0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
36 vues19 pages

Commandement Colonial 007 Lukik

Réflexion sur la colonisation

Transféré par

Mohamad Awals
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
36 vues19 pages

Commandement Colonial 007 Lukik

Réflexion sur la colonisation

Transféré par

Mohamad Awals
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 19

Titre: L’assimilation, l’aliénation et le racisme dans la pensée postcoloniale de Frantz

Fanon

Auteur: Boris LUKIC (M. A.), Université de Sherbrooke

Publication: Commandement colonial, résistances et décolonisation - Une histoire de


l’Afrique contemporaine

Sous la direction de: Patrick DRAMÉ et de Boris LUKIC

Pages: 93-111

URI: http://hdl.handle.net/11143/19145

DOI: https://doi.org/10.17118/11143/19145
L’assimilation, l’aliénation et le racisme dans la pensée
postcoloniale de Frantz Fanon

Boris LUKIC (M. A.)


Département d’histoire, Université de Sherbrooke

L’incursion coloniale française en Afrique vers le milieu du IXe siècle est marquée par
l’instauration brutale d’un appareil de domination. Les bases de ce système d’oppression
rendent propice l’élaboration d’une entreprise d’assimilation d’une certaine partie des po-
pulations colonisées. Celle-ci s’immisce rapidement dans le quotidien des « indigènes »
et cause un bouleversement de leurs normes et modalités culturelles, sociales et identi-
taires.

Théoriquement, l’assimilation se définit comme une tentative d’homogénéisation


des populations « indigènes » dans le but d’effacer leurs particularismes régionaux.
L’historienne Carole Paligot affirme que le projet assimilationniste de la République fran-
çaise est une politique traditionnelle1. Elle soutient que l’assimilation est un principe ré-
publicain qui conçoit de facto les colonies comme le prolongement de la métropole, car
celle-ci y exporte ses lois, son appareil administratif et judiciaire2. Par l’entremise du Code
de l’Indigénat3, les « indigènes » sont exclus des droits civils et politiques, ce qui accentue
davantage l’inégalité raciale via son inscription directe dans le droit colonial4.

1. Carole Renaud Paligot, La République raciale (1860-1930), Paris, Presses Universitaires de France, 2006,
p. 253. Nous n’emploierons plus, subséquemment, les guillemets pour le terme de « indigène ». Nous
sommes conscients de son origine péjorative et nous ne nous inscrivons pas dans un répertoire colonia-
liste.
2. Ibid.
3. L’Indigénat, ou Code de l’indigénat, définit les dispositions réglementaires qui, dans diverses régions,
soumettent les indigènes à des sanctions exceptionnelles prononcées par l’administration coloniale, en
lien avec les infractions non prévues et non régies par la loi française métropolitaine. Adopté le 28 juin
1881, l’Indigénat est appliqué par le gouvernement français à l’ensemble de ses colonies dès 1887.
4. Paligot, La République raciale, p. 258-259 et Daho Djerbal, « De la sujétion coloniale à l’assujettissement
à l’autorité despotique », NAQD, no 30 (janv. 2013), p. 95. Djerbal précise ici le cas spécifique de l’Algérie
concernant le Code de l’indigénat. Il soutient que les Algériens sont privés de libertés et ne disposent
que de facultés révocables. Leur existence est en permanence touchée par des restrictions imposées par
l’administration coloniale. L’auteur affirme que l’identité même leur est refusée, car jusqu’en 1962, le
droit dénié aux Algériens de se réclamer de l’algérianité est substitué par l’attribution systématique de
qualificatifs ou d’épithètes comme « indigène » ou « musulman ».

Commandement colonial, résistances et décolonisation


94
Une histoire de l’Afrique contemporaine
De son côté, l’historienne Sylvie Thénault soutient que l’État colonial repose sur la coer-
cition dont l’objectif est l’assujettissement et la soumission des populations colonisées
par le biais des pouvoirs conférés aux représentants sur le terrain5. En contraste avec
Paligot, l’historienne Isabelle Merle soutient ici que l’Indigénat sous-tend une disconti-
nuité légale entre les lois métropolitaines et celles du régime colonial. Sur ce sujet, elle
affirme que les modalités légales de l’Indigénat contreviennent à plusieurs principes fon-
damentaux du droit français, en ce sens où elles ne s’appliquent qu’aux indigènes6.

Dans cet article, nous étudions le phénomène de l’incursion coloniale française en


Afrique et plus particulièrement la manière dont celle-ci affecte la condition des indigènes
dans les territoires colonisés. Plus précisément, nous élaborons notre analyse de l’alié-
nation, de l’assimilation et du racisme en contexte colonial à travers une réflexion cri-
tique de la théorie postcoloniale du psychiatre et sociologue martiniquais Frantz Fanon
(1925-1961). Ainsi, nous cherchons à voir la manière dont l’installation brutale d’un ap-
pareil de domination par les colonisateurs projette les bases propices à la mise en place
d’un racisme systémique et institutionnalisé, mais aussi d’une entreprise d’assimilation
et d’aliénation. Ces entreprises racistes et assimilationnistes affectent la condition des
indigènes, car ils mènent à leur dépersonnalisation culturelle et identitaire.

Nous nous questionnons donc à savoir comment Fanon évalue-t-il les impacts des
dépossessions identitaires et socio-culturelles des colonisés, causées par l’assimilation,
l’aliénation et le racisme en contexte colonial ?

À la lumière de la problématique avancée ci-dessus, nous pouvons avancer l’idée se-


lon laquelle le portrait de l’incursion coloniale française chez Fanon cherche à souligner
la manière dont s’enclenche le processus de « dépossession » identitaire et culturelle
chez les « indigènes »7. Dans cette optique, nous pouvons supposer qu’à travers les dy-
namiques d’aliénation, d’assimilation et de racisme préconisées par le colonisateur, les
colonisés sont tenus en état de dominés au bénéfice d’une exploitation des ressources
naturelles du territoire colonisé ainsi que d’une exploitation des individus colonisés.

Avant d’expliquer en détail comment nous comptons structurer notre analyse, nous
souhaitons effectuer ici un bref survol biographique sur Fanon afin d’outiller l’audience
lectrice à savoir qui est ce penseur anticolonial du milieu du XXe siècle.

5. Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence,
Paris, Odile Jacob, 2012, p. 41.
6. Isabelle Merle, « De la législation de la violence », Politix. Revue des sciences sociales du politique, vol. 17,
no66 (2004), p. 160.
7. Comprenons ici que les termes de « dépossession » et de « dépersonnalisation », sont employés par
Fanon. Nous les inclusions ici dans le but de souligner l’essence même du phénomène d’aliénation et
d’assimilation des « indigènes », c’est-à-dire de la perte de leur identité et de leur culture « précoloniale ».

Commandement colonial, résistances et décolonisation


95
Une histoire de l’Afrique contemporaine
1. Frantz Fanon - l’itinéraire d’un penseur postcolonial

1.1. Un bref survol biographique

Frantz Fanon est né le 20 juillet 1925 à Fort-de-France en Martinique, dans une famille
de petite bourgeoisie aisée issue de la strate peu nombreuse des békés, qui forme la
petite bourgeoisie martiniquaise. Volontaire et combattant dans les Forces Françaises
Libres durant la Seconde Guerre mondiale, il se retrouve, à la fin du conflit, étudiant en
Martinique sous la tutelle d’Aimée Césaire, puis transite en France en 1947. Il devient
bachelier et poursuit ses études médicales à l’Université de Lyon, où il soutient son doc-
torat en 1952. À la fin de ses études, il rejoint l’hôpital de Blida dans l’Algérois. En 1953 à
titre de chef de section. C’est véritablement à partir de 1955 qu’il observe les débuts de
la résistance algérienne8. Le contact entre Fanon et les maquisards du FLN constitue un
point tournant dans ses constats sur les réalités brutales de la guerre d’Algérie. En dé-
cembre 1956, Fanon démissionne de ses fonctions. Il rédige une lettre dénonciatrice au
gouverneur général et ministre de l’Algérie Robert Lacoste, et justifie son départ :

Si la psychiatrie est la technique médicale qui se propose de permettre à


l’homme de ne plus être étranger à son environnement, je me dois d’af-
firmer que l’Arabe, aliéné permanent dans son pays, vit dans un état de
dépersonnalisation absolue. Le statut de l’Algérie ? Une déshumanisation
systématique […] M. le ministre, les événements actuels qui ensanglantent
l’Algérie ne constituent pas aux yeux de l’observateur un scandale. Ce n’est
pas ni un accident ni une panne du mécanisme. Les événements de l’Algé-
rie sont la conséquence logique d’une tentative avortée de décérébraliser
un peuple9.

Ainsi, Fanon perçoit la situation coloniale et l’expérience vécue du colonisé comme une
cause directe à sa « décérébration », donc à l’aliénation de ses facultés mentales. À ses
yeux, les désordres infligés aux colonisés ne se réduisent pas seulement à leur « déper-
sonnalisation identitaire » et à leur « dépossession culturelle », mais s’étendent aussi aux
troubles comportementaux et affectifs10. Fanon découvre l’impossibilité de sa mission
psychiatrique à l’hôpital de Blida11. Il perçoit que le rôle de la psychiatrie en Algérie se

8. Delas, Fraiture et Geneste, « À propos des Œuvres de Fanon », Études Littéraires Africaines, no 33
(2012), p. 93-98.
9. Frantz Fanon, « Lettre au ministre résident », dans Écrits sur l’aliénation et la liberté, textes réunis, intro-
duits et présentés par Jean Khalfa et Robert Young, Paris, La Découverte, 2015, p. 367.
10. Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Paris, Découverte, 2002 (1961), p. 239.
11. Homi Bhabha, « Remembering Fanon, Self, Psyche and the Colonial Condition », dans Nigel C. Gibson,
dir., Rethinking Fanon, the continuing dialogue, New York, Humanity Books, 1999, p. 181.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


96
Une histoire de l’Afrique contemporaine
résume à sa participation au régime de violence et contribue à la dépersonnalisation de
l’individu colonisé12.

À sa démission, il s’engage ouvertement dans le Front de Libération Nationale (FLN) qui


mène la lutte d’indépendance algérienne, ce qui cause son expulsion de l’Algérie par ordre
les autorités françaises. Ainsi, il quitte Alger et transite à Paris avant de rejoindre Tunis en
mars 1957. Deux volets se développent dans les premiers moments des engagements
de Fanon dans la lutte anticoloniale. Dans un premier temps, il devient journaliste pour
le compte de la revue El Moudjahid13. Il est appelé à participer aux Services de Presse du
F.L.N., puis il est nommé représentant de la presse et porte-parole pour le FLN14.

La participation de Fanon aux congrès et aux conférences15 de 1956 jusqu’à la fin


de 1960 lui permet de tester ses théories et d’exposer sa pensée à ses homologues.
Notamment, durant la conférence d’Accra au Ghana en avril 1958, il fixe son discours sur
les questions de la violence et de la non-violence16. Plus particulièrement, il diffuse ses
premières réflexions sur les impacts de la violence employée par l’appareil colonial, mais
aussi de son rôle et de son usage répressif dans une perspective de décolonisation17.

Dans son portrait critique de la situation coloniale, Fanon présente un schéma sur l’évo-
lution du colonialisme, à travers lequel son étude du racisme, de l’assimilation et de l’alié-
nation occupe une place centrale. Nous séparons la présente étude selon les deux pre-
mières étapes de son schéma sur l’évolution du colonialisme. Celles-ci consistent, tout
d’abord, à l’asservissement du colonisé et la mise en place des projets assimilationnistes

12. Nigel C. Gibson et Roberto Beneduce, Frantz Fanon, Psychiatry and Politics, Londres, Rowman & Litt-
lefield International, 2017, p. 173.
13. Frantz Fanon, Pour la révolution africaine, Paris, Découverte, 2006 (1964), p. 7. Dans sa note d’éditeur,
François Maspero précise que les articles d’El Moudjahid regroupés et intégrés dans l’ouvrage n’ont ja-
mais véritablement été signés par Frantz Fanon, qui garda un anonymat constant. Un travail d’archive, de
datation, d’analyse littéraire ainsi que l’aide d’identification apportée par sa femme Josie ont contribué
à certifier ceux qu’il a rédigés.
14. Peter Hudis, Frantz Fanon: Philosopher of the Barricades, Londres, Pluto Press, 2015, p. 82-84.
15. Du 19 au 22 septembre 1956, Fanon participe au 1er Congrès des écrivains et artistes noirs, où il
expose son fameux discours « Racisme et Culture. La conférence qui marque le plus son parcours est
celle d’Accra en avril 1958. Il participe aussi au 2e Congrès des écrivains et artistes noirs du 26 mars au
1er avril 1959 à Rome ; à la conférence de solidarité afro-asiatique à Conakry du 11 au 16 avril 1960 ; à la
conférence des États indépendants d’Afrique à Addis-Abeba du 14 au 20 juin 1960 ; à la conférence pa-
nafricaine au sujet des problèmes du Congo à Léopoldville vers la fin août au début septembre 1960. Son
discours durant ces congrès est surtout centré sur la nécessité d’une solidarité interafricaine.
16. Pierre Bouvier, Aimé Césaire, Frantz Fanon : Portraits de décolonisés, Paris, Belles Lettres, 2010, p. 172
17. Joby Fanon, Frantz Fanon : De la Martinique à l’Algérie et à l’Afrique, Paris, Harmattan, 2004, p. 191.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


97
Une histoire de l’Afrique contemporaine
qui mènent à l’agonie de la culture « indigène », et ensuite, pour terminer, nous nous pen-
chons sur le raffinement et l’institutionnalisation du racisme18.

2. La « dépersonnalisation » et la « dépossession » des


« indigènes »

2.1. Les stratégies d’assimilation et d’aliénation du colonisateur

Dans le portrait fanonien de la situation coloniale, les critiques du projet assimilation-


niste sont fondées sur une analyse psychologique des impacts sociaux, identitaires et
culturels sur les populations colonisées. Dans ses études, Fanon souligne que pour im-
plémenter l’appareil colonial, le colonisateur doit, dès le début, briser les systèmes de
référence du colonisé : « L’expropriation, le dépouillement, la razzia, le meurtre objectif
se doublent d’une mise à sac des schèmes culturels […] Le panorama social est déstruc-
turé19… » La destruction des référents culturels à la suite d’un assujettissement violent
mène inévitablement à l’assimilation des colonisés en ce sens où ils se tournent vers la
culture du colonisateur après la perte de leurs repères culturels20. Nous étudions ici ce
phénomène d’assimilation et plus particulièrement, nous analysons comment Fanon per-
çoit l’adaptation du colonisé devant la perte de sa culture.

Tout d’abord, les stratégies d’aliénation du colonisateur se définissent à travers le phé-


nomène de culpabilisation et d’infériorisation du colonisé. Dès lors, Fanon avance que
celui-ci « […] tente alors d’y échapper d’une part en proclamant son adhésion totale et
inconditionnelle aux nouveaux modèles culturels, d’autre part prononçant une condam-
nation irréversible de son style culturel propre21. » À ce titre, il explique que les groupes

18. Lorsque nous abordons « l’évolution du colonialisme » selon Fanon, nous nous référons au début et à
la fin du colonialisme en Afrique, notamment par le cas de la décolonisation algérienne de 1954 à 1962.
Selon Fanon, cette évolution se fait en quatre étapes. Premièrement, l’incursion coloniale qui mène à
l’asservissement des indigènes, à la mise en place de projets assimilationnistes qui mènent à l’agonie de
la culture « indigène ». Ensuite, c’est le raffinement et l’institutionnalisation du racisme qui se dévelop-
pement dans l’optique de garder les indigènes dans un kyste d’aliénation culturelle et identitaire. Troi-
sièmement, avec la montée du nationalisme dans les colonies entre 1920 et 1950, nous voyons le phéno-
mène de la prise de conscience des colonisés face à leur condition. Finalement, à travers une volonté de
s’extirper de la domination coloniale, les colonisés cherchent la désaliénation et la libération nationale,
qui mènent à la décolonisation, violente ou non-violente.
19. Frantz Fanon, Pour la révolution africaine, Paris, La Découverte, 2006 (1964), p. 41.
20. En contraste avec son affirmation sur la destruction des systèmes de références culturelles du co-
lonisé dans son discours « Racisme et culture » donné le 20 septembre 1956 à la Conférence d’Accras,
Fanon pousse sa réflexion à ce sujet en incluant le facteur économique de la déstructuration colonialiste
dans Les damnés de la terre. En effet, il soutient ici que la violence qui établit l’arrangement du monde
colonial préside la destruction des formes sociales et plus particulièrement des systèmes de référence
économiques. À ce sujet, voir Frantz Fanon, Les damnés de la terre, op. cit., p. 44.
21. Fanon, Pour la révolution africaine, p. 47.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


98
Une histoire de l’Afrique contemporaine
infériorisés admettent que leurs malheurs sont les conséquences directes de leurs ca-
ractéristiques culturelles et raciales22. Cependant, il ne définit pas ici la « dépersonnali-
sation » uniquement comme un phénomène individuel ; il cherche à exposer les méfaits
de l’aliénation. Dans Les damnés, il étend sa définition sur le plan collectif et au niveau
des structures sociales de ses impacts. Il dépeint alors les colonisés comme « […] un
ensemble d’individus qui ne tirent leur fondement que de la présence du colonisateur23. »
Ici, « l’autodestruction » identitaire chez le colonisé se développe à travers un reniement
de ses propres déterminants culturels24. L’aliénation se caractérise ainsi par une sorte de
versatilité culturelle accrue et d’une instabilité identitaire dans le groupe dominé25. À ce
sujet, Renate Zahar soutient que la discrimination raciale qui s’immisce dans les institu-
tions de la société coloniale assigne les types de comportements individuels, sociaux et
collectifs de l’être aliéné ainsi que ses rapports avec le colon26.

Nous avons vu que la notion d’assimilation se traduit également par l’application quasi
intégrale des modalités légales françaises dans ses colonies, à une centralisation admi-
nistrative et bureaucratique ainsi qu’à un projet de transformation sociale et culturelle.
Ainsi, l’appareil colonial établit des organismes archaïques comme substituts auxquels il
peut exercer un contrôle, comme le système des chefs de clans instauré qui ne va servir
que de prétexte à la mise en place d’un système de surveillance visant à briser la culture

22. Ibid. Nous souhaitons préciser ici que pour Fanon, le colonialisme est une forme d’assujettissement
biologique qui cherche à valoriser la séparation hiérarchique raciale.
23. Fanon, Les damnés de la terre, op. cit., p. 283.
24. Erich Fromm, Société aliénée et société saine. Du capitalisme au socialisme humaniste : Psychanalyse de
la société contemporains, trad. de l’anglais par Janine Claude, Paris, Le Courrier du Livre, 1956, p. 196. L’au-
teur étudie ici, au même titre que Fanon, les attitudes de mimétisme et d’imitation de l’individu aliéné.
Fromm définit ce dernier comme un objet, une sorte d’investissement au gré des autres et de lui-même.
Privé du sens de soi, l’aliéné est anxieusement esclave de l’appropriation d’autrui. Dans la même optique
que Fanon, l’individu aliéné de Fromm est constamment désireux de plaire : il se trouve infériorisé à
chaque fois qu’il franchit, ou s’écarte, des normes imposées par le dominant. Fromm conclut que la di-
gnité de l’être aliéné est liée à l’approbation de l’Autre et qu’il est naturel de manifester une peur face à
toute tentative déviationniste.
25. Nous souhaitons préciser ici lorsqu’il lui est requis de se donner une image occidentale, le colonisé
adopte la culture du colonisateur par un souci de conformité et un désir à satisfaire le colon.
26. Renate Zahar, L’œuvre de Frantz Fanon : colonialisme et aliénation dans l’œuvre de Frantz Fanon, trad.
de l’allemand par Roger Dangeville, Paris, Maspero, 1970, p. 49. Par conséquent, le comportement de
l’individu aliéné se manifeste en effet à travers son rapport avec les institutions de la société coloniale
et les normes sociétaires traditionnelles. Dans ses écrits, Fanon étudie ce rapport dichotomique entre la
culture du colonisé et celle du colonisateur. Il avance l’idée selon laquelle les institutions traditionnelles
et sociales des colonisés détruites par les colonisateurs constituent les débuts de l’assimilation. À ce titre,
Fanon soutient qu’après avoir assisté à la destruction de ses systèmes de références et de ses schèmes
culturels : « […] il ne reste plus à l’autochtone qu’à reconnaître avec l’occupant que “Dieu n’est pas de son
côté” ». L’autorité oppressive permet donc l’imposition d’un jugement péjoratif chez le colonisé à l’égard
de sa singularité et de son existence. Pour la citation, se référer à Fanon, Pour la révolution africaine, op.
cit., p. 46

Commandement colonial, résistances et décolonisation


99
Une histoire de l’Afrique contemporaine
qui servait de repère pour, finalement, créer une illusion de vide27. À ce titre, Fanon réflé-
chit sur le phénomène « d’imitation » développé en conséquence à l’aliénation28.

2.2. Le phénomène d’imitation et d’adaptation chez les colonisés

Plus précisément, la notion d’imitation en contexte colonial caractérise l’action, ou la


volonté, de transformer les colonisés afin qu’éventuellement ceux-ci se définissent à
l’image du colonisateur. Sur ce, Fanon soutient que « […] dans une première phase, on a
vu l’occupant légitimer sa domination par des arguments scientifiques, la “race inférieure”
se nier en tant que race29. » C’est donc par l’imitation de l’oppresseur que le groupe social
racialisé commence à se déracialiser. Cependant, l’établissement d’un régime colonial
n’entraîne pas immédiatement la mort de la culture indigène30. Le but est plutôt ici de
l’agoniser pour éventuellement la faire disparaître.

Dans Les damnés de la terre¸ la réflexion sur les efforts déployés par l’appareil co-
lonial afin de réaliser l’aliénation culturelle de ses sujets nous permet de comprendre
le phénomène de dévalorisation culturelle et raciale du colonisé. Fanon soutient ici
que l’appareil colonial cherche à « […] convaincre les indigènes que le colonialisme
devait les arracher à la nuit. Le résultat [...] était d’enfoncer dans la tête des indi-
gènes que le départ du colon signifierait pour eux retour à la barbarie, encanaillement,
annualisation31. » Le maintien de l’aliénation dans les groupes colonisés est alors
sous-tendu par l’instillation d’une peur à un retour à la « décivilisation ». Dans un même
ordre d’idées, Fanon remarque une altération de la personnalité et l’adoption d’un nou-
veau mode d’être chez les individus colonisés, notamment à travers l’emprunt du langage
du colon. Il perçoit la naissance de ce phénomène de différenciation collective comme un

27. Bouda Etemad, La Possession du monde : Poids et mesures de la colonisation, Paris, Complexe, 2000,
p. 222.
28. Emanuelle Saada, « Entre “assimilation” et “décivilisation” : l’imitation et le projet colonial républi-
cain », Terrain¸ no 44 (mars 2005), p. 24.
29. Fanon, Pour la révolution africaine, p. 46. À ce sujet, voir également Zahar, L’œuvre de Frantz Fanon,
op. cit., p. 29. L’auteure complète ici le portrait économique de l’assimilation dans les études de Fanon.
Elle soutient que les rapports d’échanges économiques ne constituent pas des éléments d’intégrations
suffisants pour tenir l’ensemble du système colonial. Celui-ci se maintient alors à travers le facteur de la
race et plus particulièrement sur les modalités de l’idéologie raciale. En somme, pour renforcer l’aliéna-
tion des individus colonisés, le concept de la supériorité européenne blanche est justifié par la prétendue
infériorité raciale des « indigènes », qui est d’ailleurs elle-même reconnue par ces derniers dans le procès
d’aliénation.
30. Ibid., p. 42. En contrepartie à son analyse dans « Racisme et culture », les observations de Fanon sur le
monde colonial dans Les damnés de la terre se fondent sur une conception manichéenne de son existence.
Sur le sujet des arguments raciaux élaborés par le colonisateur dans l’optique d’inférioriser le colonisé,
son analyse s’appuie plutôt sur le phénomène de la dévalorisation des valeurs de la société colonisée. En
somme, Fanon élabore ici l’idée selon laquelle l’indigène est perçu non pas seulement comme un individu
inapte à l’éthique et absenté de valeurs, mais incarne plutôt la négation de toutes valeurs.
31. Fanon, Les damnés de la terre, p. 201.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


100
Une histoire de l’Afrique contemporaine
décalage et un clivage32. Nous concevons alors que l’aliénation n’est pas qu’une question
individuelle, elle est aussi collective33. Dans son étude des facteurs de l’aliénation psycho-
logique, Fanon analyse la psychanalyse du complexe d’infériorité chez l’aliéné34.

Pour revenir au concept de l’imitation, la recherche d’une adéquation et l’adoption d’un


mimétisme culturel sont la preuve concrète de l’assimilation linguistique, culturelle et so-
ciale de sujets colonisés : « Nous retrouvons chez les Antillais entrant dans le cadre de
notre description une recherche des subtilités, des raretés du langage — autant de moyens
de se prouver à eux-mêmes une adéquation à la culture35. » L’adéquation culturelle men-
tionnée ici par Fanon se réfère au phénomène d’imitation dans l’optique où l’adoption de
la langue française est, selon lui, la preuve ultime de l’assimilation36. Son portrait sur les
stratégies d’assimilations coloniales dans Peau noire, masques blancs inclut ainsi une
critique du langage employé par le colonisé. Ainsi, selon Fanon, le Noir serait aliéné parce
qu’il exige de sa personne l’attitude parfaite que l’on s’attend de lui, et c’est le perfection-
nement de la langue du colon qui lui permet d’atteindre ce but37. Ainsi, d’après Fanon, et
comme l’affirme Albert Memmi, le colonisé se sauve de l’analphabétisme s’enliser dans
le dualisme linguistique38.

Un deuxième facteur encourage le phénomène d’imitation chez « l’indigène », celui de


l’aliénation par le regard. L’exemple donné par Fanon est celui où le Noir devient graduel-
lement une « réplique » du Blanc. À travers sa définition, la première action de l’être aliéné
est une réaction : « Le nègre l’ignore, aussi longtemps que son existence se déroule au
milieu des siens ; mais au premier regard blanc, il ressent le poids de sa mélanine39. » Le

32. Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, op. cit., p. 22.
33. Roger Ebion, « Fanon et le langage », Sud/Nord, no 22 (janv. 2007), p. 49.
34. Fanon, Peau noire, masques blancs, p. 57. Alors que le philosophe Jean-Paul Sartre analyse et concep-
tualise, dans son étude Réflexions sur la question juive, les modalités de l’aliénation culturelle et sociale
chez les diasporas juives en Europe, Fanon, lui, les applique à ses propres observations sur l’aliénation
chez les populations indigènes d’Afrique et des Antilles. Au même titre que Sartre, Fanon soutient que les
aliénés sont dans une même instance des victimes et des complices de leur condition, car pour améliorer
leur sort, ils adhèrent en général aux modalités de l’aliénation coloniale.
35. Ibid., p. 35.
36. Ibid., p. 34-35. À ce sujet, il caractérise le degré d’aliénation des Antillais par à travers leur volonté à
se rapprocher de la « vraie » civilisation au moment où ils font de la langue française la leur. Nous voyons
donc ici que l’aliénation par le langage tend à encourager la division des couches sociales dans la société
colonisée ; ceux qui adoptent la langue française pour devenir un outil colonial puis ceux qui ne l’adoptent
pas et qui deviennent inévitablement des étrangers parmi les siens : « Parler une langue, c’est assumer
un monde, une culture. L’Antillais qui veut être blanc le sera d’autant plus qu’il aura fait sien l’instrument
culturel qu’est le langage. »
37. Matthieu Renault, « Des inventeurs d’âmes - Fanon, lecteur de Césaire », Collège international de Phi-
losophie, no 83, p. 28.
38. Albert Memmi, Portrait du colonisé. Précédé de Portrait du colonisateur, Paris, Gallimard, 1985, p. 125.
39. Fanon, Peau noire, masques blancs, p. 147.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


101
Une histoire de l’Afrique contemporaine
regard de l’Autre induit donc l’être aliéné à se conformer aux préférences de dominant en
ce sens où « […] il est apprécié en référence à son degré d’assimilation40. » Ainsi, par le
resserrement des contacts avec le colonisateur, l’ambivalence du comportement du co-
lonisé augmente41. Sa perception des causes de son aliénation se déforme à mesure qu’il
adopte l’idéologie colonialiste, ce qui par conséquent affaiblit son potentiel de résistance
à l’oppression42. Précisions ici que Fanon semble considérer que tous les « indigènes »
sont exposés à ce phénomène alors que celui-ci ne concerne en fait que les « évolués »,
ou les élites, qui ont entrepris une éducation coloniale. D’ailleurs, nous retrouvons, dans
Les damnés de la terre, un aspect non étudié dans Peau noire, masques blancs : celui de
l’aliénation par l’entremise de la « religion organisée ». En effet, Fanon soutient que les
missions d’évangélisation catholiques en territoires colonisés caractérisent les ferments
d’aliénation introduits aux populations de ces territoires43. Les projets d’assimilation et
d’aliénation prennent donc différentes formes.

Il est maintenant question d’exposer ici les deux derniers facteurs qui pèsent dans la
maintien de l’aliénation individuelle et collective44. D’abord, les réflexions centrales sur
l’asservissement des indigènes, dans Peau noire, masques blancs, sont orientées sur les
facteurs économiques de l’assimilation. Pour Fanon, il faut, dès le début, puiser dans les
modalités45 qui régissent la pratique de l’esclavagisme pour ensuite se pencher sur les
principes contradictoires de son abolition, c’est-à-dire sur l’emprise de l’immobilité sur
les « libérés46 ». Parallèlement, il sous-entend qu’après l’abolition légale du travail forcé,
« l’indigène » asservi demeure dans son milieu de travail47, car « […] le nègre ignore le prix
de la liberté48 ». Pour Fanon, l’adaptation des populations noires d’Afrique, ou des Antilles,

40. Ibid., p. 33.


41. Zahar, L’œuvre de Frantz Fanon, op. cit., p. 53.
42. Ibid.
43. Fanon, Les damnés de la terre, op. cit., p. 45. L’Église catholique est pour Fanon une institution « pu-
rement » blanche et étrangère, qui n’appelle pas l’homme colonisé dans la voie du Dieu chrétien. Au
contraire, cette entreprise religieuse induit plutôt « l’indigène » dans la voie imposée par le colonisateur.
44. D’une part, l’impossibilité pour le colonisé de reconnaître et de développer sa personnalité réside
plus particulièrement dans les aspects économiques et intellectuels intrinsèques de l’aliénation. Alors
qu’il fonde essentiellement son étude sur l’aliénation psychique, Fanon prend en compte les conditions
économiques auxquels sont soumis les colonisés.
45. Par exemple, l’application d’un droit de « propriété » sur les individus asservis ainsi que la déshumani-
sation de ces individus à travers les pratiques, ou tâches, qui leur sont imposées.
46. Dans l’analyse de Fanon sur le complexe de dépendance du colonisé dans Peau noire, masques blancs,
ce qualificatif fait référence aux Noirs qui travaillent dans les plantations aux Antilles et dans les Caraïbes.
47. Ici, nous pouvons effectuer un parallèle avec la dialectique hégélienne du Maître et de l’Esclave afin
d’expliciter l’argument donné par Fanon. « L’indigène » s’enlise dans le travail malgré l’abolition du travail
forcé, car les conséquences de l’aliénation individuelle et collective amènent une dévalorisation de la vie.
Pour Fanon, la vie de « l’indigène » Esclave) est dépourvue de tout sens outre celui donné par le proprié-
taire (Maître) ; sa valeur s’incarne alors dans sa capacité au travail.
48. Fanon, Peau noire, masques blancs, p. 214.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


102
Une histoire de l’Afrique contemporaine
sont motivés par des buts économiques établis par les colonisateurs. En ce sens, la
culture des individus asservis s’adapte au niveau linguistique et identitaire, à la culture
de colonisateur49. Il est cependant surprenant d’observer une comparaison entre l’Afrique
et les Antilles dans cette analyse, car Fanon indique dès son introduction de Peau noire,
que ses observations ne s’appliquent qu’au cas antillais et qu’il ne peut se prononcer sur
celui de l’Afrique50. Dans une autre optique, Fanon s’interroge en partie sur les facteurs de
l’aliénation et plus particulièrement des rapports de domination et d’altération qui sous-
tendent l’asservissement des sujets colonisés autant sur le plan de la collectivité que de
l’individualité. De façon contradictoire à Peau noire, ses réflexions dans Les damnés sont
fondées ici sur la radicalisation du combat anticolonial, fixé sur les perspectives de libéra-
tion nationale, et ipso facto du sujet par la décolonisation culturelle et sociale51.

Alors que nous avons vu, dans la présente section, comment Fanon étudie la déper-
sonnalisation des indigènes à travers les entreprises d’assimilation et d’aliénation identi-
taires, culturelles et sociales causées par le colonialisme, nous devons maintenant nous
pencher sur comment le racisme contribue à cette dépossession des colonisés. En tant
que tel, le paradigme du Fanon dans la pensée de Fanon nous permet de comprendre
quelle est la corrélation entre l’aliénation et le racisme, et de quelle manière le racisme
contribue à l’expropriation et au dépouillement de l’identité culturelle chez les colonisés.

3. Le paradigme et la phénoménologie du racisme

3.1. Sa définition et ses impacts en situation coloniale

Dans ses études, Fanon explicite clairement la nécessité d’étudier la phénoménologie


du racisme afin d’analyser les structures qui sous-tendent la domination coloniale op-
pressive. Bien qu’il existe plusieurs définitions sur ce qu’est le racisme, nous nous attar-
dons ici à celle proposée par Fanon52. Ce choix est important, car nous devons évaluer sa
conception du racisme en contexte colonial si nous voulons comprendre le portrait qu’il

49. Nous nous référons ici à un phénomène de « créolisation » des populations asservies.
50. À ce titre, voir le passage introductif de Fanon dans Peau noire, masques blancs, p. 14.
51. À noter ici que les réflexions de Fanon sur les dernières phases de la désaliénation dans les deux der-
niers chapitres, 4. « Sur la culture nationale » et 5. « Guerre coloniale et troubles mentaux » de Les damnés
de la terre, nous projettent plus particulièrement sur l’observation du rapport entre la constitution cultu-
relle et la construction de l’État-nation ainsi que des troubles psychiques et traumatiques dans le conflit
algérien.
52. Nous justifions ainsi ce choix, car il nous est impossible ici de présenter toutes les définitions du
terme ou bien des modalités générales sur ce qu’est le racisme colonial tel que défini par les chercheurs
spécialisés en études coloniales et postcoloniales. Nous centrons donc ici une critique de la définition
selon Fanon.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


103
Une histoire de l’Afrique contemporaine
fait de la situation coloniale53. Il est également question ici d’étudier la phénoménologie
du racisme afin de cerner l’interrogation ontologique du concept selon la pensée fano-
nienne. Dans son article « Racisme et culture54 », Fanon esquisse une brève définition du
racisme et il analyse ici son rôle dans le contexte de l’incursion coloniale.

Le racisme, nous l’avons vu, n’est qu’un élément d’un plus vaste ensemble :
celui de l’oppression systématisée d’un peuple […] Le racisme n’est jamais
un élément surajouté découvert au hasard d’une recherche au sein de don-
nées culturelles d’un groupe. La constellation sociale, l’ensemble culturel
sont profondément remaniés par l’existence du racisme […], car précisé-
ment il entre dans un ensemble caractérisé : celui de l’exploitation éhontée
d’un groupe d’hommes par un autre parvenu à un stade de développement
technique supérieur. C’est pourquoi l’oppression militaire et économique
précède la plupart du temps, rend possible, légitime le racisme55.

Il est intéressant de remarquer que dans sa définition du racisme colonial, Fanon perçoit
le phénomène du maintien de l’emprise coloniale qui se développe finalement par une ex-
ploitation du territoire colonisé, mais aussi des peuples « indigènes ». Cette exploitation,
selon Fanon, mène irréversiblement à une légitimation du racisme et d’une oppression
systématisée56. De plus, il avance l’idée selon laquelle une tendance évolutive caracté-
rise le racisme, en ce sens où il ne peut pas se scléroser : « Il lui a fallu se renouveler, se
nuancer, changer de physionomie57. » De manière générale, il traite de ce racisme colonial
comme étant une entreprise de déshumanisation totale des indigènes.

À ce sujet, Renate Zahar soutient que ce qui caractérise véritablement le racisme, c’est
la sanction idéologique de la division de la société coloniale58. En ce sens, l’auteure signi-
fie que la dualité qui détermine la nature du maintien du système colonial réside dans
la prospérité et les privilèges qui reposent sur les modalités d’exploitation d’un individu
opprimé par un autre : « Le maintien de ce rapport exige une reproduction permanente
de l’oppression.59 » À ce titre, dans Les damnés de la terre, Fanon avance l’idée selon la-

53. Sans rentrer ici dans une critique ou un commentaire de document, nous souhaitons tout de même
préciser que dans Peau noire, masques blancs, Fanon emploi deux façons de diffuser ses propos : l’analyse
et l’exemple. La première est souvent très brève ; il explique ce qu’est, par exemple, le racisme. Toutefois,
c’est à travers son point de vue et par des expériences vécues qu’il traite du sujet. Chaque affirmation
est suivie de quelques exemples narrés par Fanon. Il nous est important ici de prendre en considération
les deux.
54. Frantz Fanon, « Racisme et culture », Présence africaine, no 8/10 (juin-novembre 1956), p. 122-131.
55. Fanon, Pour la révolution africaine, op.cit., p. 41-46. Nous souhaitons préciser ici que Fanon rédige cet
article dans le cadre de sa conférence donnée lors du 1er Congrès International des Écrivains et Artistes
Noirs à Paris en 1956. Sa communication est ensuite publiée dans la revue littéraire du regroupement.
56. Fanon, Peau noire, masques blancs, op. cit., p. 11.
57. Fanon, Pour la révolution africaine, p. 40.
58. Zahar, L’œuvre de Frantz Fanon, op. cit., p. 33.
59. Ibid.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


104
Une histoire de l’Afrique contemporaine
quelle c’est le colon qui permet la construction de l’identité racialisée du colonisé, et tire
ainsi avantage du système colonial par l’exploitation ses ressources et ses biens60. Par
ailleurs, dans Peau noire, masques blancs, il étudie le phénomène psychique et cognitif
des impacts du racisme et de la sujétion coloniale sur les indigènes. Sa base d’analyse
sur les effets du racisme ordinaire dans une société colonisée est relativement fixée sur
une perspective d’étude sociologique, philosophique et psychiatrique du sujet.

3.2. Les raisonnements, la phénoménologie et la critique sur le racisme

Fanon se heurte aux paradigmes raciaux que nous retrouvons dans la philosophie du
raisonnement historique chez Hegel. Dans son étude La raison dans l’Histoire61, Hegel
soutient que le Noir est en quelque sorte dépourvu d’universalité. Le paradigme de la
pensée occidentale sur le concept de race serait alors fixé sur des pulsions impérialistes,
pulsions qu’Achilles Mbembe caractérise l’acte de saisir et d’appréhender comme « pro-
gressivement détaché de tout effort de connaître à fond ce dont on parle62. » La sphère du
monde animal est employée par Hegel pour qualifier les humanités non-européennes63.
L’origine de la critique philosophique du racisme chez Fanon s’oppose à l’allégorie hé-
gélienne sur les indigènes africains, reconnaissant que « […] les peuples isolés et non
sociales se dépècent et se détruisent entre eux comme des animaux […] qu’ils ont une
humanité titubante et une conscience dépourvue d’universalité64. » Sur cela, il soutient
que la civilisation européenne impose aux indigènes une déviation existentielle65.

Par déviation, Fanon sous-entend que le Noir se creuse un fossé dans l’incompréhen-
sion de sa propre « race », et qu’il développe ainsi cette différence et la dysharmonie avec
son humanité66. Le racisme ne serait pas ainsi une constante chez l’esprit humain, mais
plutôt une « disposition inscrite dans un système déterminé67. » À ce sujet, Gordon R.
Lewis avance l’idée selon laquelle la dimension structurelle d’une société cesse de fonc-
tionner à travers la destruction de ses valeurs et en devenant un objet d’observation et

60. Fanon, Les damnés de la terre, op. cit., p. 40.


61. Georg Wilhelm Friedrich Hegel, La Raison de l’histoire : Introduction aux leçons sur la philosophie de
l’Histoire du monde, trad. de l’allemand par Laurent Gallois, Paris, Points, 2011. Pour une lecture appro-
fondie sur le sujet, voir Joseph Wouako Tchaleu, Le racisme colonial : Analyse de la destructivité humaine,
Paris, Harmattan, 2016.
62. Achille Mbembe, Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte, 2013, p. 35.
63. Ibid.
64. Ibid., p. 66-77.
65. Fanon, Peau noire, masques blancs, p. 14.
66. Ibid.
67. Fanon, Pour la révolution africaine, p. 49.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


105
Une histoire de l’Afrique contemporaine
de réflexion68. En d’autres mots, l’indigène devient un être irréfléchi et « objectivisé », ergo
invisible69.

Bien que Fanon expose les méfaits du racisme quotidien dans une société colonisée, il
n’étudie pas en détail le phénomène de son institutionnalisation. Ce constat nous amène
à interroger s’il était conscient des modalités du Code de l’indigénat dont l’Algérie fut la
matrice. Dans ses écrits, il n’offre aucun passage ni d’exemples d’actions militaires répres-
sives prescrites par l’administration coloniale en Afrique du Nord. Fanon ne mentionne
jamais l’appareil de l’institution colonial, son mécanisme et sa bureaucratie. L’historienne
Sylvie Thénault nous présente très bien les dynamismes de la violence ordinaire et du
racisme quotidien en Algérie, à travers la panoplie d’actions coercitives employées par
l’appareil colonial70. Il est important de comprendre ici que les institutions racialistes sont
conçues de manière à faciliter le racisme, car la racialisation et la rationalisation sont
induites dans la réalité à travers la catégorisation71. Bien que le segment historique dans
l’étude du racisme colonial chez Fanon soit absent, il se penche néanmoins sur la problé-
matique de la catégorisation et de la compartimentation en situation coloniale ainsi que
leurs impacts physiques et psychiques sur l’indigène.

Dans « Racisme et culture », la définition des modalités qui gravitent autour du racisme
colonial dialogue avec sa position sur les types de racismes dans Peau noire, masques
blancs. Ici, Fanon soutient que le racisme en situation coloniale ne diffère aucunement
des autres racismes72. En revanche, ce qui est d’autant surprenant, c’est son caractère
contradictoire dans Peau noire, masques blancs entre sa position sur ce qu’est le racisme
et sa base d’analyse. En effet, il soutient ici ses origines antillaises le pousse à valider
ses observations et ses conclusions que pour les Antilles73. En ce sens, elles ne seraient
donc valides uniquement pour les Noirs antillais. Sous-entend-il alors qu’une étude sur
le portrait du racisme colonial ne serait envisageable uniquement dans les délimitations
pré-déterminantes de l’origine du sujet ?

Pourtant, il affirme qu’une étude est à exploiter en ce qui concerne les différences entre
Antillais et Africains dans leurs vécus des réalités coloniales. Donc, si le racisme est im-
muable dans sa pratique et sa constitution, ne serait-il pas plutôt logique de ne pas ex-
clure les Africains noirs de ce portrait ? Dans l’optique de poursuive notre réflexion sur les

68. Lewis R. Gordon, Fanon and the Crisis of European Man: An Essay on Philosophy and the Human Sciences,
Londres, Routledge, 1995, p. 38.
69. Richard Schmitt, « Racism and Objectivication : Reflections on Themes from Fanon », dans Lewis R.
Gordon et al., Fanon: A Critical Reader, Oxford, Blackwell, 1996, p. 35.
70. Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale, Paris, Odile Jacob, 2012.
71. Gordon, Fanon and the Crisis of European Man, op. cit., p. 39.
72. Fanon, Peau noire, masques blancs, p. 86.
73. Ibid., p. 14.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


106
Une histoire de l’Afrique contemporaine
modalités de la phénoménologie du racisme, nous devons prendre en compte l’ontologie
raciale étudiée par Fanon car cela nous permet de comprendre les perceptions et les re-
lations raciales entre les deux sujets (Colonisé/Colon)

4. Le « problème » d’épidermisation et son rapport à l’ontologie


raciale.

4.1. Le complexe d’infériorité et le phénomène d’épidermisation

Dans Peau noire, masques blancs, Fanon centre sa problématique sur le complexe d’in-
fériorité qui se développe à travers le phénomène d’épidermisation de l’indigène, c’est-
à-dire son inscription raciale basée sur la couleur de peau, ainsi que son rapport onto-
logique intrinsèque avec le racisme74. En soi, l’objectivisation du corps (Moi) à travers le
regard de l’Autre (Colonisateur) pousse Fanon à réfléchir sur la psychopathologie psy-
chique et cognitive chez le Noir : « Alors le schéma corporel, attaqué en plusieurs points,
s’écroula, cédant la place à un schéma épidermique racial […] il ne s’agissait plus d’une
connaissance de mon corps en troisième personne […] J’existais en triple : j’occupais de
la place. J’allais à l’autre... et l’autre évanescent, hostile mais non opaque, transparent,
absent, disparaissait75. » À travers ce constat, il problématise l’effet que le racisme ou la
projection raciale par l’épidermisation détient sur le Noir/indigène76.

Sur ce, l’essayiste Achille Mbembe soutient que la distribution du regard de l’Autre
(Colonisateur) finit par créer l’objet, et que par sa fixation, celui-ci l’écrase (Colonisé)77.
C’est ainsi que Fanon démontre, dans le chapitre V « L’expérience vécue du Noir » de Peau
noire que la déshumanisation de l’indigène le réduit à une forme tierce de la sphère hu-
maine ; le corps du Noir devient « une malédiction »78. Nous revenons alors ici à la projec-

74. Ibid., p. 108. Il est important de comprendre ici que, d’après Fanon, une étude ontologique du racisme
nous permet de problématiser les enjeux liés à la pigmentation de la peau, soit à l’épidermisation. En re-
vanche, l’ontologie ne permet pas de cerner les questionnements liés à la phénoménologie existentielle
du Noir dans le contexte d’une étude sur le racisme. C’est pourquoi nous limitons ici notre analyse seule-
ment à l’étude oncologique du racisme.
75. Ibid., p. 110.
76. Jacques Pouchepadass, Subaltern et Postcolonial Studies, Tome 1 de Christian Delacroix, François
Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offestadt, dir., Historiographie : Concepts et débats, Paris, Folio, 2010,
p. 632. Dans son observation du racisme, ce n’est pas sa phénoménologie en général que Fanon analyse,
mais bien le rapport intrinsèque que le racisme entretient avec la situation coloniale, en ce sens où le
seul lien qui réside entre le colonisateur et le colonisé subsiste par l’aliénation du Moi et de la relation à
l’Autrui (ou à l’Autre). Ce regard de l’Autre par le colonisateur et l’aliénation du Moi chez le colonisé régit
ainsi les rapports entre ces deux types.
77. Achilles Mbembe, « De la scène coloniale chez Fanon », Collège international de Philosophie, no 58
(2007), p. 43.
78. Fanon, Peau noire, masques blancs, p. 109.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


107
Une histoire de l’Afrique contemporaine
tion racialisée : « J’étais […] responsable de mon corps, responsable de ma race, de mes
ancêtres. Je promenai sur moi un regard objectif, découvris ma noirceur, mes caractères
ethniques, — et me défoncèrent le tympan l’anthropophagie, l’arriération mentale, le féti-
chisme, les tares raciales, les négriers, et surtout : ”Y a bon banania”79… » Selon Renault,
Fanon utilise ici la stratégie théorique de la revanche du symbole80. La « nature noire » ne
serait que la résultante d’une création symbolique du Noir par l’homme Blanc81. Ainsi, le
Noir comme symbole sans référent est par ce fait, au niveau de la signification phénomé-
nologique du terme, privé de toute parole, considération ou reconnaissance humaine82 :
« La rétraction du Moi en que processus de défense réussi [lui] est impossible […] Il lui faut
une sanction blanche83. » Fanon refuse ici les prémisses de la reconnaissance par l’Autre
(Blanc), car cette sanction en question, le Moi (Noir) doit se la donner lui-même dans une
perspective de validité84.

D’après son hypothèse sur le racisme dans Peau noire, Fanon soutient l’existence d’un
double processus dans la création d’un complexe d’infériorité85. Celui-ci est d’abord éco-
nomique, et seulement ensuite par l’intériorisation, ou comme nous venons de le voir, par
la projection raciale (épidermisation/pigmentation)86. Pour conclure, la phénoménologie
du racisme en contexte colonial sous-tend la création de deux mondes complètement
différents, qui se construisent sur des rapports racialisés. Maintenant que nous avons
étudié le paradigme du racisme à travers la pensée de Fanon, nous pouvons transiter sur
les facteurs qui favorisent et maintiennent sa diffusion dans le monde colonisé, c’est-à-
dire les moyens d’assujettissement employés et leur degré de violence.

79. Ibid., p. 110.


80. Matthieu Renault, « Frantz Fanon et la décolonisation des savoirs », Esquisses. Carnet de recherche du
laboratoire Les Afriques dans le monde, 2018, sur le site Hypothèses. Consulté le 3 février 2021, https://
elam.hypotheses.org/393.
81. Ibid.
82. Ibid. Au sujet du symbolisme, ou de la revanche du symbole, voir Lewis R. Gordon, « Décoloniser le
savoir à la suite de Frantz Fanon », Tumultes, no 31 (2008), p. 114 et 117.
83. Fanon, Peau noire, masques blancs, p. 49.
84. Ibid., p. 48-49. Ainsi, c’est par intériorisation que l’être racialisé s’insularise. La création d’un complexe
d’infériorité est alors centrale dans l’établissement d’une projection racialisée et d’une pulsion cognitive/
psychique d’identification pathologique ; selon Fanon, le Noir se préoccupe en permanence d’attirer le
regard et l’attention du Blanc. De cette manière, il s’assure d’être comme le Blanc par l’entremise d’une
reconstitution du Moi afin de rejoindre ce que Fanon définit comme étant le « sanctuaire blanc ».
85. Ibid., p. 11.
86. Ibid.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


108
Une histoire de l’Afrique contemporaine
Conclusion

Nous avons vu que le portrait de la situation coloniale chez Fanon cherche à souli-
gner la manière dont s’enclenche le processus dépersonnalisation et de dépossession
identitaire et culturelle chez les indigènes. Dans la première section, nous avons vu qu’à
travers les dynamiques d’aliénation, d’assimilation, les colonisés sont tenus en état de
dominés au bénéfice d’une exploitation des ressources naturelles du territoire colonisé
ainsi que d’une exploitation des individus colonisés. Ainsi, pour Fanon, l’assimilation et
l’aliénation s’élaborent dans une optique de « dépossession » identitaire et culturelle chez
les groupes dominés. Dans les deux dernières sections, nous avons vu que le racisme
permet la création d’un complexe d’infériorité chez les colonisés. Effectivement, ce ra-
cisme est lié aux entreprises coloniales d’aliénation et d’assimilation en ce sens où les
repères identitaires et culturels des « indigènes » sont supprimés et permet le maintien
d’un rapport dominant/dominé qui favorise l’éclosion d’un système d’oppression. Ici, ce
sont principalement les institutions de la société coloniale qui assignent, par exemple, les
types de comportements individuels, sociaux et collectifs des aliénés, mais aussi leurs
rapports avec les colons.

Finalement, les réflexions et les observations de Fanon sur les enjeux de l’assimilation
et de l’aliénation ne se circonscrivent pas que dans son portrait critique du colonialisme.
En fait, il poursuit son analyse par l’entremise de ses mises en garde contre les nouveaux
types d’aliénations socioéconomiques et politiques qui frappent les sociétés africaines
post-coloniales. Ici, il réfléchit sur les conséquences de l’incursion néocoloniale dans les
jeunes États-nations ainsi que l’attitude adoptée par les « bourgeoisies nationales » à
l’aube de la décolonisation. Selon Fanon, une nouvelle aliénation se forme à travers les
dynamismes de prédations économiques par les élites nationales. Ainsi, il exhorte les
lecteurs dans Les damnés de la terre, et plus particulièrement le peuple algérien, à ne pas
acheter dans le culte du leader ou dans un traditionalisme culturel issu des sociétés afri-
caines précoloniales87. En somme, il serait davantage intéressant d’étudier, subséquem-
ment au présent article, le portrait que Fanon dresse de la situation postcoloniale en
Afrique, dans l’optique de la construction des États-nations décolonisés.

87. Fanon, Les damnés de la terre, p. 10. Dans sa préface de l’édition des damnés (2002), Alice Cherki
reproche à Fanon de mélanger les niveaux de discours, car il transpose l’étendue de ses expériences de
psychiatre confronté à l’aliénation coloniale dans ses analyses politiques, culturelles et psychologiques.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


109
Une histoire de l’Afrique contemporaine
Sources et bibliographie

1. Sources

FANON, Frantz. Les damnés de la terre. Paris, La Découverte, 2002 (1961), 311 p.

FANON, Frantz. Peau noire, masques blancs. Paris, Seuil, 2015 (1952), 224 p.

FANON, Frantz. L’an V de la révolution algérienne. Paris, La Découverte, 2011 (1959), 175 p.

FANON, Frantz. Pour la révolution africaine. Paris, La Découverte, 2006 (1964), 220 p.

FANON, Frantz. « Lettre au ministre résident ». Dans Jean Khalfa et Robert Young, dir. Écrits sur
l’aliénation et la liberté. Textes réunis, introduits et présentés. Paris, La Découverte, 2015,
p. 366-368.

FANON, Frantz. « Racisme et culture ». Présence africaine, no 8/10 (juin-nov. 1956), p. 122-131.

2. Études

BHABHA, Homi. « Remembering Fanon, Self, Psyche and the Colonial Condition ». Dans Nigel
C. Gibson, dir. Rethinking Fanon, the continuing dialogue. New York, Humanity Books, 1999,
p. 179-196.

BOUVIER, Pierre. Aimé Césaire, Frantz Fanon. Portraits de décolonisés. Paris, Les Belles-lettres,
2010, 288 p.
DELAS, Daniel, Pierre-Philippe FRAITURE, et Elsa GENESTE. « À propos des Œuvres de Fanon ».
Études Littéraires Africaines, no 33, 2012, p. 81-99.

DJERBAL, Daho. « De la sujétion coloniale à l’assujettissement à l’autorité despotique ». NAQD,


no 30 (janv. 2013), p. 93-115.
EBION, Roger. « Fanon et le langage ». Sud/Nord, no 22 (janv. 2007), p. 45-49.

ETEMAD, Bouda. La Possession du monde : Poids et mesures de la colonisation. Paris, Complexe,


2000, 352 p.

FANON, Joby. Frantz Fanon : De la Martinique à l’Algérie et à l’Afrique. Paris, Harmattan, 2004,
235 p.

FROMM, Erich. Société aliénée et société saine. Du capitalisme au socialisme humaniste : Psycha-
nalyse de la société contemporains. Trad. de l’anglais par Janine Claude. Paris, Le Courrier du
Livre, 1956, 339 p.

GIBSON, Nigel C., et Roberto BENEDUCE. Frantz Fanon, Psychiatry and Politics. Londres, Rowman
& Littlefield International, 2017, 307 p.
GORDON, Lewis R. « Décoloniser le savoir à la suite de Frantz Fanon ». Tumultes, no 31 (2008),
p. 103-123.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


110
Une histoire de l’Afrique contemporaine
GORDON, Lewis R. Fanon and the Crisis of European Man: An Essay on Philosophy and the Human
Sciences. Londres, Routledge, 1995, 152 p.

HEGEL, Georg Wilhelm F. La Raison de l’histoire : Introduction aux leçons sur la philosophie de
l’Histoire du monde. Trad. de l’allemand par Laurent Gallois. Paris, Points, 2011, 247 p.

HUDIS, Peter. Frantz Fanon: Philosopher of the Barricades. Londres, Pluto Press, 2015, 154 p.

MBEMBE, Achille. Critique de la raison nègre. Paris, La Découverte, 2013, 267 p.


MBEMBE, Achilles. « De la scène coloniale chez Frantz Fanon ». Collège international de Philoso-
phie, no 58 (2007), p. 37-55.
MEMMI, Albert. Portrait du colonisé précédé du portrait du colonisateur. Paris, Gallimard, 1985,
193 p.
MERLE, Isabelle. « De la «légalisation» de la violence en contexte colonial. Le régime de l’indigé-
nat en question ». Politix. Revue des sciences sociales du politique, no 66 (2004), p. 137-162.

POUCHEPADASS, Jacques. Subaltern et Postcolonial Studies. Tome 1 de Christian Delacroix, Fran-


çois Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offestadt, dir. Historiographie : Concepts et débats. Paris,
Folio, 2010, p. 621-634.
RENAULT, Matthieu. « ‘’Des inventeurs d’âmes’’ – Fanon, lecteur de Césaire ». Collège internatio-
nal de Philosophie, no 83, p. 22-35.
RENAULT, Matthieu. « Frantz Fanon et la décolonisation des savoirs ». Esquisses. Carnet de re-
cherche du laboratoire. Les Afriques dans le monde, 2018, sur le site Hypothèses. Consulté le
3 février 2021, https://elam.hypotheses.org/393.

RENAUD PALIGOT, Carole. La République raciale (1860-1930). Paris, Presses Universitaires de


France, 2006, 368 p.
SAADA, Emanuelle. « Entre “assimilation” et “décivilisation” : l’imitation et le projet colonial répu-
blicain ». Terrain¸ no 44 (mars 2005), p. 19-38.

SCHMITT, Richard. « Racism and Objectivication : Reflections on Themes from Fanon » Dans
Lewis R. Gordon et al. Fanon: A Critical Reader. Oxford, Blackwell, 1996, p. 35-52.

THÉNAULT, Sylvie. Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale : Camps, internements, assignations
à résidence. Paris, Odile Jacob, 2012, 381 p.

WOUAKO TCHALEU, Joseph. Le racisme colonial : Analyse de la destructivité humaine. Paris, Har-
mattan, 2016, 444 p.

ZAHAR, Renate. L’œuvre de Frantz Fanon : colonialisme et aliénation dans l’œuvre de Frantz Fa-
non. Trad. de l’allemand par Roger Dangeville. Paris, Maspero, 1970, 124 p.

Commandement colonial, résistances et décolonisation


111
Une histoire de l’Afrique contemporaine

Vous aimerez peut-être aussi