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Modélisation Justice Constitutionnelle

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Article scientifique Article 2009 Accepted version Open Access

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Modélisation d'un système de justice constitutionnelle pour une meilleure


protection des droits de l'homme : trans-constitutionnalisme et droit
constitutionnel comparé

Soma, Abdoulaye

How to cite

SOMA, Abdoulaye. Modélisation d’un système de justice constitutionnelle pour une meilleure protection
des droits de l’homme : trans-constitutionnalisme et droit constitutionnel comparé. In: Revue trimestrielle
des droits de l’homme, 2009, vol. 20, n° 78, p. 437–466.

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Modélisation d’un système de justice constitutionnelle pour une meilleure protection des
droits de l’homme : trans-constitutionnalisme et droit constitutionnel comparé

Abdoulaye SOMA 1

Introduction

Le trans-constitutionnalisme se présente « comme la recherche de normes et de


pratiques constitutionnelles transversales, c’est-à-dire que l’on peut retrouver dans divers
Etats aux systèmes juridiques différents, sans qu’il y ait nécessairement eu emprunt » 2 .
L’approche trans-constitutionnelle, que la doctrine anglaise appelle « transnational
constitutionalism » 3 , examine donc uniquement l’émergence ou l’existence de convergences
et des principes fondamentaux communs à divers ordres constitutionnels 4 . Elle se distingue
alors de l’analyse de droit constitutionnel comparé 5 . Celle-ci peut s’intéresser aussi bien aux
convergences qu’aux divergences entre différents systèmes constitutionnels étatiques, pour
étudier leur similarité, leur particularisme, et leur interaction 6 . Dans la science juridique
contemporaine, on peut constater que la logique trans-constitutionnelle et l’analyse de droit
constitutionnel comparé imprègnent la théorie et la praxis de la protection des droits de
l’homme. Ces derniers, pour synthétiser, sont des droits matériels ou processuels tendant à la
protection de la liberté et de la dignité de la personne humaine, et bénéficiant de garanties
normatives et institutionnelles 7 . Communément consacrés plus ou moins largement dans les
constitutions des Etats modernes et appelant la responsabilité des pouvoirs publics
constitutionnels, ces droits de l’homme, pour leur mise en œuvre interne, rendent de plus en
1
Docteur en droit, Assistant au Département de droit constitutionnel de la Faculté de droit, Coordinateur
Scientifique du programme de formation continue en droits de l’homme, Université de Genève.
2
Sur le concept de trans-constitutionnalisme, consulter P. Foucher, « Contrôle de constitutionnalité, droits
fondamentaux, démocratie : convergences, divergences, tendances », in F. Delpérée et P. Foucher, La saisine du
juge constitutionnel. Aspects de droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 1998, pp. 43-70. L’auteur considère que ce
concept est « porteur d’avenir puisqu’il pourrait contribuer utilement à l’émergence d’une culture
constitutionnelle véritablement universelle, non en raison de quelques vocations jus-naturalistes des droits de
l’homme ou d’une quelconque finalité historique inéluctable, mais en raison tout simplement de l’étude trans-
culturelle des valeurs et concepts maximisant le développement et le bien-être de la personne et l’équilibre
politique de l’Etat ».
3
N. Tsagourias, « Constitutionalism : a theorical roadmap », in N. Tsagourias (éd.), Transnational
Constitutionalism : International and European Perspectives, Cambridge University Press, Cambridge, 2007,
pp. 1-13.
4
P. Foucher, « Contrôle de constitutionnalité, droits fondamentaux, démocratie : convergences, divergences,
tendances », op.cit. ; N. Tsagourias, « The constitutional role of general principles of law in international and
European jurisprudence », in N. Tsagourias (éd.), Transnational Constitutionalism : International and European
Perspectives, op.cit., pp. 71-106. Les principes généraux du droit sont l’élément moteur par excellence du trans-
constitutionalisme.
5
A. R. Brewer-Carias, Judicial review in comparative law, Cambridge University Press, Cambridge, 1989, pp. 1
et s.
6
S. E. Finer, V. Bogdanor and B. Rudden, Comparing Constitutions, Clarendon Press, Oxford, 1995, pp. 6 et s. ;
V. C. Jackson and M. Tushnet, Comparative Constitutional Law, Foundation Press, New York, 1999, pp. 144 et
s.
7
Sur notre définition plus étoffée des droits de l’homme, ou droits fondamentaux, lire A. Soma, « L’applicabilité
des traités internationaux de protection des droits de l’homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso »,
in African Yearbook of International Law, vol. 16, 2008, pp. 313-342. Pour aller plus loin, consulter J.
Mourgeon, Les droits de l’homme, P.U.F., Paris, 1985, pp. 8 et s. ; I. Szabo, « Fondements historiques et
développement des droits de l’homme », in K. Vasak (sous dir.), Les dimensions internationales des droits de
l’homme, UNESCO, Paris, 1978, pp. 11-42 ; F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme,
P.U.F., Paris, 9e éd. revue et augmentée, 2008, pp. 13 et s. ; G. Vedel, « Les droits de l’Homme : quels droits ?
Quel Homme ? », in Mélanges René-Jean Dupuy, Humanité et droit international, A. Pédone, Paris, 1993, pp.
349-362.

1
plus incontournable le rôle de la justice constitutionnelle8 . Celle-ci est entendue comme le
règlement juridictionnel des litiges sur le fondement de la constitution, norme suprême de
l’ordre étatique, par un organe indépendant, ainsi désigné juge constitutionnel ou juridiction
constitutionnelle 9 .

En effet, le principe de subsidiarité de la protection internationale des droits de


l’homme par rapport à leur protection nationale 10 postule que la sauvegarde des droits et
libertés fondamentaux de l’individu incombe au premier chef aux ordres constitutionnels
étatiques 11 . Ce principe amène les Etats à développer progressivement leur système de justice
constitutionnelle 12 . L’activité juridictionnelle constitutionnelle repose concrètement sur le
mécanisme du contrôle de constitutionnalité 13 . Ce mécanisme désigne l’examen par l’organe
faisant office de juge constitutionnel de la conformité des actes pris sous la juridiction de
l’Etat aux normes du bloc de constitutionnalité. L’objectif est de garantir la suprématie
nécessaire de la constitution 14 , et notamment protéger les droits fondamentaux qu’elle
reconnaît 15 . Ceci tient du constitutionnalisme, perçu comme l’idéologie juridique tendant à
soumettre le fonctionnement des organes de l’Etat à un ensemble de règles de droit
fondamentales ayant une force juridique supérieure à celle des autres 16 . Dans le
développement du constitutionnalisme moderne 17 , les Etats ont instauré des modèles de
justice constitutionnelle que la doctrine classifie traditionnellement en deux types 18 . Il y a
d’abord le modèle américain, dit de Common Law. Dans ce modèle, le contrôle est qualifié de
décentralisé ou diffus, parce que confié à tous les tribunaux du pays. Le contrôle y est concret,

8
Y. Higuchi, Constitution : idée universelle, expressions diversifiées, Société de législation comparée, Paris,
2006, pp. 87 et s. L’éminent juriste autrichien, Hans Kelsen, est considéré comme le père fondateur de la justice
constitutionnelle moderne, et est à l’origine de son développement au XXe siècle.
9
M. Fromont, La justice constitutionnelle dans le monde, Dalloz, Paris, 1996, pp. 2 et s. ; G. Zagrebelsky, « La
justice constitutionnelle, une fonction républicaine », in R. Andersen, M. Verdusen et autres, Itinéraires d’un
constitutionnaliste. En hommage à Francis Delpérée, Bruylant, Bruxelles, 2007, pp. 1764-1775.
10
M. Luciano, « La subsidiarité et le rapport entre les ordres juridiques protecteurs des droits fondamentaux », in
F. Delpérée (sous dir.), Le principe de subsidiarité, Bruylant, Bruxelles, L.G.D.J., Paris, 2002, p. 343-347.
11
H. Petzold, «The Convention and the Principle of Subsidiarity », in R. St. J. Macdonald, F. Matscher and H.
Petzold (éd.), The European system for the protection of human rights, Martinus Nijhoff Publishers Dordrecht,
Boston and London, 1993, pp. 41-62.
12
Marcou constatait déjà que « le XXe siècle est le siècle des cours constitutionnelles », le XXIe siècle l’est plus
encore, sommes-nous tenté d’ajouter. Voy. J. Marcou, Justice constitutionnelle et systèmes politiques, Presses
universitaires de Grenoble, Grenoble, 1997, p. 5. ; D. Szmczack, La Convention européenne des droits de
l’homme et le juge constitutionnel national, Bruylant, Bruxelles, 2007, pp. 251 et s.
13
F. Hamon et M. Troper, Droit constitutionnel, L.G.D.J., Paris, 30e éd., 2007, pp. 62 et s. ; E. Zoller, Droit
constitutionnel, P.U.F., Paris, 2e éd. mise à jour, 1999, pp. 99 et s.
14
A. Auer, « De la suprématie et de la dépendance de la constitution : un essai », in Faculté de droit de
l’Université de Genève, Présence et actualité de la constitution dans l’ordre juridique, Helbing et Lichtenhahn,
Bâle, 1991 pp. 15-33.
15
H. G. Rupp, « Objet et portée de la protection des droits fondamentaux : Tribunal constitutionnel fédéral
allemand », in L. Favoreu (sous dir.), Cours constitutionnelles européennes et protection des droits
fondamentaux, Economica, Paris, 1982, pp. 241-301.
16
M. Fromont, La justice constitutionnelle dans le monde, op.cit., pp. 1 et s. ; O. Akiba (éd.), « Constitutional
Government and the Future of Constitutionalism in Africa », in O. Akiba, Constitutionalism and Society in
Africa, Ashgate, Burlington, 2004, pp. 3-22. ; V. C. Jackson and M. Tushnet, Comparative Constitutional Law,
op.cit., pp. 222 et s. Constitution et constitutionalisme ne vont pas forcément ensemble, précise l’auteur.
17
G.N. Schram, «Critique du constitutionnalisme contemporain » ; J. Crabb, « Le constitutionnalisme en Afrique
noire » ; I. Fall, « La signification du constitutionnalisme en Afrique noire », in J. Beguin, L. Favoreu et autres,
Le constitutionnalisme aujourd’hui, Economica, Paris, 1984, respectivement pp. 53-57 ; 170-178 ; 231-235.
18
L. Favoreu, Les Cours constitutionnelles, P.U.F., Paris, 1996, pp. 3 et s. Quant aux différents types de
contrôles, ils peuvent se distinguer suivant les questions du quand (a priori et a posteriori), du comment (par
voie d’action ou à titre principal ou abstrait et par voie d’exception ou à titre incident ou concret), du quoi
(contrôle direct de la norme et contrôle indirect par un acte d’application).

2
en ce sens que le juge est saisi et statue par voie d’exception à l’occasion de la contestation de
l’application d’une norme à un sujet. Le contrôle s’y fait encore a posteriori, dans la mesure
où il porte sur une norme déjà en vigueur 19 . Il y a ensuite le modèle européen, ou de droit
continental ou encore kelsénien. Dans celui-ci le contrôle est dit centralisé, parce qu’exercé
par un organe unique et spécialisé. Le contrôle y est caractérisé d’abstrait, parce que le juge
compétent se prononce par voie d’action sur la constitutionnalité d’un acte normatif en dehors
de tout litige pendant devant lui. Le contrôle se fait a priori, parce qu’il amène la juridiction
constitutionnelle à se prononcer sur une norme non encore promulguée 20 .

Sur un plan scientifique et didactique une telle schématisation est acceptable et


conserve toujours sa validité. Il ne faut toutefois pas perdre de vue la réalité juridique évidente
que les pays ont en pratique souvent introduit telle ou telle variante dans tel ou tel modèle de
base, de sorte qu’on peut reconnaître qu’il existe plusieurs types de justice constitutionnelle
dans le monde 21 . Au regard de l’essor et de l’importance de la protection interne des droits de
l’homme, l’une des fonctions essentielles des différents systèmes étatiques de justice
constitutionnelle est, ou devrait être, d’assurer la meilleure protection aux titulaires de ces
droits 22 . C’est pourquoi le constitutionnaliste et le spécialiste des droits de l’homme partagent
l’interrogation commune concernant l’identification des éléments d’un modèle de justice
constitutionnelle propre à garantir une mise en œuvre efficace des droits humains dans l’ordre
juridique d’un Etat. On sait que de nombreux droits de l’homme peuvent valablement
prétendre à l’universalité 23 . De ce point de vue, certains des paramètres fondamentaux de leur
application nationale doivent être universellement retenus, puisqu’on se préoccupe
généralement de les garantir au mieux aux citoyens. Justement, quels peuvent être ces
paramètres fondamentaux ? Quels sont les éléments de base qu’un système étatique de justice
constitutionnelle devrait comporter, si son objectif est d’assurer une protection appropriée des
droits de l’homme et libertés publiques reconnus aux personnes sous la juridiction de l’Etat
concerné? La problématique est d’actualité brûlante. Elle revêt une importance capitale pour
le fonctionnement adéquat et la cohérence des systèmes nationaux et internationaux de
protection des droits de l’homme. Son traitement est au surplus déterminant pour l’application
effective des droits de l’homme selon leur finalité intrinsèque.

La question est délicate, voire sensible. La modélisation d’un tel système peut s’avérer
une entreprise hardie et difficile. Cela étant, l’intérêt de la protection des droits l’homme
invite à s’atteler à la tâche. En se fondant sur une analyse trans-constitutionnaliste et une
étude comparée du droit constitutionnel de divers Etats, nous examinerons les paramètres qui,
dans tel et/ou tel ordre constitutionnel, se sont révélés favorables à la garantie des droits
fondamentaux. En les synthétisant, nous tenterons de construire, une sorte d’archétype, de
modèle référentiel, de justice constitutionnelle propre à assurer l’effectivité de la mise en
œuvre interne des droits de l’homme. Partant d’un sondage de divers systèmes

19
A. R. Brewer-Carias, Judicial review in comparative law, op.cit., pp. 136 et s. Ce modèle se retrouve par
exemple aux Etats-Unis, au Venezuela, en Suisse, au Japon et au Nigeria.
20
D. Rousseau, La justice constitutionnelle en Europe, Montchrestien, Paris, 3e éd., 1998, pp. 13 et s. C’est ce
modèle qui est appliqué en droit constitutionnel français, burkinabé, haïtien, vietnamien, par exemple.
21
L. Favoreu, Les Cours constitutionnelles, op.cit., pp. 3 et s. ; J. A. Jolowicz, « Summary of discussion », in L.
Favoreu et J. A. Jolowicz, Le contrôle juridictionnel des lois. Légitimité, effectivité et développements récents,
Economica, Paris, 1986, pp. 11-14.
22
R. Bernhardt, « Nécessité et rôle d’une juridiction constitutionnelle nationale du point de vue de la Convention
européenne des droits de l’homme », in Tribunal fédéral Suisse, Réforme de la justice, Tribunal Fédéral,
Lausanne, 1998, pp. 11-20
23
Conseil de l’Europe, Universalité des droits de l’homme dans un monde pluraliste, éd, N. P. Engel,
Strasbourg, 1990, pp. 109 et s.

3
constitutionnels, les composantes qui nous semblent indispensables à l’effectivité et à
l’ancrage internes des droits de d’homme, peuvent être regroupées en deux séries d’éléments.
Nous examinerons les éléments de forme (I), qui concernent l’efficacité théorique du système.
Ceux-ci seront abordés en premier lieu, leur existence étant une condition préalable à la
réalisation de notre archétype. Ces éléments de forme doivent inconditionnellement aller de
paire avec les éléments de fond (II). Ces derniers, que nous examinerons en second lieu,
concernent l’efficacité pratique du système.

I : Eléments de forme d’un modèle convenable de justice constitutionnelle des droits


fondamentaux

Ces éléments de forme représentent les paramètres qui sont indispensables à


l’existence formelle même d’un système national de justice constitutionnelle en matière de
droits de l’homme. Il semble évident qu’on ne saurait parler d’un système de justice
constitutionnelle qui protégerait les droits fondamentaux à l’intérieur d’un Etat que si ces
droits sont formellement consacrés dans l’ordre constitutionnel de cet Etat, mieux dans la
constitution elle-même(A). Cumulativement, cet Etat doit instituer, constitutionnellement de
préférence, l’organe juridictionnel statutairement investi des pouvoirs de contrôle de
l’application effective de ces droits (B).

A : Consécration constitutionnelle des droits fondamentaux

C’est le premier élément conditionnant l’existence d’une justice constitutionnelle dont


l’objectif serait d’assurer une protection décisive des droits de l’homme à l’intérieur d’un
Etat. En effet, il existe comme un lien dialectique, une relation d’enrichissement réciproque,
un rapport nécessaire de consolidation mutuelle, entre la constitution et les droits de l’homme.
D’une certaine façon, les droits de l’homme internationalement reconnus perdent leur
vocation juridico-philosophique et pratique première s’ils ne sont pas intégrés dans l’ordre
constitutionnel de l’Etat qui s’est internationalement engagé à les assurer 24 . De la même
manière, une constitution d’Etat démocratique, qui ne consacrerait pas les droits
fondamentaux de l’homme perdrait une grande part de son charisme mythique et ne saurait
être considérée comme propre à instituer un système efficace de justice constitutionnelle
protecteur des droits de l’homme 25 . La garantie des droits de l’homme est comme
intrinsèquement inhérente à la norme constitutionnelle dans le constitutionnalisme
contemporain 26 . En dehors des quelques rares Etats qui n’ont pas de constitution formelle,

24
G. Koubi et R. Raphaël, Etat, Constitution, Loi, Litec, Paris, 1993, pp. 150 et s.
25
La notion de droits de l’homme ne peut être écartée de la Constitution d’une société démocratique et la
garantie des droits de l’homme participe désormais à la définition d’un Etat de droit. Cf. Ibidem, p. 116 et ss. Les
« Représentants du Peuple » ne mettaient-ils pas en garde, à l’article 16 de la Déclaration française des droits de
l’homme et du citoyen du 26 août 1989, que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas
assurée…n’a point de Constitution » ? Une Constitution qui ne garantit pas les droits de l’homme « will only be
an organizational chart and a political manifesto. Bills of rights are the most characteristic and appealling
features of constitutional document ». Cf. R. Wieruszewski, « Some Comments concerning the concept of
Economic and Social Rights », in K. Drzwicki, C. Krause et A. Rosas, Social rights as human rights, A
European Challenge, Institute of human rights Abo Akademi University, Abo, 1994, pp. 67-71. Voy. aussi M.
Troper, « Constitutionnalisme et démocratie », in Du droit interne au droit international, Mélanges Raymond
Goy, Publications de l’Université de Rouen, Rouen, 1998, pp. 143-150.
26
A tel point que la nouvelle tendance doctrinale d’auteurs proposant une lecture constitutionnelle, ou une
constitutionnalisation, du droit international, inclut nécessairement les droits de l’homme dans une hypothétique
Constitution mondiale, car « human rights and the separation of powers [democracy and a minimum of social
security guarantees] are the necessary elements of a constitution ». Cf. A. Peters, « Compensatory

4
comme la Grande-Bretagne et l’Etat d’Israël 27 , la pratique constitutionnelle généralement
suivie, des Etats-Unis 28 au Niger 29 , en passant par la Suisse 30 , la Russie 31 et la Chine 32
notamment, valide cette conception. Elle laisse découvrir des textes constitutionnels réservant
une place plus ou moins large à la garantie des droits fondamentaux 33 .

Si le principe de la consécration constitutionnelle des doits de l’homme peut être tenu


pour internationalement acquis, les variations de son application peuvent laisser transparaître
des défaillances dans tel ou tel Etat. En fait, d’un côté on trouve des pays, comme les Etats-
Unis 34 , la Suisse 35 et bien d’autres pays occidentaux 36 , qui ne font véritablement une place

Constitutionalism: The Function and Potential of Fundamental International Norms and Structures », in Leiden
Journal of International Law, 19, 2006, pp. 579-610.
27
A. Jussiaume, Le juge de la constitution dans les systèmes britannique, canadien et israélien : contribution à
une théorie de la valeur de l’écrit, Atelier national de reproduction des thèses, Lille, 2002, pp. 7 et s.
28
Se référer aux dix premiers amendements à la Constitution américaine du 17 septembre 1787, applicable
depuis le 4 mars 1789, qui furent ratifiés le 15 décembre 1791 et qui constituent la déclaration des droits.
29
Voy. les articles 10 à 34 de la Constitution du Niger du 18 juillet 1999, portant sur les « droits et devoirs de la
personne humaine ».
30
Lire la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, dont le titre 2 (articles 7 à 41) est
consacré aux « droits fondamentaux, citoyenneté et buts sociaux ».
31
Consulter la Constitution de la Fédération de Russie, approuvée par référendum du 12 décembre 1993, et qui
réserve son chapitre 2 à la reconnaissance des « droits et libertés de l’homme et du citoyen » (articles 17 à 64.)
32
Se conférer au chapitre 2 de la Constitution chinoise du 4 décembre 1982, dont les articles 33 à 56 traitent
« des droits et des devoirs fondamentaux des citoyens ».
33
F. Luchaire, La protection constitutionnelle des droits et des libertés, Economica, Paris, 1987, pp. 11 et ss.
34
Sur les dix amendements de la « Bill of Rights » américaine qui consacrent notamment les libertés de religion,
d’expression, d’association, ainsi que les droits de détenir des armes, de propriété, de procédure judiciaire, aucun
ne concerne vraiment un droit de la deuxième génération. Et du fait de leur politique juridique extérieure, ce
pays n’est pas partie au Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (P.I.D.E.S.C.), alors
qu’ils ont ratifié le 8 juin 1992 le Pacte international sur les droits civils et politiques (P.I.D.C.P.). Les droits
économiques, sociaux et culturels (D.E.S.C.) n’y sont pas considérés comme des droits. Voy. H. Shue, Basic
rights, Affluence, and U.S. Foreign policy, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1980, pp. 5 et s.
35
La Suisse, qui considère également que les D.E.S.C. ne sont pas véritablement des droits, les a inscrits dans
son texte constitutionnel au seul article 41 au titre des « buts sociaux », alors que les 35 autres articles
constitutionnels concernant les droits fondamentaux reconnaissent, en tant que droits, notamment les droits
politiques (article 34), la liberté personnelle (article 10), la protection de la sphère privée (article 13). Au mieux,
on peut dire qu’une consécration subsidiaire est faite des D.E.S.C., à travers principalement l’article 12 de la
constitution qui dispose que « quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à
son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence
conforme à la dignité humaine ». Sur la position officielle suisse concernant les droits de la deuxième génération,
voy. S. Hatam, K Müller et S. Salerno, « Droits économiques, sociaux et culturels : de quels droits parle-t-on ? »,
in Ligue suisse des droits de l’homme et autres, Actes des rencontres sur les droits économiques, sociaux et
culturels, Ligue suisse des droits de l’homme et autres, Genève, 2000, pp. 13-23. Voy. également G. Malinverni,
« Les Pactes dans l’ordre juridique interne », in W. Kälin, G. Malinverni et M. Nowak, La Suisse et les Pactes
des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 2e éd., 1997, pp. 71-82.
36
La Constitution de la République Fédérale d’Allemagne du 23 mai 1949, dont les articles 1 à 19 traitent des
droits fondamentaux, ne fait place qu’aux droits de la première génération. Dans la Constitution belge, dont le
titre II (articles 8 à 32, « Des Belges et de leurs droits ») règle les droits fondamentaux, la consécration des droits
économiques, sociaux et culturels, prévue par l’article 23 de la Constitution, n’a été insérée que le 31 janvier
1994 (article 24 bis renuméroté ensuite en un article 23); cette disposition prévoit également que «chacun a le
droit de mener une vie conforme à la dignité humaine» (G. Haarscher, « Le droit de mener une vie conforme à la
dignité humaine…» et F. Delpérée, «Les droits économiques, sociaux et culturels», in R. Ergec (dir.), Les droits
économiques, sociaux et culturels dans la Constitution, Bruylant, Bruxelles, 1995, respectivement pp. 133-144 et
287-290). En outre, l’article 7bis, inséré le 25 avril 2007 dans un titre Ierbis nouveau introduit à la même date
portant sur «[l]es objectifs de politique générale de la Belgique fédérale, des communautés et des régions»,
dispose que, «[d]ans l’exercice de leurs compétences respectives, l’État fédéral, les communautés et les régions
poursuivent les objectifs d’un développement durable, dans ses dimensions sociale, économique et
environnementale, en tenant compte de la solidarité entre les générations. Concernant la pratique en droit

5
privilégiée dans leur constitution qu’aux seuls droits civils et politiques, dits droits de
première génération 37 . Ils réservent une place pour ainsi dire secondaire aux droits
économiques, sociaux et culturels, ceux de la deuxième génération 38 . D’un autre côté, il y a
des Etats, comme Cuba 39 , qui ne semblent privilégier véritablement dans leur constitution que
les droits de la deuxième génération, plus que ceux de la première génération 40 . Selon les
ordres constitutionnels, la pratique est extrêmement diversifiée et le privilège accordé à telle
ou telle catégorie de droits de la personne humaine est plus ou moins marqué. Pourtant, la
philosophie juridique des droits humains tient ceux-ci pour tous nécessaires à la sauvegarde
de la dignité humaine 41 , principe fondateur de la protection des droits de l’homme 42 . Le
développement du droit positif dans le domaine des droits de l’homme tend par ailleurs à
affirmer les principes d’universalité, d’indivisibilité, d’interdépendance et de traitement égal
de tous les droits de l’homme 43 . Chaque type de droit fondamental, indépendamment de la

constitutionnel comparé d’Etats européens, voy. D. Pieters, « Les droits sociaux fondamentaux dans les pays
membres de l’Union européenne », in Ibidem, pp. 93-106 ; L. Gay, Les « droits-créances » constitutionnels,
Bruylant, Bruxelles, 2007, pp. 136 et s. Les dispositions pertinentes dans les Etats comme l’Italie (articles 29 à
47 de la constitution du 27 décembre 1947), le Portugal (constitution du 20 septembre 1997), de l’Espagne
(articles 39 à 52 de la constitution du 7 décembre 1978), font figure d’exception en matière de droits sociaux.
37
C. T. Van Boven, « Les critères de distinction des droits de l’homme », in K. Vasak (sous dir.), Les
dimensions internationales des droits de l’homme, UNESCO, Paris, 1978, pp. 45-63 ; K. Vasak, « Les
différentes catégories des droits de l’homme », in A. Lapeyère, F. De Tinguy et K. Vasak (sous dir.), Les
dimensions universelles des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, pp. 297-309.
38
G. Bénar, « Vers des droits de l’homme de la quatrième dimension », in Les droits de l’Homme à l’aube du
XXIe siècle, liber Amicorum Karel Vasak, Bruylant, Bruxelles, 1999, pp. 75-114. « In certain sense fundamental
social rights (and in general the principles which in a legal system define the basic needs of -and provide
corresponding protection to- the groups less favourably placed in society) are essential components of any
constitution of a contemporary…state ». Cf. G Bognetti, « Social Rights, a Necessary Component of the
Constitution? The Lesson of the Italian Case », in R. Bieber et P. Widmer, L’espace constitutionnel européen,
Schulthess, Zürich, 1995, pp. 85-95.
39
La Constitution de la République de Cuba du 24 février 1976, en son chapitre 7 sur les « principaux droits,
devoirs et garanties », consacre par exemple plusieurs articles aux D.E.S.C., comme le droit au travail et la
protection sociale, et un article sur la liberté d’expression. Reconnaissons que là, il s’agit d’une question de
proportion et même si elle peut être déplorée, elle n’est pas critiquable outre mesure. Précisons qu’il n’est pas
courant qu’un Etat ne consacre que des D.E.S.C. Même les anciens ténors du bloc de l’Est dans la guerre froide,
la Russie et la Chine, ont formellement reconnu les droits civils et politiques dans leur constitution respective.
Mais contrairement à la Russie qui l’a fait le 16 octobre 1973, la Chine n’a pas ratifié le Pacte sur les droits civils
et politiques.
40
S’il est déplorable de négliger les D.E.S.C., il est également déplorable de négliger les droits civils et
politiques.
41
Le considérant 3 commun aux préambules des deux Pactes des Nations Unies du 16 décembre1966 nous
enseignent « que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’idéal de l’être humain
libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de
ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créées ».
42
Le considérant premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme, nous assure « que la
reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». Le considérant 2
commun aux préambules des deux Pactes, renchérit que les droits de l’homme « découlent de la dignité
inhérente à la personne humaine ». Pour plus de détails, voy. A. Verdross, « La dignité de la personne humaine
comme base des droits de l’homme », in U. Häfelin, W. Haller et D. Chindler (éd.), Menschenrechte,
Föderalismus, Demokratie, Schultess, Zürich, 1979, pp. 415-421 ; E. Pagels, « The roots and origins of human
rights », in A. H. Henklin (éd.), Human Dignity : The Internationalization of Human Rights, Aspen Institute for
Humanistic Studies, New York, 1979, pp. 1-8.
43
Les 171 Etats qui étaient représentés à la deuxième conférence mondiale sur les droits de l’homme, tenue à
Vienne du 14 au 25 juin 1995, ont énoncé dans la déclaration finale que « tous les droits de l’homme sont
universels, indissociables, interdépendants et intimement liés. La communauté internationale doit traiter les
droits de l’homme globalement, de manière équitable et équilibrée, sur un pied d’égalité et en leur accordant la
même importance. S’il convient de ne pas perdre de vue l’importance des particularismes nationaux et régionaux
et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des Etats, quel qu’en soit le système politique,

6
catégorie à laquelle il est formellement attribué, vise à protéger, au même titre que l’autre, une
parcelle spécifique de la dignité humaine. Par conséquent, la consécration constitutionnelle
des droits d’une seule classe introduit nécessairement un déséquilibre pouvant incommoder
l’objectif de développement harmonieux de la personnalité humaine et de sauvegarde de la
dignité humaine que vise la protection des droits de l’homme. La justice constitutionnelle
subséquente en la matière ne pourra que renforcer ce hiatus. En raison de ces quelques
considérations, pour qu’un système de justice constitutionnelle soit efficace dans la protection
nécessaire de l’ensemble des droits de l’homme, il convient que la norme constitutionnelle,
qui lui sert de fondement, consacre cumulativement l’ensemble des droits fondamentaux de
l’homme, c’est-à-dire indépendamment de leur classification catégorielle. Il doit
corrélativement leur accorder une importance égale, dans leur promotion, leur reconnaissance,
leur traitement juridictionnel et la protection de leur mise en œuvre. Sur le plan de la
consécration constitutionnelle formelle, parmi les ordres constitutionnels qui incarnent le
mieux notre idéal se trouvent celui de la Russie 44 , et celui institué par la Constitution de la
République d’Afrique du Sud, promulguée le 10 décembre 1996, par Nelson Mandela 45 .

Dès lors qu’ils sont consacrés dans la norme constitutionnelle, les droits fondamentaux
bénéficient de la sacralité et de la suprématie dont est dotée celle-ci à l’égard de toutes les
autorités étatiques 46 . Ils bénéficient également des mécanismes de garantie de cette valeur, en
l’occurrence le contrôle de constitutionnalité 47 et la relative difficile révisibilité 48 . Par ailleurs,
les droits de l’homme d’émanation internationale, dès lors qu’ils intègrent l’ordonnancement
juridique de l’Etat 49 , ne devraient pas être statutairement inférieurs à leurs pendants
constitutionnellement garantis. Cela aboutirait à traiter différemment des droits, même ceux

économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés
fondamentales ». Dans le système africain des droits de l’homme, « les droits civils et politiques sont
indissociables des droits économiques, sociaux et culturels, tant dans leur conception que dans leur universalité,
et […] la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils et
politiques ». Cette conception est confirmée par la jurisprudence africaine. V° Commission africaine des droits
de l’homme et des peuples, 29 mai 2003, Purohit et Moore c/Gambie, § 48 ; 13 octobre 2000, Social and
Economic Rights Center, Center for Economic and Social Rights c/ Nigeria, § 44.
44
La Constitution russe garantit synchroniquement les principes d’égalité et de non-discrimination, les droits
civils et politiques, comme la liberté personnelle (article 22), la liberté de pensée (article 29), les droits politiques
(article 32), ainsi que les D.E.S.C., comme les droit au travail (article 37), à la protection sociale (article 39), au
logement (article 40), à la santé (article 41). Les prérogatives sont reconnues indépendamment de leur
catégorisation et bénéficient d’une valeur juridique égale, du même effet direct et d’une égale protection. C’est le
principe de la consécration cumulative qui est appréciable. Voy. également pour le Burkina Faso, sur le principe,
S. Yonaba, « La place des droits de l’homme dans la nouvelle constitution burkinabé », in Mélanges Velu
Jacques, Bruylant, Bruxelles, vol. II, 1992, pp. 1223-1235.
45
La « Bill of Rights » constituant le chapitre 2 de cette constitution consacre les droits politiques (article 19), le
droit à la vie (article 11), cumulativement avec le droit à la santé, à l’alimentation, à l’eau et à la sécurité sociale
(article 27), les droits culturels (article 30-31). En vertu de l’alinéa 2 de l’article 7, l’Etat a l’obligation de
respecter, protéger et donner effet invariablement à tous les droits reconnus.
46
J-F. Aubert, « La garantie constitutionnelle des droits fondamentaux et le législateur », in G. Müller, R. A.
Rhinow, G. Schmid und L. Wildhaber (éd.), Staatsorganisation und Staatsfunktionen im Wandel, Festschrifts für
Kurt Eichenberger zum 60. Geburststag, Verlag Helbing und Lichtenhahn, Basel, 1982, pp. 161-167.
47
F. Moderne, « Les protections et les garanties constitutionnelles des droits et libertés en France » ; P. Bon,
« La protection juridictionnelle des droits de l’homme (au niveau interne et international », in L. Favoreu (sous
dir.), Droit constitutionnel et droits de l’homme, Economica, Paris, 1987, respectivement pp. 63-106 ; 269-319.
48
En Suisse, la révision de la Constitution, contrairement à l’adoption d’une loi, est soumise au référendum
obligatoire et à la double majorité du peuple et des cantons (article 140, alinéa 1 lettre a). Les amendements à la
Constitution américaine ne peuvent être proposés que par 2/3 des députés des deux chambres ou les parlements
des 2/3 des Etats ; ils doivent être ratifiés par les législatures des ¾ des Etats ou par des conventions dans les ¾
d’entre eux, l’un ou l’autre de ces modes de ratification étant suivi sur proposition du Congrès (article 5).
49
C. Sciotti-Lam, L’applicabilité des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme en droit interne,
Bruylant, Bruxelles, 2004, pp. 115 et s.

7
relevant d’une catégorie donnée, du fait simplement de leur origine normative. En cette
matière, la pratique est également diversifiée. Certains Etats accordent à certains droits
humains reconnus dans des instruments internationaux, un rang constitutionnel 50 , dans la
hiérarchie des normes. D’autres leur accordent un rang infra-constitutionnel mais supra-
législatif 51 . Pour d’autres encore, ils ont rang de loi 52 . Disons que pour leur efficacité et leur
prestige au plan national, les droits de l’homme d’origine internationale, devraient, autant que
ceux de consécration constitutionnelle, avoir rang de normes constitutionnelles et bénéficier
de la sécurité juridique dont sont censées jouir de telles normes 53 , ainsi que de la protection
suprême favorable que peut leur offrir la juridiction constitutionnelle 54 .

Formellement consacrés dans la constitution ou dotés du statut constitutionnel à l’issue


de leur transmutation du droit international, les droits de l’homme pourront ainsi être propres
à fonder un système de justice constitutionnelle pour une meilleure protection interne de ceux-
ci. Encore que pour cela, il faudra un organe de contrôle constitutionnel adapté.

B : Statut constitutionnel de l’organe juridictionnel interne des droits de l’homme

La justice constitutionnelle est nécessairement rendue par un appareil juridictionnel55 .


Il convient ici d’examiner les paramètres fondamentaux qui peuvent être indispensables à
l’accomplissement par la juridiction constitutionnelle de ses missions de protection interne
des droits de l’homme. Deux éléments nous semblent déterminants.

D’une part, l’organe du contrôle constitutionnel de l’application nationale des droits


fondamentaux doit avoir un statut constitutionnel. Sa création doit avoir un ancrage dans la
constitution elle-même. Son importance, en tant que principale clé de voûte de la cohérence

50
En Suisse, les droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme sont assimilés à « des droits
constitutionnels ». Cf. A. Auer, G. Malinverni et M. Hottelier, Droit constitutionnel suisse, l’Etat, Berne, 2e éd.,
Staempfli, vol. I, 2006, p. 803. Selon l’article 75, alinéa 22 de la Constitution argentine du 25 mai 1853, les
traités internationaux de protection des droits de l’homme ont la même place hiérarchique que la Constitution. Il
en va de même selon l’article 26 de la Constitution du Guatemala de 1985, et selon l’article 23 la Constitution
vénézuélienne du 30 décembre 1999. Sur cette valeur constitutionnelle en Autriche, voy. R. Bernhardt,
« Nécessité et rôle d’une juridiction constitutionnelle nationale du point de vue de la Convention européenne des
droits de l’homme », op.cit. Selon l’article 7 de la Constitution du Bénin adoptée le 2 décembre 1990, « les droits
et devoirs proclamés et garantis par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples…font partie
intégrante de la présente constitution et du droit Béninois ».
51
C’est le cas de la France et des Etats francophones d’Afrique qui ont une disposition constitutionnelle similaire
à celle de l’article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958 selon laquelle « les traités ou accords
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois… ». Voy. D.
Alland, Droit international public, Paris, P.U.F., 2000, pp. 355 et s. ; A. Soma, « L’applicabilité des traités
internationaux de protection des droits de l’Homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso », op.cit.
52
C’est le cas de « l’African Charter on Human and Peoples’ Rights (Ratification and Enforcement) Act de 1990
qui transpose la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 au Nigeria, et de la «
Human Rights Act » du 9 novembre 1998, qui transpose la Convention européenne des droits de l’homme du 4
novembre 1950 en Grande-Bretagne.
53
J. Akande, « Constitutionalism and Pluralism », in E. G. Bello and B. A. A. San, Essays in honour of Judge
Taslim Olawale Elias: African Law and Comparative Public Law, Martinus Nijhoff Publishers Dordrecht,
Boston and London, 1992, vol. II, pp. 659-571.
54
Quant à la question de savoir s’il faut également consacrer constitutionnellement les devoirs de l’homme, elle
ne revêt pas un intérêt distinct ici, pourvu que la pratique constitutionnelle étatique soit cohérente et équilibrée.
55
L. Favoreu, Les Cours constitutionnelles, op.cit., pp. 3 et s. ; A. Von Brünneck, « Constitutional Review and
Legislation in western Democracies », in C. Landfried (éd.), Constitutional Review and Legislation, Nomos,
Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1988, pp. 219-261. Voy. également M. Fromont, « La notion de justice
constitutionnelle en droit français », in Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis
Favoreu, op.cit, pp. 149-163.

8
de tout l’ordre juridique national, justifie la nécessité de cette cristallisation constitutionnelle.
La pratique générale des Etats semble consolider cette exigence. En effet, considérons la Cour
suprême des Etats-Unis 56 , du Nigeria 57 ou de l’Inde 58 , le Conseil constitutionnel français 59 ,
burkinabé 60 ou belge 61 , le Tribunal fédéral suisse 62 , la Cour constitutionnelle sud africaine63
ou italienne 64 , la Cour constitutionnelle fédérale allemande 65 , la Haute Cour constitutionnelle
d’Autriche 66 ou de Madagascar 67 , le Tribunal constitutionnel polonais68 , espagnol 69 ou sud-
coréen 70 , la Cour spéciale supérieure grecque 71 , etc. Toutes ces juridictions, aux
dénominations variées, placées au firmament de l’ordonnancement juridique respectif des
Etats, jouissent de l’onction constitutionnelle. Ce statut constitutionnel témoigne de la
suprématie juridictionnelle dont elles sont revêtues et de la stabilité statutaire dont elles
doivent jouir.

Constitutionnellement créé, l’organe de contrôle doit au surplus être


constitutionnellement assuré de son indépendance 72 . Formellement, cette indépendance peut
être garantie par le mode de désignation ou la composition de l’organe. Une analyse comparée
de la praxis constitutionnelle révèle essentiellement deux modèles 73 . D’abord le modèle de la
nomination des membres de la juridiction constitutionnelle, aux Etats-Unis 74 , en France 75 ,
dans des Etats francophones d’Afrique 76 , au Japon 77 , notamment. Ensuite le modèle de

56
La Cour suprême est instituée par la section 1 de l’article 3 de la Constitution américaine.
57
Voy. les articles 230 à 236 de la Constitution nigériane de 1999.
58
Lire les articles 124 et s. de la Constitution indienne du 26 janvier 1950.
59
Le Conseil constitutionnel français est régi par les articles 56 à 63 de la Constitution française.
60
Se référer aux articles 152 à 160 de la Constitution du Burkina Faso, adoptée le 2 juin 1991.
61
Elle a succédé depuis le 7 mai 2007 à la Cour d’arbitrage en vertu de l’article 142 de la Constitution belge.
62
Voy. les articles 188 à 1991 de la Constitution helvétique.
63
Se référer aux articles 166 et 167 de la Constitution sud africaine.
64
Voy. les articles 134 à 137 de la Constitution italienne, promulguée le 27 décembre 1947.
65
Consulter la Loi fondamentale allemande, en ses articles 92 à 94.
66
Articles 137 à 148 de la Loi constitutionnelle autrichienne du 1er octobre 1920.
67
Articles 110 à 116 de la Constitution malgache du 8 avril 1998.
68
Voy. les articles 188 à 197 de la Constitution de la République de Pologne du 2 avril 1997.
69
Article 159 à 165 de la Constitution espagnole du 7 décembre 1978.
70
Les articles 111 à 113 de la Constitution, promulguée le 17 juillet 1948.
71
Consulter l’article 100 de la Constitution du 11 juin 1975.
72
S. Oeter, « Indépendance du pouvoir judiciaire : le pouvoir judiciaire dans la constitution, le principe de la
séparation des pouvoirs et la mise en pratique des principes de l’Etat de droit », in Conseil de l’Europe, Le rôle
du Conseil supérieur de la magistrature, Les éd. du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1995, pp. 11-18.
73
S. E. Finer, V. Bogdanor and B. Rudden, Comparing Constitutions, op.cit., pp. 6 et s.
74
Selon la section 2 de l’article 2 de la Constitution américaine, le Président nomme les juges à la Cour suprême
avec toutefois l’aval du Sénat.
75
En vertu de l’article 156 de la Constitution française, le Conseil constitutionnel, dont sont membres de droit à
titre supplémentaire les anciens Présidents de la République, se compose de 9 personnalités dont « trois des
membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l’Assemblée nationale, trois
par le Président du Sénat ». Voy. F. Hamon et C. Wiener, La justice constitutionnelle : présentation générale,
France, Etats-Unis, La Documentation française, Paris, 2001, pp. 6 et s.
76
En vertu de l’article 93 de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, tous les 5 membres du Conseil
constitutionnel sont nommés par le Président de la République. En République démocratique du Congo, l’article
157 de la Constitution promulguée le 18 février 2006 prévoit un Conseil constitutionnel de 9 membres dont trois
sont désignés par le Président, trois par le parlement réuni en congrès et trois par le conseil supérieur de la
magistrature ». Un mode similaire (mixte) est instauré par l’article 135 de la Constitution italienne pour la
désignation des 15 juges constitutionnels.
77
Au Japon par exemple, les juges de la Cour suprême sont nommés par le cabinet, mais cette nomination est
ratifiée tous les dix ans par le peuple en même temps que l’élection des députés de la chambre des représentants,
selon l’article 79 de la Constitution promulguée le 3 novembre 1946.

9
l’élection des juges des cours suprêmes constitutionnelles, en Suisse 78 , en Allemagne 79 , en
Pologne 80 , entre autres. Dans chacun de ces modèles, la nomination peut être plus ou moins
discrétionnaire 81 , l’élection plus ou moins décisive 82 . Nous estimons qu’il faille avoir une
préférence pour le modèle électoraliste. Selon une conception juridique bien établie,
l’indépendance et l’impartialité des institutions de la justice doivent à la fois être apparentes et
fondamentales, subjectives et objectives 83 . Même s’il est tout à fait possible qu’un juge
constitutionnel nommé par une autorité politique, comme en Côte d’Ivoire 84 ou en
Belgique 85 , puisse jouir au fond d’une véritable indépendance, celle-ci peut, aux yeux de
certains justiciables, ne pas paraître ostensible 86 . Et pourtant ce dernier aspect est
incontestablement d’importance pour la confiance des citoyens au système juridictionnel
censé protéger leurs droits et en censurer objectivement les violations, le cas échéant. Il
demeure évident que la continuité du mandat du juge constitutionnel ne doit pas relever de
l’appréciation arbitraire d’une autorité politique 87 . Elu, le juge constitutionnel doit jouir de
l’inamovibilité de principe pendant la durée de sa magistrature 88 .

D’autre part, l’organe du contrôle de l’application nationale des droits fondamentaux


doit être constitutionnellement doté d’une compétence spéciale contentieuse en la matière89 ,

78
Selon l’article 168 de la Constitution suisse, c’est l’Assemblée fédérale qui élit les juges au Tribunal fédéral.
79
En vertu de l’article 94 de la Loi fondamentale allemande, les 16 juges constitutionnels, qui ne doivent être
membres ni du parlement, ni du gouvernement au niveau fédéral ou des Länder, sont élus par le parlement
fédéral. Selon la Loi du 12 mars 1951 qui concrétise cette disposition constitutionnelle, le Bundestag (chambre
basse) en élit 8, dont le président, au suffrage indirect : une commission spéciale de 12 parlementaires est
désignée par la chambre et c’est elle qui procède à l’élection des juges à la majorité qualifiée des 2/3. Le
Bundesrat (chambre haute), en élit également 8, dont le vice-président, au suffrage direct à la même majorité.
80
Tous les 15 juges constitutionnels polonais sont élus par les députés, suivant les critères précisés par l’article
194 de la Constitution.
81
Si la nomination par le Président de la République des juges constitutionnels en France et au Sénégal peut être
tenue pour suffisamment discrétionnaire, la nomination par le Roi des juges constitutionnels en Belgique n’est
pas totalement libre, puisque celui-ci ne peut choisir ne peut choisir que sur la liste, comportant deux noms, que
lui établissent préalablement et en alternance les deux chambres du Parlement; le Président américain a besoin de
l’avis conforme du Congrès. Le Roi du Maroc est libre dans le choix de six des douze membres du Conseil
constitutionnel ; mais les six autres sont désignés moitié par le Président de la chambre des représentants et
moitié par la Président de la chambre des conseillers, conformément à l’article 79 de la Constitution du 13
septembre 1996.
82
Si en Allemagne les juges constitutionnels élus par les chambres devront être formellement nommés par le
Président de la République, en Pologne, ils sont définitivement institués avec leur élection parlementaire.
83
« Justice must not only be done: it must also be seen to be done ». Voy. A. Auer, G. Malinverni et M. Hottelier,
Droit constitutionnel suisse, les droits fondamentaux, Berne, 2e éd., Staempfli, vol. II, 2006, pp. 575 et s.
84
Selon les articles 89, 90 et 91 de la Constitution du 3 novembre 1960, de même que celle atuellement en
vigueur du 1er août 2000, les six conseillers du Conseil constitutionnel sont nommés par le Président, trois sur sa
propre initiative, les trois autres sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale.
85
Ici, c’est le Roi qui choisit chaque juge constitutionnel sur une liste de deux noms proposée alternativement
par chacune des deux chambres du parlement.
86
A noter que le schéma inverse dans lequel le juge est formellement pourvu des garanties de son indépendance,
mais son autonomie juridictionnelle est matériellement confisquée est encore pire.
87
Un mode alternatif pouvant garantir formellement l’indépendance du juge constitutionnel, au moins en
apparence, serait sa désignation sur concours public, cette méthode étant déjà en cours d’application dans
plusieurs Etats en ce qui concerne le recrutement des magistrats du pouvoir judiciaire ordinaire, comme au
Burkina Faso, au Mali ou en France.
88
A titre illustratif, la loi allemande du 12 mars 1951 précitée prévoit qu’il ne peut être mis fin de manière
anticipée au mandat unique de 12 ans du juge constitutionnel, que pour de graves motifs limitativement
énumérés (incapacité, condamnation pénale…). Aux Etats-Unis les juges constitutionnels sont nommés à vie.
Les systèmes qui ont institué un mandat unique pour le juge constitutionnel remplissent également cette
condition.
89
A l’exemple de l’article 114 de la Constitution du Bénin, selon lequel «la cour constitutionnelle est la plus
haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit

10
même s’il peut parallèlement être investi d’un rôle consultatif 90 . En effet dans certains Etats,
comme la Mauritanie 91 , alors que la constitution consacre les droits de l’homme, l’organe du
contrôle de constitutionnalité n’est spécialement pas investi de la compétence nécessaire en ce
qui concerne le contentieux des droits de l’homme. Le rôle de la jurisprudence
constitutionnelle dans la protection des droits de l’homme est quasiment nul. L’effectivité de
la protection constitutionnelle des droits fondamentaux se trouve ainsi affectée. Dans certains
autres Etats, comme la Suisse, l’organe de contrôle n’a formellement pas la plénitude de
compétence sur tous les actes internes qui pourraient violer les droits fondamentaux 92 . Il est
indéniable que dès lors que les droits humains sont reconnus par l’ordre constitutionnel, ils
s’imposent à tous les organes de l’Etat, et tout acte normatif ou individuel pris sous la
juridiction de cet Etat est susceptible de porter atteinte à ces droits. De ce fait, il ne se justifie
guère de soustraire, pour quelques raisons que ce puisse être 93 , certains actes au contrôle de
leur conformité aux droits humains constitutionnels 94 . Il se justifie encore moins de ne pas
instituer la faculté de contester devant le juge constitutionnel les actes incriminés comme
attentatoires à ces droits constitutionnels. Ainsi, la consécration constitutionnelle de l’organe
de justice constitutionnelle doit s’accompagner indissociablement de l’attribution d’une
compétence pleine pour connaître des questions relevant spécialement des droits de
l’homme 95 , s’il doit tant bien que mal en assurer l’effectivité interne.

Au-delà de ces deux séries d’éléments de forme, un bon système national de justice
constitutionnelle se doit d’intégrer des éléments de fond, complémentaires des premiers.

les droits fondamentaux de la personne humaine ». Une disposition analogue est prévue par l’article 85 de la
Constitution malienne du 27 février 1992.
90
A. R. Brewer-Carias, « Le recours d’interprétation abstrait de la Constitution au Venezuela », in Renouveau du
droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, Paris, 2007, pp. 61-70.
91
L’analyse se fonde sur la compétence du Conseil constitutionnel, telle que définie par les articles 81 à 88 de la
Constitution du 20 juillet 1991.
92
Selon l’article 190 de la Constitution suisse, le Tribunal fédéral ne peut « refuser d’appliquer une loi
fédérale », c’est-à-dire qu’il ne peut l’invalider et doit l’appliquer même si dans un cas d’espèce elle contrevient
à un droit fondamental constitutionnel ; la démocratie et les droits populaires sont souvent invoqués comme
justification. Cf. C. Lombardini, « Le contrôle de constitutionnalité des normes en droit suisse », in Mélanges
Velu Jacques, Bruylant, Bruxelles, vol. I, 1992, pp. 339-356. Notons tout de même que ce principe de
l’obligation d’appliquer les lois fédérales a, sous l’influence de la doctrine, progressivement subi un
assouplissement dans la pratique jurisprudentielle. De l’interprétation conforme, à la possibilité actuelle du
contrôle de conventionalité, en passant par la constatation d’inconstitutionnalité sans sanction, le Tribunal
fédéral se refuse actuellement d’appliquer une loi fédérale qui serait contraire à un traité international des droits
de l’homme, notamment la Convention européenne. Sur l’Etat de cette pratique contra constitutionem, favorable
toutefois aux droits de l’homme, consulter A. Auer, G. Malinverni et M. Hottelier, Droit constitutionnel suisse,
l’Etat, op.cit., pp. 658 et s. L’effet de cet article 190 dans le domaine des droits fondamentaux s’est donc
fortement rétréci. Ne demeurent vraiment immunisées que les lois fédérales qui seraient contraires à un droit
fondamental uniquement constitutionnel. Cette hypothèse est rare.
93
A propos du système suisse, un grand constitutionnaliste de ce pays soutenait à dessein que « nous pourrions,
en effet, avoir une protection judiciaire des droits fondamentaux même contre le législateur fédéral sans cesser
d’être une démocratie ». Cf. J-F. Aubert, « La garantie constitutionnelle des droits fondamentaux et le
législateur », op.cit.
94
Ici, c’est toute la problématique de la légitimité du juge constitutionnel pour contrôler certains actes qui est
soulevée. Cf. J. Delva, « Légitimité du juge constitutionnel belge, rouage clé d’une démocratie en quête d’une
nouvelle identité », in Mélanges Velu Jacques, Bruylant, Bruxelles, vol. I, 1992, pp. 106-139 ; D. Rousseau, La
justice constitutionnelle en Europe, op.cit., pp. 32 et s.
95
L’article 3, alinéa 3 de la Constitution béninoise, comportant des dispositions protectrices des droits
fondamentaux, qui énonce que « toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces
dispositions sont nuls et non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour
constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels », est à, ce titre exemplaire.

11
II : Eléments de fond d’un modèle convenable de justice constitutionnelle des droits
fondamentaux

Nous avons vu que les éléments de forme concernent les vertus normatives formelles
de l’ordre constitutionnel d’un Etat. Les éléments de fond, eux, se rapportent aux paramètres
permettant d’instaurer une certaine pratique matérielle favorable à une mise en œuvre
effective des droits de l’homme dans cet Etat. C’est en effet la mise en œuvre qui a toujours
été le point le plus critique des droits de l’homme. Entre les personnes, titulaires des droits
fondamentaux, et les autorités, qui en sont les destinataires par excellence, il est impossible
d’éviter les frictions dans la masse des rapports juridiques et sociétaux qui les lient. Etant
donné que les premières peuvent prétendre, à tort ou à raison, avoir subi des atteintes du fait
des secondes, qui ne l’admettent pas toujours, les recours contentieux deviennent nécessaires
(A). Par suite, si un litige est porté devant l’organe constitutionnellement compétent, le
respect de la décision qui en résulte devient une dimension complémentaire obligatoire (B).

A : Garantie constitutionnelle d’une accessibilité individuelle du juge constitutionnel

On peut opérer une certaine summa divisio des systèmes étatiques de justice
constitutionnelle suivant le critère de l’effectivité du contentieux constitutionnel des droits de
l’homme. Autrement dit, le critère utilisé est celui de la validité du droit d’action directe de
l’individu devant la juridiction constitutionnelle, par voie de requête concernant la violation
des droits fondamentaux 96 . On distinguera alors deux systèmes constitutionnels.

D’un côté, les systèmes constitutionnels qui ne consacrent pas pour l’individu la
capacité d’agir directement devant la juridiction constitutionnelle 97 . Dans ces systèmes, il n’y
a pas de justice spéciale des droits de l’homme. Tout le contentieux des droits de l’homme,
s’il en est, s’épuise dans le cadre de l’appareil juridictionnel ordinaire, selon la procédure de
droit commun. L’institution disposant de la compétence juridictionnelle spéciale en matière
constitutionnelle n’est pas directement accessible aux individus qui se prétendraient victimes
de violations de leurs droits fondamentaux par une autorité étatique. La saisine de la
juridiction constitutionnelle y est alors principalement réservée à des personnalités politiques
limitativement énumérées agissant à titre officiel pour un contrôle a priori, à l’instar de la
France 98 ou du Burkina Faso 99 . Dans l’ordre juridique de ces Etats, le contentieux des droits

96
Hans Kelsen nous assure que « la question du mode d’introduction de la procédure devant le tribunal
constitutionnel a une importance primordiale : c’est de sa solution que dépend principalement la mesure dans
laquelle le tribunal constitutionnel pourra remplir sa mission de garant de la constitution ». Cité par E. Olivia,
« La saisine du conseil constitutionnel. Effectivité d’une saisine limitée, in F. Delpérée et P. Foucher, La saisine
du juge constitutionnel. Aspects de droit comparé, op.cit., pp. 127-159.
97
On aura compris que cela n’est possible que dans des pays ayant une juridiction constitutionnelle spécialisée et
ceux qui n’ont pas de juge chargé du contentieux de la conformité des actes internes à la constitution.
98
En vertu de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel peut être saisi « par le Président
de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou soixante
députés ou soixante sénateurs ». Voy. Ibidem. Une partie de la doctrine française a souvent proposé une réforme
du contentieux constitutionnel allant dans le sens de l’institution d’un droit d’accès direct des individus au
Conseil constitutionnel. Voy. F. Hamon et C. Wiener, La justice constitutionnelle : présentation générale,
France, Etats-Unis, op.cit., pp. 10 et s.
99
Selon l’article 157 de la Constitution, le Conseil constitutionnel burkinabé est saisi par « le Président du Faso,
le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, un cinquième (1/5) au moins des membres de

12
de l’homme n’est pas distinct du contentieux de droit commun. Les traités internationaux de
protection des droits humains, par exemple, peuvent être invoqués devant les juridictions
ordinaires, dans la mesure où ces traités ont intégré l’ordre constitutionnel. Il s’agira alors
d’un contrôle de conventionalité, pour les Etats monistes à l’instar de la France et du Burkina
Faso 100 . Il s’agira par contre d’un contrôle de la légalité, pour les Etats dualistes comme la
Grande-Bretagne et Israël 101 . Quant au contrôle de la constitutionnalité des actes par rapport
aux garanties constitutionnelles des droits fondamentaux, s’il existe, il n’est possible pour
l’individu que lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité 102 est soulevée dans le cadre d’un
procès devant un juge ordinaire 103 . Ce dernier doit alors surseoir à statuer et poser une
question préjudicielle au juge constitutionnel dont la réponse sera déterminante pour résoudre
le litige concerné 104 . Sauf ce recours préjudiciel, la juridiction constitutionnelle ne connaît pas
directement du contentieux des droits de l’homme. Sa compétence ou sa saisine par l’individu
en la matière est indirecte, imparfaite dirons-nous.

D’un autre côté, les systèmes qui consacrent le droit de l’individu d’agir
personnellement devant la juridiction constitutionnelle pour contester les actes qu’il estime
attentatoires à ses droits fondamentaux. Dans les systèmes de contrôle diffus, cela se
concrétise par un recours ordinairement hiérarchisé, comme aux Etats-Unis 105 , au Nigeria 106
et en Suisse 107 . Dans ces pays, la juridiction constitutionnelle représente en général un degré

l’Assemblée nationale ». Nous défendons l’institution d’un droit du justiciable d’accéder directement à la
juridiction constitutionnelle dans ce pays, comme ce fut jadis le cas dans la constitution de 1977.
100
C’est le résultat de l’interprétation par la doctrine de l’article 55 de la Constitution française qui a une teneur
identique à celle de l’article 151 de la Constitution du Burkina Faso, selon lequel « les traités et accords
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous
réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Cf. D. Pierre-Marie, Droit
international public, Dalloz, Paris, 8e éd., 2006, pp. 419 et ss. ; A. Soma, « L’applicabilité des traités
internationaux de protection des droits de l’Homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso », op.cit.
101
A. Jussiaume, Le juge de la constitution dans les systèmes britannique, canadien et israélien : contribution à
une théorie de la valeur de l’écrit, op.cit, pp. 7 et s.
102
F. Luchaire, « L’exception d’inconstitutionnalité », in F. Delpérée (sous dir.), Le recours des particuliers
devant le juge constitutionnel, Bruylant, Bruxelles, 1991, pp. 143-152.
103
Cette possibilité pour le justiciable de soulever une exception d’inconstitutionnalité, et pour les tribunaux de
poser la question préjudicielle à la juridiction constitutionnelle, existe au Burkina Faso (loi organique de 2000) et
en Belgique. Son instauration en France a été l’objet de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (limitée
aux procès devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation), qui attend toutefois d’être concrétisée par une loi
organique pour préciser les modalités d’application du nouvel article 61-1 de la Constitution française. Pour le
système actuellement applicable en France, voy. T. S. Renoux, « Le recours des particuliers devant le Conseil
constitutionnel », in F. Delpérée (sous dir.), Le recours des particuliers devant le juge constitutionnel, op.cit., pp.
79-99. En fait, cet auteur parle du droit d’action individuelle devant le juge constitutionnel en France surtout
dans le cadre du contentieux électoral.
104
A. Rasson-Roland, « La question préjudicielle », in F. Delpérée (sous dir.), Le recours des particuliers devant
le juge constitutionnel, op.cit., pp. 37-53.
105
F. Hamon et C. Wiener, La justice constitutionnelle : présentation générale, France, Etats-Unis, op.cit., p. 1,
pp. 37 et s. Les citoyens peuvent attaquer l’inconstitutionnalité d’un acte par la procédure de l’exception, de
l’injonction ou du jugement déclaratoire. La Cour suprême filtre les requêtes par les grâces du certiorari, en
raison de l’importance constitutionnelle de l’affaire à elle déférée.
106
Selon l’article 233 de la Constitution nigeriane, des recours individuels sont possibles devant la Cour suprême
contre les décisions rendues par la « Court of Appeal » en matière de droits fondamentaux.
107
En Suisse, depuis 1874, les individus peuvent saisir directement le Tribunal fédéral par le moyen du recours
de droit public contre les violations de leurs droits constitutionnels. Cf. P. Saladin, « L’accès direct à la
protection : techniques et résultats. Rapport suisse », in Annuaire International de Justice Constitutionnelle,
année 1991, Economica, Paris, 1993, pp.149-157. L’accès au juge est constitutionnellement garanti en Suisse en
tant que droit fondamental. Cf. A. Benoît, « La garantie de l’accès au juge : l’art. 29a Cst. et ses répercussions
sur la révision de l’organisation judiciaire fédérale », in S. Besson, M. Hottelier et F. Werro (éd.), Les droits de
l’homme au centre, Schulthess, Genève, 2006, pp. 159-187.

13
suprême 108 . Elle est le stade ultime d’aboutissement d’un contentieux constitutionnel
préalablement engagé devant les juridictions inférieures 109 . Dans ces systèmes également, la
juridiction constitutionnelle, sous réserve de rares hypothèses où elle peut être saisie sans
épuisement préalable de recours inférieurs 110 , a principalement pour fonction de confirmer,
casser ou réformer des décisions antérieures 111 . Il s’agir d’invalider des actes attaqués pour
inconstitutionnalité, en raison notamment de leur incompatibilité avec les droits
fondamentaux constitutionnels 112 . Dans les systèmes de contrôle centralisé, cela se matérialise
par un recours direct, comme au Gabon et au Bénin. L’institution de justice constitutionnelle
y a la compétence de connaître directement, en instance unique, des recours dirigés par les
victimes contre les actes attentatoires aux droits et libertés que l’ordre constitutionnel leur
garantit 113 . Elle a une compétence spéciale en matière de droits de l’homme. Les litiges
portant sur la mise en œuvre des droits et libertés constitutionnels ressortissent de sa
compétence exclusive 114 .

Certains pays consacrent le droit des particuliers d’agir devant la juridiction


constitutionnelle à la fois directement et indirectement, par voie d’action ou par voie
d’exception, pour la protection de leurs droits fondamentaux 115 . Doit être également

108
En Afrique du Sud, l’article 167, alinéa 3 de la Constitution dispose clairement que « the Constitutional Court
is the highest court in all constitutional matters… and makes the final decision whether a matter is a
constitutional matter or whether an issue is connected with a decision on a constitutional matter ».
109
En plus des Etats-Unis et de la Suisse, les juridictions constitutionnelles (suprêmes et spécialisées) en
Allemagne et en Espagne remplissent une telle fonction, les individus ayant la possibilité de contester devant
elles des décisions des tribunaux inférieurs. Cf. F. Rubio Llorente, « L’accès direct à la protection : techniques et
résultats. Rapport espagnol », in Annuaire International de Justice Constitutionnelle, op.cit., pp. 134-140.
110
C’est ainsi qu’en Suisse les actes des autorités fédérales, autres que les lois et les actes d’application des lois
fédérales, dès lors qu’ils sont self-executing peuvent être directement attaqués devant le Tribunal fédéral pour
inconstitutionnalité si leur application porte atteinte aux droits fondamentaux d’un individu, les juridictions
cantonales ne pouvant préalablement pas exercer un contrôle sur de tels actes.
111
Sur l’effet cassatoire des arrêts du Tribunal fédéral suisse, voy. P. Saladin, « L’accès direct à la protection :
techniques et résultats. Rapport suisse », op.cit.
112
W. Kälin, « L’accès à la juridiction constitutionnelle du Tribunal fédéral », in Tribunal fédéral Suisse,
Réforme de la justice, op.cit., pp. 313-328.
113
Selon l’article 3, alinéa 3 de la Constitution du Bénin, « tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour
Constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels ». L’article 117, alinéa 3 dispose que
« la Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité des lois et des actes réglementaires
censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques et en général,
sur la violation des droits de la personne humaine ». Selon l’article 121, alinéa 2 « elle se prononce d’office sur
la constitutionnalité des lois et de tout texte réglementaire censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la
personne humaine et aux libertés publiques. Elle statue plus généralement sur les violations des droits de la
personne humaine et sa décision doit intervenir dans un délai de huit jours ». Les articles 84, 85 et 86 de la
Constitution du Gabon du 26 mars 1991 instituent un système similaire. Les juges constitutionnels de ces deux
Etats sont systématiquement saisis sur le fondement de ces dispositions analysées notamment par C. K.
Tchapnga, « Le juge constitutionnel, juge administratif au Bénin et au Gabon », in Revue française de droit
constitutionnel, n°75, 2008, pp. 551-583.
114
Il en est ainsi dans tous les systèmes de contrôle centralisé où un organe spécial est exclusivement compétent
en matière de justice constitutionnelle. Par exemple, selon l’article 62 de la Constitution française, « les
décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics
et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Une disposition similaire se trouve à l’article 92 de
la Constitution du Gabon et 106 de celle du Togo adoptée le 12 septembre 1992.
115
Cette faculté existant en Autriche et en Allemagne, est étudiée par M. Verdussen, « Le recours des
particuliers devant le juge constitutionnel dans la perspective comparative », in F. Delpérée (sous dir.), Le
recours des particuliers devant le juge constitutionnel, op.cit., pp. 153-196. En Allemagne par exemple les lois
sont directement attaquables devant la Cour constitutionnelle par les particuliers dans un délai d’un an à compter
de l’entrée en vigueur. En Autriche, cette faculté n’est soumise à aucun délai. Voy. également D. Katzenstein,
L’accès direct à la protection : techniques et résultats. Rapport allemand » ; L. Adamovich, « L’accès direct à la
protection : techniques et résultats. Rapport autrichien », in Annuaire International de Justice Constitutionnelle,

14
mentionné le recours d’amparo susceptible d’être formé par les individus contre les actes
administratifs et juridictionnels attentatoires aux droits humains que connaissent l’Espagne 116
et les Etats ibéro-américains 117 .

Le système de justice constitutionnelle où la juridiction pertinente est directement


accessible à l’individu nous paraît incontestablement être le plus apte à instaurer une
meilleure protection des droits de l’homme au plan interne. Si l’on se situe dans un système
de contrôle diffus, de type américain, nigérian ou helvétique, il doit y avoir une juridiction
constitutionnelle suprême qui soit directement accessible aux individus, et compétente pour
connaître des recours contre la violation des droits fondamentaux. Si l’on se trouve dans un
système de juridiction constitutionnelle centralisée, externe à l’appareil judiciaire ordinaire,
de type béninois ou gabonais, le juge constitutionnel doit être compétent pour statuer sur les
prétentions individuelles de violation des droits de l’homme et libertés publiques, que les
titulaires de droits peuvent porter directement devant elle. Aucune sorte d’acte de
manifestation interne de la puissance publique susceptible de porter atteinte aux droits
fondamentaux ne doit être soustraite à son contrôle 118 . Alors, et seulement alors, les droits de
l’homme bénéficient potentiellement de garanties d’une meilleure protection par la juridiction
constitutionnelle nationale. Concrètement, on peut constater que dans les systèmes qui
reconnaissent le droit d’action individuelle devant la juridiction constitutionnelle, il existe une
abondante jurisprudence pertinente spécialement en matière de droits fondamentaux 119 . Même
si une certaine jurisprudence protectrice des droits de l’homme peut être relevée dans les
systèmes ne connaissant pas de droit des particuliers d’ester en justice constitutionnelle en
matière de droits fondamentaux 120 , ce sera dans une mesure différente.

Les droits de l’homme étant constitutionnellement garantis et la juridiction


constitutionnelle pouvant être saisie sur leur fondement, les décisions subséquemment rendues
en la matière doivent être adéquatement observées. Sinon le système risque d’être altéré et il
y’aurait de l’injustice constitutionnelle 121 .

op.cit., respectivement pp. 89-100 ; 101-110. Le rapporteur allemand souligne par ailleurs la nécessité que le
droit de recours individuel devant la juridiction constitutionnelle soit constitutionnellement garanti « afin d’éviter
que la garantie du libre accès auprès du tribunal ne puisse être abrogée par une loi ». La même faculté existe en
Afrique du Sud. Voy. X. Philippe, « La saisine du juge constitutionnel en Afrique Australe », in F. Delpérée et P.
Foucher, La saisine du juge constitutionnel. Aspects de droit comparé, op.cit., pp. 73-93.
116
En Espagne, le recours d’amparo institue le droit d’action des particuliers devant le tribunal constitutionnel
contre les atteintes aux droits fondamentaux contenus dans la section 1 du chapitre 2 du titre I de la Constitution,
exclusivement. Voy. F. Rubio Llorente, « L’accès direct à la protection : techniques et résultats. Rapport
espagnol », op.cit.
117
Le « recurso de Amparo » est par exemple organisé par l’article 43 de la Constitution argentine et par l’article
88 de la Constitution équatorienne adoptée le 28 septembre 2008.
118
Comme c’est le cas en vertu de l’article 3 de la Constitution béninoise, précité. A l’inverse, en France les lois
référendaires sont immunisées au contrôle de constitutionnalité. Cf. Conseil constitutionnel, Décision n°62-20 du
6 novembre 1962.
119
L’abondance et la pertinence de la jurisprudence en matière de droits fondamentaux sont relevées en Suisse
par P. Saladin, « L’accès direct à la protection : techniques et résultats. Rapport suisse », op.cit. Pour les Etats-
Unis, voy. F. Hamon et C. Wiener, La justice constitutionnelle : présentation générale, France, Etats-Unis,
op.cit., pp. 40 et s. Pour la Bénin et le Gabon, voy. C. K. Tchapnga, « Le juge constitutionnel, juge administratif
au Bénin et au Gabon », op.cit.
120
Sur l’importante activité prétorienne constitutionnelle en France, lire B. Genevois, La jurisprudence du
Conseil constitutionnel. Principes directeurs, Sciences et Techniques Humaines, Paris, pp. 189 et s.
121
A-M. Le Pourhiet, « L’injustice constitutionnelle », in Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en
l’honneur de Louis Favoreu, op.cit., pp. 223-231.

15
B : Assurance constitutionnelle du caractère obligatoire et exécutoire des décisions

Ce paramètre exige que les décisions rendues par la juridiction constitutionnelle en


matière de droits de l’homme, et pas seulement, doivent être parfaitement respectées dans tout
l’ordonnancement juridique interne concerné. Il est aussi un paramètre indispensable à la
cohérence de tout système constitutionnel et à l’esprit de l’Etat de droit démocratique.
Comment pourrait-il en être autrement ? La juridiction constitutionnelle est instituée pour
administrer la suprématie nécessaire de la norme fondamentale de l’Etat 122 . Son verdict dans
le contentieux constitutionnel, plus précisément en matière de droits de l’homme, doit être
l’ultime considération qui vaille juridiquement, jusqu’à nouvel ordre. Pour sanctifier le rôle
protecteur de la justice constitutionnelle, et spécifiquement la protection accordée aux droits
fondamentaux des personnes par la juridiction constitutionnelle, deux paradigmes doivent être
de rigueur : l’autorité de ses décisions et leur exécution de bonne foi.

L’obligatoriété des décisions rendues par le juge constitutionnel est un principe du


droit généralement observé, un élément constant dans le trans-constitutionnalisme. En ce qui
concerne les systèmes où la juridiction constitutionnelle est placée au sommet de la hiérarchie
judiciaire, comme aux Etats-Unis, en Suisse, en Afrique du Sud, en Inde et au Nigeria, sa
pratique et sa politique jurisprudentielles déploient un effet erga omnes. En dernière analyse,
ses verdicts s’imposent d’une manière ou d’une autre non seulement aux institutions de tout
l’échafaudage juridictionnel interne, mais aussi à toutes les autres autorités de la structure
étatique, ainsi qu’aux personnes privées sous la juridiction de l’Etat concerné 123 . De la même
manière, dans les systèmes où la juridiction constitutionnelle n’est pas intégrée à
l’ordonnancement juridictionnel ordinaire de l’Etat et où la justice constitutionnelle est une
branche parallèle spécialisée, à l’image de la France, de l’Algérie, du Burkina Faso, du Bénin,
du Gabon et de l’Autriche, ses avis sont décisifs sur la constitutionnalité de telle ou telle
norme et de tel ou tel acte individuel 124 . Si l’autorité des décisions du juge constitutionnel est,
pourrait-on dire, universellement reconnue, cette reconnaissance, lorsqu’elle est expressément
consacrée, peut parfois l’avoir été dans un texte de valeur infra-constitutionnelle. Même si une
telle consécration formelle est admirable, nous lui préférerions une consécration
constitutionnelle formelle, comme cela a été fait au Maroc 125 , pour des raisons de sécurité
juridique.

Obligatoires dans leur esprit, les décisions de justice constitutionnelle des droits de
l’homme doivent surtout être obligatoires dans l’esprit des sujets du droit. Elles doivent être
adéquatement exécutées, de bonne foi, comme en France 126 . La bonne foi est un principe
inhérent à tout ordre juridique 127 . En effet, lorsque le juge constitutionnel est par exemple

122
G. Burdeau (sous dir.), Le contrôle de constitutionnalité des lois en France et à l’étranger, La Documentation
française, Paris, 1978, p. 2 et s.
123
F. Hamon et C. Wiener, La justice constitutionnelle : présentation générale, France, Etats-Unis, op.cit., p. 3 ;
pp. 37 et s.
124
Ibidem, pp. 10 et s.
125
La pertinence pour ce propos de l’article 85 de la Constitution du Maroc nous amène à citer le texte in
extenso. Il prévoit que « les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles
s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Rappelons
également les articles précités de la Constitution en France (62), au Togo (106), au Gabon (92).
126
F. Hamon et C. Wiener, La justice constitutionnelle : présentation générale, France, Etats-Unis, op.cit., pp.
10 et s.
127
R. Kolb, La bonne foi en droit international public, P.U.F., Paris, 2000, pp. 154 et s. ; P-H. Steinauer, « La
bonne foi en droit public et en droit privé », in G. Corti, M. Mini, J. Noseda et M. Postizzi (sous dir.), Diritto
senza devianza, Studi in onore di Marco Borghi, Helbing et Lichtenhahn, Genève, 2006, p. 775-789. La bonne

16
saisi par des individus pour atteinte à leurs droits de l’homme, il tranche sur le point de savoir
s’il y a eu ou non violation des droits invoqués dans le contentieux opposant les parties en
présence. Généralement, sa décision précise ou implique les mesures qui doivent être prises
pour rétablir autant que possible le statu quo ante par la restitutio in integrum. Il pourra s’agir
d’invalider la norme ou la décision attaquée, ou d’accorder une indemnité suffisante, une
réparation satisfaisante, une compensation équitable, ou encore des garanties de non-
répétition 128 . En dernière analyse, attaqué pour violation d’un droit fondamental, l’Etat ne
peut prétendre avoir adéquatement mis en œuvre les droits de la personne que s’il exécute la
prestation à laquelle il a été condamné à l’issue du contentieux tranché par le juge.

Le sentiment de l’obligatoriété et l’exécution des décisions de justice, en l’occurrence


celles rendues dans le contentieux interne des droits de l’homme, ont toujours constitué le
nœud gordien de la mise en oeuvre nationale des droits de l’homme. Ce, surtout dans le
contexte national des pays du tiers monde, à savoir dans les Etats qui n’ont pas une tradition
relativement assise de protection des droits fondamentaux 129 . Cela étant, les développements
ultérieurs doivent absolument tendre à la prise en compte de cette dimension. Il faut bien se
rendre compte que le respect des droits de l’homme ne va souvent pas de soi. Le dénouement
juridictionnel est une phase parfois nécessaire. Si les prescriptions du juge ne sont pas
concrètement observées par la partie condamnée, les droits fondamentaux de la partie lésée ne
peuvent demeurer qu’imparfaitement mis en œuvre 130 . Par conséquent, l’exécution des

foi est un principe constitutionnel en Suisse, la Constitution helvétique dispose en son article 5, alinéa 3 que « les
organes de l’Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi ».
128
Le droit à réparation est une dimension fondamentale de la justice en matière de droits de l’homme. Voy.
Commission internationale de juristes, Le droit à la réparation des victimes de violations des droits de l’homme,
Commission internationale de juristes, Genève, 1998, pp. 19 et s. Ce droit à réparation est développé par la
résolution 2005/35 du 19 avril 2005 de l’ex-Commission des droits de l’homme des Nations Unies portant sur les
« principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations
flagrantes du droit international relatif aux droits de l’homme et des violations graves du droit international
humanitaire », § 15 et s.
129
J. Owona, Droit constitutionnel et régimes politiques africains, Berger-Levrault, Paris, 1985, pp. 225 et s.
130
L’administration a l’obligation d’exécuter ou d’assurer l’exécution des décisions de justice, qu’il s’agisse de
la condamnation de l’Etat lui-même ou d’une personne privée. C’est un élément essentiel de l’Etat de droit et de
mise en œuvre interne des droits de l’homme. Cette dimension fait défaut dans les pays africains notamment où
l’administration refuse souvent d’exécuter la décision de justice, ou prend des mesures tendant à contourner la
décision. Par exemple, en 1974-1975 au Burkina Faso, des fonctionnaires admis au concours de l’E.N.A. (Ecole
nationale d’administration) avaient vu leur admission annulée au motif qu’ils étaient à leurs quatrième,
cinquième ou sixième participation au concours, alors qu’il existait un texte qui limitait à trois le nombre de fois
où un candidat pouvait prendre part à un concours de l’E.N.A. Ils avaient à l’époque saisi la cour suprême et
celle-ci avait annulé la décision de l’administration qui les excluait de la liste des admis par un arrêt daté du 11
février 1975. Ils saisirent alors le ministère en charge de la fonction publique pour demander leur réintégration,
conformément à la décision de justice. L’affaire fut portée en conseil des ministres du 30 avril 1975. Le conseil
délibéra et décida de ne pas exécuter la décision rendue par la cour suprême. Le ministre en informa les
intéressés par lettre datée du 7 mai 1975. Les intéressés saisirent de nouveau la cour suprême. Celle-ci, sur le
fondement de la séparation des pouvoirs, l’Etat de droit et de la sécurité des relations juridiques, a considéré que
cette inexécution était une « atteinte flagrante à l’indépendance d’une juridiction souveraine ». Elle a alors
délivré une astreinte à l’encontre de l’Etat. Dans une autre affaire, deux fonctionnaires avaient été licenciés en
conseil des ministres en juillet 1995. Saisie, la chambre administrative de la cour suprême à l’époque annula ce
licenciement par arrêt de juin 1999. Pendant qu’ils étaient dans l’attente d’une décision de réintégration,
l’administration prenait, en février 2000, un arrêté de suspension avec effet rétroactif pour compter du 2 août
1995. Les intéressés saisissaient une deuxième fois le juge administratif. En mai 2002, l’arrêté de suspension est
annulé pour violation du principe de non rétroactivité. Tout en sachant donc que son recours n’a aucune chance
d’aboutir, l’administration fait appel courant juillet 2002 au motif que la décision de justice viole la loi. Le 30
janvier 2004, le conseil d’Etat confirmait le jugement de mai 2002. Ces multiples décisions n’ont pas été
exécutées et l’un des recourants est décédé en cours de procédure. Ces affaires sont expliquées sous le lien
électronique : http://www.evenement-bf.net/pages/le_droit_147.htm.

17
décisions rendues par le juge constitutionnel en charge du contentieux devient quelque chose
d’intrinsèquement indispensable à une meilleure protection interne des droits de la personne.

Conclusion

Cette modeste contribution établit clairement les principaux éléments que comporterait
notre archétype de justice constitutionnelle pour une meilleure protection interne des droits de
l’homme. Notre modèle voudrait premièrement que les Etats adhèrent à la fois au principe de
la consécration constitutionnelle des droits fondamentaux et au principe de la coexistence
constitutionnelle équilibrée de tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et
culturels 131 , comme en Afrique du Sud. Par ailleurs les droits de l’homme, qu’ils soient de
consécration constitutionnelle ou d’émanation internationale, doivent avoir la même valeur
constitutionnelle, comme en Argentine.

Deuxièmement, dans notre modèle, l’organe du contrôle constitutionnel de


l’application nationale des droits fondamentaux doit avoir un statut constitutionnel. Il doit être
constitutionnellement créé, comme en Inde, avec la garantie constitutionnelle de son
indépendance, via par exemple l’élection de ses membres, comme en Pologne. L’organe du
contrôle de l’application nationale des droits fondamentaux doit être constitutionnellement
doté d’une pleine compétence spéciale contentieuse en la matière, comme au Bénin.

Troisièmement, selon notre modèle, l’institution nationale disposant de la compétence


juridictionnelle spéciale en matière constitutionnelle doit être accessible aux individus se
prétendant victimes de violations de leurs droits fondamentaux par une autorité étatique. Elle
doit l’être de préférence directement, comme en Suisse, plutôt qu’indirectement par le biais de
la question préjudicielle, comme au Burkina Faso, idéalement les deux à la fois, comme en
Allemagne. Ceci doit advenir, qu’il s’agisse d’un système de contrôle diffus, comme aux
Etats-Unis, ou d’un système de justice constitutionnelle centralisée, comme au Gabon.

Enfin, dans notre modèle, l’autorité des décisions rendues par la juridiction
constitutionnelle dans le contentieux des droits de l’homme doit être assurée, soit
formellement dans la Constitution, comme au Maroc, soit par l’effet erga omnes de la
jurisprudence constitutionnelle, comme en Espagne. Ces décisions doivent en outre être
concrètement exécutées de bonne foi, comme en France. Ces quatre séries de paramètres sont
cumulatives. Les systèmes constitutionnels cités en exemple, n’ont que cette valeur
illustrative de tel ou tel paramètre examiné.

Nous pensons que la prévalence simultanée de ces quatre éléments de forme et de fond
dans un Etat améliorerait pour le moins considérablement la vigueur des droits de l’homme
dans la conscience citoyenne et dans la pratique nationale à l’intérieur de cet Etat. Même si les

131
A noter que c’est dans un but purement didactique que nous avons recouru à la dichotomie catégorielle ou
générationnelle des droits de l’homme. En fait, nous rejetons l’esprit de la doctrine de la classification de droits
de l’homme distinguant les droits civils et politiques, d’une part, des D. E. S. C., d’autre part, doctrine
impliquant que les premiers sont des droits purs contrairement aux seconds qui ne seraient pas de véritables
droits. Nous défendons plutôt l’égalité juridique de principe de tous les droits l’homme indépendamment de leur
appartenance catégorielle et adhérons à la doctrine que tous ces droits impliquent les trois niveaux d’obligations
de respecter, de protéger et de donner effet, c’est-à-dire qu’ils sont tous justiciables. Cf. H. Shue, Basic rights,
Affluence, and U.S. Foreign policy, op.cit., pp. 51 et s. Ces deux paramètres, théorie des trois niveaux
d’obligations et justiciabilité de principe de tous les droits fondamentaux, doivent être considérés comme
connexes à notre modèle pur de justice constitutionnelle favorable à une meilleure mise en œuvre nationale des
droits de l’homme.

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systèmes constitutionnels américain, allemand et suisse semblent répondre à plusieurs des
paramètres de notre modèle, ils ne sont pas, en tout point, satisfaisants. La catégorie des
D.E.S.C. n’y a pas trouvé la consécration et le développement convenables. Les systèmes
français et burkinabé pèchent notamment par les caractères restreints et politiques de la
saisine du Conseil constitutionnel. En Mauritanie, le Conseil constitutionnel n’est par exemple
pas constitutionnellement doté d’une compétence spéciale pour connaître du contentieux des
droits de l’homme. Dans le système suisse, le Tribunal fédéral ne répond pas au critère de la
pleine compétence, puisque les lois fédérales, même attentatoires à certains droits
fondamentaux sont immunisées à son contrôle selon la lettre de l’article 190 de la
Constitution. Les systèmes béninois et belge consacrent la nomination, plutôt que l’élection
des juges constitutionnels. Précisons que nous concevons ce critère électoraliste très
souplement.

Le système constitutionnel de la République d’Afrique du Sud, et tout système


constitutionnel national qui serait identique à lui, correspond le mieux à notre archétype de
justice constitutionnelle des droits de l’homme ; en tout cas du point de vue du modèle
théorique 132 . Il faut constater que dans le droit constitutionnel comparé actuel 133 , les
différents systèmes étatiques de justice constitutionnelle des droits de l’homme satisfont à tel
ou tel paramètre, et non à tel ou tel autre. La mise en œuvre des droits de l’homme dans tout
Etat peut être appréciable ou critiquable sur tel ou tel point. Mais une chose demeure. Chacun
des paramètres de notre modèle théorique de justice constitutionnelle se retrouve dans
plusieurs Etats du monde et, mieux, s’y est révélé être un élément pouvant favoriser une
meilleure mise en œuvre interne des droits de l’homme. Alors, les efforts pour tendre vers un
tel modèle ne pourront qu’être appréciables à leur juste valeur.

132
Très sommairement, sur le premier critère, en Afrique du Sud il y a une consécration constitutionnelle des
droits civils et politiques, autant que des D.E.S.C. (articles 7 à 39). La Constitution précise au surplus que ces
droits ont une valeur égale, puisque chacun d’eux implique les trois strates d’obligations de respecter, de
protéger et de donner effet (article 7, alinéa 2). En raison de la nature dualiste de cet Etat, les traités
internationaux de protection des droits de l’homme ne sont constitutionnellement obligatoires que lorsqu’ils ont
été transposés en droit interne par un acte législatif (article 231, alinéa 4), mais l’interprétation des droits
fondamentaux constitutionnels doit se faire en considération du droit international pertinent (article 39, alinéa 1).
Sur le deuxième critère, la Cour constitutionnelle sud africaine a un statut constitutionnel, et elle a une
compétence spéciale en matière de contrôle de l’application interne des droits de l’homme (articles 167 et 168).
La plupart des onze juges actuellement en activité ont été nommés par le Président Mandela ou Mbeki, mais leur
indépendance est constitutionnellement garantie (article 33, alinéa 3). Sur le troisième critère, le système de ce
pays reconnaît l’accessibilité individuelle directe de la juridiction constitutionnelle en matière de contentieux
interne des droits de l’homme (article 167, alinéa 6). Sur le quatrième critère, la Constitution sud africaine
consacre l’autorité des décisions de la juridiction constitutionnelle (article 167, alinéa 3) et l’exécution effective
des décisions rendues en matière de droits fondamentaux ne semble pas aller si mal. Un exemple nous est donné
par le dénouement de cette affaire, Constitutional Court of South Africa, The Government of the Republic of
South Africa, the premier of the province of the Western Cape, Cape Metropolitan Council, Oostenberg
Municipality Versus Irene Grootboom and others, 2001, Case CCT 11/00, 4 octobre 2000, § 15 et s. Le pouvoir
constituant de ce pays a su capitaliser l’expérience de plusieurs pays en matière de justice constitutionnelle. Il a
combiné plusieurs aspects positifs de différents modèles de juridiction constitutionnelle, de sorte qu’il y a un
système mixte. Suivant les articles 79, 80, 167 et 172 de la Constitution, le contrôle est à la fois a priori et a
posteriori, concret et abstrait, direct et indirect, diffus et centralisé, et la saisine est possible par les particuliers,
les juridictions, et les autorités politiques. Voy. X. Philippe, « La saisine du juge constitutionnel en Afrique
Australe, op.cit., pp. 73-93.
133
D. Chagnollaud, Droit constitutionnel contemporain. Théorie générale. Les régimes étrangers, Dalloz, Paris,
t. 1, 5e éd., 2007, pp. 76 et s.

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