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INTEGRATION ECONOMIQUE DE LA DIASPORA

BURKINABE : RELANCE POLITIQUE ET DEFIS


OPERATIONNELS

Bassirou ZOMA
Ministère des Affaires Etrangères (Burkina Faso)
Dr en Histoire Contemporaine
[email protected]
Rihanata SERE
Université Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso)
Doctorante, Laboratoire Systèmes Politiques
Economies, Religions et Cultures (SYPERC)
[email protected]

Résumé

Au Burkina Faso, l’intégration économique de la diaspora est d’actualité. En 2018,


un Forum national de la diaspora burkinabè est organisé à Ouagadougou, la capitale politique du
pays. Premier du genre, il se pencha sur le thème suivant : « la contribution de la diaspora au
développement socio-économique du Burkina Faso ». Entre autres recommandations, la mise en place
d’un dispositif national permettant d’impliquer davantage la diaspora dans les actions de développement
du Burkina Faso.

C’est la relance politique de l’intégration économique de la diaspora burkinabè qui, après un temps de
doutes, semble être à nouveau entourer de soins. Les politiques passées ont montré leur limite. Les
Burkinabè de la diaspora nourrissent beaucoup d’espoir. Pourtant, le pays reste confronter à ses
difficultés structurelles. La relance politique ressemble plus à un mirage qu’à une bien vraie réalité. La
diaspora se met encore à réfléchir et à se poser de nouvelles questions sur ce qui « coince » et qui empêche
d’aller de l’avant.

Analytique et historique, le travail se nourrie de diverses sources d’informations (ouvrages généraux,


rapports, sources électroniques). Il se fixe pour objectif de décliner les politiques sectorielles du moment,
qualifiées de relance politique. Les attentes sont formulées comme suit : les fondements historiques de la
relance politique ainsi que les défis d’ordre pratique.

Mots clés : Intégration, économie, Burkina Faso, diaspora, main-d’œuvre.

Abstract
In Burkina Faso, the economic integration of the diaspora is topical. In 2018, a National Forum of
the Burkinabè Diaspora is organized in Ouagadougou, the political capital of the country. The first of
its kind, it focused on the following topic: “the contribution of the diaspora to the socio-economic

41
development of Burkina Faso”. Among other recommendations, the establishment of a national system
to further involve the diaspora in development actions in Burkina Faso.

It is the political revival of the economic integration of the Burkinabè diaspora, which, after a time of
doubts, seems to be again surrounded by care. Past policies have shown their limits. The Burkinabè of
the diaspora harbor a lot of hope. However, the country continues to face its structural difficulties. The
political revival looks more like a mirage than a real reality. The diaspora is still beginning to reflect
and ask new questions about what “stuck” and prevent us from moving forward.

Analytical and historical, the work draws on various sources of information (general works, reports,
electronic sources). Its objective is to implement the sectoral policies of the moment, qualified as political
revival. The expectations are formulated as follows: the historical foundations of the political revival as
well as the practical challenges.

Keywords: Integration, economy, Burkina Faso, diaspora, manpower.

Introduction

Au Burkina Faso, l’intégration économique de la diaspora fait partie des


approches de développement. Il est l’objet de plusieurs initiatives aussi
bien au niveau des structures gouvernementales que de la part des
partenaires techniques et financiers ainsi que les membres de la
diaspora eux-mêmes. En 2018, le Forum national de la diaspora
burkinabè jette les bases d’un « nouveau partenariat ». Il invite à la mise
en place d’un système de gestion et de suivi, permettant à la diaspora de
pouvoir investir et entreprendre. Sauf que dans les faits, l’intégration
économique de la diaspora semble souffrir des mesures visant à susciter
plus d’engouement. En théorie, les Burkinabè de la diaspora ont tout
pour être à l’abri des difficultés. Mais, dans les faits, cela ressemble à
une autre histoire. La présente réflexion revient sur la récente histoire
du Burkina Faso marquée par une accélération au niveau des politiques
publiques visant à donner un nouveau souffle aux investissements et à
l’entrepreneuriat de la diaspora. Les éléments d’analyse portent sur la
diaspora burkinabè, le renouveau politique et enfin, les contraintes
d’ordre divers qui empêchent la mise en œuvre.

1- Diaspora burkinabè : caractéristiques sociodémographiques


et professionnelles

Pays d’émigration, le Burkina Faso tire énormément profit de sa


diaspora disséminée un peu partout dans le monde. Elle est un

42
« puissant » levier de développement avec ses caractéristiques et
rapports à l’entrepreneuriat au Burkina Faso.

1-1- Caractéristiques sociodémographiques : description et


profil
La diaspora burkinabè présente la particularité d’être complexe. Les
raisons sont multiples. L’histoire et la recherche de meilleures
conditions de vie expliquent en partie un tel état de fait. Dans son
ensemble, la diaspora est estimée à douze millions de personnes. Les
hommes (72, 9%) sont plus nombreux que les femmes (27, 1%)
(PF/CPI, 2020 : 28).

En termes de répartition, elle est disséminée partout dans le monde, en


Europe, aux Etats Unis d’Amérique, au Canada, en Asie. Cependant, le
plus grand nombre se trouve en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire,
un pays côtier voisin accueillant plus de quatre millions de personnes
(Bertoncello, 2010 : 572).

Sur le plan professionnel, il est difficile de présenter la situation d’un


trait. Elle est fonction des zones et pays d’accueil.

Tableau n°1 : Répartition des immigrés burkinabè en Côte d’Ivoire par secteur
d’activité professionnelle

Secteurs d’activité Taux


Non spécifiés ou mal définis 49, 12
Agriculture et mines 31, 58
Commerce et services 16, 2
Industrie 2, 69
Bâtiment et travaux publics 0, 41
Total 100

Source : (Zongo, 2017 : 8)

En Côte d’Ivoire, les membres de la diaspora sont peu instruits et


majoritairement recensés dans les secteurs non spécificités, l’agriculture
et les mines. Par contre, en France, la situation se présente autrement.
43
Tableau n°2 : Répartition des immigrés burkinabè par catégorie socio-
professionnelle en France

(Nomenclature Immigrés Population


INSEE) burkinabè en française en %
recensement 2014 France par en %
Artisans, commerçants, 4 6,1
chefs d’entreprise
Cadres et professions 20 18
intellectuelles
supérieures
Professions 20 24,7
intermédiaires
Employés 38 28,1
Ouvriers 18 20,8

Source : (FORIM, 2018 : 16)

Contrairement à la Côte d’Ivoire, les membres de la diaspora exercent


dans des secteurs d’activités structurés. Avec 38%, les ouvriers arrivent
en tête. Ils sont suivis par les catégories de cadres cumulés à 40% à
savoir les cadres supérieurs (20%) et moyens (20%). Cela explique en
partie, les divergences sur les investissements productifs. Pendant que
les uns pensent aux bénéfices après investissements dans une entreprise
donnée, d’autres évoquent plutôt, un transfert des compétences à l’effet
de produire un changement d’ensemble. La diaspora reste attacher à
l’ensemble, à l’esprit d’investissements directs pouvant générer des
bénéfices et au transfert des compétences.

1-2- Investissements et entrepreneuriat de la diaspora : traits


caractéristiques et esprit d’initiatives
De par son poids et sa diversité, la diaspora burkinabè constitue une
opportunité de développement pour le Burkina Faso. Elle est porteuse
d’initiatives orientées vers l’amélioration des conditions de vie des
populations à la base. En procédant au transfert des fonds, les
Burkinabè de l’extérieur accomplissent leurs premiers rêves en matière
d’investissement.

44
Tableau n°3 : Répartition des transferts reçus par secteurs

Destination des Montants (FCFA) Part (%)


fonds reçus
Consommation 9 210 882 416 37,3
courante
Santé 543 269 204 2,2
Education 3 704 108 210 15
Investissement 6 346 372 067 25,7
immobilier
Autres investissements 4 025 130 922 16,3
Epargne 370 410 821 1,5
Evènements familiaux 419 798 931 1,7
Autres 74 082 164 0,3
Ensemble 24 694 054 735 100

Source : (MIABE-Granital, 2019 : 16)

De prime à bord, les Burkinabè de l’extérieur s’investissent dans la


consommation courante de leurs familles respectives restées au pays
(37,3%). Mais, à y examiner de près, ils s’intéressent de plus en plus à
l’immobilier et aux autres types d’investissements non spécifiés (42%).
Sachant que l’émigration burkinabè est d’origine rurale, bon nombre
d’entre eux retournent à la terre.

Outre les investissements « classiques », les Burkinabè de l’extérieur


affirment avoir des ambitions plus grandes pour leur pays d’origine. Les
secteurs d’activités cités sont : l’import-export, les technologies de
l’information et de la communication, l’énergie, le tourisme, l’hôtellerie,
les infrastructures…Sur la place du marché national, quelques
entreprises créées par des membres de la diaspora font autorité. Entre
autres structures :

- ALIOTH Système Energie (assemblage d’équipements solaires


connectés) ;
- FASO DIA (Agro-industrie) ;

45
- FORTH INVESTMENT (intermédiation financière) ;
- DIMAN-NI Organics (agro-industrie) ;
- NEW STAR REPUBLIQUE (intermédiation) ;
- UNLOCKIVISION (habillement et accessoires vestimentaires)
- NEW COLD SYSTEM (froid et conservation) …(PF/CPI,
2020 : 68)

En juillet 2020, Jules Kadher Kaboré, un jeune Burkinabè vivant aux


Etats Unis met au point une plateforme digitale de transfert d’argent. Il
choisit de lui donner le nom SANK en référence à Thomas Sankara,
ancien président révolutionnaire du Burkina Faso de 1983 à 1987. La
société ainsi créée porte le nom de SANK Business ; une véritable
prouesse dans un secteur encore dominé par les compagnies de
téléphonie mobile (Koba, 2022 : wearetech.africa). L’initiative est
salutaire. Mais, faute de moyens financiers et d’accompagnement,
l’espoir ainsi suscité semble s’estompé. Le prometteur et ses
collaborateurs font l’amer expérience d’une volonté d’investissement au
Burkina Faso. Les raisons sont multiples. Toutefois, nous optons pour
l’évolution politique de gestion et d’encadrement des migrations. Il
ressort qu’une certaine léthargie s’est installée. Au fil des ans, une
relance politique s’impose.

2- Relance politique : fondements historiques et réalités


contemporaines

Le Burkina Faso amorce une nouvelle phase de développement. Les


membres de la diaspora, devenus nombreux et ouverts à toute idée
d’investissement et d’entrepreneuriat viennent rappeler le « déficit » en
termes de politique de gestion et d’accompagnement. Pourtant, la voie
était toute tracée. Elle explique en partie, la situation dans laquelle, les
acteurs se sont retrouvés par la suite.

2-1- Fondements historiques : politique en matière


d’exportation de la main-d’œuvre
Au lendemain de l’indépendance politique le 05 août 1960, le Burkina
Faso change de fusil d’épaule. Il décide de nouer des relations de
partenariat avec des pays intéressés par la main-d’œuvre burkinabè.
Suivant la chronologie, les événements se déroulent comme suit :

46
- en 1960, une convention est signée avec la Côte d’Ivoire. Elle
« se voulait un cadre légal de protection des migrants, conformément aux
dispositions contractuelles liant les deux parties, mais le transfert d’épargne
des travailleurs a été suspendu en 1974 pour non-respect de cette clause
par la partie ivoirienne ». En 1979, une tentative de relance se
solda par un échec. En 1980, les autorités burkinabè instaurent
un laisser-passer. Mais, il ne produit pas les effets escomptés
(OIT-Compaoré, 2020 : 13) ;
- en 1969, une convention est signée avec le Mali. Elle met
l’accent sur la libre circulation des personnes et l’accès aux
emplois publics. Cependant, l’opérationnalisation pose
problème. Les populations ne trouvent pas non plus d’intérêt
en raison des avantages qui y sont offerts, jugés identiques de
part et d’autre (OIT-Compaoré, 2020 : 13) ;
- en 1974, le Burkina Faso et le Gabon s’engagent dans une
coopération technique en matière de main-d’œuvre. Les
intentions sont bonnes. Mais, la mise en œuvre pose
problème ; le Burkina Faso et le Gabon éprouvant des
difficultés à aplanir leurs divergences. Finalement, sur la base
de dénonciation, les deux parties se quittent (Séré, 2014 : 34) ;
- en 2009, dans un contexte international marqué par
l’émigration clandestine, le Burkina Faso et la France signent à
Ouagadougou, un accord relatif à la gestion concertée des flux
migratoires et au développement solidaire. Censé entré en
vigueur en 2011, il continue d’être objet de nombreuses
interrogations ; aucune des deux parties ne pouvant se
prononcer sur sa mise en œuvre effective (Drabo, 2020 : 4).
En dehors des accords bilatéraux, des tentatives de gestion et de
transfert des compétences de la diaspora burkinabè sont notées. En
2005, le Burkina Faso obtient de l’Organisation internationale pour les
migrations (OIM), le soutien pour la mise en œuvre du projet Migration
internationale pour le développement de l’Afrique (MIDA). En 2008,
le bilan n’est pas à la hauteur des attentes. En manque de ressources
financières, le Burkina Faso n’arrive pas opérationnaliser le projet,
destiné à impliquer les cadres travaillant à l’étranger dans les efforts de
développement national.

En l’absence d’une vision claire, le phénomène migratoire a pris de


l’ampleur. Le nombre de Burkinabè a considérablement augmenté dans
47
les différents pays d’accueil. Dans le contexte du Burkina Faso,
abstraction faite de la période coloniale, les populations se déplacent
pour des raisons économiques. Le « retour sur investissement » est
fortement attendu (BCEAO, 2013 : 7). Dans cette forte tendance, il est
connu de tous que la diaspora burkinabè contribue à son
développement économique. Au-delà des simples transferts d’argent,
elle éprouve le besoin de revenir s’installer dans son pays d’origine et
mener des activités susceptibles d’avoir un effet d’entrainement.
Historiquement, la diaspora burkinabè venant de la Côte d’Ivoire joue
les premiers rôles en la matière. Cependant, la donne tend à changer.
Les Burkinabè, éparpillés un peu partout dans le monde expriment leur
volonté d’investir, d’entreprendre et de mettre leurs expériences au
profit du développement du Burkina Faso. Plus que par le passé, la
contribution au processus de développement national ainsi que
l’intégration économique se posent avec acuité. Le Gouvernement du
Burkina Faso, interpellé de part et d’autre, à chaque rencontre ou
contact avec les Burkinabè de l’extérieur assure prendre bonne note.
Par diverses actions, il s’engage à relancer la question de l’intégration
économique des Burkinabè de l’extérieur.

2-2- Relance politique : actions en faveur des Burkinabè de


l’extérieur
La question de l’intégration économique de la diaspora burkinabè au
sens de la facilitation des transferts de fonds, des investissements
productifs et de l’entrepreneuriat a été mainte fois évoquées par les
membres de cette diaspora. Le Gouvernement, au nom de l’égalité
entre les Burkinabè, renvoie aux politiques et actions de portée
générale. Au même titre que les Burkinabè de l’intérieur, les membres
de la diaspora sont priés de prendre attaches avec les structures
publiques œuvrant dans le domaine de leurs attentes respectives.

Ainsi, pour les questions d’investissements, on évoque les réformes


fiscales permettant de faire baisser le taux d’imposition de 30% en 1991
à 27, 5% en 2014 (MIABE-Granital, 2019 : 20). Pour les questions
d’emploi et d’entrepreneuriat des jeunes, les ministères en charge de la
fonction publique, de la jeunesse et de l’emploi, du commerce ainsi que
les finances sont cités.

48
Au ministère en charge de la fonction publique, l’accès aux emplois de
la fonction publique est ouvert à tous les candidats remplissant les
conditions. Il n’existe aucune distinction entre Burkinabè. Il en est de
même au ministère en charge de la jeunesse et de l’emploi où les fonds
nationaux de développement et programmes en faveur des jeunes ne
font pas dans la discrimination. Dans le cadre de certains
investissements et activités commerciales, les ministères en charge du
commerce et des finances déclarent réserver les mêmes traitements à
l’ensemble des usagers de nationalité burkinabè.

Dans l’absolu, cela ne pose aucun problème. Pourtant, les Burkinabè de


l’extérieur, du fait de leur absence et éloignement du pays y voient un
problème. Ils évoquent toutes sortes de difficultés et de tracasseries à
l’occasion de leur retour au pays. En 2016, le gouvernement donne le
ton. Il opère des changements. Une stratégie nationale de la migration
couvrant la période 2016-2025 est adoptée. Il s’inscrit dans une vision
globale de gestion des migrations internes et externes. Cinq axes sont
déclinés. Mais, on retient surtout les trois derniers axes déclinés comme
suit : « optimiser l’impact positif des migrations internationales dans la réduction de
la pauvreté » ; « réaliser des études et des recherches sur les migrations » ;
« consolider les bases institutionnelles d’une gestion concertée de la migration »
(OIT-Compaoré, 2020 : 27).

En 2018, le Burkina Faso se dote d’un ministère en charge de


l’intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur. Cela arrive pour la
première fois dans l’histoire du pays. Les Burkinabè de l’extérieur sont
euphoriques. Une Direction générale des Burkinabè de l’extérieur est
créée. Elle décline et mène ses activités à travers trois Directions de
soutien qui sont : la Direction de la migration et de la réinsertion, la
Direction de l’information et de la promotion économique et la
Direction de la mobilisation des compétences de la diaspora (MIABE,
2018 : 10). Dans la foulée, en juillet 2018, un forum de la diaspora est
organisé à Ouagadougou. Il se penche sur le thème suivant : « la
contribution de la diaspora au développement économique du Burkina
Faso ». Des recommandations sont faites. L’une des plus urgentes porte
sur l’élaboration d’une politique nationale de gestion de la diaspora
burkinabè. Par ailleurs, en marge du forum, les membres de la diaspora
assistent à la pause de la première pierre de cité de la diaspora à

49
Gigemtenga (commune rurale de Koubri), à la sortie sud de
Ouagadougou.

En novembre 2019, le cabinet d’expert commis à la tâche d’élaboration


de la politique nationale de diaspora dépose le document final. Au
même moment, la Présidence du Faso commandite une étude sur la
stratégie de mobilisation et de promotion des investissements de la
diaspora. En mai 2020, le rapport diagnostic est fait.

Sur le plan opérationnel, en 2020, le ministère en charge du commerce


franchit le pas. Partant des conclusions et recommandations du forum
national de la diaspora, il met en place une plateforme en ligne destinée
à la diaspora. Dénommé Diaspora Burkina, elle s’intègre dans un
dynamique d’ensemble dénommé Programme d’appui à
l’entrepreneuriat de la diaspora (PAED). L’objectif visé est de
permettre à la diaspora de créer des entreprises en ligne et d’être située
en temps réel, sur les opportunités d’investissement au Burkina Faso
(Moyouzame, 2020 : agenceecofin.com). Au ministère en charge de
l’économie et des finances, le Fonds burkinabè de développement
économique et social (FBDES) se montre beaucoup plus ouvert à tout
financement de projet de membres de la diaspora. Au nombre des
produits proposés : Burkina Startups destiné aux projets innovants,
AgriNova réservé au secteur agro-sylvo-pastoral et Jaal dédiée au
secteur agroalimentaire.

Du point de vue politique, la période 2016 à nos jours est une avancée
pour la diaspora burkinabè. Elle est l’objet d’une attention particulière
et bénéficiaire de plusieurs initiatives. Cependant, l’horizon est loin
d’être totalement dégagé. Des difficultés d’ordre structurel et
opérationnel sont signalées.

3- Défis opérationnels : faiblesses structurelles et « goût


d’inachevé »

Lors du forum national de la diaspora burkinabè tenu en juillet 2018, les


participants ont bien voulu attirer l’attention sur les obstacles limitant
ou empêchant leur intégration économique. Entre autres difficultés
soulevées, les faiblesses structurelles relatives à l’émergence d’un secteur

50
privé véritable. Aussi, les dernières avancées politiques laissent-elles à
désirer.

3-1- Faiblesses structurelles : défis d’émergence d’un secteur


privé
L’intégration économique de la diaspora bute sur les faiblesses
inhérentes au développement du secteur privé. Depuis des années,
l’environnement d’ensemble tarde à se bonifier. « Petite économie enclavée
(…), le Burkina Faso se caractérise par la taille modeste de son économie, avec un
produit intérieur brut (PIB) total d’environ 13 milliards de dollars USD (…) »
(BM, 2020 : 7).

De 1995 à 2020, six orientations de l’action gouvernementale ont été


notées : lettre d’intention de politique et de développement humain
durable (1995-2005), étude nationale prospective « Burkina 2025 »,
cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (2000-2010), stratégie de
croissance accélérée et de développement durable (2011-2015), plan
national de développement économique et social, phase 1 (2016-2020)
et phase 2 (2021-2025). Le secteur privé comme moteur de la
croissance et du développement a toujours été mentionné. Mais, il
ressort que les défis sont nombreux et pourraient être situés à trois
niveaux : la gestion macroéconomique, la gouvernance et le climat des
affaires, ainsi que l’accès au financement (BM, 2020 : 23-30).

Du reste, la stratégie nationale de gestion de la diaspora burkinabè ainsi


que la stratégie de mobilisation et de promotion des investissements de
la diaspora du Burkina Faso évoquent les mêmes difficultés. Dans la
stratégie nationale de gestion de la diaspora burkinabè, les principales
contraintes à l’intégration économique de la diaspora sont regroupées
en deux catégories : les contraintes liées au climat des affaires ainsi que
les considérations d’ordre politique et social (MIABE-Granital, 2019 :
18). Le climat des affaires est décomposé comme suit : les contraintes
liées aux transferts monétaires, à l’accès à l’énergie, à la qualité des
transports, au foncier, à la fiscalité, au financement, à l’information, aux
mesures d’accompagnement, à la mobilisation et à la valorisation de
l’expertise (MIABE-Granital, 2019 : 18-22). Les considérations d’ordre
politique et social vont chercher dans la problématique de participation
au processus démocratique ainsi que l’insuffisance de l’assistance
juridique et de la protection des Burkinabè de l’extérieur.
51
La stratégie de mobilisation et de promotion des investissements de la
diaspora du Burkina Faso perçoit aussi le problème de la même
manière. Elle avance les résultats d’une enquête menée auprès de plus
de 400 membres de la diaspora burkinabè à travers le monde. « Selon les
résultats de l’enquête, plus de 80% des répondants ont mentionné le problème du
financement des entreprises, 36, 4% (…) rencontrent des difficultés dans le suivi de
leur entreprise ; environ 27% relèvent des problèmes de fiscalisation et de foncier,
notamment les difficultés d’accès aux titres fonciers et des procédures trop longues
pour avoir un contrat de bail de location. Aussi, 18% des répondants ont relevé des
difficultés de gestion et 18, 2% ont rencontré des difficultés de formalisation de
l’entreprise en lien avec les lenteurs administratives » (PF/CPI, 2020 : 57).

En 2019, le pays régresse au classement du rapport Doing Business de


la Banque mondiale. Sur 190 pays évalués, il se classe 151e ; alors qu’en
2016, il occupait le 143e rang. « Les coûts relatifs à la conduite des affaires sont
généralement élevés au Burkina Faso. Par exemple, les coûts de création d’une
entreprise s’élèvent à 42,5% du revenu par habitant (…) contre 8,1% au Niger.
De même il faut compter en moyenne 446 jours pour qu’un contrat soit exécuté
(…). Les délais (169 jours) et les coûts (9% du revenu par habitant) pour obtenir
une connexion électrique y sont décourageant » (BM, 2019 : 26). Dans un sens,
comme dans l’autre, le Burkina Faso rencontre d’énormes difficultés
d’ordre structurel. Du même coup, cela impacte la mise en œuvre des
dernières évolutions politiques faisant penser à des projets au « goût
d’inachevé ».

3-3- Dernières évolutions politiques : « goût d’inachevé »


Les dernières évolutions politiques ont suscité beaucoup d’espoirs au
sein des membres de la diaspora. Cependant, la mise en œuvre sème des
doutes. Suivant les projets et actions menées au profit de leurs
bénéficiaires, la tendance d’ensemble est à l’interrogation.

La stratégie nationale de la migration, point de départ d’une rupture


avec le passé éprouve de la peine à fonctionner. Jusqu’en 2022, les
organes de gestion ne fonctionnent pas. Le plan d’action 2016-2017 est
resté pratiquement « lettre morte ». Dans son ensemble, la stratégie
ressemble à une intention qu’à une volonté réelle de poser et de
résoudre les problèmes liés à la migration au Burkina Faso, et par

52
ricochet, les attentes de la diaspora en matière d’intégration
économique.

En 2021, après trois années de fonctionnement, le ministère en charge


de l’intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur ne tient pas. Il
est mis fin son existence au profit du ministère en charge des Affaires
étrangères qui, en réalité récupère à nouveau son dû. Les raisons ne
sont pas clairement détaillées, mais il ressort que cela fait suite à la
recherche de plus d’efficacité dans l’action gouvernementale. On était
au lendemain du scrutin présidentiel de novembre 2020 et à l’occasion
de cela, la diaspora burkinabè avait voté pour une première fois dans
l’histoire postcoloniale du Burkina Faso. D’aucuns ont laissé entendre
que la création du ministère ne poursuivait que la réalisation de cette
dernière activité en question. Une fois le vote passé, l’intérêt pour les
Burkinabè de la diaspora repassait au second plan.

La stratégie nationale de gestion de la diaspora, élaborée dans le cadre


de ce dernier ministère mis en extinction après quelque année de
fonctionnement, prend un coup. Le processus devant conduire à son
adoption et à sa mise en œuvre semble grippé. Il en est de même pour
la stratégie de mobilisation et de promotion des investissements de la
diaspora du Burkina Faso, apparemment promise à une « fin sans
gloire ».

Il y a comme un parfum de « goût d’inachevé » pour l’ensemble de ces


mesures incitatives, même si le Projet d’appui à l’entreprenariat de la
diaspora ainsi que les financements de projets dans le cadre du Fonds
burkinabè de développement économique et social, laissent entrevoir
de lueur d’espoir. La diaspora y trouve difficilement son compte. Elle
met en cause, concernant surtout le financement des projets, « (…) la
lenteur dans le traitement des dossiers de financement, le système fiscal appliqué, les
problèmes de déblocage, les problèmes liés à l’exportation des produits et à la
maturation des projets, les difficultés de remboursement, l’absence de financement
complémentaire et le manque de concertation entre startups » (MEFP-BF, 2019 :
finance.gov.bf). En 2020, 22 projets ont été sélectionnés. Six
bénéficiaires étaient issus de la diaspora. Ce qui est très faible par
rapport aux attentes mainte fois exprimées.

53
Outre les orientations politiques et opérationnel, le pays reste en proie à
de graves attaques terroristes depuis 2016. Le climat sécuritaire s’est
progressivement détérioré. La classe politique ne parvient pas à parler
d’une seule voix. A cela, s’ajoute la crise sanitaire liée à la COVID-19.
En janvier 2022, Roch Marc Christian Kaboré, président réélu pour un
deuxième mandat de cinq ans pour compter de 2021 est déposé par un
groupe de militaires au motif que la nation est en danger. Le
Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration est
proclamé. Le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba prend
les rênes du pouvoir d’Etat. L’histoire bégaie à nouveau. Tout comme
les Burkinabè de l’intérieur, la diaspora scrute l’horizon à nouveau.

L’histoire économique du Burkina Faso est marquée par une recherche


permanente d’interaction entre migration et développement. Au
lendemain de l’indépendance politique, les réflexions aboutissent à
situations négociées avec les Etats tiers, censés être des partenaires
fiables en matière d’exportation de main-d’œuvre. Mais, très vite, ce qui
était perçu comme un « partenariat gagnant-gagnant » tourne à la
désillusion. Les Burkinabè continuent de rallier des pays d’accueil.
L’Etat n’y arrive pas. De nos jours, la situation se pose en terme
d’intégration économique vue sous plusieurs angles. Les politiques
publiques tentent de colmater les brèches. Mais, le mal semble profond.
Les Burkinabè de la diaspora éprouvent encore de la peine à investir et
entreprendre. Les réflexions sont loin d’être bouclées. Une des pistes
seraient le ciblage des acteurs mis en relation avec les besoins réels du
pays.

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