RONSARD,
Sonnets à
Cassandre, in
Amours de
Cassandre
(1552)
COURS n°2. Sonnet 27
Le poème
Les exagérations & tournures hyperboliques
• « bien mille fois et mille » (v.1)
• « cent papiers »
• « tout soudain »
• « cent fureurs »
• + intensif « si fort »
Un style véritablement hyperbolique au fil du poème; cependant on
notera une légère décroissance (mille > cent) = trahit une forme
d’épuisement? Ou bien de rationalisation de l’exception?
L’Amour dans le poème: place & fonction
grammaticale
V. 4 « le nom qu’Amour, dans le cœur m’a planté »
Et
V. 12 « Ainsi piqué de l’Amour qui me touche »
Amour placé au début et en fin de poème. Semble en faire la cohérence.
Amour sujet des verbes par deux fois: signe de son pouvoir suprême. Image
(traditionnelle) de l’amour omnipotent. Par deux fois dès lors le poète n’est
qu’objet (COI dans « m’a planté », COD dans « me touche »).
On note cependant le passage d’un amour placé avant la césure, propulsé
dans le décasyllabe à un amour placé après la césure, signe que tout n’est
pas immuable dans la relation amoureuse.
La difficulté d’élocution (2 moyens)
• Harmonie imitative du bégaiement à chaque strophe : « bien ; blanc »,
« épouvanté ; esprit » ; « folle; fuit »; « voulant; vain »
• Une série de répétitions: Amour, Amour ; cent papiers, cent fureurs ; cœur,
cœur ; « voix, voix » (à la fois valeur d’insistance mais aussi la marque
d’une parole laborieuse qui s’y reprend à plusieurs fois et bute sur elle-
même)
• Métamorphose initiatique de la parole :
« fredonner » => « chanter », et enfin au dernier vers « dire »
Indice aussi que ce que la poésie n’est pas une alternative à la vie réelle mais
son préalable : il faut d’abord passer par le chant pour apprendre à
simplement dire.
L’ineffable Cassandre : pourquoi ?
▪ manifestation de l’absence
▪ Pudeur du poète, délicatesse de cette évocation
▪ Universalité de la lamentation
▪ Cassandre n’est pas le vrai sujet : l’amour se trouve moins dans la
muse que dans le poète
Le silence est à la fois plus intéressant et significatif = paradoxe ultime
d’un poème que de valoriser le silence.
3 autodéfinitions du poète
• V.5 « Je suis épouvanté »
• V. 9 « Je suis semblable à la prêtresse folle »
• V.14 « je suis béant », derniers mots du vers de clôture.
• On a donc successivement en trois tournures grammaticalement
identiques en forme de plates confessions (Sujet + verbe d’état + attribut)
- un participe passé passif,
- une analogie à la fois défavorable au poète (« folle ») mais aussi favorable
(prêtresse d’Apollon, le Dieu des artistes) et qui suggère que l’identité est
fuyante (plus que l’amour lui-même? Où est-ce l’amour qui révèle
l’impossible fixation de l’individu?)
- Et finalement, aveu paradoxal, partiellement démenti par le poème qui
vient de s’écouler mais aussi qui questionne rétroactivement sur le fond, sur
la réalité et la consistance de ce qui vient d’être dit, annoncé un vide
métaphysique persistant.
Bilan
Sonnet en forme de réflexion sur la place de l’amour dans nos vies,
alpha et oméga, la réalité de son absolu et aussi, sur ce que peut la
poésie.
Au-delà du cliché de l’amour inexprimable en poésie, hyperbolique et
inaccessible aux « mots de la tribu »,
=> Ce sonnet ne fait-il pas mine de poser la question de l’ineffable pour
mieux poser la question de l’indicible ?
Ouverture de conclusion : sonnet 46
Amour me tue, et si je ne veux dire
Le plaisant mal que ce m’est de mourir :
Tant j’ai grand peur, qu’on veuille secourir
Le mal, par qui doucement je soupire.
Il est bien vrai, que ma langueur désire
Qu’avec le temps je me puisse guérir :
Mais je ne veux ma dame requérir
Pour ma santé : tant me plaît mon martyre.
Tais-toi langueur je sens venir le jour,
Que ma maîtresse, après si long séjour,
Voyant le soin qui ronge ma pensée,
Toute une nuit, folâtrement m’ayant
Entre ses bras, prodigue, ira payant
Les intérêts de ma peine avancée.
Grammaire: la proposition subordonnée relative
• [le nom] qu’Amour dans le cœur m’a planté. (v.4) OBJET et déterminative
• [sa grandeur] qui l’esprit me martyre (v.6) SUJET et explicative
(v.10-11) deux propositions subordonnées relatives emboitées:
• [La prêtresse folle] / Qui bègue perd la voix et la parole, SUJET, explicative
• [le Dieu] qu’elle fuit pour néant. OBJET ; explicative
• (V. 12) [l’Amour] qui me touche SUJET, explicative
La subordonnée relative = une des expansions du nom
5 subordonnées relatives en 14 vers = besoin de caractériser, préciser, renseigner
Logique compensatoire: le nom n’est pas dit, mais tout est davantage explicité.