l’impôt que devait verser les territoires conquis.
Enfin, en matière religieuse, le Sénat a la haute main sur les cultes de la cité. Il assure le
contrôle de l’activité religieuse des citoyens. Il décide de l’introduction de nouveaux cultes.
Par ailleurs, il faut préciser que la révolution républicaine n’a rien donné au peuple. Tout se
passe comme s’il n’existait pas. Sans pouvoir face au magistrat qu’il ne choisit pas, le peuple
est sans défense, abandonné au droit de vie et de mort de ses magistrats tout puissant coopté
par l’aristocratie.
C’est pourquoi, cette masse populaire récusera très vite les conquêtes patriciennes. C’est alors
que naît une nouvelle révolution du peuple appelée révolution plébéienne.
A la fois chef et défenseur de la plèbe, les tribuns sont d’une création originale.
Le tribun n’est pas né pour agir ou commander, mais pour venir en aide à la plèbe contre
l'imperium des consuls en offrant la protection de sa personne inviolable et sacrée. Il joue dès
les origines, un rôle d’équilibre fondamental face à la toute puissance des magistrats
patriciens.
C’est pourquoi, la protection tribunicienne s’étend à tout plébéien menacé dans sa personne
ou dans ses biens.
En tant que magistrat de la plèbe, le tribun avait (02) moyens de s’opposer à un magistrat: par
auxilium, c’est-à-dire un pouvoir d’aide et d’assistance, soit l’intercessio permettant de
paralyser l’action des magistrats en saisissant les Assemblées, alors il revenait au peuple
romain de juger le plébéien à la place du consul. Cette procédure d’écarter le magistrat
patricien en l’occurrence le consul est appelé la provocation ad populum.
La personne du tribun est sous la protection des dieux. En effet, le tribun s’est donné les
moyens les plus énergiques pour faire respecter par tous et contre tous son pouvoir d’aide à la
plèbe. Sa personne était inviolable et qui touché à un tribun commet un sacrilège d’où la
sacro-sainteté qui signifie que toute atteinte à la personne sacrée du tribun, à son autorité et
par extension aux intérêts de la plèbe dans son ensemble rend le coupable maudit, voué aux
divinités infernales (loi valeriæ horatiæ).
Quand n’est-il de la l’Assemblée de la plèbe encore appelée concilia plebis?
Le concilia plebis est une réunion de la plèbe. Tous les plébéiens sont donc convoqués,
sont membres des conciles de la plèbe. Ce sont en général des tribuns qui convoquent ses
réunions et sont maîtres de l’ordre du jour.
Les Assemblées de la plèbe avaient rôle électoral, elles élisaient les tribuns et les édiles et
avaient un rôle décisionnaire et même normatif. Les décisions précises portent le nom de
plébiscites et ne s'appliquent qu’aux plébéiens. Ses réunions des mutins ne pouvaient liées la
cité, ne pouvaient être commandement de la cité toute entière. Pour être appliquées à tout le
peuple, ses décisions doivent recevoir la ratification sénatoriale.
Cependant, en 286 av. JC, dans l’élaboration de la loi des (12) tables, les plébiscites eurent la
même force que les lois votées par les comices centuriates (la loi hortenciæ).
Il en est de même des plébiscites archivés qui pourront être ressortis, si le Sénat ne leur
confère pas leurs autorités.
Par conséquent, la ratification du Sénat n’est plus obligatoire pour que le plébiscite ait une
valeur législative.
Ainsi, le magistrat plébéien, en l’occurrence le tribun, a le pouvoir de convoquer le Sénat et
les comices.
Il faut ajouter dans cet élan de reconnaissance et d’intégration de la plèbe au sein de la cité,
un certain nombre de mesure opèrent une réforme constitutionnelle profonde
Ces réformes portent le nom de « compromis » licinio-sextient.
Il s’agit d’un ensemble de lois acceptées par le Sénat prises par deux tribuns Licinius et Sextius
qui ont pour objectif majeurs l’accès des plébéiens au magistrature supérieure et la réforme
de la composition et du fonctionnement du Sénat.
La conséquence immédiate de ses réformes va dans le sens d’une égalisation des ordres
politiques en créant une mixité de la Magistrature et du Sénat. Cela a pour effet également, la
réconciliation de la cité avec elle-même, avec la création d’une nouvelle élite politique et
sociale portant le nom de Nobilitas, formée par les patriciens, mais également par l’élite de la
plèbe.
Cette Nobilitas a été considérée comme le symbole de l’acceptation de la plèbe dans la cité
romaine.
Justement, cette reconnaissance de la plèbe par l’Etat patricien à permis à la ville de se
renforcer militairement et à imposer sa suprématie sur ses voisins. C’est alors que Rome se
lance dans une politique d’expansion coloniale, en se taillant un immense territoire. Ainsi, il
s’est posé la question de l’adéquation entre l’immensité du territoire et la forme républicaine
du pouvoir.
Il s’en est suivi une crise de la République occasionnant la naissance de l’empire, du moins le
retour à la monarchie.
Il y’a faillite ou crise de la République parce le mécanisme institutionnel de l’an 509 s’est
trouvé détourné par les décideurs politiques au point que l’avènement du régime impérial
était inévitable.
Selon Polybe « les romains eurent l’audace de prétendre à la domination du monde et parvinrent
à leur fin ».
Cette République en tant que régime conquérant n’a pas survécu à ce gigantisme territorial
grâce à de nombreux facteurs, même si des tentatives ont été mises en place pour éviter sa
faillite.
Elle ne fait que culminer sous les frères gracques (Tiberius et Caius) et ne concerne pas
l’agriculture elle-même, mais une catégorie de terre (l’Ager Publicus).
En effet, les soldats de l’armée romaine sont recrutés dans la classe des propriétaires de terres.
C’est donc cette catégorie de paysans qui est la plus touchée par les pertes démographiques
(disparition de la classe moyenne par les guerres et l’esclavage) tandis que ceux qui survivent
sont conservés longtemps dans l’armée et ne s'occupent plus de leur terre. Le butin éventuel
des survivants ne suffit pas en général à remettre en culture les terres. Les récoltes du blé ne
sont pas rémunératrices: Rome commence à importer du blé des provinces conquises.
Alors, soit ses propriétaires s'endettent et revendent leurs terres pour rembourser, soit ils se
mettent au service d’un grand domaine, soit ils abandonnent la campagne pour la ville et
grossissent la masse prolétaire urbaine.
Dans le principe, l’Ager publicus (territoire qui appartient au peuple) doit être maintenue dans
son intégrité pour nourrir le peuple romain.
Mais de plus en plus, ses terres sont lotis et aliénées soit à titre en retour de service rendus à
l’Etat, soit attribuées à des colons. Au lendemain de la deuxième guerre Punique, (30) mille
personnes furent casées dans le Sud de l’Italie sur des lots de l’Ager Publicus. Donc
théoriquement, quand on aliène les terres de l’Etat, on en obtient pas une propriété pleine et
entière: l’Etat demeure propriétaire des lots.
En réalité, le temps passe, les occupants usurpent ses lots en se considérant comme les
véritables propriétaires.
C’est ainsi que des membres de la Nobilitas se sont vu attribuer d’immenses étendues de terres
publiques sur lesquelles travaillent les esclaves. L’Etat romain, voulant récupérer ses terres
accaparées, se heurte au refus des occupants de les rendre. Ce qui porte un coup dur à l’esprit
républicain.
Le climat politique, à partir de 140 av. JC, se dégrade à son tour. Le jeu constitutionnel
admiré par Polybe se dérègle au moment où la Nobilitas s’isole face à une masse urbaine
instable et misérable. Devant le vide laissé par la disparition de la classe moyenne, ce
contrepoids salutaire, la cohésion de la Nobilitas porteuse d’harmonie éclate.
Deux groupes rivaux la séparent.
L’un sensible aux aspirations de la masse, combat pour la défendre et flatter sa puissance
(populars).
L’autre au contraire, s’en détourne dans la crainte, le mépris et l’égoïsme (Optimates).
Ces deux idéologies discordantes ont dominé la vie politique de Rome occasionnant la
cassure de la Nobilitas.
Cicéron seul tentera d’effacer cette rupture, source de violence. Malgré son génie politique,
ses efforts pour ramener l’unité ont échoué.
Dans le souci de trouver des solutions à cette mort lente de la res publica, des mesures
politiques et sociales ont été prises.
La première est celle des frères Gracques.
Tiberius initia une réforme foncière dans le sens de limiter la propriété terrienne et à retirer les
possessions détenues par la noblesse au profit des classes les plus défavorisées.
Caius, l'autre frère quant à lui, met l'accent sur des considérations humanitaires en permettant
à chaque citoyen pauvre de recevoir tous les mois une quantité suffisante de blé à prix
réduits.
Des réformes politiques ont été également envisagées avec le triumvirat, dont le premier fut
composé de César, Pompée, Crassus
Et le second d’Octave, de Marc Antoine et de Lépide.
Cette gestion du pouvoir à 3 n'a pas survécu aux coups d'État internes qui permettront à
Octave August d’être le seul maître de la République.
Sentant que le retour à la monarchie était irréversible, il s'est voulu être très prudent et rusé
contrairement à son oncle César.
Ainsi, de manière silencieuse et intelligente, il a réussi à mettre en place le régime impérial.
L'empire romain est divisé en 2 périodes: le haut empire ou le principat de l'an 27 av. JC avec
Octave Auguste à l'an 284 après JC avec l’avènement de l'empereur Dioclétien et le bas empire
ou le dominat de l’an 284 jusqu'à l'an 565 avec la mort de l’empereur Justinien.