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Une Petite Histoire de La Physique

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La1reéditiondecetouvrageestparueen2001danslacollectionL’espritdessciences.

Conceptiongraphiquecouverture:NathalieFOULLOY
Conceptiongraphiqueintérieuretmiseenpages:CharlinePINTO

ISBN9782340-088979
©EllipsesÉditionMarketingS.A.,2024
8/10ruelaQuintinie75015Paris
PourClémence,Héloïse,Pierre-Louis,
etaussipourAndrea,Baptiste,Eliott,Enzo,HippolyteetJulien.
Avant-propos

Des générations d’hommes et de femmes ont cherché à comprendre


commentfonctionnaitl’Universdanslequelilsvivaient.Danscettequête,
certains sont parvenus à progresser et c’est leur curiosité qui a façonné
l’imagequenousavonsdenotremonde.Laphysique,cettesciencequ’ils
ontconstruiteaucoursdessiècles,estomniprésentedansnotrevie.Nous
n’en sommes peut-être pas tous conscients, mais elle constitue un
héritageculturelquechacund’entrenousestsusceptibledediffuseretla
scienceestdésormaisobjetdecultureautantquedesavoir.
Ceux qui, au cours de leurs études, n’ont vu dans la physique qu’une
succession de calculs fastidieux et incompréhensibles doutent
probablement de leur capacité à transmettre une science dont ils se
croientsiéloignés.Pourtant,ilspossèdent,parfoisàleurinsu,unnombre
impressionnant de connaissances dans ce domaine et les exemples ci-
aprèsaiderontpeut-êtreàlesconvaincre.
Lorsque,pourexpliquerlachuted’unepommesurlesol,nousévoquons
l’attraction que notre Terre exerce sur celle-ci, nous utilisons,
implicitement, un résultat que Newton a énoncé à la fin du XVIIe siècle.
D’ailleurs,nosréférencesenphysiqueneselimitentpasauseuldomaine
dela mécanique: nouspossédonstous desnotionsd’électromagnétisme,
d’optique et même de physique atomique. Le seul fait d’employer les
termes d’infrarouge et d’ultraviolet ou d’admettre la présence de ces
derniers dans le rayonnement solaire le prouve. Ces mots font
aujourd’huipartiedulangagecourant.Ilfautpourtantsavoirquecen’est
qu’en 1800 qu’a été découvert par William Herschel le rayonnement
invisiblesituéau-delàdurouge,quel’onn’appelaitpasencoreinfrarouge,
et que les expériences de Johann Wilhelm Ritter pour envisager
l’existencedesultravioletsnedatentquedel’annéesuivante.Nousavons
donc hérité,dans ce domaine, de connaissancesapparues au XIXe siècle.
Demême,noussavonstousquelamatièreestcomposéed’atomesetque
le noyau de certains d’entre eux peut donner lieu à des désintégrations
radioactives. Or, l’existence même de l’atome était encore source de
polémiquesàlafinduXIXesiècle…
S’il était possible de remonter le temps, chacun d’entre nous serait
capable de faire des suggestions aux physiciens de l’époque visitée pour
les aider à avancer. Les idées que nous proposerions seraient
probablementrévolutionnairespourlesphysiciensd’alors.
Nos connaissances dans le domaine de la physique sont le fruit du
travail des générations qui nous ont précédés. Cet héritage est donc
particulièrement précieux. Les idées des physiciens ont été
inlassablement remises en cause puis elles sont parvenues jusqu’à nous.
Lebutdecetouvrageestdelesprésentersousleuréclairagehistorique.
Bienquecelivreconstitueunehistoiredelaphysique,ilneseprésente
pas sous la forme d’une chronologie. Nous avons en effet préféré
distinguerlesbranchesmajeuresquiontconstituécettesciencejusqu’àla
fin du XIXe siècle. Nous nous intéresserons donc successivement à
l’évolutiondelamécaniqueetdel’astronomie,delathermodynamique,de
l’électromagnétismeetdel’optique.Nousverronsaussicommentcertains
domaines, qui sont longtemps restés autonomes, ont été peu à peu
intégrésauxquatrebranchesprécédemmentcitées.
À partir du XXe siècle, la segmentation de la physique moderne en
domaines indépendants les uns des autres n’a plus la force d’une
évidence.Cettepériode,ditemoderne,quenousferonsdébuteren1895,se
caractérise, en effet, par l’émergence de deux théories révolutionnaires
majeures : la physique quantique et la relativité. Ces théories ont, toutes
deux, bouleversé totalement la pensée de leur temps et nous verrons
quellesquestionsontétéàl’originedeleurélaboration.L’introductionen
physique de la notion de probabilité, celle d’espace-temps à quatre
dimensions constituent une révolution intellectuelle d’une importance
comparable à celle qui, après Copernic, a appris aux hommes que leur
Terre n’était pas le centre du monde. Dans ce dernier chapitre nous
évoquerons également les axes de recherche actuels : ces derniers
constituentpourlaphysiquesonactualité.
Il est probablement plus facile de vulgariser les applications pratiques
d’une théorie plutôt que la théorie même. Pour autant, ce livre n’est en
rienunehistoiredestechniquesetmêmesicertainesretombéespratiques
pourront y être évoquées, c’est à la physique théorique et à son histoire
quecelui-ciestconsacré.
Compte tenu des confusions possibles dans l’esprit des lecteurs entre
physiquethéoriqueetapplications,maisaussi,pourcertainsd’entreeux,
entre physique théorique et mathématiques, nous proposerons, dans les
prochainespages,unchapitredestinéàéclaircircesnotions.
Une première version du présent livre a déjà fait l’objet d’une
publication chez le même éditeur dans le cadre d’une collection
d’ouvrages thématiques de vulgarisation scientifique. Cette seconde
édition, qui cible un objectif de culture scientifique au sens large, ne
contient quasiment plus de formules mathématiques ; de plus, les
découvertes récentes faites dans le domaine de la physique y seront
exposées. Ces avancées ont, en effet, été nombreuses au cours de la
dernièredécennie:enjuillet2012,deuxéquipesderechercheontannoncé
ladétectionduBosondeHiggsauseinduL.H.C(legrandcollisionneurde
hadronsduCERNàGenève);desondesgravitationnelles,dontl’existence
avaitétépréditeparEinsteinen1916,ontétédétectéesparl’observatoire
américainLIGOpour lapremièrefois en2015 ;depuisle20 mai2019, le
bureau international des poids et mesures a proposé de nouvelles
définitions pour certaines unités du système international (dont le
kilogramme,l’ampèreetle kelvin)etles découvertessesuccèdentau gré
despublicationsscientifiques.
L’histoiredelaphysiqueestentraindes’écriresousnosyeux…
Tabledesmatières

Avant-propos
Qu’est-cequelaphysique?
LasciencedelaNature
Unescienceexpérimentale
Del’expérienceauxlois
Physiquethéoriqueetphysiqueappliquée
Physiqueetmathématiques
Lamécanique«classique»
L’Antiquité
DesGrecsàGalilée:duMoyen-Âgeàlarenaissancedessciences
physiques
Desavancéesprodigieuses:XVIeetXVIIesiècles
Newton
HéritagedeNewtonetnouveauxconcepts
Lathermodynamique:desoriginesànosjours
Température,thermométrie
Température,chaleureténergie
Lepremierprincipedelathermodynamique
Moteursthermiquesetdeuxièmeprincipe
Irréversibilitéetentropie
Latempératureabsolue
Lathermodynamiquestatistique
LathermodynamiqueaprèsBoltzmann
L’électromagnétisme
Lesorigines
Premièresthéories
D’Oerstedàlanaissancedel’électromagnétisme
L’inductionélectromagnétique
Lathéorieélectromagnétique−L’œuvredeMaxwelletHertz
L’optique
Lesorigines
LeXVIIesiècle:Kepler,Descartes,Fermat
Ondulatoireoucorpusculaire?
Letriomphedel’optiqueondulatoire:Fresnel
Laphysique«moderne»
Lesatomes
Laradioactivité
Quantaetdiscontinuités
Naissancedelamécaniquequantique
Céléritédelalumièreetrelativitérestreinte
Masse,gravitationetrelativitégénérale
Versl’infinimentpetit:lemodèlestandarddelaphysiquedesparticules
L’antimatière
Perspectives:laphysiqueàtoutesleséchelles
Référencesetconseilsdelecture
Annexe.Plusde120ansdeprixNobeldephysique
Qu’est-cequelaphysique?

LasciencedelaNature
Engrec«phusis»signifie«Nature».
Si l’on se réfère à l’étymologie, la physique se définit donc comme la
sciencedesphénomènesnaturels:lephysicienoulaphysicienneestcelui
ou celle qui étudie, par exemple, le mouvement des astres ou la
propagation des ondes ou encore la matière dans ses moindres détails.
Bien que la vie constitue un phénomène naturel, le domaine du vivant
échappe toutefois à son domaine de compétences. En effet, au fil des
siècles,lessciencesdelavieetlessciencesdelamatièresesontpeuàpeu
distinguées l’une del’autre. Certes, certains domaines actuels,comme la
biophysique, rapprochent les physiciens des biologistes, mais leurs
domainesd’investigationrestentmalgrétoutbiendistincts.
Alorsquereste-t-ilàlaphysique?
Un champ d’étude colossal, passionnant et terriblement ambitieux
commenoustâcheronsdelemontrertoutaulongdecetouvrage.Ilsuffit
d’ailleurs d’énumérer les domaines qu’elle recouvre pour s’en
convaincre : la recherche des origines de l’Univers, l’exploration du
mondemicroscopique,l’analysedumouvementdesplanètes,l’étudedela
lumièreontsuscitél’intérêtdegénérationsdephysiciens.
Depuis Archimède (287 av. J.-C., 212 av. J.-C.) jusqu’à Einstein (1879-
1955),leshommesetlesfemmesquiontbâtinotrephysiquepartageaient
la même curiosité exacerbée : ils souhaitaient comprendre le monde qui
lesentourait.
Les mots du physicien Louis de Broglie (1892-1987) résument
parfaitementcettequête:
Chaquefoisquel’esprithumain,auprixdesplusgrandsefforts,estparvenuà
déchiffrerunepagedulivredelaNature,ils’esttoutdesuiteaperçucombien
plus difficile il serait de déchiffrer la page suivante ; néanmoins, un instinct
profondl’empêchedesedécourageretlepousseàrenouvelerseseffortspour
progresserencoreplusavantdanslaconnaissance.
Il est vrai que la tâche du physicien semble vraiment sans fin. En
physique,lesidéessontloind’êtrefigéespuisqu’ellessontinlassablement
remises en cause et réexaminées. De fait, une théorie est susceptible
d’êtreébranlée chaquefoisqu’elleadesdifficultéspourexpliquerunfait
nouveau. Nous verrons, dans cet ouvrage, comment la mécanique de
Newton a été doublement remise en cause au XXe siècle lorsque sont
apparues la physique quantique et la relativité. Pour autant, nous
constateronsaussique,malgrétout,lorsqu’unepommetombed’unarbre
il est toujours possible d’utiliser les lois de Newton pour décrire son
mouvement ! Ainsi, il arrive que les nouvelles théories ne se substituent
pas totalement aux anciennes mais qu’elles limitent simplement leur
domained’application.
La physique est donc une science vivante, faite de bouleversements
successifs. Rien n’exclut que l’avenir ne réserve aux prochaines
générationsdesrévélationstotalementimprévisiblesdansl’étatactuelde
nosconnaissancesscientifiques.
Dans cette optique, il estlégitime de partager l’espoir duphysicien des
particulesEmilioSegrè(1905-1989)qui,en1959,déclarait:
Je ne croispas que Galilée, Einsteinou Newton aient été lesderniers de leur
espèce.

Unescienceexpérimentale
LavraiephysiqueaétéfondéelejouroùGaliléeaconçul’idéenonseulement
d’interrogerlanatureparl’expérience(…)maisdepréciserlaformegénéraleà
donner aux expériences en leur assignant pour objet immédiat la mesure de
toutcequipeutêtremesurabledanslesphénomènesnaturels.
Parcesmots,lemathématicienetphilosopheAntoineAugustinCournot
(1801-1877) soulignait l’importance de l’expérience en physique et la
distinguaitdelasimpleobservation.Onasouventditque,contrairement
àl’observateurquisecontented’écouterlaNature,celuiquiexpérimente
va plus loin puisqu’il l’interroge. Pour cela, il va tenter de fixer au
préalable les conditions dans lesquelles il souhaite travailler puis il
effectuera ses mesures. Dans le cas où cela n’est pas réalisable, le terme
mêmed’expériencepeutprendreunsenslégèrementdifférent.
Prenons l’exemple de l’astronomie ou de l’astrophysique : dans ce
domaine, expérimenter c’est observer et mesurer, avec les instruments
adéquats, mais, bien évidemment, sans pouvoir agir sur l’astre ou les
astres à étudier. L’observateur doit s’efforcer de trouver les conditions
idéales,cequiestloind’êtretoujoursfacile.Pours’enconvaincre,ilsuffit
de se souvenir que, pendant des siècles, le seul moyen dont l’astronome
disposait pour étudier la couronne solaire était d’observer le Soleil au
cours des éclipses totales. Non seulement cela limitait la durée pendant
laquelle il était possible de collecter des données, mais ces expériences
étaient particulièrement tributaires des conditions atmosphériques.
Certes, la mise en orbite, en 1995, du satellite SOHO (SOlar and
Heliospheric Observatory) a permis, pendant près de trente ans,
d’observer des cycles solaires et de réaliser des éclipses artificielles à
volonté, mais la mise en œuvre d’un tel projet a nécessité la réunion de
moyensfinanciersethumainscolossaux,commec’estlecasaussidansle
domaine de la physique des particules. De manière générale, la
reproductibilité des expériences est particulièrement difficile à assurer
lorsqu’il s’agit d’observer des astres et l’astrophysicien ne choisit pas
toujoursquandetoùvontseproduirelesphénomènesqu’ilespèremettre
enévidence.
D’autresbranchesdelaphysiquesontmoinsconcernéesparcetypede
problèmes : il est possible d’y définir et d’y maîtriser les conditions
expérimentales choisies. Pour autant, toute expérience n’est pas facile à
mettreenœuvreetdenombreuxobstaclessontsusceptiblesdes’éleverau
cours de la réalisation de celle-ci. La mesure étant au centre de la
problématique expérimentale, la question des instruments de mesure et
deleurperformanceseposeinévitablement.Prenonsl’exempledeGalilée
(1564-1642)quirévolutionnal’astronomie.
Cephysicienétaitincontestablementvisionnaireetexceptionneldanssa
clairvoyance et sa démarche, mais, sans sa lunette astronomique, son
génien’aurait passuffi pourqu’il réaliseson œuvre.C’est,en effet,cette
lunette qu’il construisit lui-même (les premiers modèles étant apparus
quelques années plustôt aux Pays-Bas) qui lui permit d’« interroger » la
Nature et de comprendre le mouvement des astres de notre système
solaire.
Sanscetinstrument,iln’auraitpumeneràbiensontravail.
Disposer d’instruments de mesures adéquats est fondamental. Cela est
particulièrement vrai depuis une soixantaine d’années où certaines
expériences,notamment en physiquedes particules, exigentdes moyens
énormes. Les accélérateurs de particules s’étendent ainsi sur plusieurs
dizaines de kilomètres et les infrastructures nécessaires pour les faire
fonctionnersont colossalesetsonttrèsonéreuses.Celaimpliquesouvent
la collaboration de plusieurs nations sur un projet commun. Dans de
nombreux domaines de la physique, l’ère du laboratoire isolé et des
expériencesartisanalesestdoncbeletbienrévolue.
Nous venons de voir quelques-uns des obstacles que le physicien peut
rencontrer dans la démarche expérimentale, mais, parfois, la principale
difficulté d’une expérience ne réside ni dans sa faisabilité ni dans sa
réalisation.Le plusdélicat,avanttouteentrepriseexpérimentale,c’estde
s’affranchirdetoutpréjugé,autrementditd’oublierletypederésultatque
l’on espère obtenir. Sans cette dernière condition, tout le travail effectué
pourrait s’avérer inutile pour que les résultats soient correctement
interprétés. Un exemple classique de l’histoire de la physique illustre
particulièrement cela. Au XIXe siècle, c’est à dire à une époque où l’on
croyaitquelalumièresepropageaitdansunmilieuabsolumentimmobile
baptisé « éther », plusieurs physiciens avaient envisagé de mesurer, à
l’aide d’expériences d’optique, la vitesse de la Terre par rapport à cet
éther. L’expérience d’Albert Abraham Michelson (1852-1931), réalisée en
1881,étaitlaplusprécisedetoutesmaiselle nepermitpasdedécelerun
quelconquemouvementdel’étherparrapportàlaTerre.Cetteexpérience
fut renouvelée en 1887, en équipe, avec Edward Morley (1838-1923) et, à
chaque tentative, la vitesse trouvée était nulle. Plusieurs explications
furent proposées au cours de la décennie suivante mais aucune d’entre
ellesneconvint.Etpourcause:commel’amontréAlbertEinsteindansle
cadrede sathéoriedelarelativitérestreinte,aucunmilieumatérieln’est
absolumentimmobileet,parconséquent,l’éthern’existepas!Ainsi,a-t-il
fallu attendre 1905 pour comprendre l’échec apparent de cette
expérience…Nousvoyonssurcetexemplequelespréjugésetprésupposés
constituentprobablementleplusgranddesobstacles.Ilssontsusceptibles
d’entraver ou de compromettre une découverte : une expérience réussie
nesuffitpas;ilfautaussiêtrecapabledel’interpréter.

Del’expérienceauxlois
L’interprétation d’une expérience est probablement l’étape la plus
difficile du travail d’une physicienne ou d’un physicien. N’oublions pas,
en effet, que ce qui guide les scientifiques, c’est la certitude que notre
monde peut être compris et qu’il est possible de transcrire son
fonctionnement sous forme de lois. En effet, comme le disait Albert
Einstein:
Il est certain que la conviction − apparentée au sentiment religieux − que le
monde est rationnel, ou au moins intelligible, est à la base de tout travail
scientifiqueunpeuélaboré.
Lerôledel’expériencesesituedoncàplusieursniveauxetsesliensavec
lathéoriesontdenatureassezcomplexe.Defaçongénérale,ilconvientde
se rappeler qu’une expérience ne constitue pas une démonstration : elle
ne peut en aucun cas suffire pour justifier une loi. Tout au plus
interviendra-t-elle pour confirmer des résultats prévus dans le cadre
d’unethéorie.Àcetitre,lerôledel’expérience-confirmationn’estpasdu
même ordre selon qu’il s’agit de vérifier une loi admise par tous ou de
valider une théorie nouvelle. Ainsi, lorsqu’un cours de physique débute
paruneexpérience,l’intérêtdecettedernièreestessentiellementd’ordre
pédagogique. Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit de corroborer par
l’expérienceunethéoriequiestencorejugéerévolutionnaire.Danscecas,
l’expérience est là pour conforter la validité de la théorie et son succès
pourra permettrede convaincre certainsesprits sceptiques. Audébut du
XXesiècle,larelativitégénérale,dontEinsteinavaitpubliélesloisen1916,
eut ainsi recours à une preuve expérimentale capitale. Nous aurons
l’occasiondanscelivred’évoquerplus endétailcechapitre importantde
l’histoire des sciences. À cette époque, la relativité générale, qui
redéfinissaittotalementlesnotionsclassiquesd’espaceetdetempsetqui
supposait l’existence d’un espace-temps à quatre dimensions, était
relativementmalacceptée:denombreuxscientifiquesavaientdesdoutes
quant à sa pertinence. Une preuve expérimentale était attendue pour
convaincre ses détracteurs. C’est l’Anglais Arthur Stanley Eddington
(1882-1944)quiapulafournirenobservant,le29mai1919,dansleGolfe
deGuinée,aucoursd’uneéclipsetotale,uneétoilesituéederrièreleSoleil.
Si cette étoile était visible bien qu’elle fût cachée par notre astre, c’est
parceque, commel’avait prévuEinstein, lalumière qu’elleémettaitétait
effectivementdéviéeparleSoleil,quiétaituncorpssuffisammentmassif
pour incurver la trajectoire des rayons lumineux. Grâce à cette
expérience, Eddington a vérifié expérimentalement ce qui, jusque-là,
n’était qu’une théorie très peu intuitive et assez mal diffusée. En 1919,
Einsteinétaitdéjàcélèbre,maisonpeutdirequecesuccèsexpérimentala
encore accru sanotoriété. Cet exemple montre commentune expérience
peut légitimer une théorie nouvelle et lui permettre d’être acceptée et
reconnuedugrandpublic.
En 1919, le but d’Eddington était de confirmer une déduction élaborée
dans le cadre d’une théorie. Mais il peut arriver que la place de
l’expérience en physique se situe avant la formulation d’une loi. C’est
alors par tâtonnements, puis par induction, que le physicien progresse
vers la formulation de nouvelles hypothèses, et, comme l’a écrit le
philosopheetchimisteanglaisJosephPriestley(1733-1804):
Des théories même imparfaites suffisent à suggérer des expériences qui
viennentcorrigerleursimperfectionsetdonnentnaissanceàd’autresthéories
plusparfaites.
L’expérience constitue l’un des grands moyens dont les physiciens
disposentpourprogresser.Sonpouvoiresttelqu’elleestmêmecapablede
remettre totalement en cause une théorie. Il suffit, en effet, d’un unique
contre-exemple expérimental, d’un seul fait que l’on est incapable de
justifierpourquetoutl’édificevacilleetquecettedernières’effondre.

Physiquethéoriqueetphysiqueappliquée
Denosjours,lessciencesphysiquesmanientdesnotionsdeplusenplus
abstraites qui sont parfois mal connues du grand public. Leurs
applications, en revanche, sont largement médiatisées puis finissent par
faire partie de la vie quotidienne de chacun. Certes, la frontière entre
physique et technologie est quelque peu poreuse ; pour autant, ces deux
domaines se distinguent grandement : les retombées pratiques ne sont
pas la préoccupation principale du physicien théorique dont le but est
seulementlaconnaissancedumondequil’entoure
Aussi, même si les applications de la physique théorique surprennent
souventparleurportée,ilnefautpasoublierquelesapplicationsnesont
pas, apriori, cequi motiveles physiciennes etles physiciensthéoriques.
Par exemple, les chercheurs ne se sont pas initialement intéressés aux
semi-conducteurs pour fabriquer des diodes et des transistors : ce qu’ils
souhaitaient, au départ,c’était comprendre pourquoi ces corps étaient si
spécifiques quant à leurs propriétés électriques. Les applications des
semi-conducteurs sont arrivées ultérieurement, et ce n’est que dans un
second tempsqu’ils ont permisle développementde l’électronique. C’est
encesensquelaphysiquethéoriqueintéresseaussil’industrie…

Physiqueetmathématiques
Nous évoquerons, enfin, les liens étroits qu’entretient la physique
théorique avec les mathématiques. Ils sont assurément tout aussi forts
que ceux qu’elle a tissés avec la physique dite « appliquée », mais leur
natureestbeaucouppluscomplexe.
Remarquons, tout d’abord, que le fait que les mathématiques
fonctionnent lorsqu’on les applique à la physique ne constitue pas une
évidence:laphysiqueétudielaNature,et,parconséquent,lemonderéel,
alorsquelesmathématiquessontlefruitderecherchesabstraitesbasées
sur l’utilisation d’un formalisme particulier. Le physicien allemand
WernerKarlHeisenberg(1901-1976)écrivaitd’ailleursàcesujet:
L’idéequelesmathématiquespuissentenquelquesortes’adapteràdesobjets
denotreexpériencemesembleremarquableetpassionnante.
Il est, effectivement, légitime de s’étonner que la physique emploie
autant de mathématiques et que ces dernières soient utilisables dans le
cadredecettescienceexpérimentale.
Lesdérivées,lesvecteurs,lesmatricessontl’œuvredesmathématiciens.
Mais qui pourrait envisager aujourd’hui de mener des travaux de
physique sans utiliser ces outils ? Dès lors, faut-il considérer les
mathématiques comme un langage grâce auquel s’exprimeraient les lois
delaphysique?Cette opinionanotamment étédéfendueparGaliléequi
estimait que la Nature, elle-même, était « écrite en langue
mathématique ». D’autres physiciens n’allaient pas aussi loin que lui. Ils
considéraient simplement que l’utilisation des mathématiques était
l’unique moyen que l’homme avait trouvé pour rendre compréhensibles
lesloisdelaphysique.Ainsi,d’aprèslemathématicienetphysicienHenri
Poincaré(1854-1912):
Les mathématiques fournissent au physicien la seule langue dont il peut se
servirpourtraduirelessubtilitésqu’ilsouhaiteexprimer.
Peut-on, pour autant, conclure que les mathématiques ne sont, pour la
physique,qu’unsimplelangage?
Savoir parler une langue et maîtriser parfaitement la rhétorique ne
permettentpasderédigerunroman:ilfaut,enoutre,posséderdesidées
et les mots ne sont là que pour traduire ces dernières. Ainsi, si les
mathématiques étaientuniquement un langage, alorsleur seule pratique
ne suffirait pas pour découvrir de la physique. Or l’histoire des sciences
est là pour prouver le contraire comme l’illustrent la découverte du
positron(antiparticuledel’électron)et celledel’antiproton(antiparticule
du proton) qui furent imaginés mathématiquement avant d’être détectés
expérimentalement. En effet, dès 1929, le Britannique Paul Dirac (1902-
1984) avait envisagé leur existence tandis que l’Américain Robert
Oppenheimer(1904-1967)avaitpréciséleurscaractéristiquesenrésolvant
l’équation établie par Dirac. Or, il a fallu attendre 1932 pour que le
positron soit détecté expérimentalement dans le rayonnement cosmique
et 1955pour quel’antiproton soitidentifié. Lepositron et del’antiproton
ont donc été, dans un premier temps, des entités hypothétiques
«mathématiquementnécessaires»avantquecelles-cinesoient,dansun
secondtemps,détectéesexpérimentalement.
On voit sur cet exemple que les mathématiques peuvent jouer un rôle
bienplusfondateurqueceluid’unsimplelangage.Onnesauraitdoncles
cantonner à ce seul rôle. Le philosophe des sciences Gaston Bachelard
(1884-1962)exprimaitcepointdevuequandilécrivait:
Il faut rompre avecce poncif cher aux philosophes sceptiquesqui ne veulent
voirdanslesmathématiquesqu’unlangage.Aucontraire,lamathématiqueest
unepensée,unepenséesûredesonlangage.
L’analysedulienentrephysiqueetmathématiquesestcomplexe.Elleest
encoreaujourd’huiàl’originedenombreuxtravauxd’épistémologie.Ilest
donc légitimede se demandersi l’on peutréellement parler dephysique
sans utiliser les mathématiques. Cet ouvrage propose une approche
historique pour introduire les grands concepts de la physique : il s’agit
d’aborder, sous ce prisme, des anecdotes et des courants d’idée qui ont
façonné notre culture scientifique. Les lectrices et les lecteurs qui
souhaiteront aller plus loin dans le maniement de certains concepts
physiquespourront,dansunsecondtemps,revisitercesnotionssousun
angle plus mathématisé. Des suggestions de lectures complémentaires
leurserontproposéesenfind’ouvrage.
Lamécanique«classique»

Lesgrandsensemblesarchitecturaux,érigésdèsl’Antiquité,témoignent
de la mise en œuvre précoce de certaines techniques pour déplacer puis
dresser des masses importantes. Or, le terme de mécanique vient
précisémentdugrec«mèkanè»quisignifie«machine».
Lesplansinclinésetlesleviersontététrèsviteutilisésetl’existencedes
pyramides, des temples antiques ou des menhirs prouve que l’homme a
pu rapidement maîtriser l’équilibre des blocs de pierre et assurer leur
miseenmouvement.
L’interprétation de tous les phénomènes mis en jeu lors de telles
opérationsa,quantàelle,nécessitéplusieurssièclesderéflexion…
De façon générale, la mécanique désigne la science des forces et du
mouvement, y compris le mouvement des astres : elle inclut donc
l’astronomie. Nous nous intéresserons, dans ce chapitre, à ce qu’il est
convenu d’appeler la « mécanique classique » et à l’évolution de cette
branchedelaphysiquejusqu’audébutduXXesiècle.

L’Antiquité
L’undespremiersmouvementsauxquelssesontintéressésnosancêtres
estceluidesastresducosmos.L’étudeducielleurpermettaitnotamment
de repérer l’écoulement du temps. Des tablettes sumériennes, datant de
plusde2500ansavantnotreère,nousontapprisquelfutlecheminement
des peuples de Mésopotamie (Sumériens puis Babyloniens) pour
construire un calendrier lunaire : ils intercalaient tous les trois ans un
treizièmemois dansce calendrierafin desuivreles saisons.Ces peuples
étaient particulièrement fascinés par la régularité du mouvement des
astres:ilsavaientrepérétrente-sixconstellations.Certainscorpscélestes
les étonnaient beaucoup car ils semblaient vagabonder dans le ciel, sans
trajectoirefixe.Plustard, lesGrecsont appelécescorps des« planètes»,
ce qui signifiait « astres errants ». Aucune des civilisations antiques ne
pensait que l’on pouvait expliquer le mouvement des étoiles et des
planètesautrementqueparl’interventiondepuissancesdivines.Ainsi,les
événements inattendus, tels les passages de comètes, étaient souvent
attribués à la colère des dieux. La plupart des astronomes babyloniens
étaient donc aussi des astrologues et ils attribuaient à la position des
constellations une influence sur la destinée humaine. Ils attendaient du
cieldesréponsescapitalesetcelaexpliqueprobablementlefaitqu’ilsaient
mené de façon aussi exhaustive leurs observations : les premières
tablettes comportant des séries de chiffres associées à des étoiles datent
ainside1500avantJésus-Christ.
Les Égyptiens, eux-aussi, se sont intéressés à la voûte céleste et, dès le
IIIemillénaireavantnotreère,ilsavaientabandonnélalunecommebase
de temps. Ils avaient ainsi construit une année de douze mois comptant
chacuntrentejours,àlaquelleilsrajoutaientcinq jourssupplémentaires.
Mais commele début de celle-ci dérivaitd’un jour tous lesquatre ans, il
s’agissait finalement d’une « année vague ». Remarquons que, à des
milliers de kilomètres de ces derniers, en Amérique centrale, les Mayas,
eux-aussi, ont créé un calendrier dont le « haab », c’est à dire l’« année
vague»,comptaituncourtmoisdecinqjoursàlafindel’année.Celui-ci
étaitprécédénonpasdedouzemoisdetrentejours,maisdedix-huitmois
devingtjours,cequis’expliqueparlecaractèrevigésimaldeleursystème
de numération. L’astronomie des Indiens mayas avait en outre de
nombreux points communs avec celle des Babyloniens et des Assyriens
bienqu’ellesesoitdéveloppéeplusieurssièclesplustardàdesmilliersde
kilomètresdelaMésopotamie.
Pourautant,detouteslescivilisationsantiques,c’estprobablementcelle
des Grecs qui a produit les plus grands travaux de mécanique. De
nombreuxécritsnous prouventque l’intérêtdeces dernierspour l’étude
desmouvementsengénéraletdumouvementdesastresenparticulierest
apparutrèstôtdansleurhistoire.
Sept siècles avant notre ère est née à Milet, en Asie Mineure, l’école
ioniennesousl’influencedeThalès(625av. J.-C.,547av.J.-C.).Cedernier
considérait la Terre comme un disque circulaire en suspension sur un
fluide qui était la source de toute chose et qui, en s’évaporant, se
transformait en air. Cent-cinquante ans plus tard, un autre membre de
cetteécole,Anaxagore(499av.J.-C.,428av.J.-C),avaitremarquélaforme
circulaire de l’ombre de la Terre observée lors des éclipses de Lune. Ce
sont enfin les disciples de Pythagore (580 av. J.-C., 495 av. J.-C.,) qui, les
premiers, ontenvisagé que laTerre pouvait êtresphérique. Pour autant,
cettehypothèse,quis’estavéréeexacte,n’étaitpaslefruitd’observations:
lespythagoricienspensaientsimplementque,danslaNature,« toutétait
nombre » et que l’harmonie naturelle imposait que les planètes suivent
des trajectoires les plus régulières possibles, c’est à dire des cercles.
L’influence de l’école pythagoricienne était très grande et peu à peu se
répandit la thèse d’une Terre sphérique dans tout le monde grec. Les
pythagoriciens estimaient d’ailleurs que l’Univers était plongé dans le
vide et que ce dernier s’étendait à l’infini. Notre planète cessait dès lors
d’êtreundisqueflottant…
À peu près la même époque que Pythagore, Parménide d’Élée fonda
l’école éléate. Contrairement à Pythagore, Parménide considérait
l’Univers comme fini et il estimait que le mouvement n’était qu’une
illusion.Ilavaitnommé«étants»lesseuleschosesimmuableséternelles
et susceptibles d’être connues dans l’Univers. Comme il affirmait aussi
que«toutcequiexisteatoujoursexisté»etque«cequin’estpas,nepeut
pas devenir quelque chose », Parménide avait conclu que le mouvement
n’existait pas, qu’il n’était qu’une apparence et donc qu’il n’était pas
intelligible.L’undesesélèveslespluscélèbresfutZénond’Élée(490av.J.-
C.,430av.J.-C.),quicombattitvigoureusementlespythagoriciens.Zénon
s’efforça de souligner l’absurdité des thèses pythagoriciennes en
formulant des paradoxes qui ont été rapportés un siècle plus tard par
Aristote(384-322av.J.-C.)danssaPhysique.Lepluscélèbredesparadoxes
deZénonconcerneAchilleetsatortue:
Silatortueadel’avancesurAchille,celui-cinelarattraperajamaisquelleque
soit sa vitesse, car pendant qu’Achille court pour atteindre le point d’où est
partielatortuecelle-ciavancedetellesortequ’Achillenepourrajamaisannuler
cetteavance.
Ce paradoxe illustre un présupposé suivant lequel l’infiniment petit
n’existe pas, présupposé qui sera aussi celui des philosophes atomistes
telsDémocrite(460av.J.-C.,370av.J.-C.).
Or, on sait, aujourd’hui, que la résolution mathématique du problème
d’Achilleetdelatortuedémontrebienqueladuréedelacourserestefinie
même en acceptant son découpage en une infinité d’étapes : la somme
d’uneinfinitédetermespeut,eneffet,constituerunegrandeurfinie.
Aristote,luiaussi,sepencherasurlaquestiondumouvement.
Mais ce terme même aura chez lui un sens particulier puisqu’il faut y
voir un changement, au sens le plus général, et non un simple
changement de position. Aristote décrit, en effet, le mouvement comme
un passage d’un équilibre perdu vers un équilibre retrouvé et considère
que les matières naturelles possèdent en elles-mêmes un principe de
mouvement. Ainsi, contrairement aux éléates, il est convaincu que le
mouvementestintelligible.
Aristote imagine pour chaque corps un moteur intérieur capable de
provoquer son déplacement lors d’un mouvement « naturel » ou
d’engendrer le mouvement d’un autre corps lors d’un mouvement
effectué « par violence ». Notons qu’il ne distingue pas le mouvement
accéléré du mouvement rectiligne uniforme. Aussi, même s’ils
s’inscrivent dans le domaine de la mécanique, est-il impossible de
considérer ses travaux comme une analyse dynamique du mouvement
descorps.
Aristoteconsidère,enfin,quelescorpscélestesdumondesupra-lunaire
(c’est-à-dire situé au-dessus de la lune) sont animés de mouvements
circulaires et éternels autour de notre Terre, elle-même immobile et
sphériqueaucentreduCosmos.Iljustifielarégularitédecestrajectoires
parlacompositionparticulièredecesastresetparlaprésenced’«éther»
au sein de ces derniers. Il estime aussi que le moteur qui anime les
sphères célestes est d’origine divine et oppose au monde supra-lunaire,
unmondesublunaire,oùnepourraients’accomplirquedesmouvements
finis.
Lorsque, près de deux mille ans plus tard, Newton expliquera la chute
d’une pomme sur le sol et le mouvement des planètes par un seul et
même phénomène (la gravitation), cette opposition entre physique du
monde sublunaire et physique du monde supra-lunaire sera remise en
cause.
Finalement c’est sur le sol d’Égypte, pendant la période hellénistique
(entre323av.J.-Cet31avantJ.-C.),quel’écoleastronomiqued’Alexandrie
a donné naissance aux premiers grands spécialistes de la mécanique.
L’influence de l’école d’Alexandrie a ensuite perduré, y compris au-delà
duIIIesiècleaprèsJ.-C.avecl’écolenéo-platonicienne.
Le célèbre géomètre Euclide (vers 300 av. J.-C.) faisait partie de cette
écolequiconstituaituncentrederecherchescientifiquepluridisciplinaire.
Les avancées qui y avaient été faites dans le domaine de la géométrie
furent à l’origine de travaux remarquables sur l’étude du ciel. Ainsi,
AristarquedeSamos(310av.J.-C.,230av.J.-C.),lepremier,évalua-t-illa
distance Terre-Lune, en mesurant les dimensions du cône d’ombre lors
d’une éclipse de Lune. Il put déduire de ses observations que la Lune se
situaità60rayonsterrestresdenousetquesonrayonétaittroisfoisplus
petit que celui de notre planète. L’ordre de grandeur de ces résultats est
excellent.Enoutre,Aristarquefutlepremier,etceladix-septsièclesavant
Copernic, à affirmer que la Terre n’était pas le centre du monde, mais
qu’elle tournait sur elle-même et autour du Soleil. Quelques décennies
plustard,unautremembredel’Écoleastronomiqued’Alexandrieparvint
à mieux connaître notre planète. Il s’agit d’Ératosthène de Cyrène
(276av.J.-C.,194av.J.-C.).Ce dernierproposad’évaluerlacirconférence
de laTerre enmesurant l’ombrede deuxobjets situésen deuxpoints de
latitudes différentes (respectivement à Alexandrie et à Syène). Il trouva
250 000 stades (ce qui correspond à 44 000 km). Cette valeur est fort
acceptablecomptetenudesmoyensdontildisposait.Ératosthèneétaiten
outre conservateur de la bibliothèque d’Alexandrie et il publia deux
ouvrages d’Archimède (287 av. J.-C., 212 av. J.-C.) qui était son
contemporainetsoncorrespondant.
Suggestion:Gravured’Archimèdelibrededroits(2)

Archimède(287av.J.-C.,212av.J.-C.)

Le savant qui aurait hurlé « Eurêka ! » dans les rues de Syracuse alors
qu’il venait de découvrir dans son bain son célèbre théorème fut avant
tout un géomètre. Ses travaux portent, certes, sur la statique des corps
flottantsetsurlastatiqueengénéral,maislagéométrieétaitsondomaine
de prédilection. L’utilisation des barycentres lui fut particulièrement
précieuse dans le domaine de la statique. Archimède affirmait, en effet,
que tout corps pesant avait un barycentre bien défini, en lequel tout le
poidssetrouvaitconcentré.Enfait,Archimèden’aquasimentpasréalisé
d’expériences : la plupart de ses travaux sont le fruit de ses
démonstrations. Dans sa Statique des corps solides le problème de
l’équilibre des surfaces est résolu à l’aide de déductions géométriques.
Archimèdeyécritque
des grandeurs commensurables sont en équilibre lorsqu’elles sont
réciproquementproportionnellesauxlongueursauxquellescesgrandeurssont
suspendues.
Cet ouvrage contient en germes l’étude des conditions d’équilibre des
leviers et des balances qui seront finalisés plusieurs siècles plus tard.
Enfin, les travaux d’Archimède sur l’étude de la densité des corps
auraient, quant à eux, été commandés par le roi Hiéron. Il s’agissait, en
effet, de trouver une méthode pour déterminer la densité des corps afin
de confondre ceux qui fondaient du cuivre à l’intérieur de pièces
d’orfèvreriecenséesêtrepleinesd’or.EnrédigeantparlasuitesonTraité
descorpsflottants,Archimèdeaposéenprincipeque
lanatured’unfluideesttelleque,sespartiesétantuniformémentdisposéeset
continues, celle qui est moins comprimée est déplacée par celle qui l’est
davantage, et que chacune est comprimée, suivant la verticale, par le fluide
placéau-dessus.
Un principe ne se démontre pas, et Archimède est parti de ce dernier
pour établir, en les démontrant cettefois, toute une série de lois. Il écrit
ainsique
lessolidesmoinspesantsqu’unfluide,quiysontintroduits,sontrenvoyésvers
le haut avecune force égale à celle dupoids dont le volume du fluide, égal à
celuidusolide,excèdelepoidsdecedernier.
Les résultats formulés par Archimède sont désormais des théorèmes
puisque l’on peut les démontrer à l’aide des lois de Newton. Ils sont
encore enseignés de nos jours. Le résultat dont nous venons de donner
l’énoncé original s’exprime de la façon suivante : tout corps à l’équilibre
dans un liquide subit une poussée verticale opposée au poids du liquide
déplacé.
Rienneprouvequ’ArchimèdeaitséjournéàAlexandrie,maissonœuvre
estinscritedanslecourantdepenséedecetteécoleetiln’acessédefaire
partdesestravauxàcertainsdesesmembrestelsÉratosthène.Àlafinde
sa vie, il a d’ailleurs envoyé à ce dernier une lettre sur la Méthode qui
constituesontestamentscientifique.
Aprèslamortd’Ératosthène,l’écoled’Alexandrieacontinuésonactivité
sous diverses formes pendant plusieurs siècles. Les travaux du
mathématicien et astronome Claude Ptolémée (deuxième siècle après J.-
C.)s’inscriventainsidanslacontinuitédece courant,demêmequeceux
de l’astronome, mathématicienne et philosophe Hypatie (370-415) qui
dirigea l’école néoplatonicienne d’Alexandrie. Hypatie a commenté les
travaux de Ptolémée et a apporté sa contribution à plusieurs ouvrages
mathématiques (dont un commentaire sur les Arithmétiques de
Diophante). Elle construisit aussi des astrolabes et des densimètres
destinés à mesurer des masses volumiques en utilisant le principe
d’Archimède.
Suggestion:GravuredeHypatielibrededroits(3)

Hypatie(370-415)

Jusqu’au Moyen-Âge, le système de Ptolémée et la physique d’Aristote
ontfaitautoritéetl’œuvre dePtolémée,quidécrit unsystèmedumonde
danslequel laTerre est fixeau centrede l’Univers,a euune importance
énorme au cours des siècles qui suivirent. Ptolémée a remis en cause la
thèse des pythagoriciens qui affirmait que les planètes suivaient des
trajectoires circulaires uniformes. En effet, de telles trajectoires ne
permettentpasdejustifierquecertainesplanètessemblentplusgrossesà
certaines périodes de l’année. Ptolémée s’efforça d’expliquer le
rapprochement et l’éloignement de ces corps célestes au fil des saisons.
Mais,alorsque,quatresièclesplustôt,AristarquedeSamosavaitcompris
que la Terre tournait autour du Soleil, Ptolémée n’envisagea pas cette
éventualité. Il s’employa au contraire à bâtir, dans une optique
géocentrique, un système de trajectoires concordant avec ce qui était
observé depuis la Terre. Pour parvenir à ce but, il imagina un système
complexe constitué d’épicycles. Le livre dans lequel il exposa sa théorie
s’appelait à l’origine Syntaxe mathématique. Son titre s’est peu à peu
transformépourdeveniraufildessièclesl’Almageste,del’arabeAlmagesti
quisignifie«latrèsgrande».
Lathéorie dePtolémée estdevenuela référenceincontestéeen matière
d’astronomie jusqu’au XIVe siècle. Cela ne fut pas sans conséquences :
ainsi,contrairementàÉratosthènedeCyrène,Ptoléméeavaitsous-évalué
la circonférence de la Terre qu’il estimait à trente mille kilomètres.
Plusieurs siècles plus tard, quand Christophe Colomb envisagea de se
rendreauxIndesenpassantparl’ouest,ilsebasasurlavaleurerronéedu
pourtourterrestrequ’avaitfourniePtolémée.Ilignoraitalorslaprésence
ducontinentaméricain.Ilestpermisdesedemanders’ilauraitchoiside
naviguer dans cette direction s’il avait su que dix mille kilomètres
supplémentairesseraientàparcourir…

DesGrecsàGalilée:duMoyen-Âgeàlarenaissancedessciences
physiques
LesGrecs s’étaientbeaucoup interrogéssur lemonde quiles entourait.
Leurgrandsoucidecompréhensionetlafaçondontilsonttentéd’utiliser
lemieuxpossibleleurraisonpouratteindrelaconnaissancefontd’euxles
pionniersdelaphysique.
Les Romains, qui leur ont succédé, ont produit relativement peu de
travauxdansledomainedelamécanique,del’astronomieetdessciences
defaçonplusgénérale:laplupartdesœuvresscientifiquesgrecquessont
arrivées jusqu’à nous, non par leur intermédiaire, mais par celle des
Arabesdontl’empire,dèsleVIIe siècle,s’étendaitdel’EspagneàlaPerse.
Cesderniers ontparticulièrementétudié lecieldont ilsattendaientdes
réponses concernant leur avenir. Les astronomes-astrologues arabes
affinèrent ainsi l’étude du mouvement des planètes qu’avaient faite les
Grecs et ils produisirent de nouvelles tables permettant de prévoir leurs
positions. Comme ces dernières utilisaient le système géocentrique de
Ptolémée et ses épicycles, elles étaient relativement complexes. Elles
furent néanmoins utilisées en Europe pendant tout le Moyen Age. La
précision des relevés effectués dans les observatoires de Damas, Bagdad
ou Maraga est particulièrement notable. Aussi, bien que les premiers
astronomesarabesaient,eux-aussi,placélaTerreaucentredumondeet
bien qu’ilscrurent prévoirl’avenir en observantle ciel, leurapport a été
importantdansle domainedel’astronomie. Al-Battani,quivécut auxIXe
etXesiècles,estpeut-êtreleplus célèbred’entreeux:il mitaupointdes
techniques de calculs mathématiques particulièrement performantes
pourleurutilisationenastronomie.DèsleXIe siècle,Alhazen(965-1035)a
d’ailleurs critiqué l’Almageste, et a mis en doute le modèle de Ptolémée
commeentémoignentsespropresmots:
Ptoléméefaitl’hypothèsed’unordrequinepeutexisteretlefaitquecetordre
reconstituepoursonimaginationdesmouvementsquisontceuxdesplanètes
ne l’exonère pas de l’erreur qu’il a commise en faisant l’hypothèse de cet
ordre;carles mouvementsréelsdes planètesnepeuvent résulterd’unordre
quin’existepas.
Enfin, il est important de souligner qu’au XVe siècle, c’est à dire à
l’époque de Copernic, les Arabes avaient déjà totalement abandonné le
systèmedePtolémée.Certes,ilsavaientencoreunevisiongéocentriquede
l’Univers, mais leur théorie du mouvement des planètes avait écarté la
thèsedesépicyclesinventéeparlesavantgrec.
En Occident, les astres ont fasciné les hommes de l’époque médiévale.
Pendant cette période, la magie et le mysticisme occupaient une place
prégnante et l’observation et l’analyse du ciel ne revêtaient aucun
caractère rigoureux. De plus, l’étude des mouvements, autres que ceux
desastres,n’intéressaitguèrelesérudits.Ainsi,laphysiquesombra-t-elle
dans une torpeur qui devait durer plusieurs siècles. Il faut dire qu’au
MoyenÂgelagrammaire,larhétoriqueetladialectiqueétaientbeaucoup
plus renommées que les sciences dites expérimentales. Il fallut ainsi
attendre le XIIe siècle, au moment de la reconquête sur les territoires
arabes pour que les textes grecs, et notamment ceux d’Aristote et
Ptolémée, soient redécouverts en Europe. Ils servirent alors de base à
toutelaculturescientifiqueeuropéennejusqu’auXVIesiècle.
Au Moyen Âge, l’étude du mouvement des projectiles a fait l’objet de
recherches approfondies. Pour des raisons qu’il est aisé de percevoir,
nombreux étaient ceux qui souhaitaient comprendre la trajectoire d’un
boulet de canon ! La balistique a ainsi été fortement influencée par la
pensée d’Aristote : la distinction entre mouvement « naturel » et
mouvementeffectué«parviolence»aeubeaucoupd’importancejusqu’au
XIVe siècle. À cette époque, l’école parisienne sous la direction de Jean
Buridan (env. 1300-1358) réintroduisit, en occident, la notion d’impetus
proposée à l’origine par les savants de l’école néo-platonicienne
d’Alexandrie. Il s’agissait d’une puissance capable de mouvoir, qui
précédait immédiatementle mouvement etqui s’épuisait en agissant.Le
concept d’impetus devait en outre permettre d’éliminer la frontière,
jusqu’alors immuable, qu’avait établie Aristote, entre mouvements
«naturels»etmouvements«violents».
DenombreuxécritsdeLéonarddeVinci(1452-1519)nousprouventque
ce dernier s’est particulièrement intéressé à ce problème et notamment
au cas du lancer verticalsuivi d’une chute « spontanée ». C’est d’ailleurs
cetexemplequi permità l’ItalienTartaglia(1499-1557)d’affirmer queles
mouvements naturels et violents étaient compatibles. Mais Tartaglia ne
parvintpas à comprendrecommentse raccordaientla partie ascendante
delatrajectoired’unprojectileetsapartiedescendante.
Enrésumé,l’intérêtdesréflexionseffectuéesenFranceetenItalieentre
le XIVe et le XVIe siècle dans le domaine de la balistique repose
essentiellement sur la remise en cause de l’antagonisme entre
mouvement naturel et mouvement violent : les thèses d’Aristote sur le
mouvementcommençaientdèslorsàêtrecritiquées…
C’est à peu près à la même époque qu’en Flandres fut redécouverte la
statique d’Archimède. On s’efforça alors d’expliquer le fonctionnement
des leviers, des poulieset des balances. Le Flamand Simon Stevin (1548-
1620) publia à Leyde, en 1586, un ouvrage dans lequel il étudiait les
conditions d’équilibre sur un plan incliné. Nous verrons que, plus tard,
Galilée (1564-1642) s’intéressera aussi à ce problème. Mais ce ne sera
qu’au XVIIe siècle que Pierre Varignon (1654-1722) fera la synthèse des
connaissancesdel’époquedansledomainedelastatique.
Ainsi, après une période de plus de dix siècles où l’étude des
mouvements et celle des conditions d’équilibre ont peu intéressé les
hommes, après un millénaire de relative torpeur scientifique, la
mécanique semble se réveiller à l’aube du XVIe siècle. Certes la
Renaissanceest,avanttout,unerenaissanceartistiqueetlittéraire.Certes
lemerveilleuxaunegrandeimportancepourl’hommedecetteépoquequi
cherche avant tout à retrouver dans le microcosme de son être un reflet
dumacrocosmedel’Univers.MaiscontrairementàsonancêtreduMoyen
Âge,l’homme dela Renaissancen’exclura pasde s’intéresserà desidées
nouvelles…

Desavancéesprodigieuses:XVIeetXVIIesiècles
En 1543 Nicolas Copernic (1473-1543) publie les Révolutions des orbes
célestes:ilestalorsceluiqui,dix-septsièclesaprèsAristarquedeSamos,
dévoileàl’OccidentchrétienquelaTerren’estpasaucentredumonde.
Dès 1535, Copernic avait proposé au secrétaire du roi de Pologne de
nouvellestablespermettantle calculdumouvementdes planètes.Celles-
ci étaient à la fois plus simples et plus précises que celles utilisées
jusqu’alors. Mais Copernic, s’il livrait volontiers ses recettes de calculs,
n’était pas prêt à expliquer comment il les avait établies : il jugeait, en
effet,qu’ilfallait:
neconfierlessecretsdelaphilosophiequ’àdesamisfidèlesetàdesproches,
etnepasmettrecessecretsparécrit,nilesrévéleràn’importequi.
Il est un fait que le système du monde proposé par Copernic avait de
quoibouleverserlesphilosophesdesontemps:ôteràlaTerresaposition
centraleétaituneidéerévolutionnaire.
Des Révolutions des orbes célestes furent publiées en seulement mille
exemplaires très peu de temps avant la mort de son auteur. Très
rapidement, les thèses de Copernic se diffusèrent et la communauté
théologique chrétienne – tant catholique que luthérienne – exprima des
réserves sur la teneur des six livres qui constituent cette œuvre. Certes,
certains ne virent dans la thèse héliocentrique qu’une spéculation non
fondée qui avait pour seul mérite de fournir des tables astronomiques
opérationnellesmaisdeplusvivescritiquesfurentrapidementformulées
aprèslamortduchanoine.
Copernicavaitraisonencequiconcernelecaractèrenonprivilégiédela
Terreau sein denotre systèmesolaire, maisle cheminementqu’il mena
pour parvenir à cette conclusion ne repose nullement sur l’observation.
Ce que Copernic reprochait avant tout au système de Ptolémée, c’était
d’envisager des trajectoires qui n’étaient pas circulaires et qui, de plus,
n’étaient pas parcourues à vitesse constante. Or, d’après lui, seuls les
mouvements uniformes circulaires pouvaient exister dans la Nature. Et
c’estpour celaqu’ilimaginadesorbitesquitournaientautourduSoleilà
vitesse constante. Il pensait d’ailleurs que le Soleil était au centre de
l’Univers. Ainsi, lorsque Copernic mourut, il était nécessaire, non
seulement d’apporter des preuves scientifiques au système du Monde
dont il avait eu l’intuition, mais aussi de le débarrasser des conditions
superfluesdontlespréjugésduchanoineétaientàl’origine.
Galiléeallaits’yemployer…
GravuredeGaliléelibrededroits(celledelacouverture)(5)

GalileoGalilei(1542-1642)

Galileo Galilei (1564-1642), plus connu sous le nom de Galilée, est
souvent considéré comme le fondateur de la méthode scientifique en
physique. Au cours de sa vie, il s’est intéressé aux mathématiques, aux
problèmes de statique, au mouvement des astres mais aussi à celui des
corpsenchutelibre.IlétaitconvaincuquelaNatureétaitécriteenlangue
mathématique et il aspirait à construire une science mathématisée du
mouvement.
LestravauxdeGaliléesesonttoutd’abordinscritsdanslacontinuitéde
ceuxdesphysiciensduXVI esièclequiutilisaientl’impetuspourexpliquer
lemouvement.Untournantdans saviescientifiques’est ensuiteproduit
lorsque, en 1609, il a construit une lunette astronomique, instrument
d’optique qui avait été inventé quelques années plus tôt aux Pays Bas.
L’utilisationde cettelunettea immédiatementrévéléàGaliléel’existence
de milliers d’étoiles invisibles à l’œil nu. Elle lui permit ensuite de
découvrir les ressemblances entre la Lune et la Terre et il comprit que
notre satellite n’était pas lumineux mais qu’il diffusait simplement la
lumièreduSoleil.Ilremarquaaussilaprésencedecratèresàlasurfacede
la Lune et c’est dans Le messager céleste, publié dès mars 1610, qu’il fit
partdecespremièresobservations.
Par la suite, Galilée a étudié le Soleil et les taches à la surface de ce
dernier. Personne ne connaissait alors la nocivité pour la rétine des
rayons invisibles ultraviolets. Galilée qui travaillait sans utiliser de filtre
futainsiprivédesavuependantlesdernièresannéesdesavie.Maisses
observations, pour dangereuses qu’elles aient été, l’aidèrent
considérablement à avancer dans ses théories : grâce à l’étude du
mouvement des tâches solaires, il comprit, tout d’abord, que le Soleil
tournait sur lui-même. Ensuite, il réussit à ôter au Soleil le caractère
absolu que lui prêtait Copernic : à une époque où les thèses
héliocentriquesavaientpeuàpeuétédiffusées,certainspensaient,àtort,
queseulleSoleil pouvaitêtreau centred’unmouvement.Cette croyance
s’expliquait par le caractère privilégié que Copernic, qui était chanoine,
attribuaitàcetastre:ilpensaitquecelui-cirayonnait«sousleregardde
Dieu » au centre de notre Monde. Certains fervents défenseurs de
Copernicexcluaientdoncqu’uncorpscélestepuissetournerautourd’une
planèteetc’estendécouvrantlessatellitesdeJupiteraudébutdel’année
1610queGaliléeleurprouvalecontraire.
En1615,Galiléeexposapubliquementlesargumentsconvergentsquilui
permettaient de conclure que la Terre tournait autour du Soleil. La
plupart des ecclésiastiques s’inquiétèrent de cela et lorsque, le 3 mars
1616, le système héliocentrique fut officiellement condamné par décret,
Galiléefutinvitéàaborderd’autressujetsderecherches…Celafitdireau
physicien, dans une lettrequ’il écrivit à la grande-duchesse Christine de
Toscaneque
l’intentionduSaint-Espritestdenousenseignercommentondoitallerauciel,
etnoncommentvaleciel.
LedifférendentreGaliléeetl’Eglisevenaitdedébuteret,parlasuite,il
nefitques’accroître.
Quelquesraresecclésiastiquessoutinrentlephysicien.Lepèrecarmélite
Foscarini (1565-1616) rédigea ainsi une brochure montrant comment la
Biblepouvaitêtreinterprétéedanslecadredelathéoriecopernicienne.Le
papeUrbainVIIIdemanda,quantàlui,ausavant,en1624,derédigerun
essai comparant la théorie de Ptolémée et celle de Copernic. Il était
convenuquecelivrenedevaitfavoriseraucundesdeuxpointsdevue…Le
Dialoguesur lesdeuxgrands systèmesdu Mondefutainsi publiéhuitans
plus tard. Mais dans ce dialogue plein d’ironie, Simplicio, le partisan de
Ptolémée et d’Aristote, déplut fortement au Pape. Non seulement ce
personnageétaitabsolumentridicule,maislepapeavaittouteslesraisons
desereconnaîtredansleportraitqueGaliléeavaitbrossédecedernier…
Lapublicationdecet ouvrageeutun grandretentissementet,dès 1632,
Galilée dont les écrits contrevenaient au décret de 1616,fut arrêté et dut
comparaîtredevantl’Inquisitionlorsd’unprocèsquiamarquél’Histoire.
Face aux menaces, le physicien décida de se rétracter officiellement. En
résidencesurveilléejusqu’àlafindesesjoursilcontinuamalgrétoutson
œuvre et parvint même à diffuser ses travaux à l’étranger pendant les
annéesquiprécédèrentsamort.
Etpourtantelletourne!
Ces mots qu’auraient prononcé Galilée après avoir renié publiquement
lesthèseshéliocentriquessontrestéscélèbres,maisl’œuvredecedernier
estloindeselimiteraudomainedel’astronomie.
Dèssesjeunesannées,Galilées’estintéresséàlachutedescorpsetila
tenté d’utiliser la méthode expérimentale pour venir à bout de ce
problème.Àlamêmeépoque,ilaaussiétudiélatrajectoiredesprojectiles
etilavitecompris,d’unepartqu’untempsdereposn’étaitpasnécessaire
entrelaphaseascendanteetlaphasedescendantedeleurmouvement,et,
d’autrepart,quelacomposantehorizontaledelavitessed’unprojectilese
conservait. Après sonprocès, il a parachevé ses travaux surla chute des
corps,et,en1638,alorsqu’ilétaitenrésidencesurveilléedepuiscinqans,
il parvint à faire publier à Leyde, aux Pays-Bas, ses Discours et
démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles (la
première de ces deux sciences est la résistance des matériaux, et la
seconde la chute des corps). Véritable précurseur, Galilée a compris que
touslescorpsenchutelibreontlemêmemouvement.Seulelarésistance
del’airpermeten effetd’expliquerlesdifférences quel’onpeut observer
surlaTerre:siuneplumeetunmarteauétaientlâchésaumêmeinstant
dans le vide sans vitesse initiale, ces deux corps atteindraient le sol au
mêmemoment.
Par la suite, Galilée est aussi le premier à énoncer que la vitesse lors
d’une chute libre est proportionnelle à la durée de la chute et qu’un tel
mouvementestuniformémentaccéléréet,ausièclesuivant,leHollandais
Christiaan Huygens (1629-1695) mesurera la valeur de cette accélération
de chute libre, qui est aussi appeléeaccélération de pesanteur, et qui, de
nosjours,senoteenutilisantlalettre«g».
Galilée,quin’aététotalement réhabilitéparle Vaticanqu’en1992,était
un esprit libre doté d’un esprit critique remarquable. Il fut l’un des
pionniers de la méthode expérimentale en physique. Il attachait
également une importance toute particulière aux mathématiques qui
étaient à ses yeux indispensables dans l’étude de la Nature. Dans Il
Saggiatore(L’Essayeur),dès1623,ilécrivaitàcesujet:
La philosophie est écrite dans ce très vaste livre qui constamment se tient
ouvertdevantnosyeux:jeveuxdirel’Univers.Maisonnepeutlecomprendre
sid’abord onn’apprend àcomprendre lalangue età connaîtreles caractères
dans lesquels il est écrit. Or il est écrit en langue mathématique et ces
caractères sontles triangles, les cercleset autres figures géométriques sans
lesquellesilestabsolumentimpossibled’encomprendreunmot.
Galilée s’est également employé à effectuer des « expériences de
pensée».
Ainsi,danssonDialoguesurlesdeuxsystèmesdumonde,ilaimaginéun
bateau animé d’un mouvement uniforme, dans lequel on lancerait à la
verticale un boulet de canon. Simplicio, le partisan d’Aristote et de
Ptolémée y affirme que le boulet va tomber « à l’arrière du bateau ».
Salviati, le disciple de Galilée, le contredit et comprend que le boulet
tombeaupieddumât.
Les lois de la physique sont les mêmes dans deux référentiels en
translation rectiligne uniforme l’un par rapport à l’autre. Ainsi, que le
bateau soit à l’arrêt au port ou qu’il avance à vitesse constante sur une
trajectoiredroite1,lerésultatobservéseralemême:leboulettomberabel
etbienau pieddumât. Galiléeévoqueaussi dansson Dialogue l’exemple
des papillons qui virevoltent autour du mât du bateau lorsque celui-ci a
atteintsavitessedecroisière.Quelleestlavitessedecespapillons?Nous
réalisons à l’instant même où nous posons cette question qu’elle est
dénuéedesens.Vitesseparrapportàquoi?Parrapportaubateauoupar
rapport au quai ? Le mouvement des papillons sur le bateau est ici
identiqueàceluiqu’ilsauraientlorsquelebateauestamarré.
Galiléemontreiciquetousleslieuxsevalentetque«lemouvementest
comme rien » : à l’inverse d’Aristote, il affirme qu’il n’y a pas d’état de
repos absolu, qu’il n’existe pas d’état de référence. Ainsi, aucune
expérienceréaliséeàl’intérieurdubateaunepermetdedécidersicelui-ci
est à l’arrêt ou bien s’il avance en ligne droite à vitesse constante.
Autrement dit, si un navire ne subit aucune accélération, alors un
passager, enfermé dans la cale, n’a aucun moyen de savoir si le navire
avance ou bien s’il est à quai. Galilée est ainsi le premier, quatre siècles
avant Einstein, à affirmer qu’il est dans la nature même du mouvement
d’êtrerelatif…

Newton
Le fait que l’autre génie de la mécanique classique, celui qui a proposé
une solution au problème de la gravitation, soit né en 1642, c’est à dire
l’annéemêmedelamortdeGalilée,estporteurdenombreuxsymboles.Il
serait toutefois faux de croire que c’est uniquement l’héritage de Galilée
qui a guidé Newton (1642-1727). Cet homme, dont l’œuvre est
incontestablement la clef de voûte de toute la mécanique classique,
affirmaitavecunemodestieremarquable:
Sij’aivuplusloinc’estparcequej’étaissurlesépaulesdegéants.
Ces géants auxquels il fait allusion sont probablement Galilée, mais
aussi Brahé (1546-1601), Kepler (1571-1630), Descartes (1596-1650) ou
Huygens(1629-1696).

GravuredeNewtonlibrededroits(celledelacouverture)(6)
Newton(1642-1727)

L’Allemand Kepler fut contemporain de Galilée, mais, contrairement à


cedernier,quipréconisaituneméthoderigoureusebaséesurl’expérience
etl’utilisationdesmathématiques,Keplerétaitunmystiquequicherchait
dans l’étude du ciel des réponses d’ordre astrologique. Cet aspect du
caractèredeKepleralongtempsjetélediscréditsursestravaux.Sesécrits
étaient souvent confus et il n’était pas parvenu à les débarrasser de
superstitionsetdespéculationspeuscientifiques.Pourautant,lesapports
decetravailleuracharnéontétémajeurs.C’esteneffetluiqui,lepremier,
adéterminéquelle étaitla trajectoiresuivie parles planètes.Pour cela,il
a, contre la pensée de son temps, choisi le système de Copernic contre
celuidePtolémée.
Kepler a mis dix ans pour déterminer quelle était, dans le référentiel
héliocentrique,la trajectoiredecelui desastres errantsqui posaitleplus
dedifficultésauxastronomes,c’est-à-direlaplanèteMars.Commeleluia
souvent reproché son contemporain Tycho Brahé, il procédait par
tâtonnementssuccessifs,enessayanttouràtourdevérifierdesidéesqu’il
avaiteues a priori.Quand,à lamort deBrahé,Keplerrécupéra lesécrits
de ce dernier, il progressa beaucoup plus rapidement. Les cahiers de
Brahé constituaient en effet une collection impressionnante de données
et, en 1606, Kepler parvint finalement à identifier la trajectoire de Mars
commeuneellipsedontleSoleilétaitl’undesfoyers.Ils’aperçutenoutre
quelesairesbalayéesendestempségauxparlerayonSoleil-Marsétaient
égales les unes aux autres et il généralisa, dès 1621, ces deux lois non
seulementàtouteslesautresplanètesmaisaussiauxsatellitesdeJupiter
que Galilée avait découverts onze ans plus tôt. Ces lois sont encore
étudiéesaujourd’huisouslenomdepremièreetdeuxièmeloisdeKepler.
LatroisièmedescélèbresloisdeKepleraétépubliéedansl’Epitome.Elle
permet de relier le temps qu’une planète met pour accomplir une
révolutioncomplèteautourdusoleil(cettedurées’appellelapériode)àla
longueurdudemigrandaxedel’ellipsequ’elleparcourt.Grâceàunesérie
de données, Kepler s’est en effet aperçu que le carré de la période de
révolutiondechaqueplanèteestproportionnelaucubedudemigrandaxe
del’ellipsequ’elleparcourt.
LorsqueNewtoncommencesestravauxdephysique,ildisposedoncdes
travaux deGalilée et de Kepler,mais il est également sousl’influence de
ceux de Descartes et de Huygens sur les chocs. Pour autant, malgré les
avancées intéressantes du siècle précédent, les notions de vitesse et de
forcerestentencoreàéclaircir.
En1666,alorsquelapestequisévitsurCambridgeluiimposeunséjour
forcéà lacampagne,Newton vituneannée intellectuellementféconde. Il
travailletoutd’abordsurlagravitationuniverselledontilauraiteul’idée
en voyant une pomme tomber d’un arbre. Newton a ainsi le génie de
comprendrequel’interactionquiassurelaproximitédelaLuneautourde
la Terre est la même que celle qui s’exerce entre notre planète et la
pomme qui tombe sur elle. Il montre ainsi qu’il n’y a pas lieu de
distinguer deux physiques selon la nature des objets auxquels on
s’intéresse : la loi de la chute des corps de Galilée traduit le même
phénomène physique que les lois de Kepler sur le mouvement des
planètes.C’estd’ailleursenétudiantlatrajectoireelliptiquedelaLuneque
Newton établit la formulation de l’interaction gravitationnelle et qu’il
comprend,dès1666,lanaturedecetteforceattractive.
La synthèse de ses travaux sera finalement faite dans l’ouvrage qu’il
publie en latin en 1689 sous le titre Philosophiæ naturalis principia
mathematica souventnommé Principia de manièreabrégée. Cet ouvrage
constitue, sans aucun doute, l’undes deux plus grands chefs d’œuvre de
mécanique detous lestemps. On ytrouve notamment lestrois lois dites
aujourd’hui«deNewton»àpartirdesquellesilestpossibledeconstruire
toutelamécaniqueclassique.
Laloid’inertie(oupremièreloideNewton)affirmequ’uncorpsquin’est
soumisàaucuneforcepersévèredanssonétatdereposoudemouvement
rectiligne uniforme. Rappelons qu’à défaut d’avoir énoncé cette loi aussi
clairement, Galilée et Descartes l’avaient appréhendée au cours de leurs
travaux.Encesens,ilsavaientremisencauselathéoriesoutenueparun
grand nombre de leurs prédécesseurs qui, dans la lignée d’Aristote,
considéraient l’état de repos comme plus « naturel » que l’état de
mouvement. Newton confère ici un caractère particulier au mouvement
rectiligneàvitesseconstante(dit«mouvementrectiligneuniforme»)qui,
comme l’état de repos, se caractérise par une accélération nulle. À noter
quelaloid’inertiesevérifieaussilorsquetouteslesforcesquis’exercent
surlecorpssecompensent(onparlealorsdesystèmepseudo-isolé).
LadeuxièmeloideNewton,étudiéeaujourd’huisouslenomderelation
fondamentale de la dynamique ou encore de théorème de la quantité de
mouvement,aétéformuléeàl’originedelafaçonsuivante:
Le changement de mouvement est proportionnel à la force imprimée et
s’effectuesuivantladroiteparlaquellecetteforceestimprimée
Lesréférentielsdanslesquelslarelationfondamentaledeladynamique
est vérifiée sont appelés référentiels galiléens (adjectif construit à partir
dunomdeGalilée,qui,commenousl’avonsvu,futlepremieràpercevoir
la relativité du mouvement). Ils sont tous en translation rectiligne
uniforme(c’est-à-direàvitesseconstante)lesunsparrapportauxautres.
Cettelois’écritactuellementenutilisantleformalismemathématiquedes
vecteurs, formalisme qui a été introduit pendant la première moitié du
XIXesiècle,doncquin’existaitpasencoreàl’époquedeNewton.
Enfin,latroisièmeloideNewtontraduitlefaitque
La réaction est toujours contraire à l’action ; les actions que deux corps
exercent l’un sur l’autre sont donc toujours égales et dirigées en sens
contraire.
Cetteloiestparfoisappeléeloidesactionsréciproquesouloidel’action
réaction. C’est elle qui, par exemple, montre que la force que la Lune
exercesurlaTerreestopposéeàcellequelaTerreexercesurlaLune.
Finalement, c’est parce que Newton a cherché à retrouver grâce à sa
seconde loi, non seulement les trajectoires elliptiques des planètes, mais
aussilesloissurlachutelibre,qu’ilestparvenuàvérifierl’expressionde
l’interaction de gravitation qu’il avait proposée. Il a ainsi démontré que
l’intensitédelaforcequis’exerceentredeuxcorpsestproportionnelleau
produit de leurs masses et inversement proportionnelle au carré de la
distancequilessépare: plusdeuxcorps sontlourdsplus l’interactionde
gravitation entre eux est importante et plus ils sont éloignés, plus cette
interactionestfaible(etelledécroitrapidement).
Si la Terre ne tournait pas sur elle-même, et si le référentiel terrestre
étaitgaliléen,lechampdegravitations’identifieraittotalementauchamp
depesanteurterrestredontl’accélérationgaétéévoquéeprécédemment.
Oronsait,depuislemilieuduXIXesièclequecertainesexpériencesfines
demécanique (déviationvers l’estlors dela chutelibre, rotationduplan
des oscillations d’un pendule de grande longueur, tel le pendule de
Foucault) permettent de mettre en évidence le caractère non galiléen du
référentiel terrestre. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’étudier la chute d’une
pommequisedétachedelabranched’unarbre,alorsl’approximationqui
consiste à considérer le référentiel terrestre comme galiléen s’applique.
Dès lors, il est légitime d’utiliser la seconde loi telle que Newton l’a
formulée.Onretrouvealorslefaitquelemouvementdechutelibresurla
Terre est uniformément accéléré et que l’accélération de chute (que l’on
appelle g) est bien indépendante de la masse du corps comme l’avait
affirméGalilée.

HéritagedeNewtonetnouveauxconcepts
L’empreinteduphysicienanglaisaétéprofonde.
Sonœuvread’ailleurspassionnélesphilosophesdusiècledesLumières.
Dès 1727, la Française Emilie du Châtelet (1706-1749) entreprend de
traduire les écrits de Newton et c’est cette passion pour les travaux du
scientifique anglais qui contribuera à la rapprocher du philosophe
Voltaire(1694-1778).Cedernier,deretourd’Angleterre,évoqueraNewton
dans ses Lettres philosophiques (1734) et vulgarisera ses écrits en
rédigeant,pendantsonexilauPays-Bas,desÉlémentsdelaphilosophiede
Newton mis à la portée de tout le monde (titre original : Elemens de la
philosophiedeNeutonmisàlaportéedetoutlemonde) dontunepremière
versionpartielleserapubliéeàAmsterdamen1738.
Si le système de Newton a connu son heure de gloire tout
particulièrementau XVIIIesiècle,c’estaussiparceque,à cetteépoquede
granddynamismeintellectuel,lamécaniquecélesteestenpleinessor.
Newton avait découvert la gravitation. Il avait montré comment la
connaissance des forces qui s’exerçaient sur un corps permettait de
déduiresonmouvement.Ilnerestaitplusqu’àappliquercesrésultatsaux
astres pour prévoir, avec précision, quelle allait être leur trajectoire. De
grands observatoires avaient été bâtis en Europe, notamment à
Greenwich età Paris. Les travaux s’étaientmultipliés. Les recherches de
PierreSimondeLaplace(1749-1827)portèrentainsisur lesanomaliesdu
mouvement de la Lune, ce qui lui fournit un moyen d’estimer la non-
sphéricité,c’estàdirel’aplatissementauxpôles,denotrepropreplanète.
Peude tempsplus tard,le FrançaisUrbain JeanJoseph LeVerrier (1811-
1877) utilisa, lui-aussi, la mécanique de Newton et contribua à faire
comprendreaugrandpublictoutelapuissancedecettediscipline.Àcette
époque, de nombreux astronomes étudiaient les irrégularités du
mouvement de la planète Uranus dont la trajectoire différait légèrement
de celle que permettait de prévoir la théorie de Newton. Certains
scientifiques, tels le Français Arago (1786-1853), pensaient que c’était la
présence d’un corps de masse importante au voisinage d’Uranus qui
expliquait la modification de sa trajectoire. Indépendamment l’un de
l’autre,l’Anglais JohnCouch Adams(1819-1892), en1843 àCambridge, et
leFrançaisLeVerrier,en1846àParis,calculèrentlapositionetlamasse
du corpsen question.Mais, alorsque les calculsdu jeuneAdams, âgé de
vingt-quatreans,n’avaient pasété prisausérieux parles astronomesde
Cambridge, ceux de Le Verrier, de huit ans son aîné, incitèrent Johann
Gottfried Galle, le jour même où il les reçut, à braquer le télescope de
l’observatoire de Berlin dans l’axe indiqué par le Français. À 52 minutes
d’angledeladirectionthéorique,Galledétectaunnouveaucorpscéleste:
ils’agissaitdeNeptune.
LathéoriedeNewtonvenaitdepermettreladécouverted’uneplanète…
pourla premièrefois dansl’histoire dessciences, demanière totalement
inédite, un astreétait découvert par des calculs mathématiques avant de
l’être par une observation. Ainsi, deux siècles après la naissance de
Newton,unedécouvertevenaitconsacrerl’œuvreduphysicienanglaisau
yeuxdugrandpublic!
Par la suite, c’est dans la lignée de Newton qu’ont travaillé tous les
mécaniciens des XVIIIe et XIXe siècles. Depuis leur publication, les lois
énoncées dans les Principia avaient été transcrites sous la forme
différentielle que nous connaissons aujourd’hui, ce qui ouvrait de
nouvellespossibilitéspourlesexploitermathématiquement.
Le philosophe encyclopédiste, mathématicien et physicien d’Alembert
(1717-1783) fut l’un des premiers à se pencher sur les questions
d’hydrodynamique;l’hydrostatiqueayant,quantàelle,étéabondamment
étudiéeausiècleprécédentparDescartes(1596-1650)etparPascal(1623-
1662) dont les expériences avaient permis de clarifier la notion de
pression. Les travaux de d’Alembert sur les fluides furent ensuite
parachevésparlesSuissesEuler(1707-1783)etBernoulli(1700-1782)ainsi
que par l’Italo-Français Lagrange (1736-1813). On insistera ici sur le fait
que les progrèsimportants réalisés dans ledomaine de la mécanique du
solideetdelamécaniquedesfluidesauXVIIIesièclesontàrapprocherdes
avancées effectuées dans le domaine des mathématiques. Ainsi,
d’Alembert, Euler, Lagrange et Bernoulli étaient tous les quatre des
mathématiciens. À une époque où la notion de fonction venait tout juste
d’être inventée en mathématiques, la résolution des équations
différentiellesconstituaitunaxederecherchemajeur.Alorsquel’analyse,
qui est l’une des branches actuelles des mathématiques, commençait à
peine à se développer, Lagrange appliquait déjà ses travaux
mathématiquesaudomainedelamécanique.Ilfondaainsila«mécanique
analytique»danslaquelleleséquationsdifférentiellesoccupentuneplace
privilégiéeet oùtout problèmede mécaniquese réduità larésolution de
ce type d’équations. Le mathématicien Britannique William Rowan
Hamilton (1805-1865) qualifiera ainsi, plus tard, l’ouvrage que Lagrange
publia en 1788 de « poème scientifique du Shakespeare des
mathématiques».
De façon générale, les sujets traités au XVIIIe siècle ont largement fait
appelauxéquationsmathématiques.D’Alembertqui,lepremier,aétudié,
en1747,leproblèmedelacordevibrante,aintroduitl’équationd’ondeetil
a développé lui-même les calculs nécessaires à sa résolution. Ainsi, de
même que l’hydrodynamique est une discipline dans laquelle les
équations aux dérivées partielles sont omniprésentes, la physique
ondulatoireestnée,elleaussi,del’utilisationdel’analysedansledomaine
delamécanique.AuXVIIIesiècle,lamathématisationdelamécaniqueest
doncl’unedesprincipalesvoiesderecherche.Elleseraaussi,demanière
indirecte, à l’origine de certains travaux effectués sur l’énergie. En effet,
c’est l’intégration de certaines équations différentielles qui a fait
apparaître des quantités énergétiques qui se conservent au cours du
temps:ons’estainsirapidementaperçuque,enl’absencedefrottements,
l’énergiemécaniqued’uncorpsestunegrandeurconservative.
Plustard,auXIXe siècle,alorsqu’enAngleterrelarévolutionindustrielle
faitnaîtredenouvellesmachines,leconceptd’énergiedetypemécanique
intéressera les esprits pour ses applications pratiques. Dans ce contexte,
alorsquelamachineàvapeurbouleverseralestechniquesdeproduction,
les physiciens se pencheront sur l’étude des liens entre les phénomènes
thermiquesetles phénomènesdynamiques.La«thermomécanique»qui
deviendrapeuàpeula«thermodynamique»seraalorsprêteànaître.
Leconceptd’énergieyjoueraunrôledéterminant.
1. Précisons ici que, pour cette expérience de pensée, même s’il a eu une intuition géniale sur la relativité du
mouvement,Galiléen’apasmentionnéqu’ilétaitnécessairequelatranslationdubateauparrapportàlaTerre,
enplusd’êtreuniforme,fûtaussirectiligne.
Lathermodynamique:desoriginesànosjours

La thermodynamique est une science récente puisqu’elle ne s’est


vraiment développée qu’à la toute fin du XVIIIe siècle, au moment de la
révolutionindustrielleanglaise,puisauXIXe siècle.Lamachineàvapeur,
surlaquelle avait travailléle FrançaisDenis Papin(1647-1713) etqu’avait
diffusée et brevetée l’ingénieur écossais James Watt (1736-1819)
transformaitl’énergiethermique produiteparla combustionducharbon
entravailmécanique.Lesphysiciensdel’époqueontvouluoptimiserson
fonctionnementet comprendreles phénomènesmis enjeu lors decelui-
ci. C’est cela qui les a poussés à s’intéresser au concept de chaleur qui
jusque-làn’avaitjamaisétécorrectementétudié.

Température,thermométrie
Alorsque,trèstôt,leshommesetlesfemmesdesciencessesontrévélés
capables de mesurer des distances ou des durées, il leur a longtemps
semblé impossible d’évaluer quantitativement une température. Les
expériences qu’ils étaient susceptible d’effectuer pour étudier les
phénomènes thermiques étaient donc considérablement limitées. La
thermométrie a progressé laborieusement et les avancées dans ce
domaine furent d’autant plus lentes que les esprits ne s’accordaient pas
sur la nature de la grandeur à mesurer. Le fait que le langage courant
qualifie encore de « chaud » un objet dont la température est élevée
témoignedelaconfusionquialongtempsrégnédanslesespritsentreles
notionsdechaleuretdetempérature.
Contrairement au domaine de la mécanique où les Grecs avaient été
capables de clarifier certaines notions, la contribution de ces derniers à
l’étudethéoriquedesphénomènes thermiquesa étérelativementlimitée,
même s’ils ont été capables de réaliser certaines mesures de manière
empirique.Aristote(384av.J.-C.-322av.J.-C.)considéraitquelechaudet
le froid, tout comme le sec et l’humide, constituaient les qualités
caractéristiquesdesélémentsdenotremonde.Ainsi,jusqu’auxtravauxde
Philonde Byzance(vers 250av. J.-C.) etde Hérond’Alexandrie (vers100
av. J.-C.), l’appréciation de la température d’un corps a été purement
subjective.C’estfinalementgrâceauxthermoscopesquecesderniersont
conçus qu’il est enfin devenu possible d’apprécier de façon objective des
différences de température. Le fonctionnement de ces thermoscopes
reposait sur la dilatation d’une quantité donnée d’air qui provoquait le
déplacement d’un certain volume d’eau. Ils peuvent être considérés
comme les ancêtres des thermomètres. Pour autant, ils ne permettaient
pas de mesurer des températures de façon absolue : non seulement ils
n’étaientpasgradués,maisleursconcepteursn’avaientpasd’idéeprécise
surlagrandeursusceptibled’êtremesurée.
Le thermoscope de Héron sombra dans l’oubli jusqu’à ce que, à la
Renaissance,lestextesgrecsdecederniersoientredécouverts.C’estainsi
qu’un médecin istrien, Santorio Santorio (1561-1636) réactualisa cet
appareilafinde suivrel’évolutiondel’étatdefièvredesespatients.Mais
les limites des mesures réalisées avec un tel thermoscope apparurent
bientôt, et notamment leur dépendance avec la pression atmosphérique
dujour.Rappelonsque,àcetteépoque,lestravauxdel’ItalienEvangelista
Torricelli(1608-1647)avaientdéjàpermisdemieuxcomprendrelanotion
de pression. Ainsi, dès le XVIIe siècle, disposait-on de baromètres. On
savaitdoncquelapressionatmosphériquevariaitd’unjouràl’autre.Ilen
était demême pour la pression del’air contenue dans lesthermoscopes,
celui-ciétanten équilibreavec l’airatmosphérique. Enoutre, lestravaux
du physicien anglais Boyle (1627-1691), publiés en 1662, et ceux du
Français Mariotte (1620-1684), publiés en 1671, avaient révélé que, à
température constante, le volume d’une masse donnée de gaz était
inversementproportionnelàsapression.Lethermoscoperéactualisépar
Santorio Santorione fournissaitdonc pas les mêmesrésultats suivantla
valeurdelapressionatmosphériquedujour.
Pour rendre les mesures de température reproductibles, il fallait donc
chercheruneautresolution.
Tant que l’on ne trouva pas de méthode pour construire un
thermomètre à gaz précis, on fabriqua des appareils employant des
fluidesthermométriquesliquides.Ils’agissaitde trouverdes liquidesqui
se dilataient suffisamment pour limiter la taille des instruments
fabriqués.C’estainsiquel’eau,puisl’alcoolen1654etenfinlemercureen
1717 furent utilisés à l’intérieur des thermomètres. Les mesures étaient
enfin reproductibles, mais tous les problèmes n’étaient pas pour autant
réglés. En effet,ces thermomètres ne fonctionnaientplus lorsque l’on se
trouvaitendessousdelatempératuredesolidificationouau-dessusdela
température de vaporisation du liquide utilisé. Au niveau de la mer, un
thermomètre à eau ne permettait pas de mesurer des températures
inférieures à 0 °C ou supérieures à 100 °C. L’eau fut donc assez
rapidement abandonnée en tant que fluide thermométrique. D’autres
questions apparurent aussi lorsque l’on tenta de graduer ces
thermomètres.En 1665,l’Anglais Hooke(1635-1703)envisagea defixer le
zérod’unthermomètreàespritdevinaupointdefusiondelaglaceetde
définir le degré comme le « millièmedu volume initial d’esprit-de-vin ».
Ausièclesuivant,Réaumur(1683-1757)proposaunthermomètrebasésur
le même principe. Daniel Gabriel Fahrenheit (1686-1736) utilisa, quant à
lui,deuxpointsfixesdetempérature.Lepremierétaitceluidefusiondela
glace (32 degrés Fahrenheit). Le second était celui du sang dans le corps
humainauquelilattribuaitlavaleurde96degrésFahrenheit.Cetteéchelle
est encore utilisée dans de nombreux pays anglo-saxons. Ce n’est qu’en
1741 que l’échelle centésimale apparut : le Suédois Anders Celsius (1701-
1744) considéra le point de fusion de la glace et le point d’ébullition de
l’eaucomme pointsfixes etdivisa en100 degrésl’intervalle séparantces
deux points. D’une manière qui peut, aujourd’hui, nous sembler contre-
intuitive,ilrepérapar100°Clafusiondelaglaceetpar0°Cl’ébullitionde
l’eau. C’est l’inverse qui est effectué de nos jours dans les pays qui
n’utilisentpasl’échelleFahrenheit.
Ainsi, au milieu du XVIII e siècle, savait-on enfin mesurer les
températures comprises entre celle de solidification et celle de
vaporisationdu liquidethermométrique.Une difficultén’était cependant
pas réglée : les différents liquides utilisés dans les thermomètres ne se
dilataient pas de la même façon en fonction de la température. Pouvait-
on, dès lors, définir de façon absolue une échelle de température ?
Autrement dit existait-il une température indépendante du fluide
thermométrique utilisé? Nous verrons comment,grâce aux avancées de
la thermodynamique, le Britannique William Thomson (1824-1907),
anoblien1892souslenomdelord KelvinofLargs,parvintàdéfinirune
telleéchellequi,aujourd’hui,estcelledusystèmeinternationald’unités.
Température,chaleureténergie
Même si toutes les questions n’avaient pas été élucidées, l’état des
connaissances en matière de thermométrie a permis aux physiciens du
XVIII e siècle de réaliser des expériences quantitatives pour étudier la
chaleur. C’est dans ce contexte que Joseph Black (1728-1799) entreprit de
mélanger des quantités différentes de liquides à des températures
distinctes. Les liquides qu’il mélangeait étaient isolés thermiquement du
milieuextérieur.Blacknotaitscrupuleusementlatempératured’équilibre
dans chacun des cas qu’il étudiait. Il parvint ainsi à conclure que la
chaleur constituait un terme d’échange qui passait spontanément d’un
corps chaud (dont la température était plus élevée), vers un corps que
nous qualifierions de froid (autrement dit de température plus basse).
Black, le premier, a d’ailleurs montré qu’un corps pouvait recevoir de la
chaleur même si sa température demeurait constante. Ce phénomène
peutêtreobservélorsqu’uncorpspurchanged’état.Ainsi,lafusiondela
glacenécessite-t-elle,pouravoirlieu,unapportd’énergiethermiquepour
casser les liaisons qui existaiententre molécules d’eau au sein du cristal
de glace. Cette énergie est prise dans le milieu extérieur. Il y a donc
transfert thermique,même si, pendant toutel’étape de fusion, lebloc de
glace reste à température constante. Black a nommé « chaleur latente »
l’énergiethermiqueéchangéelorsduchangementd’étatd’uncorpspuret
il a montré que cette transition de phase s’effectue à température
constantelorsquelapressionestfixée.
À ce stade, une précision s’impose : si nous venons de parler de la
chaleur comme d’un « échange d’énergie », c’est pour utiliser un
vocabulaire qui soit correct d’un point de vue physique. Il semble
néanmoinsutiledeprévenirlelecteurdetoutanachronisme:encettefin
deXVIIIesiècle,silesphysiciensontenfindistinguéleconceptdechaleur
deceluidetempérature,cen’estpaspourautantqu’ilsenontcomprisla
nature.Ilfaudra,eneffet,attendreleXIXesièclepourqueJamesPrescott
Joule(1818-1889)montrequelachaleur,toutcommeletravailmécanique,
correspond à un transfert d’énergie. Ainsi, en 1787, dans un ouvrage
commun, Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794), Claude Berthollet
(1748-1822), Louis Bernard Guyton de Morveau (1737-1816) et Antoine
François de Fourcroy (1755-1809) écrivaient encore qu’il fallait
«distinguerlachaleur(…)duprincipematérielquien(était)lacause.»,et
ilsdésignaientcedernierparletermede«calorique».
Pendantquelquesdécennies,desphysiciens,parailleursreconnuspour
laqualitédeleurstravaux,ontainsicrupouvoiraffirmerqu’ilexistaitune
« matière de la chaleur ». Pour les partisans de cette théorie, cette
«matière de lachaleur »était unvéritable fluiderépandudans les corps
quiauraiteulapropriétédepénétrerfacilementdanslescorpschaudset
qui, au contraire, aurait eu du mal à se faufiler à l’intérieur des corps
froids… À cette époque, seuls quelques physiciens minoritaires, tels
Bernoullidontnousavonsdéjàévoqué,auchapitreprécédent,lestravaux
de mécanique des fluides, considéraient la chaleur, non pas comme une
entitématériellemaiscommelerésultatdemouvementsmicroscopiques
au sein de la matière elle-même. Bien que fausse et infondée, c’était
pourtant cette théorie du calorique qui était presque uniformément
reconnue par la communauté scientifique à la fin du XVIIIe siècle. Il
faudraainsiattendrequelepremierprincipedelathermodynamiquesoit
énoncépourquecettethéorieerronéesoitdéfinitivementabandonnée.

Lepremierprincipedelathermodynamique
Lepremierprincipedelathermodynamique,quitraduitlaconservation
del’énergieetl’équivalenceentreletravailetlachaleur,aétéénoncépour
lapremièrefoisen1845.
Le médecin allemand Robert Mayer (1814-1878), le premier, en eut
l’intuition en 1840 à une époque où certains physiciens étaient encore
partisans de la thèse du calorique. Certes, dès la fin du XVIIIe siècle,
l’AméricainBenjaminThompsonavaitcomprisquelefrottementpouvait
engendrerdelachaleuretilavaitmultipliélesexpériencespourébranler
l’hypothèse du calorique. Mais ses travaux, publiés en 1804 sous le titre
Mémoires sur la chaleur n’avaient pas convaincu ses détracteurs de
l’époque.
Quand,en1840,Mayercommencesesréflexions,ils’intéresseaucorps
humain. Convaincu que la « chaleur » de ce dernier provient de la
conversion de l’énergie chimique des aliments, il envisage de relier le
concept de chaleur à celui d’énergie. Ce terme même d’énergie (issu du
grec«ergon»quisignifie«action»)n’avaitétéintroduitquedepuispeu
detempsdanslesécritsdephysique:c’esteneffetThomasYoung(1773-
1829) qui l’avait utilisé pour la première fois en 1807 au cours de ses
recherches en optique. Certes, les travaux de mécanique sur les « forces
vives » au XVIIIe siècle avaient, de manière indirecte, permis de
progresser sur ce concept, mais l’étude des phénomènes énergétiques et
deséchangesthermiquesontlongtempssemblédécorrélés.Ainsi,c’estle
terme de « force » et non le néologisme « énergie » que Mayer utilise
lorsqu’ilexposeleprincipegénéraldeconservationdecelle-ci.
Le premier principe, dans sa formulation actuelle, traduit le fait que
pour tout système fermé (qui n’échange donc pas de matière avec le
milieuextérieur),onpeutdéfinirunefonctionquiresteconstantelorsque
le système est isolé (c’est à dire lorsqu’il n’échange pas d’énergie avec
l’extérieur). Cette fonction appelée « énergie totale » est la somme de
l’énergie cinétique macroscopique du système, de son énergie interne et
de l’énergie potentielle associée aux forces extérieures conservatives qui
s’exercent sur lui. Cela signifie aussi que, lorsque le système échange de
l’énergie avec l’extérieur, ces échanges d’énergie peuvent revêtir deux
formes : soit ils s’effectuent sous forme de travail mécanique (le travail
mécanique constitue un échange d’énergie macroscopique), soit sous
formedechaleur(lachaleurconstitueunéchanged’énergiequis’opèreau
niveaumicroscopique).
Tant que la communauté scientifique n’a pas admis que le travail et la
chaleur étaient de même nature, ces deux grandeurs ne se sont pas
expriméesdanslamêmeunité.Ainsi,alorsquelacaloriealongtempsété
l’unité de chaleur, le kilogrammètre a été celle du travail. La calorie
représentait la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1 °C la
température de 1 gramme d’eau sous une pression atmosphérique
normale,tandisque lekilogrammètrereprésentaitle travailnécessaire à
l’élévationd’unemassed’unkilogrammeàlahauteurd’unmètre.
C’est James Prescott Joule (1818-1889), le premier, qui quantifia le lien
qui unissait ces deux grandeurs. Il a, depuis, laissé son nom à l’unité
d’énergieutiliséedanslesystèmeinternationald’unité:lejoule.
Joule avait comparé le travail fourni par une dynamo et la chaleur
dégagéedanslecircuitoùcelle-cisetrouvait.Iltrouvaquelacalorievalait
environ 0,45 kilogrammètre. On admet aujourd’hui qu’une calorie (unité
encoreutiliséeparlesnutritionnistes)vaut4,186joulesetqu’unjoulevaut
1/9,81 kilogramme-mètre auniveau de lamer. La précisiondes mesures
deJouleétaitdoncparticulièrementsatisfaisantecomptetenudesmoyens
dontildisposait.
Lepremierprincipeestdoncà lafoisleprincipe d’équivalenceentrela
chaleur et le travail, mais aussi, et surtout, un principe qui traduit la
conservation de l’énergie dans l’Univers. Ce principe est fondamental. Il
est eneffet nécessaire depostuler que l’énergietotale se conservesi l’on
veutcalculerles échangesénergétiques susceptiblesdese produire.Mais
ce principe ne saurait suffire pour effectuer ces calculs. Imaginons en
effet que l’on mélange dans un récipient calorifugé 1 kg d’eau à 50 °C et
1 kg d’eau à 20 °C. Le premier principe postule que l’énergie totale des
deuxkilogrammesd’eaudoitresterconstante.Maisriendansceprincipe
n’exclut que l’eau initialementà 50 °C ne reçoive de la chaleur et voit sa
température augmenter jusqu’à 60 °C et que celle initialement à 20 °C
n’enfournisseetvoitlasiennediminuerjusqu’à10°C.Seulel’expérience
prouve le contraire : chacune des deux masses d’eau atteindra la
températured’équilibrede35°C.Lepremierprincipe,quiestunprincipe
deconservation,estdoncinsuffisantpourétablircerésultat.Ilnepermet
pas d’imposer toutes les conditions requises. Un deuxième principe
s’avèredoncnécessairepourprévoircommentévolueunsystèmedonné.
Lesecondprincipedelathermodynamiqueseraunprinciped’évolution…

Moteursthermiquesetdeuxièmeprincipe
Si nous avions voulu suivre rigoureusement la chronologie, nous
aurions exposé le second principe avant de parler du premier.
Historiquement celui-ci a en effet sa source dans les Réflexions sur la
puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette
puissance, œuvre que publia, en 1824, le jeune physicien français Sadi
Carnot(1796-1832).
Ceprincipeimposeunenouvelleconditionpourqu’unetransformation
soit réalisable et il permet de prévoir dans quel sens va se produire
l’évolution d’un système. Dans sa formulation originelle, ce deuxième
principes’intéressaitaufonctionnementoptimaldesmachinesàvapeur.
Carnot était partisan de l’interprétation calorique de la chaleur. Ses
travaux étaient passés relativement inaperçus et, sans la relecture et la
vulgarisation effectuées dix ans plus tard par Clapeyron (1799-1864), et
sanslamagistraleexploitationquel’AllemandClausius(1822-1888)enfit,
ilsauraientprobablementsombrédansl’oubli…
Danssonouvrage,Carnotaaffirméque
touteslesmachinesdithermesréversiblesontlamêmeefficacitémaximalequi
nedépendquedestempératuresdessources.
De manière générale, une machine thermique fonctionne grâce à un
fluide qui subit des transformations. Et c’est au cours de celles-ci que
s’effectuent les échangesd’énergie. Si le fluide est tour à touren contact
avecdeuxthermostats,lamachinedanslequelleilcirculeestqualifiéede
« ditherme ». Suivant le sens dans lequel s’effectuent les échanges
énergétiques unetelle machine est susceptible de fonctionner en moteur
ou en récepteur. Dans le cas d’un moteur, le fluide prend de l’énergie
thermiqueàlasourcechaudeetilfournitdutravailmécaniqueaumilieu
extérieur et de l’énergie thermique à la source froide. Dans le cas d’un
récepteur, le fluide transfère au contraire de l’énergie thermique de la
source froide vers la source chaude, ce qui implique que le milieu
extérieur lui fournisse de l’énergie sous forme de travail, car comme l’a
écritClausiusen1848:
lachaleurnepassepasspontanémentd’uncorpsfroidàuncorpschaud.
On peut montrer que cet énoncé est totalement équivalent au second
principe tel que Carnot l’avait présenté en 1824. Néanmoins, sous cette
formulation, il eut un retentissement nettement plus important et la
publication de Clausius retint l’attention de la communauté scientifique.
Ainsi,c’estparcequ’ilfuténoncésouscetteformeen1848,doncaprèsles
travaux que Mayer avait publiés en 1840, qu’on baptisa « deuxième
principe»ceprinciped’évolution.
Notons qu’il existe plusieurs façons possibles d’exprimer le second
principe.Ainsi,en1852,WilliamThomsonécrivaitdesoncôtéque
unsystèmeencontactavecuneseulesourcedechaleurnepeutaucoursd’un
cyclequerecevoirdutravailetfournirdelachaleur.
Il affirmait ainsi l’impossibilité de construire un moteur monotherme
qui convertirait en travail mécanique toute l’énergie thermique que lui
fourniraituneuniquesourcedechaleur.
L’énoncé moderne du second principe de la thermodynamique permet
désormaisdedémontrerque lestrois formulationsprécédemmentcitées
(celledeCarnoten1824,celledeClausiusen1848etcelledeThomsonen
1852) sont rigoureusement équivalentes. Aujourd’hui, les énoncés que
nousvenonsdeprésenterrevêtentavanttoutuneimportancehistorique:
ils témoignent de l’horizon industriel dans lequel s’inscrivaient les
recherches théoriques dans le domaine de la thermodynamique au XIXe
siècle. L’énoncé de Carnot a aussi un statut particulier puisque c’est lui
quiaconvaincuThomson(futurLordKelvin)qu’ilétaitpossiblededéfinir
une échelle absolue de température indépendante du fluide
thermométriqueétudié.

Irréversibilitéetentropie
Visionnaire, doué d’un esprit de synthèse et d’une clairvoyance
remarquables,Clausiusfutlevéritablefondateurdelathermodynamique.
C’est dansune publicationde 1850 que,pour la premièrefois, il aétudié
les deux principes conjointement, en partant de l’étude du moteur de
Carnot.Clausiusa ensuitegénéraliséce résultataux systèmesen contact
nonplusavecdeuxsourcesdechaleur,maisavecuneinfinitédesources
et, en 1854, il a montré que le deuxième principe était un principe
d’évolution alors que le premier principe était un principe de
conservation(del’énergie).
Le deuxième principe permet, en effet, de statuer sur le caractère
possibleouimpossibled’unetransformation.Rappelonsicil’exempledes
deux masses égales d’eau respectivement à 20 °C et 50 °C qui, une fois
mélangées,s’équilibrerontà35°C.Ons’accorderasurlefaitque,unefois
atteintelatempératurede35°C,iln’yaaucunechancequelemélangese
scinde en deux masses égales, l’une se refroidissant jusqu’à 20 °C et
l’autreseréchauffantjusqu’à50°C.C’estledeuxièmeprincipequipermet
d’exclurecetteéventualité.Ainsi, sil’onfilmait l’opérationde mélangeet
si l’on inversait le sens de projection du film, l’image visionnée ne
pourrait correspondre à une réalité. De manière générale, toute
transformation qui est liée au sens d’écoulement du temps et pour
laquelle il est impossible d’inverser la flèche du temps est qualifiée
d’«irréversible».Toutetransformationréelleest,defait,irréversible,les
transformations réversibles ne constituant que des modèles idéaux
imaginéspourconstruirecertainsraisonnements.
C’est pour parfaire la formulation mathématique de ce principe
d’évolution, que Clausius invente en 1854 une fonction S qu’il baptise
« entropie » et dont l’étymologie signifie « se retourner, transformer,
changer ». Ainsi, alors qu’étymologiquement le terme d’énergie vient de
celui d’action, le terme d’entropie est, quant à lui, lié au concept
d’évolution.En1865Clausiusrésumecelaenécrivant:
Si l’on cherchepour S un nom caractéristique,on pourrait lui donner celuide
«contenudetransformationducorps».
etilajoute:
c’est à dessein que j’ai formé le mot entropie de manière qu’il se rapproche
autant que possible du mot énergie car ces deux quantités ont une telle
analogie dans leur signification physique qu’une certaine analogie de
dénominationm’aparuutile.
Laformulationdudeuxièmeprincipeestaujourd’huilasuivante:Pour
tout système fermé (qui n’échange pas de matière avec l’extérieur), il
existe une fonction proportionnelle à la quantité de matière dont la
variation est égale à la somme d’un terme d’échange et d’un terme de
production. La production d’entropie est nulle si la transformation est
réversible,strictementpositivesinon.
Ainsi,alors quelepremier principetraduitla conservationdel’énergie
d’unsystèmeisolé,ledeuxièmeprincipeaffirmequesonentropienepeut
qu’augmenter : l’entropie ne cesse de croître que lorsque l’équilibre est
atteint.Ledeuxièmeprincipeestindissociabledeladirectiondelaflèche
du temps. C’est d’ailleurs parce qu’il est si intimement lié au concept de
temps et à celui d’irréversibilité, qu’il a alimenté et étayé par la suite de
nombreusesréflexionsd’ordrephilosophique.

Latempératureabsolue
C’est en partant du rendement maximum du moteur de Carnot,
indépendant de la nature du fluide utilisé (et uniquement tributaire des
températures des deux sources), que Thomson (futur lord Kelvin) a
construitl’échellethermométriqueabsolue,plusconnueaujourd’huisous
lenom d’échellekelvin. L’utilisationdecette échellepermettait d’ailleurs
de préciser la loi de Boyle-Mariotte relative aux gaz parfaits. Depuis un
siècle,onsavaiteneffetqueleproduitdelapressionetduvolumed’une
quantité donnée de gaz parfait était constant pour une température
donnée. En exprimant la température T en kelvins, on s’aperçut que le
produitdelapressionetduvolumeétaitproportionnelàcelle-ci.
L’échelle kelvin est aujourd’hui celle du systèmeinternational d’unités.
En 1954, la valeur 273,16 kelvin a été associée à la température du point
tripledel’eau(pointoùlestroisphasesdel’eau, solide,liquideetvapeur
coexistent à l’équilibre). En outre, un kelvin (1 K) vaut un degré Celsius
(1 °C). Le premier des deux points fixes de l’échelle Celsius correspond,
quantàlui,aupointdefusiondelaglacesouslapressionatmosphérique
normale (c’est à dire 273,15 kelvin). Ainsi, l’échelle kelvin est-elle
translatéede273,15°Cparrapportàl’échelleCelsius:unetempératurede
100 °C correspond à 373,15 K ; une température de 0 °C correspond à
273,15K.Ànoterquelaréférenceaupointtripledel’eau,adoptéeen1954
pour définir le kelvin, a été abandonnée en 2019 par le bureau
international des poids et mesures. Le système international d’unités
(souvent désigné par le sigle S.I.) est, en effet, un système évolutif qui
reflète les meilleures pratiques du moment en matière de mesure. Au
20mai2019,lorsdelaparutiondelaneuvièmeéditiondesabrochure,le
S.I. comptait cinquante-neuf états membres et quarante-deux états
associés.Lorsdecettedernièreédition,lekelvinaétédéfiniparrapportà
la valeur numérique fixée de la constante de Boltzmann kB, constante
fondamentale, qui, nous le verrons dans le prochain paragraphe, est
apparue en thermodynamique à la fin du XIXe siècle. La brochure de la
neuvièmeéditiondusystèmeinternationald’unitépréciseainsique:
laconstantedeBoltzmann,kB ,estuneconstantedeproportionnalitéentreles
grandeurs«température»(avecpourunitélekelvin)et«énergie»(avecpour
unité le joule), dont la valeur numérique est obtenue à partir de spécificités
historiquesconcernantl’échelledetempérature.

Lathermodynamiquestatistique
La thermodynamique du XIXe siècle s’était construite sur les
applications industrielles et sur l’analyse de systèmes étudiés à l’échelle
macroscopique ; mais, après la révolution industrielle, les physiciens se
sontdemandéscommentonpourraitexpliquerauniveaumicroscopique,
c’est à dire à l’échelle des molécules des gaz, les résultats observés au
niveau macroscopique. Sachant que, sous la pression atmosphérique, un
litre de gaz contient quelques dizaines de millions de milliards de
milliards de molécules, il ne s’agissait bien évidemment pas d’étudier
chaque molécule individuellement. Le but a donc été de tenter d’établir
desloisditesstatistiques.
Deuxobstaclesétaientàsurmonter.
D’unepart,auXIXesiècle,l’analysestatistiquen’enétaitqu’àsesdébuts
et, d’autre part, les scientifiques d’alors ne s’accordaient pas tous sur
l’existencedesatomes etdesmolécules. Certes,le chimisteDalton (1766-
1844) avait montré que la théorie atomique permettait de retrouver de
nombreux résultats expérimentaux. Certes, à la suite des travaux des
FrançaisCharles(1746-1823)etGay-Lussac(1778-1850),l’ItalienAvogadro
(1776-1856) avait réussi, en 1811, à montrer que, dans les mêmes
conditions de pression et de température, deux volumes égaux de gaz
contenaient lemême nombre demolécules. Pour autant,certains étaient
encore sceptiques sur l’existence de ces particules qui constituaient la
matière et qui avaient été baptisées « atomes ». C’est donc dans un
contexte de doute que se sont inscrits les premiers travaux sur l’étude
cinétiquedesgaz.
Les premiers modèles utilisés pour rendre compte du mouvement des
molécules étaient extrêmement sommaires. C’est le Britannique James
Clerk Maxwell (1831-1879) qui, le premier, a posé en 1860 les bases de
l’analyse statistique appliquée à la physique. Les travaux de Maxwell
s’inscrivaient dans la continuité de ceux de Clausius qui, en 1859, avait
introduit la notion de libre parcours moyen (longueur moyenne que
parcourtunemoléculeàvitesseconstanteentredeuxcollisions).
Suggestion:gravuredeMaxwelllibrededroits(10)

Maxwell(1831-1879)

Dansles années1870, unedifficulténouvelle apparutlorsque l’ontenta


d’interpréter le second principe de la thermodynamique au niveau
microscopique : la question de la réversibilité constituait un problème
majeur.Ilsemblaiteneffetqu’unetransformationirréversibleàl’échelle
macroscopique pût être considérée comme réversible au niveau des
molécules. Les équations permettant d’établir les trajectoires des
molécules étaient, en effet, parfaitement réversibles (d’un point de vue
mathématiques, cela se traduit par le fait qu’elles ne sont pas modifiées
lorsque l’on change la variable temporelle t par son opposé « -t »). Par
ailleurs, le comportement de chacune des molécules était, lui-aussi,
a priori, réversible. C’est l’Autrichien Ludwig Boltzmann (1844-1906) qui
comprit que c’était au niveau de la distribution des particules
qu’apparaissaitl’irréversibilité.DepuislestravauxdeMaxwell,onsavait,
en effet, que la probabilité qu’une particule se trouve au voisinage d’un
pointdonnéavecunevitesseproched’unevaleurdonnéeétaitfourniepar
une fonction appelée « fonction de distribution ». Boltzmann, qui
s’intéressait à la distribution statistique des vitesses, s’aperçut qu’en
dehors de l’équilibre celle-ci obéissait à une équation qui n’était pas
réversible.
LestravauxdeBoltzmannfurentmalcomprisparcertainsmembresde
lacommunautéscientifiquedesontemps.Pourtant,c’estluiqui,dès1877,
dans un ouvrage intitulé Sur la relation entre le second principe de la
thermodynamiqueetla théoriedes probabilités,enrapport avecl’équilibre
thermique parvint à interpréter correctement le concept d’entropie au
niveau microscopique. Il sut en effet relier cette grandeur au désordre
moléculaire. Grâce aux travaux de Boltzmann, l’Allemand Max Planck
(1858-1947) a pu généraliser, dès 1901, l’expression de l’entropie S et
établir la formule désormais célèbre qui est retranscrite sur la tombe de
BoltzmannàVienne:
S=kBlnW
Dans cette expression, où apparaît un logarithme népérien, kB est une
constante fondamentale, que Planck a souhaité que l’on nommât
« constante de Boltzmann ». La valeurde cette constante est aujourd’hui
fixée à 1,380 649 × 10-23 J⋅K-1 . La lettre grecque W désigne, dans cette
formule, le nombre d’états microscopiques (on dit aussi microétats)
permettantde réaliserl’état observéà l’échellemacroscopique.La valeur
de W est liée à la probabilité qu’un état se réalise et, pour reprendre les
motsdeBoltzmann:
L’état initial sera très peu probable dans la plupart des cas. Le système
évoluera toujours de l’état le moins probable jusqu’à l’état le plus probable,
c’est-à-direvers l’équilibrethermique.Enappliquantcelaausecond principe,
nous pouvons identifier la quantité généralement appelée entropie avec la
probabilitédecetétat.
En introduisant l’entropie statistique, Boltzmann a montré que la
productiond’entropie, liéeà l’irréversibilité,correspond au passaged’un
étatplusordonnéversunétatmoinsordonné.

LathermodynamiqueaprèsBoltzmann
À la fin du XIXe siècle, c’est au domaine de la chimie et des équilibres
chimiques que s’étend la thermodynamique. Le pionnier de la
thermochimiea probablementétél’Américain WillardGibbs(1839-1903).
Dès 1876, ce dernier publia un article contenant les grandes lois des
équilibres chimiques qui devaient être redécouvertes ensuite par le
Néerlandaisvan’tHoff(1852-1911)etleFrançaisHenryleChatelier(1850-
1936). Certains travaux de Gibbs portèrent aussi sur la mécanique
statistique : ils posaient ainsi les bases de l’étude des situations de non-
équilibre qui allaient être menées au siècle suivant par d’autres
physiciens.
L’autre grand nom de la thermochimie est celui du Français Pierre
Duhem(1861-1916)quifutaussiunbrillantépistémologueethistoriendes
sciences. Duhemfut celui qui introduisitla notion de potentielchimique
grâce àlaquelle il est possible decaractériser et de prévoirles équilibres
chimiques ; mais Duhem, qui rêvait de réunir la physique et la chimie
dansunethermodynamiquegénéralisée,faisaitpartie dugroupede ceux
quirefusaientlathéorieatomique…
Après 1920, c’est sur les situations de non-équilibre que les
thermodynamiciens se sont penchés. Les premières études sur les
phénomènes irréversibles furent menées à l’université de Yale par le
Norvégien Lars Onsager (1903-1968). Onsager s’intéressa aux
phénomènes de transport et il parvint à relierles courants caractérisant
les états de non-équilibre aux forces généralisées. S’appuyant sur des
considérationsexpérimentales,puissebasantsuruneanalysestatistique,
ilfitapparaîtredessymétriestraduisantlaréciprocitédecesrelations.Il
parvint tout d’abord à unifier, dans une seule et même théorie, la
conduction de la chaleur qu’avait étudiée expérimentalement Joseph
Fourier (1768-1830), la diffusion des particules que l’on analysait depuis
1855 grâce à la loi empirique de Fick (1829-1901), et la conduction
électrique sur laquelle avait travaillé Georg Ohm (1789-1854). Onsager
étudia aussi les interactions entre ces différents phénomènes de
transports et ses travaux lui permirent notamment de comprendre les
effetsthermoélectriquesquitraduisentlaconversionréciproqued’énergie
électriqueen énergiethermique. Sesrecherches luivalurent l’attribution
duprixNobeldechimieen1968.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, ce sont les situations très
éloignées de l’équilibre, et pour lesquelles il est impossible d’établir des
équations linéaires, qui ont été l’objet de nombreuses recherches. La
thermodynamique non linéaire a réservé des surprises. On s’est aperçu
notamment que, dans certaines situations, un milieu matériel pouvait
passerd’unétatmoinsordonnéàunétatplusordonné.Decefait,iln’est
pas étonnant que le deuxième principe de la thermodynamique ait
passionné de nombreux philosophes. Dans L’évolution créatrice Bergson
(1859-1941), avait déjà interprété le second principe de la
thermodynamiquecomme
la plus métaphysique des lois de la physique, en ce qu’elle nous montre du
doigt, sans symboles interposés, sans artifices de mesure, la direction où
marchelemonde.
Plusieursphilosophesetphysicienssesontaussidemandésdansquelle
mesure l’apparition de structures particulièrement ordonnées (acides
aminés, molécules d’ADN, organismes vivants, organismes vivants
intelligents) qui traduit le fait que l’ordre peut apparaître dans certaines
parties de l’Univers, s’accompagnait d’une augmentation, plus grande
encore, du désordre dans d’autres parties de celui-ci. Le Belge Ilya
Prigogine (1917-2003) s’est employé à prouver que l’apparition, à un
niveaulocal,dedavantaged’ordrenecontredisaitpaslesecondprincipe.
Ilsoulignapourcelal’importancedesfluctuationsquisontsusceptiblesde
s’amplifier jusqu’à perturber l’état macroscopique et engendrer une
« bifurcation» versun autreétat macroscopique encoreplus organisé.Il
obtintleprixNobeldechimieen1977.Lathermodynamiquenonlinéaire
pourrait donc s’appliquer à la biologie : la notion de vivant, qui
correspondàundegréd’organisationexceptionneldelamatière,pourrait
résulter du rôle constructif de certains processus irréversibles lorsque
l’onsetrouveloindel’équilibre.Ilestclairquelefaitdes’interrogersurla
naturedel’auto-organisationqueprésupposelaviesoulèvedesquestions
philosophiquesliées auxnotionsd’ordre maisaussi decontingenceet de
finalité.Cesquestionsdépassentlargementlecadredecetouvrage.
L’électromagnétisme

Lesorigines
Certainsécritsgrecstraduisentl’intérêtetl’étonnementdespeuplesde
l’Antiquité face aux phénomènes électrostatiques et magnétiques. Ainsi,
sept siècles avant notre ère, Thalès de Milet (640-562) évoquait-il le fait
quel’ambre jaune, unefois frottée,attirait descorps légers.Cet exemple
revêtuneimportanceparticulièrepuisquec’estcematériau,dontlenom
grecest«électron»,quiaservideracineétymologiqueàtouteunescience
quinesedéveloppavraimentqu’auXVIIIesiècle.
Dans le domaine de la magnétostatique, aussi, Thalès avait
scrupuleusement noté ses remarques. Il avait, en effet, observé que la
magnétite avait la faculté d’attirer le fer. Mais il ne sut pas expliquer
pourquoi.
Par la suite, les phénomènes dus aux effets électrostatiques ou
magnétostatiques ont particulièrement fasciné les hommes. Leur
imaginationàcesujetaététrèsgrande:laboussole,apparueauIIIe siècle
après J.-C. chez les Asiatiques, a, pendant un millénaire, été utilisée
uniquement pour tenter de prévoir l’avenir et ce n’est donc qu’au XIIIe
sièclequel’on acommencé àutilisercetinstrument pourla navigation…
AuXVIesiècleencore,onprêtaitauxforcesmagnétiquestoutessortesde
vertus. Kepler les croyait responsables du mouvement des planètes qu’il
avait pourtant si bien étudié et décrit. Dans son ouvrage De Magnete le
médecin et physicien anglais Gilbert (1544-1603), qui, pour expliquer les
différences d’inclinaison des aiguilles aimantées en divers points du
globe,avaitcomprisquelaTerreétaitungigantesqueaimant,croyaittout
de même que c’était cette « vertu magnétique » qui permettait à notre
planètedetournersurelle-même.
Ainsi, à la fin du XVIe  siècle, l’étude de ces phénomènes était encore à
éclaircir.
Premièresthéories
C’est au XVIIe siècle que, pour la première fois, a été produite de
l’électricité statique. En 1660, l’Allemand Otto von Guericke (1602-1686),
grand expérimentateur qui s’étaitaussi distingué par ses recherches sur
le vide, a l’idée de monter une boule de soufre en rotation sur un axe
horizontaletdelafrotter.C’estluiqui,lepremier,metainsienévidence
les effets répulsifs que peut engendrer l’électricité. Il a aussi l’idée de
comparer les étincelles produites par sa machine avec les éclairs qui
naissent dans le ciel lors des orages. En 1750, enfin, Benjamin Franklin
(1706-1790), à l’aide de paratonnerres et de cerfs-volants, parvient à
recueillir cette électricité et démontre ainsi la nature électrique de la
foudre.
AudébutduXVIIIesiècle,certainsphysiciensontimaginél’existencede
deuxsortesd’électricité:l’électricité«vitrée»produitelorsquel’onfrotte
unbâtondeverreetl’électricité«résineuse»apparaissantsurlesbâtons
de résine. On sait aujourd’hui que ces deux types de matériau ne se
chargentpasdelamêmefaçonlorsqu’ilssontfrottés,mais,àl’époque,les
recherches qui furent menées privilégièrent le concept de « fluide
électrique » à celui de charge élémentaire. En effet, en ce milieu de
XVIII e siècle, le cheminement intellectuel des scientifiques était encore
loin de manipuler la notion d’atome électriquement neutre ou celle
d’électron… Il faudra d’ailleurs attendre 1897 pour connaître les
caractéristiquesdecetteparticuledontJosephJohnThomson(1856-1940)
mesurera le rapport de la masse sur la charge grâce à un tube de
cathodique, ce qui lui vaudra l’attribution du prix Nobel de physique en
1906.
Ainsi, pendant plusieurs décennies, deux théories, toutes deux basées
surlanotionde«fluideélectrique»sesontaffrontées.
Lespartisansdelapremièrepensaient,àl’instardeBenjaminFranklin,
que l’électricité était formée de particules qui constituaient un fluide
capabledesepropagerdanslesmétauxetd’être«pompée»àl’extérieur.
Ils croyaient que la matière était constituée de particules qui s’attiraient
mutuellement et que le « fluide électrique » ne comportait que des
particules répulsives. Ainsi, l’excès ou le défaut de fluide électrique à
l’intérieurd’uncorpsdonnéleurpermettaitd’interpréteretd’expliquerla
chargeélectriqueglobaledecedernier.Cettethéoriedufluideuniquefut
défendue notamment par le Britannique Henry Cavendish (1731-1810)
devenu historiquement célèbre pour ses travaux de chimie, discipline
dontilfutl’undespèresfondateurs.
Lasecondethéorie,baséeelle-aussisurlanotionde«fluideélectrique»,
présupposait, quant à elle, l’existence, dans la matière, de deux fluides
présents en quantités identiques dans les corps neutres. D’après ses
partisans, c’était ledéplacement de l’un de ces deux fluides,attiré par la
présence d’un corps électrisé, qui expliquait les phénomènes
d’électrisation par influence que Stephen Gray (1666-1736) avait mis en
évidenceausiècleprécédent.Entrelesdeuxthéoriesquis’affrontaient,ce
fut cette dernière qui eut le plus de succès a sein de la communauté
scientifique. C’est d’ailleurs celle qu’utilisa le Français Charles Augustin
Coulomb (1736-1806) dans ses écrits, même s’il montra aussi que la
théorie du fluide unique et celle des deux fluides étaient
mathématiquementéquivalentes.
Au XVIIIe siècle, les recherches en électricité n’évoquaient pas encore
l’existencedeschargesélémentaires.Pourautant,CoulombetCavendish,
sont parvenus à préciser de nombreuses notions dans le domaine de
l’électrostatique et leur habileté expérimentale leur a permis de réaliser
desavancéesspectaculairesdanslacompréhensiondecequereprésentait
vraiment la charge électrique. Rappelons que, à cette époque, les
domainesdelaphysiquen’étaientpascloisonnésetleschercheursétaient
souvent des polymathes ou, tout au moins, des scientifiques
pluridisciplinaires.
Coulomb, qui était aussi ingénieur et dont l’histoire a essentiellement
retenu les travaux d’électrostatique, s’était lui-aussi distingué par ses
recherches de mécanique notamment sur les frottements et sur les
pendules de torsion. L’esprit de Coulomb était empreint des résultats
établis au siècle précédent par Isaac Newton. Rappelons que ce dernier
avait montré que l’interaction de gravitation résultait de l’action à
distance de deux corps de masses non nulles et que l’intensité de cette
force était inversement proportionnelle au carré de la distance qui les
séparait.En1780,laprédominancedelapenséenewtonienneauseindela
communauté scientifique était immense. Cela poussa Coulomb à
envisager l’hypothèse d’une interaction formellement analogue entre
deux charges électriques. Coulomb était un expérimentateur brillant :
pourmesurerlaforces’exerçantentredeuxcorpsdechargesdonnées,ila
utilisélabalancedetorsionqu’ilavaitlui-mêmeconçue:ila,eneffet,eu
l’idéedefixerl’unedesdeuxchargesetdecompenser,àl’aided’uncouple
de torsion, la force que la seconde charge exerçait sur la première.
Coulomb ne disposait pas de charges ponctuelles : il réalisait ses
expériences avec des épingles à grosse tête plantées dans de la cire.
Malgré la relative imprécision de ses mesures, il parvint, malgré tout, à
établir que l’intensité de la force s’exerçant entre les deux charges était
proportionnelleauproduitdeceschargesetinversementproportionnelle
au carré de la distance les séparant. Il montra aussi que la direction qui
portaitcetteforceétaitcelledeladroitereliantentreelleslesdeuxcharges
étudiées.Coulombintroduisitainsiunenouvelleinteractionformellement
analogue à l’interaction de gravitation. Mais, alors que l’interaction
gravitationnelle est toujours attractive, l’interaction coulombienne n’est
attractive qu’entre deux charges de signes opposées et elle est répulsive
entredeuxchargesdemêmessignes.
Àuneépoqueoùlesthéoriesdufluideoudesfluidesélectriquesétaient
d’actualité, l’expression de la force électrostatique permit, pour la
première fois, de comprendre ce que représentait la charge électrique.
C’est en ce sens que l’on peut considérer, comme l’a fait plus tard le
mathématicien et physicien allemand Carl Friedrich Gauss (1777-1855),
que c’est Coulomb qui, le premier, a vraiment su définir ce concept.
Notonsd’ailleursquel’unitédechargeélectriqueestaujourd’huiencorele
coulombdansleSystèmeInternationald’unités.
Cavendish,quantàlui,avaitétéreconnudesonvivantpoursestravaux
enchimie.Une grandepartde cesderniers avaitété traduiteen français
par Marie-Anne Pierrette Paulze (1758-1836) qui était l’épouse et
collaboratrice du chimiste français Antoine Lavoisier (1743-1794).
Contrairement à ses écrits de chimie, son œuvre, dans le domaine de
l’électricité,n’avaitpasétépubliéedanssonintégralité:lamajeurepartie
de celle-ci serait restée inconnue si James Clark Maxwell (1831-1871) ne
l’avaitrévéléeàlacommunautéscientifiqueausièclequisuivit.
Cavendish fut tout d’abord celui qui étudia la répartition du « fluide
électrique»,autrementdit deschargesélectriques,dans lesconducteurs.
Ils’aperçutnotammentquecelles-ciétaientlocaliséesàleursurface.Son
contemporainCoulomb avait,lui aussi,établice résultatmaisCavendish
était allé plus loin dans cette étude. C’est, en effet, à ce dernier que l’on
doit l’analyse théorique des condensateurs et la notion de potentiel
électrostatique. La bouteille de Leyde, inventée aux alentours de 1745,
avait déjà suscité l’intérêt de physiciens de la génération précédente
comme Benjamin Franklin. Ancêtre du condensateur, cette bouteille de
verre permettait de stocker une certaine charge électrique. À moitié
remplied’eau,elleétaitobturéeparunbouchondeliègepercéd’unefine
tigemétalliqueimmergéedansl’eauàl’unedesesextrémités.Latigeétait
mise en contact avec un générateur électrostatique. Les charges
emmagasinées pouvaient, par la suite, être restituées, ce qui permettait
d’obteniruncourantélectriquependantunbrefinstant.
Les dispositifs de stockage de charge électrique furent, par la suite,
améliorés. De manière générale, un condensateur est formé de
conducteurs métalliques voisins (on parle d’armatures) séparés par un
isolant appelé diélectrique. Si l’un des deux conducteurs entoure
totalement ou presque totalement l’autre, le condensateur est qualifié de
«fermé»etleschargesdesarmaturessontopposéesl’uneàl’autre.C’est
Cavendish,lepremier,quis’aperçutquelachargeemmagasinéesurl’une
desarmatures d’untelcondensateur étaitproportionnelleà ladifférence
depotentiel−ilemployaitalorsletermede«degréd’électrification»−qui
existaitentrelesdeuxarmatures.Laconstantedeproportionnalitéétaitla
capacitéducondensateur.Cettegrandeurphysiques’exprimeaujourd’hui
enfarad,unitédontlenomaétécrééàpartirdeceluiduphysicienanglais
Michael Faraday (1791-1867), qui lui-aussi, marquera l’histoire de
l’électromagnétisme.
Cavendish fut également celui qui, cinquante ans avant Georg Ohm
(1789-1854),s’estintéresséàlarésistancedecertainscorpsetilfutsurle
pointd’établirlaloideproportionnalité«U=RI»quiporteaujourd’huile
nomdusavantallemand.
Les travaux de Cavendish et de Coulomb ont indubitablement marqué
leur siècle. Il est néanmoins probable que ces deux hommes seraient
encore allés plus loin s’ils avaient disposé de générateurs plus
performants. Rappelons en effet qu’à cette époque c’est uniquement en
reliant les armatures d’un condensateur, lui-même chargé par un
générateur électrostatique, que l’on pouvait obtenir un courant
électrique…
D’Oerstedàlanaissancedel’électromagnétisme
Dès leXVI e siècle,certains navigateursavaient remarquéque la foudre
perturbaitl’orientationdeleursboussoles.Ilsévoquaientaussidescasoù
celle-ci parvenait àaimanter certains ustensiles en fer.Des scientifiques
s’étaient alors interrogés sur un éventuel lien entre les phénomènes
électriquesetlesphénomènesmagnétiques,mais,tantquel’onacruqu’il
existait un ou plusieurs fluides purement électriques, il semblait
inconcevable d’envisager sérieusement une telle hypothèse. Aussi, cette
questioncessaassezrapidementdepassionnerlesespritset,audébutdu
XIXesiècle,ellen’étaitmêmeplusévoquéedanslesmanuelsdephysique.
En outre, lesmoyens expérimentaux dont ondisposait pour produire de
l’électricité étaient rudimentaires. Certes les machines électrostatiques
avaient été améliorées, mais tant que l’on n’a pas su produire des
courants électriques à volonté sur des durées importantes, il a été
quasimentimpossibled’étudierréellementlesliensentrel’électricitéetle
magnétisme.
L’année1800marquaencesensuntournantdécisif.
Depuis1798,AlessandroVolta(1745-1827)réfléchissaitàl’expériencede
Luigi Galvani (1737-1798) qui avait observé que les membres d’une
grenouilledontdeuxpartiesducorpsétaientreliéesparunarcmétallique
secontractaient.Ilsavaitaussiqu’enplaçantlalangueentredeuxmétaux
différentsreliésparunfilmétallique,onéprouvaituneétrangesensation
depicotement.Voltapensaitalorsquel’onpouvaitobtenirdel’électricité
grâce à des paires de disques formées par l’association de deux métaux
différents.Ilespérait,deplus,qu’ilseraitpossibledecumulerleseffetsde
plusieursdisquesenempilantcesderniers.Ilessayaàplusieursreprises.
En vain. Volta eut finalement l’idée d’interposer dans cette « pile » de
disques des bouts de tissus humidifiés avec de l’eau salée. La pile Volta
venait de naître. À partir de cette date on se mit à parler d’électricité
circulante,paroppositionàl’électricitéstatiquequiétaitlaseulequel’on
savaitproduirejusqu’alors.
Véritablerévolutiondansl’étudedescourantsélectriques,lapilepermit
d’étudier leurs liens avec les effets caloriques mais aussi leur action sur
les métaux et les solutions aqueuses. Les premiers travaux sur
l’électrolyse portèrent sur la décomposition électrochimique de l’eau en
oxygène et en hydrogène. On les doit à l’Anglais Humphry Davy (1778-
1829) quifut aussi celuiqui produisit, en1810, le premier arcélectrique,
véritablepetitéclairréalisédansunlaboratoire.
Il était désormais clair que l’électricité était liée aux phénomènes
calorifiques, lumineux et chimiques. On se demanda alors à nouveau
quelsétaientlesliensqu’elleétaitsusceptibled’avoiraveclemagnétisme.
Ainsi, quand Hans Christian Oersted (Ørsted) (1777-1851) a réalisé
l’expériencedécisiveportantsurcepoint,lesespritsétaientenfinprêtsà
examinersérieusementcettehypothèse.Encesens,nombreuxsontceux
qui ont écrit que les travaux du physicien danois sont arrivés au bon
moment.
L’expériencehistoriquequ’Oerstedréalisaet quia marquéla naissance
de l’électromagnétisme date de 1820. Elle est encore présente dans les
manuelsdephysiqueactuels.
Oersted avait placé une aiguille aimantée parallèlement à un fil
conducteur.Ilfitcirculeruncourantélectriquedanslefiletilobservaune
déviation de l’aiguille aimantée. Rappelons que les termes de « courant
électrique»etd’«intensité»n’existaientpasencoreàl’époqueoùilréalisa
cetteexpériencepuisqueAndré-MarieAmpère(1775-1836)nelesavaitpas
encoreinventés!Oerstedavaitaussiconstatéquelorsquel’oninversaitle
sensdebranchementdufilsurlapile,autrementditlorsquel’oninversait
le sens du courant, la déviation de l’aiguille s’effectuait dans l’autre
direction.Enfin,ilavaitnotéquecettedéviationétaitd’autantplusgrande
que la « puissance de l’appareil galvanique » ( tel était le terme qu’il
employaitpourdésignerl’intensitéducourant)étaitimportante.
Lorsque Oerstedpublia ses résultats, certains deses contemporains ne
leprirentpasausérieux,recherchantl’erreurquipermettraitd’expliquer
lephénomèneobservé.Deuxphysiciensfrançaisportèrentnéanmoinsun
intérêttoutparticulieràsestravaux:Ampère,dontnousavonsdéjàcitéle
nom,etArago(1786-1863)dontlespublicationsaucoursdesannées1820
et 1821 allaient être particulièrement nombreuses. Arago, déjà célèbre
pouravoirprolongélamesureduméridienDunkerque-Barceloneetpour
ses travaux d’optique sur la polarisation, fut le premier à
s’enthousiasmer.C’estluiqui sutéveillerl’intérêtd’Ampère,alorsconnu
pour ses travaux de mathématiques et de chimie. Les deux savants se
mirent au travail. Dèsle dix-huit septembre 1820, Ampère s’aperçutque
l’effet sur l’aiguille aimanté ne se limitait pas à la rotation de cette
dernière: le fill’attirait aussivers lui.Le vingt-cinq septembre, nouvelle
publication : ayant eu l’idée de réaliser un enroulement serré de fil
électrique de forme cylindrique, Ampère avait noté que la bobine ainsi
réaliséesecomportaitcommeunaimantavecunpôlenordetunpôlesud.

GravuredeAmpèrelibrededroits(celledelacouverture)(6)

Ampère(1775-1836)

Le mois suivant, dans une communication transmise le neuf octobre à
l’Académiedessciences,Ampères’intéresseaucasdedeuxfilsélectriques
parallèles, montrant que ces derniers se repoussent s’ils sont parcourus
par des courants de même sens et s’attirent dans le cas contraire. Cette
expérience revêt une importanceparticulière : quand, en 1948, le comité
internationaldespoidsetmesuresavouludéfinirrigoureusementl’unité
dusystèmeinternationalpourlecourantélectrique,l’ampèrefutprésenté
comme
l’intensitéd’uncourantconstantqui,s’ilestmaintenudansdeuxconducteurs
linéaires et parallèles, de longueurs infinies, de sections négligeables et
distantsd’unmètredanslevide,produitentrecesdeuxconducteursuneforce
linéaireégaleà2×10-7 newtonparmètre.
À noter que cette définition n’est plus d’actualité dans la mesure où,
depuis la parution, le vingt mai 2019, de la neuvième édition de sa
brochure,lesystèmeinternationald’unitéadéfini l’ampèreenprenantla
valeurnumérique fixéede lachargeélémentaire, e,égaleà 1,602176 634
×10−19coulomb,(unitéégaleàl’ampèreseconde).
Même si la définition de l’ampère a récemment été modifiée,
l’expérienceque nousvenons d’évoqueramarqué l’histoiredessciences.
C’est d’ailleurs à la suite de celle-ci qu’Ampère a créé deux néologismes
pour que le vocabulaire permette de distinguer l’électrostatique où les
charges étudiées restent confinées au même endroit, de
l’électrodynamique où ces mêmes charges se déplacent et créent des
courants électriques. Et, peu de temps plus tard, le seize octobre 1820,
dansunecommunicationréaliséeavecArago,Ampèreamontréqu’ilétait
aussipossibledefabriquerunaimantartificielenplaçantunobjetdefer
douxàl’intérieurd’unehéliceparcourueparuncourant.
L’étudedelaforcemagnétique,crééeparlefilélectriquedel’expérience
d’Oersted,mobilisalesespritspendantlesannéesquisuivirentetébranla
de nombreuses certitudes. Newton avait fourni l’expression de
l’interaction de gravitation et Coulomb celle de la force s’exerçant entre
deux charges ponctuelles. Nombreux étaient ceux qui s’attendaient à ce
que la force créée par le courant électrique présente les mêmes
similitudesquecesdernières.Maiscelanefutpaslecas:laforcequ’une
petite portion du fil exerce sur un pôle de l’aiguille aimantée n’est pas
dirigéesuivantlalignequirelielaportiondefiletl’aiguille.
Aucontraire:elleluiestperpendiculaire.Àuneépoqueoùlamécanique
céleste triomphait, alors que Coulomb avait mis en évidence une
interactionformellementanalogue àl’interaction gravitationnelle,il était
difficiled’envisageruneinteractiondontlanaturefûtàcepointdifférente
decellequeNewtonavaitdécouverte.
Ilfallutalorstrouverl’expressiondecetteforce.
Unevéritablecourses’engageasurcettequestionentreAmpèreetJean-
BaptisteBiot (1774-1862).C’est finalementBiot qui,en collaborationavec
FélixSavart(1791-1841),futlepremieràcalculerlaforcequ’exerce,surun
aimant, un fil infiniment long parcouru par un courant. Cette force est
perpendiculaire à la direction du fil et à la droite normale au fil passant
parlepôlemagnétiquesurlequelelles’exerce.
Enquelquesmoisonétaitainsiparvenu,nonseulement,àétablirlelien
entre phénomènes électriques et magnétiques, mais aussi, à définir les
concepts de courant électrique, à construire des appareils de mesure (le
premiergalvanomètredatede1821etonledoitàAmpère),àaimanterle
feretàcalculerlesforcesmagnétiques.
Toutétaitallétrèsvite.Pourautant,lanaissancedel’électromagnétisme
n’enétaitqu’àsesdébuts.

L’inductionélectromagnétique
Desphénomèness’expliquantparl’inductionélectromagnétiqueavaient
été observés par Ampère en 1822 et Arago en 1824 mais ces derniers
n’étaient pas parvenus à expliquer leurs expériences. Les travaux de
Faraday(1791-1867)allaientêtredécisifssurcepoint.
Faraday avait constaté que lorsque l’on approchait brusquement un
aimant d’un solénoïde (c’est à dire d’un enroulement de fil conducteur),
alors un courant électrique s’établissait dans le circuit du solénoïde. Si,
par la suite, on éloignait cet aimant, il apparaissait un courant de sens
contraire. De plus, Faraday avait remarqué que le courant disparaissait
dès quele mouvement del’aimant cessait. Il avaitaussi noté quele sens
du courant induit par le mouvement de l’aimant dépendait du pôle que
l’onapprochait.
Mais les observations de Faraday ne s’étaient pas arrêtées là : il s’était
aussi aperçu que l’apparition d’un courant induit n’impliquait pas
forcémentlemouvementd’uncircuitparrapportàunautre.Lanaissance
d’uncourant induitpouvait, eneffet, êtreobservée soitlorsque lecircuit
était en mouvement par rapport à un champ magnétique constant, soit
lorsqu’il était immobile dans un champ magnétique variable. Ainsi,
l’apparition d’un courant induit était la conséquence d’une variation du
fluxduchampmagnétique.2
Lesingénieursdel’époqueontmispeudetempsavantdepercevoirles
retombées techniques fantastiques de ces phénomènes d’induction que
l’onvenaitdedécouvrir:lespremiersmoteursélectriquesetlespremiers
alternateursétaientdésormaisprêtsànaîtreetonallaitpouvoirconvertir
l’énergie mécanique d’un mouvement en énergie électrique et
réciproquement. Le principe de ces machines repose en effet sur le
mouvement relatif d’une source de champ magnétique par rapport à un
circuit.
C’est plus précisément aux alentours de 1865 que les génératrices de
courantcontinuprirentdel’importance.Lapremièredynamo,conçuepar
le Belge Zénobe Gramme (1826-1901), comprenait, d’une part, un circuit
« inducteur », qui était constitué d’un aimant ou d’un électroaimant, et,
d’autre part, un « induit », formé d’un fil métallique enroulé sur un
anneaudeferdouxquipouvaittournerdansl’entreferdel’aimant.
Les premiers alternateurs, autrement dit les premiers appareils
produisant du courant alternatif, apparurent simultanément aux Etats-
UnisetenEuropeàlafinduXIXesiècle.Leurprincipedefonctionnement
reposeaussisurlephénomèned’inductionélectromagnétique:lorsquela
directionduchamppar rapportà l’induitvarie périodiquementau cours
dutemps−c’estlecas,parexemple,sil’aimanttourneàvitesseconstante
−alorsleflux,luiaussi,variepériodiquementetlecourantproduitestun
courantalternatif.Lepremierbrevetfutdéposéen1888parNikolaTesla
(1856-1943)etc’estàpartirdecettedatequelesalternateursprirenttoute
leurampleurà l’échelleindustrielle.Lesalternateurspossédaientpourla
plupartuninduitfixe,appeléstator,etuninducteurmobile,appelérotor.
L’inducteur était souvent entraîné par une machine à vapeur. Ainsi,
l’énergie thermique était-elle convertie par la machine à vapeur en
énergie mécanique et cette énergie mécanique était à son tour convertie
parl’alternateurenénergieélectrique…
Notons que les phénomènes précédemment décrits sont réversibles et
qu’ilestpossibledeproduireunmouvementàpartird’énergieélectrique.
Ce phénomène fut découvert de manière fortuite, en 1873, lors de
l’exposition internationale d’électricité qui se tenait à Vienne. Un
ingénieur s’aperçut, en envoyant inopinément un courant dans la
machine de Gramme, que l’induit de celle-ci se mettait à tourner : cette
machine pouvait donc aussi fonctionner en mode récepteur et convertir
l’énergie électrique en énergie mécanique. L’électricité pouvait donc être
utilisée pour générer un mouvement : on pourrait donc fabriquer des
moteursélectriques.

Lathéorieélectromagnétique−L’œuvredeMaxwelletHertz
C’est dans la deuxième moitié du XIXe siècle que l’Écossais Maxwell
(1821-1879), dont nous avons déjà cité le nom en évoquant la
thermodynamique statistique, a introduit les concepts de champ
électriqueetdechampmagnétiquequinoussontaujourd’huifamiliers.
En1831,Faradayavaitdéjàapprochécettenotionlorsqu’ilavaiteul’idée
desaupoudrerde limailledefer levoisinaged’un aimant.Dans unetelle
expérience, chaque grain de limaille s’aimante par influence et s’oriente
comme le ferait une minuscule aiguille aimantée. La disposition des
grains de limailles, leur espacement ou leur concentration, mais aussi
l’orientation qu’ils ont tendance à adopter, fournissent une cartographie
de l’influence magnétique régnant en chaque point. Dans ses travaux,
Faradayavaitnommécestracés«courbesmagnétiques»puis«lignesde
forces » et c’est finalement Maxwell qui les appellera « lignes de champ
magnétique».
La prouesse de Maxwell fut d’établir quatre équations qui, non
seulementrésumaienttouteslesconnaissancesdontondisposaitalorsen
électromagnétisme, mais qui allaient aussi permettre d’établir des
résultatsnouveaux.
Depuis les travaux de Faraday on savait qu’une variation du flux du
champ magnétique induisait l’apparition d’un courant dans un circuit
fermé. La première équation de Maxwell, appelée souvent équation de
Maxwell-Faraday, traduit mathématiquement ce phénomène. Cette
premièreéquationdeMaxwellestindépendantedumilieudanslequelon
étudie le champ électromagnétique. Il en va de même pour la deuxième
équation qui traduit une propriété du flux du champ magnétique. Ainsi,
lesdeuxpremièreséquationsde Maxwellportentsur lastructure propre
du champ électromagnétique. Les deux dernières équations traduisent,
quant à elles, le lien existant entre le champ électromagnétique et les
différenteschargesfixesoumobilesquisetrouventdanslemilieuétudié.
Latroisièmeéquation,ditedeMaxwell-Gauss,exprimeauniveaulocalun
résultat proposé par Carl Friedrich Gauss (1777-1855) qui a montré qu’il
existait un lien entre le flux du déplacement électrique à travers une
surfaceferméeetlachargecontenuedansl’espacedélimitéparcelle-ci.La
quatrième équation, appelée encore équation de Maxwell-Ampère, relie
les variations spatiales du champ magnétique, les variationstemporelles
du déplacement électrique et les courants électriques présents dans le
milieu.
Les équations de Maxwell n’ont pas seulement synthétisé les
connaissances dont on disposait alors. Leur résolution mathématique a
aussi révéléque le champ électriqueet le champ magnétique obéissaient
tousdeuxàuneéquationanalogueàl’équationdepropagationd’uneonde.
Rappelons en effet que, en 1747, d’Alembert avait, pour la première fois,
établicetyped’équationenétudiantlapropagationd’unébranlementsur
unecorde.Ils’agissaitalorsd’ondesmécaniques.
D’autres ondes avaient aussi été étudiées en physique. Les ondes
sonores, sujet de base de l’acoustique, avaient notamment intéressé
Galilée qui avait appréhendé le concept de fréquence. Une théorie
mathématisée des ondes sonores avait ensuite été développée par
Newton, mais elle n’avait été parachevée qu’au XVIIIe siècle par Euler
(1707-1783), Lagrange (1735-1813) et d’Alembert (1717-1783). Ces ondes
avaientunsupportmatériel:c’esteneffetunesurpressionsepropageant
dansl’air(oudanstoutautremilieu)quiconstitueunson.Lesonnepeut
donc progresser dans le vide : c’est donc pour cela que le vide
interplanétaireestununiverssilencieux.
À la fin du XIXe siècle, on venait de découvrir les ondes
électromagnétiques, mais le milieu matériel dans lequel ces dernières se
propageaient n’était pas clairement identifié : il semblait quelque peu
mystérieuxetavaitétébaptisé«éther».
Dans lechapitre relatif àla physique moderne,nous verrons comment
lesphysiciensduXXesiècleontpumontrerquecethypothétique«éther»
n’avait aucune existence réelle et que, contrairement aux autres types
d’ondes,lesondesélectromagnétiquessepropagentdanslevide.
C’estlarésolutionmathématiquedel’équationdepropagationdesondes
électromagnétiquesquiapermisàMaxwelldedéterminerleurvitessede
propagation.Lephysicienbritanniquea,eneffet,établiquelacéléritédes
ondesélectromagnétiquesétaitrigoureusementégaleàcelledelalumière.
Desonvivant,Maxwelln’ajamaispuvérifierexpérimentalementcequ’il
avait découvert mathématiquement. En effet, on ne fut capable de
produire et de capter des ondes électromagnétiques de grande longueur
d’onde qu’en 1887, grâce aux travaux de l’Allemand Hertz (1857-1894).
Maxwellavaitnéanmoinseulegénied’extrapolersonrésultat.Ilavait,en
effet, affirmé que la lumière et les ondes électromagnétiques, par leur
nature,partageaientbienplusqu’unemêmevitessedepropagation.Ainsi,
commel’aécritLouisdeBroglie(1892-1987),ilavaiteu
l’idéemagnifiquequelalumièreestuneperturbationélectromagnétiqueetque
toute la théorie de la lumière doit être contenue dans les équations de
l’électromagnétisme.
GrâceauxtravauxdeMaxwell,l’optiquedevenait,dèslors,unebranche
del’électromagnétisme…

2.Ladéfinitionrigoureusedufluxd’unvecteurimposel’utilisationdenotationsmathématiquesquin’ontpasleur
placedanscetexposé.L’écoulementd’unfluidedansuntubepermettoutefoisd’illustrerphysiquementceque
représentecettegrandeur:lefluxduvecteur«vitessed’écoulement»àtraversunesectiondonnéereprésente
ledébitvolumiquedel’écoulementàtraverscelle-ci.Plusgénéralement,pourtoutchampdevecteurutiliséen
physique et pour toute surface, il est possible de calculer le flux du champ à travers cette surface et cette
grandeuraladimensiond’unesurfacemultipliéeparlechampdevecteurconsidéré.
L’optique

Scienceliéeàlalumière,l’optiques’intéresseàlafaçondontlalumière
se propage et véhicule diverses informations. Il s’agit non seulement de
décrire la propagation des rayons lumineux, la formation des images,
maisaussidecomprendrelanaturemêmedelalumièreetdescouleurs.

Lesorigines
Les premières théories d’optique assimilaient la lumière à un « feu ».
Pour autant, tous les physiciens de l’Antiquité ne s’accordaient pas sur
l’origine de ce feu. Les philosophes atomistes dont Leucippe de Milet
(Vesiècleav.J.-C.),puisEpicure(342av.J.-C,270av.J.-C.)ou,plustard,le
LatinLucrèce(98av.J.-C.,55av.J.-C),pensaientquelalumièreétaitdans
lanaturemêmedesobjets.Cettethéorie,ditedu«feuexterne»,supposait
que les particules constituant la lumière possédaient les mêmes
caractéristiquesquelesobjets.D’autressavantsattribuaient,quantàeux,
un rôle actif à l’œil et considéraient que ce dernier émettait un « feu
visuel » grâce auquel la vision était possible. C’est ce mode de
raisonnementqu’utilisanotammentEuclide(vers 325av. J.-C.− vers265
av.J.-C.)danssonOptiqueetsaCatoptrique.
LesArabes,aussi,ont,parlasuite,portéungrandintérêtàl’optique.
Ils avaient traduit les textes grecs d’Aristote, Euclide et Ptolémée. Ils
avaientaussienleurpossessionlesécritsdeHérond’Alexandrie(I ersiècle
aprèsJ.-C.)quiavaitétudiélaréflexiondelalumièresurlesmiroirs.
Alhazen (965-1039), de son vrai nom Ibn al-Haytham, fut le premier à
distinguer les concepts de vision et d’éclairement et à affirmer qu’il
existait une lumièreindépendante des moyens de vision : siun objet est
visible c’est parce qu’un rayon lumineux issu de celui-ci se dirige vers
l’œildel’observateuretnonl’inverse.Ainsi,lesrayonsnepartentpasdes
yeux−commelecroyaientlessavantsdel’Antiquité−mais,aucontraire,
c’estverslarétinequ’ilsconvergent.

GravuredeAlhazenlibrededroits(celledelacouverture)(4)

Ibnal-Haytham(Alhazen)(965-1039)

Cette découverte d’Alhazen illustre l’esprit critique de ce savant arabe
commeentémoignentaussisesmots:
Une personne qui étudie les livres scientifiquesen vue de connaître la vérité,
devraitsetransformerenuncritiquehostiledetoutcequ’ilétudie…Ildevraitle
critiquer à tous les points de vue et sous tous ses aspects. Et, engagé ainsi
dans l’esprit critique, il devrait aussi se méfier de lui-même et ne pas se
permettred’êtrelaxisteetindulgentenversl’objetdesacritique.
L’œuvre d’Alhazena été immense: il a précisé leslois de réflexiondes
miroirsnon plansen montrantquele rayonréfléchiet lerayon incident
setrouvaientdanslemêmeplanquelanormaleaumiroiret,parlasuite,
ses travaux ont inspiré ceux de Kamāl al-Dīn al-Fārisī (1267-1320) qui,
troissièclesaprèslui,réussiraàanalyserlephénomènedesarcs-en-ciel.
Tandis que ces travaux théoriques majeurs étaient menés au sein du
monde arabe, de nouveaux instruments optiques voyaient le jour en
Occident.
ÀlafinduXIIIesiècle,sontfabriquéesàFlorencelespremièreslunettes
de vue correctrices et, au XVI e siècle, les premiers instruments
grossissants sont conçus. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer les
lunettes astronomiques, inventées aux Pays-Bas, dont un modèle fut
construit par Galilée en 1610. Elles permirent des avancées majeures en
astronomie.Lesmicroscopes,quantàeux,sontapparusentre1591et1608
etilsallaientouvrirlavoieàdesdécouvertesnotablesdansledomainede
labiologie.

LeXVIIesiècle:Kepler,Descartes,Fermat
De nombreux historiens des sciences voient en Johannes Kepler (1571-
1630), dontnous avonseu l’occasion d’évoquerles travaux d’astronomie,
l’undes pèresde l’optiquegéométrique. Keplerformula, eneffet, uneloi
delaréfractionvalablepourlespetitsangles:àlatraverséedelafrontière
séparantdeuxmilieux transparents,lerapport del’angle d’incidencesur
l’angle deréfraction estconstant. Cette étuderevêt unintérêt particulier
lorsquel’undesdeuxmilieuxestl’airetl’autreleverre.Eneffet,lorsque
la surface du verre revêt une forme sphérique, on parle de dioptre
sphérique air-verre et l’associationde deux dioptres sphériques, ou d’un
dioptre sphérique avec un dioptre plan, forme ce que l’on appelle une
lentille,c’est-à-direaussiunverredelunettescorrectrices.Keplerparvint
ainsi à expliquer la propagation de la lumière à travers les lentilles
convergentes (les verresconvergents permettent de corriger la presbytie
ou l’hypermétropie) et à travers les lentilles divergentes (les verres
divergents permettent de corriger la myopie). Mais sa contribution ne
s’arrêtapaslà.Ilcompritaussiquelephénomènedelavisionrésultaitde
laformationd’uneimagesurlarétineetquecelle-ciseformaitàl’envers
sur cette membrane réceptrice. Ainsi, trois siècles après la construction
de la première paire de lunettes correctrices, était-on devenu, grâce aux
travauxdeKepler,capabledecomprendrecommentcelles-ciagissaient.
AprèsKepler,plusieursautressavantssesontintéressésàlaréfraction.
Ils cherchaient à déterminer une loi dont le domaine de validité ne se
limiteraitpasauxpetitsangles.L’AnglaisThomasHarriot(1560-1621),en
1598, le NéerlandaisWillebrord Snell (1580-1626), en 1625, et le Français
RenéDescartes(1596-1650),en1637,comprirentquec’étaitlerapportdes
sinus des angles d’incidence et de réfraction qui était constant pour un
dioptre donné. Cette loi est aujourd’hui connue sous le nom de loi de
Snell-Descartes.EllefutpubliéeparDescartesdanssa Dioptriqueen1637.
Dans cet ouvrage, Descartes reformulait aussi des résultats relatifs à la
réflexion de la lumière qui avaient déjà été partiellement formulés par
Hérond’Alexandrie etparAlhazen. Cesrésultatsconstituent aujourd’hui
la«premièreloideDescartes»relativeàlaréflexion,tandisquelaloide
Snell-Descartesestaussiappelée«secondeloideDescartes»relativeàla
réfraction.
Nous devons préciser que la démonstration que Descartes a utilisée
pour prouver la loi de la réfraction était fortement critiquable. En effet,
Descartespensaitquelalumièresepropageaitinstantanément:ilcroyait
quesavitessedepropagationétaitinfinie.
Parmi les détracteurs de Descartes, le Toulousain Pierre de Fermat
(1607-1665) était convaincu du contraire. Ce dernier s’est employé à
redémontrerleslois deSnell-Descartesen tenantcompte nonseulement
ducaractère finide lavitessede lalumièremais aussidesa dépendance
aveclemilieumatériel(lalumièresepropaged’autantpluslentementque
l’indiceoptiquedumilieuestgrand;ellesepropagepluslentementdans
leverrequedansl’eauetpluslentementdansl’eauquedansl’air).
Fermat a ainsi énoncé, en 1662, un principe qui porte aujourd’hui son
nom.
Lanatureagittoujoursparlesvoieslespluscourtes
Ainsi,d’aprèsFermat,lalumièresuitforcémentletrajetquicorrespond
autempsdeparcoursminimal3.
LeprincipedeFermatpermetdedémontrerrigoureusementlesloisde
la réfraction que Snell et Descartes avaient établies de façon empirique.
Fermats’enféliciteraetécrira:
J’ai trouvé que ce principe donnait justement et précisément la même
proportiondesréfractionsquecellequeMonsieurDescartesaétablie.
Onsaitaujourd’huiquelalumièrenesepropagepasinstantanémentet
queFermatavaitraisoncontreDescartes.Mais,cen’estqu’en1676,c’est-
à-direplusdevingt-cinqansaprèslamortdeDescartesetplusdedixans
aprèscelledeFermat,quecelafutprouvéexpérimentalement.
C’est l’astronome danois Ole Rœmer (1644-1711) qui, le premier, a
apporté la preuve expérimentale du caractère fini de la célérité de la
lumière. Pour évaluer cette grandeur, que l’on désigne désormais par la
lettre«c»,Rœmers’estintéresséauxéclipsesdessatellitesdeJupiter.Ila
mesurél’intervalledetempsquiséparaitcesdernièresetilaconstatéque
lesduréesdiminuaientd’uneéclipseàl’autresilaTerreserapprochaitde
Jupiter,etque,aucontraire,ellesaugmentaientsilaTerres’enéloignait.
Rœmerparvintàdéduiredesesmesuresunepremièreapproximationde
lavitessedelalumière 4.

Ondulatoireoucorpusculaire?
AuXVII esiècle,lesexpériencesdedécompositiondelalumièreblanche
pardesprismesétaientconnuesmaisn’étaientpasinterprétées.
Lesphysicienssesontalorsinterrogéssurlanaturedelalumière.
Au début du XVIIe siècle, Descartes considérait la lumière comme une
pression qui se propageait instantanément. À cette époque, la physique
ondulatoire n’en était qu’à ses prémices. D’Alembert (1717-1783) n’était
pasencorenéetlestravauxsurl’équationd’onde,qu’ilallaitétablirgrâce
à l’étudede lacorde vibrante,ne seraientdiffusés qu‘unsiècle plustard.
Mais l’étudedes ondesacoustiques avaitmobilisé les plusgrands esprits
del’époque.Aussi,en1700,lesconceptsdefréquenceetdepériodeétaient
parfaitementmaîtrisés,et,àcetteépoque,bienquelathéorieondulatoire
de la lumière laissât de nombreux physiciens sceptiques, le concept
d’ondesonoreavait,quantàlui,étérelativementbienaccepté.
En 1690, le Hollandais Hans Christiaan Huygens (1629-1696) a réuni
pour la première fois dans un seul et même ouvrage l’étude des
phénomènes sonores et des phénomènes lumineux. La théorie
ondulatoire lui permettait en effet d’expliquer le phénomène de
diffraction lumineuse qui avait été découvert de façon fortuite en 1665.
Pour justifier la propagation des ondes lumineuses, Huygens avait, en
effet,imaginéunprincipeselonlequelchaquepointatteintparlalumière
àun instantdonnépouvait êtreconsidérécomme unesourcesecondaire
depetitesondessphériques.
Le problème de la couleur, intimement lié à celui de la nature de la
lumière,aluiaussipassionnélesesprits.
Newton, avait constaté la possibilité de séparer la lumière blanche en
composantes colorées, et il avait cru pouvoir conclure que les couleurs
préexistaientdéjàdanslalumièreblanche.Ilenvisageadoncl’existencede
grains de lumière dont la taille aurait expliqué les couleurs. Ainsi, pour
justifier qu’un prisme déviât davantage les radiations violettes que les
radiationsrougesavait-ilimaginéquelesgrainsvioletsétaientpluspetits,
donc plus mobiles, que les rouges. À cette époque, les problèmes
d’aberration chromatiques des lentilles n’étaient pas résolus : ces
dernières ne possédaient pas la même distance focale pour toutes les
radiations colorées. La théorie de Newton excluait totalement qu’il fût
possible d’éliminer ce défaut et de réaliser des lentilles achromatiques :
c’est cette conviction erronée qui a poussé Newton à concevoir un
nouveau type de télescope dépourvu de lentilles. C’est ainsi qu’il a
construit, en 1672, un télescope à miroirs paraboliques, appelé depuis
télescopedeNewton.
Les travaux de Newton en optique doivent être analysés au vu de ceux
qu’ilavait menésen mécaniqueoùla notiondeforce àdistanceavait été
particulièrementefficace.
Newtonétait convaincuque lescorpuscules,c’est-à-dire les« grainsde
lumière»dontilenvisageaitl’existence,subissaientdesactionsàdistance
qui étaient répulsives lors des phénomènes de réflexion. Il croyait aussi
que ces corpuscules se déplaçaientd’autant plus rapidement quel’indice
optique était élevé. Ainsi, d’après lui, la lumière devait progresser plus
vitedansleverrequedansl’air,cequi,onlesaitaujourd’hui,esterroné.
Notonsquelephysicienanglaiseut,delui-même,unregardrelativement
critiquesur la théoriecorpusculairequ’il proposa enoptique. Ilavait, en
effet,étudiélespropriétésdesanneauxirisésquiseformaientformésàla
traverséed’unefinelamed’airentreunelentilleconvexeetuneplaquede
verre et il avait remarqué la périodicité de ces anneaux irisés (appelés
depuisanneauxdeNewton).Cetteobservationluiavaitfaitenvisagerune
théorie mixte dans laquelle les grains de lumière créent un phénomène
ondulatoire.Ainsi,Newtongarda-t-ilunregardtrèsprudentsurlathéorie
delalumièrequ’ilavaitlui-mêmeformulée.
L’optiquecorpusculairedeNewtoneutuncertainnombredepartisans,
dontnotamment EtienneLouis Malus(1775-1812) puisJean-Baptiste Biot
(1774-1862).Pourautant,ellefut controverséedèsle XIXesiècle.Eneffet,
les travaux d’optique sur la diffraction, sur les interférences et sur la
polarisation qui furent menés par la suite ont corroboré l’hypothèse
ondulatoiredelalumière.
ThomasYoung(1773-1829),auXIX esiècle,futlepremieràréhabiliterles
théoriesd’HuygensetàcritiquerNewton.
Ce physicien anglais, qui était aussi médecin, s’était tout
particulièrement intéressé à la physiologie de la vision. C’est lui qui sut
expliquer le phénomène d’accommodation visuelle et la perception des
couleurs par l’existence de trois types de récepteurs sur la rétine. Il fut
aussi celui qui réalisa le premier système interférentiel entre deux
faisceauxissusdedeuxsources.
Pour réaliser ces interférences, il faut que les faisceaux provenant des
deuxsourcessoientcohérents.Celaestvérifiés’ilssontissusdelamême
source lumineuse et si celle-ci est monochromatique et de petite taille.
Youngeutl’idéed’éclairer,àl’aided’unetellesourcelumineuse,unécran
opaque percé de deux trous, eux-mêmes quasi-ponctuels. Ce dispositif,
appelédepuisdispositifdestrousd’Young,permitàcedernierd’observer
sur l’écran non pas deux taches lumineuses mais des franges brillantes
alternantavecdesfrangessombressurtoutelazoneoùlesdeuxfaisceaux
serencontraient.Cetteexpériencerevêtunegrandeimportance:auXIXe
siècle,seulelathéorieondulatoirepermetd’expliquerquedeuxfaisceaux
delumièrepuissents’annulerensesuperposant.Lesfrangessombresde
la figure d’interférence correspondent en effet au lieu où les deux ondes
qui se superposent sont en opposition de phase (l’amplitude de la
premièreétantopposéeàcelledelaseconde).

Letriomphedel’optiqueondulatoire:Fresnel
Plus de cent ans après les travaux d’Huygens, ceux d’Young avaient
permisd’imposerlemodèleondulatoire.Maisc’estauFrançaisAugustin
Fresnel(1788-1827)quel’ondoitvraimentladiffusiondecettethéorie.
GravuredeFresnellibrededroits(celledelacouverture)(8)
Fresnel(1788-1827)

Entre1815et1819,Fresnelareprislathéoriedesondelettessecondaires
qu’avait déjà proposée Huygens et parvint à ramener le phénomène de
diffraction à un problème d’interférences entre ces ondes. Dès cette
époque, il considérait la lumière comme une vibration sinusoïdale. Il
affirmaitaussiquel’amplitudeetlaphasedel’ondelettesecondaireémise
par l’obstacle diffractant étaient la même que celle de l’onde lumineuse
initiale.Lorsque,en1818,ilprésentadevantLaplace,Biot,Poisson,Arago
et Gay-Lussac à l’Académie dessciences ses travaux sur la diffraction, il
avaitdevantluiunjurydonttroisdescinqmembresétaientréticentsface
à la théorie ondulatoire. Il parvint néanmoins à les impressionner et
remporter le prix. L’opinion de Fresnel au sujet des ondes lumineuses a
évoluéau coursdesa carrière.Jusqu’en1821 ila cruque lalumière était
unevibrationlongitudinalec’estàdirequ’elleconstituaitunébranlement
dirigé dans le sens de propagation de l’onde. Cette conception s’explique
parlesanalogiesquiontsouventétéfaitesentrelapropagationlumineuse
etla propagationsonore. Mais,dès 1816,il s’étaitheurté àl’impossibilité
d’expliquer par cette théorie la non interférence de deux faisceaux
pourtantissusd’unemêmesource.Lesrayonsconcernésétaientceuxqui
émergeaientd’uncristaldespath.Untelcristalestbiréfringent:lorsqu’il
est éclairé par un rayon incident, il émerge non seulement un premier
rayon (appelé rayon ordinaire) dont la trajectoire est celle du rayon
émergent prévu par l’optique géométrique, mais aussi un second rayon
(appelérayonextraordinaire) quiest parallèleau premier.Le faitque les
rayons ordinaire et extraordinaire, issus du spath, ne fournissent pas
d’interférences a conduit Fresnel à abandonner la théorie des vibrations
longitudinales et à conclure que le vecteur véhiculant l’onde lumineuse
(onnesavaitpasencorequ’ils’agissaitduchampélectromagnétique)était
transverseparrapportàladirectiondepropagation.Eneffet,c’estparce
que la polarisation du champ, c’est à dire sa direction dans le plan
transverse, n’est pas la même pour ces deux rayons que ces derniers ne
peuventpasinterférer.
Fresnel estimait que le caractère transversal des ondes lumineuses
impliquait que l’éther, ce milieu hypothétique dans lequel ces ondes
étaientcenséessepropager,possédâtlespropriétésdel’étatsolide.Mais,
danscetteoptique,ilétaitdifficiled’imaginerquecemilieun’entravâtpas
le mouvement des corps… On s’interrogeait d’ailleurs beaucoup sur son
mouvement : suivait-il la Terre dans sa rotation ou était-il absolument
immobile? Depuis1728 etles observationsdel’astronome anglaisJames
Bradley(1693-1762),onsavaitquelapositiond’uneétoilepouvaitdifférer
suivant l’époque de l’année où elle était observée. Or ce déplacement
apparent,connu sousle nomd’« aberrationstellaire »,n’existeraitpas si
laTerre, dansson mouvement,entraînait avecelle l’hypothétiquemilieu
danslequelsepropagentlesondeslumineuses…Àlafindesavie,Fresnel
avait d’ailleurs exclu cette éventualité. Tout au plus évoquait-il un
entraînementpartielettrèslimitédel’étherparlaTerre.
On sait désormais, suite aux travaux de Maxwell en 1865, et depuis la
confirmation expérimentalequ’en apporta Hertz en 1887,que la lumière
que nous qualifionsde « visible » est uneonde électromagnétique et l’on
connaîtleséquationsquipermettentdeprévoirlecomportementdecette
onde dans différents milieux. Le domaine de sensibilité de l’œil humain
est limitéaux longueurs d’ondescomprises entre 400nanomètres et 750
nanomètresmaislesinfrarouges,découvertsen1800etquinenoussont
pas visibles, ont le même comportement que les ondes visibles ; leur
longueurd’ondeestsimplementplusgrande:elleestcompriseentre750
nm et 1 mm. C’est le compositeur de musique et astronome germano-
britanique William Herschel (1738-1822), celui-là même qui avait
découvert,en1781,laplanèteUranus,qui,lepremieraprouvél’existence
des rayonnements infrarouges. À l’époque, on les appelait « rayons
calorifiques » et c’est en utilisant des thermomètres qu’Herschell les a
détectésendécomposant,àl’aided’unprisme,delalumièreblanche.Un
an plus tard, en 1801, le médecin et physicien prusse Johann Wilhelm
Ritter(1776-1810),prouvaitque,endeçàdeslongueursd’ondesde400nm,
se trouvent aussi des rayonnements invisibles : il s’agit des ultraviolets.
LesondesélectromagnétiquesproduitesparHertzen1887avaient,quant
àelles,unelongueurd’ondede60cm:ils’agissaitdemicro-ondes…
Encette findeXIX esiècle, lalumièrevisible apparaîtcommeune onde
électromagnétiqueau mêmetitreque lesultraviolets,les infrarouges,les
micro-ondesoulesondesradio.
Il faudra attendre 1895 pour découvrir les rayons X et 1898 pour
découvrirlesrayons g,cesondesélectromagnétiquesdelongueurd’onde
inférieureaunanomètre.Ceseraaussiàcetteépoqueoùl’oncroyaittout
savoirsurlalumièrequedenouvellesquestionsontébranlétrenteansde
certitudes…

3.Ondécouvriraplustardqu’ils’agitd’untempsdetrajet«extrémal»
4.Illasous-estimad’environ30%
Laphysique«moderne»

À la fin du XIX e siècle, les grands domaines de la physique semblaient
tous maîtrisés : le XVII e siècle avait vu se construire la mécanique, qui
avait triomphé au XVIIIe  ; quant au XIX e siècle, il avait été celui de la
thermodynamique,del’optiqueondulatoireetdel’électromagnétisme.La
physique se sentait alors très puissante. En 1895, il était admis que la
lumièreétaitune ondeélectromagnétique,qu’il étaittoujours possiblede
calculer la trajectoire d’une particule à condition de connaître les forces
s’appliquant sur celle-ci, et que le temps était absolu. C’est entre 1890
et 1920 que ces certitudes furent remises en cause et que la physique
connutdeuxrévolutions…
Au début du XXe siècle, la théorie ondulatoire de la lumière issue des
travauxdesphysiciensdusiècleprécédentavaitl’avaldelacommunauté
scientifique: commeles ondesradios, commeles ultra-violetset comme
les infra-rouges, lalumière visiblepouvait êtredécrite par lathéorie des
ondes électromagnétiques, ce qui permet de comprendre et analyser les
phénomènesd’interférence,dediffractionetdepolarisation.
Pourtant,deuxfaitsexpérimentaux,inexplicablesdanslecadredecette
théorie,vontfairevacillerlebelédificequecelle-ciconstituait:ils’agitde
l’analyse du spectre de rayonnement du corps noir et de l’effet
photoélectrique.
Aumêmemoment,alorsquel’analysedecesdeuxphénomènesallaient
donner naissance à la physique quantique et à la physique relativiste,
l’aventureatomiquedébutait…
Aussi, peut-on dater de 1895, l’entrée de la physique dans l’époque
«moderne».

Lesatomes
Lathéorieselonlaquellelamatièreestforméed’atomesestapparuedès
le XIXe  siècleet ellea été initialementportée par leschimistes. Leterme
d’atome,issudugrecátomos(«insécable,noncoupé»),avaitétéintroduit
dèsl’Antiquitéparlesphilosophesatomistes:ils’agissait,auxyeuxdeces
derniers, du plus petit élément qu’il était possible de trouver dans la
matière.
Ladécouvertedelanotiond’élémentchimiquefaitpartiedel’histoirede
la chimie et non de celle de la physique. Il nous serait, pour autant,
impossibledenepasl’évoquer,mêmebrièvement,danscetouvrage.C’est
leBritanniqueJohnDalton(1766-1844)qui aécritles premièrespagesde
ce chapitre de la chimie en développant une théorie selon laquelle la
matière est composée d’atomes de masses différentes qui se combinent
suivantdesproportionssimples.Rappelonsd’ailleursque,bienquecelle-
ci donnât des résultats très satisfaisants, leschimistes du XIXe  n’avaient
pastousimmédiatementadhéréàcettethéorieetquecertainsd’entreeux
sontrestéslongtempssceptiquessurl’existencemêmedesatomes.
À la suite des travaux de Dalton, les arguments étayant la thèse
atomique n’ont cessé de se multiplier. Et si dans la célèbre maxime
attribuée à Lavoisier (« rien ne se perd rien ne se crée tout se
transforme»),c’estd’élémentchimiquequ’ilestquestion,c’estavanttout
parce que, à cette époque, on confondait les concepts d’éléments
chimiquesetd’atomes…
À la fin du XIXe siècle, les travaux du Russe Mendeleïev (1834-1907)
avaient,eux-aussi,contribuéàrallierleschimistesàlathéorieatomique.
En 1869, Mendeleïev avait, en effet, proposé une classification des
élémentschimiquesquiétaitl’ancêtredutableaupériodiquedeséléments
que l’on trouve désormais dans les salles de cours des lycées et des
universités. Les éléments chimiques qui se trouvaient sur une même
colonnedutableaupossédaienttouslesmêmespropriétéschimiques,etle
génie du chimiste russe avait été de laisser dans son tableau des cases
vides destinées à accueillir les éléments qui, dans le futur, allaient être
découverts.
Ainsi,encettefindeXIXesiècle,unefoisl’existencedel’atomeprouvée
par les chimistes, il incombait aux physiciennes et aux physiciens de
statuer sur la nature de ce dernier. L’atome était-il une particule
élémentaire? Oubien, aucontraire, existait-ildesparticules pluspetites
ensonsein?
Àcetteépoque,l’électron,leneutronetleprotonrestaientàdécouvrir…
L’étude des décharges électriques dans les gaz raréfiés allait permettre
de commencer à avancer sur ce sujet. Celle-ci avait débuté dans la
première moitié du XIXe siècle, à la suite des travaux de Julius Plücker
(1801-1868)etelleallaitdésormaismobiliserdenombreuxscientifiques.
À la fin du XIXe siècle, le chimiste et physicien britannique William
Crookes (1832-1919) avait réussi à perfectionnerles tubes à décharges ce
qui permit, en 1895, au Français Jean Perrin (1870-1942) d’identifier les
rayonsémisdanscestubes5commeunensembledecorpusculeschargés
négativement.
Ceschargesnégativesavaientdéjàétéidentifiéesparleschimistes.
Eneffet,depuislestravauxdeFaradaysurl’électrolyse,leschimistesdu
XIXe siècle avaient étudié les propriétés de la charge des espèces qui se
trouvaient en solution aqueuse et ils avaient constaté que celle-ci était
toujoursmultipled’une chargeélémentaire(que l’ondésigne aujourd’hui
par la lettre « e »). Les corpuscules présents dans les rayons étudiés par
JeanPerrinportaient,quantàeux,lacharge-e.GeorgeStoney(1826-1911)
proposadenommer«électrons»cesparticules.Finalement,c’esten1897
queJosephThomson(1856-1940)parvientàmesurerlagrandeur-e/m,où
m désigne la masse des électrons, en étudiant leur trajectoire dans un
champ magnétique. Joseph Thomson recevra d’ailleurs le prix Nobel de
physiqueen1906«poursesrecherchesthéoriquesetexpérimentalessur
laconductivitéélectriquedanslesgaz».
Ainsi,en1897,lesphysiciensontenfinidentifiéleschargesnégativesde
l’atomeet ilssavent aussique lamatière estglobalement neutre,c’est-à-
dire non chargée. Une nouvelle question se pose alors à eux : si l’atome
contientdesélectronsnégatifs,sous quelleformese trouventles charges
positives?
Joseph Thomson est convaincu que les charges positives sont diffuses,
c’est-à-dire réparties uniformément dans le volume de l’atome, mais un
étudiant néo-zélandais, le jeune Ernest Rutherford (1871-1937), venu
étudieràCambridgesoussadirection,vamontrerqu’iln’enestrien.Pour
cela, Rutherford étudie le comportement d’un faisceau de particules
d’héliumioniséquel’on bombardesur unemincefeuille d’or.Il constate
quelesparticulessontdéviées.Celanepeuts’expliquerquesilescharges
positives de l’atome sont confinées dans un très petit volume dont les
dimensionstransversalessontprèsdedixmillefoispluspetitesquecelles
de l’atome.Rutherford vientde découvrir lenoyau atomique danslequel
sont regroupées les charges positives… Il vient aussi de prouver que
l’atome − tout comme la matière − est essentiellement composé de vide
(onparledestructure«lacunaire»).
Quelques années plus tard, ce même Rutherford s’intéressera aux
transformationsquepeuvent subircertainsnoyaux atomiqueset, avecle
jeune Anglais Frederick Soddy (1877-1956), il comprendra que les
transformations radioactives correspondent à des transmutations
nucléaires (c’est-à-dire à des transformations du noyau de certains
atomes).

Laradioactivité
Les phénomènes liés à la radioactivité ont passionné le public.
Aujourd’huiencore,cechapitredel’histoiredelaphysique,dontlafamille
Curie occupe de grandes pages, fait partie des plus vulgarisés. En 1895
déjà, les travaux sur l’électron que nous venons d’évoquer, avaient été
quelque peu éclipsés par la découverte stupéfiante et très médiatisée de
l’AllemandWilhelmConradRöntgen(1845-1923).Cedernieravaiteneffet
annoncé, le 8 novembre 1895, une « nouvelle sorte de rayons » auxquels
lesobjetsétaientplusoumoinstransparents.
Deuxansaprèsladécouvertedecesrayons,quel’onappelaitrayonsX,
les hasards de la météorologie ont permis au Français Henri Becquerel
(1852-1908) d’observer un nouveau fait troublant. On connaissait déjà
alors la fluorescence des sels d’uranium exposés à la lumière. Mais
Becquerel s’aperçut aussi que, même dans l’obscurité, ces derniers
émettaient des rayons qui impressionnaient encore les plaques
photographiquessurlesquellesonlesposait.
Parmi les physiciensqui se sont intéressés ausujet, Marie Sklodowska
(1867-1934),qui, en 1895,avait épousé PierreCurie (1859-1906), disposait
d’un instrument de précision : l’électromètre piézo-électrique mis au
point par son mari. C’est elle qui inventa le terme de radioactivité. En
1898, Marie Curie mit ainsi en évidence la radioactivité du thorium. Les
époux Curie isolèrent ensuite un élément encore plus radioactif que
l’uranium qu’ils baptisèrent polonium en hommage au pays dont Marie
était originaire.Enfin, lamême année,ils mirent enévidence leradium,
élémentmillefoisplusradioactifquel’uranium.
La personnalité remarquable des époux Curie, exemple type de
chercheursdésintéressésetguidésparleurpassioncommune,afaitd’eux
un véritable mythe. Ces pionniers de l’aventure atomique reçurent avec
BecquerelleprixNobeldephysiqueen1903.Aprèslamortaccidentellede
Pierre en 1906, Marie continuera sa carrière de chercheuse. Elle
parviendra à déterminer la masse molaire du radium et recevra le prix
Nobeldechimieen1911.

GravuredeMarieCurielibrededroits(celledelacouverture)(12)
MarieSklodowska,ép.Curie(1867-1934)

Les travaux sur la radioactivité, qui ont permis de mieux connaître la
naturedunoyauatomique,ontconduitàladécouverteduneutronen1932
par Chadwick (1891-1974). Ce dernier avait été l’élève de Rutherford qui,
rappelons-le, avait découvert l’existence, dans l’atome, d’un noyau de
petitetaillecontenantlesprotons.
Rutherford, aussi, avait envisagé, dès 1920, l’existence de particules
neutres de masse deux mille fois plus grande que celle de l’électron :
l’hypothèse de l’existence du neutron avait donc été formulée à
Cambridge.C’estprobablementparcequ’ilétaitculturellementpréparéà
cetteéventualitéqueChadwickasuinterprétercorrectementlesrésultats
expérimentauxpubliésen1930enAllemagneparWalterBothe(1891-1957)
et, en France, en 1931, par Irène Joliot-Curie (1897-1956) et son époux
FrédéricJoliot(1900-1958).
Chadwick,lepremier,compritquelamasseetlespropriétésdecertains
noyaux s’expliquaient par la présence en leur sein de cette particule
neutrequiétaitprèsdedeuxmillefoispluslourdequel’électron.
C’est le nombre de protons présents dans le noyau atomique qui
caractérisel’élémentchimique.
Deuxatomespossédantlemêmenombredeprotonsmaisunnombrede
neutrons différents représentent le même élément chimique mais ils
n’ont pas forcément les mêmes propriétés physiques. On les appelle des
« isotopes ». Comme leur nom l’indique, deux isotopes se trouvent à la
«mêmeplace»(engrec«iso»signifie«égal»et«topos»«lieu»)dansla
classification périodique de Mendeleïev. Ils se comportent de la même
façon dans les réactions chimiques, mais ils n’ont pas les mêmes
propriétésnucléaires:pourunmêmeélémentchimique,certainsatomes
peuvent être radioactifs et d’autres non. Par exemple, le carbone 12 (6
protonset6neutrons),quiestlecarboneleplusabondantsurTerre,n’est
pas radioactif alors que le carbone 14 (6 protons et 8 neutrons) est
radioactif.
Il existe plusieurs types de radioactivité et, jusqu’en 1930, seule la
radioactivité naturelle avait été identifiée. L’Uranium 238 (92 protons et
146 neutrons) se transforme ainsi spontanément en Thorium 234 (90
protonset144neutrons),quiestpluslégerquelui,etcettetransmutation
s’accompagne de l’émission d’une particule alpha (noyau d’hélium). Le
cobalt60(dontlenoyaucontient27protonset33neutrons)setransmute,
quant à lui, spontanément en nickel 60 (qui contient 28 protons et 32
neutrons):àl’intérieurdesonnoyau,unneutronsetransformedoncen
proton et il y a émission d’une charge négative (un électron) et d’une
particuleélémentaireappeléeantineutrinoélectronique.
La radioactivité artificielle est, quant à elle, découverte par Irène et
FédéricJoliotCurie.
Irène Curie, fille aînée de Pierre et de Marie Curie, a été initiée à la
physiquepar troislauréats duprixNobel :Paul Langevin,JeanPerrin et
sa propre mère. Dès 1918, alors qu’elle n’a que 21 ans, elle devient
l’assistantede samèreàl’InstitutduRadiumet c’estlàqu’ellerencontre
son mari, Frédéric Joliot qui prendra plus tard le nom de Joliot-Curie.
Ensemble, les deux époux synthétisent du phosphore 30 en bombardant
del’aluminium27avecunnoyaud’hélium.Lephosphore30n’existepasà
l’étatnaturelsurTerre:c’estunradioélémentartificielquisedésintègre
ensuite en silicium 30 en émettant un positron (antiparticule de
l’électron). Cette découverte vaudra à Irène et Frédéric Joliot-Curie,
l’attribution,dèsl’annéesuivante,duprixNobeldechimie.
Depuis la découverte des Joliot-Curie, il est devenu possible de
synthétiserdenouveauxisotopes,doncdenouveauxatomesetdoncaussi
denouveauxélémentschimiquesartificiels.Lepremierélémentchimique
artificielà avoirété produitaété baptisétechnétiumet ladécouverte,en
1937,del’isotopetechnétium97(43protonset54neutrons)aétéattribuée
àEmilioSegré (1905-1989)quisera lauréatduprix Nobelde physiqueen
1959.
Depuis cette époque, de nombreux éléments artificiels, tous radioactifs
et qui se désintègrent rapidement, ont été produits. La classification
périodique des éléments, historiquement proposée par Mendeleïev, ne
cesse de voir sa taille augmenter et, comme ce fut le cas pour le
technétium,chaquenouvelélémentsynthétisésevoitattribuerunnomet
un symbole. Ce nom est souvent lié soit à l’origine géographique du
laboratoire où il a été synthétisé soit au nom d’un physicien ou d’une
physicienne. Ainsi, le 8 juin 2016, l’IUPAC (International Union of Pure
and Applied Chemistry) a validé le nom des quatre derniers éléments
découvertsàcejour:ils’agitdunihonium,pourl’élément113,découvert
au Japon, du moscovium pour l’élément 115, en lien avec la ville de
Moscou,dutennessinepourl’élément117,enréférenceàl’étataméricain
du Tennessee, et, pour l’élément 118, de l’oganesson en l’honneur du
physicien nucléaire Iouri Oganessian (1933-) qui a travaillé sur les
élémentslourds
À l’heurede l’impression de cetteédition, les éléments119 et 120 n’ont
toujourspasétéproduitsetdécouverts.
https://iupac.org/what-we-do/periodic-table-of-elements/(19)
Laclassificationpériodiquedesélémentsen2023

Quantaetdiscontinuités
En 1900, la plupart des physiciens admettent que la matière est
discontinue : c’est un assemblage d’atomes, eux-mêmes constitués
d’électronsgravitantdanslevideautourd’unnoyau.Ilss’accordentaussi
surlefaitquelalumièreestcontinuepuisqu’ils’agitd’uneonde.
Dès lors, comment expliquer les interactions lumière-matière qui
s’observentcouramment?
L’un des deux faits expérimentaux sur lequel ils se questionnent
particulièrement concerne l’effet photoélectrique. Depuis 1888, on sait
que,enéclairantuneplaquedezincparunelampeàvapeurdemercure,il
est possible de lui arracher des particules chargées. En 1899, Philipp
Lenard (1862-1947) a identifié celles-ci comme étant des électrons. Cette
émission,dite photoélectrique,ne s’observeque lorsquela fréquencedes
rayonnements utilisés est suffisamment grande : ce sont les ultraviolets
delalampe aumercure quipermettent d’arracherlesélectrons aumétal
et il existe une fréquence seuil en dessous de laquelle, quelle que soit la
puissance du rayonnement utilisé, il est impossible d’observer l’effet
photoélectrique. La physique classique et les théories de Maxwell ne
permettentpasd’expliquercepoint.
Ledeuxièmeproblème auxquelssont confrontésles physiciensde cette
époque concerne le spectre de la lumière émis par des corps chauds.
L’expérience montre que la couleur d’un métal chauffé, autrement dit le
rayonnement thermique qu’il émet, dépend de la température à laquelle
onle porte.Tantque lecorpsémet dansl’infrarouge,nous nepercevons
pas de variation de sa couleur, puis, au fur et à mesure que sa
température augmente, nous le voyons rougir, puis devenir orange.
Lorsqu’il blanchit finalement, c’est parce que toutes les radiations du
spectrevisiblesesuperposent.
En1895,l’étudedurayonnementthermiqueporteessentiellementsurle
corps noir, modèle de corps qui absorbe toute l’énergie rayonnante qu’il
reçoit.Cetteannée-là,WilhelmWien(1864-1928)montrequ’uneenceinte
isolée, maintenue à température constante et fermée à l’exception d’une
petite ouverture, constitue une bonne approximation de corps noir. Le
problème est désormais de relier, pour une température donnée, la
densité d’énergie rayonnante dans l’enceinte à la température et à la
fréquence. Les formules auxquelles la théorie classique permet d’aboutir
conviennent uniquement pour les grandes longueurs d’ondes : elles
donnentparcontredesrésultatsaberrantspourl’ultravioletetendeçà.
« Catastrophe ultraviolette », tel est le nom que le physicien Paul
Ehrenfest(1880-1933) donnera àce problèmesur lequel butela physique
classique.
Le physicien allemand MaxPlanck (1858-1947) s’attelle immédiatement
à sa résolution : il utilise la statistique de Boltzmann et, pour que la
formule à laquelle il aboutit soit en excellent accord avec l’expérience, il
introduit une constante h dont la dimension est celle du produit d’une
énergie par un temps. Planck a alors le génie d’interpréter ce qui, au
départ,ne paraîtconstituerqu’un simpleartifice decalcul.Dans unélan
relevant d’une formidable intuition, il comprend que les échanges
d’énergie entre la matière et l’onde électromagnétique s’effectuent par
paquetsd’énergie(ouquantad’énergie).Chacundecesquantatransporte
une quantité d’énergie égale au produit de h par la fréquence du
rayonnement. Ce concept est révolutionnaire puisque, jusqu’alors, on
pensait que les échanges d’énergie pouvaient à priori prendre n’importe
quellevaleur.
Naturanonfacitsaltus
« La nature ne fait pas de saut », comme l’écrivait Leibniz, et comme
l’ont cru les scientifiques jusqu’en 1900, année où Planck remet cela en
causeenfaisantapparaîtrecettequantificationdanslaquellelaconstante
fondamentale h, qui porte désormais le nom de « constante de Planck »,
joueunrôlemajeur.
Notons d’ailleurs que cette constante a une grande importance en
physique:ainsi,depuismai2019,le kilogrammeestdéfiniparle bureau
international des poids et mesures, non plus par un prototype étalon
matériel, comme cela a été le cas pendant plus d’un siècle, mais par
rapport àla valeur numérique fixéede la constante dePlanck, h, égale à
6,62607015×10 −34 J⋅s(unitéégaleaukgm2s−1).LaconstantedePlanckest
donc aujourd’hui l’une des constantes fondamentales de la physique, et
ellesertdebaseausystèmeinternationald’unités.
Entre1900et1905,lesidéesdePlancksesontrapidementrépanduesau
sein de la communauté scientifique. Pour autant, le second problème
encore en suspens, celui relatif à l’effet photoélectrique, n’était toujours
pasrésolu.
C’estunjeuneexpertdevingt-sixans,travaillantàl’officedesbrevetsde
Berne, qui va y parvenir. Ayant abandonné ses études secondaires
allemandes qu’il jugeait inadaptées, il avait émigré en Suisse et intégré
l’Ecole Polytechnique de Zurich. Cet homme, figure désormais
emblématiquedelasciencemoderne,atoujoursétéconscientdecequela
physiqueduXXesiècledevaitàPlanck.
C’est dans un article publié en mars 1905 que le jeune Albert Einstein
(1879-1955) interprète l’effet photoélectrique. Il postule l’existence, dans
unrayonnementdefréquencedonnée,degrainsdelumière 6transportant
chacununeénergiedonnée.Commepourlesquantamisenévidencepar
Planck, l’énergie de ces grains de lumière est égale au produit de la
fréquence par la constante h : plus le rayonnement a une fréquence
élevée,plusl’énergietransportéeparlephotonestgrande.Lesultraviolets
ont des fréquences plus grandes que les rayonnements visibles, et les
photons ultraviolets, qui sont plus énergétiques pourront, contrairement
aux photons visibles, engendrer l’effet photoélectrique. La théorie
corpusculairepermetdoncd’interpréterrigoureusementceteffet.
La question est alors la suivante : comment la lumière peut-elle être
simultanémentuneondeetunensembledeparticulesquisedéplacent?
Silalumièreestuneonde,sondomained’étudeestceluidelaphysique
ondulatoire et, par conséquent, celui de l’électromagnétisme. Si c’est un
ensemble de photons en mouvement, son analyse relève plutôt de la
mécanique. Ces deux théories semblent s’exclure mutuellement et être
incompatibles.
Ledébatsurcesujetdiviseetpassionneimmédiatementlacommunauté
scientifique.
Àcetteépoque-là,lalumièreétaituneondeleslundis,mercredisetvendredis,
et un ensemble de particules les mardis, jeudis et samedis. Il restait le
dimanchepourréfléchiràlaquestion!
Cetteanalyse,nondénuéed’humour,estcelleduphysicienetprixNobel
RichardFeynman(1918-1988).
Effectivement, la théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire
semblaient coexister et se contredire. Pourtant, dès 1905, Einstein, lui-
même,pensaitqu’iln’yavaitpaslieudedresserunefrontièreimmuable
entrecesdeuxdomaines.Quelquesannéesplustard,leFrançaisLouisde
Broglie(1892-1987)s’emploieraàprouverqu’ilexisteunlienplusgénéral
entreondesetcorpuscules:convaincuqueladualitéonde-corpusculene
selimitepasàlalumière,ilpropose,dès1923,degénéralisercelle-ciàla
matière dans son ensemble. À tout corpuscule de masse donnée et de
vitessedonnée,deBroglieproposed’associerune«ondedematière»dont
la longueur d’onde est d’autant plus petite que la vitesse et la masse du
corpusculesontgrandes.
La constante de Planck h, une fois de plus, intervient dans le calcul de
cettelongueurd’onde.
Elle permet de calculer précisément la longueur d’onde de l’onde de
matière.Parexemple, lalongueur d’ondede l’ondede matièreassociéeà
unélectronaccélérésousunetensionde1000Voltsvaut4 ×10 −11mètres.
Concrètement,celasignifiequesi untel faisceaurencontredes obstacles
de cet ordre de grandeur (par exemple des plans réticulaires dans un
cristal), alors le faisceau d’électrons peut subir une diffraction ou des
interférencescommeleferaituneonde.LorsquedeBroglieproposecette
hypothèsedanssontravaildethèse,ilnes’agitqued’untravailthéorique.
Mais il a l’intuition que sa confirmation expérimentale ne se fera pas
attendre. Effectivement, dès 1927, les Américains Clinton J Davisson
(1881-1958) et Lester H. Germer (1896-1971) d’une part, et le Britannique
George Thomson (1882-1975), fils de Joseph Thomson, d’autre part,
parviennent à faire interférer des faisceaux d’électrons comme
interfèreraientdesfaisceauxdelumière.Ainsi,silesélectronsinterfèrent,
c’est parce qu’ils ont bel et bien un comportement ondulatoire. Cette
expérience vient donc à point pour légitimer les travaux de Louis de
Broglie, et ce dernier reçoit le prix Nobel deux ans plus tard pour « la
découverte de la nature ondulatoire de l’électron ». Clinton Davisson
partagera,quantàlui,en1937,cettedistinctionavecGeorgeThomsonqui
recevraunNobelvingtetunanaprèssonproprepèreJoseph.Ànoterque
Davisson et Thomson seront primés « pour leur découverte de la
diffraction des électrons par les cristaux » alors que Germer, bien
qu’ayantfaitl’objetdevingt-deuxnominationspourleNobel,n’obtiendra
jamaiscetterécompense…

Naissancedelamécaniquequantique
Louis de Brogliecomprend très vite que sa théoriene constitue qu’une
étape.Eneffet,lecomportementondulatoiredelamatière,toutcommela
quantificationdel’énergie,quifigureaussidanslemodèleatomiquequ’a
proposéNielsBohr,devraientapparaîtrecommedesconséquencesd’une
théorieplusglobale…Orcen’estpaslecaspourl’instant.
C’est pour répondre aux nombreuses questions que nous venons
d’évoquerquelaphysiquequantiqueavulejourentre1924et1925grâce
aux travaux menés à l’école de Copenhague par Niels Bohr (1885-1962),
Werner Karl Heisenberg (1901-1976) et Pascual Jordan (1902-1980), au
Royaume Uni par Paul Dirac (1902-1984) et en Allemagne par Max Born
(1882-1970), Erwin Schrödinger (1887-1961) et Wolfgang Pauli (1900-
1958)7.
Suggestion:GravuredeNielsBohr(13)
NielsBohr(1885-1962)

Cettethéoriedépassel’apparenteoppositionentrelesconceptsd’ondeet
de particule. Elle montre que si les dimensions du problème étudié sont
dumêmeordrequelalongueurd’ondedelaparticule,alorsonn’aplusle
droitd’utiliserleconceptdetrajectoire.
Le fait que la notion de trajectoire n’ait aucun sens en physique
quantique peut surprendre. Et pourtant, il est impossible de savoir
exactementoùsetrouveunélectronàl’intérieurd’unatome:toutauplus
peut-ondirequ’ilestdansunecertainerégion.C’estuneconséquencede
l’unedes deuxrelations d’incertitudequ’Heisenbergtranscrivit en1927 :
onneconnaîtrajamaisavecuneprécisionabsoluelavitesseetlaposition
d’une particule. La constante de Planck h, toujours elle, joue un rôle
majeur dans ces relations : ce que l’on gagne en précision sur la
connaissancedelaposition,onleperdsurlaconnaissancedesvitesseset
réciproquement. Notons que, fort heureusement pour nous, l’ordre de
grandeurdehesttrèsfaible(6,62607015×10−34Js).Ceciexpliquequeles
effets quantiques ne se manifestent pas à notre échelle. Quelle que soit
notrevitesse,ilesttoujourspossible desavoiroùnous noustrouvons.Si
l’on voulait connaître la position d’un individu de 50 kg marchant à
3 km/heure à un milliardième de nanomètre près, l’incertitude sur la
vitesse de ce dernier ne serait que de quelques milliardièmes de
nanomètres par seconde, ce qui est indétectable. Si la valeur de h était
touteautre,nousserionsnous-mêmesoumisauxrelationsd’incertitudes
deHeisenberg,etserionssusceptiblesdenousretrouver«délocalisés»en
plusieurs endroits au même moment… Il en va tout autrement pour un
électronquisetrouveàl’intérieurd’unatome.Lemodèleschématiquequi
consisteà représenterl’atome commeunsystème planétairedans lequel
les électrons suivraient des orbites bien définies autour du noyau ne
fonctionnepas.Eneffet,larelationd’incertitudedeHeisenberglimitede
manière intrinsèque la connaissance que nous avons de la position de
l’électrondansl’atome.
Commelanotiondetrajectoiren’estpasutilisableauniveauquantique,
il a fallu introduire de nouveaux outils mathématiques pour étudier les
particules. La notion de probabilité de présence joue un grand rôle en
mécanique quantique où les corps étudiés s’identifient désormais à la
fonction d’ondequi leur est associée. Ainsi, demême que pour établir la
trajectoire d’un corps en physique classique il fallait résoudre les
équations issues de la deuxième loi de Newton, de même, pour calculer
l’ondedeprobabilitéassociéeàlaparticule,ilfautrésoudreuneéquation.
Celle-ci fut proposée par Schrödinger en 1926 et porte aujourd’hui son
nom. La résolution de l’équation de Schrödinger permet, entre autres
choses, de retrouver la quantification de l’énergie de l’électron à
l’intérieurdel’atome…
Lesrecherches surla mécaniquequantique sesont ensuitepoursuivies
sousl’impulsiondeNielsBohrdanslecadredel’écoledeCopenhague.
L’état quantique est décrit comme une description de l’histoire du
système qui permet de calculer les probabilités de mesure. Selon
l’interprétation de Copenhague, c’est le fait d’effectuer une mesure qui
permet à un état d’exister. En 1935, Schrödinger évoque l’intrication
quantique et affirme que deux systèmes quantiques différents ayant
interagineserontplusindépendantsetquelesrésultatsdesmesuresdes
deuxsystèmessontcorrélés.Lamêmeannée,dansunarticleanglophone
de quatre pages intitulé « la description de la réalité par la mécanique
quantique peut-elle être considérée comme complète ? », est formulé le
paradoxe dit « EPR » du nom de ses trois auteurs Albert Einstein, Boris
Podolsky (1896-1966) et Nathan Rosen (1909-1995) initiant une
controversequidureraprèsdevingtansentreEinsteinetBohr.Einstein
et ses collaborateurs considèrent en effet que la théorie quantique est
incomplèteetqu’ilexiste desvariablescachées. Nousverrons,à lafin de
cetouvrage,comment,en1961,lephysicienAméricainJohnStewart Bell
(1928-1990)aanalyséleparadoxeEPRetcommentcertainesexpériences,
dontcellesduFrançaisAlainAspect(1947-),prixNobeldephysique2022,
ontpermisdestatuersurcettequestion.

Céléritédelalumièreetrelativitérestreinte
Début du XXe siècle :au prix d’une révolution scientifique, la première
zone d’ombre qui planait sur la physique − l’interprétation de l’effet
photoélectrique−vientdes’éclaircir.
Exactement à cette même époque, alors même que la mécanique
quantique est en train de bousculer plusieurs siècles de certitudes et
commence à fasciner les philosophes des sciences, naît dans l’esprit
d’Einsteinuneautrethéorie,toutaussirévolutionnairequelaprécédente.
Ils’agitdelathéoriedelarelativité.
En1900,lathéorieondulatoiredelalumières’insèreparfaitementdans
lecadredelathéorieélectromagnétiquedeMaxwelltandisquelesloisde
Newton permettent d’expliquer le mouvement des corps matériels. Or,
ces deux théories semblent très difficiles à relier. Le problème est
essentiellementdûàl’hypothétiquemilieumatérielquel’onavaitnommé
« éther », milieu supposé véhiculer les ondesélectromagnétiques et dont
onsaitsipeudechoses…
En 1881, Albert Abraham Michelson (1852-1931) a effectué une
expérienced’optiquequi,unevingtained’annéeplustard,vapermettreà
Einsteinderévolutionnerlaphysiqueclassique.LebutdeMichelsonétait
d’évaluerlavitessedel’étherparrapportàlaTerre.ÀlafinduXIX esiècle,
la plupart des scientifiques pensaient, en effet, que cet hypothétique
milieuétaitabsolumentimmobiledansl’Universetqueledéplacementde
la Terre dans celui-ci créait un « vent d’éther ». D’après la théorie
newtoniennedecompositiondesvitesses,lavitessedelalumièremesurée
parrapportl’étherdevraitêtreégaleàlasommedelavitessemesuréepar
rapportàlaTerreetdelavitessedelaTerreparrapportàl’éther.Ainsi,la
valeur de la vitesse de la lumière mesurée par rapport à la Terre devait
différerlégèrementsuivantladirection:ons’attendaitàcequelavaleur
mesurée soit plus faible si la lumière se propageait dans le sens du
mouvement de la Terre et plus grande en sens inverse. On s’attendait
aussià ceque l’écartentre lesvitessesmesuréessoit relativementfaible.
Eneffet,laTerreparcourtchaqueseconde30kilomètressursatrajectoire
elliptique autour du soleil alors que la lumière parcourt près de 300 000
kilomètreschaqueseconde.
Seules des mesures extrêmement précises pouvaient permettre
d’effectuer la comparaison escomptée. Les méthodes
interférométriques − basées sur les interférences d’ondes lumineuses −
devaientpermettred’yparvenir.
En 1881,Michelson futle premier àréaliser cette mesureque l’histoire
dessciencesappellesouventexpériencedeMichelsonetMorley,associant
au nomde Michelson celui duphysicien Edward Morley(1838-1923) qui,
en 1887,effectua la deuxièmetentative. Cette expérience, quifut réitérée
ungrandnombredefois,nepermitjamaisd’observerl’effetescompté:il
était impossible, en mesurant la vitesse de la lumière, de détecter un
quelconqueécartsuivantladirectiond’observationparrapportàlaTerre.
Autrement dit, la vitesse de la lumière semblait indépendante du
mouvementde celui quila mesurait.Tout sepassait comme sila vitesse
delaTerreparrapportàl’étherétaitnulle.Ainsi,nonseulementle«vent
d’éther » n’était pas détectable mais la vitesse de la lumière semblait
indépendanteduréférentieldanslequelelleétaitmesurée.
Ce dernier point est particulièrement troublant. Pour illustrer le
problème posé, nous raisonnerons sur un autre type d’ondes. Prenons
donc l’exemple d’une vague qui se propage à la surface de l’eau.
Imaginonsqu’unobservateurA,postésurunedigue,mesurelavitessede
propagation de la vague et qu’un observateur B, qui se déplace sur sa
planche à voile dans le même sens que l’onde effectue la même mesure.
Onconçoit aisémentquela vitesseque mesureraAsera plusgrande que
celle relevée par B. Supposons maintenant que l’on puisse faire une
expérience similaire en s’intéressantnon plus à une onde se propageant
dansl’eaumaisàuneondelumineuse.Ons’attend, apriori,àtrouverun
résultat analogue. Or, l’expérience de Michelson prouve qu’il n’en est
rien : la vitesse de propagation de la lumière semble indépendante du
mouvementdeceluiquilamesure!Toutsepassedonccommesil’éther
était totalement entraîné par la Terre. Or rappelons que diverses
observations effectuées par le passé (notamment la détection des
aberrationsstellaires)avaientpermisd’exclureunetelleéventualité.
Ce résultat que ne pouvaient expliquer ni les théories de Newton ni
celles de Maxwell gêna de nombreux scientifiques… Leur première
réactionfutderemettreencausel’expériencemême.Certainsphysiciens
se sont employés à déterminer quel effet parasite pouvait expliquer
l’échec apparent de l’expérience de Michelson. Le Néerlandais Hendrik
Antoon Lorentz (1853-1928), qui reçut le Nobel en 1902 pour ses
recherches sur l’influence du magnétisme sur les phénomènes radiatifs,
et le mathématicien et physicien français Henri Poincaré (1854-1912)
effectuèrent des apports majeurs et décisifs en remettant en cause la
notion de temps absolu. Poincaré était le correspondant de Lorentz et il
proposa une transformation (baptisée transformation de Lorentz)
permettant de rendre les équations de Maxwell invariables par
changementderéférentiel.

Suggestion:Photod’Einstein(15)

AlbertEinstein(1879-1955)

Lorsque l’on utilise aujourd’hui le terme de « relativité » c’est aux
théories d’Einstein que l’on fait usuellement référence. Pourtant, au
XVIe siècle, c’est Galilée qui a montré que les lois de la mécanique
s’expriment de la même façon dans deux référentiels si l’un est en
translationrectiligneuniformeparrapportàl’autre8.Onparledeprincipe
derelativitégaliléennepourillustrercerésultat.
Ce qui gêne Einstein, à l’aube du XXe siècle, c’est que la lumière ne
semblepasobéirauprincipederelativité:lemilieudanslequelcelle-cise
propage paraît être absolu et il semble impossible de trouver un
référentielquisoitentranslationrectiligneuniformeparrapportàl’éther
etdanslequellalumièresepropageraitdefaçonanalogue…
De même que l’année 1666 avait été, selon sa propre expression,
l’« annus mirabilis » de Newton, Einstein, lui-aussi, connaît son année
merveilleuse. C’est, en effet, en 1905, l’année même où il a découvert le
photon, que le jeune Einstein révolutionne la mécanique. Cet éther si
mystérieux et si absurdement immobile, Einstein a le génie de
comprendre qu’il n’existe pas et que la lumière se propage dans le vide.
Ainsi,lesondesélectromagnétiquessontlesseulesquin’ontpasbesoinde
supportmatérielpoursepropager.
Enoutre,Einsteinestconvaincuqueleprincipederelativiténeselimite
pas à la matière et que la lumière doit forcément lui obéir. Il commence
parpostulerquelacéléritédelalumièredanslevideestindépendantedu
référentiel et, à partir de ce point, il réécrit, en 1905, les lois de la
mécaniqueclassique.
Notons que certains historiens des sciences se sont interrogés sur
l’influencequ’auraientpuavoirlestravauxdePoincaré(etnotammentla
communication faite par ce dernier le 5 juin 1905 devant l’Académie des
Sciences)surceuxd’Einstein.IlestdifficiledesavoirsiEinsteinavaiteu
connaissancede cette communication.Pour autant,il est clairque, aussi
immenses qu’aient été les avancées de Poincaré, ce dernier,
contrairement à Einstein, n’avait pas renoncé, dans sa théorie, à
l’existence de l’éther. Par ailleurs, c’est Einstein qui a montré que deux
événementssimultanés dansun référentielne l’étaientpas danstous les
autres.
Pourillustrercedernierpoint,aidons-nousd’unexempledanslequelles
intervenantspossèderaientdesmoyensdemesuresparfaitementprécis:
imaginonsdoncqueAetBsefassentfacesurunerouteetprennentune
photoauflash.Imaginonsqu’untroisièmepersonnage,C,soitimmobileà
égale distance de A et B. C reçoit les deux éclairs lumineux en même
temps. C conclut donc que « A et B ont pris la photo simultanément ».
Supposons maintenant que, sur une moto, un quatrième personnage, D,
se dirige vers B et passe devant C à l’instant précis où celui-ci reçoit les
deuxflashs.QuandAaenvoyésonsignallumineux,Dn’avaitpasencore
atteint l’emplacement de C : il était donc plus près de A que de B. Donc,
par rapport à D, le signal lumineux qu’envoie A parcourt une distance
plus petite que le signal envoyé par B. D recevra les deux signaux
lumineux au même moment (quand il passera devant C), mais sa
conclusionsera différentedecelledeC. Rappelonseneffetquela vitesse
delalumièredansle référentielliéà lamotoest lamêmequedans celui
lié à la route. Les deux signaux lumineux se propagent donc à la même
vitesseparrapportàD.Or,commeceluiémisparAaparcouruuneplus
petite distance, et comme il arrive en même temps que celui de B, D va
conclure que « B a appuyé sur le flash avant A ». Il apparaît ici que ce
qu’affirmeCcontreditcequ’énonceD.Pourtanttouslesdeuxontraison:
lanotiondesimultanéitédépenddupointdevuedel’observateur
Lasimultanéitéestrelativeetcelaremettotalementencauseleconcept
d’espaceabsolusurlequelreposelamécaniquedeNewton.Laduréed’un
phénomène− quel’onpeutdéfinircommel’intervalledetempsséparant
deuxinstantsprécis−n’aplusuncaractèreabsolupuisquelasimultanéité
entre un instant et le déclenchement d’un chronomètre dépend du
référentiel dans lequel le chronomètre se trouve. La notion de durée
dépenddoncdumouvementetladuréed’unphénomènevaaugmentersi
celui qui la mesure est en mouvement par rapport au référentiel où le
débutetlafinduphénomènesontlocalisésaumêmepoint.
Notonsque,comptetenudelavaleurdufacteurdedilatationdesdurées,
cephénomènen’estperceptiblequepourdesvitessestrèsprochesdecelle
de la lumière. À 100 000 km⋅s-1 , les durées ne varient que de 6 %. Aussi,
serait-il illusoire, en pratique, d’observer ce phénomène pour un
déplacement à moto… l’exemple précédent avait, bien évidemment,
seulementunevocationillustrative…
Unautre phénomènesouligné parEinstein concerneleslongueurs qui,
elles-aussi, dépendent du mouvement de celui qui les mesure. La valeur
maximalequepeutprendrelalongueurd’unobjetdonnéestcellequiest
mesurée dans le référentiel où celui-ci est immobile. Le mouvement
provoqueunecontractiondeslongueurs.
Notons enfin que le bureau international des poids et mesures définit,
depuis 1983,le mètre parrapport à lacélérité de lalumière qui estl’une
desconstantesfondamentalesdenotremonde.
Le mètre,symbole m, est l’unitéde longueur duSI. Il est définien prenant la
valeur numérique fixée de la vitesse de la lumière dans le vide, c, égale à
299792458lorsqu’elleestexpriméeenm⋅s−1

Masse,gravitationetrelativitégénérale
L’année 1905 avait été particulièrement féconde pour Einstein :
découverte du photon en mars, théorie de la relativité en juin… et ce
n’étaitpas fini! Laformule laplus célèbredela physiquemoderne aété
énoncée,elle-aussi,cetteannée-là.
E=Mc²
Cetteéquation qu’aretenue la postérité,présentéepar Einstein comme
uneconséquencedelathéorierelativiste,futpubliéeaucoursdumoisde
septembre.Elletraduitl’équivalenceentrelamasseetl’énergie:lorsqu’un
corpsémetunequantitéEd’énergie,samassediminuedeE/c².
L’existence d’une énergie « nucléaire » (libérée à partir de la fission de
noyauxlourdsoudelafusiondenoyauxlégers)estunedesconséquences
directesdecetteégalité.
Letravaild’Einsteinavaitétééblouissant.Pourtant,dès1907,cedernier
s’est trouvé insatisfait par la théorie de la relativité qu’il avait proposée.
Cequilecontrariait,c’étaitlecaractèreparticulierquisemblaitimpartià
lagravitation.Rappelonsque,depuisGalilée,onsavaitquetouslescorps
tombent dans le vide avec la même accélération. La deuxième loi de
Newtonpermettaitderetrouvercerésultatàconditiond’admettrequela
masseintervenantdanscetteloi(lamasseinertielle)étaitrigoureusement
lamême quecelle quipermetde définirla forcedegravitation (lamasse
gravitationnelle). Pourtant ceci est loin de constituer une évidence. Ces
deux grandeurs ne sauraient en effet revêtir la même signification
physique.Lamassegravitationnelle,oumassepesante,Mestdirectement
liéeau poidsdu corps,alors quela massemfigurant dansla secondeloi
deNewtonreflète,quantàelle,l’inertieducorps,c’estàdiresacapacitéà
résisteràlaforcequiluiestappliquée(pouruneforcedonnée,plusmest
grand,plusl’accélérationserafaibleetmoinslavitesseseramodifiée).
À partir de 1907, Einstein a du mal à se satisfaire du caractère si
exceptionneldelagravitation,quifaitintervenirdanssonexpressionune
grandeur liée à l’inertie et donc au mouvement. Cela le gêne à tel point
qu’il finit par envisager que l’inertieet la gravitation reflètent un seul et
mêmephénomène.
Nous allons nous aider d’un exemple – qui aurait été quelque peu
anachroniqueen1907−pourmontrerquelepointdevuequel’onutilise
peutêtredécisif…
Imaginonsqu’unastronautes’exerceàbordd’un avion.Supposonsque
l’onarrêtelapropulsiondel’avion.Cedernierquiestsoumisuniquement
au champ de pesanteur se met à décrire une trajectoire parabolique au
coursdelaquellesonaccélérationestégaleàg,accélérationdepesanteur
terrestre.
L’astronautesemetàflotterdanslacabine.Toutsepassedonccomme
sil’accélérationdel’avioncompensaitlagravitéetcommesil’astronaute
était dans une fusée se déplaçant à vitesse constante dans l’espace
interplanétaire.Ainsi,est-il impossibleque l’astronauteà borddel’avion
différencie les forces d’accélération (forces d’inerties) des forces de
gravitation. Il y a donc équivalence entre les forces inertielles et
gravitationnelles. Et c’est de ce principe d’équivalence qu’Einstein va
partirpourélaborerlathéoriedelarelativitégénéralisée.
Les travaux dans lesquels s’engagea Einstein dès 1907 nécessitaient
l’utilisation de concepts mathématiques d’avant-garde pour l’époque.
Pour la partie mathématique de son œuvre, il dut se faire aider par son
ami, le mathématicien suisse Marcel Grossmann (1878-1936), spécialiste
des géométries non euclidiennes. Non sans humour, Einstein a parlé de
cette époque en évoquant les « difficultés mathématiques » auxquelles il
futconfronté.
Dans cette nouvelle théorie, publiée en 1916, Einstein n’a pas hésité à
bouleversertotalementlaconceptionquenousavonsdelagravitationen
raisonnant sur un « espace-temps » à quatre dimensions. Dans cette
optique, la gravitation est présentée, non plus comme une force, mais
comme la modification de la géométrie de ce quadri-espace. Les objets
agissentsurcetespaceet,réciproquement,ilssubissentlesdéformations
de ce dernier. Si l’astronaute dans l’avion en chute libre ne perçoit pas
l’attractiondelaTerrec’estparcequel’espacedanslequelilsetrouvelui
masque cet effet (dans le quadri-espace envisagé, l’avion et l’astronaute
suivent la même trajectoire). Einstein affirme ainsi que tout corps se
déplaceensuivantle«cheminquiestlepluscourt»dansl’espace-temps
quil’entoure.Ainsi,deuxcorpsdemassesdifférentessituésdanslamême
région del’espace, vontsuivre lemême trajetet, s’ils sonten chutelibre
au voisinage d’un corps plus lourd qu’eux, ils auront le même
mouvement. Le phénomène de déformation de l’espace par les corps de
masse importante a aussi une autre conséquence : le trajet suivi par la
lumièredanscetespacedéforméseraluiaussidévié.
On imagine à quel point, en 1916, la relativité générale pouvait
surprendre. D’autant que seules les mathématiques étaient capables de
donnerune descriptionrigoureuse decetespace déformablemodifiépar
lesobjetsquis’ytrouvaient.Or,lesmathématiquesutiliséesdanslecadre
de cette théorie étaient tellement complexes que bien peu de personnes
dans le monde étaient à même de les comprendre. Cette théorie était
tellement peu intuitive et bouleversait tant les certitudes les plus
profondes que de nombreux physiciens n’étaient pas convaincus.
Commentimaginerunespace-tempsquin’existepassanslesobjetsquise
trouventensonsein?Dèslors,commentdéfinirletemps?
La théorie suscita néanmoins l’admiration de certains scientifiques
commeen témoignentcesmots del’astronome royalbritanniqueArthur
Eddington(1882-1944):
Que la théorie se révèle juste ou non, en fin de compte, peu importe, elle se
présente en tout cas comme un des plus beaux exemples de l’efficacité du
raisonnementmathématiqueengénéral.
Nombreuxétaientceuxquiavaientbesoinqu’unepreuvevîntconforter
la confiance qu’ils portaient aux travaux d’Einstein. Nous avons déjà
évoqué, dans le premier chapitre de ce livre, l’expérience décisive qui
permit d’apportercette preuve.C’est, en effet,Eddington qui, avecl’aide
du gouvernement britannique, organisa une expédition sur l’île de
PrincipeaulargedugolfedeGuinéepourobserverl’éclipsetotaledeSoleil
qui devait avoir lieu le 29 mai 1919. Le but était de vérifier l’une des
conséquencesde larelativité générale:la déviationdesrayons lumineux
auvoisinagedescorpsdetrèsgrandemasse.Ilestimportantderappeler
dans quel contexte historique cette expédition fut entreprise. En 1919, la
Première Guerre Mondiale était dans toutes les mémoires. Et ce
qu’Eddington proposait ce n’était rien moins que donner raison à un
savant allemand contre une figure emblématique du Royaume-Uni, le
génialIsaacNewton…
SiEinsteinavaitraison,Eddingtondevaitpouvoirobserveruneétoilese
situantderrièreleSoleil.Lesrayonsémisparcettedernière,devaient,en
effet,êtredéviésauvoisinagedenotreétoile.Cettepreuveexpérimentale
recueillielorsdel’éclipsedemai1919,futcommuniquéeàlaRoyalSociety
etàla RoyalAstronomical Societyle6 novembre1919. Dèslors, Einstein
acquisunenotoriétéetune gloireinégaléesquilui permirentdeprendre
positionsurdenombreuxsujets.CouronnéparleprixNobelde1921,qui
officiellementneluiétaitattribuéquepourlapartiedesonœuvrerelative
aux quanta lumineux, Einstein verra au cours de sa vie ses théories
vérifiées.Scientifiquemaisaussiphilosophe,ils’estsouventinterrogésur
lesnouveauxmoyensquelasciencefournissaitauxhommes.
Aprèslamortd’Einstein,lesrecherchessurlarelativitégénéralesesont
poursuivies,avecnotammentlarecherched’ondesgravitationnelles,dont
Einstein avait prédit l’existence dès 1916. Sa théorie prévoyait, en effet,
quelesoscillationsdelacourburedel’espace-temps−quisepropagentà
lavitessedelalumière−pouvaientêtreproduitesparlaréuniondedeux
objets extrêmement massifs, par exemple des trous noirs. Il a fallu
attendreprèsd’unsièclepouravoirlapreuveexpérimentaledel’existence
decesondes:le14septembre2015,auxEtats-Unis,RainerWeiss(1932-),
BarryC.Barish(1936-)etKipThorne(1940-)ontannoncéavoirdétectéau
LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) des ondes
gravitationnelles produites par la réunion de deux trous noirs, situés à
1,3 milliard d’années-lumière de nous. Ces trois physiciens ont été
récompensés par le prix Nobel de physique en 2017 et leurs travaux
s’inscriventdirectementdanslacontinuitédeceuxd’Einstein:rappelons,
eneffet,quel’existencemêmedetrousnoirs−cescorpstellementmassifs
que nila matière nile rayonnement nepeuvent s’en échapper− ne peut
s’expliquer que dans le cadre de la théorie de la relativité générale. En
2020, le prixNobel de physique a d’ailleursété attribué à Roger Penrose
(1931-) pour avoir montré que « la formation d’un trou noir est une
prédiction solide de la théorie de la relativité générale ». Cette année-là,
l’autre moitié du Nobel avait aussi distingué pour « la découverte d’un
objet compact supermassif dans le centre de notre galaxie » l’Allemand
Reinhard Genzel (1952-) et l’Américaine Andrea Ghez (1965-), faisant de
celle-ci la quatrième femme récompensée par cette distinction dans le
domainedelaphysique.
Versl’infinimentpetit:lemodèlestandarddelaphysiquedesparticules
Que connaissait-on en 1900 ? La microscopie optique, basée sur
l’éclairagedesobjetsavecdelalumièrevisible,permettaitdediscernerles
corpsjusqu’àquelquescentainesdenanomètresetdoncdevisualiserdes
bactéries. Les virus, dont Louis Pasteur (1822-1895) avait découvert
l’existence, étaient, en revanche, trop petits pour pouvoir être observés
avecunmicroscopeoptique…
Ce n’est qu’au XX e siècle que l’on a vraiment pu se rapprocher de
l’infiniment petit, « voir » les atomes, sonder le noyau et découvrir le
monde au milliardième de nanomètre. En effet, avec un microscope
optique, qui utilise la lumière visible pour éclairer l’objet étudié, la
résolution ne peut guère dépasser 100 nanomètres (1 nanomètre
correspond à 1 milliardième de mètre). Pour des détails plus fins, il faut
utiliser des rayonsultraviolets ou des rayons X(dont la longueur d’onde
est inférieure). Pour scruter la matière à des dimensions encore plus
faibles, on n’éclaire plus l’objet avec des ondes électromagnétiques.
Depuis les travaux de Louis de Broglie on connaît en effet la nature
ondulatoire des électrons. Or si ces derniers sont accélérés sous plus de
10 000 volts, leur longueur d’onde est plus faible que celle des rayons X.
Ainsi, la microscopie électronique développée à partir de 1931 grâce aux
travaux d’Ernst Ruska (1906-1988), utilise-t-elle, non pas de la lumière,
maisunfaisceaud’électronsaccéléréspouréclairerl’objet.Grâceàcetype
de microscope, dont la technique a été constamment améliorée, on a pu
observer des détails cent fois plus petits que ceux visibles avec les
microscopesoptiques.Depuis1982etlestravauxdeGerdBinnig(1947-)et
Heinrich Rohrer (1933-2013), grâce aux techniques en champ proche
(microscopes à effet de champ), on parvient même à visualiser des
structuresdequelquesdixièmesdenmetdoncà«voir»desatomes.Cette
avancéemajeuread’ailleurs valul’attributiondu prixNobelde physique
en1986àRuska,BinnigetRohrer.
Pour performante qu’elle soit, la microscopie reste toutefois incapable
desonderlamatièreauniveaudunoyauatomiqueetendeçà.L’utilisation
d’énergies encore plus grandes s’avère alors nécessaire. Les rayons
cosmiques (provenant de l’espace et heurtant notre atmosphère)
possèdent ces énergies. Ils ont d’ailleurs permis de découvrir certaines
particules.Maiscesrayonssontmalheureusementtroprarespourqueles
expériencesauxquellesilsdonnentlieu soientbienreproductibles.Aussi,
pourprocéderdefaçonplussystématiquea-t-ilfallupouvoiratteindreen
laboratoireetdefaçoncontrôléelesénergiesnécessaires.
En 1929, l’Américain Ernest Orlando Lawrence a eu l’idée d’accélérer
des particules chargées à l’aide d’un champ électrique et d’incurver leur
faisceauàl’aided’unchampmagnétique:ilvenaitd’imaginerlecyclotron
qu’il fabriqua avec succès quelques années plus tard. L’énergie des
particulesaccélérées dansles premiers cyclotronsatteignait 13000 eV(1
électron-voltcorrespondàl’énergieacquiseparunélectronsoumisàune
tensionde1volt).Quelquesannéesplustard,onobtenait10millionsd’eV.
Maispourpouvoirsonderlenoyauatomique,ilfallaitdisposerd’énergies
encoredixfoisplusgrandes…
Depuis la Deuxième Guerre Mondiale et la deuxième génération
d’accélérateurs de particules (les synchrotrons), la taille et les
performancesdecesderniersn’ontcesséd’augmenter.Celaaimpliquéla
création de laboratoires internationaux et le développement de
partenariatsentreétats.Ainsi,entre1983à1989,aétéconstruitàGenève
un gigantesque collisionneur baptisé LEP (Large Electron-Positron
Collidar) dans le cadre du CERN 9. Abrité par un tunnel dont la
circonférence mesure près de 27 km, le LEP a permis d’atteindre
plusieurs centaines de milliards d’électronvolts et a été en fonction de
1989à2000.Danscemêmetunnel,aétéconstruit,parlasuite,unnouvel
accélérateur de particules, le LHC (Large Hadron Collidar) qui est en
fonctiondepuis2008.DansleLHC,cesontdesprotonsquisontaccélérés
poureffectuerdescollisions.On peutdésormaisy atteindredesénergies
de7TeV(1téraélectronvoltvautmillemilliardsd’électronvolts)
Grâce à ces accélérateurs, les physiciennes et physiciens ont ainsi pu,
dès lesannées cinquante, mettreen évidence, au coursdes collisions, de
nouvellesparticules.Laplupartd’entreellesavaientuneduréedevietrès
brève, ne dépassant parfois pas le milliardième de seconde. Ainsi, se
désintégraient-elles presque instantanément. En leur conférant une
vitessetrèsimportante,ilaétépossible,grâceauphénomènededilatation
des durées que nous avons évoqué dans le paragraphe sur la relativité
restreinte,deles observerdans leréférentielterrestrependant plusieurs
secondes.Celaapermisdemieuxlesétudier.
Dèslesannées1960,lenombredeparticulesrépertoriéesetdécouvertes
grâce aux accélérateurs de particules est apparu comme colossal. Cette
abondance a alors beaucoup gêné les physiciens et ces derniers se sont
employés à simplifier le panorama du monde microscopique : ils ont
cherchéàenfaireapparaîtrel’unité,etàproposerunmodèlestandard.
Le but a été d’identifier les particules élémentaires, c’est-à-dire les
constituantsfondamentauxdelamatière.Detellesparticulespeuventêtre
comparées à des briques à partir desquelles il est possible de construire
tout l’Univers. Les particules élémentaires sont donc des objets pour
lesquels onne connaîtpas de structureinterne et qu’ilest impossible de
décrirecommeunassemblagedeparticulespluspetites.
Aujourd’hui, les leptons -du grec « leptos », maigre, faible − sont des
particules considérées comme élémentaires. Les leptons peuvent
s’observer individuellement et se déplacer librement. Ils ne sont pas
soumis à l’interaction forte qui est l’une des quatre interactions existant
dansnotremonde.
L’électron, découvert en 1895, est un lepton de même que le neutrino
électroniquedontl’existenceavaitétépréditeparPaulien1934etquifut
observéexpérimentalementen1953danslesdésintégrationsradioactives
artificielles. Plus lourd que l’électron, le muon possède un neutrino
muonique qui fut découvert en 1962. Encore plus lourd, le tauon appelé
aussileptonlourd,demasse3500foissupérieureàcelledel’électronfut
découvert en 1977 et est associé au neutrino tauonique. Il y a donc trois
générationsdeleptons,etsixleptonsautotal.
Notons que, au niveau des particules élémentaires, c’est souvent en
termesd’énergieque l’onquantifie lamasse desparticules. Eneffet, siE
= mc² alors cela signifie aussi que m = E/c² et l’énergie des particules
élémentairess’exprimeainsienkev/c²(pourlespluslégèresd’entreelles,
commel’électrondontlamassevaut9,109410 -31kgc’estàdire515keV/c²)
ouenGeV/c²pourlespluslourdesd’entreelles(commelequarktopque
nousallonsévoquerci-après).
Les particules qui ne sont pas des leptons sont des hadrons. La racine
grecque « hadros », signifiant « fort », rappelle que ces derniers sont
sensibles à l’interaction forte. Le nombre de hadrons créés dans les
accélérateurs au cours des années soixante est impressionnant. En 1964
George S. Zweig (1937-) s’aperçoit, queses calculs décrivent ces derniers
commel’associationdedeuxoutroisélémentsqu’ilbaptise«as»,comme
lescartesàjouer,car,àl’époque,ilsupposaitqu’ilenexistaitquatretypes
différents. Indépendamment et à la même époque, Murray Gell-Mann
(1929-2019), déjà connu pour ses travaux de mécanique quantique,
propose une théorie semblable qui retiendra particulièrement l’attention
dupublicetquiluivaudral’attributionduprixNobeldephysiqueen1969
pour « ses contributions et ses découvertes concernant la classification
desparticulesélémentairesetleursinteractions».Gell-Mannaffirmeque
les particules qui ne sont pas des leptons sont composées d’entités qu’il
baptise « quarks ». Le terme de quark est un néologisme créé par
l’écrivainJamesJoycedanssonlivreFinnegansWake.Commelesleptons,
les quarks se divisent en trois catégories : le quark « haut » et le quark
«bas»entrentdanslaconstitutiondesneutronsetdesprotons.Ainsi,un
neutronest-ill’associationd’unquark«haut»etdedeuxquarks«bas»,
alors qu’unproton estl’association d’unquark «bas » etde deuxquarks
«haut».
Plus lourds que ces deux premiers quarks, le quark « étrange » et le
quark « charme » ont été détectés dans les rayons cosmiques et les
accélérateurs de particules, de même que le quark« beauté » et le quark
« top » qui constituent la troisième génération de quarks et qui sont
encorepluslourds.Lequark«top»estledernieràavoirétédécouvert,en
1995,auTevatron,accélérateurdeparticulessituéauFermilabàChicago
qui permettait d’atteindre2 TeV.Ce quarka ensuite étéobservé en2010
auLHCàGenèveetlesmesuresréaliséesauCERNontpermisd’affinerla
mesure de sa masse qui est aujourd’hui estimée à 173,34 GeV/c² (± 0,76
GeV/c²).
Chacun de ces quarks est ainsi caractérisé par sa charge et une valeur
donnéedecertainsnombresquantiques(spin,isospin,étrangeté,nombre
baryonique). En outre, chacun d’entre eux existe sous trois formes
distinctes.Dansun langageimagé onabaptisé «couleur »cettedernière
caractéristique des quarks. Ainsi existe-t-il des quarks rouges, verts ou
bleus.
Si les quarks et les leptons sont les briques à partir desquelles il est
possibledeconstruirenotremonde,alorsonpeutprésenterlesbosonsde
jauge comme le ciment qui va servir à les lier. Ces particules
fondamentales assurent, en effet, la transmission des forces et toute
interactionpeutêtredécritecommeunéchangedebosons.
Il existe quatre interactions dans notre monde : l’interaction
gravitationnelle, l’interaction électromagnétique, l’interaction forte et
l’interactionfaible.
Le premier boson de jauge connu fut le photon et, depuis les travaux
d’Einstein, on sait que ce grain de lumière sans masse est associé à
l’interactionélectromagnétique.
L’interactionforte,quant àelle,est portéepar lesgluonsqui collentles
quarksentre euxà l’intérieurdes hadrons.Contrairement àl’interaction
électromagnétique,dontlaportéeestinfinie,ellen’agitpasànotreéchelle
ouàl’échelledesmolécules:sondomained’actionselimiteauniveaudu
noyau atomique et ne concerne que les quarks qu’elle distingue des
leptons sur lesquels elle n’agit pas. On connaît actuellement huit gluons,
observés pour la première fois en 1979 au sein du laboratoire DESY en
Allemagne.
L’interaction faible, enfin, peut être attractive ou répulsive. Elle est
notamment responsable de la radioactivité. Sa portée est encore plus
faible que celle de l’interaction forte et les bosons échangés sont ici les
bosonsW+,W- etZ. Ces particulesmassives ontété détectéesen 1983au
CERNparlechercheurCarloRubbia(1934-)etl’ingénieurSimonvander
Meer (1925-2011), qui obtinrent le prix Nobel de physique dès l’année
suivantepourcettedécouverte.
Lathéoriedumodèlestandardsupposeaussil’existenced’unchampde
Higgs,quipermetauxhadronsd’acquérirleurmasse.Cechampimplique
l’existenced’unboson(baptisébosondeHiggs),déceléauCERNle4juillet
2012 dans les expériences ATLAS et CMR. En 2013, l’année suivant la
détection du boson de Higgs au LHC10, Peter Higgs (1929-) et François
Englert(1932-)ontconjointementreçulePrixNobeldephysique,pour
ladécouvertethéoriquedumécanismecontribuantànotrecompréhensionde
l’originedelamassedesparticulessubatomiquesetrécemmentconfirméepar
la découverte, par les expériences ATLAS et CMS du grand collisionneur de
hadrons(LHC)duCERN,delaparticulefondamentalepréditeparcettethéorie
Ainsi, en observant que les paires de bosons W ou Z peuvent produire
par désintégration un boson de Higgs, ATLAS et CMS ont permis de
prouverquecesbosonsacquièrentleurmasseparleursinteractionsavec
le champ de Higgs, comme le prédit le modèle standard. Cela constitue
une confirmation a posteriori qui est d’une très grande importance. Par
ailleurs, depuis la découverte du boson de Higgs, des expériences plus
finesontpermisd’obteniruneplusgrandeprécisionsurlaconnaissance
de sa masse, que, depuis 2018, on estime à 124,97 GeV/c² avec une
précisionde0,24GeV/c².

L’antimatière
Lemodèlestandardquenousvenonsbrièvementd’exposerprévoitaussi
l’existenced’uneantiparticulepourchaqueparticule…
C’est en 1920 que le concept d’antimatière a été proposé pour la
premièrefoisenphysique:l’existenced’antiparticulesa,toutd’abord,été
prévue mathématiquement par le physicien anglais Paul Dirac (1902-
1984)quicherchaitàcomprendrepourquoidansnotremondelescharges
négativesetpositivessemblaientjouerdesrôlesdifférents.
Pourquoi les premières étaient-elles portées par des particules légères
(les électrons), quipouvaient passerd’un atomeà un autre,alors queles
autresétaient portées pardes particuleslourdes (lesprotons) quiétaient
liéesaunoyau?
Pourrépondreà cesquestions,Dirac eutl’idée d’unmonde symétrique
du nôtre, dans lequel les charges positives seraient portées par des
particules légères et les charges négatives par des particules lourdes. En
1929, ses calculs l’amènent à présenter comme nécessaire l’existence
d’une particule de même masse que l’électron mais de charge opposée
(l’antiélectron, aussi nommé positon ou positron), et d’une antiparticule
duproton(l’antiproton).
Le positron fut observé pour la première fois dans le rayonnement
cosmiqueen1932parCarlDavidAndersonet,enlaboratoire,en1934par
FrédéricJoliotetIrèneJoliot-Curie.
L’antiproton,quantàlui,nefutmisenévidencequebeaucoupplustard.
Lesénergiesnécessairespourleproduiren’ontétédisponiblesqu’en1955,
annéeoùOwenChamberlain(1920-2006),EmilioSegrè(1905-1989),Clyde
Wiegand(1915-1996)etThomasYpsilantis(1928-2000)ontpulemettreen
évidenceàBerkeleydansleBévatron.
Enfin,unpassupplémentairefutfranchi,enjanvier1996,quandontété
produits et détectés au CERN, à Genève, des atomes d’antihydrogène
constituésd’unantiprotonetd’unpositon.
Quand la matière et l’antimatière se rencontrent, elles s’autodétruisent
en effet en libérant de l’énergie. Ainsi est-il difficile d’envisager que l’on
produisedegrandesquantitésd’antimatière.Rappelonseneffetquesiun
grammedematièrerencontraitungrammed’antimatière,nonseulement
lamatières’annihileraitmaisilsedégageraituneénergiecorrespondantà
plusieursexplosionsdebombesatomiques…

5.Ils’agitderayonscathodiques
6.Letermedephotonn’apparaîtraqueplustard.
7.CederniertravaillaaussiavecBohràCopenhague.
8.LecaractèrerectilignedumouvementuniformeaétépréciséaprèsGalilée.
9.CERN:acronymehistoriquedu«CentreEuropéenpourlaRechercheNucléaire»,devenudepuisl’«Organisation
européennepourlarecherchenucléaire»
10.LargeHadronCollidar:accélérateurdehadronsduCERN
Perspectives:laphysiqueàtoutesleséchelles

Laphysiquedeshautesénergiesapermis,depuisledébutduXXesiècle,
de découvrir la structure de l’infiniment petit, ou tout au moins, les
échellesinférieuresaumilliardièmedemilliardièmedemètre.
Dans le LHC, le grand collisionneur de hadrons, au CERN, les protons
accélérésontuneénergiedeplusieursmilliersdemilliardsd’électronvolts
et,grâceàcela,onapudétecterdenouvellesparticules,dontlebosonde
Higgs,clefdevoûtedumodèlestandarddelaphysiquedesparticules.
Cette physique des hautes énergies, qui permet de mieux connaître la
naturedelamatière,estégalementsusceptibledenousrenseignersurle
passé.Eneffet,commel’adécouvert,en1929,EdwinHubble(1889-1953),
les galaxies s’éloignent les unes des autres et la vitesse à laquelle elles
s’éloignent de la Terre est d’autant plus élevée qu’elles en sont plus
distantes11.Celacorrespondàuneexpansiondel’espace-tempsrelativiste
cequepermetdejustifierlathéorieduBig-Bang.NotreUniversestdonc
enexpansion,et,sil’onremonteletemps,ilestdeplusenplusdense,de
plusenpluspetit,deplusenpluschaudetdeplusenplusénergétique.La
physiquedeshautesénergiespeutdoncnousrenseignersursespremiers
instants.
Un dixième de milliardième de seconde après le Big-Bang, la
température correspondait à une énergie de 100 milliards d’électron-
volts, qui est une énergie que l’on atteint dans les accélérateurs de
particules depuis la fin du XXe siècle. Une seconde plus tard, celle-ci ne
valaitplusqu’unmilliond’électron-volts.Unelimitedanscetteremontée
versle passéconcerne lapériodeoù l’âgedel’Univers étaitdel’ordre du
temps de Planck (10-44  secondes après le Big-Bang). Avant cette période,
lesloisdelaphysique,tellesqu’ellessonttranscritesaujourd’hui,trouvent
en effet leur limitation. Plusieurs théories sont proposées et sont
débattues de nos jours pour décrire cela. Parmi celles-ci, la théorie des
cordes et la théorie de la gravitation quantique à boucles sont l’objet de
multiples recherches. La théorie de la « grande unification » suppose,
quant à elle, que, aux tout premiers instants de l’Univers, les quatre
interactions qui existent dans notre monde12 n’étaient pas différenciées.
Elle a été partiellement vérifiée en 1967 pour l’interaction
électromagnétique et l’interaction faible grâce aux travaux de Steven
Weinberg(1933-2021),SheldonLeeGlashow(1932-)etAbdusSalam(1926-
1996)quiontétérécompensésparleprixNobeldephysique,en1979,pour
leurs contributions à la théorie unifiée des interactions faibles et
électromagnétiques.Ellenel’apasencoreétépourlagravitation…
La physique est une science en constante évolution et son histoire est
loind’êtreconclue…
Laphysiqueclassiqueestnéeàl’époquedeGaliléepuisdeNewton,mais
elle s’est appuyée sur les travaux réalisées bien avant eux, en occident
mais aussi dans le monde grec et dans le monde arabe. La physique
moderne a vu le jour à l’aube du XXe  siècle. Elle s’est appuyée sur la
physique classique qu’elle a remis en cause en restreignant son champ
d’application. Elle a donné lieu à deux révolutions intellectuelles
majeures : la physique quantique et la relativité. Ces deux domaines se
sontinitialementdéveloppésindépendammentl’undel’autre.Lesétudier
conjointement et travailler dans un cadre quantique et relativiste est
désormais l’un des grands défis à relever pour les physiciens des
générationsàvenir.
Lesapplicationsdesthéoriesrelativistesfontdésormaispartiedenotre
quotidien: parexemple, pourqu‘un GPSfonctionne correctementil faut
tenir compte, pour mesurer le temps, des effets relativistes. Les
applications de la physique quantique, elles aussi, sont nombreuses.
Depuis1964,lesLASERsontdevenudesobjetsfamiliersetlestravauxsur
leurfonctionnementadonnélieuàl’attributiondeonzeprixNobel,dont
le dernier, qui date de 2018, a récompensé le Français Gerard Mourou
(1944-)etlaCanadienneDonnaStrickland(1959-).
Lagravitationauneplacetrèsparticulièredanslecadredelathéoriede
larelativitégénérale.Ladétectiond’ondesgravitationnellesen2016etles
derniers travauxsur lestrous noirs ontcontribué à fournirde nouvelles
preuves expérimentales de cette théorie bâtie par Einstein il y a plus de
centans.
Danslecadredumodèlestandarddesparticulesélémentaires,enfin,un
pasdécisifaétéfranchi,en2012,lorsquefutdétectélebosondeHiggs,qui
prouve l’existence du champ de Higgs. Pour autant, on n’a toujours pas
identifié l’hypothétique graviton qui serait le boson de jauge de
l’interaction gravitationnelleet qui devra aussiêtre décrit dans uncadre
compatibleaveclathéoriedelarelativitégénérale.
Laphysiquequantiquemaniedesnotionsdeprobabilitéetla définition
de ce qu’est un état quantique a suscité de grands débats au cours de
l’histoire.
Le hasard existe-t-il en physique quantique comme le pensaient les
physiciens de l’école de Copenhague, ou bien y-a-t-il des « variables
cachées»commelesuggéraientlesauteursdel’article«EPR»en1935?
En1961,JohnStewartBell(1928-1990)aproposédesinégalités13queles
mesures effectuées sur des états quantiques intriqués doivent respecter
dans l’hypothèse où il existe effectivement des variables cachées. Cela
signifie concrètement que, si les inégalités de Bell sont mises en défaut,
c’est-à-diresiellesnesontpasvérifiéespourdesétatsintriqués,alorscela
confirmeraitl’absencedevariablescachéesetdonneraitraisonàl’équipe
de Copenhague et à Niels Bohr. L’expérience du Français Alain Aspect
(1947-), réalisée entre 1980 et 1982 a été fondamentale sur ce point et a
permisdeprouverqu’iln’avaitpasdevariablescachées.En2022,leprix
Nobeldephysiquearécompensécedernierainsiquel’AméricainJohnF.
Clauser (1942-) et l’Autrichien Anton Zeilinger (1945-) « pour les
expériences avec des photons intriqués, établissant les violations des
inégalités de Bell et ouvrant une voie pionnière vers l’informatique
quantique ». L’intrication quantique et ses perspectives appliquées en
informatique quantique font ainsi, elles-aussi, partie des domaines de
rechercheactuel.
Plus généralement, la physique s’intéresse aujourd’hui à l’infiniment
petit, l’infiniment ancien, l’infiniment lointain, les très basses
températures, les très hautes énergies et les très courtes durées. Le prix
Nobel 2023 a ainsi récompensé les recherches menées sur la physique
ultra-rapide par le Français Pierre Agostini (1941-), le Hongrois Ferenc
Krausz (1962-) et la Franco-Suédoise Anne L’Huillier (1958-), qui est
devenue,ainsi,la cinquièmefemme àrecevoir leprix Nobelde physique
pouravoir,avecsescollègues,créé«desimpulsionsextrêmementcourtes
delumièrequipeuventêtreutiliséespourmesurerlesprocessusrapides
aucoursdesquelslesélectronssedéplacentouchangentd’énergie».
Les situations extrêmes constituent ainsi les domaines d’investigation
privilégiés des physiciennes et des physiciens d’aujourd’hui et le champ
desrecherchesquis’offrentàeuxsembletoujoursimmense.
Leurcuriositélespousseàtoujourss’investirdavantagepourprogresser
encore plus loin dans la connaissance de notre monde physique et
permettreàl’aventurescientifiquedecontinuer.
Ilyapresquecentans,MarieCurierésumaitcelaparcesmots:14
Jesuisdeceuxquipensentquelascienceaunegrandebeauté.Jenecroispas
quedansnotremondel’espritd’aventurerisquededisparaître.Sijevoisautour
demoiquelquechosedevital,c’estprécisémentcetespritd’aventurequime
paraîtindéracinableets’apparenteàlacuriosité.

11.CerésultatestconnusouslenomdeloideHubble
12.Ils’agitdelagravitation,del’interactionélectromagnétique,del’interactionforteetdel’interactionfaible
13.InégalitésdeBell
14.Madrid1933,Introductionaucolloquesurl’«Avenirdelaculture»
Référencesetconseilsdelecture

Ouvragesd’histoiredessciencesetbiographiesdephysiciennesetphysiciens
Balibar Françoise, Galilée, Newton, lus par Einstein, collection « Philosophie », Presses
UniversitairesdeFrance1990.
BarthélemyGeorges,Newton,mécanicienducosmos,collection«Mathesis»,Vrin1992.
BiezunskiMichel, Histoiredelaphysiquemoderne, Collectionhistoiredessciences,Ladécouverte
1993.
Blay Michel, Halleux Robert (dir), La science classique, XVIe  XVIIIe  siècle, dictionnaire critique,
Flammarion1998.
CharpakGeorges,DominiqueSaudinos,Lavieàfiltendu,OdileJacob1993.
Crépieux Adeline, Petit dictionnaire illustré des femmes scientifiques − 110 noms, d’Hypatie aux
récentesnobélisées,Ellipses2023.
CurieEve,MadameCurie,Gallimard1981.
HamburgerJean,Laphilosophiedessciencesaujourd’huiGautier-VillarsParis1986.
KuhnThomas,Lastructuredesrévolutionsscientifiques,(éditionoriginale1962)Champssciences,
Flammarion2018.
Locqueneux Robert, Histoire de laPhysique, histoire des idéesen physique, collection« Que sais-
je?»PressesUniversitairesdeFrance1987.
PenroseRoger.Àladécouvertedesloisdel’univers.Laprodigieusehistoiredesmathématiquesetde
laphysique,(traductionCélineLaroche).ÉditionsOdileJacob,2007.
RosmorducJeanUnehistoiredelaphysiqueetdelachimie(deThalèsàEinstein),Seuil1985.
Rouzé Michel Les Nobel scientifiquesFrançais, La découvertecollection « Histoiredes sciences »
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SartoriEric,Histoiredesgrandsscientifiquesfrançais,Plon2012.
TatonRené(dir),Histoiregénéraledessciences,Quadrige,PUF1995.

Texteshistoriques
BohrNiels,Physiqueatomiqueetconnaissancehumaine,FolioEssais1991.
Einstein Albert, Comment je vois le monde (publication originale 1949), Traduit par Maurice
SolovineetRegisHanrion,collectionchamps,sciences,Flammarion2017.
Einstein Albert, La relativité, Théorie générale de la relativité restreinte et générale suivi de La
relativitéetleproblèmedel’espace,traduitdel’allemandparMauriceSolovine,(éditionoriginale
enlanguefrançaise1956)−rééditionPayotetRivage,Paris2001.
Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (publication originale 1632), Points
sciences2000.
Newton, Principia – Principes mathématiques de la philosophie naturelle (publication originale
1687)–Traductiond’EmilieduChâtelet,préfacedeVoltaire,Dunod2011.
Physiquemoderne
BobroffJulien,Bienvenuedanslanouvellerévolutionquantique,Flammarion2022.
Gamow George, Stannard Russel, Le nouveau monde de M. Tompkins, collection échappées,
nouvelleédition,ÉditionsduPommier2019.
FeynmanRichard,Lumièreetmatière:uneétrangehistoire,TraduitparFrançoiseBalibaretAlain
Laverne,Seuil1992.
RovelloCarlo,L’ordredutemps,Champssciences,Flammarion2017.
SegréEmilio,LesPhysiciensmodernesetleursdécouvertes.DesrayonsXauxquarks,collection«Le
tempsdessciences»,Fayard1984.
Hrabovski George Susskind Leonard, Mécanique quantique, le minimum théorique, Presses
polytechniquesetuniversitairesromandes2013.
SchrödingerErwin,Physiquequantiqueetreprésentationdumonde,Seuil1992.

Coursdephysique(niveauuniversitaireetclassespréparatoires)
FeynmanRichard,LeightonRobert,SandsMathew,LecoursdephysiquedeFeynman,Dunod2021.
LandauLev,LifchitzEvgeni,Physiquethéorique,5 eEdition,Ellipses2012.
Annexe.
Plusde120ansdeprixNobeldephysique

1901 WilhelmConradRöntgen Allemagne


HendrikAntoonLorentz Pays-Bas
1902
PieterZeeman Pays-Bas
HenriBecquerel France
1903 MarieCurie France
PierreCurie France
1904 LordRayleigh Grande-Bretagne
1905 PhilippLenard Allemagne
1906 SirJ.J.Thomson Grande-Bretagne
1907 A.A.Michelson États-Unis
1908 GabrielLippmann France
FerdinandBraun Allemagne
1909
GuglielmoMarconi Italie
1910 JohannesDiederikvanderWaals Pays-Bas
1911 WilhelmWien Allemagne
1912 NilsDalén Suède
1913 HeikeKamerlinghOnnes Pays-Bas
1914 MaxvonLaue Allemagne
SirLawrenceBragg Grande-Bretagne
1915
SirWilliamBragg Grande-Bretagne
1917 CharlesGloverBarkla Grande-Bretagne
1918 MaxPlanck Allemagne
1919 JohannesStark Allemagne
1920 CharlesÉdouardGuillaume Suisse
1921 AlbertEinstein Suisse
1922 NielsBohr Danemark
1923 RobertAndrewsMillikan États-Unis
1924 KarlManneGeorgSiegbahn Suède
Allemagne
JamesFranck Allemagne
1925
GustavHertz Allemagne

1926 JeanPerrin France


ArthurHollyCompton États-Unis
1927
C.T.R.Wilson Grande-Bretagne
1928 SirOwenWillansRichardson Grande-Bretagne
1929 LouisdeBroglie France
1930 SirChandrasekharaVenkataRaman Inde
1932 WernerHeisenberg Allemagne
P.A.M.Dirac Grande-Bretagne
1933
ErwinSchrödinger Autriche
1935 SirJamesChadwick Grande-Bretagne
CarlDavidAnderson États-Unis
1936
VictorFrancisHess Autriche
ClintonJosephDavisson États-Unis
1937
SirGeorgePagetThomson Grande-Bretagne
1938 EnricoFermi Italie
1939 ErnestOrlandoLawrence États-Unis
1943 OttoStern États-Unis
1944 IsidorIsaacRabi États-Unis
1945 WolfgangPauli Autriche
1946 PercyWilliamsBridgman États-Unis
1947 SirEdwardVictorAppleton Grande-Bretagne
1948 PatrickM.S.Blackett Grande-Bretagne
1949 YukawaHideki Japon
1950 CecilFrankPowell Grande-Bretagne
SirJohnDouglasCockcroft Grande-Bretagne
1951
ErnestThomasSintonWalton Irlande
FelixBloch États-Unis
1952
E.M.Purcell États-Unis
1953 FritsZernike Pays-Bas
MaxBorn Grande-Bretagne
1954
WaltherBothe RFAAllemagne
PolykarpKusch États-Unis
1955
WillisEugeneLamb,J.-R. États-Unis
JohnBardeen États-Unis
1956 WalterH.Brattain États-Unis
États-Unis
WilliamB.Shockley États-Unis
Tsung-DaoLee Chine
1957
ChenNingYang Chine
PavelAlekseyevichCherenkov URSS
1958 IlyaMikhaylovichFrank URSS
IgorYevgenyevichTamm URSS
OwenChamberlain États-Unis
1959
EmilioSegrè États-Unis
1960 DonaldA.Glaser États-Unis
RobertHofstadter États-Unis
1961
RudolfLudwigMössbauer RFA(Allemagne)
1962 LevDavidovichLandau URSS
J.HansD.Jensen RFAAllemagne
1963 MariaGoeppertMayer États-Unis
EugenePaulWigner États-Unis
NikolayGennadiyevichBasov URSS
1964 AleksandrMikhaylovichProkhorov URSS
CharlesHardTownes États-Unis
RichardP.Feynman États-Unis
1965 JulianSeymourSchwinger États-Unis
TomonagaShin’ichiro Japon
1966 AlfredKastler France
1967 HansAlbrechtBethe États-Unis
1968 LuisW.Alvarez États-Unis
1969 MurrayGell-Mann États-Unis
HannesAlfvén Suède
1970
Louis-Eugène-FélixNéel France
1971 DennisGabor Grande-Bretagne
JohnBardeen États-Unis
1972 LeonN.Cooper États-Unis
JohnRobertSchrieffer États-Unis
LeoEsaki Japon
1973 IvarGiaever Norvège
BrianD.Josephson Grande-Bretagne
AntonyHewish Grande-Bretagne
1974
SirMartinRyle Grande-Bretagne
AageN.Bohr Danemark
1975 BenR.Mottelson Danemark
JamesRainwater États-Unis

BurtonRichter États-Unis
1976
SamuelC.C.Ting États-Unis
PhilipW.Anderson États-Unis
1977 SirNevillF.Mott Grande-Bretagne
JohnH.VanVleck États-Unis
PyotrLeonidovichKapitsa URSS
1978 ArnoPenzias États-Unis
RobertWoodrowWilson États-Unis
SheldonLeeGlashow États-Unis
1979 AbdusSalam Pakistan
StevenWeinberg États-Unis
JamesWatsonCronin États-Unis
1980
ValLogsdonFitch États-Unis
NicolaasBloembergen États-Unis
1981 ArthurLeonardSchawlow États-Unis
KaiManneBörjeSiegbahn Suède
1982 KennethGeddesWilson États-Unis
SubrahmanyanChandrasekhar États-Unis
1983
WilliamA.Fowler États-Unis
SimonvanderMeer Pays-Bas
1984
CarloRubbia Italie
1985 KlausvonKlitzing RFA(Allemagne)
GerdBinnig RFA(Allemagne)
1986 HeinrichRohrer Suisse
ErnstRuska RFA(Allemagne)
J.GeorgBednorz RFA(Allemagne)
1987
KarlAlexMüller Switzerland
LeonMaxLederman États-Unis
1988 MelvinSchwartz États-Unis
JackSteinberger États-Unis
HansGeorgDehmelt États-Unis
1989 WolfgangPaul RFA(Allemagne)
NormanFosterRamsey États-Unis
JeromeIsaacFriedman États-Unis
1990 États-Unis
1990
HenryWayKendall
RichardE.Taylor Canada
1991 Pierre-GillesdeGennes France

1992 GeorgesCharpak France


RussellAlanHulse États-Unis
1993
JosephH.Taylor,J.-R. États-Unis
BertramN.Brockhouse Canada
1994
CliffordG.Shull États-Unis
MartinLewisPerl États-Unis
1995
FrederickReines États-Unis
DavidM.Lee États-Unis
1996 DouglasD.Osheroff États-Unis
RobertC.Richardson États-Unis
StevenChu États-Unis
1997 ClaudeCohen-Tannoudji France
WilliamD.Phillips États-Unis
RobertB.Laughlin États-Unis
1998 HorstL.Störmer États-Unis
DanielC.Tsui États-Unis
Gerardus‘tHooft Pays-Bas
1999
MartinusJ.G.Veltman Pays-Bas
ZhoresI.Alferov Russie
2000 JackS.Kilby États-Unis
HerbertKroemer Allemagne
EricA.Cornell États-Unis
2001 WolfgangKetterle Allemagne
CarlE.Wieman États-Unis
RaymondDavis,J.-R. États-Unis
2002 RiccardoGiacconi États-Unis
KoshibaMasatoshi Japon
AlexeiA.Abrikosov États-Unis
2003 VitalyL.Ginzburg Russie
AnthonyJ.Leggett États-Unis
DavidJ.Gross États-Unis
2004 H.DavidPolitzer États-Unis
FrankWilczek États-Unis
RoyJ.Glauber États-Unis
2005 États-Unis
2005 États-Unis
JohnL.Hall
TheodorW.Hänsch Allemagne
JohnC.Mather États-Unis
2006
GeorgeF.Smoot États-Unis
AlbertFert France
2007
PeterGrünberg Allemagne
KobayashiMakoto Japon
2008 MaskawaToshihide Japon
YoichiroNambu États-Unis
WillardBoyle Canada/États-Unis
2009 CharlesKao Grande-Bretagne/États-Unis
GeorgeE.Smith États-Unis
AndreGeim Pays-Bas
2010
KonstantinNovoselov Russie/Grande-Bretagne
SaulPerlmutter États-Unis
2011 BrianP.Schmidt États-Unis/Australie
AdamG.Riess États-Unis
SergeHaroche France
2012
DavidJ.Wineland États-Unis
FrançoisEnglert Belgique
2013
PeterHiggs Grande-Bretagne
AkasakiIsamu Japon
2014 AmanoHiroshi Japon
ShujiNakamura États-Unis
KajitaTakaaki Japon
2015
ArthurB.McDonald Canada
DavidThouless Grande-Bretagne
2016 DuncanHaldane Grande-Bretagne
MichaelKosterlitz Grande-Bretagne
BarryC.Barish États-Unis
2017 KipS.Thorne États-Unis
RainerWeiss États-Unis
ArthurAshkin États-Unis
2018 GérardMourou France
DonnaStrickland Canada
JamesPeebles Canada/États-Unis
2019 Suisse
2019
MichelMayor
DidierQueloz Suisse
ReinhardGenzel Allemagne
2020 AndreaGhez États-Unis

RogerPenrose Grande-Bretagne
KlausHasselmann Allemagne
2021 ManabeSyukuro Japon/États-Unis
GiorgioParisi Italie
AlainAspect France
2022 JohnF.Clauser États-Unis
AntonZeilinger Autriche
AnneL’Huillier France/Suède
2023 FerencKrausz Autriche/Hongrie
PierreAgostini France

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