CM1 Thème 2 Le Temps Des Rois Moyen Age Et Renaissance
CM1 Thème 2 Le Temps Des Rois Moyen Age Et Renaissance
CM1
Thème 2
Le temps des rois
Comme l'objectif du cycle 3 est de construire quelques premiers grands repères de l'histoire de France,
l'étude de la monarchie capétienne se centre sur le pouvoir royal, ses permanences et sur la
construction territoriale du royaume de France, y compris via des jeux d'alliance, dont la mention
permet de présenter aux élèves quelques figures féminines importantes : Aliénor d'Aquitaine, Anne de
Bretagne, Catherine de Médicis. Les élèves découvrent ainsi des éléments essentiels de la société
féodale et du patrimoine français et sont amenés à s'interroger sur les liens du Royaume de France
avec d'autres acteurs et d'autres espaces. On inscrit dans le déroulé de ce thème une présentation de la
formation du premier empire colonial français, porté par le pouvoir royal, et dont le peuplement repose
notamment sur le déplacement d'Africains réduits en esclavage. Les figures royales étudiées
permettent de présenter aux élèves quelques traits majeurs de l'histoire politique, mais aussi des
questions économiques et sociales et celles liées aux violences telles que les croisades, les guerres de
religion et le régicide.
Cette partie du programme a beaucoup déstabilisé les enseignants : on leur demande de survoler en
une douzaine de séances (les périodes 3 et 4 du calendrier) une période de 900 ans à laquelle ils
consacraient auparavant l’ensemble de l’année de CM1. Le Moyen Age, très prisé des élèves et des
professeurs est réduit à l’étude de Louis IX.
Conscient de ce problème le CSP a donné un fil directeur pour guider cette construction des 1ers
grands repères : le pouvoir monarchique, la construction de l’état royal, d’abord au niveau territorial.
Cependant la tâche reste ardue, car comme le souligne le programme, on ne peut se passer d’évoquer
le contexte social et économique, en particulier dans le cas des Capétiens, les problèmes religieux
(croisades de Louis IX, protestantisme et guerre de religion pour Henri IV, voir pour Louis XIV),
l’histoire des Arts constamment sollicitée.
A cela s’ajoute la volonté d’évoquer quelques figures féminines marquantes, Aliénor d’Aquitaine,
Anne de Bretagne ou Catherine de Médicis. Le choix de Blanche de Castille eut été judicieux puisqu’il
pouvait s’insérer dans l’évocation de Louis IX.
Enfin, à la suite d’une polémique apparue lors de la publication du premier projet de programme,
l’étude du premier empire colonial français et du commerce triangulaire a été rattachée in extremis à la
question sur le règne de Louis XIV. Ce respect tardif de la loi Taubira alourdit encore la charge des
enseignants.
Absolue nécessité d’une frise murale de référence pour pouvoir replacer les différents moments
historiques étudiés.
A noter les points abordés au cycle 4 qui complètent ce survol de l’histoire :
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Département d’histoire/géographie (Alain Barbé)
En 5em le thème 2 aborde « l’affirmation de l’Etat monarchique dans le Royaume des Capétiens et des
Valois », revenant à cette occasion sur la Guerre de Cent Ans, et « Société, Eglise et pouvoir politique
dans l'occident féodal » (XI°-XV° siècles).
Le thème « du Prince de la Renaissance au roi absolu » revient sur François 1er, Henri IV et Louis XIV.
En 4em la traite négrière et l’esclavage.
Replacer Saint Louis dans le contexte historique :
- Le temps de la féodalité : une économie rurale organisée autour de la seigneurie. Une atomisation du
pouvoir politique, avec de grands féodaux et une multitude de petits seigneurs.
- Une société dominée par l’Eglise, préoccupée de son salut. Le temps des croisades et des
cathédrales.
- Une expansion économique avec un premier développement urbain, une Europe en pleine expansion
démographique, c’est le « beau Moyen Age ».
- Un pouvoir royal en expansion. Les Capétiens construisent un état territorial, affirment la sacralité
du roi, en font la garant de la justice contre les puissants.
- Le rôle des reines particulièrement fort sous son règne : la place politique de Blanche de Castille,
deux fois régente, lors de sa minorité et lors de la 7em croisade. Son rôle de mère dans sa formation,
chrétienne intransigeante : « Je vous préfèrerait mort plutôt qu’en état de péché mortel ». La place de
Marguerite de Provence, couple fusionnel, révélateur de la démographie médiéval (11 enfants, 5
meurent avant l’âge de 20 ans). Fille du comte de Provence, une de ses sœurs est reine d’Angleterre,
une autre épouse Charles d’Anjou, frère de Saint-Louis, roi de Naples et de Sicile : alliance
matrimoniale et diplomatie.
Les rois carolingiens sont confrontés à une nouvelle vague d’invasions qui culmine vers 900 : Les
Hongrois à l’est, les Maures ou Sarrasins en Provence et surtout les Normands. La défense du pays
passe par des châteaux fortifiés. Les comtes qui les possèdent, d’abord nommés par les rois,
deviennent héréditaires. Le pouvoir seigneurial dépossède peu à peu les rois.
La féodalité se met en place vers 900. L’Eglise tente d’organiser cette nouvelle société en la fondant
sur trois ordres : ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent. Le pouvoir politique est
organisé sur le système de la vassalité. A chaque échelon le vassal prête hommage à un suzerain qui
s’engage à le protéger et lui concède une terre, le fief. Au sommet le roi rend des comptes à Dieu.
Cette organisation théorique de la société survivra jusqu’en 1789.
L’église tente aussi de canaliser la violence des guerriers en instituant la trêve de dieu, et les règles de
chevalerie, qui font du guerrier un combattant chrétien, défenseur de la veuve et de l’orphelin, et tout
entier tourné vers la lutte contre les infidèles.
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Département d’histoire/géographie (Alain Barbé)
L’essentiel des terres dépend d’un seigneur, qui peut être laïc ou religieux. La seigneurie Foncière
règlemente la propriété des terres. Elle divise les terres en deux parties : la réserve est exploitée
directement par le seigneur, avec sa familia, l’ensemble de ses domestiques, ou des tenanciers. Le
reste de la seigneurie, est divisé en parcelles ou tenures, laissées en jouissance à des tenanciers. En
échange les tenanciers versent au seigneur une sorte de loyer, le cens, d’où le nom de censive souvent
donné aux tenures. Lorsqu’il est prélevé en nature on a tendance à appeler ce cens, le champart. Ils
doivent aussi des services en travail, les corvées. le seigneur bénéficie des banalités : le banvin lui
permet de fixer la date des vendanges et de vendre son vin le premier. Les paysans doivent passer par
l’utilisation du moulin, four et pressoir banal, contre redevance.
Au Moyen Age l’Europe se nomme et se définit comme la Chrétienté, c’est dire le poids
identitaire de la religion chrétienne sur continent.
Cette identité se définit d’abord par l’exclusion de deux mondes radicalement différents : les
musulmans (les sarrasins, les mahométans) au sud, les chrétiens grecs orthodoxes à l’est. Autre
exclus, les juifs. Ils sont tolérés dans la chrétienté jusque vers l’époque des croisades. Vers 1090 les
premiers pogroms apparaissent en Allemagne, le concile de Latran (1215) leur impose un insigne
distinctif : une rouelle de couleur jaune. Enfin la Chrétienté se définit aussi par l’exclusion des
hérétiques, tenants d’une pensée contraire au dogme catholique. Les plus nombreux seront les
Cathares, très présents dans le midi toulousain au XII°s. Le pape lance contre eux une croisade en
1208, et créé un tribunal particulier, l’inquisition, confié aux Dominicains pour traquer les hérétiques.
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Département d’histoire/géographie (Alain Barbé)
C’est sous Saint-Louis qu’a lieu le siège de Montségur dernier bastions cathare. Au début du XIV°s,
les cathares disparaissent. L »inquisition va lors s’orienter vers la chasse aux sorcières.
L’organisation de l’Eglise :
Clergé séculier : au contact des laïcs Clergé régulier : en communauté régie par une
règle
Hiérarchie : Les communautés sont régies collectivement par
Archevêque à la tête d’une province un conseil appelé chapitre. Il élit l’abbé qui
Evêque : à la tête d’un diocèse dirige le monastère. Les apprentis moines, les
Prêtres ou curés : à la tête d’une paroisse novices n’ont pas « voix au chapitre ».
Diacre : adjoint des curés Les communautés sont régies par des règles qui
les rattachent à un ordre. La plus ancienne est
Le pape est uniquement l’évêque de Rome mais celle de St Benoît qui a fondé au VI° s les
son rôle devient primordial dès le IV° s. Il est élu Bénédictins. Elle préconise une vie partagée
par les cardinaux, lors d’un conclave. entre le travail et la prière. Cinq prières par
Les évêques siègent dans une église dite jour, travail agricole et intellectuel. Les moines
cathédrale car abritant la cathèdre, siège de recopient des manuscrits dans le scriptorium :
l’évêque. Au début élus par les fidèles, ils sont rôle considérable dans la transmission du savoir
désignés par le pape. antique. Rôle économique : défrichement des
La messe est dite en latin, le dos tourné aux forêts, sidérurgie (forge).
fidèles. Au XII° s, St Bernard créé les Cisterciens, au
mode de vie plus austère.
Tous les clercs sont soumis à la règle du célibat. Au XIII° s apparaissent les ordres mendiants :
Franciscains (François d’Assise), Dominicains
Le clergé séculier s’occupe également des taches qui veulent s’installer dans les villes et vivre
d’assistance aux pauvres, de l’enseignement des uniquement des aumônes. Ils prêchent la bonne
écoles à l’université, des hôpitaux. Ces missions parole : les frères prêcheurs.
sont donc très diverses. .Avec les croisades apparaissent des ordres de
moines soldats : Templiers, Hospitaliers,
Chevaliers Teutoniques.
Saint-Louis est proche des franciscains, on lui reprochera d’être « le roi des frères », il aurait
songé à abdiquer pour entrer dans les ordres. Il sera aussi le dernier roi à partir en croisade, ces
guerres saintes, considérées comme des pèlerinages armés pour délivrer Jérusalem et combattre
l’Islam.
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Le 21 mai 987, le roi carolingien Louis V se tue accidentellement. Les grands féodaux se
réunissent à Senlis pour élire son successeur. Le 3 juillet 987, ils désignent l’un des leurs :
Hugues Capet, duc de France,( d’Ile de France). Le dernier carolingien, Charles de Lorraine est
écarté. Hugues tire son surnom de sa cape d’abbé laïc de Saint Martin de Tours, fonction
prestigieuse. D’où le nom de Capétiens donné à la dynastie qui règnera jusqu’en 1792.
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Le choix des féodaux va dans le sens d’un affaiblissement accru du pouvoir royal. La famille
des Carolingiens jouissait d’un prestige fort, celle d’Hugues Capet, les Robertiens, est moins
ancienne. Les féodaux espèrent instaurer une monarchie élective, ce qui sera le cas en Pologne ou
dans le Saint Empire. De plus, Hugues Capet apparaît comme un roi de transition, âgé pour
l’époque (il a 47 ans). C’est en jouant sur son âge (il règnera cependant 10 ans), que le nouveau roi
va contrecarrer leur projet : il propose d’associer au trône son fils Robert, qui est couronné dès
987. Les rois capétiens continuent cette pratique pendant près de deux siècles, faisant couronner
leur fils aîné dès l’âge de la majorité (15 ans) et l’associant au trône. Ils imposent ainsi le
principe dynastique à l’encontre de la monarchie élective espérée par les féodaux.
Cependant, les chances d’affirmation du pouvoir royal semblent minces. Hugues Capet ne
contrôle directement que son domaine, de Senlis à Orléans en passant par Paris. Les
principautés des grands féodaux sont plus étendues. L’émergence de l’état anglo-normand qui
en 1154 grace au mariage d’Henri II d’Angleterre, duc de Normandie et d’Aliénor d’Aquitaine,
contrôle outre le royaume d’Angleterre, les duchés de Normandie, d’Aquitaine, le Maine et
l’Anjou semble les condamner à un rôle secondaire. C’est sans compter sur les atouts qui vont
permettre le « miracle capétien » et le sens politique des « Grands Capétiens ».
- une chance biologique inespérée : un fils vivant en âge de régner à chaque génération.
Une succession en ligne directe de 987 à 1316 ! Saint- Louis qui arrive sur le trône à 12 ans en
1226 est le 9em capétien en ligne direct.
- un prestige fort lié au sacre. Les rois sont sacrés à Reims. Ils reçoivent l’onction : ils sont
consacrés avec l’huile de la Sainte ampoule qui aurait été apportée du ciel pour baptiser
Clovis. Ils deviennent thaumaturges, capables de faire des miracles. Leur personne est
désormais sacrée : aucun roi ne mourra assassiné avant le XVIe siècle et les guerres de
religion,
Le couronnement du roi à la fin de la cérémonie du sacre, enluminure de 1248.
- A leur mort, tous les rois sont enterrés à Saint-Denis, qui devient le mausolée sacré de la
monarchie. Saint-Louis prendra soin de réorganiser la présentation des tombeaux pour
renforcer l’impression de continuité dynastique des Mérovingiens aux Capétiens. C’est là que
sont conservés les objets du sacre, et l’étendard royal, l’oriflamme de Saint-Denis qui mène
les armées à la bataille. La mort d’un roi n’interrompt pas la continuité dynastique, son
successeur est aussitôt roi de pleins pouvoirs : « Le roi est mort, vive le roi ».
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Département d’histoire/géographie (Alain Barbé)
- L’autorité du roi est reconnue par l’Eglise et par les féodaux. Au sommet de la pyramide
féodale, il œuvre au bon fonctionnement du droit féodal. Mêmes les premiers capétiens
exercent une fonction d’arbitre respecté. Les Capétiens vont très tôt s’entourer de juristes dont
la tache est de codifier ce droit féodal. Ils apparaissent aux yeux de leurs sujets comme les
garants de la justice.
- Les Capétiens sont riches. Leur domaine est assis sur les terres céréalières du Bassin
Parisien. Ils contrôlent Paris et Orléans et donc les voies fluviales de la Seine et de la Loire.
Ils bénéficient de la proximité des foires de Champagne, centre de l’économie européenne au
XII° et XIII° s. Les Capétiens profitent du renouveau urbain et de la reprise du commerce
qui se manifestent en occident à partir de 1100. Ils appuient les bourgeois des villes qui
proclament des « Communes », les prenant sous leur protection.
- L’Ile de France est aussi un foyer intellectuel et culturel de première importance, avec les
écoles de Paris. La Sorbonne est fondée sous le règne de Louis IX. Les grands chantiers des
cathédrales sont initiés sur les terres royales: à St Denis, Laon, ou Paris. L’art gothique est
appelé au XII° siècle : « l’art royal français ».
On est donc loin de l’image de roitelets impuissants donnée durant longtemps à ces
premiers Capétiens.
On désigne sous l’appellation Grands Capétiens les trois règnes marquants de Philippe II Auguste
(1180-1223), Louis IX ou Saint-Louis (1226-1270) et Philippe IV Le Bel (1285-1314). Ces trois rois
vont faire de la monarchie française l’état européen le plus puissant, abattant l’adversaire anglo-
normand de la dynastie des Plantagenêt, soumettant les grands féodaux et imposant même leur
volonté au pape, ce que les empereurs germaniques n’avaient pas réussi.
Philippe Auguste, fils de Louis VII, profite des divisions familiales des Plantagenêt pour se
débarrasser dans un premier temps de Richard Cœur de Lion. Jean Sans Terre qui succède à son frère
sur le trône d’Angleterre ayant commis un crime odieux, Philippe Auguste se pose en justicier et au
nom du droit féodal confisque la Normandie, le Maine et l’Anjou, triplant d’un coup le domaine
royal. Il remporte la grande victoire de Bouvines en 1214 contre une coalition du comte de Flandres et
de l’empereur germanique. Lors de ce cette bataille pour la première fois, des milices communales de
bourgeois se battent aux côtes des guerriers. Philippe Auguste fixe sa capitale à Paris et y fait
construire le Louvre. Saint-Louis agrandira le palais de la Cité et y adjoint la Sainte-Chapelle.
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Louis IX, petit fils de Philippe Auguste et fils de Louis VIII. Il profite des conséquences de
l’intervention de son père dans la croisade contre les Cathares, pour réaliser l’annexion du
Languedoc. Il conquiert aussi le Poitou et la Saintonge. Louis IX se veut un modèle de roi chrétien :
il s’identifie à une justice impartiale pour chacun. Il veut une moralisation de l’état. Il prône la paix
entre royaumes chrétiens et la guerre contre les hérétiques. Par deux fois, il part en croisade et meurt
finalement devant Tunis en 1270. Déjà de son vivant en odeur de sainteté, il est canonisé dès 1296
devenant une source de prestige extraordinaire pour la dynastie. Désormais chaque roi se référera à
son image. Son prénom est le plus donné aux rois de France.
Philippe IV le Bel, petit fils de Louis IX et fils de Philippe III. Il achève la construction de l’état
capétien, imposant sa volonté à tous les grands féodaux. A sa mort le domaine royal s’étend sur les
2/3 du royaume. Il soumet le pape et l’oblige à s’installer à Avignon et à quitter Rome. Pour
s’emparer de leurs biens, il fait arrêter les Templiers (1307) à la suite de la première rafle policière
de l’histoire menée à l’échelle de tout un pays. Obtient la condamnation et la dissolution de l’ordre,
mais ne peut mettre la main sur ses biens, données aux Hospitaliers. A la recherche de finances
nouvelles, il convoque pour la première fois les Etats Généraux, où les roturiers des villes participent
au même titre que la noblesse et le clergé. C’est en 1314 le roi le plus puissant de toute l’Europe,
craint et redouté.
b) L’œuvre accomplie :
c)
L’extension territoriale : un état avec une assise territoriale qui va des Flandres à la Méditerranée et
qui se confond avec le domaine royal.
Un maillage administratif : partout des baillis (dans le nord) ou des sénéchaux (dans le midi)
représentent le roi et exécutent ses ordres. Des prévôts font régner l’ordre.
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La monnaie royale aura désormais cours dans tout le royaume. Il est ordonné qu nul ne puisse faire
de monnaies semblables à la monnaie du Roi… Et qu’on ne se serve d’aucune monnaie dans le
royaume à partir de la Saint-Jean prochaine, là où il n’y a pas de monnaie particulière, si ce n’est de
la monnaie du Roi.
Ordonnance de 1262.
L’état se dote d’institutions centrales : Cour du roi, Cour des Comptes, Parlement pour la justice. Le
premier budget est établi sous Philippe Auguste.
Les Capétiens ont ainsi créé un état moderne et centralisé, détaché de la féodalité. Un problème
demeure : le coût de financement de cet état, car le roi ne peut recourir à l’impôt qu’en temps de
guerre. Seul, l’établissement d’impôts permanents à l’occasion de la guerre de cent ans
permettra aux rois d’ajuster leurs ressources à leur ambition. Quoiqu’il en soit le chemin vers
une monarchie absolue centralisée était déjà tout tracé.
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Louis IX est le modèle du bon roi, juste et pacifique. Le Goff a mis en exergue de sa biographie une
citation de Voltaire surprenante.
« Il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte et peut-être est-il le seul souverain qui
mérite cette louange : prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats sans être emporté,
compatissant comme s’il n’avait jamais été que malheureux. Il n’est pas donné à l’homme de porter
plus loin la vertu ». Voltaire, Essai sur les mœurs, chapitre LVIII.
Les seules approches critiques, apparues après 1970, sont circonscrites à deux aspects : la politique
de Saint Louis envers le Languedoc et les Cathares, et ses mesures contre les juifs. Dans le
premier cas s’il est vrai qu’il a préparé l’annexion du Languedoc et soutenu l’écrasement des derniers
foyers cathares, le roi prend ici le train en marche : la croisade contre les Cathares a été décidée en
1209, et c’est son père, Louis VIII qui fait directement intervenir l’état royal en Occitanie. Dans le cas
des Juifs, sa politique se durcit incontestablement au fil du règne, mas il n’est que le reflet du temps :
le concile de Latran a initié les mesures anti-juives et d’autres pays connaissent une évolution
semblable, le royaume d’Angleterre, par exemple, expulse les Juifs en 1290.
La popularité de Saint-Louis tient aussi à un fait précis : c’est le premier roi pour lequel nous ayons
autant de témoignages et de documents. La multiplication des témoignages est liée à la célébrité du
roi, mais aussi au procès de canonisation. Les sources sont diversifiées, pas seulement françaises.
C’est surtout le livre de Joinville qui nous donne un aperçu original, les souvenirs d’un ami du roi. Il
rapporte ses propos directement, sans le crible de la version officielle, et en français.
L’iconographie est aussi abondante, elle s’est multipliée après sa canonisation. On repère sur les
images la référence à la canonisation, lorsque la figure du roi s’inscrit dans une auréole.. Le XIX°
siècle, dans la peinture d’histoire ou dans les illustrations de manuels scolaires revient par contre à
une représentation laïcisée.
A noter par contre qu’au contraire de Jeanne d’Arc, la vie du saint roi a peu inspiré les cinéastes.
Aucun film sur sa vie : la sainteté n’est pas photogénique.
Le règne est donc révélateur de toute une époque. Mais en même temps il porte aussi la marque
personnelle du roi, et cette marque c’est son engagement chrétien. On peut donc aussi aborder par ce
biais le rôle de l’Eglise au Moyen Age, les croisades, la conception médiévale du modèle de roi
chrétien.
Sur ce point les historiens notent que Saint-Louis est à la fois le témoin de son temps, il est très
marqué par les thèmes développés depuis le début du XIII° siècle par les moines mendiants)
notamment les Franciscains, fondés par Saint François d’Assise. Il aurait même envisagé un
moment de se faire moine. Mais en même temps son attachement à la croisade en fait un homme du
passé. Vers 1250 beaucoup de clercs prennent leur distance avec la croisade (Cf. livre d’Aurell Martin,
Des Chrétiens contre les croisades, Fayard, 2013). Le coût exorbitant de ces expéditions est souligné.
Son second départ en 1270 est critiqué par beaucoup de ses proches. Joinville décline l’invitation et
reste tranquillement chez lui, il rapporte les propos d’un chevalier de l’entourage du roi, en 1270,
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Département d’histoire/géographie (Alain Barbé)
« Nous ne nous croisons pas pour Dieu mais par peur du Roi ! ». Les Franciscains insistent sur la
nécessité d’une action missionnaire plutôt que guerrière. Saint-Louis lui-même est ambigu sur ce point
comme le montre le doc.
Rapide chronologie du règne :
Un règne assez long, 44 ans, Louis IX étant devenu roi à l’âge de 12 ans.
La première partie du règne va de 1223 à 1234. Le gouvernement est assuré par Blanche de Castille,
la reine mère. Fille du roi de Castille Alphonse VIII, petite fille d’Aliénor d’Aquitaine, c’est une
catholique intransigeante et très autoritaire qui marquera son fils. Elle ancre l’expansion capétienne
vers le midi : le comte de Toulouse doit marier sa fille unique au jeune frère de Louis, le roi épouse
Marguerite, une fille du comte de Provence.(D2) Blanche de Castille veille à l’éducation du roi ( D1)
et lui inculque une religiosité sévère : « Je préfèrerai vous voir mort qu’en état de péché mortel ! »
Lorsque le roi prend le pouvoir en 1234, à 20 ans, il laisse encore un grand rôle politique à sa mère
et lui confie la régence lors de sa croisade. Elle gouverne de 1248 à 1252, date de sa mort.
De 1234 à 1248 l’action de Louis IX est dans la continuité de la politique capétienne. (D 4) Il bat le
roi d’Angleterre. Tente de mieux administrer le royaume, en faisant mener de grandes enquêtes.
1248-1254 : la rupture de la 7em croisade. C’est un échec dès 1250, mais Louis IX reste en Terre
sainte quatre longues années. Il en revient profondément transformé.
1254- 1270 : L’idéal du royaume chrétien. Le roi tend à construire un état modèle de
justice,(réforme de 1258 et création d’une cour d’appel en 1260) de bonne gestion (ordonnances sur
les baillis, réforme de la monnaie), de paix (paix avec l’Angleterre en 1259, interdiction des guerres
privées), lutte contre les Juifs ( doc 14).
1270- 1297 : de la mort en croisade à la canonisation.
Le dossier peut être lu en fonction de deux grands axes : le roi continuateur de l’œuvre
capétienne d’une part, le roi chrétien d’autre part.
Comme ses prédécesseurs il a été sacré à Reims ( D 3) devenant ainsi un roi sacré et thaumaturge
(pouvant guérir des maladies par l’imposition des mains).
Comme son grand père Philippe Auguste il veille à agrandir le domaine royal (D4). S’il rétrocède des
fiefs au roi d’Angleterre c’est en échange de son hommage féodal et de sa reconnaissance de la perte
des territoires conquis par Philippe Auguste.
Son action renforce aussi l’état royal. L’ordonnance de 1254 (D 9) sur les baillis fixe un idéal de
gestion et de transparence des officiers royaux. La monnaie royale (D10) établit le monopole d’état sur
la monnaie, et montre la force du royaume capable d’émettre une monnaie d’or.
Louis IX est très conscient de cette continuité dynastique. Elle transparait dans sa réorganisation des
emplacements des tombeaux de la basilique Saint-Denis (D 12), classés par dynastie. C’est sous son
impulsion qu’elle devient ce mausolée des rois de France. Le dossier n’en fait pas mention, mais dans
un même souci de continuité dynastique, le roi fait entreprendre à partir de 1250 la rédaction des
Grandes Chroniques de France qui vont devenir le recueil de l’histoire officielle de la monarchie.
Le roi chrétien :
Un christianisme traditionnel marqué par le culte des reliques et l’édification d’églises. Le document
D13 permet d’évoquer la Sainte-Chapelle du palais de la Cité. Un écrin de pierre et de vitraux
construit pour abriter la couronne d’épines achetée à grands frais par Louis IX. Elle est édifiée en 7 ans
et constitue un modèle de l’église gothique, cité de Dieu baignée de la lumière des vitraux. Peu de
temps auparavant, Louis avait aussi fait construire la Sainte Chapelle du château de St Germain en
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Département d’histoire/géographie (Alain Barbé)
l’Haye, toujours visible. Dans les deux cas ce sont des lieux de culte privés, liés à la cour et au roi.
Louis fonde aussi l’abbaye de Royaumont, et sous son règne les chantiers des grandes cathédrales
gothiques commencés la plupart au XII° siècle sont en voie d’achèvement.
La charité. Saint Louis fait de cette obligation une règle de vie. On le voit partout où il passe nourrir
les pauvres, soigner les lépreux. (D5 et D6 D). Il pousse même le zèle à demander de soigner en
priorité les mendiants aveugles pour qu’ils ne voient pas que c’est le roi qui les lave et les nourrit.
Cette règle de vie poussée à un tel point a frappé tous les contemporains. Des malades venaient le voir
de toute l’Europe. Cet aspect a joué beaucoup dans sa canonisation.
Une justice chrétienne et royale. Si l’image du roi rendant la justice sous un chêne à Vincennes
relève de l’imaginaire scolaire, le roi attache une grande importance à la valorisation de son rôle de
justicier au-dessus des hiérarchies sociales. L’anecdote du sire de Coucy (D 8) a beaucoup marqué les
contemporains, même si les trois victimes ne soient pas des paysans comme l’affirmaient un peu vite
des manuels d’histoire, mais des nobles, le fait de condamner un haut seigneur pour un acte commis
sur ses terres, était une révolution l’affirmation de la primauté de la justice du roi sur tous ses sujets.
C’est donc autant un acte politique que religieux.
Le croisé. Peu de document dans le dossier sur ce point. Le document D6 B est cependant révélateur.
Pour Saint-Louis la croisade est un « dangereux fardeau », il ne vient pas conquérir des terres, mais
« sauver des âmes ». On est donc ici dans une version nouvelle de la notion de croisade, aux frontières
de l’action missionnaire. Saint-Louis s’inspire ici des thèses de Saint-François d’Assise qui lui-même
fit le voyage en Egypte, en 1219, tenter de convertir le sultan.
L’antijudaïsme : comme le précise Le Goff cet aspect du personnage est à replacer dans le contexte
du XIII° siècle. Le concile de Latran qui réorganise l’Eglise en 1215 ouvre la voie à l’exclusion des
Juifs et des musulmans du monde chrétien, qui jusque là avait toléré les juifs, peuple de la Bible. Louis
IX semble cependant frapper ses contemporains par son antijudaïsme, comme le montre le texte de
Guillaume de Chartres (D14, B). Ses propos rapportés par Joinville (D14 A) sont très violents. Enfin
durant tout son règne les mesures antijuives vont crescendo : d’abord les restrictions apportées à
l’usure, puis l’ordre de bruler les talmuds (D14 C) puis l’imposition d’un signe marqueur à tous les
juifs (D14 D). L’étape suivante était l’expulsion du royaume, elle aura lieu au XIV° siècle.
L’ordre moral : Louis IX est passionné de sermons et n’hésite pas à en imposer à tous ses sujets ,
comme les marins de son bateau de retour des croisades ( D6 E). Il intervient pour donner des leçons
de bonne conduite chrétienne à son entourage. On appréciera sa délicatesse envers la dame de la cour
d’un certain âge qu’il reprend, la trouvant trop coquète pour son âge, et l’appelant à cultiver la beauté
de l’âme (D6 C) ! Il déteste le blasphème et les blasphémateurs, c’est le sens de sa volonté d’extirper
tous les « vilains serments » de son royaume (D6 A). En 1268 cela sera puni par une ordonnance
royale.
La moralisation de la société est aussi au cœur des ordonnances réformatrices de 1254 (D 9) Si
l’ordonnance commence à traiter des officiers royaux elle débouche à la fin sur l’interdiction des jeux,
en particulier les jeux de dés, et sur la réglementation de la prostitution. C’est bien un projet de
royaume chrétien idéal qui motive le saint roi.
Saint-Louis est donc bien un modèle de roi chrétien de l’époque médiévale. Déjà à l’époque son projet
de monarchie chrétienne idéale paraissait excessif pour certains de ses contemporains, avec le recul du
temps nous avons d’autant plus de mal à l’accepter. Cependant il faut se garder de tout jugement
anachronique, Saint-Louis est le produit d’un monde chrétien, modelé par l’Eglise où le doute n’a pas
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de place, et où l’altérité des croyances n’est pas acceptée. Il reste peut-être le modèle le plus achevé du
roi capétien.
D1 Saint Louis apprenant à lire, enluminure de la vie de Saint Louis de Guillaume de Saint-Pathus vers
1320
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1154 1226
Seigneureries ecclésiastiques
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Le roi chrétien
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Doc 5 : Saint Louis lavant les pieds des pauvres et distribuant des aumônes, enluminure du
XV° siècle
A) « Je voudrais être brûlé d’un fer chaud si, en le faisant, je pouvais être assuré que tous les vilains
serments seraient extirpés de mon royaume ! » (Joinville)
D) Et lorsqu’il allait à l’abbaye de Chaalis, il baisait la pierre où se lavaient les lépreux de l’endroit
en disant : Ah ! Dieu, beaucoup d’hommes saints se sont lavés ici.(Saint-Pathus, Miracles de Saint-
Louis)
E) Il voulait écouter très fréquemment des sermons et, quand ils lui plaisaient, il les retenait très bien
et savait les répéter aux autres avec beaucoup de succès. Pendant son voyage de retour de la
croisade, qui dura dix semaines, il ordonna que l’on fit sur son navire trois sermons par semaine.
Quand la mer était tranquille et que le navire n’avait pas besoin de travail des marins, le pieux roi
voulait que ces marins entendissent un sermon spécial sur un thème les concernant, par exemple les
articles de la foi, les mœurs et les péchés, considérant que ce genre d’hommes entendait très
rarement la parole de Dieu. (Geoffroy de Beaulieu, confesseur du roi, Vie de Saint-Louis)
D7 Le chêne de Vincennes
Le roi rendant la justice à Vincennes, deux images de manuels scolaires, à gauche un manuel
de l’enseignement catholique, vers 1900, à droite de l’enseignement public vers 1950.
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Le roi rendant la justice à Vincennes, deux images de manuels scolaires, à gauche un manuel
de l’enseignement catholique, vers 1900, à droite de l’enseignement public vers 1950.
« Il advint en ce temps qu’en l’abbaye de Saint-Nicolas au bois qui est près de la cité de Laon,
demeuraient trois nobles jeunes gens [enfants] natifs de Flandre, venus pour apprendre le langage de
France2. Ces jeunes gens allèrent jouer un jour dans le bois de l’abbaye avec des arcs et des flèches
ferrées pour tirer et tuer les lapins. En suivant leur proie qu’ils avaient levée dans le bois de l’abbaye,
ils entrèrent dans un bois appartenant a Enguerrand le seigneur de Coucy. Ils furent pris et retenus par
les sergents qui gardaient le bois. Quand Enguerrand apprit ce qu’avaient fait ces jeunes gens par ses
forestiers, cet homme cruel et sans pitié fit aussitôt pendre les jeunes gens. Mais quand l’abbé de
Saint-Nicolas qui les avait en garde l’apprit, ainsi que messire Gilles le Brun, connétable de France au
lignage de qui appartenaient les jeunes gens, ils vinrent trouver le roi Louis et lui demandèrent qu’il
leur fît droit du sire de Coucy. Le bon roi droiturier, dès qu’il apprit la cruauté du sire de Coucy, le fit
appeler et convoquer à sa cour pour répondre de ce vilain cas. Quand le sire de Coucy entendit le
commandement du roi, il vint à la cour et dit qu’il ne devait pas être contraint à répondre sans conseil ;
mais il voulait être jugé par les pairs de France selon la coutume de baronnie.
Ces faits ayant été établis devant le roi Louis, il fit prendre et saisir le sire de Coucy, non pas par ses
barons ni par ses chevaliers, mais par ses sergents d’armes et le fit mettre en prison dans la tour du
Louvre et fixa le jour où il devait répondre en présence des barons. Au jour dit les barons de France
vinrent au palais du roi et quand ils furent assemblés le roi fit venir le sire de Coucy et le contraignit à
répondre sur le cas susdit. Le sire de Coucy, par la volonté du roi, appela alors tous les barons qui
étaient de son lignage à son conseil, et ils vinrent presque tous et ils se retirèrent à part, si bien que le
roi demeura presque tout seul, sauf quelques prud’hommes de son conseil. Mais l’intention du roi était
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de rester inflexible et de prononcer un juste jugement, c’est-à-dire de punir ledit sire selon la loi du
talion et de le condamner à une mort semblable [à celle des jeunes gens]. Quand les barons
s’aperçurent de la volonté du roi, ils le prièrent et requirent très doucement d’avoir pitié du sire de
Coucy et de lui infliger une amende à sa décision. Le roi, qui brûlait de faire justice, répondit devant
tous les barons que s’il croyait que Notre Seigneur lui sût aussi bon gré de le pendre que de le relâcher,
il le pendrait, sans se soucier des barons de son lignage. Finalement, le roi se laissa fléchir par les
humbles prières des barons et décida que le sire de Coucy rachèterait sa vie avec une amende de dix
mille livres et ferait bâtir deux chapelles où l’on ferait tous les jours des prières chantées pour l’âme
des trois jeunes gens. Il donnerait à l’abbaye le bois où les jeunes gens avaient été pendus et
promettrait de passer trois ans en Terre sainte. Le bon roi droiturier prit l’argent de l’amende, mais ne
le mit pas dans son trésor, il le convertit en bonnes œuvres […]
Guillaume de Nangis, Gesta Ludovici IX, éd. Cl. Fr. Daunon, Recueil des historiens de la France, XX,
Paris, 1840, p. 399-401 ; trad. J. Le Goff, Saint Louis, Paris, 1975, p. 240-142.
Le roi réformateur
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des tavernes. Nous voulons que la fabrication des dés soit défendue par tout notre royaume, et que les
femmes perdues soient mises hors des maisons et quiconque louera maison à femme perdue, il rendra
au prévôt ou au bailli le loyer de la maison pendant un an.
D 10
Louis 9 (Saint Louis) 1226 - 1270 Instaure le monopole royal sur la monnaie.
l'Ecu d'or à raison de 58 au marc (donc
4,22g) d'une valeur de 3 livres tournois et qui
devient la référence. Son nom vient de l'écu
royal figurant sur une des faces de la pièce
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Il avait en abomination les juifs, odieux aux hommes comme à Dieu, à tel point qu’il ne pouvait les voir et
refusait de faire servir à son usage quoi que ce soit de leurs biens. Il ne voulait, disait-il, rien garder de
leur venin, ni les laisser exercer l’usure, mais seulement leur permettre de gagner leur vie par tous
métiers et commerces licites, ainsi qu’il est coutume en d’autres régions.
C) Ordonnance de 1254 :
Que les juifs renoncent à l’usure, aux blasphèmes, aux sortilèges et que leurs Talmuds et autres livres ès
quels sont trouvés blasphèmes soient brûlés, et que les juifs qui ne voudront pas se conformer à ces
ordonnances soient boutés hors du royaume, et les contrevenants légalement punis. Ainsi tous les juifs
vivront du labeur de leurs mains ou des autres besognes qui ne comportent pas d’usure.
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« Quant aux juifs, ils déconcertaient Saint Louis. Ils n'entraient pas dans son schéma du monde:
l'Eglise distinguait les chrétiens et les païens. Dans le monde chrétien les hérétiques étaient
considérés comme abominables. Mais les juifs étaient à la fois dedans et dehors. Ils sont mêlés aux
chrétiens sur un plan territorial, et également religieux par la référence commune à l'Ancien
Testament. Saint Louis deviendra au fil du temps de plus en plus antijuif. Je n'emploie pas le terme
d'antisémitisme, car il contient une notion de racisme qui n'existait pas alors. Saint Louis voit de plus
en plus les juifs sous des traits d'usuriers.(…) La dernière année de son règne, il obligea les juifs à
porter la rouelle rouge, l'équivalent de la future étoile jaune. Cette mesure avait été décidée par
l'Eglise en 1215* mais la plupart des princes chrétiens s'étaient refusés à l'appliquer. (…) Saint Louis
a été emporté par un courant naissant en Occident qui pouvait aboutir à la «pureté ethnique». Elle
apparaîtra surtout en Espagne à la fin du XVe siècle. Saint Louis rêvait d'un royaume «pur» et
pensaient que les juifs sont un élément d'impureté. Saint Louis, qui n'a pas été antisémite, car le
racisme n'existait pas à l'époque, a contribué à la lointaine naissance de ce qui deviendra
l'antisémitisme. »
Interview de Le Goff à l’Humanité, 2/07/1996.
*Dans certaines provinces, les habits des Juifs et des Sarrasins (musulmans) se distinguent de ceux
des Chrétiens, mais que dans d’autres, un degré de confusion se produit, de sorte qu’ils ne peuvent
être reconnus par aucune marque distinctive. D’où il résulte, qu’ainsi trompés, des chrétiens
s’unissent à des femmes juives ou sarrasines; des sarrasins ou des juifs à des femmes chrétiennes. De
façon que des unions aussi répréhensibles ne puissent plus avoir d’excuse dans le futur, nous
décidons que les Juifs et les Sarrasins des deux sexes, dans toutes les terres chrétiennes, se
distingueront publiquement par leurs habits des autres populations.
Concile de Latran IV (1215)
Anne de Bretagne
Anne de Bretagne née en janvier 1477, épousera Charles VIII en décembre 1491, puis son
successeur Louis XII en 1498. Elle meurt en janvier 1514 à 36 ans. Sa biographie reflète les deux
fonctions principales attribuées aux épouses d’un roi : accroitre le domaine royal en apportant
des terres, lui donner une descendance mâle. Mais elle prouve aussi qu’une reine du Moyen Age
pouvait avoir un pouvoir personnel.
Un enjeu territorial
A la fin du XV° siècle le duché de Bretagne reste la seule principauté indépendante du
royaume de France.
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Les Ducs de Bretagne ont construit un état centralisé, qui mène une politique indépendante
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La reine procréatrice
Du mariage avec Charles VIII, Anne aura 6 enfants (entre 15 et 21 ans) :
Charles-Orland de France (10 octobre 1492 - 16 décembre 1495, de la rougeole)
Elle perd un enfant mâle à deux mois de son terme en août 1493
Elle accouche, au printemps 1495, d'une fille mort née..
Charles de France (8 septembre 1496 - 2 octobre 1496)
François de France (1497)
Anne (20 mars 1498)
Lorsque le roi décède le 7 avril 1498, tous les enfants qu'Anne de Bretagne (qui a 21 ans) a mis au
monde sont morts.
Des 7 enfants issus de son mariage avec Louis XII, seules survécurent Claude et Renée :
Claude de France (15 octobre 1499)
En 1500, la reine donne naissance à un fils mort-né..
Un garçon, François, naît le 21 janvier 1503 mais meurt aussitôt.
Une fausse-couche en janvier 1508
Une autre mal située entre 1505 et 1509
Renée de France (20 octobre 1510)
Le 21 janvier 1512, elle accouche d'un garçon qui ne vit que quelques jours
Au total, en 21 ans de 15 à 35 ans, Anne de Bretagne a connu 13 grossesses, mais seuls deux
enfants atteignent l’âge adulte.
Le dauphin, Charles Orland, Jean HEY (ou Jean Bourdichon) - 1494 – Louvre
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« La reine a 17 ans, elle est petite de taille, fluette et elle boite visiblement d’une jambe bien qu’elle
porte des chaussures à haut talon pour cacher sa difformité. Elle a le teint foncé et elle est assez
jolie. Sa finesse d’esprit est remarquable pour son âge et une fois qu’elle a décidé de faire quelque
chose, elle s’efforce d’y parvenir à n’importe quel moyen et à n’importe quel prix. »
Ambassadeur Vénitien 1494.
Dès la mort de Charles VIII, Anne retourne en Bretagne et restaure l’état ducal. Elle fait battre une
monnaie d’or, symbole de souveraineté.
On la voit en reine et duchesse, siégeant sur un trône avec à part égale, les fleurs de lys de
France et les hermines de Bretagne.
Lors du mariage avec Louis XII elle renégocie le sort de la Bretagne pour préserver son indépendance.
Le contrat de mariage est signé le 7 janvier 1499. Anne y est reconnue duchesse, la « principauté »
revenant ensuite au cadet à naître de l'union et non au dauphin. Les institutions et les libertés du duché
sont confirmées et l'accord assure à la Bretagne une dynastie distincte de celle de la France. Mais
seules deux filles survivent de cette union. En 1506, Claude est fiancée à François d'Angoulême,
héritier présomptif de la Couronne et futur François Ier. Le contrat assure la Bretagne aux deux époux.
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Jean Marot offrant son livre à Anne de Bretagne, reine de France -1508.
A sa mort elle sera la première reine à bénéficier du protocole funéraire des rois, avec exposition
du corps et cortège funèbre portant son effigie.
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Son souvenir et son image seront récupérés au XX° siècle par la publicité touristique et par …
François 1er
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• La révolution artistique de la Renaissance est marquée par une vision plus réaliste :
grâce à la redécouverte de la perspective
Aux sujets religieux de l’époque médiévale s’ajoutent des sujets mythologiques inspirés de
l’Antiquité
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1515 Le règne commence brillamment. Le roi qui comme ses prédécesseurs se bat en Italie
pour faire valoir ses droits sur Milan et Naples, remporte la victoire de Marignan, qui sera
célébrée tout au long du règne.
Un bilan en demi-teinte :
• François 1er épuise le royaume en guerres successives contre son adversaire
Charles Quint, roi d’Espagne, élu contre lui empereur de l’empire germanique.
• Les défaites seront plus nombreuses que les victoires. La plus grave, à Pavie en
1525 voit le roi fait prisonnier. Il restera en prison à Madrid, et pour être libéré
acceptera de donner deux de ses fils en otage.
• A la fin du règne, François 1er a du abandonner ses prétentions italiennes. Il
reçoit son vieil ennemi en 1540 comme l’évoque cette fresque de la villa Farnese
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UN CONSTRUCTEUR INFATIGABLE
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1518 : Chambord
Château de
Madrid (Bois de Boulogne)
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• En août 1539, l’ordonnance de Villers-Cotterêts établit que tous les actes légaux
et notariés seront désormais rédigés en français. Jusque-là, ils l'étaient en latin.
Son article 111 énonce :
« De prononcer et expedier tous actes en langaige françoys. Et pour ce que telles choses
sont souventes foys advenues sur l'intelligence des motz latins contenuz es dictz arretz.
Nous voulons que doresenavant tous arretz ensemble toutes aultres procedeures, soient de
nous cours souveraines ou aultres subalternes et inferieures, soient de registres, enquestes,
contractz, commisions, sentences, testamens et aultres quelzconques actes et exploictz de
justice ou qui en dependent, soient prononcez, enregistrez et delivrez aux parties en langage
maternel francoys et non aultrement. »
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Le roi fait chevalier par Bayard, au soir de Marignan, livre pour la jeunesse, 1909
Cette posture a été privilégiée dès le temps du règne. Elle n’est plus retenue aujourd’hui.
Au contraire la guerre pratiquée par François 1er annonce la guerre moderne, artillerie,
soldats professionnels, absence de code chevaleresque.
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UB ETAT CENTRALISE
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UN ROI CHRETIEN
• Les premières années du règne François protège les intellectuels humanistes.
Après l’affaire des placards il abandonne la tolérance.
• Les dernières années du règne sont marquées par la violente répression des
Vaudois du Lubéron, une ancienne hérésie qui avait adhéré à la réforme: 5 000
morts, 22 villages rasés, des centaines de condamnations aux galères.
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UN PRINCE MODERNE :
Une représentation renouvelée
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Le Titien 1537
UN MECENE
• François et Léonard: une image trop belle pour être vraie? Vinci mourant dans
les bras de François 1er, Ingres, 1818
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de satisfaction que je pouvais le désirer (...). Revenu au Louvre, après son dîner, il
enjoignit (...) de me remettre au plus tôt sept mille écus d'or, en trois ou quatre
versements, selon les disponibilités, pourvu qu'il n'y manquât point. »
L’EXPERIENCE DE CHAMBORD :
L’ECOLE DE FONTAINEBLEAU
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• François 1er lui-même écrit des poèmes :Où êtes-vous mes belles amourettes?/
Changerez-vous de lieu tous les jours? / A qui dirai-je mon tourment, / mon
tourment et ma peine/ Rien ne répond à ma voix/ les arbres sont secrets muets et
sourds…
• Les arts des jardins: le modèle savant des italiens est adapté: labyrinthes
végétaux, taillis géométriques, fontaines cascades, fausses grottes.
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Expo de la BNF François 1er pouvoir et image, 2015, site expositions.bnf.fr et classes
BNF
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