Chapitre 3 Les théories du management des organisations
La théorie des organisations est née au début du XXe siècle. Elle trouve son origine, dans un
premier temps, dans la réflexion de praticiens de l’entreprise, qu’ils soient dirigeants ou
ingénieurs, et par la suite, d’universitaires qui appartiendront à diverses branches des
sciences humaines, et qui s’intéresseront aux comportements de l’individu en milieu de
travail.
Devenue une discipline scientifique autonome, la théorie des organisations, constituée d’un
ensemble de concepts, de méthodes et d’outils de gestion, regroupe plusieurs grands
courants de pensée, dont chacun offre une approche différente de l’organisation de
l’entreprise. Ces théories permettent aux managers d’accéder à une connaissance et une
compréhension plus rapide et plus pertinente des situations concrètes qu’ils rencontrent
dans leur travail.
Synthèse chronologique des courants théoriques
Principaux Auteurs Nature du Finalités
courants en principau problème
théories des x étudié
organisations
École classique FrederickTaylor, Système de Optimisation
(1890-1920) Henri Fayol, Production Efficience
Max Weber Fonctions du Accomplissement
management des tâches
Bureaucratie
École des relations Elton Mayo, Performance Productivité
humaines (1930- Abraham Maslow, collective Efficacité
1960) Douglas McGregor, Fonctionnement
Kurt Lewin, Rensis des groupes de
Likert, Frederick travail ;
Herzberg Motivation
École Herbert Simon, Traitement de Recherche de
comportementale et Richard Cyert, l’information solutions
théories de la James March Prise satisfaisantes
décision (1950-1960) de décision plutôt qu’idéales
École socio- Lien entre les Décomposition
technique et Frederick Emry, Eric Différentes de l’organisation
approches Trist parties en sous-systèmes
systémiques (1950- internes et inter-reliés
1970) externes de
l’organisation
École de la Alfred Chandler, Lien Trouver
contingence Joan Woodward, Organisation- l’organisation
structurelle (1960- Thomas Burns et environnement la mieux adaptée
1980) George Stalker, Paul à un contexte
Lawrence et Jay donné
Lorsch, Henry
Mintzberg
Courants théoriques Karl Weick, Giddens L’organisation Recherche
depuis les années comme de légitimité
1980 : construction Statut de l’acteur
néo- sociale
institutionnalisme,
interactionnisme, Analyse, les organisations
structuralisme, post- au-delà de comme le fruit de
modernisme la rationalité, processus
la quête de institutionnels qui
légitimité des les dépassent
entreprises
1.1 Théories traditionnelles du management
3.1.1 L’école classique du management
Au sein de ce qu’on appelle l’école classique, on regroupe les premiers auteurs en
organisation qui ont cherché à formaliser et conceptualiser le fonctionnement des
entreprises : Frederick TAYLOR (1856-1915), Henri FAYOL (1841-1925) et de Max WEBER
(1864-1920).
L’école classique regroupe des courants de pensée marqués par une même approche de
l’organisation à savoir la recherche de la rationalité.
a) La théorie « management scientifique » de Frederick TAYLOR
Ingénieur mécanicien, les études de TAYLOR étaient consacrées à l’amélioration de la
productivité ouvrière en cherchant à déterminer pour chaque tâche, la manière optimale de
la réaliser (le « one best way »). Il proposait aussi la rémunération au rendement des
ouvriers afin d’accroitre leur productivité. Il a publié en 1911 son ouvrage Principles of
Scientific Management dans lequel l’on retrouve les quatre principes du management
scientifique suivants.
Principes Désignation
1 Substituer à l’empirisme traditionnel la connaissance scientifique des divers aspects du
travail de chaque individu.
2 Sélectionner, former, éduquer et perfectionner scientifiquement les ouvriers.
3 Etablir une coopération franche avec les ouvriers, de manière à s’assurer que
l’ensemble du travail soit effectué conformément aux principes scientifiques établis.
4 Séparer clairement la planification, la supervision et le contrôle des tâches de leur
exécution.
b) La théorie « administrative générale » de Henri FAYOL
Ingénieur puis Directeur général d’usine de charbonnerie en France, FAYOL a défini les 6
fonctions de base de l’entreprise :
Fonction Description
1. Technique Production, transformation
2. Commerciale Achats, ventes
3. Financière Recherche et gestion des capitaux
4. Comptabilité Bilan, inventaire, coûts, statistiques
5. Sécurité Protection des personnes et des biens
6. Administration (direction) Prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler
Il propose de définir le management comme l’ensemble des activités de la fonction
administrative visant à prévoir (objectifs, plan d ‘activités, etc.) organiser (structure,
responsabilités ; procédures ; etc.), commander (motivation, communication, etc.),
coordonner (harmonisation des actes et des efforts dans l’organisation, etc.) et contrôler
(vérification de la conformité de la mise en œuvre, mesures correctives). Il considère le
management de l’administration comme transversale aux autres fonctions de l’entreprise.
Les quatorze principes de management de FAYOL énoncés dans son ouvrage Administration
industrielle et générale (1916) sont les suivants
Principes Désignation
1. Division du travail Identique au principe édicté par Adam Smith. La
spécialisation rend les ouvriers plus efficaces et
permet d’améliorer leur rendement.
2. Autorité Les managers doivent pouvoir donner des ordres.
L’autorité qu’ils incarnent leur confère ce droit. Mais
ils sont tenus d’assumer en même temps les
responsabilités qui en découlent.
3. Discipline Les employés doivent observer et respecter les règles
qui régissent le fonctionnement de l’entreprise. Une
bonne discipline s’obtient par la combinaison d’une
direction efficace, d’une absence d’ambiguïté entre
dirigeants et ouvriers quant aux règles de l’entreprise
et d’un usage judicieux des pénalités liées à leur
transgression.
4. Unité de commandement Chaque employé ne doit recevoir ses ordres que d’un
seul chef.
5. Unité de direction Il ne doit y avoir qu’un seul chef et qu’un seul
programme pour un ensemble d’opérations visant un
même but.
6. Subordination des intérêts individuels Les intérêts d’une personne ou d’un groupe donné ne
à l’intérêt général doivent jamais prendre le pas sur l’intérêt général de
l’entreprise.
7. Rémunération Les employés doivent recevoir un juste salaire en
contrepartie de leurs services.
8. Centralisation La notion de centralisation se rapporte au degré
d’implication des subordonnés dans le processus
décisionnel. Entre centralisation (sur la direction) et
décentralisation (vers les employés), tout est question
de proportions. L’objectif consiste à trouver, pour
chaque situation, le niveau de centralisation optimal.
9. Ligne hiérarchique La chaine de commandement qui s’étend de l’autorité
supérieure aux agents inférieurs porte le nom de ligne
hiérarchique et représente une voie de
communication privilégiée. Dans les cas où elle
entrainerait un retard trop important, on pourra
toutefois envisager de la court-circuiter sous réserve
d’obtenir l’accord de l’ensemble des parties et
d’informer régulièrement les supérieurs.
10. Ordre Chaque chose et chaque personne doivent toujours se
trouver à la bonne place au bon moment.
11. Equité Les managers doivent se montrer bons et justes
envers leurs collaborateurs.
12. Stabilité du personnel Une rotation élevée du personnel et cause
d’inefficacité. Les dirigeants doivent assurer une
gestion méthodique de la main-d’œuvre et disposer
d’un nombre suffisant de remplaçants pour pallier
d’éventuels départs.
13. Initiative Les employés incités à suggérer et à mettre en œuvre
de nouvelles idées ont tendant s’investir davantage.
14.Union du personnel La promotion du travail d’équipe favorise l’unité du
personnel et l’harmonie relationnelle au sein de
l’entreprise.
c) La théorie de la « bureaucratie » de Max WEBER
Economiste et sociologue, WEBER mène une réflexion historique sur le développement de la
société moderne. Il expose dans son ouvrage Economie et Société (1921) un idéal-type, un
modèle théorique d’organisation appelé « bureaucratie » fondée sur l’autorité rationnelle-
légale et répondant aux principes suivants
Principe Désignation
1. Division du travail Le travail est décomposé en une série de tâche élémentaires,
répétitives et précisément définies
2. Hiérarchisation du pouvoir Les fonctions et les postes sont organisés hiérarchiquement et
chaque collaborateur se trouve soumis à l’autorité d’un
supérieur.
3. Sélection formelle Tous les membres de la structure organisationnelle sont
sélectionnés en fonction des compétences techniques révélées
par leur formation, leur cursus scolaire ou les résultats d’une
évaluation formelle.
4. Règle et normes formelles Afin de réglementer uniformément l’activité des employées, les
managers doivent s’appuyer autant que possible sur un
ensemble de règles formelles.
5. Impersonnalité Règlements et contrôles sont appliqués uniformément, de
manière à éviter toute implication personnelle et toue tentation
de satisfaire les préférences personnelles des employés.
6. Evolution professionnelle Les managers sont des agents professionnels, plutôt que les
propriétaires des unités qu’ils dirigent. Ils reçoivent un salaire fixe
et évoluent au sein de l’organisation.
3.1.2 L’école des relations humaines
La mise en place des principes du management scientifique préconisés par TAYLOR ont
provoqué des comportements contraires aux objectifs initiaux (gain de productivité et
d’efficacité) : taux d’absentéisme élevé, rotation importante du personnel, accidents de
travail en nombre croissant, conflits sociaux, etc.
En réaction aux méfaits du taylorisme, d’autres chercheurs ont choisi d’étudier l’entreprise
sous l’angle des relations humaines. En effet, ces auteurs ont reconnu l’importance
indiscutable du capital humain dans le succès d’une entreprise. Ce courant de management
a été appelé l’école des relations humaines. Ces auteurs s’intéressaient tous comme ceux
de l’école classique à la productivité mais au lieu de mettre l’accent sur l’organisation du
travail, ils ont mis l’accent sur la compréhension des mécanismes psychologiques, la
motivation et le travail en groupe. Ils ont montré que les ressources non économiques, non
matérialistes peuvent motiver le travailleur.
Les contributions de quelques auteurs de l’école des relations humaines sont les suivantes :
a) Les travaux de Elton MAYO (1880-1949)
Les recherches ont été menées dans les années 1920 à 1930 au sein de l’entreprise Western
Electrics dans le but d’identifier l’impact de l’environnement de travail sur la productivité.
Les résultats de ces recherches ont mis en avant le facteur humain dans le fonctionnement
des organisations. Le professeur MAYO a été associé avec ses collègues de Havard Business
School à ces travaux en tant que consultants. Leurs conclusions ont montré que les normes
et les références sociales du groupe constituent les déterminants essentiels du
comportement des individus dans la sphère professionnelle. Ces conclusions ont aussi
montré l’existence d’un lien étroit entre sentiments et comportements. Les points clés mis
en évidence par les expériences menées par MAYO sont :
- Rôle essentiel du leader informel et de l’organisation informelle
- Importance du climat social et des relations sociales au sein du groupe de travail
- Importance de l’attention et du respect portés aux collaborateurs pour les motiver
- Primauté des récompenses non monétaires pour l’individu : importance des fondements
non économiques de la satisfaction au travail
- Primauté d’un style de management participatif
b) La théorie de la hiérarchie des besoins de Abraham Maslow (1908-1970)
Abraham MASLOW est un psychologue américain. Après avoir mené un certain nombre de
travaux de recherche sur la personnalité humaine, il a publié en 1954 son livre « Motivation
and personality ». La théorie de la hiérarchie des besoins qu’il y a exposé repose sur les
principes suivants :
- L’homme connait 5 grands besoins que l’on peut classer de manière hiérarchique :
physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime et d’auto-accomplissement
- Les deux premiers niveaux de besoins correspondent aux besoins de base (inférieurs) et
les trois derniers aux besoins d’ordre supérieurs (avancés)
- Dès lors qu’un besoin se trouve globalement satisfait, il cède la place au suivant.
Besoins Enjeu Exemples
Besoins Satisfaire ses Nourriture, logement, autres impératifs
physiologiques besoins existentiels corporels
Besoins de Se protéger Protection contre les menaces, dangers,
sécurité peurs, douleurs
Besoins Se faire accepter Affection, acceptation et amitié,
d’appartenance intégration au sein de groupe
Besoins d’estime être reconnu, Respect de soi, réussite, statut social,
valorisé considération
Besoins d’auto- Se réaliser Développement personnel, exploitation
accomplissement personnellement potentiel propre
Pyramide des besoins de MASLOW
Comment la théorie de la hiérarchie des besoins de MASLOW contribue-t-elle à la
motivation de l’individu dans son travail ?
La théorie de MASLOW affirme qu’un besoin suffisamment satisfait n’apporte plus aucune
motivation. Pour motiver une personne, MASLOW explique qu’il faut d’abord comprendre à
quel niveau de la hiérarchie des besoins cette personne se trouve, puis de s’attacher à
satisfaire les besoins correspondants à ce niveau ou à ceux du niveau supérieur.
c) La théorie X et la théorie Y de Douglas McGregor (1906-1964)
- Théorie X
McGregor propose une vision du manager essentiellement négative de la nature humaine.
Cette croyance affirme que l’individu, n’aime pas travailler et fait tout pour y échapper, qu’il
faut le contraindre ou le menacer de représailles pour atteindre les objectifs fixés, qu’il
cherche à fuir ses responsabilités et qu’il a besoin d’être étroitement surveillé pour fournir
un travail efficace, qu’il manque d’ambition et place la sécurité en tête de ses
préoccupations.
Avec cette théorie, le manager ne fait pas confiance, il est surtout contrôleur.
- Théorie Y
Le manager convaincu de l’approche Y soutient que pour l’individu, le travail parait aussi
naturel que le jeu, qu’il est capable de s’auto-discipliné et qu’il se sent impliqué dans les
objectifs, qu’il accepte volontiers d’assumer ses responsabilités
Avec cette théorie, le manager va tendre à faire confiance et à être moins sur le contrôle.
MCGREGOR considère que la théorie Y dépeint au mieux la véritable nature de l’employé et
doit par conséquent, guider l’exercice du management : un management plus axé sur
l’accompagnement que le contrôle. Il affirme par conséquent que la participation de
l’employé aux processus décisionnels, le fait de lui confier un travail stimulant et de lui
donner des responsabilités, et l’établissement de bonnes relations au sein du groupe,
permettent de maximiser son effort.
1.2 Les autres écoles managériales
3.2.1 L’école comportementale et théorie de prise de décisions
Cette école se situe au carrefour de plusieurs disciplines, l’économie, la sociologie et les
sciences de gestion. Son impact est considérable car des auteurs comme H. Simon ont
permis non seu- lement de faire progresser la connaissance du fonctionnement des
organisations, mais ils ont aussi ouvert des pistes théoriques nouvelles comme on a pu le
voir plus haut en économie (théo- rie des coûts de transaction) et en sociologie (sociologie
des organisations).
S’intéressant aux processus de prise de décision dans les organisations, Simon, Cyert et
March, ont élaboré une théorie du « comportement de la firme » (appelée aussi approche «
béhavio- riste »). Ces auteurs ont réalisé, séparément ou en commun, des travaux où ils se
démarquent du modèle classique « à acteur unique » inspiré de la théorie économique
standard en critiquant et reformulant deux hypothèses fondamentales de celle-ci : la
rationalité parfaite des agents et l’absence de conflits au sein de l’entreprise sur ses
objectifs.
L’organisation est perçue comme un ensemble de groupes différents dont les intérêts et
objec- tifs sont disparates, bien qu’ils aient tous intérêt à coopérer. Ces travaux s’inscrivent
dans une approche systémique et leur influence sera large, y compris au-delà des sciences
de l’organisa- tion. Ils inspireront des recherches en sociologie : Crozier (voir plus haut), en
particulier, a encou- ragé les coopérations de son équipe avec les auteurs de l’école
comportementale ; en économie, Williamson fait explicitement référence à l’hypothèse de
rationalité limitée, on l’a rappelé précédemment
- Hebert Simon et l’hypothèse de la rationalité limitée
Les travaux de Simon, prix Nobel d’économie en 1978, dépassent largement le cadre des
théo- ries des organisations. Sa contribution à ces dernières est pourtant majeure,
notamment sa théorie de la prise de décision. Simon fonde cette dernière sur l’hypothèse
que la rationalité parfaite est irréaliste pour au moins trois raisons :
. l’information est imparfaite et incertaine ;
. les capacités de traitement de l’information par les individus sont limitées ;
. les agents sont en situation d’interdépendance : ils ne peuvent pas évaluer parfaitement les
conséquences de leurs choix en raison de l’incertitude relative aux actions des autres agents.
Du coup, le comportement des individus repose sur l’hypothèse d’une rationalité limitée.
Plutôt que la maximisation de leur profit, les agents économiques vont chercher la première
solution satisfaisante par rapport à un certain niveau d’aspiration. Dans un environnement
trop complexe pour être appréhendé dans sa globalité, le décideur va viser un résultat
satisfaisant et non pas la solution optimale, d’ailleurs difficile à appréhender puisque les
objectifs des agents sont au moins partiellement divergents. Les choix économiques étant
ainsi « contraints » par l’environ- nement et les conflits d’intérêts, ils obéissent à une logique
de satisfaction et non au principe d’optimisation. Les procédures de prise de décision dans
les organisations complexes ont alors pour vocation de réduire les limites de la rationalité
humaine. Cette hypothèse appliquée aux entreprises, catégorie particulière d’organisations,
sera approfondie par Cyert et March.
- Richard Cyert et James March
Pour Cyert et March, ce ne sont pas les organisations, mais les groupes qui les
composent qui peuvent exprimer des objectifs. Une organisation n’est qu’un
ensemble d’individus qui nouent des coalitions plus ou moins stables, l’une des
coalitions étant toutefois amenée à dominer les autres, en général le groupe
dirigeant. Parler de « but d’une organisation » reviendrait donc à assimiler celui-ci
avec celui du groupe dirigeant, ce qui conduirait à nier la réalité et l’existence
d’une multiplicité de buts selon les groupes, ou à considérer que tous les membres
sont associés dans une coalition unique poursuivant le même but, ce qui est
rarement observable, sauf dans des situations exceptionnelles ou sur des objectifs
très généraux. C’est pourtant sur cette confusion que la TES, en ne distinguant pas
entreprise et entrepreneur, nie les conflits d’intérêts existant entre les coalitions
constitutives de l’organisation. Les buts de cette dernière peuvent s’exprimer,
mais alors ils reflètent ceux que la coalition dominante a réussi à négocier avec les
autres groupes et coalitions à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation. Le
groupe dirigeant va alors chercher à adapter le comportement (d’où le nom de la
théorie) des coalitions et orienter les décisions des membres de l’organisation
dans le sens des buts ainsi construits.
Dans leur théorie comportementale de la firme, Cyert et March considèrent donc
cette dernière comme une organisation complexe composée de groupes ayant des
intérêts propres. Toute prise de décision résulte alors de compromis, de
médiations et de négociations entre les différents groupes participants. Les
procédures de prise de décision sont donc soumises à l’influence des groupes et
relèvent de processus d’apprentissage collectif. La parenté épistémologique de la
théorie comportementale avec l’analyse stratégique des organisations étudiée ci-
après est évidente.
3.2.2 L’approche (analyse) systémique
Au milieu des années 1960, l’idée consistant à analyser l’entreprise selon une perspective
systémique s’attire une large audience. L’approche systémique définit me système comme
un ensemble d’éléments interdépendants agencés de manière à former un tout cohérent.
Il y a deux grands types de systèmes :
- Les systèmes ouverts : qui interagissent dynamiquement avec leur environnement et qui
transforment les ressources qu’ils traitent.
- Les systèmes fermés : qui n’interagissent pas avec leur environnement et qui n’en
subissent aucune influence.
L’entreprise est vue comme un système ouvert qui interagit avec son environnement. On dit
alors que l’entreprise dialogue avec ses parties prenantes (stakeholders). La survie de
l’entreprise requiert donc une interaction efficace avec l’environnement : état des marché,
activité politique, progrès technologiques, évolution des mœurs, etc. Des outils comme
SPECTRED (Social, Politique, Economique, culturel, Technologique, Réglementaire,
Ecologique et Démocratique) s’appuient sur une compréhension étendue des
environnements dans lesquels l’entreprise évolue.
3.2.3 Ecole de contingence structurelle
A partir des années 1960, la théorie de contingence (appelée parfois approche
situationnelle) est venue remplacer certains principes de management dits universellement
valables (Taylor, Fayol ; etc.)
Etant donné le m’immense diversité des entreprises en termes de taille, d’objectifs, de
tâches, il serait en effet très étonnant que l’on puisse dégager des principes universellement
applicables, susceptibles de s’adapter à toutes les situations. Les théoriciens de cette
approche ont identifié différents facteurs à prendre en compte
- Taille de l’entreprise : l’effectif d’une entreprise influence de manière considérable le
travail des managers
- Le type de technologie : les technologies usuelles et les technologies propriétaires ou
non standard, exigent des structures organisationnelles, des modes de gestion et des
systèmes de contrôle différents.
- Incertitude environnementale : le degré d’incertitude lié aux évolutions politiques,
technologiques, socioculturelles et économique influence le processus managérial.
- Particularités individuelles : les différences individuelles (ambitions, autonomie, capacité
à tolérer l’ambiguïté, etc.) revêtent une importance particulière quant aux choix du
manager en termes de techniques de motivation, de style de leadership, de définition
des postes.
1.3 Les théories contemporaines du management
3.3.1 Les théories néo-institutionnelles du management
Les managers sont influencés par des lois et règlements, par des normes sociales et
culturelles, par des croyances, mais aussi par des routines organisationnelles et des rites qui
leur permettent d’ailleurs de donner le sentiment qu’ils gardent le contrôle de leur
environnement. Autrement dit, ils agissent dans un cadre « institutionnel » et leurs actions
ne peuvent être déconnectées des pressions institutionnelles : elles sont « le fruit d’une
construction sociale et sont inscrites politiquement, culturellement et cognitivement »
(Manageor, 2006).
Évidemment, le néo-institutionnalisme semble considérer que les managers ne décident pas
vraiment, et que l’organisation est un produit des processus institutionnels. Cette
conception revient à remettre en cause la rationalité des managers dont les comportements
sont déterminés en dehors d’eux par les pressions du champ institutionnel. Elle peut être
rapprochée des préoccupations d’auteurs comme Granovetter (voir plus haut) qui pensent
que les choix économiques sont influencés par les réseaux sociaux dans lesquels les
décideurs sont « encastrés ». Ces différents courants, objets de débats actuellement très
vivants, soulignent à quel point les processus de gestion, et en particulier les décisions,
gagnent à être analysés dans le contexte institutionnel des forces sociales, culturelles,
politiques, cognitives dont l’influence a largement été sous-estimée jusqu’à présent par les
sciences de gestion.
Dans les années 1980, les précurseurs de ce mouvement, en particulier DiMaggio et Powell
(1983) ou Meyer et Rowan (1983) considèrent les institutions comme statiques, stables et
auto- reproductrices (par les isomorphismes structurels notamment).
Depuis la fin des années 1990, une part importante des travaux du champ néo-
institutionnaliste porte désormais sur les questions de l’émergence et du changement
institutionnels.
L’idée est même développée d’un cycle de vie des institutions envisageant par là leur
désinsti- tutionalisation. La désinstitutionalisation est définie comme :
« Le processus] de dé-légitimation d’une pratique organisationnelle établie ou d’une
procédure suite aux défis organisationnels ou à l’échec d’organisations pour reproduire des
actions organisationnelles considérées précédemment comme légitimes ou allant de soi. »
Cependant, peu d’études empiriques portent sur ce processus. Différents facteurs sont à
l’œuvre : pressions générales et sociétales mais surtout actions des acteurs du champ
(facteurs internes à l’institution en déclin et développement de solutions alternatives par
des membres du champ).
3.3.2 Les théories évolutionnistes et post-moderniste
Comme leur nom l’indique, les courants évolutionnistes s’inspirent d’une approche
darwinienne appliquée au management. Ils rassemblent différentes contributions qui ont
pour particularité d’analyser l’organisation en tant que processus et non pas en tant que
contenu.
C’est par exemple le point de vue adopté par Anthony giddens. Cet auteur considère que la
structure d’une organisation est à la fois un ensemble de codes abstraits qui encadrent le
comporte- ment des acteurs, et un produit des interactions sociales.
Le courant « postmodernisme » s’inscrit dans la même logique réfutant l’approche des
organisations en tant qu’entités dotées de propriétés stables, maîtrisées et contrôlées par
une démarche rationnelle. La pensée postmoderne est d’inspiration philosophique (elle
s’appuie sur les travaux de Michel Foucault en particulier). Elle suppose un regard
systématiquement critique sur soi-même et sur ses propres pratiques ; dès lors, on
considère que rien n’est acquis a priori, tout doit être remis en cause dans un travail de
déconstruction-reconstruction.
L’approche postmoderne encourage ainsi, dans les situations où le gestionnaire doit décider,
à envisager de nombreuses perspectives, mêmes paradoxales voire saugrenues. Elle fait de
la diversité une valeur fondamentale : l’essentiel est de ne pas se laisser enfermer dans les
logiques de domination que dissimulent (mal, d’ailleurs) les points de vue uniques. Prenons
un exemple de point de vue postmoderniste pour illustrer notre propos. On a déjà évoqué à
plusieurs reprises les comportements « mimétiques » en matière de stratégie, les managers
décidant comme s’il existait une sorte de pensée unique à laquelle ils chercheraient à se
conformer. Le manager
« postmoderne » sensibilisé à l’approche réflexive (c’est-à-dire à la réflexion permanente sur
soi- même et ses méthodes) pensera que la manière conventionnelle d’envisager les
phénomènes conduit à considérer ces derniers comme acquis et interdit d’envisager des
analyses et des solutions alternatives. Mais il prend alors le risque de perdre sa légitimité
dans son champ institutionnel, comme le soulignent les néo-institutionnalistes