1 - Droit Pénal Général Sujets Corrigés
1 - Droit Pénal Général Sujets Corrigés
Concours de :
Commissaire de Police
Lieutenant de Police
Officier de gendarmerie
Magistrat
Annales
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Sommaire
Méthodologie ………………………….……………………………………………………………………….p. 5
Thème n° 0 : Les grandes questions de la philosophie pénale ……………………….……………..………….p. 6
Thème n° 1 : L’évolution du droit pénal ………………………………………………………...……………..p. 8
Thème n° 2 : Les grandes classifications ………………………………………………………………..……p. 10
Thème n° 3 : Les sources du droit pénal …………………………………………………………...…………p. 12
Thème n° 4 : Le principe de textualité ……………………………………………………………………..…p. 14
Thème n° 5 : L’application de la loi pénale dans l’espace ……………………………………………………p. 18
Thème n° 6 : L’application de la loi pénale dans le temps ……………………………………………...……p. 21
Thème n° 7 : Le chemin de l’activité criminelle ……………………………………………….…………..…p. 25
Thème n° 8 : La tentative ………………………………………………………………………….….………p. 27
Thème n° 9 : La complicité …………………………………………………………………………...………p. 30
Thème n° 10 : Dol et intention …………………………………………………………………………..……p. 34
Thème n° 11 : La faute ……………………………………………………………………….……….………p. 36
Thème n° 12 : Le principe de responsabilité pénale personnelle …………………………………………..…p. 40
Thème n° 13 : La responsabilité pénale du chef d’entreprise ………………………………………...………p. 42
Thème n° 14 : La responsabilité pénale des personnes morales ……………………………...………………p. 47
Thème n° 15 : Le trouble psychique ou neuropsychique …………………………………………………..…p. 51
Thème n° 16 : La contrainte …………………………………………………………..………………………p. 56
Thème n° 17 : L’erreur de droit ……………………………………………….………………………...……p. 58
Thème n° 18 : Le droit pénal des mineurs ……………………………………………………………………p. 60
Thème n° 19 : L’ordre ou l’autorisation de la loi et le commandement de l’autorité légitime ………….……p. 65
Thème n° 20 : La légitime défense ……………………………………………………………………………p. 68
Thème n° 21 : L’état de nécessité …………………………………………………………….………………p. 70
Thème n° 22 : Les immunités ………………………………………………………………….………..……p. 72
Thème n° 23 : Le consentement de la victime …………………………………………………..……………p. 75
Thème n° 23.bis : Le secret en droit pénal ……………………………………………………………………p. 78
Thème n° 24 : Les peines encourues …………………………………………………………….……………p. 81
Thème n° 25 : La récidive …………………………………………………………………………….………p. 86
Thème n° 26 : Les principales circonstances aggravantes ……………………………………………………p. 90
Thème n° 27 : Les concours ……………………………………………………………………………..……p. 94
Thème n° 28 : La peine prononcée ……………………………………………………………………………p. 96
Thème n° 29 : Les sursis …………………………………………………………………………………….p. 102
Thème n° 30 : La mémoire des condamnations ……………………………………………………………p. 103
Articles et jurisprudences importants…..…………………………………………….……..………………p. 104
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Méthodologie de la dissertation au concours
L’essentiel est de rédiger un devoir clair, concis, qui répond efficacement à la question posée. Il est
inutile d’en faire des tartines, de rentrer trop dans le fond. Il faut aller à l’essentiel et illustrer ses propos.
Le correcteur a une grille de correction, et ne valorisera pas une copie en particulier, mais sanctionnera
celle qui ne respecte pas la méthodologie et n’aborde pas les points prévus.
Penser à adopter un style simple et concis (sujet-verbe-complément) afin de faciliter la correction et
inciter le correcteur à lire l’ensemble de la phrase.
L’introduction
1) Accroche. Attention aux accroches « cafés du commerce », sans intérêt. Elle doit cibler le sujet
2) Définition et culture juridique. Si le sujet est « le consentement en droit pénal », le « droit pénal » implique
droit pénal général, spécial et procédure pénale. A l’inverse, s’il est précisé « en procédure pénale », le sujet sera
délimité à la procédure pénale.
3) Problème, sous forme de question ou affirmative, peu importe. Ne pas chercher midi à 14h : il est possible de
reformuler le sujet sous forme interrogative.
4) Annonce du plan. Bannir « dans un 1er temps (…), dans un 2nd temps (…) » qui agace le correcteur.
Le plan
Il doit être simple, avec généralement I. Thèse / II. Antithèse ; ou bien I. Principe / II. Atténuation
La conclusion
Elle est obligatoire en concours. Si une très bonne idée vient au moment de sa rédaction, qui n’a pas été traitée
dans le cœur du devoir, il vaut mieux ne pas la mettre (au risque de montrer au correcteur qu’on a mal géré notre
temps et qu’on a omis une partie du sujet).
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Thème n° 0 : Les grandes questions de la philosophie pénale
Thomas Hobbes, dans De Cive, nous a légué un texte qui aborde fondamentalement ce sujet. « Selon
certains (…), la loi ne défend pas l’action, mais propose seulement la peine en forme de récompense, et vend à
ce prix-là la permission de faire du mal. Sur quoi il faut savoir que les termes de la loi peuvent être interprétés
en deux sens. En l’un, la loi prohibe, tu ne feras point telle chose, ou du moins ne laisse pas le choix, celui qui
fera une telle chose encourra une telle peine. En l’autre, la loi ne contient qu’un sens conditionnel, par
exemple : vous ne ferez point une telle chose si vous ne voulez encourir une telle punition. Si on interprète la loi
de la première façon, celui qui commet l’action pèche, parce qu’il a fait ce que la loi a défendu. Mais en l’autre
il ne demeure point coupable, parce qu’on n’a pas défendu la chose… » (Texte reformulé).
Pour mieux saisir ce problème philosophique, plaçons le dans l’actualité juridique. Selon l’article 311-8
C.P, « Le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 150000 euros d'amende lorsqu'il est commis soit
avec usage ou menace d'une arme… ». Selon le premier sens de la loi il y a, sous-entendue, une prohibition qui
ordonne de ne pas commettre de vol à main armée. Mais selon le 2 nd sens proposé par Hobbes, la sanction revêt
la forme d’un prix à payer, d’un rachat, mais quoi qu’il en soit, celui qui est prêt à assumer les conséquences
d’un acte incriminé serait autorisé à le commettre.
Cette dernière interprétation est peu vraisemblable pour traduire l’esprit du Code pénal. Celui-ci a
comme but de décrire les actes illégaux et de prévoir une sanction dans le cas de leur interprétation. Une
autorisation sous condition semble donc peu concevable.
Il est incontestable que l’Etat moderne détient le pouvoir exclusif de punir les coupables. Tout acte de
représailles privé, même juste, demeure illégal. Le mal infligé -la sanction-, nécessite une justification adéquate
pour être accepté par la conscience commune ; d’où les finalités du châtiment, différentes selon les époques et
les sentiments personnels.
1) La dimension cosmique, ou la nécessité de punir. Il y a dans cette dimension l’inspiration que tout
forfait doit être payé. Il y a l’idée de l’inévitable punition. Cette dimension implique la nécessité de punir
comme exigence de l’harmonie dérangée. Cependant, gît l’idée de mérite, à savoir la proportion juste entre
l’acte injuste et sa sanction. A ce sujet, les paroles de Coryphée sont significatives : « Que tout mot de haine soit
payé d’un mot de haine ».
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Le droit de punir chez Hegel est lui aussi appliqué au nom de la réalisation d’un ordre moral qui
réclame le respect de la justice et du droit. Le crime nie le droit, et la sanction représente une négation de cette
négation. Ce droit de punir permet de désigner la sanction comme acte de justice et non pas de vengeance.
Pourquoi la prison ?
En prison, le délinquant est coupé de la société, enfermé dans son propre être. Il se peut alors qu’il
démantèle son « moi » coupable, et lui inflige une 2ème punition : l’abandon à l’oubli et au dépérissement.
Autrement dit, la prison préserve la mémoire de la culpabilité et force l’individu à se retrouver seul face à sa
conscience, à se dégoûter, à abandonner son ancien « moi » qu’il ne supporte plus. Voilà pour la théorie.
La question à étudier est de connaitre l’utilité pratique d’une peine privative de liberté. Les utilitaristes
mettent en valeur son aspect préventif : empêcher la récidive, ou dissuader autrui. Tout cela pourrait être vrai,
notamment s’il s’agit de criminels dangereux. Malheureusement ce n’est pas le cas de la petite délinquance, qui
bien souvent s’identifie au groupe des délinquants qui les entourent. Une carrière criminelle peut y trouver ses
origines.
Il y a une autre sanction, plus intelligente et plus utile que la peine privative de liberté, qui sert à la fois
à la société et responsabilise le coupable : « le travail d’intérêt général ». Ainsi, le « moi » n’est pas rejeté par
les autres, car par cette mesure les « autres » montrent qu’ils désapprouvent l’acte et non pas le délinquant. En
gardant toute sa dignité, l’homme à l’occasion de montrer les aspects positifs d’une personnalité portée au bien
de la société. Une autre sanction plus utile que la prison est la réparation-sanction : elle évite la prison
permettant ainsi d’éviter la récidive ; elle solidarise la famille du coupable dans la réparation du sort subi ; enfin,
elle accorde un intérêt particulier à la souffrance de la victime, ce qui l’aide à sortir d’un éventuel traumatisme
causé par l’infraction.
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Thème 1 : L’évolution du droit pénal
Le terme « pénal » est issu du latin « poena » qui signifie « punir ». Le droit de pénal est donc,
littéralement, le « droit de punir ».
Aujourd'hui ce droit de punir appartient exclusivement à l’Etat. Pour être légitime, il doit être prévu par
le droit et, pour citer Platon, « être rationnel ». C’est en se fondant sur ces deux critères que la punition serait
juste. Cependant, plusieurs théories s’opposent sur l’idée de rationalité du droit de punir : Pour Platon, la
punition doit avoir pour finalité de protéger la société, de conserver la cité ; pour Beccaria, elle doit permettre le
salut de l’âme en la purgeant de ses vices ; pour d’autres encore, la sanction doit avoir un caractère préventif car
elle empêche la récidive et indique aux autres citoyens qui l’imitation de l’acte délictuel entrainera une
sanction ; Il n’en demeure pas moins que la punition est parfois ancrée dans l’idée de vengeance, il faut infliger
un mal au coupable parce que lui-même a fait endurer de la souffrance.
Inspiré de l’une ou l’autre de ces théories, le droit pénal a évolué et évolue encore.
Les origines du droit pénal se confondent avec celles de la justice. Ainsi, les recherches historiques
amènent à distinguer deux types de justice : la justice du chef de clan, politique ou religieux, qui faisait régner
l’ordre au sein de la communauté ; et la vengeance privée, qui apparait comme un devoir incombant à la
victime et à ses parents. Cette 2nde justice puise sa justification dans la loi du talion « œil pour œil, dent pour
dent » exprimée par le code d’Hammourabi et reprise dans l’Ancien Testament.
Toutefois, les luttes interminables qui en résultaient ainsi que l’influence de la religion chrétienne ont
incité les familles à renoncer au droit de vengeance au profit de la cité. Des limites et des restrictions ont donc
été apportées à la vengeance, comme le devoir d’avertir les autorités qui vérifiaient l’existence effective du droit
du vengeur, ou l’interdiction progressive de se venger sur d’autres personnes que le coupable. C’est
l’affirmation du principe de responsabilité pénale personnelle.
La justice privée, en France, est prévue par les lois barbares jusqu’au XIIème siècle, période à partir de
laquelle des magistrats professionnels sont chargés de rendre la justice.
Jusqu’à la révolution, le droit pénal est en crise de repères : la violence privée, bien qu’elle disparaisse
progressivement, concurrence la justice publique, et de nombreuses divergences résultent de la confrontation de
la coutume locale avec le droit canonique et le droit romain. Il en ressort la maxime « toutes peines sont
arbitraires en ce Royaume », signifiant qu’il régnait au sein du royaume de France une forte disparité, que ce
soit à propos de l’engagement de la responsabilité ou les peines infligées. Les juges pouvaient appliquer la
sanction qu’ils pensaient la plus adéquates, bien qu’en pratique la peine de mort occupait une place centrale,
accompagnée souvent de supplices.
Plus encore, le droit pénal est ébranlé par les idées de Beccaria développées dans son Traité des délits
et des peines de 1764. Il y critique vivement la torture, condamne la peine de mort et met l’accent sur
l’amendement du coupable.
La DDHC du 26 août 1789 marque un tournant en matière de politique pénale puisque, à la lecture des
articles 7 à 9 (1), tout arbitraire est désormais banni. Malgré sa simple valeur « déclaratoire », c'est-à-dire
qu’elle est dépourvue d’effet direct, la Constituante s’en est inspirée pour règlementer, via quatre lois de 1791,
un système de peines fixes censé lutter contre l’arbitraire des juges et instaurer une égalité entre les délinquants.
Toutefois, ce système sera critiqué par les magistrats, le système de peine fixe ne permettant pas de tenir
compte du contexte social, historique et humain de l’infraction. Au final, ne sera conservé de ce droit
intermédiaire que la division tripartite des infractions.
(1)
art. 7 : l’interdiction d’arrestation arbitraire, art. 8 : le principe de légalité des peines, art. 9 : la présomption d’innocence
8
Le 1er Code pénal vit le jour sous l’impulsion de l’empereur Napoléon Ier : promulgué en 1810, entré en
vigueur le 1er janvier 1811, c’est une œuvre de synthèse, fruit d’un compromis entre l’ancien droit et le
droit intermédiaire. Influencé par la théorie utilitariste de Bentham, il se veut exhaustif et a pour but
d’intimider (avec des peines comme la marque, le carcan et la mutilation du poing). Un seuil plancher et un
seuil plafond sont prévus pour les peines, ainsi que des circonstances aggravantes et atténuantes.
A partir de la restauration, en 1814, les idées libérales vont progresser et influencer de nombreuses
réformes. Par exemple, une loi de 1832 supprime les peines les plus inhumaines comme la marque, le carcan et
la mutilation du poing. Elle instaure également de nouvelles circonstances atténuantes. Autre exemple : les idées
positivistes supposent de prendre davantage en compte la personnalité du délinquant. En résulte une loi de 1912
fixant la majorité pénale à 18 ans, ou encore l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfant délinquant.
A côté, l’époque est marquée par un phénomène d’inflation législative (2) et la prolifération de normes
pénales en dehors du Code pénal. Par exemple, la loi de 1881 sur la liberté de la presse prévoit des infractions
pénales.
La nécessité d’adopter un nouveau code pénal pour intégrer les dispositions situées en dehors et pour
uniformiser celles existantes se fait sentir. Le 22 juillet 1992, quatre lois formant le Code pénal sont adoptées ;
les innovations de ce dernier sont limitées en raison, là encore, de son caractère consensuel. L’innovation
essentielle est l’instauration de la responsabilité pénale des personnes morales. Par ailleurs, le code supprime les
peines minimales et, par voie de conséquence, l’énoncé de circonstances atténuantes. Pour finir, il légalise une
partie de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
(2) Ce phénomène est toujours d’actualité, malgré l’adoption du NCP. Exemple : la loi du 27 mars 2012 relative à l’exécution des peines, qui modifie
certaines règles de réhabilitation ; ou encore la loi du 24 mars 2011 qui crée le délit d’usurpation d’identité ; ou encore la loi du 9 juillet 2010 qui consacre
des violences psychologiques dans le NCP.
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Thème 2 : Les grandes classifications du droit pénal
Les grandes classifications du droit pénal résultent essentiellement de la doctrine qui a tenté de proposer
plusieurs critères. L’intérêt de la distinction repose sur les conséquences qu’elle peut entrainer sur les éléments
constitutifs de l’infraction, sur la procédure applicable, sur le délai de prescription…
La classification des infractions n’est toutefois pas uniquement doctrinale. En effet, depuis le Code
pénal de 1810, aujourd'hui repris à l’article 111-1 du NCP : « les infractions sont classées suivant leur gravité,
en crimes, délits et contraventions ».
Cette classification, basée sur la gravité de l’infraction, a des conséquences sur la peine applicable :
est attachée au crime une peine criminelle, au délit une peine correctionnelle et à la contravention une peine
contraventionnelle. Dans ce dernier cas par exemple, la peine privative de liberté est nécessairement exclue
(D.C, 28 novembre 1973, Dispositions du Code rural).
Outre les peines applicables, cela entraine aussi des conséquences sur les éléments constitutifs de
l’infraction (les crimes et les délits sont nécessairement intentionnels, alors que l’élément moral n’est pas retenu
pour les infractions) ; ou encore sur les modes de personnalisation de la peine (par exemple, la prescription de la
peine est de 20 ans pour les crimes, 5 ans pour les délits et 3 ans pour les contraventions. Autre exemple : le
cumul des peines criminelles et délictuelles ne peut avoir lieu que dans la limite du maximum légal le plus
élevé, alors que les peines d’amende contraventionnelle se cumulent sans limitation).
En dehors de la classification législative, il existe plusieurs classifications doctrinales dont l’intérêt est,
on l’a dit, de savoir dans quelle classe entre telle ou telle infraction pour savoir quel régime lui sera applicable :
1/ Infraction de droit commun et infraction de criminalité organisée. Outre les effets procéduraux,
commettre une infraction en bande organisée constitue une circonstance aggravante.
2/ Infraction de droit commun et infraction de terrorisme. La distinction entraine par exemple des
conséquences sur la compétence du juge français (compétence universelle en cas d’infraction terroriste, en vertu
de l’article 689-3 CPP, alors que pour les infractions de droit commun doit être respecté le principe de
territorialité et le principe de la personnalité active/passive, en vertu des articles 113-2 CP et suivants). Les
conséquences peuvent aussi être procédurales (durée de la GAV).
4/ Infraction instantanée et infraction continue. L’infraction instantanée est consommée immédiatement (ex :
vol) alors que l’infraction continue est constituée par une action/omission qui s’exécute dans la durée (ex : le
harcèlement moral). Lorsque les effets de l’infraction instantanée a des conséquences durables, on parle
d’infraction permanente. Lorsqu’elle est réitérée, on parle d’infraction continuée.
L’intérêt principal de la distinction est de savoir quelle loi sera applicable dans le temps, et de savoir
quand démarre le délai de prescription de l’action publique : le jour où l’acte incriminé a été accompli pour
l’infraction instantanée et le jour où l’acte délictueux prend fin pour l’infraction continue.
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5/ Infraction simple et infraction d’habitude. L’intérêt de la distinction est de savoir quels sont leurs éléments
constitutifs respectifs : l’infraction d’habitude nécessite nécessairement la réitération de l’action ou d’omission.
En outre, le régime d’application de la loi pénale dans le temps ne sera pas le même : l’infraction d’habitude est
régie par la loi nouvelle plus sévère si un de ses faits constitutifs a eu lieu sous son empire.
6/ Infraction simple et infraction complexe. L’infraction simple est constituée par un acte ou une omission
unique. L’infraction complexe se caractérise à travers la commission de plusieurs actes (ex : le recel). Les
conséquences de la distinction touchent au délai de prescription de l’action publique, ou encore aux principes de
l’application de la loi pénale dans le temps.
7/ Infraction matérielle et infraction formelle. Alors que l’infraction matérielle suppose la réalisation d’un
résultat prévu par la loi (ex : homicide), l’infraction formelle est constituée, peu importe le résultat (ex :
empoisonnement). L’intérêt de la distinction touche donc aux éléments constitutifs de l’infraction. De même, la
tentative d’une infraction formelle est difficilement concevable.
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Thème n°3 : Les sources du droit pénal
La Constitution répartit les compétences entre la loi et le règlement, la jurisprudence n’étant pas, en
principe, une source.
A. La source législative : les dispositions de l’article 34 de la Constitution prévoient que « la loi fixe les règles
concernant la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Cette norme à
valeur constitutionnelle a été reprise dans le NCP à l’article 111-2 al. 1 : « La loi détermine les crimes et délits
et fixe les peines applicables à leurs auteurs. »
Par loi, il faut entendre tout texte à valeur législative, et pas uniquement celle créée par le Parlement.
Cela englobe donc : la loi au sens de l’article 34 C. ; les décisions du Président de la République prises en vertu
de l’article 16 C. ; les ordonnances de l’article 38 C. ; les lois référendaires de l’article 11 C.
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Une exception au principe d’interprétation stricte de la loi (au sens large du terme) est posée à l’article
111-5 CP : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs (…) ». Cet
article trouve sa source dans une divergence de jurisprudences entre la Cour de cassation et le Tribunal des
conflits. Ce dernier admettait une entorse à l’article 111-4 CP lorsque la solution du procès pénal dépendait de
l’interprétation ou encore de l’appréciation de la légalité de l’acte administratif. Il posait toutefois une limite : le
juge pénal était incompétent pour apprécier la légalité des actes administratifs individuels (T.C, 1951, Avranches
et Desmarets). A l’inverse, la Cour de cassation se reconnaissait compétente pour l’ensemble des actes
administratifs (Crim, 21 décembre 1961, Dame Le Roux). L’article 111-5 CP a mis fin à cette divergence de
jurisprudence, en opérant un compromis : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes
administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend
la solution du procès pénal qui leur est soumis. »
En vertu de l’article 55 de la Constitution, les traités internationaux ont une autorité supérieure à celles
des lois. Par conséquent, le juge pénal doit privilégier l’application de la norme internationale sur la norme
nationale, constitution exclue (art. 54 C).
On distingue :
* Le droit international, dont certaines dispositions comprennent des normes pénales. Ainsi en est-il du Pacte
international sur les droits civils et politiques de 1966 qui préserve les droits de l’Homme. La DUDH de 1948
peut aussi être citée, bien que son influence ne soit que politique et qu’elle soit dépourvue de tout effet direct en
droit interne (C.E, 1951, Elections de Nolays).
* Le droit de l’U.E. L’influence de ce droit est moindre en droit pénal que dans les autres branches, le droit
pénal demeurant essentiellement inhérent à la souveraineté nationale. Toutefois, le développement du droit
communautaire a remis en cause, partiellement, cette indifférence initiale. Ainsi, il peut produire deux effets sur
le droit pénal interne :
(1)
L’effet de neutralisation. En cas de contrariété entre le droit pénal national et le droit de l’U.E, le
juge a le devoir d’écarter la norme nationale incompatible. Le droit communautaire peut neutraliser une
norme nationale.
(2)
L’effet d’appel au droit pénal. Une directive peut demander aux Etats de prendre une mesure de droit
pénale. Par exemple, alors que le délit de blanchiment d’argent provenant du trafic de stupéfiant avait
été instauré en droit interne français par la loi du 12 juillet 1990, une directive du 10 juin 1991 a incité
les législateurs à prendre des mesures spécifiques en la matière.
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Thème 4 : Le principe de textualité
Le principe de légalité ne renvoie pas exclusivement à évoquer le principe selon lequel la loi pénale est
forcément écrite (art. 111-3 C.P). Il renvoie aussi à l’encadrement du pouvoir législatif par des exigences tant
constitutionnelles que conventionnelles.
Cependant, le Conseil constitutionnel pose une condition essentielle au législateur : celui-ci doit définir
les éléments constitutifs de l’infraction en des termes clairs et précis (D.C, 18 janvier 1985, Loi relative au
redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises). Une partie de la doctrine en a déduit une obligation
de qualité de la loi, logique dans la mesure où, en vertu du principe d’interprétation stricte de la loi, le juge ne
peut pas être créateur de droit. Cette exigence de clarté et de précision de la loi pénale a été dernièrement
rappelée à l’occasion de la QPC portant sur la définition du harcèlement sexuel de l’ancien article 222-33 CP
(D.C, 4 mai 2012).
La CEDH, sur le fondement de l’article 7 de la Convention, a posé des critères de qualité de la loi, au
travers de plusieurs décisions (ex: CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times c. R-U). Ils sont au nombre de trois :
* Le critère de précision de la loi ; le justiciable doit être en mesure de savoir, à la lecture du texte, quels actes
et omissions sont susceptibles d’engager sa responsabilité pénale.
* Le critère de prévisibilité de la loi ; l’individu doit pouvoir prévoir que son comportement est pénalement
répréhensible.
* Le critère d’accessibilité de la loi ; l’individu doit pouvoir avoir facilement accès à la loi, et facilement la
comprendre. Ce critère est susceptible d’occasionner des difficultés, notamment en raison de l’enchevêtrement
régimes juridiques (droit international, communautaire, national) et de la prolifération des textes de loi.
En plus du contrôle effectué par le Conseil constitutionnel, d’autres juridictions veillent à ce que le
législateur respecte ses impératifs de qualité de la loi. Il s’agit de la CEDH et du juge judiciaire.
1/ Le contrôle de la qualité de la loi effectué par la CEDH : peuvent être cités deux exemples
jurisprudentiels, correspondant aux deux attitudes possibles de la Cour.
- Dans son arrêt Du Roy et Malaurie c. France du 3 octobre 2000, la Cour s’est penchée sur la conformité
l’article 2 de la loi du 2 juillet 1931, lequel « interdit de publier avant décision judiciaire, toute information
relative à des constitutions de partie civile ». Elle a déclaré la disposition contraire à l’article 10 CESDH qui
relatif la liberté d’expression, au motif que l’interdiction était disproportionnée au but poursuivi. Le critère de
prévisibilité de la loi n’était donc pas rempli.
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- En revanche, les critères de qualité de la loi étaient remplis dans son arrêt Tourancheau du 24 novembre
2005. La Cour a conclu à la conformité de l’article 38 de la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse avec la
CESDH. Cette disposition interdit la publication des actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant
qu’ils aient été lus en audience publique.
2/ Le contrôle de la qualité de la loi par le juge judiciaire : peut être cité un arrêt de la chambre
criminelle du 20 février 2001, qui examinait une disposition de la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse
qui interdisait de publier des « photographie, gravure ou portraits ayant pour objet la reproduction […] des
circonstances de certains crimes ou délits ». A été estimé que l’expression « circonstances » était fortement
imprécise, et d’interprétation malaisée.
A l’inverse, le délit de harcèlement moral (le harcèlement sexuel n’a lui pas échappé à la QPC) a été considéré comme
conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles (art.7) de qualité de la loi, le terme
« agissement » étant suffisamment explicite (Crim., 11 juillet 2012). D’autant plus que le Conseil constitutionnel
l’avait déjà déclaré conformes aux exigences constitutionnelles dans une décision du 12 janvier 2002, Loi de
modernisation sociale.
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Sujet : l’importance de la QPC sur l’évolution du droit pénal
Le rapport publié par la commission des lois de l’Assemblée nationale au mois de mars 2013 sur
l’application de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) établit qu’au 1er mars 2013 le
Conseil a rendu 255 décisions sur des QPC. Ce nombre représente 39% de l’ensemble des décisions rendues par
le Conseil depuis 1959. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel précise lui-même dans ses cahiers que, depuis le
1er mars 2010, les dispositions annulées concernent en 1er lieu le droit pénal et la procédure pénale.
La chambre criminelle, dans un arrêt du 27 février 1990, déclarait qu’« il n’appartient pas aux
juridictions de l’ordre judiciaire de se prononcer sur la constitutionnalité des traités non plus que de la loi. »
Ce rôle revient au Conseil constitutionnel, institution originale dont l’évolution est bien connue : il est conçu
comme le gardien du parlementarisme rationnalisé en 1958 (« un canon braqué sur le Parlement » Eisenmann).
Il s’est émancipé à la suite de la décision liberté d’association du 16 juillet 1971 et la révision constitutionnelle
du 29 octobre 1974. La QPC est une illustration de la force de la Constitution en France. Plus communément
appelée contrôle a posteriori, elle s’oppose au contrôle a priori. Elle fut instaurée par la révision
constitutionnelle du 23 juillet 2008, aux articles 61-1 et 62 de la Constitution, et entrée en vigueur en 2010. La
QPC permet aux justiciables de se réapproprier la norme suprême nationale.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour saisir le Conseil constitutionnel, notamment un système
de filtre effectué par le juge de droit commun. Ce dernier apprécie si la question n’a pas déjà été examinée par le
Conseil, son caractère sérieux, et si la norme dénoncée est applicable au litige. Le justiciable intervient enfin
dans l’appréciation de la qualité de la loi. La QPC apparait donc comme une révolution juridique. Toutefois,
l’idée même de sa création n’est pas nouvelle puisqu’elle avait été formulée par R. Badinter dès 1990, repris par
la commission Vedel en 1993.
L’année de son entrée en vigueur est marquée par 64 questions posées. L’engouement pour ce nouvel
accès au juge n’est donc plus à démontrer. Aussi convient-il de mesurer les conséquences et l’importance que
peut avoir la QPC sur l’évolution de la loi pénale.
L’importance de la QPC sur l’évolution de la loi pénale a voulu être contrôlée (I). Elle est toutefois
avérée (II).
Critiques : ces conditions permettent de limiter les saisines abusives, dans l’unique but de retarder l’issue du
procès.
2) Le double filtre « pré-contrôle » pour saisir le conseil constitutionnel. La question peut être posée devant
toutes les juridictions, excepté la cour d’Assises et le Tribunal des conflits.
- filtre facultatif du juge de 1ère instance. Se prononce sans délai, et transmet si les conditions sont réunies. En
attendant, il sursoit à statuer. Si la QPC n’est pas transmise, cette non-transmission peut être contestée en
appel.
- filtre devant le Conseil d’Etat/ Cour de cassation. Réexamine les conditions, dans un délai de 3 mois, et
transmet s’il y a lieu (pas de possibilité de recours contre cette condition)
Critique : le double filtre rend plus difficile la saisine du Conseil constitutionnel. De plus, on a donné un rôle au
juge du fond assez réducteur puisqu’il est cantonné à l’examen des simples conditions (la cour de cassation n’a
pas apprécié ce rôle limité qu’il lui a été confié).
1) La Cour de cassation a parfois refusé de transmettre des questions (problème rencontré dans beaucoup de
pays qui ont une cour constitutionnelle spécialisée : les juges ordinaires s’estiment lésés, constatent qu’ils sont
bridés dans leur marge de décision. La Cour de cassation a ainsi fait du forcing, refusant de transmettre une
QPC : mai 2010, Melki et Abdeli). Le Conseil a réagi intelligemment et contré la position de la cour dans 2
décisions : D.C, 2010, Jeu en Ligne : la QPC ne fait pas obstacle à ce que le juge national pose concomitamment
16
une question préjudicielle à la CJUE. Puis D.C, 2010, Cie agricole de la Crau : « en posant une QPC, tout
justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation
jurisprudentielle constante confère à la disposition contestée ». La Cour de cassation est donc incitée à poser
une QPC (1ère décision) et la décision finale revient toujours au Conseil constitutionnel (2ème décision).
2) Procédure : phase écrite, phase de plaidoirie (agit comme une véritable cour suprême), 3 mois pour statuer.
Sa décision a autorité de la force jugée. Lorsque le Conseil déclare la disposition contraire à la Constitution,
cette disposition a vocation à être abrogée, ainsi que toutes les lois et décrets pris sur le fondement de la
disposition inconstitutionnelle. La décision est insusceptible d’appel.
Le Conseil peut aussi différer dans le temps les effets de sa décision.
-> La décision du Conseil a un effet inter partes et erga omnes.
Transition : les conditions de forme et de fond qui ont été posées sont révélatrices du contrôle voulu de
l’introduction du justiciable de la constitutionnalité des lois et ainsi de leur évolution. Toutefois, ce contrôle n’a
pas empêché le succès de la QPC et son importance avérée sur l’évolution des lois en droit pénal.
1) Un complément au contrôle de constitutionnalité a priori de la loi pénale. Le problème de ce dernier est qu’il
reste opaque au justiciable (saisine réservée 3 présidents, 1er ministre et depuis 1974 60 députés ou sénateurs).
Dans cette situation, la procédure est écrite, inquisitoriale et secrète.
4 lois du 22 juillet 1992 qui ont créé le nouveau Code pénal, de même que la loi du 15 juin 2000
renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes (cf. revue de science criminelle
2004, p. 425, le Conseil constitutionnel acteur de la politique criminelle, à propos de la décision 2004-492 du 2
mars 2004).
2) Un complément au contrôle de conventionalité de la loi pénale. Décision IVG du 15 janvier 1975, dans
laquelle le Conseil écarte sa compétence pour juger de la conformité des lois avec ses engagements
internationaux : il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 61 C., d’examiner
la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord internationaux.
La Cour de cassation se saisie de l’occasion (arrêt Café Jacques-Vabre, 24 mai 1975) et se reconnait
compétente pour effectuer un contrôle de conventionalité.
Le contrôle de constitutionnalité a posteriori vient compléter le contrôle de conventionalité en tant qu’il
permet au juge de se positionner au mieux sur l’appréciation des dispositions applicables au litige.
1) le succès de la réforme.
- Cf. chiffres cités en introduction
- ouverture du Conseil constitutionnel au grand public (notamment parce que les audiences relatives aux QPC
sont publiques et différées sur internet).
- De nombreux sujets sociétaux sont tranchés par le Conseil (corrida, mariage pour tous)
Conclusion : l’importance de la QPC dans l’évolution de la loi pénale est vérifiée, même si elle joue d’une
procédure strictement encadrée et d’une résistance originelle des juges du droit. En effet, 3 ans après son entrée
en vigueur, le bilan dressé reste positif. La QPC a conduit à un renforcement des fonctions du Conseil
constitutionnel, alors que celui-ci était au départ conçu comme un organe plus politique que juridique.
Ouverture : consécration d’une véritable « cour constitutionnelle », comme l’avait proposée R. Badinter lors des
discussions au Sénat en 2008. Le professeur Bastien François emploie le terme de « quasi-cour suprême »
17
Thème 5 : L’application de la loi pénale dans l’espace
Les règles relatives à l’application de la loi pénale dans l’espace sont posées à l’article 113-1 et s. CP.
Manifestation de la souveraineté nationale, la loi pénale a vocation à s’exercer sur l’ensemble du territoire
français, mais uniquement sur celui-ci.
Il existe différents systèmes permettant de retenir la compétence des juridictions françaises : la
compétence territoriale, les compétences personnelles, la compétence réelle, la compétence alternative à
l’extradition et la compétence universelle.
« La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République.
L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu
lieu sur ce territoire. »
Il ressort de l’aliéna 1 que, pour toute infraction commise sur le territoire français, la loi pénale
française est applicable. Cette compétence se justifie par le fait que le droit pénal est destiné à faire respecter
l’ordre public national et s’applique donc à toute personne présente sur le territoire nationale, quelle que soit sa
nationalité. Précisons que le territoire français « inclut les espaces maritime et aérien qui lui sont liés » (art.
113-1 CP).
* l’espace terrestre se compose de la France métropolitaine, des DROM-COM et des collectivités à statut
particulier (art. 72-3 C.).
* l’espace maritime inclut la mer territoriale fixée à douze milles marins à partir de la côte. Cependant, si
l’infraction est commise à bord ou à l’encontre d’un navire militaire étranger, la loi du pavillon seule
s’applique, par respect pour la souveraineté de l’Etat.
* l’espace aérien ; comme pour la zone maritime, il en va différemment si l’infraction est commise à bord ou
à l’encontre d’un aéronef militaire étranger.
L’alinéa 2 de l’article 113-2 CP prévoit une compétence par extension : l'infraction est réputée
commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire.
Ainsi, les juridictions françaises sont donc compétentes pour connaitre des infractions complexes dont l’un des
éléments constitutifs a eu lieu en France, ou encore des infractions continues ou continuées si l’état délictueux
s’est en parti déroulé en France.
Le juge français fait de l’article 113-2 al. 2 une application très extensive. A titre d’illustration, les
actes préparatoires, qui précèdent en droit français le commencement d’exécution, ne sont normalement pas
répréhensibles, mais la Cour de cassation les estime suffisants pour permettre de retenir la compétence des
juridictions françaises dès lors que l’un d’entre eux a eu lieu en France (Crim, 11 avril 1988). Il en va de même
lorsque l’infraction a développé ses effets en France. Ainsi par exemple, la Cour de cassation a estimé que la loi
française était applicable en cas de contrefaçon à l’étranger lorsque l’œuvre contrefaite est française. De cet
article, la jurisprudence a aussi étendu la compétence du juge français pour juger la complicité à l’étranger
d’une infraction commise en France (Crim, 30 avril 1908, Journal de Genève). En effet, la jurisprudence
considère que le principe de territorialité permet d’appliquer la loi pénale française à des infractions totalement
commises à l’étranger dès lors qu’elles présentent un lien de connexité ou d’indivisibilité avec des infractions
commises en France. Le caractère extensif de la notion de « fait constitutif » a encore été illustré récemment,
18
dans un arrêt de la chambre criminelle du 9 novembre 2011, Daniel Y. En l’espèce, le fait constitutif a résidé
dans le fait d’escorter des jeunes femmes sur le territoire français pour qu’elles se livrent à la prostitution à
Monaco.
Au-delà des extensions de la compétence territoriale posées par la jurisprudence existent celles posées
par le législateur français :
- la loi française est applicable aux infractions commises à bord ou à l’encontre de navires battant un
pavillon français (art. 113-3 CP) ; il existe toutefois une exception à la loi du pavillon ; ainsi, dans le cadre de
l’affaire du pétrolier Erika, ce devait être, en principe, la loi de l’Etat du pavillon de l’Erika, en l’espèce Malte,
qui s’applique. Cependant, la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer prévoit la compétence
de l’Etat côtier pour prévenir, réduire et maitriser la pollution du milieu marin. C’est sur ce fondement que la
Cour de cassation a retenu l’application de la loi pénale française (Crim, 25 sept. 2012, Affaire de l’Erika)
- ainsi que des aéronefs immatriculés en France (113-4 CP). Lorsqu’il est immatriculé à l’étranger, la loi
pénale française s’applique lorsque l'auteur ou la victime est de nationalité française ; lorsque l'appareil atterrit
en France après le crime ou le délit ; lorsque l'aéronef a été donné en location sans équipage à une personne qui
a le siège principal de son exploitation ou sa résidence permanente en France (art. 113-11).
- En cas de complicité en France d’une infraction commise à l’étranger (art. 113-5 CP) « si le crime ou le délit
est puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère et s'il a été constaté par une décision définitive de
la juridiction étrangère. »
Lorsqu’aucun lien n’est établi entre l’infraction et le territoire français, la loi française peut tout de
même s’appliquer. Ainsi, après avoir recherché la compétence territoriale, le juge français recherche les
compétences personnelles. Celles-ci s’appliquent, pour les crimes et délits, en raison de la nationalité
française de l’auteur ou de la victime.
Article 113-8 CP : « La poursuite des délits ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.
Elle doit être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par
l'autorité du pays où le fait a été commis. »
Il en ressort deux conditions :
1) S’il s’agit d’un délit, il faut obligatoirement que le ministère public forme une requête. Cette condition n’est
pas nécessaire en cas de crime.
2) Il faut, préalablement aux poursuites, une plainte de la victime ou une dénonciation officielle
3) Une 3ème condition est rajoutée par l’article 113-9 CP : « aucune poursuite ne peut être exercée contre une
personne justifiant qu'elle a été jugée définitivement à l'étranger pour les mêmes faits et, en cas de
condamnation, que la peine a été subie ou prescrite. » Par ailleurs, la Cour de cassation considère qu’il doit
s’agir d’un jugement définitif, et non d’un simple classement sans suite et ce, même si dans le pays où a lieu le
classement, celui-ci a autorité de la chose jugée (Cour d’Assises de Paris, 22 octobre 2011, Affaire Krombach,
confirmée par Crim., 2 avril 2014). En l’espèce, Kalinka Y., âgée de 14 ans, de nationalité française, est trouvée
morte à Lindau en Allemagne le 10 juillet 1982, au domicile de son beau-père, de nationalité allemande.
L’enquête diligentée par le parquet allemand est classée sans suite. Une information est ouverte en France du
chef d’homicide volontaire, à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile du père de la jeune fille.
Il faut opérer une distinction, selon que l’auteur ou la victime soit français :
Compétence personnelle active (auteur) : le fondement théorique de cette compétence réside dans le fait
que la France n’extradant pas ses nationaux, elle doit les juger. Précisons que la qualité de français ne peut
19
exister qu’au moment des poursuites. Le droit français est donc applicable si la nationalité est acquise
postérieurement aux faits.
En vertu de l’article 113-6 CP : « La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un
Français hors du territoire de la République.
Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits
sont punis par la législation du pays où ils ont été commis. »
Compétence personnelle passive (victime) : le fondement théorique de cette compétence réside dans le fait
qu’il est du devoir de l’Etat de protéger ses nationaux.
En vertu de l’article 113-7 CP : « La loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout
délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République
lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction. »
Pour faciliter la poursuite contre certaines infractions, des conditions particulières sont supprimées
Extension de la compétence personnelle passive : le juge français est compétent pour juger d’homicide
involontaire, de mutilation permanente ou temporaire > 8 jours d’ITT, lorsque la victime est un mineur résident
habituellement sur le territoire français (peu importe sa nationalité), et toute plainte ou dénonciation officielle
préalable est inutile.
La compétence réelle : « La loi pénale française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'atteintes aux
intérêts fondamentaux de la nation, à la falsification et à la contrefaçon du sceau de l'Etat, de pièces de
monnaie, de billets de banque ou d'effets publics réprimées (…) et à tout crime ou délit contre les agents ou les
locaux diplomatiques ou consulaires français, commis hors du territoire de la République. » (art. 113-10)
La compétence alternative à l’extradition : « la loi pénale française est également applicable à tout crime
ou à tout délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement commis hors du territoire de la République par un
étranger dont l'extradition ou la remise a été refusée à l'Etat requérant par les autorités françaises » (art. 113-
8-1 CP). La France peut refuser d’extrader au motif, par exemple, que les droits de la défense ne sont pas
garantis dans le pays requérant.
Le principe de cet article repose sur l’adage aut dedere, aut judicare (extrader ou juger).
La compétence universelle : enfin, le législateur a ajouté certaines compétences des tribunaux français pour
connaitre des infractions lésant la communauté internationale, en se fondant sur le principe de la compétence
universelle, lequel ne connait pas les dispositions de l’article 7 CESDH, notamment concernant la condition
d’accessibilité de la norme pénale (CEDH, 2009, Ould Dah c. France).
Ces règles figurent aux articles 689 et suivants du Code pénal : « En application des conventions
internationales visées aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle
se trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable hors du territoire de la République de l'une des
infractions énumérées par ces articles »
Les différents cas de compétence universelle les plus usités sont les actes de tortures et le terrorisme.
Pour ces crimes, ainsi que d’autres prévus par le Code pénal (ex : corruption de fonctionnaire de l’UE), le juge
français est compétent. Toutefois, cette compétence est subordonnée en cas de compétence d’une juridiction
pénale internationale en la matière.
20
Thème 6 : L’application de la loi pénale dans le temps
Accroche : La délicate question de l’application de la loi nouvelle n'est pas soumise à l'arbitraire du juge, lequel
doit, s'agissant du domaine d'application de la loi dans le temps, s'en tenir aux termes de l'article 2 du Code Civil
selon lequel: « la Loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a pas d'effet rétroactif. »
Article 112-1 CP : « Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis.
Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.
Toutefois, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et
n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les
dispositions anciennes. »
L’application dans le temps des lois pénales obéit à des règles spécifiques prévues par les articles 112-1
et s. du Code pénal. Par ailleurs, les principes applicables à l’application de la loi pénale dans le temps sont
prévus par des sources à valeur supra-législative.
Il faut distinguer selon qu’il s’agisse d’appliquer une loi pénale de fond ou de forme.
Les principes supra-législatifs posent deux principes : la non-rétroactivité de la loi pénale de fond
plus sévère et la rétroactivité de la loi pénale plus douce.
Avant d’étudier plus en détails ces deux principes, il est nécessaire de s’interroger sur ce qu’on attend
par une loi pénale. En effet, sous l’impulsion de la CEDH, le droit positif tend à assimiler la loi et la
jurisprudence. Cette assimilation existe déjà dans les pays de Common Law ; à la différence de la France, pays
de droit écrit, ceux-ci ont adopté la règle du précédent judiciaire en vertu de laquelle les tribunaux sont liés
par les décisions rendues par les juridictions supérieures. Il en va différemment en France : a priori, le code civil
considère que la jurisprudence ne saurait être une source de droit en prohibant les arrêts de règlement (art. 5 C.
civ.).
Cependant, cette distinction entre pays de tradition romaine et pays de Common Law n’est pas
pertinente au regard des décisions rendues par la CEDH qui utilise fréquemment la formule : « le mot ‘’loi’’
englobe à la fois le droit écrit et le droit non-écrit » (CEDH, Sunday Times, 26 avril 1979). C’est pourquoi elle a
fini par considérer que l’article 7 CESDH posant le principe de légalité, ainsi que le principe de non-
rétroactivité de la loi pénale de fond plus sévère est applicable à la jurisprudence (CEDH, 10 octobre 2006,
Pessino c. France).
Cette décision n’a pas été suivie d’effets en droit français : la chambre criminelle considère que « le
principe de non-rétroactivité ne s’applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle » (Crim, 30 janvier
2002, Robert X). La Cour de cassation finira-t-elle par assimiler la jurisprudence à la loi ? Une réponse positive
serait hasardeuse ; en effet, le chapitre du Code pénal dans lequel sont inscrits les articles 112-1 et s. est intitulé
« De l’application de la loi pénale dans le temps ». Ces dispositions ne sauraient donc s’appliquer qu’à la loi et
non à la jurisprudence et ce, en vertu du principe d’interprétation stricte de la loi pénale (art. 111-4 CP).
Qu’est-ce qu’une loi pénale de fond ? Il s’agit d’une loi d’incrimination ou de pénalité. Elle peut par
exemple supprimer ou créer une incrimination nouvelle ; élever ou abaisser une peine.
Le principe est celui de non-rétroactivité de la loi pénale de fond plus sévère. Ce principe a valeur
constitutionnelle (art. 8 DDHC), conventionnelle (art. 7 CESDH) et législative (art. 112-1 CP).
Concernant les infractions dont la réalisation s’étend sur une certaine durée comme les infractions
d’habitude, les infractions continues ou les infractions continuées ou encore les infractions complexes, la loi
21
nouvelle s’applique dès lors que certains actes constitutifs ont eu lieu postérieurement à l’entrée en vigueur de la
norme pénale et ce, même si l’infraction a débuté avant.
En outre, toute loi aggravant le régime de la récidive s’applique dès lors que l’une des infractions en
récidive a été commise après sa promulgation. La Cour européenne des droits de l’homme n’y a vu aucune
atteinte à l’article 7 CESDH (CEDH, 29 mars 2006, Achour c. France).
La non-rétroactivité des lois pénales de fond plus sévère connait des exceptions :
- Les lois interprétatives ont pour objet de préciser la signification d’une loi obscure, sans en modifier le
contenu. Ces lois qui n’affectent pas l’ordonnancement juridique rétroagissent.
- Les lois déclaratives constatent une règle préexistante ; elles s’appliquent elles aussi rétroactivement. Il en est
ainsi de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité (Crim,
26 janvier 1984). En effet, la loi ne fait que constater une règle internationale préexistante issue de l’accord de
Londres du 8 aout 1945 mettant en place un tribunal militaire international.
- Enfin, les lois instituant des mesures de sûreté sont rétroactives. Les mesures de sûreté préservent et
protègent à la différence des peines qui sanctionnent. Il en a été décidé ainsi concernant des modifications de
l’ordonnance du 2 février 1945. Suite à une décision du Conseil constitutionnel, qui considérait que le principe
de non-rétroactivité « ne concernait pas seulement les peines prononcées, mais s’étendait à la période de
sûreté », la distinction semblait abandonnée (D.C, 3 septembre 1986, Lutte contre la criminalité). Cependant,
saisi de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive, le Conseil constitutionnel a admis
l’application rétroactive de la mesure de bracelet électronique (D.C, 8 décembre 2005). La rétroactivité des lois
instituant des mesures de sûreté semble donc toujours d’actualité. Cette décision a été mise en application par la
chambre criminelle à propos de la loi du 25 février 2008 relative à la procédure nouvelle instaurée pour trouble
mental : alors que la chambre d’instruction considérait que cette loi instaurait des « peines nouvelles » et donc
ne pouvait pas être rétroactive, la Cour affirmé que le principe de non-rétroactivité « ne s’applique pas aux
mesures de sûreté ». Ces dernières peuvent donc être appliquées rétroactivement (Crim, 16 décembre 2009)
Le principe est celui de la rétroactivité des lois pénales de fond plus douces. Il a lui aussi valeur
constitutionnelle (D.C, 20 janvier 1981, Sécurité et liberté), conventionnelle (art. 15 du Pacte international des
droits civils et politiques) et législative (art. 112-1 al. 3 CP).
La loi pénale plus douce peut être invoquée pour « toutes les infractions n'ayant pas donné lieu à une
condamnation passée en force de chose jugée ». Plus encore, si la loi pénale plus douce prend la forme d’une
abrogation « la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d'une loi
postérieure au jugement, n'a plus le caractère d'une infraction pénale » (art. 112-4 CP). Ce principe est
d’application stricte, en atteste l’arrêt de la Chambre criminelle du 23 mai 2012, Patrick X, qui a considéré que
le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce trouve à s’appliquer lorsque l’infraction a été supprimée
par erreur et rétablie par la suite, si le jugement en appel a eu lieu pendant ce laps de temps.
Aujourd'hui, seules les dispositions pénales économiques peuvent constituer une limite au principe de
rétroactivité de la loi pénale de fond plus douce. En effet, la règlementation économique est instable, toujours en
mouvement pour être en adéquation avec la conjoncture, les contraintes internationales, politiques…
L’application rigoureuse du principe de rétroactivité in mitius neutraliserait l’effet dissuasif des sanctions
pénales ; le délinquant n’aurait qu’à attendre, si besoin en usant de manœuvres dilatoires, l’abrogation de la
règle pour échapper à toute poursuite.
22
D. Les lois pénales de fond mixtes
Ces lois sont à la fois plus sévères et plus douces. Il faut distinguer selon qu’elles sont :
* divisibles ; dans ce cas, le juge procède à une application distributive. Les dispositions plus douces de la loi
rétroagissent et celles plus sévères ne rétroagissent pas.
* indivisibles ; le juge étant obligé de statuer, et donc de dire si la loi s’applique ou non, il va rechercher si cette
loi est plus sévère ou plus douce. Pour cela, il peut en apprécier la disposition principale, ou bien en faire une
appréciation globale. Selon cette 2nde méthode, il est recherché la tendance dominante, plus douce ou plus
sévère, du texte concerné.
Le principe est celui de l’application immédiate des autres lois pénales, comme celles de forme par
exemple (lois de compétence ou d’organisation judiciaire, de procédure, loi qui fixe les modalités d’application
des peines etc.). Toutefois, en vertu de l’article 112-4 al. 1er CP, cette règle « est sans effet sur la validité des
actes accomplis conformément à la loi ancienne ». Ainsi par exemple, les lois nouvelles relatives à la
prescription de l’action publique ou de la peine s’appliquent immédiatement à la répression des infractions
commises avant leur entrée en vigueur, sauf si les prescriptions sont déjà acquises.
23
Sujet : L’application de la norme pénale dans le temps
L’évolution de la société entraine inexorablement une adaptation du droit pénal. Lorsqu’une nouvelle loi
vient remplacer ou abroger une loi ancienne, un conflit de lois dans le temps est créé. Il est important de savoir
laquelle des deux lois s’applique et si la nouvelle norme a vocation à régir les comportements commis sous
l’empire de l’ancienne loi.
La norme juridique désigne la règle de droit applicable ; elle doit s’entendre dans son sens matériel et
non formelle, qu’elle soit issue d’une loi ou d’une solution prétorienne. En effet, selon la jurisprudence de la
CEDH (arrêt Kruslin, 1990), le principe de la légalité tient compte des textes écrits ainsi que de la jurisprudence
qui les met en œuvre. La norme nouvelle s’applique naturellement à tous les faits commis postérieurement à son
entrée en vigueur. Elle ne remet pas en cause l’autorité de la chose jugée acquise sous l’empire de l’ancienne
loi.
Le principe de non rétroactivité de la loi norme pénale, qui s’inscrit dans la logique de sécurité
juridique, semble absolu, tel qu’il a été affirmé par la DDHC dans son article 8. Il a été consacré comme
corollaire du principe de la légalité pénale, véritable clé de voûte du droit pénal français. Certains auteurs
critiquent la rigidité du principe, qui ne permet pas d’allègement de la répression lorsque la norme nouvelle est
plus douce. La règle nouvelle plus douce est supérieure d’un point de vue juridique et social, car elle traduit une
modernisation de la répression. Ainsi, la personne poursuivie doit pouvoir profiter de la reconnaissance de
l’inutilité ou de la trop grande sévérité de l’ancienne répression.
Présentation de l’article 112-1 CP ; des notions de rétroactivité in mitius ; de la distinction loi pénale de
fond/de forme ; de la valeur de ces principes abordés dans la DDHC de 1789, DUDH de 1948, CEDH, PIDCP
de 1966.
Problème : le régime d’application de la loi pénale dans le temps garantie-t-il l’équilibre répression/protection
des libertés individuelles ?
1. Le principe
2. La valeur du principe (portée, valeur constitutionnelle…)
1. La problématique
2. La consécration du revirement prospectif
1. Le principe
2. La valeur du principe
24
Thème 7 : Le chemin de l’activité criminelle
La personne qui souhaite commettre une infraction pénale ne parvient pas toujours au résultat escompté.
Malgré cela, sa responsabilité est parfois susceptible d’être engagée. Cette possibilité diffère selon l’état
d’avancement dans le chemin de l’activité : plus on est proche de l’infraction visée, plus la responsabilité est
susceptible d’être retenue.
« La responsabilité est la simple revendication logique des conséquences de notre liberté » (J.P Sartre).
25
Le Code pénal de 1810 avait fait le choix d’incriminer de façon systématique la tentative de crime et,
lorsque la loi le prévoit, les délits. Le NCP a repris cette solution, à son article 121-4 al. 2 CP (3).
En revanche, le principe est celui de la responsabilité pénale absolue en cas d’exécution. Une fois
celle-ci intervenue, l’infraction est constituée. Toutefois, l’auteur de l’infraction peut vouloir réparer les
conséquences de son acte, auquel cas il y a repentir actif. Celui-ci est indifférent concernant la responsabilité
pénale. Comme le résumait Ortolan : « le repentir est chose de régénération divine mais non de justice
terrestre ».
Toutefois, le repentir actif peut produire des effets sur la situation du délinquant :
- il peut entrainer une dispense de peine, si le trouble a cessé et que le dommage est réparé
- il est susceptible de constituer une cause de réduction de peine lorsque la loi le prévoit. Ce sera par exemple le
cas lorsque le repenti averti l’autorité judiciaire ou administrative et permet de faire cesser l’infraction, de
l’éviter ou d’identifier les coauteurs ou complices. C’est en tout cas ce que prévoit l’article 132-78 CP :
« La personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est, dans les cas prévus par la loi, exempte de
peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction
et, le cas échéant, d'identifier les autres auteurs ou complices.
[…] la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est
réduite si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis de faire cesser l'infraction, d'éviter
que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices.»
De plus, la possibilité pour le juge d’octroyer le statut de repenti peut s’avérer particulièrement utile
pour lutter contre les infractions les plus graves. Tel est un des buts poursuivis par la loi du 14 mars 2011
relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.
(3)
« Est auteur de l'infraction la personne qui : 2° Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit »
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Thème 8 : La tentative
La tentative, c’est l’infraction manquée ; très proche de cette notion existe l’infraction impossible.
L’infraction impossible est une infraction qui n’a pas abouti parce qu’elle est matériellement
irréalisable et ce, en raison d’une circonstance ignorée de l’agent.
En doctrine, la notion est mise en évidence par le théoricien allemand Feuerbach à propos d’un paysan
qui avait fait un pèlerinage afin d’obtenir la mort de quelqu’un. Le législateur s’est saisi de la question, qu’il
règle parfois en incriminant de façon autonome l’infraction impossible. Ainsi, un décret-loi du 29 juillet 1939
incrimine l’avortement sur une femme supposée enceinte.
Selon qu’est privilégiée la nécessité pour le droit pénal de réprimer le trouble social causé par
l’infraction (vision objective du droit pénal) ou la nécessaire sanction du caractère dangereux de l’agent (vision subjective),
les auteurs considèrent qu’il est inutile ou indispensable de réprimer l’infraction impossible. D’un point de vue
objectif, réprimer l’infraction impossible pose une difficulté d’ordre juridique, dans la mesure où le droit pénal
est d’interprétation stricte (art. 111-4 CP). Par contre, il semble concevable de retenir la tentative, celle-ci
s’analysant dans le fait de ne pas aboutir à la consommation de l’infraction. Ainsi, selon les dispositions de
l’article 121-5 CP :
« La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été
suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. »
A côté des théories extrêmes prônant ou réfutant l’assimilation de l’infraction impossible à l’infraction
tentée, ont également été développées des théories transactionnelles.
La théorie réfutant l’assimilation : l’ordre social n’est pas troublé. L’impunité de l’agent s’imposerait donc.
Par ailleurs, les conditions de la tentative punissable ne sauraient être réunies car « l’idée de commencement
suppose la possibilité d’atteindre le but par l’application plus ou moins prolongée du moyen » affirmait
Pellegrino Rossi.
Distinction entre impossibilité de droit ou de fait : cette distinction a été soulevée par Garraud et Roux.
L’impossibilité de droit s’entend de l’absence d’un élément constitutif de l’infraction. Or le principe de légalité
suppose, pour que l’infraction soit constituée, que tous ses éléments constitutifs soient réunis, et impose dans ce
cas l’impunité des faits. L’impossibilité de fait dépend quant à elle du hasard ou de circonstances fortuites à
l’auteur. D’après cette distinction, l’infraction impossible de droit ne saurait être réprimée, alors que l’infraction
impossible de fait est une forme de tentative.
Malgré son caractère séduisant, cette distinction n’a jamais été reprise par la jurisprudence. Plus encore,
elle a été implicitement rejetée, la chambre criminelle ayant retenu la tentative d’homicide volontaire, alors que
la victime était déjà décédée (Crim, 16 janvier 1986, Perdereau), et ce, bien qu’un des éléments constitutifs du
meurtre soit le fait d’ôter la vie.
Distinction entre impossibilité absolue (ex : voler un objet qui n’existe pas) ou relative (ex : ne pas savoir utiliser son arme) :
d’après cette distinction, posée par Ortolan, aucune qualification ne saurait être retenue en cas d’impossibilité
absolue ; à l’inverse, si l’impossibilité est relative, il y aurait bien tentative.
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La jurisprudence, après avoir considéré que le délit impossible n’était pas punissable (Crim, 6 janvier
1859), puis après avoir distingué impossibilité relative/absolue (Crim, 4 novembre 1879), a consacré le
principe de l’assimilation totale (Crim, 16 janvier 1986, Perdereau). En l’espèce, M. Perdereau avait frappé la
victime à coup de bouteille puis l’avait étranglée, ignorant qu’elle était déjà morte. Il a été condamné pour
tentative d’homicide volontaire.
La tentative repose sur des conditions spécifiques définies par l’article 121-5 CP : « La tentative est
constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué
son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. »
A. Le commencement d’exécution
Le commencement d’exécution est un acte matériel. C’est pourquoi sa distinction avec les actes
préparatoires est parfois délicate, d’autant plus qu’il ne fait l’objet d’aucune définition légale. Dans cette
situation, il convient de se référer à la doctrine et à la jurisprudence pour approfondir la notion.
Plusieurs théories doctrinales s’affrontent ; tout le monde s’accorde pour dire que le commencement
d’exécution ne saurait exister que s’il existe une manifestation extérieure de la volonté, un acte matériel. Par
contre, les avis divergent pour en déterminer les composantes.
* Si on fait primer l’aspect matériel, c’est de la relation entre les faits accomplis et ceux incriminés par
l’infraction que se déduit le commencement d’exécution. Pour Raffaele Garofalo, il faut relever l’existence
d’un « fragment du délit ». Les actes préparatoires menant à celui-ci sont donc insuffisants. Plus précisément, le
commencement d’exécution réside soit dans l’élément constitutif de l’infraction, soit dans l’une des
circonstances aggravantes de l’infraction consommée.
Une variante de cette doctrine est la théorie de l’univocité. Selon cette thèse, si l’acte réalisé par l’agent ne peut
s’expliquer que par l’intention de commettre l’infraction, il constitue un commencement d’exécution.
* Si on fait primer l’aspect moral, Gramatica propose de considérer que « constitue une manifestation d’anti
socialité même tout acte simplement préparatoire lorsque, tout en ne constituant qu’une fragmentaire et
imparfaite ‘’manifestation extérieure’’, il extériorise la volonté d’enfreindre une norme de Défense sociale et
par conséquent l’attitude antisociale du sujet ».
La jurisprudence a apporté une solution dans son arrêt Lacour ; le commencement d’exécution y est
défini comme étant « caractérisé […] par des actes devant avoir pour conséquence immédiate et directe de
consommer le crime, celui-ci étant ainsi entré dans la période d’exécution » (Crim, 25 octobre 1962, Lacour).
Ainsi, il n’est pas nécessaire que le commencement d’exécution corresponde à un élément constitutif de
l’infraction ou une circonstance aggravante, mais il doit être en relation directe et immédiate avec la
consommation de l’infraction. La thèse qui a été consacrée par la jurisprudence est celle de l’acte univoque ; la
seule explication possible de l’acte déjà accompli par le délinquant doit être qu’il avait l’intention de commettre
l’infraction.
La tentative n’est pas constituée si l’agent « échoue » car il s’est désisté volontairement. Ce désistement,
pour être qualifié de « volontaire », doit être spontané et n’avoir été provoqué par aucune cause extérieure à
l’agent. La jurisprudence a atténué cette 2nde condition dans la mesure où elle considère que le désistement
demeure volontaire même s’il est provoqué par un tiers, mais qu’il n’y a pas eu de contrainte exercée par celui-
ci (Crim, 20 mars 1974, Daniel). Précisons que le désistement doit intervenir avant la commission de
l’infraction ; à défaut, il y a repentir actif, ce qui n’a en principe aucune influence sur la culpabilité.
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En revanche, il est involontaire lorsque le désistement résulte d’une cause extérieure à l’agent ; cette
cause extérieure peut par exemple résider dans l’intervention d’un tiers, notamment des services de police
(Crim, 28 octobre 1959), dans la résistance de la victime ou un obstacle matériel.
Les partisans de la thèse objective, favorables à l’adaptation de la peine au trouble social, proposaient
une atténuation de la peine encourue. La solution du droit positif diffère : l’infraction tentée est frappée des
mêmes peines que l’infraction consommée. Cette règle est posée à l’article 121-4 CP qui dispose :
Toutefois, le juge pourra tenir compte du fait que l’infraction n’ait pas été consommée pour atténuer la
peine en raison de cette circonstance particulière ; en effet, l’article 132-24 CP dispose que « dans les limites
fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de
l'infraction et de la personnalité de son auteur. »
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Thème n°9 : La complicité
Accroche : « Auteur et complice sont cousus dans le même sac » (J. Carbonnier)
La complicité suppose la commission d’un acte de complicité au sens de l’article 121-7 CP. Toutefois, la
distinction théorique du complice avec l’auteur et le coauteur présente quelques limites en pratique.
Selon la théorie de la criminalité d’emprunt, les actes accomplis par le complice sont dépourvus de
criminalité propre et ne prennent un caractère pénal que par référence à l’infraction commise par l’auteur. De la
sorte, le complice tombe sous le coup des mêmes qualifications et encourt les mêmes peines que l’auteur
principal.
Dans la théorie de l’emprunt relatif de criminalité, seule la responsabilité est commune ; la peine est variable.
Selon la théorie du délit distinct, la responsabilité de chaque participant à l’infraction est indépendante de
celles des autres.
En outre, pour certains, la complicité est un délit spécial ayant comme condition préalable l’infraction
commise par autrui.
L’ancien Code pénal consacrait la théorie de la criminalité d’emprunt ; tout comme le NCP, à son
article 121-6 CP. Toutefois, il ne s’agit là que d’une tendance générale sujette à de nombreuses atténuations.
Ainsi, certains actes sont parfois érigés en délits distincts comme la provocation au suicide.
Selon un critère subjectif, l’aspect déterminant est l’état d’esprit de l’intervenant. L’auteur est celui
qui a voulu accomplir l’infraction, tandis que le complice est celui qui n’a voulu que s’associer à une infraction
commise par autrui. Ce critère, intellectuellement satisfaisant, suppose toutefois de connaitre l’état d’esprit des
différents intervenants, ce qui est particulièrement malaisé.
Le critère objectif se fonde sur la causalité ; l’auteur ne doit laisser au complice qu’un rôle accessoire.
De la sorte, la coaction réside dans le fait de commettre, à plusieurs, une même infraction ; chaque auteur
commet l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction.
La distinction entre complicité et coaction n’est pas purement théorique ; elle présente aussi des intérêts
pratiques. Ainsi, en cas de contravention, seuls certains cas de complicité sont punissables. De plus, l’immunité
familiale prévue en matière de vol empêche de poursuivre le complice de la personne bénéficiaire de
l’immunité, mais pas le coauteur (décisions jurisprudentielles). Dernier exemple : la participation collective à
une infraction peut avoir une incidence sur la peine encourue ; la peine ne serait pas là même pour les deux
protagonistes si l’un d’eux est qualifié de complice ou de coauteur.
La distinction complice/coauteur, bien qu’elle n’ait pas un effet pratique considérable, est clairement
posée par le Code pénal. Malgré le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, cette distinction n’est pas
toujours bien respectée en jurisprudence.
Il arrive que le complice soit qualifié d’auteur. Ainsi, la jurisprudence a considéré que le provocateur
était l’auteur de l’infraction en se plaçant sur le terrain de la notion d’auteur moral. Par ailleurs, la pratique a
considéré que lorsque le complice a eu un rôle déterminant, et s’il existe entre les intervenants une simultanéité
d’action et une assistance réciproque, le complice devient coauteur (Crim, 25 janvier 1962).
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Inversement, il arrive que l’auteur de l’infraction soit qualifié de complice. Il est arrivé que la
jurisprudence utilise la théorie de la « complicité co-respective » selon laquelle le coauteur d’un crime aide
nécessairement l’autre coupable et devient, par la force des choses, son complice (Crim, 9 juillet 1848).
Si les confusions jurisprudentielles entre coauteur et complice ont pu prospérer, c’est à cause de
l’indifférence de la Cour de cassation ; celle-ci ne censure pas les juges du fond dans la mesure où elle
applique la théorie de la peine justifiée, édictée par l’article 598 CPP : « lorsque la peine prononcée est la
même que celle portée par la loi qui s'applique à l'infraction, nul ne peut demander l'annulation de l'arrêt sous
le prétexte qu'il y aurait erreur dans la citation du texte de la loi. »
L’article 121-7 CP incrimine toutes les hypothèses de complicité de crime ou de délit ; concernant les
contraventions, seule la complicité par provocation ou instruction est prévue :
« Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la
préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura
provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »
Il faut que l’acte principal soit érigé en infraction, et que ladite infraction conserve son caractère
punissable. Ainsi, les conditions de la complicité ne sont pas remplies si l’infraction a été amnistiée, si la loi a
été abrogée ou encore si l’infraction est prescrite. Il en est également ainsi si un fait justificatif fait disparaitre le
caractère infractionnel de l’acte ou si l’auteur principal bénéficie d’une immunité familiale.
En revanche, il importe peu que l’auteur ne soit pas puni pour une raison de fait (par exemple s’il a pris la
fuite ou demeure inconnu) ou de droit (relaxe du prévenu faute d’existence de l’élément moral). Les circonstances
personnelles de l’auteur principal ne rejaillissent pas sur le complice ; ce dernier pourra être poursuivi.
Un acte positif : en principe, l’acte de complicité est normalement positif. Il ne peut donc pas s’agir d’un
acte d’omission. Toutefois, la loi et la jurisprudence peuvent en disposer autrement.
Ainsi, la loi du 9 août 2010 relative à la Cour pénale internationale crée de nouveaux cas de complicité
passive : est considéré comme complice d’un crime commis par ses subordonnés placés sous son autorité le
chef militaire qui savait, ou aurait dû savoir, que ses subordonnés commettaient ou allaient commettre un crime
et qui n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour en empêcher ou réprimer l’exécution.
De même, des limites peuvent résulter de la jurisprudence. A partir de quelques décisions a par exemple été
échafaudée la théorie de l’abstention participative : est considérée comme complice la personne présente mais
passive, qui ne manifeste pas sa réprobation envers la commission de l’infraction ; son acte de complicité se
matérialise alors par une assistance morale apportée à l’auteur de l’infraction (Crim, 20 janvier 1992).
Un acte causal : l’acte du complice doit avoir facilité l’acte principal ou l’avoir provoqué. C’est
pourquoi, si la complicité de tentative est retenue, ce n’est pas le cas de la tentative de complicité. Cette qualité
ne doit toutefois pas être entendue trop strictement. En effet, il n’est pas nécessaire que l’acte du complice ait
été indispensable à la commission (Crim, 3 novembre 1981, Louis et autres). Ainsi, le fait pour un avocat de
mettre sa cliente en relation avec un policier dont il savait qu’il procédait, au bénéfice de personnes privées, à
des enquêtes rémunérées et non-déclarées, constitue un cas de complicité (Crim, 3 avril 2013, René X.)
La complicité peut également être retenue si le mode d’exécution préconisé par l’investigateur n’est pas
suivi (décision jurisprudentielle). Plus encore, il convient de signaler l’adjonction d’un nouveau cas de
complicité créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance : « est constitutif d’un acte
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de complicité d’atteintes volontaires à l’intégrité de la victime le fait d’enregistrer sciemment, par quelque
moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions ».
Pour finir, l’aide apportée au complice constitue un acte de complicité incriminé par l’article 121-7 CP.
Un acte antérieur ou concomitant : le complice doit être intervenu dans la préparation ou la consommation
de l’infraction. La condition d’antériorité est indispensable pour caractériser la complicité a rappelé la chambre
criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 11 février 2009, à propos d’un délit de recel.
Toutefois, un acte postérieur peut retenir la complicité s’il résulte d’un accord antérieur à l’infraction
(Crim, 21 juin 1978, Sté des grands moulins de Pantin).
Par ailleurs, certains actes commis ultérieurement sont incriminés en tant que tels par la loi, comme
l’effacement des traces ou indices d’un crime ou d’un délit, ou les menaces exercées sur la victime pour la
dissuader de porter plainte.
1/ La provocation ; elle se matérialise par « don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir ».
Pour être caractérisée, la provocation doit être directe. Précisons que, vis-à-vis de l’abus d’autorité ou de
pouvoir, celui peut émaner d’une personne ayant une autorité de droit ou de fait. Il en est ainsi des parents à
l’égard de leurs enfants et, d’une manière générale, de toute personne exerçant, en fait, un ascendant sur autrui.
D’autres dispositions érigent des provocations en infractions autonomes. Il en est ainsi de l’infraction
prévue par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui incrimine la provocation à une liste
d’infractions déterminées, parmi lesquelles les atteintes volontaires à la vie ou en faisant l’apologie des crimes
contre l’humanité.
2/ Les instructions ; elles doivent être utilisables et de nature à rendre possible ou à faciliter la commission de
l’infraction. Par contre, les renseignements vagues et sans utilité réelle ne sont pas considérés comme des
instructions au sens de l’article 121-7 CP.
3/ L’aide ou l’assistance : entendues au sens large, elles ont permis de retenir la complicité en cas de simple
présence de personnes lors d’une scène de violence (théorie de l’abstention participative).
D. L’intention de la complicité
La complicité est intentionnelle, comme l’indique le terme « sciemment » inscrit à l’article 121-7 CP.
La jurisprudence s’est interrogée pour savoir s’il était possible de retenir la complicité lorsque le résultat de
l’acte principal était différent de celui qui avait été convenu. Dans ce cas, si l’infraction réalisée est différente de
celle projetée, la complicité n’est pas punissable (Crim, 13 janvier 1955, Nicolaï). Mais cette position a été
tempérée par la suite dès lors que le complice doit prévoir toutes les circonstances pouvant accompagner le délit
dont il est l’instigateur.
On l’a vu, le Code pénal a opté pour la théorie de l’emprunt de criminalité. Ainsi, l’article 121-6 CP
prévoit que « sera puni comme auteur le complice de l'infraction ».
Il en résulte que les immunités personnelles de l’auteur principal ne bénéficient pas au complice. Il en
est de même des circonstances aggravantes personnelles (comme la récidive) ou des causes personnes
d’atténuation (comme la minorité).
Quant à l’aggravation résultant de circonstances réelles qui portent sur la matérialité de l’infraction
commise, elle se répercute sur la peine du complice.
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Sujet : La provocation
« La provocation est une façon de remettre la réalité sur ses pieds » affirme l’auteur allemand Bertolt
Brecht. L’individu serait prédisposé à réaliser son acte, la provocation ne faisant office que de motivation.
Le terme « provocation », du latin « pro » (« devant ») et « vocatio » (« action d'appeler, invitation »),
peut se traduire par « défi ». Apparue au XIIème siècle au sein de la matière pénale, la notion de provocation
évoque traditionnellement un comportement ou une attitude suscitant une réaction de riposte ou de réponse et
qui trouve le plus souvent des illustrations en matière de violences volontaires ou d’injures mais aussi de
comportements racistes ou discriminatoires. La provocation est une notion classique en tant que modalité
traditionnelle de la complicité et de la théorie de l’emprunt de criminalité. Elle illustre parfaitement la
philosophie libérale du droit pénal : le droit de la responsabilité pénale est en effet fondé sur le libre arbitre de
l’agent et son exercice le cas échéant pour commettre une infraction. La liberté de l’agent fonde ainsi la
nécessité d’assumer dans la sanction les conséquences de son comportement. Dès lors, un acte délinquant
commis sous l’influence d’un comportement provoquant ne doit-il pas faire l’objet d’une appréciation
bienveillante, même si pour autant, tout acte d’incitation ne peut entrainer l’impunité de l’auteur d’une
infraction ? On ne saurait en effet nier l’effet de sollicitation sur l’engagement de la responsabilité pénale.
La provocation comme cause légale d’indulgence a disparu depuis l’entrée en vigueur du Code pénal.
Toutefois, le droit pénal peut-il se désintéresser de comportements ou de propos, qui ne sont pas des actes de
complicité, le cas échéant largement reproduits et rapidement diffusés, notamment sur Internet, et susceptibles
de conduire à la commission d’infractions ou d’actes antisociaux ? Jusqu’où doit-il aller pour les réprimer même
au nom d’un juste ordre public alors que la liberté d’expression est également en cause ?
La provocation a pour vertu de permettre l’extension du champ de la répression et même celui de la
prévention des infractions pénales dans le cadre d’une démarche de protection contre les comportements
dangereux ou nuisibles pour laquelle la théorie de la complicité est aujourd'hui insuffisante (I). Elle permet aussi
de faire preuve d’indulgence, quand il apparait que la provocation a pu avoir un rôle dans la commission de
l’infraction (II).
2/ La provocation à l’infraction par des circonstances de droit ou de fait (erreur de droit, contrainte)
3/ La provocation par le droit et l’autorité hiérarchique (ordre de la loi, commandement de l’autorité légitime)
1/ Théorie : la prise en compte, par le juge, de la provocation comme critère d’individualisation de la sanction
2/ Pratique : adoucissement de la sanction (ex : en cas de viol), correctionnalisation du litige…
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Thème n°10 : Dol ou intention
L’intention est le terme employé par le NCP ; elle désigne l’élément moral de l’infraction et est
nommée par la doctrine « faute intentionnelle ». Le législateur lui a d’ailleurs laissé le soin de définir ce qu’est
l’intention, ce qui peut paraitre surprenant tant cette notion est difficile à cerner. Ainsi, la doctrine distingue de
façon classique le dol général, le dol spécial, le dol aggravé et les autres formes de dol dans lesquelles l’acte est
voulu mais pas ses conséquences. Il est également enseigné que si le dol général est indispensable pour toutes
ces infractions, le dol spécial et le dol aggravé sont parfois également nécessaires pour caractériser l’élément
moral.
La nécessité d’un élément moral pour les crimes et les délits est une innovation du NCP. L’ancien code
de 1810 ne prévoyait pas d’exigence similaire. En conséquence, lorsqu’il s’agissait d’une infraction
intentionnelle, le texte d’incrimination précisait que le comportement incriminé devait être commis
« intentionnellement », « volontairement », « sciemment » ou encore « en connaissance de cause ».
L’intention se compose nécessairement d’une faute intentionnelle, désignée sous l’appellation de ‘’dol
général’’, résidant en la cause objective de l’infraction. Le dol général peut être défini comme étant « la
volonté de commettre un acte que l’on sait interdit ou, autrement dit, comme l’intention de violer la loi »
(Frédéric Desportes). La loi exige que les infractions intentionnelles soient commises par une personne qui
sait que ce comportement est pénalement sanctionné, mais qui décide néanmoins de le commettre.
En l’absence de cet aspect objectif de l’élément moral, l’infraction n’est pas constituée. En effet, lorsque
l’auteur d’un comportement ignore qu’il commet un acte interdit par la loi, il n’y a pas d’infraction. Il a alors
commis une erreur de fait portant sur l’élément moral. Encore faut-il que cette erreur soit légitime, c'est à
dire qu’elle ait été provoquée ou qu’elle soit irrésistible.
Outre l’exigence d’un dol général, le législateur exige aussi parfois que le délinquant ait recherché un
résultat déterminé, c'est à dire que soit également caractérisé un dol spécial. Ainsi en est dit-il du vol (art. 311-
1 CP) qui suppose, outre le dol général, l’intention de se comporter comme le propriétaire de la chose
appartenant à autrui. A l’inverse, celui qui ramasse un objet perdu par son propriétaire avec l’intention de le lui
ramener ne commet pas un vol. Ainsi en était-il aussi du délit de harcèlement sexuel, qui devait être effectué
« dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Toutefois, l’ancien article 222-33 CP a été censuré par
le Conseil constitutionnel pour défaut de qualité du texte (D.C QPC, 4 mai 2012)
S’agissant de l’empoisonnement, la question est plus complexe ; faut-il un dol spécial ? Faut-il qu’il y ait
intention de tuer ? La Cour de cassation a tranché en considérant que la qualification d’empoisonnement
supposait l’établissement de l’animus necandi (intention de tuer) (Crim, 2 juillet 1998, à propos de la
transmission du virus du SIDA).
Dans la plupart des cas, le juge déduit de l’acte matériel la preuve de l’existence du dol spécial.
Les mobiles, ou dol aggravé, sont la cause impulsive et déterminante de l’acte. Les mobiles constituent,
en d’autres termes, la cause subjective de l’infraction. Ces raisons, très diverses, varient d’un individu à l’autre.
Par exemple, le dol général du meurtre par arme est l’intention de tirer, le dol spécial est l’intention de tuer, et le
mobile peut être par vengeance, jalousie ou encore par profit. Il peut aussi être animé par un mobile honorable,
comme le désir de faire cesser les souffrances du mourant.
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Le principe est le suivant : dans le silence de la loi, le mobile est indifférent, ce que confirme la
jurisprudence (Crim, 20 août 1932, « Gorguloff », assassin de Paul Doumer). En effet, la loi ne saurait prévoir,
sous peine de devenir d’une extraordinaire complexité, les circonstances particulières à chaque espèce. En outre,
l’efficacité de la répression en serait affectée.
En revanche, la jurisprudence rappelle fréquemment que les mobiles peuvent être retenus par les juges
du fond pour l’application des peines. Le mobile pourra ainsi faire office de circonstance atténuante (notion
jurisprudentielle, depuis sa suppression en même temps que les minimas dans le NCP) ; il pourra aussi être une
circonstance aggravante.
Le Code pénal prévoit, à ses articles 132-71 et s., que le mobile peut aggraver la sanction encourue dans
certains cas : par exemple, la préméditation (art. 132-72 CP) est une circonstance aggravante ; il en est
également ainsi si l’infraction est commise en raison de l’appartenance ou non de la victime à une ethnie, race
ou une religion déterminée (art. 132-76 CP, et le mobile raciste) ; de même si l’infraction est commise en
raison de l’orientation sexuelle de la personne (art. 132-77 CP).
Enfin, il convient de préciser que la loi érige parfois certains mobiles en cause d’irresponsabilité
pénale : il s’agit de la légitime défense (art. 122-5 et 6 CP) et l’état de nécessité (art. 122-7 CP). Dans la
légitime défense, l’infraction se justifie car l’auteur s’est défendu contre une atteinte injustifiée ; dans l’état de
nécessité, l’infraction se justifie car l’auteur a entendu sauvegarder une valeur équivalente ou supérieure. La
notion d’état de nécessité fait l’objet d’une interprétation large de la jurisprudence ; ainsi, la Cour de cassation
estime que le vol de document commis par un salarié au préjudice de son employeur pour assurer sa défense
dans une instance prud’homale est justifié si « les documents volés étaient strictement nécessaires à l’exercice
des droits de la défense » (Crim, 11 mai 2004, Etablissement Paumier et fils).
Dans certaines hypothèses, l’auteur des faits agit volontairement mais n’a pas recherché le résultat
convenu :
* Il y a dol indéterminé, ou dol imprécis, lorsque l’auteur des faits, dont le comportement est volontaire, ignore
par avance leur résultat. Il peut s’agir du fait de porter des coups tout en ne sachant pas exactement leurs
conséquences, dans la mesure où celles-ci dépendent en partie de la résistance de la victime. Dans cette
hypothèse, le législateur considère que cette personne doit être punie en fonction du résultat finalement
obtenu.
*Il y a dol dépassé, ou dol praeterintentionnelle, lorsque le résultat obtenu va au-delà de l’intention du
délinquant. En principe, cette circonstance est indifférente. Toutefois, le législateur prend parfois en compte
cette hypothèse pour atténuer la répression. Ainsi, les violences ayant entrainé la mort sans intention de la
donner sont punies moins sévèrement que le meurtre.
* Il y a dol éventuel en cas d’imprudence consciente. Le NCP considère qu’il s’agit d’une hypothèse de faute, à
savoir une mise en danger délibérée de la personne d’autrui (art. 121-3 al. 2 CP) et non d’une intention.
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Thème 11 : La faute pénale
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement
à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas
accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses
compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le
dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas
pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon
manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit
commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient
ignorer.
Les infractions non intentionnelles sont uniquement, lorsque la loi le prévoit, les délits et les
contraventions. En effet, le NCP a supprimé les crimes non intentionnels qui existaient dans l’ancien Code. Ces
crimes ont été soit correctionnalisés, comme la divulgation par négligence d’une information classée secret
défense, soit abrogés.
§1. L’exigence d’une faute comme élément moral de certains délits et contraventions
Pour ce qui est des contraventions, l’élément moral est déduit des faits commis. Il y a donc unicité entre
l’élément moral et l’élément matériel de la contravention. En d’autres termes, la faute contraventionnelle
« résulte du seul fait de la violation de la prescription légale ou règlementaire » (Bernard Bouloc).
La seule exception à l’engagement de la responsabilité en cas faute contraventionnelle, qui s’est
matériellement réalisée, est posée à l’article 121-3 al.5 C.P : « Il n'y a point de contravention en cas de force
majeure ».
En revanche, les délits matériels semblent être implicitement condamnés par l’article 121-3 CP qui
pose l’exigence d’un élément moral des délits. Cette exigence a d’ailleurs valeur constitutionnelle : le Conseil
constitutionnel l’a déduit de l’article 9 DDHC (4), dans sa décision Sécurité routière du 16 juin 1999.
Cependant, toutes les infractions ne figurent pas dans le Code pénal. Elles échapperaient donc à
l’empire de l’article 121-3. Pour mettre l’ensemble du droit pénal au diapason, le législateur a adopté une
« disposition balai » applicable à l’ensemble des infractions. Ainsi, la loi du 16 décembre 1992 relative à
l’entrée en vigueur du NCP dispose que « les délits non intentionnels réprimés par des textes antérieurs à
l’entrée en vigueur de la présente loi demeurent constitués en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en
danger délibérée de la personne d’autrui, même lorsque la loi ne le prévoit pas expressément ».
Le principe selon lequel l’élément moral des crimes et délits est l’intention n’est donc pas intangible
concernant les délits. Cependant, une faute morale demeure nécessaire pour ces derniers.
Les catégories de fautes susceptibles d’engager la responsabilité pénale en cas de délit non intentionnel
sont au nombre de quatre, énumérées aux aliénas 2 à 4 de l’article 121-3 C.P, issu de la loi du 10 juillet 2000
tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite « Loi Fauchon ». Il en ressort que les fautes
aggravées définies à l’alinéa 4 ne sont applicables qu’aux personnes physiques et non aux personnes morales.
Cet aliéna définit la causalité indirecte. A contrario, il y a, dans les autres hypothèses, causalité directe.
Concrètement, les fautes des alinéas 2 et 3 permettent de retenir la responsabilité pénale en cas de causalité
directe, et celles de l’alinéa 4 en cas de causalité indirecte.
(4) Art. 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable »
36
§2. La définition de la causalité
La distinction légale ne correspond pas aux distinctions doctrinales. A propos de ces dernières, on en
dégage trois :
1/ En vertu de la théorie de l’équivalence des conditions, tous les évènements ayant concouru à la réalisation
du dommage sont suffisants pour retenir la responsabilité de leur auteur.
2/ La théorie de la proximité des causes ne retient comme responsable que le plus proche auteur de la cause du
dommage.
3/ La théorie de la causalité adéquate cherche comme responsable l’auteur de la cause la plus prompte à
entrainer le dommage.
De manière générale, les juridictions pénales retiennent la théorie de l’équivalence des conditions, bien
qu’elles appliquent parfois le système de la causalité adéquate.
La loi Fauchon du 10 juillet 2000 a instauré une nouvelle distinction entre causalité directe et indirecte.
Une définition de la causalité directe est donnée à l’alinéa 4 de l’article 121-3 : il y a causalité indirecte lorsque
« les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à
créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de
l'éviter ». L’établissement de ce lien de causalité indirecte permettra d’engager la responsabilité de la personne
physique en cas de faute caractérisée de sa part. A défaut, en cas de faute simple par exemple, l’engagement de
sa responsabilité pénale ne sera pas possible, et ce même si elle a indirectement participée à la réalisation du
dommage.
La définition de la causalité directe est plus problématique ; il est constaté que celle-ci n’a pas été
expressément définie par le législateur. La circulaire d’application de la loi du 10 juillet 2000 optait
exclusivement pour la causalité immédiate : il n’y aurait de causalité directe « que lorsque la personne en cause
a, soit elle-même frappé ou heurté la victime, soit initié ou contrôlé le mouvement d’un objet qui a heurté ». Si
en jurisprudence le contact physique entre l’auteur de l’accident et la victime constitue le domaine par
excellence de la causalité directe, la chambre criminelle ne s’en tient pas à cette conception étroite de la
causalité directe. Elle préfère parler de « faute essentielle et déterminante », dans la mesure où un lien de
causalité direct peut exister alors qu’il n’y a pas eu de contact physique. Ce peut par exemple être établi en cas
d’omission ou d’abstention. Cette jurisprudence a fait l’objet d’une application récente, dans un arrêt de la
chambre criminelle du 10 février 2009, docteur Benoît B. : l’auteur direct peut n’avoir pas eu de contact
physique avec la victime. En l’espèce, il appartenait au gynécologue Benoit B. -auteur direct- de contrôler
l’acte de l’interne pratiqué sur la victime.
Quoi qu’il en soit, le choix de la causalité et même de la détermination de celle-ci semblent relever
d’une appréciation casuistique de la Cour de cassation, au point qu’il est possible d’évoquer la « porosité de la
faute ». Ainsi, dans un arrêt de la chambre criminelle du 12 septembre 2006, un médecin est accusé
d’homicide involontaire d’un de ses patients. La Cour de cassation s’est octroyée la possibilité de disqualifier la
causalité retenue par les juges du fond en considérant qu’elle est indirecte et non directe puis, alors que la
cassation semblait encourue, elle retient une faute caractérisée. Entre l’hypothèse de causalité directe et la
causalité indirecte, il y aurait une « perméabilité ». La distinction causalité directe/indirecte ne semble pas
clairement établie. Le juge pénal semble se pencher en priorité sur la responsabilité, le lien de causalité devenant
presque subsidiaire.
La requalification de la causalité est relativement fréquente en jurisprudence. Ainsi par exemple, un
dirigeant de société été poursuivi à la suite d’un salarié victime d’un accident du travail. La Cour de cassation a
requalifié la causalité directe établie par les juges du fond en causalité indirecte. Toutefois, la Cour d’appel
ayant constaté l’existence d’une faute caractérisée, la cassation n’est pas encourue (Crim, 31 août 2011, société
Reel Electricité).
37
§3. Les fautes définies par l’article 121-3 alinéas 2 à 4 du Code pénal
On l’a dit, la distinction du type de faute susceptible d’être retenue en fonction de la causalité directe ou
non résulte de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.
L’article 121-3 distingue désormais 4 fautes : la mise en danger délibérée ; la faute d'imprudence, de
négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ; la violation
manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ; la faute
caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que l’auteur ne pouvait ignorer.
Toutefois, avant d’étudier ces différentes fautes, il convient d’en relever la spécificité par rapport à la
faute civile et d’exposer la méthode utilisée par la pratique pour caractériser la faute.
La faute d’imprudence et de négligence figure à la fois dans les dispositions de l’article 121-3 CP et de
l’article 1383 du Code civil (« Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait,
mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »)
La doctrine s’est interrogée sur le point de savoir s’il y avait unité ou dualité de la faute, c'est-à-dire s’il
fallait distinguer la faute civile et la faute pénale. En cas d’unité, la juridiction civile ne pourrait pas rendre une
décision contraire à celle prise par le juge pénal, en vertu du principe de l’autorité sur le civil de la chose jugée
au criminel (art. 4 CPP).
La chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt Brochet et Deschamps du 18 décembre 1912,
s’est prononcée en faveur du régime unitaire. Les critiques doctrinales n’ont pas tardé à en dénoncer les
conséquences : le juge répressif était obligé de prendre en considération « des poussières de fautes » afin
d’accorder des dommages et intérêts, ce qui aboutissait à dénaturer le procès pénal. La faute passait alors à
l’arrière-plan, elle s’effaçait derrière la notion matérielle du dommage. Par ailleurs, certaines victimes perdaient
la possibilité d’être indemnisées, le juge répressif ayant constaté l’absence de faute pénale.
C’est pourquoi il est admis diverses exceptions au principe d’unité. Par exemple, une condamnation
civile sur un fondement autre que la faute en matière d’accident de la circulation est possible. Autre exemple :
en cas d’acquittement par une cour d’assises, il est possible de condamner l’accusé à verser des dommages-
intérêts à la victime. La loi du 10 juillet 2000 a constitué sur ce point une révolution juridique. Lors de son
intervention à l’Assemblée nationale, la garde des sceaux constatait que « les principes actuels qui gouvernent
notre droit pénal en matière de délit non intentionnel, celui de l’identité des fautes civiles et pénales d’une part
et celui de l’équivalence des conditions d’autre part, aboutissaient parfois à des situations choquantes ».
Répondant à cet appel, le législateur a inséré dans le CPP un nouvel article 4-1 précisant les conséquences
procédurales du nouveau principe de dualité des fautes civiles et pénales. Cet article dispose par exemple que
l’absence de responsabilité pénale d’une personne n’interdit pas aux juridictions de retenir sa responsabilité
civile sur le fondement de la faute de l’article 1383 C. civ.
Cependant, malgré ces exceptions, la dualité des fautes n’est consacrée qu’en cas de responsabilité
indirecte. Ainsi, « la déclaration par le juge répressif de l’absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas
obstacle à ce que le juge civil retienne une faute civile d’imprudence ou de négligence » (Civ, 1ère, 30 janvier
2001). De plus, une juridiction de fond a relevé que « la faute pénale est désormais déconnectée de la faute
civile » (CA Poitiers, 2 février 2001).
Cette distorsion s’explique aussi par l’évolution opposée des deux types de faute. En effet, en
responsabilité civile, on a assisté au développement de la théorie objective de la responsabilité civile,
développée par Saleilles et Josserand. Cette théorie fait reposer la responsabilité sur le risque.
La doctrine et la jurisprudence classique enseignaient que le juge devait, en matière pénale, procéder à
une appréciation in abstracto de la faute. Ainsi, il ne devait pas tenir compte de la psychologie ou des
aptitudes particulières de la personne poursuivie (inexpérience, incompétence). Le juge devait seulement
38
démontrer qu’une imprudence ou négligence avait été commise par référence à un modèle d’homme moyen. De
la sorte, les infractions non intentionnelles semblaient redevenir des infractions matérielles, puisque l’élément
moral se déduisait de la matérialité des faits.
Pour remédier à cette jurisprudence, une loi de 1996, renforcée par celle du 10 juillet 2000, substitue à
l’appréciation in abstracto de la faute une appréciation in concreto, et donc subjective.
C. Les fautes retenues en cas de causalité directe (al. 2 et 3 de l’article 121-3 C.P)
Dans les cas où une causalité directe a été établie, il suffit que soient retenues comme fautes pour
engager la responsabilité du prévenu :
Dès lors qu’une causalité indirecte a été établie par le juge entre la personne poursuivie et le dommage,
la responsabilité du prévenu est plus difficile à engager. Elle ne pourra l’être que si une des fautes suivantes est
retenue :
La faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que l’auteur ne pouvait
pas ignorer.
Comme pour la causalité directe, un dommage doit là aussi s’être produit. A cette condition s’ajoutent 4
éléments distincts pour que la faute soit caractérisée :
1) Une faute « caractérisée » ; Cette notion n’est pas définie par le législateur. Toutefois, selon la
circulaire d’application de la loi Fauchon du 10 juillet 2000, il s’agit d’une imprudence/manquement
présentant une netteté particulière.
2) exposant autrui ;
3) à un risque d’une particulière gravité ; Cette gravité résulte de la nature du péril et de son risque
élevé de survenance.
4) que l’auteur ne peut ignorer ; cette absence d’ignorance peut aussi bien résulter d’un avertissement
officiel du danger, que des connaissances personnelles du prévenu. Ainsi par exemple, il pèse à l’égard
de certains professionnels une présomption de connaissance du risque (médecins…).
Actualité :
* Non-assistance à personne en péril : même si l’aide apparait vouée à l’inefficacité en raison de la gravité de
l’atteinte corporelle à laquelle une personne est exposée, elle ne peut être refusée lorsqu’elle est sans risque
pour celui qui y est tenu (Crim, 4 juin 2013, n° 12-85.874).
* Crim, QPC, 24 septembre 2013, Serge X. : la Cour de cassation a refusé de transmettre une QPC relative aux
dispositions de l’article 121-3 al. 4 CP ; elle estime que la question (atteinte au principe de légalité et à la
présomption d’innocence) n’est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.
39
Thème 12 : Le principe de responsabilité pénale personnelle
Sans être aussi précis, le droit français pose le principe de responsabilité pénale personnelle, ce qui
exclut la responsabilité pénale collective et la responsabilité pénale du fait d’autrui.
Le principe de responsabilité pénale personnelle résulte de l’article 121-1 CP en vertu duquel « nul
n’est responsable que de son propre fait ». Ce principe a d’ailleurs valeur constitutionnelle puisque, pour le
Conseil constitutionnel, il résulte des articles 8 et 9 DDHC que « nul n’est punissable que de son propre fait »
(D.C, 16 juin 1999, Sécurité routière).
Le principe de responsabilité pénale personnelle interdit toute responsabilité pénale collective. Ainsi,
l’infraction commise à l’occasion du vote d’une résolution par un organe collégial ne peut être reprochée à ceux
ayant exprimé un vote contraire à la décision illégale (Crim, 11 mai 1999, Conseil municipal de Montfermeil).
Cependant la pratique peut poser des difficultés, notamment en cas de coaction. La théorie de la « scène
unique de violence » ou de « crimes de foules » (Jean Larguier) illustre la confusion entre responsabilité
collective et responsabilité pénale, concernant les infractions intentionnelles. En l’espèce, la responsabilité de
l’ensemble des personnes ayant participé à une scène unique de violence peut être retenue ; tel est le cas
lorsqu’il est impossible de reconstituer l’origine des coups : l’ensemble des membres du groupe est alors tenu
responsable de l’intégrité du dommage (Crim, 19 novembre 1958).
A la différence du droit civil, il n’existe pas en droit pénal de responsabilité du fait d’autrui. Par ailleurs,
cette absence de responsabilité pénale du fait d’autrui n’empêche pas de recourir à des présomptions légales de
responsabilité ou d’imputabilité.
40
2) La conciliation entre les présomptions et les droits fondamentaux ;
Ces présomptions présupposent que l’auteur de l’infraction soit une personne désignée, ce qui parait
contrevenir au principe de présomption d’innocence, tel qu’il est garanti par l’article 6 CESDH et l’article 9
DDHC.
Pourtant, la Cour EDH considère que les présomptions de fait ou de droit ne sont pas contraires audit
principe de présomption d’innocence, à condition qu’elles soient enserrées dans des limites raisonnables prenant
en compte la gravité de l’enjeu et préservant le droit de la défense (CEDH, 7 octobre 1988, Salabiaku c.
France).
Quant au Conseil constitutionnel, il a adopté une position similaire en estimant que, si en principe le
législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière pénale, de telles présomptions peuvent
être établies à titre exceptionnel, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu’elles ne revêtent pas un
caractère irréfragable, qu’est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent
raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité (D.C, 16 juin 1999, Sécurité routière). Le Conseil
constitutionnel veille d’ailleurs au respect des exigences poses concernant les présomptions limitant le principe
de responsabilité pénale personnelle : à l’occasion de l’adoption de la loi favorisant la diffusion et la protection
de la création sur internet, il a censuré la « petite loi » en raison de son caractère excessif du renversement de la
charge de la preuve instituée ; la présomption de culpabilité à l’encontre du titulaire de l’accès internet pouvait
conduire à prononcer contre le titulaire de l’abonnement des sanctions privatives ou restrictifs de droit
excessives au regard du caractère vraisemblable de l’imputabilité (D.C, 10 juin 2009, Diffusion et protection de
la création sur Internet).
Actu : D.C, 4 mai 2012, QPC n° 2012-239, Mme Ileana A. ; à propos de la transmission d’une amende par voie
successorale, le Conseil constitutionnel rappelle que « nul n’est punissable que de son propre fait » et que ce
principe « s’applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute
sanction ayant le caractère d’une punition ». Il se livre alors à une distinction entre le fait que l’amende est un
but réparateur ou répressif. Dans le 1er cas, l’amende ne revêt pas un caractère punitif et est donc transmissible.
Dans le 2nd cas, l’amende fiscale ayant une finalité sanctionnatrice, seul l’auteur de l’acte peut être puni. Le
Conseil admet donc, dans certaines conditions, le principe de la patrimonialisation des amendes.
41
Thème n° 13 : La responsabilité pénale indirecte du chef d’entreprise
La responsabilité pénale du chef d’entreprise est soumise à des règles spécifiques, dérogatoires au droit
commun. Longtemps, la doctrine s’est interrogée sur la nature de cette responsabilité ; une partie considérait
qu’il s’agissait là d’une responsabilité pénale du fait d’autrui. Toutefois, si tel était le cas, elle aurait
nécessairement condamnée en raison de la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du principe de
responsabilité pénale personnelle (D.C, 1999, Sécurité routière).
Aujourd'hui, sa nature demeure incertaine, tandis que ses conditions ont été déterminées par la
jurisprudence.
Théoriquement, la responsabilité pénale du chef d’entreprise n’est pas véritablement une responsabilité
pénale du fait d’autrui, mais plutôt une responsabilité pénale indirecte, ou encore une responsabilité de
l’auteur moral. En effet, outre la commission d’une infraction par le préposé, il est exigé une faute du chef
d’entreprise ; la responsabilité pénale demeure donc personnelle, comme l’exige l’article 121-1 CP.
Normativement, des régimes légaux spécifiques (les dispositions générales sont exclues) coexistent
avec le régime jurisprudentiel. Plusieurs textes envisagent donc une responsabilité pénale du chef d’entreprise,
désignée de façon très diverse ; ainsi par exemple, pour les crimes et les délits commis par voie de presse, il est
fait référence aux directeurs de publications ou éditeurs (loi du 29 juillet 1881). De même, en cas de pratique
commerciale trompeuse, la personne visée est celle « pour le compte de laquelle la pratique commerciale
trompeuse est mise en œuvre » (Code de la consommation).
En dehors de ces hypothèses légales, la jurisprudence a consacré un régime spécial de la responsabilité
pénale du dirigeant, même en l’absence d’indication expresse du texte d’incrimination. Sous la formule de
principe, il est considéré que « si en principe nul n’est passible de peines qu’à raison de son fait personnel, la
responsabilité pénale peut cependant naitre du fait d’autrui dans les cas exceptionnels où certaines
obligations légales imposent le devoir d’exercer une action directe sur les faits d’un auxiliaire ou d’un
subordonné ; » (Crim, 28 février 1956, Pollution de la Fecht).
La responsabilité pénale du dirigeant suppose non seulement la commission d’une infraction par le
préposé, mais également l’existence d’une faute personnelle imputable au dirigeant.
Une infraction commise par le préposé ; l’infraction peut porter sur toute règlementation spéciale ou
générale applicable à l’entreprise. Toutefois, il faut que l’infraction ait un lien avec l’entreprise (Crim, 10
novembre 1987, SICA), ce qui semble exclure nécessairement les crimes.
L’infraction commise par le préposé est en principe une infraction non intentionnelle (et donc ne peut
être qu’un délit ou une contravention). Pourtant, la jurisprudence admet parfois de retenir la responsabilité
pénale du chef d’entreprise en raison d’un délit intentionnel commis par le préposé (Crim, 2 novembre 1963).
Précisons que la responsabilité pénale du dirigeant n’exclut évidemment pas celle du préposé, puisque
celui-ci a commis une infraction
Une faute du chef d’entreprise ; en 1er lieu, il convient d’identifier le chef d’entreprise ; il s’agit
généralement de la personne mentionnée dans les statuts. Précisons à cet effet que le seul fait, pour le dirigeant
de droit, de ne pas exercer réellement ses attributions n’est pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité pénale
(Crim, 31 mai 2012, Société Terrils) ; En l’espèce, PDG d’une filiale, il n’était qu’un simple exécutant des ordres
donnés par l’entreprise mère.)
Ensuite, il faut s’atteler à savoir s’il a commis une faute personnelle. La jurisprudence considère que
l’existence de cette faute est présumée. C’est pourquoi il a parfois été décidé que la preuve de son absence de
faute directe ne lui permettait pas de s’exonérer de sa responsabilité.
42
Une des incidences sur la responsabilité pénale des chefs d’entreprise de la loi Fauchon du 10 juillet
2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels est d’exiger, en cas de causalité indirecte entre
la faute et le dommage, une des deux fautes énumérées par l’alinéa 4 de l’article 121-3 CP, à savoir soit une
faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que l’auteur ne pouvait ignorer, soit une
violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou
le règlement. Cette incidence est importante dans la mesure où, s’agissant de la responsabilité du chef
d’entreprise, il n’y a pas, par définition, de contact entre lui et l’objet de l’infraction puisque sa responsabilité
repose sur l’infraction commise par le préposé, interposé entre le chef et l’objet de l’infraction. La causalité
semble donc être nécessairement indirecte.
Or la jurisprudence ne présume qu’une faute simple et non une des fautes de l’aliéna 4 qui suppose
d’établir la preuve spécifique soit de l’existence d’une violation délibérée ; soit de l’absence d’ignorance du
risque. En conséquence, en cas de causalité indirecte, si la faute est présumée, sa gravité ne l’est pas ; en
d’autres termes, la faute du chef d’entreprise est présumée de façon réfragable et il appartient aux autorités de
poursuite de prouver que celle-ci est l’une de celles exigées par l’article 121-3 al. 4 CP.
La délégation de pouvoir est l’acte par lequel le chef d’entreprise transfère une partie de ses pouvoirs à
l’un de ses salariés. La jurisprudence a admis que le dirigeant ne pouvant pas tout surveiller par lui-même, il lui
était possible de déléguer une partie de ses pouvoirs à des salariés. Cette délégation est toutefois limitée : elle ne
peut pas concerner les obligations légales qui incombent personnellement au dirigeant. Plus généralement,
le chef d’entreprise ne peut déléguer la totalité de ses pouvoirs, il ne peut pas se décharger entièrement sur son
subordonné. Ainsi, dans une série d’arrêts du 11 mars 1993, la jurisprudence va considérer que la délégation est
possible dans tous les domaines, sauf si la loi l’exclut expressément (Crim, 11 mars 1993). Il ressort de ces
arrêts que, « hors les cas où la loi en dispose autrement, le chef d’entreprise, qui n’a pas personnellement pris
part à la réalisation de l’infraction peut s’exonérer de sa responsabilité s’il rapporte la preuve qu’il a délégué
ses pouvoirs ».
Pour que la délégation soit valable, certaines conditions doivent être remplies :
- le chef d’entreprise ne doit pas avoir délégué la totalité de ses pouvoirs
- le délégué doit remplir plusieurs caractéristiques :
* il doit être compétent, ce qui implique des aptitudes techniques ; ces aptitudes techniques peuvent
prendre diverses formes, comme l’âge et l’expérience au sein de l’entreprise. A titre d’illustration, la
cour de cassation a estimé qu’une délégation de pouvoir au profit d’un jeune salarié, âgé de 21 ans et
ayant moins d’un an d’ancienneté dans la société n’était pas valide ; le salarié ne pouvait pas disposer de
la compétence et de l’autorité nécessaire (Crim, 8 décembre 2009, Sté Bretagne Sud Bâtiment).
* il doit bénéficier de l’autorité nécessaire ;
* il doit bénéficier d’une certaine autonomie et des moyens financiers nécessaires ;
Il en résulte que les délégations générales, à savoir les co-délégations, c’est-à-dire ayant plusieurs bénéficiaires,
ne sont pas exonératoires de responsabilité. Ainsi, le chef d’entreprise ne peut pas déléguer ses pouvoirs à
plusieurs personnes pour l’exécution d’un même travail, un tel cumul étant de nature à restreindre l’autorité et à
entraver l’initiative de chacun des prétendus délégataires (Crim, 23 novembre 2004, Entreprise TMC).
Dès lors que la première délégation est valide, une subdélégation est admise.
La délégation valablement constatée exonère le dirigeant de sa responsabilité pénale au détriment du
délégué mais non de la personne morale dont le délégué est considéré comme étant son représentant. Toutefois,
cette exonération ne s’opère que dans la mesure où le chef d’entreprise n’a pas pris personnellement part à
l’infraction, en vertu de l’adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
La preuve de la délégation incombe au dirigeant qui veut échapper à sa responsabilité, dans la mesure
où il pèse sur lui une présomption de responsabilité. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
43
Sujet : le principe de responsabilité personnelle à l’épreuve de la pluralité d’auteurs
La loi du 8 juin 1970 dite « anti-casseurs » dispose, à son article 1er « lorsque, du fait d’une action
concertée, menée à force ouverte par un groupe, des violences ou voies de fait auront été commises contre les
personnes ou que des destructions ou dégradations auront été causées aux biens, les instigateurs et les
organisateurs de cette action, ainsi que ceux qui y auront participé volontairement, seront punis… ». Cette loi a
été abrogée le 24 novembre 1981 pour violation du principe de responsabilité personnelle. Pourtant, une loi du 2
mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupe et la protection des personnes chargées d’une
mission de service public, a introduit dans le Code pénal l’article 222-14-1 punissant les infractions commises
en groupe. Cette loi a fait couler beaucoup d’encre, ses détracteurs critiquant la création d’une responsabilité
collective en droit pénale. A la lumière de ces deux lois, on aperçoit l’ambivalence du droit pénal pour réprimer
les infractions commises en groupe ; le législateur tente par tout moyen de trouver un équilibre entre les notions
de responsabilité personnelle et de sanction des auteurs d’une infraction pénale.
L’article 121-1 CP est clair : « nul n’est responsable que de son propre fait ». Certes clair sur le
principe, il n’apporte aucune précision sur le principe de responsabilité en droit pénal de son fait personnel.
Responsabilité a pour origine latine « respondere » qui peut se traduire par « se porter garant ». La
responsabilité est donc l’obligation de répondre des conséquences de ses actes. Il ne faut toutefois pas confondre
responsabilité pénale et civile, notions divergentes. La 2nde est encourue par l’auteur d’un dommage, qui doit
réparer par l’allocation de dommages et intérêts le préjudice qui en est résulté. La responsabilité pénale est
encourue par l’auteur d’une violation de la loi pénale. La responsabilité réunie deux concepts : la culpabilité et
l’imputabilité. Ces deux notions se mêlent mais peuvent être distinguées : on peut considérer qu’une personne
est coupable sans pour autant lui imputer les faits. Et vice versa.
La reconnaissance d’une responsabilité pénale et sa définition n’est pas chose aisée (coaction, aux
coauteurs, complices, responsabilité pénale des dirigeants…). Elle a connu une évolution juridique et historique.
Dans les sociétés archaïques, la responsabilité est collective, objective et automatique. C’est au moment de
l’Antiquité que la responsabilité pénale va tendre vers une responsabilité personnelle et individuelle. Elle est
aujourd'hui consacrée à l’article 121-1 CP. Le principe est toutefois depuis longtemps affirmé par la cour de
cassation dès 1859 : « nul n’est punissable que de son propre fait » (crim, 3 mars 1859).
Le principe de responsabilité pénale personnelle est un principe constamment affirmé (I). Toutefois il
est adapté à une volonté répressive (II).
1) une définition large de l’auteur de l’infraction ; L’article 121-4 C.P définit l’auteur de l’infraction : c’est
celui qui commet ou tente de commettre les faits incriminés. Plus concrètement, c’est celui qui commet les
éléments matériels et intellectuels de l’infraction. Toutefois, l’infraction retenue peut complexifier la définition
d’auteur, permettant de retenir la définition d’auteur matériel, intellectuel, direct ou indirect.
- Auteur matériel : notion facile à définir. Exemple : le vol
- Auteur intellectuel : il doit être précisé par le texte de loi incriminant cette action (ex : auteur intellectuel
d’un crime de génocide). Il est un donneur d’ordre, à l’origine de l’infraction. C’est parfois la jurisprudence
qui vient préciser la notion : « est l’auteur intellectuel de l’infraction de faux en écriture publique celui qui
donne des indications mensongères à l’officier public chargé de les reproduire dans un acte authentique »
(Crim, 21 mai 1963).
- L’auteur direct : cf. circulaire d’application de la loi Fauchon (frappé, heurté la victime, initié le
mouvement).
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- l’auteur indirect ; cf. loi Fauchon du 10 juillet 2000 et article 121-3 al. 4 CP. L’auteur indirect est intervenu
en amont dans la chaine de causalité. Ex : un automobiliste qui se gare sur le trottoir, obligeant un piéton à
faire le tour et marcher sur la chaussée : s’il est percuté, le propriétaire du véhicule garé sur le trottoir verra
sa responsabilité indirecte engagée.
Critiques : il existe un panel d’auteurs possibles de l’infraction, réduisant la portée du principe de responsabilité
personnelle.
2) il existe une identité entre l’auteur et le coauteur. Ces deux individus ne sont pas différenciés dans la
pratique, tous deux ayant commis l’intégralité des éléments constitutifs de l’infraction. Par exemple : en cas de
vol aggravé (cambriolage) commis par deux individus : ils répondront des mêmes faits, même si la peine sera
personnalisée.
Transition : Ce qui pose problème, c’est lorsque les individus jouent un rôle différent dans la commission
d’infraction.
1) la constitution de l’infraction. Le complice et l’auteur principal ne sont pas assimilés au regard du droit pénal
(le complice est défini à l’article 121-7, tandis que l’auteur principal à l’article 121-4) : l’auteur commet
l’infraction, tandis que le complice la facilite. L’un et l’autre seront poursuivis pour des infractions différentes.
La différence entre complice/auteur/coauteur a été entérinée par la jurisprudence dès 1859 (Crim). Il en ressort
que la complicité est une infraction autonome, avec des éléments de constitution propres. Toutefois, elle a un
lien évident avec l’auteur, puisque pour exister, il faut l’existence d’un fait principal punissable.
Précisons que le principe de la responsabilité du fait personnel trouve une réelle acception (signification)
dans l’application de la complicité et dans sa poursuite, parce qu’il peut y avoir complicité, sans pour autant que
l’auteur de l’infraction principale soit poursuivi. Le complice et l’auteur principal gardent leur indépendance.
2) Appréciation de l’absence de responsabilité pénale ou de son atténuation. L’article 121-6 dispose que sera
puni comme auteur le complice de l’infraction. On pourrait croire à sa lecture qu’on contrevient au principe de
responsabilité personnelle. Ce n’est pas le cas : il faut distinguer les causes objectives d’irresponsabilité,
lesquelles s’appliqueront indistinctement à l’auteur principal et au complice, des causes subjectives
d’irresponsabilité qui pourront éteindre la responsabilité de l’un ou de l’autre.
Causes objectifs : ordre ou autorité de la loi, commandement de l’autorité légitime, légitime défense, état de
nécessité. Cela fait disparaitre le caractère illicite de l’acte prohibé. On dit également que ce sont les faits
justificatifs qui opèrent in rem.
Causes subjectives : trouble mental, minorité, erreur de droit, contrainte. On dit qu’elles opèrent in
personam. Elles bénéficient de façon indépendante soit au complice soit à l’auteur. C’est encore une preuve
de l’application du principe de responsabilité personnelle en droit pénal.
Transition : même si le principe de la responsabilité du fait personnel s’applique sans conteste à l’auteur de
l’infraction, au coauteur et au complice, tous 3 étant jugés chacun pour les actes qu’ils ont commis
personnellement, il n’en demeure pas moins que le principe est parfois adapté à une volonté répressive.
Cas classique d’une commission à plusieurs, chacun ayant un rôle et un impact différent, et qu’on ne
réussit pas à déterminer le rôle de chacun (exemple : rixe). En principe, en vertu du principe de responsabilité
personnelle, le doute bénéficie à l’accusé ; la jurisprudence n’a pas retenue cette option, car la loi a été violée et
il y a un préjudice. Dans ce cas, la jurisprudence ferme les yeux sur le lien de causalité entre la commission et le
dommage, et va retenir la responsabilité pénale de l’ensemble des auteurs d’une action qu’elle va qualifier de
45
collective. C’est la création d’une « identité pénale de l’individu au groupe » qui s’observe tant dans les
infractions intentionnelles que non-intentionnelles.
1) les infractions intentionnelles : on retient la notion de « scène unique de violence ». L’infraction va pouvoir
être appréciée dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire pour les juges du fond de préciser la nature des
coups portés par chacun des prévenus.
2) les infractions non-intentionnelles : on retient la même solution. Lorsque 2 prévenus ont participés ensemble
à une action essentiellement dangereuse et ont créé par leur commune imprudence un risque d’une particulière
gravité. Le juge pénal est ici en droit de décider, sans avoir à préciser le rôle de chacun, de la culpabilité des
prévenus (crim, 7 mars 1968). Ex : deux personnes qui s’entrainent simultanément au tir et tuent un enfant.
Critique : dans l’exemple de l’enfant tué par balle, une personne innocente est condamnée sur le fondement
d’homicide involontaire (qui suppose de commettre l’acte et qu’il y ait décès, à la différence du fondement de
mise en danger délibérée d’autrui).
On évoquera ici la responsabilité pénale des dirigeants et des chefs d’entreprise. Un courant considère
qu’il y a eu création du principe de responsabilité pénale du fait d’autrui, tandis qu’un autre courant soutient que
le principe de responsabilité personnelle demeure.
1) la responsabilité pénale du fait d’autrui : on pense à cette responsabilité parce que le dirigeant sera
pénalement responsable des actes matériellement commis par un préposé. Plus encore, ces actes peuvent être
totalement ignorés par le dirigeant. Exemple : en droit pénal du travail : infraction commise lors de l’embauche,
harcèlement moral ou sexuel, violation des droits des travailleurs, manquement à la représentation du
personnel…La jurisprudence a systématisé la responsabilité du dirigeant dans ces cas-là, reprochant un défaut
de surveillance ou un défaut de précaution envers son préposé, placé sous son autorité.
Ex : engagement de la responsabilité pénale d’une usine parce que son employé a déversé des produits toxiques
dans la nature (Crim, 1956, Pollution de la Fecht).
Critique : présomption de faute simple en droit pénal, bien qu’elle puisse être renversée
2) Autre courant doctrinal : la responsabilité du dirigeant est une simple adaptation du principe de responsabilité
personnelle. Pourquoi ? Parce que pour engager la responsabilité pénale du dirigeant, deux conditions doivent
être réunies : faute du préposé ; mais aussi faute du dirigeant, qui doit lui être imputable personnellement.
La matérialité du fait du dirigeant emprunte complètement à la matérialité du fait du préposé. Pour
s’exonérer de sa responsabilité, le dirigeant ne peut qu’avoir recours à une délégation de pouvoirs.
Appréciation critique : la délégation de pouvoir est encadrée très strictement (elle doit être justifiée par la taille
de l’entreprise empêchant le dirigeant d’assumer toutes les fonctions ; elle doit être précise, délimitée ; et le
délégué doit être compétent, autonome. Ces conditions sont cumulatives.)
Conclusion : le principe de la responsabilité du fait personnel est un principe fondateur du droit pénal
constamment affirmé, mais de plus en plus adapté aux réponses pénales qui doivent être apportées à l’évolution
des mœurs, de la société, des infractions grandissantes dans le monde des affaires. Pourquoi ? En raison de la
place grandissante de la victime, et de la volonté de la dédommager.
Le monde des affaires se développant sans cesse, à l’image de la croissance des professions (coaching,
fiducie), il semble que le principe de responsabilité pénale du fait personnel trouve, dans les années à venir, de
nouvelles adaptations.
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Thème n° 14 : La responsabilité pénale des personnes morales
L’instauration de la responsabilité pénale des personnes morales est l’innovation essentielle du NCP et
figure à l’article 121-2 CP.
« Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des
articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des
infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service
public.
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou
complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. »
La doctrine était divisée sur le point de savoir si la responsabilité pénale des personnes morales devait
ou non être admise. En vertu de l’adage « societas delinquere non potest » (les sociétés ne peuvent pas
commettre de délit), leur responsabilité pénale ne devait pas pouvoir être admise. Selon les partisans de cette
doctrine, le groupement est une fiction juridique, incapable de volonté personnelle. En d’autres termes, la
responsabilité pénale ne saurait être imputée alors qu’il est impossible de caractériser les éléments constitutifs
de l’infraction et, notamment, l’élément moral.
Les autres arguments invoqués étaient que les peines encourues en droit pénal sont inapplicables aux
personnes morales ; et que le principe de personnalité des peines empêche de faire supporter la peine à des
tierces personnes pour une infraction commise par autrui. Or, si la personne morale est punie, le poids de la
peine reposera indistinctement sur l’ensemble des membres du groupement.
L’ensemble de ces arguments est réfutable :
- tout d’abord, la personne morale peut être déclarée pénalement responsable dans la mesure où elle dispose
d’une volonté propre exprimée par ses organes (abandon de la thèse de la fiction juridique).
- ensuite, il est possible de prévoir des peines applicables aux personnes morales, comme des sanctions affectant
le patrimoine.
- enfin, le principe de personnalité des peines n’est pas absolu et fait l’objet de limitations.
- un 4ème argument pourrait être invoqué en faveur de la reconnaissance de la responsabilité pénale des
personnes morales, à savoir qu’elle permettrait de combler les lacunes du droit positif et de pallier une injustice.
En effet, en l’absence de responsabilité, le risque pénal est supporté par les dirigeants en raison d’activités dont
ils ne tirent aucun avantage personnel.
Finalement, le NCP instaure la responsabilité pénale des personnes morales, consacrée à l’article 121-2
CP. Conformément au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, cette disposition ne s’est
appliquée qu’aux faits commis postérieurement à l’entrée en vigueur du Code pénal.
La responsabilité ne concerne que les groupements dotés de la personnalité juridique, mais connait
quelques spécificités concernant la personne morale en cours de formation ou de disparition.
L’article 121-2 CP ne vise que les personnes morales ; les groupes dépourvus de la personnalité
juridique ne sont donc pas responsables pénalement. Ainsi, les sociétés créées de fait et les sociétés en
participation (5).
(5) Art. 1871 C. civ : « Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle
n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens. »
47
Qu’en est-il de la personne morale en cours de formation ? La personnalité juridique de la plupart des
personnes morales de droit privé n’est acquise qu’à l’issue d’une période de constitution, après
l’accomplissement de formalités administratives. Or cette période peut être propice à l’accomplissement
d’infractions, que ce soit pour constituer le capital social, déposer une marque, ouvrir un compte bancaire. De
tels actes ne semblent pas pouvoir entrainer la responsabilité de la personne morale une fois formée, mais
uniquement celle des personnes physiques ayant contribué à sa formation. Toutefois, les actes passés par les
personnes ayant œuvré à la création de la société sont fréquemment repris par la personne morale, en son nom
une fois celle-ci constituée. La reprise peut alors consister en la réitération de l’infraction originaire qui
pourrait alors être imputée à la personne morale.
Qu’en est-il de la personne morale en cours de disparition ? La disparition d’une personne morale
ouvre, dans la majorité des cas, une période de liquidation. Sa personnalité morale subsiste pour les besoins de
l’opération jusqu’à la publication de la clôture de celle-ci pour la société. En conséquence, si une infraction est
commise au cours de cette période, la personne morale en est pénalement responsable. Toutefois, l’exercice de
l’action civile par le liquidateur d’une personne morale (du chef d’abus de biens sociaux) contre le dirigeant
social, en l’absence de faute directe, n’est pas recevable (Crim, 5 décembre 2012).
En outre, la fusion de personnes morales entraine la disparition des sociétés fusionnées au profit d’une
nouvelle société. De même, l’absorption entraine la disparition de la société absorbée. Dans ces deux
hypothèses, la jurisprudence estime que l’infraction commise avant la fusion ou l’absorption ne peut être
reprochée à la personne morale ayant disparu, en vertu du principe de responsabilité pénale personnelle (Crim,
20 juin 2000, Société Pilkington, à propos de la fusion).
L’article 121-2 CP ne contient aucune disposition spécifique à la situation des personnes morales
étrangères (6). En conséquence, les personnes morales françaises et étrangères sont pénalement responsables.
La responsabilité pénale n’est pas engagée de la même façon selon qu’on ait à faire à une personne
morale de droit privé ou de droit public.
Toutes les personnes morales de droit privé sont pénalement responsables, qu’elles aient ou non un but
lucratif. Peuvent être citées en exemple les sociétés civiles, les sociétés commerciales, les associations, les
syndicats, les partis et groupements politiques etc.
Toutefois, il existe quelques spécificités à propos de la peine concernant les partis et groupements
politiques, les syndicats et les institutions représentatives du personnel. Pour l’ensemble de ces personnes
morales, la dissolution ne peut pas être prononcée. S’agissant des partis politiques et des syndicats uniquement,
la mise sous surveillance judiciaire ne peut pas non plus être prononcée. Ces exceptions se justifient par la
volonté de respecter la séparation des pouvoirs. Plus encore, il s’agit là de personnes morales nécessaires à la
démocratie.
Les personnes morales de droit public sont également responsables, à l’exception de l’Etat. En effet, ce
dernier détient le monopole de punir, il ne peut donc pas se sanctionner lui-même. Quant à la responsabilité des
collectivités territoriales et de leurs groupements, elle est limitée aux « infractions commises dans l'exercice
d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public. » (art. 121-2 al. 2 CP).
Illustration du principe posé à l’article 121-2 al. 2 CP : dans l’affaire de la catastrophe du Drac, la chambre
criminelle s’est prononcée sur le point de savoir si l’accompagnement d’élèves au cours d’une classe de
découverte constituait ou non une activité délégable. En l’espèce, six élèves ont péri noyés à la suite d’une
brusque montée des eaux du Drac. La Cour a considéré que « l’exécution même du service public communal
d’animation des classes découvertes suivies par les enfants des écoles publiques et privées pendant le temps
scolaire, qui participe du service de l’enseignement public, n’est pas, par nature, susceptible de faire l’objet de
convention de délégation de service public » (Crim, 12 décembre 2000, Affaire du Drac)
48
Il s’agit alors pour le juge de savoir si l’activité à l’origine de l’infraction est susceptible ou non de faire
l’objet d’une délégation de service public. Pour rappel, une DSP est un contrat par lequel une personne morale
de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé,
dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Avant la rédaction de
cette définition dans le CGCT, le juge pénal a paru se fonder et semble encore le faire sur la distinction
classique entre imperium et negotium. L’imperium désigne les activités impliquant l’exercice de prérogatives
de puissance publique. Celles-ci ne pouvant pas être déléguées, la responsabilité pénale ne saurait être engagée
(ex : la police). Toutefois, s’il est certain que l’ensemble des activités de negotium peuvent faire l’objet d’une
DSP, toutes les activités impliquant l’exercice de PPP ne sont pas nécessairement insusceptibles de délégation.
Il existe là aussi quelques spécificités à propos de la peine ; les personnes morales de droit public ne
peuvent pas être condamnées ni à une peine de dissolution, ni de placement sous surveillance judiciaire.
Le NCP avait adopté le principe de spécialité législative. Les personnes morales n’étaient pénalement
responsables que si le texte le prévoyait expressément. Plus encore, la prévision de la possibilité de retenir la
responsabilité pénale des personnes morales devait être expresse, et ne saurait donc résulter, en vertu du
principe d’interprétation stricte de la loi pénale (art. 111-4 CP), de la circonstance que le texte d’incrimination
fasse référence à « toute personne » (Crim, 18 avril 2000, Société TTL).
Les réformes successives ont étendu la liste des infractions concernées. Par exemple, une loi du 12 juin
2001 prévoit la responsabilité pénale des personnes morales en cas de meurtre, d’assassinat, d’empoisonnement,
de torture et d’acte de barbarie, de violence, ou encore de viol ou d’agression sexuelle (7).
Puis la loi du 9 mars 2004 d’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a supprimé le
principe de spécialité. Désormais, il n’est pas nécessaire que le texte incriminant l’infraction précise que la
responsabilité des personnes morales puisse être engagée. Une circulaire du 13 février 2006 relative à cette
généralisation prévoit qu’en cas d’infraction intentionnelle, il devrait y avoir engagement des poursuites à la fois
contre la personne physique et la personne morale. En revanche, en cas d’infraction non-intentionnelle, les
poursuites contre la personne morale doivent être privilégiées.
Toutefois, la loi du 29 juillet 1881 interdit d’établir la responsabilité pénale d’une personne morale
pour les infractions de presse pour l’ensemble des infractions pour lesquelles les articles 42 et 43 de la loi sont
applicables. Ces articles visent les cas de délit et de crime de presse, qui engagent la responsabilité du directeur
ou de l’éditeur, à défaut de l’auteur, à défaut de l’imprimeur etc., complice ou auteur de l’infraction. Quoi qu’il
en soit, cette responsabilité n’était déjà pas admise pour la jurisprudence avant l’entrée en vigueur de la loi du 9
mars 2004. Cette exception se justifie par la volonté de sauvegarder la liberté d’expression et donc d’éviter que
ne soient prononcées des peines à l’encontre des organes de presse, ce qui pourrait menacer leur existence.
« Les personnes morales (…) sont responsables pénalement (…) des infractions commises, pour leur
compte, par leurs organes ou représentants. » L’article 121-2 al. 1er CP pose deux conditions à la
responsabilité pénale des personnes morales :
1) une infraction commise par un organe ou un représentant ; cette condition renvoie à la volonté de
rattacher la responsabilité pénale de la personne morale à son organe ou représentant qui en est, d’une certaine
façon, l’incarnation. La responsabilité de la personne morale serait donc une responsabilité par ricochet.
Ce critère semblait avoir été abandonné par la jurisprudence ; en effet, elle ne prenait plus la peine
d’identifier l’organe ou le représentant auteur de l’infraction pour engager la responsabilité de la personne
morale. Allant encore plus loin, elle va parfois considérer que peu importe qu’ait été identifié l’organe ou le
(7) Qui fait l’objet d’une nouvelle définition à l’article 222-22-2 CP, suite à une QPC formée devant le Conseil constitutionnel (D.C, QPC, 16 décembre
2011)
49
représentant lorsque l’infraction n’a pu être commise, pour le compte de la société, que par ses organes ou
représentants. Une QCP a été formée concernant la responsabilité pénale des personnes morales. Selon les
auteurs, elle serait contraire à l’exigence constitutionnelle de précision suffisante de la loi pénale, au motif que
l’article 121-2 CP permettait de retenir la responsabilité pénale d’une personne morale sans même qu’un fait
précis soit imputé à ses organes ou représentants. La Cour de cassation a estimé qu’il n’y avait pas lieu à
renvoyer la question au Conseil constitutionnel dans la mesure où celle-ci ne portait pas sur l’interprétation
d’une disposition constitutionnelle. En effet, la question tendait en réalité à contester la jurisprudence de la Cour
de cassation. Un revirement a été ensuite été opéré dernièrement. Désormais, l’identité des organes ou
représentants doit être indiquée par les juges du fond, sous peine de voir leur arrêt cassé par la Cour de
cassation (Crim, 11 octobre 2011, Société EDF ; confirmé par Crim, 11 avril 2012, Société Gauthey).
Comment identifier l’organe ou le représentant ? L’organe de droit est désigné par la loi ou par les
statuts de la personne morale. Le juge n’a donc qu’à s’y référer. S’agissant des organes de fait, une juridiction a
tranché la question : une personne morale est pénalement responsable pour les agissements de son dirigeant de
fait (TC Strasbourg, 9 février 1996). Cette solution a été approuvée par la Cour de cassation, dans un arrêt de la
chambre criminelle du 13 avril 2010, société Rev immobilier.
Sinon, la personne désignée par la loi pour assurer la gestion de l’entreprise en est un représentant,
bien que parfois il ne s‘agisse pas d’un organe. Par ailleurs, la jurisprudence a estimé que le bénéficiaire d’une
délégation de pouvoirs était un représentant au sens de la loi, ainsi que le subdélégué.
Récemment, la Cour de cassation a censuré un arrêt ayant condamné une personne morale pour
contrefaçon dans la mesure où la juridiction n’avait pas recherché « par quel organe ou représentant le délit
reproché à la personne morale avait été commis pour son compte ». L’identité de l’organe ou du
représentant doit donc désormais être précisée (Crim., 1er avril 2014, Société La Redoute)
2) pour le compte de la personne morale ; Sa responsabilité serait donc autonome. C’est au regard de cette
condition que la jurisprudence a déduit que la relaxe prononcée à l’égard des personnes physiques n’exclut pas
nécessairement la responsabilité de la personne morale (Crim, 8 septembre 2004, G.A.E.C). La responsabilité de
la personne morale tend alors à devenir plus autonome puisque, dans cette hypothèse, elle est décrochée de celle
des personnes physiques.
Précisons bien que la responsabilité pénale ne peut être engagée si l’organe ou représentant a agi dans
son intérêt personnel ou encore si la personne morale en est victime. La responsabilité est engagée uniquement
si l’organe a agi au nom et dans l’intérêt de celle-ci. Tel est par exemple le cas si l’infraction a généré un
profit. Plus encore, des actes sont censés être commis pour le compte de la personne morale dès lors qu’ils sont
effectués afin d’assurer l’organisation, le fonctionnement ou les objectifs de la personne morale.
La condition « pour le compte de la personne morale » est donc entendue très largement, en atteste la
jurisprudence qui estime qu’une personne morale peut être déclarée responsable de l’infraction de dénonciation
calomnieuse dès lors que les faits de dénonciation ont été commis au nom de cette personne morale agissant par
son représentant légal (Crim, 11 mars 2003, SARL Le Fournil Biterrois).
Toutefois, l’article 121-2 al. 3 CP prévoit que « la responsabilité pénale des personnes morales
n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ». Cette formule négative
permet de retenir à la fois les deux responsabilités, mais elle ne l’impose nullement. Toutefois, la Chambre
criminelle a récemment rappelé que la faute simple de la personne physique ne permet pas d’engager sa propre
responsabilité (en l’espèce, la faute du subdélégué. Il faut une faute caractérisée au sens de l’article 121-3 CP),
mais elle suffit à l’encontre de la personne morale (Crim, 18 septembre 2012, société GCC SAS). La
responsabilité pénale du dirigeant n’a pas été retenue, faute d'avoir pu caractériser une faute qualifiée
50
Thème n° 15 : Le trouble psychique ou neuropsychique
« La responsabilité est la simple revendication logique des conséquences de notre liberté » (J.P
Sartre). Se pose la question de savoir si la démence permet le libre arbitre, par voie de conséquence la liberté, et
donc l’engagement de la responsabilité.
En vertu de l’article 121-3 CP: « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. » La
responsabilité pénale, pour être retenue, doit nécessairement comprendre un socle minimal de conscience de son
action. Plus généralement, l’infraction intentionnelle ne peut être reconnue que si la preuve d’une intention
coupable est établie à l’encontre de l’agent. Or dans certaines situations l’élément moral comme critère de
l’infraction n’est pas présent car l’intéressé n’a pas atteint le seuil de compréhension. Cela produit un effet
exonératoire à l’égard dudit intéressé : il s’agit d’une cause subjective d’irresponsabilité pénale qui ne s’étend
pas aux éventuels coauteurs et complices.
Le trouble mental se définit comme une altération des facultés mentales qui atteint l’intelligence ou la
volonté de l’individu. Il est traditionnellement appréhendé par le droit pénal du point de vue de l’auteur de
l’infraction, même si une place croissante tend à être accordée au trouble mental de la victime.
Les déments étaient considérés à Rome comme irresponsables, l’incapacité dolosive rendant le crime
non imputable à son auteur. Marc Aurèle considérait d’ailleurs que le fou était déjà puni par la maladie elle-
même. Puis, sous l’ancien régime, les malades mentaux ont longtemps été considérés comme possédés par le
démon, ce qui justifiait dans l’ancien droit que la répression soit aggravée à leur égard.
Ce n’est qu’à la fin du XVIIIème siècle que les travaux d’aliénistes tels que Pinel et Esquirol ont permis
que l’aliéné soit reconnu malade mental. Le « Code de fer » de 1810 entérina cette conception de la maladie
mentale dans son article 64 qui déclarait le dément pénalement irresponsable. Toutefois, la situation de la
personne dont le discernement n’était qu’altéré n’était pas évoquée. De même, la notion de « démence »
apparaissant trop étroite, la circulaire Chaumier du 12 décembre 1905 invita les juges à élargir ladite notion et à
atténuer la responsabilité dans certains cas.
Malgré les critiques de la doctrine, les progrès des traitements des malades mentaux et les propositions
de plusieurs réformes, l’article 122-1 du NCP n’a pas emporté de grandes modifications, si ce n’est une
modification terminologique : le terme de « démence » est remplacé par celui de « trouble psychique ou
neuropsychique », et l’hypothèse où le trouble n’a fait qu’altérer le discernement est mentionnée. Plus
précisément : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un
trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant
altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient
compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. »
Perspectives historiques :
- Assassinat du roi Henri IV en 1610, par Jean-François Ravaillac, à la suite d’un ordre divin lui intimant de
s’en prendre à la personne du Roi. Le régicide fut reconnu coupable de crime de lèse-majesté sur la personne du
Roi de France et condamné à mort
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- Lors du procès de l’anarchiste italien Casério pour l’assassinat en juin 1894 du président de la République
Sadi Carnot, le président de la Cour d’Assises déclara « vous êtes un monstre ».
- Affaire du viol et du meurtre de la jeune Agnès en novembre 2011, en Haute-Loire, par un adolescent
suivi par un psychiatre dans le cadre d’une précédente accusation de viol.
Problématique :
- le trouble mental, cause d’aggravation, d’atténuation ou d’irresponsabilité pénale ?
- la prise en compte du trouble mental de la victime
Article 122-1 CP : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des
faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant
altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient
compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. »
* Premièrement, il ressort de l’article 122-1 que le trouble mental doit exister au moment des faits.
Cela qui signifie que si la personne se trouve dans un intervalle de lucidité au moment de la commission de
l’infraction, sa responsabilité pénale pourra être engagée. Cette condition a été récemment rappelée par la
jurisprudence de la Cour de cassation (Crim, 21 mars 2012, Patrick X.)
Précisons qu’il n’y a pas de présomption de trouble psychique, et le juge, libre appréciateur, fait souvent appelle
à un expert. Toutefois, en vertu de l’article 427 du Code de procédure pénale, le juge décide d’après son intime
conviction. Il n’est donc, en principe, pas lié par les conclusions de l’expert, et une jurisprudence bien établie
52
affirme que la preuve de l’existence d’un trouble mental relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges
du fond (Crim. 6 juin 1979, Bernadette). En illustre le procès du militant d’extrême droite Anders Behring
Breivik, auteur du double attentat ayant causé la mort de 77 personnes en juillet 2011 à Oslo sur l’île d’Utoya :
contrairement aux conclusions du 1er rapport d’expertise l’ayant déclaré schizophrène et paranoïaque, il a été
considéré comme sain d’esprit.
1. Entre lucidité parfaite et l’abolition totale du discernement, il existe une palette d’états intermédiaires où les
facultés mentales sont altérées mais non abolies.
On distingue par exemple le trouble partiel (ivresse) du trouble total (hypnose) ou encore du trouble
spécialisé (pyromanie, kleptomanie). Mais ces troubles sont qualifiés de spéciaux et font l’objet d’une
appréciation quasi-casuistique de la part du législateur et du juge pénal. Ils peuvent n’avoir aucune incidence,
entrainer une irresponsabilité, ou constituer une circonstance atténuante ou aggravante de responsabilité.
* les états passionnels ou émotifs : la JP refuse d’y voir une altération de l’élément moral, estimant
qu’il faut savoir se dominer, d’autant plus que ce trouble mental laisse une grande part de libre arbitre à l’auteur
de l’infraction. Il s’agit par exemple de l’hystérie. La peine peut néanmoins être modérée par le juge.
* Le trouble peut résulter d’une idée fixe, l’irresponsabilité pouvant être retenue. A donc été relaxé le
prévenu poursuivi pour violences sur un policier dans la mesure où l’ordre hallucinatoire lui ordonnait de
prendre l’avion, et que le policier l’en a empêché (CA Paris, 13 octobre 2004). Cette affaire rappelle celle de
l’assassinat du roi Henri IV par Ravaillac, ce dernier ayant reçu un ordre divin.
* L’épilepsie : elle entraine en principe l’irresponsabilité pénale, sauf lorsque le malade commet un
homicide involontaire par imprudence, pour avoir conduit un véhicule, alors qu’il connaissait sa situation et
donc la probabilité de survenance d’une crise.
* Le somnambulisme : il n’est pas responsable de ses actes commis en état de sommeil. Cependant, on
peut lui reprocher une faute d’imprudence (dormir avec une arme à son chevet).
* Le sommeil peut être retenu comme cause d’irresponsabilité, sauf s’il résulte d’une faute antérieure
(état d’ivresse, combinaison d’un jeûne et d’un voyage par exemple).
* l’hypnose : l’auteur de l’infraction sous hypnose est en principe irresponsable pénalement, l’hypnose
pouvant même s’apparenter au régime de la force majeure, posée à l’article 122-2 du C.P. Aujourd’hui, le
délinquant sous hypnose peut voir sa responsabilité pénale engagée lorsqu’il a commis l’infraction par
suggestion.
Une fois le seuil du trouble mental déterminé, qu’il y ait abolition ou altération du discernement, la
position du droit pénal a longtemps été celle d’une démission s’agissant du sort du malade mental. La situation
semble avoir évolué, notamment depuis la loi du 28 février 2008 qui impose au juge de déclarer explicitement la
personne irresponsable pénalement, pour cause de trouble mental.
53
II. Les conséquences de l’existence d’un trouble mental
Ces cas peuvent être très diverses. Par exemple, ne sont pas considérés comme un trouble le constat
d’un « état d’égarement » ou encore une « peur irraisonnée ». En ce qui concerne les individus souffrant
simplement de troubles altérant leurs facultés, leur responsabilité pénale est engagée et il revient au juge de tenir
compte, ou non, de leur situation lorsqu’ils déterminent la peine (circulaire Chaumier du 12 décembre 1905, et
Crim, 31 mars 1999).
Cependant, si les termes de l’article 122-1 al. 2 peuvent être interprétés comme une invitation à
l’indulgence, ils n’interdisent pas la sévérité. Par exemple, alors même qu’ils sont atteints d’une forme de
pathologie mentale, les pervers sexuels ne sont pas mieux traités que les délinquants normaux, bien au
contraire : le procès de Léonide Kameneff, fondateur de l’école en bateau et présenté comme un monstre par la
presse, illustre bien cette affirmation. Idem pour l’affaire du Sergent Bertrand, nécrophile à ses heures perdues,
condamné durant l'été 1849 à 1 an de prison : la peine aussi clémente n’est pas due à son trouble mental, mais au
fait que pour pouvoir être condamné pour viol, il faut au préalable que la victime ait porté plainte, ce qui relève
de l’impossible pour un cadavre. Le sergent Bertrand n’a donc pas été déclaré irresponsable pénalement en
tant que pervers sexuel, malgré sa démence, mais simplement condamné pour violation de sépultures.
1) Le trouble mental n’opère qu’in personam, car il s’agit d’une cause de non-imputabilité et non d’un fait
justificatif. En conséquence, les effets du trouble mental ne sauraient s’étendre aux complices et aux coauteurs
de l’infraction.
2) L’irresponsabilité pénale n’entraine pas l’irresponsabilité civile. La loi du 25 février 2008 n’a pas eu
d’effet significatif quant aux dispositions civiles et administratives concernant la personne atteinte d’un trouble
mental. Ainsi, la personne déclarée irresponsable pénalement pour trouble mental demeure civilement
responsable de ses actes, en vertu de l’article 414-3 du Code civil : « Celui qui a causé un dommage à autrui
alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation. »
54
décision doit être prise par ordonnance motivée et séparée du jugement/ de l’arrêt d’irresponsabilité, il ne s’agit
pas d’un jugement. Cela n’empêche pas la Cour de déclarer le recours recevable.
Les autres mesures de sûreté (interdiction d’entrer en relation avec une personne, d’exercer une activité
professionnelle, de paraitre sur un lieu…) sont elles aussi subordonnées à une expertise psychiatrique qui
constate le trouble mental.
B. Quand le trouble mental est une cause d’aggravation de la responsabilité ou du sort du délinquant
Ainsi, la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes atteintes de troubles
mentaux impose aux autorités judiciaires qui estiment que l’état mental d’une personne déclarée irresponsable
pour trouble mental et ayant bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’une relaxe, pourrait compromettre
l’ordre public ou la sûreté des personnes, d’en aviser immédiatement le préfet qui doit alors prendre les
mesures nécessaires (ex : hospitalisation d’office).
La prise en considération du trouble mental qui affecte la victime peut se traduire par une circonstance
aggravante ou bien donner lieu à la définition d’infractions spécifiques.
Il est traditionnel d’appréhender le trouble mental de la victime comme une circonstance aggravante,
comme c’est le cas de nombreuses infractions sanctionnant les atteintes à la personne. C’est ainsi que, en vertu
du Code pénal, « l’état de particulière vulnérabilité connue ou apparente » est érigé en circonstance aggravante
en matière d’homicide, de violence ou encore de viol.
De même, le droit pénal contemporain intègre le trouble mental dans la définition d’infractions
spécifiques : tel est le cas de l’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse institué à l’article 223-15-2 du Code
pénal, élargi par la loi du 12 mai 2009.
*****
Actualité :
Les troubles psychiques ayant altéré le discernement entrainent une atténuation de la responsabilité pénale dont
le quantum est fixé par la juridiction. Quant à l’état de récidive, il entraine une aggravation de la peine
encourue. En cas de cumul de ces deux circonstances les juges du fond apprécient souverainement les
conséquences devant être tirées, quant à la durée et quant au régime de la peine qu’ils prononcent (Crim.,29
janvier 2014, n°12‐85.603)
55
Thème 16 : La contrainte
La contrainte est définie à l’article 122-2 CP de la façon suivante : « N'est pas pénalement responsable
la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister. »
Cette cause d’irresponsabilité pénale existait déjà sous l’empire de l’ancien code pénal (art. 64) et est
applicable à la fois aux crimes, aux délits et aux contraventions.
La contrainte physique externe réside dans l’impossibilité de se conduire autrement et ce, en raison
d’une circonstance extérieure. Cette contrainte peut :
- résulter des agissements d’une tierce personne, à la suite de violences par exemple
- peut également découler de la survenance d’un évènement naturel, comme un cyclone
La contrainte physique interne est caractérisée par l’existence d’une circonstance intérieure ayant
déterminé la conduite de l’agent. Elle peut par exemple résulter de l’endormissement d’un voyageur alors que le
billet acheté ne lui permettait pas d’aller aussi loin que l’endroit où le contrôle a été effectué (Crim, 19 octobre,
1922, Mohammed Béton). En l’occurrence, le voyageur s’était endormi en raison d’une maladie dont il était
atteint et avait demandé à d’autres voyageurs de le réveiller, ce qu’ils n’ont pas fait.
La contrainte a également été retenue dans une affaire où un automobiliste avait été pris d’un malaise au volant.
Par contre, il semble qu’il ne soit pas possible de retenir la contrainte concernant une femme enceinte de
8 mois qui, prise d’un malaise, s’est arrêtée sur un emplacement interdit réservé aux invalides, ce qui est
critiquable (Crim, 15 novembre 2006)
La contrainte morale externe résulte d’une action exercée sous la menace déterminante d’un tiers. Les
juridictions sont plus rigoureuses pour admettre ce type de contrainte ; le juge considère qu’il faut qu’existe un
véritable ascendant psychologique du tiers sur la « victime ». Ainsi, par exemple, les ordres de l’employeur ne
permettent pas de retenir la contrainte.
Le législateur a élargi les cas de contrainte morale externe ; depuis la loi du 11 octobre 2010 interdisant
la dissimulation du visage dans l’espace public, le Code pénal prévoit que « le fait pour toute personne
d'imposer à une ou plusieurs autres personnes de dissimuler leur visage par menace, violence, contrainte, abus
d'autorité ou abus de pouvoir, en raison de leur sexe, est puni d'un an d'emprisonnement et de 30 000 €
d'amende ». A la lecture de l’article, cette infraction se prête tout particulièrement à la reconnaissance d’une
contrainte.
La contrainte morale résulte d’un état craintif ou émotionnel ayant déterminé le comportement. Elle ne
peut être retenue que si la cause aboutit à la perte du libre arbitre.
Aujourd'hui, il semble qu’il ne soit possible de retenir la contrainte morale interne comme cause
d’irresponsabilité que si elle constitue un trouble psychique ou neuropsychique. En effet, cette cause est
purement interne à l’auteur de l’infraction.
Il appartient à la personne poursuivie de prouver que les conditions de la contrainte sont réunies.
Déduites de l’article 122-2 CP, il s’agit de l’irréstibilité et de l’imprévisibilité.
56
* La contrainte doit être irrésistible ; elle doit avoir annihilé chez l’agent toute liberté de décision. Plus encore,
il faut une impossibilité absolue de se conformer à la loi. La jurisprudence apprécie ce critère au sens strict :
c’est pourquoi ne peuvent être assimilées à l’irréstibilité de simples difficultés. Dans le même sens, l’éventualité
d’un préjudice, même considérable, ne peut suffire à constituer la contrainte.
* La contrainte doit aussi être imprévisible ; c'est à dire que l’agent n’ait pas pu l’imaginer, l’anticiper, et
surtout que la contrainte ne résulte pas d’une faute antérieure de l’agent.
Là aussi, ce critère est apprécié très sévèrement par le juge. Ainsi, l’auteur d’un accident d’automobile
ne peut pas invoquer une défaillance mécanique, celle-ci étant toujours prévisible et pouvant être prévenue par
des vérifications périodiques de l’état du véhicule (Crim, 8 juillet 1971).
S’agissant de la contrainte interne, cette condition n’est remplie que si le malaise survient pour la 1ère
fois, car il ne pouvait être prévu (Crim, 15 novembre 2005).
La contrainte serait donc le pendant en droit pénal de la force majeure au civil. Toutefois, les
conditions de la contrainte et de la force majeure diffèrent : cette dernière suppose non seulement l’irrésistibilité
et l’imprévisibilité, mais aussi l’extériorité. Or, la contrainte peut parfois être interne. Malgré cette différence
apparente, le juge civil retient parfois la force majeure en raison d’événements propres, internes à la personne,
comme sa maladie ou son chômage.
Dès lors, il est possible de conclure qu’il y a identité entre les notions de contrainte et de force majeure
et que le constat d’une contrainte en droit pénal entraine nécessairement et dans toutes les hypothèses, même
celle d’une contrainte interne, une irresponsabilité civile. En d’autres termes : la contrainte supprime à la fois
les responsabilités pénale et civile.
57
Thème 17 : l’erreur sur le droit
Innovation du NCP, l’erreur de droit est prévue par l’article 122-3 CP : « N'est pas pénalement
responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure
d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte. »
Une partie de la doctrine a regretté qu’à l’instar de l’erreur sur le droit, l’erreur sur le fait n’ait pas été
consacrée à l’occasion de la réforme.
A l’instar des autres causes d’atténuation ou d’irresponsabilité pénale, il appartient à la personne
poursuivie de démontrer que les différentes conditions de l’erreur sur le droit sont réunies. L’article 122-3 CP
le précise d’ailleurs expressément en indiquant que la personne doit « justifier » son erreur.
L’erreur sur le droit rend le prévenu pénalement irresponsable de l’infraction et ce, malgré l’adage
nemo censetur ignorare legem (« nul n’est censé ignorer la loi »). L’explication de cette clémence tient au fait
que le NCP a pris en compte l’inflation législative qui induit que désormais la connaissance de la loi n’est plus
qu’une fiction juridique. Il serait ainsi parfaitement impossible de connaitre concrètement l’ensemble du droit
positif.
Mais l’adoption de la mesure comprise à l’article 122-3 CP ne s’est pas fait sans contestation : le risque
évoqué lors des débats parlementaires était de permettre aux prévenus d’échapper à leur responsabilité en
démontrant qu’ils ignoraient le droit positif. La jurisprudence rendue depuis l’adoption du NCP a rassuré la
pratique en conférant à cette cause d’irresponsabilité un caractère tout à fait exceptionnel et en ne l’acceptant
que dans des cas extrêmement limités.
A l’heure actuelle, il semblerait justement que la jurisprudence n’aille pas assez loin dans la
reconnaissance de l’erreur sur le droit dans la mesure où les divergences de jurisprudence ne sont pas retenues,
malgré la position de la Cour d’appel de Paris qui a jugé qu’une telle divergence, rendant la règle applicable
incertaine, pouvait être source d’une erreur sur le droit (CA Paris, 9 novembre 2000).
1) Une erreur sur une règle de droit ; l’erreur peut porter sur n’importe quelle règle de droit. Le plus
fréquemment, l’erreur est susceptible d’être invoquée dans les matières techniques et complexes, dont
la règlementation est changeante et difficilement accessible. Concrètement, il en est par exemple ainsi
en matière d’urbanisme, d’environnement, de travail ou de fiscalité.
2) Une erreur inévitable ; l’erreur sur le droit n’est admissible que si elle est invincible. Aux cours des
débats parlementaires, ont été évoquées deux hypothèses : l’information erronée fournie par
l’administration et le défaut de publicité du texte normatif.
b. Les erreurs non retenues : Par contre, ne peut être considérée comme une erreur invincible
l’erreur commise en raison d’une divergence de jurisprudence (Crim, 11 mai 2004, Société
Paumier et fils). De plus, il semble qu’une fausse information émanant d’une personne privée
(ex : conseil d’un avocat) ne puisse pas constituer une erreur invincible. Cette appréciation très
restrictive de l’erreur de droit a été réitérée par la Cour de cassation, en novembre 2011 ; elle a
considéré que la seule imprécision du texte ne suffisait pas retenir l’erreur sur le droit (Crim, 22
novembre 2011, Sté Carrefour hypermarché de Cholet).
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3) La croyance dans l’acte légitime ; cette croyance doit être complète pour que l’irresponsabilité soit
retenue. Il faut donc rechercher la bonne foi chez l’individu, qui croyait pouvoir légitimement agir. De
la comparaison des différentes solutions rendues sur l’erreur de droit, la doctrine a dégagé quelques
enseignements :
- l’erreur provoquée par une information erronée de l’administration compétente rend fréquemment
l’erreur inévitable
- une attestation émanant de ladite administration permet de considérer que la personne a pu
légitimement croire qu’elle pouvait accomplir l’acte en question.
- en revanche, les informations interprétatives ne permettent pas de retenir une telle croyance et il
est alors nécessaire de s’entourer de professionnels du droit qualifiés.
L’erreur sur le droit entraine l’irresponsabilité pénale de son auteur. Par ailleurs, s’agissant d’une
cause subjective d’irresponsabilité pénale, elle ne devrait pas s’étendre aux coauteurs ou complices. Toutefois,
en pratique, l’erreur est le plus souvent partagée par l’ensemble des protagonistes.
L’erreur de droit n’est pas pour autant une cause d’irresponsabilité civile. En effet, la présomption de
connaissance de la loi demeure irréfragable en droit civil.
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Thème 18 : Le droit pénal des mineurs
Les paroles de Léonide Kameneff lors de son procès intitulé par la presse « l’affaire de l’école en
bateau » atteste que la perception même du phénomène de la minorité a évolué. Désormais le mineur n'est plus
considéré comme un adulte en réduction, mais comme un être humain à part entière, ayant le droit, en
l’espèce, « de pratiquer librement sa sexualité ».
Concernant la responsabilité civile, l’âge n’est pas une cause d’irresponsabilité (Ass. Plén., 9 mai 1984,
Lemaire). Il en va différemment en matière pénale.
Le droit pénal des mineurs est essentiellement guidé par la fonction de prévention. A la punition est
privilégiée l’éducation du mineur délinquant ainsi que sa réinsertion. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs
donné valeur constitutionnelle à ce principe de primauté de l’action éducative sur la sanction (D.C du 29 août
2002, loi d’orientation et de programmation de la justice, à propos de la loi PERBEN I du 9 septembre 2002,
qui fixe le régime pénal des mineurs dans le Code pénal).
La majorité pénale est fixée, depuis 1906, à 18 ans. L’âge pris en compte dans le cadre de la
responsabilité pénale, c’est celui de l’auteur de l’infraction au moment de la consommation (Crim, 11 juin 1969).
Puis une loi en date du 22 juillet 1912 crée les tribunaux pour enfant. Au cours de ses dix-huit 1ères années, le
délinquant mineur est censé ne pas être doté d’une volonté parfaitement lucide et se voit appliquer un régime
spécial. Cela ne veut pas dire pour autant que le mineur est irresponsable pénalement : l’ordonnance du 2
février 1945 (modifiée 35 fois, ce qui atteste de la difficulté d’adapter la justice pénale aux mineurs) ainsi que la
loi PERBEN I du 9 septembre 2002 affirment l’inverse. Le mineur est simplement un « adulte en devenir »
(formule utilisée dans le rapport de la commission présidée par le recteur Varinard, remis au garde des sceaux
en novembre 2008) qui se voit appliquer trois principes, compris dans l’ordonnance de 1945 et réaffirmés par le
Conseil constitutionnel dans sa décision de 2002 :
- principe d’atténuation et de progressivité de la responsabilité pénale du mineur
- principe de priorité de l’éducation sur la répression
- principe de spécialisation des juridictions
La minorité du délinquant n’est alors pas source d’irresponsabilité pénale, mais constitue une
circonstance atténuante.
Chiffres : les statistiques montrent un ancrage des mineurs dans la délinquance : le rapport annuel de
l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montre que sur un peu moins de 930 000
personnes mises en causes en 2011, 220 000 sont mineurs, soit près de 24% des délinquants. Cette participation
a augmenté de 18% depuis 2005. Plus alarmant : sur 21 000 vols avec violence, 10 000 ont été commis par des
mineurs.
Une délinquance des mineurs plus massive et plus violente est commise par des mineurs de plus en plus
jeunes : les constats dressés par la Commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, présidée
par M. Jean-Pierre Schosteck (8), ont malheureusement conservé toute leur actualité. Face à cette situation, le
système français s'est efforcé de trouver un équilibre adapté entre mesures éducatives et répressives.
Afin de mieux lutter contre la délinquance des mineurs, le rapport de la commission Varinard de 2008 a
relancé la nécessité de refonder entièrement le droit pénal des mineurs, au motif que l’ordonnance du 2 février
1945 était aujourd’hui obsolète. Si le Code de la justice pénale des mineurs n’a pas vu le jour, une partie des
propositions de réforme des juridictions pénales compétentes pour juger les mineurs a été mise en œuvre par la
loi du 10 aout 2011 créant le tribunal correctionnel pour mineur, ainsi que la décision QPC du Conseil
constitutionnel du 8 juillet 2011 mettant fin à la faculté, pour le juge des enfants, de cumul des fonctions de juge
d’instruction et de président qui siège dans la juridiction de jugement.
Plus récemment, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 2013,
Marie Derain, défenseur des enfants, et Dominique Baudis, défenseur des droits, ont remis leur rapport
60
annuel, consacré, cette année, à L'enfant et sa parole en justice. Il s'agit, pour la Défenseure des enfants, qui
dépend du défenseur des droits, de s’assurer que les droits spécifiques de l'enfant soient garantis dans le cadre
d'une procédure civile et pénale. Notamment parce qu’il ne dispose pas du même statut qu’un adulte lorsqu’il
agit en justice. Le rapport revient également sur l’affaire d’Outreau en indiquant que la conséquence directe de
cette affaire est que l'on a prêté moins d'attention à la parole de l'enfant, et souhaite rétablir l’équilibre.
L’article 122-8 du Code pénal énonce que « Les mineurs capables de discernement sont pénalement
responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables ». Pour entrer dans le
champ d’application de 122-8, il faut avant démontrer le discernement du mineur. On considère que ce peut être
entre 7 et 12 ans. A noter que le droit français a souhaité ne pas fixer d’âge de discernement, contrairement à la
CIDE (Convention internationale des droits de l’enfant) qui la fixe à 12 ans. Il s’agit d’ailleurs d’une des
critiques récurrentes lors des débats autour de la réforme de l’ordonnance de 1945, au motif que la Convention
était d’application directe, et que plusieurs pays européens ont fixé un seuil d’âge (7 ans pour la Suisse, 10 ans
pour l’Angleterre, 16 ans pour l’Espagne etc.).
L’arrêt Laboube (Cass, crim. 13 décembre 1956) énonce que la responsabilité d’un mineur suppose
qu’il ait compris et voulu son acte (en l’espèce, un enfant de 6 ans avait crevé l’œil d’un camarade). Cette
jurisprudence était devenue incertaine depuis l’arrêt Djouab rendu par l’assemblée plénière le 9 mai 1984,
avec en l’espèce un enfant de 9 ans qui avait volontairement mis le feu à un camion : le critère de
« discernement ou non de l’enfant » ne sera pas retenu au motif que l’enfant a agi volontairement. L'arrêt
Derguini (même jour) considère que l'absence de discernement de l'enfant n'est pas de nature à l'exonérer de sa
responsabilité, sa faute résultant de l'anormalité de son acte. La Cour de cassation confirme ici la position prise
dans l'arrêt Djouab : la cour d'appel « n'était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les
conséquences de tels actes ».
Cette décision fut dangereuse car, si elle venait à se confirmer, il n’y aurait aucune raison de ne pas
appliquer cette décision aux délinquants majeurs, pour lesquels le critère du discernement n’existerait plus.
Ainsi par exemple, on ne différencierait plus le dément de la personne saine d’esprit. C’est pourquoi on ne peut
qu’approuver la nouvelle rédaction de l’article 122-8 CP (loi de 2002).
La responsabilité pénale des mineurs est régie par l’ordonnance du 2 février 1945. Réformée une
vingtaine de fois, elle distingue :
1) Les mineurs capables de discernement de -10 ans. Présumés inaptes à subir une sanction pénale,
ils ne peuvent se voir infliger que des mesures éducatives (article 122-8 al.2), comme la remise à parent, le
placement, la mise sous protection judiciaire ou encore l’avertissement solennel. Les mesures éducatives ont
pour but de protéger, d’assister, de surveiller et d’éduquer le mineur. Et comme il ne s’agit pas de peines, elles
peuvent être révisées à tout moment.
2) Les mineurs de 10 à 18 ans. Depuis la loi Perben I de 2002, le mineur peut se voir infliger des
sanctions éducatives dès l’âge de 10 ans, en complément ou à la place d’une mesure éducative (art. 122-8 al.2
C.P). Auparavant, le seuil était fixé à 13 ans. On peut citer comme exemple de sanctions éducatives la
confiscation, l’interdiction de rencontrer la victime, les co-auteurs ou complices, le stage de formation civique
ou encore le placement dans un foyer pour délinquants mineurs.
3) Les mineurs de 13 à 16 ans. Une peine peut être prononcée par le juge/tribunal pour enfants
contre le mineur si cela parait nécessaire en raison des circonstances ou de la personnalité de l’enfant (ex : un
récidiviste). Les peines ne sont toutefois pas les mêmes que pour un majeur : de 13 à 16 ans, en raison de
l’excuse atténuante de minorité, le mineur n’encourt au maximum que la moitié de la peine prévue pour un
adulte. Exemple de peines : stage de citoyenneté, amende, prison, ou encore les T.I.G pour les +16 ans.
4) Les mineurs de + 16 ans. L’excuse de minorité pour les 17-18 ans n’est que facultative. Si le
juge souhaite l’appliquer mais que l’infraction a été commise le jour de ses 18 ans, il se réfère à l’heure de sa
naissance (Crim, 3 septembre 1985). En effet, l’âge du mineur s’apprécie au moment des faits : il est
61
généralement déterminé par l’état civil, bien que, à défaut, la preuve soit libre. Une expertise peut donc être
ordonnée par l’autorité judiciaire pour déterminer l’âge du délinquant. Si le mineur a plus de 16 ans, cela le fait
passer sous l’empire de la loi du 26 décembre 2011 qui, en plus d’instituer un tribunal correctionnel pour
mineur, instaure un service citoyen, pour les mineurs de plus de 16 ans. Son accord préalable est nécessaire.
Plus poussé que le principe de personnalisation de la peine, il impose au juge d’avoir une connaissance
précise de la situation scolaire, familiale, sociale du mineur. On estime qu’on a affaire à une construction de la
personnalité du mineur, et la modification « du terrain » permet de redresser son éducation, de le remettre sur le
droit chemin.
A cet effet, la loi du 10 août 2011 a créé le dossier unique de personnalité du mineur. Ce dossier,
placé sous le contrôle du procureur de la République et du juge des enfants, regroupe l'ensemble des éléments
relatifs à la personnalité du mineur recueillis au cours des enquêtes dont il fait l'objet. Il assure une connaissance
plus approfondie du jeune délinquant, pour un meilleur suivi et une meilleure cohérence des décisions le
concernant.
Cependant, ce principe doit être atténué au regard de l’actuel mouvement de durcissement de la justice pénale
des mineurs. Plusieurs exemples peuvent illustrer ce cas :
* Existait au départ un principe de non-cumul, entre les mesures d’éducatives, les sanctions éducatives et
les peines. Mais les articles 20 et 25 de l’ordonnance du 2 février 1945 et de la jurisprudence actuelle
tendent à montrer qu’on admet la possibilité de cumuler mesures éducatives, sanctions éducatives et
peines. Il en ressort une atténuation du principe de hiérarchisation des peines et une confusion des
mesures éducatives avec les mesures répressives.
* La loi du 10 août 2007, validée par le Conseil constitutionnel (D.C, 9 août 2007) renforçant la lutte
contre la récidive, soumet les mineurs récidivistes à un système de peines-planchers. Concrètement, le
principe d’atténuation de la peine devient une exception pour les mineurs de 16 ans multirécidivistes.
Cependant, il faut aussi tenir compte de l’excuse de la minorité, qui peut amener le juge à diviser cette
peine par deux. De même, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, écarter cette peine-
plancher si elle lui parait trop sévère.
* Le rapport Varinard proposait de remplacer l’ordonnance de 1945 car un Code pénal des mineurs,
abaissant la responsabilité pénale à l’âge de 12 ans, et permettant des peines d’emprisonnement dés
l’âge de 14 ans. Même si cette proposition n’a pas été retenue, elle illustre bien le mouvement de
durcissement de responsabilité pénale du mineur.
* La loi du 10 août 2011 crée le tribunal correctionnel pour mineurs récidivistes de plus de 16 ans. Le
président du tribunal est ici accompagné de deux assesseurs professionnels : on est alors davantage dans
la répression que dans l’éducation.
* Suite aux décisions de la CEDH et du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011, une loi du 26 décembre
2011 a modifié l’article L. 251-3 du Code de l’organisation judiciaire (C.O.J) et mis fin au cumul des
fonctions du juge des enfants.
Le mineur n’est pas jugé par les juridictions de droit commun, mais des juridictions spéciales, et ce
depuis 1912. On parle du « privilège de juridiction ».
1) Le juge des enfants : Sa mission 1ère est de faire la lumière sur l’infraction commise par le mineur. Il dispose
pour cela des mêmes pouvoirs que le juge d’instruction. Magistrat du T.G.I, il est compétent en matière de
contraventions de 5ème classe et de délits commis par un mineur. Le juge des enfants ne peut prononcer que des
mesures éducatives. S’il estime qu’une sanction plus sévère doit être prononcée, il doit renvoyer l’affaire au
tribunal pour enfants.
Le juge des enfants est également compétent pour s’occuper d’affaires non pénales mais qui concernent
les mineurs, comme les mineurs vagabonds (fugueurs), les mineurs abandonnés ou les mineurs vivant dans un
62
milieu familial défavorisé. Dans ce dernier cas, le juge pourra procéder par exemple à un placement de l’enfant
en famille d’accueil.
Comme il exerce à la fois une mission pénale (punir le délinquant) et une mission civile (rôle
d’assistance éducative), le juge des enfants a longtemps cumulé les fonctions de juge d’instruction et de
président de la formation de jugement, car il était la personne la plus apte à prononcer une peine adaptée, ayant
une intime connaissance de la personnalité du mineur. Jusqu’à présent, la CEDH déclarait que ce cumul était
favorable au mineur et admettait donc cette entorse au principe de séparation des fonctions (CEDH, Nortier, 24
août 1993). Or récemment, elle est revenue sur sa décision dans l’arrêt Adamkiewicz du 2 mars 2010, et a
invalidé sa jurisprudence Nortier sur le fondement du principe d’impartialité. Elle considère aujourd’hui que le
cumul est contraire au principe d’impartialité et d’indépendance des juridictions. Le conseil constitutionnel,
dans D.C, QPC, du 8 juillet 2011, « M. Tarek J. [Composition du tribunal pour enfants] », confirmée dans sa
D.C du 4 août 2011, « Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale », a donc
estimé que cette prérogative exceptionnelle qui mélange les fonctions de juge d’instruction et de jugement
portait atteinte au principe de non-cumul des fonctions, et contrevenait à l’impartialité du juge, pourtant garantie
par l’article 66 de la Constitution. Par conséquent, il a demandé une modification législative de l’article L. 251-3
C.O.J avant le 1er janvier 2013.
2) Le tribunal pour enfants : il siège collégialement. Depuis le 1er janvier 2013, le président est un magistrat
professionnel autre que le juge des enfants qui a instruit l’affaire, assisté de deux assesseurs non-professionnels
choisis pour leur connaissance de l’enfant.
Le tribunal pour enfants est compétent pour connaitre des délits et contraventions de 5ème classe commis
par les mineurs de moins de 18 ans et que le juge des enfants lui a renvoyé, ainsi que les crimes commis par des
mineurs de moins de 16 ans. Cependant, en cas de délit dont la peine encourue est d'au moins 3 ans, commis en
récidive par un mineur de + de 16 ans : c'est le tribunal correctionnel des mineurs qui est alors compétent.
3) Le tribunal correctionnel pour mineurs : institué par la loi du 10 aout 2011, il est compétent en cas de délit
dont la peine encourue est d'au moins 3 ans d’emprisonnement, commise en récidive par un mineur de plus de
16 ans, ainsi que les délits et contraventions connexes. Cela ne l’empêche pas, néanmoins, de prononcer des
mesures et des sanctions éducatives.
Il a été instauré parce que le tribunal pour enfants souffrait d’une image d’un manque de sévérité et de
solennité face aux délinquants mineurs. Mais s’il s’agit de renforcer la sévérité de la sanction, il s’agit aussi
d’instituer une juridiction spéciale supplémentaire, dans une perspective de progressivité.
Le nouveau Garde des Sceaux, Christiane Taubira, a annoncé la suppression à venir de cette nouvelle
juridiction.
4) La chambre spéciale de la Cour d’appel : il existe au sein de chaque cour d’appel une chambre spéciale
chargée de connaitre en appel les décisions prises par le juge des enfants ou les tribunaux pour enfants.
5) La Cour d’assises des mineurs : composée de 3 magistrats professionnels et de 6 jurés (9 en appel), elle est
compétente pour juger les crimes commis par les mineurs de 16 à 18 ans et leurs infractions connexes. Si un
crime réuni à la fois des mineurs et des majeurs, le cas du mineur sera traité séparément et il comparaitra devant
la Cour d’assise des mineurs. Cependant, s’il apparait indispensable de ne pas diviser les poursuites, tous les
accusés comparaitront devant ladite cour d’assises des mineurs (on a là une idée du mouvement de clémence du
droit pénal envers les délinquants).
Le mineur est aussi considéré comme une personne fragile. Paradoxalement, malgré le regain de sévérité à
l’égard du délinquant mineur, le droit pénal protège fortement l’enfant victime, à l’image de l’aggravation de la
réponse pénale en la matière. Concrètement, le droit pénal protège l’enfant sous différentes coutures :
1) Protection de son identité. Le droit pénal sanctionne le défaut de remise d’un enfant trouvé, ou encore la
provocation à l’abandon de l’enfant (permet de lutter contre la pratique des mères porteuses).
63
2) Protection de son intégrité physique. Est sanctionné la non-dénonciation de maltraitance d’un mineur, le
recours à la prostitution du mineur, ou encore captation et diffusion d’images pédopornographique (le simple
fait d’aller sur internet pour regarder de telles images tombe sous le coup de la loi pénale, depuis la loi du 5
août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice).
3) Protection des atteintes à l’indemnité psychique des mineurs : interdiction de vendre du tabac, de
l’alcool…
Enfin, la procédure pénale prévoit une procédure spécifique applicable au mineur victime. Ainsi :
- Le point de départ du délai de prescription de l’action publique peut être retardé. Il ne commence à courir
qu’à compter de la majorité en cas de crime. En cas de délit, le texte de loi incriminant le délit doit
expressément mentionner le retard du point de départ du délai de prescription.
- Les délais de prescription peuvent être allongés. En vertu de l’article 7 al. 3 CPP : « Le délai de
prescription de l'action publique [de certains crimes comme viol, torture ou acte de barbarie], lorsqu'ils
sont commis sur des mineurs, est de vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces
derniers. ». De même, « le délai de prescription de l'action publique des délits ayant causé une blessure ou
une lésion, ou encore ceux commis par un ascendant, est de vingt ans ; ces délais ne commencent à courir
qu'à partir de la majorité de la victime. » (art. 8 CPP). Cependant, n’est pas recevable la plainte d’une
femme de 41 ans qui, suite à une séance de psychothérapie sous hypnose, s'était remémorée le viol dont elle
avait été victime à l'âge de 5 ans (Crim, 18 décembre 2013, Viol de Cécile à l’été 1977).
- La minorité pénale est prise en compte lors de son audition en tant que témoin pendant l’enquête de police.
Ainsi, l’assistance d’un avocat est obligatoire, afin de favoriser la parole de l’enfant en le mettant en
confiance, de même que l’enregistrement de cette audition.
- La minorité pénale est prise en compte lors du jugement. Par exemple, le huis clos est de droit devant la
cour d’assises lorsque les infractions jugées sont le viol, torture et acte de barbarie.
* En matière d’enquête : la garde à vue. Sous la pression du Conseil constitutionnel, de la CEDH et, dans
la moindre mesure, de la Cour de cassation, le législateur a profondément réformé la garde à vue (G.A.V) de
droit commun, via une loi du 14 avril 2011. Ce texte apporte à l’ordonnance du 2 février 1945 quelques
modifications. Il ressort de ce texte quelques spécificités applicables aux mineurs, et une gradation des régimes
de la garde à vue, adaptée sur le fondement de la vulnérabilité supposée du mineur (Crim, 24 octobre 2000, GAV
d’un mineur à la gendarmerie de Cesson-Sévigné).
- Pas de GAV pour les mineurs de -13 ans. Toutefois, la GAV est exceptionnellement possible pour le
mineur de 10-13 ans s’il est suspecté d’avoir commis un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins 5
ans d’emprisonnement. La durée max. de la GAV sera alors 12h, avec possibilité de prolonger de 12h.
- L’examen médical pour les mineurs de 13 à 16 ans n’est pas une possibilité, mais une obligation.
* En matière d’instruction et de jugement. Le mineur dispose d’un régime dérogatoire au droit commun
en ce qui concerne la mise sous contrôle judiciaire (peine d’emprisonnement encourue de +7 ans pour les 13-
16 ans), la détention provisoire (Crim. 24 novembre 2010 : il est impossible que le droit soit plus sévère à
l’encontre de mineurs qu’à l’encontre de majeurs) ou encore pour le mode de saisine des juridictions
(obligation d’instruction).
* En matière de garanties procédurales : obligation de comparaitre pour les représentants légaux du
mineur délinquant. Ils peuvent être sanctionnés pour défaut de comparution et/ou amenés par la force (art. 10-1
de l’ordonnance de 1945).
64
Thème 19 : L’ordre ou l’autorisation du texte et le commandement de l’autorité légitime
L’article 122-4 CP prévoit que : « N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un
acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.
N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité
légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal. »
Cette disposition n’est pas nouvelle, puisque l’article 327 de l’ancien code disposait que « il n’y a ni
crime ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et commandés par
l’autorité légitime »
Un texte peut autoriser ou ordonner de commettre un acte normalement répréhensible. Ce texte peut
aussi bien être une loi qu’un règlement, et il arrive parfois que ce ne soit même pas un texte, mais une coutume
que retient la jurisprudence.
Les textes de procédure pénale permettent d’utiliser des pouvoirs coercitifs contre les personnes et les
biens. Ainsi en est-il notamment :
- de l’arrestation, normalement constitutive d’une infraction, mais permise par l’article 73 CPP dans « les cas
de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement… ». Dès lors, « toute personne a
qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche. ».
Toutefois, l’usage de la force utilisée doit être nécessaire et proportionné.
- de la séquestration, justifiée lorsqu’elle est décidée par les autorités compétentes et aux conditions décrites,
qu’il d’une garde à vue ou d’une détention provisoire.
- de la fixation, de l’enregistrement ou de la transmission sans le consentement de leur auteur, là encore
lorsqu’elle est justifiée et décidée par l’autorité compétente
- ou encore de nombreux agissements délictueux justifiés en cas d’infiltration par des autorités d’investigations
(ex : acquérir ou transporter des substances illicites). Un arrêté du 30 mars 2009 relatif à la lutte contre la
pédopornographie permet aux officiers de police judiciaire d’utiliser un pseudonyme dans le dessein de
participer à des échanges électroniques afin d’établir la preuve d’infractions liées au proxénétisme.
Il advient également qu’une loi de fond déroge à une autre loi de fond. Il en est ainsi de l’article 226-
14 CP qui prévoit des exceptions au délit de violation du secret professionnel prévu par l’article 226-13 CP.
Ainsi, « L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.
En outre, il n'est pas applicable :
1° A celui qui informe les autorités (…) de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou
mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est
pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ; »
Autre exemple : le Code monétaire et financier pose des obligations de déclaration de soupçon de
blanchiment et ce, malgré les règles du secret professionnel.
Autre exemple récent : la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace
public prévoit que l’interdiction ne s’applique pas « […] si la tenue est justifiée pour des raisons de santé, ou si
elle s’inscrit dans le cadre d’activités sportives… ». Ainsi, le motard doit toujours, conformément au Code de la
route, porter un casque pour conduire son deux-roues motorisé. De même, pour éviter qu’elle ne soit filmée à
son insu lors de son arrestation, une personne peut dissimuler son visage.
65
B) L’ordre ou l’autorisation du règlement
S’il est certain qu’un règlement puisse venir déroger à un autre règlement, la question est incertaine
concernant la possibilité pour un règlement de déroger à une loi. A priori, la hiérarchie des normes réfute cette
idée. Toutefois, un décret du 20 mai 1903 autorisait les gendarmes en uniforme à faire usage de leur arme pour
immobiliser des véhicules dont les conducteurs refusent d’obtempérer.
Cette exception a aujourd'hui disparu, le décret de 1903 ayant été abrogé à l’occasion de la loi du 3 aout
2009 relative à la gendarmerie nationale. La disposition a été transférée à cette occasion dans le code de la
défense. De la sorte, c’est à nouveau une loi qui déroge à une autre loi.
Le respect d’une coutume est parfois reconnu comme permettant de déroger à la loi pénale. Ainsi,
plusieurs coutumes nationales peuvent être relevées ; par exemple, les parents bénéficient du droit de
correction à l’égard de leurs enfants, ce qui peut justifier la commission de violences dès lors qu’elles ne
dépassent pas « les limites du droit de correction » et qu’elles sont à visée pédagogique (Crim, 21 février 1990,
Patrick c. Romain). Cette possibilité de correction ne méconnaitrait pas les dispositions de l’article 3 CESDH,
aux dires de la Cour européenne des droits de l’homme ; Ainsi, des châtiments corporels infligés à des enfants
dans des écoles publiques en Ecosse ne constituent ni une torture, ni un traitement inhumain (CEDH, 25 février
1982, Campbell). Dans l’affaire de la « gifle du maire de Cousolre », les juges du fond ont admis la gifle
éducative donnée par le maire à l’individu qui l’avait insulté, sur le fondement du commandement de l’autorité
légitime, retenant une « réponse adaptée à l’atteinte inacceptable portée publiquement à l’autorité de sa
fonction ». Précisons qu’ils ont rejeté l’argument du maire qui plaidait la légitime défense, les conditions de
danger imminent et de réponse proportionnée n’étant pas réunies en l’espèce (CA de Douai, 10 octobre 2012).
Il semble qu’un tel droit existait également au bénéfice du mari à l’égard de sa femme avant que les
mœurs n’évoluent (Crim, 9 février 1923).
En matière de sport, la coutume autorise également la commission de violences dès lors qu’elles sont
commises dans les règles du jeu.
Peut être citée la permission de la coutume envers les violences des médecins ou chirurgiens agissant
dans un intérêt thérapeutique. A défaut d’intérêt thérapeutique, la responsabilité du médecin est engagée, qu’il
s’agisse d’actes motivés par ses convictions idéologiques (comme dans l’affaire des stérilisés de Bordeaux où il
avait agi en accord avec les intéressés ; Crim, 1er juillet 1937), ou pour des considérations scientifiques (ex : la
castration d’un transsexuel).
Enfin, il en est également ainsi concernant la pratique de certaines religions imposant, par exemple, de
pratiquer la circoncision (ablation du prépuce). Toutefois, l’excision (ablation du clitoris) ne saurait être
justifiée.
La coutume locale peut aussi entrer dans le champ de l’article 122-4 CP, mais elle ne permet de retenir
l’irresponsabilité pénale que dans des cas particulièrement exceptionnels. A titre d’illustration, les articles du
Code pénal réprimant les sévices graves et les actes de cruautés envers les animaux sont inapplicables aux
corridas ou aux combats de coqs, dans les localités où de telles pratiques correspondent à une « tradition
ininterrompue ». Le Conseil constitutionnel s’est d’ailleurs dernièrement penché sur la question, à l’occasion
d’une QPC sur l’article 521-1 CP autorisant les corridas, dès lors qu’elles résultent d’une « tradition locale
ininterrompue ». La disposition a été déclarée conforme à la Constitution, le principe d’égalité devant la loi
justifiant qu’on traite de façon différente des personnes placées dans des situations différentes (D.C, 21
septembre 2012, QPC).
66
D) L’autorisation de l’administration
L’autorisation de l’administration semble ne pas pouvoir être retenue comme cause d’irresponsabilité
pénale. Il en est bien évidemment de même concernant de simples tolérances administratives, comme la vente
traditionnelle du muguet sur la voie publique le 1er mai.
Les autorités légitimes sont des autorités publiques et non privées. Ainsi, aucune responsabilité ne
peut être retenue en cas d’infraction commise sur les ordres de son employeur ; d’ailleurs, la contrainte est
exclue. Peu importe que cette autorité soit administrative, judiciaire ou militaire, dès l’instant qu’elle est
publique. L’irresponsabilité pénale pourra être retenue.
En 2ème lieu, l’autorité doit être compétente. Dans l’affaire des écoutes de l’Elysée, aucune loi ne
prévoyait à l’époque les interceptions administratives et celles-ci relevaient de la décision du 1er ministre. Or, en
l’occurrence, l’ordre émanait du Président de la République, qui n’en avait pas le pouvoir (Crim, 30 septembre
2008, Affaire des écoutes de l’Elysée).
Enfin, en 3ème lieu, l’ordre ne doit pas être manifestement illégal. Cette troisième condition a fait
l’objet d’importants débats ; en cas de commandement illégal, trois thèses différentes ont été proposées par la
doctrine :
* le système de l’obéissance passive : le subordonné qui ne fait qu’obéir est irresponsable pénalement.
* le système des « baïonnettes intelligentes » : le subordonné doit apprécier la légalité des ordres donnés.
Cette théorie a notamment été posée par l’arrêt Langneur, rendu par le Conseil en 1944.
* un système transactionnel a été proposé : l’obéissance dans la mesure où l’ordre n’est pas
manifestement illégal. Dans l’affaire des écoutes de l’Elysée, il a été relevé qu’on ne pouvait pas imposer à
un officier supérieur de la Gendarmerie et des hauts fonctionnaires une obéissance inconditionnelle à des
ordres manifestement illégaux. La cour de cassation a indiqué que, en l’espèce, l’ordre donné était
manifestement illégal. C’est pourquoi on peut en déduire que, alors que l’ancien code semblait avoir
consacré le système de l’obéissance passive, désormais, ce fait justificatif ne vaut que si le commandement
n’est pas manifestement illégal.
67
Thème n° 20 : La légitime défense
Le droit canon était réfractaire à la légitime défense, admissible que si elle était absolument nécessaire.
Le droit intermédiaire a rétabli la légitime défense comme fait justificatif, notamment de l’homicide. Dans le
prolongement de celui-ci, le code pénal napoléonien de 1810 a consacré la légitime défense ; elle est aujourd'hui
reprise aux articles 122-5 et 122-6 CP.
Selon l’article 122-5 CP : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte
injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de
la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés
et la gravité de l'atteinte.
N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un
délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est
strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de
l'infraction. »
Elle n’est admise que pour les infractions intentionnelles (Crim, 16 février 1967, Cousinet). Ainsi,
selon la Cour de cassation, « la légitime défense est inconciliable avec le caractère involontaire de l’infraction
poursuivie ». C’est là que le droit interne diffère des autres droits ; en effet, dans son arrêt Gaggio c. Italie rendu
le 25 août 2009, la CEDH n’a pas constaté de violation de l’article 2 CESDH (droit à la vie) faite par les
juridictions italiennes. Celles-ci avaient retenu la légitime défense dans une affaire de coups de feu tirés dans la
panique et qui avaient tués un manifestant.
Par ailleurs, si l’attaque est l’œuvre d’une personne irresponsable, tel qu’un malade mental, ou encore
d’un animal, la légitime défense peut être retenue.
La conséquence de la légitime défense est de supprimer la responsabilité pénale et civile.
Pour que la légitime défense puisse être retenue, l’attaque doit être injuste et la riposte concomitante,
nécessaire et proportionnée.
* Une attaque injuste ; l’atteinte qui est à l’origine de la riposte doit être injuste. Ainsi, si l’attaque émane
d’une autorité publique, elle est présumée être légitime (cette présomption est réfragable, et il est possible de
prouver que les forces de l’ordre ont agi dans l’illégalité).
L’atteinte peut porter sur soi-même, sur un tiers ou même sur un bien. Généralement, il s’agit dans tous
ces cas d’un danger physique, mais la jurisprudence admet la légitime défense même si le danger est simplement
moral. Dans cette hypothèse, il faut que celui-ci présente une certaine gravité.
Précisons que concernant la légitime défense des biens, cette atteinte doit nécessairement être un crime
ou un délit. La légitime défense contre un bien pour éviter une infraction contraventionnelle n’est pas retenue.
Si le danger a disparu, la légitime défense ne peut être retenue. Il en va de même lorsqu’il n’y a jamais
eu de danger, et que l’atteinte n’est que putative, c’est-à-dire qu’elle n’existe que dans l’esprit de son auteur.
* Une riposte concomitante ; la riposte doit être concomitante à l’atteinte, c’est-à-dire qu’elle doit avoir lieu
en même temps. A défaut, il s’agit d’un acte de vengeance et non d’un acte de défense. Il en va de même
concernant la légitime défense des biens, qui doit intervenir pour mettre fin à l’infraction et non après qu’elle ait
été consommée (affaire du bijoutier de Nice tirant dans le dos et tuant un des voleurs qui s’enfuyaient en moto,
en septembre 2013).
Cette condition de concomitance permet d’exclure, en principe, la légitime défense préventive.
Toutefois, si celle-ci est certaine, il est possible de préparer à l’avance sa défense.
68
* Une riposte nécessaire ; cette condition s’interprète différemment selon qu’il s’agit de la légitime défense des
biens ou des personnes : s’il s’agit de la légitime défense des personnes, la riposte doit être « commandée par
la nécessité » ; alors que pour la légitime défense des biens, elle doit avoir été rendue « strictement
nécessaire. »
* Une riposte proportionnée ; cette condition n’est pas remplie concernant celui qui, après avoir arrêté dans
leur fuite, en tirant sur eux, deux individus qui s’étaient introduits dans son jardin, les frappe à coup de crosse et
les attache à un arbre (Crim, 7 décembre 1999).
S’agissant de la protection de sa réputation une injure justifie, en riposte, une injure ou une diffamation.
Concernant la légitime défense des biens, la riposte doit être strictement nécessaire au but poursuivi. En
outre, un homicide volontaire ne peut jamais être admis comme un acte proportionné de défense d’un bien.
Toutefois, la jurisprudence a considéré comme pouvant être considéré être légitime l’emploi de pièges
déclenchés automatiquement par l’intrus (CA Reims, 9 novembre 1978, affaire du « transistor »).
Comme pour les autres causes d’irresponsabilité pénale, il appartient en principe à la personne
poursuivie de démontrer qu’elle a agi en état de légitime défense. Toutefois, l’article 122-6 CP prévoit deux cas
de présomption de légitime défense :
« Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :
1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »
Suite à une affaire médiatisée, a été évoquée durant la dernière campagne présidentielle la possibilité
d’édicter une nouvelle présomption de légitime défense dont pourraient bénéficier les policiers. Il semble
aujourd'hui que le gouvernement n’envisage finalement pas de modification du droit positif.
69
Thème n° 21 : L’état de nécessité
L’état de nécessité est prévu par l’article 122-7 CP qui dispose : « N'est pas pénalement responsable la
personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un
acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens
employés et la gravité de la menace. »
Précisons que si l’état de nécessité supprime la responsabilité pénale, la responsabilité civile demeure
(Crim, 27 décembre 1884). De même, comme toutes les causes d’irresponsabilité pénale, il appartient au
prévenu d’apporter la preuve que les conditions sont réunies, comme l’a dernièrement rappelé la Cour de
cassation (Crim, 14 mars 2012). En l’espèce, la prévenue a refusé de représenter leur fils au père de celui-ci.
Pour justifier ses agissements, elle a invoqué les violences qu’aurait commises le père de leur enfant commun.
N’ayant pas pu prouver cette allégation, l’état de nécessité a été écarté.
Malgré le silence de l’ancien code pénal, la jurisprudence avait admis cette cause d’irresponsabilité
pénale. Tout d’abord, elle avait rattaché l’état de nécessité à d’autres fondements, essentiellement la contrainte
et l’absence d’élément moral. Ainsi, dans l’affaire Ménard, une mère de famille avait été conduite, pour nourrir
son enfant malade et sous-alimenté, à voler un pain dans une boulangerie ; le « bon juge Magnaud » avait retenu
l’irresponsabilité pénale de la mère (TC de Château-Thierry, 4 mars 1898, Affaire Ménard, confirmé par la C.A
d’Amien le 22 avril 1898).
Ensuite, la jurisprudence des juridictions de fond a conféré à l’état de nécessité une autonomie et ce,
dans l’hypothèse très précise où les locaux vacants étaient occupés par des personnes mal logées et soumises
aux rigueurs de l’hiver (TC Colmar, 27 avril 1956).
Enfin, ce nouveau fait justificatif a été consacré par la chambre criminelle, dans son arrêt Lesage en
date du 28 juin 1958.
Désormais, le fait justificatif résulte de l’article 122-7 CP. Pourtant, il semble toujours que la
jurisprudence maintienne la cause jurisprudentielle d’état de nécessité en ne se référant pas à audit article tout en
écartant la responsabilité pénale en raison des mobiles de l’infraction.
La diffamation est définie par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse comme « toute allégation
ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération ». Face à la diffamation, un des
moyens de défense est l’exceptio veritatis (exception de vérité) qui permet à l’auteur des propos diffamatoires
d’apporter la preuve des faits imputés, sauf :
70
- lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne
- lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée, prescrite, ou qui a donné lieu à une
réhabilitation.
Initialement, le journaliste qui produisait des pièces couvertes par le secret de l’enquête et de
l’instruction pour prouver la vérité des propos diffamatoires était susceptible d’être poursuivi pour recel. Par la
suite et sous influence de la CEDH (CEDH, 21 janvier 1999, Fressoz c. France), la jurisprudence a considéré que
le journaliste ne pouvait être condamné pour recel de violation du secret de l’enquête et de l’instruction s’il
établit la vérité du fait diffamatoire en produisant la copie d’une pièce couverte par le secret dans la mesure où
cette production était rendue nécessaire par l’exercice des droits de la défense (Crim, 11 juin 2002,
Hebdomadaire l’Express). La CEDH va plus loin, et semble exiger qu’il soit impossible de poursuivre le
journaliste pour recel dès lors qu’il s’agit d’une question d’intérêt général, comme dans l’affaire des écoutes de
l’Elysée (CEDH, 7 juin 2007, Dupuis c. France).
Pour que l’état de nécessité soit retenu, il est nécessaire qu’il y ait un danger réel, actuel ou imminent et
que la riposte soit proportionnée.
Un danger réel ; le danger fondant l’état de nécessité peut être de plusieurs ordres : il peut menacer
l’auteur de l’infraction, un tiers, voire un bien ; tel fut le cas dans un arrêt récent de la Cour de cassation, qui
a retenu l’état de nécessité en cas de danger frappant un animal (Crim, 5 avril 2011, affaire des canards
appelants). En l’espèce, le prévenu avait tué un chien pour éviter qu’il ne vienne tuer ses canards appelants.
Généralement, il s’agit d’un danger physique, comme par exemple un danger menaçant la santé. Toutefois, le
danger peut également être moral, comme en cas de violation de domicile par un père en raison de « l’influence
néfaste d’une mère indigne qui entrainait l’enfant dans sa vie de débauche » (cas jurisprudentiel).
Un danger actuel ou imminent ; le danger susceptible de justifier la commission doit être actuel, c'est-à-
dire pas simplement éventuel. Le danger peut toutefois n’être qu’imminent, c'est-à-dire non encore constitué,
mais que sa survenance est inévitable.
Un élément important doit être souligné : l’état de nécessité ne peut être retenu lorsque le danger résulte
d’une faute antérieure du prévenu. Tel fut le cas dans l’affaire de l’ourse Cannelle (Crim, 1er juin 2010) : l’état
de nécessité ne peut être retenu concernant le chasseur qui tue une ourse au cours d’une partie de chasse alors
qu’il s’est placé lui-même dans une situation de danger par son comportement fautif antérieur.
71
Thème n° 22 : Les immunités
La distinction entre les causes de non-imputabilité (erreur de droit, trouble mental, contrainte) et les faits
justificatifs (ordre de la loi, légitime défense, état de nécessité, voire consentement de la victime) ne permet pas de traiter l’ensemble
des situations juridiques dans lesquelles un fait infractionnel ne peut entrainer la responsabilité pénale. Ainsi en
est-il des immunités. Celles-ci sont traitées dans certains manuels parmi les faits justificatifs, dans l’ordre ou
l’autorisation de la loi ou du règlement. Il est ainsi précisé qu’il s’agit de la qualité objective de la personne et
non sa qualité subjective. Dans d’autres manuels, les immunités sont traitées parmi les développements relatifs à
la peine. Ainsi, les immunités pourraient être considérées comme des causes d’exemption de la peine (B.
Bouloc).
L’immunité est une cause d’irresponsabilité pénale qui peut résulter soit de la qualité de l’auteur des
faits, soit des circonstances de l’infraction, soit des deux éléments à la fois.
La création d’une immunité relève de la compétence législative (D.C, 7 nov. 1989, Loi relative à
l’immunité parlementaire) dans la mesure où elle porte atteinte au principe d’égalité entre les citoyens.
Elles tiennent au lieu de parenté ou d’alliance entre l’auteur de l’acte et la personne qui en a subi le
préjudice. Le législateur a, pour certaines infractions, laissé le soin de régler aux familles leurs litiges en dehors
de la justice, en vertu de l’adage « le linge sale se lave en famille ». Ainsi en est-il :
° Certaines infractions qui portent atteinte à la justice ; il s’agit de la non-dénonciation de crime sauf en
ce qui concerne les crimes commis sur un mineur de moins de 1 an, le recel criminel et le défaut de témoignage
en faveur d’un innocent. Les personnes visées par le texte sont : les parents directs et leurs conjoints, les frères
et sœurs et leurs conjoints, le conjoint de l’auteur, et la personne vivant notoirement en situation maritale avec
lui.
° L’aide au séjour irrégulier d’un étranger, lorsque l’aide apportée est le fait des descendants ou de leurs
conjoints, des ascendants ou de leurs conjoints, et de leur compagnon (concubinage). Toutefois, l’immunité ne
concerne que les familles monogames. En effet, l’immunité ne s’applique pas lorsque « l’étranger bénéficiaire
de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne
polygame résidant en France avec le 1er conjoint ».
(9) En 2012, la Délégation aux victimes (DAV) a recensé 174 homicides volontaires, ou violences volontaires ayant entraîné la mort, commis par le
conjoint ou l’ex-conjoint de la victime, dont 148 femmes et 26 hommes.
72
B) Les immunités judiciaires
Elles couvrent les discours prononcés et les écrits produits devant les juridictions et leurs comptes
rendus par la presse qui ne peuvent donner lieu à aucune poursuite pour diffamation, injure ou outrage.
Précisons que l’immunité judiciaire prévue par la loi de 1881 sur la liberté de presse n’empêche pas la partie
diffamée d’obtenir réparation de son préjudice (Civ, 3ème, 3 mai 2012). Dans un autre arrêt, la Cour de cassation
a rappelé que l’immunité ne s’appliquait pas hors du prétoire (Civ, 1 ère, 5 avril 2012) ; en l’occurrence, l’avocat
avait déclaré aux journalistes, à l’issue de l’audience, « un jury blanc, exclusivement blanc ». La cour a estimé
que les propos poursuivis présentaient une connotation raciale jetant l’opprobre sur les jurés et la suspicion sur
leur probité.
Les immunités judiciaires protègent donc tout d’abord les intervenants au procès. Cela résulte de la
volonté de ne pas entraver les droits de la défense et le principe du contradictoire. Les immunités judiciaires
protègent également les journalistes qui font un compte rendu fidèle des débats judiciaires, conséquence de la
publicité des débats.
* L’immunité du président de la République ; Elle est prévue par les articles 67 et 68 de la Constitution.
En 1958, le président de la République était pénalement irresponsable pour les actes accomplis dans l’exercice
de ses fonctions, sauf en cas de haute trahison, auquel cas il relève de la compétence de la Haute Cour de justice
(privilège de juridiction). La « haute trahison » n’était toutefois pas définie et ne correspondait clairement à
aucune infraction en droit interne.
Pour les infractions commises hors de l’exercice de ses fonctions, le Conseil constitutionnel s’était prononcé
pour l’extension de cette immunité (D.C, 22 janvier 1999, C.P.I). Quant à la Cour de cassation, elle a considéré
que le chef de l’Etat pouvait être poursuivi à l’issue de son mandat devant les juridictions de droit commun, la
prescription de l’action publique étant suspendue durant tout l’exercice de son mandat (Ass. Plén., 10 octobre
2001, Breisacher). Il ne pouvait en aller différemment que pour les infractions relevant de la compétence de la
CPI (art. 53-2 C).
Désormais, suite à la révision constitutionnelle du 23 février 2007, le Président de la République ne
peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de
témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Par
ailleurs, les instances et procédures auxquelles il est fait obstacles peuvent être reprises ou engagées contre lui à
l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions. Le président ne peut plus être destitué qu’en
cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ; la sanction
étant la destitution, les constitutionnalistes en déduisent une responsabilité purement politique, rendant le
Président irresponsable pénalement.
A titre d’illustration, l’immunité du président de la République empêche une enquête sur l’affaire des
« sondages de l’Elysée » (CA Paris, 7 novembre 2011).
L’immunité du Président tend toutefois à se réduire ; au-delà du projet de loi constitutionnelle visant à
rapprocher le statut du chef de l’Etat de celui des justiciables ordinaires, la loi du 5 aout 2013 portant
adaptation de la justice aux exigences européennes a abrogé le délit d’offense au chef de l’Etat
(anciennement prévu par la loi du 29 juillet 1881). Cette abrogation tient compte de l’arrêt Eon c. France, rendu
par la C.E.D.H le 14 mars 2013. D’après le constitutionnaliste Olivier Beaud, « si le délit avait été créé pour
protéger le président symbole de la République, il avait permis, sous la Vème, trop d’atteintes à la liberté
d’expression pour perdurer ».
* L’immunité des chefs d’Etat étrangers ; une coutume pénale internationale prévoit l’irresponsabilité
pénale des Etats, de leurs organes et entités qui en sont l’émanation, ainsi que leurs agents pour les actes
relevant de sa souveraineté. La Cour de cassation semble toutefois considérer que cette immunité est cantonnée
aux seuls actes relevant de la souveraineté (Crim, 23 novembre 2004, Naufrage de l’Erika).
73
* L’immunité parlementaire ; elle concerne les opinions ou votes émis par les parlementaires dans
l’exercice de leurs fonctions. Limitée aux discours prononcés devant les Assemblées et aux rapports des
Assemblées, cette immunité est destinée à préserver la liberté d’expression.
* L’immunité concernant les commissions d’enquête parlementaire ; elle empêche les poursuites pour
diffamation, injure ou outrage en raison des propos tenus ou des écrits produits devant une commission
d’enquête et ce, sauf s’ils sont étrangers à l’objet de l’enquête.
* Les immunités diplomatiques ; ce sont des immunités générales accordées aux représentants des Etats
étrangers en France et réciproquement aux représentants de la France à l’étranger. Elles sont prévues pour le
droit international coutumier et consacrées par la Convention de Vienne de 1961. Leurs utilités est d’éviter les
pressions exercées contre les représentants d’un Etat.
Les immunités diplomatiques touchent les locaux et les personnes. Elles s’étendent également aux
membres de la famille, sauf s’ils sont ressortissants de l’Etat étranger ou s’ils y ont leur résidence permanente
(ex : la femme d’un diplomate italien est française), ainsi qu’aux membres du personnel de service. Cette
immunité couvre également les actes accomplis avant l’entrée en fonction de l’agent diplomatique.
* L’immunité consulaire ;
L’immunité est d’ordre public et doit être soulevée d’office par le juge. Elle s’oppose à l’exercice des
poursuites.
En principe, elle entraine l’irresponsabilité civile et pénale, et ne s’étend aux coauteurs ou complice
que pour les immunités judiciaires et parlementaires. Quant à l’immunité familiale couvrant les infractions
relatives au patrimoine, le complice est couvert par l’immunité alors que le coauteur est responsable pénalement
(Ch. Réunies, 25 mars 1845).
*****
Actualité :
A été promulguée le 11 octobre 2013 la loi relative à la transparence de la vie publique « afin de préserver le
lien de confiance entre le peuple et ses représentants ». Le texte, qui s’adresse aux « membres du
gouvernement, aux personnes titulaires d’un mandat électif local et à celles chargées d’une mission de service
public » sanctionne les conflits d’intérêts.
Est créée une nouvelle A.A.I chargée notamment de contrôler les variations des patrimoines des personnes
concernées : la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Celle-ci, lorsqu’elle a connaissance de
l’exercice d’une activité incompatible avec le mandat de la personne soupçonnée, dresse un rapport publié au
JO, rapport qu’elle a obligation de transmettre au procureur de la République.
74
Thème n° 23 : Le consentement de la victime
Accroche : En septembre 1582, la foule parisienne délivra un jeune homme condamné à être pendu pour avoir
mis enceinte la fille du président de la chambre des comptes, M. Bailly. La révolte portait contre le prononcé de
la sentence de mort, alors même que la victime avait été consentante.
Le consentement de la victime n’est pas consacré par le Code pénal comme cause d’irresponsabilité
pénale. En effet, le droit pénal protège l’intérêt général et non des intérêts particuliers. Le consentement de la
victime est donc, en principe, indifférent, comme l’illustre l’affaire des stérilisés de Bordeaux, dans laquelle
un médecin avait pratiqué des stérilisations sur ses patients à leur demande et sans nécessité thérapeutique
(Crim, 1er juillet 1937). Cette non-prise en compte du consentement trouve sa source dans les grands principes
régissant le droit pénal et le droit civil :
- origine pénale de l’absence d’influence du consentement de la victime : par principe, la violation de la loi
pénale cause un préjudice à l’ensemble de la société. C’est l’une des raisons qui explique que la victime fut,
pendant longtemps, « la grande oubliée du procès pénal ».
- origine civile de l’absence d’influence du consentement de la victime : existe en droit civil le principe
d’indisponibilité du corps humain. Le consentement de la victime, en cas d’infraction contre sa personne, est
inopérant.
Ce n’est donc que de façon exceptionnelle que le consentement de la victime a une influence sur la
responsabilité pénale.
La poursuite de quelques rares infractions suppose une plainte préalable de la victime, celle-ci
manifestant par là même son désaccord à l’infraction. Ainsi, en matière d’atteintes à la vie privée, selon l’article
226-6 CP : « […] l’action publique ne peut être exercée que sur plainte de la victime, de son représentant légal
ou de ses ayants droits ».
Il en est de même pour les infractions commises par voie de presse (loi du 29 juillet 1881).
La chambre criminelle a récemment pu appliquer l’article 226-6 CP, dans un arrêt du 16 février 2010,
« Mustapha et France 3 Picardie » : pour que le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée puisse être poursuivi,
il est nécessaire que les personnes concernées consentent aux poursuites.
Par ailleurs, certaines incriminations supposent l’absence de consentement de la victime. Tel est le cas
notamment : des infractions sexuelles commises sur majeurs ; des infractions portants atteintes aux droits
de la personnalité (ex : photo dans un lieu privé) ; des infractions contre la liberté (ex : séquestration) ; et de
certaines infractions en droit de la presse (ex : publication d’un sondage sur la culpabilité d’une personne
mise en cause à l'occasion d’un procès).
Dans ces hypothèses, le consentement doit nécessairement être antérieur ou concomitant à l’infraction.
Il doit également être véritable.
Bien que le consentement ne soit pas une cause d’irresponsabilité pénale, la jurisprudence a parfois
reconnu qu’il s’agissait d’un fait justificatif pour certaines infractions contre les personnes et les biens, portant
donc sur une valeur disponible. Il en a été décidé ainsi concernant le vol car si la chose a été remise en
connaissance de cause, la soustraction n’est alors pas frauduleuse. Il en a également été décidé ainsi concernant
le délit de tromperie qui n’est pas constitué si l’acheteur connait la nature véritable du produit.
75
§4. Le consentement à la mort
§5. Vers une reconnaissance du consentement comme fait justificatif imposé par la Cour européenne des
droits de l’homme ?
Après avoir estimé qu’en cas de pratiques sadomasochistes, le fait pour un Etat de ne pas tenir compte
du consentement de la victime n’était pas contraire à l’article 8 CESDH (CEDH, 19 février 1997, Brown c. RU),
la Cour européenne a fait évoluer sa jurisprudence. Désormais, elle considère que le principe d’autonomie
personnelle, tel que résultant de l’article 8 CESDH doit permettre d’admettre de telles pratiques si les règles de
l’art sont respectées (CEDH, 17 février 2005, K.A et A.D c. Belgique). Un des principaux arguments présentés
à la Cour par les requérants réside dans le consentement de la victime aux pratiques. Pourtant, ils n’ont pas
arrêté lorsque la victime demandait « stop »…
Selon la Cour, le « droit d’entretenir des relations sexuelles découle du droit de disposer de son corps,
partie intégrante de la notion d’autonomie personnelle ». Par la suite un principe est affirmé : « le droit pénal
ne peut, en principe, intervenir dans le domaine des pratiques sexuelles consenties qui relèvent du libre
arbitre des individus. Il faut dès lors qu’il existe des ‘’raisons particulièrement graves’’ pour que soit justifiée
une ingérence des pouvoirs publics dans le domaine de la sexualité ».
Il semble que le droit interne n’ait pas été influencé par cette décision de la CEDH (Crim, 2 décembre
2009, Film « Marie »).
76
Dissertation : « Le consentement en droit pénal »
En septembre 1582, la foule parisienne délivra un jeune homme condamné à être pendu pour avoir mis
enceinte la fille du président de la Chambre des comptes, M. Bailly. La culpabilité du délinquant était remise en
cause en raison du consentement de la victime, élément non pris en compte par les magistrats auteurs de la
sentence.
Le consentement est a priori une notion de droit civil et se définit comme une manifestation positive de
volonté au soutien d’une action ou d’un acte.
La notion de consentement en droit pénal n’est pas nouvelle : le droit pénal romain le reconnaissait à
travers l’adage « volenti non fit injuria » (il ne peut être fait de tort à celui qui consent), renvoyant au
consentement de la victime. En droit pénal contemporain, cette maxime ne tend plus à s’appliquer, étant
considéré qu’une violation de la loi pénale préjudicie à l’ensemble de la société, et non uniquement à la victime.
Cependant, le droit pénal actuel s’interroge sur la place du consentement, en illustre le mouvement de
contractualisation entre les autorités de poursuite et le délinquant via les mesures alternatives aux poursuites, qui
nécessitent le consentement du prévenu. En principe, le consentement du condamné étant inopérant,
l’imposition de la peine se faisant de manière unilatérale.
Le consentement tend-il à devenir un critère objectif pris en considération par le juge pénal ?
Transition : la sanction sera davantage personnalisée via une prise en compte accrue du consentement de la
victime, susceptible d’atténuer la peine, voire d’exonérer pénalement l’auteur de l’infraction.
77
Thème n° 23.bis : Le secret en droit pénal
Au lendemain de la Révolution, le secret revêtait un caractère absolu, en atteste les lourdes peines
encourues en cas de violation, comme la dégradation civique. Deux siècles plus tard, au temps de la liberté
d’expression et du droit à l’information, cet absolutisme semble s’être érodé, rejoignant la pensée de
Tocqueville qui décrivait le secret pénal comme « une règle rigide, une pratique molle ».
Le secret est entendu comme un ensemble de connaissances, d’informations réservées à quelqu’un que
le détenteur ne doit pas révéler. Son étymologie latine « secretus » évoque le fait de séparer, mettre à part ou
réserver. Il touche directement à la sphère de l’intimité.
Le secret fait depuis longtemps partie des fondements du droit pénal et plus spécifiquement de la
procédure pénale. En effet, les principes propres du modèle dit « inquisitoire », qui a longtemps dominé le
système judiciaire français, se sont pour partie inspirés d’une culture affirmée du secret garantissant une certaine
opacité dans l’édiction et l’exécution de la répression pénale. La justification de ce système repose sur une
double protection. La protection de la sphère privée d’abord, liée au respect de l’intimité, la confiance, la
dignité, illustrée notamment par la présomption d’innocence. Puis la protection d’intérêts publics afin de
garantir les intérêts de l’Etat et l’efficacité de la répression pénale. L’ensemble a donc favorisé la création d’un
corpus juridique conséquent soutenant le respect du secret dans notre droit pénal.
Toutefois, l’évolution contemporaine de la procédure pénale s’inscrit désormais vers l’adoption de
principes nouveaux propres au système dit « accusatoire », délaissant cette culture du secret. En témoigne la
réforme de la garde à vue accroissant l’intervention de l’avocat ou l’adoption de la loi sur le secret des sources
des journalistes réduisant les possibilités de poursuites du chef de violation du secret de l’instruction.
L’illustration la plus marquante est celle opposant le secret de l’instruction à la liberté d’expression. L’origine
de ce conflit s’est manifestée lors de l’arrêt Goodwin, rendu par la CEDH le 27 mars 1996, qui a consacré le
droit des journalistes à la protection du secret de leurs sources au soutien de l’article 10 CESDH consacrant la
liberté d’expression. S’en suivit une opposition jurisprudentielle forte entre la Cour de Strasbourg et la chambre
criminelle de la Cour de cassation, érigeant pour la 1ère fois le droit des journalistes de taire leurs sources en
véritable attribut du droit à l’information et affirmant pour la 2 nde que le secret de l’instruction a vocation à
préserver la présomption d’innocence.
Au regard de la complexité de ces oppositions, il est intéressant d’évaluer dans quelle mesure le droit
pénal a pu appréhender la notion de secret et concilier ces intérêts contradictoires.
Dès lors, si par nature le droit pénal se doit de garantir la protection du secret touchant tant les personnes
que des intérêts publics supérieurs (I), son évolution contemporaine a permis de redéfinir certaines de ses
priorités notamment en organisant la divulgation de certains secrets par autorisation ou consentement (II).
1/ Les infractions commises par tous : le législateur a créé un corpus juridique d’infractions vouées à
protéger les atteintes à la vie privée [art. 226-1 CP (10) et suivants]. Ces dispositions visent tantôt les actes
tendant à obtenir de façon illicite l’image ou la parole d’autrui, tantôt à les utiliser illicitement.
Par exemple : le délit de divulgation de données à caractère personnelle (226-22 CP) ; la répression des atteintes
au secret des correspondances (art. 432-9 CP) ; ou encore la répression du délit d’initié par le droit pénal des
affaires.
2. Les infractions commises par les professionnels : il s’agit essentiellement de la protection du secret
professionnel, dont la violation est punie à l’article 226-13 CP (11). Les professionnels concernés ont été listés
(10) Art. 226-1 al. 1 : « Est puni (…) le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui »
78
par la doctrine (ex : avocat, magistrat, banquier, médecin). Le secret peut être absolu (opposable à tous) ou
relatif (peut être révélé à certaines institutions).
Exemple : la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes : désormais, le
« secret des sources est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public » et il ne peut être porté
atteinte au secret des sources que si un impératif d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont
strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.
1/ La protection d’enjeux nationaux ou sociaux : il est fait référence à la défense nationale du pays, entrant dans
le champ du secret absolu. L’infraction d’atteinte au secret-défense [art. 413-9 CP (12) et suivants].
D’un niveau moindre, la protection du secret peut s’inscrire dans une visée plus sociale et préventive
Ex : la pratique de l’audience à « huis clos », qui protège la personne poursuivie, mais également prévient
parfois un danger pour l’ordre ou les mœurs (en cas d’agression sexuelle aggravée par exemple).
2. La garantie de l’efficacité de la justice et le secret de l’enquête ou de l’instruction : l’article 11 CPP (13) pose
le principe du secret de l’instruction. Héritage de la procédure inquisitoire, cette règle trouve aujourd'hui sa
justification dans le respect de la présomption d’innocence.
Cette infraction trouve sa particularité de ne pouvoir être commise que par les seules personnes
professionnelles qui concourent à la procédure (magistrats, greffiers, experts, policiers…). Les tiers auxquels le
secret serait divulgué sont susceptibles d’être poursuivis du chef de recel de violation du secret de l’instruction.
Les avocats sont dans une situation particulière : ils ne sont pas soumis au secret de l’instruction, mais
au secret professionnel.
Toutefois, la loi et la jurisprudence participent à l’affaiblissement du secret en droit pénal. Par exemple :
le secret professionnel ne couvre que les informations qu’un avocat détient au titre de « son état ou de sa
profession » (Crim, 2 mars 2010, Trafic d’œuvres d’art à Château Cazelles) ; loi du 4 janvier 2010 relative à la
protection du secret des sources des journalistes, au nom du droit à l’information et au détriment de la protection
du secret. Cette évolution consolide le mouvement tendant à favoriser la divulgation du secret.
1/ La divulgation autorisée : toute personne tenue au secret n’est pas automatiquement punie en cas de
divulgation. C’est l’admission du principe d’irresponsabilité pénale pour cause d’autorisation de la loi (122-4
CP). Par exemple : si les délits de non-dénonciation ne peuvent être reprochés aux personnes astreinte au secret,
un médecin est autorisé à divulguer une information de mauvais traitement sur un enfant, en vertu de l’art. 226-
14 CP : « L'art. 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. »
Autre exemple : un « droit de communication » du parquet a été instauré par la loi du 15 juin 2000 (art. 11
CPP), afin qu’il puisse clarifier certaines enquêtes pour éviter la propagation d’informations inexactes et/ou
d’éviter un trouble à l’ordre public.
Dernièrement, la loi du 5 août 2013 portant adaptation de la justice aux exigences européennes a
reconnu la possibilité de méconnaitre le secret de l’enquête et de l’instruction en cas d’évasion d’un suspect : le
procureur doit informer sans délai la victime lorsque cette évasion est susceptible de lui faire courir un risque.
(11) Art. 226-13 : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en
raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie (…) »
(12) Art. 413-9 CP : « Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents,
informations (…) intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès.
Peuvent faire l'objet de telles mesures les [informations] dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou
pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale. (…) »
(13) Art. 11 CPP : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de
l'instruction est secrète.
Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du
code pénal. (…) »
79
2/ La divulgation obligatoire : différents textes posent une obligation de dénoncer, les infractions de non-
dénonciations incitant à révéler le secret. L’exemple le plus connu est l’article 40 CPP et l’obligation légale de
dénonciation pesant sur tout fonctionnaire. Peut être cité comme autre l’exemple l’obligation de témoigner en
faveur d’un innocent (art. 343-11 CP).
La divulgation obligatoire peut aussi toucher les personnes tenues au secret : obligation pour le médecin
de révéler certaines maladies contagieuses (art. L. 3113 CSP) ; ou encore des accouchements (art. 56 C. civil).
De même, le banquier doit déclarer les opérations de blanchiments d’argent d’origine délictueuse (Code
monétaire et financier). Enfin, la divulgation est imposée à l’occasion d’investigations policières ou judiciaires.
En cas de perquisitions et de saisies, sous la réserve des précautions visant à protéger le secret professionnel,
tout document ou objet est saisissable (art. 56 et suivants CPP).
1. L’intérêt ou le consentement du déposant : le secret n’est pas opposable à l’intéressé lui-même qui a droit à
communication de tous les éléments d’information qui le concernent. Plusieurs lois ont facilité l’exercice de ce
droit, notamment en facilitant l’accès aux documents administratifs (loi de 1978 créant la C.A.D.A, commission
d’accès aux documents administratifs).
Il en est ainsi tout spécialement du secret professionnel. Dernière loi en date : celle du 4 mars 2002
relative au droit des malades, qui dispose que « toute personne a le droit d’être informé sur son état de santé »
(Code de la santé publique).
2/ L’intérêt du dépositaire : initialement, le seul intérêt du dépositaire du secret ne pouvait justifier la révélation.
Puis les juges ont été amenés de plus en plus à se prononcer sur la possibilité pour le professionnel de
s’affranchir du secret, en l’absence de dispositions législatives l’y autorisant ;
Aujourd'hui, la jurisprudence se fonde généralement sur l’article 122-7 CP relatif à l’état de nécessité
pour déclarer l’individu pénalement irresponsable. Ainsi par exemple, le juge pénal a admis la violation du
secret professionnel auquel est soumis le médecin lorsqu’il s’agit pour lui de se défendre dans le cadre d’une
instance judiciaire (C.A Douai, 26 octobre 1951 ; confirmé par Crim, 29 mai 1989). Le juge a considéré que le
médecin se trouvait face à un danger actuel ou imminent (une sanction pénale) qui menaçait elle-même, et que
l’acte accomplit nécessaire à la sauvegarde de sa personne (la violation du secret professionnel pour assurer sa
défense) n’était pas disproportionnée par rapport à la gravité de la menace.
Le même principe conduit à la solution inverse dès lors qu’il n’est pas démontré que la violation était nécessaire
à l’exercice des droits de la défense (Crim, 28 octobre 2008).
Enfin, peut être cité comme exemple l’exceptio veratis, moyen de défense du journaliste face à la
diffamation, qui permet à l’auteur des propos portant atteinte à la réputation d’apporter la preuve des faits
imputés (art. 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse). Initialement, le champ de l’exceptio veratis
était limité : le journaliste qui produisait des pièces couvertes par le secret de l’enquête et de l’instruction pour
prouver la vérité des propos diffamatoires était susceptible d’être poursuivi pour recel. Puis, sous influence de la
CEDH (1999, Fressoz c. France), la jurisprudence a apporté une dérogation à l’article 434-7-2 CP : le journaliste
ne peut être condamné pour recel de violation de secret de l’enquête et de l’instruction s’il établit la vérité du
fait diffamatoire en produisant la copie d’une pièce couverte par le secret dans la mesure où cette production
était rendue nécessaire par l’exercice des droits de la défense (Crim, 11 juin 2002, Hebdomadaire l’Express). La
loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes a consacré cette disposition.
Ouverture : Une exigence nouvelle s’impose au juge, celle de vérifier que les exceptions au secret restent
respectueuses des limites que la loi a entendu leur donner. Certains auteurs parlent à l’occasion d’un « devoir de
précaution », qui invite à vérifier que les croissantes exceptions au secret, prévues par la loi, sont mises en
œuvre avec discernement.
80
Thème n° 24 : Les peines encourues
« Vous entrez en prison avec un CAP de voleur, vous sortez avec un mastère de criminologie » déclarait
un condamné lors de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, qui s’est déroulée en février
2013, à Paris. Dominante en France depuis deux siècles, la prison n’empêche pas la récidive, voire l’encourage,
allant à contrecourant du but recherché par le juge, auteur du prononcé de la sentence. Devenue peine centrale
dans la société contemporaine française, la prison n’est pourtant pas la seule peine prévue par le Code pénal.
Montesquieu, dans De l’esprit des lois, souligne l’importance d’une juste proportion des peines avec le
crime. L’essentiel est d’éviter « plutôt un grand crime qu’un moindre ». Ainsi, « à la Chine les voleurs cruels
étaient coupés en morceaux, les autres non : cette différence fait que l’on y vole, mais on n’y assassine pas. En
Moscovie, où la peine des voleurs et celles des assassins sont les mêmes, on assassine toujours. Les morts, y dit-
on, ne racontent rien. » Il est visible, au regard de ces illustrations, qu’il faut que les peines encourues diffèrent
selon la gravité de l’infraction. Il en va de la sûreté publique.
Les hommes se sont toujours montrés très imaginatifs lorsqu’il s’agissait d’inventer une peine ; en
illustre la peine de la course, usitée dans le Midi médiéval et abandonnée au XIII ème siècle : le couple adultère
courait entièrement nu dans la rue, la femme tenant en laisse le sexe de l’homme. Aujourd'hui, évolution des
mœurs oblige, la peine de prison a remplacé les peines corporelles, inhumaines et dégradantes. A partir du
XIXème siècle, elle s’est progressivement imposée comme la peine centrale dans la société contemporaine
française.
Quel est le but poursuivi par la peine ? Vengeance, rétribution, dissuasion et réhabilitation. Le juge
pénal dispose-t-il d’une marge de manœuvre suffisante pour parvenir à poursuivre ces 4 objectifs
simultanément ?
Les peines prévues par le Code pénal peuvent être regroupées autour de différentes classifications. Nous
en retiendrons deux : en fonction de leur rapport entre elles (§1) et en fonction de leur gravité (§2).
La peine principale est la peine prévue, à titre essentiel, par le texte d’incrimination
La peine accessoire est celle qui s’ajoute à la peine principale de manière automatique. Ce type de
peine n’existerait plus ; en effet, l’article 132-17 CP prévoit « qu’aucune peine ne peut être appliquée si la
juridiction ne l’a expressément prononcée », appuyé par le Conseil constitutionnel qui considère que les peines
accessoires seraient contraires à l’article 8 DDHC (D.C, 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-
Calédonie). La pratique diffère de la théorie dès lors qu’il existe encore aujourd'hui des peines accessoires, telle
l’annulation automatique du permis de conduire en cas de perte de points, ou encore l’impossibilité d’exercer
certains métiers après avoir fait l’objet d’une condamnation pour un crime ou un délit (enseignant, policier).
La peine complémentaire ne s’ajoute à la peine principale que si le juge le décide ; ce type de peine
offre au magistrat une palette élargie de sanctions afin de personnaliser davantage la peine.
§2. Les peines prévues par la loi, classées en fonction de leur gravité
Avant de procéder à un inventaire en règle des peines existantes, il convient de rappeler que certaines
ont disparu de l’arsenal répressif. Il s’agit de la peine de mort et des peines ou traitements inhumains ou
dégradants.
Dans le Code pénal de 1810, la peine la plus forte était la peine de mort. La période libérale qui s’est
ouverte à partir de la Restauration a conduit à sa disparition progressive. Ainsi, la Constitution de la IIème
République de 1848 a aboli la peine de mort en matière politique, et l’a remplacé par la déportation perpétuelle.
Il faudra attendre la loi du 9 octobre 1981 pour que l’abolition totale de la peine de mort soit proclamée en droit
interne. Dans la pratique, cette peine était de moins en moins prononcée ; le dernier condamné à mort est
Hamida Djandoubi, exécuté par décapitation le 10 septembre 1977.
81
Cette abolition est désormais inscrite à l’article 66-1 de la Constitution, et ce depuis la révision
constitutionnelle du 23 février 2007. Certains affirment qu’elle n’a pourtant pas disparu : la dissolution existe à
l’encontre des personnes morales, ce qui s’apparente à une forme de peine de mort.
De même, le « Code de fer » de 1810 prévoyait des peines afflictives et infamantes : la déportation, les
travaux forcés etc. Leur disparition se fera de manière progressive. Peut être citée la loi du 28 avril 1832 qui a
supprimé l’amputation du poing, la peine du carcan et la marque au fer rouge. La transportation a elle été
supprimée en 1938 : à compter de cette date, les peines de travaux forcés étaient exécutées dans des
établissements pénitentiaires situés sur le territoire métropolitain. Enfin, une ordonnance du 4 juin 1960 a
supprimé les peines de travaux forcés ainsi que la déportation.
Les peines ou traitements inhumains ou dégradants ont aujourd'hui disparu. Il ne fait nul doute qu’ils
contreviendraient aux dispositions de l’article 3 CESDH (14).
S’agissant des crimes, tous encourent une peine principale de réclusion criminelle, qui n’exclue pas
une éventuelle peine complémentaire (art. 131-2 CP : « Les peines de réclusion criminelle ne sont pas
exclusives d'une peine d'amende et d'une ou de plusieurs des peines complémentaires prévues à l'article 131-
10 »). Toutefois, cette dernière ne peut se substituer à la peine principale.
Il en va différemment des délits : les peines complémentaires éventuellement encourues peuvent être
prononcées à titre de peine principale (art. 131-11 CP) ; elles constituent donc une véritable alternative à
l’emprisonnement.
Les peines criminelles encourues par les personnes physiques sont exclusivement des peines de
réclusion criminelle, d’un plafond minimum de 10 ans, jusqu’à la perpétuité (art. 131-1 CP).
Les délits peuvent prévoir l’emprisonnement pour une durée comprise entre 2 mois et 10 ans.
Dans la réalité, ces peines privatives de liberté ne sont que rarement effectuées dans leur totalité.
La peine privative de liberté est parfois assortie d’une période de sûreté durant laquelle la peine ne peut
être aménagée (art. 132-23 CP). Cette période équivaut à la moitié de la peine prononcée ou de dix-huit ans en
cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité. La cour d'assises ou le tribunal peut toutefois, par
décision spéciale, soit porter ces durées jusqu'aux 2/3 de la peine ou, s'il s'agit d'une condamnation à la réclusion
criminelle à perpétuité, jusqu'à 22 ans, soit décider de réduire ces durées.
Dans un mouvement de durcissement du droit pénal, la loi du 1er février 1994 instituant une peine
incompressible a instauré « la perpétuité réelle » pour des infractions particulièrement graves. Concrètement, la
Cour d’assises peut ordonner cette mesure quand elle prononce la peine de réclusion perpétuelle, mais
seulement contre un accusé déclaré coupable de meurtre ou d’assassinat sur un mineur de moins de quinze ans
et que le meurtre ou l’assassinat a été accompagné d’un viol ou de torture ou actes de barbarie. Toutefois, le
CPP prévoit qu’au bout de 30 ans d’exécution de la peine, le juge d’application des peines peut mettre fin à
l’exécution de la décision.
La loi du 17 juin 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs a créé la peine de
suivi socio-judiciaire emportant pour le condamné l’obligation de se soumettre, pendant une durée déterminée,
à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive. Comme pour la « perpétuité
réelle », le suivi sociojudiciaire ne concerne que des crimes graves : les crimes sexuels, les tortures et actes de
barbarie, les meurtres et assassinats aggravés, les crimes de séquestration etc. Les condamnés exécutent leur
peine dans des établissements pénitentiaires permettant d’assurer un suivi médical et psychologique adapté.
(14) Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
82
Peut être citée comme autre peine privative de liberté la surveillance électronique mobile. Comme il
s’agit d’une mesure particulièrement sévère, le placement sous surveillance ne peut être ordonné qu’à l’encontre
d’une personne majeure condamnée à une peine privative de liberté d’au moins sept ans ; ou alors en cas de
crime ou de délit commis en état de récidive, puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement. De plus, une
expertise médicale doit avoir constaté la dangerosité du délinquant. Pour finir, le condamné doit consentir à la
mesure.
La loi du 25 février 2008, dite « loi Dati », relative à la rétention de sûreté et à la déclaration
d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental instaure deux nouvelles mesures privatives de liberté : la
rétention (15) et la surveillance de sûreté.
La surveillance de sûreté est susceptible d’être prononcée soit à la place de la rétention, soit à l’issue de
celle-ci pour en prolonger certains effets.
La rétention de sûreté est le placement d’une personne « en centre socio-médico-judiciaire de sûreté
dans lequel lui est proposé, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique ».
Précisons que cette mesure est rétroactive dans la mesure où « la rétention de sûreté n’est ni une peine, ni une
sanction ayant le caractère de punition » (D.C, 21 février 2008).
La mesure ne peut être appliquée qu’aux personnes dont il est établi, à l’issu d’un réexamen de leur
situation intervenant à la fin de l’exécution de leur peine, qu’elles présentent une particulière dangerosité
caractérisée par une probabilité élevée de récidive. On en conclut que la mesure prononcée présente un
caractère exceptionnel. D’autant plus exceptionnel qu’il ne peut s’agir que d’une personne condamnée à une
peine de réclusion criminelle d’au moins 15 ans pour un crime commis sur une victime mineure, d’assassinat ou
de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d’enlèvement ou de séquestration. Il en est de même pour les
crimes commis sur une victime majeure, si les infractions ont été commises avec aggravation.
La rétention de sûreté est valable pour une durée d’un an, renouvelable et modulable.
Au vu des conditions qui entourent la mesure (toutes n’ont pas été citées), la rétention de sûreté doit,
pour être prononcée, constituer l’unique moyen de prévenir la commission d’une infraction dont la
probabilité est très élevée. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Dati, et jusqu’à compter du 1er mars 2014, seules
4 personnes fait l’objet d’une telle mesure.
Dans un avis publié au J.O le 25 février 2014, le contrôleur général des lieux de privation de liberté,
Jean-Marie Delarue déplore les bases juridiques « hasardeuses et incertaines » de la rétention de sûreté,
notamment le critère de la ‘’dangerosité’’. Est également critiquée l’absence de prise en charge des personnes
retenues.
Elles sont au nombre de trois : le TIG, l’interdiction de présence sur le territoire et l’interdiction de séjour.
1/ Le travail d’intérêt général (art. 131-8 CP) : il n’est applicable qu’en matière correctionnelle si le délit est
puni d’une peine d’emprisonnement. Dans ce cas, la juridiction peut prescrire à la place de l’emprisonnement
l’accomplissement, pour une durée de 20 à 210h, un travail d’intérêt général au profit d’une personne morale de
droit public, d’une personne morale de droit privée en charge d’une mission d’intérêt général ou d’une
association. Le prévenu doit accepter la mesure et être présent à l’audience.
2/ L’interdiction de présence sur le territoire français (art. 131-30 CP) : elle peut être prononcée à titre
définitif ou pour une durée de 10 ans maximum, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un
délit. L’interdiction entraine de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à
l’expiration de sa peine privative de liberté. Par ailleurs, la décision doit être spécialement motivée en matière
correctionnelle afin de tenir compte de la situation personnelle et familiale du condamné.
83
3/ L’interdiction de séjour (art. 131-31 CP) : elle emporte défense de paraitre dans certains lieux déterminés
par la juridiction. Elle ne peut excéder 10 ans pour un crime et 5 ans pour un délit.
Article 131-10 CP : « Lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de
plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction (…) retrait
d'un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou confiscation d'un objet, confiscation
d'un animal, fermeture d'un établissement … ».
En vertu de l’article 131-6 CP, « lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la
juridiction peut prononcer, à la place de l'emprisonnement, une ou plusieurs des peines privatives ou
restrictives de liberté suivantes : … ». Parmi la liste de 15 peines peuvent être citées pour illustration : la
suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ; l'annulation du permis de conduire ; le
retrait du permis de chasser ; la confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ; l'interdiction
d'exercer une activité professionnelle ; l'interdiction de paraître dans certains lieux ; ou encore l'interdiction
d'entrer en relation avec certaines personnes ;
Précisons que la confiscation de(s) bien(s) en relation avec l’infraction est obligatoire pour les objets
qualifiés, par la loi ou le règlement, de dangereux ou nuisibles, comme les armes de poing ou les stupéfiants.
Ces peines, listées à l’article 131-14 CP, ne sont applicables qu’aux contraventions de 5ème classe.
Moins longues que celles listées à l’article 131-6 CP, il peut s’agir par exemple : la suspension, pour une durée
d'un an au plus, du permis de conduire ; l’interdiction de détenir une arme ; la confiscation de la chose qui a
servi à commettre l’infraction ; l’obligation d’accomplir à ses frais un stage de sensibilisation à la sécurité
routière ; un stage de citoyenneté ; un stage de responsabilité parentale.
Le stage de citoyenneté n’est applicable qu’aux délits punis d’emprisonnement. Le stage a pour objet de
rappeler au condamné les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles
est fondée la société.
L’amende est la peine pécuniaire la plus fréquente. A défaut de payer, la contrainte de corps est
applicable : il s’agit de la faculté d’incarcérer le condamné solvable refusant de payer pour faire pression sur lui.
S’agissant des contraventions, celles-ci sont classées en 5 classes, dont le montant de l’amende ne peut
pas excéder 3 000€ : 38€ au plus pour les contraventions de 1ère classe (x2 en cas de récidive) ; 150€ pour celles
de 2ème classe (x2 en cas de récidive) ; 450€ pour celles de 3ème classe (x2 en cas de récidive) ; 750€ pour celles
de 4ème classe (x2 en cas de récidive) ; et 1 500€ pour celles de 5ème classe (x2 en cas de récidive).
84
G. Les peines applicables aux personnes morales
* les peines criminelles ou correctionnelles : lorsqu’il s’agit d’un crime ne comportant pas de peine d’amende,
celle-ci sera d’1 Million d’euros. En revanche, lorsque l’infraction est punie d’une peine d’amende, celle
applicable à la personne morale sera quintuplée par rapport à celle applicable à la personne physique. Les
autres peines énumérées sont :
- la dissolution : cette peine très grave (équivalente à la peine de mort) est encourue lorsque la personne
morale a été créée pour commettre l’infraction, ou a détourné son objet à cette fin. A noter que cette peine
est encore plus limitée car elle n’est pas applicable aux personnes morales de droit public, aux partis et
groupement politiques, aux syndicats et aux institutions représentatives du personnel
- l’interdiction (définitive ou non) d’exercer une activité professionnelle ou sociale
- le placement sous surveillance judiciaire. Cette peine non plus n’est pas applicable à tous (syndicats,
partis politiques, personnes morales de droit public)
- fermeture, définitive ou non, d’un ou plusieurs établissements
- exclusion des marchés publics
- ce peut aussi être la confiscation d’une chose, l’interdiction d’émettre des chèques etc.
* les peines contraventionnelles : elles ressemblent à celle infligées aux personnes physiques. On retrouve
donc l’amende, classée en 5 classes et quintuplée par rapport à celle prononcée à l’encontre d’une personne
physique ; la sanction-réparation etc.
*****
Actualité :
- La Garde des sceaux C. Taubira a installé le 31 mars 2014 la Commission de refonte du droit des peines,
présidée par Bruno Cotte, ancien président de la chambre criminelle de la cour de cassation et Président de
Chambre à la Cour pénale internationale. La commission de refonte du droit des peines a pour mission
d’examiner les questions techniques et des questions de fond (mesures de sûreté par exemple), ainsi que
d’examiner les pistes pour réformer le droit de l’application et de l’exécution des peines, dans un souci de
simplification, de lisibilité et d’accessibilité.
- Promulgation, le 15 août 2014, de la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité
des sanctions pénales. De quoi s'agit-il ?
La loi vise à réformer la politique de prévention de la récidive en diminuant le nombre de victimes tout en
garantissant la réinsertion des personnes condamnées.
La loi crée une nouvelle peine : la contrainte pénale. C’est une peine en milieu ouvert qui s’accompagnera
d’obligations et d’interdictions pour la personne condamnée. Elle s’appliquera aux personnes majeures, auteurs
de délits pour lesquels la peine maximale est inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement. La durée de la
contrainte pénale sera comprise entre six mois et cinq ans. La contrainte pénale comportera des obligations et
des interdictions que la personne condamnée sera tenue de respecter : obligation de réparer le préjudice causé,
interdiction de rencontrer la victime, obligation de formation ou de travail, obligation de respecter une
injonction de soins, etc. Le Sénat, en première lecture, a fait de la contrainte pénale la peine principale pour une
liste de délits. L’évolution de la personne condamnée sera régulièrement évaluée afin de modifier
éventuellement ses obligations. En cas de non-respect de celles-ci ou de nouvelle condamnation, la personne
condamnée pourra être emprisonnée pour une durée égale à la moitié de la contrainte prononcée.
Le texte vise également à préciser le régime de l’exécution des peines, à renforcer le suivi et le contrôle des
personnes condamnées et à conforter le droit des victimes.
Le texte supprime les peines minimales prévues pour les récidivistes et les auteurs de violences
aggravées (peines planchers). Le juge de l’application des peines devra procéder à l’examen de la situation des
personnes condamnées à une peine de cinq ans d’emprisonnement au plus, lorsqu’elles ont exécuté les deux
tiers de leur peine. Le JAP appréciera à cette échéance si la personne condamnée peut bénéficier ou non d’une
mesure de libération sous contrainte dont le régime sera la semi-liberté, le placement extérieur, la surveillance
électronique ou la libération conditionnelle.
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Thème n° 25 : La récidive
Lors de son procès à Nantes en mai 2013 pour le meurtre de Laetitia Perrais, la société découvrait Tony
Meilhon ; condamné quinze fois, dont la première fois dès l’âge de 15 ans, il est l’archétype du délinquant
multirécidiviste. Pourtant placé sous la main de la Justice (en raison d’un sursis avec mise à l’épreuve) au
moment du meurtre, il se retrouvait en pratique livré à lui-même. Tony Meilhon, Patrick Henri, Michel
Fourniret dit « Le monstre des Ardennes », Pierre Bodein dit « Pierrot le fou »… autant d’affaires médiatiques
qui ont relancé la polémique sur l’efficacité de la lutte contre la récidive.
Si l’on jette un regard sur l’histoire, force est de constater que les auteurs de l’Antiquité gréco-romaine
(Platon, Euripide, Sophocle, etc.) s’opposaient déjà sur les moyens d’amener le délinquant à ne pas réitérer son
infraction. Si elle jalonne l’histoire de l’Humanité, la question de la récidive présente une belle performance
dans l’espace : il s’agit là d’une préoccupation majeure des politiques criminelles contemporaines, tant en
France (exemple récent : la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011) qu’à l’étranger (exemple : la loi californienne dite
« Three strikes law »).
La récidive repose sur divers éléments et ne concerne que certains cas. Afin de compléter la répression,
le législateur a créé la notion de réitération d’infraction. Il y a réitération d’infraction lorsqu’une personne a
été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas
aux conditions de la récidive. Dans cette hypothèse, les peines prononcées se cumulent sans limitation de
quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation
précédente.
Pour qu’une personne soit en état de récidive, deux éléments sont nécessaires :
1) il faut une condamnation pénale et définitive prononcée par une juridiction française : c’est le 1er terme
de la récidive. La condamnation assortie de sursis peut constituer le 1er terme de la récidive (Cass, avis, 2009).
2) il faut une infraction commise ultérieurement : c’est le 2nd terme de la récidive. La récidive est dite
« générale » si le 2nd terme peut être n’importe quelle infraction, ou « spéciale » si elle concerne certaines
infractions préalablement désignées.
Pour faciliter la répression, plusieurs dispositions du Code pénal assimilent certaines infractions entre
elles, afin qu’elles soient regardées, au regard de la récidive, comme une même infraction. Il s’agit par exemple
du vol, de l’extorsion, du chantage, de l’escroquerie et de l’abus de confiance.
Pour finir, la récidive peut être perpétuelle, s’il n’est pas prévu de durée durant laquelle le 2nd terme
peut intervenir, ou temporaire, dans le cas contraire.
La récidive est prévue tant à l’encontre des personnes physiques (art. 132-8 et suivants CP) que des
personnes morales (art. 132-12 et suivants CP).
86
précédente, un délit puni d’une personne d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an et inférieure à 10
ans (récidive temporelle) ; article 132-9 al. 2 CP.
- en cas de condamnation définitive pour un délit (1er terme), si est commis, dans le délai de 5 ans à compter de
l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit qui lui est assimilé
(récidive temporelle) ; article 132-10 CP.
- en cas de condamnation définitive pour une contravention de 5ème classe (1er terme), si est commis dans le
délai d’1 an la même contravention (récidive temporelle) ; article 132-11 CP.
- afin, lorsque la récidive d’une contravention de 5ème classe constitue un délit, la récidive est constituée si les
faits sont commis dans le délai de 3 ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la peine.
La partie du cours ci-dessous est devenue caduque depuis la loi du 15 août 2014 relative à
l’individualisation des peines et renforçant les sanctions pénales, qui supprime notamment les peines
minimales prévues pour les récidivistes.
Le Conseil constitutionnel a considéré que même si l’individualisation des peines peut être regardée comme l’un des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, « il ne saurait faire obstacle à ce que le législateur, tout en laissant au juge un
large pouvoir d’appréciation, fixe les règles assurant une répression effective des infractions » (D.C, 20 janvier 1981, Sécurité et liberté).
Or, depuis la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive, le législateur a cru bon de limiter la liberté du juge, et a
instauré des peines planchers.
Désormais, le Code pénal prévoit que pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement, de
réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
- 5 ans, si le crime est puni de 15 ans de réclusion.
- 7 ans, si le crime est puni de 20 ans de réclusion.
- 10 ans, si le crime est puni de 30 ans de réclusion.
- 15 ans, si le crime est puni de la réclusion à perpétuité.
Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la
personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
De plus, le Code pénal prévoit pour les délits commis en état de récidive légale, les seuils suivants :
- 1 an, si le délit est puni de 3 ans d’emprisonnement
- 2 ans, si le délit est puni de 5 ans d’emprisonnement
- 3 ans, si le délit est puni de 7 ans d’emprisonnement
87
- 4 ans, si le délit est puni de 10 ans d’emprisonnement
Là encore, la juridiction peut prononcer une peine inférieure en considération des circonstances de l’infraction, de la
personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
Cette prévision nouvelle des peines planchers semble un retour au droit antérieur où la peine était enserrée dans un carcan,
avant que le NCP ne supprime les minima, sauf en matière criminelle, où il est prévu :
- lorsque le crime encourt la réclusion criminelle à perpétuité, la juridiction peut prononcer une peine qui ne peut être inférieure à deux
ans (art. 132-18 al. 1 CP).
- lorsqu’une infraction est punie de la réclusion criminelle à temps, la peine d’emprisonnement ne peut pas être inférieure à un an (art.
132-18 al. 2 CP).
*****
Actualité :
- une conférence de consensus sur la prévention de la récidive, présidée par Nicole Maestracci, s’est déroulée
les 14 et 15 février 2013. Pour le jury, la sanction pénale doit viser en priorité l’insertion ou la réinsertion du
délinquant. De plus, il recommande de s’orienter vers une politique de limitation de l’incarcération et
l’abandon de tous les mécanismes automatiques d’aggravation des peines ou de limitation des possibilités de
leur aménagement, y compris pour les condamnées en état de récidive.
Le jury préconise de proscrire les « sorties sèches » et de favoriser les libertés conditionnelles. S’agissant des
mesures de sûreté, il recommande l’abolition de la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté.
- En octobre 2013, la ministre de la justice a présenté son projet de loi pénale et sa mesure phare, « la
contrainte pénale », mesure alternative hors murs de la prison pour pallier à toute récidive. Les buts de la
contrainte pénale sont : Désengorger les prisons ; Eviter la prison et donc la récidive ; Eviter des sorties de
prison « sèches » sans suivi, avec des ex-détenus livrés à eux-mêmes. Applicable à tous les délits punis de
moins de 5 ans d’emprisonnement, la contrainte pénale permettra d’imposer des obligations et des interdits
dont le juge ne dispose pas aujourd'hui.
La réforme envisage aussi de supprimer les peines-plancher en cas de récidive, mises en place en 2007 ;
- Le Conseil national de l’exécution de la peine (CNEP) a été installé le 29 janvier 2014. Il a pour mission de
s’interroger sur la place de la sanction pénale et des personnes condamnées dans la société. La Garde des
sceaux devrait participer à chaque réunion de travail. L’objectif de cette création est de faire évoluer la vision
uniquement carcérale de la peine.
- En mai 2014, alors que le Parlement débutait l’examen de la réforme pénale, les statistiques relatives à la
récidive ont été publiées dans le bulletin Infostat du ministère de la Justice. Sont analysés, sur la période de
1996 à 2011, le parcours des 500 000 personnes condamnées en 2004 pour des délits ou des contraventions de
5ème classe. Ainsi, les « primo-condamnés » en 2004 sont 32% à avoir récidivé, contre 63% pour ceux ayant
déjà des antécédents judiciaires en 2004. Les différents facteurs structurels sont examinés. A ce titre, il
convient de relever que l’un des facteurs de la récidive semble être l’âge du condamné : plus il est âgé, moins le
risque de récidive est fort.
- la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant les sanctions pénales créer la
« contrainte pénale » et supprime les peines minimales prévues pour les récidivistes et les auteurs de violences
aggravées.
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Sujet : la récidive en droit pénal
Lors de son procès à Nantes en mai 2013 pour le meurtre de Laetitia Perrais, la société découvrait Tony
Meilhon ; condamné quinze fois, dont la première fois dès l’âge de 15 ans, il est l’archétype du délinquant
multirécidiviste. Pourtant placé sous la main de la Justice (en raison d’un sursis avec mise à l’épreuve) au
moment du meurtre, il se retrouvait en pratique livré à lui-même. Tony Meilhon, Patrick Henri, Michel
Fourniret dit « Le monstre des Ardennes », Pierre Bodein dit « Pierrot le fou »… autant d’affaires médiatiques
qui ont relancé la polémique sur l’efficacité de la lutte contre la récidive.
Le terme « récidive », du latin « recidere » (« retomber »), peut se définir comme une rechute. Le
délinquant récidiviste s’éloigne une nouvelle fois du droit chemin, après avoir déjà été rappelé à l’ordre par le
juge pénal. Au sens restreint, la récidive est la réitération d'une infraction proche ou équivalente de la première
après une condamnation. Elle constitue une cause d'aggravation de la peine encourue.
Si l’on jette un regard sur l’histoire, force est de constater que les auteurs de l’Antiquité gréco-romaine
(Platon, Euripide, Sophocle, etc.) s’opposaient déjà sur les moyens d’amener le délinquant à ne pas réitérer son
infraction. Si elle jalonne l’histoire de l’Humanité, la question de la récidive présente une belle performance
dans l’espace : il s’agit là d’une préoccupation majeure des politiques criminelles contemporaines, tant en
France (exemple récent : la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011) qu’à l’étranger (exemple : la loi californienne dite
« Three strikes law »).
En embrasant une matière gigantesque et composite, l’étude de la récidive en droit pénal deviendrait
démesurée dans son domaine en intégrant des développements criminologiques et/ou de droit comparé. Ainsi,
convient-il de limiter le sujet à ses deux composantes essentielles en soulignant dès à présent que le législateur
contemporain s’est efforcé d’une part de simplifier la caractérisation de la récidive (I) et d’autre part,
d’améliorer l’efficacité de son traitement (II).
A) Un traitement rétributif
B) Le traitement préventif
89
Thème n° 26 : Les circonstances aggravantes
La suppression de la peine minimale par le NCP a eu pour effet de supprimer les circonstances
atténuantes. Toutefois, il demeure quelques hypothèses où la loi prévoit qu’une peine réduite est encourue. Il
en est ainsi concernant les mineurs.
Il en est également ainsi concernant le repenti, l’article 132-78 CP prévoyant une exemption ou une
réduction de peine : « la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est (…) exempte de peine si,
ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et (…)
d'identifier les autres auteurs ou complices. » Cette possibilité est prévue pour le terrorisme et pour de
nombreuses infractions de criminalité et de délinquance organisées : empoisonnement et assassinat, trafic de
stupéfiants, proxénétisme etc.
Les principales circonstances aggravantes sont prévues par les articles 132-71 et suivants CP.
Toutefois, la liste n’est pas exhaustive. Quoi qu’il en soit, lorsqu’elles sont mentionnées par le texte, elles
aggravent la peine encourue. Peut être cité :
- La constitution d’une bande organisée, soit un groupe formé en vue de préparation d’une ou plusieurs
infractions.
- La préméditation, soit le dessein formé avant l’action de commettre un crime ou un délit déterminé. Elle
peut se déduire des circonstances. Par exemple, « le guet-apens comporte nécessairement le dessein formé à
l’avance de commettre le crime » (décision jurisprudentielle, Crim, 22 février 1989). Précisons que sous
l’empire de l’ancien Code, il avait été considéré que l’erreur sur la victime faisait disparaitre cette circonstance
aggravante. Ce n’est plus le cas aujourd'hui.
- L’effraction, qui consiste à forcer ou dégrader tout dispositif de fermeture. La loi assimile à l’effraction
l’usage de fausses clefs. A l’inverse, il n’y a pas effraction dans le bris de portes ou de clôtures pour s’enfuir, ou
dans l’ouverture d’une enveloppe (jurisprudence).
- L’usage d’une arme est également une circonstance aggravante. La définition d’une arme est entendue au
sens large. En effet, selon l’article 132-75 CP : « est une arme tout objet conçu pour tuer ou blesser ». La
jurisprudence en fait une interprétation encore plus extensive puisque l’utilisation d’un animal pour tuer, blesser
ou menacer est assimilée à l’usage d’une arme. Elle l’est également concernant un casque de motocycliste ou
encore un tabouret de bar. Cette circonstance aggravante est même retenue en cas d’usage d’une arme factice
(Crim, 5 août 1992, Braquage d’une agence bancaire).
- Deux circonstances aggravantes sont prévues si l’auteur est animé par un mobile raciste (art. 132-76 CP)
ou en raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle de la victime (art. 132-77 CP). Les termes « identité
sexuelle » ont été rajoutés par la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel afin de mettre en évidence
que ces dispositions s’appliquaient également aux personnes homosexuelles et transsexuelles.
- L’utilisation d’un moyen de cryptologie aggrave également la peine (16)
- Les liens familiaux sont devenus une circonstance aggravante de l’infraction par la loi du 4 avril 2006
relative à la prévention et à la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Pour
que cette circonstance soit applicable à l’égard de l’ancien conjoint, concubin ou partenaire, l’infraction doit
avoir été commises en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime (Crim, 12 octobre
2011, Virginia Z.)
- la particulière vulnérabilité de la victime est aussi une circonstance aggravante. Toutefois, celle-ci ne
peut résulter du seul âge de la victime (Crim, 8 juin 2010. En l’occurrence, tentative de viol sur une personne de
70 ans).
(16) Tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu’il s’agisse d’informations ou de signaux, à l’aide de conventions secrètes
ou pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète
90
Sujet - L’appréhension pénale du terrorisme (corrigé ENM 2014)
« Je ne connais rien de plus servile, de plus méprisable, de plus lâche, de plus borné qu'un terroriste ».
C’est par cette formule particulièrement violente que Chateaubriand exprimait sa répulsion envers le terrorisme.
L’appréhension pénale désigne la façon dont le phénomène terroriste a été pris en compte par le pouvoir
normatif. L’appréhension pénale du terrorisme est, tout d’abord, nationale. Ainsi, le terrorisme est défini par
l’article 421-1 alinéa 1er CP comme englobant les infractions mentionnées par le texte, mais uniquement
« lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but
de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».
La première législation dédiée spécialement au terrorisme réside dans la loi du 9 septembre 1986
adoptée suite à une vague d’attentats. Le texte instaure des règles de compétence dérogatoires à l’instar des
cours d’assises sans jury compétentes pour juger les actes terroristes et aggravent les sanctions en matière de
terrorisme tout en instaurant un statut de repenti qui permet soit une diminution de la sanction pénale, soit une
absence de sanction selon les circonstances. Les infractions terroristes sont alors des infractions de droit
commun commises avec un mobile terroriste. La réglementation relative au terrorisme figure alors
exclusivement dans le CPP qui le définit. Le nouveau Code pénal ne rompt pas avec cette analyse, mais insère la
définition des infractions terroristes, jusqu’ici figurant à l’article 706-16 du Code de procédure pénale, au sein
du Livre IV CP (loi du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du Code pénal relative à la répression
des crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique). Si cette innovation formelle paraît peu
importante, il n’en demeure pas moins que quelques innovations, sur le fond, attirent l’attention. Ainsi, une
infraction spécifique au terrorisme est créée, à savoir le terrorisme écologique (article 421-2 CP). Les réformes
ultérieures ont progressivement allongé la liste des infractions terroristes. Ainsi en est-il des lois du 22 juillet
1996, du 15 novembre 2001 et du 18 mars 2003 qui ont incriminé à titre autonome l'association de malfaiteurs
en relation avec une entreprise terroriste (article 421-2-1 CP), le financement du terrorisme (article 421-2-2 CP)
et la non-justification de ressources correspondant à son train de vie tout en entretenant des relations habituelles
avec un terroriste (article 421-2-3 CP).
Pour s’adapter au terrorisme, le législateur est de nouveau intervenu par le biais de lois dédiées, à savoir
la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la
sécurité et aux contrôles frontaliers qui permet, dans certaines conditions bien spécifiques, une garde à vue
pouvant aller jusqu’à 6 jours en matière de terrorisme (article 706-88 CPP) et la loi du 21 décembre 2012
relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme qui crée notamment un cas de compétence spécifique au
terrorisme (article 113-13 CP).
L’appréhension pénale du terrorisme est, ensuite, internationale et européenne. La prise en compte
internationale spécifique du terroriste est antérieure au droit national. Ainsi, les Conventions pour la prévention
et la répression du terrorisme et pour la création d'une Cour pénale internationale de Genève datent du 16
novembre 1937. Elles s’avéreront être un échec. Par la suite de nombreuses autres Traités et Conventions ont été
adoptés à l’instar de la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif de New-
York du 15 décembre 1997 ou encore la Convention internationale pour la répression du financement du
terrorisme de New-York du 9décembre 1999. Pourtant, cette prise en compte n’est pas satisfaisante car, en
l’absence de consensus international sur la notion même de terroriste et plus précisément de terrorisme d’Etat, le
terrorisme ne figure pas parmi les infractions relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Le
consensus est davantage marqué sur le continent européen. Ainsi, la Convention européenne pour la répression
du terrorisme de Strasbourg du 27 janvier 1977 a été adoptée dans le cadre du Conseil de l’Europe. De même,
une décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme modifiée par la décision-cadre
2008/919/JAI du 28 novembre 2008 envisage également, dans le cadre de l’Union européenne, tous les aspects
de la lutte contre le terrorisme.
Toutefois, tous ces textes semblent constituer un aveu d’impuissance face à un phénomène protéiforme
et particulièrement difficile à juguler. Il s’agirait même « d’un mur de papier face à une criminalité bien réelle »
(expression de Mireille Delmas-Marty). De cette façon est posée la difficulté pour un Etat de droit d’endiguer un
tel phénomène. En effet, soit l’Etat de droit traite le terrorisme comme l’ensemble des infractions et le risque est
celui d’une relative impuissance ; soit il adopte une législation spécifique destinée à être efficace et atténue la
protection juridique des terroristes et donc, d’une certaine façon, cède face au phénomène.
91
Le législateur a fait le choix de concilier les impératifs de sécurité tout en ne sacrifiant pas les droits de
la personne poursuivie. Le droit positif apparaît donc comme étant particulièrement mouvant bien que les
juridictions pénales, le Conseil constitutionnel et même la Cour européenne des droits de l’homme veillent au
respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles. Dans quelle mesure l’appréhension pénale du
terrorisme permet-elle de lutter efficacement contre le phénomène tout en respectant l’Etat de droit ?
La réponse à cette question est particulièrement délicate. Alors que la lutte par le droit positif a été
initiée par le biais de dispositions spécifiques de procédure pénale ayant conduit à l’adoption de règles de droit
pénal de fond. Il semble désormais établi qu’un consensus se dégage autour de la nécessité de renforcer la
répression du terrorisme (I). A l’inverse, le droit pénal de forme est fréquemment modifié et donne lieu à
quelques censures par les juridictions en raison des atteintes portées aux droits des personnes poursuivies. La
légitimité des règles procédurales est donc davantage discutée (II).
Faute d’un véritable consensus international face à un phénomène transfrontalier, l’appréhension du terrorisme
par le droit pénal est essentiellement nationale. Le législateur a donc dû étendre la compétence des juridictions
françaises (A) mais a également choisi d’instaurer des peines dissuasives en adaptant la répression (B).
1) L’existence classique de compétences universelles : Les cas de compétence universelle figurent aux articles
689-2 et suivants CPP. Pour être applicables, il est nécessaire qu’il existe une Convention internationale
transposée par une loi, que la personne n’ait pas déjà été jugée et qu’elle soit arrêtée en France. Deux
dispositions prévoient une telle compétence en matière de terrorisme, d’origine internationale (article 689-3
CPP) et européenne (article 689-9 CPP).
2) La consécration d’une compétence personnelle étendue : La loi du 21 décembre 2012 crée un article 113-13
CP nouveau qui dispose: « La loi pénale française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'actes de terrorisme
et réprimés par le titre II du livre IV commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant
habituellement sur le territoire français ».
La compétence personnelle active s’étend donc aux étrangers dès lors qu’ils vivent habituellement en France. La
France ne peut donc pas constituer un Etat refuge pour les terroristes.
1) Des infractions de droit commun commises avec un mobile spécifique : L’article 421-1 alinéa 1er CP contient
une liste d’infractions de droit commun dont la sanction est aggravée dès lors qu’elles sont commises avec un
mobile terroriste. Dans le même temps, existe un statut de repenti qui permet aux terroristes d’échapper à la
sanction pénale s’ils permettent d’éviter l’acte ou de voir celle-ci diminuée s’ils parviennent à minimiser les
conséquences de celui-ci (article 132-78 CP).
2) Des infractions spécialisées : Depuis l’insertion dans le nouveau Code pénal du terrorisme, le législateur a
également créé des infractions spécifiques au terrorisme. Il crée notamment des infractions-obstacles en
incriminant des actes préparatoires. Il en est notamment ainsi de l’association de malfaiteurs en relation avec
une entreprise terroriste (article 421-2-1 CP), mais également d’une infraction créé par la loi du 21 décembre
2012, à savoir l’article 421-2-4 CP qui punit: « Le fait d'adresser à une personne des offres ou des promesses, de
lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, de la menacer ou d'exercer sur elle des pressions afin
qu'elle participe à un groupement ou une entente prévu à l'article 421-2-1 ou qu'elle commette un des actes de
terrorisme mentionnés aux articles 421-1 et 421-2 est puni, même lorsqu'il n'a pas été suivi d'effet ».
La tendance du législateur est donc univoque et conduit à une pénalisation croissante de tous les agissements
liés au terrorisme alors que les dispositions procédurales donnent lieu à davantage de discussions.
92
II) Les incertitudes concernant la légitimité des règles procédurales applicables au terrorisme
En raison d’exigences tant constitutionnelles que conventionnelles, l’encadrement de l’enquête par le législateur
a dû être renforcé (A), alors que les dispositions facilitant les poursuites n’ont, pour l’instant, pas suscité de
discussions (B).
1) Le rejet du report de la présence automatique de l’avocat : Lorsque le législateur a créé le droit à avoir un
entretien avec un avocat lors de la garde à vue, il n’avait pas envisagé une telle possibilité s’agissant du
terrorisme. La disposition a alors été censurée (DC, 11 août 1993). Le droit à avoir cet entretien a donc été prévu
et reporté à la 72ème heure. La Chambre criminelle a ensuite considéré qu’un report automatique de la présence
de l’avocat sans justification méconnaissait les droits fondamentaux (Crim., 19 septembre 2010). La loi du 14
avril 2011 a donc indiqué les justifications permettant un tel report. La Cour européenne veille également au
respect des dispositions de la Convention en cas de détention d’un terroriste (CEDH, 13 décembre 2012, El-Masri
c/ ex-République Yougoslave de Macédoine).
2) Le refus de la limitation du choix de l’avocat : S'agissant du choix de l'avocat intervenant dans les gardes à
vue effectuées dans le cadre de terrorisme, la loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue a adopté un système selon
lequel la personne placée en garde à vue pouvait bénéficier d’un avocat désigné par le bâtonnier (article 706-88-
2 CPP) selon des modalités prévue par le décret du 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour
intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme. Les dispositions de l’article 706-88-2 CPP ont été
déclarées contraires à la Constitution (DC, 17 février 2012, QPC) et ont donc été abrogées à compter du 18
février 2012. En conséquence, le décret du 13 avril 2012 a abrogé le décret du 14 novembre 2011 relatif à la
désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme.
1) Des délais de prescription prolongés : Les délais de prescription de l’action publique et de la peine sont
allongés. Selon l’article 706-25-1 CPP ils sont de 30 ans pour les crimes et de 20 ans pour les délits. De la sorte,
les infractions terroristes sont considérées par le législateur comme les infractions les plus graves du droit
positif, après les crimes contre l’humanité, quant à eux, imprescriptibles (loi du 26 décembre 1964).
2) Les juridictions spécialisées : Les règles sont prévues aux articles 706-16 et suivants CPP. Lors de
l’instruction, une section anti-terroriste existe (« Galerie Saint-Eloi »). Lors du jugement, il existe des cours
d’assises spéciales sans jury (article 698-6CPP). Ces juridictions spécialisées ne soulèvent aucune difficulté
constitutionnelle (DC, 3 septembre 1986), ni conventionnelle (Crim., 24 novembre 2004). Dès lors, une QPC
formée contre les dispositions de l’article 706-25 CPP ne présente pas de caractère nouveau ni sérieux (Cass.,
QPC, 19 mai 2010).
En conclusion, le droit positif connaît des évolutions constantes dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme. Or, le juge pénal veille à ce que les réformes successives n’affectent pas trop les droits et libertés
individuels. Il est possible de regretter l’insuffisance du droit international et européen sur la question, tant il est
délicat pour le législateur national de lutter contre un phénomène transnational tout en demeurant légitime...
93
Thème n° 27 : Les concours
Les juridictions d’instruction et de jugement sont saisies in rem (c'est-à-dire saisies de l’ensemble des
faits visés, mais uniquement de ces faits) et peuvent normalement requalifier les faits au cours de la procédure.
L’étendue de la saisine dépend de l’acte saisissant le juge. Concernant le juge d’instruction, si l’information
judiciaire a été ouverte à l’initiative du Parquet, c’est le réquisitoire introductif qui fixe l’étendue de la saisine ;
si elle a été ouverte suite à l’action de la victime, c’est la plainte qui fixe l’étendue de la saisine.
La juridiction est également saisie in personam, c'est-à-dire que la juridiction n’est compétente qu’à
l’égard des personnes qui sont déférées devant elle. A l’inverse, le juge d’instruction peut mettre en examen
toute personne qu’il soupçonne coupable.
En principe, le juge est libre de qualifier pénalement les faits et du choix de cette qualification dépend la
possibilité de choisir la peine.
Les juridictions sont saisies in rem et peuvent donc requalifier les faits. Toutefois, si la juridiction, suite
à la requalification, se trouve saisie d’une infraction ne relevant pas de sa compétence, le juge doit rendre une
décision d’incompétence et renvoyer l’affaire au ministère public afin que ce dernier saisisse la juridiction
compétente.
Le choix de la qualification est essentiel dans la mesure où, une fois le jugement définitif prononcé, il
est impossible de poursuivre à nouveau les faits sous une autre qualification, et ce, en vertu du principe non
bis in idem prévu par le Code de procédure pénale et le protocole additionnel n° 7 à la CESDH.
En cas de requalification, le juge doit respecter les droits de la défense. Ainsi, il est nécessaire que
l’accusé ait la possibilité de se défendre sur la nouvelle qualification susceptible d’être retenue. L’accusé doit
avoir été informé de la nouvelle qualification et ce, même si les faits initialement qualifiés de « tentative de
viol » sont requalifiés en « viol » (CEDH, 26 septembre 2006, Miraux c. France). La jurisprudence de la chambre
criminelle était également fixée en ce sens (ex : Crim, 25 mai 1992, confirmé par Crim, 16 mai 2007). Dans cette
dernière espèce, le prévenu a été condamné par le tribunal correctionnel pour violences sur personne chargée
d’une mission de service public. La cour d’appel l’a condamné pour violences sur un agent exerçant des
fonctions de gardiennage, sans l’avoir invité à se défendre sur cette nouvelle qualification. La cassation a donc
été prononcée.
Il y a concours ou cumul idéal de qualifications lorsqu’un fait unique est susceptible d’être qualifié
pénalement de diverses façons.
En principe, une seule qualification doit être retenue. En effet, « un même fait, autrement qualifié, ne
peut entrainer une double déclaration de culpabilité » (Crim, 4 février 1998, ‘’Allier Nature’’).
Pour la déterminer, il est nécessaire de s’attacher aux éléments constitutifs de l’infraction pour retenir la
qualification la plus appropriée. Comment faire ?
-> La norme spéciale doit être privilégiée sur la norme générale. Ainsi, lorsque la chose a été remise sur
contrainte, la qualification « d’extorsion » est privilégiée sur le « vol ».
-> Il est également possible de s’attacher aux mobiles de l’auteur, notamment pour caractériser telle ou telle
infraction sexuelle.
-> En cas d’hésitation, le contexte exerce une influence certaine, comme pour retenir la qualification d’actes de
torture et de barbarie.
Si malgré cette recherche il est toujours impossible de choisir entre les qualifications, il est souvent
enseigné qu’il faut retenir l’infraction ayant la peine la plus élevée (jurisprudence).
94
B) Les exceptions : la possibilité de retenir plusieurs infractions
Il est possible de retenir les différentes qualifications lorsque les infractions portent atteintes à des
valeurs sociales distinctes. Il en est ainsi en cas de lancer de grenade dans un café, blessant des personnes et
provoquant des dégâts matériels, susceptible d’être qualifié de tentative de destruction d’édifices par explosif et
tentative d’assassinat (Crim, 3 mars 1960, ‘’Café de la Poste’’). Les deux incriminations protègent des valeurs
sociales différentes, à savoir la protection de la propriété et celle de la vie. Cette exception a été récemment
confirmée par l’arrêt « SCP Waquet », rendu par la chambre criminelle le 1er décembre 2010 : « il est possible
de retenir plusieurs qualifications pénales en raison d’un même fait, mais uniquement si les infractions
protègent des intérêts sociaux différents ».
La CEDH considère également que, nonobstant la règle non bis in idem, il est possible de retenir,
concernant un même fait, deux qualifications différentes (CEDH, 30 juillet 1998, Oliveira c. Suisse). Ainsi, un
même fait peut entrainer une condamnation pour violation du Code de la route et une autre pour homicide
involontaire.
Il y a concours réel lorsqu’une nouvelle infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été
définitivement condamnée pour une première infraction (art. 132-2 CP).
En cas de poursuite unique, toutes les peines encourues peuvent être prononcées, mais lorsque plusieurs
peines de même nature sont encourues, il ne peut en être prononcé qu’une, dans la limite du maximum légal le
plus élevé.
En cas de poursuites séparées, les peines prononcées par les différentes juridictions s’exécutent
cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé.
Toutefois, il y a cumul illimité des peines contraventionnelles de même nature entre elles et avec les crimes
et les délits (art. 132-7 CP).
*****
Actualité : Résolution constitutionnelle des concours de qualification : des faits qualifiés par la loi de façon
identique qui peuvent, selon le texte d’incrimination, soit faire encourir à leur auteur une peine de 5 ans
d’emprisonnement et 370 000€ d’amende soit une peine de 5 000€ : la différence des peines encourues pour les
mêmes faits méconnait le principe d’égalité devant la loi pénale (D.C, QPC, 28 juin 2013, Association Emmaüs
Forbach).
95
Thème n° 28 : La peine prononcée
Article 707 CPP : « Sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les
juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les
meilleurs délais.
L'exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes,
l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive.
A cette fin, les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d'exécution si la
personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou leur évolution le permettent.
L'individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du
condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire.
(…) »
Le principe de personnalité des peines impose de n’infliger des sanctions qu’à la personne pénalement
responsable. S’agissant des personnes morales, cette règle pose des difficultés, car les sanctions infligées sont
susceptibles d’avoir des répercussions sur ses associés, ou encore ses salariés, notamment lorsqu’est infligée une
amende ou une dissolution. Pourtant, le Conseil constitutionnel considère que l’infliction d’une amende à une
personne morale ne heurte aucun principe de valeur constitutionnelle (D.C, 30 juillet 1982, Blocage des prix et
des revenus).
Le principe de personnalité des peines a une valeur constitutionnelle (D.C, 2 décembre 1976, Prévention
des accidents du travail). Il est déduit de l’article 8 DDHC, et signifie que nul ne peut être puni en raison de
faits qui lui sont étrangers.
Toutefois, le principe n’a qu’une valeur constitutionnelle relative, le législateur pouvant le limiter.
Ainsi, dans la décision du 2 décembre 1976, le Conseil a eu à connaitre d’une disposition qui prévoyait que le
paiement des amendes prononcées et des frais de justice étaient mis à la charge de l’employeur pour certaines
infractions commises par un préposé. Il s’agit là d’une exception au principe de personnalité des peines. Ainsi
par exemple, le Code du travail permet au tribunal de mettre à la charge du chef d’entreprise les amendes
prononcées contre un employé qui s’est rendu coupable d’une atteinte à la vie ou à l’intégrité d’autrui en
commettant une infraction à la législation du travail.
Dans tous cas, ces différentes personnes ne supportent pas les conséquences généralement attachées à
une condamnation pénale, comme notamment l’inscription au casier judiciaire.
La disposition générale concernant la détermination de la peine par le juge est l’article 132-24 CP.
Depuis la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive, il est ainsi rédigé : « la juridiction
prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de
son auteur. Lorsque la juridiction prononce une peine d'amende, elle détermine son montant en tenant compte
également des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction.
La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection
effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser
l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions. »
La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a rajouté un 3 ème alinéa, modifié par la
loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, afin de favoriser la recherche alternative à une peine d’emprisonnement :
« En matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale, une peine d'emprisonnement
sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son
96
auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; ». Ainsi, ne
justifie pas sa décision la cour d’appel qui retient seulement que le comportement pervers et ancien du prévenu
démontre une absence de culpabilisation de sa part (Crim, 10 novembre 2010, CA de Riom).
Le prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme est soumis à une obligation spéciale de motivation.
Ainsi, l’article 132-19 al. 2 CP dispose : « En matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une
peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. » et de
rajouter « Toutefois, il n'y a pas lieu à motivation spéciale lorsque la personne est en état de récidive légale. »
La peine d’emprisonnement ferme n’est pas la seule à devoir faire l’objet d’une justification lorsqu’elle est
prononcée. Il en est également ainsi pour la peine d’interdiction du territoire (Code pénal, confirmé par Crim,
4 janvier 2011, MM. Saïd et El Hassan).
Concernant la sanction de jours-amende, le Code pénal reprend les mêmes critères que pour l’amende, à
savoir les ressources et les charges du prévenu.
Le droit pénal est un système dualiste. Il développe à la fois des réponses répressives, en maniant les
peines, et préventives, en développant les mesures de sûreté. Cette conception est récente : le NCP était en effet
d’affirmation unitaire, en retenant le vocable unique de « peine ». L’analyse dualiste a été affirmée par la loi du
12 décembre 2005 qui a réintroduit le vocable de « mesures de sûreté » au sein du Code pénal.
La sanction est fixée par la juridiction de jugement mais le juge ne peut arrêter son choix que dans les
limites que le législateur lui a tracé. Cependant, des ajustements peuvent être apportés. C’est pourquoi il
convient d’examiner les différents stades successifs de la fixation de la peine.
A) Le rôle du législateur
Son rôle est de déterminer le cadre à l’intérieur duquel le juge exercera les facultés de choix qui lui
sont laissées. Le principe de la légalité des délits et des peines oblige, à ce titre, le législateur à prévoir une peine
pour chaque incrimination qu’il établit. Les peines établies peuvent être fixes ou variables, c'est-à-dire
déterminées par un minimum et un maximum. Précisons qu’aujourd'hui, seul existe un maximum, le NCP de
1994 ayant supprimé les peines-plancher (sauf en matière de récidive. Le projet de réforme pénale présenté par la garde des
sceaux C. Taubira envisage de supprimer définitivement les peines-plancher.).
97
B) Le rôle du juge
La seule limite qui s’impose au juge au moment de choisir la peine est celle de respecter le maximum
prévu par le texte d’incrimination. La suppression des minima par le NCP renforce la liberté du juge dans le
choix de la peine. L’article 707 alinéa 2 CPP fixe tout de même une directive au juge : la peine fixée doit
remplir 3 rôles, soit : (1) concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts
de la victime (2) avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion (3) et de prévenir la récidive
Ainsi, le juge doit-il tenir compte de critères très divergents, comme la personnalité de l’auteur de
l’infraction et des circonstances environnantes (repenti, récidive…). Ces différents éléments guident le juge
dans le choix du quantum de la peine, c'est-à-dire qu’ils lui permettent de fixer la durée de la privation de
liberté, le montant de l’amende, les modalités d’exécution de la sanction (le sursis par exemple), voire la
dispense de peine (cas où le dommage est réparé et le trouble effacé).
Allant encore plus loin, le juge peut ajourner (différer) sa décision sur la peine. Il sursoit alors au
prononcé de la condamnation pendant une durée d’1 an maximum, lorsque par exemple les conditions de
dispense de la peine sont probables mais non acquises.
Bien que l’article 707 alinéa 1er CPP affirme « les peines prononcées par les juridictions pénales sont,
sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais », les
statistiques démontrent que plus de la moitié des condamnations pénales ne sont pas mises à exécution. Cela est
en partie dû aux nombreux régimes dérogatoires prévus par le législateur. Les illustrations sont nombreuses :
* le législateur a institué des primes à l’exécution de la peine pour améliorer la proportion des peines
exécutées (20% de réduction de l’amende si elle est payée dans le mois).
* chaque individu condamné à une peine privative de liberté bénéficie d’un « crédit de réduction de
peine », calculé en fonction de la peine totale prononcée. C’est pourquoi une personne condamnée à 2 ans
d’emprisonnement ne peut faire qu’1 an et demi.
* Enfin, peut être cité l’exemple des cas où le condamné est déclaré méritoire et peut se voir attribuer des
mesures de confiance comme la semi-liberté. Toutefois, le parquet dispose tout de même d’un droit
d’opposition à la mesure prise par le juge, mais doit la motiver, notamment par la survenance de faits
nouveaux ou du risque de fuite du condamné.
98
§5. L’extinction de la sanction
Le mode normal d’extinction de la sanction est son exécution. Cependant, dans un but d’éviter la
récidive, l’individu peut être placé sous surveillance (17). Pour autant, il peut arriver que la sanction prenne fin
avant le terme fixé par la décision de la condamnation. C’est le cas pour :
>> Le décès du délinquant : cette extinction parait évidente, tant il semblerait absurde, en vertu du principe de
personnification des peines, qu’une mesure d’exécution soit envisagée contre les héritiers. Il existe toutefois une
exception, l’amende pénale ; pour que les héritiers y échappent, ils doivent répudier la succession de leur auteur.
>> La prescription de la peine : elle est de 20 ans pour les crimes, 5 ans pour les délits et 2 ans pour les
contraventions : dans ce cas, on considère que la paix publique s’est rétablie d’elle-même, et on veut éviter de
mettre en lumière la carence des pouvoirs publics qui tarderaient trop à rattraper le délinquant. La Cour de
cassation a récemment eu l’occasion de préciser que les actes préparatoires à l’exécution d’une peine, telle la
délivrance d’un mandat d’arrêt ou la formulation d’une demande d’extradition, ne sont pas de nature à
interrompre le cours du délai de prescription de la peine (crim, 26 juin 2013, n° 12-81.646 et n° 12-88.265).
>> Le droit de grâce : appartenant au Chef de l’Etat, il nous a été légué par l’Histoire et constitue, aux yeux de
certains, le dernier rempart contre les erreurs judiciaires. La grâce, qui peut être conditionnelle, consiste à
dispenser un condamné de sa peine, ou à réduire celle-ci.
>> L’amnistie : résultant d’une loi, elle retire à certains faits, anciennement condamnables, le caractère
d’infraction pénale. Cela a pour conséquence de faire disparaitre ladite infraction et donc, par ricochet, la peine
qui allait avec. Cependant, la chambre criminelle de la cour de cassation a considéré dans un arrêt de 1972,
qu’exceptionnellement l’amnistie ne s’appliquerait pas pour certaines mesures de sécurité publique (ex :
suspension du permis de chasser). En outre, l’amnistie ne devant pas préjudicier aux tiers, elle est sans effet sur
les condamnations civiles déjà prononcées.
Notons une banalisation des lois d’amnistie, ce qui est critiquable, d’autant plus que celles-ci
apparaissent notamment avant chaque élection présidentielle, et pas pour des infractions bénignes ! Peut être
citée en exemple la loi d’amnistie concernant les crimes de sang commis en 1988 à Ouvéa, en Nouvelle-
Calédonie, à l’encontre des forces de la gendarmerie.
Le juge peut prononcer des mesures de sûreté. Celles-ci diffèrent des peines en ce que, quoi qu’elles
soient des mesures individuelles coercitives, elles n’ont pas un but de rétribution. En d’autres termes, elles ne
cherchent pas à punir le délinquant mais à remédier à son état dangereux. C’est pourquoi elles peuvent être
appliquées à des irresponsables pénaux, comme un mineur ou une personne atteinte de troubles mentaux.
Les mesures de sûreté n’étant pas assimilées à des peines pénales, elles ne sont pas soumises au régime
des peines plafond et n’ont pas, par conséquent, de limite temporelle aussi stricte que les peines. Par exemple,
elles peuvent être appliquées « alors même que le crime ou le délit aurait été commis avant l’entrée en vigueur
des dispositions ayant instauré [la mesure de sûreté] » (Crim, 21 janvier 2009, Daniel X., relatif à l'application
dans le temps de la mesure de placement sous surveillance électronique). Comme elles ont vocation à être
adaptées à l’évolution de l’état du délinquant, elles doivent être facilement révisables, ce que ne sont pas les
peines fixées de manières définitives. Il existe différentes catégories de mesures de sûreté :
* les mesures de sûreté officiellement reconnues et appliquées comme telles, comme les mesures de
rééducation (mineurs, drogués, alcooliques…)
(17) Il faut que la gravité de la situation justifie une atteinte grave au droit à la vie privée de l’intéressé.
99
* les mesures de sûreté fonctionnant sous la dénomination de peines : il s’agit généralement de peines
complémentaires ou accessoires. Ainsi par exemple, la doctrine reconnait volontiers l’interdiction de séjour
comme mesure de sûreté, bien que la loi et la jurisprudence aient maintenu le nom de peine complémentaire.
* les mesures de sûreté fonctionnant sous un régime administratif, comme l’internement, l’expulsion ou
encore l’assignation à résidence.
* les mesures fonctionnant dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve/libération conditionnelle,
afin de favoriser la réinsertion sociale du délinquant, comme le suivi socio-judiciaire.
*****
Actualité :
- Le Conseil national de l’exécution de la peine (CNEP) a été installé le 29 janvier 2014. Il a pour mission de
s’interroger sur la place de la sanction pénale et des personnes condamnées dans la société. La Garde des
sceaux devrait participer à chaque réunion de travail. L’objectif de cette création est de faire évoluer la vision
uniquement carcérale de la peine.
- La Garde des Sceaux, Christiane Taubira a présenté en avril 2014 un projet de loi transposant trois
décisions-cadres adoptées en 2008 et en 2009 par le Conseil de l'Union européenne. Notamment, la décision-
cadre du 27 novembre 2008 a pour objet l'application du principe de reconnaissance mutuelle au suivi et
à l'exécution des peines comportant des mesures de probation ou le respect de certaines obligations
particulières. Ainsi, une personne condamnée dans un État mais résidant dans un autre pourra venir y effectuer
sa peine de probation. Cette transposition pourra ainsi accroître les chances de réinsertion sociale du condamné,
prévenir la récidive, et favorisera la protection des victimes.
100
Sujet : Le renouveau de la sanction pénale
Le terme « sanction » est issu du latin « sancire », pouvant se traduire par « consacrer », « établir une
loi ». La sanction reçoit une définition étymologique large puisqu’elle consiste en la reconnaissance de
l’existence d’une obligation. A ce titre, elle peut être positive (agir) ou négative (rester passif). D’un point de
vue juridique, la sanction désigne toute mesure, même réparatrice, justifiée par la violation d’une obligation.
Elle appartient ainsi à toutes les disciplines juridiques, comme le droit administratif. A ce titre, les AAI
concurrencent se substituent au juge pénal dans certaines matières, mais elles restent soumises aux garanties
procédurales de l’article 6 CESDH. D’un point de vue strictement pénal, la sanction est assimilée à la punition
du condamné. Cependant, le droit pénal tire sa définition et son essence de la « peine » qui met l’accent sur la
répression de l’acte interdit. Si la « peine » a une connotation négative, le terme de sanction est plus neutre dans
sa valeur symbolique.
La peine n’est pas un acte de vengeance arbitraire, mais doit respecter des règles strictes. Beccaria
écrivait dans son Traité des délits et des peines : « pour que n’importe quelle peine ne soit pas un acte de
violence exercé par un ou plusieurs contre un citoyen, elle doit absolument être publique, prompte, nécessaire,
la moins sévère possible dans les circonstances données, proportionnée au délit et déterminée par la loi ». Si les
garanties de la peine sont traditionnelles, le droit pénal moderne semble amorcer une évolution des priorités de
la répression pénale, même si le but reste le même : endiguer la délinquance. Mais les moyens d’y arriver
diffèrent –la punition n’est plus l’unique moyen pour répondre à l’infraction–. La sanction pénale se renouvelle
à travers des mesures diverses et la peine elle-même subit une évolution profonde. Les mesures de sûreté,
traditionnellement opposées aux peines, opèrent une rupture avec leur inspiration originelle. Leurs évolutions
respectives permettent de dégager des garanties communes et de noter un rapprochement de leur régime
juridique soulevant l’hypothèse d’une convergence des réponses pénales tendues vers le même but.
Ainsi, le système dualiste classique (I) s’habille de garanties communes (II) et la rupture attendue se vit
comme une continuité dans l’évolution normale du système pénal.
1/ La légalité pénale
2/ Le respect de la personne
101
Thème n° 29 : Les sursis
La juridiction de jugement peut sursoir à l’exécution de la peine qu’elle a prononcée : il s’agit alors du
sursis. Il existe trois formes de sursis : le sursis simple ; avec mise à l’épreuve et avec obligation d’accomplir un
travail d’intérêt général.
Le sursis simple est prévu par les articles 132-29 et suivants CP. Pour pouvoir en bénéficier, il faut
n’avoir pas été condamné, au cours des 5 ans précédant les faits, à une peine de réclusion ou d’emprisonnement,
ou s’agissant d’une personne morale à une amende de 60 000 euros.
La condamnation assortie du sursis est conditionnelle, elle est suspendue durant un délai variable,
suivant l’infraction, de 2 à 5 ans.
Le sursis avec mise à l’épreuve est prévu par les articles 132-40 et suivants CP. Pour pouvoir en
bénéficier, le condamné ne doit pas avoir déjà fait l’objet de deux condamnations assorties du sursis avec mise à
l’épreuve pour les délits identiques ou assimilés en état de récidive légale. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit soit d’un
crime, soit d’un délit de violences volontaires, d’un délit d’agressions ou d’atteintes sexuelles ou d’un délit
commis avec la circonstance aggravante de violences, la juridiction ne peut prononcer le sursis avec mise à
l’épreuve à l’encontre d’une personne ayant déjà fait l’objet d’une condamnation avec du sursis avec mise à
l’épreuve pour les délits identiques ou assimilés et se trouvant en état de récidive légale.
Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le sursis avec mise à l’épreuve ne porte que
sur une partie de la peine d’emprisonnement.
La condamnation assortie du sursis avec mise à l’épreuve est nécessairement l’emprisonnement pour
une durée de 5 ans au plus.
Le délai de l’épreuve est fixé entre 18 mois et 3 ans. Les mesures susceptibles d’être imposées sont
énumérées aux articles 132-44 et 45 CP. Il peut s’agir, par exemple, de se soumettre à des mesures de contrôle :
- Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;
- Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ou de résidence ;
- ou encore Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à
l'étranger ;
L’article 132-45 propose d’observer certaines obligations (très diverses), comme :
- Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;
- Etablir sa résidence en un lieu déterminé ;
- Réparer les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;
- ou encore Ne pas fréquenter les débits de boissons ;
En cas d’échec, le sursis peut être révoqué. En cas de réussite, la condamnation est non avenue.
Le sursis avec obligation d’accomplir un TIG est prévu par les articles 132-54 et suivants CP. Il peut
être prononcé à l’occasion de la condamnation, auquel cas son régime est similaire au sursis avec mise à
l’épreuve. Il peut, en outre, être prononcé par le juge d’application des peines (J.A.P) en cas de condamnation à
une peine d’emprisonnement ferme de 6 mois au plus.
*****
Actualité : parmi les mesures proposées dans le projet de réforme pénale, s’y trouve l’abandon des révocations
automatiques des sursis simples en cas de nouvelle condamnation. Le projet met en place un nouveau dispositif
de libération sous contrainte pour un retour progressif et encadré à la liberté.
102
Thème n° 30 : La mémoire des condamnations
La mémoire des condamnations résulte de la tenue du casier judiciaire dont le contenu est susceptible
d’être modifié en cas de réhabilitation.
Le principe de la présomption d’innocence aurait pu conduire à considérer qu’il ne fallait pas garder en
mémoire les précédentes condamnations de la personne poursuivie. En effet, le passé du délinquant pourrait
influencer la juridiction. Telle n’a pas été la solution retenue par le droit positif.
Le casier judiciaire national automatisé est tenu sous l’autorité du Ministère de la justice. Il contient par
exemple, selon l’article 768 CPP : « les condamnations (…) prononcées pour crime, délit ou contravention de
la cinquième classe, ainsi que les déclarations de culpabilité assorties d'une dispense de peine » ou encore « les
condamnations contradictoires ou par défaut (…) pour les contraventions des quatre premières classes dès lors
qu'est prise, à titre principal ou complémentaire, une mesure d'interdiction, de déchéance ou d'incapacité ; »
Le relevé intégral des fiches du casier judiciaire applicables à la même personne est porté sur le bulletin
n° 1, lequel n’est délivré qu’aux autorités judiciaire.
Nombre de décisions ne figurent pas au bulletin n° 2 susceptible d’être délivré à de nombreuses
autorités, par exemple, selon l’article 776 CPP : aux préfets et aux administrations publiques de l'Etat ; aux
autorités militaires ; aux administrations et personnes morales dont la liste sera déterminée par le décret ; ou
encore aux autorités compétentes désignées par arrêté du ministre de la justice ;
Nombre de décisions ne figurent pas au bulletin n° 3 auquel a accès la personne concernée.
§2. La réhabilitation
Toute personne condamnée à une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut être
réhabilitée si la peine a été exécutée ou prescrite. Il existe deux types de réhabilitation :
- la réhabilitation de plein droit, une fois le délai fixée par la loi ou le règlement écoulé. La réhabilitation
de plein droit empêche d’invoquer les condamnations concernées en cas de demande d’acquisition de la
nationalité française, comme le rappelle la jurisprudence (1ère civ, 29 février 2012).
- la réhabilité judiciaire, accordée par la chambre de l’instruction sous certaines conditions.
103
Articles et jurisprudences importants
CESDH
Code pénal
- Article 111-1 CP : « les infractions sont classées suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions ».
- Article 111-3 CP : « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi,
ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement.
104
Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le
règlement, si l'infraction est une contravention. »
- Article 111-4 CP : « La loi pénale est d'interprétation stricte. »
- Article 111-5 CP : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires
ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est
soumis. »
- Article 112-1 CP : « Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis.
Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.
Toutefois, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant
pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions
anciennes. »
- Article 112-4 CP : « L'application immédiate de la loi nouvelle est sans effet sur la validité des actes accomplis
conformément à la loi ancienne.
Toutefois, la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d'une loi
postérieure au jugement, n'a plus le caractère d'une infraction pénale. »
- Article 113-2 CP : « La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République.
L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu
sur ce territoire. »
- Article 113-6 CP : « La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la
République.
Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis
par la législation du pays où ils ont été commis. »
- Article 113-7 CP : « La loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement,
commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité
française au moment de l'infraction. »
- Article 113-8 CP : « La poursuite des délits ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. Elle doit être
précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait
a été commis. »
- Article 113-8-1 CP : « la loi pénale française est également applicable à tout crime ou à tout délit puni d'au moins cinq
ans d'emprisonnement commis hors du territoire de la République par un étranger dont l'extradition ou la remise a été
refusée à l'Etat requérant par les autorités françaises »
- Article 113-9 CP : « aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu'elle a été jugée
définitivement à l'étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite. »
- Article 113-10 CP : « La loi pénale française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'atteintes aux intérêts
fondamentaux de la nation, à la falsification et à la contrefaçon du sceau de l'Etat, de pièces de monnaie, de billets de
banque ou d'effets publics réprimées (…) et à tout crime ou délit contre les agents ou les locaux diplomatiques ou
consulaires français, commis hors du territoire de la République. »
- Article 121-1 CP : « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait. »
- Article 121-2 CP : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions
des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les C.T et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans
l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices
des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. »
- Article 121-3 CP : « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à
une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas
accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses
compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage,
mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les
mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement
délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute
caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
Il n'y a point de contravention en cas de force majeure. »
- Article 121-4 CP : « Est auteur de l'infraction la personne qui : 1° Commet les faits incriminés ; 2° Tente de commettre
un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit »
105
- Article 121-5 CP : « La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été
suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. »
- Article 121-6 CP : « Sera puni comme auteur le complice de l'infraction, au sens de l'article 121-7. »
- Article 121-7 CP : « Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a
facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à
une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »
- Article 122-1 CP : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble
psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son
discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette
circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. »
- Article 122-2 CP : « N'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une
contrainte à laquelle elle n'a pu résister. »
- Article 122-3 CP : « N'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit
qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte. »
- Article 122-4 CP : « N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des
dispositions législatives ou réglementaires.
N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet
acte est manifestement illégal. »
- Article 122-5 CP : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même
ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou
d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.
N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un
bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but
poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction. »
- Article 122-6 CP : « Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :
1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »
- Article 122-7 CP : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace
elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a
disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »
- Article 122-8 CP : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou
contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les
mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dont ils peuvent faire l'objet.
Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l'encontre des mineurs de
dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant
compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge. »
- Article 132-8 et s. CP : régime de la récidive à l’encontre des personnes physiques
- Article 132-12 et s. CP : régime de la récidive à l’encontre des personnes morales.
- Article 132-17 CP : « aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l’a expressément prononcée ».
- Article 132-19 al. 2 CP : « En matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans
sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. »
- Article 132-24 CP : « dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction
des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. »
- Article 132-71 et s. CP : liste des circonstances aggravantes
- Article 132-78 CP : « la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est (…) exempte de peine si, ayant averti
l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et (…) d'identifier les autres
auteurs ou complices. »
- Article 132-78 CP : « La personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est, dans les cas prévus par la loi,
exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction
et, le cas échéant, d'identifier les autres auteurs ou complices.
[…] la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si,
ayant averti l'autorité judiciaire, elle a permis de faire cesser l'infraction, d'éviter … »
- Article 226-1 CP : « Est puni (…) le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à
l'intimité de la vie privée d'autrui »
- Article 226-14 CP : « L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du
secret. En outre, il n'est pas applicable :
106
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris
lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une
personne [incapable] ;
2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou
privations qu'il a constatés (…). Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger
en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ;
3° [Au préfet] du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent
qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire
l'objet d'aucune sanction disciplinaire. »
- Article 311-12 CP : « Ne peut donner lieu à des poursuites pénales le vol commis par une personne :
1° Au préjudice de son ascendant ou de son descendant ;
2° Au préjudice de son conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque le vol porte sur des objets ou documents
indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d'identité, relatifs au titre de séjour ou de
résidence d'un étranger, ou des moyens de paiement. »
- Article 413-9 CP : « Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les
procédés, objets, documents, informations (…) intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de
classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès.
Peuvent faire l'objet de telles mesures les [informations] dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à
la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale. (…) »
- Article 450-1 CP : « Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la
préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis
d'au moins cinq ans d'emprisonnement. »
- articles 689 et s. CP : « En application des conventions internationales visées aux articles suivants, peut être poursuivie
et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable hors du
territoire de la République de l'une des infractions énumérées par ces articles » (torture, terrorisme…)
- Article préliminaire CPP : « I.- La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des
droits des parties.
Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.
Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être
jugées selon les mêmes règles.
II.- L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
III.- Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes
à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.
Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.
Si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle
comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat
ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la
traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à
ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code.
Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet sont prises sur décision ou
sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure,
proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.
Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.
En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le
seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui. ».
- Article 2 CPP : « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient
à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.
La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique, sous réserve des cas
visés à l'alinéa 3 de l'article 6. »
- Article 3 CPP : « L'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction.
Elle sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront
des faits objets de la poursuite. »
107
- Article 4 CPP : « L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée
devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action
publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées
devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible
d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »
- Article 6 CPP : principe non bis in idem.
- article 7 al. 3 CPP : « Le délai de prescription de l'action publique [des certains crimes comme viol, de tortures ou
d'actes de barbarie], lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est de vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la
majorité de ces derniers. ».
- Article 11 CPP : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure
au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète.
Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines
des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. (…) »
- Article 17 CPP : « Les officiers de police judiciaire exercent les pouvoirs définis à l'article 14 ; ils reçoivent les plaintes
et dénonciations ; ils procèdent à des enquêtes préliminaires dans les conditions prévues par les articles 75 à 78.
En cas de crimes et délits flagrants, ils exercent les pouvoirs qui leur sont conférés par les articles 53 à 67.
Ils ont le droit de requérir directement le concours de la force publique pour l'exécution de leur mission. »
- Article 19 CPP : « Les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer sans délai le procureur de la République des
crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance. »
- Article 30 CPP : « Le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il
veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.
A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique. »
- Article 33 CPP : « la plume est serve, mais la parole est libre »
- Article 37 CPP : « Le procureur général a autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour
d'appel. »
- Article 40 CPP : « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur
donner conformément aux dispositions de l'article 40-1.
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la
connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre
à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
- Article 40-1 CPP : « Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance (…) constituent une infraction
commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait
obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur (…) décide s'il est opportun : 1° Soit d'engager des
poursuites ; 2° Soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des
articles 41-1 ou 41-2 ; 3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la
commission des faits le justifient. »
- Article 41 CPP : « S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la
victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le
procureur peut [proposer des alternatives aux poursuites] »
- Article 41-1 CPP : le procureur peut proposer une composition pénale
- L’article 41-2 CPP précise que « lorsque la victime est identifiée, (…) le procureur de la République doit également
proposer à l’auteur des faits de réparer les dommages causés par l'infraction dans un délai de six mois. »
- Article 53 CPP : « Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se
commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est
poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant
penser qu'elle a participé au crime ou au délit. »
- Article 56 CPP : perquisition dans le cadre d’une enquête de flagrance
- Article 56-1 CPP : perquisition au cabinet ou au domicile d’un avocat ; 56-2 : chez un journaliste ; 56-3 : chez les autres
professionnels tenus au secret.
- Article 56-4 CPP : perquisition dans des lieux classés secret-défense ou de documents secret-défense.
- Article 57 CPP : les perquisitions sont faites en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu, ou
d’une personne mandatée par elle, ou de deux témoins choisis par l’OPJ.
- Article 61 CPP : L’OPJ peut entendre comme témoin toute personne susceptible de fournir des renseignements utiles à
l’enquête, dans le cadre de l’enquête de flagrance (art. 78 CPP : enquête préliminaire).
108
- L’article 62 (flagrance) et l’article 78 al. 2 CPP (enquête préliminaire) : les personnes à l’encontre desquelles il n’existe
aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues
« que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures. »
- Article 62-2 CPP : « La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le
contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons
plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement
est maintenue à la disposition des enquêteurs.
Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des [6] objectifs suivants »
- Article 62-3 CPP : « La garde à vue s'exécute sous le contrôle du procureur de la République, sans préjudice des
prérogatives du juge des libertés et de la détention en matière de prolongation de la mesure au-delà de la quarante-
huitième heure et de report de l'intervention de l'avocat.
Le procureur apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette
mesure sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d'avoir commis
ou tenté de commettre.
Il assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue.
Il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté. »
- Article 63 CPP : placement en garde à vue dans le cadre de l’enquête de flagrance
- Article 63-1 CPP : « toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police
judiciaire, ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, de la nature de l'infraction sur laquelle porte
l'enquête, [de ses droits] ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue prévues par l'article 63.
(…) Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les enquêteurs de la communication
des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3 doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du
moment où la personne a été placée en garde à vue. »
- Article 67 CPP : les pouvoirs d’enquête prévus en matière de flagrance ne sont applicables que pour les crimes et les
délits flagrants dans tous les cas où la loi prévoit une peine d’emprisonnement.
- Article 73 CPP : « Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne
a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche. »
- Article 74 CPP : enquête de flagrance en cas de mort suspect ; art. 74-1 : disparition de personne ; art. 74-2 : recherche
d’une personne en fuite.
- Article 78-1 al. 2 CPP : « Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle
d'identité effectué dans les conditions et par les autorités de police visées aux articles suivants. »
- Article 78-2 CPP : relatif aux contrôles d’identité
- Article 78-3 CPP : relatif aux vérifications d’identité
- Article 79 CPP : « L'instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime ; sauf dispositions spéciales, elle est
facultative en matière de délit. Elle peut également avoir lieu en matière de contravention si le procureur de la République
le requiert en application de l'article 44. »
- Article 80 CPP : l’obligation d’informer ne s’applique qu’aux seuls faits dont le juge d’instruction est régulièrement
saisi.
- Article 80-1-1 CPP, le mis en examen peut demander au cours de l’information au juge d’instruction de revenir sur sa
décision et de le « rétrograder » en tant que témoin assisté si il estime que les conditions de sa mise en examen ne sont plus
remplies.
- Article 81 CPP : « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à
la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge. »
- Article 101 CPP : « Le juge d'instruction fait citer devant lui (…) toutes les personnes dont la déposition lui paraît
utile. ».
- Article 105 CPP : « Les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir participé
aux faits dont le juge d'instruction est saisi ne peuvent être entendues comme témoins. »
- Article 137 CPP : « Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre.
Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou
plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec
surveillance électronique.
A titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance
électronique ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire. »
- Article 144 CPP : « La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des
éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs
des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation
à résidence avec surveillance électronique : conserver les preuves, empêcher les pressions sur témoin… »
- Article 231 CPP : « La cour d'assises a plénitude de juridiction pour juger, en premier ressort ou en appel, les personnes
renvoyées devant elle par la décision de mise en accusation.
109
Elle ne peut connaître d'aucune autre accusation. »
- Article 427 CPP : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de
preuve et le juge décide d'après son intime conviction.
Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et
contradictoirement discutées devant lui. »
- Article 428 CPP : « L'aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation des juges. »
- Article 470-1 CPP : « Le tribunal saisi (…) de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens (…)
l'article 121-3 du code pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son
assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous
les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite.
Toutefois, lorsqu'il apparaît que des tiers responsables doivent être mis en cause, le tribunal renvoie l'affaire, par
une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente qui l'examine d'urgence selon une
procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d'Etat. »
- Article 495-7 CPP : le procureur de la République peut, « pour tous les délits, à l'exception de ceux commis par [les
mineurs, des délits de presses, des délits politiques et des délits d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des
personnes et d'agressions sexuelles punis de plus de cinq ans d’emprisonnement], d'office ou à la demande de l'intéressé ou
de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité »,
- Article 662 CPP : requête en suspicion légitime
- Article 668 CPP : requête en récusation.
- Article 706-95 CPP : « Si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des
infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le JLD peut, à la requête du procureur de la
République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des
télécommunications (…) pour une durée maximum d'un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et
de durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. »
- Article 802 CPP : « (…) toute juridiction qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle
irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie
qu'elle concerne. »
- Article 707 CPP : « Sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions
pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais.
L'exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou
la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive.
A cette fin, les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d'exécution si la personnalité et la
situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou leur évolution le permettent. L'individualisation des peines doit,
chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté
sans aucune forme de suivi judiciaire. (…) »
Jurisprudence
- Crim, 1838, Affaire des amants du Bois de Boulogne : le consentement de la victime n’est pas une cause
d’irresponsabilité.
- Crim, 1884 : si l’état de nécessité supprime la responsabilité pénale, la responsabilité civile demeure
- Crim, 1888, Wilson : la Loyauté de la preuve est une règle qui concerne les autorités publiques qui participent à la
manifestation de la vérité.
- TC de Château-Thierry, 1898, Affaire Ménard : le bon juge Magnaud crée l’état de nécessité
- Crim, 1906, Placet, aussi appelé ‘’Laurent-Atthalin’’ : cet arrêt a, bien avant la loi, a consacré le droit de la victime de
mettre en mouvement l’action publique en saisissant elle-même le juge d’instruction.
- Crim, 1937, affaire des stérilisés de Bordeaux : le consentement de la victime n’est pas une cause d’irresponsabilité.
- T.C, 1951, Avranche et Desmarets : le juge pénal est incompétent pour apprécier la légalité des actes administratifs
individuels. Cette décision a été définitivement entérinée par l’article 111-5 du NCP.
- Crim. 1956, Laboube : la responsabilité d’un mineur suppose qu’il ait compris et voulu son acte (en l’espèce, un enfant
de 6 ans avait crevé l’œil d’un camarade. Cette jurisprudence était devenue incertaine depuis l’arrêt Djouab rendu par
l’assemblée plénière en 1984, avec en l’espèce un enfant de 9 ans qui avait volontairement mis le feu à un camion : le
critère de « discernement ou non de l’enfant » ne sera pas retenu au motif que l’enfant à agit volontairement.
- Crim, 1958, Lesage : la Cour consacre l’état de nécessité comme fait justificatif
- Crim, 1959, Reminiac : Les présomptions de légitime défense posées par l’article 122-6 CP sont des présomptions
simples.
- Crim, 1960, ‘’Café de la Poste’’ : Il est possible de retenir les différentes qualifications lorsque les infractions portent
atteintes à des valeurs sociales distinctes.
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- Crim, 1962, Lacour : le commencement d’exécution y est défini comme étant « caractérisé […] par des actes devant
avoir pour conséquence immédiate et directe de consommer le crime, celui-ci étant ainsi entré dans la période
d’exécution ».
- Crim, 1967, Cousinet : la légitime défense est inconciliable avec le caractère involontaire de l’infraction poursuivie.
- Crim, 1974, Daniel : dans le cadre de la tentative, le désistement demeure volontaire même s’il est provoqué par un tiers,
mais qu’il n’y a pas eu de contrainte exercée par celui-ci.
- Crim, 1978, Sté des grands moulins de Pantin : La condition d’antériorité est indispensable pour caractériser la
complicité. Toutefois, un acte postérieur peut retenir la complicité s’il résulte d’un accord antérieur à l’infraction.
- CEDH, 1979, Sunday Times c. R-U : La loi pénale doit être précise, prévisible et accessible + « le mot ‘’loi’’ englobe à
la fois le droit écrit et le droit non-écrit ».
- CEDH, 1981, Le Compte et a. : l’indépendance du tribunal doit exister à l’égard de l’exécutif et à l’égard des parties en
cause.
- Ass. Plén., 1984, Lemaire : Concernant la responsabilité civile, l’âge (la minorité) n’est pas une cause d’irresponsabilité
- D.C, 1985, Loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises : le législateur doit définir les
éléments constitutifs de l’infraction en des termes clairs et précis. Une partie de la doctrine en a déduit une obligation de
qualité de la loi.
- Crim, 1986, Perdereau : tentative d’homicide volontaire sur un cadavre
- Crim, 6 janvier 1988 : l’obligation d’impartialité ne concerne que les magistrats du siège
- CEDH, 1982, Piersack c. Belgique : la notion d’impartialité comportait une double acception : impartialité objective,
liée à la fonction du juge, et impartialité subjective, liée à la personne du juge.
- CEDH, 1988, Salabiaku c. France : les présomptions de fait ou de droit ne sont pas contraires audit principe de
présomption d’innocence, à condition qu’elles soient enserrées dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité
de l’enjeu et préservant le droit de la défense.
- Ass. Plé., 1989, Baribeau : la Cour de cassation se fondait sur l’article 81 CPP qui autorise le juge d’instruction à faire
tous les actes d’instruction « qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité ».
- CEDH, 1990, Kruslin : condamnation de la France dans le cadre des écoutes téléphoniques
- Crim, 1993, Jeannine : le juge pénal ne peut pas créer des infractions ou des peines
- CEDH, 1993, Nortier : la dérogation au principe de non-cumul des fonctions d’instruction et de jugement par le juge des
enfants n’est pas contraire à la CESDH, en tant qu’il a une meilleure appréciation de la personnalité du mineur, ce qui
correspond à l’intérêt supérieur de l’enfant.
- D.C, 1993, ‘’Loi portant réforme du Code de procédure pénale’’ : les magistrats du parquet font partie de l’autorité
judiciaire, confirmé dans D.C, QPC, 30 juillet 2010, ‘’Garde à vue’’
- CEDH, 1996, Doorson : un juge ne peut par exemple pas condamner sur la base des seules déclarations d’un témoin
anonyme.
- CEDH, 1996, Goodwin : consacre le droit des journalistes à la protection du secret de leurs sources
- CEDH, 1999, Fressoz c. France : le journaliste ne pouvait être condamné pour recel de violation du secret de l’enquête
et de l’instruction s’il établit la vérité du fait diffamatoire en produisant la copie d’une pièce couverte par le secret dans la
mesure où cette production était rendue nécessaire par l’exercice des droits de la défense (Crim, 2002, Hebdomadaire
l’Express)
- Crim, 1999, Conseil municipal de Montfermeil : l’infraction commise à l’occasion du vote d’une résolution par un
organe collégial ne peut être reprochée à ceux ayant exprimé un vote contraire à la décision illégale
- D.C, 1999, Sécurité routière : les présomptions de culpabilité ou de responsabilité touchant certaines infractions sont
conformes à la Constitution, à condition que la présomption de culpabilité soit une présomption simple, qui puisse être
renversée par la preuve contraire, et que le respect des droits de la défense soit assuré. De même, l’exigence d’un élément
moral de l’infraction est un principe à valeur constitutionnelle. Enfin, nul n’est responsable que de son propre fait (déduit
des art. 8 et 9 DDHC).
- D.C, 1999, CPI : sur la responsabilité du Président de la République (cf. aussi Ass. Plé, 2001, Breisacher)
- Crim, 2000, Société Pilkington, à propos de la fusion : l’infraction commise avant la fusion ou l’absorption ne peut être
reprochée à la personne morale ayant disparu, en vertu du principe de responsabilité pénale personnelle
- Crim, 2000, Affaire du Drac : « l’exécution même du service public communal d’animation des classes découvertes
suivies par les enfants des écoles publiques et privées pendant le temps scolaire, qui participe du service de l’enseignement
public, n’est pas, par nature, susceptible de faire l’objet de convention de délégation de service public ».
- D.C, 2002, loi d’orientation et de programmation de la justice, à propos de la loi PERBEN I du 9 septembre 2002 : Le
Conseil constitutionnel a donné valeur constitutionnelle au principe de primauté de l’action éducative sur la sanction.
- Crim, 2004, Etablissement Paumier et fils : la Cour de cassation estime que le vol de document commis par un salarié
au préjudice de son employeur pour assurer sa défense dans une instance prud’homale est justifié si « les documents volés
étaient strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense ».
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- CEDH, 2005, K.A et A.D c. Belgique : Après avoir estimé qu’en cas de pratiques sadomasochistes, le fait pour un Etat
de ne pas tenir compte du consentement de la victime n’était pas contraire à l’article 8 CESDH (CEDH, 1997, Brown c.
RU), la Cour européenne a fait évoluer sa jurisprudence. Désormais, elle considère que le principe d’autonomie
personnelle, tel que résultant de l’article 8 CESDH doit permettre d’admettre de telles pratiques si les règles de l’art sont
respectées. Il semble que le droit interne n’ait pas été influencé par cette décision de la CEDH (Crim, 2 décembre 2009,
Film « Marie »).
- CEDH, 2005, Vetter : la sonorisation d’un appartement ne rentrait pas dans les opérations pouvant être accomplies dans
le cadre d’une perquisition.
- CEDH, 2005, Matheron c. France : le recours en nullité doit pouvoir concerner tous les actes de la procédure.
- CEDH, 2006, Pessino c. France : le principe de non-rétroactivité de la loi pénale de fond plus sévère est applicable à la
jurisprudence.
- Crim, 2007, Gare de Montpellier : Le contrôle de surveillance aux frontières a été détourné ; il n’a pas été effectué afin
de vérifier le « respect des obligations de détention, port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. Le
contrôle ne doit pas se substituer aux 3 autres types de contrôle prévus par l’article 78-2 CPP.
- CEDH, Milan c. France, 2008 : lorsqu’un individu se trouve privé de sa liberté, l’utilisation à son égard de la force
physique alors qu’elle n’est pas strictement nécessaire, porte atteinte à la dignité humaine et constitue une violation de
l’article 3 CESDH »
- Crim, 2008, Rénovation des lycées entrepris par le conseil régional d'Île-de-France : un juge peut statuer deux fois
sur le sort d’une même personne, dès lors qu’il s’agit de faits différents.
- CEDH, 2008, Salduz c. Turquie : la personne placée en G.A.V doit pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le
début de la GAV et pendant ses interrogatoires.
- Crim, 2008, Affaire des écoutes de l’Elysée : Le commandement de l’autorité légitime : l’autorité doit être compétente.
- D.C, 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble
mental : « la rétention de sûreté n’est ni une peine, ni une sanction ayant le caractère de punition ».
- CEDH, 2009, Taxquet c. Belgique : les arrêts de cour d’assises doivent être suffisamment motivés pour permettre aux
parties de comprendre la sentence.
- CEDH, grande chambre, 2010, Medvedyev : si le juge d’instruction est « assurément susceptible d’être qualifié de
‘’magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires’’ », tel n’est pas le cas du procureur de la République, en
particulier à cause de son manque d’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif.
- CEDH, 2010, Moulin : le ministère public, dépendant à l’égard de l’exécutif, n’est pas une autorité judiciaire au sens des
dispositions de la Convention.
- Crim, 2010, Affaire de l’ourse Cannelle : état de nécessité : le danger doit être actuel ou imminent.
- Crim, 15 décembre 2010, ‘’Philippe Creissen’’, confirmé par son arrêt ‘’Denis X. Trafic de stupéfiant’’ du 18 janvier
2011, tirera les conséquences de la jurisprudence « Moulin ». Alors que traditionnellement elle qualifiait le procureur de la
République de « magistrat de l’ordre judiciaire qui a pour mission de veiller à l’application de la loi », elle considère à son
tour que ce magistrat ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité nécessaires.
- CEDH, 2010, Adamkiewicz : le juge des enfants qui a instruit l’affaire et s’est montré hostile envers le mineur, ce qui
s’est traduit par la prise d’actes coercitifs, ne peut pas présider la formation de jugement.
- CEDH, 2010, Da Silveira c. France : l’article 56-1 CPP doivent être appliquées non seulement aux avocats français,
mais aussi aux avocats inscrits au barreau d’un Etat membre de l’UE.
- CEDH, 2010, Brusco c. France : condamne la France pour violation de l’article 6 CESDH relatif au droit au procès
équitable. Elle pose le droit à l’assistance de l’avocat « dès le début de la GAV » ainsi que celui « de ne pas participer à sa
propre incrimination » et « d’être assisté par un avocat durant les interrogatoires ».
- Ass. Plé., 19 octobre 2010, régime de la Garde à vue : confirme l’arrêt Brusco.
- D.C QPC, 30 juillet 2010, Garde à vue : déclare le régime de la GAV de droit commun contraire à la Constitution, et
affirme que les magistrats du parquet font partie de l’autorité judiciaire.
- D.C, 17 décembre 2010, ‘’Mise à la disposition de la justice’’ : la liberté individuelle est mieux garantie par les
magistrats du siège.
- Crim, 2010, Trafic d’œuvre d’art à Château Cazelles : le secret professionnel ne couvre que les informations qu’un
avocat détient au titre de « son état ou de sa profession »
- Crim, 11 octobre 2011, Société EDF ; confirmé par Crim, 11 avril 2012, Société Gauthey : l’identité des organes ou
représentants de la personne morale doit être indiquée par les juges du fond, sous peine de voir leur arrêt cassé par la Cour
de cassation
- Cour d’Assises de Paris, 22 octobre 2011, Kalinka : pour que la règle non bis in idem s’applique, la Cour de cassation
considère qu’il doit s’agir d’un jugement définitif, et non d’un simple classement sans suite et ce, même si dans le pays où a
lieu le classement, celui-ci a autorité de la chose jugée. L’affaire Kalinka illustre cette jurisprudence.
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- D.C, 2011, Motivation des arrêts d'assises : l’obligation de motiver les jugements et arrêts de condamnation constitue
une garantie légale du principe constitutionnel selon lequel la procédure pénale doit garantir contre toute forme d’arbitraire
dans le jugement des affaires pénales.
- Crim, 2011, M. Kassoum X : La Cour de cassation a précisé que les écoutes téléphoniques n’étaient pas contraires aux
articles 6 (procès équitable), 8 (vie privée) et 13 (droit à un recours effectif) CESDH dès lors que ces mesures, nécessaires
au sens des textes conventionnels invoqués, sont autorisées par un juge qui en contrôle l’exécution et que la personne
concernée dispose d’un recours effectif pour faire sanctionner d’éventuelle irrégularités qui les affecteraient.
- Crim, 2011, Violences sur un contrôleur du travail : à la différence de ce qui est prévu pour la composition pénale ou
la CRPC la mise en œuvre de des mesures de classement sous condition ne saurait faire obstacle à l’exercice de poursuites
pénales.
- Crim, 2011, Mohamed X. et autres : la Cour a admis que le contrôle des opérations d’écoute téléphonique peut être
confié au juge d’instruction+ valide l’utilisation d’un dispositif de surveillance à distance par GPS.
- CEDH, 2011, Kontas c. Grèce : violation de l’article 6§2 CESDH relatif à la présomption d’innocence suite aux propos
publics du 1er ministre et de deux ministres grecs désignant M. Kontas coupable, alors que la procédure judiciaire devant la
Cour d’appel n’était pas terminée.
- D.C, QPC, 8 juillet 2011, ‘’M. Tarek J. [Composition du tribunal pour enfants]’’, confirmée par D.C, 4 août 2011,
‘’Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs’’ : le cumul
des fonctions d’instruction et de jugement contrevient au principe de séparation des pouvoirs posé à l’article 16 DDHC, et
donc au principe d’impartialité du juge.
- Crim, 2012, Etablissement Sainte-Marie de Nevers : la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante.
- Crim, 2012, Affaire Bettencourt : Distinction des preuves déloyales recueillies/retranscrites par les autorités judiciaires.
- CA de Douai, 2012, Affaire de la « gifle du maire de Cousolre » : les juges du fond ont admis la gifle éducative donnée
par le maire à l’individu qui l’avait insulté, sur le fondement du commandement de l’autorité légitime, retenant une
« réponse adaptée à l’atteinte inacceptable portée publiquement à l’autorité de sa fonction ». Précisons qu’ils ont rejeté
l’argument du maire qui plaidait la légitime défense, les conditions de danger imminent et de réponse proportionnée n’étant
pas réunies en l’espèce.
- Ass. Plé., 2012, Recevabilité de l’action civile du chef de l’Etat : le Président de la République, en qualité de victime,
est recevable à exercer les droits de la partie civile pendant la durée de son mandat.
- 1ère civ, 2012, M. C... X... alias A... Y, de nationalité tunisienne : le placement en GAV des étrangers dans le cadre des
contrôles des titres de séjour est irrégulier (tire les conséquences de l’arrêt El Dridi 2011, CJUE)
- Crim, 2012, société Terrils : le seul fait, pour le dirigeant de droit, de ne pas exercer réellement ses attributions n’est pas
de nature à l’exonérer de sa responsabilité pénale.
- CJUE, 17 janv. 2013, Zakaria : obligation pour les Etats de prévoir des voies de recours à l’encontre de contrôles
d’identité effectués de manière grossière, provocante et offensante pour la dignité humaine.
- Crim, 4 avril 2013 : le principe d’autorité de la chose jugée, même de façon erronée, s’oppose à ce qu’une décision de
justice devenue définitive soit remise en cause.
- Crim, QPC, 16 avril 2013 : droit pour la personne gardée à vue d’informer les autorités consulaires de son pays
- Crim, 22 octobre 2013, ‘’Mohamed X.’’ : « la technique dite de ‘’géolocalisation’’ constitue une ingérence [grave]
dans la vie privée », cette dernière doit nécessairement « être exécutée sous le contrôle d’un juge ».
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