Jean-Michel Maulpoix, Le poète perplexe, En lisant, en écrivant
José Corti, 1982
1) Partie 2 « Que cherche-t-il ?, Où demeurer ? p 60 à 71
Eupalinos (Valéry), les vivants « sont faits d’une maison et d’une abeille » dialectique
entre volonté de demeurer qq part, et celle de bouger : entre le désir d’explorer et la volonté
de rester, de construire. Ce n’est pas un ou l’autre, les deux sont constitutifs de l’homme. De
même double image traditionnelle du poète : soit poète en atelier, « en chambre », soit poète
marcheur comme Rimbaud. Mais cette opposition n’est pas linéaire : Orphée marche et va aux
Enfers, lieu fermé, Rimbaud marche et en même temps s’arrête au cabaret
« tout poème, à la fois, est un passage et une halte » p64
Dans la poésie il y a les lieux traditionnels des poètes, et en particulier la chambre, lieu
d’intimité et de travail. De même la poésie dessine des lieux dans le langage. « le poème à son
tour dessine des figures et des corps dans le corps de la langue. […] Demeure, il est mesure
autant que mémoire. En lui, quelque chose de la fugitivité de cette vie s’établit sans
s’immobiliser. P 66
P 67 « si le poème est une demeure, c’est aussi qu’il vient s’ajouter à la langue à la façon dont
une maison s’ajoute au paysage. […] Et si le poème est une demeure pour le sens, il est aussi
pour la langue un abri »
P 69-71 Poète ne peut demeurer nulle part sinon dans la langue ; en fait sa véritable demeure
est sa solitude ; de là tout se passe Rilke « nulle part où demeurer » él.1 ; R Char « nous ne
pouvons vivre que dans l’entrouvert » p69 Poète est « passeur, passant et passager »
Regret par Rilke de la solidité qui est celle de Rodin, homme d’un métier bien défini, qui
habite son atelier
Correspondance, Paris, éd du Seuil, 1976, p 29 « Il avait tout au fond de lui l’obscurité, le
refuge et le calme d’une maison, et lui-même était le ciel par dessus, était la forêt tout autour,
et l’étendue, était le fleuve qui coulait à jamais devant » sur Rodin ctrment à lui-même « que
le lieu d’une succession de rencontres intérieures, simple passage et non maison ! »
« où, ms où dc est-il le lieu –je le porte en mon cœur » (él 5)
2) Partie 3 « Dis-moi, ton cœur, parfois… », « Le cœur volé d’Arthur
Rimbaud », p 126 à 142
Multiplication des images du cœur chez Rimbaud mais dégradées et renouvelées : tout
d’abord le cœur descend dans l’estomac, le sexe ou les pieds (critique de Musset qui, trop
préoccupé par ses états d’âme, n’a pas su voir ce que dissimulait « la gaze des rideaux », dc
n’est pas allé assez loin ds la voyance) p 129-133 « un cœur sous une soutane » : trajet
cœur-estomac-sexe-pied ; de même dans « ma bohême » et « sensation », le cœur se déplace
vers les pieds, il sent par les pieds
Ma Bohême : la lyre est comparée en fait au soulier et ses cordes aux lacets des souliers
«C’est par la déchirure, la trouée, que la nature est retrouée et retrouvée » p 133
p134-136 image du poète en funambule, en danseur de corde : il ne s’élève dc plus vers la
verticale, comme chez Hugo, il essaie de marcher à l’horizontale dc il y a dégradation. Qc de
plus corporel cf Illuminations image des cordes
Proximité cœur-lyre : les cordes de la lyre, les fibres du cœur.
Image de l’homme comme passant et passeur cf Nietzche Ainsi parlait Zarathoustra homme
est à mi-chemin entre la bête et le surhomme
Cette définition du poète met en valeur plusieurs éléments constitutifs de la poésie
-« le risque » (verbalisme, emphase)
-« le spectacle »
-« la prouesse »
-« l’aberration » (pq danser au lieu de marcher)
-« la précarité »
-« la légèreté »
-« le lien » (tendre des fils)
p136-138
Soif du poète cf bateau Ivre Cœur recoloré en rouge. Poète s’enfonce dans la langue comme le
bateau dans l’eau. Ivresse. Trajet et naufrage du bateau « figures extrêmes de la soif d’eau-de-
vie » p 138, alcool qui donne de la force en attendant de se baigner dans la mer. NB Rimbaud
ira au désert, symbole de la soif
P138-142
Jeu couleur-coulure chez Rimbaud : jouer avec les couleurs, mais également coulure jaune-or
(soleil-lumière-bière-urine-sperme…) ctrment à Verlaine vert de l’absinthe. Image du poète
pisseur vers les cieux (« Oraison du soir »): relier le haut au bas. « Se recueillir est devenu
dans ce poème se soulager ». En fait c’est le corps qui se soulage. On rentre dans la gorge le
langage ou le chant qui allait en sortir, on boit de l’alcool, et on évacue un excrément
Cf Vénus Anadyomène bouche devient anus et écriture excrément
P 142-143 Bave comme métaphore de la tristesse
3) Même partie, « Tête de faune » p 143-151
Nature est métamorphosée sous l’influence de baudelaire : elle a intégré l’artifice. Faune
image de la pulsion qui est celle de la nature. Importance du baiser chez Rimbaud. Le faune
baise
P 149 faune comme représentation de Rimbaud, et sa morsure comme symbole du poétique
« le faune manifeste une violence singulière exercée sur des éléments multiples et paisibles : il
représente la singularité comme irruption et comme violence au sein du même »
Le faune est l’autre, et l’autre du sujet, c’est le désir
P149-150 lecture oedipienne : « le fils de la nature baise sa mère nature ». Image du processus
poétique, non pas comme inclusion de la partie dans le tout, mais comme violence. Prise de
possession, agression qui féconde. Fusion du masculin et du féminin.
Lecture onaniste
P151 aussi image du processus poétique dans l’écriture seulement les noces sont possibles. En
fait c’est Rimbaud qui se recueille.