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unal .
182
E
O TH
BLI
BI
REGIA
MONACHENSIS .
< 36609993160017
< 36609993160017
Bayer. Staatsbibliothek
R
Frontispice
JacquesAndréMillot,
del'Académie deChirurgie,Accoucheur des
ci-devantPrincesses de France;membrede
plusieurs Sociétés Savantes .
LA GÉROCOMIE ,
OU
CODE PHYSIOLOGIQUE
ET
PHILOSOPHIQUE ,
POUR Conduire les Individus des deux Sexes à
une longue Vie , en les dérobant à la Douleur
et aux Infirmités ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE MÉDECIN S.
.Le vrai , pour être accrédité ,
Aux humains très-souvent doit être répété.
A PARIS ,
Chez F. BUISSON , Libraire , rue Gît-le-Cœur , nº 10 ,
ci - devant rue Hautefeuille , nº 20 et 23 ,
1807,
413 D
MELIOTHECA
KEGIA
MONACEN S18.
AVERTISSEMENT
DE
L'ÉDITEUR.
L'OUVRAGE que je publie m'a
paru étre d'un genre nouveau , et
d'un intérét si grand , que je me
croirais coupable de lèze-humanité,
si je différais plus long-temps à le
faire connaître.
Je me rappelle que Platon et
Socrate ont dit : C'est honorer les
Dieux que de leur obéir ; et c'est leur
obéir que d'être utile aux Hommes.
Tels sont encore aujourd'hui les
Ꭺ
( 2)
principes et la base de notre Morale.
L'une des premières obligations de
l'Homme vivant en société, est de
se rendre utile à ses semblables .
Cet Ouvrage ,fruit des veilles et
des observations de plusieurs Mé-
decins , fait la critique du genre
de vie que mène ordinairement la
Jeunesse ; mais , parvenue à l'âge
où la raison la désabuse de ses
folles jouissances , elle nous saura
gré de lui faire connaître la con-
duite qu'elle doit tenir pour réparer
dans l'âge mûr les désordres que la
fougue des Passions a pu occasion-
ner sur sa santé.
Cet Ouvrage est encore d'un égal
( 3 )
intérêt pour ceux qui n'ont reçu
de
la nature qu'unefaible diathèse ( 1 ) ,
et souvent valétudinaire . Les der
niers , comme les premiers , y trou-
veront des préceptes qui pourront
les conduire à une longue vie sans
infirmités.
Cet Ouvrage étant, commeje viens
de le dire , le fruit de sages Obser
vateurs , et les vérités qu'il con-
tient m'ayant été prouvées par une
longue expérience que je dois aux
Médecins qui m'ont précédé , et au
commercequej'ai eu avec plusieurs
d'entre eux , et dont quelques - uns
vivent encore , je suis loin de m'en
(1) Diathèse , ou Constitution physique.
A 2
( 4)
regarder comme l'Auteur. En ras-
semblant ici toutes les Connais-
sances de mes Confrères , je leur en
laisselagloire , ne me réservant que
la douce satisfaction de servir l'hu-
manité.
MILLOT (Jacques-André ) , ancien Membre
des Collége et Académie de Chirurgie de
Paris , Correspondant de la ci-devant Aca-
démie des Sciences , Arts et Belles -Lettres
de Dijon , Accoucheur des ci-devant Prin-
cesses de France , Membre de la Société
Académique des Sciences de Paris , Cor-
respondant de celle de Médecine-Pratique
de Montpellier , etc.
PRÉFACE
ET
PLAN DE L'OUVRAGE .
BEAUCOUP d'Auteurs ont traité
de ce qui convient à l'Enfance , à la
Jeunesse , à l'Age mûr , ainsi que des
moyens de remédier aux maux qui
leur surviennent. Plusieurs ont écrit
sur les maladies de la Vieillesse en
particulier ; mais très-peu ont parlé
de ce qui est nécessaire pour main-
tenir les deux sexes en bonne santé ,
lorsqu'ilssontparvenus à uncertain
âge , et du temps où il faut com-
mencer les soins utiles pour espérer
( 6 )
une longue vie sans être accablé des
infirmités auxquelles la Vieillesse est
souvent en proie. C'est ce que nous
entreprenons d'après les observa-
tions des Grands-Hommes en Mé-
decine , et d'après notre expérience
particulière , qui nous mettent en
état de tracer une règle de conduite
certaine pour conserver la santé et
la réparer dans l'âge où elle devient
ordinairement chancelante.
Nous croyons que les Hommes
qui ont passé la majeure partie de
leur vie à soulager et guérir les Ma-
lades , doivent finir leur carrière par
transmettre à la Postérité tout ce que
d'immenses Lectures , et une longue
Expérience leur ont fait connaître
de meilleur ; tous les Procédés , tous
les Moyens qui leur ont réussi dans
le soulagement de leurs Contempo-
( 7)
rains ; car l'Art de guérir , ainsi que
celui de diriger le rétablissement
complet de la santé des Malades que
le Médecin vient d'arracher à la
mort, et que nous appelons conva-
lescence , sont le fruit de longues
études , et non le résultat de vul-
gaires observations.
La convalescence est donc encore
une tâche imposée à la prudence du
Médecin véritablement ami de l'hu-
manité , car son insouciance à cet
égard et l'abandon du Malade à lui-
même , dès que le péril est passé,
compromet le succès de la guérison ,
d'autant plus , que le convalescent ,
croyant hâter son retour à la santé ,
s'affranchit le plus possible du ré-
gime diététique , si nécessaire pour
consolider son rétablissement ; et que
la perfide complaisance d'une garde-
( 8 )
malade , croyant doubler les forces
du convalescent par une nourriture
abondante , ou très - analeptique
alimente de nouveau les germes de
la maladie , ou en fait naître une
nouvelle d'autant plus difficile à
guérir , qu'il n'y a plus les mêmes
ressources.
Le régime diététique est d'absolue
nécessité pour assurer le retour de la
santé. Si le corps profite en raison
des alimens accordés dès les premiers
momens de la convalescence , c'est
une preuve certaine que les facultés
digestives sont bien rétablies ; alors
le Médecin gradue la quantité et la
qualité de la nourriture , en propor-
tion de l'accroissement des forces ,
et non pas toujours proportion-
nellement à l'appétit , car , après
certaines maladies , il est souvent
(9)
déréglé et bien au-delà des forces
digestives.
Il faut apprendre au Convalescent
qu'il doit retarder le plus possible
l'exercice des facultés intellectuelles ,
s'il veut les retrouver bonnes ; se re-
fuser long-temps aux plaisirs de la
table et encore plus à celui du culte
de Vénus , dont l'ajournement , après
de fréquentes possibilités , complet-
tera sa convalescence , et assurera la
faculté de se livrer par la suite , avec
sécurité , à cet acte , dont l'usage trop
hâtif peut le précipiter au tombeau ;
il faut le persuader qu'une pareille
libation ne doit jamais être que de
l'excédent de ses forces , et qu'il doit
l'abandonner à la seule nature ; car
le moindre effort de sa part tue-
rait le moral , s'il ne tuait
pas le phy-
sique.
( 10 )
Le Médecin prudent ne doit donc
pas borner ses soins précieux aux
seuls dangers que présente la mala-
die , il doit encore les étendre sur la
convalescence qui ne peut devenir
très -heureuse que par les conseils
qu'il donnera suivant l'âge , le sexe ,
· la nature de la maladie , le tempé-
rament du malade , ses habitudes
et ses affections morales , comme
aussi suivant le climat et la saison ;
rien ne doit être négligé de la part
du Médecin philantrope.
C'est ainsi que l'Homme instruit
ennoblit l'une des plus belles fonc-
tions qu'il puisse exercer ; car s'il
est une Profession qui porte avec soi
un caractère de bienfaisance , c'est ,
sans contredit , celle qui soulage l'hu-
manité souffrante .
( 11 )
Qu'ils sont heureux , ceux qui par-
viennent à rappeler à la vie les êtres
qu'ils trouvent aux prises avec la
mort! Quelle satisfaction n'éprou-
vent pas les Accoucheurs , quand ,
dans des cas extraordinaires , ils par-
viennent à conserver la vie aux deux
êtres qui sont confiés à leur intelli-
gence et à leur dextérité !
Que de services le Médecin et l'Ac-
coucheur ne rendent-ils pas à leur
patrie , en conservant une épouse à
un mari , en rendant des pères et
mères à des enfans , et à des pères
et mères des enfans qui feront un
jour leur bonheur et la gloire de
cette patrie !
Enfin , après avoir triomphé de la
maladie et souvent de la mort , loin
de regretter les inquiétudes et les
( 12 )
peines auxquelles les livre l'état qu'ils
ont embrassé , ils se félicitent de leurs
longues études , des nombreux sa-
•
crifices qu'ils leur ont faits ; et , dans
leur satisfaction , ils remercient l'Au-
1 teur de la Nature de les avoir portés
vers ces Sciences , de préférence à
toute autre.
Nous nous arrêtons à cette es-
quisse du tableau des Médecins et
Accoucheurs , vraiment amis de l'hu-
manité .
De toutes les choses les plus né-
cessaires à la vie , la nourriture est la
seule sur laquelle on ait écrit avant
Hippocrate , qui s'est occupé des
autres objets qui entretiennent ou
détériorent la santé ; il est le premier
qui nous ait laissé des préceptes pour
user convenablement des choses les
( 13 )
plus naturelles , que nos Anciens ont
nommées , on ne sait pourquoi , non
naturelles , savoir : l'air , l'exercice ,
le repos , le sommeil, la veille et
les évacuations de toutes matières
grossières et superflues , soit par
la transpiration , soit par les déjec-
tions.
En faisant connaître à nos Lecteurs
le mode et les temps les plus propres
à l'usage de ces choses , que nous re-
gardons comme très - naturelles et
très - nécessaires à l'art de se bien
porter , nous nous acquittons du de-
voir imposé à tout Homme hon-
nête et sensible , et nous nous enga-
geons à les rendre régulateurs de
leur santé, par un genre de vie que
nous croyons indispensable à un cer-
tain âge .
( 14 )
Pour qu'ils parviennent facile-
ment à cette possibilité , nous en-
trons dans tous les détails utiles sur
les choses de première nécessité pour
se conserver sain et bien portant ,
science qu'Hippocrate a nommée
Hygiène ; de là nous passons à la
Gérocomie .
Comme les Passions ont une gran-
de influence sur l'état de bien ou mal-
être habituel , et sur les digestions si
nécessaires à la bonne santé , nous
ajoutons les préceptes que nous avons
reconnus les plus propres à faire
éviter celles qui peuvent tuer , ou
altérer seulement la santé , et par la
modification que nous donnons aux
autres , nous les faisons concourir à
la conservation de l'existence et au
perfectionnement de cette santé.
( 15 )
Nous donnons ensuite les moyens
de prévenir les Maladies , quand
l'ordre de l'économie humaine com-
mence à se déranger ; science que
nous appelons Médecine prophylac-
tique. Après quoi nous indiquons
les Remèdes propres à guérir celles
que l'on n'aura pu ni prévenir , ni
éviter , et pour lesquelles on peut se
passer du Médecin ; cette science est
la Médecine curative.
Nous indiquons aussi les Remèdes
et les Procédés qui peuvent soulager
le Malade , en attendant le Médecin ,
dans les cas où l'on ne peut éviter sa
présence.
Comme la lecture d'un Ouvrage
didactique est ordinairement en-
nuyeuse pour la généralité des
( 16 )
Humains , spécialement pour LES
DAMES ( qui trouveront ici une
règle de conduite pour éviter laperte
entière de leurs charmes , à l'époque
où la Nature les prive d'un des
attributs spéciaux de leur sexe ) ,
nous avons cherché à les garantir
de la monotonie inévitable dans un
pareil travail , par quelques traits
historiques , par des passages ver-
sifiés et analogues à cette Science.
A cet égard , nous avons mis à
contribution nos meilleurs Poètes.
DISCOURS
DISCOURS
PRELIMINAIRE.
LES quatre Epoques dont la vie hu-
maine est composée , sont dans leur suc-
cession nuancées de manière , qu'elles ne
sont pas également marquées chez les
différens sexes.
Quoique la puberté soit très-sensible
chez les garçons , elle n'est pas sujette aux
orages qui tourmentent une partie des
jeunes filles au moment de la nubilité : l'in-
tervalle depuis la puberté jusqu'à la vieil-
lesse s'écoule par des gradations si douces ,
que leur transition est presque insensible
chez ceux qui n'ont point abusé de leur
jeunesse . C'est ainsi que l'homme parvient
à l'automne de sa vie , époque à laquelle
le sage doit, pour entretenir sa santé,
( 18 )
prendre tous les ménagemens que la
prudence suggère , afin de jouir avec
satisfaction du reste des jours que la
Providence lui a départis.
Telle est la volonté du Créateur qui ,
pour nous forcer à veiller à notre con-
servation , nous fait sentir nos besoins ,
et par la douleur , sans cause extérieure ,
nous avertit que le mécanisme de notre
nature se dérange , et qu'il faut que nous
nous occupions de faire cesser ce dé-
sordre ; ce que Voltaire a si bien dépeint
dans les vers qui suivent :
Ah ! dans tous vos Etats , en tout temps , en tout
lieu ,
Mortels , à vos plaisirs , reconnaissez un Dieu.
Que dis-je , à vos plaisirs ! C'est à la douleur même ,
Que je connais de Dieu la sagesse suprême ;
Ce sentiment si prompt , dans nos cœurs répandu ,
Parmi tous nos dangers , sentinelle assidů ,
D'une voix salutaire , incessamment nous crie :
Ménagez , défendez , conservez votre vie.
Quoique nous ne devions nous re-
garder dans ce monde que comme des
voyageurs , il n'en faut pas moins rendre
( 19 )
notre passage le plus agréable possible.
Quand nous arrivons dans une auberge ,
ne fût-ce que pour y passer la nuit , nous
aimons à nous y arranger le moins mal :
agissons donc de même pour le séjour
qui nous est accordé ici-bas.
Jouissons de notre raison , de notre
industrie et de nos talens, pour conserver
le bien le plus précieux qui nous est
donné , la santé : car c'est elle qui rend
le lit agréable , le sommeil rafraîchissant ,
et qui renouvelle nos forces avec le lever
du soleil ; c'est elle qui donne des charmes
aux formes et inégalités de notre corps.
C'est la santé qui nous fait de l'exercice
un plaisir toujours nouveau ; c'est elle
encore qui multiplie les qualités dont
notre ame est ornée ; c'est par elle enfin
que cette ame se plaît dans la maison
qu'elle habite.
D'après tous les agrémens que nous
procure la santé , nous ne devons rien
négliger pour sa conservation , ou pour
son rétablissement lorsqu'elle nous a
abandonnés. Il est de notoriété générale
B 2
( 20 )
que son absence entraîne la privation de
tous plaisirs. Le riche , au sein de son
opulence , ne connaît plus les douceurs
de la vie dès qu'il a perdu la jouissance
de ce trésor.
POPE l'Anglais , ce sage si vanté ,
Dans sa morale , au Parnasse embellie ,
Dit que les biens , les seuls biens de la vie ,
Sont le repos , l'aisance et la santé.
DESCARTES , dont la santé était faible ,
en reconnut tout le prix ; et l'importance
de conserver ce premier bien était de-
venue telle à ses yeux , qu'il écrivait au
père Mersenne : « Je n'ai jamais eu tant
de soins de me conserver que mainte-
nant, Je pensais autrefois que la mort ne
pouvait m'ôter que trente ou quarante
ans; je vois aujourd'hui qu'elle ne saurait
me surprendre sans m'enlever l'espérance
d'un siècle , car il me semble voir évidem-
ment que si nous nous gardions de cer-
taines fautes que nous avons coutume de
commettre au régime de notre vie , nous
pourrions , sans autre invention , par-
( 2.1 )
venir à une vieillesse beaucoup plus
longue et plus heureuse (1 ). ›
Il y a différens degrés de santé , car ,
comme elle peut être parfaite , elle peut
aussi être faible , délicate et chance-
lante. Il y a un mode de santé particu-
lièrement affecté à chaque espèce , de
tempérament ; il dépend de l'action des
fluides sur les solides , et de la réaction
des solides sur ces fluides. La parfaite
réciprocité entre ces deux mouvemens
rend l'exercice des fonctions vitales fa-
cile et exacte. Voilà ce qui constitue la
parfaite santé ; mais si la réaction des
solides ne répond pas à l'action des
fluides , les secrétions ne se feront pas
avec la même précision ; de - là la santé
(1) DESCARTES , qui n'ignorait pas combien les
passions influent sur la santé , s'appliqua sans cesse
à les régler; mais sa philosophie et son régime ne
lui réussirent pas aussi bien qu'à Fontenelle qui
a vécu près d'un siècle , tandis que Descartes mou-
rut âgé de 54 ans seulement , pour s'être opposé à
une saiguée qui avait été jugée nécessaire à sa
guérison.
( 22 )
sera chancelante si l'action des fluides.
est faible , la réaction le sera aussi , alors
toutes les fonctions vitales languiront , et
les secrétions n'auront lieu que faible-
ment ; cet état constitue une santé déli-
cate que le plus petit excès dans l'exercice ,
comme dans la nourriture , peut détruire .
La tristesse et les inquiétudes insépara-
bles de l'état de souffrance sont la preuve
la plus certaine , qu'il n'y a pas de bien
plus réel que la santé , et qu'elle est la
source de la joie la plus vive et la plus
vraie.
S'il est un âge où la fougue des passions
entraîne l'homme malgré lui , où elle se
fait sentir avec une véhémence qui ne per-
met aucun frein , où les desirs troublent
sans cesse la paix de l'ame , où un desir
satisfait en fait naître un autre , où la rai-
son toujours flottante et préoccupée des
desirs du bonheur embrasse toujours le
mauvais parti , où continuellement subju-
guée par l'imagination elle est obligée de
lui céder l'empire ; et enfin où le sage a
besoin d'une volonté armée et soutenue
( 23 )
de tous les efforts de sa raison pour domp-
ter , modifier et régler ses ' passions , le
temps dans sa course rapide en amène un
autre où l'homme n'est plus tourmenté que
par celles qu'il veut bien conserver et en-
tretenir cet âge est son automne.
Les années ayant diminué la fougue du
sang et l'activité du principe vital , le corps
ne recevant plus que la séve nécessaire à
son entretien , cette séve étant moins ac-
tive , l'esprit se replie sur lui-même , et la
raison à l'aide de l'expérience lui fait con-
naître qu'il doit éviter les excès qui lui ont
fait courir mille dangers : en un mot il sent
qu'il doit s'appliquer à conserver ce qui
lui reste de santé , ou à la réparer si ellé
est dérangée , pour parvenir sans infirmi-
tés à l'hiver de sa vie.
Quand on veut se maintenir en bonne
santé , il faut d'abord être moralement
heureux. La première condition pour vi-
vre moralement heureux , est de jouir de
la paix de l'ame , de n'avoir aucune pas-
sion qu'on ne puisse raisonnablement sa-
tisfaire ; il faut donc à cet âge être sans
( 24 )
amour sensuel , et sans ambition , comme
le dit Voltaire :
Deux démons , à leur gré , partagent notre vie ,
Et de son patrimoine ont chassé la raison .
Je ne vois point de coeur qui ne leur sacrifie ;
Si vous me demandez leur état et leur nom ,
J'appelle l'un l'Amour , l'autre l'Ambition.
Ailleurs il dit encore :
Modérons -nous , surtout dans notre ambition ,
C'est du coeur des humains , la plus grande passion.
Tout vouloir est d'un fou , l'excès est son partage ;
La modération est le trésor du sage.
Il faut régler ses goûts , ses travaux , ses plaisirs ,
Mettre un but à sa course , un terme à ses desirs.
Oui ! mais c'est après avoir honora-
blement parcouru notre carrière et rem-
pli nos obligations envers la Patrie , qu'il
nous est permis de penser à la retraite ,
et que nous la conseillons à l'homme
sage , qui doit , à propos , rompre avec
les affaires . La prudence ne veut pas que ,
par un fâcheux retour , il se hasarde à per-
pre les avantages qu'il peut avoir acquis.
Il verra qu'il est bon de vivre enfin pour soi ,
Et vivre avec plaisir , sans faste et sans emploi.
( 25 )
C'est le cas de suivre l'avis que Sénè-
que donne à son ami Paulinus , tréso-
rier du gouvernement , en lui disant : « Je f
ne vous invite pas à vous livrer à l'indo-
lence et à la paresse , je ne vous conseille
pas d'ensevelir dans le sommeil et les vo-
luptés si chères au commun des hommes ,
toute l'activité de votre ame , ce n'est pas
là jouir du repos : sans le troubler , vous
trouverez à vous occuper d'affaires im-
portantes. Songez que vous vous êtes as-
sez fortement appliqué , dès vos premières
années , à des études nobles et intéres-
santes , pour qu'on eût de vous les plus
hautes espérances cherchez donc un
asyle dans des occupations paisibles et
plus relevées. Il est honteux , à un vieil-
lard , de succomber au milieu des travaux ,
de mourir en calculant son argent , et
d'apprêter à rire à un héritier qu'on a
fait long-temps attendre. >>
Ni l'or , ni la grandeur ne nous rendent heureux ;
Ces deux divinités n'accordent à nos vœux
Que des biens peu certains , qu'un plaisir peu
tranquille :
Des soucis dévorans , c'est l'éternel asile ,
( 26 )
Véritable vautour que le fils de Japet
Représente enchaîné sur son triste sommet.
L'humble toît est exempt d'un tribut si funeste;
Le sage y vit en paix , et méprise le reste ;
Content de ses douceurs , errant parmi les bois,
Il regarde à ses pieds les favoris des Rois ;
Il lit au front de ceux qu'un vain luxe environne ,
Que la fortune vend ce qu'on croit qu'elle donne .
Avec le flux et le reflux de joies , de
chagrins , d'adversités , de craintes et d'es-
pérances qui balottent sans cesse les hom-
mes en place , qui peut se flatter de jouir
d'une félicité constante ? Jetons les yeux
autour de nous , et nous verrons que si
on peut être heureux , ce n'est que dans
la médiocrité.
THALÈS de Milet , le premier des sept
Sages de la Grèce, répondit à la question :
Que faut-il pour être heureux?
« Avoir un corps sain , une fortune
aisée , un esprit éclairé. »
ROUSSEAU , le poète , a dit :
Une ame libre et dégagée
De préjugés contagieux ,
Une fortune un peu rangée ,
Un esprit sain , un corps joyeux ,
( 27 )
Et quelque prose mélangée
De vers badins , ou sérieux ,
Me feront trouver l'Apogée
De la félicité des Dieux.
Nous croyons qu'il faut encore l'ab-
sence de toute passion forte , et sa pro-
pre estime qui est le besoin le plus vif
pour une ame honnête , et sans laquelle
on ne peut être ami de soi- même , car si
l'estime publique suffit pour la gloire ,
elle seule ne peut procurer le bonheur.
Un malhonnête homme a pu être assez
adroit pour faire briller quelques lueurs
d'équité et de sagesse , pendant que son
ame était livrée à l'injustice et à la dépré-
dation ; il peut être assez heureux pour
que ses malversations soient restées se-
crettes , et ainsi , avoir usurpé cette estime
publique qui s'accorde souvent par en-
thousiasme , et dont il se glorifie , tandis
qu'il ne peut descendre dans son cœur 9
sans rougir : c'est cependant là que tout
l'homme réside ; c'est là uniquement qu'il
doit trouver son repos et son bonheur.
Indépendamment de ce que nous avons
( 28 )
déjà indiqué , pour parvenir au bonheur
moral , il faut aussi se roidir contre le
desir de montrer de l'esprit et de la
science ; car faire paraître l'un ou l'autre
est une source féconde de chagrins , parce
que lajalousie et l'envie sont bientôt sui-
vies de la haine , puis leur quatrième
sœur la calomnie , galoppe sur vos pas ,
et entraîne après elle les maladies phy-
siques , comme les morales.
On entre en guerre en entrant dans le monde.
Hommes privés , nous avons nos jaloux
Rampans dans l'ombre , inconnus comme nous,
Obscurément tourmentant notre vie ;
Hommes publics , c'est la publique envie ,
Qui contre nous lève son front altier.
Le coq jaloux se bat sur son fumier ,
L'aigle dans l'air, le taureau dans la plaine ;
Tel est l'état de la nature humaine.
Que faire donc , à quel saint recourir ?
Je n'en sais point , il faut savoir souffrir .
L'ambition de l'esprit est aussi active
et aussi dévorante que celle des richesses.
Vous savez que l'action du moral sur le
physique , est souvent plus puissante , que
( 29 )
la réaction du physique sur le moral.
La passion d'avoir de l'esprit s'affaiblit
comme celles du cœur ; de cet état naît
un calme que nous devons plus à la fa-
tigue qu'à nos réflexions : ce calme est
celui du bonheur.
Pour devenir moralement heureux , il
faut aussi se garder d'être courtisan
quand on n'est pas né dans cette classe ;
il faut donc suivre , pour cet objet , le
sage avis du poète :
Heureux qui , satisfait de sou humble fortune ,
Libre du joug suprême où je suis attaché,
Vit dans l'état obscur où les Dieux l'ont caché !
Voulez-vous parvenir à une félicité
aussi complette qu'elle peut l'être ? Ren-
dez-vous maîtres de tous les mouvemens
de votre ame , recherchez une véritable
ataraxie , au point que les injustices et les
injures ne puissent vous affecter , ni vous
chagriner. Que dans l'adversité , comme
dans la prospérité , votre ame tienne une
marche égale ; modeste dans la seconde ,
que la première ne vous trouve pas trop
sensible : si vous vous écartez de ce prin-
cipe , le bonheur a fui.
( 30 )
Méprisons tout ce que peuvent dire
de nous les méchans et les impudens ,
soyons bien convaincus qu'il n'y a que
des gens de cette espèce qui puissent
chercher à nous nuire , et à nous faire
injure.
Les insultes et les honneurs doivent
être mis au même rang , il ne faut ni s'af-
fliger des uns , ni se réjouir des autres :
car la versatilité est tellement inhérente
à la race humaine , que tel qui nous blâ-
mait hier , nous loue aujourd'hui , et que
celui qui nous méprise aujourd'hui , de-
main nous admirera.
N'éprouves -tu que fourbe et trahison ?
Montre dans ce conflit la plus mâle raison.
Faut- il , si des jaloux le seul dépit te blâme ,
Leur céder le triomphe et dégrader ton âme,
A Sparte , une des prières que l'on
adressait aux dieux , était de donner la
force de supporter l'injustice. Pour quoi
ne ferions-nous pas aujourd'hui la même
demande à l'Étre suprême , qui seul peut
nous l'accorder ? Il faut nou smettre au
dessus de la crainte et du chagrin qui
pourraient nous faire oublier nos devoirs :
( 31 )
n'allons pas présenter une ame faible et
craintive aux traits de la calomnie. Sou-
venons-nous de cette vérité :
Le peuple foue et condamne au hasard
Toute vertu , tout mérite et tout art.
L'ombre de Pope avec les Rois repose ,
Un peuple entier fait son apothéose ,
Et son nom vole à l'immortalité :
Quand il vivait , il fut persécuté .
Suivons toujours notre conscience qui
ne nous laissera rien faire de mal quand
nous la consulterons , et ne nous croyons
pas exempts de blâme dans les meilleures
actions , car ce qui plaît à l'un déplaît
à un autre , et souvent en irrite un troi-
sième. L'organisation et l'intelligence des
hommes sont si variées , qu'à peine dix
sur mille peuvent voir et saisir une chose
de la même manière ; ainsi attendons-nous
donc à être blâmés. Ce mal est moins fâ-
cheux pour ceux qui y sont préparés , que
pour celui qui , connaissant peu le cœur
humain , est persuadé qu'on ne peut ja-
mais attaquer sa conduite.
( 52 )
Quel homme a réuni sur lui tous les suffrages?
L'auteur le plus parfait , des plus parfaits ouvrages ,
Fut en butte aux jaloux , et la société ,
Dans un meilleur état , n'a jamais existé.
La plus grande punition d'un homme
qui nous calomnie , est de savoir que nous
n'y sommes pas sensibles , car le plus léger
mouvement de colère ou de chagrin est
un sujet de joie pour un ennemi . Soyons
certains que le premier moyen pour couler
des jours heureux , est de savoir se maî-
triser.
En renonçant ainsi à toute espèce de
vengeance , laissons à un autre moins pa-
tient le soin de punir l'insolent et l'in-
juste , parce que cette espèce d'hommes
n'attaque pas seulement un individu , mais
tout autant qu'il en rencontre , dont lė
mérite lui porte ombrage : malheur à
ceux qui se trouvent sur son chemin ! Tel
le serpent irrité , il lui faut une victime
sur laquelle il puisse verser son venin .
Nous croyons avoir indiqué tout ce qui
peut , au moral , contribuer à la conser-
vation de la santé ; mais on nous demande
maintenant :
( 33 )
maintenant : Où l'homme peut- il jouir
de cette tranquillité d'ame et de ce bon
heur moral?
Dans tous les temps , dans tous les
pays , à tout âge , et malgré les regrets
qu'occasionne la fuite des belles années ,
c'est spécialement aux approches de la
vieillesse.
Le vrai bonheur de l'homme sage est
le bonheur domestique. C'est au sein de
sa famille qu'est la véritable existence de
l'être raisonnable , il n'est réellement heu-
reux ou malheureux que dans sa maison ,
selon la femme qu'il s'est choisie , ou qui
lui a été donnée ; c'est là qu'une épouse
vertueuse concentrée dans son affection ,
après avoir rempli les devoirs de la mater-
nité , l'attend ; c'est là où il trouve une
amie sincère qui sait que l'Auteur de la
nature l'a destinée à être en tout temps la
compagne fidelle qui , dans tous les âges
et dans toutes les circonstances , doit faire
la consolation et le bonheur de l'homme.
Qu'une disgrace , ou qu'une infortune
arrête le cours de la prospérité d'un
( 34 )
homme en place , qu'une proscription
menace sa liberté , c'est dans ses foyers
qu'il trouve cette amie courageuse , dont
le sentiment délicat double l'éloquence
et lui fait tout braver pour conjurer
l'orage qui gronde.
S'il lui survient une maladie , c'est en-
core dans ses foyers qu'il retrouve cette
précieuse compagne , qui jour et nuit
restant au même poste , s'oublie elle-
même pour être toute entière à la santé
de son époux , et qui , bravant toute fa-
tigue , ne connaît de repos qu'au moment
où le péril est passé : c'est là enfin où une
femme , les yeux pleins de larmes , dont
elle suspend le cours , trouve encore un
sourire pour détourner l'idée de cette
loi que la nature impose à tous ; et que ,
près du lit de mort , ses mains guidées.
par le sentiment d'un amour religieux ,
pressent encore sur son sein cette tête
chérie , et qu'elle paye à la sensibilité le
dernier tribut du devoir conjugal.
( 35 )
INTRODUCTION.
ES procédés physiques qui contribuent
Les
à la conservation de la santé , sont plus
nombreux que les moraux , et nous for-
cent à remonter presque à l'origine de
l'homme , qui est perdue dans la nuit des
temps. Nous n'avons aucun monument de
son premier état ; mais sans crainte de
nous tromper , nous pouvons conjecturer
qu'il fut dans son commencement sans
connaissance et sans art; et que, conduit par
son seul instinct , il fit long-temps des ex-
périences sans s'en douter , et qu'il goûta
souvent des fruits et des plantes sans être
certain qu'ils convenaient à sa nature. De
toutes les maladies qui affligent l'huma-
nité , aucune ne lui est essentielle ; elles
sont acquises par sa faute et pour avoir
résisté à la voix de la nature : c'est l'abus
qu'il fit par la suite des temps , de toutes
C 2
( 36 )
choses , qui fit naître une foule de mala-
dies qui n'existeraient point s'il eût tou-
jours vécu raisonnablement.
La vieillesse , avant cent ans, est une vieil-
lesse anticipée et occasionnée par une con-
tinuité de fautes dans la conduite et par la
fougue des passions , car l'homme qui a été
constamment sage , et qui meurt réelle-
ment de vieillesse , s'éteint et n'est point
infirme long-temps avant de mourir : nos
ancêtres dégénérés par les fautes de leur
régime , nous ont transmis leur dégénéra-
tion que nous augmentons encore par nos
fautes avant de la communiquer à nos des-
cendans.
Nous savons que le premier homme ,
après sa désobéissance aux ordres du
Créateur , fut condamné à manger son
pain à la sueur de son front , ou à ne
vivre que de l'herbe des champs. C'est
vraisemblablement d'après ce passage de
la Genèse qu'Hippocrate enseignait qu'au
commencement du monde , l'homme se
nourrissait des mêmes alimens que les
brutes ; et que de l'usage de ces alimens
grossiers et indigestes naquirent une
( 37 )
grande quantité de maladies qui ont af-
faibli et fait dégénérer la race des humains.
Il nous paraît qu'Hippocrate s'est
trompé dans ses conjectures sur la pre-
mière nourriture des hommes , car ils
avaient des animaux dont le lait leur fut
une nourriture salutaire. Nous croyons
que c'est plus l'abus qu'ils firent des di-
vers alimens et boissons , après qu'ils en
e urent fait la découverte , qui changeaeant
la diathèse primordiale de l'homme, le ren-
dit maladif, puisque tous les anciens his-
toriens nous attestent la longévité des pre-
miers Patriarches qui vécurent, disent-ils ,
près de mille ans.
La chronologie de l'Histoire Sainte dit
qu'Adam a vécu 930 ans. Seth , son pre-
mier fils , est mort âgé de 912 ans. Enoc
est mort à l'âge de 905 ans. Matusala
poussa sa carrière jusqu'à 969 ans. Noë,
âgé de 600 ans , lorsqu'il s'enferma dans
son arche , est mort à près de 930 ans.
Soit que la manière de compter ou de
former les années ait reçu un nouveau
mode peu après la mort de ce Patriarche,
oit que l'abus du vin qu'il avait trouvé ,
( 38 )
eût dès - lors altéré la constitution hu-
maine , nous voyons que peu après cette
mort , les hommes perdirent beaucoup
de cette ' longévité antérieure au grand
événement du déluge ; car en continuant
de compulser la même chronologie , nous
trouvons que Sem , quoique béni par son
père Noë , n'a vécu que 600 ans. Salé est
mort âgé de 433 ans. Thare , père d'A-
'braham , n'a pas passé 275 années . Abra-
ham est mort aveugle et fort vieux , âgé
de 180 ans, Jacob , son fils , n'a vécu que
147 ans,
Moïse , ce célèbre législateur du peuple
de Dieu , n'a pas poussé sa carrière au-
delà de 120 ans ; il expira après être des-
cendu du mont Nabo , d'où Dieu lui ap-
parut , et lui fit voir la terre promise.
DAVID mourut âgé de 70 ans seulement.
SALOMON , Son fils , n'a existé que 58
ans ; mais il y a lieu de croire que c'est
autant l'abus qu'ils firent des femmes , que
leur intempérance , qui contribuèrent à la
mort prématurée de ces deux rois.
L'objection qui se présente le plus na-
turellement à l'esprit contre cette longue
( 39 )
vie , est que les hommes du premier âge
ne faisaient pas leur année aussi longue
que la nôtre ; mais aussi nous pouvons
croire que
leur sobriété , le petit nombre
d'alimens , et leur préparation plus saine ,
leurs passions moins nombreuses et moins
actives que les nôtres , devaient prolonger
leur santé et leur existence . Témoins ces
Patriarches , de la longévité desquels nous
ne devons pas douter , et qui se nourri-
rent de lait , de miel , de fruits , et dont
la boisson ne fut que de l'eau
La découverte de Noë apporta vrai-
semblablement , par la suite des temps ,
un grand changement dans la constitu-
tion humaine , par l'abus que les hommes
firent des vins et liqueurs fermentées ,
ainsi que des différens alimens dont les
préparations devinrent de plus en plus si
attrayantes , qu'elles firent naître la gour-
mandise , aujourd'hui si familière à notre
nature , et si nuisible à notre santé.
Noé , ce Patriarche cultivateur , trouva
le vin sans le chercher : c'est ainsi que les
premiers hommes acquirent la majorité
de leurs connaissances. Noe ignorait les
( 40 )
qualités de cette boisson , dont l'essai lui
coûta momentanément la perte de sa rai-
son. Il est vraisemblable qu'il avait sou-
vent mangé du raisin , auquel il n'avait
reconnu aucune qualité malfaisante . Il ne
pouvait prévoir que la fermentation donne
à la liqueur de ce fruit , un spiritueux
qui a la funeste propriété de troubler la
raison , pour peu qu'on en boive trop ;
mais qui , prise modérément , est une bois-
son salutaire ( 1 ) .
Les premiers humains , enfans de la na-
ture , antérieurs à toutes sciences , à tous
événemens , vécurent long-temps sans ar-
river à des résultats favorables ; il leur
fallut nécessairement des essais multipliés
qui leur donnassent la connaissance , non-
seulement des propriétés de leurs organes
digestifs , mais encore celle des choses
qui convenaient le mieux à ces organes,
Des expériences , sans s'en douter et sans
nombre , leur dessillèrent enfin les yeux
(1) PLUTARQUE confirme le bon effet du vin , par
le propos de Lamprias , son aïeul , qui disait : La
chaleur du vin fait sur mon esprit le même effet
que le feu produit sur l'encens ,
( 41 )
et perfectionnèrent les moyens de vivre ;
et par suite l'esprit dégagé du soin des
premiers besoins , éleva l'homme à l'art
de comparer des faits , des idées , des
raisonnemens , et lui apprit à tirer des
plantes , des fruits , des animaux , le parti
le plus convenable à sa constitution et à
ses facultés digestives .
Par la suite des temps , la nécessité fut
la mère de nouvelles recherches ; c'est
ainsi que les différentes branches de la
Médecine ont pris naissance , puisque
Hippocrate dit qu'ayant reconnu que les
alimens qui convenaient aux personnes
robustes , nuisaient aux faibles , à plus
forte raison aux malades , il trouva né-
cessaire de prescrire un régime différent
pour le rétablissement et pour la conser-
vation de leur santé ; delà sont éclòs ses
ouvrages sur la diète (1 ) .
L'origine de la Médecine est si ancienne
que son berceau s'est dérobé à nos yeux,
Cette science était connue bien avant Es-
culape , auquel on en attribue l'inven-
(1 ) Diète ou Régime de vivre sont synonymes.
( 42 )
tion : il était élève du Centaure Chiron,
l'un des plus célèbres chirurgiens de
l'antiquité , qui lui donna toutes ses con-
naissances en Médecine comme en Chi-
rurgie.
Tout porte à croire qu'un art aussi in-
téressant que la Chirurgie , est devenu utile
dès l'origine du monde , et qu'il a dû pré-
céder de beaucoup la Médecine ; mais dans
ces temps-là , le même homme exerçait
l'une et l'autre science ; et si l'on en croit
un manuscrit de la bibliothèque de l'élec-
teur, aujourd'hui roi de Bavière , des trois
fils de Noë , deux furent médecins . Sem,
dit-il, composa des traités sur la méde-
cine, et fut père de la branche qui donna
le jour à Esculape. Cham , dit aussi le
même historien , avait gravé sur des
pierres ce qu'il savait de médecine , et les
transporta dans l'arche .
Plusieurs auteurs prétendent qu'Escu-
lape est né à Épidaure , l'une des villes.
du Péloponèse , tandis que d'autres le
croient originaire de Messinie , aujour-
d'hui Moncenigo , et qu'il alla s'établir à
Épidaure , où on lui éleva un temple , et
( 43 )
où il fut déifié pour les grands services
qu'il rendit à l'humanité par ses connais-
sances en médecine.
La Médecine qui est l'art de conserver
la santé , de la restaurer lorsqu'elle est af-
faiblie , et de la rétablir lorsqu'elle est al-
térée ou perdue , est spécialement le ré-
sultat de principes certains , d'observations
bien faites , d'expériences sûres , métho-
diques et bien dirigées , qui n'admettent
rien de douteux.
La Médecine est une science sublime
qui mérite mieux aujourd'hui des autels
que dans l'antiquité, puisqu'elle peut con-
tribuer à l'amélioration de la nature hu-
maine , en modifiant ses passions par le
changement qu'elle peut opérer sur les
divers tempéramens dont elles émanent.
Notre grand philosophe Descartes avait
conçu une très- haute idée de la médecine ,
caril dit(1 ) : «L'esprit dépend tellement du
tempérament et de la disposition des or-
ganes du corps , que s'il est des moyens de
rendre les hommes plus sages , et plus spi-
(1) Metho . dissertandi. VI , §. 11.
( 44 )
rituels qu'ils ne l'ont été jusqu'à ce jour ,
je crois que c'est dans la Médecine qu'il
faut les chercher. » Que ne dirait- il done
pas aujourd'hui , où cette science a fait de
si grands progrès ?
Le père Bouhours , dans son entretien
d'Ariste et Eugène , ainsi que quelques
autres physiologistes qui ont écrit depuis
1764 , conviennent que les belles qualités
de l'esprit procèdent d'une bonne consti-
tution , d'une certaine disposition des or-
ganes ; et ils ont reconnu que les moyens
de donner des dispositions à l'esprit dé-
pendent de la qualité du sang des pères
et mères ( 1 ) .
ESCULAPE , ce dieu de la Médecine , fut
représenté la tête couronnée de laurier ,
comme fils d'Apollon , appuyé sur un bâ-
ton qu'un serpent entoure pour indiquer
que la Médecine est le soutien de la santé
et aussi pour faire connaître qu'elle la re-
(1) Voyez à ce sujet l'Art de procréer les sexes
à volonté, quatrième édition , seule enrichie de la
Dissertation sur les moyens de donner à sa progé-
niture des dispositions favorables à l'acquisition de
l'esprit.
( 45 )
nouvelle , et qu'elle rajeunit comme le ser-
pent lorsqu'il change de peau ; mais aussi
pour démontrer que cette science doit être
exercée avec la sagacité , la prudence et la
discrétion dont cet animal était alors le
symbole (1 ) . On voit quelquefois aux pieds
de ce dieu , un chien , emblême de la fi-
délité , souvent un coq pour désigner la
vigilence qu'elle exige ; d'autres fois on y
trouve une tortue qui indique que la na-
ture veut qu'on opère comme elle , len-
tement , pour guérir sûrement.
Nous pouvons regarder Esculape com-
me le fondateur de la Médecine pratique ,
qui après lui fut long-temps sans faire de
progrès sensibles ; elle devint alors une
branche de la philosophie et fut une des
principales occupations des amis de la sa-
gesse , parmi lesquels Pytagore , Empé-
docle et Démocrite se distinguèrent : mais
ces philosophes se renfermèrent dans la
théorie de cette science , et la Médecine
pratique , ou d'expérience, resta dans une
(1 ) Toute l'antiquité a connu la finesse du
serpent.
( 48 )
un superflu de nourriture . On peut juger
par là combien est juste notre conjecture ,
qui nous fait croire que la détérioration
de la santé et les nombreuses maladies qui
assiégèrent de plus en plus la race des hu-
mains , provenaient plutôt de l'abus qu'ils
firent des boissons fermentées et des nour
ritures , lorsqu'elles furent devenues suc-
culentes , que des premiers alimens qu'ils
recevaient des mains de la nature.
HÉRODOTE nous apprend qu'une loi obli-
geait les Babyloniens à porter leurs mala-
des dans les rues et places publiques , et à
prier les passans de dire s'ils avaient vu
quelqu'un atteint des maux qui les tour-
mentaient , et s'ils savaient quels remèdes
on avait employés à leur guérison.
Rien de mieux pour ces temps-là , car
on n'avait point encore reconnu que la
même maladie ne peut être guérie par
les mêmes moyens , ni par les mêmes pro-
cédés , chez tous les différens individus ,
parce que les âges , les sexes , et plus en-
core les tempéramens exigent une variété
de moyens et de remèdes que l'expérience
et
( 49 )
et la pathologie nous ont indiqués depuis
ce temps : qui plus est , la même maladie
ne peut souvent pas être guérie par les
mêmes procédés chez les mêmes indivi-
dus , lorsqu'elle se récidive à des époques
éloignées.
HIPPOCRATE a bien approuvé la loi des
Babyloniens, puisque parmi ses préceptes
aux médecins , il y en a un qui leur re-
commande de ne jamais regarder comme
au dessous d'eux , d'interroger les per-
sonnes sur la manière dont elles ont été
guéries ; et il ajoute qu'il est persuadé
que c'est à ce moyen que l'Art de la Mé
decine doit son origine et ses progrès.
STRABON atteste que les Égyptiens adop
tèrent cet usage qui ouvrit à la Médecine
une vaste source de connaissances , parce
que dit-il : Quand une personne riche
était guérie d'une maladie grave , l'amour
du bien public la décidait à faire élever
à ses frais une pyramide , ou à faire placer
dans quelque temple consacré à Esculape ,
une table sur laquelle on lisait les remèdes
qui avaient été employés pour son réta-
D
( 50 )
blissement à la santé : il dit encore que
c'est dans ces inscriptions dont le fameux
temple de Cos était rempli, qu'Hippocrate
a puisé les sublimes connaissances qui
l'ont immortalisé .
MERCURIALIS nous apprend qu'on voyait
à Rome , dans le palais Maffei , une des
tables de marbre qui avait été tirée du
temple que les Romains avaient élevé à
Esculape dans l'île du Tibre.
HIPPOCRATE passe pour être le premier
qui sépara la Médecine de l'étude de la
Philosophie , et c'est de son temps que
l'on fit de l'art de guérir deux parties dis-
tinctes , qui dès lors ne furent plus exer-
cées par les mêmes individus , savoir la
thérapeutique et la chirurgie. Celle -ci
fut bornée comme elle l'est aujourd'hui à
l'abscission et aux autres opérations né-
cessaires au corps humain , à la guérison
'des plaies et à la réduction des disloca-
tions et fractures des parties osseuses.
Les deux fils d'Hippocrate , Machaon
et Podalire , se distinguèrent dans cette
partie de l'art de guérir , spécialement au
( 51 )
siége de Troye , où , selon Homère , ils fu-
rent d'un grand secours aux blessés parmi
les Grecs ; mais il ne dit pas qu'ils fussent
experts dans la guérison des maladies in-
ternes.
La thérapeutique , ou la Médecine pro-
prement dite , comprit dès-lors toutes les
maladies internes. Cette science fut divi-
sée en pharmaceutique et en diététique .
La pharmaceutique est la Médecine cu-
rative parl'administration des médicamens
préparés par les pharmaciens.
La diététique est l'art de guérir par le
régime. Cette partie excita beaucoup d'e-
mulation parmi un grand nombre d'hom-
mes célèbres , qui poussèrent la théorie de
la Médecine beaucoup plus loin qu'elle
n'avait été portée jusqu'alors.
JEAN SÉRAPION , médecin arabe , qui vi-
vait au IXe siècle , s'éleva contre ce genre
de science , soutint et prouva que pour
exercer la Médecine avec succès , il fal-
lait moins de raisonnement ou de théorie ,
que de pratique et d'expérience ; ce qui
forma deux sectes de médecins , savoir les
D 2
( 52 )
empyriques médecins d'expérience , et
les rationnels ou raisonneurs ; mais en
suivant les cures des uns et des autres , on
trouva que chacun d'eux guérissait égale-
ment leurs malades. Depuis ce temps on
a reconnu que le raisonnement ne pouvait
que rendre l'application des remèdes plus
appropriée ; en conséquence la bonne Mé
decine d'aujourd'hui est composée de la
rationnelle et de l'empyrique , ou du rai-
sonnement et de l'expérience ; car Her-
mand Boerrhaave promet dans la pré-
face de ses Instituts , qu'il ne donnera rien
pour certain , que ce qui sera prouvé par
l'expérience et un raisonnement invin-
cible. Ce célèbre Professeur est un des.
guides de notre pratique.
Quant à la partie de la Médecine qui
traite des moyens de conserver la santé ,
elle fut inconnue jusqu'à Hippocrate qui
nous paraît le fondateur de cette précieuse
branche qu'il a nommée Hygiène, science,
dont nous donnerons bientôt une ample
connaissance.
Nous devons une grande confiance aux
( 53 )
préceptes de cet homme illustre , puis-
qu'il se conserva en force et santé suffisan-
tes pour exercer son art jusqu'à l'âge de
cent quatre ans auquel il cessa d'être . Ceux
qui suivirent et professèrent sa doctrine ,
tels que Galien Craton , Forestus
Hoffman , Haller , Vanswieten et Boer-
rhaave sont tous morts octogénaires .
Puisqu'Esculape fut le dieu de l'an-
cienne Médecine , Hippocrate doit être
considéré comme le dieu de la nôtre. Il fut
assez bon citoyen pour communiquer à ses
contemporains , et par suite au
au genre hu-
main ses grandes connaissances en Méde-
cine qui étaient concentrées en lui et dans
sa famille , car il était le dix -huitième des-
cendant d'Esculape du côté paternel et le
dix-neuvième d'Hercule du côté maternel.
Quand nous réfléchissons au temps où
il vécut , nous ne pouvons nous défendre
de la surprise que nous causent ses précep-
tes , d'autant plus précieux aujourd'hui ,
qu'ils sont confirmés par l'expérience des
siècles et les écrits des meilleurs méde-
cins et physiologistes qui se sont succédés.
( 56 )
qui se sont livrés à l'étude de la Méde
cine , les sages ont suivi et suivent en-
core les préceptes d'Hippocrate. Ils disent
qu'il faut employer peu de remèdes dans
le traitement des maladies : 1 ° . parce que
la nature et le régime en guérissent plus
que la grande quantité de remèdes , et la
complication des ordonnances , 2º. parce
que l'application des remèdes , pour les
maladies internes , étant difficile à bien
faire , le médecin est souvent exposé à se
tromper ( 1 ) , 3°. parce que l'organisation
humaine s'accommode bien mieux de la
sagesse qui rend la Médecine inutile ,
que des lumières du médecin ,
Quæramus igitur quod optimum , non quod
usitatissimum,
Cherchons donc ce qu'il y a de mieux ,
et non ce qui est le plus à la mode,
(1) Combien , par exemple, l'application des
remèdes qui conviennent à plusieurs maladies
n'est-elle pas difficile à faire , ainsi que celle des
différens remèdes qui conviennent à la même ma-
ladie.
( 57 )
Un philosophe a dit : Ayez soin de vous
tenir la tête froide (1 ) , les pieds chauds ,
et le ventre libre , vous vous porterez
bien. Ces trois précautions contribuent
effectivement à l'entretien de la bonne
santé ; mais on sait qu'elles ne suffisent
pas.
Pour se bien gouverner et se maintenir
en bonne santé , indépendamment de ce
que nous avons conseillé pour le moral ,
il faut , pour le physique , connaître et
pratiquer cette partie de la Médecine
nommée Hygiène , qui seule peut suffire
à l'homme assez heureux pour avoir reçu
de ses parens une constitution saine et
vigoureuse , pourvû qu'il ne lui survienne
ni plaie , ni fracture , ni luxation.
Ainsi donc , nous allons revenir aux
principes d'Hippocrate , dont nous ne
pouvons trop admirer le génie et la bien-
faisance . Lui seul a plus fait pour l'avan-
(1 ) Par tête froide , il entend le jugement sain ,
exempt dès vapeurs d'une laborieuse digestion ,
ou de celles des liqueurs fortes,
( 58 )
cement de cette science merveilleuse
que tous ceux des siécles précédens , puis-
qu'il est le premier qui en ait fait un
corps de doctrine , et qui ait donné des
préceptes clairs et intelligibles . Il a tout
vû , tout observé , et ses aphorismes res-
semblent plus à l'ouvrage d'un dieu , qu'à
ceux d'un homme ; aussi dit- on encore ,
Divin Hippocrate ( 1 ) ; en un mot nous
n'avons de grands hommes , en Médecine ,
que ceux qui l'ont pris pour modèle .
Le médecin qui fuit les principes d'Hip-
pocrate , et qui reconnait dans la nature
un maître dont il étudie la marche , dont
il se contente de favoriser les efforts ; qui
(1) Avec la saignée , de l'hydromel , de l'oxi-
crat, de l'oximel , des lavemens , des fomentations
chaudes et des purgatifs , Hippocrate guérissait les
maladies les plus graves. Boerrhaave ne demandait
que de l'eau , du vinaigre , du vin , de l'orge et une
lancette. Sydenham faisait une seule ordonnance
dans vingt visites qu'il rendait à son malade , et
cependant Sydenham guérissait , parce que la na-
ture n'a besoin d'être aidée que d'un petit nombre
de remèdes.
( 59 )
ne la contrarie que quand il est bien cer-
tain qu'elle s'écarte de cette marche , et
qu'elle ne peut y revenir seule ; qui n'ac-
corde rien au hasard que dans les cas
extrêmes , où il est plus sage de recourir
à des moyens incertains que d'abandon-
ner le malade à une mort inévitable , est
un homme recommandable et vertueux,
car il fait tout le bien qu'il est possible
de faire. t
INVOCATION
LA DÉESSE DE LA SANTÉ.
BIENFAISANTE divinité !
Toi , que, du couchant à l'aurore ,
L'homme cherche , desire , implore ,
Aimable et fragile Santé ,
Toi , que Rome , dans sa puissance ,
Sut mettre au rang des immortels ,
Et qui vis orner tes autels
Des fleurs de la reconnaissance ,
( 60 )
Redouble pour nous tes faveurs ;
Que ton image sacrée ,
Dans un nouveau temple adorée ,
Reste l'idole de nos cœurs .
Fraîche et belle comme la rose ,
Tu présides à mon sommeil ,
Et sur la couche où je repose ,
Je te dois le plus doux réveil.
C'est sur ta palette charmante ,
Remise aux soins de la gaîté ,
Que ta main vive et caressante ,
Trouve le teint de la beauté .
Sous ton empire , la jeunesse
Voit éclore ses plus beaux jours ,
Et tu ranimes la vieillesse
Du souvenir de ses amours :
Aux appas tu donnes la vie ,
Tu donnes l'essort au génie ,
Et lorsque le chagrin flétrit
Une âme en proie à la souffrance,
Tu rends la vigueur à l'esprit ,
Et le bonheur à l'espérance .
( 61 )
LA GÉROCOMIE.
PREMIÈRE PARTIE.
DE L'HYGIÈNE ,
ou l'Artde se conserver en bonne Santé.
L'HYGIÈNE , le trésor du sage , est la
partie de la Médecine qui a pour objet la
conservation de la santé , les moyens d'en
prévenir le dérangement , et les soins de
conduire à une longue vie , en évitant les
infirmités , parce qu'elle prescrit le mode
d'user convenablement des choses les plus
nécessaires à la vie . Cette science devrait
être un objet d'étude pour une grande
partie des hommes , et devenir la base de
( 62 )
la vraie philosophie , car nous devons la
regarder comme la médecine morale
puisqu'elle nous donne des lois pour
modifier et tempérer la fougue des pas-
sions.
PLUTARQUE ( ce philosophe grec , né
à Chéronée ) , quoiqu'il ne fut pas mé-
decin , nous a laissé , sur la conservation
de la santé , un discours trop intéressant
pour ne pas vous en faire connaître une
partie. Il trouve fort ridicule que les phi-
losophes se donnent tant de peines , et
s'appliquent avec autant d'attention à per-
fectionner leurs connaissances sur beau-
coup d'objets qui leur sont étrangers ,
tandis qu'ils négligent de se connaître
eux-mêmes ( 1 ) .
(1 ) L'homme scrutateur de l'Univers connaît
tout dans la nature , excepté l'homme , par une
raison péremptoire : c'est que la science de la na-
ture humaine est une des plus difficiles et des
plus longues à apprendre. Hippocrate l'a exprimé
d'une manière bien précise , en disant : Ars longa ,
vila brevis , occasio præceps , experimentum peri-
eulosum , judicium difficile.
( 63 )
Les sages de la Grèce avaient pour ob-
jet de leurs études , l'homme , ce qu'il
est , ce qu'il doit être , comment ilfaut
l'instruire et le gouverner.
*
PLUTARQUE fait une grande apologie
de la partie de la Médecine qui conserve
la santé ; il fut un exact observateur des
préceptes d'Hippocrate ; et Driden , his-
torien de ce philosophe , assure que cet
homme, illustre se conserva sans déclin ,
jusqu'à l'âge le plus avancé , et que jus-
qu'à la fin de ses jours il fut actif et ro-
buste , grâce à sa prudente attention à se
ménager par un régime des plus sobres ,
et un exercice convenable à son tempéra-
ment.
Ce philosophe veut que les personnes
qui se portent bien , s'accoutument ce-
pendant à vivre de régime , et quelques
fois de privations. Il conseille de ne boire
souvent que de l'eau , quoiqu'on ait du
vin à sa disposition , pour que la pri
vation de cette liqueur soit moins sen-
sible dans la maladie en un mot il veut
que nous nous rendions maîtres de nous-
( 64 )
mêmes , jusqu'à nous plier à ne faire cas
des choses qu'autant qu'elles sont néces-
saires à notre santé .
Une observation de cet auteur est que
les personnes maigres sont généralement
celles qui jouissent d'une meilleure santé,
d'où il est aisé de conclure que plus on
fait bonne chair , plus on doit faire d'exer-
cice , dans la crainte de trop engraisser.
Nous invitons les personnes parvenues
à un âge mûr , à s'appliquer à la con-
naissance de leur tempérament , ainsi qu'à
celle des choses qui y conviennent le
mieux pour se bien gouverner et arriver
le plus lentement possible à la vieillesse ,
car ce n'est pas toujours l'âge qui nous
y conduit , mais bien les infirmités .
Sur mille personnes du même sexe et
du même âge , on n'en trouvera pas cent
qui doivent se comporter de la même
manière. Il y en a de maigres , de grasses ;
les unes sont d'une diathèse faible , d'autres
d'une moyenne force , d'autres , enfin "
d'une très-vigoureuse . Les unes sont d'un
tempérament chaud , d'autres d'un tem-
pérament
( 65 )
pérament tout à fait opposé. Quelques
unes sont bilieuses , d'autres phlegma-
tiques et pituiteuses. Les unes ont le
ventre trop libre , d'autres trop serré et pa-
resseux : conséquemment il faut faire ces-
ser ces extrêmes , et c'est par une connais-
sance exacte de l'hygiène que l'on par-
viendra à corriger , par degrés , ces dis-
positions nuisibles à la bonne santé.
GÉNÉRALITÉS POUR TOUS LES INDIVIDUS .
Des divers Diathèses et Tempéramens.
Chaque individu parle de son tempé-
rament ; presque personne n'en connaît
bien ni la nature , ni la définition . Par le
mot tempérament , nous ne devons en-
tendre que l'aggrégation et le mélange
des diverses substances dont nos corps
sont composés , en un mot ce qui forme
leur constitution qui est très-variée ; tan-
dis que l'on entend souvent par le mot
E
( 66 )
tempérament , le produit et les divers ef-
fets de l'amalgame des substances qui
forment notre diathèse , en un mot la fa-
culté plus ou moins grande que chaque
individu a de se régénérer. Nous obser-
vons que cette faculté reproductive n'est
pas toujours en raison directe de la force
du tempérament ; car des personnes d'une
diathèse ou constitution athlétique , sont
on ne peut pas moins favorisés de cette
possibilité , tandis que d'autres , d'une
constitution faible , jouissent à un degré
éminent de cette faculté , spécialement
celles menacées ou atteintes de la pul-
monie ces êtres sont le jouet de la na-
ture quand ils s'abandonnent à son im-
pulsion relative à la reproduction , car
plus ils y travaillent , plus promptement
ils s'anéantissent .
Nos anciens expliquaient tous les phé-
nomènes de l'économie animale , par les
quatres premières qualités des substances
naturelles , c'est-à- dire par le chaud, le
froid , la sécheresse , et l'humidité : de-
là est né leur système des quatre tempć-
( 67 )
ramens primordiaux , auxquels ils en
ajoutèrent quatre mixtes , et un si égale-
ment composé de toutes les qualités des
quatre premiers , qu'il pouvait être appelé
un parfait tempérament , un tempérament
par excellence.
L'observation a démontré qu'il ne peut
y avoir de tempéramens simples , et que
les mixtes ne le sont pas tous au même
degré; en conséquence on en a beaucoup
augmenté le nombre. Tant d'objets con-
courent à la formation de nos constitu-
tions , qu'il y a presque autant de diffé-
rens tempéramens , que d'individus, L'ori
gine , le sexe , le climat , les saisons , les
qualités du sang , sont autant d'objets
variables qui apportent des différences
dans les constitutions , et qui donnent
mille nuances à la même espèce de dia-
thèse ensuite l'âge , les divers états , et
la manière d'y vivre amènent de si grands
changemens dans les constitutions pri-
mordiales , qu'elles sont presque aussi va-
riées chez une même nation , que la taille
des individus qui la composent, de manière
E 2
( 68 )
que l'idiosyncrasie est plus fréquente
qu'on ne le croit.
Causes de ladiversité des Tempéramens .
La cause la plus efficiente des divers
tempéramens , nous parait dépendre de
l'activité du principe vital que chaque
individu a reçu au moment de la fécon-
dation , qui a donné au cœur une plus ou
moins grande force ; elle dépend , en
même temps , de la qualité et de la nature
du fluide que forme ce viscère , et qui en
entretient le mouvement , car le pouls de
chaque individu nous indique l'état et la
manière dont se comportent les fonctions
vitales de chacun , et ce n'est que par la
différence des mouvemens du cœur , que
nous appelons diastole et systole , que
nous pouvons bien connaître toute l'éten-
due et l'intégrité des fonctions naturelles ,
ou leur lésion , puisqu'un pouls habi-
tuellement élevé , fréquent , tendu et ré-
nittent , indique un tempérament et un
état de santé tout autre qu'un pouls lent ,
faible et souple : en un mot c'est par la
( 69 )
pérysistole que nous jugeons de l'énergie
ou de l'asthénie du cœur , conséquem-
ment de celle du tempérament.
Le principe vital donne à chaque corps
qu'il anime , un caractère particulier et
spécifique d'abord il lui communique
la faculté de recevoir et de sentir les im-
pressions d'une manière particulière à son
organisation , et celle de réagir en consé-
quence de la force et de l'activité qu'il lui
communique. Telle est l'origine des pro-
priétés particulières à chaque individu ,
de sentir plus ou moins vivement les im-
pressions du froid , du chaud , d'un sti-
mulant ou d'un choc quelconque . Ce
principe vital est , en outre , le seul moyen
de la conservation des corps qu'il anime ;'
non-seulement il enchaîne toute l'orga-
nisation , mais encore il s'oppose aux effets
destructifs , tant qu'il est supérieur : nous
devons donc donner aux humains les
moyens de le conserver , de l'entretenir,
et même de l'augmenter dans de certaines
circonstances , et c'est ce que nous nous
proposons.
( 70 )
Le climat , le régime ou la manière de
vivre , et l'âge ayant une grande influence
sur la qualité du sang , doivent en avoir
aussi sur le tempérament : de- là il est
aisé de conclure que les différens tem-
péramens tiennent leurs propriétés des
bonnes ou mauvaises qualités du sang. Il
est facile de concevoir qu'on peut par
l'hygiène , modifier et même changer les
tempéramens , que , conséquemment , les
personnes âgées doivent apporter un
grand soin à la nature et à la qualité de
leur sang , puisque c'est elle qui règle le
mouvement du cœur , et que c'est de ce
mouvement que dépend la bonne ou la
faible santé.
SECTION PREMIÈRE.
De l'influence de l'Age sur les
Tempéramens.
L'âge amène nécessairement de très-
grands changemens dans les tempéra-
mens , parce qu'avec le temps , les plus
forts s'affaiblissent ; mais le régime bien
( 71 )
dirigé , bien approprié à chaque , peut
cependant retarder les funestes effets de
ce tyran. A l'âge de la puberté , l'effer-
vescence du sang est telle , qu'on peut
dire qu'il bout chez la plupart des jeunes *
gens , leurs solides sont au plus haut pé-
riode de leur élasticité et de leur ressort,
aussi déploient-ils la plus grande vigueur ;
les fibres répondent alors avec énergie à
l'affluence des fluides qui les heurtent sans
cesse , en sorte que la systole est aussi
forte que
la diastole , et la pérysistole est
très -courte : mais aussi les hémorrhagies ,
les fièvres ardentes , et toutes les maladies
accompagnées de turgescence et d'inflam-
mation sont le partage de cette belle sai-
son de la vie.
Plus l'homme avance dans l'âge viril ,
plus il est à l'abri de ces orages . Plus le
corps est parvenu à sa perfection , plus il
exécute ses fonctions avec régularité. Il
n'éprouve plus ces vicissitudes de cha-
leur , de violence , de sensibilité extrême ,
de relâchement , de pétulence et d'apa-
thie , sa santé est plus rarement troublée ,
( 72 )
alors il jouit plus amplement de lui-même ;
et s'il n'abuse point de cet heureux état ,
c'est-à-dire , s'il ménage son principe vital,
s'il ne le prodigue , ni avant , ni après
le mariage , s'il se nourrit en raison de
ses forces digestives , s'il ne fait excès ni
du vin , ni des liqueurs fortes , et que par
un exercice modéré en raison de ses
forces , il élabore des sucs doux et moël-
leux , il peut être assuré de prolonger sa
bonne santé , et de parvenir à un âge très-
avancé à l'abri de toute infirmité : mais
s'il s'abandonne à la force de son tempé-
rament et à la fougue de ses passions , un
essaim de maladies chroniques assiégera
la dernière période de sa vie. L'asthénie ,
les catarrhes, les rhumatismes , la goutte,
les flux de ventre , la dysurie , la stran-
gurie , etc. , le laisseront à peine jouir de
quelques jours de santé. C'est ainsi que ,
avec le temps , l'âge influe plus ou moins
sur les tempéramens , et que les hommes
changent une excellente constitution pri-
mordiale en une médiocre , et souvent en
une très-mauvaise .
( 73 )
Nous observons fréquemment que
l'homme est sanguin à sa naissance , la
généralité même l'est excessivement ; mais
pendant sa jeunesse , ce tempérament san-
guin s'anéantit par le mauvais régime
qu'on laisse tenir à la plupart d'entr'eux ,
et il disparaît à la puberté , par les fré-
quentes hémorrhagies du nez et par la
prodigalité de leur principe vital.
SECTION II.
De l'influence du Sexe sur les
Tempéramens.
La parfaite santé n'est que l'équilibre
et l'harmonie exacte entre les solides et
les fluides dont notre corps est composé ,
ce qui constitue le bon tempérament ,
d'où suivent une libre et facile circula-
tion , et l'excrétion complette des parties
superflues qui deviendraient nuisibles par
leur rétention . L'état parfait de santé dé-
pend donc de la proportion des fluides ,
de la qualité , de l'action des solides sur
ces fluides et de l'action particulière à
( 74 )
chaque individu , d'où il est évident que
cet état ne suppose pas une manière uni-
forme d'être en santé dans toutes les per-
sonnes qui en jouissent , parce que cha-
cune a son tempérament particulier plus
ou moins composé , non- seulement par
rapport à son âge , à son sexe , mais aussi
parce que chaque sexe du même âge ne
comporte pas le même tempérament , ni
la même dose de force , conséquemment
le même mode de santé.
Nous ne pouvons douter que la diffé-
rence du sexe n'en apporte une dans le
tempérament ; mais cette différence vient
de la diathèse ou constitution primor-
diale . Nous avons déjà dit que l'homme ,
en naissant , paraît plus disposé au tem-
pérament sanguin qu'à tout autre . Dans
ce moment , l'effet du sexe est nul , et
l'est encore pendant plusieurs années "
puisque les changemens très - sensibles
qu'il apporte à la constitution ne se ma-
nifestent ordinairement qu'à peu près de
douze à quatorze ans pour les garçons ,
et de quatorze à seize pour les filles : ce-
( 75 )
pendant , dès la troisième année , au plus
tard , on distingue une fille d'un garçon
par sa taille , ses traits , le son de sa voix ,
et la douceur de ses mouvemens ; ce qui
nous prouve que les constitutions primor-
diales ne sont pas les mêmes dans les deux
sexes.
Chez la jeune fille la fibre est d'un tissu
moins ferme que chez le garçon , consé-
quemment , la réaction des solides sur les
fluides n'a pu s'opérer avec la même
énergie , ni par la même élasticité de
cette fibre. Cette réaction ne répondant
point à l'action première , diminue né-
cessairement d'intensité , selon les lois
physiologiques , ce qui est très-peu sen-
sible dans son commencement , mais quel-
que légère que soit alors cette différence ,
elle devient manifeste avec le temps , et
plus le petit garçon s'accroît , plus cette
différence augmente .
Les variétés que nous avons remarquées
dès le premier âge dans les différens
sexes , doivent s'entendre des mêmes
constitutions comparées , et nous croyons
( 76 )
qu'on ne peut prendre un objet plus
juste de comparaison , que deux jumeaux
de différens sexes.
On trouvera de la différence dans la
constitution primordiale de ces deux in-
dividus , et cette différence deviendra , de
plus en plus , sensible par l'accroissement
de leurs personnes , quand même ces deux
enfans seraient nourris par leur mère ou
par la même femme : nous en avons déjà
indiqué la cause. Les fibres de la fille
étant , dès son origine , plus souples , plus
délicates que celles du garçon , n'ont pu
imprimer au cœur de cette fille la même
intensité de mouvement qu'au cœur du
garçon de-là la délicatesse de ses or-
ganes, et la faiblesse continuelle de toutes
leurs fonctions , comparativement à celle
de son frère.
Si les constitutions primordiales sont les
mêmes chez les différens sexes , nous de-
mandons pourquoi le garçon devient plus
fort , plus hardi , plus volontaire , plus cou-
rageux , que sa sœur qui reste timide , pu-
sillanime et plus faible , quoique nourrie
( 77 )
comme son frère ? Ces seules observations
doivent nous convaincre de la différence
des constitutions primordiales des diffé-
rens sexes , et combien cette différence
acquiert de force par le développement
complet de l'individu mâle.
Instruits comme nous le sommes par
l'expérience , que les diathèses de nos
corps et leurs tempéramens different beau-
coup les uns des autres , nous ne prescri-
rons rien de positif pour chacun , mais des
généralités dont on pourra tirer le plus
grand parti pour chaque différent ; car
on sent qu'avec une modification en plus
ou en moins, ce qui convient à un, peut con-
venir à d'autres , et nous conseillons àceux
( qui par leur inexpérience ne peuvent
parvenir à reconnaître la nature de leur
tempérament , ni ce qui lui convient , de
consulter un médecin savant qui les diri-
gera , n'ignorant pas qu'il faut propor-
tionner les différentes espèces d'alimens
et différens degrés d'exercices aux com-
plexions des personnes que l'on gouverne .
De tout ce que nous venons de dire , il
( 78 )
est aisé de conclure que chacun a sa ma-
nière de se porter bien , comme celle de
bien digérer , parce que chaque individu ,
quoiqu'ayant les mêmes viscères , ne les
a point au même degré de perfection ; il
en est de ces viscères comme des organes.
De -là on voit la nécessité pour chacun de
se comporter d'une manière différente afin
.
de parvenir au même but , et de bien con-
naître sa diathèse pour ne jamais rien faire
qui lui soit contraire. Il est encore facile
de conclure avec nous , qu'il y a différens
moyens physiologiques , physiques et mé-
caniques , pour régler les fonctions ani-
males et en corriger les défauts.
Il est aisé aussi de conclure , que si mal-
gré la course rapide du temps et l'abus de
sa première jeunesse , un homme viril
content de son tempérament voulait en
fixer l'instabilité, il y aurait des moyens d'y
parvenir ; puisque l'hygiène peut empê-
cher la dépravation du sang et des hu-
meurs qui en émanent , elle peut donc
conserver l'intégrité d'un bon tempéra-
ment et en rétablir un qui serait altéré ,
( 79 )
ce que nous prouverons dans la suite de
cet ouvrage. Un médecin intelligent peut
modifier et changer des tempéramens dont
on n'aurait pas lieu de se louer.
SECTION III.
Divers Moyens de modifier et perfec-
tionner les Tempéramens.
Les personnes maigres pourront ga-
gner de l'embonpoint , si en se nourrissant
amplement selon leurs facultés digestives ,
elles évitent la dyspepsie , et si elles se li-
vrent plus au repos qu'à l'exercice , si elles
dorment longuement dans un bon lit , et
spécialement si elles joignent à ces moyens
la tranquillité de l'esprit.
Les personnes trop grasses pourront
maigrir en ne faisant qu'un repas ou deux
légers en 24 heures , et si elles boivent
beaucoup d'eau acidulée , en prenant un
exercice forcé , en raison de leur habitude ,
de leur âge et de leurs forces , et si elles
couchent sur la dure et dorment peu.
1
( 80 )
On remédiera aux tempéramens pitui-
teux et relâchés , en leur faisant faire beau-
coup d'exercice pour augmenter les trans-
pirations , observant néanmoins le repos
d'abord après le diner. Le sommeil est
peu nécessaire aux personnes affectées de
ce tempérament , elles doivent se faire
frotter souvent avec des flannelles ou des
brosses appropriées à cet usage , afin de
ranimer la circulation dans les vaisseaux
capillaires extérieurs , et d'exciter une
abondante transpiration .
Les personnes de ce tempérament doi-
vent préférer les viandes noires , elle doi-
vent manger souvent du mouton et rare-
ment du veau , elles doivent préférer les
pigeons , les perdrix , les oies , les ca-
nards , aux poulets et poulardes , le bœuf
maigre rôti leur convient beaucoup mieux
que bouilli. Les fruits cassans , ainsi que
ceux qui contiennent un peu d'acide ,
comme les groseilles et les cerises aigres ,
sont les seuls appropriés à ce tempérament
auquel les légumes farineux assaisonnés
avec un peu d'huile et beaucoup plus de
vinaigre
( 81 )
vinaigre conviennent parfaitement , en y
joignant l'oignon et la ciboule , en un mot
toute préparation en manière de salade
convient aux pituiteux ; mais ils doivent
éviter la laitue , la romaine et toutes les
plantes potagères qui fournissent beau-
coup d'eau , comme les concombres , les
melons , les cardons , les choux , les chou-
fleurs , les navets , les petits-pois et les ha→
ricots verts.
Les personnes d'un tempérament pitui-
teux ne doivent jamais boire d'eau pure ,
à moins qu'elle ne soit ferrugineuse ou
acidulée , encore moins du cidre ou de
la bière ; parvenues à un certain âge ,
elles boiront moitié vin , et plus elles avan-
ceront en âge plus elles doivent diminuer
la dose de l'eau , et elles feront
sagement
de préférer le vin blanc. Dans le cours de
la journée elles boiront une limonade lé-
gère ; à défaut de citron , elles se compo-
seront une eau acidulée avec une ou deux
cuillerées de vinaigre blanc suivant sa
force , pour remédier à l'asthénie habi-
tuelle à ce tempérament.
F
( 82 )
LES FEMMES qui ont des menstrues très-
abondantes , qui souvent ne sont que la
suite de la faiblesse de l'uterus , celles qui
dans l'intervalle des périodes sanguines ,
sont sujettes à un flux lymphatique connu
sous la dénomination de fleurs blanches ,
doivent ajouter à l'eau acidulée , dont
elles feront journellement usage pendant
les saisons chaudes , un gros de safran
de mars par pinte d'eau , et la laisser dé-
poser , pour ensuite la tirer à clair , si
elles n'ont pas d'eau naturellement ferru-
gineuse à leur disposition. Dans les sai-
sons pluvieuses et froides , elles quitte-
ront l'usage des eaux ferrugineuses qu'elles
remplaceront par des boissons aromati-
ques théiformes , comme les infusions de
lierre terrestre , de feuilles de cacis , d'hi-
sope , de véronique , de petite sauge de
Provence, ou de thé suisse. Chacune choi-
sira celle des plantes quilui sera plus agréa-
ble , elle pourra en faire son déjeuné en
évitant le beurre et la crême.
Les femmes qui à la suite d'un accou-
chement naturel, ou d'une dystoxie, suivi
( 83 )
perte de sang , ou qui au moment
d'une pe
de la cessation du flux menstruel ont eu
des pertes , doivent suivre ce régime plus
exactement que les autres , pendant les
grandes chaleurs , et dans les saisons plu-
vieuses et froides ; au lieu d'eau ferrugi-
neuse elles doivent prendre l'usage du
vin ou du sirop anti-scorbutique : le
vin est préférable pour les personnes gras-
ses , et le sirop pour les maigres .
L'usage du vin se commence par deux
onces , pour le porter graduellement jus-
qu'à quatre. Celui du sirop se commence
par une cuillerée à bouche avec autant
d'eau , pour l'augmenter graduellement
jusqu'à quatre et même jusqu'à cinq à six ,
en y mettant deux ou trois cuillerées d'eau
•
pour lui donner la fluidité nécessaire pour
le faire couler aisément. Les personnes
replettes aideront leur digestion par quel-
ques cuillerées de café à l'eau , et le soir
par quelques tasses d'infusion théiforme
d'une des plantes aromatiques ci-dessus
dénommées .
Les personnes d'une complexion sèche,
F 2
( 84 )
échauffée , comme celles du tempéra
ment sanguin et sanguin-bilieux , ou
tourmentées de la névrose , comme nous
en voyons souvent , doivent éviter avec
grand soin tout ce que nous venons
de prescrire pour le tempérament précé-
dent. L'usage habituel d'une eau dans la-
quelle elles mettront 25 grains de nitre ,
ou dans laquelle elles auront fait infuser
des racines de fraisier , ou des feuilles
de pinprenelle , ou de cerfeuil , leur est
d'une grande utilité. Le fréquent usage des
herbes potagères aqueuses , comme lai-
tues , romaines , bettes , poirée , navets ,
cardons , concombres , melons , choux ,
choufleurs , et de tous les légumes verds
leur est avantageux. Parmi les fruits elles
doivent choisir ceux qui fournissent leplus
d'eau, comme les différentes espèces de ce-
rises, les prunes, les pêches, les poires fon-
dantes , les raisins , etc. Elles feront encore
sagement de manger , de temps à autre ,
du pain de seigle , s'il ne leur occasionne
pas la dyspepsie ou difficulté de digérer.
Il faut à ces tempéramens un exercice
( 85 )
doux et modéré. L'usage du lait commence
à la fin de mai est encore un moyen sou-
verain pour modifier ce genre de tempé-
rament ; mais il ne réussit pas à tous ,
sans une préparation préliminaire et sans
avoir purgé les premières voies de toute
crudité.
SECTION IV.
De l'usage du Lait.
Le lait est le premier aliment de tous
les animaux vivipares , il est celui de cer-
tains peuples pendant toute leur vie ; il
est aussi celui des habitans des hautes
montagnes de notre Europe ; dans ces
lieux il donne aux personnes qui en font
un usage habituel , une fraicheur , une
force ét une énergie qu'on a peine à croire
quand on n'en a pas de preuves , et que
ne procure pas toujours une toute autre
nourriture ; ce serait bien encore la plus
sainè pour ceux qui n'en auraient pas pris
d'autre : il y a plus , l'expérience nous a
démontré qu'il n'y a pas de nourriture
( 86 )
plus propre à réparer une santé délabréé
et à prolonger la vie à certains tempéra-
mens , même après avoir fait abus des au-
tres alimens : dans ce cas c'est sous la di-
rection d'un médecin l'on doit com-
que
mencer ce régime.
Notre assertion est fondée sur l'histoire
de nos premiers hermites ou anachorètes ,
qui , nourris de lait , de pain et d'eau , avec
des fruits et des légumes sans apprêts , vé-
curent au-delà des bornes ordinaires , par
cette frugalité , la culture de leurs jar-
dins , la modération extrême de leurs de-
sirs , l'abnégation d'eux -mêmes , l'absence
de tous chagrins , et par l'isolement de
la société des autres hommes qui les font
naître.
SAINT-ANTOINE vécut cent cinq ans
avec du pain et de l'eau qu'il accompa-
gnait de quelques herbes. Jacques l'her-
mite vécut cent quatre ans. Saint-Épi-
phane cent cinq ans. Saint-Romualde ,
fondateur de l'ordre des Camaldules
poussa sa carrière jusqu'à cent vingt ans,
Pawe chanoine allemand , mort le 19
( 87 )
messidor an 7 de la République française ,
dans sa cent cinquante- deuxième année ,
ne se nourrissait que de vieux fromages ,
de lait , de gros pain , de petite bière et
de petit lait.
Les effets du lait varient au-delà de ce
qu'on peut dire , selon les différentes
constitutions et tempéramens. Nous avons
vu un homme de cent trois ans qui depuis
sa cinquantième année ne se nourrissait
que de lait de chèvre , dans lequel il met-
tait souvent de la mie de pain. Un de ses
voisins persuadé que c'était à l'usage de
ce lait que cet homme devait une si lon-
gue vie et une si bonne santé , ce qui est
assez vraisemblable , voulut à son exem-
ple s'en nourrir ; mais de quelque ma-
nière qu'il le prit il en fut incommodé.
Premièrement il lui donnait la dyspepsie ,
ensuite il lui causait une enflure au côté
gauche. Un autre qui voulut prendre le
même régime , n'éprouva aucune in-
commodité jusqu'au septième jour , où
il lui survint une tumeur au côté gau-
che , laquelle lui occasionna une tension
( 88 )
douloureuse accompagnée de spasme.
Nous avons encore connu d'autres per-
sonnes qui ayant voulu se soumettre à
ce régime , environ leur soixantième an-
née , furent obligés d'y renoncer , tandis
que d'autres y ont trouvé le rétablisse-
ment d'une santé délabrée et une heu-
reuse prolongation de leur existence , en
ce que toutes les douleurs qui les tour-
mentaient avant ce régime cessèrent in-
sensiblement peu de temps après. Tous
ces faits démontrent évidemment la dif-
férence des tempéramens , ainsi que les
différentes qualités des sucs gastriques.
Les personnes à qui le lait réussit bien ,
retirent certainement de grands avanta-
ges de ce genre de nourriture , qui n'est
pas une simple substance végétale , mais
déjà un peu animalisée , et qui par cette
qualité acquiert celle de s'assimiler plus
facilement à nos humeurs : elle est une
substance végéto-animale.
Pour que ce genre de nourriture réus
sisse , il faut y être préparé , non- seule-
ment par l'absence des acides dans les
( 89 )
premières voies , mais encore par son usage
gradué , car on ne doitjamais passer subi-
tement d'un régime à un autre : d'ailleurs
aux uns il faut le lait de chèvre , à
d'autres celui d'ânesse , tandis qu'à un
plus grand nombre d'individus le lait de
vache réussit merveilleusement , quand il
est tiré de jeunes bêtes qui aient mis bas
depuis quelques mois seulement et qui
vivent dans de bons paturages.
Ils y a des tempéramens qui ne peu-
vent digérer le lait , qu'autant qu'il est
pris froid ; pour d'autres au contraire il
faut qu'il ne soit que légèrement chauffé.
Nous connaissons des personnes à qui il
donne la colique lorsqu'il a été un peu
trop chauffé , et d'autres à qui il donne
une espèce de dysenterie lorsqu'il a été
bouilli . Rien ne prouve mieux que ce
qui convient aux uns ne convient point
aux autres , et que quand un tempéra-
ment a subi un changement , ce qui lui
convenait avant ne peut souvent plus lui
convenir , comme aussi ce qui ne lui
convenait pas peut très-bien lui réussir
( 90 )
après ce changement. Il faut aussi faîre
attention que la même qualité de lait ne
réussit pas à tous les tempéramens , puis-
qu'aux uns il le faut séreux , tandis
qu'aux autres il faut qu'il le soit moins, etc.
On peut modifier les qualités du lait
des animaux plus facilement que celles
du lait des femmes , par les nourritures
qu'on leur donne , et parce qu'elles sont
sans passions. Voulez-vous un lait sé-
reux , laissez aller la bête à la prairie et
fournissez -lui des herbages à l'étable pen-
dant la saison où elle ne peut paître , don-
nez -lui des navets , des choux , des pom-
mes de terre. Avez-vous besoin d'un lait
qui ait plus de consistance , qui resserre
le ventre au lieu de le lâcher , tenez la bête
au fourrage pendant la nuit et avant qu'elle
ne sorte de l'étable ; le foin , la paille
d'avoine et même celle de froment lui
conviennent alors. Desirez-vous encore
un lait plus nourrissant , donnez soir et
matin une certaine dose de son de fro-
ment , ou de farine d'orge , pour ne pas
constiper votre malade . On peut encore
( 91 )
ajouter à ce son ou à cette farine d'orge ,
une poignée de sel marin réduit en pou-
dre , et faites promener la bête sans la
laisser paturer. Voulez-vous un lait légè-
rement aromatique , faites manger à votre
vache du lierre terrestre .
Par les connaissances acquises sur la
nature des alimens , nous voyons que le
mélange de la chair des animaux avec les
végétaux fournit à la généralité des hu-
mains des sucs nourriciers qui se digè
rent facilement et s'animalisent beaucoup
mieux , ils donnent plus de forces aux
personnes faibles , que les sucs qui se ti-
rent des végétaux seuls ainsi donc ne
renonçons pas à notre manière de vivre
sans une nécessité absolue ; mais appro-
prions -la autant que possible à nos cons-
titutions , à nos tempéramens , et au
climat que nous habitons.
Les substances dont nous composons }
notre nourriture , qui en nous conservant
la vie , entretiennent ou détériorent no-
tre santé , suivant leurs qualités et leur
analogie avec nos sucs digestifs , sont de-
( 92 )
puis bien de siècles et chez différens peu-
ples policés , l'objet des études et des re-
cherches d'une classe nombreuse d'hom-
mes recommandables par leur intention ;
car ces études ont pour but la connais-
sance des moyens les plus salutaires pour
la préparation de ces substances 9 afin
de les rendre plus analogues et plus con-
venables aux innombrables tempéramens ,
dans la variété des âges et dans les dif-
férentes circonstances de la vie ; mais il
parait que toutes les recherches de ce
genre n'ont abouti qu'à flatter notre sen-
sualité et à augmenter notre gourman-
dise , car plus nous avons fait de progrès
dans ces recherches , plus nous nous som-
mes éloignés de l'intention de la nature
et de la conservation de la santé. L'art
du cuisinier est aujourd'hui l'art de nous
donner beaucoup de maladies , de por-
ter beaucoup d'acrimonie dans notre sang
et dans nos humeurs ; en un mot il est
l'art d'abréger notre existence , ou au
moins de la rendre infirme , douloureuse
et valétudinaire ,
( 93 )
SECONDE PARTIE.
DE LA GÉROCOMIE
PROPREMENT DITE ;
Ou des Procédés généraux pour
conserver la Vieillesse en santé.
Des quatre âges de la vie , la vieillesse
est le seul qui ait assez intéressé les pre-
miers médecins pour en écrire quelque
chose , car dans les auteurs , avant Hip-
pocrate , on ne trouve pas de moyens de
conserver la santé : nous voyons que le lé-
gislateur des Hébreux regarda la gour-
mandise et l'ivrognerie comme des excès
qui méritaient punition .
SALOMON dit : L'intempérance mord
( 94 )
comme un serpent , et pique comme un
basilic.
HOMÈRE dit aussi quelque chose de la
Gérocomie , dans l'Odyssée , où il s'élève
contre l'excès du vin.
HIPPOCRATE permet de boire jusqu'à la
gaîté.
VIRGILE recommande à son père Laërte ,
le bain , une bonne nourriture et un pai-
sible sommeil.
GALIEN dit à ce sujet : Le conseil est
excellent , rien n'est plus nécessaire aux
vieillards que le repos et un bon potage
après le bain. Il dit encore : Le vin con-
vient généralement à toute la vieillesse.
La Gérocomie, quoique connue, selon
la Genèse , du temps d'Isaac ( à qui on
préparait des viandes d'appétit , et à qui
on donnait du vin pour soutenir son ex-
trême caducité ) ; est cependant bornée à
cet exemple et aux soins que les serviteurs
de David prirent de lui pendant le temps
que durèrent ses infirmités , car nous ne
trouvons aucun précepte de cette science
particulière nous allons donc , par cet
( 95 )
ouvrage , réparer celui que les temps nous
ont enlevé..
L'idée de faire coucher une jeune fille
bien portante avec le vieux Isaac , pour
le réchauffer , a trouvé des approbateurs
dans Galien , dans Paul Eginette , dans
Vérulam et dans Boeerrhaave; celui-ci ra-
contait souvent à ses disciples qu'on avait
conseillé à un vieux prince d'Allemagne ,
extrêmement infirme et faible , de cou-
cher entre deux jeunes filles bien por-
tantes et sages , ce qui produisit en peu
de temps un si bon effet sur sa santé , que
l'on crut nécessaire de cesser le remède (1 ) .
Il nous paraît que l'on a , pendant long-
temps , pensé que cette vertu était spécia-
lement annexée au sexe féminin ; nous
croyons devoir combattre cette erreur , en
observant que le principe vital qui nous
anime et nous vivifie , que ce feu , cette
matière électrique abonde tellement dans
la jeunesse , et spécialement au moment
( 1) Vide de simpl. Medicam . facult. lib . 5 ,
cap. 6.
(
( 96 )
de la puberté , qu'il tend sans cesse à s'ef
fluer et à se mettre en équilibre avec tout
ce qui l'entoure , que conséquemment ,
par le contact d'un sexe , comme d'un
autre , il doit passer dans les veines de la
vieillesse qui en manque ordinairement.
Nous observons encore qu'il ne faut pas
en faire un usage continu , crainte de s'en
surcharger et d'épuiser l'individu qui le
fournit.
Nous croyons pouvoir attribuer les
bonnes et promptes digestions des nour-
rices , à la fréquente application de leurs
nourrissons sur leur estomac.
La vieillesse , qu'on pourrait regarder
comme une maladie , est vraiment un état
mitoyen entre elle et la santé. Cet état
exige , pour conserver cette santé chan-
celante, plus de soins et de précautions
que l'enfance , parce que dans le premier
âge , tout tend naturellement à la propa-
gation du principe vital qui est alors très-
actif, tandis que dans la vieillesse ce prin-
cipe est tellement affaibli qu'il faut peu
de choses pour l'anéantir : nous devons
donc
( 97 )
donc nous appliquer à l'augmenter par
des nourritures analeptiques et plus
tives que celles que l'on donne à la jeu-
nesse.
L'expérience de l'âge mûr doit guider
la raison pour tout ce qui intéresse la
santé on doit savoir quelles sont les
choses dont précédemment on a trouvé
l'usage salutaire ou nuisible , et cette
connaissance doit suffire pour décider
l'homine sage à se les refuser ou à les em-
ployer , si son tempérament n'a pas subi
un grand changement ; car , comme nous
l'avons déjà dit , les effets de beaucoup de
boissons et d'alimens varient non-seule-
ment selon les tempéramens , mais encore
selon l'âge ; et à celui - ci , les moindres
accidens , ainsi que quelque excès , peu-
vent épuiser le peu de forces qui restent ,
et produire l'asthénie. Ce qui , dans la vi-
gueur de l'âge , était de peu de consé-
quence , suffit pour abattre totalement et
jeter dans une adynamie complette quand
la vieillesse est arrivée.
D'après les principes que nous avons
G
( 98 )
établis au commencement de cet ouvrage,
desirs immodérés , soucis de fortune ,
application profonde aux affaires ou à
l'étude , chagrins ou une vie trop joyeuse ;
en un mot , tout ce qui peut altérer ou af-
faiblir la constitution , ne peut être évité
avee trop de soins par la vieillesse jalouse
de se conserver en santé. D'après cela ,
nous pourrions nous dispenser de faire
observer combien il importe d'être conti-
nent dans le mariage ;mais pour être consé-
quent avec notre épigraphe , nous ne pou-
vons trop répéter nos salutaires avis , et
dire que l'abus de l'hymen nuit aux per-
sonnes les plus robustes , à plus forte raison
à l'âge où tout annonce faiblesse physique
et morale.
Combien est grande la témérité de ces
vieillards qui ont encore des prétentions
au mariage avec des jeunes filles ! Qu'ils
apprennent que la vieillesse ne doit pas
plus cohabiter avec la jeunesse , que la
maladie avec la santé ; qu'ils sachent que
tout commerce érotique doit leur être
interdit , s'ils ne veulent pas abréger de
( 99 )
beaucoup leur existence , ou tomber
promptement dans un affaissement phy-
sique qui peut produire une paralysie , ou
dans un affaissement moral qui décidera
bientôt l'enfance : qu'ils apprennent en-
core que quand la secrétion du fluide ré-
générateur suffit à peine pour réparer les
déperditions journalières du principe vi-
tal , ils doivent s'appliquer à conserver les ,
étincelles de ce feu qui réveille encore
quelquefois leurs sens, plus par la suite de
l'habitude, que par leur abondance.
On croit généralement que la nature
n'a pas fixé à l'homme le terme de cette
jouissance , on est dans l'erreur ; cette
mère est trop prévoyante pour la conser-
vation de ses œuvres , pour nous abandon-
ner ainsi sans règle de conduite ; et nous
croyons bien sincèrement que l'homme
prudent peut reconnaître le véritable
symptôme qui doit l'engager à faire divorce
avec la déesse de la volupté , rompre tout
commerce avec elle , et devenir très-avare
de cette liqueur qui contient le feu qui
l'anime et le laisse encore végéter . Ce
G 2
( 100 )
symptôme est celui où l'acte érotique est
suivi d'engourdissement , de tremblement
et de dyspepsie .
La nature n'a pas fixé un terme géné-
ral pour tous les humains , quelques indi-
vidus peuvent donc se livrer jusqu'à un âge
plus ou moins avancé à la propagation de
leur race , en raison de l'usage ménagé ou
de l'abus qu'ils auront fait de leur prin-
cipe vital. Celui qui n'a rien donné à la
passion , qui s'est contenté de satisfaire ses
besoins , a l'espoir bien fondé de conserver
cette faculté plus long-temps que celui qui
la pródiguée , car les grands physiolo-
gistes nous assurent qu'il n'y a dans l'uni-
vers qu'une certaine quantité de fluide vi-
tal , et qu'elle est répartie entre tous les
êtres vivans ; d'après quoi nous devons
conclure que nous ne communiquons
l'existence qu'à nos dépens , et que la
portion que nous transmettons est autant
de moins sur celle qui nous a été confiée.
Un fait certain est que le moindre ef-
fort érotique est funeste aux vieillards
chez qui le reste de ce feu divin entretient
( 101 )
encore la circulation etla vie. Nous croyons
que c'est assez dire sur cet objet pour en-
gager la vieillesse à une très- sévère conti-
nence, si elle veut parvenir à la plus longue
vie sans infirmités . Elle doit se persuader
que c'est spécialement à cet âge que la sa-
gesse tourne toujours au profit de la santé ,
et que la conservation du fluide qui con-
tient , sous la forme la plus concentrée ,
l'étincelle primitive de la vie , est le seul
moyen d'entretenir la solidité et l'élasti-
cité nécessaires à la circulation de ses hu-
meurs ainsi donc , vertueux et sages
Époux , n'attendez pas que l'Amour vous
abandonne pour le quitter.
C'est de l'usage raisonné des facultés
physiques que dépend la santé , consé-
quemment le bonheur , car sans elle il ne
peut exister. L'homme trouve la douleur
ou le plaisir dans l'air qu'il respire , dans
l'habit qui le couvre , dans les alimens dont
il se substante, et dans les voluptés des
sens auxquelles un instinct impérieux l'en-
traîne souvent.
Ce n'est que par un jugement sain et
( 102 )
quelques privations , que les uns prolon-
gent leurs jouissances avec la santé , tandis
que d'autres se blasent par l'abus de ces
mêmes jouissances qui , trop multipliées ,
tuent la santé et altèrent les organes au
lieu d'en étendre l'énergie ,
( 103 )
CHAPITRE PREMIER.
De l'Air et de ses effets sur l'Humaine
Nature.
La nécessité de l'air pour la conserva-
tion de notre vie et de notre santé , est
connue de tous temps , ses qualités phy-
siques ont été découvertes dans le siècle
dernier , sa nature intime n'est bien con-
nue que depuis quelques années ; mais son
influence sur le corps humain a été recon-
nue par Hippocrate. L'air fait partie de
nos humeurs , car il s'introduit spéciale-
ment par la respiration ; on en voit la
preuve par l'animal qui meurt dans la ma-
chine du vide , l'air qui était combiné dans
ses humeurs s'en dégage peu à peu , et
gagne les cavités principales : nous en
avons une autre preuve dans la maladie
( 104 )
que l'on nomme tympanite , et dont nous
donnerons la description à la fin de cet
ouvrage.
L'air a sur nous une influence physique
et chimique , il a la propriété d'être émi-
nemment élastique , ce qui le rend suscep-
tible de condensation et de dilatation ; ces
deux états varient en proportion du calo-
rique qu'il contient.
L'air est un dissolvant de l'eau , et son
affinité avec elle varie suivant certaines
circonstances ; l'eau , entièrement privée
d'air , serait très-insalubre.
L'air est ou paisible ou agité ; son agi-
tation est appelée vent; elle porte diffé-
rentes dénominations , suivant qu'elle est
diversement dirigée ; et en raison de cette
direction , le vent influe en bien ou en mal
sur l'humaine nature : de ces différentes
qualités résultent trois actions principales
sur nos corps .
1º. Il les comprime plus ou moins.
2º. Il les échauffe ou les refroidit.
3º. Il les sèche ou les humecte.
L'air atmosphérique ou l'air vital est
( 105 )
composé de deux principes spéciaux que
nous appelons nitrogène et oxigène , te-
nus l'un et l'autre en fluidité nécessaire
par le calorique ; ces deux substances en-
trent en combinaison intime avec nos hu-
meurs , et spécialement avec notre sang ,
et leur proportion influe manifestement
sur notre état de santé.
.
Plus il y a d'oxigène dans un volume
d'air donné , plus notre sang acquiert une
couleur vive et brillante , mais aussi plus
il est disposé à la coagulation , parce que
cette surabondance le dépouille du car-
bone , de l'hydrogène , et fait prédominer
le nitrogène acide formé d'azote et d'oxi-
gène.
Outre la trop grande quantité d'oxigène
que peut contenir un volume d'air donné ,
l'abondance des autres gazes le rend aussi
malfaisant ; il s'ensuit donc que l'activité
de la vie , et la bonne santé , dépendent
de la proportion de ces gaz. L'air le plus
pur est celui qui n'est formé que par l'oxi-
gène et le nitrogène dans de justes pro-
portions ; tel est ordinairement celui d'une
( 106 )
campagne située sur un monticule peu
élevé , où des arbres épars , çà et là , et
les plantes fournissent continuellement un
nouvel oxigène , où peu d'animaux con-
somment ce principe salutaire , où peu de
corps organisés se décomposent , et où
aucune eau ne croupit.
Tout est lié dans la nature , et l'homme ,
cet être si supérieur aux autres , est dans
une dépendance totale des élémens ; il s'ac-
croît , se fortifie et se conserve à l'aide de
l'eau , de la terre , du feu et de l'air. Privé
de ce fluide qui l'entoure , le presse et le
pénètre de toutes parts , il cesse bientôt de
vivre. L'eau , combinée avec l'air , entre
dans toute la machine humaine , facilite
le jeu de son mécanisme ; la terre , qui sert
de base à ses os et aux autres parties so-
lides , est chariée par l'air et l'eau qui la
portent par-tout le corps , et la déposent
dans les parties avec lesquelles elles peu-
vent se combiner et s'assimiler. Le feu
qui , déguisé et enveloppé sous différentes
formes , le pénètre aussi à l'aide de l'air
et de l'eau , lui donne la chaleur. néces-`
( 107 )
saire à sa santé , et facilite toutes ses opé-
rations. Les alimens chargés de tous ces
différens principes , entrant dans l'esto-
mac , les développent par leur décompo-
sition , relèvent le mouvement vasculaire ,
remontent le systême des nerfs ou le dé-
tendent en raison de la propriété et de
l'abondance des élémens qui les compo-
sent , et aussi en raison de la portion qui
peut s'assimiler à ceux qu'ils rencontrent
dans le viscère qui doit les décomposer
pour en former d'autres.
L'air, si nécessaire au jeu des poumons ,
est un des agens qui influent le plus sur
notre santé ; il est l'élément le plus pré-
cieux , en ce qu'il nous fournit continuel-
lement deux principes très-nécessaires à
notre vitalité ; savoir : l'oxigène et le ca-
lorique, qui , pour être salutaires, doivent
se produire en doses modérées et propor-
tionelles , car la trop forte chaleur nous
épuise promptement , par l'abondante su-
blimation de la partie aqueuse de nos
fluides , qui deviennent ainsi le germe de
maladies inflammatoires . Il en est de
( 108 )
même de la dose d'oxigène que nous
respirons , elle doit être moyenne , et
tempérée par un peu d'humidité , car sa
trop grande quantité , ou sa trop grande
concentration produiraient l'irritation des
poumons , la coagulation du sang , et con-
séquemment elle altérerait la santé , si elle
ne nous tuait pas.
Peu d'hommes connaissent à quel point
l'air et l'eau influent sur le corps humain.
Hippocrate dit : « On doit chercher l'ori-
gine de la plupart des malades , et de
la variété des tempéramens des divers
peuples , dans la qualité de l'air qu'ils
respirent , et des eaux qu'ils boivent.
De-là les maladies endémiques des diffé-
rens pays , et la nécessité de varier le
mode de médecine dans les divers climats. »
Nous croyons aussi que ces élémens
modifient différemment les facultés intel-
lectuelles des habitans de chaque climat :
de-là vient la variété d'esprit et de carac-
tère des différens peuples , dans les diffé-
rentes parties de la terre. Nous nageons
dans l'air , il nous baigne au dehors et
( 109 )
au dedans ; nos constitutions y trouvent
la , force et la vigueur physique et intel-
lectuelle , lorsqu'il est suffisamment impré-
gné de cette substance éthérée , qui com-
munique la chaleur et la vie à la nature
entière , lorsqu'il est pur , et que l'astre
du jour brille dans tout son éclat ; mais
au contraire nous y puisons l'abattement ,
et des maladies , lorsqu'il est trop chargé
de cette matière éthérée , ou quand elle
est absorbée par des brouillards qui nous
privent de la lumière du soleil.
La diminution trop grande du calo-
rique , nécessaire à notre nature , nous
occasionne fluxion , boufissure , empâte-
ment , abattement de forces , enfin l'as-
thénie et la dyspnée , les rhumes , les
catarrhes et tout le cortége qui accom-
pagne ces incommodités. L'air a une in-
fluence toute particulière sur nos corps ,
parce qu'en s'insinuant dans toutes les
parties de nos poumons , il change en
bien ou en mal la qualité de notre sang ,
suivant la nature et les gaz ou miasmes
qu'il charie.
( 110 )
Quand l'air est pur , il aide , par son
élasticité , le mouvement nécessaire à nos
fluides , et soutient le ton et le ressort con-
venables à une circulation modérée . En-
fin il bonifie ou détériore notre santé :
il faut donc porter une grande attention
aux qualités de cet élément , plus néces-
saire à notre existence que les alimens
mêmes. Il est très-intéressant d'observer
ses variations , et les différentes tempéra-
tures atmosphériques qu'il procure , pour
le respirer en plus ou moins grande quan-
tité , et modérer ses effets , souvent très-
impétueux , par des vêtemens pris en con-
séquence. Il est d'absolue nécessité de
suivre les changemens des saisons , qui
opèrent sur les chétives santés des effets
si sensibles , quand elles sont parvenues
à un certain âge , et spécialement à la
vieillesse , qu'une infinité d'individus , et
notamment de femmes , en sont très-
affectées.
• La vieillesse est ordinairement sèche ,
le froid le plus léger lui est à peine sup-
portable , et pour s'en garantir , il lui faut
( 111 )
des habits légers , mais extrêmement
chauds. Le premier principe pour se vê-
tir d'une manière qui dérobe les corps
faibles et délicats , à l'intempérie des sai-
sons , est de considérer l'âge.
Dans l'enfance et l'adolescence , le sang
étant plus chaud , la circulation plus ac-
tive , la transpiration plus aisée , il est évi-
dent que le danger des vêtemens légers
est moins grand que dans la maturité
de l'âge , et que dans sa décadence , car
alors le tissu de la peau et la dégénéra-
tion du principe vital affaiblissant par
degrés le calorique , il est bien nécessaire
de suppléer à l'absence de la chaleur na-
turelle par celle des vêtemens.
Il y a chez les gens âgés roideur dans
la fibre ', ce qui diminue la chaleur ; il
faut remédier à ces accidens par une
nourriture échauffante , par des boissons
théiformes de véronique , de lierre ter-
restre , où de thé suisse ; par des bains
chauds , et augmenter le mouvement de
leur sang dans les vaisseaux capillaires
extérieurs , en les frottant souvent avec
( 112 )
la brosse , ou la flanelle . Par ces moyens
on leur fera prendre un degré de chaleur
convenable à la libre transpiration , et à
une égale distribution des sucs nourri-
ciers dans toutes les parties.
Quand les personnes âgées font usage
du bain , elles doivent se précautionner
d'un bouillon moelleux , qu'elles peuvent
prendre demi - heure après qu'elles sont
dans le bain ; si elles peuvent s'en passer ,
elles prendront , en sortant de ce bain , un
potage , en se mettant au lit , et elles boi-
ront trois ou quatre cuillerées d'un bon
vin de Bourgogne , en y ajoutant un peu
de sucre. Quelques heures après elles fe-
ront un exercice modéré , soit à pied , en
voiture , ou à cheval : nous observons seu-
lement que l'exercice à pied est le plus
convenable , lorsqu'on peut l'exécuter.
Les habitans d'un pays quelconque
doivent observer avec une très - grande
exactitude les vents qui y règnent le
plus fréquemment , parce qu'ils influent
plus ou moins sur l'état de bien ou mal
être habituel , car les uns digèrent plus
facilement
( 113 )
facilement par tel vent que par tel autre ,
en sorte qu'il faut plus de tempérance
dans le boire et le manger pendant le
règne de ce vent , que pendant celui
d'un autre , si on ne veut pas être in-
commodé. Le meilleur air est sec et tem-
péré. Une des marques certaines de la
salubrité de l'air habituel d'un pays , est
le grand nombre de personnes de dif-
férens sexes parvenues à un âge très-
avancé.
Un pays situé sur un monticule , ou sur
la partie du coteau de ce monticule , ex-
posé au vent d'Est , et éloigné de quel-
ques myriamètres des forêts , est un site
agréable et sain , et doit être préféré par
les gens âgés , à celui d'un vallon dont les
coteaux sont de part et d'autre boisés ,
notamment quand on peut s'y procurer
une habitation dont les appartemens , sans
être trop vastes , soient cependant grands
et ouverts au levant , de préférence à tout
autre point de l'horizon , parce qu'il est
le plus vivifiant. A
On ne peut révoquer en , doute que les
H
( 114 )
habitans des pays humides et marécageux
ne soient plus sujets aux fièvres asthé-
niques , à l'infiltration des jambes , à la
boufissure , à l'hydropisie même , que
ceux qui habitent les montagnes , et seu-
lement les coteaux . C'est aux habitans des
vallons , et lieux humides , qu'il importe
beaucoup de porter des bas de laine , de
forts souliers , et de se faire frotter sou-
vent avec la flanelle sèche , de prendre ,
aux approches de l'automne , des habits
chauds , en attendant ceux d'hiver , et de
ne pas les quitter trop tôt au printemps.
Nous observons que dans cette saison ,
comme au commencement de l'automne ,
on éprouve souvent trois températures
dans la même journée. Il y a beaucoup
de pays où il serait très-prudent de ne
> quitter les habits d'hiver que vers la fin
de mai , et de les reprendre dès le quinze
septembre environ.
Nous invitons les habitans des vallons
“à monter le plus souvent possible sur
les hauteurs qui les environnent , où ils
respireront plus librement , et où le corps
( 115 )
se trouvant plus léger , l'entendement plus
sain , ils éprouveront , de leurs facultés in-
tellectuelles , des jouissances plus douces.
On pourra remédier au danger des habi-
tations environnées de bois et de marais ,
par la clôture exacte des appartemens , du
côté du couchant , quelques heures avant
l'abaissement total du soleil ; par une
grande propreté et de fréquentes fumi-
gations de plantes aromatiques.
Il est très- essentiel de ne jamais cou-
cher au rez- de-chaussée , parce que l'hu-
midité s'y fait sentir plus qu'aux étages.
Il importe de renouveler tous les jours
l'air de la chambre à coucher , spéciale-
ment si on y couche deux ; le moment le
plus favorable pour cette opération , est
celui où on fait le lit , parce que le grand
air détache et enlève plus facilement les
miasmes que la transpiration et la sueur
ont appliqué aux linges.
Rien n'est plus mal sain et plus dange-
reux que de s'exposer à l'air frais en
sortant de son lit , sans être vêtu de la
tête aux pieds , sur-tout si on a couché
H 2
( 116 )
dans une chambre chaude, Les jeunes per-
sonnes et les gens de cabinet commettent
journellement cette faute ; elles se mettent
ordinairement au travail ou à l'étude en
sortant du lit et sans se vêtir suffisamment .
Cette habitude est mauvaise et dangereuse
à tout âge, à plus forte raison dans la
vieillesse.
Nous avons été consulté plusieurs fois
par des personnes de différens âges et de
différens sexes , sur le changement qu'elles
éprouvaient quelques heures après s'être
levé bien portantes et de belle humeur. Ces
personnes croyaient qu'il leur survenait
une petite fièvre , peu après être sorties de
leurs lits , plusieurs même y étaient ren-
trées au moment du mal-aise , et après avoir
poussé une petite sueur , en étaient ressor-
ties gaies et aussi bien portantes que la pre-
mière fois , ce qui les confirmait dans l'opi›
nion qu'elles étaient assaillies par une fièvre
de quelques heures tous les matins.
Nous n'avons jamais trouvé d'autre
cause du mal-aise qui survenait à ces per-
sonnes , quelques heures après être levées,
( 117 )
que l'interruption de la sueur ; interrup-
tion occasionnée par le défaut de vête-
mens suffisans pour l'entretenir dans une
chambre dont la fenêtre était ouverte à
l'air frais , car une partie de ces hommes
étaient sans cravate , la poitrine décou-
verte , et souvent les jambes nues . Les
femmes restaient avec un jupon bien
mincé , et n'avaient point d'autré vête-
ment autour de la poitrine qu'un fichu
ou schall ; il nous fut aisé de découvrir la
cause du mal-aise de ces personnes , puis-
que les plus incommodées étaient les plus
âgées , et celles qui s'étaient levées de
meilleure heure.
L'air du matin est bon à respirer , parcé
qu'il est ordinairement moins chargé de
différens miasmes que celui de la journée ;
mais , pour peu qu'il soit frais , on ne doit
pas s'y exposer sans être bien couvért ,
sauf à se dégarnir à fur et à mesure que le
soleil s'avance sur l'horizon. Lá fraîcheur
du matin arrêtant la secrétion que la cha-
leur du lit avait établie , rend la tête lourde
et pesante ; de-là naît la difficulté de se
( 118 )
livrer à l'étude , à la composition , en un
mot , au travail du cabinet , qui n'est or-
dinairement point pénible ni douloureux
à ceux qui en ont l'habitude , et qui ont
soin d'entretenir la transpiration si néces-
saire à la bonne santé. Le défaut d'ap-
pétit et le mauvais goût qui survient quel,
quefois à la bouche , n'ont souvent pas
d'autre cause que cette interception. La
preuve de notre assertion se trouve chez
les gens de métiers qui , sans vêtemens ,
se mettent à leur travail par la fraîcheur
du matin sans en être incommodés , parce
que ce travail , mettant en jeu toutes leurs
facultés corporelles , augmente leur trans-
piration au lieu de la diminuer.
Il est un moment , et c'est celui qui
accompagne l'aurore et précéde le lever
du soleil , où le froid est très-vif et très-
pénétrant , même dans les plus beaux
jours de l'été. La rosée du matin tran-
sit et fait une impression plus fâcheuse
que celle du soir. Pour éviter ces sensa-
tions désagréables et les maux qui peu-
vent en résulter , nous invitons les vieil-
( 119 )
lards à rester au lit , même dans la plus
belle saison , jusqu'après le lever du so-
leil , et dans l'hiver ils doivent faire échauf-
fer leur chambre avant de se lever , et ne
pas s'exposer d'abord à l'impression de
l'air extérieur. :
En général il faut être plus couvert
pour dormir que pour veiller ; mais il
faut que la température de la chambre
où l'on couche soit très- douce , car l'air.
chaud pendant le sommeil est plus mal-
faisant que l'air tempéré , en ce qu'il su-
blime trop abondamment la sérosité des
poumons. Il en consomme une si grande
partie , qu'il épaissit le sang , les autres
humeurs , et occasionne les catarrhes.
Quand le vent du Nord souffle long-
temps , il purge l'air des vapeurs gros-
sières de l'atmosphère , il le rend bril-
lant et serein , conséquemment sain
pour beaucoup d'individus dont il aug-
mente la force et auxquels il donne de
la légèreté et de l'activité ; mais il ne
produit pas de si heureux effets sur tous
ceux qui s'y exposent , parce qu'ils n'ont -
( 120 )
pas tons la même constitution , ni le même
tempérament. Les plus faibles et les plus
âgés sur tout , en sont très-souvent in-
commodés , spécialement quand ils n'ont
pas les vêtemens nécessaires pour se ga-
rantir de la répercussion de l'insensible
transpiration , source capitale des rhu-
mes , des maux de gorge , des fluxions
de poitrine , des catarrhes , des cons-
tipations ; mais plus souvent des flux
de ventre accompagnés de coliques , et
des stranguries , maladies toutes plus
dangereuses pour les personnes âgées ,
que pour celles qui sont à la seconde pé-
riode de leur vie.
On conçoit aisément que si des tem-
péramens vigoureux sont fâcheusement
affectés par le vent du Nord , les diathè
ses faibles et délicates , comme le sont
celles de la majeure partie de nos dames ,
doivent l'être bien davantage. Alors les
maladies ci-dessus énoncées deviennent
incurables chez la plupart d'entr'elles ,
quand elles sont parvenues à un âge
avancé ; et celles qui en guérissent n'en
( 121 )
relèvent qu'avec des impressions fa-
cheuses et souvent pour le reste de leur
vie , car enfin il peut occasionner la
dyscinésie.
Indépendamment de ce que le froid , en
supprimant la transpiration , peut pro-
duire la dyscinésie sur quelque mem-
bre , ou sur les reins , et mettre en ac-
tivité des dispositions morbifiques que de
bonnes et abondantes transpirations eus-
sent empêchées , nous savons que sup-
porté à un certain dégré il excite chez le
sexe des hémorragies qui sont très-fré-
quentes en Suisse et dans les régions du
Nord, parce qu'il refoule le sang de toute
la périphérie au centre , et qu'il le pousse
sur les viscères ou organes intérieurs.
Alors le plus faible de la poitrine ou de
l'uterus s'en trouve plus affecté : de-là
survient un crachement de sang ou une
perte utérine. La crainte de l'un ou de
l'autre de ces accidens doit suffire pour
empêcher les femmes faibles et celles d'un
âgé avancé de s'exposer au vent du Nord
sans être bien vêtues , car les personnes
( 122 )
âgées n'ont pas de plus grand ennemi à
combattre .
Le vent du Midi est moins malfaisant :
pendant l'été il énerve , affaiblit , et pro-
duit l'asthénie par les grandes sueurs qu'il
provoque. Lorsqu'il amène des pluies ,
il relâche et détend toutes les fibres , il
prolonge la pérysistole , il conduit à
l'adynamie , occasionne quelquefois des
fluxions et souvent produit la dyspnée :
c'est le vent par lequel il faut faire le
moins d'exercice , c'est celui qui abrège
plus la durée de la vie par la consomma-
tion rapide de la portion la plus fluide
de notre sang .
Le vent d'Est doit avoir la préférence
sur celui de l'Ouest pour faire de l'exer-
cice à pied ou à cheval , parce qu'il ou-
vre les pores de la peau , facilite la trans-
piration insensible sans trop la provo-
quer comme le vent du Midi. Il dilate
agréablement les poumons , tandis que
ceux de l'Ouest et du Nord les resserrent.
Nous conseillons donc aux personnes
âgées qui sont maîtresses de leur temps ,
( 123 )
de choisir les jours où règne ce vent ,
pour faire plus d'exercice que de coutume
et pour entreprendre un petit voyage à
la campagne.
Quelque lieu que l'on habite si
une maladie y survient et qu'elle atta-
différens sexes , de
que les personnes de
tout âge , de tous états et conditions ,
quelle que soit leur manière de vivre , en
un mot , si cette maladie devient épidé-
mique , il est évident qu'elle ne peut pro-
venir des alimens et des boissons qui va-
rient essentiellement dans les différentes
classes de citoyens , tant par leur nature ,
que par leurs préparations : il faut donc
chercher l'origine de cette épidémie dans
l'air qu'ils respirent en commun ; comme
il n'est pas donné à tout le monde le pou-
voir de changer d'habitation , il faut
que ceux qui resteront se hâtent de pu-
rifier l'air dont ils sont environnés . Le
feu est un des grands correctifs de l'air
mal-sain , il l'empêche de nuire par sa
froideur et son humidité , il divise , dé-
( 124 )
compose et consume les miasmes mal-
faisans (1 ) .
Aujourd'hui , nous ne connaissons rien
de mieux que les procédés de M. Guyton
de Morveau , dont il faut voir le Traité
sur les moyens de désinfecter l'air , et se
procurer un de ses appareils pour les
lieux extrêmement spacieux et dont l'effi-
cacité a été manifestée depuis nombre
d'années , mais spécialement en 1804 , à
Livourne , à Cadix et autres villes de l'Es-
pagne. Sans cette purification de l'air , le
plus sage parti est de quitter le pays pour
quelque temps , car ce serait en vain qu'on
établirait un autre genre de vie , puis-
que le mal est dans l'air qui pénétrant
les poumons par la trachée- artèré qui se
divise et se subdivise à l'infini , se mêle
promptement au sang et produit la ca-
cochimie .
(1) GALIEN dit qu'Hippocrate délivra son pays
dé la peste , en faisant allumer de grands feux
dans toutes les campagnes.
( 125 )
CHAPITRE II.
De l'influence des Saisons sur la
Vieillesse.
L'OBSERVATION a prouvé que le prin-
temps et le commencement de l'été sont
très-favorables à la vieillesse , que la fin
de l'automne et l'hiver ont une influence
très-fâcheuse sur son principe vital ; que
l'hiver , cette saison du sommeil de la na-
ture , en diminue tellement l'action , que
c'est pour elle le temps de la mortalité ,
et quoique nous habitions un climat tem-
péré , il n'y a que les vieillards d'une
forte diathèse qui puissent passer cette
saison sans accidens et sans douleurs , les
autres sont souvent en proie à la fièvre
catarrhale ; les rhumatismes , la goutte ,
etla dyscinésie les tourmentent plus pen-
( 126 )
dant cette saison qu'en toute autre , et
ceux qui n'éprouvent alors que la dys-
pnée doivent se trouver très-heureux .
LE PRINTEMPS , quand il se comporte
bien , est en général la saison la plus
avantageuse à la santé , malgré la variété
de sa température . A peine le soleil a-
t-il lancé ses rayons sur notre hémisphère ,
que les corps reprennent la vigueur que
les frimats et les glaces de l'hiver avaient
comme enchaînée. Toutes les humeurs qui
circulaient à peine avee le sang , commen-
cent à s'épurer par le rétablissement de
la transpiration suspendue par les vents
d'Ouest et du Nord. Le rétablissement
de cette secrétion rend à nos corps un
bien-être dont ils étaient privés depuis
le commencement du froid.
A peine notre atmosphère est-il adouci ,
que la terre se couvre deyerdure , que l'air
se parfume des émanations de tous les
trésors de Flore , ces émanations sont gra-
cieuses et bien-faisantes , les arbres parés
de leur feuillage offrent des retraites
agréables aux habitans de l'air qui en
( 127 )
profitent pour chanter leurs amours. Ces
chants annoncent la régénération de la
nature , qui leur donne les sensations vo-
luptueuses qu'ils éprouvent alors.
Les sens des humains sont aussi agréa-
blement éveillés , et ces sensations por-
tent dans leur système vasculaire une ac-
tivité qui équivaut au germe d'une nou-
velle existence . Enfin arrivent ces heu-
reux momens où les vieillards croyent
renaître en éprouvant nombre de sensa-
tions assoupies chez eux depuis plusieurs
mois. Leur imagination resserrée et ré-
trécie pendant l'hiver se développe de
nouveau " et l'espérance entre encore
une fois dans leur ame.
PENDANT L'ÉTÉ , après une nuit tran-
quille et un doux sommeil , la vieillesse
s'éveille avec l'aurore qui de ses rayons
purpurins colore l'horizon , où l'astre du
jour s'élevant sensiblement , l'invite à
quitter son lit et à se livrer à un doux
exercice , à une promenade agréable et
salutaire. L'augmentation de la chaleur
raréfie son sang , précipite la dyastole ,
( 128 )
favorise les secrétions de toutes espèces ,
ce qui lui fait éprouver un bien-être phy-
şique qui influe sur son moral , et lui fait
trouver du plaisir à conserver la vie et à
prolonger son cours ; mais un plus grand
accroissement de chaleur lui deviendrait
nuisible , et l'incommodité qu'elle fait
éprouver l'avertit de se retirer.
Cette retraite en faisant éviter un mal
physique à la vieillesse peut lui procurer
un bien moral , si l'endroit où elle se re-
tire lui offre un site , une perspective
agréable , et lui fournit l'occasion d'ad-
mirer la belle nature et la bonté du
Créateur.
Mais en cherchant l'ombre il faut éviter
avec soin la fraicheur et l'humidité ; sans
cette précaution la vieillesse deviendrait
bientôt la proie de la douloureuse dysci-
nésie , qui s'emparerait d'autant plus fa-
cilement des reins ou de quelque membre ,
que le moment avant cette retraite l'in-
dividu était en transpiration . La sage pré-
caution pour éviter tout danger est de se
vêtir plus si on reste à l'air libre , et sur-
tout
( 129 )
tout d'éviter le vent du Nord , car , si il
existe , il faut faire retraite à la maison.
L'ÉTÉ est encore favorable aux per-
sonnes âgées , en ce qu'il leur permet
l'usage d'un bain tiède pendant le jour.
Cette jouissance salutaire , en amollissant
les houpes nerveuses , en prévient leur
entier desséchement , et en débouchant
les pores de la peau rend la transpiration
plus facile : enfin , dans cette saison , des
fruits délicieux et de diverses saveurs
tempèrent la chaleur du sang et l'altération
qu'elle produit , ils portent un fluide pré-
cieux dans les humeurs qu'un nouvel exer-
cice pris modérément au déclin du jour ,
broye et atténue.
L'AUTOMNE au contraire , par son in-
constance atmosphérique , commence à
détruire les bons effets des deux précé-
dentes saisons , et devient fâcheuse à la
vicillesse qui bientôt ne pourra plus faire
que peu d'exercice ; car souvent à une
chaleur assez forte à midi , succède un
froid vif , qui au coucher du soleil fait
éprouver des sensations d'autant plus fâ-
I
( 130 )
cheuses que la vieillesse ne s'est pas en-
core prémunie contre. Les vents qui
soufflent de l'Ouest amènent des pluies
qui par leur longue durée relâchent la
fibre , ralentissent la diastole et la sys-
tole , ce qui produit l'asthénie de l'estomac
qui , à son tour , occasionne la dyspepsie .
L'air plus chargé , dans cette saison ,
des vapeurs de la terre , puisque le so-
leil n'a plus pour notre horizon la même
énergie d'attraction , gorge les poumons
en y agglutinant les humeurs muqueuses :
dès-lors commencent les rhumes qui , en
raison des brouillards et du froid , aug-
mentent , se prolongent jusqu'à l'hiver ,
où ils se transforment en catarrhes par
l'asthénie des poumons qui augmente
chaque jour de cette saison .
La diminution du principe vital dans
des corps faibles , et dont les nerfs éprou-
vent une sensation douloureuse , est si
grande , que la plupart des sexagénaires ,
à plus forte raison des octogénaires , pas-
sent cette saison dans la douleur , la tris-
tesse, et dans la crainte de toucher à la
( 131 )
fin de leur vie. Cet état du physique et du
moral nuit d'autant plus à la santé des
personnes âgées , qu'il approche de la vé-
rité par l'engourdissement de leurs fa-
cultés physiques et morales , et que l'hiver
amène beaucoup de désordres dans les
fonctions vitales.
Il nousfaut donc indiquer à la vieil-
lesse ce qui peut l'empêcher de tomber
dans cette angoisse.
I 2
( 152 )
CHAPITRE III.
Moyens de prévenir les, Infirmités qui
affligent la Vieillesse pendant l'Hiver.
Dès qu'on approche de sa soixantième
année , à plus forte raison quand on est
plus avancé en âge , on doit prendre l'ha-
bitude de se purger sur la fin de l'Au-
tomne et dans le cours de l'Hiver , et après
une ou deux purgations qui débarrassent
- des humeurs gluantes et visqueuses , accu-
mulées , tant par un peu d'intempérance
et par la faiblesse des organes digestifs ,
que par le défaut d'exercice pendant les
saisons fâcheuses ( ce qui obstrue les
orifices des veines absorbantes ou lactées
dont les intestins sont parsemés pour re-
cevoir le suc de nos alimens ) , il sera très-
avantageux de boire pendant quelques
( 133 )
jours une infusion de bois de genévrier,
de sassafras , de cascarille , ou d'écorce
du Pérou , à la dose de deux gros par
pinte d'eau , réduite à trois verrées , ou ,
pendant une quinzaine de jours , une in-
fusion de véronique , pour donner à l'es-
tomac et au systême vasculaire le ton suf-
fisant pour opérer la coction des fluides
rétablir la transpiration et empêcher la
dyspepsie assez fréquente dans cette sai-
son , et entretenir ou réparer la santé que
les frimats altèrent ordinairement.
Les personnes les plus replettes et d'un
tempérament pituiteux doivent faire usage
de la cascarille avec le sassafras , de préfé-
rence au bois de genévrier qui ne convient
qu'aux personnes d'un tempérament sec ,
qui sont souvent tourmentées de douleurs
de rhumatisme , ou goutte vague. La vé-
ronique suffit pour les personnes maigres .
Nous avons gouverné et nous gouvernons
encore plusieurs personnes des deux sexes ,
âgées de plus de soixante-dix ans, à qui nous
faisons prendre tous les ans , àla fin de l'Au-
tomne et de l'Hiver , la tisanne suivante :
( 134 )
P. Cascarille , deux gros ;
Bois de sassafras , idem ;
Camédris ou petit - chêne , demi-
poignée ;
Séné mondé , deux gros ;
Sel de Glaubert , idem.
Faites bouillir les bois dans une pinte
d'eau , pendant un quart d'heure , ajoutez
le petit-chêne et le séné , retirez du feu
et laissez infuser toujours chaudement
pendant une heure au moins ; puis coulez
et ajoutez le sel. Faites légèrement ré-
chauffer le lendemain pour boire à jeun ,
en trois verrées , d'heure en heure , sans
rien prendre dans l'intervalle , et une
heure après la dernière verrée , compor-
tez-vous comme un jour de purgation.
Voilà pour les personnes pituiteuses et
très-replettes. Celles qui le sont moins et
qui sont sujettes aux douleurs de rhuma-
tisme , ou goutte vague , font usage de la
suivante :
P. Bois de sassafras , deux gros ;
De genévrier , demi-once ;
( 135 )
Polipode de chêne , idem ;
Follicules de séné , deux gros ;
Manne calabre , deux onces.
Le tout dans une pinte d'eau réduite à
trois verrées pour boire tièdes , d'heure en
heure. Il faut faire bouillir les bois et le po-
lipode de chêne , puis ajouter la follicule
et laisser infuser chaudement pendant
environ deux heures , ensuite faire fondre
la manne sans ébullition ; ces doses sont
susceptibles de modification , car , pour
quelques personnes , il ne faut point de
manne , et pour d'autres , il faut plus de
follicules : mais comme il faut prendre ces
tisannes pendant huit ou dix jours , sui-
vant l'effet qu'elles produisent en raison
des différens tempéramens , on a la faci-
lité d'augmenter ou de diminuer le séné ,
car il y a des tempéramens pour lesquels
il faut le porter jusqu'à deux gros et demi
et quelquefois trois gros , pour les per-
sonnes très-replettes et pituiteuses. On
peut ne prendre ces tisannes que de
deux jours l'un , si elles font beaucoup
( 136 )
d'effet. Le plus ordinairement nous en
donnons pendant trois jours de suite , et
nous laissons reposer le quatrième et quel-
quefois le cinquième , pour recommencer
ensuite pendant trois autres jours. Il y a
quelquefois des tempéramens qui les sup-
portent pendant les six jours de suite sans
en être incommodés.
Nous faisons prendre ces tisannes à la fin
de l'Automne , pour prévenir les maladies
qui pourraient survenir pendant l'Hiver ,
et nous les faisons reprendre à la fin de
l'Hiver pour débarrasser des humeurs
crues accumulées par la stagnation qu'oc-
casionne cette saison , et par le ralentisse-
ment de toutes secrétions , notamment de
la transpiration insensible ; et après avoir
suffisamment purgé les personnes sujettes à
la goutte vague ou au rhumatisme , nous les
tenons pendant huit ou dix jours , et sou-
vent plus , à l'usage de la simple tisanne de
cascarille ou de sassafras , à la dose de
deux gros par pinte d'eau , ou de bois de
genévrier, à la dose d'une once pour la
même quantité d'eau , en observant d'em-
( 137 )
ployer le sassafras ou la cascarille de préfé-
rence, pour les personnes les plus âgées et
les plus pituiteuses , parce que ce bois ou
cette écorce ayant plus d'action revivifie
plus le principe vital , que l'autre ; et les
personnes âgées qui ne veulent point s'a-
percevoir de l'influence des frimats , font
sagement de boire de temps en temps, pen-
dant l'Hiver , l'infusion de cascarille. Une
verrée tous les matins dispose l'estomac à
bien faire ses fonctions. Par ces précau-
tions nous empêchons la dyspnée , la
dyscinésie, la dyspepsie , et toutes les
autres affections douloureuses que les
brouillards et les froids occasionnent si
fréquemment aux personnes âgées ; et c'est
par l'usage de ces diasostiques et analep-
tiques que nous leur prolongeons une exis-
tence agréable , en y joignant le choix des
alimens.
Il y a des personnes qui n'ont pas besoin
de beaucoup de purgations , car les in-
commodités dont nous venons de parler
ne sont pas toujours occasionnées par l'in-
ra-
tempérance ; mais très-souvent par le
( 138 )
lentissement de la transpiration insensible.
Ces personnes, après deux jours seule ·
ment de l'une ou de l'autre des tisanes
ci-dessus indiquées , feront bien de com-
mencer l'usage de la cascarille ou du
sassafras pour le continuer pendant les
dix ou douze premiers jours d'Hiver ,
afin de ranimer le principe vital et de
fournir au systême vasculaire la force
nécessaire pour broyer et diviser les hu-
meurs gluantes et visqueuses. Les femmes
sujettes aux fleurs blanches ou à la blen-
horrée se trouvent parfaitement bien de
cet usage , qui est moins désagréable que
celui du vin ou du sirop anti-scorbutique ,
qui cependant est d'absolue nécessité pour
celles qui ont éprouvé des pertes de sang,
après des couches ou fausses couches.
( 139 )
CHAPITRE IV.
De la Nourriture la plus saine à la
Vieillesse.
LA Nature, cette mère sage et prévoyante ,
nous fournit des alimens solides et fluides
pour conserver nos corps dans un équi-
libre parfait , en réparant les pertes qu'ils
font par la continuelle action des fluides
sur les solides , et par la réaction de ces
mêmes solides sur les fluides ; mais elle
veut que nous en usions avec modération ,
sans quoi elle se venge d'une manière
terrible de ceux qui en font abus . N'ou-
blions jamais que c'est de la juste pro-
portion de ces alimens et boissons avec
nos besoins , que dépendent la bonne
santé et toutes les fonctions vitales natu-
relles : sans cette précaution , ces mêmes
alimens tendent à notre destruction.
La proportion . entre le boire et le
( 140 )
manger doit être subordonnée à l'âge , au
tempérament , au sexe , aux forces di-
gestives et à l'exercice que l'on prend.
En général la quantité de boisson doit
surpasser celle des alimens. La nécessité
nous en est démontrée par la facilité avec
laquelle s'opère l'évacuation et l'évapo-
ration de nos fluides ; d'ailleurs le défaut
de boisson donne à nos humeurs une
acrimonie et une consistance qui dispo-
sent à la mélancolie par la dyspepsie
qu'elles procurent.
Le sang humain est composé de trois
parties principales , savoir de l'albumen ,
partie blanche ou lymphatique , de la
partie rouge ou globuleuse , soutenue et
étendue avec la lymphe dans une cer-
taine quantité d'eau , et qui à elles
trois forment la presque totalité de ce
fluide qui entretient bien ou mal notre
existence et soutient nos forces et notre
santé , en raison de sa qualité bonne ou
délétérée ; il s'y joint une portion de bile
jaune et souvent une de bile noire , ainsi
qu'une portion de sel.
( 11 )
Notre santé dépend de la qualité et de
la quantité de ces différentes substances ,
ainsi que de leur mélange , chacune dans
des proportions inégales qui nous sont
d'abord données par la nature dans le
sein de notre nière , et à des doses diffé-
rentes à chaque individu , ce qui cons-
titue la variété des diathèses et des tem-
péramens primitifs et naturels . Nous ne
pouvons douter que les bases d'une bonne
santé ne provienne de celle de nos pa-
rens au moment où ils nous ont im-
primé ce principe vital , dont la dose et
l'activité constituent la force et la vigueur
des premières pulsations de notre cœur
et conséquemment de notre premier dé-
veloppement , ainsi que des soins que l'on
a donnés à notre mère pendant la gesta-
tion : voilà ce qui constitue ce que nous
appelons être heureusement né.
Le plus précieux don que puissent nous
faire nos parens est une excellente diathèse;
car c'est de la qualité de leur sang et des
sucs nourriciers que notre mère nous
transmet , que sont émanés les premiers
( 142 )
élémens de nos constitutions , qui par la
suite se détériorent ou se fortifient en
raison des soins qu'on prend de nous ,
mais qui se détériorent d'autant moins
facilement , qu'ils ont été imprégnés d'une
plus grande dose de principe vital.
Le sang est
est entr etenuu par le produit
entreten
journalier de nos digestions , par les sucs
extraits des alimens que nous prenons ;
il est donc très-nécessaire , non-seulement
de bien connaître leurs propriétés et
qualités naturelles et particulières à cha-
cun d'eux , mais encore celles qu'ils ac-
quèrent par l'amalgame et la préparation
qu'on leur donne.
La quantité de notre sang est aussi
augmentée par ce produit des digestions :
quand il est plus abondant que la déper-
dition journalière , il produit d'abord la
pléthore , puis la dyspnée et l'apoplexie
sanguine , si on n'évacue pas assez tôt
cette surabondance qui est nuisible , parce
que le systême vasculaire trop plein ne
peut plus broyer les différentes substances
dont il est composé , ce qui produit la
( 143 )
cacochimie : de-là on voit la nécessité
de manger et boire relativement à l'exer-
cice que l'on prend les personnes âgées
qui font peu d'exercice doivent donc
manger peu , et choisir leurs alimens , en
raison de leurs effets. Par exemple :
La farine de froment , quoique la plus
nourrissante de toutes , la devient moins , 1
en raison de la quantité de son qu'on y
laisse et aussi parce qu'elle devient alors
laxative ; mais blutée et tamisée bien fine
elle est très-nourrissante et nullement la-
xative , sa presque totalité est convertie
en chyle. Celle de seigle est naturelle-
ment laxative , ainsi que celle d'orge ,
même sans y laisser du son : d'après cela
on voit que les doses de ces pains ne
même per-
peuvent être égales pour la
sonne , et combien il importe à certains
tempéramens de manger de l'un ou de
l'autre. L'on doit croire que celui qui
est bien ou peu cuit , influe considéra-
blement sur la santé , car celui qui l'est
peu donne un suc visqueux , qui dans la
vieillesse peut décider la cacochylie.
( 144 )
Ainsi donc le pain de farine fine bien
cuit est préférable , parce qu'il en faut
peu pour bien nourrir. Les viandes rôties ,
les poissons grillés , ceux de mer spécia-
lement , les œufs et les potages sont géné-
ralement la nourriture la plus saine pour
les personnes âgées.
Parmi les viandes , celle de mouton
conviennent à tous les tempéramens fai-
bles comme forts , la quantité doit être
proportionnée aux facultés digestives ,
ainsi que l'assaisonnement et le mode de
cuisson. Pour les gens faibles il est meil-
leur rôti ou grillé qu'en ragoût. Le bœuf
étant plus difficile à digérer ne convient
plus lorsque la vieillesse est arrivée . Le
veau n'est salutaire aux personnes très-
âgées , qu'autant qu'elles sont d'un tem-
pérament sec ou chaud , parce que tous
les très- jeunes animaux , excepté ceux
qui sont d'une viande noire , produisent
des sucs visqueux et gluans qui donnent
souvent la dyspepsie et même indigestion
aux personnes faibles et âgées, à qui il ne
faut que
des alimens légers qui ne leur
occasionnent
( 145 )
occasionnent ni flatuosités , ni l'exiregmie ,
et qu'il faut enfin gouverner comme des
convalescentes. Le gibier et les volailles
maigres leur sont très-avantageuses.
La chair des animaux sauvages est plus
sèche que celle des animaux privés . De
toutes les viandes , la meilleure et la plus
facile à digérer est celle des animaux mu-
tilés et qui sont dans la vigueur de l'âge .
Parmi les légumes et herbes potagères ,
les oignons , les poireaux , les radis de
toute espèce sont acrimonieux . Le cé-
leri et la carotte , quoique chauds , sont
diurétiques et conviennent à la vieillesse
en général , spécialement aux individus
pituiteux. Les panais et les navets con-
viennent mieux aux tempéramens secs et
bilieux . Toutes les espèces de choux sont
dissolvans de la bile , mais venteux , cepen-
dant si on les cuit avec quelques gousses
d'ail , ils perdent cette mauvaise qualité ,
et assaisonnés avec un peu de vinaigre ils
conviennent généralement à tous les tem-
péramens , l'abus seul y est contraire . La
laitue , le cerfeuil et la pimprenelle , les
K
( 146 )
cardons , les bettes de toutes couleurs et
les poirées ne conviennent qu'aux tem-
péramens secs et constipés par chaleur ;
car il faut bien distinguer la constipation
par relâchement ou atonie des intestins ,
d'avec celle qui est produite par la sé-
cheresse d'entrailles. Le persil et l'ail
sont chauds et apéritifs , conséquemment
nécessaires dans l'assaisonnement des mets
préparés pour les tempéramens asthéni-
ques et pituiteux. Toutes les espèces de
légumes à gousses sont relâchantes lors-
qu'on les mange vertes , mais leurs graines
sèches sont des farineux ; elles sont ven-
teuses il est vrai , mais si on a soin de.
mettre dans l'eau où elles doivent cuire
un peu d'ail , non-seulement on les ren-
dra plus digestives , mais on évitera les
flatuosités qu'elles procurent sans cette
précaution : souvent aussi on ne les mâche
pas assez , parce qu'elles sont très- cuites
ou mises en purée ; mais il faut les pro-
mener longuement dans la bouche , ainsi
que tous les herbages et viandes hachées ,
dont la dissolution , dans l'estomac , est
( 147 )
très - difficile , lorsqu'elles sont privées
d'une quantité suffisante de salive très-né-
cessaire à la bonne digestion.
De tous les fruits les fondans sont les
meilleurs pour les tempéramens secs ,
chauds et bilieux , pris en petite quan-
tité ils ne sont pas généralement con-
traires à la vieillesse ; mais ceux qui sont
légèrement acides après leur maturité ,
comme la cerise , la groseille , lui con-
viennent mieux que tous les autres. Les
poires cassantes, cuites comme crues, cons-
tipent. La pomme crue est plus saine pour
la jeunesse , et la cuite pour la vieillesse .
Nous observons en général que tous les
fruits froids et aqueux ne sont salutaires
qu'aux vieillards d'un tempérament sec
et chaud , ainsi que les légumes verts ,
les melons et les concombres , et qu'ils
ne doivent en user qu'avec modération ,
parce qu'ils sont en général trop relâ-
chans , et que leur produit exige une plus
grande quantité de suc gastrique pour en
former un bon chyle. Il faut à la nature
humaine plus de temps et une circulation
K 2
( 148 )
plus active pour les animaliser que les sucs
provenant des animaux qui, ayant un prin-
cipe vital plus abondant, le communiquent
facilement et opèrent aisément la trans-
mutation de leur substance en celle des
personnes qui s'en nourrissent.
Quoique le principe vital ait servi aux
développement et accroissement des plan-
tes et des fruits , il n'y est pas en aussi
grande quantité que dans les animaux
chez qui il n'y a déjà plus de sucs crus ,
parce que leur chaleur et leurs mouve-
mens ont déjà animalisé tous les produits
de leur digestion ; d'où l'on peut conclure
que le régime animal convient générale-
ment mieux à la vieillesse , que le vé-
gétal : cependant la nature a des excep-
tions à ses lois ; et comme tous les tem-
péramens ne sont pas les mêmes , pas
plus dans la vieillesse que dans tout autre
âge , nous pourrions citer des vieillards
a qui le règne végétal a rendu de grands
services en leur prolongeant une vie
agréable , par la diminution , puis par
l'absence totale de leurs maux ; comme
( 149 )
nous pourrions aussi donner des exem-
ples du succès de la nutrition animale ,
par préférence à la végétale pour la
tendre jeunesse. Ces variétés tiennent
aux diathèses primordiales , ou aux tem-
péramens acquis , comme aussi à la na-
ture et qualité des sucs gastriques ; ce qui
nous confirme dans la nécessité de bien
étudier son tempérament , pour ne jamais
rien faire qui lui soit contraire.
N'oublions jamais que quelque atten-
tion que nous portions à notre genre par-
ticulier de tempérament , que quelque
choix que nous fassions des alimens qui
lui conviennent le mieux , que quelque
bonne que soit la préparation que nous
leur donnons , nous détruirons notre
santé , si la sobriété n'est pas de la partie .
Cette vertu a guéri plus de maladies que
tous les remèdes de la pharmacie , et la
longue mastication a opéré plus de bonnes
digestions que tous les élixirs et les sto-
machiques.
Il faut donc que chaque individu soit
attentif aux effets des alimens qu'il prend ,
( 150 )
afin de reconnaître s'ils lui sont salutaires ,
ou non , et lorsqu'ils sont nuisibles , il faut
qu'il recherche la cause de leur insalu-
brité pour y remé
dier par une prépara-
tion différente ; car souvent l'aliment par
lui- même est sain ; mais telle préparation
ne convient qu'à certains tempéramens ,
tandis que telle autre convient parfaite-
ment aux tempéramens opposés. Quand
on ne peut parvenir , par les différentes
modifications qu'on donne aux prépara-
tions d'un aliment , à le rendre salutaire
pour soi , il faut absolument renoncer à
son usage. Sans cette attention on se don-
nera souvent des dyspepsies.
L'expérience nous a démontré , que
non-seulement les alimens convenables et
bons à certains tempéramens , ne con-
viennent nullement à d'autres, de quelque
manière qu'on les prépare ; mais encore
elle nous a confirmés que ce qui leur con-
venait dans un temps ne leur convient
plus dans un autre , et par la même raison ,
ce qui les incommodait dans un âge leur
devenait salutaire dans un autre ; il ne
( 151 )
faut donc pas renoncer pour toujours à
l'usage des alimens nuisibles dans un
temps. Toutes les variations que la géné-
ralité des humains regarde comme des
bizarreries ou caprices de l'individu pro-
viennent des changemens que le temps et
les circonstances amènent dans les tem-
péramens , de la différente qualité que nos
sucs gastriques acquièrent , et de celle des
humeurs qui prédominent dans l'estomac.
Dès que l'enfant est hors du sein ma-
ternel , si l'une des humeurs dont il est
composé , devient plus abondante ( nous
ne disons pas qu'une autre , puisqu'elles
ne sont pas à doses égales ) , mais plus
abondante , plus séreuse , ou plus épaisse
qu'elle ne doit être , sa santé s'altère plus
ou moins promptement , plus ou moins
grièvement , suivant la qualité et la pro-
portion de l'humeur délétère. Dès - lors
les secrétions se font moins bien , la caco-
chylie commence , et par suite elle pro-
duit la cacochimie qui conduit à la mort .
Il en est de même à tous les âges , sans
bonnes digestions il n'y a pas de santé ;
( 152 )
ce qui a fait dire à Voltaire , en parlant
de l'homme :
Il a tout , il a l'art de plaire ;
Mais il n'a rien , s'il ne digère .
Eh ! dans un corps mal sain , qu'importe la raison ?
C'est un cocher adroit assis sur le timon
De ce char fracassé , sans soupente et sans roue ;
C'est un pilote expert sur un vaisseau sans proue.
La vie humaine , considérée physiolo-
giquement , est un phénomène produit
par la concurrence des forces naturelles
à chaque individu , et du changement con-
tinuel de la matière des substances ani-
males et végétales , en la sienne propre.
L'homme est donc un système chimico-
végéto-animal. Après une bonne diges-
tion tout change dans l'homme ; cette
machine qui commençait à s'affaisser , à
languir , et qui tombait dans l'asthénie , en
raison des pertes qu'elle avait faites par son
continuel mouvement , reprend vigueur ,
ainsi que son intelligence ; car l'homme
pense et agit différemment , après le re-
pas , qu'avant , pourvu qu'il ne l'ait pas
( 153 )
fait trop copieux , car l'intempérance le
jette dans le mal-être , et le rend inca-
pable d'énergie physique , et même inepte
au moral. C'est bien alors le cas de dire :
Dans un corps tout souffrant , l'esprit n'a point
d'essors ,
Le mal enchaîne et brise tous les ressorts.
Après une bonne digestion , l'homme
reprend les facultés que lui avait fait
perdre le besoin de se substanter , d'où
il est aisé de conclure que les parties pri-
mitives de la matière sont, à l'aide du mou-
vement vasculaire , diversement combi-
nées et assimilées à la substance humaine ,
et que le produit de tous nos alimens ,
lorsqu'il commence à s'animaliser , in-
flue essentiellement sur les mouvemens
sensibles et cachés de l'homme : mais
aussi ces mêmes alimens qui servent à le
nourrir , à le fortifier , et à le conserver ,
quand ils sont analogues à son tempéra-
ment , deviennent les instrumens de son
asthénie , de la cacochimie , et de sa dis-
solution , dès qu'ils ne sont plus analogues
( 154 )
à sa diathèse , ou dans les proportions
nécessaires à sa conservation. C'est ainsi
que l'eau , lorsqu'elle devient trop abon-
dante , produit d'abord l'asthénie de tout
le système vasculaire , en ralentissant son
activité ; elle énerve l'homme , et l'abat ,
parce qu'elle empêche l'action des autres
élémens , et l'abondance des secrétions si
nécessaires à la bonne santé ; elle le con-
duit par une fièvre lente , à l'hydropisie ,
qui est ordinairement suivie de la mort.
C'est ainsi que le feu , admis en trop
grande quantité , ou fixé sur une seule
partie , y produit l'inflammation , excite
une fièvre ardente et occasionne des mou-
vemens désordonnés , qui usent et brisent
les ressorts. C'est encore par le même
principe que l'air trop abondant , ou ra-
réfié par la chaleur trop grande des in-
testins , produit la tympanite ou l'hydro-
pisie d'air qui distend l'abdomen comme
un balon : et c'est toujours par la même
raison que l'air , chargé des principes de
corruption , porte les maladies conta-
gieuses , et les fait pénétrer par toutes les
( 155 )
voies possibles ; enfin tout ce qui conserve
l'homme quand l'analogie et l'équilibre
1
sont parfaits , le détruit plus tôt ou plus
tard , quand cette analogie n'existe pas ,
ou quand les proportions nécessaires sont
rompues.
( 156 )
CHAPITRE V.
Procédés pour opérer la bonne Digestion
si nécessaire à la Santé.
De toutes les opérations du corps hu-
main , nous n'en connaissons pas qui mé-
rite plus notre attention , que celle de sa
nutrition qui s'opère par la dissolution
des alimens dans l'estomac , et que nous
appelons digestion . Pour en avoir une
idée , il faut suivre ces alimens dès leur
entrée dans la bouche , dans leur trajet
du tube intestinal , où ils subissent di-
verses modifications , et qui en tire , de
quelque couleurs qu'ils soient , une li-
queur blanche comme du lait , à laquelle
on a donné le nom de chyle.
Notre estomac est naturellement un la-
boratoire chimique , où s'opère conti-
nuellement la décomposition des différens
( 157 )
alimens. Cette décomposition sert d'élé-
mens , de matériaux , à la formation de
nouvelles combinaisons , suivant l'analo-
gie ou l'hétéréogénité de ces matières
entre elles , et de celles qu'elles y trouvent.
tous les momens de notre digestion sont
un mélange de destruction et de combi-
naisons. Ces nouvelles combinaisons sont
la source première de l'entretien de notre
santé , ou des maladies qui affectent par
la suite les meilleurs tempéramens , quand
elles ont peu ou point d'analogie avec
nos fluides ; conséquemment il faut s'ap-
pliquer à se procurer des alimens ana-
logues à son tempérament , et au suc gas-
trique qu'il produit. La facilité avec la-
quelle s'opère la digestion , prouve cette
analogie nécessaire à la parfaite chylifi-
cation , qui entretient la bonne santé dans
tous les âges.
Nous croyons devoir vous instruire ?
pour faciliter votre restauration , que nous
ne digérons point par trituration , comme
on l'a cru jusque vers la fin du siècle der-
nier. Nous digérons à la manière des ani-
( 158 )
maux qui ont un estomac musculo-mem-
braneux , parce que tel est le nôtre ; par
conséquent nous ne pouvons éviter la
dyspepsie , et facilement digérer , qu'à la
faveur de la mastication. Les alimens
broyés par les dents , amolis par la salive
très-nécessaires à la digestion , sont pous-
sés par la langue , dans l'œsophage qui
les fait descendre dans l'estomac. C'est
dans la cavité de ce sac membrano-mus-
culeux , que ces alimens subissent la di-
gestion par le suc que fournit ce viscère ,
et auquel sue on a donné le nom de gas-
trique , qui a une parfaite analogie avec
le suc salivaire : ainsi , plus les alimens sont
imprégnés de ce suc salivaire , plus faci-
lement ils sont dissous par le gastrique .
La pâte alimentaire en sortant de l'es-
tomac , par le mouvement péristaltique
de ce viscère , entre dans les intestins
grèles , où elle est encore pénétrée dans
son trajet par trois autres liqueurs qui
achèvent sa dissolution , et facilitent l'ex-
traction des sucs nécessaires à la chylifi-
cation. Ces liqueurs ont aussi la pro-
( 159 )
priété de séparer les parties grossières
des alimens , et de les faire couler dans
le reste du tube intestinal. Elles sont
une bile jaune et amère , qui vient du
foie et coule par le canal cystique , dans
l'intestin nommé duodenum ; une autre
moins jaune et plus douce , qui vient par
le canal cholidoque , dans l'intestin je-
junum, et enfin une troisième moins amère,
qui a aussi beaucoup d'analogie avec la
salive ; elle est fournie par le canal pan-
créatique qui la verse aussi dans le duo-
denum.
Le pancréas ne peut cesser de fournir
cette humeur , sans laisser à la bile trop
d'acrimonie , qui produit ordinairement
le flux bilieux , et quelquefois la fièvre
gastro-bilieuse. La disette , ou la petite
quantité de l'humeur pancréatique rend
incomplet l'amalgame bilieu nécessaire
à la fluidité du chyle , et il en résulte une
cacochylification qui a de grands incon-
véniens, puisqu'elle détériore la santé.
Quand , au contraire , cette humeur pan-
créatique est abondante , elle achève
( 160 )
d'adoucir ce qui pourrait être resté d'âcre
dans la pâte alimentaire , et rend le chyle
miscible au sang ; enfin , ces trois liqueurs
donnent au produit de cette pâte assez
de fluidité pour être absorbé par les vei-
nes lactées dont les intestins sont parse-
més , et pour en former le chyle , 2 li
queur douce , et presque savonneuse , qui ,
quand elle est d'une bonne qualité , nous
restaure promptement. La portion ter-
reuse et grossière de cette pâte alimen-
taire , alors plus ou moins jaune ou brune ,
descend lentement à la faveur du mou-
vement péristaltique des viscères de l'ab-
domen , parcourt le reste du tube intes-
tinal , appelé le gros boyau , pour être
rejetée hors du corps par l'anus ou le
sphincter qui termine ce canal.
D'après les notions que nous venons
de donner sur les opérations que la nature
emploie pour extraire les sucs nourriciers
des différentes substances avec lesquelles
nous nous alimentons , il est aisé de con-
cevoir. que la digestion s'opère d'autant
plus facilement et parfaitement , que les
alimens
( 161 )
mens parvenus à l'estomac sont plus im-
prégnés de salive ; par ce moyen , plus tôt
pénétrés par le suç gastrique qui les dis-
sout plus facilement.
Nous devons donc en conclure que nous
en retirons plus promptement le premier
produit presque laiteux qui doit former le
chyle , seule liqueur analeptique , puisque
c'est elle qui , en se mêlant à notre sang ,
est portée par-tout notre système pour ré-
parer nos pertes continuelles ; il est donc
bien nécessaire de mâcher longuement ,
spécialement pour éviter la dyspepsie ,
mais encore pour hâter la formation du
chyle et la transmutation de cette liqueur
en notre propre substance .
Plus on a besoin de se restaurer promp-
tement , plus il faut mâcher lentement ;
les personnes âgées ne doivent jamais
s'écarter de ce principe ; mais celles qui
sont assez fayorisées de la nature pour
avoir conservé la majeure partie de leurs
dents , font tout le contraire aussi plus
elles ont mangé promptement , plus elles
sont affectées de dyspepsie , et leurs in-
It
( 162 )
digestions proviennent autant de cette
cause que de la trop grande quantité
d'alimens.
Pour éviter les indigestions en pareilles
circonstances , les personnes âgées doivent
commencer par boire un peu de vin sucré ,
et y mettre peu ou point d'eau , suivant la
saison , non-seulement parce que les fluides
passent plus rapidement dans les veines
lactées , mais aussi parce que cette espèce
de cordial remonte le ton de l'estomac ,
ranime la chaleur , en y rappelant le prin-
cipe vital , et le dispose à une facile di-
gestion des alimens qu'on se propose de
lui donner, mais encore par la patience
que donne la cessation du grand besoin
de manger. Il est prudent ensuite de pré-
férer les alimens qui se prennent à la cuil-
ler , comme les potages et différentes
crêmes ou bouillies , ou un lait de poule ,
dans lequel on peut tremper du pain. Les
sucs de ces genres d'alimens parviennent
plus promptement dans le torrent de la
circulation que ceux des alimens solides ,
pourvu toutefois qu'on promène longue-
( 163 )
ment dans la bouche ceux qui n'ont pas
besoin d'être mâchés , parce que , ne four-
nissant à l'estomac que des alimens im-
prégnés de salive , ils seront beaucoup
plus promptement pénétrés par son suc
gastrique.
Par ces précautions , toutes les parties
du chyle qui passent ensuite dans le sang
sont suffisamment élaborées , et il ne reste
rien dans les premières voies qui puisse
empêcher une seconde bonne digestion
d'alimens plus solides , si on ne les prend
pas trop tôt et en trop grande quantité.
Les personnes de tout âge , mais spé-
cialement les vieillards , doivent suivre ce
précepte , l'un des plus nécessaires à la
conservation de leur santé et à la prolon-
gation de leur vie. Par ces procédés , ils
éviteront certainement les indigestions et
les fausses digestions , si fréquentes dans
un âge avancé , et si funestes à des esto-
macs où il y a disette de suc gastrique . I
Vous voyez que les moyens qui entre-
tiennent la santé peuvent la détériorer et
même l'anéantir sans les soins et précau-
In 2
( 164 )
tions que nous indiquons ; car pour se
restaurer , il y a deux choses d'absolue
nécessité : 1º. Assimilation à notre subs-
tance de ce qui est bon; 2 °. séparation
de ce qui est mauvais.
Vous desirez sans doute apprendre
maintenant , comment le produit des ali-
mens nous fait penser et agir , voyez le ré-
sultat des recherches d'un grand homme
à ce sujet (1 ) , qui dit :
Pour découvrir un peu ce qui se passe en moi ,
Je m'en vais consulter le médecin du Roi;
Sans doute , il en sait plus que ses doctes confrères.
Je veux savoir de lui , par quels secrets mystères
Ce pain , cel aliment dans mon corps digéré ,
Se transforme en un lait doucement préparé ;
Comment toujours filtré dans ses routes certaines ,
En longs ruisseaux de pourpre , il court enfler mes
veines ,
A mon corps languissant rend un pouvoir nouveau,
Fait palpiter mon cœur et penser mon cerveau?
Il lève au Ciel ses yeux ; il s'incline et s'écrie :
Demandez-le à ce Dieu qui nous donna la vie !
Pour se conserver en santé , il faut que
(1 ) Voltaire.
( 165 )
la chylification soit parfaite , et pour que
la chylification soit parfaite , non-seule-
ment il faut choisir des alimens sains et
analogues à sa diathèse , et les mâcher
bien longuement , mais il ne faut pas en
manger trop , car si vous donnez à votre
estomac plus d'alimens qu'il n'a de suc
gastrique pour les dissoudre , vous n'évi-
terez pas la dyspepsie , et ce ne sera pas le
moyen de réparer promptement vos forces.
Persuadez-vous bien cette grande vé-
rité : Ce n'est pas ce qu'on mange qui
nourrit, mais ce qu'on digère bien. Tout
ce que l'estomac digère facilement , four-
nit un bon chyle ; tout ce qu'il ne digère
qu'avec dyspepsie , devient nuisible à la
longue , produit la cacochylie qui , par
suite , décide la cacochymie qui affecte
plus facilement les personnes âgées que
celles d'un moyen âge. Elles doivent donc
porter une 愧 très-grande attention à leur
mode de digérer , si elles ne veulent pas
s'exposer à quelque affection scorbutique,
à quelque fièvre humorale , ou à l'asthé-
nię complette ; elles doivent étudier le
( 166 )
tempérament de leur estomac , qui sou-
vent paraît avoir des bizarreries , et ne
lui fournir que ce qu'il peut facilement
digérer.
Ce viscère est souvent faible , quoique
le corps soit robuste , souvent il est fort
quand le corps est faible ; car nous voyons
des personnes infatigables dont les mus-
cles bien fournis ont une apparence athlé-
tique , ne digérer qu'avec grande diffi-
culté ; ce qui nous prouve que ce viscère
a son organisation particulière , comme
ses maladies : mais si nous observons que
souvent il digère facilement ce qu'il avait
refusé de digérer d'autres fois , nous nous
persuaderons alors que c'est notre faute
et non la sienne , et qu'il ferait toujours
bien ses fonctions si nous mâchions suffi-
samment , et si nous ne le surchargions
point. Plus l'aliment que nous lui don-
nons est d'une nature difficile à digérer ,
plus il faut le mâcher , et moins il faut lui
en donner. Si , par exemple , il digère bien
quatre onces de bœuf , et que nous n'ayons
que
que du cochon , il faut ne lui donner
( 167 )
la moitié de cette dose , parce que cette
viande est beaucoup plus difficile à digé-
rer que l'autre.
Encore une chose à laquelle on ne porte
point assez d'attention pour les digestions ,
sont les affections de l'ame et les passions
qui ont une influence puissante sur le vis-
cère digérant . Ce que nous prenons pour
ses caprices ne sont souvent que l'effet de
l'état de l'ame : quand on est tristement
affecté ou violemment tourmenté par une
passion , ou fatigué de corps et d'esprit ,
l'estomac fait mal ses fonctions ; il faut
donc alors vivre plus sobrement que de
coutume.
Nous concluons que si chacun faisait ·
attention à la circonstance où il se trouve,
s'il suivait exactement les règles que nous
prescrivons , et que si chacun se bornait
à la quantité d'alimens et de boissons né-
cessaires à son individualité , et propor-
tionnée aux pertes qu'occasionnent les.
secrétions pendant la bonne santé , les
digestions se feraient toujours bien , les
fluides gastriques seraient toujours abon-
( 168 )
dans et d'une qualité assez active pour bien
pénétrer les alimens , qu'en conséquence le
sang serait d'une nature parfaite ( 1).
Les marques certaines de la bonté des
sucs gastriques et de l'exactitude des fonc-
tions de l'estomac , sont un appétit mo-
déré le matin , après un sommeil paisible ,
et de ne sentir ni dégoût , ni besoin irré-
gulier. Les dégoûts sont produits par une
humeur crue , visqueuse et gluante , reste
d'une digestion incomplette qui énerve ce
viscère , et s'oppose à l'élaboration d'un
nouveau suc gastrique . Si on mange avant
que d'avoir fait écouler ces mauvais levains,
soit par une infusion de thé , lorsqu'il ne
fait pas mal aux nerfs , soit par une infu-
sion de chicorée amère , ou de racine de
patience , ou quelques feuilles d'absinthe ,
ou de petite-sauge de Provence , ou en-
(1 ) Il est certain que des hommes , nés de pères
et mères sains et bien constitués , retarderaient le
mouvement de la faulx , presque toujours hâté par
nos institutions sociales , s'ils évitaient les acci-
dens qui proviennent des fautes que l'on commet
contre le régime.
1
( 169 )
core par une petite verrée de vin anti-
scorbutique , qui est indispensable pour
la vieillesse cacochime , et dont la dose
doit être proportionnée au tempérament
et à l'âge plus ou moins avancé , et encore
à la saison , on se prépare une mauvaise
digestion , et d'encore en encore , on ac-
cumule le principe d'une fièvre ataxique ,
gastrique , et même putride.
Les appétits immodérés ou capricieux
de l'estomac ont leur source dans une
humeur plus ou moins âcre , qui irrite ce
viscère plus ou moins fréquemment. Sou-
vent une verrée d'eau sucrée remédie à
ces incommodités , lorsqu'il n'y a point
d'oxiregmie ; mais si elle existe , il faut
appeler le médecin , pour connaître si
c'est le cas d'user d'absorbans , ou si les
aigreurs proviennent seulement de l'as-
thénie de l'estomac , auquel il faut rendre
du ton , et donner au suc gastrique plus
d'énergie. Dans ce cas , le vin anti-scor-
butique est le meilleur remède pour les
personnes âgées et pituiteuses. Les per-
sonnes d'un âge moyen , et qui ont ordi-
( 170 )
nairement l'estomac bon , se soulageront
plus efficacement avec la potion suivante :
P. Fondez deux gros de savon amig-
dalin , dans deux onces d'eau de fe-
nouille , et autant de fleurs d'orange ,
pour prendre deux cuillerées au moins ,
deux heures avant chaque repas .
Ceux qui , après avoir mangé , n'ont ni
pesanteur à l'estomac , ni grande rougeur
au visage , ni oppression , ni envie de dor-
mir , n'ont que raisonnablemsnt mangé ,
suivant leur force et leur tempérament ,
ils sont assurés de digérer facilement et
de faire une bonne chylification , s'il ne
leur survient aucun trouble. Lorsqu'on
se met à table , il faut toujours avoir pré-
sent à l'esprit qu'on ne pourra jouir lon-
guement d'une bonne santé , de la vigueur
de corps et d'esprit , et qu'on ne parvien-
dra à la vieillesse sans infirmité , qu'au-
tant qu'on observera un bon régime ,
qu'on mâchera bien , et qu'on n'abusera
point des choses nécessaires à la vie.
Voyons maintenant les boissons qui
conviennent le mieux à la vieillesse.
( 171 )
CHAPITRE VI.
Des Boissons convenables à la Vieillesse.
UOIQUE la quantité de boissons doive
QUOIQU
excéder celle des alimens solides , elle
doit néanmoins être réglée sur sa naturę
et la qualité du fluide dont on fait usage ;
car le vin , la bière et le cidre ne peuvent
être bus dans les mêmes proportions que
l'eau ; il faut encore considérer la saison
où on est , et le climat qu'on habite.
Si nous en croyons le célèbre Hoffman ,
nous conseillerions l'eau pure comme la
meilleure de toutes les boissons , à tous
les âges et pour tous les tempéramens ,
parce que , dit-il , « par sa fluidité et sa
douceur , elle contribue à une libre et
égale circulation du sang et de nos autres
fluides .
» Les buveurs d'eau sont ordinairement
gens de très-bon appétit , légers , actifs ,
( 172 )
et d'une gaîté plus constante ; ils ont même
plus de feu que ceux qui ne boivent que
du vin. Si l'on est d'un tempérament san-
guin , l'eau est nécessaire , parce qu'en dé-
layant les humeurs , elle procure une cir-
culation plus uniforme. Si l'on a des dis-
positions à la colère , l'eau tempère l'acri-
monie qui la détermine . L'eau est encorę
nécessaire aux tempéramens flegmatiques,
en ce qu'elle divise et atténue les parties,
visqueuses. Dans la mélancolie , elle dé-
trempe la bile grossière , et en facilite la
secrétion , elle empêche les obstructions ;
et en adoucissant toute acrimonie , elle
prévient les douleurs . »
HOFFMAN dit encore : « L'eau est bonne
aux vieillards pour humecter et amollir
la ridigidité de leurs fibres , et pour faci
liter la circulation ordinairement trop
lente chez eux ; en un mot , ajoute ce sa-
vant médecin , l'eau est , de toutes les
productions de la nature et de l'art , celle
qui approche le plus de cette panacée
universelle que l'on a toujours cherché
sans la trouver , »
( 173 )
Pour nous rapprocher de notre siècle
( car Hoffman fut médecin à Hall , en
1681 ) , n'oublions pas que le célèbre Du-
moulin dit en mourant : « Je laisse , après
moi , deux grands médecins , la diète et
l'eau. » Souvenons nous encore que
Bordeu, dont le mérite peut être com-
paré à celui de Dumoulin , faisait grand
cas de ces deux moyens de guérir , qu'il
les conseillait souvent , mais qu'il ne les
ordonnait que comme remèdes curatifs ,
et non comme diasostiques ; car si ces
moyens sont souverains à certians tem-
péramens et pendant un certain cours de
de la vie , ils peuvent devenir très- nui-
sibles dans d'autres temps et à d'autres
tempéramens.
Nous ne pouvons nous empêcher de
dire dans l'exacte vérité , qu'une eau
pure , légère , douce , fraîche , et dont
la source est éloignée de l'endroit où
on la puise , c'est-à-dire , celle qui a par-
couru un long espace de terrain à l'air
libre , est la boisson la plus saine pour
fortifier l'enfance et la jeunesse en gé-
( 174 )
néral , et qu'elle leur est plus nécessaire
que le vin , mais aussi nous ne pouvons'
pas être de l'avis d'Hoffman pour tous
les tempéramens , et particulièrement pour
les personnes âgées , car il y a peu d'in-
dividus de soixante ans qui puissent en
conserver l'usage , et il faut à cette occa-
sion se souvenir que ce qui était bon
dans un âge ne convient plus dans un
autre , et vice versa.
Nous connaissons des hommes qui
après avoir eu lieu de faire l'apologie de
l'usage habituel et constant de l'eau (les
uns depuis leur enfance , les autres depuis
l'âge de la puberté, et d'autres enfin depuis
l'âge de dix-huit à vingt ans jusqu'à qua-
rante-cinq et cinquante ans ) , n'ont pu se
dispenser de recourir à l'usage du vin
trempé , et qui , à soixante et quelques
années ont été obligés de le boire pur ,
pour rappeler pendant l'hiver , et en-
tretenir la chaleur nécessaire à la bonne
digestion. Ainsi , en faisant exception à
la loi trop générale d'Hoffman qui ne
peut avoir lieu en raison de la variété
( 175 )
des tempéramens , nous dirons d'après
un axiome très-connu en France : le vin
est le lait des vieillards ( 1 ) ; sauf les
exceptions aux tempéramens auxquels il
fait mal.
La boisson la plus saine pour la géné-
ralité des personnes âgées , est certaine-
ment le vin tempéré par plus ou moins
d'eau , suivant sa qualité , la saison , le
climat , l'âge , le sexe , et le tempéra-
ment de ceux qui en font usage. La jeu-
nesse vigoureuse doit s'en abstenir , si elle
veut éviter les maladies inflammatoires :
les tempéramens pituiteux phlegmatiques ,
quoique jeunes encore , doivent en boire ,'
spécialement les jeunes filles décolorées ,
à moins qu'on ne leur donne des eaux
ferrugineuses , jusqu'à l'établissement de
la nubilité . Les tempéramens phlegma-
tiques doivent en boire dans l'âge mûr ,
et plus encore dans la vieillesse , pour la-
quelle , il ne faut souvent point ajouter
(1 ) Une des lois primitives de Rome réservait
le vin aux vieillards.
( 176 )
d'eau n'oublions jamais qu'en tout et en
tout temps , le trop est nuisible , spé-
cialement de cette boisson , dont l'excès
ruine les facultés corporelles et désorga-
nise l'intelligence et l'esprit.
Le meilleur de tous les vins , pour la
vieillesse , est celui de Bourgogne ; il a
toutes les qualités que Galien desire , et
les mêmes que celui qu'il dit convenir
parfaitement dans un âge avancé. Il est
d'une nature échauffante , propre , par
conséquent , à réveiller et propager le
principe vital dans toutes les parties du
corps ; il est léger et passe facilement.
Si Galien eût connu cette espèce de vin ,
il n'est pas douteux qu'il ne l'eût préféré
et proposé aussi bien que le vin jaune
qu'il indiquait aux vieillards. Le vin de
Bourgogne est de tous les vins celui que
les poètes ont le plus chanté , parce qu'il
est celui qui les inspire le plus agréable-
ment ; à ce sujet l'un d'eux dit :
HORACE , en savourant ses suaves odeurs ,
Aurait de son Falerne abjuré les saveurs.
Oui ,
( 177 )
Oui , du frêle vieillard , il parfume l'haleine ;
Il soutient de son corps , la démarche incertaine;
Dans son sang rajeuni , son nectar velouté
Ramène doucement la joie et la santé;
Et nourri de ce lait , souvent le vieux VOLTAIRE
Sut encor nous toucher , nous instruire et nous
plaire.
Les vins d'un rouge foncé et épais
passent difficilement , excitent des fla-
tuosités , sur-tout quand ils sont pyenoti-
ques , qualité qui leur est assez ordinaire.
Les vins blancs et secs sont plus diuré-
tiques et conviennent mieux que les gros
vins rouges , aux tempéramens pituiteux
et aux personnes dont les urines sont
gluantes. Nous observons que pendant
les grandes chaleurs , il faut tremper son
vin plus que pendant l'hiver , quelles
qu'en soit la qualité et la couleur.
Nous sommes bien convaincus que les
meilleurs vins , après le produit de la
Bourgogne , sont ceux qui approchent le
plus de leurs qualités , que plus ils s'en
éloignent , moins ils conviennent aux per-
sonnes d'un âge avancé , et que tous les
M
( 178 )
vins froids ne sont avantageux que pen-
dant la vigueur de l'âge , et qu'à ceux qui
veulent boire amplement sans perdre la
raison.
Les vins de Languedoc , quoique plus
épais , peuvent faire un bon cordial , en
les saturant de sucre. Ils sont nécessaires
à la vieillesse qui a le ventre trop libre.
Hippocrate regardait le vin noir comme
très-efficace dans la diarrhée . Galien
dit : L'usage habituel de cette espèce de
vin peut causer des obstructions dans le
foie , dans la rate , dans les reins , et peut
même produire la pierre et occasionner
l'hydropisie .
Après l'eau et le vin , la meilleure bois-
son est une bière légère bien brassée.
L'usage de cette liqueur est bien ancien ,
car l'Histoire rapporte qu'Osiris , las de
régner sur les Argiens , céda son royaume
à son frère Agilaée , et que s'étant rendu
maître de l'Egypte , où il épousa Io , ou
Isis , il établit des arts nécessaires aux
Egyptiens , au nombre desquels on peut
compter la fabrication de la bière , et
( 179 )
l'agriculture , qui le firent déifier dans ces
contrées.
Nous ne voyons point que l'origine de
cette boisson soit due au hasard , comme
celle du vin , car Pline s'écrie , à l'occa-
sion de cette invention ( 1 ) : Heu mira ho-
minum solertia ! inventum est quemad-
modum aqua , quâque inebriarent.
Que l'industrie des hommes est admi-
rable ! ils ont trouvé le secret de com-
poser une certaine eau avec laquelle ils
s'enivrent.
La bière blanche est préférable à la
rouge , parce qu'elle passe mieux étant
糜
moins épaisse ; mais cette boisson , qui
convient généralement à la jeunesse très-
active , n'est salutaire qu'aux vieillards
d'un tempérament sanguin et bilieux. Les
bières amères , telles qu'on les fabrique
en Flandre , et notamment à Bruxelles ,
sont saines pour les tempéramens pitui-
teux et asthéniques , lorsqu'ils ne peuvent
se procurer du vin , parce que ces espèces
(1) Lib. 14 , cap. 22.
M 2
( 180 )
de bières raniment la circulation , forti-
fient l'estomac et donnent plus de vi-
gueur aux sens , que celle fabriquée avec
l'orge et le houblon seulement ; mais l'eau
pure d'une bonne qualité vaut encore
mieux.
Le cidre , qui est le suc exprimé des
pommes , et exposé à la fermentation , est
plus nuisible à la vieillesse que la bière ,
parce qu'il est incrassant ; il possède émi-
nemment la propriété d'épaissir les hu-
meurs ; il contribue au ralentissement de
leurs secrétions , et coopère à l'amor-
tissement du fluide vital. Son habituel
usage dans l'enfance grossit les fibres élé-
mentaires , produit la dyscinésie , obs-
curcit la mémoire , et rend d'une grande
difficulté la guérison des plaies de jambes ,
qui dégénèrent souvent en ulcères de mau-
vaise qualité dans toute la Normandie .
Nous ajoutons à cet article des bois-
sons , pour n'y plus revenir , un mot sur
les eaux minérales dont quelques per-
sonnes doivent faire leur boisson habi-
tuelle ; les unes pendant quelques années ,
( 181 )
d'autres pendant quelques mois seulement.
Ces eaux sont celles qui sont légèrement
ferrugineuses ; elles sont nécessaires aux
personnes dont les viscères sont trop hu-
mides , et le système des vaisseaux lympha-
tiques trop relâché; elles sont encore utiles à
celles frappées d'asthénie par tempérament
acquis, au nombre desquelles il faut ranger
la généralité des dames devenues telles par
une vie molle et oisive , comme aussi par
différens événemens, tels que des distokies ,
des fausses- couches et des pertes de sang
qui accompagnent ou suivent ces acci-
dens , et à celles qui arrivent au déran-
gement périodique du flux menstruel.
Quand on sera obligé de recourir aux
autres espèces d'eau , comme à des dia-
sostiques , ou pour rétablir une santé dé-
labrée , il faudra s'adresser à son méde-
cin , qui décidera , d'après la connaissance
du tempérament , ou d'après l'indication
qui se présentera , de la qualité qui eon-
viendra le mieux , et qui prescrira · la
manière d'en faire usage , avec le régime
( 182 )
convenable pour en obtenir tout le succès
possible.
Nous prévenons nos lecteurs que la
Chimie a mis une Société de Savans en
état de composer à Paris toutes les eaux .
minérales que l'Empire de France et les
autres peuvent produire ; ce qui est d'une
double utilité , en ce que l'éloignement
et la saison du départ privaient les ma-
lades du bénéfice de ces eaux , dès qu'on
s'apercevait de leurs maladies. L'établis
sement formé à Tivoly ne connaît point
l'obstacle des saisons , et chacun peut y
être dirigé par son médecin.
( 183 )
CHAPITRE VII
De l'Intemperance très - nuisible à la
Vieillesse.
L'INTEMPERANCE est l'excès dans tous
les goûts sensuels ; ce vice est destructeur
de la santé , et par suite de la vie , parce
qu'il convertit en poisons les alimens des-
tinés à la conserver , qu'il détruit les res-
sorts et les organes nécessaires à la res-
tauration de nos forces.
Nous reconnaissons trois espèces d'in-
tempérans , savoir : le gourmet , le gour-
mand et• l'ivrogne. Tous trois donnent
dans des excès qui , à la longue , sont des-
tructeurs des meilleurs tempéramens , en
ce qu'ils épuisent les sucs gastriques et
énervent l'estomac , seul organe répa-
rateur.
Le gourmet est celui qui , par une
( 184 )
echerche extr êm e et rafinée des meilleurs
Imets et des vins les plus exquis , sollicite
s on appétit et sa soif, au point de manger
et boire beaucoup au-delà de ses besoins .
SOCRATE donnait , à ce sujet , un avis fort
sage à ses disciples : <
« Craignez , leur
disait-il , de prendre du goût pour les ali-
mens que l'on mange sans faim , et pour
les liqueurs qu'on est tenté de boire quand
on n'a pas soif. »
Le gourmand est celui dont la sensua-
lité , moins fine et moins recherchée , boit
et mange avec excès sans distinction de
ce qu'il y a de meilleur , et surcharge son
estomac , au point d'en arrêter les fonc-
tions , et de provoquer l'apathie au lieu
de lui permettre l'exercice nécessaire. Cet
état occasionne l'engourdissement de toute
sensation et faculté , de manière que ce
qu'il y a alors de plus heureux pour lui
est la stupeur ou le sommeil , afin de di-
gérer , tant bien que mal , le volume d'ali-
mens sous lequel il s'est accablé ( 1).
(1) Comment voudriez - vous que les vapeurs qui
s'élèvent d'une grosse et vaste panse ( dit lephilo-
( 185 )
L'ivrogne est celui qui , avec une soif
continuelle et du dégoût pour les alimens
solides , a un penchant si fort à boire du
vin et des liqueurs spiritueuses , que sa
raison ne peut dominer. Nous dis-
tinguons trois genres d'ivrognerie qui
constituent trois degrés dans ce vice : le
premier est celui que nous pouvons ap-
peler l'ivrognerie voluptueuse , c'est ce
plaisir , cette sensualité à ne boire qué du
bon , que de l'exquis , et que beaucoup
d'Épicuriens ne poussent pas ordinaire-
ment jusqu'à la perte de leur raison . Ceux
qui se livrent souvent à cet excès n'en
sont pas moins des ivrognes modérés.
Le second degré d'ivrognerie est sale
et dégoûtant , et n'étant connu que de la
partie la plus grossière du peuple , ses dé-
tails ne peuvent entrer dans cet ouvrage.
Notre philosophe Vaughan dit à ce
sujet : Regardez ce maître ivrogne , comme
sophe Vaughan , dans son ouvrage intitulé : Di-
rection pour la Santé) ne formassent point un
brouillard épais de stupidité entre le corps et la
lumière de l'esprit ?
( 186 )
il est défiguré ; voyez son nez : ne dirait-on
pas qu'il est pourri , séché , à demi-rongé
des vers ? son haleine n'est-elle pas puante ,
sa langue ne bégaye-t-elle pas , son corps
n'est-il pas cacochyme dévoré par la goutte?
L'homme sage est frugal et tempérant ,
parce qu'il conçoit clairement que l'excès
dés plaisirs entraîne la perte de la santé ,
celle de la fortune et de la réputation. Sa
raison lui dit :
A la santé du corps tient la santé de l'ame ;
Satisfais ses besoins , donne un soin qu'il réclame ;
Mais fuis les alimens qui souillent les repas ;
Sur la fange terrestre , ils enchaînent tes pas.
Sois modéré , frugal , et ménage tes sens ,
Leur vigueur te suivra jusqu'aux bornes des ans ,
L'action les soutient ; mais tout excès les tue.
Que serais-tu sans eux ? Une froide statue.
Prendre plus d'alimens que l'estomac
ne peut en supporter sans éprouver pesan-
teur et altération , c'est s'exposer d'abord
à la dyspepsie et à plusieurs maladies ,
( 187 )
sur-tout si cet excès est souvent renou-
velé. Quand on a trop pris de nourriture ,
il faut se priver du repas qui doit naturel-
lement suivre celui-là , spécialement quand
il y a oxiregmie , sans quoi ce repas s'ai-
grirait aussi , et on accumulerait un foyer
de levains aigres qui produiraient la caco-
chylie , et bientôt l'adynamie. S'il n'y a eu
que dyspepsie sans aigreurs , on pourra
suivre l'ordre de ses repas , mais il faut
cou-
que le premier soit plus léger que de
tume , choisir les alimens de plus facile
digestion et les bien mâcher, parce que
l'estomac fatigué fournit un suc gastrique
moins abondant et dont la vertu est aussi
moins dissolvante.
Sans les précautions que nous indi-
quons , la vieillesse s'exposerait à une vé-
ritable indigestion. Il est même prudent
de faire précéder ce repas par la boisson
d'une infusion de quelque plante amère
et aromatique , comme celle de petite-
sange de Provence , de véronique , ou
de feuilles de cacis , pour délayer les sa-
bures que laissent les mauvaises diges-
( 188 )
tions, et pour éviter par l'un de ces dia-
sostiques la cacochylie. Souvent le reste
de digestions mal élaborées tourmente et
irrite l'estomac , de manière à faire croire
qu'il a besoin d'alimens. Si on se livre à
cette fausse faim , on dérange sa santé . Les
légers diasostiques que nous conseillons
restituent à l'estomac la chaleur et le ton
qu'il a perdus par la fatigue , et facilitent
l'élaboration d'un suc gastrique propre à
faire une nouvelle bonne digestion .
Dans les cas d'indigestion par gourman-
dise , un peu de diète , des boissons amères
ou vulnéraires suffisent avec quelques la-
vemens pour rétablir l'ordre et disposer
les viscères à une bonne chylification ;
mais quand elle vient de replétion humo-
rale , ou de cacotrophie , il faut purger et
quelquefois administrer un vomitif ; mais
c'est à ceux que des infirmités , assez ordi-
naires à la vieillesse , ne mettent point
hors d'état de les supporter sans grands
accidens .
Les moyens d'éviter la cacochylie , et
au contraire de perfectionner la chyli-
( 189 )
fication , sont donc , 1º. de bien broyer les
alimens , de promener longuement dans
la bouche ceux qui n'ont pas besoin d'être
mâchés , pour les imprégner le plus pos-
sible du suc salivaire très -nécessaire à la
bonne digestion ; 2º . de ne donner à son
estomac que ce qu'il peut supporter sans
éprouver pesanteur ; 5º . de faire de l'exer-
cice à la fin de sa digestion , quelques
heures avant le repas qui doit suivre , et
toujours en proportion de la quantité d'a-
limens qu'on a pris , c'est-à-dire , que le
jour où on a mangé plus que de coutume ,
il faut se promener plus long-temps , quoi-
qu'on s'y trouve moins disposé. Sans cet
exercice , il faudra faire diète , sur-tout
si on approche de sa soixantième année ,
car la majorité des personnes de cet âge
meurent ordinairement des suites de leur
intempérance qui détermine un genre
d'apoplexie , et ils ont bien de la peine à
şe persuader que
La paix , un doux sommeil , la force et la santé,
Sont les heureux dons de la sobriété,,
( 192 )
sayèrent , pour me tirer d'affaire , tout
ce que leur art pouvait leur offrir ; ils
me déclarèrent qu'ils ne connaissaient plus
qu'un seul moyen pour sauver mes jours ,
si j'avais le courage de l'entreprendre et
de le continuer. Ils m'exhortèrent à mener
une vie sobre et réglée , en m'assurant que ,
puisque les excès m'avaient attiré tant
d'infirmités , une tempérance soutenue ne
manquerait pas de m'en délivrer ; ils ajou-
tèrent qu'il n'y avait pas de temps à per-
dre , qu'il ait fallu incessamment opter en-
trele régime et la mort ; et que si je différais
encore de quelques mois , jene serais plus.
D'abord je ne me trouvai pas disposé
à suivre leurs austères leçons ; mais je sentis
mes maux augmenter , et je n'avais encore
aucune envie de mourir ainsi je pris
mon parti , je me décidai à suivre leurs
conseils , et je m'engageai à pratiquer
promptement le régime qu'ils me propo-
sèrent : je n'eus pas lieu de m'en repentir.
A peine eus-je observé quelque temps la
diète qui me fut prescrite , que j'en res-
sentis de bons effets. Après quelques mois,
je
( 193 )
je m'aperçus d'un grand amandement
dans mon état ; je ne fus pas au bout de
l'année , que je me trouvai parfaitement
guéri de tous mes maux.
נג
On est impatient, sans doute, d'appren-
dre en quoi consiste cette diète ; le voici :
Je m'accoutumai à ne prendre chaque
jour , que douze onces de nourriture so-
lide , en pain , soupe , viande, jaunes d'œufs
et poisson , avec quatorze onces de bois-
son , et pendant ce temps je ne négligeai
pas d'autres précautions. J'évitai autant
qu'il me fut possible le grand froid , le
grand chaud , les violens exercices , les
veilles , et tout ce qui peut s'appeler excès
funestes à la santé.
» Une autre vérité aussi importante à
connaitre que celle que je viens de détailler,
est que si après avoir long-temps observé
un régime austère , on ose le changer ,
on s'expose au plus grand danger. En voici
la preuve.
>> Il y a environ quatre ans , que toute
ma famille se réunit pour me persuader
de prendre un peu plus de nourriture , à
N
( 194 )
cause de mon grand âge et de ma fai-
blesse . J'eus beau leur représenter qu'à
mesure que les forces diminuent , la di-
gestion se fait avec plus de peine , et que
conséquemment loin de me nourrir plus
que je ne faisais , je devais au contraire
manger moins et donner à mon estomac
moins de travail , que de coutume. Ils ne
se laissèrent point aller à mes remontran-
ces , et je me laissai persuader par leurs
tendres et pressantes sollicitations.
J'augmentai ma nourriture de deux
onces seulement , ainsi que ma boisson
en sorte que je pris quatorze onces de
solide et seize onces de fluide ; mais
qu'en arriva-t-il ? au bout d'une dixaine
de jours , au lieu d'être plus vigoureux ,
plus gai , je me trouvai pesant , abattu ,
de mauvaise humeur , sans savoirpourquoi ,
et incommode à tous ceux qui m'environ-
naient. Le douzième jour je fus attaqué
d'une colique qui dura vingt-quatre heures,
et qui fut suivie pendant trente-cinq jours
d'une fièvre continue qui ne me laissa de
repos ni jour , ni nuit , et qui me mit à
( 195 )
deux doigts du tombeau. Je revins enfin
grace à Dieu , quoique j'eusse alors
soixante -dix-huit ans. Me voici à l'âge de
quatre-vingt-trois ans , en pleine santé
de corps et d'esprit. Je monte seul à cheval ,
je vais de mon pied au haut d'une mon-
tagne , et j'en descend seul. Loin de traîner
une vie languissante et moribonde , j'ai
l'œil et l'oreille bons , je suis gai , rien ne
me fait mal , je n'ai pas la moindre atteinte
des maux dont l'intempérance m'avait
accablé . »
כג
Cornaro pouvait donc dire :
Une fièvre brûlante attaquant mes ressorts ,
Par degrés inégaux , minait mon faible corps ;
Mais , malgré le danger qui menaçait ma vie ,
Ma santé se trouva désormais rétablie.
On me vit plus dispos , plus tempérant , plus fort ,
Revenir triomphant des portes de la mort.
CORNARO est mort âgé de plus de cent
ans , sain de corps et d'esprit.
SPOPWOOD cite un certain Kentingern
dont l'existence se prolongea jusqu'à cent
quatre-vingt-cinq ans. Cet homme ne but
N 2
( 196 )
jamais de vin , ni d'autres liqueurs fortes.
Cent soixante et neuf ans composèrent
la vie de Henri Jennius. Pour arriver à
cet âge extraordinnaire , il n'employa
qu'une nourriture saine et rafraîchissante.
LESTER fait mention de huit personnes
qui avaient toujours vécu sobrement , dont
la plus jeune avait près de cent ans , et la
plus âgée cent quarante .
Voilà ce que l'antiquité nous a fourni
de plus frappant sur la nécessité de la so-
briété pour entretenir et rétablir la santé.
Nous avons eu parmi nos contemporains
beaucoup d'autres exemples de cette néces-
sité: mais pour ne vous citer que des person-
nages généralement connus , nous ne nom-
merons que le Cardinal de Bernis notre
Ambassadeur à Rome sous Louis XV ,
Voltaire (1) , et le Maréchal de Riche-
lieu , qui sont des preuves très- convain-
(1) VOLTAIRE , après avoir souffert long-temps ,
se forma , par un régime sévère , un tempérament
qui pouvait lui fournir une carrière d'un siècle ,
s'il ne l'eût abrégée par des émotions et un genre
de vie trop actif pour un octogénaire.
( 197 )
cantes que le régime approprié aux
tempéramens , aux circonstances , et au
climat où on se trouve , conduit à la grande
vieillesse sans infirmités et avec les jouis-
sances des facultés morales , même après
avoir abusé de la vie.
Aujourd'hui même on nous assure qu'il
y a au bourg de Secondigny en Gatinois ,
département des Deux- Sèvres , un vieil-
lard qui a vu la fin du règne de Louis
XIV. Cet homme nommé Cailton est né
en 1697. Il a donc maintenant cent neuf
ans. Sa taille est médiocre ; il est maigre ,
robuste et nerveux , il n'a jamais été saigné,
n'ayant jamais éprouvé ni fièvre , ni autre
maladie , quoique le pays qu'il habite soit
d'une température humide , attendu qu'il
est beaucoup boisé et que le sol est arrosé
par des sources nombreuses.
Le caractère de cet homme a toujours
été doux et jovial , un sang calme coule
dans ses veines ; il n'a jamais connu la
haine , ni la vengeance. Dès son enfance
il a été livré aux travaux de la campagne ,
et n'a jamais connu l'oisiveté ; il ne s'est
( 193 )
abandonné à aucune débauche , il s'est
presque toujours nourri de pain de seigle ,
et sa boisson n'a été que de l'eau cet
homme a l'habitude de se coucherdebonne
heure et de se lever de grand matin , son
sommeil est paisible. Il a ses cheveux et
ses dents , ses yeux n'ont pas encore be-
soin de lunettes ; il a encore la mémoire
fidelle ; il fait souvent une lieue par jour
et quelquefois plus. De treize enfans qu'il
a eu d'un seul mariage , quatre lui restent ,
son aîné est mort à quatre-vingt-deux ans .
Ce centenaire est très-connu dans les
environs de son pays , car il s'est appli-
qué depuis long- temps , dit- on , à remet-
tre les membres disloqués , et il y est
fort adroit. Pendant la guerre de la
Vendée , les insurgés entrèrent au bourg
de Secondigny et y massacrèrent 150 in-
dividus , le vieux Cailton allait recevoir
le coup fatal , quand il s'écria : Quoi ,
vous ne respecterez pas mes cent ans !
Soudain la fureur s'arrête , et la vie lui
fut accordée.
Il existe encore dans le canton d'Agen ,
( 199 )
département de Lot - et - Garonne , un
vieillard âgé de cent onze ans. Né en
octobre 1695 , ayant d'abord exercé la
profession de cultivateur jusqu'à qua-
rante ans , il s'enrôla à cet âge dans le
régiment de Périgord ; il s'est trouvé à
plusieurs batailles , entre autres à celle
de Guastalla , en 1734 , où il fut blessé
de trois manières différentes ; au genou ,
d'une balle , au ventre , d'un coup de
baïonnette , et à la tête, d'un coup de sabre .
Après vingt - huit ans de service il
quitta son régiment avec le grade de ca-
poral et une pension de retraite , et vint
dans ses foyers reprendre son premier
état. Il s'est marié à l'âge de quatre-vingt-
quatre ans. Sa Majesté impériale et
royale informée de l'existence de ce vieux
militaire, a porté à quatre cent huit francs
la pension de cent huit dont il avait joui
jusqu'alors.
Pour plus abondans exemples de lon-
gévité , voyez le journal de l'Empire
français du 12 août 1806 , où il est dit :
qu'en Angleterre on publie une liste de
( 200 )
quarante-huit centenaires depuis l'âge de
cent trente ans jusqu'à celui de cent
soixante - quinze , morts dans le dix-
huitième siècle. Dans le seul comté de
Témeswar en Hongrie , on compte cinq
vieillards morts dans le dix - huitième
siècle, dont le moins âgé avait cent soixante
ans , et le plus , cent quatre-vingt- cinq.
SECTION II.
De la Tempérance.
Il nous paraît bien prouvé que l'intem-
pérance est le vice le plus pernicieux à
la vieillesse , conséquemment la tempé-
rance est une vertu des plus essentielles
à cet âge .
La tempérance qui nous maintient dans
un état de santé et de bien être est la vertu
qui nousfait régler les appétits et les plaisirs
du corps ; elle est composée de la sobriété
et de la continence , deux excellentes com-
pagnes à tout âge , mais spécialement
dans celui où le principe vital et les fa-
( 201 )
cultés digestives sont naturellement di-
minuées.
L'amour de nous-mêmes , auquel nous
ne devons jamais renoncer, nous dit : qu'il
faut nous nourrir sans surcharger notre
estomac , qu'il faut boire sans perdre la
raison , parce que la sobriété n'engendre
que des humeurs douces , qui n'envoyant
point de vapeurs au cerveau , laissent à
l'esprit le parfait usage des organes ; tandis
que la gourmandise détruit les ressorts
de notre machine , et que tous les excès
ouvrent les avenues du tombeau , spéciale-
ment à la vieillesse par le nombre des ma-
ladies et des infirmités qu'elle enfante.
Le champ le plus fécond , lorsqu'il est fatigué ,
Perd le suc productif qu'il a trop prodigué.
Que jamais leur attrait ne te serve d'excuse :
S'il te conduit bien , suis-le , et fuis-le , s'il t'abuse.
N'allègue pas qu'en vain tu veux lui résister :
S'il nuit , il faut le vaincre , ou ne pas m'écouter.
Quoi ! fort pour avaler un poison qui t'amorce,
Pourt'en sauver l'horreur, tu manquerais de force?
La tempérance est la bénigne conser-
( 202 )
vatrice de la santé et de a raison du
pauvre comme du riche , de la vieillesse
comme de la jeunesse ; elle donne aux vieil-
lards les moyens d'éloigner la mort , et
aux jeunes gens la manière de s'assurer
une longue vie sans infirmités : elle rend
la mémoire bonne , l'entendement prompt
et vif , les mouvemens souples et faciles.
Le peu d'action des sucs gastriques ,
la pesanteur qui se fait sentir à la tête ,
à l'estomac , et les anxiétés qui affectent
toutes les autres parties du corps lorsque
nous avons trop pris d'alimens , démon-
trent manifestement la connexion intime
du viscère digérant avec tous les autres ,
et nous prouve que nous ne devons jamais
transgresser les lois établies par la nature
pour nous substanter , et que violer la
sobriété , c'est se mettre au dessous de
la brute qui , par instinct , n'abandonne
jamais la modération dans le manger .
PÉTRONE , ce voluptueux Romain doit
être écouté , quand il recommande la
modération dans les plaisirs : voici son
conseil.
( 203 )
Celui qu'un noble esprit anime
A s'élever jusqu'au sublime ,
Doit suivre avec austérité
Les lois de la frugalité.
Qu'il se garde d'aller en lâche parasite ,
A la table des Grands , encenser leur mérite.
Qu'il évite avec soin les débauchés fameux ;
Car le vin et les liqueurs que l'on boit avec eux
Offusquent de l'esprit cette chaleur subtile .
SOCRATE , que nous pouvons citer
comme un modèle de sobriété et de con-
tinence , était un des plus beaux esprits de
l'antiquité.
Après Pythagore ( ce philosophe cé-
lèbre en Grèce et en Italie , sur-tout à
Crotone , où il opéra de si grands chan-
gemens dans les mœurs des habitans de
cette ville , par ses vertus et la honte qu'il
imprima si vivement aux intempérans ) ,
survint Iccus , Médecin de Tarente , qui
ordonna l'exercice avec la tempérance
pour conserver la santé ; il se rendit si
célèbre par sa sobriété , qu'on disait un
repas d'Iccus pour dire un repas frugal.
( 204 )
Comme la tempérance en général est
composée de la sobriété et de la conti-
nence , nous invitons nos Lecteurs à se
rappeler ce que nous avons dit sur ce
dernier objet , et à ne point perdre de vue
la nécessité absolue de s'abstenir de tous
plaisirs érotiques dans un âge avancé ,
parce que , ce qui est dans la jeunesse né-
cessaire , est dans la vieillesse une source
de maux , et lorsque la main de la vo-
lupté sème des fleurs pour les premiers ,
elle creuse le tombeau aux seconds , et
qu'avant d'y faire descendre le vieillard ,
elle lui enlève la sérénité et cette égalité
d'humeur qui contribue à le rendre en-
core aimable à ceux qui l'entourent ; car
il faut savoir parer la vieillesse , afin de se
procurer des compagnies agréables et des
serviteurs zélés qui en adoucissent les
derniers momens .
( 205 )
CHAPITRE VIII.
Du genre d'Exercice nécessaire à la
Vieillesse .
L nous est démontré par l'observation ,
IL
que l'homme naissant est plus enclin au
mouvement , que quand il est sur le re-
tour de l'âge , car s'il suivait son goût
d'alors , autant il a fait d'exercice dans sa
jeunesse , autant il en ferait peu dans sa
vieillesse , parce que le corps ayant perdu
son agilité , les membres ont moins
de vie.
La dyscinésie est assez ordinaire à la
vieillesse qui devient tremblante ; les mains
et les bras perdent plus tôt leur fermeté
que les jambes , d'où on peut conclure que
les parties les premières développées sont
celles qui commencent à s'affaiblir. Les
vieillards ne sont très-sensibles au froid
( 206 )
que parce qu'ils ne prennent que peu de
mouvement : mais , comme le principe
de la conservation est le même que celui
de la destruction , le mouvement , et que
ce mouvement , en entretenant l'une ,
amène nécessairement l'autre , puisqu'il
use tous les ressorts , d'autant plus rapi-
dement , que les mouvemens sont plus fré-
quens , plus rapides et plus violens ; il faut
donc faire connaître à nos Lecteurs le
danger de se livrer avec excès à l'un ou
à l'autre , notamment dans un âge plus
avancé. Un trop long repos leur devien-
drait aussi funeste qu'un exercice im-
modéré .
Le corps humain est un composé de
tubes de différens calibres , par lesquels
les fluides doivent circuler sans cesse : de
cette circulation s'accomplissent toutes les
fonctions vitales et conservatrices de la
santé.
Par l'exercice les fibres acquièrent de
nouvelles forces pour pousser les fluides
et empêcher qu'elles ne forment quelque
engorgement. Ces fluides , poussés avee
( 207 )
plus de vigueur , parviennent aux tuyaux
excrétoires de l'organe extérieur , la peau.
La transpiration devient plus abondante
et produit la sueur qui entraîne avec elle
beaucoup de parties superflues.
C'est par un exercice bien entendu ,
après un long travail de cabinet , c'est par
un genre de récréation actif qui donne de
la gaîté à l'imagination , que nous recou-
vrons la faculté de concevoir des choses
très-abstraites.
Galien recommande le jeu de balle ,
tant pour délasser l'esprit , que pour en-
tretenir la souplesse des membres et la
santé : C'est pour tous ces avantages que
les physiologistes ordonnent l'exercice
comme le plus grand préservatif des
maladies..
Le grand repos ralentit nécessairement
toutes les fonctions ; ce ralentissement
produit épaississement d'une portion des
fluides , et la nature ne pouvant plus se
débarrasser facilement de toutes les hu-
meurs superflues , conduit plus prompte-
ment l'homme à sa fin , puisqu'il ne meurt
( 208 )
ordinairement dans la vieillesse , qu'au-
tant qu'une partie de ses tubes sont en-
gorgés de fluides visqueux et épaissis , qui
ne peuvent plus être déplacés par une
circulation devenue trop lente : d'ailleurs
il ne faut pas oublier qu'on ne doit jamais
changer subitement ses habitudes ; consé-
quemment plus on menait une vie active
et laborieuse , moins on doit se livrer su-
bitement à l'oisiveté , plus au contraire
on doit se maintenir dans une activité re-
lative et proportionnelle , en évitant seu-
lement ce trop grand exercice auquel
nous devons prudemment renoncer. Voici
les moyens de rendre l'exercice salu-
taire.
Nous avons souvent été consultés sur
les trois points qui suivent ; 1 °. quel est
le meilleur genre d'exercice ? 2 ° . quel
temps y est le plus favorable ? 3°. pendant
combien de temps dait - il durer ?
Nous répondons à ces trois questions .
1°. Le genre d'exercice convenable à
chaque individu dépend absolument de
sa constitution , de la circonstance où il
se
( 209 )
se trouve , du pays qu'il habite , et de la
profession qu'il a embrassée. L'exercice
qui convient aux personnes âgées , mais
qui restent robustes , nuirait à celles qui
sont devenues faibles et délicates avant
l'âge ; d'ailleurs quand l'exercice n'a pour
objet que la conservation de la santé , il
doit être du goût de ceux qui ont besoin
d'en faire ; il faut donc qu'ils le choisissent
suivant leurs dispositions et leurs facultés
à le pratiquer. A notre avis les personnes
d'une bonne constitution doivent mar-
cher. L'exercice du cheval ou de l'âne
convient aux personnes exténuées , parce
qu'il favorise les secrétions et qu'il fa-
cilite par ces moyens le recouvrement
de la santé.
Dans les convalescences où les per-
sonnes , encore presque malades , ont be-
soin d'exercice au grand air pour détruire
le reste d'une maladie , ou aider à l'effet
des remèdes ou des analeptiques , elles
doivent employer les différens genres de
gestation ; les plus doux sont ceux dont il
faut user d'abord , en supposant qu'on les
( 210 )
ait tous à sa disposition , comme la litière,
la chaise à porteur , la brouette , les car
rosses , etc. , suivant le pays qu'elles ha-
bitent ; car se faire porter à dos d'homme ,
est encore un genre d'exercice.
2º. Le temps le plus convenable à l'exer-
cice , quant à l'atmosphère , dépend du
climat et de la saison ; le matin est le
moment le plus favorable , parce que
l'air est plus pur. Nous savons qu'il y a
des personnes trop faibles pour soutenir
l'exercice à jeun , elles doivent le com-
mencer après le déjeûner , elles y gagne-
ront de l'appétit nouveau pour le dîner.
Les personnes qui mangent beaucoup le
soir , doivent toujours commencer leur
journée par un peu d'exercice , et se vê-
tir en raison de la température . Passé la
première jeunesse , on doit se reposer
quelques heures après le dîner.
3°. Quant au temps que doit durer
l'exercice , les forces de l'individu doivent
en être la règle. Le point capital, est de
s'arrêter avant que d'être fatigué , et ne
pas oubli er , en allant , qu'il faudra reve-
( 211 )
nir ; il y a des personnes qui doivent le
faire à plusieurs reprises .
Si un vieillard arrive fatigué et mouillé
de sueur, il doit avoir grand soin de se
vêtir un peu plus pour se reposer , qu'il
ne l'était pour marcher. Sans cette
précaution il court le danger de de-
venir la proie de la dyseynésie qui peut
avoir lieu par le refroidissement de cette
sueur.
Quand il est fatigué par une course
trop longue , ou trop rapide , par un tra-
vail forcé , il ne faut pas qu'il se pressé
de manger ; et si la soif le force à boire
il faut qu'il boive chaud , et jamais rien
de frais , à moins que ce ne soit du vin ,
encore ne faut-il pas qu'il le boive très-
frais , ce que la sensualité et le desir de
se rafraîchir promptement lui fait desi-
rer. Il faut qu'il se souvienne alors , que
la nature ne pousse plus aussi facilement
de l'intérieur à l'extérieur , et que les
fluxions de poitrine , les pleurésiés et les
fièvres catarrhales n'ont souvent pas d'au-
tre cause qu'une sueur arrêtée ou réper-
0 2
( 212 )
cutée. S'il ne veut pas boire chaud , il
faut qu'il patiente et qu'il mette un petit
caillou dans sa bouche , pour y entretenir
une humidité . Par le repos , la soif se cal-
mera.
L'exercice est aussi nécessaire que le
boire et le manger ; c'est par lui que ceux-
ci nous profitent , et sans exercice ils tue-
raient la vieillesse après l'avoir rendue
bien malade . Pour que l'exercice soit par-
faitement avantageux , il faut qu'il de-
vance le repas , parce que c'est au moyen
du mouvement que le chyle produit par
le repas précédent , se mêle bien avec le
sang , car il faut un grand nombre de
tours de circulation pour que ce suc ré-
parateur soit bien mêlé , spécialement
quand y a pléthore.
L'exercice très-actif, tel que les jeunes
gens le prennent ordinairement d'abord
après le repas , serait bien nuisible à la
bonne digestion chez les personnes d'un
âge avancé ; tandis que modéré et pris
quelques heures après le repas , il procure
le triple avantage de perfectionner la di-
( 213 )
gestion , d'en faire passer promptement
le produit dans les veines lactées , dans
le torrent de la circulation , et enfin de
réveiller l'appétit et de donner grande
saveur aux alimens que l'on prend .
ALEXANDRE-LE-GRAND y croyait telle-
ment , qu'au moment d'entreprendre une
très-longue marche , il renvoya ses cuisi-
niers , en disant qu'il en avait de meilleurs ,
savoir : une marche à faire le matin qui
lui donnerait de l'appétit à dîner , et un
dîner frugal qui lui ferait trouver son
souper excellent.
La plupart des hommes gémissent sur
la nécessité de gagner leur vie par un
travail journalier mais ainsi l'a voulu
l'Auteur de la Nature , aux décrets duquel
nous devons nous soumettre sans mur-
murer ; d'ailleurs , il est évident , d'après
la structure et la composition du corps
humain , que l'exercice n'est pas moins
nécessaire à la conservation de la santé
que les alimens.
Le travail est souvent le père du plaisir.
Je plains l'homme accablé du poids de son loisir;
( 214 )
Le Dieu qui prit pitié de la nature humaine ,
Mit auprès du plaisir le travail et la peine.
Les laboureurs et ceux qui s'occupent
de la culture de la terre , les jardiniers no-
tamment , sont les moins malheureux des
ouvriers , parce que leur genre d'exercice
concourt de toutes manières à les entre→
tenir en bonne santé , non- seulement parce
qu'il met en jeu toutes les parties du corps
en même temps , mais encore parce qu'il
est une saison où une portion de la terre
est couverte de fleurs pendant qu'ils cul→
tivent l'autre ; le parfum et les émana-
tions des plantes en fleurs remontent
leur principe vital , et donne une plus
grande énergie à tout le système vascu→
laire de leurs poumons. Dans d'autres
momens le spectacle agréable d'une ré-
colte qui mûrit , flatte et réjouit l'homme
qui toujours se plaît dans l'espérance :
nous pouvons donc hardiment conclure
que les gens désœuvrés feraient très-
sagement, pour •leur santé , de cultiver au
moins des fleurs,
( 215 )
De tes frêles destins pour prolonger la trame ,
Par le canal des sens pour délecter ton ame ,
Arbustes , végétaux, arbres , gazons et fleurs ,
Variant beauté , forme , vertus et couleurs ?,
N'aspirant à l'envi qu'à te servir ou plaire ,
L'osmonde , l'athéa , l'ormin , la scrophulaire ,
L'oranger , le nerprun , le sureau , l'églantier ,
Le catalpa superbe , et l'orgueilleux laurier.
Le lys qui , de grains d'or , pare sa blanche tête ,
L'œillet que la bergère arrose pour sa fête ,
Les jasmins aux lilas mariant leurs festons ,
L'orme , époux de la vigne , épendant ses chatons ,
Tous ces sujets nombreux , épars dans ton domaine,
Sont fiers d'en embellir , d'en parfumer la scène.
Un genre de vie trop régulier en asser-
vissant à l'empire de l'habitude celui qui
s'y soumet , l'expose davantage aux ma-
ladies , au lieu de l'en garantir. La ma-
chine humaine ne doit pas être plus ré-
glée que l'élément qui l'environne sans
cesse. Il faut donc travailler , se reposer ,
puis travailler encore , se fatiguer même
quelquefois , pour sentir le bonheur du
repos. Il est ridicule de vouloir s'assu-
jettir à une parfaite uniformité pendant
toute une saison : le changement est né-
( 216 )
cessaire à l'homme pour qui tout est vi-
cissitude .
Ainsi donc l'homme qui jouit d'une
bonne santé ne doit s'assujettir à aucun
régime ; il doit mener une vie fort diver-
sifiée , même dans la vieillesse ; mais , tou-
jours proportionnée à ses forces ; il doit
être tantôt à la ville , tantôt à la cam-
pagne , souvent à pied , et quelquefois à
cheval ; manger souvent chaud , mais quel-
quefois froid , boire souvent du vin et
quelquefois de l'eau seule ; il faut qu'il
varie ses travaux , qu'il soit souvent en
mouvement , que son exercice journalier
soit modéré , mais augmenté de temps à
autre , suivant sa force et son embon-
point, pour déplacer et évacuer les par-
ties les plus grossières de ses fluides par
un mouvement plus rapide et plus éner-
gique de la circulation , sans quoi ces
parties resteraient dans les vaisseaux ca-
pillaires , les obstrueraient , ainsi que les
glandes , et par le trop grand calme pour-
raient devenir les matériaux et le prin-
cipe de quelques fièvres.
( 217 )
Les personnes asthéniques par l'âge
et par les circonstances , doivent prendre
plus de précautions que celles dont nous
venons de parler ; elles ont besoin de choix
dans leurs alimens , et de beaucoup d'at-
tention dans leur manière de se con-
duire , ainsi que d'un exercice doux et mo-
déré. Nous comprenons dans cette classe
presque toutes les dames , les gens de
lettres qui affaiblissent leur constitution
par une vie sédentaire et trop d'appli-
cation à leur travail ; ils doivent de toute
nécessité faire de l'exercice à pied ou à
cheval avant le dîner , et se reposer pen-
dant quelques heures avant de se livrer
de nouveau à l'étude , sans quoi la dys-
pepsie s'emparera de leur estomac , l'oxi-
regmie surviendra , puis la cacochylie qui
les conduira avec le temps à la cacochymie;
celle-ci , à son tour , leur donnera des in-
firmités et des maladies , qui amèneront
prématurément la vieillesse physique et
morale .
GENS DE LETTRES , la ville vous fournit
des délassemens selon vos goûts et vos
( 218 )
eaprices ; vous y trouvez des promenades
agréables , variées et récréatives par les
compagnies que vous y rencontrez ; la
saison ne vous permet- elle pas la prome-
nade? vous avez des spectacles intéres-
sans par la déclamation et la musique ,
et souvent par le sujet même. Craignez-
vous ces amusemens bruyans ? vous avez
la ressource des sociétés agréables où
vous êtes toujours favorablement admis.
Si vous habitez la campagne , elle vous
offre ses prés , ses bois , ses montagnes ,
ses vallons ; elle vous permet différens
instrumens pour la chasse , la pêche ,
ou la culture du jardinage : enfin , il
vous faut de l'exercice et de l'amusement ;
il est nécessaire que l'esprit se repose
pour que ses productions soient faciles et
bonnes.
L'exercice est un secours toujours prêt ,
ses salutaires effets s'étendent dans presque
toutes les différentes situations de la
vie ; les secours qu'il procure dans tous
les temps sont préférables , pour la bonne
digestion , à ceux que l'on obtient par des
( 219 )
élixirs ou autres médicamens , à moins
qu'on ne soit dans une asthénie complette.
L'exercice réveille et augmente la cha-
leur naturelle , dissipe les superfluités du
sang , donne de la souplesse aux muscles ,
les fortifie , ainsi que les nerfs ; par lui le
fluide vital est poussé avec plus d'énergie
et d'activité ; il entretient les facultés intel-
lectuelles , comme les corporelles . Quand
il n'est pas excessif, il donne de la vigueur
aux organes et à l'ame ; enfin , c'est un des
grands moyens d'entretenir la santé parce
qu'il aide la nature à animaliser les sucs
provenus des digestions précédentes ; il
facilite les secrétions de toute espèce : la
vieillesse doit donc en user autant que
ses forces le lui permettent.
Pour les femmes à qui tous les exercices
ne conviennent pas , lire à haute voix ,
déclamer ou chanter peuvent suppléer à
l'exercice modéré du volant , parce que
ces fonctions augmentent le ton du sys-
tème vasculaire intérieur , précipitent la
circulation et le mouvement de l'air dans
les poumons ; en favorisant le mécanisme
( 220 )
de la poitrine elles augmentent les secré-
tions de tout genre. Si les femmes ne peu-
vent plus prendre les exercices que nous
venons de détailler , il faut les frotter avec
la brosse ou la flanelle , et les faire pro-
mener le plus possible.
D'après la manière dont Hippocrate et
Galien ont parlé des avantages de l'exer-
cice pour fortifier l'homme et l'entretenir
en bonne santé , on ne croirait pas qu'il
eût pu se trouver un seul contradicteur :
cependant Pisistrate , loin de regarder
l'exercice comme nécessaire à la santé ,
entreprit de prouver que le repos est un
moyen d'éviter les maladies.
Nous lui accordons qu'on peut , par ce
moyen , éviter la pleurésie et la péripneu-
monie , mais rarement d'autres ; tandis
qu'un trop grand repos occasionne beau-
coup d'accidens. En se reposant plus qu'il
ne faut , c'est-à-dire en se livrant à la pa-
resse , le corps s'énerve au lieu de se for-
tifier , toutes les secrétions se ralentissent ,
les empâtemens et les engorgemens se
forment ; et pour ne pas devenir malade
( 221 )
à la suite de ce repos surperflu , non-seu-
lement il ne faut pas avoir quitté la déesse
de la sobriété , mais il faut encore jeûner ,
ou au moins se priver de beaucoup d'ali-
mens solides. Sans cette précaution qui
est une sagesse nécessaire , dans ce cas ,
pour tous les âges et les sexes , mais spé-
cialement pour la vieillesse , on se trouve
surchargé d'humeurs et accablé de réplé–
tion , genre de maladie physique et morale ;
car l'esprit n'est pas plus apte au travail ,
que le corps ne l'est à un exercice actif ; et
cet état conduirait bientôt les personnes
âgées à une apoplexie humorale plus dange
reuse pour eux , que l'apoplexie sanguine ,
Les moyens de sortir de cette asthénie ,
de cette nullité , sont , 1º . des évacuations
de l'abdomen , 2°. la reprise de l'exer-
cice par gradation , car la machine hu-
maine veut être secouée de temps à autre
pour ne pas s'engorger.
PISISTRATE n'a pas fait attention que la
pleurésie et la fluxion de poitrine qui sur-
viennent après un grand exercice , une
grande agitation, n'arrivent que pour avoir
( 222 )
poussé l'exercice jusqu'à l'excès , et plus
souvent encore par le repos subit et le ra-
fraîchissement que l'on se procure incon-
sidérément et beaucoup trop tôt.
Si l'homme qui est couvert de sueur
par un travail forcé , prenait la précau-
tion de le modérer et de le ralentir in-
sensiblement , au lieu de le cesser tout-à-
coup , et s'il se vêtissait en quittant ce
travail au lieu de s'exposer presque nud
à un courant d'air frais , ce qui est une
des plus funestes fautes que l'homme
puisse commettre à son régime ; s'il pre-
nait encore la précaution de boire chaud ,
ou quelque boisson qui pût doucement
ralentir sa sueur , au lieu de boire le
plus fraîchement possible , il éviterait ces
graves maladies , souvent mortelles , qui
ne lui surviennent ordinairement que par
imprudence et pour avoir passé subite-
ment d'un excès à un autre.
Nous sommes d'autant plus surpris que
les ouvriers soignent si peu leur santé ,
qu'il ont sous les yeux des exemples frap-
pans des précautions que l'on prend pour
( 223 )
éviter ces sortes de maladies aux animaux ,
aux chevaux notamment. Lorsqu'un co-
cher croit rester long-temps à une porte ,
il couvre ses chevaux lorsqu'il fait froid.
Un cavalier qui arrive au galop , descend-
il de cheval sans le faire promener pen-
dant le temps qu'il reste dans la maison
où il a affaire ? Quiconque a une con-
naissance de la dynamique ( 1 ) , sent faci-
lement que l'intention de ces gens , est
d'empêcher la cessation subite de la
sueur , qui pourrait occasionner à leurs
chevaux la pleurésie ou au moins la dysci-
nésie par le repos trop subit. Mais le ca-
valier a appris à connaître les soins qu'il
doit à ses chevaux pour les maintenir en
santé ; tandis que l'ouvrier sans réflexion
et sans jugement ne fait ordinairement
rien que ce qu'il a vu faire.
Quand nous recommandons l'exercice
journellement modéré , et de temps en
temps poussé jusqu'à la sueur , nous ne
(1) Dynamique, science des forces qui meuvent
les corps animés .
( 224 )
prétendons pas qu'on le pousse à l'excès ;
bien loin de-là , nous voulons un exer-
cice par lequel on acquiert un bon ap-
pétit et la faculté des secrétions de tout
genre.
CHAPITRE
( 225 )
CHAPITRE IX.
Du Repos nécessaire à la Vieillesse..
LE
Le repos après l'exercice est aussi
nécessaire ,, que l'exercice après le repos ;
ils doivent se succéder alternativement
pour entretenir la bonne santé ; car si
on est incommodé par trop de fatigue ,
il n'y a que le repos qui puisse délasser',
et pour rendre ce repos plus efficace il
faut le faire précéder d'un bain d'une
heure à peu près ; et ce que l'on peut
faire de mieux après ce bain est d'entrer
dans un lit molet un peu chaud , de s'y
faire couvrir suffisamment pour entretenir
la moiteur , et y prendre un bouillon.
Si on peut se passer d'un restaurant ,
le lit n'en convient pas moins , parce qu'il
entretiendra ou provoquera une moiteur
salutaire en y joignant l'infusion théiforme
P
( 226 )
de quelques plantes simplement diasosi
ques , comme fleurs de tilleul , fleurs
etfeuilles d'oranger , feuilles de cacis ,
de lierre terrestre , de menthe des
jardins , avec le sucre , suivant l'âge et
le tempérament ; les plus chaudes et les
plus aromatiques doivent être employées
pour les personnes âgées et spécialement
les pituiteuses.
Nous connaissons tous les avantages du
repos , mais c'est après l'exercice. En dé-
lassant le corps il donne à la nature le
temps et la faculté de réparer les pertes
qu'il a faites. C'est par le repos que le prin-
cipe vital est ménagé et qu'il coule avec
plus de régularité ; mais c'est par l'exer-
cice qu'il est entretenu.
L'abus du repos est plus promptement
nuisible à la santé , que celui de l'exercice .
Nous avons la preuve journalière de la
salubrité du grand exercice par les culti-
vateurs qui , avec le travail forcé que né-
cessitent quelquefois les récoltes , arrivent
cependant à une grande vieillesse. A quoi.
en sont-ils redevables ? si ce n'est à la vie .
( 227 )
sobre , frugale et laborieuse qui leur évite
les maladies qui accablent les opulens et
les oisifs. Il n'en est pas de même de leurs
femmes dont un très-petit nombre par-
vient rarement à leur cinquantaine sans
de grandes infirmités , quoiqu'elles n'aient
pas supporté des travaux aussi considé-
rables que leurs maris ; mais elles sont si
peu ménagées pendant l'accouchement ,
et les suites de leurs couches sont si mal
soignées, qu'elles vieillissent avant le temps.
Presque toutesleurs infirmités proviennent
de leur fécondité.
P 2
( 228 )
CHAPITRE X.
Des dangers de l'Oisivete et de la Paresse
pour les Personnes âgées.
QUOIQUE l'on soit parvenu à un âge où
le repos est nécessaire , il ne faut cepen-
dant pas s'abandonner à une oisiveté com-
plette qui mène infailliblement à la paresse ;
car moins on fait , moins on veut faire ,
parce qu'un trop long repos énerve de
toute manière. En assoupissant trop nos
sens , nous ensevelissons notre ame et nous
lui ôtons la faculté de penser et de vou-
1
loir. Le plaisir du repos qui nous flatte
momentanément , fait bientôt place à
l'ennui , au dégoût et à la satiété de toutes
choses.
La paresse qui devient une passion , est
du domaine des tempéramens phlegmati-
ques , qui cependant ont besoin d'être
remués plus que les autres , car le prin-
( 229 )
cipe vital s'affaiblit facilement chez eux , et
c'est de cet affaiblissement que naît la mé-
lancolie. Il est aussi la source des obstruc-
tions du foie , de la rate et du pancréas ,
ainsi que toutes les dyspepsies qui ne pro-
viennent pas de la surcharge de l'estomac.
Cet état est la source primitive des fièvres
gastriques ou gastro -bilieuses.
L'oisiveté a moins de prise sur les
femmes , parce que la nature les a pour-
vues d'une mobilité morale plus grande
que celle des hommes ; elles sont très-fa-
cilement émues par des plaisirs légers , et
les sentimens contraires se succèdent aussi
fort aisément. Cette susceptibilité du sexe
peut jusqu'à un certain point lui tenir lieu
d'exercice pendant quelques années ; mais
à la longue et parvenues à un certain âge
où les passions sont éteintes , les femmes
ont besoin d'exercice corporel , comme
les hommes , et il doit être relatif à leur
âge et à leur état d'alors .
Il faut distinguer le genre d'oisiveté
convenable après la soixantième année ,
d'avec la paresse qui est une aversion cons
( 230 )
tante pour tout genre d'occupation. Le
paresseux ne voit de bonheur que dans
l'absence de tout travail , soit de corps ,
soit de l'esprit. La gloire , les dignités ,
la fortune même ne lui offrent pas un
dédommagement suffisant de la peine qu'il
prendrait pour les acquérir. Il ne faut pas
confondre ce vice ( qui livre l'homme à
une inutilité absolue et dont les jouissances
consistent , non-seulement à ne rien faire,
mais encore à ne penser à rien ) , avec
ce doux loisir nécessaire à l'homme âgé ,
qui , heureux du fruit de ses travaux et
maître de son temps , peut et doit se
livrer aux seules occupations qui flattent
ses goûts et ses penchans ; il ne faut donc
pas , disons-nous , confondre la paresse
avec le repos attrayant , l'ataraxie , ce
calme heureux de l'ame que l'on goûte
après la cessation des affaires publiques ,
et que Bernis a célébré :
Censeur de ma chère paresse ,
Pourquoi viens- tu me réveiller
Au sein de l'aimable mollesse ,
Où j'aime tant à sommeiller ,
( 231 )
Laisse- moi , philosophe austère ,
Goûter voluptueusement
Le doux plaisir de ne rien faire ,
Et de penser tranquillement.
C'est par ce genre de repos que l'homme
de lettres peut effectuer le vœu de La-
bruyère , qui desirait que méditer, écrire ,
ou converser , s'appelât travailler . Cer-
tainement c'est un travail et presque le
seul qui convienne aux gens âgés , spé-
cialement à ceux qui n'ont jamais eu d'oc
cupations corporelles , pourvu qu'ils y
joignent la promenade ; car le travail
du cabinet ne peut suffire aux hommes
qui ont mené une vie plus physiquement
que moralement active ; et il faut se sou-
venir qu'on ne doit jamais changer subi-
tement ses habitudes. D'ailleurs l'harmo-
nie des mouvemens et du repos fait
la principale base de la santé et de la
restauration du corps. Ces effets ne pour-
raient avoir lieu si nous restions conti-
nuellement assis , occupés à penser ou à
écrire.
( 230 )
tante pour tout genre d'occupation. Le
paresseux ne voit de bonheur que dans
l'absence de tout travail , soit de corps ,
soit de l'esprit. La gloire , les dignités ,
la fortune même ne lui offrent pas un
dédommagement suffisant de la peine qu'il
prendrait pour les acquérir. Il ne faut pas
confondre ce vice ( qui livre l'homme à
une inutilité absolue et dont les jouissances
consistent , non-seulement à ne rien faire,
mais encore à ne penser à rien ) , avec
ce doux loisir nécessaire à l'homme âgé ,
qui , heureux du fruit de ses travaux et
maître de son temps , peut et doit se
livrer aux seules occupations qui flattent
ses goûts et ses penchans ; il ne faut donc
confondre paresse
pas , disons-nous , confondre la
avec le repos attrayant , l'ataraxie , ce
calme heureux de l'ame que l'on goûte
après la cessation des affaires publiques ,
et que Bernis a célébré :
Censeur de ma chère paresse ,
Pourquoi viens- tu me réveiller
Au sein de l'aimable mollesse ,
Où j'aime tant à sommeiller.
}
( 231 )
Laisse- moi , philosophe austère ,
Goûter voluptueusement
Le doux plaisir de ne rien faire ,
Et de penser tranquillement.
C'est par ce genre de repos que l'homme
de lettres peut effectuer le vœu de La-
bruyère , qui desirait que méditer, écrire ,
ou converser , s'appelât travailler. Cer-
tainement c'est un travail et presque le
seul qui convienne aux gens âgés , spé-
cialement à ceux qui n'ont jamais eu d'oc
cupations corporelles , pourvu qu'ils y
joignent la promenade ; car le travail
du cabinet ne peut suffire aux hommes
qui ont mené une vie plus physiquement
que moralement active ; et il faut se sou-
venir qu'on ne doit jamais changer subi-
tement ses habitudes. D'ailleurs l'harmo-
nie des mouvemens et du repos fait
la principale base de la santé et de la
restauration du corps . Ces effets ne pour-
raient avoir lieu si nous restions conti-
nuellement assis , occupés à penser ou à
écrire .
( 222 )
poussé l'exercice jusqu'à l'excès , et plus
souvent encore par le repos subit et le ra-
fraîchissement que l'on se procure incon-
sidérément et beaucoup trop tôt.
Si l'homme qui est couvert de sueur
par un travail forcé , prenait la précau-
tion de le modérer et de le ralentir in-
sensiblement , au lieu de le cesser tout-à-
coup , et s'il se vêtissait en quittant ce
travail au lieu de s'exposer presque nud
à un courant d'air frais , ce qui est une
des plus funestes fautes que l'homme
puisse commettre à son régime ; s'il pre→
nait encore la précaution de boire chaud ,
ou quelque boisson qui pût doucement
ralentir sa sueur , au lieu de boire le
plus fraîchement possible , il éviterait ces
graves maladies , souvent mortelles , qui
ne lui surviennent ordinairement que par
imprudence et pour avoir passé subite-
ment d'un excès à un autre.
Nous sommes d'autant plus surpris que
les ouvriers soignent si peu leur santé ,
qu'il ont sous les yeux des exemples frap-
pans des précautions que l'on prend pour
( 223 )
éviter ces sortes de maladies aux animaux ,
aux chevaux notamment. Lorsqu'un co-
cher croit rester long-temps à une porte ,
il couvre ses chevaux lorsqu'il fait froid.
Un cavalier qui arrive au galop , descend-
il de cheval sans le faire promener pen-
dant le temps qu'il reste dans la maison
où il a affaire ? Quiconque a une con-
naissance de la dynamique ( 1 ) , sent faci-
lement que l'intention de ces gens , est
d'empêcher la cessation subite de la
sueur , qui pourrait occasionner à leurs
chevaux la pleurésie ou au moins la dysci-
nésie par le repos trop subit. Mais le ca-
valier a appris à connaître les soins qu'il
doit à ses chevaux pour les maintenir en
santé ; tandis que l'ouvrier sans réflexion
et sans jugement ne fait ordinairement
rien que ce qu'il a vu faire.
Quand nous recommandons l'exercice
journellement modéré , et de temps en
temps poussé jusqu'à la sueur , nous ne
(1) Dynamique, science des forces qui meuvent
les corps animés.
( 224 )
prétendons pas qu'on le pousse à l'excès ;
bien loin de-là , nous voulons un exer-
cice par lequel on acquiert un bon ap-
pétit et la faculté des secrétions de tout
genre.
CHAPITRE
( 225 )
CHAPITRE IX .
Du Repos nécessaire à la Vieillesse.
Le repos après l'exercice est aussi
nécessaire , que l'exercice après le repos;
ils doivent se succéder alternativement
pour entretenir la bonne santé ; car si
on est incommodé par trop de fatigue ',
il n'y a que le repos qui puisse délasser ,
et pour rendre ce repos plus efficace il
faut le faire précéder d'un bain d'une
heure à peu près ; et ce que l'on peut
faire de mieux après ce bain est d'entrer
dans un lit molet un peu chaud , de s'y
•
faire couvrir suffisamment pour entretenir
la moiteur , et y prendre un bouillon.
Si on peut se passer d'un restaurant ,
le lit n'en convient pas moins , parce qu'il
entretiendra ou provoquera une moiteur
salutaire en y joignant l'infusion théiforme
P
( 226 )
de quelques plantes simplement diasosi
ques , comme fleurs de tilleul , fleurs
etfeuilles d'oranger , feuilles de cacis ,
de lierre terrestre de menthe des
jardins , avec le sucre , suivant l'âge et
le tempérament ; les plus chaudes et les
plus aromatiques doivent être employées
pour les personnes âgées et spécialement
les pituiteuses.
Nous connaissons tous les avantages du
repos , mais c'est après l'exercice . En dé-
lassant le corps il donne à la nature le
temps et la faculté de réparer les pertes
qu'il a faites. C'est par le repos que le prin-
cipe vital est ménagé et qu'il coule avec
plus de régularité ; mais c'est par l'exer-
cice qu'il est entretenu.
L'abus du repos est plus promptement
nuisible à la santé , que celui de l'exercice.
Nous avons la preuve journalière de la
salubrité du grand exercice par les culti-
vateurs qui , avec le travail forcé que né-
cessitent quelquefois les récoltes , arrivent
cependant à une grande vieillesse. A quoi
en sont-ils redevables ? si ce n'est à la vie .
( 227 )
sobre , frugale et laborieuse qui leur évite
les maladies qui accablent les opulens et
les oisifs. Il n'en est pas de même de leurs
femmes dont un très-petit nombre par-
vient rarement à leur cinquantaine sans
de grandes infirmités , quoiqu'elles n'aient
pas supporté des travaux aussi considé-
rables que
leurs maris ; mais elles sont si
peu ménagées pendant l'accouchement ,
et les suites de leurs couches sont si mal
soignées, qu'elles vieillissent avantle temps.
Presque toutesleurs infirmités proviennent
de leur fécondité.
F2
( 228 )
CHAPITRE X.
Des dangers de l'Oisivete et de la Paresse
pour les Personnes âgées.
QUOIQUE l'on soit parvenu à un âge où
le repos est nécessaire , il ne faut cepen-
dant pas s'abandonner à une oisiveté com-
plette qui mène infailliblement à la paresse ;
car moins on fait , moins on veut faire ,
parce qu'un trop long repos énerve de
toute manière. En assoupissant trop nos
sens , nous ensevelissons notre ame et nous
lui ôtons la faculté de penser et de vou-
loir. Le plaisir du repos qui nous flatte
momentanément , fait bientôt place à
l'ennui , au dégoût et à la satiété de toutes
choses.
La paresse qui devient une passion , est
du domaine des tempéramens phlegmati-
ques , qui cependant ont besoin d'être
remués plus que les autres , car le prin-
( 229 )
cipe vital s'affaiblit facilement chez eux , et
c'est de cet affaiblissement que naît la mé-
lancolie. Il est aussi la source des obstruc-
tions du foie , de la rate et du pancréas ,
ainsi que toutes les dyspepsies qui ne pro-
viennent pas de la surcharge de l'estomac.
Cet état est la source primitive des fièvres
gastriques ou gastro -bilieuses.
L'oisiveté a moins de prise sur les
femmes , parce que la nature les a pour-
vues d'une mobilité morale plus grande
que celle des hommes ; elles sont très-fa-
cilement émues par des plaisirs légers , et
les sentimens contraires se succèdent aussi
fort aisément . Cette susceptibilité du sexe
peut jusqu'à un certain point lui tenir lieu
d'exercice pendant quelques années ; mais
à la longue et parvenues à un certain age
où les passions sont éteintes , les femmes
ont besoin d'exercice corporel , comme
les hommes , et il doit être relatif à leur
âge et à leur état d'alors .
Il faut distinguer le genre d'oisiveté
convenable après la soixantième année ,
d'avec la paresse qui est une aversion cons
( 230 )
tante pour tout genre d'occupation. Le
paresseux ne voit de bonheur que dans
l'absence de tout travail , soit de corps ,
soit de l'esprit . La gloire , les dignités ,
la fortune même ne lui offrent pas un
dédommagement suffisant de la peine qu'il
prendrait pour les acquérir. Il ne faut pas
confondre ce vice ( qui livre l'homme à
une inutilité absolue et dont les jouissances
consistent , non-seulement à ne rien faire,
mais encore à ne penser à rien ) , avec
ce doux loisir nécessaire à l'homme âgé ,
qui , heureux du fruit de ses travaux et
maître de son temps , peut et doit se
livrer aux seules occupations qui flattent
ses goûts et ses penchans ; il ne faut donc
pas , disons-nous , confondre la paresse
avec le repos attrayant , l'ataraxie , ce
calme heureux de l'ame que l'on goûte
après la cessation des affaires publiques ,
et que Bernis a célébré :
Censeur de ma chère paresse ,
Pourquoi vicns- tu me réveiller
Au sein de l'aimable mollesse ,
Où j'aime tant à sommeiller,
( 231 )
Laisse- moi , philosophe austère ,
Goûter voluptueusement
Le doux plaisir de ne rien faire ,
Et de penser tranquillement.
C'est par ce genre de repos que l'homme
de lettres peut effectuer le vœu de La-
bruyère , qui desirait que méditer, écrire ,
ou converser , s'appelât travailler. Ćer-
tainement c'est un travail et presque le
seul qui convienne aux gens âgés , spé-
cialement à ceux qui n'ont jamais eu d'oc
cupations corporelles , pourvu qu'ils y
joignent la promenade ; car le travail
du cabinet ne peut suffire aux hommes
qui ont mené une vie plus physiquement
que moralement active ; et il faut se sou-
venir qu'on ne doit jamais changer subi-
tement ses habitudes. D'ailleurs l'harmo-
nie des mouvemens et du repos fait
la principale base de la santé et de la
restauration du corps . Ces effets ne pour-
raient avoir lieu si nous restions conti-
nuellement assis , occupés à penser ou à
écrire.
( 232 )
CHAPITRE XI.
Du Sommeil et de la Veille.
PENDANT le sommeil nos sens sont inu-
tiles , notre ame participe ordinairement
au calme que le corps éprouve pendant
ce temps. Le cœur et ses dépendances ,
c'est -à -dire tout le système vasculaire , agit
sans interruption ; il est le principal agent
de notre vie ; c'est par lui que nos fonc-
tions vitales sont entretenues pendant le
sommeil ; et son mouvement est à son tour
continué et entretenu par celui du sang
qui provoque son irritabilité . Le réveil
nous restitue la jouissance de nos sens ; il
rend aussi les facultés à notre ame , qui
nous procure peine ou plaisir , suivant
les sensations qu'elle éprouve alors.
L'Auteur de la Nature nous a constitués
de manière que nous devons passer notre
( 233 ' )
vie à veiller pendant le jour , et à dormir
pendant la nuit. Ceux qui intervertissent
totalement cet ordre , sont tôt ou tard
punis de leur infraction à cette loi. L'un
et l'autre de ces moyens sont d'absolue
nécessité pour maintenir l'ordre de notre
diathèse , conséquemment pour la conser-
vation de notre santé et la prolongation
de notre vie. L'abus de l'un ou de l'autre
y est très-nuisible .
Veiller trop , c'est s'user plus rapide-
ment que la nature ne peut réparer. Pen-
dant les veilles nos déperditions sont plus
abondantes que pendant le sommeil ; à
plus forte raison , si nous veillons dans
une forte agitation physique et morale ,
et au milieu d'une grande quantité de lu-
mières qui , en brûlant l'oxygène répandu
dans l'air , consument une portion rela-
tive de l'air vital , puisqu'elles ne brûlent
que par lui ; elles nous privent donc de
cette portion qui, au lieu de revivifier notre
sang , en pénétrant nos poumons , y porte
un air plus épais et chargé de miasmes vis-
queux qui occasionnent souvent la dysp-
( 234 )
née , et excitent la toux par des engorge-
mens dans les bronches : outre ces mala-
dies les veilles prolongées produisent en-
core les mêmes accidens qu'un exercice
forcé. Toutes les fibres nerveuses sont
dans un genre d'érétisme , le sang prend
une disposition inflammatoire , et la santé
est bientôt attaquée .
Un sommeil modéré augmente la trans-
piration insensible qui entretient l'équi-
libre entre nos fluides et la nourriture que
nous prenons ; il favorise la digestion et
régularise la distribution des sucs nourri-
ciers ; il met le corps à l'aise , et égaye
l'esprit. Toutes les fonctions vitales y pui-
sent une nouvelle énergie , et pendant ce
temps il se forme une précieuse quantité
de fluide nerveux pour subvenir à nos
nouveaux besoins. Si le sommeil est plus
long que l'âge , le sexe , le tempérament ,
la saison et la nature des travaux l'exigent,
il devient préjudiciable au moral comme
au physique , il rend le corps lourd et
phlegmatique , parce que le sang se trouve
surchargé d'un grand nombre de corpus-
( 235 )
cules , que des sécrétions plus énergiques
eussent évacués : delà l'affaiblissement de
la mémoire et de l'intelligence qui amène
promptement la vieillesse morale. Les
gens de lettres doivent dormir plus que
les personnes qui ne font qu'un exercice
corporel , parce que leur genre d'occupa-
tion fatigue plus leur moral.
SECTION PREMIÈRE.
Règles générales pour utiliser le
Sommeil.
Pendant le sommeil il faut être couvert
relativement à la saison et au local où on
le prend ; mais toujours plus que pendant
la veille , parce que la circulatión se ra-
lentit pendant ce temps , et que le prin-
cipe vital n'a pas la même énergie , spé-
cialement chez les personnes âgées. La
chambre à coucher doit être raisonnable-
ment spacieuse , il ne faut jamais y laisser
des fleurs pendant la nuit , mais on peut
la parfumer pendant le jour. La chaleur
( 236 ).
du lit est un grand remède contre beau-
coup d'incommodités survenues par la
fraîcheur et l'humidité qui règnent sur la
fin de l'automne et pendant le froid de
l'hiver ; nous invitons les vieillards à se
coucher de bonne heure et à se lever tard
dans cette saison.
Les grands soupers sont ennemis du
sommeil , il en coûte au corps et à l'ame
༔ la douce tranquillité dont ils ont besoin
pour reprendre des forces . Les songes
qu'ils occasionnent annoncent le trouble
dans les fluides nerveux , trouble occasionné
par une dyspepsie et par la fermentation
des liqueurs spiritueuses qui portent le
désordre dans nos idées comme dans nos
fluides. Trop heureux celui qui , après un
souper bruyant n'a pas de songes accom-
pagnés de terreur! Ceux qui sont fréquem+
ment lugubres annoncent épaississement
dans les liqueurs , embarras dans les secré-
tions de quelques viscères. Nous exhortons
la vieillesse à s'abstenir du souper , à plus
forte raison de ceux que nous venons de
signaler. Les personnes qui ont besoin de
( 237 )
prendrequelque nourriture avant leur cou-
cher, doivent préférer les potages clairs , ou
des boissons légèrement nourrissantes
comme les amandés et les laits de poule . Ce
dernier est un précieux analeptique , il di-
vise les humeurs , favorise la secrétion de la
bile en même temps qu'il restaure : les
personnes qui le trouvent fade , peuvent
l'aromatiser avec de l'eau de fleur d'orange
ou celle de canelle orgée.
SECTION II.
Effets du Sommeil.
Nous cherchons souvent à abrégernotre
sommeil que nous regardons comme un
temps perdu et dérobé à nos affaires uti-
les ou agréables ; mais sans ce sommeil
nous serions hors d'état d'y vaquer , nous
n'aurions jamais la vivacité et l'énergie
nécessaires qui en sont la suite et l'effet.
Nous sommes constitués de manière à ne
pouvoir pas dormir autant que le vou-
draient certains individus.
( 238 )
Le sommeil quoique réparateur de nos
forces perdues , ne nous les rendrait ce-
pendant point , si la nature de notre mé-
canisme ne nous forçait au réveil pour
prendre de la nourriture ; mais c'est avec
de bons alimens dans l'estomac et une fa-
cile digestion , qu'un sommeil paisible ré-
pare bien les forces perdues .
Le premier avantage qu'il nous pro-
cure, est la diminution de nos pertes, c'est
ainsi que l'homme qui s'endort , quoique
l'estomac vide , commence à se restaurer ;'
mais lorsque la cessation de ce premier
sommeil permet aux paupières de s'ouvrir,
ses sens se dégagent peu à peu et repren-
nent leur activité , les sensations du besoin
de se substanter se font sentir. Par le
repos , l'estomac a repris la force et l'ac
tivité qu'il avait perdues par les veilles.
Quoique le suc gastrique soit alors plus
abondant , la mastication n'en est pas
moins très-nécessaire , spécialement à la
vieillesse et un nouveau sommeil après
ce repas le restaure parfaitement , parce
qu'il rend la coction des sucs nourriciers ,
( 239 )
et la chylification aussi complette que sa
distribution : en un mot le sommeil est
une des premières lois de la Nature.
SECTION III.
Mécanisme du Sommeil.
Après une longue veille nous ne nous
livrons au sommeil que quand notre ame
est tellement fatiguée , que le pouvoir qui
lui est soumis n'en reçoit plus d'ordre ou
ne peut plus l'exécuter ; enfin, lorsque nos
sens sont dans une asthénie complette ,
tous nos organes s'affaissent et tombent
momentanément dans une espèce de pa-
ralysie , les idées se ralantissent , la cor-
rélation de l'ame avec le corps est inter-
rompue , le mouvement du cœur et des
artères étant moins rapide , la pérysistole
est prolongée , les secrétions se font aussi
plus lentement , mais plus régulièrement.
La déperdition que nous faisons sans
cesse , et sur-tout pendant une veille ac-
tive , est si considérable , que c'est l'épui-
( 240 )
sement qui nous force au sommeil. Lorsque
les fibres ont été trop ou trop long-temps
tendues , elles perdent leur ressort , et
l'adynamie s'ensuit dans tout le système .
Les idées de l'ame pendant la veille ont
exhalé une quantité d'esprits vitaux ; plus
cette veille a été active , plus la dissipa-
tion de ces esprits a été grande. C'est de
toutes nos pertes la plus fâcheuse : ce
fluide qui se forme dans le cerveau , qui
se perfectionne dans le cervelet et la moële
alongée est le principe de notre activité
et le soutien de notre santé ; plus subtil
que tous nos autres fluides , il anime et
éveille la sensibilité morale , il met en jeu
nos organes et donne à notre imagination
tout son feu et son énergie ; il seraitbientôt
épuisé , spécialement dans la vieillesse, sans
le sommeil qui ralentit sa consommation
et donne à la nature le temps nécessaire
à la formation d'une nouvelle dose .
Quand notre sang est bien imprégné ,
bien saturé de la nouvelle dose de ce spi-
ritueux , nous éprouvons une abondance
d'idées , une force d'ame , une vigueur
dé
( 241 )
de corps propres à nous faire surmonter
beaucoup d'obstacles ; quand au contraire
une agitation très-vive , un exercice très-
long-temps soutenu , trop pénible enfin ,
l'a dissipé , la langueur s'empare de notre
ame comme de notre corps : alors il faut
de toute nécessité proportionner le som-
meil à la déperdition qui s'est opérée , et
au temps pendant lequel nous avons veillé.
( 242 )
CHAPITRE XII.
De la Repletion et des Évacuations
nécessaires.
A T
TOUT âge le soin des évacuations
excrémentitielles doit occuper les hom-
mes , spécialement ceux qui mènent une
vie sédentaire et peu active , parce que ces
évacuations sont d'une absolue nécessité
pour la conservation de la bonne santé ,
et pour le libre exercice des facultés
mentales. La constipation de la vieillesse
est ordinairement produite par une toute
autre cause que celle de l'âge mûr ; com-
munément elle est l'effet de l'inertie ou
paresse d'entrailles et non de la chaleur
de ces viscères , comme le croit le public.
Nous avons vu en pareil cas des femmes
prendre huit lavemens presque de suite ,
( 243 )
sans en rendre un seul , tant les gros
boyaux sont susceptibles d'extension par
l'inertie .
Cette constipation est très- nuisible aux
deux sexes d'un certain âge , par les diffé-
rens accidens auxquels elle peut donner
lieu, mais spécialement aux femmes par
les efforts qu'elle les oblige à faire pour
parvenir à l'évacuation des matières ster-
corales. Dans la vieillesse , toutes les par-
'ties sexuelles étant dans un relâchement
plus grand que dans tout autre temps de
la vie , ' laissent baisser l'utérus au point
de décider par les efforts une hystéro-
cèle , ou une élytrocèle (1 ) , genres d'in-
firmités particulières à ce sexe , état contre
nature qui influe infiniment plus qu'on
ne le croit sur le fond de la santé des
femmes. Indépendamment de ces graves
incommodités et de toutes les autres es-
pèces de descente , auxquelles les efforts ,
pour vaincre la constipation , peuvent
donner lieu ; elle empêche encore la bonne
( 1 ) Descente de matrice et de vagin .
Q2
( 244 )
digestion et l'égale répartition des sucs
nourriciers.
La constipation produit des vapeurs ,
des vertiges et des maux de tête ; elle pro-
cure des incertitudes dans les idées ; elle
rend l'appétit capricieux et fait souvent
éprouver un mal - aise physique qui influe
sur le moral , et qu'on a peine à définir ;
on est chagrin sans savoir pourquoi. Si
l'évacuation n'a pas lieu naturellement
une fois en vingt-quatre ou en trente-six
heures , il faut se la procurer une fois en
quarante- huit heures , pour éviter les dé-
sordres que cet état peut produire , car
s'il est fréquent et long- temps continué ,
il occasionne la cacochylie.
Les lavemens , ou remèdes d'eau tiède ,
n'ont souvent aucun effet à cause de l'iner-
tie des entrailles ; dans ce cas, il faut ajouter
deux ou trois cuillerées de vinaigre , sui-
vant la force dont il sera , ou faire une
eau de savon plus ou moins chargée . Ces
moyens sollicitent ordinairement l'action
des gros boyaux et procurent l'évacuation
nécessaire . Les hommes , qui répugnent
( 245 )
plus que les femmes à l'usage des lave-
mens , peuvent y suppléer par des pillules
de savon-amigdalin , à la dose de vingt
ou vingt- cinq grains par jour , prises à
jeûn , et par dessus lesquelles ils boiront
une demi- verrée d'eau . Si la consti-
pation leur produit l'oxiregmie , ils y
remédieront en avalant par dessus ces
pillules une petite verrée d'infusion de
fenouille .
Nous avons souvent procuré la liberté
du ventre par l'usage du lait coupé avec
une forte décoction de coques d'amandes
de cacao , que l'on trouve toutes rôties
chez les fabricans de chocolat , et dont on
peut faire son déjeuner en y ajoutant du
sucre et du pain .
L'exacte liberté du ventre , proportion-
nelle à la quantité et qualité des alimens
que l'on prend ordinairement , est une
preuve de la santé parfaite , spécialement
si les matières ont la solidité convenable.
Nous observons cependant que tous les
bons tempéramens ne sont pas toujours
les mêmes , et que la manière de se bien
( 246 )
porter étant relative à chaque constitution
particulière, on ne peut raisonnablement ,
attendre une règle uniforme et générale
dans les déjections ; car les personnes qui
mangent peu et qui font beaucoup d'exer-
cice , ne peuvent rendre autant que celles
qui mangent beaucoup et qui font peu
d'exercice. D'ailleurs , plus les alimens
sont fins et choisis , moins ils doivent pro-
duire des matières excrémentitielles . Ainsi
donc, pour se maintenir en bonne santé ,
il faut que les évacuations, soient rela-
tives à la nourriture de chaque individu ;
car ce qui est bien pour l'un est insuffi-
sant pour un autre . Il y a des personnes
qui vont , non-seulement tous les jours à
la garde-robe , mais chaque jour à la même
heure ; cette constitution est extrêmement
rare passé l'enfance.
Une autre évacuation plus urgente en-
core , et dont la suspension ou suppres-
sion a des conséquences plus promptes
et plus funestes , est celle des urines.
L'urine est une sérosité qui se sépare .
de la masse du sang dans les reins , c'est.
( 247 )
un fluide savonneux
ེ་ ་ ་་་ ་་་་ , car il contient en
plus ou moins grande quantité un sel
alkalin , une huile subtile et âcre , indé-
pendamment de la partie terreuse qu'il
charrie. Son évacuation fréquente est
d'une nécessité absolue à tout âge , mais
spécialement dans 7 la vieillesse , où sa
rétention produit des maux effrayans ,
comme la dysurie , la strangurie , l'is-
churie et l'hydropisie.
Mais , sans parler de ces grandes mala-
dies
T que nous traiterons dans la troisième
Partie de cet Ouvrage, lorsque la secrétion
et l'excrétion de l'urine n'ont pas lieu
dans des quantités proportionnelles et suf-
fisantes , elles occasionnent nombre d'in-
commodités , parce qu'elles laissent dans
le sang une part
ie du sel et de l'huile que
ce fluide devait entraîner avec lui ; de-là
naît l'irritation des nerfs , la tristesse , les
anxiétés , les insomnies , les vertiges et
l'engourdi dans les autres fonc-
ssement
tions : il faut donc chercher soigneuse-
ment la cause de cette suspension , afin
d'y remédier avant qu'elle n'occasion
ne
( 248 )
bouffissure et empâtement , ou l'une des
grandes maladies ci-dessus énoncées , et
pour lesquelles nous indiquerons des sou-
lagemens ci-après .
Nous pouvons assurer que l'art de se
conserver en santé est celui d'entretenir
l'équilibre dans les humeurs ; il est donc
nécessaire de favoriser les secrétions de
chaque partie , et de débarrasser le corps
de toutes superfluités , dans la crainte
qu'il ne se surcharge. Pour y parvenir ,
nous avons trois moyens : 1º . Évacuations
forcées , quand il y a surcharge ; 2 °. absti-
1 nence plus ou moins grande ; 3° . exer-
cices plus ou moins actifs.
( 249 )
CHAPITRE XIII.
De la Transpiration insensible; autre
genre d'excrétion.
Nous devons d'autant plus nous occuper
de cette excrétion pour la vieillesse , que
la nature pousse peu du centre à la cir-
conférence , passé un certain âge , qui ce-
pendant n'est pas le même chez tous les
humains ; car cette fonction dépend de
la qualité de l'organe extérieur général ,
la peau , que nous devons considérer
comme un organe par lequel notre corps
se purifie sans cesse , puisque c'est par
elle que s'exhalent une prodigieuse quan-
tité de corpuscules devenues inutiles , et
qui seraient bien dangereuses si elles
étaient retenues long-temps. C'est pour
procurer l'évacuation de ces miasmes ,
( 250 )
que nous conseillons aux personnes âgées
les frictions avec la flanelle ou la brosse ,
et ensuite le bain . Ces moyens débouchent
et amollissent les pores de cet organe
général.
La transpiration répercutée par un air
froid et humide devient la source capi-
tale des rhumes , des douleurs , de la
dyscinésie et souvent des catarrhes.
La première indication à remplir dans
" ce cas , est le rétablissement de cette trans-
spiration qu'il faut pousser jusqu'à la forte
-sueur par tous les moyens que vous trou-
- verez à la fin de ce chapitre.
Quoique Gallien ait connu la transpi-
ration de nos corps , ce dont on ne peut
douter d'après les paroles de ce Médecin
qui a dit dans son ouvrage ( 1 ) : « Cette
‹ vapeur excrétoire est poussée hors du
corps par de petits orifices les Grecs
que
appellent des pores , et qui se trouvent
répandus sur toute la peau ; elle en est ,
dis-je, chassée en partie par la sueur , en
(1) De sanit. tuend. , lib. 2 , cap. 12.
( 251 )
partie par une insensible transpiration
qui échappe à la vue , et dont peu de genss
connaissent seulement l'existence. >>
SANCTORIUS parle cependant de cette
déperdition , comme d'une chose incon-
nue à 1 tous les Médecins et Philosophes
avant lui . Il publia sur ce sujet à Venise ,
en 1634 , quelques aphorismes d'un usage
trop nécessaire à la conservation de la
santé , pour que nous ne vous en don-
nions pas un précis. Il était réservé à ce
Médecin d'évaluer , la balance à la main ,
la quantité précise de cette transpiration ,
de démontrer que la déperdition jour-
nalière par cette voie et par l'expiration ,
est plus abondante que celle qui se fait
par toutes les autres voies ensemble , et il
était aussi réservé à ce Docteur de donner
des règles pour la faire contribuer plus
sûrement à la santé. Voici une de ses ex-
périences :
« Un homme sain et robuste , qui mange
et boit le poids de huit livres parjour , en
perd cinq en ne prenant qu'un exercice
modéré . »
( 252 )
Nous observons ici qu'il en est de cette
excrétion comme de toutes les autres ,
que chaque individu transpire plus ou
moins facilement , plus ou moins abon-
damment , selon la saison , le climat où il
se trouve , et encore suivant ses habitudes.
journalières et la nature de sa peau .
Notre Docteur continue et dit : « Tant ·
que le corps conserve chaque jour le
même degré de pesanteur , parce qu'il
transpire dans la même proportion , la
santé se conserve sans altération ; elle
décline , au contraire , quand le corps
conserve son poids ordinaire , malgré une
plus grande évacuation des urines ou des
excrémens ; et si , au bout de quelques
jours , le corps ne recouvre pas son poids
proportionnel , soit par une transpiration
copieuse , soit par des évacuations plus
abondantes , il faut s'attendre à la fièvre ,
ou à quelque autre maladie.
» Se sentir pesant quand , à la balance ,
le corps est plus léger, c'est l'annonce
d'une disposition tout autrement mau-
vaise , que de se sentir pesant quand il
( 253 )
l'est effectivement : se sentir léger quand ,
à la balance , le corps est plus pesant , est
un signe certain de bonne santé. La preuve
qu'on se porte excellemment bien est de
pouvoir monter avec plaisir sur une hau-
teur. La douleur de tête ou de quel-
qu'autre partie du corps , la crainte et la
tristesse diminuent la transpiration , ainsi
que les urines ; la joie augmente la trans-
piration ; le jeu de l'éventail l'arrête quel-
quefois ; alors en rafraîchissant la phy-
sionomie , il échauffe la tête et la rend
pesante. Les jeunes gens transpirent natu-
rellement plus que les vieillards , indé-
pendamment du mouvement qu'ils se
donnent. »
Voilà ce que Sanctorius nous a laissé
de plus précis sur la transpiration insen-
sible. Après lui sont venus Keil et Lemo-
nier , dont le résultat des observations est
le même ; d'où nous pouvons conclure que
la transpiration insensible est très-néces-
saire à la conservation de la santé , et que
son interruption y est bien nuisible. Mais
comment savoir précisément combien on
( 254 )
doit transpirer dans la vieillesse pour se
conserver en santé ? Il faudrait connaître
le poids de ce qu'on boit et mange pour
en perdre les cinq huitièmes , d'après l'avis
de ces Docteurs , et pour ce il faudrait
être fréquemment dans la balance.
Nous pouvons assurer que les bons
Médecins vous prescriront , comme nous ,
une règle certaine de vous conserver en
santé , moins assujettissante que celle de
Sanctorius.
Suivez votre appétit naturel qui , s'il
n'est provoqué par aucune gourmandise ,
aucune sensualité , sera relatif à vos fa-
cultés digestives . Sortez toujours de table
avec le desir de manger encore , au lieu
de la quitter par la satiété et le dégoût.
Faites de l'exercice quelques heures après
le repas; parlez ou lisez à haute voix et vous
transpirerez suffisamment si vous n'êtes
pas en butte à un vént trop actif ou trop
frais. Si vous vous trouvez moins dispos
un jour qu'un autre , mangez un peu
moins à chaque repas , faites plus d'exer-
cice , ou buvez quelque diurétique qui ,
( 255 )
vous faisant uriner plus , vous débarras-
sera des superfluités qui vous surchargent :
en observant ce régime , non-seulement.
vous ne serez point assujettis à vous peser ,
mais vous n'aurez pas souvent besoin de
Médecin!
Nous pouvons vous affirmer encore que
tout ce qui empêche le sommeil nuit à la
transpiration ; mais cependant le corps
tranquillé sans sommeil transpire plus
quand l'ame est agitée et vivement affec-
tée de quelque passion , que pendant un
grand exercice de corps , lorsque l'ame
est dans une ataraxie complette.
La transpiration insensible arrêtée ,
comme la sueur répercutée , peut pro-
duire des maladies graves et souvent mor-
telles , spécialement chez des personnes
déjà avancées en âge , parce qu'elle est
plus difficile à rétablir que dans la jeu-
nesse. Si on ne peut faire un exercice
forcé , soit à pied , soit à cheval ; si on ne
peut jouer à la paume , au ballon , ou au
volant , il faut se faire frotter avec des
flanelles et se mettre dans un bain un peu
( 256 )
chaud pendant une heure à peu près , sui-
vant le bien-être qu'on y éprouvera : on
aura soin , en quittant ce bain , de se
mettre dans un lit chaud , où on se fera cou-
vrir pour y suer , et où on boira le plus
chaudement possible une infusion diapho-
rétique , comme celle de fleurs de sureau ,
de bourrache, de véronique mâle , ou de
verveine. Les vieillards sujets à quelques
douleurs de goutte vague , feront sage-
ment de préférer la décoction du bois de
sassafras , en un mot , on usera de tous
les moyens possibles pour rétablir cette
secrétion d'une nécessité absolue à la
santé. Si tous ces petits moyens ne réus-
sissent point , il faudra en venir aux éva-
cuans pour éviter une maladie.
CHAPITRE
( 257 )
CHAPITRE XIV.
De la Propreté.
UN
N autre point bien essentiel à l'entretien
de la transpiration , conséquemment à la
conservation de la santé , dans tous les
temps de la vie , mais spécialement dans
la vieillesse , est l'extrême propreté; elle
a été mise au rang des vertus sociales
non-seulement parce qu'elle influe puis-
samment sur la conservation de ceux qui
la pratiquent , mais encore parce que la
mal-propreté peut occasionner des mala-
dies épidémiques. Nous voyons que les
personnes soigneuses de la propreté in-
dividuelle , quoique continuellement dans
l'air morbifique , comme nos sœurs hos-
pitalières , sont en général plus saines et
moins sujettes aux maladies , que celles
R
( 258 )
qui , loin de ces hospices , et en plein
air , vivent dans leur crasse.
La propreté , tant dans les vêtemens ,
que dans les maisons , empêche les per-
nicieux effets de l'humidité , des mauvai-
ses odeurs , des miasmes contagieux qui
s'élèvent de toutes choses abandonnées à
la putréfaction ; elle fait qu'on renouvelle
l'air des appartemens , lequel produit la
revivification du sang en lui apportant
une nouvelle dose d'oxigène , ce qui porte
la joie dans l'ame .
La propreté décide à brûler de temps
en temps quelques plantes aromatiques
qui sont amies des nerfs , et à purifier
l'air des lieux d'aisance .
La plupart des Législateurs anciens ont
fait de la propreté un des dogmes essen-
tiels de leurs religions ; ils ont institué des
cérémonies sacrées d'ablution , de puri-
tant par l'eau que par le feu ,
fication , tant
c'est-à- dire par les bains et les fumiga-
tions aromatiques ; en sorte que tous
les rites de choses pures et la défense des
impures n'étaient fondées que sur l'ob
1
( 259 )
servation que des hommes sages et ins-
truits par l'expérience , avaient fait de
l'influence que la propreté en général
exerce sur la santé des humains , consé-
quemment sur l'esprit et les facultés mo-
rales , qui , comme nous le savons , éma-
nent des physiques.
Malgré les soins ordinaires chez les
gens bien élevés et que l'on ne peut ac-
cuser de mal-propreté , nous avons vu des
personnes de différens sexes et de diffé
rens âges couverts de poux , symptômes
ordinaires de négligence dans les lois de
la propreté ces irruptions spontanées
de vermine que l'on voit quelquefois sortir
des pores de la peau , annoncent la caco-
chimie de la portion de la matière de la
transpiration insensible qui se filtre par
les glandes sébacées .
Indépendamment des soins nécessaires
pour empêcher la multiplication de cette
vermine , il faut faire passer dans le sang
de ces personnes des sues anti-scorbuti-
ques. Pour la vieillesse le vin anti-scorbu
tique est préférable au sirop et au jus de
R 2
( 260 )
ces plantes : Ce vin se prend graduelle-
ment depuis une once jusqu'à quatre ,
suivant l'âge , le tempérament et la saison .
Quoique nous donnions aux jeunes per-
sonnes le sirop anti-scorbutique de pré-
férence au vin , nous faisons cependant
boire de ce vin , quand l'irruption de la
vermine a lieu chez les jeunes filles qui
sont en proie à l'asthénie , compagne
assez ordinairement de la chlorose , ou le
difficile établissement de la menstruation ;
c'est dans ce cas un moyen préférable au
safran et à tous autres remèdes ; non-
seulement il provoque la nubilité , mais
il donne à ces intéressantes créatures le
courage de faire l'exercice qui leur est
alors d'une nécessité indispensable ; et il
détruit cette vermine dont nous avons vu
quelques jeunes demoiselles bien soignées,
couvertes , non pas de la tête aux pieds ,
mais depuis les aisselles jusqu'aux pieds ,
ce qui manifeste bien la perversion de
l'humeur sébacée.
( 261 )
CHAPITRE XV.
Du troisième Age des Femmes ou de
Feur Automne .
ous avons dit au commencement de
NOUS
cet Ouvrage , que l'homme parvient ,
presque sans s'en douter , à l'automne de
sa vie ; il n'en est pas de même de la
elle ,
femme cette époque devient pour
une crise dangereuse , et les accidens qui
la menacent alors doivent la décider à
recourir souvent au Médecin. L'intervalle
qui s'est écoulé entre l'époque de sa nu-
bilité , et celle -ci qui amène la cessation
du flux menstruel , ayant été rempli par
l'amour conjugal , la tendresse maternelle
et tous les soins qu'elle entraîne ; la femme
arrive à son automne , ( époque où la na-
ture qui lui refuse une partie des attributs
( 262 )
de son sexe , l'avertit qu'elle ne pourra
plus coopérer à la propagation des hu-
mains ) . Ce moment demande de grandes
attentions , car c'est du régime , et du soin
de ne pas contrarier la nature dans le
dernier effort qu'elle fait , que dépendent
la santé et le bonheur de ce sexe , jus-
qu'à la fin de sa carrière.
La nature toujours sage et prévoyante
n'a pas voulu que cette cessation fût su-
bite , mais au contraire , que les époques
où les règles arrivaient ordinairement va→
riassent dans leurs périodes par des éva-
cuations souvent prolongées , et aussi par
des retards , puis par des absences de
quelques mois , elle habitue graduelle-
ment la femme à cette cessation qui se-
rait très-dangereuse si elle avait lieu su-
bitement. Chez d'autres , au contraire , la
menstruation devient plus abondante à
chaque époque , et souvent la fréquence
de ces périodes augmente de manière que
la femme a ses règles deux fois le mois.
La diversité des tempéramens acquis
pendant le temps des jouissances déter-
( 263 )
'mine les diverses modifications de cette
époque qui comporte autant de variétés
dans la manière dont se termine ce
phénomène , qu'il en a procuré pour son
établissement. Cette cessation arrive or-
dinairement suivant l'âge où la nubilité
s'est manifestée , comme aussi suivant
l'emploi que les femmes ont fait de leur
vitalité , et suivant la constitution pri-
mordiale qui a déjà subi des changemens
qui ont amené graduellement la perte de
tous les charmes de la belle saison de la
vie ; perte que nous ne pouvons empê
cher ; mais qu'il est en notre pouvoir de
modérer et de ralentir , par le moyen de
l'hygiène , c'est-à-dire , par un régime ap .
proprié aux circonstances et aux divers
tempéramens des différens individus.
Nous rendons donc un grand service à
ce sexe , qui a une horreur innée de la
destruction de ses charmes , en lui indi-
quant les moyens de suivre la nature pas
à pas , pour empêcher le temps , ce cruel
tyran , d'accélérer sa perte vers la dégra-
dation et désorganisation générale. Pour
( 264 )
procéder avec méthode et clarté , nous
examinerons la femme sous les rapports
des influences physiques et morales , parce
que ce n'est que par la connaissance des
modifications que l'ordre social a apportée
à ces êtres , que des Médecins philosophes
peuvent les ramener à la nature , et parce
qu'en général ce sont ces agens qui en-
chaînent les femmes à la vie , ou qui les
en détachent .
Cette dernière révolution de la vie du
sexe produit ordinairement de grands
changemens dans son physique et dans son
organisation morale , ces changemens lui
font éprouver assez fréquemment des in-
dispositions telles , qu'elles lui donnent
de grandes inquiétudes pour sa santé ,
pour sa vie même. Nous croyons pouvoir
le rassurer 2 en lui affirmant que dans
l'ordre naturel , cette crise qui lui paraît
si redoutable ( et qui l'était réellement
avant les grandes connaissances physiolo-
giques acquises maintenant sur l'organi
sation de l'utérus , viscère d'où dépend
şa bonne ou mauvaise santé ) , n'a rien de
( 265 )
bien dangereux aujourd'hui pour les fem-
mes qui , loin d'avoir abusé de la vie ,
en ont convenablement usé ; et que cette
époque qui s'annonce souvent par des
symptômes alarmans , se passe sans grands
orages , quand les tempéramens ne sont
point détériorés par les effets de leurs
affections morales , ou par des maladies ,
et quand on suit les indications que pré-
sente la nature qui la prépare et la conduit
graduellement et doucement , lorsqu'on
ne contrarie pas sa marche.
Le tempérament de la femme change
beaucoup à cette époque de sa vie , parce
que le foyer de vitalité surabondante , qui
s'est manifesté comme le grand moteur des
affections et des passions, pendant le cours
de la jeunesse des femmes , l'organe de
la génération en un mot , perdant cette
surabondance de vitalité qui lui était sur-
venue au moment d'une heureuse et facile
nubilité , revient à la vie simple de toute
autre partie de l'individu , et occasionne
sur ces autres parties le reflux du sang qui
se portait à l'utérus, “
(+266 )
Toute femme qui ne voudra rien avoir
à redouter du passage de son été à son au-
tomne , doit redoubler de soins et de
précautions dès qu'elle passe sa quaran-
tième année. Les préservatifs de tous dan-
gers sont dans un régime qui fera exer-
cer toutes les parties du corps , dans l'absti-
nence de tous les alimens et boissons qui
peuvent maintenir le sang dans une effer-
vescence aussi considérable que celle que
produisent les grandes passions , qui de-
viennent alors plus dangereuses que jamais.
Dans ces circonstances il faut que les fem-
mes entretiennent et favorisent la liberté
du ventre pour prévenir les embaras des
viscères et les spasmes de ceux qui en sont
susceptibles , et pour empêcher l'altération
de leur physionomie .
Procédéspour éviter les orages auxquels
la cessation du flux menstruel donne
souvent lieu.
Le principe vital , cet agent de notre
existence , anime nos organes d'une ma-
( 267 )
nière distincte et particulière à chacun
d'eux ; la perte d'un ou de deux n'influe
pas beaucoup sur notre vitalité générale.
Nous en trouvons une preuve sensible chez
la femme , par ce qui lui arrive lors de la
cessation du flux menstruel : cessation que
nous pouvons regarder comme précurseur
de la mort du viscère qui produisait ce flux ,
car il s'éteint peu à peu et s'anéantit pres-
que par cette cessation , qui souvent dé-
termine une maladie de l'utérus , ou de
quelqu'autre viscère très- essentiel à la vie,
comme le foie.
Lorsque le cours du flux menstruel doit
cesser d'une manière orageuse , il survient
irrégularité et désordre dans les fonctions
vitales , lesquels, s'annoncent par une
nuance bilieuse que prend la peau , les
dyspepsies deviennent fréquentes quoi-
qu'on ne charge pas trop son estomac
et que l'on mâche longuement , le som-
meil est souvent troublé par des rêves
fâcheux .
Ce qu'il y a de mieux à faire dans cette
circonstance , est de se mettre à l'usage
( 268 )
des eaux de Vichi , pour rendre la bile
plus fluide , et aider les fonctions du foie et
du pancréas. Si cette eau bue à la dose d'un
litre par matinée ne suffisait pas pour
procurer la liberté des fonctions abdomi-
nales , on joindrait l'usage des pillules
savonneuses du codex à la dose de douze
jusqu'à dix-huit grains , selon les tempé-
ramens , et celui des lavemens. On peut
augmenter l'effet de ces eaux en y ajou-
tant de temps à autre une demi-once de
sel d'epsom.
Il est instant dans cet état de s'oppo-
ser au reflux sanguin de l'utérus , sur le
foie ; ce reflux pourrait y décider engor-
gement et peut-être obstruction . Il faut
en même temps éviter l'abondance san-
guine sur l'utérus qui donnerait fréquem-
ment des pertes de sang suivies de pertes
lymphatiques , car les unes et les autres
détériorent sensiblement l'organe de la
digestion si précieux à l'entretien et au
rétablissement de la santé. Pour éviter ces
accidens , on aura soin d'entretenir non-
seulement la liberté du ventre , mais en
( 269 )
core la régularité du flux hémorroïdal ,
si la femme y était sujette , parce que l'en
gorgement de l'utérus donne lieu aux af-
fections histérico-spasmodiques , spéciale-
ment lorsque le flux hémorroïdal est sup-
primé.
Les femmes affectées de pléthore san-
guine qui peut devenir dangereuse à cette
époque , éprouvent fréquemment au vi-
sage des sensations incommodes de cha-
leur ; elles sont très- sujettes à la dyspnée ,
parce que le sang qui circule difficilement
dans les veines mésaraiques et spléniques ,
se dégorgentlentement dans la veine-porte,
et reflue souvent du côté de la poitrine et
de la tête ; alors elles éprouvent du gon-
flement dans les articulations inférieures ,
la dyscinésie s'empare fréquemment de
leurs reins , et elles sont souvent tourmen-
tées par des affections douloureuses dans
toute la région des parties sexuelles . Sou-
vent aussi elles sont en proie à un som-
meil lourd et profond , elles éprouvent
beaucoup de difficultés à fermer le poing
lorsqu'elles s'éveillent , symptômes d'une
( 270 )
pléthore qui conduirait bientôt à une at-
taque d'apoplexie , ou à une perte utérine
considérable ; d'autres fois elles sont tour-
mentées d'une grande insomnie.
Quand une partie de ces symptômes
pléthoriques existent , il n'y a pas de temps
à perdre , la femme n'eût-elle qu'une ou
deux époques manquées , il est nécessaire
qu'elle se fasse appliquer quelques sangsues
au fondement pour rappeler le flux hé-
morroïdal , ou y suppléer par le sang dont
ces animaux se gorgent ; car ce flux est
aussi essentiel à entretenir quand il est
habituel , que toute autre évacuation . Si
la femme n'était pas sujette au flux hé-
morroïdal , elle doit se faire tirer au bras ,
une poêlette ou trois onces de sang , si
elle veut éviter une perte d'autant plus
fâcheuse , qu'elle n'arrive qu'après que la
pléthore sanguine a forcé les sinus uté-
rins et qu'elle a jeté l'utérus dans une es-
pèce d'athonie , ou au moins d'asthénie
qu'il n'est pas toujours facile de vaincre.
On n'est pas maître alors de faire cesser
cette évacuation sanguine qui, après avoir
( 271 )
duré plus ou moins long- temps , entraîne
celle de la lymphe , écoulement connu
sous la dénomination de blennorrhée , qui
achève d'épuiser la femme et la détériore
complettement en l'empêchant de faire
de bonnes digestions , car l'estomac souffre
de ces pertes : c'est ainsi que les plus jo-
lies femmes voyent disparaître tous leurs
charmes avec leur santé ; tandis qu'elles
pourraient conserver celle-ci avec une
partie de leurs agrémens , en se laissant
diriger par un homme intelligent qui
suivra les indications que la nature du
tempérament et les événemens antérieurs
à celui- ci indiqueront.
Les femmes qui éprouvent très- peu des
symptômes ci-dessus énoncés , notamment
point d'engourdissement , peuvent atten-
dre , pour se faire saigner jusqu'à la qua-
trième époque , et plus tard encore , si
dans l'intervalle elles ont un flux hémor-
roïdal ; mais pour ne pas compromettre
leur santé , elles ne doivent rien faire sans
l'avis du Médecin qui conseillera d'après
l'état du pouls. Dans le cas dont nous
( 272 )
parlons, il faut éviter les copieuses saignées,
parce qu'elles jettent l'utérus dans une
asthénie qui entretient un écoulement san-
guinolent qui fatigue et occasionne sou-
vent la dyspepsie. Il faut que la dose du
sang que l'on fera tirer soit toujours pro-
portionnée à l'abondance des évacuations
menstruelles qui avaient lieu avant la sup-
pression.
La constitution vasculaire chez certains
tempéramens ne pouvant se prêter que
difficilement à la suppression d'une éva-
cuation qui lui était devenue nécessaire ,
produit des affections hystérico- spasmo-
diques qu'il est bien intéressant de cal-
mer , non-seulement par les anti-spasmo-
diques , mais encore par un régime doux
approprié au tempérament d'alors , en évi-
tant les alimens et les boissons stimulan-
tes et trop actives. Souvent aussi cette
suppression produit dans les organes di-
gestives un grand embarras accompagné
de borborigmes et quelquefois d'oxi-
regmie , toute la région épigastriqué est
tendue et douloureuse , au point que la
plus
( 273 )
plus petite dose d'alimens , quoique bien
mâchés , devient insupportable. Il faut
bien s'assurer alors , s'il y a spasme', car
dans ce cas les toniques et les cordiaux
sont bien contraires , puisqu'ils produi-
sent la dyspepsie au lieu de faciliter les
digestions ; et faisant séjourner pendant
trop de temps , la pâte alimentaire dans
l'estomac , ils la font tourner à la fermen-
tation acéteuse , au point que quelques per-
sonnes ont des renvois tels que ceux d'un
vinaigre chaud. Dans ces cas les boissons
anti-spasmodiques font cesser la dyspepsie,
et l'usage des absorbans détruit les aigreurs,
après quoi la digestion devient facile.
Il n'en est pas de même lorsque ces
accidens sont la suite d'une perte abon-
dante qui en affaiblissant l'estomac et le'
système vasculaire lympathique , produit
l'écoulement d'un flux blanc pendant l'in-
tervalle des périodes sanguines : il est né-
cessaire d'opposer à ce flux symptôma-
tique de faiblesse ou d'asthénie du sys-
tème vasculaire lymphatique, toujours nui-
sible au rétablissement des organes di-
( 274 )
gestifs , l'usage des eaux ferrugineuses .
On pourra y joindre celui du vin ou du
sirop anti-scorbutique , spécialement si
la femme a eu antérieurement quelques
pertes abondantes , ou si elle a été su-
jette aux fleurs blanches. On fera usage
du sirop ou du vin , suivant la constitu-
tion ferme ou relâchée d'alors , et suivant
la sensibilité de l'estomac.
L'usage du sirop anti-scorbutique se
commence à la dose d'une cuillerée à
bouche avec autant d'eau , à jeûn , quand
l'estomac n'est pas irritable , ou quelques
heures après le repas si l'estomac ne le
supporte pas à jeûn ; quelques jours après
on augmente la dose d'une demi- cuillerée
de sirop sans augmenter celle de l'eau ,
et dans l'espace de huit à dix jours on
la porte à deux cuillerées : il y a beau-
coup de tempéramens à qui il en faut
jusqu'à trois onces par jour ; alors il faut
augmenter la dose de l'eau pour rendre
ce sirop assez fluide pour l'avaler faci-
lement. L'usage du vin anti-scorbutique
se commence par une once pour le porter
( 275 )
graduellement jusqu'à trois , sans eau , en
augmentant tous les trois jours d'une
demi-once. Il faut en même temps faire
usage de l'opiat suivant :
P. Extrait de genièvre , deux onces ;
Poudre de gentiane , demi- once ;
Safran de Mars , une once.
Incorporez le tout dans suffisante quan
tité de miel de Narbonne , pour faire un
opiat de ferme consistance , dont on pren-
dra demi-gros par jour en un ou deux
boles , ou divisé en six pillules de six
grains chaque , que l'on prendra à jeûn ,
en buvant par dessus une verrée d'eau
sucrée. Les femmes qui se décideront
pour l'usage de ce remède boiront leur
anti-scorbutique quelques heures après
le dîner.
Il y a quelques circonstances où il se-
rait mieux de remplacer la poudre de gen+
tiane par celle d'un bon quinquina , ou de
joindre à la composition ci - dessus une
demi-once de sel essentiel de cette écorce.
C'est au directeur de la santé à juger de ces
$ 2
( 276 )
circonstances, qui sont ordinairement in-
diquées par la perte de l'appétit , par l'as-
thénie générale du système vasculaire ;
ce qui se reconnaît à la longueur de la
pérysistole et à l'extrême dyspepsie : c'est
ici le cas de se souvenir qu'on ne digère
facilement , qu'autant que la mastication a
été longue .
Sitôt que l'évacuation menstruelle n'a
plus lieu , la santé de la femme n'est plus
sous l'influence du viscère qui la pro
duisait ; et lorsqu'elle est hors de cette
crise , la vitalité de l'utérus refluant sur
tout l'individu , la femme recouvre ordi-
nairement une santé assez constante ; elle
prend de l'embonpoint et une fraîcheur
qui réparent ses charmes ; cette précieuse
créature gagne au moral ce qu'elle a perdu
au physique , son amitié acquiert de l'éner-
gie et de la stabilité , et celles dont l'esprit
a été cultivé , celles enfin dont l'éduca-
tion a été soignée , conservent encore des
moyens de séduction , spécialement pour
les Philosophes , qui font plus de cas du
moral que du physique : ces femmes par-
( 277 )
viennent sans une manifeste dégradation
à la quatrième période de leur vie , et
sont encore aimables dans leur vieillesse.
L'année où le flux menstruel cesse de
couler , peut être considérée comme une
année climatérique septénaire , c'est-à-
dire que quand les femmes survivent à
cette époque , elles sont comme les hom-
mes qui ont passé leur soixante-troisième
année , presque certaines de parvenir à un
âge très-avancé , si elles ont soin de sup-
pléer à cette excrétion en augmentant les
autres , et en évitant la pléthore , qui peut
donner une attaque d'apoplexie sanguine ;
pour ce , elles doivent entretenir la liberté
du ventre et favoriser la transpiration par
des vêtemens légers , mais chauds , et par
un fréquent exercice . Il leur est encore
bien intéressant d'éviter , plus que jamais ,
les affections fâcheuses de l'ame , sur-tout
celles qui , par une influence lente et pro-
longée , favorisent la stagnation des hu-
meurs , source des engorgemens des vis-
cères. L'état mélancolique leur est plus fu-
neste alors qu'en tout autre temps de la vie .
( 278 )
L'observation nous a prouvé que la
plus grande partie des hommes qui meu-
rent à cette époque , ne perdent la vie que
par la négligence de leur santé , et que
pour n'avoir point assez tôt renoncé à
leurs habitudes , et sur-tout à l'attrait de
la volupté si dangereuse à la vieillesse ,
et pour ne s'être pas rendus tributaires
de la sobriété. Pour notre malheur , nous
nous persuadons difficilement que la sa
gesse tourne toujours au profit de la
santé. Cependant les Hébreux ( 1 ) , les
Grecs ( 2 ) et les Romains (3) , chez lesquels
la vieillesse était fréquemment prolongée
sans infirmité , nous ont laissé des pré-
ceptes pour conserver la santé.
(1) Les Hébreux , notamment dans l'Ecclésiaste.
(2) Les Grecs dans Hippocrate et ses disciples.
(3) Les Romains , car c'est sous le règne d'Au-
guste que sont éclos les ouvrages de Celse , de
Vitruve , de Columelle , de l'arron , etc. L'Hy-
giène , depuis ce temps , n'a fait aucun progrès
sensible ; mais aujourd'hui on en fait une appli-
cation plus raisonnée , parce que la physiologie
nous est mieux connue.
( 279 )
TROISIÈME PARTIE.
DES PASSIONS
ET DE LEUR INFLUENCE SUR LA SANTÉ .
Es passions sont des desirs , des affec-
tions , des résolutions de l'ame , dans les-
quelles nous nous plaisons ordinairement ,
puisque chacun de nous a sa favorite ; elles
tendent à notre conservation et à notre
bonheur , quand nous savons les gou-
verner. L'amour pour ce qui nous plaît ,
la répugnance et l'éloignement pour ce
qui peut nous nuire , quoique deux sen-
timens opposés n'en sont pas moins les
effets de deux desirs qui nous conduisent
immédiatement à la conservation de notre
( 280 )
être. L'un nous fait rechercher ce qui
peut nous procurer satisfaction et plaisir
que nous prenons pour le bonheur ; l'autre
nous fait éviter tout ce qui nous contrarie
et tout ce qui peut faire notre malheur ,
conséquemment ce qui nuit à notre santé.
Le sage , qui sait que l'homme sans pas-
sion est un être chimérique , dirige vers
le bien ce qu'il ne peut détruire , et con-
vertit souvent une passion en une vertu ;
c'est ainsi que l'envie modérée devient
émulation. Le desir et l'aversion sont des
vertus quand la raison les dirige. La peur ,
qui fait prévoir et éviter les dangers , n'est
que prudence , etc.
Il est aisé de reconnaître que l'Auteur
de la nature n'a mis dans le cœur de
l'homme qu'une passion primordiale , qui
est le desir de se conserver en se rendant
heureux ; car celui de se régénérer n'est
qu'accessoire. L'amour , ce terme géné-
rique dont nous nous servons pour ex-
primer notre manière d'aimer fortement,
est toujours relatif à notre bonheur , et
c'est de ce desir de nous rendre heureux ,
( 281 )
que sont nées toutes les passions qui , en
nous maîtrisant , causent nos maladies et
nos malheurs.
La passion primitive de l'homme n'est
donc . que l'exercice du droit naturel que
chacun de nous a de se conserver et de se
rendre heureux ; mais ce droit naturel
devient dans la société illégitime et cri-
minel lorsque nous le satisfaisons au pré-
judice de nos concitoyens : on sent que la
faim , la soif, et cet autre besoin que nous
avons qualifié d'amour , furent la source
des passions qui se sont accrues et mul-
tipliées par les besoins qu'a fait naître la
civilisation.
Les passions , toutes fâcheuses qu'elles
sont, deviennent cependant nécessaires à
l'homme , car on ne peut se dispenser de
convenir que sans elles il serait réduit à
une vie presque végétative , et son activité
serait bornée à la vie animale , comme
celle du sauvage : cet état ne peut suffire
à l'homme civilisé. Les secousses , les
agitations , les desirs sans cesse renou-
velés , qui sont le fruit de son imagination
( 282 )
et de ses connaissances , ses sentimens
d'amitié , de bienveillance et d'amour ; en
un mot , toutes ses affections morales , ses
élans même , vers un siècle qu'il sait bien
qu'il ne peut voir , sont des résultats de
l'amour social aussi essentiels à son ame ,
que l'air l'est à son existence ; l'excès seul
y est contraire .
Les passions bien dirigées sont néces-
saires à l'individu qui en est affecté , et à
la société dont il fait partie ; mais malheu-
reusement ce qui était destiné par la na-
ture à conduire l'homme au bien-être et
au bonheur dont il est susceptible , est
devenu l'instrument de son malheur. L'a-
mour, par exemple , est une passion très-
dangereuse qui nuit fréquemment à notre
conservation , parce que , voulant trop le
faire servir à ce que nous appelons notre
bonheur , il devient , par l'abus que nous
en faisons , l'origine de nos plus grands
maux , et la source de notre destruction .
Dans l'état actuel de nos sociétés , les
passions ont un effet continuel , au lieu '
d'être passager et propre à imprimer un
( 283 )
mouvement salutaire à nos humeurs ; elles
sont portées à un degré d'activité qui ne
laisse pas respirer ceux qui en sont do-
minés ; elles entraînent l'ame hors de son
état naturel et rendent les hommes fous ;
elles sont devenues un feu dévorant, une
fièvre ardente qui consument la plus belle
portion de la vie , et conduisent les hu-
mains jeunes encore au tombeau : aussi
voyons-nous maintenant peu de gens par-
venir à une grande vieillesse , et la ma-
jeure partie de ceux qui l'atteignent phy-
siquement , ne sont plus , au moral , que
des enfans .
L'organisation morale est primitivement
la même chez les individus des deux sexes ,
avec cette différence , que la femme est
douée d'une sensibilité plus grande , plus
fine , plus exquise que l'homme , en raison
inverse de sa force physique ; mais l'édu-
cation modifie tellement les dispositions
naturelles de ce sexe , que la femme dif-
fere de l'homme autant par le cœur et
l'esprit que par les formes et la physio-
nomie.
( 284 )
L'ame chez le sexe étant plus sensible ,
est conséquemment plus susceptible d'af-
fections sentimentales qui ont un empire
assez considérable sur le plus grand nom-
bre des femmes ; il est absolu sur celles
dont la mobilité des nerfs est excessive ;
aussi les passions sont-elles plus dange-
reuses pour leur santé , que pour la nôtre :
les femmes doivent donc apporter plus
de soins à les tempérer et à les modifier.
La véhémence des passions qui assiè-
gent les hommes , dépend des moyens
que la nature leur a donnés pour les sa-
tisfaire. A quoi servirait , par exemple , à
la femme une audace que son impuissance
démentirait à chaque instant ? Les passions
douces étant les plus analogues à sa cons-
titution et à son organisation morale , lui
sont les plus familières : l'amitié , la bien-
veillance , la compassion , l'attendrisse-
ment et l'amour sont les sentimens qu'elle
éprouve le plus fréquemment, et devien-
nent des passions auxquelles elle s'aban-
donne avec le plus de satisfaction.
Les passions excessives sont des mala-
( 285 )
dies de l'ame , qui entraînent celles du
corps. La paix de l'ame étant un des
moyens les plus propres à conserver la
santé , il est d'absolue nécessité de se
rendre maître de soi , de conserver la
santé morale pour entretenir celle du phy-
sique : la vraie philosophie nous en fait
un devoir , et la femme doit y apporter une
attention scrupuleuse ; car toutes les or-
donnances des Médecins échouent contre
les maladies du corps , qui procèdent de
celles de l'ame.
Parlez donc toujours sincèrement à
votre Médecin , si vous voulez guérir ra-
dicalement . Le Médecin est homme sujet
aux passions comme les autres ; c'est par
cela même et par l'expérience qu'il a ac-
quise avec l'âge , que , connaissant mieux
les effets et les suites des passions , il vous
donnera plus facilement qu'un autre les
moyens d'éviter le mal qu'elles produisent,
et les procédés pour les modifier.
Que de gens eussent abrégé leurs in-
firmités et prolongé leur existence , s'ils
eussent fait à propos une confession fidelle
( 286 )
à de vieux Médecins ; car celui que l'âge
a instruit dans la connaissance du cœur
humain , est Médecin de l'ame comme du
corps ; tandis que le jeune homme ne peut
qu'à peine posséder la théorie de la Me-
decine physique , science pour laquelle il
faut encore qu'une longue expérience lui
fasse connaître tous les différens tempé→
ramens auxquels tiennent la variété et la
gradation des différentes maladies , ainsi
que des remèdes .
En vain l'on observe le meilleur régime ,
en vain on l'accompagne de l'exercice le
plus sagement réglé , en vain on est jour-
nellement à la table de la sobriété ; si on
s'abandonne à quelque passion vicieuse ,
il n'en faut pas davantage pour empêcher
tous les salutaires effets de ce régime. Les
vices sont les ennemis du principe vital.
Les passions, originaires et primitives
étaient bornées aux six suivantes : Aimer
ou hair, desirer, ou craindre , rechercher
oufuir; telles sont encore celles des sau-
vages de ces six sont émanées celles
que nous connaissons maintenant , et
( 287 )
qui tyrannisent les humains ; mais elles
ne sont pas toutes au même degré chez
chaque individu.
Les plus dangereuses à la santé de
ceux qui en sont dominés , ainsi qu'à la
société en général , sont la concupiscence ,
l'ambition et l'envie , parce que d'elles
trois dérivent toutes les autres et avec
elles tous les crimes qui marchent à leur
suite. Les deux premières sont des pas-
sions dominantes chez les Français ;
ils s'abandonnent trop fréquemment à
l'amour sensuel pour qu'il ne nuise pas
beaucoup à leur santé , à leur vitalité
même : aussi cette Nation dégénère-t-
elle beaucoup dans les grandes villes et
les villages circonvoisins ; et si quelques
robustes habitans des campagnes plus
éloignées , ainsi que quelques Suisses et
quelques Allemands ne venaient , de temps
à autres , s'établir dans les Cités pour
soutenir et fortifier la génération de ces
citadins , la race de ces voluptueux habi-
tans des grandes villes ne serait bientôt
plus qu'une compagnie de convalescens.
( 288 )
CHAPITRE PREMIER .
De l'Amour sensuel.
44
PUISQU'IL est reconnu que l'amour
sensuel est funeste à la jeunesse , on
conçoit facilement de quelle conséquence
il est pour la vieillesse ; il porte le dé-
sordre dans le moral , et prive de
cette douce ataraxie plus nécessaire à
cet âge qu'à tout autre , pour la con-
servation de la santé et la prolongation
de l'existence heureuse.
Cette passion dissipe le fluide vital ,
produit la tristesse , le mécontentement
et la faiblesse accompagnée de froid ;
elle hâte la vieillesse et la mort. Les
vertus , au contraire , en donnant le con-
tentement , rappellent le principe vital ;
le fortifient et le propagent ; elles sont
la
( 289 )
la source de la santé. Le vieillard pru
dent doit donc apporter une extrême
attention à ne pas se laisser dominer par
ses passions , car elles sont les tempêtes
de l'ame , et comme des torrens , elles
bouleversent le moral et entraînentle phy-
sique.
Les philosophes Grecs , reconnaissans
envers l'Être - Suprême , regardèrent la
santé comme le plus beau des dons qu'il
eût fait à l'homme ; et jaloux de conserver
ce précieux don , ils ne négligèrent rien
de ce que la raison et l'expérience purent
leur dicter : de-là la simplicité de l'art de
guérir qui fut chez eux presque unique-
ment fondé sur le régime ; de-là les nom-
breux préceptes hygiéniques que nous ont
transmis Hippocrate et ses descendans.
T
( 290 )
CHAPITRE II.
De l'Ambition.
L'AMBITION dont nous voulons parler
est le desir insatiable de parvenir à la
fortune , aux grandeurs et à la domina-
tion ; quel que soit le but qu'elle se pro-
pose , elle est une des passions des plus
destructives de la santé , c'est le vautour
attaché sur Prométhée , c'est un feu dé-
vorant qui après avoir desséché le moral
épuise le physique , et ne quitte sa vic-
time qu'après avoir vu fermer la tombe
sur elle .
L'ambitieux demande sans cesse à la
fortune qui le favorise , car il n'a pas
plus tôt obtenu , que le plaisir fuit avec
le moment qui la fait naître , et un nou-
veau desir qui lui succède , est pour lui
( 291 )
la roue d'Ixion ; il se plie et se replie
comme le serpent ; et il en a tout le venin ,
quand il faut éloigner un concurrent.
L'ambitieux , toujours desirant, ne peut ja-
mais être satisfait; altéré de la soif des hon-
neurs , il n'en est pas plus tôt revêtu , qu'il
ne jouit point de la satisfaction qu'elles
doivent amener , parce qu'il en voit au
dessus des siennes , et les hommages que
lui procurent ces dignités n'ont plus de
prix à ses yeux , des qu'il est obligé d'en
reconnaître de supérieures .
L'ambition est une des plus dange-
reuses passions , parce qu'elle est le foyer
de presque toutes les autres et la source
des vices qui troublent la société ; car
elle rend l'homme dont elle s'est empa-
ré très-méchant. L'ambitieux ne croit
point à la vertu , ni au mérite de ses
concitoyens ; il est incapable de fran-
chise , de droiture et d'équité .
L'honnête homme est plus juste , il approuve en
autrui
Les arts et les talens qu'il ne sent point en lui.
T 2
( 292 )
L'ambitieux prend toutes les formes
pour parvenir à son but ; la bassesse ,
la calomnie , les noirceurs et les forfaits
même sont les moyens familiers dont il
se sert pour satisfaire son desir ; tout
lui est propre ; il ne connaît de honte
que celle de manquer son objet.
Cette passion s'empare plus volontiers
des tempéramens bilieux ou mélancoli-
ques et de ceux qui participent de ces
deux , que de tous les autres ; sa source mo-
rale est un amour propre excessif dégé-
néré en orgueil , autre passion bien fâ-
cheuse dans la société. L'ambition de la
fortune seule peut occasionner de grands
malheurs quand elle est portée à un cer-
tain point chez les gens âgés ; mais
elle ne l'est pas autant que celle dont
nous venons de parler , puisqu'elle tient
le moral comme le physique dans une ac-
tivité qui mine le meilleur tempérament ,
à moins qu'elle ne le conduise à celle
des jeux dont nous allons esquisser le
tableau.
( 293 )
CHAPITRE III
Des Jeux.
Nous ne pouvons nous empêcher de
mettre au rang des passions très-nuisi-
bles à la santé de tous les âges , les jeux
qui n'exercent pas toutes les facultés cor-
porelles , tels que les échecs , les dames ,
les dez et tous les jeux de hasard , spé-
cialement quand ils ont pour objet l'ac-
croissement de la fortune ; parce qu'alors
la contention d'esprit est si grande , que
les secrétions en sont ralenties , que la
distribution du principe vital devient ir-
régulière , car elle est comme suspendue
par-tout ailleurs qu'à la tête où il est
concentré , et où il surcharge ce centre ,
ce foyer de nos facultés morales et in-
tellectuelles ; cet état est manifestement
( 294 )
contraire à la santé , parce qu'il perver-
tit l'ordre et la succession des fluides de
la vie.
Tous ces jeux imaginés pour délasser
le corps et l'esprit quand ils ne sont que
momentanés , sont devenus des occupa-
tions très-sérieuses , des spéculations très-
contentieuses et destructives des meil-
leures santés , par l'abus que l'on en fait ,
Rien n'est si affligeant pour des Mé-
decins un peu philosophes , que de voir
cette réunion de personnes autour d'une
table , qui attendent le sort que va dé-
cider la carte fatale. Tandis que leur
corps est immobile , leur ame balottée
par l'espoir et la crainte , est dans une
agitation extrême. Uniquement occupées
du desir de captiver la fortune , ces
malheureuses créatures oublient les heu-
res , les jours , leurs devoirs même , et
souvent ne sortent de cet état d'an-
goisse , que pour se livrer à l'excès du
chagrin.
Il est à craindre que cet état souvent
renouvelé n'altère le meilleur caractère ,
( 295 )
spécialement celui de la femme , ne lui
en fasse contracter un irascible et ne
change sa sensibilité morale en une mi-
santropie , quand elle est constamment
malheureuse ; car ces jeux qui rappro-
chent physiquement les humains , les iso-
lent moralement , puisque tous sentimens
de bienveillance sont étouffés entre des
gens dominés par cette passion ; chacun
forme le vœu inhumain de ruiner son
adversaire , parce qu'il ne peut devenir
heureux que par le malheur de l'autre.
D'après ce tableau , il est aisé à des
êtres sensés de concevoir que rien n'est
plus propre à troubler l'ordre du sys-
tème humain , d'interrompre la corréla-
tion du moral avec le physique , et de
produire le dérangement dans le cours
des spiritueux , d'où naissent le déses-
poir et la folie qui enfantent le suicide.
Le plus léger mal physique que puisse
occasionner une pareille contention d'es-
prit est la suspension des fluides nourri-
ciers , qui , forcés de s'arrêter dans quel-
ques viscères , yforment des engorgemens ,
( 296 )
des obstructions , le mésentéritis , puis la
cacochimie qui conduit souvent à une
mort lente. Nous pouvons ajouter que
tous les dérangemens survenus dans la
diathèse humaine par de vives agitations
de l'ame , sont beaucoup plus rebelles
à la Médecine , que ceux qui naissent
d'un exercice forcé : à ces derniers le
repos du corps suffit ordinairement ,
tandis qu'il est souvent funeste pour les
premiers.
Les veilles prolongées et la chaleur des
bougies consument l'air vital , qui déjà
respiré a perdu de son ressort et de son
oxigène , et devient par-là incapable de
revivifier le sang en passant dans les pou-
mons , où il occasionne la dyspnée.
La transpiration d'un grand nombre de
personnes rassemblées dans un même lieu
rend l'air épais et malfaisant , et il est im-
possible , après quelques heures , d'en as-
pirer une dose qui n'ait pas déjà été ex-
pirée par quelques poumons mal-sains ,
à plus forte raison , si quelques-unes
d'entr'elles sont affectées d'un virus quel-
( 297 )
conque , ce qui se rencontre plus souvent
qu'on ne le croit.
Un air de cette nature échauffe d'abord ,
puis affaisse l'esprit et le corps et dépose
dans les bronches (1 ) les miasmes dont il
est chargé : de-là les rhumes catarrheux ,
la phthysie , et toutes les maladies de poi-
trine qui surviennent aux personnes les
mieux conformées et à un âge où natu-
rellement on doit être à l'abri de la pul-
monie.
D'après les funestes effets de la pas-
sion des jeux , les femmes doivent en-
core plus que les hommes s'en abstenir ,
puisqu'elles courent le danger d'y per-
dre , indépendamment de leur santé ,
deux de leurs plus précieuses qualités ,
la douceur et la sensibilité morale.
(1) Bronches , vaisseaux qui distribuent l'air
dans les poumons.
( 298 )
CHAPITRE IV.
De l'Envie.
L'IMPITOYARLE Envie a déclaré la guerre
A tous les hommes nés pour éclairer la terre.
L'envie est cette disposition habituelle
à ne voir qu'avec peine les autres jouir
des avantages que nous ne possédons pas ;
c'est un chagrin dévorant produit par la
prospérité de nos égaux , qui mine et
dessèche celui qui est rongé du desir con-
tinuel de les en priver pour en jouir.
Cette passion est la plus vile et la plus
basse de toutes , car elle n'agit que dans
l'ombre ; elle se nourrit de fiel et de venin ;
elle produit la haine , la fourberie et tous
les mauvais procédés qui en résultent ;
car souvent sous le masque de la bien-
veillance et de l'amitié , elle cherche à
( 299 )
gagner notre confiance , pour tourner plus
sûrement ses armes contre nous ; c'est le
crime du lâche , au moral comme au phy-
sique , qui voudrait renverser tout ce qui
est au dessus de lui , et pour y parvenir
il emploie la calomnie.
L'envie rend plus malheureux encore
que l'ambition. Le chagrin continuel , qui
entretient jour et nuit une constriction
dans les nerfs précordiaux et dans une
partie des viscères de l'envieux , empêche
la distribution des sucs nourriciers , pro-
duit la cacochylie qui est la cause de sa
maigreur ordinaire. Comme l'ambitieux ,
l'envieux est ennemi de toute vertu , de
tout mérite ; mais il n'a pas , comme lui , le
courage de se montrer et de s'élever ;
toujours il rampe , se cache et ne porte
ses coups que pendant l'absence ; il est
d'autant plus malheureux , que tout ce
que les autres louent et admirent , fait son
supplice ; il n'affectionne que les êtres
aussi vils que lui. En peu de mots , Vol-
taire nous peint cette passion ;
( 300 )
Là gît la sombre Envie , à l'œil timide et louche ,
Versant sur des lauriers les poisons de sa bouche ,
Triste amante des morts , elle hait les vivans ;
Le jour blesse ses yeux , dans l'ombre étincelans.
Ailleurs il dit :
• Les tyrans sont les vices :
Le plus cruel de tous , dans ses sombres caprices ,
Le plus lâche à la fois , et le plus acharné,
Qui plonge au fond du cœur un trait empoisonné ,
Ce bourreau de l'esprit , quel est-il ? C'est l'Envie ;
Rien ne peut l'adoucir , rien ne peut l'éclairer ;
Quoiqu'enfant de l'orgueil , il craint de se montrer.
Le domaine spécial de cette passion est
le tempérament mélancolique et pusilla-
nime ; elle provient aussi comme l'ambi-
bition d'un amour - propre désordonné ,
mais lâche et timide ; c'est un genre de
jalousie.
Après les grandes passions si dange-
reuses à la santé de la vieillesse , il est
dans l'ordre que nous l'entretenions des
grandes agitations de l'ame , qui lui sont
aussi très-nuisibles ; après quoi nous l'oc-
cuperons de ces douces affections dans
( 301 )
lesquelles l'ame raisonnable se complaît ,
affections si précieuses pour la santé en
général , et plus particulièrement pour
celle des personnes âgées , qu'elles font le
charme et la félicité de leur vie , au moral
comme au physique.
( 302 )
CHAPITRE V.
Des Agitations de l'Ame.
LES agitations morales sont en partie
des commotions qui frappent subitement
l'ame ; elles ont une si grande influence
sur le physique des gens avancés en âge ,
qu'elles les tuent quelquefois subitement ;
mais lorsqu'elles ne les ont pas tuées , elles
les détériorent et les conduisent graduel-
lement à leur fin , quand elles sont conti-
nues. Ces vives agitations sont la peur,
la terreur , la crainte , qui ont pour heu-
reux antagonistes , la joie , la gaîté et
l'espérance. La peur , la terreur et la
crainte sont la même affection portée à
des degrés différens.
( 303 )
SECTION PREMIÈRE.
De la Peur ou Frayeur.
La peur est cette affection de l'ame , qui
la fait trembler au moindre danger qui
menace le corps dont elle est naturelle-
ment la gardienne. Chez les individus
faibles , l'ame est disposée à s'effrayer sans
causes évidentes , principalement dans
l'obscurité de la nuit , où elle se crée des
fantômes ; elle agit plus spécialement sur
les enfans et les personnes âgées ; les
femmes y sont plus sujettes que les hom-
mes ; elle diffère des autres affections de
l'ame , en ce qu'elle est plus tôt dissipée ,
et qu'en raison de son peu de durée , elle
ne produit pas des effets très - fâcheux
pour la santé , et aussi parce qu'elle est
plus souvent occasionnée par une mé-
prise que par un objet réel ; mais elle
n'en est pas moins vive au moment où
elle s'empare de l'ame ; car elle resserre
le cœur , cause la dyspnée ; elle òte même
( 304 )
l'usage de la parole , empêche de criér , et
peut rendre immobile ; elle produit aussi
quelquefois l'engourdissement ; elle jette
l'ame dans une stupeur qui suspend ses fa-
cultés ; mais , comme nous venons de le
dire , son peu de durée permet le prompt
rétablissement des fonctions et secrétions
suspendues , ainsi que l'usage des facultés
mentales.
SECTION II.
De la Terreur.
La terreur , l'effroi et l'épouvante sont
les différentes dénominations de la même
affection portée à des degrés variés , et qui
a pour cause un danger imminent ; elle est
une des plus dangereuses impressions de
l'ame par les effets qu'elle y produit , ainsi
que sur le physique ; elle y répand ordi-
nairement un froid subit , d'où suit une
pâleur générale , un tremblement , une
voix étouffée , la difficulté de s'énoncer ,
et même la dyspnée , parce qu'elle fait
refluer
( 305 )
refluer toutes les liqueurs de la péri-
phérie du corps au centre par la contrac
tion qu'elle porte dans tout le système ner-
veux et vasculaire ; elle refoule la presque
totalité du sang vers le cœur qui en est
alors surchargé , au point de gêner ses
fonctions , d'où naît la palpitation de ce
viscère qui ne peut renvoyer une quan-
tité de sang proportionnelle à celle qu'il
reçoit.
Le cours du fluide vital est troublé par
ce désordre , et son reflux au cerveau pas
ralyse momentanément l'esprit , le juge-
ment et toutes les facultés intellectuelles ,
ainsi que les physiques ; elle fait sur l'ame
une telle impression , qu'elle n'a plus que
des idées confuses , une volonté incer
taine ; elle ne sait plus quel parti prendre.
Quand la terreur s'est emparée de l'ame ,
l'homme n'est plus un homme , c'est un
être nul , sans instinct , comme sans rai-
1
son. Si cette crise durait long-temps , elle
conduirait à la stupidité , ou à la folie . La
terreur , l'effroi et l'épouvante suspendent
quelquefois toutes les fonctions vitales ;
( 306 )
c'est ainsi qu'elles deviennent mortelles
pour les personnes âgées : la vieillesse
fera donc sagement d'éviter toutes les
occasions où elle pourrait s'y trouver
exposée.
Celui qui est affecté de quelque agita-
tion violente au moment où il doit se
mettre à table ou au lit , doit différer de
prendre son repas , ou de se coucher. Dans
cette circonstance , il est prudent de laisser
à l'estomac le temps de se remettre de la
commotion qu'il a reçue , aux plexus so-
laire et diaphragmatique le temps de se
détendre de la constriction qui leur est
survenue, et à l'ame le moyen de reprendre
son calme et sa tranquillité si nécessaires
à la bonne digestion ; car elle restera plus
long-temps agitée dans le lit que si on se
tient levé.
SECTION III.
De la Crainte.
La crainte est cette incertitude doulou-
reuse de l'ame , occasionnée par l'appré
( 307 )
hension d'un mal dont on est menacé ;
elle a des effets très- funestes quand elle
est prolongée. Tous les tempéramens en
sont plus ou moins susceptibles. Chez les
personnes qui ne peuvent la dissimuler ,
elle a différens symptômes ; chez les unes ,
elle s'annonce par des plaintes seulement ;
chez d'autres par des soupirs et des gé-
missemens ; chez plusieurs , au contraire ,
un morne silence la concentre , mais la
décèle.
Le plus dangereux effet de cette affec-
tion est de grossir et de multiplier les
objets , souvent de démontrer à l'ame ce
qui n'existe pas , et de dénaturer ce qui
est ; elle réalise elle-même ce qu'elle soup-
çonne et ce qu'elle craint ; elle écarte l'es-
pérance , son seul remède ; elle jette l'ame
dans une langueur et une faiblesse qui la
subjuguent et l'empêchent d'opérer le
bien même qu'elle desire et qu'elle pour-
rait effectuer.
La mélancolie et le chagrin qui mar- ,
chent à sa suite ralentissent le cours des
fluides , conséquemment celui des secré-
V 2
( 308 )
tions , et nuisent beaucoup en occasion-
nant la dyspnée et la dyspepsie ; elles
affaiblissent le ressort du système vascu-
laire , produisent la stagnation des hu-
meurs dans les vaisseaux capillaires in-
térieurs ; elles deviennent la source de
'hypocondrie chez les hommes , et des
affections hystériques chez les femmes ,
ainsi que des maladies chroniques.
Cet état empêche le repos et le sommeil
de réparer nos forces perdues ; d'où il est
aisé de concevoir le mal que peut pro-
duire la tristesse sur les gens âgés : c'est
ainsi que les affections fâcheuses de l'ame
détériorent la santé et produisent les mala-
dies qui conduisent insensiblement la jeu-
nesse , mais très-rapidement la vieillesse ,
à la mort. Il faut , par tous les moyens pos-
sibles , dissiper ces impressions si nui-
sibles à la santé. Pour y parvenir , le chan-
gement d'idées est nécessaire ; car , lorsque
l'ame reste long- temps occupée du même
objet désagréable , toutes les fonctions
vitales en sont troublées : de-là naissent
les obstructions , le relâchement des nerfs,
( 50g )
et l'affaissement de l'esprit et de l'ima-
gination.
Pour remédier à tous ces maux , la
nature nous offre par tout des variétés ;
et l'esprit , à moins qu'il ne soit dans l'ha-
bitude constante d'être occupé du même
objet, se plaît dans la diversité ; il nous
donne les moyens de nous distraire de
l'affliction ; car méditer souvent sur de
nouveaux objets , fournit une succession
d'idées nouvelles qui éloignent d'abord ,
puis font disparaître celles qui nous tour-
mentent: c'est ainsi que les lectures agréa
bles , les dissipations et les voyages chas-
sent insensiblement le chagrin et l'ennui ,
nuisibles à la vieillesse plus particulière-
ment qu'à tout autre âge. Écrire sur les
objets les plus sérieux , donne de nou-
velles idées et fournit encore un moyen
de faire trève à la crainte et au chagrin ;
l'indolence , au contraire , les nourrit.
Quand on ne pense qu'à ses malheurs , on
en est sans cesse affligé , et l'espérance ne
peut naître.
( 510 )
SECTION IV,
De l'Espérance,
L'espérance , cette douce et flatteuse
opinion que nous nous formons sur l'ave-
nir , est ce charme puissant qui tempère
nos chagrins , qui atténue nos douleurs par
l'espoir de les voir finir. Qu'il est doux
cet espoir du bonheur ! comme il rafraî-
chit le sang! Quelle hilarité , quel baume
ne répand-il pas ! par lui tous les objets
s'embellissent à nos yeux , par lui l'avenir
nous paraît une route semée de fleurs où
on aime à s'élancer en idée.
L'espérance , cette nourrice des infor-
tunés , donnée à l'homme comme une mère
tendre à un enfant malade , est cette der-
nière et précieuse ressource que la bonté
infinie du Créateur nous a ménagée dans le
malheur ; elle veille à notre chevet , elle a
pour compagnon le sommeil qu'elle pro-
cure par le calme de nos agitations , et
qui , par des songes agréables , vient nous
( 311 )
bercer en nous présentant un avenir plus
heureux ; ce que Voltaire à si bien ex-
primé dans les vers suivans :
Du Dieu qui nous créa , la puissance infinie ,
Pour adoucir les maux de cette conrte vie ,
A placé parmi nous deux êtres bienfaisans ;
De la Terre , à jamais , aimables habitans ,
Soutiens dans les travaux , trésors dans l'indigence .
L'un est le doux Sommeil, l'autre est l'Espérance.
L'un , quand l'homme accablé sent de son faible
corps
Les organes vaincus , sans force et sans ressorts ,
Vient par un calme heureux secourir la nature ,
Et lui porter l'oubli des peines qu'elle endure ;
L'autre anime nos coeurs , enflamme nos desirs ,
Et même en nous trompant , donne de vrais plaisirs ;
Mais aux mortels chéris à qui le Ciel l'envoie ,
Elle n'inspire pas une infidelle joie ;
Elle apporte de Dieu la promesse et l'appui ;
Elle est inébranlable et pure comme lui.
L'intermittence que laisse à notre dou-
leur l'espoir d'un changement prochain ,
est salutaire , en ce qu'il rend à notre phy-
sique la faculté d'opérer certaines fonc-
tions et secrétions qui sont comme sus-
( 312 )
pendues pendant les momens où nous nous
livrons au chagrin ; elle retarde la dété-
rioration qui suit toujours l'état d'angoisse
qui a d'autant plus de prise sur nous , que
nous sommes plus âgés, Tant que l'espé-
rance nous soutient , nous jouissons d'un
certain bien , et nous ne pouvons nous
dissimuler qu'elle ne soit un des plus
grands bienfaits que la Providence a dé-
partis à la triste humanité. La confiance
en cette Providence , soutenant notre cou-
rage , nous promet chaque jour que les
choses changeront ; mais nous ne devons
pas en ahuser par une coupable insou¬
ciance ; elle doit au contraire , en nous
ranimant , nous faire entreprendre tous
les moyens propres à remédier aux maux
que nous éprouvons,
SECTION V ,
De la Gaîté.
La gaîté produite par la satisfaction , le
contentement, la sérénité de l'ame , dont
( 313 )
une bonne conscience est la base et l'ali-
ment , est très-favorable à la santé , spé-
cialement quand elle nous accompagne à
la table et au lit. Pendant la gaîté , le sang
et les fluides nerveux circulent avec ai-
sance et rapidité , le principe vital aug
mente d'énergie , l'action des fluides est
én proportion avec la réaction des so-
lides , le cœur se dilate et se contracte
avec la même égalité de forces ; ce qui
entretient une chaleur d'où dépendent les
faciles secrétions et excrétions qui pro-
duisent la parfaite santé.
SECTION VI.
Des dangers d'une Joie imprévue.
"
Entre la joie que nous recommandons
pour la conservation de la santé et la joie
dangereuse pour elle , il y a bien des
nuances ; celle qui devient nuisible ne l'est
que parce qu'elle produit des effets dia-
métralement opposés à ceux de la ter
reur ; elle est l'impression subite occa-
( 314 )
sionnée par un objet agréable , d'autant
plus vive , que l'objet était plus desiré et
moins attendu : dans ce moment , toutes
les forces se portent à la circonférence ,
et la physionomie en est le siége prin-
cipal ; elle se dilate , et les yeux , qui de-
viennent plus grands , laissent échapper
des larmes de plaisir. Ce passage subit à
la joie est plus contraire à la santé que
tout changement trop prompt dans ses
habitudes. Cette joie occasionne dans le
sang un mouvement trop rapide pour
qu'on ne doive pas en ménager l'accès à
la vieillesse dont elle dilate le système ar-
tériel , au point que le cœur peut à peine
suffire pour le remplir , parce que le re-
tour du sang , dans ce viscère , par les
veines , ne se fait pas proportionnellement
à son départ; de-là viennent les faiblesses ,
les défaillances et souvent la perte de la
connaissance qui entraîne quelquefois la
cessation totale du principe vital (1) .
(1 ) L'Histoire Romaine nous apprend que deux
mères moururent en embrassant leurs fils qu'on
leur avait dit être morts à l'armée.
( 315 )
On sent aisément par ce que nous ve-
nons de détailler pourquoi cette joie ex-
cessive est plus dangereuse que le chagrin
pour la vieillesse en général , et pour les
femmes , au moment de leur accouche-
ment. Chez celles-ci elle provoque une
perte contre laquelle on n'avait encore
trouvé aucun secours efficace avant la pu-
blication du Supplément à tous les Trai-
tés , tant étrangers que nationaux , sur
l'Art des Accouchemens.
Un accès de joie très- vive diffère peu
d'un accès de folie ; car Archimède , étant
au bain et réfléchissant sur la manière de
reconnaître la fraude de l'orfèvre qui avait
mêlé du cuivre à l'or dont la couronne
d'Hiéron devait être formée , ayant trouvé
ce procédé jusqu'alors inconnu , sortit
brusquement du bain sans s'apercevoir
qu'il était nu , courut les rues de Syra-
cuse , en criant : Je l'ai trouvé! je l'ai
trouvé !
( 316 )
CHAPITRE VI.
De l'Amitié.
De toutes les passions , celle qui contri-
bue le plus au bien-être et à la conser-
vation de la santé , est une douce amitié
fondée sur l'estime ; c'est de tous les plai-
sirs le plus pur et le plus ravissant pour
la vieillesse . L'amitié , ce doux sentiment
de l'ame , est bien propre à faire tourner
long-temps le fuseau de Clotho ( 1) ; elle
entretient le parfait équilibre entre l'ac-
tion réciproque des fluides et des solides ,
d'où naissent les parfaites secrétions ; aussi
ne produit-elle jamais d'altération dans la
diathèse par elle , toutes nos sensations
sont disposées à de paisibles jouissances ;
(1 ) CLOTHO , celle des trois Parques qui président
à notre vie , et ajoute l'avenir au présent.
( 517 )
elle ne produit jamais de turbulence dans
les actions , jamais de ces véhémens desirs
qui nous usent au moral comme au phy-
sique ; en un mot , elle est à l'ame l'inverse
de l'amour : C'est la Volupté divine , si
nous pouvons nous exprimer ainsi.
L'essence de l'amitié est vraiment di-
vine , car elle n'appartient qu'à l'ame ; et
pour être moins vive que l'amour , elle
n'en est que plus tendre ; le temps affer-
mit son empire quand il est fondé sur les
vertus sociales, L'amour ne domine que
pendant la fougue de la jeunesse ; son em,
pire passe aussi rapidement que le prin-
temps de la vie; l'amitié au contraire em-
bellit tous les âges. Heureuses , trois fois
heureuses les femmes , pour qui ce sen-
timent succède à l'amour !
Nous avions cru que les femmes , par
leur diathèse , leur sensibilité naturelle-
ment plus exquise que la nôtre , et leurs
vertus sociales , devaient être plus dispo 1
sées que nous à ce précieux sentiment ;
mais les observateurs prétendent que la
mobilité extrême , l'inconstante imagina-
( 318 )
tion , la concurrence naturelle et l'uni-
formité dans l'objet des desirs des femmes,
les rendent incapables de l'héroïsme de ce
sentiment profond qui a immortalisé des
hommes et jamais de femmes.
Le philosophe Thomas a dit à ce
sujet (1 ) : « Il faudrait un homme pour
ami dans les grandes occasions ; mais , pour
le bonheur de tous les jours , il faut l'ami-
tié d'une femme , parce qu'elle manie plus
aisément un cœur malade sans le blesser ,
et qu'elle sait donner du prix à mille
choses qui n'en auraient point. Sans elle
les deux extrémités de la vie seraient sans
>>
secours , et le milieu sans plaisir.
La bienfaisance des femmes est plus
douce et plus active que celle des hommes ;
les femmes qui avaient reçu de l'éduca-
tion ont donné de grandes preuves de
leur héroïsme en amitié , et des vertus
sociales pendant la révolution . Autant
l'autre partie de ce sexe a été méchante
(1) Essai sur le caractère et les mœœurs des
femmes.
>
( 319 )
et sanguinaire , autant celle-ci a été bonne
et bienfaisante , parce que ce sexe paci-
fique et consolateur est naturellement plus
pieux que nous , et qu'il possède à un de-
gré plus éminent les vertus sociales.
C'est de son organisation , formée pour
aimer toute la vie , que naît ( à l'âge où la
main du temps qui détruit tout , a altéré
leurs agrémens et leurs charmes ) , ce sen-
timent d'amour divin , que nous appelons
dévotion , qui , lorsqu'il n'est accompagné
d'aucun grand regret ou repentir , est
doux , moralement voluptueux , et leur fait
couler le reste de leur vie dans une espèce
de béatitude : de-là il est aisé de conce-
voir les avantages que la vieillesse peut
tirer de l'amitié.
O chaste déité ! que peu d'humains t'honorent !
Ces grands nommés heureux le sont - ils s'ils
t'ignorent ?
Près d'eux le parasite , à les tromper adroit,
Singe ton chaud langage , et reste toujours froid.
Cet humble complaisant qu'aucun soin ne rebute,
Les aime-t-il ? Hélas ! il rirait de leur chute.
( 320 )
CHAPITRE VII.
Des Maladies de l'Ame, et des Procédés
propres à les guérir, quand on n'apu
les prévenir.
Nous dirons un mot des maladies de
l'ame avant de parler de celles du corps.
L'ame raisonnable ou susceptible de
l'être , est tellement unie au corps , que ,
sans elle , il n'est rien , et leur corrélation
est telle que ce n'est que par les sens et
les sensations qu'elle est avertie de tout
ce qui arrive au corps ; c'est ainsi qu'elle
a connaissance de toutes les maladies qui
lui surviennent ; tandis que le corps n'a
nulle connaissance de celles qui survien
nent à cette ame , quoiqu'il y participe
par ses mouvemens. L'ame est susceptible
de quatre maladies , dont trois capitales ,
savoir :
( 321 )
savoir : la colère , la folie et la frénésie :
elle est encore susceptible d'ennui , autre
maladie d'un genre bien opposé aux autres
et qui nuit beaucoup à la santé.
SECTION PREMIÈRE.
De la Colère.
Nous ne pouvons trouver les raisons
pour lesquelles on a mis la colère au rang
des passions , car c'est une maladie de
l'ame , comme le colera morbus en est
une de l'estomac et des intestins . Nous la
déclarons une maladie de l'ame et non uné
passion ; parce qu'une passion est , comme
nous l'avons dit , un desir , une affection ,
une volonté , une résolution de l'ame , dans
laquelle nous nous plaisons ordinaire→
ment , puisque chaque individu a sa fa-
vorite ; mais personne ne se plaît dans un
état aussi contre nature et qui fait autant
de mal sans plaisir , que la colère .
Cette maladie s'empare de notre ame
sans son intention , sans sa volonté , comme
un débordement subit. On ne peut mieux
X
( 322 )
la comparer qu'à un torrent de fluide élec-
trique qui , dans un instant indivisible ,
parcourt notre système , irrite nos nerfs ,
enflamme notre sang ; et s'emparant de
toutes nos facultés , les réunit sur le même
objet , comme si elles n'en devaient plus
' avoir qu'un ; elle met en jeu notre ma-
chine par un mouvement mécanique.
Quoi qu'en ait dit Sénèque , un tel état
ne peut être une passion. Il faut distin-
guer le mouvement de colère , cette im-
pétuosité qui jette l'homme bien loin des
bornes de la raison , d'avec le desir de la
vengeance qu'il fait naître , qui est une
suite , un effet ordinaire de la colère , et
qui devient réellement une passion.
L'homme qui a été saisi d'un accès de
colère pour avoir reçu une injure , ou
éprouvé une injustice dont il ne peut se
venger sur-le-champ , prend plaisir à mé-
diter , à assurer ses moyens de vengeance ,
et à épier le moment favorable pour faire
le plus de mal possible à son ennemi : voilà
bien la passion ; mais , quoique ces pro-
cédés soient l'effet de la colère , ils ne sont
( 325 )
plus la colère même , mais bien certaine-
ment le desir de la vengeance qui est une
passion qui plaît et rit à ceux qui s'en oc-
cupent , au point que quelques-uns ont dit :
La vengeance est le plaisir des Dieux.
JUVENAL la regarde , au contraire ,
comme une faiblesse d'esprit :
Minuti,
Semper et infirmi est animi , exiguique voluptas
ultio. Sat. XIII , v. 189.
On n'est pas volontairement colère , on
ne l'est qu'en raison de sa diathèse et de
son tempérament , c'est-à-dire par une
constitution trop irritable. Cette maladie
attaque presque tous les tempéramens et
à différens âges , mais spécialement pen-
dant la jeunesse ; elle s'empare plus par-
ticulièrement des sanguins et des bilioso-
sanguins ( 1 ) , que des phlegmatiques; nous
avons acquis la conviction que cet état est
une maladie et non une passion , par la
modification du tempérament de ceux qui
(1 ) Ce qui les a fait distinguer en tempérament
cholérico-sanguin et cholérico - bilieux .
X 2
1
( 324 )
y étaient le plus sujets ; car lorsque par
la suite d'une blessure qui a produit une
grande effusion de sang , ou par une abon-
dance habituelle du flux hémorroïdal ,
l'homme colérico- sanguin a perdu avec
son sang cette chaleur , ce principe d'irri-
tation qui le tenait dans un hérétisme con-
tinuel ; ou que , par suite de l'âge , il est de-
venu phlegmatique ; rien ne l'émeut , rien
ne provoque chez lui cette colère à laquelle
il était sujet. Au contraire , quelqu'âge
qu'il ait acquis , s'il est resté sanguin , il
est encore très- susceptible de cette ma-
ladie ; car nous vous certifions avoir vu
mourir d'un accès de colère des hommes
et des femmes âgés de plus de soixante ans.
Voyez de quelle conséquence il est à la
vieillesse de réprimer les accès de cette
maladie . On ne se donne pas plus la co-
lère que la fièvre ; ce qui doit nous dé-
cider à la regarder à peu près de même.
De tous les tempéramens qui nous ex-
posent à cette maladie , le mélancolique
est celui qui la conserve le plus long-temps .
Les personnes affectées de ce tempérament
( 325 )
ne savent point oublier une injure , en-
core moins la pardonner.
Causes de la Colère.
La colère est une émotion , une affec-
tion morbifique de l'ame ; l'abondance ,
la chaleur , l'activité et l'acrimonie du
sang , ainsi que la sensibilité nerveuse
plus ou moins grande sont les causes pré-
disposantes à cette maladie. Notre sensi-
bilité excitée , notre irritabilité provo-
quée par notre amour propre blessé , sont
les causes déterminantes de cette mala-
die , contre laquelle , une bonne éduca-
tion , l'habitude même de dompter nos
passions , ne peuvent pas toujours nous
prémunir.
L'habitude du bien - être est souvent
une source de colère : nous avons ob-
servé que ceux qui n'ont pas encore
éprouvé de grandes contrariétés , et qui
faute de ce moyen ne sont pas habitués
à réprimer les mouvemens d'impatience ,
sont plus enclins à la colère que les autres ,
( 326 )
spécialement quand la fortune et la pros-
périté ont encore augmenté la vanité si
naturelle à l'homme.
Tout ce qui nuit à l'ame , ou blesse
l'amour propre , provoque facilement la
colère , et la pousse jusqu'à la fureur dans
les tempéramens bouillans ; tandis que les
mêmes événemens excitent à peine quel-
qu'impatience et ne font éprouver que
de légères contrariétés aux tempéramens
phlegmatiques , acquis comme nous ve-
nons de le dire.
L'homme naturellement et sans cesse
occupé de sa conservation et de son
bonheur , est forcé par son organisation
de repousser tout ce qui peut l'empêcher
d'être heureux , comme ce qui peut nuire
à son existence ; il ne dépend done pas
de lui d'avoir ou de ne pas avoir de la
colère quand il trouve des obstacles qui
viennent contrarier ses desirs ; car les dis-
positions à cette maladie sont innées avec
lui et font la partic essentielle des tem-
péramens que nous avons signalés être
plus disposés à cette maladic les
que
( 527 )
autres ; mais ce qui dépend de l'homme
raisonnable est de réprimer la colère.
SOCRATE s'étant un jour abandonné à
la colère que lui avait occasionnée la
faute d'un de ses esclaves , ordonna au
coupable de déposer sa tunique et de
tendre ses épaules aux coups. Son bras
était levé ; il allait frapper , lorsque s'a-
percevant qu'il était en colère , il resta
immobile , le bras toujours levé dans l'at
titude d'un homme prêt à frapper : Un
de ses amis survint et lui demanda ce qu'il
faisait. « Je punis , dit-il , un furieux. » Il
en coûtera sans doute beaucoup les pre-
mières fois pour réprimer et contenir la
colère , comme le fit Socrate ; mais on se
trouvera très-heureux d'avoir combattu ,
et la victoire deviendra par la suite plus
facile .
Des Effets de la Colère.
Selon Sénèque , nul fléau n'a fait au-
tant de mal au genre humain que la
( 328 )
colère ; « elle a , dit- il , souvent occasionné
des meurtres , des empoisonnemens , des
incendies. » Nous lui accordons que la
colère a occasionné des meurtres car
toutefois qu'un homme emporté par
cette fureur n'a pas tué l'auteur de cette
colère , c'est qu'il ne l'a pu , ou que la
raison est venue assez tôt à son secours :
Mais que la colère ait produit des em-
poisonnemens , des incendies qui n'ont
pas été bornés à des villes seulement ,
et qui se sont étendus à des contrées ,
à des provinces ; qu'elle ait produit la
destruction de nations entières ; enfin
qu'elle ait été la source de toutes les
guerres , comme il le prétend ; c'est ce
que nous ne pouvons lui accorder , parce
que ce n'est plus la colère qui agit alors ,
mais une véritable passion , qui , pour
être moins hideuse que la colère , n'en est
que plus détestable et plus dangereuse ,
puisqu'elle agit avec réflexion .
« L'exécrable passion que nous signa-
lons , est la vengeance que l'on nour-
rit quelquefois long- temps avant de la
( 529 )
mettre à exécution . Cette passion est d'au-
tant plus pernicieuse pour la santé de ceux
qui en sont animés , qu'elle occupe l'ame
jour et nuit , et qu'elle la tient dans l'in-
certitude du succès de leurs entreprises ;
elle suspend une partie des secrétions par
la perplexité où elle tient l'ame vicieuse
qui en prémédite l'exécution .
>> Cette passion est très-dangereuse à
la société , puisque de particulier à par-
ticulier elle provoque le duel; souvent
elle agit dans l'ombre et produit l'assasi-
nat ou l'empoisonnement ; elle diffère
d'autant plus de la colère , que son agent
prend toutes les précautions qui sont en
son pouvoir pour n'être pas découvert et
pour éviter tout danger : tandis que la
colère entraîne souvent dans le même
précipice celui qui en est possédé , comme .
celui qui en est l'objet ; car l'homme co-
lère ne voit pas le danger qu'il court : ce
qui fait confondre la colère avec le desir
est que l'une marche
de la vengeance , est
rarement sans l'autre.
» La colère étant une impétuosité , un
( 330 )
soulèvement , une révolte de l'ame provo-
quée par le mal qu'on lui a fait , ou voulu
faire , il est évident que cet état , quoique
inhérent à la constitution humaine , est un
état contre nature , et qu'il n'est nulle-
ment à la disposition de l'homme. Pour
qu'elle ait lieu , il faut que certains or-
ganes , certaines fibres nerveuses et mo-
trices soient émus et ébranlés jusqu'à
l'irritation ; conséquemment elle n'est pas
une passion , mais une maladie de l'ame.
» HORACE a dit : Ira furor brevis est.
» La colère n'est qu'une fureur passagère.
>>>La colère est tellement une fureur, une
maladie de l'ame qui devient si grave et si
sérieuse chez certains individus , quand
elle ne les tue pas , que celui qui en est
fortement atteint déchire et met en piè-
ces son semblable ; qu'il est prêt à s'en-
sevelir sous les ruines dont il veut cou-
vrir son ennemi , et que souvent il se tue
lui-même .
» La colère est tellement une maladie
( 331 )
de l'ame , qu'elle nous prive de la série
de nos idées , qu'elle éteint toutes les
autres passions qui pourraient y apporter
un frein ; elle anéantit l'amour même le
plus fort ; car on a vu de ces furieux
percer le sein de l'objet qui leur était le
plus cher , ensuite se poignarder et ex-
pirer dans leurs bras.
» La colère est tellement une maladie
de l'ame qui lui fait perdre la raison par
la concentration des fluides qu'elle dé-
termine au cerveau , qu'elle produit la
folie , autre maladie de l'ame souvent plus
douce et plus paisible que la colère ,
selon le tempérament de l'individu dont
elle s'est emparé , comme aussi suivant la
cause qui l'a déterminée.
» Nous regardons la colère comme une
folie , au point que nous nous affec-
tons peu des injures que nous adresse un
homme colère pendant la durée de son
accès.
» Nous reconnaissons deux espèces de
folie , l'une tient ordinairement les sujets
qui en sont attaqués dans un abattement
( 332 )
qui ressemble beaucoup à la stupidité ,
l'autre les met dans une agitation extrême.
La folie qui a pour principe un accès de
colère est toujours plus dangereuse ; c'est
une frénésie qui fait que ces malheureux
ne respirent que vengeance .
>> La colère, cette fureur passagère, dont
la faible constitution de la femme devrait
la préserver , se manifeste cependant avec
autant d'excès chez quelques-unes d'en-
tr'elles , que chez les hommes. La femme
assez douce , assez maîtresse d'elle-même
pour se contenir lorsqu'on a provoqué
son irritabilité , n'en éprouve pas moins
le spasme , la convulsion , et souvent l'éva-
nouissement , parce qu'elle a reçu la com-
motion.
>>
La colère pendant la menstruation ou
l'écoulement des règles , est encore plus
dangereuse pour le sexe , qu'en tout autre
temps , parce qu'elle arrête et qu'elle peut
supprimer cette évacuation si nécessaire
à la santé de la femme , et lui occasionner
le crachement de sang , quelquefois même
l'épilepsie. Quand le ventre se contracte
( 333 )
et que le spasme s'empare de l'utérus ,
elle produit les convulsions que nous ap-
pelons histérico-spasmodiques : d'autres
fois elle provoque une hémorragie- uté-
rine , non- seulement fâcheuse pour le
moment , mais par sa durée et ses suites ;
car nous savons à n'en pouvoir douter ,
que chez la femme agitée d'un violent
accès de colère , l'utérus prend un degré
extrême de sensibilité et d'irritation .
Chez les femmes âgées elle peut rap-
peler l'évacuation qui , de droit , ne peut
plus exister sans de grands inconvéniens
et sans compromettre leur santé . Pendant
les couches la colère est presque toujours
mortelle si on ne remédie promptement
au spasme , à la dyspnée et à la suffo-
cation qui en sont la suite.
>>> La colère conduit à la mort quand elle
est subitement provoquée ; ce qui l'em-
pêche souvent , est l'hémorragie qu'elle
procure par le nez , les oreilles , et quel-
quefois par les
yeux . Il n'en est pas de
même de celle qui monte par degrés ; mais
l'une et l'autre sont très- nuisibles à la
( 334 )
santé , suivant les différentes circonstances
où on se trouve : elle est généralement
funeste à toutes les personnes âgées. >
»
Sénèque dit : « La colère a conduit
Ajax à lafolie, et la folie le conduisit
à la mort. »
Nous avons détaillé les effets de cette
maladie dangereuse au moral comme au
physique , afin qu'on cherche à l'éviter ;
car tous tant que nous sommes nous y
avons des dispositions plus ou moins fortes
dès l'origine , puisque l'enfance en est at-
teinte. Nulle nation n'en est exempte ,
pas même celles qui naissent sous la zone
glaciale : on a observé seulement que
celles qui vivent sous la zone torride
étant plus énervées > ont une colère
moins forte que sous les autres zones ;
ce qui nous confirme que cette maladie
est inhérente à l'humanité et qu'elle tient
à l'irritabilité plus ou moins grande de
son système nerveux.
( 335 )
Procédés moraux pour réprimer la
Colère.
L'homme raisonnable vient à bout de
tout ce qu'il entreprend ; ainsi quand il
le voudra bien sincèrement , il retiendra
ou répriméra la colère , quoique le pre-
mier mouvement ne dépende pas de lui.
Pour parvenir à réprimer et contenir
la colère quand l'offense n'est point im-
médiate , il ne faut point ajouter foi aux
délations ; il est d'absolue nécessité de se
tenir en garde contre une des faiblesses
très-ordinaires à l'humanité , qui est de
croire trop aisément ce qu'on n'entend
qu'à regret ; il faut encore douter de
l'offense et prendre le temps de réfléchir
1 et de méditer sur le procédé qui nous
affecte , sur la qualité et la moralité de
l'individu par lequel on se croit offensé.
En général un des grands torts est de ne
pas examiner l'intention de l'adversaire.
Les délations de ceux que nous re-
gardons comme nos amis excitent notre
( 336 )
colère ; mais souvent aussi de simples
soupçons , un geste , un ton , mal inter
prétés par notre vanité , provoquent cette
colère il faut donc nous abstenir de tout
soupçon et ne pas chercher à connaître
qui a voulu nous offenser , quand nous
sommes assez heureux de l'ignorer.
Il est bon d'admirer et suivre la mo-
dération de Jules- César après sa victoire :
ce général ayant intercepté des lettres
adressées à Pompée , les brûla sans les
ouvrir pour éviter l'occasion de se lais-
ser aller à la colère , et crut que la ma-
nière la plus certaine de pardonner , était
d'ignorer les coupables.
Les plus grands préservatifs de la co-
lère sont le dédain , la plaisanterie
l'ironie même , et mieux encore le délai ,
qui laisse à la première fougue , au pre-
mier emportement le temps de s'appai-
ser et souvent de s'anéantir. N'exigez pas
de l'homme en colère , qu'il pardonne ,
mais obtenez qu'il juge de la gràvité de
l'offense ; s'il consent à différer , sa colère
se passera.
C'est
( 337 )
C'est sur le délai qu'est fondé le conseil
qu'Athénodore , philosophe de Trace ,
précepteur d'Auguste , donna à ce prince
quand il fut Empereur.
AUGUSTE lui avait demandé quelques
avis utiles pour sa conduite ; le philoso-
phe lui dit : CESAR , lorsque vous éprou-
verez le plus léger mouvement de colère ,
récitez les vingt-quatre lettres de l'alpha-
bet avant de parler et d'agir. Auguste
fut si content de ce conseil , qu'il en re-
tint auprès de lui l'auteur , en lui disant
qu'il avait encore besoin de ses leçons.
SÉNÈQUE dit qu'il est très-certain que
cet Empereur témoigna toujours à Athé-
nodore une estime , une déférence et
une amitié qui honorent également le
disciple et le maître ; il le respectait
comme son propre père et souffrait ses
réprimandes avec une bonté singulière.
Nous croyons même que peu de sou-
verains auraient reçu , aussi patiemment
que lui , la leçon hardie que ce philo-
sophe lui donna dans une circonstance
où les hommes ordinaires sont natureile-
Y
( 338 )
ment peu disposés à en recevoir. Voici
le fait :
AUGUSTE aimait passionnément les fem-
mes ; il n'était arrêté dans ses desirs par
aucune considération d'équité , ni de bien-
séance , ni de prudence ; il faisait venir
chez lui , assez publiquement , celles
qui avaient pu lui plaire , même sans le
vouloir.
ATHÉNODORE étant allé voir un séna-
teur de ses amis , le trouva plongé dans
la tristesse et sa femme baignée de lar-
mes ; il leur demanda la cause de leur
chagrin. Ma femme , lui dit le sénateur ,
est la malheureuse victime que l'Empe-
reur sacrifie aujourd'hui à sa passion.
ATHÉNODORE les rassure , les console
l'un et l'autre et leur promet sur-tout de
réprimer l'intémpérance d'Auguste . A
l'instant même il se saisit d'un poignard ,
entre ainsi armé dans une litière cou-,
verte et se fait porter jusque dans l'ap-
partement de l'Empereur. Le prince im-
patient de jouir de l'objet de ses desirs ,
découvre la litière avec l'empressement
( 339 )
d'un amant passionné ; alors Athénodore
en sort brusquement le poignard à la
main : voyez , lui dit- il , à quoi vous vous
exposez ; un mari au désespoir ne peut-il
pas user de ce stratagême pour laver dans
votre sang la honte que vous lui prépariez.
AUGUSTE , bien loin d'être blessé de la
hardiesse d'Athénodore , le remercia de
la leçon , lui promit d'être à l'avenir plus
circonspect , plus décent et sur-tout moins
tyrannique : ce qu'il y a de plus impor-
tant à savoir , est qu'il lui tint parole.
Nous avons lieu de croire que c'est
aux leçons de ce philosophe , que l'Em-
pereur Auguste dut l'amélioration de son
caractère et de sa conduite , qui firent de
la fin de son règne , celui d'un assez bon
prince.
Que l'on ne dise donc plus que les
philosophes ne servent à rien. On leur
reproche de ne pas faire tout ce qu'ils
conseillent ; ce reproche est fondé , parce
qu'ils sont hommes , et que pour être
moins vicieux que les autres , ils ne sont
pas exempts de faiblesses et de défauts ;
Y 2
( 340 )
mais quoiqu'ils n'exécutent pas tous leurs
préceptes , ils sont néanmoins très -utiles
par les vertus sociales dont ils nous don-
nent l'exemple , et en développant l'avan-
tage qui résulte de celles qu'ils ne font
que préconiser.
PLUTARQUE observe qu'il est intéres-
sant que les princes vivent et conversent
souvent avec de vrais philosophes , parce
qu'ils les rendent plus justes , plus mo-
dérés , plus humains , et qu'ils augmen-
tent leur bienfaisance. Le trait qu'on vient
de lire et les vies de Trajan , des deux
Antonins et de Julien , sont de bonnes
preuves de cette vérité.
Réprimander un homme irrité , ou op-
poser de la colère à la colère , c'est l'ani-
mer davantage ; il faut toujours le prendre
par des manières douces , et presque lui
donner raison , à moins qu'on ne soit un
personnage assez puissant pour lui en im-
poser et l'arrêter tout d'un coup : le seul
cas où on puisse le traiter durement , est
celui où on peut l'attaquer avec une
grande supériorité.
( 341 )
L'orgueil contre l'orgueil se débat et fulmine;
L'humeur contre l'humeur et s'aigrit et s'obstine.
Entre ces fiers rivaux la paix ne peut régner;
Le méchant au méchant doit toujours répugner ;
L'être bon qui les voit , les plaint et les tolère ,
Sa vertu les reprend , et non pas sa colère.
C'est la manière de supporter l'offense
qui l'anéantit ou lui donne de la valeur.
Nous avons admiré et nous admirerons ,
pendant toute notre vie , la réponse d'un
homme de notre connaissance à qui un
soi- disant ami donnait des avertissemens
sur la conduite de sa femme , et qui
poussa l'impudeur jusqu'à lui proposer
des preuves irrécusables. Mon cher ami
lui répondit-il , si ces actions ne leur
font pas plus de plaisirs qu'elles ne
me causent de chagrin , je les plains
bien sincèrement.
Nous regardons comme un grand
bonheur , comme un souverain bien , de
pouvoir éviter la colère , parce qu'in-
dépendamment de ce que nous nous met-
tons à l'abri du mal physique qu'elle pro-
duit , nous évitons encore les vices et les
crimes qu'elle entraîne par le desir de la
( 342 )
vengeance qui tourmente beaucoup et fait
perdre le repos. Le ressentiment d'une
injure , d'une injustice , expose à en rece-
voir d'autres . Nous sommes tous méchans ,
ainsi soyons tolérans les uns les autres ;
méchans nous-mêmes , sachons vivre avec
des méchans. Regardons comme folie
toute colère , et gardons-nous des gens
qui y sont sujets ; évitons toutes discus-
sions avec eux , et préservons-nous nous-
mêmes des accès de cette horrible mala-
die qui tient à la constitution et au tem-
pérament.
Remèdes contre la Colère.
Comme les orages sont précédés de
quelques indices , de même la colère ,
cette tempête de l'ame , a aussi ses avant-
coureurs. Une espèce de mal-aise géné-
ral, un genre d'inquiétude sans causes con-
nues , provenant de la pléthore sanguine ,
est un indice spécial ; le spasme qu'oc-
casionne la trop grande quantité de sang,
et l'impatience qui en est la suite sont
deux autres symptômes de cette maladie,
dont les principes existent plus dans la
( 343 )
chaleur , l'abondance , l'activité , l'acri-
monie du sang , dans la tension et l'irri-
tabilité de la fibre nerveuse , que dans la
bile , quoi qu'en aient dit nos anciens.
Les personnes qui se trouvent avoir
une partie des dispositions ci-dessus énon-
cées , doivent prendre un régime doux ,
humectant , tempérant , et éviter la plé-
thore sanguine en se faisant tirer de temps
à autre quelques onces de sang ; ils doi-
vent boire peu de vin et s'abstenir de li-
queurs fortes. Plus sagement encore , ils
feront un fréquent usage de petit-lait ,
d'orgeat , d'eau de veau ou de poulet ,
ou de la boisson suivante qu'ils pourront
composer eux-mêmes , à défaut de petit-
lait naturel.
P. Sel de lait , deux gros ;
Gomme arabique , demi-gros ;
Sucre , une once ;
Fondez le tout dans une pinte d'eau .
Dans les momens où on éprouvera de
l'impatience , symptôme du spasme qui
dispose à la colère , il sera prudent et
même nécessaire de prendre un ou deux
( 344 )
gros de sirop de diacode , spécialement
lorsqu'on aura quelque affaire d'intérêt à
discuter ( 1 ) . Par cette précaution on évi-
tera la colère que les chicanes des parties
adverses peuvent susciter ; conservant
son sang - froid on aura l'avantage de
mieux défendre et stipuler ses droits.
Nous pouvons donc affirmer que la na
ture du tempérament primitif ou acquis,
tire son origine de la qualité du sang, de
la plus ou moins grande irritabilité de la
fibre nerveuse ; que les mouvemens dų
sang règlent les mouvemens de l'ame , et
que le pouvoir des tempéramens s'étend
sur les mœurs. Nous avons déjà prouvé
que l'hygiène bien appropriée peut modi
fier et même changer tout tempérament :
de-là il est aisé de concevoir l'efficacité
des moyens que nous proposons pour
éviter la colère , ou au moins la contenir et
la modérer , lorsqu'on ne voudra pas chan:
ger son tempérament,
(1 ) Il faut avoir l'attention de ne pas prendre
ce remède quand on a des alimens solides dans
l'estomac, parce qu'il en suspendrait la digestion.
( 345 )
CHAPITRE VIII.
De l'Ennui,
L'AME est encore sujette à cette funeste.
maladie, qui, par unevie pénible et malheu-
reuse , conduit la vieillesse au tombeau.
L'ennui , cette maladie de l'ame qui
accable si fréquemment les heureux de ce
monde , n'est que l'absence des sensations
qui nous font aimer notre existence. Nos
sens sont l'organe du plaisir , comme de
la douleur ; mais c'est par l'ame que les
peines et les chagrins nous affectent et
qu'ils influent d'une manière spéciale sur
notre physique,
Le plaisir , à ce que l'on croit commu-
nément , est la source du bonheur. Ceux
qui pensent ainsi , voulant se rendre les
plus heureux possibles , vivent des leur
( 346 )
jeunesse dans le tourbillon du grand monde
et se livrent à tous les genres de plaisirs ;
ils fatiguent immodérément leurs sens , et
finissent par les émousser tellement , qu'à
trente ans ils ne reçoivent plus que de très-
faibles émotions par des objets semblables
à ceux qui les avaient tant et si souvent
électrisés ; il en est de même pour le moral.
Lorsque les sens trop fatigués ont perdu
le sentiment , la saciété survient ; elle fait
d'un homme , une espèce d'automate am-
bulant , qui , portant par-tout son ennui ,
ne se trouve bien nulle part ;
Les esprits ennuyés sont toujours ennuyeux .
Ce sont là ces brouillards et ces fléaux des Cieux,
Qui , pareils à la peste , à la faim , à la guerre ,
Étouffent les plaisirs qui germent sur la Terre :
Êtres non moins à charge à l'humaine raison ,
Que ne l'est aux guérets le nuisible chardon :
Cette plante maudite en pompe la substance.
Tel l'oisif surchargé, las de son existence ,
A tout ce qui l'entoure en fait porter le poids.*
Cet homme finit par reconnaître qu'il
( 347 )
n'y a que frivolité dans ses amis , qu'in-
sipidité dans leur société , que bonheur
chimérique dans leurs tendres engagemens
et précieuses liaisons ; il conçoit enfin que
s'il est une saison de la vie où on ne con-
naît que les ris et les jeux de l'amour , il
en survient une autre où les chagrins et
le repentir qui marchent à leur suite , se
montrent avec toute leur austérité. Alors
il tombe dans le dégoût de ce genre de
vie , il s'en retire brusquement et l'ennui
s'empare de son ame qui ne croit plus
trouver le bonheur que dans l'abandon
absolu de la société ; car cette espèce
d'homme va toujours d'un excès à un
autre ; mais elle ne tarde pas à éprouver
la vérité du principe que nous avons éta-
bli. Il est toujours dangereux de pas-
ser subitement d'un état à un autre.
Notre homme blasé et ennuyé de tout ,
abandonne la ville pour goûter les dou
ceurs de la vie champêtre. Ce parti , tout
beau et précieux qu'il est , lorsqu'on ne
s'y tient que par intervalle , tourne en-
core contre celui qui prend la résolution
( 348 )
d'y prolonger son séjour , parce que l'ima
gination manquant d'alimens nouveaux
et étrangers , le ramène toujours sur lui
même ; de-là l'ennui , les vapeurs , les
noirs fantômes qu'elles enfantent , puis
le défaut des secrétions et d'excrétions
qui en sont la suite , et enfin le besoin
du Médecin.! å for Las i
D'après ces connaissances ; nous con →
cluons que la solitude champêtre ne con-
vient point à un être que poursuit l'ennui
et souvent le regret que procure une vie
passée dans la mollesse et l'oisiveté ; nous
lui disons donc :
Vois notre villageois , observe sa pratique ,
C'est un traité moral vivant et pathétique.
Jamais desir, chez lui , ne prévient le besoin ,
Ne trompe la Nature et ne s'étend plus loin .
Il est franc , ingénu , sain , tempérant et chaste ,
Conséquent sans logique , estimable sans faste.
Quel esclave du luxe , en méditant sur soi ,
Quel docteur lui dirait : Je suis meilleur que toi !
L'ennui ne l'atteint pas , tout excès le révolte ;
Il n'est ambitieux que des fruits qu'il récolte ;
Ses jours et ses penchans sont réglés au compas ;
Il se plaît dans sa sphère et ne la franchit pas.
( 349 )
Mais la retraite à la campagne est le
vrai lot d'une tête bien meublée , ou de la
vieillesse qui saura se suffire , en recou-
rant à la réflexion , en descendant dans
son cœur, sans crainte d'y gagner du mé-
pris pour son existence passée, et qui saura
déployer toutes les forces d'esprit qui lui
restent , ou enfin à celui qui ne devant
plus s'occuper que de la conservation de
sa santé , a besoin d'une retraite douce
et agréable qui lui fasse goûter le plaisir
des bonnes actions qu'il aura faites et de
celles qu'il fera , si la fortune lui permet
encore d'exercer sa bienfaisance ; car le
vrai bonheur est le fruit du bonheur qu'on
répand : alors il sera dédommagé de l'aban-
don et de l'oubli de la société qu'occa-
sionne son grand âge.
Le vrai préservatif de l'ennui est le
travail et la jouissance de la société tran-
quille ; ainsi donc l'homme doit travail-
ler de corps ou d'esprit , parce que le
travail qui n'est point forcé est le véhi-
cule de la santé et des plaisirs , le gardien
des mœurs , le conservateur de la fortune ,
( 350 )
car l'homme oisif dépense plus en fantai-
sies , que celui qui est occupé ; d'ailleurs
le travail est l'acquit des devoirs envers
la société.
Si l'espèce d'hommes que nous venons
de signaler était sage , elle profiterait de
l'amortissement des sensations qui pro-
cure de grands avantages pour mener une
vie heureuse ; parce que des passions
douces font rechercher une société calme
qui produit plus d'aménité dans les mœurs
et beaucoup de petites jouissances qui
ne nous usent pas , comme les grandes
agitations , l'enthousiasme et les senti-
mens exaltés que l'on éprouve souvent
dans le grand monde.
Lecteurs , vous devez bien vous con-
vaincre maintenant qu'une longue vie
sans infirmité , est le fruit de la tempé→
rance en tous genres ; parce que le prin-
cipe conservateur de l'homme étant le
. même que celui de sa destruction , qui
est le mouvement , il s'ensuit de -là que
plus les mouvemens sont rapides et pré-
cipités , plus ils nous usent promptement;
( 351 )
et qu'au contraire la nature n'éprouvant
aucune grande crise , les mouvemens se
faisant avec aisance et douceur , ceux du
cœur et de tout le système vasculaire
étant moins précipités , conduisent plus
lentement toutes ces parties à l'état carti-
lagineux , source de mort dans ces or-
ganes.
Nous ne pouvons nous empêcher d'ob-
server ici , que la grande activité physi-
que et morale qu'a produit notre révo-
lution , que la tendance continuelle vers
de nouvelles spéculations , de nouveaux
plans , de nouvelles entreprises , qui s'est
emparée de la majorité de la Nation ,
jointe à celle que la multiplicité de nos
besoins a enfantée , pour satisfaire à un
nouveau luxe , finira par détruire tout
repos et tranquillité d'ame , qu'elle em-
pêche la restauration du physique et ac-
célère , d'une manière effrayante , la con-
sommation du fluide vital , et que pour
peu qu'elle continue , la génération ac-
tuelle ne pourra vieillir , ou elle sera in-
firme de bonne heure.
( 35 )
Vous avez vu que beaucoup de pro-
cédés font perdre la santé , tandis que
trois seulement peuvent la conserver ,
savoir , la sobriété , l'exercice modéré et
la continence. Cette vertu nous fait ré-
primer non- seulement les desirs immodé-
rés de l'ame , mais encore les plaisirs per-
mis ; elle est d'autant plus nécessaire
que la sagesse même a quelquefois ses
excès qu'il faut aussi réprimer ; car il
est des bornes posées par la nature pour
toutes choses , au-delà desquelles il n'y
a plus de vertus.
QUATRIÈME
( 353 )
QUATRIÈME PARTIE.
MÉDECINE PROPHYLACTIQUE ,
Ou des soins que nous devons à la
Vieillesse , pour la préserver des
Maladies.
I'EXPÉRIENCE journalière nous prouve
qu'il est plus facile de prévenir les maux
que de les guérir ; et quoique l'Art de
conserver la santé soit une espèce de
Médecine prophylactique , il y a cepen-
dant des circonstances où ce genre n'est
pas suffisant pour éviter un échec à la
santé. C'est toujours d'après le père de
no re Médecine que nous vous parle-
rons; et quoique l'on dise communément
qu'Hippocrate dit oui , et Gallien dit non,
ils sont cependant toujours du même sen-
timent, excepté dans le conseil suivant :
2
( 554 )
Le premier dit : « La pesanteur de tête
et des membres , les lassitudes dont on
ignore la cause , sont des avant-coureurs de
quelque maladie : mais d'où viennent ces
pesanteurs et ces lassitudes, si ce n'est d'hu-
meurs qui s'opposent à quelque secré-
tion ? En vain on croit s'en guérir à force
de manger et boire ; il n'y a que l'absti-
nence qui puisse en débarrasser. »
Le second dit : « Un homme est dans
un état mitoyen , c'est - à - dire entre la
santé et la maladie , lorsqu'il est affecté
de quelque indisposition , sans être obligé
de garder le lit , mais qui cependant l'ar-
rête et l'empêche de vaquer à ses affaires
aussi facilement que de coutume . Par
exemple , un mal de tête , de la lassitude ,
de la pesanteur , de l'assoupissement , de
l'altération , une alternative de froid et de
chaud , sont des symptômes d'une pro-
chaine maladie.
>>Quand l'un ou l'autre de ces accidens ,
et spécialement quand plusieurs existent ,
il ne faut pas attendre que la maladie soit
complettement arrivée ; l'homme prudent
doit en rechercher la cause pour en faire
( 355 )
cesser l'effet et empêcher les suites qui
peuvent devenir graves. »
GALLIEN dit encore : « Si la source du
mal est dans une plénitude ou un amas de
crudité , on se tiendra chaudement , on
boira un peu de vin pour fortifier l'es-
tomac. » Hippocrate dit , au contraire :
« Il n'y a que l'abstinence qui puisse en
débarrasser. » Voilà la différence des opi-
nions de ces deux grands -hommes , et dans
cette circonstance seulement; car, en toutes
autres , ils sont parfaitement d'accord.
Nous croyons effectivement que Gallien
va un peu trop vîte dans ce cas ; car le
vin , dans un pareil état , produirait l'oxi-
regmie. L'expérience nous a démontré
qu'il faut avant de faire usage du vin pour
fortifier l'estomac , comme il le dit , boire
des délayans pour le débarrasser des cru-
dités qu'il contient , et employer les lave-
mens pour entraîner les matières alvines .
Si cet amas de crudité est ancien , et que
l'on ait eu de fréquentes dyspepsies , il faut
avoir recours à un léger purgatif , après
lequel on prendra pendant quelques jours ,
Z 2
( 356 )
à jeûn , une infusion de racine de pa-
tience , ou d'écorce du Pérou , ou même
de rhubarbe , pour rétablir le ton de l'es-
tomac , et donner au suc gastrique les
qualités nécessaires à la bonne digestion .
Les vieillards pituiteux feront parfaite-
ment bien de se mettre à l'usage du vin
anti-scorbutique pendant dix ou douze
jours de suite.
En général , dit encore Gallien , il faut
opposer aux principes des maux qui nous
affectent , et dont nous voulons prévenir
les suites , des moyens propres à produire
des effets contraires à ceux des causes qui
les ont occasionnés.
BOERRHAAVE dit aussi : On prévient
les maux en s'opposant à leurs causes dès
qu'on en aperçoit les premiers symp-
tômes , et voici les préservatifs qu'il faut
y opposer: l'abstinence, le repos , l'eau
chaude bue abondamment , ensuite un
exercice modéré, mais continué jusqu'à
la sueur , et enfin le sommeil dans un lit
où on se fera bien couvrir : ces moyens
sont ceux de délayer les humeurs épaisses
et de se débarrasser des nuisibles .
( 357 )
Si les incommodités qu'on éprouve ne
cèdent pas à ces procédés , elles sont plus
graves qu'elles ne le paraissent et exigent
des secours plus actifs , suivant l'âge et
la circonstance où on se trouve ; mais
pour n'avoir rien à se reprocher , et ne
pas faire un remède contraire à la ma-
ladie , nous conseillons aux personnes
ainsi incommodées de se remettre entre
les mains d'un Médecin d'expérience , à
qui elles feront l'aveu de leurs fautes com-
mises dans le régime .
Pour se préserver des maladies , spécia-
lement quand on arrive à un certain âge ,
il faut s'assujettir à un régime qui , en été ,
doit être léger , émollient et laxatif ; en
conséquence , il faut se nourrir plus de
légumes , de laitage , de bouillons aux
herbes , que de viande ; on peut y joindre
l'usage des fruits légèrement acides , mais
en parfaite maturité ; il faut boire beau-
coup d'eau , et souvent une limonade lé-
gère , ne faire qu'un exercice modéré le
matin et le soir , si on habite un pays
chaud. En hiver , la nourriture doit être
solide , succulente ; il faut manger plus
1
( 358 )
de viande , et les gens âgés doivent pré-
férer le mouton au veau , et toute viande
noire à la blanche ; ils doivent boire plus
de vin que pendant l'été , et faire de l'exer-
cice avant leur diner. Au printemps et à
l'automne le régime doit être modifié , de
manière qu'ils tiennent à peu près le mi-
lieu entre les deux autres manières de
vivre : il faut sur- tout se souvenir qu'il
est dangereux de renoncer subitement à
une habitude , comme d'en contracter trop
rapidement une nouvelle ; il faut en tout,
quand on le peut , ne jamais passer subi-
tement d'un état à un autre ; c'est la loi
de la nature qui ne va jamais que gra-
duellement dans tout ce qu'elle opère.
L'expérience nous a évidemment dé-
montré que le rétablissement de la santé
dépend des secours que la Médecine prête
à la nature , et que l'oubli ou la négligence
de ces moyens cause et aggrave des ma-
ladies qui conduisent plus rapidement
à une mort douloureuse et prématurée ,
que l'intervention d'un Médecin , comme
le disent des gens inconsidérés ,
( 359 )
CINQUIÈME PARTIE.
DE LA THÉRAPEUTIQUE ,
OU
De la Médecine curative des Maladies
les plus ordinaires à la Vieillesse .
Les maladies qui affligent plus commu-
nément la vieillesse , sont la dyspnée , les
catarrhes , accompagnés de toux , la stran-
gurie , la dysurie , l'hiscurie, le diabette ,
les écoulemens par les yeux et les
oreilles , l'hydropisie , les vertiges , l'a-
poplexie et l'ulcère de l'utérus chez les
.femmes.
Une grande partie de ces maladies ont
leur source dans l'intérieur et ont une
sorte d'analogie dans leurs principes avec
( 360 )
celles des enfans , puisque c'est la partie
muqueuse , mal élaborée , qui est la source
des maladies de la vieillesse , parce que
ce mucus , extrait des alimens , devient
trop épais , prend de l'acrimonie chez les
vieillards ; tandis que dans l'enfance ce
mucus étant plus doux , sert au dévelop-
pement et accroissement de l'individu , et
diminue en proportion de l'accroissement
de ses forces et de l'augmentation de sa
chaleur , et qu'il ne le rend malade qu'au-
tant qu'il est trop abondant et qu'il sur-
charge les organes destinés à son élabo-
ration.
Règles générales à observer dans le
Traitement des Maladies de la Vieil
lesse.
Nous sommes bien convaincus que le
même mode de Médecine ne peut con-
venir à tous les âges , et que chaque pé→
riode de la vie exige son traitement par¬
ticulier.
Quoique les maladies qui attaquent la
( 361 )
jeunesse et la vieillesse portent toujours
les mêmes dénominations , les médica-
mens qui guérissaient dans le premier
âge , deviendraient souvent inutiles et
quelquefois nuisibles au dernier , attendu
la différence survenue dans les tempéra-
mens. L'enfance , par exemple , étant très-
sujette aux convulsions , a besoin de plus
de calmans que la vieillesse , à laquelle ils
sont communément dangereux. La jeu¬
nesse dont le sang est plus chaud , dont
les mouvemens sont plus rapides , et par
ces raisons plus disposées aux maladies
inflammatoires , exige plus de tempérans
et de rafraîchissans. Les cordiaux et les
restaurans , au contraire , deviennent d'ab-
solue nécessité dans la vieillesse , chez qui
la nature est plus lente et plus froide . Il
ne faut pas confondre l'irritation qui peut
survenir à cet âge avec l'inflammation.
Dans la vieillesse les mouvemens de la
nature se portent moins au dehors qu'au
dedans , et plus en bas qu'en haut ; les or-
ganes contenus dans le tronc sont le siège
le plus ordinaire des maladies des gens âgés,
( 362 )
Toutes leurs secrétions étant de beaucoup
diminuées , ainsi que la chaleur vitale
elles ont moins de facultés digestives ;
de-là leurs fréquentes dyspepsies et les
diarrhées auxquelles elles sont sujettes.
Ces diarrhées leur sont quelquefois uti-
les , car si le reflux des humeurs qui se
fait souvent à l'intérieur ne trouvait pas
facilement une voie pour s'écouler , ces
personnes seraient très-souvent malades
et obligées de passer le reste de leur vie
à se droguer. Nous concluons de-là qu'il
ne faut pas souvent arrêter ces diarrhées :
quand elles sont accompagnées de dou-
leurs , il faut s'appliquer à faire cesser
le spasme des intestins par des lavemens
émolliens et quelquefois narcotiques , en
y ajoutant une tête de pavot.
Dans ce cas les meilleures boissons sont
l'eau d'orge avec le sirop de gomme , ou
le lait coupé avec de l'eau , ce qui réussit
à de certains tempéramens dans le flux
dyssentéritique ; mais ce qui réussit en-
core mieux à tous les tempéramens , est
la composition suivante :
( 363 )
P. Sel ou Sucre de Lait , deux gros ;
Gomme arabique , demi-gros ;
Sucre ordinaire , une once ;
Le tout pour une pinte ou litre d'eau.
Les lavemens avec l'eau de graine de
lin , le bouillon de tripes ou de fraise de
veau sont encore de grands spécifiques
dans ces circonstances.
Quand le dévoiement est produit par
l'asthénie de l'estomac , et qu'il n'y a pas
d'irritation , le vin rouge bien sucré est
d'une grande ressource ; il y a même des
cas où nous faisons faire un lohoc avec
un jaune d'œuf , du sucre et du vin
de Malaga ou de Rota , que l'on prend
La men-
par cuillerée d'heure en heure.
the des jardins , où la véronique avec le
sirop de capillaire ou celui d'œillet font
une très-bonne boisson contre ce genre
d'asthénie.
Souvent des serviettes chaudes appli-
quées sur le ventre calment la colique et
arrêtent le dévoiement en rappelant à l'ex-
térieur l'action de l'intérieur ce petit
( 364 )
moyen réussit presque toujours quand les
douleurs de colique proviennent de la
répercussion que le froid occasionne ; car
on ne peut croire combien d'incommo-
dités et de maladies le froid fait éprouver
à la vieillesse : la preuve se tire des sai-
sons où les vieillards sont le plus souvent
malades ; ces saisons sont l'automne et
l'hiver , quelquefois le commencement
du printemps , parce qu'ils quittent trop
tôt les habits d'hiver et qu'ils ne se met-
tent pas en garde contre les variations
atmosphériques d'alors . A l'automne ils
quittent trop tard l'habillement d'été et
ne se garantissent pas des brouillards de
septembre et d'octobre .
Pendant ces deux mois il n'est pas rare
d'éprouver du froid matin et soir , tandis
que depuis dix heures jusqu'à quatre la
chaleur est ordinairement assez grande ;
mais comme la chaleur ne fait qu'incom-
moder , et que le froid rend malade , il
faut donc que les vieillards portent un
double vêtement le matin , et qu'ils le
reprennent au moment où le soleil est
( 365 )
prêt à quitter l'horizon : ce sont donc
des soins plutôt que des remèdes qu'il
faut à la vieillesse , à moins que ce nè
soit des diasostiques ou analeptiques ; en-
core faut- il en user avec modération ,
comme de toutes autres choses.
Il nous est démontré par l'expérience ,
que la réplétion du ventre est la cause
générale de toutes les maladies de la vieil-
lesse ; cette observation est bien fondée :
à cet âge on est aussi porté à l'intempé-
rance du manger que l'enfance. Cette ob-
servation n'est pas neuve , car elle n'avait
pas échappée à Hippocrate : ce grand ob-
servateur de la nature humaine , a dit de
plus , « que les maladies de cet âge avaient
une même marche , qu'il n'existe entr'elles
de différence que par la durée plus ou
moins longue , suivant le tempérament ,
mais qu'elles finissent de la même ma-
nière . »
Effectivement elles se terminent ordi-
nairement par une révolution critique qui
a été précédée de la coction de la matière
qui a causé la maladie , et qui détermine de
( 366 )
grandes sueurs et souvent un dévoiement ;
cette loi est commune aux maladies chro-
niques , comme aux aigues. Ce qui déter-
mine cette coction est la fièvre qu'il faut
bien se garder de faire cesser trop promp-
tement ; quelques accès sont en général le
spécifique de cet état , et on ne guérit des
maladies chroniques que quand elles se
changent en aiguës ; parce qu'alors la
fièvre qui survient fait la coction de la
matière morbifique et la dispose à être
chassée par différens émonctoires. Tel est
l'effet des remèdes que l'expérience nous
a démontré convenir à la vieillesse . Quoi-
que la nature soit à cet âge moins disposée
auxgrands efforts qui sont nécessaires pour
guérir promptement , c'est un abus con-
damnable que de se servir indistinctement
de remèdes très -actifs dans le traitement
des maladies lentes de la vieillesse .
Les vieillards en général sont plus su-
jets à la pléthore humorale qu'à la san-
guine , parce que la nature est plus con-
centrée , qu'ils sont gros mangeurs , et
qu'ils ont la mauvaise habitude de ne
( 367 )
faire qu'un repas en vingt- quatre heures ,
ce qui surcharge l'estomac , produit de
fréquentes dyspepsies ; ils devraient au
contraire déjeûner légèrement pourse pro-
curer appétit pour dîner , et dîner assez
sobrement pour souper encore plus mo-
dérément . La vieillesse est sujette à la plé-
thore humorale , parce que les déperditions
par la peau sont moins fréquentes et moins
abondantes que dans le moyen âge , puis
que l'application de la partie muqueuse
qui se fait depuis long- temps , l'a rendue
moins perméable en obstruant une partie
de ses pores : voilà pourquoi les bains et
les frictions avec la flanelle sèche ou la
brosse sont si nécessaires à toutes les per-
sonnes âgées.
La partie muqueuse extraite des ali-
mens , par exemple , reste attachée à la
membrane interne des intestins ; et formant
des glaires qui la tapissent , obstrue une
portion des veines lactées , prive le sang
de la portion douce et mucillagineuse
qui doit lier ses autres parties, et fait qu'en
mengeant beaucoup , les vieillards sont
( 368 )
moins nourris ( 1 ). Ces causes jointes à la
roideur des différentes fibres , rendent les
maladies de la vieillesse plus longues et
plus difficiles à guérir ; le sang des vieil
lards reste plus chargé de parties terreu→
ses et salines , ce qui le rend acrimonieux :
de-là les pituites âcres , les catarrhes , les
fluxions de tous genres qu . assaillent la
vieillesse. Tous ces désordres de la dia-
these des vieillards sont l'effet de l'âge ,
• des passions , du défaut de soin à éviter
le froid et à entretenir les secrétions cu-
tanées , et souvent aussi de l'abus des
choses nécessaires à la vie.
Des Saignées.
La saignée est , sans contredit , un
excellent remède , quand on l'emploie à
propos , elle produit même quelquefois
des effets miraculeux ; mais il faut de
puissans motifs pour faire saigner un vieil-
lard , et de plus forts encore pour y
そ
(1) Il faut voir l'ouvrage du Docteur Doucin-
Dubreuil , Membre de plusieurs Sociétés Savantes.
revenir ,
( 369 )
revenir ; car après soixante-cinq ou six
ans , on a ordinairement plus besoin de
remèdes analeptiques qui soutiennent la
circulation , que de ceux qui l'affaiblis-
sent et la diminuent.
La saignée est bien indiquée dans toutes
les maladies inflammatoires ; mais la vieil-
lesse est si rarement dans ce cas , qu'elle
ne peut souvent avoir besoin de cette
évacuation ; car chez elle un point de
côté qui dans la jeunesse exigerait plu-
sieurs saignées , se dissipe sans ce moyen ,
ainsi qu'un mal de tête accompagné
d'enchifrenement ; une toux avec op-
pression même , peut se guérir plus fa-
cilement par des boissons diaphorétiques
qui établissent une abondante transpi-
ration , que par la saignée qui serait
aussi nuisible , qu'elle pourrait être avan-
tageuse à la jeunesse , en pareille cir- .
constanoe.
Dans tous ces cas , il faut savoir si le
malade était sujet à un flux hémorroïdal ,
et s'il y a long-temps qu'il n'a eu lieu ;
parce qu'alors quelques sangsues appli-
да
( 370 )
quées aux hémorroïdes procurant une
légère évacuation sanguine , et rétablis–
sant la marche de la nature , soulagent
d'abord , et souvent guérissent : voilà
le cas où l'évacuation sanguine est légi-
time après soixante ans . Cependant ,
comme il ne peut y avoir de traitement
général en raison de la diversité des tem-
péramens , que tel individu est souvent
plus vieux à soixante ans , que tel à autre
soixante et dix , il faut bien se mettre au ›
fait de la diathèse momentanée du malade
pour agir avec certitude du succès ; car
dans la crainte de saigner un vieillard , on
pourra le conduire à un état pire que
celui où on l'a trouvé : ainsi donc , point
de prévention pour ou contre la saignée,
c'est au Médecin prudent à tirer l'indi-
cation de ce moyen ou de tout autre ,
d'après l'analyse exacte de tous les symp-
tômes de la maladie .
Il est bien avéré , que la saignée du
bras ou du pied ne supplée pas plus à
la suppression du flux hémorroïdal , qu'à ‹
celle de l'évacuation menstruelle ; car tous
( 371 )
les accidens qui résultent de ces suppres-
sions ne cessent que quand ces évacua-
tions ont repris leur cours naturel ce
qui nous prouve qu'une saignée locale
est souvent plus éfficace que les autres .
Dans l'âge avancé la sanguification est
moins facile , non - seulement parce qu'il
y a moins de principe vital , moins d'ac
tion dans le système vasculaire ; mais en-
core parce que le collement et l'aggluti-
nation des faisceaux fibreux qui compo-
sent tous les tubes tous les vaisseaux
tant sanguins que lymphatiques existans
depuis long-temps , rendent leur réaction
sur les fluides moins facile et moins active.
Des Purgatifs et des Vomitifs.
Il y a beaucoup de dangers à admi-
nistrer des vomitifs aux vieillards ; on
ne doit les employer qu'avec une grande
circonspection , parce que leurs fibres
étant plus roides , ayant plus de consis-
tance et moins de sensibilité , il faut des
doses plus fortes pour les émouvoir.
Aa 2
( 372 )
Le vomissement chez les vieillards pa-
raît d'autant moins indiqué , qu'il semble
plus opposé à leur voie ordinaire d'ex-
crétion ; car ils sont , comme nous l'avons
déjà dit , assez sujets à des diarrhées ;
d'ailleurs beaucoup d'entr'eux sont affli-
gés de hernies inguinales , et beaucoup
de femmes d'hystérocèles , d'élytrocèles
ou d'exsomphales , incommodités aux-
quelles les vomissemens sont très-nuisi-
bles : il faut donc s'abstenir de ce moyen
violent d'évacuation.
Les purgatifs nous paraissent préféra-
bles , parce qu'ils déterminent le cours des
humeurs par les voies que la nature em-
ploie ordinairement à cette opération, d'où
l'on peut conclure que les purgatifs secon-
dant en quelque sorte les vues de la nature ,
ne peuvent préjudicier à la vieillesse ,
spécialement si on a soin de les propor-
tionner au tempérament , à l'âge et à la
circonstance. Il ne faut pas oublier que
tout vieillard a besoin d'être plus ou moins
soutenu , quand on ne le fortifie pas ; en
conséquence il faut combiner les purga-
( 373 )
tifs qu'on sera forcé de leur admiuistrer ,
de manière qu'ils ne soient pas irritans ,
et il faut les prendre dans la classe des
toniques.
Le sirop de chicorée composé dé rhu-
barbe , à la dose de trois ou quatre onces
étendues dans une verrée d'eau de ta-
marin , évacue passablement les glaires ,
parce que l'action de ce remède n'est
pas brusque , elle ne fait qu'éveiller et
solliciter celle des intestins . Il est des
eaux minérales qui conviennent à la
vieillesse , c'est aux Médecins à choisir
suivant la circonstance et les différens
tempéramens auxquels ils ont à faire. Ces
genres de purgatifs s'accordent avec la
marche de la nature qui est toujours lente
pendant la dernière période de la vie ;
d'ailleurs il est plus raisonnable d'aller
en tâtonnant avec la vieillesse , comme
avec l'enfance , que de la brusquer.
( 374 )
CHAPITRE PREMIER.
De la Dyspnée.
La dyspnée ou la difficulté de respirer
tient au défaut de ressort et d'élasticité
suffisante dans les systèmes vasculaires
des poumons , car ce viscère est com-
posé , indépendamment des vaisseaux sañ-
guins , d'un nombre considérable d'autres
tubes qui y distribuent l'air , et dont
l'élasticité est nécessaire à la libre res-
piration. Dans un âge avancé , ces tubes
appelés bronches ont , comme les au-
tres , subi un épaississement qui s'oppose
à leur facile réaction sur l'air , de-là vient
la dyspnée assez ordinaire à la vieillesse ;
mais en ne précipitant pas ses mouve-
mens , comme dans l'âge vigoureux , la
( 375 )
nature a le temps de produire les deux
mouvemens des poumons dont le premier
s'appelle inspiration , et le second expira-
tion . Alors la dyspnée n'a lieu que quand
l'air est trop épais , trop concentré ou
chargé de miasmes malfaisans , et ne de-
vient qu'une incommodité passagère qu'il
ne faut pas confondre avec l'asthme hu-
moral qui survient quelquefois aux per-
sonnes âgées et dont l'origine est l'épais-
sissement de la lymphe et l'abondance
des glaires dans les bronches. Ces mala-
dies attaquent plus particulièrement les
personnes d'un tempérament pituiteux
et qui font peu d'exercice. La saignée
ne convient point dans ce genre d'asthme
comme dans le convulsif où on est obligé
de la répéter suivant l'âge , les forces et
le tempérament du malade.
Pour faciliter l'expectoration dans
l'asthme humoral , il faut faire prendre
au malade les pilules suivantes , pour
fondre et diviser l'humeur gluante qui
obstrue pour ainsi dire la circulation de
l'air dans les poumons.
( 376 )
P. Aloës hépatique , un gros ;
Gomme ammoniaque , deux gros ;
Dissolvez dans suffisante quantité de
vinaigre cillitique ; ajoutez tartre vitriolé ,
quinze grains : faites du tout des pilules
de six grains chaque dont le malade pren.
dra deux le soir avant de se coucher,
Si le malade peut supporter le vomis-
sement , on lui donnera , après l'usage
de ces pilules , un vomitif composé
comme suit
P. Kermès minéral , deux grains , dis-
sous dans deux onces d'oximel cilliti-
que , à prendre dans une petite verrée
d'infusion d'hyssope ou de lierre terres- '
tre ; le lendemain on le purgera avec le
Jaxatif suivant :
P. Manne calabre , deux onces ;
Miel de Narbonne , idem;
Fondez dans une verrée d'eau ; coulez
et ajoutez ;
Sel végétal , un gros ;
Kernès minéral , un grain.
( 377 )
Si on n'a pas pu administrer le vomi→
tif, il faudra répéter , et peut-être réité-
rer ce laxatif.
Pour boisson on donnera au malade
l'hydromel suivant ;
P. Racine d'aulnée , demi-once ; faites
bouillir dans un litre et demi d'eau pour
réduire à un litre ; ajoutez hyssope et
lierre terrestre , de chaque demi- poignée ;
laissez infuser pendant une heure , coulez
et fondez miel de Narbonne , deux onces ;
le tout à boire dans la journée .
Quand on est menacé du retour d'un
accès , on peut l'éviter par l'opiat sui-
vant , que l'on prendra pendant trois jours
de suite .
P. Fleurs de soufre , un gros ;
Diagrède , dix-huit grains ;
Kermès minéral , trois grains :
Incorporez le tout dans suffisante quan
tité de sirop de chicorée composé de rhu-
barbe ; divisez en trois doses égales , des-
quelles le malade prendra une chaque jour
( 378 )
ên deux ou trois bols consécutivement ;
il boira par-dessus une verrée d'infusion
de lierre terrestre ou de capillaire un
peu sucré , et vivra de régime comme un
jour de médecine.
Les personnes affectées de cette incom-
modité doivent faire un fréquent usage
d'infusion de lierre terrestre , ou de vé-
ronique.
Certains tempéramens trouvent encore
un grand soulagement dans l'eau de
goudron.
( 279 )
CHAPITRE II.
Du Catarrhe.
Le mot catarrhe signifie fluxion , il
est donc une dénomination générique sus-
ceptible de beaucoup de divisions.
Lorsque l'humeur qui occasionne cette
maladie se porte sur les yeux , qu'elle les
rend rouges et les paupières bouffies
qu'elle donne mal à la gorge , que la lèvrê
supérieure ainsi que le bord et le dessous
du nez sont rouges et douloureux , ét
qu'il y a enchifrenement , de la toux êt
de la fièvre , et que l'on observe de fré-
quentes anomalies ( 1 ) dans le pouls , elle
porte le nom de fluxion catarrhale ,
qui se guérit par le repos dans le lit , par
des boissons diaphorétiques , telles que
les infusions de bourrache , de coquelicot ,
(1) Variation dans le battement des artères.
( 380 )
de fleurs de sureau ou de tilleul et sou-
vent encore par celle de véronique avec
le miel ou le sirop de tusillage. Quelques
accès de fièvre facilitent la coction de
l'humeur morbifique qui d'abord coulerá
par les yeux , les narines ; et lorsque l'in-
flammation et la fièvre seront terminées ,
on crachera et on mouchera abondam-
ment une humeur muqueuse , quelquefois
verte , souvent jaune , mais toujours si
âcre , que la membrane pituitaire en est
souvent ulcérée pendant quelques jours.
Quand l'engorgement est dans les sinus
frontaux , qu'il produit enchifrenement
avec mal de tête , que l'ouïe devient dif-
ficile , que l'organe de l'odorat est sans
action , que les yeux sont larmoyans , la
vue troublée , les narines gonflées et quel-
quefois excoriées , on le nomme coriza :
ce genre de catarrhe ne se mûrit que dif-
ficilement . Le tissu celluraire qui tapisse
les sinus frontaux étant le même que celui
de la capacité de la poitrine , il n'est pas
surprenant que ce que le public appelle
rhume de cerveau , fasse tousser quel-
( 381 )
ques jours après son invasion. La douleur
de tête subsiste quelquefois long-temps ,
parce que la nature a plus de peine à
mûrir et préparer l'évacuation de ce genre
de catarrhe , et qu'il faut pour débarras-
ser le cerveau , que ce qui s'est déposé
dans la poitrine puisse être évacué par
les crachats , les sueurs et les urines : cette
maladie n'arrive à sa solution que plusieurs
jours après que les urines sont devenues
boueuses. Les boissons ci-dessus indi-
quées sont encore d'une grande ressource
dans ce cas ; cependant plusieurs indivi-
dus plus pituiteux que les autres sont
obligés de prendre l'hydromel composé
avec l'eau de son , le miel et le jus de
citron ou du vinaigre .
Cette fluxion se porte quelquefois sur
l'estomac , seule partie douloureuse alors :
quoiqu'elle soit accompagnée de toux ,
nous avons vu des malades ne se plaindre
que de ce viscère ; et nous assurer qu'ils
avaient une toux d'estomac ; dans ce cas
des vomissemens ou au moins des nau-
sées et de fréquentes envies de vomir
( 382 )
tourmentent les malades. Les mêmes bois-
sons que ci-dessus sont nécessaires pen-
dant les premiers jours pour rétablir la
transpiration , aider à la coction de l'hu-
meur ; et lorsqu'elle est faite , et que la
fièvre n'existe plus , ou qu'elle laisse une
intermittence de vingt- quatre heures , il
faut débarrasser l'estomac avec deux onces
de sirop d'ipécacuanha , ou avec quinze
grains de poudre de cette racine , suivant
l'âge et la force du malade ; ensuite le
purger doucement et le mettre à l'usage
d'un demi-lohok blanc avec un grain de
kermès minéral dont on continuera
l'usage pendant trois à quaire jours , après
lesquels on procurera les évacuations al-
vines une seconde fois , et souvent une
troisième ; après les purgations on le tien-
dra pendant quelques jours à la tisane de
racine de patience avec une poignée de
véronique pour relever le ton de l'esto-
mac et faciliter les digestions.
Lorsque cette humeur s'est portée sur
les entrailles , ce qui fait dire à quelques
malades qu'ils ne toussent que du ventre,
( 383 )
parce que la fluxion s'est fixée sur les
muscles abdominaux ; il faut indépendam-
ment des boissons ci-dessus indiquées , join-
dre l'usage des lavemens émolliens , pour
provoquer la fonte des humeurs dont le
siége principal est dans les viscères du bas-
ventre ; souvent cette fonte s'opère d'elle-
même par l'usage de la tisane ; alors
l'évacuation naturelle des humeurs alvines
hâte de beaucoup la guérison de ce genre
de fluxion catarrhale ; mais dans cette cir-
constance comme dans les autres , un peu
de diète et un régime approprié n'en sont
pas moins nécessaires.
Lorsque cette humeur se porte à la
poitrine , qu'elle y cause engorgement
avec dyspnée , point de côté , toux con-
sidérable avec crachement de sang , ady-
namie , propension au sommeil sans pou-
voir dormir à cause de la fièvre qui , dans
cette circonstance , est plus forte que dans
les autres , elle prend la dénomination de
fluxion de poitrine , de pleuresie ou
de péripneumonie , maladies qui peu
vent avoir trois causes capitales · dans
( 384 )
la jeunesse , mais qui n'en ont ordinai-
rement que deux dans la vieillesse , sa-
voir , une fermentation bilieuse et l'épais-
sissement de la matière muqueuse ; plus
ordinairement c'est à cette dernière cause
que sont dus tous les accidens qui ac-
compagnent cet état.
Malgré les symptômes effrayans par
lesquels ces maladies se manifestent , از
est rare que la saignée soit utile à la
vieillesse , à moins qu'il n'y ait suppres-
sion du flux hémorroïdal habituel , et que
le pouls ne soit rénitent ; dans lequel
cas l'évacuation sanguine doit s'opérer
par quelques sangsues à la marge de
l'anus pour rappeler ce flux , et non par
la phlebotomie ; encore faut-il que cette
évacuation soit assez modique pour ne
pas trop diminuer le ressort du système
vasculaire et ne point jeter le malade
dans une asthénie qui s'opposerait à la
résolution de la matière morbifique : cet
état dure plus ou moins de temps , sui-
vant le genre de tempérament du malade.
Le froid que supportent quelquefois les
vieillards
( 385 )
vieillards étant la cause la plus ordinaire
de ces genres de fluxions , la chaleur du
lit, les moiteurs qu'elle procure , les sueurs
et l'expectoration qu'on établit par les
boissons indiquées précédemment , et
auxquelles il faut joindre l'usage du ker-
mès minéral dans un look , ou celui de
l'antimoine diaphorétique dans quelque
potion légèrement cordiale , comme
l'eau de menthe des jardins , l'eau de
fenouille ou de fleurs d'oranges avec
le sirop d'hyssope ou de lierre terrestre ,
de tusillage et quelquefois d'œillet ré-
tablissent le ton et le ressort nécessaires
à l'expectoration ; souvent aussi l'appli-
cation d'un vésicatoire sur la partie dou-
loureuse devient nécessaire , spécialement
dans les circonstances où on ne peut rai-
sonnablement attendre la solution de
la maladie par les voies que nous avons
indiquées.
Nous avons reconnu que les saignées
sont excessivement dangereuses pour la
vieillesse dans le traitement de ces mala-
dies ; nous nous sommes convaincus par
Bb
( 386 )
• l'autopsie de ceux qui y ont succombés ,
que la saignée décide l'engorgement mor-
tel ; tandis que la nature , aidée par de
légers sudorifiques et divisans , prépare
la coction de l'humeur morbifique , et
qu'au bout de quelques jours la poitrine
se dégorge par des crachats d'une matière
épaisse , bien cuite et souvent purulente ,
à la suite desquels le sirop de lierre ter-
restre convient parfaitement.
Deux ou trois jours de sueurs , quel-
que abondantes qu'elles soient , ne suf
fisent pas dans ces genres de fluxions ; à
peine le malade éprouve-t-il du soulage-
ment ; nous en avons vu qui se sont ré-
pétées pendant sept jours de suite , à des
heures fixes , et qui finissaient de même :
quand cette circonstance se rencontre ,
il faut au malade et au Médecin beaucoup
de patience et de persévérance ; car si
l'on contrarie la nature dans ses crises ,
en voulant faire mieux ou aller plus vîte
qu'elle , on retarde non-seulement la so-
lution de la maladie , mais on peut encore
la dénaturer et décider un ulcère sur les
( 387 )
poumons : il est aussi dangereux de dé
tourner les sueurs critiques qui devien-
nent salutaires en terminant ordinaire-
ment ces maladies , que les dépôts dans
beaucoup d'autres ; il faut donc les at-
tendre .
Nous entendons ici par sueurs salu-
taires ces sueurs gluantes , et non celles
qui mouillent beaucoup ; mais ces pre-
mières sont nécessaires pour amener les
autres. Quand la sueur devient gluante
et la peau huileuse , la maladie approche
1
de sa fin. Quoique nous disions que ces
sueurs sont nécessaires pour la guérison
de toutes les espèces de catarrhes , nous
savons cependant qu'il y en a qui pren-
nent une toute autre voie , et se termi-
nent par des expectorations ; il nous
est évidemment démontré que la matière
qui forme un engorgement local , peut ,
quand elle a été suffisamment atténuée ,
être repompée par l'action générale de
tout le système cellulaire muqueux ; mais ,
pour avoir cet espoir , il ne faut pas trop
affaiblir son malade ; car l'asthénie sus-
Bb 2
( 388 )
pend toutes les fonctions de l'économie
animale , en diminuant trop l'action de
son principe vital : c'est à quoi un Méde-
cin prudent porte une attention extrême.
Lorsque ces fluxions catarrhales ne
peuvent se terminer par des sueurs cri-
tiques , il faut en décider la résolution
par la voie des intestins , que l'usage con-
tinué du kermès minéral a déjà dû où-
vrir ; on peut , après le neuvième ou trei-
zième jour , employer le kermès comme
vomitif, ou le tartre-stibié , lorsqu'aucune
raison péremptoire ne doit empêcher les
secousses qu'il occasionne ; on peut aussi
le réunir à un laxatif dont il augmente la
puissance quand on veut le priver de sa
vertu émétique.
Dans les hivers rigoureux , cette espèce
de catarrhe est ordinairement très-fré-
quent chez les gens âgés. La durée du
froid resserre la peau et empêche que les
transpirations soient abondantes et aussi
fréquentes qu'elles ont besoin de l'être ;
cette humeur né pouvant s'évacuer faci-
lement , reflue à l'intérieur et se porte sur
( 389 )
les organes qui ont une communication
plus directe avec les parties qui reçoivent
l'impression du froid ; ce qui fait que
l'arrière-bouche , la gorge et la poitrine
sont plus ordinairement affectés du reflux
de cette humeur.
C'est aussi par un effet de la correspon-
dance qui existe entre toutes les parties
du corps , au moyen du tissu cellulaire ,
que l'impression du froid à la tête , et
celui des pieds et des jambes , fait refluer
les humeurs jusque sur les entrailles ;
voilà pourquoi le froid à la tête sculement ,
produit , peu après , chez certains indivi-
dus , l'enrouement et l'enchiffrenement ;
tandis que chez d'autres le froid des pieds
donne la colique et quelquefois une in-
digestion et le dévoiement.
L'organe extérieur , la peau , ayant
beaucoup perdu de son ressort chez
les personnes qui , après un gros em-
bonpoint , ont maigri , et l'activité des or-
ganes intérieurs étant affaibli par le grand
âge , il est dans l'ordre que la vieillesse
soit plus sujette à tous les genres de
( 390 )
fluxion , que pendant la vigueur de l'âge :
elle doit se vêtir assez chaudement pour,
avec un peu d'exercice , entretenir une
facile transpiration , et se vêtir plus pen-
dant le repos et le sommeil que pendant
l'action .
( 391 )
CHAPITRE III.
Des Maladies de la Vessie , auxquelles
la Vieillesse est souvent en proie.
La dysurie, la strangurie et l'ischurie
sont trois maladies qui affligent assez fré-
quemment les vieillards.
La DYSURIE , ou ardeur d'urine , est cet
état douloureux qui fait éprouver une sen-
sation de chaleur extraordinaire au col
de la vessie et dans le canal de l'urètre ,
pendant que l'urine coule , et qui , sou-
vent par l'acrimonie de ce fluide , pro-
duit l'uréthéritis : tout ce qui peut adoucir
et émousser l'âcreté des urines , et en di-
minuer la chaleur , convient dans cette
maladie . En attendant le Médecin , on peut
employer le bain ou le demi-bain , les la
vemens composés de pariétaire , de mauve ,
de guimauve et de feuilles de bouillon-
blanc . Pour boisson , il faut faire usage
( 392 )
d'une infusion de graines de lin , d'eau de
veau ou de poulet , de petit-lait naturel
ou du factice composé comme suit :
P. Gomme arabique , demi-gros ;
Sucre ou sel de lait , deux gros;
Sucre ordinaire , une once au moins
pour un litre d'eau :
Ou d'une tisane faite avec l'orge mondé ,
les fleurs de violette et vingt grains de sel
de nitre; le tout pour un litre d'eau ; à
chaque verrée de laquelle on ajoutera une
cuillerée de sirop de gomme .
Si le malade est très-âgé , on évitera ,
par ces moyens , la phlébotomie qui est
ordinairement le premier des remèdes
contre cette maladie , à cause de la py-
rexie ; mais il faut le faire boire fréquem-
ment ; et si son grand âge ne permet pas
les boissons aussi abondantes que son état
l'exige , il faudra y suppléer en lui faisant
prendre , de trois en trois heures , un bol
composé de ce qui suit :
P. Poudre de guimauve , un scrupule;
( 593 )
Gomme, idem ;
Nitre , dix grains :
Incorporez le tout dans suffisante quan-
tité de sirop de gomme , pour prendre
consécutivement en un ou deux bols.
Dans l'intervalle des bains , on appli-
quera sur le raphé , à la racine de la verge ,
un cataplasme fait avec la mie de pain et
le lait , ou avec la décoction de mauve et
de guimauve , dans laquelle on aura mis
trois ou quatre têtes de pavot ; si mieux
on aime on emplira à moitié , avec la sus-
dite décoction , une vessie de cochon bien
lavée , que l'on placera sous le scrotum ,
et que l'on maintiendra en place avec un
chauffoir relevé.
La STRANGURIE , qui est presque la
même maladie portée à un plus haut de-
gré , se distingue cependant par une dis-
tillation , goutte à goutte , d'urine ardente
qui fait éprouver un sentiment de froid
en passant , et une grande chaleur dou-
loureuse , lorsqu'elle est écoulée. Cette ma-
maladie fait faire de grands efforts pour
chasser l'urine à plein canal ; mais ces
( 394 )
efforts sont vains , parce que cette maladie
est occasionnée par un genre d'étrangle-
ment spasmodique au col de la vessie ,
étranglement d'où elle tire sa dénomi-
nation .
Les remèdes qui conviennent à la pré-
mière de ces maladies sont encore. appli-
cables à celle- ci , en y ajoutant la potion
suivante :
P. Eau de tilleul , deux onces ;
Sirop de violette , idem ;
Nitre purifie , trente grains ;
Sirop de diacode , demi-once ;
A prendre par cuillerée d'heure en heure ,
et la demi-heure après , une verrée d'une
des boissons ci- dessus .
Dans ces deux affections de la vessie ,
le lavement , composé comme ci-après , est
souvent très-efficace :
P. Décoction de graines de lin , suffi-
sante quantité ;
Figues grasses , deux ou trois , sui-
vant leur grosseur ;
( 395 )
Deux jaunes d'oeuf, dans lesquels
vous dissoudrez térébenthine , une
once ;
Camphre , demi-gros ;
Thériaque , deux gros ;
Baume de soufre anisé , demi-gros.
Pour que le malade puisse garder ce
lavement un temps suffisant pour pro-
duire l'effet que l'on desire , il faut, quel-
ques heures avant de le donner , prendre
la précaution de vider les intestins par
ceux d'eau de graines de lin , dans laquelle
on aura fondu un peu de savon blanc .
L'ischurie est une rétention ou sup-
pression d'urine occasionnée très souvent
par un embarras dans les urêtères , soit
par un amas glaireux , soit par des sables
qui s'opposent à l'écoulement des urines
filtrées dans le bassinet des reins , ce qui
occasionne l'uréthéritis . Les bains et les
demi-bains sont nécessaires ; mais si cette
rétention est occasionnée par un amás
glaireux , rien n'est aussi propre à le dis-
soudre que la tisane de pareira-brava ,
( 396 )
à la dose de deux gros par litre d'eau ,
ou effilé ou rapé , ou deux gros de se-
mence de persil et vingt grains de sel de
nitre, pour un litre d'eau . Si, au contraire ,
elle est occasionnée par un amas de gra-
vier, l'eau de graine de lin ou de gomme,
à laquelle on ajoute dix grains de nitre
par pinte , convient mieux , ainsi que les
pilules suivantes .
P. Savon amigdalin , deux gros ;
Champhre , demi-gros .
Faites pilules du poids de cinq grains
chaque , dont on donnera , de trois en
trois heures , deux au malade , en lui fai-
sant boire par-dessus une petite verrée de
sa tisane.
Si elle est la suite de la présence d'une
pierre dans la vessie , qui produit alors
la cystitis , il faut baigner le malade , lui
faire boire fréquemment la tisane et lui
donner promptement le bole indiqué pour
la dysurie , page 392. Ici on ne peut se
passer du Chirurgien qui souvent ést
obligé d'employer l'algalie pour faire
( 397 )
uriner le malade , en attendant qu'on
l'ait disposé à l'opération.
Ces maladies ont quelquefois des causes
bien éloignées , car elles sont la plupart
du temps le fruit d'une jeunesse fou-
gueuse , quelquefois aussi d'une incon-
tinence plus récente et de la manus-
trupation , comme aussi de l'abus des
liqueurs fortes ; elles peuvent aussi dé-
pendre de différentes causes étrangères
à celles-ci ; car la répercussion d'une
transpiration âcre , ou d'une éruption cu-
tanée , ou la métastase d'une humeur de
goutte vague , ou de rhumatisme , peuvent
aussi donner lieu à ces graves maladies.
C'est ici le cas de faire une confession
sincère à son Médecin ; car on conçoit
que le traitement doit être aussi varié que
les causes qui produisent ces maladies ; et
que ce qui convient dans une circons-
tance deviendrait bien nuisible dans une
autre. Il est donc nécessaire que le malade
instruise le Médecin de tous les différens
événemens remarquables de sa vie , des
différentes douleurs qu'il a pu ressentir
( 398 )
en santé , et de ses secrétions habituelles ,
pour l'aider à découvrir la véritable cause
de l'orage qui le tourmente , et qui sou-
vent est très-obscure ; car , chez les uns
c'est un flux hémorroïdal supprimé ; chez
d'autres , une sueur des pieds ; chez d'au-
tres encore , c'est une métastase d'une hu-
meur érysipélateuse ou dartreuse ; enfin ,
quelle qu'en soit la cause , ces trois ma-
ladies ont aussi souvent leur siége dans le
tissu cellulaire et muqueux qui avoisine
l'urètre , la vessie et quelquefois l'anus ,
que dans les fibres musculaires du sphine-
ter de la vessie ; ce qui nous le prouve est
le succès d'un vésicatoire aux jambes ,
après que les tisanes émollientes et les
bains ont échoué.
Les vieillards , qui ont déjà éprouvé
des maladies catarrhales dont le siége était
dans le bas-ventre , sont souvent attaqués
de ces maladies qui quelquefois sont ac-
compagnées d'excrétions muqueuses et
sanguinolentes. Ces maladies sont d'autant
plus difficiles à guérir , que le malade est
plus âgé. Il faut donc que le Médecin les
( 399 )
rende au moins supportables , en détour-
nant à propos les humeurs de dessus les
parties les plus sensibles.
Les procédés à employer pour y par-
venir , se tirent de la cause originaire ; le
rappel d'une évacuation ou d'une excré-
tion cutanée soulage beaucoup quand il
ne guérit pas radicalement : ainsi , le vési-
catoire , le saint-bois , le cautère et les
sangsues , suivant la cause de ces mala-
dies , sont des moyens qu'il ne faut pas né-
gliger d'employer pour opérer la métas-
tase de l'humeur morbifique ; car rarement
dans la vieillesse les transpirations et les
sueurs peuvent suffire.
Souvent ces maladies sont suivies d'une
blennorhée , et même d'un écoulement pu-
rulent qui en fait soupçonner une toute
autre. C'est alors qu'il est bien intéressant
d'empêcher le Médecin de prendre le
change sur la véritable cause du mal ; car
le remède à opposer à l'une de ces mala-
dies est bien différent de l'autre.
Nous avons vu un malade chez qui l'hu-
meur d'une dartre inconnue à tout ce qui
( 400 )
l'entourait ordinairement , avait été réper
cutée pour avoir passé quelques heures
enveloppé dans sa robe- de- chambre seu-
lement , sans culotte et sans bas. Ce ma-
lade fut attaqué d'une dysurie accom-
pagnée d'un écoulement d'une matière
muqueuse jaunâtre , qui , à la première
inspection , ressemblait à un écoulement
suspect ; mais l'examen de l'extrémité de
l'urètre nous rassura et nous persuada que
c'était le reflux de l'humeur dartreuse ,
qui , s'étant porté sur les voies urinaires ,
donnait cet écoulement , ainsi que les
difficultés d'uriner. Ce malade a effecti-
vement guéri par l'application de cata-
plasmes émolliens qui rappelèrent l'hu-
meur dartreuse sous le scrotum , où elle
avait depuis long-temps un suintement
assez considérable. Il ne prit pour tout
remède que le sirop de gomme , et vécut
d'une régime doux.
Nous avons vu un autre homme qui ,
dans de violens accès de strangurie , en
fut tout-à-coup délivré par une douleur
très-vive qui lui survint au bras gauche ;
mais
( 401 )
mais ayant porté soulagement à cette dou-
leur , les accidens des voies urinaires se
renouvelèrent à mesure que les douleurs
abandonnaient le bras. Un vésicatoire ар-
pliqué au bras donna issue à l'humeur , et
l'usage de la tisane avec le sassafras mirent
fin aux douleurs des deux parties affec-
tées ainsi , l'on voit qu'une métastase
occasionnée par un froid léger , est sou-
vent la cause d'un grand désordre dans
l'économie animale de l'homme âgé , ainsi
que la transposition d'une humeur ar-
thritique.
Quand ces maladies ont pour cause des
fungus dans l'urètre , l'introduction des
bougies de Goulard , ou composées de
l'extrait de saturne , sont d'un grand se-
cours . Si ce sont des carnosités , celles de
cire jaune , ensuite celles de Devigo cum
mercurio produisent soulagement si elles
ne guérissent pas , et donnent au malade
le temps de faire les remèdes convenables
pour détruire le principe du mal.
Dans ce cas , il faut voir le docteur
Nauche, membre des sociétés académique
CC
( 492 )
des'sciences, médicale de Paris, des sciences
et arts de Toulon , etc. , etc. , ou au moins
consulter son précieux ouvrage sur la
rétention d'urine ( 1 ) .
(1) Cet ouvrage se trouve chez la yeuve Pan-
koucke , ou chez l'auteur, rue du Bouloy , nº 8.
( 403 )
CHAPITRE IV.
De l'Incontinence d'Urine ou du
Diabètes .
LEEs
S maladies les plus opposées à celles
dont nous venons de parler sont l'incon-
tinence d'urine et le diabètes , dénomi-
nation grecque qui veut dire je passe vite .
L'incontinence d'urine est plus une
incommodité qu'une maladie , lorsqu'elle
n'est pas occasionnée par une lésion du
sphineter de la vessie ; elle n'attaque les
hommes que sur le déclin de l'âge , mais
elle incommode les femmes en tout temps ,
quand elles ont eu des distokies . Chez
les hommes bien constitués , cette in-
commodité est ordinairement le résultat
de la débauche et de la masturbation ;
cependant elle peut encore être occa-
sionnée par la présence d'une pierre dans
CC 2
( 404 )
la vessie ou d'une tumeur quelconque
dans les parties environnantes , et enfin
par la paralysie du sphincter de la vessie.
La cure de cette maladie consiste dans
les fortifians , les acides , les ferrugineux ,
soit en boisson , soit en injections com-
posées avec des roses de Provins , la menthe
des jardins et les vulnéraires suisses. Les
eaux de Provins , de Passy ou de Forges ,
ainsi que les vins de quinquina , ou d'anti-
scorbutiques ; enfin l'application d'un vé-
sicatoire ou du moxa sur les reins , sont
encore des moyens curatifs lorsqu'il y a
paralysie.
Le diabètes , maladie à laquelle les
Latins et les Français ont laissé la déno-
mination grecque , est une évacuation
excessive d'urine , très - disproportionnée
à tous les fluides que l'on boit; il a , comme
la plupart des autres maladies , différentes
causes il est extrêmement rare dans la
jeunesse , mais il attaque assez fréquem-
ment les personnes d'un age avancé , spé-
cialement celles qui ont fait abus de
liqueurs fermentées. Souvent aussi cette
( 405 )
maladie est la suite de quelque grande
évacuation , ou de grandes fatigues et de
longs et pénibles voyages ; soit à peid soit
à cheval ; elle peut aussi être le résultat de
quelque fièvre aiguë , ou les suites de la
teinture de mouches cantharides que
quelques hommes se permettent pour
satisfaire leur concupiscence ; alors elle
est produite par le relâchement considé-
rable qui survient à tous les organes se-
crétoires de l'urine , pour avoir été pro-
voqués à une trop grande irritation , et
après avoir été forcés dans leurs fonc-
tions enfin , cette maladie peut encore
être produite par la dissolution du sang.
La connaissance de la cause primordiale
importe beaucoup pour y apporter le
remède convenable .
Nous n'entrerons point dans le traite-
ment complet et méthodique de cette
maladie , qui est curable dans son com-
mencement , et qui doit avoir autant de
moyens variés qu'elle peut avoir de causes
différentes dans son origine. On ne doit
point ici se passer de Médecin , et en
( 406 )
l'attendant il faut mettre le malade à l'usage
d'une forte limonade pour étancher la
soif qui le tourmente ordinairement ; il
faut le soutenir avec des bouillons aci-
dulés , des potages au riz , au salep ou
au sagout , que l'on aromatisera avec un
peu de girofle , de canelle ou de muscade ,
suivant le goût du malade ; et après l'un
ou l'autre de ces potages , on donnera trois
ou quatre cuillerées à bouche d'un cor-
dial fait avec le vin de Bourgogne , mieux
encore avec celui de Languedoc sucré ,
de Rota ou d'Alicante ; en un mot tous
les analeptiques , soit en nourriture , soit
en médicamens , conviennent dans cette
circonstance , puisqu'ils améliorent l'état
du malade , s'il provient de faiblesse ou
d'épuisement. S'il y a douleurs d'entrailles,
il faut très-promptement avoir recours au
Médecin : en l'attendant on donnera au
malade quelques lavemens émolliens avec
la décoction de mauve , de guimauve , dans
laquelle on mettra une tête de pavot si
les douleurs sont aiguës ; car le mal le
plus urgent est la douleur.
( 407 )
CHAPITRE V.
Des Maladies qui affligent communé-
ment les yeux pendant la Vieillesse.
LA chassie , les ophtalmies , les écoule-
mens d'humeurs par les yeux , le nez et
les oreilles , sont occasionnés par un reflux
d'humeur vers l'intérieur. Ces affections
viennent d'une surabondance de sérosité
qui se porte à la tête , quoiqu'en général
les humeurs se portent plus volontiers
én bás qu'en haut , quand on a passé la
soixantième année ; mais comme nous
l'avons observé , il y a peu de tempéra-
mens égaux , de-là naît , non - seulement
la diversité des maladies , mais encore
éelles des partiés qu'elles attaquent, ainsi
que leur plus ou moindre grande intensité .
Les infirmités dont nous parlons ici ,
( 408 )
tirent leur source de la même cause que
toutes les maladies de la vieillesse , c'est-à-
dire , du défaut d'action dans la peau qui
ne permet plus l'abondante transpiration.
La cause déterminante de ces écoule-
mens , est un vice particulier aux organes
qui les fournissent , ainsi qu'une diminu-
tion de la chaleur naturelle et de l'action
du cœur , qui , ne pouvant convertir en
sang tous les sucs exprimés des alimens ,
laisse les organes surchargés de pituite.
Maintenant que vous savez que l'organe
excrétoire des sérosités , après les voies
urinaires , est la peau , et que dans la
vieillesse cet organe étant moins per-
méable , puisqu'il est plus flasque , ridé ,
en partie desséché , et la transpiration.
moins abondante , vous ne devez pas vous
étonner que la nature , qui ne trouve plus
la même facilité à se débarrasser de son
humidité superflue , la porte à travers le
tissu cellulaire aux endroits où elle trouve
une voie ouverte. Or , comme les yeux,
les narines et les oreilles sont des voies
ouvertes et naturellement secrétoires , il
( 409 )
est dans l'ordre de la nature qu'elle les
fasse servir à l'écoulement de la surabon-
dance de sérosité si ordinaire à la vieil-
lesse ces trois organes deviennent des
égoûts susceptibles d'inflammation , sui-
vant la plus ou moins grande acrimonie
des humeurs qui s'y portent .
Les vieillards qui n'ont pas de ces
écoulemens , ont ordinairement les jambes
gorgées et les pieds enflés , tant il est vrai
qu'on ne peut trop admirer la sagesse de
l'Auteur de la nature , qui a tout arrangé
dans la structure de notre frêle machine ,
pour qu'une partie en soulageât une autre.
Que de vieillards doivent leur santé à cette
enflure œdémateuse des jambes qu'il faut
respecter !
C'est l'oblitération d'une grande partie
des pores de la peau qui est la cause dé-
terminante de la grande humidité vers
les yeux , le nez et les oreilles ; de-là on
conçoit facilement la nécessité d'entre-
tenir la transpiration et même d'exciter
la sueur de temps à autre , pour éviter ces
incommodités qu'il serait bien dangereux
( 410 )
đe supprimer , sans les déterminer sur une
partie moins incommode : il faut donc les
laissér subsister tant qu'elles ne se font
qué par exudation ; mais si par leur abon-
dance ét l'acrimonie des humeurs , elles
occasionnent inflammation ou ulcération ,
au point de priver de l'un ou de l'autre
de ces organes , il ne faut pas hésiter à
leur ouvrir une issue nouvelle sur une
partie moins nécessaire , et qui puisse plus
facilement supporter l'acrimonie de cet
écoulement : c'est le cas d'un exutoire au
bras , par l'écorce du bois de garoux , ou
par le vésicatoire , ou enfin par le cau-
tère , suivant la nature de la peau et l'état
du bras ; et de quelque nature que soît
cet exutoire , il faut se résoudre à l'entre-
tenir tant qu'il fournira.
( 411 ) ,
CHAPITRE VI
Des Hydropisies.
LesES hydropisies
sont des maladies chro-
niques , qui consistent dans une collec-
tion d'humeurs aqueuses qui s'emparent
de presque toutes les parties du corps
humain séparément , et quelquefois de
toutes ensemble.
La tête est sujette à trois hydropisies
différentes , que l'on appelle cependant
toutes trois hydrocéphales , et que nous
croyons pouvoir dénommer chacune d'un
nom particulier qui indiquera les diffé-
rentes places de la tête qu'elles occupent.
L'une de ces trois hydrocéphales est
très-facile à guérir , puisque l'eau s'amasse
dans le tissu cellulaire qui attache le cuir
chevelu aux os de la tête ; conséquem-
ment elle a son siège entre le crâne et
( 412 )
ses tégumens , et nous croyons la bien
désigner par la dénomination d'hydro-
céphalo -cutanée.
Dans la seconde espèce , qui est très-
dangereuse , la collection des eaux se fait
dans la boîte osseuse entre ces os et les
membranes qui les tapissent intérieure-
ment , c'est-à dire , sous la dure-mère :
selon nous , cette espèce peut porter la
dénomination d'hydrocéphalo-membra-
neuse .
La troisième espèce , encore plus fâ-
cheuse , puisqu'elle est toujours mortelle ,
attendu que l'eau qui la forme est épan-
chée dans un des lobes du cerveau , et
quelquefois contenue dans la glande pi-
néale , comme nous l'a démontré l'autopsie
des cerveaux de gens morts dans une
espèce d'imbécillité et dans une affection
.
très-comateuse : cette espèce doit être dis-
tinguée des deux autres par la dénomina-
tion d'hydro-céphalo-cervicale.
• Quand la collection d'eau se fait dans
la cavité de la poitrine , on l'appelle hy-
drotorax.
( 413 )
Quand elle est dans la capacité de l'ab-
domen ou ventre , on la nomme hydro-
pisie ascite.
Lorsque l'eau épanchée occupe tout
le tissu cellulaire de la peau , depuis la
tête jusqu'aux pieds , on la nomme ana-
zarque.
Quand elle n'occupe que le scrotum ,
on lui donne le nom d'hydrocèle.
Lorsque cet épanchement s'est emparé
de toute autre partie , qu'il est circons-
crit et accompagné d'empâtement qui
conserve pendant quelques minutes l'im-
pression du doigt , il porte le nom de
leucophlegmatie.
Indépendamment de toutes ces hydro-
pisies , il y a encore une maladie produite
par une quantité d'air raréfié dans la ca-
pacité du ventre , et qui en distend ex-
traordinairement tous les tégumens ; on
l'a nommée tympanite .
La tympanite est facile à distinguer de
l'ascite, quoiqu'elle occupe le même empla,
cement ; parce que , dans celle-là , le ventre
est ordinairement plus livide que dans
( 414 )
celle-ci, et que, quand on frappe contre un
des côtés de ce ventre , il résonne presque
comme un tambour ; tandis que dans l'as-
cite le même coup ne fait pas résonner
le ventre , mais produit , du côté opposé ,
une fluctuation de liquides épanchés; ce
qui se reconnaît facilement en tenant une
main sur le côté opposé à celui sur lequel
on frappe ; d'ailleurs , les pieds du malade.
sont ordinairement moins enflés dans ce
genre d'hydropisie que dans l'ascite.
Indépendamment de ce que les femmes
sont plus sujettes que les hommes à l'hy-
dromphale , ou hydropisie de nombril ,
elles sont encore particulièrement affli-
gées par un plus grand nombre d'hydro-
pisies particulières , puisque leur sexe les
expose à celle de l'utérus et des ovaires ,
ainsi qu'à la leucoplegmatie de la vulye ou
grandes lèvres.
Nous avons besoin d'une saine philo-
sophie , d'une morale épurée et de toutes
les preuves qu'elles nous fournissent, pour
croire que l'Auteur de la nature a tout
fait pour le mieux , et ne pas l'accuser d'in-
( 415 )
justice , quand nous nous abandonnons
aux réflexions qu'inspire naturellement
l'infortuné partage de ce sexe.
Les spasmes dont l'utérus est suscep-
tible , occasionnent son engorgement et la
stase du sang et des humeurs , qui pro-
duisent par la suite l'ulcération de ce vis-
cère , ou des pertes rebelles qui lui font
perdre son ressort par l'engorgement. Ces
longues hémorragies , jointes à l'abus des
saignées , amènent presque toujours une
désorganisation de l'estomac , qui produit
l'asthénie générale ; alors la faible circula-
tion n'assimile plus parfaitement les mollé-
cules du nouveau chyle avec celles du sang
qui s'appauvrit ; la machine s'affaisse , les
extrémités deviennent démateuses : de-là
les stases séreuses qui donnent naissance
aux hydropisies de ce viscère.
On remédie à cette faiblesse et on évite
les maux qui en sont la suite , en augmen-
tant le ton du système vasculaire , par
l'usage des amers et des toniques , tels que
le quinquina , les préparationsmartiales,
un exercice à pied gradué , et spécialement
( 416 )
en allant respirer l'air pur élastique des
montagnes , et en buvant des eaux ferru-
gineuses.
L'hydropisie la plus généralement con-
nue et la plus fréquente est l'ascite ; c'est
elle que l'on désigne par le mot seul d'hy-
dropisie ; elle est , après la leucophleg-
matie , celle qui attaque le plus les per-
sonnes âgées.
Nous vous entretiendrons de ces deux
seulement , plus pour vous indiquer les
moyens de les éviter , que de les guérir ;
car l'hydropisie est un mal assez grave
pour qu'il faille recourir au Médecin dès
qu'on a lieu de la soupçonner. Le trai-
tement de cette maladie exige , non-seu- 1
lement la connaissance de tous les moyens
curatifs , mais encore les modifications né-
cessaires et analogues aux différens tem-
péramens et aux causes primordiales qui
y ont donné lieu ; car il en est de cet état
morbifique comme des autres ; les remèdes
qui ont guéri plusieurs échouent sur beau-
coup d'autres , quand on ne peut trouver
la cause première de la maladie.
La
( 417 )
La leucophlegmatie des jambes , dans
la vieillesse , n'est pas une maladie grave
quand elle n'a pas pour origine l'hydro-
pisie de poitrine ou l'ascite ; souvent même
elle est un préservatif d'autres accidens ;
mais si on veut l'éviter dès qu'elle se ma-
nifeste , il faut faire des frictions avec la
flanelle , porter habituellement des bas de
laine sur la peau , bien se garnir les pieds
et les jambes , et entretenir la sueur des
pieds , en les lavant fréquemment à l'eau
tiède pour
tenir les pores ouverts ; se vêtir
chaudement pour augmenter la transpi-
ration générale qu'il faut pousser souvent
jusqu'à la sueur : il est nécessaire de faire
de l'exercice à pied , boire du vin blanc
pour augmenter la secrétion des urines.
On peut opposer à cette incommodité ,
pour remède externe , après les frictions
avec la flanelle , des embrocations d'huiles
aromatiques ; et mieux encore , il faut
exposer ses jambes à la fumée de quelques
aromates que l'on brûlera , ayant soin pen-
dant ce temps de faire les frictions avec la
flanelle bien pénétrée de la fumée de ces
Dd }
( 418 )
plantes , pour en envelopper les jambes
avant de se mettre au lit.
Ce même procédé peut réussir aux
femmes dans la leucophlégmatie de la
vulve ; mais l'application de compresses
imbibées de vin aromatique , qu'elles
peuvent porter jour et nuit , leur suffit
ordinairement quand elles la commen-
cent assez tôt.
L'expérience nous a démontré que les
aromates sont amis des nerfs dans l'hydro-
pisie spécialement , et que quand on les
brûle il en émane une nuée de corpuscu-
les qui pénètrent le tissu des parties et
s'attachent aux nerfs dont ils relèvent le
ton et sollicitent l'action , à plus forte
raison dans la leucophlegmatie. Le meil-
leur remède interne contre cette infirmité,
quand on a soixante ans , est l'usage du
vin de quinquina , ou d'anti-scorbutique ,
qu'il faut prendre à jeûn , en commençant
par la dose d'une once , pour l'augmenter
graduellement d'une demi-once tous les
6 quatre à cinq jours , jusqu'à la dose de
trois à quatre onces , suivant la taille , la
( 419 )
corpulence de l'individu , et suivant l'em-
pâlement des jambes. Nous avons vu sou-
vent l'infusion de la cascarille à la dose de
deux gros par pinte d'eau , réussir mer-
veilleusement chez les tempéramens très-
pituiteux.
Il est avantageux d'aromatiser les bois-
sons que l'on donne aux hydropiques ,
parce qu'en devenant plus pénétrantes ,
plus actives , elles donnent plus de ton et
de ressort. Les aromates ont une saveur
qui rappelle le principe vital avec lequel
elles ont une grande analogie ; et par ce
moyen elles aident au repompement ou
absorption des fluides épanchés , quand
ils ne sont pas encore abondamment ré-
pandus ; enfin n'en résulta-t-il , pour toutes
les parties encore sensibles , qu'une titil-
lation , elle peut les faire sortir de leur
engourdissement et y rappeler la vie à
demi-éteinte.. Nous savons tous que les.
aromates contiennent beaucoup de par-
ties ignées propres à faire cesser l'asthé
nie du système vasculaire : de-là nous
concluons que leur usage convient dans
Dd 2
( 420 )
le traitement de certaines hydropisies.
HIPPOCRATE conseille des embrocations
d'huile et de vin pour les eaux épanchées
sous la peau . Ce qui était bon de son
temps peut bien ne plus convenir au-
jourd'hui , où on peut faire mieux : le vin
dont il se servait n'existant plus , nous y
substituons l'eau-de-vie avec le camphre ,
qui , comme on le sait aujourd'hui , est
une huile aromatique concrète : son usage
nous a prouvé qu'elle produit un grand
effet,
La grande inflammabilité des huiles ,
en général , annonce qu'elles contiennent
beaucoup de substance éthérée qui n'a
besoin que de frottement pour se déve-
lopper ; à plus forte raison les huiles es-
sentielles des aromates : ce qui nous dé-
cide quelquefois à les employer seules .
Enfin nous pensons que les aromates em-
ployés en embrocations , en fumigations
et en bains , ou en infusion , suivant les
parties malades et les circonstances , sont
d'une grande ressource dans le traitement
des leucophlegmaties , des anazarques
( 421 )
et de l'hydropisie ascite , quand ces ma-
ladies n'ont pour principe que l'engor-
gement du tissu muqueux et le relâche-
ment de l'organe extérieur de la transpi-
ration , la peau , et lorsqu'elles ne sont
pas la suite de la cacochimie à laquelle il
faut remédier par l'usage du vin anti-scor-
butique.
Plusieurs personnes très-âgées , à qui
nous avons donné nos soins , et d'autres
auxquelles nous les donnons dans ce mo-
ment , ont retiré le plus grand avantage
de ce genre de traitement. Nous sommes
bien convaincus que les embrocations.
d'huiles de thym , de romarin et de la-
vande employées seules et quelquefois
réunies à un peu d'eau-de -vie camphrée ,
ou de sel ammoniac au lieu de camphre ,
suivant l'ancienneté et le local qu'occupe
la leucophlegmatie que l'on doit combat-,
tre , sont de puissans moyens , en lais-
sant les parties affligées recouvertes des
flanelles avec lesquelles on a fait les em-
brocations.
Si l'empâtement et même les eaux sout
( 422 )
assez abondantes pour priver de l'exer-
eice , il faut leur donner issue par quel
ques mouchetures légères faites sur les
parties les plus déclives , comme aux en-
virons des chevilles. On fera faire usage
au malade , ou du vin de quinquina , ou
de celui anti-scorbutique , et de la tisane
suivante :
P. Sassafras , deux gros ;
Cascarille ou kina kina , idem;
Graines de fenouil , ou de persil , un
gros ;
Menthe des jardins , une bonne
pincée , pour un litre d'eau.
En un mot , tous les analeptiques , dia-
phorétiques etferrugineux acidulés sont
des spécifiques , lorsque la maladie n'a
pas pour principe une obstruction au foie ;
car alors c'est la source du mal qu'il faut
attaquer , et ce n'en sont pas là les moyens.
il
Pour tirer un grand succès de ceux-ci ,
faut purger avant et après leur usage, mais
spécialement avant.
(423 )
SECTION PREMIÈRE.
Causes des Hydropisies en général.
L'amas d'eau qui forme les hydropisies ,
se fait aux dépens de l'urine et de la trans-
piration dont les secrétions se font mal ,
soit par défaut de ressort dans toutes les
voies urinaires , soit encore par embarras
dans les reins ; souvent aussi cette col-
lection d'eau a lieu à cause de l'oblitéra-
tion des pores cutanés qui doivent four-
nir passage à la transpiration : de -là on
voit la nécessité des bains et des frictions
avec des flanelles ou des brosses , dont
nous recommandons l'usage pour les per-
sonnes âgées , tant pour tenir ces pores ou-
verts , que pour donner du ton , du res-
sort à la peau , et ranimer la circulation
dans tous les capillaires de cet organe
extérieur.
Personne n'ignore que l'excrétion de
l'urine et de la transpiration servent à la
dépuration du sang ; qu'elles sont plus
( 424 )
ou moins chargées de parties salines et
âcres , et que la nature a destiné ces fluides.
à charrier et exporter au dehors une por-
tion de terre surabondante qui devien-
drait nuisible par son trop long séjour ;
d'où il est aisé de conclure qu'une sueur
arrêtée par un air froid , humide , ou l'ap-
plication de quelque vêtement humide 2
fût- il de laine , peut donner lieu à la leu-
cophlegmatie , et par suite à l'hydropi-
sie , si une surabondance d'urine ne vient
point y suppléer.
Pour éviter ces maladies , nous conseil-
lons donc à tout le monde , mais spécia-
lement à la vieillesse , lorsqu'elle a éprouvé
quelqu'accident qui peut arrêter la trans-
piration , de chercher à la rétablir promp-
tement par tous les hydrotiques que nous
avons indiqués plus haut , ou de se procu-
rer d'abondantes évacuations d'urine en
buvant un peu de vin blanc , ou quelques
infusions de plantes aromatiques et dia-
phorétiques , comme le thé , la menthe
des jardins , la véronique , les feuilles
de casis , lesfeuilles etfleurs d'oranger,
( 425 )
les vulnéraires ou les fleurs de bourra-
che , de sureau ou de coquelicot.
Nous invitons encore spécialement ceux
qui habitent les bords des rivières ou un
pays marécageux, à porter , pendant neuf
mois de l'année , une étoffe de laine sur
la peau. Tout le monde sait que cet or-
gane est criblé d'une infinité de pores qui
permettent l'exhalaison de la transpira-
tion insensible , et d'autres plus grands qui
laissent passer une humeur plus grossière
que nous appelons la sueur, qui souvent se
trouve chargée d'une partie terreuse.
Puisque les feuilles des plantes et des
arbres ont des pores absorbans , comme
des exhalans , pourquoi notre peau n'au-
rait-elle pas les siens par lesquels elle
peut attirer et recevoir l'humidité de l'air ,
spécialement dans un âge où la nature
pousse peu aux pores exhalans ? La péri-
phérie de notre corps fournirait alors à
l'abondance des eaux qui s'accumuleraient
dansle parenchyme pédiculaire , au moyen
de ses pores absorbans : de-là on con-
çoit pourquoi il est plus avantageux à la
( 426 )
vieillesse , qu'à la jeunesse , et aux habi-
tans des pays humides , de porter sur la
peau des tissus de laine , ou au moins de
coton , non-seulement pour entretenir la
chaleur , mais encore pour empêcher que
les pores qui , dans la jeunesse , furent
exhalans , ne deviennent absorbans dans
un âge avancé , et pour entretenir la cha-
leur et l'action organique de la peau.
SECTION II.
Causes de l'Hydropisie ascite.
La mélancolie qui suit et accompagne
l'empâtement du foie et des autres viscè-
res du bas-ventre , comme de la rate , du
pancréas et de toutes les voies urinaires ,
ainsi que les fièvres anomales et intermit-
tentes qui tirent souvent leur origine de
l'air des lieux marécageux ou seulement
humides , peuvent être considérées comme
causes premières de l'hydropisie ascite ;
car on ne peut se dissimuler que l'air de
ces lieux ne soit très-pernicieux aux per-
( 427 )
sonnes qui le respirent constamment ;
comme il est plus souvent frais que chaud ,
son impression sur la peau la transit ; par
conséquent la matière de la transpiration
s'arrête et forme à la longue des dépôts
dans quelques parties tapissées de la
membrane muqueuse : c'est de -là que
naissent la toux , l'enchifrenement et tous
les genres de fluxions auxquelles sont su
jets les habitans de ces pays. Nos faibles
corps reçoivent toutes les impressions
que leur apporte l'air que nous respi-
rons ; et nos maladies procèdent autant
des causes extérieures que de notre in-
tempérance.
Quand le reflux de la matière trans-
pirable se fait sur les entrailles , il pro-
cure ou une diarrhée très - salutaire dans
ce cas , ou il se forme une congestion
d'humeur aqueuse dans les cellules des
membranes de la cavité abdominale , et ·
cette congestion augmente par l'abord
continuel de la nouvelle matière transpi-
rable qui ne peut plus être évacuée que
par quelques doux purgatifs , ou par un
( 428 )
exercice poussé jusqu'à la forte sueur
que l'on entretient autant que possible ,
en se faisant bien couvrir dans un lit
chaud et par des boissons diaphoréti-
ques prises avec abondance et bues aussi
chaudes qu'on peut les supporter.
Le grand préservatif de cette funeste
maladie est l'entretien des secrétions et
excrétions de l'urine , de la transpiration
et de la sueur ; par un exercice habituel-
lement modéré et poussé de temps à autre
jusqu'à la forte sueur , de se vêtir habi-
tuellement avec des habits chauds , de
boire quelquefois du vin blanc. Mais une
fois que la collection d'eau est faite , et
que la masse des entrailles en est consi-
dérablement imbibée , le désordre se met
dans les différentes fonctions del'abdomen,
le principe vital s'affaiblit de jour en jour,
l'action des viscères , le jeu de leur ressort
diminuent et s'anéantissent : de-là nais-
sent la dyspepsie , même après avoir
mangé peu et bien mâché ; les borbo-
ygmes et les coliques surviennent ; quel-
quefois la constipation se met de la par-
( 429 )
tie , cette fois elle provient de l'inertie
des intestins ; mais plus souvent le dé-
voiement est la suite de la cacochylie qui
existe alors.
La rareté des urines et la difficulté de
les rendre est le dernier accident qui
prouve ordinairement que l'hydropisie
est à son comble , parce qu'alors il y a
désordre dans toutes les fonctions des
voies urinaires , ou engorgement dans les
reins ; car les fonctions de ces viscères
sont de la plus haute importance dans le
système animal , puisque leur cessation
est le complément du plus grand mal qui
puisse lui arriver.
SECTION III.
Aperçu du Traitement convenable à
l'Hydropisie ascite.
Le traitement des hydropisies en général
demande beaucoup de sagacité pour en
reconnaître les causes, qui peuvent être ou
des hémorragies , ou des obstructions , ou
( 430 )
une cachexie négligée et compliquée de
scorbut.
L'hydropisie ascite est une maladie si
grave qu'elle est souvent incurable , quel
que bonne que soit la méthode que l'on
emploie : elle est ordinairement incurable
lorsqu'elle est la suite d'une obstruction
qu'il faudrait détruire avant ; il faut sou-
vent beaucoup de temps et une grande
variété de remèdes pour la guérir chez
certains tempéramens ..羸
Évacuer les eaux stagnantes , porter des
toniques et du mucilage dans le sang de
ces malades, pour opérer le plus prompte-
ment possible l'adipsie, bien broyer les
liqueurs par un exercice gradué , donner
du ton et du ressort dans tout le système
vasculaire par les hydragogues , sont gé-
néralement les spécifiques contre cette
maladie. Les anti-scorbutiques , les bois-
sons aromatiques et de vulnéraires suis-
ses , le vin de Languedoc avec le sucre ,
sont aussi de très-bons spécifiques contre
le retour de cette maladie , lorqu'elle
n'a eu pour principe que le relâche-
( 451 )
ment et l'empâtement du tissu cellulaire .
Nous croyons qu'il est prudent de faire
précéder l'usage des plus puissans hydra-
gogues à l'évacuation des eaux par la
ponction ; dans cette opération , un des
grands moyens de ne pas jeter le malade
dans une asthénie mortelle , et les viscè-
res du bas-ventre dans une désorganisa-
tion et une atonie complette qui équivaut
à une paralysie , est de n'évacuer dans le
moment qu'un huitième à peu près du
fluide épanché dans l'abdomen , et de
remplacer la canule par une mêche de
fil ciré qui ordinairement laisse couler
lentement le reste des eaux . C'est bien
ici le cas des embrocations avec les huiles
aromatiques , et de laisser sur-tout l'abdo-
men des flanelles imbibées de ces aro-
mates , parce qu'elles restitueront à la
peau et aux viscères même une partie du
ressort que l'hydropisie leur a fait perdre.
Nous sommes bien persuadés , qu'elles
servent au moins à empêcher une plus
grande évaporation de la matière ignée ,
conséquemment à concentrer le principe
( 432 )
vital qui , une fois réveillé peut opérer de
grands effets : c'est pour cette raison que
nous conseillons les tisanes aromatisées ,
soit avec la menthe des jardins , l'an-
gélique , la graine d'anis ou de fe-
nouil les vulnéraires suisses ou la
cascarille.
Si les eaux que fournit la ponction sont
boueuses , d'une couleur foncée , il faut
promptement retirer la canule pour pro-
longer de quelques jours la vie du ma-
lade ; car ces eaux manifestent une des
hydropisies incurables et plus on en
laisse couler , plus la mort arrive promp
tement.
SECTION IV.
Cause de la Soif des Hydropiques.
Lorsque l'abondance des urines ne
supplée point à l'absence de la transpi-
ration , les particules âcres et salines que
ces deux secrétions sont chargées de por→
ter au- dehors restent dans le sang , sont
reportées
( 433 )
reportées par sa circulation dans toute
l'habitude du corps , et se font sentir plus
spécialement aux parties par lesquelles il
se fait une autre évaporation de l'humi-
dité. Ces parties sont l'arrière-bouche et
la bouche ; voilà la cause de la sécheresse
de la langue et de la soif inextinguible
que quelques-uns de ces malades éprou
vent.
Le public ne peut concevoir pourquoi
des personnes malades , pour avoir trop
d'eau , dit-il , peuvent avoir un si grand
besoin de boire et desirent des boissons
douces ; c'est qu'on n'est pas malade seu-
lement pour avoir trop d'eau , mais en-
core par sa séparation de la masse du sang
qui retient toute la partie saline qui de-
vient de plus en plus acrimonieuse : ces
malades n'éprouvent uné soif ardente ,
que parce que l'eau , séparée de leur sang,
n'en tempère plus l'acrimonie.
( 434 )
CHAPITRE VII.
Des Apoplexies.
Nous
ous reconnaissons deux genres d'apo-
plexies , savoir la sanguine et l'humorale.
L'apoplexie sanguine tuerait un grand
nombre de jeunes gens , si la nature tou-
jours prévoyante n'obviait à ces accidens
par les saignemens de nez auxquels la
jeunesse est très-sujette aux environs et
après la puberté , âge où la sanguifica
tion très-facile est d'une abondance ex-
trême.
L'apoplexie humorale , au contraire ,
n'attaque ordinairement que la vieillesse
cependant elle n'est pas la maladie qui
tue le plus de personnes âgées ; car les
catarrhes sont bien plus fréquemment
mortels dans un âgé avancé , et nous avons
degrandes raisons pourranger l'apoplexie
( 435 )
de la vieillesse dans la classe des maladies
catarrhales .
Nous avons remarqué que ceux qui
sont victimes de cet accident , étaient or-
dinairement d'une forte constitution ; 'car
les gens les plus robustes comptent telle-
ment sur leurs forces , qu'ils ne prennent
aucune psécaution pour éviter les mala-
dies ; aussi sont-ils plus fréquemment at-'
taqués par celle- ci. Les personnes replet-
tes qui ont le cou fort court , une grande
propension au sommeil , celles qui sont
sujettes à la dycinésie , qui ronflent beau-
coup en dormant , et chez la plupart des-
quelles la respiration est accompagnée de
siflemens, sont plus exposées à l'apoplexie,"
que les personnes d'une constitution' op-
posée et qui respirent avec aisance : ainsi,
la vieillesse et cette constitution sont des
circonstances prédisposantes à cette fou-
droyante maladie ; car ces divers accidens
annoncent dyspnée dans le jeu des pou-
mons , qui une fois empâtés regorgent
d'un superflu d'humeur gélatineuse qui
forme le fond matériel de cette maladie.
ве 2
1
( 436 )
Cependant cet accident peut aussi être
l'effet de quelque forte affection de l'ame ,
comme d'une grande joie , d'une viva-
cité extraordinaire d'imagination qui par
suite jette le cerveau dans l'affaissement ,
comme un exercice forcé et trop long-
temps soutenu procure l'asthénie corpo-
relle. La colère , cette maladie de l'ame
que nous avons sortie de la classe des
passions , peut aussi déterminer une atta-
que d'apoplexie par le spasme qu'elle pro-
duit. Cet accident peut encore naître d'une
goutte , comme d'une hémorroïde réper-
cutée , ainsi que de quelque humeur cu-
tanée , en un mot de toute répercussion
qui porte son effet au cerveau.
Nous croyons qu'il y a une infinité de
causes qui peuvent donner lieu aux apo-
plexies humorales ; mais la plus générale ,
pour la vieillesse, celle qui met en action
圈
toutes les autres , quand l'attaque n'est pas
déterminée par une pléthore sanguine ,
est le froid ; car ce sont les hivers les plus
longs et les plus rigoureux qui lui sont
le plus funestes .
( 437 ).
On sait que le froid arrête l'action de
tout l'organe extérieur , qu'il produit la
dyscinésie , qu'il occasionnè des vertiges ,
trouble les digestions et les arrête quel-
quefois , et qu'en en supprimant la trans-
piration par laquelle se fait ordinaire-
ment une grande évacuation de matière
superflue , elle doit nécessairement se dé-
poser et séjourner dans quelque endroit ,
où s'accumulant par degrés et ne formant
point d'hydropisie , elle produit un amas
d'humeurs gluantes , catarrhales , qui de-
vient la base et le principe de l'apoplexie
humorale.
Quand donc cet amas d'humeur existe
et que l'estomac est gorgé d'alimens , s'il
survient une cause qui produise spasme .
et resserrement dans les systèmes ner-
veux et vasculaires , tels qu'un accès
de colère ou un froid subit ; il est dans
l'ordre de la nature que le courant des
humeurs se dirige vers les parties qui
sont dans la gêne et dans un état de souf-
france habituel , par le défaut de ressort
dans ces différens organes : de-là vient
( 438 )
l'apoplexie si souvent accompagnée de
paralysie.
Il nous paraît assez démontré que la
cause la plus commune d'apoplexie , dans
la vieillesse , est une humeur du genre des
catarrhales ; mais il n'en est pas de même
de celles qui peuvent arriver à différen-
tes époques antérieures. L'âge et les sai-
sons dans lesquelles une attaque d'apo-
plexie peut avoir lieu , fournissent des in-
dices sur la nature de l'humeur ou du
fluide qui peut la causer ; car nous l'avons
vu arriver à un jeune homme de vingt-un
ans , et au mois de mai , après avoir dé-
jeûné selon son habitude ; elle fut dé-
cidée par une pléthore sanguine qui sub-
sistait depuis le mois de novembre ; mal-
gré les prédictions faites à ce sujet , les
parens résistèrent à toutes les indications
et invitations à la saignée nécessaire alors
pour éviter ce malheur.
Après l'accident , les saignées du bras
et du pied rendirent la connaissance à
ce jeune homme , mais laissèrent dans
son cerveau un embarras qui dura plu-
( 439 )
sieurs jours , et qui par la suite le rendit ,
à des époques presque fixes , sujet à des
attaques d'épilepsie , dont on le retirait
tantôt par la phlébotomie , tantôt par
l'application de quelques sangsues à la
marge de l'anus : une attaque qui survint
incontinent après un dîner ordinaire , le
fit périr subitement à vingt-trois ans en-
viron. Nous avons encore vu cet acci-
dent survenir à une nourrice de vingt-
cinq ans.
Il est bien rare que , dans la vieillesse ,
l'apoplexie soit déterminée par une plé-
thore sanguine ' ; à cet âge la partie glo-
buleuse est moins abondante , et c'est la
partie muqueuse qui prédomine chez les
uns plus que chez d'autres. Les Médecins
d'aujourd'hui répugnant beaucoup à em-
ployer laphlebotomie ; et ne voulant opé-
rer d'évacuation sanguine que par le se-
cours des sangsues , disposent les indivi-
dus qui en font un fréquent usage , à des
apoplexies d'autant plus incurables , que 1
les sangsues ne pouvant tirer que la per-
tie la plus fluide du sang , à cause de
( 440 )
l'exiguité de l'ouverture qu'elles font ,
laissent nécessairement dans les vaisseaux
la partie muqueuse , cette portion du sang
qui parvient , avec le temps et le défaut
de ressort dans le système vasculaire , à
un épaisissement qui produira de fréquen-
tes apoplexies à la génération actuelle ,
quand elle sera parvenue à sa soixantième
année à peu près. Voilà ce qui doit ré-
sulter du système actuel de nos nouveaux
Docteurs.
On ne doit employer les sangsues que
pour le besoin d'une saignée locale , où
pour les personnes d'un tempérament
trop relâché et chez lesquelles une abon-
dante sérosité peut faire craindre l'hy-
dropisie ; mais dans toute autre circons-
tance la phlébotomie doit avoir la pré-
férence , spécialement dans les maladies
iuflammatoires , attendu que l'ouverture
étant proportionnée au calibre des vais-
seaux , toutes les parties du sang sortent
également , et que l'on peut alors juger
par quelle partie il pêche.
Nous sommes bien fondés en raisons
( 441 )
et expériences pour assurer que l'apo-
plexie de la vieillesse est une maladie plus
fréquemment humorale que sanguine , et
que cette crise est souvent déterminée
par la plénitude de l'estomac ; car la vieil-
lesse en général mange beaucoup trop.
Notre intention n'est pas de prévenir
contre la saignée dans toutes les attaques
d'apoplexie dans l'âge avancé; car, comme
elle est souvent déterminée par un spasme ,
la saignée le fait quelquefois cesser subi-
tement ; mais notre but est d'appeler toute
l'attention sur la cause de cet état , et de
faire connaître que l'on s'abuse souvent
quand on fonde sur la saignée l'espérance
d'une guérison prochaine , au point de
répéter la saignée sur le même malade.
HOFFMAN l'employait , mais n'en abu-
sait pas ; car on voit par les observations
qu'il nous a laissées , qu'il ne la répétait
jamais sur le même sujet frappé d'apo-
plexie , et cependant il en a guéri plu-
sieurs ; mais ce qui prévient en faveur de
ce secours est son effet subit lorsque l'ac-
cident est occasionné par le spasme ; car
( 442 )
il y a des circonstances où les malades
recouvrent la connaissance et la faculté
des mouvemens presque aussitôt que la
veine est ouverte. Il n'en est pas moins
vrai , qu'il faut bien considérer l'âge , la
saison et la circonstance physique et mo-
rale où se trouve le malade , puisque sa
vie peut dépendre d'une saignée faite à
propos , comme sa mort peut être l'effet
de celle faite inconsidérément : il faut
donc , avant tout , s'informer de tout ce
qui a précédé cet état , et savoir s'il y
a répercussion d'une humeur cutanée ou
suppression subite d'une évacuation hé-
morroïdale habituelle. Nous avons vu la
mort d'une femme nouvellement accou-
chée , n'avoir pas d'autre cause que l'ap-
plication de compresses imbibées de vi-
naigre sur les hémorroïdes dont elle était
tourmentée.
HIPPOCRATE a dit : « Il est impossible
de guérir une très-forte apoplexie. » Il y
a lieu de croire qu'il a voulu parler de
celle où tout l'effort s'est porté au cer-
veau , et qui a attaqué l'origine des nerfs.
( 443 )
L'apoplexie est guérissable où l'action des
nerfs n'est que suspendue par le spasme
et l'empâtement du tissu cellulaire. La
nature a besoin , pour coopérer à cette
guérison , de toutes ses forces ; et dans la
vieillesse elle a besoin d'être aidée par
quelques cordiaux diaphorétiques , et sou-
vent par l'application des vésicatoires ,
spécialement lorsqu'on a fait usage de la
saignée. Nous ne manquons jamais d'avoir
recours à ce moyen , sitôt après la saignée
qui n'a pas procuré une liberté complette
du cerveau .
Cette crise se termine souvent par des
vomissemens , une diarrhée ou des sueurs
pâteuses et des urines boueuses ; tandis
que la nature épuisée chez les personnes
sur lesquelles on a répété la saignée , reste
dans l'affaissement qui devient mortel.
Nous savons qu'on peut quelquefois la
ranimer par les émétiques ; mais aussi nous
savons que ces moyens manquent souvent
leur effet , et qu'on est trop heureux dans
ce cas , quand ils procurent quelques éva-
cuations abdominales ; d'ailleurs , le ma-
( 444 )
lade ne peut pas toujours être secoué et
violenté , la nature agit quelquefois mieux
dans un profond repos , et opère une ré-
volution salutaire.
On ne peut disconvenir que les vomi- ·
tifs n'aient plus fréquemment eu d'heu-
reux succès chez les vieillards , que les
saignées , non-seulement parce qu'ils éva-
cuent une partie de l'humeur muqueuse
qui enchaîne les ressorts , engourdit les
nerfs et opprime leur action , mais encore
parce qu'ils éveillent la sensibilité géné-
rale , font cesser la dyscinésie en rendant
un peu d'activité au principe vital qui
était comme étouffé avant leur adminis-
tration ; aussi ne manquons - nous jamais
de les administrer en les réunissant à
quelques cordiaux ; car nous pensons
qu'il est nuisible de tenir ces malades à
un émétique continué pendant plusieurs
jours , sans l'unir à quelques moyens dia-
phorétiques et toniques pour relever le
ressort de tous les mouvemens orga-
niques , en même-temps qu'on en diminue
l'engorgement.
( 445 )
HOFFMAN n'a jamais manqué d'em-
ployer ce moyen que nous croyons très-
nécessaire dans un âge avancé . On sent
combien les vomitifs et les cordiaux se-
raient nuisibles dans une apoplexie déter-
minée par un spasme violent ; car ce qui
doit guérir celle produite par les humeurs ,
aggraverait celle qui a pour cause un
spasme produit par un grand chagrin
concentré , ou par un accès de colère : ces
raisons doivent décider le Médecin à se
mettre au fait de tout ce qui a précédé
cet accident.
Nous croyons qu'après avoir fait échap-
per le vieillard au danger mortel , par
l'administration des vomitifs et cor-
diaux dans l'apoplexie , on doit la trai-
ter comme une maladie catarrhale , spé-
cialement lorsqu'elle a été produite par
la métastase d'une affection cutanée ,
ainsi que par un reflux hémorroïdal , et
que , dans ce dernier cas , souvent quelques
sangsues suffisent pour rétablir la santé ;
tandis que , dans le premier , il faut re-
courir à l'application d'un vésicatoire pour
( 446 )
rappeler à l'organe extérieur l'humeur
qui occasionne tout le danger.
Nous croyons aussi qu'une fois le dan-
ger passé , moins on met de précipitation
à guérir, plus on y parvient sûrement en
donnant à la nature le temps et les forces
de , faire la coction de l'humeur morbi-
fique ; et enfin que , dans ces circons-
tances , un exutoire est aussi avantageux
dans un âge avancé , que les saignées
le sont à la jeunesse , et que par la
continuité d'un vésicatoire , ou à sa place ,
l'établissement d'un cautère , ou l'usage
du bois de garou ou d'auréole , on par-
viendra à se garantir d'une récidive.
( 447 )
CHAPITRE VIII.
Des Vertiges.
LES vertiges sont les symptômes de
plusieurs maladies aiguës ; ceux qui les
éprouvent croient voir les objets tourner ,
et sont en même temps persuadés qu'ils
tournent eux-mêmes ; mais lorsqu'indé-
pendamment de cette sensation , les yeux
s'obscurcissent , et que le malade éprouve
des palpitations et qu'il tombe ; ces ver-
tiges sont ordinairement chez les gens
âgés les précurseurs de l'apoplexie , spé-
cialement lorsqu'ils sont suivis ou pré-
cédés de fréquens assoupissemens.
Souvent aussi les vertiges ne sont que
l'effet de quelque sabure , reste de diges-
tion incomplette qui séjourne dans l'es-
tomac ; alors un peu de diète et quelques
délayans aromatisés débarrassent l'esto-
( 448 )
mac. Quelquefois aussi ils sont la suite
d'une affection spasmodique , ou de la
constipation .
Lorsque les vertiges sont l'effet d'un
spasme , les délayans et les tempérans avec
quelques gouttes de sirop de diacode, sont
le vrai spécifique. S'ils sont la suite de la
dyspepsie , quoiqu'on ait bien mâché et
que l'estomac n'ait pas été surchargé , il
faut aider la digestion par quelques bois-
sons légèrement amères et aromatiques ,
comme l'infusion de feuilles d'oranger ,
le thé , les feuilles de cacis , ou de vulné-
raires , ou thé suisse ; mais s'ils sont la
suite de quelques indigestions , la diète
et les lavemens sont les premiers remèdes
qu'il faut y apporter ; ensuite quelques-
unes des boissons ci-dessus indiquées ; et
lorsque cet état se renouvelle , il faut net-
toyer l'estomac par l'usage de la poudre
d'ipécacuanha , à la dose de quinze grains
dans une demi - tasse de bouillon à la
viande , ou d'eau sucrée , si on ne craint
pas de vomir. S'il y a empêchement à
l'usage d'un vomitif, il faudra se purger
plusieurs
( 449 )
plusieurs fois , après quoi on facilitera la
coction des humeurs crues et la bonne
digestion par l'usage du vin anti scorbu-
tique , pour se préserver d'une attaque
d'apoplexie .
Si les vertiges proviennent de consti-
pation , les lavemens stimulans et purga-
tifs sont nécessaires , parce que , dans la
vieillesse , cette incommodité est plus sou-
vent l'effet de l'atonie des intestins , que
de leur chaleur ; et après les évacuations
produites par ces lavemens , le vin anti-
scorbutique devient d'une grande utilité
pour réveiller la sensibilité , l'action des
organes abdominaux , et y rappeler le
principe vital qui y est étouffé par l'em-
pâtement visqueux qui règne ordinai-
rement à cet âge dans le tube intesti-
nal. Si , après tous ces petits moyens,
les vertiges subsistent , il faudra consulter
le Médecin , qui , d'après l'état du pouls ,
jugera s'il faut avoir recours à une éva-
cuation sanguine , soit par la phlébotomie ,
soit par les sangsues , pour prévenir l'apo-
plexie.
f
( 450 )
CHAPITRE IX .
De l'Ulcère de l'Utérus.
L ▲ plus horrible de toutes les maladies
qui affligent les femmes , est l'ulcère de
l'utérus qui survient ordinairement à l'é-
poque , ou à peu près , de la cessation du
flux menstruel. Ce mal est tellement ré-
puté incurable , que l'on ne cherche qu'à
adoucir les douleurs qui augmentent gra-
duellement d'intensité.
Souvent cet ulcère a son siége à l'ori-
fice de l'utérus , mais plus fréquemment il
en occupe le corps même. Les moyens qui
sont ordinairement employés pour sou-
lager les personnes qui en sont attaquées ,
sont les bains , qui ont peu d'efficacité
quand le fond de l'utérus est le siége du
mal. Les injections avec une forte décoc-
( 451 )
tion de ciguë, ou de solanum , de mo-
relle ou de jusquiame , à laquelle on
ajoute quelques têtes de pavot , ou quel-
ques grains d'opium , procurent un calme
de quelques heures.
Aujourd'hui on peut faire mieux ; car
notre expérience nous a confirmés que
cette maladie , toujours réputée mortelle ,
peut cependant être guérie par le traite-
ment qui suit :
P. Aigremoine , une poignée ;
Écorce du Pérou , une once ;
Orge mondé , une poignée ;
Faites bouillir dans un litre d'eau jus-
qu'à réduction d'un tiers ; ajoutez :
Miel rosat, quatre onces ;
Sel ammoniac , un gros , pour les in-
jections à faire.
Huit ou dix jours après, augmentez le
miel d'une once , et le sel ammoniac d'un
gros , et ajoutez :
Onguent égyptiaque , deux onces.
Faites séjourner les injections le plus
Ff 2
( 452 )
possible , en tenant les fesses de la malade
soulevées.
Sitôt que cette injection détersive est
rendue , injectez à différentes reprises.
quatre onces de suc gastrique de bœuf
passé à travers une étamine ou un petit
tamis de crin , afin de le purger de toute
matière hétérogène , et faites séjourner
cette injection le plus long- temps possible.
Il faudra aussi faire boire à la malade
deux onces de ce suc gastrique , et l'aug-
menter graduellement d'une demi - once
tous les cinq jours pour le porter jusqu'à
six onces.
Si , après quinze jours de cet usage , la
malade n'éprouve pas un mieux marqué ,
on lui fera commencer l'opiat suivant :
P. Extrait de ciguë , demi-once ;
Gomme ammoniaque , idem;
Sel ammoniac , idem;
Safran de Mars , idem;
Térébenthine séchée à l'étuve et
pulvérisée , une once.
i
Incorporez le tout dans suffisante quan-
( 453 )
tité de savon amigdalin , récemment com-
posé, pour faire des pilules du poids de
six grains chacune , dont on commencera
l'usage par deux , pour augmenter d'une
tous les trois jours , jusqu'au nombre de six
et même huit , suivant la gravité du mal.
Pendant tout ce temps , le régime doit
être humectant et rafraîchissant. Quand
ces remèdes sont commencés avant le
dernier période du mal , on parvient ,
après quelques mois , à dompter l'acri-
monie des humeurs ; ce qui se recon-
naît à la très-grande diminution de la fé-
tidité de la matière fournie par l'ulcère ,
conséquemment à son amélioration ; lors-
que cette matière n'a plus d'odeur et
qu'elle est blanche comme de la lymphe,
on peut user d'injections faites comme
il suit :
P. Écorce du Pérou , deux onces ;
Vulnéraires suisses , une poignée ;
Miel de Narbonne , deux onces pour
un litre d'eau.
(
( 454 )
CHAPITRE X.
De la Nécessité de Mourir , conséquem-
ment de celle d'apprendre à Mourir
philosophiquement .
Tour ce qui naît expire ;
De la destruction , la nature est l'empire.
Après avoir fait connaître aux humains
les procédés propres à prolonger leurs
jours , il nous reste à leur indiquer les
moyens d'apprendre à mourir avec toute
la raison et le courage possible.
Le philosophe voit arriver la mort avee
la fermeté et l'indifférence dont il en a
parlé quelquefois et avec la même tran-
quillité dont il a vu celle de tant d'autres,
Après avoir joui des bienfaits de la
fortune , sans avarice et sans prodigalité ,
après s'être rendu agréable à ses parens ,
( 455 )
à sa femme et à ses amis ; après avoir fait
pour les siens et ses concitoyens tout ce
qui était en son pouvoir; enfin , après avoir
rempli sa tâche dans la société , l'homme
bien convaincu qu'il n'est pas immortel ,
apprend à mépriser les terreurs de la
mort , en se disant :
Qu'ici tout se corrompt , tout se détruit , tout
passe ;
Mon oreille bientôt sera sourde aux concerts ,
La chaleur de mon sang va se tourner en glace ,
D'un nuage épaissi mes yeux seront couverts ,
De nos vins généreux la sève vivifiante
Ne pourra plus flatter mes languissans dégoûts ;
Courbé, traînant à peine une marche pesante ,
J'approcherai du terme où nous arrivons tous.
Nous n'avons pas le projet de dissimu-
ler que tous les êtres , ceux même aux-
quels nous n'accordons pour ainsi dire
pas la connaissance intime de leur exis-
tence , ne cherchent , suivant leurs facul-
tés , les moyens de la conserver. Il nous
est bien prouvé que l'amour de soi est
universellement répandu chez toutes les
( 456 )
créatures , soit qu'il y réside dans un
mouvement machinal ou organique , soit
qu'il tienne à un sentiment plus ou moins
réfléchi , et qu'en conséquence tout être
vivant craint et fuit tout ce qui tend à
sa destruction ; aussi l'homme sage at-
tend-il la mort sans la desirer ( 1 ) ,
Plus l'homme est ignorant et dépourvu
d'expérience , plus il est susceptible de
crainte ' et d'effroi. L'obscurité , la soli-
tude , le silence et les ténèbres de la nuit ,
le sifflement des vents sont , pour tout
homme qui n'est point accoutumé à ces
événemens , des objets de terreur. L'igno-
rant est un enfant que tout étonne et fait
trembler ; mais ses alarmes se calment et
se dissipent à mesure que l'expérience le
familiarise avec les effets de la nature , et
il se rassure dès qu'il croit en connaître
( 1 ) La science de mourir , coûtera toujours des
efforts ; nous devrions nous familiariser avec cette
idée qui nous sauverait des erreurs , des égaremens
honteux et souvent des penchans vicieux et cri-
minels.
( 457 )
les causes (1) . Il en serait de même
des craintes qu'il a de la mort , si nous
parvenions à le faire revenir de l'erreur
où il est, en la regardant comme une ven-
geance divine.
En démontrant à l'homme la nécessité
physique de mourir , nous lui rendrons
un service d'autant plus grand , qu'exempt
de cette crainte , il passera une vieillesse
moins pénible et moins douloureuse . Les
anciens , plus sages que nous , faisaient,
du mépris de la mort , une partie capi-
tale de leur éducation ; et dans un âge
plus avancé , elle devenait l'objet de leurs
méditations .
Le moyen de ramener les hommes à ce
point de sagesse , et de détruire une er-
reur si funeste à leur tranquillité , est de
(1 ) Le tonnerre , dont le vulgaire ignore la vraie
cause , est regardé par lui comme un instrument
de la vengeance céleste ; tandis que le Physicien
est certain qu'il est l'effet naturel de la matière
électrique accumulée dans différens nuages , dont
les chocs occasionnent l'explosion qui produit le
bruit qu'on appelle tonnerre.
( 458 )
leur faire envisager la mort sous son vé-
ritable aspect , en la dégageant des idées
effrayantes sous lesquelles on la leur pré-
sente et en les familiarisant avec l'idée d'un
philosophe qui a dit :
• • Je voudrais qu'à tout âgé ,
On sortit de la vie ; ainsi que d'un banquet ,
Que, saluant son hôte , on refît son paquet.
Si les hommes ne regardaient pas leur
dernière heure comme une punition de
la Divinité , au lieu de la voir comme une
loi de la nature , nulle terreur ne pour-
rait s'emparer de l'amé de ceux qui au-
raient bien vécu ; leur confiance dans la
bonté de l'Être-Suprême , leur imprime-
rait au contraire , le desir de voir finir
cette vie , bien persuadés qu'ils en re-
commenceraient une autre plus heureuse ,
et ils diraient avec nous :
O Dieu ! qu'on méconnaît ! ô Dieu ! que tout
annonce !
Entends les derniers mots quema bouche prononce;
Mon cœur peut s'égarer , mais il est plein de toi ,
Et ne veut désormais obéir qu'à ta loi.
( 459 )
O homme! ne concevras-tu jamais , que
tu n'es qu'un être éphémère dans cet
univers ; tout étant vicissitude dans ce
monde , comment eût - il été possible
que ton admirable structure , mais si frèle
et dont les ressorts sont si mobiles et si
compliqués , fût exempte d'une loi qui
veut que tout ce qui naît change , s'altère
et périsse ? Pour calmer les terreurs que
te donne l'idée de la mort , étudie la na-
ture , et vois que les premiers humains
constitués comme nous le sommes de ma-
tériaux périssables , ont dû être sujets à
une fin , vraisemblablement plus tardive
que la nôtre , parce qu'ils n'abusèrent
pas , comme nous de tous les moyens
que le Créateur leur avait donnés pour
jouir de la vie ; mais ne crois pas que la
grande longévité dont Dieu les favorisa ,
dût les conduire à l'immortalité ; il n'y a
rien d'immortel que ce Dieu et le souffle
divin dont il nous anima au moment de
la création .
La raison doit donc te faire résigner
au décret de notre souverain Maître ,
( 460 )
qui , sans nous consulter nous plaça
des êtres orga
pour un moment au rang
nisés , et qui de même , sans notre con-
sentement nous oblige d'en sortir : telle
est la loi pour laquelle nous sommes nés
et dont il n'exempte aucun des êtres qu'il
produit ; il a rendu ce sort commun à
tous , afin que l'égalité nous console de
cette fatale nécessité ; il nous prouve à
tous momens qu'il ne fait grace à per
sonne ; nous marchons tous vers le même
but que nous atteignons à des époques
différentes .
La mort , la triste , mais inévitable mort
qui , malgré notre orgueil , confond et
nivelle tous les rangs , est le terme com-
mun de tout ce qui a vie ; elle est des-
tinée par l'Auteur de la Nature à réta-
blir parmi nous l'empire de l'égalité , car
Le pauvre en sa cabanne , où le chaume le couvre ,
Est sujet à ses lois ;
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre ,
N'en défend pas les Rois.
La succession continuelle des généra-
( 461 )
tions ne doit pas nous étonner plus , que
la succession périodique des feuilles .
L'harmonie de l'Univers brille par- tout ;
mais elle n'est nulle part plus frappante ,
que dans la succession régulière de des-
tructions et de régénérations continuelles
des êtres .
REPRODUCTION et DESTRUCTION .
Ces deux mots ont fixé pour jamais la
destinée de notre monde. Car ,
Jamais la sombre nuit , ou la naissante aurore ,
N'a visité ce globe au malheur condamné ,
Sans qu'on ait entendu les pleurs d'un nouveau-né ,
Ou ceux que le cercueil rend plus amers encore.
Notre vie est tout à la fois une comé-
die et une tragédie sous ce dernier as-
pect elle ne peut avoir un autre dénoue-
ment que la mort. Mourir est réaliser
ces profonds sommeils dans lesquels nous
sommes tombés quelquefois ; aussi les
Athéniens avaient-ils placé la statue de la
Mort à côté de celle du Sommeil. Nous
( 462 )
sommes nés pour mourir , ne nous plaignons
pas de notre sort ; parce qu'avec la cons-
titution de ce globe , nous serions infini-
ment plus à plaindre si nous ne devions
pas mourir.
Si du Dieu qui nous fit , l'éternelle puissance
Eût, à deux jours au plus , borné notre existence ,
Il nous aurait fait grace ; il faudrait consumer
Ces deux jours de la vie à lui plaire , à l'aimer.
Contentons-nous des biens qui nous sont destinés ,
Passagers comme nous , et comme nous bornés.
Le temps est assez long pour quiconque en profite ;
Qui travaille et qui pense en étend la limite.
Le sage ne desire pas une très-longue
vie , mais il met à profit celle que l'Au-
teur de la nature lui accorde , ce qui est
une chose difficile et rare , car peu s'oc-
cupent de la bien régler. La plus longue
vie n'est pas toujours la meilleure , si nous
la connaissions nous n'en voudrions pas.
Vitam nemo acciperet , si daretur scientibus (1).
Dans l'incertitude où nous sommes
(1 ) CHARON , liv. Ir. de la Sagesse.
( 463 )
des événemens de cette vie , qui sait si
la mort n'est pas le souverain bien ? Ré-
jouissons-nous donc de ce que la vie ne
nous est que prêtée , de ce que nous n'en
sommes que les usufruitiers , et ne nous
affligeons pas d'être obligés de la rendre ;
car il faut toujours être préparé à rendre
ce qu'on nous a prêté . Si la vie est un
bien , s'il est nécessaire de l'aimer , il n'est
pas moins nécessaire de la quitter. La
plus insensée de toutes les craintes est
celle de la mort , puisque nous ne pouvons
l'éviter.
O homme ! connais donc ton erreur ;
vois donc que tes craintes t'empêchent
de jouir de la vie , et précipitent la fin
que tu voudrais éloigner ! La crainte , en
t'ôtant le courage , te prive de tes forces
et de ton énergie pour jouir ; elle te livre
à cette foule de maux qui en sont la suite
et qui te détruisent.
Malgré la vérité de ces réflexions , rien
n'est plus rare que les hommes vraiment
affermis contre les craintes de la mort ,
parce que tant que nous nous portons
( 464 )
bien , nous n'y réfléchissons pas , et lors-
que nous sommes malades , nos forces mo
rales décroissent en proportion de l'aban-
don de nos forces physiques .
L'illustre Bacon dit : « Les hommes
craignent la mort comme les enfans crai-
gnent l'obscurité. » En effet l'homme a
naturellement de la crainte de tout ce
qu'il ne connaît pas ; accoutumé à sentir ,
à penser , à jouir de la société de tous
les êtres animés , il ne peut se faire une
idée de sa mort , sans s'affliger , parce
qu'indépendamment des douleurs qui
précèdent ordinairement cette fin , l'in-
certitude du sort futur augmente son in-
quiétude.
POPE a dit : « Les biens , les maux que
le Ciel nous envoie ne sont pas les seules
causes de notre joie ou de notre tristesse ;
mais la crainte ou l'espoir que nous avons
de l'avenir forment en secret nos plaisirs
>>
ou nos peines .
Nous ne pouvons disconvenir que cette
incertitude ne soit la plus grande source
de cette frayeur qui poursuit l'homme
pendant
( 465 )
pendant sa vieillesse ; mais une vie ver-
tueuse doit le rassurer sur les suites de
cette fin inévitable .
Toujours occupés du desir de connaî-
tre l'avenir , nous poussons notre in-
quiétude au-delà du tombeau ( 1) . Nous
savons qu'il n'est pas question d'une heure ,
d'une année , ou d'un siècle , mais d'une
éternité ; et sans faire attention à l'éter-
nité qui nous a précédés , nous n'envisa-
geons qu'avec effroi celle qui doit nous
suivre ; cette pensée produit en nous le
desir de connaître quel doit être notre
sort en cessant de vivre : c'est ce desir et
cette inquiétude générale qui ont donné
lieu à tous les raisonnemens faits sur la
nature de l'ame dont le Créateur s'est ré-
servé la connaissance .
C'est pour le sort à venir de cette subs-
tance divine et immortelle, que nous nous
tourmentons pendant une partie de notre
voyage d'ici-bas , au point que les indi-
vidus les plus acccablés par l'infortune
(1) Ce desir est la plus ancienne maladie de
l'esprit humain .
Gg
( 466 )
et les infirmités , ne peuvent envisager
leur mort que comme un renversement
de l'ordre naturel , et que comme un
néant absolu. Cependant un sentiment
secret , plus sublime que la raison , re-
pousse l'idée du néant , et nous dit que
nous ne mourons pas tout entier ; que
l'Être des êtres n'a pas voulu éteindre pår
la mort , le souffle divin qui , ayant dis-
tingué l'homme , l'a mis au dessus de
toutes les autres créatures, en l'élevant aux
conceptions de sa suprême intelligence.
Ainsi nous devons mourir avec l'assurance
d'exister encore ; et les bontés de Dieu ga-
rantissent aux ames pures et bienfaisantes,
un sort plus doux que celui dont elles jouis-
sent sous leur dépouille mortelle.
D'où nous vient du néant cette crainte bizarre?
Tout en sort , rien n'y rentre ; et la Nature avare ,
Dans tous ses changemens , ne perd jamais son bien.
Ton art , ni tes fourneaux n'anéantiront rien';
Toi, qui, riche en fumée , ô sublime alchimiste !
Dans ton laboratoire , invoque Trismegiste ,
Tu peux filtrer, dissoudre , évaporer ce sel ;
Mais celui qui l'a fait veut qu'il soit immortel.
( 467 )
Prétendras- tu toujours à Phonneur de produire ,
Tandis que tu n'as pas le pouvoir de détruire ?
Si du sel ou du sable un grain ne peut périr ,
L'être qui pense en moi craindrait-il de mourir (1)?
Les hommes préoccupés de la crainte
de la mort ne peuvent , sans frémir , sé-
parer en idée leur corps de leur ame , et
se contenter de cette partie d'eux-mêmes
qui , délivrée d'un long emprisonnement,
considérera avec pitié les humains , tan-
dis qu'elle contemplera la Divinité , dont
en vain elle aura voulu ici-bas se former
une image.
L'homme heureux , l'homme instruit
peut craindre d'être privé pour long-
temps du bonheur qu'il voudrait ne ja-
mais voir finir. Sa raison lui a démontré
des perfections divines dans son ame , et
l'a persuadé que cette portion de la Divi-
nité subsistera après son humaine nature ;
et s'il lui reste quelqu'inquiétude sur cet
objet, c'est qu'il croit que l'ame a besoin
d'un corps pour sentir ses facultés : mais
( 1 ) Du Poëme sur la Religion , par Racine fils.
Gg 2
( 468 )
le dogme de la résurrection , si consolant
et si conforme à la saine philosophie , ne
vient-il pas à son secours ? L'homme reli-
gieux est persuadé que le sommeil n'est
pas durable , même dans le tombeau , et
que la mort n'est qu'une transfiguration
glorieuse. Qu'a donc la mort de si ter-
rible pour celui qui ne voit en elle que
la porte de l'éternité heureuse ; et qu'est-
ce que la vie a donc de si agréable pour
la regretter , quand on en connaît toutes
les misères ?
Le sage ne doit donc pas se laisser
abattre lâchement par la crainte de la
mort. Dieu , le père des humains , est le
premier régulateur de leurs destinées , la
source unique de ce qu'ils sont et de ce
qu'ils peuvent devenir ; en lui seul , nous
devons chercher nos consolations et nos
dernières espérances ; non qu'il veuille , en
notre faveur , intervertir l'ordre établi par
ses lois ; mais par notre abandon à sa vo-
lonté , nous sentons qu'en nous enfonçant
dans le sommeil de la mort , qu'en quit-
tant ce monde , nous nous retirons du
( 469 )
néant , puisque notre ame se rapproche
de lui ; car l'homme juste passera tout-
à-coup du jour ténébreux de son exis-
tence à la lumière pure d'une seconde
vie , où il jouira de ce bonheur ineffable
et inaltérable , dont ce monde ne peut
nous donner la plus faible notion .
Enfin, quand nous voyons le plus mal-
heureux des mortels s'écrier qu'il préfère
son état de douleur à la cessation de son
existence , nous sommes bien convaincus
que c'est faute de se faire une idée vraie
de la mort , qu'il s'en effraye ainsi , et que
ce n'est que parce qu'il la regarde comme
une punition qui le prive de ses faibles
jouissances , sans se persuader que l'Être
suprême n'a permis à la mort de le frap-
per , que pour terminer ses souffrances ,
et le rendre à une existence nouvelle.
Détrompés de tous les biens de ce
monde , des illusions flatteuses qui ont
bercé l'aurore de leurs ans , plusieurs
raison , voient que
hommes parvenus à la raison
la vie n'est qu'une vapeur légère , qui ne
brille qu'au moment de sa croissance , et
1
( 470 )
qui ne peut exister , hélas ! que sur le
théâtre des tempêtes ; ils voient combien
peu atteignent ce bonheur après lequel ils
courent sans cesse ; ils voient qu'après
que l'homme sensible possède une épouse
selon son cœur , et qu'il goûte les dou-
ceurs de l'union conjugale , au sein d'une
famille nombreuse et chérie , qui fut la
première intention du Créateur , et qu'en-
fin lorsqu'il possède les objets des plus
doux sentimens qui font croire à la féli-
cité humaine, son cœur est souvent frappé ,
dans ces objets de son affection , par la
mort qui vient aussi l'assaillir jusque dans
les bras de ses créatures les plus chéries ,
et leur faire pleurer un souvenir cruel à
conserver. Oui ! il faut mourir avant les
objets de notre tendresse , ou les voir des-
cendre au tombeau . Aussi croyons - nous
qu'après une longue carrière , peu d'hom-
mes voudraient racheter leurs plaisirs en
se soumettant de nouveau aux tourmens
qui en ont empoisonné les jouissances.
Réfléchissons un moment. Si la mort
nous prive de tout , elle efface le souvenir
( 471 )
de tout ; nous ne pouvons donc éprouver
ni privations , ni regrets ; et comme dans
ce monde la somme des maux surpasse
ordinairement celle du bonheur , con-
cluons ( non pas comme Sénèque , qui
prétend que la vie entière est un supplice) ;
mais concluons seulement qu'elle nous est
plus souvent à charge qu'agréable ; que
lancés ici-bas , comme sur une mer pro-
fonde , toujours agitée et sujette à un
flux et reflux , tantôt nous sommes élevés ,
tantôt précipités , et sans cesse balottés ;
que si nous ne faisons pas toujours nau-
frage , toujours nous le craignons ; que
notre ame est toujours suspendue entre
la crainte et l'espérance , et que dans une
vie aussi orageuse nous n'avons d'asile as-
suré que dans la mort (1) .
Le chagrin , les disgraces , le défaut de
succès adoucissent , pour quelques- uns ,
l'image si révoltante de la mort , et la leur
font regarder comme le terme et la cessa-
tion de leurs malheurs ; l'indigence ap-
(1 ) L'HOMME est unêtre grave qui rit un moment
et pleure pendant des années.
( 472 )
privoise le pauvre avec ce terme fatal si
redouté de l'homme riche ; mais celui qui
est constitué en dignité et en pouvoir ,
oublie que la jouissance de tous les biens
dont l'éclat trompeur séduit les humains ;
que tous ces objets qui excitent notre ad-
miration et provoquent notre cupidité ,
lui ont coûté des peines à acquérir , et
plus encore à conserver au milieu des bri-
gues et des cabales de l'ambition , parmi
la foule d'envieux et de calomniateurs qui
empoisonnent les actions les plus hon-
nêtes ; il oublie qu'il a été plus souvent
accablé d'honneurs que décoré , et qu'il
n'a jamais joui des faveurs de la fortune ,
sans en craindre les vicissitudes.
Cependant , malgré son attachement à
la vie , et ses craintes de la mort , l'homme
s'y expose souvent ; les uns la bravent par
témérité , les autres par préjugé. L'amour,
l'orgueil , la jalousie , l'ambition et la
gloire , toutes ces passions font disparaî-
tre et anéantissent en lui cette terrible
crainte , et le rendent ce que nous appe-
lons brave et courageux,
( 473 )
LUCAIN a défini la philosophie , une mé-
ditation de la mort ; mais il ne veut pas
pour cela que nous nous occupions triste-
ment du terme de notre vie ; il ne veut
pas que nos idées , toujours teintes de
l'image lugubre de la mort , nous privent
de toute volupté ; il veut que nous nous
familiarisions avec un objet que notre na-
ture , notre essence nous rendent néces-
saire. Profitons donc de notre existence ,
non pour nous attrister sur sa fin , mais
pour nous mettre en état de bien finir.
COROLLAIRE.
L'HOMME , pour parvenir à rendre son
existence heureuse et la fin de sa carrière
exempte d'infirmités et de remords , doit
être tempérant , modéré et bienfaisant ,
ne prodiguer pas le platsir , s'il veut le
rendre durable , s'abstenir de tout ce
qui peut nuire aux autres.
Remplis tous ces devoirs et respecte la loi ,
Le sentier des vertus s'aplanira pour toi ;
( 474 )
J'en jure par celui qui verso dans notre ame
Et la vérité sainte et sa céleste flamme..
Qu'à la seule vertu , ta sagesse confie
Les rênes de ce char où s'envole la vie;
Alors t'élançant pur , vers la Divinité ,
Tu franchiras le seuil de l'immortalité,
Et la mort ne sera pour toi que la porte
d'une existence nouvelle et heureuse ,
sous un nouvel ordre de choses . La né-
cessité de mourir n'est à l'homme sage
qu'une raison pour bien vivre ; car la
seule satisfaction en mourant est d'avoir
bien vécu.
Heureux le vieillard ! qui , parvenu
aux noirs confins de la vie avec l'estime
de ses concitoyens , l'amitié de tout ce
qui l'entoure , peut dire :
Mes enfans , grace au Ciel , se portent tous au bien ;
C'est assez , j'ai mon lot , je ne demande rien ;
Et le terme arrivé , sans regret , sans envie,
Ainsi que j'ai vécu , je quitterai la vie.
Au lit de la mort, il reporte ses regards
attendris sur les différens membres de
cette famille , et se console d'être obligé
1
( 475 )
de les quitter , en pensant qu'il les reverra
près d'un Dieu qui doit un prix à son
amour et à sa bonne conduite ; c'est en
mettant toutes ses espérances dans la Divi-
nité , qu'il parvient à triompher des ter-
reurs de la mort.
O religion sainte , que tu es belle ! Par
toi nous avons joui pendant la vie , et les
fleurs que tu as répandues sur notre exis-
tence exhalent encore leurs parfums , lors-
que Dieu ordonne à notre ame d'aban-
donner sa demeure passagère et qu'il nous
montre au-delà du tombeau la consolante
éternité. Que peut craindre l'homme qui
ne voit dans le passé que le bien qu'il a
fait ? Il jette autour de lui de paisibles
regards , et autour de lui tout semble lui
sourire , et ne lui renvoyer que de doux
souvenirs et de délicieuses espérances .
Le vieillard qui n'a cessé de se rendre
agréable à sa femme par tous les soins ,
les complaisances et les attentions compa-
tibles avec la raison ; qui s'est appliqué
à bien élever ses enfans , pénétré des tri-
ples sentimens d'amour conjugal , d'amour
( 476 )
paternel , de reconnaissance filiale que lui
font éprouver ces créatures heureuses
par lui , achève avec eux une douce car-
rière , et croit en recommencer une autre
avec ses petits-enfans. Cette illusion du
sage qui sait apprécier les vertus sociales
et morales , soutenue d'une saine Philo-
sophie et d'une vie exempte de remords ,
source de la paix de l'ame , le préserve
de la crainte pusillanime de la mort ;
l'ange de l'espérance descendant vers lui
ferme ses yeux à la lumière , et le con-
duit tranquillement à cette fin où un sé-
jour de délices l'attend ; c'est ainsi que le
sage réalise l'idée de celui qui a dit :
Approche-t-il du but , quitte-t: il ce séjour ,
Rien ne trouble sa fin ; c'est le soir d'un beau jour.
FIN.
63
( 477 )
TABLE
DES CHAPITRES
1 CONTENUS EN CE VOLUME.
AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR. Page
PRÉFACE ET PLAN DE L'OUVRage... 355 5
DISCOURS PRÉLIMINAIRE . • 17
INTRODUCTION.. • 35
INVOCATION A LA DÉESSE DE LA
SANTÉ.. · 59
PREMIÈRE PÂRTIE .
DE L'HYGIÈNE , ou l'Art de se
conserver en bonne Santé. · • · 61
GÉNÉRALITÉS POUR TOUS LES INDIVIDUS .
Des divers Diathèses et Tempéra-
mens. • • 65
Causes de la diversité des Tempé-
ramens . • 68
( 478 )
Sect. 1. De l'influence de l'Age
sur les Tempéramens.... Page 70
Sect. 1. De l'influence du Sexe
sur les Tempéramens. . • 73
Sect. 111. Divers Moyens de modi-
fier et perfectionner les Tem-
3398
péramens. · 79
Sect. iv. De l'usage du Lait. 85
SECONDE PARTIE .
DE LA GÉROCOMIE proprement
dite , ou des Procédés généraux.
pour conserver la Vieillesse en
santé.. • · 93
CHAP. I. De l'Air et de ses effets
sur l'Humaine Nature. 105
CHAP. II. De l'influence des Sai-
sons sur la Vieillesse. 125
CHAP. III. Moyens de prévenir
les Infirmités qui affligent la
Vieillesse pendant l'Hiver. . . . 132
CHAP . IV. De la Nourriture laplus
saine à la Vieillesse. · 139
CHAP . V. Procédés pour opérer la
( 479 )
bonne Digestion si nécessaire à
la Santé. . . . Page 156
CHAP. VI. Des Boissons conve-
nables à la Vieillesse. · · · 171
CHAP. VII. De l'Intempérance très-
nuisible à la Vieillesse.. 183
Sect. 1. Exemple frappant de la
nécessité de mener une vie sobre
et active. 190
Sect. II. De la Tempérance.. · 200
CHAP. VIII. Du genre d'Exercice
nécessaire à la Vieillesse. . . . 205
CHAP. IX. Du Repos nécessaire à
la Vieillesse. 225
CHAP. X. Des dangers de l'Oisi-
veté et de la Paresse pour les
Personnes âgées.. 228
CHAP. XI. Du Sommeil et de la
Veille.. • • 252
Sect. 1. Règles générales pour uti-
liser le Sommeil. . . 236
Sect. 1. Effets du Sommeil. • · • · 237
Sect. III. Mécanisme du Sommeil.. 259
CHAP. XII . De la Repletion et des
Évacuations nécessaires. . . . . 242
( 480 )
CHAP. XIII. De la Transpiration
insensible; autre genre d'ex-
crétion.. · Page 249
CHAP . XIV. De la Propreté. ...
. 257
CHAP. XV. Du troisième Age des
Femmes ou de leur Automne... 261
Procédés pour éviter les orages
auxquels la cessation du flux
menstruel donne souvent lieu.. 266
TROISIÈME PARTIE .
DES PASSIONS et de leurinfluence
sur la Santé. • 279
CHAP. I. De l'Amour sensuel... · 288
CHAP. II. De l'Ambition.. 290
CHAP. III. Des Jeux. · 293
CHAP. IV. De l'Envie.. 398
1
CHAP. V. Des Agitations de l'Ame. 302
Sect. 1. De la Peur ou Frayeur. • · 303
Sect. II. De la Terreur. · 304
Sect. III. De la Crainte.. · • 306
Sect. IV. De l'Espérance . · 310
Sect. v. De la Gaîté.. • 312
Sect.
( 481 )
Sect. vi. Des dangers d'une Joie
imprévue · • Page 313
CHAP. VI. De l'Amitié.. 316
CHAP. VII. Des Maladies de l'Ame,
et des Procédés propres à les
guérir, quand on n'a pu les pré-
venir. · 320
Sect. 1. De la Colère.. 321
Causes de la Colère. 324
Des Effets de la Colère. 327
Procédés moraux pour réprimer
la Colère.. 335
Remèdes contre la Colère..•· • 342
CHAP. VIII. De l'Ennui. 345
QUATRIÈME PARTIE.
MÉDECINE PROPHYLACTIQUE,
ou des soins que nous devons à
la Vieillesse , pour la préserver
des Maladies .. 353
CINQUIÈME PARTIE.
DE LA THÉRAPEUTIQUE, ou de
la Médecine curative des Mala-
#h
( 482 )
dies les plus ordinaires à la
Vieillesse... Page 359
Règles générales à observer dans
le Traitement des Maladies de
la Vieillesse. · · 360
Des Saignées . · • · 368
Des Purgatifs et des Vomitifs . · 371
CHAP. I. De la Dyspnée.. · 374
CHAP. II. Du Catarrhe. • 379
CHAP. III. Des Maladies de la
Vessie , auxquelles la Vieillesse
est souvent en proie. · · 391
CHAP. IV. De l'Incontinence d'U-
rine ou du Diabètes.. · 403
CHAP. V. Des Maladies qui affli-
gent communément les yeux
pendant la Vieillesse. · · 407
CHAP . VI. Des Hydropisies . • · 411
Sect. 1. Causes des Hydropisies
en général. 423
Sect. I. Causes de l'Hydropisie
ascite.. • • 426
Sect. 1. Aperçu du Traitement
convenable à l'Hydropisie as-
cite. · 429
( 483 )
Sect. IV. Cause de la Soif des Hy-
dropiques. · · Page 432
CHAP . VII. Des Apoplexies..
· 434
CHAP. VIII. Des Vertiges.
· 447
CHAP. IX . De l'Ulcère de l'Utérus . 450
CHAP. X. De la Nécessité de Mou-
rir , conséquemment de celle
d'apprendre à Mourir philoso-
phiquement.... · 454
REPRODUCTION et DESTRUCTION .
· 461
COROLLAIRE .
473
Fin de la Table des Chapitres.
H 2
( 484 )
TABLE DES MATIÈRES
ET
EXPLICATION
DES NOUVELLES DÉNOMINATION S.
( Les chiffres indiquent les pages . )
A.
ABCISSION , soustraction ou séparation des
parties superflues.
Adipsie, cessation de la soif.
Adynamie , perte des forces.
Age, son influence sur les tempéramens, 70. Troi-
sième âge des femmes ou leur automne , 261 .
Ce qu'elles doivent faire pour ne pas perdre en-
tièrement leurs charmes , 163 et suivantes.
Air , son influence , et où se trouve le plus pur.
103. Ses qualités nécessaires, 113. Les bons
effets de celui du matin , et les précautions qu'il
faut prendre pour le respirer , 117..
Agitation de l'ame , ses effets sur la vieillesse, 302 .
Ambition , ses dangers pour la vieillesse , 292 .
Amitié, ses bons effets sur la santé , 316.
( 485 )
Amour sensuel, ses dangers pour la vieillesse , 288.
Analeptiques , remèdes restaurans.
Anasarque , ce que c'est et ses remèdes , 413.
Apoplexie , ses divisions et sa cure , 434, 438 et
suivantes.
Asthénie , faiblesse extrême.
Ataraxie , tranquillité d'ame.
Automne , ses effets sur la santé , 129.
B.
BAINS , leur nécessité à la vieillesse , 112.
Bière , son origine , 178. Ses qualités et la meil-
leure , 179.
Blennorhée, écoulement de matière muqueuse par
les parties de la génération.
Boisson , avantageuse à la vieillesse , 111 , 171 et
175.
Bonheur; où l'homme peut-il le trouver ? 33. Son
effet sur la santé , 101 .
C.
CACOCHIMIE , dépravation des humeurs.
Cacochylie, chylification dépravée.
Cacotrophie , nutrition dépravée.
Catarrhe , différens moyens de les traiter , 379
et suivantes.
Cessation du flux menstruel ; ses effets , 276.
Cidre , ses qualités et effets sur la santé , 180.
( 486 )
Chirurgie, son origine et ses fonctions , 47.
Colère , 321. Ses pernicieux effets sur la santé ,
324 ; pendant la menstruation , 332 ; pendant
les couches , 333. Ses préservatifs , 336 , et re-
mèdes contre , 342.
Constipation , ses dangers , spécialement pour la
vieillesse , 243.
Convalescence ; soins nécessaires de la part du
Médecin , 7.
Crainte, 306.
Cystitis , inflammation de la vessie.
D.
DIABÈTES , flux excessif d'urine , 404. Ce que
l'on peut faire en attendant le Médecin , 406.
Diaphorétiques , remèdes qui poussent à la sueur,
Diasostiques , médicamens qui conservent la santé.
Diathèse , constitution corporelle,
Descartes , son opinion sur les moyens de con-
server la santé , 20.
Digestion , ses effets sur la santé , 151. Moyens de
la rendre bonne , 157. Manière dont elle s'opère ,
158. Ses effets sur notre manière de penser et
d'agir , 164.
Dyscinésie , difficulté douloureuse des mouve→
mens.
Dyspepsie , digestion laborieuse.
Dyspnée , difficulté de respirer , et moyens d'y re-
médier , 374.
( 487 )
Dysurie , douleur en urinant ; moyen de la faire
cesser , 391 et suivantes.
Dystokie , accouchement laborieux.
E.
EAU , ses effets sur la santé , 171. Ses qualités
pour être bonne , 172. Minérale, 180.
Electricité , préjugés détruits , 95.
Elytrocelle , hernie du vagin.
Ennui , ses dangereux effets sur la santé , 348.
Ses préservatifs , 349.
Envie , les malheurs qu'elle occasionne à la santé
299.
Erotique, action qui a trait à l'acte vénérien.
Esculape , sa naissance , 42. Ses attributs , 44.
Espérance , ses bons effets sur la santé , 310.
Été, son effet sur la vieillesse , 127.
Exercice , 205. Précautions que doit prendre la
vieillesse pour qu'il produise de bons effets , 218
et suivantes.
F.
FLEURS blanches , leurs remèdes , 82.
Frugalité, ses bons effets sur l'esprit et la santé ,
186.
Fruits , quels sont les meilleurs pour la vieillesse ,
147.
G.
GAITÉ , ses bons effets , 312.
( 488 )
Gastrique , ce qui a rapport à l'estomac ,
Gérocomie , ce que c'est , 93.
H.
HEUREUX ; que faut-il pour l'être ? 26.
Hippocrate, 50.
Hiver , son influence sur la vieillesse , 132. Ce
qu'il faut faire pour éviter ses dangereux effets ,
133 et suivantes.
Hydrocelle , 413.
Hystérocelle , descente de matrice.
Hydrocéphale , 3. Hydropisies de la tête ; leurs
nouvelles dénominations , 411 et suivantes.
Hydromphale , 414.
Hydropisie-ascite , sa cause , 423 et 426. Son trai-
tement , 429. Cause de la soif des hydropiques,
432.
Hydrotorax, hydropisie de poitrine.
Hygiène , 61.
Hygiénique , tout ce qui a rapport à l'hygiène ,
I.
IDIOSYNÉRASSIE , tempérament particulier à un
individu.
Incontinence d'urine, 403. Ses moyens curatifs ,
404.
Intempérance , ses dangers pour la vieillesse , 183 .
Invocation à la déesse de la Santé , 59.
( 489 )
J.
Jeux, Leurs bons et mauvais effets sur la santé,
293 et 295.
Joie imprévue , ses conséquences , 312 et 314.
L.
LAIT, ses bons et mauvais effets suivant les tem-
péramens et les circonstances , 85. Sa nature ,
89. Moyens de le faire réussir , 89. Procédés
pour modifier celui des animaux , et se le pro-
curer de telle qualité qu'on le desire , go et
suivantes.
Leucophlegmalie , 413. Remèdes à lui opposer ,
417.
Lever; les précautions que la vieillesse doit prendre
avant, 115.
Lois des Babyloniens pour la santé , 48.
Longévité , procédés pour y parvenir , 193. Exem-
ples tirés du siècle dernier , 195,
M.
MALADIES de l'ame ; moyens de les guérir , 3.0.
Mariage, dangereux aux vieillards , 98.
Mastication , sa nécessité en tout temps , à plus
forte raison dans un âge avancé , 161 , 163.
Médecine , ce qu'elle est aujourd'hui , 43. Diété-
tique, 51. Origine de celle qui traite des moyens
de conserver la santé , 52. Premier moyen de
( 490 )
conserver la santé , 23. Second moyen , 27. Et
troisième moyen , 29.
Médecine curative pour les maladies de la vieil-
lesse , 359. La même ne peut convenir à tous
les âges , et pourquoi , 361 et suivantes.
Mourir, sa nécessité et la manière d'apprendre à
mourir tranquillement , 454 et suiv.
N.
NEUVROS E , affections occasionnées par la ma-
ladie des nerfs.
Nourriture , la plus saine à la vieillesse , 139.
0.
OBLIGATIONS des Médecins amis de l'huma-
nité , 6.
Oisiveté , ses dangers pour la vieillesse , 228.
Orthopnée , gêne de poitrine , qui ne permet de
respirer qu'assis ou en levant les épaules.
Oxiregmie , aigreur des alimens dans l'estomac.
P.
PASSIONS , leurs effets sur la santé , 279. Leur
nécessité, 280. Elles sont des maladies de l'ame ,
285.
Pertes de sang ; moyens d'y remédier , 82.
Pérysystole , intervalle entre les battemens du
pouls.
( 491 )
Peur , ses effets sur la santé , 303.
Philosophes , leur utilité , 339.
Phlebotomie , ouverture d'une veine par la lan-
cette.
Plethore , ses effets; moyens d'éviter ses accidens ,
269 et suiv.
Principe vital , son effet , 69.
Printemps , son action sur le corps humain , 126
et suiv.
Propreté , son effet sur la santé , 257 .
Purgatifs pour la vieillesse , 371 .
R.
RÉGIME diététique , sa nécessité absolue , 8.
Repos , ses avantages et les dangers de son excès ,
225.
S.
SAIGNÉE , Son utilité et ses dangers , 368 et 385.
Saisons , leur influence sur la santé , 125.
Sang humain , sa composition , 140.
Santé , ses différens degrés , 21. Parfaite ; ce que
c'est , 73. D'où elle dépend , 141. Moyens de s'y
conserver , 164.
Sexe , son influence sur la santé, 73. Ses effets sur
les tempéramens , 74. Preuves péremptoires que
les constitutions primordiales ne sont pas les
mêmes chez les différens sexes , 77 .
Sobriété,ses bons effets pour la santé , 149. Exemple
( 492 )
frappant de sa nécessité pour parvenir sans
infirmité à une très-longue vie , 190.
Sommeil , 232. Procédés pour l'utiliser , 235. Ses
effets , 237. Son mécanisme , 239. Précautions à
prendre pour sommeiller pendant le jour , 110.
Soins que les Médecins doivent à la vieillesse pour
la préserver des maladies , 353.
Suc gastrique , liqueur filtrée par l'estomac pour
opérer facilement la digestion.
Sueur, sa nécessité et les dangers de la réper-
cuter, 386.
Stransgurie , ses procédés curatifs , 393 et suiv.
T.
TEMPERAMENT, ce qu'on doit entendre par
ce mot , 65. Causes de leur diversité , 66 et 68 .
Comment on peut les modifier , 79 .
Tempérance , ses bons effets sur la santé , 200 et
201.
Terme de la possibilité de la génération et moyens
de le reconnaître , 99.
Terreur , ses effets sur la santé , 304.
Transpiration , ses bons et mauvais effets , 349 ,
350.
Tympanite , 413.
U.
ULCERE de l'Utérus et son traitement , 450
et suiv.
( 493 )
Uréthéritis , inflammation de l'urètre.
Utérus , matrice.
V.
VENT du nord ; ses dangers pour la vieillesse ,
119. Du midi , de l'est et de l'ouest , 222.
Vermine , son origine et moyens d'en préserver
la vieillesse , 259 .
Vertiges , 447. Remèdes contre , 448 et suiv.
Vêtemens , 100.
Vieillesse , ce qui lui est nécessaire pour la main-
tenir en bonne santé , 93 .
V'in , ses bons effets pour la vieillesse , 175. Le
meilleur pour cet âge , 176.
- Vomitifs ; précautions à prendre pour les admi-
nistrer à la vieillesse , 371 .
Fin de la Table des Matières.
( 494 )
ERRATA.
Page 73 , avant-dernière ligne : après le mot la
qualité , supprimez la virgule.
Page 324 , ligne 21 , supprimez le mot nous.
Page 326 , ligne 11 , après phlegmatique , sup-
primez la virgule et mettez-la après acquis.
1