Calendriers : histoire, astronomie et mathématiques
Les calendriers mesurent le temps par jour, année, siècle …, les horloges par …, seconde, minute, heure. Les dynamiques
gravitationnelles de rotation de la terre sur elle-même et autour du soleil font que la durée de l’année en jours n’est pas entière.
L’année tropique, calée sur le retour des saisons, vaut approximativement et actuellement 365,242198 jours. Comment construire
un calendrier utile à la société conciliant un nombre entier de jour et une année tropique décimale ?
Approximation des nombres réels par des fractions continues.
Un développement fractions continues permet d’approximer un nombre réel par une suite d’entiers et une fraction. Le
développement décimal le fait aussi, mais de manière moins économique. Par exemple, l’écriture décimale arrondie à 3 décimales
du nombre de jours de l’année tropique « T » est 365,242 soit 365.242/1.000, soit en écriture irréductible 182.621/500. En appelant
[] la partie entière de , le développement en fraction continue de T est par définition a0, a1 a2 a3 … construit sur l’algorithme
1 1 1
suivant : 𝑎0 = [𝑇] ; 𝑎1 = [[𝑇−𝑎 ]] ; 𝑎2 = [[𝑎 ]
] ; 𝑎3 = [[𝑎 ]
] … T-[T] = 0,242198 d’inverse 4,128853252 de partie entière 4,
0 0 −𝑎1 1 −𝑎2
1
a1 vaut donc 4. En réitérant ce processus, on trouve l’écriture tronquée à l’ordre 31 (365 ; 4 ; 7 ; 1), soit : 𝑇 = 365 + 1 , soit à
𝟒+ 1
𝟕+𝟏+⋯
l’ordre 4 : 12.053/33 ~ 365,242 (arrondi à 3 chiffres). Pour la même précision, la fraction approximative déduite de l’écriture
décimale nécessite un dénominateur à 3 chiffres (500) quand la fraction déduite de l’écriture en fraction continue n’en nécessite que
2 (33). Cet exemple illustre en fait une propriété générale2.
Calendriers historiques et ordre d’approximation de l’année tropique en fraction continue.
Ordre 0 : ancien calendrier égyptien
Le développement de T en fraction continue à l’ordre 0 est T ~ 365. Il s’agit du premier calendrier égyptien (-2670 à -2450) basé
sur les cycles de crue du Nil : le premier jour d’une des 3 saisons du calendrier correspond approximativement au début de
l’inondation annuelle.
Ordre 1 : nouveau calendrier égyptien et calendrier julien
Les astronomes égyptiens avaient relié la montée des eaux avec l'apparition de l'étoile Sirius et découvert dès lors un décalage
croissant entre l’année tropique et le calendrier de 365 jours. En 238 avant notre ère, un décret pharaonique précisait : « Pour que
les saisons se succèdent d'après une règle absolue et conformément à l'ordre du monde, un jour supplémentaire sera intercalé tous
les quatre ans … »3. Il s’agit du développement de T en fraction continue à l’ordre 1, T~365 + ¼, soit 1 jour ajouté tous les 4 ans.
Les romains ajustèrent de manière similaire leur calendrier de 295 jours en 46 avant notre ère (calendrier julien) avec l’aide de
l’astronome d’Alexandrie Sosigène.
Ordre 2 : calendrier grégorien
Le calendrier grégorien (1582) marque la dernière étape correctrice à ce jour et correspond à l’ordre 2 du développement en fraction
1 1 1 1 1
continue de T : 365 + 1 . Du ce développement en fraction continue on déduit : 𝑇 − 365 − ~ − + 1 = − . Un calendrier
4+ 4 4 4+ 116
7 7
est d’usage administratif politico-religieux et doit donc être simple. L’inverse de 116, se décompose, plus simplement (ie en
1 1 1 13
multiples de 100 et résidu) comme : − =− + − . Le premier terme apporte la première correction (en plus des
116 100 400 11600
années bissextiles) du calendrier julien (suppression de l’ajout bissextile tous les 100 ans), le deuxième la deuxième correction (sauf
tous les 400 ans), autrement dit « les années sont bissextiles tous les 4 ans suivant la règle julienne, les années séculaires (multiples
de 100) sont non bissextiles, sauf celles dont le nombre de siècles est divisible par 4 »4).
A quoi servent ici les mathématiques ?
A la différence des sciences humaines, les mathématiques réduisent spécifiquement leur champ à des espaces de nombres (ici le
temps mesuré par des nombres décimaux, approximés par des fractions rationnelles). Cette réduction a cependant des avantages.
Dans le cas des calendriers, elle unifie et éclaire - selon sa perspective - l’histoire grâce à des objets mathématiques (différents ordres
d’approximation d’un réel par des fractions continues) et fait un lien entre politique (année administrative) et astronomie (année
tropique). Elle a permis en l’espèce l’émergence de calendriers de plus en plus performants.
La performance d’un calendrier peut se mesurer au moindre recours à des réétalonnages ad hoc permettant l’alignement du calendrier
aux saisons5 en calculant le nombre n d’années conduisant à un décalage de 182 jours (environ une demi année tropique) entre le
calendrier tropique (T) et le calendrier en usage (N) :
182 182
𝑠𝑖 𝑁 > 𝑇 ∶ 𝑛𝑁 = 𝑛𝑇 + 182, 𝑠𝑜𝑖𝑡 𝑛 = . 𝐷𝑒 𝑚𝑎𝑛𝑖è𝑟𝑒 𝑠𝑖𝑚𝑖𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒, 𝑛 = 𝑠𝑖 𝑇 > 𝑁.
𝑁−𝑇 𝑇−𝑁
Pour l’ancien calendrier égyptien n vaut 751 années, pour les calendriers égyptien rénové et julien, n vaut 23.327 années, pour le
calendrier grégorien, n vaut 804.447 années.
[email protected] – 5/6/2023
1
Par ordre, on entend le nombre de chiffres du développement outre a 0. Le développement à l’ordre 1 est (365 ; 4) soit 365 + ¼.
2
Cf. remarque 3.3.1 de https://t-richez.pagesperso-orange.fr/ressources/recherche/memoire_fractions_continues.pdf
3
Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Calendrier_de_l%27%C3%89gypte_antique#cite_note-:0-2
4
Cf. https://portail-scientifique.univ-nc.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=17&lang=fr
5
Par exemple pour corriger les excès accumulés du calendrier julien (365,25 jours/an au lieu d’une année tropique de 365,242198),
le Pape Grégoire III décida la suppression de 10 jours en 1582.