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Cours D'anthropologie de La Communication - U Nord-Sud Bouaké

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République de Côte d’Ivoire

UNIVERSITE Nord-Sud_Bouaké
Licence 1 Communication
COURS

ANTHROPOLOGIE DE LA COMMUNICATION

Professeur GOKRA Dja André


Maître de Conférences
Université Alassane Ouattara
Département de Communication

1
Sommaire
Introduction
I. Définition et enjeux de l’Anthropologie
II. L’anthropologie de la communication
1. Dell Hymes et le projet de l’anthropologie de la communication
2. Ethnographier les pratiques de communication
3. L’indexicalité sociale du langage
III. Quelques théories sur l’anthropologie de la communication
1. La philosophie de Père Tempels
2. La rationalité d’Ivan Petrovitch Pavlov
3. L’anthropologie de la communication et l’école de Francfort
IV. L’anthropologie des médias
1. Définition
2. Médias, communication et anthropologie
3. Le story-telling
Conclusion

2
INTRODUCTION
Nombreuses sont aujourd’hui les recherches en communication qui se revendiquent ou
s’inspirent d’une démarche anthropologique. La personnalité de certains chercheurs, l’équipe
dont ils se sont entourés ont fait apparaître des courants à l’intérieur de la préoccupation de
l’anthropologie de la communication. Ces courants ont développé un programme plus ou moins
délimitable et un cadre conceptuel plus ou moins cohérent. Mais ils restent fluctuants, parfois
provisoires, par moments dans un ensemble vivant où tout se déplace. Ce que traduit aussi bien
le terme de courant, plus adéquat en l’occurrence que celui d’école.

Trois courants ont, de façon indéniable, marqué le champ des études en anthropologie de la
communication et y ont déposé des jalons essentiels. Les études, tant empiriques que
spéculatives de ces programmes portent aujourd’hui leurs fruits dans de nombreuses recherches
en matière d’interaction en situation. Ce sont l’ethnographie de la communication, conduite
par Dell Hymes, l’ethnométhodologie avec Grafinkel lorsqu’elle étudie le langage comme
pratique privilégiée à travers laquelle se constitue la vie sociale, et l’interactionnisme
symbolique dont Goffman, bien qu’il s’en défende, est le représentant, en matière
communicationnelle, le mieux connu aujourd’hui en Europe.
Quels que soient leur importance et leur relatif degré d’élaboration, ces trois problématiques ne
peuvent, ni ne veulent présenter, à elles seules, l’ensemble des axes théoriques et des concepts
fondateurs d’une anthropologie de la communication qui, à l’image même de la communication
qu’elle étudie, fonctionne comme un orchestre sans chef (ou du moins jusqu’ici, sans
formulateur-coordinateur comme le fut Paul Watzlawick pour Palo Alto) où chaque
instrumentiste improvise sur des thèmes incertains.
Véronique Servais, dans ses enseignements à l’université de liège, explicite la pédagogie de
l’anthropologie de la communication en ces mots : « L’anthropologie de la communication est
l’étude comparative des structures d’interaction et de communication au sein des communautés
humaines. Elle implique une méthode (la méthode ethnographique au sens large) et des objets.
Ceux-ci sont extrêmement variés, depuis la structure des évènements de communication dans
une classe jusqu’aux usages de formes spécifiques de langage dans le rituel, par exemple. Le
cours débute par une présentation des courants théoriques contribuant à l’anthropologie de la
communication. Suivent un exposé des méthodologies, (distanciation, anthropologie du
proche), puis de l’anthropologie des émotions pour terminer par quelques propositions sur une
anthropologie de la communication appliquée aux émotions. »1

Bob Bobutaka Bateko, professeur à l’Institut Supérieur de Statistique de Kinshasa, quant à lui,
considère l’anthropologie de la communication commee un champ de la communication dont
la quintessence se trouve aussi bien dans la culture de la communication que dans la
communication culturelle. En effet, dans un environnement planétaire caractérisé par une
massification de la communication, les études sur l’anthropologie de la communication sont
d’une importance capitale pour ainsi consolider le rôle culturel de l’homme dans une société de
communication. L’anthropologie de la communication s’intéresse aussi au rôle de l’homme

1
Véronique Servais, Anthropologie de la communication, Programme des cours 2016-2017, Université de Liège.

3
dans l’interculturalité. L’anthropologie de la communication s’intéresse aussi bien à la culture,
à la société qu’à la communication.

L’anthropologie de la communication a pour objet la communication en tant que structure


dynamique soutenant l’ordre et la créativité dans l’interaction sociale. Elle emploie donc les
méthodes de l’enquête ethnographique pour étudier les échanges langagiers et, de manière plus
générale, les pratiques de communication.

I. Définition et enjeux de l’anthropologie


L’anthropologie du grec : anthropos, « homme » et logos, « science » étudie l’homme sous
son aspect biologique (anthropologie physique). Elle étudie tous les phénomènes sociaux
(pratiques et représentations) qu’expliquent des facteurs culturels et a évolué grâce aux travaux
de grandes figures comme Lucien Lévy-Bruhl, Marcel Mauss, Bronislaw Malinowski, Alfred
Radcliffe-Brown, Claude Lévi-Strauss.
L’anthropologie est aussi l’ensemble des sciences qui étudient l’homme ou les groupes humains
sous leurs différents aspects.

Ethnologie, ethnographie, anthropologie : Ces trois disciplines s’imbriquent dans l’étude de


faits socioculturels d’une manière générale, comparative ou spécifique à un groupe.
L’ethnologie se focalise ainsi sur un groupe ethnique spécifique à travers ses coutumes et sa
langue, dont les descriptions relèvent du minutieux travail d’enquêtes et des observations de
terrains ethnographiques. La finalité est de comprendre la nature humaine à travers l’étude des
peuples, cultures, sociétés par la théorisation des observations de leurs particularités.
L’introduction du terme « anthropologie » tout court, dans les années 1950, par Lévi-Strauss, a
circonscrit cette discipline à l’étude des êtres humains sous tous leurs aspects.

Enjeux de l’anthropologie :
L’importance de cette discipline est due à la nature même de l’homme : l’être humain dépasse
son environnement spécifique et l’adapte à ses besoins par sa dimension culturelle.
Biologiquement capable d’une série de comportements, l’homme évolue aussi grâce à un
processus d’apprentissage long, marqué par l’empreinte de son milieu social et culturel.
L’anthropologie cherche donc à comprendre comment l’homme, dans son interaction aux
autres, recompose constamment ses relations à l’altérité et à l’identité.
Trois grands axes servent de fondement aux dynamiques théoriques :

 L’anthropologie sociale et culturelle : étudie les manifestations de la vie en société


(liens de parenté, mariage, naissance, initiation, funérailles, coutumes, rites, etc.).
L’approche culturelle, surtout américaine, se concentre sur les modes de vie, les langues,
les mythes des peuples.
 L’anthropologie physique ou anthropobiologie : étudie les caractéristiques
morphologiques et biologiques des populations humaines, elle a notamment contribué
à ôter au concept de race tout fondement scientifique.
 L’anthropologie médicale ou ethnomédecine : cherche à comprendre les
représentations liées à la maladie, à la santé, au corps souffrant, en lien avec les autres

4
dimensions sociales, culturelles, religieuses, etc. Elle explique le mal-être, sa gestion,
son interprétation, par les divers chemins de réponse que les sociétés ont donné à la
vulnérabilité, à la souffrance et à la mortalité qui pèsent sur tous les humains. Ainsi, le
traitement des maladies est fonction des systèmes de croyances et des modalités de
l’organisation sociale.

II. L’anthropologie de la communication


L’anthropologie de la communication est une expression conçue à l’aide de deux concepts :
anthropologie et communication.

Pour Yves Winkin, qui s’est inspiré de l’école de Palo alto, l’anthropologie de la
communication peut être comprise en ces termes : « Selon les cultures, les registres de la
communication peuvent varier grandement. La communication ne passe pas uniquement par la
parole, mais aussi par des gestes, des postures, des façons d’occuper l’espace (…). Le tout dans
un contexte donné. Selon Dell Hymes, il faut également insérer dans l’économie
communicative d’une société tous les acteurs auxquels ses membres attribuent des intentions
de communication (les dieux, les morts, les animaux…). Ceci tranche avec les conceptions de
la communication limitées à un message entre un émetteur et un récepteur. L’école de Palo Alto
a développé une conception élargie de la communication tenant compte notamment du rôle de
l’observateur. L’anthropologie de la communication s’attachera notamment à trouver ce qu’il a
d’universel au cœur du particulier (…) »

L’anthropologie de la communication s’intéresse aux rapports entre langage, culture et société.


Elle envisage le langage comme une ressource culturelle dont les usages sont régis par des
normes variables selon les sociétés et comme un outil servant à communiquer, mais aussi à agir
sur autrui et sur le monde. Elle s’occupe de tout genre de discours, qu’il s’agisse de
conversations ordinaires ou de discours cérémoniels. Ses objets d’études peuvent être aussi bien
des mythes, des contes, des allocution politiques, que des échanges de potins, des salutations
quotidiennes.

1. Dell Hymes et le projet de l’anthropologie de la communication


L’anthropologie de la communication naît au cours des années 1960 au sein de l’anthropologie
culturelle américaine. En 1962, l’anthropologue et linguiste Dell Hymes publie un manifeste
pour une ethnographie de la parole (ethnography of speaking). Il y propose d’étudier
l’articulation entre langue, culture et société dans le sillage des travaux de Franz Boas, Edward
Sapir et Benjamin Lee Whorf, mais en mettant plus résolument l’accent sur l’analyse de
pratiques langagières saisies dans leur contexte. Deux ans plus tard, il dirige avec le
sociolinguiste John Gumperz un numéro de la revue American Anthropologist consacré à
l’ethnographie de la communication : ce nouveau nom de baptême met en avant le fait que la
communication ne saurait se réduire à sa seule dimension verbale. Ce numéro, auquel
contribuent des auteurs comme Erving Goffman et William Labov, joue un rôle fondateur dans
la constitution d’un nouveau champ de recherches au carrefour des sciences sociales et des
sciences du langage. Dix ans plus tard, deux étudiants de Hymes à l’université de Pennsylvanie,
Richard Bauman et Joel Sherzer, publient un ouvrage collectif, Explorations in the Ethnography

5
of Speaking, qui représente un jalon important et le premier aboutissement du programme lancé
par leur maître. Depuis, ce domaine thématique de l’anthropologie a suscité un courant de
recherches extrêmement fécond, en particulier aux États-Unis. En France, il n’a en revanche
pas bénéficié d’une reconnaissance académique aussi grande, en dépit des travaux pionniers de
Geneviève Calame-Griaule qui inaugure l’ethnolinguistique « à la française » dans les années
1960 (Ethnologie et langage. La parole chez les Dogon, 1965), et même si nombre
d’anthropologues de langue française ont apporté des contributions originales à ce courant.
Le projet de l’anthropologie de la communication se définit par opposition à l’approche
linguistique des faits de langage. De Ferdinand de Saussure à Noam Chomsky, la linguistique
s’est employée à étudier la langue en elle-même et pour elle-même, en l’envisageant comme
une structure formelle indépendamment de ses usages concrets. Par contraste, l’anthropologie
de la communication recentre l’attention sur les usages afin de mieux comprendre le rôle du
langage dans la vie sociale. Elle insiste en outre sur le fait que le langage ne se limite pas à un
usage référentiel, mais qu’il consiste également en une forme d’action sociale en soi : il sert à
accomplir des actions, ce que montrent bien des verbes performatifs tels que « saluer », «
maudire », « baptiser » ou « condamner ». L’étude des usages sociaux du langage exige
d’adopter une méthode d’investigation résolument ethnographique.

L’anthropologie de la communication se démarque également des approches plus étroitement


linguistiques sur un autre point. Si, entre 1962 et 1964, Hymes passe de l’ethnographie de la
parole à l’ethnographie de la communication, c’est pour souligner le fait que celle-ci ne se limite
pas à l’échange de messages verbaux. La communication non verbale joue un rôle important
dans la vie sociale, même s’il est indéniable que le langage articulé représente un mode
privilégié de communication au sein de l’espèce humaine. La communication verbale inclut
l’échange de messages linguistiques aussi bien écrits qu’oraux : l’ethnographie des pratiques
d’écriture est donc partie intégrante de cette approche anthropologique de la communication.
Mais il faut noter qu’un message verbal peut tout aussi bien passer par le canal tactile, comme
l’écriture braille, que par les canaux visuel et gestuel, comme les langues des signes pour les
sourds et les malentendants ou le langage gestuel des Indiens des Plaines, qui servait de langue
véhiculaire entre plusieurs groupes linguistiques.

La communication repose en outre sur des signaux non verbaux. Cela concerne tout d’abord les
aspects paralinguistiques du discours. On désigne par-là les éléments vocaux qui accompagnent
le message linguistique sans toutefois s’y réduire, par exemple la prosodie (c’est-à-dire les
inflexions propres à l’expression orale). Or, l’intonation peut revêtir une signification sociale :
un changement de ton indique de quelle manière le discours doit être compris, en signifiant par
exemple aux participants que l’énoncé est formulé sur le mode de la plaisanterie. De même, un
accent constitue un puissant marqueur de l’origine ou du statut social. Enfin, certains types de
discours se distinguent par une prosodie particulière, par exemple des lamentations funéraires
exprimées en parlé-chanté.
Il faut également prendre en compte les aspects extralinguistiques de la communication. Un
acte aussi ordinaire que des salutations combine habituellement une série de formules verbales
conventionnelles et un ensemble de signaux non verbaux : gestes (signe de la main, poignée de
main, accolade ou embrassade), regards (contact visuel ou, au contraire, évitement), expressions

6
faciales (sourire ou, au contraire, visage fermé) et attitudes corporelles (se lever ou incliner le
buste). Dans les années 1950, Ray Birdwhistell a proposé d’appeler kinésique l’étude de cette
communication gestuelle et corporelle et des codes socioculturels qui la régissent. Dans ce
cadre, mentionnons l’importance des travaux des chercheurs de l’école de Palo Alto
(Californie) réunis autour de Gregory Bateson pour comprendre les fondements non verbaux
de la communication. La distance et l’espace constituent eux aussi des aspects significatifs de
la communication, comme la proxémique d’Edward T. Hall l’a bien montré. Alessandro
Duranti a par exemple souligné le rôle déterminant que joue le placement dans l’espace lors des
salutations cérémonielles entre notables masculins à Samoa, une société très hiérarchisée avec
tout un système de titres de noblesse. Les salutations verbales sont précédées par l’entrée du
nouvel arrivant qui va s’asseoir à l’intérieur de la maison. Les personnes assises à l’avant, partie
de la maison associée à la lumière, sont celles qui méritent le plus de respect du fait de leur
statut, mais aussi qui doivent se conformer le plus strictement aux règles de l’étiquette. Les
personnes de rang inférieur s’assoient quant à elles à l’arrière de la maison, partie associée à la
« brousse » et à l’obscurité. S’il y a habituellement congruence entre le statut social d’une
personne et la place où elle s’assoit, le système hiérarchique comporte suffisamment
d’ambiguïté pour qu’un individu dispose d’une certaine marge de manœuvre pour négocier sa
place et donc son rang. Pour ne pas avoir à remplir certaines obligations sociales (par exemple
en cas de collecte d’argent lors d’une cérémonie), un notable pourra adopter une stratégie
d’abaissement de soi en déclinant la place prestigieuse qui lui est offerte à l’avant de la maison,
au risque toutefois de perdre publiquement la face si sa manœuvre échoue. Comme on le voit,
les signaux non verbaux représentent un aspect important de la communication, à côté des
échanges langagiers. Sur le plan du développement psychologique, la communication non
verbale précède d’ailleurs l’acquisition du langage chez l’enfant et la rend même possible.
Apparaissant autour de neuf mois, les premiers gestes déictiques (comme pointer ou brandir un
objet) constituent des prototypes non verbaux d’énoncés impératifs (« donne-moi cela ») ou
déclaratifs (« c’est un ballon »). L’enfant acquiert par conséquent l’usage conventionnel des
signes linguistiques en apprenant à participer à une forme d’interaction qu’il comprend d’abord
de manière non linguistique. Dans cette perspective, l’anthropologie de la communication s’est
intéressée à l’acquisition des compétences de communication chez les enfants, comme
l’illustrent les travaux de Bambi Schieffelin sur la socialisation langagière parmi les Kaluli des
hautes terres de Papouasie–Nouvelle-Guinée ou ceux de Marjorie Goodwin sur les jeux des
enfants d’un quartier afro-américain de Philadelphie.

2. Ethnographier les pratiques de communication


L’un des principaux concepts de l’anthropologie de la communication est celui de compétence
de communication. Contrairement à la notion de compétence linguistique au centre des
approches formelles du langage, celle-ci ne porte pas sur la seule maîtrise des règles
grammaticales, mais plus largement sur les normes socioculturelles qui régissent les usages de
la langue. Il s’agit de savoir parler correctement, mais également de pouvoir déterminer quand
parler, de quoi, avec qui et de quelle manière. De manière corrélative, l’anthropologie de la
communication ne s’intéresse pas à une communauté linguistique abstraite, mais à ce que l’on
appelle à la suite de Gumperz une communauté langagière (speech community). On entend par

7
là tout groupe de personnes qui partagent une même langue, mais aussi les mêmes façons de
parler et un même ensemble de normes à propos des usages du langage. On étudiera alors par
exemple les façons de parler propres à un groupe social donné (ce qu’on appelle des
sociolectes), à l’image du travail pionnier de Labov sur le parler noir américain. Seule l’enquête
de terrain permet d’identifier et de décrire une communauté langagière et d’en cerner les
contours. Cela exige d’adopter un principe de relativisme méthodologique concernant les
critères d’inclusion ou d’exclusion au groupe. Si, dans une société, certaines espèces animales
ou les esprits des ancêtres sont considérés comme des interlocuteurs légitimes, alors il faut les
compter parmi les membres de cette communauté langagière. Dans cette perspective, les
anthropologues se sont employés à étudier les moyens (tant linguistiques qu’extralinguistiques)
par lesquels, dans un contexte rituel notamment, les participants sont amenés à prêter une voix
à une entité invisible ou non humaine ou à un artefact chargé d’incarner sa présence (tels un
masque, une statue ou un instrument de musique). L’anthropologie de la communication a
élaboré un ensemble de concepts et de méthodes pour définir le plus précisément possible les
façons de parler à l’intérieur d’une communauté langagière donnée. Selon Hymes, l’unité
d’analyse la plus pertinente est ce qu’il appelle l’événement de communication (communicative
event ou speech event). Il entend par là toute séquence d’activité où le langage (ou plus
largement la communication) joue un rôle constitutif et non pas seulement accessoire. Cela peut
être une prière religieuse, une plaidoirie judiciaire, une conférence savante, une joute verbale
ou encore des brèves de comptoir. Hymes a proposé un modèle pour guider l’analyse des
événements de communication en les décomposant en une série de paramètres socialement
pertinents. Il lui a donné un nom en forme d’acronyme : SPEAKING. Pour illustrer la
présentation de ce modèle, nous nous appuierons sur un bref exemple (tiré de The Ethnography
of Communication. An introduction de Muriel Saville-Troike, 1982) : une assemblée
villageoise chez les Bambaras du Mali.

S comme Situation : quand et où l’événement peut-il avoir lieu ? Une assemblée coutumière
se tient généralement en journée sur la place publique du village, sous l’arbre à palabres, car il
s’agit d’un événement qui intéresse toute la communauté.
P comme Participants : qui peut participer à l’événement ? Pour répondre à cette question, il
convient d’enrichir le modèle dyadique de l’émetteur et du récepteur pour envisager, à la suite
de Goffman, l’ensemble des statuts et des rôles que les participants peuvent assumer au cours
de l’événement. Du côté de l’émetteur, le locuteur (celui qui parle) peut différer de l’énonciateur
(celui au nom de qui on parle). Du côté du récepteur, le destinataire principal se distingue du
public, ce dernier pouvant inclure des personnes à portée de voix, mais auxquelles le message
n’est pas principalement destiné. Les stratégies d’adresse indirecte (qui servent par exemple à
critiquer quelqu’un de manière détournée) sont une bonne illustration du fait que le destinataire
réel d’un message peut différer de son destinataire apparent. Dans le cas d’une palabre bambara,
tous les hommes du village peuvent participer, mais en principe pas les femmes. Les
participants se différencient par leurs statuts et les rôles qui y sont associés : il faut distinguer
le chef du village qui dirige l’assemblée, le griot qui joue le rôle de porte-parole, les aînés (c’est-
à-dire les hommes mariés ayant dépassé la quarantaine) qui prennent une part active à la
décision et les cadets qui assistent à l’assemblée, mais ne sont pas autorisés à participer
directement à la discussion.

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E comme Ends (Finalités) : quel est l’enjeu de l’événement ? La finalité d’une palabre est de
prendre une décision pour le bien de toute la communauté villageoise, ce qui explique que ce
soit un événement public.

A comme Act sequence (Séquence d’actes de parole) : de quoi parle-t-on, que dit-on et
comment ? Le thème de l’assemblée concerne la décision à prendre (par exemple, comment
s’assurer que le bétail ne ravage plus les plantations). La palabre se déroule de la façon suivante
: le chef du village commence par exposer l’enjeu de la réunion, puis le griot transmet le
message à l’assemblée. Ensuite, après avoir demandé la parole par l’intermédiaire du griot, un
aîné expose son point de vue, qui est alors rapporté par le griot. Cette séquence se répète jusqu’à
ce que tous les aînés aient eu l’occasion d’exposer leur opinion. À la fin, le chef du village
résume le débat et fait une proposition, toujours par l’intermédiaire du griot.
K comme Key (Ton) : sur quel ton la communication se fait-elle ? Une palabre est une
délibération sérieuse. Seul le griot peut s’autoriser le ton de la plaisanterie, ce qui marque son
statut particulier.

I comme Instrumentalities (Moyens) : quels moyens de communication et quels registres sont


utilisés ? L’assemblée villageoise est un événement oral qui se déroule en bambara. Le griot
peut parler à voix haute, tandis que les autres participants s’expriment plus doucement.

N comme Normes : quelles sont les règles de la prise de parole et quelles normes président à
l’interprétation des discours ? Le déroulement de la palabre respecte les règles suivantes : les
participants ne s’adressent pas directement les uns aux autres, mais doivent toujours passer par
l’entremise du griot ; seuls les aînés peuvent demander au chef du village à être autorisés à
parler ; l’opinion des cadets peut être sollicitée, mais ils ne peuvent eux-mêmes demander à
parler ; les tours de parole suivent l’ordre de la séniorité. Les normes d’interprétation du
discours sont les suivantes : un style laconique signifie que le locuteur expose son propre point
de vue ; un style contourné (plein de proverbes et de sous-entendus) signifie que le locuteur
s’oppose à quelqu’un d’autre (car on ne saurait critiquer autrui frontalement).
G comme Genre : à quel genre de discours l’événement correspond-il ? On distingue
habituellement le discours ordinaire (registre socialement non marqué) et les genres de discours
(registres socialement marqués) qui se caractérisent par des normes langagières spécifiques et,
bien souvent, des échanges verbaux plus formalisés. De ce point de vue, une palabre représente
un genre distinct du discours ordinaire, ce que manifestent clairement la hiérarchie des tours de
parole et le rôle singulier du griot qui médiatise tous les échanges. Le degré de précision requis
par ce genre d’analyse nécessite en principe de disposer du verbatim des échanges et donc de
les avoir enregistrés au préalable ou, mieux encore, filmés. On veillera en outre à s’appuyer sur
des situations d’interlocution spontanées plutôt que sur des discours normatifs sollicités par
l’enquêteur, qui restent plus artificiels. Se pose ensuite l’épineuse question de la transcription.
Une transcription mot à mot ne sera pas forcément la plus pertinente, dans la mesure où
l’anthropologie de la communication ne s’intéresse pas uniquement au message linguistique,
mais également aux dynamiques interactionnelles qui sous-tendent les échanges verbaux. Sur
ce point, les conventions adoptées par les travaux en analyse conversationnelle peuvent se
révéler utiles, car elles transcrivent les silences, chevauchements, interruptions et changements

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de ton, en plus du contenu linguistique des échanges verbaux. On peut choisir de transcrire
également les éléments extralinguistiques des échanges lorsqu’ils sont socialement significatifs,
par exemple les gestes et les regards afin de comprendre la construction culturelle du rapport à
l’espace. Une transcription qui prend en compte trop d’éléments risque toutefois de devenir
illisible et donc inutilisable. Il faut par conséquent choisir le type et le degré de précision de la
transcription en fonction du bénéfice analytique qu’on escompte en retirer.

3. L’indexicalité sociale du langage


L’anthropologie de la communication ne porte pas seulement sur les échanges verbaux en face
à face, mais s’occupe de toute espèce de communication, quels que soient la nature des
messages et les canaux qu’ils empruntent. Même le silence constitue une forme de
communication, puisque le fait de s’abstenir de parler est une situation significative pour les
participants. Keith Basso a par exemple étudié les situations dans lesquelles les Apaches
d’Arizona jugent socialement approprié de rester silencieux : lorsque des étrangers se
rencontrent pour la première fois (leur silence pouvant durer plusieurs jours), lorsque des jeunes
gens cherchent à se séduire, lorsqu’on se fait injurier par une personne énervée, lorsqu’on est
avec une personne triste. Cela correspond à chaque fois à des situations où les personnes en
présence considèrent leur relation comme trop ambiguë ou incertaine pour engager la
conversation. Le silence a ainsi valeur d’indice relationnel pour les participants. Cette
dimension indexicale du langage représente l’un des principaux objets d’étude de
l’anthropologie de la communication. Au-delà de ses fonctions référentielles, l’échange verbal
est lié à la relation sociale entre les participants et indique quelque chose à son sujet. Cela peut
se faire par des moyens linguistiques ou extralinguistiques : l’alternative entre le tutoiement et
le vouvoiement en français exprime l’intimité ou le respect ; l’évitement du regard ou le fait de
s’incliner ou de se lever pour saluer quelqu’un est une autre façon de lui témoigner le respect
dû à son statut. La nature indexicale du langage témoigne du fait qu’il s’agit d’une activité
irréductiblement sociale. Les travaux sur l’indexicalité sociale portent par exemple sur les
questions de statut (comme on l’a vu à propos des salutations cérémonielles à Samoa) ou encore
sur l’articulation entre genre et langage. Le genre est en effet une construction sociale qui passe
notamment par le langage. Chez les Tzeltal, un groupe maya du Chiapas (Mexique), les femmes
ont par exemple tendance à éviter le désaccord frontal. Cela se traduit par l’usage de répétitions
conversationnelles : la locutrice répète une partie du dernier énoncé de son interlocuteur en y
ajoutant une intonation marquant l’intérêt, l’assentiment ou la surprise. Certes, les hommes font
également usage de ce procédé, mais dans une bien moindre mesure. La répétition
conversationnelle est par conséquent un marqueur du genre, lui-même associé à des normes de
comportement. Cette distinction entre façons de parler masculines et féminines est souvent
tributaire d’une hiérarchie implicite ou explicite, la domination masculine étant aussi une
domination linguistique. Ce fait renvoie à la notion d’idéologie langagière : ce concept désigne
la façon dont les membres d’un groupe se représentent et justifient les normes concernant le
bon usage du langage. Ainsi, dans nombre de sociétés (mais pas toutes), la discrétion est perçue
comme une valeur typiquement féminine, incitant les femmes à la retenue dans leurs prises de
parole, notamment en présence de locuteurs masculins. À l’inverse, une femme trop bavarde
fera l’objet d’une vive désapprobation morale et sera accusée d’être une « commère ». Dans un
registre similaire, Elinor Ochs et Carolyn Taylor ont mis en lumière l’idéologie langagière qui

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sous-tend les discussions familiales à table au sein de la classe moyenne américaine à la fin des
années 1980. Ces conversations représentent l’une des principales occasions au cours
desquelles les enfants font l’apprentissage des identités de genre au sein de la famille. Les
discussions à table révèlent une asymétrie de genre que Ochs et Taylor appellent « c’est papa
qui sait » (en reprenant le nom d’une série télévisée américaine des années 1950) : le père est
érigé en juge et critique du comportement des autres membres de la famille, ses enfants au
premier chef, mais aussi son épouse. Quand bien même cette idéologie patriarcale a été
publiquement remise en cause depuis plusieurs décennies au sein de la société américaine, elle
n’en continue pas moins de jouer un rôle structurant dans les conversations familiales, ne serait-
ce que de manière implicite. Ces quelques exemples montrent l’intérêt qu’il y a à examiner
l’articulation entre le langage et le social ou, plus précisément, entre des situations concrètes
d’interlocution et les contextes socioculturels dans lesquels celles-ci prennent plus largement
place. L’analyse détaillée des structures discursives et des dynamiques interactionnelles qui
organisent les échanges langagiers permet de comprendre comment les relations sociales sont
produites et reproduites à travers ces échanges. C’est en ce sens que l’anthropologie de la
communication nous permet d’étudier le social en train de se faire.
III. Quelques théories relatives à l’anthropologie de la communication

1. La philosophie de Père Tempels : une anthropologie de la communication


Placide Frans Tempels 2a écrit un livre intitulé La Philosophie bantoue en 1945. Ce livre traite
de la philosophie de l'Afrique noire ; il a été traduit en anglais sous le titre Bantu Philosophy en
1959. Dans cette œuvre de l’esprit à caractère anthropologique, le missionnaire Tempels
critique la philosophie d'Hegel qui prétend que, selon lui, l'Afrique n'a aucune culture. Il parle
du nègre sans culture dans Leçons sur la philosophie de l’histoire. Père Tempels lui rétorque
dans son livre que La civilisation bantoue sera chrétienne ou ne sera pas. Un point controversé
des Leçons sur la philosophie de l'histoire est la conception de l'Afrique développée par Georg
Wilhelm Friedrich Hegel. Dans l’un de ses enseignements dispensés en 1830, le philosophe
Hegel déclara : « L'Afrique n'est pas une partie historique du monde. Elle n'a pas de
mouvements, de développements à montrer, de mouvements historiques en elle. C'est-à-dire
que sa partie septentrionale appartient au monde européen ou asiatique ; ce que nous entendons
précisément par l'Afrique est l'esprit ahistorique, l'esprit non développé, encore enveloppé dans
des conditions de naturel et qui doit être présenté ici seulement comme au seuil de l'histoire du
monde ». Dans l’appropriation de cette pensée anti-africaine du philosophe Hegel qui affirme
que sa partie septentrionale appartient au monde européen ou asiatique ; ce que nous
entendons précisément par l'Afrique. Nous estimons que cette déclaration ne se justifie pas dans
la mesure où les théoriciens de la géographie qui sont les spécialistes de la cartographie
planétaire ont reconnu que l’Afrique avec sa globalité et son unité est parmi les cinq continents
qui composent la planète Terre. En plus, lorsqu’il soutient que sa partie septentrionale
appartient au monde européen ou asiatique, est la preuve que ces éléments sont

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Placide Tempels (à l'état civil : Frans Tempels), né le 18 février 1906 à Berlaar en Belgique et décédé le 9
octobre 1977. Il est un Révérend Père et prêtre franciscain, missionnaire belge en Afrique centrale. Du point de
vue scientifique, il est un ethno-philosophe et est connu surtout pour son livre intitulé La philosophie bantoue.

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discriminatoires et ne présagent pas le respect aussi bien de l’Afrique et des Africains que de
l’humanité. Ce discours est aussi développé par ceux qui affirment que l’écriture hiéroglyphe
n’est pas africaine. Et en s’opposant au schème qui véhicule l’anthropologie de la
communication de l’Afrique d’Hegel, Tempels démontre au contraire que l’homme Noir, à
travers le muntu a aussi une culture. C’est ainsi qu’il considère que la philosophie bantoue
définit l'être comme étant une force ; autrement dit qu'un être n'a comme caractéristique qu’une
certaine force, ou n'a pas à sa disposition une force distincte de l'être. Or, un être dans
l’acceptation du terme, selon Tempels, est appréhendé dans la philosophie bantoue comme étant
la même chose qu'une force. Pour Tempels, ce que les colonisateurs voyaient comme des
croyances surnaturelles et magiques, se révèle selon la philosophie bantoue décrite, comme
une expression parfaitement naturelle et logique d'une vision de la vie basée sur les forces. Il
s’insurge contre le modèle de la pensée occidentaliste sur l’homme Noir. En fait, il a écrit que
la force d'un enfant garde un lien avec celle de ses parents (et avec celle de tous ses ascendants),
un rapport intime, comparable au lien de causalité qui relie la créature au Créateur. Même
lorsqu'une personne est décédée, sa force perdure. Il existe une forte hiérarchie entre les forces.
Une force peut s'exercer sur toutes les forces inférieures (descendants, animales, minérales...).
La sagesse bantoue correspond à la connaissance de ces forces, mais seule la sagesse divine
les connait toutes. On peut aisément constater que les considérations de l’ecclésiastique
Tempels sont de l’ordre de l’anthropologie de la communication avec aussi des approches
ontologiques, théologique et sociétale. La problématique relative à la communication des
civilisations, sinon de la communication de la culture est ainsi établie. Les éléments
susmentionnés démontrent suffisamment que la pensée de Tempels est un schème de
l’anthropologie de la communication dans la mesure où le postulat de la communication
culturelle et ethnologique est de mise, à travers, d’une part les interactions familiales, et d’autre
part, la communion entre l’homme Noir et sa divinité.

2. La rationalité d’Ivan Petrovitch Pavlov dans l’anthropologie de la communication


Les travaux du Russe Pavlov 3orientés sur les réflexes conditionnels ont eu une grande influence
non seulement sur la science, mais également sur la culture populaire. On utilise souvent
l'expression chien de Pavlov pour décrire quelqu'un qui réagit de façon instinctive à une
situation, plutôt que d'utiliser son esprit critique. Pavlov a déclaré que la science est universelle,
mais l’homme de science possède son environnement naturel. La contextualisation relationnelle
de l’homme avec ses interactions scientifiques mondiales constitue une illustration de
l’anthropologie de la communication. Ceci peut se justifier par le fait que dans la mondialisation
de la science, le scientifique doit aussi privilégier ses racines et son environnement naturel, gage
de son identité scientifique et de sa reconnaissance comme acteur de l’anthropologie
communicationnelle de la science. C’est ici qu’on peut également aborder la relation entre
l’anthropologie de la communication et la mondialisation, laquelle est exprimée à travers la

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Pavlov est né le 26 septembre 1849 à Riazan dans l'Empire russe et mort le 27 février 1936 à Leningrad. Il est
un médecin et un physiologiste russe. Il est aussi le lauréat du prix Nobel de physiologie ou de médecine de
1904 et de la médaille Copley en 1915.

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glocalisation : un terme qui met l’accent sur la localisation de l’homme dans la mondialisation
ou la globalisation.

3. L’anthropologie de la communication et l’école de Francfort


L’École de Francfort (en allemand Frankfurter Schule) est le nom donné, à partir des années
1950, à un groupe d'intellectuels allemands réunis autour de l'Institut de Recherche sociale
fondé à Francfort en 1923. Ce courant de pensée qui en est issu est souvent considéré comme
fondateur ou paradigmatique de la philosophie sociale ou de la théorie critique. Il retient, en
effet, du marxisme et de l'idéal d'émancipation des Lumières, l'idée principale selon laquelle la
philosophie doit être utilisée comme une critique sociale du capitalisme et non comme une
justification et une légitimation de l'ordre existant, une critique qui doit servir à sa
transformation. Sous ce label, la recherche contemporaine désigne des chercheurs allemands
qui, à partir du début des années 1920 et autour du sociologue Max Horkheímer de Frankfurt
Institut Für Sozialforschung, entreprirent un travail critique sur la communication de masse.
Cette école prône la philosophie sociale ou la théorie critique et surtout elle soulève la
problématique de l’anthropologie de la communication en abordant les industries culturelles.

IV. Anthropologie des médias


L’anthropologie des médias est un domaine d’études interdisciplinaires en plein essor. Les
études d’anthropologie des médias menées en Inde et dans le sous-continent asiatique au cours
des deux dernières décennies couvrent la culture visuelle populaire, les industries
cinématographiques, les stratégies curatoriales et les pratiques et marchés de l’art
contemporain, les processus d’urbanisation et les migrations transnationales. La plupart des
études anthropologiques des médias asiatiques et indiennes ont considéré les images et les
médias comme des médiateurs et des sources de rencontres et d’enchevêtrements transculturels.
Les anthropologues abordent l’anthropologie des médias sous des angles différents, avec des
histoires différentes et pour des objectifs différents. Il est non seulement naturel mais aussi
productif qu’ils fassent des choix différents de concepts, de méthodes et d’interprétations.
1. Définition
L'anthropologie des médias (également appelée anthropologie des médias de masse) est un
domaine d'étude de l'anthropologie sociale ou culturelle qui met l'accent sur les études
ethnographiques comme moyen de comprendre les producteurs, les publics et d'autres aspects
culturels et sociaux des médias de masse. L'anthropologie des médias comprend de multiples
perspectives, chacune étant le produit de tendances intellectuelles différentes, dans des
domaines différents. En bref, elle représente à la fois l'utilisation de concepts et de méthodes
anthropologiques dans les études des médias et l'étude des médias par les anthropologues. Il
peut s'agir d'une nouvelle convergence interdisciplinaire ; elle pourrait devenir un domaine
établi d'études interdisciplinaires, voire une nouvelle discipline. Une définition de bon sens pour
l'anthropologie des médias dirait qu'elle représente l'application d'instruments (théories,
concepts, méthodes de recherche) d'un domaine scientifique, l'anthropologie culturelle, à un
objet étudié, dans ce cas les médias (c'est-à-dire la communication médiatisée par les
technologies et les institutions, qu'elles soient de masse ou de groupe, « grandes » ou « petites
». C'est exactement ce que suggérait l'une des premières approches du domaine : «

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L'anthropologie des médias est une prise de conscience de l'interaction (à la fois réelle et
potentielle) entre les divers aspects académiques et appliqués de l'anthropologie et la multitude
des médias.

2. Média, communication et anthropologie


Les médias ont pour fonction première et manifeste d’exprimer des informations sociales et
culturelles, ce qui les place clairement dans le champ de la culture expressive. De plus, tous les
médias cherchent explicitement à influencer les êtres humains, et les consommateurs de médias
se constituent intentionnellement en public afin d’être influencés. Les messages des médias
peuvent nous persuader (séduire, nous contraindre). Ils peuvent nous informer (éduquer,
provoquer, nous faire subir un lavage de cerveau). Et ils peuvent nous procurer du plaisir sous
forme d’évasion, de rire ou de perspicacité. À plus d’un titre, cette période a été intéressante
dans l’histoire de l’anthropologie indienne, où l’accent a été mis sur les applications de
l’anthropologie au développement rural et tribal. La communication était considérée comme un
ingrédient essentiel pour atteindre les communautés tribales et rurales éloignées et isolées.
L’objectif était d’accepter de nouveaux modes de vie et d’adopter des technologies qui
aideraient la population rurale et tribale à produire plus de nourriture et à faire partie de ceux
qui vivent dans un meilleur confort matériel. En d’autres termes, le développement économique
était au cœur de l’éthique nationale pour l’amélioration des zones rurales et tribales éloignées
identifiées comme devant être modifiées, dans les domaines de l’agriculture, de la nutrition et
de la planification familiale. L’éducation était considérée comme une condition préalable à
l’adoption de l’innovation. L’ensemble du climat national était chargé d’une planification
centralisée visant à apporter les changements souhaités. La documentation visuelle permet une
compréhension plus large et plus globale de la réalité culturelle et, dans une large mesure, brise
la barrière linguistique. Si les images donnent une représentation précise, la sélection d’une
séquence d’événements, sa juxtaposition avec d’autres événements et la sélection même
d’événements en direct créent une mosaïque visuelle composite susceptible de donner lieu à
une compréhension illusoire ou déformée de la culture.
L'anthropologie des médias est un domaine d'étude de l'anthropologie sociale ou culturelle et
fait aujourd'hui partie des études médiatiques et culturelles qui traitent des aspects sociaux et
culturels des médias de masse. L'anthropologie des médias est un courant d'étude
interdisciplinaire influencé par les approches et les pratiques de l'anthropologie visuelle, des
études cinématographiques et de la performance et de la communication pour le
développement. L'anthropologie des médias représente généralement l'application
d'instruments (théories, concepts, méthodes, approches, outils et techniques) pour comprendre
les études des médias d'un point de vue socio-anthropologique. Les spécialistes des sciences
sociales et les anthropologues des médias considèrent généralement l'anthropologie des médias
comme une approche permettant de comprendre l'interaction entre divers aspects académiques
et appliqués de l'anthropologie et la multitude des médias. Ce phénomène n’est pas nouveau,
car plusieurs sciences peuvent revendiquer l’interprétation d’un même système social (histoire
du tourisme, sociologie du tourisme, géographie du tourisme, anthropologie du tourisme). Dans
ce cas, à côté des acteurs plus anciens de la recherche sur les médias de masse tels que la
sociologie, l’économie, l’histoire, le droit, l’éthique et la psychologie, l’anthropologie peut

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également trouver une place sous le soleil des médias de masse, interprétant, avec ses propres
outils, les mêmes réalités interprétées : « L’anthropologie des médias se développe à partir de
l’anthropologie des sociétés modernes, d’une part, et du tournant culturel dans les études sur
les médias, d’autre part. Elle détourne son attention de la culture « exotique » vers la culture
banale et de la culture « indigène » vers la culture fabriquée, tout en préservant les acquis
méthodologiques et conceptuels de la tradition anthropologique antérieure. Elle prépare les
études sur les médias à un engagement plus complet avec la construction symbolique de la
réalité et l’importance fondamentale des structures symboliques, du mythe et du rituel dans la
vie quotidienne. ».

3. Le story-telling
Le story-telling, qui se définit en français comme la communication narrative, est l’art de
raconter une histoire. Ce type de communication a pour but de toucher les cibles en créant de
l’émotion, donner de la force à l’image de marque d’une entreprise, booster sa notoriété ou
encore attirer de nouveaux clients. L’objectif est de raconter des histoires qui s’adressent au
public et qui parlent à chacun. Il est utilisé dans différents domaine, dans le cadre du cours,
nous verrons le story-telling dans le journalisme et le story-telling dans la publicité.
Le story-telling dans le journalisme :

Le story-telling est présent dans le milieu journalistique. En effet, l’information est de plus en
plus scénarisée. Lorsque l’information devient banale ou courte, on va la rendre plus originale
grâce à l’ajout de l’émotion : compassion, pitié, admiration… ceci dans le but d’émouvoir le
public afin de faire passer un message et avoir plus d’audience ou plus de lecteurs. Pour que le
lecteur ou le téléspectateur comprenne très vite l’information, le journaliste est capable de
maquiller la réalité. Par soucis de temps, de concurrence ou encore d’économie, le journaliste
va donc sélectionner les informations qui relèvent le plus de l’émotion et qu’il peut amplifier.
L’objectif ici est de « donner du bonheur » en montrant parfois une réalité fictive. Cette envie
de susciter l’émotion peut donner lieu à une déformation de l’information.
Dans le milieu médiatique, cette méthode est également très controversée. Pour certaines
personnes, elle tend à décrédibiliser la profession puisque le journaliste peut ne plus émettre de
regard critique sur l’actualité. Le processus de story-telling est donc ancré dans les médias et
par conséquent dans le quotidien de tout le monde.

Le story-telling dans la publicité :


Le principe est toujours le même : l’art et la manière de communiquer sur une marque, tout en
racontant une histoire. La stratégie ici pour les entreprises est de se démarquer, de construire
une histoire originale qui permettra aux consommateurs de s’identifier. L’objectif de la
publicité est d’attirer l’attention du public sur le produit : elle peut donc avoir recours aux
techniques de story-telling afin de persuader d’acheter son produit. La publicité a un grand
enjeu : elle doit tout mettre en œuvre afin d’inciter le public, aux attentes et cultures différentes,
à acheter son produit ou service. Le processus de story-telling va alors devenir fondamental
dans le marketing.

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La publicité utilise un contexte de narration, elle met en valeur le produit en évoquant une
histoire. Pour vendre un produit, les stratégies de communication peuvent se baser sur une
narration qui parle à beaucoup de gens. Les marques de boissons, de parfums, de produits
ménagers ont alors tendance à produire un contenu aux touches humoristiques mais elles
peuvent aussi mettre en scène leur produit dans un contexte de la vie quotidienne : le public va
ainsi se reconnaitre dans la narration, drôle ou touchante, et sera plus susceptible d’apprécier
cette méthode commerciale et donc d’acheter. Il faut noter que l’émotion rattachée aux histoires
est plus captivante que les argumentations rationnelles, traditionnelles.
On peut donc conclure que la technique de story-telling est au centre de la vie quotidienne. En
effet, lorsque nous lisons un article de presse, que nous regardons la publicité ou un débat
politique, nous sommes confrontés au story-telling. Celui-ci très présent et assez efficace. Il
faut cependant préciser que cet art est souvent critiqué. Dans un contexte politique par exemple,
il peut permettre de manipuler l’opinion en inventant de fausses histoires. Il est donc important
d’en faire bon usage.

Conclusion
La communication est un outil essentiel que les anthropologues utilisent pour comprendre
l'environnement social et culturel en se concentrant sur chaque aspect de la vie sociale et
culturelle d'une nation. En anthropologie sociale et culturelle, la communication est utilisée
pour éduquer et former les gens à étudier et à analyser la nature et l'état des structures et
institutions sociales et culturelles spécifiques qui affectent largement le processus de
développement social et culturel de la société. L’anthropologie de la communication est un
champ de la communication qui est en plein essor. L’interdisciplinarité est un gage pour asseoir
l’épistémologie des Sciences de l’Information et de la Communication ; car autant les sciences
de l’information et de la communication sont l’émanation de plusieurs disciplines scientifiques,
autant la prise en charge des esprits scientifiques ayant exploité l’anthropologie de la
communication mérite l’attention surtout du communicologue.

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Bibliographie

A. DURANTI, « Language and Bodies in Social Space: Samoan Ceremonial Greetings », in


American Anthropologist, vol. 94, n 3, pp. 657-691, 1992

Archivologie, Bibliologie et Communicologie : Approche épistémologique, Saarbrücken,


Editions Universitaires Européennes, 2014, 432 p.
B. SCHIEFFELIN, The Give and Take of Everyday Life: Language socialization of Kaluli
children, Cambridge University Press, 1990

C. SEVERI & J. BONHOMME dir., Paroles en actes, L’Herne, Paris, 2009


D. HYMES, teaching language of communication, oxford, Oxford University Press, 1978.

E. OCHS & C. TAYLOR, « The “father knows best” dynamic in dinnertime narratives », in K.
Hall, M. Bucholtz dir., Gender, Articulated: Language and the Socially Constructed Self,
Routledge, New York, pp. 97-120, 1995
Ivan Pavlov, Vie après la Révolution d'Octobre, https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_Pavlov

Julien BONHOMME, « ANTHROPOLOGIE DE LA COMMUNICATION », Encyclopædia


Universalis [en ligne], http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/anthropologie-de-la-
communication/
Y. WINKIN, Anthropologie de la communication. De la théorie au terrain, Seuil, Paris, 2001

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