Cours D'anthropologie de La Communication - U Nord-Sud Bouaké
Cours D'anthropologie de La Communication - U Nord-Sud Bouaké
UNIVERSITE Nord-Sud_Bouaké
Licence 1 Communication
COURS
ANTHROPOLOGIE DE LA COMMUNICATION
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Sommaire
Introduction
I. Définition et enjeux de l’Anthropologie
II. L’anthropologie de la communication
1. Dell Hymes et le projet de l’anthropologie de la communication
2. Ethnographier les pratiques de communication
3. L’indexicalité sociale du langage
III. Quelques théories sur l’anthropologie de la communication
1. La philosophie de Père Tempels
2. La rationalité d’Ivan Petrovitch Pavlov
3. L’anthropologie de la communication et l’école de Francfort
IV. L’anthropologie des médias
1. Définition
2. Médias, communication et anthropologie
3. Le story-telling
Conclusion
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INTRODUCTION
Nombreuses sont aujourd’hui les recherches en communication qui se revendiquent ou
s’inspirent d’une démarche anthropologique. La personnalité de certains chercheurs, l’équipe
dont ils se sont entourés ont fait apparaître des courants à l’intérieur de la préoccupation de
l’anthropologie de la communication. Ces courants ont développé un programme plus ou moins
délimitable et un cadre conceptuel plus ou moins cohérent. Mais ils restent fluctuants, parfois
provisoires, par moments dans un ensemble vivant où tout se déplace. Ce que traduit aussi bien
le terme de courant, plus adéquat en l’occurrence que celui d’école.
Trois courants ont, de façon indéniable, marqué le champ des études en anthropologie de la
communication et y ont déposé des jalons essentiels. Les études, tant empiriques que
spéculatives de ces programmes portent aujourd’hui leurs fruits dans de nombreuses recherches
en matière d’interaction en situation. Ce sont l’ethnographie de la communication, conduite
par Dell Hymes, l’ethnométhodologie avec Grafinkel lorsqu’elle étudie le langage comme
pratique privilégiée à travers laquelle se constitue la vie sociale, et l’interactionnisme
symbolique dont Goffman, bien qu’il s’en défende, est le représentant, en matière
communicationnelle, le mieux connu aujourd’hui en Europe.
Quels que soient leur importance et leur relatif degré d’élaboration, ces trois problématiques ne
peuvent, ni ne veulent présenter, à elles seules, l’ensemble des axes théoriques et des concepts
fondateurs d’une anthropologie de la communication qui, à l’image même de la communication
qu’elle étudie, fonctionne comme un orchestre sans chef (ou du moins jusqu’ici, sans
formulateur-coordinateur comme le fut Paul Watzlawick pour Palo Alto) où chaque
instrumentiste improvise sur des thèmes incertains.
Véronique Servais, dans ses enseignements à l’université de liège, explicite la pédagogie de
l’anthropologie de la communication en ces mots : « L’anthropologie de la communication est
l’étude comparative des structures d’interaction et de communication au sein des communautés
humaines. Elle implique une méthode (la méthode ethnographique au sens large) et des objets.
Ceux-ci sont extrêmement variés, depuis la structure des évènements de communication dans
une classe jusqu’aux usages de formes spécifiques de langage dans le rituel, par exemple. Le
cours débute par une présentation des courants théoriques contribuant à l’anthropologie de la
communication. Suivent un exposé des méthodologies, (distanciation, anthropologie du
proche), puis de l’anthropologie des émotions pour terminer par quelques propositions sur une
anthropologie de la communication appliquée aux émotions. »1
Bob Bobutaka Bateko, professeur à l’Institut Supérieur de Statistique de Kinshasa, quant à lui,
considère l’anthropologie de la communication commee un champ de la communication dont
la quintessence se trouve aussi bien dans la culture de la communication que dans la
communication culturelle. En effet, dans un environnement planétaire caractérisé par une
massification de la communication, les études sur l’anthropologie de la communication sont
d’une importance capitale pour ainsi consolider le rôle culturel de l’homme dans une société de
communication. L’anthropologie de la communication s’intéresse aussi au rôle de l’homme
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Véronique Servais, Anthropologie de la communication, Programme des cours 2016-2017, Université de Liège.
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dans l’interculturalité. L’anthropologie de la communication s’intéresse aussi bien à la culture,
à la société qu’à la communication.
Enjeux de l’anthropologie :
L’importance de cette discipline est due à la nature même de l’homme : l’être humain dépasse
son environnement spécifique et l’adapte à ses besoins par sa dimension culturelle.
Biologiquement capable d’une série de comportements, l’homme évolue aussi grâce à un
processus d’apprentissage long, marqué par l’empreinte de son milieu social et culturel.
L’anthropologie cherche donc à comprendre comment l’homme, dans son interaction aux
autres, recompose constamment ses relations à l’altérité et à l’identité.
Trois grands axes servent de fondement aux dynamiques théoriques :
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dimensions sociales, culturelles, religieuses, etc. Elle explique le mal-être, sa gestion,
son interprétation, par les divers chemins de réponse que les sociétés ont donné à la
vulnérabilité, à la souffrance et à la mortalité qui pèsent sur tous les humains. Ainsi, le
traitement des maladies est fonction des systèmes de croyances et des modalités de
l’organisation sociale.
Pour Yves Winkin, qui s’est inspiré de l’école de Palo alto, l’anthropologie de la
communication peut être comprise en ces termes : « Selon les cultures, les registres de la
communication peuvent varier grandement. La communication ne passe pas uniquement par la
parole, mais aussi par des gestes, des postures, des façons d’occuper l’espace (…). Le tout dans
un contexte donné. Selon Dell Hymes, il faut également insérer dans l’économie
communicative d’une société tous les acteurs auxquels ses membres attribuent des intentions
de communication (les dieux, les morts, les animaux…). Ceci tranche avec les conceptions de
la communication limitées à un message entre un émetteur et un récepteur. L’école de Palo Alto
a développé une conception élargie de la communication tenant compte notamment du rôle de
l’observateur. L’anthropologie de la communication s’attachera notamment à trouver ce qu’il a
d’universel au cœur du particulier (…) »
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of Speaking, qui représente un jalon important et le premier aboutissement du programme lancé
par leur maître. Depuis, ce domaine thématique de l’anthropologie a suscité un courant de
recherches extrêmement fécond, en particulier aux États-Unis. En France, il n’a en revanche
pas bénéficié d’une reconnaissance académique aussi grande, en dépit des travaux pionniers de
Geneviève Calame-Griaule qui inaugure l’ethnolinguistique « à la française » dans les années
1960 (Ethnologie et langage. La parole chez les Dogon, 1965), et même si nombre
d’anthropologues de langue française ont apporté des contributions originales à ce courant.
Le projet de l’anthropologie de la communication se définit par opposition à l’approche
linguistique des faits de langage. De Ferdinand de Saussure à Noam Chomsky, la linguistique
s’est employée à étudier la langue en elle-même et pour elle-même, en l’envisageant comme
une structure formelle indépendamment de ses usages concrets. Par contraste, l’anthropologie
de la communication recentre l’attention sur les usages afin de mieux comprendre le rôle du
langage dans la vie sociale. Elle insiste en outre sur le fait que le langage ne se limite pas à un
usage référentiel, mais qu’il consiste également en une forme d’action sociale en soi : il sert à
accomplir des actions, ce que montrent bien des verbes performatifs tels que « saluer », «
maudire », « baptiser » ou « condamner ». L’étude des usages sociaux du langage exige
d’adopter une méthode d’investigation résolument ethnographique.
La communication repose en outre sur des signaux non verbaux. Cela concerne tout d’abord les
aspects paralinguistiques du discours. On désigne par-là les éléments vocaux qui accompagnent
le message linguistique sans toutefois s’y réduire, par exemple la prosodie (c’est-à-dire les
inflexions propres à l’expression orale). Or, l’intonation peut revêtir une signification sociale :
un changement de ton indique de quelle manière le discours doit être compris, en signifiant par
exemple aux participants que l’énoncé est formulé sur le mode de la plaisanterie. De même, un
accent constitue un puissant marqueur de l’origine ou du statut social. Enfin, certains types de
discours se distinguent par une prosodie particulière, par exemple des lamentations funéraires
exprimées en parlé-chanté.
Il faut également prendre en compte les aspects extralinguistiques de la communication. Un
acte aussi ordinaire que des salutations combine habituellement une série de formules verbales
conventionnelles et un ensemble de signaux non verbaux : gestes (signe de la main, poignée de
main, accolade ou embrassade), regards (contact visuel ou, au contraire, évitement), expressions
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faciales (sourire ou, au contraire, visage fermé) et attitudes corporelles (se lever ou incliner le
buste). Dans les années 1950, Ray Birdwhistell a proposé d’appeler kinésique l’étude de cette
communication gestuelle et corporelle et des codes socioculturels qui la régissent. Dans ce
cadre, mentionnons l’importance des travaux des chercheurs de l’école de Palo Alto
(Californie) réunis autour de Gregory Bateson pour comprendre les fondements non verbaux
de la communication. La distance et l’espace constituent eux aussi des aspects significatifs de
la communication, comme la proxémique d’Edward T. Hall l’a bien montré. Alessandro
Duranti a par exemple souligné le rôle déterminant que joue le placement dans l’espace lors des
salutations cérémonielles entre notables masculins à Samoa, une société très hiérarchisée avec
tout un système de titres de noblesse. Les salutations verbales sont précédées par l’entrée du
nouvel arrivant qui va s’asseoir à l’intérieur de la maison. Les personnes assises à l’avant, partie
de la maison associée à la lumière, sont celles qui méritent le plus de respect du fait de leur
statut, mais aussi qui doivent se conformer le plus strictement aux règles de l’étiquette. Les
personnes de rang inférieur s’assoient quant à elles à l’arrière de la maison, partie associée à la
« brousse » et à l’obscurité. S’il y a habituellement congruence entre le statut social d’une
personne et la place où elle s’assoit, le système hiérarchique comporte suffisamment
d’ambiguïté pour qu’un individu dispose d’une certaine marge de manœuvre pour négocier sa
place et donc son rang. Pour ne pas avoir à remplir certaines obligations sociales (par exemple
en cas de collecte d’argent lors d’une cérémonie), un notable pourra adopter une stratégie
d’abaissement de soi en déclinant la place prestigieuse qui lui est offerte à l’avant de la maison,
au risque toutefois de perdre publiquement la face si sa manœuvre échoue. Comme on le voit,
les signaux non verbaux représentent un aspect important de la communication, à côté des
échanges langagiers. Sur le plan du développement psychologique, la communication non
verbale précède d’ailleurs l’acquisition du langage chez l’enfant et la rend même possible.
Apparaissant autour de neuf mois, les premiers gestes déictiques (comme pointer ou brandir un
objet) constituent des prototypes non verbaux d’énoncés impératifs (« donne-moi cela ») ou
déclaratifs (« c’est un ballon »). L’enfant acquiert par conséquent l’usage conventionnel des
signes linguistiques en apprenant à participer à une forme d’interaction qu’il comprend d’abord
de manière non linguistique. Dans cette perspective, l’anthropologie de la communication s’est
intéressée à l’acquisition des compétences de communication chez les enfants, comme
l’illustrent les travaux de Bambi Schieffelin sur la socialisation langagière parmi les Kaluli des
hautes terres de Papouasie–Nouvelle-Guinée ou ceux de Marjorie Goodwin sur les jeux des
enfants d’un quartier afro-américain de Philadelphie.
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là tout groupe de personnes qui partagent une même langue, mais aussi les mêmes façons de
parler et un même ensemble de normes à propos des usages du langage. On étudiera alors par
exemple les façons de parler propres à un groupe social donné (ce qu’on appelle des
sociolectes), à l’image du travail pionnier de Labov sur le parler noir américain. Seule l’enquête
de terrain permet d’identifier et de décrire une communauté langagière et d’en cerner les
contours. Cela exige d’adopter un principe de relativisme méthodologique concernant les
critères d’inclusion ou d’exclusion au groupe. Si, dans une société, certaines espèces animales
ou les esprits des ancêtres sont considérés comme des interlocuteurs légitimes, alors il faut les
compter parmi les membres de cette communauté langagière. Dans cette perspective, les
anthropologues se sont employés à étudier les moyens (tant linguistiques qu’extralinguistiques)
par lesquels, dans un contexte rituel notamment, les participants sont amenés à prêter une voix
à une entité invisible ou non humaine ou à un artefact chargé d’incarner sa présence (tels un
masque, une statue ou un instrument de musique). L’anthropologie de la communication a
élaboré un ensemble de concepts et de méthodes pour définir le plus précisément possible les
façons de parler à l’intérieur d’une communauté langagière donnée. Selon Hymes, l’unité
d’analyse la plus pertinente est ce qu’il appelle l’événement de communication (communicative
event ou speech event). Il entend par là toute séquence d’activité où le langage (ou plus
largement la communication) joue un rôle constitutif et non pas seulement accessoire. Cela peut
être une prière religieuse, une plaidoirie judiciaire, une conférence savante, une joute verbale
ou encore des brèves de comptoir. Hymes a proposé un modèle pour guider l’analyse des
événements de communication en les décomposant en une série de paramètres socialement
pertinents. Il lui a donné un nom en forme d’acronyme : SPEAKING. Pour illustrer la
présentation de ce modèle, nous nous appuierons sur un bref exemple (tiré de The Ethnography
of Communication. An introduction de Muriel Saville-Troike, 1982) : une assemblée
villageoise chez les Bambaras du Mali.
S comme Situation : quand et où l’événement peut-il avoir lieu ? Une assemblée coutumière
se tient généralement en journée sur la place publique du village, sous l’arbre à palabres, car il
s’agit d’un événement qui intéresse toute la communauté.
P comme Participants : qui peut participer à l’événement ? Pour répondre à cette question, il
convient d’enrichir le modèle dyadique de l’émetteur et du récepteur pour envisager, à la suite
de Goffman, l’ensemble des statuts et des rôles que les participants peuvent assumer au cours
de l’événement. Du côté de l’émetteur, le locuteur (celui qui parle) peut différer de l’énonciateur
(celui au nom de qui on parle). Du côté du récepteur, le destinataire principal se distingue du
public, ce dernier pouvant inclure des personnes à portée de voix, mais auxquelles le message
n’est pas principalement destiné. Les stratégies d’adresse indirecte (qui servent par exemple à
critiquer quelqu’un de manière détournée) sont une bonne illustration du fait que le destinataire
réel d’un message peut différer de son destinataire apparent. Dans le cas d’une palabre bambara,
tous les hommes du village peuvent participer, mais en principe pas les femmes. Les
participants se différencient par leurs statuts et les rôles qui y sont associés : il faut distinguer
le chef du village qui dirige l’assemblée, le griot qui joue le rôle de porte-parole, les aînés (c’est-
à-dire les hommes mariés ayant dépassé la quarantaine) qui prennent une part active à la
décision et les cadets qui assistent à l’assemblée, mais ne sont pas autorisés à participer
directement à la discussion.
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E comme Ends (Finalités) : quel est l’enjeu de l’événement ? La finalité d’une palabre est de
prendre une décision pour le bien de toute la communauté villageoise, ce qui explique que ce
soit un événement public.
A comme Act sequence (Séquence d’actes de parole) : de quoi parle-t-on, que dit-on et
comment ? Le thème de l’assemblée concerne la décision à prendre (par exemple, comment
s’assurer que le bétail ne ravage plus les plantations). La palabre se déroule de la façon suivante
: le chef du village commence par exposer l’enjeu de la réunion, puis le griot transmet le
message à l’assemblée. Ensuite, après avoir demandé la parole par l’intermédiaire du griot, un
aîné expose son point de vue, qui est alors rapporté par le griot. Cette séquence se répète jusqu’à
ce que tous les aînés aient eu l’occasion d’exposer leur opinion. À la fin, le chef du village
résume le débat et fait une proposition, toujours par l’intermédiaire du griot.
K comme Key (Ton) : sur quel ton la communication se fait-elle ? Une palabre est une
délibération sérieuse. Seul le griot peut s’autoriser le ton de la plaisanterie, ce qui marque son
statut particulier.
N comme Normes : quelles sont les règles de la prise de parole et quelles normes président à
l’interprétation des discours ? Le déroulement de la palabre respecte les règles suivantes : les
participants ne s’adressent pas directement les uns aux autres, mais doivent toujours passer par
l’entremise du griot ; seuls les aînés peuvent demander au chef du village à être autorisés à
parler ; l’opinion des cadets peut être sollicitée, mais ils ne peuvent eux-mêmes demander à
parler ; les tours de parole suivent l’ordre de la séniorité. Les normes d’interprétation du
discours sont les suivantes : un style laconique signifie que le locuteur expose son propre point
de vue ; un style contourné (plein de proverbes et de sous-entendus) signifie que le locuteur
s’oppose à quelqu’un d’autre (car on ne saurait critiquer autrui frontalement).
G comme Genre : à quel genre de discours l’événement correspond-il ? On distingue
habituellement le discours ordinaire (registre socialement non marqué) et les genres de discours
(registres socialement marqués) qui se caractérisent par des normes langagières spécifiques et,
bien souvent, des échanges verbaux plus formalisés. De ce point de vue, une palabre représente
un genre distinct du discours ordinaire, ce que manifestent clairement la hiérarchie des tours de
parole et le rôle singulier du griot qui médiatise tous les échanges. Le degré de précision requis
par ce genre d’analyse nécessite en principe de disposer du verbatim des échanges et donc de
les avoir enregistrés au préalable ou, mieux encore, filmés. On veillera en outre à s’appuyer sur
des situations d’interlocution spontanées plutôt que sur des discours normatifs sollicités par
l’enquêteur, qui restent plus artificiels. Se pose ensuite l’épineuse question de la transcription.
Une transcription mot à mot ne sera pas forcément la plus pertinente, dans la mesure où
l’anthropologie de la communication ne s’intéresse pas uniquement au message linguistique,
mais également aux dynamiques interactionnelles qui sous-tendent les échanges verbaux. Sur
ce point, les conventions adoptées par les travaux en analyse conversationnelle peuvent se
révéler utiles, car elles transcrivent les silences, chevauchements, interruptions et changements
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de ton, en plus du contenu linguistique des échanges verbaux. On peut choisir de transcrire
également les éléments extralinguistiques des échanges lorsqu’ils sont socialement significatifs,
par exemple les gestes et les regards afin de comprendre la construction culturelle du rapport à
l’espace. Une transcription qui prend en compte trop d’éléments risque toutefois de devenir
illisible et donc inutilisable. Il faut par conséquent choisir le type et le degré de précision de la
transcription en fonction du bénéfice analytique qu’on escompte en retirer.
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sous-tend les discussions familiales à table au sein de la classe moyenne américaine à la fin des
années 1980. Ces conversations représentent l’une des principales occasions au cours
desquelles les enfants font l’apprentissage des identités de genre au sein de la famille. Les
discussions à table révèlent une asymétrie de genre que Ochs et Taylor appellent « c’est papa
qui sait » (en reprenant le nom d’une série télévisée américaine des années 1950) : le père est
érigé en juge et critique du comportement des autres membres de la famille, ses enfants au
premier chef, mais aussi son épouse. Quand bien même cette idéologie patriarcale a été
publiquement remise en cause depuis plusieurs décennies au sein de la société américaine, elle
n’en continue pas moins de jouer un rôle structurant dans les conversations familiales, ne serait-
ce que de manière implicite. Ces quelques exemples montrent l’intérêt qu’il y a à examiner
l’articulation entre le langage et le social ou, plus précisément, entre des situations concrètes
d’interlocution et les contextes socioculturels dans lesquels celles-ci prennent plus largement
place. L’analyse détaillée des structures discursives et des dynamiques interactionnelles qui
organisent les échanges langagiers permet de comprendre comment les relations sociales sont
produites et reproduites à travers ces échanges. C’est en ce sens que l’anthropologie de la
communication nous permet d’étudier le social en train de se faire.
III. Quelques théories relatives à l’anthropologie de la communication
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Placide Tempels (à l'état civil : Frans Tempels), né le 18 février 1906 à Berlaar en Belgique et décédé le 9
octobre 1977. Il est un Révérend Père et prêtre franciscain, missionnaire belge en Afrique centrale. Du point de
vue scientifique, il est un ethno-philosophe et est connu surtout pour son livre intitulé La philosophie bantoue.
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discriminatoires et ne présagent pas le respect aussi bien de l’Afrique et des Africains que de
l’humanité. Ce discours est aussi développé par ceux qui affirment que l’écriture hiéroglyphe
n’est pas africaine. Et en s’opposant au schème qui véhicule l’anthropologie de la
communication de l’Afrique d’Hegel, Tempels démontre au contraire que l’homme Noir, à
travers le muntu a aussi une culture. C’est ainsi qu’il considère que la philosophie bantoue
définit l'être comme étant une force ; autrement dit qu'un être n'a comme caractéristique qu’une
certaine force, ou n'a pas à sa disposition une force distincte de l'être. Or, un être dans
l’acceptation du terme, selon Tempels, est appréhendé dans la philosophie bantoue comme étant
la même chose qu'une force. Pour Tempels, ce que les colonisateurs voyaient comme des
croyances surnaturelles et magiques, se révèle selon la philosophie bantoue décrite, comme
une expression parfaitement naturelle et logique d'une vision de la vie basée sur les forces. Il
s’insurge contre le modèle de la pensée occidentaliste sur l’homme Noir. En fait, il a écrit que
la force d'un enfant garde un lien avec celle de ses parents (et avec celle de tous ses ascendants),
un rapport intime, comparable au lien de causalité qui relie la créature au Créateur. Même
lorsqu'une personne est décédée, sa force perdure. Il existe une forte hiérarchie entre les forces.
Une force peut s'exercer sur toutes les forces inférieures (descendants, animales, minérales...).
La sagesse bantoue correspond à la connaissance de ces forces, mais seule la sagesse divine
les connait toutes. On peut aisément constater que les considérations de l’ecclésiastique
Tempels sont de l’ordre de l’anthropologie de la communication avec aussi des approches
ontologiques, théologique et sociétale. La problématique relative à la communication des
civilisations, sinon de la communication de la culture est ainsi établie. Les éléments
susmentionnés démontrent suffisamment que la pensée de Tempels est un schème de
l’anthropologie de la communication dans la mesure où le postulat de la communication
culturelle et ethnologique est de mise, à travers, d’une part les interactions familiales, et d’autre
part, la communion entre l’homme Noir et sa divinité.
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Pavlov est né le 26 septembre 1849 à Riazan dans l'Empire russe et mort le 27 février 1936 à Leningrad. Il est
un médecin et un physiologiste russe. Il est aussi le lauréat du prix Nobel de physiologie ou de médecine de
1904 et de la médaille Copley en 1915.
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glocalisation : un terme qui met l’accent sur la localisation de l’homme dans la mondialisation
ou la globalisation.
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L'anthropologie des médias est une prise de conscience de l'interaction (à la fois réelle et
potentielle) entre les divers aspects académiques et appliqués de l'anthropologie et la multitude
des médias.
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également trouver une place sous le soleil des médias de masse, interprétant, avec ses propres
outils, les mêmes réalités interprétées : « L’anthropologie des médias se développe à partir de
l’anthropologie des sociétés modernes, d’une part, et du tournant culturel dans les études sur
les médias, d’autre part. Elle détourne son attention de la culture « exotique » vers la culture
banale et de la culture « indigène » vers la culture fabriquée, tout en préservant les acquis
méthodologiques et conceptuels de la tradition anthropologique antérieure. Elle prépare les
études sur les médias à un engagement plus complet avec la construction symbolique de la
réalité et l’importance fondamentale des structures symboliques, du mythe et du rituel dans la
vie quotidienne. ».
3. Le story-telling
Le story-telling, qui se définit en français comme la communication narrative, est l’art de
raconter une histoire. Ce type de communication a pour but de toucher les cibles en créant de
l’émotion, donner de la force à l’image de marque d’une entreprise, booster sa notoriété ou
encore attirer de nouveaux clients. L’objectif est de raconter des histoires qui s’adressent au
public et qui parlent à chacun. Il est utilisé dans différents domaine, dans le cadre du cours,
nous verrons le story-telling dans le journalisme et le story-telling dans la publicité.
Le story-telling dans le journalisme :
Le story-telling est présent dans le milieu journalistique. En effet, l’information est de plus en
plus scénarisée. Lorsque l’information devient banale ou courte, on va la rendre plus originale
grâce à l’ajout de l’émotion : compassion, pitié, admiration… ceci dans le but d’émouvoir le
public afin de faire passer un message et avoir plus d’audience ou plus de lecteurs. Pour que le
lecteur ou le téléspectateur comprenne très vite l’information, le journaliste est capable de
maquiller la réalité. Par soucis de temps, de concurrence ou encore d’économie, le journaliste
va donc sélectionner les informations qui relèvent le plus de l’émotion et qu’il peut amplifier.
L’objectif ici est de « donner du bonheur » en montrant parfois une réalité fictive. Cette envie
de susciter l’émotion peut donner lieu à une déformation de l’information.
Dans le milieu médiatique, cette méthode est également très controversée. Pour certaines
personnes, elle tend à décrédibiliser la profession puisque le journaliste peut ne plus émettre de
regard critique sur l’actualité. Le processus de story-telling est donc ancré dans les médias et
par conséquent dans le quotidien de tout le monde.
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La publicité utilise un contexte de narration, elle met en valeur le produit en évoquant une
histoire. Pour vendre un produit, les stratégies de communication peuvent se baser sur une
narration qui parle à beaucoup de gens. Les marques de boissons, de parfums, de produits
ménagers ont alors tendance à produire un contenu aux touches humoristiques mais elles
peuvent aussi mettre en scène leur produit dans un contexte de la vie quotidienne : le public va
ainsi se reconnaitre dans la narration, drôle ou touchante, et sera plus susceptible d’apprécier
cette méthode commerciale et donc d’acheter. Il faut noter que l’émotion rattachée aux histoires
est plus captivante que les argumentations rationnelles, traditionnelles.
On peut donc conclure que la technique de story-telling est au centre de la vie quotidienne. En
effet, lorsque nous lisons un article de presse, que nous regardons la publicité ou un débat
politique, nous sommes confrontés au story-telling. Celui-ci très présent et assez efficace. Il
faut cependant préciser que cet art est souvent critiqué. Dans un contexte politique par exemple,
il peut permettre de manipuler l’opinion en inventant de fausses histoires. Il est donc important
d’en faire bon usage.
Conclusion
La communication est un outil essentiel que les anthropologues utilisent pour comprendre
l'environnement social et culturel en se concentrant sur chaque aspect de la vie sociale et
culturelle d'une nation. En anthropologie sociale et culturelle, la communication est utilisée
pour éduquer et former les gens à étudier et à analyser la nature et l'état des structures et
institutions sociales et culturelles spécifiques qui affectent largement le processus de
développement social et culturel de la société. L’anthropologie de la communication est un
champ de la communication qui est en plein essor. L’interdisciplinarité est un gage pour asseoir
l’épistémologie des Sciences de l’Information et de la Communication ; car autant les sciences
de l’information et de la communication sont l’émanation de plusieurs disciplines scientifiques,
autant la prise en charge des esprits scientifiques ayant exploité l’anthropologie de la
communication mérite l’attention surtout du communicologue.
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Bibliographie
E. OCHS & C. TAYLOR, « The “father knows best” dynamic in dinnertime narratives », in K.
Hall, M. Bucholtz dir., Gender, Articulated: Language and the Socially Constructed Self,
Routledge, New York, pp. 97-120, 1995
Ivan Pavlov, Vie après la Révolution d'Octobre, https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_Pavlov
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