L’OTALGIE
INTRODUCTION
L’otalgie se définit comme étant une douleur ressentie au niveau de l’oreille. On parle
d’otodynie lorsque la cause de la douleur se situe dans l’oreille et d’otalgie réflexe lorsque
l’origine de cette douleur se situe en dehors de l’oreille (extra-auriculaire).
Intérêt :
- Epidémiologique : l’otalgie est un motif fréquent en consultation ORL avec 9% des
motifs de consultation en ORL au CHU de Yopougon.
- Diagnostique : la recherche étiologique est parfois difficile. L’étiologie souvent
banale, dominée par les otites chez l’enfant, peut parfois être un cancer de
voisinage : c’est donc un signe d’alarme chez tout patient adulte alcoolo-tabagique.
OBJECTIFS
1. Définir l’otalgie
2. Conduire l’examen clinique
3. Reconnaître les causes d’otodynie et d’otalgie réflexe
I. EXAMEN CLINIQUE
Circonstance de découverte
Elle est basée sur la plainte fonctionnelle du patient : il s’agit d’une douleur ressentie au
niveau de l’oreille.
Interrogatoire
- Les antécédents personnels :
Pathologies otologiques
Pathologies ORL récidivantes (angines, douleurs dentaires) ou chroniques
Mode de vie : intoxication alcoolo - tabagique
- Les caractéristiques de la douleur :
Type
Intensité
Rythme : continu, en éclair, pulsatile, en chapelet
Durée
Mode de survenue
Périodicité
Localisation, latéralisation
Modification par certains facteurs : médicaments, déglutition, etc…
- Les signes associés :
– Otologiques : hypoacousie, acouphènes, plénitude d’oreille, vertige, otorrhée,
otorragie, paralysie faciale périphérique
– Rhinologiques : rhinorrhée, obstruction nasale, hyposmie
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– Bucco-dentaires : douleur dentaire, halitose, trismus, glossodynie, etc….
– Pharyngo-laryngés: odynophagie+++, dysphonie, hemmage
– Oeso-gastriques : pyrosis, régurgitations, douleur,
– Généraux : fièvre, altération de l’état général, asthénie, insomnie, troubles du
comportement chez l’enfant
Examen physique
– Il comprend un examen général, un examen ORL et un examen des différents
appareils.
– L’examen ORL doit être complet même si la plainte est otologique. Il nécessite
un minimum de matériel ORL dont un dispositif d’éclairage (miroir de Clar ou
un otoscope à pile) ou mieux un microscope et des optiques ; un spéculum
d’oreille de diamètre adapté au MAE ; des abaisse-langues.
– Examen otologique : le malade adulte est assis, la tête tournée sur le côté. Le
nourrisson est maintenu sur les genoux de sa mère. On examine
successivement le pavillon de l’oreille, la mastoïde, puis le méat acoustique
externe (MAE) et le tympan. Pratiquement, lors de l’otoscopie, le spéculum,
de diamètre adapté à celui du MAE, est introduit, dans le méat acoustique
externe, le pavillon de l’oreille est légèrement tracté en haut et en arrière
pour redresser le MAE.
On terminera par une évaluation de l’audition à l’acoumétrie
– On fera également un examen rhinologique (Fosses nasales et cavum), bucco-
dentaire +++ (État dentaire et articulé dentaire) et un examen de l’articulation
temporo-mandibulaire
– Au niveau du pharynx et du larynx, à l’aide d’un abaisse-langue, d’un miroir
laryngé ou d’un nasofibroscope, on examinera les amygdales palatines et
leurs loges, l’hypopharynx, la base de la langue, le larynx ;
– On fera une palpation de toutes les régions du cou (ganglions, glandes
salivaires et glande thyroïde)
II. ETIOLOGIES
Enquête étiologique
Examen clinique : basé sur un interrogatoire détaillé, un examen physique ORL et général
Bilan paraclinique : orienté par le contexte clinique. Selon les orientations cliniques, on
réalisera :
– Radiographie Standard de la mastoïde : SCHULLER comparatif
– Radiographie du rachis cervical
– Radiographie du crâne en incidence Face basse
– Scanner des rochers en coupes axiales et coronales
– Imagerie par résonance magnétique (IRM) cranio-cervical
– Prélèvement d’écoulement de l’oreille pour examen cytobactériologique et
mycologique
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Etiologies
1. CAUSES AURICULAIRES
• Causes traumatiques
- Plaie de l’auricule (pavillon)
- Hématome de l’auricule : Othématome
- Traumatismes du méat acoustique externe (corps étrangers, irritations liées au
coton tige, brûlures chimiques, …)
- Bouchon de cérumen obstructif
• Causes infectieuses et inflammatoires
- Périchondrite de l’auricule : c’est une infection polymicrobienne avec ischémie
du cartilage qui peut être consécutive à une chirurgie de l’oreille, un traumatisme
ou une infection. Le risque majeur est la nécrose totale de l’auricule (ou pavillon).
- Zona auriculaire : due à la réactivation du virus VZV (varicelle- zona -virus) au sein
du ganglion géniculé du nerf facial. Cliniquement, on aura otodynie, éruption
vésiculeuse dans la zone de Ramsay Hunt (conque, tragus, méat acoustique
externe, face externe ou latérale du tympan) et paralysie faciale périphérique.
- Furoncle du conduit.
- Otites externes diffuses : L’otalgie est au premier plan, il n’y a pas de fièvre. A
l’otoscopie, le tympan est normal et le MAE inflammatoire avec parfois une
otorrhée.
- Otite externe mycosique ou otomycose.
- Otite externe maligne ou nécrosante : c’est une infection de l’oreille externe due
au Pseudomonas aeruginosa, qui survient sur des terrains particuliers :
diabétiques, immunodéprimés (SIDA, malnutrition).
- Otite moyenne aigue.
- Poussée de réchauffement d’une otite chronique : les signes sont dominés par
l’otalgie et surtout l’otorrhée.
- Autres rares : Dysfonctionnement tubaire ; infections spécifiques telles que la
tuberculose de l’oreille moyenne.
• Causes tumorales
- Tumeurs malignes de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne (rares). La
symptomatologie associe otorrhée, otorragie, paralysie faciale périphérique et
adénopathie.
- Tumeurs bénignes
- Ostéomes ou exostoses du MAE
2. CAUSES EXTRA-AURICULAIRES
• Pathologie dentaire+ (surtout dents postérieures : molaires)
- Accidents d’inclusion de dents de sagesse
- Troubles de l’articulé dentaire
- Caries dentaires.
- Cellulites dentaires
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• Pathologie buccale++
– Cancers de la cavité buccale
– Gingivites et Glossites.
• Pathologie pharyngée +++++
C’est la plus grande responsable extra auriculaire d’otalgie. On citera :
- Angines, pharyngites et rhinopharyngites (fréquentes) : l’association d’une
odynophagie à l’otalgie oriente le diagnostic.
- Cancers de l’oropharynx et de l’hypopharynx : ils doivent être évoqués devant
toute otalgie à otoscopie normale, chez un adulte alcoolo-tabagique.
- Cancers du cavum.
• Pathologie laryngée (rarement responsable d’otalgie). L’association à l’otalgie de
signes tels la dyspnée, la dysphonie, la toux, et la dysphagie oriente vers larynx.
Les causes sont :
- Infectieuses : laryngites+++.
- Tumorales : cancers du larynx.
• Pathologie de l’articulation temporo-mandibulaire
- Arthrite : C’est l’atteinte inflammatoire de l’articulation.
- SADAM (Syndrome Algo-Dystrophique de l’Appareil Manducateur).
• Pathologie des glandes salivaires
- Parotidites : d’origine virale le plus souvent (oreillons).
- Sous maxillites
- Tumeurs malignes.
• Certaines névralgies faciales
- Névralgie du trijumeau (V) ou névralgie faciale essentielle
- Névralgie du glosso-pharyngien (IX)
- Névralgie du nerf intermédiaire de Wrisberg (VII bis) +++
Il s’agit en général de douleur unilatérale, en éclair, siégeant sur le territoire du nerf
concerné, déclenchée par le contact avec une zone gâchette précise.
• Syndrome de l’apophyse styloïde anormalement allongée ou syndrome de Eagle.
Il est en rapport avec une calcification du ligament stylo-hyoïdien. Il se traduit par
des douleurs oropharyngées associées à une otalgie réflexe, avec parfois des
céphalées et ou cervicalgies.
III. CONDUITE A TENIR IMMEDIATE
Ce qu’il faut faire après l’examen clinique
- Prescrire des antalgiques par voie orale pour soulager une douleur très vive. Les
antalgiques périphériques (type paracétamol), les anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) sont en règle générale suffisants.
- Référer le patient en milieu spécialisé ORL devant toute otalgie unilatérale qui ne
fait pas sa preuve en vue d’une recherche étiologique appropriée ;
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Ce qu’il ne faut pas faire
- Prescrire des gouttes auriculaires cortisoniques ou contenant des antibiotiques
ototoxiques sans avoir vérifié l’intégrité de la membrane tympanique ;
- Pratiquer un lavage d’oreille sans avoir vérifié l’intégrité de la membrane
tympanique ;
CONCLUSION
L’otalgie est un symptôme fréquent pouvant révéler une pathologie extra-auriculaire parfois
grave. Il faut savoir référer un patient présentant une otalgie avec examen otoscopique
normal en milieu spécialisé ORL afin de procéder sans retard à une recherche étiologique en
vue d’une prise en charge adéquate.
REFERENCES
1. Dhillon RS, East CA. Otalgie. In Oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervico-faciale, eds
elsevier Masson, 2008, p15-16.
2. Dubreuil C, Céruse P. Otalgies. In Guide pratique d’ORL, eds MMI Masson, 2004, p 91-
96.
Annexe 1: Arbre décisionnel devant un patient présentant une otalgie
Otalgies : confirmer
- Otodynie
- Ou Otalgie réflexe
Enquête étiologique
- Examen clinique (ORL et général)
- Bilan paraclinique : selon orientation
Causes auriculaires Causes extra-auriculaires
- Traumatiques - Bucco-dentaires
- Infectieuses - Pharyngées
- Tumorales - Pathologie de l’ATM
- Pathologie de la parotide
- Certaines névralgies
Traitement spécifique
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