SAWADOGO Sabila
SAWADOGO Sabila
THEME :
Présenté par
SAWADOGO Sabila
Directeur de mémoire :
BF : Burkina Faso
EP : Etablissement Pénitentiaire
MJ : Ministère de la Justice
I
TABLE DES MATIERES
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS ................................. I
TABLE DES MATIERES.......................................................... II
TABLE DES FIGURES .............................................................IV
INTRODUCTION GENERALE .................................................. 1
Chapitre I: l’expérience humanitaire du Burkina Faso dans la
réinsertion sociale des détenus ................................................. 3
Section I: la politique d’humanisation des prisons au Burkina Faso .................................. 4
Paragraphe I : La mise en œuvre de la politique d’humanisation des établissements
pénitentiaires ....................................................................................................................... 6
A. Les structures chargées de la politique d'humanisation des prisons ....... 6
1. Le Ministère en charge de la Justice ........................................................................ 6
2. Les organes chargés de la politique d'humanisation des prisons ............................. 7
B. les mesures d'humanisation en milieu carcéral ....................................... 8
1. Les mesures humanitaire d’individualisation de la peine ........................................ 8
2. Les activités d'humanisation en milieu carcéral .................................................... 10
Paragraphe II : les acteurs de la politique d'humanisation des prisons ............................. 12
A. les personnels pénitentiaires ................................................................. 12
1. Le personnel GSP .................................................................................................. 12
2. Les travailleurs sociaux et les agents de santé ....................................................... 13
B. Les autres acteurs de la politique d'humanisation en milieu carcéral ... 14
1. Le condamné .......................................................................................................... 14
2. Les intervenants pénitentiaires .............................................................................. 14
Section II: L’action humanitaire de la GSP dans la réinsertion sociale des détenus ....... 16
Paragraphe I : Les différentes missions de la GSP en établissement pénitentiaire ........... 16
A. Le rôle sécuritaire des GSP dans les établissements pénitentiaires ...... 17
B. Le rôle humanitaire de la GSP dans l’amendement des détenus .......... 17
1. L’accompagnement des détenus ............................................................................ 17
2. La participation aux activités d'humanisation ....................................................... 18
Paragraphe II: Etude de cas de la contribution de la GSP à l'humanisation des prisons .. 20
A. En milieu ouvert: le Centre Pénitentiaire Agricole de Baporo ............. 20
1. Les potentialités ..................................................................................................... 21
2. La grande campagne agricole (figure I)................................................................. 21
II
B: En milieu ferme : la Maison d’Arrêt et Correction de Ouagadougou
(MACO) ..................................................................................................... 24
1. Présentation des activités ....................................................................................... 24
2. La formation professionnelle des détenus ............................................................. 26
Chapitre II: les obstacles à la politique d’humanisation des
prisons et les perspectives d’amélioration du potentiel de la
GSP.......................................................................................... 30
Section I : les difficultés d’exécution de la politique d’humanisation des prisons par la
GSP .......................................................................................................................................... 30
Paragraphe I Les perceptions sur de la politique d’humanisation des prisons.................. 31
A. Une mission insuffisamment prise en compte ...................................... 31
1. L’insuffisance des textes ....................................................................................... 31
2. Les stéréotypes sur la prison .................................................................................. 32
B. L’insuffisance des moyens consacrés a la politique d’humanisation des
prisons ........................................................................................................ 33
1. La volonté politique ............................................................................................... 33
2. Les moyens humains, matériels et financiers ........................................................ 33
Paragraphe II: les dysfonctionnements du système carcéral ............................................. 35
A. Les difficultés liées a l’organisation du systeme carcéral .................... 35
1. Des conditions de détention peu favorables à l’humanisation .............................. 35
2. La complexité des tâches dévolues au personnel pénitentiaire ............................. 36
B. L’inadaptation des infrastructures pénitentiaires .................................. 37
1. Les faiblesses liées au parc pénitentiaire .............................................................. 37
2. Les limites d’ordre technique ................................................................................ 38
Section II: les perspectives d’amélioration du potentiel de la GSP dans sa mission
d’humanisation des prisons ................................................................................................... 40
Paragraphe I: le renforcement du cadre juridico-institutionnel de la politique
d’humanisation et l’amélioration des conditions de détention ......................................... 40
A. Le renforcement du dispositif juridique et institutionnel pénitentiaire 40
1. Le dispositif juridique ............................................................................................ 40
2. Les mesures institutionnelles ................................................................................. 41
B. L’amélioration des conditions de détention .......................................... 42
1. De l’entretien des détenus...................................................................................... 42
III
2. Le renforcement des infrastructures pénitentiaires ................................................ 43
Paragraphe II: la modernisation de l’administration pénitentiaire .................................... 43
A. L’amélioration des conditions de travail du personnel GSP ................ 43
1. La formation et le renforcement des capacités ...................................................... 43
2. La valorisation de la fonction pénitentiaire ........................................................... 44
B. Le suivi post carcéral ............................................................................ 44
1. La consolidation du suivi post carcéral ................................................................. 45
2. Le renforcement du partenariat entre acteurs de la réinsertion sociale des détenus
................................................................................................................................... 45
CONCLUSION GENERALE ..................................................... 47
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................... i
TABLE DES FIGURES
Figure 5 Exposition des produits des détenus de la MACO à la Maison du Peuple ................ 28
IV
INTRODUCTION GENERALE
Les auteurs de l’école de la défense sociale estiment que le détenu est un être humain vulnérable,
et de ce fait, doit bénéficier d’un traitement qui le tourne vers son futur ancrage social. Cela
nécessite ainsi de développer les capacités individuelles des détenus à se prendre en charge, de
valoriser le capital humain carcéral et humaniser cet univers car le séjour du détenu en prison
doit être mis à profit afin de lui donner la volonté et des aptitudes lui permettant de vivre en
respectant la loi. Il s’agit en fait de « l’usage délibéré de la structure sociale, des institutions et
des relations sociales comme moyen pour obtenir la conformité du délinquant avec les normes
de la société en globale ».1
Ainsi, au Burkina Faso, la politique pénale s’est inspirée de ce courant d’idées et c’est en cela
que le rôle humanitaire des personnels de la Garde de Sécurité Pénitentiaire (GSP) dans la
réinsertion sociale s’invite dans les débats. En effet, ils sont l’un des acteurs essentiels de
l’exécution de la peine privative de liberté et jouent un rôle prépondérant dans la mise en œuvre
de la politique de l’Etat en matière de traitement des détenus au Burkina Faso.
1
SYR. J. H, cité par M’BANZOULOU P, L’apport des surveillants de prison à la réinsertion sociale des condamnés
à la privation de liberté en France, Thèse de doctorat en droit, PAU 1999, p. 12.
1
Hypothèses de l’étude
Objectif de l’étude
L’objet principal du présent mémoire conduit à s'interroger sur ce que peut être la contribution
humanitaire du personnel GSP dans le processus de réinsertion sociale des détenus. Cette étude,
à travers les modestes recommandations qu’elle recèle se veut une contribution à plus
d’humanisation des lieux de détention. Le travail proposé ici, a aussi pour ambition de montrer
comment consolider la mission de réinsertion au cœur de l’action humanitaire de
l’administration pénitentiaire et sensibiliser l’opinion publique à propos des enjeux liés aux
différentes phases de la mise à exécution des peines privatives de liberté dans notre pays.
Méthodologie de la recherche
Ainsi notre travail, fondé sur des analyses effectuées grâce à la recherche documentaire, aux
enquêtes de terrain, aux entretiens avec des personnes ressources et aux informations recueillies
à partir de l’internet se décomposera en deux chapitres.
Dans le premier, il s’agira de faire un examen de l’expérience humanitaire du Burkina Faso dans
la réinsertion sociale des détenus à travers le rôle de la GSP. Quant au deuxième chapitre, il
servira de cadre pour diagnostiquer les difficultés afin de proposer des solutions pour améliorer
le potentiel de la GSP dans son action humanitaire de réinsertion sociale des détenus.
2
Chapitre I: l’expérience humanitaire du Burkina Faso dans la
réinsertion sociale des détenus
La fonction consacrée des prisons était traditionnellement, de protéger la société des criminels en
les contrôlant (dissuader, protéger la société et punir). L’idéologie véhiculée par cette fonction
favorisait les techniques de contrôle et de confinement des détenus.
A partir des années 80, la philosophie correctionnelle au Burkina Faso s’est orientée vers l’action
humanitaire de réhabilitation et la rééducation des détenus. La fonction des nouvelles prisons est
de protéger la société en tentant de réhabiliter les détenus. Les changements idéologiques et les
réformes des politiques correctionnelles ont engendré des changements organisationnels dans le
milieu carcéral qui commença à offrir des services aux détenus pour favoriser leur réinsertion
sociale.
Pour mieux appréhender cette partie, il convient, au préalable, de porter une analyse sur la
politique d’humanisation des prisons au Burkina Faso (première section). Dans la deuxième
section, il s’agira de faire un examen de l’action humanitaire de la GSP dans la réinsertion
sociale des détenus.
3
Section I: la politique d’humanisation des prisons au Burkina Faso
La politique d’humanisation des prisons est un ensemble d’axes, de stratégies et de principes
fondamentaux qui guident les autorités pénitentiaires dans le traitement des détenus. Elle peut
être perçue également comme un ensemble de mesures prises en vue d’humaniser les prisons, de
faciliter l’amendement et le reclassement du délinquant.
Aussi, la réalisation de toute politique doit-elle être sous-tendue par un ensemble de dispositions
juridiques et règlementaires qui l’oriente et lui donne les moyens d’action. Au Burkina Faso, la
politique d’humanisation des prisons est soutenue par des règles nationales et internationales. Au
plan international, on peut citer plusieurs instruments juridiques.
Ensuite, l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus adopté par le premier
Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à
Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C
(XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977. Ces règles posent les principes relatifs
à l’administration des établissements pénitentiaires, aux mesures éducatives et à l’encadrement
professionnel des détenus.
Il y a également le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) adopté
par l’Assemblée des Nations Unies à New York le 16 décembre 1966 et ratifié par le Burkina
Faso en 1999, (article 10).2
L’on pourra citer le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et culturels
(PIDESC) adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 à New York
et ratifié par le Burkina Faso en 1999.
Font partie de cet arsenal juridique les principes fondamentaux relatifs au traitement des
détenus adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 45/111 du 14
décembre 1990 (article 6).3
2
« Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la
personne humaine… ».
3
« Tous les détenus ont le droit de participer à des activités culturelles et de bénéficier d’un enseignement visant au
plein épanouissement de la personnalité humaine ».
4
Enfin, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) prône en son article
5 « le droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine… ».
Au regard de ce qui précède, il convient de dire que le droit pénitentiaire a fait l’objet d’une
règlementation internationale, laquelle à son tour, a fait l’objet d’une procédure de réception par
le droit national. Ainsi, les grandes lignes en matière de réinsertion sociale ont été définies.
Ensuite, le Code de Procédure Pénale (CPP) en son article 689 dispose que les condamnés
ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d'une libération
conditionnelle s'ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et présentent des gages
sérieux de réadaptation sociale.
L’on peut citer enfin l’arrêté n°2003-004/MJ/SG/DAPRS du 13 février 2003 portant règlement
intérieur des établissements pénitentiaires au Burkina Faso qui s’inscrit dans l’esprit du Kiti AN
VI-0103.
Ainsi, la réflexion menée dans cette section s’articule essentiellement autour de la mise en œuvre
de la politique d'humanisation des prisons et des différents acteurs qui sont chargés de la
réinsertion sociale.
5
Paragraphe I : La mise en œuvre de la politique d’humanisation des
établissements pénitentiaires
La prison, même si elle fait souvent l’objet de critiques, reste d’une utilité certaine pour la
société. La réalisation d’une politique d’humanisation des prisons des prisons nécessite non
seulement la mise sur place de structures chargées de l’application de celle-ci, mais également la
prise en compte d’un certain nombre de mesures favorisant la resocialisation des détenus. En la
matière, l’Etat burkinabè, à travers notamment le Ministère en charge de la Justice et certains
organes, s’est donné une orientation qu’il s’efforce de mettre en œuvre en fonction de ses
possibilités.
Depuis 2006, le Ministère de la Justice a adopté un projet de politique pénitentiaire qui a été
intégrée au Plan de Consolidation du Plan d’Action National pour la Réforme de la Justice (PC-
PANRJ).4 La gestion de l’administration pénitentiaire et l’humanisation du milieu carcéral
seront davantage renforcées avec l’adoption en 2010 de la Politique Nationale de Justice (PNJ)
par le Gouvernement pour l’horizon 2010-2019. La mise en œuvre de cette politique a permis
d’enregistrer des acquis en matière d’amélioration des conditions carcérales et de renforcement
du cadre de la réinsertion sociale des détenus.
4
Politique Nationale de Justice 2010-2019, janvier 2010, p. 31
5
Décret n°2012- 806/PRES/PM/MJ portant organisation du Ministère de la Justice du 8/10/2012.
6
Arrêté n°2011-066/MJPDH/CAB/DGGSP portant organisation et fonctionnement de la DGGSP du 20/12/2011.
7
Entretien avec le Directeur de la Production Pénitentiaire à la DGGSP.
6
2. Les organes chargés de la politique d'humanisation des prisons
Ces organes sont prévus par la réglementation pénitentiaire du Burkina Faso. Il s’agit notamment
du Comité de Suivi de l’Action Educative et de la Réinsertion Sociale (CSAERS) et de la
Commission de l’Application des Peines (CAP).
L’article 5 du Kiti AN VI-0103 précise qu’ « il est institué auprès de chaque établissement
pénitentiaire (EP), un comité de suivi de l’action éducative et de la réinsertion sociale ». Sa
composition, son fonctionnement et ses attributions sont déterminés par les articles 6 et 7 dudit
Kiti.
Ce comité comprend :
L’on aura remarqué la présence effective, au sein de cette commission, de personnel GSP,
notamment, celle du chef d’établissement et du surveillant-chef. Cela, parce qu’ils connaissent
mieux les détenus et leur avis est à même de guider la commission dans la prise de certaines
décisions.
7
B. les mesures d'humanisation en milieu carcéral
L’objectif d'humaniser les prisons est d’obtenir le futur ancrage social des détenus. Pour cela, Il
faut entreprendre des actions humanitaires de sorte que les personnes condamnées puissent
réintégrer leur milieu social et y vivre dans le respect des normes sociales. Ce sont des mesures
prévues par la règlementation pénitentiaire et le Code de Procédure Pénale (CPP).
Ce sont des mesures qui visent à préparer individuellement chaque détenu à pouvoir se prendre
en charge après la période de détention. Il s’agit de mesures qui permettent non seulement une
bonne observation du détenu, mais aussi de le responsabiliser. La réinsertion sociale est alors
pressentie lorsque le condamné donne des gages sérieux d’amendement ou de réadaptation
sociale. En pareil cas, des aménagements peuvent être apportés à son régime de détention.
Ces mesures sont de trois ordres : il y a d’abord celles relevant de la CAP, ensuite celles relevant
du Ministre de la Justice et enfin celles provenant exclusivement du pouvoir du Président du
Faso.
le passage d’un condamné d’une division à une autre. Les détenus sont placés soit dans la
division normale, soit dans la division disciplinaire, soit dans la division d’amendement. Les
articles 21, 22, 23 et 24 du Kiti AN VI-0103 précisent les critères d’affectation dans les
divisions.
les corvées extérieures,8qui consistent en un travail ponctuel d’utilité publique effectué à
l’extérieur de l’établissement pénitentiaire sous la surveillance continue des agents de sécurité
pénitentiaire ou de l’utilisateur. Les détenus réintègrent l’établissement pénitentiaire après la
corvée, mais à titre exceptionnel, un groupe de détenus peut être admis à coucher dans un
cantonnement aménagé à cet effet. Le but de la corvée extérieure est, non seulement de faire
travailler les détenus pour le compte de la société, mais aussi de leur offrir une opportunité de
renouer le contact avec l’extérieur.
8
Article 29 du Kiti AN VI-0103.
8
les permissions de sortie9peuvent être accordées aux détenus par le magistrat chargé de
l’application des peines. Elles autorisent le détenu à s’absenter pendant une période n’excédant
pas quatre (04) jours non compris les délais de route.
les placements à l’extérieur10, il faut retenir qu’ils consistent dans l’emploi permanent d’un
condamné à des travaux effectués hors de l’enceinte de l’établissement pénitentiaire et qui
implique la résidence du placé chez lui-même, chez l’utilisateur de ses services ou chez une
tierce personne. Ils donnent lieu à un rapport périodique établi par un éducateur spécialisé ou une
personne désignée par la CAP.
Le détenu obtient ici l’occasion de faire la preuve de sa volonté de se réinsérer dans la société et,
en même temps de trouver ou retrouver un emploi.
la semi-liberté11, elle est un régime qui consiste dans le placement individuel d’un détenu à
l’extérieur et sans surveillance continue avec l’obligation de réintégrer l’établissement
pénitentiaire chaque soir et d’y passer les jours fériés et chômés. Toutefois, la périodicité de la
réintégration peut être autrement fixée par la CAP. Le placement peut s’effectuer dans un centre
de production agricole ou industriel, un centre de formation professionnelle ou dans les
entreprises privées.
Pour le moment, cette mesure ne semble s’appliquer qu’au Centre Pénitentiaire Agricole de
Baporo (CPAB) qui est l’exemple le plus marquant de l’idée de formation professionnelle prônée
par la politique de réinsertion sociale.
la libération conditionnelle (articles 689 et 690 du CPP) est une mesure permettant au Ministre
de la Justice de libérer un condamné avant l’expiration de sa peine. Celui-ci est remis en liberté,
alors qu’il n’a pas purgé intégralement sa peine. Il devra alors bien se conduire pendant le temps
restant, faute de quoi la libération conditionnelle sera révoquée.
La libération conditionnelle est une mesure de faveur, ce qui suppose que le bénéficiaire doit
présenter un comportement exemplaire et une bonne conduite. Pendant une certaine période, le
libéré conditionnel va être soumis à une épreuve comportant des mesures d’assistance, des
9
Article 30 du Kiti AN VI-0103.
10
Article 27 du Kiti AN VI-0103.
11
Article 28 du Kiti AN VI-0103.
9
mesures de contrôle et certaines obligations particulières destinées à faciliter et à vérifier son
reclassement.
la grâce présidentielle dont les dispositions sont contenues dans le décret du 18 avril 1961
réglementant le droit de grâce au Burkina Faso. Cette mesure d’individualisation de la peine
relève de la compétence du Président du Faso, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Elle peut être accordée, soit à la requête du condamné après avis du Ministre de la Justice, soit
d’office en l’absence de tout recours du condamné. Dans les deux cas, le Ministre de la Justice,
par l’intermédiaire du procureur du Faso de la juridiction qui a prononcé la peine, fait mettre le
dossier en état en procédant à une enquête de personnalité, une enquête sur le comportement en
détention du condamné.
La grâce peut être totale ou partielle. Si elle est totale, elle arrête l’accomplissement de la peine.
Si elle est partielle, elle commue la peine en une peine inférieure.
Une sortie de prison préparée réduit le risque de récidive. Le détenu qui améliore sa vie
quotidienne et se forme professionnellement, qui peut se constituer un pécule pour la sortie,
contribuera à la sécurité et à l’apaisement dans la prison. En plus, il pourra éventuellement
contribuer à l’indemnisation des victimes et aura de plus grandes chances de reprendre sa place
dans la société. Par cette réussite, c’est la société tout entière qui gagne. C’est d’ailleurs l’esprit
de l’article 173 du Kiti AN VI-0103 qui dispose que : « Toutes les facilités compatibles avec les
exigences de la discipline et de la sécurité doivent être données aux détenus aptes à profiter d’un
enseignement scolaire et professionnel, en particulier aux plus jeunes ».
Si elle ne lui donne pas toujours le goût du métier, elle lui montre du moins qu’il est capable de
faire quelque chose d’utile et, par là, lui redonne la confiance et l’estime qu’il avait perdues.
10
Si le condamné était un travailleur avant de venir en prison, il sera veillé au maintien de ses
qualifications et même dans la mesure du possible, de développer ses aptitudes professionnelles.
Mais si, et c’est le cas le plus fréquent, le condamné n’avait aucune qualification professionnelle,
on s’efforcera de lui en donner une, en lui faisant apprendre un métier qui correspond à ses
aptitudes physiques et intellectuelles. De façon concrète dans les EP, la formation
professionnelle consiste à une initiation à la soudure, à la menuiserie, à la couture, au jardinage,
à des activités artisanales, etc.
En outre, il est reconnu aujourd'hui que l'éducation est un droit fondamental de l'être humain.
L’on peut donc soutenir que l'incarcération ne devrait pas entraîner la privation d'autres droits
civils, dont celui à l'éducation.
Cependant, il est à reconnaitre qu’au Burkina Faso, la population carcérale est analphabète en
grande partie. Cette situation a rendu nécessaire l’organisation de cours d’alphabétisation dans
certains établissements pénitentiaires. En réalité, l’enseignement scolaire consiste en
l’alphabétisation en langue locale pour les adultes et en français pour les mineurs. Les cours sont
dispensés par les encadreurs. L’enseignement scolaire en milieu carcéral rencontre des difficultés
au nombre desquelles on peut citer l’absence de salles de classes, de matériels didactiques, de
manuels scolaires, d’instituteurs.
Quant aux activités socio-éducatives, il faut noter que le droit pour les personnes condamnées de
participer à des activités socio-éducatives est affirmé avec force dans le principe 6 des Principes
fondamentaux relatifs au traitement des détenus12. Au Burkina Faso, elles se résument à une
assistance spirituelle et aux activités sportives.
De même, le sport étant un puissant facteur de rassemblement, il est certain que grâce aux
frottements qui vont exister entre les personnes condamnées et le monde libre à l’occasion de
leur participation aux compétitions, l’objectif de resocialisation pourra être atteint. Ainsi,
l’administration pénitentiaire doit promouvoir la pratique du sport et encourager la participation
des personnes condamnées aux compétitions. Il contribue au bien-être physique et psychologique
des détenus.
12
Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies
dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990.
11
Paragraphe II : les acteurs de la politique d'humanisation des prisons
Les détenus ainsi que le personnel de sécurité devaient respecter une discipline rigide. Dans ces
conditions, il était pratiquement difficile pour des acteurs autres que les agents 13 de sécurité
pénitentiaire d’entreprendre quelque initiative que ce soit.
A. le personnel pénitentiaire
1. Le personnel GSP
13
Agent ici, désigne tout fonctionnaire GSP sans distinction de grade.
12
2. Les travailleurs sociaux et les agents de santé
Les mesures d'humanisation en milieu carcéral ne pourront être appliquées sans le soutien
d’autres acteurs tels que les travailleurs sociaux et les agents de santé.
Concernant les travailleurs sociaux, il faut noter qu’aux termes des dispositions des articles 169
et 170 du kiti AN VI-0103, l’assistance sociale des détenus dans les établissements pénitentiaires
est assurée par des services spécialisés. Ils sont chargés d’apporter à chaque détenu l’aide
morale, matérielle, sociale et professionnelle dont il a besoin pour sa réinsertion. Il s’agit de
l’éducateur spécialisé et de l’assistant social.
Quant aux agents de santé, l’article 156 du kiti AN VI-0103 stipule que le service de santé des
établissements pénitentiaires est assuré par des médecins et des infirmiers chargés d’apporter des
soins médicaux aux détenus. Ils sont désignés par le Ministre de la Santé à la demande du
Ministre de la Justice.
13
B. Les autres acteurs de la politique d'humanisation en milieu carcéral
Le processus d'humanisation des prisons consiste à mettre à profit la durée de la détention pour
éduquer le détenu, le former afin de le rendre utile à lui-même et à la société après sa sortie de
prison. Pour l’efficacité de ces mesures d'humanisation, il est important que celles-ci soient
acceptées par le détenu condamné et soutenues par les intervenants pénitentiaires.
1. Le condamné
Le retour à la société sans risque de récidive implique inéluctablement de la part du détenu, une
prise de conscience du caractère répréhensible de son comportement et une pleine adhésion au
processus de réinsertion. Dès lors, le détenu doit accepter les règles indispensables à la vie en
société et comprendre que son intérêt personnel passe avant tout par le respect de ces règles.
L’aboutissement de la réinsertion du détenu passe également par l’acceptation de la légitimité de
la loi au nom de laquelle il a été sanctionné. En somme, le détenu est l’acteur essentiel de sa
réinsertion. Impossible de concevoir une théorie ou un programme d’action sans son
consentement. Comment obtenir la participation du détenu? Comment peut-il aider à orienter les
autres intervenants? Son refus signifie l’échec de l’action des différentes structures devant
intervenir dans ce processus.
Ils sont d’origine diverse et regroupent les organisations confessionnelles (le Conseil Islamique,
l’Aumônerie Catholique, l’Eglise des Assemblées de Dieu, les Adventistes, le Mouvement
Raélien…), les ONG (comme Prisonniers Sans Frontière, REMAR, Médecin Sans Frontière…),
les organismes humanitaires internationaux ( comme l’UNICEF, La Croix Rouge, l’Association
Pénitentiaire Africaine, Association Vive le Berger, Action en faveur des femmes et mineurs en
milieu carcéral…), les personnes physiques de bonne volonté, les organismes de charité et la
société civile d’une manière générale. Les ministères du culte par les prêches et les conseils
apportent une assistance morale et spirituelle aux détenus et peuvent du même coup opérer un
changement positif en eux. Quant à leur aide matérielle, elle est ponctuelle et tributaire de leurs
possibilités.
La mission des visiteurs agréés consiste à aider les assistants sociaux qui coordonnent leurs
activités dans les établissements pénitentiaires. Leur rôle revient à prendre en charge un nombre
restreint de détenus afin de leur apporter le réconfort moral, leur sollicitude et en même temps
faciliter leur retour dans la société.
14
Il faut noter la présence des intervenants pénitentiaires dans tous les établissements pénitentiaires
du Burkina Faso. Certains sont en même temps des partenaires financiers et soutiennent les
activités d'humanisation.
Dans ce premier chapitre, il a été question de faire un état des lieux de la mise en œuvre de la
politique de l’Etat burkinabé en matière de réinsertion sociale des détenus. Cet état des lieux
avait pour objectif non seulement de faire une analyse des structures et des différentes mesures
favorisant la réinsertion sociale des détenus, mais aussi des différents acteurs qui interviennent
dans la mise en œuvre de cette politique. A la suite de ce chapitre, nous aborderons de façon
spécifique l’action de la GSP dans la réinsertion sociale des détenus.
15
Section II: L’action humanitaire de la GSP dans la réinsertion
sociale des détenus
Les Règles Minima pour le traitement des détenus rappellent que l’objectif essentiel de la
privation de liberté est de protéger la société. Les règles veulent dire que l’emprisonnement est
une sanction ultime qui ne devrait être utilisée que lorsque la sécurité de la société est gravement
menacée. Même dans ce cas, il incombe aux autorités pénitentiaires de travailler en vue d’une
réinsertion future du détenu à sa libération. Dans cette dynamique, la GSP y parviendra en
limitant autant que faire se peut les effets nuisibles de l’incarcération et en cherchant à
convaincre le détenu de saisir les opportunités de se préparer à une vie responsable et
socialement acceptable après sa libération.
Ainsi, le sens donné à la peine détermine le regard du citoyen burkinabé sur nos prisons, le
regard du détenu sur son temps de détention, le regard du personnel de la GSP sur les missions
qui lui incombent. Pour le détenu, la question du sens de la peine est fondamentale. Le condamné
doit comprendre pourquoi il est en détention, et prendre aussi conscience de la gravité des faits
qu’il a commis. C’est dans cette ligne de conduite que s’inscrivent les actions de la GSP.
Dès sa création, le personnel GSP a reçu comme mission fondamentale d’appliquer des lois et
règlements en matière pénitentiaire et de favoriser la réinsertion sociale des personnes détenues.
Quoi que l’on dise, la mission de réinsertion sociale des détenus constitue la finalité de l’action
pénitentiaire. Et c’est pourquoi dans la réforme de l’administration pénitentiaire entreprise par la
PNJ en 2010, un point d’honneur est mis au rôle de la GSP dans l’humanisation des conditions
de détention.
Lorsque l’on entre dans une prison, on se rend compte que toutes les précautions sont mises en
place afin de garantir la sécurité et favoriser le retour du détenu dans la société. La GSP est, en
effet chargée de la sécurité des détenus placés sous son autorité. Elle exerce un métier qui est à la
fois d’autorité et d’écoute, c'est-à-dire que le personnel GSP est tantôt porteur de sécurité, tantôt
porteur d’humanisme ou les deux à la fois.
16
A. Le rôle sécuritaire des GSP dans les établissements pénitentiaires
La mission de la GSP est d’assurer une sécurité optimale dans les EP en évitant les évasions, les
mutineries et toutes les infractions en matière pénitentiaire. Pour cela, le fonctionnement de l’EP
doit permettre la mise en place d’une sécurité quotidienne. Ainsi, la GSP doit garantir non
seulement aux personnes placées sous sa garde mais aussi à celles qui y travaillent, une
protection maximale.
A ce propos, Michelle PERROT soutenait que « Veiller d’abord à ne pas aggraver la peine
privative de liberté par ces cruautés supplémentaires que chacun s’accorde à dénoncer : le
froid, la faim, la promiscuité, la maladie… C’est aussi enseigner la valeur de la loi à celui qui
l’a méconnue, la reconnaître et, par là, reconnaître la justice de sa propre condamnation, sera
pour le coupable, le premier acte de sa soumission à la société ».14 Ainsi, la tâche du personnel
GSP consiste à inculquer aux détenus certaines valeurs et leur faire comprendre que l’on
n’obtient pas les choses par la force, mais par le respect des normes sociales.
14
PERROT Michelle, L’impossible prison, Paris, Seuil, 1980, p. 29.
15
MBANZOULOU Paul, De l’apport des surveillants de prison à la réinsertion sociale des condamnés à la privation
de liberté en France, Thèse de doctorat en droit, PAU, 1999, p. 236.
17
Comme le personnel de la GSP partage la quotidienneté de l’enfermement avec les détenus,
l’importance que peut revêtir pour ces derniers la communication avec eux est dès lors
compréhensible. L’écoute des détenus est par conséquent un acte professionnel et elle contribue
à leur restructuration, dans la mesure où elle les fait exister comme sujet, car l’on ne saurait faire
plus grand honneur à quelqu’un qu’en écoutant ce qu’il a à dire. La réalité carcérale a prouvé
que le détenu, quand bien même il n’a pas eu la solution à son problème éprouve un sentiment de
satisfaction après une bonne écoute.
Ainsi, le personnel de la GSP participe activement à l’amendement des détenus dans la mesure
où il est présent tous les jours avec eux, dialogue et discute avec eux, fait le rappel à la norme et
tout cela s’apparente à un dispositif destiné à faire évoluer l’individu. Cependant, il convient de
noter que cette démarche suivie ne consiste pas à transformer ce personnel en psychologue à
même de conduire des entretiens d’aide et de psychothérapie. Il s’agit de reconnaitre simplement
la nécessité de donner à ce personnel la possibilité de puiser dans l’histoire personnelle du détenu
des éléments de discussion ou de communication avec lui.
Par ailleurs, les effets destructeurs de l’enfermement sont notoires. Il s’agit de la dégradation
physique et psychique progressive, les crises d’angoisse, la rupture des liens familiaux, etc. Le
personnel de la GSP est bien placé pour en être témoin. Dès lors, le soutien moral aux détenus
apparaît de plus en plus au personnel de la GSP comme indispensable à leur réinsertion sociale.
Par leur proximité physique et matérielle, il aide les détenus à accepter leur peine, à se prendre
en charge par un soutien moral, des encouragements, des conseils, de la stimulation. Dans nos
prisons actuelles, il faut noter que nombreux sont les détenus qui ne supportent pas leur peine et
la pénibilité des conditions de détention. A cet effet, des entretiens sont organisés à différents
niveaux (régisseur, surveillant-chef, chef de brigade) pour écouter et échanger avec les détenus
afin de les encourager à élaborer un projet de sortie. Cette démarche non seulement, permet au
personnel GSP de mieux connaître le détenu, mais canalise le détenu dans l’élaboration d’un
projet de sortie.
L’administration pénitentiaire a en effet le devoir de tout mettre en œuvre pour permettre aux
détenus désireux de s’investir dans la préparation active de leur sortie, de trouver les activités
professionnelles, éducatives ou sportives correspondant à leurs besoins.
18
De prime abord, le personnel de la GSP crée dans la quasi-totalité des EP, les conditions
d’installation de toutes les activités. Il assure la sécurité et la surveillance de l’établissement
pénitentiaire pour que toutes les interventions des différents acteurs se passent dans une parfaite
harmonie. En effet, par la gestion des différents mouvements des détenus, il veille au respect des
règles de discipline sur les lieux de travail. Leur présence physique inspire non seulement la
confiance de la part du détenu mais également rassure l’intervenant.
Il apparait indiscutable que le personnel de la GSP est partie prenante dans le processus de
réinsertion sociale des détenus. Il l’est à double titre : d’abord passivement par la garde des
détenus et la sécurité qu’il assure dans les lieux de réinsertion, ensuite activement par l’incitation
qu’il peut imprimer auprès du détenu pour l’encourager à suivre une formation professionnelle
ou à travailler. D’ailleurs, dans beaucoup d’EP, la formation à certaines activités de production
est assurée par des agents de la GSP. Il s’agit par exemple de la fabrique de savon et le tissage à
la MACO et le maraîchage au CPAB.
Ainsi, le personnel GSP participe beaucoup à la mise en œuvre du travail en milieu carcéral. En
effet, le travail, principal vecteur du lien social et composante existentielle, est à l'heure actuelle
l'un des principaux leviers d'intégration sociale mis à la portée des personnes détenues. Le travail
est jugé comme l’outil le plus apte à remplir cette mission de réinsertion confiée à
l’administration pénitentiaire à cause de ses vertus universellement connus : il soigne, moralise,
éduque et forme. En effet, « valoriser le détenu par le travail, le socialiser par des échanges
dirigés, entrainer et affermir sa volonté et enfin rectifier ce qui est faussé en lui, sont les actes de
cette action éducative ».16
Quant à la concession de main d’œuvre pénale, elle se fait à titre onéreux à un utilisateur privé
ou public dans le cadre d’un travail qui peut s’effectuer à l’extérieur comme à l’intérieur de la
prison ; elle donne lieu à un contrat entre l’administration pénitentiaire et l’utilisateur précisant
l’effectif de la main d’œuvre, la durée du travail et le coût. Hormis le cas de la régie directe et de
16
VARAUT Jean-Marc (1972) ; op.cit. p. 210
17
Articles 107 et 108 du kiti AN VI-0103
19
la concession, le travail d’entretien général est obligatoire pour tous les détenus et il n’est pas
rémunéré.
Dans tous les cas, les agents de la GSP sont les principaux acteurs de la mise en œuvre du travail
en milieu carcéral et le conçoivent comme un instrument réformateur du détenu. Il présente un
avantage sécuritaire pour l’administration pénitentiaire qui voit dans celui-ci un moyen
d’occuper les détenus et d’apaiser les tensions de la vie carcérale.
Car, « quand les hommes ne sont pas trop occupés par le travail quotidien, ils ont trop le temps
pour parler et conspirer sur les possibilités grossières et des griefs mesquins qui sont grandis et
amplifiés démesurément. L’oisiveté mène à l’insolence, au manque de soins, à la conspiration et
finalement à la révolte ».18
A travers ces études de cas, il s’agira pour nous de montrer de façon concrète l’apport du
personnel de la GSP dans l'humanisation en milieu carcéral. Notre démarche a consisté à prendre
l’exemple dans un milieu ouvert et un milieu fermé.
Le Centre Pénitentiaire Agricole de Baporo (CPAB) a été créé en 1986 par le décret n°95-
235/PRES. Il est situé à 180 km de la ville de Ouagadougou dans le département de Zawara dans
la province du Sanguié, à environ 05 km de la ville de Boromo.
Selon l’article 2 dudit décret, le CPAB est chargé de la formation professionnelle des détenus
condamnés bénéficiant d’une semi-liberté dans le domaine de l’agriculture, de l’élevage, de
l’artisanat, de l’alphabétisation des détenus, de la production végétale et animale.
Avant le début des activités au centre, il est souhaitable que soit réalisée à l’endroit des autorités
judiciaires, du personnel GSP et des détenus une sensibilisation. En effet, tous ces acteurs
18
PATERSON Alexandre, cité par P CANAT, La réforme pénitentiaire, Paris, 1949, p. 163
20
doivent savoir que la venue au centre d’un détenu est fondée sur le volontariat et que le
transfèrement du détenu obéit également à des critères de sélection précis excluant notamment
les cas de maladies et les bandits de grands chemins.
1. Les potentialités
Au CPAB, les détenus se familiarisent avec la production de la fumure organique, les activités
de maraîchage, l’élevage, la gestion d’eau et l’entretien du matériel agricole. Les détenus en
semi-liberté, disposent à cet effet, de cent (100) hectares de terre arable et d’un troupeau de
bœufs. La possibilité de mener beaucoup d’activités est très élevée mais au cours de ces
dernières années, il faut signaler que l’accent a été mis particulièrement sur l’agriculture,
l’élevage et la petite irrigation.
L’impact de ces activités sur les détenus est important à plusieurs points de vue. Il y a d’abord
l’occupation quasi permanente qui fait que les détenus sortants du centre sont de grands
travailleurs et acquièrent ainsi le réflexe de travailler pour se nourrir.
Ensuite, les détenus apprennent les nouvelles méthodes culturales, ce qui leur servira
ultérieurement car la majorité des détenus est paysanne. Ils sont également initiés aux nouvelles
techniques de cultures de contre saison notamment l’agriculture irriguée qui est d’ailleurs
l’option de la nouvelle politique nationale de développement et sont formés à l’utilisation et à la
maintenance du matériel agropastoral. Enfin, le régime alimentaire des détenus est amélioré par
la production de légume.
La grande campagne agricole est organisée dès le mois de mars par l’acquisition de matériels, les
différents transfèrements des détenus et le nettoyage des champs.
Dès les premières pluies, l’équipe chargée des labours se met vite en activité. Cette équipe est
constituée essentiellement d’agents de la GSP qui sont imprégnés des techniques élémentaires de
labour. Ils forment ensuite les détenus qui savent conduire aux techniques de labour à l’aide du
tracteur. Pendant ce temps, d’autres équipes d’agents GSP accompagnent le gros lot des détenus
dans les semailles tout en leur montrant les bonnes techniques culturales.
21
Dans pareil cas, l’accompagnement de structures techniques chargées de l’agriculture s’avère
nécessaire. Malheureusement, depuis 2007, le CPAB n’a pas bénéficié de l’appui de ces
structures. La totalité de la formation des détenus, des labours jusqu’à la récolte, est assurée par
les agents GSP.
Au regard des résultats obtenus, nous pouvons sans doute affirmer que l’on peut faire du CPAB,
le grenier des MAC du Burkina Faso si les moyens accordés étaient conséquents. Les prisons du
Burkina Faso sont bondées de détenus oisifs, pouvant constitués une main d’œuvre utile et
rentable, capable de se nourrir. Cela permettra à l’Etat burkinabé, non seulement de dépenser
moins dans l’achat des vivres, mais également de lutter efficacement contre la surpopulation
carcérale actuelle. C’est un atout d’un développement et une mesure de lutte contre la pauvreté.
En 2006 par exemple, le centre a travaillé avec moins de 60 détenus et sur 34 hectares de maïs et
08 hectares de sorgho, les récoltes ont respectivement donné 299 et 55 sacs de 100kg.19
Or, pendant cette même année l’Etat a alloué 129520000 CFA à l’achat de vivres pour
l’ensemble des MAC.20 Avec le peu de moyens (un seul tracteur en bon état) et le nombre réduit
de détenus, on peut estimer la vente des récoltes de 2006 à 10965000 CFA.
Aussi, à l’issu de la campagne agricole 2009-2010, le CPAB a fourni 50 sacs de 100kg de mil à
la MACO, 50 sacs à la MAC de Banfora et 45 sacs à la MAC de Boromo.21
Il faut par ailleurs noter qu’en plus de la grande campagne agricole, le personnel GSP initie les
détenus aux activités d’irrigation. Les travaux de la petite irrigation consistent en l’aménagement
des espaces irrigables à travers le labour, la confection de planches et leur nivelage, l’apport du
fumier organique et l’apprêt des canalisations d’eau. Les détenus sont organisés en équipes et
bénéficient d’un encadrement assuré par le personnel GSP.
En somme, c’est le lieu pour nous de faire un plaidoyer pour que des moyens conséquents soient
mis à la disposition du centre afin qu’il puisse effectivement subvenir aux besoins alimentaires
des MAC du Burkina Faso.
19
Rapport sur la production du CPAB 2006
20
Loi des finances de 2006
21
Rapport sur la production du CPAB 2010
22
Figure 1 Photos des activités de la grande campagne agricole au CPAB
L’activité principale au CPAB étant l’agriculture, les détenus se rendent aux champs. Ils sont
escortés et encadrés par le personnel GSP du centre durant les travaux champêtres.
L’heure de la récolte des champs au CPAB sous la surveillance des agents GSP. Là encore, l’on
aura constaté que le matériel utilisé est rudimentaire.
Source : Données de l’étude sur le rôle humanitaire de la GSP dans la réinsertion sociale
des détenus au Burkina Faso ; 2IE, 2015
23
B: En milieu ferme : la Maison d’Arrêt et Correction de Ouagadougou (MACO)
Le choix de la MACO comme cas pratique illustrant le rôle de la GSP dans la réinsertion sociale
s’explique par le fait que c’est l’EP le plus important de notre pays au regard de sa capacité
d’accueil et de sa population carcérale.
Chaque EP développe ses initiatives pour mener ses activités en son sein. C’est ainsi que la
MACO, en dehors des activités de service général (activités nécessaires pour le fonctionnement
de l’établissement), beaucoup d’activités productives sont menées pour occuper utilement les
détenus de façon ponctuelle ou permanente.
Le jardin occupe environ un hectare et le travail y est pratiqué collectivement par un groupe de
10 à 20 détenus sous la supervision d’un agent GSP. L’activité du jardin est fonction des
saisons ; on y produit des choux, des aubergines, des courgettes, de l’oseille du gombo… C’est
l’activité qui occupe le plus de détenus. (Figure 2)
L’atelier de menuiserie est installé sur une superficie de 500 mètres carrés et a été entièrement
financé par le Programme d’Appui à la consolidation du processus Démocratique de l’Etat de
droit et de la bonne Gouvernance (PADEG). Il est fonctionnel depuis 2006 et occupe 6 détenus
condamnés qui travaillent sous la direction d’un agent GSP. (Figure 3)
La soudure, financée également par le PADEG, occupe 4 détenus sous la direction d’un agent
GSP. La visite de l’atelier de soudure a retenu notre attention au regard du travail qu’abattaient
les détenus. En effet, ils avaient reçu une commande de confection de portes, de portail et de
fenêtres d’un particulier. A l’issue de notre entretien avec l’agent GSP responsable, celui-ci nous
a laissé entendre que l’atelier de soudure de la MACO a la possibilité de confectionner les portes
et autres ouvertures pour la construction des MAC (figure 3).
Malgré le peu de moyens dont dispose l’atelier de soudure de la MACO, les détenus, peu
nombreux, ont bien voulu consacrer leur période d’incarcération pour se former
professionnellement sous la surveillance du personnel GSP. Voici quelques-unes de leurs
réalisations qui méritent que l’on se penche véritablement sur les moyens accordés à la formation
professionnelle en milieu carcéral.
Une commande de fauteuils pour salon réalisée par l’atelier de menuiserie de la MACO ; ce
détenu a compris que sa réinsertion dans le tissu social passe par l’apprentissage d’un métier
pendant son incarcération.
L’unité de fabrique de savon, le tissage, MACO art, l’atelier de couture des mineurs sont aussi
des activités qui occupent les détenus de la MACO. Dans la réalisation de notre travail, nous
avons choisi de mettre un accent particulier sur l’unité de savonnerie pour plusieurs raisons dont
Source : Données de l’étude sur le rôle humanitaire de la GSP dans la réinsertion
sociale des détenus au Burkina Faso ; 2IE, 2015
25
la principale est sa capacité de fournir du savon à tous les détenus de toutes les MAC de notre
pays.
Sur ce volet, nous nous intéresserons exclusivement à l’unité de fabrique de savon en ce sens
qu’elle est un bel exemple de promotion du travail pénitentiaire à la MACO.
En effet, elle occupe au moins une douzaine de détenues composée de femmes. Le travail y est
pratiqué collectivement sous la supervision d’un agent GSP responsable de l’unité industrielle.
La fabrique de savon se fait deux à trois fois par semaine et exceptionnellement sur commande.
Quant à la question de connaître la capacité de production, le responsable de l’unité nous a laissé
comprendre que cela est fonction de la commande ; ils produisent au moins quatre cent (400)
boules de savon par confection, mais peuvent aller jusqu’à mille (1000) boules si la demande est
élevée (figure 4). Hormis les détenus de la MACO, deux associations féminines de la ville de
Ouagadougou s’y sont rendues pour s’imprégner des techniques de fabrique.22 En plus, la prison
militaire de Ouagadougou commande trois cent cinquante (350) boules de savon par mois avec
l’unité de savonnerie pour leurs détenus.23
La pâte de savon obtenue après mélange des différents ingrédients est coulée ensuite dans des
moules. Etape 2.
22
Responsable de l’unité de savonnerie, MACO
23
Source intendance MACO
26
Le savon est coulé dans les moules pendant la soirée et il faut attendre le lendemain pour la
coupure. Selon le responsable, les huit moules peuvent donner environ 400 boules de savon.
Ici, nous sommes à la coupure en barres d’abord ; vous aurez remarqué que faute de moyens
modernes, les femmes utilisent une technique qui demeure toujours artisanale. Etape 3 du
processus.
PHOTO 3 et 4: Les barres sont enfin coupées en boules de savon et nous sommes à l’étape
terminale de la fabrication. Ces femmes mènent cette activité avec enthousiasme et entendent la
continuer une fois leur peine purgée.
27
La renommée et la qualité du savon produit par les détenus leur ont valu une participation au
Forum national de la Recherche Scientifique et des Innovations Technologiques (FRSIT) du 06
au 14 octobre 2012 à la Maison du Peuple (figure 5).
Figure 5 Exposition des produits des détenus de la MACO à la Maison du Peuple
« Je suis en prison mais je participe au développement de mon pays », cri de cœur des détenus
de la MACO lors de l’exposition à l’occasion du Forum National de la Recherche Scientifique et
des Innovations Technologiques (FRSIT) du 06 au 14 octobre 2012 à la Maison du Peuple.
Les détenus de la MACO lancent vivement un appel à l’Etat, aux partenaires financiers et aux
intervenants pénitentiaires, à les soutenir dans les activités de production. C’est à l’occasion du
FRSIT à Ouagadougou.
Produits des détenus de la MACO exposés au FRSIT, à la Maison du Peuple par deux agents
GSP : savon, eau savonneuse, tableaux et objets d’art. Au regard des talents qui se dégagent de
ce milieu, il convient de soutenir ces initiatives afin de les accompagner dans leur projet de
sortie.
Toutefois, dans l’exécution de leur mission de réinsertion sociale des détenus, les agents GSP
rencontrent bon nombre d’obstacles qui compromettent quelque fois les résultats attendus. Il sera
ainsi question dans la deuxième partie d’énumérer les difficultés rencontrées par ce personnel
dans la mise en œuvre de la réinsertion sociale des détenus et d’en proposer des solutions
d’amélioration.
29
Chapitre II: les obstacles à la politique d’humanisation des
prisons et les perspectives d’amélioration du potentiel de la GSP
Malheureusement, force est de constater que la réalité ne cadre pas toujours avec la volonté
exprimée de faire de l’administration pénitentiaire un service dynamique orienté vers la
resocialisation du détenu. Elle se singularise par un manque notoire de moyens matériels,
financiers, infrastructurels. Pourtant, l’administration pénitentiaire constitue un maillon essentiel
dans le maintien de la tranquillité et de la paix sociale, condition sine qua none d’un
développement humain durable. Quoi que des efforts soient consentis à l’état actuel, les
difficultés qui font que la GSP peine dans l’accomplissement de cette mission de réinsertion
sociale demeurent nombreuses.
Se contenter d’étudier seulement les obstacles à la mission de réinsertion serait, à notre sens,
sans intérêt car on aurait diagnostiqué un mal sans proposer un quelconque remède. Ainsi, dans
le second chapitre, il sera question d’envisager des mesures tendant à améliorer le potentiel de la
GSP dans le processus de réinsertion sociale des détenus.
En réalité, le constat qui s’impose est que la réinsertion sociale des détenus est une mission qui
peine à s’affirmer au regard des considérations financières, des insuffisances textuelles et
institutionnelles et des conditions de détention et de travail du personnel GSP.
30
Paragraphe I Les perceptions sur de la politique d’humanisation des
prisons
Aujourd’hui encore, la mission de garde des détenus constitue la clef de voûte de notre système
carcéral ; ce qui a pour conséquence l’occultation de la mission de réinsertion. En effet, le souci
d’humanisation des prisons s’efface trop souvent devant les impératifs de sécurité.
La mission de réinsertion sociale peine à s’affirmer comme une véritable priorité parce qu’il faut
le reconnaître, ce concept n’est pas suffisamment encadré par des textes et beaucoup de préjugés
entourent encore aujourd’hui la prison et ceux qui y travaillent.
La mise en œuvre de la politique d’humanisation des prisons doit s’appuyer sur des dispositions
juridiques et règlementaires nationales et internationales qui guident les personnels pénitentiaires
dans le traitement des détenus.
Par exemple, la loi du 22 juin 1987 en France, relative au service public pénitentiaire dispose
clairement dans son article 1er que « le service public pénitentiaire participe à l'exécution des
décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion
sociale des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire. Il est organisé de manière à
assurer l'individualisation des peines ». A ce niveau, il ne peut y avoir d’ambiguïté ou de
confusion de rôles.
Ce que nous reprochons à notre système, c’est l’absence de textes clairs relatifs à la mission de
réinsertion sociale du personnel GSP. En effet, l’article 5 de l’arrêté HV.-642/APS du 4
décembre 1950 portant réglementation des prisons de Haute Volta dit que « Le Régisseur
administre la prison, veille à l’exécution des lois et règlements et des mandants de justice… Il a
pour attribution la garde et la discipline, l’exécution du service de propreté, la tenue des
différents registres et écritures, la nourriture des prisonniers… »24. Le Kiti AN VI-0103, qui
date d’une époque plus récente stipule que « Le chef d’établissement assure sous l’autorité du
chef de service provincial, la direction de l’établissement à la tête duquel il est placé. Il dirige
l’ensemble des services qui en dépendent et est, à ce titre, personnellement responsable du
fonctionnement, de la sécurité et de la discipline intérieure de l’établissement, de la mise en
24
Arrêté HV.-642/APS du 4 décembre 1950 portant réglementation des prisons de Haute Volta.
31
œuvre des méthodes d’observation, de traitement des détenus et de la formation du personnel. Il
exerce ou provoque l’action disciplinaire sur le personnel qui lui est subordonné »25. Au regard
de ces deux articles, on se rend compte que la priorité est accordée à la sécurité. Si notre
législation pénitentiaire actuelle s’est inspirée de la loi du 22 juin 1987, alors il convient de noter
qu’elle comporte des insuffisances, sources de malentendus sur le terrain. Ces malentendus sont
quelque fois profonds qu’ils constituent un obstacle à l’atteinte des missions assignées à la
prison.
De même, il faut ajouter le fait qu’aucune disposition n’aborde la politique d’humanisation des
prisons. Aucun article ni du Kiti AN VI-0103, ni du règlement intérieur des EP ne dit ce que
renferme ce concept.
La question des prisons n’est pas seulement une affaire d’ordre public. Elle relève d’un vrai
débat de société où la dimension humaine, complexe à appréhender par l’opinion publique, doit
concerner tous les citoyens, car la sécurité de tous passe par l’amélioration de la détention.
La profession de surveillant de prison est toujours marquée par une péjoration sociale qui serait
peut-être liée à l’histoire pénitentiaire. Aujourd’hui encore, ils sont affublés de surnoms comme
« porte-clefs » ou « garde-bagnards ». De par le monde entier, plusieurs appréciations négatives
se sont toujours collées au métier de surveillant pénitentiaire. Travailler en prison au milieu des
personnes mises au ban de la société semble peu valorisant, parce que la société a tendance à
confondre le surveillant avec le délinquant, à le considérer comme imbibé de l’immoralité qui
s’attache au monde de la délinquance.
25
Kiti AN VI-0103
26
GIACOPPELLI M., Statuts et formation des personnels de surveillance dans le cadre européen, Thèse, 20
novembre 1993, Aix-Marseille, p. 460-462
32
B. L’insuffisance des moyens consacrés a la politique d’humanisation des
prisons
Au Burkina Faso, l’entretien des détenus est régi par les dispositions de l’Arrêté n°06-
064/MS/SG/DAPRS portant fixation des modalités d’entretien des détenus. Un constat
s’impose : on ne sent pas véritablement une volonté politique dans la mise œuvre de la
réinsertion sociale des détenus et le budget alloué à l’entretien des détenus a subi des baisses
contrairement à l’effectif de la population carcérale qui ne cesse de croître.
1. La volonté politique
Les prisons sont considérées dans les sociétés contemporaines comme des moyens
d’amendement et de resocialisation des détenus. A ce titre, la question de leur humanisation et
l’amélioration des conditions du personnel qui y travaille, devrait constituer une constante
préoccupation sensée guidée l’action des pouvoirs publics.
En effet, le Burkina Faso a élaboré et mis en œuvre un Plan d’Action National pour la Réforme
de la Justice (PANRJ) couvrant la période 2002 à 2006 qui a été adopté par le Conseil des
Ministres du 12 avril 2000. Ce document ne couvrant pas suffisamment les EP, une politique
pénitentiaire a été élaborée en 2006. Cette politique était assortie d’un plan triennal s’articulant
autour de sept axes dans la perspective de renforcer la réinsertion sociale des détenus,
d’améliorer les conditions de travail du personnel et d’humaniser les conditions de détention.
Bien qu’elle ait été validée par les acteurs de la justice, elle n’a pas été adoptée en Conseil des
Ministres. C’est à ce niveau que la nécessité d’une volonté politique s’impose.
Les autorités politiques doivent prendre des mesures afin de promouvoir la réinsertion sociale
des personnes condamnées, développer les programmes de formation professionnelle en tenant
compte de la demande du marché, encourager le développement des compétences existantes,
développer les centres semi-ouverts et renforcer les capacités du personnel.
C’est en cela que l’on pourra faire de nos prisons, des lieux sûrs de détention et de lutte contre la
criminalité.
33
Généralement, les Etats se contentent de fournir le strict minimum et s’orientent très rarement et
de manière systématique vers des activités de production. Aussi, les investissements dans ce
domaine sont souvent limités aux instruments aratoires élémentaires.
Malgré les efforts budgétaires annuels consentis par l’Etat burkinabé pour les missions des
services pénitentiaires, nous notons une insuffisance des ressources matérielles et financières.
Cette situation est illustrée par les fréquents constats désolants des services pénitentiaires
incapables d’assurer l’assistance sollicitée par les détenus par manque de moyens ou du fait de
leur état défectueux.
Années
2008 2009 2010 2011 2012
Désignation
Vivres 139 800 500 443 043 000 250000000 280.000 000 300 000 000
Médicaments 21 458 460 60 000 000 35000000 35 000 000 35 000 000
Gaz 27 000 000 37 000 000 30 000 000 30 000 000 35 000 000
Régie d’avances 30 000 000 Non accordé 30 000 000 20 000 000 25 000 000
Total CFA 218 258 960 540 043 000 345 000 000 365 000 000 395 000 000
Sources : Lois des finances des années 2008 à 2012
Ces chiffres montrent que le budget alloué pour l’entretien des détenus est insignifiant alors que
la norme généralement admise est de 700f CFA par détenu et par jour.
Par exemple, pour 1665427 détenus incarcérés au cours de l’année 2011 et un budget de
365000000 francs CFA28, un calcul rapide nous donne un montant alloué par détenu et par jour
de soixante (60) francs CFA. Certes, les ONG, les associations et des personnes de bonne
volonté viennent en appui pour l’entretien des détenus. Mais ces soutiens demeurent
circonstanciels et, par conséquent, ne peuvent se substituer au devoir de l’Etat.
Pour ce qui est de l’effectif, il faut reconnaître qu’un effort est fait pour le recrutement en
personnel. Le personnel de la GSP dans les EP continue de croître. De 224 en 2002, ce nombre
est passé à 1006 en 2011.29 Cependant, le programme de formation de ce personnel n’est pas
adapté en ce sens qu’il est plus axé sur la protection de la société. Ce programme ne prévoit pas
la spécialisation du personnel au regard de la mission de réinsertion sociale qui lui est confiée.
27
Source: DGGSP.
28
Source: Budget de l’Etat.
29
Direction du personnel de la DGGSP
34
Paragraphe II: les dysfonctionnements du système carcéral
L’article 150 du Kiti AN VI-0103 dispose que « l’incarcération doit être subie dans des
conditions satisfaisantes ». Mais, force est de constater que les conditions de détention et l’état
actuel des infrastructures compromettent la réinsertion sociale des détenus et compliquent
davantage la tâche des personnels pénitentiaires.
Si les détenus perdent leur droit à la liberté de mouvement, ils conservent cependant les autres
droits humains pendant leur détention. Malheureusement, le constat est triste : lenteur dans le
traitement de certains dossiers, surpopulation carcérale, insuffisance de nourriture, de soins,
d’espace. D’une manière générale, les conditions actuelles de détention, qu’il s’agisse des
conditions matérielles de vie en prison ou bien des conditions de travail et de formation, ne sont
guère favorables à la réinsertion des détenus.
Au cours de cette dernière décennie, différentes initiatives de réforme pénitentiaire ont été
entreprises sur le continent africain, afin que les conditions de détention soient conformes au
respect de la dignité humaine. Au nombre de celles-ci, il y a la conférence de Kampala tenue en
1996 sur les conditions de détention et la déclaration de Ouagadougou pour accélérer la réforme
pénale et pénitentiaire en Afrique tenue le 20 septembre 2002.
Malheureusement, la réalité carcérale au Burkina Faso rime avec plusieurs maux découlant des
mauvaises conditions de détention. Ces conditions sont précaires et favorisent la prolifération de
plusieurs maladies.
D’une manière générale en Afrique, les détenus vivent sur 2,5 mètres carrés de cellule chacun
contrairement aux recommandations du Comité Européen pour la Prévention de la Torture et
autres peines inhumaines et dégradantes qui préconisent 11 à14 mètres carrés de un à deux
détenus.30 Cette promiscuité dans laquelle vivent les détenus, les fragilise physiquement et les
expose à toute sorte de pathologies. Il s’agit des maladies contagieuses telles que les infections
de l’appareil respiratoire, les affections de la peau et la prolifération de certaines maladies
sexuellement transmissibles. En plus de l’insuffisance de soins sanitaires adaptés, l’alimentation
des détenus est en quantité et en qualité insuffisantes.
30
Rapport de l’assemblée nationale Française n°2521, (2000).
35
Pourtant, ces conditions de détention pénibles ne s’accommodent pas avec la réinsertion sociale
des détenus qui est l’une des missions de la GSP. Elles compromettent l’amendement du détenu
primaire et l’initient à d’autres formes de délinquance, du fait de sa cohabitation avec les détenus
dits « caïds ».31
Les difficultés de gestion de la population carcérale se rencontrent aussi bien dans la sécurisation
des EP que dans la resocialisation des détenus.
En effet, le fonctionnement de la prison est souvent émaillé d’incidents troublant l’ordre carcéral.
Ces incidents sont le plus souvent dus à la détérioration des conditions de détention et aux
atteintes à certains droits fondamentaux inhérents aux détenus. Ils se manifestent généralement
par des actes d’indiscipline, de protestation qui finissent par des révoltes ou des mutineries ;
toute chose ayant conduit Hélène DORLHAC de BORNE, secrétaire d’Etat à la condition
pénitentiaire de France (1974-1976) à affirmer que : « les révoltes révèlent d’une façon tragique,
tous les paradoxes de la détention ».32
A titre illustratif, les mutineries du 18 janvier 2005 et du 17 février 2011 observées à la MACO
ont eu pour fondement selon les détenus eux-mêmes, les mauvaises conditions de vie en
détention liée à la surpopulation. En effet, le grand bâtiment de la MACO initialement conçu
pour une capacité de 570 places enregistrait respectivement en ces deux dates les taux
d’occupation minimum de 280% et 274%.
Outre les mutineries, certains incidents tels que les automutilations, les suicides, les agressions,
les violences sont constatées toutes les fois que les conditions de vie en détention sont
mauvaises.
Notons que les difficultés qu’engendrent les mauvaises conditions de détention vont au-delà de
la simple mission de sécurité et de protection des détenus. Les mauvaises conditions carcérales
imposent au personnel GSP des contraintes de gestion qui nuisent aux possibilités de
resocialisation des détenus.
Cette transformation du comportement du détenu par les acteurs pénitentiaires nécessite de leur
part une connaissance approfondie de la personnalité physique et psychologique du détenu.
31
VARAUT Jean-Marc (1972) ; op.cit. p. 72
32
DORLHAC, de B cité par NEYA, S (2006), « le phénomène de la mutinerie de la maison d’arrêt et de correction
de Ouagadougou », monographie ENP P68
36
Malheureusement, la surpopulation carcérale constitue un obstacle et pose un problème d’ordre
organisationnel des détenus en raison de l’insuffisance des activités professionnelles de
réadaptation. Par conséquent, le manque d’activités occupationnelles et de formation sera donc la
cause de la difficile mise en place d’un véritable programme de détention, c'est-à-dire un régime
individualisé, éducatif ou rééducatif. Ainsi, les agents d’une MAC surpeuplée sont amenés à
imposer une discipline assez rude.33 Ces agents sont plus regardants sur l’aspect sécuritaire au
détriment de leur mission de réinsertion sociale.
L’organisation structurale actuelle des prisons est plus destinée à servir les impératifs sécuritaires
et administratifs. A nos jours, il existe au Burkina Faso vingt-quatre (24) MAC. Ce parc
pénitentiaire se caractérise par une très grande hétérogénéité architecturale et les efforts de
modernisation entrepris depuis dix ans ne doivent pas occulter la vétusté et l’inadaptation d’une
grande partie de nos prisons, qui souffrent d’un manque d’entretien. « Comment préparer un
homme normal dans un cadre anormal… ? ».34 Pourtant, pour que la GSP puisse accomplir le
rôle qui est le sien dans le processus de réinsertion sociale, il importe que plus d’égards soient
accordés au cadre de vie des détenus.
S’il est vrai que la règlementation pénitentiaire existante prend en compte les dispositions
internationales, il reste tout de même évident que cette règlementation pèche par son ineffectivité
pour des raisons multiples. L’essentiel de la législation pénitentiaire à savoir le Kiti AN VI-0103
du 1er décembre 1988 s’est inspiré de l’arrêté 642/APAS du 4 décembre 1950 qui date d’une
autre époque et moins adapté aux réalités du Burkina Faso actuel. Ce texte a été axé
essentiellement sur l’aspect sécuritaire.
La règlementation pénitentiaire ne définit pas les conditions minimales requises concernant tous
les bâtiments où des détenus sont appelés à vivre et à travailler.
Pour ce qui est de l’implantation d’une prison, elle ne prend pas souvent en compte des aspects
tels que la proximité d’un hôpital, du commissariat de police ou du poste de gendarmerie, la
distance entre le site et le palais de justice quand on sait que seules les MAC de Ouagadougou et
de Bobo Dioulasso disposent de fourgons destinés au transport des détenus. En plus, notre
règlementation pénitentiaire prône la réinsertion sociale comme l’un des principaux objectifs de
la prison sans pour autant définir les infrastructures qui doivent contribuer à sa mise en œuvre
33
VARAUT, Jean-Marc (1972), op.cit. p. 88
34
VARAUT, Jean-Marc (1972), op.cit. p. 88
37
notamment en matière de travail pénitentiaire, de formation professionnelle, d’éducation, de
santé, de sport, de loisir, etc. Enfin, elle ne précise pas les locaux administratifs qui doivent être
bâtis au sein d’une prison sachant que le cadre, à savoir les conditions de travail des personnels,
influe donc sur les conditions de détention.
Hormis l’absence de textes relatifs à l’architecture pénitentiaire, la faible capacité d’accueil des
MAC pose un véritable problème. « D’une manière générale, la surpopulation des prisons
s’explique par l’absence de planification à long terme de la progression prévisible de la
délinquance dans la population en évolution ».35
Au Burkina Faso, la population a beaucoup évolué ; de 11 494 000 habitants en 2000, nous
sommes passés à 15 746 000, en 2009.36
Selon les sources de la Direction Générale de la Police Nationale du Burkina Faso, en 2005,
16 660 cas d’infractions avaient été constatés sur le territoire, tandis que le nombre de cas se
chiffrait à 23 587 en 2008.37Cependant, la capacité des infrastructures d’accueil des détenus n’a
pas subi une véritable évolution.
Tableau 2 Le déficit de place globale des MAC par an au Burkina Faso au 31 décembre de
2002 à 201
Année
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Libellé
Capacité d’accueil
1820 1820 1820 2300 3660 3660 2780 2780 3060 3060
Nombre de détenus 2530 2414 2799 3315 3108 4207 4801 5400 5198 5039
Déficit de places 710 594 979 1015 448 1547 2021 2620 2138 1979
Source : DGAP, MJ, BF, 31 décembre de chaque année
L’analyse du tableau révèle que malgré la volonté affichée de l’Etat burkinabé de construire des
prisons dans la plupart des provinces, il n’en demeure pas moins que la capacité d’accueil de ces
prisons pose problème.
35
VARAUT Jean-Marc, La prison pourquoi faire ?, Paris, édition Table ronde, 1972 p. 65
36
Source statistiques de la DGAP MJ, BF de 2000 à 2009
37
Source statistiques de la DGPN 2002-2008, in http://www I.N.S.D : Burkina Faso.fr
38
La raison est qu’il n’existe pas, jusqu’à présent, d’architecte ou de structures spécialisées en
architecture des prisons. Il résulte de nos entretiens avec la Direction des Etudes et de la
Planification (DEP) que le Ministère de la Justice s’inspire d’anciens plans de construction. Or,
les anciennes constructions n’avaient pas été conçues de concert avec l’administration
pénitentiaire si bien que les nouvelles prisons présentent quasiment les mêmes insuffisances. S’il
est vrai que les insuffisances budgétaires peuvent justifier en partie l’inadaptation des prisons, il
convient aussi de reconnaitre que les structures actuelles chargées de la réalisation de ces
infrastructures n’ont qu’une connaissance globale de ce qu’est ou doit être l’architecture d’une
prison. C’est pourquoi des imperfections plus ou moins similaires se constatent sur la plupart des
établissements construits dans notre pays.
La non séparation des détenus en fonction de leur degré de dangerosité et du régime juridique
par des quartiers distincts est pratiquement inexistante de sorte que les prévenus sont
emprisonnés avec les condamnés, les auteurs de délits avec les criminels.
S’il faut reconnaître les efforts qui sont consentis en matière de construction des prisons au
Burkina Faso, il faut admettre cependant que la prise en compte des infrastructures
socioéducatives n’est pas encore à l’ordre du jour alors que le désœuvrement est quasi permanent
dans la plupart des établissements et l’activité des détenus est réduite pour l’essentiel au service
général. Les activités de réinsertion sociale prévues par les règles pénitentiaires ne sont pas
suffisamment mises en œuvre sur le terrain.
Hormis l’unique centre agricole de Baporo, les MAC ne disposent pas d’ateliers formels destinés
à l’apprentissage ou à l’exercice d’une activité qui puisse permettre au détenu après sa libération
de se prendre en charge véritablement.
En somme, il est important de souligner que les exigences de l’Etat de droit et les missions de
réinsertion sociale imposent une relation entre la philosophie pénale et l’architecture carcérale et,
la réussite de l’action des différents intervenants pénitentiaires en dépend énormément. Et
même, l’architecture, il faut le dire, a un poids considérable sur le fonctionnement de la prison, et
doit donc traduire les missions sociales du personnel de la GSP.
Telle est la réalité carcérale que vivent les personnels pénitentiaires en général et la GSP en
particulier, au quotidien dans nos EP. Dans un pays où les besoins sont énormes, il est évident
que le système pénitentiaire ne peut être en première ligne. Toutefois, la lutte contre la
criminalité et la délinquance exige qu’à côté de la répression, soient donnés aux personnel de la
GSP des moyens spécifiques et ciblés en vue de la réintégration des détenus dans la société.
Cela passe par l’adoption d’un certain nombre de mesures qui doit améliorer les conditions de
détention et les conditions de travail du personnel de la GSP.
39
Section II: les perspectives d’amélioration du potentiel de la GSP
dans sa mission d’humanisation des prisons
La politique pénitentiaire de notre pays doit être adaptée, que ce soit dans le fond ou dans la
forme aux réalités ambiantes. Elle doit prendre en compte les nouvelles orientations de l’Etat
burkinabé en ce qui concerne la prise en charge des détenus et l’évolution des ressources
humaines et matérielles. Cette adaptation doit être renforcée par l’élaboration d’un ensemble de
textes d’application conséquents et l’amélioration des conditions de travail du personnel de la
GSP. Elle doit non seulement prendre en compte le renforcement des capacités de la GSP mais
aussi redynamiser les structures de réinsertion sociale des détenus.
Ainsi, au-delà des discours, la priorité accordée à la réinsertion des détenus doit se traduire dans
les faits par un renforcement et une meilleure adéquation des moyens humains, juridiques et
financiers
La gestion des EP par le personnel de la GSP est réglementée de nos jours par des dispositifs
axés sur le volet sécuritaire. Pourtant, nous pensons que les mesures législatives et
institutionnelles doivent faire de la réinsertion sociale, une mission qui doit s’imposer comme
une réelle priorité de la politique pénitentiaire, de même que l’amélioration des conditions de
détention.
1. Le dispositif juridique
Lorsque les textes régissant le service pénitentiaire d’un pays remontent à l’époque coloniale, il
se peut que l’on ait conservé, en totalité ou en partie, les vestiges d’une législation coloniale. Bon
nombre de ces dispositions peuvent être obsolètes ou sans pertinence dans un contexte
contemporain.
Pour que les systèmes pénitentiaires soient gérés dans un souci d’humanité, les politiques et la
législation nationale doivent s’inspirer des nombreuses normes internationales mises au point
40
pour veiller au respect des droits et du traitement des détenus vise avant tout la réinsertion
sociale, priorité absolue. Au nombre de ces normes figurent l’ensemble de règles minima pour le
traitement des détenus adopté par l’ONU; l’ensemble de principes pour la protection de toutes
les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement; l’ensemble
des règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs
(Règles de Beijing); les Règles pour la protection des mineurs privés de leur liberté et, enfin, le
Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, parmi tant d’autres documents
adoptés à l’échelle internationale ou régionale. Pour trancher la question de savoir si un régime
pénitentiaire est ou non bien administré, il faudra déterminer dans quelle mesure les normes
énoncées dans ces documents sont appliquées.
Les services pénitentiaires devraient tous suivre un ensemble clair de principes et s’y tenir. Ces
principes sont énoncés dans la législation régissant les services pénitentiaires, c’est-à-dire dans
une loi pénitentiaire. Cette loi doit définir le concept de réinsertion sociale et l’architecture
pénitentiaire. Egalement, le sens de la peine sera précisé, les missions du personnel de la GSP
redéfinies et valorisées.
Dans le souci de promouvoir la réinsertion sociale des détenus au Burkina Faso, des mesures
visant à renforcer les capacités des institutions s’avèrent indispensables.
Considérée comme un idéal, la réinsertion sociale des détenus doit permettre de réguler la
surpopulation carcérale et de lutter efficacement contre les mauvaises conditions de détention.
Pour parvenir à cela, il faut d’une part dissocier les maisons d’arrêt de celles de correction et
d’autre part encourager la création de centres de détention pour les détenus dangereux telle que
la Prison de Haute Sécurité de Ouagadougou. Enfin, il faut spécialiser davantage les maisons de
correction et mettre l’accent sur l’orientation des condamnés à de courtes peines (moins d’un an)
dans des centres à régimes semi-ouverts.
Aussi, il est capital de réfléchir à l’heure actuelle, à la dynamisation des mécanismes de contrôle
des établissements pénitentiaires (le Parlement, les autorités judiciaires et administratives, la
société civile…). Par exemple, en République Démocratique du Congo (RDC), la constitution
prévoit que les députés visitent et contrôlent régulièrement les prisons afin de s’imprégner des
réalités carcérales. Ces visites permettent d’impliquer davantage les députés dans le processus
d’humanisation des prisons par l’adoption de lois.
Egalement, cela permet de faire un plaidoyer en faveur d’une augmentation du budget alloué aux
établissements pénitentiaires.
41
B. L’amélioration des conditions de détention
Si l’on admet que des conditions générales de détention dégradées ou déshumanisantes peuvent
réduire à néant les efforts de réinsertion, il convient alors de s’attacher en priorité à humaniser
les conditions de détention. Cette démarche doit s’accompagner d’une amélioration significative
des conditions de travail et d’emploi des détenus d’une part et le renforcement du cadre
architectural des EP d’autre part.
L’entretien des détenus consiste à les maintenir dans un état de santé physique, morale et
psychologique satisfaisant en vue de les remettre un jour dans la société, sinon meilleurs qu’ils
n’y étaient entrés. Autrement, il faut humaniser les conditions de détention, ce qui suppose aussi
l’accroissement des moyens favorisant cette réinsertion sociale.
En effet, l’humanisation s’entend par l’ensemble des mécanismes (dispositifs de moyens) qui
prend en compte les valeurs humaines dont la mise en œuvre permet d’enrayer les effets
désocialisants au sein des EP. Elle consiste à l’amélioration de l’hygiène, de l’alimentation, de la
santé des détenus, à la promotion et à la protection des droits humains en milieu carcéral.
L’amélioration de l’hygiène suppose une visite régulière d’un médecin et une dotation régulière
en savons, en produits d’entretien pour l’hygiène des bâtiments. Elle suppose également de l’eau
propre à la consommation humaine, la construction de toilettes et de fosses septiques adaptées.
Elle suppose enfin l’assainissement de caniveaux aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des
établissements pénitentiaires.
Le maintien des liens avec l’extérieur notamment celui avec la famille est un facteur important à
la fois pour l’humanisation de la détention et pour la réinsertion sociale des détenus. Le maintien
et le développement des relations familiales doivent faire l’objet d’une attention particulière pour
assurer une continuité entre le milieu fermé et le milieu ouvert : rapprocher le lieu de détention
du domicile de la famille.
L’Etat gagnerait, en plus de la création des centres de formation pour les détenus, à équiper ces
centres afin que les détenus produisent pour leur propre consommation.
S’il est vrai que tous les domaines sont prioritaires dans notre pays, il convient néanmoins de
signaler que si nous voulons changer nos prisons, nous devons nous donner les moyens de nos
ambitions.
42
2. Le renforcement des infrastructures pénitentiaires
En effet, les prisons doivent être « saines et disposées en sorte que la santé des prisonniers n’en
puisse être incommodée ».38 Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au
logement des détenus doivent répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et
d’hygiène.
Certes, des efforts sont faits en ce qui concerne la séparation des femmes, mais cette séparation
n’est pas effective partout car, dans de nombreuses prisons en lieu et place des quartiers de
détention, il s’agit de simples bâtiments qui sont construits pour abriter les femmes.
La réinsertion sociale du détenu invite à la mise en place d’unités de production et d’ateliers
équipés et diversifiés pour la formation afin que, une fois sorti, il puisse répondre aux besoins du
marché de l’emploi.
La Politique Nationale de Justice 2010-2019 prévoit dans son axe stratégique 5, le renforcement
de la justice et de l’administration pénitentiaire à travers le renforcement de l’efficacité de
l’administration pénitentiaire.
Le personnel de la GSP a également des droits et la situation dégradée des prisons se traduit pour
eux par des conditions de travail difficiles. Il souffre par ailleurs d’un manque de considération.
Alors qu’il est, par leur travail, des acteurs essentiels de la réinsertion des détenus, l’amélioration
de leurs conditions de travail est un élément central d’une politique favorisant la réinsertion des
détenus.
38
FAVARD Jean, Le labyrinthe pénitentiaire, Paris, le Centurion, 1981, p. 18
43
L’administration pénitentiaire, confrontée à de fortes contraintes et à un contexte en évolution
constante, est tenue d’adapter ses modes d’intervention et d’assurer une meilleure adéquation des
qualifications et des compétences de ses personnels aux besoins pour rendre davantage
performante l’action de ses services.
La promotion de la réinsertion sociale en milieu pénitentiaire passe aussi par une reconsidération
des fonctions liées à la prison. Le personnel pénitentiaire vit constamment sous le poids d’une
opinion négative sur leur cadre de travail. Cette pression sociale engendre des complexes qui
peuvent s’exprimer de façon violente sur les détenus ou les intervenants pénitentiaires.39
La préparation à la sortie doit-elle s’envisager comme un processus long qui débute à l’arrivée de
la personne incarcérée et se poursuit pendant la détention à travers les activités professionnelles
et les actions de formation proposées. La sortie de prison doit être anticipée dans le cadre d’un
partenariat entre l’établissement pénitentiaire et les différentes institutions et acteurs sociaux du
milieu ordinaire, qu’ils soient professionnels ou bénévoles.
39
KOYENGA D, « Le rôle et la responsabilité du personnel de sécurité dans l’humanisation du milieu
pénitentiaire », séminaire de formation des responsables pénitentiaires du BF à Fada N’Gourma du 26 au 28 avril
2005
44
1. La consolidation du suivi post carcéral
La sortie de prison est une période cruciale. Il est nécessaire qu’elle soit anticipée, préparée,
accompagnée en vue de favoriser la réinsertion socioprofessionnelle de la personne détenue et
prévenir ainsi la récidive. A cette fin, des dispositifs d’aménagements de peine, qui ont fait leurs
preuves, existent pour permettre en quelque sorte la transition entre la prison et l’extérieur, mais
sont encore insuffisamment utilisés. Il importe de les développer et ce, d’autant qu’elles se
révèlent moins onéreuses pour l’État que l’incarcération. De surcroît, une fois franchis les murs
de la prison, les difficultés peuvent très vite s’accumuler pour le sortant de prison et
compromettre son retour dans la société, notamment si on n’a pas anticipé la réinsertion
professionnelle, les conditions de logement et la continuité du suivi psychologique. A cet égard,
un suivi post-carcéral plus encadré ainsi que certains aménagements permettraient d’améliorer
les chances de réinsertion sociale et professionnelle des personnes ayant été détenues pour
relayer l’action du personnel GSP.
Le suivi post-carcéral est important et nécessite encore de sérieuses réflexions si l’on veut
l’efficacité des différentes mesures de réinsertion sociale. A ce niveau, l’apport des intervenants
pénitentiaires en la matière nous parait capital car ceux-ci sont de véritables partenaires de la
prison. Sans eux, la situation carcérale serait chaotique, nous souhaitons donc leur grande
implication et une meilleure organisation de leurs actions. Par exemple au Canada, des ONG ont
mis en place des maisons de transition qui accueillent les libérés ayant des problèmes
d’hébergement et d’alimentation. Ces maisons pourvoient aux besoins des ex-détenus le temps
qu’ils trouvent du travail et un logement. Egalement, en matière de travail pénitentiaire, la
législation du travail de Turquie oblige les entreprises de plus de cinquante (50) employés à
embaucher un nombre donné de détenus libérés. Les contrevenants sont condamnés à des peines
d’amendes, lesquelles sont utilisées pour financer les projets de formation professionnelle et
d’éducation dans les prisons turques.
C’est par ce chapitre sur les solutions d’amélioration que nous bouclons cette deuxième partie. Il
ressort que la mission de réinsertion sociale du personnel de la GSP souffre de plusieurs maux
45
dont les causes sont variées. Ils se résument à des difficultés d’ordre règlementaire,
institutionnel, financier et architectural. Certes, des efforts sont consentis, mais beaucoup reste à
faire pour que la réinsertion sociale des détenus s’impose comme une mission véritablement
prioritaire. Les difficultés sont d’autant interpellatrices que dans le souci de contribuer à
l’amélioration du sort de la personne privée de liberté, nous avons dégagé des solutions aussi
bien théoriques que pratiques. Elles impliquent des pistes auxquelles il est toujours possible de
recourir, s’il existe la volonté politique.
46
CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette étude, il serait très présomptueux d’apporter des propos définitifs sur le rôle de
la Garde de Sécurité Pénitentiaire dans la politique d’humanisation en milieu carcéral.
L’humanisation dans le cadre carcéral mérite d'être abordée en termes d'apport. Celle-ci n'est pas
exclusive, mais en réalité partagée par tous ceux qui interviennent dans ce milieu. Dans le
domaine de la lutte contre la délinquance, la recherche de l'amendement du condamné s'applique
à deux champs d'investigation à savoir, le champ de la prévention de la délinquance et le champ
du traitement des délinquants. Une telle diversité illustre l'importance de la GSP dans la mission
d’humanisation des prisons. Cela, d'autant plus aisément que leurs missions s'exercent dans le
cadre d'un service public pénitentiaire gouverné par une logique qui pose comme postulat que la
période passée en prison doit servir à préparer le retour du condamné dans la société. Cette
préparation consiste à favoriser la réinsertion des personnes confiées au service public
pénitentiaire par l'autorité judiciaire.
En effet, toutes les personnes détenues sont appelées à recouvrer la liberté. Dès lors, c’est cette
perspective de réinsertion sociale et professionnelle, véritable exigence au regard de la
démocratie, du civisme et de la lutte contre la récidive, qui doit guider les politiques
pénitentiaires, autant que les préoccupations d’ordre sécuritaire liées à la garde et à la
surveillance des détenus. La mission de réinsertion sociale de la GSP en milieu carcéral signifie
l’accompagnement moral, professionnel et éducatif de la personne incarcérée par le recours au
travail, aux moyens éducatifs et culturels et aux loisirs qui existent en prison. Il s’agit de
répondre aux besoins spécifiques des détenus en prévoyant des programmes relatifs à tout un
ensemble de problèmes, susceptibles d’avoir été la cause du comportement déviant. La
réinsertion inclut le milieu carcéral, la nature des relations entre le personnel et les détenus et le
degré de coopération qui existe entre les deux, les mesures prises pour encourager et favoriser les
contacts avec la famille, les amis et la collectivité. En font également partie les possibilités
données aux détenus pour une réintégration progressive dans la société, dont les permissions de
sortie et les régimes semi-ouverts.
Ces éléments s'inscrivent sans conteste dans un processus de resocialisation dont l'amendement
des détenus en est la clé de voûte. La place de la GSP dans l’humanisation des prisons est en
conséquence une réalité. Elle s'inscrit dans le cadre d'une mission partagée avec les autres
acteurs pénitentiaires dans la perspective d’une prise en charge adéquate de la population
carcérale.
Cependant, la réalisation de la mission d’humanisation des prisons par la GSP est contrariée par
l’insuffisance de moyens et d’infrastructures. C’est dire que l’Etat fait des efforts en matière de
47
prison qui, malheureusement, sont en deçà des attentes en raison des limites institutionnelles,
règlementaires, techniques et financières.
En conséquence, il convient de tirer les leçons des différents obstacles relevés et de s’atteler à les
éradiquer par une volonté véritablement affichée des politiques.
Ils y participent beaucoup plus qu’ils ne le croient et beaucoup plus que ne le pense l’opinion
publique. Ils jouent un rôle clé auprès des détenus, et exercent un métier difficile et exigeant qui
appelle à une réflexion sur leurs conditions de travail, sur la qualité de leur formation ainsi que
sur la clarification de leurs missions. C’est à ce niveau qu’il conviendrait de travailler pour
parvenir à modifier la représentation négative de la GSP. En tant qu’acteurs et leaders du monde
pénitentiaire, ils sont tous interpellés à valoriser leur profession par de multiples actions ; servir
avec « Honneur, Dévouement, loyauté », selon la devise du corps en est un refuge. Ayons le
courage de l’action car Denis DE ROUGEMONT soutenait ceci : « la décadence d’une société
commence quand l’homme se demande : « que va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : «
que vais-je faire ? » ».
48
BIBLIOGRAPHIE
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et Société, 1998, 452 pages.
5. PEDRON Pierre, La prison et les droits de l’homme, Paris, 1995 LDGJ, 131 pages.
6. PERROT Michelle, L’impossible prison, Paris Seuil, 1980, 318 pages.
7. VARAUT Jean Marc, La prison pour quoi faire ?, Paris, La Table ronde, 1972, 263 pages.
8. VINCENT Antoine, Profession gardien de prison, édition Vincent Antoine, 1985.
ii
6. Séminaire, PADEG, L’exécution des peines : rôle et responsabilité du personnel de
surveillance, Ouagadougou du 13 au 15 novembre 2004.
V. LOIS ET REGLEMENTS
1. Arrêté HV.-642/APS du 4 décembre 1950 portant réglementation des prisons de Haute Volta.
2. Arrêté n°2003-004/MJ/SG/DAPRS du 13 février 2003 portant règlement intérieur des
établissements pénitentiaires du Burkina Faso.
3. Charte Africaine des droits de l’Homme et des Peuples adoptée en juin 1981 à Nairobi.
4. Code de procédure pénale du Burkina Faso adopté en 1968.
5. Code de conduite pour les responsables de l’application des lois adopté en 1979.
6. Constitution du Burkina Faso adoptée le 2 juin 1991.
7. Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations
Unies à New York le 10 décembre 1948 dans sa résolution 217 A (III).
8. Décret 84-307/CNR/PRES/MJ du 17 août 1984 portant création d’une Garde de Sécurité
Pénitentiaire.
9. Décret n°2012-806/PRES/PM/MJ portant organisation du Ministère de la Justice du
8/10/2012.
10. Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus adopté par le premier Congrès des
Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en
1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du
31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.
11. Kiti AN VI-0103 du 1er décembre 1988 portant organisation, régime et règlement des
établissements pénitentiaires du Burkina Faso.
12. Pacte international relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) adopté par l’Assemblée
générale des Nations Unies à New York le 16 décembre 1966.
13. Pacte international relatifs aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) adopté
par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966.
14. Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus adoptés par l’Assemblée générale
des Nations Unies dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990.
VI. SITES WEB
1. http://www.champpenal.revues.org
2. http://www.prison.eu.org
3. http://www.wikipedia.org
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