La Torah - Haddad, Philippe (1956 - ) - Auteur - 2014 - Paris - Eyrolles - 2212559720 - Anna's Archive
La Torah - Haddad, Philippe (1956 - ) - Auteur - 2014 - Paris - Eyrolles - 2212559720 - Anna's Archive
Religion
Philippe Haddad
LA TORAH
Une synthèse d'introduction et de référence
pour éclairer LE CONTEXTE, LES ÉPISODES,
LES VALEURS et L'ACTUALITÉ DU TEXTE
“ … EYROLLES
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in 2022 with funding from
Kahle/Austin Foundation
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LA TORAH
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Philippe Haddad
LA TORAH
EYROLLES
Éditions Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75240 Paris Cedex 05
www.editions-eyrolles.com
Cet ouvrage a fait l’objet d’un reconditionnement à l’occasion de son quatrième tirage
(nouvelle couverture et nouvelle maquette intérieure).
Le texte reste inchangé par rapport à la précédente édition.
À ma « Douleur »
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SOMMAIRE
8 La Torah
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Torah et société : implications pratiques ....................... 192
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INTRODUCTION
La lecture de ce livre pourrait ressembler à la visite d’un grand
pays. Le touriste ne pourra pas tout voir d’un coup ; mais en faisant
confiance à son guide, il aura au bout de son périple un aperçu
général des monuments importants, de l'atmosphère sociale, de
l'historique des lieux, il pourra même côtoyer quelques habitants.
Ce pays se nomme Torah, le livre fondateur de la foi d'Israël, et
nous serons votre guide.
Ce long récit narratif entrecoupé de règles législatives, d’oracles
prophétiques, d'interventions divines, de poèmes et de maximes
morales ou religieuses, couvre une période très large de la période
antique proche-orientale ; les héros y sont nombreux, la période
couverte très longue, les narrations parfois contradictoires, le climat
souvent passionné, l’ensemble s'exprimant en hébreu ancien, plus
rarement en araméen.
Le guide que nous voudrions être a dû faire un choix au regard de
la somme impressionnante des chapitres. C’est notre œil subjectif
d’auteur, guidé par les questions d’amis ou de fidèles étudiants,
qui a eu raison de nos décisions. Tout ne sera donc pas dit, mais
nous espérons que les extraits donneront l'esprit du tout, et que les
morceaux choisis satisferont la curiosité du lecteur tout en ouvrant
son appétit.
Pour la méthodologie, nous avons suivi la voie la plus simple :
chaque thème est inauguré par la citation de quelques versets
suivis d’un commentaire analytique augmenté d’approches tradi-
tionnelles juives qui s’ajoutera à la couleur biblique. Certains textes
ont été inspirés de nos écrits antérieurs parus dans d’autres livres
ou des journaux. Nous le signalerons en bas de page.
Introduction | 11
Mais avant de passer au détail de ces écritures, il nous faut présen-
ter le livre dans son ensemble. Dans ce but, le premier chapitre
éclairera l’histoire de la Torah, et la manière dont ces textes sont
vécus depuis toujours par ceux qui en ont été les dépositaires.
Nombres /Bamidbar Nb
Deutéronome / Dévarim |Deut
Néviim Richonim ou a PRENONS TN
Premiers Prophètes | Juges / Choftim En | ; We | |
12 La Torah
| :Yichayahou AE
Nain one où |Isaie
|Derniers Prophètes
|Jérémie /Yirmiyah
|Joël/Yoël Jo
|
Amos ÀAmos Am
|Obadia /Obadia Ob
| Jonas /Yona
| Jon
|
Cantique descantiquesïChirHachirim PS Cant
|Ruth/ Rout Ru
rene / Eha En Lam
||Ecclésiaste /Kohélet | Eccl
|
her, FN IL Est
|Daniel J Daniel | Dan
|Esdres /Ezra Esd L-
Introduction 15
CHAPITRE 1
QUELQUES REPÈRES
HISTORIQUES
ET PRATIQUES
Au programme
1. Notons qu’en français, le « d » de Judéen est devenu « f » pour donner Juif ;mais en
espagnol, par exemple, il a été conservé (judeo).
Temple de Salomon / Temple de Jérusalem
Si le roi David fit de Jérusalem la capitale de son royaume, c'est son fils Salomon
(Chlomo) qui construira le premier Temple avec l’aide du Phénicien Hiram. Ce
Temple, qui rassemblait les tribus israélites lors des grandes solennités, fut
détruit par Nabuchodonosor en -586 (voir p. 23).
Terre promise
La Torah utilise souvent l'expression « terre jurée » par Dieu à Abraham, Isaac
et Jacob (voir Dt 1, 8). Ce pays est entendu comme l’espace de réalisation de la
loi divine par le peuple d'Israël. Remarquons que l’histoire juive, au sens large,
s'est autant déroulée sur la terre d'Israël qu'en dehors, dans une alternance
d'exils et de retours, et ce, depuis les jours antiques jusqu’à notre période
contemporaine.
16 |La Torah
la responsabilité envers autrui (Gn 18) et le refus de tout sacrifice
humain (Gn 22). Ce lien avec Dieu était marqué dans l'intimité du
corps par l'alliance de la circoncision (hérif mila).
Abraham eut plusieurs enfants, dont Isaac, fils unique de Sarah.
Celui-ci engendra, avec son épouse Rébecca, deux jumeaux, Esaü
et Jacob (Gn 25), mais seul le second reçut la bénédiction qui
le confirmait dans son rôle de passeur du monothéisme éthique
(Gn 27 et 28).
Jacob épousa quatre femmes, dont Rachel et Léa, qui lui donnèrent
douze fils et une fille. Les douze garçons fonderont les douze tribus
d'Israël qui se multiplieront en Égypte (Ex 1, 7). C’est dans ce pays,
en effet, que le peuple hébreu en tant que tel naîtra, puisque Jacob
et sa maisonnée s'y installèrent conséquemment à une famine qui
toucha le pays de Canaan. Accueillis par Joseph, fils de Jacob — qui,
à la suite d’une série de circonstances, se retrouva vice-pharaon
d'Égypte —, le clan hébreu trouva pour quelque temps un havre de
paix dans une région nommée Gochen (Gn 47, 1).
Lorsqu'un nouveau pharaon se leva, la situation des descendants de
Joseph changea du tout au tout puisqu'ils furent réduits en escla-
vage ; le souverain allant, pour qu’ils ne prolifèrent plus, jusqu'à
ordonner de noyer dans le Nil tous les nouveau-nés mâles (Ex 1).
Le grand tournant de la vie des Hébreux sera marqué par la sortie
d'Égypte et la fin de leur servitude. Selon la Torah, cet événement
fut rendu possible grâce aux dix interventions divines miraculeuses
(les dix plaies), comme la transformation du Nil en sang, l’inva-
sion des grenouilles, et surtout la mort des premiers-nés égyptiens.
Cette libération mit fin à quatre cents ans d’esclavage (Ex 12, 40).
À cette action divine, un personnage-clé a toujours été associé, il
s’agit de Moïse (Moché), enfant hébreu adopté par une princesse
d'Égypte, qui renouera avec ses racines familiales et deviendra le
chef politique et religieux de cette nation embryonnaire (Ex 3, 16).
On situe généralement cet exode vers 1300 av. J.-C.
18 La Torah
Tel est le seul prosélytisme reconnu et accepté par le judaïsme :
proclamer l'existence d’un Dieu unique et la fraternité humaine
qui en découle, selon le schéma abrahamique. Quant à la pratique
religieuse, chaque peuple est libre de suivre ses voies spirituelles en
fonction de ses pères fondateurs, pourvu que la morale universelle
soit respectée.
Israël
Israël, qui signifie « prince de Dieu », est le second nom du patriarche Jacob qu'il
reçut lors d’un combat mystérieux, la veille de sa rencontre avec son frère Esaü
(Gn 32, 29 ; 30, 10). Par la suite, en descendant en Égypte, les enfants de Jacob
seront nommés béné Israël « fils d'Israël » (Ex 1, 1), expression qui finira par être
abrégée en Israël pour désigner la nation israélite. Du fait que, dans la Bible, un
pays prend le nom du peuple qui l’habite, la terre originellement appelée Canaan
deviendra la terre d'Israël, c'est-à-dire la terre des enfants d'Israël.
La première mention archéologique du nom « Israël » se trouve sur la stèle
du pharaon Méneptah où Mérephtah datant du x siècle av. J.-C. Les versions
bibliques et historiques se recoupent à partir du vin siècle av. J.-C. les historiens
confirmant l'existence des deux royaumes de Juda et d'Israël.
Dans notre ouvrage, le terme Israël sans autre précision désignera le peuple, et
non la terre.
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20 La Torah
Les royaumes de Juda et d'Israël
Galilée
Mont Carmel
ROYAUME
détruit
en -722
Samarie ©
ichem
invasions
assyriennes
Période patriarcale
Bien que l'archéologie n'ait fourni aucun document fiable sur les
premiers faits bibliques, nous nous fierons à des conjectures tradi-
tionnellement admises.
Vers 1700 av. J.-C., traversant l’'Euphrate, Abraham se rend en
Canaan, porteur d’un message monothéiste. C'est le premier
Hébreu. Son enseignement passera essentiellement par le fils
qu'il aura de Sarah, Isaac, qui le transmettra à Jacob. Le dernier
patriarche engendrera une fille et douze fils, à l’origine des douze
tribus d'Israël.
Patriarche
22 |La Torah
La royauté
Synagogue
De lhébraïsme au judaïsme
Le retour d'exil
En -538, Cyrus autorise le retour et la construction du second
Temple. Une partie de la population revient sur la terre ancestrale.
En -458, le scribe Esdras (Ezra) fonde la Grande Assemblée
(Knesset Haguédola), composée de 120 sages, afin de structu-
rer la religion juive sur trois piliers : la prière, l'étude et la soli-
darité sociale. Cette institution cessera de fonctionner à l'époque
de l’occupation grecque de la Judée. Le judaïsme doit à Esdras la
lecture publique du rouleau de la Torah, qui à cette époque est
traduite oralement en araméen (les Judéens ne parlaient plus l’hé-
breu) et commentée, ce qui enrichira la tradition orale.
Isaïe parle de l’hébreu comme « la langue de Canaan » (Is 19, 18). L'hébreu
biblique s'apparente aux langues sémitiques de l'Antiquité (le phénicien, le
moabite ou l’'édomite). L'étude des différents livres bibliques et rabbiniques
montre que cette langue a évolué au cours des siècles, depuis l’hébreu des
prophètes jusqu'à l'hébreu des rabbins, ce dernier étant teinté d’aramaïsmes.
En effet, après la destruction du Temple de Salomon (-586), les Judéens se
sont retrouvés en Babylonie et ont parlé la langue du pays d’exil. Selon les
spécialistes, le babylonien (qui s'exprime dans différents dialectes : araméen,
chaldéen, syriaque, assyrien) découlerait du phénicien, ce qui fait qu'entre
l’hébreu et ces dialectes, il existe de nombreux liens phonétiques. Ajoutons
qu'Esdras emprunta de manière définitive les lettres de l'alphabet araméen
pour constituer l'alphabet hébreu, dite écriture carrée, toujours utilisé pour la
rédaction du rouleau de la Torah.
L'époque grecque
En -332, Alexandre envahit la Judée. De nombreux Juifs sont
séduits par l’hellénisation.
En -167, le Syro-Grec Antiochus IV impose la religion d'Athènes
par la force, en profanant le Temple. Une famille de prêtres, les
Asmonéens, lance une révolte qui aboutit à une victoire. En -140,
Jérusalem est libérée : un nouvel État juif voit le jour. Mais en -63,
ce petit État sera conquis par Pompée, ce qui marquera la fin de
l'indépendance.
L'époque romaine
À cette époque, la société juive présente notamment trois visages :
* Les saducéens : c’est la classe sacerdotale et l'aristocratie qui
collaborent avec l’occupant. Ils croient dans la Torah écrite,
mais refusent la tradition orale. Ils nient l’immortalité de l’âme
et la résurrection des morts.
*_ Les pharisiens : il s’agit des rabbins, issus du peuple. (En Judée, ils
sont appelés Rabbi, « mon maître », en Babylonie Rav, « Maître ».)
Ils adhèrent au principe d’une double transmission, écrite et orale :
ils croient en l’immortalité de l’âme et en la résurrection.
24 |La Torah
* Les esséniens : cette communauté ascétique vit à l'écart de
la cité, dans l’attente du libérateur. Les manuscrits de la mer
Morte (Qumran) nous ont éclairés sur leur vie.
Les manuscrits dits de la mer Morte furent retrouvés entre 1947 et 1965, sur le
site de Qumran, près de la mer Morte. Il s'agit soit de rouleaux bibliques, soit
de règles de vie religieuse rédigées sur des papyrus qui appartenaient à une
communauté juive de l’époque du second Temple (on pense aux esséniens).
Parmi ces rouleaux, se trouve la plus vieille version du livre d’Isaïe découverte
à ce jour. De nombreux fragments de ces rouleaux sont exposés au musée du
Livre à Jérusalem.
Rabbin
Prophète
26 La Torah
Hilkyahou, ayant découvert dans le Temple un rouleau de la Loë?,
le transmit au roi. Josias fit de ce livre la base de sa réforme reli-
gieuse, notamment en éradiquant le culte des idoles. Cette réforme
fut inaugurée par une lecture publique du rouleau retrouvé, en
présence d’une foule nombreuse réunie sur le parvis du Temple
(IT Rois 23, 2). Cependant, les effets de cette réforme ne perdu-
reront pas. À la mort du roi, les cultes idolâtres reprendront leur
place. Les prophètes lutteront encore pour l'idéal monothéiste
contre le polythéisme, maïs sans succès.
idoles et idolâtres
Dans la Bible, les idoles sont des éléments du monde divinisés par les hommes.
Ces éléments peuvent être extérieurs à l’homme, notamment les astres et les
planètes ; mais ils peuvent aussi être des forces internes comme la sexualité ou la
force. Les idolâtres sont ceux qui vouent un culte à ces éléments. Les prophètes
d'Israël menèrent un combat incessant contre cette trahison du monothéisme.
Jérusalem (Sion)
2. Certains chercheurs pensent qu’il s’agit du Pentateuque complet, d’autres qu'il s'agit
uniquement du Deutéronome (le livre de Moïse).
Kippour
Kippour, dit « jour du grand Pardon » ou, plus précisément, «jour des expiations »,
est la plus grande solennité du calendrier juif. Cette fête est célébrée le 10 du
mois hébraïque de tichri (septembre-octobre) et se traduit notamment par
un jeûne complet de 25 heures qui débute au coucher du soleil et s’achève le
lendemain à la nuit tombée. Toute cette journée est consacrée par cinq prières
afin d'obtenir le pardon divin pour les fautes commises durant l’année écoulée.
3. Il existait une autre tradition, celle de lire toute la Torah en trois ans, mais elle ne fut pas
retenue par les communautés.
28 | La Torah
Selon la tradition, la date de Kippour correspond au jour où Moïse descendit la
seconde fois du mont Sinaï avec les Tables de la Loi et le pardon divin pour la
faute du veau d'or (Ex 32).
4. Cet enseignement se fit progressivement. On pourrait dire que chacun des livres qui
composent la Torah est une étape de la doctrine.
Moïse
La Torah témoigne que Moïse a été le plus grand prophète d'Israël (Dt 34, 10),
car il est le seul dont on dit qu’il a parlé avec Dieu « face à face, comme un
homme parle à son ami » (EX 33, 11), et c’est par son intermédiaire que la Torah a
été donnée à Israël. Les autres prophètes se réfèrent à Moïse sans inaugurer une
nouvelle Torah (voir, par exemple, Malachie 3, 22).
30 La Torah
se retrouvent dans le Talmud et le Midrach qui parlent parfois du
« livre de la Création du monde » pour la Genèse, de la « Doctrine
des prêtres » pour le Lévitique (la tribu de Lévi était consacrée
au Temple), du « livre des Dénombrements » pour les Nombres
et de la « répétition de la Doctrine » pour le Deutéronome. On
peut donc supposer qu’il existait parallèlement aux noms des livres
des expressions génériques pour les désigner, qui furent utilisées
d’abord par les Juifs hellénisés puis par les maîtres de la tradition
orale d'Israël après la destruction du second Temple.
Septante
Midrach
32 La Torah
la Pentecôte, Lamentations au jeûne du 9 av, l'Ecclésiaste à la fête
des Cabanes et Esther à Pourim. Depuis l'invention de limpri-
merie, seul le rouleau d’Esther est lu tel quel dans les synagogues.
9 av
Cette fête qui suit de cinq jours le jeûne de Kippour est la troisième fête de
pèlerinage avec Pessah (Pâque) et Chavouot (Pentecôte). Durant ces trois fêtes,
les tribus montaient au Temple de Jérusalem pour rendre un culte à Dieu. La
fête de Soucot rappelle la traversée du désert par les Hébreux durant quarante
ans sous la protection divine. En souvenir, la communauté construit une cabane
recouverte de branchages et y prend ses repas pendant la semaine que dure
cette solennité joyeuse.
Cette fête rappelle l’histoire d’Esther, une jeune fille d'Israël en exil dans l’Empire
perse qui devint reine et put ainsi déjouer le complot d’extermination de la
communauté juive, fomenté par le ministre du roi. Cette fête tombe au mois
de mars et donne l’occasion aux enfants de se déguiser en rois, en reines, et
de participer à une sorte de carnaval joyeux. Le rouleau d’Esther a été rendu
célèbre par la pièce de Racine qui porte ce nom. Durant cette fête d'institution
rabbinique, le rouleau d’Esther est lu le soir et le lendemain matin.
Canon / apocryphe
En grec, canon signifie « règle, norme », et le terme s'applique aux livres que
les rabbins ont considérés comme sacrés et authentiques, sacrés par l'origine et
authentiques par le texte. Par l'origine, nous voulons dire qu'ils sont reconnus, à
divers degrés, comme inspirés par Dieu ; par le texte, nous signifions qu'ils sont
tous écrits dans la langue des Hébreux, soit l'hébreu soit l’araméen. Si les deux
conditions ne sont pas remplies, nous aurons un apocryphe.
34 La Torah
Des auteurs et des rédacteurs
En ce qui concerne la rédaction du canon biblique, le Talmud offre
un document unique et capital dans le traité Baba Batra — Dernière
Porte 14 b :
Baba Batra
Baba Batra (Porte médiane) est l’un des traités du Talmud, qui se trouve dans
l'ordre des lois sociales. Mais, le Talmud présentant des discussions à bâtons
rompus, on y parle aussi de la canonisation des textes bibliques.
Juges Samuel
Rois Jérémie
Job |Moïse |
Ruth | |Samuel |
36 | La Torah
LE. Livres Auteurs Rédacteurs |
|Lamentations |Jérémie PRES
|Ecclésiaste Salomon Ézéchias et son assemblée
Esther La Grande Assemblée
: Daniel |Daniel : La Grande Assemblée
38 La Torah
texte originel aussi exactement que possible. Le travail de classifi-
cation put alors commencer : la Torah d’abord, puis les livres s’en
approchant soit sur le plan historique, soit sur le plan religieux (les
Néviim), enfin les livres qui pouvaient renforcer la foi du fidèle, et
que la tradition ou/et la critique considéraient d'inspiration infé-
rieure (Kétouvim).
On ignore aujourd’hui de manière précise à quelle époque remonte
les dénominations Néviim et Kétouvim, cette dernière partie
présentant davantage un mélange littéraire qu’une cohérence
logique ou historique. Certains avancent la période du 11° siècle de
l’ère chrétienne, après la destruction du Temple, quand la Bible fut
définitivement canonisée par les Sages de Yavné.
Sages de Yavné
Après la destruction du second Temple de Jérusalem par les Romains (70 ap.
J.-C.), les rabbins rescapés des massacres trouvèrent refuge avec l'accord de
Rome dans une ville nommée Yavné (Jamna), située au centre de la Judée. C'est
à Yavné que les rabbins mirent par écrit une bonne partie de la tradition orale. La
ville moderne de Yavné est jumelée avec la ville du Raincy (en Seine-Saint-Denis).
40 La Torah
du Michné Torah, puis par Rabbi Joseph Caro (1488-1575,
Espagne-Israël), dans son code des rites juifs appelé Choul'han
Arou’h (La Table dressée).
* La Aggada : de la racine « réciter », le vocable englobe les aspects
non narratifs du Talmud : les récits, les anecdotes, les paraboles,
les traditions populaires, les maximes éthiques, les conseils de
vie, etc.
La méthodologie d'interprétation se nomme Midrach. De la racine
« scruter », le Midrach veut relier le texte écrit (les vingt-quatre
livres du Tanakh) avec les commentaires de la tradition orale soit
de la Hala’ha, soit de la Aggada. En d’autres termes, un rabbin
n'émet jamais une idée de son propre chef, mais toujours à partir
d’une déduction d’un verset donné. Par la méthodologie midra-
chique, chaque verset peut s'ouvrir à une lecture plurielle, d’où le
nombre d’interprétations.
Parallèlement, des maîtres codifient et vocalisent les textes (inven-
tion des voyelles) : la lecture biblique est officialisée (Massoreth).
L'ensemble du Talmud de Babylone (le plus étudié) offre près de 6 000 pages
in-folio. La première impression d’un Talmud babylonien complet fut réalisée par
un hébraïsant chrétien, Daniel Bomberg, à Venise, entre 1519 et 1523. Déjà entre
1517 et 1519, il avait réalisé, avec l’aide du rabbin Jacob ben Haïm, l'édition de
l'intégralité de la Bible hébraïque en utilisant les caractères d'imprimerie qu’il
avait lui-même fabriqués. Cette version, avec ses commentaires rabbiniques, se
nomme Migraot Guédolot, « Grandes Lectures ».
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LA TORAH OU LE LIVRE
DU PENTATEUQUE
Au programme
+ L'œuvre du Créateur
* Les patriarches, en réponse à l'appel
* L'histoire d'une libération
+ L'apprentissage d'une loi de vie
+ Écoute, Israël, la profession de foi d'Israël
ÉCEUvVre du Créateur
La Torah s'ouvre sur le récit des commencements : création du
monde, création des hommes... et ce que les hommes font du
monde qui leur est confié. Ces premiers textes décrivent comment
Dieu se révèle à l’homme en même temps que l’homme découvre
ses propres faiblesses.
La création d'Adam et Eve
Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance, et
qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le
bétail ; enfin sur toute la terre, ef sur tous les êtres qui s'y meuvent. »
Dieu créa l’homme à son image ; c'est à l'image de Dieu qu'il le créa,
mâle et femelle 11 les créa. Dieu les bénit en leur disant : « Croissez
et multipliez ! Remplissez la terre et conquérez-la ! Commandez
aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, à tous les animaux qui se
meuvent sur la terre ! » Dieu dit : « Or, je vous accorde tout herbage
portant graine, sur toute la face de la terre, et tout arbre portant des
fruits qui deviendront arbres par le développement du germe. Ils
serviront à votre nourriture. »
Genèse |, 26 à 296
À l'image de Dieu
La création de l’homme et de la femme est mentionnée dans
deux passages de la Torah, aux chapitres 1 et 2 de la Genèse. Pour
les spécialistes, ces deux chapitres, différents dans leur écriture,
renvoient à deux sources que le compilateur final a réunies. Du
point de vue de la foi juive, l’important demeure la cohérence des
textes, cohérence immédiate ou cohérence à bâtir par l’analyse car,
une fois le canon établi, la Bible est perçue dans sa totalité.
Au chapitre 1, au terme de son œuvre de création, Dieu crée Adam.
L'Homme n'est pas le produit du hasard et de la nécessité. Une
conscience transcendante préside à son apparition, comme elle a
présidé le monde. Le cosmos — les cieux et la terre — procède d’un
Être qui donne l’être à autre que Lui-même. La création traduit
un acte éthique.
Cet homme porte l’image et la ressemblance de Dieu. La Bible
n'explique pas les termes. Pour la lecture juive qui refuse toute repré-
sentation du divin, il s’agit d’un anthropomorphisme, d’un langage
6. Nous nous référons à la traduction de la Bible par le Rabbinat français, voir la biblio-
graphie, page 203.
44 | La Torah
humain appliqué à Dieu. Toute la Bible utilise un tel langage : la
main de Dieu, le souffle de Dieu, la colère de Dieu, la miséricorde
de Dieu... mais le Transcendant est, selon la formule liturgique,
«au-dessus de toute bénédiction, de tout chant, de toute louange ».
À la question de savoir comment justifier que la Bible use d'images
concrètes, le Talmud (TB Béra’hof 31 b) répond : « La Torah parle
le langage des fils de l’homme. » Pour s'adresser aux hommes, Dieu
humanise Son langage ; à l’homme, dans l’étude, de désincarner,
autant que faire se peut, ce vocabulaire charnel. Pour notre sujet,
Dieu ne crée pas Adam selon Son dessin, mais selon Son dessein.
Au sommet de cette création, Adam devient donc porteur d’un
projet qui le distingue radicalement des autres créatures. Car rien
dans le domaine minéral, végétal ou animal ne porte cette diffé-
renciation. Quelle est la nature de ce projet ? Le texte le révélera
par la suite, et il faut s’armer de patience pour lire la Torah.
La Seconde création
Abraham ibn Ezra est né en Espagne musulmane dans la ville de Tudèle (Tudela)
en 1089. Personnage semble-t-il assez fougueux, il a été poète, grammairien,
exégète, philosophe, traducteur, mathématicien, astronome et médecin. S'il
passe les cinquante premières années de sa vie entre l’Espagne et l’Afrique du
Nord, à partir de 1140, il décide de voyager à la rencontre des communautés
juives du nord de l'Espagne, notamment en Italie, en France et en Angleterre où
l’on pense qu’il s'éteint vers 1164 à Londres.
Lors de son voyage dans le nord de la France, il échange ses points de vue
exégétiques avec les tossaphistes Rabbénou Tam et Rachbam, avec qui il se
trouve des affinités méthodologiques. Abraham ibn Ezra se voulait avant tout
un littéraliste, refusant de faire sortir le verset de son sens obvie (évident),
contrairement à d’autres commentateurs qui se référaient souvent au Midrach
qui surajoute du texte aux versets de la Torah.
46 La Torah
Son commentaire reste célèbre pour son style concis et ses grandes compétences
linguistiques. Certains le considèrent même comme l’un des premiers critiques
au sens moderne du terme. Son commentaire sur la Bible a été imprimé pour la
première fois à Naples en 1488.
Golem
Mentionné dans le psaume 139 (verset 17), le Golem est un être informe. Selon la
légende, le rabbin de Prague, Rabbi Loewe (xvi® siècle), fabriqua un être d'argile
puis, par des incantations kabbalistiques, insuffla à cette statue le souffle de vie.
Le Golem devint le gardien du ghetto de Prague, jusqu'à ce que le rabbin lui retire
définitivement la vie. Le nom Golem a été repris dans les récits fantastiques, ce
qui a donné Gollum.
48 La Torah
Créer la femme
La question du vivre ensemble devient nécessité existen-
tielle quand Dieu déclare : « Il n'est pas bon que l’homme soit
seul. » Quelques versets plus loin, Adam fait le même constat
au milieu des bêtes qu'il vient de nommer, suggérant qu'il est
prêt à être anesthésié. La femme apparaît au réveil de l'opé-
ration, « aide en vis-à-vis », littéralement « aide à portée
de parole ». Loin d’être un objet de convoitise, une image
érotique, Êve porte idéalement la vocation du dialogue. C’est
pourquoi la tradition juive refuse de voir une « côte » à l’origine de
la femme, et préfère traduire, selon l’exégète Rachi, que Dieu prit
un « côté ». Comme dans Le Banquet de Platon, Adam aurait été
créé androgyne, autant mâle que femelle, Dieu ayant transformé le
dos à dos en face-à-face.
Rachi (1040-1105)
Rachi, acrostiche de Rabbi Salomon fils d’Isaac (Chlomo ben Yitzhak), est né à
Troyes, en France du Nord, en 1040 et est mort à Worms (Allemagne) en 1105.
Après avoir étudié dans les instituts talmudiques (yéchiva) de Worms et Mayence
auprès de grands maîtres de l’époque, il revient dans sa ville natale en 1070 pour
ouvrir sa propre école, en même temps qu'il vit de la viticulture.
Sa notoriété, due à la fois à son érudition, sa pédagogie et ses qualités humaines,
attire de nombreux disciples. En plus de son travail d'enseignement, Rachi
commence à écrire ses commentaires sur la Bible, le Talmud et le Midrach,
c’est-à-dire sur la totalité de la tradition écrite et de la tradition orale d'Israël.
Il sera surnommé pour cela « le commentateur de la foi » (parchan data). Sa
connaissance de la langue hébraïque et de la grammaire, des sciences de son
époque et de nombreuses activités artisanales apparaît dans ses nombreuses
gloses qui s'adressent aussi bien aux élèves débutants qu'aux érudits les plus
férus. Parfois, il traduit un terme hébraïque en vieux français champenois. On a
ainsi recueilli des milliers de mots qui sont une manne bénie pour les chercheurs
de la langue française.
Rachi eut trois filles, dont deux furent mariées à des savants de la Torah. Ses
petits-fils les plus célèbres, Rabbénou Tam et Rabbi Samuel ben Méir (Rachbam),
sont à l’origine de l’école d'interprétation du Talmud du nord de la France,
nommée école des Tossaphistes, « les Ajouteurs ».
Toute la terre avait une même langue et des paroles semblables. Or, en
émigrant de l'Orient, les hommes avaient trouvé une vallée dans le
pays de Sinar, et s'y étaient arrêtés. Ils se dirent l'un à l'autre : « Çà,
préparons des briques et cuisons-les au feu. » Et la brique leur tint lieu
de pierre, et le bitume de mortier. Ils dirent : « Allons, bâtissons-nous
une ville, et une tour dont le sommet atteigne le ciel ;faisons-nous un
établissement durable, pour ne pas nous disperser sur toute la face de la
terre. » Le Seigneur descendit sur la terre, pour voir la ville et la tour
que bâtissaient les fils de l’homme ; et 1l dit : « Voici un peuple uni,
tous ayant une même langue. C'est ainsi qu'ils ontpu commencer leur
entreprise et dès lors tout ce qu'ils ont projeté leur réussirait également.
Or çà, paraïssons ! Ef, ici même, confondons leur langage, de sorte que
l’un n'entende pas le langage de l'autre. » Le Seigneur les dispersa donc
de ce lieu sur toute la face de la terre, les hommes ayant renoncé à bâtir
50 La Torah
la ville. C'est pourquoi on la nomma Babel [mélange], parce que là le
Seigneur confondit le langage de tous les hommes et de là l'Éternel les
dispersa sur toute la face de la terre.
Genèse 11, 1-8
Noé
Noé (Noah) est le premier juste ès qualités mentionné dans la Torah. Considérant
ses vertus, Dieu l'épargne avec sa famille du Déluge qui noie ses contemporains.
Noé est considéré comme un nouvel Adam dont descend toute l'humanité.
La descente de Dieu
52 La Torah
Un rabbin voit dans cette proclamation une faute précise :
Rabbi Nathan enseigne : leur intention était idolâtre. En effet, 1l est
écrit ici « faisons-nous un nom », et il est écrit là-bas (Ex 23, 13) « le
nom d'autres divinités tu n'invoqueras point ». De même que, là-bas,
le nom concerne l'idolâtrie, ici aussi le nom concerne l’idolätrie.
Yalkout Chimoni sur la péricope Noé
Péricope
La première autocratie
La clef de lecture de ce récit se trouve dans le geste divin de séparer
les hommes selon leur dialecte particulier. Traditionnellement, cet
éclatement babélien s'entend en une punition céleste. Dieu sépare
ceux qui s'unissent pour Le combattre. Diviser pour mieux régner,
le proverbe est bien connu ! Certes, il a pu y avoir dans cette vallée
désertique un projet arrogant, voire une contestation du pouvoir
54 La Torah
Abraham, en avant, marche !5
Maïmonide (1135-1204)
Rabbi Moché (Moïse) fils de Maïmon (dit Rambam ou Maïmonide) est l’un des
plus grands savants de la Torah de tous les temps. Il est né à Cordoue (Cordoba),
en Espagne, en 1135, et est mort à Fostat, en Égypte, en 1204. Il étudie d’abord
la Torah auprès de son père, Rabbi Maïmon, le juge rabbinique de Cordoue. Mais,
en 1148, suite à l'invasion de l’Espagne par les fanatiques Almohades, venus
d’Afrique du Nord, la famille Maïmon s’exile à Fez, au Maroc, en 1160. Durant ces
années difficiles, le jeune homme ne cesse d’écrire, en arabe, des commentaires
sur le Talmud et les sciences. C’est à Fez qu’il étudie la médecine, qui lui servira
plus tard pour son métier.
56 La Torah
En 1165, la famille part pour la Palestine, mais devant les difficultés économiques
(époque des Croisades) elle se dirige vers l'Égypte, où son père meurt. C’est dans
la ville de Fostat (le vieux Caire) que Maïmonide se fait vraiment connaître comme
juge rabbinique, savant de la Loi, philosophe et médecin à la cour de Saladin.
Parmi son œuvre encyclopédique, citons le Michné Torah qui est la première
forme synthétique du Talmud présenté par thèmes, dans un hébreu limpide, et
le Guide des égarés (en arabe) où il tente de concilier foi et raison, se référant
autant aux maîtres d’Israël qu’aux grands philosophes musulmans et grecs dont
Aristote. Si le Michné Torah fut plutôt bien accueilli par les autorités rabbiniques,
son Guide fut très controversé du fait de son rationalisme extrême et de ses
références peu orthodoxes.
Maïmonide a écrit aussi des manuels sur les poisons, l’asthme, la diététique, la
psychosomatique et Les Huit Chapitres que l’on peut considérer comme l’un des
premiers ouvrages de psychologie. L'œuvre de Maïmonide fut souvent publiée,
et il existe en français autant de bonnes traductions que de bonnes analyses
générales.
Abraham, le déraciné
Pour notre propos, nous nous bornerons à commenter la première
épreuve qui s’exprime dans les trois versets cités. Que demande
l'Éternel à Abram ? La rupture avec son passé : son pays, sa ville
natale, la maison paternelle. Les exégètes toujours attentifs aux
détails scripturaires s’étonnent de cette logique d'écriture : en quit-
tant son pays ne quitte-t-on pas du même coup sa ville et, bien sûr,
sa maison ? En fait, il s’agit moins d’un déplacement géographique
que psychologique. Le vieillard doit abandonner un univers fami-
lier pour suivre un Dieu qui l'appelle vers un ailleurs.
On ne comprend pas immédiatement le sens de cette requête. S'il
fallait soustraire le personnage à son environnement idolâtre, la
terre de Canaan, où il doit se rendre, ne présente-t-elle pas autant
Un témoin de Dieu
58 La Torah
ne lui reste étranger. Il ne se distingue des autres hommes que
d'une manière : pas un seul de ses gestes, pas une seule de ses
paroles qui n’actualise la présence de Dieu dans la cité. Tel est le
sens de la foi (émouna) pour la Torah : il ne s’agit pas de fuir la terre
pour accéder au ciel, maïs bien de faire descendre le ciel sur la terre.
Le monothéisme éthique
On a souvent présenté Abraham comme l'inventeur du mono-
théisme, rompant définitivement avec les formes polythéistes
antérieures. Une lecture minutieuse des textes trouvera l’affirma-
tion fragile. En effet, Adam, Abel et Noé ne croyaient-ils pas déjà
en une seule divinité ? La découverte abrahamique se situe ailleurs,
dans l'affirmation que ce Dieu unique est inséparable de la morale.
Parcourons la Bible, relisons les exigences réitérées de ce Dieu
d'Israël qui reste le Dieu de l’humanité pour entendre Ses inces-
sants appels à la justice, à la fraternité, à l'amour du prochain.
À aucun moment Il ne laisse l’homme s’abandonner à ses propres
faiblesses. Les rois, les juges, les prêtres, les individus et les nations
sont invectivés à chaque trahison de la morale, chaque fois que le
pouvoir des uns sert à écraser les autres. Cette découverte, nous la
devons à Abraham, et c’est au nom de cette découverte que Dieu
le distinguera, selon l'affirmation du verset :
Apres la circoncision
Voici un épisode célèbre de la vie d'Abraham : l'accueil des trois
émissaires divins qui lui annonceront la naissance d’Isaac. Ce texte
révèle l'hospitalité du patriarche à l'égard des étrangers. Cette atti-
tude bienveillante découle de sa croyance monothéiste. À l'origine,
Dieu a créé un seul homme et une seule femme. Toute l'humanité
descend de ce couple originel. Tous les humains sont frères : le
membre de famille et l’immigré, le prochain et le lointain.
Avant d’analyser dans le détail la gestuelle abrahamique, les
rabbins resituent ces versets dans leur contexte. Que s'est-il passé
avant ? Au chapitre 17, l'Éternel s’est révélé à Abram, lui a changé
son nom en Abraham (Père d’une multitude), de même qu’Il a
changé le nom de Saraï (Mes princesses) en Sarah (Princesse).
9. Ce texte est dédié à feu mon maître le grand rabbin Emmanuel Chouchana.
60 | La Torah
Ce changement de nom découle du changement morphologique
d'Abraham qui va se circoncire, c’est-à-dire procéder à l’ablation
de son prépuce.
Pour la Torah, la circoncision représente une alliance (#érif), un
partenariat entre Dieu et le patriarche, et plus tard avec sa descen-
dance. Porter cette alliance dans sa chair signifie assumer le mono-
théisme sur l'organe géniteur et s'engager à témoigner de Dieu
dans son existence.
Freud à vu dans cette cérémonie une castration ritualisée. Les
rabbins interprètent autrement cette opération accomplie sur le
bébé de huit jours. Il s’agit de souligner à l’aube de la vie qu'aucun
homme ne peut réclamer la totalité du monde, que personne ne peut
assouvir tous ses désirs. L'’humain est irrémédiablement condamné
au manque, et Dieu demande de placer cette leçon dans le lieu
intime de l’anatomie. En même temps, cette circoncision souligne
que la sexualité, espace de toutes les pulsions, devient sacralisée par
l'amour des époux et la transmission du message monothéiste aux
enfants. En méditant la leçon, l’homme comprendra que l’autre
sera toujours son complémentaire, la part qu’il ne possédera jamais,
que cet autre soit la femme, l'enfant, l’ami ou l'étranger.
Or, ici, Abraham rencontre trois étrangers. Pour souligner son
esprit d'ouverture, sa vigilance à l’altérité, le Midrach situe cette
rencontre au troisième jour de la circoncision, le jour délicat de la
cicatrisation. Loin d’être replié sur sa douleur, au fond de son lit, le
vieillard est assis au seuil de sa tente, malgré la chaleur ardente. Il
attend d'offrir son hospitalité à ceux qui sont en manque de pain,
d’eau et d'ombre.
Le zèle de l'amour
Les justes parlent peu et font beaucoup, ainsi que nous l'apprenons
d'Abraham qui a proposé un peu de pain, mais qui a apporté de la
crème, du lait, un jeune veau et un gâteau de trois grandes mesures de
freur de farine. Par contre, les méchants parlent beaucoup et ne font
62 |La Torah
même pas un petit peu, ainsi que nous l'apprenons d Efron qui promit à
Abraham de lui donner la caverne et le champ de Hébron pour enterrer
Sarah, maïs qui à la fin ne laissa pas passer un seul dinar.
Genèse 23
De Noë à Abraham
Le fils du miracle
Le deuxième patriarche se nomme Isaac, fils d'Abraham et de
Sarah. Si, du point de vue de la Torah, toute naissance exprime
un miracle, celle d’Isaac porte la trace d’un miracle plus marqué,
puisque Sarah fut stérile jusqu’à l’âge de 90 ans, tandis qu'Abra-
ham avait atteint l’âge de cent ans au moment de cette naissance.
Lorsque le vieux couple apprit par les voies du ciel qu’ils allaient
Être parents, ils seomirentiasrire (Gn,17 17: 15,012) #-0bten
qu'ils nommèrent leur fils Yitzhak (Isaac), ce qui veut dire « il
rira ». La foi n'enlève pas une part d'humour devant l’inouï des
situations !
Le jour du sevrage du fils tant espéré, une dispute éclata entre
Sarah et Agar, sa servante. Ce n’était pas la première fois, mais ce
coup-ci Sarah, en maîtresse intraitable, demanda à son époux de
renvoyer la femme et son fils Ismaël, pourtant semence d’Abra-
ham. Le patriarche se soumit à la volonté de son épouse. Dieu le
rassura en promettant à Ismaël une descendance nombreuse, mais
Isaac grandit sans frère (Gn 21, 8-14).
Entre une mère au caractère fort et un père hautement charis-
matique, [saac développa un tempérament réservé et solitaire,
méditant l’héritage spirituel de son père, ce que son travail de
berger lui permettait de faire. Ce qui singularise ce premier enfant
du miracle est incontestablement sa force de caractère, marquée
par l'acceptation des situations sans jamais s'y opposer de front.
64 La Torah
Isaac considérait que tous les événements cachaient en réalité la
volonté divine ; pourquoi dès lors résister, se débattre ou se mettre
en colère ? On pourrait, à son propos, appliquer la formule du
Talmud (TB Taanit 20 b) : « L'homme sera toujours souple comme
le roseau, jamais dur comme le cèdre. » Isaac traversera son exis-
tence sans se briser contre les épreuves.
L'épreuve de | ligature
Toute cette existence se jouera au seuil de sa vie lors de l'épreuve
dite de la ligature (akédat Yitzhak), quand l'Éternel demanda à
Abraham de sacrifier son fils (Gn 22). La Torah restant imprécise
sur l’âge du fils, certains exégètes voient en Isaac un adolescent,
d’autres, un jeune adulte. Dans tous les cas, il était parfaitement
conscient de ce qui se passait. Et lorsque le vieux patriarche lui
annonça qu'il serait immolé à la place d’un agneau, Isaac accepta
courageusement d’être ligoté, étendu sur l'autel, et tendit son cou
au couteau dévoreur.
Certes, la fin du chapitre révélera que Dieu ne désirait nul sacrifice
humain (qui se pratiquait dans les cultes cananéens). Il voulait en
revanche tester la foi d'Abraham. Par amour du Ciel, ce dernier
allait-il sacrifier son fils, porteur de son avenir, de ses promesses,
de son héritage ? Allait-il tout remettre en cause par une foi désin-
téressée ? Abraham exprima cette foi-là. Isaac n’en fut pas moins
grand en étant prêt à rendre sa vie au Père divin.
Quand un homme a vécu une telle expérience, de deux choses
l’une : ou bien il en reste traumatisé à jamais, ou bien sa philoso-
phie existentielle s’exprimera par un certain détachement aux êtres
et aux choses. Isaac ne fut pas « un prince de Dieu », titre rayon-
nant dont fut couronné son père par les Héthéens (Gn 23,6) ;ilne
semble pas non plus avoir tissé quelques relations amicales avec des
gens de la région, alors qu'Abraham fut entouré d’Aner, Echkol et
Mamré (Gn 14, 13). Pratiqua-t-il un prosélytisme actif à l'instar
de ses parents (selon la lecture traditionnelle de Gant he
texte reste muet. En revanche, il est présenté comme un homme
66 La Torah
En bon pasteur, il entretient des troupeaux d’ovins et de bovins
ainsi qu'un grand nombre de serviteurs. Cette réussite matérielle
engendre la jalousie des autochtones, qui bouchent les puits creusés
par Abraham. Comble de malheur, le roi Abimélekh lui demande
de quitter les lieux. Isaac ne s'oppose pas.
Prenant son bâton de pèlerin, il se déplace avec sa maisonnée vers
l’est, plus désertique. À chaque fois qu'il creuse d’anciens puits,
l’eau monte à la surface ; et à chaque fois les Philistins l'obligeront,
avançant leur droit de propriété sur la source. Enfin, à Rehovot
(Largesses), aucune contestation ne sera exprimée (Gn 26, 12 à 23).
Au bout de quelques années, Abimélekh, venu en grande pompe
dans le campement d’Isaac, reconnaîtra en ce dernier le béni de
l'Éternel. Quelques mots de mise au point et un bon repas partagé
permettront aux deux hommes de se séparer dans le chalom, la paix,
qui porte en hébreu une connotation puissante de plénitude. Signe
de cette bénédiction ? On annoncera alors à Isaac que de l’eau
venait d’être trouvée dans le désert.
Vingt ans plus tôt, Jacob a effrontément trompé son père aveugle
en se faisant passer pour Esaü, son jumeau, mais aussi son aîné
(Gn 27). Cette duperie, il ne l’a pas décidée tout seul (mais il l’a bien
acceptée) : Rébecca, sa mère, en a eu l’idée — un beau subterfuge,
68 |La Torah
digne de Laban, mais Rébecca n'est-elle pas sa sœur ? Certes les
intentions de Rébecca sont plus nobles : Dieu lui a annoncé lors de
sa grossesse que le dernier-né des jumeaux portera la vocation abra-
hamique (Gn 25, 23). Alors, en entendant son mari, Isaac, appeler
Esaü pour le bénir (d'autant que ce dernier venait de contracter un
double mariage avec des Cananéennes idolâtres), son sang de mère
« Juive » n’a fait qu'un tour ! Rébecca a donc décidé de déguiser
Jacob en Esaü, pendant que celui-ci chassait quelque bon gibier.
La ruse a marché, pour le bonheur de Rébecca et de Jacob. Même
Isaac, au fait, après coup, de la duperie, a confirmé la bénédiction
sans la moindre allusion à l’imposture (Gn 28, 1-4). Vingt ans
après, Jacob entend encore les pleurs d’Esaü et ses terribles mots :
« Je tuerai mon frère ! »
Et voici Jacob, près du territoire de Séir, le territoire de son frère,
avec cette ultime question qui n’a cessé de le tarauder : est-ce que
son élection prénatale justifiait une telle inconduite vis-à-vis de son
père et de son frère ? Jacob avait trompé Isaac et Esaü, et Laban
avait trompé Jacob. Mais était-ce la fin de ses malheurs ?
Jacob à peur
Jacob envoie à Esaü des émissaires porteurs de paroles de paix et
de présents nombreux. De retour, les messagers annoncent que
le frère arrive accompagné de quatre cents hommes. Jacob a peur
et en est terriblement angoissé. Est-il si faible que cela ? N’est-il
pas lui-même un homme vaillant et physiquement capable de se
battre ? Déjà, lorsqu'il rencontra Rachel pour la première fois, il
déplaça à lui seul la grosse margelle qui couvrait le puits, et que
seuls plusieurs bergers pouvaient rouler (Gn 29, 10). Jacob est fort,
comme en témoigne son long monologue devant Laban, qui décrit
le dur travail du berger continuellement au service de son troupeau
et subissant les climats les plus rudes (Gn 31, 36-42). N’a-t-il pas
lutté la veille de cette rencontre, près du fleuve Yabok, contre un
mystérieux adversaire toute une nuit ? Une nuit complète d'empoi-
gnades et de coups, dont il sortira blessé à la hanche, blessé mais
vainqueur. C’est là qu’il recevra pour la première fois son nom :
70 La Torah
Joseph, chute et ascension du juste
I] arriva, après ces faits, que la femme de son maître jeta les Yeux sur
Joseph. Elle lui dit : « Couche avec moi. » Il s’y refusa, en disant à
la femme de son maître : « Vois, mon maître ne me demande compte
de rien dans sa maison ; et toutes ses afjatres 1l les a remises en mes
mains. Il n'est pas plus grand que moi dans cette maison et il ne m'a
rien défendu, sinon toi, Parce que tu es son épouse. Ef comment puis-je
commettre un si grand méfait et offenser le Seigneur ? » Quoiqu'elle
en parlât chaque jour à Joseph, 1l ne cédait point à ses vœux en venant
à ses côtés pour avoir commerce avec elle. Maïs il arriva, à une de ces
occasions, comme 1l était venu dans la maison pour faire sa besogne
et qu'aucun des gens de la maison ne s'y trouvait, qu'elle le saisit par
son vêtement, en disant : « Viens dans mes bras ! » II abandonna son
vêtement dans sa main, s'enfuit et s'élança dehors.
Genèse 39, 7-12
72 |La Torah
de son dernier songe, c’est en toute confiance qu'il envoie l’ado-
lescent de 17 ans rejoindre ses frères pour garder les troupeaux.
Un agneau au milieu des loups ! L'ombre de Caïn assassinant Abel
plane, mais Ruben et surtout Juda refuseront de verser le sang
innocent : Joseph sera vendu comme esclave.
Lorsque la tunique de Joseph, déchiquetée et ensanglantée, est
présentée à Jacob, celui-ci fond en larmes : « Un fauve l’a dévoré ! »
Curieux retournement de l’histoire, souligne le Midrach : Jacob
avait trompé son père avec un habit, il est trompé par ses enfants
avec un vêtement.
Or, Moïse faisait paître les brebis de Jéthro son beau-père, prêtre de
Madian. I] avait conduit le bétail au fond du désert et était parvenu
à la montagne divine, au mont Horeb. Un ange du Seigneur lui
apparut dans un jet de flamme au milieu d'un buisson. Il remarqua
que le buisson était en feu et cependant ne se consumait point. Moïse
se dit : « Je veux m'approcher, je veux examiner ce grand Phénomène :
pourquoi le buisson ne se consume pas. » L'Éternel vit qu'il s'approchait
pour regarder ; alors Dieu l'appela du sein du buisson, disant :
« Moïse ! Moïse ! » Er il répondit : « Me voici. »
Exode 3, 1-4
74 La Torah
Courage de femmes
Par ces mots commence le célèbre épisode du buisson ardent qui
fera de Moïse l’envoyé de Dieu auprès du pharaon et d'Israël.
Dans la vie des grands guides spirituels, nul trait ne reste indif-
férent à la postérité toujours à la recherche des signes avant-
coureurs de l’ascension qui mènera le héros au sommet de la
renommée. Certes, si les documents archéologiques ne peuvent
prouver la vie des Hébreux en Égypte, Moïse restera dans la
tradition }juive au centre d’une foule de récits greffés sur la trame
narrative de la Torah. Incontestablement, la figure de ce person-
nage en est l’une des plus riches. Il ne pouvait en être autrement
pour celui que le verset qualifie de « plus grand prophète levé en
Israël » (Dt 34, 10).
Tout commence quand les Hébreux considérés trop nombreux sont
asservis par le pharaon, souverain despotique. Malgré les pénibles
travaux des champs et la construction des villes, le peuple continue
de croître. Le roi opte pour une solution radicale, à défaut d’être
finale : tous les nouveau-nés mâles seront noyés dans le Nil, seules
les filles seront épargnées.
Jokéved, de la tribu de Lévi, vient de donner naissance à un enfant
prématuré qu’elle cache trois mois. Mais les inspections des gardes
se font de plus en plus pressantes, elle dépose alors son fils dans un
panier d’osier qu’elle confie aux eaux du fleuve, à la grâce de Dieu !
Myriam, l’aînée des enfants de Jokéved, suit la fragile embarcation
qu'une main invisible conduit vers le palais pharaonique. La prin-
cesse qui se baigne insouciante découvre le panier — berceau ou
tombeau ? — et son cœur s'emplit de pitié pour cet enfant larmoyant.
Le pharaon ne sait pas qu'il cache, dans sa propre maison, une fille
à l’âme pure qui élèvera en secret celui qui retournera l'Égypte.
Celle-ci nomme son fils adoptif Moïse, Moché, « sauveur des
eaux », un nom qui préfigure une grande mission. En réponse,
cette princesse anonyme sera nommée par les rabbins Biria, « fille
de Dieu ». Fille adoptive ?
76 La Torah
Le berger de Jéthro
Les années passent. L'ancien prince d'Égypte est devenu pasteur
de petit bétail. Ici, plus de violence, car le bon berger veille sur le
troupeau, au fond du désert. À son habitude, le Midrach brode sur
le texte :
Moïse faisait d'abord sortir les bêtes chétives qui allaient brouter
l'herbe tendre. Puis il menait les bêtes âgées qui consommaient l'herbe
drue qui leur convenait. Enfin venait le tour des Plus vigoureuses qui
broutaient les racines les plus tenaces. Le Saint, béni soit-Il, déclara
alors : « Celui qui sait faire paître le petit troupeau, avec sagesse, en
pourvoyant à chacun la pâture qui lui convient, sera le berger de Mon
peuple. »
Sagesse de berger qui est déjà sagesse politique. Ici, elle consiste
à distribuer à chacuñ selon son manque, en évitant la domination
des plus forts sur les plus faibles. Le bon politique serait le bon
gestionnaire de la grâce divine. Non seulement Moïse prend garde
à ce que les membres de son troupeau n’entrent pas en conflit,
mais il a également souci qu'ils ne fassent de tort à personne.
Ainsi avançait-il « au fond du désert » dans un lieu où les animaux
ne risquaient pas de brouter dans un espace privé. De pasteur
de moutons et d’agneaux, Moïse deviendra pasteur d'hommes
comme, plus tard, David.
Et le Midrach de conclure (Exode Rabba 2) : « Le Saint, béni soit-
Il, ne confère de grandeur à l’homme qu'après l’avoir éprouvé dans
les petites choses de la vie. » L'homme peut grandir en s’occupant
de choses infimes, comme il peut déchoir en voulant profiter des
grandes choses.
Sortir d'Égypte
Chaque année au mois d’avril, le mois du printemps, toute la
famille juive se retrouve à la maison pour célébrer un événement
fondateur : la sortie d'Égypte à l’époque de Moïse. Car cette sortie
marque la naissance du peuple d'Israël.
Avant cette date historique, Israël ne formait qu’un clan autour
du patriarche Jacob, au nombre symbolique de soixante-dix âmes
(Gn 46, 27), correspondant au nombre des nations issues de
Babel ; comme si l’identité israélite se trouvait en harmonie avec
l’universel humain.
Descendues en Égypte pour fuir une famine et rejoindre Joseph,
devenu haut fonctionnaire du pharaon, les soixante-dix âmes se
multiplieront. Elles deviendront si nombreuses que le souverain,
craignant la formation d’une cinquième colonne dans son territoire,
décidera de les asservir (Ex 1, 10) jusqu’à noyer les nouveau-nés
mâles dans le Nil. Dans le « creuset de fer » de l'Égypte, le clan
hébreu deviendra une nation d’affranchis.
Curieux giron que cette matrice faite de glaise, de paille, de coups
de fouet et de larmes. Israël devait-il en passer par là ? La servi-
tude, la haine, la violence restent-elles des lois sociologiques incon-
tournables ? Certes, pour la Torah, l’histoire peut toujours s’écrire
autrement ; mais puisqu'elle fut écrite ainsi, Israël devait en garder
78 La Torah
la mémoire. Ainsi, pour justifier l'amour de l'étranger, c’est-à-dire
le rejet de toute xénophobie, le verset exigera clairement :
80 La Torah
Enfin, les herbes amères devaient laisser un arrière-goût âÂcre en
souvenir de la souffrance des esclaves.
À travers ces trois rituels, les enfants d'Israël devaient à la fois
rompre avec la société esclavagiste tout en gardant le souvenir de
la barbarie. Servitude et libération constituaient les deux socles du
rituel de Pâque qu'il fallait transmettre aux enfants.
82 |La Torah
3. «Tun invoqueras point le nom de l'Éternel ton Dieu à l'appui du
mensonge ;car Î’Éternel ne laisse pas impunt celui qui invoque son
nom pour le mensonge. »
4. « Souviens-toi du jour du Sabbat pour le sanctifier. Durant six jours
tu travailleras et t ‘occuperas de toutes tes affaires, mais le septième jour
est la trêve de l'Éternel ton Dieu :tu n yferas aucun travail, toi, ton
fils n1 ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton bétail, ni l’étranger qui
est dans tes murs. Car en six jours l'Éternel a fait le ciel, la terre, la
mer ef ouf ce qu ls renferment et il s'est reposé le septième Jour;c'est
pourquoi lÉternel a béni le jour du Sabbat et l’a sancti ifié. »
5. « Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la
terre que l'Eternel ton Dieu F'accordera. »
6. « Ne commets point d'homicide. »
7. « Ne commets point d'adultère. »
8. « Ne commets point de larcin. »
9. « Ne rends point contre ton prochain un faux fémoignage. »
10. « Ne convoite pas la maison de ton prochain ; ne convoite pas la
femme de ton prochain, son esclave n1 sa servante, son bœuf n1 son âne,
ni rien de ce qui est à ton prochain. »
Exode 20, 2-13
De dix à dix
84 La Torah
Dans cet univers naturel, l’homme oublie très vite le Transcendant
pour ne percevoir qu'une réalité immanente qu'il prend d’abord
en modèle et qu'il va finir par idolâtrer : idolâtrer la puissance du
soleil, idolâtrer ia douceur de la lune, idolâtrer la force conqué-
rante, idolâtrer le désir sexuel. Ainsi naît le panthéon païen, avec
ses dieux, ses déesses et ses forces occultes.
L'archétype de la société idolâtre dans la Torah s'appelle l'Égypte
(Mitsrayim). Pharaon, « fils du Soleil », se proclame créateur du
Nil (Ez 29, 3), tout en reproduisant le schéma naturel du plus fort
dominant le plus faible, l'Égypte écrasant Israël.
Or, au mont Sinaï, Dieu offre un autre code, non plus naturel,
mais surnaturel ; non plus fondé sur l’immanence du réel, mais sur
la transcendance divine ; un code qui ne s'adresse plus à l'instinct,
mais à l'intelligence et au cœur. S’il fallait créer les forces pulsion-
nelles pour que la vie se propage, il devenait tout aussi nécessaire
de donner une loi pour gérer l'instinct.
Par la révélation du Décalogue, Israël, et à travers son expérience
l'humanité tout entière, pouvait sortir du paganisme et de ses idéo-
logies, pour accéder à la conscience du bien et à la responsabilité du
plus fort sur le plus faible.
AU fondement de la Loi
Si capitale qu’ait été l’action du Décalogue sur Israël et sur l’huma-
nité, il serait faux d’en considérer l'expression comme la forme la
plus aboutie de la loi divine. En fait, dans l’ensemble des devoirs
vis-à-vis de Dieu et à l'égard du prochain, il n’occupe pas une place
prééminente. Loin de constituer le sommet de la Révélation, les
dix paroles sont à considérer comme les fondations d’une maison
sur lesquelles s’appuie tout l'édifice du judaïsme.
En effet, les prescriptions mentionnées ici ne constituent que des
règles religieuses et morales élémentaires, tant l'idéal biblique reste
élevé. Il suffit de s’en référer à la formulation de la majorité des
commandements qui s'exprime sur le mode négatif : ne pas faire.
86 La Torah
La consécration des lévites
Le troisième livre de la Torah s'ouvre sur l’appel de Dieu à Moïse.
Cet appel donne le ton à tout le Lévitique qui peut s'entendre plus
largement comme l’interpellation divine à toute la communauté
d'Israël pour assumer sa vocation de « royauté de prêtres et de
nation vouée à la sainteté » (Ex 19, 6).
Nous pouvons ainsi résumer les grands thèmes qui constituent le
contenu de ce livre : les règles du culte sacrificiel (le culte litur-
gique naîtra dans l’exil babylonien), la consécration de la tribu de
Lévi au Sanctuaire, les lois de pureté et d’impureté, les temps et les
lieux consacrés, la valeur des personnes humaines. Sur le plan des
rites, le Lévitique offre 247 des 613 commandements répartis sur
l’ensemble du Pentateuque, soit plus d’un tiers.
Apprendre à séparer
Le livre du Lévitique tourne autour du principe qui consiste à bien
séparer les réalités : séparer l’espace du Temple de l’espace profane,
le pur de l’impur, le prêtre de l’israélite, d’où une législation extré-
mement rigide et détaillée.
Cette idée de la séparation renvoie à la Création, quand Dieu
sépare le jour de la nuit, les eaux d’en haut des eaux d’en bas ou
l’homme de l'animal. Tout se passe comme si la tribu de Lévi
recevait pour fonction de maintenir des clivages à l'échelle de la
société hébraïque. Car la Torah se méfie sans cesse des mélanges,
des confusions, des panachages. Les identités incertaines l’af-
folent : qui est qui et qui fait quoi demeurent des questions essen-
tielles dans un monde créé censé posséder une signification ; d’où
l’importance quasi obsessionnelle de définir les cadres d’action, le
permis et l’interdit, le bien et le mal, etc.
Cette conception aura pour conséquence de radicalement distin-
guer la religion d'Israël des autres religions de l’époque. Alors
qu'en Egypte, par exemple, le roi est aussi le grand prêtre, ici le
roi ne joue aucun rôle, il n'a pas plus d'importance qu'un pauvre
apportant son oblation de farine.
88 La Torah
La séparation ne s'opère pas qu'avec le pouvoir politique (ce qui
est en soi novateur) mais aussi avec le monde des ancêtres. Les
morts sont aux morts, ils ne peuvent plus interférer dans la vie des
vivants. En écartant le culte des ancêtres, la loi lévitique rompt
avec la démonologie, la magie, la sorcellerie, si pratiquées en
terre de Canaan. Le Dieu de la Torah se proclame autant Dieu
vivant que Dieu des vivants. Le monde des morts n'intéresse pas
le prophétisme et « ce qui est caché appartient à l'Éternel notre
Dieu » (Dt 202 28).
Le pur et l'impur
Le français, pour désigner ces deux notions religieuses, utilise le mot
« pur » et son négatif « impur » (non-pur). En hébreu, l’impureté
se distingue de la pureté dans le vocabulaire, puisqu'il existe deux
termes : fouma pour « impureté » (littéralement « fermeture ») et
tahara pour « pureté » (littéralement « brillance »). L'impureté n’est
pas l'absence de pureté, mais le contact avec la mort, qui empêche
l’homme d'évoluer, qui l’enferme dans une réalité statique, voire
dans une désespérance. Le Talmud désigne le cadavre par « grand-
père de l’impureté ».
Dans la doctrine biblique, l’impureté ne se confond pas avec la
souillure, la saleté ou une quelconque notion biologique ou esthé-
tique, il s’agit bien d’une notion religieuse, objective et légale.
L'Hébreu doit se débarrasser de la fouma qu'il a contactée pour
pénétrer dans l’enceinte du Temple, notamment durant les fêtes de
pèlerinage, pour se relier au Dieu de vie.
90 La Torah
Kacher
Le projet de sainteté
Après les lois sacrificielles et les règles de purification, l’autre
élément clef du Lévitique, son cœur, concerne la sainteté d'Israël.
Il ne s’agit nullement ici d’une sainteté intrinsèque ou naturelle,
mais bien un projet pour toute une collectivité humaine, à réaliser
par chaque individu au profit du groupe. Ce projet s’énonce par le
verset inaugural du chapitre 19 :
La cité de Dieu
92 La Torah
Le postulat du discours prophétique peut ainsi s’'énoncer : oui, il
existe de l'injustice dans la création, du fait des décalages de béné-
dictions (les forts et les faibles ;les riches et les pauvres ; les intelli-
gents et les niais, etc.), mais quiconque possède un pouvoir devient
responsable de celui qui n’en possède pas ou moins. Cette justice
fondatrice de la cité de Dieu favorisera incontestablement dans le
rapport interpersonnel l'amour du prochain, grand principe de la
Torah.
94 La Torah
Ecoute, Israël, la profession de foi d'Israël
Étcoute, Israël : l'Éternel est notre Dieu, l'Éternel est un ! Tu aimeras
l'Éternel, ton Dieu, de tout fon cœur, de toute ton âme et de tout ton
pouvoir. Ces devoirs que je f'impose aujourd'hui seront gravés dans
ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants et tu l'en entrefiendras, soit
dans ta maison, soit en voyage, en te couchant et en te levant. Tu les
attacheras, comme symbole, sur ton bras, et les porteras en fronteau entre
tes yeux. Tu les inscriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.
Deutéronome 6, 4-9
Le monothéisme d'Israël
YHWH ou Tétragramme
d6 Noah
Sophonie (3, 9) : « Alors (dit l'Éternel) Je transformerai toutes les
lan ques des nations en une lan gue épurée afin que tous invoquent le
nom de l'Eternel. »
Amour et amour
Un amour en acte
98 La Torah
Téfilines ou phylactères
Les téfilines ou phylactères se présentent comme des boîtiers prolongés par des
lanières (le tout étant en cuir noir) qui contiennent des parchemins de la Torah.
Les boîtiers sont placés sur le bras et la tête à l'office du matin, pour assujettir sa
pensée et son action au service de Dieu unique.
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CHAPITRE 3
NÉVIIM OU LELIVRE
DES PROPHÈTES
Au programme
Ce nom est d’abord celui d’un peuple, le peuple de Canaan, descendant de Cham,
fils de Noé, qui vit la nudité de son père (Gn 9, 22). Par la suite, on parle du pays
de Canaan pour désigner la terre habitée majoritairement par ce peuple. C'est
là que vint s'établir Abraham, c’est de là que partirent pour l'Égypte Jacob et
ses fils, c'est vers cette terre que Moïse, relayé par Josué, conduisit les Hébreux.
102 La Torah
Le serviteur de Moïse
Le livre de Josué se découpe aisément en trois parties : les
chapitres 1 à 12 présentent la conquête de Canaan ;les chapitres 13
à 22 traitent du partage des terres entre les tribus ; quant aux deux
derniers chapitres (23 et 24) on pourrait les qualifier de testament
de Josué, écrit à la manière du testament de Moïse, le Deutéro-
nome, qu'il énonça devant son peuple avant de mourir.
Josué (Yéochoua, « Dieu sauve ») succède donc à Moïse. Il est, avec
Caleb, le seul rescapé de la génération sortie d'Égypte. Hormis ces
deux explorateurs, fidèles à Dieu, qui ne médirent pas contre la
terre de Canaan, tous leurs contemporains dorment du sommeil
éternel sous le sable chaud du désert (voir l'épisode des explora-
teurs, Nb 13 et 14). Pourquoi Josué plus que Caleb méritait-il cette
succession ? Car il fut le fidèle serviteur de Moïse (Nb 11, 28 ;
Josué 1, 1) ; il mena le dur combat contre les Amalécites (Ex 17) et
attendit patiemment sur le flanc du Sinaï son maître qui descen-
dait avec les Tables de l'alliance (Ex 32, 17).
Afin de souligner le lien maître-disciple qui unissait Moïse etJosué,
l’auteur de notre livre a tenu à qualifier Josué de la même formule
honorifique usitée pour Moïse, à savoir « serviteur de l'Éternel ».
En effet, pour la mort de Moïse, nous lisons : « Et Moïse, serui-
teur de l'Éternel, mourut là dans la terre de Moab, selon l’ordre
de l'Éternel » (Dt 34, 5). Et pour Josué : « Et Josué fils de Noun,
serviteur de l'Éternel, mourut à cent dix ans » (dix ans de moins que
Moïse !). Dans toute la Bible, seuls ces deux personnages recevront
cette distinction.
Dans un langage allégorique, le Talmud (TB Baba Batra 75 à)
propose cette sentence : « Le visage de Moïse ressemblait au soleil,
le visage de Josué à celui de la lune », ce que nous comprenons
ainsi : la lune ne possède pas de lumière intrinsèque, mais elle
transmet à la terre les rayons de l’astre du jour. Josué ne reçut pas de
révélation divine, mais il transmit fidèlement aux enfants d'Israël
les enseignements que Moïse lui avait confiés. Contrairement à
Moïse, confronté à de nombreuses contestations et rébellions, la
104 La Torah
En d’autres termes, la distinction d'Israël par Dieu ne se justifie
que dans la mesure où et afin que la vie nationale de ce peuple
reste exemplaire, pour que nul ne puisse se revendiquer au-dessus
de la justice et du droit. Henri Bergson, dans Les Deux Sources de
la morale et de la religion, avait saisi cette dimension en écrivant :
« Rappelons-nous le ton et l’accent des prophètes d'Israël. C’est
leur voix que nous entendons quand une injustice a été commise
et admise. Du fond des siècles, ils élèvent leur protestation. Si tel
d’entre eux, comme Isaïe, a pu penser à une justice universelle, c’est
parce qu'Israël, distingué par Dieu des autres peuples, lié à Lui par
un contrat, s'élevait si haut au-dessus du reste de l’humanité, que
tôt ou tard, il serait pris en modèle. »
Canaan et sa culture
Pour bien comprendre le livre de Josué, interrogeons l’historien et
l’archéologue sur ce qu'est le pays de Canaan peu avant et durant
la conquête de Josué. Il semble acquis que Canaan appartenait à
l'Empire égyptien de la xvin* dynastie (de 1600 à 1350 av. J.-C.).
Ici et là vivaient des chefs locaux évoquant des cheiks du désert.
L'armée pharaonique protégeait la population et les caravanes,
l'administration prélevait les impôts. Cette autorité s’affaiblira à
l’époque d’Akhenaton (1370-1350), plus préoccupé par sa réforme
religieuse monothéiste que par ses devoirs publics.
Au x1r' siècle, le bon ordre des cités méditerranéennes fut terrible-
ment secoué par l’arrivée des peuples de la mer. Les Philistins, si
souvent cités en ennemis d'Israël, représentent l’archétype de ces
peuples marins. Méneptah (le roi de l’Exode ?) puis Ramsès III
réussirent à leur tenir tête, les cantonnant sur la bande côtière de
Gaza.
La Torah cite souvent sept peuples cananéens, mais ils étaient
plus nombreux. Encore une fois, la symbolique des chiffres l’a
emporté sur la réalité historique. Quoi qu'il en soit, aux yeux
des explorateurs hébreux, les Cananéens apparaissent tels des
géants (on a retrouvé des hauts dolmens sur le Golan et en
106 La Torah
Samson, la puissance fragile
Samson leur dit : « Je veux vous Proposer une énigme. S1 vous pouvez la
résoudre et me l'expliquer dans les sept jours du festin, je vous donnerai
trente chemises et trente habillements de rechan ge ; MAIS Si VOUS ne
pouvez me l'expliquer, c'est vous qui me donnerez trente chemises et
trente habillements. » Ils lui répondirent : « Propose-nous ton énigme,
pour que nous l'entendions. » Ef1l leur dit : « Du mangeur est sorti
le mangé, et du fort est sorti le doux. » Maïs ils ne purent deviner
l'énigme, trois jours durant. Le septième jour, ils dirent à la femme
de Samson : « Persuade à ton mari de te communiquer la solution et
nous la rapporte, ou nous te brülerons avec ta famille. Est-ce pour
nous dépoutller que vous nous avez invités, vraiment ? » La femme de
Samson l'obséda de ses pleurs, disant : « Tu n'as que de la haine pour
mot, point d'amour ! Tu as proposé une énigme à mes compatriotes, et tu
ne men as pas dit le mot J » « Vois ! répondit-1l, je ne l'ai pas dit à mon
père n1 à ma mère, et à toi je le révélerais ? » Elle l'obséda ainsi de ses
pleurs pendant les sept jours qu'on célébra lefestin, si bien que le septième
Jour, vaincu par ses instances, 1l lui révéla le mot, qu'elle apprit à son
tour à ses compatriotes. Le septième jour, avant que le soleil für couché, les
gens de la ville dirent à Samson : « Qu'y a-t-1l de plus doux que le miel,
et de plus fort que le lion ?» À quoi 1l répondit : « S1 vous n'aviez pas
labouré avec ma génisse, vous n'auriez pas deviné mon énigme. » Et saisi
de l'esprit divin, 1l descendit à Ascalon, y tua trente hommes, s'empara de
leurs dépouilles et donna aux devineurs les vêtements promis ;puis, plein
de fureur, se retira chez son père.
Juges 14, 12-19
Abstème ou nazaréen
En hébreu nazir, ce terme désigne un homme ou une femme qui s'impose par
vœu trois interdits : boire du vin, se couper les cheveux, toucher un cadavre
(Nb 6). Un nazir célèbre est Samson, connu pour sa chevelure qui lui donnait
une force surhumaine.
108 La Torah
économiquement son gendre, lui donne par ruse sa fille aînée Léa.
À cette duperie s ‘ajoute la stérilité de Rachel. La fécondité de sa
grande sœur entraîne la souffrance de la bien-aimée qui, à l'instar
de l’aïeule Sarah, présente sa servante Bila en « mère porteuse ».
Un enfant naît de cette union, Rachel s’exclame alors : « Dieu m'a
jugée et a entendu ma voix. C’est pourquoi elle le nomma Dan (Il
juge) » (Gn 30, 6).
Dan devient l'aîné de Rachel au second degré. Il naît par ruse pour
tromper ce Dieu qui a fermé la matrice de la matriarche. Plus tard,
quand Moïse bénira les tribus, il donnera pour totem à la tribu de
Dan l’image d’un jeune lion (Dt 33, 22), s'inspirant de la béné-
diction de Jacob à Juda. Mais, alors que le lion de Juda s’incarne
à travers l’éclatant roi David, ancêtre du Messie, la tribu de Dan
brille par sa discrétion, fermant la marche des Israélites durant
les quarante ans du désert, en « rassembleur de toutes les tribus »
(Nb 10, 25). Le Midrach entend cette fonction de rassemblement
ainsi : « Dan sortait hors des nuées de Gloire afin de rattraper les
Hébreux perdus. » Les nuées délimitent le cadre de la collectivité
d'Israël vouée à témoigner de l'Éternel au cœur des nations. Les
Hébreux perdus n'arrivent pas à assumer cette vocation spirituelle.
Comme diront les kabbalistes, Dan descend dans les « écorces »,
dans les lieux sombres où la lumière divine ne peut luire, pour
ramener les brebis égarées.
Samson sera forgé de ce fer-là. Il ne deviendra jamais un roi-soleil,
sa route empruntera des sentiers tortueux aux femmes séduisantes,
mais il sauvera son peuple à sa manière.
Quel est l'homme fort ? Celui qui dompte sa passion. Ainsi qu'il est
dit : « Qui domine sa colère vaut plus que le conquérant d'une ville. »
Traité Avot, 4,1
Traité Avot
Le Traité Avot (« pères ») est un livre de la Michna (voir page 29) qui traite
essentiellement de la valeur de l'étude de la Torah et des vertus que devrait
cultiver tout disciple de sage.
Le fils du miracle
112 La Torah
Ce récit évoque un schéma familial déjà connu, celui du patriarche
Jacob marié à Rachel, la femme aimée et stérile, et à Léa, non
aimée mais porteuse de la progéniture.
Ne pouvant plus supporter sa souffrance, et après un dialogue plein
de tendresse avec Elkanna, Hanna se rend au sanctuaire de la ville
de Silo pour épancher son cœur devant l'Éternel. Elle demande
un fils qu'elle consacrera au Seigneur, en le rendant nazir (voir
abstème, page 108). Sa manière de prier étonne Héli, le grand
prêtre:
Avec Samuel l’histoire d'Israël avance d’un cran, car nous arrivons
alors à l’instauration d’un pouvoir politique centralisé. L’anarchie
antérieure fait place à un État plus structuré. Cette unification
permettra aussi un développement de la vie spirituelle en fidé-
lité aux principes de la Torah. Incontestablement, Samuel, qui,
contrairement aux autres Juges, ne fut pas un guerrier, brilla par
son charisme, son sens de l’organisation et la force de sa foi qui le
situe parmi les plus grands. Un verset des Psaumes (Ps 99, 6) ne s'y
trompe pas : « Moïse et Aaron étaient parmi ses prêtres, et Samuel
parmi ceux qui invoquaient Son nom, ils appelaient l'Éternel et
Lui leur répondait. » Et un rabbin de commenter :« Samuel dans
sa génération valait Moïse et Aaron dans leur génération. »
114 La Torah
de sa vie, Samuel fut le témoin passif du conflit qui opposa Saül
et David, un Saül souffrant d’un délire de persécution devant la
gloire du jeune David, vainqueur du géant Goliath. Samuel restera
dans la mémoire d'Israël l’honnête homme qui n’abusa jamais de
son pouvoir prophétique ou de sa notoriété nationale. S'adressant
au peuple réuni pour réclamer un roi, il déclarera : « Je vous ai
gouvernés depuis ma jeunesse jusqu’à aujourd’hui. Eh bien, accu-
sez-moi à la face de l'Éternel s’il est quelqu'un dont j'ai pris le
bœuf ou l’âne, quelqu'un que j'ai lésé ou pressuré, quelqu'un qui
m'ait acheté par un présent pour fermer les yeux sur sa faute. Je
suis prêt à le rendre. » Ils répondirent : « Tu ne nous as point lésés,
point pressurés, tu n'as rien accepté de personne. »
Samuel incarne les valeurs de l’homme juste, le #4dik, que chan-
tera le psalmiste (Ps 15), qui mettra toujours en garde les diri-
geants contre l'abus de pouvoir. Malheureusement le livre des
Rois qui suivra décrira un autre temps : celui de la décadence de la
monarchie.
116 La Torah
La question de la royauté
Les exégètes, autant que les historiens, s'interrogent sur la néces-
sité d’une royauté en Israël : était-ce un type de pouvoir incontour-
27e > Æ . , . . .
Le règne de Salomon
On aura reconnu en exergue le célèbre jugement de Salomon.
Cet épisode fait suite à la vision que reçoit le jeune prince. Quand
l'Éternel lui demande ce qu'il désire pour régner, il répond :
« Donne donc à ton serviteur un cœur intelligent, capable de juger
ton peuple, capable de distinguer le bien du mal. » Dieu, en appré-
ciant la requête, lui offre en plus la richesse et la gloire, tout en lui
rappelant de toujours se conformer aux préceptes toraïques.
On aurait pu penser que le fils de David inaugurerait le jour de
gloire d'Israël, dans un royaume paciñé avec tous ses ennemis. La
renommée de sa sagesse touche, en effet, les terres les plus loin-
taines (visite de la reine de Saba), il préside à la construction du
Temple de Jérusalem avec le Phénicien Hiram, il s'intéresse aux
arts, aux sciences. Ne sont-ce pas là les signes du royaume de Dieu
sur terre ?
Malheureusement Salomon tombera dans l'excès et la démesure (ce
que le Deutéronome redoutait). Sa politique de mariages avec des
princesses étrangères, pour maintenir la paix des peuples, introduit
les cultes idolâtres dans le pays ; à cela s'ajoute une centralisation
118 La Torah
monarchique autour de Jérusalem qui déplaît aux tribus du Nord.
Sa volonté de puissance lui fait oublier Dieu et la vocation d'Israël.
Ce sera le début de la fin.
À sa mort, le schisme est inévitable entre le royaume du Nord et le
royaume du Sud. L'unité tribale tant recherchée par le patriarche
Jacob n’est plus qu’un rêve pour un avenir meilleur.
Dans la tradition rabbinique, Salomon incarne le roi-philosophe,
comme son père incarnaït le roi-poète. Pour souligner sa chute, les
sages usent de cette image :
Au début Salomon régna sur le monde entier, puis 1] régna sur tout
Israël, ensuite sur Jérusalem, à la fin il ne régna plus que sur son bâton.
Midrach Ya/kout Chimoni sur Rois |, 176
Élie se leva, man gea et but, puis, réconforté par ce repas, 1] marcha
quarante jours et quarante nuits jusqu'au Horeb, la montagne de Dieu.
Là, 1l entra dans une caverne, où 1lpassa la nuit. EF voici que la voix
divine s'adressa à lui, disant : « Que fais-tu là, Élie ? » Il répondit :
« J'ai fait éclater mon zèle pour toi, Seigneur, Dieu des armées [du
cosmos}, parce que les enfants d'Israël ont répudié ton alliance, renversé
tes autels, fait périr tes prophètes par le glaive, mot seul, je suis resté, et
ils cherchent aussi à m'enlever la vie. » La voix reprit : « Sors, et fiens-
toi sur la montagne pour attendre le Seigneur ! » Ef de fait, le Seigneur
se manifesta. Devant lui un vent intense et violent, entrouvrant les
monts et brisant les rochers, mais dans ce vent n'était point le Seigneur.
Après le vent, une forte secousse ; le Seigneur n'y était pas encore. Après
la secousse, un feu ; le Seigneur n'était point dans lefeu. Puis, après le
feu, la voix d ’un doux silence.
| Rois 19, 8-12
Chabbat
120 La Torah
de la loi mosaïque. Les prophètes du Dieu unique dénoncèrent
ces dérives, reprochant à la reine d’être la cause de ce dévoiement.
Percevant le danger que représentaient ces porte-parole de l'Éternel,
Jézabel décida leur massacre.
L'épreuve du Carmel
Rescapé de cette tuerie, Élie va alors affronter courageusement
Achab et Jézabel. Son courage, Élie le puise dans sa conscience de
la présence de Dieu dans l'Histoire, le seul Roi et le seul Juge de
l'univers. Et ce Roi absolu ne supporte ni la corruption ni l'injustice.
En fait, la royauté des hommes n’a de sens que si les dirigeants poli-
tiques incarnent et introduisent le droit et la justice dans la société ;
sinon, aux yeux de Dieu, ils ne sont que des usurpateurs, signant
par là leur condamnation. Certes le règne d’Achab fut, de l'avis
des historiens, relativement prospère, malgré la menace assyrienne,
mais sa lignée s’éteindra avec la destruction de Samarie en -722.
Afin de montrer la puissance divine sur les forces de la nature, Élie
demande au ciel de n’envoyer ni pluie ni rosée durant trois ans.
Dieu l’exauce. Mais le cœur de la reine demeure aussi fermé que
la voûte céleste. Élie ne s’avoue pas vaincu et décide de défier les
prêtres de Baal au mont Carmel, qui surplombe la ville de Jaffa. Le
défi s’exprime à travers une ordalie. Les prêtres de Baal d’abord,
Élie ensuite, vont présenter une offrande d'animaux sur un autel,
mais sans les consumer. Cette combustion sera accomplie par un
feu du ciel que chaque acteur sollicitera de sa divinité.
C'est un Élie déterminé et en colère qui se présente face à une
foule nombreuse, réunie dans l'attente des événements. « Jusqu'à
quand clopinerez-vous sur deux pieds ? Si l'Éternel est Dieu, allez
à sa suite, et si c’est Baal allez à sa suite ; mais le peuple ne répondit
nul mot. » Incertitude du peuple qui vit dans une double croyance
dont il ne perçoit pas l’incompatibilité.
Les prêtres de Baal commencent leur liturgie, implorant ce feu de
la victoire ;mais rien ne se passe. Les heures s’écoulent et Élie se
fait ironique: « Criez plus fort, peut-être dort-il ou est-il parti en
La réponse de Dieu
Élie constate tristement l'échec de sa mission. Il refuse de demeu-
rer au milieu d’une nation ingrate et se retire dans le désert du
Horeb pour y réclamer la mort. Il marche sur les traces de son
prédécesseur, le grand Moïse, qui reçut sa première prophétie dans
ce désert, au milieu d’un buisson ardent. Élie pénètre dans l’une
des cavernes, située à flanc de colline. Sans doute tous les événe-
ments passés se bousculent-ils dans sa tête. Son enthousiasme, ses
miracles, ses oracles, ses colères n’ont finalement eu aucun effet.
Mérite-t-il d’être un prophète de Dieu ? Où se situent ses failles,
ses erreurs ? Ces questions taraudent l'esprit de l’homme usé par
ses combats. Attend-il une réponse du Ciel ?
Comme au mont Carmel, Dieu offre de nouveau une réponse à
son prophète. Cette réponse est présentée dans notre exergue. « Le
Seigneur n'était pas dans la tempête... Le Seigneur n'était pas
dans le séisme... Le Seigneur n'était pas dans le feu ! » La tradi-
tion interprète cette théophanie comme on décrypte une parabole.
La tempête, le séisme, le feu traduisent des forces naturelles, des
puissances destructrices. L'ensemble de ces puissances ne symbo-
lise-t-1l pas Élie lui- même, habité d’une passion dévorante pour
Dieu, une passion sans compromission ?
122 La Torah
« Après le feu, la voix d’un doux silence ! » À travers cette manifes-
tation, Dieu pose une limite à l’usage de la violence. Finalement, la
violence n’entraîne que la violence, et le nom de l'Éternel n'est pas
plus reconnu par les hommes.
À nos yeux, ce texte constitue un moment clef de l’histoire biblique.
Autant les récits antérieurs sont imprégnés de l’appel à la guerre
contre les idolâtres, d’imprécations terribles contre les Cananéens,
autant les prophéties postérieures porteront le signe de la paix de
Dieu. Le prophète Zacharie (4, 6) le proclamera plus tard : « Ni par
la force, ni par la puissance, mais par Mon souffle, déclare l'Éternel
des armées [désignation du cosmos dans la Bible]. »
La voix du doux silence inaugure une nouvelle pédagogie religieuse,
imprégnée de patience, de pardon, de compassion et d'amour du
prochain. Mais Élie peut-il entendre ce nouveau discours, lui qui
possède un tempérament de feu ?
Le retour d’Élie
La tradition rabbinique enseigne que lorsque Élie accusa le peuple
d'Israël d’avoir abandonné l'alliance du Sinaï, Dieu lui rappela
que l'alliance de la chair, la circoncision, était toujours pratiquée.
Dans sa chair, le peuple d'Israël ne fut jamais infidèle à la mémoire
d'Abraham. Conséquence de cette accusation, Dieu imposa à
Élie d’être présent à toutes les circoncisions futures des familles
juives. Telle est l’origine textuelle de la chaise du prophète Élie sur
laquelle s’assoit le parrain de l'enfantà circoncire.
Élie quitta ce monde d’une manière grandiose : il fut enlevé, corps
et âme, dans un char de feu. Il ne pouvait en être autrement pour
un personnage qui vivait dans une proximité presque physique avec
Dieu. Héros légendaire, avons-nous dit, Elie va devenir le compa-
gnon de quelques sages et autres mystiques, à qui il offre des appa-
ritions instructives.
124 La Torah
bienvenu de l'Éternel ? Mais voici leJeûne que J'aime : de rompre les
chaînes de l'injustice, de dénouer les liens de tous les Jougs, de renvoyer
libres ceux qu'on opprime, de briser enfin toute servitude ; Puis encore,
de partager ton pain avec l'affamé, de recueillir dans ta maison les
malheureux sans asile. Quand tu vois un homme nu, de le couvrir, de
ne jamais te dérober à ceux qui sont comme ta propre chair ! C'est alors
que ta lumière poindra comme l'aube, que ta guérison sera prompte
à éclore ; ta vertu marchera devant toi, et derrière toi la majesté de
l'Éternel 'fermera la marche.
Isaïe 58, 1-9
Le Messie
Le Messie, en hébreu machiah, a reçu l'huile d'onction sur la tête afin d'être
distingué des autres hommes pour exercer un pouvoir. Dans la société hébraïque,
il existe deux « oints » : le prêtre (pouvoir religieux) et le roi (pouvoir politique),
c'est de ce dernier que parle Isaïe. Le judaïsme croit dans un Messie qui viendra à
la fin des temps pour rassembler les tribus d'Israël et inaugurer un monde pacifié
et monothéiste.
126 La Torah
Le vrai jeûne de l'Éternel
Le passage que nous avons choisi occupe une place singulière dans
la liturgie israélite, puisqu'il est lu le jour de Kippour, à l’office du
matin (Paprès-midi a l'honneur du livre de Jonas). Kippour signi-
fie « expiation » ; en ce jour, la communauté juive jeûne durant
vingt-cinq heures de la veille au coucher du soleil au lendemain
à la sortie des étoiles. La date hébraïque de cette fête correspond
au 10 du mois de Æichri. Selon la tradition, c’est à cette date que
Dieu pardonna la faute du veau d’or (Ex 33-34). Depuis, Kippour
a été établi en jour du repentir (#chouva), de retour vers Dieu, et
surnommé communément « jour du grand pardon ».
Situons le contexte de notre passage : Isaïe se trouve dans le
Temple de Jérusalem. Durant cette solennité, le grand prêtre
(cohen gadol) effectue le culte sacrificiel et pénètre exceptionnel-
lement dans le lieu interdit à tout homme : le Saint des saints.
Il y prie pour le bonheur matériel et spirituel du peuple d'Israël.
La foule nombreuse assiste à ce cérémoniel conforme au livre du
Lévitique (Lv 16). Le prophète entend les supplications adressées
à l'Éternel : « Pourquoi jeûnons-nous, sans que Tu t’en aperçoives ?
Mortifions-nous notre personne, sans que Tu le remarques ? » Le
peuple attend la protection divine contre la menace babylonienne,
mais les nouvelles n’augurent rien de bon. Isaïe reçoit l'inspiration
divine et, à l’instar de tous les prophètes, il ne peut plus taire sa
voix. Alors, sans craindre la riposte du public, Isaïe exprime l’un
des textes les plus puissants de la Bible.
Il commence par dénoncer un culte mécanique, sans âme et sans
cœur. Pire, le jour du jeûne, certains lèvent le poing, insultent leurs
voisins. Mais, surtout, la situation sociale reste inchangée : les riches
continuent de s'enrichir en écrasant les pauvres. Si, pour la Bible,
la richesse ne fait pas scandale, car elle est bénédiction divine, la
pauvreté, elle, reste toujours scandaleuse. Les hommes auraient-ils
oublié tous les appels à l'équité formulés dans la Torah : « ton frère
vivra avec toi » (Lv 25, 36), « tu ouvriras ta main » (Dt 15,8 et 11),
et tant d’autres ? Dans les cités judéennes, des hommes ont faim,
ont froid, sont spoliés de leurs biens vitaux. Ici, dans le sanctuaire,
Ainst parle l’Éternel des armées (du cosmos), le Dieu d'Israël, à toute
la diaspora que J'ai dispersée de Jérusalem à Babylone : Bâtissez des
maisons et habitez-les ; plantez des jardins et mangez-en lesfruits ;
prenez des femmes et engendrez des fils et des filles ; prenez des femmes
pour vos fils et donnez vos filles à des hommes ; qu’elles enfantent des fils
et des filles ; multiphiez-vous là-bas et ne diminuez pas ! Et recherchez
la prospérité du pays où Je vous ai déportés et priez lÉternel en sa
Car ainsi parle ! Éternel : Dès que soixante-dix ans seront accomplis
pour Babylone, Je vous visiterai et Je réaliserai pour vous ma bonne
parole, en vous faisant revenir dans ce lieu. Car moi Je sais les projets
que Je projette pour vous — projets de prospérité et non de malheur,
pour vous donner un avenir et une espérance. Alors, quand vous
M'invoquerez et que vous viendrez Me prier, Je vous écouterai ;
quand vous Me chercherez, vous Me trouverez, car vous Me
rechercherez de tout votre cœur ;Je me laisserai trouver par vous —
oracle du Seigneur — Je changerai votre sort et Je vous rassemblerai de
toutes les nations et de tous les lieux où Je vous aurai chassés — oracle du
Seigneur. Je vous ferai revenir dans le lieu d'où Je vous ai déportés.
Jérémie 29, 4-14
130 La Torah
Pourtant, jusqu’au bout, Jérémie restera confiant en l'avenir, espé-
rant que la classe dirigeante, le roi, les juges, ses frères prêtres se
ressaisiraient en abandonnant la corruption et l'orgueil du pouvoir.
Son combat pour une plus grande justice sociale rencontra une
difficulté supplémentaire en la présence d’un prophète qui annon-
çait le bonheur, alors que lui, Jérémie, alertait la nation du danger
imminent représenté par Babylone. Ce prophète se nommait
Hanania, fils d'Azur.
Pour mieux situer ce conflit entre les deux hommes, il nous faut
parler ici de la communication prophétique. Le prophète, en tant
que porte-parole du Ciel, doit pouvoir se faire entendre par ses
contemporains dans un temps où « la transmission de l'info » reste
grandement limitée. À défaut de disposer d’un organe de presse, le
prophète use de signes et d’attitudes symboliques. On se souvient
que Moïse et Aaron se présentèrent devant le pharaon et sa cour,
en jetant à terre un bâton qui devint serpent, dévorant les deux
reptiles du roi d'Égypte (Ex 7, 10). Par-delà le miracle, l’'Hébreu
voulait mettre en garde le pharaon, dont l'emblème totémique
était le serpent, et lui signifier que sa couronne pouvait vaciller
devant le pouvoir de l'Éternel.
Dans ce même esprit, Jérémie se voit contraint par Dieu de tremper
sa ceinture neuve dans un fleuve jusqu’à pourrissement. Présentant
ensuite cette ceinture détériorée aux yeux de la foule, le prophète
exprimera son oracle contre Samarie et Juda, les deux royaumes
qui furent si proches de Dieu comme la ceinture sur les reins, mais
qui finirent par se corrompre.
Lorsque dans l'enceinte du Temple Jérémie rencontre Hanania en
présence des prêtres et d’un peuple nombreux, notre héros porte
sur ses épaules un joug, nouveau symbole de la domination babylo-
nienne. Hanania prophétise que dans deux ans la puissante Baby-
lone tombera et que les objets du Temple seront rendus. En signe
d'assurance, Hanania brise au sol le joug de Jérémie. Ce dernier,
L'espérance de Jérémie
Finalement, Jérémie ne fut pas écouté. Lui qui proclama aux diri-
geant du peuple : « Servez le roi de Babel et vivez ! » ne trouva que
des oreilles sourdes. Jérusalem et son Temple furent détruits, et la
population rescapée exilée en Babylonie.
Nonobstant la formule talmudique qui n'entend du discours de
Jérémie qu'une longue réprimande, Jérémie annoncera l’après-
catastrophe : au bout de soixante-dix ans, l'Éternel se souviendrait
de son peuple et le ramènerait sur sa terre ancestrale. Jérémie, lui
qui dénonça toutes les failles morales de la société judéenne, qui
osa comparer le Temple à « un repaire de brigands » et Israël à une
épouse infidèle, voire à une prostituée, trouva les mots justes pour
redonner courage aux déportés. Que leur disait-il en substance ? De
construire des villes, de planter des vergers, de fonder des foyers, de
marier les enfants. En d’autres termes, la vie ne doit pas s'arrêter sur
le passé, aussi tragique fût-il. Jérémie demanda même de prier pour
la paix de Babylone, car « par sa paix, vous aurez la paix ». Cette
requête est d’ailleurs à l’origine de la prière récitée aujourd’hui dans
les synagogues françaises, nommée « prière pour la République ».
132 La Torah
La promesse du retour se réalisera avec la victoire de la nouvelle
puissance perse, Cyrus accordant aux Judéens de son royaume
l'autorisation de construire le second Temple. L’exil ne sonna donc
pas le glas d'Israël ; et telle la graine dans son terreau, une nouvelle
germination se préparait.
C'est le pécheur qui mourra, maïs lefils ne portera pas la faute du père
et le père ne portera pas la faute du fils, la justice du juste est imputable
au juste et la méchanceté du méchant au méchant. Mais si le méchant
revient de toutes les fautes qu'il a commises, qu'il observe Mes lois et
pratique le droit et la vertu, il vivra et ne mourra pas. Aucune faute
qu'il a commise ne lui sera imputée ; grâce à la justice qu'il a pratiquée
1] vivra. Est-ce que Je souhaite la mort du méchant ? dit le Seigneur
Dieu. Je préfère qu'il revienne de sa conduite et qu'il vive !
Ézéchiel 18, 20-23
Un prophète passionné
Quel prophète biblique n’est pas plus ou moins passionné, voire
fanatique ? Ce serait faire fi du caractère oriental de ces hommes
(ou femmes). Oui, Ézéchiel, comme Élie ou Moïse, nourrit un
amour ardent et illimité pour son Dieu, et conséquemment pour
Son peuple, Sa terre et Son sanctuaire. Au nom de cet amour
Responsabilité ndividuelle
Plus que tout autre prophète, Ézéchiel met l'accent sur la respon-
sabilité individuelle face à la loi divine : « Le fils ne portera pas la
faute du père et le père ne portera pas la faute du fils. »
À son époque, une autre doctrine, populaire celle-là, circule dans
les chaumières. On répétait : « Les pères ont mangé des raisins
verts et les dents des enfants ont été agacés », ce qui signifiait que
les enfants payaient pour la faute des parents. Le peuple pouvait se
sentir moins coupable en faisant remonter la faute aux générations
antérieures. Ézéchiel refuse catégoriquement cette conception de la
transmission des péchés. Pour lui, chaque nouveau-né possède un
casier judiciaire vierge devant le Ciel. Ce seront ses actions futures,
bonnes ou mauvaises, qui détermineront de la sanction ou de la
récompense qu'un homme mérite.
À cette doctrine, Ézéchiel ajoute un principe dont la source
remonte au Sinaï, quand l'Éternel pardonna la faute du veau
d’or (Ex 32, 14) : le principe de repentir (féchouva). Non seule-
ment l’homme possède un libre arbitre pour choisir entre le bien
et le mal, mais rien n’est jamais définitif dans une vie humaine.
Le contrevenant à la loi peut faire amende honorable et décider à
partir de ce moment de bien se conduire. Dès lors, le mal commis
se trouve annulé, « les compteurs sont remis à zéro », et l’homme
vivra devant Dieu. Par cette doctrine, il espérait autant souligner
136 La Torah
la responsabilité de ses contemporains que les éveiller à un sincère
retour vers Dieu. C’est d’ailleurs par cet appelà la vie:« Est-ce que
Je souhaite la mort du méchant ? dit le Seigneur Dieu. Je préfère
qu'il revienne de sa conduite et qu il vive » que s'achève la grande
solennité de Kippour, faisant d'Ézéchiel un prophète de l’espé-
rance pour toutes les générations.
Miroir du peuple
Osée marche dans les rue de Samarie avec Gomer, connue pour
son passé aventureux, précédés de leurs trois jeunes garçons aux
noms outranciers, que l’on rappelle quand ils s’éloignent trop. Ce
mariage bien réel exhale pourtant une aura d’allégorie. Les gens
parlent, les conciliabules vont bon train : que fait le prophète, le
saint de l'Éternel, avec cette femme aux amants multiples ? Et pour-
quoi avoir choisi de tels noms pour leurs enfants, quand l’histoire
juive en offre de plus beaux et de plus célèbres ? Aujourd’hui, un
tel couple alimenterait la presse people ! La réponse se trouve dans
le scandale même de ce mariage : Osée vit la condition de Dieu ; le
couple est le miroir d'Israël.
140 La Torah
Jonas, un prophète à convertir?
La parole de 1’Éternel fut adressée à Jonas, fils d'Amitaï, en ces termes :
« Lève-to1 ! Va à Ninive, la grande ville, et prophétise contre elle ;
car leur iniquité est arrivée jusqu'à moi. » Mais Jonas se leva pour
fuir à Tharsis, hors de la présence de !’Éternel ; il se rendit à Jafja,
où 1] trouva un vaisseau en partance pour Tharsis. IT paya le passage
et sy embarqua pour aller avec eux à Tharsis, loin de la Présence
de l'Éternel. Or, l'Eternel suscita un vent violent sur la mer et une
grande tempête s’y éleva ; le vaisseau pensa se briser. Les matelots
Prirent peur, et chacun d’invoquer son Dieu. Ils jetèrent à la mer les
objets qui se trouvaient sur le vaisseau afin de l'alléger. Pour Jonas,
1l était descendu au fond du navire, s’y était couché et profondément
endormi.
Un récit surprenant
Dans la série des douze « petits » prophètes, le livre de Jonas
occupe une place singulière. Les quatre chapitres de ce « suspense
biblique » nous présentent un prophète qui fuit sa mission, qui
refuse d'écouter Dieu, qui n'hésite pas à se cacher au fond d’un
bateau et qui, au terme de sa tâche, se permet de réprimander son
Créateur, jugé trop clément à ses yeux. Ni Moïse ni Job n'étaient
allés aussi loin dans la contestation.
Sans doute l’élément le plus pittoresque se trouve-t-il mentionné
au chapitre 2, quand Jonas va passer trois jours dans le ventre d’un
poisson, que la tradition populaire affirme être une baleine. Le
texte surprend si bien que les maîtres les plus orthodoxes y verront
une allégorie sur le rapport entre Israël et les nations, et sur la
valeur du repentir. C’est en raison de ce dernier thème que la Syna-
gogue a introduit la lecture de ce récit durant le grand jour solennel
de l’année juive : le jour de Kippour (voir page 28). C’est en effet
au cours de l'office de l’après-midi de ce jour de jeûne, quand les
12. Paru dans Tribune juive de septembre 2000, le texte est ici remanié.
La fuite de Jonas
Dieu s'adresse à Jonas et lui demande de partir à Ninive, capitale
de l’Assyrie, du fait de la méchanceté des habitants qui a atteint
son comble. Invariance biblique : l'Éternel ne peut rester indif-
férent à la haine, à la violence, à l'injustice, à l’exploitation des
pauvres et des faibles. Tout se passe comme si le mal s’accumulait
au fil des infractions jusqu’à former un amoncellement de malices,
finissant par rejoindre le trône divin.
On se souvient de la violence des contemporains de Noé qui
périront dans le Déluge (Gn 6, 13), ou des fautes répétées des
Sodomites qui entraîneront un autre déluge, de feu et de soufre
(Gn 19, 24). Même la conquête de Canaan est justifiée par les
abominations des Cananéens (Lv 18, 26 à 29). Dieu est patient,
mais Sa patience connaît des limites, quand les sociétés atteignent
à Ses yeux des points de non-retour.
Dieu se choisit donc un prophète pour mettre en garde les Ninivites,
les invitant à revenir de leurs mauvaises conduites, à faire féchouva,
c'est-à-dire à réaliser un authentique retour moral. Somme toute,
c'est bien là la fonction prophétique ! S'il peut décrire des visions
d'avenir, dépeindre les temps eschatologiques, le rôle du prophète
consiste d’abord à dire avant de prédire, à voir avant de prévoir.
Loin de se réduire à un devin ou un oracle, le prophète agit en tant
que contre-pouvoir dans la cité afin d'y proclamer les principes
moraux de l'Eternel, ici et maintenant.
Jonas ne l'entend pas de cette oreille. Et sans aucune justification,
l’appelé s'enfuit. Il descend vers le port de Jaffa et s’embarque pour
Tharsis, un ancien port de Cilicie (en Turquie actuelle). Pense-
t-il que le Dieu du ciel et de la terre n’est pas aussi Celui de la
mer ? La tempête qui se déchaîne va vite lui servir de leçon. Mais
alors qu'une panique générale s'empare de l'équipage, Jonas ne
142 La Torah
trouve rien de mieux à faire que de descendre en fond de cale pour
dormir. Sommeiller, quand les matelots tentent de regagner le
rivage ; rêver, quand les marins se battent physiquement contre les
flots déchaînés ; s’oublier, quand des bateliers, autant par esprit de
survie que par solidarité, œuvrent ensemble pour sauver leur exis-
tence. Epuisés, les matelots se tournent alors vers le Ciel, chacun
invoquant son dieu.
Une coutume ancienne conseille un tirage au sort pour connaître
le coupable. Le sort désigne Jonas (on croit entendre la comptine
« Il était un petit navire »). Découvert dans sa sombre cachette, il
est sommé par le capitaine de décliner son identité. Et là, Jonas
révèle à la cantonade ses origines : « Je suis hébreu, et je crains
l'Éternel qui a fait les cieux et la terre, et certes, je suis la cause
de ce malheur car je me suis enfui de devant Lui. » Le groupe
est retourné par cette déclaration, mais leur surprise atteint son
comble quand Jonas déclare : « Jetez-moi à la mer pour que la mer
se calme. » Non sans hésiter, les marins obtempèrent, et les eaux
retrouvent leur calme d’huile. Les compagnons de fortune offrent
alors des sacrifices au Créateur de l’univers. Une conversion au
monothéisme ? En tout cas, après la déclaration de Jonas, le texte
ne les appelle plus « marins » mais « hommes ».
De la mer à Ninive
Pendant ce temps, Jonas se retrouve avalé par un poisson (le texte
ne dit jamais aleine), dans le ventre duquel il passe trois jours. Du
fond des mers, le prophète exprime un psaume émouvant où il
reconnaît la toute-puissance divine. Subjugué (ou submergé) par
cette puissance, accepte-t-il enfin d’assumer sa mission ?
Vomi sur la terre sèche, l'Éternel lui parle une seconde fois, et là Jonas
se met en marche vers la capitale assyrienne. Autant son discours
est prolixe dans les entrailles de l'animal, autant ici son oracle se
réduit, en tout et pour tout, à cinq mots qu'il répète peut-être en
boucle : Od arbaïm yom véninvé néhépa'het, « Encore quarante jours,
Ninive retournée ». Jonas fait mouche : le roi de Ninive quitte son
L'ombre de Noé
144 La Torah
se ravisa d’avoir fait l’homme » du fait de la méchanceté de son
cœur (Gn 6, 6). Noé entend le verdict et construit son arche, « sans
verser une larme », dit un midrach. Mais Dieu veut-il la mort du
pécheur ? Par ailleurs, le prophète Ézéchiel (18, 23) n'a-t-il pas
proclamé au nom du Ciel : « Je ne désire pas la mort du pécheur
mais qu'il revienne vers Moi et qu’il vive. »
Ici Dieu essaye une nouvelle stratégie de salut : choisir un émissaire
pour faire revenir les pécheurs, et le verset de confirmer : « Dieu
se ravisa du mal qu'il avait voulu faire, et Il ne le fit pas. » Dieu se
ravise dans l’autre sens comme si le récit de Jonas se présentait
en contre-récit du déluge. On remarquera d’ailleurs que dans ce
texte, personne ne périt, ni homme ni animal, alors que le déluge
recouvre l'humanité et les bêtes.
Jonas aurait dû être un nouveau Noé plus compréhensible qu'il ne
sera, et à défaut de se retrouver dans une arche au-dessus des eaux,
il se retrouvera dans le ventre d’un poisson au milieu des mers.
Ce Jonas restera longtemps enfermé dans son intransigeance,
symbolisée par ses descentes depuis Jaffa jusque dans son
sommeil, comme s’il se disait : « Après moi le déluge. » Il attendra
la destruction de Ninive qui ne viendra pas, puisque l'Éternel a
pardonné. C’est alors qu’il recevra lui aussi sa leçon à travers le
ricin bienfaisant rongé en une nuit. Jonas sera un prophète malgré
lui, humanisant des marins idolâtres, ramenant sur le droit chemin
des Ninivites fauteurs. Au bout du compte, il lui fallait réaliser sa
propre conversion, acceptant que le Dieu de justice soit aussi Je
Dieu d'amour.
Pour vous qui révérez Mon nom, se lèvera le soleil d'équité, portant le
salut dans ses TayONs ; el VOUS paraïtrez, et vous vous ébattrez comme
de jeunes taureaux sortant de l'étable. Et vous foulerez les méchants
qui se réduiront en poussière sous la plante de vos pieds au jour que je
prépare, dit l'Éternel des armées. Souvenez-vous de la Loi de Moïse,
Le dernier prophète
Malachie (Mala’hi, « Mon émissaire ») sera le dernier prophète
canonisé de la Bible. Après lui, le phénomène prophétique s'éteint.
Certes, le Talmud rapporte des révélations divines faites à certains
maîtres, de même que la Kabbale, la mystique d'Israël, témoigne
de visions accordées à quelques êtres d'élite. Mais pour les rabbins,
il s’agit de comprendre que le phénomène prophétique, en tant
qu'événement universel de communication entre le ciel et la terre,
connaît son terme ; ce qui ne signifie pas que des annonces indivi-
duelles n'aient pas pu avoir lieu ici et là. Ils proposent d’ailleurs ce
découpage de l'Histoire :
146 La Torah
Nous ne savons rien de la vie de ce prophète hormis que son minis-
tère se déroula après la construction du second Temple de Jérusalem,
vers le v° siècle avant l’ère chrétienne. Certains rabbins du Talmud
ont vu en Malachie l’autre nom d’Esdras, le grand organisateur du
culte au retour de l'exil. Selon l’exégète espagnol Abraham ibn Ezra
(voir page 46), rien ne prouve cette allégation.
Nous retiendrons des trois chapitres que nous lègue Malachie
quelques leçons qui rendent l'esprit de ce prophète.
Il est clair pour Abraham ibn Ezra que les idolâtres restent des
idolâtres ; 1l suffirait cependant que l'Éternel se révélât à eux pour
que ces derniers concurrencent haut la main la froide religiosité des
Judéens. Raisonnement par l’absurde qui pourrait fonctionner, avant
d’ajouter cette explication entendue de la bouche d’un sage espagnol :
L'Eternel envisage que tous les rites 1dolâtres opposés pourtant à Sa
propre révélation sont à considérer comme si les nations, du lever au
coucher du soleil, ne servaient que Dieu.
148 La Torah
De Moïse à Élie
Le conflit des générations est évoqué par Malachie en conclusion
de son discours. Rien ne garantit qu’un enfant suive les traces de ses
géniteurs. Déjà, la Bible présente Abraham en personnage extra-
verti, contre l'introversion de son fils Isaac. L'interprétation psycha-
nalytique de la ligature d’Isaac (Gn 20) s'entend d’ailleurs comme
le dépassement d’une rivalité latente entre le père et le fils.
Malgré ce conflit toujours possible entre les parents et les enfants,
entre les rationalistes et les mystiques, entre les Anciens et les
Modernes, « la Torah de Moïse » ne doit pas être oubliée. Elle
constitue « l’héritage de la maison de Jacob » (Dt 33, 4), le bien le
plus précieux d'Israël.
Pour les sages (Midrach, Dévarim Rabba), cette désignation
« Torah de Moïse », et non « Torah de l'Éternel », honore le grand
prophète : « La Torah est nommée de celui qui a investi toute son
âme pour la recevoir.» La leçon mérite d’être méditée par chaque
génération. Bien entendu, ce souvenir de la Torah de Moïse ne
signifie pas rester prisonnier du passé des pères. Chaque généra-
tion, avec son questionnement, pourrait faire bouger le discours,
l'adapter à sa modernité, tout en restant fidèle à l'esprit qui lui
donna vie.
Malachie reste pourtant conscient que le conflit entre les
hommes ne sera pas résorbé avant la fin des temps ; notre monde
restera celui des tensions entre pères et fils, des conflits de géné-
rations. Ici c’est l’image d’un autre prophète, celle d'Élie, qui
est évoquée. Celui qui usa de trop de violence au nom de Dieu
(voir page 119) reviendra pour la paix des cœurs, réconciliant les
lignées humaines.
De Moïse, le grand prophète de la révélation, à la parousie d'Élie,
annonciateur d’un monde nouveau, Malachie boucle la boucle de
la cohérence biblique. Tout est dit, suffisamment dit en tout cas.
Et déjà un autre temps voit le jour, non plus celui de la prophétie,
mais celui de la sagesse, fille de la raison, dans l'attente des jours
heureux de l'humanité.
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CHAPITRE 4
KÉTOUVIMOU
LE LIVRE DES ÉCRITS
Au programme
De Moïse à David
Le livre des Psaumes est associé à la figure du roi David. Bien que
l'on y trouvât d’autres noms d’auteurs (Moïse, Salomon, Assaf.…),
le grand roi d'Israël y a laissé une empreinte indélébile. Face au
guerrier qu'il fut durant une bonne partie de son existence, l’image
du souverain composant sur sa lyre des louanges à l'Éternel l’a
emporté dans la ferveur populaire.
Le livre des Psaumes, ou 7éhélim, est traditionnellement divisé
en cinq livres, comme la Torah. La Bible ne contient donc pas
un, mais deux Pentateuques. Comment expliquer ce choix de la
Synagogue ? Il vise à souligner la complémentarité de la voca-
tion de Moïse et de celle de David. Si le premier fait descendre
la parole de Dieu au milieu des hommes, David fait monter la
prière de l’homme jusqu’au trône de Dieu. Aucune parole divine
n'est mentionnée dans le livre. Si Moïse inaugure la dimension du
maître, David initie la conduite du chantre, si bien que l’étude et la
prière constitueront deux piliers fondateurs de la foi d'Israël.
Ce double mouvement du ciel vers la terre et de la terre vers le
ciel se révèle à la lecture du premier et du dernier verset de chaque
rouleau. La Torah débute en citant le nom de Dieu, « Elohim »,
152 La Torah
qui crée les cieux et la terre, et se termine par « Israël », peuple
témoin des hauts faits de l'Éternel en Égypte. Quant aux Psaumes,
il commence par « heureux l’homme » et culmine par un alléluia, un
« louez Dieu », chanté au rythme des instruments de musique du
Temple.
Ces 150 psaumes ont ceci de particulier qu'ils expriment les
états d’âme du psalmiste, auquel tout lecteur peut s'identifier :
la joie, l'euphorie, la sérénité, le doute, la colère, l’impatience,
la gratitude, la confiance, la contemplation, l’'étonnement, la
curiosité, la méditation, la haine, l’espoir, l'amour. Ces senti-
ments jaillissent de situations aussi nombreuses que variées : le
psalmiste pourra se trouver au milieu des pèlerins montant à
Jérusalem ou face à un groupe de moqueurs ; devant une nature
chatoyante ou dans l’esseulement d’une chambre à coucher. Pour
dire sa foi, l’auteur restera ici purement descriptif, alors que là
le mode liturgique l’emportera ; parfois des souvenirs personnels
ou ceux de la nation l’enivreront, alors que d’autres moments lui
feront entrevoir un avenir proche ou eschatologique. Toutes ces
modalités, toutes ces couleurs font du 7éhélim un livre à vivre
autant qu'un livre à lire.
Un berger personnel
Le psaume 23 est lu à la synagogue le vendredi soir, à l'office
de l'accueil du chabbat. Il décrit dans un langage allégorique le
rapport entre l’homme et son Dieu : l'Éternel est mon berger. Ce
lien d’appropriation sous-entend que l’homme se compare à une
brebis ou un agneau. Appartient-il à un troupeau ? Est-il l’unique
bête, comme dans la parabole du prophète Nathan (II Samuel
12) ? Quelle que soit la réponse, il ressent la proximité de son
maître. L'auteur joue même sur le mot roi, « mon berger », qui se
rapproche de réï, « mon ami ».
Le pasteur idéal ne peut se réduire à un gestionnaire d'une totalité
grégaire, au seul souci de rentabilité, mais il est le pasteur attentif
de chacune des vies à sa charge.
Par-delà le manque
Conscient de recevoir l'amour de Dieu, le psalmiste chante son
berger qui le guide à travers les vicissitudes de l’existence, et l’auto-
rise à dire « je ne manquerai de rien ». La condition humaine par
nature porte le manque à combler. Sans air, sans nourriture, sans
amour, le bébé ne peut survivre, il ne peut se développer dans son
corps et dans son esprit. Lorsqu'il sera plus grand, les choses ne
changeront pas, sauf que les sollicitations, et donc les manques à
combler, se multiplieront.
Le verset peut s’interpréter au moins sur deux niveaux (il en existe
une infinité selon la tradition). Tout d’abord, Dieu pourvoit aux
carences. Le Créateur est l’Être qui donne ; la créature, l’être qui
reçoit. Le psalmiste exprime une conviction profonde : Dieu ne peut
abandonner Ses créatures, et les besoins essentiels seront toujours
assurés, soit directement par la nature généreuse, soit par la loi
de la fraternité sociale quand l'Éternel demande d'ouvrir sa main
afin d'offrir à autrui ce qui lui fait défaut (par exemple, Dt 15,8).
Dans cette vision, le monde ne se présente pas uniquement comme
un espace d’affrontement de forces aveugles et destructrices, mais
aussi comme lieu de bénédiction.
Dans une seconde lecture, le vérset éclaire une dimension plus
psychologique : la conscience de Dieu en tant que « mon berger »
suffit à procurer le bonheur de la créature. Certes, celle-ci restera
toujours dépendante de sa dose d'oxygène, de son pain quotidien,
des appels de sa vie biologique, physiologique, instinctive — l’homme
n'est pas un ange et n’est pas non plus invité à le devenir —, mais
154 La Torah
toujours dans la joie d’une proximité avec « mon berger ». Nous
touchons ici à l’un des thèmes majeurs du livre des Psaumes : le
bonheur du croyant. Alors que nous, Modernes, revendiquons
souvent un bonheur légitime, l’'Hébreu reçoit ce bonheur consé-
quemment à une conduite conforme à la Torah.
L'hôte de Dieu
À partir du verset 5, l’allégorie change de ton. « Tu dresses la table
devant moi. » Le psalmiste n’est plus comparé à une brebis mais
à un convive (humain), attablé en présence du Seigneur. Il reçoit
d’ailleurs l’accueil que l’on accordait à tout voyageur dans la cité
hébraïque : un repas, une coupe de vin et même un peu d'huile
parfumée que l’on versait sur les pieds et les cheveux de l'hôte.
Protégé par Dieu, il se sent fort face à ses adversaires. Qui sont
donc ces ennemis qui reviennent sans arrêt dans le livre des
Psaumes ? Les méchants, les iniques, les médisants, les blasphé-
mateurs.… ; le psautier connaît plus d’une centaine de noms pour
qualifier ces adversaires. Certes, David connut de nombreux rivaux
qui voulurent attenter à sa vie ; citons le roi Saül, jaloux de la
victoire de ce jeune berger qui terrassa Goliath, ou encore Absa-
lon, le propre fils du souverain qui déclara la guerre à son père pour
s'emparer du trône. Mais il semble qu'il faille aller plus loin dans
l'analyse en s’immergeant au cœur du discours biblique pour se
rendre compte d’un conflit plus profond qui exclut toute nuance,
tout compromis et toute compromission.
Dans cette vision, l’histoire se divise en deux camps : celui du bien
et celui du mal. Les tenants de ce duel sans merci sont le juste
(/sadik) et l’impie (racha). Le premier assume la parole divine qui
délimite les frontières du bien, le second se rebelle, définissant
par là le cadre du mal. Le premier se veut collaborateur de Dieu,
le second veut vivre sa vie à la mesure de son désir. Le premier
aiguise son être à l’aune d’une éthique exigeante, le second ne
recherche que sa propre satisfaction, en niant toute valeur pérenne
à la morale. L'un et l’autre ne peuvent coexister. Tels sont les
protagonistes qui s'affrontent dans ce livre de louanges, avec cette
conviction de l’auteur : le méchant finira dans le néant, dans les
156 La Torah
ténèbres qu'il aura lui-même tissées, alors que le juste se retrouvera
à la table de Dieu pour le festin final qui marquera le triomphe
du bien.
Pour arriver à ce repas ultime, l’auteur doit réussir son existence, ce
qui signifie parvenir à une mutation, à une sorte de métamorphose
anti-kafkaïenne : de brebis, le héros doit devenir homme, de nature
humaine il doit assumer son image divine qui le fera grandir aux
yeux de Dieu autant qu’à ses propres yeux.
Ce psaume est récité à l’entrée du chabbat, jour de repos et de vie
spirituelle intense après six jours de labeur. Dans le monde écono-
mique, l’homme aura toujours besoin de l’aide du Ciel pour trouver
sa pitance et sa subsistance. Au jour du chabbat, la question écono-
mique de l'avoir s'estompe devant une question plus essentielle :
savoir être. Pour le psalmiste, cela signifie accéder au niveau supérieur
de son humanité, dans un face-à-face authentique à la table de Dieu.
13. Nous nous inspirons pour cet article de notre travail de traduction du livre de Yéshaya-
hou Leibowitz, Les Fêtes juives, Éd. du Cerf, Paris, 2008.
14. Dans la Bible, Satan, dont le nom signifie « incitateur », est un ange de Dieu qui
éprouve les ones dans leur foi. Dans l'idéal, le rôle du Satan est d’être vaincu par le
croyant.
158 La Torah
nous, lecteurs, savons dès le verset inaugural que cette thèse ne
tient pas puisque Job est déclaré juste par Dieu, ce qu’Il confirmera
de nouveau à la fin du livre.
Avant la manifestation divine, Élihou intervient. Il admet que la
souffrance de Job ne trouve pas sa cause dans une faille quelconque
du personnage. Pour autant, il n'accepte pas le ton accusateur de
Job à l'encontre de Dieu car, ce faisant, il oublie l'amour divin à
la source de toute existence. Dieu pourrait-Il exclure l’homme de
cet amour infini ? Pour Élihou, l'amour de l’homme pour Dieu
ouvrirait un autre regard sur la souffrance et répondrait à l’amour
de Dieu pour l’homme.
Job ne répliquera pas à cet argument mystique. L'amour de Dieu
emplit le monde, soit ! Mais à l'échelle humaine une souffrance
reste objectivement une souffrance !
Job revendique -
Le livre surprend par les revendications intempestives de Job,
mais surtout par son côté irrévérencieux envers le Ciel. L’audace
de Job deviendra légendaire. Notre héros commence par maudire
le jour de sa naissance. Puis, par une série de débats jusqu’à la fin
du chapitre 27, la discussion devient plus profonde. Il cesse de
crier contre l'injustice de son âpre destin, car il apparaît progres-
sivement à Job que l'essentiel de son tourment ne réside pas dans
sa souffrance, mais dans son incapacité à en comprendre le sens. Le
ton change. À la limite, Job serait prêt à accepter l'injustice comme
un élément du fonctionnement de l'univers, à condition d’en saisir
la raison, car l’incompréhension est insupportable.
Job pense qu'il peut saisir cette raison puisque Dieu a doté l’homme
de l'intelligence. Cette intelligence s'exprime dans la domination
de l’homme sur la nature : la technique, l'extraction de maté-
riaux, les barrages fluviaux, la fertilisation des déserts, la construc-
tion des maisons, etc. Pourtant cette intelligence de maîtrise ne
résout pas la question essentielle du sens de l'existence. À partir
du chapitre 28 et jusqu’au chapitre 31, Job porte encore de graves
L'intervention de Dieu
Finalement, Dieu consent à se révéler, mais nulle réponse ne sera
audible. Pire, aux questions de l’homme, Dieu répond par d’autres
questions mentionnées dans notre citation : « Où étais-tu lorsque
Je fondais la terre ? » En guise de réponse, Dieu ne fait que décrire
le monde tel qu'il fonctionne, depuis le ciel jusqu’à la terre, depuis
les astres jusqu'aux différentes formes de vie, sans jamais en donner
le moindre sens. En présentant son univers, Dieu semble dire à
Job : « Voici Mon monde, à toi de décider si tu acceptes de Me
servir et de M’aimer dans ce monde-là. »
Dès lors, Job établit un nouveau rapport à Dieu, passant d’un
rapport utilitariste à un service de Dieu désintéressé.
L'épreuve de Job peut s'exprimer ainsi : si l’homme était privé des
sources de bonheur que chaque humain, en tant qu'être humain,
attend de la vie (la santé, la famille, la richesse, l'honneur, etc.),
servirait-1il Dieu avec amour ? Accepterait-il avec humilité de se
situer en face-à-face avec Dieu ou bien tournerait-il le dos au Ciel ?
La tradition juive parle de deux dimensions de la religion : le culte
intéressé et le culte désintéressé. Dans le premier cas, l’homme
attend du Ciel ses bénédictions, des plus matérielles aux plus spiri-
tuelles. Dans le second cas, l’homme n’espère rien de Dieu ; quelles
que soient les circonstances, « même s’il devait apprendre que les
portes du paradis devaient lui être fermées » (selon la formule de
Baal Chem Tov (1698-1760), fondateur du mouvement hassi-
dique), il aime Dieu d’un amour infini. À la fin du livre, Job le
juste est devenu encore plus juste, car le tissu de son existence est
fait de cette nouvelle étoffe de la foi.
160 La Torah
Le Cantique des cantiques, chanter l'amour
Que tu es belle, que tu es attrayante, mon amour, dans l'enivrement
de tes caresses ! Cette taille qui te distingue est semblable à un palmier,
et tes seins à des grappes. Je me suis dit : « Je monterai au palmier, je
saisirai ses rameaux, que Les seins soient Pour moi comme des grappes
de vigne, et l'arôme de tes narines comme celui des pommes ; et ton
Palais comme un vin exquis.
La chair et le canon
162 La Torah
Le fait que ce soit justement Rabbi Aquiba (mort en martyr, après
l'insurrection manquée contre Rome vers 135) qui ait défendu ce
livre n’est pas anodin. Le Talmud rapporte son histoire, un vrai
roman d'amour. Simple berger, ignorant, Aquiba tomba amoureux
de Rachel, la fille de son employeur. Devant le refus du père de
donner sa main à un illettré, le couple se maria secrètement et
vécut un amour intense jusqu'au Jour où Rachel demanda à Aquiba
de s'investir dans l'étude de la Torah. Il écouta la voix de sa bien-
aimée et devint le plus grand maître de sa génération. Plus qu’un
autre, Rabbi Aquiba avait compris le parallélisme pouvant exister
entre une passion humaine et une passion spirituelle.
C’est sans doute là que se situe le sens mystique du Cantique des
cantiques : si l’homme veut saisir ce que signifie l’amour de Dieu,
alors l’amour intense entre un homme et une femme restera son
modèle.
La vérité de l'amour
Les vingt-quatre livres du canon biblique ne sont pas saints
intrinsèquement, mais parce que les Sages de Yavné, après débat,
en ont décidé ainsi. Comme l’enseignait un éminent penseur du
judaïsme, le professeur Yéshayahou Leibowitz (1903-1994) :
« La religion d'Israël n’a pas été créée par les Saintes Écritures,
mais ce sont les Saintes Écritures qui sont l’une des institutions
de la religion d'Israël. » C’est là une idée révolutionnaire qui
inverse notre lecture traditionnelle. Mais historiquement c'est
ainsi que les choses se sont passées, et Rabbi Aquiba à eu gain de
cause contre ceux qui refusaient la canonisation du Cantique des
cantiques.
Dans la lignée de Rabbi Aquiba, Maïmonide inscrit le Cantique
des cantiques dans le concept de « Saint des saints », mais non pour
souligner le lien entre Dieu et le peuple juif. Pour notre auteur,
il s’agit plus généralement d’un discours symbolique décrivant les
capacités et les potentialités spirituelles de chaque homme, par
le fait qu'il est homme, de connaître Dieu et de Le servir. Ainsi,
164 | La Torah
s1 Jamais je ne me sépare de toi autrement que par la mort. » Naomi,
voyant qu'elle
» 2 . ACIER : :
était fermement décidée à 1accompagner, cessa d'insister
auprès d'elle.
Ruth 1,15-18
Un chemin d'épreuves
Suite à une famine qui sévit en Canaan à l’époque des Juges, Elimé-
lekh, riche propriétaire de Bethléem, fuit le pays avec sa femme
Naomi et ses deux fils pour s'installer à l’est, sur les terres fertiles
de Moab. Elimélekh meurt. Ses fils, qui ont épousé des Moabites,
Orpa et Ruth, disparaissent à leur tour, plongeant la mère et les
deux brus dans la désolation et l’indigence la plus totale. La famine
passée, Naomi décide de retourner à Bethléem, en prenant congé
des deux belles-sœurs. Alors qu'Orpa accepte de partir, Ruth
s'accroche à sa belle-mère, proclamant sa déclaration sincère, qui
deviendra par la suite la formule de conversion au judaïsme.
Arrivée à Bethléem, Naomi est méconnaissable dans ses haïllons.
À la question : « Est-ce Naomi (Ma grâce) ? », elle répond : « Appe-
lez-moi Mara (Amertume), car le Tout-Puissant (Chadaï) m'a
rendue amère, »
L'été est de retour, la moisson abondante, mais les malheureuses
n'ont rien à manger. Naomi envoie Ruth récolter les épis tombés
que les moissonneurs doivent abandonner, selon la loi du Lévi-
tique (19, 9). Par hasard, Ruth se dirige vers les champs de Boaz,
un parent d'Elimélekh. Apprenant la fidélité de Ruth envers sa
belle-mère, Boaz l'invite à glaner dans son champ, lui accordant sa
protection. Ruth rapporte les faits à sa belle-mère qui s’en réjouit.
Car Boaz est un double « libérateur » potentiel pour les deux
femmes.
En effet, si un homme est contraint de vendre sa terre, son plus
proche parent s’efforcera de la racheter, pour maintenir l'héritage
tribal (Lv 25, 25). De même, Boaz peut mettre fin au veuvage de
Ruth, selon la règle du Lévirat (Dt 25, 5 à 10) qui stipule que si
Un schéma de délivrance
Quelles leçons la tradition juive tire-t-elle de ce délicieux récit ?
Sur le plan structurel le premier chapitre contient 12 fois le verbe
« revenir », le deuxième, 12 fois le terme « récolte », tandis que les
troisième et quatrième utilisent 23 fois le mot « délivrance ». Si les
chiffres ne sont jamais contraignants, la massivité du vocabulaire
renvoie ici à une trame mentale d'espoir, trame essentiellement
hébraïque.
« Revenir » au sens biblique, faire féchouva, signifie reconstruire
une identité humaine, en conformité avec les principes de la révé-
lation divine, « récolter » les éléments disparates d’une fraternité
perdue, afin d'amener la « délivrance ». Ce retour implique toujours
une démarche de mémoire et nécessite souvent des retrouvailles
avec les lieux de l’insuccès. Elimélekh en quittant Canaan a fui
ses responsabilités de chef de clan, ce qui pour l’auteur du récit ne
peut entraîner que sa mort, celle de ses fils et donc « l’amertume »
de Naomi. |
Ce mouvement de retour, géographique tout d’abord, est amorcé
par la veuve, qui accepte d’être l’indigente de la ville après avoir
été la grande dame du lieu. Elle refuse cependant de partager son
triste sort avec ses brus, en dévoilant le fond de son cœur : « Aurai-
je encore des fils dans mes entrailles ? Existe-t-il pour moi une
166 La Torah
espérance ? » La matrice (ré bem) est le lieu d'espérance, car espace
de la miséricorde divine (rzhamim). Naomi pense sa matrice vide
de toute vie, que la miséricorde divine n’aura plus d’effet sur elle ;
son monde restera une immense béance.
Plutôt que d'abandonner sa belle-mère, Ruth s’arme de courage
en quittant ses propres valeurs nationales, locales et familiales.
Ruth devient un Abraham au féminin. Mais n'est-elle pas reliée à
l'illustre patriarche par Moab, l'enfant incestueux né de la relation
de la fille aînée de Lot, neveu d'Abraham (Gn 19, 37) ? Lot fuyait
l’inhospitalité de Sodome, sa lointaine descendance renouera avec
la générosité abrahamique.
Un acteur manque au récit : Dieu. Dieu n'intervient pas dans la
Bible quand la femme agit dans le sens du Ciel. L’étrangère de
Moab portera l'espérance pour deux, intimement persuadée que
rien nest jamais scellé dans l'Histoire.
Elle ne sera pas seule dans son acte héroïque, Boaz, qui possède
littéralement la « force en lui », assumera la rencontre. Ce courage
s’exprimera en acceptant l’étrangère en tant que matrice d’engen-
drement. Boaz, à l'instar de Joseph ou Moïse, prend la femme
d’ailleurs et l’intègre dans la communauté d'Israël.
Pour Naomi, « Amertume », cette nouvelle situation possède le
choc d’une révélation divine. Elle se ressaisit et déclare : « Béni
soit-il l'Éternel (YHWEH), qui n'a cessé d’être généreux pour les
vivants et pour les morts. » Elle ne perçoit plus Dieu comme la
source de lois aveugles (Chadaï), mais se réfère au Dieu transcen-
dant qui invite les hommes à dépasser leur propre vision étroite des
réalités. Naomi se réveille à la foi authentique. Elle intègre la leçon
d'Abraham ou de Job, qui malgré les épreuves, les déchirements
et les douleurs surent garder une confiance inébranlable dans un
avenir meilleur.
Plutôt que de lui donner Chéla, Juda demande à sa bru d’attendre dans son
veuvage. Les années passent, et Tamar ressemble à une Pénélope attristée.
Finalement cette Cananéenne décide de donner une leçon à Juda, non seulement
pour prouver son innocence, mais surtout pour affirmer que les forces occultes
ne gèrent pas la vie des hommes. Pour ce faire, elle use d’un curieux stratagème :
elle se déguise en prostituée. Elle sait qu’elle peut légalement s’unir à son beau-
père, car il est un libérateur potentiel, même si Chéla reste prioritaire.
Tamar se voile en femme publique et se place sur le chemin de Juda. Ce dernier
succombe à son instinct. Tamar tombe enceinte. Non seulement elle n’est pas
responsable de la mort de ses époux, mais elle est bien porteuse de vie.
Juda comprendra à la fin la leçon : « Elle est plus juste que moi », lance-t-il avec
courage à la cantonade, dévoilant sa faiblesse.
Tamar donnera naissance à deux jumeaux : Pérets et Zérah. Pérets, « celui qui
bouscule », passera devant Zérah, « celui qui brille » tel le soleil à son lever.
Deux noms, deux stratégies d'engagement dans l'Histoire : aller au rythme du
temps qui passe (les fruits seront toujours mûrs en leur temps) ou bousculer les
événements pour amorcer la paix plus rapidement.
168 La Torah
L'impatience est souvent cause de faute dans la Bible, pourtant
le coup de pouce de quelques femmes audacieuses, étrangères de
surcroît, ne fut pas inutile pour forcer la conscience humaine à se
construire. Ruth fera partie de ces femmes discrètes, qui cachent
dans leur discrétion même toute la puissance de la foi hébraïque.
Elle s’unira à Boaz, prince de Juda. Son petit-fils se nommera
David, l’ancêtre du Messie.
170 La Torah
la vie. Il sait de quoi il parle. Il a expérimenté des situations reli-
gieuses, sociales, politiques, des relations humaines, il a rencon-
tré des femmes. Il a été tenté, éprouvé, séduit. A-t-il trébuché ?
Peut-être, il le suggère dans un proverbe en antithèse : « Car le
juste tombe sept fois, mais il se redresse, alors que le méchant est
culbuté pour son malheur » (24, 16). Le roi David n’en est-il pas
un exemple avec Bethsabée ? Mais « le juste se redresse », et en ceci
il est juste.
À l'instar du laborantin qui, étudiant la matière, en déduit des lois,
le père par ses expériences au milieu des hommes en a tiré une
sagesse, une science du bien-vivre devant Dieu. Cette science, il la
nomme hokhma. Le terme est utilisé 30 fois dans le livre, et celui
de hakham (sage) 27 fois, tandis que son synonyme #adik (juste)
est mentionné 34 fois.
Traduire Hokhma par Sagesse ne rend pas la polysémie du vocable
hébraïque. Avant d’être une pensée sur le bien-vivre devant Dieu,
la Hokhma est interrogation, questionnement, curiosité, remise en
cause. Cette curiosité insatiable qui caractérisera plus tard l'étude
juive.
Le père transmet la Hokhma qui induit une vigilance, une critique
pré-philosophique des réalités mondaines. La Æokhma devient un
bouclier, une mise à distance pour mieux juger, pour mieux jauger.
Avant de devenir contenu de sagesse, elle est un outil d’investi-
gation. Selon le Midrach, ce fut par cette Æokhma qu'Abraham
découvrit le Créateur unique.
Pour autant, la Hokhma ne se rebelle pas contre la Révélation. Elle
ne se permet nulle émancipation par rapport au Sinaï. Raison-
nable, mais fidèle. En ce sens, le discours salomonien révèle son
humilité, face à la démarche philosophique qui pose sa solitude
souveraine. Salomon use de la Hokhma, comme son père David
utilisait sa lyre pour chanter l'Éternel.
L'auteur situe cette Hokhma à l’origine du monde, aux côtés de
deux autres piliers (I, 2) : « Connaître la Hokhma et l’'Ethique
(moussar), apprendre le Discernement (Bina). » Hokhma, outil
172 La Torah
enseignant la valeur de la Hokhma, le précepteur veut en somme le
guider vers la voie de Dieu. En dédiant sa conclusion à la femme
vertueuse, il montre que le choix du Ciel ne va pas sans la bonne
compagne de vie.
Le questionnement de l'Ecclésiaste
Le fait que les sages aient inscrit l’ouvrage parmi les vingt-quatre
livres bibliques démontre le caractère éminemment religieux de
ce rouleau, caractère qu'il s’agit alors de mettre en exergue. Kohé-
let, identifié au roi Salomon qui enseignait la sagesse au peuple,
174 La Torah
s'interroge sur le sens de l'existence humaine : « Quel bénéfice tire
l’homme de tout son labeur sous le soleil ? » (I, 3), question qui
revient une dizaine de fois selon des formulations différentes.
L'auteur n’est pas un théoricien ; il va vivre concrètement les expé-
riences dont il parle. S'il incarne vraiment le pouvoir royal, alors
il possède les moyens matériels de satisfaire ses demandes. Or, les
demandes touchent concrètement tous les domaines humains
la richesse, le pouvoir, les satisfactions pulsionnelles, la sagesse, la
science ; le corps et l'esprit.
Pour chaque expérience vécue intensément, l’auteur arrivera à la
conclusion d’une vanité. Tout au plus, pour donner une certaine
saveur à l’existence passagère, conseille-t-il comme un pis-aller :
« Il n’y a de bonheur pour l’homme qu’à manger et à boire, et à
trouver, pour son âme, du bien dans son labeur », ou bien : « Jouis
de la vie avec la femme que tu aimes tous les jours de la vie éphé-
mère que l’on t’accorde. » Épicurisme modéré pour une vie limitée.
Car le sort des fils de l’homme et le sort de la bête sont un même sort ;
comme meurt celui-ci, ainsi meurt celui-là.
Ecclésiaste 3, 19
176 La Torah
Ce n’est qu’au bout d’une réflexion menée dans la vie elle-même
que l’Ecclésiaste découvre une vérité ultime au-delà des catégories
du bonheur personnel. Le livre dans sa conclusion reste cohérent
avec l'esprit général de la Bible : le bonheur n’est jamais une fin en
soi, mais la conséquence du service de Dieu. La réponse touche à
la foi la plus authentique. Le psalmiste déjà enseignait cette idée
dans son verset inaugural :
Heureux l’homme qui ne suit pas le chemin des méchants... mais dont
le désir s'exprime dans la Torah de l'Éternel et qui médite Sa Torah
Jour et nuit.
Psaumes 1, 1-2
Le retour à Jérusalem
Néhémie et Esdras
Deux hauts dignitaires de la cour perse vont venir en renfort de
l’œuvre de restauration : Néhémie et Esdras. Néhémie, l’archi-
tecte, malgré l'opposition samaritaine, bâtira de hautes murailles
autour de Jérusalem pour assurer sa sécurité.
Si Néhémie s'occupe du corps de la nation, Esdras, le scribe, s’oc-
cupera de son âme. Ayant reçu l'autorisation du roi Artaxerxés
(465-424 av.J.-C.) de conduire un second groupe d’exilés à Jérusa-
lem, Esdras s'engage dans une grande réforme religieuse. Sans son
action, la Torah aurait été oubliée en Israël. Le Talmud le compare
à Moïse (TB Sanhédrin 21b), les historiens le considèrent comme
l'inventeur du « judaïsme ».
178 La Torah
Parmi ses décrets novateurs (le Talmud en recense dix ; voir TB
Baba Kama 82 a) compte l'institution de la lecture publique du
rouleau de la Torah dans les synagogues. N'oublions pas qu'avant
la déportation à Babylone, le seul lieu de dévotion était le Temple.
Les synagogues, inventions de l’exil, permirent alors un culte de
proximité en même temps que la prière devenait complémentaire
des sacrifices.
Notre extrait relate la première lecture officielle de la Torah par
Esdras, en présence de Néhémie. Elle fut inaugurée le premier du
septième mois de l’année hébraïque (1“tichri), ce jour de nouvelle
lune qui deviendra par la suite le Nouvel An juif, Roch Hachana.
La lecture de la Torah
180 La Torah
GHAPITRES
LECTURES
DE LA TORAH
Au programme
+ Au cœur du culte
+ À l'écoute de la Tradition
+ Torah et société : implications pratiques
Au cœur du culte
Que signifie lire la Torah pour un croyant d’aujourd’hui ? Qu'est-
ce que cela implique pour lui ? Nous avons déjà partiellement
répondu à cette question à travers les chapitres précédents. Nous
voulons maintenant tenter d’y répondre plus largement, en présen-
tant d’abord la manière dont ces textes sont lus, individuellement
et, surtout, en communauté.
Une double lecture, littérale et midrachique
Pour le croyant d'Israël, tout ce que Dieu offre à l’homme invite à un
travail de bonification. Cette idée découle des premiers chapitres de
la Genèse : Dieu crée le monde et demande à l’homme de le gérer
(Gn 2, 26 et 27) ; Dieu place l’homme dans le jardin d'Éden et lui
demande de le travailler et de le protéger (Gn 2, 15). Tout se passe
comme si Dieu commençait le travail et demandait à l’homme de
l’achever. Même la sanction contre Adam, « tu mangeras le pain à
la sueur de ton front » (Gn 3, 19), n’est pas entendue comme une
punition, mais comme une responsabilisation consistant à trans-
former la nature brute (le blé) en pain.
Ce qui est vrai pour la transformation de la nature reste vrai pour
l'investissement de l’homme dans l'étude de la Torah, entendue
comme la parole de Dieu. L'importance de cette méditation de
la parole divine fut enseignée par Moïse à son disciple Josué qui
répéta l’enseignement au peuple d'Israël (Josué 1, 8) : « Tu la médi-
teras jour et nuit. » De même le livre des Psaumes est-il inauguré
par ces versets : « Heureux l’homme qui ne suit pas le chemin de
méchants. mais dont le désir s'exprime dans la Torah de l'Éternel
et qui la médite [littéralement « roucoule »] jour et nuit. »
Il s’agit de comprendre que cette méditation ne se limite pas à une
simple lecture répétitive, aussi fervente soit-elle, mais bien à une
réflexion, une analyse du texte afin d’en tirer des enseignements
pour la vie quotidienne, des rites ou des conduites pieuses. Pour
la foi juive, cette démarche s'inscrit dans la logique de l'alliance
(éérif) entre Dieu et l’homme. Puisque Dieu à fait grâce à Sa créa-
ture humaine de qualités intellectuelles et morales, ces qualités
doivent être mises au service de Dieu à travers l'étude. Dès lors,
la Torah devient l’espace de rencontre entre l’homme, être relatif,
et Dieu, l’Être absolu. Si, durant la prière, l’homme se place face
à Dieu pour proclamer qu’Il est source de vie, durant l'étude de la
Torah, l’homme étudie ce que Dieu attend de lui à travers les récits
et les lois de la Bible.
182 La Torah
Il existe deux modes d'interprétation : le mode littéral et le mode
midrachique. Le mode littéral ou sens obvie consiste à comprendre
exactement le verset en tenant compte de l’hébreu, de sa gram-
maire, du contexte, etc. ; le second sens prend appui sur le sens
littéral pour aller au-delà afin de découvrir des leçons de foi. On
pourrait parler ici d’une double recherche, selon la lettre et selon
l'esprit, sans que l’une puisse se revendiquer supérieure à l’autre.
La joie suprême d’un étudiant de la Torah s'exprime dans ce que
le judaïsme nomme le ‘hidouch, le renouvellement de sens. Le
‘hidouch est une interprétation nouvelle qui n’a jamais été trans-
mise par la tradition mais qu’une analyse pointue met en exergue.
Pour les rabbins du Talmud, cette joie représente le summum des
béatitudes, qui sera la récompense même des disciples de sages
dans l’autre monde.
L'autre dimension qui transparaît de l’étude de la Torah est la
dimension dialogale avec le texte. En fait l'étudiant ne se trouve
jamais seul devant son livre ou son parchemin. Il est toujours face
à Dieu. Il ressemble à Moïse au sommet du mont Sinaï, rece-
vant la parole divine et interrogeant le Législateur céleste pour
comprendre le sens et les modalités de la loi révélée. Précisons que
cette dimension dialogale est amplifiée par le fait que l’étude de
la Torah s’accomplit idéalement avec un compagnon d'étude, le
‘haver, l'ami. C’est pourquoi, dans la maison d’étude (yéchiva), les
élèves sont assis par deux, face à face, discutant du texte étudié avec
vigueur, dans un balancement du corps caractéristique. Certains
ont comparé la yéchiva à une ruche, tant le bourdonnement des
étudiants est incessant, le miel distillé étant ici les analyses des
versets.
Si la yéchiva reste le lieu par excellence de l'étude, il n'est pas exclu-
sif. Le foyer est aussi le pendant non négligeable de la transmission.
Du fait que la méditation de la Torah doit se faire jour et nuit, les
familles pieuses se réunissent souvent le soir après le repas pour
étudier quelques versets, ce qui a pour effet d’aiguiser en particulier
l'esprit des enfants. Si cette étude ne peut se faire quotidiennement,
15. En général, une synagogue possède plusieurs rouleaux, achetés par la communauté ou
offerts par des fidèles.
184 La Torah
Le jour du chabbat, sept fidèles sont appelés à monter sur l’es-
trade. Dans l’époque antique, chacune des sept personnes lisait un
passage de la péricope, aujourd’hui c’est le ministre-officiant qui
fait toutes les lectures. Pour être précis, il ne s’agit pas de lecture
mais de cantilation, les versets sont en effet chantés selon un air
traditionnel qui varie entre les communautés orientales (séfarades)
et occidentales (ashkénazes). Il existe même une cantilation spéci-
fique pour la lecture des dix commandements.
Pour bien se concentrer sur les versets, l’officiant suit le texte avec
un stylet qui représente une main fermée, index tendu, qui se
prolonge par une tige de bois ou d’argent.
La loi juive exige que durant la lecture, le silence le plus total soit
maintenu, afin qu'aucun mot n'échappe à l'auditoire. Pour mieux
suivre, les fidèles possèdent leur texte de Torah imprimé sur un
livre ; il existe également des éditions bilingues pour ceux qui ne
maîtrisent pas suffisamment l’hébreu.
Après le temps de la lecture vient celui de la réflexion, puisque le
rabbin offre une pensée du jour, une sorte d’homélie construite
sur une phrase ou une idée de la paracha. Ce moment est impor-
tant, il constitue pour beaucoup de fidèles qui n’étudient pas
pendant la semaine la possibilité d’entendre un commentaire de
la Torah.
Nous avons dit qu'Esdras avait fixé la lecture publique de la Torah
le samedi, ainsi que le lundi et le jeudi, qui étaient jours de marché.
Les rabbins ont trouvé dans le texte toraïque un appui scriptu-
raire à cette lecture trihebdomadaire. Il est écrit en effet (Ex 15,
22 et 24) :
À l'écoute de la Tradition
La bibliothèque juive impressionne par le nombre d'ouvrages de
commentaires sur la Torah. Ce travail rédactionnel a visé un double
but : extraire les idées religieuses et les rites à partir du texte, et
montrer la cohésion de l’œuvre, en soulignant comment les versets
se répondent l’un l’autre dans une parfaite harmonie. Certains
livres ont fait l’objet de discussions ardues entre les sages antiques
quant à leur canonisation (le Cantique des cantiques à cause de ses
images érotiques ou l’Ecclésiaste à cause de son pessimisme), mais
ils furent finalement intégrés du fait que des maîtres démontrèrent
qu'ils demeuraient intelligibles à l’intérieur du corpus biblique.
De cette unité textuelle, posée en postulat d'étude, découle un autre
principe : l’idée de permanence. En d’autres termes, le texte peut
être interrogé en tout lieu, dans toute culture, en toute époque, il
sécrétera toujours de la pensée. Ce qui est dit n'est jamais défi-
nitivement dit, mais il restera toujours du dire qui débordera du
commentaire antérieur. Le philosophe Emmanuel Levinas parlait
d’un « au-delà du verset!f. »
La permanence du Livré
La Torah comme mémoire du peuple juif ; la Torah comme réfé-
rence identitaire ; la Torah comme lien entre Dieu et l’homme ; la
Torah comme point central de l'office du chabbat et des fêtes ; la
186 La Torah
Torah comme source de méditations religieuses ; la Torah comme
livre permanent... toutes ces propositions sont vraies, et le Juif
peut les intégrer toutes ou en choisir quelques-unes. De toute
façon, au bout de notre voyage, nous aurons compris le poids de
chacune d'elles.
La Torah est aussi une parole qui s'arrête dans un temps précis,
celui de la fin du phénomène prophétique. Avec la destruction du
premier Temple disparaissent les derniers hérauts de Dieu, comme
si la destruction du Temple empêchait une audition claire de la
parole céleste.
Que reste-t-il après le prophétisme ?
Il est remarquable de souligner qu’au moment où les derniers
prophètes s’éteignent, autour du v* siècle av. J.-C., la philosophie
apparaît à Athènes avec Platon et la sagesse méditative naît avec
le Bouddha. Pour la tradition juive, le prophétisme se scinde alors
dans ses deux dimensions : sa part rationnelle touchera l'Occident
et sa part mystique l'Orient. Dans cette même logique, le peuple
hébreu devient le peuple juif, qui hérite de textes inspirés par Dieu,
et le prophète est remplacé par le sage. Si le prophète s’exprimait le
plus souvent dans l'urgence d’une situation à corriger, le sage pren-
dra le temps d’écouter les paroles prophétiques, de les méditer et
de les transmettre avec patience. Le Talmud raconte qu'un maître
expliqua cent et une fois la leçon à une élève qui avait du mal à
assimiler les raisonnements.
La fin du prophétisme n’a pas sonné le glas d'Israël, comme les
épreuves les plus tragiques n’ont pas eu raison de sa survie. Le Juif
de la foi reste persuadé que Dieu a parlé à tout un peuple, il y a près
de 3 000 ans, dans le désert du Sinaï, et que cette parole de feu est
consignée dans un Livre qui est plus qu'un livre.
« Pourquoi la Torah a-t-elle été donnée dans le désert, un lieu non
habité ? demande un rabbin. Afin que personne ne puisse dire :
cette parole est de ma patrie et non de la tienne. La Torah est posée
devant tout homme qui veut venir la prendre, qu'il vienne l’étudier
et elle deviendra sa couronne. »
La Table dressée
Ce livre a été écrit par le rabbin Joseph Caro qui avait fui l'Espagne après
l'expulsion des Juifs en 1492. La Table dressée (Choul’han Arou‘h) présente de
manière abordable pour un large public tous les aspects de la vie religieuse. Ce
livre reste une référence incontournable de la religion d'Israël.
188 | La Torah
La modernité juive
Cette Emancipation ouvre plusieurs voies identitaires. Le temps
où la religion modèle le Juif se métamorphose en temps où le Juif
modèle la religion.
Le judaïsme consistorial
Créé en 1808 par Napoléon, le Consistoire gère le culte (syna-
gogue, règles alimentaires, cimetière, éducation..). Il prône la
pratique religieuse dans la sphère privée et l'intégration citoyenne,
selon le principe talmudique : « La loi du pays est la loi. » L'israé-
litisme correspond à cet état d’esprit.
Israélitisme
Le judaïsme hibéral
Le mouvement juif des Lumières se développe en Allemagne, mais
percera surtout aux États-Unis, à partir du xx‘ siècle. Au début,
le culte est réformé : suppression de l’hébreu des offices remplacé
par la langue vernaculaire, déplacement du chabbat au dimanche,
patriotisme et fin de l’aspiration du retour à Sion. Le judaïsme
réformé pose l’évolution de lareligion et la critique biblique. Après
la Shoah et la création de l'Etat d'Israël, on observe un retour au
chabbat le samedi, l'introduction de l’hébreu dans les offices, la
formation de femmes-rabbins.
Le sionisme religieux
Alyoth
190 La Torah
Maison du Seigneur !” Nos pieds s'arrêtent à tes Portes, Jérusalem, Jérusalem
bâtie comme une ville où tout se tient ensemble. C'est là que montent les tribus,
les tribus de Yah ; c'est un ordre pour Israël de célébrer le nom du Seigneur. »
Le judaïsme laïc
Cette tendance est née avec les utopies révolutionnaires. Pour faire
valoir leurs droits dans des pays à forte tendance antisémite, les
Juifs créent un mouvement ouvrier indépendant, le Bund, en 1897.
L'émanation la plus réussie de ce judaïsme laïc fut l'engagement
dans le sionisme, à travers la création du kibboutz. En France, une
association portant le nom de « judaïsme humaniste et laïc » voit le
jour en 1991, autour d’intellectuels comme Albert Memmi. Cette
association est née en réaction au discours parfois intransigeant
de l’orthodoxie (conversions, mariages mixtes, actions politiques,
etc).
Kibboutz
La liberté d'interprétation
Quiconque goûte à l’étude juive sera surpris par le nombre d'in-
terprétations, souvent contradictoires, qui jaillissent d'un même
verset. Une blague juive annonce que lorsque deux rabbins se
rencontrent, il y a toujours trois opinions |
Le Talmud rapporte les nombreuses divergences qui opposèrent les
écoles d’'Hillel et de Chamaï, deux maîtres qui vivaient quelques
décennies avant Jésus. Chacun argumentait afin que la loi soit
192 La Torah
Concrètement, ces règles obligent l’homme juif à vivre selon une
certaine discipline qui aura des implications sur ses relations avec
son environnement humain. Ne pas travailler le samedi, manger
kacher (selon les règles alimentaires tirées de la Bible), prier trois
fois par jour induit une organisation de vie qui tranchera avec le
mode de vie de personnes non juives!?.
Le croyant juif au sein de la société française a toujours su adapter
ses exigences religieuses au vivre-ensemble. Prenons l'exemple de
l’une de nos amies, pharmacienne, qui ne travaille pas le samedi,
mais assure les permanences du dimanche et qui prend son mois
de congé en septembre afin de respecter la totalité des fêtes
d'automne.
Quant au manger kacher, il ne signifie pas s’isoler pour prendre
son repas, mais suivre son régime alimentaire comme d’autres
aujourd’hui suivent le leur. Ainsi, il nous arrive d’être invité lors de
colloques dans des abbayes ou des hôtels et c’est toujours avec un
grand scrupule que nos hôtes respectent nos impératifs religieux.
Ici encore la lettre et l'esprit doivent totalement s’harmoniser et
si, comme l’enseignait un grand maître du Talmud, le fondement
de la Torah est le verset « tu aimeras ton prochain comme toi-
même » (Lv 19, 18), alors cela implique bien que la vie religieuse
doit permettre une bonne entente fraternelle entre les hommes.
17. On parle souvent du non-Juif comme du goy. Étymologiquement, le mot goy désigne
un peuple quel qu'il soit, Israël inclus (Gn 12, 2). Par évolution de langage, ce terme à
fini par désigner le non-Juif, l’homme des nations, sans que ce terme porte la moindre
coloration péjorative.
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CONCLUSION
Ici se termine notre visite. Nous espérons qu’elle vous aura procuré
autant de joie que nous en avons eu à être votre guide. Nous avons
présenté quelques brefs extraits de ce pays nommé Torah ou, dans
son sens large, la Bible, le livre le plus vendu au monde. Mais, avant
de nous quitter, nous aimerions conclure par ces quelques mots.
On peut dans un premier temps considérer la Torah comme un
ensemble de textes rédigés à différentes époques de l'Antiquité.
Grâce aux outils d'investigation modernes (histoire, sémiologie,
philologie, archéologie, ethnologie, etc.), on peut établir des ponts
avec d’autres cultures religieuses, avec d’autres légendes, et s’arrêter
à. Mais on peut aussi, sans nier le premier fait, y investir un peu
plus d'intelligence afin d’en découvrir la cohérence interne, l’origi-
nalité, telle que les compilateurs ont pu l'entendre à l’époque de la
canonisation finale.
Dès lors, nous entendons d’abord une immense histoire qui
commence aux origines du monde et qui nous amène au V° siècle
avant l’ère chrétienne. Son objet n’est pas universitaire, mais reli-
gieux ; et il serait autant dommageable pour la foi que pour la
science de vouloir à tout prix les concilier.
Ceci posé, chaque période de cette grande saga, entrecoupée de
poèmes et de maximes sapientales, connaît ses héros, sans que le
texte s'attache à l’un d’entre eux en particulier. Le caractère de l’un
diffère du caractère de l’autre ; pour l’un, la foi en Dieu s'exprime
d’une certaine manière, et d’une manière différente pour le suivant.
Le texte ne donne pas sa préférence, il ne conclut pas. L'histoire
avance au rythme des « engendrements », au lecteur d'entendre,
d'analyser, d'appréhender, de critiquer s’il le veut.
Car à la différence d’autres livres fondateurs, les personnages
bibliques ne sont pas irréprochables, et même les plus grandes
figures révèlent leurs failles. Rares sont ici les héros qui peuvent se
targuer d’un parcours sans faute. Le croyant affirme que ce livre est
inspiré par Dieu et pourtant les chroniques restent profondément
humaines.
Certes Dieu est présent, par Ses manifestations, Ses miracles, Ses
paroles, Ses appels, Ses colères, Ses nostalgies, Ses amours, par
Ses silences aussi, mais Il semble finalement prisonnier du bon
vouloir de Ses créatures humaines, de leur sagesse ou de leur folie.
L'Éternel réclame le droit, la justice, l'amour du prochain, mais Il
n'impose pas ces vertus en transformant miraculeusement le cœur
de l’homme. Dieu et homme, même destin ! Et si ce dernier ne
pratique pas ce droit, cette justice et cet amour, alors ces valeurs
demeureront éthérées, en attente d’incarnation.
Curieux livre que cette Torah qui évoque toujours les égarements
d'Israël, ses manquements, ses chutes plutôt que ses élévations, et
qui s'écrit presque toujours contre celui à qui la Parole s'adresse en
premier chef. Les compilateurs n’ont rien caché, rien gommé, rien
passé sous silence, ni le veau d’or, ni la concupiscence de David,
ni la fuite de Jonas. On ne censure pas la nature humaine. On la
montre à nu et on invite à l'améliorer de l’intérieur, d'autant que
l'idéal mosaïque est si exigeant.
Car au cœur du Livre apparaît en filigrane permanent la loi de
Moïse dont s'inspirèrent tous les prophètes. Cette lutte des
prophètes au nom de la liberté, de l'égalité, de la responsabilité, de
la fraternité préparait la voie des grandes révolutions qui allaient
changer la face du monde au cours des siècles. Ces inspirés étaient
trop en avance pour leur temps, d’où le décalage entre leurs aspira-
tions et une réalité humaine, trop humaine.
Mais à l'instar du songe de Jacob, une échelle se dresse entre le ciel
et la terre. L'homme n’est jamais condamné par un fafum aveugle
à stagner, il peut toujours avancer, à l’image d'Abraham. L'espé-
rance jaillit, même dans les moments tragiques. Grande leçon de
la Bible !
Par-delà Israël, la Torah parle à l’homme dans ce qu'il a d’éternel,
les passions, l'amour du bien ou le désir du mal, voilà pourquoi elle
196 La Torah
peut s'adresser au moderne, pourquoi elle inspira les peintres, les
écrivains, les musiciens, les artistes de toutes les époques. L'homme
évolue moins vite que ses découvertes technologiques.
Il existe d’autres livres emplis de sagesse, de récits pertinents, de
réflexions profondes dans d’autres fois, d’autres cultures ; et notre
humanité marquée par la rencontre et les échanges les met à notre
disposition. La Torah appartient à cette bibliothèque.
Le philosophe Jankélévitch usait de cette formule : « Le judaïsme
ne vise pas à judaïser le monde, mais à l’humaniser. » Dans son
langage propre, la Torah dit quelque chose à l’homme pour qu'il
soit toujours plus humain. C'est là l'invitation de cette œuvre
toujours actuelle.
Conclusion 19/7
“a:
PRPNPTE
LL .
f 7 wurA4 OT f ul LA TT we pr
TE > pos
C Esaü 17,19,66,67,68,69
Esdras (livre) 32,33, 35,37, 38
Canaan 16, 19,22, 24,32, 57,66, 68,
Esdras (prophète) 23,24, 27,28,35,37,
89, 102, 104, 105, 106, 107, 112, 142,
28 50 14777 7e 79 180
165,166
Estherlivre) 33,35,37 aie (IMe) 5265/56/55 M25M26/122);
Êve 46, 49,50 130,134
Exode 30, 74,77,78,81, 83, 139 Isaïe (prophète) 36,55, 105, 125, 126,
Ézéchiel(livre) 32,35, 36, 129, 130, 133, 1271524
137 Israélitisme 189
Ézéchiel (prophète) 36,133, 134, 135, Israël (pays) 16, 19
136,138,145 Israël (peuple) 17, 18, 19, 22, 26, 29,31,
Ezra (Abraham ibn) 46, 97, 147, 148 CNET NBONS IRAN SEA ONPOE)
J6NOOMOAMOS MOOMT2 MAO MMS?
F 125 M7 M2 MECMEOMUATMSE
178, 180, 186,187
Fêtes
9 av 33
Chabbat 120, 153,157, 180, 184, J
185, 186, 189, 192 Jacob 16,17,19,22,66,67,68, 69, 72,
Chavouot 27,33,83 SAME AMOMAOMISES
Kippour 28, 33, 127,128, 137,141 Jérémie (livre) 32,35, 36, 129
Pessah 27,28, 33,80, 81,83,161 Jérémie (prophète) 29,36, 130,131,
Pourim 33 IS2MESMESS
Soucot27 25 175 Jérusalem 16,23,24,25,27,33, 40,
ITÉMAIOMO ME OMEEMES M7
G 190, 191
Jésus 25,92, 178, 188, 191
Genèse 18, 28, 30, 44,51,55, 59, 60,
Jéthro 74,76,77
CAO ANS MOMIE?
Jézabel 120, 121,140
Gochen 17,74
Job livre) 32,35,36,157,158,159
Golem 47
Job (personnage) 141, 158, 159, 160,
Grande Assemblée 23,35,36,39, 162
(72
Joël(livre) 32,36
H
Jokéved 75,76
Habacuc (livre) 32 Jonas (livre) 32, 127,141
Habacuc (prophète) 36 Jonas (prophète) 32,36, 141,142, 143,
Hanna 112,113 144,145
Hébreu (langue) 11, 23,24, 28, 45, 51, Joseph 17,68, 70,71,72,73,78,168
O7 nl 2, OO CSS MOS, 126 152% Josué (livre) 32,35, 36, 102, 104, 105,
12 IE MNO 106
Hébreux (peuple) 15,17,22,75,78, 82, Josué (personnage) 22,36, 38, 102,
83,89,101 103 106107 M17SMI82
Héli 111,113 Juda (frère de Joseph) 23,73,168
Judalbays MS MO PMP SOMME
180
(OS 26/2756; 5709 8285 M0) Juges (livres) 32,35, 36, 107, 108, 112,
1822440728 ill
Isaac 16, 17, 22,60,63,64, 65,66, 69 Juges (personnages) 113
Juif 15
La Torah
K Nahum (prophète) 36
Kacher 91 Naomi 164,165,166,167
Kibboutz 191 Néhémie (livre) 32, 33,35, 37,177
Néhémie (prophète) 28, 37,178
L Noé 51, 52,53, 54,59, 63,80, 102, 142,
144,145
Laban 68, 69, 108 Nombres 30, 31, 140
Lamentations (livre) 32,33, 35, 37,130
Léa 17,22,68,71,109,113
O
Lévi (frère de Joseph) 23,31, 70, 179
Obadia (livre) 32
Lévite 87,88,117,179
Obadia (prophète) 32,36
Lévitique (livre) 30, 31, 86, 87,90, 91,
Osée (livre) 32,36, 137
SMTP ES
Lot 58, 106,167
Osée (prophète) 129,137,138, 139,
140
M P
Madian 74,76
Patriarches 22,95, 104, 109, 129
MaAÏiMONIDE 40, 56, 62, 163
Péricope 28, 53, 185
Malachie (livre) 32,124, 146
Philistins 67, 105, 108, 109, 110, 111,
Malachie (prophète) 36, 124, 129, 146,
111280414121
147,148, 149 :
Phylactères 99
Manuscrits de la mer Morte 25
Prophète 26
Massoreth 41
Proverbes 32, 35,36, 162, 169, 172
Mésopotamie 16
PSaumes 2265 60 2787192411;
Messie 109, 118, 120, 126, 146
ISAMSENSENUSC 1676 77 82 100)
Mézouza 98,99
Michée (livre) 32
Michée (prophète) 36 R
Midracn ar 4146 572%05 75 7790), Rabbin 24,25,31,41
1lOOMMOMAEAMTASMITAIPTSES A186 Rachel 68, 69, 71,72, 108, 109, 113
Mitsvot 18, 192 RacHI 49, 58, 74, 79,96, 147, 168
Moïse 17,22,26,27,29,30, 35, 36, 38, Rébecca 1/,66,68,69,71
ASP SO TAN TS IG TI 18 80/86) Rois (livres) 32,35, 36, 38, 115, 119, 120
CTROUMOS AO CAOTMIOIMIO2MOSALOT Ruth (livre) 32,35, 36,165
160€ M NM 22 MESSE, Ruth (personnage) 164, 165, 167, 168,
SOMMES 720 ISA IS? 169
LES NOT ITA NAT EMA
185, 192, 196 S
Myriam 75,76 Sages de Yavné 39
Salomon 23, 27,34, 36,118, 119,164,
N OMAN ANSE
Nabuchodonosor 16,23,27,130,136 Samson 22, 107, 108, 109, 110,111,
NAHMANIDE 74 142
Nahum livre) 32
index 201
Samuel(livres) 32, 35, 36,112, 113,114, Aggada 41
[Ke] Baba Batra 35, 103, 130, 158
Samuel (personnage) 22, 35, 36, 38, Guémara 40
APM PAIE SL Hala'ha 40
Sarah 16,17,22,56,60,61,63,64,71, Michna 29, 40, 162
109 Migraot Guédolot 41
Saül 22,38, 107,114,118,156 Traité Avot 41, 56,110
Septante 30,31 Tamar 168
Simalnts, 222629783782 8595 "10% Téfilines (voir Phylactères) 99
12SMSEÉMSSMSOMACALE ALT Temple de Salomon 15,16, 24
l'UE 71190 Terre promise 16, 26, 43,47,79, 83,95,
Sinar (voir Babel) 50, 51 l'OMC MMENME2A
Sion (voir Jérusalem) 27,134, 189 Tétragramme 95,168
Sophonie (livre) 32
Sophonie (prophète) 36,97 Y
Synagogue 23, 28, 30
Navné 25,59
T YAHWH 95,96,167
202 La Torah
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Bibliographie | 205
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Du même auteur
559729
:655972
éditeur
Code 782212
:ISBN
55972-9
978-2-212-
9